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Full text of "La littérature française au moyen age (XIe-XIVe siécle)"

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THE  LIBRARY 

THE  INSTITUTE  OF  MEDIAEVAL  STUDIES 

TORONTO 

PRESENTED  BY 

Rev . J . P . Morro ,   C .S .B ...... 

May  1,   1965 


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LA 


LITTÉRATURE  FRANÇAISE 


AU  MOYEN  AGE 


OUVRAGES   DE  M.   GASTON  PARIS 

RIBLIES   PAU  LA   LIBRAIRIE   HACHETTE   ET  C" 


La  Poésie  du  Moyen  âge.  Leçons  et  Lectures.  Deux  volumes. 

lre  série,  6e  édition.  Un  vol.   in-16,  broché 3  fr.  50 

2e  série,  3e  édition.  Un  vol.  in-16,   broché 3  fr.  50 

Légendes  du  Moyen  âge,  2e  édition.  Un  vol.  In-16,  br.   .     3  fr.  50 


François  Villon  (Collection   des  Grands  Écrivains  français).  Un 
vol.  in-16,  broché 2  fr. 


Chanson  de  Roland.  Extraits  publiés  avec  une  introduction,  des 
observations  grammaticales,  an  glossaire  el  des  notes,  9e  édi- 
tion. Un  vol.  petit  in-16,  cartonné 1  fr.  50 

Chrestomathie  du  Moyen  âge,  par  MM.  Gaston  Paris,  de  l'Acadé- 
mie française,  et  Langlois,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Lille,  ij    édition.  Un  vol.  petit  in-16,  cartonne 3  fr. 

Extraits  des  Chroniqueurs  français  (Villehardouin,  Joinville, 
Froissari,  Cojntnines),  publiés  avec  des  notices,  des  notes,  un 
appendice,  un  glossaire  des  termes  techniques  et  une  carte,  par 
MM.  Gaston  Paris,  de  l'Académie  française,  et  Jeanroy,  profes- 
seurs la  Faculté  des  lettres  de  Toulouse,  0  édition.  Un  vol. 
petit   in-16,  cartonné 2  fr.  50 

Récits  extraits  des  prosateurs  et  poètes  du  Moyen  âge,  mis  en 
français  moderne.  Livre  de  lecture  ou  d'explication  cursive. 
publié  avec  une  introduction,  des  notices  et  des  notes,  5e  édi- 
tion. Un  vol.  petit  in-16,  cartonné 1  fr.  50 


B7-09.  —  Coulommiers.  Imp.  Paul  BRODARD.  —  P7-00. 


GASTON    PARIS 


LA 


LITTÉRATURE  FRANÇAISE 

AU  MOYEN  AGE 

(xie-xivc    siècle) 


QUATRIEME      EDITION 

revue,  corrigée  et  augmentée 


PARIS 
LIBRAIRIE  HACHETTE  ET   Ci8 

79,   BOULEVARD   SAINT-GERMAIN,    79 

19  09 

Droits  do  traduction    ot  de  reprodurUoi.  -  j&ervéa. 


16*  W 


AVERTISSEMENT 

DE     LA    TROISIÈME     EDITION 


Cette  troisième  édition  a  été  préparée  d'après  un 
exemplaire  sur  lequel  G.  Paris  avait  fait  de  nombreuses 
corrections  et  additions.  M.  J.  Bédier  a  pris  la  peine 
de  transporter  les  unes  et  les  autres  sur  l'exemplaire 
qui  a  servi  à  la  réimpression,  et  a  revu  soigneuse- 
ment, avec  moi,  les  épreuves.  Les  notes  bibliogra- 
phiques, qui  terminent  l'ouvrage,  n'avaient  reçu  de 
G.  Paris  que  quelques  additions  ou  retouches.  Cette 
partie  a  dû  être  profondément  remaniée,  en  tenant 
compte  des  éditions  et  des  travaux  critiques  parus 
depuis  1889,  date  à  laquelle  s'arrête  la  bibliographie  de 
la  seconde  édition  du  Manuel.  Pour  accomplir  ce  rema- 
niement, qui  clans  bien  des  cas  équivalait  à  une  refonte, 
je  ne  me  suis  pas  astreint  au  système  suivi  dans  les 
deux  premières  éditions.  On  sait  que  G.  Paris  se  bornait, 
la  plupart  du  temps,  pour  chaque  auteur  ou  écrit,  à 
renvoyer  au  dernier  travail  paru,  alors  même  que  ce 
travail  n'était  qu'un  simple  compte  rendu,  une  simple 
annonce.  Je  n'ai  pas  cru  devoir  suivre  cette  méthode, 
qui  avait  été  généralement  désapprouvée,  et  à  laquelle 

a 


VI  AVERTISSEMENT. 

G.  Paris  avait,  dans  les  derniers  temps,  l'intention  de 
renoncer.  Là  où  j'ai  eu  à  modifier  les  notes,  pour  les 
remettre  au  courant,  j'ai  renvoyé  à  la  dernière  édition 
de  chaque  ouvrage,  y  joignant  la  mention  de  quelque 
compte  rendu,  lorsque,  ce  qui  est  fréquemment  le  cas, 
ce  compte  rendu  renferme  des  faits  nouveaux  ou  des 
rectifications  de  quelque  importance.  Il  résulte  de  ces 
explications  que  le  texte  même  est  d'un  bout  à  l'autre 
celui  de  G.  Paris,  mais  que  je  suis,  dans  une  assez 
grande  mesure,  responsable  des  notes  bibliogra- 
phiques. 

Paul  Meyer. 

Mai   1905. 


AVERTISSEMENT 

DE      LA      QUATRIÈME      ÉDITION 


Cette  quatrième  édition  est,  pour  le  texte,  identique 
à  la  troisième,  sauf  correction  de  quelques  erreurs  typo- 
graphiques. Sans  doute,  depuis  1890,  date  de  la  deuxième 
édition,  d'innombrables  publications  ont  été  consacrées 
à  la  littérature  française  du  moyen  âge.  Certaines  des 
idées  de  G.  Paris  ont  été  contestées;  des  œuvres  qu'il 
n'avait  pu  connaître  ont  été  mises  au  jour,  et  il  n'est 
pas  douteux  que,  s'il  avait  vécu,  il  aurait  retouché,  pro- 
bablement même  récrit,  plusieurs  des  paragraphes  de 
son  livre  et  en  eût  ajouté  de  nouveaux,  comme  il  avait 
commencé  à  le  faire  en  vue  de  la  troisième  édition, 


AVERTISSEMENT  VII 

publiée  deux  ans  après  sa  mort.  Mais  on  ne  pouvait 
songera  se  substituera  lui,  et  on  a  laissé  subsister  son 
texte  là  même  où  il  l'eût  assurément  modifié. 

C'est  par  le  développement  de  la  bibliographie  qu'on 
s'est  efforcé  de  mettre  à  jour  ce  précis  de  notre  ancienne 
littérature.  Les  notes  bibliographiques  qui,  déjà  dans 
l'édition  précédente,  avaient  été  profondément  rema- 
niées et  très  augmentées,  ont  reçu  cette  fois  encore  de 
nombreuses  additions.  Les  études  de  quelque  impor- 
tance sur  les  œuvres  mentionnées  par  G.  Paris,  et  spé- 
cialement les  éditions  nouvelles,  ont  été  indiquées  dans 
les  notes,  et  on  a  continué  à  y  joindre  entre  parenthèses 
le  renvoi  aux  principaux  comptes  rendus,  surtout 
lorsque  ces  comptesrendus  avaient  pour  auteur  G.  Paris. 
C'est  le  seul  moyen  de  tenir  au  courant  de  la  science 
un  livre  qui,  dès  la  première  édition  (1888),  a  présenté 
pour  la  première  fois  un  résumé  exact  et  bien  propor- 
tionné des  connaissances  acquises  en  une  matière 
pleine  d'obscurité,  et  qui,  sur  bien  des  points,  a  préparé 
les  voies  à  de  nouvelles  recherches. 

Paul  Meyer. 

Mai  1909. 


AVANT-PROPOS 


L'esquisse  de  la  littérature  française  au  moyen  âge 
qui  remplit  ce  petit  volume  a  été  tracée,  dans  ses  traits 
essentiels,  il  y  a  quelques  années,  pour  des  leçons  faites 
à  l'Ecole  des  hautes  études  (semestre  d'hiver  1880- 
1881).  Revue  et  retouchée  à  plusieurs  reprises,  elle  est 
imprimée  depuis  un  an,  et  ce  n'est  qu'après  en  avoir 
plus  d'une  fois  relu  entièrement  les  épreuves  que  je 
me  décide  à  la  livrer  au  public.  Je  ne  m'en  dissimule 
pas  d'ailleurs  les  lacunes  et  les  insuffisances,  et  je  ne 
me  (Jatte  pas  de  n'y  avoir  point  laissé  d'erreurs,  pro- 
venant soit  de  ma  connaissance  imparfaite  du  sujet, 
soit  de  l'attention  inégale  apportée  à  chacun  des  points 
traités.  Telle  qu'elle  est,  je  crois  qu'elle  peut  rendre  des 
services,  et  si  on  veut  bien  m'aider  à  la  perfectionner 
en  me  signalant  ce  qu'on  y  trouvera  de  défectueux  ou 
d'inexact,  elle  finira  par  n'être  pas  trop  éloignée  du  but 
que  je  me  suis  proposé  d'atteindre  en  l'exécutant. 

Ce  but,  c'est  de  donner  à  ceux  qui  veulent  aborder 
l'étude  de  l'ancienne  littérature  française  une  orienta- 
tion générale  et  une  indication  de  l'état  actuel  de  nos 
connaissances.  Comme  les  autres  parties,  que  j'espère 
publier  bientôt,  du  Manuel  d'ancien  français,  celle-ci 


X  AVANT-PROPOS. 

est  destinée  aux  commençants,  mais  aux  commençants 
qui  ont  le  désir  de  travailler  sérieusement  et  de  se 
familiariser  avec  l'outillage  et  les  procédés  de  la  science. 
Je  ne  m'adresse  pas  précisément  à  ce  qu'on  appelle  le 
grand  public,  et  je  n'ai  pas  voulu  écrire  un  livre  de 
lecture  courante,  quoique  je  ne  me  sois  pas  interdit  de 
présenter  brièvement  sur  l'art  et  la  société  du  moyen 
âge  quelques  vues  qui  peuvent  avoir  de  l'intérêt  pour 
des  lecteurs  même  non  spéciaux.  J'ai  visé  surtout, 
il'abord  à  faire  comprendre  l'évolution  générale  de  la 
littérature  du  moyen  âge  dans  ses  différentes  formes, 
ensuite  à  signaler,  avec  des  renseignements  de  tout 
genre,  aussi  précis  et  en  même  temps  aussi  concis  que 
possible,  toutes  les  œuvres  de  cette  littérature  qui  à  un 
titre  quelconque  m'ont  paru  mériter  l'attention.  Je  n'ai 
pu  éviter,  je  le  sens  bien,  de  tomber  souvent  dans  la 
sécheresse  qui  est  inséparable  des  énumérations,  et  j'ai 
peur  qu'en  plus  d'un  endroit  la  condensation  des  faits 
et  le  désir  que  j'ai  toujours  eu  de  dire  ou  de  suggérer 
beaucoup  de  choses  en  peu  de  mots  n'imposent  au  lec- 
teur un  effort  peut-être  excessif  et  une  tension  d'esprit 
un  peu  pénible.  J'ai  du  moins  cherché  à  mettre  dans 
mon  exposition,  à  défaut  de  la  légèreté  que  le  plan  ne 
comportait  pas,  toute  la  clarté  désirable,  et  j'espère  que 
les  lecteurs  attentifs  ne  se  trouveront  nulle  part  sérieu- 
sement arrêt 

Comme  le  tableau  de  la  langue  du  moyen  âge  et  les 
Morceaux  choisis  qui  formeront,  avec  le  Lexique,  les 
trois  autres  parties  du  Manuel  d'ancien  français,  le 
tableau  de  la  littérature  s'arrête,  à  peu  près,  à  l'avène- 
ment des  Valois  (1327),  au  moment  où  va  s'ouvrir  la 


AVANT-PROPOS.  XI 

guerre  de  Cent  Ans.  Il  se  produit  en  effet,  à  cette  date 
approximative,  un  profond  changement  dans  la  litté- 
rature :  d'une  part  la  poésie  narrative  en  vers  tarit 
complètement,  d'autre  part  la  poésie  lyrique  revêt 
des  formes  toutes  nouvelles;  le  théâtre  prépare  sa 
grande  expansion  du  xve  siècle;  un  genre  d'histoire 
inconnu  aux  temps  précédents  apparaît  avec  Jean  le 
Bel  et  Froissart.  En  même  temps,  la  langue,  surtout 
par  la  désuétude  où  tombe  la  déclinaison  à  deux  cas, 
entre  dans  une  nouvelle  phase.  Le  fond  ni  la  forme  ne 
sont  plus  les  mêmes  :  une  longue  période  de  transition 
s'ouvre,  qui  va  du  vrai  moyen  âge  à  la  Renaissance;  à 
l'histoire  de  cette  littérature,  il  faudrait  une  introduc- 
tion toute  nouvelle.  MM.  Darmesteter  et  Hatzfeld  nous 
ont  donné  pour  le  xvie  siècle  un  excellent  manuel,  auquel 
je  voudrais  que,  pour  le  moyen  âge  proprement  dit,  le 
mien  fût  jugé  digne  de  faire  pendant.  Il  serait  désirable 
qu'on  les  rejoignît  l'un  à  l'autre  'par  un  ouvrage  ana- 
logue consacré  à  la  langue  et  à  la  littérature  de  la 
période  intermédiaire. 

Ce  livre  est  disposé  dans  un  ordre  méthodique  qui 
pourra"  prêter  à  la  critique,  et  dont  je  connais  les  points 
attaquables  :  ainsi  la  littérature  profane  et  la  littéra- 
ture religieuse  ne  sont  pas  nettement  séparables;  les 
divisions  des  romans  qui  n'appartiennent  pas  à  l'épopée 
nationale,  celles  de  la  poésie  lyrique  sont  parfois  arbi- 
traires ou  se  contredisent,  etc.  Mais  toutes  les  classifi- 
cations ont  des  inconvénients  de  ce  genre,  et  cependant 
elles  sont  tellement  utiles  que  chaque  science  qui  se 
fonde  commence  par  s'en  donner  une.  D'ailleurs  tout 
autre  plan  aurait  eu  ses  défauts,  et  aurait  prêté  plus 


XI!  AVANT  -PROPOS. 

que  celui  que  j'ai  adopté  à  la  confusion  et  aux  redites. 
Seulement  le  complément  naturel  et  presque  indispen- 
sable d'une  histoire  ainsi  disposée  serait  un  tableau 
chronologique,  présentant  dans  leur  ordre  de  succes- 
sion les  faits  répartis  entre  les  différents  chapitres.  Ce 
tableau,  le  manque  de  temps  seul  et  le  désir  de  ne  pas 
retarder  indéfiniment  une  publication  qui  a  déjà  trop 
attendu  m'ont  fait  renoncer  à  le  joindre  dès  mainte- 
nant à  mon  livre;  j'espère  pouvoir  combler  cette  lacune 
dans  une  édition  subséquente. 

Les  notes  bibliographiques  ne  sont  pas  ce  qui  m'a 
donné  le  moins  de  peine  dans  ce  volume  (bien  que 
M-  J.  Bédier  m'ait  apporté  pour  cette  partie  du  travail 
une  collaboration  fort  utile),  et  cependant  plies  sont 
extrêmement  succinctes.  Elles  sont  conçues  dans  un 
système  particulier,  qui  ne  se  juslilie  que  par  la  desti- 
nation spéciale  du  livre,  lequel  a  pour  objet  moins  du 
rassembler  les  faits  acquis  et  de  faire  connaître  des 
résultats  que  d'exciter  au  travail  et  d/en  donner  les 
moyens.  J'ai  trouvé  inutile  et  fastidieux  de  reproduire 
des  listes  qui  existent  dans  des  bibliographies  spéciales, 
comme  celles  par  exemple  de  MM.  Nyrop,  Raynaud  et 
Petit  de  Julleville;  je  me  suis  borné  à  indiquer  une  fois 
pour  toutes  les  ouvrages  (Je  pe  genre  avec  lesquels  tout 
travailleur  doit  se  rendre  familier.  Mais  là  même  où  il 
n'existe  pas  de  travaux  aussi  commodes  à  consulter, 
j'ai  préféré  le  plus  souvent  citer,  non  des  titres  de 
livres  qu'y  aurait  fallu  multiplier  à  l'infini,  mais, 
autant  que  pos-ible,  le  dernier  endroit  où  il  a  été  parlé 
de  chaque  sujet  :  à  cet  endroit  on  trouvera  toujours, 
sauf  erreur  de  ma  part,  soit   l'indication  des  travaux 


AVANT-PROPOS.  Mil 

antérieurs,  soit  un  renvoi  à  cette  indication  donnée 
ailleurs.  Ce  système  pourra  quelquefois  laisser  dans  un 
embarras  momentané  ceux  qui  n'auront  pas  sous  la 
main  le  livre  ou  le  recueil  qui  est  seul  cité;  mais  il  a 
l'avantage,  d'abord  d'économiser  beaucoup  de  place, 
ensuite  de  fournir  des  renseignements  d'un  genre  parti- 
culièrement précieux  pour  les  travailleurs1.  Il  n'a  pas  été 
appliqué  avec  une  rigueur  absolue,  et  on  pourra  relever 
dans  mes  notes  quelques  doubles  emplois;  mais  en 
général  il  a  été  suivi,  et  il  en  résulte  d'une  part  que 
des  éditions  de  première  importance  ou  uniques,  des 
ouvrages  qu'on  peut  appeler  classiques,  des  noms  de 
savants  justement  estimés  ne  figurent  même  pas  dans 
la  bibliographie,  tandis  que  certains  recueils,  comme 
la  Romania  ou  la  Zeitschrift  fur  romanis che  Philologie, 
y  reviennent  presque  à  chaque  ligne,  et,  d'autre  part, 
que  des  chapitres  entiers,  parmi  les  plus  importants, 
sont  à  peu  près  dépourvus  de  notes  bibliographiques, 
tandis  que  pour  certains  paragraphes  ces  notes  sont 
extrêmement  multipliées.  Le  lecteur  éprouvera  sans 
doute  une  certaine  surprise  au  premier  usage  d'une 
bibliographie  ainsi  conçue  ;  mais  je  pense  qu'une  fois 
qu'elle  lui  sera  familière,  il  en  appréciera  les  avantages. 
Elle  a  seulement  besoin,  je  m'en  rends  bien  compte, 
d'être  complétée  en  plus  d'un  point;  elle  aura  surtout 
besoin,  si  le  livre  doit  avoir  d'autres  éditions,  d'être 
soigneusement  tenue  à  jour.  Sauf  de  très  rares  excep- 
tions, je  n'ai  pas  renvoyé  directement  aux  sources 
manuscrites,  ce  qui  m'aurait  fait  complètement  sortir 

1.  Ce  système,  jugé  très  incommode,  a  été  entièrement  modifié 
dès  la  troisième  édition.  —  P.  M. 


XIV  AVANT-PROPOS. 

du  plan  de  ce  livre;  mais  j'ai  signalé  autant  que  pos- 
sible les  ouvrages  où  se  trouvent  des  informations 
précises  sur  les  manuscrits. 

Quelques  amis  français  et  étrangers  ont  bien  voulu 
lire  ce  petit  volume  en  épreuves  et  me  communiquer 
leurs  observations,  dont  plusieurs  m'ont  été  fort  pro- 
fitables. Je  ne  les  nomme  pas,  pour  ne  point  leur 
donner  une  part  de  responsabilité  dans  les  fautes  que 
je  suis  seul  coupable  d'avoir  laissé  subsister.  Mais,  à 
un  autre  point  de  vue,  je  ne  puis  ne  pas  nommer 
M.  Paul  Meyer.  Depuis  bientôt  trente  ans,  dans  une 
émulation  qui  n'a  jamais  été  une  rivalité,  nous  culti- 
vons ensemble  le  champ  de  la  philologie  romane,  dont 
il  laboure  d'ailleurs  une  plus  vaste  étendue,  et  qu'il 
creuse  en  maint  endroit  plus  profondément.  Il  n'y  a 
presque  pas  un  paragraphe  de  ma  bibliographie  qui  ne 
se  réfère  directement  ou  indirectement  à  quelqu'un 
des  travaux  par  lesquels  son  zèle  infatigable  et  son 
admirable  perspicacité  ont  reconnu,  déblayé,  fertilisé 
le  terrain.  Sans  ces  travaux,  qu'il  met,  avec  un  désin- 
téressement sans  égal,  à  la  disposition  de  tous  ceux 
qui  peuvent  en  avoir  besoin,  la  rédaction  de  mon  petit 
livre  eût  été  presque  impossible,  et  si  ce  résumé  marque 
en  certains  points  un  progrès  sur  ce  qu'on  avait  essayé 
auparavant,  c'est  surtout  lui  qu'on  en  devra  remer- 
cier. Qu'il  me  permette  donc  de  placer  sous  le  patro- 
nage de  sa  science  et  de  son  amitié  un  essai  auquel, 
malgré  toutes  les  imperfections  qu'il  y  discernera  sûre- 
ment du  premier  coup  d'œil,  il  ne  peut  se  défendre 
d'avoir  largement  collaboré. 
Paris,  le  3  mai  1888. 


AVANT-PROPOS.  XV 

La  critique  et  le  public  ont  fait  à  ce  livre  un  accueil 
extrêmement  bienveillant  :  on  en  a  excusé  les  imper- 
fections et  les  erreurs  en  considération  du  service 
qu'il  rendait.  De  divers  côtés,  parfois  de  personnes 
qui  m'étaient  complètement  inconnues,  j'ai  reçu  des 
rectifications  soit  d'inexactitudes,  soit  de  fautes  d'im- 
pression1. J'ai  profité  de  ces  bienveillantes  indications 
pour  faire  disparaître  du  livre  un  grand  nombre  de 
petites  erreurs.  De  mon  côté  je  n'ai  presque  pas  passé 
un  jour  sans  y  apporter  quelque  retouche,  m'efforçant 
de  le  faire  profiter  de  mes  lectures  ou  de  mes  réflexions. 
Pour  le  texte,  j'ai  pu  faire  un  assez  grand  nombre  de 
corrections  importantes  et  surtout  d'additions  (voir 
notamment  aux  §§  24,  25,  27,  32,  45,  53,  54,  55,  58, 
68,  76,  87,  89,  91,  95,  124,  132,  136,  145,  147,  152, 
153).  Les  Notes  bibliographiques  ont  été  mises  au  cou- 
rant des  publications  les  plus  récentes.  La  Table 
alphabétique  a  été  revue  avec  soin  et  sensiblement 
augmentée,  notamment  pour  les  noms  des  lieux  dont 
les  auteurs  étaient  originaires.  Enfin,  dans  cette  nou- 
velle édition,  paraît  le  Tableau  chronologique  que  je 
n'avais  pas  pu  joindre  à  la  première. 

En  présentant  ce  Tableau  au  public  compétent,  je 
me  crois  en  droit  de  faire  appel  à  toute  son  indulgence. 
C'est  la  première  fois  qu'on  essaie  de  grouper  en  ordre 
chronologique  les  dates  assignées  aux  productions  de 
notre  ancienne  littérature.  Celles  que  l'on  trouvera  ici 

1  Je  remercierai  particulièrement  mon  excellent  ami  Cari  Wah- 
lund,  d'Upsal,  qui  a  revu  avec  la  plus  grande  attention  les  Notes 
bibliographiques.  Une  revision  partielle,  fort  soigneuse  aussi,  m'a 
été  envoyée  de  Gôrlitz  par  M.  Pilz,  que  je  n'avais  pas  le  plaisir 
de  connaître. 


XVI  AVANT-PROPOS. 

paraîtront  les  unes  trop  précises,  les  autres  trop 
vagues.  Je  conviens  que  le  temps  m'a  manqué  pour 

vérifier  aussi  minutieusement  que  je  l'aurais  voulu 
toutes  les  dates  d'années  que  j'ai  inscrites,  et  j'aurais 
probablement  dû  les  accompagner  plus  souvent  de 
quelque  réserve  dubitative.  Quant  à  la  catégorie  des 
dates  vagues  ou  générales,  quelques-uns  se  deman- 
deront sans  doute  s'il  était  bien  utile  d'établir  ces 
listes,  dont  la  longueur  ne  sert  qu'à  montrer  com- 
bien notre  connaissance  de  l'ancienne  littérature 
française  est  encore  incomplète,  et  s'il  n'aurait  pas 
mieux  valu  se  borner  à  enregistrer  les  dates  certaines 
ou  à  peu  près  certaines  que  l'on  possède.  Je  répon- 
drai qu'il  n'est  pas  sans  intérêt  de  savoir  quels  genres 
étaient  en  faveur  à  telle  ou  telle  période,  même  mal 
déterminée,  et  que  j'ai  tenu  à  coque  tous  les  ouvrages 
mentionnés  dans  le  texte  figurassent  à  une  place 
quelconque  dan-  le  Tableau  chronologique*.  Quant 
à  l'aveu  d'ignorance  qu'implique  ce  long  dénombre- 
ment d'ouvrages  attribués  sans  plus  de  détermination 
à  un  siècle,  un  demi-siècle,  un  tiers  de  siècle,  je  le 
fais  volontiers,  persuadé  que  tel  ou  tel  de  mes  con- 
frères en  philologie  sait  ce  qui,  pour  le  moment, 
échappe  à  ma  mémoire  ou  à  mon  information,  et 
qu'ils  m  aideront  à  diminuer,  au  profit  de  la  cbjrono- 

1.  Bien  entendu,  il  ne  faut  pas  y  en  chercher  d'autres,  et  repro- 
cher au  Tableau  dos  omissions  d'ouvrages  datés  qui  ne  sont  pas 
nommés  dans  le  texte  (ce  cas,  d'ailleurs,  sera,  je  l'espère,  assez 
rare).  —  On  comprendra  facilement  pourquoi,  le  livre  étant  pro- 
prement restreint  à  ta  période  qui  va  de  1000  à  1340.  on  trouve 
dans  le  Tableau  quelques  dates  antérieures  ou  postérieures  :  c'est 
-  dates  ont  été,  pour  une  raison  ou  pour  une  autre,  données 
dans  le  texte. 


AVANT-PROPOS.  \VK 

logie  positive,  l'étendue  de  ces  zones  mal  délimitéeà. 
Mon  ébauche,  je  n'en  doute  pas,  servira  surtoul  de 
(thème  à  des  rectifications  où  l'on  pourra  souvent 
me  prendre  on  faute;  je  les  accepte  d'avance  .'ivre 
reconnaissance,  heureux  d'avoir  fourni  tout  au  moins 
une  première  base  à  un  ordre  de  recherches  dortl 
l'importance,  pour  l'histoire  littéraire,  est  visiblement 
capitale. 

On  a  fait  au  plan  général  de  cet  ouvrage  —  et  par 
là  même  au  plan  du  Manuel  dont  il  forme  la  première 
partie  —  doux  objections  de  principe.  On  a  contesté 
la  légitimité  de  la  limite  chronologique  et  do  la 
limite  géographique  dans  lesquelles  il  s'est  enfermé. 
D'après  les  uns,  j'aurais  dû  pousser  mon  éxpdsé 
jusqu'à  la  Renaissance;  d'après  les  autres,  j'aurais  du 
y  comprendre  la  littérature  méridionale.  A  la  pre- 
mière de  ces  suggestions,  j'ai  répondu  d'avance,  aussi 
bien  que  je  l'ai  pu,  dans  l'avant  propos  de  la  pre- 
mière édition.  Je  ne  disconviens  pas  des  avantages 
qu'il  y  aurait  pour  les  étudiants  à  posséder  un  manuel 
qui  comprendrait  tout  le  moyen  âge  dans  le  sens 
qu'on  attache  habituellement  à  ce  mot,  et  je  sais  par- 
faitement qu'il  n'y  a  pas  en  histoire  de  limites  tran- 
chées, et  que  la  société  française  de  1327  n'a  pas 
été  transformée  d'un  coup  de  baguette  parce  que 
les  Valois  ont  succédé  aux  Capétiens  directs.  Mais 
les  raisons  que  j'ai  données  me  paraissent  encore 
valables  :  il  serait,  je  le  crois  toujours,  préférable  de 
traiter  dans  un  ouvrage  à  part  l'époque  littéraire  qui 
embrasse  la  seconde  moitié  du  xive  siècle,  tout  le  xve 
et  le  commencement  du  xvie,  et  qui  a  produit  Frois- 


XVIII  AVANT-PROPOS. 

sart,  Eustache  Deschamps,  Christine  de  Pisan,  Charles 
d'Orléans,  Martin  Le  Franc,  Villon,  Monstrelet,  An- 
toine de  la  Sale,  Commines,  Jean  Le  Maire,  les  grands 
mystères,  les  farces  et  sotties,  les  romans  et  contes  en 
prose,  les  chansons  populaires,  tous  ces  écrivains  et 
toutes  ces  œuvres  d'un  genre  inconnu  à  l'époque  pré- 
cédente. Cependant,  si  personne  n'entreprend  l'œuvre 
intermédiaire  que  je  souhaiterais  voir  se  produire  entre 
la  mienne  et  celle  de  MM.  Darmesteter  et  Hatzfeld,  je 
tenterai  peut  être  quelque  jour  de  combler  cette  lacune. 
Mais  d'abord  il  faut  que  le  présent  Manuel  soit  achevé 
dans  toutes  ses  parties  sur  le  plan  dans  lequel  il  a  été 
conçu. 

Ce  que  j'ai  dit  de  la  littérature  des  xive  et  xvc  siècles, 
je  le  dirai  de  la  littérature  méridionale.  Assurément 
l'histoire  de  l'une  pourrait,  du  xie  au  xrve  siècle,  courir 
parallèlement  à  celle  de  l'autre.  Toutes  deux  appar- 
tiennent à  la  Gaule  romane,  et,  au  point  de  vue  linguis- 
tique, je  suis  de  ceux  qui  contestent  l'existence  d'une 
ligne  de  démarcation  tranchée  entre  une  prétendue 
langue  d'oïl  et  une  prétendue  langue  d'oc.  Mais  mal- 
gré la  parenté  linguistique,  malgré  l'ancienne  union 
gauloise  et  la  moderne  union  française,  les  deux  littéra- 
tures ont  été  au  moyen  âge  profondément  distinctes. 
Elles  ont  agi  l'une  sur  l'autre  et  se  sont  fait  des  em- 
prunts, mais  dans  une  mesure  qui  ne  dépasse  guère 
celle  des  influences  exercées  par  l'une  ou  par  l'autre 
sur  des  littératures  étrangères  au  domaine  gallo- 
roman.  Leur  histoire  présente  un  parallélisme,  non  un 
entrelacement,  et  les  quelques  fils  qui  rejoignent  çà 
et  là  les  deux  lignes  de  leur  évolution  ne  suffisent  pas 


AVANT-PROPOS. 


XIX 


à  les  relier.  Il  faudrait,  pour  exposer  l'histoire  de  ,a 
^rature  du  Midi,  une  introduetiou  spcma.e,  et  ses 
Ï  lotions  n'entreraient  pas  dans  le,  cadres  qm  ont 
LLués  pour  celles  de  la  littérature  du  Nord.  Dad- 

mes  études  ne  m'ont  pas  porté  à  approfondi  les 
'étions  très  comple.es  que  soulève  cette  luston, 

' :m  renoncé  d'autant  plus  volontiers  à  'cerne  que  le 
'    b  ic  français  est  en  droit  de  l'attendre  prochaine- 

«enTd'une  main  beaucoup  plus  sûre  et  plus  savante 

^."toST-coor.  préambule  en  remerciant  encore 
Tiï  ment  tous  ceux  qui,  soit  dans  des  comptes  rendus 
oit  dans  des  correspondances  privées,  m'on   »    rh 
auelaue  erreur  ou  de  quelque  omiss.on,  et  en  1  ur 
^dant  de  continuer  leur  «-f  "^ 
cette  nouvelle  édition,  qui,  grâce  a  eux,  est  de,a  sens. 
blement  améliorée. 

G.  r. 

Gorges,  22  septembre  1S89. 

,  ce  que  Je  me  r^*^Z  Z^^^t^Z 
Uvre,  c  est  la  littérature  francoMtaienneû       q^  g 

seulement  ont  été  mentionnées  equ^eta  je  ^ 

m0ins  d'intention),  au^  ^^^x  quTvoudraient  la  connaître 

tonne  de  M.  Gaspary. 


LA 

LITTÉRATURE   FRANÇAISE 

AU   MOYEN   AGE 


INTRODUCTION 


1.  Nous  allons  passer  rapidement  en  revue  la  littéra- 
ture composée  en  français  depuis  les  origines  jusqu'au 
second  tiers  environ  du  xive  siècle.  Par  ce  mot  fran- 
çais nous  entendons,  sans  distinction  de  dialectes,  le 
latin  vulgaire  du  nord  de  la  Gaule.  Le  domaine  de  la 
littérature  coïncide  à  peu  près  complètement  avec 
celui  de  la  langue;  mais  il  est  un  peu  plus  nettement 
limité  du  côté  du  sud,  parce  que  les  productions  lit- 
téraires de  la  zone  intermédiaire  se  sont  de  bonne 
heure  orientées  soit  vers  le  nord,  soit  vers  le  midi.  Il 
comprend  donc  les  provinces  de  la  Gaule  situées  au 
nord  de  la  Loire,  et,  au  sud,  la  Saintonge,  le  Poitou,  le 
Berri,  le  Nivernais,  plus  la  Bourgogne  et  la  Franche- 
Comté.  La  Gaule,  ainsi  diminuée  de  sa  moitié  méridio- 
nale, n'est  pas  encore  restée  intacte.  Elle  a  été  forte- 
ment entamée  à  partir  du  Ve  siècle  par  les  invasions 

1 


2  INTRODUCTION. 

allemandes,  qui  ont  germanisé  sur  la  rive  gauche  du 
Rhin  une  large  bande  de  territoire,  comprenant  une 
partie  de  la  Suisse,  l'Alsace,  la  Lorraine  allemande,  la 
Bavière  rhénane,  la  Prusse  rhénane,  la  partie  flamande 
de  la  Belgique  et  la  partie  cisrhénane  des  Pays-Bas.  Ces 
pays,  dont  quelques-uns  avaient  d'ailleurs,  lors  de  la 
conquête  romaine,  une  population  de  race  germanique, 
avaient  été  romanisés  comme  le  reste  de  la  Gaule;  les 
populations  romanes  qui  les  habitaient  furent,  à  l'époque» 
des  invasions,  ou  exterminées  ou  assimilées  par  les 
conquérants,  et  dès  lors  ils  appartinrent  au  monde 
germanique.  A  l'autre  extrémité  du  domaine,  l'ouest  de 
la  péninsule  armoricaine  fut,  à  partir  du  Ve  siècle,  envahi 
par  des  Bretons  insulaires,  qui  y  établirent  leur  race, 
leur  civilisation  et  leur  langue  (voir  ci-dessous,  §  53). 

2.  Dans  le  domaine  ainsi  limité,  l'unité  n'était  pas 
grande  à  l'origine  (si  nous  entendons  par  là,  quitte  à 
revenir  sur  la  période  antérieure,  les  premiers  temps 
qui  suivirent  la  disparition  de  l'autorité  romaine  .  Les 
rois  mérovingiens  partageaient  leur  patrimoine  sans 
tenir  compte  des  affinités  naturelles;  mais  les  plus  puis- 
sants, le  fondateur  de  leur  pouvoir,  Chlodovech,  plus 
tard  Chilpéric,  Dagobert,  mirent  déjà  à  Paris  le  siège 
de  la  royauté  et  en  firent  ainsi  le  centre  des  provinces 
septentrionales  de  la  Gaule.  A  partir  de  la  mort  de 
Dagobert  ($3$)  sr  marque  la  grande  rivalité  entre  l'Aus- 
trasie  (pays  des  Francs  restés  allemands)  et  la  Neustrie 
(pays  où  les  Francs  s'étaient  romanisés);  Paris  est  la 
capitale  de  la  Neustrie.  Depuis  la  victoire  du  maire 
australien  Pépin,  à  Testri  ( ( '. s 7  .  la  suprématie  apparl  ient 
à  l'Austrasie;  la  Neustrie  veut  reprendre  la  lutte  à  la 
mort  de  Pépin,  mais  elle  est  définitivement  vaincue. 
Sous  Charles  Martel  la  puissance  austrasienne  atteint 


INTRODUCTION.  3 

son  apogée;  sous  Pépin  et  surtout  sous  Ch.artemagi ■<■ 
elle  perd  son  caractère  spécial  en  absorbant  à  peu  prè3 
toute  la  chrétienté  latine  et  en  reconstituant  l'empire 
d^Occident.  Mais  les  anciennes  divisions  persistent,  et 
sous  Louis,  favorisée  par  les  querelles  de  la  famille 
impériale,  la  désagrégation  se  prépare.  Elle  éclate  dans 
les  guerres  de  ses  fils,  où  Charles  représente  la  Ncustrie 
eu  opposition  à  l'orient  purement  germanique.  La  France 
moderne  date  du  traité  de  Verdun  en  843  :  elle  constitue 
le  royaume  de  Charles,  et  en  garde  longtemps,  pour  lis 
Allemands,  le  nom  de  Karlingen,  comme  le  royaume 
de  Lother  a  gardé  en  partie  jusqu'à  nos  jours  celui 
de  Lothringen.  Ce  pays  est  dès  lors  détaché  pour  jamais 
de  l'Allemagne,  et  il  va  affirmer  encore  sa  prétention 
à  l'existence  indépendante  en  l'incarnant  dans  une 
famille  toute  nationale,  qui  deviendra  la  dynastie  capé- 
tienne. La  France  du  IXe  siècle  n'a  pas  encore  une  cohé- 
sion bien  nette;  mais  sa  force  vive  est  entre  la  Loire  et 
la  Meuse.  Paris  redevient,  avec  ses  comtes,  le  centre  du 
royaume  et  le  foyer  principal  de  la  vie  nationale,  et,  à 
partir  de  leur  avènement  au  trône,  il  en  est  définitive- 
ment la  capitale,  tandis  que  les  derniers  Carolingiens 
lui  avaient  préféré  Laon,  place  plus  forte  et  plus  voisine 
de  leurs  alliés  habituels  d'outre-Rhin. 

3.  Dans  ce  domaine  se  parle  à  l'origine  une  langue  à 
pou  près  identique,  le  latin  vulgaire,  qui,  même  d'un 
bout  de  la  Gaule  à  l'autre,  ne  présente  pendant  long- 
temps que  des  nuances  insensibles.  Peu  à  peu  dans  cette 
unité  se  marquent  des  différenciations  locales.  Les 
Serments  échangés  à  Strasbourg  en  842  ont  déjà  des  traits 
qui  appartiennent  au  français  du  nord  et  qui  sont 
inconnus  à  celui  du  midi;  d'autres,  qui  devront  produire 
une  séparation  bien  plus  grande,  n'y  apparaissent  pas 


4  INTRODUCTION. 

encore.  Entre  les  divers  dialectes  du  nord  les  différences, 
au  ixc  siècle,  sont  déjà  sensibles,  mais  non  telles  qu'elles 
empêchent  de  se  comprendre.  Ces  différences  vont  par 
la  suite  en  s'accusant  de  plus  en  plus;  mais  ces  dia- 
lectes ont  entre  eux  tant  de  traits  communs  qu'ils 
restent  toujours  assez  voisins,  et  que  les  œuvres  écrites 
dans  l'un  d'entre  eux  peuvent  être  lues  ou  entendues 
dans  la  région  où  se  parle  l'autre,  et  facilement, 
quoique  souvent  très  grossièrement,  accommodées  par 
les  copistes  à  leurs  parlers  respectifs.  A  partir  du 
xne  siècle  la  prépondérance  littéraire  du  dialecte  «  fran- 
cien >,  ou  de  ceux  qui  lui  ressemblent  le  plus,  est  tout 
à  fait  dessinée,  et  toutes  les  œuvres  littéraires  la  subis- 
sent plus  ou  moins. 

4.  L'unité  de  sentiments  nécessaire  pour  donner  une 
base  à  une  littérature  nationale,  est  fournie  aux  hommes 
qui  habitent  ce  domaine  d'abord  par  la  langue  et  le  sou- 
venir de  l'ancienne  communauté  d'intérêts  et  d'affec- 
tions, puis  par  le  christianisme,  auquel  les  Gallo-Romains 
étaient  convertis  au  Ve  siècle,  et  que  les  Francs  adop- 
tèrent, comme  eux.  sous  sa  forme  catholique;  —  par 
l'opposition  contre  les  païens  et  les  hérétiques  ;  —  par  la 
royauté  mérovingienne,  dans  les  moments  où  elle  semble 
se  constituer  fortement  et  prendre  la  direction  éner- 
gique de  la  nation;  —  plus  tard  parles  efforts  communs 
de  l'aristocratie,  allemande  en  grande  partie  d'origine, 
mais  bientôt  romanisée,  et  souvent  liguée  avec  le  clergé 
pour  lutter  contre  la  royauté;  —  par  l'amour  de  la 
patrie  française,  qui  se  développe  dans  les  guerres 
contre  les  Allemands,  contre  les  Aquitains,  contre  les 
Sarrasins,  etc.  Sous  les  Austrasiens  et  sous  Charle- 
magne  ce  sentiment  gallo-franc  s'absorbe  plus  ou  moins 
dans  un  sentiment  plus  général  (impérial)  ;  il  se  retrouve 


INTROPUCTION.  5 

après  le  partage  de  l'empire,  mais  il  est  compromis 
presque  en  môme  temps  par  le  morcellement  féodal,  qui 
cependant  ne  le  supprime  pas,  et  qui,  par  une  heureuse 
évolution,  trouve  à  la  fois  son  terme  et  le  commence- 
ment de  sa  destruction  au  profit  de  l'idée  unitaire  dans 
l'établissement  de  la  royauté  capétienne.  Dans  certaines 
parties  du  domaine,  cependant,  le  sentiment  de  l'unité 
se  perdit  d'une  façon  plus  ou  moins  grande.  A  l'est  les 
contrées  assignées  au  royaume  de  Lother,  et  dont  plu- 
sieurs furent  plus  tard  considérées  comme  appartenant 
à  l'Empire,  n'eurent  avec  le  reste  de  la  France  qu'un  lien 
assez  flottant  qui  fut,  suivant  les  temps,  plus  lâche  ou 
plus  resserré.  Toute  une  importante  fraction  de  la  Neus- 
trie  fut  cédée,  au  commencement  du  Xe  siècle,  à  de  nou- 
veaux envahisseurs  germaniques,  les  Normands;  ils  se 
francisèrent,  il  est  vrai,  de  bonne  heure,  mais,  depuis  que 
leurs  ducs,  en  1066,  furent  devenus  rois  d'Angleterre, 
le  rapport  de  vassalité  qui  continuait  à  les  unir  à  la 
royauté  française  ne  fut  plus  qu'apparent,  et  il  se  forma 
même  entre  Normands  et  Français  un  violent  antago- 
nisme, qui  disparut  d'ailleurs  plus  promptement  qu'on 
n'aurait  pu  le  croire  quand  Philippe  II  eut  annexé  la 
Normandie.  La  Bretagne  française,  l'Anjou,  le  Maine,  la 
Touraine  furent  réunis  à  la  couronne  d'Angleterre  par 
l'avènement  à  cette  couronne  du  comte  Henri  Plante- 
genêt,  ainsi  que  le  Poitou,  qu'il  avait  acquis  en  épousant 
Aliénor  quand  Louis  VII  s'était  séparé  d'elle  :  toutes 
ces  provinces  furent  reprises  par  Philippe  II  en  même 
temps  que  la  Normandie.  La  Bourgogne,  donnée  en 
apanage  au  fils  de  Bobert,  mena  pendant  toute  la 
période  qui  nous  occupe  une  existence  assez  isolée.  La 
Champagne,  soumise  à  ses  comtes,  fut  en  rapports  très 
étroits,  mais  parfois  hostiles,  avec  la  royauté  jusqu'au 
mariage  de  Philippe  IV  avec  l'héritière  du  dernier  comte, 


6  INTRODUCTION. 

mariage  qui  réunit  cette  province  à  la  couronne.  L'Ar- 
tois, les  comtés  de  Boulogne,  de  Guines,  de  Saint-Pol, 
furent  l'objet  de  nombreuses  contestations.  Les  puis- 
santes villes  du  nord-est  formaient  de  petits  États  bour- 
geois presque  indépendants.  Entre  l'Artois,  la  Nor- 
mandie, le  .Maine,  l'Anjou,  la  Touraine,  le  Béni,  la 
Bourgogne  et  la  Cbampagne  s'étendaient  les  domaines 
propres  du  roi,  comprenant  essentiellement  l'Ile-de- 
France,  le  Perche,  le  Vexin  français,  une  partie  de  la 
Picardie  et  rOrléanais  :  c'est  là  qu'il  faut  chercher  le 
vrai  foyer  de  l'unité  nationale. 

:..  Toutes  les  provinces  n'ont  pas  pris  au  moyen  Age 
une  part  égale  à  l'activité  littéraire.  La  première 
période,  purement  épique,  appartient  surtout  au 
nord-est,  à  la  France  propre  et  au  nord-ouest  ;  la  poésie 
plus  raffinée  qui  a  sa  principale  expression  dans  les 
romans  de  la  Table  Ronde  fleurit  particulièrement  en 
Champagne  et  en  Picardie;  ce  fut  aussi  dans  ces  régions 
que  fut  cultivée  presque  exclusivement  la  poésie  lyrique 
des  hautes  classes  et  plus  tard  de  la  bourgeoisie.  La  Nor- 
mandie et  les  provinces  qui  se  rattachaient  à  elle  depuis 
l'avènement  des  Plantegenèt  cultivèrent  de  préférence 
la  littérature  historique  et  didactique;  à  cette  littérature 
normande  se  rattache,  comme  un  immense  provin  qu'on 
ne  peut  séparer  de  sa  souche,  la  littérature  anglo-nor- 
mande qui  pendant  deux  siècles  fut  l'organe  de  la 
société  française  établie  en  Angleterre  à  la  suite  de  la 
conquête.  Les  provinces  de  l'ouest  prirent  à  la  littéra- 
ture de  divers  genres  une  part  assez  faillie,  mais  pré- 
sentent plus  d'une  production  digne  d'intérêt,  surtout 
au  point  de  vue  linguistique.  La  Bourgogne  n'est 
presque  pas  représentée  dans  les  monuments  qui  nous 
restent,  quoiqu'elle  ait  eu  au  moins  une  grande  produc- 


ÏNTHOm'CTION.  7 

lion  épique,  In  mouvement  âctiFdè  traduction,  surtout 
d'oeuvres  religieuses,  se  manifesté  dans  l'est  et  le 
bord-est  à  partir  de  la  Bh  du  \n"  siècle.  L'Orléanais 

produisit  aU  \in"  siècle  les  deUK  poètes  qui  devaient 
donner  à  cette  époque  son  empreinte  la  plus  marquée, 
(luillaume  de   Lorris  et  Jean  de  .Menu.  La  Châtnpagriê 

fournit  au  même  siècle  les  plus  remarquables  de  ses 
historiens  en  prose,  surtout  des  auteurs  de  mémoires, 
lundis  que  la  Flandre  s'adonna  avec  ardeur  à  la  rédac- 
tion d'histoires  générales.  Le  théâtre,  fécond  en  Angle- 
terre dès  lfe  \n'  siècle,  lut  SuftOtit  brillant  par  la  suite 
dans  les  grandes  communes  picardes.  Enfin  tous  I«s 
aspects  de  la  littérature  nationale  lurent  plus  ou  moins 
représentés  dans  l'Ile-de-France, et. à  partir  duxmesiècle, 
cette  littérature,  devenant  de  moins  en  moins  populaire, 
trouva  son  centre  à  Paris,  comme  les  études  latines, 
auxquelles  elle  se  rattachait  de  plus  en  plus,  y  avaient 
le  leur.  C'est  là  qu'on  traduisait  la  Bible,  qu'on  rédigeait 
les  chroniques  royales,  que  Henri  d'Andeli  et  Ruste- 
beuf  prêtaient  aux  querelles  universitaires  la  forme  de 
la  poésie  française,  que  Jean  de  Meun  écrivait  la  seconde 
partie  du  Roman  de  la  Rose,  et  que  les  hommes  de  talent, 
désireux  de  se  faire  connaître,  accouraient  de  toutes 
parts.  Avec  le  règne  de  Charles  V,  la  cour  allait  devenir 
pour  un  temps  le  centre  de  toute  littérature  sérieuse. 

8.  Il  faut  maintenant  revenir  sur  nos  pas  et  reprendre 
à  l'origine  l'examen  des  éléments  intellectuels  et  moraux 
qui  devaient  entrer  dans  la  littérature  française  du 
moyen  âge  et  dans  la  nationalité  dont  elle  fut  l'expres- 
sion. Dans  la  région  que  nous  avons  délimitée,  quelles 
sont  les  conditions  premières  et  subséquentes  de  race, 
de  milieu,  etc.?  Le  fond  de  la  nation  est  celtique.  Les  Celtes, 
établis  en  Gaule  dès  l'époque  préhistorique,  parlaient 


8  INTRODUCTION. 

une  langue  de  la  grande  famille  indo-européenne,  voi- 
sine notamment,  à  l'origine,  de  l'italique  et  du  germa- 
nique. Longtemps  seuls  maîtres  de  l'Allemagne  occiden- 
tale et  méridionale  et  du  nord  de  l'Italie,  ils  le  restaient 
de  la  Gaule  (dont  cependant  le  sud-ouest  était  ibérique 
et  le  sud-est,  primitivemeut  ligure,  avait  été  celtisé)  et 
des  lies  Britanniques;  le  groupe  établi  en  Irlande  (et 
plus  tard  en  Ecosse)  se  distinguait  par  certains  carac- 
tères linguistiques  de  celui,  beaucoup  plus  considérable, 
qui  peuplait  la  Gaule  et  la  Bretagne.  Les  Galli  (nom  donné 
parles  Romains  aux  Celtes  de  Gaule)  avaient,  au  moment 
où  les  Romains  s'emparèrent  de  leur  pays,  une  civilisa- 
tion assez  avancée.  Leur  religion,  originairement  sem- 
blable à  celle  des  autres  peuples  de  la  famille,  avait  pris 
une  forme  propre.  Ils  avaient  une  caste  sacerdotale  et 
en  même  temps  savante  et  littéraire,  les  druides,  dont 
l'institution  paraît  leur  être  venue  de  Bretagne';  les 
druides  possédaient  une  poésie  théologique  et  didac- 
tique, mais  il  était  défendu  de  l'écrire.  Les  rapports  des 
Gaulois  avec  la  civilisation  gréco-romaine  s'étaient  faits 
surtout  par  les  Gaulois  orientaux  et  par  la  Grèce  :  ils 
employaient  les  lettres  grecques,  ils  imitaient  les  mon- 
naies grecques.  Dès  avant  la  conquête,  ils  avaient  aussi, 
par  l'intermédiaire  des  marchands  qui  venaient  chez 
eux  en  grand  nombre,  subi  l'influence  du  monde 
romain.  Leur  organisation  était  aristocratique  :  les 
nobles  et  les  prêtres  dominaient  un  peuple  réduit 
presque  à  la  servitude.  Leurs  villes,  à  peu  d'exceptions 
près  (comme  Avaricum),  paraissent  n'avoir  guère  été 
que  des  enceintes  fortifiées  où  les  populations  se  réfu- 
giaient en  cas  de  guerre;  mais  les  nobles  n'avaient  pas 
de  châteaux  forts.  Les  Gaulois  étaient  bons  cultiva- 
teurs, quoique  la  propriété  individuelle  du  sol  fût  à 
peine  constituée  chez  eux,  et  ils  possédaient  certaines 


TNTHOnrCTION.  9 

industries.  Une  Ibis  conquis,  ils  se  romanisèrent  très 
vite.  Les  nobles  lurent  laits  citoyens  romains  et  môme, 
déjà  par  César,  sénateurs.  La  population  entière  apprit 
le  lai  in,  dans  les  hautes  classes  celui  des  grammairiens, 
dans  la  masse  le  latin  vivant  et  familier,  et  oublia  sa 
'langue,  qui  n'a  laissé  en  français  à  peu  près  aucun  ves- 
tige. Au  bout  de  quatre  siècles,  il  n'y  avait  plus  per- 
sonne en  Gaule  qui  parlât  gaulois.  Dans  ces  conditions, 
certains  traits  du  caractère  celtique  ont  pu  persister 
dans  le  caractère  français;  mais  les  traces  celtiques  dans 
la  littérature  ne  sont  pas  saisissables.  Notre  mythologie 
populaire,  conservée  encore  dans  les  croyances  et  les 
usages  des  campagnes,  et  parfois  exprimée  dans  des 
récits  ou  des  chants,  remonte  sans  doute  en  partie  à 
celle  des  Celtes;  mais  il  n'est  que  bien  rarement  pos- 
sible d'en  retrouver  l'empreinte  dans  les  œuvres  du 
moyen  âge.  Une  grande  masse  de  traditions  celtiques, 
pour  la  plupart  de  formation  plus  récente,  devait  péné- 
trer au  xue  siècle  dans  la  littérature  française;  mais  elle 
n'y  était  pas  sentie  comme  élément  national  :  c'était  une 
importation  étrangère  venue  de  PArmorique  celtisée 
et  de  la  partie  de  la  Grande-Bretagne  restée  celtique, 
par  l'intermédiaire  des  Normands  continentaux  ou 
insulaires. 

7.  La  Gaule  fut  donc  romanisée,  et  c'est  là  le  fait  pri- 
mordial et  capital  de  notre  histoire  littéraire.  Les 
Romains,  peuple  de  même  race  que  les  Celtes,  avaient,  à 
l'époque  où  ils  les  soumirent,  profondément  modifié, 
sous  l'influence  des  Grecs,  leur  individualité  intellec- 
tuelle. Ils  avaient  une  religion  et  une  littérature  offi- 
cielles, l'une  et  l'autre  assez  étrangères  au  peuple,  tant 
à  celui  du  noyau  primitif  de  leur  empire  qu'à  celui 
qu'ils  avaient  déjà  assimilé  dans  l'Italie  et  ailleurs.  La 


iO  iNthODUCTlON. 

vieille  religion  romaine  avâif  été  Pondue  avec  la  reli- 
gion grecque,  dont  elle  âvail  adopté  les  dieux  en  leur 
donnant  les  noms  des  siens.  Cette  religion  ainsi  rema- 
niée était  presque  réduite  à  un  culte  extérieur.  Sous 
Auguste  elle  devint  une-  religion  officielle  pour  toul 
l'empiré,  ayant  pour  centre  le  culte  de  Home  et  bientôt 
celui  d'ÀUgUSte  même,  el  partout  elle  revêtit  du  nom 
de  ses  dieux,  pour  se  les  assimiler,  les  dieux  indigènes 
de-  peuplés  soumis.  Les  hautes  classes,  eu  Gaule, 
acceptèrent  avec  enthousiasme  Cette  religion,  qui 
consacrait  l'Union  de  leur  pays  avec  l'empire.  La 
littérature  romaine  y  lleuril  bientôt  aussi,  surtout  dans 
le  midi,  mais  plus  tard  à  l'est  et  au  nord  :  ht  Gaule  fut, 
avant  l'Afrique,  le  dernier  asile  de  l'éloquence  et  de  la 
poésie  latines  ;  citôhs  seulement  les  Panégyriques  gau- 
lois, Ausone,  Sidoine  Apollinaire,  et  les  écoles  de 
grammaire  et  de  rhétorique  dont  ils  nous  attestent 
l'existence.  Mais  toute  cette  littérature  d'écoles,  d'aca- 
démies et  de  salons  ne  pénétrait  pas  dans  le  peuple  et 
ne  devait  servir  en  rien  à  l'avenir  isauf  bien  entendu  ce 
qui.  par  l'intermédiaire  des  savants,  rentra  plus  tard 
dans  la  littérature  française).  Le  peuple  parlait  un  latin 
très  différent  de  celui  du  monde  officiel;  il  ne  pouvait 
rien  comprendre  aux  productions  artificielles  des  rhé- 
teurs et  des  poètes  de  la  décadence.  Quand  les  Barhares 
eurent  détruit  le  monde  romain,  le  latin  classique  con- 
tinua cependant  à  être  la  seule  langue  écrite,  la  langue  de 
l'État  el  de  l'Église,  et  cela  par  une  invincible  nécessité  : 
on  ne  pouvait  le  remplacer  ni  par  le  latin  vulgaire,  qui 
n'en  était  aux  yeux  de  toUs  qu'un  usage  vicieux,  ni  par  l'al- 
lemand, que  la  majorité  ne  comprenait  pas.  et  que  les 
Fiancs  eux-mêmes  avaient  si  peu  l'idée  d'écrire  qu'ils 
raisaienl  rédiger  en  latin  leur  loi  nationale.  11  résulta 
de  là  que  la   classe  ecclésiastique  ou  plutôt  cléricale, 


INTRODUCTION.  4  1 

qui  embrassait  au  moyeu  Age,  à  peu  d'exceptions  près, 
huiles  les  professions  intellectuelles,  garda,  l'usage  du 
latin  môme  quand  on  eut  commencée  écrire  eu  français, 
l'entretint  dans  les  écoles,  le  perpétua  pendant  tout  le 
moyen  Age  connue  langue  savante  et  sérieuse.  C'est  là 
un  événement  de  grande  importance,  un  l'ait  capital, 
qui  détruisit  toute  harmonie  dans  la  production  litlé 
raire  de  cette  époque  :  il  sépara  la  nation  en  deux,  et 
fut  doublement  funeste,  en  soustrayant  à  la  culture  de 
la  littérature  nationale  les  esprits  les  plus  distingués  el 
les  plus  instruits,  et  en  les  emprisonnant  dans  une 
langue  morte,  étrangère  au  génie  moderne,  où  une  lit- 
térature immense  et  consacrée  leur  imposait  ses  idées 
et  ses  formes,  et  où  il  leur  était  à  peu  près  impossible 
de  développer  quelque  originalité.  La  littérature  latine, 
pendant  toute  la  période  qui  fait  le  sujet  de  notre  étude, 
vécut  à  côté  de  la  littérature  en  langue  vulgaire,  et  h 
vrai  dire  l'histoire  littéraire  du  moyen  Age  n'est  com- 
plète que  si  on  les  embrasse  l'une  et  l'autre;  mais  nous 
sommes  obligé  de  laisser  complètement  de  côté,  sauf 
quelques  références  indispensables,  les  ouvrages  com- 
posés en  latin,  et  même  presque  toutes  les  indications 
relatives  à  l'enseignement  des  écoles,  qui,  à  partir  au 
moins  d'une  certaine  époque,  influença  la  littérature 
vulgaire,  mais  qui,  à  tous  les  degrés  sauf  le  plus 
humble  (et  celui-là  môme  non  pas  absolument),  se  don- 
nait uniquement  en  langue  latine. 

8.  Si  la  littérature  des  Romains  ne  s'est  pas  continuée 
dans  la  nôtre,  la  domination  romaine  a  cependant 
puissamment  agi  sur  elle.  Directement  elle  l'a  déterminée 
tout  entière,  et  non  pas  seulement  dans  la  forme,  en 
substituant  une  langue  à  une  autre.  Le  français  n'est 
autre  chose,  en  effet,  que  l'une  des  formes  du  latin  vul- 


12  INTRODUCTION. 

gaire  ou  roman,  et  les  fils  des  Gaulois  parlent  depuis 
dix-huit  siècles  une  langue  formée  aux  bords  du  Tibre. 
Les  conséquences  de  ce  fait  sont  incalculables  :  pour  un 
peuple,  changer  de  langue,  c'est  presque  changer  d'àme. 
Avec  la  langue  s'introduisit  la  versification  populaire  des 
Romains;  nous  ne  savons  pas  quelle  était  la  versification 
nationale  des  Gaulois,  mais  il  ne  dut  pas  s'en  conserver 
pins  que  de  leur  langue  et  de  leur  religion  :  la  versifica- 
tion populaire  française  a  les  mêmes  principes  que  celle 
des  autres  peuples  qui  parlent  des  dialectes  du  latin  vul- 
gaire; elle  s'explique  tout  entière  comme  un  dévelop- 
pement de  la  versification  latine  rythmique.  Avec  la 
langue  et  la  versification,  un  monde  d'idées  nouvelles 
pénétra  nécessairement  dans  l'esprit  des  populations 
celtiques  parleur  incorporation  à  l'empire  et  leur  parti- 
cipation à  la  civilisation  gréco-romaine.  Une  analyse  de 
ce  qui,  dans  notre  esprit  national  aux  diverses  périodes, 
et  par  conséquent  dans  notre  littérature,  remonte  à 
cette  époque  si  importante  de  notre  histoire  ne  saurait 
être  entreprise  ici  :  outre  qu'elle  demanderait  un  grand 
espace,  il  lui  manquerait,  pour  être  sûre  et  précis;-, 
bien  des  éléments  qu'on  ne  peut  reconstituer.  Il  est 
d'ailleurs  presque  impossible,  et  c'est  l'écueil  des 
théories  de  ce  genre,  de  distinguer  dans  l'histoire 
sociale  et  intellectuelle  d'un  peuple  ce  qui  a  son  origine 
dans  chacune  des  diverses  phases  par  lesquelles  il  a 
passé:  on  a  même  bien  de  la  peine  à  déterminer  pen- 
dant combien  de  temps  l'influence  de  chacune  de  ces 
phases  persiste  :  l'effet  de  chacune  d'elles  sur  le  peuple 
est  sans  cesse  affaibli  par  les  conditions  nouvelles  où  le 
pousse  l'histoire,  à  moins  qu'une  d'entre  elles  n'ait 
réussi,  ce  qu'on  peut  difficilement  savoir,  à  marquer  un 
groupe  humain  d'une  empreinte  indélébile  qui  semblera 
désormais  faire  partie  de  son  essence  même. 


INTRODUCTION.  1  3 

9.  Indirectement,  la  domination  romaine  eut  un  effet 
non  moins  important  :  elle  servit  à  l'introduction  et  à 
l'établissement  du  christianisme.  La  religion  nouvelle 
avait  pénétré  d'abord  dans  le  midi  de  la  Gaule,  où  les 
groupes  de  juifs  hellénisants  étaient  nombreux,  sous 
forme  grecque;  mais  au  nord  ce  fut  essentiellement  sous 
forme  romaine  qu'elle  conquit  la  population.  Les  com- 
mencements de  la  christianisation  des  Gallo-Romains 
du  nord  sont  obscurs;  elle  était  loin  d'être  accomplie  à 
la  fin  du  IVe  siècle,  où  Martin,  évèque  de  Tours  et  fon- 
dateur des  premiers  monastères  de  Gaule  (Ligugé  et 
Marmoutier),  lui  fit  faire  d'immenses  progrès.  Un 
siècle  après,  quand  les  Francs  arrivèrent,  le  triomphe 
de  la  religion  venue  de  Judée  était  complet.  Dans 
les  campagnes  persistait  sans  doute  encore  l'affec- 
tion pour  les  petits  dieux  locaux  et  familiers;  mais 
les  autorités  ecclésiastiques,  fortement  constituées  et 
soutenues  depuis  Constantin  par  le  pouvoir  légal, 
exterminaient  impitoyablement  ces  vestiges  de  poly- 
théisme et  inculquaient  avec  énergie  aux  popula- 
tions la  foi  en  un  seul  Dieu  en  trois  personnes,  à  l'incar- 
nation, à  la  rédemption  et  à  une  autre  vie  bienheureuse 
ou  damnée.  L'instruction  que  recevait  le  peuple  devait 
d'ailleurs  être  fort  sommaire;  le  christianisme  ainsi 
implanté  était  de  sentiment  plus  que  de  dogme,  et  resta 
tel  pendant  longtemps.  Il  est  remarquable  que  la  plu- 
part des  mots  français  relatifs  aux  enseignements  de  la 
religion  ont  une  forme  qui  n'est  pas  populaire,  c'est-à- 
dire  qu'ils  ne  paraissent  point  avoir,  dès  l'époque 
romaine,  passé  par  la  bouche  du  peuple  :  tels  sont  les 
représentants  des  mots  latins  virgo,  spirilus,  trinitas,apos- 
tolus,  epistola,  etc.  Il  n'en  est  pas  de  même  des  mots  qui 
expriment  les  pratiques  les  plus  ordinaires  du  culte, 
comme  missa,  baptismus,  jejunare,  ou  les  degrés  princi- 


j  |  INTRODUCTION, 

paux  «le  la  hiérarchie  ecclésiastique,  comme  p*eâ6yfer, 
monachus,  abbas,  episcopus  mais  papa  et  son  synonyme 
dicus  a'onl  donné  que  des  mots  savants).  Ces 
simples  constatations  jettent  un  jour  particulier  sur 
l'étal  des  esprits,  dans  la  grande  musse,  au  point  de  vue 
religieux,  à  l'époque  mérovingienne.  Une  croyance 
générale  dans  la  puissance  de  Dieu  ou  des  saints  et  celle 
du  diable,  qui  se  manifestent  sans  cesse  par  des 
miracles  contraires,  une  foi  enfantine  aux  prodiges,  aux 
sorts,  aux  prophéties,  la  peur  des  châtiments  de  l'autre 
vie,  l'importance  extrême  attachée  aux  pratiques,  l'hor- 
reur du  paganisme  et  de  l'hérésie,  tels  étaient  les  traits 
principaux  de  la  religion  des  Gallo-Romains,  qui,  avec 
quelques  additions  (comme  la  dévotion  particulière  à  la 
Vierge  ,  persistèrent  pendant  le  moyen  âge  et  s'expri- 
mèrent dans  la  littérature.  L'Église,  comme  nous  l'avons 
vu.  conserva  le  latin  grammatical  pour  la  langue  offi- 
cielle, mais,  au  bout  de  trois  siècles,  l'écart  entre  ce 
latin  et  celui  du  peuple  étant  devenu  trop  grand,  elle 
fut  obligée  d'employer  ce  dernier  pour  l'instruction 
religieuse.  Ce  besoin  coïncidait  précisément  avec  la  res- 
tauration par  les  soins  de  Charlemagne,  du  latin  clas- 
sique dans  une  forme  plus  correcte,  qui  éloignait  encoro 
davantage  la  langue  des  clercs  de  celle  des  laïques; 
aussi,  en  812,  le  concile  de  Tours,  dont  les  prescriptions 
furent  répétées  par  d'autres,  ordonna-l-il  que  les 
prêtres  missent  «  en  langue  romane  rustique  »  les  ins- 
truetions  qu'ils  adressaient  à  leurs  ouailles.  Ce  fut  le 
commencement  de  la  littérature  sérieuse  en  langue 
vulgaire,  et  ce  premier  pas,  bientôt  suivi  d'autres, 
devait  aboutir,  mais  seulement  après  bien  des  siècles, 
a  la  victoire  définitive  du  français  comme  langue  litté- 
raire. 


INTRODUCTION.  1  S 

10.  Le  christianisme,  et  plus  particulièrement  le  catho- 
licisme (quoique  ce  mot  éveille  aujourd'hui  plu^  d'une 
idée  qu'il  ne  suscitait  pas  autrefois),  donne  au  moyen 
âge  toute  sa  physionomie  intellectuelle  et  une  partie  de 
sa  physionomie  morale.  On  peut,  en  négligeant  certains 
faits  exceptionnels  et  isolés,  dire  que  la  foi  fut  alors 
complète,  absolue,  sans  restriction  et  sans  doute.  J.e 
monde  apparaissait  à  tous  comme  divisé  en  trois  étages 
superposés  :  au  centre  la  terre,  où  se  livre  le  combat 
•  le  la  vie,  où  l'homme,  déchu  mais  racheté,  libre  de 
choisir  entre  le  bien  et  le  mal,  est  perpétuellement  en 
butte  aux  pièges  du  diable,  mais  est  soutenu,  s'il  sait 
les  obtenir,  par  la  grâce  de  Dieu,  la  protection  de  la 
Vierge  et  des  saints  :  de  son  succès  dans  cette  lutte 
dépendra  son  sort  éternel,  ou  dans  le  ciel  une  félicité 
parfaite,  ou  dans  l'enfer  des  supplices  inouïs;  — en  haut, 
le  ciel  avec  la  Trinité,  les  anges,  la  Vierge  et  les  saints, 
s  intéressant  aux  épreuves  humaines  et  y  intervenant  à 
chaque  instant,  mais  sans  suite  et  d'une  manière  fort 
arbitraire;  —  en  bas,  l'enfer  avec  les  diables  ayant  la 
faculté  de  venir  sur  la  terre  et  de  tenter  les  hommes, 
qu'ils  se  réjouissent  d'associer  à  leur  damnation  et  que 
leur  disputent  les  pouvoirs  d'en  haut.  Le  grand  événe- 
ment de  la  vie,  dans  cette  conception,  c'est  le  péché  :  il 
s'agit  ou  de  l'éviter  ou  de  l'expier;  une  littérature  con- 
sidérable enseigne  surtout  à  ne  pas  se  désespérer,  quel- 
ques péchés  qu'on  ait  commis,  car  non  seulement  Dieu 
pardonne  toujours  au  repentir,  mais  les  plus  grands 
saints,  ceux  pour  qui  ont  été  faits  les  miracles  les  plus 
extraordinaires,  ont  souvent  commencé  par  être  les 
pécheurs  les  plus  criminels;  d'ailleurs  il  n'est  pas  de 
grâce  qu'on  n'obtienne  si  on  s'assure  la  protection  des 
saints  les  plus  puissants  et  surtout  de  «  notre  dame  ». 
Le  perfectionnement  intime  étant  chose  difficile,  c'est 


It'i  INTRODUCTION. 

surtout  dans  les  œuvres  extérieures  et  clairement  saisis- 
sables  qu'on  cherche  les  moyens  de  salut  :  l'aumône,  le 
jeûne,  l'assiduité  aux  offices,  les  pèlerinages,  les  croi- 
sades. On  voit  dans  Raoul  de  Cambrai  le  héros  brûler,  le 
vendredi  saint,  une  ville  entière  et  faire  périr  dans  les 
flammes  tout  un  couvent  de  nonnes,  mais  reculer  devant 
l'idée  de  manger  de  la  viande.  Les  chevaliers,  les  gens 
du  monde  vont  d'habitude  à  la  messe  tous  les  matins, 
observent  régulièrement  les  abstinences  prescrites,  ne 
meurent  guère  sans  avoir  été  pèlerins,  et  font  des  legs 
aux  œuvres  pies.  Pour  beaucoup  d'entre  eux  cela  n'em- 
pêche assurément  ni  les  dérèglements  ni  les  violences; 
cependant  l'influence  de  cette  idée  de  la  damnation 
rappelée  sans  cesse  par  les  prêtres  ne  pouvait  être  en 
général  que  salutaire  :  elle  fut  le  seul  frein  qui,  dans 
les  époques  terribles  de  la  féodalité  naissante,  modéra 
jusqu'à  un  certain  point  les  brutalités  féroces  ou  gros- 
sières de  gens  que  ne  dominait  aucune  autorité,  que 
ne  contenait  aucune  pensée  d'intérêt  commun.  Elle 
produisit  en  outre  une  masse  énorme  de  fondations 
charitables  qui  aidèrent  à  soulager  les  misères  occa- 
sionnées par  un  état  social  défectueux  et  par  des  guerres 
constantes.  Dans  les  âmes  élevées,  la  religion  prit  la 
forme  de  l'amour  pur  de  Dieu  et  enfanta  soit  des  écrits, 
soit  des  actions,  de  la  plus  grande  beauté.  Au  point  de 
vue  intellectuel,  la  soumission  aveugle  aux  enseigne- 
ments de  la  foi  officielle  amena  en  général  une  docilité 
exagérée  à  l'autorité  et  empêcha  tout  progrès  scienti- 
fique :  la  réflexion  philosophique,  au  lieu  de  chercher 
librement  à  observer,  à  classer  et  à  comprendre  les 
faits,  s'épuisa  en  subtilités  sur  les  conséquences  de 
données  premières  acceptées  sans  discussion,  et  ne  pro- 
duisit que  la  creuse  et  stérile  scolastique.  Certains  arts, 
comme  l'architecture,  trouvèrent  au  contraire  dans  la 


INTHODUCTION.  17 

religion  un  stimulant  a  des  œuvres  âiiSâl  puissantes 
qu'originales.  ,■{  qui  resteront  la  plus  grande  gloire  du 
moyen  âge. 

11.  Le  clergé  se  recrutai!  dans  toutes  les  classes,  et. 
accueillant  dfc  préfêrehéë  les  hommes  les  plus  intelli- 
gents, formait  un  heureux  contrepoids  à  l'organisation 
aristocratique  de  la  société.  Il  englobait  (c'est  un  point 
capital  sur  lequel  on  ne  saurait  trop  insister)  un  très 
grand  nombre  d'bommes  qui  étaient  tonsurés,  mais  non 
ordonnés  prêtres,  qui  pouvaient  être  mariés  en  renon- 
çant à  un  avenir  ecclésiastique,  et  n'en  restaient  pas 
moins  clercs,  justiciables  des  tribunaux  d'église  et  plus 
ou  moins  soumis  aux  évèques.  A  côté  du  clergé  pro- 
prement dit,  composé  des  prêtres  séculiers  gouvernés 
dans  chaque  diocèse  par  un  évèque  assisté  de  ses  archi- 
diacres, figurait  une  nombreuse  armée  de  moines,  qui 
longtemps  appartinrent  exclusivement  à  la  règle  de 
saint  Benoit  avec  les  réformes  successives  qu'y  appor- 
tèrent les  cisterciens,  les  clunistes,  les  chartreux,  etc. 
(c'étaient  à  l'origine  des  laïques,  liés  seulement  par  des 
vœux  ;  jUSqù'â  la  fin  beaucoup  ne  recevaient  pas  la  prê- 
trise et  ne  possédaient  pas  l'instruction  qu'elle  exigeait). 
Tous  vivaient  en  commun,  sous  la  direction  d'abbés,  et 
consacraient  ou  devaient  consacrer  leur  temps  à  la 
prière,  aux  exercices  pieux  et  au  travail.  A  beaucoup  de 
monastères  étaient  jointes  des  écoles,  et  à  des  moines 
appartiennent  non  seulement  un  nombre  immense  des 
ouvrages  latins  du  moyen  âge,  mais  beaucoup  d'ouvrages 
français,  surtout  du  genre  historique  et  didactique. 
Avec  le  xm°  siècle  apparurent  les  frères  mendiants, 
notamment  les  dominicains,  qui,  surtout  comme  prédi- 
cateurs et  maîtres,  prirent  une  influence  considérable  et 
soulevèrent  dans  le  monde  d'alors  presque  autant  d'op- 

2 


18  INTRODI  CTION. 

position  que  d'enthousiasme.  Les  abbayes  de  femmes 
étaient  aussi  très  nombreuses;  dans  quelques-unes  on 
cultivait  également  les  lettres;  cependant  la  plupart  des 
religieuses  ignoraient  le  latin.  Le  clergé  séculier  et 
régulier  exerçait  certainement  au  moyen  âge  une  grande 
influence  et  avait  une  puissance  énorme;  mais  il  ne  faut 
pas  croire  qu'il  inspirât  un  respect  et  une  terreur  sans 
restrictions  et  sans  bornes.  On  se  faisait  de  la  perfec- 
tion ecclésiastique  un  idéal  auquel  naturellement  la 
réalité  n'était  que  rarement  conforme;  de  là  contre  les 
prêtres,  les  moines,  les  nonnes,  cette  masse  de  satires 
souvent  extrêmement  âpres  et  mordantes,  mais  qui  ne 
sont  nullement  inspirées  par  l'irréligion  ni  même  par 
une  hostilité  générale  contre  le  clergé  (bien  qu'il  y  ait 
ça  et  là  des  traces  de  ce  sentiment),  qui  souvent  au  con- 
traire ont  pour  auteurs  des  membres  du  clergé  même, 
et  les  plus  ardents  à  le  vouloir  puissant  et  vénéré  et 
pour  cela  digne  de  l'être.  En  général  le  monde  des  clercs 
et  celui  des  laïques  sont  profondément  séparés  :  ils  ne 
parlent  pas  la  même  langue  (les  clercs  appellent  le  fran- 
çais lingua  laica,  les  laïcs  appellent  le  latin  clerquols)  et 
n'ont  pas  les  mêmes  aspirations  :  les  clercs  méprisent 
les  laïques,  surtout  les  bourgeois  et  les  vilains;  ceux-ci, 
de  leur  côté  (notamment  par  l'organe  des  jongleurs, 
ennemis  nés  des  clercs),  ne  cessent  de  se  moquer  des 
prêtres  et  des  moines  et  de  leur  demander  comment 
ils  pratiquent  ce  qu'ils  prêchent.  Malgré  cela,  les 
clercs  sont  les  dépositaires  de  tout  enseignement 
moral,  de  toute  science,  de  toute  pensée  réfléchie;  il 
faudra,  pour  fonder  vraiment,  comme  nous  l'avons  déjà 
dit,  la  littérature  française  sérieuse,  que  ce  soient  eux 
qui  mettent  dans  la  «  langue  des  laïques  >  ce  qu'ils 
s'étaient  réservé  jusque-là. 


INTRODUCTION.  19 

12.  Les  Germains  pénètrent  en  Gaule  dès  le  commen- 
cement du  ve  siècle  :  Vandales  et  Suèves  allant  en 
Espagne,  puis  Bourgondions  établis  à  l'est,  Visigoths 
au  sud,  Saxons  en  Normandie,  Francs  en  Belgique.  A  la 
lin  de  ce  siècle  Chlodovech  détruit  les  restes  de  la  domi- 
nation romaine  encore  subsistants  entre  la  Somme  et  la 
Seine,  et  finit  par  soumettre  la  plus  grande  partie  de  la 
Gaule,  en  plaçant  à  Paris  le  centre  de  son  pouvoir.  Les 
Francs,  et  en  général  les  Allemands  qui  s'établirent  en 
Gaule,  étaient  assez  peu  nombreux;  déjà  familiarisés 
avec  la  civilisation  romaine,  ils  cherchaient  à  en  profiter 
et  non  à  la  détruire;  la  plus  grande  ambition  de  leurs 
chefs  était  de  s'assimiler  à  cette  aristocratie  romaine 
qu'un  si  grand  prestige  entourait  encore.  Chlodovech 
élait  plus  fier  de  son  titre  de  «  patricien  romain  »  que 
de  ses  conquêtes;  son  petit-fils,  Chilpéric,  faisait  des 
vers  et  voulait  perfectionner  l'alphabet;  son  autre  petit- 
fils,  Charibert,  parlait  couramment  le  latin  et  s'occupait 
de  littérature;  le  poète  italien  Fortunat,  qui  était  venu 
chercher  sa  vie  à  la  cour  de  ces  «  Barbares  »,  disait  à 
Charibert  :  «  Quelle  doit  être  ton  éloquence  dans  ta 
langue  maternelle,  puisque  tu  nous  surpasses,  nous 
autres  Bomains,  dans  l'usage  de  la  nôtre!  »  Les  Bour- 
gondions, ou  au  moins  leurs  chefs,  avaient  plus  tôt  et 
plus  complètement  encore  adopté  les  coutumes  et  les 
mœurs  romaines.  Les  uns  et  les  autres  (les  Bourgon- 
dions déjà  avant  d'entrer  en  Gaule)  avaient  abandonné, 
pour  embrasser  le  christianisme,  leur  religion  natio- 
nale. Cette  religion,  se  rattachant  par  ses  origines  natu- 
ralistes à  celles  des  autres  peuples  indo-européens,  con- 
sidérait le  monde  comme  dominé  par  des  dieux,  les 
Anses,  qui  se  mêlaient  souvent  aux  hommes  et  étaient 
devenus  les  ancêtres  des  principales  familles  royales. 
Ces  dieux  luttaient  contre  des  êtres  hostiles,  des  espèces 


20  INTRODUCTION. 

de  Titans,  et  un  jour  le  monde  serait  renouvelé  à  la  suite 
d'un  combat  terrible  entre  les  Anses  et  les  Jotes,  où  les 
premiers  succomberaient  presque  tous.  La  terre  formait 
un  endroit  intermédiaire  entre  le  séjour  supérieur  des 
dieux,  où  les  bons  les  rejoignent  après  leur  morl.  et 
celui  des  Jotes,  inférieur  et  glacé.  On  voit  que  ces 
croyances,  d'ailleurs  sans  doute  assez  vagues  et  flot- 
tantes, n'étaient  pas  sans  avoir  avec  quelques-unes  des 
données  de  la  conception  chrétienne  une  analogie  qui 
dût  faciliter  la  conversion;  ce  qui  retint  le  plus  long- 
temps Chlodovech,  c'est  que  le  Christ  qu'on  lui  deman- 
dait d'adorer  n'était  pas  de  la  race  des  Anses.  Tandis 
que  les  Bourgondions  et  les  Visigoths  avaient  été  con- 
vertis par  des  missionnaires  ariens,  et  étaient  à  cause 
de  cela  en  horreur  au  clergé  catholique  des  pays  qu'ils 
avaient  occupés,  Chlodovech,  sous  l'influence  de  sa 
femme  et  de  l'évêque  Remigius  de  Reims,  embrassa  le 
christianisme  dans  sa  forme  catholique.  Ce  fut  un  fait 
d'une  immense  portée,  qui  facilita  beaucoup  dès  l'abord 
au  roi  franc  la  conquête  des  autres  parties  de  la  Gaule, 
puis  qui  le  mit,  ainsi  que  ses  successeurs,  dans  un  rap- 
port particulièrement  intime  avec  la  papauté,  rapport 
qui  devait  aboutir,  après  trois  siècles,  au  relèvement 
de  l'empire  d'Occident  et  à  la  constitution  du  pouvoir 
temporel  des  papes. 

13.  .Malgré  la  rapidité  apparente  de  leurromanisation. 
les  Francs  conservèrent  longtemps  leur  génie  particu- 
lier, leur  façon  de  vivre,  de  penser,  de  sentir.  Devenus 
maîtres  des  biens  de  l'État  et  des  terres  dont  ils  voulu- 
rent s'emparer,  ils  ne  s'enfermèrent  pas,  en  général, 
dans  les  cités,  mais  vécurent  isolément,  occupant  sans 
doute  les  riches  villas  des  grands  propriétaires  romains, 
et   se  réunissant   soit  pour  les   assemblées    plénières 


INTRODUCTION.  21 

tenues  parle  roi,  soit  pour  les  sessions  juridiques  moins 
nombreuses  que  présidait  le  grafo  on  comte,  suit  pour  des 
fêtes,  soit  pour  les  expéditions  militaires.  Dans  ces  occa- 
sions ils  goûtaient  en  commun  le  plaisir  de  la  poésie 
épique  pi  lyrique.  Ils  avaient  sans  doute  des  portes  sem- 
blables aux  seôpas  des  Anglo-Saxons,  qui  allaient  errant 
de  petite  cour  en  petite  cour,  chantant  leurs  hôtes,  et 
répandant  en  tous  sens  les  œuvres  écloses  en  tel  ou  tel 
lieu.  «  Ainsi,  nous  dit  l'un  de  ces  seôpas  dans  une  pièce 
qui  nous  a  été  conservée,  s'en  vont  par  le  pays  les 
chanteurs  des  hommes;  ils  disent,  leurs  besoins,  ils 
remercient  ceux  qui  les  satisfont;  toujours,  soit  au  sud, 
soit  au  nord,  ils  trouvent  quelque  ami  des  chansons, 
libéral,  et  qui,  par  eux,  obtient  une  gloire  immortelle.  » 
L'instrumept  dont  ces  poètes  germaniques  s'accompa- 
gnaient pour  chanter  était  la  harpe,  que  Fortunat,  dans 
un  distique  connu,  oppose  à  la  lyre  des  Romains,  à 
ï  ncli  ;  iliaque  des  Grecs,  à  la  rote  des  Bretons.  Mais  les 
guerriers  eux-mêmes  savaient  composer  des  poèmes  et 
les  chanter  sur  la  harpe  :  quand  le  dernier  roi  vandale, 
Gélimer,  se  vit  perdu,  il  ne  demanda  à  Bélisaire  que  de 
lui  envoyer  une  harpe  pour  chanter  ses  malheurs  et  la 
ruine  de  son  peuple;  nous  voyons  dans  le  poème  de 
Hom,  qui  reproduit  de  vieux  chants  anglo-saxons,  la 
harpe,  entre  guerriers,  passer  de  main  en  main.  Tacite 
nous  apprend  déjà  que  les  Germains  avaient  une  poésie 
épique,  à  la  l'ois  mythique  et  héroïque;  les  Francs 
semblent  avoir  possédé  leur  épopée  propre.  Leur  héros 
national  était  Sigofred,  peut-être  dieu  solaire  à  l'origine, 
devenu  le  sujet  de  chants  narratifs,  et  qui,  plus  tard, 
mêlé  à  des  traditions  bourgondionnes  et  à  des  souve- 
nirs de  l'invasion  des  Huns,  devint  le  principal  person- 
nage de  l'épopée  allemande  des  Nibelungen.  L'épopée 
mythique  des  Francs  semble  n'avoir  pas  pénétré  elle- 


ââ  INTRODUCTION. 

même   dans   l'épopée   romane   qu'elle   suscita;    on   ne 
trouve  dans  celle-ci  aucun  nom,  aucun  l'ait  qui  remonte 
à  celle-là.  Si  le  merveilleux  forgeron  Valand  est  devenu 
le  Gualant   de  nos   chansons  de  geste,  les  récits  qui 
le    concernent     leur    sont     inconnus;     sur    Auberon, 
voir  §25.  Cependant,  l'histoire  des  amours  de  Childéric 
et  de  Basine,  telle  que  la  rapportent  les  historiens  méro- 
vingiens, a  tous  les  caractères  d'un  vieux  poème  franc, 
et  on  en  retrouve  de  fort  analogues  dans  plus  d'un  de 
nos  poèmes  français  du  moyen  âge.  Les  Francs  avaient 
aussi  des  chants  lyriques,  leud,  qu'ils  accompagnaient 
également  de  la  harpe.  L'empereur   Julien,  qui   avait 
entendu  ces  chants  sur  les  bords  du  Rhin,  les  compa- 
rait aux  croassements  des  corbeaux,  et  s'étonnait  qu'on 
pût  y  prendre  plaisir;  mais  son  jugement  dédaigneux 
ne   prouve   pas    grand'chose.    Les    Francs   aimaient  à 
égayer  par  des  chansons  leurs  banquets,  qui  se  prolon- 
geaient fort  tard,  si  bien  que  Childebert  fut  obligé  de 
défendre,  par  un  édit,  de  passer  la   nuit  à  chanter  en 
buvant.  La  poésie  allemande  avait  pour  forme  des  vers 
divisés  en  deux  membres,  dans  lesquels  le  nombre  des 
syllabes  variait,  mais  le  nombre  des  temps  forts  était 
constant,  et  quelques-uns  de  ces  temps  forts  devaient 
se  composer  de  syllabes  toniques  commençant  par  la 
même  consonne  ou  par  une  voyelle  (allittération). 

14.  Directement,  la  poésie  franque  n'a  eu  que  peu 
d'intluence  sur  la  poésie  française.  Mais  la  conquête  de 
la  Gaule  par  les  Francs,  qui  en  fit  la  France,  a  été  d'une 
importance  capitale.  Les  Francs  apportèrent,  au  milieu 
de  populations  accoutumées  à  la  docilité  et  au  manque 
d'initiative  qu'entraîne  l'habitude  séculaire  d'une  admi- 
nistration puissante,  un  individualisme  et  un  esprit  d'in- 
dépendance  qui  ouvrirent  à  la  poésie  des  sources  toutes 


INTRODUCTION.  23 

nouvelles.  Leur  langue,  qu'ils  ne  tardèrent  pourtant  pns 
à  abandonner  pour  le  latin  vulgaire,  fournit  à  celui-ci, 
en  France,  une  masse  bien  plus  grande  de  mots,  cl  de 
mots  bien  plus  importants,  que  ne  l'avait  faitle  celtique: 
ce  ne  furent  pas  seulement  des  substantifs,  toujours 
facilement  empruntés  avec  les  objets  qu'ils  désignent, 
mais  des  adjectifs  et  des  verbes,  signes  de  rapports  bien 
plus  intimes,  qui  pénétrèrent  dans  la  langue  française, 
et  les  idées  qu'ils  expriment,  surtout,  font  toucher  du 
doigt  le  genre  d'influence  que  l'une  des  races  exerça  sur 
l'autre.  Citons-en  un  petit  nombre.  Beaucoup,  naturel- 
lement, se  rapportent  à  la  guerre,  et  d'abord  le  mot 
guerre  lui-même,  puis  guaile  (sentinelle)  et  ses  dérivés, 
eschiele  (bataillon),  estour  (assaut),  herberge  (camp),  maré- 
chal, geude  (infanterie);  des  noms  d'armes  offensives  ou 
défensives  :  brant,  épieu,  guigre  (sorte  de  dard),  fuerre 
(fourreau  de  l'épée),  estoc,  heut  (poignée  de  l'épée),  atgicr 
javelot),  gamboison,  broigne  (cuirasse),  targe,  blason, 
haubert,  heaume,  guige  (courroie  de  l'écu),  ou  d'objets 
d'équipement  :  éperon,  renge  (boucle),  élrier,  gonfanon, 
bannière,  etc.;  au  même  ordre  d'idées  appartiennent  les 
verbes  épier,  adouber,  fourbir,  escremir  (s  exercer  au 
maniement  de  l'épée),  guenchir  (esquiver  un  coup),  blesser 
navrer,  etc.  Les  mots  relatifs  aux  institutions  politiques, 
judiciaires  et  sociales,  soit  qu'ils  n'aient  pas  de  corres- 
pondants en  latin  ou  qu'en  romands  lésaient  remplacés, 
nous  montrent  à  quel  point  l'intervention  germanique 
avait  transformé  la  société  :  tels  sont  maller  (citer  en 
justice),  ban  et  ses  nombreux  dérivés,  faide  (guerre 
privée),  roi  (mesure,  d'où  arroi,  conroi,  etc.),  garantir, 
guerpir,  arramir  (fixer),  saisir,  gage,  nant  (d'où  nantir), 
esclate  (race),  fief,  alleu,  lige,  gaif  (sans  maître),  haschiere 
(amende),  sénéchal,  échanson,  échevin,  garçon,  bru,mainhour, 
(administrateur  judiciaire),  lagan  (droit  d'épave).   Des 


24  INTRODUCTION. 

termes  cnialuirement.  comme  robe,  bliaul,  giron,  lieuse, 
gant,  nosche  (collier),  hou  (braceleh.  guimpe,  écharpe,  aux- 
quels ne  répond  rien  en  latin  classique,  nous  font  voir, 
ainsi  que  de  nombreux  noms  de  fourrures,  le  costume 
germanique  remplaçant  le  costume  romain;  d'autres 
rendent  le  même  témoignage  pour  certains  modes  d'ha- 
bitation, comme  Ikiihij  déjà  introduit  au  111e  siècle), 
lt>ihi>au,  borde  (masure),  ou  de  construction,  comme  faite, 
iinirhet,  bord,lo<jt,  uuiwc  (chevron),  banc  (poutre),  loc  (d'où 
loquet);  nous  retrouvons  l'influence  allemande  dans 
l'ameublement  avec  banc,  fauteuil;  dans  l'outillage  fami- 
lier, la  nourriture  et  la  boisson  avec  gâteau,  rôtir,  bière, 
miés  (hydromel),  malle,  écran,  hanap,  madré  (bois  dont 
on  faisait  des  coupes),  espoi  (broche),  tondre  (amadou), 
canif,  haple,  seran,  alêne,  gourle  (bourse),  banaste  (corbeille), 
bacon  (porc  salé).  La  marine  à  voile  fut  complètement 
renouvelée  par  les  Germains,  comme  le  montrent  les 
mots  :  hune,  écoute,  mât,  lof,  cingler,  esneque  diarque  . 
rschipre  (matelot),  esturman  (pilote  ,  havre,  etc..  et  aussi 
les  noms  saxons  donnés  aux  points  cardinaux.  On  ne 
rencontre  pas  de  mots  se  rapportant  à  la  musique  ou  à 
la  poésie  (sauf  harpe,  et  lai,  emprunté  bien  plus  tard  à 
l'anglo-saxon),  mais  les  termes  de  danser,  espringuer, 
estampie,  montrent  que  les  divertissements  allemands 
furent  adoptés  par  les  Romans.  Dans  l'ordre  moral  on 
est  frappé  de  l'introduction  de  substantifs  comme  orgueil, 
guerrednn  (récompense),  four  {\xo\\pe.),jafeur  (commodité), 
cslrif  (querelle),  sm  (intelligence,  d'où  forsenc),  dru  (ami), 
d'adjectifs  comme  baud  (en  train),  gai,  gaillard,  jolif, 
graiui  (triste)]  nmrnr,  franc,  estant  orgueilleux'!,  hardi, 
riche, frais,  fcnel  (rapide),  laid,  eschevi  (svelte),  de  verbes 
comme  choisir, haït,  honnir,  hùtcr.  gehir  ^avouer),  escharnir 
(radier),  épargner,  s'esmuier  (perdre  courage,  d'où  émoi), 
effrayr   (proprement    troubler    la    paix),    tricher,   guilcr 


LY1H0M  CT10N.  25 

(tromper),  garder,  fournir,  gagner,  garnir,  guier  (guider  , 
jangler  (mal  parler),  runer  (parler  bas),  tehir  (pros- 
pérer),  etc.  Mais  combien  faut-il  que  les  envahisseurs  et 
Les  indigènes  aient  échangé  de  pensées  familières  pour 
que  ceux-ci  aient  nommé  d'après  ceux-là  des  accidents 
de  terrain  ou  de  culture,  des  objets  naturels,  des  groupes 
d'arbres  ou  des  plantes  de  leur  territoire  :  lande,  haie, 
jardin,  gazon,  bief,  bois,  gaut  (forêt),  jachère,  gerbe,  épeaulre. 
if,  houx,  framboise,  groseillier,  hêtre,  roseau,  laiche,  guède, 
mousse,  tan;  des  animaux  qui  l'habitaient  :  guaraignon 
(cheval  entier),  ran  (bélier),  frésange,  taisson,  épervier, 
çigace,  mésange,  épeiche,  héron,  hétaudcau,  uitecoc,  mouette, 
marsouin,  brème,  rée  (rayon  de  mieli,  esturgeon,  écrevisse, 
hareng,  frelon,  man  (ver  blanc);  des  parties  mêmes  de 
leur  corps  :  braon  Itoute  partie  charnue),  lippe,  qucnne 
(d'où  quenotte),  gauche, esclenc  (gauchei,  nuque,  échine,  tette, 
hanche,  rate;  pour  qu'ils  aient  reconnu  la  supériorité  de 
l'allemand  sur  le  latin  dans  la  désignation  des  couleurs, 
et  lui  aient  emprunté  les  mots  blanc,  blênie,  bleu,  bloi 
[nuance de  blond),  blond,  brun,  fauve,  gris,  hâve,  sor  (blond 
vif  :  pour  quïls  aient  pris  à  la  langue  des  nouveaux 
venus  les  deux  adverbes  guères  iqui  signifie  proprement 
beaucoup),  trop  (du  mot  torp,  assemblage),  et  des  suffixes 
comme  ard  (vieillard,  etc.),  -Qud  (sourdaud,  etc.),  -lenc 
{chamberlenc,  etc.)!  Ainsi  une  race  jeune  renouvelait  un 
monde  vieilli,  et,  en  le  faisant  retomber  momentanément 
dans  la  barbarie,  l'ignorance  et  la  brutalité,  préparait 
en  même  temps  une  évolution  qu'il  semblait  incapable 
d'accomplir.  Grâce  à  l'adoption  du  catholicisme  par  les 
Francs,  il  se  forma  entre  eux  et  les  Romans  de  Gaule 
une  véritable  unité  de  sentiments,  et  pour  la  première 
fois,  depuis  l'éclair  passager  qu'avait  allumé  Vercingé- 
torix,  une  conscience  nationale  s'éveilla  dans  notre 
pays.  Au  point  de  vue  littéraire,  le  résultat  fut  l'épopée. 


26  INTRODUCTION. 

L'épopée  française  est  le  produit  de  la  fusioa  de  l'esprit 
germanique,  dans  une  forme  romane,  avec  la  nouvelle 
civilisation  chrétienne  et  surtout  française. 

15.  Cette  épopée  a  pour  point  de  départ  et  eut  pour 
premier  sujet  le  baptême  de  Chlodovech.  Il  suscita  un 
immense  enthousiasme,  et  se  prêta  d'autant  plus  à  la 
poésie  qu'il  se  rattachait  à  l'influence  d'une  femme,  à 
un  mariage  dont  les  circonstances  avaient  été  singu- 
lières, et  à  une  de  ces  tragiques  histoires  de  vengeances 
de  famille  si  communes  dans  l'épopée  germanique.  Les 
récits  du  mariage  de  Chlodovech  que  nous  avons  sont 
visiblement  mêlés  de  traits  romanesques;  celui  de  Fré- 
dégaire,  qui   date  de  cent  cinquante  ans  après  l'événe- 
ment, doit  s'appuyer  sur  un  poème  germanique,  lequel, 
dans  la  version  des  Gesta  regum  Francorum,  postérieure 
d'un  demi-siècle,  est  fortement  christianisé  et  romanisé 
Autour  de  Chlodovech  il  se  forma,  et  sans  doute  de  très 
bonne  heure,  tout  un  cycle  épique,  dont  on  peut  croire 
avec    grande    vraisemblance    que    plusieurs    épisodes 
furent  chantés  en  latin  vulgaire,  car  on  en  retrouve  plus 
d'un  dans  la  tradition  française  postérieure,  soit  ratta- 
ché à  son  nom  même  (comme  les  miracles  du  baptême), 
soit,  ce  qui  en  prouve  encore  mieux  la  vraie  popularité, 
attribué  plus  tard  à  Charlemagne  (comme  le  cerf  qui  lui 
indique    un   gué  à   franchir,  les  murailles  de  la   ville 
assiégée  qui   s'écroulent  devant  lui,  le  péché  mystérieux 
qui    lui  est  remis  par  la  révélation  d'un  ange;.  Ainsi  la 
Langue  et  le  rythme  populaire  des  Romans  de  la  Gaule 
servaient,   pour  la  première  fois,  à  exprimer  un  idéal 
national  et  religieux  à  la  fois,  suscité,  par  un  homme 
supérieur  et  par  de   grands  événements  :   le  roi   des 
Francs  de  France,  entouré  de  ses  guerriers  et  aussi  de 
ses  clercs,  apparaissait  comme  combattant  à  la  fois  les 


INTRODUCTION.  27 

ennemis  de  l'est,  restés  païens  et  barbares,  et  les  héré- 
tiques du  midi,  et  comme  donnant  à  la  nation,  où  Francs 
et  Romans  tendaient  à  se  confondre,  la  puissance  et  la 
gloire.  Cet  idéal  une  fois  créé  ne  périt  plus  :  obscurci 
dans  les  luttes  intestines  des  Mérovingiens,  il  reparut  à 
plusieurs  reprises,  et  chaque  fois,  de  nouveau,  il  suscita 
de  l'épopée.  La  lutte  contre  les  Saxons  le  vivifia  mainte 
fois  ;  en  620,  des  envoyés  de  ces  Barbares  vinrent  à  Paris 
défier  Clotaire  II  :  le  roi  les  aurait  tués,  sans  l'interven- 
tion de  Faron,  évoque  de  Meaux,le  Turpin  de  ce  Charlc- 
magne  anticipé.  Clotaire  envoya  contre  les  Saxons  son 
fils  Dagobert;  celui-ci,  serré  de  près,  demanda  des 
secours  à  son  père,  qui  vint  le  dégager  et  tira  des  Saxons 
une  terrible  vengeance.  Tout  cela  devint  matière  à  des 
chants  épiques;  nous  les  sentons  encore  vibrer  à  travers 
les  récits  des  historiens,  et  l'auteur  d'une  Vie  de  saint 
Chilian  (vme  siècle)  nous  dit  expressément  que  sur  cette 
victoire  carmen  publicum  juxta  rusticitatem  (c'est-à-dire  en 
langue  romane  rustique)  per  omnium  volitabat  ora.  Ces 
chants  se  conservèrent  longtemps,  car  nous  retrouvons 
des  traits  qui  leur  sont  certainement  empruntés  dans  les 
chansons,  bien  postérieures,  qui  nous  sont  parvenues 
sur  les  guerres  saxonnes  de  Charlemagne.  Ce  Dagobert, 
que  nous  voyons  apparaître,  tout  jeune  guerrier,  dans 
ces  chants,  auprès  de  son  père  à  barbe  blanche,  devait 
être  plus  que  lui  un  véritable  héros  épique.  Ses  premiers 
exploits,  ses  enfances,  comme  on  disait  au  XIIe  siècle, 
étaient  chantés  dans  un  poème  qui,  à  travers  bien  des 
remaniements,  est  arrivé  jusqu'à  nous  :  le  héros  s'ap- 
pelle Floovent,  et  ce  mot  n'est  autre  qu'une  transforma- 
tion de  Flodovinc  ou  Chlodovinc,  «  le  descendant  de  Chlo- 
dovech  »,  épithète  donnée  au  jeune  prince  et  qui  a  rem- 
placé son  nom.  Le  poème  du  xip  siècle  fait  de  ce  Floovent 
le  fils  même  de  Chlodovech,  mais  c'est  là  sans  doute  une 


28  INTRODUCTION. 

altération  postérieure;  la  preuve  que  ce  poème  conserve 
cependant  quelque  chose  des  vieux  récits,  c'est  qu'il 
débute  par  nous  raconter  comment  le  héros  fut  banni 
par  son  père  pour  avoir  gravement  insulté  ien  lui  cou- 
.pant  la  barbe)  un  de  ses  plus  hauts  barons;  or  cette 
histoire  se  retrouve  dans  une  légende  monacale  du 
commencement  du  ix°  siècle,  les  Gcsta  Dagob&rti,  qui 
puisait  sans  doute  à  la  même  source  épique  (disons 
cependant  qu'on  peut  croire  aussi  que  le  héros  primitif 
du  poème  est  bien  un  fds  de  Chlodovech.  et  que  l'anec- 
dote en  question  a  été  mise  à  tort  par  l'auteur  des  Gesta 
au  compte  du  jeune  Dagobert).  Devenu  roi,  Dagobert, 
plus  qu'aucun  de  ses  prédécesseurs,  sembla  réaliser  ce 
que  la  nation  franco-romane  attendait  de  son  chef.  Il 
combattit  victorieusement  à  l'est  les  Saxons  et  même 
les  Slaves  nouvellement  apparus  sur  la  scène,  à  l'ouest 
les  Bretons  d'Armorique,  au  sud  les  Goths  d'Espagne  : 
plus  d'une  de  ces  guerres  dut  susciter  des  chants,  qui 
ont  peut-être  laissé  des  traces  dans  l'épopée  carolin- 
gienne; ainsi  la  Chanson  de  Roland,  quoique  inspirée  par 
un  événement  réel  arrivé  en  778,  a  bien  pu  emprunter 
quelques  traits  à  la  tragique  aventure  du  duc  Haribert, 
surpris  et  tué,  cent  soixante  ans  auparavant,  avec  dix 
autres  puissants  chefs  francs,  dans  une  vallée  des  Pyré- 
néen. La  mort  de  Dagobert  (639)  paraît  aussi  avoir  servi 
de  thème  à  des  récits  d'un  caractère,  il  est  vrai,  plus 
particulièrement  clérical,  qui  se  trouvent  reproduits  à 
propos  de  Charlemagne  dans  la  chronique  du  prétendu 
Turpin.  Avec  la  prépondérance  qu'acquirent  bientôt  les 
Austrasiens,  c'est  à-dire  les  Francs  orientaux  non  roma- 
nisès,  la  conscience  de  la  nouvelle  nation,  en  train  de  se 
former,  dut  un  instant  hésiter;  mais  elle  commença, 
sous  une  forme  un  peu  autre,  à  se  retrouver  quand  le 
premier  Charles,  par  la  victoire  de  Poitiers,  montra  de 


INTRODUCTION.  29 

nouveau,  avec  un  éclat  incomparable,  Jes  Francs  dans 
leur  pôle  de  <hefs  et  de  protecteurs  de  la  chrétienté.  La 
population  romane  célébra  comme  les  Austrâsiens  le 
redoutable  «  marteau  «  qui  venait  d'écraser  les  plus 
dangereux  ennemis  de  la  civilisation  et  de  la  religion 
occidentales;  elle  ne  fit  pas  moins  bon  accueil  au  règne 
de  Pépin,  et  celui  de  son  fils  Charles  fut  marqué  par 
une  exaltation  de  l'activité  épique  égale  à  la  grandeur 
déS  événements  qu'il  vit  s'accomplir.  Ainsi  se  compléta, 
dans  le  milieu  des  guerriers  neustriens.  germains  d'ori- 
gine, romans  de  langue,  la  genèse  de  l'épopée  nationale 
française.  * 

16.  Des  quatre  éléments  que  nous  avons  passés  en 
revue,  le  fond  obscur  celtique,  l'assimilation  romainr. 
le  christianisme  et  le  germanisme,  sortit,  après  une  éla- 
boration de  plusieurs  siècles,  la  société  française  delà 
période  qui  nous  occupe  (du  xie  siècle  au  second  tiers 
du  \ive).  Cette  société  est  la  société  féodale;  elle  se  carac- 
térise par  la  division  des  hommes  en  quatre  classes  bien 
distinctes  :  les  nobles,  habitant  généralement  des  châ- 
teaux isolés,  reliés  les  uns  aux  autres  par  une  hiérar- 
chie de  protection  et  de  services;  les  bourgeois,  habi- 
tant les  villes,  munis  de  certains  droits  à  rencontre  des 
seigneurs  et  s'administrant  plus  ou  moins  librement:  les 
vilains,  cultivant  la  terre,  le  plus  souvent  sans  la  pos- 
séder, et  dans  des  conditions  variées  qui  vont  de  l'escla- 
vage absolu  à  la  pleine  liberté  en  passant  par  les  degrés 
du  servage,  du  colonat,  etc.  ;  enfin  les  clercs,  auxquels 
appartiennent  non  seulement  ceux  qui  remplissent  des 
fonctions  réellement  ecclésiastiques,  mais  tous  ceux  qui 
exercent  les  arts  libéraux,  les  maîtres  de  tout  genre,  les 
notaires,  les  avocats,  les  employés  de  chancellerie,  les 
scribes  et  copistes,  les  médecins,  etc.  En  face  des  trois 


30  [NTRODUCTION. 

premières  catégories,  lesclercs  forment  un  monde  séparé, 
qui  a  sa  langue  à  lui,  qui,  voué  en  grande  majorité  au 
célibat,  se  recrute  dans  les  autres  classes,  mais  trans- 
forme complètement  ceux  qu'il  adopte.  Parmi  les  nobles 
et  les  bourgeois,  l'instruction  est  extrêmement  rare; 
savoir  lire  et  savoir  le  latin  sont  à  peu  près  la  même 
chose,  et  Tune  et  l'autre  science  sont  réservées  aux 
clercs.  Les  exceptions  ne  manquent  pas  cependant, 
notamment  dans  les  hautes  classes,  où  des  femmes 
même  ont  souvent  un  savoir  de  clercs;  les  rois  sont 
généralement  quelque  peu  lettrés.  Mais  l'habitude  de  la 
lecture  est  si  peu  répandue  que  les  œuvres  littéraires  en 
langue  vulgaire  sont  composées  pour  être  ou  chantées 
ou  tout  au  moins  lues  à  haute  voix  devant  des  illettrés; 
la  lecture  solitaire  apparaît  quelquefois  aussi,  le  plus 
souvent  pour  les  femmes.  Plus  tard  tout  se  modifie  :  une 
littérature  sérieuse,  par  les  soins  des  clercs,  se  produit 
en  français,  et  sa  nature  même  la  destine  à  être  goûtée 
par  les  yeux  bien  mieux  que  par  les  oreilles.  Mais  elle 
reste  toujours  pour  les  gens  véritablement  instruits  une 
chose  secondaire,  de  peu  de  valeur,  destinée  à  ceux  qui 
ne  peuvent  aborder  directement  les  vraies  sources.  Pen- 
dant la  longue  période  dont  il  s'agit,  la  physionomie  de 
la  société  française  ne  subit  pas  de  très  graves  modifi- 
cations, bien  que  cette  période  voie  le  commencement 
et  la  fin  du  grand  mouvement  des  croisades,  la  lutte 
entre  l'Empire  et  la  papauté,  la  conquête  de  l'Angleterre 
et  l'annexion  à  ce  royaume,  pour  un  temps,  d'une  partie 
de  la  France.  Du  commencement  à  la  fin,  la  royauté 
travaille  sans  relâche  à  l'augmentation  de  son  pouvoir 
et  à  la  diminution  de  l'indépendance  féodale  et  munici- 
pale; mais  il  n'y  a  aucune  tentative  de  révolution  d'en 
haut  ou  d'en  bas,  et  les  principes  sur  lesquels  repose  la 
société  sont  toujours  les  mêmes.  Le   nom   que   nous 


INTRODUCTION.  31 

avons  donné  an  «  moyen  âge  »  indique  combien  il  fut 
réellement  transitoire,  et  cependant  ce  qui  le  caracté- 
rise le  plus  profondément,  c'est  son  idée  de  l'immuta- 
bilité des  choses.  L'antiquité,  surtout  dans  les  derniers 
siècles,  est  dominée  par  la  croyance  à  une  décadence 
continue;  les  temps  modernes,  dès  leur  aurore,  sont 
animés  par  la  foi  en  un  progrès  indéfini;  le  moyen  âge 
n'a  connu  ni  ce  découragement  ni  cette  espérance.  Pour 
les  hommes  de  ce  temps,  le  monde  avait  toujours  été 
tel  qu'ils  le  voyaient  (c'est  pour  cela  que  leurs  peintures 
de  l'antiquité  nous  paraissent  grotesques),  et  le  juge- 
ment  dernier  le  trouverait  tel  encore.  Cela  n'empêche 
pas  la  littérature  d'être  pleine,  sur  la  marche  constante 
de  toutes  choses  du  mal  au  pis,  de  lamentations  banales 
répétées  de  celles  des  anciens;  mais  il  ne  s'agit  là  que 
des  vertus  et  des  mœurs,  non  des  institutions,  que  per- 
sonne n'a  l'idée  de  croire  susceptibles  de  changement. 
Le  monde  matériel  apparaît  à  l'imagination  comme 
aussi  stable  que  limité,  avec  la  voûte  tournante  et  cons- 
tellée de  son  ciel,  sa  terre  immobile  et  son  enfer;  il  en 
est  de  même  du  monde  moral  :  les  rapports  des  hommes 
entre  eux  sont  réglés  par  des  prescriptions  fixes  sur  la 
légitimité  desquelles  on  n'a  aucun  doute,  quitte  à  les 
observer  plus  ou  moins  exactement.  Personne  ne  songe 
à  protester  contre  la  société  où  il  est,  ou  n'en  rêve  une 
mieux  construite;  mais  tous  voudraient  qu'elle  fût  plus 
complètement  ce  qu'elle  doit  être.  Ces  conditions  enlè- 
vent à  la  poésie  du  moyen  âge  beaucoup  de  ce  qui  fait 
le  charme  et  la  profondeur  de  celle  d'autres  époques  : 
l'inquiétude  de  l'homme  sur  sa  destinée,  le  sondement 
douloureux  des  grands  problèmes  moraux,  le  doute  sur 
les  bases  mêmes  du  bonheur  et  de  la  vertu,  les  conflits 
tragiques  entre  l'aspiration  individuelle  et  la  règle 
sociale.  D'autre  part,  ni  la  société  ni  la  littérature  du 


32  INTRODUCTION. 

moyen  âge  ne  possèdent  l'heureuse  harmonie  qui 
marque  de  son  empreinte  les  œuvres  du  génie  pire.  Le 
un  unie  d'alors  est  étroit,  factice,  conventionnel;  le  sen- 
timent de  la  beauté  est  à  peu  près  complètement  absent 
des  fîmes  et  même  la  connaissance,  qui  ne  fut  jamais 
abolie,  des  chefs-d'œuvre  classiques  latins  né  suffît  pas, 
jusqu'à  Dante,  à  le  susciter.  L'originalité  de  la  littéra- 
ture française  du  moyen  âge  est,  d'une  pari,  dans  l'ex- 
pression naïve  el  souvent  puissante,  par  l'épopée,  des 
passions  ardentes  de  la  société  féodale;  d'autre  part, 
dans  la  peinture  des  relations  nouvelles  des  deux  sexes, 
telles  qu'elles  se  formèrent  sous  la  double  influence  du 
christianisme,  qui  avait  relevé  la  position  des  femmes, 
et  de  la  courtoisie,  qui  les  mit  sur  un  piédestal  plus  appa- 
rent que  réel,  mais  brillant  et  poétique:  elle  est  encore 
dans  quelques  beUVrea  issues  d'un  milieu  plus  bourgeois, 
où  se  marquent  en  traits  déjà  distincts  plusieurs  des 
qualités  les  plus  frappantes  du  génie  français  :  le  bon 
sens,  l'esprit,  la  malice,  la  bonhomie  fine,  la  grâce 
légère  et  le  bonheur  de  l'expression  vive  et  juste.  En 
somme,  le  grand  intérêt  de  cette  littérature,  ce  qui  en 
rend  surtout  l'étude  attrayante  et  fructueuse,  c'est  qu'elle 
nous  révèle  mieux  que  tous  les  documents  historiques 
l'état  des  mœurs,  des  idées,  des  sentiments  de  nos  aïeux 
pendant  une  période  qui  ne  fut  ni  sans  éclat  ni  sans 
profit  pour  notre  pays,  et  dans  laquelle,  pour  la  pre- 
mière fois  et  non  pour  la  dernière,  la  France  eut  à 
l'égard  des  nations  avoisinantes  un  rôle  partout  accepté 
d'initiation  et  de  direction  intellectuelle,  littéraire  et 
sociale. 

17.  Toute  littérature  est  narrative,  didactique  [sàttHque), 
lyrique,  dramatique.  Ces  deux  derniers  genres,  au  moyen 
âge,  ne  sont  cultivés  qu'eu  vers;  pour  les  deux  premiers, 


INTRODUCTION.  33 

au  moins  à  partir  d'une  certaine  époque,  on  s'est  aussi 
servi  de  la  prose,  mais  les  vers  ont  été  employés  à  une 
foule  d'usages  auxquels  on  ne  les  l'ait  plus  guère  servir 
aujourd'hui.  Nous  classerons  les  œuvres  narratives  et 
didactiques  suivant  leurs  sujets,  sans  séparer  celles  qui 
sont  en  vers  de  celles  qui  sont  en  prose.  Nous  distin- 
guerons la  littérature  religieuse,  œuvre  exclusive  des 
clercs,  de  la  littérature  profane,  à  laquelle  ils  ont  pris 
une  grande  part,  mais  qui,  dans  ses  formes  les  plus 
importantes,  ne  leur  appartient  pas.  Chacune  de  ces 
deux  parties  recevra  les  quatre  subdivisions  indiquées 
ci-dessus. 


PREMIERE   PARTIE 

LITTÉRATURE     PROFANE 


SECTION  I 

LITTÉRATURE    NARRATIVE 


CHAPITRE   I 


L  EPOPEE    NATIONALE 


18.  On  prend  souvent  le  mot  épopée  dans  le  sens  de 
«  poème  épique  »  ;  nous  ne  lui  donnerons  que  le  sens 
de  «  production  épique,  ensemble  de  poèmes  épiques  ». 
L'épopée  n'appartient  pas  à  toutes  les  races,  ni,  dans  la 
nôtre,  à  toutes  les  nations;  elle  ne  se  produit  qu'à  une 
certaine  époque  de  leur  existence.  —  Elle  est  mythique, 
c'est-à-dire  qu'elle  a  pour  sujet  une  mythologie,  plus  ou 
moins  oubliée  comme  telle,  qu'elle  transforme  en  his- 
toire humaine,  ou  historique,  c'est-à-dire  qu'elle  a  pour 
base  des  événements  réels  plus  ou  moins  altérés  par 
l'imagination  et  certaines  tendances  (l'épopée  purement 
fictive  ne  vient  que  plus  tard).  —  Dans  ce  dernier  cas, 
qui  est  celui  de  l'épopée  française,  elle  s'appuie,  au 
moins  à  l'origine,  sur  des  chants  contemporains  des 
événements  :  elle  peut  être  définie  une  histoire  poétique 


36  LITTERATURE    NARRATIVE. 

l'ondée  sur  une  poésie  nationale  antérieure.  —  L'épopée 
a  nécessairement  un  caractère  général,  c'est-à-dire 
qu'elle  exprime  l'idéal  et  les  sentiments  de  la  nation 
tout  entière,  ou  au  moins  de  la  classe  aristocratique  et 
guerrière,  comme  en  France.  —  Elle  est  ordinairement 
belliqueuse,  car  la  guerre  contre  l'étranger  est  ce  qui 
donne  aux  hommes  un  enthousiasme  commun  et  le  sen- 
timent de  leur  solidarité.  —  Elle  est  nationale  par  là 
même;  elle  l'est  encore  en  ce  qu'elle  n'emprunte  au 
dehors  ni  son  sujet  ni  sa  forme;  elle  est  la  création  la 
plus  spontanée  et  la  plus  directe  du  génie  national. 
Aussi  l'auteur  de  l'épopée  a-t-il  une  personnalité  fort 
peu  marquée  :  il  ne  commence  à  être  distinct  que  dans 
une  période  déjà  voisine  de  la  décadence.  Le  style  n'a 
rien  d'individuel  :  c'est,  comme  on  l'a  dit  excellemment, 
un  «  style  national  ». 

19.  Nous  avons  vu  plus  haut  comment  l'épopée  s'était 
préparée  en  France  sous  les  Mérovingiens,  dont  quel- 
ques règnes  glorieux,  semblant  réaliser  plus  ou  moins 
l'idéal  de  la  nouvelle  nation  sortie  de  la  fusion  des  élé- 
ments romain,  chrétien  et  barbare,  furent  l'objet  de 
chants  nationaux  à  la  fois  en  allemand  et  en  roman.  — 
L'épopée  s'exalta  sous  Charles  Martel  :  les  chants  qu'ins- 
pirèrent les  aventures  de  sa  jeunesse  et  plusieurs  de  ses 
exploits  se  sont  perpétués,  en  se  transformant,  dans 
quelques-uns  des  poèmes  relatifs  à  son  petit-fils.  — 
Pépin  a  été  aussi  le  sujet  de  beaucoup  de  chants,  dont 
la  plupart  sont  perdus;  mais  son  souvenir,  comme  père 
de  Charlemagne,  s'est  maintenu  dans  l'épopée.  —  Le 
règne  de  Charlemagne,  où  les  aspirations  depuis  long- 
temps éveillées  furent  enfin  presque  entièrement,  satis- 
faites, suscita  une  production  de  chants  nationaux  plus 
riche  que  jamais  :  ceux  qui,  à  travers  de  nombreux 


l'épopkf.  nationale.  37 

.remaniements,  ont  survécu  dans  l'épopée  postérieure 
étaient  tous  sans  doute  originairement  composés  en 
français.  L'existence  de  ces  chants  contemporains  est 
attestée  par  divers  auteurs;  la  guerre  d'Espagne  (778), 
terminée  par  un  désastre  qui  fit  une  profonde  impression, 
en  inspira  surtout  un  grand  nombre.  —  Louis,  fils  de 
Charles,  continua  quelque  temps  la  splendeur  de  rem- 
plie, et  son  nom  fut  d'autant  mieux  associé  à  celui  de 
son  père  qu'il  était  déjà  mêlé  aux  guerres  contre  les 
Sarrasins  du  midi  de  la  France  et  du  nord  de  l'Espagne, 
poursuivies  par  lui  pendant  de  longues  années  avant 
qu'il  fût  empereur.  —  Les  Charles  et  les  Louis  qui 
régnèrent  par  la  suite  furent  confondus,  dans  la  tradi- 
tion épique,  avec  les  premiers  Carolingiens  qui  avaient 
porté  ces  noms;  en  sorte  que  l'épopée  déroule  tous  ses 
épisodes  devant  une  triade  royale  composée  uniformé- 
ment de  Pépin,  Charles,  Louis  (Charles  Martel  étant  à 
l'écart  et  sans  lien  bien  net  avec  les  autres,  et  confondu 
d'autre  part  avec  Charles  le  Chauve).  —  Quand  l'empire 
commença  à  s'écrouler  dans  les  guerres  des  fils  de 
Louis  Ier  contre  leur  père  et  entre  eux,  il  y  eut,  semble- 
t-il,  un  immense  désarroi  dans  l'activité  épique  :  ces 
luttes  déplorables  n'ont  pas  laissé  de  traces.  Mais  à 
l'époque  immédiatement  suivante,  quand  sur  les  débris 
de  la  monarchie  carolingienne  s'élève  et  s'organise  la 
féodalité,  les  chants  épiques  renaissent,  se  renouvellent 
et  expriment  l'idéal  féodal.  —  Les  derniers  événements 
dont  l'épopée  ait  conservé  le  souvenir  appartiennent  à 
la  -econde  moitié  du  Xe  siècle  (voir  §  25  et  §  39)  :  avec 
l'avènement  de  la  troisième  race  la  période  de  produc- 
tion épique  spontanée  est  close  (nous  parlerons  plus 
loin  des  poèmes  inspirés  par  les  premières  croisades). 
—  Ainsi,  préparée  depuis  Chlodovech,  commençant 
vraiment  avec  Charles  Martel,  à  son  apogée  sous  Charle- 


38  LITTERATURE    NARRATIVE. 

magne,  renouvelée  puissamment  sous  Charles  le  Chauve 
et  ses  premiers  successeurs,  la  fermentation  épique,  si 
l'on  peut  ainsi  dire,  d'où  devait  sortir  l'épopée  s'arrête 
au  moment  où  la  nation  est  définitivement  constituée 
et  a  revêtu  pour  quelques  siècles  la  forme  féodale. 

20.  D'ailleurs,  à  côté  des  chants  traditionnels  légués 
par  les  générations  antérieures,  et  qui  avaient  des 
sujets  généraux,  la  société  féodale,  si  tumultueusement 
individualiste,  créait  une  poésie  à  son  image.  Les  faits 
de  guerre  donnaient  lieu  sur  le  moment  même  à  des 
chansons  élogieuses  ou  satiriques  sur  la  conduite  de 
chacun,  qui  étaient  fort  ambitionnées  ou  redoutées;  ces 
chansons,  d'un  caractère  surtout  lyrique,  contenaient 
nécessairement  un  élément  épique.  Peu  à  peu,  dans  les 
chansons  qui  se  conservaient  au  delà  de  l'événement 
même,  cet  élément  épique  alla  en  s'amplifiant  et  finit 
par  supprimer  l'élément  lyrique.  La  poésie  épique  allait 
ainsi  s'accroissant  et  se  renouvelant  sans  cesse.  Elle 
naissait  et  se  développait  dans  la  classe  guerrière, 
comprenant  les  princes,  les  seigneurs  et  tous  ceux  qui 
se  rattachaient  à  eux.  Ils  jouissaient  des  chants  épiques 
de  deux  manières  :  1°  en  se  les  faisant  chanter  pour 
charmer  leurs  loisirs,  par  exemple  à  table  pendant  ou 
après  le  repas,  dans  les  fêtes  où  ils  réunissaient  leurs 
amis  et  leurs  vassaux,  dans  les  jardins  où  ils  se  repo- 
saient, pendant  leurs  longs  voyages  à  cheval;  2°  en  les 
faisant  exécuter  quand  ils  marchaient  au  combat  :  nous 
trouvons  encore  des  exemples  de  cet  usage  à  la  fin  du 
xie  siècle.  A  l'origine,  plus  d'un  de  ces  hommes  d'armes 
composait  sans  doute  lui-même  et  chantait  ces  chants 
épiques;  mais  de  bonne  heure  il  y  eut  une  classe  spé- 
ciale de  poètes  et  d'exécutants.  Ces  hommes,  héritiers 
en    partie   des  scôpas   francs,    s'appelèrent  en   français 


l'épopée  nationale.  39 

fàglers  (joculares)  ou  joglc<lors  (joculatores),  plus  tard  jou- 
gleors,  jongleurs  (jongleur  est  une  forme  toute  moderne), 
comme  les  musiciens  ambulants  et  faiseurs  de  tours 
légués  à  la  société  nouvelle  par  la  société  gréco- 
romaine.  Nous  ne  les  trouvons  pas  expressément  men- 
tionnés  avant  le  ixc  siècle,  et  ce  n'est  qu'à  cette  époque 
qu'ils  ont  pu  exister  tels  que  nous  les  connaissons  par 
les  descriptions  postérieures,  c'est-à-dire  munis  du 
violon  (en  anc.  fr.  vielle),  dont  ils  s'accompagnaient 
pour  chanter  et  qu'ils  jouaient  avec  un  archet  (anc.  fr. 
arçon)  beaucoup  plus  recourbé  que  le  nôtre  :  en  effet,  cet 
instrument  ne  paraît  pas  avoir  été  transmis  avant  cette 
époque  aux  Occidentaux  par  les  Arabes  qui  le  tenaient 
eux-mêmes  des  Persans.  Les  jongleurs,  comme  les 
anciens  poètes  barbares,  allaient  de  cour  en  cour,  de 
château  en  château,  accompagnaient  souvent  les  expé- 
ditions et  prenaient  part  aux  combats.  Plus  tard,  quand 
les  bourgeois  des  villes  s'intéressèrent  à  leurs  chants, 
ils  baissèrent  d'un  degré  et  stationnèrent  sur  les  places 
publiques,  faisant  la  quête  avant  ou  après  chaque  exé- 
cution. Plus  tard  encore  la  décadence  alla  plus  loin  :  le 
nom  des  jongleurs  reprit  et  a  gardé  uniquement  le  sens 
de  «  faiseurs  de  tours  »  qu'il  avait  eu  à  l'origine;  leurs 
chansons,  qui  ne  plaisaient  plus  qu'au  petit  peuple,  lui 
furent  chantées  par  des  aveugles,  et  le  nom  de  vielle,  en 
se  dégradant,  passa  à  l'instrument  grossier  dont  ceux- 
ci  accompagnaient  leur  psalmodie  (il  paraît  s'être 
appelé  à  l'origine  cifoine,  c'est-à-dire  symphonia)).  — 
Les  jongleurs  ont  joué  un  rôle  capital  dans  la  forma- 
tion et  le  développement  de  l'épopée  française.  Les 
anciens  chants  sur  Charles  Martel,  Pépin,  Charlemagne, 
avaient  un  caractère  tout  national  (déjà  cependant  pro- 
vincial en  partie,  voir  plus  bas  sur  le  Roland);  mais 
l'épopée  féodale  avait  nécessairement  un  caractère  pro- 


40  LITTERATURE   NARRATIVE. 

vincial  :  ainsi  Girard  de  Roussillon,  Raoul  de  Cambrai, 
Guillaume  de  Montreuil.  n'étaient  chantés  que  dans  les 
pays  où  ils  avaient  vécu  ou  qui  leur  avaient  appartenu. 
Les  jongleurs  colportèrent  les  chants  épiques  de  lieu 
en  lieu,  se  les  communiquèrent  les  uns  aux  autres,  les 
rattachèrent  par  des  liens  de  leur  invention,  les  fondi- 
rent et  les  unifièrent.  Ainsi  se  constitua  une  immense 
matière  épique,  qui,  vers  le  milieu  du  xie  siècle,  com- 
mença à  se  distribuer  en  longs  poèmes  et  plus  tard  se 
répartit  en  cycles. 

21.  Nés  des  événements,  exprimant  les  sentiments  de 
ceux  qui  y  prenaient  part,  les  chants  épiques  préten- 
daient être  véridiques,  et  à  l'origine,  sauf  la  déforma- 
tion inévitable  imposée  à  la  réalité  par  la  passion,  ils 
Tétaient.  De  là  le  nom  qu'ils  prirent  sans  doute  de 
bonne  heure  et  qu'ils  transmirent  aux  poèmes  posté- 
rieurs, le  nom  de  chansons  de  geste.  Le  mot  latin  gesta, 
signifiant  c  actions  >,  avait  été,  à  la  basse  époque,  le 
titre  de  plusieurs  ouvrages  historiques,  comme  les 
Francorum  ;  ce  pluriel  neutre  devint,  comme  tant 
d'autres,  un  singulier  féminin,  et  le  mot  geste  prit  le  sens 
d'  «  histoire  ».  Une  chanson  de  geste  est  donc  proprement 
une  «hanson  qui  a  pour  sujet  des  faits  historiques.  On 
a  dit  plus  tard,  mais  assez  rarement  en  français  propre, 
une  geste  tout  court  pour  un  poème  épique,  et  en  Angle- 
terre ce  mot,  en  descendant  jusqu'au  sens  actuel  de  jest, 
«  plaisanterie,  farce  »,  montre  la  décadence  parallèle 
des  chanteurs  de  geste.  On  appela  aussi  geste  un  certain 
groupe  de  traditions  épiques  (à  peu  près  ce  que  nous 
nommons  un  cycle),  et  par  suite  la  famille  qui  fournissait 
les  héros  de  ce  groupe,  la  famille  épique,  comme  nous 
•  lisons  aussi.  —  Les  chansons  de  geste  étaient  toujours 
çn  laisses,  d'un  nombre  indéfini  de  vers  sur  la  même 


L  EPOPEE   NATIONALE.  41 

assonance,  puis,  plus  tard,  sur  la  même  rime.  Jusqu'à  la 
fin  de  leur  existence,  elles  furent  réellement  chantées, 
avec  accompagnement  de  vielle,  puis  de  cifoine;  mais  il 
arrivait  souvent,  quand  on  n'avait  pas  de  jongleur  ni 
d'instrument  sous  la  main,  qu'on  les  chantait  sans 
accompagnement.  Ainsi  le  valet  de  Guillaume  d'Orange, 
dans  le  Montage  Guillaume,  lui  chante  une  chanson  de 
geste,  dont  Guillaume  lui-même  est  le  héros,  pendant 
qu'ils  traversent  à  cheval  une  forêt;  Lambert  d'Oridon, 
dans  Auberi  le  Bourguignon,  chante  à  son  hôte,  en  lui 
versant  à  boire,  des  morceaux  de  Floovent.  —  La  mélodie 
qui  accompagnait  les  chansons  de  geste  devait  être  très 
simple  :  nous  ne  l'avons  conservée  pour  aucune  (sauf  pour 
un  vers  d'Audigier,  §31).  A  en  juger  par  celle  des  parties  en 
vers  d'Aucassin  et  Nicolette  (§  51),  et  par  celle  de  quelques 
chansons  de  toile  (§  118),  qui  sous  ce  rapport  peuvent 
s'être  comportées  de  môme,. le  premier  vers  de  chaque 
laisse  avait  un  air,  le  second  en  avait  un  autre;  tous  les 
vers  impairs  se  chantaient  comme  le  premier,  tous  les 
vers  pairs  comme  le  second;  le  dernier  avait  une  modu- 
lation à  lui ,  comme  il  avait  souvent  une  forme  à  lui. 
Chaque  poème  paraît  avoir  eu  sa  mélodie  spéciale  : 
Jean  Bodel  dit  que  ses  rivaux  ne  savent  des  Saisnes  (§  24) 
ne  les  vers,  ne  le  chant;  ailleurs  il  est  parlé  de  la  manière 
du  vieux  Fromont  (un  des  héros  des  Lorrains,  §  25);  mais 
on  ne  voit  pas  ce  qui  pouvait  empêcher  un  jongleur  de 
chanter  sur  le  même  air  diverses  chansons  versifiées 
de  même. 

22.  De  la  première  période  épique,  qui  se  termine 
environ  avec  le  Xe  siècle,  nous  n'avons  aucun  monument. 
Les  trois  poèmes  auxquels  on  peut  attribuer  la  plus 
haute  antiquité  (Roland,  le  Pèlerinage  de  Charlemagne,  le 
Roi  Louis)  sont,  dans  l'état  où  ils  nous  sont  parvenus, 


42  LITTÉRATURE    NARRATIVE. 

de  la  seconde  moitié  duxie  siècle,  et  on  ne  peut  pas  dire 
qu*il  s'agisse  de  simples  rajeunissements  île  forme  :  ils 
présentent  des  traits  qui  ne  peuvent  être  antérieurs  à 
cette  époque.  En  dehors  de  ces  trois  poèmes,  tout  ce 
que  nous  avons  est  postérieur,  remanié,  altéré  de  toute 
façon.  En  outre  les  manuscrits  qui  nous  ont  conservé 
les  poèmes  oe  sont  pas.  ils  s'en  faut,  ou  les  originaux 
ou  contemporains  des  originaux  :  ils  leur  sont  posté- 
rieurs d'un  siècle  ou  de  deux  et  ne  les  reproduisent  pas 
fidèlement.  —  Les  poèmes  de  la  troisième  période  vont 
du  début  du  xne  siècle  jusque  vers  la  fin  de  ce  siècle 
environ;  ils  se  composent  de  renouvellements  d'anciens 
chants  dont  nous  ne  connaissons  pas  directement  la 
forme,  de  compléments  ajoutés  pour  raccorder  ces 
chants  entre  eux,  et  déjà,  surtout  vers  la  fin,  d'inven- 
tions pures;  car  l'épopée,  éloignée  des  événements  qui 
lui  ont  donné  naissance,  réduite  à  être  une  récréation 
pour  les  chevaliers,  s'accroît  naturellement  sous  les 
mains  des  jongleurs  de  récits  qui  d'abord  ne  s'éloignent 
pas  des  anciens  thèmes,  mais  qui  vont  s'en  écartant  de 
plus  en  plus.  —  La  quatrième  période  s'étend  de  la  fin 
du  xiic  siècle  au  milieu  du  XIVe  siècle;  elle  ne  comprend 
plus  que  des  rifacimenti  des  poèmes  de  la  période  pré- 
cédente, des  inventions  sans  valeur  ou  des  adaptations 
de  sujets  originairement  étrangers  à  l'épopée  nationale. 
C'est  la  période  proprement  cyclique,  où  on  rattache 
arbitrairement,  par  des  liens  généalogiques,  tous  les 
héros  et  conséquemment  tous  les  poèmes  les  uns  aux 
autres.  Depuis  la  fin  de  la  période  précédente,  les  auteurs 
des  poèmes  abandonnent  l'assonance  pour  la  rime,  ce 
qui  amène  le  renouvellement  des  poèmes  antérieurs  qui 
ont  encore  du  succès:  mais  on  conserve  toujours  la 
forme  de  la  laisse,  qui  devient  de  plus  en  plus  longue. 
—  Passé  cette  époque  (cf.  cependant  £  30),  on  ne  com- 


L  EPOPEE    NATIONALE.  43 

pose  plus  de  chansons  de  geste,  et,  bientôt  on  ne  chante 
plus  celles  qui  existent.  On  les  copie  encore  en  vers 
jusque  vers  la  fin  du  xv°  siècle;  mais  avant  le  milieu  de 
ce  siècle  on  commence,  pour  s'accommoder  au  goût 
du  jour,  à  mettre  en  prose  celles  dont  le  sujet  inté- 
resse encore.  Les  «  romans  de  chevalerie  »  qui,  sous 
cette  forme,  se  trouvèrent  en  faveur  au  moment  de  la 
découverte  de  l'imprimerie  furent  imprimés  alors; 
par  une  série  de  déchéances  successives,  ils  formèrent 
une  partie  de  la  «  bibliothèque  bleue  »,  et  ils  n'ont 
pas  encore  tout  à  fait  disparu  de  la  littérature  popu- 
laire. 

23.  Des  trois  périodes  de  notre  épopée  (1050-1120, 
1100-1180,  1150-1360)  qui  suivirent  la  première,  nous 
avons  conservé  un  grand  nombre  de  poèmes  (sans 
parler  de  rédactions  en  prose),  dans  des  manuscrits 
qui  vont  de  1160  (ou  1170)  à  1470  environ.  La  masse 
énorme  des  vers  que  renferment  ces  manuscrits  n'est 
rien  en  comparaison  de  celle  qui  a  existé.  De  ce  qui  nous 
est  parvenu,  une  faible  partie  seulement  est  publiée, 
mais,  sauf  exception,  ce  qui  reste  inédit  n'a  pas  une 
haute  valeur.  —  Dès  le  moyen  âge,  on  a  essayé  de 
classer  ces  poèmes  en  cycles  ou  gestes  (voir  §  21).  Un 
premier  travail,  dû  à  quelque  jongleur,  distingua  trois 
gestes,  rattachées  à  trois  chefs  de  famille  :  Pépin  (geste 
du  roi),  Garin  de  Monglane,  Doon  de  Mayence.  En  dehors 
de  ces  trois  gestes  restèrent  les  poèmes  consacrés  aux 
Mérovingiens  et  ceux  qui  concernent  Charles  Martel  (con- 
fondu avec  Charles  le  Chauve).  En  gros,  la  geste  du  roi 
raconte,  outre  les  événements  de  famille  de  la  race 
royale,  les  guerres  générales  ;  celle  de  Garin  de  Monglane 
a  pour  sujet  la  conquête  ou  la  défense  de  la  Provence, 
du  Languedoc  et  de  la  Catalogne  contrôles  Musulmans; 


44  LITTERATURE   .NARRATIVE. 

celle  de  Doon  de  Mayence  est  consacrée  aux  luttes  féo- 
dales. Mais  il  y  a  beaucoup  d'exceptions,  de  croisements 
et  de  poèmes  isolés  (ainsi,  outre  ceux  que  nous  avons 
indiqués  tout  à  l'heure,  Aioul,  Êlie  de  Sainl-Gilles,  Raoul 
de  Cambrai,  Bovon  de  Hanstone,  etc.);  plus  tard  on  essaya 
de  tout  rattacher  à  un  cycle,  surtout  à  celui  de  Doon  de 
Mayence.  Le  seul  cycle  qui  ait  quelque  unité  réelle  est 
celui  de  Garin  de  Monglane  (§  38  et  suiv.);  encore  a-t-il 
englobé,  sous  le  nom  de  Guillaume  d'Orange,  des  per- 
sonnages et  des  événements  qui  lui  étaient  absolument 
étrangers.  —  L'idée  d'une  geste  spéciale  pour  les 
traîtres  devait  naître  de  l'inspiration  de  l'épopée  féo- 
dale, qui  est  profondément  généalogique;  cette  geste 
ne  fut  cependant  qu*esquissée  en  France  :  elle  se  fondit 
dans  la  grande  geste  de  Doon  de  Mayence,  qui  compre- 
nait déjà  les  vassaux  rebelles.  En  Italie,  au  contraire,  où 
l'épopée  française  trouva  une  seconde  patrie  voir  §  32), 
elle  se  développa  pleinement  et  produisit  la  criminelle 
famille  des  Maganzesi.  Ces  divisions  factices  peuvent 
être  commodes  dans  certains  cas;  nous  n'en  tiendrons 
que  peu  de  compte.  —  Dans  1  impossibilité  où  nous 
sommes  d'analyser  ou  simplement  de  mentionner  toutes 
les  chansons  de  geste  qui  nous  sont  parvenues,  nous 
allons  jeter  sur  l'épopée  un  coup  d'oeil  rapide,  en  grou- 
pant les  poèmes  sous  quelques  points  de  vue  justifiés 
parleur  nature  et  leur  origine;  puis  nous  étudierons 
avec  quelque  détail  un  poème  (Roland)  et  un  cycle  (celui 
de  Garin  de  Monglane). 

24.  Epopée  royale.  L'épopée  royale  ou  nationale,  à 
laquelle  on  peut  rattacher  les  poèmes  relatifs  aux  Méro- 
vingiens,  comme  Floovcnt  (voir  §  loi.  est  la  plus  ancienne  : 
elle  est  antérieure  à  la  constitution  de  la  féodalité.  Elle 
est  essentiellement   consacrée  aux  guerres  nationales, 


L  EPOPEE    NATIONALE.  45 

sous  la  conduite  des  rois,  contre  les  ennemis  du  nord, 
de  l'est  ou  du  sud.  Les  principaux  poèmes  qu'elle  com- 
prend sont  :  les  Saisnes  (nous  en  possédons  un  renouvel- 
lement (Je  la  fin  du  mi0  siècle,  par  Jean  Bodel  d'Arias, 
et  la  version  norvégienne  d'un  autre  un  peu  plus  ancien  ; 
le  sujet,  emprunté  aux  guerres  de  Charlemagne  contre 
les  Saxons,  se  rattache  de  près,  comme  nous  l'avons  vu 
§  15,  à  d'anciens  poèmes  mérovingiens);  —  Aspremont 
(textedu  \ii°  siècle,  rimé,  sur  une  expédition  fabuleuse 
contre  les  Sarrasins  en  Italie);  —  les  Enfances  Oger  le 
Danois  (sujet  analogue  :  les  enfances  d'un  héros  sont  ses 
premiers  exploits  ;  —  Fierabras  (épisode  détaché  et  fort 
allongé  d'un  poème  plus  ancien,  perdu,  dont  la  scène 
était  également  en  Italie,  et  qui  se  termine  par  la  con- 
quête et  le  transport  à  Saint-Denis  des  célèbres  reliques 
de  la  Passion,  exposées  à  la  vénération  des  fidèles  le 
jour  de  Vendit,  devenu  la  fête  du  Lendit)  ;  —  le  Pèleri- 
nage de  Charlemagne  (poème  du  xie  siècle,  moitié  sérieux, 
moitié  comique,  comprenant  une  aventure  originaire- 
ment fort  étrangère  à  Charlemagne,  et  en  outre  le  récit 
de  son  prétendu  pèlerinage  à  Jérusalem,  d'où  il  aurait 
rapporté  ces  mêmes  reliques);  —  Roncesials  ou  Roland 
(voir  §  33)  et  les  autres  poèmes  consacrés  à  la  guerre 
d'Espagne,  comme  Gui  de  Bourgogne,  qui  se  place  avant 
Roncevaux  (poème  de  pure  fiction,  où  les  fils  des  guer- 
riers, restés  vingt-sept  ans  en  Espagne,  vont  à  la  recher- 
che de  leurs  pères,  les  rejoignent  et  leur  font  avoir  la 
victoire),  ou  Anseîsde  Carthage,  qui  se  place  après  (Char- 
lemagne a  laissé  un  roi  en  Espagne,  qui,  en  déshono- 
rant la  fille  d'un  de  ses  grands  vassaux,  pousse  celui-ci 
à  amener  en  Espagne  les  Sarrasins  d'Afrique  :  le  fond 
du  récit  paraît  emprunté  à  la  légende  espagnole  de 
Rodrigue  et  du  comte  Julien);  —  Aiquin  (reconquête  de 
la  Bretagne  armoricaine  sur  les  Sarrasins  qui  l'avaient 


46  LITTERATURE    NARRATIVE. 

envahie,  souvenir  probable  des  incursions  normandes); 
—  Dcsier  (chants  perdus  sur  la  guerre  de  Charlemagne 
contre  les  Longobards,  dont  quelques  fragments  se  sont 
conservés  dans  Oger  le  Danois)  ;  —  Jean  de  Lanson  (autre 
expédition  en  Italie,  mais  contre  un  vassal  rebelle);  — 
le  Roi  Louis  beau  poème  du  XIe  siècle,  dont  on  n'a  qu'un 
fragment  de  000  vers  de  huit  syllabes,  plus  la  version 
allemande  d'un  renouvellement  du  xine  siècle;  souvenir 
très  vivant  de  la  victoire  remportée  en  Vimeu  par 
Louis  III  sur  les  Normands  en  881),  etc.  Nous  ne  par- 
lons pas  ici  du  cycle  méridional,  qui  sera  étudié  plus 
loin.  —  On  peut  joindre  à  ces  poèmes  ceux  qui  sont  con- 
sacrés à  des  aventures  personnelles  ou  de  famille  des 
rois  :  Berte  (la  femme  de  Pépin,  trahie  par  une  serve  qui 
pendant  de  longues  années  se  substitue  à  elle);  Mainel 
(séjour  en  Espagne  et  mariage  du  jeune  Charles,  chassé 
de  France  par  ses  frères  bâtards,  fils  de  la  fausse  Berte, 
et  caché  sous  le  nom  de  Mainet;  nous  n'avons  que  des 
fragments  d'une  rédaction  rimée  de  ce  poème  qui  a 
existé  dans  de  nombreuses  versions,  dont  le  fond  appar- 
tient en  partie  à  l'ancienne  épopée  allemande,  et  dont 
le  héros  a  d'abord  été  Charles  Martel);  —  Basin  (Char- 
lemagne, sur  l'ordre  d'un  ange,  s'associe  incognito  à  une 
expédition  nocturne  de  Basin,  proscrit  par  luietdevenu 
voleur;  il  s'introduit  ainsi  dans  la  chambre  d'un  traître 
qui  a  conspiré  sa  mort,  et  apprend  toute  la  conjuration, 
en  même  temps  qu'il  reçoit  la  preuve  de  la  fidélité  de 
Basin;  nous  n'avons  pour  ce  poème  que  des  allusions 
et  des  imitations  étrangères);  —  Sébile  (la  femme  de 
Charlemagne,  injustement  bannie,  est  ramenée  par  son 
père  l'empereur  de  Grèce,  et  son  innocence  est  recon- 
nue; c'est  dans  ce  poème,  perdu  sauf  quelques  frag- 
ments sous  sa  forme  originale,  que  se  trouve  l'épisode 
du  combat  d'un  meurtrier  contre  un  chien  fidèle,  devenu 


l'épopée  nationale.  47 

célèbre* sons  le  nom  du  chien  de  Montargis);  —  Huon 
Çhapet  (le  dernier  roi  de  France,  Louis,  fds  de  Charle- 
magne,  ne  laissant  qu'une  fille,  Huoh  Chapet  mérite  par 
ses  exploits  de  l'épouser  et  de  devenir  roi  de  France),  etc. 
Beaucoup  des  poèmes  de  ce  genre  appartiennent  en  réalité 
à  ce  que  nous  appelons  l'épopée  adventice  :  les  récits 
qu'ils  contiennent  ne  sont  pas  français  d'origine  et  se 
trouvent  ailleurs  rapportés  à  d'autres  qu'à  nos  rois.  — 
Certains  poèmes  présentent  le  mélange  de  l'épopée  royale 
avec  l'épopée  féodale,  comme  :  Oger  le  Danois  (dont  les 
Enfances  ont  été  mentionnées  plus  haut,  mais  dont  la 
Chevalerie  nous  offre  un  des  types  les  plus  marqués  de 
la  lutte  entre  le  roi  et  ses  vassaux,  tandis  que  la  fin 
nous  présente  de  nouveau  la  guerre  nationale  contre  les 
Sarrasins);  —  le  Roi  Louis  (qui  célèbre,  à  côté  de  la  vic- 
toire royale,  les  premiers  démêlés  des  barons  avec  la 
couronne  d'où  sortit  la  féodalité);  —  le  Couronnement  de 
Louis  (poème  qui  s'appuie  en  grande  partie  sur  des  faits 
historiques,  et  dont  l'inspiration  est  au  fond  loyale, 
mais  qui  montre  à  quel  prix  la  féodalité  faisait  acheter 
à  la  royauté  carolingienne  l'appui  quelle  lui  donnait 
parfois,  soit  contre  ses  vassaux  français,  soit  contre 
l'étranger),  etc. 

2o.  Épopée  féodale.  L'épopée  féodale  présente  deux 
groupes  principaux.  Le  premier  a  pour  sujet  la  lutte  de 
la  féodalité  contre  la  royauté.  Tels  sont,  outre  les  der- 
niers poèmes  nommés  ci-dessus  :  Renaud  de  Montauban 
ou  les  Quatre  Fils  Aimon  (quelques  faits  paraissent  se 
rapporter  à  l'époque  de  Charles  Martel,  mais  les  diverses 
rédactions,  d'ailleurs  assez  peu  anciennes,  qui  nous 
sont  parvenues  remontent  à  un  fond  tout  imprégné  de 
1  esprit  féodal  ;  le  poème  de  Maugis  n'est  que  le  dévelop- 
pement des  indications  du  Renaud  sur  ce  personnage 


48  LITTÉRATURE   NARRATIVE. 

étrange,  moitié  sorcier,  moitié  lutin,  qui  remonte  à  la 
mythologie  germanique);  —  Girard  de  RoussHlon  (le 
Girard  historique  avait  en  Bourgogne  le  centre  de  sa 
force,  et  le  plus  important  «les  poèmes  consacrés  à  ses 
luttes  contre  Charles  le  Chauve,  changé  en  Charles 
Martel,  était  dans  un  dialecte  intermédiaire  entre  ceux 
du  nord  et  du  midi;  transformé  en  Girard  de  Fratle,  en 
Girard  de  Vienne,  il  est  encore  le  héros  d'autres  chan- 
sons, où  il  guerroie  Charlemagne,  comme  il  le  faisait 
d'ailleurs  sous  son  nom  ordinaire  dans  des  poèmes 
populaires  français  qui  se  sont  perdus);  —  Huon  de  Bor- 
deaux (un  épisode  tout  féodal,  ayant  sans  doute  pour 
fondement  un  fait  réel  du  règne  de  Charles  le  Chauve, 
a  été  agrandi  par  l'heureuse  fantaisie  d'un  poète,  et  est 
devenu  le  cadre  de  merveilleuses  aventures  placées  en 
Orient,  où  intervient  le  petit  «  roi  de  féerie  »  Auberon, 
qui  semble  avoir  été  emprunté  par  le  poète,  sans  doute 
de  Saint-Omer,  à  des  légendes  locales  du  Hainau  tout 
voisin,  d'origine  germanique,  sur  le  roi  des  nains 
Alberich;  —  Gaidon  (poème  sans  grand  intérêt  qui 
conserve  quelque  souvenir  confus  des  luttes  de  l'Anjou 
pour  son  indépendance),  etc.  —  L'autre  groupe,  laissant 
la  royauté  à  peu  près  de  côté,  ne  la  faisant  intervenir 
que  comme  un  modérateur  impuissant  ou  un  arbitre 
partial,  nous  présente  les  guerre  des  barons  entre  eux, 
telles  qu'elles  remplirent  le  Xe  siècle.  A  cette  classe 
appartiennent  :  Raoul  de  Cambrai  (la  bataille  où  périt 
Raoul,  combattant  les  fils  de  Herbert  de  Vermandois, 
est  de  942;  la  chanson  qu'inspira  cet  événement  est  la 
base  du  poème,  mais  il  s'y  est  ajouté  des  éléments  plus 
modernes);  —  Aubcri  le  Bourguignon  (les  faits  conservés 
dans  ce  long  poème  ne  peuvent  plus  se  discerner  des 
éléments  romanesques);  —  Guillaume  Longue  Épée  ou 
plutôt  la  Vengeance  de  Ilioul  (poème  sur  le  meurtre  du 


L'ÉPOPÉE    NATIONALE.  49 

second  duc  de  Normandie  par  Arnoul  de  Flandre  en 
923,  que  Wace  avait  entendu  chanter,  sans  doute  à 
Paris,  dans  son  enfance,  c'est-à-dire  entre  1110  et  1120; 
nous  ne  le  connaissons  plus  que  par  le  résumé  d'un 
historien  anglais  :  il  était  plutôt  hostile  que  favo- 
rable à  Guillaume  et  aux  Normands);  et  surtout  les 
Lorrains,  cycle  entier  comprenant  cinq  grandes  chan- 
sons {llervi,  Garni,  Gilbert,  Anseïs,  Yon),  qui  retracent  les 
divers  épisodes  de  la  lutte  poursuivie  entre  plusieurs 
générations  de  Lorrains  et  de  Bordelais  :  on  n'a  pas 
réussi  jusqu'à  présent  à  trouver  à  cette  immense  com- 
position, la  plus  historique  d'allure  de  toutes  les  chan- 
sons de  geste,  le  moindre  fondement  dans  l'histoire. 

26.  A  l'époque  féodale  se  rattache  ce  qu'on  peut 
appeler  l'épopée  biographique  :  ce  sont  des  poèmes 
retraçant  les  aventures  d'un  héros  qui,  après  mille  tra- 
verses, arrive  au  bonheur;  l'importance  accordée  à  un 
individu  sépare  ces  poèmes  de  l'épopée  nationale,  à 
laquelle  les  rattachent  souvent  les  services  rendus  aux 
rois  par  le  héros.  Mentionnons  :  Aioul  (fils  d'un  père 
injustement  banni  par  le  roi  Louis,  Aioul  le  fait  réhabi- 
liter, reconquiert  son  héritage,  punit  les  traîtres,  et, 
après  bien  des  aventures,  est  réuni  à  sa  femme,  qu'il  a 
conquise  sur  les  païens)  ;  —  Élie  de  Saint-Gilles  (le  héros, 
enlevé  par  les  Sarrasins,  épouse  la  fille  du  soudan  et 
conquiert  un  royaume);  —  Orson  de  Beauvais  (le  duc 
Orson  est  trahi  par  son  ami  et  compère,  mais  vengé  par 
son  fils  Milon);  —  Aie  d'Avignon  et  Gui  de  Nanteuil  (deux 
poèmes  qui  se  font  suite,  relatifs  à  des  aventures  de 
Famille  et  à  des  rivalités  féodales);  —  Huon  d'Auvergne 
(poème  qui  n'existe  plus  qu'en  diverses  rédactions  ita- 
liennes, où  on  voit  un  baron  envoyé  par  Charles  Martel 
jusqu'en  enfer),  etc. 

4 


bO  LITTÉRATURE    NARRATIVE. 

27.  Il  faut  ajouter  à  ces  deux  groupes  ce  qu'on  peut 
appeler  l'épopée  adventice,  c'est-à-dire  des  récits  venus 
de  toutes  parts,  n'ayant  pas  leur  source  dans  l'histoire 
nationale,  mais  que  les  jongleurs  ont  l'ait  entrer  dans  le 
cadre  de  l'épopée  française.  Il  faut  citer  (outre  Berte, 
Sébile,  une  partie  du  Pèlerinage  et  de  Huon  de  Bordeaux)  : 
Ami  et  Amile  (vieille  légende  orientale  sur  un  exemple 
d'incomparable  amitié);  —  Jourdain  de  Blaie  (la  seconde 
partie  est  une  imitation,  d'ailleurs  fort  heureusement 
transformée,  d'un  roman  grec  traduit  en  latin  vers  le 
IVe  siècle  et  très  répandu  au  moyen  âge,  Apollonius  de 
Tyr);  —  Doon  de  la  Roche  (variante  du  thème,  déjà  traité 
dans  Sébile,  de  la  femme  innocente  et  persécutée;  ce 
thème  se  retrouve  plus  ou  moins  différent  dans  Florent 
et  Octavien  (on  en  possède  une  rédaction  du  XVe  siècle, 
et,  concurrence  fort  rare,  une  autre  en  vers  plats  octo- 
syllabiques.  composée  au  xme  siècle  à  Paris  sous  le  titre 
d'Octavien,  dans  Florence  de  Rome  (plusieurs  rédactions  . 
dans  la  Belle  Hélène,  etc).  —  Joignons  à  ce  groupe 
certains  emprunts  faits  à  d'autres  épopées  encore 
vivantes  au  moment  où  la  nôtre  se  formait  ou  se  déve- 
loppait. 

Le  Moniage  Guillaume  repose  en  partie  sur  un  poème 
germanique,  sans  doute  longobard  ;  Bovon  de  Hanslone 
a  également  une  origine  allemande,  et  un  ancien  mythe 
franc  paraît  avoir  fourni  une  partie  du  sujet  de  Huon  de 
Bordeaux.  Anseis  de  Cafthage,  comme  on  l'a  vu,  s'appuie 
sur  une  légende  espagnole.  —  Quelquefois  on  n'a  donné  à 
ces  emprunts  que  la  forme  consacrée  des  chansons  de 
geste,  sans  les  rattacher  à  la  famille  de  Charlema- 
gne  :  tel  est  le  cas  pour  Horn  et  Aalaf  (ce  dernier- 
perdu),  poèmes  empruntés  à  l'anglo-saxon,  et  pour  cer- 
taines versions  de  Bovon  de  Hanstone;  on  peut  encore 
rapprocher    de    ces    poèmes    les    romans    d'Alexandre 


L  ÉPOPÉE    NATIONAL!:.  31 

et  des   Macchabées,  qui  ont  reçu  la  l'orme  épique  fran- 
çaise. 

28.  L'histoire  de  l'épopée  se  termine  par  les  poèmes 
de  pure  invention,  généalogiques  ou  cycliques  :  les  jon- 
gleurs, pour  réveiller  l'intérêt  des  auditeurs,  pour  satis- 
faire la  curiosité,  ont  inventé  des  enfances  aux  héros  les 
plus  connus,  ou  ont  raconté,  en  jetant  leurs  récits  dans 
le  moule  devenu  banal  des  chansons  biographiques 
antérieures,  la  vie  des  pères,  des  grands-pères,  des  fils, 
etc.,  de  ces  héros,  ou  bien  ils  ont  réuni  dans  de  longues 
compilations  des  aventures  connues  et  des  aventures 
nouvelles.  Doon  de  Mayence,  Garin  de  Monglane,  Gaufrei, 
Tristan  de  ISanteuil,  Galien,  Renier,  Valentin  et  Orson 
rentrent  à  peu  près  dans  cette  classe,  à  laquelle  appar- 
tiennent aussi  les  suites  ou  les  introductions  faites  à 
tant  d'anciennes  chansons.  Le  Charlemagne  de  Girard 
d'Amiens  (fin  du  xme  siècle)  est  une  sorte  d'histoire 
poétique  du  grand  empereur,  composée  à  l'aide  de 
nombreux  poèmes  et  aussi  des  chroniques,  et  délayée 
dans  le  style  le  plus  platement  prolixe.  Après  une 
œuvre  pareille,  il  est  clair  que  l'épopée,  dans  le  sens 
propre  du  mot,  a  bien  achevé  de  mourir. 

29.  Nous  avons  laissé  de  côté  le  cycle  de  la  première 
croisade,  qui  s'est  formé  après  la  période  proprement 
épique.  Il  comprend  bien,  comme  la  vraie  épopée,  des 
faits  historiques,  mais  les  chants  primitifs  que  ces  faits 
ont  suggérés,  et  qui  sont  la  base  des  poèmes  posté- 
rictus,  différaient  beaucoup  de  ceux  qui  ont  donné  nais- 
sance aux  vraies  chansons  de  geste.  Ceux-ci  ont  été 
composés,  sous  l'impression  des  événements,  pour  ceux 
et  par  ceux  qui  y  avaient  pris  part,  non  pour  raconter 
les    faits,   mais  pour  exprimer  les    sentiments   qu'ils 


52  LITTERATURE    NARRATIVE. 

inspiraient;  les  autres  ont  été  faits  surtout  pour  ceux 
qui  n'avaient  pas  assisté  aux  événements  et  dans  le 
dessein  de  les  leur  faire  connaître  :  ils  les  racontaient 
presque  exactement:  ils  n'avaient  guère  de  la  poésie 
que  la  forme,  au  fond  ils  étaient  de  l'histoire.  Aussi 
l'inspiration  épique  leur  fait-elle  généralement  défaut. 
A  cet  élément  historique  s'est  jointe,  dans  les  poèmes 
que  nous  avons,  l'invention  pure  et  simple  des  jongleurs 
français  :  leur  intervention  décisive  se  marque  en  ce 
qu'ils  représentent  les  Sarrasins,  d'après  la  tradition 
des  chansons  de  geste  antérieures,  comme  des  idolâtres, 
des  païens  :  on  voit  que  leurs  poèmes  ne  reposent  pas 
sur  une  connaissance  directe  du  monde  musulman.  La 
Chanson  de  Jérusalem  n'en  comprend  pas  moins  des 
morceaux  fort  intéressants,  comme  ceux  qui  sont  con- 
sacrés à  la  prise  d'Antioche  et  à  la  bataille  qui  la  suivit. 
Dans  d'autres  parties,  comme  l'épisode  des  Chétifs,  il 
n'y  a  plus  que  des  aventures  romanesques  sans  intérêt, 
unies  par  un  lien  assez  lâche  à  l'histoire  de  la  guerre 
sainte.  Dans  le  Chevalier  au  Cygne  nous  avons  une  vieille 
Légende  mythologique  rattachée  aux  origines  de  la 
maison  de  Bouillon;  cette  légende  a  plus  tard  été  reliée 
à  des  récits  relatifs  au  saint  graal  (voir  §  60).  —  Tout  le 
cycle  des  croisades  fut  l'objet  au  xive  siècle  d'un  vaste 
remaniement,  et  reçut  alors  l'adjonction  d'épisodes  tout 
nouveaux  et  purement  fabuleux,  mais  dont  quelques-uns, 
comme  Baudouin  de  Scbourg,  sont  pleins  de  gaieté  et 
d'heureuse  invention. 

30.  Nous  devons  mentionner,  pour  finir,  certains  essais 
curieux  qui  se  produisirent  au  xiv  siècle  d'une  nouvelle 
épopée  nationale.  Vers  1315,  un  auteur  barrois,  peut- 
être  Simon  de  Marville.  imitait  de  près  les  Vœux  du  Paon 
(§  44)  dans  un  poème  curieux  sur  l'expédition  italienne 


L  EPOPEE    .NATIONALE.  53 

et  la  mort  de  l'empereur  Henri  VII;  ce  poème,  les 
Vœux  de  VÉpervier,  appartient  à  l'épopée  nationale  par  le 
l'ait  que  le  héros  principal,  après  l'empereur,  estTibaud 
de  Bar,  évêquede  Liège.  —  La  guerre  contre  les  Anglais 
passionnait  tous  les  esprits  et  y  produisait  des  disposi- 
tions favorables  à  l'inspiration  épique.  Le  petit  poème 
sur  le  Combat  des  Trente  (1351)  est  un  spécimen  intéres- 
sant de  cette  tendance,  qui  n'aboutit  pas,  à  cause  sur- 
tout de  la  banalité  des  formules  consacrées  que  la  déca- 
dence de  l'épopée  antérieure  avait  léguées  au  .\ive  siècle 
et  du  manque  absolu  de  puissance  poétique  de  cette 
époque.  Le  long  poème  de  Cuvelier  sur  Bertrand  Du 
Guesclin,  digne  d'estime  comme  effort,  montre  cette 
impuissance  avec  une  évidence  entière.  Elle  éclate 
encore  plus,  s'il  est  possible,  dans  la  Geste  de  Liège 
(par  Jean  des  Prés  ou  d'Outremeuse,  fin  du  xive 
siècle)  et  dans  la  Geste  des  Bourguignons  (commence- 
ment du  xve  siècle)  qui  clôt  la  série  des  poèmes  en 
laisses  monorimes.  —  L'épopée  était  morte  et  ne 
pouvait  renaître;  bientôt  les  productions  qui  en  subsis- 
taient encore  allaient  commencer  à  être  mises  en 
prose  et  sortir  pour  toujours  de  la  scène  des  êtres 
vivants. 

31.  Comme  l'épopée  grecque,  l'épopée  française  a  sus- 
cité des  parodies.  Nous  en  avons  conservé  une  fort 
ancienne,  l'histoire  comique  d'Audigier,  dont  les 
exploits  grotesques  sont  racontés  avec  un  incroyable 
cynisme  d'idées  et  d'expressions,  mais  non  sans  verve 
grossière,  dans  le  rythme  particulier  d'Aioul  et  de  Girard 
de  Roussillon.  Une  autre,  en  jargon  mêlé  de  flamand  et 
de  picard  (le  Siège  de  Neuville),  raconte  un  siège  prétendu 
dans  lequel  les  héros  des  deux  partis  sont  de  bons 
bourgeois  flamands,  qui  sont  mis  en  scène  comme  s'il 


54  LITTERATURE    NARRATIVE. 

s'agissait  de  Guillaume  d'Orange  ou  de  Garin  le  Lor- 
rain. Ces  plaisanteries  contribuent  à  attester  la  popula- 
larité  des  chansons  de  geste. 

32.  Avant  de  périr,  l'épopée  française  avait  exercé 
sur  la  poésie  des  nations  voisines  une  immense 
influence.  Portée  en  Angleterre  par  les  vainqueurs  de 
Hastings,  elle  y  trouva  une  seconde  patrie,  et  plusieurs 
de  nos  poèmes  lurent,  assez  tardivement  et  médiocre- 
ment d'ailleurs,  traduits  plus  tard  en  anglais  et  même 
en  gallois  et  en  irlandais.  —  L'Allemagne  traduisait  le 
Roland  dès  la  fin  du  premier  tiers  du  xne  siècle;  plus 
tard  un  minnesinger célèbre,  Wolfram d'Eschenbach,  met- 
tait Aleschans  en  vers  allemands;  bien  d'autres  chansons 
étaient  imitées.  —  Dans  les  Pays-Bas,  gagnés  de  bonne 
heure  à  la  culture  française,  la  vogue  de  nos  chansons 
de  geste  ne  fut  pas  moins  grande,  et  elle  s'est  maintenue 
en  partie  jusqu'à  nos  jours  dans  le  peuple,  grâce  aux 
rédactions  en  prose  qui  se  réimpriment  encore.  —  Les 
Norvégiens,  dès  le  commencement  du  xme  siècle,  con- 
naissaient nos  chansons  de  geste  par  l'intermédiaire  de 
l'Angleterre  et  les  traduisaient  fidèlement  en  prose.  — 
L'Espagne  s'en  inspirait  dès  le  milieu  du  xne  siècle  pour 
chanter  leCid,  et  composait,  même  sur  les  sujets  caro- 
lingiens, des  cantares  de  grsta  dont  quelques  débris  se 
retrouvent  dans  les  romances  du  XVe  siècle.  —  Mais 
c'est  en  Italie  que  l'épopée  française  devait  faire  la  plus 
étonnante  fortune.  Dans  le  nord  de  la  Péninsule,  où  se 
parlaient  des  dialectes  plus  ou  moins  voisins  du  français, 
nos  poèmes  avaient  pénétré  de  très  bonne  heure;  bientôt 
ils  furent  remaniés,  puis  imités,  dans  une  langue  factice, 
ayant  le  français  pour  base,  mais  fortement  influencée 
par  le  lombard  ou  le  vénitien.  Parmi  ces  imitateurs,  qui 
devinrent  nombreux  et  rompirent  d'assez  bonne  heure 


LEPOPEE    NATIONALE.  55 

tout  lien  direct  avec  la  poésie  française,  il  s'en  trouva 
qui  eurent  «le  l'imagination  et  un  vrai  mérite  littéraire, 
comme  le  Padouan  anonyme  qui  composa  la  première 
partie  d'un  vaste  poème  sur  Y  Entrée  de  Spagne  (la  suite 
est  de  Nicolas  de  Vérone).  Leurs  œuvres  furent  plus 
tard,  surtout  en  Toscane,  imitées  en  prose  et  en  rime 
italiennes;  des  poètes  d'un  talent  de  plus  en  plus  bril- 
lant, Pulci,  Bojardo,  Arioste,  sans  parler  des  autres, 
prirent  à  leur  tour  ces  imitations  pour  bases  de  leurs 
poèmes  célèbres,  en  les  transformant  d'ailleurs  considé- 
rablement, Pulci  par  l'ironie,  Bojardo  et  l'Arioste  par 
l'immixtion  dans  la  matière  de  France  de  l'esprit  des 
romans  bretons  et  des  formes  classiques  de  l'antiquité. 
Ainsi  l'épopée  carolingienne,  morte  en  France,  trouva 
en  Italie  une  renaissance  imprévue;  c'est  là  qu'elle  a  reçu 
la  forme,  sinon  la  mieux  appropriée  à  son  génie,  au 
moins  la  plus  artistique,  et,  grâce  aux  rédactions  en 
prose,  c'est  là  aussi  que  jusqu'à  nos  jours  elle  est  restée 
le  plus  populaire. 

:}3.  Nous  allons  maintenant  parler  avec  quelque  détail 
de  la  Chanson  de  Roland  ou  de  Roncevaux,  la  plus  intéres- 
sante, à  tous  les  points  de  vue,  de  nos  chansons  de 
geste.  —  En  778,  le  15  août,  l'arrière-garde  de  l'armée 
de  Charles,  roi  des  Francs,  qui  revenait  d'une  expédition 
en  somme  heureuse  dans  le  nord  de  l'Espagne,  fut  sur- 
prise dans  la  vallée  de  Roncevaux  par  les  Basques  habi- 
tant les  montagnes;  les  bagages  qu'elle  protégeait 
furent  pillés  et  tous  ceux  qui  la  composaient  tués,  parmi 
eux,  dit  Éginhard,  Hrodland,  comte  de  la  marche  de 
Bretagne.  Ce  désastre  fit  sur  les  imaginations  une  vive 
impression,  et  suscita  sans  doute  des  chants  nombreux; 
un  passage  d'un  historien  qui  écrivait  environ  soixante 
ans  après  montre  que  les  noms  des  morts  de  Roncevaux 


56  LITTERATURE    NARRATIVE. 

étaient  restés  populaires.  L'expédition  d'Espagne  tout 
entière  avait  dû.  d'ailleurs,  donner  lieu  à  des  chants 
épiques  :  quelques  traits  qui  se  sont  conservés  dans  notre 
poème  remontent  sans  doute  à  ces  souvenirs  directs  des 
événements,  comme  les  noms  de  différentes  villes  espa- 
gnoles Saragosse,  Tudèle,  Balaguer),  la  connaissance 
des  ports  d'Aspe  et  de  Cise.  etc.  Mais  ces  quelques  traits 
sont  noyés  dans  les  additions  et  amplifications  posté- 
rieures. —  On  commença  par  substituer  aux  Basques 
(dont  le  nom  est  cependant  mentionné  une  fois  dans  le 
poème,  mais  précisément  dans  la  partie  la  moins 
ancienne)  les  Sarrasins  comme  auteurs  du  désastre,  et, 
on  supposa  qu'ils  étaient  en  nombre  considérable,  vingt 
fois,  cent  fois  supérieur  à  celui  des  Francs.  —  On  se 
rappela  toujours  que  la  troupe  massacrée  était  l'arrière- 
garde,  et  que  le  désastre  était  arrivé  pendant  que 
l'armée  rentrait  en  France.  Il  fallait  donc  que  les  Sar- 
rasins eussent  promis  la  paix  et  attaqué  les  Francs  par 
trahison:  un  Franc  avait  dû  être  complice  de  cette  tra- 
hison. De  là  le  personnage  de  Ganelon  (germ.  Wenilo\, 
présenté  d'abord  simplement  comme  acheté  par  l'or  du 
roi  sarrasin  Marsile,  puis  comme  l'ennemi  personnel  de 
Roland  (en  même  temps,  au  moins  dans  le  poème  de 
Turold,  son  pardtre,  le  second  mari  de  sa  mère,  sœur  de 
Charlemagne)  :  Ganelon  fait  désigner  Roland  pour  com- 
mander rarrière-garde.  d'accord  avec  Marsile,  qui  espère, 
en  tuant  Roland,  priver  Charles  de  son  «  bras  droit  ».  — 
Le  trait  essentiel  de  l'événement  réel,  la  gorge  étroite 
interceptée  par  les  Basques,  qui,  se  plaçant  entre  Le  gros 
des  Francs  et  l'arrière-garde,  la  repoussèrent  dans  une 
vallée  où  elle  se  trouva  cernée  de  toutes  parts,  ce  trait 
n'est  plus  bien  compris  par  l'imagination  de  gens  de  plat 
pays  qui  gardent  seulement  le  souvenir  de  hautes  mon- 
tagnes, de  roches  sombres,  de  défilés  «  merveilleux  » 


L  EPOPEE    .NATIONALE.  57 

comme  cadre  du  tableau.  Ils  ne  se  rappellent  pas  non 
plus  que  (d'après Éginhard)  les  Basques  avaient  un  équi- 
pement léger,  qui,  dans  ces  conditions  du  terrain,  leur 
donna  l'avantage  sur  les  Francs  pesamment  armés  :  les 
Français  et  les  Sarrasins  sont  ici  armés  de  même.  Les  uns 
Bl  les  autres  sont  à  cheval,  tandis  qu'il  n'en  était  rien,  au 
vui'  siècle,  à  coup  sûr  pour  les  Basques,  ni  sans  doute 
pour  les  Francs.  —  Le  désastre  de  Boncevaux  ne  fût  pas 
vengé  :  comment  atteindre  ces  montagnards,  qui  se  dis- 
persèrent aussitôt  après  le  coup?  11  était  déjà  nuit  quand 
Charles  revint  sur  ses  pas  :'les  ennemis  avaient  disparu, 
et  il  ne  put  que  reprendre  tristement  le  chemin  de  la 
France.  L'épopée  ne  pouvait  longtemps  accepter  cette 
fin  :  Charles  dut  ramener  son  armée  à  Boncevaux,  appelé 
trop  tard  par  le  cor  de  Boland;  à  la  faveur  d'un  miracle 
de  Dieu,  qui  lui  «  allongea  le  jour  »,  il  dut  tailler  en 
pièces  les  restes  de  l'armée  païenne;  plus  tard  on  le  fît 
pousser  jusqu'à  Saragosse  et  s'en  emparer,  plus  tard 
encore  vaincre,  lui  chef  de  toute  la  chrétienté,  le  chef  de 
toute  la  païennie  dans  une  bataille  colossale  terminée  par 
un  combat  singulier.  Le  traître  Ganelon,  jugé  sur  place, 
dut  recevoir  la  peine  de  son  crime.  —  Éginhard  nomme 
trois  des  morts  illustres  de  Boncevaux  :  Eggihard  (dont 
l'épitaphe  récemment  retrouvée  nous  a  fait  connaître  la 
date  du  15  août),  Anshelm,  et  Hrodland  en  troisième 
lieu  seulement.  Les  deux  premiers  n'ont  laissé  aucune 
trace  dans  l'épopée;  d'où  vient  que  le  dernier  en  est 
devenu  l'incomparable  héros?  Probablement  de  ce  que 
nos  poèmes  remontent  aux  chants  épiques  des  compa- 
triotes, des  compagnons  de  Boland,  aux  chants  de  la 
marche  de  Bretagne  (Bretagne  française);  le  poème  de 
Turold  porte  encore  des  traces  visibles  de  son  origine 
bretonne.  Boland  devient,  d'après  ces  chants,  le  person- 
nage principal  et  le  centre  de  l'action  :  il  est  le  neveu  de 


58  LITTERATIRE    NARRATIVE. 

Charles,  le  premier  des  «  douze  pairs  »  ;  c'est  par  haine 
pour  lui  que  Ganelou  devient  traître;  c'est  lui  que  veut 
surtout  faire  périr  Marsile;  c'est  lui  qui,  en  refusant 
d'abord  de  sonner  du  cor  pour  appeler  Charles  à  son  aide, 
cause  la  perte  de  l'arrière-garde  qu'il  commande,  et  pré- 
sente ainsi  le  caractère  profondément  tragique  de  la 
desmesure  (qui  joue  dans  notre  épopée  le  rôle  de  Vhybris 
dans  l'épopée  grecque)  amenant  le  désastre,  en  même 
temps  que  de  l'héroïsme  pour  le  supporter  et  lé  rendre 
glorieux.  A  côté  de  lui,  à  une  époque  impossible  à  déter- 
miner, vient  se  placer  Olivier,  son  compagnon  d'armes, 
aussi  preux,  mais  plus  sage,  frère  de  la  belle  Aide,  que 
Roland  doit  épouser  (cet  amour  lointain  jette  sur  sa  mort 
un  reflet  plus  touchant  et  plus  poétique),  et  qui  meurt 
elle  même  aux  pieds  de  Charlemagne  en  apprenant  la 
mort  de  son  fiancé.  —  Charles,  en  778,  avait  trente-six  ans  ; 
mais  l'épopée  avait  consacré  sa  figure,  d'après  les  der- 
niers temps  de  son  règne,  comme  celle  d'un  vieillard 
«  la  barbe  fleurie,  majestueux  encore  plus  qu'actif;  le 
poème  de  Turold  va  jusqu'à  lui  donner  deux  cents 
ans,  et  ne  l'en  fait  pas  moins  prendre  au  dernier  combat 
une  part  décisive;  il  le  représente  d'ailleurs  comme 
entouré  d'une  sorte  d'auréole  :  Dieu  fait  des  miracles  à 
sa  prière  et  communique  sans  cesse  avec  lui  par  l'inter- 
médiaire de  l'ange  Gabriel.  Assis  sur  son  faklestucl  d'or, 
il  préside  aux  délibérations  de  la  paix;  grave  et  d'ordi- 
naire silencieux,  caressant  sa  barbe  blanche,  qu'il 
étalera  pour  le  combat  sur  sa  brogne  de  mailles,  il  écoute 
les  avis  opposés,  se  voit  parfois  contraint  de  céder,  malgré 
lui,  aux  sentiments  de  son  conseil,  mais,  une  fois  la  déci- 
sion prise,  la  fait  impérieusement  exécuter.  —  Le  duc 
Naimon  de  Bavière  est  le  plus  vieux  et  le  plus  sage  de 
ses  conseillers;  après  lui  Roland,  Olivier,  l'archevêque 
Turpin,  Ganelon   jusqu'à   son    crime,   Oger   de    Dane- 


L  EPOPEE   NATIONALE.  59 

marche,  sont  les  plus  écoutés.  —  Ces  traits  appartien- 
nent déjà  sans  doute  à  une  très  ancienne  forme  de  la 
légende  héroïque  de  Roncevaux;  tous  ne  remontent 
cependant  pas  à  l'origine. 

34.  Cette  légende  nous  est  arrivée  sous  trois  formes 
principales  :  les  chap.  xxi-xxix  du .  roman  latin  qui 
prétend  être  l'œuvre  de  Turpin.  composé  vers  la  fin  du 
premier  tiers  du  xne  siècle  comme  suite  à  un  ouvrage 
plus  ancien,  fait  à  la  gloire  de  saint  Jacques  de  Compos- 
telle,  dont  on  prétendait  que  Charlemagne  avait  été  le 
premier  pèlerin;  —  le  Carmen  de  proditione  Guenonis, 
poème  en  distiques  latins  à  peu  près  de  la  même 
époque;  —  etla  Chanson  de  Roland,  dont  la  forme  la  plus 
ancienne,  en  assonances,  est  encore  du  XIe  siècle.  —  Le 
Carmen  et  le  Roland  remontent  à  une  même  source,  moins 
altérée  dans  le  Carmen,  considérablement  amplifiée  et 
modifiée  dans  le  poème  français;  les  chapitres  de 
Turpin  représentent  un  état  sensiblement  plus  ancien. 

35.  La  rédaction  en  assonances  ne  peut  remonter  plus 
haut  que  la  seconde  moitié  du  XIe  siècle  :  c'est  ce  qu'at- 
testent, outre  des  faits  linguistiques,  des  allusions  his- 
toriques, comme  l'introduction  dans  le  récit  de  person- 
nages du  xc  siècle  (Jofrei  d'Anjou,  gonfalonnier  du  roi, 
Richard  de  Normandie,  etc.),  la  mention  de  l'oriflamme, 
relie  du  pillage  de  Jérusalem  par  les  Turcs,  et  le  cos- 
tume général;  mais  il  n'y  a  aucune  raison  de  la  faire 
descendre  plus  bas  que  la  première  croisade.  On  sait 
que Taillefer,  jongleur  et  guerrier,  chantait  à  la  bataille 
de  Hastings  (1066)  un  poème  sur  Roncevaux;  ce  n'était 
pas  le  nôtre  tel  quel,  mais  c'en  était  sans  doute  une 
rédaction  antérieure,  car  le  nôtre  a  conservé  des  vers 
qui  semblent  avoir  été  composés  à  l'occasion  de  l'expé- 


60  LITTERATTRE    NARRATIVE. 

dition  de  Guillaume  le  Bâtard  (Guillaume  revendiquait 
pour  la  papauté  le  tribut  que  l'Angleterre  s'était  jadis 
engagée  à  lui  payer,  et,  en  attribuant  à  Charlemagne  la 
conquête  de  ce  pays,  le  poème  dit  :  Ad  oes  saint  Piedre 
en  conquist  le  cheraqe).  —  Cette  rédaction  est  conservée 
plus  ou  moins  imparfaitement  dans  les  textes  suivants  : 
1"  un  manuscrit  aujourd'hui  à  Oxford,  écrit  en  Angle- 
terre dans  la  seconde  moitié  du  xir  siècle,  qui  attribue 
soit  la  récitation,  soit  la  composition  de  l'œuvre  à  un 
certain  Turold;  2°  un  manuscrit  de  Venise,  provenant 
des  Gonzague  de  Mantoue,  écrit  au  xive  siècle  et  d'une 
langue  fortement  italianisée;  3°  une  rédaction  en  î-imes, 
de  la  seconde  moitié  du  xnc  siècle,  dont  nous  reparle- 
rons tout  à  l'heure;  4°  une  traduction  en  prose  norvé- 
gienne du  xme  siècle;  5°  une  traduction  libre  en  vers 
allemands  faite  par  le  clerc  Conrad  vers  1133;  6°  les 
fragments  d'une  traduction  en  vers  néerlandais  du 
xie  siècle;  7°  diverses  versions  italiennes,  où  sont 
mêlées  la  rédaction  rimée,  quelques  traits  de  source 
particulière  et  des  inventions  nouvelles.  Le  rapport  de 
ces  différents  textes  entre  eux  n'est  pas  encore  bien 
établi.  Ils  paraissent  cependant  dériver  tous  d'un  manu- 
scrit, et  non  de  diverses  traditions  orales  qui  auraient 
été  indépendamment  confiées  à  l'écriture;  mais  les 
scribes  ont  pris  avec  leur  texte  des  libertés  plus  grandes 
que  d'ordinaire,  et  ils  ont  sans  doute  parfois  subi  l'in- 
fluence des  versions  divergentes  des  jongleurs. 

36.  L'auteur  ou  plutôt  l'arrangeur  de  l'œuvre  contenue 
dans  ce  manuscrit  perdu  était-il  un  clerc?  C'est  ce  qui 
ne  parait  pas  probable.  Il  mentionne,  il  est  vrai,  Virgile 
et  Homère,  il  fait  des  démons  de  Jupiter  et  d'Apollon, 
il  connaît  certains  épisodes  de  la  Bible:  mais  rien  dans 
tout  cela  ne  dépasse  les  connaissances  que  pouvait  avoir 


L  EPOPEE    NATIONALE.  61 

un  jongleur  qui  avait  reçu  quelque  instruction,  et,  s  il  ;i 
écrit  lui-même  son  œuvre,  cette  instruction  ne  lui  fai- 
sait pas  défaut.  Il  cite  comme  sources  l'ancienne  geste,  la 
geste  Francor  (Gesta  Francorum),  une  prétendue  charte 
qu'aurait  écrite  saint  Gilles  de  Provence  (lequel  en  réa- 
lité vivait  cent  ans  avant  Charlemagne)  ;  mais  toutes  ces 
indications  sont  vagues  ou  imaginaires.  S'il  avait  été 
clerc,  il  aurait  consulté  d'autres  sources  latines,  et  on  en 
trouverait  la  trace  dans  son  œuvre.  Mais  on  peut  croire 
qu'il  connaissait  des  clercs,  qu'il  avait  peut-être  étudié 
pour  être  clerc  lui-même  et  avait  ensuite  suivi  une  autre 
vocation.  —  C'était  plus  qu'un  renouveleur  ordinaire  : 
il  a  transformé  l'ancien  poème  que  nous  pouvons  deviner 
par  la  comparaison  du  Carmen  et  de  Turpin.  Il  y  a 
ajouté  toute  l'introduction;  pour  la  fin  on  ne  peut  rien 
affirmer,  les  termes  de  comparaison  manquant,  mais  à 
tout  le  moins  on  peut  lui  attribuer  la  translation  à  Aix 
du  procès  et  de  l'exécution  de  Ganelon,  l'épisode  de  la 
mort  d'Aide,  etc.  Le  grand  épisode  où  Baligant,  chef 
suprême  des  païens,  intervient  pour  venger  Marsile  et 
est  vaincu  à  son  tour  par  Charlemagne  a  très  probable- 
ment été  incorporé  plus  tard  à  son  œuvre.  —  Dans  son 
travail  de  remaniement,  le  poète  a  laissé  subsister  plus 
dune  contradiction  :  Marsile  déclare  au  début  qu'il  n'a 
pas  d'armée,  et  ensuite  en  déploie  une  immense;  son 
oncle  Valgalife  (le  calife)  semble  d'abord  devoir  jouer  un 
grand  rôle  et  paraît  à  peine  par  la  suite  ;  on  réclame  à 
Marsile,  pour  la  paix  feinte  qu'il  jure,  des  otages  qu'il 
donne  et  dont  il  n'est  plus  parlé;  le  caractère  de  Ganelon, 
changé  comme  nous  l'avons  indiqué  plus  haut,  offre  de 
frappantes  disparates;  à  l'ancienne  géographie  de  la 
légende,  lidèle  aux  souvenirs  des  faits  historiques,  ont 
été  mêlées  des  notions  fantastiques,  etc.  On  peut 
presque    toujours    comprendre    ce   qui    a  amené    ces 


62  LITTERATURE   NARRATIVE. 

contradictions  :  c'est  le  désir  de  mieux  présenter  tel 
«m  tel  événement  et  surtout  de  rendre  tel  ou  tel  détail 
plus  dramatique;  le  poète,  d'ailleurs  habile  et  puis- 
sant, perd  de  vue,  pour  l'effet  momentané  qu'il  veut 
obtenir,  l'ensemble  de  sa  composition.  —  Cette  compo- 
sition est  cependant,  en  général,  réfléchie  et  curieuse- 
ment symétrique  :  ainsi  les  trois  batailles  successives 
que  livrent  Roland  et  les  siens  se  décomposent  en  petits 
combats  qui  se  font  rigoureusement  pendant.  La  vérité 
humaine  et  vivante  et  la  variété  du  détail  sont  constam- 
ment sacrifiées  ou  subordonnées  à  l'idée  générale  qui 
anime  le  poème,  celle  de  la  lutte  des  chrétiens,  sous 
l'hégémonie  de  la  France,  contre  les  Sarrasins.  Les 
caractères,  transmis  par  la  tradition  antérieure,  sont 
accusés  de  façon  à  devenir  des  types.  L"art  incontestable 
qui  éclate  dans  cette  œuvre  est  déjà  essentiellement  un 
art  français,  qui  rappelle  en  beaucoup  de  points  la  con- 
ception de  nos  tragédies  classiques.  —  L'action  est 
presque  toujours  non  pas  racontée,  mais  mise  sous  les 
yeux  de  l'auditeur  :  le  poème  est  une  suite  de  tableaux; 
les  verbes  sont  presque  tous  au  présent.  —  Les  laisses 
homotélentes  sont  d'inégale  longueur,  sans  cependant 
être  trop  disproportionnées;  elles  comprennent  en 
moyenne  une  quinzaine  de  vers.  Chacune  d'elles  est  le 
plus  souvent  complète  en  elle-même,  forme  un  petit 
tableau  à  part,  et  n'offre  que  rarement  avec  la  précé- 
dente et  la  suivante  ces  raccords  qui  sont  habituels 
dans  les  poèmes  postérieurs.  On  peut  dire  que  la 
Chanson  de  Roland  (ainsi  que  toutes  nos  plus  anciennes 
chansons  de  geste)  se  développe,  non  pas,  comme  les 
poèmes  homériques,  par  un  courant  large  et  ininter- 
rompu, non  pas.  comme  le  Nibelungenlied,  par  des  bat- 
tements d'ailes  égaux  et  lents,  mais  par  une  suite  d'ex- 
plosions successives,  toujours  arrêtées  court  et  toujours 


L  EPOPEE    NATIONALE.  63 

reprenant  avec  soudaineté.  —  Il  est  impossible  de  dis 
cerner,  pour  la  forme,  des  parties  plus  anciennes  les  unes 
que  les  autres  ;  cependant  il  faut  sans  doute  regarder  le 
noyau  central,  qui  comprend  le  récit  môme  du  combat 
de  Ronce-vaux,  comme  plus  fidèlement  conservé  d'un 
^oème  antérieur  et  comme  plus  ancien  que  tout  ce  qui 
précèdeet  suit.  —  Le  style  est  simple,  ferme,  efficace,  il 
ne  manque  ni  de  grandeur  ni  d'émotion,  mais  il  est 
sans  éclat,  sans  véritable  poésie  et  sans  aucune  recherch:: 
d'effet;  on  peut  dire  qu'il  est  terne,  monotone,  quelque 
peu  triste;  il  n'est  nullement  imagé  :  on  ne  trouve 
dans  tout  le  poème  qu'une  seule  comparaison,  et  elle  n'a 
rien  d'original  ni  de  vu  (Si  com  li  cers  s'en  vait  devant  les 
chiens,  Devant  Rodlant  si  s'en  fuient  paien).  Il  y  a  déjà  dans 
le  Roland  beaucoup  de  formules  toutes  faites,  héritage 
de  l'épopée  antérieure,  qui  facilitent  au  poète  l'expres- 
sion de  ses  idées,  mais  la  rendent  fréquemment  banale, 
et  qui  l'empêchent  trop  souvent  de  voir  directement  et 
avec  une  émotion  personnelle  les  choses  qu'il  veut 
peindre.  —  De  la  poésie  plus  ancienne  vient  aussi  sans 
doute  un  procédé  dont  l'auteur  fait  usage  parfois  avec 
un  grand  bonheur,  et  qu'on  retrouve  dans  les  chansons 
postérieures  :  la  répétition  du  même  récit,  du  même 
tableau,  des  mêmes  paroles  sur  des  assonances  diffé- 
rentes. C'est  ainsi  que  trois  fois  Olivier  adjure  en  vain 
Roland  de  sonner  du  cor,  que  trois  fois  Roland,  mou- 
rant, essaye  de  briser  son  épée,  etc.  Quelques-unes  de 
ces  répétitions,  qui  ne  figurent  pas  dans  tous  les  textes, 
paraissent  avoir  été  ajoutées  par  un  renouveleur  ou 
provenir  de  rédactions  concurrentes  :  ainsi  Roland, 
dans  deux  laisses  successives  du  manuscrit  d'Oxford, 
accueille  tout  différemment  la  proposition  faite  par 
Ganelon  de  lui  confier  le  commandement  de  l'arrière- 
garde  ;  Charlemagne,  se  représentant  la  tristesse  de  sa 


64  LITTÉRATTRE    NARRATIVE. 

vie  en  France  après  la  mort  de  son  neveu,  place  la  scène 
du  tableau  qu'il  se  fait  une  première  fois  à  Laon,  une 
seconde  fois  à  Aix,  et  ces  deux  capitales  de  la  royauté 
carolingienne  appartiennent  à  des  éporpies  toutes  diffé- 
rentes. —  Le  Roland  soulève  encore  d'innombrables 
questions,  que  la  critique  n'arrivera  sans  doute  jamais 
à  résoudre  toutes.  La  patrie  et  la  date  de  la  rédaction 
dont  nous  avons  conservé  les  textes  indiqués  plus  haul 
ne  sont  pas  encore  fixées  sans  contestation.  Le  plus 
probable  est  qu'elle  repose  sur  un  poème  originaire- 
ment composé  dans  la  Bretagne  française,  remanié 
ensuite  en  Anjou,  et  qu'elle  a  pour  auteur  un  <  Français 
de  France  »,  qui  a  dû  achever  son  œuvre,  à  laquelle  il 
a  donné  une  inspiration  plus  largement  nationale  et 
royale,  sous  le  règne  de  Philippe  Ier. 

37.  La  rédaction  rimée,  dont  nous  avons  dit  un  mot 
tout  à  l'heure,  soulève  aussi  des  problèmes  fort  difficiles. 
File  existe  sous  une  double  forme  :  l'une  est  conservée 
dans  un  manuscrit  de  Venise  et  un  de  Châteauroux, 
l'autre  dans  un  manuscrit  de  Paris,  un  de  Lyon,  un  de 
Cambridge,  et  un  fragment  lorrain:  dans  ce  dernier 
groupe  même  il  y  a  des  divergences  notables.  Mais  les 
deux  formes  ont  des  passages  considérables  en  commun, 
en  sorte  qu'on  peut  les  regarder  comme  ayant  une 
même  source,  qui  doit  remonter  au  commencement  du 
dernier  tiers  du  xne  siècle.  Pour  la  fin  du  poème,  la 
rédaction  ri  niée  paraît  n'avoir  pas  eu  de  modèle  dans 
un  texte  composé  en  assonances,  mais  avoir  été  originai- 
rement rimée;  cette  fin  ne  ressemble,  dans  aucun  des 
textes  rajeunis,  à  celle  du  manuscrit  d'Oxford.  La  rédac- 
tion rimée  lit  oublier  l'ancienne  version  assonante;  mais 
elle  ne  devait  pas  elle-même  conserver  jusqu'au  bout  sa 
popularité.   On   la   copiait    bien    encore   au  XIVe  siècle 


l'épopée  nationale.  65 

mis.  de  Lyon),  et  au  xvc  en  Angleterre;  mais  ce  ne  fut 
pas  elle  qu'on  mit  en  prose  pour  perpétuer  le  souvenir 
du  combat  de  Roncevaux  :  ce  fut  un  poème  du  xme  ou 
du  xivc  siècle,  le  Galien,  qui,  pour  le  récit  de  cet  épi- 
sode, paraît  avoir  puisé  à  une  source  indépendante  du 
Roland,  et  dont  la  narration,  immensément  inférieure, 
fut  derimée  au  milieu  du  xv°  siècle,  imprimée  à  la  fin,  et 
répétée  jusqu'à  nos  jours  dans  des  livres  populaires.  — 
D'autres  livres  semblables  reproduisent  la  chronique  de 
Turpin,  jointe  par  le  Vaudois  Jean  Bagnyon  (xvc  siècle) 
à  une  mise  en  prose  de  Fierabras,  et  imprimée  depuis 
lors  un  nombre  incalculable  de  fois  non  seulement  en 
français,  mais  en  anglais,  en  espagnol,  en  portugais  et 
en  allemand.  —  L'ancien  poème  avait  d'ailleurs  eu  de 
bonne  heure  le  plus  grand  succès  à  l'étranger,  comme 
le  montrent  les  versions  indiquées  plus  haut  :  c'est  par 
lui  surtout  que  l'épopée  française  à  pénétré  dans  le* 
divers  pays  de  l'Europe  chrétienne,  où  Roland  était 
aussi  populaire  qu'en  France,  et  dans  plusieurs  des- 
quels il  l'est  resté  jusqu'à  nos  jours. 

38.  Après  avoir  étudié  d'un  peu  près  la  plus  impor- 
tante de  nos  chansons  de  geste,  nous  passons  à  l'examen 
du  cycle  méridional,  ou,  pour  employer  l'expression  du 
moyen  âge,  de  la  geste  de  Garin  de  Monglane.  Nous 
possédons  une  vingtaine  de  poèmes  qui  lui  appartien- 
nent, composés  probablement  (en  partie  d'après  des 
éléments  antérieurs)  du  commencement  du  xne  siècle  à 
la  fin  du  xme,  les  uns  en  assonances,  les  autres  en 
rimes,  et  conservés  dans  des  manuscrits  des  xme,  xivc  et 
XVe  siècles,  et  en  outre  (au  moins  quelques-uns  d'entre 
eux)  dans  des  rédactions  en  prose  et  des  versions  étran- 
gères. —  Ces  poèmes  chantent  les  héros  de  sept  ou  huit 
générations.  Ils  nous  offrent  le  spécimen  le  plus  corn- 

5 


CG  LITTERATURE    NAKKATIV]:. 

plet  de  la  formation  et  de  l'évolution,  à  moitié  sponla- 
ii«'(S.  à  moitié  factices,  d"un  grand  cycle  épique.  Les 
faits  historiques  sur  lesquels  ils  s'appuient  sont  des 
genres  les  plus  divers  et  appartiennent  à  des  époques 
et  à  des  contrées  différentes.  —  Le  héros  central  est 
Guillaume,  appelé  Guillaume  Fièrebracr.  Cuillaume  au 
Court  Nez  et  Guillaume  d'Orange.  Nous  ne  connaissons 
aucun  Guillaume  qui,  antérieurement  au  \\v  siècle,  ait 
possédé  la  ville  d'Orange,  dont  la  conquête  sur  les  Sar- 
rasins, déjà  dans  des  poèmes  du.\ie  siècle,  était  attribuée 
à  ce  héros.  Ouoi  qu'il  en  soit,  ce  Guillaume  épique  a  de 
bonne  heure  été  identifié  avec  le  Guillaume  très  histo- 
rique qui,  nommé  en  789  comte  de  Toulouse,  livra  -iu- 
les bords  de  l'Orbieu  en  793  une  bataille  sanglante  et, 
tout  en  étant  vaincu,  arrêta  les  Sarrasins  qui  envahis- 
saient la  France,  qui  fut  ensuite  le  chef  militaire  et  civil 
ilu  gouvernement  de  Louis,  roi  d'Aquitaine,  conquit  la 
Catalogne  dans  une  suite  d'expéditions  heureuses,  entra 
en  *0G  dans  le  cloître  de  Gellone  aujourd'hui  Saint 
Guilhem  du  Désert)  qu'il  avait  fondé,  et  y  mourut  eu  *12 
en  odeur  de  sainteté. 

Les  chansons  qui  célébraient  Guillaume  de  Toulouse 
se  mêlèrent  tout  naturellement  à  celles  qui  célébraient 
d'autres  guerriers,  illustrés  aussi  par  la  part  qu'ils 
avaient  prise  à  la  conquête  de  la  Catalogne  sur  les 
musulmans;  les  surnoms  qu'ils  ont  conservés  dans  les 
poemes  postérieurs  indiquent  les  pays  dont  ils  s'étaient 
rendus  maîtres  ou  dont  ils  étaient  devenus  gouverneurs  : 
ce  son!  Bernard  de  Brusbaut  ?  ,  père  de  Bertran  le 
çalasin,  Bovon  de  Barbastre  Barbastro)  ou  de  Comarcis 
(la  coma-Tca  e&t  une  désignation  territoriale  fréquente 
dans  le  nord-est  de  l'Espagne),  Ernaud  de  Gironde 
'Gerona1,  Garin  d'Anseïme  peut-être  Ensérune  près  de 
Béziers  ,  Guibeit  d'Andienas  ./? :.  Ces  cinq  personnages 


l'épopée  nationale.  67 

furent  d'abord  sans  doute  considérés  comme  firères,  à 
cause  de  la  ressemblance  de  leurs  exploits,  et  nous 
trouvons  ensemble  Bernard,  Ernaud  et  Guibert  dans  un 
texte  de  la  plus  grande  importance,  malheureusement 
trop  court,  le  fragment  (conservé  à  La  Haie,  d'un  poème 
latin  du  xc  siècle,  visiblement  fait  d'après  des  chants 
épiques  romans.  Il  s'agit  là  de  la  pr?sc  d'une  ville  sar- 
rasine  :  c'est  Charlemagne  lui-même  qui  dirige  Tassant 
(bien  que  la  conquête  de  la  Catalogne  n'ait  pas  été  faite 
personnellement  par  lui),  et  au  premier  rang  des  guer- 
riers français  nous  voyons  figurer  Bernard  avec  son  fils 
Bertran  (appelé  palatinus,  comme  dans  les  chansons  de 
geste),  Guibert  (désigné  déjà,  comme  dans  la  plupart 
des  poèmes,  par  le  diminutif  Guibelin),  et  Ernaud,  qui 
sont  certainement  trois  des  héros  mentionnés  plus  haut. 
Garin  et  Bovon  devaient  se  trouver  aussi  dans  ce  poème, 
et  peut-être  Aimer  le  chétif,  que  nous  voyons  en  général 
associé  aux  autres,  et  qui  tire  son  surnom  de  sa  longue 
captivité  chez  les  Sarrasins.  Bernard,  Guibert,  Ernaud, 
Garin,  Bovon,  Aimer  étaient-ils  déjà  frères  dans  le 
poème  suivi  par  le  fragment  de  la  Haie?  Nous  ne  pou- 
vons l'affirmer;  cependant  leur  apparition  simultanée, 
le  nom  des  ennemis  qu'ils  combattent  ensemble  et  que 
nous  retrouvons  dans  nos  chansons,  la  présence  de 
surnoms  caractéristiques  comme  celui  de  Bertran,  tout 
porte  à  croire  que  la  réunion  en  une  famille  de  ces  six 
personnages  (et  de  Bertran)  était  dès  lors  un  fait 
accompli.  Quant  à  Guillaume,  il  ne  figure  malheureu- 
sement pas  dans  le  fragment,  mais  il  est  douteux  qu'on 
en  eût  déjà  fait  un  membre  de  cette  même  famille  :  en 
effet  le  Guillaume  historique  était  un  Franc  du  nord, 
envoyé  par  Charlemagne  pour  gouverner  le  midi,  tandis 
que  les  autres  guerriers  paraissent  avoir  été  originaires 
des  provinces  méridionales.  —  Mais  les  grands  exploits 


68  LITTERATURE    .NARRATIVE. 

de  Guillaume  s'étant  accomplis  dans  le  midi,  ils  durent, 
comme  ceux  des  premiers,  être  d'abord  chantés  dans  la 
région  qui  en  avait  été  le  théâtre  et  dans  ce  dialecte 
méridional  qui,  avec  la  conquête  chrétienne,  pénétrait 
et  s'implantait  en  Catalogne.  Guillaume  vint  donc  natu- 
rellement s'adjoindre  aux  six  autres  comme  septième 
frère,  mais  il  garde  toujours,  dans  les  poèmes,  une 
supériorité  sur  eux.  On  leur  donna  à  tous  pour  père  un 
personnage  qui  sans  doute  à  l'origine  n'avait  rien  à  faire 
avec  aucun  d'eux,  mais  dont  le  nom  se  rattachait  aussi 
à  un  épisode  des  guerres  sarrasines,  Aimeri,  que  des 
chants  anciens  présentaient  comme  ayant  occupé  et 
défendu  contre  les  Arabes  le  poste  avancé  de  Narbonne. 
C'est  ainsi  que  le  Pèlerinage  de  Charlemagne  (  voir 
ci-dessus  §  24),  poème  du  xic  siècle,  présente  la  famille 
constituée  :  il  ne  mentionne,  il  est  vrai,  que  Guillaume, 
Bernard  (avec  Bertran  ,  Ernaud  et  Aimer,  comme  fils 
d'Airneri,  mais  Bovon,  Garin  et  Guibert  devaient  déjà 
être  considérés  de  même.  La  présence  de  cette  famille 
dans  le  Pèlerinage  (où  elle  supplante  cinq  des  anciens 
pairs)  prouve  que  dès  le  xie  siècle  les  jongleurs  avaient 
transporté  du  midi  au  nord  la  geste  de  Narbonne;  ses 
membres  sont  d'ailleurs  encore,  dans  le  Pèlerinage,  pré- 
sentés comme  contemporains  et  compagnons  de  Char- 
lemagne. —  Si  les  hauts  faits  de  Guillaume  de  Toulouse 
dans  le  midi  donnèrent  lieu  à  des  chants  épiques, 
d'autres  légendes  s'attachèrent  à  sa  fin  édifiante.  Des 
poèmes  germaniques  avaient  été  composés  sur  cette 
donnée  d'un  héros  entrant  dans  un  cloître,  où  ses  habi- 
tudes  quelque  peu  brutales  jetaient  la  perturbation, 
mais  qui,  au  besoin,  retrouvait  son  ancienne  vigueur  en 
y  ajoutant  la  protection  toute  spéciale  de  Dieu.  Un 
récit  de  ce  genre,  qui  paraît  remonter  à  un  poème  lon- 
gobard  et  que  nous  trouvons  ailleurs  rapporté  à  Wal- 


L ÉPOPÉE  .nationale.  69 

ther  d'Aquitaine,  personnage  de  l'épopée  allemande,  fut 
rattaché  au  nom  de  Guillaume  dans  une  chanson  dont 
nous  n'avons  malheureusement  qu'une  version  nor- 
végienne, et  qui  conserve  d'ailleurs  des  traits  apparte- 
nant incontestablement  à  l'anachorète  de  Gellone.  Dans 
cette  chanson,  c'est  encore  sous  le  règne  de  Charle- 
magnc  que  se  passe  la  vie  monastique,  le  montage  de 
Guillaume;  mais  dans  une  autre  sur  le  même  sujet,  fort 
ancienne  d'ailleurs,  et  dont  nous  n'avons  qu'un  frag- 
ment, c'est  déjà  sous  un  roi  Louis  que  le  héros  est 
censé  vivre  et  mourir. 

39.  C'est  que  d'autres  Guillaume  étaient  venus  se  con- 
fondre avec  le  héros  originaire  des  chansons  méridio- 
nales. Déjà  dans  une  vie  latine  de  saint  Guillaume  de 
Gellone,  composée  dans  son  cloître  au  commencement 
du  xne  siècle  (vie  précieuse  en  ce  qu'elle  contient  des 
allusions  à  des  poèmes  plus  anciens  que  ceux  que  nous 
avons),  nous  le  voyons  devenu  Guillaume  d'Orange 
et  mêlé  avec  Guillaume  le  Pieux,  duc  d'Aquitaine,  son 
arrière-petit-fils.  dont  les  relations  avec  l'église  de 
Brioude  étaient  attribuées  par  la  tradition  à  son 
bisaïeul.  —  Mais  une  contamination  bien  plus  impor- 
tante devait  se  produire  dans  le  nord  de  la  France,  où 
les  chansons  sur  Guillaume  d'Orange  avaient,  comme 
on  l'a  vu,  pénétré  de  bonne  heure.  Là  un  autre  Guil- 
laume était  devenu  un  héros  épique,  appartenant  origi- 
nairement, lui  aussi,  à  une  province,  mais  transporté 
par  les  jongleurs  dans  le  grand  courant  de  l'épopée 
féodale.  Guillaume,  comte  de  Montreuil-sur-Mer  à  partir 
du  xe  siècle  environ,  avait  soutenu  des  luttes  ardentes 
contre  les  Normands,  et  semble  avoir  été  un  des  prin- 
cipaux champions  des  derniers  Carolingiens  dans  leurs 
guerres  soit  contre  leurs  grands  vassaux,  soit  contre 


70  LITTERATURE    NARRATIVE. 

I  Allemagne  :  on  fusionna  les  poèmes  qui  le  chantaient 
avec  ceux  qui  célébraient  Guillaume  d'Orange.  Un  troi- 
sième personnage,  difficile  à  bien  déterminer,  fournit 
sans  doute  le  nom  de  Guillaume  au  court  nez  (ou  peut-être 
au  courb  nez]  et  l'épisode  de  l'expédition  du  héros  en 
Italie  où  il  défend  le  pape  contre  une  invasion  sarrasine. 
Le  surnom  de  Fièrebrace  (fera  brachia)  est  tellement  fré- 
quent qu'on  ne  peut  pas  en  conclure  l'immixtion  dans 
l'épopée  d'un  autre  Guillaume  qui  l'aurait  porté  réelle- 
ment; mais  il  est  très  possible  que  d'autres  personnages 
tle  ce  nom,  objets  aussi  de  chants  épiques,  aient  été 
considérés  par  les  jongleurs  comme  identiques  à  Guil- 
laume d'Orange,  qui  avait  déjà  absorbé  ceux  que  nous 
avons  désignés.  Il  est  probable  qu'on  substitua  même 
Guillaume  à  un  personnage  d'un  autre  nom  pour  lui 
faire  jouer  un  rôle  dans  le  couronnement  de  Louis  le 
Pieux  par  son  père,  à  Aix,  en  813,  solennité  qui  avait 
frappé  vivement  l'imagination  populaire  et  dont  des 
chants  avaient  conservé  le  souvenir  :  Guillaume  de  Tou- 
louse, étant  mort  en  812,  n'avait  pu  y  prendre  part.  — 
Les  Guillaume  épiques  du  nord  vivaient,  d'après  les 
poèmes,  sous  un  roi  Louis  ;  Guillaume  d'Orange,  quand 
on  l'identifia  avec  eux,  changea  aussi  de  souverain  (ce 
qui  était  peut-être  facilité  par  le  fait  qu'il  avait  été  le 
ministre  de  Louis  en  Aquitaine),  et  ce  déplacement 
entraîna  celui  des  héros  méridionaux  qui  étaient  devenus 
ses  frères  (tandis  que,  comme  on  l'a  vu,  le  fragment  de 
la  Haie,  le  Pèlcr'mage  et  la  chanson  du  Montage  Guillaume 
traduite  en  norvégien  les  placent  encore  sous  Charle- 
magne).  —  Mais  les  Guillaume  des  jongleurs  français 
vivaient  et  eombattaicnt  dans  le  nord:  pour  faire  d'eux 
tous  et  du  Guillaume  du  midi  un  seul  et  même  person- 
nage,  il  fallut  raconter  comment  il  avait  passé  du  nord 
au    midi.    C'est   cette    explication    que    s'est    proposée 


l'épopée  nationale.  71 

laul.Mir  du  Cli'iri-"i  de  Nîmes,  un  des  plus  beaux  de  nos 
poèmes,  qui  n'est  certainement  pas  plus  nVent  que  le 
premier  fier--  du  \nf  siècle,  et  qui  montre,  par  consé- 
quent, combien  est  ancien  ce  travail  en  partie  de  rae- 
cord,  en  partie  d'invention.  Après  une  scène  admirable 
où  Guillaume,  réclamant  au  roi  le  prix  de  ses  servie-, 
a  refusé,  par  des  raisons  généreuses,  tout  ce  que  Louis 
tremblant  lui  a  offert,  scène  qui  porte  au  plus  baut  degré 
l'empreinte  de  l'époque  féodale,  il  lui  demande  de 
l'investir  du  midi  de  la  France,  qu'il  se  charge  de  déli- 
vrer des  Sarrasins,  et  il  commence  par  s'emparer  de 
Nîmes.  —  La  Prise  d'Orange  est  le  sujet  d'une  autre 
chanson  :  Guillaume  ne  prend  pas  seulepient  la  ville, 
mais  la  belle  Orable,  femme  d'un  grand  roi  sarrasin, 
qui  devient  sa  femme  sous  le  nom  de  Guibourg.  —  Le 
Montage  fut  complètement  renouvelé,  et  la  scène  en  fut 
placée  sous  Louis.  —  Mais  dans  ce  travail  de  contami- 
nation il  est  resté  bien  des  contradictions  et  des  inco- 
hérences :  ainsi  Guillaume  est  représenté  dans  h 
Charroi  comme  de  «  douce  France  »  ;  quand  il  passe  la 
frontière  du  pays  français,  il  se  retourne  pour  en  recc 
voir  en  pleurant,  comme  un  dernier  adieu,  la  brise  dans 
son  sein,  et  cependant  on  le  dit  fds  d'Aimeri  de  Xar- 
bonne  et  par  conséquent  Provençal;  plus  tard,  vaincu 
par  les  Sarrasins  et  rejeté  dans  Orange,  il  n'a  personne 
dans  son  voisinage  qui  puisse  l'aider,  et  c'est  à  Laon, 
où  il  est  venu  demander  secours  à  Louis,  qu'il  trouve 
son  père  et  ses  frères,  etc. 

40.  Un  poème  ancien,  sans  doute  méridional,  racontait 
une  bataille  perdue  près  d'Arles  contre  les  Sarrasins  par 
les  chrétiens  et  dans  laquelle  avait  été  tué  un  héros 
appelé  Vézian  ou  Vivian  :  cette  tradition  se  rattachait 
aux   tombeaux    antiques    qui   couvraient    le   cimetière 


72  LITTERATURE    NARRATIVE. 

voisin  d'Arles,  appelé  Elysii  Campi  d'où  Aleschans,  et  dont 
la  légende  voulait  que  les  sarcophages  eussent  été  créés 
par  miracle  pour  recevoir  les  corps  des  chrétiens 
vaincus.  —  Les  chanteurs  français  firent  de  Vivian  (ils 
adoptèrent  cette  forme  et  la  changèrent  plus  tard  en 
Vivien)  le  neveu  de  Guillaume  (soit  par  son  frère  Garin, 
soit  par  une  sœur),  et  attribuèrent  à  Guillaume  une  part 
considérable  dans  ce  combat.  C'était  le  sujet  d'un  poème 
perdu  (dont  la  Chevalerie  ou  le  Covenant  Vivian  n'est 
qu'une  restitution  relativement  récente  d'après  les  don- 
nées des  poèmes  postérieurs),  qui  paraît  n'avoir  pas  été 
terminé.  —  Deux  suites  indépendantes  lui  furent  don- 
nées :  toutes  deux  supposent  connus  les  événements 
antérieurs,  mais  l'une  (Foucon)  paraît  avoir  trouvé  déjà 
racontée  la  mort  de  Vivian,  tandis  que  l'autre  (Aleschans) 
la  raconte.  Ces  deux  suites  ont  une  grande  importance 
pour  l'histoire  du  cycle.  La  première  pourrait  s'appelei 
Rainouart  :  elle  se  divise  en  trois  parties,  qui  sont 
réellement  inséparables  et  l'œuvre  du  même  poète, 
lequel  paraît  s'être  appelé  Jendeu  de  Brie  et  avoir  écrit 
vers  1170  dans  la  Sicile,  alors  française.  La  première 
partie,  Aleschans,  nous  montre  Guillaume,  après  sa 
défaite,  venant  à  Paris  demander  des  secours,  les  obte- 
nant non  sans  peine  et  ramenant  dans  le  midi  une  nom- 
breuse armée;  il  emmène  aussi  une  sorte  de  géant, 
moitié  comique,  moitié  terrible,  Rainouart,  qui  se 
trouve  être  le  frère  de  sa  femme  Orable  (Guibourg1, 
enlevé  tout  enfant  aux  Sarrasins.  Rainouart  est  l'objet, 
dans  les  cuisines  royales  où  ou  l'a  relégué,  des  raille- 
ries de  tous,  jusqu'au  jour  où  il  révèle  sa  force  prodi- 
gieuse et  son  grand  cœur.  Aidé  de  ses  frères,  du  roi  et 
de  Rainouart,  Guillaume  chasse  les  Sarrasins  de  France. 
Le  second  poème,  Loquifier,  raconte  les  exploits  fan- 
tastiques de  Rainouart  en  Sicile  et  son  voyage  à  l'île 


L EPOPEE   NATIONALE.  73 

d'Avalon  où  il  voit  Arthur  et  sa  sœur  Morgue  :  cette 
introduction  de  l'élément  celtique  dans  une  chanson  de 
geste   atteste   le   peu  d'antiquité   de   celle-ci.   Enfin  le 
Montage   Rainouart,   imité    du    Moniage   Guillaume,   nous 
montre  les  moines  de  Brioude  aux  prises  avec  leur  for- 
midable confrère,   dont  les  exploits,    ici  comme   dans 
Aleschans,  excitent  le  rire  autant  que  l'étonnement.  A 
l'œuvre  de  Jendeu  de  Brie  se  rattache,  comme   suite 
sensiblement  postérieure,  le  poème  de  Renier  :  Renier 
est  le  petit-fils  de  Rainouart,  il  devient  roi  de  Sicile,  et 
il  a  pour  fils  Tancré  (Tancrède),  le  héros  de  la  première 
croisade;  le  même  jour  que  Tancré  naissent  Godefroi 
de    Bouillon   et  les   autres  chefs   de   la  guerre  sainte 
ainsi  le  travail  cyclique  dépasse  les  limites  non-seule- 
ment de  la  geste  méridionale,  mais  de  l'épopée  carolin- 
gienne, et  va  rejoindre  à  celle-ci  le  cycle  de  la  croisade, 
malgré  les  siècles  qui  l'en  séparent.  —  L'autre  conti- 
nuation du  poème  consacré  à  Vivian  et  à  Guillaume  est 
Foucon   de  Candie,  composé  vers  1170,  en  vers  très  soi- 
gneusement  rimes,  par  Herbert  le  Duc,  de  Dammartin 
en  Goële.  Ce  poème  commence,  comme  Aleschans,  par 
nous  montrer  Guillaume  revenant,  la   tète  baissée,  et 
poursuivi    par   les   Sarrasins,  du   combat  où  Vivian  a 
péri.  Comme  dans  Aleschans,  Guillaume  va   en  France 
demander  le  secours  du  roi  Louis;  mais  ici  il  l'obtient 
sans    difficulté,  et   le  roi   prend  une  grande  part  aux 
prouesses  qui  remplissent  ce  long  roman,  dans  lequel 
on   voit   Guillaume   et  Louis  poursuivre   leur  victoire 
jusqu'à  Babylone,  vaincre  l'«  amiral  »  de  tous  les  païens 
au  profit  de  Tibaud,  devenu  leur  allié.  Le  héros  prin- 
cipal, au   moins  dans  la  première  partie,  est  Foucon, 
petit-neveu  de  Guillaume  (par  une  sœur  de  Vivien),  qui 
inspire  un  vif  amour  à  Anfélise,  princesse  de  Candie 
(c'est  sans  doute  Gandia  en  Espagne),  et  arrive  à  l'épou- 


74  LITTÉRATURE   NARRATIVE. 

ser  et  à  posséder  son  royaume.  Ce  poème,  assez  banal 
•  ■i  fastidieux  à  notre  goût,  eut  aux  xnc  et  xih*  siècles  un 
immense  succès,  él  fut  un  de  ceux  qui  firent  le  plus  con- 
naître en  Italie  la  geste  ilt-s  «  Xarbonnais  ». 

41.  A  ces  poèmes  il  faut  en  joindre  d'autres,  qui  com- 
plètent ou  amplifient  la  geste  en  divers  sens.  D'abord 
les  Enfin œt  de  GmUaume,  le  Département  des  infants 
d'Aimeri,  et  1rs  Enfances  de  Vivien,  composés êto  dehors 
de  toute  tradition  dans  le  dernier.  Vivien  est  fils  de 
Garin  d'Anseiïne.  tandis  que  la  Chevalerie  en  fait  le  fils 
d'une  sœur  d<-  Guillaume),  puis  des  poèmes  sur  chacun 
des  frères  de  Guillaume  :  Bovon  de  Comarcis  ou  le  Siège 
de  Barbaslre  un  texte  du  xn-  siècle  en  assonances  a  été 
renouvelé  en  rimes  par  Adenet  le  Roi  à  la  fin  du  xmc), 
Guibcrt  d'Andirua^  etc.  :  c'est  toujours  l'histoire  de  la 
prise  d'une  ville  et  des  heureuses  amours  du  héros  avec- 
une  princesse  sarrasine.  Enfin  la  Mort  d'Aimeri  est  le 
sujet  d'une  chanson  qui  termine  une  des  branches  de 
cet  arbre  si  largement  ramifié.  — Mais  Aimeri  lui-même, 
qui  était-il?  Une  ancienne  chanson  racontait,  nous 
l'avons  dit  g  38),  qu'il  avait  vaillamment  défendu  Xar- 
bonne  contre  les  Sarrasins.  Plus  tard  on  lui  attribua  la 
part  principale  dans  la  prise  même  de  Xarbonne,  qui 
aurait  eu  lieu  au  retour  de  la  grande  expédition  d'Es- 
pagne, et  on  fit  de  lui  le  fils  d'un  personnage  appelé 
Ernaud  de  Beaulande.  Bertrand  de  Bar-sur-Aube,  au 
commencement  du  xnr  siècle,  renouvela  ce  récit,  non 
sans  talent,  dans  son  Aimeri  de  Xarbonne,  et  y  joignit 
l'histoire  du  mariage  d'Aimeri  avec  Ermenjard  de  Pavie, 
qui  devait  être  la  mère  des  sept  illustres  frères.  C'est 
sans  doute  ce  poète  qui  est  l'auteur  d'une  nouvelle  con- 
tamination, inconnue  aux  chansons  dont  nous  avons 
parlé  jusqu'ici,  et  qui  relie  la  geste  des  Xarbonnais  à  la 


L  EPOPEE   NATIONALE.  75 

geste  royale  en  donnant  à  Ernaud  de  Beaulande  trois 
frères,  Renier  de  Genève,  père  d'Olivier  et  d'Aude, 
Milon  de  Pouille  (auquel  plus  tard  on  attribua  un  fils, 
Simon  de  Rouille,  héros  d'un  poème  sans  valeur  sur  une 
expédition  en  Orient),  et  Girard  de  Vienne.  Ce  Girard 
n'est  autre  qu'un  double  de  Girard  de  Roussillon,  dont 
il  a  été  parlé  plus  haut  (§  25)  :  un  ancien  poème,  dont 
nous  avons  conservé  un  résumé  norvégien,  racontait  sa 
guerre  avec  Charlemagne  et  le  siège  qu'il  soutint  dans 
Vienne;  Bertrand,  dans  son  Girard  de  Vienne,  remania 
cette  histoire  et  y  introduisit  le  bel  épisode  du  combat  de 
Roland  et  d'Olivier,  origine  de  leur  compagnie  et  des 
fiançailles  de  Roland  avec  la  sœur  d'Olivier.  —  A  ces 
quatre  frères,  Ernaud,  Renier,  Milon,  Girard,  il  fallut 
donner  un  père  :  ce  fut  Garin  de  Monglane  (sans  doule 
originairement  père  du  seul  Renier),  dont  on  raconta 
d'abord  les  exploits  dans  Garin  de  Monglane  (xme  siècle), 
puis  les  Enfances  (xivc  siècle). 

42.  Ainsi  s'achève,  par  Renier  d'une  part,  par  les  En-' 
fances  Garin  de  l'autre,  cette  vaste  construction  dispa- 
rate, qui  a  d'autres  aboutissements  encore  dans  la  Mort 
Aimeri,  dans  le  Moniage  Guillaume  et  dans  le  Montage 
Rainouart.  Les  parties  qui  la  composent,  non  seulement 
ne  sont  pas  de  même  date  et  de  même  style,  mais  sou- 
vent ne  s'agencent  pas  bien  les  unes  avec  les  autres, 
parce  que  plusieurs  de  celles  qui  nous  sont  parvenues 
ont  été  construites  pour  en  continuer  d'autres  que  nous 
n"avons  plus  ou  qui  ont  été  plus  tard  refaites  autrement. 
Il  s'en  faut  que  chacun  des  auteurs  qui  y  travaillèrent 
ait  connu  l'ensemble  ou  l'ait  connu  tel  que  nous  le  con- 
naissons. Ainsi  le  Couronnement  de  Louis,  la  Chevalerie 
Vivien,  la  Prise  d'Orange,  les  Enfances  Guillaume,  etc.,  ont 
existé  sous  des  formes  différentes  de  celle  qui  est 
arrivée  jusqu'à  nous,  et  c'est  à  ces  formes  premières 


76  littérature:  narrative. 

que  se  réfèrent  d'autres  poèmes.  La  plupart  de  nos 
manuscrits  sont  des  manuscrits  de  compilation,  où  on  a 
essayé  de  grouper  un  plus  ou  moins  grand  nombre  de 
poèmes  navbonnais  en  une  sorte  d'histoire  suivie;  on  n'a 
pas  réussi  à  en  faire  disparaître  les  contradictions  et 
les  incohérences,  bien  qu'on  se  soit  permis  non  seule- 
ment des  raccords,  mais  souvent  des  modifications 
importantes  aux  textes  qu'on  voulait  réunir. 


CHAPITRE   II 


IMITATION    DE     LANTIQUITE 


43.  L'épopée  nationale  est  le  produit  spontané  de  la 
société  nouvelle  sortie  de  la  conquête  germanique  :  les 
lettrés  n'y  eurent  à  l'origine  aucune  part;  ce  n'est  que 
quand  elle  eut  cessé  d'être  dans  sa  période  de  formation 
qu'ils  y  intervinrent,  sans  toutefois  la  modifier  profon- 
dément. Mais  le  goût  répandu  dans  le  public,  et  que 
les  clercs  partageaient  eux-mêmes,  pour  les  merveilleux 
récits  que  l'épopée  nationale  avait  enfantés  devait  les 
engager  à  mettre  en  langue  vulgaire  certains  récits  de 
leurs  livres  latins  qui  leur  semblaient  au  moins  aussi 
bien  faits  pour  exciter  la  curiosité  et  plaire  à  l'imagina- 
tion. Les  œuvres  de  la  littérature  latine  antique  n'avaient 
jamais  cessé  d'être  lues  et  étudiées  dans  les  écoles;  on 
n'en  comprenait  pas,  il  est  vrai,  la  beauté  artistique, 
mais  on  croyait  y  trouver  toujours  et  une  incontestable 
vérité  historique  et  un  profond  enseignement  moral  (les 
récits  empruntés  à  l'antiquité,  dit  Jean  Bodel,  sont 
sérieux  et  apprennent  la  sagesse).  Quand  elles  se  trou- 
vaient contenir  des  aventures  non  moins  surprenantes 
que  celles  que  chantaient  les  jongleurs,  elles  semblaient 


78  LITTÉRATURE    NARRATIVE. 

aux  lettrés  supérieures,  et,  à  partir  du  commencement 
du  XIIe  siècle,  ils  s'efforcèrent  de  l'aire  passer  en  français 
celles  qui  leur  paraissaient  pouvoir  plaire  davantage 
aux  seigneurs  et  aux  dames  qui  ignoraient  la  langue 
latine.  Par  une  sympathie  naturelle,  ils  s'adressèrent, 
plutôt  qu'aux  œuvres  vraiment  classiques,  aux  produc- 
tions de  la  décadence  gréco-romaine,  dont  l'inspiration 
à  la  fois  simple  et  bizarre,  la  prétention  à  une  stricte 
vérité  historique  et  le  contenu  romanesque  étaient  déjà 
en  bien  des  points  plus  conformes  à  l'esprit  du  moyen 
âge  qu'à  celui  de  la  vraie  antiquité. 

44.  Ce  fut  l'histoire  fabuleuse  d'Alexandre  le  Grand 
qui  l'ut  la  première  communiquée  aux  laïques.  Un  roman 
de  tendance  tout  égyptienne,  connu  sous  le  nom  du  faux 
Callisthène,  avait  été  composé  sur  le  héros  macédonien, 
vers  le  n°  siècle,  à  Alexandrie;  l'auteur  y  avait  accumulé 
les  merveilles  des  contes  orientaux.  Le  livre  grec  l'ut 
traduit  en  latin,  avant  le  milieu  du  IVe  siècle,  par  un 
certain  Julius  Valerius,  et  cette  traduction  fut  forlr- 
ment  abrégée  vers  le  temps  de  Charlemagne.  l.'epitimie 
de  Julius  Valerius  servit  de  base,  dans  les  premières 
années  du  xuc  siècle,  à  un  poème  en  dialecte  dauphinois 
dont  l'auteur  s'appelait  Albéric  de  Besançon  (ou  de 
Briançon?),  et  qui  avait  la  forme  des  chansons  de  geste 
(laisses  monorimes  de  vers  de  huit  syllabes,  comme 
ceux  du  Hoi  Louis).  De  ce  poème,  qui  paraît  avoir  été 
fort  remarquable,  nous  n'avons  conservé  qu'un  court 
fragment  du  début,  et  nous  ne  savons  pas  au  juste  ce 
qu'il  contenait;  car  le  clerc  Lamprecht,  qui  en  fit  peu 
de  temps  après  son  apparition  une  imitation  allemande, 
semble  ne  lavoir  eu  pour  guide  que  jusqu'à  un  moment' 
peu  avancé  de  la  biographie  d'Alexandre.  Ce  qui  carac- 
térise Albéric,  c'est  sa  façon  de  comprendre  le  sujet, 


IMITATION    DE   %  ANTIQUITE.  7fl 

exprimée  déjà  dans  les  premiers  vers  :  son  poème  est 
deBtiné  à  illustrer  cette  pensée  de  Salomon  que  tout  est 
vanité,  et  de  eette  vanité  il  voulait  montrer,  dans  la  mort 
prématurée  d'Alexandre  après  tant  de  triomphes  et  de 
prodiges»,  l'exemple  le  plus  frappant.  Ce  poème  a  déjà 
un  caractère  féodal  marqué  :  le  moyen  âge  n'a  jamais  eu 
conscience  de  ce  qui  le  distinguait  si  profondément  de 
l'antiquité:  il  s'est  toujours  représenté  le  monde  comme 
ayant  été  de  tout  temps  ce  qu'il  le  voyait  être,  il  se 
figurait  naïvement  Alexandre  avec  ses  capitaines  comme 
un  roi  de  France  ou  d'Angleterre  entouré  de  ses  barons, 
et  traduisait  milites  par  chevaliers  sans  se  douter  de  la 
différence  qui  existait  entre  ces  deux  termes.  Le  stvle 
d'Albéric  est  vif,  singulier,  poétique;  l'empreinte  en  est 
restée  dans  la  copie  un  peu  affaiblie  de  Lamprecht.  — 
Son  œuvre  passa  dans  le  domaine  delà  langue  d'oui,  en 
Poitou  d'abord,  semble-t-il,  où  un  certain  Simon  la  mit 
en  français  en  allongeant  les  vers  de  deux  syllabes, 
puis  dans  le  nord,  où  plusieurs  poètes,  du  xne  sàèele 
encore,  parmi  lesquels  Lambert  le  Tort  de  Châteaudun, 
Alexandre  de  Bernai,  surnommé  de  Paris,  et  Pierre  de 
Saint-Cloud  voir  §  83)  sont  les  seuls  qui  nous  aient 
Laissé  leurs  noms,  l'amplifièrent  considérablement  dans 
un  long  poème  en  vers  de  douze  syllabes  (appelés  plus 
tard,  à  cause  de  cela,  vers  alexandrins),  où  ils  ont  d'ail- 
leurs utilisé  d'autres  sources  q.u'Albéric  ;  ils  l'ont,  connu 
lui-même  non  directement,  mais  à  travers  le  renouvel- 
lement de  Simon.  Le  trait  distinctif  de  ces  romans  est 
d'exalter  en  Alexandre  les  vertus  chevaleresques  les  plus 
à  la  mode  au  xne  siècle,  et  par-dessus  tout  la  largesse, 
chère  entre  toutes  aux  trouveurs  et  jongleurs  :  Alexandre 
devint,  grâce  à  eux,  le  roi  «  large  »  par  excellence,  et 
garda  cette  renommée  pendant  tout  le  moyen  âge.  — 
A  cet  Alexandre,  qui   eut  un  très  grand    succès,  deux 


80  LITTÉRATURE    NARRATIVE. 

É 

poètes  du  dernier  quart  du  xue  siècle,  Jean  le  Venelais 
et  Gui  de  Cambrai,  ajoutèrent  indépendamment  u*ne 
Vengeance  d'Alexandre.  Au  xive  siècle  (1310-1315),  un 
épisode  de  pure  imagination  introduit  dans  le  récit  de 
la  guerre  de  l'Inde,  les  Vœux  du  Paon,  par  Jacques  de 
Longuyon,  plut  extraordinairement,  parce  qu'il  était 
inspiré  par  la  galanterie  aventurière  et  le  chevaleresque 
factice  alors  à  la  mode;  il  fut  traduit  en  néerlandais,  et 
fut  lui-même  l'objet  de  deux  suites,  le  Restor  du  Paon, 
par  Jean  Brisebarre  de  Douai,  et  le  Parfait  du  Paon,  par 
Jean  de  le  Mote.  Une  restait  plus  dans  ces  inventions  la 
moindre  trace  de  l'esprit  antique  ni  même  de  l'inspiration 
encore  héroïque  et  sérieuse  des  premiers  poèmes  fran- 
çais. —  Notons  que  dans  les  Vœux  du  Paon  apparaissent 
pour  la  première  fois  les  *  neuf  preux  » .  cette  triple  triade 
de  héros  (trois  juifs,  trois  païens,  trois  chrétiens)  qui 
devait  être  si  souvent  célébrée  dans  la  littérature,  l'art 
et  les  fêtes  du  moyen  âge  et  fournir  au  xve  siècle  le  sujet 
d'un  roman  spécial. 

45.  Les  poèmes  sur  Alexandre  empruntent  leur  forme 
à  l'épopée  nationale.  Les  autres  romans  de  source 
antique  sont  écrits  en  vers  plats  de  huit  syllabes,  forme 
narrative  destinée  à  la  lecture  et  employée  au  moins 
dès  le  commencement  du  xir3  siècle  dans  des  ouvrages 
historiques,  édifiants  ou  didactiques.  Le  roman  de  Troie 
fut  écrit  vers  1160  par  un  poète  tourangeau,  Benoît  de 
Sainte-More,  qui  le  dédia  à  la  reine  d'Angleterre,  Alié- 
ner de  Poitiers.  Il  ne  comprend  pas  moins  de  30  000  vers 
écrits  d'un  style  facile  où  apparaît  même,  dans  plusieurs 
morceaux,  un  vrai  talent.  Ce  n'est  pas  dans  Ylliade, 
dont  le  moyen  âge  connaissait  cependant  le  sec  abrégé 
en  vers  latins  composé  au  ne  siècle  par  Italicus.  que 
Benoît  a  pris  la  matière  de  son  poème.  A  l'époque  de  la 


IMITATION    DE   L  ANTIQUITÉ.  81 

décadence,  deux  romans,  composés  sans  doute  en  grec, 
puis  abrégés  en  latin,  avaient  transmis  sur  la  guerre  de 
Troie  «lis  renseignements  que  l'on  jugeait  bien  autre- 
ment sûrs  que  ceux  d'Homère  :  l'un  résumait  un  journal 
du  siège,  tenu  par  le  Phrygien  Darès,  qui  était  enfermé 
dans  la  ville,  l'autre  reproduisait  des  mémoires  sur  la 
guerre  écrits  par  le  Cretois  Dictys,  un  des  assiégeants. 
Benoît  a  suivi  ces  deux  guides,  Darès  surtout,  qui  était 
bien  plus  sympathique  aux  gens  du  moyen  âge,  parce 
(pie  les  Francs,  d'après  une  invention  de  clercs  de 
l'époque  mérovingienne,  descendaient  des  Troyens 
comme  les  Romains  et  aussi  comme  les  Bretons  (il  (aut 
toutefois  remarquer  que,  sauf  dans  Geffrei  Gaimar. 
voir§  9i,  les  fables  troyennes  qu'on  peut  appeler  ethno- 
géniques  ne  se  mélangent  pas  aux  récits  sur  la  guerre 
de  Troie).  Mais  le  poète  français  a  beaucoup  ajouté  à 
ces  sources  (auxquelles  il  faut  joindre  une  histoire  des 
Argonautes  qui  sert  d'introduction)  :  outre  qu'il  a 
naturellement  transformé  les  caractères  et  les  événe- 
ments en  leur  donnant  la  couleur  de  son  époque,  il 
paraît  bien  avoir  inventé  des  épisodes  entiers,  dont  l'un, 
le  meilleur  de  tous,  consacré  aux  amours  de  l'infidèle 
Driséida,  fille  de  Calchas,  d'abord  avec  Troïlus,  puis 
avec  Diomède,  a  fourni  le  sujet  d'un  poème  à  Boccace 
et  d'une  tragédie  à  Shakspeare.  —  Le  roman  de  Troie 
eut  un  grand  succès  en  France  (où  on  l'abrégea  en 
prose  dès  le  xitie  siècle)  et  à  l'étranger  ;  il  fut  traduit  en 
allemand  au  xne  siècle  et  mis  en  latin  à  Messine,  au 
xmp  siècle,  par  Guido  délie  Colonne,  qui  ne  nomma  pas 
sa  source,  et  qui  a  longtemps  passé  pour  auteur,  tandis 
qu'il  n'était  que  traducteur.  Une  revanche  des  Troyens. 
sous  la  direction  de  Landomata  (Laodamas),  fils  d'Hector, 
était  l'objet  d'un  roman  peut-être  déjà  grec,  traduit 
plus  tard  en  latin  (Benoît  l'a  connu),  et  dont  on  a  une 

6 


82  LITTERATURE    NARRATIVE. 

rédaction  en  prose  du  xin°  siècle.  —  Le  roman  d'Hector 
est  une  œuvre  de  pure  invention,  qui  raconte  la  jeu- 
nesse du  héros,  et  appartient  à  la  littérature  franco- 
italienne. 

46.  On  peut  regarder  comme  une  suite  du  roman  de 
Troie,  bien  qu'il  ait  peut-être  été  composé  antérieure-- 
ment,  le  roman  d'Énéas,  où  l'Éneïdeest  travestie,  on  peut 
le  dire,  à  la  mode  du  moyen  âge;  car  ce  qui  ne  nous 
choque  pas  pour  Callisthène  ou  Darès  nous  fait  un  autre 
effet  appliqué  à  Virgile.  Le  poète  normand,  qui  ne 
manque  pas  de  talent  dans  son  genre,  ne  voit  dans  son 
modèle  que  l'histoire,  Y  aventure,  et  il  l'orne  à  sa  façon 
par  des  descriptions,  par  des  récits  de  combats  dans  le 
style  du  xne  siècle,  et  par  le  détail  moitié  naïf,  moitié 
puéril  des  amours  d'Énée  et  de  Lavine.  Son  œuvre  fut 
d'ailleurs  fort  appréciée,  et,  traduite  en  flamand  par 
Henri  de  Veldeke,  puis  mise  en  dialecte  thuringien, 
inaugura  en  Allemagne  la  poésie  courtoise.  Benoît,  par 
l'importance  qu'il  attache  à  la  courtoisie,  par  sa  façon 
déjà  conventionnelle  et  raisonneuse  de  comprendre 
l'amour,  par  son  style  soigné,  peut  aussi  être  consi- 
déré chez  nous  comme  le  premier  représentant  de 
cette  poésie  qui  devait  s'épanouir  si  richement 
après  lui. 

47.  Il  n'est  pas  certain  non  plus  que  Benoît  de  Sainte- 
More  soit  l'auteur  d'un  troisième  poème,  qui,  dans 
l'ordre  du  récit,  précède  les  deux  premiers,  le  roman 
de  Tltèbes,  mais  cela  parait  probable.  La  source  est  le 
poème  de  Stace,  plus  ou  moins  glosé;  l'idée  d'en  tirer 
un  roman  chevaleresque  aurait  été  impraticable  si  on 
l'avait  suivie  de  près;  mais  l'auteur  français  s'est  donné 
de  grandes  libertés  :  il  a  créé  des  épisodes  tout  nouveaux, 


IMITATION    DE    L  ANTIQUITE.  83 

et  son  œuvre,  qui  est  vraiment  remarquable,  a  réussi, 
comme  le  montrent  les  remaniements  dont  elle  a  été 
robjet  au  xiua  siècle,  et  aussi  les  noms  de  quelques-uns 
de  ses  personnages,  Parténopeus,  Protésilaus,  Ilippo- 
médon,  empruntés  à  son  ouvrage  par  des  poètes  pos- 
tr rieurs  qui  en  ont  l'ait  les  noms  de  leurs  héros 
(§51). 

48.  Le  poème  de  Jacot  de  Forest  (seconde  moitié  du 
\iiic  siècle)  sur  Jules  César  provient  de  la  Pharsale  de 
Lucain;  mais  il  n'en  provient  pas  directement  :  l'auteur 
a  simplement  mis  en  vers  un  César  en  prose  de  Jean  de 
Tuin  en  Hainau  (vers  1240),  fait  d'après  la  Pharsale 
et  aussi  d'après  d'autres  sources,  et  où  Jean  avait  déjà 
introduit  certaines  additions,  comme  une  histoire 
détaillée,  et  tout  à  fait  dans  le  goût  du  temps,  des 
amours  de  César  et  de  Cléopâtre.  —  Mentionnons  une 
imitation  d'une  partie  de  la  Pharsale,  composée  en  laisses 
monorimes  et  en  franco-italien  par  Nicolas  de  Vérone 
en  1343. 

49.  L'un  des  poètes  favoris  des  écoles  du  moyen  âge 
était  Ovide.  Nous  parlerons  ailleurs  de  Y  Art  d'aimer; 
les  Métamorphoses  n'eurent  pas  moins  de  succès.  Chré- 
tien de  Troies  (§  57)  nous  apprend  qu'il  avait  imité  en 
vers  français  les  épisodes  de  Pélops  et  de  Philomèle; 
le  premier  de  ces  poèmes,  dont  le  sujet  n'est  d'ailleurs 
indiqué  que  bien  sommairement  dans  les  Métamorphoses, 
est  perdu;  le  second  vient  d'être  retrouvé  (il  est  incor- 
poré dans  l'œuvre  du  xive  siècle  dont  il  va  être  ques- 
tion) :  il  nous  fournit  un  intéressant  sujet  d'étude  en 
nous  montrant  le  conteur  du  xn°  siècle  aux  prises  avec 
la  rhétorique  élégante  et  raffinée  du  poète  latin;  natu- 
rellement  le  poète  français  n'égale  pas   son    modèle, 


84  LITTERATURE   NARRATIVE. 

mais  il  ajoute  çà  et  là  des  traits  naïfs  qui  ont  leur 
valeur.  Le  xn0  siècle  a  encore  produit  une  charmante 
imitation  de  l'histoire  de  Pyrame  et  Thisbé.  Un  autre 
joli  poème  raconte,  en  la  transformant  beaucoup,  l'aven- 
ture de  Narcisse.  Nous  savons  que  d'autres  redisaient 
en  français  celles  de  Phyllis,  d'Héro  (l'une  et  l'autre 
tirées  des  Hrroïdes),  de  Biblis,  eto.  Un  curieux  lai  (§  55) 
sur  Orphée  ne  nous  est  connu  que  par  une  imitation 
anglaise.  —  Au  commencement  du  xive  siècle,  un  frère 
mineur  dont  on  ne  sait  pas  le  nom  composa,  pour 
plaire  à  la  reine  Jeanne  de  France,  femme  de  Philippe 
le  Bel  (morte  en  1307),  un  immense  poème,  comprenant 
près  de  70000  vers  octosyllabiques,  et  qui  contient, 
outre  une  traduction,  généralement  abrégée  mais  écrite 
avec  aisance,  de  chacune  des  fables  d'Ovide,  leur  triple 
explication  historique,  morale  et  théologique  (car  les 
aventures  des  dieux  païens  doivent,  dans  l'idée  du 
moyen  âge,  être  regardées  comme  des  allégories  des 
mystères  de  la  religion  chrétienne).  C'est  V  Ovide  moralise. 
Presque  en  même  temps  un  compilateur  érudit,  Pierre 
Berçuire,  entreprenait  en  latin  la  même  tâche  singu- 
lière; les  deux  auteurs  s'appuyaient  sur  des  commen- 
taires de  la  décadence  et  sur  des  gloses  du  moyen 
âge. 

49  bis.  On  peut  encore  rapporter  à  l'imitation  de 
l'antiquité  certains  romans  historiques,  de  très  pauvre 
invention,  qui  prétendent  raconter  les  origines  antiques 
des  villes  de  France.  Ils  sont  l'œuvre  de  clercs.  Tel  est 
le  roman  de  Busialus,  originairement  écrit  en  latin, 
relatif  à  Tournai,  dont  Philippe  Mousket  a  rimé  le 
contenu  (§  96),  et  la  faible  imitation  en  prose  française 
qu'on  en  lit.  dans  la  seconde  moitié  du  xine  siècle,  en 
l'honneur  d'Amiens,  sous  le  nom  û'Abladane  (censé  nom 


IMITATION   DE    L'ANTIQUITÉ.  85 

ancien  de  cette  ville,  qui  se  serait  ensuite  appelée 
Somme-Noble,  et  enfin  Amiens)  :  nous  n'en  avons  que 
le  début;  l'auteur  prétend  s'appuyer  sur  un  écrit  latin, 
et  invoque,  évidemment  à  faux,  l'autorité  de  Richard 
de  Fournival  (§  100)  pour  attester  sa  véracité. 


CHAPITRE   III 


ROMANS    GRECS    ET     BYZANTINS 


50.  La  limite  entre  ce  chapitre  et  le  précédent  n'est 
pas  facile  à  tracer  avec  précision,  car  nous  avons  vu 
que  les  poèmes  sur  Alexandre  et  Troie  reposent  déjà 
sur  de  vrais  romans  de  la  décadence  grecque.  Le  roman 
en  prose  est  un  genre  qui  se  forma  après  la  conquête 
de  l'Asie,  dans  ce  milieu  qu'on  appelle  hellénistique,  qui 
fut  le  grand  foyer  où,  pour  la  civilisation,  la  religion, 
l'art,  la  littérature,  se  mêlèrent  l'Orient  et  l'Occident. 
Ce  genre  a  été  certainement  très  fécond  dans  son  pays 
d'origine,  et  nous  n'en  avons  conservé  qu'un  petit 
nombre  de  spécimens.  Il  continua  à  prospérer  dans  la 
période  byzantine.  Plusieurs  de  ses  productions  furent 
traduites  plus  ou  moins  anciennement  en  latin,  et 
séduisirent  les  esprits  occidentaux  par  la  bizarrerie 
même  de  leurs  récits,  où  l'amour  jouait  toujours  un 
grand  rôle.  A  cette  époque,  l'Italie  du  sud,  encore  à 
moitié  grecque,  sert  le  plus  souvent  d'intermédiaire.  — 
De  ce  nombre  sont  (outre  Callisthène,  Dictys,  Darès)  : 
Apollonius  de  Tyr,  imité,  comme  nous  l'avons  vu  (§  27), 
dans  Jourd'iin  de  Dlaie  et  ailleurs  sous  diverses  formes, 


ROMANS    GRECS    Et    BYZANTINS.  iS7 

très  populaire  au  moyen  âge  il  serl  encore  de  sujet  au 
Périclés  attribué  à  Shakspeare); l'original  grec  est  perdu, 
mais  on  en  a  une  version  latine  très  ancienne;  —  l'his- 
toire des  Sept  Sages,  roman  indien,  où,  pour  perdre  ou 
sauver  un  jeune  prince  injustement  accusé  par  sa 
marâtre,  on  raconte  pendant  sept  jours  des  histoires  en 
sens  contraire;  traduit  en  persan,  puis  en  syriaque,  en 
arabe  et  en  grec,  il  reçut  dans  l'empire  byzantin  une 
forme  toute  nouvelle,  qui  s'est  perdue,  mais  qui  paraît 
avoir  passé  par  l'Italie  et  être  la  source  des  diverses 
versions  occidentales;  —  la  légende  du  magicien  Hélio- 
dore,  devenue  celle  de  Virgile  en  arrivant  à  Naples;  — 
celle  d'Hippocrate,  qui  ressemble  en  plus  d'un  point  à 
la  précédente;  —  un  grand  nombre  de  vies  de  saints 
qui  ne  sont  en  réalité  que  des  romans  et  qui  ont  passé 
aussi  d'une  forme  grecque  à  une  forme  latine,  le  plus 
souvent  d'origine  italienne  :  telles  sont  celles  de  saint 
Georges,  saint  Grégoire,  saint  Alexis,  sainte  Catherine, 
sainte  Marguerite,  sainte  Marie  l'Égyptienne,  etc. 
(voir  plus  loin  §  147). 

5t.  Plus  tard,  à  partir  des  croisades,  les  rapports  des 
Francs  avec  les  Grecs  devinrent  directs,  et  plusieurs 
romans,  qui  n'existent  plus  en  grec,  mais  que  différents 
indices  nous  permettent  de  reconnaître  comme  byzan- 
tins, furent  mis  en  français  sans  passer  par  le  latin,  et 
sans  doute  grâce  à  une  transmission  simplement  orale. 
Tels  sont  Éracle,  par  Gautier  d'Arras  (§  66,  vers  1165)  : 
la  seconde  partie  de  ce  roman  (entrepris  pour  Tibaud 
de  Blois  et  Marie  de  Champague,  terminé  pour  Bau- 
doin IV  de  Hainau)  est  empruntée  à  un  ancien  conte 
oriental  ;  la  première  remonte  à  un  roman  grec  dont  on 
possède  une  forme  populaire  moderne  dans  le  poème  de 
Ptocholéon;  —  Flaire  et  Blanche  fleur,   qui  existe  en  deux 


88  LIfTÉRATORE   NARRATIVE. 

rédactions  du  xne  siècle  et  a  été  traitée,  d'après  le 
français,  dans  toutes  les  langues  de  l'Europe,  notam- 
ment en  italien  par  Boccace  :  c'est  la  gracieuse  et  tou- 
chante histoire  de  deux  enfants  qui  s'aiment,  sont  sépa- 
rés, se  rejoignent  malgré  bien  des  difficultés  et  des 
dangers,  et  finisssent  par  être  heureux;  une  autre  forme 
de  cette  histoire,  très  altérée  par  la  transmission,  est  la 
délicieuse  chantefable  d'Aucassin  et  Nicolette,  écrite  au 
xuc  siècle,  moitié  en  prose,  moitié  en  laisses  asso- 
nantes  de  sept  syllabes  (c'est  ce  mélange  qu'exprime  le 
titre);  —  Florimont,  histoire  rattachée  par  des  liens 
généalogiques  aux  poèmes  sur  Alexandre,  et  qui  a  cer- 
tainement, au  moins  en  partie,  existé  en  Grèce,  bien 
qu'on  n'y  en  trouve  plus  aucune  trace;  l'auteur,  Aimon 
de  Varenne,  qui  l'écrivit  en  1188  à  Chàtillon-sur- 
Azergue  (Rhône),  dit  positivement  l'avoir  recueillie  à 
Philippopoli,  où  il  avait  séjourné,  et  il  môle  çà  et  là 
dans  ses  vers  des  mots  grecs,  qui  ne  prouvent  pas  d'ail- 
leurs qu'il  sût  réellement  le  grec.  Il  est  très  remar- 
quable quAimon.  tout  Lyonnais  qu'il  lût,  écrit  *  dans 
la  langue  des  Français  »,  et  non  sans  talent  (car  il  veut 
leur  plaire,  et,  dit-il,  Chançon  ne  estoire  ne  plait  As  Frén- 
ceis  se  il  ne  l'ont  fait);  —  Athis  et  Porphirias,  par  Alexandre 
de  Bernai  (cf.  §  4 i->  ;  la  deuxième  partie  de  ce  très  long 
poème  paraît  une  suite  d'aventures  de  pure  invention; 
la  première  est  un  conte  grec  dont  nous  avons  diverses 
formes  (une  entre  autres  dans  le  Décaméron  de  Boccace), 
et  dont  un  trait  se  retrouve  dans  l'histoire  bien  connue 
de  Stratonice  :  —  le  Comte  de  Poitiers  (xnc  siècle)  et  le 
Roman  de  la  Violette  (par  Gerbert  de  Mon  treuil,  dédié  vers 
1225  à  la  comtesse  Marie  de  Ponthieu)  :  deux  variantes 
de  la  même  histoire,  qui  se  retrouve  aussi,  mais  plus 
différente,  dans  le  conte  en  prose  de  Ftoire  et  Jeanne, 
dans  le  poème  de  Guillaume  de  Dole  (1200)  et  dans  d'au- 


ROMANS    GRECS    ET    BYZANTINS.  80 

très  récits  (notamment  dans  un  comte  de  Boccace  et 
dans  le  Cymbeline  de  Shakspeare)  :  il  s'agit  d'une  femme 
dont  la  vertu  est  l'objet  d'une  gageure  et  qui,  odieuse- 
ment calomniée,  finit  par  faire  reconnaître  son  inno- 
cence; un  chant  populaire  grec  conserve  la  forme  la 
plus  ancienne  de  ce  thème  et  indique  d'où  il  provient; 
—  Constant  l'empereur,  conte  qui,  comme  tant  d'autres 
récits  orientaux,  est  consacré  à  montrer  la  puissance 
fatale  de  la  destinée,  et  qui  est  ici  rattaché  à  la  fonda- 
tion de  Constant  inople;  on  en  a  une  version  en  vers 
et  une  mise  en  prose  (mentionnons  ici  les  contes, 
certainement  d'origine  grecque,  sur  les  infortunes  con- 
jugales de  Constantin  i; —  la  Manekine,  poème  composé 
au  xme  siècle  par  le  célèbre  Philippe  de  Beaumanoir 
(§  102)  :  un  roi  épris  de  sa  propre  fille  la  force  à  se 
mutiler  et  à  s'exiler;  devenue  la  femme  d'un  autre  roi, 
elle  est  sujette  à  de  nouvelles  persécutions,  finit  par  en 
triompher,  et  recouvre  même  miraculeusement  l'inté- 
grité de  ses  membres  :  ce  récit  semble  bien  venir  de 
Byzance;  d'autres  versions  en  existent  au  moyen  âge 
(entre  autre  le  Comte  d'Anjou,  par  Jean  Maillart,  1316)., 
celle  de  notre  roman  paraît  avoir  une  origine  spéciale- 
ment anglaise;  —  Parténopeu  de  Blois,  l'une  des  œuvres 
les  plus  attrayantes  du  xnc  siècle,  tant  par  l'intérêt  de  la 
composition  que  par  le  charme  des  détails;  le  sujet,  qui 
est  à  peu  près  celui  de  Psyché  (mais  les  rôles  sont 
intervertis),  a  une  couleur  grecque,  et  c'est  à  Constan- 
tinople  que  se  produit  le  dénouement;  —  Hippomédon  et 
ProtesVaMS,  par  le  poète  anglo-normand  Huon  de  Bote- 
lande  (vers  1185);  —  Cligès  par  Chrétien  de  Troies  :  le 
sujet,  très  altéré,  est  une  ancienne  légende  orientale 
sur  la  femme  de  Salomon  enlevée  à  son  mari  par  une 
ruse  dont  elle  est  complice  *cette  histoire  a  eu  plusieurs 
autres  versions);  le  poète  français  a  changé  l'esprit  du 


90  LITTERATURE   NARRATIVE. 

récit  et  l'a  bizarrement  annexé  au  cycle  breton;  mais  le 
théâtre  d'une  partie  des  événements  est  encore  Cons- 
tantinople;  —  Clcomadès,  par  Adenet  le  roi  :  c'est  là 
qu'on  voit  le  fameux  cheval  de  bois  qui  traverse  les  airs, 
emprunt  fait  aux  contes  indiens  par  l'intermédiaire  des 
Arabes  (la  source  directe  d'Adenet  est  peut-être  espa- 
gnole; le  même  sujet  a  été  traité  par  Girard  d'Amiens 
dans  Méliacin);  —  Floriant  et  Florette  et  Guillaume  de 
Païenne  (composé  pour  la  comtesse  Ioland  de  Saint-Pol, 
voir  §  94),  romans  qui  se  passent  en  Sicile  et  contiennent 
sûrement  des  éléments  grecs;  —  VEscoufte  (milan),  dont 
une  des  aventures  principales,  le  rapt  d'un  anneau  par 
un  oiseau,  se  retrouve  dans  d'autres  poèmes,  dans  des 
contes  orientaux  et  dans  le  célèbre  roman  de  Pierre  de 
Provence,  composé  au  XVe  siècle  ;  —  Clarus,  qui  n'existe 
plus  que  dans  une  version  norvégienne  et  qui  s'appuie 
sur  un  conte  oriental  transmis  sans  doute  à  travers 
une  forme  grecque;  —  Bérinus,  roman  en  prose  du 
xiv  siècle  qui  contient  des  éléments  grecs  et  orientaux, 
etc. 

52.  Tous  ces  romans  ont  en  général  le  même  style  et 
le  même  ton,  comme  ils  ont  la  même  forme,  celle  des 
vers  octosyllabiques  rimant  deux  à  deux.  Leur  principal 
sujet  est  toujours  l'amour,  qui,  contrarié  pendant  le 
récit,  finit  par  triompher.  Il  s'y  mêle  d'innombrables 
aventures  de  terre  et  de  mer,  des  enchantements,  des 
prédictions,  des  métamorphoses,  etc.  Les  poètes  les  ont 
traités  comme  ceux  dont  ils  empruntaient  le  sujet  à 
l'antiquité,  en  les  revêtant  de  la  couleur  de  leur  temps. 
Destinés  à  la  société  élégante,  ces  romans  ont  d'ordi- 
naire cherché  une  partie  de  leur  succès  dans  la  peinture 
de  ses  mœurs,  dans  la  description  exacte  et  brillante  de 
sa  vie  extérieure;    ils   ont  cela  de    commun    avec    les 


ROMANS    GREC»   Et   BYZANTINS.  9l 

romans  d'origine  celtique,  dont  nous  allons  parler,  et 
avec  les  romans  d'aventure,  dont  il  est,  à  vrai  dire,  fort 
difficile  de  les  distinguer  rigoureusement.  Par  là,  et  par 
le  soin  apporté  au  style,  ils  ont  beaucoup  contribué 
à  préparer  la  littérature  d'imagination  des  temps 
modernes. 


CHAPITRE    IV 


LES     ROMANS    BRETONS 


53.  Les  Romains,  en  conquérant  une  partie  de  la 
Grande-Bretagne,  n'avaient  pas  complètement  assimilé 
les  Celtes  qui  l'habitaient  :  après  le  départ  des  légions, 
l'élément  indigène  ne  tarda  pas  à  reprendre  la  prépon- 
dérance. Mais  les  Bretons,  déjà  attaqués  par  les  Pietés 
de  la  Calédonie  et  les  Scots  venus  d'Irlande,  virent 
bientôt  débarquer,  sur  leurs  côtes  de  l'est,  des  envahis- 
seurs partis  du  nord  de  l'Allemagne,  qui  prétendaient 
s'établir  dans  leur  pays.  Une  lutte  terrible  s'engagea, 
qui,  après  soixante  ans  environ  (ioO-510),  aboutit  à  la 
prise  de  possession  par  les  Germains  de  plus  de  la 
moitié  de  l'ancienne  province  romaine.  Ce  fut  la  période 
héroïque  des  Bretons  insulaires,  et  il  se  produisit  alors 
chez  eux  une  épopée  nationale,  qui  absorba  des  élé- 
ments antérieurs  mythologiques  et  autres,  et  qui,  en  se 
modifiant  et  s'altérant  sans  cesse,  se  continua  des 
siècles  après.  En  même  temps,  une  partie  de  la  popula- 
tion bretonne,  fuyant  l'extermination  que  les  Saxons 
vainqueurs  infligeaient  à  ceux  qu'ils  dépossédaient, 
traversait  la  Manche  et  venait  fonder,  dans  la   partie 


LES    ROMANS    BRETONS.  911 

occidentale,  alors  presque  dépeuplée,  de  l'Armorique, 
une  nouvelle  Bretagne,  où  elle  conservait  sa  langue  et 

ses  mœurs.  Après  une  paix  de  cinquante  ans  environ,  la 
guerre  reprenait  avec  un  nouvel  acharnement,  et  se  ter- 
minait par  la  fixation  de  limites  qui  devaient  être  long- 
temps immuables  et  qui  rejetaient  les  Bretons,  les  (lal- 
lois,  comme  les  appelaient  leurs  ennemis  germains,  à 
l'ouest  et  au  sud-ouest  de  leur  île,  dans  le  pays  de  Galles 
(plus  étendu  à  l'est  qu'aujourd'hui)  et  la  Cornouaille.  — 
L'histoire  de  ces  luttes  est  fort  obscure  :  du  côté  saxon 
elles  sont  racontées  très  brièvement;  du  côté  breton 
nous  n'avons  qu'un  témoignage,  précieux  il  est  vrai, 
niais  à  la  fois  très  sommaire  et  très  confus,  l'ouvrage 
singulier  de  Gildas  (vers  540),  qui  ne  parle  que  de  la 
première  période  de  la  lutte.  —  En  976,  suivant  toute 
probabilité,  un  Gallois  du  Sud,  appelé  Ncnnius,  écri- 
vait, pour  remplacer  le  livre  de  Gildas,  une  courte 
Histoire  des  Bretons,  où,  au  milieu  de  fables  ethnogé- 
niques  puisées  à  des  sources  irlandaises  et  d'emprunts 
faits  (avec  de  grossières  erreurs)  aux  chroniques 
d'Eusèbe  (saint  Jérôme)  et  de  Prosper  d'Aquitaine,  nous 
voyons  apparaître  certains  traits  appartenant  à  l'épopée 
nationale,  C'est  là  qu'est  pour  la  première  fois  nommé 
Arthur,  qui  est  non  pas  un  roi,  mais  un  chef  militaire, 
et  qui  est  vainqueur  des  Saxons  dans  douze  combats.  — 
Pendant  les  siècles  qui  suivirent,  la  Bretagne  celtique 
rentre  pour  nous  dans  une  obscurité  profonde,  mais 
son  activité  poétique  ne  paraît  pas  s'être  endormie.  Les 
Normands,  quand  ils  firent  connaissance  avec  les 
Bretons,  furent  frappés  du  nombre  et  de  l'habileté  de 
leurs  chanteurs,  de  l'excellence  de  leur  musique  et  de 
l'abondance  de  leurs  traditions  généalogiques.  Déjà  chez 
les  Anglo-Saxons,  malgré  l'antipathie  nationale,  les 
chanteurs    gallois   avaient    obtenu   faveur    et    avaient 


04  LITTERATURE   NARRATIVE. 

répandu  le  goût  de  la  musique  bretonne  et  la  connais- 
sance des  sujets  favoris  de  la  poésie  bretonne  (§  55). 
Plusieurs  contes  gallois,  qui  nous  présentent,  avec  des 
données  communes  au  folk-lore  universel,  des  traits  d'un 
fantastique  très  particulier,  nous  ont  été  conservés  dans 
des  remaniements  en  prose  du  xme  siècle,  des  mabinogion 
ou  «  contes  d'enfants  »,  vrais  contes  d'enfants  en  effet, 
mais  d'enfants  doués  à  merveille  pour  un  certain  genre 
de  poésie  aventureuse,  étrange  et  vague. 

54.  La  conquête  de  l'Angleterre  par  Guillaume  de 
Normandie  devait  avoir  de  grandes  conséquences  litté- 
raires. Les  Normands  s'intéressèrent  à  tout  le  passé  de 
l'île  qu'ils  avaient  annexée,  et  en  voulurent  connaître 
l'histoire  aussi  haut  qu'on  pouvait  remonter.  Les  Gal- 
lois, qui  ne  sentaient  d'ailleurs,  à  l'origine,  aucun  éloi- 
gnement  pour  les  nouveaux  venus  qui  avaient  brisé  la 
puissance  de  leurs  ennemis  séculaires,  les  servirent  à 
souhait.  Déjà  vers  1130,  l'historien  Guillaume  de  Malmes- 
bury,  soit  dans  ses  Gesta  regum,  soit  dans  son  livre 
Le  antiquitate  Glastoniensis  ecclesiae,  admettait  des  sou- 
venirs légendaires  sur  Arthur,  Gauvain,  Keu.  Beduer  et 
Ider.  Gaufrei  Arthur,  né  à  Monmouth  et  mort  évêque  de 
Saint-Asaph  en  1154,  introduisit  dans  le  monde  litté- 
raire latin,  avec  plusieurs  traditions  nationales  bre- 
tonnes, une  prétendue  histoire  des  Bretons  dont  il 
inventa  certainement  en  grande  partie  les  données.  Il 
commença  par  amplifier  un  conte  de  Nennius  dans 
lequel  un  enfant  sans  père,  nommé  Ambroise,  faisait  au 
roi  Wortigern  (ve  siècle)  des  prédictions  relatives  à  la 
lutte  des  Bretons  et  des  Saxons;  il  appela  cet  enfant 
Ambroise  Merlin,  puis  Merlin  tout  court,  altérant  légè- 
rement le  nom  d'un  poète,  sorcier  et  prophète  célèbre 
chez  les  Galfois  (Myrddhin)  et  fit  prédire  par  lui  tous  les 


LES   ROMANS    BRETONS.  95 

événements  de  l'histoire  de  Bretagne  jusqu'à  l'année 
même  où  il  écrivait  (H35j.  Peu  après,  il  lançait  son 
audacieuse  mystification,  VHistoria  regum  Britanniae, 
qu'il  prétendait  traduire  d'un  livre  gallois  très  ancien, 
et  qui,  après  une  amplification  des  récits  de  Nennius  sur 
L'origine  des  Bretons,  poursuivait,  en  utilisant  quelques 
contes  populaires  gallois,  l'histoire  des  rois  de  l'île 
jusqu'à  l'invasion  saxonne.  Arrivé  là,  Gaufrei  se  donnait 
carrière  :  il  racontait  la  naissance  extraordinaire  du  fils 
d'Uterpendragon,  Arthur,  lequel,  après  avoir  complète- 
tement  débarrassé  1  île  des  Saxons,  conquiert  l'Ecosse, 
l'Irlande,  les  Orcades,  la  Norvège,  la  Gaule,  rassemble 
à  sa  cour  les  meilleurs  chevaliers  du  monde,  remporte 
la  victoire  sur  les  Romains,  et  va  s'emparer  de  Rome 
même  quand  il  est  rappelé  en  Bretagne  par  la  trahison 
de  son  neveu  Modred,  qui,  laissé  là  comme  régent,  s'est 
fait  proclamer  roi  et  a  épousé  Guanhumara,  la  femme 
d'Arthur;  dans  une  terrible  bataille,  Modred  est  tué, 
mais  Arthur,  mortellement  blessé,  est  transporté  dans 
l'île  d'Avalon  (nom,  dans  les  légendes  bretonnes,  du 
pays  fortuné  où  les  héros  morts  jouissent  d'un  bonheur 
constant  en  compagnie  de  fées),  laissant  son  royaume  à 
son  neveu  Constantin.  —  Gaufrei  n'a  pas  inventé  la 
gloire  d'Arthur  :  avant  lui  déjà  il  était  devenu  le  centre 
des  contes  et  des  chants  bretons  ;  avant  lui  les 
Bretons  de  Galles  et  d'Armorique  persistaient  à 
espérer  son  retour  victorieux;  en  H37  un  troubadour, 
par  allusion  à  la  mystérieuse  disparition  du  roi  de  Bre- 
tagne, dit  de  lui-même  qu'il  est  «  perdu  comme  Arthur  ». 
Dès  les  premières  années  du  xne  siècle  on  donne  en 
Italie  aux  enfants  des  noms  (comme  Gauvain)  qui 
attestent  l'étonnante  rapidité  de  la  diffusion  des  contes 
arthuriens.  —  Il  n'est  pas  vrai  non  plus  que  le  livre  de 
Gaufrei  soit  la  source  de  nos  romans;  il  n'en  est  que 


96  LITT&IATURE   NARRATIVE. 

très  peu. et  parmi  Jos  moins  anciens,  qui  l'aient  utilisé  : 
ils  reposent  sur  les  récits  des  conteurs  el  des  chanteurs 
gallois,  qui  n'ont  nullement  passé  par  le  latin.  —  Mais 
le  -accès  de  YHistoria  regum  fut  très  grand  dans  le 
monde  des  clercs;  on  accepta  ses  fables  pour  vérité,  et, 
s'émerveillant  de  l'exactitude  des  prophéties  de  Merlin 
jusqu'en  i  135.  on  s'efforça  de  démêler  ce  qu'elles  annon- 
çaient pour  les  temps  subséquents.  Gaufrei  a  ainsi 
réussi  à  faire  accepter  les  contes  bretons  comme  dignes 
de  l'intérêt  général,  et  a  contribué,  par  sa  brillante 
peinture  de  la  cour  d'Arthur,  à  leur  donner  un  caractère 
chevaleresque  et  courtois  qui  leur  était  à  l'origine  abso 
lument  étranger.  —  On  s'empressa  de  faire  passer  son 
livre  en  français,  et,  suivant  l'usage,  en  vers  :  nous  en 
connaissons  quatre  traductions  du  xnc  siècle,  celle  de 
l'Anglo-Normand  Geffrei  Gaimar  (vers  114oj,  qui  est 
perdue,  celle  de  Wacc  (§  93;  en  lloo  appelée  Brut  à 
cause  de  Brutus,  prétendu  éponyme  des  Bretons),  une. 
en  versoctosyllabiques  comme  les  deux  premières,  dont 
on  n'a  que  le  début  [Brut  de  Munich  ,  el  une  en  laisses 
monorimes,  dont  nous  ne  possédons  qu'un  fragment. 
Dans  celle  de  Wace  il  faut  noter  des  additions  emprun- 
tées aux  traditions  bretonnes  :  c'est  ainsi  qu'il  parle 
de  la  fameuse  Table  Ronde,  à  laquelle  s'asseyaient 
en  parfaite  égalité  les  meilleurs  chevaliers  de  la  cour 
d'Arthur,  et  «  dont  les  Bretons  disent  maintes  fables  ». 
mais  dont  Gaufrei  ne  paraît  rien  savoir.  Plus  tard  on 
en  fit  diverses  traductions  en  prose.  —  Gaufrei,  quelques 
années  après  VHv>toriat  composa  un  autre  ouvrage,  la 
Vita  Mcrlini,  poème  assez  élégamment  écrit,  où  des  tra- 
ditions historiques  bretonnes  se  mêlent  à  des  contes 
venus  d'Orient  ou  courant  dans  les  écoles,  et  qui  n'a  pas 
été  sans  influence  sur  quelques  romans  postérieurs. 


LES    ROMANS    MIETONS.  97 

55.  C'est  par  les  chanteurs  et  conteurs  bretons,  avons- 
nous  dit,  que  les  fictions  celtiques,  dépouillées  en 
général  du  caractère  national  que  la  plupart  d'entre 
elles  avaient  eu  autrefois,  pénétrèrent  dans  le  monde 
roman.  Les  musiciens  bretons  sont  très  souvent  men- 
tionnés à  cette  époque  comme  parcourant  les  cours 
d'Angleterre  et  de  France;  leur  instrument  ordinaire 
était  la  rote,  sorte  de  petite  harpe;  mais  ils  employaient 
aussi  la  harpe,  la  vielle  (§  20)  et  même  la  flûte.  Ils  accom- 
pagnaient sur  ces  instruments  des  chants  composés  en 
leur  langue,  qui  se  rapportaient,  mais,  à  ce  qu'il  semble, 
sans  les  raconter  précisément,  à  quelque  aventure  roma- 
nesque, amoureuse  ou  fantastique.  Le  chant  (mot)  et  la 
musique  (note)  étaient  également  désignés  en  français 
par  le  nom  de  lais  (lais  bretons,  lais  de  Bretagne),  dont 
l'origine  est  encore  obscure.  Bientôt  les  sujets  des  plus 
célèbres  furent  racontés  dans  de  petits  poèmes  français 
appelés  également  lais  :  nous  en  possédons  une  vingtaine 
en  vers  de  huit  syllabes;  dans  le  nombre  une  douzaine 
au  moins  ont  pour  auteur  une  femme,  Marie,  qui,  née 
en  France,  était  venue  s'établir  en  Angleterre,  et,  ayant 
appris  l'anglais  (car  ces  lais  bretons  paraissent,  comme 
nous  l'avons  dit,  avoir  été  adoptés  par  les  Saxons),  mit 
en  vers  aimables  et  simples,  sous  le  règne  de  Henri  , 
un  certain  nombre  de  ces  doux  récits.  Ce  sont  des 
contes  d'aventure  et  d'amour,  où  figurent  souvent  des 
fées,  des  merveilles,  des  transformations;  on  y  parle 
plus  d'une  fois  du  pays  de  l'immortalité,  où  les  fées  con- 
duisent et  retiennent  les  héros;  on  y  mentionne  Arthur, 
dont  la  cour  est  parfois  le  théâtre  du  récit,  et  aussi 
Tristan,  dont  nous  allons  parler.  On  peut  y  reconnaître 
les  débris  d'une  ancienne  mythologie,  d'ordinaire  incom- 
prise et  presque  méconnaissable;  il  y  règne  en  général 
un  ton  tendre  et  mélancolique  en  même  temps  qu'une 

7 


98  LITTERATURE    NARRATIVE. 

passion  inconnue  aux  chansons  de  preste;  d'ailleurs  les 
personnages  des  contes  celtiques  sont  transformés  en 
chevaliers  et  en  dames.  Les  plus  célèbres  ou  les  plus 
beaux  des  lais  de  Marie  sont  ceux  de  Lunval  (un  chevalier 
est  aimé  d'une  fée,  qui  finit  par  l'emmener  avec  elle), 
d' Yucncc  (c'est  à  peu  près  le  conte  de  ï Oiseau  bleu),  de 
Frêne  (apparenté  à  l'histoire  de  Griselidis),  de  Bisclavret 
(histoire  de  loup-garou),  d'Èluluc  (double  amour  d'un 
chevalier,  résurrection  d'une  de  ses  deux  amies  et  rési- 
gnation de  l'autre),  de  Milon  (combat  d'un  père  contre 
son  fils),  etc.  Plusieurs  lais  ont  été  attribués  à  Marie, 
mais  sans  que  cette  attribution  soit  bien  établie  :  elle 
est  surtout  probable  pour  VÉpine  (aventure  fantastique 
d'un  médiocre  intérêt i,  Tidorel  (aventures  d'une  reine 
avec  un  mystérieux  chevalier  du  lac)  et  Guingamor 
(séjour  d'un  chevalier  au  pays  des  fées,  où  trois  cents 
ans  lui  passent  comme  trois  jours);  elle  ne  l'est  pas 
pour  Tiolet  (histoire  du  tueur  de  monstre  auquel  un 
rival  déloyal  veut  enlever  le  prix  de  sa  victoire,  récit 
déjà  connu  dans  l'épopée  grecque  et  qui  a  été  incor- 
porée à  l'histoire  de  Tristan).  —  Parmi  les  lais  qui  ne  sont 
sûrement  pas  de  Marie,  mais  dont  quelques-uns  sont 
plus  anciens  qu'elle,  nous  citerons  :  Gracient  (même 
sujet  que  Lanval),  Mèlion  (sujet  semblable  à  celui  de  Bis- 
clavret), Guiron  (perdu  :  racontait  la  cruelle  histoire  d'un 
amant  dont  un  mari  jaloux,  après  l'avoir  tué,  fait 
manger  le  cœur  à  sa  femme,  voir  ci-dessous,  §  66), 
Iynaure  (par  Renaud,  amplification  bizarre  du  même 
thème),  Doon  (même  sujet  que  Milon),  le  Cor  (où  ne 
peuvent  boire  que  les  maris  de  femmes  fidèles,  char- 
mant petit  poème,  dans  la  forme  rare  de  vers  de  six 
syllabes,  composé  au  xnc  siècle  par  l'Anglo-Xormand 
Robert  Biket;  le  conte  du  Manteau  mal  taillé  est  une 
variation  sur  le  même  thème,  —  le  manteau  ne  sied 


LES   ROMANS    BRETONS.  99 

qu'aux  femmes  fidèles,  —  rimée  plus  tard  en  France),  etc. 
—  Plusieurs  des  romans  bretons  et  des  romans  d'aven- 
ture postérieurs  ne  sont  que  des  lais  agrandis.  —  Plus 
tard  on  donna  le  nom  de  lais  à  de  petits  récils  ayant 
généralement  un  caractère  sérieux  et  l'amour  pour 
thème,  mais  étrangers  au  cycle  breton  et  de  contenu 
antique  (lai  d'0?'p/ie'e),  oriental  (lai  d'Arislote),  ou  purement 
moderne  et  courtois  (lais  de  YOnibre,  du  Conseil  ;  voir  §  08). 

5G.  Les  poèmes  sur  Tristan  sont  dans  un  rapport  étroit 
avec  des  lais  qui  se  sont  perdus  (le  lai  du  Ghèvrefeuille, 
de  Marie,  et  deux  lais  sur  la  Folie  de  Tristan  sont  posté- 
rieurs à  ces  poèmes).  Tristan,  prince  de  Léonois,  était 
un  héros  de  la  poésie  celtique,  originairement  tout  à 
l'ait  étranger  au  cycle  d'Arthur  et  propre  à  d'autres 
tribus.  Son  histoire  a  très  probablement  des  origines 
mythiques,  et  rappelle  en  plus  d'un  point  celle  de 
Thésée.  Il  était  célèbre  comme  le  premier  des  guerriers, 
des  chasseurs  et  des  harpeurs.  Blessé  d'un  fer  empoi- 
sonné dans  un  combat  contre  une  sorte  de  Minotaure 
irlandais  qui  réclamait  de  la  Cornouaille,  où  Tristan 
vivait  chez  son  oncle  Marc  (marc  en  celtique  veut  dire 
t  cheval  »,  et  Marc,  nouveau  Midas,  avait  des  oreilles  de 
cheval)  un  tribut  d'enfants,  Tristan  se  fait  coucher  dans 
un  bateau  sans  voiles  et  sans  gouvernail  et  aborde  en 
Irlande,  où  la  sœur  même  de  l'ennemi  qu'il  a  tué,  la 
reine  du  pays,  le  guérit  sans  le  connaître.  Plus  tard, 
son  oncle  l'envoie  demander  pour  lui  en  mariage  Iseut, 
la  fille  de  cette  reine  d'Irlande;  il  délivre  le  pays,  à  son 
arrivée,  d'un  serpent  (à  propos  de  quoi  il  a  la  même 
aventure  que  Tiolet,  voir  §  55);  reconnu  pour  le  meur- 
trier du  frère  de  la  reine,  il  échappe  à  la  mort  en  expo- 
sant le  but  de  son  voyage.  On  lui  confie  Iseut,  et  un 
breuvage   merveilleux   qu'elle  doit  partager  avec   son 


100  LITTERATURE   NARRATIVE. 

époux,  et  qui  fera  naître  en  eux  un  amour  sans  fin  et 
sans  bornes.  Par  une  fatale  erreur,  c'est  avec  Tristan 
qu'Iseut  le  partage,  à  bord  du  vaisseau  qui  les  emmène 
en  Cornouaille,  et  depuis  ce  temps  une  passion  invin- 
cible les  enchaîne  l'un  à  l'autre.  Après  mille  incidents 
amenés  par  cette  passion  (le  plus  beau  est  la  vie  soli- 
taire que  les  amants,  chassés  par  le  roi  Marc,  mènent 
dans  la  forêt),  ils  se  séparent,  et  Tristan  épouse  à 
Carhaix,  en  Armorique,  une  autre  Iseut;  mais  il  ne  peut 
oublier  la  première.  Il  reçoit  dans  un  combat  une  bles- 
sure envenimée,  et,  sachant  qu'Iseut  de  Cornouaille  peut 
seule  le  guérir,  il  lui  envoie  un  messager,  auquel  il 
prescrit  de  dresser  sur  son  vaisseau,  au  retour,  une 
voile  blanche  s'il  la  ramène,  noire  si  elle  refuse  devenir. 
Iseut  abandonne  tout  pour  aller  à  lui;  mais  l'autre  Iseut, 
qui  a  surpris  le  secret  de  son  époux,  annonce  à  Tristan 
que  le  vaisseau  revient  avec  une  voile  noire.  Tristan, 
qui  «  retenait  sa  vie  »  jusque-là,  expire  aussitôt,  et  Iseut, 
le  trouvant  mort  en  débarquant,  meurt  sur  son  corps. 

—  Les  récits  épars  relatifs  à  ces  poétiques  aventures 
furent  réunis  en  un  poème  suivi  par  un  certain  Béroul, 
peut-être  anglo-normand,  peut-être  normand,  dont 
l'œuvre  ne  nous  est  parvenue  qu'à  l'état  de  fragment 
(encore  les  t  500  derniers  paraissent-ils  être  d'un  autre 
auteur);  nous  avons  une  version  allemande  complète  de 
l'histoire  de  Tristan  faite  vers  1175  par  Eilhart  d'Oberg; 
elle  ressemble  en  quelques  parties  de  fort  près  au  poème 
de  Béroul;  mais  à  partir  d'un  certain  endroit  les  deux 
textes  divergent,  en  sorte  qu'il  semble  qu'on  ait  affaire 
à  des  compilations  qui  ne  coïncident  que  par  parties. 

—  Chrétien  de  Troies  avait  composé  un  Tristan;  mais  il 
est  perdu,  ainsi  que  celui  d'un  certain  La  Chèvre,  cité 
avec  éloges.  —  Vers  1170,  un  autre  poète  anglo-normand, 
Thomas,  doué  d'un  véritable  sentiment   poétique,  et, 


LES   ROMANS   BRETONS.  101 

malgré  de  la  prolixité,  de  la  redondance  et  parfois  de 
l'obscurité,  d'un  incontestable  mérite  de  style,  composa, 
en  s'aidant  de  diverses  sources,  un  Tristan  dont  les 
récits  diffèrent  souvent  de  ceux  de  Béroul  et  d'Eilhart; 
Thomas  déclare  s'appuyer  surtout  sur  la  version  d'un 
conteur  breton  appelé  Bréri,  célèbre  en  effet  au  xnc  siècle 
chez  les  Gallois.  De  ce  poème  nous  n'avons  malheureu- 
sement que  des  fragments,  mais  on  peut  le  reconstituer 
pour  le  fond  à  l'aide  d'une  triple  version  allemande 
(par  Gotfrid  de  Strasbourg,  incomplète),  norvégienne 
(en  prose,  vers  1225,  fidèle  mais  'abrégée),  et  anglaise 
(xivc  siècle,  très  altérée).  —  Plus  tard  les  aventures  de 
Tristan  furent  l'objet  d'un  immense  roman  en  prose, 
qui  a  sans  doute  eu  pour  fond  premier  le  poème  perdu 
de  Chrétien,  mais  qui  l'a  noyé  dans  une  mer  d'aventures 
étrangères  au  sujet. 

57.  Déjà  dans  Béroul,  Tristan  est  rattaché  au  cycle 
d'Arthur,  avec  lequel  il  n'avait  originairement  rien  à 
faire;  il  en  est  de  même,  avons-nous  vu,  de  beaucoup 
de  lais,  dont  on  place  la  scène  à  sa  cour.  Des  poèmes 
arthuriens  en  grand  nombre,  issus  des  lais  et  des  contes 
bretons,  surgirent  ainsi  en  Angleterre  vers  le  milieu 
du  xne  siècle.  Ces  poèmes  sont  à  peu  près  tous  perdus; 
on  les  connaît  par  des  imitations  anglaises,  galloises  et 
surtout  françaises.  Ils  passèrent  en  effetde  bonne  heure 
en  France,  soit  dans  les  copies,  soit  par  transmission 
orale,  et  souvent  sans  doute  sans  garder  la  forme  poé- 
tique; car  il  existait  aux  cours  des  rois  et  des  princes 
des  conteurs  qui  n'écrivaient  pas  les  récits  qu'ils  débi- 
taient. Les  relations  entre  l'Angleterre  et  la  France 
étaient  alors  très  soutenues,  d'une  part  à  cause  des  pos- 
sessions de  Henri  II  sur  le  continent,  d'autre  part  à 
cause  des  liens  de  parenté  qui  unissaient  les  familles 


102  LITTÉRATURE   NARRATIVE. 

princières  des  deux  pays.  —  Le  plus  célèbre  et  le  plus 
habile  de  ceux  qui,  en  France,  mirent  en  vers  cette 
«  matière  de  Bretagne  »  si  nouvelle  et,  dès  son  appari- 
tion, accueillie  avec  tant  de  faveur,  fut  Chrétien  de 
Troies.  Nous  avons  parlé  de  -ses  imitations  d'Ovide 
(§49);  il  composa  vers  1160  son  Tristan  perdu,  puis  Érec, 
puis  Cliijèfi  (§51),  vers  1170  le  Conte  de  la  Charrette  ou  fàm- 
cclot,  dont  la  comtesse  Marie  de  Champagne,  fille  de 
Louis  VII  et  de  la  reine  Aliénor,  lui  avait  fourni  le  sujet, 
qu'elle  tenait  sans  doute  d'Angleterre  (Chrétien  n'a  pas 
terminé  cet  ouvrage,  et  l'a  fait  finir  par  Godefroi  de 
Lagni);  un  peu  après  Ivain  ou  le  Chevalier  au  lion;  et,  en 
dernier  lieu,  vers  1175,  Perceval  ou  le  Conte  du  graal, 
d'après  un  «  livre  »,  sans  doute  un  poème  anglo-nor- 
mand, que  lui  avait  prêté  Philippe  d'Alsace,  comte  de 
Flandre.  Tous  ces  romans  ont  pour  source  des 
contes  anglo-normands,  oraux  ou  écrits,  en  prose 
ou  en  vers.  Chrétien  a  eu  souvent  de  mauvais  ori- 
ginaux ;  il  n'a  connu  les  récits  que  défigurés  par  des 
lacunes,  des  altérations,  des  incohérences  dont  il  ne 
s'est  pas  beaucoup  soucié  ;  il  semble  au  contraire 
avoir  pris  un  certain  plaisir  à  ces  obscurités,  qu'il  a 
parfois  même  augmentées  en  s'amusant  à  cacher  pen- 
dant longtemps  le  nom  d'un  personnage,  le  motif  d'un 
acte  ou  le  sens  d'un  épisode.  Son  grand  mérite  est  dans 
la  forme.  Il  passa  sans  conteste  aux  yeux  de  son  époque 
et  de  celle  qui  suivit  pour  le  meilleur  poète  français  : 
«  il  prenait,  dit  un  auteur  du  xme  siècle,  le  beau  fran- 
çais à  pleines  mains,  et  n'a  laissé  après  lui  qu'à  glaner». 
Ses  œuvres  nous  offrent  en  effet  le  meilleur  spécimen 
de  l'excellente  langue  du  xnc  siècle.  Quant  au  style,  il  a 
souvent  les  défauts  habituels  au  moyen  âge,  la  banalité, 
la  monotonie,  la  minutie,  l'absence  de  souffle,  d'éclat  et 
d'ampleur;  mais  on  y  trouve    une  grande  délicatesse 


LES    ROMANS    BRETONS.  103 

d'expression,  une  grâce  simple  el  çà  et  là  un  véritable 
sentiment.  C'est  Chrétien  qui  a  fait  des  romans  d'ori- 
gine bretonne,  en  continuant  la  transformation  com- 
mencée en  Angleterre,  les  représentants  par  excellence 
de  l'idéal  de  la  haute  société  du  xnc  siècle.  Cette  ten- 
dance, qui  s'accuse  par  l'insistance  sur  tout  ce  qui 
Umebe  le  raffinement  des  manières,  par  les  brillantes 
descriptions  de  palais,  de  fêtes,  de  parures,  d'armes, 
par  le  respect  dont  sont  entourées  les  femmes,  s'est 
complétée  dans  le  Lancelot  par  la  peinture  ,de  l'amour 
«  courtois  »  tel  que  le  rêvait  alors  un  eercle  de  grandes 
(laines  à  la  tête  desquelles  se  trouvait  Marie  de  Cham- 
pagne; c'est  à  elle  qu'il  devait  non  seulement  le  fond, 
mais  (il  nous  le  dit  lui-même)  l'esprit  de  ce  roman  :  la 
théorie  de  la  vertu  ennoblissante  d'un  amour  qui  d'ail- 
leurs est  considéré  comme  incompatible  avec  le 
mariage,  la  constitution  d'une  science  et  d'un  code  de 
l'amour,  la  situation  prépondérante  donnée  à  la  dame, 
paraissent  provenir  des  petites  cours  du  midi  de  la 
France,  où  on  les  retrouve  dans  la  poésie  lyrique  des 
troubadours;  cette  poésie  et  ces  idées  se  propagèrent 
dans  le  nord,  grâce  surtout,  semble-t-il,  à  Aliénor  de 
Poitiers,  devenue  reine  de  France,  puis  d'Angleterre; 
Chrétien  les  introduisit  dans  les  romans  bretons,  et  on 
les  retrouve  dans  beaucoup  de  ceux  qui  suivent  les 
siens  et  qui  les  prirent  pour  modèles. 

58.  Les  contes  anglo-normands  dont  il  a  été  parlé  ont 
pour  caractère  ordinaire  d'être  la  biographie  roma- 
nesque d'un  des  héros  de  la  Table-Ronde  :  un  jeune 
chevalier  inconnu,  le  plus  souvent  même  sans  parents, 
vient  d'arriver  à  la  cour  d'Arthur,  quand  une  aventure 
quelconque,  regardée  par  tous  comme  impraticable, 
sollicite  son  courage;  il  quitte  la  cour,  accomplit  l'aven- 


104  LITTÉRATURE    NARRATIVE. 

ture  et  ensuite  beaucoup  d'autres,  et  finit  par  épouser  une 
jeune  fille  qui  s'y  trouve  mêlée  et  qui  lui  apporte  en  dot 
un  royaume.  Sur  ce  type  sont  construits  les  romans 
suivants  :  le  Chevalier  au  lion  (on  en  a  une  version  en 
gallois,  le  poème  de  Chrétien  a  été  traduit  en  allemand 
par  Hartmann  d'Aue,  en  norvégien  et  en  anglais);  Érec 
(version  galloise;  traduction  allemande,  par  Hartmann, 
et  norvégienne  du  poème  de  Chrétien);  Fergus  (par 
Guillaume;  traduction  néerlandaise);  Ider  (très  ancien 
héros  breton,  habillé,  non  sans  grâce,  à  la  dernière 
mode  chevaleresque);  Mériadeuc  ouïe  Chevalier  aux  deux 
epées;  Durmart  le  Gallois;  Guinglain,  fils  de  Gauvain  (par 
Renaud  de  Beaujeu;  poème  charmant,  provenant  d'un 
vieux  conte  féerique  très  modifié  par  le  poète  français, 
et  dont  une  forme  plus  pure  s'est  conservée  en  italien  : 
imitation  allemande  par  Wirnt  de  Gravenberg)  ;  Mérau- 
gis  de  Portlesguez  (par  Raoul  de  Houdan,  que  les  contem- 
porains plaçaient  à  côté  de  Chrétien);  Torec  (n'est  con- 
servé qu'en  néerlandais);  Beaudous,  par  Robert  de  Blois, 
récit  à  tendance  morale,  assez  peu  intéressant  par  lui- 
même,  auquel  l'auteur  a  plus  tard  annexé  diverses 
compositions  didactiques  (voir  §  103),  Escanor,  Melia- 
dor,  et  beaucoup  d'autres. 

59.  L'un  de  ces  contes  anglo-normands  était  consacré 
à  un  chevalier  de  Galles  appelé  Perceval;  nous  pouvons 
nous  en  faire  une  idée  assez  exacte  par  un  petit  poème 
anglais  du  xive  siècle  sur  ce  personnage,  qui,  élevé  par 
sa  mère  veuve  dans  l'ignorance  de  la  chevalerie,  l'ap- 
prend par  hasard,  bientôt  y  excelle,  tue  le  meurtrier  de 
son  père,  retrouve,  sa  mère,  et  épouse  une  jeune  fille 
qu'il  avait  sauvée  de  ses  ennemis  et  que  diverses  aven- 
tures avaient  séparée  de  lui.  Dans  le  poème  que  Chré- 
tien consacra  à  Perceval  et  qu'il  n'a  pas  terminé,  il  mêla 


LES    ROMANS    BRETONS.  105 

à  cette  histoire,  qu'il  ne  connaissait  que  sous  une  forme 
altérée,  une  aventure  dont  nous  ne  comprenons  pas 
bien  le  sens  et  dont  nous  ne  savons  pas  quelle  devait 
être  l'issue  :  il  s'agit  d'une  question  que  Perceval  devrait 
faire  et  ne  fait  pas  à  propos  d'un  graal  (c'est-à-dire  d'un 
plat)  mystérieux  qu'il  a  vu  passer  devant  lui  dans  un 
château  où  l'avait  mené  sa  course  errante.  Ce  graal  se 
retrouve  dans  la  version  galloise  de  l'histoire  de  Perce- 
val  (appelé  en  gallois  Peredur),  et  l'aventure  se  dénoue, 
d'une  façon  d'ailleurs  assez  peu  claire  et  probablement 
altérée,  mais  sans  rien  qui  sorte  du  caractère  ordinaire 
des  contes  bretons.  —  Mais  le  Perceval  de  Chrétien  étant 
resté  inachevé,  et  ayant  eu  malgré  cela  un  immense 
succès,  on  le  continua  de  diverses  façons  (l'une  des 
plus  curieuses  est  le  poème  allemand  de  Wolfram  d'Es- 
chenbach,  qui,  non  content  de  terminer  le  poème,  lui 
lit  une  longue  introduction).  —  Une  première  continua- 
tion semble  faite  sur  des  notes  laissées  par  Chrétien; 
elle  est  anonyme  et  se  présente,  au  moins  en  partie, 
dans  deux  versions  assez  différentes;  elle  se  borne  à  peu 
près  (notons  l'intéressant  épisode  des  aventures  de 
Caradoc  Bronbras)  au  récit  des  aventures  de  Gauvain, 
le  neveu  d'Arthur,  le  plus  célèbre  des  chevaliers  de  la 
Table  Ronde,  le  héros  spécial  de  plusieurs  poèmes  (tels 
que  le  Chevalier  à  Vépée,  la  Mule  sans  frein,  le  Cimetière  (Atre) 
périlleux,  la  Vengeance  de  Raguidel,  etc.),  récit  au  milieu 
duquel  Chrétien  s'était  arrêté,  et  qui  n'a  rien  à  faire 
avec  le  reste.  —  Mais  le  vrai  «  conte  du  graal  »,  l'histoire 
de  la  recherche  du  graal  mystérieux  par  Perceval, 
qui  veut,  quand  il  l'aura  retrouvé,  réparer  son  erreur 
et  faire  la  fameuse  question,  restait  à  terminer.  Un 
auteur  appelé  Gaucher  de  Denain,  qui  ne  paraît  pas 
avoir  connu  la  première  continuation,  reprit  l'histoire 
de   Perceval    et   la  mena   tout   près  du   dénouement; 


106  LITTERATURE    NARRATIVE. 

mais,  par  une  sorte  de  fatalité  qui  s'attachait  à  ce 
poème,  il  ne  la  finit  pas  non  plus.  L'œuvre  inachevée 
reçut  trois  terminaisons,  l'une  de  quelques  vers  seule- 
ment, les  deux  autres  fort  longues.  La  plus  répandue  de 
ces  deux  dernières  est  celle  d'un  poète  appelé  Mennes- 
sier,  qui  écrivait  vers  1220  pour  Jeanne  de  Flandre, 
petite-nièce  du  comte  Philippe  sous  les  auspices  duquel 
le  poème  avait  été  commencé.  L'autre  fin  est  de  Gerbert 
de  Montreuil,  à  qui  nous  devons  le  Roman  de  la  Violette 
(§51);  elle  ne  nous  est  parvenue  que  dans  un  manu- 
scrit, où,  tronquée  et  sans  doute  un  peu  remaniée  à  la 
soudure,  elle  est  bizarrement  intercalée  entre  le  dernier 
vers  de  Gaucher  et  le  premier  de  Mennessier,  ce  qui 
porte  l'ensemble  du  poème  à  plus  de  63  000  vers.  Dans 
ces  amplifications  successives,  le  graal  avait  pris  un 
caractère  que  Chrétien  ne  connaît  pas  ou  du  moins  n'in- 
dique pas.  Un  des  auteurs  ou  interpolateurs  de  la  pre- 
mière continuation  avait  donné  sur  ce  qu'était  ce  graal 
des  renseignements  qui  paraissent  n'avoir  nullement 
été  dans  le  plan  de  Chrétien  :  le  graal  aurait,  d'après 
lui,  servi  à  recueillir,  entre  les  mains  de  Joseph  d'Ari- 
mathie,  le  sang  qui  coulait  des  plaies  du  crucifié,  et  sa 
vertu  miraculeuse  lui  venait  de  cette  sainteté.  —  Un 
poète  franc-comtois,  Robert  de  Boron,  vers  le  commen- 
cement du  xiiic  siècle,  s'empara  de  cette  idée  et  entre- 
prit de  rattacher  l'histoire  de  cette  sainte  relique  au 
cycle  breton.  Il  composa  à  cet  effet  une  sorte  de  trilogie  : 
Joseph  d'Arimalliic,  —  Merlin,  —  Percerai.  11  fit  du  sorcier 
et  prophète  Merlin,  qu'il  emprunta  à  Gauiïei  de  Moo. 
moutli  (chez  Robert  c'est  un  enfant  du  diable,  engendré 
par  lui  pour  combattre  le  Christ,  mais  trompant  son 
attente  et  servant  la  bonne  cause  par  sa  connaissance 
du  passé  et  de  l'avenir),  le  sujet  du  poème  central  et  le 
lieu  entre  les  deux  autres  poèmes,  dont  le  premier  nous 


LES   ROMANS   BRETONS.  107 

raconte  la  première  consécration  et  les  premiers  prp- 
digesduc  saint  graal  »,  tandis  que  le  troisième  nous 
montre  ce  graal  finalement  conquis  par  Perceval,  puis 
transporté  au  ciel  après  sa  mort,  et  se  termine  par  le 
récit,  tiré  de  Gaufrei,  de  la  dernière  bataille  livrée  par 
Arthur,  et  de  l'écroulement  de  tout  le  monde  poétique 
arthurien.  Nous  ne  possédons  de  l'œuvre  de  Robert  de 
Boron, 'dans  sa  forme  originale,  que  le  premier  poème 
et  le  commencement  du  second;  mais  tous  les  trois  ont 
été  mis  de  très  bonne  heure  en  prose  et  nous  les  avons 
sous  cette  forme. 

60.  Parallèlement  à  Robert  un  autre  auteur  racontait 
aussi,  peut-être  en  vers  (mais  nous  n'avons  qu'une  rédac- 
tion en  prose),  la  «  quête  du  saint  graal  »  à  la  fois  par 
Perceval  (ou  Perlesvaus),  Gauvain  et  Lancelot.  Lancelot, 
étant  connu,  par  le  Conte  de  la  Charrette  de  Chrétien  et  le 
Lancelot  en  prose  dont  nous  allons  parler,  comme  l'amant 
de  Guenièvre,  femme  d'Arthur,  ne  pouvait  conquérir  le 
graal,  destiné  à  un  chevalier  d'une  absolue  pureté,  ce 
qui  excluait  aussi  le  trop  mondain  Gauvain.  Perceval 
était  réservé  à  ce  succès  :  aussi,  comme  déjà  dans  le 
poème  de  Robert  de  Boron,  l'amour,  qui  chez  Chrétien 
faisait  partie  de  ses  aventures,  en  a-t-il  ici  disparu.  — 
C'est  avec  tous  ces  matériaux,  Chrétien,  Robert  de  Boron, 
le  Perceval  en  prose,  qu'a  été  rédigé  le  roman  de  la 
Qttétc  du  saint  graal,  où  Perceval  a  été  dépouillé  de  sa 
prérogative  en  faveur  de  Galaad,  donné  pour  fils  à  Lan- 
celot. Cette  Quête,  mise  sous  le  nom  de  Robert  de  Boron, 
est  perdue  en  français,  mais  on  en  possède  une  traduc- 
tion portugaise  qui  paraît  fidèle;  elle  a  été  plus  tard 
remaniée,  attribuée  à  Gautier  Map  (voir  §  62),  et  sous 
cette  forme  incorporée  au  Lancelot  en  prose.  A  la  suite 
de  la  Quête  a  ét«  composé  le  Saint  Graal  en  prose,  renia- 


108  LITTÉRATURE   NARRATIVE. 

niement  du  Joseph  de  Robert  de  Boron,  puis  le  Merlin  en 
prose,  remaniement  de  son  Merlin,  auquel  on  fit  aussi 
des  suites  beaucoup  plus  longues,  dont  nous  connais- 
sons deux,  tout  à  fait  indépendantes  l'une  de  l'autre  (la 
seconde  à  son  tour  existe  dans  deux  rédactions  en  partie 
absolument  différentes). 

61.  Nous  avons  vu  que  le  personnage  de  Lancelot  avait 
été  mêlé  à  cette  histoire.  Lancelot  du  Lac  (ainsi  sur- 
nommé parce  qu'il  avait  été  élevé  par  une  fée  ou  «  dame 
du  lac  »)  était  de  bonne  heure  un  des  héros  connus  de 
la  Table  Ronde  :  ses  aventures  diverses  et  son  mariage 
final  avec  la  belle  Iblis  étaient  le  sujet  d'un  poème  bio- 
graphique anglo-normand  dont  nous  ne  connaissons 
qu'une  version  allemande  faite  avant  1200  par  Ulrich 
de  Zatzikhoven  (l'original  avait  été  porté  à  Vienne  par 
un  des  seigneurs  qui  servirent  d'otages  pour  Richard 
Cœur  de  Lion).  On  racontait  aussi  qu'il  avait  délivré  la 
reine  Guenièvre,  enlevée  par  <  le  roi  du  pays  dont  nul  ne 
revient  »  :  c'était  une  ancienne  tradition  mythologique, 
et  ce  roi  était  naturellement,  à  l'origine,  le  roi  des  morts; 
mais  on  ne  comprenait  plus  le  sens  du  vieux  récit,  et  on 
savait  seulement  que  Lancelot,  pour  pénétrer  dans  le 
pays  du  ravisseur,  avait  dû  franchir  un  fleuve  de  feu  sur 
un  pont  mince  et  tranchant  comme  le  fil  d'une  épée; 
il  paraît  avoir  existé  sur  ce  sujet  des  poèmes  anglo- 
normands  qui  ont  laissé  des  traces  en  allemand  et  en 
anglais.  Chrétien,  en  traitant  cet  épisode  dans  le  Conte 
de  la  Charrette  (ainsi  nommé  parce  que  Lancelot,  pour 
suivre  la  reine,  est  obligé,  contrairement  aux  lois  che- 
valeresques, de  monter  sur  une  charrette),  y  introduisit, 
le  premier  sans  doute,  une  liaison  coupable  entre  Lan- 
celot et  Guenièvre.  Avec  ce  poème  de  Chrétien,  d'autres 
poèmes  et  le  livre  de  Gaufrei  de  Monmouth,  fut  com- 


LES    ItOMANS   URETONS.  109 

posé,  sans  doute  au  début  du  xin°  siècle,  le  roman  do 
Lancclot  en  prose,  qui  suit  Lancclot  depuis  sa  naissance 
jusqu'à  sa  mort,  et  môle  à  son  histoire  celle  de  toute  la 
Table  Ronde,  ainsi  que  le  dénouement  tragique  déjà 
raconté,  d'après  le  récit  de  Gaufrei  de  Monmouth 
amplilié,  dans  le  Perceval  de  Robert  de  Boron. 

62.  Le  Lancelot  en  prose  primitif  se  référait,  pour  ce 
qui  concerne  le  graal,  au  Perlesvaus  en  prose  (§  60). 
Nous  n'avons  plus  le  Lancelot  sous  cette  forme;  il  a  été 
remanié  pour  cadrer  avec  la  Quête  du  saint  graal  où 
Galaad  est  le  héros,  qu'on  y  a  même  insérée  tout  entière, 
et  qu'il  n'est  plus  possible  d'en  détacher  nettement. 
Cette  seconde  rédaction  doit  être  environ  de  1220;  plus 
tard  encore,  on  souda  plus  intimement  au  Lancelot  ainsi 
refait  le  Saint  Graal  et  le  Merlin.  —  Le  Lancelot  remanié 
est  attribué  dans  plusieurs  manuscrits  à  Gautier  Map,  qui 
fut  archidiacre  d'Oxford  et  mourut  en  1209  ou  1210; 
mais  celte  attribution  est  inacceptable,  même  si  on  la 
restreint,  comme  on  pourrait  le  faire,  à  la  Quête  (Map, 
auquel  on  a  aussi  attribué,  à  tort  probablement,  une 
masse  de  poésies  latines  rythmiques,  a  écrit  réellement 
un  curieux  livre  latin,  où  il  y  a  beaucoup  de  contes  sin- 
guliers, mais  aucun  qui  touche  au  cycle  d'Arthur)  :  ces 
romans  ont  été  bien  probablement  écrits  en  France; 
d'ailleurs  la  Quête  n'est,  comme  on  l'a  vu  (§  60),  que  le 
remaniement  d'un  texte  mis  primitivement  sous  le  nom 
de  Robert  de  Boron.  —  Le  Saint  Graal  et  le  Merlin  en 
prose  prétendent  être  de  Robert  de  Boron,  ce  qui  n'est 
vrai  qu'en  partie  et  pour  le  fond. 

63.  L'auteur  d'une  des  suites  du  Merlin,  qui  se  donne 
le  nom  de  Robert  de  Boron,  mentionne  un  conte  du  brait 
(ou  bret),  c'est-à-dire  du  dernier  i  cri  »  qu'aurait  poussé 


110  LITTÉRATURE   NARRATIVE. 

Merlin  enfermé  vif  dans  une  tombe  par  la  ruse  de  celle 
qu'il  aimait,  etattribue  ce  conte  (perdu  en  français,  mais 
conservé  en  partie  dans  une  version  espagnole)  à  un 
certain  Élie.  On  fit  de  cet  Élie  un  parent  de  Robert,  on 
lappela  Élie  de  Boron,  et  on  le  donna  pour  auteur  à 
l'immense  roman  de  Palamêde  (autrement  dit  Mêliaàw 
pour  la  première  partie,  Guiron  le  Courtois  pour  la 
seconde),  qui  est  censé  servir  d'introduction  à  tous  les 
autres.  Dans  le  prologue  de  ce  Palamêde,  il  est  fait  une 
allusion  assez  vague  au  Bret,  prétendue  œuvre  anté- 
rieure de  l'auteur;  dans  un  épilogue  ajouté  au  TrUtan 
on  donne,  par  une  évidente  méprise,  au  Tristan  même 
le  nom  de  Bret,  et  on  prétend  qu'Élie  de  Boron  l'a  com- 
plété et  remanié  d'après  la  première  rédaction,  dont  se 
déclare  auteur,  dans  tous  les  manuscrits,  un  chevalier  du 
nom  de  Luce  du  Gast,  sans  doute  aussi  peu  réel  que  les 
autres.  Le  prétendu  Élie  de  Boron  qui  mentionne  bien 
entendu  Gautier  Map,  nomme  aussi,  comme  ayant  tra- 
vaillé aux  divers  romans,  un  certain  Gace  le  Blond,  mais 
sans  dire  quelle  part  il  y  prit;  peut-être  s'agit-il  simple- 
ment de  Wace,  dont  le  Brut  est  cité  dans  certains  pas- 
sages des  romans  en  prose. 

64.  Tous  ces  livres,  qui  forment  ensemble  une  collec- 
tion vraiment  énorme,  étaient  terminés  vers  1250. 
Vers  1270,  un  Italien,  Rusticien  de  Pise  (cf.  §  91),  en  fit 
un  extrait  abrégé,  d'après  un  manuscrit  appartenant  à 
Edouard,  fils  de  Henri  III  d'Angleterre;  cette  compila- 
tion eut  beaucoup  de  succès,  et,  traduite  en  italien,  elle 
devint  la  source  de  plusieurs  poèmes.  Le  Lancclot  fut  mis 
en  vers  néerlandais  au  XIIIe  siècle,  plus  tard  en  prose 
allemande;  d'autres  romans  furent  traduits  en  italien, 
en  espagnol,  en  portugais,  en  anglais;  une  compilation 
analogue  à  celle  de  Rusticien,  mais  bien  plus  riche,  se 


ROMANS   BRETONS.  Hi 

trouve  dans  V Arthur  anglais  de  sir  Thomas  Malory, 
rédigé  à  la  fin  du  xve  siècle  d'après  des  originaux  fran- 
çais dont  quelques-uns  sont  perdus.  —  Le  Perceforest 
français  au  xiv9  siècle,  VAmadis  portugais  puis  espagnol 
aux  xve  et  xvi°  siècles,  sont  des  imitations  de  ces  grands 
romans  en  prose.  Les  originaux  étaient  universellement 
admirés  en  Europe  :  Dante,  qui  en  parle  à  plusieurs 
reprises,  les  considère  comme  ayant  donné  à  la  langue 
française  le  premier  rang  pour  la  prose  narrative,  et 
Brunet  Latin  (§  101)  extrait  du  Tristan,  dans  sa  Rhétorique, 
un  portrait  de  femme  comme  modèle  accompli  de  des- 
cription. —  Pour  nous,  tant  comme  conception  que 
comme  style,  ces  romans  ont  quelque  chose  de  trop  fac- 
tice et  de  trop  maniéré  pour  nous  plaire  ;  mais  on  ne 
peut  disconvenir  qu'ils  contiennent  de  beaux  morceaux 
(notamment le  Tristan),  et  qu'ils  nous  montrent  une  prose 
déjà  très  sûre  d'elle-même  et  s'efforçant  de  produire  des 
effets  artistiques.  Ils  ont  surtout  le  mérite  de  nous  repré- 
senter l'idéal  social,  moral  et  poétique  de  la  haute 
société  d'alors,  idéal  qui  n'a  pas  été  sans  avoir  quelque 
influence  sur  la  vie  réelle  et  qui  en  a  exercé  une  consi- 
dérable sur  la  littérature.  C'est  à  ces  romans  que 
remonte  surtout  la  teinte  chevaleresque  et  galante  sous 
laquelle  l'imagination  s'est  longtemps  représenté  le 
moyen  âge  :  or  cette  teinte,  si  elle  n'a  guère  dépassé 
l'épaisseur  d'un  vernis  superficiel,  a  bien  été  celle  que 
les  hommes  d'alors,  ceux  du  moins  des  hautes  classes, 
auraient  souhaité  donner  à  leur  existence,  qu'ils  ont 
recherchée  dans  les  fictions  qu'ils  aimaient,  et  qui  res- 
tera attachée  à  l'époque  où  elle  a,  plus  qu'à  aucune 
autre,  coloré  ce  €  rêve  d'une  vie  plus  conforme  à  l'âme  » 
qu'on  appelle  la  poésie. 


CHAPITRE  V 


ROMANS    D'AVENTURE 


63.  Les  auteurs  du  moyen  âge  appellent  parfois  romans 
ou  contes  d'aventure  des  romans  byzantins  ou  celtiques; 
mais  nous  réservons  ce  nom  à  ceux  qui  ne  rentrent  pas 
bien  précisément  dans  l'une  de  ces  classes.  Plusieurs 
d'entre  eux  sont  sans  doute  sortis  de  l'invention  de  leurs 
auteurs,  et  sont,  par  là,  les  vrais  précurseurs  des 
romans  modernes  (il  y  a  déjà  beaucoup  d'invention  dans 
les  chansons  de  geste  et  les  romans  bretons,  mais  on 
n'y  ose  pas  encore  quitter  franchement  les  lisières  de  la 
tradition  antérieure);  beaucoup  d'autres  reposent  ou 
sur  des  traditions  nationales,  ou  sur  des  lais  celtiques 
(non  rattachés  au  cycle  d'Arthur),  ou  sur  des  contes 
venus  d'Orient.  Ces  romans  sont  assez  nombreux,  et 
nous  ne  pouvons  les  analyser  ni  même  les  nommer 
tous.  Nous  les  diviserons  en  certaines  catégories  dans 
chacune  desquelles  nous  signalerons  les  principaux; 
nous  répéterons  quelques  titres  déjà  mentionnés  à 
propos  des  romans  byzantins  :  il  s'agissait  alors  sur- 
tout de  faire  remarquer  l'origine  des  romans  en  ques- 
tion, au  lieu  que  nous  en  parlerons  maintenant  pour  en 
indiquer  quelque  autre  particularité. 


ROMAN-    H  AVENTURE.  1  13 

66.  Romaji8  d'origine  sans  doute  bretonne.  A  ce  premier 
groupe  semblent  appartenir  :  Amadas  \nr  siècle;  nous 
>  signalerons  «les  tracée  de  mythologie,  comme  le  rôle 
attribué  à  trois  sœurs  fatidiques  qui  président  à  la 
naissance  H  à  la  destinée  des  hommes,  et  des  lieux 
commune  comme  la  folie  du  héros  causée  par  l'amour  : 
—  llle  et  Qaleron  (par  Gautier  d'Arras.  §  51),  vers  lITu  : 
venu  d'un  lai  perdu  qui,  dans  sa  plus  grande  partie, 
s'était  qu'une  variante  de  celui  d'Éliduc  du  Marie  de 
Franci  le  thème  essentiel  de  ces  lais  se  retrouve 

dans  le  roman  postérieur  de  Gilles  fie  Trasignies,  dans  la 
légende  allemande  du  comte  de  Gleichen  et  dans  la 
légende  française  de  Notre-Dame  de  Liesse);  —  Richard 
le  Beau  (xme  siècle,  deux  parties  :  la  légende  du  Mort 
reconnaissant,  qui  se  retrouve  dans  un  grand  nombre  de 
récits  du  moyen  âge  et  remonte  à  des  contes  orientaux, 
et  celle,  du  Fils  qui  recherche  son  père,  le  combat  sans  le 
connaître  et  le  réconcilie  avec  sa  mère,  sujet,  entre 
autres,  des  deux  lais  de  Doon  et  de  Milon  ;  §  5oj  ;  —  Galeran 
de  Bretagne  (par  Renaud,  joli  poème,  qui  développe  le 
sujet  du  lai  de  Frêne;  §  55)  ;  —  le  Châtelain  de  Couci  (par 
Jakemon  Sakesep,  fin  du  xme  siècle;  thème  du  lai  de 
Quiron,  §  55,  développé  d'abord  dans  un  poème  plus 
court,  perdu,  mais  imité  en  allemand  par  Conrad  de 
Wurzbourg;  il  existe  aussi  de  ce  récit  des  versions  pro- 
vençales et  allemandes  ;  le  châtelain  de  Couci,  §  128,  est 
originairement  tout  à  fait  étranger  à  cette  histoire, 
dont  le  poète  l'a  fait  le  héros  pour  avoir  l'occasion  d'in- 
tercaler plusieurs  de  ses  chansons);  —  le  Comte  d'Artois 
(on  n'en  a  qu'une  rédaction  en  prose  du  xvc  siècle;  mais 
il  a  existé  un  poème  plus  ancien  sur  ce  sujet,  qui  se 
retrouve  dans  des  contes  orientaux  et  dans  une  nou- 
velle de  Hoccace,  imitée  dans  le  Tout  est  Lien  qui  finit  bien 
de  Shakspeare;  —  Brun  de  la  Montagne  (ce  roman,  dont 

8 


H  4  LITTERATURE    NARRATIVE. 

nous  n'avons  que  le  commencement,  fait  jouer  aux  fées 
un  rôle  considérable;  il  a  cela  de  particulier  qu'il  est 
écrit  dans  la  forme  des  chansons  de  geste,  en  laisses 
d'alexandrins  monorimes),  etc. 

67.  Romans  qui  paraissent  mélangés  (Vêlements  celtiques  et 
byzantins.  —  Blancandin  (le  héros  est  le  fils  du  roi  de 
Frise;  tous  les  noms  sont  dailleurs  imaginaires;  il 
finit,  après  des  aventures  assez  banales,  par  épouser 
Orgueilleuse  d'Amour);  —  Guillaume  de  Palerme  (déjà  cité 
au  §  51  ;  mais  l'histoire  de  loup-garou  qui  en  forme  une 
partie  importante  semble  reposer  sur  des  lais  bretons 
comme  ceux  de  Bisclavret  et  de  Mélion;  voir  §  55);  — 
Guillaume  de  Dole  (§  51  ;  ce  roman,  d'ailleurs  un  des 
meilleurs  du  genre,  est  important  en  ce  que  l'auteur  a 
imaginé  d'insérer  dans  le  récit  des  chansons  ou  frag- 
ments de  chansons  de  tout  genre,  en  quoi  il  a  été  imité 
par  les  auteurs  de  la  Violette,  de  la  Poire,  de  la  Panthère 
d'amours,  du  Châtelain  de  Couci,  de  Méliacin,  etc.). 

68.  Bornons  dont  la  scène  est  en  Occident  et  qui  racontent 
des  histoires  à  peu  près  vraisemblables.  —  Jean  de  Dammartin 
et  Blonde  d'Oxford  (par  Philippe  de  Beau  manoir  :  un 
trait  essentiel  s'en  retrouve  au  xve  siècle  dans  le  char- 
mant roman  de  Jean  de  Paris;  ce  même  trait  est  aussi 
dans  le  beau  poème  de  Horn,  §  27,  et  a  passé  de  là  dans 
le  roman  postérieur,  imité  de  Horn,  dePontus  et  Sidoine; 
citons,  à  ce  propos,  les  romans  anglo-normands  de 
Waldef,  Havelok  et  Gui  de  Wancick,  qui,  comme  Horn,  ont 
des  sources  anglo-saxonnes,  mais  ont  la  forme  des 
romans  d'aventure  et  non  celle  de  l'épopée);  —  Joufroi, 
roman  amusant  et  libre  d'allures  où  se  trouve  peut-être 
quelque  souvenir  des  aventures  chevaleresques  et 
galantes  du  célèbre  comte  de  Poitiers  Guillaume  IX;  — 


ROMANS   D  AVENTURE.  115 

Pamphile  et  Galatéc,  traduit,  vers  122o,  par  Jean  Bra's- 
defer,  de  Dammartin  en  Goële,  d'un  poème  latin  ero- 
tique qui  paraît  remonter  au  xne  siècle;  —  la  Châtelaine 
de  Vergi  (ce  joli  et  touchant  petit  poème  du  xme  siècle 
mérite  une  mention  toute  spéciale  :  il  raconte  une  aven- 
ture d'amour  dans  le  grand  monde  terminée  par  un 
dénouement  tragique,  sans  mélange  de  rien  de  merveil- 
leux ni  de  traditionnel;  c'est  déjà  presque  le  roman 
moderne,  sauf  quelque  exagération  à  la  fin,  et  la  finesse 
de  l'analyse  et  la  délicatesse  des  sentiments  y  sont 
remarquables);  —  ce  sont  aussi  de  petites  aventures 
galantes,  mais  sans  aucun  caractère  dramatique,  qui 
font  le  sujet  des  courts  poèmes  ou  «  lais  »  du  Conseil  et 
de  Y  Ombre  (ce  dernier,  vrai  type  de  livret  «  courtois  »,  par 
Jean  Renart);  — André  de  France  (roman  qui  paraît  avoir 
eu  un  grand  succès,  mais  qui,  chose  singulière,  nous 
est  surtout  connu  par  des  allusions  provençales);  — 
Gautier  d'Aupais,  bizarre  petit  roman,  composé,  comme 
Brun  de  la  Montagne,  dans  la  forme  des  chansons  de 
geste,  etc. 

09.  Romans  d'histoire  ou  de  légende  nationale  (étrangers 
à  l'épopée  proprement  ,  dite).  —  Mélusine  (romans  en 
prose  et  en  vers,  sortis  de  quelque  lai  localisé  à  Lusi- 
gnan,  et  tous  du  xive  siècle);  —  Robert  le  Diable  (conte 
fantastique  et  dévot,  originairement  étranger  à  la  Nor- 
mandie comme  à  l'histoire,  dont  il  existe  plusieurs 
variantes);  —  Richard  sans  Peur  (il  s'agit  du  troisième 
duc  de  Normandie,  resté  longtemps  très  populaire);  — 
Richard  Cœur  de  Lion  (le  poème  anglo-normand  sur  ce 
prince  n'existe  plus  qu'en  anglais,  et  cette  version,  faite 
sur  un  manuscrit  incomplet,  a  été  plus  tard  amplifiée 
par  un  remanieur  anglais  d'une  façon  extravagante):  — 
la  Comtesse  de  Pontieu   (petit  roman  en  prose,  du  xme 


i  l  6  LITTERATURE  -NARRATIVE. 

siècle,  sur  une  étrange  et  dramatique  aventure,  ratta- 
chée au  cycle  des  croisades);  —  Gilles  de  Chin,  par  Gau- 
tier de  Tournai  (vers  i2;j<));  — Eustache  le  Moine  (odyssée 
héroï-comique  d'un  hardi  partisan,  brigand  et  sorcier 
autant  que  chevalier,  qui  met  au  désespoir  le  comte  de 
Flandre  et  le  roi  d'Angleterre;  le  personnage  d'Eus- 
tache,  surnommé  le  Moine,  est  réel,  et  une  partie  des 
faits  ont  un  fondement  historique,  mais,  l'imagination 
populaire  les  a  singulièrement  amplifiés);  —  Foulhc  l;itz- 
Warin  (histoire  fort  analogue,  en  prose  anglo-nor- 
mande, d'un  outlaw  du  temps  de  Jean  sans  Terre;  il  y  a 
plus  d'un  récit  de  ce  genre  en  Angleterre,  et  le  cycle  de 
Robin  Hood  se  rattache  à  ces  romans);  —  Sonede  Nansai, 
fastidieux  et  énorme  roman  de  pure  invention  que 
l'auteur  a  vaguement  rattaché  aux  légendes  du  saint 
Graal  et  du  Chevalier  au  cygne,  etc. 

70.  Romans  plaisants.  —  Dès  la  première  moitié  du 
xne  siècle,  il  existait  une  sorte  de  geste  consacrée  à 
Richeut,  le  type  de  la  courtisane  et,  sur  ses  vieux  jouis, 
de  l'entremetteuse  (son  nom  était  devenu,  en  ce  sens, 
un  nom  commun);  nous  n'en  avons  conservé  qu'une 
des  dernières  branches,  écrite  en  H59  dans  une  forme 
de  versification  très  particulière;  ce  poème,  dont  nous 
n'avons  pas  la  fin,  raconte  avec  un  grand  cynisme, 
mais  dans  un  style  singulièrement  vif  et  avec  d'excel- 
lents traits  de  caractère  et  d'observation,  la  lutte  de 
Richeut  et  de  son  digne  fils  Sanson,  qui  exploite  1rs 
femmes  comme  elle  exploite  les  hommes;  il  est  joué 
par  elle  dans  l'aventure  qui  termine  le  fragment,  mais 
peut-être  prenait-il  sa  revanche;  ~  Trubcrt,  par  Douin 
de  Lavesnes  Aisne),  xme  siècle,  incomplet;  cest  un 
recueil  de  contes  et  d'aventures  comiques,  dont  le 
héros,  niais  en  apparence,  dupe  toujours  tout  le  monde; 


ROMANS   D  AVENTURE.  117 

ces  récits,  souvent  plus  que  grossiers,   sont  d'origine 
orientale  et  se  retrouvent  dans  diverses  littératures. 

71.  Romans  à  tiroirs  (contenant  plusieurs  histoires  que 
racontent  les  personnages).  —  Les  Sept  Sages  de  Rome 
(on  en  a  un  texte  en  vers  du  xne  siècle,  et  un  texte  en 
prose  du  xmc,  assez  différents,  mais  remontante  une 
même  source;  sur  le  sujet,  voir  S  50);  à  la  rédaction  en 
prose  de  ce  roman  on  composa  des  suites  successives, 
qui  contiennent  beaucoup  moins  d'histoires,  et  dont  les 
histoires  sont  moins  intéressantes  :  ce  sont  Marques  de 
Rome,  Laurin,  Cassidorus,  Péliarménus ,  Kanor,  tous 
rédigés  au  xme  siècle.  —  Une  autre  forme,  très  diffé 
rente,  du  même  thème  fut  mise  en  latin,  à  la  fin  du 
xn°  siècle,  par  le  moine  Jean  de  Haute-Seille  en  Lor- 
raine, sans  doute  d'après  des  récits  recueillis  oralement, 
et,  bientôt  après,  du  latin  de  Jean  en  vers  français  par 
un  poète  nommé  Herbert;  le  père  du  héros  s'appelle  ici 
Dolopathos  et  a  donné  son  nom  au  roman. 


CHAPITRE  VI 


FABLE AUX 


72.  Pour  les  hommes  réunis,  se  raconter  des  histoires 
a  toujours  été  une  manière  agréable  de  passer  le  temps, 
surtout  quand  on  n'a  pas  de  livres  ou  que  la  lecture  est 
peu  répandue  :  le  conte  est  un  degré  inférieur  de  la 
poésie  épique.  Les  anciens  ont  connu  ce  plaisir  :  les 
apologues  ésopiques,  les  fables  milésiennes  en  sont  la 
preuve.  Dans  la  société  issue  de  la  destruction  du  inonde 
romain  par  les  Germains,  ce  goût  était  très  vif;  il  fut 
satisfait  par  les  joculatores  en  même  temps  que  le  goût 
plus  élevé  pour  les  chansons  de  geste  ou  plus  raffiné 
ppur  les  poèmes  d'aventure.  A  la  fin  du  xne  siècle, 
nous  voyons  un  comte  de  Guines,  Baudouin  11(1169-1 206), 
capable  d'égaler  les  jongleurs  les  plus  renommés  in 
cantilenis  gestoriis,  sive  in  evcntitris  nobilium,  sive  in  fabellis 
ignobilium.  Ce  sont  en  effet,  comme  on  le  verra,  des 
bourgeois,  des  vilains,  des  clercs  inférieurs  qui  sont  les 
héros  habituels  de  ces  récits.  C'était  aux  repas  (l'usage 
en  est  attesté  de  très  bonne  heure),  aux  assemblées, 
aux  fêtes,  que  les  jongleurs  produisaient  leur  réper- 
toire. Comme  pour  les  romans  bretons  dans  la  première 


FABLEALX.  119 

période,  beaucoup  de  ces  récits  n'avaient  pas  de  forme 
écrite  et  se  transmettaient  oralement  en  prose.  Ils  ne 
prenaient  réellement  une  forme  littéraire  que  si  on  les 
mettait  en  vers,  ce  que  firent  de  nombreux  poètes,  au 
moins  à  partir  du  xne  siècle  et  jusqu'au  commencement 
du  xive-  Les  récits  circulant  oralement  s'appelaient 
conte,  aventure  (Nés  puet  on  mie  toutes  dire  Ne  conter  en 
romans  7i,escrire,  dit  un  poète  en  parlant  des  aventures), 
fable;  les  récits  en  vers  fablel  (Des  fables  fait  l'on  les 
fableaus,  dit  un  autre  poète  :  fablel  fait  au  pluriel 
fableaus  ou  fabliaus  ;  la  forme  fableaus,  d'où  le  singulier 
fableau,  est  seule  proprement  française  :  cf.  tableau); 
mais  naturellement  les  mots  conte,  aventure,  fable  sont 
souvent  employés  aussi  pour  désigner  les  rédactions 
écrites  et  rtmées. 

73.  D'où  venaient  ces  contes,  répandus  dans  toute 
l'Europe,  et  dont  plusieurs  sont  populaires  encore 
aujourd'hui?  La  plupart  avaient  une  origine  orientale. 
C'ep.t  dans  l'Inde,  en  remontant  le  courant  qui  nous  les 
amène,  que  nous  en  trouvons  la  source  la  plus  reculée 
(bien  que  plusieurs  d'entre  eux,  adoptés  par  la  littéra- 
ture indienne  et  transmis  par  elle,  ne  lui  appartiennent 
pas  originairement  et  aient  été  empruntés  à  des  litté- 
ratures plus  anciennes);  le  bouddhisme,  ami  des 
exemples  et  des  paraboles,  contribua  à  faire  recueillir 
des  contes  de  toutes  parts  et  en  fit  aussi  inventer 
d'excellents.  Ces  contes  ont  pénétré  en  Europe  par 
deux  intermédiaires  principaux  :  par  Byzance,  qui  les 
tenait  de  la  Syrie  ou  de  la  Perse,  laquelle  les  importait 
directement  de  l'Inde  (cf.  §  50),  et  par  les  Arabes.  Lim- 
portation  arabe  se  fit  elle-même  en  deux  endroits  très 
différents  :  en  Espagne,  notamment  par  l'intermédiaire 
des  Juifs,  et  en    Syrie,   au    temps   des   croisades.  En 


120  LITTÉRATURE   NARRATIVE. 

ESpagne  la  transmission  l'ut  surtout  littéraire  :  ainsi 
un  juif  converti.  Pierre  Alphonse,  publiait  à  la  (in  du 
\n  siècle  un  livre  Renseignement  moral  tout  rempli  de 
contes  arabes  (indiens),  qu'il  appelait  Disciplina  clericalis, 
et  dont  nous  possédons  deux  traductions  en  vers  du 
\ir  ou  du  xiiie  siècle  (la  Discipline  de  clcn/ie  ou  le  Chastié- 
ment  d'un  père  à  son  fils).  En  Orient,  au  contraire,  les 
croisés,  qui  vécurent  avec  la  population  musulmane 
dans  un  contact  fort  intime,  recueillirent  oralenieul 
beaucoup  de  récits:  plusieurs  de  ces  récits,  d'origine 
bouddhique,  avaient  un  caractère  moral  et  même  ascé- 
ticpie  :  ils  ont  été  facilement  christianisés  ;  d'autres, 
sous  prétexte  de  moralité  finale,  racontaient  des  aven 
tUreS  assez  scabreuses  :  on  garda  l'aventure  en  laissant 
là,  d'ordinaire,  la  moralité:  d'autres  enfin  furent  retenus 
et  traduits  comme  simplement  plaisants.  Il  faut  signaler 
l'accueil  que  fit  à  ces  contes,  à  ces  crnnplcs.  comme  on 
les  appelait,  la  prédication  chrétienne  :  on  se  plut,  dès 
le  xnp  siècle,  à  en  insérer  dans  les  sermons,  et  un  grand 
nombre  nous  a  été  transmis  soit  dans  des  sermons 
écrits  en  latin,  soit  dans  des  livres  d'édification  ou  des 
recueils  spéciaux  formés  pour  l'usage  des  prédicateurs. 
—  Nous  avons  déjà  parlé  plus  haut  du  roman  des  Sept 
Sages  (§§50*71),  et  à  l'instant  de  la  Disciplina  vIêtifcUlîê.  On 
peut  y  joindre  Barlaam  et  Joasaph,  roman  dont  nous 
reparlerons  (§  147  ,  qui  contient  aussi  plusieurs  coules. 
Mais  les  tableaux  sont,  sauf  exception,  étrangers  à  ces 
grands  recueils  traduits  intégralement  d'une  lâttgtié 
dans  une  autre:  ils  proviennent  de  la  transmission 
orale  et  non  des  livres.  —  Notons  aussi  que  quelques 
fableaux  (mais  c'est  le  petit  nombre  ou  sont  sortie  de 
l'invention  même  des  auteurs  (tel  paraît  être  le  cas  pour 
Richcut.  pour  Jes  fableaux,  d'ailleurs  plus  satiriques 
que  narratifs,  de  Gautier  le   Long,  pour  certains  récits 


FAP.I.K.U  \.  121 

allégoriques),  ou  ne  font  que  raconter  une  aventure 
réellement  arrivée  ainai  peut*étre,  la  Plentét  donf  la 
scène  est  en  Syrie  sous  le  roi  Henri  de  Champagne, 
mort  en  1197;  la  Vessie  au  prêtre,  farce  qu'un  prêtre 
mourant  joue  à  la  convoitise  des  moines  mendiants;  le 
Sentier  battu,  réponse  piquante  et  singulièrement  gros- 
sièfc  d'Un  chevalier  à  une  dame  qui  le  '  raillait  ;  Frère 
Denise i  histoire  scandaleuse  d'un  cordelier,  etc.). 

74.  Nous  ne  pouvons  donner  des  (ableaux,  dont  nous 
possédons  plus  d'une  centaine,  qu'une  idée  très  som- 
maire Leur  caractère  général  est  d'être  plaisants,  et  ce' 
caractère  est  indiqué  par  plusieurs  des  noms  dont  les 
poètes  qualifient  leurs  récits  (une  trufe,  une  bourde,  une 
risée,  un  gab);  trop  souvent  l'élément  plaisant  est 
cherché  dans  l'obscénité,  et  plusieurs  Tableaux  attei- 
gnent un  incroyable  cynisme,  qui  s'allie  trop  souvent 
aussi  à  une  dégoûtante  platitude.  Beaucoup  d'entre  eux 
sont  satiriques,  et  raillent  de  préférence  certaines 
classes.  Composés  pour  les  chevaliers  et  les  bourgeois, 
ils  se  moquent  habituellement  des  vilains  et  surtout 
des  clercs,  qui  sont  les  héros  ordinaires,  tantôt  heu- 
reux, tantôt  malheureux,  des  aventures  galantes.  Ils  ne 
sont  pas  écrits  pour  les  femmes,  et  on  les  récitait  sans 
doute  en  général  quand  elles  s'étaient  retirées;  aussi  y 
sont-elles  ordinairement  présentées,  sous  un  jour  fort 
défavorable;  soit  comme  dépravées,  soit  comme  aca- 
riâtres. Ce  sont  des  récits  destinés  aux  hommes,  à  qui 
les  jongleurs  les  débitaient  après  le  repas,  quand  on 
buvait;  beaucoup  sont  de  grossières  saletés  qui  n'ont 
d'autre  but  que  de  faire  rire  un  instant;  plusieurs  sont 
de  petites  histoires  fort  bien  contées,  parfois  très 
morales  ou  très  sentimentales.  Tous  ont  le  grand 
mérite  de  peindre  la  vie  réelle  de  leur  temps,  non  de 


122  LITTERATURE   NARRATIVE. 

parti  pris,  mais  sans  le  vouloir,  de  nous  faire  pénétrer 
dans  les  intérieurs  nobles,  cléricaux,  bourgeois  ou 
ruraux  et  de  nous  parler  la  langue  familière  et  quoti- 
dienne des  diverses  classes  de  la  société. 

75.  L'époque  des  fableaux  comprend  environ  un  siècle 
et  demi.  La  plupart  sont  de  la  fin  du  xne  et  du  com- 
mencement du  xme  siècle  ;  les  plus  modernes  sont  ceux 
de  Jean  de  Condé  et  de  Watriquet,  au  commencement 
du  xive  :  la  société  et  la  littérature  subirent  alors  un 
changement  considérable,  et  ce  genre  disparut  (au 
xve  siècle  nous  le  trouvons  représenté  d'une  part  par  la 
nouvelle  en  prose,  d'autre  part  par  la  farce  ;  les  contes 
en  vers  ne  reparaissent  que  bien  plus  tard).  —  Beau- 
coup des  contes  rimes  en  France  aux  xir3  et  xme  siècles 
se  retrouvent  un  peu  plus  tardivement  dans  les  litté- 
ratures des  autres  peuples,  notamment  en  Italie,  en 
Angleterre  et  en  Allemagne.  Il  est  certain  que  Boccace 
et  Chaucer,  par  exemple,  ont  parfois  imité  des  fableaux 
français,  mais  il  n'est  nullement  établi  que  ce  soit  tou- 
jours le  cas;  ces  contes  circulaient  oralement  dans  toute 
l'Europe  (sans  parler  de  leur  admission  dans  les  ser- 
mons et  les  livres  pieux),  et  ils  ont  fort  bien  pu  être 
recueillis  indépendamment  par  les  poètes  ou  les  nou- 
vellistes des  différents  pays. 

76.  Les  auteurs  des  fableaux  sont  assez  souvent 
nommés.  Nous  citerons  Huon  le  Roi,  de  Cambrai, 
auteur  du  Vair  palefroi  (charmante  petite  histoire,  dont 
la  plus  ancienne  forme  est  dans  une  fable  de  Phèdre, 
où  l'amour  honnête  l'emporte,  par  un  heureux  accident, 
sur  la  richesse  qui  le  combat)  et  de  la  Maie  Honte  (anec- 
dote ayant  pour  tout  sel  un  froid  jeu  de  mots,  dont  on 
a  deux  autres  versions)  ;  —  Jean   Bedel  ou  peut-être 


FABLEAUX.  123 

Jean  Bodel  g  127  .  «Tuteur  de  neuf  fableaux  au  moins  : 
Barat  et  Haimct  (tours  mutuels  que  se  jouent  des  voleurs), 
Brunain  la  vache  au  prêtre  (plaisanterie  contre  les  curés), 
le  Convoiteux  et  V Envieux  (on  promet  au  second  un  don 
à  condition  que  l'autre  aura  le  double  :  il  demande  à  se 
faire  arracher  un  œil),  les  Deux  Chevaux  (aventure  peu 
intéressante),  le  Loup  et  VOie  (plutôt  fable  .  le  Souhait 
insensé  (obscénité),  le  Vilain  de  Bailleul,  Gombert  et  les 
deux  Clercs  (même  sujet  que  le  Berceau  de  La  Fontaine), 
le  Vilain  de  Farbu;  —  Gautier  le  Long,  auteur  de  la 
Veuve  et  (sans  doute)  du  Valet  qui  d'aise  à  malaise  se  met 
(en  se  mariant),  satires  vives  et  fines,  d'un  style  parfois 
singulier  et  difficile,  mais  très  personnel;  —  Eustache 
d'Amiens,  auteur  du  Boucher  d'Abbeville  (bon  tour  joué  à 
un  prêtre  avare);  —  Bernier,  auteur  de  la  Housse  partie 
(on  a  une  autre  version  de  ce  conte  moral);  —  Jean, 
auteur  probable  dWuberée  (fourberie  d'une  vieille  entre- 
metteuse, provenant  de  l'Inde,  mais  ici  supérieurement 
racontée);  —  Jacques  de  Baisieu,  auteur  des  Trois  cheva- 
liers au  chainse  (conte  romanesque  tout  rempli  de  l'es- 
prit des  poèmes  de  la  Table  Bonde)  et  de  la  Vessie  au 
prêtre  (§  73);  —  Henri  d'Andeli,  auteur  d'Artsfote  (exemple 
indien,  rapporté  ici  au  sage  par  excellence,  de  la  puis- 
sance de  l'amour  sur  les  plus  sages);  —  Rutebeuf 
ï  127),  auteur  de  Chariot  le  Juif  (plaisanterie  sur  un  jon- 
gleur qui  était  réellement  le  contemporain  du  poète  . 
de  la  Dame  qui  fit  trois  fois  le  tour  du  moutier  (rentre  dans 
la  série  si  nombreuse  des  ruses  de  femmes,  la  plupart 
contées  jadis  en  Inde),  de  l'Ame  duvilain  (grosse  raillerie 
contre  les  vilains),  de  Frère  Denise  (§  73  .  du  Testament  de 
Y  âne  (piquante  dérision,  originaire  de  l'Orient,  de  l'avi- 
dité des  gens  d'Église);  —  Garin,  auteur  de  divers 
contes  fort  obscènes,  des  Tresses  (spirituelle  narration 
où  triomphe  l'astuce  féminine,  et  dont  nous  avons  une 


i  24  LITTÉRATURE    NARRATIVE. 

outre  version)  et  du  Curé  qui  mangea  les  mitres  (petite  anec- 
dote plaisamment  racontée);  —  Huon  Peaucele,  auteur 
<YE>tormi  (faible  variante  du  conte  oriental  des  trois 
galants  dont  on  veut  cacher  les  corps,  ce  qui  amène  la 
mort  d'un  quatrième  personnage,  pris  pour  un  revenant) 
et  de  Sire  Ilain  et  Dame  Anieuse  (tableau  de  mœurs  bour- 
geoises poussé  à  la  charge,  mais  gai);  —  Jean  le  Ualois 
d'Aubepierrc,  auteur  de  la  Bourse  pleine  de  sens  à  la 
lois  l'un  des  plus  moraux  et  l'un  des  mieux  contés  de 
tous  les  fableaux);  —  Jean  de  Coudé,  auteur  du  Olere 
caché  (c'est  ici  la  femme  qui  est  jouée)  et  du  Sentier 
hatlu,  etc. 

77.  Parmi  les  fableaux  anonymes,  les  plus  remarqua- 
bles sont  :  Courtois  d'Arras  (curieux  arrangement,  avec 
des  noms  et  des  mœurs  du  XIIIe  siècle,  de  l'histoire  de 
l'enfant  prodigue,  à  moitié  dialogué),  la  Longue  Nuit 
(conte  dont  on  a  plus  d'une  version  et  qui  vient 
d'Orient),  la  Bourgeoise  d'Orléans  (astuce  féminine,  dont 
on  a  une  version  anglo-normande  et  dont  une  variante 
se  retrouve  dans  Boccace,  imité  par  La  Fontaine),  Cons- 
tant du  Hamcl  (triomphe  d'un  vilain,  cette  fois,  sur  les 
vices  d'un  chevelier,  d'un  clerc  et  d'un  bourgeois  ,  Yni- 
sclet  (charmant  conte  indien  transformé  de  la  façon  la 
plus  gracieuse),  te  Vilain  Mite  (également  d'origine 
indienne,  dont  le  thème  initial  a  fourni  à  Molière  la 
donnée  du  Médecin  malgré  lui),  etc. 

78.  Les  fableaux  qui  touchent  à  la  religion  sont  parti- 
culièrement intéressants,  parce  qu'ils  nous  montrent 
comment  les  esprits  du  moyen  Age  la  comprenaient. 
Tels  sont  :  la  Cour  de  Paradis  (conte  fort  singulier,  où 
l'on  voit  Dieu,  la  Vierge  et  les  saints  danser  aux  chan- 
sons), le  Vilain  qui  conquit  le  paradis  (en  disant  de  dures 


FABLEAUX.  125 

vérités  aux  saints  qui  voulaient  l'en  chasser),  l'Ame  du 
vilain  |§  76),  Saint  Pierre  et  le  Jongleur  (un  jongleur,  qui 
après  sa  mort  est  allé  en  enfer,  est  chargé  par  le  diable 
de  garder  les  Ames  en  son  absence;  mais  il  les  perd 
toutes  aux  dés  contre  saint  Pierre,  qui  est  venu  le  pro- 
voquer; depuis  ce  temps  le  diable  ne  veut  plus  rece- 
voir de  jongleurs),  etc.  Il  faut  se  garder  de  confondre 
ces  fableaux,  souvent  irrévérencieux,  avec  les  coules 
dévots,  dont  nous  parlerons  à  propos  de  la  littérature 
religieuse. 


CHAPITRE  VII 


FABLE    ESOPIQUE    ET    ROMAN    DE    RENARD 

79.  La  fable  ésopique  proprement  dite  (dont  l'origine 
première  est  encore  obscure,  mais  qui  au  moins  en  par- 
tie vint  certainement  aux  Grecs  de  l'Orient),  où  les 
acteurs  sont  des  animaux  et  où  le  récit  n'existe  qu'en 
vue  de  la  moralité  à  en  tirer,  n'a  pas  été  inconnue  au 
moyen  âge;  si  elle  y  est  elle-même,  sauf  une  exception, 
restée  trop  fidèlement  attachée  aux  exemples  latins,  elle 
a,  par  son  union  avec  des  récits  d'autre  provenance, 
développé  un  rejeton  aussi  original  que  fécond.  — Deux 
recueils  de  fables  latines  ont  été  la  base  principale  des 
versions  médiévales  :  celui  d'Avianus,  comprenant  des 
fables  en  distiques,  mises  plus  tard  en  prose,  et  à  peu 
près  toutes  empruntées  aux  recueils  grecs  qui  portent 
le  nom  d'Ésope,  et  surtout  celui  dans  le  prologue  duquel 
un  certain  Romulus  imperator  prétend  traduire  en  latin 
pour  son  fils  Tibérinus  les  fables  grecques  d'Ésope,  et 
qui  n'est  en  réalité  que  la  collection  des  fables  de 
Phèdre  mises  en  prose  à  l'époque  extrême  de  la  déca- 
dence. Le  Romulus  latin  fut  accru,  vers  le  xic  siècle,  de 
fables  d'un  tout  autre  caractère,  et  portant  au  plus  haut 
degré  l'empreinte  du  moyen  âge  et  souvent  du  christia- 


FABLE  ESOPIQUE  ET  ROMAN  DE  RENARD.      127 

nisme  (comme  celle  du  loup  qui  apprend  à  lire),  venant 
en  bonne  part  de  l'Inde  à  travers  Byzance,  mal  contées 
la  plupart  du  temps,  parfois  très  obscures,  mais  sou- 
vent originales,  bien  inventées  et  d'un  excellent  carac- 
tère  populaire  (comme  celle  du  chat  qui  a  mis  une  étole 
et  qui  veut  baptiser  un  rat,  lequel  préfère  rester 
païen,  etc.).  Le  recueil  ainsi  augmenté,  né  sans  doute 
en  Angleterre,  fut  traduit  de  bonne  heure  en  anglais  et 
mis,  sans  raison,  sous  le  nom  du  roi  Alfred,  auquel  on 
attribuait  plus  d'un  ouvrage  qu'il  n'avait  pas  écrit;  c'est 
d'après  l'anglais  (perdu)  que  Marie  de  France  (§  55)  le 
mit  en  vers  français,  élégants  mais  un  peu  secs,  en 
Angleterre,  sous  le  règne  de  Henri  II.  Elle  donna  à  son 
œuvre  le  nom  d'hopet,  qui  fut  celui  de  tous  les  recueils 
de  fables  du  moyen  âge,  et  qui  n'est  pas  autre  chose 
qu'un  diminutif  familier  du  nom  d'Ésope,  auquel  on 
attribuait  toujours  tous  les  apologues. 

80.  Vers  le  milieu  du  xir3  siècle,  un  auteur  dont  le  nom 
est  incertain  (peut-être  Walter  l'Anglais)  mit  en  dis-1 
tiques  latins  les  trois  premiers  livres  de  Romulus,  com- 
prenant cinquante-huit  fables,  auxquelles  il  ajouta  deux 
contes,  l'un  emprunté  à  Pierre  Alphonse  (§  73),  l'autre 
de  source  inconnue;  il  donna  à  son  œuvre,  suivant 
l'usage,  le  nom  d'Esopus.  Son  style  prétentieux  et  con- 
tourné eut  un  très  grand  succès  :  nous  possédons  deux 
traductions  en  vers  des  xme  et  xiv°  siècles,  Yhopet  de 
Lyon  et  Yhopet  I  de  Paris  :  ce  dernier  s'appelle  hopet- 
Acionnet,  parce  que  la  traduction  d'Esopus  y  est  suivie  de 
celle  d'Avianus.  Une  autre  rédaction  en  distiques  latins, 
d'Alexandre  Neckam  (xne  siècle),  a  été  aussi  deux  fois 
mise  en  vers,  dans  VIsopet  de  Chartres  et  Yhopet  II  de 
Paris.  La  plus  intéressante  de  ces  traductions,  parce 
qu'elle  est  la  plus  libre,  est  Yhopet  de  Lyon;  toutes  d'ail- 


128  LITTÉRATURE   NAHHATIVE. 

leurs  abondent  en  contre-sens,  auxquels  prêtait  le  lan- 
gage obscur  de  leurs  modèles,  et  dont  nos  rimeurs  se 
tirent  comme  ils  peuvent. 

81.  En  dehors  de  ces  recueils  spéciaux  de  fables,  on 
en  trouve  souvent,  et  même  de  meilleures  et  de  plus 
originales,  soit  en  latin,  soit  en  français,  dans  les 
oeuvres  des  moralistes,  des  prédicateurs  (voir  ;;  152  , 
voire  des  historiens  (par  exemple  dans  les  Récits  du 
ménestrel  de  Reims,  g  97).  Le  recueil  d'exemples  de  Nicole 
Bozon  (§  152)  contient  plusieurs  fables,  contées  en 
général  d'un  ton  vif  et  populaire,  et  qui  paraissent, 
comme  celles  dont  il  a  été  parlé  tout  à  l'heure,  appar- 
tenir à  un  fonds  anglais. 

•s2.  Les  fables  ésopiques  furent  transmises  au  moyen 
âge  par  les  clercs;  d'autres,  qui  n'avaient  pas  été  ancien- 
nement traduites  en  latin,  vinrent  en  Occident  par 
Byzance:  mais  indépendamment  de  cette  transmission 
plus  ou  moins  savante,  il  circulait  et  il  circule  encore 
chez  la  plupart  des  peuples  des  «  contes  d'animaux  », 
qui  diffèrent  de  l'apologue  en  ce  qu'ils  ne  se  proposent 
aucun  but  moral,  mais,  reposant  sur  une  observation 
sympathique  et  gaie  des  mœurs  de  certaines  bêtes, 
leur  attribuent,  pour  exciter  le  rire,  les  aventures  qui 
conviennent  à  leur  caractère  supposé  et  à  leurs  habi- 
tudes connues.  Un  grand  nombre  de  <es  contes  ont  pour 
thème  la  lutte  sourde  ou  déclarée  entre  le  loup,  plus 
fort,  et  le  goupil,  plus  fin.  lutte  dans  laquelle  le  loup 
naïf  et  féroce  finit  toujours  par  avoir  le  dessous. 
Diverses  fables  ésopiques.  issues  san6  doute  à  l'origine 
de  semblables  contes,  avaient  ;:  peu  près  le  même 
thème  et  parlaient  notamment  des  disputes  des  deux 
héros  à  la  cour  du  lion,  roi  des  animaux  dans  la  tradi- 


FABLE    ESOI'IQI  E    ET    ROMAN    DE    RENARD.  129 

tion  gréco-orientale.  Des  clercs  français  réunirent  et 
rimèrent  quelques-uns  de  ces  contes  ou  de  ces  fables 
(le  partage  du  lion,  —  le  goupil  médecin,  —  le  loup  et 
la  jument  .  en  y  joignant  quelques  contes  inconnus  à 
l'antiquité  (le  goupil  voleur  d'anguilles,  —  le  loup  et 
le  goupil  pochant,  —  l'outrage  infligé  à  la  louve  par  le 
goupil,  etc.).  Les  fables  ésopiques  furent  d'ailleurs 
dépouillées  de  toute  moralité  et  n'eurent  plus,  comme 
les  contes,  d'autre  but  que  de  divertir.  —  Mais  la  grande 
innovation  qui  lit  de  cette  compilation  une  sorte 
d'  «  épopée  animale  »  est  d'avoir  individualisé  les  héros 
de  ces  récits  et  de  leur  avoir  donné  des  noms  propres  : 
il  ne  s'agit  plus  d'un  loup,  d'un  goupil,  mais  d'Isengrim 
et  de  Raganhard,  avec  leurs  femmes  Richild  et  Hersind 
(plus  tard  Isengrin,  Renard,  Richeut,  Hersent).  Autour 
de  ces  personnages  tous  les  épisodes  se  réunissent  en 
un  seul  récit  vraiment  épique,  qui  va  des  premières  que- 
relles des  deux  compères  (ou  de  l'oncle  et  du  neveu)  à  la 
mort  d'Isengrin  ou  à  la  victoire  de  Renard.  A  côté  des 
héros  principaux  prennent  place  une  foule  d'acteurs 
secondaires  :  Noble  le  lion  (dont  la  présence  au  milieu 
des  animaux  de  nos  contrées  suffit  à  montrer  l'origine 
en  partie  savante  de  tout  le  cycle;,  Grimbert  le  blaireau 
(cousin  de  Renard),  Relin  le  bélier,  Chanteclair  le  coq, 
Couard  le  lièvre,  Tibert  le  chat,  Bernard  l'âne  (présenté 
comme  «  archiprêtre  »),  qui  ont  des  caractères  et  des 
rôles  toujours  les  mêmes.  A  quelle  époque  et  dans  quel 
pays  se  fit  cette  ingénieuse  transformation  de  la  fable 
animale?  Dans  le  nord  de  la  France  vers  le  XIe  siècle.  La 
plus  ancienne  trace  qu'on  en  ait  se  trouve  dans  un  récit 
latin  du  meurtre  de  Gaudri,  évêque  de  Laon,  lors  des 
troubles  qui  accompagnèrent  la  fondation  de  la  com- 
mune, en  1112  :  on  y  voit  figurer  un  vilain  que  l'évêque, 
à  cause  de  sa  nature  farouche,  avait  surnommé  Isen- 

9 


130  LITTERATURE    NARRATIVE. 

grim  :  sic  enim,  dit  Le  chroniqueur,  aliquisolent  appellare 
hipoêf  et  plus  loin  il  semble  bien  que  le  nom  de  Renoul 
soit  employé  comme  le  fui  plus  tard  celui  de  Renard. 
Vient  ensuite  le  poème  hitin  d'IsengHmus,  composé  sans 
doute  à  Gand,  en  1117,  par  maître  Nivard,  œuvre 
pénible,  quoique  intéressante,  et  où  paraissent  se  pro- 
duire, à  côté  des  imitations  du  français,  des  inventions 
nouvelles  assez  peu  heureuses.  —  En  français  nous  ne 
l'avons  plus  dans  son  état  primitif;  nous  possédons, 
dans  divers  manuscrits,  un  grand  nombre  de  «  branches  » 
composées  en  vers  de  huit  syllabes  par  des  auteurs  du 
mi'  et  du  xiii0  siècle,  plus  ou  moins  remaniées  el  artifi- 
ciellement groupées,  qui  traitent  des  épisodes  de  la 
grande  histoire,  soit  anciens,  soit  nouveaux,  et  parfois 
de  pure  invention.  C'est  l'ensemble  de  ces  œuvres  dis- 
parates qu'on  appelle  le  Roman  de  Renard. 

83.  Le  plus  ancien  morceau  paraît  être  le  Pèlerinage 
Renard,  qui  est  anonyme  et  remonte  certainement  encore 
au  xii°  siècle.  —  Un  auteur  appelé  Pierre  de  Saint-Cloud, 
qui  a  écrit  en  vers  une  des  continuations  d'Alexandre 
(g  'i  i),  se  rendit  célèbre,  vers  la  fin  du  XIIe  siècle,  par  ses 
compositions  relatives  à  Renard,  mais  il  est  difficile  de 
discerner  ce  qui  lui  appartient  dans  la  collection  qui 
nous  est  parvenue;  deux  autres  auteurs  sont  désignés 
l'un  comme  un  prêtre  de  la  Croix-en-Brie  et  l'autre 
comme  un  prêtre  normand;  Pierre  de  Saint-Cloud  lui- 
même  est  peut-être  le  curé  de  ce  nom  qui  fut  accusé 
d'hérésie  en  1204  :  on  voit  que  le  Renard  fut  toujours 
volontiers  traité  par  des  clercs.  La  branche  la  pins 
importante,  et  celle  qui  eut  le  plus  de  succès,  notam- 
ment à  l'étranger  (elle  est  le  point  de  départ  du  Reïnaert 
de  Vos  flamand,  source  à  son  tour  de  toutes  les  imita- 
tions postérieures  el  entre  antres  (lu  poème  de  Gœthe), 


FABLE    ÉS0P1QUÈ    ET    ROMAN    DE    RENARD  131 

est  celle  du  Jugement  de  Renard,  spirituel  tablc;m  de  la 
coup  du  roi  Noble,  où  Renard,  accusé  de  maint  méfait., 
comparaît  après  avoir  été  vainement  sommé  à  plusieurs 
reprises,  livre  à  Isengrin  un  combat  singulier,  et,  fina- 
lement, convaincu  de  parjure  et  de  félonie,  arrive  à 
échapper  au  gibel  qui  l'attend  et  s'enfuiten  déliant  tout 
ceux  qui  ont  cru  en  avoir  fini  avec  lui.  —  Les  meilleures 
brancheâ  de  Renard,  comme  celle-là  et  quelques-unes 
encore  plus  411e  celle-là,  se  distinguent  par  de  fort 
agréables  qualités  :  le  style  en  est  naturel  et  aisé,  les 
peintures  sont  fines  et  vraies;  c'est  une  parodie  aimable 
de  la  société  humaine  et  de  l'épopée  sérieuse,  une 
«  risée  ».  comme  dit  un  des  auteurs,  inoffehsive  et  char- 
mante. Mais  tout  ne  tarde  pas  à  se  gâter  et  à  s'alourdir  : 
la  grossièreté  des  pires  fableaux  s'introduit  dans  les 
récits,  ou  bien  ils  servent  de  véhicule  à  une  satire  âpre 
et  excessive,  ou  encore  ils  prennent  un  fastidieux  carac- 
tère allégorique.  Dans  les  branches  les  plus  anciennes 
on  trouve,  dans  la  façon  dont  les  animaux  sont  mis  en 
scène,  la  fraîcheur  et  la  malice  enfantines  de  l'obser- 
vation populaire,  encore  toute  proche  de  la  nature;  dans 
les  suivantes,  l'assimilation  de  la  prétendue  société  ani- 
male à  la  société  féodale  est  discrète  et  amène  la  gaieté; 
mais  [dus  tard  les  personnages  ne  sont  en  réalité  que 
dès  hommes-,  qui  montent  à  cheval  et  portent  l'armure, 
et  leur  déguisement  sous  des  noms  de  bêtes  et  d'oiseaux 
n'est  plus  que  ridicule,  ou  donne  lieu  aux  incohérences 
les  plus  choquantes. 

84.  La  satire  seule,  sous  un  voile  transparent,  a  ins- 
piré- à  la  fin  du  xiii0  siècle  les  poèmes,  curieux  à  certains 
titres,  mais  sans  valeur  esthétique,  du  Couronnement  de 
Renard  (écrit  vers  1255  en  Flandre)  et  de  Renard  le  Nou- 
veau (ce  dernier  fait  à  Lille,  en    1 2s8,  par  Jacquemard 


132  LITTERATURE   NARRATIVE. 

Gelée).  —  Un  clerc  de  Troies.  au  xive  siècle,  écrivit  en 
deux  rédactions,  sous  le  nom  de  Renard  le   Contrefait 

c'est-à-dire  imité  de  l'ancien),  une  immense  compi- 
lation, on  il  a  réuni  des  morceaux  de  tout  genre  com- 
posés antérieurement  par  lui,  et  où  se  trouvent  quel- 
ques histoires  de  Renard,  qui,  toutes  mal  contées 
qu'elles  sont,  ne  manquent  pus  d'intérêt,  parce  qu'elles 
nous  donnent  parfois  la  seule  forme  française  conservée 
d'épisodes  qui  ont  dû  être  racontés  plus  anciennement 
et  que  nous  retrouvons  dans  des  rédactions  étrangères. 
Cette  œuvre  indigeste  (qui  comprend  entre  autres  hors- 
d'ieuvre  une  histoire  universelle  en  partie  en  prose)  est 
d'ailleurs  précieuse  pour  la  connaissance  des  mœurs  et 
des  idées  de  l'époque  et  à  cause  des  matériaux  de  toute 
sorte  que  l'auteur  y  a  fait  entrer;  on  y  trouve  l'expres- 
sion de  la  façon  de  penser  de  la  bourgeoisie  éclairée 
des  grandes  villes;  et,  si  on  y  remarque  peu  de  sym- 
pathie pour  les  vilains,  on  est  surtout  frappé  de  la  haine 
qui  s'y  manifeste  contre  les  nobles. 


CHAPITRE   VIII 


l'histoire. 


85.  L'histoire  n'a  jamais  complètement  cessé  d'être  écrite 
en  latin,  bien  qu'à  certaines  périodes  des  temps  méro- 
vingiens elle  ait  été  réduite  à  presque  rien.  La  renais- 
sance des  études  à  partir  de  Çtiarlemagne  lui  rendit  de 
l'activité;  elle  fut  surtout  cultivée  dans  les  monastères, 
et  du  ixe  au  xivc  siècle  l'historiographie  latine  a  pro- 
duit un  grand  nombre  de  monuments,  dont  nous 
n*avons  pas  à  nous  occuper  ici.  Pour  les  laïques,  qui 
n'entendaient  pas  le  latin,  pendant  longtemps  il  n'y  eut 
pas  d'histoire  proprement  dite  :  c'étaient  les  chansons 
de  geste  qui  en  tenaient  lieu;  nous  avons  vu  d'ailleurs 
qu'elles  contenaient,  au  moins  à  l'origine,  une  certaine 
part  de  vérité. 

86.  L'histoire  en  langue  vulgaire  date  en  réalité  des 
croisades  et  ne  fut  pendant  un  temps  défrayée  que  par 
elles,  et  le  fait  s'explique  très  naturellement.  On  se 
passe  fort  bien  de  posséder  par  écrit  la  relation  des 
faits  dont  on  est  témoin  ou  qu'on  peut  connaître  par 
le  rapport  de  ceux  qui  y  ont  assisté  ;  mais  la  prodigieuse 


134  LITTERATURE    NARRATIVE. 

expédition  de  1096  transporta  tout  d*un  coup  à  l'autre 
bout  du  monde  connu  une  grande  partie  de  la  société 
française  :  ceux  qui  restaient  voulurent  naturellement 
savoir  ce  que  devenaient  les  pèlerins  que  leur  cœur 
cherchait  à  suivre  dans  leur  lointaine  aventure:  ceux 
qui  revinrent  voulurent  raconter  ce  qu'ils  avaient  fait. 
11  est  probable  que  dès  l'origine,  à  côté  des  correspon- 
dances latines,  œuvres  des  clercs,  dont  nous  avons 
quelques  trop  rares  spécimens,  des  lettres,  les  premières 
sars  doute  de  leur  espèce,  furent  expédiées  en  français 
de  Terre  Sainte;  mais  nous  n'en  avons  pas  conservé  de 
relie  époque.  L'histoire  proprement  dite  de  la  première 
croisade  en  langue  vulgaire  eut  naturellement  d'abord 
la  forme  épique,  la  seule  qu'on  connût  pour  des  récits 
sérieux-  et  de  longue  haleine;  nous  avons  vu  que  les 
poèmes  du  cycle  des  croisades,  en  grande  partie  fabu- 
leux dans  les  formes  où  nous  les  connaissons,  reposent 
sur  des  narrations  beaucoup  plus  réellement  histori- 
ques :  les  plus  véridiques  d'entre  eux  se  réfèrent  comme 
autorité  à  Richard  le  Pèlerin,  qui  était  peut-être, 
comme  son  surnom  semble  l'indiquer,  un  des  compa- 
gnons de  Godefroi  de  Bouillon;  mais  son  œuvre,  col- 
portée avec  le  plus  grand  succès  par  les  jongleurs,  fut 
bien  vite  altérée  par  eux,  non  seulement  parce  qu'ils  la 
remplirent  de  leurs  inventions  et  la  rendirent  aussi 
semblable  que  possible  aux  chanson^  il  geste,  mais 
encore,  à  ce  que  nous  apprend  un  témoignage  formel, 
paire  qu'ils  firent  payer  aux  familles  qui  voulaient  être 
nommées  dans  leurs  chants  la  place  d'honneur  qu'elles 
réclamaient  pour  leur  chef  :  cela  prouve  au  moins 
l'intérêt  passionné  avec  lequel  la  France  écoutait  ces 
récits.  Les  Provençaux  avaient  aussi  écrit  en  vers  épi- 
ques l'histoire  de  la  pari  qu'ils  prirent  à  la  guerre 
sainte  :  un  chevalier  limousin,  Grégoire  Béchada,  avait 


l  histoire.  13:; 

composé  un  long  poème,  qui  semble  avoir  été  très  véir 
dique,  sur  ce  sujet;  Guillaume  IX,  comte  de  Poitiers, 
avail  fail  île  sa  croisade  le  sujet  de  chansons  plaisantes; 
une  relation  poétique  du  siège  d'Antioelîe  existait  en 
provençal  comme  en  fraûçais;  mais  tous  ces  ouvrages 
sont  perdus  (sauf  un  fragment  du  dernier).  —  Nous  ne 
mentionnerons  que  pour  mémoire  une  traduction  en 
Laisses  monorimes  de  l'histoire  de  la  première  croisade 
par  Baudrj  de  Bourgueil,  laite  vers  la  fin  du  xiî°  siècle. 
—  Les  événements  qui  suivirent  en  Orient  la  fondation 
du  royaume  de  Terre  Sainte  sont  racontés  à  la  fois 
inexactement  et  platement  dans  les  suites  données  à  la 
chanson  de  Jérusalem.  —  A  cette  période  se  rapporte 
aussi  une  grande  partie,  sans  doute  presque  entière- 
ment fabuleuse,  du  poème  de  Gilles  de  Chin,  consacré, 
au  xuie  siècle,  à  la  gloire  d'un  héros  du  Hainaut. 

87.  La  deuxième  croisade  dut  produire  en  français  des 
récits  déjà  plus  rigoureusement  historiques,  mais  nous 
ne  les  avons  pas;  nous  trouvons  au  contraire  dans  des 
textes  bien  postérieurs  (comme  la  Chronique  de  Reims, 
(voir  ci-dessous.  §  97; ,  des  contes  relatifs  au  séjour  de 
Louis  VII  en  Palestine  et  aux  prétendues  galanteries  de 
sa  femme  Aliénor  avec  Saladin,  qui  ne  régna  que  vingt 
ans  [dus  tard  (ces  contes  se  retrouvent,  fort  amplifiés, 
dans  un  roman  en  prose  du  xvc  siècle,  Jean  d'Avesnes, 
qui  pour  cette  partie  repose  sur  un  poème  du  xiv°; 
seulement  le  roi  dont  la  femme  veut  se  faire  enlever  par 
Saladin  est  Philippe  II). 

88.  La  troisième  croisade  nous  a  laissé  une  œuvre 
considérable,  qui  est  (sauf  quelques  oeuvres  anglo-nor- 
mandes) le  plus  ancien  écrit  historique  en  français  sur 
des  faits  contemporains  qui  soit  arrivé  jusqu'à  nous  : 


136  LITTÉRATURE    NARRATIVE. 

c'est  Y  Histoire  de  la  guerre  sainte,  en  12  000  vers  octosyi- 
labiques,  par  Ambroise,  qui  paraît  avoir  été  un  jongleur 
plutôt  qu'un  combattant,  et  qui,  né  dans  une  des  pos- 
sessions continentales  des  rois  d'Angleterre ,  était 
attaché  à  Richard  Cœur  de  Lion  et  raconte  les  événe- 
ments en  se  plaçant  toujours  à  son  point  de  vue.  Le 
poème  d'Ambroise  ne  témoigne  pas  d'un  véritable  talent 
littéraire,  mais  il  offre  de  grandes  qualités  de  sincérité 
et  de  naïveté  et  est  fort  précieux  pour  l'histoire.  Il  a  été 
mis  en  latin  presque  aussitôt  après  sa  composition, 
avec  beaucoup  de  fidélité,  par  Richard,  prieur  de  la 
Sainte-Trinité  à  Londres.  —  Un  épisode  tout  à  fait  fabu- 
leux de  cette  croisade,  la  défense  d'un  défilé  contre 
toute  l'armée  sarrasine  par  Richard  avec  douze  cheva- 
liers, fait  l'objet  d'un  poème  médiocre  de  la  fin  du 
xme  siècle,  le  Pas  de  Saladin.  Cet  épisode  était  célèbre 
avant  le  poème  et  le  resta  longtemps  :  on  le  peignait 
sur  les  murs  des  salles,  et  on  le  représenta  par  person- 
nages (muets)  en  1389  à  Paris,  lors  de  l'entrée  solen- 
nelle de  Charles  VI.  —  Un  grand  nombre  de  récits,  qu'il 
serait  trop  long  d'énumérer,  se  rapportent  à  Saladin,  à 
sa  prouesse,  à  ses  vertus,  à  ses  voyages  incognito  dans 
le  pays  des  chrétiens  (imités  de  ceux  que  les  poèmes 
sur  la  première  croisade  prêtaient  au  roi  de  Jérusalem 
Cornumarant),  à  sa  tolérance  religieuse,  et  même  à  sa 
conversion  finale  au  christianisme.  —  On  peut  rappeler 
ici  le  poème  anglais  sur  le  roi  Richard  dont  il  a  été 
parlé  (§  69)  et  qui,  au  moins  dans  sa  plus  ancienne 
partie,  contient  un  noyau  historique. 

89.  La  quatrième  croisade  a  inspiré  l'œuvre  capitale 
de  l'historiographie  française  du  moyen  âge,  la  Conquête 
de  Constantinoplc  de  Jofroi  de  Villehardouin,  maréchal 
de  Champagne,  né  vers  1165    à  Villehardouin  (Aube), 


L  HISTOIRE.  137 

devenu,  après  la  conquête  de  l'empire  grec,  seigneur 
de  Messinople  en  Thraee  (1207),  et  mort  avant  1213- 
Vîllehardouin  raconte  avec  ordre  et  clarté  les  grands 
événements  auxquels  il  prit  une  part  considérable, 
depuis  la  prédication  de  la  croisade,  en  ll'J8,  jusqu'il  la 
mort  de  son  patron,  le  marquis  Bonil'ace  de  Montferrat, 
en  1207;  son  œuvre  est  brusquement  interrompue  :  la 
mort  sans  doute  l'empêcha  de  la  continuer.  Il  est  pro- 
bable que  le  maréchal  de  Champagne  n'écrivait  pas  lui- 
même,  et  qu'il  faut  prendre  au  sens  propre  (ce  qui  n'est 
pas  toujours  le  cas  en  ancien  français)  le  mot  dicter 
dont  il  se  sert  à  deux  reprises  en  parlant  de  la  compo- 
sition de  son  livre.  Le  livre  de  Villehardouin  est  un  des 
plus  anciens  monuments  de  la  prose  française  origi- 
nale; il  en  ouvre  la  série  aussi  dignement  que  fait  la 
Chanson  de  Roland  pour  la  poésie,  et  il  garde  encore  de 
l'âge  précédent  quelque  chose  du  ton  épique  :  il  fait 
songer  au  Roland  comme  Hérodote  rappelle  Homère.  En 
le  lisant,  on  croit  entendre  une  voix  mâle  et  naturelle- 
ment bien  timbrée,  qui,  sans  le  secours  de  l'art,  arrive 
à  l'effet  le  plus  puissant  par  sa  justesse  et  sa  simplicité 
même.  On  n'y  sent  rien  de  factice  et  de  recherché  :  l'au- 
teur s'est  proposé  de  dire  avec  sincérité,  bien  qu'avec 
une  tendance  apologétique,  ce  qu'avait  été  cette  grande 
expédition,  qu'on  avait,  et  non  sans  raison,  fort  diver- 
sement jugée;  engagé  lui-même  dans  le  parti  qui  avait 
fait  dévier  la  croisade  de  sa  vraie  route  et  l'avait  dirigée 
sur  l'empire  grec,  il  n'est  pas  exempt  de  prévention  et 
même  de  malveillance  à  l'égard  de  ceux  qui  pensèrent 
ou  agirent  autrement,  et  dans  plusieurs  circonstances 
encore  son  récit  a  besoin  d'être  contrôlé  par  d'autres  ; 
mais  il  n'en  est  que  plus  précieux  en  nous  montrant 
les  sentiments  qui  animèrent,  dans  cette  merveilleuse 
aventure,  le  plus   grand    nombre  des  croisés,  et  par- 


138  LlTTISRATlDRE    NARRATIVE. 

ticulièrement  les  chefs,  les  «  hauts  hommes  ».  —  Un 
heureux  hasard  nous  ;i  conservé  une  autre  relation, 
également  en  prose,  de  la  quatrième  croisade,  dont 
l'auteur,  un  simple  chevalier  picard,  appelé  Robert  de 
Clairi,  se  place  à  un  tout  autre  point  de  vue.  Il  est  par- 
tisan, comme  Villehardouin,  de  l'expédition,  laite  au 
profit  d'Alexis  Auge,  qui  se  termina  par  l'élection  d'Un 
empereur  latin;  mais  il  critique  amèrement  en  mainte 
occurrence  la  conduite  des  «  hauts  hommes  »,  et  repré- 
sente l'opinion  des  petits,  des  «  pauvres  chevaliers  »; 
il  nous  intéresse  aussi  en  nous  donnant  des  détails 
curieux  et  tout  à  l'ait  naïfs  sur  les  merveilles  de  Cons- 
tanlinople.  Son  style  est  moins  plein  et  moins  nerveux 
que  celui  du  maréchal  de  Champagne,  mais  il  est  facile, 
vivant,  et  parfois  vraiment  pittoresque,  et  son  livre  lui 
fait  honneur.  Il  l'écrivit  sans  doute  en  France,  où  il 
paraît  être  revenu  peu  après  1210.  —  La  différence  est 
grande  entre  le  style  -impie  et  la  narration  véridique  de 
Villehardouin  et  de  Clairi  et  la  forme  tout,  à  la  fois  plus 
littéraire  et  plus  banale  du  livre  consacré  par  Henri  de 
Valenciennes  à  la  gloire  de  l'empereur  Henri  (1206- 
1218),  successeur  de  Baudouin  de  Flandre.  Nous  ne 
l'avons  que  dans  «ne  rédaction  en  prose,  abrégée  el  en 
outre  incomplète,  mais  il  a  d'abord  été  écrit  dans  la 
forme  des  chansons  de  geste,  dont  il  a  conservé  l'allure 
et  plusieurs  des  lieux  communs  habituels. 

89  bis.  La  cinquième  croisade  (1219-1221),  rpii  fut 
dirigée  sur  lÉgypte.  et.  après  un  beau  début  et  la  prise 
de  Damiette,  aboutit,  surtout  par  la  faute  du  légat 
Pelage,  et  malgré  les  efforts  du  roi  de  Jérusalem  Jean 
de  Brienne,  à  un  affreux  désastre,  lut  l'objet  de  récits 
en  langue  vulgaire,  dont  le  plus  ancien  et  le  plus  pré- 
cieux, qui  s'arrête  d'ailleurs  à  la  prise  de  Damiette,  ne 


l'histoire.  130 

nous  c^i  conservé  que  dans  une  version  provençale 
malheureusement  très  incomplète  du  début.  -  Les  évé- 
nements d'Egypte  firenl  en  France  une  grande  impres- 
sion, et  provoquèrent  surtout  contre  la  cour  do  !i'  me 
une  indignation  dont  la  Complainte  de  Jérusalem,  par 
Huon  de  Saint  Quentin  (§  134),  nous  a  conservé  l'<" 
sion  aussi  injuste  qne  violente;  on  trouve  à  la  fois  pins 
de  modération  et  de  sincère  enthousiasme  dans  de 
beaux  vers  du  Betant  de  Dieu  (§  l!i4)  consacrés  à  ce  dou- 
loureux sujet. 

89  ter,  La  sixième  croisade,  celle  de  Frédéric  II 
(1228-1229),  n'a  pas  servi  de  texte  à  des  récits  histori- 
ques français  en  ce  qui  touche  les  étranges  rapports 
de  l'empereur  avec  les  musulmans:  mais  les  luttes 
dont  elle  fut  le  début,  et  qui  se  prolongèrent  pendant 
longtemps  entre  les  barons  de  Syrie  et  de  Chypre  et 
les  partisans  de  Frédéric  ont  fourni  le  sujet  d'une 
partie,  malheureusement  seule  conservée,  des  Mémoires 
de  Philippe  de  Novare  (mort  vers  1265),  chevalier  lom- 
bard venu  tout  jeune  en  Orient,  attaché  par  des 
liens  intimes  à  la  famille  d'Ibelin,  et  qui  a  raconté, 
en  fiançais,  la  lutte  de  ses  patrons  contre  les  Impériaux 
avec  une  vivacité  d'allure  et  un  charme  tout  personnel 
qui  assignent  à  son  récit  une  place  à  part  parmi  les 
documents  historiques  du  moyen  âge.  Ce  fragment  a 
été  inséré  au  xiv°  siècle  dans  une  compilation  à  laquelle 
on  a  donné  le  nom  de  Geste  des  Chiprois,  et  où  il  est  suivi 
du  livre,  postérieur  de  près  de  trois  quarts  de  siècle, 
de  Gérard  de  Montréal  (§  91). 

89  quater.  Entre  la  croisade  de  Frédéric  et  celle  de 
saint  Louis,  qu'on  désigne  généralement  comme  la 
septième,    il  faut  faire   une  place  à   celle  que  dirigea 


140  LITTERATURE   NARRATIVE. 

Tibaud  de  Champagne,  roi  de  Navarre  (§  128).  Elle  eut 
encore  une  triste  issue  :  toute  une  division,  par  la  folle 
témérité  de  ceux  qui  la  conduisaient,  fut  taillée  en 
pièces  près  de  Gaza  (13  novembre  1239),  et  la  plupart 
des  chefs  furent  emmenés  captifs  au  Caire,  d'où  ils  ne 
furent  délivrés  qu'assez  longtemps  après;  les  autres 
croisés  ne  firent  rien.  Un  Champenois  anonyme  nous  a 
laissé  de  cette  expédition  manquée  un  récit  fidèle  et 
animé,  dans  lequel  il  a  eu  l'heureuse  idée  d'intercaler 
deux  chansons,  lune  envoyée  par  Philippe  de  Nanteuil 
(§  124),  prisonnier  au  Caire,  à  ses  compagnons,  l'autre 
exprimant  les  sentiments  des  «  povres  vavasseurs  » 
croisés  sur  l'inaction  des  barons  en  Syrie. 

90.  La  septième  croisade,  celle  de  saint  Louis  (dont 
le  début  a  fourni  la  matière  d'une  intéressante  lettre  de 
Jean  Sarrazin,  laquelle  est  continuée  par  un  récit  ano- 
nyme qui  va  jusqu'en  1261),  forme  au  moins  une  des 
parties  intégrantes  du  livre  de  Jean,  seigneur  de  Join- 
ville,  sénéchal  de  Champagne  (né  en  1224,  mort  le 
11  juillet  1317),  livre  qui  tient  de  la  biographie  (ou  si 
l'on  veut  de  l'hagiographie)  et  des  mémoires  person- 
nels. Joinville  eut  toujours  le  goût  d'écrire  (on  possède 
deux  spécimens  de  son  écriture),  rare  assurément  chez 
les  grands  seigneurs  comme  lui  à  son  époque  :  nous 
avons  une  longue  épitaphe  de  son  grand-père,  refaite 
par  lui;  en  1250,  à  vingt-six  ans,  il  occupait  les  loisirs 
de  son  séjour  à  Acre  en  composant  un  manuel  de  la 
foi  chrétienne  (le  Credo  de  Joinville),  qu'il  retouchait 
trente-sept  ans  après;  à  quatre-vingt-onze  ans  il  écrivait 
encore  au  roi  Louis  X  une  lettre  qui  s'est  conservée. 
Il  est  certain  que  pendant  la  croisade  où  il  accompagna 
Louis  IX  (1248-1254)  il  prenait  des  noies  et  fixait  ses 
souvenirs.  A  l'âge  de  quatre-vingts  ans  environ,  à  la 


I.  HISTOIRE.  i  il 

prière  de  Jeanne  de  Champagne,  femme  de  Philippe 
le  Bel,  il  entreprit  un  livre  «  dos  saintes  paroles  et  des 
lions  faits  o  de  saint  Louis;  il  ne  l'acheva  qu'après  la 
mort  de  Jeanne,  et  l'offrit  en  1309  à  son  (ils  Louis  (plus 
tard  Louis  X  .  Le  bon  sénéchal,  reprenant  ses  anciennes 
tablettes,  a  mêlé  à  des  anecdotes  sur  le  saint  roi  dont  il 
avait  été  l'ami  (et  pour  la  canonisation  duquel,  en  1 2s2, 
on  avait  déjà  l'ait  appel  à  sa  mémoire)  des  souvenirs 
tout  personnels  qui  souvent  sont  fort  peu  à  leur  place 
dans  un  livre  de  ce  genre;  il  Ta  complété  assez  pénible- 
ment à  la  fin  en  y  insérant  textuellement,  avec  des 
extraits  des  chroniques  françaises  de  Saint-Denis  (S  94), 
une  longue  ordonnance  du  roi  et  les  Enseignements  de 
sain!  Louis  à  son  fils.  Toute  la  fin  du  livre  porte,  ainsi 
que  le  début,  des  traces  de  sénilité,  et  on  remarque  de 
l'une  de  ces  parties  à  l'autre  de  nombreuses  et  inutiles 
redites:  rien  n'est  plus  vif,  au  contraire,  et  ne  reflète 
mieux  l'impression  toute  fraîche  des  événements  que  la 
partie  qui  se  rapporte  à  la  croisade,  d'où  il  ressort  bien 
que  l'ouvrage  est  un  assemblage  de  morceaux  composés 
en  différents  temps.  —  Joinville  nous  offre  le  type 
excellent  du  chevalier  du  xme  siècle  dans  ce  qu'il  avait 
de  meilleur,  et  aussi  de  plus  incomplet  :  il  est  brave, 
loyal,  pieux,  candide,  dévoué  à  son  roi  tout  en  défen- 
dant strictement  contre  lui  ses  droits  féodaux,  protec- 
teur attentif  de  ses  vassaux,  gardien  jaloux  de  toutes 
les  traditions  (un  Italien  qui  visitait  la  France  au  com- 
mencement du  xive  siècle  le  vit  à  la  cour  du  roi  jouant 
le  rôle  d'arbitre  dans  toutes  les  questions  d'usage  et  de 
courtoisie)  ;  mais  d'autre  part  son  intelligence  s'arrête 
généralement  au  détail  et  ne  sait  pas  embrasser  les 
causes  générales  :  il  raconte  des  opérations  militaires 
fort  mal  conduites  sans  les  critiquer  et  sans  paraître 
mè nie  bien  les  comprendre  (on  a  opposé  à  sa  confuse 


142  LITTERATURE   NARRATIVE. 

description  de  la  bataille  de  la  Mansoure  le  récit  si 
clair  du  continuateur  de  Jean  Sarrazin,  §  98);  mais  il  faut 
remarquer  que  Joinville  se  borne  à  raconter  ce  qu'il  a 
vu  et  ce  qu'il  a  fait  lui-même,  et.  si  son  récit  est  parfois 
obscur,  aurtoul  grâce  au  peu  de  précision  de  certaines 
données,  notamment  topographiques,  il  est  en  revanche 
d'une  couleur  et  d'une  vérité  de  détail  incomparables; 
il  approuve  en  saint  Louis  des  traits  peu  louables  d'in- 
tolérance; il  tombe  dans  de  singulières  puérilités  de 
récit;  bref,  il  a  le  cœur  d'un  enfant  et  l'esprit  d'un 
enfant.  On  doit  cependant  remarquer  qu'il  vit  la 
déraison  de  la  deuxième  croisade  de  Louis  IX  et  refusa 
d'y  prendre  part,  et  lui  savoir  grand  gré  des  observa- 
tions qu'il  nous  a  conservées  sur  l'Egypte  et  ses  habi- 
tants. Son  Btyle  est  bien  à  son  image  :  il  est  abondanl. 
naïf,  souvent  expressif  et  toujours  pittoresque:  il  coule 
de  source,  mais  il  n'a  ni  l'élégance  de  celui  des  bons 
prosateurs  du  moyen  âge.  ni  la  vigueur  et  la  solidité  de 
celui  de  Villebardouin  :  c'est  le  ton  d'un  causeur  aimable 
et  familier,  qui  parfois  s'égare  un  peu  dans  ses  souve- 
nir--, mais  qui  nous  charme  toujours,  d'autant  plus  qu'il 
l'ait  revivre  sous  leur  meilleur  aspect  et  dans  toute  leur 
intimité  l'entourage  d'un  roi  excellent  et  la  figure,  si 
douce  et  si  ferme  en  même  temps,  si  noble  et  si  sym- 
pathique, de  ce  roi  lui-même.  —  L'œuvre  de  Joinville 
ne  nous  est  malheureusement  arrivée  que  dans  des 
manuscrits  postérieurs  où  la  langue  a  été  rajeunie,  et 
où  le  texte  même  a  souffert  d'assez  sérieux  dommages; 
mais  par  leur  étude  méthodique  et  par  la  comparaison 
des  chartes  authentiques  émanées  de  la  chancellerie 
de  Joinville,  la  critique  est  arrivée  à  restituer  avec 
une  sécurité  presque  complète  et  le  fond  et  la  forme 
de  son  livre,  un  îles  plus  précieux  à  tous  égards 
que    le     moyen    âge    nous    ait    laissés.    —    Des     fables 


L  HISTOIRE.  143 

à  la  l'ois  extravagantes  el  banales  sur  la  septième  croi- 
sade, el  notamment  sur  les  prétendues  aventures  de 
Jean  Tristan,  fils  do  Baint  Louis,  remplissent  une  partie 
du  roman  de  Baudouin  de  Flandres,  abrégé  ('ait  en  prose 
au  XV0  siècle  d'un  roman  du  xiv°  en  alexandrins  rimes. 

'.H.  Les  ouvrages  mentionnés  jusqu'à  présent  ont  été 
écrits  par  des  croisés;  les  Français  établis  en  Orient 
s'attachèrent  aussi  de  lionne  heure  à  retracer  l'histoire 
de  leur  difficile  existence.  Guillaume  de  Tyr  (f  1 184) 
avait  écrit  en  latin  une  Histoire  de  la  terre  d'outre  mer,  qui 
l'ut  traduite  en  français,  dès  le  commencement  du 
XIIIe  siècle,  par  un  clerc  de  la  lirie;  divers  écrits,  d'abord 
isolés,  lurent  annexés  ensuite  à  cette  version,  et  for- 
mèrent une  grande  compilation,  dont  les  éléments 
varient.  Le  plus  important  de  ces  écrits  est  dû  à  Ernoul, 
écuyer  de  Balian  d'Ibelin,  l'un  des  plus  grands  seigneurs 
du  pays  :  il  raconte  la  ruine  du  royaume  de  Jérusalem 
el  la  prise  de  la  ville  sainte  (1189).  L'une  des  premières 
'formes  de  la  compilation,  qui  va  de  1180  à  1228,  est 
attribuée  plus  ou  moins  légitimement  à  Bernard,  tré- 
sorier de  l'abbaye  de  Corpie.  D'autres  vont  plus  loin. 
—  La  Syrie  et  la  Palestine  une  fois  évacuées  pour  tou- 
jours, la  dominai  ion  française  subsista  quelque  temps 
à  Chypre,  et  ce  fut  là  que  Girard  de  Moniéal,  au 
commencement  du  xive  siècle,  raconta  les  événements 
qui  avaient  amené  le  désastre.  —  Il  faut  mentionner  ici 
quelques  récits  de  pèlerinages  écrits  en  prose  française 
au  miic  siècle,  et  la  Description  de  Jérusalem,  précieux 
morceau,  antérieur,  dans  sa  première  rédaction,  à  la 
perte  de  la  ville  sainte  (1187).  —  La  Grèce,  conquise 
après  1204,  fut  longtemps  un  centre  de  culture  française; 
la  Chronique  de  Morde  (1325)  nous  en  conserve  le  brillant 
tableau.  —  L'Arménie,  bien  qu'elle  ait  eu  des  rois  français, 


144  LITTÉRATURE    NARRATIVE. 

ne  fut  pas  francisée.  Si  le  prince  arménien  Haiton  dicta 
en  français  sa  Fleur  des  histoires  d'Orient  (1307),  c'est  qu'il 
l'avait  appris  en  Chypre  ou  en  France.  Il  y  donne  son  avis 
sur  les  moyens  propres  à  reconquérir  la  Terre  Sainte; 
c'était  une  idée  qui  préoccupait  alors  plusieurs  princes, 
notamment  Charles  de  Valois,  devenu  l'héritier  titulaire 
de  l'empire  latin  de  Constantinople.  —  A  cette  littéra- 
ture se  rattachent  encore  les  curieux  Itinéraires  en  Terre 
Sainte,  guides  destinés  aux  pèlerins,  dont  plusieurs 
sont  originalement  français,  et  aussi  des  traductions, 
comme  celle  de  l'Allemand  Burchard  et  de  l'Italien 
Odorico  de  Pordenone,  dans  la  première  moitié  du 
xivc  siècle,  par  le  fécond  traducteur  Jean  de  Vignai, 
religieux  hospitalier  de  l'ordre  de  saint  Jacques  du 
Haut-Pas.  —  Joignons  à  ces  livres  consacrés  aux  choses 
orientales,  bien  qu'il  soit  d'un  caractère  différent,  celui 
du  Vénitien  Marc  Pol  (f  1323),  qui  avait,  comme  on  sait, 
pénétré  jusqu'au  cœur  de  la  Tartarie  et  de  la  Chine,  et 
qui  dicta  une  relation  de  ses  voyages,  en  1299.  à  Rusti- 
cien  de  Pise  (voir  §  64);  une  autre,  en  meilleur  français, 
fut  recueillie  en  1307  par  un  chevalier  français  qui  la 
rapporta  à  Charles  de  Valois,  curieux  de  toutes  les 
choses  d'Orient.  —  Plus  anciennement  (vers  1170), 
l'Anglo-Normand  Roau  d'Arundel  avait  mis  en  vers  la 
fameuse  lettre  du  «  Prêtre  Jean  »  à  l'empereur  grec 
Manuel,  où  il  décrivait  son  fabuleux  pays,  censé  situé 
à  l'est  des  régions  musulmanes,  et  la  splendeur  de  la 
théocratie  chrétienne  qu'il  y  exerçait.  Plus  tard  on  tra- 
duisit en  prose,  à  deux  reprises,  ce  singulier  apocryphe, 
qui  excita  longtemps  l'imagination  et  les  vaines  espé- 
rances des  chrétiens. 

92.  Une  fois  née,  l'historiographie  en  langue  vulgaire 
ne  devait  pas  se  borner  aux  croisades,  qui  lui  avaient 


l'histoire.  145 

donné  naissance.  Ce  fut  dans  les  domaines  des  ducs  de 
Normandie,  devenus  roi  d'Angleterre,  qu'elle  se  dr\<- 
loppa  toul  d'abord  :  par  la  conquête,  et  à  cause  de  l'exis- 
tence parallèle  d'une  langue  regardée  comme  inférieure, 
le  français  prit  de  bonne  heure  dans  le  nouveau  royaume 
un  rang  qu'il  n'avait  pas  en  France  même  :  on  l'employa 
pour  des  ouvrages  sérieux;  les  seigneurs  et  notamment 
tes  dames  de  l'aristocratie  anglo-normande  avaient 
d'ailleurs  pour  ce  genre  d'ouvrages  et  surtout  pour 
l'histoire  un  goût  tout  particulier.  Il  n'est  guère  dou- 
teux que  dès  le  commencement  du  xne  siècle  il  n'existât, 
en  Angleterre,  des  œuvres  historiques  composées  en 
français,  probablement  en  vers,  comme  toutes  celles  qui 
suivirent  pendant  longtemps.  Nous  savons  qu'Aélis  de 
Louvain,  veuve  de  Henri  Ier  en  1135,  avait  l'ait  composer 
sur  la  vie  de  son  mari,  par  un  certain  David,  un  poème, 
malheureusement  perdu,  qui  avait  la  forme  des  chan- 
sons de  geste  et  se  chantait  également.  —  L'auteur 
qui  nous  donne  ce  renseignement,  et  qui  dit  d'ailleurs 
avoir  consulté  d'autres  livres  en  roman, Geffrei  Gaimar, 
écrivit  entre  1147  et  1151  son  Histoire  des  Anglais  pour 
dame  Constance,  femme  de  Robert  Fiz-Gislebert.  Là  se 
montre  bien  la  rapidité  avec  laquelle  les  conquérants 
français  s'étaient  assimilés  à  leur  nouvelle  patrie,  et 
l'esprit  large  dans  lequel  ils  en  comprenaient  l'histoire  : 
Gaimar  racontait  en  vers  français  octosyllabiques  toute 
l'histoire  de  l'île,  commençant  par  l'expédition  des 
Argonautes,  prélude  de  la  guerre  de  Troie  (voir  §  45), 
qui  avait  été  cause  de  l'arrivée  du  Troyen  Brutus  en 
Bretagne,  traduisant  ensuite  le  livre  de  Gaufrei  de 
Monmouth,  puis  faisant  l'histoire  des  Anglo-Saxons, 
passant  malheureusement  très  vite  sur  les  événements 
survenus  depuis  la  conquête  normande,  et  s'arrètant  à 
la  mort  de  Guillaume  le  Roux.  11  annonce  en  terminant 

10 


146  LITTERATURE   NARRATIVE. 

l'intention  d'écrire  à  son  tour  une  vie  de  Henri  Ier;  mais, 
soit  qu'il  n'ait  pas  exécuté  ce  dessein,  soit  que  l'ou- 
vrage se  soit  perdu,  nous  ne  l'avons  pas.  La  première 
partie  de  son  long  poème  ne  nous  est  pas  non  plus 
arrivée  (voir  §  54).  Ce  qui  en  reste,  comprenant  quelques 
milliers  de  vers,  est  à  peu  près  dénué  de  valeur  litté- 
raire, mais  n'est  pas  sans  quelque  prix  pour  l'historien; 
si  nous  avions  toutefois  un  ouvrage  de  lui  sur  les  faits 
dont  il  fut  le  contemporain,  il  serait  bien  autrement 
intéressant. 

93.  Peu  de  temps  après  Gaimar,  Wace,  né  à  Jersey 
vers  1100,  écolier  à  Paris,  clerc  de  Caen,  puis  chanoine 
de  Bayeux,  mort  vers  1175,  écrivait  ses  deux  grands 
poèmes  historiques,  en  1155  la  Geste  des  Bretons  ou  Brut 
(voir  §  54),  traduction  de  Gaufrei  de  Monmouth,  et  de 
1160  à  H 74  la  Geste  des  Normands  ou  Roman  de  Rou  :  ici 
encore  la  partie  qui  aurait  eu  le  plus  d'intérêt  n'a  pas 
été  écrite.  Wace  s'arrête  en  1107,  à  la  bataille  de  Tin- 
chebrai;  il  devait  continuer  jusqu'à  son  temps,  mais, 
vieux  et  fatigué,  il  fut  découragé  par  la  nouvelle  que 
Henri  II,  qui  lui  avait  confié  le  soin  d'écrire  l'histoire 
des  ducs  de  Normandie,  venait  d'en  charger  aussi 
Benoit  de  Sainte-More.  La  Geste  des  Normands  se  compose 
de  deux  parties,  l'une  de  4  000  vers  alexandrins  groupés 
en  laisses  monorimes  (comprenant  un  prologue,  séparé 
à  tort  du  reste  sous  le  nom  de  Chronique  ascendante), 
l'autre  de  12  000  vers  octosyllabiques  rimant  deux  par 
deux.  Wace  traduit,  en  les  abrégeant,  des  historiens 
latins  que  nous  possédons;  mais  çà  et  là  il  ajoute  soit 
des  contes  populaires  (par  exemple  sur  Richard  Ier,  sur 
Robert  Ier),  soit  des  particularités  qu'il  savait  par  tra- 
dition (sur  ce  même  Robert  le  Magnifique,  sur  l'expédi- 
tion de  Guillaume,  etc.)  et  qui  donnent  à  son  œuvre  un 


L  HISTOIRE.  H7 

réel  intérêt  historique.  Sa  langue  est  excellente;  son 
style  clair,  serré,  simple,  d'ordinaire  assez  monotone, 
nous  plaît  par  sa  saveur  archaïque  et  quelquefois 
par  une  certaine  grâce  et  une  certaine  malice.  —  Son 
concurrent,  Benoît  de  Sainte-More,  que  son  roman 
de  Troie,  dédié  à  la  reine  Aliénor  (§  45),  avait  recom- 
mandé à  Henri  II,  lequel  se  piquait  de  bien  s'entendre 
en  beau  langage,  n'a  pas  plus  que  lui  achevé  son 
œuvre,  interrompue  probablement  par  les  dissen- 
sions et  les  guerres  qui  troublèrent  la  fin  du  règne  de 
Henri  II.  Il  annonce  à  plusieurs  reprises  que  la  peinture 
de  ce  règne  est  son  objet  principal,  mais  dans  ses 
43  000  petits  vers  il  n'arrive  que  jusqu'à  la  mort  du  roi 
Henri  Ier,  en  sorte  qu'il  semble  qu'une  fatalité  nous  ait 
juives  de  ce  qu'ont  écrit  ou  auraient  dû  écrire  tous  ces 
anciens  historiens  sur  l'époque  dont  ils  étaient  contem- 
porains. Benoît  a  les  mêmes  sources  que  Wace,  et  il  y 
joint  Wace  lui-même  ;  mais  il  n'y  fait  pas,  comme 
celui-ci,  d'additions  intéressantes  :  il  se  borne  à  des 
amplifications  sur  certains  points,  abrégeant,  d'ailleurs, 
ses  originaux  en  tout  ce  qui  ne  se  prête  pas  aux  déve- 
loppements qu'il  affectionne,  et  qui.  sont  dans  le  même 
goût  que  ceux  de  son  roman  antérieur.  Son  style  est 
plus  travaillé  et  moins  simple  que  celui  de  Wace;  il  a 
aussi  un  caractère  plus  moderne  :  il  arrive  à  produire 
plus  d'effet,  mais  il  n'a  pas  la  fine  bonhomie  qui  égaie 
souvent  les  vers  du  chanoine  de  Bayeux,  et  il  manque 
parfois  de  la  clarté  qui  ne  fait  jamais  défaut  à  celui-ci. 
—  L'histoire  locale  de  la  Normandie  est  représentée  par 
la  chronique  en  vers  du  Mont-Saint-Michel,  de  Guil- 
laume de  Saint-Pair  (vers  1170),  ouvrage  plus  édifiant 
qu'historique,  dont  l'auteur,  dans  sa  simplicité,  ne 
manque  pas  de  mérite  littéraire,  et  par  une  Histoire  de 
l'abbaye  de   Fécamp,  encore  inédite,    mise   en   vers   au 


148  LITTÉRATURE   NARRATIVE. 

xinc  siècle  d'après  un  texte  latin  aujourd'hui  presque 
entièrement  perdu.  —  Le  meurtre  de  Thomas  Becket, 

en  1170,  donna  lieu  à  toute  une  littérature  qu'on  peut 
appeler  historique,  mais  dont  nous  parlons  à  propos  de 
la  littérature  religieuse  §  145  .  —  Nous  possédons  un 
poème  assez  orignal  de  style,  en  laisses  monorimes, 
composé  par  un  clerc  anglo-normand,  ancien  écolier  de 
l'université  de  Paris,  Jourdain  Fantosmc,  sur  la  guerre 
soutenue  par  Henri  II  contre  le  roi  d'Ecosse  en  1173- 
1174;  c'est  enfin  un  document  d'histoire  contemporaine, 
et  qui  nous  apporte  des  renseignements  intéressants  et 
vivants  sur  plus  d'un  point.  —  Le  poème  sur  la  complète 
i\c  l'Irlande  par  le  même  Henri  II.  composé  sans  doute 
peu  de  temps  après  à  l'aide  des  récits  de  Morice  Rcgan, 
interprète  du  roi  irlandais  Dermod,  a  de  l'importance 
pour  l'histoire,  mais  il  est  écrit  avec  une  obscurité  qui 
le  rend  difficile  à  comprendre,  etle  seul  manuscrit  qu'on1 
en  possède  est,  en  outre,  non  seulement  défectueux, 
mais  fort  mauvais.  —  L'historiographie  en  vers  des 
pays  anglo-normands  se  termine  par  le  plus  remar- 
quable de  ses  monuments,  la  Vie  de  Guillaume  le  Maréchal, 
comte  de  Pembroke,  régent  d'Angleterre  pendant  la 
minorité  de  Henri  III,  composée  peu  après  sa  mort 
(1219)  par  un  poète  qui  était  natif  de  quelqu'une  des 
provinces  continentales  soumises  aux  rois  d'Angleterre, 
et  qui,  très  bien  informé  par  la  famille  et  les  amis 
intimes  de  Guillaume  des  événements  dont  il  voulait 
conserver  le  souvenir,  les  a  racontés  avec  un  talent 
supérieur  à  celui  de  la  plupart  de  ses  contemporains. 
Son  style  souple,  aisé,  exempt  des  chevilles  qui  déparent 
tant  de  vers  de  cette  époque,  prend  à  l'occasion  une 
vigueur  et  une  animation  peu  communes.  Soit  qu'il 
peigne  des  caractères,  comme  celui  du  «  jeune  roi  » 
Henri  ou  de  son  frère  Richard,  soit  qu'il  rapporte  des 


LDISTOIHE.  140 

entretiens,  soit  qu'il  conte  d'amusantes  anecdotes,  il 
sait  toujours  prendre  le  ton  qui  convient  au  sujet  et 
choisir  les  détails  vraiment  caractéristiques.  Son  poème, 
(jui  vient  d'être  publié,  est  assurément  un  des  docu- 
ments les  plus  importants  qui  nous  soient  parvenus 
min  seulement  sur  l'histoire,  mais  sur  les  mœurs, 
les  habitudes,  la  vie  sociale,  les  façons  de  penser,  de 
sentir  et  de  dire  du  xue  et  du  xui°  siècle.  —  A  partir  du 
2011e  siècle,  sauf  quelques  compilations  en  prose,  et  un 
petit  poème  d'un  caractère  héraldique  sur  une  expédi- 
tion d'Edouard  I"  en  Ecosse  (1303),  l'histoire  cesse,  en 
Angleterre,  de  s'écrire  en  français.  Pierre  de  Langtoft, 
au  commencement  du  xivc  siècle,  avec  sa  longue  cli io- 
nique rimée,  intéressante  malgré  sa  langue  barbare,  esï 
une  exception  isolée  :  on  n'a  plus  que  quelques  chro- 
niques en  prose,  généralement  jointes  à  une  traduction 
du  Brut;  quand,  au  xiv°  siècle,  les  rois,  dont  le  français 
est  toujours  la  langue  de  prédilection,  voudront  avoir 
des  historiographes,  ils  feront  venir  du  continent  les 
Froissart  et  les  Jean  de  Wavrin. 

94.  Dans  la  France  propre,  le  besoin  de  traductions 
en  langue  vulgaire  d'ouvrages  historiques  latins  pré- 
céda celui  de  la  véritable  histoire  contemporaine.  On  ne 
S'attaqua  pas  d'abord  aux  meilleurs  originaux  :  sans 
parler  du  livre  de  Gaufrei  de  Monmouth,  dont  nous 
avons  indiqué  les  diverses  traductions  en  vers,  ce  fut 
la  prétendue  chronique  de  Turpin  que  l'on  paraît  avoir 
le  plus  anciennement  mise  en  français;  nous  en  possé- 
dons cinq  traductions,  dont  quatre  remontent  à  la  tin 
du  xii(:  ou  au  commencement  du  xur3  siècle;  la  plus 
ancienne  a  été  faite  par  Nicolas  de  Senlis  pour  Ioland, 
comtesse  de  Saint-Pol,  sœur  de  Baudouin  V  de  Hainau, 
qui  lui  avait  légué  un   manuscrit  du  texte  latin   avant 


150  LITTÉRATURE   NARRATIVE. 

1198.  Les  prologues  de  deux  de  ces  versions  insistent 
sur  ce  fait,  alors  nouveau,  qu'elles  sont  en  prose  et  ont 
rejeté  la  rime,  «  parce  que  la  rime  amène  l'addition  de 
mots  qui  ne  sont  pa§  dans  le  latin  »,  et  que,  regardant 
la  chronique  comme  de  l'histoire  la  plus  authentique, 
on  tient  à  la  reproduire  fidèlement.  Villehardouin,  Clairi, 
les  romans  en  prose  de  la  Table  Ronde,  ont  suivi  de  près 
les  traductions  de  Turpin  et  leur  ont  peut-être  dû  leur 
existence  ou  au  moins  leur  forme.  —  La  traduction  de 
Nicolas  de  Senlis  a  été  étrangement  interpolée,  vers 
1230,  par  un  Saintongeais,  lequel  a  en  outre  composé, 
avec  la  chronique  latine  intitulée  Gcsta  Francorum  (éga- 
lement interpolée  par  lui),  la  plus  ancienne  chronique 
de  France  en  français  que  nous  ayons;  malheureusement 
elle  s'arrête  à  la  deuxième  race.  —  Dès  le  xne  siècle  on 
avait  réuni  à  Saint-Denis  en  un  corps  d'histoire,  sous 
le  nom  d'Historia  regum  Francorum,  diverses  chroniques 
latines  embrassant  tous  les  siècles  passés  et  que  l'on 
continuait  au  fur  et  à  mesure;  vers  1260  un  auteur  qui 
s'intitule  ménestrel  du  comte  de  Poitiers  (Alphonse,  frère 
de  saint  Louis)  traduisit  cette  compilation.  —  Sous  une 
forme  plus  ample,  elle  fut  traduite  de  nouveau  du  temps 
de  Philippe  III  (c'est  le  roman  auquel  Joinville  a  fait  des 
emprunts;  voir  §  90),  et  cette  version  devint  la  base  des 
Chroniques  françaises  de  Saint-Denis,  qui  ne  prennent  une 
véritable  valeur  qu'à  l'époque,  sensiblement  postérieure, 
où  elles  furent  rédigées  dès  l'abord  en  français  et  non 
traduites  du  latin.  —  Il  faut  mentionner  à  part  la  tra- 
duction, par  Jean  de  Yignai,  du  moine  de  Saint-Denis 
Primat,  sur  les  règnes  de  Louis  IX  et  de  Philippe  III, 
parce  qu'elle  nous  remplace  seule  l'original  latin  perdu. 
—  Vers  1227  YHistoire  de  Philippe  11  de  Guillaume  le 
Breton  fut  mise  en  prose  française  par  un  anonyme 
dont  nous  n'avons  conservé  que  le  prologue  versifié; 


L'niSTOIRE.  151 

elle  le  fut  plus  tard  par  Jean  de  Prunai.  —  On  doit  pro- 
bablement attribuer  à  an  môme  auteur,  qui  était  Artésien, 
peut-être  un  ménestrel  et  certainement  attacbé  à  la 
famille  de  Béthune,  deux  ouvrages  bistoriques  fort  inté- 
ressants qui  ont  entre  eux  les  plus  grands  rapports.  Le 
premier,  intitulé  Des  rois  d'Angleterre,  contient,  après  un 
sec  abrégé  de  la  chronique  latine  de  Guillaume  de 
Jumièges  et  une  brève  esquisse  du  règne  de  Richard 
Cœur  de  Lion,  un  récit  détaillé,  et  dû  évidemment  à 
un  témoin  oculaire,  des  luttes  du  roi  Jean  contre  ses 
barons  et  surtout  de  l'expédition  de  Louis  de  France  en 
Angleterre,  à  laquelle  avait  pris  part  Robert  de  Béthune. 
Le  second,  resté  malheureusement  inachevé,  est  une  chro- 
nique de  France,  faite  également  du  point  de  vue  d'un 
Artésien  et  surtout  de  la  maison  de  Béthune.  Elle  com- 
prend d'abord  un  extrait  de  la  compilation  historique 
appelée  Historia  regum  Francorum,  puis  un  récit  extrême- 
ment précieux,  d'un  style  assez  agréable  et  d'un  ton 
souvent  populaire,  du  règne  de  Philippe  IL  Le  premier 
de  ces  ouvrages  a  été  terminé  vers  1220.  le  second  parait 
avoir  été  composé  vers  1225.  Ils  nous  présentent  le  plus 
ancien  spécimen,  en  dehors  des  récits  relatifs  aux  croi- 
sades, d'histoire  contemporaine  écrite  en  prose  française, 
et  nous  montrent  une  nouvelle  face  de  l'activité  litté- 
raire qui  régnait  alors  dans  le  nord-est  de  la  France  et 
particulièrement  dans  l'Artois.  —  La  Normandie  avait 
aussi  ses  chroniques  en  prose,  qui  remontaient  en 
grande  partie  soit  à  des  textes  latins,  soit  aux  anciens 
poèmes  dont  nous  avons  parlé.  Tous  ces  textes,  sauf  les 
deux  ouvrages  de  l'anonyme  de  Béthune,  n'ont  qu'une 
très  faible  valeur  littéraire. 

95.  Les  laïques  prenaient  de  l'intérêt,  non  seulement 
pour  l'histoire  de  France,  mais  pour  l'histoire  univer- 


152  LITTÉRATURE    NARRATIVE. 

selle.  Baudouin  VI.  comte  de  Flandreet  de  Hainau,  qui 
devait  être  empereur  de  Constantinople  et  disparaître  à 
la  bataille  d'Andrinople  (1205),  le  fils  de  ce  Baudouin  V 
qui  possédait  un  manuscrit  de  Turpin  (§  94),  fit,  nous 
dit  un  auteur  du  \ive  siècle,  recueillir  sous  fine  forme 
abrégée  toutes  les  histoires  depuis  la  création  du  monde 
jusqu'à  son  temps,  spécialement  celles  qui  touchaient 
son  pays  et  sa  famille,  et  les  fit  rédiger  en  langue  fran- 
çaise; on  les  appela  d'après  lui  les  Histoires  de  Baudouin. 
Ce  grand  recueil  paraît  avoir  été  continué  par  Baudouin 
d'Avesnes,  petit-fils  de  Baudouin  VI  (f  1289),  ou  du 
inoins  dans  une  compilation  dont  ce  seigneur  possédait 
]e  manuscrit:  la  critique  a  encore  beaucoup  à  s'exercer 
sur  ce  sujet  pour  discerner  les  éléments  divers  des 
vastes  compilations  qui  nous  sont  arrivées  sous  le  nom 
de  Baudouin  d'Avesnes.  —  L'Histoire  des  Empereurs 
romains,  sèchement  rimée  par  le  Lorrain  Calendre  (1213) 
d'après  un  abrégé  d'Orose,  mérite  à  peine  une  mention. 
—  Vers  1225,  sous  les  auspices  du  châtelain  de  Lille 
Boger,  un  clerc  entreprit  de  mettre  en  prose  française, 
dans  le  Livre  des  Histoires,  des  récits  historiques  puisés 
aux  sources  les  plus  diverses,  depuis  la  création  du 
monde  jusqu'à  son  temps.  Son  ouvrage,  qui  eut  d'ail- 
leurs beaucoup  de  succès  ef  fut  traduit  en  italien,  n'a 
pas  été  terminé  et  s'arrête  au  temps  de  César.  —  Dans 
beaucoup  de  manuscrits,  on  l'a  réuni  à  un  autre  ouvrage 
écrit  vers  la  même  époque  à  Paris,  et  qui,  sous  le  nom 
de  Faits  des  Romains,  devait  contenir  une  histoire  des 
douzepremiers  empereurs  romains  empruntéeà  Salluste, 
César,  Lucain  et  Suétone.  Ce  remarquable  travail,  dont 
l'auteur  ne  s'est  pas  borné  à  une  traduction  adroitement 
abrégée,  mais  où  il  a  introduit,  notamment  sur  les 
Gaules,  des  renseignements  parfois  vraiment  intéres- 
sants, n'a  pas  été  non  plus  terminé;  il  s'arrête  à  la  mort 


L  HISTOIRE.  153 

de  Jules  César.  Très  souvent  copié,  traduit  en  italien, 
il  a  fourni  des  chapitres  entiers,  entre  autres,  à  la  com- 
pilation de  Brunet  Latin   §  101).  —  Une  traduction  assez 
ûdèle  d'Eutrope,  faite  par  Jofroi  de  Waterford    g  104), 
aurait   pu   servir  d'introduction  à  ces  deux  ouvrages, 
auxquels  elle  esl  sans  doute  un  peu  postérieure.  —  Le 
même   Jofroi    traduisit    le    moins    authentique    Darès 
§  in,  qui  fut  mis  aussi  en  prose,  au  milieu  duxirr  siècle, 
par  Jean  de  Flixicourt.  —  Nous  retrouvons  en  français 
quelques   essais    d'histoire    universelle,    généralement 
postérieurs  et  moins  intéressants  (comme  l'abrégé  qui 
est  inséré  dans  Renard  le  Contrefait:  voir  §  84).  Il  faut 
signaler  une  chronique  universelle  rédigée  pour  Philippe 
de  Valois,  une  première  fois  avant,  une  deuxième  fois 
après  son  avènement  au  trône.  —  Enfin  Jean  de  Vignai 
cf.  >i  102),  vers  1330,  avait  le  courage  démettre  en  fran- 
çais le  vaste  Miroir  Historial  de  Vincent  de  Beauvais.  Il 
traduisit  aussi  les  Otia   imperialia  de  l'Anglais  Gervais 
de  Tilbury,  curieux  recueil  d'anecdotes  de  tout  genre 
empruntées  à  la  cosmographie,  à  l'histoire  naturelle  et 
à  l'histoire  (il  avait  déjà  été  traduit  à  Acre,  avant  1287, 
par  Jean  de  Harenc  ou  d'Antioche). 

96.  Mais  le  plus  souvent  on  s'est  borné  à  essayer 
d'écrire  une  histoire  générale  de  France.  Il  faut  surtout 
signaler  la  chronique  rimée  de  Philippe  Mousket,  de 
Tournai,  qui  va  de  la  prise  de  Troie,  préface  obligée,  au 
moyen  âge,  de  toute  histoire  nationale,  à  1242.  Ce  long 
ouvrage  (plus  de  31  000  vers)  n'a  aucun  mérite  poétique, 
mais  il  a  une  véritable  valeur  historique  pour  les  temps 
contemporains  de  Fauteur,  et  un  grand  intérêt  littéraire 
pour  lépoque  carolingienne,  parce  que  Mousket  a  mêlé 
à  ses  emprunts  aux  chroniques  latines  de  très  nom- 
breuses analyses  de  chansons  de  geste,  qui  nous  font 


154  LITTERATURE   NARRATIVE. 

connaître  souvent  des  poèmes  perdus  ou  d'importantes 
variantes  à  ceux  que  nous  possédons.  —  Guillaume 
Guiart,  d'Orléans,  dans  sa  Branche  des  royaux  liynages 
(1306),  remonte  aussi,  mais  très  brièvement,  aux  ori- 
gines; il  raconte  surtout,  dans  ses  21  510  vers,  la  guerre 
de  Flandre  de  Philippe  IV,  à  laquelle  il  avait  pris  part 
comme  sergent  d'armes  (proprement  comme  arbalé- 
trier). Guiart  nous  représente  dans  l'histoire  un  esprit 
nouveau,  l'esprit  bourgeois  :  il  se  moque  des  merveilles 
racontées  dans  les  chansons  de  geste,  et  prétend  ne 
rapporter  que  la  vérité.  Il  s'est  donné  la  peine  de 
composer  son  poème  entier  en  rime  «  léonine  »,  c'est-à- 
dire  portant  sur  deux  syllabes,  ce  qui  l'a  amené  à 
employer  en  immense  majorité  des  rimes  féminines  et 
l'a  souvent  gêné  dans  son  allure.  Il  écrit  d'ailleurs  dans 
un  style  très  personnel,  dont  le  vocabulaire  notamment 
est  riche  en  mots  rares  ;  il  emploie  volontiers  des  locu- 
tions bizarres,  souvent  triviales  et  pour  nous  obscures 
Mais  ce  qu'il  voit,  il  le  voit  bien  et  le  raconte  nettement; 
son  œuvre  a  une  valeur  historique  tout  à  fait  mar- 
quante. 

97.  Philippe  Mousket  et  Guiart,  le  dernier  surtout, 
bien  qu'embrassant  toute  l'histoire  de  France,  con- 
tiennent aussi  de  l'histoire  récente.  C'est  presque 
uniquement  à  celle-là  qu'est  consacré  l'ouvrage  singu- 
lier publié  sous  le  nom  de  Chronique  de  Reims  et  de  Récits 
d'un  ménestrel  de  Reims  :  il  est  certain  que  le  ton  est  bien 
celui  d'un  conteur  qui  s'adresse  à  un  auditoire  ignorant 
et  curieux.  Cette  chronique,  écrite  à  Reims  en  1260,  a 
pour  point  de  départ  la  première  croisade;  elle  s'occupe 
d'abord  de  la  Terre  Sainte,  puis,  sans  aucun  ordre,  de 
la  France,  de  l'Angleterre,  de  la  Flandre,  de  Reims,  de 
Frédéric  II,   etc.   C'est  un  recueil  de   traditions  semi- 


L'HISTOIRE.  155 

populaires  et  de  ouï-dire  courants,  aussi  agréable  que 
fabuleux.  Le  style  vif,  dégagé,  un  peu  sautillant,  a  une 
grâce,  une  naïveté  et  un  charme  qu'on  ne  retrouve  au 
même  degré  que  dans  les  parties  en  prose  d'Aucassin  et 
Nicolette  (§  51).  —  La  chronique  de  Geoffroi  de  Paris, 
qui  va  de  1300  à  1316,  est  consacrée  tout  spécialement  à 
l'histoire  parisienne  de  cette  période;  on  y  trouve  un 
mauvais  style,  mais  de  l'observation,  de  l'intelligence,  et 
on  y  voit  l'opinion  de  la  bourgoisie  parisienne;  on  est 
étonné  que  l'auteur  l'ait  écrite  en  vers  (8  000),  d'ailleurs 
généralement  fort  prosaïques.  Au  moment  même  où  il 
s'arrêtait,  un  bourgeois  anonyme  commençait,  en  prose 
celui-là,  une  Chronique  parisienne  qui  va  de  1316  à  1339.  — 
Le  xme  siècle  et  le  commencement  du  xivc  ont  aussi 
produit  un  certain  nombre  de  petites  chroniques  en 
vers  ou  en  prose,  qui  n'ont  pas  grande  valeur  et  ne 
demandent  pas  de  mention  spéciale.  En  somme,  en 
dehors  des  ouvrages  cités,  l'historiographie  en  langue 
vulgaire  est  à  peu  près  stérile  jusqu'à  Jean  le  Bel,  de 
Liège,  qui  commença  sa  chronique  vers  1350,  c'est-à-dire 
après  l'époque  où  nous  nous  arrêtons,  et  qui  fut  lui- 
même,  comme  on  sait,  le  précurseur  et  le  modèle  de  son 
compatriote  Jean  Froissart. 

98.  Nous  avons  parlé  ci-dessus  (§  90)  d'une  lettre  de 
Joinville,  et  de  la  lettre  de  Jean  Sarrazin.  Il  convient 
de  mentionner  un  certain  nombre  de  lettres  écrites  en 
français  au  xm°  siècle  qui  nous  sont  parvenues.  L'usage 
général  était  que  les  princes  et  les  grands  seigneurs 
fissent  rédiger  leurs  lettres  en  latin  par  leurs  clercs  ; 
quant  aux  gens  de  condition  inférieure,  ils  n'écrivaient 
ni  ne  faisaient  écrire.  Pour  une  raison  ou  pour  une 
autre,  nous  avons  cependant  quelques  lettres  originales 
françaises.  Plusieurs  d'entre  elles  se  réfèrent  aux  croi- 


156  LITTERATURE    NARRATIVE. 

sades,  comme  la  lettre  du  chapelain  Philippe  au  comte 
Alphonse  de  Poitiers,  qui,  à  son  départ  pour  l'Orient, 
lavait  chargé  de  se-  affaires  1 1250  .  les  lettres  des  barons 
d'Orient  au  roi  de  Navarre  Tibaud  V  1265)  ou  au  roi 
d'Angleterre  Henri  lit  ((270-1271  pour  exposer  leur 
triste  situation,  la  lettre  de  ce  même  Tibaud  sur  la 
mort  de  saint  Louis  à  Tunis  (1270);  on  peut  y  joindre 
l'intéressante  lettre  du  templier  Ponce  d'Aubon  au  roi 
de  France  sur  l'invasion  des  Mongols  en  Europe  (  ! 

—  Quelques  lettres  de  princesses  ou  de  reines  sont 
écrites  en  français  et  ont  une  réelle  valeur  historique  : 
telles  sont  celles  de  Blanche  de  Champagne,  comtesse 
de  Bretagne  (1260),  de  Marguerite  de  Provence,  reine 
de  France  (1269  el  années  suivantes),  et  de  sa  sœur 
AHénor,  reine  d'Angleterre  it270  et  années  suivantes  . 

—  D'assez  nombreuses  lettres  anglo-normandes  sont 
conservées  dans  les  archives  d'Angleterre. 


SECTION  II 

LITTERATURE    DIDACTIQUE 

99.  Comme  l'histoire,  comme  l'apologue,  la  littérature 
didactique  est  sortie  du  monde  des  clercs  pour  pénétrer 
dans  la  société  laïque.  Nous  laissons  pour  le  moment 
de  côté  les  œuvres  d'enseignement  religieux,  mais  elles 
sont  souvent,  comme  on  le  verra,  difficiles  à  distinguer 
rigoureusement  de  certaines  autres,  la  morale  ayant 
été  alors  plus  qu'en  aucun  autre  temps  intimement  liée 
à  la  religion.  La  poésie  a  servi  à  l'enseignement  long- 
temps avant  la  prose,  qu'on  n'a  appris  que  plus  tard  à 
manier.  Beaucoup  de  compositions  didactiques  en  vers 
ou  en  prose  sont  de  simples  traductions  du  latin  et 
n'ont,  par  conséquent,  que  peu  d'intérêt.  Nous  exami- 
nerons successivement  la  littérature  proprement  scienti- 
fique, la  littérature  morale,  la  littérature  satirique,  la 
littérature  purement  descriptive  et  plaisante,  et  nous  ter- 
minerons par  l'étude  du  Roman  de  la  Rose,  où  ces  quatre 
erenres  se  trouvent  réunis. 


CHAPITRE    I 

LITTERATURE    SCIENTIFIQUE 

lui).  La  littérature  scientifique  débute  de  fort  bonne 
heure,  par  des  traductions,  dans  la  Normandie  et  l'An- 
gleterre française  :  comme  pour  l'histoire,  c'est  à  des 


158  LITTERATURE    DIDACTIQUE. 

œuvres  dépourvues  de  vérité  qu'on  se  prend  d'abord. 
Dès  le  commencement  du  xne  siècle  on  mit  en  vers 
français  le  poème  de  Marbode,  évêque  de  Rennes,  sur 
les  pierres  précieuses,  où,  d'après  les  superstitions 
transmises  par  les  anciens,  sont  énumérées  leurs  mer- 
veilleuses vertus  curatives  et  talismaniques;  le  même 
ouvrage  a  été  traduit  encore  plusieurs  fois,  en  vers,  au 
xmc  siècle.  A  ces  Lapidaires  est  jointe  parfois  la  t  mora- 
lisation  »,  c'est-à-dire  l'interprétation  allégorique,  dans 
un  sens  religieux,  des  renseignements  donnés  sur  les 
pierres.  —  Des  moralisations  de  ce  genre  sont  insépa- 
rables des  Bestiaires,  recueils  pris  à  des  sources  latines, 
elles-mêmes  de  dérivation  grecque  ou  orientale,  de 
contes  sur  divers  animaux  interprétés  comme  figurant 
les  enseignements  chrétiens;  le  plus  ancien  est  celui  de 
Philippe  de  Thaon,  prêtre  anglo-normand,  dédié  à  la 
reine  Aélis  de  Louvain  (§  9:2);  plusieurs  autres  furent 
composés  encore,  entre  autres  celui  de  Guillaume  le 
Clerc  (en  1210  ou  1211)  et  celui  d'un  autre  Normand, 
Gervaise  (un  peu  après).  Richard  de  Fournival  (f  1200) 
détourna  les  histoires  des  bestiaires  de  leur  sens  pieux 
et  les  interpréta  tout  autrement,  avec  une  ingéniosité 
subtile,  dans  son  Bestiaire  d'amour.  —  On  a  encore  un 
Volucraire,  consacré  uniquement  à  trois  oiseaux,  d'un 
certain  Osmond.  —  L'auteur  du  premier  Bestiaire,  Phi- 
lippe de  Thaon,  a  composé,  probablement  dès  1119,  un 
poème  en  vers  de  six  syllabes  rimant  deux  par  deux  sur 
le  Comput  ecclésiastique  et  le  calendrier;  c'est  un  sujet 
singulier  à  mettre  en  vers,  mais  ce  qui  est  surtout 
remarquable,  c'est  que  ce  livre,  fait  uniquement  pour 
les  prêtres,  auxquels  il  est  destiné  à  servir  de  guide 
pour  ne  pas  s'égarer  dans  le  calcul  de  l'année  ecclésias- 
tique, soit  écrit  en  français;  ce  fait  jette  un  jour  curieux 
sur  l'instruction  d'une  oartie  du  clergé  anglo-normand 


LITTÉRATURE   SCIENTIFIQUE.  1!',G 

fln  demi-siècle  après  la  conquête.  On  a  plusieurs  autres 
traités  du  Comprit,  en  prose  (dont  un  d'un  moine  de 
Saint-Riquier  appelé  Simon  de  Compiègne)  ou  en  vers. 
—  Une  œuvre  plus  sérieuse,  mais  beaucoup  plus  ré- 
cente, est  la  traduction  des  Météores  d'Aristote  par  le 
Normand  Mathieu  le  Vilain  (vers  1290).  On  a  aussi  une 
traduction  anonyme  du  traité  de  la  Sphère  du  monde  de 
Jean  de  Holywood. 

101.  Les  ouvrages  en  langue  vulgaire  sur  la  science 
sont  en  général  dénués  de  toute  valeur  et  de  toute  ori- 
ginalité :  on  n'y  trouve  presque  jamais  d'observations 
directes;  on  n'y  voit  que  des  traductions,  souvent  fort 
défigurées,  de  livres  latins.  C'est  le  cas  notamment  poul- 
ies diverses  encyclopédies,  méritoires  d'ailleurs,  dans 
lesquelles  on  a  voulu  communiquer  aux  laïques  une 
partie  de  la  science  des  clercs  :  tels  sont  Y  Image  du 
Monde,  de  Gautier  de  Metz  (première  rédaction  en  1240, 
deuxième  en  1248),  dont  plusieurs  parties,  qui  contien- 
nent des  traditions  légendaires,  offrent  de  l'intérêt;  la 
Mappemonde,  en  vers,  d'après  Solin  (que  Simon  de  Bou- 
logne avait  traduit  dès  le  xne  siècle),  par  Pierre  de 
Beauvais  (xm°  siècle)  ;  la  Lumière  des  laïques,  par  l'Anglo- 
Normand  Pierre  de  Peckham  ;  la  Petite  Philosophie,  éga- 
lement anglo-normande  (d'après  Yhnago  Mundi  d'Hono- 
rius  d'Autun)  ;  différents  traités  sur  les  Propriétés  des 
choses,  plus  ou  moins  «  moralisées  »,  traduits  de  livres 
latins  de  Vincent  de  Beauvais,  Thomas  de  Cantimpré, 
Barthélemi  l'Anglais  et  autres,  etc.  Il  faut  mettre  à 
part  la  traduction  par  le  dominicain  Jofroi  de  Watre- 
ford  (cf.  §  95),  en  collaboration  avec  Servais  Copale,  du 
Secret  des  secrets  attribué  bien  à  tort  à  Aristote  (nous  en 
avons  d'autres  versions  en  prose  et  en  vers)  ;  le  traduc- 
teur a  beaucoup  interpolé  son  texte,  qu'il  dit  rédiger 


160  LITTERATURE    DIDACTIQUE. 

d'après  l'arabe  et  le  grec,  et  il  y  a  inséré  des  renseigne- 
ments de  première  main  souvent  intéressants.  —  Le 

plus  remarquable  de  ces  ouvrages  est  te  Trésor  que  le 
Florentin  Urunet  Latin,  exilé  de  sa  patrie,  composa, 
vers  12GIJ,  en  prose  française,  «  parce  que  le  langage 
français  est  plus  délectable  et  plus  commun  à  toutes 
gens  »,  non  sans  qu'on  reconnaisse  l'étranger  à  mainte 
façon  de  dire,  et  où  il  intercale,  au  milieu  de  ses  traduc- 
tions du  latin,  quelques  réflexions  personnelles  intéres- 
santes, notamment  en  ce  qui  concerne  la  politique  et  la 
littérature.  —  On  peut  joindre  ici  des  livres  singuliers 
dans  lesquels  un  philosophe  prétendu,  interrogé  par  un 
roi,  lui  répond  sur  toutes  les  choses  qu'on  peut  savoir 
et  sur  beaucoup  d'autres  :  tel  est  le  Livre  de  Sidrac, 
peut-être  originairement  composé  en  provençal  (à  Lyon, 
en  1243?),  et  le  Livre  de  Placides  et  Timco,  qui  paraît 
remonter  à  la  fin  du  xiir  siècle  et  qui  représente,  dans 
ses  solutions  encyclopédiques,  un  singulier  mélange  de 
puérilité  et  de  hardiesse;  cçs  rêveries  ont  probablement 
en  partie  des  origines  orientales.  —  Une  compilation 
plus  modeste,  d'un  caractère  populaire  et  d'une  forme 
agréable,  est  celle  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  Ci  nous 
dit  ixive  siècle), parce  que  chaque  paragraphe  commence 
par  cette  annonce  ;  la  «  moralisation  »  y  domine. 

102.  Il  y  a  cependant  quelques  parties  de  la  science 
sur  lesquelles  le  moyen  âge  ne  s'est  pas  borné  à  répéter 
et  à  compiler.  La  médecine  et  la  chirurgie  ont  été  l'objet 
de  plusieurs  traductions  ou  compilations  du  latin  citons 
le  Régime  du  corps,  qui  paraît  avoir  été  écrit  en  1250,  en 
français,  par  le  médecin  Alebrand  ou  Aldcbrand  de  Flo- 
rence ou  de  Sienne),  mais  aussi,  à  la  fin  du  xur  siècle 
du  livre  excellent  de  Henri  de  Mondeville,  original  au 
moins  en  partip,  et  rapportant  de  nombreux  exemples 


LITTERATURE   SCIENTIFIQUE.  161 

tirés  de  la  pratique  de  ce  célèbre  chirurgien.  La  pré- 
tendue interprétation  des  songes,  des  pronostics,  l'énu- 
mération  des  «  jours  périlleux  »  ont  donné  lieu  à  des 
élucubrations  en  prose  et  en  vers  dont  la  matière  ne 
remonte  pas  toujours  à  l'antiquité,  mais  qui  ne  méritent 
pas  le  nom  de  compositions  scientifiques  et  qui  ne  font 
pas  honneur  à  l'époque  qui  les  a  produits.  —  Les  arts, 
les  métiers,  les  usages  donnèrent  lieu  à  plus  d'écrits 
originaux,  entre  tous  la  chasse,  dont  le  moyen  âge  ne 
pouvait  trouver  les  règles  dans  les  écrits  de  l'antiquité. 
Le  petit  poème  de  la  Chasse  du  cerf  (xme  s.)  contient  des 
observations  vraiment  pratiques;  on  en  trouve  en  bien 
plus  grand  nombre  dans  un  gros  livre,  le  Roi  Modus  et  la 
Reine  Racio  (xive  s.),  dont  la  seconde  partie  est  une 
fiction  allégorique  ajoutée  plus  tard  et  étrangère  au 
sujet  de  la  première;  mais  un  livre  français  sur  l'élève 
et  le  dressage  des  oiseaux  de  chasse,  rédigé  au 
xme  siècle,  n'est  qu'une  traduction  de  l'ouvrage  latin  de 
Frédéric  II.  —  La  façon  de  faire  la  guerre  avait  beau  dif- 
férer absolument  de  celle  des  anciens,  on  s'en  aperce- 
vait à  peine,  grâce  aux  contre-sens  constants  qu'on  fai- 
sait en  lisant  leurs  livres.  Aussi  trouvons-nous,  au  lieu 
de  traités  fondés  sur  l'expérience,  la  traduction  en 
prose,  par  Jean  de  Meun  (§  113),  du  De  re  militari  de 
Végèce,  sous  le  titre  de  V art  de  Chevalerie  (ce  même  ouvrage 
fut  traduit  de  nouveau,  vers  1330,  par  Jean  de  Vignai, 
qui  a  aussi  traduit  le  curieux  livre  écrit  en  latin  par 
Théodore  Paléologue,  marquis  de  Montferrat  de  1305  à 
1330,  sur  l'art  de  faire  la  guerre  et  de  gouverner);  le  plus 
singulier,  c'est  qu'en  1288  Jean  Priorat,  de  Besançon, 
mit  la  prose  de  Jean  de  Meun  en  vers  de  huit  syllabes 
pour  l'usage  d'un  grand  seigneur,  Jean  de  Chalon,  qui 
sans  doute  ne  pouvait  encore  s'habituer  à  entendre  lire 
autrement   qu'en  vers.  —  Sous  une  forme  historique 

11 


162  LITTERATUKE    DIDACTIQUE. 

fictive  qui  le  rattache  aux  croisades,  un  petit  poème 
intéressant  duxmc  siècle,  l'Ordre  de  chevalerie,  nous  décrit 
les  cérémonies  de  1'  «  adoubement  »  et  nous  présente 
l'image  de  ce  que  devait  être  un  parfait  chevalier;  il  en 
existe  aussi  une  rédaction  en  prose.  —  Un  heureux 
hasard  nous  a  conservé  l'Album  annoté  d'un  grand 
architecte  au  xur  siècle,  Villard  de  Honnecourt,  infini- 
ment précieux  pour  l'histoire  de  l'art,  et  que  nous 
devons  signaler,  bien  qu'il  n'appartienne  pas  en  réalité  à 
la  littérature,  non  plus  que  des  livres  de  cuisine  ou  des 
recueils  de  problèmes  d'échecs  qui  nous  sont  parvenus 
(le  livre  latin  du  dominicain  italien  Jacques  de  Cessoles, 
où  le  jeu  des  échecs  sert  de  prétexte  à  une  longue 
c  moralisation  »,  fut  traduit  vers  1340  par  Jean  de  Vignai  ; 
le  long  poème  des  Échecs  moralises,  un  peu  postérieur, 
est  une  œuvre  originale,  mais  médiocre).  —  Le  droit 
féodal  et  coutumier  a  donné  lieu  à  des  écrits  peu 
littéraires  aussi,  mais  dont  quelques-uns  doivent  au 
moins  être  mentionnés  ici,  comme  les  lois  de  Guil- 
laume le  Conquérant,  les  Assises  de  Jérusalem  rédigées 
pour  partie  vers  1250  à  Chypre  par  Philippe  de  Novare 
(§  103),  l'admirable  Coutumier  du  Beaucaisis  de  Philippe 
de  Beaumanoir  (voir  §§  51,  68),  le  texte  connu  sous  le 
nom  d'Établissements  de  saint  Louis,  et  qui  n'est  en 
partie  qu'une  rédaction  amplifiée  d'une  Coutume 
d'Anjou,  etc.  Les  nombreuses  coutumes,  et  les  chartes 
de  tout  genre,  qu'on  commence,  à  partir  du  second 
quart  environ  du  xme  siècle,  à  rédiger  souvent  en  fran- 
çais, sortent  du  cadre  de  ce  livre.  Nous  devons  cepen- 
dant mentionner,  à  cause  de  son  importance  exception- 
nelle, le  plus  ancien  de  ces  documents  juridiques  ou 
politiques,  la  formule  conservée  par  l'historien  Nithard, 
des  serments  que  les  deux  fils  puinés  de  Louis  Ier  et 
leurs  fidèles  échangèrent  à  Strasbourg  en  842.  Ce  petit 


LITTERATURE    SCIENTIFIQUE.  463 

texte  ouvre  la  série  des  monuments  de  la  prose  fran- 
çaise, et  il  inaugure  dignement  l'existence  officielle 
d'une  langue  qui  devait  être  par  excellence  la  langue 
de  la  politique  et  de  la  diplomatie.  —  Les  traductions 
de  textes  de  droit  romain  ont  peu  d'intérêt  :  on  mit  en 
bonne  prose,  au  xme  siècle,  le  Code  et  les  Institutes  de 
Justinien;  on  traduisit  deux  fois  du  provençal  une  com- 
pilation fondée  sur  la  Summa  codlcis  d'Irnerius  et  autres 
traités,  et  un  Normand,  Richard  d'Annebaut,  eut  la  sin- 
gulière idée,  en  1280,  de  versifier  les  Institutes;  son  com- 
patriote et  contemporain  Guillaume  Chapu  (ainsi  appelé 
plutôt  que  Cauph)  était  un  peu  mieux  inspiré  en  met- 
tant en  vers,  en  1284,  la  Coutume  de  Normandie,  traduite 
auparavant  du  latin.  Le  livre  du  Conseil  de  Pierre  de 
Fontaine,  le  Livre  de  Justice  et  de  Plaid,  sont  également 
empruntés  en  majeure  partie  au  droit  romain,  mais  y 
mêlent  plus  ou  moins  confusément  le  droit  coutumier 
du  Vermandois  et  de  l'Orléanais.  —  Les  écoles  elles- 
mêmes,  dont  la  langue  est  cependant  le  latin,  commen- 
cent, au  xnr  siècle,  à  employer  l'idiome  vulgaire  pour 
intéresser  le  grand  public  à  quelques-unes  de  leurs 
querelles  (voir  ci-dessous  §§  108,  110)  ;  mais  l'enseigne- 
ment continue  à  se  donner  dans  la  langue  des  clercs  et 
à  ne  tenir  aucun  compte  de  la  lingua  laicorum.  Ce  n'est 
qu'en  Angleterre  que  nous  trouvons  des  traités  en  fran- 
çais pour  apprendre  ce  qu'on  n'apprenait  nullement  en 
France,  à  savoir  le  français  même.  L'un  des  plus  anciens 
est  celui  qu'un  chevalier,  Gautier  de  Biblesworth, 
composa  vers  1300  pour  une  noble  dame,  Denise  de 
Monchensi;  il  est  curieux  en  ce  qu'il  nous  montre  com- 
bien la  connaissance  de  la  bonne  langue  française  était 
alors  rare  en  Angleterre,  et  aussi  par  le  choix  des  mots 
dont  se  composent  les  exercices.  D'autres  traités, 
spécialement  sur   l'orthographe,   furent   faits  par  des 


164  LITTÉRATURE    DIDACTIQUE. 

Anglais.  En  France  nous  avons  conservé  un  petit 
poème  de  Huon  le  Roi,  de  Cambrai  (§  76)  sur  la  signifi- 
cation de  l'a  6  c  ;  c'est  une  «  moralisation  »  assez 
absurde,  mais  on  y  trouve  des  renseignements  précieux 
sur  l'orthographe  et  la  prononciation.  — On  commenc- 
au  xme  siècle  à  extraire  des  grands  glossaires  où  les 
mots  latins  difficiles  étaient  expliqués  en  latin  des  glose 
saires  latins-français;  ces  tentatives  mal  conçues  ne 
laissent  pas  d'avoir  de  l'intérêt  pour  l'histoire  de  la 
langue  et  surtout  de  la  langue  littéraire  et  savante  qui 
se  dégage  peu  à  peu.  Un  rang  à  part  est  occupé  par  les 
gloses  et  glossaires  hébraïco-français  dus  aux  juifs,  qui 
avaient  alors  en  France  des  communautés  nombreuses 
et  florissantes.  Le  recueil  de  gloses  du  célèbre  Raschi 
de  Troies  est  surtout  précieux  par  son  antiquité  (fin  du 
xie  siècle).  —  En  1282,  à  Acre,  Jean  de  Harenc  ou  d'An- 
tioche  (§  95)  traduisit  avec  beaucoup  de  soin  la  'Rhéto- 
rique de  Cicéron,  c'est-à-dire  le  De  Inventione  et  la  Rhéto- 
rique à  Hérennius;  déjà  Rrunet  Latin  dans  son  Trésor 
(§  101)  avait  traduit  une  partie  du  livre  I  De  Inventione, 
mais  en  introduisant  des  exemples  tout  nouveaux,  tels 
que  le  portrait  d'Iseut  dans  le  Tristan  en  prose,  donnô 
comme  modèle  de  description. 


CHAPITRE    II 


LITTERATURE      MORALE 


103.  La  poésie  morale  débute  aussi  par  des  traduc- 
tions du  latin,  comme  celles  des  Distiques  connus  au 
moyen  âge  sous  le  nom  de  Caton  par  Élie  de  Winchester 
et  Éverard  de  Kirkham  (le  premier  emploie  des  vers  de 
huit  syllabes  rimant  deux  à  deux,  le  second  des  sixains 
de  vers  hexasyllabiques)  au  xne  siècle,  par  Adam  de 
Suel  au  xme,  et  par  d'autres;  de  la  Consolation  de  philoso- 
phie, de  Boèce,  par  l'Anglo-Normand  Simon  de  Fraisne 
(xiie  s.),  par  Jean  de  Meun  et  autres,  soit  en  prose,  soit 
en  vers,  soit,  comme  l'original,  en  prose  entremêlée  de 
vers  ;  de  Y  Éthique  d'Aristote  ;  des  Dits  ou  Moralités  des  phi- 
losophes, par  Alard  de  Cambrai;  du  traité  de  Martin  de 
Braga,  attribué  alors  à  Sénèque,  sur  les  quatre  vertus 
cardinales  (traduction  en  vers  dédiée  à  Philippe  II),  etc. 
—  A  la  suite  de  ces  traductions  se  produisent  diverses 
imitations,  qui  ne  contiennent  généralement  que  les 
lieux  communs  d'une  moralité  banale,  comme  le  Doctri- 
nal Sauvage  (du  nom  de  l'auteur),  les  Enseignements  Trebor 
(par  Robert  de  Ho,  poète  anglo-normand),  les  Droits  au 
clerc  de  Vaudoi  en  Brie  (xme   siècle),  etc.    Ces  ouvrages 


166  LITTLHATURE   DIDACTIQUE. 

prennent  plus  d'intérêt  quand  ils  se  donnent  pour  but 
principal  d'enseigner  la  courtoisie,  les  bonnes  manières  : 
on  y  trouve  des  renseignements  sur  les  mœurs  et  les 
usages  de  la  société.  Tels  sont  :  le  Dltié  d'Urbain,  poème 
anglo-normand,  attribué,  mais  sans  aucune  raison,  au 
roi  d'Angleterre  Henri  Ier;  le  Doctrinal  de  courtoisie;  le 
Vilainncngouste;  le  Roman  des  ailes  de  prouesse,  par  Raoul 
de  Houdan  (§  58),  sous  forme  allégorique;  le  Chastie- 
ment  (enseignement)  des  dames,  de  Robert  de  Blois, 
inséré  plus  tard  par  lui  dans  son  roman  de  Beaudous 
(§  58)  ;  l'Ordre  de  chevalerie,  dont  il  a  été  parlé  ci-dessus 
(§  102),  etc.  Aux  xmc  et  xive  siècles,  deux  poètes  hen- 
nuyers,  Baudouin  et  Jean  de  Condé,  père  et  fils,  ont 
composé  un  grand  nombre  de  «  dits  »  moraux,  parfois 
satiriques,  d'un  style  travaillé  (surtout  chez  le  second), 
qui  sont  précieux  pour  la  connaissance  de  la  haute 
société,  à  laquelle  ils  sont  destinés.  Du  même  genre  sont 
les  «  dits  »  du  Liégeois  Watriquet  de  Couvin,  un  peu 
postérieur  à  Jean  de  Condé.  —  Le  traité  en  prose  des 
Quatre  Ages  de  l'homme,  par  Philippe  de  Novare,  présente 
un  intérêt  tout  particulier,  en  nous  donnant  le  résultat 
des  expériences  et  des  réflexions  d'un  homme  fort  intel- 
ligent mêlé  toute  sa  vie  aux  grandes  affaires  (§§  89  ter, 
102).  —  Les  proverbes,  souvent  cités  dans  toutes  les 
œuvres  littéraires,  ont  servi  de  thème  à  un  poème  curieux, 
les  Proverbes  au  vilain,  composé  vers  1180  par  un  pro- 
tégé du  comte  de  Flandre  Philippe  d'Alsace  :  chaque 
strophe,  de  six  vers  de  dix  syllabes,  prépare  (quelque- 
fois fort  indirectement)  un  proverbe  qui  la  termine,  et 
qui  est  toujours  suivi  des  mots  :  ce  dit  li  vilains  (c'est 
un  usage  constant  au  moyen  âge  d'attribuer  les  pro- 
verbes au  vilain,  au  rusticus  dans  les  textes  latins).  Le 
poème  original  a  été  à  plusieurs  reprises  allongé  et 
remanié  au  xme  siècle.  Il  a  été  imité  par  le  comle  de 


LITTÉRATURE   MORALE.  16T 

Bretagne  (1213-1250),  Pierre  Mauclerc,  dans  le  petit 
poème  intitulé  les  Proverbes  au  comte  de  Bretagne,  où  il  y 
a  d'ailleurs  plutôt  des  sentences  que  devrais  proverbes. 
Ces  recueils  trouvent  leur  pendant  dans  la  poésie  gno- 
mique  d'origine  religieuse.  Entre  les  deux  genres  on 
peut  placer  les  dialogues  de  Salomon  et  de  Marconi,  de 
provenance  orientale,  où  un  personnage  grotesque 
oppose  à  chaque  sentence  émise  par  le  sage  roi  une 
vérité  triviale  ou  une  observation  plaisante  ou  obscène 
(on  en  a  diverses  rédactions,  dont  une  du  même 
comte  de  Bretagne).  Rabelais  cite  encore  ces  deux  types 
contradictoires  de  la  sagesse  des  nations  :  «  Quine  s'aven- 
ture N'a  cheval  ni  mille,  ce  dit  Salomon.  —  Qui  trop  s'aven- 
ture Perd  cheval  et  mule,  Marcoul  lui  répond.  » 

104.  A  cette  classe  nous  rattachons,  bien  que  la  morale 
proprement  dite  en  soit  souvent  plus  qu'absente,  toute 
la  série  des  «  Arts  d'amour  »,  qui,  en  enseignant  com- 
ment on  doit  s'y  prendre  pour  acquérir  et  conserver 
l'amour,  nous  donnent  en  même  temps  bien  des  détails 
sur  les  relations  des  deux  sexes  entre  eux  et  par  consé- 
quent sur  la  vie  mondaine.  C'est  le  poème  d'Ovide  qui 
servit  de  point  de  départ  à  toute  cette  série.  Chrétien 
de  Troies  en  avait  fait  une  traduction,  malheureusement 
perdue,  et  elle  ne  fut  pas  la  seule;  quelques-unes  des 
imitations  que  suggéra  le  poème  latin,  comme  celle  de 
Jacques  d'Amiens  (xme  siècle)  ou  la  Clef  d'amours,  s'éloi- 
gnent beaucoup  de  l'original  et  nous  introduisent  com- 
plètement dans  la  société  du  moyen  âge.  —  Le  livre 
latin  d'André  le  Chapelain,  De  arte  honeste  amandi  (com- 
mencement du  xme  siècle),  qui  contient  le  code  le  plus 
complet  de  l'amour  courtois  tel  qu'on  le  voit  en  action 
dans  les  romans  de  la  Table  Ronde,  a  influé  sur  plus 
d'un  de  ces  ouvrages,  et  il   a  été   lui-même  traduit  au 


168  LITTERATURE    DIDACTIQUE. 

xine  siècle  en  prose,  et,  en  vers,  par  Drouart  la  Vache.  — 
Le  Conseil  d'amour  et  la  Puissance  d'Amour,  de  Richard  de 
Fournival  (§  100),  en  prose,  continuent  des  observations 
plus  personnelles  et  souvent  intéressantes.  —  Le  petit 
poème  qui  a  pour  titre  le  Remède  d'amour  ne  se  rapporte 
pas  à  celui  d'Ovide  sur  le  même  sujet,  mais  exprime  une 
opposition  à  la  tendance  trop  libre  des  Arts  d'amour. 
—  Certains  chapitres  du  code  de  l'amour  sont  parfois 
exposés  sous  forme  allégorique  et  narrative,  comme 
dans  les  diverses  versions  (Florence  et  Blanche/leur,  Hueline 
et  Aiglentine,  Melior  et  Idoine,  etc.),  du  Jugement  d'amour 
(d'après  un  poème  latin  du  xie  siècle),  dans  lequel  on 
donne  en  amour  la  préférence  aux  clercs  sur  les  cheva- 
liers (c'est  assez  dire  que  l'auteur  premier  est  un  clerc), 
et  le  gracieux  Fableau  du  dieu  d'amour,  en  quatrains 
monorimes,  amplifié  dans  le  poème  de  Vénus  la  déesse 
d'amour  :  là  est  décrit  le  «  Champ  Fleuri  »,  jardin  ou 
t  paradis  »  où  règne  le  dieu  d'amour,  dont  la  cour  est 
composée  d'oiseaux  :  on  y  trouve  un  singulier  mélange 
d'idées  chrétiennes  et  de  réminiscences  mythologiques. 
Le  Roman  de  la  Rose,  dans  sa  première  partie,  est  l'épa- 
nouissement de  toute  cette  floraison.  —  Dans  le  Donoi 
des  amanz,  un  poète  anglo-normand  de  la  fin  du  xn°  siècle 
a  inséré,  dans  l'entretien  galant  des  deux  amants  qu'il 
met  en  scène,  plusieurs  préceptes  d'amour  et  d'intéres- 
sants «  exemples  ». 


CHAPITRE   III 


LITTERATURE    SATIRIQUE 


105.  De  la  morale  générale  à  la  satire  générale  il  n'y 
a  qu'un  pas.  Ce  pas  est  franchi  dans  toute  une  catégorie 
de  poèmes  qu'on  peut  appeler  les  États  du  monde,  dans 
lesquels  on  passe  en  revue  toutes  les  classes  de  la 
société,  en  signalant  leurs  vices  et  leurs  défauts  et  en 
les  engageant  à  s'en  corriger.  Le  plus  ancien  et  le  plus 
intéressant  qui  nous  soit  parvenu  est  le  Livre  des  manières 
d'Etienne  de  Fougères,  évêque  de  Rennes  vers  1170, 
écrit,  dans  la  forme  peu  usitée  de  quatrains  octosylla- 
biques  monorimes,  d'un  style  singulièrement  vif  et  avec 
une  liberté  de  langage  qui  n'excepte  rien  ni  personne  de 
la  censure.  Au  xne  siècle  appartient  encore  un  curieux 
fragment  en  sixains  décasyllabiques  (moins  le  cinquième 
vers  qui  a  quatre  syllabes)  sur  deux  rimes,  dont  on  n'a 
malheureusement  que  le  début;  d'autres  compositions 
analogues  sont  du  xme  siècle;  il  faut  noter  celle  de 
Renaud  d'Andon,  en  quatrains  monorimes  {le  Contenz  du 
monde),  dont  la  seule  copie  conservée  est  malheureuse- 
ment incomplète.  —  On  peut  y  joindre  les  deux  Bibles 
de  Guiot  de  Provins  et  de  Hugues  de  Rerzé  (voir  §  124, 


170  LITTERATURE    DIDACTIQUE. 

comm.  du  xmB  siècle).  Le  premier  de  ces  poèmes,  dont 
le  titre  signifie  qu'ils  prétendent  ne  dire  que  la  vérité, 
et  qui  passent  également  en  revue  toute  la  société  con- 
temporaine, est  de  beaucoup  le  plus  long  et  le  plus 
important  :  l'auteur  avait  vécu  dans  le  monde,  où  il 
paraît  avoir  été  ménestrel,  et  avait  ensuite  essayé  de 
plusieurs  ordres  religieux  avant  de  se  faire  bénédictin; 
il  connaissait  bien  les  deux  grandes  divisions  de  la 
société  contemporaine,  et  il  les  peint  avec  une  verve 
satirique  souvent  fort  divertissante.  Ces  poèmes  sont 
d'ailleurs  presque  toujours  inspirés  par  l'esprit  chrétien 
autant  que  par  la  morale  humaine  :  c'est  ainsi  qu'une 
satire  générale,  dont  on  a  diverses  formes  latines  et  une 
anglo-normande,  suppose  que  le  diable  a  marié  ses  neuf 
filles  à  neuf  ordres  ou  classes  de  la  société.  Nous  reje- 
tons à  la  seconde  partie  ceux  où  le  caractère  religieux  a 
une  prédominance  marquée.  On  peut  regarder  comme 
fermant  cette  série,  pour  notre  période,  le  roman  sati- 
rique de  Fauvel,  œuvre  assez  lourde  de  forme,  mais 
curieuse,  du  commencement  du  xiv*  siècle.  —  Une  très 
amusante  facétie  en  prose,  d'un  ton  tout  populaire,  la 
Riote  du  monde  (on  en  a  une  autre  version  anglo-nor- 
mande), fait  défiler,  sous  une  pluie  de  jeux  de  mots, 
tous  les  ridicules  et  les  travers  des  hommes,  et  peut  se 
joindre  à  cette  série. 

106.  Aux  satires  générales  joignons  celles  qui  s'atta- 
quent à  des  classes  entières,  et  d'abord  la  masse  consi- 
dérable de  pièces  dirigées  contre  les  femmes,  œuvres 
d'ordinaire  assez  banales,  souvent  grossières  et  lourde- 
ment injurieuses,  mais  parfois  aussi  assez  piquantes  de 
forme  et  de  fond,  comme  V Évangile  des  femmes,  pièce 
ancienne  mais  souvent  remaniée  et  interpolée,  où  le 
poète  dans  les  trois  premiers  vers  de  chaque  quatrain 


LITTERATURE    SATIRIQUE.  171 

adresse  aux  femmes  de  grands  éloges,  qu'il  détruit  dans 
le  quatrième;  —  le  Chastie-musart;  —  le  Dit  de  Chicheface 
(c'est  un  monstre  fabuleux  qui  ne  se  nourrit  que  des 
femmes  qui  obéissent  à  leurs  maris;  aussi  est-il  d'une 
maigreur  effroyable,  tandis  que  Bigorne,  qui  mange  les 
hommes  soumis  à  leurs  femmes,  est  d'un  embonpoint 
sans  pareil);  —  le  Dit  des  Cornettes  (spirituelle  raillerie 
sur  les  coiffures  en  forme  de  cornes  des  femmes  du 
xnr  siècle),  etc.  Une  de  ces  pièces,  le  Blâme  des  femmes, 
eut  un  succès  extraordinaire,  que  son  mérite  ne  nous 
paraît  pas  justifier,  et  suscita  plusieurs  réponses,  dont 
la  plus  remarquable,  la  Bonté  des  femmes,  est  anglo- 
normande.  —  Viennent  ensuite  les  satires  dirigées  contre 
les  clercs,  leurs  vices,  leur  fainéantise  (signalons  en  ce 
genre  les  mordantes  attaques  de  Rustebeuf,  §  127,  et  de 
Huon  le  Roi,  §  76),  contre  les  bourgeois  (le  Dit  du  Bour- 
jois  bourjon  raille  leur  grosse  vanité),  contre  les  avocats, 
contre  les  hommes  d'argent  (la  Patenôtre  de  l'usurier, 
Martin  Hapart,  Dan  Denier,  etc.),  contre  les  vilains  (ces 
pièces  sont  nombreuses  et  d'ordinaire  pleines  du  mépris 
le  plus  inhumain;  l'une  d'elles,  les  Vingt-quatre  manières 
de  vilains,  est  une  très  amusante  facétie  en  prose).  Dans 
une  pièce  fort  curieuse,  les  jongleurs  de  vielle,  qui  chan- 
taient les  chansons  de  geste,  attaquent  vivement  les 
joueurs  de  tambourin,  qui  leur  font  (au  xme  siècle)  une 
redoutable  concurrence. 

107.  Les  pièces  satiriques  d'un  caractère  général 
amènent  aux  satires  personnelles;  on  en  composa  de 
fort  bonne  heure;  mais  les  plus  anciennes  avaient  un 
caractère  lyrique  et  seront  mentionnées  ailleurs  (§  120). 
Nous  en  avons  quelques-unes  du  xme  siècle,  notamment 
de  Rustebeuf  (la  Dispute  de  Chariot  et  du  Barbier  Bri- 
chemer,  etc.). 


172  LITTERATURE   DIDACTIQUE. 

108.  Enfin  la  satire  politique  ne  fut  pas  inconnue  à  la 
poésie  du  moyen  âge.  De  bonne  heure  Anglais  et  Fran- 
çais, qui  employaient  la  même  langue,  s'attaquèrent  par 
la  plume  comme  par  les  armes.  Au  commencement  du 
xme  siècle,  André  de  Coutances,  avant  l'annexion  qui 
devait  très  rapidement  faire  des  Normands  de  si  bons 
Français,  nous  lançait,  dans  son  Roman  des  Français  en 
quatrains  monorimes  de  huit  syllabes,  de  mordantes 
railleries,  en  réponse  d'ailleurs  à  une  attaque  de  notre 
part.  Les  Français,  outre  qu'ils  opposaient  (comme 
dans  la  petite  et  vive  Chronique  des  rois  de  France,  vers 
1230)  la  gloire  de  nos  rois  aux  tristes  exploits  des  rois 
anglais,  se  moquaient  dans  des  pièces  parfois  vraiment 
comiques,  comme  la  Paix  aux  Anglais  (1264),  la  Charte 
aux  Anglais,  les  Deux  Anglais,  de  leurs  voisins  d'outre- 
Manche  et  de  leur  manière  d'écorcher  notre  langue  (on 
a  une  risée  du  même  genre  contre  les  Bretons  dans  le 
Privilège  aux  Bretons,  composé  pendant  la  minorité  de 
saint  Louis).  Quelques  strophes  bien  tournées  (en  vers 
alternativement  latins  et  français)  d'un  moine  de  Silly 
(Normandie)  contre  Edouard  Ier,  et  le  Dit  de  la  rébellion 
d'Angleterre,  au  commencement  duxive  siècle,  terminent, 
pour  notre  période,  cette  guerre  de  plume.  —  La  cour 
de  Rome  fut  dans  toute  la  chrétienté,  pour  ses  envahis- 
sements et  surtout  pour  la  cupidité  qu'on  reprochait  à 
ses  représentants,  l'objet  de  virulentes  attaques,  qui 
furent  le  plus  souvent  exprimées  en  vers  latins,  mais 
revêtirent  aussi  la  forme  vulgaire.  Une  accusation  qu'on 
lui  adressait  avec  une  vivacité  particulière  était  de 
garder  pour  elle  l'argent  qu'elle  recueillait  pour  servir 
à  la  croisade.  —  Au  milieu  du  xme  siècle  la  poésie  en 
langue  vulgaire  prit  une  part  active  aux  débats  de  l'uni- 
versité de  Paris  et  des  Frères  mendiants,  embrassant 
avec  chaleur  la  cause  des  docteurs  séculiers,  et  bravant 


LITTÉRATURE   SATIRIQUE.  173 

même  l'autorité  royale  pour  les  défendre  et  attaquer 
leurs  adversaires;  ce  fut  surtout  Rustebeuf  qui  se  dis- 
tingua dans  cette  polémique,  où  éclate  déjà  l'esprit  du 
pamphlétaire  ou  du  journaliste  moderne.  —  Quelques 
petites  pièces  expriment,  pendant  le  cours  du  xme  siècle, 
l'opinion  et  généralement  le  mécontentement  du  public 
sur  certains  actes  de  la  royauté.  Signalons  le  Dit  de 
Vérité  (1295),  où  se  fait  jour  l'irritation  des  nobles  contre 
Philippe  le  Bel,  à  cause  de  la  préférence  qu'il  accordait 
dans  ses  conseils  à  des  gens  de  petite  naissance. 


CHAPITRE  IV 


LITTERATURE    PUREMENT    DESCRIPTIVE  ET   PLAISANTE 


109.  Les  vers  servaient  au  moyen  âge  à  toutes  sortes 
d'usages  familiers,  auxquels  on  n'a  guère  l'idée  de  les 
employer  aujourd'hui.  Divers  petits  poèmes,  générale- 
ment désignés  sous  le  nom  de  dits.,  traitent,  souvent 
avec  agrément,  des  sujets  empruntés  à  la  vie  quoti. 
dienne.  Toute  une  série  de  petites  pièces,  qui  remontent 
à  la  fin  du  xmc  siècle,  nous  entretiennent  de  diverses  pro- 
fessions, comme  celles  de  forgeron,  de  boulanger,  de 
tavernier,  de  cordonnier,  de  laboureur;  ces  pièces 
étaient  récitées  à  ceux  qu'elles  concernaient,  et  ne  man- 
quent guère  en  terminant  de  faire  appel  à  leur  généro- 
sité. Un  dit  fort  curieux  nous  apprend  tout  ce  qu'on 
pouvait  se  procurer  au  xin°  siècle  pour  une  maille,  la  plus 
plus  petite  des  pièces  de  monnaie;  d'autres  énumèrent 
les  choses  dont  on  a  besoin  dans  son  ménage;  nous 
avons  encore  les  dits  des  rues  de  Paris,  des  églises  de 
Paris,  des  cris  de  Paris,  du  lendit  (§  24),  une  amusante 
facétie  sur  les  enseignes  de  Paris  (le  Mariage  des  quatre 
fils  Aimon),  etc.  Le  Dit  de  Cocagne  nous  représente  agréa- 
blement ce  pays  fantastique,  déjà  rêvé  par  l'antiquité, 


LITTERATURE    DESCRIPTIVE    ET    PLAISANTE.  17b 

où  les  oies  se  tournent  elles-mêmes  sur  les  broches,  où 
les  cochons  rôtis  se  promènent  par  les  rues  avec  le  cou- 
teau dans  l'épaule  pour  qu'on  en  coupe  des  tranches, 
où  le  vin  coule  dans  les  ruisseaux,  où  la  «  fontaine  de 
jouvent  »  assure  une  jeunesse  toujours  renouvelée,  où 
ceux-là  gagnent  le  plus  qui  dorment  le  plus  longtemps. 
—  Nous  avons  mentionné  plus  haut  les  pièces  sati- 
riques contre  les  femmes;  il  en  est  qui,  sans  polémiser, 
font  l'éloge  de  leurs  charmes  et  de  leurs  vertus  :  citons 
le  Dit  des  femmes,  vraiment  gracieux  et  poétique.  Le  vin 
a  fourni  matière  à  plus  d'une  de  ces  petites  pièces, 
comme  les  Fins  de  l'année,  le  Dit  du  bon  Vin  (en  prose 
allilérée),  le  Martyre  de  saint  Bacchns,  par  Geoffroi  de 
Paris  (§  97),  spirituelle  parodie  des  légendes  de  saints, 
où  l'on  raconte  tous  les  tourments  que  subit  la  vigne 
(on  en  fit  plus  tard  des  imitations,  comme  le  Miracle  de 
saint  Tortu,  le  Martyre  de  saint  Hareng,  la  Vie  de  saint 
Oison  ,  etc.).  Ces  petites  compositions,  d'une  gaieté 
généralement  innocente,  étaient  débitées  par  les  jon- 
gleurs dans  les  sociétés  bourgeoises  concurremment 
aux  fableaux.  Rustebeuf  s'amusait  à  composer,  pour  le 
même  but,  le  Dit  de  l'herberie,  modèle  achevé  du  boniment 
extravagant  d'un  charlatan  de  foire,  partie  en  prose, 
partie  en  vers.  C'est  une  sorte  de  monologue,  pareil  à 
ceux  que  le  xve  siècle  affectionna;  celui  du  Valet  à  tout 
faire,  que  nous  trouvons  renouvelé  encore  au  xvie  siècle, 
paraît  bien  remonter,  sous  sa  première  forme,  à  l'époque 
qui  nous  occupe.  —  Nous  pouvons  encore  rapporter  ici 
des  descriptions  de  tournois,  comme  celle  qu'a  faite 
Jacques  Bretel  des  Tournois  de  Chauvenci  (128b).  Dans  son 
roman  sur  le  tournoi  de  Ham  (1278),  Sarrazin  mêle  à 
ses  peintures  un  élément  tout  fantastique.  Purement 
imaginaires,  bien  entendu,  sont  les  deux  Tournoiements 
des  dames,  contés  l'un  par  Huon  d'Oisi  (§  127)  déjà  aux 


176  LITTÉRATURE    DIDACTIQUE. 

environs  de  1180,  en  vers  lyriques,  l'autre  du  temps  de 
saint  Louis,  en  vers  octosyllabiques  accouplés.  Sous 
Philippe  le  Bel,  un  bourgeois  de  Paris,  Pierre  Gentien, 
celui-là  même  peut-être  qui  périt  héroïquement  à  Mons 
en  Peule  en  défendant  le  roi  de  France,  composa  un 
Tournoiement  des  dames  de  Paris,  où  il  mit  en  scène  de  la 
même  façon  les  femmes  de  ses  amis  et  parents.  Aucun 
de  ces  auteurs  n'a  tiré  heureusement  parti  de  cette 
donnée  qui  pouvait  être  piquante. 

110.  Une  forme  qu'on  choisit  souvent,  pour  ces  petits 
morceaux  d'observation  plaisante,  fut  celle  du  débat  ou 
de  la  dispute  :  l'usage  en  remontait  à  l'antiquité  et  avait 
sans  doute  été  perpétué  par  les  joculatores.  C'est  géné- 
ralement entre  des  personnifications,  qui  prennent 
tour  à  tour  la  parole,  que  le  débat  a  lieu  :  on  laisse 
la  décision  aux  auditeurs,  ou  on  la  fait  prononcer  par 
un  arbitre.  Nous  avons  ainsi  le  joli  Débat  de  l'hiver  et  de 
l'été  (qui  dans  ses  origines  remonte  très  haut  et  se  rat- 
tache aux  fêtes  des  changements  de  saison),  le  Débat  du 
vin  et  de  Veau  (qui  est  resté  populaire  dans  des  versions 
très  remaniées),  le  Débat  du  denier  et  de  la  brebis  (où 
chacun  d'eux  prétend  être  plus  utile  que  l'autre  à 
l'humanité),  la  Dispute  des  vins  blancs  (par  le  spirituel 
Henri  d'Andeli  ;  voir  §  76).  —  Aux  débats  et  disputes  se 
rattachent  les  batailles,  dans  lesquelles  on  feint  un 
combat  entre  des  personnifications,  armées  et  montées 
d'une  façon  appropriée,  genre  visiblement  imité  de  la 
Psychomachie  de  Prudence  :  telles  sont  (sans  parler  ici 
des  œuvres  religieuses)  la  Bataille  de  Carême  et  de  Char- 
nage  (c'est-à-dire  du  temps  où  l'on  peut  manger  de  la 
viande,  temps  qui  anciennement  ne  comprenait  ni 
l'Avant  ni  le  Carême  proprement  dit),  et  surtout  la 
Bataille  des  Sept  Arts,  par  Henri  d'Andeli  (il  y  met  en 


LITTERATURE    DESCRIPTIVE    ET    PLAISANTE.  177 

action  avec  beaucoup  d'esprit  la  lutte  des  études  pu  ri- 
ment littéraires,  vers  le  tiers  du  xmc  siècle,  contre 
l'envahissement  île  la  dialectique;  il  est  intéressant  de 
voir  un  semblable  sujet  traité  en  langue  vulgaire).  — 
Le  Mariage  des  Sept  Arts  peut  encore  se  rattacher  à  ce 
genre;  c'est  une  allégorie  assez  fade,  imitée  de  Mar- 
tianusCapella,  donton  a  deux  rédactions  qui  paraissent 
être  toutes  deux  de  Jean  le  Teinturier  d'Arras,  chan- 
sonnier connu.  —  Ce  ne  sont  pas.  des  personnifications 
qui  figurent  dans  quelques  débats,  comme  celui  des 
Deux  Jongleurs,  fort  précieux  par  l'énumération  des 
talents  dont  ils  se  vantent  et  des  poèmes  qu'ils  disent 
savoir  par  cœur,  celui  de  Chariot  le  Juif  et  du  Barbier 
(également  deux  jongleurs),  par  Rustebeuf,  et  celui  du 
Croisé  et  du  Non  Croisé,  par  le  même,  où  sont  discutées 
les  raisons  de  prendre  part  à  la  croisade  et  de  s'en 
abstenir. 


CHAPITRE  V 


LE    ROMAN    DE    LA    ROSE 


III.  Tous  les  éléments  indiqués  dans  les  précédents 
rliapttres  se  trouvent  réunis,  comme  nous  l'avons  dit, 
dans  le  Roman  de  lu  Rote.  La  première  partie  fut  com- 
posée vers  1237,  par  un  poète  âgé  de  vingt-cinq  ans.  qui 
avait  reçu  une  instruction  assez  complète,  sans  doute 
aux  écoles  d'Orléans,  dont  il  était  voisin,  et  qui  étaient 
alors  le  centre  de  l'étude  des  classiques  latins,  Guil- 
laume de  Lorris.  Il  mourut  sans  avoir  terminé  son 
œuvre.  —  Le  poème  de  Guillaume  est  un  véritable  Art 
d'Amour,  influencé  çà  et  là  par  Ovide,  mais  en  général 
conforme  à  l'idéal  du  xmc  siècle  (différent  déjà  en  plus 
d'un  point  de  celui  du  xn°  siècle,  que  représentent  les 
romans  de  la  Table  Ronde  et  André  le  Chapelain).  Pour 
la  forme  donnée  à  cette  matière,  on  peut  reconnaître 
quatre  données  principales  :  le  cadre  du  récit  est  un 
songe,  et  le  poète  nous  indique  dès  l'abord,  en  nous 
parlant  de  Macrobe,  que  le  Songe  de  Scipion  le  lui  a 
fourni;  au  reste  ce  cadre  commode  avait  été  employé 
avant  lui  au  moyen  âge,  par  exemple  dans  le  célèbre 
Débat  de   Vaine  et  du  corps  (voir  §  155)  et  dans  le  Songe 


LE   ROMAN    DE   LA    ROSE.  179 

d'Enfer  et  le  Songe  de  Paradis  (§  156,;  —  I;i  possession  de 
la  jeune  fille  aimée  est  désignée  par  l'allégorie  d'une 
rose  que  l'amant  doit  cueillir  :  on  trouve  déjà  cette 
allégorie  dans  un  charmant  petit  poème,  le  Dit  de  la 
rose,  qui  a  bien  pu  servir  de  modèle  à  Guillaume;  —  la 
scène  se  passe  dans  un  jardin  délicieux,  qui  est  le 
paradis  d'amour  :  c'est  une  idée  que  nous  avons  vue 
exprimée  dans  le  Dieu  d'amour  (§  104);  —  enfin  les  acleurs 
du  drame  sont  en  majeure  partie  des  personnifications  : 
en  cela,  comme  on  l'a  vu  (§  110),  Guillaume  avait  plus 
d'un  prédécesseur,  à  commencer  par  Martianus  Capella, 
Prudence,  etc.;  il  paraît  s'être  inspiré  surtout  du  Songe 
d'enfer  et  de  la  Voie  de  Paradis  (§  156),  qui  avaient  employé 
avec  grand  succès  ce  moyen  de  traiter  des  sujets 
moraux;  il  a  connu  aussi  le  Tournoiement  d'Antéchrist  de 
Huon  de  Méri  (§  155),  qui  lui-même  imitait  Raoul  :  Huon 
ayant  écrit  en  1235,  on  ne  peut  faire  remonter  plus  haut 
la  première  partie  du  Roman  de  la  Rose.  Mais  en  adop- 
tant le  système  des  personnifications,  Guillaume  de 
Lorris  l'a  modifié  notablement  :  dans  toutes  les  œuvres 
antérieures,  comme  dans  la  Psychomachie,  elles  sont  les 
seuls  personnages,  et  l'action  qu'on  suppose  se  passer 
une  fois  entre  elles  n'est  que  le  symbole  de  leurs  rap- 
ports constants.  Ici  au  contraire  elles  ne  servent  qu'à 
amener  les  péripéties  d'un  drame  tout  humain,  tout 
individuel  :  elles  favorisent  ou  elles  combattent  les 
efforts  de  l'Amant  pour  cueillir  la  rose,  qui  sont  le  vrai 
sujet  du  poème.  En  outre  certaines  des  personnifica- 
tions de  Guillaume  sont  toutes  nouvelles  :  jusqu'à  lui 
on  n'avait  personnifié  que  des  qualités  générales  et 
durables;  Danger  et  Bel  Accueil  sont  tout  autre  chose  : 
le  premier  représente  le  refus,  la  tendance  innée  chez 
la  femme  à  ne  pas  céder  sans  résistance  à  celui  qui  la 
prie,  l'autre,  la  bonne  grâce  que  la  même  femme  montre 


180  LITTÉRATURE    DIDACTIQUE. 

à  d'autres  moments;  ce  sont  des  manières  d'être  passa- 
gères, des  aspects  de  la  personnalité,  et,  an  fond,  de 
simples  procédés  d'analyse  psychologique.  —  Tout  ce! 
art  ingénieux  et  subtil  est  d'ailleurs  faux  et  dangereux  : 
il  dispense  d'observation  réelle  et  de  sentiment  vrai:  on 
le  voit  trop,  sinon  par  Guillaume,  au  moins  par  ses 
imitateurs,  qui.  comme  toujours,  enchérirent  sur  ses 
défauts  :  en  taisant  intervenir  Amour,  Honte  et  Peur, 
Pitié  et  Franchise,  Danger  et  Bel  Accueil,  on  a  cons- 
truit, aux  xiv"  et  xv  siècles  déjà  à  la  fin  du  xmr.  par 
exemple  dans  la  Poire,  d'un  certain  TIbaud,  la  Panthère 
d'Amour,  de  Nicole  de  Margival,  la  Cour  oVAmûtir  et  le 
Jeti  de  la  Chapette  Mnrtinet,  de  Mahieu  le  Poriier,  etc.), 
une  masse  de  pièces  insipides,  soi-disant  consacrées  à 
l'amour,  et  qui  ne  contiennent  que  de  froides  combi- 
naisons de  l'esprit,  sans  une  parcelle  de  vérité  ni  de 
passion. 

112.  Le  jeune  homme,  dans  sa  vingtième  année,  entre 
dans  le  jardin  d'Amour,  lieu  de  délices,  entouré  de 
hautes  murailles,  sur  lesquelles  sont  peintes  par  dehors, 
comme  exclues  de  ce  séjour,  toutes  les  choses  laides  ou 
tristes  de  la  vie.  11  regarde  avec  plaisir,  dans  un  buisson 
de  roses,  une  fleur  plus  fraîche  et  plus  belle  que  les 
autres,  et  à  ce  moment  le  dieu  d'Amour  lui  perce  le 
cœur  d'une  flèche.  Pour  arriver  à  cueillir  la  rose,  ce  qui 
devient  dès  lors  son  unique  but,  il  se  fait  Le  vassal 
d'Amour  et  reçoit  ses  commandements  imité  d'André 
le  Chapelain).  —  En  s'approchant  de  la  rose,  il  ren- 
contre Bel  Accueil,  avec  qui  il  s'enlend  fort  bien:  mais 
il  à  pour  ennemis  Danger,  Maie  Bouche  (la  médisance), 
Houle  el  Peur.  Il  demande  un  peu  trop  vite  à  appro- 
cher la  rose  de  ses  lèvres  :  Danger  le  (liasse,  et  il  ne 
voit    plus  Bel  Accueil.  —  Raison  descend  alors  de  la 


u:  i  ;  «  »  m  a  \  ni:  la  rose.  i8J 

tour  où  elle  habile,  et  essaye,  mais  en  vain,  de  le 
détourner  de  suivre  sa  passion.  —  11  s'entretient  ensuite 
avec  Ami.  qui  le  réconforte,  puis  avec  Danger,  qui  veut 
bien  lui  pardonner,  mais  d'abord  ne  s'adoucit  nulle- 
ment: pourtant  Franchise  (c'est  la  générosité,  et  Pitié 
fléchissent  Danger,  et  l'Amant  revoit  Bel  Accueil.  — 
.Mais  bientôt  il  redevient  téméraire;  Vénus,  en  appro- 
chant son  brandon,  décide  presque  Bel  Accueil  à  céder; 
mais  .Maie  Bouche  a  prévenu  Jalousie,  qui  accourt,  et 
envoie  Honte  et  Peur  à  la  rescousse  en  leur  reprochant 
leur  négligence;  celles-ci  réveillent  Danger,  qui  s'était 
endormi,  et  qui  cette  fois  devient  tout  à  fait  féroce  et 
chasse  l'Amant  de  nouveau.  —  Jalousie  fait  alors  cons- 
truire une  tour  pour  y  enfermer  Bel  Accueil  :  elle  a 
quatre  portes,  gardées  par  Danger,  Honte,  Peur  et 
Maie  Bouche;  dans  la  tour,  avec  Bel  Accueil,  est  une 
vieille  qui  l'épie  sans  cesse.  L'amant  au  désespoir 
exhale  ses  plaintes  dans  un  monologue.  —  C'est  au 
milieu  de  ce  monologue  que  Guillaume  de  Lorris  s'est 
arrêté.  Deux  manuscrits  donnent  en  quatre-vingts  vers 
un  dénouement  au  poème,  mais  il  est  sûrement  apo- 
cryphe. Le  roman  devait  sans  doute,  dans  la  pensée  de 
l'auteur,  durer  encore  assez  longtemps  :  Guillaume  nous 
dit  qu'il  voulait  le  terminer  par  une  explication  de  tout 
ce  qui  aurait  figuré  dans  le  récit,  et  il  nous  assure  que 
«  la  fin  du  songe  »  en  était  la  plus  belle  partie.  Le  plan 
de  Guillaume  de  Lorris  n'a  certainement  pas  été  rempli 
par  son  continuateur  Jean  de  Meun,  quelque  éloge  qu'il 
fasse  de  Guillaume  par  la  bouche  d'Amour  lui-même. 
Cet  éloge  est  d'ailleurs  mérité  :  la  première  partie  du 
Ixoiima  de  la  Rose  est,  sauf  les  critiques  qui  s'adressent 
au  genre  en  lui-même,  un  des  plus  agréables  ouvrages 
du  moyen  âge.  L'auteur,  après  avoir  sagement  construit 
son  plan,  l'a  exécuté  avec  discrétion  et  mesure,  et  n'a 


182  LITTERATURE   DIDACTIQUE. 

rien  admis  dans  son  œuvre  qui  lui  fût  étranger  :  il  s'est 
proposé  de  faire  ce  qu'on  peut  appeler  une  épopée  psy- 
chologique, et  tous  les  traits  de  son  tableau  concourent 
à  l'effet  général.  Son  style  est  élégant  sans  être  affecté; 
quelques-unes  de  ses  pages,  notamment  dans  les  des- 
criptions, ont  été  citées  depuis  longtemps  parmi  les 
meilleurs  spécimens  de  notre  ancienne  poésie.  Écrite 
pour  les  cercles  brillants  et  mondains  du  temps  de  la 
régence  de  Blanche  de  Castille,  son  œuvre  porte  tout  le 
temps  le  cachet  du  public  auquel  elle  s'adresse  :  la 
morale  en  est  assurément  peu  sévère,  et  on  a  lieu  de 
s'étonner,  comme  à  propos  de  bien  d'autres  composi- 
tions du  même  genre,  que,  l'Amant  étant  épris  d'une 
jeune  fille,  l'idée  du  mariage  ne  semble  pas  môme  se 
présenter  à  l'esprit  de  l'auteur.  Mais  on  n'y  trouve  rien 
de  grossier,  et  le  poète  déclare  à  plusieurs  reprises 
qu'en  célébrant  l'amour  il  n'entend  parler  que  de  l'amour 
sincère  et  profond,  et  qu'il  condamne,  avec  le  dieu 
d'Amour,  ces  «  faux  amants  »  qui  n'aiment  pas  de  cœur 
et  qui  cherchent  à  abuser  celles  auxquelles  ils  s'adres- 
sent. Tout  cela  devait  bien  changer  dans  la  seconde 
partie  qui  fut  donnée  au  Roman  de  la  Rose. 

113.  Jean  Clopinel,  né  à  Meun-sur-Loire,  sans  doute 
vers  1250,  composa  cette  seconde  partie,  étant  encore 
étudiant  aux  écoles  de  Paris,  vers  1277.  Plus  tard  il 
écrivit  d'autres  ouvrages,  qu'il  regardait  comme  plus 
sérieux,  et  qui  ne  lui  auraient  pas  donné  la  réputation 
que  lui  a  procurée  son  œuvre  de  jeunesse.  En  128i-  il 
traduisit  pour  Jean  de  Brienne,  comte  d'Eu,  le  De  rc 
militari  de  Végèce  (§  102),  et  ensuite  les  épîtres  d'Héloïse 
et  Abailard,  le  livre  de  Giraud  de  Barri  sur  les  Merveilles 
d'Irlande,  celui  du  moine  anglais  Aelred  sur  Y  Amitié  spi- 
rituelle, et  la  Consolation  de  philosophie  de  Boèce  ;  dans  le 


LE    ROMAN    DE    LA    ROSE.  183 

prologue  de  cette  traduction,  dédiée  à  Philippe  le  Bel, 
il  énumère  ses  précédents  ouvrages  (nous  ne  connaî- 
trions pas  sans  cela  les  deux  avant-derniers).  Plus  tard, 
après  1291  et  sans  doute  avant  1296,  il  écrivit  en  qua- 
trains monorimes  son  Testament,  œuvre  remarquable, 
où,  suivant  en  partie  l'ancien  cadre  des  États  du  monde 
(§  105),  il  adresse  à  son  siècle  des  critiques  souvent  fort 
intéressantes  (notamment  dans  les  passages  qui  con- 
cernent les  femmes  et  les  ordres  mendiants),  et  montre 
d'ailleurs,  au  milieu  de  ses  railleries,  une  très  sincère 
piété.  Jean  de  Meun  devint  riche  et  considéré,  il  fut  lié 
avec  les  plus  grands  seigneurs  de  son  temps;  il  possé- 
dait rue  Saint-Jacques  une  belle  maison  avec  un  grand 
jardin.  Un  acte  relatif  à  cette  maison,  qui  appartint  plus 
tard  aux  dominicains,  nous  apprend  qu'il  était  mort 
avant  novembre  1305.  —  Jean  de  Meun  reprit  l'œuvre 
de  Guillaume  de  Lorris  plus  de  quarante  ans,  nous  dit- 
il  lui-même,  après  la  mort  de  celui-ci.  Il  semble  n'y  rien 
changer  :  il  poursuit  et  achève  le  monologue  de  l'Amant, 
au  milieu  duquel  le  poème  s'arrêtait;  il  reprend  tous  les 
mêmes  personnages,  met  en  jeu  tous  les  mêmes  ressorts 
et  continue  le  même  récit.  Mais  déjà  la  forme  extérieure 
de  l'œuvre  est  toute  différente.  La  conquête  de  la  rose, 
vers  laquelle  tout  tendait,  n'est  plus  qu'un  prétexte; 
l'Amant,  dont  Guillaume  s'attachait  surtout  à  nous 
décrire  finement  les  sentiments  intimes,  n'est  plus  qu'un 
auditeur  complaisant  pour  les  discoureurs  infatigables 
qui  se  succèdent  auprès  de  lui;  plus  d'action,  seulement 
des  paroles.  L'esprit  qui  anime  l'ouvrage  de  Jean  diffère 
encore  plus  de  celui  du  premier  poème  :  Guillaume  ne 
loue  et  ne  peint  que  l'amour  vrai,  et  réprouve  les  «  faux 
amants  »  ;  Jean,  faisant  parler  Raison,  trouve  qu'ils  sont 
seuls  avisés,  et  que  les  autres  sont  des  niais;  —  Amour 
défend,  dans  Guillaume,  d'employer  des  paroles  gros- 


184  L1TTEUATURE    DIDACTIQUE. 

sières;  Jean  les  justifie  et  met  c cyniquement  sa  théorie 
en  pratique;  — Amour  recommande  avant  tout,  dans  le 
premier  poème,  de  respecter  les  femmes;  elles  reçoivent 
dans  le  second  les  plus  sanglantes  insultes  qui  leur  aient 
jamais  été  adressées;  —  l'allégorie  même  de  la  rose, 
délicate  et  gracieuse  chez  Guillaume,  devient  platement 
grossière  chez  Jean  :  comme  on  Ta  fort  bien  exprimé, 
«  en  touchant  la  rose,  il  la  flétrit  ».  Guillaume,  nous 
l'avons  vu,  a  un  plan  bien  conçu  et  l'exécute  avec  pro- 
portion; pour  Jean,  ce  n'est  plus  qu'un  cadre  élastique 
à  l'infini,  où  il  fait  entrer  pêle-mêle,  sans  choix  ni 
mesure,  tout  ce  qu'il  sait  et  tout  ce  qu'il  pense.  La  figu- 
rine élégante,  fine  et  bien  dessinée  du  premier  artiste  se 
termine  sous  les  mains  du  second  en  une  espèce  de 
monstre  sans  forme  précise,  mais  dans  les  flancs  duquel 
sont  entassées  toutes  les  idées  et  toutes  les  connais- 
sances d'une  époque.  —  Ces  deux  parties  si  dissem- 
blables ont  également  contribué  au  succès  de  l'œuvre 
entière  :  l'aimable  et  voluptueux  Guillaume  a  séduit  les 
femmes,  les  jeunes  gens,  les  esprits  doux  et  tendres; 
quant  aux  clercs  et  aux  bourgeois,  l'érudition,  l'âpre  et 
lib.re  satire,  les  hautes  discussions  et  le  cynisme  môme 
de  Jean  avaient  de  quoi  les  enchanter.  On  lui  sut  gré 
surtout  d'avoir  mis  en  langue  vulgaire,  à  la  portée  de 
tous,  une  masse  de  notions  et  de  questions  réservées 
jusque-là  à  l'enceinte  fermée  des  écoles.  Il  fut  le  Voltaire 
du  moyen  âge.  avec  toutes  les  restrictions  que  comporte 
ce  complément,  et  il  eut,  comme  Voltaire,  des  ennemis 
aussi  passionnés  que  ses  admirateurs. 

114.  L'Amant  continue  donc  à  se  désoler  de  la  captivité 
de  Bel  Accueil.  Raison  juge  bon  alors  de  redescendre 
de  sa  tour;  mais  au  lieu  de  le  sermonner  en  cent  vers, 
comme  la  première  fois,  elle  lui  en  débite  trois  mille. 


LE    H0MAN    DE    LA    HOSE.  18!) 

IN  mi'  détourner  de  l'amour,  elle  commence  par  le 
définir,  puis  elle  définit  les  différentes  sortes  d'affec- 
tion,  non  sans  traiter  eu  passant  de  la  justice,  de  la 
fortune,  du  bien  et  du  mal,  avec  force  exemples  à  l'appui  : 
le  miracle  est  que  l'Amant  non  seulement  l'écoute,  mais 
lui  fait  des  objections  et  lui  demande  des  éclaircisse- 
ments sur  des  points  qui  lui  semblent  obscurs!  Au 
reste,  son  discours  est  incohérent,  mais  intéressant 
pour  l'histoire  des  idées:  il  faut  y  remarquer  qu'elle  ne 
dit  rien  de  chrétien,  et  que  tous  les  auteurs  quelle 
allègue  sont  des  païens.  L'Amant,  enfin  lassé,  la  ren- 
voie pour  toujours  à  sa  tour.  —  Il  va  ensuite  retrouver 
Ami  ;  celui-ci  ne  lui  donne  plus  ses  avis  en  cinquante 
vers,  mais  en  deux  mille  huit  cents.  Son  discours  est 
encore  plus  décousu  que  celui  de  Raison;  la  carcasse 
en  est  formée  par  un  ensemble  de  conseils  fort  peu 
honnêtes  sur  les  divers  moyens  de  séduire  les  femmes, 
mais  avec  des  digressions  énormes,  comme  toute  la 
peinture  de  l'âge  d'or,  amenée  par  des  plaintes  sur  la 
nécessité  de  faire  des  dons  aux  femmes,  et  dans  laquelle 
est  intercalé,  le  plus  bizarrement  du  monde,  un  long 
épisode  qui  nous  décrit  les  emportements  et  les  décon- 
venues d'un  jaloux.  —  L'Amant  essaie  de  profiter  des 
instructions  d'Ami;  mais  il  n'avance  guère.  Amour 
l'encourage,  et  convoque  tous  ses  vassaux  pour  lui 
venir  en  aide.  Parmi  eux  se  trouve  Faux  Semblant,  qui 
se  montre  comme  un  des  plus  utiles,  car  il  réussit,  par 
la  suite,  à  se  lier  avec  Maie  Bouche,  et  il  l'étrangle  en 
l'embrassant.  L'allégorie  est  à  coup  sûr  ingénieuse,  et 
digne  de  Guillaume;  mais  l'auteur  a  profité  de  l'intro- 
duction de  ce  personnage  pour  intercaler  un  épisode 
tout  à  fait  hors  de  ton  et  de  proportion.  Amour,  ayant 
nommé  Faux  Semblant  son  «  roi  des  ribauds  »,  lui 
demande  où  on  peut  le  trouver  quand  on  a  besoin  de 


186  LITTERATURE    DIDACTIQUE. 

lui  :  il  répond  qu'il  a  bien  des  demeures,  mais  que  là 
où  il  se  cache  le  mieux,  et  le  plus  ordinairement,  c'esl 
sous  l'habit  religieux,  et  il  se  met  à  parler  tout  à  l'ait 
comme  un  dominicain  (vantant  par  exemple  le  privi- 
lège qu'il  a  de  conférer  partout  les  sacrements,  privilège 
qui  mettait  alors  les  ordres  mendiants  en  lutte  avec  le 
clergé  séculier).  A  ce  propos  on  examine  la  question  de 
la  mendicité  volontaire,  et  Faux  Semblant  parle  des 
principaux  ennemis  qu'il  a,  entre  autres  de  ce  Guillaume 
de  Saint-Amour  qui  avait  été  le  principal  champion  des 
docteurs  séculiers  de  Paris  dans  leur  lutte  contre  les 
Mendiants  (§  108),  et  qui  a  expié  son  audace  par  l'exil. 
Au  reste,  Faux  Semblant  est  invincible  :  il  trompe  tous 
les  trompeurs;  il  est  fort  par  les  secrets  qu'il  connaît 
grâce  à  la  confession  (les  dominicains,  comme  plus  tard 
les  jésuites,  s'attachaient  à  être  les  confesseurs  des 
grandsj  et  par  la  menace,  qu'il  lient  suspendue  sur  tous 
ceux  qui  osent  le  contredire,  de  la  terrible  accusation 
d'hérésie.  Ce  morceau  si  hardi  fut  pour  beaucoup  dans 
le  succès  du  livre.  —  Une  fois  Maie  Bouche  tué,  Cour- 
toisie et  Largesse  pénètrent  dans  la  tour  et  gagnent  la 
Vieille  aux  intérêts  de  l'Amant;  celle-ci  alors  endoc- 
trine Bel  Accueil,  qui  est  confié  à  sa  garde.  Son  long 
discours  est  un  code  complet  de  «  morale  lubrique  », 
dirigé  surtout  contre  la  prétention  des  hommes  d'appro- 
prier une  femme  à  un  seul,  tandis  que  les  femmes  sont 
de  nature  libres  comme  l'oisillon  du  vert  bocage.  Ce  type 
de  la  vieille  hypocrite,  qui  feint  de  surveiller  les  jeunes 
et  en  réalité  les  corrompt,  vient  en  droite  ligne  d'une 
élégie  d'Ovide,  et  le  poème  de  Pamphile  et  Gahtlée  (§  08), 
ainsi  que  plus  d'un  fableau,  l'avait  popularisé  au  moyen 
âge;  1'  «  art  d'amour  »  qu'elle  débite  est  aussi  puisé  à 
des  sources  plus  anciennes,  sauf  quelques  traits  vigou- 
reux (comme  la  peinture  de  la  passion  qu'elle  raconte 


LE    ROMAN    DE    LA    ROSE.  187 

avoir  éprouvée  dans  sa  jeunesse  pour  le  ribaud  qui  la 
battait).  Cet  épisode  de  la  Vieille  dépasse  tout  en  cy- 
nisme, comme  celui  de  Faux  Semblant  en  hardiesse. 
L'auteur  a  ('prouvé  le  besoin  de  présenter  pour  l'un  et 
pour  l'autre  des  excuses  à  moitié  naïves,  à  moitié  mali- 
cieuses; mais  ni  les  personnes  pieuses  ni  les  gens 
chastes  ne  s'y  trompèrent  et  ne  lui  pardonnèrent.  — 
Grâce  à  l'alliance  de  la  Vieille,  l'amant  retrouve  Bel 
Accueil.  Il  redevient  téméraire;  Danger  s'écrie,  Honte 
et  Peur  accourent,  renferment  Bel  Accueil  et  bannissent 
encore  une  l'ois  l'Amant.  Alors  Amour  fait  commencer 
la  bataille  (nous  retrouvons  ici  l'imitation  directe  de  la 
Psychomachie  et  des  poèmes  français  qui  en  dérivent)  : 
Franchise  est  désarçonnée  par  Danger  et  serait  tuée 
sans  l'intervention  de  Pitié;  Bien  Celer  vient  à  bout  de 
Honte;  Peur  et  Hardement  (courage)  luttent;  enfin  le 
combat  devient  général.  On  envoie  chercher  Vénus,  et 
toutes  les  troupes  d'Amour  donnent  à  la  tour  un  assaut, 
qui  est  repoussé.  —  Cependant  Nature  est  occupée  à 
travailler  dans  sa  forge,  pendant  qu'Art,  à  ses  pieds, 
essaie  de  surprendre  ses  secrets  :  elle  fait  circuler  dans 
l'univers  la  mort  et  la  vie,  refaisant  sans  trêve  des 
vivants  avec  les  morts  et  des  morts  avec  les  vivants. 
Obsédée  d'une  pensée  qui  la  préoccupe,  elle  va  trouver 
son  prêtre,  Genius  (c'est  l'esprit  qui  anime  la  produc- 
tion naturelle),  et  lui  fait  sa  confession  (ici  s'intercale 
une  diatribe  fort  déplacée  de  Genius  sur  le  bavardage 
des  femmes).  Cette  confession  est  une  espèce  d'ency- 
clopédie :  Nature  fait  le  tableau  du  monde,  où  tout  est 
docile  à  ses  lois,  excepté  l'homme,  qui  en  trouble  toute 
l'harmonie;  elle  agite  alors  la  question  de  la  liberté 
humaine  et  de  son  accord  avec  la  prescience  divine;  elle 
parle  de  la  destinée,  des  révélations  censées  obtenues 
en  rêve,  des  visions  somnambuliques,  de  l'astrologie, 


188  LITTERATURE    DipACTIQUE. 

quelle  conteste,  des  comètes,  qu'on  croit  bien  à  tort 
signifier  la  mort  des  grands  (ici  se  place  une  digression 
sur  la  vraie  grandeur  :  ce  sont  les  savants,  les  clercs  qui 
la  possèdent,  et  qui  sont  supérieurs  à  tous,  d'où  ou  en 
vient  à  l'histoire  fabuleuse  de  Virgile,  le  plus  grand  des 
clercs;,  des  éclipses,  qui  n'ont  rien  de  surnaturel  el 
qu'elle  explique,  etc.  L'homme  seul,  reprend-elle,  est 
ingrat  envers  Nature  et  la  contriste,  notamment  en  se 
refusant  trop  souvent  à  exécuter  les  ordres  d'Amour. 
En  ce  moment  même  on  refuse  à  grand  tort  à  l'Amant 
ce  qu'il  doit  légitimement  obtenir.  Elle  envoie  Genius 
excommunier  de  sa  part  tous  ceux  qui  sont  rebelles  à 
ses  commandements  et  accorder  aux  autres  une  indul- 
gence plénière.  Tout  cet  épisode  de  Nature  dans  sa 
forge,  avec  sa  confession  à  Genius  et  ses  plaintes  sur 
l'homme  qui  seul  lui  désobéit,  est  emprunté  à  un 
poème  latin  de  la  fin  du  xuc  siècle,  le  De  Planctu  Naturae 
d'Alain  de  Lille;  mais  Jean  de  Meuna  faitbeaucoupd'addi- 
lions,  il  a  exposé  sur  les  questions  difficiles  qui  tou- 
chent au  libre  arbitre  et  à  la  destinée  humaine  des 
opinions  dont  la  partie  négative  au  moins  est  fort  judi- 
cieuse, et,  sans  qu'il  le  dise  expressément,  il  est  clair 
qu'il  a  osé,  ce  que  n'avait  pas  fait  Alain  de  Lille,  atta- 
quer, par  la  bouche  de  Nature,  le  célibat  ecclésiastique 
et  monacal.  Cette  partie  du  poème,  la  plus  remarquable 
par  la  portée,  est  celle  aussi  qui  est  écrite  avec  le  plus 
de  vigueur  et  de  netteté.  —  Genius  arrive  au  camp  des 
assiégeants,  et  ceux-ci,  enflammés  par  ses  exhortations, 
donnent  l'assaut  avec  plus  de  succès.  Le  brandon  de 
Vénus,  lancé  dans  la  tour,  fait  fuir  Danger,  Honte  et 
Peur  (ici  est  intercalé,  assez  à  contre-temps,  le  récit  de 
l'aventure  de  Pygmalion,  puis  vient  une  singulière 
comparaison,  édifiante  au  reste  d'intention,  entre  le 
paradis  d'amour  et  le  vrai  paradis  chrétien)  :  l'Amant, 


LE    ROMAN    DE    LA    KOSE. 

cueille  la  rose.  «  Ainsi  j'eus  la  rose  vermeille;  et  le  jour 
vient  et  je  m'éveille.  » 

115.  L'œuvre  de  Jean  de  Meun.  ajoutée  à  celle  de 
Guillaume  de  Lorris,  eut  de  bonne  heure  un  succès 
sans  précédent,  qu'elle  garda  aussi  plus  longtemps 
qu'aucune  cfeUvre  du  moyen  Age.  PréSqUe  aussitôt  après 

son  apparition,  elle  était  mise  en  vers  flamands  par 
Henri  Van  Aken  :  Chaucer  en  avait  l'ait  en  anglais 
une  traduction  qui  est  perdue,  mais  on  en  possède 
une  autre,  incomplète,  qui  est  à  peu  près  de  son  temps; 
une  très  intéressante  reproduction  en  sonnets  italiens. 
qui  est  encore  du  xiile  siècle,  a  été  récemment  retrouvée. 
Pétrarque,  tout  en  contestant  la  grande  valeur  du 
Roman  de  la  Rose,  le  cite  comme  l'Ouvrage  le  plus 
remarquable  de  la  littérature  française.  —  En  France. 
l'influencé  de  ce  livre  domina  toute  la  période  qui  suivit. 
et  on  ne  peut  pas  dire  quelle  ait  été  heureuse  :  elle 
donna  pour  longtemps  à  la  littérature  une  forme  allé- 
gorique dont  nous  avons  indiqué  plus  haut  les  incon- 
vénients, et,  d'autre  part,  un  caractère  prosaïque,  positif, 
souvent  pédant,  qui  enlève  tout  charme  à  la  plupart  des 
poèmes  des  xiv"  et  xvc  siècles.  L'œuvre  de  Jean  de  Meun, 
longtemps  après  sa  mort,  était  encore  lue  avec  passion 
et  devint  aussi  l'objet  de  vives  attaques.  Déjà  Guillaume 
de  Digiilleville  (§  156  l'avait  appelée  «  le  roman  de 
luxure  ».  et  avait  en  outre  accusé  Jean  de  plagiat. 
Christine  de  Pisan,  au  commencement  du  xve  siècle, 
en  reprit  avec  une  juste  indignation  le  cynisme  et  l'im- 
moralité; Gerson  composa  un  traité  exprès  contre  le 
Roman  de  la  Rose,  auquel,  emporté  par  le  goût  du.  temps, 
il  n'a  pu  s'empêcher  de  donner  la  forme  d'un  songe 
allégorique,  et  alla  jusqu'à  dire  que  la  damnation  de 
l'auteur,  s'il  avait  bien  compris  le  danger  de  son  livre 


190  LITTÉUATURE    DIDACTIQUE. 

était  plus  sûre  que  celle  de  Judas;  il  reconnaissait  d'ail- 
leurs que  in  loqucntia  gallica  non  habet  similem.  Le  pre- 
mier en  date  des  humanistes  français,  Jean  de  Mon  treuil, 
et  son  ami  Gontier  Col  défendirent  avec  ardeur  contre 
ces  reproches  l'auteur  qui  était  l'objet  de  leur  admira- 
tion. Le  roman  était  encore  très  populaire  lors  de  l'in- 
vention de  l'imprimerie,  et  on  en  publia  au  xv9  siècle  des 
éditions  nombreuses.  Au  xvie  on  avait  toujours  envie  de 
le  lire,  mais  on  avait  peine  à  le  comprendre  :  Marot  en 
fit  un  rajeunissement,  fort  rapidement  exécuté,  qui  se 
réimprima  pendant  près  de  trois  cents  ans.  A  la  fin  du 
XVe  siècle  Jean  Molinet  avait  eu  l'idée  extravagante  de  le 
«  moraliser  »,  et  de  l'accompagner  d'un  commentaire  où 
il  expliquait  l'allégorie  de  la  rose  et  toutes  les  péripé- 
ties de  l'action  dans  un  sens  chrétien  mystique.  —  On 
a  donné  du  Boman  de  la  Rose,  au  commencement  du 
xixe  siècle,  une  édition  à  peu  près  lisible,  et  faite  sur  de 
bons  manuscrits,  qui  a  été  reproduite  deux  fois  depuis; 
mais  on  attend  encore  une  édition  critique,  qui  deman- 
dera un  très  grand  travail,  vu  l'abondance  extrême 
des  manuscrits,  qui  présentent,  il  est  vrai,  un  texte 
généralement  pareil,  mais  où  les  petites  variantes  foison- 
nèrent de  bonne  heure,  comme  il  est  arrivé  d'ordinaire 
pour  les  ouvrages  très  lus.  —  Le  Roman  de  la  Rose  a 
longtemps  été  regardé  comme  ouvrant  la  littérature  fran- 
çaise; il  est  plus  juste  de  dire  qu'il  clôt  la  littérature  du 
vrai  moyen  âge,  en  y  introduisant  des  éléments  nou- 
veaux, dont  quelques-uns,  comme  la  connaissance  de 
l'antiquité  et  la  réflexion  philosophique,  feront  partie 
intégrante  de  la  littérature  moderne. 


SECTION   III 


LITTERATURE    LYRIQUE 


116.  On  prend  quelquefois  le  mot  de  poésie  lyrique 
dans  le  sens  de  poésie  subjective,  exprimant  des  senti- 
ments tout  personnels;  dans  ce  sens  il  exclut  nécessai- 
rement la  plus  grande  partie  de  la  poésie  populaire. 
Mais  on  en  étend  volontiers  aussi  le  sens  (et  c'est  ce  que 
nous  ferons)  à  toute  poésie  comprenant  des  pièces  brèves 
qui  expriment  des  sentiments  et  qui  sont  destinées  à 
être  chantées. 

117.  Les  Romains,  en  dehors  de  leur  poésie  officielle 
imitée  des  Grecs,  avaient  certainement  des  chansons 
populaires,  mais  elles  ne  nous  sont  pas  parvenues  :  nous 
ne  connaissons  que  quelques  échantillons  des  vers  sati- 
riques que  les  soldats  chantaient  derrière  le  char  des 
triomphateurs,  et  quelques  petits  morceaux  servant 
d'épitaphes  ou  d'épigraphes,  composés  le  plus  sou- 
vent dans  le  même  rythme,  le  septénaire  rythmique. 
L'église  latine  dut  imiter  ces  chansons  populaires 
en  composant  ses  plus  anciennes  hymnes,  écrites  le 
plus  souvent  en  quatrains  de  vers  octosyllabiques,  où 


192  LITTERATURE   LYRIQUE. 

la  rime  apparaît  de  bonne  heure.  Pendant  les  époques 
mérovingienne  et  carolingienne,  le  peuple  dut  conserver 
et  produire  des  chants  de  danse  et  autres,  et  certains 
témoignages  nous  permettent  d'en  attester  l'existence. 
Cette  ancienne  poésie  lyrique,  qui  se  poursuivit  sans 
grand  changement  jusque  vers  le  milieu  du  xne  siècle  et 
qui,  dans  le  peuple,  s'est  continuée  jusqu'à  nos  jouis, 
élevait  être  à  l'origine  composée  de  strophes  à  asso- 
nances consécutives  et  sans  doute  toujours  masculines; 
elles  étaient  très  souvent  accompagnées  d'un  refrain, 
qui  fut  remplacé  parfois  par  un  vers  (ou  un  petit  groupe 
de  vers  d'un  rythme  différent  des  autres,  muni  ou  non 
d'assonance.  La  strophe  avait  3,  4,  5  vers  sur  la  même 
assonance:  les  vers  étaient  le  plus  ordinairement  de  8 
ou  de  10  syllabes.  Nous  renvoyons  à  la  Gràmtiiàire  pour 
l'histoire  et  l'explication  des  formes  de  versification  plus 
compliquées  qui  suivirent;  nous  dirons  un  mot  plus  loin 
de  celles  qu'introduisit  l'imitation  de  l'art  provençal.  En 
effet,  comme  nous  le  verrons,  l'influence  provençale  vin! 
à  un  certain  moment  transformer  nos  chansons,  au 
moins  dans  la  partie  la  plus  cultivée  de  la  nation.  Il  est 
parfois  difficile  de  bien  tracer  la  limite  entre  les  deux 
genres,  parce  que  plus  d'un  poète  les  a  cultivés  et  plus 
ou  moins  mêlés  tous  les  deux.  Dans  un  premier  chapitre, 
nous  essayerons  de  caractériser  la  poésie  lyrique  pure- 
ment française;  nous  parlerons  ensuite  de  celle  qui  a 
subi  l'influencé  du  midi. 


CHAPITRE  I 


POESIE  LYRIQUE  PUREMENT  FRANÇAISE 


118.  Chansons  lyrico-épiques.  On  appelle  au  moyen  âge 
chansons  d'histoire,  à  cause  de  leur  caractère  à  moitié  nar- 
ratif, ou  chansons  de  toile,  sans  doute  parce  que  les 
femmes  les  chantaient  en  travaillant  (et  la  plupart 
d'entre  elles  nous  présentent  une  femme  assise  à  son 
travail),  des  chansons  de  peu  d'étendue,  qui  nous 
exposent  en  un  petit  tableau  une  aventure  ou  souvent 
une  simple  situation  d'amour.  Ces  chansons,  en  vers  de 
dix  ou  de  huit  syllabes  assonants,  se  composent  de 
quelques  strophes  de  quatre,  cinq,  six  ou  huit  vers 
munies  d'un  refrain.  Nous  en  avons  malheureusement 
conservé  fort  peu  eu  égard  au  grand  nombre  qui  en  a 
certainement  existé;  mais  celles  que  nous  avons,  et  dont 
une  ou  deux  remontent  visiblement  très  haut  (Bainaud, 
Orior,  Belle  Idoine,  Belle  Boette,  etc.),  appartiennent  aux 
produits  les  meilleurs  et  les  plus  originaux  de  notre 
vieille  poésie.  Dans  ces  petites  pièces,  que  nous  possé- 
dons sous  une  forme  beaucoup  moins  altérée  et  rema- 
niée qu  ne  l'est  celle  des  chansons  de  geste,  nous  ne 
trouvons  pas  non  plus  la  prolixité  et  la  banalité  d'ex- 

13 


194  LITTÉRATURE    LYRIQUE. 

pression  qui  trop  souvent  nous  lassent  dans  celles-ci. 
Les  personnages,  généralement  au  nombre  de  deux  ou 
trois  au  plus,  sont  rapidement  esquissés  dans  une  atti- 
tude caractéristique  et  n'échangent  que  peu  de  paroles 
toutes  pénétrées  du  sentiment  qui  les  anime.  Le  lieu  de 
la  scène  est  indiqué  en  deux  mots,  et,  dans  cette 
extrême  concision,  quelques  détails  donnés,  au  con- 
traire, avec  complaisance  prêtent  aux  figures  et  au  cadre 
un  relief  singulier;  on  ne  peut  dépasser  la  grâce  et 
l'énergie  de  plusieurs  de  ces  petites  compositions,  aux- 
quelles leur  refrain,  vaguement  accommodé  au  sujet  et 
souvent  un  peu  étrange  comme  les  refrains  populaires, 
ajoute  encore  plus  de  charme  poétique.  —  Ces  chansons 
ne  paraissent  pas,  dans  cette  forme,  avoir  dépassé  le 
xue  siècle;  mais  au  xme  un  poète  d'Arras,  Audefroi  le 
Bâtard,  qui  a  composé  aussi  des  chansons  à  la  proven- 
çale, voulut  imiter  ce  genre  et  lui  donner  une  forme 
suivant  lui  plus  élégante.  Il  substitua  naturellement  la 
rime  à  l'assonance,  varia  parfois  la  rime  dans  la  même 
strophe,  employa  volontiers  le  vers  de  douze  syllabes, 
allongea  beaucoup  les  dimensions,  et  composa  ainsi  un 
certain  nombre  de  pièces,  dont  nous  avons  conservé 
cinq,  et  dont  le  fond  romanesque  {Belle  Argentine,  etc.) 
ou  sentimental  jusqu'à  la  niaiserie  {Belle  Isabel,  etc.) 
n'est  point  racheté  par  la  valeur  de  la  forme;  malgré 
cela,  la  tentative  d  Audefroi  est  intéressante  et  mérite 
l'éloge.  —  On  peut  en  rapprocher  une  jolie  chanson,  en 
strophes  de  huit  vers  octosyllabiques  entrelacés,  qui 
traite  à  part  un  épisode  du  roman  de  Floire  et  Blanche- 
fleur  (§  51). 

U9.  Motets.  Les  motets  sont  proprement  de  petites 
compositions  musicales  latines  faites  pour  être  chantées 
à  trois  ou  quatre  voix;  mais  cette  forme   devint  très 


POESIE    LYRIQUE    PUREMENT    FRANÇAISE.  195 

populaire,  et  nous  avons  conservé  un  certain  nombre  de 
motets  et  surtout  de  fragments  de  motets  du  xme  siècle. 


120.  Rotroucnges;  serventois;  estrambots.  On  ne  sait  pas 
l'étymologie  du  mot  rotrouenge  (en  provençal  retroencha), 
qui  désigne  une  chanson  d'ordinaire  munie  de  refrain, 
mais  n'ayant  pas  le  caractère  épique  des  chansons  de 
toile.  Telle  est,  par   exemple,  la  célèbre  chanson  que 
Richard  Cœur  de  Lion,  du  fond  de  sa   prison  d'Alle- 
magne, envoya  aux  siens  pour  se  rappeler  à  eux;  elle  ne 
porte  pas  le  titre  de  rotrouenges  dans  les  manuscrits, 
mais  nous  l'y  trouvons  donné  à  des  pièces  tout  à  fait 
semblables  à  celle-là.  On  peut  faire  rentrer  dans  cette 
catégorie,  bien  qu'elles   soient  souvent  appelées  chan- 
sons, presque  toutes  les  pièces   lyriques    destinées  au 
chant  qui  n'appartiennent  pas  à  l'école  provençalisante. 
Dans  le  nombre  figurent  beaucoup  de  pièces  d'un  carac- 
tère plaisant,  politique  ou  satirique,  composées  notam- 
ment à  Arras,  au  xme  siècle,  et  qui  nous  transportent 
dans   le  milieu   turbulent  et  pittoresque   de  la  bour- 
geoisie d'une  grande  commune  du  Nord.  Par  leur  carac- 
tère  sérieux,   d'autre    part,    plusieurs    de    ces    pièces 
paraissent  mériter  le  nom  de  serventois,  mot  qui  se  pré- 
sente indépendamment  au  sud  et  au  nord,  et  qui  paraît 
avoir  désigné  à  l'origine  des  pfèces  de  vers  composées 
par  ou  pour  des  servents,  des  gens  au  service  de  grands 
seigneurs.  Les  serventois,  dont  le  type  précis  n'a  pu 
être   encore   défini,   ne   sont   pas  astreints,    même  au 
xinc  siècle,  aux  règles   rigoureuses  de    l'art    poétique 
savant.  On  a  donné  plus  tard  spécialement  ce  nom  à  des 
pièces  composées  en  l'honneur  de  la  Vierge  Marie.  — 
On  trouve  aussi  fort  anciennement  la  mention  (ïestram- 
bots    ou    estrabots,  courtes  chansons  violemment   sati- 
riques. A  cette  classe  appartenaient  sans  doute  les  chan- 


196  LITTÉRATURE    LYRIQUE. 

sons  de  Luc  de  la  Barre  (Eure)  contre  Henri  1er  d'Angle- 
terre, dont  le  succès  irrita  ce  prince  au  point  qu'il 
condamna  le  malheureux  chevalier,  fait  prisonnier,  à 
avoir  les  yeux  crevés,  supplice  qu'il  évita  en  se  donnant 
la  mort  (H 24). 

121.  Rondeaux,  ballettes,  estampiez,  virelis.  Ce  sont  de 
petites  chansons  destinées  à  accompagner  la  danse. 
Uestampie  s'appliquait  originairement,  comme  son  nom 
l'indique,  à  une  danse  où  on  frappait  du  pied  pour  mar- 
quer le  rythme.  La  ballette,  qui  traite  avec  une  vivacité  et 
une  mutinerie  souvent  pleines  de  grâce  un  petit  sujet 
d'amour,  est  d'ordinaire  en  rimes  consécutives  (le  mot 
balades  apparaît  dans  le  Jeu  du  Pèlerin,  §  133,  comme  titre 
de  pièces  composées  par  Adam  le  Bossu,  mais  nous 
n'en  trouvons  pas  dans  ses  œuvres;  ce  mot  est  d'ori- 
gine méridionale,  bien  que  ce  qu'on  a  plus  tard  appelé 
ballade  ne  semble  pas  importé  du  Midi).  Le  rondeau 
(roondel  ou  roondet)  n'est  pas  divisé  en  strophes  :  c'est 
une  courte  pièce,  dont  une  partie  se  répète;  plus  tard  ce 
nom  a  été  donné  à  ce  que  nous  appelons  triolet;  le 
vireli  est  voisin  du  rondeau,  mais  plus  long  (virelai  n'est 
qu'une  altération  de  ce  mot  sous  l'influence  de  lai). 

122.  Pastourelles.  Une  catégorie  particulière  de  chan- 
sons portait  le  nom  de  pastourelles  (c'est-à-dire  de  «  ber- 
gerettes  »)  :  il  s'agit  presque  toujours  de  la  rencontre  du 
poète  avec  une  bergère,  et  des  succès  divers  qu'obtient 
la  requête  d'amour  qu'il  lui  adresse;  ces  petites  pièces 
se  composent  habituellement  d'un  récit  et  d'un  dia- 
logue; elles  sont  composées  en  strophes  de  petits  vers, 
généralement  d'un  rythme  très  vif  et  très  coupé.  Le 
genre  des  pastourelles  est  ancien;  mais  la  plupart  de 
celles  que  nous  possédons  sont  très  artistement  com 


POESIE    LYRIQUE    PUREMENT   FRANÇAISE.  197 

posées  et  ont  subi  l'influence  de  la  lyrique  provençali- 
sante.  Quelques-unes,  généralement  picardes,  présentent 
des  tableaux  vifs  et  colorés  des  plaisirs  et  des  *  jeux  » 
des  villageois. 

123.  Lais.  A  côté  des  lais  narratifs  dont  nous  avons 
parlé  ailleurs  (§  55),  on  trouve  au  moyen  âge  des  lais 
purement  lyriques;  ils  ont,  comme  les  autres,  une  ori- 
gine toute  musicale,  mais  ils  ont  une  tout  autre  forme. 
Le  lai  du  Chèvrefeuille  (nous  avons  parlé  du  lai  narratif 
de  ce  nom)  est  un  ancien  spécimen  de  cette  forme 
lyrique,  qui  paraît  avoir  pour  caractère  distinctif  une 
certaine  dissemblance  dans  les  strophes  qui  composent 
la  pièce.  Le  lai  se  confondit  plus  tard  avec  le  descort, 
nom  (d'origine  provençale)  d'une  pièce  qui  avait  à  peu 
près  la  même  forme. 

124.  Chansons  de  croisade.  Les  plus  anciennes  pièces 
composées  en  strophes  à  rimes  enlacées  qui  nous  soient 
parvenues  sont  des  chansons  de  croisade.  Déjà  lors  de 
la  première  croisade  nous  savons  que  par  toute  l'Europe 
on  chantait  une  chanson  d'origine  française,  qui,  à  cause 
de  son  refrain,  s'appelait  la  chanson  d'outrée  (outrée 
resta  le  cri  de  marche  et  de  guerre  des  pèlerins);  nous 
n'en  connaissons  pas  la  forme.  Nous  possédons  en 
revanche  une  chanson  à  refrain,  composée  pour  la 
deuxième  croisade,  avant  1147;  d'autres,  plus  ou  moins 
influencées  par  la  poésie  savante,  se  rapportent  à  la 
troisième  croisade,  comme  celles  de  Conon  de  Béthune 
et  du  châtelain  de  Couci  (celle  d'un  certain  Renaud  pré- 
sente encore  un  refrain),  à  la  quatrième,  comme  celle 
de  Hugues  de  Berzé,  seigneur  bourguignon  (voir  §  105), 
qui  a  en  outre  adressé  une  exhortation  à  prendre  la  croix 
au  troubadour  Folquet  de  Romans,  ou  aux  suivantes. 


198  LITTÉRATURE   LYRIQUE. 

comme  celle  de  Huon  de  Saint-Ouentin  (voir  §  89  bis), 
et  celles  de  Philippe  de  Xanteuil  et  d'un  de  ses  compa- 
gnons, échos  des  événements  de  la  croisade  même 
(§  89  quater);  l'une  d'elles  est  visiblement  la  pnrodie  (au 
sens  grec,  voir  §  160)  d'une  chanson  d  amour,  dont  elle 
emprunte  les  deux  premiers  vers  (Vous  qui  amês  de  vraie 
amour,  Esveilliësvous,  ne  dormes  mais) .  — Une  remarquable 
pièce,  composée  à  Acre  en  juin  1250,  exprime,  presque 
dans  les  mêmes  termes  que  Joinville,  le  désir  qu'avaient 
les  meilleurs  d'entre  les  croisés  de  voir  Louis  IX,  après 
sa  délivrance,  rester  quelque  temps  en  Syrie.  —  On 
peut  rattacher  ici  les  chansons  qui  contiennent  l'expres- 
sion des  tristesses  et  des  craintes  d'une  femme  dont 
l'ami  est  outre  mer  (la  plus  jolie  est  attribuée  à  tort  à  la 
dame  de  Fayel,  prétendue  amie  du  châtelain  de  Couci). 


CHAPITRE    II 


POÉSIE     LYRIQUE     D'ORIGINE     PROVENÇALE 


125.  Dans  Je  midi  de  la  France  s'était  formée  de  bonne 
heure  une  société  brillante,  où  les  femmes  tenaient  la 
première  place,  qui  avait  attaché  une  importance  toute 
particulière  à  des  règles  d'étiquette  sociale  et  de  bonnes 
manières  qu'on  désignait  sous  le  nom  de  courtoisie  :  on 
faisait  dans  la  courtoisie  une  place  fort  considérable  à 
un  amour  dont  on  avait  essayé  de  relever  le  caractère, 
en  somme  assez  immoral,  en  lui  attribuant  une  vertu 
ennoblissante  et  aussi  en  le  soumettant  à  des  règles 
fixes  et  raffinées.  Le  principal  organe  de  cette  société 
fut  une  poésie  lyrique  dont  l'inspiration  fut  surtout 
puisée  dans  l'amour  ainsi  conçu,  et  dont  la  forme  fut  de 
bonne  heure  soumise  à  une  loi  presque  sans  exception, 
celle  de  la  tripartition.  Les  chansons  des  troubadours 
provençaux  et  de  leurs  imitateurs  français  (quelques- 
unes  des  règles  que  nous  allons  donner  ne  s'appliquent 
même  strictement  qu'à  ceux  ci)  sont  à  peu  près  toujours 
composées  de  5  (2+2+1),  6  (2+2+2),  ou  7  (2+2+3) 
strophes,  dont  la  division  tripartie  est  souvent  marquée 
par  la  répétition  des  mêmes  rimes  dans  deux  ou  trois 


200  LITTÉRATURE    LYRIQUE. 

strophes  (bien  que  souvent  aussi  les  mêmes  rimes  se 
reproduisent  dans  toute  la  pièce;.  Dans  l'intérieur 
même  de  la  strophe,  les  vers  se  divisent  toujours  en 
trois  groupes,  dont  les  deux  premiers  se  font  stricte- 
ment pendant,  tandis  que  le  troisième  est  asymétrique 
(c'est  en  petit  la  combinaison  grecque  de  strophe, 
antistrophe,  épode:  nous  avons  gardé  cette  construc- 
tion dans  le  sonnet).  Les  rimes  sont  toujours  enlacées 
et  offrent  des  combinaisons  variées  et  savantes;  l'alter- 
nance des  rimes  masculines  et  féminines  n'est  pas 
exigée  en  elle-même,  mais  d'après  la  distribution  des 
rimes  des  deux  espèces  dans  la  première  strophe  toutes 
les  autres  doivent  se  régler  (ce  qui  est  indispensable 
dans  une  poésie  destinée,  comme  celle-là,  à  être 
chantée).  La  forme  de  chaque  strophe  est  inventée  à 
nouveau  pour  chaque  pièce  par  le  poète,  et  constitue 
pour  celui  qui  l'a  inventée  une  propriété  qu'on  ne  peut 
lui  enlever  sans  plagiat;  il  n'a  même  pas  le  droit  de  se 
répéter  lui-même  :  aussi  dans  les  soixante  chansons 
environ  qui  nous  sont  restées  de  Tibaud  de  Champagne, 
il  n'y  en  a  peut-être  pas  deux  dont  les  strophes  aient 
absolument  la  même  forme  (car  un  très  léger  change- 
ment, soit  dans  la  longueur  d'un  des  vers,  soit  dans 
l'ordre  de  deux  rimes,  est  suffisant).  On  a  cependant 
des  pièces  qui  reproduisent  la  structure  et  même  les 
rimes  d'autres  pièces,  mais  alors  c'est  une  imitation 
voulue  et  d'ordinaire  déclarée;  ainsi  Jacques  de  Cam- 
brai a  fait  une  chanson  ou  son  (c'est-à-dire  sur  la 
musique  et  par  conséquent  dans  la  forme)  de  la  glaie 
meure  (c'est-à-dire  de  la  chanson  de  Raoul  de  Soissons 
qui  commence  par  Quant  voi  la  glaiè  meure)  et  d'autres 
ou  chant  de  Tuit  mi  désir  (chanson  de  Tibaud  de  Cham- 
pagne), ou  chant  de  funicorne  (Tibaud,  Ainsi  coin  Vunicorne 
sui),  ou  chant  de  De  bone  amour  et  de  loial  amie  (chanson  de 


POÉSIE    LYRIQUE    n'OHIGINE    PROVENÇALE.  201 

Gace  Brûlé);  un  autre  poète  nous  dit  que  le  châtelain  de 
Couci  a  plus  souffert  d'amour  que  nul  autre  et  ajoute  : 
Pour  ce  ferai  ma  complainte  en  son  chant  (en  effet  il  repro- 
duit la  forme  de  la  plus  célèbre  des  pièces  du  châte- 
lain :  A  vous,  amant,  plus  qu'a  nule  autre  gent),  etc.  —  Du 
moment  que  nous  retrouvons  en  France  ces  traits  si 
particuliers  de  la  technique  provençale,  la  répétition  de 
la  même  rime  dans  deux  ou  plusieurs  strophes,  la  tri- 
partition  de  la  chanson,  la  tripartition  de  la  strophe,  la 
création  d'une  forme  nouvelle  de  strophe  pour  chaque 
pièce,  et  en  outre,  pour  le  fond,  toutes  les  mêmes 
idées  exprimées  de  même,  il  n'est  pas  douteux  que  cette 
poésie  n'ait  été  importée  du  midi  de  la  France,  où  nous 
la  voyons  florissante  dès  avant  le  milieu  du  xne  siècle, 
dans  le  nord,  où  elle  n'apparaît  que  sensiblement  plus 
tard.  Nous  en  trouvons  d'ailleurs  la  preuve  matérielle 
dans  le  fait  que  divers  manuscrits  de  chansons  françaises 
ont  accueilli  des  chansons  provençales,  dont  quelques- 
unes  ont  été  plus  ou  moins  francisées,  et  que  les 
romans  qui  ont  cherché  un  élément  de  succès  dans 
l'insertion  de  couplets  de  chansons  (§  67)  en  ont  admis 
de  provençales  au  milieu  des  françaises  (les  sons  poite- 
vins ou  provençaux  sont  d'ailleurs  mentionnés  dans 
divers  textes).  —  Le  centre  de  l'influence  provençale 
dans  la  France  du  Nord  paraît  avoir  été  la  cour 
d'Aliénor  de  Poitiers,  devenue  la  femme  de  Henri  II 
d'Angleterre,  et  surtout  celle  de  sa  fille  Marie  de  Cham- 
pagne (voir  §  57);  c'est  là  qiron  propagea  les  idées  sur 
l'amour  qui  faisaient  le  fond  de  la  poésie  provençale,  et 
qu'on  essaya  d'établir,  dans  de  brillantes  réunions  de 
chevaliers  et  de  dames,  une  sorte  de  code  de  l'amour 
courtois,  dont  nous  avons  une  rédaction  latine  dans  le 
livre  d'André  le  Chapelain  (§  104),  plein  des  noms 
d'Aliénor,  de  Marie  de  Champagne,  de  la  reine  Aélis  de 


202  LITTERATURE    LYRIQUE. 

France,  sa  belle-sœur,  etc.  Les  troubadours  les  plus 
célèbres,  comme  Bertran  de  Born  et  Bernard  de  Venta- 
dour,  se  rendaient  auprès  d'Aliénor,  tandis  que,  sous  les 
auspices  de  Marie,  Chrétien  de  Troies  introduisait  dans 
les  romans  bretons  la  théorie  de  l'amour  que  ces  nobles 
dames  prétendaient  mettre  à  la  mode.  C'est  aussi  Chré- 
tien qui.  l'un  des  premiers,  composa  des  chansons  dans 
la  forme  de  celles  des  troubadours,  et  la  Champagne, 
avec  la  Picardie,  la  Flandre  et  l'Artois,  resta  pendant 
le  xme  siècle  le  siégea  peu  près  exclusif  de  cette  poésie, 
qui  fut  d'ailleurs  uniquement  cultivée,  au  moins  dans 
les  premiers  temps,  soit  par  les  grands  seigneurs  eux- 
mêmes,  soit  par  les  poètes  qui  vivaient,  de  leurs  bonnes 
grâces.  —  Malgré  ce  qui  a  été  dit  plus  haut  sur  Aliénor 
et  sa  cour,  cette  poésie  n'a  été  que  peu  répandue  en 
Angleterre. 

126.  La  forme  principale  empruntée  par  la  poésie 
lyrique  française  à  l'art  provençal  est  celle  de  la  chanson 
proprement  dite,  dont  on  vient  d'indiquer  les  règles 
essentielles.  —  Le  salut  d'amour  est  une  épître,  dont  la 
forme  est  variable,  et  qui  se  présente  même  souvent  en 
vers  octosyllabiques  rimant  deux  à  deux,  structure 
étrangère  à  la  poésie  lyrique  véritable.  —  Une  des 
inventions  les  plus  originales  des  troubadours,  imités 
par  les  trouveurs  du  nord,  est  la  tençon,  où  deux  poètes 
composent  chacun  une  strophe  en  soutenant  des  opi- 
nions contradictoires,  ou  en  s'adressant  mutuellement 
des  reproches  souvent  fort  vifs.  Quelquefois  ces  débats 
ont  lieu  non  entre  deux  troubadours,  mais  entre  le 
poète  et  un  personnage  fictif,  d'ordinaire  Amour,  conçu 
comme  une  divinité  (très  souvent  comme  une  divinité 
féminine,  une  dame).  En  France,  les  pièces  de  ce  genre 
sont  très  rares,  mais  on  y  trouve  en  grande  abondance 


POÉSIE    LYRIQIF    D'ORIGINE    PROVENÇALE.  203 

des  jeux  partis  (en  provençal  jûcs  partitz,  plus  souvent 
partimens),  ainsi  appelés  parce  que  celui  qui  ouvre  le 
débat  propose  à  son  confrère  une  alternative,  dont 
celui-ci  choisit  et  défend  un  des  termes,  le  premier  sou- 
tenant l'opinion  contraire;  les  deux  contestants  remet- 
tent souvent  la  décision  à  un  ou  plusieurs  arbitres 
nommés  dans  Yenvoi.  C'est  à  peu  près  toujours  l'amour 
qui  fournit  le  thème  de  ces  débats,  dont  l'ensemble 
constitue  une  sorte  de  manuel  de  jurisprudence  galante, 
et  dont  les  envois,  interprétés  avec  exagération,  ont 
donné  lieu  à  la  légende  des  «  cours  d'amour  »,  qui 
naturellement  n'ont  jamais  été  tenues. 

127.  Dans  cette  poésie  lyrique  savante,  l'amour,  comme 
inspiration,  domine  plus  encore  que  chez  les  Proven-. 
çaux;  à  l'origine,  Huon  d'Oisi,  Conon  de  Béthune, 
Richard  d'Angleterre,  Gautier  d'Espinaus,  quelques 
autres,  font  des  chansons  de  croisade  ou  politiques 
dans  la  nouvelle  forme,  mais  bientôt  (sauf  quelques 
traces  encore  dans  Tibaud  de  Champagne)  tout  cela 
s'efface,  et  ne  laisse  de  place  qu'aux  variations  infinies, 
mais  monotones  et  souvent  banales,  du  thème  de 
l'amour  courtois.  —  Nous  avons  déjà  parlé  du  groupe 
bourgeois  d'Arras.  qui  doit  être  mentionné  aussi  ici, 
parce  que  son  dernier  et  meilleur  représentant.  Adam 
le  Bossu  (§  132),  a  été  initié  à  l'art  le  plus  raffiné  de 
la  poésie  courtoise.  Là  se  développa  une  poésie  beau- 
coup plus  originale.  Une  forme  que  paraît  avoir  inventée 
Jean  Bodel  est  celle  du  Congé  :  le  pauvre  poète,  atteint 
de  la  lèpre,  avant  de  quitter  le  monde  pour  toujours, 
fit  ses  adieux  à  tous  ses  amis  d'Arras  dans  une  pièce 
de  quarante-deux  strophes;  il  fut  imité  d'abord  par 
Adam  le  Bossu,  qui,  en  quittant  Arras  à  la  suite  de 
troubles  politiques,  n'employa  la    forme  du  Congé  que 


204  LITTERATURE   LYRIQUE. 

pour  la  faire  servir  à  une  vive  satire  de  la  ville  et  de 
ses  habitants  (§  132  ,  puis  par  Baude  Fastoul,  frappé  du 
même  malheur  que  Jean  Bodel.  Non  seulement  à  Arras, 
mais  dans  d'autres  villes  du  nord,  le  goût  de  la  poésie 
lyrique  avait  gagné  les  bourgeois;  il  se  forma  là  des 
concours  poétiques  appelés  puis  (à  l'origine  Puis  Nostre 
Dame,  du  nom  de  la  ville  du  Vêlai  où  des  concours  de 
ce  genre,  d'abord  uniquement  en  l'honneur  delà  Vierge, 
avaient  pris  leur  origine),  dans  lesquels  on  couronnait 
les  meilleures  pièces;  ces  puis  attachaient  à  la  forme 
une  importance  capitale,  et  leur  influence  a  contribué  à 
rendre  toute  cette  poésie  monotone  et  rebutante,  sur- 
tout quand  elle  eut  disparu  des  sphères  aristocratique», 
où  elle  s'appuyait  au  moins  sur  quelque  réalité.  Les 
pais  continuèrent  leur  existence  pendant  le  xivc  siècle  et 
plus  tard,  et  paraissent  avoir  suscité  les  imitations 
allemandes  et  néerlandaises  des  «  maîtres  chanteurs  » 
et  des  «  chambres  de  rhétorique  ».  Parmi  les  pièces 
qu'ils  couronnaient,  il  faut  noter  les  sottes  chansons,  sortes 
de  parodies  des  chansons  sérieuses,  pièces  burlesques, 
souvent  grossières,  mais  qui  sont  précieuses  pour 
létude  de  la  langue  et  des  mœurs  ^rapprochons-en  les 
futrasies  ou  rêveries,  qui  n'ont  pas  toujours  un  caractère 
lyrique,  et  qui  représentent  le  genre  absurde  et  bizarre 
que  la  poésie  mondaine  du  xvme  siècle  s'amusa  à  cul- 
tiver sous  le  nom  d'amphigouris).  —  A  cette  poésie  bour- 
geoise du  nord  on  peut  joindre  (quoique,  à  vrai  dire,  elle 
ne  soit  lyrique  que  par  exception)  la  poésie  parisienne 
de  Rustebeuf  (mort  vers  1280),  à  moitié  populaire  de 
l'orme,  et  plus  intéressante  que  toute  autre  par  le  sujet 
et  l'inspiration.  Tantôt  le  poète  célèbre  les  événements 
ou  les  personnages  de  son  temps  (il  écrit  notamment  des 
regrets  d'illustres  défunts,  parmi  lesquels  il  faut  sans 
doute  compter   Louis   IX,  qui  lui   avait  fait  sentir  sa 


POÉSIE   LYRIQUE   D'OKIGINE   PROVENÇALE.  205 

charité,  bien  que  le  poète  se  fût  permis  sur  la  piété  du 
roi  des  plaisanteries  fort  irrévencieuscs);  tantôt,  commit 
nous  l'avons  vu  (§  108),  il  prend   aux   luttes  qui  divi 
saient   l'Église   et   l'université   de  Paris  une   part  pas- 
sionnée; le  plus  souvent  il  expose,  dans  des  vers  d'un 
relief  parfois  admirable  et  dont  les  pointes  trop  prodi- 
guées n'empêchent  pas  toujours  de  goûter  l'esprit  réel, 
sa  misérable  situation  de  clerc  déclassé,  marié,  vivant 
de  la  protection  des  grands  ou  des  libéralités  du  public, 
vrai  bohème  comme  le  fut  plus  tard  Villon,  comme  le 
furent  tant  d'autres  poètes,  à  toutes  les  époques,  sur  le 
pavé  de   Paris.  —  Mentionnons  aussi,  dans  ce  groupe 
bourgeois  et  populaire,  Colin  Muset,  un  jongleur  qui  a 
composé  des   chansons  et  des   pastourelles,  mais  qui 
nous  a  laissé  des  pièces  moins  banales,  une  entre  autres 
où  il,  nous  fait  le  tableau  le  plus  vif  des  hasards  de  sa 
profession   et  de  l'accueil  différent  qu'il  reçoit  de  sa 
famille  suivant  qu'il  rentre  au  logis,  après  avoir  «  vielle  » 
au  dehors,  la  valise  vide  ou  gonflée. 

128.  Mais  en  général  cette  poésie  de  société  se  meut, 
on  l'a  vu,  dans  un  cercle  extrêmement  borné,  et  ne 
cherche  son  succès  que  dans  le  talent  de  dire  d'une 
façon  un  peu  différente  toujours  les  mêmes  choses.  Ses 
principaux  représentants  sont,  après  Chrétien  de  Troies  : 
Conon  de  Béthune  (+  1224;  il  chantait  devant  Marie  de 
Champagne  vers  1182);  — Gace  Brûlé  (chevalier  champe- 
nois, vers  1180  :  ses  chansons,  avec  celles  de  Blondel,  du 
châtelain  de  Couci  et  du  roi  de  Navarre,  passaient  pour  les 
meilleures  de  toutes)  ;  —  Blondel  de  Nesle  (picard  ;  il  a 
fourni  son  nom,  mais  rien  que  son  nom,  à  la  fameuse 
légende  de  la  délivrance  de  Richard  Cœur  de  Lion);  ses 
chansons  sont  élégantes  et  monotones  ;  —  Gui,  châtelain 
(c'est-à-dire  gouverneur  pour  le  seigneur  du  château)  de 


206  LITTERATURE    LYRIQUE. 

Couci(-{-  1203,  auteur  de  chansons  particulièrement  ten- 
dres et  douces  et  où  l'on  trouve  même  une  note  péné- 
trante de  mélancolie  ;  il  est  devenu  le  héros  d'une  légende 
romanesque  dénuée  de  tout  fondement  historique.  $  66  : 

—  Gautier  d'Espinaus  (poète  aimable  et  élégant,  dont 
l'époque  et  la  patrie  ne  sont  pas  encore  bien  établies); 

—  Gontier  de  Soignies  (en  Hainau.  fin  du  xne  siècle), 
dont  les  gracieuses  chansons  ont  une  allure  libre  et 
vive,  parfois  presque  populaire  (elles  ont  toujours  un 
refrain,  ce  que  n'ont  jamais  les  chansons  provençales); 

—  Tibaud  de  Champagne,  roi  de  Navarre  (f  1253,  célèbre 
par  son  amour  plus  ou  moins  authentique  pour  Blanche 
de  Castille  :  ses  chansons  spirituelles  et  gracieuses  le 
mettent  au  premier  rang  des  poètes  de  ce  genre,  où  il 
montra  un  peu  plus  d'originalité  que  les  autres);  — 
Adam  le  Bossu  (celles  de  ses  pièces  qui  rentrent  dans 
cette  catégorie  ne  forment  que  la  plus  faible  partie  de 
ses  titres  à  la  réputation;  plusieurs  d'entre  elles  sont 
cependant  fort  agréables,  et  elles  étaient  surtout 
admirées  pour  la  musique  qu'il  leur  faisait  et  qui  s'est 
en  partie  conservée  :  la  mélodie  de  quelques-unes  de 
ces  pièces  est  d'une  grâce  encore  appréciable  aujour- 
d'hui); —  Guilebert  de  Berneville  (d'Arras,  fin  du 
xme  siècle  ;  l'un  des  derniers  et  peut-être  le  plus  achevé 
comme  forme  de  nos  chansonniers)  ;  — Charles  d'Anjou, 
roi  de  Sicile,  etc.  Disons  aussi  que  quelques  femmes, 
une  duchesse  de  Lorraine  entre  autres,  paraissent  avoir 
cultivé  ce  genre  délicat,  qui  devait  les  attirer  et  leur 
convenir. 

129.  Sortie  de  l'imitation  des  Provençaux,  la  poésie 
lyrique  française  exerça  à  son  tour  de  l'influence  sur 
l'Allemagne,  où  elle  fut  (ainsi  que  son  initiatrice  méri- 
dionale; imitée  de  bonne  heure  par  les  minnesingcr,  et 


POÉSIE   LYRIQUE    D"ORIGINE    PROVENÇALE.  207 

sur  l'Italie,  par  l'intermédiaire  de  la  Sicile,  soit  direc-. 
tement,  soit  indirectement  par  les  poètes  allemands  de 
la  cour  des  princes  souabes.  Dante,  dans  son  livre  sur 
l'éloquence  en  langue  vulgaire,  cite  plusieurs  chansons 
de  Tibaud  de  Champagne  à  côté  de  celles  des  plus 
célèbres  troubadours.  Toute  la  première  poésie  lyrique  de 
l'Italie  dépend  de  celles  de  la  Provence  et  de  la  France, 
et  leur  influence  est  même  encore  sensible,  bien  que  le 
fond  et  la  forme  aient  subi  de  profondes  modifications, 
dans  Guido  Guinicelli,  Dante  et  Pétrarque.  En  Espagne, 
en  Portugal,  la  poésie  lyrique  du  nord  et  du  midi  de  la 
France  trouvait  aussi  un  grand  écho  et  provoquait  de 
nombreuses  imitations. 

130.  A  partir  de  la  fin  du  xme  siècle,  cette  production 
lyrique,  longtemps  sj  active,  semble  s'arrêter  tout  à 
coup.  La  société,  comme  nous  l'avons  déjà  remarqué, 
change  alors  d'aspect  et  de  mœurs;  les  grands  seigneurs 
et  les  grandes  dames  ne  font  plus  de  chansons  et  n'en 
font  plus  faire.  —  Au  xive  siècle,  Guillaume  de  Machaut 
introduit  un  style  lyrique  nouveau,  accompagné  d'in- 
novations non  moins  grandes  dans  la  musique  ;  cet  art, 
dont  la  ballade,  le  chant  royal,  le  rondeau  (triolet),  le 
lai  de  douze  strophes  sont  les  principaux  éléments, 
retrouve  auprès  des  grands  la  faveur  dont  avait  joui 
l'art  des  xne  et  xmG  siècles;  il  est  cultivé  par  Eustachc 
Deschamps,  plus  tard  par  Froissart,  Christine  de  Pisan, 
Charles  d'Orléans,  et  dure,  avec  quelques  modifications, 
jusqu'à  la  Renaissance. 


SECTION  IV 


LITTERATURE    DRAMATIQUE 

131.  Le  théâtre  au  moyen  âge  est  surtout  religieux: 
le  théâtre  profane  lui-même  est  en  partie,  au  moins  par 
ses  origines,  dépendant  du  culte,  notamment  en  ce  que 
les  représentations  avaient  lieu  d'habitude  la  veille  des 
fêtes  des  saints,   et  qu'elles  étaient  souvent  le  fait  de 
confréries  auxquelles  ne  manquait  jamais,  au  moyen 
âge,  un  lien  religieux.  Cependant  il  s'est  vite,  au  moins 
dans  une  certaine  région,  détaché  plus  ou  moins  com- 
plètëmënt  de  tout  rapport  avec  l'Église,  et  les  monu- 
ments, malheureusement  trop  peu  nombreux,  qui  nous 
restent  du  théâtre  profane,  sont  plus  intéressants  que 
tous  ceux   du  théâtre  religieux.  —  D'ailleurs,  par  les 
joculatores,  qui  débitaient  souvent,  comme  nous  l'avons 
vu,  des  débats  (§  110)  ou  des  monologues  i§  109)  dans 
les  réunions,  le  théâtre  a  aussi  des  origines  toutes  pro- 
fanes, et  une  veine  qui  ne  fut  sans  doute  jamais  inter- 
rompue, bien  qu'elle  se  montre  rarement  aux  yeux  dans 
l'obscurité  des  siècles  reculés,  va  des  mimes  romains 
aux  farceurs  du  xv"  siècle. 

132.  C'est  à  Arras,  où  nous  avons  déjà  vu  (§  120)  une 
poésie  lyrique  si  originale,  qu'appartiennent  à  peu  près 

14 


210  LITTERATURE    DRAMATIQUE. 

tous  ces  monuments.  Le  Jeu  de  saint  Nicolas  de  Jean 
Bodel  (voir  §167),  malgré  son  caractère  en  grande  partie 
profane,  ne  peut  être  séparé  du  théâtre  religieux;  mais 
tout  lien  avec  la  religion  fait  défaut  dans  les  deux  autres 
pièces  artésiennes  dont'nous  allons  parler,  et  qui  sont 
de  beaucoup  ce  que  le  moyen  âge  nous  a  laissé  de  plus 
remarquable  en  fait  de  poésie  dramatique.  Elles  sont 
l'une  et  l'autre  d'Adam  appelé  le  Bossu  (sans  qu'il  le 
fût).  Né  à  Arras  vers  1235,  il  se  destina  à  être  clerc,  fit 
des  études  latines,  puis,  entraîné  par  les  charmes  d'une 
jeune  fille  d'Arras,  il  l'épousa,  et  regretta  bientôt 
d'avoir  brisé  sa  carrière.  Il  voulut  aller  à  Paris  pour 
reprendre  ses  études  (c'est  dans  ces  dispositions  qu'il 
se  représente  dans  le  Jeu  de  la  Feuillée).  Il  renonça  pro- 
bablement bientôt  à  son  projet  et  revint  à  Arras  :  il  fut 
mêlé  aux  troubles  qui  alors  agitaient  sans  cesse  la  ville 
et,  à  peu  près  exilé,  se  retira  à  Douai  avec  son  père  (c'est 
là  que  Baude  Fastoul,  vers  1265,  lui  adresse  ses  adieux 
dans  son  Congé).  Il  suivit  sans  doute  Bobert  d'Artois 
quand  il  se  rendit  auprès  de  Charles  d'Anjou,  en  1283, 
et  plut  à  ce  dernier,  qui  se  l'attacha,  probablement  en 
qualité  de  ménestrel.  Charles  étant  mort  peu  après  (1285), 
Adam  célébra  la  gloire  de  son  protecteur  dans  un  poème 
en  laisses  monorimes  de  vingt  vers,  où  il  paraît  avoir 
simplement  renouvelé  une  œuvre  plus  ancienne,  et  dont 
il  n'a  fait  ou  dont  nous  n'avons  que  le  début.  Dans  In 
première  hypothèse,  il  faudrait  sans  doute  admettre 
que  ce  fut  la  mort  qui  l'arrêta;  en  tout  cas  il  avait  cessé 
de  vivre  en  1288,  époque  où  un  sien  neveu,  Jean  Madot, 
copiste  dont  nous  avons  divers  manuscrits,  parle  de  lui 
comme  d'un  défunt.  Il  fut  célèbre  de  son  vivant  comme 
musicien  et  comme  poète;  après  sa  mort,  on  montrait 
son  tombeau  à  Naples,  et  on  désignait,  longtemps  après 
lui,  parle  nom  de  rue  maistre  Adam,  la  rue  d'Arras  où  il 


LITTERATURE    DRAMATIQUE.  211 

avait  habité.  —  Sa  première  production  dramatique  est 
le  Jeu  de  la  Feuillée  ou  le  Jeu  Adam,  qu'il  fit  représenter 
;i  Arias  vers  12G2.  C'est  l'œuvre  la  plus  étrange  qui  se 
puisse  imaginer  :  le  poète  s'y  met  en  scène,  ainsi  que 
son  père,  qu'il  raille  de  son  avarice,  sa  femme,  dont  il 
parle  avec  la  plus  cynique  liberté,  ses  amis  et  ses  voi- 
sins, bafouant  gaiement  les  vices,  les  travers  ou  les 
ridicules  de  chacun.  Le  tracas  d'une  grande  foire,  le 
charlatanisme  d'un  devin  populaire  et  d'un  moine  prê- 
cheur de  reliques  sont  ensuite  exposés  sur  le  théâtre, 
puis  le  fantastique  le  plus  gracieux  y  apparaît  dans  la 
personne  des  fées  Arsile,  Morgue  et  Gloriande  (qui 
prédisent  qu'Adam  n'ira  pas  à  Paris)  et  dans  l'exhibition 
de  la  roue  de  Fortune,  qui  tourne,  emportant  ceux  qui 
y  sont  attachés  tantôt  au  faîte,  tantôt  dans  la  poussière; 
enfin  tout  se  termine  par  une  longue  et  amusante  scène 
de  taverne,  où  lé  moine,  qui  a  gagné  gros  avec  ses 
reliques,  est  dépouillé  par  les  autres,  qui  lui  font  malgré 
lui  payer  leur  écot.  La  pièce  se  jouait  sous  la  feuillée, 
c'est-à-dire  sous  une  de  ces  tonnelles  de  verdure  qu'on 
élevait  pour  célébrer  la  fête  de  mai,  la  fête  du  printemps 
revenu  :  c'est  à  cette  fête,  où  les  membres  du  Pui 
d'Arras  (§  127)  donnaient  de  joyeuses  représentations, 
.  que  se  rattache  la  pièce  elle-même,  qui  fait  involontai- 
rement, en  gardant  bien  entendu  la  distance,  songer  à 
Aristophane  par  la  hardiesse  des  personnalités  et  le 
mélange  des  styles  et  des  rythmes,  œuvre  unique  dans 
la  littérature  du  moyen  âge,  pleine  de  poésie,  de  gros- 
sièreté, de  charme,  de  malice,  de  satire  et  de  fantaisie. 
Une  opinion  très  vraisemblable,  et  qui  jette  du  jour 
sur  l'ensemble  de  l'œuvre  en  même  temps  qu'elle  en 
excuse  plus  d'un  passage,  est  que  c'est  une  véritable 
sotie,  analogue  à  celles  qui  furent  si  en  vogue  deux 
sii  clés  plus  tard  et  qu'elle  provient  de  la  fête  des  fous 


212  LITTERATURE    DRAMATIQUE. 

comme  les  soties  postérifMires.  Elle  est  seule  de  son 
espèce  au  xnr  siècle;  il  ne  faut  pas  s'en  étonner:  il  es) 
surprenant  au  contraire  que  cette  œuvre  si  personnelle 
et  toute  de  circonstance  nous  soit  parvenue  (entière 
dans  un  manuscrit,  très  incomplète  dans  deux  autres); 
il  faut  l'attribuer  sans  doute  à  la  grande  renommée  que 
s'acquit  plus  tard  le  poète,  et  il  est  permis  de  croire 
que  nous  avons  perdu  bien  des  compositions  du  même 
genre,  sinon  de  la  môme  valeur,  que  rien  ne  préservait 
de  l'oubli  auquel  les  vouait  leur  caractère  éphé- 
mère. 

133.  L'autre  pièce  d'Adam,  plus  célèbre  que  la  Feuillée, 
est  le  Jeu  de  Robin  et  Marion  :  elle  paraît  avoir  été 
composée  par  lui  pendant  son  séjour  en  Italie,  et  ne 
fut  représentée  pour  la  première  fois  à  Arras,  sansdouto 
aussi  aux  fêtes  du  printemps,  qu'après  la  mort  de 
l'auteur.  Le  hasard  nous  a  conservé  un  prologue  drama- 
tique, le  Jeu  du  pèlerin,  qui  fut  composé  à  cette  occasion  : 
un  pèlerin,  censé  revenu  de  Calabre  et  de  Pouille, 
expose  aux  spectateurs  que  maître  Adam,  grand  clerc 
arlésien,  mort  naguère  à  Naples,  a  fait  l'o'iivre  qu'on 
va  jouer,  et  les  engage  à  l'entendre  avec  bienveillance. 
Deux  ribauds  se  moquent  de  lui  et  veulent  le  battre,  et . 
le  pèlerin  s'enfuit,  laissant  la  scène  libre  pour  la  vraie 
pièce.  Ce  prologue,  très  plat  d'ailleurs,  mais  qui  a  le 
mérite  de  nous  donner  quelques  renseignements  sur 
Adam,  est  assurément  curieux  comme  témoignage  de 
la  vie  théâtrale  active  qui  devait  exister  alors,  au  moins 
à  Arras.  La  pièce  elle-même  (dont  il  faut  écarter 
quelques  scènes  interpolées,  vers  la  fin,  par  l'auteur  du 
Prologue)  est  un  petit  chef-d'œuvre,  aussi  délicat  et 
gracieux  que  le  Jeu  de  la  Feuillée  était  fougueux  et  dis- 
parate. Adam  en  a  pris  le  sujet  dans  le  thème  commun 


LITïÉliATl  lîi:    IlliAMATIQUE.  213 

des  pastourelles  (§  122)  :  on  y  voit  d'ordinaire  un  chevalier 
s'efforcer  d'enlever  à  un  berger  l'amour  d'une  bergère  ; 
dans  maintes  chansons  alors  connues  de  tout  le  monde 
la  bergère  s'appelait  Marion,  le  berger  s'appelait  Robin. 
Ce  sont  eux  qu'Adam  met  en  scène,  et,  à  toute  occasion, 
employant,  mais  d'une  façon  plus  piquante,  le  procédé 
de  Guillaume  de  Dole  et  autres  romans  (§  67),  il  leur  met 
dans  la  bouche  des  refrains  ou  des  fragments  de  chan- 
sons qui  appartiennent  à  ce  qu'on  peut  appeler  le  cycle 
de  Robin  et  Marion.  Le  chevalier  est  éconduit  par  la 
pastoure,  et  bien  que  Robin  reçoive  à  cette  occasion 
quelques  coups,  les  deux  amants  sont  pleins  de  conten- 
tement et  s'apprêtent  à  célébrer  une  fête  rustique.  Leurs 
parents,  leurs  amis,  les  rejoignent  dans  le  champ  où  ils 
font  paître  leurs  bêtes;  on  met  toutes  les  provisions  en 
commun,  on  joue  à  des  jeux  villageois,  on  chante,  on 
danse,  et  finalement  on  part  pour  faire  célébrer  le 
mariage  de  Robin  avec  Marion.  Tout  cela  est  montré 
dans  des  scènes  claires,  rapides,  bien  construites,  et  en 
petits  vers  de  huit  syllabes  fort  alertes  et  agréables. 
Aussi  le  Jeu  de  Robin,  qui  était  à  beaucoup  d'endroits 
mêlé  de  chant,  et  qu'on  a  appelé  non  sans  raison,  tant 
pour  le  sujet  même  que  pour  l'exécution,  le  premier  de 
nos  opéras  comiques,  eut-il  un  grand  succès  et  fut-il 
sans  doute  souvent  représenté,  après  l'avoir  été  à  Arras, 
dans  diverses  villes  du  nord  de  la  France.  Cependant 
la  mention,  à  la  fin  du  xive  siècle,  d'une  exécution  d'un 
«  jeu  de  Robin  et  Marion  »  ne  doit  probablement  pas 
être  rapportée  à  l'œuvre  d'Adam,  qui  avait  trop  vieilli 
comme  langue  :  le  cycle  auquel  cette  œuvre  se  rattache 
était  resté  populaire  et  pouvait  donner  matière  à  des 
représentations  de  divers  genres,  notamment  à  des 
danses.  On  se  plaisait  aussi  à  peindre  sur  les  murailles 
des   châteaux,   plus  tard  à  figurer  en   tapisserie,  des 


214  UTTÉRÀTUBE   DRAMATIQUE. 

scènes  de  la  vie  pastorale,  dont  Robin  et  Marion  étaient 
presque  toujours  les  principaux  personnages. 

134.  Sur  un  feuillet  de  garde  de  manuscrit  on  a  trouvé 
une  petite  farce  intitulée  :  Du  garçon  et  de  l'aveugle,  qui 
fut  jouée  à  Tournai  aux  environs  de  1277.  C'est  une 
bagatelle  (un  jeune  garçon  s'offre  à  mener  un  aveugle, 
le  bafoue  et  le  dépouille;  il  lui  donne  aussi  des  coups  en 
feignant  d'être  un  autre,  comme  fait  Scapin  à  Géronte 
dans  Molière),  d'ailleurs  gaie  dans  la  grossièreté  de 
plus  d'un  de  ses  traits,  mais  dont  le  principal  intérêt 
est  son  existence  même.  Nous  ne  saurions  pas  sans 
elle  qu'on  jouait  des  farces  au  xme  siècle  (le  mot  farce 
lui-même  n'apparaît  que  plus  tard),  et  elle  permet  de 
conjecturer  qu'au  moins  dans  le  nord  de  la  France  on 
en  jouait  dès  lors  beaucoup,  qui  ne  nous  sont  pas 
parvenues. 


DEUXIÈME    PARTIE 


LITTERATURE    RELIGIEUSE 


135.  Nous  avons  rapidement  esquissé  (ci-dessus  §§  9-12) 
la  première  période  de  l'établissement  du  christianisme 
en  Gaule.  A  la  fin  de  l'époque  mérovingienne,  l'Église 
était  tombée  dans  une  profonde  ignorance,  comme  en 
témoignent  les  manuels  que  l'on  composait  pour  l'ins- 
truction des  clercs;  elle  s'obstinait  cependant  à  ne 
parler  que  le  latin,  bien  qu'elle  ne  le  connût  plus  que 
très  imparfaitement.  Charlemagne  introduisit  une 
double  réforme,  qui,  en  relevant  l'instruction  du  clergé, 
rendit  possible  celle  du  peuple.  D'une  part  les  savants 
qu'il  appela  ou  suscita  travaillèrent,  sous  son  inspira- 
tion, à  faire  revivre  la  connaissance  du  latin  et  à  resti- 
tuer ainsi  une  pureté  relative  à  la  langue  qui  devait 
rester  celle  de  l'Église  ;  d'autre  part  il  fit  décider  (con- 
cile de  Tours  de  812)  que  dorénavant  les  prêtres  instrui- 
raient le  peuple  dans  sa  langue.  —  C'est  de  là  que  date 
la  littérature  religieuse  en  langue  vulgaire.  Les  clercs 
s'appliquèrent  dès  lors  à  composer  des  ouvrages  qui 
fissent  connaître  au  peuple  l'histoire  religieuse,  le 
dogme  et  la  morale,  et  naturellement  cette  littérature,  à 


216  LITTERATURE    RELIGIEUSE. 

quelques  exceptions  près,  fol  durant  tout  le  moyen  âge 
leur  œuvre  exclusive.  —  Elle  a  moins  d'intérêt  que  la 
littérature  profane,  puisque,  pour  une  bonne  partie  au 
moins,  elle  se  compose  de  traductions  et  d'imitations; 
mais  la  religion  au  moyen  âge  pénétrait  si  profondé- 
ment la  vie  publique  et  privée  que  la  littérature  reli- 
gieuse se  trouve  mêlée  à  toutes  les  manifestations  de 
cette  vie;  d'ailleurs  le  christianisme,  c'est-à-dire  la  con- 
ception religieuse  et  philosophique  élaborée  par  les  rai- 
sonneurs grecs  sur  la  base  de  la  prédication  évangélique, 
prit  en  Occident,  surtout  dans  le  monde  à  demi  savant 
auquel  cette  littérature  en  langue  vulgaire  appartient, 
un  caractère  qu'il  est  intéressant  d'étudier;  enfin  les 
légendes,  soit  venues  de  loin,  soit  nées  spontanément, 
abondent  dans  cette  littérature,  et  se  prêtent  aux 
recherches  les  plus  fécondes  et  les  plus  variées.  — 
Comme  la  littérature  profane,  la  littérature  religieuse 
est  narrative,  didactique,  lyriijuc,  ou  dramatique;  comme  la 
littérature  profane,  elle  a  pris  de  préférence  au  moyen 
Age  la  forme  poétique,  et  cette  forme  est  aussi  la  seule 
quelle  ait  revêtue  quand  elle  étaitlyrique  ou  dramatique. 


SECTION  I 

LITTÉRATURE   NARRATIVE 


CHAPITRE   I 

LES    TRADUCTIONS    INTÉGRALES    DE    LA     BIBLE 

136.  On  traduisit  en  français  la  Bible  entière  à  Paris, 
vers  1235,  et  plus  tard  VHistoria  scholastica  de  Pierre  le 
Mangeur  (f  1179).  qui  en  abrège  d'un  bout  à  l'autre  la 
partie  historique  en  l'accompagnant  d'un  commentaire 
explicatif  et  de  synchronismes.  L'auteur  de  cette  der- 
nière traduction,  beaucoup  plus  ample  que  l'original, 
et  qui,  dans  des  rédactions  postérieures,  arriva  à  com- 
prendre la  Bible  elle-même  presque  entière  (d'après  la 
traduction  parisienne),  est  Guiart  des  Moulins,  cha- 
noine, puis  doyen  d'Aire  en  Artois  (mort  vers  1320),  qui 
l'écrivit  entre  1291  et  1295.  Quant  à  la  traduction  de  la 
Bible,  elle  est  due  sans  doute  à  la  collaboration  de 
plusieurs  membres  de  l'université  de  Paris.  Il  faut 
noter  que  cette  version  parisienne  du  xme  siècle  s'est 
maintenue,  pour  certaines  parties,  à  travers  des  rema- 
niements successifs,  jusque  dans  les  Bibles  françaises 
les  plus  employées  aujourd'hui  par  les  églises  protes- 
tantes. —  Sous  le  titre  inexact  de  Bible  en  français,  maître 
Roger  d'Argenteuil,  au  xnr  siècle,  écrivit  une  compila- 


218  LITTERATURE   NARRATIVE. 

lion  de  récits  bibliques,  de  légendes  apocryphes  et  de 
notes  diverses,  qui  suit  l'histoire  sacrée  depuis  le  com- 
mencement du  monde  jusqu'à  la  ruine  de  Jérusalem. 

137.  En  1190,  un  chanoine  appelé  Herman,  né  à  Valen- 
ciennes,  composa  un  poème  biblique,  comprenant  l'An- 
cien Testament  (mais,  sauf  pour  la  Genèse,  extrême- 
ment abrégé)  et  le  Nouveau  (avec  de  nombreuses  sup- 
pressions et  l'addition  de  légendes  apocryphes);  Herman 
iraite  son  sujet  avec  beaucoup  de  liberté  et  un  véritable 
talent  poétique;  son  œuvre  nous  est  parvenue  dans  des 
rédactions  assez  différentes,  qui  ne  remontent  peut- 
être  pas  toutes  directement  à  l'auteur.  —  Au  xme  siècle 
aussi,  Jean  Malkaraume  traduisit  en  vers  tous  les  livres 
historiques  de  la  Bible  (Ancien  et  Nouveau  Testament), 
ce  que  fit  de  nouveau,  au  commencement  du  xive  siècle, 
Macé,  curé  de  la  Charité-sur-Loire,  en  y  joignant  plu 
sieurs  livres  bibliques  d'autre  caractère.  —  La  Bible  de<> 
sept  états  du  monde,  de  Geufroi  de  Paris  (1243),  est  une 
compilation  qui  contient  beaucoup  de  choses  qui  ne 
sont  pas  dans  la  Bible,  et  qui  dans  ses  22  000  vers  est 
plus  souvent  moralisante  que  narrative  (voir  §  139). 


CHAPITRE   II 


L  HISTOIRE    JUIVE 


138.  L'Ancien  Testament  offrait  à  l'imagination  plus 
d'attrait  et  de  variété  que  le  Nouveau,  et  permettait  en 
même  temps  aux  vulgarisateurs  plus  de  liberté  dans  le 
traitement.  Aussi  en  trouve-t-on  de  bonne  heure  des 
traductions  et  imitations.  Les  quatre  livres  des  Rois 
furent  mis  au  xne  siècle  dans  une  excellente  prose  fran- 
çaise (nous  en  avons  un  manuscrit  exécuté  en  Angle- 
terre dès  le  xir  siècle,  et  trois  écrits  en  France  au 
xme),  qui  nous  offre  un  des  plus  précieux  spécimens  de 
l'ancienne  langue;  la  traduction  est  loin  d'être  servile, 
le  style  est  d'une  allure  vivante,  aisée  et  naturelle;  cer- 
tains morceaux,  notamment  les  cantiques  intercalés, 
sont  rendus  en  prose  rythmée  et  rimée.  —  On  possède 
aussi  une  version  en  prose  des  Juges,  avec  un  prologue 
en  vers,  qui  nous  apprend  qu'elle  fut  exécutée,  peut- 
être  en  Terre  Sainte,  pour  des  frères  du  Temple  ou  de 
l'Hôpital.  —  On  a  deux  traductions  en  prose  des  Mac- 
chabées; mais  ce  livre  tout  guerrier,  qui  devait  plaire  au 
moyen  Tige,  fut  en  outre  l'objet  d'imitations  en  vers;  on 
n'en  connaît  pas  moins  de  cinq  :  une  en  décasyllabes, 


220  LITTÉRATURE    NARRATIVE. 

peut-être  d'un  certain  Roger  (v.  176),  encore  du  xnc  siècle, 
où  l'histoire  est  devenue  une  véritable  chanson  de 
geste;  une  autre  en  alexandrins,  connue  seulement,  ainsi 
qu'une  en  vers  de  huit  syllabes  rimant  deux  à  deux, 
par  une  rédaction  en  prose;  une  quatrième  et  une  cin- 
quième également  en  petits  vers  plats,  l'une  anonyme 
(1285),  l'autre  commencée  par  Gautier  de  Belleperche 
(près  Laon),  arbalétrier,  et  terminée  en  1280  par  Pierre 
du  Ries.  —  On  possède  un  poème  assez  remarquable, 
composé  en  Angleterre  au  xmc  siècle,  sur  l' Ancien  Testa- 
ment; il  est  écrit  partie  en  forme  de  chanson  de  geste, 
partie  dans  la  forme,  rare  au  moyen  âge,  de  vers  déca- 
syllabiques  rimant  deux  à  deux.  —  La  Genèse  fut  mise 
en  vers  de  huit  syllabes  assez  médiocres  par  Éverat 
pour  la  comtesse  Marie  de  Champagne  (voir  §  57).  — 
L'épisode  de  Joseph  a  été  conté,  au  xn°  siècle,  à  ce  qu'il 
semble,  en  vers  de  six  syllabes  rimant  deux  à  deux, 
dans  une  version  d'un  style  archaïque,  fidèle  et  assez 
élégante.  —  La  même  forme  rare  est  employée  dans  un 
abrégé,  sec  et  sans  grande  valeur,  du  livre  de  Job,  dont 
nous  n'avons  qu'un  fragment;  une  paraphrase  de  ce 
même  livre  est  en  vers  de  huit  syllabes.  —  Le  court 
poème  de  l'Exode  n'est  qu'une  paraphrase  moralisante, 
que  l'auteur  n'a  pas  conduite  jusqu'au  bout.  —  Une 
imitation  agréable  du  livre  de  Tobie  est  due  à  Guillaume 
le  Clerc  de  Normandie,  auteur  de  plusieurs  autres 
ouvrages  (§  100).  —  A  l'Ancien  Testament  se  rattachent 
encore  quelques  apocryphes,  comme  l'histoire  d'Adam 
et  Eve  (dont  on  a  des  versions  en  prose  et  en  vers),  une 
ancienne  et  curieuse  légende  sur  la  femme  de  Salomon 
(voir  §  51),  mentionnée  par  divers  textes  (sur  Salomon 
el  Marcoul,  voir  §  103),  d'autres  récits  relatifs  au  même 
roi,  etc.  —  Malgré  cela,  cette  veine  est  moins  riche  qu'on 
ne  l'aurait  supposé. 


CHAPITRE  III 

l'histoire  évangélique 

139.  L'histoire  du  fondateur  et  des  débuts  du  chris- 
tianisme est  contenue  dans  les  évangiles  canoniques. 
On  ne  put  songer  dès  les  premiers  temps  à  les  traduire, 
car,  sans  parler  de  scrupules  qui  n'avaient  pas  encore 
eu  l'occasion  de  se  produire,  l'âge  de  la  prose  n'était 
pas  venu.  Mais  on  eut  de  bonne  heure  l'idée  de  com- 
posër  en  vers,  à  l'usage  des  laïques,  des  résumés  de 
l'histoire  évangélique.  Le  plus  ancien  exemple  de  ce 
genre  est  le  poème  de  la  Passion,  en  vers  octosyllabiques 
rimant  deux  à  deux  et  groupés  en  quatrains,  mélangé 
de  formes  françaises  et  méridionales,  qui  remonte  au 
Xe  siècle  :  ce  n'est  peut-être  que  la  dernière  partie,  seule 
conservée,  d'une  histoire  complète  du  Christ;  on  y 
remarque  déjà  quelques  traits  (comme  la  descente  aux 
enfers)  ajoutés  au  récit  des  évangiles.  Toutefois  les 
ouvrages  de  ce  genre  sont  beaucoup  plus  rares  qu'on 
ne  le  croirait;  nous  ne  connaissons  guère  sur  l'histoire 
évangélique  qu'un  poème  du  xmc  siècle,  assez  fidèle;  il 
faut  y  joindre  un  poème  sur  la  Passion,  dont  de  nom- 
breux manuscrits  attestent  le  succès,  et  que  Geufroi  de 
Paris  (§  137)  ne  s'est  pas  fait  scrupule  d'annexer  à  sa 


222  LITTERATURE    NARRATIVE. 

compilation.  Cette  pauvreté  tient  peut-être  à  ce  qu'on 
exposait  suffisamment  cette  histoire  au  peuple  dans 
l'instruction  religieuse  donnée  à  l'église.  —  On  fit  aussi 
de  bonne  heure  des  traductions,  en  prose  et  en  vers 
(notons-en  une  en  vers,  avec  un  très  long  commentaire, 
de  l'Anglo-Normand  Robert  de  Gretham  au  xme  siècle; 
voir§  152),  des  extraits  des  évangiles  qui  figurent  chaque 
dimanche  à  l'office  (Jean  de  Vignai  y  joignait  celle  des 
épîtres  de  chaque  dimanche);  l'Église  approuva  ces 
traductions,  mais  il  n'en  fut  pas  de  même  quand  on  eut 
l'idée  de  traduire  intégralement  les  évangiles  eux-mêmes 
dans  tout  leur  contenu.  On  vit  un  grand  danger  à  laisser 
des  laïques  connaître  directement,  et  sans  être  guidés 
et  éclairés  par  les  prêtres,  les  sources  de  la  foi  catho- 
lique. Un  groupe  d'habitants  de  Metz  ayant  fait  tra- 
duire en  français,  vers  la  fin  du  xne  siècle,  les  évangiles 
et  quelques  autres  livres,  Innocent  III,  dans  un  bref  de 
1199,  les  condamna,  et  ordonna  la  destruction  de  ces 
livres;  et  de  fait  la  lecture  du  Nouveau  Testament  en 
langue  vulgaire  fut  dans  le  midi  un  des  aliments  prin- 
cipaux, comme  un  des  grands  attraits,  de  l'hérésie  vau- 
doise  et  albigeoise.  Une  version  partielle,  en  dialecte 
lorrain,  du  commentaire  de  Haimon  sur  les  épîtres  et 
évangiles  du  temps  pascal  peut  bien  appartenir  à  cette 
série  de  traductions  messines. 

140.  En  revanche  les  traductions  de  récits  apocryphes 
relatifs  à  l'histoire  évangélique  sont  innombrables.  La 
plupart  de  ces  récits  sont  d'origine  gréco-asiatique;  ils 
se  sont  formés  du  ne  au  ve  siècle  dans  les  communautés 
chrétiennes  de  l'Orient  pour  satisfaire  la  curiosité  el 
l'imagination  que  les  récits  si  brefs  et  si  peu  circons- 
tanciés des  évangiles  ne  contentaient  pas,  et  plus  d'un, 
sans   être  expressément   approuvé  par  l'Église,  a  été 


i/llISTOIKE    ÉVANGÉLIQUE.  223 

tacitement  adopté  par  elle.  Dans  une  Histoire  de  Marie  et 
de  Jésus  composée  en  laisses  monorimes  en  Angleterre 
au  xiii0  siècle,  beaucoup  de  ces  récits  apocryphes  sont 
mêlés  à  un  abrégé  du  texte  évangélique.  Mais  ils  ont 
souvent  été  traduits  à  part.  Signalons  comme  ayant  été 
traduits  de  bonne  heure  :  V Évangile  de  l'enfance  (histoire 
des  premières  années  de  Jésus-Christ;  on  en  a  plusieurs 
versions,  dont  une  par  Gautier  de  Coinci);  —  ^'Évangile 
de  Nicodème  (c'est  là  qu'est  racontée,  avec  une  véritable 
puissance  dramatique,  la  descente  victorieuse  du  Christ 
aux  enfers;  nous  en  avons  trois  traductions  en  vers, 
dont  une  par  André  de  Coutances  (voir  §  108);  —  la 
Légende  de  Judas  (imitée  de  celle  d'OEdipe  :  poème  fran- 
çais du  xme  siècle)  ;  —  la  Légende  de  Pilate,  dont,  on  ne 
sait  trop  pourquoi,  le  corps  fut  censé,  après  sa  mort, 
avoir  causé  d'étranges  perturbations  partout  où  on  lui 
donnait  la  sépulture;  —  la  Vengeance  du  Sauveur  (curieuse 
interprétation  chrétienne  de  la  destruction  de  Jérusalem 
par  Titus)  ;  —  la  Légende  delà  croix  (faite  du  bois  de  l'arbre 
du  bien  et  du  mal;  on  en  a  diverses  rédactions),  etc.  Il 
faut  surtout  noter  l'influence  que  l'évangile  de  Nicodème, 
dont  la  première  partie  donne  un  rôle  important  à  Joseph 
d'Arimathie,  a  exercée  sur  le  développement  des  récits 
relatifs  au  saint  graal  (voir  §  59),  et  signaler  la  trans- 
formation de  la  Vengeance  du  Sauveur  en  une  véritable 
chanson  de  geste,  dont  nous  avons  même  plusieurs  ver- 
sions assez  différentes.  —  Dans  le  cœur  même  de  l'his- 
toire évangélique,  des  traits  apocryphes  avaient  profon- 
dément pénétré,  et  nous  les  voyons  mentionnés  dans  la 
poésie  vulgaire  plus  souvent  que  les  traits  authentiques  : 
telles  sont  les  histoires  de  sainte  Anastase,  qui  perdit 
puis  recouvra  l'usage  de  ses  mains  lors  de  la  délivrance 
de  la  sainte  Vierge,  —  du  chapon  rôti  qui  se  mit  à 
revivre  et  à  s'envoler  de  la  table  d'Hérode,  —  de  Longin, 


224  LITTÉRATURE    NARRATIVE. 

l'avcugle-né,  qui  porta  un  coup  de  Innce  dans  le  flanc 
du  Seigneur  sur  la  croix,  et,  s'étant  touché  les  yeux  avec 
le  sang  qui  en  coulait,  vit  et  crut,  etc.  On  peut  encore 
rapporter  ici  la  vie,  en  grande  partie  légendaire,  de 
saint,  Jean-Baptiste,  dont  nous  possédons,  en  fragments, 
une  rédaction  du  xme  siècle,  remarquable  en  ce  qu'elle 
est  écrite  en  alexandrins  rimant  deux  par  deux  (voir  §  137  , 
et  diverses  compositions  en  vers  sur  les  Trois  Maries.  — 
Nous  ne  connaissons  pas  de  traductions  anciennes  isolées 
des  Actes  des  Apôtres  (celle  que  Lambert  de  Liège,  fon- 
dateur des  Béguins  et  Béguines,  avait  faite  vers  1170  est 
malheureusement  perdue);  mais  nous  signalerons  ici,  si 
c'en  est  bien  le  lieu,  une  version  du  xme  siècle  de  l'Apo- 
calypse en  prose  (une  version  en  vers  fait  partie  du  grand 
ouvrage  biblique  de  Macé  de  la  Charité,  voir  §137).  Une 
autre  version,  en  prose  et  abrégée,  de  la  célèbre  vision 
eut  pendant  tout  le  moyen  âge  et  jusqu'au  xvie  siècle  un 
immense  succès,  dû  aux  images  qui  accompagnaient 
toujours  le  texte  autant  qu'au  texte  lui-même.  —  Enfin, 
on  peut  mentionner  ici  le  Livre  des  Sibiles,  composé  par 
un  poète  anglo-normand  en  vers  de  six  syllabes  rimant 
deux  à  deux  pour  Maheut,  veuve  de  l'empereur  Henri  V 
et  du  comte  Geoffroi  d'Anjou  et  mère  de  Henri  III, 
l'année  même  de  sa  mort  (1160)  :  l'auteur  énumère  les 
dix  sibylles  que  mentionnent  les  Pères  de  l'Église  et 
rapporte  leurs  prétendues  prophéties.  —  Aux  prédic- 
tions des  sibylles  se  rattache  la  description  des  Quinze 
signes  qui  précéderont  la  fin  du  monde  et  le  jugement 
dernier  ;  cette  description,  présentée  en  abrégé  dans  des 
vers  latins  imités  du  grec  et  insérés  par  saint  Augustin 
dans  un  de  ses  livres,  a  fait  l'objet  d'un  petit  poème  qui 
a  eu  beaucoup  de  succès.  —  On  peut  y  joindre  un  poème 
sur  l'Antéchrist,  imité  du  livre  fameuxd'Adson  de  Montier* 
en-Dcr  (\"siècle),  qui  d'ailleurs  a  été  bien  moins  répandu. 


CHAPITRE   IV 


LA   LEGENDE   DE  LA   VIERGE 


141.  A  l'histoire  évangélique  se  rattachent  naturelle- 
ment les  légendes  nombreuses  qui  concernent  la  vierge 
Marie.  Un  très  ancien  apocryphe  (qui  fut  plus  tard 
réuni  à  VÈvangile  de  VEnfance)  nous  raconte  sa  naissance 
déjà  miraculeuse  (celle  de  sa  mère  Anne,  fille  du  roi 
Fanuel,  est  l'objet  d'une  légende  absolument  fantas- 
tique), ses  premières  années  et  son  mariage  avec 
Joseph;  il  fut  mis  en  vers  par  Wace  (voir  §  93),  par 
Gautier  de  Coinci  (§  142),  etc.  ;  la  Mort  Nostre  Dame, 
racontant  l'assomption  de  son  corps  au  ciel,  a  été 
mise  par  Herman  de  Valenciennes  en  laisses  de  déca- 
syllabes monorimes  et  par  un  autre  poète  en  vers  octo- 
syllabiques.  On  a  plus  d'une  fois  mis  en  vers  (notam- 
ment Henri  de  Valenciennes)  les  Sept  joies  de  Notre  Dame, 
et  aussi  les  Regrets  de  Notre  Dame  ou  sa  douloureuse 
plainte  au  pied  de  la  croix  :  parmi  les  poèmes  ins- 
pirés par  ce  thème,  celui  qui  a  eu  le  plus  de  succès  est 
celui  de  Huon  le  Roi,  de  Cambrai  (§  76),  composé  dans 
la  strophe  de  douze  vers  rendue  populaire  par  Hélinand. 

142.  Mais  les  récits  concernant  la  vie  et  la  mort  de  la 
mère  de  Jésus-Christ  ne  sont  rien  en  comparaison  de 

15 


226  LITTERATURE    NARRATIVE. 

ceux  qui  sont  consacrés  aux  effets  de  son  intercession 
et  aux  prodiges  obtenus  par  la  dévotion  qui  s'adresse  à 
elle.  Des  collections  latines  de  miracles  de  la  Vierge  se 
forment  de  plusieurs  côtés  et  s'agglomèrenl  pondant  les 
xie  et  xne  siècles,  et  donnent  bientôt  lieu  à  des  traduc- 
tions françaises,  soit  de  recueils,  soit  de  récits  isolés. 
Nous  savons  qu'un  certain  Guiot  en  avait  mis  en  vers 
un  grand  nombre  dès  le  XIIe  siècle,  avec  beaucoup  de 
succès.  C'est  peut-être  à  cet  ouvrage  qu'appartiennent  de 
précieux  fragments,  écrits  encore  au  xir3  siècle,  qu'on 
a  découverts  à  Orléans.  Le  recueil  français  le  plus 
important  à  tous  égards  est  celui  de  Gautier  de 
Coinci,  moine  à  Saint-Médard  de  Soissons,  puis 
prieur  de  Yic-sur-Aisne,  mort  à  cinquante-neuf  ans 
en  1236.  Ses  Miracles  de  Nostre  Dame  ne  comprennent  pas 
moins  de  30  000  vers:  ils  sont  empruntés  à  diverses 
sources,  mais  surtout  à  la  compilation  latine  de  Hugues 
Farsit  (xne  s.).  C'est  le  monument  le  plus  curieux  et 
souvent  le  plus  singulier  de  la  piété  enfantine  du 
moyen  âge  :  la  dévotion  à  Marie  y  est  présentée  comme 
une  sorte  de  garantie  infaillible  non  seulement  contre 
toute  espèce  de  maux,  mais  contre  les  plus  légitimes 
conséquences  temporelles  ou  éternelles  des  péchés  ou 
même  des  crimes.  Dans  ces  histoires,  qui  ont  révolté  la 
piété  plus  raisonnée  aussi  bien  que  la  philosophie  des 
temps  modernes,  il  faut  reconnaître  cependant  un  charme 
doux  et  pénétrant,  une  naïveté,  une  tendresse  et  une  sim- 
plicité de  cœur  qui  touchent  en  faisant  sourire.  C'est  là 
qu'on  voit  par  exemple  un  moine  malade  guéri  par  le  lait 
que  Notre  Dame  vient  elle-même  l'inviter  à  puiser  à  «  sa 
douce  mamelle  »;  un  voleur  qui.  ayant  l'habitude  de  se 
recommander  à  la  Vierge  chaque  l'ois  qu'il  allait  embler, 
est  soutenu  par  ses  blanches  mains,  pendant  trois 
jours,  au  gibet  où  il  est  pendu,  jusqu'à  ce  que,  le  trou- 


LA   LEGENDE    DE   LA   VIERGE.  227 

vant  en  vie,  on  le  gracie  à  cause  du  miracle;  un  moine 
ignorant  qui  ne  sait  réciter  autre  chose  q\i'Ave  Mario,  et 
qu'on  méprise  à  cause  de  cela,  mais  qui.  étant  mort, 
révèle  sa  sainteté  par  cinq  roses  qui  sortent  de  sa 
bouche  en  l'honneur  des  cinq  lettres  du  nom  de  Marie; 
une  nonne  qui,  ayant  quitté  son  monastère  pour  se 
livrer  au  péché,  y  revient  après  de  longues  années,  et 
trouve  que  la  sainte  Vierge,  à  laquelle  malgré  tout  elle 
n'a  cessé  d'adresser  chaque  jour  une  oraison,  a  rempli 
pendant  tout  ce  temps  son  office  de  sacristine,  de  sorte 
que  personne  ne  s'est  aperçu  de  son  absence,  etc.,  etc. 
(lautier  écrit  dans  un  style  qui  n'est  rien  moins  que 
simple;  il  poursuit  à  tout  prix  la  rime  riche,  et  se  plaît 
à  des  jeux  de  mots  et  de  sons  souvent  fatigants  et  ridi- 
cules; mais  il  est  tout  pénétré  de  l'esprit  de  son  sujet, 
et  il  nous  fait  vivre  avec  lui  dans  l'étrange  atmosphère 
intellectuelle  et  morale  où  il  se  sent  à  l'aise.  Malheureu- 
sement, à  sa  tendre  piété  envers  la  mère  de  grâce,  à  sa 
libre  censure  contre  la  corruption  de  l'Église,  il  joint  le 
fanatisme  le  plus  intolérant  :  il  se  répand  notamment 
contre  les  juifs  et,  à  cause  d'eux,  contre  les  chrétiens 
qui  les  souffrent  parmi  eux  au  lieu  de  les  exterminer, 
en  invectives  odieusement  féroces,  et  qui  contribuèrent 
peut-être  plus  d'une  fois,  vu  le  succès  dont  jouirent  ses 
récits,  à  ces  explosions  de  fureur  populaire  dont  le 
XHI°  siècle  offre  trop  d'exemples. 

1  i:î.  Un  autre  recueil  de  Miracles  de  Notre  Dame,  spécia- 
lement relatif  à  ceux  de  Notre  Dame  de  Chartres,  a  été 
composé,  ou  du  moins  terminé,  en  1262,  par  un  prêtre 
de  cette  ville,  Jean  le  Marchant,  devenu  chanoine  de 
Péronne  ;  il  n'a  pas  la  valeur  poétique  de  celui  de  Gau- 
tier de  Coinci,  auquel  l'auteur  ne  s'est  d'ailleurs  fait 
aucun  scrupule  de  dérober  quelques-uns  de  ses  récits, 


228  LITTERATURE   NARRATIVE. 

en  plaçant  à  Chartres  la  scène  qui  dans  l'original  était 
à  Soissons;  les  autres  sont  traduits  d'un  recueil  latin 
un  peu  antérieur.  —  Sans  parler  d'autres  moins  impor- 
tants, comme  celui  d'Everardde  Gateley,  il  faut  signaler 
un  recueil  de  soixante  miracles  rimes  vers  le  milieu  du 
xme  siècle  dans  la  région  lyonnaise  et  curieux  par  la 
langue.  —  Le  moine  anglo-normand  Adgar  avait  tra- 
duit dès  le  xir  siècle,  avec  simplicité  mais  sans  talent, 
un  recueil  latin  dû,  pour  une  bonne  partie,  à  l'historien 
anglais  Guillaume  de  Malmesbury;  un  recueil  analogue 
a  été  rimé  au  xmc  siècle  par  un  autre  anglo-nor- 
mand. —  En  dehors  de  ces  collections  il  existe  beau- 
coup de  récits  isolés  de  miracles  de  la  sainte 
Vierge  ;  plusieurs  se  trouvent  dans  la  Vie  des  Pères 
dont  il  sera  parlé  tout  à  l'heure;  un  certain  nombre 
appartenaient  originairement  à  Dieu  lui-même  ou  à 
quelque  saint  et  ont  été  transportés  à  Marie  pour 
rehausser  sa  gloire  et  plaire  davantage.  Quelques-uns 
de  ces  récits  sont  fort  intéressants,  soit  par  leur  anti- 
quité et  leur  origine,  soit  par  l'esprit  qui  les  anime. 
Nous  signalerons  l'histoire,  rédigée  d'abord  en  grec,  de 
Théophile,  clerc  d'une  église  d'Asie,  qui,  ayant  signé 
un  pacte  avec  le  diable,  obtint  de  la  Vierge  qu'elle  irait 
le  lui  arracher;  — deux  versions  d'une  étrange  et  sombre 
histoire,  dans  la  première  desquelles  c'est  encore  Vénus 
qui  figure,  tandis  que  Marie  a  pris  sa  place  dans  la 
seconde  (comme  dans  une  troisième,  insérée  par  Gau- 
tier de  Coinci  dans  son  recueil)  :  un  jeune  homme,  le 
jour  de  son  mariage,  met  son  anneau  nuptial  au  doigt 
d'une  statue,  qui  le  soir  vient  réclamer  les  droits 
d'épouse  qu'il  lui  a  conférés  ainsi  (c'est  de  là  que 
Mérimée  a  tiré  la  Vénus  dllle);  —  l'histoire  du  chevalier 
qui,  pour  obtenir  la  richesse,  avait  promis  au  diable  de 
lui   livrer  sa  femme  :  pendant  qu'il  la  conduisait,  elle 


LA   LEGENDE    DE   LA   yiERGE.  229 

entra  pour  un  moment  dans  une  chapelle  de  la  Vierge, 
et  ce  fut  la  Vierge  qui  en  sortit  à  sa  place,  et  qui,  remise 
à  Satan,  le  punit  sévèrement  de  son  audace;  —  celle 
d'un  autre  chevalier  qui,  allant  au  tournoi,  s'oublia  dans 
une  église  à  prier  Notre  Dame,  laquelle  pendant  ce 
temps  combattait  sous  son  armure  et  gagnait  pour  lui 
le  pris:  du  tournoi;  —  l'histoire  (chef-d'œuvre  peut-être 
du  genre  par  sa  délicieuse  et  enfantine  simplicité)  du 
Tombcor  Nostre  Dame,  de  ce  pauvre  jongleur  qui,  devenu 
moine,  et  ne  sachant  comment  servir  la  Vierge  à  l'instar 
de  ses  confrères,  faisait  devant  elle,  en  secret,  les  cul- 
butes qui  lui  avaient  valu  le  plus  de  succès  ;  des  témoins 
qui,  étonnés  de  ses  retraites,  s'étaient  cachés  dans  la 
chapelle  virent,  après  ses  exercices,  la  mère  de  Dieu 
venir  elle-même  éponger  le  front  trempé  de  Sueur  de 
son  «  tombeor  ».  —  Nous  pourrions  en  citer  bien 
d'autres;  mais  ces  exemples  suffisent  pour  donner  une 
idée  de  toute  cette  classe  de  récits. 

143  bis.  Ce  rôle  de  protectrice  des  pécheurs  a  fait  donner 
à  la  Vierge  celui  d'avocat  du  genre  humain  dans  une 
curieuse  composition,  due  à  un  juriste  italien  du  xme 
ou  du  xryc  siècle,  mais  non  à  Bartole,  comme  on  Fa  dit 
souvent,  le  Processus  Satanae  contra  Virginem  coram  Jesu 
judice,  où  elle  plaide  et  gagne  la  cause  de  l'humain 
lignage  dans  le  procès  où  Satan  prétend  le  revendiquer. 
Cette  bizarre  fiction,  où  les  deux  adversaires  invoquent 
à  l'envi  le  droit  romain  et  le  droit  canon,  a  été  mise  en 
vers  français  vers  1320  par  un  clerc  de  Bayeux.  Ce 
même  auteur,  qu'on  a  voulu  sans  motifs  suffisants 
identifier  à  un  personnage  connu  appelé  Jean  Justice,  a 
raconté  la  terrible  façon  dont  Notre  Dame  se  venge  de 
ceux  qui  prétendent  usurper  son  bien  (entendez  le  bieiï 
de  l'Église)  dans  le  petit  poème  de  la  Chapelerie  de  Baieus, 
écrit  à  propos  d'un  procès  jugé  à  Paris  en  1321. 


CHAPITRE   V 


LES     LEGENDES    HAGIOGRAPHIQUES 


144.  L'histoire  évangélique  a  pour  suite  l'histoire  de 
l'Église  et  notamment  l'histoire  des  saints.  L'intermé- 
diaire est  fourni  par  les  Actes  des  Apôtres,  qui,  s'ils  ne 
furent  pas  traduits  anciennement,  ont  cependant  donné 
à  la  poésie  française  le  thème  des  plus  anciennes  farci- 
tures  en  langue  vulgaire,  relatives  à  la  fête  de  saint 
Etienne.  Ce  premier  martyr  était  le  patron  des  diacres, 
et,  à  cause  de  cela,  le  jour  de  sa  fête,  une  certaine  liberté 
était  donnée,  dans  l'église  même,  à  la  jeunesse  cléricale. 
Elle  en  profita  de  très  bonne  heure  pour  intercaler, 
entre  les  phrases  du  chapitre  des  Actes  dont  on  donnait 
à  l'office  lecture  en  latin  en  guise  d'épitre,  des  strophes 
françaises  monorimes  qui  reproduisaient  le  récit  con- 
tenu dans  ce  chapitre;  nous  avons  plusieurs  versions  de 
ces  «  épîtres  farcies  »,  dont  une  ou  deux  remontent  au 
xne  siècle  (d'autres  épîtres  farcies  se  rapportent  aux 
fêtes  de  saint  Jean  l'évangéliste,  des  saints  Innocents 
ou  de  l'Epiphanie,  toutes  fêtes  voisines  de  celle  de  saint 
Etienne  et  chères  aussi  aux  écoliers).  —  Une  vie  apo- 
cryphe et  très  fabuleuse  de  saint  Jean  l'évangéliste  fut 


LES  LÉGENDES    HAGIOGRAPHIQUES.  231 

rimée  vers  1270  par  Tierri  de  Vaucouleurs.  —  Une 
Légende  Tort  ancienne,  la  Vision  de  saint  Paul,  où  on 
raconte  ce  qu'il  vit  dans  une  extase,  en  enfer  et  au  ciel, 
lui  mise  de  bonne  heure  en  français.  —  Les  vies  de 
Marie-Madeleine  sont  moins  nombreuses  dans  le  nord 
de  la  France  que  dans  le  sud,  où  des  légendes  locales 
s'il  aient  attachées  à  ce  thème;  on  a  cependant  une  vie 
de  sainte  Madeleine  par  Guillaume  le  Clerc  (§  100)  et  le 
fragment  dune  autre,  anglo-normande.  —  Quant  aux 
faux  Actes  des  Ajiôtres,  attribués  à  Abdias,  qui  fournirent 
au  xvL'  siècle  le  sujet  d'un  célèbre  mystère,  ils  n'étaient 
pas  encore  très  répandus  à  l'époque  qui  nous  occupe; 
on  a  cependant  de  plusieurs  morceaux  d'anciennes  ver- 
sions en  prose. 

1  '<■>.  La  véritable  épopée  chrétienne,  si  l'on  peut  ainsi 
dire,  commence  avec  les  Vies  des  Pères  du  désert,  écrites 
d'abord  en  copte  ou  en  grec,  puis  mises  en  latin  par 
saint  Jérôme,  Rufln  et  autres  :  une  traduction  en  prose, 
avec  un  prologue  en  vers,  en  fut  faite  pour  Blanche  de 
Navarre,  comtesse  de  Champagne  (1199-1229).  Sous  le 
nom  de  Vies  des  Pères,  on  a  en  français  du  xme  siècle 
un  recueil  de  42  contes  dévots  (une  suite  en  comprend 
'M  de  plus),  qui  ne  sont  pas  tous  pris  dans  le  recueil 
latin,  lequel  est  d'ailleurs  souvent  allégué  comme 
source  de  légendes  qui  ne  s'y  trouvent  pas.  A  ce  même 
courant  d'hagiographie  ascétique  orientale  se  ratta- 
chent :  la  Vie  de  sainte  Thaïs,  qui  de  courtisane  devint 
anachorète  (poème  du  xne  siècle,  incorporé  au  beau 
Poètne  moral  mentionné!  153);  celle  de  sainte  Eitphrosync 
(qui  par  raffinement  d'ascétisme  se  couvrit  de  vête- 
ments d'homme  et  vécut  dans  un  couvent  de  moines, 
beau  poème  du  xne  siècle  en  dizains  monorimes);  — 
celle  de  sainte  Marine,  qui  subit  la  même  épreuve  dans 


232  LITTÉRATURE    NARRATIVE. 

des  circonstances  encore  plus  méritoires;  —  la  merveil- 
leuse légende  des  Sept  Dormants  (poème  en  petits  vers 
par  Chardri,  trouveur  anglo-normand  du  commence- 
ment du  xme  siècle).  —  Un  pendant  occidental  fut 
donné,  au  ve  siècle,  aux  Vies  des  Pères  par  Sulpice  Sévère 
dans  sa  Vie  de  saint  Martin,  qui,  avec  beaucoup  d'addi- 
tions parfois  puisées  dans  la  tradition  orale,  fut  mise 
en  rimes  léonines  au  commencement  du  xme  siècle  par 
le  Tourangeau  Païen  Gastinel.  —  C'est  aussi  par  ému- 
lation pour  les  beaux  récits  de  la  Vie  des  Pères  que  le 
pape  Grégoire  Ier  composa  son  célèbre  Dialogue,  où  il 
oppose  à  toutes  les  merveilles  des  ermites  égyptiens 
celles  non  moins  grandes  de  la  vie  de  saints  person- 
nages latins.  Le  Dialogue  fut  traduit  en  prose  très  litté- 
ralement dans  la  région  wallonne  à  la  fin  du  xne  siècle; 
nous  avons  en  outre  deux  traductions  en  vers  octosyl- 
labiques,  l'une  faite  en  Angleterre  en  1212  par  le  frère 
Anger,  l'autre  du  xive  siècle  :  les  deux  traducteurs  ont 
joint  à  leur  œuvre  la  Vie  du  pape  Grégoire,  dans  laquelle 
se  trouve  la  légende  bien  connue  qui  le  représente 
délivrant,  par  ses  prières,  l'âme  de  Trajan  des  peines 
de  lenfer,  à  cause  de  la  justice  de  cet  empereur. 

146.  Les  vies  des  saints  de  l'époque  romaine  ou  méro- 
vingienne, objets  dès  leur  vivant  d'une  piété  populaire 
qui  se  maintint  longtemps  après  leur  mort,  furent  sou- 
vent mises  en  vers  français  (pour  les  vies  des  saints  en 
général,  nous  ne  nous  occuperons  que  des  vies  rimées, 
les  vies  en  prose,  simples  traductions,  intéressant  peu 
la  littérature).  Nous  avons  ainsi  une  vie  de  saint  Lau- 
rent, qui  paraît  avoir  été  écrite  en  Normandie  à  la  fin 
du  xiic  siècle;  une  de  sainte  Geneviève,  par  Renaud; 
une  de  saint  Rémi,  par  Richer;  une  de  saint  Éloi  écrite 
à  Moyon  (xin1  siècle),  une  de  saint  Gilles  (xne  siècle),  par 


LES   LEGENDES   HAGIOGRAPHIQUES.  233 

le  chanoine  anglais  Guillaume  de  Berneville;  une  de 
saint  Bonet,  évoque  de  Clermont  (xme  siècle),  une  de 
saint  Germer  et  une  de  saint  Joce,  par  Pierre  de  Beau- 
vais;  une  du  saint  breton  Magloire,  médiocrement 
rimée  en  1319  par  le  Parisien  Geoffroi  des  Nés;  une 
de  saint  Evroul,  composée  au  xine  siècle  par  un  moine 
de  l'abbaye  normande  dédiée  à  ce  saint;  trois  vies  de 
s;i:,il  Quentin  en  vers,  du  xmc  siècle  (dont  une  de 
11  non  le  Roi,  de  Cambrai);  et  le  plus  ancien  poème 
français  (x°  siècle)  en  vers  réguliers  qui  nous  soit 
parvenu  (strophes  de  six  vers  octosyllabiques  rimant 
deux  à  deux)  est  une  Vie  de  saint  Léger.  —  On  célébra 
aussi  des  saints  d'autres  pays  :  la  séquence,  d'une  forme 
rythmique  calquée  sur  une  séquence  latine  conservée 
dans  le  même  manuscrit,  de  Sainte  Eulalie  est  le  plus 
ancien  monument  de  la  poésie  française.  Au  xme  siècle 
Gautier  de  Coinci  (voir  ci-dessus,  §  142)  mettait  en  vers 
la  Vie  de  sainte  Léocadie,  vierge  de  Tolède  au  vne  siècle. 
11  rima  aussi  les  vies  de  plusieurs  autres  saintes,  mais 
ces  compositions  paraissent  s'être  perdues. 

147.  Mais  les  saints  occidentaux  n'offraient  pas  assez 
de  prise  à  l'imagination  avide  de  merveilleux  :  avec  le 
Xe  siècle  arrive  de  l'Orient,  en  passant  sans  doute  la  plu- 
part du  temps  par  l'Italie,  une  masse  de  légendes  sur 
des  saints  inconnus  jusque-là,  beaucoup  plus  romanes- 
ques, souvent  entièrement  fabuleuses,  et  ayant  les  ori- 
gines les  plus  diverses.  Voici  ceux  de  ces  saints  et 
saintes  dont  la  vie  fut  le  plus  tôt  et  le  plus  volontiers 
mise  en  français  :  saint  Alexis  (nous  avons  sur  lui  un 
admirable  poème  du  xie  siècle,  probablement  d'un  cha- 
noine de  Rouen  appelé  Tibaud  de  Vernon,  en  strophes 
assonantes  de  cinq  décasyllabes,  successivement  amplifié 
et  renouvelé  au  xue,  au  xme  et  au  xive  siècle,  et  deux 
poèmes  indépendants  du  xin"  siècle,  l'un  en  laisses  mono- 


234  LITTÉRATURE    NARRATIVE. 

rimes,  l'autre  en  petits  vers  plats);  —  saint  Nicolas  de 
Myre,  patron  des  écoliers  (sujet  du  plus  ancien  poème 
de  Wace  que  nous  ayons  conservé)  ;  —  saint  Georges  de 
Lyssa  (un  poème  de  Wace,  un  de  Simon  de  Fraisne, 
voir  §  103,  un  autre  anonyme,  et  un  quatrième  qui  n'est 
connu  que  par  une  traduction  allemande);  —  saint  Gré- 
goire, personnage  tout  imaginaire,  auquel  sont  attri- 
bués, en  partie,  les  forfaits  involontaires  d'OEdipe,  qui 
les  expie  par  une  pénitence  extraordinaire  et  finit  par 
devenir  patriarche  ou  pape  (le  poème  en  vers  dé  huit 
syllabes  sur  ce  sujet,  qui  remonte  à  la  première  moitié  du 
xn  siècle,  est  un  des  plus  remarquables  monuments  de 
notre  ancienne  poésie;  il  a  été  mis  en  allemand  par 
Hartmann  d'Aue;  on  a  aussi  une  très  faible  version  du 
xivc  siècle  en  quatrains  monorimes);  —  saint  Jean  Bouche 
d'Or,  qui  ne  doit  guère  que  son  nom  àChrysostome  poème 
du  xm0  siècle,  par  Renaud);  —  saint  Jean  le  Paulu,  qui, 
ayant  commis  un  crime  épouvantable,  en  fit  pénitence 
en  vivant  comme  une  bète  fauve  (poème  du  xme  siècle)  ;  — 
saint  Christophe,  géant,  qui  passait  les  gens  à  un  gué, 
et  qui,  portant  l'enfant  Jésus,  sentit  à  son  poids  qu'il 
portait  le  monde  (poème  du  xme  siècle);  —  saint  Eus- 
tache  (ou  mieux  Eustace),  dont  on  a  l'ait  un  Romain  du 
ue  siècle  (qui  se  serait  appelé  de  son  premier  nom 
Placidas),  mais  dont  la  légende  est  originairement 
grecque  :  il  se  convertit  pour  avoir  vu  à  la  chasse  un 
cerf  portant  entre  ses  cors  une  croix  lumineuse  (on  n'en 
a  pas  moins  de  onze  versions,  dont  une  par  Pierre,  § 
101);  —  sainte  Marie  l'Égyptienne  (poème  du  xne  siècle, 
traduit  fort  anciennement  en  espagnol,  et  poème  de 
Rustebeuf);  —  sainte  Marguerite,  qui,  engloutie  par  le 
diable  sous  forme  de  dragon,  le  transperça  et  le  foula 
sous  ses  pieds  (poème  par  Wace  et  plusieurs  autres 
versions,    dont    deux    remarquables   et    anciennes   en 


LES  LÉGENDES    HAGIOGRAPHIQUES.  235 

alexandrins  monorimes  :  —  sainte  Julienne  de  Nico- 
médie  (qni  traita  le  diable  avec  non  moins  d'ignominie); 

—  sainte  Catherine  (vie  du  xn°  siècle,  par  sœur  Clémence 
de  Barking  en  Angleterre,  renouvelée  d'une  plus 
ancienne,  r\  plusieurs  autres  des  sir*  et  xm    siècles),  etc. 

—  Une  de  ces  légendes  mérite  une  mention  particu- 
lière,  c'est  celle  de  Barlaam  et  Joasaph.  Elle  fait  le 
sujet  d'un  roman  composé  en  grec  au  vie  siècle, 
librement  arrangé  d'après  la  version  syriaque  d'un 
livre  composé  dans  la  langue  de  la  Perse  sassanide 
(le  pehlevi  .  où  un  chrétien  de  la  Bactriaue  avait  accom- 
modé à  sa  religion  l'histoire  du  Bouddha,  retenu  par  le 
roi  son  père  dans  une  prison  de  délices,  apprenant  à 
connaître,  dans  des  sorties  successives,  la  maladie,  la 
vieillesse  et  la  mort,  en  faisant  le  sujet  de  ses  médita- 
tions, et  Réchappant  de  son  palais  pour  mener  une 
vie  ascétique;  dans  le  roman,  Joasaph  (plus  tard 
Josaphati  est  converti  au  christianisme  par  le  saint 
ermite  Barlaam;  dans  sa  biographie  sont  intercalées 
en  assez  grand  nombre  de  fort  belles  paraboles  boud- 
dhiques, qui  se  prêtaient  tout  naturellement  à  recevoir 
une  interprétation  chrétienne.  Traduit  en  latin  proba- 
blement vers  la  fin  du  Xe  siècle,  le  roman  grec  fut  la 
source,  au  xme  siècle,  de  trois  poèmes  français  que  nous 
avons  :  l'un  anonyme,  l'autre  de  l'Anglo-Xormand 
Chardri  '§  145),  le  troisième  d'un  auteur  appelé  Gui  de 
Cambrai  (différent  de  celui  qui  est  mentionné  au  §  4i 
qui  l'écrivit  vers  1225.  11  faut  signaler  un  fragment  d'une 
traduction  en  prose  faite  directement  sur  le  grec,  par 
un  Français  établi  en  Grèce,  au  commencement  du 
xiii'1  siècle. 

1 18.  La  conquête  de  l'Angleterre  par  les  Normands, 
de  même  qu  elle  fit  pénétrer  dans   notre  littérature  le 


236  LITTÉRATURE    NARIîATIVE. 

monde  poétique  des  Gallois,  y  introduisit  les  légendes 
hagiographiques  des  Celtes,  empreintes  d'un  mysticisme 
aventureux  et  rêveur  qui  leur  donne  un  charme  parti- 
culier. La  plus  célèbre  est  celle  de  saint  Brendan,  abbé 
irlandais,  qui,  parti  sur  une  barque,  dans  la  direction 
de  l'ouest,  pour  y  trouver  le  paradis  (remplaçant  ici  la 
Terre  de  l'étemelle  jeunesse,  l'île  occidentale  de  la  mytho- 
logie celtique),  erra  sur  l'océan  pendant  sept  années,  y 
découvrit  mille  merveilles,  et  vit  le  séjour  des  damnés 
aussi  bien  que  celui  des  bienheureux.  Dès  l'an  1121,  un 
moine  nommé  Benoît  dédiait  à  la  reine  Aélis  de  Louvain 
(§  100)  un  poème  sur  ce  sujet,  en  vers  octosyllabiques 
pleins  de  grâce  archaïque;  une  autre  traduction  en  vers 
est  du  xnie  siècle  (sans  parler  des  versions  en  prose).  — 
C'est  encore  au  monde  mystérieux  d'outre-tombé  que  se 
rapporte  la  vision,  irlandaise  aussi,  du  chevalier  Owen, 
qui,  sous  le  règne  du  roi  Etienne,  pénétra  dans  la 
caverne  du  lac  Dearg  (Ulster),  où  se  trouve, le  purga- 
toire de  saint  Patrice,  et  raconta  les  merveilles  qu'il  y 
avait  vues;  sept  poètes  au  moins,  dont  quatre  anglo- 
normands,  Marie  de  France  (§55),  un  nommé  Bérol  qu'il 
ne  faut  pas  confondre  avec  Béroul  (§  56)  et  Geoffroi  de 
Paris  (§  137)  mirent  le  récit  en  vers  français  octosylla- 
biques (Bérol  en  quatrains  d'alexandrins  monorimes). 
—  On  n'a  qu'en  prose  la  version  de  celui  de  Tungdal, 
guerrier  irlandais  qui,  à  la  même  époque  à  peu  près, 
ayant  été  ressuscité  après  trois  jours,  rapporta  les 
choses  effrayantes  et  édifiantes  qu'il  avait  vues  dans 
l'autre  monde.  —  On  peut  encore  citer  la  Vie  de  saint 
Alban,  premier  martyr  de  l'Angleterre,  sujet  d'un  poème 
anglo-normand,  en  laisses  monorimes,  du  xiue  siècle.  — 
A  l'hagiographie  des  Anglo-Saxons  sont  empruntées  la 
Vie  de  saint  Edmond  (xie  siècle)  par  Denis  Pyramus  (fin  du 
xii°  siècle),  la  Vie  de  sainte  Modicenne  (poème  remarquable 


LES    LEGENDES    HAGI0GRAPHIQ1  ES.  237 

encore  du  xnc  siècle),  et  la  Vie  de  saint  Edouard  le  confesseur 
(XIII0  siècle,  tous  poèmes  naturellement  anglo-nor- 
mands). —  On  ne  connaît  pas  la  source  de  la  légende 
d'un  prétendu  roi  d'Angleterre  appelé  saint  Guillaume, 
sujet  du  poème  d'un  certain  Chrétien,  qui  dit  avoir 
recueilli  en  Angleterre  la  matière  de  son' récit;  les  cri- 
tiques ne  se  sont  pas  encore  mis  d'accord  sur  la  ques- 
tion de  savoir  si  dans  ce  poète  sans  talent  il  faut  recon- 
naître Chrétien  de  Troies. 

149.  Les  saints  qui  parurent  en  plein  moyen  âge 
furent  l'objet  de  récits  en  français  qui,  parfois,  sont  de 
première  main,  et  constituent  des  sources  historiques 
d'une  grande  valeur.  La  vie  de  saint  Tibaud  de  Provins 
(xie  siècle)  sur  laquelle  nous  avons  deux  poèmes  fran- 
çais du  xiii0  siècle,  celles  de  sainte  Elisabeth  de  Hon- 
grie par  Rustebeuf  (£  127)  et  par  frère  Robert  de  Cam- 
bligneul  (Pas-de-Calais),  sont  simplement  traduites  du 
latin;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  de  celles  de  saint 
Thomas  Becket.  Le  meurtre  du  primat  d'Angleterre 
(Noël  H70),  dans  la  cathédrale  même  de  Canterbury, 
par  des  chevaliers  du  roi  Henri  II,  fut  un  événement 
qui  produisit  dans  toute  l'Europe  chrétienne,  mais  sur- 
tout en  Angleterre,  une  impression  incomparable.  Le  roi 
lui-même,  qui,  s'il  n'avait  pas  ordonné  le  crime,  l'avait 
provoqué,  désavoua  ceux  qui  l'avaient  accompli,  pro- 
clama Thomas  Becket  martyr,  et  fit  pénitence  publique 
sur  son  tombeau.  Des  récits  de  la  vie  et  de  la  mort  du 
nouveau  saint,  composés  par  des  clercs,  des  moines,  des 
laïques,  des  femmes  même,  parurent  aussitôt  en  grand 
nombre,  en  latin  et  en  français.  De  ces  derniers, 
trois  nous  sont  parvenus  :  l'un  du  moine  Benoît 
de  Saint-Alban,  en  petites  strophes  couées,  sans 
grande   valeur  ;    l'autre  anonyme,    dont    on    n'a   que 


238  LITTÉRAURE    NARRATIVE. 

des  fragments,  en  vers  octosyllabiques  rimant  deux  par 
deux  fil  est  (ait  sur  un  texte  latin);  enfin  le  troisième, 
en  strophes  de  cinq  vers  alexandrins  monorimes,  par  le 
clerc  Garnier  de  Pont-Saihte-Maxence,  l'une  des  œuvres 
les  j dus  remarquables  que  le  moyen  âge  non-  ait  lais- 
Garnier,  qui  avait  terminé  en  1173  la  rédaction 
définitive  de  son  poème,  et  qui  le  récita  plus  d'une  fois, 
prés  fie  la  tombe  même  du  martyr,  :iux  pèlerins 
accourus  de  toutes  parts,  se  vante  à  bon  droit  de  la 
qualité  de  ses  vers  et  de  la  pureté  de  son  langage;  ii 
manie  l'admirable  français  du  xilb  siècle  avec  autant  de 
sûreté  que  son  contemporain  Chrétien  de  Troies.  et  s'il 
ne  montre  pas,  comme  il  est  naturel  dans  le  sujet  qu'il 
traite,  là  grâce  ei  la  finesse  de  celui-ci.  il  déploie  en 
revanche  une  vigtieur  et  parfois  un  éclat  dans  lesquels 
il  n'a  pas  été  égalé.  Il  a  composé  sa  biographie  sur  des 
renseignements  excellents,  recueillis  de  la  bouche  des 
amis  el  des  parents  de  saihl  Thomas  (notamment  de  sa 
sœur),  et  il  s'est  attaché  autant  qu'il  l'a  pu  à  dire  exac- 
tement la  vérité;  il  va  jusqu'à  insérer  dans  son  poème 
des  documents  législatifs  et  politiques,  qu'il  traduit 
avec  une  rare  dextérité.  L'esprit  qui  anime  son  œuvre 
esl  digne  aussi  de  tout  intérêt  :  passionné  jusqu'à  l'exclu- 
sivisme le  plus  ardent  pour  la  suprématie  de  l'Église,  il 
exige  en  revanche  de  ses  membres  qu'ils  se  montrent 
dignes  de  la  haute  mission  qui  leur  est  dévolue,  et  flétrit 
la  vénalité  habituelle  de  la  cour  de  Rome,  la  défaillance 
ou  l'hypocrisie  des  évêqlies  anglais,  avec  plus  d'énergie 
enicore  que  l'orgueil  et  l'indocilité  des  pouvoirs  laïques. 
r.ui-même  clerc  vagant,  comme  on  disait,  et  menant, 
ainsi  qu'on  peut  en  juger  par  l'épilogue  tout  personnel 
de  sou  diiv'rage,  une  vie  peu  austère,  il  se  fait  l'inter- 
prète dé  l'idéal  catholique  du  moyen  Age  dans  ce  qu'il 
a  de  plus  haut  et  aussi  de  plus  étroit;  son  livre  est  un 


LES   LÉGENDES   HAGIOGRAPHIQUES.  239 

document  historique  de  premier  ordre  en  même  temps 
qu'un  monument  de  langue  et  de  style.  —  Peu  d'années 
après  la  mort  de  saint  Thomas,  un  de  ces  bruits,  fré- 
quents au  moyen  âge  et  même  depuis,  d'après  lequel 
des  juifs  auraient  égorgé  un  enfant  chrétien  lé  jour  de 
leur  l'ùqur,  lit  naître  plusieurs  pièces  de  vers  anglo- 
normands,  que  nous  signalons  ici  à  cause  de  leur  inté- 
ressant caractère  populaire,  sur  «  saint  Hugues  de 
Lincoln  ».  —  Nous  en  profiterons  aussi  pour  citer  une 
pièce  digne  de  toute  attention,  dont  nous  ne  saurions 
où  placer  convenablement  la  mention,  une  élégie  en 
quatrains  d'alexandrins  monorimes,  composée  par  des 
juifs  français  à  l'occasion  de  l'atroce  supplice  infligé, 
pour  une  cause  analogue,  à  quelques-uns  d'entre  eux  à 
Ti'oies  en  1288  :  cette  élégie  respire  un  sentiment  pro- 
fond, exprimé  en  maint  passage  avec  la  simplicité  la 
plus  touchante;  elle  est  notée,  dans  le  manuscrit  qui  l'a 
conservée,  en  caractères  hébraïques,  ce  qui  a  permis  de 
curieuses  constatations  sur  la  prononciation,  constata- 
tions qui  s'ajoutent  à  celles  du  même  genre  que  nous 
fournissent  des  gloses  hébraïco-françaises  du  xne  et 
du  xme  siècle  (§  102).  —  On  a  mis  en  vers  français  assez 
faibles,  vers  1240,  la  vie  latine  de  saint  Dominique.  —  Le 
livre  de  Joinville  sur  saint  Louis  a  été  apprécié  plus 
haut  (§  90),  et  appartient  plus  en  effet  à  l'histoire  qu'à 
l'hagiographie;  mais  nous  noterons  ici  la  traduction, 
d'ailleurs  médiocre,  de  la  vie  de  saint  Louis  écrite  en 
latin  (l'origiiîHl  est  perdu)  en  1303  par  Guillaume  de 
Saint-Patus  (confesseur  de  la  reine  Marguerite  de  Pro- 
vence) d'après  l'enquête  faite  pour  la  canonisation  du 
saint  (on  a  traduit  aussi,  et  mieux,  les  miracles  dont  le 
récit  est  annexé  à  cette  enquête).  —  La  grande  compila- 
tion de  Jacques  de  Varaggio,  archevêque  de  Gênes, 
intitulée  Leyenda  aurea,  qui  embrasse  et  résume  toute 


240  LITTÉRATURE    NARRATIVE. 

l'hagiographie  antérieure  (surtout  la  plus  merveilleuse 
et  la  moins  authentique),  fut  mise  en  français,  dans  la 
première  moitié  du  xiv"  siècle,  par  Jean  de  Vignai,  et 
cette  version  eut  un  succès  qui  se  prolongea  pendant 
des  siècles. 


CHAPITRE    VI 


CONTES   DEVOTS 


150.  Nous  réunissons  sous  ce  titre  les  récits  de  piété 
qui  ne  rentrent  précisément  dans  aucune  des  catégories 
précédentes,  quoique  à  vrai  dire  la  ligne  de  démarcation 
soit  souvent  assez  difficile  à  tracer,  certaines  vies  de 
saints  n'étant  que  des  contes  dévots  amplifiés,  et  plus 
d'une  légende  où  la  Vierge  figure  n'ayant  été,  comme 
nous  l'avons  vu,  rapportée  à  elle  que  subsidiairement.  Il 
subsiste  cependant  un  certain  nombre  de  récits  de  peu 
d'étendue  qui  ont  dès  longtemps  été  désignés  sous  le 
nom  qui  figure  en  tète  de  ce  chapitre.  Il  sont  générale- 
ment empruntés  à  des  livres  latins,  qui  eux-mêmes  pui- 
saient dans  des  sources  grecques  ou  orientales  :  tel  est 
le  célèbre  recueil  d'exemples  (voir  §  152)  de  Jacques  de  Vitri 
(évêque  d'Acre,  puis  cardinal,  f  1240),  qui  contient  beau- 
coup de  contes  dont  la  provenance  est  directement  arabe 
et  indirectement  indienne.  Ce  sont  souvent  (voir  ce  qui  a 
été  dit  plus  haut, .;  U7.  sur  B'arlaam  et  Joasaph)  des  para- 
boles conçues  par  les  bouddhistes  et  adoptées  par  les 
c  h  retiens.  —  Nous  citerons  la  belle  légende  de  YEmp 
orgueilleux    (dit  du    Magnificat  de  Jean   de    Condé.    au 

1G 


242  LITTÉRATURE    NARRATIVE. 

XIVe  siècle,  et  autres  versions),  qui,  s'étantcru  au-dessus 
de  la  puissance  céleste,  vit  un  ange  ou  un  démon  s'em- 
parer de  son  trône,  et  n'y  remonta  qu'après  une  dure 
pénitence  (les  juifs  avaient  sur  Salomon  une  histoire  de 
ce  genre,  à  laquelle  on  trouve  un  pendant  dans  l'Inde)  ; 
—  le  conte,  juif  sans  doute  d'origine,  de  l'Ange  et  l'Ermite 
rédaction  annexée  à  la  Vie  des  Pères  et  autres),  dont 
Voltaire  a  tiré  un  des  meilleurs  épisodes  de  Zadig,  et 
qui  enseigne  aux  hommes  à  respecter  les  voies  mysté- 
rieuses de  la  Providence;  —  la  parabole  du  Vrai  anneau, 
rendue  célèbre  par  Boccace  et  Lessing,  inventée  par 
quelque  juif  qui  voulait  éveiller  les  doutes  des  chrétiens 
sur  la  légitimité  de  leurs  persécutions,  et  transformée 
plus  tard  dans  un  sens  chrétien;  —  le  conte  du  Méchant 
Sénéchal,  répandu  sous  les  formes  les  plus  diverses,  où 
on  voit  un  innocent  échapper  à  la  mort  qu'on  lui  des- 
tine, tandis  que  celui  qui  la  lui  a  préparée  est  victime 
de  sa  propre  embûche  (source  orientale;  Schiller  en  a 
fait  la  ballade  de  Fridolin);  —  celui  de  la  Bourgeoise  de 
Rome,  qui,  ayant  commis  les  crimes  les  plus  terribles, 
que  le  diable  révèle,  est  délivrée  et  disculpée  grâce  à  son 
repentir  (annexé  à  la  Vie  des  Pères)  ;  —  celui  de  la  Heine 
qui  tua  son  Sénéchal  (on  en  a  une  version  en  vers  dans 
les  Vies  des  Pères  et  une  rédaction  du  xive  siècle  en  forme 
de  Miracle  par  personnages),  qui,  elle  aussi,  après  avoir 
commis  deux  meurtres,  échappe  par  la  grâce  de  Dieu 
au  châtiment  qu'allait  lui  valoir  la  dénonciation  perfide 
de  son  confesseur  (transformation  chrétienne  d'un  conte 
oriental);  —  l'histoire  de  l'Enfant  juif  (deux  ou  trois 
versionsen  vers),  qui,  mis  dans  un  four  ardent  par  son 
père,  furieux  de  ce  qu'il  racontait  avoir  vu  dans  le  sacri- 
fice de  la  messe  le  pain,  entre  les  mains  du  prêtre,  se 
transformer  en  un  enfant  radieux,  en  fut  retiré  sain  et 
sauf;  —  la  touchante  légende  du  Chevalier  au  baril  (trois 


CONTES   DÉVOTS.  243 

rédactions  en  vers  du  xinc  siècle,  dont  une  dans  la  Vie  des 
Pères  et  une  du  Blésois  Jean  de  la  Chapelle),  qui,  dédai- 
gnant la  confession,  accepte  cependant  d'un  saint 
ermite  l'absolution  de  ses  énormes  péchés  à  condition 
d'accomplir  la  pénitence  bien  simple  de  remplir  d'eau  le 
barillet  de  l'ermite  :  vainement  il  le  plonge  dans  toutes 
les  fontaines,  les  rivières  et  les  mers;  enfin  une  larme 
devrai  repentance,  tombée  dans  le  baril,  le  remplit;  — 
celle  du  Chevalier  dans  la  chapelle,  qui  a  reçu  pour  péni- 
tence de  passer  dans  une  chapelle  une  nuit  en  prières  et 
que  tous  les  artifices  du  démon  ne  peuvent  empêcher 
de  l'accomplir  jusqu'à  la  fin,  etc.,  etc.  —  Un  joli  recueil 
de  contes  dévots  en  vers  fut  écrit  en  1330  par  Eustache, 
prieur  de  la  chartreuse  établie  à  la  Fontaine  Notre-Dame 
dans  l'Artois.  C'est  le  dernier  produit  de  ce  genre. 

toi.  Nous  joignons  ici,  dans  l'embarras  de  le  placer 
ailleurs,  le  singulier  Roman  de  Mahomet,  par  Alexandre 
du  Pont,  qui  écrivait  à  Laon  en  1258.  Alexandre  n'a 
guère  fait  que  traduire  un  poème  latin  d'un  certain 
Gautier,  qui  prétend  s'appuyer  sur  le  récit  d'un  Sarrasin 
converti.  Dans  ce  poème,  Mahomet  est  naturellement 
un  imposteur  qui  fonde  sa  religion  à  l'aide  de  jongleries 
puériles.  D'après  d'autres  légendes  répandues  au  moyen 
âge,  il  fut  dévoré  par  des  pourceaux  qui  l'avaient  trouvé 
ivre-mort,  d'où  l'aversion  des  musulmans  pour  le  vin  et 
la  viande  de  porc;  on  racontait  que  Mahomet  était  un 
cardinal  qui  était  devenu  ennemi  de  l'Église  parce  qu'on 
n'avait  pas  voulu  le  faire  pape.  Quelle  que  soit  l'absur- 
dité de  ces  récits,  ils  sont  moins  extravagants  que  l'opi- 
nion, généralement  répandue  au  moyen  âge,  au  moins 
parmi  le  vulgaire,  d'après  laquelle  «  Mahom  »  était, 
avec  Apollin,  Jupiter  et  l'énigmatique  Tervagant,  une 
des  idoles  qu'adoraient  les  Sarrasins. 


SECTION   II 


LITTERATURE    DIDACTIQUE 


152.  L'enseignement  religieux  appliqué  au  dogme 
devait  se  donner  au  moyen  âge  comme  aujourd'hui  dans 
le  catéchisme;  mais  ces  instructions  familières  ne  s'é- 
crivaient pas,  et  il  ne  nous  en  est  point  parvenu.  Les 
traductions  en  vers  (dont  une  par  le  Normand  Guilebert 
de  Cambres,  xme  siècle)  de  YElucidarius  d'Honorius  d'Au- 
tun,  résumé  des  articles  de  la  foi  chrétienne,  n'offrent 
pas  grand  intérêt  (le  début  du  même  ouvrage  a  aussi 
été  traduit  très  anciennement  en  prose  wallonne);  le 
Credo  de  Joinville,  que  nous  avons  mentionné  ailleurs, 
doit  celui  qu'il  a  au  nom  de  son  auteur  et  aux  éléments 
étrangers  qu'il  a  mêlés  à  son  sujet;  diverses  traductions 
du  Credo  en  prose  ou  en  vers  n'en  ont  aucun  au  moins 
pour  la  littérature.  Au  xme  siècle  Robert  de  Gretham 
(§  139)  composait  pour  un  seigneur  anglais  toute  une 
somme  de  théologie  à  l'usage  des  laïques,  qu'il  appelait 
le  Corset.  Plus  anciennement  un  Normand  appelé  Nicole 
avait  traduit  en  vers  octosyllabiques,  surtout  pour  l'ins- 
truction des  religieuses,  la  Bèole  de  saint  Benoit.  —  Une 
forme  plus  intéressante  de  l'enseignement  est  le  sermon 


246  LITTERATURE    DIDACTIQUE. 

ou  l'homélie,  qui  a  souvent  un  caractère  plus  moral  que 
dogmatiqne.  Les  livres  didactiques  de  la  Bible  fournis- 
sent aux  prédicateurs  une  grande  partie  de  leur  matière, 
et  à  ce  titre  nous  mentionnerons  ici  la  belle  version 
anglo-normande  rimée  des  Proverbes  de  Salomon,  accom- 
pagnée d'une  glose  allégorique,  par  Samson  de  Nan- 
teuil  (xne  s.).  —  La  prédication  chrétienne  ne  cessa 
jamais  de  se  donner,  mais  en  latin  elle  était  devenue 
inintelligible  au  peuple.  Comme  nous  l'avons  déjà  vu 
(§  135),  dès  la  fin  du  règne  de  Charlemagne  plusieurs 
conciles  prescrivirent  aux  curés  «  de  traduire  les  homé- 
lies en  langue  romane  rustique  »,  ce  qui  semble  indi- 
quer qu'ils  possédaient  des  recueils  latins  de  sermons 
choisis,  qu'on  les  engageait  seulement  à  mettre  en  fran- 
çais. Mais  une  fois  la  voie  ouverte  à  la  prédication  popu- 
laire, il  dut  arriver  de  fort  bonne  heure  que  les  prêtres 
composèrent  eux-mêmes  des  homélies  en  français.  Il 
nous  est  parvenu  un  très  curieux  fragment,  remontant 
sans  doute  au  commencement  du  xc  siècle,  d'une  expli- 
cation parénqtique  de  Jonas  qui  a  tout  à  fait  ce  carac- 
tère; ce  fragment,  tracé  moitié  en  caractères  ordinaires, 
moitié  dans  cette  sténographie  des  anciens  qu'on 
appelle  notes  tironiennes,  moitié  en  français,  moitié  en 
latin,  nous  représente  sans  doute  une  partie  des  notes 
prises  par  un  auditeur  qui  était  plus  habitué  à  écrire  le 
latin  que  le  français.  Mais,  à  part  cette  curieuse  épave, 
de  la  prédication  en  langue  vulgaire  des  premiers  siè- 
cles du  moyen  âge,  il  ne  nous  reste  aucun  monument. 
Quand  les  prédicateurs  écrivaient  leurs  sermons,  ils  le 
faisaient  en  latin,  quelle  que  fût  la  langue  où  ils  devaient 
les  prononcer,  et  ils  n'attachaient  guère  d'importance 
qu'à  ceux  qu'ils  prononçaient  en  latin,  c'est-à-dire 
devant  les  clercs.  Nous  possédons  deux  manuscrits  qui 
contiennent  en  français  quatre-vingt-quatre  sermons  de 


LITTERATURE    DIDACTIQUE.  2VT 

saint  Bernard  (f  1153),  mais  c'est  une  traduction,  faite  à 
Metz,  qui  ne  remonte  pas  au  delà  de  la  fin  du  xne  siècle, 
et  les  sermons  traduits  avaient  été  faits  pour  des  clercs 
et  prononcés  en  latin.  Un  recueil  de  sermons  rédigés  en 
latin,  mais  s'adressant  aux  laïques  et  destinés  à  être 
prononcés  en  français,  qui  eut  un  grand  succès,  fut  celui 
que  publia  l'évêque  de  Paris  Morice  de  Sully  (f  1195  : 
on  en  fit  de  bonne  heure  une  traduction,  dont  de  nom- 
breux manuscrits  nous  sont  parvenus.  —  Même  du 
xine  siècle  nous  n'avons  encore  qu'un  assez  petit  nombre 
de  sermons  originairement  composés  en  français;  ils  se 
recommandent  en  général  par  le  ton  familier  qui  y  règne 
et  les  détails  qu'ils  donnent  sur  les  mœurs  contempo- 
raines. —  Les  sermons  latins  du  moyen  âge,  traduits  ou 
non  en  français,  ont  d'ailleurs  pour  l'histoire  littéraire 
un  intérêt  particulier,  dont  nous  avons  dit  un  mot  (§  73): 
c'est  qu'il  fut  longtemps  d'usage  d'y  introduire  ce  qu'on 
appelait  des  exemples,  c'est-à-dire  de  courts  récits,  tantôt 
édifiants  en  eux-mêmes,  tantôt  ayant  le  caractère  de 
paraboles  ou  même  de  récits  plaisants,  desquels  le  pré- 
dicateur extrayait  ensuite  une  moralité  (voir  §  150).  Les 
fableaux  et  les  contes  dévots  sont  représentés  dans  cette 
littérature  homilétique,  qu'on  ne  peut  négliger  quand 
on  étudie  l'histoire  des  narrations  populaires.  Les  Para- 
bolae  de  l'Anglais  Eudes  de  Cheriton,  qui  contiennent 
surtout  des  fables  d'animaux,  et  qui  sont  le  plus  ancien 
recueil  de  ce  genre  l'ait  à  l'usage  des  prédicateurs,  ont 
été  mises  en  prose  française  au  xme  siècle,  sans  doute 
en  Normandie.  Il  faut  mentionner  à  part  le  recueil 
d'exemples  en  français,  avec  moralisation,  à  l'usage  des 
prédicateurs,  par  le  franciscain  anglais  Nicole  Bozon 
(commencement  du  xrve  siècle),  qui  a  composé  encore 
d'autres  ouvrages  de  piété  (voir  §  81)  :  ils  sont  d'un 
style   naïf  qui    serait    assez    agréable    si    le    langage 


248  LITTÉRATURE   DIDACTIQUE. 

anglo-normand  n'y  montrait  pas  d'une  façon  aussi 
marquée  les  caractères  qui  l'éloignent  du  bon  français 
d-  France. 

I  :>:'».  Ce  que  nous  possédons,  et  même  plus  ancien- 
nement que  des  sermons  proprement  dits,  ce  sont  des 
sermons  en  vers,  destinés  à  être  lus  devant  un  audi- 
toire laïque,  et  consacrés  généralement  à  développer 
ce  qui  fait  le  fond  de  l'enseignement  chrétien,  la  vanité 
:1e  cette  vie  et  l'importance  suprême  de  l'autre,  lu 
sermon  en  strophes  de  six  vers  de  cinq  syllabes,  com- 
mençant par  Grrant  mal  fist  Adam,  remonte  sans  doute 
aux  premières  années  du  xne  siècle,  et  se  fait  remarquer 
par  la  vigueur  de  la  pensée  et  la  souplesse  du  style. 
Les  Vers  du  Jugement,  composition  bizarre  et  d'une  piété 
toute  matérielle,  de  provenance  liégeoise,  sont,  dans  la 
l'orme  très  rare  de  séries  d'alexandrins  rimes  non 
séparés  en  laisses,  un  sermon  presque  aussi  ancien.  Un 
grand  seigneur,  Guichard  de  Beaujeu  (f  1137),  s'étant 
retiré  dans  un  cloître,  y  composa  un  Sermon,  également 
en  strophes  monorimes,  qui  eut  un  grand  succès  et  lui 
valut,  d'après  un  écrivain  postérieur,  d'être  regardé 
comme  «  l'Homère  des  laïques  ».  —  On  peut  considérer 
comme  des  sermons  du  même  genre,  seulement  plus 
longs,  d'autres  œuvres  un  peu  plus  récentes.  Tels  sont 
les  célèbres  Vers  de  la  Mort  d'Hélinand,  moine  de  Froid- 
mont  (i  après  1229),  qui  eurent  un  immense  succès, 
mérité  par  l'énergie  avec  laquelle  l'auteur  présente  et 
varie  un  thème  monotone  mais  frappant;  on  lisait 
publiquement  ses  vers,  nous  dit  Vincent  de  Beauvais, 
avec  autant  de  plaisir  que  de  profit.  Le  poème  d'Héli- 
nand a  été  très  remanié  et  interpolé;  il  a  été  aussi 
imité  :  on  a  sur  le  même  sujet  et  sous  le  même  titre  un 
poème  artésien,  par  Robert  le  Clerc,  qui  ne  contient 


LITTEHATI  Iti:    ÛIDACTIQUE.  249 

pas  moins  de  trois  cent  douze  strophes  de  douze  vers 
dahs  la  forme  très  particulière  de  celles  du  moine  de 
Froidmont  (douze  vers  octosyllabiques  disposés  sur 
deux  rimes1.  —  Cette  forme,  dont  on  ne  saurait  dire 
avec  certitude  qui  en  fut  l'inventeur,  est  aussi  celle  des 
deux  poèmes  d'un  auteur  qui  s'appelait  sans  doute 
liait liélemi,  et  qui  se  désigne  comme  étant  reclus  à 
Mollieiis-Vidame  'Somme)  :  l"un  a  pour  titre  Charité,  et 
l'autre  Miserere,  à  cause  du  mot  latin  par  lequel  il  com- 
mence. Ce  sont  des  exhortations  à  fuir  le  péché  et  à 
mériter  le  ciel,  adressées  à  toutes  les  classes  de  la 
société,  dans  un  style  très  travaillé,  avec  une  profusion 
de  ligures  surprenante,  mais  où  le  fond  n'a  pas  une 
grande  originalité.  Ces  poèmes  furent  très  admirés, 
comme  l'atteste  le  nombre  des  manuscrits  qui  nous  en 
restent;  on  fit  du  Miserere  une  traduction  en  néerlan- 
dais. —  On  peut  encore  citer  ici  les  paraphrases  du  l'aler 
noster,  dont  une  en  huit  cents  vers  octosyllabiques,  com- 
posée vers  1 17a  par  Silvestre  pour  la  comtesse  Ide  de  Bou- 
logne. —  Beaucoup  d'autres  compositions,  soit  dans  la 
forme  adoptée  par  Hélinand  et  le  Reclus,  soit  dans  une 
forme  plus  simple  mais  presque  toujours  à  moitié  lyrique, 
consacrées  également  à  pousser  les  âmes  dans  la  voie 
du  salut,  ne  demandent  qu'une  simple  mention.  Tels 
sont  les  Vers  du  Monde,  le  Despit  du  Corps,  la  Chantepleure, 
un  Enseignement  en  sixains  octosyllabiques  (fin  du 
XIIIe  siècle),  les  Vers  de  Cologne,  le  Roman  des  Romans  (d'un 
style  assez  remarquable,  et  qui  pourrait  bien  être  de 
Guillaume  le  Clerc),  un  long  sermon  sur  l'amour  de 
Dieu,  anglo-normand,  qui  a  été  inséré  dans  le  Manuel  de 
William  de  Wadington  (§  15.7).  —  Une  mention  parti- 
culière est  due  à  un  poème  moral  en  quatrains  d'alexan- 
drins monorinies,  écrit  sans  doute  à  Liège  (qui  fut  un 
centre  littéraire),  au  commencement  du  xme  siècle;  on 


250  LITTÉRATURE    DIDACTIQUE. 

y  trouve,  avec  une  modération  dans  l'ascétisme  assez 
rare,  une  langue  expressive,  une  peinture  vraie  des 
sentiments,  et  de  précieux  détails  sur  la  manière  de 
vivre  et  de  penser  des  hommes  d'alors  (signalons  parti- 
culièrement ce  que  l'auteur  dit  des  jongleurs  profanes, 
objet  de  toute  son  animadversion,  et  ses  plaintes  indi- 
gnées contre  les  vaines  formalités  qui  encombraient  la 
procédure  et  favorisaient  les  iniquités  des  juges).  — 
En  quatrains  d'alexandrins  monorimes  également  est 
écrit  le  Sermon  des  plaies  (du  crucifié),  destiné  aux  reli- 
gieux, dont  on  n'a  qu'une  copie  incomplète,  et  qui  se  fait 
remarquer  par  un  sentiment  sincère.  —  Signalons  enfin, 
dans  la  même  forme,  le  long  sermon,  assez  banal,  mais 
intéressant  par  son  caractère  historique,  composé  en 
1226  et  remanié  en  1227  par  Robert  Sainterel  en  l'hon- 
neur de  Louis  VIII  qui  venait  de  mourir. 

154.  D'autres  œuvres  se  présentent  à  nous  sous  la 
forme  plus  strictement  didactique  de  paires  de  vers  de 
huit  syllabes.  Ce  sont  le  plus  souvent  des  compositions 
à  moitié  allégoriques,  qui.  prenant  pour  thème  une  para- 
bole évangélique  ou  autre,  la  développent  et  la  com- 
mentent longuement.  Nous  rangeons  ici  le  poème  du 
Besant  de  Dieu,  par  Guillaume  le  Clerc  de  Normandie  (fin 
du  xne  siècle  et  commencement  du  XIIIe),  où  l'auteur,  cher- 
chant comment  chacun  exploite  le  besant  ou  talent  que 
Dieu  lui  a  confié,  passe  en  revue,  comme  tant  d'autres, 
les  diverses  classes  sociales  de  son  temps,  signale 
leurs  défauts  et  les  engage  à  s'amender  (voir  §  105).  On 
remarque  dans  cette  œuvre  des  personnifications  de 
vices  et  de  vertus  qui  se  retrouvent  souvent  parla  suile. 
Guillaume  a  fait  plusieurs  autres  ouvrages  de  morale 
religieuse,  sans  parler  des  poèmes  que  nous  avons  men- 
tionnés ailleurs  (§  100,  144).  —  A  la  fin  du  xinc  siècle, 


LITTERATURE   DIDACTIQUE.  251 

un  brave  chevalier  picard,  établi  dans  le  royaume  de 
Chypre,  Jean  de  Journi,  a  composé,  sous  le  nom  de 
Dime  de  pénitence,  un  poème  moral  assez  analogue  au 
Besant  de  Dieu  et  dont  le  principal  intérêt  est  précisément 
d'être  l'œuvre  d'un  chevalier  et  non  d'un  clerc.  —  Un 
certain  Simon,  au  commencement  du  xnie  siècle,  a  déve- 
loppé non  sans  talent  un  thème  souvent  employé  dans 
la  prédication  chrétienne,  celui  des  trois  ennemis  dont 
l'homme  doit  se  méfier  et  se  défendre,  le  monde,  la 
chair  et  le  diable.  —  Au  même  genre  appartiennent 
diverses  petites  compositions  plus  ou  moins  allégoriques, 
enseignant  la  morale  ou  le  dogme,  comme  les  «  dits  s 
de  la  Vigne  (parabole  évangélique),  par  Jean  de  Douai, 
de  la  Brebis,  de  YUnicorne  (parabole  bouddhique  chris- 
tianisée, qui  se  retrouve  dans  Barlaam  et  Joasaph  et 
dont  on  a  diverses  rédactions),  du  Vrai  Anneau  (voir  ci- 
dessus,  §  150),  des  Trois  morts  et  des  Trois  Vifs  (rencontre 
de  trois  jeunes  gens  avec  trois  cadavres  et  réflexions 
qu'elle  leur  suggère;  on  en  a  plusieurs  rédactions,  dont 
une  par  Nicole  de  Margival,  §  111,  et  une  par  Baudouin 
de  Condé,  §  103),  du  Larron  qui  fut  racheté,  des  Quatre 
Sœurs  (conciliation,  dans  le  mystère  de  la  rédemption,  de 
la  justice  et  de  la  vérité  avec  la  paix  et  la  miséricorde; 
on  en  a  plusieurs  versions,  dont  deux  anglo-normandes, 
et  une  dédiée  par  Richer  à  la  comtesse  Marie  de  Pon- 
thieu  vers  1230),  des  Quinze  Signes  (peinture,  empruntée 
à  un  ancien  apocryphe  mis  sur  le  compte  d'une  sibylle, 
des  signes  qui  précéderont  le  jugement  dernier),  etc.  — 
On  peut  également  rattacher  ici  les  Bestiaires  moralises 
et  autres  productions  semblables  dont  nous  avons  déjà 
parlée  100). 

155.   Une    forme   que  l'exhortation   religieuse   affec- 
tionna fut  celle  du  débat  (voir  §110).  Le  plus  ancien  et  de 


252  LITTERATIHK    DIDACTIQUE. 

beaucoup  le  plus  remarquable  est  le  Débat  du  corps  et 
île  l'âme,  dont  nous  avons  plusieurs  rédactions  fran- 
çaises; l'une,  fort  belle,  en  vers  de  six  syllabes  rimant 
deux  à  deux,  remonte  au  commencement  du  xnc  siècle. 
C'est  la  mise  en  scène  saisissante  et  vraiment  tragique 
du  fond  même  de  l'enseignement  chrétien  :  le  poète 
voit  dans  un  songe  une  Ame  qui  se  retrouve  pour  un 
instant  en  présence  du  corps  dont  elle  a  été  récemment 
séparée,  et  qui  lui  adresse  des  reproches  pour  avoir 
causé  sa  damnation;  le  corps  lui  répond  amèrement,  et 
tous  deux,  trop  tard  convaincus  de  leur  aveuglement, 
augmentent  par  leurs  récriminations  l'horreur  du  sup- 
plice auquel  ils  sont  irréparablement  condamnés.  Men- 
tionnons encore  les  débats  de  l'Église  et  de  la  Synagogue, 
du  Juif  et  du  Chrétien  (ce  qui  revient  au  même),  etc. 
Toutes  ces  pièces,  œuvres  de  clercs,  ont  un  point  de 
vue  strictement  pieux  et  souvent  même  ascétique.  Une 
seule  fait  contraste  et  présente  par  là  un  intérêt  parti- 
culier. Dans  le  Petit  Plaid,  le  poète  anglo-normand 
Chardri  (§  145)  a  osé  opposer  et  même  préférer  une  con- 
ception du  monde  presque  épicurienne,  ou  du  moins 
tout  humaine,  aux  exhortations  dirigées  uniquement 
vers  l'autre  vie,  de  l'un  des  interlocuteurs.  —  Les 
débats,  ici  comme  ailleurs  (§  110),  devaient  naturelle- 
ment arriver  à  prendre  la  forme  de  batailles,  indiquée 
par  la  Psyehomachic.  Le  poème  de  Prudence  est  évidem- 
ment le  modèle,  d'ailleurs  fort  librement  suivi,  du  Tour- 
noiement d'Antéchrist,  composé  parle  chevalier  Huon  de 
Méri  en  1235  (il  place  pendant  l'expédition  de  Louis  IX 
eu  Bretagne,  qui  eut  lieu  cette  année-là,  la  vision  qu'il 
prétend  avoir  eue),  qui  est  inspiré,  pour  l'emploi  des 
personnifications,  d'autres  oeuvres  antérieures  comme  le 
Besantde  Dieu  de  Guillaume  le  Clerc  |§  154),  mais  qui  traite 
le  sujet  avec  esprit  et  une  agréable  fertilité  d'imagination. 


LITTÉRATURE    DIDACTIQUE.  233 

156.  L'emploi  des  personnifications  pour  l'enseigne- 
ment  de  la  morale  chrétienne  rattache  à  ces  dernières 
œuvres  d'autres  compositions  allégoriques  qui  n'ont 
pas  la  forme  de  débats  ou  de  batailles.  Tel  est  le 
Sonyc  d'Enfer  de  Raoul  de  Houdan  (§  103),  qu'a  imité 
Huon  de  Méri  (§  155).  Au  Songe  d'Enfer  de  Raoul  un  con- 
temporain a  ilonné  pour  parallèle  la  Voie  de  Paradis  :  ce 
n'est  autre  chose,  naturellement,  sous  la  forme  symboli- 
que d'un  voyage,  que  la  pratique  de  toutes  les  vertus 
dans  la  vie  terrestre,  malgré  les  tentations  et  les  pièges 
du  diable.  Ce  cadre  tenta  d'autres  écrivains  :  Rustebeuf 
(§  127)  et  Baudouin  de  Condé  (§  103)  ont  fait  chacun  une 
Voie  de  Paradis.  Plus  anciennement  que  tous  ces  écri- 
vains, en  1180,  un  anonyme,  sans  doute  lorrain,  avait 
composé  un  petit  poème  allégorique  sur  le  siège  de 
Jérusalem  par  le  roi  de  Babylone,  dans  lequel  se  trouve 
l'idée  que  la  vie  de  l'homme  sur  cette  terre  est  un 
pèlerinage  vers  le  ciel.  —  Cette  tendance  a  trouvé  son 
apogée  dans  l'œuvre  considérable  du  moine  cistercien 
Guillaume  de  Digulleville  (Manche),  mort  vers  1360,  qui, 
de  1330  à  1332,  après  avoir  lu  le  Roman  de  la  Rose 
(voir  §  llo),  composa  son  Pèlerinage  de  la  vie  humaine  qu'il 
remania  en  y  ajoutant  le  Pèlerinage  de  rame  (1355)  et  le 
Pèlerinage  de  Jésus  Christ  (1358).  Fort  bien  accueillie  dès 
son  apparition,  imprimée  souvent  à  partir  du  xve  siècle, 
l'œuvre  de  Guillaume  de  pigulleville,  dont  Chaucer  a 
traduit  certains  morceaux  lyriques,  paraît  bien  avoir 
inspiré  le  fameux  Voyage  du  Pèlerin,  du  puritain  John 
Bunyan,  le  plus  populaire  de  tous  les  livres,  après  la 
Bible,  dans  les  pays  de  langue  anglaise. 

157.  Une  place  à  part  doit  être  faite  aux  traités  <lc 
morale  chrétienne  ex  professo.  Le  plus  remarquable  de 
beaucoup  est  l'ouvrage  dédié  à  Philippe  le  Hardi,  en 


254  LITTÉRATURE   DIDACTIQUE. 

1270.  par  son  confesseur,  le  dominicain  frère  Lorens 
(qui  paraît  avoir  mis  à  profit  un  ouvrage  plus  ancien 
appelé  le  Miroir  du  Monde),  la  Somme  des  vices  et  des  vertus 
(désignée  souvent  sous  le  nom  de  Somme  le  Roi  ou 
Somme  Lorens).  Passant  en  revue,  d'après  des  division-, 
un  peu  trop  artificielles  et  scolastiques,  tous  les  ensei- 
gnements moraux  de  la  religion  chrétienne,  Lorens 
donne  sur  tous  les  points  des  conseils  aussi  empreints 
de  sagesse  et  de  douceur  que  de  véritable  et  profonde 
piété.  Il  ne  veut  pas  faire  du  monde  un  cloître,  comme 
plus  d'un  de  ceux  qui  ont  traité,  notamment  en  latin, 
les  mêmes  sujets:  il  décrit,  à  un  point  de  vue  assuré- 
ment très  strict,  mais  cependant  accommodé  aux  néces- 
sités «le  la  vie  réelle,  les  devoirs  et  les  périls  de  chaque 
condition  mondaine;  son  livre,  outre  quil  nous  donne 
sur  l'existence  sociale  et  intime  du  xiiie  siècle  plus  d'un 
renseignement  précieux,  est  empreint  d'une  onction  et 
d'une  simplicité  de  cœur  qui  se  reflètent  parfaitement 
dans  son  style  d'une  aimable  et  élégante  naïveté,  et  qui 
auraient  dû  lui  valoir,  de  nos  jours  même,  parmi  les 
productions  du  moyen  âge,  une  réputation  supérieure 
à  celle  qu'il  a  obtenue  jusqu'ici.  Il  fut  fort  goûté  autre- 
fois; on  le  traduisit  bientôt  en  provençal,  en  italien,  en 
anglais,  en  flamand,  et  il  fut  un  des  premiers  livres 
français  imprimés  au  XVe  siècle.  —  Moins  intéressant 
que  la  Somme  le  Roi,  mais  précieux  encore,  notamment 
par  ses  exemples  et  ses  curieux  renseignements  sur  les 
mœurs  de  l'Angleterre  au  xme  siècle,  est  le  Manuel  des 
péchés  de  William  de  Wadington,  écrit,  vers  la  fin 
du  .\iue  siècle,  dans  un  langage  que  les  Français  de 
France  auraient  eu  souvent  quelque  peine  à  enten- 
dre, en  vers  rimes  deux  à  deux  qui  s'efforcent  d'être 
octosyllabiques:  il  fut  traduit  peu  de  temps  après  en 
anglais  par  Robert  de  Brunne.  —  On  a  encore  quelques 


LITTERATUH12    DIDACTIQUE.  255 

ouvrages  du   môme   genre,    mais  de   moindre    impor- 
tance. 

158.  C'est  seulement  pour  l'histoire  de  la  langue  qu'ont 
de  l'intérêt  les  traductions  faites  au  xin°  siècle,  en  dia- 
lectes wallons  ou  lorrains,  de  quelques  commentaires 
bibliques  où  le  texte  ne  sert  que  d'occasion  à  de  longs 
développements  moraux  ou  mystiques.  Les  ouvrages 
dans  ce  genre  de  saint  Grégoire  le  Grand  jouirent  d'une 
faveur  particulière  :  nous  possédons  ainsi  une  version 
de  son  commentaire  sur  Ézéchiel,  et  une  autre,  frag- 
mentaire, de  ses  Moralia  in  Job.  —  Le  Dialogus  animae 
conquerentis  et  ralionis  consolantis  (ou  Homonyma)  d'Isidore 
de  Séville,  sorte  de  jeu  de  style  qui  n'aurait  guère  dû, 
semble-t-il,  inviter  à  la  traduction  dans  une  langue  peu 
assouplie  à  des  exercices  de  ce  genre,  fut  aussi  mis  dès 
le  commencement  du  xnr  siècle  en  un  français  curieux 
par  son  caractère  dialectal  (lorrain)  très  marqué.  — 
Notons  encore  la  version  (perdue)  par  Jean  de  Meun  du 
livre  d'Aelred  sur  V Amitié  spirituelle  (voir  §  113),  et  les 
traductions  de  divers  traités  mystiques  de  saint  Bona- 
venture. 


SECTION  III 


LITTÉRATURE   LYRIQUE 


15!).  Cette  branche  de  la  littérature  religieuse  est  au 
moyen  âge  d'une  singulière  pauvreté,  soit  que  réelle- 
ment l'usage  de  chanter  en  français  les  louanges  deDieiv 
et  les  émotions  de  la  piété  ait  été  peu  répandu,  soit  que 
les  cantiques  et  les  chansons  pieuses  aient  été  rarement 
conservés.  Nous  y  conprendrons  d'abord  les  diverses 
traductions  des  Psaumes.  Les  deux  plus  anciennes 
(Psautier  d'Oxford  ou  de  Montcbourg  et  Psautier  de 
Cambridge),  exécutées  probablement  à  Canterbury  au 
commencement  du  xu"  siècle,  sont  en  prose  et  extrême- 
ment littérales;  on  a  pensé  qu'elles  provenaient  de 
gloses  intra-linéaires  insérées  par  un  seul  et  même 
auteur  dans  le  texte  de  deux  versions  latines  différentes 
des  Psaumes;  mais  cette  opinion  est  contestable. 
D'autres  versions,  également  en  prose,  s'appuient  plus 
ou  moins  directement  sur  la  première  de  ces  versions. 
Parmi  celles  qui  en  sont  le  moins  étroitement  dépen- 
dantes, nous  signalerons  un  Psautier  lorrain  du  xive  siècle, 
fort  intéressant  pour  la  langue  et  par  la  préface  du  tra- 
ducteur; c'est  d'ailleurs  le  remaniement  d'un  texte  plus 

17 


258  LITTERATURE   LYRIQI  E. 

ancien,  qui  remontait  peut-être  au  mouvement  de  tra- 
ductions bibliques  arrêté  par  l'Église  à  .Metz  en  1109 
(§  139).  —  Une  traduction  des  Psaum(S  en  vers  remar- 
quables de  huit  syllabes,  qui  a  été  laite  en  Lorraine  au 
xiir2  siècle,  a  aussi  pour  base  essentielle  ce  texte  lorrain 
aujourd'hui  perdu.  —  En  1181,  un  anonyme  mettait  en 
vers,  pour  la  comtesse  Marie  de  Champagne  (§  57),  une 
longue  paraphrase  du  psaume  Eructavit;  mais  cette 
paraphrase,  en  vers  de  huit  syllabes  et  d'un  caractère 
tout' didactique,  n'a  rien  à  l'aire  avec  la  poésie  lyrique. 
—  On  a  encore  des  traductions  poétiques  à  part  des 
Psaumes  de  lu  Pénitence.  —  Le  Cantique  des  Cantiques  fut 
aussi  traduit,  malgré  les  scrupules  que  plusieurs  théo- 
logiens avaient  à  cet  égard;  à  la  fin  du  xn6  siècle  Landri 
de  Waben  en  fit,  pour  le  comte  Baudouin  d'Ardres,  une 
version  partielle  en  vers  assez  gracieux,  accompagnée 
d'une  longue  paraphrase  moralisante;  d'autres  versions, 
également  commentées,  sont  insérées  dans  plusieurs 
Bibles  en  vers.  Au  commencement  du  xne  siècle  une 
petite  pièce  remarquable,  dont  nous  n'avons  malheu- 
reusement que  le  début,  en  présente  une  imitation  qui 
parait  avoir  été  faite  en  vue  d'une  application  à  des 
événements  de  l'histoire  contemporaine  de  l'Église.  — 
On  a  aussi  quelques  traductions  en  vers  de  chants 
crrlésiastiques,  notamment  du  Stabat  Mater.  On  peut 
rapprocher  de  cette  célèbre  prose  une  série  assez  nom- 
breuse de  Plaintes  mises  dans  la  bouche  de  la  Vierge, 
soit  au  pied  de  la  croix,  soit  après  la  mort  de  son  fils; 
ces  pièces  sont  imitées  de  pièces  latines  et  ont  des 
pendants  dans  d'autres  littératures  du  moyen  âge. 

160.  Le  culte  de  la  Vierge  et  des  saints  a  suscité  natu- 
rellement des  chants,  parfois  d'un  ton  presque  popu- 
laire, destinés  à  les  honorer.  Les  chansons  consacrées 


LITTÛiATl/Iii:    LYRIQUE.  259 

à  la  Vierge  sont  assez  abondantes;  on  en  a  plusieurs  de 
Gautier  de  Coinci  (§  142),  dans  lesquelles  il  imite  et 
parodie  pieusement  des  chansons  d'amour  alors  à  la 
mode.  Cette  adaptation  de  formes  et  de  mélodies  pro- 
fanes à  un  pieux  usage  a  été  très  usitée  au  xiu  siècle. 
Elle  caractérise  le  serventois  (§  120).  Des  serventoi$  de  ce 
genre  ont  encore  été  composés  au  xiv  siècle,  entre 
autres  par  Jean  Brisebarre  de  Douai  (§  il  ;  ils  étaient 
surtout  destinés  aux  concours  des  puis  (§  127).  On  a 
aussi  plus  d'une  pièce  à  la  Vierge  en  strophes  régulières 
ou  en  quatrains  monorimes.  —  D'autres  chansons  sont 
en  L'honneur  de  saint  Nicolas,  de  sainte  Catherine,  de 
sainte  Anne,  de  tous  les  saints  (litanies  paraphra- 
sées), etc.;  beaucoup  de  ces  pièces  ont  un  caractère 
narratif  autant  que  lyrique,  et  nous  en  avons  parlé  à 
propos  de  la  littérature  hagiographique  (§  144).  —  Il 
faut  signaler  à  part  une  série  de  pièces,  généralement 
empreintes  d'une  véritable  poésie  mystique,  inspirées 
au  xme  siècle  par  la  dévotion  au  nouveau  saint  italien 
devenu  rapidement  populaire,  François  d'Assise. 

161.  Les  fêtes  et  le  culte  ont  produit  fort  peu  de  pièces 
lyriques  qui  nous  soient  arrivées.  Sur  trois  nocls  qu'on 
connaît,  deux  au  moins,  l'un  anglo-normand,  l'autre 
d'Adam  le  Bossu  (§  132),  ont  un  caractère  plus  profane 
que  religieux,  et  célèbrent  surtout  les  joyeux  repas  qui 
se  donnaient,  en  Angleterre  et  en  France,  à  l'occasion 
de  la  grande  fête  hivernale.  Au  même  genre  appartient 
une  amusante  parodie,  anslo-nornianle,  de  la  séquence 
Laetnbundus,  qui  se  chantait  dans  la  nuit  de  Noël.  —  La 
Prose  de  Vâne,  dont  on  a  plusieurs  versions,  est  en  latin, 
et  le  refrain  seulement  est  français;  elle  se  rattachait  à 
une  cérémonie  burlesque,  à  laquelle  la  jeunesse  cléri- 
cale prenait  plus  de  part  que  les  laïques. 


200  LITTERATURE   LYRIQUE. 

102.  Les  chants  pieux  exprimant  des  sentiments  per- 
sonnels sont  rares.  L'un  des  plus  remarquables  est  une 
pièce  en  vers  de  cinq  syllabes,  attribuée  à  divers  per- 
sonnages célèbres,  mais  qui  paraît  être  d'un  certain 
Tibaud  d'Amiens  (commencement  du  xm'  siècle),  et  où 
sont  exprimées  avec  énergie  les  angoisses  et  les  espé- 
rances du  pécheur  repentant.  Citons  aussi  la  Plainte 
d'Amour,  pièce  d'inspiration  mystique,  composée  en 
Angleterre;  où  un  sentiment  vraiment  profond  se  l'ait 
jour  à  travers  les  difficultés  de  l'allégorie  et  rembarras 
d'une  langue  incorrecte,  et  une  prière  composée,  sans 
doute  au  début  du  xiv  siècle,  par  une  «  béguine  »  du 
nord  de  la  France  (dont  on  a  encore  deux  autres  petits 
poèmes  religieux)  et  où  s'exprime  avec  une  rare  ardeur 
l'élan  d'une  àme  de  femme  vers  le  Dieu  d'amour.  La 
prière  de  Théophile  repentant  (voir  §  143)  a  été  mise  en 
quatrains  d'alexandrins  monorimes  en  dehors  de  la 
légende,  que  tout  le  monde  connaissait. 

1(13.  Une  catégorie  à  part  comprend  les  chansons  de 
pèlerinage.  Il  en  a  existé  certainement  beaucoup,  vu 
l'importance  extrême  que  ces  pieuses  visites  à  des 
sanctuaires  souvent  très  lointains'  avaient  au  moyen 
âge,  mais  nous  en  avons  très  peu  conservé,  et  les  plus 
intéressantes  sont  en  latin.  —  On  peut  rattacher  à 
cette  classe  les  chansons  de  croisade,  qui  cependant, 
ayant  un  caractère  moins  purement  religieux,  ont  été 
mentionnées  plus  haut  dans  l'histoire  de  la  poésie 
lyrique  profane  (S  124). 


SECTION  IV 

LITTÉRATURE    DRAMATIQUE 


164.  L'histoire  du  drame  chrétien  dans  la  première 
partie  du  moyen  âge  appartient  à  la  littérature  latine 
bien  plus  qu'à  la  littérature  française.  Il  naquit  de  la 
liturgie,  se  produisit  d'abord  dans  la  langue  des  clercs, 
dans  l'église  même,  et  n'en  sortit  que  peu  à  peu.  —  Les 
mystères  proprement  dits,  qui  mettent  en  scène  les  deux 
grands  épisodes  du  mystère  de  la  rédemption,  à  savoir 
l'incarnation  d'une  part  et  la  passion  de  l'autre,  se 
divisent  par  là  même  en  deux  cycles,  celui  de  Noël  et 
celui  de  Pâques. 

165.  Le  cycle  de  Noël  comprend  deux  groupes.  Le 
premier  représente  la  nativité  et  les  diverses  scènes  qui 
la  précèdent  et  la  suivent,  soit  dans  les  évangiles,  soit 
dans  les  textes  apocryphes  :  on  n'en  a  pas  de  texte  fran- 
çais qui  remonte  à  l'époque  où  nous  nous  renfermons, 
sauf  un  petit  drame  qui  fait  partie  de  la  grande  collec- 
tion des  Miracles  de  la  Vierge,  composée  peut-être  encore 
à  l'extrême  limite  de  cette  période  (§  168).  —  L'autre 
groupe,  celui  des  Prophètes  du  Christ  remonte  à  un  sermon 


262  LITTÉRATURE   DRAMATIQUE. 

longtemps  attribué  à  saint  Augustin  :  l'auteur  évoque 
successivement  les  divers  personnages  qui,  avant  la 
venue  du  Messie,  sont  censés  l'avoir  annoncé,  et  leur 
met  dans  la  bouche  les  paroles  qui  constituent  leur  pro- 
phétie.  On  fit  de  bonne  heure,  en  donnant  à  l'église 
lecture  de  ce  sermon,  défiler  devant  le  lecteur  et  les 
fidèles  des  clercs  revêtus  de  costumes  plus  ou  moins 
convenables  à  chacun  des  personnages  évoques:  puis 
on  mit  en  vers  latins  les  paroles  du  lecteur  et  celles  de 
chacun  des  prophètes,  et  enfin,  quand  la  prophétie  se 
rattachait  à  quelque  action  dramatique,  on  la  représenta 
plus  ou  moins  symboliquement,  dans  le  chœur  de 
l'église.  On  vit  ainsi  Balaam  sur  son  ànesse,  Daniel  dans 
la  fosse  aux  lions,  etc.  Peu  à  peu  ces  sortes  de  tableaux 
vivants  devinrent  de  véritables  petites  scènes,  jduées 
par  les  jeunes  clercs  sous  la  direction  des  écolàtres  ou 
des  prêtres,  et  les  strophes  latines  qu'on  mit  dans  la 
bouche  des  acteurs  lurent  parfois  munies  de  refrains 
français.  —  A  ce  cycle  se  rattache  l'œuvre  dramatique, 
toute  française,  qu'on  désigne  généralement  sous  le 
nom  d'Adam,  et  qui  comprend  en  réalité  trois  parties 
distinctes  :  la  chute  originelle,  terminée  par  l'espoir  pro- 
phétique d'Adam;  —  la  mort  d'Abel,  figure  de  l'immola- 
tion du  Rédempteur;  —  enfin  le  défilé  des  prophètes. 
C'est  une  œuvre  écrite  en  Angleterre  au  xn°  siècle  et 
dont  l'auteur  possédait  un  réel  talent  poétique  :  la  scène 
de  la  séduction  d'Eve  par  le  serpent  est  un  des  meilleurs 
morceaux  de  la  dramaturgie  chrétienne;  il  faut  aussi 
signaler  la  variété  des  rythmes  employés,  avec  une 
grande  habileté,  parle  poète,  à  l'imitation  des  mystères 
latins.  Cette  oeuvré  remarquable  paraît  avoir  été  jouée 
non  plus  dans  l'église,  mais  sous  le  porche  :  là  figure  qui 
représentait  Dieu  rentrait  dans  l'église  comme  dans  le 
ciel:  on  voyait  un  enfer  d'où  les  diables  sortaient  pour 


LITTÉRATURE   ÛRAMATÎQUÊ.  É6â 

venir  sur  la  terre,  et  des  limbes,  où  les  justes  morts 
avant  le  Christ  attendaient  leur  délivrance.  Le  précieux 
manuscrit  qui  nous  a  seul  conservé  l'ouvrage  donne, 
en  latin,  les  détails  les  plus  circonstanciés  de  costume 
el  de  mise  en  scène. 

166.  Le  cycle  de  Pâques  se  subdivise?  aussi  en  deux 
groupes.  L'épisode  le  plus  anciennement  représenté  est 
celui  de  la  résurrection,  ou  plutôt  de  la  manifestation 
de  la  résurrection;  car  il  faut  noter  qu'à  l'origine  les 
représentations  dramatiques  dans  les  églises  avaient 
pour  but  direct  de  présenter  aux  yeux  les  preuves  de  la 
vérité  des  mystères  chrétiens;  en  outre  les  personnes 
divines  et  la  Vierge-mère  elle-même  n'y  figuraient  pas, 
ou  si,  comme  dans  les  représentations  des  Bergers  et 
des  Mages,  la  Vierge  et  l'enfant  étaient  montres, 
c'étaient  des  personnages  muets  et  sans  doute  des 
statues.  La  résurrection  était  très  anciennement,  dans 
les  églises  de  Gaule,  le  sujet  d'une  cérémonie  presque 
déjà  dramatique  :  l'autel  figurait  le  tombeau,  que 
venaient  visiter  des  clercs  représentant  les  saintes 
femmes;  d'autres  clercs  faisaientles  anges  et  annonçaient 
aux  femmes  la  résurrection  du  Seigneur.  Ce  germe  pri- 
milif  se  développa  dans  plusieurs  textes  latins,  et  on  fit 
précéder  cette  scène  de  la  représentation  du  Calvaire 
avec  Jésus  mort  sur  la  croix  (c'était  sans  doule  un 
simple  crucifix).  Nous  avons  en  français  une  forttte assez 
développée  du  mystère  ainsi  agrandi;  elle  est  anglo- 
normande  comme  Adam,  mais  moins  ancienne,  et  n'a 
pas  à  beaucoup  près  la  même  valeur  poétique.  Elle  est 
très  curieuse  en  ce  qu'elle  est  précédée  d'un  prologue 
adressé  aux  spectateurs  par  le  meneur  du  jeu,  et  dans 
lequel  il  leur  explique  les  différents  lieux  et  les  diffé- 
rents groupes  d'acteurs  qu'ils   ont   sous  les  yeu\.  Le 


264  LITTÉRATURE    DRAMATIQUE. 

théâtre  du  moyen  âge,  sorti  de  l'église,  où  il  n'y  avait 
naturellement  ni  rideau  ni  coulisses,  a  gardé  tout  le 
temps  la  marque  de  son  origine  :  la  mise  en  scène  y  est 
non  successive,  mais  simultanée;  les  différents  lieux  où 
se  promènera  l'action  sont  dès  l'abord  sous  les  yeux 
des  spectateurs,  garnis  des  personnages  afférents;  ils 
communiquent  entre  eux  par  le  devant  de  la  scène.  Il 
résulte  de  là  de  graves  inconvénients  :  par  exemple  on 
ne  peut  rien  supposer  comme  se  passant  hors  de  la  vue 
du  public,  et  les  messagers  qui  vont  d'une  des  mansions 
(comme  dit  le  prologue  de  notre  Résurrection)  à  l'autre 
doivent  toujours  circuler  à  la  vue  de  tous,  répéter  à 
l'arrivée  ce  qu'on  leur  a  dit  au  départ,  et  occuper  par 
des  monologues  insignifiants  le  temps  de  leur  voyage 
prétendu.  Dautre  part,  cette  disposition,  née,  comme 
celle  du  théâtre  grec,  de  la  force  des  choses  et  non  de 
la  réflexion,  pouvait  présenter  de  sérieux  avantages, 
donnait  aux  différents  éléments  de  l'action  une  unité 
visible,  et  dispensait  des  perpétuels  changements  de 
scène  qui  sont  si  incommodes  et  si  nuisibles  à  l'effet 
artistique  dans  le  théâtre  anglais  ou  espagnol,  ainsi  que 
de  l'unité  conventionnelle  du  théâtre  français  classique. 
La  Résurrection  s'ouvre  aussitôt  après  que  Jésus  a  rendu 
le  dernier  soupir,  et  introduit  d'abord  l'aveugle  Longin, 
personnage  de  récits  apocryphes  (§  140),  qui  recouvre  la 
vue  en  se  frottant  les  yeux  du  sang  qui  coule  des  plaies 
du  crucifié;  on  voit  ensuite  Nicodème  obtenir  de  Pilate 
l'autorisation  d'ensevelir  le  corps,  le  détacher  de  la 
croix  et  l'enfermer  dans  le  tombeau  ;  puis  le  meneur, 
qui  tout  le  temps  intervient,  et  relie  par  ses  courts 
récits  les  divers  dialogues  les  uns  aux  autres,  raconte 
que  le  lendemain  les  trois  Maries  allèrent  porter  des  par- 
fums au  sépulcre  :  on  les  voit  arriver,  et  les  anges,  qui 
étaient    probablement   jusque-là    cachés    derrière    le 


LITTÉRATURE   DRAMATIQUE.  265 

monument,  se  lèvent  pour  leur  annoncer  qu'il  est  vide 
et  que  le  Sauveur  est  ressuscité.  Le  jeu  se  termine  par 
un  hymne  que  chantent  les  acteurs.  —  On  peut  encore 
rattacher  au  cycle  de  la  Résurrection  le  petit  drame  de 
l'Époux  ou  des  Vicrycs  folles,  d'abord  sans  doute  pure- 
ment latin,  puis  «  farci  »  de  refrains  et  de  strophes  en 
langue  vulgaire  (poitevin),  dont  le  manuscrit  remonte 
au  second  tiers  du  xue  siècle.  Il  a  dans  ses  deux  parties 
un  caractère  presque  purement  lyrique.  La  parabole 
évangélique  est  considérée  ici  comme  symbolisant 
l'avènement  du  Sauveur  à  la  fin  des  temps.  —  De  l'his- 
toire de  la  Passion  proprement  dite,  nous  n'avons  pour 
cette  époque  aucune  forme  française  ni  même  latine; 
c'est  plus  tard  seulement  qu'on  représenta  sur  le 
théâtre  la  vie  et  la  mort  du  Christ. 

167.  A  côté  des  mystères  le  théâtre  chrétien  comprend 
les  miracles,  qui  en  sont  fort  différents  et  qui  ont  une 
autre  origine.  Ils  sont  sortis  des  chants  en  l'honneur 
des  saints  ou  des  lectures  sur  leur  vie  qu'on  faisait  dans 
les  églises,  et  ils  étaient  représentés,  en  général  aux 
veilles  de  leurs  fêtes,  par  les  écoliers  et  les  jeunes  clercs. 
Aussi  sont-ce  les  saints  qui  étaient  les  patrons  de  la 
jeunesse  qui  ont  été  l'objet  le  plus  ancien  de  ces  jeux. 
Nous  en  possédons  plusieurs  en  vers  latins  rythmiques 
sur  saint  Nicolas,  dont  un  par  Hilaire,  disciple  d'Abai- 
lard;  ce  dernier  a,  comme  le  Daniel  du  même  auteur, 
des  refrains  en  français.  A  cette  classe  appartient  une 
pièce  artésienne  dont  nous  avons  déjà  dit  un  mot  (§  132), 
le  Jeu  de  saint  Nicolas  de  Bodel.  Le  prologue  dit  expres- 
sément que  ce  jeu  se  donnait  la  veille  de  la  fête  du 
saint;  mais  le  miracle  posthume  qu'il  célèbre  ne  sert 
que  de  prétexte  à  un  véritable  drame  à  deux  faces,  l'une 
religieuse  et  héroïque,  l'autre  réaliste  et  populaire  :  les 


266  LIT'l'ÉHATClîE    UKAMAÏÏoI  h. 

acteurs  en  étaient  certainement  des  bourgeois,  ou  peut- 
être  des  membres  de  cette  confrérie  des  ftiëiiestrels  qui 
Rôtissait  à  Arras,  et  qui  avait  pour  palladium  le  éierge 
laineux  qui,  disait-on,  s'était,  un  jour  posé  de  lui-même, 
sur  la  vielle  de  l'un  d'entre  eux  pendant  qu'il  jouait 
devant  l'autel.  Il  faut  noter  la  variété  des  vers  employés 
dans  la  pièce  de  Bodel  :  le  rythme  et  l'arrangement  des 
rimes  changent  constamment.  La  légende  du  saint 
racontait  qu'un  «  barbare  »  ayant  mis  son  trésor  sous  la 
protection  d'une  image  de  saint  Nicolas,  et  des  voleurs 
ayant  enlevé  ce  trésor,  le  saint  leur  était  apparu  él  les 
avait  contraints  par  de  terribles  menaces  à  rapporter 
leur  btitih.  Voilà  le  thème  simple  que  Bodel  a  développé 
avec  la  plus  extrême,  et,  au  moins  en  partie,  la  plus 
heureuse  liberté.  Du  «  barbare  »  il  a  l'ait  un  roi  sarrasin, 
et  il  a  supposé  que  l'image  de  saint  Nicolas  avait  été 
trouvée  dans  le  camp  des  chrétiens  après  une  sanglante 
défaite  éprouvée  par  eux  :  cela  lui  a  donné  lieu  de  mettre 
en  scène  des  croisés  dans  toute  l'ardeur  de  leur  enthou- 
siasme, et  il  a  su  placer  de  nobles  et  pathétiques  accents 
dans  leur  bouche  et  dans  celle  de  l'ange  qui  vient  leur 
annoncer  leur  prochain  martyre.  D'autre  part,  il  a  peint 
les  voleurs  comme  des  ribauds  d'Arras,  ne  craignant 
pas  de  leur  prêter,  tout  païens  qu'ils  doivent  être,  les 
locutions  les  plus  familières  et  même  les  plus  chrétiennes 
(entendez  les  plus  blasphématoires)  de  leurs  pareils, 
contemporains  du  poète.  Les  scènes  qui  nous  représen- 
tent ces  «  mauvais  garçons  »  à  la  taverne,  buvant,  jouant 
aux  dés,  se  querellant  et  parlant  un  argot  souvent  incom- 
préhensible pour  nous,  sont  assurément  beaucoup  trop 
longues,  et  on  peut  leur  reprocher  d'être  par  endroits 
lourdes  et  triviales;  mais  elles  ont  un  vif  intérêt  comme 
peinture  des  mœurs  aussi  pittoresques  que  peu  édi- 
fiantes de  cette  classe  (on  peut  en  rapprocher  des  scènes 


LITTERATURE   DRAMATIQUE.  .      267 

semblables,  également  aftesiend.es,  dans  le  Jfeâ  Adain, 
g  132,  ël  dabs  Courtois  à'Àrruè,  jj  77  .  La  simplicité  gros- 
sière du  miracle  est  plutôt  augmentée  qu'atténuée  dans 
la  pièpê  dé  Bodèl;  mais1  êh  somme  saihj  Nicolas  apparaît 
à  peiné,  et  ce  n'est  pas  son  intervention  qui,  b 
pour  les  spectateurs  d'alors,  faisait  lr  principal  Intérêt 
de  l'œuvre.  —  D'un  autre  Miracle  de  saint  Sicotas,  qui 
paraît  encore  appartenir  à  notre  période,  nous  ne  con- 
naissons à  peu  près  que  l'ëJïisténfce  :  il  semble  se  rap- 
procher par  la  forme  des  Mirtteles  de  Notre  Dawi  du 
\iv  siècle,  dont  nous  allons  parler.  —  Sainte  Catherine 
aussi  (ut  de  bonne  heure  l'objet  de  jeux  analogues:  un 
témoignage  précis  nous  apprend  qu'avant  11U)  Gaufrei, 
plus  tard  abbé  de  Saint-Alban.  en  Angleterre,  avait  l'ait 
jouer  à  Dtinstable  par  les  jeunes  moines  ou  novices  de 
son  monastère  un  miracle  de  cette  sainte;  mais  nous 
n'en  avons  pas  conservé  le  texte,  qui  était  sans  doute 
latin.  —  L'Angleterre,  pour  les  miracles  comme  poul- 
ies mystères,  se  montre  particulièrement  précoce  et 
abondante  :  Wilhani  de  Wadington  §  157;  s'indigne 
contre  la  passion  que  les  clercs  apportaient  à  ces  repré- 
sentations; où  souvent  il  y  avait  plus  de  scandale  que 
d'édification.  La  plupart  de  ces  pièces  anglo-normandes 
se  sont  perdues,  mais  on  en  a  souvent  des  imitations 
anglaises  postérieures. 

168.  Les  confréries  ou  puis  en  l'honneur  de  la  Vierge 
(§  127  eurent  bientôt  l'idée  de  représenter  par  person- 
nages les  miracles  de  leur  patronne,  de  même  que 
d'autres  confréries  représentaient  ceux  de  saiid  Nicolas 
ou  île  sainte  Catherine.  C'est  sans  doute  pour  une  société 
de  ce  genre  que  Ruslcbeuf  (§  127  a  écrit  son  Miracle 
île  Théophile,  d'après  une  légende  très  répandue  (§  143); 
c'est  une  œuvre  assez  ordinaire,  qui  présente  cependant 


268  LITTÉRATURE    DRAMATIQUE. 

quelques  traits  hardis  et,  dans  l'expression  du  repentir 
de  Théophile,  une  certaine  émotion.  —  C'est  également 
pour  un  i  pui  Nostre  Dame  »  et  sans  doute  par  des 
membres  de  la  confrérie  que  fut  composée,  sans  doute 
à*  Paris  et  peut-être  encore  dans  la  première  moitié  du 
xiv°  siècle,  la  grande  collection  de  quarante  Miracles  de 
Notre  Dame  par  personnages  qui  nous  est  parvenue.  Comme 
il  est  arrivé  en  dehors  du  théâtre  (§  143),  on  attribite  ici 
à  la  Vierge  l'intervention  décisive  dans  beaucoup  d'his- 
toires où  originairement  le  dénouement  miraculeux  était 
['œuvre,  soit  de  Dieu  lui-même,  soit  de  quelque  autre 
saint  ou  sainte.  Toutes  les  pièces  qui  composent  ce 
recueil  ont  entre  elles  une  étonnante  ressemblance  de 
fond,  de  forme  et  de  manière.  La  polymétrie,  qui  règne 
dans  Adam,  dans  le  Nicolas  de  Bodel  et  dans  le  Jeu  de  la 
Feuillée,  a  disparu;  sauf  quelques  «  rondeaux  »  mis 
dans  la  bouche  des  anges  qui  convoient  régulièrement 
Notre  Dame  du  ciel  à  la  terre  et  de  la  terre  au  ciel,  tout 
est  en  vers  de  huit  syllabes  rimant  deux  à  deux;  mais 
chaque  réplique  se  termine  par  un  vers  de  quatre  syl- 
labes rimant  avec  le  premier  vers  de  la  réplique  suivante 
le  premier  miracle  seul  conserve  au  dernier  vers  des 
répliques  son  nombre  régulier  de  syllabes).  Il  en  résulte 
que,  à  très  peu  d'exceptions  près,  toutes  les  répliques 
ont  au  moins  deux  vers,  ce  qui  amène  des  redites  et 
des  banalités  insupportables.  Ces  pièces  n'ont  d'ailleurs, 
sauf  quelques  endroits  assez  naïfs  et  touchants,  qu'une 
très  faible  valeur  littéraire;  elles  sont  construites  avec 
une  simplicité  tellement  dénuée  d'artifice  qu'elles  en 
deviennent  plates  et  souvent  presque  grotesques;  mais 
elles  montrent  de  quel  développement  était  suscep- 
tible la  forme  des  miracles,  bien  supérieure,  au  point 
de  vue  dramatique,  à  celle  des  mystères.  Ceux-ci,  gênés 
par  la  sainteté  même  de  l'action  qu'ils  représentaient. 


LITTERATURE    DRAMATIQUE.  269 

ne  pouvaient  prendre  aucune  liberté  et  étaient  empri- 
sonnés dans  des  données  surnaturelles  exclusives  de 
tout  intérêt  vraiment  humain;  dans  les  miracles,  au 
contraire,  l'action  est  tout  humaine,  et  le  poète  est  libre 
de  la  traiter  comme  il  l'entend  ;  la  Vierge  ou  le  saint  qui, 
par  un  miracle,  doit  la  dénouer  n'apparaît  qu'à  la  fin, 
vrai  deus  ex  machina,  sans  peser,  pendant  la  durée  du 
drame,  sur  la  conduite  des  personnages.  Entre  les 
mains  de  poètes  quelque  peu  habiles,  le  miracle  aurait 
pu  devenir  le  vrai  drame  moderne,  en  éliminant  peu  à 
peu  l'intervention  surnaturelle  qui  le  terminait.  Il  n'en 
lut  rien,  grâce  à  l'absence  de  talent  et  surtout  d'initia- 
tive personnelle  chez  les  auteurs  de  miracles,  et  le 
théâtre  sérieux  des  temps  modernes  trouva  ses  origines 
dans  l'imitation  de  l'antique.  Il  faut  louer  cependant, 
dans  la  collection  des  Miracles  de  Notre  Dame,  l'extrême 
variété  des  sujets  traités  et  la  familiarité  avec  laquelle 
les  actions  et  les  paroles  des  gens  de  toutes  conditions 
sont  représentées  sur  la  scène  :  c'est  ce  qui  donne  de 
l'intérêt  à  ces  pièces,  malgré  leur  faiblesse  presque 
constante,  et  les  fait  encore  lire  avec  plaisir. 


TABLEAU   CHRONOLOGIQUE1 


Ve    SIECLE    (fin) 
Chansons  romanes  sur  le  baptême  de  Ghlodovech. 

VIe    SIÈCLE 
Poème  sur  un  fils  de  Ghlodovech  (Floovent?). 

VIIe    SIÈCLE 
Poèmes  sur  Dagobert. 

VIIIe    SIÈCLE 

Poèmes  sur  Charles  Martel,  Pépin.  Charlemagne  (Roncevaux). 

IXe    SIÈCLE 

PoÇ-mes,  sur  Charlemage  et  ses  premiers  successeurs.  —  Épopée 

méridionale. 
812.   Concile  de  Tours,  ordonnant  de  mettre  les   homélies  «  en 

langue  romane  rustique  ». 
842.  Serments  de  Strashourg. 
Vers  881.  Séquence  de  sainte  Eulalie. 

Xe  SIÈCLE 
Épopée  féodale. 
Homélie  sur  Jonas. 

1.  Ce  tableau  no  comprend,  à  un  très  petit  nombre  d'exceptions  près, 
que  des  dates  précises  ou  approximatives  d'ouvrages,  et  non  des  dates 
biographiques  ou  historiques.  Tous  les  ouvrages  mentionnés  se  trouvant 
à  leur  rang  à  la  table  alphabétique,  il  a  été  inutile  de  renvoyer  ici  aux 
paragraphes  du  livre.  On  a  pris  soin  de  ne  comprendre  dans  un  même 
alinéa  que  des  ouvrages  mentionnés  dans  un  même  chapitre  du  texte,  et 
de  ranger  les  alinéas,  quand  il  y  en  a  plusieurs  sous  la  même  date,  dans 
l'ordre  des  chapitres. 


2~r2  TABÏ.EAU    CUBONOLOGIQUE. 

Deuxième  uioilié. 

Fragment  de  La  Unir. 
Passion;  Vie  de  saint  Léger. 

XIe    SIÈCLE 

Deuxième  période  de  l'épopée,  dont  la  production  directe  es I  close 
—  La  geste  narhonnaise  est  transportée  au  nord  par  les  jon- 
gleurs. 
Chansons  d'amour  et  de  danse  (perdues). 
Vers  1040.   Vie  de  saint  Alexis. 
Vers  10G0.  Pèlerinage  de  Charlemagne. 
1000.  On  chante  le  Roland  à  Hastings. 
Vers  1075.  Lois  de  Guillaume. 
Vers  1080.  Forme  conservée  du  Roland. 
1000.  Chanson  d'outrée. 
1008.  Chanson  d'Antioche  (primitive). 
Vers  1100.  Gloses  de  Raschi. 

.\lle    SIÈCLE 

Troisième  période  de  la  poésie  épique. 

Premier  tiers. 

Forme  conservée  (fragment)   du  Roi  Louis.   —   Le    Charroi    de 
Nîmes.  —  L°  Montage  Guillaume  (première  rédaction  . 

Alexandre  d'Alhéric. 

Diffusion  des  récits  arthuriens  dans  l'Angleterre  française,  en 
France  et  en  Italie. 

Chansons  de  toile. 

Vie  de  saint  Grégoire. 

Sermon  envers  :  Grant  mal  fist  Adam.  —  Vers  du  jugement.  — 
Débat  de  l'âme  et  du  corps. 

Psautiers  en  prose  d'Oxford  et  de  Cambridge. 
1112.  Première  mention  des  contes  de  Renard  (Laon). 
1110.  Comput  de  Philippe  de  Thaon. 
Vers  1120.  Chansons  de  Luc  de  la  Barre. 
1121.   Vie  de  saint  Brendan,  par  Benoit. 
Vers  1  I2.'j.  Traduction  en  vers  du  Lapidaire  de  Marhode. 
Imitation  du  Cantique  des  cantiques. 
Vers  1130.  Bestiaire  de  Philippe  de  Thaon. 

neuvième  tiers. 

Élie  de  Winchester  et  Éverard  de  Kirkham,  traduction  en  vers  de 
Ca  ton. 


TABLEAU    CHRONOLOGIQUE.  273 

Premiers  vers  français  dans  les  jeux  liturgiques.  —  Mystère  de 
['Epoux  (Poitou). 

Premières  épttres  farcies. 

Pelils  poèmes  de  Wace. 
Vers  1135.  Sermon  de  Guicliard  de  Beaujeu. 
Vers  1140.  Poème  (perdu)  de  David  sur  Henri  Ier  d'Angleterre. 
1 146.  Chanson  pour  la  deuxième  croisade. 
Vers  1148.  Geffrei  Gaimar  :  Histoire  des  Anglais. 
Vers  1150.   La  Chevalerie  Vivien.  —  Le  Couronnement  de  Louis 
(rédaction  définitive).  —  La  Prise  d'Orange.  —  Audigier. 

Thèbes. 

Béroul  :  Tristan. 

Vie  remaniée  de  saint  Alexis. 
1155.  Wace  :  La  Geste  des  Bretons  {Brut). 
Vers  1155.  Tristan.  —  Narcissus.  —  Les  Sept  Sages  en  vers. 
1150-1160.  Chrétien  de  Troies.  Imitations  d'Ovide. 
1159.  Richeut. 

Vers  UGO.  Le  Moniage  Guillaume  (deuxième  rédaction).  Les  Saisnes 
(version  traduite  en  norvégien).  — ■  Les  Enfances  Godefroi 
(première  rédaction). 

Eneas. 

Lancelet  anglo-normand.  —  Chrétien  de  Troies  :  Érec. 

Huon  d'Oisi,  Chrétien  de  Troies  :  chansons. 
1160-1174.  Wace  :  La  Geste  des  Normands  {Rou). 
Vers  1165.  Rédaction  rimée  du  Roland. 

Benoît  de  Sainte  More  :  Troie. 

1167.  Le  livre  des  Sibylles. 

1168.  Chrétien  de  Troies  :  Cligés. 

Troisième  tiers. 

Aioul.  —  Élie  de  Sainl-Gilles.  —  M  aine  t.  —  Doon  de  Nanteuil.  — 
Les  Lorrains.  —  Divers  poèmes  de  la  geste  narbonnaise.  — 
Aie  d'Avignon.  —  Huon  de  Bordeaux.  —  Berte  (rédaction 
perdue).  —  Oger  de  Danemarche.  —  Jean  Bodel  :  Saisnes.  — 
Aspremont.  —  Basin.  —  Ami  et  Amile.  Jourdain  de  Blaie.  — 
Girard  de  Roussillon. 

Lambert  le  Tort  et  Alexandre  de  Bernai  :  Alexandre. 

Alexandre  de  Paris  :  Athis  et  Porphirias.  —  Partenopeu.  — 
Pyrame  et  Thisbé. 

Aucassin  et  Nicolette.  —  Le  Comte  de  Poitiers.  —  Floire  et 
Blanche/leur  (deux  rédactions). 

Lais  du  cor,  à'Ignaare,  de  Graelent,  etc. 

Le  Pèlerinage  de  Renard. 

Salomon  et  Marconi. 

L'Évangile  des  femmes. 

Chansons  de  Blondel,  de  Gautier  d'Épinal,  etc. 

18 


27  4  TABLEAU    CUHONOLOGIQL'E. 

Poffmes  bibliques  anglo-normands. 

Traduction  des  Rois,  des  Juges,  des  Macchabées.  —  Poèmes  de 
Jub;  de  Joseph. 

Vie  de  saint  Jean-Baptiste. 

Yies  de  saint  Alexis,  saint  Laurent,  saint  Gilles,  saint  Hugues 
de  Lincoln,  saint  Edmond;  de  sainte  Marie  l'Égyptienne, 
sa'mlr  Thaïs .  sainte  Euphrosyne,  sainte  Julienne,  sainte 
Catherine,  sainte  Modwenne.  — Bérol  :  Purgatoire  de  saint 
Patrice. 

Samson  de  Nanteuil  :  les  Proverbes  de  Salomon.  —  Dit  des  Quatre 
Sœurs.  —  Les  Quinze  Signes  du  Jugement. 

Psautier  en  vers.  —  Landri  de  Waben  :  Cantique  des  cantiques. 
Vers   1168.    Gautier  d'Arras   :    Ille   et  Galeron.  —    Chrétien    de 

Troies  :  C tiges. 
Vers  1170.  Manuscrit  d'Oxford  du  Roland.  —  Fierabras.  —  Rui- 
nouart.  —  Foulque  de  Candie.  —  Aiquin. 

Thomas  :  Tristan. 

Aaluf.  —  Horn.  —  Waldef.  —  Havelok. 

Chrétien  de  Troies  et  Godefroi  de  Lagni  :  La  Charrette. 

Benoit  de  Sainte-More  :  Histoire  des  ducs  de  Normandie. —  Guil- 
laume de  Saint-Pair  :  Histoire  du  Mont-Sainl-Michel. 

Huon  d'Oisi  :  Tournoiement  des  dames. 

Traduction  (perdue)  des  Actes  des  Apôtres,  par  Lambert  de 
Liège. 

Etienne  de  Fougères  :  Livre  des  manières.  Poème  (fragmen- 
taire) sur  les  Etals  du  Monde. 

Roau  d'Arundel  :  Lettre  du  Prêtre  Jean. 
Vers  1172.  Chrétien  de  Troies  :  Ivain. 

1 172-1 1  TU  environ.  Benoit  de  Sainte-More  :  Histoire  des  ducs   de 
Normandie. 

1173.  Garnier  de  Pont-Sainte-Maxence  :   Vie  de  saint  Thomas. 

1174.  Jourdain  Fantosme  :  Histoire  de  la  guerre  d'Ecosse. 
Vers  1175.  Les  Enfances  Godefroi  (deuxième  rédaction). 

Marie  de  France  :  Lais.  —  Chrétien  de  Troies  :  Perceval. 
Benêt  :  Vie  de  saint  Thomas. 

1180.  Poème  allégorique  sur  le  siège  de  Jérusalem. 

Vers  1 180.  Marie  de  France  :  fables.  —  Poème  allemand  sur  Renard. 
—  Jean  le  Venelaiset  Gui  de  Cambrai  :  Vengeance  d'Alexandre. 

Simon  de  Fraisne  :  imitation  de  Boèce.  —  Les  Proverbes  au 
Vilain. 

Chansons  du  châtelain  de  Couci,  de  Conon  de  Béthune,  etc. 

Simon  de  Fraisne  :  \'ie  de  saint  Georges. 

1181.  Paraphrase  en  vers  du  psaume  Eructavit. 

Vers  1185.  Huon  de  Botelande  :  IUppomédon,  Prolésilans. 

Traduction  en  vers  de  Martin  de  Braga  dédiée  à  Philippe  IL 
11S8.  Aimon   deVarenne  :  Florimonl. 
Vers  1188.  Hcrman  de  Valenciennes  :  Y  Assomption. 


TAIÏLEAU    CHRONOLOGIQUE.  275 

1189-91.  Chansons  de  croisade  de  Renaud,  Conoo  de  Béthune,  etc. 
Vers  1190.  Ernoul  :  Histoire  de  la  perte  de  Jérusalem. 

Poème  sur  1,1  conquête  de  l'Irlande. 
!  190.  Hermon  de  Valenciennes  :  la  Bible  en  vers. 

1191.  Huon  d'Oisi,  chanson  contre  Conon  de  Béthune. 

1192.  Chansons  satiriques  (perdues)  échangées  entre  Richard  d'An- 
gleterre et  Hugues  de  Bourgogne. 

1191-1200.  Éverat  :  Genèse. 

1194.  Chanson  de  prison  de  Richard  d'Angleterre. 

1  !!).">.  Traduction  du  commentaire  de  Ha i mon  sur  les   épîtres  et 

évangiles. 
Vers  1196.  Arnhroise  :  Histoire  de  la  guerre  sainte. 

1199.  Bref  d'Innocent  III  condamnant  les  traductions  des  livres 
saints  en  langue  vulgaire  faites  à  Metz. 

1200.  Guillaume  de  Dole. 

Vers  1200.  Branches  de  Renard. 

Compilation  historique  (perdue)  faite  par  Baudouin  de  Flandre. 

André  de  Coutances  :  Le  Roman  des  Français. 

Jean  Bodel  :  Jeu  de  Saint  Nicolas. 

Chardri. 

Robert  de  Ho. 


XIIIe   SIECLE 


Rédactions  françaises  de  Bovon  de  Hanslone.  —  Renaud  de  Mcn- 
tauban  (formes  conservées).  —  Auberi  le  Bourguignon.  — 
Doon  de  Maience.  —  Garin  de  Monglane.  —  Florent  et  Octa- 
vien.  —  Anseïs  de  Cartlwge.  —  Gui  de  Nanleuil.  —  Jean  de 
Lanson.  —  Renier.  —  Simon  de  Fouille.  —  Siège  de  Neuville- 
Hector.  —  Landomata.  —  Narcisse. 

Flaire  et  Jeanne.  —  Constant  (vers  et  prose).  —  Florianl  et  Flo- 
relte. 

Manteau  mal  taillé.  —  Aire  périlleux. 

Amadas.  —La  Poire. 

Suites  des  Se/d  Sages. 

Fableaux.  —  Trubert. 

Lettres  françaises  et  anglo-normandes. 

Lapidaires.  —  Ordre  de  chevalerie.  —  Urbain.  —  Arts  d'amour; 
Remède  d'amour;  Dieu  d'Amour;  Vénus. 

Dits,  enseignements,  poèmes  moraux,  débats. 

Pièces  sur  les  femmes. 

Poésies  lyriques.  Rondeaux,  ballettes,  estampies.  Motets.  Lais. 

Bible  de  Roger  d'Argenteuil. 

Les  Macchabées,  en  vers. 


276  TABLEAU    CHRONOLOGIQUE. 

Poèmes  évangéliques.  —  Judas. 

Vies  de  saints  et  saintes. 

Contes  dévots. 

Sermons.  —  Débals  pieux.  —  Guilebert  de  Cambres  :  Lùcidaire. 

Psaumes  de  la  pénitence.  —  Cantique  des  cantiques.  —  Prières 

et  chansons  pieuses. 
Mystères  et  miracles.  — Jeux. 

Premier   tiers. 

Renouvellement  du  Roi  Louis.  —  Sébile.  —  Les  Narbonnais.  — 
Gilles  de  Chin. 

Gui  de  Warwick;  Foulque  Filz-Warin. 

Mériadec.  —  hier.  —  Durmart.  —  Fergus.  —  Guinglain. 

Principales  brandies  do  Renard. 

Versions  rimées  de  Pierre  Alphonse. 

Chansons  d'Audcl'roi  le  Bâtard.  —  Chansons  de  croisade. 

Traduction  des  Dialogues  et  des  Moralités  de  saint  Grégoire,  dos 
Homonymes  d'Isidore,  des  sermons  de  Morice  de  Sulli  et  de 
saint  Bernard.  —  Simon  :  Les  Trois  ennemis  de  l'homme. 

Tibaud  d'Amiens. 

Le  Mystère  de  la  Résurrection. 

1201.  Chansons  de  croisade  de  Hugues  de  Berzé,  etc. 

1202.  Jean  Bodel  :  Congé. 
1204.  Guiot  de  Provins",  Bible. 
1203-1230.  Divers  écrits  de  Pierre. 
Vers  1205.  Guillaume  de  Païenne. 

1200.  Traduction  de  Turpin  (par  Pierre)  pour  Renaud  de  Boulogne. 
Vers  1210.  VEscoufle. 

Perlesvaus  (première  rédaction). 

Dolopathos. 

Traduction  des  Vies  des  Pères  pour  Blanche  de  Champagne.    - 
Traduction  sur  le  grec  de  Darlaam  et  Joasaph. 

Poème  moral. 
1210-1211.  Guillaume  le  Clerc  :  Bestiaire. 

1210-1220.  Bertrand  de  Bar-sur-Aube  :  Girard  de  Vienne,  Aimcri 
de  Narbonne. 

Raoul  de  Houdan. 

1212.  Anger  :  Dialogue  de  saint  Grégoire. 

1213.  Calendre  :  Histoire  des  empereurs. 

Vers  1213.  Jofroi  de  Villehardouin  :  Conquête  de  Constanlinople. 

1214.  Anger  :  Vie  de  saint  Grégoire. 

Vers  1215.  Robert  de  Boron  :  Joseph,  Merlin,  Perceval. 
Robert  de  Clairi  :  Conquête  de  Constanlinople. 
Gervaise  :  Bestiaire. 

André  de  Coutances  :  Évangile  de  Nieodème. 
Paien  Gastinel  :  Saint  Martin. 


TABLEAU   CHRONOLOGIQUE.  277 

1218-1225.  Gautier  de  Coinci  :  Miracles  de  Notre-Dame. 
Vers  1220.  Quête  du  sain/  graal,  en  prose.  —  Laneelot,  en  prose 
(première  rédaction).   —  Tristan,  en  prose  (première  rédac- 
tion). —  Gerbert  de  Montreuil  :  Percevat. 
Henri  de  Valenciennes  :  Livre  de'l'emtiereur  Henri.  Chronique 

des  rois  d'Angleterre  de  l'anonyme  de  Béthune. 
Comte  de  Bretagne  :  Proverbes.  Salomon  et  Marcoul. 
Vie  de  saint  Thomas  (fragments). 

Hélinand  :  Vers  sur  la  mort.  —  Barthélcmi  :  Charité,  Miserere. 
1221.  Huon  de  Saint-Quentin,  Complainte  de  Jérusalem. 
Vers  1224.  Vie  de  Guillaume  le  Maréchal. 

Guiot  de  Provins  :  Bible.  —  Hugues  de  Bcrzé  :   Bible. 
Vers  1225.  Gerbert  de  Montreuil  :  Violette.  —  Mennessier  :  Perceval. 
—  Le  Brait  Merlin. 
Les  Sept  Sages  en  prose. 

Le  Livre  des  histoires.  —  Chronique  des  rois  de  France  de  l'ano- 
nyme de  Béthune. 
Gui  de  Cambrai  :  Barlaam  et  Josaphat. 
1223-1240.  Cliansons  de  Tibaud  de  Champagne. 
1220-1237.  Sermon  de  Bobert  Sainterel  sur  Louis  VIII. 
1227.  Guillaume  le  Clerc  :  llesant  de  Dieu. 

Vers  1227.  Histoire  en  prose  (avec  prologue  en  vers)  de  Philippe  II. 
1229-1230.  Première  compilation  du  Livre  de  la  Terre  Sainte. 
Vers  1230.  Gui  de  Bourgogne. 

Tristan  en  prose  (remaniement).  —  Continuation  du  Merlin.  — 

Laneelot  réuni  à  la  Quête  (remaniements).  —  Palamède. 
Galeran  de  Bretagne.  —  Eustache  le  Moine.  —  La  Comtesse  de 

Pontieu. 
Interpolation  de  Turpinet  chronique  sainlongeaisc-. 
Chronique  des  rois  de  France  (satire  politique).  —  Privilège  aux 

Bretons. 
Richard  de  Fournival. 
Jofroi  de  Watreford  :  traductions  d'Eutrope,  de  Darès,  du  faux 

Aristote. 
Richer  :  le  Dit  des  Quatre  sœurs. 

Deuxième    tiers. 

Gaidon.  —  Baoul  de  Cambrai  (rédaction  remaniée). 
Jacot  de  Forest  :  César. 
Adam  de  Suel  :   Caton.  —  Alard  de  Cambrai  :  Dits  des  p/iilo- 

sophes. 
Traduction  du  Code,  des  Inslilules.  —  Traductions  de  Boèce.  — 

Dits,  enseignements,  etc. 
Chansons  amoureuses,  politiques,  satiriques. 
Bible  parisienne. 


278  TABLEAU    CHRONOLOGIQUE. 

Robert  de  Gretham  :  Évangiles  des  dimanches,  Corset. 

Chansons  pieuses.  —  Poésies  franciscaines. 
Vers  1235.  Huon  de  Méri  :  Tournoiement  d'Antéchrist. 
1230.  Lettre  de  Fonce  d'Aubon  sur  les  Mongols. 
1237.  Henri  d'Andeli  :  Dit  du  chancelier  Philippe. 
Vers  1237.  Guillaume  de  Lorris  :  Romande  la  Rose. 
Vers  1240.  Jean  de  Tuin  :  César. 

Le  grand  Saint  Graal. 

Lais  de  VOmbre,  du  Conseil. 

Les  Faits  des  Romains. 

Henri  d'Andeli. 

Jean  le  Marchant  :  Miracles  de  Notre  Dame  de  Chartres. 

lies  des  Pères. 
1243.  Philippe  Mousket  :  Ch?'oni</ue. 

Sidrac. 

Poème  biblique  de  Geffroi  de  Paris. 
Vers  1245.  Philippe  de  Novare  :  Mémoires. 
1245-1275.  Baudouin  de  Condé. 
124(i.  Rédaction  de  la  Coutume  d'Anjou. 

124G.  Gautier  de  Metz  :  L'Image  du  monde  (première  rédaction). 
124S.  L'Image  du  monde  (deuxième  rédaction). 

1249.  Jean  Sarrazin  :  Lettre. 

1250.  Jean  de  Joinville  :  Credo  (première  rédaction). 
Vers  1230.  Gautier  de  Tournai  :  Gilles  de  Chin. 
1250-1270.  Adam  de  la  Halle  (ou  le  Bossu)  :   chansons. 

Vers  1250.  Dernières  rédactions  des  romans  en  prose  de  la  Table 
Ronde. 

Jean  de  Flixicourt  :  traduction  de  Darès. 

Lettre  du  chapelain  Philippe. 

Robert  de  Blois. 

Philippe  de  Novare  :  Livre  de  Forme  de  plaid. 

Jean  Malkaraume  :  Bible. 

Vies  des  Pères  (2e  partie). 
Vers  1255.  Couronnement  de  Renard.   —   Poésies  sur  Hugues  de 
Lincoln. 

Pierre  de  Fontaine  :  Conseil. 
1225-1285.   Rustebeuf. 
1256.  Régime  du  corps  d'AIebrand. 
1258.  Alexandre  du  Pont:  Mahomet. 

1200.  Le  ménestrel  d'Alphonse  :  Chronique  de  France.  —  Récits 
du  ménestrel  de  Reims.  —  Lettres  de  Blanche  de  Champagne. 
Vers  1200.  Chroniques  de  Baudouin  d'Avesnes. 

livre  de  Justice  et  de  Plaid.  —  Villard  de  Honnecourt  :  Album. 

Philippe  de  Novare  :  Les  Quatre  âges. 
1202.  Jean  le  Marchant  :  Miracles  de  Notre  Dame  de  Chartres. 
Vers  1262.  Adam  le  Bossu  :  Jeu  de  la  feuïllce.  Congé. 
1264.  La  Paix  et  la  Charte  aux  Anglais. 


TABLEAU    CHRONOLOGIQUE.  279 

120").  Lettre  des  barons  d'Oripnt  a  Tibaud  V. 
Vers  1205.  Brunet  Latin  :  Trésor. 
ISaude  Fastoul  :  Congé'. 

Troisième  tiers. 

Galien.  —  Florence  de  Rome. 
Abladane. 

Richard  le  Beau.  —  Le  Comte  d'Artois.  —  Sone  de  Nansni. 
Simon  de  Compiègne  :  \& Sphère.  — Henri  do  Mondeville  :  Régime 

du  corps.  —  Dits  des  métiers.  —  Jean  le  Teinturier  :  Mariage 

des  sept  arts. 
Mathieu  le  Poriier  :  la  Cour  d'amour,  etc. 
Enseignement  en  sixains.  —  William  de  Wadington  :  Manuel  des 

péchés.  —  Traduction  de  traités  de  saint  Bonaventure. 
Mystères  et  miracles. 
1267.  Pierre  de  Peckham. 

1269  et  an  nées  suivantes.  Lettres  de  lareineMarguerite  de  Provence. 
1270.  Lettre  de  Tibaud  V  de  Champagne  sur  la  mort  de  saint 

Louis. 

1270.  Bobert  le  Clerc  d'Arras  :  Vers  de  la  Mort. 
Pièces  politiques  artésiennes.  —  Congé  Adam. 

1270-1271.  Lettre  des  barons  d'Orient  à  Henri  III  d'Angleterre. 
1270-1280.  Poèmes  et  poésies  de  Philippe  de  Beaumanoir. 
Vers  1270.  Adenet  :  Oger,  Berte,  Bovon  de  Comarcis. 

Poésies  de  Baudouin  de  Condé  et  de  Huon  le  Boi  do  Cambrai. 

—  Gautier  de  Bellepcrche  :  Judas  Machabe'e  (inachevé). 

1271.  Busticien  de  Pise  :  Table  Ronde. 

1273.  Bédaction  des  Établissements  de  saint  Louis. 

Vers  1275.  Première  rédaction  française  des  Chroniques  de  Saint- 
Denis. 
Vers  1277.  Le  Garçon  et  V Aveugle.  —  Jean  de  Meun  :  Roman  de 

la  Rose. 

1278.  Sarrazin  :  Roman  de  Ham. 

1279  et  années  suivantes.  Lettres  de  la  reine  d'Angleterre  Aliénor 
de  Provence. 

1280.  Bichard  d'Annebaut  :  traduction  en  vers  des  Institules. 

Vers  1280.  Adenet  :  Cléomadès. 

Pierre  du  Biés  :  fin  de  Judas  Machabée. 
La  Châtelaine  de  Vergi. 
Adam  de  la  Halle  (ou  le  Bossu)  :  Robin  et  Marion. 

1283.  Philippe  de  Beaumanoir  :  Coutumes  de  Beauvaisis. 

1 284.  Jean  de  Meun  :  Traduction  de  Végèce.  —  Guillaume  Chapu  : 
Coutume  de  Normandie  versifiée. 

1285.  Jacques  Bretel  :  Tournois  de  Chauvenci. 
Traduction  en  vers  des  Machabées. 

Vers  1285.  Girard  d'Amiens  :  Escanur. 


280  TABLEAU    CHRONOLOGIQUE 

Dit  du  Vrai  anneau. 
1285-1290.  Jean  de  Meun  :  écrits  divers. 

1287.  Jean  de  Joinville  :  Credo  (deuxième  rédaction). 
Vers  1287.  Le  confesseur  de  la  reine  Marguerite. 

1288.  Jean  Priorat  :  Végèce  versifié. 
Jacquemard  Gelée  :  Renard  le  nouveau. 
Élégie  juive  de  Troies. 

Jeu  du  pèlerin. 
1290.  Drouart  la  Vache  :  Traduction  d'André  le  Chapelain. 
Vers  1290.  Girard  d'Amiens  :  Méliacin. 

Placides  et  Timeo. —  Mathieu  le  Vilain  :  Traduction  des  Météores 
d'Aristote. 

Le  moine  de  Silli. 

Jean  de  Journi  :  Dime  de  pénitence. 
1291-1295.  Guiart  des  Moulins  :  Bible  historiate. 
1295.  Dit  de   Vérité. 
Vers  1295.  Girard  d'Amiens  :  Charlemagne. 

Nicole  de  Margival  :  La  Panthère  d'amour. 

Jean  de  Meun  :  Testament. 
1298.  Première  rédaction  du  livre  de  Marc  Pol. 
Vers  1300.  Ovide  moralisé. 

Jakemon  Saket:  le  Châtelain  de  Couci. 

Gautier  de  Bibelesworth. 

Macé  de  la  Charité  :  Bible  en  vers. 

XIVe    SIÈCLE 
Première  moitié. 

Florent  et  Octavien  en  alexandrins.   —   Gaufrei.  —  Tristan    de 
Nantcuil.  —  Enfances  Garin  de  Monglane. 

La  Belle  Hélène. 

Bérinus. 

Gilles  de  Trasignies. 

Ci  nous  dit. 

Godefroi  de  Paris  :  divers  écrits. 

Vie  et  Dialogue  de  saint  Grégoire.  —  Vies  de  saints  et  contes 
dévots  en  quatrains  monorimes. 
1303.  Poème  sur  la  guerre  d'Edouard  Ier  en  Ecosse. 

1305.  Deuxième  rédaction  du  livre  de  Marc  Pol. 

1306.  Guillaume  Guiart  :  Branche  des  royaux  lignages. 
Vers  1307.  Pierre  de  Langtoft  :  Chronique. 

1309.  Jean  de  Joinville  :  Vie  de  saint  Louis. 

1310.  Fauvel  (Impartie). 
1310-1340.  Jean  de  Condé. 

1310.  Jacques  de  Longuyon  :   Vœux  du  paon  (première   rédac- 
tion). 


TABLEAU    CURONOLOGIQUE.  281 

1313.  Godofroi  de  Paris  :  Martyre  de  saint  Bacchus. 

1314.  Fauvel  (2"  partie). 

1315.  Jacques  de  Longuyon   :    Vœux  du  paon  (deuxième    rédac- 
tion). 

Simon  de  Marville  :  Vœux  de  l'Épervier. 

1316.  Jean  Maillart  :  La  Comtesse  d'Anjou. 
1319-1329.  Watriquet  de  Couvin. 

1320.  Godelroi  de  Paris  :  Dit  des  patenôtres. 
Vers  1320.  L'advocacie  Nosti-e  Dame. 
1322.  La  chapelerie  de  Baieus. 

Première  rédaction  de  Renard  le  contrefait. 
132'i.  Chronique  de  Morée. 
1326.  Traduction  des  évangiles  et  épîtres  du  dimanche  par  Jean 

de  Vignai. 
1328.  Deuxième  rédaction  de  Renard  le  contre  fait. 
1330.  Eustache,  prieur  de  La  Fontaine  Notre  Dame. 
Vers  1330.  Hugues  Capet. 

Jean  Brisebarre  :  Restor  du  paon. 

Perceforest. 

Guillaume  de  Machaut  :  premières  œuvres. 

Nicole  Bozon  :  contes  en  prose  et  poésies. 
1330-1332.  Guillaume  de  Digulleville  :  Pèlerinage  de  la  vie  humaine. 
1331-1333.  Girard  de  Roussillon  en  alexandrins. 
1333.  Traduction  de  Burchard  par  Jean  de  Vignai. 
1310.  Jean  de  le  Mote  :  Parfait  du  paon. 
Vers  1340.  Modus  et  Racio  (première  partie). 

Traduction  de  Jacques  de  Cessoles  par  Jean  de  Vignai. 

Miracles  de  Notre  Dame  par  personnages.  —  Miracles  de  saint 
Nicolas. 
1343.  Nicolas  de  Vérone  :  Pharsale. 
1355.  Guillaume  de  Digulleville  :  Pèlerinage  de  la  vie-  humaine 

(deuxième  rédaction)  ;  Pèlerinage  de  l'âme. 
Vers  1355.  Renouvellement   et  continuations  des    poèmes  de  la 
croisade. 

Jean  le  Bel  :  Chronique. 
1358.  Guillaume  de  Digulleville  :  Pèlerinage  de  Jésus-Christ. 

Deuxième  moitié. 

Combat  des  Trente.  —  Cuvelier  :  Bertrand  du  Guesclin. 
Jean  des  Prés  :  Renouvellements  de  chansons  de  geste;  Geste 
de  Liège. 

XVe    SIÈCLE 

Mise  en  prose  des  chansons  de  geste. 
Geste  des  Bourguignons. 


NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES 


INDICATIONS    GENERALES 


Nous  faisons  précéder  les  notes  bibliographiques  de  la  liste 
d'un  certain  nombre  d'ouvrages  ou  recueils  souvent  cités,  dont  il 
a  paru  plus  coin  mode  de  donner  ici  une  fois  pour  toutes  les  titres 
et  les  dates. 

AltfranzÔxische  Bibliothek,  herausgegeben  von  Dr  Wendelin 
Fôrster.  I-XV.  Heilbronn,  1881  et  années  suivantes. 

Ausgaben  urtd  Abhandlungen  aus  dem  Gehiele  der  romanischen 
Philologie,  verôiïentlicht  von  E.  Stengel.  I-XCVIII.  Marburg, 
1882  et  années  suivantes. 

Bartsch,  Chrestomathie.  —  Chrestomathie  de  l'ancien  français 
(viue-xv°  siècle),  accompagnée  d'une  grammaire  et  d'un  glossaire, 
par  Karl  Bartsch.  9"  édition  revue  et  corrigée  par  L.  Wiese. 
Leipzig,  1908. 

Bartsch,  Langue  et  littérature.  —  La  langue  et  la  littérature 
françaises  depuis  le  IXe  siècle  jusqu'au  XIVe  siècle.  Textes  et  glos- 
saires par  Karl  Bartsch,  précédés  d'une  grammaire  de  l'ancien 
français,  par  Adolf  Hormng.  Paris,  1887. 

Bihliotheca  Normannica.  Denkmaler  Normannischer  Lileratur 
ùnd  Sprache,  herausgegeben  von  Hermann  Suchier.  I-VII.  Halle, 
1879-1899. 

Bibliothèque  de  VÉcole  des  Chartes,  revue  d'érudition  consacrée 
spécialement  à  l'étude  du  moyen  âge.  Paris,  1839  et  années  sui- 
vantes. 

Bibliothèque  de  VÉcole  des  Hautes  Éludes  (Sciences  historiques 
et  philologiques).  Paris,  18G8  et  années  suivantes. 

Delisle,  Inventaire.  —  Inventaire  général  et  méthodique  des 
manuscri/s  français  de  la  Bibliothèque  nationale,  par  Léopold 
Delisle.  Paris,  1,  1876;  II,  1S78. 

Franzôsische  Studien,  hrr.iusgegeben  von  G.  Kôrting  und 
E.  Koschwitz.  Heilbronn,  18S1  et  années  suivantes. 

Histoire  littéraire  de  la  France,  par  des  religieux  bénédictins 
de  la  Congrégation  de  Saint-Maur,  continuée  par  des  membres  de 
l'Institut.  I-XXX1IL  Paris,  1733-1906.  Le  tome  XXXIV  ne  tardera 
pas  à  paraître. 


284  NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES. 

Historiens  de  France.  —  Recueil  des  historiens  des  Gaules  et 
de  la  France,  par  dont  Bouquet  et  d'autres  bénédictins,  continué 
par  des  membres  de  1  Institut.  I-XXIV.  Paris,  1738-1904. 

Jahrbuch  fur  romunische  und  englische  Literalur,  herausge- 
geben von  A.  Ebert  und  L.  Lemcke.  I-XV.  Berlin,  puis  Leipzig, 
1859-76. 

Literaturblatt  fur  germanische  und.  romanisc/ie  Philologie, 
herausgegeben  von  0.  Bf.haghel  und  Fr.  Neumann.  Heilbronn, 

1880  et  années  suivantes. 

Meyer.  Recueil.  —  Recueil  (Fanciens  textes  bas-latins,  pro- 
vençaux et  français....,  publiés  par  Paul  Meyer.  Paris,  Impartie, 
1874;  2e  partie,  1877. 

Moyen-Âge  [Le),  bulletin  mensuel  d'histoire  et  de  philologie 
(direction  :  A.  Marionan,  M.  Prou,  M.  Wilmotte).  Paris,  1888  et 
années  suivantes. 

Notices  et  extraits  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  Roi  et 
autres  bibliothèques,  publiés  par  l'Académie  des  Inscriptions. 
1-XXX1X.  Paris,  1787  et  années  suivantes. 

Paris,  Manuscrits  françois.  —  Les  manuscrits  françois  de  la 
Bibliothèque  du  Roi,  par  M.  Paulin  Paris.  I-VII.  Paris,  183G-4S. 

Petit,  Bibliographie  der  meddelnederlandsche  Taal-en  Lelter- 
kunde.  Leiden,  1888. 

Rpvue  critique  d'histoire  et  de  littérature.  Deux  volumes  par 
année.  Paris,  1S66  et  années  suivantes. 

Revue  des  langues  romanes,  publiée  par  la  Société  des  langues 
romanes.  Montpellier  et  Paris,  1870  et  années  suivantes. 

Romania,  recueil  trimestriel  consacré  à  l'étude  des  langues  et 
des  littératures  romanes,  publié  par  Paul  Meyek  et  Gaston  Paris. 
Paris,  1S72  et  années  suivant''.-. 

Romanische Bibliolhek,  herausgegeben  von  \Y.  Foerstsu.  I-XIX. 
Halle,  1888  et  années  suivantes, 

Romanische  Forschungen,  Orgtm  fur  romanisclie  Sprachen  und 
Mittellatein,    herausgegeben    von   Karl  Vollmoller.    Erlangen, 

1881  et  années  suivantes. 

Romanische  Studien,  herausgegeben  von  Eduard  Bôii.mer.  I-VI. 
Halle,  1871-89. 

Société  des  anciens  textes  français  (Publications  de  la).  Paris, 
1875  et  années  suivantes. 

Studj  di  filologia  romanzà,  pubblicati  da  Erneslo  Monaci.  Borna, 
1885  et  années  suivantes. 

Wabd,  Catalogue  of  Romances.  —  Catalogue  of  Romances  in 
the  Department  of  Manuscripts  in  the  British  Muséum,  by  H.  L.D. 
Ward.  1  et  II.  London.  1883-1893. 

Zeitschrifl  fur  romanische  Philologie,  herausgegeben  von  Gustav 
Giiober.  Halle,  1677  et  années  suivantes. 


NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES 

(Les  chiffres  renvoient  aux  paragraphes.) 


5.  Sur  l'épopée  bourguignonne,  et  sur  lout  ce  qui  concerne  les 
origines  germaniques  de  l'épppée,  voir  le  livre  de  Pio  Rajna  :  Le 
Origini  deW  epapea  ftancese;  Firenze,  1884  (cf.  Romania,  XIII, 
598-627). 

8.  Le  mot  roman  est  primitivement  un  adverbe  (romans,  du  lat. 
vulg.  romanice  qui  veut  dire  «  dans  la  langue  des  Romains  »).  Sur 
la  valeur  du  mot  Homanus  à  l'époque  mérovingienne,  voy.  Romania, 
'  I,  1-22  (G.  Paris,  Mélanges  linguistiques,  Paris,  1906,  p.  1-31); 
sur  le  développement  postérieur  des  sens  du  mot  roman,  voir 
Romania,  XVI,  157. 

12.  Sur  les  traces  de  mythologie  germanique  dans  l'épopée  fran- 
çaise, voy.  des  articles  de  G.  Osterhage  dans  les  tomes  XI  et  XII 
de  la  Zeilschrift  fur  romanische  Philologie  (l'auteur  va  d'ailleurs 
beaucoup  trop  loin  dans  la  voie  de  l'interprétation  mythologique; 
cf.  Romania,  XVIL,318;  XVIII,  324). 

13.  Le  fragment  cité  est  emprunté  au  chant  du  Vidsilh;  voy. 
A.  Ebert,  Gesc/iichte  der  Literatur  des  Millelalters,  Leipzig,  1887, 
111,  37. 

Sur  Valand  ou  GuaJant,  voir  une  étude  intéressante,  mais  trop 
affirmative    dans    ses  conclusions,   de  M.   Golther,  Germania, 

XXXI II,  449,  et  A.  Thomas,  Romania,  XXIX,  259. 

Sur   l'épopée   franque  de   Sigofred,  voir  Golther,   Germania, 

XXXIV,  265. 

14.  Sur  les  mots  allemands  en  français,  voir  E.  Mackel,  Die  ger- 
maniscken  Elemenle  in  der  franz'ôsischen  und  provenzalischen 
Sprache,  Heilbronn,  1887  (Franzosischen  Studien,  VI)  ;  cf.  Romania, 
XVII,  289.  Il  faut  d'ailleurs  noter  que  ces  mots  ne  proviennent  pas 
tius  des  Francs  :  plusieurs  sont  empruntés  aux  idiomes  d'autres 
peuples  germaniques;  quelques-uns  ne  remontent  même  qu'aux 
Normands. 

15.  Sur  Floovent,  cf.  Romania,  XVIII,  326;  XXVI,  112;  Petit, 
443  ;  L.  Gautier,  Ribliographie  des  chansons  de  geste,  p.  102. 

18  ss.  Tous  les  ouvrages  antérieurs  sur  l'épopée  française 
sont  indiqués  et  appréciés  dans  Kr.  Nyrop,  Storia  deW  epopea 


286  NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES. 

francese  nel  medio  evo,  prima  traduzione  dall'  originale  danese, 
di  Egido  (ioHHA,  Firenze,  1886  (cf.  Romania,  XIV,  143  ss.). 

Sur  Basin  :  Petit,  428;  Rom.,  XXI,  296. 

Le  ii n » t  de  «  slyle  national  *  est  «In  .M.  L.  Gautier,  Les  Épopées 
françaises,  I,  2':  édit.,  Paris,  1878-82,  p.  392. 

19.  Sur  l'épopée  deCharlea  Martel,  voir  Rajna,  |>.  199  ss. 

Sur  l'épopée  de  Pépin,  voir  G.  Paris,  Hist.poèt.  de  Charlcmagne, 

Paris,  1S05.  p.  223  ss.;  Mélanges  Julien  llavet,  18U5,  p.  003  ss. 
Sur  l'épopée  féodale,  voir  Journal  des  Savants,  1887,  p.  025. 

20.  Sur  les  chansons  contemporaines  des  événements,  voir 
Roland,  v.  1014,  1400,  1474. 

Chansons  de  geste  à  lahle  :  voir  Bartsch,  Langue  et  litlér., 
col.  133,  393;  Jobihal,  Contes,  dits,  fabliaux,  Paris,  1839,  I,  1S3 
(au  xiv*  s.). 

Dans  les  fêles  :  voirL.  Gautier,  La  Chevalerie,  Paris,  1S84,  p.  435. 

Dans  les  jardins  :  Prise  d'Orange,  v.  138. 

Dans  les  voyages  à  cheval  :  Itaoul  de  Cambrai,  v.  6085  ss.  ; 
Moniage  Guillaume;  dans  llisl.  litt.,  XXII,  523. 

Chansons  de  geste  exécutées  en  marchant  au  combat  :  voir 
I'iajxa,  p.  365. 

Sur  les  jongleurs  :  E.  Freymond,  Jongleurs  tend  "Ménestrels, 
îlalle,  1883;  W.  Hertz,  Spielmannsbuch,  Stuttgart,  1880. 

Sur  le  rôle  cyclique  des  jongleurs,  voir  Romania,  I,  177. 

21.  Sur  la  façon  de  chanter  les  chansons  de  geste,  voir  Tiersot, 
IUduire  de  la  chanson  populaire  en  France,  Paiis,  1889,  p.  406,  et 
II.  Suchier,  Zeitschrift  f.  rom.  Phil.,  XIX,  370. 

Le  vers  d'Audif/ier  est  cité  avec  la  musique  dans  le  Jeu  de 
Robin  et  Marion. (voir  §  133). 

Sur  la  mélodie  A'Aucassin,  voir  Aucassin  et  Nicoletle,  par 
A.  Bida  et  G.  Paris,  Paris,  1878,  p.  xv. 

Voir  la  chanson  où  est  citée  «  la  manière  du  vieil  Fromont  », 
dans  Bartsch,  Langue  et  Liltér.,  522-23. 

22  ss.  Pour  la  plupart  des  poèmes  cités,  il  suffit  de  renvoyer  à 
la  bibliographie  qui  termine  l'ouvrage  de  Nyrop  et  à  L.  Gautier, 
Bibliographie  des  chansons  de  geste  (Paris.  1897),  qui  s'arrête  à 
l'année  1890.  On  ne  donnera  de  références  bibliographiques  spé- 
ciales que  pour  les  éditions  ou  études  parues  postérieurement  à 
cet  ouvrage,  ou  à  propos  de  faits  particuliers. 

Sur  Doon  de  Maience  :  L.  Gautier,  Bibliographie  des  chanso7is 
de  geste,  p.  88. 

23.  Sur  le  caractère  italien  de  la  geste  des  Maganzesi,  voir  Ro- 
mania, II,  302. 


NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES.  287 

24.  Sur  les  Saisnes  :  Petit,  434;  Gautier,  BibL,  p.  Ifl9;  0.  Koiins- 
tbôm,  Etude  sur.  Jean  Bodel,  Upsala,  1900  (cf.  Romania,  XXX,  479). 

Sur  la  rédaction  franco-ilalienne  i'Aspremont,  voir  \V.  Meyer, 
Zeitschrifl  fur  romanische  Philologie,  X,  22. 

Sur  Fierabras,  voir  Romania.  XVII,  22;  XXIV,  1;  XXX,  ICI. 

Sur  Gui  de  Bourgogne,  voir  Gautieh,  BibL,  p.  120. 

Sur  Anseïs  de  Cartilage,  voir  Romania,  XXV,  556;  XXVII,  245. 

Sur  Désief,  voir  G.  Pauis,  Hist.poét.  de  Charlemagne,  p.  330-330. 

Sur  le  Roi  Louis  (Isniibarl  et  Gormont).  voir  Th.  Fluri,  hembart 
et  Gormont,  Liàle,  1895;  R.  Zenker,  Das  Epos  von  Isembart  und 
Gormond,  Halle,  1890;  Ph.  Lauer,  Romania,  XXVI,  161;  F.  Lot, 
ibid.,  XXVII,  1.  M.  Lot(p.  6)  conteste  le  titre  de  Roi  Louis  donné  au 
poème  dont  un  ms,  de  Bruxelles  nous  a  conservé  environ  600  vers, 
et  préfère  conserver  le  titre  généralement  adopté  :  Isembart  et 
Gormont.  —  Sur  le  remaniement  de  la  vieille  chanson  française  que 
renferme  le  poème  allemand  de  Loher  und  Maller,  voir  Uist.  litt., 
XXVIII,  250  ss.  ;  Petit,  435. 

Sur  Berte,  voir  Romania,  XIV,  008;  Petit,  461;  Gautier,  BibL, 
p.  66. 

Sur  Jean  de  Lanson,  voir  Romania,  XXIV,  317. 

Sur  Mainet,  voir  Rajna,  p.  202;  Gautieh,  BibL,  p.  145. 

Sur  Basin,  voir  Nyrop,  111-112;  Petit,  428;  Gautier,  BibL,  p.  62; 
Romania,  XXI,  296  ;  XXIX,  425. 

SurSeôiZe:  Petit,  442;  Gautier,  BibL,  p.  143. 

Sur  Oger  :  Petit,  436;  Gautier,  BibL,  p.  150;  Voretzsch,  Ueber 
die  Sage  von  Ogier  dem  Ddnen,  Halle,  1891  (cf.  Romania,  XXI, 
137);  R.  Renier,  Ricerche  sulla  Leggenda  di  Uggeri  il  Danese  in 
Jrancia,  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences  de  Turin, 
2e  série,  t.  XLI  (cf.  Romania,  XXI,  138).  Sur  une  rédaction  tar- 
dive en  alexandrins,  voir  Ward,   Calai,  of  Romances,  I,  004-610. 

Le  Couronnement  de  Louis,  p.  p.  E.  Langlois.  Paris,  1888  (Soc. 
des  anciens  textes  français);  L.  \Villems,  L'élément  historique 
dans  le  «  Coronetnent  Loois  »,  Gand,  1890  (cf.  Romania,  XXIII,  4G5); 
Jeanroy,  Romania,  XXV,  353;  M.  Roques,  Romania,  XXX,  176. 

25.  Sur  Renaud  de  Montauban  ou  les  Quatre  fils  Aimon  :  Petit, 
438;  Gautier,  BibL,  158.  —  Une  nouvelle  édition  des  Quatre  fils 
Aimon,  est  en  cours  de  publication,  par  les  soins  de  M.  Castets, 
dans  la  Revue  des  langues  romanes,  t.  XL1X  (190G)  et  suiv.  —  Sur 
quelques-uns  des  manuscrits  de  ce  poème,  voir  ibid.,  LI,  241.  — 
Sur  les  versions  néerlandaises,  voir  Romania,  XXXV,  400. 

Sur  Maugis  :  Petit,  439;  Gautier,  BibL,  p.  146. 

Sur  la  vie  latine  de  Girard  de  Roussillon  -.Romania,  VII,  178;  XVI, 
103.  Sur  le  poème  :  P.  Meyeu,  Girart  de  Roussillon,  chanson  de 
geste,  traduite  pour  la  première  fois,  Paris,  1884;  A.  Stimming, 
Ueber  den  provenzalischen  Girart  von  Rossillon,  Halle,  1888  (cf. 
Romania,  XVII,  637). 


288  NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES. 

Esclarmonde,  Clarisse  et  Florent,  Yde  et  Olive,  drei  Forselzungen 
der  chanson  von  Huon  de  Bordeaux  verôfféqtlicht  von  Max 
Schweigel,  Ausg.  uiul  Abh.,  LXXXII1  (cf.  Romania,  XX, 478). 

Sut  Girard  de  Vienne  :  Dattier,  Bibl.,  p.  116;  Romania.  XXXIV, 
444. 

Sur  Huon  de  Bordeaux  :  Petit,  441  ;  Gautieb,  Bibl.,  p.  132:  Bn- 
mania,  XXIX,  200:  Voretzsch,  Die  Composition  des  Huon  von  Bor- 
deaux, Halle,  l'JijO:  G.  Paris,  Poèmes  et  Légendes  du  moyen  âge, 
Paris  [1900],  p.  24-90. 

Sur  Raoul  de  Cambrai,  voir  Journal  des  Savants,  1887,  p.  Closs.  ; 
Romania,  XXXVII,  193,  491;  XXXVIII,  219. 

Sur  la  Vengeance  Rioul,  voir  Romania,  XVII,  276. 

Sur  Auberi  :  Petit,  433;  Gautier,  Bibl.,  66. 

Sur  les  Lorrains  :  voir  Petit,  437;  Gautier,  Bibl.,  141  ;  sur  les 
origines,  et  les  personnages,  Romania,  XXVI,  109,  569;  XXVlil, 
273:  sur  les  manuscrits,  Romania,  III,  78,  195;  VI,  481;  XX XIV, 
42'.);  Vietor.  Die  Hdschr.  der  Geste  der  Loherains,  Halle,  1876. 

Hervis  von  Metz.,,  ligg.  von  E.  Stengel,  I,  Dresde,  1903. 

Sur  Anseïs,  voir  Gautier,  Bibl.,  p.  35. 

26.  Sur  Aioul  :  Journal  des  Savants,  1886,  p.  393. 

Sur  Étie  de  Saint-Gilles  :  Journal  des  Savants,  1886,  p.  409. 

Orson  de  Beauvais,  chanson  de  geste  publiée  par  G.  Paris 
(Société  des  anciens  textes  fiançais,  1899).  Cf.  Romania,  XXXI1,577. 

Sur  Huon  d'Auvergne  :  Gautier,  Bibl.,  p.  130;  Romania,  VII, 
626;  XXXVIII,  349. 

27.  Sur  Ami  et  Amile  et  Jourdain  de  Blaie  :  Gautier,  Bibl., 
p.  52.  138. 

Une  édition  àeDoon  de  la  Roche  est  sous  presse,  pour  la  Société 
des  anciens  textes  français. 

Sur  la  Belle  Hélène,  voir  Œuvres  poétiques  de  Beaumanoir, 
publiées  par  Sucrier  (ci-dessous,  §  51),   I,  xxvn. 

Sur  Bovon  de  Hanstone,  voir  Gautier,  Bibl.,  p.  69;  Stimming,  Bas 
gegenseitige  Verhultniss  d.  franzosischen  gereunten  Versionen 
d.  Sage  von  B.  de  Hanstone,  dans  les  Abhandlungen  dédiées  au 
prof.  Tobler,  Halle,  1895  ;  Der  Anglo-vormannische  Boeve  de  Haum- 
tone  hgg.  von  A.  Stimming,  Halle,  1899  (t.  VII  de  la  Bibliotheca 
normannica  de  M.  Sucliier). 

Sur  Horn  (et  Aaluf),  voir  Gautier,  Bibl.,  p.  129,  Romania,  XV, 
575-  Schofield,  The  s  ton/  of  Horn  and  Rimenhild,  dans  Publications 
of  the  modem  language  Association  of  America,  XVIII  (1903),  1. 

28.  Galiens  li  restorés...  zum  erslen  Mal  verôffentlicht  von 
E  Stengel,  Marburg,  1890,  Ausg,  u.  Abh.,  LXXXIV  (cf.  Romania, 
XIX.  376).  Voir  Hist.  litt.  delà  Fr..  XXVIII.  221-239. 

Sur  Doon  de  Mayence,  Petit,  429:  Gautier,  Bibl.,  p.  88.  Sur 
Valentin  et  Orson  :  Petit,  402;  Gautier,  Bibl.,  p.  204. 


NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES.  289 

29.  Sur  le  Chevalier  au  cygne  :  Petit,  405;  Gautier,  Bibl.,  p.  77 
et  90  (Elioxe);  Romania,  XXI,  02;  XXX,  404  :  XXXIV,  200. 

30.  Les  Vœux  de  l'Epervier...  hgg.  von  G.  Wolfram  und  F.  Box- 
nardot,  Metz,  1895  (cf.  Romania,  XXIV,  626). 

LeCombat  de  trente  Bretons  contre  trente  Anglais,  publié  d'après 
le  ms.  de  la  Bibliothèque  du  lloi  par  G.-A.  Crapelet,  Paris,  1827 
(cf.  Romania,  VII,  479). 

La  Chanson  de  Bertrand  du  Guesclin,  par  Cuvelier,  publiée 
par  E.  Ciiarrière,  Paris,  1839  (collection  des  Documents  inédits 
sur  l'histoire  de  France). 

La  Geste  de  Liège,  publiée  en  appendice  au  Myreur  des  Histoires 
de  Jean  des  Prés  dit  d'Outremeuse,  par  Ad.  Borgset,  Bruxelles, 
0  vol.  (collection  des  Chroniques  belges  inédites),  1864-1887. 

La  Geste  des  ducs  de  Bourgogne,  publiée  par  A.  Kervyn  de 
Lettenhove,  Bruxelles  (collection  des  Chroniques  relatives  à  l'his- 
toire de  Belgique  sous  la  domination  des  ducs  de  Bourgogne),  1873; 
cf.  A.  Molinier,  Les  sources  de  l'Histoire  de  France,  IV,  n°  3  937. 

31.  Audigier,  dans  Recueil  de  fabliaux  et  contes  de  Barbazan 
et  Méon,  Paris,  1808,  t.  IV,  p.  217-233.  Sur  lapopularitédece poème, 
voir  Romania,  VII,  450:  XIII,  18;  E.  Langlois,  Arts  de  seconde 
rhétorique,  Paris,  1902,  p.  64. 

La  prise  de  Noevile,  dans  Scheler,  Trouvères  belges  (nouvelle 
série),  Bruxelles,  1879,  p.  170-175. 

Voir  un  autre  genre  de  plaisanteries  sur  les  chansons  de  geste 
dans  le  dialogue  des  Deux  Jongleurs,  Bartsch,  Langue  et  Littér., 
609  ss.  (cf.  ci-dessous,  §  110). 

32.  Sur  les  chansons  de  geste  en  Angleterre,  voir  Romania, 
XI,  149. 

Sur  le  Roland  allemand  :  W.  Golther,  Das  Rolandslied  des 
Pfaffen  Konrad,  Mùnchen,  1886  (cf.  Romania,  XV,  641). 

Sur  l'épopée  française  en  Italie  :  G.  Paris,  Hist.  poét.  de  Char- 
lemagne,  p.  159-202,  et  les  notes  ajoutées  à  la  réimpression  de  1905; 
A.  Gaspary,  Storia  délia  letteratura  italiana,  tradotta  da  N.  Zis- 
garelli,  Roma,  1887,  I,  96.  Voir  aussi  Romania,  II,  49;  IX,  497; 
XI,  538. 

Sur  VEnlrée  de  Spagne,  œuvre  d'un  padouan  anonyme  conti- 
nuée par  Nicolas  de  Vérone,  voir  A.  Thomas,  Nouvelles  recher- 
ches sur  l'Entrée  de  Spagne,  chanson  de  geste  franco-italienne, 
1882  (Bibliothèque  des  Ecoles  françaises  d'Athènes  et  de  Rome, 
fasc.  XXV).  Une  édition  de  ce  poème,  par  M.  A.  Thomas,  est 
actuellement  sous  presse  pour  la  Société  des  anciens  textes  fran- 
çais. —  Sur  la  Pharsale  de  Nicolas  de  Vérone,  voir  §  48. 

33-37.  Seelmanx,  Bibliographie  des  Rolandsliades,  Heilbronn, 
1889;  Gautier,  Bibl.,  170.' 

19 


290  NOTES   BIBL10GRAPI1IQUES. 

33.  Sur  Le  Pseydo-Turpin  :  Gautier,  Bibl.,  178;  Literaturblatt, 
1890,  col.  83. 

34.  Sur  la  Carmen  de  proditione  Guenouis,  voir  Romania,  XI, 
463-518;  G.  Bruckner,  />as  Yerhiiltnis  des  franzôsischen  Rolands- 
lied  zur  Turpinschen  Chronik  u.  zum  Carmen  de  prodicione  Gue- 

is,  Rostook,  1905  (cf.  Zeitschr.  f.  rom.  PhiL,  XXXII,  713. 

38.  Sur  le  personnage  d'Àimeri  de  Narbonne,  voir  l'introduc- 
tion  de  L.  Remaison  à  l'édition  citée  plus  bas  (§41). 

38-41.  Sur  le  fragment  de  La  Haye,  voy.  Suciiier,  Les  Narbon- 
nais,  II.  lxvi-lxxxiv  (Soc.  des  anciens  textes  français,  1898);  cf. 
Journ.  des  Sur.,  1901,  p.  654. 

Sur  Le  Moniage  Guillaume,  Aleschans,  Girard  de  Vienne,  voir 
Petit,  421-132;  Gautier,  Bibl.,  p.  49,  116,  147. 

Sur  Aleschans,  voir  Aliscans,  kritischer  Tcxt  von  E.  Wiknbeck, 
W.  HÀRTNA.CKE,  P.  ISasim,  [t.  I  .  Halle,  1903  (cf.  Romania,  XXXV, 
309;  Zeitschr.  f.  rom.  Phit.,  XXXI.  383;  R.  Weeks,  dans  Romania, 
XXX.  184;  XXXIV,  237;  XXXVIII,  1. 

Les  deux  rédactions  du  Moniage  Guillaume  ont  été  publiées 
par  M.  Cloetta  pour  la  9oeiété  dos  anciens  textes  français  (t.  I, 
1000). 

lue  conception  très  différente  de  la  formation  du  Moniage 
Guillaume  et  de  son  rapport  avee  la  Vie  latine  de  saint  Guillaume 
de  GeJIone  (§  39)  a  été  présentée  par  M.  I'Ii.-Vtig. Bekker,  Die 
altfranzfisisçhe  Wilhelmsage,  Halle,  1890.  G.  Paris  ne  s'y  était 
pas  rallie  (voir  Romania,  XXV,  348).  Des  idées  analogues  à  celles 
de  M.  Bèkker  ont  été  développées  par  .M.  J.  Bédier  dans  le  t.  I" 
de  ses  Légendes  épiques,  Paris.  1908. 

39.  Sur  Guillaume  de  Brioude,  voir  A.  Thomas,  dans  Romania, 
XIV,  579. 

Sur  Guillaume  de  Montrcuil,  voir  G.  Paris.  Romania,  I,  177,  et, 
dans  un  sens  contraire.  F.  Lot.  Romania,  XIX,  290. 

La  supposition  que  le  surnom  de  Guillaume  pourrait  être  ••  au 
cdfurb  nez  »  est  confirmée  par  la  Chanson  de  Guillaume  récem- 
ment découverte,  où  ce  personnage  est  surnommé  al  curb  nez. 
Voir  Romania,  XXXII,  091.  Sur  la  Prise  d'Orange,  en  sa  forme 
primitive,  voir  R.  Weeks,  dans  Publications  of  the  modem  lan- 
guage  Association  of  America,  XVI  (1901),  301-374. 

40.  Sur  Vézian  ou  Vidian,  voir  A.  Thomas,  dans  les  Eludes  ro- 
manes dédiées  à  G.  Paris,  Paris,  1891,  p.  121  ss.",  et  cf.  Romania, 
XXII.  142;  XXXI,  649. 

Sur  l'auteur  du  Moniage  Rainouart  (et  de  la. Bataille  Loquiferf 
voir  CloettAj  dans  Rausteine  zur  romanischen  Philologie,  Halle, 
1903,  p.  253. 


NOTES   BIBLIOnNAPUlQl'ES.  201 

Sur  le  Bnccës  'le  Foucon  de  Candie,  voir  Romania,  VIII,  301; 
XVI,  06;  Wilmotte,  Bulletin  de  l'Académie  de  Belgique,  XIX,  n    I. 

Sur  le  Covenant  Vivien,  voir  Gâcher,  Bibl.,  p.  84;  li.  Wbi  -. 
Origïn  of  the  Covenant  Vil  The  University  of  Mi 

Sludies,  t.  I  (1902).  Le  vrai  titre  de  ce  poème  sérail  plutôt  La 

ne  édition  critique  vient  d'en  être  publiée  par 
M.  A.  Terracher  (Paris,  1909).  —  Les  questions  qui  concernent 
la  composition  de  ce  poème  et  celle d'Aleschans oui  pris  un  aspect 
tout  nouveau  depuis  la  découverte  de  la  Chanson  de  Guillaume, 
sur  laquelle  voir  Romania,  XXXII,  597  ss.  ;  XXXIV,  240  ss.; 
XXXVIII,  1  ss. 

41.  Les  Enfances  Vivien,  chanson  de  geste  publiée...  par 
C.  Wahlund  et  II.  von  Feilitzen-,  Introduction,  par  A.  Nordfi.lt. 
l'psala  et  Paris.   1895. 

La  mort  Aymeri  de  Narbonne,  chanson  de  geste  publiée  par 
.1.  Courate  du  I'aiu:  (Société  des  anciens  textes),  Paris,  1884. 

Aimeri  de  Narbonne,  chanson  de  geste  publiée  par  L.  Demai-on 
(Société  des  anciens  textes),  Paris,  1887,2  volumes. 

Sur  Genève  patrie  de  Renier  et  d'Olivier,  voir  Romania,  XVII, 
335. 

Sur  Girard  de  Vienne,  voir  Gautier,  Bibl.,  p.  116;  Romania, 
XXXIV,  444.  Sur  la  forme  ancienne  de  ce  poème,  voir  G.  Paris, 
Uist.  poél.  de  Charlemagne,  p.  325. 

Sur  le  poème  de  Garin  de  Monglane,  voir  Gautier,  Bibl.,  p.  108. 

44.  Alexandre  le  Grand  dans  la  littérature  française  du  moyen 
âge,  par  Paul  Meyer,  Pari-.  1886,  2  volumes.  On  trouvera  dans 
cet  ouvrage  toutes  les  indications  sur  le  cycle  d'Alexandre  en 
Fiance:  cf.  Romania.  XVIII,  183.  Voir  aussi  A.  WesselOPSKY  et 
M.  Gastek  dans  le  Journal  (russe)  du  Ministère  de  l'Instruction 
publique,  1887.  —  A.  Scbmidt,  Ueberdas  Alexanderlied  des  Alberic 
von  Besançon  und  sein  Verhûltniss  zur  antiken  Ueberlieferung, 
Bonn.  1SS0.  —  O.  Hartwig,  Centralblatt  fur  Bibliolhe/cwesen,  III, 
164. 

Sur  Alberto  et  Lamprecht,  voir  Literaturblatt.,  1887,  col.  313. 

Sur  les  manuscrits  du  poème  en  alexandrins,  voir  P.  Meyer, 
Romania,  XI.  213. 

Le  poème  de  Jean  le  Vendais  ou  le  Xevelon  (car  la  forme  du 
surnom  n'est  pas  certaine)  a  été  publié  en  191)2  par  M.  Schiltz- 
Gorra:  voir  Romania,  XXXI I,  150.  Ce  porte  est  placé,  non  pas 
à  la  lin  du  xn"  siècle,  mais  aux  environs  de  l'année  1300  par 
P.  Meyer,  Alexandre  le  Grand,  II.  264. 

Sur  Jacques  de  Longuyon,  voir  Romania,  XXIV,  570:  E.  Lan- 
g-lois.  dan-  Mélanges  Chabaneau,  Erlangen,  1907.  p.  105. 

Sur  les  poèmes  néerlandais  relatifs  à  Alexandre,  Petit,  422-23. 


292  NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES. 

45.  Sur  les  trois  poèmes,  voir  Rottig,  Die  Verfasserfrage  des 
Eneas,  und  des  Roman  de  Thèbes,  Halle,  1892  (cf.  Romania,  XXII, 
333);  W.  Greif,  Die  mittelallerlichen  Bearbeilungen  der  Troja- 
?iersage,  Marburg,  1886  (A usg.  u.  Abh.,  LXI).  —  Sur  DictysetDarès, 
voir  Collilieux,  Dictys  et  Darès,  Grenoble,  1886,  et,  du  môme 
auteur  :  Deux  éditeurs  de  Virgile,  Grenoble,  1887.  —  Pour  les 
rédactions  slaves  du  roman  de  Troie,  voir  Romania,  XVIII,  302. 
—  Sur  le  cycle  troven  en  Italie,  E.  Gorra,  Testi  inediti  di  storia 
trnjana,  Turin,  ISS"  (l'inlroducfion  s'occupe  de  l'histoire  du 
cycle). 

Sur  le  poème  de  Benoît,  voir  Romania,  XVIII,  70.  Une  édition 
de  ce  poème,  préparée  par  M.  L.  Constans  pour  la  Société  des 
anciens  textes  français,  et  qui  formera  cinq  volumes,  est  en  cours 
de  publication.  Les  tomes  I  à  IV  (1904-1908)  ont  paru. 

Sur  Hector,  voir  W.  Meyf.r,  Zeitschrift  fur  rom.  Philologie,  X, 
303-410.  —  Sur  Landomata,  Gorra,  p.  244;  Morf,  Romania,  XXI,  32. 

Sur  les  versions  néerlandaises  de  l'histoire  de  Troie,  Petit,  421. 

Sur  les  versions  italiennes,  Romania,  XXI,  18,  88. 

46.  Sur  Enéas,  voir  l'édition  de  M.  Salverda  De  Grave  (1892)  et 
Romania,  XXI,  281;  A.  Dressler,  Der  Einfluss  des  altfranzosi- 
schen  Eneas-Romanes  auf  die  allfranzôsische  Litteratur,  Leipzig, 
1907  (cf.  Romania,  XXXVI,  458). 

Sur  les  versions  italiennes,  voy.  E.  G.  Parodi  dans  les  Studj  di 
filol  romanza,  V  (1887);  cf.  Romania,  XVIII,  174. 

47.  Le  Roman  de  Thèbes  a  été  publié  pour  la  Société  des  anciens 
textes  français  par  M.  Constans,  1890:  sur  les  sources  de  ce  poème, 
voir,  outre  la  préface  de  l'éditeur,  F.  M.  Warren,  dans  Public,  of 
the  modem  Language  Assoc.  of  America,  XVI  (1901),  375-387. 

48.  Sur  Jean  de  Tuin  et  Jacot  de  Forest,  voir  Romania,  XII,  380; 
XV,  129-130. 

Sur  la  légende  de  César,  voir  A.  Graf,  Roma  nella  memoria  e 
nelle  immaginazioni  ciel  medio  evo  (Roma,  1882-83),  I,  248;  Parodi, 
Le  storie  di  Cesare  nella  lett.  italiana  dei  primi  secoli  (Studj  di 
filol.  romanza,  XI,  237). 

Die  Pharsale  des  Nicolas  von  Verona,  von  H.  Wahi.e,  Marburg, 
1S88  (cf.  Romania,  XVIII,  164). 

49.  Sur  les  traductions  et  imitations  d'Ovide,  voir  Hist.  lilt., 
XXIX,  45"j-52o;  L.  Sudre,  Ovidii  Nasonis  Metamorphoseon  libros 
quomodo  nostrates  medii  aevi  poetae  imitati  inlerpretalique  sint, 
Paris,  1893;  A.  Thomas,  Romania,  XXII,  177.  —  Chrétien  de 
Troyes,  Philomena,  éd.  critique  avec  introduction  par  C.  De  Boer, 
Paris,  1909. 

49  bis.  Sur  Bustalus,  voir  le  baron  de  Reiiïenberg,  préface  à 


NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES.  293 

son   édition  de   Philippe  Mousket,  I,  ccxliv,   note  2,  et  ccxi.vi. 
Sur  Abladane,  voir  Romania,  XXII,  608. 

50.  Ouvrages  généraux  :  E.  Roiide,  Der  griechische  Roman, 
Leipzig,  ISTtJ;  M.  Gaster,  Greeko-Slaronic.  Llchester  lectures  on 
greeko-slavonic  literature  and  ils  relation  to  the  fol/c-lore  uf 
Europe,  London,  1887  (cf.  Romani//.  XVI,  173). 

Sur  Apollonius  de  Tyr,  voir  Uahen,  Der  Roman  vom  Kônig  Apol- 
lonius in  seinen  verschiedenen  Beavbeitungen,  Berlin,  1878;  Sittl, 
Jahresberichl  fur  Aller Ihumswissenschaft,  1889,  II,  84.  Un  court 
fragment  d'un  poème  français  du  xnc  ou  xiii"  s.  sur  Apollonius 
a  été  publié  dans  la  Zeitschrift  f.  rom.  Phil.,  XXXIII,  226. 

Sur  la  légende  de  Virgile  :  D.  Comparetti,  Virgilio  nel  medio 
evo,  Livorno,  1872  (2°  édit.  1896);  Zeilsclir.  f.  rom.  Phil.,  I,  165; 
Graf,  Roma  nellamemoria  delmedio  evo,  II,  196. 

Sur  Hippocrate  :  E.  Hlcher,  Le  Saint-Graal,  III,  779-781; 
Romania,  VI,  299;  XXXII,  84. 

51.  Eraclius,  deutsches  Gedicht  des  XII.  Jahrhunderts,  hgg. 
von  Graef.  Une  nouvelle  édition  du  poème  français,  d'après  les 
trois  manuscrits,  par  M.  E.  Lôseth,  a  paru  en  1890.  —  Sur  Plo- 
choléon,  voy.  A.  d'ANCONA,  Studj  di  critica  e  sloria  letteraria, 
Bologna,  1880,  p.  300;  Le  Moyen  Age,  III,  130. 

Sur  Floire  et  Blanche  fleur,  voir,  outre  l'édition  d'E.  du  Méril, 
Paris,  1856  (Biblioth.  elzévirienne),  H.  Herzog,  Die  beiden  Sagen- 
kreise  von  Flore  und  Blansclieflur,  Vienne,  1S84;  J.  Beinhold, 
Floire  et  Blancheflor,  étude  de  littérature  comparée,  Paris,  1900; 
E.  Hausknecht,  Floris  and  Blauncheflur,  mittele/iglisches  Gedicht, 
Berlin,  1885;  Crescim,  Giornale  slorico  délia  letleratura  italiana, 
1889;  Romania,  XXVIII,  348,  444;  XXXV,  95,  335;  cf.  Journ.  des 
Sav.,  1901,  p.  707. 

Aucassin  und  Nicolete,  neu  nach  der  Handschrift  von  H.  Suchier, 
1"  éd.,  Paderborn,  1878;  0e  édition  (en  français),  1900;  G.  Paris, 
Poèmes  et  légendes  du  Moyen  Age,  Paris  [1900],  p.  97-112. 

Sur  Florimont  :  J.  Psichari,  dans  Etudes  romanes  dédiées  à 
G.  Paris,  1891.  p.  507  et  suiv.  ;  A.  Risop,  dans  les  Abhandlungen 
dédiées  à  M.  ïobler,  Berlin.  1895,  p.  430  ss. 

Sur  Athis  et  Porphirias,  voir  Romania,  XII,  634;  E.  Langlois, 
Notice  des  manuscrits  français  de  Rome,  dans  Notices  et  extraits 
des  manuscrits,  XXXIII,  2e partie,  218;  Staël  von  Holstein,  Elude 
sur  le  roman  d'Athis  et  Prophi/ias,  Stockholm.  1908. 

Roman  du  comte  de  Poitiers,  publié  par  Fr.  Michel,  Paris,  1831. 
Sur  la  sujet  de  ce  roman  et  de  ceux  où  est  traité  le  même  thème, 
voir  G.  Paris,  Lecycle  de  la  gageure,  dans  Romania, XXXII, 4Sl-5ol. 

Rotnan  de  la  Violette  ou  de  Gérard  de  Nevers  par  Gibert(s/c)  de 
Montreuil,  publié  par  Fr.  Michel,  Paris,  1834.  —  Sur  les  manus- 
crits de  ce  poème,  voir  Romania,  XXXIV,  90  et  168.  —  Sur  le 


204  NOTES    BIBLIOGRAPHIQUE?. 

sujet  du  roman,  voir  Bomania,  XXXII,  537  -s.  —  Sur  l'auteur, 
voir  ci-dessous,  §  59.—  Sur  la  Forme,  voir  ci-dess 

Le  roi  Flore  et  la  belle  Jeanne,  dans  Moland  et  d'HÉRicAULT, 
Nouvelles  en  prose  du  XIII'  siècle.  Paris,  1856.  Voir  Romania, 
XXXII,  532. 

Sur  Guillaume  de  Dole,  voir  l'édition  publiée  par  M.  Servois 
pour  la  Société  des  anciens  textes  (1893);  Gh.-V.  Langlois,  La 
lé  française  au  XIII'  siècle,  Paris.  1904,  p.  57. 

Le  dit  de  l'empereur  Constant,  publié  par  A.  Wessblofskt, 
Bomania,  VI,  161-198  (cf.  Romania,  XIV,  141;  E.  Ki  un.  dans  la 
Byzantinische  Revue,  IV,  241).  —  Sur  Constantin  mari  trompé, 
voir  Romania.  11.  142;  Graf,  Romanella  memoria  del  medio  evo, 
II.  46. 

La  Manekine,  t.  1  des  Œuvres  poétiques  de  Philippe  de  Rémi, 
sire  de  Beaumanoir,  publiées  par  H.  Suchier.  Paris,  1884-85 
(Société  des  anciens  textes). 

Sur  le  Comte  d'Anjou,  voir  Romania,  XIX,  100:  flist.  lilt..  XXXI. 
318;  Ch. -Y.  Lahglois,  La  société  française  au  XIIIe  siècle,  p.  324. 

Sur  Partenopeus  :  E.  Kôlbing,  Beitrûge  zur  vergleichenden 
Geschichte  der  romantischen  Poésie  und  Prosa  des  îliltelatters, 
Breslau,  1876;  Bomania,  XXXI.  475.  Sur  les  inanu>crils.  Notices  et 
extraits.  XXXIV,  1™  partie.  220;  sur  la  version  néerlandaise. 
Romania.  XXY1,  57  i.  cf.  Petit,  460.  Pour  les  versions  islandaise 
et  danoise,  voir  A.  Trampe  Bôutker,  Partenopeus  de  Rloi<,  étude 
comparative  des  versions  islandaise  et  danoise,  Christiania,  19u4. 

Sur  Huon  de  Rotelande  et  ses  romans,  voir  Waho,  Catalogue of 
Romances,  I,738ss. — Huede  Bolelandes  Ipomedon...  zum  ersten  Maie 
fierausgegeben  von  E.  Kôlbing  und  E.  Koschswinz,  Breslau,  1890. 

Christian  von  Troyes  Cliges.  Textausgabe  mit  Einleitung,  Anmer- 
feungen  and  Glossar  hgg.  ron  \V.  Foersteh,  Halle,  ISSN:  2  éd., 
1901  [Rom.  Bibliothek,!).  Cf.  Bomania,  XIII,  141  ;  XVI,  103;  XXXi. 
420;  Jour n.  des  Sav.,  1902. 

Li  roumansde  Cléomadès...,  publié  par  A.  Van  Hasselt,  Bruxelles, 
1866,  2  vol.  (cf.  Borhans,  Observations  philologiques  et  critiques 
sur  le  texte  île  Cléomadès,  Liège,  1807  ;  Jahrbuch  fur  ron 
engl.  Lileratur,  VIII,  120). 

Sur  Méliacin,  voir  Zeitschrift,  X,  460;  Hist.  litl.,  XXXI.  171  ss. 

Floriant  et  Florete,  edited  by  Fr.  Michel.  Edinburgb,  I  s  7  :  ;  (cf. 
Zeitschrift  fur  die  ôsterreichischen  Gymnasïen,  XXYI  (1875),  p.  538); 
llist.  titt.,  XXVIII,  139:  Bomama,V,  112. 

Guillaume  de  Paterne,  publié  par  H.  Michelant,  Paris,  1870 
(Soc.  des  anciens  textes).  Cf.  Romania,  VII,  47U  ;  VIII,  027. 

L'Escoufle,  roman  d'aventure,  publié  par  H.  Michelant  et 
P.  iMeyf.r.  Paris.  1894  (Société  des  anciens  textes).  Voir  Cii.-V.  Lan- 
glois, La  société  française  au  XIII' siècle,  p.  91  ;  Romania,  XXXVII, 
482.  —  Sur  l'épisode  du  rapt  de  l'anneau  et  sur  Pierre  de  Provence, 
voir  Romania,  XVIII,  510. 


NOTES    Rini.TOr.RAPIlIOUES.  29S 

Sur  Clams,  voir  Cederschioeld,  Clarus  Saga,  Clari  fabella 
islandice  et  latine,  Lund,  is79(cf.  Romania,  VIII.  179  . 

Sur  Bérinus,  voir  le  journal  Orient  und  Occident,  publié  par 
Bem-f.v,  II,  Gôttingen,  18G4,  310.  Une  version  en  vers  anglais, 
attribuée  jadis  à  tort  a  Chaucer,  a  été  imprimée  par  la  Cliaucer 
Society  de  Londres  en  1884. 

53.  Sur  l'histoire  de  la  Grande-Bretagne,  les  origines  celtiques  el 
saxonnes,  il  suffit  de  renvoyer  aux  ouvrages  généraux  sur  ces 
sujets  publiés  dans  ces  derniers  temps  en  France,  en  Angleterre 
et  en  Allemagne. 

Sur  le  cycle  breton  en  général,  Ward,  Catalogue  of  Romances, 
I.  198422. 

Sur  l'étymologie  de  walah,  d'où  gallois  {Volca),  voir  D'Arbois 
de  Ju  bain  ville,  Introduction  à  la  littérature  celtique,  Paris,  1883 
(cf.  Deutsche  Literaturzeilung,  1883,  p.  1189);  Mullenhoff,  Deut- 
sche Alterlhumskunde,  II.  Berlin,  1887,  p.  279. 

Sur  Nennius,  voir  II.  Zimmer.  Nennius  vinclicalus,  Berlin,  1893. 

Sur  les  Mabinogion,  voir  la  traduction  française  de  M.  J.  Loxu. 
Paris,  1889,  deux  vol. 

Sur  Vllis/oria  Britonum  et  les  questions  qui  s'y  rattachent,  voir 
G.  Ueeglr,  Die  Trojanersage  der  Britlen,  Mùnchen,  1886  (cf. 
Romania,  XV,  449;  XVIII,  281). 

54.  Sur  Gaufrei  de  Monmouth,  voir  Ward,  Catalogue  of  Ro- 
mances, I,  203-278;  R.  H.  Fletcuer,  The  Arthurian  material  in  t/te 
chronicles,  Boston,  1906  (Harvard  Studies  and  notes  in  Philo'.ogy 
und  Literature,  t.  X). 

Sur  l'ancienneté  de  la  croyance  au  retour  d'Arthur,  voir  Ward, 
Catalogue,  I,  217. 

Pour  le  passage  allégué  de  Marcabrun,  voir  Romania,  VI,  55. 
Sur  l'ancienneté  des  noms  «  arthuriens  »  en  Italie,  voir  Ra.ina, 
Romania,  XVII,  352;  on  peut  toutefois  clouter  <]ue  le  prénom 
Artusius,  donné  dès  1114,  soit  bien  le  nom  d'Arthur. 

Le  roman  (le  Brut,  par  Wace,  publié  par  Le  Roux  de  Lincy, 
Rouen,  1836.  2  vol. 

Der  Mûnchener  Brut...  hgg.  von  K.  Hofmann  und  K.  Yoi.i.- 
môller,  Halle.  1877  {ct.,Zeitschr.  f.  roman. PhiL,  1,402; Remania, 
Vil,  144;  X,  320). 

Sur  une  ancienne  traduction  en  prose  française  de  Gaufrei  de 
Monmouth,  voir  Bulletin  de  la  Société'  des  anciens  textes  fran- 
çais, 1895,  p.  89. 

Sur  les  chroniques  en  prose  intitulées  Rrut,  voir  Bulletin  de  la 
Société  des  anciens  textes  français,  1878,  p.  104  ss. 

Sur  la  Vita  Merlini,  voy.  Ward,  Catalogue  of  Romances,  I,  27S; 
F.  Lot,  Études  sur  Merlin,  dans  les  Annales  de  Bretagne,  avril  et 
juillet  1900  (cl.  Romania,  XXX,  473). 


296  NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES. 

55.  Sur  l'étymologie  de  lai,  voir  Romania,  XIV,  G06.  —  Sur  le 
genre  des  lais,  Romania,  VIII,  33.  —  Les  lais  bretons  sont  cités 
comme  très  répandus  dans  Hicheut  (1159). 

Die  Lais  der  Marie  de  France,  hgg.  von  K.  Warnke,  Halle, 
1885;  2«  éd.,  1900  (cf.  Romania,  XIV,  598-008).  —  E.  Schiôtt, 
L'amour  dans  les  lais  de  Marie  de  France,  Lund,  1889. 

L.  Foulet,  Marie  de  France  et  les  lais  bretons,  dans  Zeitschr. 
f.  roman  PhiL,  XXIX  (1905);  19  (cf.  Romania,  XXXIV,  479). 

Les  lais  de  Tidorel,  de  Guingamor  et  de  Tiolel,  qui  sont  ici 
attribués  à  Marie  de  France,  ne  sont  pas  compris  dans  l'édition 
de  M.  Waknke.  Ils  sont  imprimés  dans  la  Romania,  VIII,  29  ss. 

Sur  Tidorel,  voir  FI.  L.  Ravenel,  dans  Publ.  of  the  modem  Lan- 
guaqe  Association  of  America,  XX  (1905),  152. 

Sur  le  lai  de  Guingamor,  voir  Schofield,  dans  Cfiild  Mémorial 
volume,  Boston,  1896  (Harvard  Studies  and  notes  in  Philology  and 
Literalure,  t.  V),  p.  221  (cf.  Romania,  XXVII,  323). 

Graelent  est  imprimé  dans  Roquefort,  Les  Poésies  de  Marie  de 
France,  Paris,  1820,  I,  487-541.  Voir  Schofield,  The  Lais  of  Grae- 
lent and  Lanval,  dans  Publications  of  the  modem  Language  Asso- 
ciation of  America,  XV,  121-180  (cf.  Romania,  XXIX,  487;  Le 
Moyen  âge,  1902,  p.  44). 

Mélion  :  Zeitschr.  f.  rom.  PhiL,  VI,  94. 

Le  lai  du  Cor,  restitution  critique  par  Fr.  Wulff,  Lund, 
1888  (cf.  Romania,  XVII,  300;  Literalurbl.,  X,  26).  —  Le  Conte  du 
Mantel,  p.  p.  Fr.  Wulff,  Romania,  XIV,  343. 

Ignaure  :  Baktsch,  Langue  et  Littér.,  col.  553. 

56.  Sur  Tristan  :  Romania,  XV,  481-602;  XVI,  288  ss.;  XVII, 
603;  XVIII,  322,  510;  G.  Paris,  Poèmes  et  légendes  du  moyen  âge, 
p.  113  et  suiv. 

Le  Tristan  de  Thomas  a  été  publié  par  M.  J.  Bédier  pour  la 
Société  des  anciens  textes,  1902-1905.  2  vol.  (cf.  Literalurbl.,  1907, 
col.  60).  Le  Tristan  deBéroul  a  été  publié  par  M.  E.  Muret  (même 
société,  1903). 

Sur  La  Chèvre,  voy.  Romania,  XVI,  362. 

56-58.  Tous  les  romans  en  vers  du  cycle  breton  sont  analysés, 
avec  indications  bibliographiques,  dans  le  tome  XXX  de  VHistoire 
littéraire  de  la  France,  Paris,  1888,  sauf  Reaudous{%  58)  et  Escanor, 
de  Girard  d'Amiens  (publié  par  Michelant,  Stuttgart,  1886),  qui 
est  l'objet  d'une  notice  dans  le  t.  XXXI,  et  le  Méliador  de  Frois- 
sard,  qui  n'est  plus  de  notre  époque. 

57.  Sur  Erec,  voir  Romania,  XIX,  156;  cf.  E.  Muret,  Revue  cri- 
tique, 1S90,  art.  66;  Romania,  XXV,  258-294. 

Kristian  von  Troyes  Yvain  (der  Lôvenritter)  hgg.  von  W.  Foers- 
ter,  3'édit.,  Halle  1900  (Romanische  Dibliothek,  V). 


NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES.  297 

Arthur  C.  L.  Browx,  Iwain,  a  Sludy  on  tlie  origins  of  Arthu- 
rian  romance,  Boston,  19u3  (Harvard  Studies  and  notes  in  Philo- 
logy  and  littérature,  t.  VIII). 

58.  Sur  Durmart,  voir  Romania,  XVIII,  345. 

Meraugis  von  Portlesguez...  hgg.  von  M.  Frieowagner,  Halle, 
1897  (et.' Romania,  XXVII,  307). 

Robert  von  Mois  sàmmtliche  Werke,  zum  ersten  Maie  lijrg.  vun 
J.  Ulrich.  Band  I,  Beaudous,  Berlin,  1889.  —  Floris  et  Liriope, 
bgg.  von  W.  Zingekle,  Leipzig,  1891  (cf.  liomania,  XXI,  109). 

59.  Sur  le  Perceval  angluis,  voir  Hist.  litt.  de  la  Fr.,  XXX,  254. 
Une  édition  très  défectueuse  du  Perceval  de  Chrétien  de  Troyes  et 
de  ses  continuations  a  été  publiée  par  M.  Potvix,  Mons,  1866-1871. 
Voir,  sur  ce  poème  et  sur  la  légende  qu'il  met  en  œuvre,  Newell, 
The  Legend  of  tlie  lloly  Graal  and  l/ie  Perceval  of  Chrestien  de 
Troyes,  Cambridge,  Mass.,  1902;  Jessie  L.  Weston,  The  Legend 
of  Sir  Perceval,  vol.  I,  Chrestien  de  Troyes  and  Wauchier  de 
Uenain,  Londres,  1906;  vol.  II,  The  prose  Perceval,  Londres,  1909. 
—  Sur  l'épisode  de  Caradoc,  voir  G.  Paris  dans  liomania,  XXVIII; 
214. 

Sur  Gaucher  (Wauchier)  de  Denain,  voir  Hist.  litt.,  XXX1I1, 
258,  292,  380,  413,  431-434;  Romania,  XXXII,  583;  XXXIII,  333; 
XXXIV,  100. 

SurGerbertde  Montreuil,  voir  Wilmotte,  dans  leBull.del'Acad. 
roy.  de  Belgique,  1900  (cf.  Romania,  XXIX,  481). 

Sur  Bobert  de  Boron,  voir  Merlin,  publié  par  G.  Paris  et 
J.  Ulrich,  1,  vin  ss.;  Romania,  XXIV,  472;  Journ.  des  Sav.,  1901, 
pp.  704-5. 

Le  chevalier  à  l'épée,  an  old  french  poem  edited  by  Edw.  Cooke 
Armstrong,  Baltimore,  1900  (cf.  Romania.  XXIX,  593). 

Sur  la  Vengeance  de  Raguidel,  dont  la  seconde  partie  seule  est 
de  Baoul  de  Houdan.  voir  Romania,  XXI,  414;  XXIX,  117  ;  Zexker, 
Ueber  die  Echtheil  zveier  Raoul  von  H.  zugeschriebener  Werke, 
Eilangen,  1889. 

60.  P.  Paris,  les  Romans  de  la  Table  Ronde,  Paris,  1868-77, 
5  vol. 

Le  Perceval  (ou  Perlesvaus)  en  prose  dont  il  s'agit  forme  la 
première  partie  du  Perceval  en  vers  publié  par  M.  Potvix.  Voir 
W.  A.  Nitze,  The  old  french  Grail  romance  Perlesvaus,  a  Sludy 
of  its  principal  source,  Baltimore,  1902. 

Sur  la  Quête  du  Saint  Graal,  et  spécialement  sur  la  version 
portugaise,  voir  Romania,  XVI,  582;  H.  O.  Sommer,  The  Queste  of 
tlie  lloly  Graal,  dans  Romania,  XXXVI,  369  et  543. 

Le  Saint  Graal  publié  par  Hucher,  Le  Mans,  1864-6S,  3  vol, 


298  NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES. 

—  Cf.  A.  Ni'tt.  Studies  on  the  legend  of  the  holy  Grail,  London, 
cf.  Mélusine,  1889,  361;  Romania,  XVIII.  388). 
Merlin,  publié  d'après  le  ms.  Ilutli  par  G.  Paris  et  J.  Ulrich, 
Paris,  1880,  2  vol.  (Soc.  des  anciens  textes). 

57-63.  Sur  les  romans  néerlandais  du  cycle  breton  [Saint  Graal, 
Merlin,  Laneelot,  Gauvain,  Perceval,  Raguidel,  Fergus,  Torec), 
voir  Petit,  447,  149,  150,  453.  454,  457. 

61.   Sur  Laneelot,  voir  Romania,   X.  405:    XII,  459;  XVI.    100. 

Sur  la  «  dame  du  lac  •,  voir  Lucy  Allen  Paton,  Studies  in  t/ie 
fairy  Mythology  of  Arthur ian  Romance,  Boston,  1903  (cf.  Romania, 
XXXIV.  117). 

02.  Sur  Gautier  Map,  voir  Ward,  Catalogue,  I,  734  ss. 

G3.  Sur  le  Brait,  Guiron  le  Courtois,  le  Tristan  en  prose,  voir 
Merlin,  publié  par  G.  Paris  et  J.  Ulrich.  I,  xxvm-xxxvir,  et  Romania, 
XVI.  585.  Une  analyse  critique  du  Tristan  en  prose,  par  .M.  E.  Lô- 
sbth,  a  été  publiée  flans  la  Bibliothèque  <le  l'Ecole  des  Hautes 
étude.--,  fasc.  82,  —  Sur  la  date  de  l'alamède,  voir  Ward,  Cata- 
logue, I.  330. 

64.  Sur  Rusticien  de  Pise,  voir  Ward,  Catalogue,  I,  307. 

Sur  Malory,  voir  Romania.  XVIII.  625. 

Sur  Perceforest.  voir  Ward,  Catalogue,  I,  377;  P.  Meyfr, 
Alexandre,  II,  353:  Wesselofsky,  dans  l'article  cité  au  §  44; 
Romania.  XXIII.  79  et  suiv. 

65  ss.  Pour  les  romans  d'aventure  en  général,  voir  Hist.  litt., 
XXII.  757-887. 

00.  Amadas  et  Idoine,  p.  p.  Hippeau,  Paris.  1803.  Sur  l'origine 
anglo-normande  de  ce  poème,  voir  Romania,  XVIII,  620:  G.  Paris, 
dans  An  englishMisccllany  presented  to  W Furnivall,  London,  1901, 
p.  380. 

Sur  le  thème  d'Eliduc  et  de  Gilles  de  Trasignies,  voir  G.  Paiiis, 
Comptes  rendus  de  l'Académie  des  inscriptions,  1SS7,  p.  578  ss. 
Cf.  Steenstrup,  Viser,  187. 

Ricliars  li  biaus...  hgg.  von  W.  Foerster,  Vienne,  1874  (cf. 
Romania,  111.  3o5:  IV,  478;  VI,  475:  VIII,  027).—  Sur  le  thème  du 
mort  reconnaissant  :  Romania,  XVIII.  197. 

Le  roman  de  Calèrent,  comte  de  Bretagne,  publie  par  A.  Bou- 
cherie, Paris.  1SSS  (cf.  Romania,  XVII,  439);  Ch.-V.  Langlois, 
La  société  française  au  XIIIe  s.  d'après  dix  roman»  d'aventure, 
Paris,  1904,  p.  1-33. 

Sur  le  Châtelain  de  Couci,  voir  Hist.  litt.,  XXVIII,  352;  Roma- 
nia, XVII,  450;   Petit,  444;  Ch.-V.  Langlois,  La  soc.  franc,  au 


NOTES    niBLTOr.RAPniQl'ES.  299 

XIII"  s.,  p.  lSfi-221.  Le  nom  de  l'auteur  es!  donné  dans  un  acros- 
tiche qu'on  iTcsi  pas  arrivé  à  lire  très  sûrement.  G.  Paris  hésitait 
entre  Sakesep  (ci-dessus,  p.  113)  el  Sakel  (p.  280);  cf.  Langlois, 
ouvr.  cité,  p.  221. 

Sur  le  Comte  d'Artois,  voir  Romania,  XVI,  98. 

Brun  de  la  Montagne,  p.  i>.  I'.  Meyeb,  Paris,  1875  (Soc.  des  anc. 
textes  français  . 

67.  Blancandin...  publié  par  II.  Michelant,  Paris,  l'867  (cf. 
Revue  critique,  istjT,  1,377). — Pour  uni-  rédaction  remaniée,  voir 
Rpmania,  XVIII,  289. 

68.  Jean  de  Dammartin  et  Blonde  d'Oxford,  tome  II  des  Œuvres 
poétiques  de  Philippe  de  Rémi,  sire  de  Beaûmanoir,  publiées  par 
II.  Suchier,  Paris,  1884  (Soc.  des  anciens  textes).  —  Philippe 
de  Beaûmanoir  a  aussi  composé  un  certain  nombre  de  Chansons 
•  1 1 1 i  n'ont  pas  été  comprises  dans  l'édition  des  Œuvres  poétiques 
due  à  M.  Suchier;  voir  Jeanroy,  Romania,  XXVI,  517-536. 

Sur  Ponthus  et  Sidoine,  voir  Romania,  XV,  275:  XXXIV,  142,  noie. 

Sur  Waldef,  voir  Romania,  XYIil,  510. 

Sur  llavelok,  voir  Ivipfersciimiut,  Die  Haveloksage  bei  Gaimqr 
und  ihr  Verhhàttniss  zum  lai  d'Ilavelok,  dans  Romanische  Studien. 
IV.  il  1-430  (cf.  Romania,  IX,  480);  Ward,  Calai,  of  Romances,  I, 
423-446, 

Sur  Guy  de  Warwiek,  0.  Winneberger,  dans  les  Frankfurter 
neuphilologische  Beitrage,  1887,  86-107:  Ward,  Catalogue  of 
Romances,  I.  471-487;  Romania,  XXXV,  68. 

Sur  Pafnphile  et  Gaîatée,  voir  Revue  critique,  1875,  II,  398. 

Sur  Joufroi,  voir  Romania,  X,  442  ;  XI,  448  ;  Dingeldey,  Ueber  die 
Sprache  und  den  Dialect  des  Joufrois,  Darmstadt,  1888;  Ch.-V. 
Langlois,  La  soc.  franc,  au  XIII"  s.,  p.  34. 

La  Châtelaine  de  Vergi,  nouvelle  édition  par  G.  RatnauD, 
Romania,  XXI.  145;  Ch.-V.  Langlois,  La  soc.  franc,  au  À"///'  s., 
p.  222:  Petit,  070. 

Sur  André  de  France,  voir  Romania,  105;  XVIII,  473. 

Sur  Gautier  d'Aupais  :  Ilisl.  litt.,  XIX,  767;  Ch.-V.  Langlois, 
La  soc.  franr.  au  XIII'  s.,  283. 

Il  y  aurait  lieu  de  mentionner  ici  Sone  de  Nansai,  Ion»  roman 
d'aventures  publié  en  1809  (cf.  Romania,  XXXI,  113).  Voir 
Ch.-V.  Langlois,  La  soc.  eu  France  au  XIIIe  siècle,  p.  271; 
NyROP,  dans  Romania,  XXXV,  555. 

69.  Sur  Mélusine,  voir  L.  Desaivre,  La  légende  de  Mélusine, 
Niort,  mo;Lileraturblatt,  1887,  col.  346. 

Sur  Robert  le  Diable,  voir  Ron  ania,  XV.  IGO;  Le  Moyen  Age,  II, 
12(1:  Zeitschr.  f.  Volkerpsycholoc/ie ,  XIX  (1889),  77;  Robert  le 
Diable,  roman  d'aventures,  p.  p.  E.  Loseth,  Paris,  1903  (Soc.  des 
anciens  textes). 


300  NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES. 

Richard  sans  peur,  Paris,  1S38  (reproduction  Silvestre);  —  Le 
Iîorx  de  Lincv,  Nouvelle  Bibliothèque  bleue,  Paris,  1S42. 

Sur  Richard  Cœur  de  Lion,  voir  Romania,  IX,  542-544. 

La  Comtesse  de  Ponthieu,  dans  Nouvelles  en  prose  du  XIII'  siècle, 
publiées  par  L.  Mola.no  et  Ch.  d'HÉRiCAOXT,  Paris,  1836  (cf.  le 
roman  de  Jean  d'Avesnes,  cité  au  §  87), 

Eustache  lu  Moine...  publié...  par  Francisque  Michel,  Paris  et 
Londres,  1834;  Romania,  XXI,  279;  A.  Molinier,  Les  sources  de 
l'Ilist.  de  France,  III,  n°  2219. 

Foulkc  Fitz-Warin,  dans  Nouvelles  eh  prose  du  XIV°  siècle, 
publiées  par  L.  Molanu  et  Ch.  d'HÉRiCAULT,  Paris,  1858;  Ward, 
Calai,  of  Romances,  I,  501-508. 

Sur  Robin  Hood,  voir  Cbild,  The  English  and  Scottish  popular 
Rcdlads,  Boston,  V  (1888),  39  ss. 

70.  Sur  Rieheut,  voir  J.  Bédier,  Études  romanes  dédiées  à 
G.  Paris,  p.  23.  (cf.  Romania,  XXII,  130.) 

Sur  Trubert,  voy.  Hist.  lilt.,  XIX,  734-747. 

71.  Sur  les  Sept  Saf/es,  voir  Deux  rédactions  des  Sept  Sages  de 
Rome,  p.  p.  G.  Paris,  Paris,  1870  (Soc.  des  anciens  textes); 
M.  Landau,  Die  Quellen  des  Dekameron,  2e  éd.,  Stuttgart,  1884; 
Ward,  Calai,  of  Romances,  II,  199-2U0. 

Sur  les  suites  des  Sept  Sages,  voir  P.  Paris,  Les  Manuscrits 
françois,  I,  100;  Description  d'anciens  manuscrits  réunis  par 
M.  Techener,  2e  partie,  Paris,  1864,  p.  84;  Le  roman  de  Marques 
de  Rome,  hgg.  von  J.  Alton,  Tubingen,  1889  (cf.  Romania, 
XIX.  493). 

Sur  le  Dolopathos,  voy.  Romania,  II,  481  ;  IV,  150,  291. 

72.  Sur  Baudouin  de  Guines  :  Lamberti  Ardensis  historia  comitum 
Ghisnensium  (Monumenta  Germaniae  historica,  XXIV,  598). 

Citation  sur  aventure,  voir  Mo.ntaiglon-Ratnaud,  Recueil  des 
fabliaux,  V,  43;  sur  fablel,  ib.,  V,  171. 

73.  Sur  l'origine  et  l'histoire  des  fableaux  :  G.  Paris,  Les  Contes 
orientaux  dans  la  littérature  française  au  moyen  âge,  Paris,  1877 
(réimprimé  dans  La  Poésie  au  moyen  âge,  2e  série,  Paris,  1895); 
M.  Landau,  Die  Quellen  des  Dekameron,  où  sont  cités  tous  k's 
recueils  orientaux  mentionnés  plus  haut  (voir  ci-dessus,  §  71;  cf. 
le  journal  Mélusine,  Paris,  1887,  passim);  J.  Bédier,  Les  Fabliaux. 
Études  de  littérature  populaire  et  d'histoire  littéraire  du  moyen 
âge,  Paris.  1893,  2e  éd.,  1894  (cf.  Romania,  XXIV,  135).  —  A.  Pillet, 
Ueber  den  gegenwiirtigen  stand  der  Fableaux-Forschung,  dans 
Neuphilolngisches  Cenlralblatt,  t.  VII  (1903),  p.  98-105. 

Sur  les  traductions  de  Pierre  Alphonse,  voir  Romania,  I,  106; 
XXVIII,  161  ;  Bull,  de  la  Soc.  des  anc.  textes,  1887,  p.  83;  G.  Paris 


NOTES   BIBLIOGRAPIIIQUES.  301 

et  A.  lîos,  Trois  versions  rimées  de  l'Evangile  de  Nicodème,  p.  xxi, 
xxni:  Notices  et  extraits,  XXXIV,  1"  partie,  209. 

Sur  les  exemples  dans  les  sermons,  voir  Romania,  XII,  410;  ef. 
plus  loin,  §  152. 

Tous  les  Tableaux  cïtés  se  trouvent  dans  Recueil  général  et 
complet  des  fabliaux  des  XIIIe  et  XIV'  siècles,  par  MM.  A.  de  Mon- 
taiglon  et  G.  K.w.NAi  i),  l'aris,  1872-90,  6  vol.  On  se  borne  à  y 
renvoyer  une  fois  pour  toutes.  Voir  encore  Ilisl.  litt.,  XXIII,  69-215. 

76.  Sur  Huon  de  Cambrai  (et  Iluon  Peaucele),  voir  Romania, 
XXV,  449. 

Sur  le  conte  d'Arislote,  voir  Œuvres  de  Henri  d'Andeli,  p.  p 
A.  Héron,  Rouen,  1880,  p.  xxvm;  I>a  loi  d'Aristote,  p.  p.  A.  Hé- 
ron, Rouen  1901  (cf.  Romania,  XI,  139;  XXI,  139). 

Sur  la  Housse  partie,  voir  Romania,  XXXVII,  215. 

77.  Sur  le  Courtois  d'Arras,  voir  E.  Faral,  dans  Biblioth.  de 
la  Fac.  des  lettres  de  Paris,  1905. 

Sur  la  Bourgeoise  d'Orléans  et  sa  variante  anglo-normande, 
voir  Romania,  I,  69. 

Le  lai  de  V Oiselet,  p.  p.  G.  Paris,  Paris,  1884  (réimprimé  dans 
Légendes  du  moyen  âgp,  Paris,  1903);  Romania,  XXXVII,  217. 

79.  Sur  les  origines  de  la  fable  ésopique,  voir  O.  Keller,  Unter- 
suchungen  ùber  die  Gesc/iichle  der  griechischen  Vabel,  dans  les 
Jahrbiicher  fi'ir  classische  Philologie,  4  ter,  Supplementband  Lei- 
pzig, 1861-07,  307-418;  The  fables  of  JEsop  as  first  printed  by 
Caxton...  now  again  edited...  by  Joseph  Jacobs,  Londres,  1889, 
2  vol.  (cf.  Romania,  XX,  289). 

Sur  la  fable  latine  et  son  histoire  au  moyen  âge  :  Les  Fabulistes 
latins  depuis  le  siècle  d'Auguste  jusqu'à  la  fin  du  moyen  âge,  par 
Léopold  Hervieux,  t.  I-II,  Paris,  1884  (2e  éd.,  1893-1899,  cinq 
volumes).  Il  suffit  de  renvoyer  à  cet  ouvrage  pour  les  indications 
bibliographiques  (cf.  Romania,  XV.  626-631;  G.  Paris,  Journ.  des 
Sav.,  1884,  1S95  et  1899;  Br.  llerlet,  Rom.  Forsch.,  III,  219).  Voir 
encore  M.  Steinschneider,  Ysopet  hehrûisch,  dans  Jahrbuch  fur 
rom.  u.  engl.  Spracheu.Literalur,  XIII,  35I-:JG7. 

Sur  la  date  de  Marie  de  France,  voir  Romania,  XV,  630. 
Sur  les  fables,  voir  Die  Fabeln  der  Marie  de  France,  hgg...  von 
K.  Warnke,  Halle,  1898  (t.  VI  de  la  Bibliotheca  normannica  de 
Sucbier);  Ward,  Catal.  of  Romances,  II,  291-306.  Sur  les  sources 
des  fables  :  K.  Warnke,  dans  les  Forschungen  zur  romanischen 
Philoloqie,  Festgabe  f.  IL  Suchier,  Halle,  1900,  p.  161-284  (cf. 
Romania,  XXIX,  581). 

82.  Sur  le  cycle  de  Renard  :  Isengri7nus,  herausgegeben  und 
erldart  von  Ernest  Voigt,  Halle,  18S4  (cf.  Revue  critique,  1884, 
II,  art.  152);  L.  Sudre,  Les  sources  du  Roman  de  Retiart,  Paris, 
1893  (,cf.  G.  Paris,  dans  Journ.  des  Sac,  1894,  1895). 


302  NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES. 

Le  Roman  de  Renart,  publié  par  Ernest  Martin,  Strasbourg  et 
Paris,  1881-87,  3  vol.,  auxquels  il  Faut  joindre  les  Observations  sur 
le  Roman  de  Renart,  Paris,  1887.  Voir  sur  le  système  de  M.  Martin 
et  sur  les  origines  du  Roman  de  Renart  les  articles  de  M.  L.  Si  nui:, 
Romania,  XVII.  1  et  201. 

Sur  Reinart  de  Vos,  Petit,  470. 

83.  Sur  Pierre  de  Saint-Cloud,  voir  P.  Meyer,  Alexandre,  II, 
231;  Romania,  XVII,  299. 

84.  Le  Couronnement  Renart,  dans  le  Roman  du  Renart,  publié 
par  Méon,  IV,  Paris,  1826,  1-123.  —  Renart  le  Nouvel,  ibid.,  125- 
461.  Cf.  Tobler,  Vrai  aniel  (S  150),  p.  v. 

F.  Wm.F,  Renart  le  Contrefait,  nacli  der  Handschrift  der  h.  /:. 
Hofljibliolhek,  Vienne,  1861;  Tarbé,  Proverbes  champenois  avant 
le  XVIe  siècle,  Reims,  1851  ;  P.  Meyer,  Alexandre,  II,  334;  G.  Ray- 
naud,  Romania,  XXXVII,  245. 

86.  Sur  les  poèmes  relatifs  aux  croisades,  voir  la  bibliographie 
dans  Nyrop,  et  dans  L.  Gautier,  Bibliogr.,  sous  AimocuE,  Ché- 
tits,  Jérusalem.  Sur  le  rapport  des  chroniques  latines  et  des 
chansons  de  geste,  voir  ffist.  occid.  des  croisades,  IV,  XXV,  et 
Deutsche  Litteralurzeitnn'j,  1890,  col.  509.  —  Témoignage  sur  la 
vénalité  des  mentions  dans  les  poèmes  sur  les  croisades,  dans  la 
chronique  de  Lambert  d'Ardres  citée  plus  haut  (S  72). 

Sur  Grégoire  Bechada,  voir  Romania  X,  591  ;  XXII,  358. 
Sur  la  Chanson d'Antioche  provençale,  voir  Romania,  XVII,  513. 
Traduction  en  vers  de  Baudri  de  Bourgueil,  Romania,  V.  I  ;  VI, 
489;  cf.  Archives  de  l'Orient  latin,  Il  (1884),  471. 
Sur  Gilles  de  Chin,  voir  Hist.  litt.,  XXIII,  395. 

87.  Histoire  de  Jean  d'Avesnes  (p.  p.  Chabaille),  Abheville,  ISU). 

ss.    VEstoire  de  la  guerre  sainle  par  Ambroise,   publiée  par 

G.  'Pai'.is  (Documents  inédits  sur  V histoire  de  France),  Paris,  1897. 

89.  Villehardouin ,  Conquesle  de  Çonstantinople,  publiée  par 
N.  de  Wailly,  Paris.  1872  (cf.  Romania,  VII,  147;  XVI,  164). 

Sur  Robert  de  Clairi,  publié  par  Cu.  Hopf,  Chroniques  gréco- 
romanes,  Berlin,  1873,  p.  1-85,  voir  Romania,  XXIX,  473. 

Henri  de  Valcnciennos  est  imprimé  à  la  suite  de  Villehardouin. 
Sur  la  forme  première  de  son  livre,  voir  Romania,  XIX,  03. 

89(6ts).  La  prise  de  D amie t te  en  l-Ji'J,  relation  inédile  en  pro- 
vençal, p.  p.  P.  Meyer,  dans  Bibl.  deVÉcole  des  Charles, XXXVIII 
(|S77i.  497  et  suiv.  Voir  notamment,  p.  509,  pour  l'origine  fran- 
çaise de  ceiic  relation. 

89  (qualer).  Sur  la  chanson  de  Philippe  de  Xanteuil  et  sur  la 


NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES.  303 

chronique  qui  non-  l'a  conservée,  voir  llist.  litt.,  XXIII,  669-679. 
Le  texte  des  deux  chansons  dans  Eistor.  uccid.  des  croisades,  II. 
34S-351,  et  dans  J.  Bédier,  Chansons  de  croisade,  p.  217  et  suiv. 

90.  Joinville,  Vie  de  sain/  Louis,  p.  p.  N.  de  Waii.ly.  Paris, 
1881  (cf.  Romania,  XVI,  iU);Hist.  litt.  de  la  />.,  XXXII,  291-459. 

Sur  la  traduction  de  Guillaume  de  Tyr,  voir  Ost,  Die  altfr. 
Uebersetzung  der  Geschichle  der  Kreuzziige  Wilhelms  von  Tyrus. 
Halle,  1899. 

1)1.  Sur  les  versions  et  continuations  de  Guillaume  de  Tyr,  voir 
L.  de  Mas  Latrie,  à  la  suite  de  la  Chronique  d'Emoul,  et  Ar- 
chives de  l'Orient  latin,  I.  247. 

Chronique  d'Ernoul,  publiée  par  L.  de  Mas  Latrie,  Paris,  1S7I 
(Soc.  de  l'IIist.  de  France). 

La  Chronique  de  Philippe  de  Novafe  est  dans  les  Gestes  des 
Chiprois,  publ.  par  G.  Raynaud  pour  la  Société  de  l'Orient  latin, 
Paris.  ISS7  (cf.  Romania,  XVIII,  528;  Rev.  de  l'Orient  latin.  IX. 
1G4).  Une  nouvelle  édition,  préparée  par  G.  Paris,  a  paru  dans  les 
Documents  arméniens  (Historiens  des  croisades),  II,  6 10-672. 

La  Description  de  Jérusalem  est  imprimée  dans  les  Itinéraires 
à  Jérusalem  rédigés  en  français  publiés  par  H.  Michelant  et 
G.  Raynaud,  Genève,  1882  (Société  de  l'Orient  latin). 

Sur  Jean  de  Vignai  et  tous  ses  ouvrages,  voir  P.  Meyer,  Ro- 
mania. XXV,  401-423. 

Sur  la  Chronique  de  SI  orée,  voir  John  Schmitt,  Die  Chronik 
von  Mure/.  Munich,  1889  (cf.  Romani'/.  XVIII,  351);  'ASa(uzvrcovj  ta 
-/povixà  toû  Mopéwç,  Athènes,  1006. 

Sur  Haiton.  voir  L.  Panmek.  Bibl.  de  VÉc.  des  chartes.  XXXV, 
93:  Omont,  Notices  et  extraits.  XXXVIII  (1903),  237-202,  et  là 
préface  des  Documents  arméniens  tllistor.  des  croisades),  II, 
lvii  ss. 

Les  voyages  de  Marco  Polo...  publiés  par  G.  P.utiiier,  Paris, 
1865.  —  Sur  la  question,  non  encore  parfaitement  résolue,  des 
rédactions  diverses  par  lesquelles  a  passé  le  livre  de  Marc  Pol, 
voir  Romania,  XI,  429. 

Sur  Roau  d'Arundel  et  la  lettre  du  Prêtre  Jean,  voir  Not.  et 
Kxtr.,  XXXIV.  1"  partie,  p.  228.  Sur  les  versions  en  prose,  voir 
Bibl.de  VEc.  des  Ch., XXXVIII,  502. 

92.  Le  livre  de  David  est  mentionne  par  Geilfrei  Gaimar  à  la  fin 
de  son  poème.  L'n  David  qui  a  écrit  en  latin  pourrait  être  le  même. 

L'Eslorie  des  Ewjleis.  de  Geffrei  Gaimar.  a  été  publiée  en  der- 
nier lieu  dans  la  collection  anglaise  du  Maître  des  rôles,  1888, 
1889,  2  vol.  Sur  l'édition,  voir  Romania,  XVIII.  314. 

93.  Sur  Wace,  voir  Romania,  IX,  594:  XVI,  232,  604. 


304  NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES. 

Sur  les  sources  de  la  Chronique  des  ducs  de  Normandie  de 
Benoit  de  Sainte-More,  voir  Romanische  Forschungen,  I.  327;  II, 
477.  Sur  la  langue,  Romanische  Studien,  III,  443.  Sur  le  texte,  Zeil- 
se'ir.  f.  rom.  Phil.,  VI,  231,  345. 

Ver  Roman  du  Mont  Saint-Michel  von  Guillaume  de  Saint-Paier. 
W't'lprgabe  der  beiden  Handschriflen...  von  Paul  Redlich,  Mar- 
burg,  1894  (Ausg.  u.  Abhandl.,  XCII).  Cf.  A.  Molimer,  Les  sources 
de  PHist.  de  France,  II,  n°  1243. 

Sur  l'histoire  en  vers  français  de  l'abbaye  de  Fécamp  et  de 
la  relique  du  Saint  Sang,  voir  Bulletin  de  la  Soc.  des  anc.  textes, 
IV  (1878),  40.  L'original  latin  n'en  est  pas  perdu. 

Sur  Jourdain  Fantosme,  voir  Mon.  Germ.,  XXVI I,  53;  Lieber- 
mann,  dans  The  English  historical  Revieu-,  janv.  1893.  Sur  sa 
versification,  voir  Romania,  X,  306. 

La  Conqué/e  d'Irlande,  publiée  une  première  fois  par  Fr.  Michel 
(voir  llist.  litt.,  XXIII,  339),  a  été  rééditée  et  traduite  en  anglais 
sous  ce  titre  :  The  Song  of  Dermot  and  the  Eart...  edited  by 
G.  H.  Orpen,  Oxford,  1892,  (cf.  Romania,  XXI,  444). 

L'Histoire  de  Guillaione  le  Maréchal,  poème  français  publié 
pour  la  Société  de  l'Histoire  de  France,  par  Paul  Meyer,  Paris, 
1891-1901,  trois  volumes. 

Sur  les  compilations  en  prose  d'histoire  anglaise  désignées 
d'ordinaire  sous  le  nom  de  Brut,  voir  Bulletin  de  la  Société  des 
anciens  textes  français,  1879,  104-145;  cf.  Romania,  XVI,  154,  et 
Hit.  litt.,  XXVIII,  480. 

Sur  Pierre  de  Langtoft,  voir  Hist.  litt.,  XXV,  337;  Romania, 
XV,  313;  XXXVII,  210. 

94.  Sur  les  traductions  de  Turpin,  voir  G.  Paris,  De  Pseudo- 
Turpino,  Paris,  1865  cf.  Romania,  VI,  627;  XVI,  174);  P.  Meyer, 
Notices  et  extraits,  XXXIf,  2'  partie,  59,  et  XXXIII,  ire  partie, 
31-33. 

Sur  le  ménestrel  du  comte  Alphonse  de  Poitiers,  voir  Hist.  litt., 
XXI,  735:  A.  Molixier,  ouvr.  cité,  III,  100. 

Les  grandes  Chroniques  de  Saint-Denis,  publiées  par  P.  Paris, 
Paris,  1836.  Cf.  Mémoires  de  l'Académie  des  Inscriptions,  XVII 
(1847),  379;  A.  Molimer,  ouvr.  cité,  III,  n°  2530.  La  traduction  de 
Primat, par  Jean  de  Vignai  est  imprimée  dans  le  t.  XXIII,  1-106,  du 
Recueil  des  Historiens  de  la  France.  Voir  A.  Molimer,  Les  sources 
de  PHist.  de  France,  III,  n°  2531,  et  Romania,  XXXIII,  102. 

Sur  l'histoire  en  prose  de  Philippe  II,  voir  Romania,  VI,  494. 

Sur  Jean  de  Prunai,  voir  Hist.  litt.,  XXI,  674. 

Sur  YHiitoire  des  rois  d'Angleterre  et  sur  la  chronique  dite  de 
l'Anonyme  de  Bétbune,  voir  A.  Molimer,  ouvr.  cité,  III,  n°  2218. 
L'Anonyme  de  Béthune  a  été  publié  dans  le  Recueil  des  histo- 
riens de  la  France,  XXIV.  730-775. 

Sur  les  chroniques  normandes,  voir  Hist.  lit!.,  XXXU,  182  ss. 


NOTES    BIBLÎOGRÀPÛIQUES.  305 

!15.  Sur  li -s  Chroni  /lies  deBeaudouin  d'Avesnes,  voir  Archives  de 
V Orient  latin,  1  (Paris,  1881),  256;  Histoire  et  Chronique  de 
Flandres,  p.  p.  Ki.uvyn  de  Lettenhove,  in-4,  2  v.,  Bruxelles, 
1879-80  (collection  des  Chroniques  beiges  inédite*);  A.  Molinibr, 
ouvr.  cité.,  III,  n"  279-7;  A.  Bayot,  dans  Revue  des  Bibliothèques 
et  Archives  belges,  Il  (1904),  419. 

Sur  Calendre et  son  livre,  voir  Settegast,  Rom.Studien,  [11,93. 

Sur  le  Livre  des  Histoires,   voir  Romania,  XIV,  36;  liull. 
Soc.  des  une  textes-,  1895.  p.  83  ss.  Cette  coinpilalion  parait  être 
l'œuvre  de  Gaucher  de  Denairi  (§  39);  voir  Romania,  XXXII,  585. 

Sur  les  Faits  des  Romains,  voir  Romania,  XIV.  1  ;  Parodi,  Le 
Sloi-ie  di  Cesare  (cité  au  .^  48). 

Sur  les  traductions  dé  Darés,  voir  le  livre  de  Greif  (§  15). 

Sur  la  chronique  laite  pour,  Philippe  de  Valois;  voir  < '..  ( !0uderc, 
Eludes  d'hist.  dédiées  à  G.  Honod,  p.  415  ss. 

Sur. Jean  de  Harenc,  ou  d'Àntioche,  voir  HisL  litt.,  XXXIII,  2--. 

90.  Chronique  de  Philippe  Mouskes,  publiée  par  le  baron  de 
R.EIFFENBERG.  Bruxelles,  1840,  2  vol.  Extraits  revus  sur  le  ms. 
dans  les  Historiens  de  France,  XXII,  I,  et  dans  les  Monument  a 
Germaniae  historica,  XXVI,  718.  Voir  A.  Molinier,  Ill.n0  2522. 

La  Branche  des  royaux  lignages  de  Guillaume  Gtiiart,  publiée 
dans  le>  Historiens  d  s  Gaules  et  de  la  France,  XXII,  171.  Voir 
llist.  litt.,  XXXI,  104;  A.  Molinier,  III,  n°  2848. 

.  97.  Récits  d'un  ménestrel  de  Reims,  publiés  par  N.  de  Waii.ly, 
Paris,  1877.  Voir  A.  Molinier,  n°  2528.  —  Sur  un  ms.  de  cette 
chronique,  voir  Romania,  VIII,  429. 

Geoiïroi  de  Paris:  Historiens  de  France,  XXII,  87:  A.  Molinier, 
III,  n"  2853. 

Sur  les  petites  chroniques  du  xnr  siècle,  voir  llist.  litt.,  XXI, 
tj.'ili  ss. 

Chronique  parisienne  (131G-1339),  p.  p.  Hellot,  Mém.  de  la  Soc. 
de  l'hist.  de  Paris,  XI,  1-207:  A.  Molinier,  III.  n"  :SU22. 

98.  Sur  des  lettres  missives  en  français,  concernant  les  croisades, 

vov.  llist.  litt.,  XXI,  790  ss.:  Bibliothèque  de  l'École  des  chartes, 
LUIS'l)),  46  ss. 

La  lettre  de  Ponce  d'Aubon  est  dans  le  Recueil  des  Historiens 
des  Gaules  e!  de  la  France,  XXI.  81.  Voir  Hist.  litt..  XXI.  791. 

Sur  Jean  Sarrazin,  voir  Romania,  XIV,  27;  A.  Molinier,  III. 
u"  255'.t. 

lOo.  Les  Lapidaires  français  du  moyen  âge...  publiés  par  Léo- 
pold  Pannier,  Paris  1882.  Cet  ouvrage,  publié  après  la  mort  de 
l'auteur,  est  1res  incomplet.  Divers  textes  importants;  que  Pannier 
n'avait  pas  connus,   ont   été  mis  au  jour  dans  le  t.  XXXVIII  de 

la  Rum  'nia. 

■ÀO 


30G  HOTES    BIBLIOGRAPHIQUES. 

Sur  les  sources  du  Bestiaire  do  Philippe  de  Thaon,  voir  .Mann. 
Forschungen,  VI,  39'.):  Le  Bestiaire  de  Pli.  de  Thatin,  texte  cri- 
tique,., par  Emm.  Walberg.  Lund.  1900  (cf.  Remania,  XXIX,  589). 

Sur  le  Physiologus,  source  première  des  Bestiaires,  voir  F.  Lal- 
gbekt,  Geschichle  d.  Physiologus,  Strasbourg,  1889  (cf.  Rev.  cri- 
tique, 1S89,  I,  4G4). 

Sur  le  Bestiaire  îe  Guillaume,  voir  Mann,  dans  Franzosische  Stu- 
dien,  VI,  2"  cahier  (1888);  Reinsch,  Das  Thierbuch  des  norm.  Dich- 
ters  Guillaume  le  Clerc,  Leipzig,  1890. 

Le  Bestiaire  de  Gervai.se  a  été  publié  dans  la  Romania,  I,  420  ss. 

Le  Bestiaire  d'amour,  par  Richard  de  Fourni  val,  publié  par 
G.  Hippeau,  Paris.  1860.  Sur  Richard,  voir  Hist.  HU..  XXIII.  Tus. 

Sur  le  Vulucraire  d'Osmond,  voir  Hist.  litt..  XXII I,  '.',22. 

Lt  Cumpoz  Philippe  deThaûn...  hgg.  von  E.  Mali.,  Strasbourg, 
1873  (cr.  L.  Fenge,  Ausg.  u.  Ahhandl.,  LV). 

Sur  un  autre  comput  en  vers,  composé  en  Angleterre  par  un 
certain  Raie  i>e  Lenham  et  daté  de  1256,  voir  Romania,  XV,  2S5. 

Sur  Simon  de  Gompiègne,  et  sur  la  Sphère  {V Espère)  du  Monde, 
voir  Uist.  lilt.,  XXX,  593. 

lui.  Sur  l'Image  du  Monde,  voir  Notices  et  extraits,  XXXIV, 
1  partie,  p.  107,  174;  Romania,  XXI,  481;  XXXVI.  517:  pour  les 
manuscrits,  voir  Revue  des  langues  rom.,  4e  série,  VII,  1. 

Sur  la  Mappemonde  et  sur  les  autres  ouvrages  de  Pierre,  voir 
Notices  et  extraits,  XXXIII,  l'°  partie,  9-48. 

Sur  la  traduction  (perdue)  de  Solin  par  Simon  de  Roulogne, 
voir  le  passage  de  Lambert  d'Ardres  {Mon.  Germ.,  Script.,  XXIV, 
598).  précieux  pour  toute  l'histoire  des  anciennes  traductions. 

Sur  Pierre  de  Peckham  ou  d'Abernun  et  ses  ouvrages,  voir 
Romania,  XV,  287. 

Sur  la  Petite  Philosophie,  voir  Romania,  XV,  350:   XXIX,  72. 

Sur  les  divers  ouvrages  relatifs  aux  Propriétés  des  choses,  voir 
Hist.  litt.,  XXX.  334-388.  —  Un  poème  avec  moralisations  sur  ce 
sujet  a  été  imprimé  en  extraits  par  G.  Rayxaud,  Romania,  XIV,  442. 

Sur  Jofroi  de  Waterford,  voir  Hist.  litl.,  XXI,  839.  —  Sur  l'his- 
toire, contée  dans  le  Secret  des  secrets,  de  la  jeune  fille  nourrie 
de  poison  envoyée  à  Alexandre,  voir  \V.  Hertz,  Die  Sage  der 
Giftmûdc/ien,  dans  Abhandl.  der  Baier.  Akad.,  XX,  1893,  1"  par- 
tie, p.  91  (cf.  Romania,  XXIII,  314).  Sur  les  traductions  françaises 
du  Secretum  secretorum,  voir  Romania.  XV,  188. 

Sur  Brunet  Latin,  ses  œuvres  et  les  sources  de  son  Trésor,  voir 
Th.  Slndry.  Délia  vita  e  délie  opère  di  Brunetlo  Lalini,  mono- 
grafia...  tradotta...  per  cura  di  Rodolfo  Renier,  Firenze,  1884  (cf. 
Romania,  XIV.  313);  pour  certaines  sources  du  Trésor  voir 
Romania,  XIV,  23:  XXIII,  02.  —  Sur  la  forme  du  nom  patrony- 
mique de  Brunet,  voir  Romania,  XIV,  313. 

Sur  le  livre  de  Sidrac,  voir  Hist.  litt.,  XXXI,  285. 


NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES.  307 

Sur  Placides  et  Timeo,  voir  Wsl.  li/L,  XXX,  567, 
Sur  le  Ci  nous  dit,  voir  Romania,  XVI,  507. 

102.  Sur  le  Régime  du  corps,  voir  Hïst.  lit  t.,  XXI,  415-41S.  Sur 

le  médecin  Aldebrand  ou  Aldebrandus  de  Florence  ou  de  Sienne, 
voir  A.  Thomas,  Romania,  XXXV,  454. 

Sur  Henri  de  Monde  vil  le,  voir  Ilist.  lilt.,  XXVII,  325-351;  La 
(  'h  'u  urgie  de  maître  Henri  dr  Mondeville,  traduction  contemporaine 
xle  l'auteur,  p.  p.  le  Dr  A.  Bos,  Paris,  1897-8,  2  vol.  (Soc.  des  anc. 
textes). 

Sur  les  écrits  relatifs  aux  présages  divers,  voy.  Notices  et  exlr., 
XXXIV,  1'    partie,  p.  236. 

Une  riche  bibliographie  des  écrits  en  ancien  fiançais  relatifs 
à  la  chasse  a  élé  donnée  par  M.  Werth,  Zeitsc/ir.  /'.  rom.  l'hil., 
XII,  140,  382,  XIII,  I. 

Sur  la  traduction  de  Végèce  de  Jean  de  Meun  et  le  poème  de 
Jean  Priorat,  voir  L'Art  de  chevalerie,  traduction  du  De  re  militari 
de  Yégèce,  p.  p.  U.  Robert,  Paris,  1897,  et  Li  abrejance  de  Vordre 
de  chevalerie...  p.  p.  le  môme,  Paris,  1897  (Soc.  des  anc.  textes). 

Sur  la  traduction  du  traité  de  Théodore  Paléologue,  voir 
Romania,  XXV,  407. 

Surl'O/Y/ene  de  chevalerie,  voir  Hist.  litt.,X\Ul,  752;  Romania, 
XV,  34G;  XXXVI,  529;  Petit,  467. 

Sur  l'album  de  Villard  de  Honnecourt,  voir  Hist.  litt.,  XXV,  1  ; 
le  texte,  sans  les  figures,  dans  Zeitschr.  f.  rom.  Phil.,  XXV,  45. 
In  facsimilé  réduit  du  manuscrit  original  a  élé  publié  par 
M.  Omont,  Paris  [1906]  (cf.  Romania,  XXXVI,  151). 

Un  traité  de  cuisine  de  la  première  moitié  du  xive  siècle  a  été 
imprimé  dans  la  Bibliothèque  de  l'École  des  chartes,  5a  série,  I 
(1800),  207.  Pour  d'autres  livrets  du  même  genre,  voir  Bull.de  la 
Soc.  des  anciens  textes,  1893,  p.  48  ss. 

Des  recueils  de  problèmes  d'échecs,  de  «  tables  »  et  de  marelles 
existent  en  divers  manuscrits.  L'un  d'eux  a  été  publié  dans  les 
Mélanges  Chabaneau,  Erlangen,  1907,  p.  591. 

Lois  de  Guillaume  le  Conquérant,  en  français  et  en  latin,  texte 
et  étude  critique,  p.  p.  J.  E.  Maztke,  Paris,  1899.  Cf.  F.  Liebekmann, 
Uber  die  Leis  Wi/lelme,  dans  Archiv.  f.  d.  Studium  d.  neueren 
Sprachen,  G VI,  113-138. 

Assises  de  Jérusalem...  publiées  par  A.  Beugnot,  Paris,  1841- 
1843  (Recueil  des  Historiens  des  croisades).  Cf.  Hist.  lilt.,  XXI, 
433-467;  P.  Viollet,  Précis  de  l'histoire  du  droit  français,  Paris, 
1884,  p.  142  (2°  éd.,  1893,  p.  169). 

Philippe  de  Beaumanoir,  Coutumes  de  Beauvoisis,  texte  critique 
p.  p.  A.  Salmon,  Paris,  1899-1900,  2  vol.  —  Sur  Beaumanoir,  voir 
ci-dessus,  au  §  51,  et  Viollet,  p.  157  (2e  éd.,  p.  185). 

Les  Éjlablissementsde  saint  Louis,  publiés  par  P.  Viollet,  Paris, 
1881-87,  5  vol.  (Soc.  de  l'Hist.  de  France). 


308  NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES. 

Sur  la  double  version  «le  In  Somme  èa  provençal,  voir  SuctiiÉR, 
Fûnfneue  Handschrifteii  des  prov.  Rechtbuehs  •  Lo  Codi  ■•,  Halle, 
1899  (cf.  Romania,  XXVIII.  650). 

Sur  la  version  des  Institutes,  voir  G.  or.  la  Rue,  Essais  sur  les 
bardes,  jongleurs  el  trouvères,  III.  180;  llist.  lût.,  XXXIII,  Hi-2. 

Sur  Guillaume  Gbapu  et  sa  Coutume  de  Normandie  versifiée, 
voir  ibid.,  219;  Mst.  lui  de  la  Fr.,  XXX1I1,  lll-.'i. 

Sur  les  Serments  de  842  voir  Koschwitz,  Commentai'  zu  don 
Ûltesten  franzôsischèn  D enkmûlem, Heilbronn,  18S0(cf.  Romania, 
XV,  444.  454,  et  XVI.  629). 

Le  Conseil  de  Pierre  de  Fontaine...  publié  par  A.  Marmer,  Paris, 
1846;  Viollet,  p.  150  (2    éd.,  p.   180). 

Li  livres  de  joslice  et  dèplet,  publié...  par  Rapetti,  Paris.  1850; 
Viollet,  p.  152  (2  «'dit. .  p.  180).  —  A.  SfOLL,  L'eber  die  Sprache 
des  Livre  de  jostice  et  de  pie  t,  Halle,  1889. 

Sur  Gautier  de  Bibieswofth  (nom  actuel  Bibbyswdrth),  voir 
Romania,  XV.  262-263,  et  XXXII,  44. 

Sur  les  différents  traités  anglo-normands  de  grammaire  fran- 
çaise, voir  Orthographia  gatlicà,  bgjg.  von  J.  Stirzinger,  Heil- 
bronn. ISS4  {Atlfranz.  Bibliolhek,  VIII);  Romania,  XXXII.  46, 
59,  66;  XXXVII,  181. 

La  Senèfiânee  de  Va  b  c,  par  Huon  le  Roi,  dans  Jùbinal,  Contes, 
dits,  fabliaux,  Paris,  1841,  II,  275-200.  Voir  Romania,  XXV, 
451. 

Sur  les  alossaires  latins-français  et  recueils  de  glosés  françaises, 
\nv.  llist. ''lilt..  XXII.  148;  Romania,  11,  273;  XXIV,  llil:  cf.  Diez. 
(Anciens  glossaires  romans,  trad.  par  A.  Bauer,  Paris,  1872 
< Bibliothèque  de  l'École  des  Hautes  Etudes,  fasc.  V). 

Sur  les  glossaires  hébralco-fràneàis,  voir  Romania,  I,  140-176. 
394;  Glossaire  hébreu-français  du  Xlïl*  siècle,  recueil  de  mots 
bibliques  avec  traduction  française,  p.  p.  Mayer  Lambert  el 
L.  Brandin,  Paris,  1905. 

103.  Sur  Everard  de  Kirkbam  et  Klie  de  Winchester,  voir  Sten- 
gel,  Ausg.  und  Abliandl,  XLVII  (appendice  à  Klh.ne,  ci-dessous, 
§  104). 

Sur  Adam  de  Suel.  voir  Romania^  XVI,  05,  150;  XVIII.  577.  La 
version  d'Adam  de  Suel  a  été  publiée  par  J.  Ulrich,  Romanische 
Forschungen,  XV,  107. 

Les  œuvres  de  Simon  de  Fraisne,  le  Roman  de  Philosophie  el  la 
Vie  de  saint  Georges  ont  été  publiées  par  M.  J.  E.  Matzke  pour 
la  Société  des  anciens  textes  français,  Paris,  1909. 

Sur  les  traductions  de  la  Consolation  de  Philosophie,  voir  un 
mémoire  de  M.  L.  Delisle,  Inventaire  des  mur.  fr.  de  la  Ribl.  nat., 
Il  (1878),  317:  cf.  Romania,  XX.  329:  llist.  lilt..  XXV1I1,  408. 

Sur  les  Dits  de*  philosophes  voir  ///-/.  lilt.,  XXIII,  243;  Bull. 
de  ta  Soc.  des  anciens  textes,  1895,  p.  90. 


NQTES    i:ii;i.lm;i;.\Nllni  |  311(1 

Irmer,  Die  a.ltfranzôsische  Uearbeitatig  der  Formula  vifae  ho- 
nestae  des  Martin  von  Bragq.  Halle,  1890  (cf.  Archiv.  /'.  dos 
Slud.  (I.  neurén  Sprac/ien,  LXXXVI1I.  ioh. 

Sur  la  traduction  en  vers  français  <lu  livre  de  Martin  de  Praga, 
voir  G.  Paris.  Saint  Alexis,  p.  213-0. 

Sur  le  Doctrinal  Sau,vage,  voir  Romqnia,  X\'I.  1.0;  Notices  et 
extraits,  XXXI11,  lr"  partie,  15. 

Sur  Robert  de  Ho,  voir  Romania,  XXXII,  141. 

Sur  k-  clerc  do  Vaudoi,  voir  liomania,  I.  208;  XIV.  27S. 

Sur  Urbain  le  courtois,  voir  Romania,  XV.  204;  XXXII,  08. 

Sur  le  Doctrinal  de  courtoisie,  voir  llist.  lit  t.,  XX1I1,  238. 

Sur  le  Vilainneng  ouste,  voir  G.  Paris,  Saint  Alexis,  p.  210. 

Le  lloman  des  eles  de  courtoisie,  dans  A.  Scheler,  Trouvères 
belges,  Louvain,  1879,  II.  248-284.  —  Sur  les  œuvres  de  Raoul  de 
Soudan,  voir  la  dissertation  de  Ze.nkek  citée  a  la  note  du  §  59. 

Sur  les  «  Enseignements  »  de  Robert  île  Blois,  voir  Romania, 
XVI.  3:];  XVII,  282;  XXXVII,  608;  Gh.-V.  Langlois,  La  vie  en 
France  au  moyen  âge,  Paris,  1908,  p.  153. 

Sur  Watriquet,  voir  Dits  de  Watriquet  de  Çouvin,  p.  p.  A.  Sche- 
ler, Bruxelles,  1868:  Notices  et  extraits,  XXXIII,  2e  partie,  87-9. 

Dits  et  contes  de  Baudoin  et  de  son  fils  Jean  de  Condé,  publiés 
par  A.  Scheler,  Bruxelles,  1860-7.  3  vol. 

Sur  Philippe  de  Xovare  et  ses  œuvres,  voir  les  Quatre  Ages  de 
l'homme,  traité  moral  de  Philippe  de  Xavarre  (sic),  p.  p.  M.  de 
Fréville,  Paris,  1888  (Société  des  anciens  textes):  G.  Paris,  Ro- 
mania, XIX,  99,  et  Revue  de  l'Orient  latin,  IX,  199;  Ch.-V.  Lan- 
glois, La  vie  en  France  au  moyen  âge,  p.  184. 

Li  Proverbe  au  vilain,  hgg.  von  A.  Tobler,  Berlin,  1895. 

Sur  les  proverbes,  voir  llist.  litt.,  XXIII,  198;  Romania,  XIII. 
532. 

Sur  les  Proverbes  au  conte  de  Bretagne,  voir  Romania,  XXII, 
175. 

Sur  Salomon  et  Marcoul,  voir  Giornale  storico  délia  lett.  ita- 
liana,  VIII  (1886),  275. 

lui.  Sur  les  Arts  d'amour  en  général,  voir  Hist.  litt.,  XXIX. 
455-525.  La  Clef  d'amours,  texte  critique  par  A.  Doutrepont,  Halle. 
1S90  (Bibl.  nor-mannica,  t.  V). 

Sur  André  le  Chapelain,  voir  liomania,  XVIII,  473;  R.una,  dans 
Propugnatore,  iV.  S.,  II.  192.  Une  édition  de  -un  traité  de  amore, 
a  été  publiée  par  .M.  H.  Tuojel,  Copenhague,  1892  (cf.  liomania, 
XXII,  174;.  Sur  la  traduction  de  son  livre  par  Drouart  La  Vache, 
voir  liomania,  XIII,  403. 

Maistre  Elles  Ueberarbeitung  der  àlteslen  franzôsischen  Ueber- 
tragung  von  Ovid's  Ars  amatoria,  hgg.  von  H.  Kuh.ne  und  E.  Sten- 
gel,  Marburg,  1880  (Ausg.  und  Abhandl.,  XLVll). 

Sur  les  dill'érentes  rédactions,  latines  et  françaises,  du  Jugement 


310  NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES. 

d'amour,  voir  E.  Langlois,  Origines  et  sources  du  Roman  de  la 
Rose,  Paris,  1890,  p.  0  ss.  La  geste  de  Blanche/tour  et  de  Florence, 
elMelior  et  Ydoine,  rédactions  anglo-normandes,  ont  été  publiées 
dans  Remania,  XXXVII,  221-244. 

De  Venus  la  déesse  d'amor s,  hgg.  von  W.  Foerster,  Bonn,  1882. 

Le  Donoi  des  amanz,  dans  Romania,  XXV,  497  (cf.  XXXVII,  218). 

105.  Sur  les  diverses  compositions  relatives  aux  <•  états  du 
monde  »,  voir  Romania,  IV,  385.  Le  Contenz  du  Monde  de  Renaud 
d'Andon  est  dans  le  mis.  B.  N.  1593,  f.  141  ss. 

Eslienne  von  Fougiere's  Livre  des  Manières...  von  Joscf  Kre.mer, 
Marburg,  1887  (Ausg.  und  Abhandl.,  XXXIX);  Ch.-V.  Langlois, 
La  vie  en  France  au  moyen  âge,  p.  1. 

Sur  la  Bible  de  Guiot  de  Provins,  voir  Romania,  XVI,  57  ;  Notices 
et  extraits,  XXXIII,  lre  partie,  33;  Ch.-V.  Langlois,  La  vie  en 
France  au  mogen  âge,  p.  30. 

Sur  la  Bible  de  Hugues  de  Berzé,  voir  Romania,  VI,  19;  XIII, 
553;  Zeitschr.  f.  rom.  Phil.,  XVI,  505  (cf.  Romania,  XXII,  318). 
Ch.-V.  Langlois,  La  vie  en  France  au  mogen  âge,  p.  69. 

Sur  Fauvel,  voir  Hisl.  UU.;  XXXII,  108-153  ;Ch.-V.  Langlois, 
La  vie  en  France  au  moyen  âge,  p.  276. 

Sur  le  Mariage  des  filles  du  diable,  voir  Romania,  XXIX,  14. 

La  Riote  du  monde,  dans  Zeitschr.  f.  rom.  Phil.,  VIII,  275-289. 

106.  Sur  les  pièces  contre  et  pour  les  femmes  en  général,  voir 
Romania,  XV,  315,  339:  XVI,  389. 

Sur  V Évangile  des  femmes,  voir  Romania,  XXXVI,  1. 

Sur  le  Chastie-musart,  voir  Romania,  XV,  603. 

Sur  Chicheface,  voir  Godefroy,  Dictionnaire  de  l'ancienne  langue 
française,  s.  v.  ;  E.  Picot,  Calai,  de  la  Bibl.  Rothschild,  I,  n°  528. 

Sur  le  Dit  des  Comètes,  voir  Ilist.  litt.,  XXIII,  248. 

Sur  le  dit  du  Bourjois  bourjon,  voir  Ilist.  litt.,  XXIII,  183. 

Des  Avocas,  publié  par  G.  Baynaud,  Romania,  XII,  214. 

Sur  la  Palenostre  à  l'Usurier,  voir  Ilist.  litt.,  XX11I,  493;  Ro- 
mania, I,  208;  XXXIII,  112. 

Martin  llapart,  dans  Montaiglon-Baynaud,  Fabliaux,  II,  171 
(cf.  Ilist.  litt.,  XXIII,  126). 

Sur  Dan  Denier,  voir  Hisl.  litt.,  XXIII,  263. 

Sur  les  pièces  contre  les  vilains,  voir  Hist.  litt.,  XXIII,  194: 
Romania,  XII,  15;  XXIV,  142. 

Le  Dit  des  laboureurs,  dans  Jubinal,  Jongleurs  et  Trouvères, 
Paris,  1835. 

108.  Sur  André  de  Coutances,  voir  G.  Paris  et  A.  Bos,  Trois 
rédactions  en  vers  de  l'évangile  de  Nicodème,  Paris,  1885,  p.  xvi. 
XIV,  279. 

Sur  la  Paix  aux  Anglais,  voir  Hist.  litt.,  XXIII,  449. 


NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES.  311 

Sur  la  Charte  de  la  paix  aux  Anglais,  voir  Romania,  XIV,  270. 

Les  Deux  Anglais,  dans  Montaiglon-Raynaud,  Fabliaux,  11, 
17S. 

Sur  le  Privilège  aux  Bretons,  voir  llist.  litt.,  XXIII,  423. 

Le  DU  de  la  rébellion  d'Angleterre,  dans  Jubinal,  Contes,  dits, 
fabliaux,  1,  73. 
•  Sur  le  petit  poème  du  moine  de  Silli,  voir  Romania,  I,  246. 

Sur  la  poésie  politique  des  km"  et  xiv"  siècles,  voijr Hist.  tilt., 
XX111,  410  ss. 

Complainte  de  Jérusalem,  dans  E.  Stengel,  Codex  manuscriptus 
Dit//))/  8b',  Halle,  1871.  Sur  l'attribution  de  la  Complainte  à  lluun 
de  Saint-Quentin,  voir  Romania,  XIX,  204. 

Sur  le  Dit  de  vérité,  voir  Romania,  I,  246. 

100.  Pour  tous  les  petits  poèmes  énumérés  dans  les  §§  100  ss., 
voir,  sauf  additions,  Y  Hist,  litt.,  t.  XXIII. 

Le  Dit  de  la  maille,  dans  Jubinal,  Jongleurs  et  Trouvères,  p.  101. 

Les  Églises  et  Monastères  de  Paris,  pièces  en  prose  et  en  vers 
des  ix%  xiu*  et  xive  siècles,  par  H.  Bordier,  Paris,  1856. 

Sur  les  pièces  relatives  aux  rues  de  Paris,  aux  cris  de  Paris,  etc., 
voir  Hist.  litt.,  XXVIII,  225-233;  A.  Franklin,  fa  Vie  privée  d'au- 
trefois :  les  Cris  de  Paris,  Paris,  1887. 

Le  Mariage  des  quatre  fils  Aimon,  dans  Jubinal,  Mystè?~es  du 
xv°  siècle,  I,  369,  et  A.  Keller,  Romvart,  Mannheim  et  Paris, 
1844,  p.  151  ;  imprimé  plusieurs  fois  anciennement. 

Sur  le  Dit  de  Cocagne,  voir  Hist.  litt.,  XX1III,  140.  Sur  la  tra- 
dition en  elle-même,  voirE.  Schmidt,  Dus  Schlaraffenland,  dans 
Cosmopolis,  avr.  1807. 

Un  nouveau  dit  des  femmes,  publié  pour  la  première  fois  [par 
G.  Raynaud],  Paris,  1886  (non  mis  dans  le  commerce).  Voir  aussi 
le  Dit  de  la  bonté  des  femmes,  dans  Romania,  XV,  315. 

Les  Vins  d'ouan,  dans  Montaiglon-Raynaud,  Fabliaux,  II,  140 
(cf.  Romania,  XI,  572). 

Sur  le  Martyre  de  saint  Bacchus,  ses  imitations  et  ses  origines, 
voir  Romania,  XV.  363:  Hist.  litt.,  XXIII,  496;  XXVIII,  187. 

Le  Dit  du  bon  vin,  dans  Romania,  XI,  572;  ibid.,  remarques 
sur  l'allitération. 

Sur  le  Dit  de  l'herberie,  le  Valet  ù  tout  faire  et  les  imitations, 
voir  Romania,  XVI,  496  ss. 

Sur  les  Tournois  de  Chauvenci,  voir  Romania,  XVII,  333. 

Sur  Ham  et  les  Tournoiements  des  dames,  voir  Hist.  litt.,  XXIII, 
469,  478;  Romania,  XXVIII,  232. 

Sur  le  Tournoiement  des  daines  de  Paris,  voir  Notices  et  extraits, 
XXXIII,  2'  partie,  187. 

110.  Sur  le  genre  des  Débats  et  Disputes  en  général,  voir  Hist. 
litt.,  XXIII,  216:  Lileralurblatt,  1887,  76  (cf.  ci-dessous,  §  126). 


3|2  NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES. 

Le  Débat  de  l'hiver  cl  de  Vété,  dans  Montaiglon  et  Rothschild, 
Anciennes  poésies  françoises,  X.  41. 

Sur  le  Débat  du  vin  et  de  Pèàu,  voir  Romania,  XVI,  366. 

Le  Débat  du  denier  et  de  la  brebis,  dan>  A.  .li  unai,.  Contes,  dits, 
fabliaux,  11,  264. 

Œuvres  de  Henri  (TAndeli,  publiées  par  A.  Héron,  Rouen,  I88Q; 
sur  la  langue,  voir  Ausg.  und  Abhançtl.,  XL1V).  . 

Le  Mariage  des  Sept  Arts,  voir  Hist.  litt.,  XXI11,  LU!):  cf.  le 
Cabinet  historique,  publié  par  E.  Paris,  XIII  (1867),  '.in. 

Les  Deux  ./ont/leurs,  Montaiglon-Raynaud,  11,  '6ol  (ci-dessus, 
§  ^). 

111.  Surlc  Roman  delaRose,  voir  Hist.  litt.,  XXIII,  1-01  ;  E.  Lan- 
glois,  Origines  et  sources  du  Roman  de  la  Rose,  Paris,  lN'.lit: 
le  môme,  dans  Petit  ije  Julle ville,  Hisl.de  la  litlér.  française, 
11,  105  (cf.  Romania,  XXV,  605). 

Le  Dit  de  la  Rose,  dans  Uautsch,  Langue  et  Litlér.,  col.  603; 
Hist.  litt.,  XX III,  284'. 

Sur  le  roman  de  la  Poire,  publié  par  Fr.  Sjf.ih.iou.  Halle.  1881 
voir  Litteralurbl.,  Il,  437  ;  Zeitschr.  f'.rom.  Phil.,  V.  .ri70;  le  Cabinet 
historique,  IV  (1858),  129. 

Le  Dit  de  lu  Panthère  d'amours.  parNîcble  de  Màrgival,  publié 

par   11.  ToDD,  Paris,   1883  (Soc.  des  anciens  textes). 

Là  ('our  d'amour  et  le  Jeu  de  la  chapelle  Martinet,  par  Mathieu 
Le  Poikiek,  Romania,  X,  519. 

112.  Sur  Guillaume  de  Lorris,  voir  Romania,  X,  402:  XL  629*. — 

Sur  le  dénouement  apocryphe,  F.  Wolk,  Klcinere  Schrifl.cn,  p.  124. 

ÎEJ.   Sur  Jean  .le  Menu,  voir  Hist.  litt.,  XXVIII,  391-439. 

114.  Anticlaudianus,  dans  Th.  Wright,  Satirieal  latin  poems  of 
the  .V/7"'  and  XIII{U  centuries,  London,  ISTi',  t.  II.  —  Sur  la  tra- 
duction en  vers,  voir  Bull.de  la  Soc.  des  une.  textes,  1895,  p.  103. 

F.  Becs,  Les  Épistres  sur  le  Roman  de  la  Rose  de  Christine  de 
Pizan,  Neuburg,  1888. 

115.  Sur  le  roman  de  la  Rose  en  néerlandais,  Petit,  408. 

Sur  la  traduction  anglaise  du  Ho  m  un  de  lu  H  ose,  voir  Skéat,  dans 
les  Essays  ou  Chaucer publiés  parla  Ghaucer Society ,  V  (1884),  i-17. 

Sur  il  b'iore,  imitation  itx  Roman  de  lu  Rose  en  sonnets  italiens, 
voir  D'Ancona,  Varietà  storichee  lelterarie,  Il  (Milano,  1885),  1-31. 
—  Sur  une  autre  version  italienne,  peut-être  du  même  auteur, 
Zeitschr.  /.  rom.  Phil.  XII,  oT.'M-  Romania,  XVII,  040. 

117.  E.  du  MÉRiL,  Poésies  populaires  latines  antérieures  au 
XW  siècle,  Paris,   ES43. 


NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES..  31  3 

118.  Sur  la  poésie  lyrique  française  en  général,  @J  pour  tous 
les  renseignements  bibliographiques,,  mut  a.  Jeanroy,  Les  Origines 
de  la  poésie  tyrique  en  France  au  moyen  âge,  Paris,  1889 
(2"  édit.,    1004  . 

119.  Recueil  de  motets  français  des  XI f  et  XIII"  siècles  publics 
par  G.  Ravn.mi).  suivis  d'une  étude  sur  la  musique  au  siècle  de 
saint  Louis  |,ar  II.  Lavoix.  Paris,  1881-1883,  2  vol.  —  Cent 
motets  du  XIII  siècle  publiés  d'après  le  ms.  de  Bamberg,  pat 
P.  Aulirv.  Paris,  l'.ios.  Cette  publication  comprend  :  1  la  repra- 
duction  phototypique  du  ms.  :  2"  la  transcription  en  notes 
modernes;  3"  le  commentaire. 

120.  Dernière  édilion  de  la  rotrouenge  de  Bichard  dans  Bartsch. 
Langue  et  LU  1er..  311.  Voir  d'autres  rotrouenges  dans  P.  Mf.yf.r, 
Recueil,  376,  377.  et  ftomania,  XIX,  30,  102.  Sur  les  pièces  arté_ 
siennes,  voir  Jeanroy,  Études  romanes,  dédiées  à  i',.  Paris,  p.  S3  • 
Chansons  et  dits  artésiens  du  XIIIe  siècle,  p.  p.  Jeanroy  et  Guy, 
Bordeaux.  [898  (Riblioth.  des  Universités  du  Midi,  fasc.  II): 
Gucsnon,  La  satire  à  Arras  au  XIIIe  siècle,  dans  Le  Moyen  âye. 
1899  et  1900;  Nouv.  recli.  sur  les  trouvères  artésiens,  même 
recueil,   19112. 

Sur  le  mot  serventois,  voir  Romania,  VII,  626:  X.  264;  XIX,  27. 

Sur  les  chansonniers  français,  voir  Ed.  Schwax,  Die  altfran- 
zçsisçhen  tifiindschriflen...  Berlin,  1886.  —  Le  chansonnier  de 
Sienne  est  publié  par  Steiïens,  Archiv.  f.  dus  Studium  der  neueren 
Sprachen.  LXXXVIII,  301. 

Sur  les  mots  estrambol .  estrabot,  estribot,  voir  G.  Paris,  Les 
chants  populaires  du  Piémont,  Paris,  1889,  p.  9. 

Sur  Luc  de  la  Barre,  voir  Orderic  Vital.  I.  XII,  eh.  xxxix. 

121.  Sur  Yestampie  (en  provençal  estampida),  voir  P.  Meyer, 
dans  Ribl.  del'Êc.  des  ch..  6"  série,  V  (1809),  486  ss. 

Sur  les  rondeaux  et  virelais,  voir  G.  RÀynàud,  Œuvres  d'Eus- 
tache  Deschamps,  XL  124  ss.  Sur  la  forme  des  «  virelis  »  au 
mv  siècle,  voir  Bulletin  de  la  Soc.  des  anciens  textes,  1886,  p.  84; 
Romania,  XIX,  24-26. 

123.  Sur  les  lais  lyriques  provençaux  et  français,  voy.  Romania, 
VI.  174;  Vil,  403:  Lais  el  descorts  français  du  XIII'  siècle,  p.  p. 
A.  Jeanroy,  L.  Brandin  et  P.  Aubry,  Paris,  1905. 

Le  lai  du  Chèvre  feuille,  dans  Bartsch,  Chrestomathie,  9e  éd., 
n"  40. 

Sur  le  descorf,  voir  Zeilschrift.  XI,  212. 

124.  J.  Bédikr,  Les  Chansons  de  croisade,  Paris,  1909.  —  Sur 
la  chanson  d'outrée,  voir  Romania,  IX,  44;  J.  Bédier,  Les  Chan- 
sons de  croisade,  p.  xm. 


314  NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES. 

Sur  Hup-ues  do  Berzo,  ci-dessus,  .S  105. 

Sur  la  prétendue  chanson  de  la  dame  do  Fayel.  voir  Hist.litt., 
XXY1II.  373. 

125.  Sur  l'origine  do  la  poésie  provençale  et  son  action  sur  la 
poésie  française,  voir,  outre  les  histoires  générales  de  la  littéra- 
ture provençale,  P.  Meteb,  De  l'influence  des-  troubadours  sur  la 
poésie  des  peuples  romans,  dans  Romania,  V,  257-268  :  cf.  ibid.,  XII, 
521,  et  XIX,  1  ;  A.  Jeanroy,  De  nostratibus  medii  sévi  poelis,  qui 
primum  lyrica  Aquitanise  carmina  imitati  sint,  Paris,  1889. 

F.  Ohth.  TJeber  fteim  und  Strophenbau  der  altfranzôsischen 
Lyrik,  Cassel,  1882. 

Sur  la  poésie  lvrique  en  Angleterre,  voir  Romania,  IV,  375; 
XV.  246. 

126.  Sur  les  tençons  et  les  jeux  partis,  voir  Journal  des  Savants, 
déccmhre  1888. 

P.  Meter,  Le  Salut  d'amour  dans  les  littératures  provençale  et 
française  (Bibliothèque  de  l'École  des  chartes,  6e  sér.,  III,  1867, 
12 li:  cf.  Bull,  de  la  Soc.  des  une.  textes,  XIII.  04.  Philippe 
de  Beaumanoir  est  l'auteur  de  deux  saluts  d'amour  dont  l'un  e<t 
le  plus  Ion,!.'-  do  tous  ceux  qui  nous  sont  parvenus  :  Œuvres 
poétiques,  éd.  Suchior.  II,  197  et  315. 

Sur  les  cours  d'amour,  voir  G.  Parts,  Journ.  des  Savants,  octo- 
bre et  décembre  1888;  Pio  Rajna,  Le  corti  d'amore,  Milan,  1890. 

127.  Les  Congés  de  Jean  Bodel,  publiés  par  G.  Raynaud,  Ro- 
mania, IX,  219-247;  Zeitschr.  f.  rom.  PMI.,  VI,  387;  0.  RoHNS- 
tro.m.  Etude  sur  Jean  Bodel.  Upsala,  1900. 

Sur  les  falrasies  et  rêveries,  voir  Sucrier,  Œuvres  poétiques 
de  Beaumanoir,  I,  cxxm. 

Bustebuefs  Gedichle...  hgg.  von  A.  Kressneh,  Wolfenbiittel, 
1885.  On  peut  avec  vraisemblance  attribuer  à  Rustebouf  les  38 
premiers  quatrains  des  Begrels  au  roi  Loeïs (imprimés  dans  Michel, 
Mémoires  de  Joinville,  Paris,  1858,  p.  317).  Les  17  derniers,  qui  ont 
une  autre  forme  (ils  présentent  une  rime  intérieure),  sont  l'œuvre 
d'un  moine  mendiant. 

La  chanson  de  Colin  Muset  dans  Bartsch,  L.  et  Litt.,  col.  351. 
Voir  aussi  J.  Dédier,  De  Nicolao  Muselo  franco  g  allico  carminum 
scriplore,  Paris,  1893. 

128.  Chansons  de  Gace  Brûlé,  p.  p.  G.  Huet,  Paris,  1902  (Soc.  des 
anc.  textes). 

Sur  la  personnalité  du  Châtelain  de  Couci,  voir  Bomania,  XIII, 
485. 

131  ss.  Toute  la  bibliographie  du  théâtre  du  moyen  âge,  pour 
la  période  qui  nous  occupe,  se  trouve  dans  les  ouvrages  suivants  : 


NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES.  315 

Douhet,  Dictionnaire  des  mystères,  Paris,  1854  (Encyclopédie 
théol.  de  Mrgne). 

L.  Petit 'de  Julleville,  Les  Mystères,  Paris,  1880,  2  vol. 

L.  Petit  de  Julleville,  Répertoire  du  théâtre  comique  au 
moyen  dge,  Paris,  1887. 

132.  Die  Adam  de  la  Haie  zugeschriebenen  Dramen...  bgg.  von 
A.  Rambeau,  iMarburg,  1886  (Ausg.  tend  Abhandl.,LNU\)\  H.  Guy, 
Essai  sur  la  vie  et  les  œuvres  littéraires  du  trouvère  Adan  de  le 
Haie,  Paris,  1898.  —  Sur  Adam,  voir  Bédier,  Rev.  des  Veux 
Mondes,  1891  ;  Sepf.t,  dans  Études  romanes  dédiées  à  G.  Paris, 
p.  109;  Le  jeu  de  Robin  et  de  Marion,  par  Adam  le  Rossu,  p.  p. 
E.  Langlois,  Paris,  1896;  le  môme,  Romania,  XXXII,  384  ss. 

134.  La  farce  du  Garçon  et  de  l'Aveugle  a  été  publié  par  P.  Meyer, 
Jahrb  f.  rom.  u.  engl.  Literatur,  VI  (1865),  163. 

135.  Sur  les  manuels  d'enseignement  religieux  à  l'époque  méro- 
vingienne, voir  Romania,  I,  483  ss. 

136.  L'idée  que  la  Bible  entière  aurait  été  mise  en  français  à 
Paris,  sinon  exactement  «  vers  1235  »,  du  moins  peu  après  cette 
époque,  repose  sur  une  assertion  non  justifiée  de  S.  Berger,  La 
Bible  française  au  moyen  âge,  Paris,  1884,  p.  40,  120,  149  (cf.  Ro- 
mania, XVII,  135-6). 

Sur  Guiart  des  Moulins,  voir  Hist.  litt.,  XXVIII,  440;  S.  Berger, 
ouvr.  cité,  p.  157  et  suiv. 

Sur  Roger  d'Argenteuil,  voir  Notices  et  extraits,  XXXIII, 
lre  partie,  71. 

Sur  une  version  abrégée  de  certaines  parties  de  la  Bible,  non 
mentionnée  par  S.  Berger,  voir  Rullelin  de  la  Soc.  des  anc.  textes 
français,  1905,  p.  38. 

137.  Sur  Herman  de  Valenciennes,  voir  P.  Meyer,  Romania, 
XV,  308,  Rull.  de  la  Soc.  des  anc.  textes  français,  1889,  p.  82; 
Notices  et  extr.  des  mss.,  XXXIV,  lr°  partie,  198-208  ;  XXXV,  447-455. 

Sur  Jean  Malkaraume,  voir  J.  Bonnard,  Les  traductions  de  la 
Bible  en  vers  français,  Paris,  1884,  p.  55. 

Sur  Macé  de  la  Charité,  voir  Hist,  litt.,  XXVIII,  208. 

Sur  Geufroi  de  Paris  :  P.  Meyer,  Notices  et  extraits,  XXX i 
255-322. 

138.  Sur  les  Quatre  livres  des  Rois,  voir  P.  Schlôsser,  Die 
Laulver/iàltnisse  der  Quatre  Livres  des  Rois,  Bonn,  1886.  —  Sur 
les  différentes  copies  de  cette  version,  voir  Romania,  XVII,  124. 

Sur  la  version  des  Juges,  voir  Romania,  XVII,  133;  XVIII,  523; 
Notices  et  extraits,  XXXV,  455-457. 

Die  beiden  Bûcher  der  Makkabâer....  mit  Einleilung,  Anmer- 


3  i  0  NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES. 

kmii^'ii  înid  Glossar,  herausg.  von  Dr.  Ew.  Goekuch,  Halle  1889 
(Romanische  Bibliotkek,  II). 

Le  pftème  on  décasyllabes  sur  les  Macchabées  est  public  dans  la 
Mvista  dl  filologia  romanza,  II  (1S75),  82  ss.  ;  cf.  Romania,  IV . 
498;  sur  les  autres  imitations  en  vers,  voir  Romania,  XXVII,  176; 
Notices  et  extraits,  XXXV,  458-467. 

Sur  l'Ancien  Testament  en  vers  anglo-normands,  Notices  et 
extr.,  XXXI V,  V  partie,  p.  210. 

Sur  le  poème  de  la  Genèse,  par  Everat,  voir  H.  d'ÂRBOis  de 
.1i  H.wNviu.E.  Hist.  des  comtes  de  Champagne,  IV,  640;  P.  Meyer, 
Rec.  d'anc.  textes,  p.  338. 

Sur  les  poèmes  de  Joseph,  Job  et  Tobie,  voir  Hist.  Hit.,  XXX III, 
359  (cf.  p.  631),  377. 

Sur  le  cycle  de  Salomon,  voir  Vogt,  Die  deulschen  Dichtungen 
von  Salotnbn  und  Markolf,  I.  Halle,  1880. 

139.  La  Passion,  dans  Fokrster  et  Koschwitz,  AltfranzÇsisches 
Uebungsbuch,  Bonn,  1885  (2e  édition,  1902),  avec  renvoi  à  tous  les 
travaux  antérieurs.  Voir  encore  Ebert,  Geschichte  der  Literatur 
des  Mittelalters,  III  (Leipzig,  1887),  363. 

On  composa,  dans  la  première  moitié  du  xme  siècle,  surl'bistoire 
évangélique,  et  spécialement  sur  la  Passion,  plusieurs  poèmes, 
dont  on  trouvera  l'énumération  dans  YHist.  litt.,  XXXIII,  355-359, 
art.  Jésus. 

Sur  Robert  de  Gretham  et  son  œuvre,  voir  Romania,  XV,  296  ; 
XXXII,  28. 

Sur  l'interdiction  par  Innocent  III  des  traductions  françaises 
faites  à  Metz,  voir  Suchier,  dans  Zeitschr.  f.  rom.  Pliil.,  VIII, 
418  ss. 

Sur  la  traduction  de  l'ouvrage  d'IIaimon,  voir  ibid.,  424  ss. 

140.  Sur  V Histoire  de  Marie  et  de  Jésus,  en  laisses  monorimes, 
voir  Romania,  XVI,  248-262. 

Sur  VÉvangile  de  l'Enfance,  voir  Hist.  litl.,  XXXIII,  356. 

Trois  versions  en  vers  de  T évangile  de  Nicodè?ne,  publiées  par 
G.  Paris  et  A.  Bos,  Paris,  1885  (Soc.  des  anciens  textes).  —  Sur  un 
poème  composé  en  partie  d'après  l'Evangile  de  Nicodème,  voir 
Romania,  XVI,  51-53,  228;  XXV,  552. 

Sur  la  légende  de  Judas,  voy.  Grak.  Miti  del  medio  evo,  1,  282. 

Sur  la  Vengeance  du  Sauveur,  voir  Revue  critique,  1SS2,  1.  346; 
Romania,  XVI,  56;  Notices  et  extraits,  XXXIII,  lr<  partie,  70; 
Zeitschrift  f.  rom.  Phi  t..  XXIV.  161  ;XXV,  04. 

Sur  la  légende  du  bois  de  la  croix  ou  bistoire  de  Setb,  voir 
Hist.  litt.,  XXXIII,  375.  art.  Seth  (poème  anglo-normand  en  vers); 
Romania,  XV,  326  (version  en  prose);  XVI.  227-244  et  XXV,  551 
(version  intercalée  dans  un  poème  sur  la  vie  de  Jésus).  Voir  aussi 
A.  S.  Napier,  llistory  o/'the  holy  rod-tree,  London,  1894  (cf.  Romania, 


NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES.  [\\- 

XXIII,  634),  ei  la  notice   précitée  (§   137)  sur  GeUfroi  de  Paris. 

i  ne  .ni i ir  forme  de  la  légende  d'Anastase  se  trouve  eri  divers 
textes;  voir  ttomania,  XVI,  24i»  et  la  notice  sur  GeUfroi  de  Paris. 

Fragment  de  la  vie  de  sàinl  .Jean-Baptiste  dans  G.  ParIs  et 
A,  Bos,Ia  Vie  desaiht  Gilles,  p.  v-.\m. 

Sur  le  poème  de  Wace  relatif  aux  Trois  Maries,  voir  llisl.  lill., 

XXXIII,  304-&;  sur  les  Trois  Maries,  de  Pierre  (de  lîeauvais),  voir 

iiist.au..  xxxiu.  367. 

VÀpocalyse  en  français  au  XIII"  siècle  (13.  N.  fr.  403),  p.  p. 
L.  Delisle  et  I'.  Mbyer;  Paris,  1900  (reproduction  pholotypique 
du  mis.);  1901  (introduction  et  texte).  —  Il  existe,  non  pas  une 
seule  version  en  prose  de  Y  Apocalypse,  comme  le  croyait  S.  IJerger 
mais  au  inoins  huit.  Pour  deux  versions  en  vers  de  V Apocalypse 
faites  a  la  lin  du  xni'  siècle  ou  au  commencement  du  xiv",  l'une 
m  Angleterre,  l'autre  en  France,  voir  Romania,  XXV,  174  ss.,  et 

XXXIV,  150. 

Le  poème  des  Sibylles  a  été  publié,  très  imparfaitement,  par 
TarbÉ;  Le  tournoiement  de  /' Antéchrist,  Reims,  1851,  p.  106.  L'asser- 
tion qu'il  aurait  été  composé  pour  Mathilde,  veuve  de  l'empereur 
Henri  V,  remonte  à  l'abbé  de  La  Rue,  et  est  fort  contestable;  voir 
Th.  Wright,  Rioqrahhia  britannica  litteraria,  Londres,  1840, 
II,  337. 

Pour  le  poème  des  Quinze  signes,  voir  Romania,  VI,  22;  VIII, 
313;  XV,  290;  XXXV  1,536. 

Sur  les  poèmes  relatifs  à  l'Antéchrist  (on  en  connaît  quatre), 
voir  Hist.  litt.,  XXXIII,  339. 

141.  Sur  les  apocryphes  relatifs  à  la  Vierge,  voir  Romania,  XII, 
131  ;  XVI,  216  ss;  Notices  et  extraits,  XXXIII,  2e  partie,  p.  48. 

Le  Romanz  de  saint  Fanuel  et  de  sainte  Anne,  p.  p.  C.  Chaba- 
neau,  Paris,  1888.  Cf.  Romania,  XVI,  210,  236;  XXV,  546 ;  Mélusine, 
1888,  p.  222. 

Sur  le  poème  de  la  Mort  Nostre  Dame,  voir  Romania,  XVI,  230. 

Sur  les  Sept  joies  Nostre  Dame,  voir  Romania,  XIX,  70. 

Li  Regrès  Nostre  Dame,  par  Huon  le  Roi  de  Cambrai,  p.  p. 
A.  Lângfors,  Paris,  1907. 

142.  Sur  les  rédactions  latines  des  miracles  de  la  Vierge,  voir 
Ad.  Mlssafia,  Studien  zu  den  mitlelallerlichen  Marienlegenden, 
Vienne,  1887-1898  (extraits  des  comptes  rendus  de  l'Académie  de 
Vienne,  t.  CX1II,  CXV,  CXIX,  CXXIII,  GXX1X);  voir  aussi  17/u/e.r 
miraculorurn  R.  Y.  Marine  du  P.  Poncelet,  dans  les  Analect.a 
Bollandiana,  t.  XXI. 

Les  fragments  de  miracles  en  français  trouvés  à  Orléans  ont 
été  publiés  dans  les  Notices  et  extraits,  XXXI V,  2e  partie,  31  ss. 
Sur  les  rédactions  en  vers  français  des  miracles  de  la  Vierge, 
voir  ibi'i.y  p.  34-5. 


318  NOTES    lilBLIOGRAPUIQUES. 

Miracles  de  la  sainte  Vierge  par  Gautier  de  Coincy...  publiés  par 
l'abbé  Poqubt,  Paris,  1857  (cf.  Zeitsckr.  f.  rom.  Phit.,  VI,  325-346; 
Archiv  fur  das  Stndium  der  neueren  Sprachen,  LXVII,  233-248). 
Sur  les  sources  de  ce  recueil,  voir  Mossapia,  Veber  die  von  G.  de 
Coincy  benûlzten  Quelle»,  Vienne,  1894  (Mém.  de  l'Acad.  do  Se. 
de  Vienne,  classe  de  philosophie  et  d'histoire,  t.  XLIVj. 

143.  Sur  Jean  le  Marchant,  voir  Romania,  VI,  150;  Bihl.  de 
l'École  des  chartes.  XLII.  505,  550;  II.  Folster,  Sprachliche  Reim- 
unlersûchung  der  Miracles  de  .V.  D.  de  Chartres,  Marburg,  1880 
(Ausg.  und  Ahhandl.,  XL111);  Dlnker,  Zu  Jehan  Le  Marchant, 
Erlangen,  1886. 

Adgar's  Marien-Legenden...  hgg.  von  Cari  Neuhaus,  Heilbronu, 
1880  (Allfranzôsische  Bibliothek,  IX  .  Un  nouveau  ms.,  pouvant 
servir  à  compléter  l'édition,  a  été  étudié  dans  la  Romania,  XXXII, 
394  ss. 

Sur  Everard  de  Gateley,  voir  Romania,  XXIX,  27. 

Sur  la  légende  de  Théophile,  voir  Romania,  XXIII,  001.  —  Une 
curieuse  version  de  cette  légende  est  dansBartsch.  L.  elL.,  451-490. 

Sur  la  légende  du  liancé  de  la  statue,  voir  A.  Gkaf,  Roma  (§  48), 
II,  388. 

Sur  la  légende  du  chevalier  qui  vendit  sa  femme  au  diable, 
voir  Biit.  l'ut  .  XX111.  123;  sur  celle  du  chevalier  dont  la  Vierge 
prit  la  place  au  tournoi,  ibid.,  124;  Bartsch,  C/irestomalliie,  9e  éd., 
n°59. 

Del  Tomôeor  Nostre  Dame,  Romania,  II,  315-327  (cf.  IX,  479). 

143  6m.  Voir  VAdvocacie  Xoslre-Dame  et  la  chapelerie  Nostre- 
Dame  de  Bayeur,  poème  normand  du  XIVe  siècle  (publication  pos- 
thume d'A.  de  Montaiglon  avec  préface  de  M.  G.  Raynaud),  Paris, 
1SG9-189G. 

144.  Sur  les  épitres  farcies,  voir  Romania,  XVII,  148;  Bull,  du 
Comité,  section  d'hist.  et  de  philol.,  1887,  p.  315  ss.  ;  Notices  et 
extr.,  XXXI V,  lrt  partie,  253. 

Sur  Thierry  de  Vaucouleurs,  voir  Romania,  XXII,  335. 

On  a  une  autre  vie  de  saint  Jean  l'évangéliste  en  quatrains  de 
vers  alexandrins  (Romania.  XVII,  387). 

Sur  la  vision  de  saint  Paul  et  ses  diverses  rédactions  en  latin 
et  en  français,  voir  Brandes,  Visio  sancti  Pauli,  Halle,  1885; 
llist.  litt..  XXXIII,  372. 

Sur  le  fragment  anglo-normand  d'un  récit  tiré  de  la  Vie  de 
sainte  Marie-.Madeleine,  voir  Romania,  XXII,  205. 

Les  légendes  traduites  du  Pseudo-Abdias,  ont  pris  place  au 
commencement  de  plusieurs  de  nos  anciens  légendiers  français 
en  prose. 

145.  Sur  la  traduction  en  prose  de  la   Vie  des  Pères  fait  pour 


NOTES    HIULIOGRAI'HIQUES.  349 

Dlanclie  de  Navarre,  et  sur  d'autres  versions  en  prose  de  diverses 
parties  du  même  recueil,  voir  Ilisl.  lit  t.,  XXXIII,  292-328. 

Sur  le  recueil  de  contes  dévots  en  vers  connu  sous  le  titre  assez 
impropre  de  Vie  des  Pères,  voir  Ilomruiia,  XIII,  233  ss.  ;  XXXV. 
38  ss.  ;  Notices  et  extraits,  XXXIV,  I"'  partie,  p.  156. 

Sur  la  Vie  de  sainte  Thaïs,  voir  Uisl.  titt.,  XXXI11,  377. 

Sur  la  Vie  de  sainte  Euphrosyne,  voiribid.,  348. 

Chardry's  Josaphaz,  Set  Dormanz  und  Petit  Plet,  hgg.  von 
J.  Kocii  (Attfranz.  Bibliolhek,  II),  Hcilbronn,  1880  (cf.  Zeitschr. 
f.  vont.  Pliit..  III,  591  ;  Literalurbl.,  II,  459).  —  Sur  la  légende, 
voir  A.  d'Ancona,  Il  Tesoro  di  Bruneltu  Latini  versificato,  Roma, 
1889  (Mémoires  de  l'Acad.  des  Lincei),  p.  03. 

On  connaît  environ  200  vies  de  saints,  en  vers  français.  La 
bibliographie  en  a  été  donnée  dans  VHist.  litt.  de  la  /•>.,  XXXIII, 
337-398. 

Sur  la  Belle  Hélène,  voir  Nyrop  (§  18). 

Li  Dialor/ue  Grégoire  lo  pape...  hgg.  von  \V.  Foerster,  Halle, 
1876,  I.  Cf.  Romania,  XXIX,  319. 

Sur  le  frère  Anger,  voir  Romania,  Xlî,  143;  M.  K.  Pope,  Élude 
sur  la  lanque  du  frère  Anger.  Paris,  1903  (cf.  Romania,  XXXIII, 
440). 

La  Vie  de  saint  Grégoire  le  Grand,  dans  Romania,  VIII,  509-344 
(cf.  IX,  176;  XVIII,  201). 

G.  Paris,  La  légende  de  Trajan,  dans  Mélanges  de  l'école  des 
hautes  études,  1878,  261-298  (cf.  Journal  des  Savants,  1884,  57). 

146.  Sur  les  vies  de  saints  mentionnées  dans  ce  §  et  dans  le 
suivant,  voir  la  Bibliographie  donnée  par  VHist.  lit/.,  XXXIII. 

Saint  Léger,  Sai?ile  Eulalie,  dans  E.  Kosciiwitz,  Les  plus 
anciens  monuments  de  la  langue  française,  5e  éd.,  Heilbronn, 
1897  (cf.  Romania,  XXVI,  160).  —  Sur  le  Sai?il  Léger,  voir  Ebert, 
Geschichte  der  Literatur  des  Mitlelalters,  III,  363;  H.  Suchier, 
dans  Feslgabe  fiir  Ad.  Mussafia,  Halle,  1905,  p.  001. 

147.  La  Vie  de  saint  Alexis,  texte  critique,  par  G.  Paris,  nouvelle 
édition,  Paris,  1909.  —  Pour  d'autres  rédactions,  voir  Hist.  litt., 
XXXIII,  338.  —  Sur  la  légende,  voir  Romania,  XVIII,  299,  527. 

Sur  la  légende  et  les  vies  de  saint  Georges,  voir  Romania, 
X,  319;  John  E.  Matzke,  dans  Publications  of  the  Modem  Lan- 
guage  Association  of  America,  XVII  (1902),  464-335  (cf.  Romania, 
XXXII,  170),  et  XVIII  (1903),  99-171  (cf.  Romania,  XXXIV,  148); 
le  même,  Œuvres  de  Simund  de  Freine,  Paris,  1909  (Soc.  des  anc. 
textes  français). 

Snr  la  légende  de  saint  Grégoire,  voir  A.  Graf,  Miti,  I,  290 
et  la  note;  Romania,  XXXIII,  42-6;  sur  les  mss.  du  poème  fran- 
çais, Zeitschr.  f.  rom.  Phil.,  X,  321. 

Sur  le  rapport  du  poème  espagnol  de  sainte  Marie  l'Egyptienne 


320  NOTES    BIBLIOGRÀPHIQOËS. 

au  poème  français,  voir  Ad.  MussAtiÀ,  Ueber  die  Quellen  der  ait- 
spanischen  Vida  de  Sanla  Maria  Egipciaca,  \  ienne,  1863  (cf.  Bibl. 
de  l'École  des  fiantes,  1804,  p.  374:  Giornale  <li  filoloqia  romanza, 
III.  8«J). 

Sur  le  romain  grec  de  iiarlaam  et  Joasaph,  voir  Bomania,  XV, 
109;  E.  Gosquin,  Coules  populaires  lorrains,  Paris,  ISSO.  I.  xx: 
E.  Bralnholtz,  Die  erste  nichtchristliche  Parabel  des  B.  kïid  !.. 
Halle,  1884.  —  Sur  la  version  anonyme  etsurcelledeGui  de  Cambrai, 
voir  BaHaan\  et  Josauhat,  publié  par  P.  Meyer  et  H.  Zotenberg, 
Stuttgart,  1804  (sur  Oui  de  Cambrai,  cf;  P.  .Meveb.  Alexandre  le 
Gratta,  II,  258).  —  Sur  la  version  de  Chardri,  voir  au  g  145.  —  Sur 
une  traduction  en  prose  exécutée  en  Grèce  >ur  le  texte  grec, 
Bibliothèque  de  l'École  des  Charles,  6e  série,  Il  (1800),  313. 

148.  Sur  saint  Brendan  et  les  poèmes  qui  lui  sont  consacrés, 
voir  llist.  litt.,  XXXIII,  341.  —  Pour  les  rédactions  en  prose;  voir 
G.  Wahli.nd.  Die  allfranzôsische  Prosaiibersetzung  von  Brendans 
Meerfahrt,  Upsala,  1901  (cf.  Bomania,  XXXIY,  464. 

Sur  les  versions  en  vers  du  Purgatoire  de  saint  Patrice,  voir 
Hist.  lîtt.,  XXXIII.  371.  Sur  la  version  en  prose,  ibid.,  391.  — 
391.  —  Sur  les  visions  de  l'autre  monde  en  général,  voir  Rom. 
ForscMin'gèh,  11.  279;  111,  337. 

Mussafia,  Sulla  visione  di  Tundalo,  Wien,  1871  ;  La  vision  de 
Tondale,  textes...  p.  p.  Y. -H.  Friedel  et  K.  .Meyer,  Paris,  1907. 
Ce  recueil  contient  une  version  anglo-normande  en  vers. 

Vie  de  saint  Auban...  ediled  by  1!.  Atkinson.  London,  1870 
(cf.  Bomania,  V,   384). 

Sur  Denis  Pvramus  et  la  Vie  de  saint  Edmond,  voir  llist.  litt., 
XXX11I,  346. 

Sur  la  vie  de  Guillaume  d'Angleterre  et  son  attribution  à  Chré- 
tien, voir  Bomania,  III,  507;  VI,  27;  VIII,  315;  XIII,  442;  XXIX, 
155;  XXXV11,  486. 

149.  Sur  Hugues  de  Lincoln,  voir  Hist.  litt.,  XXIII,  436;  Child, 
The  english  and  scollish  popular  Ballads,  Boston,  1S88,  part  V,233. 

Sur  la  Vie  de  saint  Dominique,  \bit  Bomania,  XVII.  394: 
L'élégie  juive  de  1288  a  été  publiée  par  A.  Daumestkter  dans 
la  Bomania,  111,  443,  et  réimprimée  dans  la  Bévue  des  Etudes 
juives.  Paris,  Il  (1881),  199.  Ces  deux  éditions  ont  Été  repro- 
duites dan-  les  Beliques  scientifiques  d'A.  Dar.mesteter,  Paris; 
1890,  11,  224  et  282. 

Vie  de  saint  Louis,  par  Guillaume  de  Saint-Pa'/u/s,  confesseur 
de  la  reine  Marguerite,  p.  p.  H.-Fr.  Delahorde,  Paris,  1899  (cf. 
Le  Moyen  âqe,  XIII,  65);  A.  Molinier,  Les  sources  de  l'hist.  de 
France,  III,  H"  254& 

150.  Sur  Jacques  dé  Vitri,  voit  Hist:  litt.,  XV III.  209;  Bomania, 


NOTES    BIBUOGRAPHIQIKS.  321 

XVII.  454.  Un  recueil  de  contes  tires  de  ses  Sermones  vulqares  a 
été  publié  par  Th.  Fr.  Crâne  sous  ce  titre  :  The  exempta...  of 
Jacques  de  Vilry,  Londres,  1881  (cf.  Revue  critique,  1891,  16  fé- 
vrier). 

Sur  l'Empereur  orgueilleux,  voy.  A.  Varniiagen,  Ein  indisches 
Mârchen  auf  seiner  Wanderunq,  Berlin,  1882:  Revue  des  Eludes 
juives,  XV11  (1888),  58. 

Sur  l'Ange  el  l'ermite,  voir  G.  Paris,  La  Poésie  au  moyen  dge, 
2"  éd..  Paris,  1887,  p.  151  ;  Revue  des  Éludes  juives,  VIII  (1884), 
64;  Mélusine,  III,  258;  P.  Meyer,  Contes  de  Bozon,  n"31. 

Li  Diz  dou  vrai  aniel...  hgg.  von  A.  Tobi.er,  2"  éd.,  Leipzig, 
1884.  Cf.  Revue  des  Études  juives,  XI  (1885),  1-17. 

Sur  le  Méchant  sénéchal,  voir  A.  d'Ancona,  Studj  (§  51),  346. 

Sur  la  Bourgeoise  de  Rome,  voir  H ist.  litt.,  XXIII,  121. 

Sur  la  Reine  qui  tua  son  sénéchal,  voir  Remania,  XV,  610. 

Der  .ludenknabe...  hgg.  von  E.  Woi.ter,  Halle,  1879,  tome  II,  de 
la  Bihliotheca  Normannica  (cf.  Zeilschr.  f.  rom.  Phil.,  IX,  412). 

Sur  le  Chevalier  au  baril,  voir  Not.  et  extr.,  XXXIV,  I,  160, 
nomama,  XXVI II,  644. 

Sur  le  Chevalier  dans  la  chapelle,  voir  Jahrbuch  fiir  rom.  und 
enql.  Lileratur,  IX,  331;  Jubinal,  Contes,  dits,  fabliaux,  ï,  352. 

Sur  Eustache  de  la  Fontaine  Notre  Dame,  voir  le  Catalogue 
qénéral  des  mss.  de  France,  départements,  t.  X,  in-8,  Paris,  1889, 
n°  244  d'Avranches. 

151.  Sur  le  roman  de  Mahomet,  voir  Modem  Language  Notes, 
1889,  89;  Literaturbl.,  X,  22.  Sur  la  légende  de  Mahomet  en  Occi- 
dent, voir  A.  d'ANCoNA,  //  Tesoro  di  Brunello  Latini  versificato, 
Romn,  1889,  p.  70  ss.  (Mém.  de  l'Acad.  des  Lincei);  cf.  E.  Renan, 
journal  des  Savants,  juillet  1889;  A.  Graf,  Giornale  storico  délia 
lett.  italiana,  XIV,  204. 

Sur  la  Loi  au  Sarrasin,  voir  Bisti  Litt.,  XXIX,  99. 

152.  Sur  la  version  en  vers  du  Lucidaire,  par  Guilebert,  voir 
Notices  et  extrait",  XXXII,  2e  partie,  72-81.  Sur  les  versions  en 
prose,  Romania,  I,  421  ;  Notices  et  extraits,  XXXIII,  lre  partie,  76. 

Sur  le  Credo  en  vers,  voir  Romania,  XV,  321,  341;  Bull,  de  la 
Soc.  des  anciens  textes,  1896,  p.  43. 

La  règle  de  saint  Benoit  traduite  en  vers  français  par  Nicole, 
p.  p.  A.  Héron,  Rouen,  1895  (cf.  Romania,  XXV,  321  ss.). 

La  version  des  Proverbes  par  Samson  de  Nanteuil  doit  être 
publiée  par  M.  H.  Sucrier;  un  fragment  est  dans  Bartsch,  Lan- 
gue et  Litt.,  col.  149-158. 

Sur  la  prédication  au  moyen  âge,  voir  Bourgain,  La  Chaire 
française  au  XIIe  siècle,  Paris,  1879;  A.  Lecoy  de  la  Marche,  La 
Chaire  française  au  moyen  âge,  spécialement  au  XIIIe  siècle, 
2-  éd.,  Paris,  1886;  Hist.  litt.,  XXVI,  390  ss. 

21 


322  NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES. 

Sur  le  fragment  de  Jonas,  voir  Romanict,  XV,  447. 

Les  deux  recueils  des  sermons  de  saint  Bernard  ont  été  publiés; 
voir  Romanict,  XVI,  604;  XXV,  343.  Un  troisième  ms.  des  sermons 
de  saint  Bernard  mis  en  français,  qui  ne  fait  pas  double  emploi 
avec  les  précédents,  a  été  étudié  par  M.  Delislc  dans  le  Journal 
des  Savants  de  mars  1000. 

Sur  les  sermons  de  Morice  de  Sulli,  voir  Romania ,  V,  366.; 
XXIII,  178,  499,  506;  XXVIII,  243. 

Sur  la  traduction  française  des  fables  d'Eudes  de  Gheriton,  voir 
Romania,  XIV,  388. 

Les  contes  moralises  de  Nicole  Bozon,  frère  mineur,  p.  p.  L.-T. 
Smith  et  P.  Meyer,  Paris,  1889  (Société  des  anciens  textes). 

153.  Le  sermon  Grant  mal  fist  Adam  a  été  publié  par  H.  Su- 
chier.  Halle,  1879  (Bibliolheca  Normannica,  I). 

Li  Ver  ciel  juïse...  af  H.  von  Feilitzen,  Upsala,  1883. 

Sur  le  sermon  de  Guichard  de  Beaujeu,  voir  Romania,  I,  248; 
Bulletin  de  la  Soc.  des  anciens  textes,  1889,  p.  94. 

Les  Vers  de  la  mort  par  llélinant,  moine  de  Froidmont,  p.  p. 
Fi».  Wulff  et  Em.  Walberg,  Paris,  1903  (Soc.  des  anc.  textes), 
L'autre  poème  sur  ce  sujet  a  été  imprimé  par  M.  Winoahl,  :  Li 
Vers  de  la  mort,  poème  artésien  anonyme  du  milieu  du  XIIIe  s., 
Lund,  1887  (cf.  Lileraturbl.,  VIII,  130);  voir  aussi  Romania,  XX, 
137. 

Li  Romans  de  Carité  et  le  Miserere  du  Rendus  de  Moiliens 
publiés  par  A.  G.  Van  Hamel,  Paris,  1883  (Bibl.  de  V Ecole  des 
Hautes  Etudes,  LXI-LX1I)  cf.  Zeitschr.,  IX,  413;  Gh.-V.  Langlois. 
La  vie  en  France  au  moyen  âge,  p.  113. 

Sur  Silvestre,  voir  Van  Hamel,  Rendus,  p.  cxc. 

Sur  les  paraphrases  du  Pater  noster,  voir  Bull,  de  la  Soc.  des 
anc.  textes,  1880,  39;  1889,  104;  1896,  47;  Romania,  XV,  322; 
Notices  et  extr.,  XXXIV,  lre  partie,  251. 

Les  Vers  du  Monde,  dans  Jubinal,  Contes,  dits,  fabliaux,  II, 
124  (cf.  Romania,  IX,  232). 

Sur  le  Despit  du  Cors,  voir  Ilist.  litt.,  XXIII,  283;  Bartsch, 
Langue  et  Litt.,  col.  547;  Romania,  XXV,  418. 

Sur  la  Chanlepleure,  ou  plutôt  Pleurechante,  voir  Romania, 
XIII,  510. 

Sur  les  Vers  de  Cologne,  voir  G.  Paris,  Saint  Alexis,  p.  213. 

Sur  Y  Enseignement  moral  en  sixains,  voir  Romania,  XIV,  128. 

Sur  le  Roman  des  romans,  voir  Bull,  de  la  Soc.  des  anciens 
te.rles,  VI,  68;  Romania,  XXXII,  104. 

Sur  le  sermon  anglo-normand  inséré  dans  le  Manuel  des  péchés, 
voir  Romania,  XXIX,  5-21   et  83-4. 

Poème  moral,  alti'r.  Gedicb.t...  hgg.  von  \V.  Cloetta.  Erlan- 
pèn,  1880  (cf.  Romania,  XVI,  118;  Xt\\,  308).  Le  ms.  d'Oxford, 
d'après  lequel  l'édition  a  été  faite,  est  incomplet.   Un  fragment 


NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES.  323 

important  (plus  de  700  vers)  de  la  partie  en  déficit  a  été  retrouvé 
et  est  publié  dans  la  Zeitschr.  f.  rom.  Phil.,  XXX11,  50. 

Sur  Hubert  Sainterel  (et  non  Sninceriax),  voir  Histor.  de  Fr., 
XXIII,  124;  A.  Molixier,  III,  nu  22.77. 

154.  Sur  Guillaume  le  Clerc  et  ses  ouvrages,  voirSFEGER,  Veber 
dieSprache  <l>>s  Guillaume  le  Clerc  de  Normandie,  Halle,  1881. 

Le  Besant  de  Dieu,  von  Guillaume,  le  clerc  de  Normandie... 
hgg.  von  E.  Martin,  Halle,  1869. 

La  Dîme  de  pénitence,  hgg.  von  H.  Breymanx,  Stuttgart,  lST'i. 

Sur  le  poème  de  Simon,  Les  Trois  ennemis  de  l'homme,  voir 
Romania,  XVI,  1-24. 

Sur  le  dit  de  la  Vigne,  voir  Hist.  litt,  XXIII,  252. 

Sur  le  dit  de  la  Brebis,  voir  Hist.  lilt.,  XXIII,  259. 

Sur  le  dit  de  YUnicorne,  voir  Hist.  litt.,  XXIII,  257  :  Romania, 
VI,  19. 

Sur  le  dit  des  Trois  morts  et  des  trois  vifs,  voir  Todd,  La 
Pantlière  d'amours,  p.  xvin;  Giornale  di  filologia  romanza,  I,  243; 
Romania,  XXV,  416. 

Sur  le  dit  du  Larron  qui  fut  racheté,  voir  Hist.  litt.,  XXII, 
120. 

Sur  le  thème  des  Quatre  sœurs,  voir  d'Ancoxa,  I,  124.  Sur  les 
différentes  versions,  voir  Bullet.  de  la  Soc.  des  anciens  textes, 
1386,  p.  57;  Romania,  XV,  352:  XXXVII,  485. 

Sur  les  Quinze  signes,  voir  P.  Meyer,  Daurel  et  Béton,  Paris, 
1880  (Soc.  des  anc.  textes),  xclii;  Hist.  litt.,  XXIII,  282-283  :XXX1I, 
103-105.  Notices  et  extraits,  XXXIX,  317. 

155.  Sur  le  Débat  du  corps  et  de  l'âme,  voir  Romania,  XIII,  519; 
XX,  1,  513:  XXIX,  636. 

Sur  les  Débals  de  l'Eglise  et  de  la  Synagogue,  du  juif  et  du 
chrétien,  voir  Hist.  litt.,  XXIII,  216. 

Le  Tournoiement  Antecrit...  neu  hgg.  von  G.  Wimmer,  1888, 
n°  LXXVI  des  Ausg.  and  Abh.  (cf.  Literaturbl.,  1888,  col.  403). 

150.  Sur  le  Songe  d'Enfer,  voir  Zixgerle,  dans  Romanische  Fo?'s- 
chungen.  VI,  293. 

Sur  l'authenticité  du  Songe  de  Paradis,  voir  Zexker  (§  59). 

Le  poème  allégorique  sur  Jérusalem  et  Babylone  a  été  publié 
sous  le  titre  inexact  que  lui  donne  le  manuscrit,  De  David  li  Pro- 
phecie,  dans  Zeitschr.  f.  rom.  Phil.,  XIX,  1S9  ss. 

Sur  Guillaume  de  Digulleville,  voir  P.  Paris,  Manuscrits  franc., 
111,  239:  N.  Hill,  The  ancient  poe.m  of  Guillaume  de  Guilleville 
enlilled:  Le  Pèlerinage  de  l'homme,  compared  with  tke  Pilgrim's 
Progress,  London,  1858.  Les  trois  Pèlerinages  ont  été  publiés, 
pour  le  Roxburghe  Club  (Londres,  1893,1895, 1897),  par  J.-J.  Sturt- 
zixger  (cf.  Romania,  XXIV.  38".:  XXVI,  144:  XXVII,  633). 


324  •  NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES. 

157.  Sur  la  Somme  de  frère  Lorens  et  ses  rapports  avec  le 
Miroir  du  Monde,  voir  Hitll.  de  la  Soc.  des  anc.  textes,  XVI II 
(1892),  p.69-84.  Sur  1rs  versions  italienne  et  sicilienne,  voir  Lit. 
Centrait.,  1893,  col.  289.  Sur  la  version  flamande,  Petit,  U48. 

Sur  William  de  Wadingtoa,  voir  Hist.  litt.,  XXVIII,  179-207; 
Romania,  XV,  357;  XXIX.  5,  47-53. 

158.  Allburgundische  Uebcrselzung  der  Predigten  Gregor's  iiber 
Ezec.hicl,  liirg-.  von  K.  Hofmann,  Munich,  1881:  rectifications  dans 
G.  Bertoni.  La  versione  f'rancesc  délie  prediche  di  S.  Gregorio  su 
Ezechiele,  Modène,  1908. 

Les  Moralia  in  Job  sont  imprimés  par  M.  W.  Fokrster  à  la 
suite  de  son  édition  des  Dialogues  de  saint  Grégoire,  Halle,  187G. 

Dialogus  animae  conquereulis  et  rationis  consolantis,  traduit 
en  dialecte  lorrain,  publié  par  F.  Bonnardot,  Romania,  V,  269- 
332:  cf.  VI,  141. 

159.  Sur  les  traductions  des  Psaumes  et  des  Cantiques,  voir 
S.  Berger,  1-34:  G4-77:  200-209  (cf.  Romania,  XVII,  122.  129). 

Lolkringisckes  Psalter  hgg.  von  F.  Apfelstedt,  lleibronn,  18S1 
(Allfranz.  Bibliotkelc,  IV).  Le  Psautier  de  Metz...  public  par 
F.  Bonnardot,  t.  I,  Paris,  1885. 

Sur  le  Psautier  lorrain  en  vers,  publié  par  Fr.  Miclicl  en 
appendice  au  psautier  d'Oxford  (18G0),  voir  Blrckardt,  Ueôer  den 
loihr.  Reimpsalter,  Halle,  1890. 

Sur  les  Psaumes  de  la  pénitence,  voir  Romania,  XV,  305. 

Sur  le  petit  poème  imité  du  Cantique  des  Cantiques,  voir  Ro- 
mania,  XV,  448.  —  On  a  voulu  prouver  (Rom.  Fôrschungen,  VI, 
235),  que  ce  petit  poème  est  de  1140;  mais  voir  Romania,  XXII, 
614. 

Sur  les  Plaintes  de  la  Vierge,  voir  Bulletin  de  la  Soc.  des  anc. 
textes,  1875,  p.  01;  1886,  p.  49;  P.  Meyer,  Recueil,  p.  374; 
Wechssler,  Oie  romanichen  Marienktagen,  Halle,  1893  (cf. 
Romania,  XXIII,  490). 

160.  Mariengebele  franzosisch,  portugiesisch,  provenzalisch, 
hgg.  von  H.  Slchier,  Halle.  1877;  Romania,  I,  207,  247,  409,  410; 
VII.  473  :  IX.  1112.  —  P.  Meyer,  Recueil,  p.  354.  —  Sur  les  serventois 
de  Jean  Brisebarre,  voir  Romania,  XXVI,  104.  —  Sur  une  prière 
à  la  Vierge  en  décasyllabes  accouplés,  voir  Romania,  XXV,  478. 

Prières  à  saint  Nicolas,  voit  Romania,  IV,  374:  à  sainte  Catherine, 
P.  Meyer,  Recueil,  :i7.'i:  à  sainte  Anne,  Romania,  XV,  271:  à 
saint  François,  ibid.  Pour  d'autres  prières,  voir  Bull  de  la  Soc. 
des  anc.  textes,  1901,  p.  49  ss. 

161.  Noël  anglo-normand,  P.  Meyer,  Recueil,  p.  382. 
Sur  la  parodie  du  Laetabundus,  voir  Romania,  XXI.  280.. 

Sur  la   prose  de    l'Ane,    voy.    Di"  Cange,  au  mot  Feslum   (éd. 


NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES.  325 

Dtdot,  111,  2")")).  Voir  aussi  II.  Villetard,  Office  de  Corbeil  (office 
de  la  Circoncision)  improprement  appelé  office  des  fous,  Paris, 
Picard,  1907.  L'auteur  dénie  absolument  le  caractère  burlesque 
attribue  traditionnellement  à  cet  ofûce. 

Sur  les  parodies  sacrées  en  général,  F.  Novati,  Studi  crïtici  e 
lellcrari,  Turin,  1889,  177-311). 

102.  Sur  la  Prière  de  Tibaud  d'Amiens,  voir  Romania,  XIII, 
52X:  XVIII.  485;  Bull,  de  la  Soc.  de*  anc.  textes,  1902,  p,  73,  82. 

La  Plainte  d'amour,  poème  anglo-normand  p.  p.  J.  Vising, 
Gôteborg,  1905. 

Les  poésies  de  la  Béguine  anonyme  ont  été  imprimées  dans  la 
Zeilschr.  f.  rom.  l'/iil.,  XIII,  35. 

Sur  la  Prière  de  Théophile,  voir  Romania^  VI,  627:  IX,  102; 
Zeilschr.  f.  rom.  Phil.,  XXI,  396-7;  Bull,  de  la  Soc.  des  anc.  textes, 
1901,  p.  77. 

163.  Sur  les  chansons  de  pèlerinage,  voir  Ilist.  litt.,  XXI,  279. 

164-168.  Pour  tous  les  renseignements  bibliographiques  rclalifs 
au  théâtre  religieux,  voy.  Les  Mystères  de  M.  Petit  de  Jllleville; 
M.  Séijet,  Le  drame  religieux  au  moyen  âge,  Paris,  1903. 

166.  Sur  le  mystère  de  YÉpoux,  voir  l'édition  de  M.  Cloetta, 
Romania,  XXII,  177. 

167.  Miracle  inédit  de  saint  Nicolas,  dans  le  Catalogue  des 
Codici  Ashburnhamiani  délia  R.  Biblioteca  Medico-Laurenziana 
in  Firenze,  I,  Roma,  1887,  p.  63.  —  Sur  les  «  jeux  de  saint  Nicolas  » 
voir  Romania,  XVII,  329;  Lecoy  de  la  Marche,  La  Chaire  fran- 
çaise au  XIIIe  siècle,  2e  édit.,  p.  466.  —  Sur  Gaufrei  de  Saint- 
Alban,  Petit  de  Julleville,  Les  Mystères,  II,  629. 

168.  Les  Miracles  de  Nostre  Dame  par  personnages,  p.  p.  G.  Paris 
et  U.  Robert,  Paris,  1876-1893,  8  vol.  (Soc.  des  anc.  textes 
français).—  II.  Schnell,  Ueber  den  Abfassungsqrt  cler  Miracles  de 
\ostreDameparperso?inages,Maiïb\irg,  lSSd{Ausg.  und  Abh.,  LUI). 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


(Les  chiffres  renvoient  aux  paragraphes.) 


A 


Abc  (Signifiance  de  V),  102. 

Aaluf,  27. 

Abailard.  113,  167. 

Abdias,  144. 

Abel,  165. 

Abladane,  49  bis. 

Adam,  138,  165. 

Adam  (Jeu),  132,  167. 

Adam  {Mystère  d'),  165,  166,  168. 

Adam  de  Suel,  103. 

Adam  le  Bossu,  121,  127,  128,  132, 
133,  161. 

Adam  et  Eve  (Légende  d'),  138. 

Adenet  le  Roi,  41,  51. 

Adpar,  143. 

AélisdeChampagne, reine  de  France, 
125. 

Aélis  de  Louvain,  reine  d'Angle- 
terre. 02,  100,  148. 

Aelrcd.  113,  L58. 

Ages  de  l'homme  (Les  quatre),  103. 

Aie  d'Avignon,  26. 

Aimer,  le  Chétif,  38. 

Aimeri  de  Narbonne,  38. 

Aimeri  de  Narbonne,  41. 

Aimeri  de  Narbonne  (Département 
des  enfants  d'),  41. 

Aimeri  de  Narbonne  (Mort  d'),  41,  42. 

Aimon(Les  quatre  fils  ,  25. 

Aimon  (Le  mariage  des  quatre  fils), 
109. 


Aimon  de  Varenne,  51. 

Aioul,  23,  26,  31. 

Aiquin,  24. 

Aire,  136. 

Alain  de  Lille,  114. 

Alard  de  Cambrai,  103. 

Alban  (Vie  de  saint),  148. 

Albéric  de  Besançon,  44. 

Alberich,  13. 

Alebrand,  102. 

Aleschans,  32,  40. 

Alexandre,  27,  44,  50. 

Alexandre  de  Bernai  ou  de  Paris, 
44,51. 

Alexandre  du  Pont,  151. 

Alexandre  Neckham,  80. 

Alexis  (Vie  de  saint),  5C,  147. 

Alfred  le  Grand,  79. 

Aliénor  de  Poitiers,  reine  d'Angle- 
terre, 45,  57,  87,  125. 

Aliénor  de   Provence,  reine  d'An- 
gleterre, 98. 

Allégorie,  111,  152,  154,  156,  162. 

Allemagne  (La  littérature  française  . 
en),  32,  45,  46,  56,  58,  64,  66,  75, 
127,  129,  147. 

Allitération,  13,  109. 

Alphonse  de  Poitiers,  94,  98. 

Amndas,  66. 

Amadis  de  Gaule,  64. 

Ambroise,  88. 

.4  me  et  du  corps  (Débat  de  V),  155. 

Ame  [Pèlerinage  de  V),  156. 


328 


TABLE  ALPHABETIQUE. 


Ami  et  Amile,  27. 

Amiens,  28,  49  bis,  70,  104,  162. 

Amitié  spirituelle  (L'),  113,  158. 

Amour  {Art  d'),  49,  104,  111,  114. 

Amours  (Clef  a"),  104. 

Amour  (Commandements  d'),  112. 

Amour  (Conseil  ci),  104. 

Amour  (Cour  d),  111. 

Amour  (Cours  d.'),  126. 

Amour  (Flabel  du  dieu  d'),  104,  111. 

Amour  (Jugement  d'),  104. 

Amour  (Paradis  d';,  111,  114. 

Amour  (Plainte  d'),  162. 

Amour  (Puissance  d'),  104. 

Amour  (Remède  d'),  104. 

Amour  courtois,  57, 104, 125, 126, 127. 

Amphigouri,  127. 

Anastase  (Légende  de  sainte),  140. 

Andeli,  5,  76,  110. 

André  de  Coutances,  108,  140. 

André  de  France,  68. 

André  le  Chapelain,  104, 111, 112, 125. 

Ane  (Prose  de  1"),  161. 

Ane  (Testament  de  l'),  76. 

Ange  et  Ermite  (L'),  150. 

Anger,  145. 

Anglais,  79,  108,  156,  157,  167. 

Anglais  (La  Charte  aux),  108. 

Anglais  (La  Paix  aux),  108. 

Anglais  (Les  deux),  108. 

Angleterre  (La  littérature  française 

en),  32,  49,  56,  57,  58,  59,  61,  64, 

75,  79,  92,  108,  114,  125,  143. 
Angleterre  (Dit  de  la  rébellion  d'), 

108. 
Anglo-Normand,  5,  51,   54,   56,   57, 

59,  61,  68,  76,  91,  93,  101,  102,  105, 

106,  108,  137,  139,   140,  143,   144. 

145,  146,  147,    148,    149,   152,   154, 

157,  161,  162,  165,  167. 
Anglo-Saxons,  55,  68. 
Animae  conquerentis  et  rationis  con- 

solantis  (Dialogus),  158. 
Animaux  (Contes  d'),  82. 
Anjou,  25, 

Anjou  (La  Comtesse  oV),  51. 
Anjou  (Coutume  d'),  102. 
Anne  (Légende  de  sainte),  140. 
Anne  (Chants  en  l'honneur  de  sainte ), 

160. 
Anneau  (Dit  du  vrai),  150,  154. 
Anseis.  25. 
Anseis  de  Carthage,  24,  27. 


Antéchrist  (L*),  140. 

Antéchrist(Tournoiement  a"),  111, 155. 

Antioche  (Chanson  d'),  29. 

Antiquité  (Influence  de  1'),  43. 

Apocalypse  en  prose  et  en  vers,  140. 

Apocryphes,  138,  140,  144. 

Apollin,  36,  151. 

Apollonius  de  Tyr,  27,  50. 

Apôtres  (Actes  des),  140,  141. 

Arabes,  73,  150. 

Ardres,  159. 

Argenteuil,  136. 

Argentine  (Belle),  118. 

Argot,  167. 

Aristophane,  132. 

Aristote,  100,  loi,  103. 

Aristote  (Lai  d'),  55,  76. 

Arménie,  91. 

Arras,  51,  118,   120,  127,   128,    132, 

133,  153,  167. 
Arthur,  53,  54,  55,  56,  57,  58,  59. 
Artois,  125,  136,  149,  150. 
Artois  (Le  Comte  d'),  66. 

Arts  (Bataille  des  sept;,  110. 

Arts  (Mariage  des  sept),  110. 

Aspremont,  24. 

Assises  de  Jérusalem,  102. 

Assomption  de  la  Vierge,  141 

Athis  et  Porphirias,  51. 

Aubepierre,  76. 

Auberée,  76. 

Auberi  le  Bourguignon,  21,  25. 

Auberon,  25. 

Aucassin  et  Nicolette,  21,  51,  97. 

Audefroi  le  Bâtard,  118. 

Audigier,  21,  31. 

Augustin  (Saint),  165. 

Avalon,  40,  54,  55. 

Aventure  (Romans  d'),  ;    ,  71. 

Avesnes,  95. 

Avianus,  79,  80. 

Avocats,  106. 


Bacchus  (Le  martyre  de  saint),  109. 

Baisieu,  76. 

Balaam,  165. 

Baligant,  36. 

Ballades,  121,  130. 

Ballettes,  121. 
I  Bar-le-Duc,  30. 
I   Bar-sur-Aube,  41. 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


320 


ftarat  et  Haimet,  76. 
liarbastre  (Le  Siège  de),  41. 
Baril  (Le  Chevalier  au),  150. 
Barlaam  et  Joasaph,  73,  147,  151. 
Barthélemi  l'Anglais,  101. 
Rarthélemi,  reclus  à  Molliens,  153. 
Rasin,  24. 
Batailles,  110,  155. 
Baude  Fastoul,  127,  132. 
Baudouin  (Les  histoires),  95. 
Baudouin  d'Ardres,  159. 
Baudouin  d'Avesnes,  95. 
Baudouin  de  Condé,  103,  154,  156. 
Baudouin  de  Flandres,  90. 
Baudouin  de  Guines,  72. 
Baudouin  IV  do  Hainau,  51. 
Baudouin  V  do  Hainau,  94,  95. 
Baudouin  VI  de  Hainau,  95. 
Baudouin  de  Sebourg,  29. 
Baudri  de  Bourgueil,  86. 
Beaudous,  58,  103. 
Beaujeu,  58,  153. 
Beauvais,  101,  146,  147. 
Beduer,  54. 

Beauvaisis  (Coutume  de),  102. 
Béguines,  140,  163. 
Béguins,  140. 
Bel  Accueil,  111. 
Belleperche,  138. 
Benoît,  148. 

Benoît  (Règle  de  saint),  152. 
Benoît  de  Saint-Alban,  149. 
Benoît    de    Sainte-More,     45,    46, 

47,  93. 
Bergerettes,  122. 
Bergers,  166. 
Bérinus,  51. 
Bernai,  44,  51. 
Bernard  (Saint),  152. 
Bernard  de  Brusbant,  38. 
Bernard  de  Ventadour,  125. 
Bernard,  trésorier  de  Corbie,  91. 
Berneville,  128. 
Berneville,  156. 
Bernier,  76. 
Bérol,  148. 
Béroul,  56,  57,  148. 
Berte,  24,  27. 
Bertran  de  Born,  125. 
Bertran  le  Palatin,  38. 
Bertrand  de  Bar-sur- Aube,  41. 
Bertrand  du  Guesclin,  30. 
Berzé,  105,  124. 


Besançon,  44,  102. 

Besant  de  Dieu,  80  fris,  154,  15?. 

Bestiaire  d'Amour,  100. 

Bestiaires,  100,  154. 

Béthune,  94,  128. 

Cible,  136. 

Bible  nu  seigneur  de  Bersé,  105. 

Bible  Guiot,  105. 

Bibliothèque  bleue,  22. 

Bibliques  (Poèmes),  136. 

Biblis,  49. 

Bigorne,  106. 

Biographique  (Épopée),  26. 

Biographiques(Romansbretons),  58. 

Bisclavret,  55,  67. 

Blancandin,  67. 

Blanche  de  Castille,  128. 

Blanche   de   Champagne-Bretagne, 

98. 
Blanche    de    Navarre-Champagne, 

145. 
Blois,  51,58,  103,  150. 
Blondel  de  Nesle,  128. 
Boccace,  45,  51,  66,  75,  76. 
Boèce,  103,  113. 
Bonaventure  (Saint),  158. 
Bonet  (Saint),  146. 
Boron,  59. 

Bossu  (Conte  du  petit),  77. 
Boucher  d'Abbeville  (Le),  77. 
Bouddha,  147. 
Bouddhiques  (Paraboles),    73,    147, 

150,  154. 
Boulogne,  101,  153. 
Bourgeois,  84,  96,  97,  106,  127,  167. 
Bourgeoise  de  Borne  (La),  150, 
Bourgeoise  d'Orléans  (La),  77. 
Bourgogne,  5,  105,  120. 
Bourse  pleine  de  sens  (La),  76. 
Bovon  de  Comarcis,  38,  41. 
Bovon  de  Hanstone,  23,  27. 
Brait  Merlin  (Le),  63. 
Brebis  (Dit  de  la),  154. 
Brendan  (Saint),  148. 
Bréri,  56. 
Bref  ou  Brait,  63. 
Bretagne  armoricaine,  1,  53. 
Bretagne  française,  33,  36,  103,  108. 
Bretagne  (Comte  de),  103. 
Bretonnes  (Fictions),  66,  67. 
Bretons  insulaires,  1,  53. 
Bretons  (Musiciens),  53,  55. 
Bretons  (Privilège  aux),  108. 


330 


TABLE   ALPHABETIQUE. 


Briançon,  44. 

Brice  (Saint),  145. 

Brichemer,  107. 

Brie,  40,  83,  103. 

Brioude,  39. 

Brunain  la  vache  au  prêtre,  7o. 

Brunet  Latin,  64,  95,  101. 

Brut,  54,  63,  93. 

Brut  de  Munich,  54. 

Brut  en  laisses  monorimes,  54. 

Brut  en  prose,  93. 

Brutus,  92. 

Bunyan,  156. 

Burchard,  91. 

Bustalus,  49  bis. 

Byzantins,  50,  51 ,  52,  65,  67,  73.  19. 

C 

Calendre,  95. 

Callisthène,  44. 

Cambligneul,  149. 

Cambrai,  44,  76,  102,  103,  125,  147. 

Cambres,  152. 

Cantique  des  Cantiques,  159. 

Cantique     des     Cantiques     (Poème 

imité  du),  159. 
Carême  et  de  Charnage  (Bataille  de), 

110. 
Cassidorus,  71. 
Catéchisme,  152. 

Catherine  (Chansons  sur  sainte),  160. 
Catherine  (Jeux  de  sainte),  167,  168. 
Catherine  (  Vie  de  sainte),  50,  147. 
Caton,  103. 

Célibat  des  prêtres,  11,  114. 
Celtes,  6. 

Celtique  en  Grande-Bretagne,  53. 
Celtiques  (Saints),  147. 
César,  95. 
César,  48. 

Chainse  (Les  trois  chevaliers  au\,  76. 
Champ  fleuri,  104. 
Champagne,   5,   51,  57,  89,  90,  98, 

125,  128,  145,  159. 
Chansons,  126. 
Chansons  (Sottes),  127. 
Chansons  de  croisade,  124,  163. 
Chansons  de  geste,  18,  42,  96,  100, 

132,  138,  140. 
Chansons  de  pèlerinage,  163. 
Chansons  de  toile,  118. 
Chansons  insérées  dans  les  poèmes, 

67. 


Chansons  lyrico-épiques,  118. 

Chant  des  poèmes  épiques,  21. 

Chant  royal,  130. 

Chantefable,  51. 

' hantepleure  (La),  153. 

Chanteurs  bretons,  53,  55. 

Chants  d'église,  116,  159,  161. 

Chants  en  l'honneur  de  Marie,  100. 

Chants  en  l'honneur  des  saints,  100, 
167. 

Chants  épiques,  20,  21. 

Chants  pieux,  162. 

Chapelerie  (La)  de  Baieut,  143  bis. 

Chapelle  (Le  chevalier  dans  la),  150. 

Chapette  Martinet  (La),  111. 

Chapon  rôti  (Légende  du),  140. 

Chardri,  145,  147,  155. 

Charité,  153. 

Charité-sur-Loire  (La),  137. 

Charlemagne,  15,  19,  135. 

Charlemagne,  28. 

Charles  II  le  Chauve,  19,  25. 

Charles  V,  5. 

Charles  d'Anjou,  128. 

Charles  d'Anjou  (Boman  de),  131. 

Charles  de  Valois,  91. 

Charles  d'Orléans,  130. 

Charles  Martel,  15,  19,  32. 

Chariot  le  Juif,  70. 

Chariot  le  Juif  et  du  Barbier  (Dis- 
pute de),  107,  110. 

Charrette  (La),  57,  61. 

Charte  aux  Anglais,  108» 

Chartes,  102. 

Chartes  de  Joinville,  90- 

Chartres,  143. 

Chasse,  102. 

Chasse  du  cerf  (La),  102. 

Chastie-rnusart,  106. 

Chastiement  des  dames,  103. 

Chastiement  d'un  père  à  son  fils,  73. 

Châteaudun,  44. 

Châtelain  de  Couci  (Le),  66,  124,  125. 
128. 

Châtelain  de  Couci  (Le),  66,  67,  128. 

Châtelaine  de  Yergi  (La),  68. 

Châtillon-sur-Azergue,  51. 

Chaucer,  75,  115,  156. 

Chauvenci,  109. 

Cheriton,  152. 

Chétifs  (Les),  29. 

Chevalerie  (L'Ordre  de),  102,  103. 

Chevalier  à  l'épée  (Le),  59. 


TABLE    ALPHABETIQUE. 


331 


Chevalier  au  baril  (Le),  150. 
Chevalier  au  cygne  {Le),  29,  69. 
Chevalier  au  lion  (Le),  57,  58. 
Chevalier  aux  deux  épces  (Le),  58. 
Chevalier  dans  la  chapelle  (Le),  150. 
Chevalier  de  la  charrette  (Le),  58,  61. 
Chevalier  qui   vendit  sa   femme  au 

diable  (Le),  150. 
Chevaliers  au  chaime  (Les  trois),  76. 
Chevaux  (Les  deux),  76. 
Chèvre  (La),  56. 

Chèvrefeuille  (Lai  lyrique  du),  123. 
Chèvrefeuille  (Lai  narratif  du),  56, 

123. 
Chicheface,  106. 
Chien  de  Montargis  (Le),  25. 
Chlodovech,  15. 
Chrétien,  148. 
Chrétien   de  Troies,  49,  51,  56,  57, 

104,  125,  128,  148. 
Christianisme,  9,  10,  73,  78,  135. 
Christine  de  Pisan,  115,  130. 
Christophe  (Saint),  147. 
Chronique  ascendante,  93. 
Chronique  de  Morée,  91. 
Chronique  de  Reims,  97. 
Chronique  des  rois  d'Angleterre,  94. 
Chronique  des  rois  de  France,  94. 
Chronique  parisienne,  97. 
Chronique  saintongeaise,  94. 
Chroniques  (Petites),  97. 
Chroniques  de  Normandie,  94. 
Chroniques  de  Saint-Denis,  90,  94, 
Chronique  universelle,  97. 
Chypre,  91,  102,  154. 
Ci  nous  dit,  101. 
Cid,  32. 
Cifoine,  20. 

Cimetière  périlleux  (Le),  59. 
Clairi,  89. 
Clarus,  51. 

Clef  d'amours  (La),  104. 
Clémence  do  Barking,  147. 
Cléomadés,  51. 
Clerc  caché  (Le),  76. 
Clerc  de  Vaudoi  (Le),  102. 
Clercs,  11,  77,  99,  100,  101,  102,  104, 

106,  114,  127,  135,  144,  161. 
Clergé,  11. 
Clerquois,  11. 
Cligès,  51,  57. 
Clotaire  II,  15. 
Code,  102. 
Cœur  mangé  (Légende  du),  55,  56. 


Coinci,  142. 

Colin  Muset,  127. 

Cologne  (Les  vers  de),  153. 

Compiôgne,  100. 

Complainte  de  Jérusalem,  89  bit. 

Compta,  100. 

Comte  de  Poitiers  (Le),  51. 

Comte  d'Anjou  (Le),  51. 

Comtesse  de  Pontieu  (La),  69. 

Condé,  103. 

Confréries,  168. 

Congé,  127. 

Congé  d'Adam  de  la  Halle  ouïe  Bossu, 
127,  132. 

Congé  de  Baude  Fastoul,  127,  132. 

Congé  do  Jean  Bodel,  127. 

Conon  de  Béthune,  127,  128. 

Conrad  de  Wurzbourg,  66. 

Conseil  (Lai  du),  55,  68. 

Conseil  (Le),  102. 

Constance,  72. 

Constant  (L 'empereur),  51. 

Constant  du  Hamel,  77. 

Constantin,  51. 

Constantinople  (Conquête  de),  89. 

Constantinople  (Légende  sur  la  fon- 
dation de),  51. 

Contens  (Le)  du  monde,  105. 

Contes,  72-78. 

Contes  d'animaux,  82. 

Contes  dévots,  145,  150-151,  152. 

Convoiteux  et  l'Envieux  (Le),  76. 

Cor  (Lai  du),  55. 

Corbie,  91. 

Cornettes  (Dit  des),  106. 

Corps  (Dit  du),  153. 

Corps  et  de  V  Ame  (Débat  du),  111 ,  155. 

Corset  (Le),  152. 

Couci  (Le  Châtelain  de),  66,  124,  125, 
128. 

Couci  (Le  Châtelain  de),  66,  67. 

Cour  d'Amour  (La),  111. 

Couronnement  de  Louis  (Le),  voir 
Louis. 

Couronnement  de  Renard  (Le),  84. 

Cours  d'amour,  126. 

Courtois  (Amour),  57,  104,  125,  126, 
127. 

Courtois  d'Arras,  77,  167. 

Courtoise  (Poésie),  46. 

Courtoisie,  103,  125. 

Courtoisie  (Le»  Ailes  de),  103. 

Coutances,  108. 

Coutume  de  Normandie,  102. 


332 


TABLE   ALPHABETIQUE. 


Coutumes,  102. 

Couvin,  103. 

Credo  de  Joinville,  90,  152. 

Credo  traduit.  152. 

Cris  de  Paris,  109. 

Croisade  (Chansons  de),  124.  127. 

Croisade  (Première),  29,  40,  86,  97, 

124. 
Croisade  (Deuxième),  87,  124. 
Croisade  (Troisième),   88,   120,  124. 
Croisade  (Quatrième),  89,  128. 
Croisade  (Cinquième),  89  bis. 
Croisade  (Sixième),  89  ter,  90. 
Croisade    de    Tibaud   de    Navarre, 

89  quater. 
Croisades,  69,  73,  108,  110,  124,  127. 
Croisades  (Historiens  des),  86-91. 
Croisé  et  du  Non  Croisé  (Débat  du), 

110. 
Croix  (Légende  de  la),  140. 
Croix-en-Brie  (Le  prêtre  de  la),  83. 
Cuisine,  102. 
Culte,  161. 

Curé  qui  mangea  les  mûres  [Le),  76. 
Cuvelier,  30. 
Cycliques  (Poèmes),  28. 
Cygne  {Le  Chevalier  au),  29. 
Cymbeline,  51. 


Dagobert,  15. 

Dame  qui  fit   trois  fois   le  tour  du 

moutier  (La),  76. 
Dames  (Le  Chastiement  des),  103. 
Dammartin,  40,  68. 
Danger,  111. 
Daniel,  165,  167. 
Danse,  121,  133. 
Dante,  64,  129. 
Darès,  45,  95. 
David,  92. 

David  (Li  prophétie  de),  156. 
Débats,  110,  111,  126,  131,  155. 
Denier  (Dan),  106. 

Denier  et  de  la  brebis  (Débat  du),  1 10. 
Denis  Pyramus,  148. 
Denise  (Frère),  73,  76. 
Denise  de  Moncliensi,  102. 
Descort,  123. 
Désier,  24. 
Desmesure,  33. 
Dialectes  français,  3. 


Dialogue  de  saint  Grégoire,  14ô 

Dicter,  89. 

Dictys,  45. 

Digulleville,  156. 

Dîme  de  pénitence,  154. 

Disciplina  clericalis,  73. 

Discipline  de  clergie,  73. 

Dits,  103,  109,  154. 

Doctrinal  Sauvage,  103. 

Doette  (Belle),  118. 

Dolopathos,  71. 

Dominicains,  114. 

Dominique  (  Vie  de  saint),  149. 

Donoi  des  Amants,  104. 

Doon,  55,  66. 

Doon  de  la  Roche,  27. 

Doon  de  Mayence  (Geste  de),  23. 

Doon  de  Mayence,  28. 

Dormants  (Légende  des  Sept),  145. 

Douai,  44,  154. 

Douin  de  Lavesnes,  70. 

Dourdan,  59. 

Droit  féodal,  102. 

Droit  romain,  102. 

Droits  au  clerc  de  Vaudoi  (Les),  103. 

Drouart  La  Vache,  104. 

Durmart  le  Gallois,  58. 


Échecs,  102. 

Échecs  (Les)  moralises,  102. 

Écoles,  11,  102. 

Edmond  (Vie  de  saint),  148. 

Edouard  (Vie  de  saint),  148. 

Edouard  I  d'Angleterre,  6-1,  193. 

Église  et  de  la  Synagogue   (I>  bal 

deV),  155. 
Église  servant  de  théâtre,  165. 
Eilhart  d'Oberg,  56. 
Éliduc,  55,  66. 
Elie,  63. 

Élie  de  Boron,  63. 
Élie  de  Saint-Gilles,  23,  26. 
Élie  de  Winchester,  103. 
Elisabeth  (Sainte),  119. 
Êloi  (Vie  de  saint),  146. 
Empereur  orgueilleux  (Légende  do 

1'),  150: 
Énéas,  46._ 

Enfance  (Évangile  de  l'),  140. 
Enfance  de  Marie,  141. 
Enfances,  24,  28. 


TABLE   ALPHABETIQUE. 


333 


Enfances  Garin  de  Monglane,  -Il .  12. 

Enfance*  Guillaume,  41,  1.'. 

Enfances  Oger  le  Danois,  34. 

Enfances  Vivien,  41. 

Enfant  juif  (U),  150. 

Enfer  (Songe  <£'),  111,  155. 

Enfer    Voie  -/'),  111. 

Enfer  et  de  Paradis  (Débat  d'),  155. 

Ennemis  de  l'homme  (Les  trois),  151. 

Enseignement  moral,  1",:;. 

Enseignement*  de  saint  Louis,  90. 

Entrée  de  Spagne,  32. 

Envois,  126. 

Épervier  (  Vœux  de  V),  3. 

Epiphanie.  1 1 1. 

É  pitres  et  Évangiles  du  dimanche,l3Q. 

Épitres  farcies,  141. 

Épopée,  14,  15,  18,  42. 

Épopée  adventice,  24,  27. 

Epopée  animale,  88. 

Épopée  biographique,  26. 

Épopée  chrétienne,  145. 

Epopée  féodale,  25. 

Epopée  française  à  l'étranger,  32,  37. 

Épopée  psychologique,  112. 

Epopée  royale,  24. 

Époux  (Mystère  de  l'),  166. 

Eracle,  51. 

Érec,  57,  58. 

Ernaud  de  Beaulande,  41. 

Eruaud  de  Gironde,  38. 

Ernoul,  91. 

Eructaoit  (Le  psaume),  159. 

Escanor,  254. 

Escoufle  (L'),  51. 

Ésope,  79. 

Esopus,  80. 

Espagne  (La   littérature   française 

en),  32,  63,  64,  129,  147. 
Espinaus,  123. 
Estarapie,  121. 
Estormi,  76. 
Estrabot,  120. 
Estribot,  120. 

Établissements  de  saint  Louis,  102. 
États  du  monde  (Les),  105,  113,  154. 
Etienne  (Saint),  144. 
Etienne  de  Fougères,   105. 
Eudes  de  Cherriton,  152. 
Euladie  (Sainte),  146. 
Euphrosyne  (Vie  de  sainte),  145. 
Eustac/ie  (Vie  de  saint),  147. 
Eustache  d'Amiens,  76. 


Eustache    de    la    Fontain<-    Notre- 
Dame.  150. 
Eustache  Deschamps,  130. 
Eustache  l/>  Moim 
Évangile  de  V enfance,  140. 
Evangile  des  femmes,  106. 
Évangiles,  139. 
Évangiles  du  dimanche,  139. 
Eve,  165. 

Éverard  de  Gateley,  143. 
Éverard  de  Kirkham,  103. 
Éverat,  138. 

Evroul  (Vie  de  Saint),  146. 
Exemples  dans  les  sermons,  73.  152. 
Ezcchiel  (Commentaire  sur),  158. 


Falileaux,  72,  73.  78,  152. 

Eablel,  72. 

Fables  ésopiques,  79,  81,  82. 

Faits  des  Bomains,  95. 

Fanuel,  141. 

Farces,  75,  134. 

Farceurs,  131. 

Farcitures,  144. 

Faron  (Saint),  16. 

Fatrasies,  127. 

Fauvel,  105. 

Faux  Semblant,  114. 

Fayel    La  dame  de),  124. 

Fe'camp  (Histoire  de  l'abbaye  de),  93. 

Fées,  54,  55,  66,  132. 

Femme  rendue  au  Diable  (La),  143. 

Femmes  (Pièces  sur  les),   71,   106, 

109,  113. 
Femmes  (La  Bonté  des),  106. 
Femmes  (Le  Blâme  des),  106. 
Femmes  (Le  dit  des),  109. 
Femmes  (L'Évangile  des),  106. 
Femmes  auteurs,  115,  128,  130,  147, 

148,  149. 
Fergus,  58. 

Feuillée  (Jeu  de  la),  132. 
Fierabras,  24,  37. 
Flamand,  78,  83,  115,  157. 
Fleur  des  histoires  d'Orient,  91. 
Flixicourt,  05. 

Floire  et  Blanche/leur,  51,  118. 
Floire  et  Jeanne,  51. 
Floovent,  15,  21,  24. 
Florence  de  Rome,  27. 
Florence  et  Blanchefleur,  104. 


334 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


Florent  et  Octavien,  27. 

Floriant  et  Florette,  51. 

Florimont,  51. 

Flûte,  55. 

Folquet  de  Romans,  124. 

Fontaine  Notre-Dame,  150. 

Forest,  48. 

Fortune  (La  roue  de),  132. 

Fougères,  105. 

Foulke  Fitz-Warin,  69. 

Foulque  de  Candie,  40. 

Français  et  latin  mélangés,  152,  165, 

166. 
Français  (Boman  des),  108. 
Française  (Langue),  1,  3,  4,  8. 
Française  dans  le  midi  (Langue),  51 . 
Française    à   l'étranger   (Langue), 

101. 
Française  en  Angleterre  (Langue), 

92,  102. 
Française  au  moyen  âge  (Société), 

16. 
France  propre,  2,  5. 
Franco-italien,  32,  45,  64. 
François  d'Assise  (Saint),  160. 
Francs,  2. 
Frêne,  55,  66. 
Fridolin,  150. 
Froissart,  93,  130. 


Gace  Brûlé,  125,  128. 

Gace  le  Blond,  63. 

Gaidon,  25. 

Galaad,  60,  62. 

Galeran  de  Bretagne,  66. 

Galien,  28,  37. 

Gallois  (Musiciens),  53,  55. 

Galloises  des  romans  de  la  Table 

Rondo  (Versions),  57,  58,  59. 
Canclon,  33,  36. 
Garçon  et  l'Aveugle  (Le),  134. 
Garni,  76. 

Garin  d'Anseûne,  38. 
Garin  de  Monglane  (Geste  de),  23, 

38. 
Garin  de  Monglane,  28,  41. 
Garin  de  Monglane  (Enfances),  41, 

42. 
Garin  le  Lorrain,  25. 
Garnicr   de    Pont-Sainte-Maxenee, 

149. 


Gateley,  143. 

Gaucher  de  Dcnain,  59. 

Gaufrei,  28. 

Gaufrei  de  Monmouth,  54,  59,  61,  92 

93,  94. 
Gaufrei  de  Saint- Alban,  167. 
Gaulois,  6. 
Gautier,  151. 
Gautier  d'Arras.  51,  66. 
Gautier  d'Aupais,  68. 
Gautier  de  Belleperche,  138. 
Gautier  de  Bibelesworth,  102. 
Gautier  de  Coinci,  140,  141,  142,  143, 

146,  160. 
Gautier  de  Metz,  101. 
Gautier  d'Espinaus,  127,  128. 
Gautier  de  Tournai,  69. 
Gautier  le  Long,  73,  76. 
Gautier  Map,  60,  62,  63. 
Gauvain,  54,  59,  60. 
Geifrei  Gaimar,  45,  54,  92. 
Geffroi  de  Paris,  137,  139. 
Généalogiques  (Poèmes),  28. 
Genèse,  138. 
Genève,  37,  41. 
Geoffroi  de  Paris,  97,  109. 
Geoffroi  des  Nés,  146. 
Geneviève  (Vie  de  sainte),  146. 
Georges  (Vie  de  saint),  50,  147. 
Gerbert  de  Montreuil,  51,  59. 
Germains,  12.  13.  14. 
Germer  (Vie  de  saint),  146. 
Gervais  de  Tilbury,  95. 
Gcrvaise,  100. 
Gesta  Francorum,  21. 
Gesta  regum  Francorum,  15. 
Geste  de  Liège,  30. 
Geste  des  Bourguignons,  30. 
Geste  des  Bretons,  89,  93. 
Geste  des  Normands,  93. 
Gestes,  21,  23, 

Geufroi  de  Paris,  137,  139,  148. 
Gildas,  53. 
Gilles  (Saint),  36. 
Gilles  (  Vie  de  saint),  146. 
Gilles  de  Chin,  69. 
Gilles  de  Trasignies,  66. 
Girard  d'Amiens,  28,  51,  67. 
Girard  de  Fratte,  25. 
Girard  de  Monréal,  91. 
Girard  de  Boussillon,  20,  25,  31,  il. 
Girard  de  Vienne,  25,  41. 
Giraud  de  Barri,  113. 


TABLE   ALriUBETIQUE. 


335 


Girberl,  25. 

•  rJcichen  (Légende  du  comte  do),  66. 

Gloses  hebraïco-françaiscs,  102, 149. 

Glossaires,  102. 

Godefroi  de  Bouillon,  40. 

Godefroi  do  Lagni,  57. 

Gœthe,  83. 

Gombert  et  les  deux  clercs,  76. 

Gontier  Col,  115. 

Gontier  de  Soignies,  128. 

Gotfrid  de  .Strasbourg,  56. 

(iraal.  29,  57,  59,  69,  140. 

Graal  en  prose  (Saint),  60,  62. 

GraeU    Quête  du  saint),  60,  62. 

Graelent,  55. 

Grand  mal  fist  Adam,  153. 

Grec  (Roman),  43,  50,  147. 

Grégoire  (Saint),  50. 

Grégoire  (  Vie  de  saint),  147. 

Grégoire  Bcchada,  86. 

Grégoire  le  Grand,  145. 

Grégoire    le   Grand    (Dialogue  de). 

145. 
Grégoire  le  Grand  (Vie  de),  145. 
Grisélidis,  55. 
Guace,  63. 
Gualant.  13. 
Guenièvre,  54,  60,  62. 
Guenonis    (Carmen    de   proditione), 

34. 
Guerre,  102. 

Guerre  sainte  (Histoire  de  la),  88. 
Gui  de  Bourgogne,  24. 
Gui  de  Cambrai,  44. 
Gui  de  Cambrai,  147. 
Gui  de  Couci,  128. 
Gui  de  Nanteuil,  26. 
Gui  de  Warwick,  68. 
Guiart  des  Moulins,  136. 
Guibelin,  38. 
Guibert  d'Andrenas,  41. 
Guibourg,  39,  40. 
Guichard  de  Beaujeu,  153. 
Guido  Colonna,  45. 
Guido  Guinicelli,  119. 
Guilebert  de  Bernevilie,  128. 
Guilebert  de  Cambres,  152. 
Guillaume,  58. 
Guillaume  (Enfances),  41,  42. 
Guillaume  (Moulage-,  21,  27,  38,  39, 

42. 
Guillaume  au  court  nez,  38,  39. 
Guillaume  Chapu,  102. 


Guillaume  d'Angleterre,   148. 
Guillaume  do  Bernevilie,  146. 
Guillaume  do  Digulleville,  115,  156. 
Guillaume  de  Dole,  51,  67,  133. 
Guillaume  de  Lorris,  5,  111,  112. 
Guillaume  de  Machaut,  130. 
Guillaume  de  Malmesbury,  143. 
Guillaume    do    Montreuil-sur-Mcr, 

20,  39. 
Guillaume  de  JNangis,  94. 
Guillaume  de  Palerme,  51,  67. 
Guillaume  do  Poitiers,  86. 
Guillaume  de  Saint-Amour,  114. 
Guillaume  de  Saint-Pair,  93. 
Guillaume  de  Saint-Patus,  149. 
Guillaume  de  Toulouse,  38. 
Guillaume  de  Tyr,  91. 
Guillaume  d'Orange,  38. 
Guillaume  Fièrebrace,  38,  39. 
Guillaume  Guiart,  96. 
Guillaume  le  Breton,  94. 
Guillaume  le  Clerc,   100,   138,   144, 

153,  154,  155,  156. 
Guillaume  le   Conquérant  (Lois  de), 

102. 
Guillaume  le  Maréchal  (Histoire  de). 

93. 
Guillaume  le  Pieux,  39. 
Guillaume  Longue-Épée,  25. 
Guines,  72. 
Guingamor,  55. 
Guinglain,  58. 
Guiot,  142. 

Guiot  de  Provins,  105. 
Guiron,  55,  66. 
Guiron  le  Courtois,  63. 


Haie  (Fragment  de  La),  38,  39. 

Haimon  (Commentaire  de),  139. 

Bain  et  Anieuse,  76. 

Hainau,  25,  48,  94,  95, 103,  128. 

Haiton,  91. 

Ham,  109. 

Hareng  (Martyre  de  saint),  109. 

Harpe,  13, 

Hartmann  d'Aue,  58,  146. 

Haute-Seille,  71. 

Havelok,  68, 

Hector,  45. 

Hélène  (La  belle),  27. 

Hélinand,  153. 


336 


TABLE   ALPHABETIQUE. 


Hcliodore,  50. 

Bélotseet  Abailard  (Lettres  <f),  113. 

Henri  d'Andeli,  5, 76,  110. 

Henri  I  d'Angleterre,  103. 

Henri  I  d'Angleterre  (Vie  de),   92. 

Henri  II  d'Angleterre.  93,  140. 

Henri  V  d'Allemagne,  140. 

Henri  VII  d'Allemagne,  30. 

Henri  de  Mondeville,  102. 

Henri  de  Valencicnnes,  89,  141. 

Henri  de  Veldeke,  46. 

Henri  le  Glichezare,  82. 

Henri  van  Aken,  115. 

Herberie  (Dit  de  F),  109. 

Herbert,  71. 

Herbert  de  Dammartin,  40. 

Herman  de  Valenciennos,  137,  141. 

Héro,  49. 

Hérode,  140. 

Héroïdes  d'Ovide,  49. 

Hersent,  82. 

Heni,  25. 

Hilaire,  167. 

Hippocrate,  50. 

Hippomédon,  47,  51. 

Histoire  de  Marie  et  Jésus,  140. 

Histoire  sainte,  136. 

Histoires  (Livre  des),  95. 

Histoires  générales  de  France,  96. 

Histoires  universelles,  95. 

Historia  regum  Brilanniae,  54. 

Historiographie  latine,  85. 

Huer  et  de  l'Été  (Débat  de  F),  110. 

Homélies,  152. 

Homère,  36,  45. 

Homère  des  laïques,  153. 

Honnccourt,  102. 

Honorius  d'Autun,  101,  152. 

Hoo,  103. 

Horn,  27,  68. 

Houdan,  58. 

Housse  partie  (La),  76. 

Hueline  et  Aigtentine,  104. 

Hugues  de  Bourgogne,  120. 

Hugues  de  Lincoln,  149. 

Hugues  Farsit,  142. 

Huon  Chapet,  24. 

Huon  d' Auvergne,  26. 

Huon  de  Berzé,  105,  124. 

Huon  de  Bordeaux,  25,  27. 

Huon  deMéri,  111,  155,  156. 

Huon  de  Rotelande,  51. 

Huon  de  Saint-Quentin,  89  bit. 


Huon  d'Oisi,  109,  127. 

Huon  le  Roi  de  Cambrai,  76,  102, 

106,  141,  146. 
Huon  Peauccle,  76. 


Ibelin,  91. 

Ide  de  Boulogne,  153. 
lder,  54,  58. 
Idoine  (Belle),  118. 
Ignaure,  55. 
Ile  de  France,  5. 
Ille  et  Galleron,  66. 
Image  du  Monde,  101. 
Imago  Mundi,  101. 
Inde,  73,  76,  77,  79,  147. 
Innocent  III,  139. 
Innocents  (Fête  des),  144. 
Institutes,  102. 
Ioland  de  Saint-Paul,  51,  94. 
Irlande  (Conquête  de  V),  93. 
'Irlande  (Merveilles  de  f),  113. 
Irnerius,  102. 
Isabel  (Belle),  118. 
Isengrimus,  82. 
Isengrin,  82. 
Isidore  de  Séville,  158. 
Isopet,  79,  80. 
Italicus,  45. 
Italie  (Littérature  française  en),  23, 

32,    40,   51,   63,    64.    75,    95,    102, 

115,  129,  146,  147,  157. 
Itinéraires  de  Terre  Sainte,  91. 
Ivain,  57,  58. 


Jacot  de  Forest,  48. 
Jacquemard  Gelée,  84. 
Jacques  (Saint),  34. 
Jacques  Bretol,  109. 
Jacques  d'Amiens,  104. 
Jacques  de  Baisieu,  76. 
Jacques  de  Cambrai,  125. 
Jacques  de  Cessolos,  102. 
Jacques  de  Longuyon,  30,  44. 
Jacques  de  Varaggio,  149. 
Jacques  de  Vitri,  150. 
Jakemon  Saket,  66. 
Jean,  76. 

Jean  Bagnyon,  37. 
Jean-Baptiste  (Saint),  140. 


TABLE    ALPHABETIQUE. 


337 


Jean  Bedel,  76. 

Jean  Bodol,  21,  24,  43,  70,  127,  132, 

166,  les. 
Jeâfl   /louche  d'Or  (Saint),   147. 
Jean  Brasdcfer,  68. 
Jean  Brisebarro,  44,  160. 
Jean  d'Antioche  ou  do  Harenc,  95, 

102. 
Jean  d'Avesnes,  69,  87. 
Jean  de  Brienno,  113. 
Jean  de  Chalon,  102. 
Jean  do  Condé,  75,  76,  103,  150. 
Jean  de  Douai,  154. 
Jean  de  Flixicourt,  95. 
Jean  de  Harenc,  95,  102. 
Jean  de  Haute-Seille,  71. 
Jean  de  Holywood,  100. 
Jean  de  Joinville,  90,  94,  i49,  152. 
Jean  de  Journi,  154. 
Jean  de  la  Chapelle,  150. 
Jean  de  Lanson,  24. 
Jean  de  le  Moto,  44. 
Jean  de  Meun,  5,  102,  103,  112,  113, 

158. 
Jean  de  Montreuil,  115. 
Jean  de  Paris,  68. 
Jean  de  Prunai,  94. 
Jean  des  Prés,  30. 
Jean  de  Tuin,  4S. 
Jean  de  Vignai,  91,  94,  95,  101,  103, 

139,  149. 
Jean  de  Wavrin,  93. 
Jean  et  Blonde,  68. 
Jean  Froissart,  93,  97. 
Jean  Gerson,  115. 
Jean  Justice,  143  bis. 
Jean  le  Bol,  97. 

Jean  le  Galois  d'Aubepierre,  76. 
Jean  le  Marchant,  143. 
Jean  le  Paidu  (Saint),  147. 
Jean  le  Teinturier,  110. 
Jean  l'Évangélisto  (Saint),  144. 
Jean  le  Venelais,  44. 
Jean  Madot,  132. 
Jean  Maillart,  51. 
Jean  Malkaraume,  137. 
Jean  Molinet,  115. 
Jean  Priorat,  102. 
Jean  Renart,  68. 
Jean  Sarrazin,  90,  98. 
Jeanne  de  Flandre,  59. 
Jeanne  de  France,  49. 
Jendeu  de  Brio,  40. 


Jérôme  (Saint),  145. 
Jérusalem  (Assises  de),  102. 
Jérusalem  [Chanson  de);  29. 
Jérusalem  (Complainte  de),  89   bis* 
Jérusalem  (Description  de),  91. 
Jérusalem  (Destruction  de,),  140. 
Jésus-Christ  (Histoire  de),  139; 
Jésus-Christ  (Pèlerinage  de),  150. 
Jérusalem  (l'acmé   allégorique  sur), 

156. 
Jeunesse  (Terre  de  l'éternelle),  1 18. 
Jeux  partis,  126. 
Job,  138. 

Job  (Moralités  sur),  158. 
Joco  (Vie  de  Saint),  146. 
Joculatores,  20,  110,  131. 
Jofrei  d'Anjou,  35. 
Jofroi  de  Villehardouin,  89. 
Jofroi  de  Watrel'ord,  95,  101. 
Joies  (les  Sept)  Nostre  Dame,  141. 
Joinville,  90. 
Jonas,  152. 
Jongleurs,  20,  72,  73,  78,  86.  88,  96, 

106,  109, 110,  127,143, 153, 173, 178 
Tongleurs  (Les  deux),  110. 
J'oseph,  138. 

Joseph  d'Arimathie,  59,  60,  140. 
Joufroi,  68. 

Jourdain  de  Blaie,  27,  50. 
Jourdain  Fantosme,  93. 
Journi,  154. 
Judas,  140. 

Judas  Machabée,  138. 
Jugement  (  Vers  du),  153. 
Jugement  d'amour,  104. 
Juges,  153. 
Juges  (Livre  des),  138. 
Juif  et  du  Chrétien  (Débat  du),  155. 
Juifs,  142,  149,  150,  155. 
Juive  (Élégie),  149. 
Jules  César,  48. 
Julienne  (Vie  de  sainte),  147. 
Jupiter,  36,  151. 
Justice  et  de  Plaid  (Livre  de),  102. 


Kanor,  71. 
Karlingen,  2. 
Keu,  54. 


Lac  (Chevalier  du),  55. 
:   Lac  (Dame  du),  61. 


338 


TABLE   ALPHABETIQUE. 


La  Fontaine,  76,  77. 

Lagni,  57. 

Laicorum  lingua.  10-2. 

Laïques   Lumière  des),  101. 

Lais  lyriques.   121,123. 

Lai*  lyriques    lu  xiv'  siècle,   130. 

Lais  narratifs.  49,  55,  65,  68. 

Lambert  de  Liège,  140. 

Lambert  le  Tort,  -14. 

Lamprecht  (Le  clerc),  44. 

Lancelot,  57. 

Lancelot,  60,  61 . 

Lancelot  en  prose,  60,  61,  62. 

Landornata.  45. 

Landri  de  Waben,  159. 

Langue  française,  1,  3,  4,  8. 

Langue  des  laïques  et  des  clercs, 

102. 
Lanval,  55. 
Laon,2,  138,  151. 
Lapidaire»,  100. 

Larron  qui  fut  racheté  [Le),  154. 
Latin,  3,  8,  135. 

Latin  mêlé  au  français,  152,  165,  166. 
Laurent  ou  Lorens  (Frère),  157. 
Laurent  iYie  de  saint),  146. 
Laurin,  71. 

Lazarille  de  Tormès,  134. 
Léger  (Vie  de  saint),  146. 
Lendit.  24,  100. 
Léocadie  (  Vie  de  sainte),  146. 
Léonois,  56. 

Lettres  françaises,  86,  98. 
Liège,  30,  97,  103,  140,  153. 
Liesse,  66. 

Lignages  (Branche  des  royaux),  06. 
Lille,  84,  114. 

Litanies  paraphrasées,  160. 
Lois  de  Guillaume,  108, 
Longin,  140. 
Longobards,  38. 
Longuyon,  44. 
Loquifier,  40. 
Lorens  (Frère),  157. 
Lorrain,  95,  158,  159. 
Lorraine,  3,  4. 
Lorraine  (Duchesse  de),  128. 
Lorrains,  21,  25. 
Lorris,  111. 

Louis  (Couronnement  de),  24,  42. 
Louis  (Le  Roi  .  .'•2,  24.  44. 
Louis  I,  19,  24,  39. 
Louis  III,  24. 


Louis  IX  (Saint),  90. 

Louis  (  Vie  de  saint),  90,  149. 

Louis    Enseignements  de  saint),  90. 

Louis  (Établissements  de  saint),  102. 

Loup  et  l'oie  (Le),  76. 

Lonp-garoa,  55,  67. 

Lucain,  48,  95. 

Luce  du  Gast,  63. 

Lumière  des  laïques,  101. 

Lyon,  101. 

Lyrico-épiques  (Chants),  118. 

Lyrique  (Poésie),  116-130. 

Lyrique  religieuse  (Poésie),  159-163. 

M 

Mabinogion,  53. 

Macchabée»  (Le*),  27,  138. 

Macé  de  la  Charité,  137,  140. 

Macrobe,  111. 

Maganzesi,  23. 

Mages,  166. 

Magnificat  (Dit  du),  150. 

Mahieu  le  Poriier.  111. 

Mahieu  le  Vilain,  100. 

Mahom,  151. 

Mahomet  (Roman  de),  151. 

Mai   Fête  de),  132,  133. 

Maille  (Dit  de  la),  109. 

Mainet,  24. 

Manekine  (La),  101. 

Manières  (Livre  des),  105. 

Mansions,  166. 

Manteau  mal  taillé  (Le),  55. 

Manuscrits  des  chansons  de  geste, 22. 

Mappemonde  (La),  51. 

Marbode,  100. 

Marc,  56. 

Marc  Pol,  91. 

Margival.  154. 

Marguerite  (Vie  de  tainte),  50,  147. 

Marguerite  de  Provence,  98,  149. 

Marie  (La  Vierge),  120,  127,  141,  150. 

Marie  (Enfance  de  la  Vierge),  141. 

Marie  (Miracles  de  la  Vierge),  142, 

143. 
Marie  (Miracles  dramatisés    de  la 

Vierge),  165,  167. 
Marie  Mort  de  la  Vierge),  141. 
Marie  (Plainte  de  la  Vierge),  159. 
Marie  (Vie  de  la   Vierge),  141. 
Marie  de  Champagne,  57,   125,  128, 

138,  159. 


TABLE    ALPHABETIQUE. 


339 


Marie  de  France,  55,  5G,  60,  79,  1 18. 
Marie  l'Égyptienne  (Vie  de  suinte), 

50,  1-17. 
Marie- Madeleine  [Vie  de  sainte),  111. 
Marnt,  115. 
Man/ues  de  Borne,  71. 
Martianus  Capolla,  110,  111. 
Martin  (  Vie  de  suint),   1-15. 
Martin  de  Braga,  103. 
Martin  Hapart,  106. 
Médecine,  102. 
Meistersssenger,  127. 
Méliacin,  51,  67. 
Méliadus,  63. 
Mélion,  55. 
Mélior  et  Idoine,  104. 
Mélusine,  69. 

Mendiants  (Ordres),  11,  108,  114. 
Ménestrel  d'Alphonse   de   Poitiers 

(Le),  94. 
Ménestrel  de  Beims  (Bécits  d'un),  81, 

87,  97. 
Ménestrels.  132,  167. 
Meneur  du  jeu,  166. 

Mennessier,  59. 

Meraugi»  de  Portlesgues,  58. 

Mériadeuc,  58. 

Méridional  (Cycle),  38. 

Mérimée,  143. 

Merlin,  54. 

Merlin,  59,  60,  63. 

Merlin  en  prose,  60,  62,  63. 

Merlini  (  Vita).  54. 

Mérovingienne  (Épopée),  15,  23. 

Métamorphoses  d'Ovide,  49. 

Météores,  100. 

Métiers  (Dits  sur  les),  109. 

Metz,  101,  139. 

Meun,  112. 

Milon,  55,  66. 

Milon  de  Pouille,  41. 

Mimes,  131. 

Minnesinger,  129. 

Miracles  de  Notre-Dame,   142,  143. 

Miracles  dramatisés,  150,  165,  167, 
168. 

Miroir  du  Monde,  157. 

Miserere  du  Roclus  de  Molliens,  153. 

Modus  et  lareine  Bacio  (Le roi),  102. 

Modwenne  (Vie  de  sainte),  148. 

\ Moine  ignorant  (Le),  142. 
Moine  malade  (Le),  142. 

Moines,  11. 


Molière,  77,  134. 
Molinot,  115. 

Molliens  (Le  Reclus  de),  153. 
Monde  '  L'image  du  i,  101. 
La  Biote  du),  105. 
Monde  (Les  Vers  du),  153. 
Mongols,  98. 
Monologues,  109,  131. 
Mont-Saint-Michel  (Chronique  du), 

93. 
Montebourg,  159. 
Montreuil,  25,  51. 
Montreuil-sur-Mer,  20,  39. 
Morale  chrétienne  (Traités  de).  157. 
Moralisations,  100,  101,  102,  159. 
Morée  (Chronique  de),  91. 
Morice  de  Sulli,  152. 
Morice  Regan,  93. 
Mort  (Vers  de  la),  153. 
Mort  reconnaissant  (Légende  du), 66. 
Morts  et  les  trois  Vifs  (Les  trois),  154. 
Motets,  119. 

Mule  sans  frein  (La),  59. 
Mystères,  164,  166. 
Mystiques  (Traités),  158. 

N 

Naimon  de  Bavière,  33. 

Nanteuil,  124. 

Narbonnais  (Geste  des),  38-42. 

Narbonne,  38. 

Narcisse,  49. 

Nativité,  165. 

Néerlande  (Littérature  française  en), 

44,  58,  64,  83,  115,  127,  153. 
Nennius,  53,  54. 
Nesle,  128. 
Neustrie,  2. 

Neuville  (Le  Siège  de),  31. 
Nihelungenlied,  36. 
Nicodème  (Évangile  de),  140. 
Nicolas  (Saint),  147,  160,  167. 
Nicolas  (Jeu  de  saint),  132,  167,  168. 
Nicolas  (Miracle  de  saint),  167. 
Nicolas  de  Senlis,  94. 
Nicolas  do  Vérone,  37,  48. 
>icole  Bozon,  81,  152. 
Nicole  de  Margival,  111,  154. 
Nimes  (Charroi  de),  39. 
Nivard,  82. 
Nobles,  84,  108. 
Noël,  164,  165. 


340 


TABLE   ALPHABETIQUE. 


Noëls,  161. 

Normandie,  45,  9-2,  100,  102, 103,  140, 

152. 
Normandie  {Coutume  de),  102. 
Normands,  4. 
Norvège  (Littérature  française  en), 

32,  56,  58.  . 
Nouvelle,  75.  , 

Novarc,  89  ter,  102,  103. 
Noyon,  146. 
Nuit  (La  longue),  77. 
Nuits  (Les  mille  et  une),  77. 


Octavien,  27. 

Œdipe,  140,  147. 

Oger  le  Danois,  33. 

Oyer  le  Danois  (Chevalerie  d'),  24. 

Oger  le  Danois  (Enfances  d'),  24. 

Oiseau  bleu  (Conte  de  1'),  55. 

Oiseaux  de  chasse  (Livre  sur  les;, 

102. 
Oiselet  (L),  77. 
Oisi,  127. 

Oison  (  Vie  de  saint),  109. 
Olivier,  33,  41. 
Opéra-comique,  133. 
Orange,  39. 

Orange  (Prise  <f),  39,  42. 
Ordre  de  chevalerie  (L'),  103. 
Orient  (Influence  de  1'),  65,  66,  70, 

71,  73,  76,  101,   140,  145,  147,  150. 
Orient  (Fleur  des  histoires  d'),  'A. 
Oriflamme,  35. 
Orior,  118. 
Orléanais,  5. 
Orose,  95. 
Orphée,  49. 

Orson  de  Bcauvais,  26. 
Orthographe  (Traités  sur  1'),  102. 
Osmond,  100. 
Outrée  (Chanson  d'),  124. 
Outremer  (Histoire  de  la  terre  d'],  SI. 
Ovide,  49,  104,  111. 
Owen  (Le  chevalier),  148. 


Païen  Gastinel,  145. 
Pairs,  33,  38. 

Paix  aux  Anglais  (La),  108. 
Palamède,  63. 


Palefroi  (Le  vair),  76. 

Pamphile  et  Galatée,  68,  114. 

Panthère  d'amour  (La),  67,  111. 

Paon  (Parfait  du),  11. 

Paon    flestor  du),  44. 

Paon  (Vieux  du..  41. 

Parues,  164,  166. 

Paraboles  évangéliques,  154. 

Paraboles  d'Eudes  de  Cherriton,  152. 

Paradis  (Cour  de),  78. 

Paradis  (Songe  de),  111,  156. 

Paradis  (Voie  de),  111,  156. 

Paradis  d'amour,  111. 

Parfait  du  Paon,  44. 

Paris,  2,  5,  27,  33,  38,  97,  109,  117, 

136,  137,  139,  152. 
Paris  (Cris  de),  109. 
Paris  (Églises  de),  109. 
Paris  (Enseignes  de;.  109. 
Paris  (Ordres  de),  109. 
Paris  (Hues  de),  109. 
Parodies,  31,  127. 
Parodies  pieuses,  124,  160. 
Parténopeu,  47,  51. 
Pas  de  Saladin  (Le),  88. 
Passion  (Poèmes  sur  la),  139. 
Passion  dramatisée,  165. 
Pastourelles,  122,  127,  133. 
Patrice  (Purgatoire  de  saint),  148. 
Paul  (Vision  de  saint),  144. 
Péchés  (ilanuet  des),  157. 
Pèlerin  (Jeu  du),  121,  133. 
Pèlerinage  de  Charlemagne,  22,  24, 

27,38. 
Pèlerinage  de  Jésus-Christ,  156. 
Pèlerinage  de  l'âme,  156. 
Pèlerinage  de  la  vie  humaine,  156. 
Pèlerinage  de  Renard,  83. 
Pèlerinages,  91,  153. 
Pèlerinages  (Récits  de),  91. 
Péliarménus,  71. 
Pélops,  49. 
Pépin,  15,  19. 
Perceforest,  64. 
Perceval,  57,  59. 
Perceval,  59,  60. 

Perceval  de  Robert  de  Boron,  59,  60. 
Père  qui  combat  son  fils,  65,  66. 
Peredur,  59. 

Pères  (Vies  des),  143,  145,  150. 
Périclès,  50. 
Perlescaus,  60,  62. 
Personnelle  (Satire),  107. 


TABLE   ALPHABETIQUE. 


341 


Personnifications,  110, 111,  155,  156. 
Pétrarque,  115,  129. 
l'harsale,  48. 
Phèdre,  Î5,  79. 
Philippe  (Le  chapelain),  98. 
Philippe  II,  103. 
Philippe  II  (Vie  de),  94. 
Philippo  IV,  113,  157. 
Philippe  d'Alsace,  57. 
Philippe  do  Beaumanoir,  51,  68, 102. 
Philippe  de  Flandre,  59. 
Philippe  de  Nantcuil,  89  qualer,  124. 
Philippe  de  Novare,  &9  ter,  102,  103. 
Philippe  deThan,  100. 
Philippe  Mousket,  96. 
Philippopoli,  83. 
Philomèle,  49. 
Philosophes  (Dits  des),  103. 
Philosophie  (Consolation  de),  103, 113. 
Philosophie  (Petite),  101. 
Phyllis,  49. 
Picardie,  5,  125. 
Pierre  101,  147. 
Pierre  Alphonse,  73,  80. 
Pierre  Berçuire,  49. 
Pierre  d'Abernun,  101. 
Pierre  de  Fontaine,  102. 
Pierre  de  Langtoft,  93. 
Pierre  de  Peckham,  101. 
Pierre  de  Provence,  51. 
Pierre  de  Saint-Cloud,  44,  83. 
Pierre  du  Ries,  138. 
Pierre  et  le  Jongleur  (Saint),  78. 
Pierre  Gentien,  109. 
Pierre  le  Mangeur,  136. 
Placides  et  Timeo,  101. 
Plaid  (Le  petit),  155. 
Plaintes,  159. 
Plenté  (La),  73. 
Poème  moral,  145,  153. 
Poire  (La),  G7. 
Poitevins  (Sons),  165. 
Poitiers,  91. 

Poitiers  (Le  comte  de),  51. 
Poitou.  44,  125,  165. 
Politique  (Satire),  108. 
Ponce  d'Aubon,  98. 
Pont  des  morts,  61. 
Pont-Sainte-Maxence,  149. 
Pontieu  (La  comtesse  de),  69. 
Pontus  et  Sidoine),  68. 
Portugal  (Littérature  française  en), 
37,  60,  64,  129. 


Prédication,  73,  75,  81,  152. 
Prêtre  (La  Vessie  au),  73,  76. 
Preux  (Les  neuf),  il. 
Prières  on  vers,  163. 
Privilège  aux  Bretons,  108. 
Procédure,  153. 
Prophètes  du  Christ  (Les),  165. 
Propns  tés  des  choses  (Traités  dot,), 

101. 
Prose  (Emploi  de  la),  22,  30,  63,  04, 

94,  102. 
Protésilaus,  47,  51. 
Provençale  (Littérature),  57,  66,  S6, 

117,   120,   121,  122,    125,   127    129, 

157. 
Proverbes,  103. 
Proverbes  de  Salomon,  152. 
Provins,  105,  149. 
Prudence,  110,  111,  114,  155. 
Psaumes,  159. 

Psautier  de  Cambridge,  159. 
Psautier  do  Montebourg  ou  d'Oxford, 

159. 
Psautier  en  vers,  159. 
Psautier  lorrain,  159. 
Psyché,  51. 

Psychomachie,  110,  111,  114,  155. 
Ptocholéon,  51. 
Pui  Notre  Dame,  127,  168. 
Puis,  127,  168. 

Purgatoire  de  saint  Patrice,  148. 
Pygmalion,  114. 
Pyrame  et  Thisbé,  49. 

Q 

Quatre  Sœurs  (Dit  des),  154. 
Quête  du  saint  graal,  60,  62. 


Rabelais,  103. 

Raganhard,  82. 

Raguidel  (Vengeance  de),  59. 

Rainaud,  118. 

Rainouart,  40. 

Rainouart  (Moniage),  40,  42. 

Raoul  de  Cambrai,  10,  20,  23,  25. 

Raoul  de  Houdan,  58,  103,  111,  156. 

Raoul  de  Soissons,  125. 

Raschi,  102. 

Reclus  de  Molliens  (Le),  153. 

Refrain,  117,  118. 

Régime  du  corps,  102. 

Reims,  97. 


342 


TABLE    ALPHABETIQUE. 


Reims  (Chronique  de),  97. 

Reinaert  de  Vos,  83. 

Reine  qui  tua  son  sénéchal  (La),  150. 

Remède  d'amour,  104. 

Rémi  (Vie  de  saint),  146. 

Renard,  82. 

Renard  (Couronnement  de),  84. 

Renard  (Roman  de),  82. 

Renard  le  contrefait,  84,  95. 

Renard  le  nouveau,  84. 

Renaud,  66. 

Renaud,  124. 

Renaud,  46. 

Renaud,  147. 

Renaud  de  Beaujeu,  58. 

Renaud  de  Montauban,  25. 

Renier,  28,  40,  42. 

Renier  do  Genève,  41. 

Rennes,  105. 

Répétitions  épiques,  36. 

Résurrection,  166. 

Résurrection  (Mystère  de  la),  166. 

Rêveries,  127. 

Rhétorique  (Chambres  de).  127. 

Richard  Cœur  de  Lion,  69,  106,  120, 

127,  128. 
Richard  Cœur  de  Lion,  69,  88. 
Richard  d'Annebaut,  102. 
Richard  de  Fournival,  100. 
Richard  de  la  Sainte-Trinité,  88. 
Richard  de  Normandie,  35. 
Richard  le  beau,  66. 
Richard  le  (  >lerin,  86. 
Richard  sans  peur,  69. 
Richer,  146,  154. 
Richeut,  82. 
Richeut,  73. 
Riote  du  monde,  105. 
Rioul  (  Vengeance  de),  25. 
Robert,  103. 
Robert,  153. 
Robert  Biket,  55. 
Robert  d'Artois,  132. 
Robert  de  Blois,  58,  103. 
Robert  de  Boron,  59,  60,  62. 
Robert  de  Brunne,  157. 
Robert  de  Clairi,  89. 
Robert  le  Clerc,  153. 
Robert  de  Gretham,  139,  152. 
Robert  le  Diable,  69. 
Robert  le  Magnifique,  93. 
Robert  Sainterel,  153. 
Robin  et  Marion,  133. 
Robin  Hood,  69. 


Roger,  châtelain  de  Lille,  95. 

Roger  d'Argenteuil,  136. 

Roi  (Geste  du),  23. 

Rois  (Livres  des),  138. 

Rois  de  France  (Chronique  des),  108. 

Roland  (Chanson  de),  22,  24,  33,  37, 

89. 
Romains  en  Gaule,  6,  9. 
Romains  (Chants  populaires   des), 

117. 
Romains  (Faits  des),  95. 
Roman,  8. 

Roman  des  Romans,  153. 
Romane  rustique  (Langue),  9. 
Romans  de  chevalerie,  22. 
Romans  grecs,  43,  50. 
Rome  (Satires  contre),  108. 
Romulus,  79,  80. 
Roncevaux,  33,  37,  24. 
Rondeaux,  121,  130. 
Rose  (Dit  de  la),  111. 
Rose  (Roman  de   la),  104,  111,  115, 

156. 
Rote,  13,  55. 
Rotrouenge,  120. 
Rou  (Roman  de),  93. 
Rufin,  145. 
Rustebeuf,  5,  76,  106,  107,  108,  109, 

110,  127,  147,  149,  156,  168. 
Rusticien  de  Pise,  64,  91. 


S 


Sacristine  (La),  142. 

Sages  (Les  Sept),  50,  71,  73. 

Saint-Cloud,  44. 

Saint-Pair,  93. 

Saint-Pol,  51,  94. 

Saint-Quentin,  108. 

Sainte-More,  45. 

Sainte-More  près  Troies,  49. 

Saintes  (Vies  de),  146. 

Saintonge,  94. 

Saints  (Vies  de),  144,  148,  149,  167. 

Saints  celtiques,  148. 

Saisnes  (Chanson  des),  21,  24. 

Saladin,  87,  88,  103. 

Salluste,  95. 

Salomon,  152. 

Salomon  (Légendes  sur),  51, 138, 150. 

Salomon  et  Marcoul,  103,  138. 

Salut  d'amour,  126. 

Samson  de  Nanteuil,  152. 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


343 


Sarrazin,  109. 

Sauvage,  103. 

Sauveur  (  Vengeance  du),  140. 

Saxons,  15. 

Schiller,  150. 

Scholastica  (Historia),  136. 

Scipion  (Songe  de),  111. 

Scôpas,  13. 

Sébile,  34,  37, 

Secret  des  secrets,  101. 

Sénéchal  (Le  méchant),  150. 

Sénèquo,  103. 

Senlis,  94. 

Sentier  battu  (Le),  73,  "6. 

Sept  Dormants  (Légende  des),  145. 

Séquences,  146. 

Serments  de  Strasbourg,  3,  102. 

Sermons,  73,  75,  81,  152. 

Sermons  en  vers,  153. 

Servais  Copale,  101. 

Serventois,  120. 

Shakspeare,  45,  50,  51,  66. 

Sicile,  129. 

Sidrac,   101. 

Signes  du  jugement  (Les  quinze),  154. 

Silli  (Le  moine  de),  108. 

Simon,  44. 

Simon,  154. 

Simon  de  Compiègne,  101. 

Simon  de  Fraisne,  103,  147. 

Simon  de  Pouille,  41. 

Sœurs  (Dit  des  quatre),  154. 

Soignies,  128. 

Soissons,  125,  142. 

Solin,  101. 

Somme  le  Roi,  157. 

Sone  de  Nansai,  68  (notes). 

Songe,  11),  111,  115,  155,  156. 

Sonnet,  125. 

Souhait  insensé  (Le),  76. 

S  pagne  (Entrée  de),  32. 

Sphère  (Traité  de  la),  101. 

Stabat  Mater,  159. 
Stace,  47. 

Statue  (Le  fiancé  de  la),  143. 
Stratonice,  51. 
Suétone,  94. 
Sulpice  Sévère,  145. 
Syrie,  91. 
J  T 

Table  Ronde,  54,  58. 
Table  Ronde  (Romans  de  la),  53-64, 
104,  111. 


Taillefer,  35. 

Tambourin,  106. 

Tancré,  40. 

Tapisseries,  133. 

Tençon,  126. 

Terre  Sainte  (Livre  de  lai,  91 

Tervagant,  151. 

Testament  (Ancien),  138. 

Testament  (Nouveau),  139,  140. 

Testament  de  Jean  de  Meun,  113. 

Thaïs  (Vie  de  sainte),  145. 

Thaon,  100. 

Théâtre  du  moyen  âge,  166. 

Thèbes,  47. 

Théophile  (Légende  de),  143. 

Théophile  (Miracle  de),  168. 

Thomas,  56. 

Thomas  Becket  (Vie  de  saint),  101, 

149. 
Thomas  de  Cantimpré,  101. 
Thomas  Malory,  64. 
Tibaud  d'Amiens,  162. 
Tibaud  de   Champagne,  89  quater, 

125,  121,  128,  129. 
Tibaud  V  de  Navarre,  98. 
Tibaud   de  Provins  (Vie  de  saint), 

149. 
Tidorel,  55,  66. 
Tiolet,  55. 

Tironiennes  (Notes),  152. 
Tobie,  138. 
Toile  (Chansons  de),  118. 

Tombeor  JVostre  Dame  (Le),  143. 

Torec,  58. 

Tortu  (Miracles  de  saint),  109. 

Touraine,  45,  145. 

Tournai,  96,  134. 

Tournoi    (Le    chevalier    que    Marie 
remplace  au),  143. 

Tournoiement  d'Antéchrist,  111,  155. 

Tournoiement  des  dames,  109. 

Tournois,  134. 

Tournois  de  Chauvenci,  109. 

Tours,  145. 

Traîtres  (Geste  des),  23. 

Trajan  (Légende  de  l'âme  de),  145. 

Trébor  (Enseignements),  103. 

Trente  (Le  Combat  des),  30. 

Trésor  (Livre  du),  101. 

Tresses  (Les),  "6. 

Triolet,  121,  130. 

Tripartition,  125. 

Tristan,  55. 


344 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


Tristan,  56,  57. 

Tristan  (La  Folie  de),  56. 

Tristan  en  prose,  56,  63,  64. 

Tristan  de  Nanteuil,  28. 

Troie  (Légende  de),  45,  50,  92,  95. 

Troie  [Roman  de),  45. 

Troies,  49,  57,  84,  102,  149. 

Troies  (Élégie  juive  de),  149. 

Troies  (Le  clerc  de),  84. 

Troïlus,  45. 

Troubadours,  125,  126,  129. 

Trouveurs,  126. 

Troycnnes  des  nations  européennes 

(Origines),  45. 
Trubert,  70. 
Tuin,  48. 
Tungdal,  148. 
Turold,  33,  35. 
Turpin,  33. 
Turpin  (Chronique  de),  34,  37,  94. 


Ulrich  de  Zatzikhoven,  61. 
Unicorne  (Dit  de  l'),  154. 
Université  de  Paris,  108,  127. 
Urbain  (Ditié  d'),  103. 
Usurier  (Patenôtre  à  l'),  106. 
Usuriers,  106. 


Valand,  13. 

Valenciennes,  89,  138,  141. 

Valentin  et  Orson,  28. 

Valerius  (Julius),  44. 

Valet  à  tout  faire  (Le),  109. 

Valet  qui   d'aise   à  malaise  se  met 

(Le),  76. 
Varcnno,  51. 
Vaud,  37. 

Vaudoi  (Les  Droits  au  clerc  de),  103. 
Végcce,  102,  113. 
Vengeance  de  Raguidel,  59. 
Vengeance  de  Rioul,  25. 
Vengeance  du  Sauveur,  140. 
Vénus,  143. 
Vénus  (La  déesse),  104. 
Vénus  d'ille  (La),  143. 
Vergi  (La  Châtelaine  de),  68. 
Vérité  (Dit  de),  108. 
Vers  (Emploi  des),  22,  109. 


Versification  (Remarques  sur  la),  8, 

21,  22,   31,  36,  37,  44,  45,  52,  82. 

96,  105,108,  109,113,117,  118,  123, 

133,  137,   138,   139,    140,   142,   145 

147,  148,   149,   153,   154,   155,   157, 

162,  167,  168. 
Vertus  cardinales  (  Traité  des  quatre), 

103. 
Veuve  (La),  76. 
Vézien,  40. 
Vices  et  des  Vertus  (Bataille  des), 

155. 
Vie  humaine  (Pèlerinage  de  la),  156. 
Vieille  dans   le  Roman  de  la  Rose 

(La),  114. 
Vielle,  20,  106,  166. 
Vierges  folles  (Mystère  des),  165. 
Vies  des  Pères,  143,  145,  150. 
Vigne  (Dit  de  la),  154. 
Vilain  (L'âme  du),  76,  78. 
Vilain  de  Bailleul  (Le),  76. 
Vilain  de  Farbu  (Le),  76. 
Vilain  Mire  (Le),  77. 
Vilain    qui    conquit   paradis     (Le), 

78. 
Villainnengouste,  103. 
Vilains,  74,  77,  78,  106. 
Vilains  (Les  vingt-quatre  manière» 

de),  106. 
Villard  de  Honnecourt,  102. 
Villcbardouin,  89. 
Villon,  127. 

Vin  (Pièces  sur  le),  109,  110. 
Vin  (Dit  du  bon),  109. 
Vincent  de  Beauvais,  101,  153. 
Vins  (Dispute  des),  110. 
Vins  de  l'année  (Les),  109. 
Violette  (La),  51,  59,  67. 
Virelai,  vireli,  121. 
Virgile,  36,  46,  50. 
Vitri-sur-Seine,  150. 
Vivien,  40,  41. 

Vivien  (Chevalerie  de),  40,  42. 
Vivien  (Enfances  de),  41. 
Voleur  (Légende  du),  142. 
Voltaire,  113,  150. 
Volucraire,  100. 

W 

Wace,  54,  63,  93,  141,  147. 
AValah,  53. 
Waldef,  68. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


34c 


Wallon,  145,  153,  158. 

Watrcford,  95. 

Watriquet  do  Couvin,  75,  103. 

William  do  Wadington,  lfvi,  157. 167. 
Wirnt  de  Uravenberg,  58. 
Wolfram  d'Eschenbach,  59. 


Yon,  25. 
Ywenec,  55. 


Zadig,  150. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Avertissement v 

Avant-propos vu 

Introduction  (§§  i-17) 1 

PREMIÈRE    PARTIE 

LITTÉRATURE    PROFANE 35 

Section  I.  —  Littérature  narrative....  35 

Chap.      I.  —  L'Épopée  nationale  (§§  18-42) 35 

—  IL  —  Imitation  de  l'Antiquité  (§§  43-49) 77 

—  III.  —  Romans  grecs  et  byzantins  (ï§  50-52) 80 

—  IV.  —  Romans  bretons  (g§  53-04) 92 

—  V.  —  Romans  d'aventure  (§§  05-71) 112 

—  VI.  —  Fableaux  (§§  72-78) 118 

—  VIL  —  Fable  ésopique  et  Roman  de  Renard  (§§  79-84).  120 

—  VIII.  —  L'Histoire  (§§  85-98) 133 

Section   II.  —   Littérature  didactique....  157 

Chap.       I.  —  Littérature  scientifique  (§§  100-102) 157 

—  IL  —  Littérature  morale  (§§  103-104) 105 

—  III.  —  Littérature  satirique  (§§  105-108) 109 

—  IV.  —  Littérature  descriptive  et  plaisante  (^  109-110).  174 

—  V.  —  Le  Roman  de  la  Rose  (§§  111-115) 178 

Section  III.  —  Littérature  lyrique 191 

Chap.       I.  —  Poésie  lyrique  purement  française  (§§  118-124).  193 

—  IL  —  Poésie  lyrique  d'orgine  provençale  (§§  125-130).  199 


348  TABLE   DES   MATIÈRES. 

Section  IV.  —  Littérature  dramatique 

(§§  131-134) 209 

DEUXIÈME  PARTIE 

LITTÉRATURE    RELIGIEUSE 215 

Section  I.  —  Littérature  narrative....  217 

Chap.      I.  —  Traductions  intégrales  de  la  Bible  (§§  13G- 137).  217 

—  IL  —  L'histoire  juive  (§  138) 219 

—  III.  —  L'histoire  évangélique  (§§  139-140) 221 

—  IV.  —  La  légende  de  la  Vierge  (S§  141-143) 225 

—  V.  —  Les  légendes  hagiographiques  (§§  144-i49) 230 

—  VI.  —  Contes  dévots  (§§  150-151) 241 

Section  II.  —  Littérature  didactique 

(§§  152-158).'. 245 

Section  III.  —  Littérature  lyrique 

(§§  159-163) 257 

Section  IV.  —  Littérature  dramatique 

(§§  164-168) 261 

Tableau  chronologique 271 

Notes  bibliographiques 283 

Table  alphabétique 327 

Table  des  matières 347 


W7-09.  —  Coulommiors.  Imp.  Paul  BIIODAHD.  —  I'7-iW. 


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