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Préface.
Il y a bien longtemps que j'ai commencé à m'occuper
de la nouvelle édition du roman de Renai't, dont je publie
aujourd'hui le premier volume. En 1868 j'ai collationné
les manuscrits des bibliothèques de Paris, en 1869 celui du
Vatican; en 1870 ceux qui se trouvent ou qui se trouvaient
alors en Angleterre. Depuis, j'ai pu me servir du manuscrit
de Turin et de plusieurs fragments, dont deux ont été publiés,
l'un par M. G. Paris dans la Bommila III (1874) p. 373 à
376, l'autre d'une part par M. E. Teza (Pisa 1869) et d'autre
part, d'après un manuscrit différent, par M, R. Putelli, Gior-
nale di filologia Romanza II (1880) p. 153 — 163.
Avant de connaître les textes publiés par MM. Paris
et Putelli, j'avais déjà rendu compte des autres manuscrits
dans mou Examen critique des manuscrits du roman de Benart
(Bâle 1872), brochure dont on peut encore se procurer des
exemplaires à la librairie Schweighauser (B, Schwabe) à Bâle.
A cette époque j'espérais finir en peu de temps l'édi-
tion que je préparais. Je n'ai pu publier alors qu'une seule
branche', celle du Pèlerinage Renurt^ dans les Roinanische Stu-
dien de E. Bohmer II (1873) p. 410—437. J'y ai exposé
les raisons qui m'ont forcé à remettre le reste do mon
ouvrage à une époque plus favorable. Malheureusement ce
retard s'est bien prolongé à cause des obligations que m'impo-
saient d'autres devoirs.
Reprenant tout d'abord une partie des indications
données en 1872. je commence par la description des manuscrits
que je connais et dont j'ai pu — à ime exception près — me
procurer des collations complètes. J'emploie, pour désigner les
manuscrits, les mêmes notations que dans mon Examen critique.
A, à Paris, à la liibliothèque Nationale, fonds français
20043 (ancien S. (lermain i 980 et auparavant 2733). Ce
manuscrit provient, comme ou l'apprend par une étiquette collée
au bas du recto du premier feuillet, ex bihliotlteca mss. Cois-
liniana., olim Seyiieriuna, quant JUustr. Henricus du Camhout,
Dux de CoisUn, Par Franciae, Episcopus Metensis . . . locavit
An. M. DCC. XXXII. Il est du XlIP siècle, sur vélin in-
4" (les pages ont 23 centimètres de haut sur 16 de large).
Il no contient plus que 146 feuillets et un très petit frag-
ment du 147", dont le verso est en blanc, ce qui prouve
que c'est bien le dernier feuillet du manuscrit. Mais le manu-
scrit complet avait 160 feuillets, car 13 feuillets ont été égarés,
savoir: un après le fol. 24 (ayant contenu les vers 1 — 131
de la branche II, d'après mon édition*), trois après le fol.
31 (branche III 45—453), quatre après le fol. 40 (br. II
1025—1396. Y 1-145), un après le fol. 41 (br. VI 137 à
270), un après le fol. 48 (br. YI 1220-1356J. un après le fol. 81
(br. IX 1637 — 1767), un après le fol. 113 (br. X 282— 410), un
après le fol. 144 (br. XI 2969—3103). En outre le fol. 9 a été mu-
tilé en bas à la marge, le fol. 32 en haut à gauche du recto.
Quelques feuillets ont été recousus ou recouverts de papier
végétal, C!" qui les rend difficiles à lire: ce sont les fol. i6
verso en bas, 145 recto, 146 verso. L'écriture de la première
page du manuscrit a été un peu effacée par les doigts des lecteurs.
Chaque feuillet a 4 colonnes, qui contiennent chacune
28 à 43 lignes. Quelquefois deux vers sont réunis sur la même
* Voici lii concordance des brandies de mon édition avec celles de
Méon: br. I = Méon 20. 21. 22; II = l'-'s. 5. Ô-^'ob. 15, I337_7ib. ni =
3. 3. 4 ; IV = 13 ; V = 18. 1'i--T4s. 19 ; VI = 24 ; VII = 31 ; VIII = 23 ;
IX = 25; X =26; XI = 30; XII = 28; XIII = 8. 9. 10; XIV = 29;
XV = 62'»9''. 7;XVI = 11; XVII = 32; XVIII =16; XIX = 17; XX
= 12; XXI = 14; XXII = 27; XXIII = 35 (Le mariage du lion,
inédit); XXIV = V^ ^ss; XXV = 33 (Pincart le héron, éd. Chabaille
Supplément des romans du Renart p. 1); XXVI = 34 (De l'andouille
qui fu jouée à la marelle, éd. Chabaille \). 13): XXVII = 36 (Renart
et la chèvre, éd. Teza et Putelli).
ligne, d'autrefois un seul vers occupe deux lignes. Apparem-
ment les scribes avaient l'intention de terminer quelques
branches exactement à la fin des feuillets en élargissant ou
en resserrant leur écriture. C'est ainsi qu'on peut reconnaître
que le manuscrit se compose de quatre parties différentes, dont
les trois premières se terminent respectivement avec les fol. 24,
fol. 40 (anciennement 48), et fol. 58 (celui-ci était le 68"* du
volume complet). La première ligne du feuillet suivant se trouve
indiquée comme réclame à droite au bas des feuillets 8^. 31'*. 47^
.54^ 66". 74^ 89^ 97^ 105^ 113". 120". 128". 136". 144".
Plusieurs scribes paraissent avoir travaillé à ce manuscrit:
car l'écriture est plus fine et plus carrée du fol. 17 au fol. 24,
du fol. 32 au fol. ô8, et dans la partie finale du msc. à partir
du fol. 123''. On ne saurait louer les scribes ni pour leur con-
naissance de l'orthographe ni pour le soin qu'ils ont mis à
faire leur copie. Le texte offre une foule de fautes, dont une
partie a été corrigée immédiatement par l'exponctuation des
lettres fautives. On trouve beaucoup d'abréviations, prin-
cipalement pour les noms propres (p. ex. B. pour Benars
ou Renart, tij. pour Tyhei's ou Tyhert^ y' . pour Ysengrhis ou
Ysen(jrln^ h', pour Hersens ou Hersent) et pour les petits
mors qui reviennent souvent (niW =-- molt, s. = seint, '^l et l =
et,^ = est). Vn point-virgule suit quelquefois les interjections.
Le manuscrit A ne contient ni miniatures ni titres pour
les branches; cependant dos initiales majuscules plus grandes
que les initiales coloriées ordinaires des alinéas se trouvent
aux fol. 1" (branche I), 32^ (br. IV), 4^ (br. VI), 50 (br.
VII), 56" (br. VIII), b'.r (br. XII), 69" (br. IX), 85" (br.
XIII), 93-^ (br. XIV), 111" (br. X), 123" (XI).
B. à Paris, Bibl. Nat., fonds français 371 (ancien 68
Cangé). Au fol. V" ou lit à gauche en haut: /. P. G.
Châtre de Cangé 1727. Le fol. 189"° et la moitié du fol.
190'''' sont remplis par les actes de baptême des enfants du
Seigneur d'Orayson à Cadenet (dép. Vaucluse), qui naquirent
de 1513 à 1520.
Le manuscrit est sur vélin in-1" (26 cm. de haut sur
20 de large). Le texte du roman comprend 189 feuillets à
4 colonnes, de 30 lignes chacune. Les trois feuillets de garde
du commencement et celui de la fin ont été laissés en blanc,
de même les trois feuillets 78''"^, 79 et 80: Cangé s'en est
servi pour combler les lacunes du texte, et de plus, il a ajouté
encore sur les marges des variantes tirées du msc. I. A la
fin du te\te, c'est à dire au fol. 189", il a ajouté les deux
derniers vers de ce dernier manuscrit. 'L'écriture du msc. \\
paraît être d'une seule main, du XIIP siècle ou du com-
mencement du XIV; elle est très élégante, mais aussi bien
fautive.
On y trouve des initiales majuscules agrandies et des ru-
briques :
au fol. 28" (branche IV) Cest la branche corne B. Fist
.y. entrer on puis;
au fol. 32* (br. II) Cest la branche de R. et dy. com II
issirent de la mer;
au fol. 43'' (br. XV) Cest des .II. prouolres qui aloient
au sane 5 [= et^ de tiebert le chat;
au fol. ■4.')'* (br. XX) Cest dysengrln 5 de la iiiment ;
au fol. 46* (br. XXI) Cest de lors et dysenyrin 5 dou
vilain con il mostrerent lor eus;
au fol. 47" (br. II 843) Cest la branche corne B. dut
inrer le sairement a .y.
au fol. 61** (br. VI) Cest la branche de la bataille de
renart et dy.
au fol. 74'' (br. VIII) La confession Benart [titre ajouté
par Cangé à l'encre noire sur un grattage];
au fol. 81^ (br. IX) Cest de lors et de B. et dou uilain
lietart ;
au fol. 99"= (br. XII) Con ment B. et T. li chaz chan-
tèrent nespres % matines ;
au fol. IIP (br. III) Cest la branche de B. com il fu
getez en la charrete au pessoniers ;
au fol. 11 4'^ (br. III 377) grande majuscule initiale;
au fol. 116'' (br. XXII) Cest la brandie corne B. parfist
le con ;
au fol. 122'' (br. VII) Cest la branche corne B. menia
son prouoire;
au fol. 127'' (br. XVIII) Cest dysenyrin 5 de prestre
martin ;
au fol. 12S'^ (br. XIX) Cest dy. et de la iument [écri-
ture de Cangé à l'encre noire];
au fol. 129' (br. XYIII) Cest la branche de .y. et de R.
et don gresillon ;
au fol. 132'^ (br. XYJ) Cest de R. et dy. et dou lyon
com il départirent la proie;
au fol. 145" (br. X) Cest la branche de Roiart si corne
il fa mires ;
au fol. 161^ (br. XI) Cest la branche de R. coin il fu
empereres.
C, à Paris. Bibl. Xat. fonds franc. 1579 (ancien 7607.
auparavant 1308). Ce manuscrit appartenait à la bibliothèque
du roi Charles IX. Il est sur vélin, in-4'- (28 cm. de haut
sur 19\''2 de large), du XIIP ou du commencement du
XIV* siècle. Les feuillets ont -4 colonnes, de 40 lignes cha-
cune: le dernier porte le numéro 159. Mais du 4™^ il ne
reste plus qu'un fragment: ce feuillet contenait une partie de
la br. II et le commencement de la br. XXIY: puis il manque
un feuillet après le 159°*, ce qui nous fait perdre la fin de
la branche XYII. La partie supérieure du fol. 159'°, qui
contenait 26 et 24 vers, a été grattée. Quelques feuillets
ont perdu leur ordre par la faute des relieurs: pour le réta-
blir il faut faire suivre les fol. 147. 148. 146. 151. 149.
150. Des réclames, en partie coupées par le relieur, se trou-
vent au bas des fol. S\ 32^ 68^ 72^ 88^ 96''. 104-. 120^
136^ 152"*. Du reste ce manuscrit est bien conservé. Il est
probable qu'il est l'œuvre d'un seul scribe qui y a mis beaucoup
de soin.
Au fol. 1" se trouve une miniature, qui occupe les 13
premières lignes de la colonne. On rencontre des rubriques
et des majuscules initiales coloriées plus grandes que les ma-
juscules coloriées ordinaires :
aux fol. r (branche II) Ci co H romanz de
R . . . . t; [ce titre est à peu près effacé.]
f. 5' (br. III) Si conmeR. mania le poisson ans charretiers;
f. 6' (III 165) Si conme renart fst ysanyrin moine;
f. 7'^ (III 377) Si conme R. fst peschier a ysanyrin les
angiiiles;
— VIII —
f. S^ (I 23) Si comne renart prist chantecler le coc ;
f. 15" (XIII) Si comne renart coupa a ti/bert h( cjneue ;
f. 17* (XIII 202) Si conme renart fi st pmaut le frère
ysangrin prestre ;
f. 2V (XIII 505) Si comne M. et pmaut vendirent les
uestemenz au prestre. por vn oijson ;
f. 28* (V 289) Si comne ysangrin sala plaindre de R. a
la cort le roi;
f. 36"* (I) Si comne renart concilia brun li ours du miel;
f. 50' (I 2205) Cest si conme renart fu taintiiriers ;
f. 53* (I 2625) Si comne renart fu ingleeur ;
f. 56* (I 3095) initiale coloriée agrandie;
f. 56"^ (XVI) Ci conmance si conme nobles .R. et ysan-
grin partirent la proie;
f. 57* majuscule initiale agrandie;
f. 66" (XV 347) Cest de tybert le chat et des IL
prestres ;
f. ^1^ (XX) Si conme ysangrin parti la terre a us .II.
moutons ;
f. 68* (XXI) De lours et du lou et du vilain qui monstre-
rent leur eus ;
f, 69* (II 843) De R. si conme il concilia le corbel du
froumage ;
f. 70* (XVIII) Cest de prestre martin et du lou ysangrin ;
f. 71* (XIX) Cest de la Jumant et de ysangrin;
f. 7r (II 469) Cest le desputement de la mésange et de
renart ;
f. 72* (V) Cest le songe Renart si conme ysangrin
le bâti;
f. 76"^ (IV) Si comne renart fist aualer .y. dedenz le puis ;
f. 80*" (VII) Si conme renart uolt manger son conf essor ;
f. 85* (Vni) Si comnence le pèlerinage renart con il
ala a rome;
f. 88"" (VI) Cest la bataille de renart et de ysangrin;
f. 99* [d'une autre main:| Si cum R. mis la cresta
al ctin;
f. 100" (XXII).
Enfin, aux fol. 119^ (X), 131" (XI), 152* (XVII) il y a
des majuscules initiales coloriées agrandies. Une main mo-
derne a ajouté au f. 152' La mort renart.
I). à Oxford. Bibliothèque Bodléienne, ms. Douce
360. Autrefois ce msc. appartenait à la bibl. du duc de la
Vallière. et y portait le numéro 2717. Une note inscrite
au verso d'un feuillet de garde non numéroté, donne cette
indication: cente de Morel de Vinde, Paris 1823.
Ce msc. a été écrit en 1339, comme l'indique le post-
scriptum du fol. 167":
Lan mil .CCC. et trente nnef
F fil ce Uiire acôpli tout ttuef
Descriptiire ou il ot gnt paine
Tout droit deiiant la magdalaine
Le uendredi si comne dist
Li escriiiains qui tout lescripst
Liez fil quant jist la fin du liure
Car lors fu de ixiine deliure.
Le msc. est sur vélin, grand in-4" (31 cm. de haut sur
23 de large) et il contient 157 feuillets. C'est par suite d'une
erreur que les feuillets qui suivent le fol. 87 portent les nu-
méros 98 à 167. Chaque feuillet a 4 colonnes de 40 lignes.
Chaque quaternion est indiqué par une réclame au bas de la
dernière colonne. On y rencontre quelques corrections, dont
la plupart ne paraissent pas être tirées d'un autre manuscrit.
Le manuscrit contient 15 miniatures et les rubriques
suivantes :
fol. 1" (branche I) initiale majuscule coloriée plus grande
que les initiales coloriées ordinaires;
f. 21'' (b. II) <S'/ conyne .B. emporte .1. coc que il a pris
en .1. parc auc ^lisez auecj pluseurs r/elines. Et une famé
5 uilains le chacerent a chiens et a basions; et le coc sen
eschapa par barat;
29'= (II 843) ^S'^' comne .R. est dessous un fou ou il
auoif .1. corhel qui mengoit J. fourmage et R. Jist tant que
il li chai a terre;
33' (III) Si comme R. jist le mort emi la noie pour
deceuoir charretiers qui portoient harens fres et auguiles, dont
il enporta grant quantité;
36' (VI) Si conme II hjons tient feste ; / auoit pen-
seurs testes, qui mengoient 5 faisaient ioie et si conme le
tesson y amaine M.
46'' (IV) Si conme R. et .//. sont chascun en .1. seel
dedens vn puis .R. a montant et .y. aualant ;
57" (XII) Si conme .R. ua après .1. tropel de (jelines
et par illec passait .1. abbe qui menait garçons qui méfiaient
chiens si li firent perdre sa proie;
66'' (VII) Si conme R. est dedenz .1. gelinier et plus'
moines le bâtent de basions ;
72*" (VIII) Si cotime R. se confesse a .1. hermite deuant
qui il est agenoillie. et après si conme il sacheminerent a aler
a romme lui et belin le mouton et bernart lasne;
75'' (IX) Si conme .1. uilain maine une charrue a .VIII.
bues. Et .1. ours deuant lui qui en ueult auoir .1. Et
dautre part le uilain qui demande conseil a R. conme il sen
cheuira ;
99" (XIII) Si corne thibert le citât est en vne huche et
hume plain pot de lait. Et .R. le soustient le couuercle de
la huche \
106" (XIV) Si conme R. ist dun. bois et entre en .vn.
chastel par un pont tourneis. Et pluseurs gens a chenal
alans après qui le chac oient ;
120'^ (X) Vn ch'r qui chace R. et il entra en .vn.
chastel;
131° (XI) Si conme .R. lie ysengrin dune corde par les
.iiij. pies dessous .1. arbre ou il sestoit endormi;
\b2^ (KYÏ) Si co)inie .1. vilain a pris .R. en .1. roisseul
et le prent par le pie et .R. le mardi si fart que le uilaint
paillart li crie merci;
162'' (XVII) Si conme .R. arrache a .1. mairie blanc
la caille car il auoit féru dun baston a lissue dun parc ou
il auoit gelines et cJutpons que R. auoit cstrangles.
E, à Londres, British Muséum, Additionnai 15229.
D'après une note sur le feuillet de garde du comnienccmeut,
ce manuscrit a été acheté at Brights sale 1844. Il est sur
vélin, du XIV* ou peut-être même du XV" siècle. Les feuil-
lets ont 29 cm. de haut sur 22 de large. On en compte au-
jourd'hui 124, chacun de 4 colonnes à 40 lignes; mais les
restes de l'ancienne pagination font voir qu'il manque 18
feuillets au commencement, et de plus les deux feuillets qui por-
taient autrefois les numéros XXIII et XXIV, de sorte que
les vers 1 — 2880 de la branche I et les vers 298—614 de la
branche II ont été perdus. C'est par la faute du relieur que les
fol. 11 à 36 de la pagination actuelle suivent les fol. 3 à 10,
La nouvelle pagination compte encore les deux feuillets de
garde. En les défalquant, il reste 142 feuillets ( = 124 +
18 4-2 — 2) comme contenu ancien du manuscrit. Il y a
des réclames sous les colonnes XXXÏP (ici je me sers de
l'ancienne pagination). XXXVIIl. XLVI. ' LXII. LXX.
XX XX
LX?XYIII. IIII^XYiiij, Cjii. C5^. C5XVIII. VI5YI.
VÎ5XVIII.
Des miniatures assez mauvaises et des initiales coloriées
agrandies se trouvent: aux fol. 13" (branche II); 19" (br,
IX) ; 38" (Il 843); 6" (YI): 42'' (lY); 53-^ (XII); 63" (^'H);
67" (YIII); 70^ 71" (XIII); 77" (XIY); 92= (X); 103" (XL)
A la lin du manuscrit, fol. 124^ en haut, on lit: ExpU-
cit le romans deRenart; en outre, au dessous de la branche
XXIY: Ici Jaut le romanz de i?., et à la fin de la branche
XII: Explidt c. d. v. l. f. r. (^*
F, à Cheltenham, dans la bibliothèque de feu Sir Tho-
mas Philipps, portant le n'^ 3634. Ce manuscrit a été acheté
de Lang 1828. A la fin du msc. on voit ajoutée cette note
presque illisible Le XViij iour dcmril mil cinq cens trente le
Boy François Premier coucha au cliasteau de Lezim.
Le manuscrit est sur vélin, problablement du XY" siècle
ou même du commencement du XYP. C'est un grand in-40
(29 cm. de haut sur 20 de large). Il contient 17 quaternions
complets, munis chacun de la réclame au bas de la dernière
colonne, et un 18°' de 6 feuillets, ce qui fait en tout 142
feuillets. Les feuillets ont 4 colonnes, chacune de 40 lignes,
excepté les colonnes avec places restées libres pour les mi-
niatures, mais qui n'en ont point reçues.
* Je n'ai i)as trouvé la solution de l'énigme que présentent ces
lettres.
Des initiales majuscules coloriées agrandies se trouvent
aux fol. r^bi-anchel): 2P (br. Il); 29^\lX) ; 43^11843);
46^' (II); 50' (Yr: 60" (lY); 71" (XIII); 81" (YII 81); 85"
(YIII); 89" (XIII); 93" (XIV); IIOMX): 121" (XI). Il n'y
a pas de rubtiques; on lit simplement la note suivante à la
fin du manuscrit, au fol. 142": ExpUcit le romans de BenaH.
Cette note finale est la même que celle du msc. E, qui a le
même nombre primitif (142) des feuillets que le msc. F. comme
aussi la suite des branches est la même dans les deux
manuscrits. Aussi le texte du msc. F est il basé sur celui
de F. Une seule preuve suffira pour le montrer. La colonne
fol. 31" de F est répétée sur la colonne fol. 32'', et la col.
f. 21" du msc. K, qui contient les mêmes v<.>rs, est égale-
ment répétée sur la col. f. 22'. Il y a des variantes dans
les colonnes répétées, et ces variantes sont encore les mêmes
dans les deux manuscrits: seulement le scribe du msc. F a
commis quelques fautes de plus. Ainsi le vers 360 de la
branche IX se lit dans le msc. F fol. 32" avec la variante
Et ie lanrai autant chier, de mrme dans le msc. F fol. 22'''
Et ie lauray autant chier; le v. liOl se lit dans F fol. 32"
avec une inversion qui fait perdre la rime sur mein: Je estoie
hui matin trop aise^ de même dans le msc. F fol. 22" Jestoie
huij matin trop aise. Les différences mêmes, qui existent entre;
K et F, s'expliquent en partie par rinsouciance avec la quelle
ce dernier a été copié sur F. La majuscule initiale agran-
die, qui dans le msc. F se trouve non au commencement de
la br. YII, mais bien après le v. 80 , a obtenu cette place
parceque dans R la miniature a été reculée jusqu'à ce vers.
J'ai donc cru pouvoir me dispenser de collationuer le
msc. F en entier: c'est là le seul manuscrit dont je ne possède
pas toutes les variantes.
(J, à Paris, Bibliothèque Nat. fonds franc. 1580 (ancien
7607 5 et auparavant 967). Au recto du premier feuillet de
ce manuscrit on lit ces deux noms écrits par une main an-
cienne: Boderholh Reijms. Au fol. 147 quelques mauvais vers
latins ont été ajoutés postérieurement au texte du roman.
Le manuscrit est sur vélin, de la seconde moitié du
XIY" siècle. Il est grand in-40 (31 1/2 cm. de haut sur 23 de
large). Il contient actuellomeut 147 feuillets à 4 colonnes
de 40 ligues chacune. Un feuillet manque au commencement;
il doit avoir contenu les vv. 1 — 120 de la branche 1. Il y a
des réclames à la fin de chaque quaterniou. L'écriture des
feuillets 46" à 57'* paraît être d'une autre main que le reste.
Des miniatures assez grossières et des initiales coloriées
agrandies se trouvent aux fol. 20" (bianche II j; 34" (br.
IX); 48" (br. II 848); 55'' (br. YI) ; 64'' (br. IV); 75" (br.
XII); 85" (br. Yll); 93'' (br. Xlll); m" (br. XIY); IW
(br. X ) ; 125" (br. XI). A la fin du roman on lit : Explicit de R.
H, à Paris, Bibliothèque de l'Arsenal, n" 3334 (auc. Belles-
lettres franc. 195 B).
Ce manuscrit est sur vélin et de la fin du XIIP siècle.
Il est in- 4" (27 cm. de haut sur 20 de large). Il contient
170 feuillets à 4 colonues, ciiacune de 41 vers. Le scribe
a indiqué la fin des quateruions en ajoutant régulièrement
des n'clames au bas de la IG'' page. Entre le fol. 109 et le
fol. 170 il manque 6 feuillets, qui contenaient une partie de
la brandie XYII.
Ce manuscrit n'a ni miniatures ni rubriques. Des majus-
cules initiales coloriées agiandies se trouvent aux fol. 1*
(branche I): 20^ (br. YI); 30" (YII); 35" (YIII); 38^ (lY);
SO-^ (XIII); 59"= (il); 67" (XY 347); GS"^ (II 843); 71" (III);
74" (XXYj; 76" (lY*); 78"^ (IX); 92" (XII); 105" (XIY);
124" (X); 135" (XI); 156" (XVI); 165" (XYII).
A la fin du manuscrit, au fol. 170", on lit en caractères
noirs agrandis: Explicit li roumans de R. (cette note est com-
plètement traversée par une barre rouge); et au fol. 35", à
la fin de la branche YII: Explicit la seconde vie De R. ou
a tanthoidie; enfin, après la br. X : Ici faut lafusique R. (l'écri-
ture de ces deux vers est la même que celle des autres vers).
1, à Paris, Bibliothèque Nationale, fonds fraii(,'ais
12584, anc. suppl. franc, 98 '^ Ce manuscrit se trouvait
* Cette branche (IV) se irouve donc deux fois dans lo nisc. H;
mais ce sont plutôt doux versions différoiUos, dont ]:i douxi'mo s'écarte
compir-toinf'nt do celle de tous les autres niainiserits : voyez \i\ Supplé-
ment de Cliabaille p. 13.
autrefois daus la bibliothèque de Sedan, puis dans celle du
duc de la Vallièie où il portait le numéro 27 18. Du temps
de Cangé il appartenait à Mgr. De la Tour d'Auvergne,
archevêque de Vienne.
Il est sur vélin, du XIY" ou du XY" siècle, in-4°
(28 cm. de haut sur 20 de large). 11 contient 157 feuillets
à 4 colonnes, chacune de 32 lignes, excepté celles où se
trouvent des miniatures. Ces miniatures, fort grossières
d'ailleurs, sont très nombreuses, environ 400 ou 500, et
chacune d'elles remplit l'espace de 4 lignes; rarement elles
se trouvent ajoutées en marge. Les feuillets du dernier
quaternion se suivent actuellement dans l'ordre suivant; 152.
153. 154. 155. 151. 156. 150. 157. Avant le fol. 150 il en
manque plusieurs, qui contenaient la fin de la branche XI et
le commencement de la XVI"'".
Il n'y a pas de rubriques. A la fin du manuscrit, on
lit en caractères noirs agrandis Chi faut U romans de renart
Bien U chiet cni sa fraude nart. Des initiales majuscules
agrandies, qui cependant se distinguent quelquefois à peine
des majuscules coloriées des simples alinéas, se trouvent aux
fol. r (branche I); 28'' (br. YII); 34" (VIII): 38- (IV);
5P (XII): 59" (II); 77^ (IX); 92" (XIII); 108" (XIV); 126"
(X); 135^ (XI).
IjC texte de ce manuscrit s'écarte beaucoup de tous
les autres: les altérations proviennent surtout d'une ten-
dance à raccourcir les branches. L'orthographe du scribe
est approchée du latin: p. ex. adniener) psaltler, signifiauce.
R, à Paris, à la bibliothèque de S. A. R. le duc
d'Aumale. Ce manuscrit est sur vélin, du XIIP ou du XIV*"
siècle, in-folio. Il a 260 feuillets. Les pièces en prose y
sont écrites sur 4 colonnes, les pièces en vers sur 6; chaque
colonne a généralement 52 lignes. Le verso du fol. 260 est
très usé. Anciennement ce feuillet était suivi par le fol.
252, qui finit au v. 149 de la branche IV. Pas de rubriques.
Il n'y a que le titre du roman entier DE RENART'. Des
initiales majuscules agrandies se trouvent aux fol. 244"
(branche II); 252" (br. IV); 254" (VI); 259"= (VII). A la
fin de la branche VI (fol. 259'') on lit: Explicit li branche
de la bataille de B. et de .y., et après la YIP (fol. 252'')
ExpUcit II confessions R.
L, à Paris, à la Bibliothèque de rArsonal, n° 3355
(anc. Belles-Lettres frauç. 195 C). Au premier et au dernier
feuillet une main du XYF siècle a inscrit les comptes des
recettes d'une douane royale à Montfaucon: mais j'ignore
lequel des nombreux lieux de ce nom est mentionné ici.
Le manuscrit est sur vélin, du XIY" siècle. L'écriture
est peu soignée. 11 est in-4° (21) cm. de haut sur 21 de
large). 11 contient 122 feuillets (non pas 123, comme la
pagination actuelle pourrait le faire croire; car le numéro
82 manque). Chaque feuillet a 4 colonnes de 37 à 43 lignes.
En fait de miniatures, il n'y a que de mauvais dessins au
fol. r, représentant Renart, Tibert, etc.
Des initiales majuscules agrandies se trouvent aux
fol. 19'' (branche YI); 28"= (br. XII); 37"= (YIII); 40"= (I) ;
59HXY1II); 60HXIX); 6œ(XX); 6P(XX1); 62"'(XXYIj;
63" (XXII); 67" (XYI); 76^ (Yll); 80» (lY); 83^ (X) ;
94*^ (IX); 103" (III 377); 104-^ (III); 106"^ (XI). Il y a
des titres, mais à l'encre noire, au fol. 19* (branche YI):
Si vient conment E. dut Jurer le sairement a la volante
Roienel le mastin , et au fol. 28' (XII): Si comne B. Ala en
proie. Des notes finales, également à l'encre noire, se trou-
vent aux fol. 59", à la fin de la branche I : ExpUcit de B.
con il fu teinz en iaune; fol. 60" à la fin de la branche
XYI II: ExpUcit de B. et de prestre martin; 60' (XIX) Ex-
pUcit dijsangrin et de la inmant ; 62" (XXI) ExpUcit; 63"
(XX Y) ExpUcit de landoille qui fui iuye es marreles; 76"
(XYI) ExpUcit dou coc qui baréta B.; 80" (YIII) ExpUcit
la confession de B,; 94^ (X) ExpUcit de B. qui deiiint mire;
103^ (IX) ExpUcit de B. et de lietart; 104" (II) ExpUcit de
B. qui Jist peschier .y.; 106" (II, 376) Ex . . . pU . . . cit ;
123" (XI) ExpUcit de B. si conme il fi emperieres.
M, à Turin, à la Bibliothèque particulière de S. M. le
Roi d'Italie, coté cod. mise. 151. Au verso du dernier
feuillet on lit: A . . . noble 5 haute dame de yiestelle (écri-
ture du XYI' siècle; cette note semble prouver que le manu-
scrit se trouvait alors en Belgique). C'est à M. Edmond
Steugxd que je dois la première connaissance du msc. W.
Le manusciit est sur vélin, du XIY" siècle. 11 est in-
4" (28 cm. de haut sur 20 de large). Il contient 191 feuil-
lets à 4 colonnes , chacune de 80 lignes. Mais il manque
un feuillet avant le fol. 1, un autre avant le f. 45, deux avant
le f. 90, un avant le f. lOl: la somme totnle des feuillets
était donc de 196. Des réclames se trouvent au bas des fol.
23", 89^ 54^ 100^ 116'', 132^ 16 i^ 180", ISS""; au bas du
f. 149" on lit encore le chiffre YI.
Ce msc. contient un grand nombre de rubriques.
Au fol. 2" {k la tin de la branche XXY) on lit: Cist
faillent les enfances B. et conmance si co)ne il compissa les
lonuiaus:
au fol. 5" (après la br. II) : Ici fenist corn B. conqrissa
les loidaus et fist y. cous et commance si lom R. menga le
poisson au charretiers ;
au fol. &" (après le veis 164 de la br. III): Ici faut
si comme B. concJiia les charretiers et commence de .y. que R.
jist moine;
au fol. 7*^ (api es III 376): Ci commance si lomme B.
fist pceschier a ysenyriii les anguilles ou uiuier:
au fol. S'' (après la br. III) : Ci commance de B. si corne
il prist cJtantecler le cor ;
au fol. 11" (^après II 664): Iii fenist si comme B. prist
cJiant crier et commance de B. et de tyhert le chat;
au fol. 13" (après XY 96): Ci commance si comme
tyhert et renart trouèrent landoille en .1. sentier;
au fol. 15" (après la br. XY): Ici fenist de landoille
que tyhert menia sanz B. et commance si comme B. coupa a
tyhert la queue;
au fol. 18" (après XIII 202): Ci faut de B. et de ty.
et coiiDuaiice si connie B. Jist primaut prestre;
au fol. 23" (après XIII 504): Ici fard de B. si con)ne
il fist primaid estre prestres et conmance si conme il uendirent
les uestemenz et changèrent por .1. oison;
au fol. 26" (XIII. avant le v. 540. au v. 4! 19 de
l'édition de Méoii): Ci faut de B. et de primaut et commance
si comme primaut fa hatus pour les harens fres;
au fol. 27" (après XUl 072): Ci comauce de R. et de
P si corne R mena primant aus bacons par son enging ;
au fol. 29* (après XIII 1024): Ci commance si comme
R. prist P ou piège par son grant harat qui ia ne faudra ;
au fol. 30'' (après la br. XIIT): Ci conmance dysengrin
si comme il sala plaindre de R. en la court le roi noble;
au fol. 40'' (après Va 290): Ci fenist si conme R. dut
fere h sairement a g. et conmance si comme li rois noble
euiioia (pierre R. et corne R. conchia ses niessagiers ;
au fol. 44'' (après I 574): Ci fenist si comme bruns lors
ala a message a R. et comance si comme R. prist b. lors au
chasne fendu par le groing;
au fol. 46" (après I 994) : Ci fenist si conme R. prist
.b. lors ou chesne fendu et commance si conme R. se confessa
a grinbert le taisson ;
au fol. 50' (après I 1620): Ci commance si comme R.
lia le roi et ses barons par les (pieues et rafaita la roine par
son barat ;
au fol. 54' (après la 2204): Ci comance la branche si
conme R. fu teinturier ;
au fol. 57"^ (après Ib 2624): Ici faut si comme g. fu
escoilUez par galopin le iugleor et comance de R. comme il
fu iugleor aus noces sa famé;
au fol. QiY (après Ib ;î094): Ci commance la despu-
toison de la famé Renart et de la famé ysengrin ;
au fol, 61"^ (après Ib j : Ci commance si conme le roi
noble et Renart et ysengrin partirent la proie ensemble;
au fol. 72" (après la br. XVI): Ci commence le mariage
que R. fst au roi noble le lyon;
au fol. 86*^ (après la br. XXIII): Si commance si comme
R. fst son essart;
au fol. 89" (après la br. XXII 330j: Ci commance si
comme R. par fst le con par son engin;
au fol. 91" (après XV 346): Ci commance de ty. le chat
et des .11. prestres ;
au fol. 92" (après la br. XV) : Ci commance conmant
ysengrin parti la terre aus .II. moutons;
au fol. 93" (après la br. XX): Ci commance de tours et
du leu et du nilain qui monstrerent leur rus ;
II
— XVlil —
au fol. 1)4" (après la br. XXI) : Ci fenist de Jours et
du len et du nilain qui mostrerent lor eus et commance du
corbel et de Renart;
au fol. ^b^ (après II 1024j: Ci fenist du corbel et de R.
et comance de la iumant et de ysengrin le leii ;
au fol. 96" (après la br. XIX) : Ci fenist de raisent la
iumant et de ysengrin et commance de prestre martin ;
au fol. 97'' (après la br. XYIIIj: Ci faut de prestre
martin et contmance de la mésange-^
au fol. 98" (après II 664) ; Ci fenist le conte de la mé-
sange et commance le songe R. si conme .//. le hati ;
au fol. 102" (après Y 246j: Ci f (eut de R. et de y. si
conme il bâti R. et menia le bacon sanz lui et commance si
conme R. fist y. devaller ou puis ;
au fol. 106" (après la br, IV) : Ci fenist si conme .R.
fist .y. aualer ou puis et commance si conme R. uolt manger
son conf essor;
au fol. 112' (après la br. YII): Si commance le pelle-
rinage Renart si come il uolt aler a rouie;
au fol. 116" (après la br. YIII): Ci fenist le pellerinage
R. si conme il ala a ronie et coutmance la bataille de R. et
de ysengrin ;
au fol. 128*^ (après la br. YI) : Cy commance de lyetart
le uilain et de R. et del ors cpii uolt auoir le buef au nilain;
au fol. \Ab^ (après la br. IX): Ci fenist de R. et du
uilain lietart et de lourz. Et commance si conme R. fu mires;
au fol. 158'^ (après la br, X) : Ci faut si conme Renart
fu mires et commance si con R. fu emperieres par son engin;
au fol. 16o'' (après XI 761): Ci conmance si comme
droins le moisnel donna les cerises a mangier a Renart par
sa franchise;
au fol. 182'' (après la br. XI): Ci comance la /(tusse
mort Renart et sa procession.
Au fol, UlP il y a un Explicit.
X, à Rome, à la bibliothèque du Yaticaii, cod. Regin.
1699. Le folio V" de ce msc. porte la note suivante:
Achepte le 26 aonst 1594. 40 sol. C. Fauchet ; à la fin du
msc. on lit : Cest a moi C. Fauchet. Après le traité de To-
lentino 1795 le msc. passa pour quelques années à la Bibl.
Nat. à Paris: c'est pendant ce temps que Le Giand d'Aussy
s'en servit (Notices et extraits des msc. V, p. 314), que Méon
en tira la partie de la branche XYII, que ce msc. seul a
conservée, et que .T. Griniin en fît ses extraits: (Reinhart
Fuchs p. CXIX). Depuis, une nouvelle description de ce
msc. a été publiée par Adalbert Keller , Romvart (1844) p.
438—447.
Le msc. est in-4''. sur vélin, du XIV siècle. Il con-
tient 181 feuillets à 4 colonnes, la plupart de 32 lignes. Au
XVP siècle, à ce qu'il paraît, on a numéroté les feuillets,
mais d'une façon très fautive. Plusieurs feuillets ont été
coupés si fort que de lettres entières ont disparues. Par
une erreur du relieur, les fol. 105 à 111 précèdent actuelle-
ment les fol. 112 a 123, auxquels il devraient faire suite.
En outre, plusieurs feuillets qui contenaient probablement le
reste de la branche IX depuis le v. 584, ont été égarés.
Les colonnes 111"* et US** sont laissées en blanc.
Une miniature se trouve en fol. 1. On rencontre des
majuscules initiales agrandies aux fol. 1" (au commencement
de la branche I); 26'' (br. II); 36"= (II 843); 41-' (XVI);
52"^ (XYII): 65" (XIY); 85^ fH); 9œ (lY): 94<= (II 23 ss.);
lOO** (IX): 112' (XII); 123'^ (Ya); 128" (X); 142^ (XI):
169^ (XIII); 178" (YIII). Il n'y a qu'un seul titre rouge,
celui de la branche XIY, au fol. 65''. Cl parole comnent .R.
se arnica es pians; mais la fin des branches est indiquée
plusieurs fois à l'encre noire: ainsi après la br. IL on lit
Ci fenist li chapitrez comnent .R. déchut tieselin le corhel Et
conment il croissn hersent Sa commère et compissa ses loimiaus.
La br. XY s'arrête brusquement au v. 116, auquel le scribe
a ajouté ces deux vers: Or uous en soiifise atant Que plus
nen dirai maintenant. Au fol. HP la branche Y est ter-
minée par ces mots: ExpUcit ceste" branche ; une main plus
moderne y a ajouté le premier vers de la branche XII.
Celle-ci, qui va jusqu'au fol. 123", porte la note finale:
ExpUcit de la matière comment R. fu clers t'jhert le chat.
A la fin de la branche XI (f. 169*^) on lit: Kxjdicit t/cestnl
conte. La fin du roman entier, au f. 1S1'\ est indiquée par
ces mots : ExpUcit le rommant de Renart.
— XX —
Plusieurs branches se trouvent deux fois dans ce msc,
d'abord avec le texte du rase. A, ensuite avec celui de C:
c'est à cette seconde partie du msc. qu'appai tiennent les
branches suivantes (que je numérote d'après l'édition de
Méon) I. IL III. IV; Y. YI. 1929—2240; puis la br.
XIX de Méon. La manière inattendue dont la br. YI est
interrompue, peut faire croire que le scribe s'est aperçu su-
bitement que le même récit se trouvait déjà dans son manu-
scrit: probablement qu'il avait sous les yeux deux manuscrits
qui appartenaient aux différentes classes de A et de C.
Il y a un autre fait qui éclaircira peut-être encore
mieux cette erreur: c'est que différentes mains ont tra-
vaillé au msc. .\. La première a écrit les fol. 1 à 40,
128 à 181, la seconde les foL 41 à 104. 112 à 124^ c'est
à cette colonne qu'une troisième main a repris l'ouvrage en
écrivant les fol. 124" à 127, 105 à 111. La seconde main
se distingue des autres par une orthographe particulière.
Pour la critique, il importe de ne pas confondre les deux
textes différents du msc. \. Je distingue celui qui se rap-
proche du msc. C par la minuscule n. Dans mon Examen
critique j'avais proposé la notation Y ; mais elle aurait été
sujette à des erreurs typographiques.
Les manuscrits que j'ai énumérés jusqu'ici ont con-
servé une série plus ou moins longue des branches du roman.
Il y en a' encore d'autres qui ne contiennent qu'une ou deux
branches ou qui ne nous sont parvenus que dans un état
fragmentaire. Je les distingue des manuscrits de la première
série par des lettres minuscules. Je n'ai pas besoin d'ajouter
que la valeur de ces fragments n'est nullement inférieure à
celle des manuscrits plus complets; il y en a même qui
présentent un texte très pur. Yoici le tableau des manu-
scrits incomplets.
a, à la bibliothèque de Lord Ashburnham, à Ash-
burnham Place, près de Battle (Sussex), où ce manuscrit
porte le numéro 242. Il a été acheté avec la collection
Barrois en 1849. Au fol. 1" on lit: Petrij Dupmj Lïb. m.
s. curai. Jnscrip (le reste de l'inscription a été coupé par
le relieur). C'est M. P. Meyer qui m'a indiqué ce manu-
scrit et qui par sa reconmiandation bienveillante m'en a
facilité la communication.
Le manuscrit est sur vélin, du XIIP siècle, petit in-8°.
Les pages n'ont qu'une seule colonne, qui comprend ordinaire-
ment 30 vers. Celui qui a numéioté les feuillets en a
compté d2; mais il a sauté un feuillet après le 20"'* et un
autre après le 22""" : le manuscrit a donc 5-4 feuillets. Il ne
contient que la branche L
Le texte porte en tête une majuscule coloriée. 11 n'y
a pas de titre, mais simplement cette note finale: Explicit
le romam de Renart. liC scribe de ce manuscrit s'est servi
de peu d'abréviations et en particulier les noms propres y sont
écrits en toutes lettres. Même les noms de nombre n'y sont
que rarement exprimés par des chiffres.
Les manuscrits b. e, d ont ceci de commun qu'il con-
tiennent tous la même branche VIII, qui s'y trouve au milieu
d'autre poëmes narratifs de peu d'étendue.
b: ce msc. se trouve à Paris, à la Bibliothèque Natio-
nale, fonds français S37 (anc. 7218). C'est le célèbre manu-
scrit des fabliaux. Il est écrit sur vélin in-fol. (31^2 cm.
de haut sur 21 cm. de large), à 4 colonnes de 50 lignes.
L'écriture est du XIIP siècle.
La branche VIII du roman de Renart y occupe les
fol. 46^ à 49''. A la fin de la branche on lit, écrit à l'encre
noire : Explicit la confesiiion Renart.
o: ce manuscrit appartient encore à la Bibliothèque
Nationale, fonds français 25545 (ancien fonds Notre Dame
274'''"). Il est sur vélin, du XI V siècle. Il contient 166
feuillets petit in-4'': chaque feuillet a 4 colonnes de 36 lignes.
La branche VIII du Renart y commence au bas du
fol. 2P, et finit au fol. 24''. Elle porte ce titre en rouge
Ci ronmence la confession Renart et son pèlerinage, et elle se
termine par cette note, également en rouge: Explicit la con-
fession de renart et la loiaidez de son pjelerinage.
d: ce manuscrit se trouve à Rome à la bibliotheca Ca-
sa mtensis; il y est coté B, III IS. Il est sur vélin, du
XIV" siècle. Il a 200 feuillets in-4" qui n'étaient pas en-
core numérotés en 1873. lorsque je collationnai le manuscrit.
Chaque feuillet a 4 colonnes de 38 lignes. Il contient le
roman de la Rose et 37 poëmes moins étendus; parmi ces
derniers, le second est notre branche YIII, qui occupe
13 colonnes du manuscrit. Elle porte ce titre: Li con-
fiesse et le pèlerinage Benart. Voyez sur ce manuscrit:
A. Tobler, Gedichte des Jehan de Condet, Stuttgart ISHO,
Lit. Verein LIV.
Deux autres manuscrits (e et h) ne piésentent mal-
heureusement que des débris qui, en fournissant de très
bonnes leçons, nous font voir combien la tiliation des manu-
scrits est loin d'être conservée dans son entier.
e: ce fragment ne contient que deux feuillets d'un
beau manuscrit du XIIP siècle, détachés d'une reliure et
conservés à la bibliothèque de S. Omer. Je n'en ai vu
qu'une copie que j'ai trouvée parmi les manuscrits de
J. Grimm et qui appartient actuellement à la Bibliothèque
Royale de Berlin. Les 100 lignes qu'il donne font partie
de la branche X et commencent par le v. 1327. 11 y a
des lacunes qui cependant pornu}ttont le calculer que le
texte était écrit sur des feuillets in-4", à 4 colonnes, chacune
de 30 lignes.
h: ce fragment ressemble en beaucoup de points au
fragment e. C'est ce fragment que M. G. Paris a publié
dans la Bomania III 373. 11 se trouve à la Bibliothèque Royale
de Bruxelles où il a été détaché d'une reliure. Il forme
la moitié supérieure, recto et verso, d'un feuillet à quatre
colonnes ; la marge gauche a été entamée par les ciseaux.
Le manuscrit dont nous ne possédons que ce faible débris
était du XllP siècle. 11 portait 30 lignes sur chaque
colonne. Les 72 vers qui nous ont été conservé correspon-
dent aux vers 8.57 à 965 de notre branche XL
Les manuscrits a, b, c, d. e, h présentent à peu près
le même texte que les manuscrits plus complets et leurs
variantes serviront à restituer la forme primitive des branches
qu'ils contiennent. On ne saurait dire la mênre chose des
autres fragments qui nous restent.
f, à Taris, à la Bibl. :vat. fontls franc. 1588 (anc.
7609^), sur vélin, grand in-4" (^29 cm. -do haut sur 21 de
large), du XIIP siècle, sauf le fragment de la branche XIII
du Renart, qui présente l'écriture du commencement du XV
siècle. Ce manuscrit contient les poëmes de Philippe de
Rémi: la Riote du Monde, la Manéki.ne, Blonde d'Oxford et
plusieurs salus. Yoyez Le Roimcii de la Manekine par
Philippe de Reimes p. p. F. Michel, Paris 1840 (Bannatyne
Clui)) p. XVII. Sur le verso laissé en blanc du fol. 96 se trouve,
ajouté par une main postérieure d'au moins LjO ans à celle
qui a écrit le reste du manuscrit, le commencement (24 lignes)
de la branche XIII, présentant une texte très altéré, écrit
avec peu de soin et passablement effacé. Je possède une
première copie de ces vers faite par mon ami J. Brakel-
mann , mort en 1870, et une autre que M. Suchier a bien
voulu me communiquer.
g, i: ces deux manuscrits présentent un texte italianisé
qui donne une version remaniée de notre bi'anche 1 et d'une
autre branche qui. en français, ne se trouve qu'en prose,
dans l'ouvrage du XI Y'' siècle intitulé Benart le contrefait:
voyez M. A. Rotlie, Les romans du Renard examinés ana-
lysés et comparés (Paris 184.5) p. 475 et Barlsch, Chresto-
mathie de l'ancien français, col. 321, Dans mon recueil ce
texte formera une branche additionelle, la branche XXYII.
Des deux manuscrits qui nous fournissent ce texte,
g se trouve à Oxford, à la Bibliothèque Bodléienne, coté
Canon. Ital. XLYIII. Il est écrit sur papier au XIY" ou
même au XY" siècle. C'est un petit iu-4" (22 cm. de haut
sur 15 de large). Les pages n'ont qu'une seule colonne.
Des 24 feuillets qui sont couverts d'écriture, les fol. C à 19
appartiennent à la branche XXYII. Il n'y a ni titre ni
note finale qui se rapporte au texte. Sur la marge on a
ajouté des dessins dont le sujet n'a rien à faire avec le
roman de Renart. Au fol. 20'" il y a un aigle avec ce vers
Ferrariam cordi teneas béate Georgi. Le texte du msc. g a
été publié avec un bon nombre de corrections et d'éclair-
cissements par E. Teza, Pisa 1869, sous le titre Rainardo e
Lcsenqrino.
Le msc. i, qui contient le même poëme, mais (Vaprès
une rédaction plus étendue, a été publié par R. Putelli dans
le Giornale di filologia Bomanza. Il se ti-ouvo à la liiblio-
thèque archiépiscopale d'Udine, à laquelle il a été donné
par le bibliothécaire Petro Braido en 1783. Il y porte le
numéro XIII des in-4°. Il est sur vélin et contient G4
feuillets, qui ont 1!) cm. de haut sur 14 cm. de large. L'écri-
ture est de la seconde moitié du XIY" siècle. La branche
XXYII, qui occupe la tin du manuscrit, va du fol." 50'' au fol.
64''. Le scribe a ajouté quelques vers latins, dont le premier
se trouve également dans le msc. g. le second dans le msc. a.
Yoilà donc Us sources auxquelles j'ai puisé ma con-
naissance du roman de Renart. Comme je l'ai déjà remai-qué
dans mon Examen critique p. 7, cette liste n'est pas encore
complète, puisqu'il y a dans l'édition de Méon des passages
qui ne se retrouvent dans aucun des manuscrits que j'ai énu-
mérés et que Méon a tirés d'un manuscrit que je n'ai pu r.'trouver.
t^uant à la manière de me servir de mes notes, j'ai élargi
le plan proposé à la tin de mon Exaii/eti criti(pie.
Je donnerai les variantes de tous les manuscrits, excepté
celles des trois manuscrits Tfil. Comme V n'est qu'une copie
fautive du msc. K, ce manuscrit n'a aucune valeur propre
pour la recherche du texte oiiginal. Le msc. G se rapproche
encore beaucoup du msc. K: il appartient donc à une famille
déjà suffisament représentée par les quatre mss. AliK.N. Enfin
le msc. I ne contient qu'un texte remanié dans beaucoup de
parties avec une très grande liberté ; c'est plutôt un poëme nou-
veau qu'on pourrait bien, si toutefois cela en valait la peine,
publier en entier au lieu de le confondre avec le reste des
variantes.
Il n'y a qu'une seule branche, la huitième, le Pèlerinage
Be)tart, pour laquelle je donnerai les variantes de tous les
manuscrits, même des msc. HJ!, comme je l'ai déjà fait dans
les Boinanisehe Sfuilien. On pourra se faire ainsi une idée
de l'utilité qu'il y aurait à donner intégralement toutes his
variantes des msc. F (il. .le doute qu'on en tirerait une seule
restitution du texte orioinal.
Quant aux autres manuscrits, on me permettra encore
de me borner aux variantes offrant un certain intérêt et de
laisser de côté toutes les divergences purement ortho-
graphiques.
Mon texte est fondé pour chaque branche sur celui des
manuscrits qui paraît se rapprocher le plus de l'original.
Ainsi pour la plupart des branches (I à XIV), c'est le msc.
A que je reproduis en comblant ses lacunes par le msc. I) ;
pour les branches XV à XVII je me sers du msc. X; pour
les branches XVIII — XXII et pour la branche XXIV,
du msc. B. Pour chacune des branches XXIII, XXV,
XXVII, je suivrai le manuscrit qui l'a conservé seul: c'est
à dire le msc. M pour la branche XXIII, le msc. H pour
la br. XXV, le msc. L pour la branche XXVI. Enfin dans
la branche XXVII, je mettrai en regard les deux textes,
qui nous en restent.
Le premier volume de mon édition contient les onze
branches qui ne manquent dans aucun des trois manuscrits
A, B, C et qui paraissent former une ancienne collection.
Comme M. A. Bauer a bien voulu revoir les épreuves im-
primées sur le msc. A, je suis bien sûr que mon texte, y compris
les variantes données au bas des pages, est rigoureusement
exact. Le second volume comprendra les branches isolées
qui n'ont été conservées que dans les manuscrits d'une ou de
deux familles. Le troisième contiendra les variantes.
Dans chaque branche je corrigerai les fautes évidentes
du manuscrit principal , mais je me garderai de mêler les
leçons des différentes familles là où le texte du manuscrit
principal offre un sens satisfaisant et une versification assez
bonne. Quelques vers qui ne se trouvent pas dans les autres
rédactions et qui portent le cachet de l'interpolation ont été
mis entre crochets [— ].
Quant à l'orthographe du msc. A , je me suis pennis de
la régulariser quelque peu. Mais je sais bien que c'est là
une chose très délicate et je crains que le système que j'ai
suivi et qui laisse tant à corriger aux lecteurs eux-mêmes,
ne soulève bien des objections.
Aussi je ne me fais point d'illusion sur la différence
qui existe entre le texte restitué d'après une seule famille
des manuscrits et celui qui peut résulter de la comparaison
des différentes familles. Ces familles que j'ai distinguées dans
mon Examen critique^ diffèrent l'une de l'autre non seulement
par le nombre et l'ordre des branches qu'elles contiennent,
mais aussi, dans les différentes branches, par le nombre des
vers et par les leçons qu'elles offrent. Chaque famille a ses
fautes particulières, chacune paraît aussi avoir conservé des
restes du texte primitif qui no se trouvent pas dans les manu-
scrits des autres familles. Il faudrait donc, pour restituer le
texte primitif, se servir tantôt de l'une et tantôt de l'autre
famille, et en tirer toutes les variantes qui concordent le mieux
avec le style et le dialecte de Toriginal supposé. C'est ce
que M. G. Paris a très bien expliqué dans la Bomania^ et
ce serait bien là le but d'une édition critique qui mériterait
véritablement ce nom.
Mais ce qui me paraît non moins certain, c'est qu'un
travail de ce genre rencontrera bien des difficultés. La re-
cherche de l'original se complique par ce fait que les
différentes branches n'ont pas une origine comnmne. qu'elles
ont été composées par des poètes différents, à des époques et dans
des provinces différentes; et qu'en outre plusieurs branches
ne nous sont parvenues qu'après avoir subi des remaniements
et des altérations profondes. C'est pour cela que je crois
qu'on ne parviendra jamais à restituer sûrement le texte pri-
mitif et que tout en cherchant à le faire, il faudra se con-
tenter en beaucoup d'endroits d'un choix arbitraire et d'un
résultat douteux.
On me croira facilement, si je dis que moi aussi j'ai essayé
de pousser ces recherches qui offrent certainement un grand
intérêt. Ce que je pourrai faire pour arriver à la solution de
ces problèmes de haute critique, je l'exposerai dans une bro-
chure qui paraîtra en même temps que le troisième volume
de l'édition. Mais ici j'ai cru devoir me restreindre à donner
un texte tiré des meilleurs sources et à fournir, par les vari-
antes des autres manuscrits, les moyens de restituer le texte
primitif. Que d'autres, plus instruits, plus hardis et disposant
de plus de loisir, accomplissent cette tache aussi attrayante
que difficile!
Peut-être jugera-ton comme moi que le roman de Renart
ne mérite pas en entier le travail énorme qu'exige une édi-
tion critique. Il y a. et j3ersonne ne le contestera, de
grandes parties du roman qu'il suffira de lire dans une re-
production fidèle des manuscrits. Les longueurs insipides, les
obscénités qu'on y trouve et qui répugnent à tout lecteur,
ne me paraissent pas absolument dignes d'être passées au crible
de la critique. L'édition critique qu'on doit désirer, ne compren-
drait qu'un choix de branches, réunissant tous les contes spiri-
tuels et naïfs à la fois, qu'on a loués si souvent et avec tant
de raison.
Aussi suis-je heureux de pouvoir annoncer au public
une édition partielle du roman du Renart qui répondra en
même temps aux exigences de la philologie et aux besoins
des simples lecteurs. On la devra à mon ancien collègue,
^I. J. Cornu, professeur à l'université de Prague, qui espère
la publier dès que mon édition sera complète, c'est à dire
avant la fin de l'année prochaine,
Strasbourg, Octobre 1881.
Ernest Martin.
(Méon 9G49— 9672)
Perrot, qui son engin et s'art A f. 1
Mist en vers fere de Renart
Et d'Isengriu son cher conpere,
Lessa le meus de sa matere :
5 Car il entroblia le plet
Et le jugement qui fu fet
En la cort Noble le lion
De la grant fornicacion
Que Renart fist, qui toz maus cove,
in Envers dame Hersent la love.
Ce dit l'estoire el premêr vers
Que ja estoit passe ivers
Et que la rose espanissoit
Et l'aube espine florissoit
15 Et près estoit l'asencions,
Que sire Noble li lions
Totes les bestes fist venir
En son pales por cort tenir.
Onques n'i ot beste tant ose
i>0 Qui remansist por nule chose
Qui ne venist hastivement:
Fors dan Renart tant solement,
Le mal 1ère, lo soulduiant,
Que li autre vont encusant
1 ossarf H clinr| bon 5 oiiti
1(! lioin 19 O. mit 21 ni uo^nc
UFXAKT. 1.
I (Méon i:)678— 97101
•25 Et eiipiraut devant le roi
Et son orgueil et son desroi.
Et Yseng-rin qui pas ne l'eime,
Devant toz les autres se cleime
Et dit au roi 'baux gentix sire,
30 Car me fai droit de l'avoutire
Que Renart fist a ni'espossee
Dame Hersent, quant Tôt serrée
A Malpertuis en son repère,
Quant il a force li volt faire,
35 Et conpissa toz mes lovaux:
C'est li dels qui plus m'est noveax.
Renart prist jor de l'escondire
Qu'il n'avoit fet tel avoultire.
Quant li seint furent aporte,
40 Ne sai qui li out enorte.
Si se retrest molt tost arere
Et se remist en sa tesuere.
De ce ai ou grant coroz'.
Li rois li a dit oiant toz
45 'Ysengrin, leissiez ce ester.
Vos n'i poes rien conquester,
Ainz ramentevez vostre honte.
Musart sont li roi et li conte.
Et cil qui tienent les granz corz
50 Devienent cop, liui est li jorz.
Onques de si petit domage
Ne fu tel duel ne si grant rage.
Tele est celé ovre a escient
Que li parlers n'i vaut noient.'
55 Dist Brun li ors, 'biaux gentix sire,
Ja porriez asez meuz dire.
Est Ysengrin ne mort ne pris,
Se Renart a vers lui mespris,
Que bien n'en puist avoir venchance.
GO Ysengrin est de tel puissance.
27 quo 82 soroo 44 si 4S M. ^^ li 49 grant 51 pou
hontage 52 ne toi <liunag(' bh Dit
1 iMéou U711— i)74y)
Se Renart près de lui main)it,
Et por la pes ne remanoit
Qui novelement est jurée,
Que ja oiist vers lui durée.
G5 Mes vos estes prince de terre:
Si metes pes en ceste guerre!
Metes pes entre vos barons:
Qui vos harrez, nos le harrons,
Et meintendron de vostre part.
70 S'Isengrins se pleiut de Renart,
Fêtes le jugement seoir:
C'est li meuz que g'en puis veoir,
Se l'un doit a l'autre, si rende,
Et del mesfet vos pait l'amende.
7ô Mandes Renart a Malpertuis:
Gel' amenrai, se je le truis
Et vos m'i voles envoler.
Si l'aprendrai a cortoier.'
'Sire Brun dit Bruianz li tors,
80 Mal dalieit ait sans vostre cors
Qui ja conseillera le roi
Qu'il prende amende del desroi.
De la honte et del avoutere
Que Renart fist a sa conmere.
85 Renart a fait tante moleste,
Et conciliée tante beste.
Que ja nus ne li doit aidier.
Conment doit Ysengrin plaider
De chose qui si est aperte
90 Et conneiie et descoverte?
De moi sa ge, que que nus die.
Se cil qui tôt le mont conclue,
Eùst ma famé en sa baillic,
Contre son gre l'oust sesie :
95 Ja Malpertuis nel garandist.
Ne forteresce qu'il feïst.
02 reiiianroit CA ddi'co 70 So i. 71 oir
li5 au m. 78 la prcn . . ic u 89 que 94 outre mon
i I .vléon 9749—9784)
Que je ne l'eusse escuillie
Et puis en un conping gitie.
Herseut, dont vos vint en coraje?
100 Certes ce fu molt grant damaje,
Quant Renai-t qui est fox garçons
Vos monta onques es arçons'.
'Sire Bruiaut' dist li tessons,
'Cist maux, se nos ne l'abesson,
105 Porra encore trop monter.
Car tex porra le mal conter
Et bien espandre et essaucier
Qui nel porra pas abessier.
Et puis qu'il n'i ot force fête,
110 Ne huis brisie ne trêve enfrete.
Se Renart li fist par amors,
N'i afiert ire ne clamors.
Pieca que il l'avoit amee.
Ja celé ne s'en fust clamée,
115 S'en li en fust: mes par mou chef
Ysengrin l'a trop pris en gref.
Yoiant le roi et son barnaje,
Gart Ysengrin a sou damaje !
Se li vasseax est enpiries
1-20 Et par Renart mal atiriez
Le vaillant d'une nois de coudre,
Près sui que je li face soudre,
Des que Renart sera venus
Et li jugement ert tenus.
125 Mes c'est li meus que ge i sent,
Li blâme soit dame Hersent.
Ahi, quel onor et quel plet
Yos a hui vostre mari fet
A tantes bestes regarder!
130 Certes len vos devroit larder,
S'il vos apele bêle suer,
Se James li portes bon cuer.
KM) diuimcc 104 Cis 112 Cis 114 cliaiiiors 114 Ja .h. ne
chiinicc 119 os 124 Et iikokjiic i. sera t.
I (Méon 9785—9818)
Il ne vos crient ne ne resogne'.
Hersent rogist, si ot vergoine,
135 Que tôt le poil li vet tirant.
Si respondi en sozpirant
'Sire Grinbert, je n'en puis mes.
Ge amasse molt meus la pes
Entre mon segnor et Renart.
140 Voir il n'ot onques en moi part
En tel manière n'en tel guise,
Si que j'en feroie un joïse,
De caude eve ou de fer caut.
Mes mon escondire que vaut,
145 Lasse, caitive, malostrue.
Quant je ja n'en serai creûe?
Par trestoz les sainz qu'on aore
Ne se damledex me secore,
Conques Renart de moi ne fist
150 Que de sa mère ne feïst.
Por dan Renart nel di je mie
Ne por amender sa partie:
C'autretant m'est qu'en de lui face,
Ne qui que Teint ne qui le hace,
1Ô5 Con vos est d'un cardon asuiu.
Mes je le di por Ysengrin,
Qui de moi par est si jalox
Que toz jors s'en quide estre cox.
Foi que je doi Pincart mon fil,
160 Oan le preraer jor d'avril
Que pasques fu, si con or sist,
Ot dix anz qu'Isengrin me prist.
Les noces furent molt pleneres:
Que les fosses et les lovieres
165 Furent de bestes totes pleines.
Voire certes si qu'a grant peines
133 cricn 138 ammasse raolt manque 1-40 141 maiiquciit
143 caud ou nutiique de„ "caut,' fer 146 crcu 147 sain
153 Cautroment 157 que 162 que y. 166 grant qa
I (Méon 9819—9858)
Peûssies tant de vuit trover
Ou une oe poiist cover.
La devin ge ïoiale espose,
17U Ne m'en tenes pas a mentose
N'a songnant ne a beste foie.
Or revendrai a ma parole.
Qui m'en voult croire, si m'en croie,
Et si voil bien que chascun l'oie:
175 One, foi que doi sainte Marie,
Ne fis de mon cors puteric
Ne mesfet ne maveis afere
Q'une none ne poïst fere'.
Quant Hersent ot sa raison dite
180 Et ele se fu escondite,
Beruars li annes qui l'oï,
Trestot son cuer s'en esjoï.
Qar or quide tôt a estros
Que Isengrin ne soit pas cos.
185 'Ahi' fet il, gentil barnesse,
Qar fust or si loial m'annesse.
Et chen et lou et autres bestes.
Et totes femes con vos estes!
Qar si me face dex pardon,
190 Si me doinst il trover cardon
Qui soit tendres en ma pasture.
Que vos n'oiistes onques cure
De Renart ne de son déduit.
Ne de s'amor, si con je quit.
195 Mes li secles est si maveis,
Si mesdisans et si pugnes.
Qu'il tesmoinne ce qu'il ne voit
Et blâme ce que loer doit.
Ahi, Renart li forseaes,
•200 Con de mal hore tu fus nés
Et engendres et conceiis.
Quant tu jà ne seras creûs!
168 torner 175 q. ge doi s. 181 qui] si 186 ore 197 doit
fu 202 manque
I (Méoii 9859— 0928. .
Or ert la novele espandue
Que aviez Hersent croissue.
'205 Ele en velt ci fere un joïse:
Onques par lui ue fu requise.
He, gentix sire deboneire,
Qar nietez pes en cest afere,
Et s'aiez de Renart merci!
210 Lessiez le moi vostre merci
Ca aconduire a sauvete
De qanqu'Isengrin l'a rete:
Itele amende li fera
Con vostre cort esgardera.
215 Et se il a fait par despit
Le hardement et le respit
Qu'il a pris de venir a cort.
Amendera einz qu'il s'en tort.'
'Sire' ce respont li conciles,
2-10 'Onques ne vos aït saint Giles,
(Se vos plest et vos conmandez)
Se ja Renart i est mandez
Hui ne demein: se il n'i vient,
Après demein, e s' il s'en tient,
2-25 Fêtes li a force amener,
Et puis tel livroison doner
Dont il en après se recort.'
Ce dit Nobles vos aves tort
Qui Renart volez forsjuger.
230 Tel os poes vos bien ronger :
S'aucun de vos me mené orgoil.
Ce meïme vos pent a l'ueil.
Renart ne he ge mie tant
Por rien qu'en li voist sus metant,
235 Que je le voille encor honir,
S'il se voult a moi abonir.
Ysengrin, pernez cest juïse
(iue vostre feme vos devise,
20r, un manque 212 la arête 213 ameiidi 216 despit 223 sil 224
d. e il se t. 225 mener 231 uos meneine o. 232 pent] plest 237 ceste
I (Méon y'J2y— 9964)
Se vos laissier ne le volez.
240 Gel preudroie'. 'Sire, tolez!
i Se lierseut porte le joïse,
' Et cle soit arse et esprise,
' Tex le saura qui or nel set.
Liez en sera qui or me het.
245 Lors diront il tôt a estrox,
"Vez la le coz et le jalox!"
Meuz me vaut il, selonc le plet
Soufrir la honte qu'il me fet
Tant que je me puisse venger.
250 Mez einz que doive vendenger
Quit ge Renart movoir tel gerre :
Ne le garra ne clef ne serre
Ne mur ne fosse desfensable'.
'Or dont' dit Nobles, au deable!
255 Por le cuer be, sire Ysengrin,
Prendra ja vostre gerre fin?
Quidiez i vos rien gaagnier,
Renart mater ne meegnier?
Foi que je doi saint Lienart,
21)0 Ge connois tant les arz Renart:
Plus tost vos puet il fere ennui,
Honte et damaje que vos lui.
D'autre part est la pes jurée
Dont la terre est aseûree:
205 Qui l'enfrendra, s'il est tenuz,
Molt mal li sera avenuz'.
Quant Ysengrin oï le roi
Qui de la pes prenoit conroi,
Molt fu dolanz, ne set que fere,
270 Ne n'en set mes a quel chef trere.
A la terre entre deus eschames
S'asiet la coue entre les janbes.
Or est Renart bien avenu,
Si dex li oiist porveû:
243 nés set 248 que el 261 pot 271 Jusqa la t. c. d.
landes 273 estoit
I (Ml'uu <J965 — lUOUO)
275 Q'en tel point avoit pris li rois
L'acorde rnaugre as yrois,
Que ja preïst la gerre fin
Entre Renart et Ysengrin,
Se ne fust Chantecler et Pinte
■280 Qui a la cort venoit soi qinte
Devant lo roi de Renart pleindre.
Or est li feus gros a esteindre.
Car sire Chantecler li cos
Et Pinte qui pont les ues gros,
■285 Et Noire et Elance et la Rossete
Amenoient une charete
Qui envouxe ert d'une cortine.
Dedenz gisoit une geline
Que Fen amenoit en litere
290 Fête autres! con une bere.
Renart l'avoit si maumenee
Et as denz si desordenee
Que la cuisse li avoit frète
Et une ele hors del cors trete,
•25)5 Quant li rois ot jugie asez,
Qui del pleider estoit lassez,
Ez les jelines meintenant
Et Chantecler paumes bâtant.
Pinte s'escrie premereine
300 Et les autres a grant aleine:
'Por deu' fet ele, 'gentix bestes
Et chen et leu tex con vos estes,
Qar conseilliez ceste chaitive !
]k[olt he l'oure que je sui vive.
Î305 Mort, car me pren, si t'en délivre.
Quant Renart ne me lesse vivre!
Cinc frères oi tôt de mon père:
Toz les manja Renart li 1ère,
Ce fu grant perte et grant dolors.
310 De par ma mère oi cinc serors.
278 Dentre 279 chantereax {de même au v 283 cliantorax)
284 le 290 Autres! fet 295 mangie 302 1. et tex
10 I (Méun lOOUl— lOOiiS)
Que virges poules, que mescines:
Molt i avoit bêles jelines.
Gouberz del Frenne les passoit,
Qui de pondre les anguissoit:
•315 Li las! mal les i encressa.
Qar aine Renart ne l'en laissa
De totes cinc que une soûle:
Totes passèrent par sa goule.
Et vos qui la gisez en bere,
■^20 Ma douce suer, ni'amie chère,
Con vos estieez tendre et crasse!
Que fera vostre suer la lasse
Que a nul jor uc vos regarde?
Renart, la maie flambe t'arde!
325 Tantes foiz nus avez foleez
Et chacies et tribulees.
Et descirees nos pelices.
Et enbatues dusq'as lices.
1er par matin devant la porte
3:30 Me jeta il ma seror morte,
Puis s'en foi" parmi un val.
Gonberz n'ot pas isnel cheval.
Ne nel poïst a pie ateiudre.
Ge me voloie de lui pleindre,
3S5 Mes je ne truis qui droit m'en face :
Car il ne crent autrui manace
N'autrui coroz vaillant deus foies'.
Pinte la lasse a ces paroles
Chaï pamee el pavement,
340 Et les autres tôt ensement.
Por relever les quatre dames
Se levèrent de lor escames
Et chen et lou et autres bestes,
Eve lor getent sor les testes.
345 Quant revindrent de paumoisons,
Si con nos en escrit trovons,
La ou lo roi virent seoir
Totes li vont au pie chaoir:
311 puceles 322 f. la u. s. 1. 1. 323 Que 346 touoms
I (Méon lUOLI'.J— lOOTtJ) 11
Et Chantecler si s'ajeuoille
^50 Et de ses lermes ses piez moille.
Et quant li rois vit Chantecler,
Pitié li prent du baceler.
Un sopir a fet de parfont,
Ne s'en tenist por tôt le mont.
355 Par mautalant drece la teste.
One n'i ot si hardie beste,
Ors ne sengler, que poor n'et
Quant lor sire sospire et bret.
Tel poor ot Coars li lèvres
360 Que il en ot deus jors les fevres.
Tote la cort fremist ensenble.
Li plus hardis de peor tremble.
Par mautalent sa coue drece,
Si se débat par tel destrece
365 Que tôt en sone la meson,
Et puis fu tele sa reson.
'Dame Pinte" fet l'enperere,
Foi que doi a l'ame mon père
Por qui je ne fis aumonne hui,
370 II me poisse de vostre anui,
Se ge le peiisse amender.
Mes je ferai Renart mander
Si que vos a vos euz verres
Et a voz oreilles orres
375 Con grant venchance sera prise.
Quar j'en voil fere grant justise
Del omecide et du desroi'.
Quant Ysengrin oï lo roi,
Isnelement en pies se drece.
380 'Sire' fet il, c'est grant proece.
Molt en seres par tôt loes,
Se vos Pinte venger poes
Et sa seror dame Copee
Que Renart a si esclopee.
349 chant" (de même mi v. 351) 361 fremmist 369 je manque
371 puisse 373 uenres 374 oreilloz 377 Et del amende
12 I iMéon 1(1077—10116)
385 Ge uel di mie por haïne,
Mes je le di por la Diescine
Qu'il a morte, que je le face
Por chose que je Reuart liace.'
Li emperere dit 'amis,
390 II m'a molt grant dol el cuer mi;
Ce n'est or pas li premereins.
As voz et a tos les foreins
Me plein si, con je fere sueil,
Del avoltire et del orgueil
395 Et de la honte qu'il m'a fetc.
Et de la pes qu'il a enfrete.
Mes or parlons d'autre parole.
Brun li ors, pernez vostre estole,
Si commandes l'ame del cors !
400 Et vos, sire Bruianz li tors,
La sus enmi celé costure
Me fêtes une sepouture!
'Sire' dit Brun, 'vostre plesir'.
Atant vét l'est oie sesir,
405 Et non mie tant solement :
Et li rois au commendement
Et tuit li autre del concile
Ont commencie la vigile.
Sire Tardis li limaçons
410 Lut par lui sol les trois leçons,
Et Roencl chanta les vers.
Et li et Brichemers li cers.
Quant la vigile fu chantée
Et ce vint a la matinée,
415 Le cors portèrent enterrer.
Mes einz l'orent fet encerrer
En un molt bel vaissel de plom,
Onques plus bel ne vit nuz hom.
Puis l'enfoïrent soz un arbre
420 Et par desus mirent un marbre.
387 Que il le manque 391 ore 393 je manque 395 m'
mmique 401 cotore 402 sulpleturc 406 coîiît demt 40!S lauen-
gile 415 portent 417 plomc
I fMéon 10117 -l(»152l 13
(S'i ot escrit le nou la dame
Et sa vie) et conmandent l'anie.
Xe sai a eiâel ou a grafe
I out escrit en l'espitafe
425 'Desoz cest arbre enmi ce plain
Gist Copee la sor Pinteiu.
Renart qui chascuu jor enpire,
Eu fist as denz si graut raartire'.
Qui lors veïst Piutein plorer,
430 Renart maudire et dévorer,
Et Chantecler les piez estendre,
Molt grant pitié l'en poïst prendre.
Quant li deuls fu un poi laissie
Et il fu del tôt abessioz,
43.') 'Emperere' font li baron,
'Qar nos vengies de cel laron
Qui tantes guiches nos a fêtes
Et qui tantes pes a enfretes'.
'Molt volontiers' dit l'enperere.
440 Qar m'i aies, Brun, bauz doz frère:
Vos n'aurez ja de lui regart.
Dites Renart de moie part
Q'atendu l'ai trois jors enters'.
'Sire' dit Brun, 'molt volenters'.
445 Atant se met en l'ambleûre
Parmi le val d'une coture.
Que il ne siet ne ne repose.
Lors avint a cort une chosse
Endementers que Brun s'en vet,
450 Qui Renart enpire son plet.
Qar misire Coart li lèvres,
Que de poor pristrent les fevres,
(Dons jors les avoit ja oiies)
Merci deu or les a perdues
422 grefe Après 423 on lit II servirent pas de beflF(> 424
I]ainz lespcrance 425 en ceste planée 426 li <^. la nxmqiie
Après 42G Que R. ocist de sa niein 42s fet 441 lui [moi 450 Que
453 .1111 . les a auoit oues
14 I (Méuu 10153— 1(»1M8)
455 Soi- la tombe dame Copee.
Car quant ele fu enterrée,
One ne se vont d'iloc partir,
S'eûst dormi sor le martir.
Et quant Ysengriu l'oï dire
4C^() Que ele estoit vraie martire,
Dit qu'il avoit mal en l'oreille.
Et Roonel qui li conseille.
Sus la tombe gisir le fist.
Lors fu gariz, si con il dist.
465 Mes se ne fust bone créance
Dont nus ne doit avoir dotauce,
Et Roenel qui le tesmoinguo,
La cort quidast, ce fust meucoingne.
Quant a la cort vint la novcle,
470 A tex i ot qu'ele fu bêle.
Mes a Grinbert fu ele lede,
Qui por Renart parole et plede
Entre lui et Tybert le chat.
S'or ne set Renart de barat,
475 Mal est bailliz, s'il est tenuz.
Qar Brun li ors est ja venuz
A Malpertus le bois enter
Parmi l'adrece d'un senter.
Por ce que grant estoit sis cors
4S0 Remeindre l'estuet par defors.
S'estoit devant la barbacane.
Et Renart qui le mont engaue,
Por reposer ert trais arere
Enmi le fonz de sa tesnere.
485 Garni avoit molt bien sa fosse
D'une geline grant et grosse,
Et s'avoit mangie au matin
Deux bêles cuisses de poucin.
Or se repose et est a ese.
490 Ataut es vos Brun a la liese.
458 soz 4(;i iiudil 46:{ Soz 4GG (loi 467 teif?noins'no
476 es 478 serter
I (Méun 1U18SI— 1U22BI 15
'Reuart' fait il, parlez a moi!
Ge sui Brun messagier lu roi.
Issiez ca fors en cestc lande :
S'orrez ce que li rois vos mande.'
495 Renart set bien que c'est li ors,
Reconneii l'avoit au cors :
Or se conmence a porpenser
Con se porra vers lui teuser.
'Brun' fet Reuart, 'baus doz amis,
500 En molt graut peine vos a mis
Qui ca vos a fet avaler.
Ge m'en dévoie ja aler:
Mes que j'aie mangie ancois
D'un mervellos mangier francois.
505 Qar, sire Brun, nos ne savez,
L'en dit a cort "sire, lavez"
A riche home, quant il i vient.
Garis est qui ses manches tient.
De primes vient buef alegres.
510 Apres vienent li autre mes.
Quant li sires les velt avoir.
Qar povres hom qui n'a avoir,
Fu fet de la merde au diable.
Ke siet a feu, ne siet a table,
5:5 Ainz mangue sor son giron.
Li chen li vienent environ
Qui le pain li tolent des moins.
Une fois boivent, c'est del moins.
Ja plus d'une fois ne bevront,
520 Ne ja plus d'un sol mes n'auront.
Lor os lor gitent li garçon.
Qui plus sont sec que vif carbon.
Chascun tient son pain en son poing.
Tuit furent féru en un coing,
525 Et li seneschal et li queu.
De ce ont li seignor grant preu
491 tendes 492 messag'. 494 vos] te 49<; Roceneu
508 sez mandiez 520 pc que dun 522 uis 52^ poinj^n 524 coign
525 que 526 ce si 0.
16 I (Méon 10227 — 102(52)
Dont li laron ont a plente.
Qar fussent il as et ventejr
La char lor enblent et les peins
530 Qu'il envoient a lor puteius.
Por tel afere con ge di,
Beax sire, avoie des midi
Mon lart et mes pois aunes,
Dont je me sui desjeûues:
533 Et s'ai bien mangie set denrées
De novel miel en fresces rees'.
'No mini dame Cristum file'
Dit li ors, por le cors saint Gile,
Cel raeuls, Renart, dont vos abonde?
540 Ce est la chose en tôt le monde
Que mes las ventres plus désire.
Car m'i menés, baux très doz sire,
Por le cuer be, dex moie cope'!
Et Renart li a fet la lope
515 Por ce que si tost le descoit,
Et li chaitis ne s'aperçoit,
Et il li trempe la corroie.
Brun' dit Renart, 'se je savoio
Que je trovasse en vos fiance
550 Et amistie et aliance.
Foi que je doi mon fil Rovel,
De cest bon miel fres et novel
Yos enplirai encui le ventre
Ca an dedens si que l'en entre
555 El bois Lanfroi le forestier .
Mes ce que vaut? ce n'a mestier.
Qar se je ore o vos aloie.
Et de vostre ese me penoie,
Tost me fereez maie part'.
5()0 'Qu'avez vos dit, sire Renart?
Mescreez me vos dont de rien'?
'OiT. 'De qoi' ? Ce sa ge bien :
')29 la pain 530 putein 585 iiiiingies 539 dont] ou 547 tropo
la corroi 550 alinance 554 Ca] Qar 5()1 dont Duivipic de unie r.
I (Méon 10203—10300) 17
De traïson. de felonnic'
■Renai't, or est ce diablie,
nCô Quant de tel chosse me desdites'.
'Non faz: or en soiez toz qiiites!
Ne vos en port nul mal corage.'
'Vos aves droit, que par l'omaje
Que je fis Noble le lion,
570 One vers vos n'oi entencion
D'estre traîtres ne triceres,
Ise envers vos estre boiseres.'
'Ge n'en quier autre seiirte,
Ge me mot en vostre boute.'
57;') Trestot Brun a Renart otroie.
Atant se mistrent a la voie.
Onques n'i ot resne tenu
De si a tant qu'il sont venu
El bois Lanfroi le forester:
580 Hoc s'arestent li destrer.
Lanfroi qui le bois soloit vendre,
Un chesne ot conmence a fendre.
Deus coins de cesue toz entiers
I avoit mis li forestiers.
585 'Brun' fet Renart, 'bau doz amis,
Vez ci ce que je t'ai premis.
Ici dedenz est li castoivre.
Or del mangier, si iron boivre:
Or as bien trove ton avel.'
590 Et Brun li ors mist le musel
El cesne et ses deus pies devant.
Et Renart le vet sus levant
Et adrecant en contremont.
En sus se trest, si le semont.
595 'Cuverz' fait il, ovre ta boce !
A pou que tes musauz n'i toco.
Fil a putein, ovre ta golo!'
Bien le concie ot bien le bole.
.564 es ce .567 en )n(aifjiie p^. 573 cuer autres 575 T. a .b. a
581 Lanbert 582 auoit 584 forestier 585 lîron 586 je mangue
596 atoce 597 Fil a a
REN'ART I 2
18 I (Méon 10801—10338)
Maudite soit sa vie tote,
()()() Que James n'en traisist il gote,
Que n'i avoit ne miel ne ree.
Endementres que Brun i bee,
Renart a les coiuz enpoigniez
Et a grant peine descoignioz.
(505 Et quant li coing furent oste,
La teste Brun et li coste
Furent dedeus le cesne enclos.
Ore est li las a mal repos:
Moult l'avoit mis en maie presse.
610 Et Renart qui ja n'ait confesse,
(Quar onc ne fist bien ne ammone)
De long s'estut, si le ranprone.
'Brun fet il, jel savoie bien
Que queriez art et engien
015 Que ja del miel ne gosteroie.
Mes je sai bien que je feroie,
S'une autre fois avoie a fere.
Molt estes ore deputere
Que de cel miel ne me paes.
020 Ain! con me conduisiez,
Et con seroie a savete.
Se g'estoie en enfremete !
Vos me lairees poires moles.'
Atant es vos a cez paroles
i>2ô Sire Lanfroi le forestier,
Et Renart se mist au frapier.
Quant li vileins vit Brun l'ors pend
Au cesne que il devoit fendre,
A la vile s'en vient le cors.
()30 'Harou! harou!' fait il a Tors!
Ja le perrons as poins tenir.'
Qui dont veïst vileins venir
Et fermier par le boscage!
Qui porte tinel, et qui hache,
C.OO ti
(;14 ciiuiu illT) lien (UT Sun f.l9 de!
cel (527 prciiiln- (kJI
I Méon 1US39— 10:S8(;j 19
(vîô Qui ilael, qui baston d'espine.
Grant peor a Brun de s'escine.
Quant il oï venir la rage,
Fremist et pense en son corage
Que meus H vient le musel perdre
640 Que Lanfroi le poûst aerdre,
Qui devant vient a une hace.
Tent et retent, tire et relâche
(Estent le cuir, ronpent les venes)
Si durement que a grans peines
fi45 Fent li cuirs et la teste qasse.
Del sanc i a perdu grant masse,
Le cuir des pies et de la teste.
One nus ne vit si leide beste.
Li sans li vole del musel,
GôO Entor son vis n'ot tant de pel
Dont en poïst fere une borse.
Einsi s'en vet le filz a Torse.
Parmi le bois s'en vet fuiaut,
Et li vilein le vont huiant:
655 Bertot le filz sire Gilein,
Et Hardoïn Copevilein,
Et Gonberz et li filz Galon,
Et danz Helins li niez Faucon
Et Otrans li quens de l'Auglee
6G0 Qui sa feme avoit estranglee:
Tyegiers li forniers de la vile
Qui esposa noire Cornille,
Et Aymer Brisefaucille
Et Rocelin li filz Bancille,
665 Et le filz Oger de la Place,
Qui en sa mein tint une hache:
Et misire Hubert Grosset
Et le filz Faucher Galopct.
Li ors s'enfuit a grant anguisse.
670 Et li prestres de la parose
G35 f. et qui 644 Si d. i=îi qna ^'rant p. r,.j3 fuant B58 niez]
filz 660 a. csposee
20 I (Méon 10887— l(t424)
Qui fu père Martiu d'Orliens,
Qui veiioit d'espandre son fiens,
(Une force tint en ses moins)
Si l'a féru parmi les reins,
(i75 Que par pou ne l'a abatu.
Molt l'a blecie et confondu.
Cil qui fet pinnes et lanternes,
Ateint Brun l'ors entre deus cesnes:
D'une corne de buef qu'il porte
fiSO Li a tote l'escino torte.
Et d'autres vileins i a tant
Qui as tinels le vont bâtant.
Que a grant peine s'en escape.
Or est Renarz pris a la trape,
08') Se Bruns li ors le puet atcindro.
Mes quant il l'oï de loin pleindie,
Tantost s'est mis par une adrece
A Malpertuis sa forterece,
Ou il ne crient ost ne aguet.
690 Au trespasser que Bruns a fet
Li a Renart deus gas lancies.
'Brun, estes vos bien avancies'
Ce dit Renart del miel Lanfroi
Que vos aves mangie sans moi ?
095 Yostre maie foi vos parra.
Certes il vos en mescharra
Que ja n'aures en la fin prestre.
De quel ordre voles vos estro
Que roge caperon portes ?"
700 Et li ors fut si amates
Qu'il ne !i pot respondre mot.
Fuiant s'en vet plus que le trot:
Qu'encor quide caoir es moins
Lanfroi et les autres vileins,
705 Tant a aie esporonant
Que dedens le midi sonant
En est venus en la carere
Ou li lions tint cort plonere.
672 Que G83 Qui (]8(i il lou de
I (Méon 1U425— 1U460) 21
Pasmes cliaï el parevis.
710 Li sans li cuevre tôt le vis
Et si n'aporte nule oreille.
Trestote la cort s'en merveille.
Li rois dit 'Brun, qui t'a ce fet?
Ledement t'a ton capel treit,
715 Par pou qu'il ne t'a escuissie.'
Brun avoit tant del sanc lessio
Que la parole li failli.
'Rois' fet il, ainsi m'a bailli
Renart com vos poes veoir.'
720 Atant li vet au pie caoir.
Qui lors veïst le lion brere.
Par mautalant ses crins detrere!
Et jure le cuer et la mort.
"Brun' fet li rois. 'Renart t'a mort,
725 i^e quit q'autre merci en aies.
Mes par le cuer et par les plaies
Je t'en ferai si grant venchance
Qu'en le saura par tote France.
Ou estes vos, Tyberz li chaz?
730 Aies moi por Renart vias!
Dites moi le rox deputere
Qu'il me viegne a ma cort droit fere
En la présence de ma gent.
Si n'i aport or ni argent,
735 Ne parole por soi deflfendre,
Mes la hart a sa goule pendre.'
Tybers ne l'osa refuser :
Qar s'il s'en poûst escuser,
Encor fust sans lui li senters.
740 Mes a anvis ou volonters
Convient au sene aler le prestre.
Et Tybert se met a senestre
Parmi le fons d'une valee.
Tant a sa mule esporonee
709 es paucllous 710 De si haut con il estoit Ions 733. 734
intervertis 734 hor 736 pndre 740 Me a
22 I (Méon 10461—10496)
745 Qu'il est venus a l'uis Renart.
Deu recleime et saint Lienart
Cil qui deslie les prisons,
Qu'il le gart par ses oreisons
Des moins Renart son conpaignon:
7 0 Qar il le tient tant a gaignon
Et a beste de put conroi,
Neïs a dex ne porte il foi.
La rien qui plus le desconforte,
Ce fu quant il vint a la porte.
755 Entre un frenne et un sapin
A veii l'oisel saint Martin.
Asez huca a destre, a destre!'
Mes li oisauls vint a senestre.
Tibert s'en tint une grant pose.
760 Or vos di que ce fu la chosse
Qui plus l'esmaie et plus le donte.
Son cuer dit que il aura honte
Et grant ennui et grant vergoigne.
Tant dote Ronart et resoigne
765 Qu'il n'ose entrer eu sa meson.
Par dehors conte sa reson :
Mes maves en est ses gaainz.
'Renart' fet il, 'baux doz conpainz,
Respon moi, es tu la dedenz?'
770 Ce dit Renart entre ses denz
Tôt coiement que il ne l'oie,
'Tybert, par vostre maie joie
Et par vostre maie aventure
Soiez venus en ma pasture!
775 Si seres vos, s'engin ne faut.'
Et puis li respondi en haut
'Tybert' ce dist Renart, 'welcommel
Se tu venoiez or de Rome
Ou de seint Jaque frescement,
780 Bien soiez venus hautement
758 que 761 doute 762 duute 768 f. se il doz manque
778 malle 776 Et puis] R. 778 ore
I (Méoii 10407—10536) 23
Conme le jor do pantecoste."
Mes sa parole, que li coste?
Si le salue bêlement.
Et Tybert li respont brement
785 Renart, nel tenes a desroi,
Se je vien ca de par le roi :
Ne quidiez pas que je vos hace.
Li rois durement vos manace.
Vos n'aves a la cort voisin
790 Fors dant Grinbert vostre cosin
Qui ne vos hee durement.'
Et Renart li respont brement
'Tybert, or lessiez manacier
Et sor moi lor denz aguiser.
795 Ge vivrai tant con je porrai.
G'irai a la cort, si orrai
Qui sor moi voudra noient dire.'
'Ce sera grant savoir, baux sire.
Ge le vos lo, et si vos eim.
800 Mes certes je ai si grant fein
Que tote en ai coi-be l'escine.
Avez vos ne coc ne geline.
Ne chosse qu'en puisse manger':*'
'Que ti-op me menés grant dangier'
805 Ce dit Renart: 'baraz, baraz
De soris crasses et de raz :
Ge cuit, que n'en gosteriez."
'Si feroie.' 'Non feriez,'
'Certes ja n'en serai lassez.'
810 'Et je vos en donrai asez
Demein einz le soleil levant.
Or me sivez, g'irai avant.'
Atant s'en ist de sa tesnere.
Tybert le sivi par derere
815 Qui n'i entent barat ne gile. 7
Traiant en vont a une vile
Ou il n'avoit coc ne geline
Dont Renart n'ait fet sa cuisine.
783 Sil le 807 ne g. 809 Herez 810 Et] Que 812 serez
I (Méun 10537-10574)
Tybert, savez que nos ferons?
8^20 La dedenz entre ces mesons'
Fet soi Reuart esta uns prostrés,
Et ge conois molt bien ses estres.
Ases a forment et aveine.
Mes les soris eu font grant peine:
825 Mangie en ont bien demi mui.
N'a encor gueres que g'i fui.
Lores lor fis une envaïe.
Dis gelines pris sans faillie.
Les cinc en ai ge mangies hui,
830 Et les autres mis en estui.
Voiz ci par la ou l'en i entre.
Passe outre, saoule ton ventre!'
Mes li Iccercs li mentoit.
Car li prostrés qui la manoit,
835 N'avoit ne orge ne aveine.
De ce n'estoit il ja en peine.
Toute la vile le plaignoit
Por une putein qu'il tenoit.
Qui mère estoit Martin d'Orliens.
840 Si l'avoit gite de granz biens
Que il n'avoit ne buef ne vache
Ne autre beste que je sache
Fors deus gelines et un coc.
Martinet qui puis ot le froc
845 Et qui puis fu moines rendus
Avoit au trou deus las tendus
Por Renart prendre le gorpil.
Dex garisse au prestre tel fil
Qui ja aprent si bel barat
850 Con de prendre gorpil ou chat!
'Tybert, passe outre' dit Renart.
'Fi merde, con tu es cuart!
Ge t'atendrai au trou ca fors.'
Et Tybert lance avant son cors.
832 solonc 835—840 iiMiK/uenf 841 Qui il n'J II ni
soris et rat
I (Méon 10575—10612) 25
855 Et or se pot tenir por fol,
Que li las l'a pris par le col.
Tret et retret Tybert li chaz:
Con plus tret, plus estreint li las.
Eschaper quide, rien ne vaut :
860 Qar Martinez li clercons saut.
'Or sus, or sus' fet il, 'bel père!
Aïde, aide, bêle mère!
Alumez, si corez au trou:
Li gorpilz est tenus por fou.'
865 La mère Martinet s'esveille,
Saut sus, s'alume la chandelle.
A une mein tint sa conoille.
Li prestres, en son poing sa coillc,
S'est erraument du lit sailliz.
870 Lors est Tybert molt asailliz.
Qu'il prist cent cox de livroison
Eins qu'il partist de la meson.
Fiert li prestres, fiert la soignanz.
Et Tybert jeté avant les danz,
875 Si con nos trovons en l'estoire,
Esgarda la colle au provoire:
As denz et as ongles trenchans
Li enracha un des pendans.
Quant la feme vit sa grant perte,
880 Lors par fu sa dolor aperte.
Trois fois s'est chaitive clamée,
A la quarte chaï pammee.
Au duel que Martinet menoit
De sa mère qui se pasmoit,
885 Tybert s'en eschape li chaz,
Qu'il ot as denz mangiez les laz.
Il a este bien ledengiez:
Mes en la fin s'est bien venchez
Del prestre qui si le batoit.
85)0 Ahi, con il s'en vencheroit
De Renart, s'il ert au desore!
Mes li lecheres n'i demore.
862 A aid aide 865 martinez 886 lez laz 889 que
26 I (Méon 10613—10652)
Ainz s'cnfoï sans plus atondro
Dos que Tybert vit au laz prendre.
895 Quant Martinet dit levés sus',
Onques n'i volt demorer plus :
Ainz s'en foï a son repère,
Et cil remeist por le mal trero.
'Ahi' fait il, 'Renart, Renart!
900 Ja dex n'ait en vostre arme part!
Bien doiisse estre chastiez
Qui tantes fois sui conciliez
Par le barat Renart le rox!
Et li prostrés li maveis cox
905 Qui dex doint mal gisto et pou pain
Entre lui et s'orde putein,
Qui hui m'a fet tele envaïe.
Mes d'un des pendanz n'a il mie.
A tût le mains en sa paroche
910 Ne puet soner qu'a une cloche.
Et Martinez son filz d'Orliens,
Que ja ne croisse en lui nus biens.
Qui si m'aloit iui bâtant!
Ja ne muire il de si q'atant
915 Qu'il ait este moines retrez
Et puis par larecin desfez!'
Tant a sa pleinte démenée
Qu'il est venus en la valee
Et en la cort ou li rois siet.
9-io Ou il le voit, as piez li chet,
Si li reconte la merveille.
'Dex !' dist li rois 'car me conseille !
Con oi ore grant diablic
De Renart qui si me concilie !
925 Ne je ne puis trover nullui
Qui me venche de cest ennui.
Sire Grinbert, molt me merveil,
Se ce est par vostre conseil
Que Renart me tient si por vil.'
930 Ge vos plevis, sire, nenil.'
906 puein 910 pot 919 lui
iMéon 10653—10690) 27
Aies donc tost, sel m'amènes,
Gardes sans lui que ne vcnes.'
'Sire, ce ne puis je pas fere.
Renart est si de put afere,
935 Bien sai que pas ne l'amenroic.
Si je vos letres n'en avoie.
]\[es s'il veoit vostre seel,
Foi que je doi saint Israël,
Lors sai ge bien que il vendroit,
940 Ja nul essoingne nel tendroit.'
'Par foi vos dites voir, baux sire.'
Lors li devise la matire
Li rois et Baucent li escrist
Et seela qanque il dist.
945 Puis bailla Grinbert le seel.
Et cil se mist en un prael,
Et après entra en un bos.
Molt li sua la pel del dos
Ainz qu'il venist a l'uz Renart.
950 Au vespre trove en un essart
Un senter qui bien le conduit
A l'uis Renart devant la nuit.
Li mur sunt haut et li destroif.
Par un guicet s'en ala droit.
955 Apres entra el premer baille.
Dont ot peor qu'en ne l'asaille
Renart, quant celi ot venir.
Près de meson se volt tenir
Tant qu'il sache la vérité.
960 Es vos Grinbert en la fer te.
Au pont torneïz avaler
Au petit pas et al aler,
Ainz qu'il entrast en la tesnere,
Le cul avant, la teste arere,
965 L'a bien Renart reconeii,
Ainz que de plus près l'ait veû.
Grant joie en fet et grant solaz,
Au col li met andous les braz:
931 sel] si 988 yrael 946 Et puis entra en 960 la brete 968 andou
28 I (Méon 10691 — 1072t))
Desoz li ploie dcus cossins
970 Por ce qu'il estoit ses cosins.
De ce tien ge Grinbert a sage,
Que ne volt conter son message
Devant qu'oust mangie asez.
Et quant li mangers fu fines,
975 'Sire Renart' ce dist Grinbert,
'Trop est vostre barat apert.
Savez vos que li rois vos mande,
Non mie mande, mes conmande?
Que vos li viengnes fere droit
980 En son pales ou que il soit.
Prendra ja vostre gerre fin?
Que demandes vos Ysengrin
Ne Brun Tors ne ïybert le chat':'
Mar veïstes vostre barat.
985 Ne vos en puis doner confort:
Ja n'en aures el que la mort.
Ne vos ne tuit vostre chael.
Tenez mon, brisies cest seel,
Gardes que la letre vos dit'.
990 Renart l'ot, si tremble et frcmist.
A grant peor la cire brise
Et voit que la letre devise.
Il sospira, au premer mot
Bien sot a dire qu'il i ot.
995 'Mesire Nobles li lions,
Qui de totes les régions
Est des bestes et rois et sire,
Mande Renart honte et martire
Et grant ennui et grant contrere,
1000 Se demein ne li vient droit fore
Enz en sa cort devant sa gcnt.
Si n'i aport or ni argent,
Ne n'ameint hon por lui defFendre,
Fors la hart a sa gole pendre.'
!)71 Gbt !)73 Que oust 97â .g-ib\ 981. 982 intervertis 982
y.n 984 baraz 986 lo 987 seel 994 Si sire 996 les maïKjue
religions 997 Et de totes b. est s. 1001 Euz enz
I (Méon 10727 — 10762J 29
1005 Quant Renart entent la novele.
Le cuer li bat soz la niamele,
Tôt le viaire li neirci.
'Por deu' fat il, 'Grinbert, merci !
Conseilliez cest dolant chaitif!
1010 Molt he Tore que je tant vif,
Quant je serai demein pendus.
Qar fusse je moignez rendus
A Clugni ou a Cleresvax !
Mes je conois tant moines fax
lOlô Que je croi q'issir m'en conviegne.
Por ce est meus que je m'en tiegne.'
'N'aiez de ce' dit Grinbert euro!
Vos estes en grant aventure.
Tant con vos estes ci sanz gent,
1020 Confessies vos a moi bremcut!
Rent toi a moi verai confes,
Qar je n'i voi prestre plus près."
Renart respont sire Grinbert,
Ci a conseil bon et apert.
1025 Qar se ge vos di ma confesse
Devant ce que la mort m'apresse.
De ce ne pot venir nus max,
Et se je muir, si serai sax.
Or entendez a mes péchez!
1030 Sire, g'ai este entechez
De Hersent la feme Ysengrin.
Mes je vos en dirai la fin.
Ele en fu a droit mescreûe
Que voirement l'a je fotue.
1035 Or m'en repent, dex moie corpe!
Meinte foiz li bâti la corpe.
Ysengrin ai ge tant forfet
Que nel puis veer a nul plet.
Dex mete or m'ame a garison!
1040 Trois foiz l'ai fet motre en prison.
1009. 1010 interrertis 1015 que issir 1017 de ninm/uf
R. moi a toi vraie p. 103.5 me repent 1039 ore
30 I (Méon 1U7<)3--1(»80())
Si vos dirai en queil manere.
Gel fis chaoir en la lovere
La ou il enporta l'agnel.
La ot il bien batu la pel:
1045 Qu'il prist cent cox de livroison
Ains qu'il partist do la meson.
Gel fis el braion enbraier
Ou le troverent trois bercher,
SU bâtirent con asne a pont.
lOôO Trois bacons avoit en un mont
Ches un prodome en un larder;
"De cous li fis ge tant manger.
N'en pot issir, tant fu rentrez,
Par la u il estoit entres.
1055 Gel fis pécher en la gelée
Tant qu'il out la queue engelee.
Gel fis pechor en la fonteine
Par nuit, quant la lune estoit plene.
De l'ombre de la blance imago
KJGO Quida de voir, ce fust furmage.
Et si refu par moi traïz
Devant la charete as plaïz.
Cent foiz a este par moi mat.
Par fine force de barat
10(55 Li fis je tant qu'il devint moines,
Puis dit qu'il volt estre chanoines.
Qant en li vit la char mangor.
Fox fu qui de lui fist berger.
Ge ne vos auroie hui retrait
1070 Tôt le mal que je li ai fet.
Il n'a beste en la cort le roi
Qui ne se puist pleindre de moi.
Je fis Tybert chaoir es laz,
Qant il cuida mengier les raz.
1075 De tôt le parente Pintein
Que seulement lui et s'antein
10.J4 l.i lii 11 il fil 0. 1()()0 p. iiou f. 10(53 La Au lieu f7f.« vr.
1073. 1074 0,1 lit Va. il' clios un uilein uhii Coc no seli"'' "i laissai
I (Méon lUSUl — 10S40) 31
N'i a remeis coc ne jeline
Dont je n'aie fet ma cuisine.
Quant li os fu devant mon crues
1080 De senglers, de vaches, de bues
Et d'autres bestcs bien armées,
Que Ysengrin ot amenées
Por celé gerre mètre a lin,
Retin Roonel le mastin.
1085 Bien furent set vinz conpaignon.
Que chen, que lisclie, que gaingnon.
Tuit furent batu et plaie.
Mais malement furent laie:
Qar je lor toli lor soudées.
1090 Quant les oz s'en furent alees,
Par gile et par concliiement
Lor toli ge lor convenant.
Au départir lor fis la loupe. 9
Or me repent, dex moie coupe!
10'.);') Or voil venir a repentanche
De quanque j'ai fet en m'enfanche.'
'Renart, Renart' ce dit Grrinbort,
'Vos péchez m'aves descovert
Et le mal que vos aves fet.
1100 Se dex vos gite de cest plet,
Gardes vos bien del renchooir.'
'Ja dex ne me lest tant veoir'
Ce dist Renart, 'que je mes face
Nule chose que dex desplace.'
110;') Il li otroie quanqu'il vont.
Il s'abaissa et cil l'asout
Moitié romanz, moitié latin.
Renart, quant ce vint au matin,
Besa sa feme et ses enfans.
1110 Au départir fu li dous grans.
Il prist congie a son manage :
'Enfant' fet il, de haut lignaje.
Pensez de mes casteax tenir,
Que que de moi doie avenir,
1079 ors 1084llifint 1085 .vîi. 1093 (lopartiir 1102 t:int 7iitiuqiie
32 I (Méon 10^41 — 10880)
lllô Contre contes et contre rois:
Que vos ne troveres des mois
Conte, prince ne chasteleine
Qui vos forface un fil de leine.
Ja par ous ne seres grevez,
1120 Se vos aves les pons levés:
Que vos aves ases vitaille.
Ne quit devant set ans vos faille.
Que vos iroie ge disant?
A dame deu toz vos conmant
11-2.') Qui me rameint si con je vueil.'
Atant feri le pie au sueil:
Au départir de sa tesnere
A conmencie sa proiere.
Dex' fait il, 'rois omnipotens,
li;5n Maintien mon savoir et mon sons
Que je n'i perde par peor
Par devant lo roi mon segnor,
Quant Ysengrin m'acusera:
De quanqu'il me demandera.
li;?;') Que je li puisse reson rendre
Ou del noier ou del défendre:
Me doint sein et sauf repairer
Que je me puisse encor vengier
De cels qui me font si grant guère.
1140 Lors se couca adens a tere,
Et trois fois se rendi copables,
Puis se segna por les diables.
Or s'en vont li baron a cort.
Et passent l'eve qui la cort,
1145 Et les destrois et la monteinne,
Et puis chevauchent par la pleigne.
En ce que Renart se démente,
El bois ont perdue la sente,
La voie et le chemin ferre.
1150 Et nequedent tant ont erre.
Qu'il s'avoient parmi un pleins
Deles une grange a noneins.
1149 fere 1150 o. aie erre 1152 genge as
I (.Méon 10881—10914) 33
La meson est molt bien garnie
Do toz les biens que terre crie,
1155 De let, de formaches et d'ues,
De berbiz, de vaches, de bues.
D'unes et d'autres uorricons.
'Ca' dit Renart 'nos adrecons,
Par encoste de ces espines.
1160 Vers celé cort a ces gelines:
La est la voie que lessons.'
'Renart, Renart' dit li tessons,
'Dex set bien por qoi vos le dites.
Filz a putein, puanz heirites,
1165 Malves lecheres et engres,
N'estiees vos a moi confes
Et aviez merci crie?'
Fet il 'ge l'avoie oblie.
Alon nos ent, je sui toz prest.'
1170 'Renart, Renart, por noient est.
Dex parjures, deu foi mentie,
Toz jors durra ta lecherie.
Con tu es foie criature!
Tu es de mort en aventure,
1175 Et as pris ta confession.
Or si vels fere traïson.
Certes grant pèche te cort sore.
Vien t'ent: maleoite soit l'eure
Que tu onques nasquis de mère!'
1180 'Bêlement le dites, baux frère!
Alon nos ent en pes ambiant."
N'en ose fere autre samblant
Por son cosin qui le chastie.
Et neporoc sovent colie
1185 Vers les jelines celé part.
Molt est dolant, quant il s'en part.
1154 tôt que manque 1155 formache et de ues 1157 Du-
nez 1158 Ce 1160 gelin . . 1161 q. nos 1. 1165 lèches 1168 olie
1169 trop près 1170 n. tos 1172 dura lecliie 1175 après
1178 maleoite soit] laloite soit hui
RENART l 3
34 I (Méon 10915—10950
Et qui la teste li coupast,
As gelines tôt droit alast.
Or s'en vont li baron ensenble:
1190 Dex, con la mule Grinbert anble!
Mes li chevax Renart acope.
Li sans 11 bat desoz la crope:
Tant Client et dote son segnor,
Qu'onques mes n'ot si grant peor,
119Ô Tant ont aie et plein et bos
Et l'anbleure et les galos,
Et tant ont la monteigne alee,
Qu'il sont venu en la valee
Qui en la cort lo roi avale.
12U0 Descendu sont devant la sale.
Sitost com Renart vint a cort,
Ouc n'i ot beste ne s'atort
Ou d'oposer u de respondre.
Or est Rpnai't près de confondre.
1205 N'en toinera qu'il ne s'en cuisse:
Qar Ysengrin ses dens aguise
Et Tybert li cliaz se conseille,
Et Bruns qui la teste ot vermeille.
Mes qui q'aint ou hee Renart,
1210 Ne fet pas chère de coart.
Ainz conmence enmi la meson
Teste levée sa reson.
'Rois' fet Renart, je vos salu
Con cil qui plus vos a valu
1215 Que baron qui soit en l'enpire.
Mes tort a qui vers vos m'enpire.
Ne sai se c'est par mou oûr,
Ge ne fui onques asour
De vostre amor un jor enter.
1220 Ge parti de cort avantier
Dans les vv. 1187 — 1194 les premières lettres manquent, parce que
la nuinje a vie décJnWe: [1187 Et 1188 A 1189 0 1190 conme
1191 Mes 1192 Li san 1193 Tant cri 1194 Quonques mes]
1197 sont 1203 déposer 1208 que 1209 que aint
I (Méon 10951—10994) 35
Par vostre gre et par amor,
Sanz maltalant et sanz clamor.
Or ont tant fet li losenger
Qui de moi se volent venger,
1225 Que vos m'aves juge a tort.
Mes puis, sire, que rois s'amort
A croire les maveis larons,
Et il lesse ses bons barons,
Et gerpist le chef por la qeue, 10
1230 Lors vet la terre a maie veue.
Qar cil qui sont serf par nature
Ne sevent esgarder mesure.
S'en cort se poent alever,
Molt se peinent d'autrui grever.
1235 Cil enortent le mal a fere
Que bien en sevent lor prou fere,
Et enborsent autrui avoir.
Ice voudroie je savoir
Que Bruns et Tybert me demande.
1240 II est voirs, se 11 rois conmande.
Que bien me poent fere let.
Encore ne l'ai ge forfet,
Qu'il ne sevent dire por qoi.
Se Bruns manja li miel Lanfroi
1245 Et li vileins le ledenja.
Et il por qoi ne s'en venja?
Ja a il tex meins et tex piez,
Si granz musteax et si grant giez.
Se misire Tybert li chaz
1250 Manja les soris et les raz
Quant en le prist et li fist honte,
Por le cuer be a moi qu'en monte?
D'Ysengrin ne sa ge que dire:
Que il n'a mie tort del dire
1255 Que j'avoie sa feme amee.
Et quant ele ne s'est chamee.
1221 et sans clamor 1222 et jiar amor 1228 Icsses b. b. 1229
les c'i. 1233 p. leuer 1285 Cil qui e. 1242 laiege 1255 Qar
3*
36 I (Méon 10995—11036)
Sui ge leclieres de m'amie?
Li fox jalox en a envie:
Est por ce drois que l'en me pende?
1260 Nenil, sire: dex m'en défende!
Molt est grant vostre roiaute:
La foi et la grant loiaute
Que j'ai toz jors vers vos eue
M'a la vie el cors meintenue.
1265 Mes toi que doi deu et saint Jorge
G'ai tote chenue la gorge.
Vels sui, si ne me puis aidier,
Si n'ai mes cure de plaidier:
Pèche fet qui a cort me mande.
1270 Mes puis que missire conmande,
Si est il drois que je i viegne.
Or sui devant lui, si me tiegne
Et si me face ardoir ou pendre :
Qar ne me puis vers lui deffendre.
1275 Ge ne sui pas de grant puissance.
Mes ce seroit povre venchauce:
S'en parleroient meinte gent.
Se l'en sanz jugement me peut.'
'Renart, Renart' dist l'enperere,
1280 'Dahez ait l'ame vostre père
Et la pute qui voz porta
Quant ele ne vos avorta!
Or me dites, traîtres 1ère,
Por quoi estes tant baretere?
1283 Bien saves parler et plaidier:
Mes ce que vaut? ce n'a mestier.
N'en partires en nule guise
Que de vos ne fâche justice.
N'i a mester chère hardie
1290 Ne n'i vaut vostre renardie.
Molt savez de la fauve annesse,
Se ja n'avez vostre promesse
Que l'en vos a toz jors promisse.
Hui estes venus a juïse
1258 en] de ce 1259 que l'en me] quen men 1274 qa 128S nen
I (Méon 11037—11076) 37
1295 Tel con jugeront mi baron,
Que l'en doit fere de laron
Et con de felou traïtor.
N'en partires sans maves tor,
Se ne vos poes escondire
1300 De quanque l'en vos voldra dire.'
'Sire' dit Grinbert li tessons,
'Se nos vers vos nos abessons
Por droit fere et por afetier,
Ne devez pas por ce tretier
1305 Vostre baron vilainement.
Mes par loi et par jugement.
Entendes ca, ne vos ennuit,
Renart est venuz par conduit.
S'est qui vers lui fâche clamor,
1310 Vos li otroiez par amor
A respondre par jugement
En vostre cort voiant la gent.'
Ains que Grinbert oiist finee
Sa reson et bien terminée,
1315 Se dreca en piez Ysengrin
Et li motons sire Belin,
Tybert li chas et Rooneax,
Et don Tiecelins li corbeax,
Et Chantecler et dame Pinte,
1320 Si con el vint a cort soi quinte,
Et Espinarz li hericons,
Et danz Petipas li poons.
Frobers li gresillon s'avance,
Qui sor les autres crie et tance,
1325 Et danz Roxax li escuireus
Qui il a fet de molt granz deuz.
Coars li lèvres molt s'argue
De cort en cort, de rue en rue:
Meinte fois li a fet ennui,
1330 Vencher s'en quide encor encui.
Or est Renart en mal randon,
Se l'en le velt raetre a bandon.
1295 iogeront 1305. 1306 manquent
38 I (Méon 11077—11112)
Mes li rois les fet en sus terre,
Lui en lest en venchauee fere.
1335 Li rois a parle hautement
Si que l'oent tote sa gent.
'Segnor' fet il, entendes moi!
De cest larou de pute foi,
Quel justise de lui ferai,
1840 Dites conment m'en vencherai.'
'Sire' font li baron au roi,
'Trop est Renart de pute loi.
Nus ne vos sauroit desloer
Que vso nel fachois encroer.'
1345 Li rois respont 'bien aves dit.
Or tost' fet il, 'sanz contredit!
Se Renart s'en estoit tornez,
James ne seroit retornez.
Sachez qu'il nos en mescaroit,
1350 Tex n'en set mot qui en plorroit.'
Sor un haut mont en un rocher
Fet li rois les forches drecer
Por Renart pendre le gorpil:
Estes le vos en grant péril.
1855 Li singes li a fet la moue.
Et si li done lez la joe.
Renart regarde arere soi,
Et voit qu'il vienent plus de troi.
Li un le tret, l'autre le bote:
1360 N'est merveille, se il redote.
Coars li lèvres l'arocoit
De loing, que pas ne l'aprocoit.
A l'arocher qu'a fet Coart
En a crolle le chef Renart:
1865 Coarz en fu si esperduz
Que onques puis ne fu veûs.
Del signe qu'ot veii s'esmaie. 11
Lors s'est muchez en une haie:
1343 sauom 1350 qui plorerait 1858 Et manque 1366 plus
1367 que ot
I (Méon 11113—11152) 39
D'iloc, ce dit, esgardera
1370 Quel justice l'en en fera.
Mar i muca, si con je croi:
Enqui aura poor de soi.
Renart se vit molt entrepris,
De totes parz liez et pris.
1375 Mes il ne pot engin trover
Conment il s'en puist escaper.
Del eschaper est il noienz,
Si li enginz n'i est trop granz
Quant il vit les forces drecer,
1,380 Lors n'ot en lui que corocier.
Et dit au roi 'baux gentix sire,
Qar me lessies un petit dire.
Yos m'avez fet lier et prendre,
Or me voles sanz forfet pendre.
1385 Mes j'ai fet de molt grant péchez
Dont je sui auques entechez :
Or voil venir a repentance.
El non de seinte penitance
Voeil la crois prendre por aler
1390 La merci deu outre la mer.
Se je la muir, si serai sax.
Se je sui penduz, ce ert max:
Si seroit molt povre venjance.
Or voeil venir a repentance.'
1395 Atant li vet chaoir as piez.
Au roi en prist molt grant pitiez.
Grinbert revint de l'autre part
Qui merci crie por Renart.
Sire, por deu entent a moi î
1400 Qar le fai bien, porpense toi
Con Renart est prous et cortois.
Se Renart vient dusqu'a cinc mois,
Eucor aura mester molt grant,
Qar n'aves plus hardi serjant.'
1405 Ce' dit li rois ne fet a dire.
Quant revendroit, si seroit pire:
1374 totez 1377 es il 1379 lez forcez 1489 p. et por
40 I (Méon 11153—11188)
Qar tuit ceste custume tenent:
Qui bon i vont, mal en revenent.
Tôt autretel refera il,
1410 S' il escape de cest péril.'
'Se il n'a lores bone pes,
Sire, il n'en reviegne james.'
Ce dit li rois et il la pregne
Par tel conveut que la remeigne.'
1415 Quant Renart l'ot, si a grant joie.
Ne set s'il fornira la voie:
Mes conment que il en doie estre,
La crois est en l'espaule destre.
Escrepe et bordon li aportent.
1420 Les bestes molt s'en deconfortent :
Cil qui enpeint et bote l'ont,
Dient qu'encor le conperront.
Ez vos Renart le pèlerin
Escrepe au col, bordon fresnin.
1425 Li rois li dit qu'il lor pardont
Trestoz les maus que fet li ont,
Et degerpisse engins et max :
Adont s'il mort, si sera sax.
Renart ne met riens en defois
1430 De qanque li prie li rois.
Ainz li otroie toz ses dis
Tant que il soit d'iloc partis.
Ront le festu, si lor pardone.
De cort se part un pou ainz none,
1435 Onques nus d'ous ne salua.
Enz en son cuer les desfia,
Ne mes que li rois et s'espouse
Ma dame F ère l'orgellose,
Qui molt estoit cortoisse et bêle.
1440 Renart gentement en apele,
'Sire Renart, proiez por nos
Et nos reproierons por vos.'
1408 mal] pire 1411. 1412 i)iterverfis, mais remis à leur place
par les signes b a 1411 Sie nauoit 1420 se 1421 b. lau{;ce lont
1422 quencore 1442 rep°erons
I (Méon 11189—11226) 41
'Dame' fet il, 'vostre proiere
Devroie ge avoir molt chère.
1445 Et molt par devroit estre liez
Por qui proier dengneriez.
Et se cel vostre anel avoie,
Molt en seroit mellor ma voie.
Et sachez, se le me donez,
1450 Bien vos sera gerredonez :
Redonrai vos de mes jouax
Tant que bien vaura cent aneax.
La roïne l'anel li tent,
Et Renart volenters le prent.
1455 Entre ses denz basset a dit
'Certes qui unques ne le vit
L'anel, por voir le comparra.
Ja por nullui ne remandra.'
Renart mist l'anel en son doi,
1460 Puis si a pris congie au roi.
Le cheval fiert des espérons,
Fuiant s'en va les granz trotons.
Vers la haie s'est aprociez
La u Coart s'estoit muchez.
1465 Fain a gregnor que il ne selt.
De jeûner li ches li delt.
Atant s'en entra en la haie.
Coart le voit, molt s'en esmaie.
En piez se dreche de poor,
1470 Puis si li a ore bon jor.
Ce dit Coarz 'molt par sui liez
Que vos estes seins et haitiez :
Forment me poisse del ennui
Que l'en vos a fet si grant hui.'
1475 Dit Renart qui tôt le mont boise
'Quant il de mon anui vos poise
Et que bel ne vos est del nostre,
Dex doint qu'il nos repoist del vostre!'
Quant Coart Tôt, molt bien l'entent,
1480 Ne s'asoiire de noient:
1448 la 1462 le grant 1464 Lau ou c. 1470 le
42 I (Méon 11227—11262)
Ainz s'apareille de foïr,
(Que molt se dote de traïr)
Qu'il se volt trere vers le plein.
Mes Renart le sesist au frein.
1^85 'Par le cuer be, sire Cuart,
Ca esterroiz' ce dit Renart.
'Ja cist vostre chevax. inneax
Ne vos garra de mes chaiax,
Ne lor en face livroison.'
1490 Pognant le vet de son bordon.
La cort le roi et li serjant
Fu en un val parfont et grant,
Entre quatre roches agues,
Contremont hautes vers les nues.
1495 En la plus haute Renart monte,
0 lui Coart cui il fet honte.
Coart pendant vet contreval
Par devers les pies au cheval.
Renart qui molt est deputere.
1500 En quide bien livroisson fere
A ses onfanz sanz demorance.
Or penst dex de la délivrance!
Renart regarde en la gaudine
Et voit le roi et la roïne.
lôOfi Tant voit barons et tantes bestes,
Li bois fermist conme tempestes.
Entr'ous parloent de Renart.
Mes mot ne sevent de Coart,
Conme il l'enmeine en sa prison
1510 Tôt autresi con un laron.
Renart a pris as moins la crois.
Si lor escrie a haute vois
'Danz rois, tenes vostre drapel!
Que dex confonde le musel
1515 Qui m'enconbra de ceste frepe
Et del bordon et de l'escrepe!'
1483 vers] par 1496 que il 1504 roune 1509 sa manque
1516 lescrepe
I (Méon 11264—11298) 43
Son cul en tert voiant les bestes,
Puis si lor jeté sor les testes.
En haut parole et dit au roi:
1520 'Sire' fet il, 'entendes moi!
Saluz te mande Coradins
Par moi qui sui bons pèlerins.
Si te crement li paien tuit,
A pou que chacuna ne s'en fuit.'
1525 Tant lor a dit gas et lanciez
Que dant Coarz s'est délaciez.
Si sist sor un cheval corant:
Si fist un saut molt avenant.
Ainz que Renart se regardast
1530 Et que il garde s'en donast,
Fu Coars molt près de la cort
Sor son cheval qui molt tost cort.
Les costez a tos pertusiez,
Qar li bordons i fu fiches,
1535 Et la pel des piez et des meins
A ronpue, n'est mie seins.
Tant s'est pênes et travelliez
Qe as pies lo roi s'est lanchez,
Et li conte la diablie.
1540 'Sire' fet il, por dex aïe!'
'Dex' fet li rois, 'con sui traïs
Et afolez et malbailliz
De Renart qui si pou me crent!
Or sai bien qu'a maveis me tient.
1545 'Segnors' fet il. 'or après tuit.
Que ge le voi ou il s'enfuit:
Par le cuer be s'il nos estort,
Vos estez tuit pendu et mort.
Et cil de vos qui le prendra,
1550 Toz ses lignages franc sera.'
Qui dont veïst sire Ysengrin
Et le moton sire Behn,
1521 loradins 1532 toz 1538 roi est 1549 cil qui nos
le p.
44 I (Méon 11299—11336)
Et Brun l'ors et Pelé le rat.
Et mon segnor Tybert le chat,
1555 Et Chantecler et dame Pinte
Si con el vint a cort soi quinte,
Et segnor Ferran le roncin
Et dant Roonel le mastin!
Frobert le siut li grésillons
1560 Et Petitporchaz li fuirons.
Apres le seut sire Baucens
Li sengler as agues dens :
Bruanz li tors tôt enragiez
Et Brichemers toz eslessiez.
1565 Li limaçons porte l'enseigne,
Bien les conduit par la canpaignc
Renart regarde arere soi,
Et voit qu'il vienent sanz deloi.
Et vit Tardif qui les cadele,
1570 0 l'ensegne qui molt ventele.
Ne set conseil que fere doie.
Un saut a fet fors de la voie:
Entres s'en est en une croûte,
Apres le siut totc la rote.
1575 Li autre point ne l'asoûrent,
Molt le manachent tuit et jurent
Que nel puet garir plasseïz,
Mur ne fosse ne rolleïz
Ne forteresce ne donjons,
1580 Crues, ne tesnere, ne boisson
Que il ne soit pris et rendus
Au roi, et qu'il ne soit pendus.
Renart voit qu'il ne puet durer
Ne por foïr ne por aler.
1585 La boche li vet escumant.
Tuit li autre le vont sivant,
Si li poillent le pelicon
Q'en haut en volent li flocon.
1553 Et manque Hors li 1559 grisillons 1569 tardis 1570
que 1575 s'asourent 1577 pot 1580 Cres 1583 R. uit . pot 1586 suant
I (Méon 11337—11371) 45
Si li pertuisent toz les reins,
159C A poi ne cliet entre lor meins.
Molt le teuent en fere frape:
C'est merveille si lor escape.
Por quant tant s'est esbaneies
Q'a Malpertuis s'est adrecbes,
1595 Son fort chastel et sa meson,
Sa fortereee, son donjon,
Ou il ne crent ost ne asaut.
Or qui mes velt aler, si aut :
Hui mes li est poi de manace,
IGOO Qui amer nel velt, si le hace.
Sa feme a l'encontre li vient,
Qui molt le dote et molt le crent.
Troi filz avoit la dame france:
C'est Percehaie et Malebrance,
1605 Et li tiers si a nun Rovel :
Ce est des autres le plus bel.
Trestuit li vienent environ.
Si le prenent par le giron
Et virent les plaies qui senent.
1610 Molt le dolosent et conpleignent :
Totes li lèvent de blanc vin.
Si l'aseent sor un cossin:
Li disner fu aparelliez.
Tant estoit las et travelliez
1615 Qu'il ne manja que le braon
D'une jeline et le crépon.
La dame le fist bien baignier
Et puis ventuser et sener
Tant qu'il refu en la santé
1620 Ou il avoit devant este.
Misire Noble l'enperere
Vint au caste! ou Renart ère:
1592 sil en e. 1593 Po tant . . est ^a* nmuque à cause d'une
ramre) 1594 s' mam^ue es 1607 uient 1610 pleingnent 1617 Le
46 la (Méon 11371—11406)
Et vit molt fort le plasseïs,
Les murs, les tors, les rolleïs,
1625 Les fortereces, les donjons :
Si haut n'i tressist uns bozons.
Vit les tranchées et les murs
Fors et espes et hauz et durs.
Yit les quernaux desus la mote
1630 Par la ou en entre en la crote.
Garde, si vit levé le pont
Et la chaene contremont.
Li chastax sist sor une roche.
Li rois tant con il puet l'aproce,
1635 Devant la porte a pie descent
Et li barnages ensement.
Au chastel vienent environ.
Chascun i tent son pavellon
Et herbergent de totes parz.
1640 Or puet avoir peor Renarz.
Mes par asaut n'iert ja conquis.
Ne par force ne sera pris.
Se traïs n'est ou afamez, 13
Ja ne sera par host grevez.
1645 Renart fu bien en sa vigor.
Montes s'en est en son la tor :
Si vit Hersent et Ysengriu
Qui sont logie desos un pin.
A haute vois lor escria
1650 'Sire conpaing, antendes ca!
Que vos senble de mon castel?
Veïstes vos onques si bel ?
Dame Hersent, conment qu'il prenge,
Ge vos ai foie la vendenge :
1655 Et moi ne caut, s'iries en est
Li cox, li jalox qui vos pest.
Et vos, sire Tyberz li chaz,
Ge vos fis cheoir en mes laz.
1629 qrnaux crote 1630 uoute 1634 pot 1640 pot 1644 por
1648 desua 1656 fox
la (Méun 11407—11442) 47
Ainz qu'ississiez de la prison,
1660 Eiistes vos tel livroison:
Tex cent cous quit que vos oiistes
Que vin ne eve n'i boûstes.
Et vos, misire Brun li ors,
Gre vos fis ja prendre tel cors,
1665 Quant voussistes le miel manger,
Bien vos i quidai damacher :
Vos i laissastes les oreilles
Si que tuit virent les merveilles.
Et vos, misire Chantecler,
1 670 Je vos fis ja si haut chanter :
Que par celé gorge vos ting.
Vos m'eschapastes par engin.
Et vos, danz Brichemers li cers.
Je vos ting ja dedenz les ners.
1675 Par mon engin et par mon los
Perdistes de la pel del dos
Trois coroies que chen vos firent;
Molt a ci de cels qui le virent.
Et vos, sire Pelés li ras,
1680 Ge vos fis ja caoir es laz,
Qui bien vos estreindrent la gorge.
Quant vos alastes mengier l'orge.
Et vos, misire Tiecelin,
A vos di ge, par seint Martin,
1G85 Je vos fis ja mon ju poïr,
Se bien ne soûssiez foïr,
Vos i laississiez vostre gaje.
Quant je vos toli le formaje
Que je mangai a molt grant joie
16^0 Por ce que mester en avoie.
Et vos, Rossaus li escuireus,
Ge vos fis ja de molt granz dels,
Quant je vos dis qu'estoit jurée
La pes et bien aseùree.
1659 qoississiez 1664 cel 1668 ces 1669 chant' 1670 hau
1674 ileuant 1680 el laz 1681 estreindent 1685 1. le u. 1693 que eatoié
48 la (Méon 11448—11478)
1695 Del cesne vos fis je descendre,
Ice vos quidai ge cher vendre.
Par la coue vos ting as denz,
Molt fustes tristres et dolenz.
Qu'iroie je fesant lonc conte?
1700 N'i a celui n'aie fet honte.
Encor en quit je fere asez
Ainz que cist mois soit trespasses.
Qar j'ai l'anel en ma sesine
Que me dona ier la roïne.
1705 Bien sachez tuit, se Reuart vit,
Tel le conperra qui uel vit.'
'Renart, Renart' dit li lions,
'Molt par est fors vostre mesons:
Mes n'est si fors ne l'aie asisse,
1710 N'en tornerai, si sera prise.
Et d'une rien vos asoûr,
Qu'a mon vivant le sege jur.
Ne por pluie, ne por orage,
N'en tornerai en mon aage :
1715 Anchois iert li castax rendus
Et vos par la gule penduz.'
'Sire, sire' ce dit Renart,
'Einsi esmaie l'en coart:
Qar j'ai caiens ases vitaille,
1720 Ne quit devant set ans me faille.
Et anchois que il soit rendus,
Vos sera il molt chers vendus.
J'ai ases capons et jelines,
Et ases bestes armelines.
1725 Si ai assez oes et formaches:
Grosses brebiz et grosses vaches.
En cest castel est la fontene
Qui ases est et clere et seine.
Et d'une rien me puis vanter,
1730 Ne puet tant plovoir ne venter,
1696 cher] bien 1697 Pa tig 1699 que iroige 1704 er
1707 De.R. 1714 aeie 1724 Grosse 1730 pot
la (Méuii 1147!)— 11514) 49
Se l'eve chaoit del ciel tote,
Que ja chaens n'en caroit gote.
Cist chastax est si bien assis,
Ja par force ne sera pris.
1785 Or vos sees, je m'en irai,
Travelliez sui, si mangerai
Avoc ma feme la cortoise.
Se jeûnez, pas ne m'en poise.'
A icest mot jus s'en avale,
1740 Par un guicet entre en la sale.
La nuit se dorment cil de l'ost,
Et leudemein se lèvent tost.
Ses barons fait li rois venir.
'Or tost' fait il, 'del asaillir
174') Nos estovroit aparellier,
Qar cest laron veoil desrochier.
A icest mot s'eslessent tuit,
Au castel vienent de grant bruit.
Li asaus fu molt mervelleus,
1750 One ne vit nus si perilleus:
Des le matin dusqu'a la nuit
Ne finerent d'asaillir tuit.
La nuit les a fait départir,
Yont s'ent, si laissent l'asaillir.
1755 Et lendemein après mangier
Reconmencerent le mestier.
One nel pourent de tant grever
Que piere en poissent ester.
Bien i fu demi an li rois,
1760 Renart n'i pert vaillant un pois.
Onques n'i furent un sol jor
Que n'asaillissent a la tor,
Mes ne la porent enpirier
Dunt el vausist meins un denier.
1765 Un soir furent molt travellie
Et d'asaillir molt anuic,
HHS b, garniz 1748 brut 17.')0 ni 1751 la i)v:nqiie nut
1757 nés 1758 poist 1762 nasaillirciit 17()4 ualut
RENAItT I 4
50 la (Ml'uu 11.-) 15— 11550)
Chascuns se jiit soureinent
En sa loge molt lougemeiit.
Et la roïne fu iree
1770 Et vers lo roi molt corecee,
Si va cocher a une part:
Atant es vos venir Renart
De son castel molt coiement,
Vit les dormir soûrement,
1775 Chascuu gisoit dessoz un cesue,
Ou fou, ou tremble, ou charme, ou fresne.
Renart a bien chascun loie
Ou par la coue ou par le pie.
Molt par a fait grant diablie, 14
I7,s() A chacun arbre le suen lie,
Nés lo roi lia par la coue,
Grant merveille est se il desnoue.
Puis si s'en vint par la roïne
La ou ele gisoit sovine :
1785 Entre les janbes li entra.
Celé de lui ne se garda,
Bien cuida que ce fust li ber,
Q'a lui se voussist acorder.
Or poez oïr grant merveille,
i7!)0 11 li fist et ele s'esveille.
Quant vit que Renart l'a traïe
Si s'escria tote esbahie.
Et ja estoit l'aube crevée,
Li jorz grauz et la matinée.
1795 Por le cri sont tuit estormi
Cil qui estoient endormi:
De Renart le rox s'esbahirent
Qant avec la dame le virent.
Et por ice qu'il li fesoit
1800 Tel jou qui pas ne lor plesoit.
Tuit escrient 'levez, levez.
Et cel prive laron pernez!'
']esm 1785. 178(5 iiif<rrn-tif< 1787 fu ISOO que
la (Méon 1 15 "il — 11588) * 51
Mis sire Nobles eu piez saut,
Et sache et tire: ne li vaut.
l.'-Oô Par pou la coue n'a ronpue,
Grant demi pie l'a estendue.
Et li autre sachent et tireot,
Par pou li cul ne lor descirent.
Mes dan Tardif li limaçon,
1810 Qui soit porter le gonfanon,
Oblia Renart a loier.
Cil cort les autres desloier,
Tret l'espee, si les desnoe,
A chascun coupe ou pie ou coue :
1815 Del desloier s'est si hastez
Qu'ases i ot des escoez.
Ainz que fuit soient desnoe
Sont li plusor tuit escoue.
Envers lo roi s'en vieuent tuit
1820 Si cura il pueent de grant bruit.
Et quant Renart les vit venir,
Si s'aparelle de foir.
En ce qu'il entre en sa tesniere
Le saisist Tardis par derrere,
1825 Par un des piez ariers le tire,
Molt se contint bien conme sire.
Ataut i vint li Rois pognant
Et tuit li autre esporonant,
Et dan Tandis qui Renart tient,
1830 Lo roi le rent qui devant vient.
De totes pars le prenent tuit,
Tote l'ost en fremist et bruit.
Estez vos que Renart fu pris,
Molt en sont lie cil du païs.
1835 As forces le meinent por pendre,
Li rois n'en volt raencon prendre.
'Sire' dist Ysengrin au roi,
'Por amor deu bailliez le moi:
1804 turne 1800 tardis li 1818 ]ilusor] autre 181i» s' manque
uienet 1824 Len s. R. p. d. 1825 lun le m(ui'/iie 1820) cuntiont
1827 i manque 1830 uent 1832 frémis 1835 nioino on p. p.
4*
52 • la (M -on 11589 — 11824^
Et j'en prendrai si graut veiichance
1840 Qu'en le saura par tote France'.
Li rois n'en velt fere neent,
De ce sont tuit lie et joiant.
Les elz a fait Renart bender,
Li rois li prist a demander:
:^45 Renarz, Reuarz' dist li leons,
Ci voi de tex escorpions
Qui vos vendront encui l'outrage
Que fait avez en vostre aage,
Et le déduit de la roïue
ISjO Que teniez iui soviue :
De moi honir vos vi tôt prest.
Mais je sai bien conment il est.
Or parleron d'autre Bernart:
Si vos metron el col la hart.'
18j5 Danz Ysengrin en piez se drece,
S'aert Renart par la chevece,
Del poing li doue tel bufet,
Del cul li fait salir un pet.
Et Brun l'aert par le chaon,
is i) Les denz i mist dusqu' au braon :
Et Roenax parmi la gorge
Trois tors li fet fere en un orge.
Tiberz li chaz gite les denz
Et les ongles qu'il ot ponnanz,
18(55 Sesist Renart au pelicon.
Bien li valut une fricon.
Tardis qui porte la banere,
Li a doue une eropere.
Tant veïssoz bestes venir,
1870 Li tierz n'i puet pas avenir.
Tant en i vient parmi la rue,
Qui n'i puet avenir s'i rue.
Dan Reuarz qui le secle engigne,
Fiert meinte beste et liocepigne
183i) ueehance 1846 tel 1851 te ui mult p. 1S55 Quant 1857
poig 1860 met 1864 qui ot 1865 R. par le i ilcon 1866 unes 1870 pot
1872 pout i-uue 1874 liace i igné
la (Méon 11625—11660) 53
1S75 Ke set SOS ciel que fcre doie.
Molt crient que morir ne se voie :
Renart n'i avoit nul ami,
Tuit li estoient enemi.
Bien saves tuit certeinement
1880 Geste parole apertement,
Que puis que hon est entrepris
Et par force loiez et pris,
Bien puet l'en veoir au besoing
Qui Teime et qui de lui a soing.
1885 Por dan Renart que l'en devoure
Ploure Grinbert et prie et oure :
Ses parens ert et ses amis,
Loie le voit et entrepris:
Ne set conment il le reqoe,
1800 Que la force n'est mie soe.
Pelez li raz s'est avanciez,
Encontre Renart s'est lanciez:
Entre lor piez chet en la foie.
Renart l'aert parmi la gole,
1895 Entre ses braz forment restreint
Morir l'estot, si le destreint.
Onques nus d'ous ne s'en garda,
Ne nel vit, ne nel regarda.
Madame Fiere l'orgillouse
1900 Qui molt est prous et mervellouse,
S'en est fors de la cambre issue.
De dol fermist tote et tressue,
Que por Renart, que por l'anui
Que l'en li a fait si grant hui.
1905 Del don del anel se repent,
Qu'ele set bien certeinement,
Qu'ele en aura contrere ases.
Quant cist aferes ert passes.
Mes n'en velt fere nul senblant.
1910 Son petit pas s'en va ambiant.
1875 sest 1880 pot 1886 p o. (sunz et) 1897 no se tarda
1899 La dame 1901 Se est 1910 auant
54 la (Môon 11661 — 11698)
Devant Griiibert s'est arestee,
A lui parla conme senee.
'Sire Griiibei't' dist la roïne,
'Mar vit Renart son fol conviue
1915 Et sa folie et son otrage : 15
Hui en reçoit molt grant damage.
Si vos aport ici un bref,
Nus n'a poiir de mort si gref.
S'il l'avoit par boue créance,
1920 Que ja de mort oiist dotance.
Se dan Renart l'avoit sor lui
Ne doteroit la mort mes liui.
Ne por droiture ne por tort
N'auroit mes hui poor de mort.
19-25 Dites de par moi le reçoive
Baset que nus s'en aperçoive,
Que grant pitiez me prent de lui.
Gardes nel dites a nului.
Ge nel di pas por lecerie,
1930 Se dex me doinst boue esclierie !
Por ce qu'il est bien afaitiez
Me poise qu'il est desliaitiez.'
Grinbert respont 'douce honorée.
Franche roïne corouee,
1935 Cil qui haut siet et de loing mire.
Et de toz biens est rois et sire.
Qui t'a mis en si grant honor,
Icil te gart de deshonor!
Car s'il en puet estordre viz
1940 Encor sera molt vostre amis.'
A icest mot le bref li tent,
Et Grinbert volentiers le prent,
Et la roine li conseille
Molt priveement en l'oreille
194;") Que quant Renart ert escapez
De ce dont il est entrapez.
1911 areste 1919 craance 1927 meii 1928 nul hui 1935
1936 bien 1939 pot 1946 dout
Ta (Méon 1 lt;<»9— 11735)
Que il ne lest en nule guise,
Por l'amor que il a premise,
Que il a li parler ne voise
1950 Priveement et sanz grant noise.
A icest mot se départirent:
Si enemi Renart mar virent.
La hart li ont ja el col mise,
Ja fust molt près de son joïse,
195;') Quant Grinbert ses cosins i vient
Et voit Renart qu'Ysengrins tient.
Trere le velt as forces sus,
Li autre se sont tret en sus.
Dant Grinbert parla hautement
19o0 Et oiant toz comunaument
'Renart, sanz nule autre devise,
Hui estes venus a joïse.
Par ci vos en convient passer.
Si vos doûssiez confesser
19B5 Et fere lez a vos enfanz
Dont vos avez trois bauz et janz.'
'Vos dites bien' ce dist Renart.
'Bien est que il aient lor part.
Mon castel laiz mon fîlz l'ainz ne
1970 Qui ja n'iert pris par ome ne :
Mes tors, mes autres forteresces
Lerai ma feme as certes tresces :
A mon filz l'autre Percehaie
Lerai l'essart Tibert Fressaie
1975 Ou il a tant soriz et raz.
Il n'en a tant jusq'a Aras :
Et a mon petit filz Rovel
Lairai l'essart Tibaut Forel
Et le cortil detrers la grance
1980 Ou a meinte jeline blance,
Ne lor sai plus que départir,
De ce se poront bien garir.
1956 qu(>. y. 1960 oianz 1961 hautre 1970 Que 1774
fresseie 1976 filz petit 1979 grange
56 la (Méon 11737—11772)
Einsi lor devis ci lor lais
Que ici devant toz lor lais.'
1985 'Près est' dist Grinbert, 'vostre fins.
Et ge sui près vostre cosins :
De vostre avoir aucune rien
Me relaissiez, si ferez bien
Et si feres molt grant savoir.'
1990 Renart respont 'vos dites voir,
Et se ma feme se marie,
Foi que devez seinte Marie,
Tôles li quanque je li les
Et si tenes ma terre en pes.
19;i5 Qar molt m'aura tost oblie
Puis que me saura dévie.
Ainz que Tibaut soit crestiens
En aura un en ses liens.
Qar qant li om est en la bière,
2000 Sa feme esgarde par deriere,
S'ele veit home a son plaisir,
Ne puet pas son voloir tessir,
Con plus recoie et va tremblant.
Qu'il ne li face aucun senblant.
200.) Tôt autretel fera la moie.
Jusqu'au tiers jor raura sa joie.
Se mon sennor le roi plesoit
Et une chose me fesoit
Qu'il voussist que je fusse moines,
2010 Reclus hermites o canoines.
Et me laissast vestir la haire.
Certes ce li devroit molt plaire.
Cest mortel seicle et ceste vie
Lairoie, plus n'en ai envie.'
2015 Dist Ysengrin cuiverz traîtres.
Et que est or ce que vos dites?
Tante guenche nos aves faite.
Quel treslue nos avez traite!
1993 deuise ci 1986 p'u8 2002 pot 2004 Q'I 2006 Jusqua
aura 2010 R. ou li o 2016 quest
la Méon 11773-11808^ 57
En vos auroit bêle persone,
2020 S'avieez vestue la gone.
Ja dex ne doinst le roi onor,
S'il ne vos peut a desonor.
Et s'il ne vos en aseûre.
Qar la harz est vostre droiture:
2025 Qui de mort vos respiteroit,
James mis cuers ne l'ameroit,
Cil qui laron a pendre areste,
Toz jors het mes lui et son estre.'
Ce dit Renart 'sire Ysengrin,
2030 Or seront vostre li cemin.
Encor est dex la ou il selt,
Que tex ne pèche qui s'en delt.'
Ce dist li rois 'penses del pendre :
Car ne puis mie tant atendre.'
2035 Ja fust pendus qui que s'en pleigne,
Quant Renarz garde aval la plagne:
Si vit une grant chevaucie
Ou meinte dame avoit irie:
Et si ert la feme Renart
2010 Qui vint pognant tôt un essart.
Molt par venoit hastivement
Mervellos dol va démenant.
Si troi fil pas ne s'atardoieut,
Avoc le grant dol qu'il faisoient:
2045 Lor chevoz ronpent et detirent,
Et tote lor robe descirent;
Tel noisse font et tel criée
Qu'en les oïst d'une liuee.
Ne venoient pas bêlement,
2050 Ainz chevaucent isnelement :
Un somier tôt cargie d'avoir 16
Ameinent por Renart avoir.
Ancois qu'il ait ou confesse,
Ont cil deronpue la presse,
2032 sen] ne 2036 garde uian<iue 2040 escart 2043 doi
2048 eist 2053 que il
58 la (Méon 11809 — 11844)
2055 Qui vienent par si grant desroi,
Que chou sont as piez lo roi.
La dame s'est tant avancie
Que avant toz s'estoit lancie:
'Sire, merci de mon segnor
•20B0 Por deu le père creator!
Ge te donrai tôt cest avoir
Se de lui vels merci avoir.
Rois Nobles choisi le trésor
Devant lui et d'argent et d'or.
2065 Del avoir fu molt covoitoz
Et dist 'dame, foi que doi vos.
Renart n'a pas vers inoi bon plet:
Q'a mes ornes a trop mosfet
Que nus ne vos poroit retrere.
2070 Por ce en doit on vengance fere.
Quant de son mesfet ne s'amende.
Bien a deservi qu'en le pende.
Ce me dient tuit mi baron
Q'as forces ponde lo laron,
2075 Ft por voir se je ne lor ment,
Par tens ert livres a torment'.
'Sire, por deu en cui tu croiz,
Pardone li a ceste foiz.'
Li rois rospont 'en deu amor
2080 Por vos li pardong a cest tor.
Et si vos ert par tel rendus
Q'au premer mesfait ert pendus.'
'Sire' fet ele, 'et je l'otroi,
Ja ne sera recuis par moi.'
2085 Atant lo firent desbender.
Li Rois l'a fait atant mander
Et il i vient toz eslessiez.
Les menuz sauz joianz et liez.
'Renart' fait il, 'gardes vos mes !
2090 De ci avez vos ore pes :
2055 Uo'nent 2058 s^sta 2082 uelt 2069 ne le u. 2072
que len le. 2085 desliez 2089 nos
la iMéon 11845—11880) 59
Mes quant vos me forferes primes,
Vos reveiidres a co meïmes.'
'Sire' fait il, 'dex m'en desfende
Que je ne face qu'en me pende.'
•JOi).') Grant joie fet a sa mesnie
Que devant lui voit ameisnie:
Celui bese et cestui enbrace,
Car ne voit chose, tant li place.
Quant Ysengrin le vit délivre,
_*100 Loi's voussist mels morir que vivre.
<îrant poor ont trestuit de lui
Qu'il no lor face encore ennui:
Si fera il, se dex li done
Que il voie ou vespres ou none.
2103 ïorner s'en voldrent par derere,
Quant li rois vit par la cliariere
Et voit venir par une adrece
Une bière chevalercce:
Ce estoit Chauve la soriz
•2110 Et Pelez li raz sez mariz
Que dan Renart ot estrangle.
Quant desoz lui l'ot enangle.
En la compaigne dame Chauve
Estoit sa sor ma dame Fauve
211.J Et diz que frères que sorors.
Au roi vienent a granz clamors
Que filz que filles bien quarante,
D'autres oosiiis plus de sesante.
De la noisse que il menoient
'2120 Trestot ensi con il venoient,
Trestos li airs retentissoit
Et toz li cielz en fermissoit.
Li Rois s'est très un poi sor destre
Por savoir que ce pooit estre.
2125 Entent le cri, entent la noise.
Or n'a talant que il s'en voisse.
2104 Qui] 2112 lont 2113 chauuee 2114 fauuoo 2115
soror 2116 grant 2121 Trestot li ara
60 I Méon 11881—11916)
Quant Reiiart ot le duel venir,
De poor conmeuce a ferrair:
Grant poor a de celé bere.
'2180 Sa feme en envoia arere
Et sa mesnie et ses enfans,
Mes il reniest li sosduians.
Molt coiement issent de l'ost.
A lor chevaus en vieuent tost:
2135 Renart remeint en aventure.
La bière vient grant aleûro:
Ma dame Chauve par la presse,
Ou voit le roi, forment s'eslesse,
'Sire merci' fet ele en haut.
2140 A terre chet, li cuers li faut.
La bière chet de l'autie part.
Trestuit se cleiment de Renart
Et font une noise si grant
Qu'en n'i oïst pas deu tonant.
2145 Et li rois si volt Renart prendre,
Mes il ne le volt pas atendre:
Ains s'en foï, si fist que sages,
Que près li estoit ses damages.
N'avoit que fore de loue conte.
21.')0 Desus un grant chesne s'en monte.
Apres lui vont tuit aroute.
Soz le chesne sont areste.
Le sege metent environ,
N'en descendra se pai- ds non.
2155 Li rois i vient, si li conmande
Qu'il aille jus et si descende.
'Sire, ce ne fera je mie
Se tes barnages ne m'afio
Et vos ne m'en livres osta<2;es
2160 Que ne m'en vendra nus damages.
Car je voi molt, ce m'est avis,
Entor moi de mes enemis :
2129. 2l;)() inten-erlin 21:30 f. a enuoio a. 2150 Deaoz
2151 lui] i 2.52 arestu 2160 Q' no mendia
la (Méon 11917 — 11914" 61
Se eliascun me tenoit a plein,
Il me donroit tôt ol que paiu.
'2160 Or vos tenes la jus tait coi,
Contes d'Auchier et de Laiifi-oi!
Qui set noveles, si les cont :
Ge l'orai bien de ca amont.'
Li rois oï gaber Renaît,
2170 De maltalent fevmist et art:
Deus cogniez fait aporter.
Le chesne prennent a coupei-.
Renart a grant poor oiie
Quant iceste cbosse a vetie.
•Ji75 Les barons voit toz areugiez:
Cliascun atent qu'il soit vengiez.
Ne sot conment s'en puisse aler.
Un petit prist a dévaler.
En son poing tint une grant roche,
21SU Voit Isengrin qui si l'aproclie.
Oiez con par fet grant merveille!
Le roi en fiert delez l'oreille:
Por cent mars d'or ne ce tenist
Li rois q'a terre ne eliaïst.
2185 Tuit li baron i accrurent 17
Entre lor bras le socorurent.
Endementi'es qu'il entendoient
A lor scgnor que il tcuoient,
Renart saut jus, si torne en fuie.
2190 Quant che virent, chascun le buie,
Et dient tuit si con il sont,
Que jamais jor nel chaceront.
Car ce n'est pas chose avenable,
Ainz est un raim de vif diable.
2193 Or est remeis li chaceïz.
Fuiant va vers un plasseïz.
Lo roi cnportent si baron
Droit ol palais de sa meson.
Huit jors se fist li rois scigner
2200 Et sejorner et haiesier,
2164 (loniont 2179 poi- moche 2180 que 2199 Un ior
62 la (Méon 11955— 1198G)
Tant qu'il revint en la santé
Ou il avoit devant este.
Et Renart oinsi s'en eschape.
Des or gart bien chascun sa cape!
H)
2-205 Li rois a fait son ban crier,
Par tôt plevir et atier
Que qui porra Renart tenir,
Que ja iiel fâche a cort venir,
Ne roi ne conte n'i atende,
2210 Mes meintenant l'oci ou pende.
De tôt cou fu niolt pou Renfir:
Fuiant s'en va vers un essart.
Son petit pas s'en va tendant.
Environ lui va regardant:
221') N'est mei-veille s'il se regarde.
Qui de totes bestes a garde.
En son un grant tertre s'areste,
Yers Orient tome sa teste.
Lors dist Renart une proiere
2220 Qui molt fat pressiouse et cbiere.
'Ile dex, qui meins en ti-inite,
Qui de tans perilz m'as jeté
Et m'as soufert tans malz a fere
Que je ne doiisse pas fere,
22-25 Garde mon cors d'ore en avant
Par le tien seint conmandement!
Et si m'atorne en itel guisse.
En tel manière me devise
Qu'il ne soit beste qui me voie,
2210 Qui sache a dire que je soie.'
Vers Orient sa teste cline.
Granz colz se done en la poitrine,
2207 Qui li p 2J0S ucii^ 2217 turtrc 2220 fi(
2223 souffrez 222(; nciii 2221) (,»ui ik; s.
Ib iMôuii 119S7— 12022) ^ 63
Drece sa poe, si se seigne.
Ya s'ent le plein et la montegne.
2-233 Mes de fein sofre grant destrec'.
Euvers une vile s'adreche
En la meson d'im teinturier
Qui niolt savoit de son mester.
Sa teinture avoit destempree
2240 Au mielz qu'il pout et atrempee.
Faite l'avoit por teindre en jaune.
Ali'z fu querre une droite aune
Dont il voloit son drap aunor
Qu'en la cuve voloit jeter.
•-'245 Laissiee l'avoit descoveite.
Et la fenestre estoit overte,
Dont il veoit a sa teinture,
Quant l.i fesoit et nete et pure.
Renart dedenz la coït s'en entre
22:>() Por proie querre a ues son ventre:
Le cortil a trestot chercie
Et tôt environ revcrcliie,
Ni puet trover rien qu'il nianjuce.
Parmi la fenestre se muce.
22').') Renart n'i voit arae dedenz,
Il joint les piez, si sailli eu/..
Esbahiz fu quant vint en l'ombre,
Oiez con li maufez l'enconbre.
Malbaiiliz fu et decoùz:
22(!0 Car dedenz la cuve est coiiz.
Au fonz va, mes pas n'i denioure:
Isnelement resailli soure.
La cuve out auques de parfont.
Par desus noe qu'il n'afout.
22G.') Atant estes vos le vilein
Qui l'aune tenoit en sa mein.
Son drap a auncr reconmence.
(iuant il oï Renart qui tence
2245 Liissio lam.it a d. 2249 le 22.J0 a aues 2253 pof
2257 Esbahi 2261 mes )iiaiiq((e 2265 es uos 2267 a aner
64 Ib iMéon 12U23— 12Ui)0)
Por ce que oissir s'en voloit.
•2-270 Tant a noe. tôt se doloit.
Li vileius a drece l'oreille,
Oï Renart, molt se merveille.
A terre jeta toz s s draz,
A lui en vient plus que le pas.
2275 Renart choisist en la teinture,
Par lui en vint grant aleiirc.
Ferir le volt parmi la teste,
Qant il connt que ce fu beste.
Mes Renart forment li escrie
:;-_)80 Baus sire, ue me ferez mie!
Je sui beste de ton niester,
Si te puis bieu avoir mester.
Sovent en ai este lassez.
Si en sai plus que toi asez.
2285 Encor t'en cuit ases apreudre
De mesler teinture avoc cendre,
Qar ne sez conment en le fet.'
Dist li vilein 'ci a bon plet.
Par ont venistes ca dedenz V
22i)i) Por qoi entrastos vos caienz?'
Ce dist Renart 'por atenprer
Ceste teinture et atorner:
C'est la costume de Paris
Et de par tôt nostro païs.
22U5 Ore est ele molt bien a droit
Atornee tôt a son droit.
Aidiez moi tant que je fors soie.
Puis vos dirai que je feroie.'
Quant li vileins Renart entent
2300 Et voit que la poe li tent,
Par tel aïr le sache fors
Par pou ne li a tret del cors.
Quant Renart vit qu'il fu au pie
Trois paroles dist au vilein.
2270 noe que tôt se d. 2289 uenist <s] entrastes 2290
2293 costome 2297 iei 2301 lessaelie
Ib (Méon 12061 — 12096)
2303 'Prodom, entent a ton afere,
Que je n'en sai a nul chef trere.
Mes en ta cuve iere sailliz,
A poi ne fui molt malbailliz.
Car si m'aït seinz esperiz,
2310 Noiez i dui estre et peiiz:
Grant peor ai où del cors.
Dex m'a eidie quant j'en sui fors.
Ta teinture est molt bien pernanz,
Jaunez en sui et reluisanz.
2315 Ja ne serai mes coneiiz
En leu ou j'ai este veiiz.
Molt par en sui liez, dex le set,
Que trestoz li siècles me het.
Or remanez, car je m'en voiz
23-20 Querre aventure par ce bois.'
A icest mot de lui se part 18
Fuiant s'en vait vers un essart:
Molt se regarde, molt se mire,
De joie conmenca a rire.
2325 Fors del chemin les nne haie
Voit Ysengrin, molt s'en esmaie,
Ou il atendoit aventure,
Qar fein avoit a desmesure.
Mes molt par estoit granz et forz.
233 ) Las !' dist Renai't or sui ge morz.
Qar Ysengrin est fors et cras
Et je de fein megres et las.
Molt en ai sosfert grant angoisse.
Ne quit pas qu'il me reconoisse:
2335 Fors q'au parler (ce sa je bien)
Me conostra sor tote rien.
G'irai a lui, a que qu'il tort,
S'orrai noveles de la cort.'
Lors se porpense en son enrage
2340 Que il changera son langaje.
2307 couue 2312 io s. 2320 ces 2321 Hospart 2333 an-
guisse 2384 que il
RENART I > 5
Ib (Méon 12097—12136)
Yseugrin garde celé part
Et voit venir vers lui Renart.
Drece la poe, si se soigne
Ancois que il a lui parveigne,
2845 Plus de cent fois, si con je cuit:
Tel poor a, por poi ne fuit.
Qant ce out fet, puis si s'areste
Et dit que mes ne vit tel beste,
D'estranges terres est venue.
•23ô() Ez vos Renart qui le salue:
'Godehelpe' fait il, 'bel sire !
Non saver point ton reson dire.'
'Et dex saut vos, bau dous amis!
Dont estes vos? do quel païs'?
235.') Vos n'estes mie nés de France
Ne de la nostre connoissauce."
'Nai, mi seignor, mais de Bretaing.
Moi fot p'erdez tôt mon gaaing
Et fot cei'chier por ma conpaing,
23(iO Non fot mes trover qui m'enseing.
Trestot Franco et tôt Engleter
L'ai cerchiez por mon compaing qer.
Demorez moi tant cest païs
Quo j'avoir trestot France pris.
•2305 Or moi volez torner arier,
Non saver mes ou moi le quier.
Mes torner moi Paris ancois
Que j'aver tôt apris francois.'
'Et savez vos noisun mestier?'
2370 'Ya, ge fot molt bon jogler.
Mes je fot ier rober, batuz
Et mon viel fot moi toluz.
Se moi fot aver un viol,
Fot moi diser bon rotruel,
2375 Et un bel lai et un bel son • 4
For toi qui fu semblés prodom.
Ne fot mangie deus jors enters,
Or si mangera volenters.'
2362 conpiiig 2310 moU ma iKpw 2371 robert 2311 jor» manque
Ib (Méon 12137-12174) 67
'Conment as non?' dist Ysengriu.
2380 'Moi fût aver non Galopin.
Et vos, conment, sir bel prod
roaom
'Frère, Ysengrin m'apele l'on.'
'Et fot vos nez en cest contre?'
'Oïl, g'i ai meint jor este.'
2385 'Et saver tu del roi novel?'
Tor qoi?' 'Tu n'as point de viel?
Je fot servir m oit voleuter
Tote la gent de ma mester.
Ge fot savoir bon lai Breton
2390 Et de Merlin et de Noton,
Del roi Artu et de Tristran,
Del clievrefoil, de saint Brandan.'
'Et ses tu le lai dam Iset?'
'Ya, ya: goditoët,
2395 Ge fot saver' fet il 'trestoz.'
Dist Ysengrin tu es molt prous
Et si ses molt, si con je croi.
Mes foi que doiz Artu lo roi.
Se tu veïs, se dex te gart.
2400 Un ros garçon de pute part,
Un losenger, un traïtor
Qui envers nullui n'ot amor.
Qui tôt decoit et tôt engigne?
Damledex doinst q'as poinz le tiegue!
2405 Avanter escapa lo roi
Par son engin, par son bofoi.
Qui pris l'avoit por la roïne
Que devant lui tenoit soviue,
Et por autres forfez asez
2410 Dont onc ne pot estre lassez.
Tant m'a forfet que je voldroie
Que il tornast a maie voie.
Se gel pooie as poinz tenir,
Molt tost le convendroit morir:
2379 a non 2380 fait 2381 sire 2387 mot volontors 2389
bretor 2391 Et del 2392 brandam 2394 y. a. y. a godrooet 2399 uoiz
2402 nul hui 2404 poing 2407 Que pris auoit 2410 on 2413 painz
5*
Ib (Méon 12175—122121
2415 Li rois m'en a done congie,
Bien conmande et otroie.'
Renart tenoifc le chef enclin.
Par foi' fct il, 'dant Yseugrin,
Malves lécher, fot il devez?
2420 Conment fot il a non pelez?
Dites nos conment il a non,
Fot il donques pelez Asnon?'
Ysengrin rist. quant il ce ot,
Et por le non d' Asnon s'esjot,
2425 Molt l'amast mels que nul avoir.
Volez' fait il son non savoir?'
'Oïl: conment fut il pelez?'
'Renart a non li desfaez.
Toz nos decoit. toz nos engigne,
2130 Dex doinst que ge as poinz letiegne!
De lui seroit la terre quite.
Sa part en seroit niolt petite,'
'Toz fot il malement tornez,
Se tu lo foz aver trovez.
24:3.') Foi (|ue devez le seint martir
Et seint Tomas de Cantorbir,
Ne por tôt l'or que dex aver
Ne fot voloir moi lui sambler.'
'Vos aves droit' dist Yseugrin.
•2440 'Ne vos gariroit Apollin,
Ne tôt li ors qui soit en terre,
Que James nos moussie^ gerre.
Mes or me di, baus doz amis,
Del mestier dont t'es entremis,
2445 Ses en tu tant servir a cort,
Que nul jogleres ne t'en tort,
Et que n'en soies entrepris
Par nul qui soit en cest paï:
•?'
'Par mon segnor seint Jursalen,
2450 Ne fot itel troves oan.'
'Donques t'en ven avoques moi
Et je t'acointerai au roi
2430 ge manque painz 2436 chantarbir 2447 Et manque
Ib (Méon 12213—12248) 69
Et a ma dame la roïno
Qui tant par est gente meschine,
2455 Et je te voi et bel et gent,
Si t'acointerai a la geut.
Et se tu vels a cort venir, 19
Ge te ferai bien retenir.'
'Fotre merci' dist Galopins.
2400 'Je fot saver molt bons chopins,
Si fot saver bon lecheri
Dont je fot molt a cort chéri.
Se pot aver moi un viel,
Fot moi diser bon rotruel,
2465 Et fot un vers dit de chancon
Por toi qui fot sembler prodom.'
Dist Ysengrin sez que tu fai ?
Yien t'ent, une viele sai
Ches un vilein, que tote nuit
2470 I asenblent si voisin tuit.
A ses enfanz en fet grant joie,
N'est gueres nuiz que je ne l'oie.
Par la foi que je doi seint Père,
La viele est et bone et chère.
2475 Se tu vienz avoc moi a cort,
Tu l'auras a qoi que il tort.'
Atant se metent a la voie.
Andui s'en vont et font grant joie.
Dant Ysengrin ases li conte
2480 Conment Renart li a fet honte.
Asez li conte en son francois:
Renart li respont en englois.
Tant sont aie qu'il sont venu
Tries la meson a un rendu,
2485 Droit la u Ysengrin savoit
Celui qui la viele avoit.
Dedenz le cortil au vilein
S'en entrèrent andui a plein.
2454 tantaj par 2459 Yotre 2460 molt ] et 2462 fot ] sui
2465 semble 2469 qui 2478 s'manque 2482 englea 2486 que
70 Ib (Mcon 12249—12284)
Le vilein ont molt redote,
5490 Lez le paroi sont acoute.
Il vont escoutant tote nuit
Con li vileins fet son déduit.
Quant li dormirs le va matant,
Chocier s'en va de meintenant.
2493 Ysengrin a drece l'oreille.
Puis si regarde et oreille :
Q'en la paroi un trou avoit,
Plus a d'un an qu'il l'i savoit,
Et par une ais qui ert fendue
2500 Vit la viele au clou pendue.
Souflent et ronflent molt forment
Tant que il se vont endormant.
Un grant mastins gist lez le feu,
Delez la couce ot fet son leu,
2505 Par un petit au fou ne touce.
Mes li essombres de la couce
Nel laissa veoir Ysengrin.
'Frère' fet il a Galopin,
'Atent moi ci, g'irai veoir
2510 Conment je la porrai avoir.'
'Tôt fot moi sol' ce dit Kenart.
'Conment, es tu donc si coart?'
'Coarz? nai voir, mes g'ai poor
Par ci ne soit par cest coutor.
2515 Se moi fot sol, ja fot portez,
Por ce fot moi desconfortez.'
Ysengrin l'ot et si s'en rist,
Ses cuers forment li atendrist,
Et si li dist 'en deu amor
2520 One ne vi hardi jugleor,
Hardi prestre, ne sage famé.
Qant ele plus a, plus forsane :
Et quant ele a ce qu'ele velt,
Lors quiert ce dont ele se delt.'
2499 un fenduee 2507 Ne 2510 le 2512 est tu 2515 foz p'otez
2521 fonne 2522 forsene 2523 que ele
Ib (Méon 12285—12322) 71
2025 Ce dist Renart qui aine n'ot loi,
'Dant Ysengrin, en moie foi,
Se fût ici celui Renart,
Ja fot il toz pendus a liart.'
'Leissiez ester' dist Ysengrin,
2530 Que je sai bien toz les chemins.
Mes or te sie ici a terre
Et g'irai la viele querre.'
Lors s'en vient droit a la fenestre
Conme cil qui savoit bien l'estre.
2535 Apoie fu d'une courre,
La nuit fu obliee a clore.
Ysengrin fu montez en haut,
Par la fenestre laiens saut,
La droit ou la viele peut
2540 S'en va tôt droit, si la despent.
Si l'a son conpaignon tendue,
Et cil l'a a son col pendue.
Renart se pense qu'il fera,
Conment il le conchiera.
2545 Ja bien' fet Renart ne m'aviengne,
Se nel conchi, conment qu'il prengne.'
A la fenestre droit en vient
Au bastonnet qui la sostient.
Le baston cline et ele clôt,
2550 Et Ysengrin laiens enclôt.
Quida, close fust par lui sole.
Lors a grant poiir de sa gole.
Au saut q'a la fenestre fist.
Et a la noise s'esbahist
2555 Li vileins qui ert endormiz.
Sailli en piez toz estordiz.
Sa feme escrie et ses enfanz :
'Or sus! il a larons caienz.'
Li vileins saut, c'est sa costume,
2560 Au feu en vient et si l'alume.
2527 rallart 2528 a art 2539 La d. la u 2545 Ga 2548 .1. b.
2559. 2560 manquent
Ib (Méon 12323—12360)
Quant Ysengrin le voit lever,
Voit qu'il velt le feu alumer,
Un petitet se tret arere,
Par les naches le prent deriere.
2565 Li vileins a jeté un cri.
Li mastins l'a sempres oï:
Ysengrin prent parmi la coille,
Enpoint et tire et sache et roille,
Trestot esrache quenqu'il prent.
2570 Et Ysengrin molt bien se prent
Deriere as naches au vilein.
Mes de ce avoit le cuer vein,
Et sa dolor li engregnoit,
Qar li chens ses coilles tenoit.
2575 Tant se sont laiens travellie
Que Ysengrin ont escoille.
Li vileins crie ses voisins
Et ses parens ot ces cosins:
'Aidiez, por deu l'esperitable !
2580 Caienz conversent li deable.'
Quant Ysengrin vit l'uis overt,
Et li vilein felun cuvert
A cuinnies et a macues
Yienent corant parmi les rues,
2585 Entre la porte et le vilein
Fet Ysengrin nn saut a plein.
Si fort le horte qu'il l'abat
En une fange trestot plat.
Des quatre pies fiert a la terre,
2590 Ne set son conpaignon ou querre.
Por les vileins s'en vet fuiant, 20
Et cil le vont après huiant.
Le vilein trovent en la boe
Graut et parfonde qu'il i noe.
2595 Fors l'en ont tret a molt grant peine,
D'un mois ne fu sa plaie seine.
Ysengrin pas ne s'asoûre,
2577 V. escrie 2582 Ez 2583 As . . as 2594 et manque
Ib (Méon 12361 — 12394) 73
Fuiant s'en vet grant aleiire.
N'avoit cure de sojorner,
2600 Ancois conmence a galoper.
El bois se met par une sente.
Molt est dolenz, molt se démente
Por che quïl a perdu la chose,
Mes a nului parler n'en ose.
•2(1^5 Car se sa feme le savoit,
James de lui cure n'auroit.
Et neporqant va s'ent grant oire.
Or ne se set mes en cui croire.
Tant va et vient danz Ysengrins
2610 Sentiers et voies et chemins:
Ulle et garmente en son langage,
Par un petit que il n'enrage.
Tant fet qu'il vient en sa lovere.
Par l'uis s'en entre par deriere,
2615 Sa mainie trove laienz.
'Dex soit' fait il o vos caienz!'
î^e parla gueres hautement.
Mes soavet. Dame Hersent
Qui durement estoit aese,
2620 Au col li saut, sovent le bese.
Et si fil saillent, si l'acolent,
Juent et gabent et parolent.
Mes s'il seûssent tôt l'afere.
Autre joie doiisent fere.
2625 Quant ont mangie a grant loisir,
Si parolent d'aler jesir:
Et lors i ot molt, ce sachez,
Parle ainz que il fust coche.
Molt grant pièce s'i arestut.
2630 Mes neporoc cocher l'estut:
Hersent l'achole, si l'enbrache.
Et lez lui se jut fâche a face.
2603 perdue 2603 nulhui liose 2607 Et manque 2610
chomins 2611 garment 2618 soruet d. sçi h. 2620 le 2623 sel
seust 2627 m. parle ce 2628 quil 2629 pie si 2630 Ne mes poroo
74 Ib (Méon 12305—12430)
Et cil conmence a reûser
Et durement a reculer.
2()35 Mes ne li vault, si con je quit.
Encore ora tel chose anuit
Dont il n'oûst ja nule envie,
Qu'il n'avoit cure de sa vie.
Hersent l'achole et cil se tret
2640 En sus, n'a soing de son atret.
'Et qu'est or ce' fet ele, 'sire?
Avez me vos coilli en ire ?'
'Dame' fet il, et que volez?'
'Si faites ce que vos solez.'
2G45 'Ge n'en sui mie ore aiesiez.
Mes desormes vos en tesiez.'
Fet Hersent 'je ne m'en puis tere,
Ainz vos covient la cose fere.'
'Que ferai, va?' 'Que te covient, .
2650 Ce qu'a totes femes avient.'
'Taisiez' fait il: 'n'en ferai mie.
Or doûssiez estre endormie
Et avoir dit vo patreuostre,
Que vigile est d'un seint apostre.'
2655 'Sire' fet ele, 'par seint Gile,
Ja n'i aura mester vigile.
Se vos volez m'amor avoir,
Fêtes en tost vostre pooir.'
Dame Hersent forment le baste,
2(i60 II se trestorne, ele li taste
Hoc ou la coille soloit
Estre par raison et par droit.
N'i trova mie de l'andoille.
'Chetis' fet ele, 'ou est ta coille,
2665 Qui ci endroit te soloit pendre?
Tote la vos covient a rendre.'
'Dame' fait il, 'je l'ai prestee.'
'A qui? 'Une nonein velee,
Entre les vers 2634 et 2635 le nisc. intercale encore ce vers: Et
durement a reuser 2641 ques ore ce 2646 en mamine 2651 nen ne f.
2659 Dane 2660 t. et ele 2665 Que
Ib (Méon 12431— 124()6)
Qui en son cortil me fist prendre.
2670 Mes bien la m'afia a rendre.'
Hersent respont de meintenant
'Sire, ce n'est pas avenant.
S'il i avoit trente fiances,
Dones pièges et aliances,
2675 Si lairoit les pièges encorre.
Alez tost, ne finez de corre,
Et si dites a la nonein
Qui fille est au conte Gilein,
Que plus n'i demort n'i atende,
26 SO Mes tost vostre coille vos rende.
Qar s'une fois l'avoit sentie,
Tost en auroit sa foi raentie
Ainz que james la vos rendist.
Si seroit drois qu'en vos pendist,
2685 Quant baillie la li avez.
Bien voi que gueres ne savez.
Molt m'avez morte et mal baillie.
Quant une autre l'a en baillie.
Mise m'avez en grant effroi,
2690 Demein m'en clamerai au roi.'
Pute vielle' dist Ysengrin,
'Demein vos viengne mal matin!
Car vos taisiez, si vos dormez,
Et mal jor vos soit ajornez!
2695 Gardes bien que n'en parles plus.'
Atant Hersent del lit saut jus:
'Filz a putein, meveis traîtres,
Einsi n'en ires vos pas quites.
Se ne m'estoit por un petit,
2700 Ge vos trairoie fors del lit,
Se dex me doinst demein veoir.'
Atant s'en vait a l'uis seoir,
Molt fort conmence a sopirer
Et ses cevols a detirer.
2670 les 2673 fiancez 2675 lairies encore 2676 core 2678
que 2682 a. ij. sa 2702 seir
'\
76 Ib (Méon 12-467—12504)
2705 Ses dras deront. ses poinz detort,
Plus de cent fois s'ore la mort,
'Que ferai mes, lasse chative !
Molt me poise que je sui vive,
Q'or ai perdu tote ma joie
2710 Et la rien que je plus amoie.
Onques n'oi mes si grant anui :
Q'a je mes afere de lui? 21
Foie est qui delez lui se couche,
Qu'il ne valt mes ne q'une souche.
2715 Je ne quier mes o lui cocher,
Qu'en ne doit mes a lui toucher.
Puis qu'il ne puet la chose fere,
Q'ai ge donques de lui a fere?
Mais aille ermites devenir
2720 Et en un bois por deu servir :
Qar bien sai qu'il est couchiez,
Quant de la coille est dérochez.'
A icest dol qu'ele demeine
De jor vit tote la cort pleine.
2725 En la meson en est entrée.
Au lit en vient tote devee.
'Or sus' fait ele, 'dauz vileins.
Aies vos ent a vos puteins!
l^e sai se fustes entrepris,
2730 Mais bien en ont le gage pris.
Einssi doit l'en mener celui
Qui sa feme a et tient l'autrui.'
Ne set li lox un mot respondre,
Ne contre lui n'en ose groindre.
2735 Dame Hersent est noble et fiere.
Et toz jorz a este légère,
Cointe et pleine de grant orgoil.
Des quatre piez feri el soil
2709 perdue 2713 Fox 2714 cuche 2716 a ] o 2717 pot au
dessous de 2517 on Ut Qujl ne pot mes la c.qae fçrç 2721 es 2732
r manque 2737 horgoil 2738 eïsel
Ib (Méon 12505—12540) 77
Et a torne le cul au vaut.
2740 'A deu fet ele 'vos conraant.'
Drece sa poe, si se seigne.
Yet s'ent, comment que li plez pregne.
Or vos dirai de l'autre part
De la mesnie dan Renart,
2745 Con il s'en va par le boscage.
Ysengrin a lessie en gage.
For la viele qu'il enporte
Molt s'esbaudist, molt se conforte.
Ya s'ent a tote sa viele,
2750 D' Ysengrin n'oï puis novele.
Tant fist Renart qu'en quinze dis
Fu si de la viele apris :
Sages en fu et escoles.
One ne fu tex baraz trovez.
27.')5 Einsi s'en va par la contrée
Tant qu'il ot sa feme trovee,
Qui o lui meine un jovencel
Que prendre voloit de novel :
Cosin Grinbert le tesson fu.
2760 Quant il le vit, s'est arestu :
Sachez bien les a conneiis,
Tantost con il les a veiis.
Ja oiist Poucet espuse.
S'il oiist jogleûr trove.
2765 Mes ele pas tort n'en avoit :
Tuit disoient que mors estoit.
Tybert lor dist, se de.K le saut.
Que Renart vit lever en haut
As forches, et si le vit pendre,
2770 (Ce lor a fet Tybert entendre)
A unes forches granz et hautes,
Trers le dos liées les pâtes.
2739 a manque 2743 iliron 2751 quen ] donz 2753
et I i 27()1 bien les ] que il es 2763 espusee 27t>4 Sel trouée
2769 forchez 2771 grant 2772 lie
78 Ib (Méon 12541 — 12578)
'Il resenblot trop bien Renart.
Ge le vi pendre à une hart.'
2775 La dame lor respout brement
'Je ne vos en mesci'oi noient.
Qai" je sai qu'il avoit tant fet
Vers son seignor de maveis plet
S'un des barons le poïst prendre,
'2780 Que mein tenant le feïst pendre.'
N'i ot plus tenu parlement,
Beisier se vont estroitement.
Renart ne se pot plus tenir,
Ainz a fet un inolt grant sopir.
278.') A Poncot dist entre ses denz
'Tu en seras encor dolenz.'
Grant tens avoit que cil Famoit,
Mais dant Renart ne le savoit.
Ainme s'estoicnt molt lonc tens,
2790 Renart le saura tôt a tens.
Autretel font, ce m'est avis,
Tex dames a en cest païs.
La dame son novel segnor
Bese et acole par amor.
2795 Ronart voient vers els venir
Et la viele au col tenir:
Molt furent lie, pas nel connurent,
Salue l'ont si con il durent.
'Qui estes vos' font il, 'bel frère?'
2800 'Sire, ge fot un bon juglere,
Et saver moi molt bon chaucon
Que je fot pris à Besencon.
Encor molt de bons lais saurai,
Nul plus cortois jogler n'aurai.
2805 Ge fot molt bon jogler à toz,
Bien sai dir et chanter bons moz.
Par foi mon segnor seint Colas,
Bien fot sembler que tu l'amas,
2776 en manque 2779 Se un 2784 grant manque 2785 dit
2786 seraz 271 autreteil 2794 et J i amaz 2804 nrai
Ib (Méon 12579—12(314) 79
Et li senbler bien toi amer,
2810 Et ou voler tu si aler?'
Lors dist Poncet au deu plesir
Nos alomes la messe oïr.
ïuit alomes vers le moster,
Geste dame voil nocoier.
2815 Ses sire est mors novelement:
Mes li rois le haoit forment,
Meinte foiz l'a pris a forfet,
Or a de lui sou plesir fet,
Renart ot non li engigueres.
28-20 Fel fu traîtres et boisieres,
Meinte traïson avoit fête:
En haut en a sa goule trete.
Trois fil en sont remes molt bel
Qui sont molt coiute dauioisel:
•282j Lor père quident bien venger
Ainz que l'eu doive vendenger, 22
Moii sont ja por quene aïe
A ma dame Once la haïe.
Tôt li secles est en sa mein,
2830 Et tuit li mont et bois et plein.
Il n'en a beste jusq'as porz,
Tant soit hardie ne si forz.
Ors, chien ne lou ne autre beste,
Qui vers lui ost torner la teste.
2835 Por soudées i vont li frère.
Quanque il ont, lessent lor niere,
Qui molt par est cortoise dame.
Ge la prendrai par tens a feme,
Einsi est la chose atornee,
2840 Q'ainz demein nuit l'aurai jurée.'
Renart respont entre ses denz
'Tu en seras encor dolenz,
Encor en charras en tel briche.
Nel voudroies por une fliche.'
2809 bien mcuKjiie 2811 dit 2812 ulons 2815 sires 2820 et
traitres b. 2833 Hors 2842 seraz
80 Ib (Méon 12615—12650)
2845 'Certes, sire' ce dist Poincax,
Qui molt estoit cortois et baux,
'Se vos voles as noces estre,
Dont ne nos faut mes que le prestre.
Ge vos donrai del nostre asez,
2850 Quant cist aferes iert pasez,'
'Fotre merci' dist il, 'bel sir,
Moi saura fer tôt ton plesir.
Moi saver bon chancon d'Ogier,
Et d'Olivant et de Rollier
2855 Et de Charlon le char chanu'.
'Dont vos est il bien avenu'.
Entre ses denz dist li maufez
'Et vos estes mal asenez.'
Atant se nietent a la voie,
2860 Renart viele et fet grant joie,
Tant qu'il vindrent a la tesnere
Qui molt estoit large et plenere.
Quant Renart vit adesertir
Son castel gaste et enherniir,
2865 11 n'en velt fere autre senblant,
Ja soit ce qu'il se voist joant,
Eu son cuer pense, se il vit,
ïex en plorra qui or en rit.
Par le païs et par la terre
2870 Envoia cil ses amis querre:
Tant veïssiez bestes venir
Nus n'en poïst conte tenir.
De molt long s'i asenblent tuit,
Par la vile meinent grant bruit.
2875 Dame Hersent i est venue.
Ysengrin est reraeis en mue :
Novelement laissie l'avoit
Por ce que maengniez estoit.
Et jure seinte Pentecoste
2880 Ga ne girra mes a sa coste.
2872 nel p. contre t. 2852 tôt manque 2866 sen voit 2868
le second en manque
Ib (Méon 12651—12686) 81
Q'a on a fere d'ome en chanbres
Puis que il n'a trestoz ses menbresV
Mes voist aillors, si se porcast.
Drois est que tos li mons le ehast.
2885 Por ce s'en est de lui tornee.
As noces vint bien atornee,
Et des autres i ot grant flote,
Et Renart lor chante une note.
A grant joie les noces firent,
2890 Tybers li chaz et Brun servirent.
Totes sont pleines les cuisines
- Et de capons et de jelines:
D'autres vitailles i avoit
Selonc ce que chascun voloit.
2895 Et li jugleres lor chantoit,
A chascun d'els forment plesoit.
One n'oï on si grant janglois
Con il demeine en son englois.
Apres mangier savez que firent?
2900 Hastivement se départirent,
Qu'il n'i remeist ne bons ne niax
Fors ouïs, ne chevelox ne eaux:
Chascun s'en va a son repère.
Renart remest son mester fere.
2905 Dame Hersens s'en est entrée
Dedenz la chambre a l'esposee,
Et a Poucet a fet son lit
Ou quide fere son délit.
A une liue d'iloc ot,
2910 Si que Renart molt bien le sot,
Une tombe d'une martire
Dont vos avez bien oï dire:
De Coupée qui la gisoit.
Trestoz li mondes le disoit
2915 Qu'ele fesoit apertement
Vertus a toz cumunalment.
289-t ce mauque valoit 2896 cliascuns 2004 remiest 29l:i qui
2914 treztoz
82 Ib (Méon 12687—12722)
Nus homs n'i vient, tant soit enfers,
Ou soit moignes, ou lais ou clers,
De tôt le mal que il oiist
2920 Que meintenant gariz ne fust.
Renars i fu, si ot veiiz
Le jor devant deus laz tenduz
Et un braion en terre enclox.
Bien le ferma a quatre clox
2925 Q'a un vilein avoit emble.
Hoc l'ot repost et ente,
Bien sot qu'il en auroit a fere,
Qar il savoit de meint afere.
Quant Poncet dut aler gésir,
2930 Si l'a fet devant lui venir,
Et si li dist en son langage
'Sire Boucez, fez tu que sage:
Se tu créez que je dira, 23
Merveille fu qui te vendra,
2935 Et bien saver que je voil dir.
Lasus giser un seint martir,
Por lui faser dex. tant vertuz :
Se tu voler aler piez nuz
Et port un candoil en ton mein,
2940 Et tu veillier anuit a mein.
Et tu vus ton candoil lumer,
ïu fus demein un fil gendrer.'
Ce dist Poncez 'molt volonters'.
Atant se metent es senters:
2945 En sa mein porte une candoille
Qui si art cler con une estoille.
Desoz un pin en un moncel
Hoc troverent le tombel.
Renart s'estut, cil passe avant:
2950 'Basse, Bosez, dex t'en avant!'
Cil vait avant, si se redote,
Renart le vit, avant le bote.
2724 a manque 2726 entre 2728 de mein a. 2741. 2742
interi-ertis , mais l'ordre est indiqué par les lettres b a 2746 clere
2749 passa
Ib (Méon 12723—12758) 88
Tant fort: renpeint qu'il eiet es laz
Parmi le col et Tun des braz.
2955 II est choùs ens cl braiou
Qui cevelliez fu el raion.
Il tire fort et li braz froisse.
Li laz li refet grant angoisse:
Forment s'esforche, forment tire,
2960 Recleime deu et la martire
Qu'ele li soit verais garanz.
Il n'i a nul de ses parenz.
Tire et retire, ne li vaut,
Et Renars le ranpronne en haut.
2965 'Bosez, vos fot asez ore,
Et tu seraz ci trop more.
Molt ama vos icil martir
Que ne laisse toi li partir.
Tu voler devener, ce quit,
2970 Moine ou canon en cest abit.
Ou tu venir, ou moi ira.
Ou fot me bien, je li dira
Que vos velt ermit devenir,
Et la martir fot vos tenir.
2975 Ce fot forment a merveiller
Que tu voler tôt nuit veller.
Et vos fustes novel bosez,
Et ta moiller fot vos tendez
Et fot ja mienuit oscure.'
2980 A tant es vos grant aleûre
Quatre gaignons et un vileiu,
Uns enemis frère Brian.
Le boscage avoit bien apris.
Poincet ont trove entrepris.
2985 Tant l'ont tire et desache
Que tôt l'ont mort et esqachie.
Eenars le vit, molt s'en esmaie,
Fuiant s'en va par une haie.
29G1 urais 2965 more 2970 Moin 2977 futez 2979
ocure 2981 garçons 298.3 Le ] Et 2984 ot
6*
84 Ib iMéon 12759 -12794)
Los granz galoz s'en va arere.
2990 Fuiant sen vet a sa tesuere.
Sa feme trove asovinee
Qui atendoit sa destinée:
Molt li pesoit de la demoure,
Que ja ne quidoit veoir l'oure.
2995 Quant voit venir le jugleor
Tôt sol, lors si ot graut peor.
Quant Renart l'a soûle trovee,
'Or sus' fet il, pute provee!
Or sus, si tenes vostre voie,
3000 Gardes que james ne vos voie!
Molt est mavese vostre sorz.
Ge ne sui mie encore morz,
Ains sui Renars, ce m'est avis,
Seins et haities et trestoz vis.
3005 Molt avez tost le dol boû
Que vos aves de moi eii.
Or sus' fet il, levez de ci,
Alez veoir vostre mari !
S'orrez conment il se contient,
3010 Car la martire le retient.'
Quant la dame ot ceste parole,
A pou que de dol ne s'afole.
'Lasse!' fet ele bêlement,
'Ce est mesires vraiement.'
30 i 5 Et danz Renars prist un baston.
Si li paia sa livreisson.
Et fiert et hurte et rolle et bat
Tant que crie 'merci, Renart!
Sire, por deu merci te quier,
3020
'Or sus' fet il, 'car par mes denz
Mar enterres james caenz.
Ja ne gerrez mes a ma coste.
Quant receii avez tel oste.
2999 uoiee 2304 est ses sires 3013 quele 3021 par
?)ia)iqite
Ib (Méon 12795—12832) 85
3025 Ainz vos trencerai ceu baulievre.
Et cel grant nés sor celé lèvre,
Et vos enfonderai ceu ventre,
Et la boele qu'est soentre
Vos saudra fors par le poitron
3030 Maigre vostre novel baron.
Et vos' fet il, 'dame Hersent,
Asez fet mal qui le consent.
Hai!' fet il 'quex dons barnesses!
C'estoient ore bêles messes
3035 Que feissiez por moi chanter,
De vos poistrons fere roillier.
Co sache dex et seint Martins,
Qu'ore est venue vostre fins,'
Quant les deus dames ce oïrent,
3040 Sachez que pas ne s'esj oïrent.
Bien sorent qu'engignies furent
Quant au parler le reconnurent:
Molt grant merveille lor est prise.
En grant poor chascun est mise.
3045 Bien quident estre enchantées,
Forment en sont espoeutees.
De peor l'une et l'autre trenble,
Molt s'esmaient andui ensenble.
• Renars ambedous les a prises,
3050 Fors de la meson les a mises.
One ne lor lut parole dire,
Ne l'une ne l'autre escondire.
Et l'une et l'autre s'espoente,
Chascune forment se démente,
3055 Dame Hersens por son segnor
Qui a perdue la color.
Et la barbe li est coiie
Por la coille qu'il a perdue.
Dame Hermeline li raconte
3060 Q'avenue li est grant honte
3033 quel 3040 son ioircnt 3041 qngigniez 3042 le est
corrigé; le scribe avait mis re 3045 enchantes 3040 espoentes
3047 t*ble 3048 ensenb . .
Ib (Méon 12833—12868)
De Poncet a la crine bloie 24
Dont a oii si corte joie.
'Qui caut?' ce dist dame Hersens.
'Molt par ert povres nostre sens,
;;065 Se nos ne retrovons maris.
Dont sera tôt li mons faillis
Et d'unz et d'autres granz et baus.
Si troveron deus jovenceax
Qui bien feront nos volentez.
3070 De folie vos démentez.'
'Yos dites voir ce dist dame Emme.
'Mes molt est let de vielle feme
Qui ne crent honte et deshonor,
De honir soi et son segnor.
3075 Ensorquetot l'en me disoit
Que mes mariz penduz estoit.
Se j'avoie autre mari pris,
Avoie je de rienz mespris?
J'ai bien ceste chosse essaiee,
3080 Feme mesprent a la foiee.'
'Vos dites voir" ce dit Hersenz.
'Cist mesprendres n'est mie genz.
Mespris avez en tel manere
Qu'en vos en tient a camberere
3085 Qui conmunax est a garçons:
Trestuit li entrent es arçons.
Mes je ne fis einc lecherie,
Ce set en bien, ne puterie
Fors une fois par mesprison
3090 Vers dant Renart vostre baron.
Quant mes loveax ot conpissiez,
Mesaasmez et ledengiez.
Gel fis chaoir en sa tesnere:
Il fist son tor par de deriere.'
3095 Dame Hermeline ot la parole.
j Respondi li con famé foie:
3061 crinne 8067 dautres de g. 3074 et soi et 3080 foie
3087 legerie 3096 conme foie
Ib (Méon 12869—12904) 87
Jalouse fu et enflamee
Quant ses sires l'avoit amee,
Et dist ne fu ce puterie?
3100 Vos feïstes grant lecherie,
Grant deshonor et grant hontage
Feïstes vos et grant putage,
Quant vos soffristes mon baron
Qu'il vos bâti cel ort crépon.
3105 Pute vielle, pute remese!
En vos doûst ardoir en brese,
Si que la poudre en fust ventée,
Quant a moi vos estes vantée
De mon segnor qu'il vos a fet,
3110 Haï! con aves bien forfet
Qu'en vos tolist le pelicon
Et feïst l'en de vos carbon,
Quant aviez vostre baron
Et feïstes tel desreson,
3115 Et il sa feme d'autre part.
Or sont tuit vostre enfant bastart.
Tost vos en fu li dels passez,
Qant vos les avez avoutres.
Et Ysengrin vostre segnor
3120 Aves fête tel deshonor
Que James ne sera amez,
Mes toz jors mes ert cox clamez.'
Molt li dit et molt se coroce,
Saches que forment se degroce.
3125 Hersent respondi en riant
'Molt a en vos pute friant.
Quant vostre segnor aveez
Et autre mari perniez.
Molt par est maveis et escars,
3130 Quant il ne vos a le cul ars.
Molt par estes de maveis estre,
De poior ne poiez vos estre.
3097 Galouse 3100 lech'erie 311 Qui u. 3117 T. uos uos
3121 clame 3124 sen groce 3127 auoez?
88 Ib (Méon 12905—12940)
Qar plus estes pute que moche
Qui en este la gent entoche.
3135 Qui que viegne ne qui que aut,
Vostre taverne ne li faut:
Meint en tornez a vostre part.
Se por ce sont mi fil bastart,
Por ce nés gitera ge mie.
3140 Foi que je doi seinte Marie,
Qui les voudroit trestoz jeter
Les bastars et déshériter,
Asez auroit plus de puissance
Que n'ont onques li rois de France.
3145 Mes vos qui estes bordelere
Les avoutres en tel manere.
Les vos enfanz, ce set l'en bien:
One nel veastes a nul chen.'
'Vos i mentes, pute sorcere.
3150 Tesiez vos que je ne vos fiere!'
'Vos me ferez, pute merdouse.
Pute vielle, pute teigneuse?
Se l'aviez pense a certes,
.Ta i auroit paumes overtes
3155 Et peax trenciees et ronpues,
Se ne me faillent denz agues.'
Hermeline plus n'i demoure,
Isnelement li corut soure.
Et Hersens par molt grant aïr
3160 Revêt Hermeline sesir.
A terre se voltrent et hercent.
Et neporquant les peax i percent.
As denz agues les detrencent,
Lor maltalant forment i venchent,
3165 Rompent et sachent et descirent.
As denz durement ce martirent.
Lors veïssiez en molt poi d'oure
L'une desos, l'autre desoure.
3139 neis 3146 teil 3153 a ertes 3154 iai 3156 me manque
faJUoient 3157 Emeline 3161 Et t. 3163 le 3165—7 manquent
Ib (Méon 12941—12976)
Dame Hersent fu granz et fors,
3170 Soz lui la tient par grant esforz.
Encontre un fust l'a enanglee,
Ja l'oûst morte et estranglee.
Atant es vos un pèlerin
Qui vint clocant tôt le chemin,
3175 Trova les dames conbatant.
Une en a prise raeintenant.
Par la mein l'a levée sus,
'Or sus' fet il, n'en fêtes plus!'
Et quant départies les a,
3180 Molt doucement les castia.
Demanda lor dont eles sont,
Dont eles vienent et ou vont.
Celés li ont conte lor estre,
Car il estoit seins hom et prestre,
3185 Et il lor done bon conseil
Que chascune aut a son pareil:
Merci li crit et li requière
Qu'il l'aint et qu'il la tiegne chiere.
Dame Hersent a fait aler
3190 A Ysengrin por acorder.
Dame Hermeline ameine ariere
j ! A dan Renart en sa tesniere.
Tant est seins et religions
Q'acordees les a andous,
3195 Et tant i a s'entente mise
Que par tôt a la pes asise.
Puis fu Eenars en sa meson
0 sa moillier molt grant seson.
Trestot li dist et tôt li conte:
3200 Conment il dut recevoir honte,
Qant en la cuve fu sailliz:
Con il dut estre malbailliz,
Et escharni le teinturier,
Dist qu'il estoit de son mestier:
3179 départie 3188 qui la 3191 remeinc 3001 couuq
90 Ib (Méon 12977—12984)
3205 Conment il fist la coille perdre
A Ysengrin qui ne puet serdre.
Trestot li conte et tôt li dit:
Celé ne fet mes que s'en rit.
Molt lonc tens fu Ronart en mue:
3210 Ne va ne vient ne se remue.
Ci faut Renart li teinturier
Qui tant sot de maveis mestier.
3206 pot 3211 fut . Renart . le
II (Méon 1—22. 1267—1268)
II
Seigneurs, oï avez maint conte D 21b
Que maint conterre vous raconte,
Conment Paris ravi Elaine,
Le mal qu'il en ot et la paine:
5 De Tristan qui la cliievre fist,
Qui assez bellement en dist
Et fabliaus et chancon de geste.
Romanz de lui et de sa geste
Maint autre conte par la terre.
10 Mais onques n'oïstes la guerre,
Qui tant fu dure de grant fin,
Entre Eenart et Ysengrin,
Qui moult dura et moult fu dure.
Des deus barons ce est la pure
15 Que aine ne s'entramerent jour.
Mainte mellee et maint estour
Ot entr'eulz deus, ce est la voire.
Des or commencerai l'estoire.
Or oez le conmencement
20 Et de la noise et du content,
Par quoi et por quel mesestance
Fu entr'eus deus la desfiance. —
Il avint chose que Renars,
Qui tant par fu de maies ars
Les vers 1 — 131 manquent dans le vise. A; il sont donnés d'après
D. 2 iuglierre 3 Conme 8 la bcste 9 autre ] en ont 11 Que 17 cest
19 orrez 22 desseurance 23 Renart 24 par mangue f. plain de maie part
92 II (Méon 1269—1304)
25 Et qui tant sot toz jors de guile,
S'en vint traiant a une vile.
La vile seoit en un bos.
Molt i ot gelines et cos,
Anes et malarz, jars et oes.
30 Et li sires Constans des Noes,
Un vilain qui moult ert garnis,
Manoit moult près du plesseïs.
Plenteïve estoit sa maisons.
De gelines et de chapons
35 Bien avoit garni son hostel.
Assez i ot et un et el:
Char salée, bacons et fliches.
De ble estoit li vilains riches.
Molt par estoit bien herbergiez,
40 Que moult iert riches ses vergiers.
Assez i ot bonnes cerises
Et pluseurs fruis de maintes guises.
Pommes i ot et autre fruit.
La vait Renart pour son déduit.
45 Li courtilz estoit bien enclos
De piex de chesne agus et gros.
Hourdes estoit d'aubes espines.
Laiens avoit mis ses gelines
Dant Constant pour la forteresce.
50 Et Renart celle part s'adresce,
Tout coiement le col bessie
S'en vint tout droit vers le plessie.
Moult fu Renart de grant pourchaz.
Mais la force des espinars
55 Li destourue si son affaire
Que il n'en puet a bon chief traire,
Ne pour mucier ne pour saillir:
N'aus gelines ne veult faillir.
Acroupiz s'est enmi la voie.
60 Moult se defripe, moult coloie.
25 qui fu plains de maie g. 26 a ] uers 29 asnes de marca
36 dun et del 37 Chars 40 uergiez 41 cornilles 42 Et dautres
f. de pluseurs g. 43 autres 46 chesnes grans 59 enmi ] delez
II (Méon 1305 — 1340) 93
Il se pourpense que s'il saut,
Pour quoi il chiece auques de haut,
Il iert veiiz et les gelines
Se ficheront souz les espines.
63 Si pourroit tost estre seurpris
Ainz qu'il eiist gaires acquis.
Moult par estoit en grant esfroi.
Les gelines veult traire a soi
Que devant lui voit pasturant.
70 Et Renart vait cheant levant.
Ou retour de la soif choisist
Un pel froissie: dedenz se mist.
La ou li paliz iert desclos,
Avoit li vilains plante chos :
75 Renart y vint, oultre s'eni passe,
Cheoir se laist en une masse
Pour ce que la gent ne le voient.
Mais les gelines en coloient,
Qui l'ont choisi a sa cheoite.
80 Chascuue de fuïr s'esploite.
Mesire Chantecler li cos
En une sente les le bos
Entre deus piex souz la raiere
S'estoit traiz en une poudiiere,
85 Moult fièrement leur vient devant
La plume ou pie, le col tendant.
Si demande par quel raison
Elles s'en fuient vers maison.
Pinte parla qui plus savoit,
90 Celle qui les gros hues ponnoit,
Qui près du coc jucoit a destro:
Si li a raconte son estre
Et dit paour avons eue.'
Pourquoi? quel chose avez veûe?'
95 Je ne sai quel beste sauvage
Qui tost nous puet faire damage,
65 tost ] bien 72 froe 80 fouir 81 chantelins 82 Par une
sentele du b. 83 bruiere 84 »' manque 86 tordant 91 gesoit
92 reconte 93 auez
94 II (Méon 1841—1382)
Se nous ne vuidons ce pourpris.'
'C'est tout noient, ce vous plevis'
Ce dit li cos: n'aies peur,
100 Mais estes ci tout asseûr,'
Dist Pinte par ma foi jel vi:
Et loiaument le vous affi: D22
Que je le vi tout a estrouz.'
'Et comment le veïstes vous?'
105 'Comment? je vi la soif branler
Et la fuelle du chou trembler
Ou cilz se gist qui est repus.'
'Pinte' fait il, 'or n'i a plus.
Trives avez, jel vous ottroi:
110 Que par la foi que je vous doi,
Je ne sai putoiz ne gourpil
Que osast entrer ou courtil.
Ce est gas : retournez arrière.'
Cilz se radresce en sa poudrière,
115 [Qu'il na paour de nulle riens
Que li face gourpilz ne chiens
De nulle riens n'avoit peiir,
Que moult cuidoit estre aseûr.]
Moult se contint seiirement.
120 Ne set gaires q'a l'eil li peut.
Rien ne douta: si fist que fox.
L'un oeil ouvert et l'autre clos,
L'un pie crampi et l'autre droit
S'est apuiez delez un toit.
125 La ou li cos est apoiez
Conme cilz qui iert anuiez
Et de chanter et de veiller.
Si conmenca a someillier.
Ou someillier que il faisoit
130 Et ou dormir qui li plaisoit
Conmenca li cos a songier.
Ne m'en tenes a menconger, A 25^
100 ici tout manque 105 croller 111 ostast • 117 peour
118 ainz c. 125 manque Après le v. 124 u)i lit Fox ne croit deuant
quil reçoit 182 Ici reprend le nisc. A inenegnier
II (Méon 1383—1418) 95
Car il sonja (ce est la voire,
Trover le poez en l'estoire)
135 Que il avoit ne sai quel cose
Dedens la cort, que bien ert close,
Qui li venoit enrai le vis,
Ensi cou il li ert avis,
(Si en avoit molt grant fricon)
140 Et tenoit un ros pelicon
Dont les goles estoient d'os.
Si li raetoit par force el dos.
Molt ert Chantecler en grant peine
Del songe qui si le deineine,
14') Endementiers que il somelle.
Et del pelicon se mervelle.
Que la chevece ert en travers:
Et si l'avoit vestu envers.
Estrois estoit en la chevece
150 Si qu'il en a si grant destrece
Qu'a peines s'en est esveilliez.
Mes de ce s'est plus merveilliez
Que blans estoit desos le ventre
Et que par la chevece i entre,
155 Si que la teste est en la faille
Et la coue en la chevecaille.
Por le songe s'est tressailliz.
Que bien cuide estre malbailliz
Por la vision que a veiie,
160 Dont il a grant peor oûe.
Esveillies s'est et esperiz
Li cos et dist seint esperiz,
Garis hui mon cors de prison
Et met a sauve garison !'
165 Lors s'en torne grant aleiire
Con cil qui point ne s'aseiire
Et vint traiant vers les gelines,
Qui estoient soz les espines.
140 Et I si 148 u. a e. 154 Q' desus 155 que mavque 155
que manque 159 lauison 163 cor 168 traiant
II (Méon U19--1452)
Très q'a eles ne se recroit.
170 Pinte apela ou molt se croit,
A une part l'a asenee.
'Pinte, n'i a raester celée.
Molt sui dolanz et esbahiz.
Grant poor ai destre traïz
175 D'oisel ou de beste sauvage.
Qui tost nos puet fere damage.'
Avoi!' fait Pinte 'baus dos sire,
Ice ne deves vos pas dire.
Mau fêtes qui nos esmaies.
180 Si vos dirai, ca vos traies!
Par trestoz les seinz que l'en prie,
Vos resembles le chen qui crie
Ains que la pierre soit coiie.
Por qu'aves tel poor oûeV
185 Car me dites que vos aves.'
'Qoi?' dist li cos 'vos ne saves
Que j'ai songie un songe estrange.
Deles cel trou les celé granche,
Et une avisiou molt maie,
190 Por qoi vos me vees si pale.
Tôt le soDge vos conterai,
.Ta riens ne vos en celei-ai.
Saurees m'en vos conseillier?
Avis me fu el somellier
195 Que ne sai quel beste veneit
Qui un ros pelicon vestoit,
Bien fet sanz cisel et sanz force :
Sil me fesoit vestir a force.
D'os estoit fête l'orleiire,
200 Tote blance, mes molt ert dure:
La chavesce de travers fête,
Estroite, qui molt me dehaite.
Le poil avoit dehors torne.
Le pelicon si atorne
170 apele 176 dame âge 177 auoiz ; 180 Sel 184 tell
189. 190 hitervei'tis 189 vos manque nien 198 a ] par
II (Méon 1453—1486)
97
205
210
215
2-20
225
230
235
240
Par le chevece le vestoie.
Mais molt petit i arestoie.
Le pelicon vesti ensi :
Mes a reculons m'en issi.
Lors m'en merveillai a celé ore
Por la coue qui ert desoure.
Ca sui venus desconseilliez.
Pinte, ne vos en merveillie/..
Se li cuers me fremist et tramble.
Mes dites moi que vos en semble.
Molt sui por le songe grevez.
Par celé foi que me devez,
Savez vos que ce senefie?'
Pinte rcspont, ou molt se fie,
'Dit m'avez' fait ele 'le songe.
Mes se dex plest, ce est mencoigne.
Xe porquant si vos voil espondre :
Car bien nos en saurai respondre.
leele chose que veïstes
El someller que vos feïstes,
Qui le ros pelicon vestoit
Et issi vos desconfortoit
C'est li gorpils, jel sai de voir.
Bien le poes apercevoir
Au pelicon qui ros estoit
Et qui par force vos vestoit.
Les goles d'os ce sont les denz
A qoi il vos metra dedenz.
La chevece qui n'iert pas droite,
Qui si vos iert maie et estroite,
Ce est la boce de la beste.
Dont il vos estreindra la teste.
Par iloques i enterois,
Sauz faille vos le vestirois.
Ce que la coue est contremont,
Par les seinz de trestot le mont.
205 oheuce 208 reculans
228 po8 229 que 234 ieret
RE X ART I
212 u. esm Tucilli
A
98 II (Méon 1489—1522)
C'est li gorpils qui vos prendra
Parmi le col, quant il vendra.
Dont sera la coue desore.
Einsi ert, se dex me secore.
245 Ne vos gara argent ne ors.
Li peus qui ert torne defors
C'est voirs, que tôt jors porte enverse
Sa pel, quant il mels plot et verse.
Or avez oï sanz faillance
•250 De vostre songe la senblance.
Tôt soiirement le vos di:
Ainz que voiez passe midi,
Vos avandra, ce est la voire.
Mes se vos me volieez croire,
255 Vos retorneriez ariere :
Car il est repos ci derere
En cest boisson, jel sai de voir
Por vos traïr et décevoir.'
Quant cil ot oï le respons
260 Del songe, que cole ot espous,
'Pinte' fait il, 'molt par es foie.
Molt as dit vileine parole.
Qui diz que je serai sorpris,
Et que la beste est el porpris
2ri5 Qui par force me conquerra.
^^,^/^^(. Dahez ait qui ja le crera!
Ne m'as dit rien ou ge me tiegne.
Ja nel crerai, se biens m'aviegne, 26
Que j'aie mal por icest songe.'
270 'Sire' fait ele, 'dex le donge!
Mais s'il n'est si con vos ai dit,
Je vos otroi senz contredit.
Je ne soie mes vostre amie.'
'Pinte' fait il, 'ce n'i a mie.'
275 A fable est li songes tornez.
A itant s'en est retornez
247 enu^'ese 253 asaudra 255 areiro 269 ceste 272 Je
Uioa o. seinz 275 li ç songes
Ii;;Mpon 1523—1564) 99
En la poudrere a solaller.
Si recoDuiance a someller.
Et quant il fu aseûrez,
280 (Molt fu Renars amesurez
Et voisiez a graut merveille)
Quant il voit que celui somelle.
Vers lui aprime sanz demore
Renars, qui tôt le mont acore
285 Et qui tant set de maveis tors.
Pas avant autre tôt sanz cors
S'en vet Renars le col baissant.
Se Chantecler le par atent
Que cil le puisse as denz tenir,
290 II li fera son jou poïr.
Quant Renars choisi Chantecler,
Senpres le volst as denz haper.
Renars failli, qui fu engres.
Et Chantecler saut en travers.
295 Renart choisi, bien le conut,
Desor le fumier s'arestut.
Quant Renars voit qu'il a failli.
Forment se tint a malbailli.
Or se conmence a porpenser,
300 Conment il porroit Chantecler
Engignier: car s'il nel nianjue,
Dont a il sa voie perdue.
'Chantecler' ce h dist Renart,
'Ne fuïr pas, n'aies regart !
30' Molt par sui liez, quant tu es seinz:
Car tu es mes cosins germeins.'
Chantecler lors s'asoura.
Por la joie un sonet chanta.
Ce dist Renars a son cosin
310 'Membre te mes de Chantecliu,
Ton bon père qui t'engendra?
Onques nus cos si ne chanta.
286 Pasa auaiit a trestot son c. 21)2 a d. liapez 311
Den b.
100 II (Méon 1565-1600)
D'une grant liue l'ooit on.
Molt bien chantoit en haut un son
315 Et molt par avoit longe aleine
Les deus els clos, la vois ot seine.
D'une leûe ne veoit,
Quant il chantoit et refreguoit.
Dist Chantecler 'Renart cosin,
320 Voles me vos trere a engin?'
'Certes' ce dist Renars non voil.
Mes or chantez, si clinnies l'oeil!
D'une char somes et d'un sanc.
Meus voudroie estre d'un pie manc
325 Que tu eûses maremenz:
Car tu es trop près mi parenz.'
Dist Chantecler 'pas ne t'en croi.
Un poi te trai ensus de moi
Et je dirai une chancon.
330 N'aura voisin ci environ
Qui bien n'entende mon fauset.'
Lores s'en sozrist Renardet : .
'Or dont en haut : chantez, cosin !
Je saurai bien, se Chantecliu,
335 Mis oncles, vos fu onc néant.'
Lors comenca cil hautement:
Puis jeta Chantecler un bret.
L'un oil ot clos et l'autre overt :
Car molt forment dotoit Renart.
340 Sovent regarde celé part.
Ce dist Renars 'n'as fet neent.
Chanteclins chantoit autrement
A uns Ions trez les eilz cligniez :
L'en l'ooit bien par vint plaissiez.'
345 Chantecler quide que voir die.
Lors let aler sa meloudie
Les oilz cligniez par grant aïr.
Lors ne volt plus Renars soffrir.
315 avoi 320 enclin 322 Dosor ouinnies 324 uoudi'ei niant
341 dit 342 disoit hautement 348 Lor ne uost
II Oléon 1601 -1636) 101
Par de desoz un roge chol
350 Le prent Renars parmi le col,
Fuiant s'ent va et fait grant joie
De ce qu'il a encontre proie.
Pinte voit que Renars l'enporte,
Dolente est, molt se deconforte.
35f) Si se conmence a dementer,
Quant Chantecler vit enporter.
Et dit 'sire, bien le vos dis
Et vos me gabiez todis
Et si me tenieez por foie.
360 Mes ore est voire la parole,
Dont je vos avoie garni.
Vostre senz vos a escliarni.
Foie fui, quant jel vos apris,
Et fox ne crient tant qu'il est pris.
365 Renars vos tient qui vos enporte.
Lasse dolente, con sui morte!
Car se je ci pert mon seignor,
A toz jors ai perdu m'onor.'
La bone feme del mainil
370 A overt Fuis de son cortil.
Car vespres ert, por ce voloit
Ses jelines remetre en toit.
Pinte apela, Bise et Rosete.
L'une ne l'autre ne recete.
375 Quant voit que venues ne sont,
Molt se merveille qu'elles font.
Son coc rehuce a grant aleine.
Renart regarde qui l'ennieine.
Lors passe avant por le rescore
380 Et li gorpils conmence a core.
Quant voit que prendre nel porra,
Porpense soi qu'el criera.
'Harou!' escrie a pleine gole.
Li vilein qui sont a la coule.
351 Fuit sent et f. mit g. i. 354 est manque 372 toit ] mont
373 bis
102 II (Méon 1637—1670)
385 Quant il oeut que celé bret,
Trestuit se sont celé part tret.
Si li demandent, que ele a.
En sospirant lor reconta
'Lasse, con m'est mal avenu!'
390 'Cornent?' font il. 'Car j'ai perdu
Mon coc que li gorpil enporte.'
Ce dist Costaus 'pute vielle orde,
Qu'aves dont fet que nel preïstes?'
'Sire' fait ele, 'mar le dites.
395 Par les seinz deu, je nel poi prendre.
'Por quoi?' Il ne me volt atendre.'
'Sel ferissiez?' 'Je n'oi de quoi.'
'De cest baston.' 'Par deu ne poi:
Car il s'en vet si grant troton,
400 Nel prendroient deus chen breton.'
'Par ou s'en vet?' 'Par ci tôt droit.'
Li vilein corent a esploit. 27
Tuit s'escrient 'or ca, or ca !'
Renars l'oï qui devant va.
405 Au pertuis vint, si sailli jus
Qu'a la terre feri li eus.
Le saut qu'il fist ont cil oï.
Tuit sescrient 'or ca, or ci !'
Costans lor dist 'or tost après!'
410 Li vilein corent a esles.
Costans apele son mastin,
Que tuit apelent Mauvoisin,
['Bardol, Travers, Humbaut, Rebors,
Cores après Renart le ros !']
415 Au corre qu'il font l'ont voii
Et Renart ont aperceii.
Tuit s'escrient 'vez le gorpil !'
Or est Chanteclers en péril,
S'il ne reseit engin et art.
420 'Conment' fait il, 'sire Renart,
3S7 a a oi( ci a? 389 conme mest 403 T. si se. 405 salli us
il 417 ueez 419 regeit?
II (Méon 1671—1708) 103
Dont n'oez quel honte vos dient,
Cil vilein qui si vos escrient?
Costans vos seut plus que le pas.
Car li lanciez un de vos gas
4-25 A l'issue de celé porte.
Quant il dira "Renars l'enporte",
"Maugrez vostre" ce poes dire.
Ja nel porres mels desconfire.'
N'i a si sage ne foloit.
4.S0 Renars qui tôt le mont decoit,
Fu decoiis a celé foiz.
Il s'escria a haute vois.
'Maugre vostre' ce dist Renart
'De cestui enpor je ma part.
435 Quant cil senti lâche la boce,
Bâti les eles, si s'en toche.
Si vint volant sor un pomer.
Renars fu bas sor un fomier,
Grreinz et maris et trespenses
440 Del coc qui li est escapez.
Chautecler li jeta un ris.
'Renart' fait il, 'que vos est vis
De cest siegle? que vos en semble?'
Li lecheres fremist et tramle.
445 Si li a dit par félonie:
'La boce' fait il 'soit honie,
Qui s'entremet de noise fere
A l'ore qu'ele se doit tere.'
'Si soit' fet li cos, 'con je voil.
450 La maie gote li cret l'oil
Qui s'entremet de someller
A l'ore que il doit veillier.
Cosins Renart' dist Chantecler,
'Nus ne se puet en vos fier.
455 Dahez ait vostre cosinage!
Il me dut torner a damage.
422 estcrient 425 ceste 441 li a iete 442 faint 445 manque
448 que il se dut 450 crert a 1. 454 pot
104 II (Méon 1709—1748)
Renaît parjure, aies vos ent!
Se vos estes ci longement,
Vos i lairois vostre gonele.'
400 Renars n'a seing de sa favele.
Ne volt plus dire, atant s'en torne.
Ne repose ne ne sejorne,
Besongnieus est, le cuer a vein.
Par une broce lez un plein
465 S'en vait fuiant tôt une sente.
Molt est dolans, molt se démente
Del coc, qui li est escapes,
Quant il n'en est bien saoles. —
Que qu'il se pleint de sa losenge,
470 Atant es vos une mésange
Sor la brance d'un cainne crues.
Ou ele avoit repost ses ues.
Renars la vit, si la salue.
'Comere, bien soiez venue!
475 Car descendes, si me besiez!'
'Renart' fet elle, or vos tesiez!
Yoirement estes mes compères.
Se vos ne par fussiez si leres.
Mes vos aves fait tante guiche
480 A tant oisel, a tante biche,
Qu'en ne s'en set a qoi tenir.
Et que quidiez vos devenir?
Maufes vos ont si déserte
Qu'en ne vos puet prendre a verte.'
485 'Dame' ce respont li gorpilz,
'Si voirement con vostre filz
Est mes filions en droit baptême,
Onques ne fis semblant ne emme
De rien qui vos doiist desplaire.
400 Savez, por quoi je nel vol fere?
Droiz est que nos le vos dions.
Mesire Nobles li lions
457 p . . ures 459 gone gonele 460 soig 462 Ne ne pose 463
Besongniez 471 cainne dun brace gros 472 os 474 s. uos u. 479
guenche 480 besche 484 Que ne u. pot 487 d°t 490 uos
II (Méon 1749—1780) 105
A 01" par tôt la pes jurée,
Se dex plaist, qui aura durée.
495 Par sa terre l'a fait jurer
Et a ses homes afier
Que soit gardée et meintenue.
Molt lie on est la gent menue.
Cor or carront par plusors terres
500 Plez et noises et mortex guerres,
Et les bestes grans et petites
La merci deu seront bien quites.'
La messange respont atant
'Renart, or m'aies vos flatant.
595 Mes se vos plest, queres autrui:
Car moi ne beseres vos hui,
Ne ja por rien que vos diez,
Icist besers n'iert otroiez.'
Quant Renars voit que sa conmere
510 Ne velt pas croire son compère,
'Dame' fait il, 'or m'escotez!
Por ce que vos me redotez,
Les ielz cloingniez vos beserai.'
'Par foi' fait ele, 'et jel ferai.
515 Or cligniez donc!' cil a clignie
Et la mesengne a enpoignie
Plein son poing de mousse et de foille.
N'a talant que besier le voille.
Les gernons li conmence a terdre :
520 Et quant Renars la cuide aerdre,
N'i trove se la foille non.
Qui li fu remese au grenon.
La mesenge li escria
'Haï Renart, quel pez ci a!
525 Tost oiissiez la trive enfrete,
Se ne me fusse arere trete.
494 d°ee 497 Quel meintenuee 498 menuee 499 ore terrez
500 g uerrez 508 niertroiez 510 p. conoistre s. 517 poig Le vers
519 se trouve après le vers 533, mais avec un a, qui se rapiiorte à un
b, dont le vers 520 est précédé 519 Ses 525 effrete 526 retrete
106 II (Méon 1781—1818)
Yos disiez que afiee
La pes et qu'ele estoit jurée.
Mal l'a jurée vostre sire.'
530 Renars li conmenca a rire,
Si li a jeté un abai.
'Certes' fait il, je m'en gabai.
Ce fis je por vos poor fere.
Mes qui caut? or soit a réfère.
535 Je reclingnerai autrefois.'
'Or dont' fet ele 'estez toz cois!'
Cil cligne qui molt sot de bole.
Celé li vint près de la gole 28
Raiant, mes n'entra pas dedenz.
540 Et Renars ra jeté les denz.
Prendre la quide, mes il faut.
'Renart' fait ele,' ce que vaut?
Ce n'iert ja que croire vos doie.
Par quel manere vos creroie?
545 Se ja vos croi, li maufes m'arde!'
Ce dist Renars 'trop es coarde.
Ce fis je por vos esmaier
Et por vos auques essaier.
Car certes je n'i enten mie
550 Ne traïson ne félonie.
Mes or revenes autrefoiz!
Tierce foïe, ce est droiz.
Par non de seinte carite,
Par bien et par establete,
555 Bêle conmere, sus levés!
Par celé foi que me deves
Et que vos deves mon fiUol,
Qui la chante sor ce tilloil.
Si faisomes ceste racorde.
5(;o De peceor miséricorde.'
Mes ele fet oreille sorde :
Qu'ele n'est pas foie ne lorde,
527 di siec qV afiee 530 dire 534 quin 536 manque 537 cil
li c. 538 Celé luint 539 .R. mes 546 dit 548 ensaier 549 nentcn
552 ce on d. 556 fois 559 acorde 561 el li f. a o. 562 Quel
II (Méon 1819—1860) 107
Ainz siet sor la branche d'un chesne.
Que que Renars si se deresne
5f)5 Atant este vos veneor
Et braconier et corneor
Qui sor le col li sont coii.
Et quant Renars a ce veû,
Forment s'en est esmervelliez.
570 De fuïr s'est aparelliez.
Si drece la coue en arcon.
Forment s'escrient li garçon,
Sonent grailes et moieneax.
Et Renars trosse ses panaux,
575 Qui molt petit en els se fie.
Et la mesenge li escrie
'Renart, cist bans est tost brisiez,
Et la pez que vos disiez.
Ou fuiez vos? ca revenez!'
580 Renars fu ceintes et senez,
Si li ra trait une mencoigne.
Que qu'il parole, si s'esloigne.
'Darne, les trives sont jurées
Et pie vies et afiees,
585 La pes ausi de tôt en tôt.
Mes nel sevcnt mie par tôt.
Ce sont cael qui ci nos vienent,
Qui la pes que lor père tiennent,
N'ont encor pas aseiiree,
590 Si con lor père l'ont jurée.
N'erent pas encore si saive
Au jor, que lor père et lor aive
Jurèrent la pes a tenir,
Que l'en les i feïst venir.'
595 'Certes ore estes vos maves.
Cuidiez qu'il enfrengnent la pes ?
Ca revenez, si me baisiez!'
'Jei n'en sui pas or aisiez.'
564 deregne 570 Del f. 575 Qui ] Car 581 ra tort 591
pas ne se trouve qu' après encore", nutis lu faute est indiquée par des
signes 598 ne
108 II (Méon 1862—1898)
'Ja jura la pes vostre sire.'
600 Renars s'en fuit, ne veut plus dire,
Corne cil qui sot le travers.
Atant estes vos un convers
Que dous veautres enchaenez
Avoit lez la voie amenez.
605 Li gars qui sent Renart premiers,
Quant il choisi les leemiers.
Voit le convers. si li escrie
'Deslie va, les chiens deslie!
Vois le gorpil! mar en ira.'
610 Renars l'oï, si sospira.
Bien set que il ert malvenuz.
Se il puet estre retenuz.
Car itel gent entor lui voit,
N'i a celui, s'il le tenoit,
615 Que bien ne li ostast la pel
A la pointe de son cotel.
Poor a de perdre sa corce.
Se plus n'i vaut engin que force.
Molt dote perdre sa gonele,
620 S'auques ne li vaut sa favele.
Li convers qui autre part muse,
Et Renars, qui pas ne rehuse,
Ne puet mucier ne puet guenchir
Ne nule part ne puet foïr
625 Ne trestorner en nule guise.
Es vos le convers qui l'avise.
Devant lui vient toz aïrez:
'Ha ha, cuivrez, vos n'en irez.'
'Sire' fait il, 'por deu ne dites!
630 Car seins hom estes et ermites.
Si ne devez en nul endroit
A nul home tolir son droit.
S'or estoie ci arestes
Ne par voz chenz point destorbes.
607 chiens manque 611 quil 612 Sil i pot 614 sis le 623
pot . . pot foir 624 pot gandir 628 u. ni riez 634 por
II (Méon 1899—1934) 109
635 Sor vos en seroit li pecies:
Et j'en seroie corociez,
Car miens en seroit li damages.
Nos corrien ici a gages
Entre moi et ceste cenaille:
640 Molt a grant cose en la fermaille,'
Cil se porpense qu'il dist bien.
A deu et a seint Julien
Le conmande, si s'en retorne.
Et Renars qui pas ne sojorne,
()45 Molt espei'one son cheval.
Par une sente les un val
S'en vet fuiant tôt une plegue.
Li cris qui après lui engregne
Le fet aler plus que le pas.
650 A une voie, a un trcspas
A un grant fosse tressailli.
Iloques l'ont li chen gerpi:
N'en sevent mes ne vent ne voie.
Et Renars qui bien se dévoie,
655 N'i atent per ne conpaignon:
Car molt dote mors de gaignon.
N'est merveille s'il est lassez.
Car le jor out foï asez.
Si a trove mauves eiir.
660 Mais que chaut? ore est asoiir.
Ases a grant travail eii
Por ce qu'il li est mescou.
Par ce que il s'en va fuitis,
Manace molt ses enemis.
665 Que qu'il se pleint de s'aventure,
Garde et voit en une rue
Tiebert le chat, qui se déduit
Sanz conpaignie et sens conduit.
De sa coe se vet joant
670 Et entor lui granz saus faisant.
638 a 1 en G;59 fernaillo (J42 gelien 043 si ] cil 648 enfreindre
651 une 652 le 655 part 603 va j est 665 lauenture 668 con-
paignon et seins
110 II (Méon 1935-1970)
A un saut qu'il fist se regarde,
Si choisi Renart qui resgarde. 29
Il le conut bien au poil ros.
'Sire' fait il, 'bien vegnes vos!'
67Ô Renars li dist par félonie
'Tibert, je ne vos salu mie.
Ja mar vendrez la ou je soie.
Car par mon chef, je vos feroie
Volontiers, se j'en avoie aise,'
680 Tibert besoigne qu'il se taise:
Qar Renars est molt coreciez.
Et Tibers s'est vers lui dreciez
Tôt simplement et sanz grant noise,
'Certes' fait il, 'sire, moi poisse
685 Que vos estes vers moi iriez.'
Renars fu auques enpiriez
De jeûner et de mal traire.
N'a ores seing de noisse fere,
Car molt ot joiine le jor.
690 Et Tieberz fu pleins de sojor,
S'ot les gernons vels et cenuz
Et les denz trencans et menus,
Si ot bons ongles por grater.
Se Renars le voloit mater,
695 Je cuit qu'il se vouldroit desfendre.
Mais Renars nel velt mie enprendi-e
[Envers Tibert nule meslee
Qu'en maint leu ot la pel aree].
Ses moz retorne en autre guise.
700 'Tibert' fait il, 'je ai enprise
Guerre molt dure ot molt amere
Vers Ysengrin un mien compère.
S'ai retenu meiut soudoier
Et vos en voil je molt proier
705 Qu'a moi remanes en soudées.
Car ains que soient acordees
671 que il 678 chez 679 aiese 680 que te toise ()81 R.
sest 683 grant manque 687 Del . . del 688 soig 704 proer
II (Méon 1971—2006) 111
Les trives entre moi et lui
Li cuit je fere grant ennui.'
Tieberz li chaz fet molt grant joie
710 De ce dont dan Renars le proie.
Si li a retorne le vis.
'Tenes' fait il, je vos plevis
Que ja nul jor ne vos faudre
Et que volontiers asaudre
715 Dant Ysengrin : qu'il a mesfet
Yers moi et en dit et en fet;
Or l'a Renars tant acorde
Qu'entr'aus dous se sont acorde.
Andui s'en vont par foi plevie.
720 Renars qui est de maie vie,
Nel laissa onques a haïr,
Ainz se peine de lui traïr.
En ce a mis tote s'entente.
Il garde en une estroite sente,
725 Si a choisi près de Torniere
Entre le bois et la carere
Un broion de chesne fendu,
C'uns vileins i avoit tendu.
Il fu recuiz: si s'en eschive.
730 Mes danz Tibers n'a nule trive.
S'il le pu et au braion atrere
Qu'il ne li face un mal jor traire.
Renars li a jeté un ris
'Tibert' fait il, 'de ce vos pris
735 Que molt estes et prous et baus
Et tis chevaus est molt isnaus.
Mostrez moi, conment il set core.
Par ceste voie, ou a grant poure,
Corez tote ceste sentele!
740 La voie en est igax et bêle.'
Tibers li caz fu eschaufez
Et Renars fu un vis maufez.
710 len 714 asaudra 715 qu' nuittque ma 718 se manque
726 care 730 n. caue 731 pot 735 Que tu es m. et
112 II (Méon 2007—2038)
Qui le vost en folie enjoindre.
Tibers s'apareille de poindre,
745 Cort et racort les sauz menuz
Tant qu'il est au braion venuz.
Quant il i vint, s'aperçut bien
Que Renars i entent engien.
Mes il n'en fet semblent ne chère,
750 En eschivant se tret arere
Ensus du braion demi pie.
Et Renars l'a bien espie.
Si li a dit 'vos aies mal,
Qui en travers corez cheval.'
755 Cil s'est un petit esloigniez.
'A réfère est, or repeigniez I
Menés l'un poi plus droitement!'
'Volentiers : dites moi, conment !'
'Conment? si droit qu'il ne guenchisse
760 Ne hors de la voie n'en isse.'
Cil lait core a col estendu
Tant qu'il voit le braion tendu.
Ne guenchit onques, einz tresaut.
Renars qui a veii le saut,
765 Sot bien qu'il s'est aperceûz
Et que par lui n'iert deceiiz.
Porpense soi que il dira
Et conment il le décevra.
Devant lui vint, si li a dit
770 Par mautalant et par afit
Tibert' fait il, 'bien vos os dire,
Vostre cheval est ases pire
Et por vendre en est moins vaillanz,
Por ce q'est eschis et saillanz.'
775 Tieberz li chaz forment s'escuse
De ce dont danz Renars l'acuse.
Forment a son cors engrognie
Et meinte fois recomencie.
746 braiom 749 ch' 754 core 7.55 a'manque poi 757 le un p.
p. (lorement 765 Poupense 771. 772 intervertis ; mais V ordre juste
est indiqué par les lettres b a 773 en manque
II (Méoii 2039—2070) 113
Que quil s'esforce, es vos atant
780 Deus mastinz qui vienent bâtant.
Renart voient, s'ont abaie.
Andui s'en sont molt esmaie :
Par la sente s'en vont fuiant
(Li uns aloit l'autre botant)
785 Tant qu'il vindrent au liu tôt droit
Ou li braions tendus estoit.
Renars le vit, guencir cuida.
Mais Tibers, qui trop l'anguissa,
L'a si féru del bras senestre
790 Que Renars ciet enz del pie destre.
Si que la clés en est saillie.
Et li engins ne refaut mie.
Si serrent li huisset andui
Que Renart firent grant anui:
795 Le pie li ont très bien sere.
Molt l'a Tibers bien honore.
Quant el braion l'a enbatu
Ou il aura le col batu.
Ci a meveise conpaignie,
800 Car vers lui a sa foi mentie.
Renars remeint. Tibers s'en toce.
Si li escrie a pleine boche 30
'Renart, Renart, vos remaindrez,
Mes jei m'en vois toz esfreez.
805 Sire Renart, vielz est li chaz:
Petit vos vaut vostre porchaz.
Ci vos herbergeroiz, ce cuit.
Encontre vezie recuit.'
Or est Renars en maie trape,
810 Car li chen le tienent en frape.
Et li vileinz qui vint après.
Leva sa hace, s'ala près.
A poi Renars n'est estestez.
Mais li cous est jus avalez
780 uieueinent 783 fuieant 785 a lui 7H7 le suit 789—794
manquent 798 aura J ot bien 813 Que R. nen fu entestez 813 Mains
KEXART I 8
114 II (Méon 2077—2102. 7187—7196)
815 Sor le braioii qu'il a fendu.
Et cil a son pie estendu:
A soi le tret, molt fu blechiez.
Fuiant s'en vet dolans et liez:
Dolenz de ce qu'il fu quassiez,
8-20 Liez qu'il n'i a le pie laissie.
Quant il senti qu'il fu délivres,
Ne fu pas estordi ne ivres,
Aincois s'est tost mis a la fuie.
Et li vileins l'escrie et huie,
825 Qui molt se tient a engignie.
Li chien ont lor cours engregnie,
Si reconmencent a glatir,
One Renars ne s'osa quatir
Tresqu'il ot tôt le bois passe.
830 Hoc furent li chen lasse,
Recraant s'en tornent arere.
Renars tote une grant charrere
S'en vait fuiant, car molt s'esmaie.
Forment li cuit et dont la plaie.
835 Ne set li laz que fere puisse:
A pou qu'il n'a perdu la cuisse
Qui en la piège fu cougniee.
Si rot poor de la cogniee
Dont li vileins le vont ocirre.
840 Que d'un que de l'autre martire
S'en est tornes a molt grant peine
Si conme aventure le meine. —
Entre deus monz en une pleigne
Tôt droit au pie d'une monteigne
845 Desus une rivière a destre
La vit Renart un molt bel estre
Que la gent n'ont gères hante.
La vit Renart un fou plante.
[L'eve passe outre et vint la droit
850 La ou li fouz plantez estoit.]
823 Ainz cois sestot 827 reglatir 836 Por pou 837 Que
840 matire
II (Méon 7197—7234) 115
Entor le fust a fet sa tresche,
Puis s'est cochez sor l'erbe fresce.
Voutres s'i est et estenduz:
A bon ostel est descenduz.
855 Ne li estuet ostel changier
Por qu'oùst auques a nîangier.
Li sojorners li est or baus.
Mes dan Tiecelins li corbeas
Qui molt ot jeiine le jor
860 N'ot ore cure de sejor.
Par besoing a le bois laissie
Et vint fendant a un plaissie
Priveement et en destor
Toz abreviez de fere ester.
865 De formages vit un millier
Qu'en avoit mis a sollellier.
Celé qui garder les devoit
En sa meson entrée estoit.
Entrée estoit en sa maison.
870 Tiecelins voit qu'or est seson
De gaengnier, si laisse corre.
Un en a pris: por le rescorre
Sailli la vielle en mi la rue.
Tiecelin voit, après li rue
875 Challox et pieres, si l'escrie
Vassal, vos n'en porterois mie.'
Tiecelin la voit auques foie.
'Vielle' fet il, 's'en en parole,
Ce porroiz dire, jei l'en port,
880 Ou soit a droit ou soit a tort.
De lui prendre ai eii bon leu,
La maie garde pest le leu.
[Le remanant gardes plus près.
Cestui ne raurez vos hui mes,
885 Ains en ferai mes barbes rere
Molt leement a bêle chère.
853 Volentiers et manque 854 ces denduz 862 tendant 872
prise rescore 873 rai manque 882 lou 884 nauores vos manque
8*
116 II (Méon 7235—7270)
En aventure de lui prendre
Me mis por ce que gel vi tendre,
Jaunet et de bone savor.
890 Tant ai del vostre par amor.
Sel puis porter jusqu'à mon ni,
De cuit en eve et de rosti
En mangerai tôt a mon cois.
Râlez vos en: car je m'en vois.']
895 Atant s'en torne et vient tôt droit
Au leu ou danz Renarz estoit.
Ajorne furent a cel ore
Renarz desos et cil desoure.
Mes tant i out de dessevraille
900 Que cil manjue et cil baelle.
Li forraaches est auques mous.
Et Tiecelins i fiert granz cous
Au chef du bec tant qu'il l'entame.
Mangie en a maugre la dame
905 Et del plus jaune et del plus tendre,
Qui tel anui li fist au prendre.
Grans cols i fert a une liie.
One n'en sot mot, quant une mie
Li est a la terre choiie
910 Devant Renart qui l'a veiie.
Il conoist bien si fête beste,
Puis si en a crolle la teste.
Il levé sus por mels veoir:
Tiecelin voit lasus seoir,
915 Qui ses compères ert de viez,
Le bon forraache entre ses piez.
Priveement l'en apela
'Por les seins deu, que voi ge la?
Estes vos ce, sire conpere?
920 Bien ait hui l'ame vostre père
Dant Rohart qui si sot chanter!
Meinte fois l'en oï vanter
889 Gaunet 896 lou 898 desus 902 f. .II. cloz 911 si se
fet b. 915 vielz 921 que
II (Méon 7271—7308) 117
Qu'il en avoit le pris en France.
Vos meïsme en vostre enfance
925 Vos en solieez molt pener. 31
Saves vos mes point orguener?
Chantes moi une rotruenge!'
Tiecelin entent la losenge,
Euvre le bec, si jeté un bret.
930 Et dist Renars 'ce fu bien fet.
Mielz chantez que ne solieez.
Encore se vos voliees,
Irieez plus haut une jointe.'
Cil qui se fet de chanter cointe,
935 Comence de rechef a brere.
'Dex' dist Renars, con ore esclaire,
Con ore espurge vostre vois !
Se vos vos gardées de nois,
Au miels du secle chantisois.
940 Cantes encor la tierce fois!'
Cil crie a hautime aleine,
One ne sot mot, que qu'il se peine,
Que li pies destres li desserre
Et li formages ciet a terre
945 Tôt droit devant les piez Renart.
Li lecheres, qui trestoz art
Et se defrit de lecerie,
N'en atoca onc une mie.
Car encor, s'il puet avenir,
950 Voldra il Tiecelin tenir.
Li formaches li gist devant.
Il levé sus cheant levant:
Le pie trait avant, dont il cloce,
Et la pel, qui encor li loce,
955 [Et la gambe et le pie mamis
Qui el braion fu entrepris.]
Bien vont que Tiecelins le voie.
Ha dex!' fait il con poi de joie
926 nés 928 loeine 930 dit 933 gointe 937 sespurge 939
chantisos 940 encore 943 desere 946 toz très 949 c. encore sil pot
uenir 954 manque
II (Méon 7309—7346)
M'a dex done eu ceste vie!
960 Que fera ge, seinte Marie!
Cist formages me put si fort
Et flere qu'il ja m'aura mort.
Tel chose i a qui m oit m'esmaie,
Que formages n'est prous a plaie.
965 [Ne de lui talent ne me prent,
Car fisicle le me defent.]
Ha Tiecelin, car descendes!
De cest mal si me défendes!
Certes ja ne vos en priasse:
970 Mes j'oi l'autrer la jambe qasse
En un braion par mesceance.
La m'avint ceste mesestance:
[Onques ne m'en poi destorner.
Or me covient a sejorner,
97;') Enplastre mètre et enloer
Tant que je puisse renoer.']
Tiecelins cuide que voir die
Por ce que en plorant li prie.
Il descent jus, que ert en haut:
980 Mes mar i acointa le saut,
Se danz Renars le puet tenir.
Tiecelin n'ose près venir.
Renars le vit acoarder,
?el conmenca aseiirer.
985 'Por deu fait il, ca vos traies!
Quel mal vos puet fere un plaies?'
Renars devers lui se torna.
Li fous qui trop s'abandona.
Ne sot ains mot, quant il sailli.
990 Prendre le cuida. si failli.
Et neporquant qatre des pênes
Li remeintrent entre les canes.
[Tiecelin saut tos esmaies.
Qui dut estre molt mal paies.
962 maura ia 964 Car 967 descent 968 me de défendes 969
pirasse 970 Car ioi lautre la cuisse q. 978 me p. 981 pot 986 pot
987 R. qui uers 988 se démena
II (Méon 7347—7380. 337-847) 119
995 Detrers et devant se regarde.
He dex' dist il, si maie garde
Ai hui prise de moi meïsme.
Ja ne cuide que feïst esme
Cil fel, cist ros et cist contres,
1000 Qui qatre des tuiax m'a trez
De la destre ele et de la qeue.
Li siens cors aille a maie veue!
Faus et traîtres est por voir
Or m'en puis bien apercevoir.']
1005 Or est Tiecelins molt pleins d'ire.
Et Renars s'en volt escondire
Mais dan Tiecelins l'entrelet,
N'est ore pas haities de plet.
Si dist 'li formages soit vostre!
1010 Plus n'aurois vos hui mais del nostre.
Je fis que fous que vos creoie
Puis que escacier vos veoie.'
Tiecelins parla et grondi:
Renars un mot ne respondi.
1015 Soef en a le dol vengie.
Car le formache a tôt mangie.
N'en pleint que la maie foison :
Car tant li vaut une poison.
Quant il. s'en fu desjeiinez,
1020 Si dist, des l'oure qu'il fu nez
Ne manja il de tel formache
En nule terre que il sache.
Onques sa plaie n'en fu pire.
Atant s'en vet, ne volt plus dire. —
1025 Cilz plaiz fu ainsi affinez D30d
Et Renars s'est acheminez.
Renars vint par un bois fendant
Par une broche en un pendant.
One ne fina, que qu'il s'esgaie,
1030 Tant que il vint en une haie
998 eme 1002 ait uoue 1005 tut p. 1008 or p. liaios 1010 vos
manque 1013. 1014 tnunquent 1018 len v. un proison 1025 Li' rea.e matt'jue
dans A; il est siqjpUé d'après D. 1027 vint manque 1030 en J a
120 II (Méon 348—385)
Par dessus une fosse obscure.
La li avint une aventure,
De quoi li anuia et poise.
Car par ce commença la noise D31
1035 Par mal pecliie et par dyable
Vers Ysengrin le connestable.
Quant il vit la chevee roche,
Ne sot que faire: avant s'aproche
Pour enquerre et pour savoir,
1040 C'en n'i eûst repost avoir.
One n'en sot mot, quant il avale.
Qu'il se trouva enmi la sale
Dant Ysengrin son anemi.
Quatre louviaus gisent enmi
1045 Et madame Hersent la louve
Qui ses louviax norrist et couve:
A chascun donnoit sa bouchie.
Nouvelement ert acouchie.
Mais n'avoit pas son chief couvert:
1050 Garda, si vit l'uis entrouvert.
Pour la clarté qui trop la grieve
Pour esgarder sa teste lieve,
Savoir qui leens fu venuz.
Renars fu grelles et menuz
1055 Et fu repost derrier la porte.
Et Hersent qui se reconforte.
Le connut bien a la pel rousse.
Ne puet muer que ne s'escousse.
Si li a dit tout en riant
1060 'Renart, qu'alez vous espiant?'
Adonques fu touz desconfis,
De honte avoir fu il bien fis.
N'ose mot dire, tant se doute:
Car Ysengrin ne l'aime goûte.
1065 Hersent saut sus. lieve le chef,
Si te rappelle de rechief
1037 cheue la 1038 saproiche 1045 ma manque 1048 De
nouuel estoit a. 1049 M. el na p. ch. c. 1050 entreouuert 1053 Pour s.
1057 pelouse 1058 quil
II (Méon 386—423) 121
Et asenne a son grelle doit.
'Renart, Renart, li poilz le doit
Que soiez felz et deputaire.
1070 Aine ne me vousistes bien faire
Ne ne venistes la ou j'ere.
Je ne sai rien de tel compère
Qui sa conmere ne revide.'
Cilz a tel paour et tel hide,
1075 Ne puet muer qu'il ne responde.
Dame' fait il, dex me confonde,
S'onques pour mal ne pour haïne
Ai eschive ceste gesine :
Ainz i venisse volentiers.
1080 Mais quant je vois par ces sentiers,
Si m'espie dant Ysengrins
Et en voies et en chemins.
Ne je ne sai que je i face,
Tant con vostre sire me hace.
1085 Moult fait grant pechie qu'il me het.
Mais li mien cors ait cent deshet,
Se onc li fis chose nezune.
Dont me deûst porter rancune.
Je vous ains, ce dist, par amors.
1090 II en a fait maintes clameurs
Par ceste terre a ses amis.
Et si leur a avoir promis
Pour moi faire laidure et honte.
Mais dites moi de ce que monte
1095 De vous requerre de folie?
Certes je nel feroie mie,
Ne tel parole n'est pas belle.'
Quant Hersent entent la nouvelle.
De maltalant tressue et art.
1100 'Conraent?' fet ele 'dant Renart,
En est donc parole tenue?
Certes mar en fui mescreiie.
1068 le poil 1078 esloiguie urc g. 1083 que que iun f. 1087
nezune 1088 De quoi me 1101 dont 1103 cude (celte forme se
retrotire partout dans le msc D.)
122 II (Méon 424—459)
Tel cuide sa honte venger,
Qui pourchace son encombrier.
1105 Me m'est or pas honte nel die:
One mais n'i pensai vilanie,
Mais pour ce qu'il s'en est clamez,
' Yeil je des or que vous m'amez.
Si revenez souvent a mi
1110 Et je vous tenrai pour ami.
Acolez moi, si me baisiez !
Or en estes bien aiesiez:
Ci n'a qui encuser nous doie.'
Renars en demaine grant joie
1115 Et vient avant, si l'a baisiee.
Hersens a la cuisse hauciee.
Qui moult plaisoit itel atour.
Puis s'est Renars mis ou retour
Qui crient que Ysengrins ne viengne,
1120 Que moult doubte qu'il ne seurviengne.
Et ne pourquant ainz qu'il s'en isse,
Vient ans louviaus, si les conpisse.
Si conme il erent arrengie.
Si a tout pris et tout niengie
1125 Et hors gete ce qu'il y trueve,
Toute la viez char et la nueve.
Ses a de leur liz abatuz
Et laidengiez et bien batuz
Autressi con s'il fust leur mestres.
1130 Ses a clamez avoutres questres
Priveement conme celui
Qui ne se doute de nului
Fors de dame Hersent s'amie.
Qui ne l'en descoverra mie.
1135 Les louviaus a laissie plorant.
Ez vos Hersent qui vint avant,
Si les a blandiz et proiez.
'Enfans' fait elle, ne soiez
1110 retiens 1120 Que wc^^g^e m se d. ll?,2 se manque. Après
1132 on lit Ne de nulz lions qui suit en aie 1134 viaxqite 1136
Et h. y u. a itant
II (Méon 460—493) 123
En vostre foi félon ne sot
1140 Que vo père n'en sache mot.
Ne ja ne li soit congneû
Qu'aiez ceenz Renart veii.'
'Quoi, diables? nous noierons
Reuart le rous que tant heons
1145 De mort, qu'avez ci receii
Et nostre père deceii.
Qui en vous avoit sa fiance?
Ja se diex plaist, tele viltance,
Que nous sonmes si laidengiez,
1150 Ne remaindra. ne soit vengiez.'
Renart les a oï groignier
Et vers leur mère couroucier.
Moult tost se rest mis a la voie
Le col baissie que nulz nel voie.
1155 Si repourchace son affere.
Atant estez vous que repaire
Dant Ysengrin a sa maisniee
Qui souz la roche est entesniee.
Tant a couru, tant a tracie
1160 Et tant pourquis et pourchacie
Que touz est charchie de vitaille.
D'autrui damage ne li chaille.
Conrae il a trouve sa mesniee,
Que Renars a si atiriee,
1165 Si fil se sont a lui clame
Que batu sont et afame
Et conpissie et chaalle
Et laidengie et puis clame
Fil a putein, batart avoutre.
1170 'Encore desist il tôt outre,
Que il dist que vous estes cous'.
Lors s'est Ysengrins d'ire escous,
Quant de sa famé oï le blasme.
1142 Que R. aiez ceenz ueuz 1151 a manque 1154 q. nul
ueoie 1161 charchie ] pourquis 1164 Que cilz a si mal atiriee
1166 afame ] mesasme 116b lai<lengez clamez 1169 auoudre 1170
redist oultre
124 II (:Méon 494—529)
A bien petit qu'il ne se pasme.
1175 II urle et brait conme maufe
'Hersent, or sui je malmené.
Pute orde vilz, pute mauvese.
Je vous ai nourrie a grant aise
Et bien gardée et bien peue
1180 Et uns autres vous a foutue.
Moult est tes eorages muanz,
Quant Renars, cilz rous, cilz puanz,
Cilz vilz lechieres, cilz garçons
Yous monta onques es arçons.
1185 Par le cuer be. mar i fu cous.
Honni m'avez tout a estrous.
Jamais ne gerrez a ma coste,
Quant receû avez tel oste,
Se ne faites tout mon voloir.'
1190 Ja se peûst Hersent doloir,
S'ele n'eust acreante
Tout son bon et sa volente.
'Sire' fait elle, 'vous diroiz:
Courouciez estez, n'est pas droiz D32
1195 Que vous moustrez ici vostre ire.
Que se me lessiez escondire
Par serement ne par joïse,
Jel feroie par tel devise.
C'en me feïst ardoir ou pendre,
1?00 Se ne m'en pooie desfendre.
Si vous affi enseurquetout
Que mon pooir ferai de tout
De ce que voudrez conmander.'
Cilz ne set plus que demander.
1205 II ot que elle dit assez.
Ses mautalens fu trespassez,
Mais que il li a fait jurer
Que jamais ne laira durer
Renart, s'elle em puet aise avoir.
1174 A. p. .1. pou 1175 usle 1178 aiese 1181 mauues 1182
punaiz 1197 Je le ferai en tele guise 1199 peust 1200 me p 1202
bout 1206 Son mautalent 1207 M. tant quil
II (Méon 530—565) 125
1210 Or s'en gart, si fera savoir.
Ysengrins iert baus et haitiez
Et dist que Renars ert gaitiez
Souvent ainz que la guerre esparde:
Que fous fera, s'il ne se garde.
1215 De lui gaitier sont ore en paine.
Mais ainz que passast la semaine,
Li aviut aventure estrange.
Ainsi conme la voie change
Lez un vergier d'un essart clos.
1220 La dut estre Renars enclos.
L'en avoit ja les poiz soiez
Et li pesaz estoit loiez
Et amassez et trait en voie.
La savoit bien Renars la voie.
1225 Tenus i estoit por forgier
Et pour enquerre et porcachier,
Dont il peûst avoir viande.
Ysengrins qui el ne demande
Mais que il tenir le peûst,
1230 Baisse la teste, sel connust:
Geta un brait, si s'escria.
Renars qui point ne s'i fia
L'a bien oï et entendu:
Si s'en fuit a col estendu
1233 Apres se mettent ou chemin
Entre Hersent et Ysengrin.
Il se painent de lui chacier.
Mais ne le puent devancier.
Renars courut la voie estroite
1240 Et Ysengrins court la plus droite.
Hersent a enforcie son poindre.
Qui a Renart se voudra joindre.
Vit Ysengrin qui l'a failli,
Que Renars d'autre part sailli.
1245 Apres Renart s'est adrecie.
1213 esparte 1215 garder soit 1220 du R. estre e. 1223
] hors 1226 et cerchier 1280 connut 1243 Dist y. quilla 1245 cest
126 II (Méon 566—599)
Renars la vit si couroiicie
Ne s'ose a lui abandonner.
One ne fina d'esperonner
Jusques au recept de Yalcrues.
1-250 Quant il i vint, si entra lues,
Quant vit dame Hersent s'araie
Qui vers lui vint si esgramie:
Et de lui n'a il huimais garde.
La 6st Hersent trop que musarde.
1255 Apres Renart en la fosse entre
De plein ellais de ci au ventre.
Li chastiaus estoit granz et fors:
Et Hersent par si grant esfors
Se feri dedenz la tesniere
1260 Que ne se pot retraire arrière.
Quant Renars vit qu'elle fu prise,
Ne voult lessier en nule guise
Que il ne aille a lui gésir
Et faire de lui son plaisir.
1265 Par un pou que Hersent ne crieve.
Car la fosse et Renai-s la grieve:
La fosse qui dedenz l'estraint
Et Renars qui dessus l'enpaint.
Il n'est ileuc qui la resqueue
1270 Fors que seulement de sa queue,
Qu'ele estraint si vers les rains
Que des deus portais deerains
Ne pert un dehors ne dedens.
Et Renars prist la queue aus dens
1275 Et li reverse sor la croupe
Et les deus pertuis li destoupe:
Pui li saut sus liez et joianz.
Si li a fait ses iex voianz,
Ou bien li poist ou mal li plaise,
1252 le esgarmie 1253 Et unuiqne 1256 de ci ] iusques 1260
traire 1263 Quil ne ueille l2iol Ynxinque \2è'è Y manque 1269 ileuc ]
nullui 1270 que | tant 1271 Quelle 1272 des rains 1275 Si r.
toute la 1276 estoupe 1277 P. si s. s. et 1. 1278 Si la fuuti s. i.
uoiant 1279 li plut ou
II (Méon 600—634) 127
1280 Tout a loisir et a grant aise.
Elle dist, que qu'il li fesoit,
'Renart, c'est force et force soit.'
Sire Renars tel li redonne
Que toute la fosse en ressonne.
1285 Ainz que la chose fust fenie,
Li dist Renars par felonnie
'Dame Heisent, vous disiez
Que ja ne me proieries
Et que James ne le feroie
1290 Por seul itant que m'en vantoie.
Ja voir ne m'en escondirai:
Se gel fiz, encor le ferai.
Fis et ferai, dis et redis,
Plus de set foiz, voire de dis.'
1295 Et l'afaire ont recommencie
Ainz qu'il eussent partencie.
Ez vous poignant par mi les broces
Ysengrin qui s'embat es noces.
Ne se puet mie tant tenir
1300 Que il peiist a eus venir:
Ainz s'escrie moult hautement
'Haï, Renart, or bellement!
Par les sainz dieu mar m'i honnistes.'
Renars fu remuanz et vistes.
1305 Si li a dit tôt en alant
'Sire Ysengrin, cest mautalent
Ai je conquis par bel servise.
Veez con Hersent est ci prise!
Se je l'aïde a délivrer
1310 De cest pertuis et a oster.
Pour ce si estes effreez.
Pour dieu, biau sire, ne créez
Que nulle rien i aie faite,
Ne draps levez ne braie traite.
1281 (1. tant quil la croissoit 1286 A dit R. 1290 P. tant sans
plus que 1291 Jamais ne 1292 Se manque Je le 1296 eussent tout
fait le gieu 1302 Hahi 1303 me 1305 d. cest mautalent 1306 Que
U0U8 me portez folement 1309 deslier
128 II (Méou 635—668)
1315 Onc par cest corps ne par ceste ame
Ne mesfis rien a vostre famé.
Et pour moi et pour lui desfendre
Partot la ou le voudrez prendre
Un serement vous aramis
1320 Au los de vos meillors amis.'
Serement? traîtres prouvez,
Voir pour noient i conterez.
N'i controverez ja menconge
Ne vaine parole ne songe.
1825 N'i convient nulle couverture:
Toute est aperte l'aventure.'
'Avoi' ce dist Renars, 'biau sire,
Yous pourriez assez miex dire.
Ice maintenir ne devez.'
1330 'Conment, ai je les iex crevez?
Cudez vous que ne voie goûte?
En quel terre empaint on et boute
Chose que on doit a soi traire,
Con je vous vi a Hersent faire?'
1335 'Par dieu, sire' ce dist Renart,
'Vous savez bien, enging et art
Si vaut a chose mainbournir
Con ne puet par force fournir.
Madame ert prise en ceste fosse,
1340 Et elle est moult espesse et grosse.
En nul sens traire ne l'en puis
A reculons par ce pertuis.
Elle i est jusqu'au ventre entrée.
Et la fosse a estroite entrée :
1345 Mais elle est de lonc auques graindre.
Pour ce la vouloie enz enpaindre.
Pour noient a moi la sachasse
Que j'oi l'autrier la jambe quasse.
1315 Onqups ne manque 1316 mespris 1318 Tout par 1820
Par le conseil de voz amis 1322 Vous p. conquérez 1323. 1324 manquent
1326 Tretoute apperte est la laidurc 1341 A 1342 parmi cest huis
1347 sachace 1348 Et loi
II (Méon 669—704) 129
Or en avez oï la voire :
1350 Si m'en devez bien atant croire,
Se vous controuver ne voulez
Achoison, si con vous soûlez.
Et quant la dame iert de ci traite,
Ja ne cuit clameur en soit faite
1355 Ne ja, s'elle n'en veult mentir,
Ne l'en orrez un mot tentir.' D33
A icest mot s'est entesniez,
Quant se fu assez desresniez.
Ysengrins est de l'autre part
1360 Et voit Renart qui prent et part,
Qui l'a honni ses iex voiant.
Puis si le gabe et vait moquant.
Mais n'a ore soing de plaidier,
Ainz se redresce pour aidier
1365 Sa famé qui va maie veue.
11 l'a saisie par la queue:
De tel air a soi la tire
Que Hersens est en tel martire
Que il li convint par angoisse
1370 Que li pertuis derrier s'esloisse.
Ysengrins voit qu'elle se vuide:
Or l'aura il si conme il cuide.
Un petitet s'est trait arrière.
Or voit bien que se la charriere
1375 N'estoit un petit alachie,
Hersens n'en puet estre sachie.
S'il ne l'en trait, il est dolens.
Il n'est pas pereceus ne lens.
Ans ongles s'est pris et si grate,
1380 Trait la terre fors a la pâte:
Garde de ca et puis de la.
Deables la tient, s'il ne l'a.
Con il en a assez este
Et sus et jus et en coste,
1357 Ne cuit ia 1362 mocant 1364 dresce 1366 saisi jiarmi la
1:^71 uoide 1373 p. la traite a. 1374 v. il b. que la 1375 asachie 1379
si est p, si 1380 Et t. la t. hors et sache 1381 — 1385 manquent
RENARTI 9
130 II (Méon 705—716)
1385 Vint a Hersent, si la souffache.
Si l'a un poi trouvée lasche.
Empaint et sache et tire et boute:
A poi la queue ne ront toute.
Mais moult estoit bien atachie.
1390 Tant l'a empainte et souffachie
Que traite l'en a a grant paine:
Mais a poi ne li faut l'alaine.
Ysengrins voit, Renars n'a doute,
Que il s'est mis dedens sa croûte.
1395 Arrière vient a sa maisniee
Qui souz la roche iert entesniee.
1387 boute et tire 1388 la pel ne li descire 1390 empaint
1395 Aurre
III (Méon 749—774)
m
Seigneurs, ce fu en cel termine D33a
Que li douz temps d'esté décline
Et yver revient en saison,
Et Renars fu en sa maison.
5 Mais sa garison a perdue :
Ce fu mortel deseonvenue.
N'a que donner ne qu'achater,
Ne s'a de quoi reconforter.
Par besoing s'est mis a la voie. A 51
10 Tôt coiement que l'en nel voie
S'en vet parmi une jonchera
Entre le bois et la rivere.
Si a tant fait et tant erre
Qu'il vint en un cemin ferre.
15 El cemin se cropi Renarz.
Molt coloie de totes parz.
Ne set sa garison ou querre :
Car la fein li fait molt grant guerre.
Ne set que fere : si s'esmaie.
20 Lors s'est couchiez lez une haie:
Hoc atendra aventure.
Atant ez vos grant aleiire
Marcheant qui poisson menoient
Et qui devers la mer venoient.
De cette branche le msc. A n'a conservé que les vers 9 — 44. 454 — 510 ;
le reste est tiré du msc. D. 1 ce 3. 4 intervertis 3 uient en sa s.
5 garnison ot p. 9 Ancois se rest m. 10 bêlement 14 fere 15 sacropi
19. 20 manquent 21 sauenture 22 A. uenent par auenture 23 Mar'chant
q p. menèrent
132 III (Méon 775—808)
25 Herens fres orent a plente:
Car bise avoit auques vente
Trestote la semeine entere.
Et bons poissons d'autre manere
Orent ases granz et petiz,
30 Dont lor paniers sont bien enpliz.
Que de lamproies que d'anguilles,
Qu'il orent acate as viles,
Fu bien chargie la charete.
Et Renars qui tôt siècle abeite
35 Fu bien loins d'aus une arcie.
Quant vit la carete cargie
Des anguiles et des lanproies,
Mucant fuiant parmi ces voies
Court au devant por aus decoivre,
40 Qu'il ne s'en puisent apercoivre.
Lors s'est coches enmi la voie.
Or oiez con il les desvoie !
En un gason s'est voutrilliez
Et come mors aparelliez.
45 Renars qui tant d'onmes engingne D33b
Les iex cligne, les dens rechigne,
Et tenoit s'alaine en prison,
Oïstes mais tel traïson?
Ilecques est remes gisans.
50 Atant es vous les marcheans:
De ce ne se prenoient garde.
Li premiers le vit, si l'esgarde,
Si apela son compaignon
'Yez la ou gourpil ou gaignon !'
55 Quant cilz le voit, si li cria
'C'est li gorpilz: va sel pren, va!
Filz a putain, gart ne t'eschat!
Or saura il trop de barat.
28 rons 32 acatees 37. 38 intervertis 42 les ] se 44 se
trouve comme réclame au dessous de la f. 31 ^ du msc. A. 47 tint
48 mesprison 49 remaint 50 estez v. 1. raarchans 51 donnoient 52
Le premier 54 Veez la g. 55 si le 56 gar neschat 58 sara
m (Méon 809-842) 133
Renars, s'il ne nous let l'escorce.'
60 Li marcheans d'aler s'esforce
Et ses compains venoit après
Tant qu'il furent de Renart près.
Le gourpil trovent enverse.
De toutes pars l'ont renverse,
65 N'ont ore garde qu'il les morde.
Prisent le dos et puis la gorge.
Li uns a dit que troi sols vaut,
Li autres dist 'se diex me saut,
Ainz vaut bien quatre a bon marchie.
70 Ne sommes mie trop chargie :
Getons le sus nostre charrete.
Yez con la gorge est blanche et nete !'
A icest mot sont avaneie
Si l'ont ou charretil lancie
75 Et puis se sont mis a la voie.
Li uns a l'autre fait grant joie
Et dient n'en ferons ore el,
Mais anquenuit en nostre hostel
Li reverserons la gonnele.'
80 Or leur plaist auques la favele.
Mais Renars ne s'en fait fors rire,
Que moult a entre faire et dire.
Sur les paniers se jut adens.
Si en a un ouvert aus dens
85 Et si en a (bien le sachiez)
Plus de trente harans sachiez.
Auques fu vuidiez li paniers.
Moult par en menja volontiers,
Onques n'i quist ne sel ne sauge.
90 Encore aincois que il s'en auge
Getera il son amecon,
Je n'en sui mie en souspecon.
59 Renars manque Se il ne n. lesse sescorse 63 uoient 64
'enuerse 66 gorde 67 uault 68 messaut 72 Vois 76 Et luns
77 ne f. 80 flauele 84 un ] .11. ouuerz 85 le ] ce 86 h.
mengiez
134 III (Méon 843— 880)
L'autre panier a assailli.
Son groing i mist, n'a pas failli,
95 Qu'il n'en traïst trois res d'anguilles.
Renars qui sot de maintes guiles,
Son col et sa teste passe oultre
Les hardillons, puis les acoutre
Dessus son dos que tout s'en cueuvre.
100 Des or pourra bien laissier oeuvre.
Or li estuet enging pourquerre,
Conment il s'en vendra a terre.
Ne trueve planche ne degré.
Agenoille s'est tout de gre
105 Por veoir et por esgarder,
Con son saut pourra miex garder.
Puis s'est un petit avanciez:
Des piez devant s'est tost lanciez
De la charrete enmi la voie.
110 Entour son col porte sa proie. D34
Et puis quant il a fait son saut,
Aus marcheans dist 'diex vous saut!
Cilz tantes d'anguiles est nostres
Et li remanans si soit vostres!'
115 Li marcheans quant il l'oïrent,
A merveilles s'en esbahirent.
Si s'escrient Voiz le gourpil !'
Si saillirent ou charretil,
Ou il cuderent Renart prendre.
120 Mais il nés voult pas tant atendre.
Li uns des marcheans esgarde,
A l'autre dist 'mauvaise garde
En avons prise, ce me semble.'
Tuit fièrent lor paumes ensemble.
125 'Las' dist li uns, 'con grant damage
Avons eu par nostre outrage.
Moult estion fol et musart
Andui qui crcïou Renart.
94 D trois mais ni a 95 Que il a trait 102 C. pourra saillir a
105 esprouuer 116 Mit' durement 120 uouloit p. a. 122 Li autres d.
127 nusart
m (Jléon 881—914) 135
Les paniers a bien alachez
130 Et ses a auques soufFachiez.
Car deus rez d'anguiles enporte.
La maie passion le torde !'
'Ha' font li marcheant 'Renart,
Tant par estes de maie part.
135 Mal bien vous puissent elles faire!'
'Seigneur, n'ai soing de noise faire.
Or direz ce que vous plaira:
Je sui Renart qui se taira.'
Li marcheant vont après lui.
140 Mais il nel bailleront mais hui:
Car il a tant isnel cheval.
One ne fina parmi un val
Dusques il vint a son plessie.
Lors l'ont li marcheant lessie
145 Qui pour mauves musart se tiennent.
Recréant sont, arrière viennent.
Et cilz s'en vait plus que le pas
Qui ot passe maint mauvais pas.
Si vint a son chastel tout droit
150 Ou sa maisnie l'atendoit
Qui assez avoit grant mesese.
Renars i entre par la hese.
Encontre lui sailli s'espouse,
Hermeline la jone touse,
155 Qui moult estoit courtoise et franche.
Et Percehaie et Malebranche
Qui estoient ambedui frère,
Cil saillirent contre leur père
Qui s'en venoit les menus sans
160 Grros et saoulz, joieus et baus,
Les anguilles entour son col.
Mais qui que le tiegne pour fol,
129 a auques laschiez 130 Et si le a bien s. 131 .111. 132 torte
134 T. es or de 140 M. ne le b. 142 Que ne 143 Des que il 145
claiment 150 le a. 158 mère 160 G. et sains et i. 162 Qui que ment.
p. 1. fol
136 m (Méon 915—946)
Apres lui a close sa porte
Pour les anguilles qu'il aporte.
165 Or est Renart dedenz sa tour.
Si fil li font moult bel atour.
Bien li ont ses jambes torchiees
Et les anguilles escorchees.
Puis les coupèrent par tronçons
170 Et les espois font de plancons
De codre et ens les ont boutez.
Et li feus fu tost alumez
Que bûche i ot a grant plente.
Lors ont de toutes pars vente.
175 Si les ont mises sus la brese
Qui des tisons i fu remeze.
Endementres que il cuisoient
Les anguiles et rostissoient,
Ez vous monseigneur Ysengrin
180 Qui ot erre des le matin
Jusqu'à celle heure en mainte terre,
Mais onques riens n'y pot conquerre.
De jeûner estoit estans,
Que molt avoit eu mal tens.
185 Lors s'en tourna en un essart
Tout droit vers le chastel Renart
Et vit la cuisine fumer
Ou il ot fait feu alumer
Et les anguiles rotissoient
190 Que si fil es espois tournoient.
Ysengrin en sent la fumée
Qu'il n'avoit mie acoustumee.
Du nez commença a fronchier
Et ses guernons a delechier.
195 Yolentiers les alast servir,
S'il li vousissent l'uis ouvrir.
163 sa porte close 164 emporte 167 torchies 168 Ses a es-
corchies 170 1. broches f. des 171 De codre manque Enz es espois
les 173 i manque ont 178 rotissoien 184 Car temps 186 la
maison R. 191 en manque senti 194 s, barbes a
m (Méon 947—982) 137
Il se traist vers une fenestre
Pour esgarder que ce puet estre.
Il conmence a pourpenser,
200 Comment il pourra ens entrer
Ou par prière ou par amour.
Mais il n'i puet avoir honour:
Que Renart est de tel manière
Qu'il ne fera rien pour prière.
205 Acroupiz s'est sus une souche.
De baailler li deult la bouche.
Court et recourt, garde et regarde.
Mais tant ne se sot donner garde
Que dedenz puisse le pie mettre
210 Ne pour donner ne pour promettre.
Mais a la fin se pourpensa
Que son compère priera
Que pour dieu li doint, s'il conmande,
Ou poi ou grant de sa viande.
215 Lors l'apela par un pertuis
'Sire compère, ouvrez moi l'uis!
Je vous aport belles nouvelles:
Pour bones les tendrez et belles.'
Renart l'oï, sil congnut bien:
220 Mais de tout ce ne li fist rien,
Aincoiz li a fait sourde oreille.
Et Ysengrin molt s'en merveille,
Qui dehors fu moult souffroiteus
Et des anguiles envieus.
225 Si li a dit ouvrez, biau sire!'
Et Renars conmenca a rire,
Si demanda qui estes vous?'
Et il respont ce somes nous.'
'Qui vous?' 'Ce est vostre compères.'
230 'Nous Guidions que fussiez leres.'
'Non sui' dist Ysengrins, 'ouvrez!'
Renars respont 'or vous souffrez
201 le second par mawjue 203 de te malniere 204 feroit 205
coucht 216 oeuure 219 eel 220 t. ne fera r. 221 li ] en
138 m (Méon 983—1022)
Tant que li moine aient mengie
Qui au mengier sont arrengie.'
235 'Comment dont?' fait il 'sont ce moine?'
'Nanil' dist il: ainz sont chanoine.
Si sont de l'ordre de Tiron:
(Ja se diex plaist, n'en mentiron)
Et je me sui rendu a eus.'
240 'Nomini dame dist 11 leus,
'Avez me vous dit vérité?'
'Ouïl par sainte charité.'
'Donques me faites herbregier!'
'Ja n'auriez vous que mengier.'
245 'Dites moi dont, n'avez vous quoi?'
Renart respont 'oïl por foi.
Or me lessiez donc demander,
Venistes vous pour truander?'
'Nanil, ainz woeil veïr vostre estre.'
250 Renart respont 'ce ne puet estre.'
'Et pourquoi donc?' ce dit li leus.
Ce dist Renart 'il n'est pas leus.'
'Or me dites, mangiez vous char?'
Et dist Renart 'ce est eschar.'
255 'Que menjuent donc vostre moine?'
'Jel vous dirai sanz nule essoine.
Il menjuent fourmages mous
Et poissons qui ont les gros cous.
Saint Beneoit le nous commande
260 Que ja n'aions peior viande.'
Dist Ysengrin 'ne m'en gardoie
Ne de tout ce rien ne savoie.
Mais car me faites osteler!
Mais hui ne sauroie ou aler.'
265 'Osteler?' dit Renart 'nel dites!
Nulz s'il n'est moines ou hermites
Ne puet ceens avoir hostel.
Mes alez outre : il n'i a el.'
237 chinon 239 euls 250 respont manque 254 est ce 256
Je le nule manque 260 pire 261 ^ardoient 265 Ostez ce d. R. ne
268 querez autre
m (Méon 1023—1058) 139
Ysengrin ot et entent bien
270 Qu'en la rneson Renaît pour rien
Qu'il puisse faire n'enterra. D35
Que voulez vous ? si soufferra.
Et nepourquant si li demande
'Poisson, est ce bonne viande?
275 Car m'en donnez viaus un tronçon!
Nel fais se pour essaier non.
Mais buer fussent elles peschiees
Les anguiles et escorchiees,
Se vous en deingnies mendier.'
280 Renart qui bien sot losengier
Prist des anguiles troi tronçons
Qui rôtissent sus le charbons.
Tant furent cuit, toute s'esmie
Et dessoivre toute la mie.
285 Un en menja, l'autre en aporte
Celui qui atant a la porte.
Lors dist 'compère, ca venez
Un poi avant et si tenez
Par charité de la pitance
290 A ceuls qui sont bien a fiance
Que vous serez moines encore.'
Dist Ysengrin 'je ne sai ore,
Quiex je serai: bien pourra estre.
Mais la pitance, biaus douz mestre,
295 Car me bailliez isn élément!'
Cilz li bailla et il la prent
Qui molt tost s'en fu délivrez.
Encore en mengast il assez.
Ce dist Renart 'que vous en semble?'
300 Li lechierres fremist et tremble,
De lecherie esprent et art.
'Certes' fait il, 'sire Renart,
Il vous iert bien guerredonnez.
Encore un seul car me donnez,
277 bons 285 1' mcmque 186 A cil q. 287 Si d. 290 affiance
301. 302 intervertis
140 m (Méon 1059—1094)
305 Biaus douz compères, pour amordre,
Tant que je fusse de vostre ordre.'
'Par vos botes' ce dist Renart
Qui molt estoit de maie part,
'Se vous moines vouliez estre,
310 Je feroie de vous mon mestre.
Que je sai bien que li seigneur
Yous elliroient a prieur
Ainz penthecouste ou a abe.'
'Avez me vous ore gabe?'
315 Ce dist Renart 'nanil, biau sire.
Par mon chief bien le vous os dire,
Foi que doi le corps saint Felise,
N'auroit si bel moine en l'église.'
'Auroie je poisson assez
320 Tant que je fusse respassez
De ce mal qui m'a confondu?'
Et Renart li a respondu
'Mais tant con vous pourrez mengier.
Ha car vous fêtes rooignier
325 Et vostre barbe rere et tondre.'
Ysengrin commença a grondre,
Quant il oï parler de rere.
'N'i aura plus' fait il, 'compère:
Mais reez moi hastivement!'
330 Renart respont 'isnelement
Aurez couronne et grant et lee,
Ne mais que l'eve soit chaufee.'
Oïr poez ici biau jeu.
Renart mist l'eve sus le feu
335 Et la fist trestoute boillant.
Puis li est revenus devant
Et sa teste encoste de Tuis
Li fist mètre par un pertuis:
307 vos ] mes 308 m. par fu de 311 Que ] Et 316 ch. puis le
V. b. d. 317 q. ie d. le c. s. gile 318 si manque tel m. en nostre e.
325 et J ou 329 isnelement 330 hastiuement 331 C. a. 332 hastee
333 pourrez 335 tretoute 336 Renart li est uenus
m (Méon 1095—1128) 141
Et Ysengrin estent le col.
340 Renart qui bien le tint pour fol
L'eve boillant li a getee
Et sus le hasterel versée:
Molt par a fait que pute beste.
Et Ysengrin escout la teste,
345 Rechigne et fait moult laide chiere.
A reculons se trait arrière.
Si s'escria 'Renart, mors sui.
Maie aventure aiez vous hui!
Trop grant coroune m'avez faite.'
350 Et Renars a la langue traite
Grant demi pie hors de la gueule.
'Sire, ne l'avez mie seule
Qu'autresi grant l'a li couvens.'
Fait Ysengrin je cuit, tu mens.'
355 'Non fas, sire: ne vous anuit.
Iceste premeraine nuit
Yous convient estre en espreuve:
Que li sains ordres le nous rueve.'
Dist Ysengrins 'molt bonnement
360 Ferai tout quantqu'a l'ordre apent.
Ja mar en serez en doutance.'
Et Renart em prist la fiance
Que par lui mal ne li vendra
Et a son los se contendra.
365 Or a tant fait et tant ovre
Renart que bien la assote.
Puis s'en issi par une fraite
Qu'il ot derrier la porte faite
Et vint a Ysengrin tout droit
370 Qui durement se complaignoit
De ce qu'il estoit si près rez.
Ne cuir ne poil n'i est remez.
N'i ot plus dit ne séjourne:
Andui se sont d'ilec tourne,
346 Et. y. se 350 Et cilz li a 353 Quautressi 356 Au pre-
merain ainsi uous cuit 357 Or v. 365 erre 374 se manque dilecques
142 m (Méon 1129—1164)
375 Renart devant et cil après
Tant qu'il vindrent d'un vivier près.
Ce fu un pou devant noel
Que l'en mettoit bacons en sel.
Li ciex fu clers et estelez
380 Et 11 viviers fu si gelez
Ou Ysengrin devoit peschier,
Qu'en poïst par desus treschier:
Fors tant c'un pertuis 1 avoit
Qui de vilains fait i estoit
385 Ou il raenoient leur atoivre
Chascune nuit joer et boivre.
Un seel y orent laissie.
La vint Renart tout eslessie
Et son compère regarda.
390 'Sire' fait il, 'traiez vous ca!
Ca est la plente des poissons
Et li engin dont nous peschons
Les anguiles et les barbiaus
Et autres poissons bons et biaus.'
395 Dist Ysengrin 'frère Renart,
Or le prenez de l'une part,
Si me laciez bien a la queue!'
Renart le prent et si li nueue
Entour la queue au miex qu'il puet.
400 'Frère fait il, 'or vous estent
Moult sagement a contenir
Pour les poissons faire venir.'
Lors s'est lez un buisson fichiez,
Si mist son groing entre ses piez
405 Tant que il voie que il face.
Et Ysengrin est sus la glace.
Li seaus est en la fontaine
Plain de glaçons a bonne estraine.
L'eve conmence a englacer
410 Et li seaus a enlacier
381 peschier deuoit 382 manque 383 quns 385 mettoient 1.
estoivre 392 lenging d. n. les prenons 394 bons ] gros 396 les lautre
397 Lenging me liez a 399 la glace au 409 engeler 410 enlacier
III (Méon 1165—1200) 143
Qui a k queue fu noez.
De la glace fu seurondez.
La queue est en l'eve gelée
Et a la glace seellee.
415 Cilz se cuida bien souffachier
Et le seel a soi sachier.
En mainte guise s'i essaie.
Ne set que faire: si s'esmaie.
Renart conmence a appeler
420 Conme il plus ne se puet celer:
Que ja estoit l'aube crevée.
Renart a la teste levée:
Il se regarde, les iex oeuvre.
'Frère' fait il, 'car lessiez oeuvre!
425 Alons nous en, biaus dous amis!
Assez avons de poissons pris.'
Et Ysengrin li escria
'Renart' fait il, trop en i a.
Tant en ai pris, ne sai que dire.'
430 Et Renart commença a rire.
Si li a dit tout en appert
'Cil qui tôt convoite, tôt pert.'
La nuit trespasse, l'aube crieve:
Li solaus par matin se lieve.
435 De noif furent les voies blanches.
Et missire Constant des Granches,
Un vavassour bien aaisiez,
Qui sus l'estanc fu herbergiez,
Levez estoit et sa mesnie
440 Qui moult estoit joieuse et lie.
Un cor a pris, ses chiens appelle,
Si conraande a mettre sa selle.
Et sa mesniee crie et huie.
Et Renart l'ot, si tourne en fuie
445 Tant qu'en sa taisniere se fiche.
Et Ysengrin remest en briche
413 chaienne 414 la qeue s. 432 Tel cuide gaaignier qui pert
435 noiz 441 a mangue 442 Puis c. 446 Et manque remaint en la b.
144 m (Méon 1201—1234)
Qui moult s'esforce et sache et tire:
A poi sa pel ne li descire.
Se d'ilec se \eult départir,
450 La queue li convient guerpir.
Coniue Ysengrin se va frétant,
Estes vous un garçon trotant:
Deus lévriers tint en une lesse.
Ysengrin vit (vers lui s'eslesse) A 32
455 Sus la glace tôt engele
A tôt son haterel pelé.
Cil l'esgarde, puis li escrie
'Ha ha, le leu ! aïe aïe!'
Li veneor quant il l'oïrent,
460 Lors de la meson fors saillirent
A tos les chens par une hese.
Or est Ysengrins en maleso.
Que dant Constanz venoit après
Sor un cheval a grant esles
465 Qui molt s'escrie a l'avaller
'Lai va, lai va lez chens aler!'
Li braconer les chenz decouplent
Et li bracet au lou s'acoplent
Et Ysengrins molt se herice.
470 Li veneors les chens entice
Et amoneste durement.
Et Ysengrins bien se desfent,
Aus denz les mort: qu'en pot il mez?
Il amast mels ases la pez.
475 Dant Constans a l'espee traite
Por bien ferir a lui s'atrete.
A pie descent enmi la place
Et vint au lou devers la glace.
Par deriere l'a asailli:
480 Ferir le volt, mes il failli.
453 h. conme u. Dans le msc. A les vers 454—460 sont mutilés
au commeiicement par une déchirure 454 Ysengrin y'ii manque 455 Sus
manque 456 A tôt manque 457 Cil manque 458 Ha manque aiaie 459 i
460 L magique 461 tôt 1. ch. a p. 463 d. fob't u. 466 chn 467 L b*on'
468 pracet 472 bien ] fort 473 Au 475 D. frob't a 479 P. de deriers
III (Méon 1235—1264) 145
Li colp li cola en travers.
Et dant Constans chaï envers
Si que li hatereax li seinne.
Il se leva a niolt grant peine.
485 Par grant aïr le va requerre:
Or poez oïr fiere guerre.
Ferir le cuida en la teste:
Mes d'autre part li cous s'areste.
Vers la coe descent l'espee,
490 Tôt res a res li a coupée
Près de l'anel: n'a pas failli.
Et Ysengrins qui l'a senti
Saut en travers, puis si s'en torne
Les chens mordant trestot a orne
495 Qui inolt sovent li vont as naces.
Mes la coe remest en gages :
Et molt li poise et molt li grève,
A poi son cuer de dol ne crevé.
N'en pot plus fere, torne en fuie
500 Tant que a un tertre s'apuie.
Li eh en le vont sovent mordant
Et il s'en va bien défendant.
Con il furent el tertre amont,
Li chen sont las, recréa sont.
505 Et Ysengrins point ne se tarde,
Fuiant s'en va, si se regarde,
Droit vers le bois grant aleiire.
Hoc râla et dit et jure
Que de Renart se vengera
510 Ne James jor ne l'amera.
481 li I en 482 frob't 48Ô reg-re 489 Deuerg 490 Tote 504
retorne
IV (Méon 6455—6478)
IV
Or me convient tel chose dire A 32b
Dont je vos puisse fere rire.
Qar je sai bien, ce est la pure.
Que de sarmon n'aves vos cure
5 Ne de cors seint oïr la vie.
De ce ne vos prent nule envie,
Mes de tel chose qui vos plese.
Or gart chascun que il se tese:
Que de bien dire sui en voie
10 Et bien garniz, se dex me voie.
Se vos me volieez entendre,
Tel chosse porrieez aprendre
Que bien feroit a retenir.
Si me selt em por fol tenir.
15 Mes j'ai oï dire en escole :
De fol orne sage parole.
Lonc prologue n'est preuz a fere.
Or dirai, ne me voil plus tere,
Une branche et un sol gabet
20 De celui qui tant set d'abet:
C'est de Renart, bien le savez,
Et bien oï dire l'avez.
De Renart ne va nus a destre.
Renars fet tôt le monde pestre:
3 bien matujue 5 cor s. de oir 7 que 8 tesse 9 suz 10 uaie
12 enprendre 19 sol ba gabet 23 a J en
IV (Méon 6479—6514) 147
25 Renars atret, Renars acole,
Renars est molt de maie escole.
De lui ne va coroies ointes,
Ja tant ne sera ses acointes.
Molt par est sajes et voisoùs
30 Renars, et si n'est pas noisous.
Mes en cest monde n'a si sage.
Au chef de foiz n'aut a folage.
Or vos dirai quel mesestance
Avint Renart et quel pesance.
35 L'autrer estoit alez porquerre
Sa garison en autre terre.
Conme cil qui avoit souffrete
Et grant fein qui molt le deliete.
S'en est tornez vers une pree.
40 Si con il vint en une aree.
S'en va Renars par une broce
Molt dolanz, et molt se coroce
Que il ne puet chose trover
Qu'il puist manger a son soper.
45 Mes n'i voit rien de sa pasture.
Lors se remet en l'anbleure
Fors del bois, et vint en l'oreille.
Arestez est, de fain baaille,
Grelles megres e esbahis.
50 Molt a grant fein en son païs.
D'oures en autres s'estendeille.
Et ses ventres si se merveille
Et si boel qui sont dedenz
Que font ses poes et ses denz.
55 D'angoisse gient et de destrece
Et de la fein qui molt le blece.
Lors dist qu'il fait mavois atendre
En leu on l'en ne puet rien prendre.
A icest mot par un sentier
60 S'en corut un arpent entier.
27 1. no ua c. 28 acontes ;<5.-36 iiiierveriis 88 que
43 jiot 51 autre 53 ses boiaux 55 git 56 que 58 pot
10*
148 IV (Méon 6515—6548)
Onques ne volt entrer el pas
Tant que il vint a un trespas.
Si con il ot le col baissie,
Si a choisi en un plessie
65 Par éncoste d'unes avoines
Une abeïe de blans moines
Et une grange par dejoste,
Ou Renars velt fere une joste.
La grandie fu molt bien asise.
70 Li mur furent de roce bise
Molt fort, ne vos en mentiron,
Et furent clos tôt environ
D'un fosse dont haute est la rive,
Si que ne lor puet riens qui vive
75 Tolir par force nule chose,
Puis que la granche est ferme et close,
Plentive est de norreture.
Qu'il erent en bone pasture.
Moult par estoit bonne la grange. Di7a
80 Mais a pluseurs estoit estrange.
Assez i a de tel viande
Con Renars li gourpils demande:
Gelines, chapons surannez.
Renars est celle part tournez,
85 Parmi la voie a fait un saut
Touz abrivez de faire assaut.
Onques ne fu ses frains tenus
Tant qu'il est aus chapons venus.
Sur le fosse s'est arrestez
90 De gaaignier touz aprestez
Et des gelines assaillir.
Mais il n'i pooit avenir.
Court et racourt entor la granche,
Mais n'i treuve ne pont ne planche
66 blanc moinnes 74 pot r. q'ure 79 Le reste de la branche
manque dons le nisc. A; il est sup2}léé par le nisc. D. 82 gourpil 84
c. p. est 91 Et mauqiie 92 poet mie a 93 entor ] parmi 94 ny puet
point trouuer de pi.
lY (Méon 6549—6584) 149
95 Ne pertuis: moult se desconforte.
Lors s'aeroupi devant la porte
Et vit le guichet entrouvert
Et le pertuis tout descouvert:
Celle part vint, outre se lance.
100 Or est Renars en grant balance:
Que s'il puent appercevoir
Que il les veille décevoir,
Li moine retendront son gage
0 lui raeismes en ostage :
105 Car félon sont a desmesure.
Qui chaut? tout est en avanture.
. Or va Renart par le pourpris,
Grant paour a d'estre surpris.
Yint as gelines, si escoute:
110 C'est vérité que moult se doute,
Que bien set qu'il fait musardie.
Retournez est par couardie,
Grant paour a c'en ne le voie.
Ist de la court, entre en la voie
115 Et se conmence a pourpenser.
Mais besoing fait vielle troter,
Et la fain tant le par tourmente,
Ou bel li soit ou se repente.
Le refait arrière fichier
120 Por les gelines acrochier.
Or est Renars venuz arrière,
En la granche entre par deriere
Si coiement que ne se murent
Les gelines, ne n'aparcurent.
125 Sus un tref en ot troi juchiees
Qui estoient a mort jugiees.
Et cilz qui ert alez en fuerre,
S'en monta sus un tas de fuerre
Pour les gelines acrochier.
130 Les gelines sentent hochier
95 Ne trou dont m. 111 que f. 112 couardiso 122 Entre en la
g. p. 125 ionchiees
150 IV (Méon 6585-6626)
Le fuerre, si en tresaillirent
Et en un angle se tapirent.
Et Renars celle part s'en tourne,
Si les a prises tout a ourne
135 La ou il les vit enanglees:
Si les a toutes estranglees.
Des deus en fait ses grenons bruire,
La tierce en voudra porter cuire.
Quant ot mengie, si fu aaise.
140 De la grandie ist par une hese
Et la tierce geline emporte.
Mais si conme il vint a la porte,
Si ot moult grant talent de boivre
Cilz qui bien sot la gent decoivre.
145 Un puis avoit enmi la cort:
Renars le vit, celle part court
Pour sa soif que il volt estaindre,
Mais il ne pot a l'eve ataindre.
Or a Renart le puis trouve:
150 Moult par le vit parfont et le.
Seigneurs, or escoutez merveilles!
En ce puis si avoit deus seilles:
Quant l'une vient, et l'autre vait.
Et Renars qui tant a mal fait,
155 Dessur le puis s'est acoutez
Grainz et marris et trespensez.
Dedens commence a regarder
Et son ombre a aboeter :
Guida que ce fust Hermeline
160
Qui lierbergie fust leens.
Renars fu pensis et dolens:
Il li demande par vertu
'Di moi, la dedens que fais tu?'
131 si contresaillirent 132 satapirent 142 a ] uers 144 les gens
145 a ueu e. 146 Quant il le u. si y acourt 147 quil uouloit e. 148
puet 151 Or escoutez s. 152 En celui p. a. 154 t. maux ot f. 156
Grioz 158 abooeter 160 quamoit
IV (Méon 6627—6672) 151
165 La vois du puis vint contremont :
Renars l'oï, drece le front.
Il la rapelle une autre fois:
Contremont resorti la vois.
Renars l'oï, moult se merveille:
170 Si met ses piez en une seille,
One n'en sot mot, quant il avale.
Ja i aura encontre maie.
Quant il fu en l'eve cheûs,
Si sot bien qu'il fu deceiis.
175 Or est Renart en maie frape,
Maufez l'ont mis en celle trape.
Acoutez s'est a une pierre,
Bien vousist estre mors en bière.
Li chaitis suefïre grant hachiee :
180 Moult a souvent la pel moilliee.
Or est a aise de peschier.
Nulz nel pourroit esleeschier:
Ne prise deus boutons son sens.
Seigneurs, il avint en cel tens,
185 En celle nuit et en celle heure,
Que Ysengrins tout sanz demeure
S'en est issus d'une grant lande :
Que querre li convint viande,
Que la fain le grieve forment.
190 Tournez s'en est ireement
Devant la meson ans rendus,
Les granz galos i est venuz.
Le païs trouva moult gaste.
'Ci conversent' dit il malfe,
195 Qant l'en n'i puet trouver viande
Ne rien de ce que on demande.'
Tournez s'en est tout le passet.
Courant s'en vint vers le guichet:
Par devant la rendation
200 S'en est venuz le grant troton.
167 II rapela 172 i manque e. mit m. 173 oonmo 178 mort
181 peeschier 184 temps 185 A ... a 189 greuoit 195 Que
152 IV (Méon 6673—6710)
Le puis trouva enmi sa voie
Ou Renars le rous s'esbanoie.
Dessur le puis s'est aclinez
Grainz et marriz et trespensez.
205 Dedens conmence a regarder
Et sou umbre a aboeter.
Con plus i vit, plus esgarda,
Tout ensi con Renars ouvra:
Guida que fust dame Hersens
210 Qui herbergiee fust leens
Et que Renars fust avec li.
Sachiez pas ne li erabeli,
Et dist 'moult par sui maubailliz,
De ma famé vilz et honniz
215 Que Renars li rous m'a fortraite
Et ceens avec soi a traite.
Moult est ore traître 1ère.
Quant il decoit si sa conraere.
Si ne me puis de lui garder.
220 Mes se jel pooie atraper,
Si faitement m'en vengeroie
Que James crieme n'en auroie.'
Puis a usle par grant vertu:
A son umbre dist qui es tu?
225 Pute orde vilz, pute prouvée,
Qant 0 Renart t'ai ci trovee!' D48
Si a ulle une autre foiz,
Contremont resorti la voiz.
Que qu'Isengrins se dementoit
230 Et Renars trestoz coiz estoit,
Et le laissa assez usler,
Puis si le prist a apeler.
'Qui est ce, diex, qui m'aparole?
Ja tiens ge ca dedenz m'escole.'
201 Cel 202 s'maiique 20-1 Griez 205 a abootev 206 a regarder
207 p. y garda 209 hersent 211 lui 212 point 213 mabailliz 216 caiens
auecques s. t. 217 liere 218 De ce qui! d. sa 222 Q. ie ia c. ni 226
Qui s. 227 Et si auoie ie a. f. 229 Comme y. 230 tout coi se tenoit
233 moi parole 234 ci
IV (Méon 6711—6762) 153
235 Qui es tu, va ?' dist Ysengrin.
'Ja sui je vostre bon voisin
Qui fui jadiz vostre compère,
Plus m'amiez que vostre frère.
Mais l'en m'apelle feu Renart
240 Qui tant savoit d'engiu et d'art.'
Dist Ysengrins 'c'est mes confors :
Des quant es tu, Renart, donc mors?'
Et il li respont 'des l'autrier.
Nulz bons ne s'en doit merveiller,
245 Se je sui mors: aussi mourront
Tretuit cil qui en vie sont.
Parmi la mort les convendra
Passer au jor que diex plaira.
Or atent m'ame nostre sire
250 Qui m'a gete de cest martire.
Je vos pri, biau compère dous.
Que me pardonnez les courrons
Que l'autrier eiistes vers moi.'
Dist Ysengrins et je l'otroi.
255 Or vous soient tout pardone.
Compère, ci et devant de.
Mes de vostre mort sui dolens.'
Dist Renars 'et j'en sui joians.'
'Joians en es?' 'Yoire, par foi.'
260 'Biau compère, di moi pourquoi.'
'Que li miens corps gist en la bière
Chiez Hermeline en la tesniere,
Et m'ame est en paradis mise.
Devant les piez Jhesu assise:
265 Compères, j'ai quanque je veil.
Je n'oi onques cure d'orgueil.
Se tu es ou règne terrestre,
Je sui en paradis celestre.
Ceens sont les gaaigneries,
270 Les bois, les plains, les praieries:
"240 s. engin et art 242 donc R. 248 1\ en .1. temps qui uemlra
250 ce 253 enuers 254 Dit 256 Et par ici 259 en es manque v.
sire p. 262 ma 268 Et ie sui ou règne c.
154 IV (Méon 6763—6800,1
Ceens a riche pecunaille,
Ceens puez veoir mainte aumaille
Et mainte oeille et mainte chievre,
Ceens puez tu veoir maint lièvre
275 Et bues et vaches et moutons,
Espreviers, ostors et faucons.'
Ysengrins jure saint Sevestre
Que il voudroit la dedens estre.
Dist Renars 'lessiez ce ester,
280 Ceens ne poez vous entrer:
Paradis est celestiaus,
Mais n'est mie a touz conmunaus.
Moult as este touz jors trichierres,
Fel et traîtres et boisierres.
285 De ta famme m'as mescreû :
Par dieu et par sa grant vertu,
One ne li fis desconvenue,
N'onques par moi ne fu foutue.
Tu dis que tes filz avoutrai,
290 Onques certes nel me pensai.
Par cel seigneur qui me fist ne,
Or t'en ai dit la vérité.'
Dist Ysengrins je vous en croi,
Jel vos pardoing en bonne foi.
295 Mais faites moi leens entrer.'
Ce dist Renars lessiez ester.
N'avons cure ceens de noise.
La poez veoir celle poise.'
Seigneur, or escoutez merveille!
.300 A son doi li monstre la seille.
Renars set bien son sens espandre:
Que pour voir li a fet entendre,
Poises sont de bien et de mal.
'Par dieu le père esperital,
272 puet on u. grant a. 273 m. anguile et 274 puet on 276
ostoiers 279 ce 1. 281 religiaus 283 as ] ai pechierres 284 F t. et
engignierres 288 croissue 291 ce 294 Je le 299 merueilles 300 les
seilles 301 Si scet R. son 302 Que manque auoit
IV (Méon 6801—6880) 155
305 Diex si par est ainsi poissanz,
Que quant li biens est si pesanz.
Si s'en dévale ca de jus,
Et touz li maus remaint lassus.
Mais hons, s'il n'a confesse prise,
310 Ne pourroit ja en nule guise
Ci avaler, je le te di.
As tu tes peschiez regehi?'
'OiT fait il, a un viel lèvre
Et a dame H . . . . la chievre
315 Moult bien et moult très saintement.
Compère, plus hastivement
Me faites la dedens entrer!'
Renars conmence a regarder
Or vous estuet dont dieu proier
320 Et moult saintement gracier
Que il vous face vrai pardon
De voz péchiez remission:
Ainsi i pourries entrer.'
Ysengrins n'i volt plus ester:
325 Son cul tourna vers orient
Et sa teste vers occident.
Et conmenca a orguener
Et très durement a usler.
Renars qui fait mainte merveille,
330 Estoit aval en l'autre seille
Qui ou puis estoit avalée.
Ce fu par pute destinée
Que Renars s'est dedens couchiez.
Par temps iert Ysengrins iriez.
335 Dist Ysengrins j'ai dieu proie.'
'Et je' dist Renars gracie.
Ysengrin, vois tu ces merveilles,
Que devant moi ardent chandeilles?
Jhesu te fera vrai pardon
340 Et moult gente remission.'
306 Que mawjue li vns est bien rcpentanz 312 ton pecliie :it4
hersent :/aM< il lire Haouïs? 320 molt manque regracier
156 IV (Méon 6887—6924)
Ysengrins l'ot : adont estrive
Au seel abatre de rive,
Il joint les piez, si sailli ens.
Ysengrins fu li plus pesans,
345 Si s'en avale contreval.
Or escoutez le bautestal !
Ou puis se sont entre encontre,
Ysengrins l'a araisonne
'Compère, pourquoi t'en viens tu?'
350 Et Renars li a respondu
'N'en faites ja cliiere ne frume.
Bien vous en dirai la coustume :
Quant li uns va, li autres vient,
C'est la coustume qui avient.
355 Je vois en paradis la sus.
Et tu vas en enfer la jus.
Du diable sui eschapez
Et tu t'en rêvas as maufez.
Moult es en granz viltes cheois
360 Et j'en sui hors, bien le sachois.
Par dieu le père esperitable,
La jus conversent li diable.'
Des que Renars vint a la terre.
Moult s'esbaudi de faire guerre.
365 Ysengrins est en maie trape:
Se il fust pris devant Halape,
Ne fust il pas si adoulez,
Que quant ou puis fu avalez.
Seigneurs, or oiez des renduz
370 Conme il perdirent leur vertuz.
Leur fèves furent trop salées
Que il orent mengie gravées.
Li sergent furent pareceus.
Que d'eve furent souffreteus.
375 Mais il avint del cuisinier.
Celui qui gardoit le niengier.
Qu'il ot sa force recouvrée.
Au puis s'en vint la matinée,
868 Que ] con 376 del ] au 378 n'iiiatique
IV (Méon 6925—6954) 157
Si menoit un asne Espanois
380 Et compaignons de ci a trois:
Au puis en viennent le troton
Trestuit li qatre compaingnon.
L'arne acouplent a la poulie
Qui de traire pas ne s'oublie:
385 Li rendu le vont menaçant D49
Et l'arnes va forment traiant.
Li leus a sa grant mesestance
Estoit la aval en balance:
Dedenz le seel s'est coulez.
390 Et l'arne fu si adolez
Que il ne pot n'avant n'arriére,
Ne por force que l'en le fiere:
Quant uns renduz s'est apoiez,
Qui est desus le puis couchiez :
395 Si prent dedenz a regarder
Et Ysengrin a aviser.
Dist aus autres 'que faites vous?
Par dieu le père glorious.
Ce est un leu que vous traiez.'
400 Estes les vous touz esmaiez,
Si s'en courent tuit vers maison
Grant aleiire le troton.
Mais la poulie ont atachie.
Ysengrins sueffre grant haschie.
405 Li frère apellent les serjanz,
Par temps iert Ysengrins dolenz.
Li abbes prent une macue
Qui moult estoit grant et cornue,
Dans le msc. D les iw. 379—382 se trouvent écrits de cette
^minière: trestuit li .1111. compaignon (= 382) Tindrent de la corde .1.
tronçon Et orent .1. mul espaignois Et compaignons jusques a .111.
(= 880) 388 la stiit en 389 a'nHDique 391 puct 392 par 393 Q.
.y. sest 394 Q. forment estoit courouciez Et lors s. rendu la ueu
Qui sus le puis couchie se fu 395 Si le priât mit' a 396 rauiser
399 treez 400 effreez 403 estac-hie 404 luisohee 405 li sergent
406 dolent
158 IV iMéon 6955—6992)
Et li priours un chandelier.
410 II n'i remest moine ou moustier
Qui ne portast baston ou pel:
Tuit sont issu de leur hostel.
Au puis en prennent a venir
Et s'aprestent de bien ferir.
415 L'arne font traire qui la fu,
Si li aïdent par vertu
Tant que li seaus vint a rive.
Ysengrins n'atent mie trive,
Un saut a fet moult avenant.
420 Et li gaignon le vont sivant,
Qui descirent son pelicon:
Amont en volent li flocon.
Et li rendu l'ont atrape
Qui moult durement l'ont frape.
4-25 Li uns le fiert parmi les rains,
Ysengrins est en maies mains.
Illec s'est qatre foiz pasmez,
Moult par est grainz et adolez,
Tant qu'il s'est couchiez sur le bort:
430 Illecques fait semblant de mort.
Atant estes vous le prieur
Cui diex otroit grant déshonneur.
Il mist la main a son coutel,
Si en vouloit prendre la pel.
435 Toz estoit prez de l'acourer,
Quant l'abe dist 'lessiez ester!
Assez a sa pel despecie
Et sofferte mortel hachie:
Il ne fera mais point de guerre,
440 Apesiee en est la terre.
Tornons nos en, lessiez ester!'
Ysengrins n'a talent d'aler.
Chascuns rendu a pris son pel,
Si retournèrent a ostel.
409 chandeler ] grant louier 410 no reniaint 411 porto macue
417 li loux u. a la r. 421 (lotiront 42S grioz 429 quil la oouohent
430 font 435 Tout esto p. 4;i7— 441 inanqueiit
lY (Méon 6993—7026) 159
445 Ysengrins voit n'i a nullui,
Qui a souffert si grant anui.
Fuiant s'en va a graut hachie
Que il a la croupe brisie.
A un grant buisson est venus.
450 Mais tant est ses crêpons batus
Qu'il ne se pu et resvertuer.
Devant lui vit son filz aler
Qui li demanda entresait
'Biau père, qui vous a ce fait?'
455 'Biaus filz, Renars qui m'a traï.
Par dieu le voir qui ne menti,
En un puis me fist trebuscliier,
Jamais ne me pourrai aidier.'
Quant cilz l'oï, moult s'en aïre,
460 Dieu jure qui souffri martire,
Se il as mains le puet tenir,
Il li fera ses jeus puïr.
'Sel puis tenir, jel vos plevis,
Il ne m'estordra mie vis:
46J Que devant moi fouti ma mère.
Si compissa moi et mon frère.
Si l'en rendrai le guerredon,
Ja n'en aura se la mort non.'
Atant s'en va en sa taisniere
170 Et fait mires mander et querre
Qui de lui sont tant entremis
Et tant li ont vitaille quis
Que pourchacie ont et trouvée
Qu'il a sa force recouvrée.
475 Ysengrins est garis et forz:
Se dant Renars passe les porz,
S'Ysengrins le truisse en sa marche,
Sachiez, il li fera damage.
447 hachiee 426 urai 462 son gieu 463 ie u. 464 si 1 et 465
croisai 46« Ja ] Il 471 Qui sen sont bien e. 477 s' ] Et
I
V (Méon . . . 7737—7744)
Un jour issi hors de la lande D49
Ysengrins pour querre viande
Et dant Renars tout ensement.
Par temps feront acointeraent.
5 Renars prent dieu a reclamer
Que cel jour le puisse garder
Des mains son compère Ysengrin.
'J'ai' fait il tant mauvais voisin,
Que ne me sai en qui fier.'
10 A un grant tertre dévaler
Li vint Ysengrins devant lui
Qui par temps li fera anui.
Renars voit bien, ne puet guencliir.
Ne nulle part ne puet fuïr.
15 Si li a dit tout a estrous
'Biaus compères, bien veigniez vous.
Et damediex vous envoit joie!'
Et cilz li dist 'se diex me voie,
Joie aurai je, quant je vous voi.
20 Par dieu le père en qui je croi,
Quant je te voi, ne quier autrui.
Du corps te ferai grant anui.
En mon ventre prendras hostel.
Tu ne t'en puez partir par el.
T.e nisc A ne conniieiicp (jk'kii v. 140. 4 acordemeiit 8 Cest f.
14 fouir 17 u. amaint i. 18 d. qiiil a ^lant ioie 19 je nnimpiv 21 Cai-
ie te (ii eiifiore encui 22 Te f. du corps
V (Méon 7745—7806) 161
25 Moult auroies isnel cheval,
Se ne te fais Ih'rer estai.
De vous me lèveront li flanc,
Aguiser weil de vous mon sanc :
Par sanc aquerrai hardement,
30 Plus en serai doubte de gent.
Que faites vous? viaz entrez
En ma geule! que demeurez?'
Ysengrins aguise sa dent,
A Renart donne assaillera ent.
35 Onques nulz hons, si fust chetis
N'en terre de Sarrazins pris,
Ne fu si bien houcepigniez
Con Renars fu et desachiez.
Or est Renars en mal troton.
40 De son dos volent li flocon
Aussi con de coûte de plume.
Tel douleur a que tous escume.
Ysengrins ot fait son revel,
Renars a pelée la pel.
4î Si fu pelez, pas ne se faint:
Ne se remue ne se plaint.
Ysengrins est sus acropiz
Et dist ahi, je sui traïz.
Mes mautalens m'a sourporte,
50 Trop ai vilainement ouvre.
Je n'ai mes cure de déport.
Quant je mon conseiller ai mort.'
Renars l'oï, un poi s'estent.
Dist Ysengrins qu'est ce que sent?
55 Encor li bat ci une veine.
Mais je n'i sent feu ne aleine.'
Renars se dresce sus ses piez
Et dist 'sire, ce est péchiez.
Vostre niez sui, ce est la somme,
60 Ja mar tendrez vil petit homme.'
27 louera le 28 Asigner .3.5 nulz manque h. ne fu si c. 38
Conme fu mangue 42 tout 44 ot 40 r. aincois se faint 49 Mon
maltalent 56 sen fu
RENART I 1 1
162 V (Méon 7807—7860)
Renars regarde par un plain:
Delez le bois vit un vilain.
En sa main portoit un bacon:
Tenus estoit de sa maison.
65 Henars le vit, si s'est sourris:
'Oncles, moult estes mes amis:'
(Il garra ja par sa favele)
'Oncles, oiez bone nouvelle!
Un bacon porte cilz vilains:
70 Car le metons entre noz mains. D50
Si devenommes marcheant.
Qu'alons nous ici demeurant ?
Courons li sus! or n'i ait plus.
Bien sai vendre char sanz refus.
75 Or faisommes ci vostre esgart:
Je en aurai la tierce part
Et vous les deus,' qui estes grans.
C'est coustume de marcheans
Que se deduient liement."
80 Ysengrins li moustra la dent,
Si li respondi 'par saint Cler,
Yers vilain n'ai cure d'aler.
Je .passai ier par une rue.
Un m'en feri d'une macue
85 Que il m'abati tretout plat.
(.irant honte me fait qui me bat.'
Dist Renars 'lessiez ce ester !
Or m'estuet mon sens esprouver.
Se le bacon ne vous puis rendre,
90 A une hart me faites pendre.
Oncle' fait il, 'or demeurez!
J' irai avant: ci vous estez!'
'Je Tottroi' ce dist Ysengrin.
Et Renars aqueult son chemin.
67 gaagna p. 72 nous est intercalé pur une main moderne 74 se
uendra 76 aurei (i e^i rasnre sur zj 77 grant 78 Cest la c d mar-
cheant 79 11 se déduisent 81 li manque eler 86 niabat 88 Or weil
ie m. 91 Ore f. 92 Je irai ci ] et 98 dit
V (Méon 78f)l— 7936} 163
95 Par devant le vilain se trait
Autres! con s'il fust contrait.
Si vint parmi une charriere-
Li vilains fist moult lie chiere,
Quant il aperçut le gourpil.
100 Or est li bacons en péril.
Renars vint traînant ses rains
Et cilz le cuda prendre as mains.
Renars li fist un petit saut.
Dist li vilains rien ne vous vaut.
105 Ta gorge iert mise en mon mantel."
Renars Toi, moult li fu bel:
Que moult a entre dire et faire.
S'il puet, il li fera contraire.
Tôt temps enforce s'ambleiire
110 Et cilz engraigne s'aleûre.
Li vilains sueffre moult grant paine:
Ne puet aler, faut li l'aleine.
Si a gete le bacon jus.
Dist Ysengrins or n'i a plus!'
Ii5 Renars s'en va touz les galos
Et Ysengrins suit les esclos.
Ysengrins n'ot cure d'enchaus,
Au bacon est venuz les saus.
Sel gete sus son chaaignon,
120 Fuit, s'en o tout en un buisson.
La le raenga sanz demoree,
A Renart a la hart gardée.
Li vilains retourna arrière
Qui moult faisoit dolante chiere,
125 Quant il ot perdu son bacon:
One mais tel duel ne fist nulz bon.
Renars n'ot cure du vilain,
Lessa le courre par le plain.
Si s'en est venus au buisson,
130 Ou cuida pariir son bacon.
96 Tout aussi 97 ilelez u. 107 Car 109 touz iours 124 f. mit
laide oli. 126 O t. d. no mena n. li. 128 Ainz le lait o. l.i(J cuile
11*
164 IV (Méon 7939—8082)
Mes Ysengrins qui prent et part
En a moustre.Renart la hart.
Renars ne voult bataille faire,
Ancois li conmance a retraire
135 La hart ait qui l'a desservie,
Que je ne la deservi mie.
Mauvaise est vostre conpaignie.
Par Jhesu Crist le filz Marie.
Ne puis ci longuement durer,
140 Yostre congie weil demander.
Onques ne final de pechier:
Biaus oncles douz, je vous requier
Congie de saint Jaque requerre,
Pèlerin serai par la terre.'
145 Dist Ysengrins et ge l'otroi.' A33
Renars fu molt en grant efroi,
Quinze jors va a grant baudor.
Onques Renars ne fist sejor.
Ya s'eut Renars tôt son chemin.
150 Or velt engignier Ysengrin:
Bien li cuide le bacon vendre
Dont il ne li volt sa part rendre.
Bien a la costume au gorpil.
Devant lui garda un mesnil:
155 La s'en torna, ce est la voire,
Et vint au cortil le provoire:
Raz i trovu a grant plente.
'Dex!' dist Renars 'bien ai erre.'
Mes d'aus engigner molt se peine.
160 Arestez s'est a molt grant peine,
Si aperçut un gresillon.
Renars en fu en grant fricon.
Escote a le chanteor
Qui illoc chantoit près del for.
165 Le gresellons le cunut bien.
Tôt coi se tint ne ne dit rien.
131 Mas 134 Ainz li conmanca 141 One ne fina de preeschier
Au V 145 le msc. A recommence. 152 uelt 153 le 154 lui manque
157 Rarz 159 M. dahe engiger 164 Qui loc
V (Méon 7993—8082)
Renars en tint le chef enclin:
'Clerc sevent bien "chanter latin.
Je te donroie bon loier,
170 Dan clers, dites vostre sauter!'
Li grésillons dist grant orgoil:
'Par saint Denis, enquerre voil
De quel pie' fet il 'vos clochez.'
Envers Renart s'est aprochiez.
175 De son brac une manche tret.
Li grésillons jeta un bret.
Renars jeta la manche jus,
Si li a dit 'or n'i a plus.'
Bee la goule, muet lez denz,
180 Qu'il le cuida enclore enz.
Li grisollons h dist 'Renart,
Tant par estes de maie part.
Or a diable un pèlerin
Qui la gent mordra en la fin.
185 Molt fui ore près de morir,
Dex me gari par son plaisir.'
Renars respont 'vos estes ivres.
Je cuidoie ce fust tes livres.
Certes se je manje l'oiisse,
190 Trestotes tes chancons soûsse.
Molt sui sopris de grant malage.
Que j'ai fet meint pelerinuage.
Or voi bien ne puis plus durer:
Un malx fait moult mon cors grever.
195 Certes je sui uns chatis hon.
Mes fai moi or confession,
Car il n'a ci entor nul prestre:
Ja savez vos très bien cest estre.'
Li gresillon connut Renart,
200 Si li a dit 'se dex me gart,
Ja en auroiz a grant plente.'
Sept gaignon vienent descopie:
165
175 brao ] rae 178 dist 180 len 185 sui 186 i?arra 192 le ai
194 fait ] a greue 196 Ca ] Mes 197 encor 202 £ VII iieuoit
166 V (Méon 8083—8202)
En après vienent chasceors,
Arbalestiers et veneors.
205 Li veneors hue et crie :
Renars entent la taborie,
Ne set qu'il puisse devenir,
Si s'apareille de foïr.
Et li veneors vint après,
210 Si descouple les ciens engres.
'Or Tribole! or Clarenbaut!
Par ci fuit li gorpil, Rigaut.
Or ci Plesence, après d'aler!'
Ses levrers va toz descopier.
215 Renars s'en va grant aleûre,
Li levrer vienent a droiture.
Renars ne mist mie a sejor,
Einz saut sor la creste del for.
La se quati, li chen l'outrèrent
220 Renart perdirent, sil paserent.
Tant ont coru tôt le chemin
Qu'il encontrerent Ysengrin.
Onques nel voudrent défier.
Sa pel conmencent a peler.
225 Et il durement se desfent:
Qui il consiut, as denz le fent.
De bataille est en grant fricon,
D'Ysengrin volent li flocon.
Renars fu sor le for muchez,
230 Qui en fu molt joianz et liez.
La bataille prent a garder,
Et Ysengrin a ranpronner
'Or en avez le guerredon:
Mar i manjastes le bacon.'
235 Ysengrins est en mal déport.
Hoc avoit un gaignon fort :
Ysengrin asailli au braz.
Or est il choiiz en mal laz.
211 ore rigiiut 213 or i pleseco dalers 214 leiirons a t. descoples
218 Einz est saliz sor le f. 219 laoïitriTeut 221 tôt manque 226 Que
prent 227 De ] La 228 Di. y. 231 A la 233 a. uos le
V (Méon 8203—8210;. Va (M. 717—734)
167
Que cil li présente les denz
240 Et li bote en la pel declenz :
Et il le blece malement.
Maint en ocist d'eforcemeut.
Li chen nel pourent endurer,
Ysengrin lassèrent aler :
245 Tornez s'en est graut aleiire
Et vet aillors querre pasture.
\a
Adont se pensa d'une chose
Dont il sa feme eu son cuer chose,
De ce que il férue l'a,
250 Renars, molt par s'en abaissa.
Tele ire a au cuer eii
De ce qu'il a a lui jeii.
Si se remet molt tost arere
Et vint molt tost a la qarrere
255 0 sa feme trova séant.
Maintenant la va ledenjant:
Del pie la fiert con s'il fust ivre.
'HaT fait il, pute chaitive,
Pute vix orde et chaude d'ovre,
260 Bien ai veûe tote l'ovre,
j Bien me set Renars acopir.
, Jei le vis sor voz braz cropir:
'j Ne vos en poez escondire.'
A poi Hersent n'enrage d'ire
26^ Por Ysengrin qui si la chose.
'" Mes neporqant tote la chose
De chef en chef tote li conte.
{ 'Sire, voirs est, il m'a fet honte.
1 Mes n'i ai mie tant mesfet
270 Endroit ce que force m'a fet.
I Laissiez ester tôt cest contrere:
I Ce qui est fet n'est mie a ferc,
A autre cose entendes:
242 Molt en
253 fot 257 Et cl.
24:j ne 249 Vmariqne
259 0. es caudoure 265
250 mon p. «ci
le 2(J9 a 27U
i.s abaissa
E. tôt ce
168 Va (Méon 735—748. 8249-
Ja cist meffez n'iert amendez
275 Por cose que nos en dion.
En la cort Noble le lion
Tient on les plez et lez oiances
M Des mortex gueres et des tences:
La nos alons de lui clamer. 34
280 Bien le porra tost amender,
^ Se ce puet estre charapete.'
Cist raos a tôt reconforte
Dant Ysengrin le corocie.
'Ahi' fet il, 'trop ai groce.
285 Trop fu fox et petit savoie.
Mes cist consels m'a mis en voie.
Mar vit Renars son grant desroi,
Sel puis tenir a cort de roi.'
A ces paroles cheminèrent.
290 Onques ne cessent ne finerent
Tant que il vindrent a la cort.
Or cuit, Ysengrins tendra cort
Renart le ros, se tant puet fere
Qu'a la cort le puisse atrere:
295 Que molt ert voiziez et sages.
Et si savoit plussors languages,
Et li rois l'a fait conestable
De sa meson et de sa table.
Parvenu furent el palez
300 La ou li rois tenoit ses plez.
La cors estoit granz et plenere.
Bestes i ot de grant manere,
Feibles et fors, de totes guises.
Qui totes sont au roi susmises.
305 Li rois sist sor un faudestuet
Si riche conme a roi estuet.
Tôt entor lui siet a corone
Sa mesnie qui l'avirone :
N'i a un sol qui noise face.
310 Atant es vos venu en place
277 on manque 278 De 281 De 282 Maus 286 en ] a 287
uit mar 289 parolez 291 uîtdrent 293 pot 301 plene'ne
Va (Méon 8269—8302) 169
Dant Ysengrin, il et s'amie
Qui la parole ont aramie.
Trestuit li autre font silence.
Et mesire Ysengrin conmence
315 Devant le roi en sozpirant
'Rois, justise va enpirant:
Yerites est tornee a fable,
Nule parole n'est astable.
Yos feïstes le ban roial
320 Que ja mariage par mal
N'osast en freindre ne brisier:
Renars ne vos velt tant prisier
N'onques ne tint por contredit
Ne vostre ban ne vostre dit.
325 Renars est cil qui toz mais semé.
Que il m'a boni de ma feme.
Renars ne dote mariage ~~
Ne pàrënTe ne cosinnage :
Ih est pire que ne puis dire.
330 Ne cuidiez mie, baux doz sire,
Que jel die por li reter
Ne por blâme sor li jeter !
Rien que je die n'est mencoigne :
Yeis ci Hersent qui tôt témoigne.'
335 'Oïl, sire, il dit voir' fet ele.
Puis celé ore que fui pucele
, M'ama Renars et porsivi:
j Et je li ai toz jors foï,
Onques ne me veil apaier
340 A rien qu'il me vousist proier.
Et puis que j'oi pris mon segnor,
Me refist il enchauz gregnor.
Mes je nel voil onques atendre.
Ne ainz mes ne me pot sorprendre
314 Et mesire manque .y. h'. 317 tornez 319 ben 320 mariages
321 frendre 324 bien 330 mie d baux 332 noter 335 i dit 336
pucel 338 iel ai a t. 339 One 340 prier 342 enchauz ] honte 344
Ne au meins ne me pooit prendre
170
Va (Méon 8303—8338)
345
350
355
360
365
370
375,
3«0
Des q'a l'autrer eu une fosse:
Que j'estoie et crasse et grosse.
Tant qu'il me vit en cel pertuis.
Il sailli fors très parmi l'uis,
Et vint derers, si me honi
Tant que li jeus li enbeli.
Ce vit Ysengrins mes maris
Qui dolanz en iert et maris,
Et je sui ci qui oi la honte.'
Et con ele out feni son conte,
Et Ysengrins si a repris
'Voire voir, sire, je le pris,
Seignor Renart, de cest mesfet.
Que vos en senble ? a il forfet
Bien ne raison en cest endroit?
A vos m'en clein, fêtes m'en droit
Par devant trestoz vos barons
De ce dont nos rete l'avons!
Por ce m'en cleim au conmenchier
Que dant Renars ala tencher
A mes loveax en la tesniere,
Et si pissa sor ma loviere.
Si les bâti et chevela.
Et avoutres les apela,
Et dist que cox estoit lor père,
Qu'il avoit foutue lor mère.
Tôt ce dist il, mes il menti.
Onques por ce ne s'alenti
De ma grant honte porchacher.
L'autrer estoie alez chacer,
Hersens estoit o moi venue.
La fu ceste descovenue
Que je vos ai ci acontee.
Je les sorpris a la montée,
Et le blâmai de cest afere.
Et il m'en ofri droit a fere
348 fors ] enz t. enmi 349 (l(>r(u-e 35B iel ]) 357 furfet 358 il
ore fet 361 P. de d. uostre b 3i;5 a ma louiere 369 cox J tôt dit
371 dit 376 Ja 377. 378 iiia/iqiioit
Va (Méon 8339—8374) 171
Un sereraent por lui desfendre
Tôt la o jel voudroie prendre.
Sor ce me fêtes jugement
Et amender delivrement
)85 Cest mesfet et ceste descorde,
Q'autre musart ne s'i amorde.'
Ysengrins a son cleim fine,
Li rois en a son chef levé.
Si conmence un poi a sozrire.
390 'Avez vos' fet il 'plus que dire?'
'Sire, naie : de tant me poise
Conques en fu mette noise,
Et que j'en sui si vergondez.'
' 'Hersent' dist li rois, 'respondez
395 Qui vos estes ici clamée
I Que dant Renars vos a amee:
t Et vos, amastes le vos onques?'
, 'Je non, sire.' 'Or me dites donques
Por qei estiez vos si foie
400 Qu'en sa meson aleez sole
Puis que vos n'estiez s'amie?'
' 'Merci, sire! ce n'i est mie.
S'il vos plest, mielz dire poez
Selonc le cleim que vos oez :
405 Que je vos di, li connestable
\ Mes sires qui bien est estables,
j Que il ensamble o moi la vint
' Ou ceste vergoigne m'avint.'
'Ere il o vos?' 'Oïl sanz faille.'
410 'Qui cuidast ce, qûe^ diex i vaille,
Que il esforcer vos dottst
La ou vostre mari soust?'
Lores s'est Ysengrins levez.
'Sire' dist il, 'vos ne devez,
415 Se vos plest, moi ne lui desfendre.
Ainz devez pleinement entendre
381 le (1. 382 Tôt nuui'iue 385 ce ma fet 38»; aorde 389 con-
menca un poi s. 398 ore; dites 400 Que a m. 403 p. sire m. 408
La ou c. Y. fist 415 lui ne moi 416 plenerement
172 Va (Méon 8375—8430)
A la clamor, que que nus die, 35
Que il la meut o l'escondie.
Que je vos di bien a fiance
420 Con cil qui vos a fet liance
Que se Renars ert ci presenz,
Qe mosteroie qu'a ïïersenz
Jut il a force, que jel vi,
Par la foi que je vos plevi.'
425 Et li rois par sa grant franchise
Ne voit sofrir en nule guise,
Hon fust en sa cort mal mené
Qui d'amors fust achoisonne:
Et si quida que non feïst.
430 Sachez, volentiers le guerpist
Envers Renart de sa querele
Dont mesire Ysengrins l'apele.
Et con il vit qu'il volt tencher,
Si conmenca a agencier.
435 Si li respondi mot a mot:
'Ce' fait il 'que Renars l'amot,
Le quitte auques de son pechie.
Se par amor vos a trechie,
Certes prouz est et afaitiez.
440 Et neporquant il ert traitiez
Selonc l'esgart de ma meson.
Par jugement et par reson
Bien en faites prendre conroi.'
Li camels sist joste le roi,
445 Molt fu en la cort cher tenuz.
De Lombardie estoit venuz
Por aporter mon segnor Noble
Treû devers Costentinoble.
La pape li avoit tramis,
450 Ses legas ert et ses amis:
Molt fu sages et bon legistres.
'Mestre' fet li rois, 's'onc oïstes
420 laiance 422 que h. 423 a lui que ie bien ui 428 Que damor
430 S. que v. 434 a manque 437 quit ie 440 il est teciez 443 con
rçi prendre roi 447 aparter neble
Va (Méon 8431—8464) 173
En nule terre tel conpleinte
Con a ma cort a l'en fet meinte,
455 Or volons nos de vos aprendre
Quel jugement en en doit rendre.'
'Quare, mesire, me audite!
Nos trobat en decrez escrite
En la rebrice publicate
460 De matrimoinc violate:
Primes le doiz examinar
! Et s'il ne se puet espurgar,
Grevar le puez si con te place,
Que il a grant cose mesface.
465 Hec est en la mie sentence:
S'estar ne velt en amendance,
Dissique par mane conmune
Uneverse soe pecune:
0 lapidar lo cors o ardre
470 De l'aversier de la Renarde!
Et vos si mostre si bon rege;
Se est qui destruie la lege
Et qui la voil vituperar,
Il le doive fort conperar.
475 Messire, par la corpe seinte,
Se la jugement si aseinte,
Et tu nos sies bon seignor,
Fai droit jugar par toe anor,
Par la seinte croise de de!
480 Que tu ne soies bonne re,
Se reison ne droit ne vos far
Ausi con fist Julius César
Et en cause voille droit dir.
Se tu veoil estre bonne sir,
485 Vide ti bonne favelar!
Par la foi toe tiegn le car!
455 Ore 457 manque 458 E nos trouon 459 represse 461 les
462 ne manque poent 463 les poz 465 sëfscc 468 loe 472 desc'ue
473 quil la uoil 474 for 475 co'pi 476 iugïiieiit 477 non 481 fare
482 çuliers cesare 486 le manque
174
Va (Méon 8465—8500)
490
495
500
505
510
515
520
Se ne tiens car ta baronnie
Rendar por amendai- lor vie,
N'aies cure de reiautat!
Se tu ne juches par bontat.
Et se tu ne faces droitor,
Tu non sies bonne segnor.
Favalar ce que bon te fâche !
Plus ne t'en di ne plus ne sache.'
Quant li baron l'eurent oï,
Tex i a se sont esjohi.
Et tex i a molt corocie.
Li lions a le chef drecie.
'Aies' fait il, vos qui ci estes
Li plus vaillant, les granor bestes!
Si jugiez de ceste clamor,
Se cil qui est sopris d'amor
Doit estre de ce encopez
Dont ses conpainz est escopez.'
A ces paroles lievent sus,
Del tref roial en vont en sus
A une part por droit jngier.
Plus en i ala d'un millier.
Lant Bricemers li cers i va
Qui de mautalent s'aïra
Por Ysengrin qui est tricioz,
Et Brun li ors s'est aficiez.
Dist qu'il voudra Renart grever.
Avec ans deus ont fet lever
Baucen le sengler qui de droit
En nul sen guencir ne voudroit.
Asemble sont au parlement.
Li cers parla premerement
Qui sor Baucent fu acoutez.
Seignor' dist il, 'ore escotez!
Yos avez oï d'Ysengrin,
Nostre ami et nostre cosin,
487 tieg 488 lo uie 489 rciautar 491 droit tor 495 ïnianque
499 que 501 ugiez 507 a 512 lors si est 520 estcotez 521 isen .y.
Va (Méon 8501—8534) 175
Con il a Renart encuse.
Mes nos avons en cort huse,
525 Quant en se pleint de forfeture
Et l'en velt en avoir droiture,
Mostrer l'estuet par tierce rnein:
Que tel porroit d'ui a demein
Fere clamor a son voloir
530 Dont autre se porroit doloir.
De sa feme vos di reson:
Celui a il en sa prison,
Quanqu'il velt dire ou tesir,
Tôt li puet fere a son plesir
535 Et bien mentir a escient.
Ne sont mie sofieient
Itex teiraoins a recevoir:
Autres lor convendra avoir.'
Par deu, segnor' ce a dit Bruns,
540 Des jugeors sui je li uns.
Puisque nos somes ci ensenble.
Si en dirai ce que me senble.
Dant Ysengrin est connestables
Et de la cort bien est creables.
545 Mes se il fust uns bareteres
0 faus 0 traîtres o leres,
Sa feme ne li poïst mie
Porter teimoing ne garantie.
Mes Ysengrins est de tel non
550 Que s'il n'i oiist se li non,
Si l'en poïst l'en très bien croire.'
'Par foi' fait Baucen, 'sire, voire.
Mes une cose i a encore :
En vostre foi car dites ore. 36
553 Qui est li pires ne li meudre ?
Chascun se velt au suen aqeudre.
525 plein de forche fere 526 len demande droture a fere 527
lestot p. terre 528 p. oui 530 sen 534 pot son manque 542 moi 543
es 544 est manque 540 fox 548 teinioig ne ne 550 ne o. 551 t° b.
554 f. que d.
176 Va (Méon 8535—8570)
Se vos dites que Isengrins
Est li meudres de ses voisins,
Renars le voudra contredire
560 Que n'est ne moins loiaus ne pire.
Chascun si se tient por prodome.
Por ce vos di a la parsome :
Ce ne puet estre que vos dites.
Donc n'i a plus coses eslites.
565 Chascun porroit tel clamor fere
Por sa feme a teimong traire,
Et dire "cent sols me devez,"
Dont meint home seroit grevez.
Ce n'iert ja fet la u je soie.
570 Oissuz estes hors de la voie.
A vos me tieng, dan Bricemer:
Il n'a home jusq'a la mer
Qui en deïst plus sagement
Ne loiaute ne jugement.'
575 'Seignor' ce dist Plateax li deins,
'D'autre cose est ore li cleius:
Que messire Ysengrins demande
Restorement de sa viande
Que Renars prist en sa meson
580 A force par maie reson.
Et qu'il pissa par mal respit
Sor ses enfanz en sou despit,
Si les bâti et chevela
Et avoltres les apela.
585 Et a ce afiert graut amende.
Se dant Renars ne li amende
Et s'il s'en puet einsi estordre,
Encor s'i voldra il amordre.'
Et dist dan Brun 'c'est vérité.
590 Honi soit et deshonore
Qui ja Renart consentira
Que un prodome honira,
560 loiau 563 pot 566 tiegmon 567 ce .x. me 571 tieg 574
laiaute 578 Estroitement 581 mas r. 582 en son ] et en 587 Et ] Car
587 pot 588 mordre 591 Que
Ya (Môon 8571—8606) 1'^'
Et si li tondra son avoir,
Si n'en porra nul droit avoir:
f.O.-) Donc auroit il borse trovee.
Ce seroit folie provoe,
Se li rois son baron ne venge
Que Ronars honist et ledenge.
Mes a tel niorsel itel tece,
600 Chaz set bien qui barbes il lèche.
Et ne quit pas, sauve sa grâce,
Que noz sire s'ennor i face.
Qui s'en aloit ore riant
Et Ysengrin contraliant
605 For un garçon, un losenger.
Dex me laist de son cors venger!
Por deu vos pri, ne vos soit grcf
Se je vos fas un conte bref
Del traïtor félon encrime,
610 Con il concia moi nieïme.
Renars qui molt par est haïz,
Avoit dejoste un plasseïz
Une riche vile espiee
Novelement édifiée.
615 Les le bois avoit un manoir
O un vilein soloit manoir
Qui molt avoit cos et jelines.
Renars en fist grant dechiplines
Que bien en manja plus de trente.
620 Tote i a tornee s'entente.
Li vileins fet Renart guetier.
Ses chens avoit fet afetier:
El bois n'ot ne sente ne triege
Ou il n'oiist cepcl o piège
62:') 0 trebucet u laz tendu
0 rois ou roisel estendu.
Renart greva, qant il le sot,
Quant a la vile aler ne pot.
594 Siro p..noit .Ion a. 599 lece 600 Cl.at barhc 601 sa ] uoz
612pla8sez 614 et .iof..e 622 aficliov 623 Ne! 624 ou prl 625 tonde
620 roinol tcmUi
.„ 12
178 Va (Méon 8007—8642)
Dont porpeusa li vis diables
630 Que j'ere grans et bien voiables,
Et il ert petis et menuz:
Si seroie einz retenuz,
0 fust a bois o fust a plein,
Plus tost meïst on a moi mein,
635 0 que nos fussion ambedui:
Ainz tendist en a moi qu'a lui,
Et je meulz i fusse atrapez
Et il plus tost fust escapez.
Il savoit que j'amoie miel
640 Plus que chose qui soit sos ciel.
A moi vint en este oen
Devant la feste seint Johen:
"Ahi" fist il, "messire Brun,
Quel vassel de miel je sai un!"
645 "Et o est?" 'Ches Costant des Noes.
"Porroie i ge mètre les poes?"
"Oïl, je l'ai tôt espie."
Li ble estoieut espie,
Le ble trovames tôt covert,
650 S'entrames par un uis overt.
Les une granche en un verger,
La nos doiimes herbergier
Et jesir trestot a repos
De si au vespre entre les chox.
655 Celé nuit al eserisier
Deveion le vesel brisier,
Le miel manger et retenir.
Mes li glos ne se pot tenir:
Vit les jelines el pailler,
660 Si conmenca a bacllior.
A l'une saut, celés crièrent.
Li vilein qui de laienz erent,
Lievont la noise par la vile,
Tost en i out plus do deus mile :
629 pensa 635 fossiou anibedoui 637 je ] le 640 que 645
costans 661 A une celea ] autres
Va (Méon 8643—8678) 179
665 Vers le cortil vindrent corant
Et Renart durement huiant,
Plus de quarante en une lote.
Ne fu merveille s'en ou dote,
Les granz galoz m'en sui tornez.
G70 Renars s'en fu tost detornez
Qui sot les pas et les destorz,
Sor moi verssa tôt li estorz.
Quant jel vi trere a une part,
"Conment' dis je, "sire Renart,
fi73 Yoles me vos laissier en place?"
'Qui mielz porra fere, si face,
Bau sire Brun : or del troter,
Que besoing fet vielle troter.
Fêtes del meulz que vos porrez,
680 Se trenchanz espérons avez
O bon cheval por tost aler.
Cil vilein vos voudront saler.
Or oiez con il font grant noise.
Se vos pelicon trop vos poise,
685 Ja n'en soiez desconfortez:
Il vos sera par tans portez.
G'irai avant a la cuisine,
S'i porterai ceste jeline.
Si la vos aparellerai:
690 Dites quel savor i ferai."
Li traîtres atant s'eslese,
Si me laissa en celé presse.
La noisse ala si engrennant.
Li chen me vindrent au devant: 87
695 A moi se lient pelle melle,
Et pilet volent conme grello,
Si cornent li vilein et huient
Que li champ environ en bruient.
Quant oï les vileins corner,
700 Qui lors me veïst trestorner
672 les estorz 678 bosoig 683 Or nuoK/iN' 686 tant 695
seslient 697 corent
12*
180 V.a (Méon 80.79-8714)
Vers les mastins tôt abandon,
Fouler et mordre environ,
Hurter et batre et desconfîre.
Bien poïst por vérité dire
705 Que onc ne fu veiie beste
Qui de chens feïst tel tempeste.
Molt me pensoie d'els desfendre,
Quant je vi les piles descendre
Et les sajetes bai-belees
710 Chaoir entor moi granz et lees,
Et vileins venir: si m'en part,
Les chens guerpi de l'autre part.
Vers les vileins ving eslessicz.
Atant me fu li chans lessiez.
715 N'i ot si hardi ne si cointe.
Très que je vers eus fis ma pointe,
Qui lors ne s'en tornast fuiant.
Et je ving un d'aux consuiant,
A terre a mes picz le cravant.
720 Un autre s'«n fuï avant
Qui portoit une grant macue:
Cil que je ting si crie et hue.
Et il retorne, si me grève.
A deus poinz la macue levé,
725 Tel cop me dona les l'oreille,
Que je chaï. voille o ne voillo.
Quant je me senti si qasse.
Son conpaignon H ai lessie.
Je sailli sus et il s'escrient,
730 Et li chen a moi se ralient.
Si me sacent et me decirent.
Quant li vilein entre elz le virent,
Estes les vos toz apoignant.
De lor glaives me vont poignant,
735 Pierres jetent, sajetes traient.
Li raastin crient et abaient.
706 f. elp têpeste 707 p. dallfi- <1. 711 vileins J ic ui si mon ]
dautrfi 713 le uilein 715 conte 716 q. vers mi fcist ma peinte 719
lenpeint 721 Que 722 tig 729 sescrie 733—736 manquent
Va (Méon 8715—8750) 181
La OU j'en pooie uu ateindre,
Si le faisoie a force geindre.
Mes durement m'i ont plaie,
740 Et li vilein m'ont esmaie.
Vers le bois conmencai a tendre
La ou je vi la presse mendre.
Si m'en estors le melz que poi.
Eetenuz i fui a bien poi.
745 Mes que fuiant que desfendant
Par une broce en un pendant
Maugre trestoz mes enemis
Fis je tant que el bois me mis.
Renars li ros m'a si bailli
750 Por la jeline q'asailli.
Ge nel di pas por clamor fere,
Mes por essample de lui trere :
Que s'est clame sire Ysengrins,
L'autrier se repleint Tiecelins
755 Qu'il le pluma en traïson.
Or voloit il mètre en prison
Tybert le chat a un copel,
Ou il redut laissier la pel :
Et puis refist il bien que 1ère
760 De la mesenge sa conmere,
Quant il au baissier l'asailli
Conme Judas qui deu traï.
Or en doit conseil estre pris,
Con il est si sovent repris.
765 Nos i avon molt grant pecie,
Quant tant li avon aluchie.'
Li ors a parle longemeut.
Li senglers li a dit brement
'Mosire Brun' fet il, cist pies
770 N'iert pas fines as premiers trez.
Encore n'est aconseûe
La clamor qui ci est venue.
737 io p. 738 ioindre 742 nieinilre 747 Maugron 754 Lautre ior
tiecelin 750 Or le uolenfc m. 757 li chas 761 il manque au manger 762
que dex 767 ors J rois 770 au premier 771 E. ore nest conseue 772 que
182 Ta (Méon 8751—8786)
Molt seroit sages qui sauroit
Juger d'un conte, et il n'auroit
775 L'autre partie encore ateinte.
Nos avon oï la conpleinte:
Renart devon le conpleint tendre,
Et l'un droit après l'autre rendre
Tant que l'en viengne a la parsomme.
780 En un jor ne fist l'en pas Homme.
Nel di pas por Renart tenser,
Mes nus ne doit a ce penser
Que nos les melomes en cort:
Que péchiez seroit et grant tort.
785 Je ne sai que dire en doions
Tant que ensenble les oions.
Quant Renars ert a cort venus,
Icist cleinz sera retenus
Que Ysengrins a ci mené.
790 Lors a primes ert ordene
Conment sera de l'araendise :
Par jugement i aura mise.'
Ce dist li singes Cointereax
'Mal dallez ait cis hatereax
795 Se vos ne dites que i a.'
Et li ors respundu li a
'N'estes mie trop forsenez
Quant devers Renart vos tenez.
Entre vos deus savez asez :
800 Meius maveis pies a il pasez,
Si fera il molt bien cestui,
Si l'en velt croire vos et lui.'
Le singes dist qui s'en coroce,
(Petit li est de ce qu'il groce,
805 Moe li fet por plus irestre)
'Et dex vos saut" fet il, 'bau mestre!
Or me dites a vostre endroit,
Que en dirieez vos par droit?'
774 del c. 781 Ne 786 aions 792 iugement laura 793 sa^es 795
ne manque 798 Que 800 Meint m. plet 804 est sil sen coroce
Va (Méon 8787—8822) 183
'8os ciel n'a cort, par seint Richier,
810 Que je n'ossasse aficher,
Se j'en dévoie estre creûs,
Que trestot cist max est mous
Par dant Renart et par sa cope,
Et Ysengrins a droit l'encope.
815 Et qu'alon nos plus atendant
Quant la cose est venue avant
Que il est pris a avoutere
Nomeement a sa conmere?
Et ice derennent vers lui
820 Ysengrins et Hersens andui :
Por droit fust il ore avenant
Que Renars fust pris meintenant,
Si li Hast en meins et piez,
Et fust jetez einsi liez
825 En la cartre tôt sanz prologue.
Ja n'i oiist autre parole
Que de fuster et d'escoillier.
Puis qu'il enforce autrui moiller,
Ne feme curaune ne el,
830 Neïs se c'estoit un jael:
L'en en doit ja justice prendre
Que autre fois n'i ost mein tendre.
Et qu'est donc d'une feme espose
Qui dolente en est et hontose
835 De ce que ses maris le sot?
Et qui cuide Ysengrin si sot
Qu'il oiist plet de ce meii
S'il ne l'oiist as elz veû?
De tant est il plus vergondez,
840 Se cist mesfet n'est amendez,
Des que Hersens garant li porte.
Dont sai je bien, justice est morte.' 38
Dist li senglers ci a descorde:
De pecheor miséricorde!
816 ert 821 ore en auant 823 en ] et 824 Et le ietast 825
prologele 827 delcoillier 830 Nés 831 ne d. 733 Nequeden 836 que
c. y. li 840 mest' 841 De ce h. 844 pecheors
184 Va (Méon 8723—8856)
845 I)"im prodome por tel forfet.
Poi" deu, se Renars a mesfet,
Si en fêtes aucune acorde!
De grant guerre vient grant acorde.
Li lous est mendres c'on ne crie,
850 Par petit vent ciet il grant pluie.
Renars n'est conveincuz encore,
Ancois vendra une autre ore.
Dit en avez vostre plaisir,
S'avez perdu un bon taisir.'
855 Dant Brichemer fu molt voiseus,
Ne fu jangleres ne noiseus
Conme li autre conpaignon.
'Segnors' fet il, ore pernon
Un jor de cest acordement.
860 Renars face le serement
Et l'amende par tel devise,
Con il a Ysengrin promise.
Car si conme li singes dit,
Xe por mesfet ne por mesdit
865 Qui n'est aperz ne coneiiz
Ne droit ja estre plet tenuz
D'ome afiner ne de desfere:
Ainz i afiert la pes a fere.
Et primes gardons par mesure
870 Qu'il ni ait point de mespresure.
Une cose a qui molt me serre,
Se li rois n'est en ceste terre.
Devant qui cist pies soit tretiez?
Mes se Roïuaux fust haitiez,
875 Li cliens Frobert de la Fonteine,
Cil nos en metroit hors de peine.
En li a bon home et vrai,
Ne ja home ne troverai
846 Par 848 g. est iacorde 855 uoisels 856 noisels Ajjrès
863 le msc. ajoute Et dient icest bon a fere Bon seroit entraus .ij.
pes fere 863 Ausi senglers 867 ne ] et 869 pernon garde 870 poit
(le mespernure 871 c. i a que m. raensere 872 Se lun ne nest 873
Tant que c. p. s. ent' eciez 875 chens terri 877 et mangue
1 or^
Va (Méon 8857-8892)
Qui ne die 'tu as bien fet."
880 Devant li soit ice retret.'
A ce se sont tuit asenti,
Nesun d'ax ne s'en repenti.
Cil consalz ne fu plus tenuz.
Estes les vos avant venuz
885 A grant joie et a grant baudor
Devant le roi el consitor.
Tuit li autre vont arestant
Et Bricemer fu en estant.
Sa parole a conraenciee:
890 Bien l'a dite et agenciee
Si conme bons reetoriens.
'Sire fet il, 'nos estions
Aie le jugement enquerre
Selonc la guise de la terre.
895 Trove l'avon : s'il n'est quil die,
Jel' dirai, puis que l'on m'en ]3rie,
Volontiers, sauve vostre grâce.'
Li lions li torue la face,
Del otroier li a fet signe,
<,oo Et dant Bricliemer li encline.
'Segnors' fet il, 'or m'entendez:
Se je i fail, si m'amendez.
Ce m'est avis que nos veïmes
D'Ysengrin qui se clama primes,
005 Que tote sa droiture auroit
De ce que demander sauroit:
Mes il li covendroit raostrer,
Se la cose voloit prover.
Soi tierz por desriennier son droit
910 A jor nome o orendroit.
Puis feimes por droit ester
Qu'il ne pooit riens conquester.
Ne tort ne droit dont riens preist.
De ce que sa feme deïst.
8^ae 882Neis.l. se r. 8«4 uroro 889 c-onmenco 8V.2 il a
uostre sein« 893 Deuon le 894 Au iugement de .umtro t. 89.» 8une
901 Segnor 904 De v. claime 907 coucndroi 910 o J e
186 Va (Méon 8893—8928)
ni5 Brun et Baucent en desputerent,
Mes cil qui avoc els alerent,
Se tindrent plus a ma partie.
Or est la cose si partie
Que chascun aura sa droiture.
920 Puis gardâmes en quel mesure
Et quant en sera la loi dite
Que Ysengrin cleint Renart quite.
Ch'ert diemenche par matin
Devant Roenel le mastin.
925 La manderon Renart qu'il veingne
Et en tel guise se contiegne
Que sa pes face de par de
Si con nos l'avons esgarde.'
Li lions respont en riant
930 'Ja par les seinz de Bauliant,
Ne fusse si liez por mil livres
Con de ce que j'en sui délivres.
Or ne m'en veoil plus entremetre,
Ainz lor donrai jor de pes mètre
935 Devant Roenel le gaignon,
En qui il a bon conpaignon,
Le clien Frobert de la Fonteiuue
Apres la messe diemeine.
Renart covient donc qu'il responde,
940 Mes avant le covient semondre.
Grinbers li tessons i ira
Qui de nostre part li dira
Que après la prosession
Li face satifacion,
945 Et gart que riens ne contredie
De ce que Roenel en die.'
A cest mot se sont tuit teû,
Et li plus joune et li chenu.
A son repère va chascuus,
950 Brichemer et Baucens et Bruns,
915 en ] i 920 gavdomes 923 Cliet 929 respondi riant 931 .m.
933 Ore 934 iiietnii i. de p. fere 942 Que uostre 946 Ce ce 950
baucent
Ya (Méon 8929—8964} 187
Et dos autres une partie.
Et quant la cort fu départie,
Grimbers va son message fere.
Droit a ^[alpertuis son repère
1)55 Trova Renart, et puis li . conte
Conment li baron et li conte
L'ont atorne por la pes fere :
Del plet sera Roonel mère,
Gart qu'il i soit, li rois li mande.
960 Renars dist que plus ne demande :
A tans i ert et bien fera
Ce que la cors esgardera.
Grimbers s'en va, Renars remeint.
Or li convient qu'il se demeint
965 Plus sagement que il ne seult.
Mes ne lessa qu'il ne s'orguelt:
Ne li chaut gueres qui le hace,
Ne se porquiert ne se porchace,
Conment pregne li siens aferes.
970 Mes Ysengrins ses averseres
N'a mie sa boche en despit.
A un jor devant le respit
Yint droit a Roenel errant
Qui se déduit en esbatant,
975 Et gist es pailles a grant aise
Devant l'ostel delez la haise.
Ysengrin vit, si s'en eschive :
Mes il le rapela par trive.
Ysengrins li dist doucement
980 'Roonel' fait il, or m'entent!
Conseil sui venus a vos querre.
Entre moi et Renart a guerre.
Que il a molt vers moi mospris.
Clames m'en sui, jor en ai pris
985 Apres la messe diemenche.
De celui qui tant set de gueucho.
965 sasegement 968 por quier 972 iors 976 ileuant la 977 y.
le uit si Icuclino 978 p. ire 980 dist 984 Clamer meu uois
188 \a (Méon 8965—9000)
Renars i ert par tel devise,
Et vos seres del plet justise.
Et l'en m'a dit del jugement
990 Que Eenars par un serement
Se doit devers moi escondire
De ce que je li saurai dire.
Or si vos pri con mon ami
Que vos soies del plet a mi
995 Tant que il l'ait reconeû.
Tôt est clame et respondu.
N'i a mes autre chose a fere
Fors porcascier le seintuere :
Mes de ce sui je esgarez.' 39
1000 Dist Roeuel ases aurez
En ceste vile seinz et seintes,
Ja mar en ferois tex conpleintes.
Très bien en seres conseilliez :
Que je serai aparelliez
1005 Fors de la vile en un fosse.
Si me tendrez por enosse,
Dites que je sui meenniez :
Je me jerrai douz recigniez,
Le col ploie, la langue traite.
1010 La soit vostre asenblee fête,
Renars i ert et vos li dites
Qu'il sera bien envers vos quites,
S'il puet jurer desor ma dent
Qu'il n'ait mespris envers Hersent.
1015 Se tant s'aproche de mon groing
Que le puisse tenir au poing,
Bien porra dire ainz qu'il m'estorde,
Ains mes ne vit seint qui si morde.
Et se de ce se velt retrere
10-20 Que il ne vegue au seintuere,
N'eu porra toruer, bien s'i gart:
Que je aure mis en esgart
991 Son 994 ilel \At't J de moi 907 dire 999 sui manque le
moite. lOOIJ coiisoilliicz lUlli pot 1017 mfsdorclo 1018 Que a. seint
iHdiique que 1020 u. a sa matere
Va (Moon 9002—9034) 189
De tos mes meillors conpaignons
Bien plus de quarante gaignous
1025 Des plus viaus et des plus félons.
Donques sera Renars trop bons,
Se par reliques o par chiens
Ne puet chaoir en mes liens.
Dex vos saut, pensez de bien fere!'
1030 Ez vos Ysengrins qui repère
Vers la forest de Joenemande.
Molt se porquiert et molt demande
La ou a nul de ses amis.
Wi a nul messagier tramis,
1035 Mes il meïsmes les va querre
Et en bois et en pleine terre:
Wi remeist cevelus ne cax.
Dant Bricliemer li senescax
I est venuz la teste droite,
1040 Et dan Bruns Tors molt tost s'esploite:
Baucent le senglers vint a cort,
Musarz li camels i acort.
Li lions mande le lipart
Qu'il viegne de la soue part,
1045 Li tigres vint et la pantere,
Et Cointeraus li enchantere.
Un singe qui fu nez d'Espaigne,
Cil refu avoc la conpaigue.
Tant fet li leus qu'il les asenble.
1050 Quant il furent venu ensenble,
Molt les a semons et proiez.
'Bauz seignor dist il, ore oiez!
A mon plet vos ai amenez :
Or vos pri que le meintenez,
1055 Puis que ci estes aune.'
Et li estrange et li prive
1023 tôt 1028 pot 1031 ouers 1033 ou il a 1039 la ] molt
1040 bron 1041 b. le camels ua 1042 li senglers 1045 tingres u. a la
platere 1046 cointerau 1049 T. firent que les leii asenble 1051 prieez
1054 q. uos le 1055 aunez
190 \a Méon 9035—9072)
Et tuit cil de son parente
Li ont plevi et craante
Que ja ne seront recraant
1060 Des que il ait tôt son créant,
Ice jurent a tôt le moins.
Bien les a tos entre ses moins.
Einsi a sa gent atiree
Et trestoz cels de sa mesnee.
1065 Quanqu'en pot avoir par prière
Sont aiine a sa banere.
Cel jor porta son gonfauon
Li putois qui Foinez ot non,
Et Tybers li chaz vint avoc
1070 Qui Renart het: et ne por oc
Molt en i ot de par Renart
Qui tuit se tieuent de sa part.
Mesire Grinberz en fu uns,
Conques ne pot amer dan Bruns:
1075 Cosins estoit Renart germeins.
Cil ne li pot faillir au moins.
?^e Rosselez li escuirous
Qui n'estoit mie perecous,
Ne va pas coranr, eins i trote:
1080 Et dame More la marmote,
Corte la taupe et dan Pelez
Li raz qui fu bien apelez.
Dant Galopin i vint li lèvres,
La loirre, la martre et li bievres,
1085 Li hiricons et la mostele,
Et li fures pas ne s'i ceille
Que il n"i viegne fièrement,
Quar il voudra bardiement
Renart aidier a son besoing:
1090 A lui vint il et sanz resoing.
A l'asenbler ot molt graut presse.
Renars ne fine ne ne cesse,
1065 Quanquen en pot par prierere 1068 qui fu maveis liom 1070
Que 1072 Que 1074 nen brons 1078 poourous 1080 linotte 1084 m.
r[ bieu^s 1086 formis 1087 uiegnent 1090 reison
Ya (Méon 9073—9108) 191
Ne cil qui avec lui alerent.
Desq'a la vile s'avalèrent
1095 0 li plez doit estre teuuz.
Ysengrins i est ja venuz.
Il et Renars ont départies
Lor compaignes en troi parties.
Sire Ysengrins fu en la pleigne
1100 Et Henars devers la monteigne:
Et Roenel qui Renart guete
Le col ploie, la langue trete,
Contrefet si la morte beste
Que il ne muet ne pie ne teste.
1105 Sor le fosse s'est areàtez.
Toz li aguais fu porpensez
En un verger delez la soi
De cels qu'il ot mande o soi,
Bien qu'entre lisses et gaignons
1110 Plus de cent de ses conpaignons,
Proisiez et esleiis par non,
Qui ne heent se Renart non.
Brichemers fu ches de la rote:
A lui s'acline la cort tote,
1.115 Que par conmun aseutement
Fu enparles au parlement.
Tôt premer s'en estoit levez.
'Renart' fait il, vos qui devez
A Ysengrin fere escondit
1120 Einsi con li baron l'ont dit,
Aprochez vos au serement.
Si le fêtes delivrement.
Nos savon bien, se li ploiist,
Ases croire vos en doiist
1125 Sanz le jurer: et nequedent
Yos jurerez desor la dent
Seint Roenau le rechingnie
Qu' Ysengrin n'avez engignie
109<3 ert 1098 Les c. 1104 mot 1106 propensez 1108 as oi 1109
qa' manque 1111 P. et il elleus 1112 Que il ne 1120 Ion 1123silli
1126 iurrez 1127 reclingnie
192 Va (Méon 9111—9128. 9-U5— 9460)
N'en tel maiiere decoii :
1180 A tort en estes mescreû.'
A cest mot sait Renars en place.
Si se recorce et se rebrace,
Molt s'apareille vistemeut
Come de fere seremeut.
1135 Toz jors sot molt Reuart de guiclie,
One n'eu sont tant ne clierf ne biche.
Bien aperçut qu'il iert guetiez
Et que Roenel est haitiez.
Au flanc qu'il débat et demeine
1 140 Et au reprendre de s'aleine.
Arrier se tret, si le resoingne.
Qant Brichemer vit qu'il s'esloingne,
'Renart' fait il, ce que puet estre?
Mètre vos covient la mein destre 40
1145 Sor la dent Roenel tôt droit'.
'Sire' fait il o tort o droit
Me covient sivre veirement
Et tenir vostre atirement
Conme cil qui muer ne l'ose.
1150 Mes je voi ci une autre cose
Espoir que vos n'i veez mie.
Talant ai que je le vos die:
Mes ne puet estre, or le lerons.'
Dant Griuberz ses nies li tessons
1155 Aperçut bien la traïsou.
Si li a tret autre acoison.
'Sire, car entendez a moi!
Je cuit que je bien vos dirai
Raison et droit au mien espoir.
1160 Dant Renars ne doit mie avoir
Presse de tote celé gent.
Ne seroit mie bel ne gent
A tel baron n'a si vaillant
Qu'en li voist sor le col saillant.
1132 Si sesforce si se llîi') mo\t wmiqKP 1141 Etriere 1143 pot
11Ô3 pot 1157. 1158 manquent
Va (Méon 9461—9494) 193
1165 Faites vos barons esloingner
Tant que il se puist aprocher
Au nieius devers le seintuere,
Tant que il puist l'escondit fere.'
Dist Brichemer ne m'en gardoie.
1170 Or li ferai vidier la voie
Tant qu'il puist venir et aler.'
Ses homes a fait avaler
Et trere arere plus qu'eincois.
Renars a fet le tor gueincois
117.') Qui n'a cure de sejorner.
Qant au reliques dut torner,
D'autre part a torne sa chère:
Foï s'en est li mau trechere.
Renars s'en fuit teste levée
1I8U Par une viels voie chevee.
Si enemi li escrierent:
Et li chien qui en aguet erent,
Il saillent après et corurent.
Ja m'orrez dire qui il furent,
ll^iô Primes i cort ainz que 11 autre,
Lance levée sor le fautre,
Roonel le chien dant Frobert
Et Espillars le chien Robert,
Le riche vilein del plessie:
1190 Icil l'ont premer encauchie.
Apres revint a grant esles
Harpin et Moranz et Bruies,
Espinars et Hurtevilein,
Et Rechignie le chien Gilein,
1195 La feme Erart le drapier.
Apres se metent el frapier
Afaitie. Gorfaut et Tirant,
Foillet, Lovel et Amirant
llfifi quils p. 1178 a. et p. qua cincois 1183 corirent 1184 Et
si arrois comment il firent 1186 foutre 1187 fobert 1188 espillar
mobert 1189 Li 11 90 Cil les ont p. 1192 bruiers 1193 espinar
1195 erac 1196 el sentier
KEN'ART I
13
194 Va (Méon 9495—9529)
Clei-mont i fu et Oliviers,
1200 Le chien Macare Deriviers.
Apres i cort Cornebrias
Et Herbouz, Ferin et Prias,
Brise bois, Fricans et Voisiez,
Liepart, Tisons et Escoilliez.
1^205 Cortin i cort après Rigaut,
Et Passeleve et Gringaut,
Loiher, Passe-outre et Fillart;
Et Estormi et Yaculart,
Li chiens sire Tibert del Fresne:
1210 C'est celui qui miels se desresne.
Qui plus tost va et miels le chace.
Apres se metent en la trace
Filez, Chapez et Rechigniez,
Pastor, Ester et Engigniez,
1215 Escorchelande li barbez
Et Yiolez li malflorez.
Et Oiselez et Grésillons,
Eclariax et Esmerillons,
Chanus et Morganz et Vergers,
1220 Et Passe-avant, Outrelevriers.
Apres i est corus Bolez,
Porchaz et Poignant et Malez,
Et le chien Rainbaut le bocher:
Se cil puet Renart aprocher
1225 Que il le puisse as denz aerdre,
Toz soit soùrs de la pel perdre.
Apres i sont poignant venu
Hopitax et Trotemenu,
Et Folejus et Passemer
12:30 Qui vint devers Pont Audemer.
Tuit icil furent conpaignon.
Bien s'aroterent 11 gaignon :
N'i a un sol qui ne s'en isse,
1202 h' b'eiipz 1204 L. et t. et coilliez 1210 desi-iegne 1211
trace 1216 li J et 1218 et nunniHe 1220 passa auaiit autreleibers 222S
icanbaut 1224 pot
Va (Méon 9530—9563) 195
Et après els ne remeint lisse
1235 Qui ne crit et ne face noise.
Si i acort Baude et Foloise,
Coqillie, Briart et Sebille,
Et la lisse desoz la vile.
Apres i cort Fauve et Bloete,
1240 Cloete, Brechine, Morete,
Et Malignouse et Malparliere,
Qui fu Robert de la ^larlere
Et Genterose et Primevoire
La lisse qui fu au provoire,
1245 Pinconete qui si se peine
De Renart tenir en demeine.
Renart ne lesse retorner,
Qui meint tor li a fet torner
Ainz que poûst au crues venir:
1250 Molt se peine del retenir.
Ysengrin va les chiens huiant:
Et se Renars s'en va fuiant,
Ja n'i doit l'en nul mal noter,
Que besoing fet vielle troter.
1255 A l'oralle du bois menu
Li en sont qatre avant venu,
Trenchant, Bruamont et Faïz:
Renars qui molt estoit haïz
Ot ici grant peor de mort,
1260 N'avoit en soi nul reconfort.
Toz jors est bien Renart choii,
Mes or li est si mescoii:
Ne li ourent mestier ses bordes,
Que n'en volassent les palordes.
1265 Tant ont li chien Renart pelé
Et desachie et d étire,
Que en bien plus de treize leus
1235 f. grant n. 1237 cogille 1239 floeto 1240 Hoete 1251
ses c. huant 1253 nul manque 1255 dun 1256 I'\uit il lire troi? 1258
qui tu (I tique 1266 Pelé et d. et tire
13*
196 Va (Méon 9564—9568)
Li est aparissanz li jeus.
A la parfin l'ont tant mené,
1270 Tant travellie et tant pêne:
Tant l'ont foie et debatu,
Qu'en Malpertuis l'ont enbatu.
1268 aparissaz
VI (Méon 13465—13490. 13547-13556)
VI
Mesire Nobles le leons 41
0 soi avoit toz sez baronz:
Trois jors ot ja sa cort tenue,
Bien l'ont li baron meintenue.
5 Venu i sont de meinte terre
Senz ce qu'il les envoiast querre:
Venu i erent tuit ensemble
Fors sire Renart, che me semble.
Cil n'i voloit mie venir
10 Ne la cort lo roi maintenir.
Si avoit auques de raison,
S'il le lessoit por l'acheson
Et por la peine et por la dote
De ce qu'il ne l'amoient gote.
15 La gent lo roi n'iert mie coie,
Eiijz meinent grant bruit et grant joie.
Grant joie font par le pales
Et chantoient et song et lais,
Et sonent tinbres et tabors.
20 Tuit i sont fors Renart le ros.
Dont meinte chamor est meiie.
Li rois quant sa gent fu venue,
Conmande que joie aient tuit.
Con cil qui est de grant déduit
25 A haute voiz, a longe aleinc
De bien chanter chascun se peine :
4 meintenuee 14 que il 21 uenue 23 que il oient 25 O — o
198 VI (Méon 13557—13621)
L'uns a l'autre son chant avale.
Atant es vus devant la sale
Danz Grimberz qui Renart ameine:
30 Atret l'i a a molt grant peine.
Par tens, si conme nos cuidonz,
Li ert rendus ses guerredonz.
S'or ne set molt Renars de frape,
Il est chaoit en maie trape :
35 Car meinte fois a fet la muse
Ysengrin qui au roi l'encuse.
Renars a l'entrer de la porte
Vet reculant: molt le conforte
Grinbers et dit n'aiez poor.
40 Mes de dous maus pren le meillor!
Se tu te tornoies de ci,
Ce pues tu bien savoir de fi:
Veilles ou non retorneras,
Vers le roi gandir ne poras.
45 Renart, ne t'esmaier tu mie!
Nus ne set con longue est sa vie.
Renart, soies de bel senblant:
Car un jor vault mielz que uns anz.
Coart dote tos jors la mort.
50 Renart, soiez de bon confort!
Fortune secort les hardiz,
Si conme conte li escriz.
Renars ot que cil li sarmone^
Et que molt bon conseil li donc :
55 El paleis s'en entrent ades,
Grinbers avant, Renars après.
Renars ne senbla pas vilein.
Son cosin tenoit par la mein:
La presse diront et départ,
60 N'i a celui qui ne l'esgart.
Devant lo roi, conme einz le vit,
S'ajenoUa, puis si a dit
'Rois, dex le filz seinte Marie
37 lentree 41 cin 42 fin 49 totens sa 55 entre 61 cint
VI (Méon 13622—136603 199
Yos gart et vostre conpaignie!'
65 Forment sa parole en argue,
Et ne porquant si le salue.
Meuz vousist estre aillors toz nuz
Qu'au roi rendist ices saluz.
Li baron sont tuit en repos,
70 Par la sale n'i a tant os
Qui i face ne bruit ne noise.
Li rois pp,rla, Renars s'aqoise.
Si li a dit par félonie
Ces saluz ne vos ren je mie,
75 Rous ennuies de pute foi:
Einz remandroiz anuit o moi.
Einz que issiez de cest ostage.
Nus lairois vos ce quit bon gaje,
Au mains cele rose police.
80 Quant estoies dedens ta lice,
Ne quidoies mes repairer.
Tôt le mont quidiez engignier:
Tant conme torna ta roele.
Nos as servi de la favele.
85 Mes meinte fois ei oï dire
Qu'après grant joie vient grant ire
Et après mol vent vente bise.
Tant va pot a l'eve qu'il brise :
Or quit je bien, sire Renart,
90 Qu'il est brisiez de vostre part.'
Li rois parla (Renars escote)
Et a dit que sa gent l'ot tote :
Renart' fait il, a ton viaire
Senbles bien home debonaire.
95 Bien pert as tez quex est li poz,
Que tu es plus enfles que boz.
Unques nul jor ne feïs bien.
Renart, molt a en toi enging.
71 le premier na luinnjiie 73 l'uis li 76 anuit ] anclmis 77 isoiez
79 A utri eins 81 m. a r. 8-4 a 86 Quen a. 87 a. nocl vente 88
quen b. 89 bien ] molt 94 bom 95 a cez 96 Que tu es j R. est
200 VI (Méon 13661—13706)
Por ce que m'as tant engingnie,
100 Et Ysengrin tant corocie
Et por ce que Tyberz li chaz
Par ton engin fu pris au laz,
Et Bruns li ors par mi le groing
El cesne dont ostas le cuing:
105 Tel guerredon t'en ferai rendre
Que as forches te ferai pendre.'
Renars sot molt d'afetement,
Si respondi molt gentement:
'Bau sire, sauve vostre grâce,
110 Unques ne fui de celé estrace
Qu'a mon segnor face contrere
Ne chose que ne doie fere.
Je sui vostre hom et vos mi sire:
De moi ne deves cose dire
115 Qui estre me puise a nuisance.
Mes bien estes de tel puissance,
Jeter me poes de la terre :
Ne puis pas sofïrir vostre guerre.
Molt par redot mes enemis.
120 Molt me poise, se g'ai mespris
De rien qui a vos apartiegne.
Mes non ei pas, dont me soviegne.
Tel vos ont fet le mal entendre
Et conte por moi entreprendre,
125 Qui ne l'oseroient prover.
Mencoingne poent il trover:
Mes au voir dire sai je bien
Que je n'ei entrepris de rien.
James prodome n'iert amez,
130 Li plus loiax est plus blâmez:
Fous est qui mes dit vérité.
Plusors en sont deserite
Et de terre jeté a tort.
Li menteor sont li plus fort.
100 Est 101 p. ec est t. 106 ten f. 108 r. si g. 116 M.
beaus e. 117 Quoster 131 ueritez 132 deseritez 134 sort
YI (Méon 13707—13744) 201
135 Nus ne vos devroit tant descoivre
Que ne doiissiez apercoivre,
Qui menconge vous fait acroire D37b
Et qui vous conte chose voire.
Yint ans a que me conneiistes.
140 Mais onques mais home n'eiistes
Qui pour vous ait tant paine eue.
Encor en ai la char rompue
Des granz travax, ce est la somme,
Quant je pour vous alai a Romme,
145 A Salerne et a Monpellier
Pour la mecine apareilîier
Qui bone estoit au mal saner
Qui vous faisoit forment pener.
Sire, mestier vous ai eii.'
150 Ce dist Grimbers c'est deceû.
Qui dist que vers vous ait mesfet.
Pour rien nel voudroit avoir fet,
Molt est vilains qui ce retrait.'
Nobles son corage a refait.
155 'Grinbert' fait il, moult bien as dit.
Bien otroie qui ne desdit.
C'est vertez que mandai Renart :
Tybert i fu de moie part
Qui bien li dist qu'a court venist,
160 Ne pas en desdaing nel tenist.
Renars qui scet de fauve anesse
Et de mainte fausse promesse,
Respondi que bien le feroit
Et qu'o lui a la court iroit.
165 Renars fist del aler semblant :
Tybers vint son chemin enblant.
Quant il furent a une ville,
Renars qui sot de mainte guile,
135 Nos Les vers 137 — 270 mcniqiienf dans A: ils sont siqjph'és par
le tnsc. D. 138 Ou q. 139 a. que uous me connistes 140 ne uistes 141
t. (le p. 143 Du grant trauail 144 P. u. q. ie aloie 145 a casu 147 sener
154 Son corage a noble retrait 155 R. 157 vérité 160 a 161
fausse 164 qu'o ] pour 166 errant 167 en
202 VI (Méon 13745-13780)
Sot l'ostel qu'a un prostré estoit
170 Qui pour lui form'ent se guaitoit.
En sa meson n'ot nule entrée
Fors un bouet, quant fu fremee:
La ot tendus las pour lui prendre.
Renars fist a Tybert entendre
175 Par iluec i soloit venir
Et aus gelines avenir,
Et tant i a souriz et ras.
Bien en puet on pestre cent chas.
Tybert cuida que voir deïst.
180 De grant folie s'entremist:
Car au partir se tint pour fol.
Li las 11 des cent sor le col.
Il ne sot tant bouter ne traire
Que d'ilec se poïst retraire.
185 Cil qui s'estoient entrerais
Des laz faire ou il l'orent pris.
Quant oient qu'il i ot prison,
L'un porte un pel, l'autre un baston.
Et Renars se met a la voie
190 Qu'il n'a talent que l'en le voie-
Tybert bâtent et donnent cous,
Li laz ront ou tenoit li cous.
Des que Tybers se sent a terre.
Les grenons dresce et les dens serre.
195 Si li avint belle aventure
(N'avint si belle a criature)
Que li prostrés y est venuz
Deschaus, sanz braies et touz nus:
Yint a Tybert, sel vot ferir.
200 Cilz guenchist qui se voult garir,
Le provoire a la coulle prent
Si que de rien n'i cntreprent:
169 qu' manque ostuit j droit 171 nule ] que une 175 ilecques
s. 177 Aus g. ot il. 179 cuda Après 179 Et que nul mal ne li queist
Tout estendu dedons se niist ISl Que 182 Le 1 le tint parmi le 185
Que dilec sestoit e. 188 1>'S deux un maïK/ueiit 190 Ion J nulz 200 sen
201 aus coulles
VI (Méon 13781—13816) 203
Bien sache, et ce est la voire,
Le plus de la coille au provoire
205 Menja ainz qu'issist de l'ostel,
N'eschapa mais Tybers d'autel.
La prestresse est toute esbahie
De la coille qui est perie.
"Lasse" fait ele, "malvenue !
210 Ne serai mes chiere tenue.
Missire a perdue ma joie
Pour quoi chiere tenue estoie.
Or n'aura il mais de moi cure
Que il a perdu l'ambleiire.
215 Or sai bien qu'il me guerpira.
Quant il aider ne se pourra.
Si sui je plus tristre et dolente.
A joie ai tenu ma jovente:
Il me donnoit les bons mengiers
220 Et les biaus draps molt volentiers.
Or sai bien, faillir m'i estuet :
Grant chose a en faire l'estuet.
Messire a perdu hardement:
Li chas l'a servi malement."
225 En ce qu'entre euls mainent leur duel,
^ Tybert s'en ist par un bouel.
Renars s'en fu pieca partiz:
Si fu li gieus mal departiz.
De ceste chose a fait sa plainte
230 Tybers: des autres i a mainte.
Bruns se replaint qu'il le fist batre
Ou chesne ou il le fist embatre.
Que charpentiers orent ouvert
Et laissie tout a descouvert:
23Ô Dist li que miel avoit dedens.
Il i cuida mettre les dens.
Son groing i mist et enbati
Tant que les coins en abati.
203 sai est bien la 205 q issist 20B .R. 219 biaus 225 deul
226 issi boieul 228 s;, moult m. partiz 231 qui h; 235 li ] il miex
236 cuidoit
204 VI (Méon 13817— 13850)
Onques des coins n'i lessa un:
240 Par mi le groing retint dant Brun.
Or fu li laz en grant doulour,
Toute ot perdue sa couleur.
Renars ne fist fors que sorrire,
Quant il le vit en tel martire,
245 Et dist a Brun "mengez assez
Tant que soiez bien saoulez:
Li miex est vostre, jel vos laiz
Et je m'en vois a grant ellaiz.
Moult fet 0 vous mauvais aler,
250 Ja ne m'en orrez mais parler.
J'ai non Renars, biax sire Bruns.
Ci n'est pas li gaains conmuns:
Vous voulez tôt avoir sanz faille.
Ja n'en ferai vers vous bataille,
255 Ainz le vous clamerai tout quite:
Je n'ai mester de faire luite."
Quant ramposnes ot assez faites,
LoufFes et moes pluseurs traites,
Tournez s'en est, ne vot plus dire.
260 Mais Bruns n'en ot talent de rire:
Le groing estraint et sache et tire,
Nel puet avoir s'il nel descire.
N'estoit pas du tôt a son chois.
Li forestier viennent au bois.
265 Vint et deux furent en la route.
Quant voient l'ours, l'uns l'autre boute:
"Je voi un ours" dist li premiers.
"Or i parra, frans forestiers:
Que bien sai, aidier ne se puet.
270 Or le prenons, faire l'estuet."
Quant Bruns li ors les ot venir, A 42
Dune ne se pot plus atenir:
245 d. que il meniast a. 246 T. q. il fust 253 Vous le uolez a
.1. faille 256 lite 260 mais manque b. en ot pas 261 gros 262 Mais il
nen puet partir sanz ire 263 choiz 264 forestiers 266 lun 269 Qui
set b. faire aidier se 127 le nisc. A recommence.
VI iMéon 13851—13890) 205
Einz sache a soi par tel aïr
Que tôt le cuir fet départir
275 D'entor son groing et de ses poes.
N'en remeist point entre ses joes.
Mes eins que il s'en fust ostes,
Li ont molt batus les costes
De macues et de bastons.
280 Issus s'en est a reculuns.
Renart l'a tenu por vilein:
Hasard jeta arere mein.
Fuiant s'en vet a longe aleine,
Mes molt ot ancois sofert peine.
285 Einsi servi Renars mon home,
Par les seins que l'en quert en Rome.
Apres se mist Renars en ese.
Ne laissa pas por sa mesese:
Quant vint au trespas d'une rue,
290 Une grant ransprone li rue.
"Baus sire Bruns, e car me dites,
Se iestes moines ou ermites
Et se messe chanter savez,
Quant vos si grant corone avez.
295 Molt par aves vermeil le chef."
Renars li fist itel meschef.
De ce a fet dans Brun son pleint.
Et la messenge se compleint:
Qar qant ele le volt besier
300 Et a lui se volt apaier,
Les denz jeta por lui conbrer:
Ensi la voloit enconbrer.
La li orent ses eles oes :
Arere sailli en son crues.
305 Molt par fesoit grant deverie,
Quant vers lui pensoit tricherie.
Meinte traïson li a fête,
Prendre le cuida en sozhaite:
275 ioes 277 fust ] soit 278 M. li ont 280 Enaus 301 courer
grans 307 a il
206 VI (Méon 13891—13931)
Ele estoit en foi sa conmere
310 Et si le tenoit por conpere.
For ce di qu'il n'est pas leaus.
La se contint con desloiatis.
Qui si poil voit, nel doit pas croire:
Par nature fet a mescroire.
315 Dame Pinte se rest clamée,
Qui est de meinte gent amee,
De sa seror dame Copee
Que Renart li a escropee,
Et cinc mortes de ses sorors.
320 Dont sis cors est eu grant dolors.
Grant mal a fet a meinte gent:
Ja ne por or ne por argent
Nel doit l'en laissier a jugier
Pur ses félonies vengier.
3J5 Li corbaus rest a cort venuz
Et dist que droit li soit tonuz
De Renart qui prist son formage
Et après fist si graut utrage
Que o les denz le volt sesir.
330 Mes n'en fist pas tôt son plesir:
Cil s'apcrcust qu'il le volt prendre,
Si s'en torna, nel volt atendre.
Renars qui set de tantes frumes,
Li esracha quatre des plumes.
335 Bien le cuida avoir sopris
Par son euging et entrepris :
Il disoit ce qu'il avoit pUiie,
Mes de lui ot maie manaie.
Ne vos porroie pas retrero
340 Les mais, le honte, le contrere
Que dan Renars a fet aillors
A Ysengrin et a plusors.
Yseugrins s'est a moi clames
De Renart qui tant est blâmez,
345 Que sa feme li a maumise
310 si ] el 311 beaus 318 lauoit iloscropee 340 mal 345 Qui
VI (Méon 13932—13977) 207
Et SOI- lui a sa forche mise
Si vilment et en tel manere
Com sor une autre chamberere :
Toz ses pensez i sont fornis.
350 Se droit n'en ai, toz sui honis.
Si ne veil que ma gent me hace,
Droit me convient que je li face.
Danz Roonaus li viels mastins,
Qui reset de plussors latins
355 Et qui molt a fier le corage,
Se rest clames, quant el messaje
L'avoie tramis de ma part
Qu'il me feïst venir Renart,
Donc li fist Renars si grant honte.
360 Que je n'en sai tenir le conte.
Mes bien ai oï la querele
De qoi danz Roonaus l'apele.
Ce dit que par sa traïson
Le fist retenir en prison.
365 Amuser le sot par parole.
Ce li dist de la cooignole
Que uns vileins avoit tendue
Lez une voie defFendue,
Que la gisoit un seintuaire
370 Qui ert apele seint Ylaire,
Et bien entendre li a fet
Qu'iloc redrecent li contret.
Cil ne sont pas l'autorité,
Pensa qu'il deïst vérité.
375 Ne se sont pas contregarder.
Renars que l'en devroit larder
Tant li fist par engin acroire
Que cil tint sa parole a voire,
Qui tant sages estre soloit:
380 Nus n'est si sages ne foloit.
A l'abessier vit le formaje
353 noonaus 3G7 lauoit 368 Liez u. u. a ostendue 369 la ] iloc
370 elaire 379 Que
208 VI (Méon 13978—14008. 14107—14113)
Qui li fist rendre le paage.
Ne velt laissier que il n'i morde.
Au resacher estreint la corde
385 Qui desor le col li dévale
Ausi destroit con nef qui haie.
Cil monte amont et se detorne.
Mes Renars qui point ne sorjorne
Et qui l'a mené conme fol,
390 Le laissa pendre par le col.
Renars li ros (que malfu Tarde!)
Li dist que des vignes fust garde.
Bien fu li mastins descoûs.
Des gardes fu aperceûs :
395 0 macues et o barreaus
Li ont bien aune ses buraus.
Hoc ont tant le las batu
Que a terre l'ont abatu:
Ne bret, ne crie, ne ne muet,
400 Sinplement contenir l'estuet.
A grant peine en escapa vis,
Si con il dit, jel vos plevis.
Molt devroit l'en Renart destruire,
Toz li mondes le devroit nuire
405 Qui si baillist la bone gent.
Ja n'en prendroie or ne argent
Que nel destruie o nel pende.
Se il n'est tex qu'il se défende:
Honte m'a fet et vileinie,
410 Trop ai sofert sa félonie,
Renart, tôt ce aves vos feit,
Cui baux en est, mal deliet ait!
Toz jorz nos aves fet moleste,
De vos se pleiut chascune beste.
415 Mes par ma barbe, se je puis
Et je en mon conseil le truis,
Quant vos de ci escaperois.
384 gorge 385 desoz 387 C. somont et 388 ni 393 fu manque
408 que il
Vî (Méon 14114—14154)
James beste n'atraperois.
Renarf fait il. molt es haïs,'
420 Cil qui n'estoit pas esbaïs
Ne trop hastis en sa parole,
(Molt a este a bone escole)
Vers terre tint enclin son chef.
Et fet senblant que li soit gref.
425 Bien se sot tere et bien parler,
Bien respondre et bien aparler.
Quant il en voit et leu et ese.
Or li covient que il se tese,
Car il voit lo roi corocie.
4-^() Son chef a un poi redrecie.
Il n'ot en lui rien que aprendre,
Bien se sot garder et dosfendre.
Itant a dit qu'il li otroit
Qu'il puisse respondre et a droit,
435 Et que au droit dire s'acort:
Tant en ferai, n'en aurai tort.'
'Renarf fet Nobles, bien as dit.
.Ta en ce n'en aura desdit.
Or diras, nos escoteron:
440 Se tu dis bien, nos nos teron.'
Renars respont sire, bien dites.
Vus aves dit, ne sui pas quites
Dos semonses que in'aves fêtes,
Que vos aves desor moi tretes.
445 De Tybert et de la mesenge
M'escondi bien conment qu'il prengno.
Et del corbel ot de Copee,
Que par moi ne fu escropee.
Ne a Tybert ne fis otrage,
450 Ne au corbel de son formaje.
Bruns li ors qui se rest clam(>s.
Certes a tort en sui blâmes :
One ne perdi par moi sa pel.
Ne ne fis mal a Roïnel
209
419 est 42<» VA il 4:{t> nunuim-
HF.NAUT J
210 VI (Méon 1415Ô— 14194)
45,') Ne a mon conpere Ysengrin:
A tort m'acoillent rai voisin.
Las! mal serviche ai toz jors fet,
l'or bien fere a l'en le col fret.
Chascun le set, n'i a si sort,
460 Que tex ne pèche qui encort.
Maie grâce m'a dex donee.
Mes itex est ma destinée
Que ja cel bien ne saurai fere
Qu'en ne me tiegne a contrere.
465 Certes molt ai a cous bien fet
Qui or m'ont porchacie cest plet:
Vos m'en aves hui fet semondre
Et je sui toz prest de respondre
Au jogement de vostre coi-t.'
no A cest mot Ysengrins acort
Devant le roi entre les autres,
Et Eoonels 11 felz H veitros,
La mesenge et Tybers li chaz.
Et Bruns qui est de grant porcas,
475 Dame Rosete la jeline
Et dame Pinte sa voisine.
ïuit font devant lo roi lor pleinte,
N'i a mester parole feinte.
Renart se soigne a mein esclenche.
480 Bien voit que n'i a mestier genche:
Que 11 covient que raison rende.
Grant poiir a que l'en nel pende.
S'or n'est Renars en mal liens,
Molt sera bons rectoriens.
4,«5 Se il sens perte s'en eschape,
Senz caperou set taillier cape.
De toutes pars s'ot acuser
Q'a peine s'en set escuser.
Ce dit Nobles 'que vos est vis?'
490 Renars respont jel vos plevis
4ôâ Ysen<(rins 4:)»; iiu-s uuisiiis 4()2 M. tex en est 467 fet hui
472 tilz 474 pocas 47S Et ni 4.s() ci na m. gengle 488 aouser
VI (Méon 14199— 1423T) 211
Que de mesfet ne me recort
Lont envers els oiisse tort.
Il diront ce que il voudront:
Ja por ce rien ne me toudront,
495 Se vos plest qui mis sires estes.
Molt sui sordiz de plusors bestes:
A tel ai porte grant onor
Qui puis m'a fet grant desonor.
Je sai que li tors n'est pas miens :
500 Totes voies veinera 11 biens.
Onques de riens ne m'entremis
Por qoi dousse estre enemis
Dant Ysengrin mon cher compère.
Ne onques par l'ame mon père
505 A sa feme ne quis folie:
Si l'a molt por moi asaillie.
Tôt en sui je près de desfendre,
Se nus m'en voloit entreprendre
(Jel vos di bien senz autre faille)
510 0 par juïse o par bataille.'
'^ Tsengrins est saillis en place.
Prie le roi ne li desplace,
Se sa droiture velt prover
Tôt sens mencoigne controver.
515 Nobles conmande que il die,
N'i a celi quel contiedie.
Reuart' dist Ysengrins, entent !
Je sui cil qui son droit atent
Des granz anuis que tu m'as fez
5J0 Que nos avons caiens refrais.
Ne me sont encor amende.
Si l'avoit li rois conmande.
Molt as einz fet bestes pener
Q'a cort te poûst amener,
5-25 Kt de jounes et de canus
En as asez por fol tenus.
Por ceuls qui de toi clam or font
499 cors 'tOO ut'intrii b. 50K u. rien e. 517 tli
14*
212 VI (Mpon 14288 — 14274)
Et qui ci enpres toi estont
Por moi qui par toi sui bonis
530 Voil que cest plet soit hui feniz.
Par la vérité m'en irai :
Ja, se je puis, n'en mentirai
Que je n'en die tôt le voir
Se je le puis apercevoir.
ï)3ô Je n'ai mester de trere alonge
Ne de controver ci mencoigne.
Si que garant en troverai,
De traïson te proverai
Et mosterai tôt par raison
MO Et félonie et traïson.
Bien en saurai l'acaison dire,
Se t'en voloies escondire.' 44
Renars respont 'bien dit avez.
Or dites conment le saves.'
545 Fet Ysengrins jel vos dirai,
Ja mot ne vos en cèlerai.
Mes conperes estes en loi :
Si ni'aves mené a besloy
Plus de cent fois que je n'en mente,
550 Meinte beste aves fet dolente.
Bien ont plussors aperceù
Que mainte fois m'as decoû.
Or sai bien, se cort ne me faut,
Que tu en es venu au saut.
555 Molt ai por toi mauls endurez.
Meinte foiz t'en es parjurez:
De ma feme m'as malbailli."
Ce dist Renars tu as failli.
Onques a ta feme nel fis,
5(i() Ne a toi de rien ne mesfis.'
Dist Ysengrins 'certes, Renart.
Jel mosterrai de moie part
Que vos a force l'asaillistes.
Au croz trover pas ne faillistes :
041 uoudrai r)(i2 mosteroie
VI (Méoii 14275-14811) 213
Ô6f) Voitmt moi. ou vousisse o non,
Li batistes bien le crépon.
Molt vos vi boter et enpoindre
Et durement la eoe estreindre.
Hoc la tenistes por sote.
570 Ne semblot pas jeu de pelote.
Ce ne porriez pas desfendre,
Ne vos en veïsse descendre
Et vos braies sus enraonter.
Ne m'est honte del reconter :
575 Mes se je celer le pousse,
A nulhui dire nel doiisse.'
Ce dist Renars 'ja dex ne place
Le Creator que tant me hace
Que la chose soit si corue
.o80 Que ma conmere aie férue
Plus bas de l'ueil si con vos dites.
Dont seroie je plus qu'erites.
Or puis je bien de fi savoir
Que vos ne saves honte avoir,
585 Que ce aves amenteii
Dont li autre se sont tou.
Ja n'en doiissiez fere conte
• Qui a Hersent tornast a honte.
Mes bien aves tel chose aprise:
590 Molt aves honte arere mise.
Bien aves vergoigne adossée
Qui honissiez vostre esposee
Le monter et le sofacher
Fis je tôt por lui fors sacher.
595 Enpoindre et traire me veïtes.
Bien sai que mal i entendistes:
Mes je nel fis se por bien non,
Or m'en rendes mal gerredon.
Jel fis por bien et por francisse,
600 Mes or ai perdu mon service.
Que fous fis que m'en entremis,
583 fin 586 Donu 587 a lui tornassent 601 fis ] fou
214 VI (Méon 14312—14347)
Or en estes mes enemis.'
'Renart, de tant te pues vanter.
Bien ses a fol messe chanter.
605 Ce est bien chose conneiie,
Meinte honte ai par toi eiie.
Tu es de tel autorite
Qu'en toi n'a point de vérité.
Tant me conseillas en l'oreille
610 Qu'entrer me feïs en la selle
Et avaler el puis dedenz.
La maie gote aies es denz!
A tantes riens as tu fet honte
N'est nus qui en sache le conte.
615 Tu deïs qu'o toi porroie estre
Laiens en parais terrestre
O il avoit gaaigneries
Et plein et bois et praeries:
N'estovoit celé rien rover
620 Qu'en ne poûst iloc trover:
Et qui voloit manger poissons,
Ou lus ou troites ou saumons,
Tant en avoit con li plaisoit.
A son talant les eslisoit.
6-25 De toz biens ert li lins garnis.
Einsi fui par toi escarnis.
Je cuidai que deïsses voir,
Mes je ne fis mie savoir:
Molt m'engignas a icele ore.
630 Et seel entrai sans demore:
Et la corde si destorteille,
Tu ères ja en l'autre seille.
Traîtres es et losengers.
Je fui pesans et tu ligiers,
6 5 Je avalai et tu montas.
Quant enmi le puis m'encontras
Donc fu mes cuers iries et teins.
603 pos 606 ai aperceue 613 rien 614 que 615 que roi
617 gaigneries 627 quidoie 635 mouras
YI (Mcon 14::i48-14383) '^^^
Molt es de félonie pleins.
Jo demandai que tu queroies:
640 Tu me deïs qu'en mont iroies.
"C'est custume que chascuns tient,
Quant li uns vet, li autres vient."
D'enfer esties eschapes,
0 je reseroie atrapes.
645 Iluec remeis, tu t'en issis.
Tel traïson de moi feïs.
En l'eve soffri grant moleste,
Trois foiz me reclost sor la teste.
Molt i endurai grant mesese,
650 De boivre estoie ases aese.
Li blanc moine me traitrent fors,
Mes tant me bâtirent le cors
0 potences et o bastons
Qu'il me mistrent a ventrellons.
6.^5 De pex me firent tel aport
Qu'iloc me lassèrent por mort
En un fosse qui fu pulens.
Par la coe me traitrent ens
Et après s'en sont retorne.
6fiO En ort leu m'orent ostele,
De pu or dui estre crevez.
Molt ai este par toi grevez.
D'iloc me parti a grant peine,
Ge ne pooie avoir m'aleine:
665 Encor m'en dolent tuit mi menbrc.
Molt sui dolans, quant moi en menbro
Tu me feïs aler peschier
Et en l'eve tant acrocier,
Tote la coe oi engelee
670 Et en la glace seelee :
Sens la coe perdre au partir
Ne m'en pooie départir.'
Ysengrin, dis le tu a certes
6377emandoi 643 estiees «44 Or reseroie ia a. ^'^''^J^'^
rinsis 654 uertrellons 657 puslent 661 poor 666 .,uan ^67 .nan.j
671 sen 672 p. ie partir 673 di
216 VI (Méun U8)S4— 14419)
Que tu oùs par moi ces pertes?
675 Par foi tu paroles a force,
Ta lecherie te fist force.
Otre mesure fus costos 45
Et de poissons trop covoitos:
Ja n'eu cuidoies prou avoir.
H80 Voir dit li livres de savoir,
Qui tôt covoite trestot pert.
Ce os je bien dire eu apert,
Tex quide avoir tôt a sa part
Qui del tôt s'en desoivre et part.
685 Molt est bonis qui tant covoite
Que son gaaing pert et s'aoite.
Des que tu les poissons sentis,
Di moi por qoi tu t'alentis?
0 dous ou trois en revensises.
690 Mes por escarni te tenisses.
Se tu n'en fusses toz cargies.
Por fol i fus tant atargies.
Qant del venir t'alai somondre,
Lors comencas un poi a grondre.
695 Quant je fui anuiez d'atendre.
Si te laissai as poissons prendre.
Se mal t'en vint, por qoi m'en blâmes V
Unques des poissons n'en menjames.
'Renart, bien te ses escuser
700 Et gent par parole amuser.
Ne porroie hui avoir retrez
Les maus que tu m'as diz et fez.
Toz tens m'as tenu por bricon.
Un jor que mangai d'un bacon,
705 Grant talant avoie de boivre :
La me soiis molt bien decoivre.
Tu me deïs que d'un celer
T'en avoit on fet celerer.
En ta garde estoient li vin
H76 legerie HHO leures 682 eot o ie tiStj gaig p. et le iete 694
roiiuhe 695 anuious 696 laissoi 7UU esmuser
VI (Méon 1442U— 1445«) 217
710 Toz tens au soir et au matin.
La me menas bien a envers.
Tu m'as chante de meint fax vers.'
Ce dit Renars or as tu tort.
De ce sui bien en mon recort
7 15 Que tant boiis que tos fus ivres.
Si te vantas que tôt sans livres
Chanteroies bien un conduit.
Puis conmencas a si grant bruit
Que tuit cil de la vile vindrent,
720 Qui a grant merveille le tindrent.
Quant j'oï la noise venir,
Nus nel me doit a mal tenir,
Se me mis a l'eslideor:
Car de morir oi grant poor.
7-2.) Retenuz i fui par un poi,
Mes je m'en vinc au melz que poi.
Avoir me durent entrepris,
Car molt nos avoiont sospris.
Si fus batus, a moi qu'en tient?
730 Qui mal chace, mal li avient.'
'Renart' fet il, molt sez de bole,
Tu t'ies jetez de meinte foie.
Renart, molt es de maie part.
La me tenis ta por musart,
735 Ou tu me feïs la corone
D'eve caiido conme a persone
Si grant et si ample et si lee
Que tote oi la teste pelée:
Ne me remeist poil sus les joes.
740 Tu t'en alas fesant tes moes.
De moi dévoies moine ferc.
Certes molt es de mal afere,
Far toi est ma char afeblie.
Aillors to crui, si fis folie.
14b Un tronçon me donas d'anguille
Qu'eiis conquise par ta guille.
714 sai 715 tu 727 enpris 728 uos T6'6 est 739 pois
218 VI (Méon 14459—14498)
Por moi esprendre et alecher.
En nieint leu m'as fet trébucher.
Je demandai ou la trovas.
75U Por moi decoivre controvas
Que chareter tant en portoient,
A bien petit qu'il nés gitoient:
Por fol avoie tant targie,
Qu'outre mesure erent chargie.
755 Sovent s'aloient arestant.
Des anguilles i avoit tant.
Je demandai par quel senblancc
En pousse renplir ma pance.
Tu me deïs qu'il te jetèrent
760 El charetil, quant to troverent.
Tant m'en alas amonestant
Que je lor ving tôt au devant,
Si fis senblance d'estre mort.
Lors refui je batus si fort
76r) Et de leviers et de bastons
Qu'encor m'en delt tôt 11 crêpons.
N'est merveille se j'ai ennui,
Quant de toi vengies ne me sui.
En un des plus Ions jors d'esté
770 N'auroie je pas reconte
Les mais, les anuis que m'as fes.
Mes ore est tant mené li pies
Que a cort en somes venu.
Se par droit en somes tenu,
775 De toi aurai encor venjance,
Bien en ai en deu ma fiance.
Je t'ei menée loiaute
Et tu a moi deloielte:
Quant m'estordras, que que nus die,
780 Petit valdra ta renardie.'
Renars respont par bon confort
Sire Ysengrin, vos avez tort,
754 Quautre 764 refui i ie 766 li crêpons manque 767 ioi
768 uengeries 771 fet 772 plet 775 encore
VI (Méon 14499—14534)
219
Vos me blâmes ne sai de qoi.
Cil autre baron sont tuit qoi,
785 Qui vos oent, ne dient mot:
Tels i a vos tienent por sot.
Vostre raison est descoyerte
Qu'avez dite menconge aperte:
Car qui trop ment, s'arme en pert.
790 Ahi Renart, trop ai sofert
Ton grant ennui, ton grant desroi.
Mes se j'(;n ai congie del roi,
Ja auras la bataille a l'oil.'
Renars respont rien tant ne voil.'
795 j De bataille son gage tent
Ysengrins et li rois le prent,
Renars après le suen tendi
Si que li rois bien l'entendi.
Bien sevent li baron sanz dote
8()0 Que la bataille i afiert tote.
S'or ne set Renars escremir,
Mar vit la bataille arammir.
Li rois demanda ses ostages,
Qui molt estoit cortois et sages:
SOf) A nul d'els nés a pardones.
Ysengrins a les suens livres.
Por lui a fet Brun l'ors entrer,
Tybert le chat et Chantecler
Et le lèvre sire Coart:
810 Cels met Ysengrins de sa part.
Renars en rot des mels banez
Que il ot a sa part tornez :
Grinbert et Baucent le sengler
Qu'il ot fet 0 soi asenbler,
815 Et Espinart le hericon,
Et segnor Belin le moton.
Cil firent a Renart secors,
Molt en pesa dan Brun li ors.
46
785 (Irient 792 oi 796
813 grinberz
800 fier 809 Coart le 1. et espinart
220 VI (Méon 145:^5—14570)
La bataille ont aterminee
820 A quinze jors sans demoree.
Grinbert li acreante bien.
Ne li faudra por nule rien
Que Renart ne face conbatre
Por l'orgoil Ysengrin abatre.
8-25 Li rois a dit 'tenez vos pes !
A vos ostels alez huimes !'
Li baron sont tuit départi.
Malement ont le chanp parti
D'entre Renart et Ysengrin
830 Qui molt estoient mal voisin.
Renars n'iert pas de tel puissance
Conme Ysengrins, mes sa fiance
Avoit Renars en escrimie,
Por c'eut la bataille aramie.
835 Engigneuz est, et s'il n'est forz,
Sun senz valoit un grant esforz.
De l'entredous se set covrir
Et bien taper por descovrir
Son conpaignon, quant il voit ese
840 De fere chose qui li plese.
Tant s'est entremis del aprendre,
Ne l'en porroit nus entreprendre.
Tant sot Renars d'engins plussors,
De luite, de janbet, de tors:
845 Ains qu'Ysengrins baillier le puisse,
Li bruisera ou bras u cuisse.
Ysengrins entent molt a el.
En pez se gist a son ostel.
Car cl droit qu'il a tant se fie
850 Que Renart en son cuer desfie.
Se il le puet as poinz baillier.
Forment le cuide travellier.
Molt désire que li jorz viegne
Que en sa bataille le tiengne.
821 li a acrante 82H a. imos 825 son 830 wam/ui' 835 cil ert
845 que y. 846 hu 851 pot
VI (Méon 14Ô7 1—1 4607) 221
855 Molt li desplest en son corage
Que la bataille tant li targe:
Ja ne quide mes veoir l'ore
Que ele soit, trop li demore.
Renars refu en molt grant peine
860 D'armes conquerre la semeine,
Et Ysengrins tôt ensement
Reporchasce armes bêlement.
En grant porchaz est del haster
Et en poine del aprester.
865 Son escu e s'autre armeiire,
Cote a quise et afoutreiire,
Chausces gamboisees bien fêtes
Que il a en sez janbes traites.
Son escu est vermeuls trestoz,
870 Et la cote roge desoz :
Baston de néflier ot bien fet,
Bien fu armes au jor de plet.
Renars qui meint a escarnis
Ne restoit mie piz garniz :
875 Ases avoit de buens amis
Qui de lui se sont entremis.
Escu roont a sa manere
A conmande que l'en li quere :
Un l'en ont quis qui fu tôt gaunes.
880 En sa cote n'ot pas deus aunes,
Molt fu bien fête et aiesee.
N'out chance ne fust ganboisee.
Un baston ot d'une aubespine
Qui molt estoit bons en plevine.
885 En lui fu molt bien enploiez.
De coroiez fu bien liez
De chef en chef jusqu'el forfet.
Einsi armes a la cort vet.
Ysengrins s'en iert ja tornes
890 Qui molt estoit bien atomes.
863 de lui h. 86fi Tote 867 Cli. ianbpls ot b. f. is69 es 871
pe perer et b. 878 A ] Et 879 ganes 881 aiese 882 cb. iiout j^an-
boÏBe 883 «lun 887 en autre i.
222 VI (Méon 14608—14644)
En la cort est venu Renart,
Et Ysengrins de l'autre part :
Et 11 baron furent ensenble,
Chascuns a dit ce que 11 senble.
895 Renars ne fu pas esperdus :
Haut fu roolngnies et tondus,
Et col et barbe se fist rere
Por le despit de son conpere.
Ysengrins l'ot en grant despit,
yOO Et sa forche proisoit petit:
One n'i deigna oster cevoil.
Ja fussent ensenble son voil :
Molt désire q'as moins le teigne,
Ja ne cuide q'a tans i viengne.
905 Mes einz que il le tiegne as raeins
Sera plus malades que seins.
Hermeline fu en peor
Por dan Renart et en freor,
Et Percheliaie et Malebrance.
910 Molt par estoit la dame franco.
En crois s'estent en sa tesnere,
Por Renart fet digne proiere.
A damlede prie et aore
Que Renart garisse et secore
915 Et de mal engin l'escremisse
Qu'en la bataille ne périsse.
Si doi fil plorent en meson,
Chascun d'ouz fesoit s'orison
Por lor père qui tant les eime :
920 Quant il les voit, baus filz les cleime.
Hersent prie por son segnor
Que dex li face tel onor
Que ja de la bataille n'ise
Et que Renart veiner e le puisse,
925 Qui molt soef li fist la chose
En la ternere, ou ert enclose.
896 roingnies et bien t. 902 si u. 905 il manque 907 foror
914 garde 915 lecremisse 916 Que la 919 q 922 len 928 la mnuque
924 ueintre
VI (Méon 1464ô-14«8l) 223
Ja par lui ne s'en fu conpleinte.
Mes Ysengrin qui a fet meinte,
L'en fist conpleindre, ce li poise.
930 Molt a en lui franche borgoise.
Tuit sont a cort et povre et riche.
Ysengrins metra en la briche
Renart, s'il puet. par sa bataille :
Wi valdra sis engins maaille.
935 Quant Nobles vit sa gent venue
Par qui la bataille ert tenue,
Brichemer fet avant venir
Por recorder et retenir
Le jugement de la bataille,
940 Et prie que par le droit aille.
Brichemer est venus avant
Et dit qu'il fera son conmant.
A sei a tret trois des barons
Qui molt estoient de grans nous.
945 Li liparz estoit li" premiers
Qui molt estoit estoz et fiers,
Et Baucent qui a gent le cors
Et mesire Bruianz li tors.
Cil quatre sont avant venu.
950 Por les plus sages sont tenu 47
Qni cel jor fussent en la place.
N'i a celui qu'ases ne sache
Por un grant jugement tenir
Et por un grant fes sostenir.
955 Cil quatre vont a un conseil :
Dist Brichemers je me merveil
Que Renars ossast ce penser
Dont nos l'oïmes encuser
A Roonel et a Tiebert
960 Et a Brun l'ors qui molt nos sert.
Des autres clamors i a tantes
Que je ne soi a dire quantes.
Pinte' se pleint et Tiecelins.
93.S pot 945 Li parz 946 Que 9.02 cels (Iouh qui
tt8»>s 9.iK Donc
224 VI Méon 14682—14717)
Tôt ce prist sor soi Ysengrins,
965 Por toz couls a done son gaje
Et si en a livre ostage
Que il conoistre un jor H face,
Se il le nie, en nule place.
Segnors. qui poiist apesier,
970 Le mal ester et abessier,
Ce fust grant sens, ce m'est avis.
Ei je bien dit? Que vos est vis?'
Baucent respont 'bien aves dit.'
Tuit l'otroient sanz contredit.
975 Tuit quatre sont venu au roi,
Si li dient tôt en reqoi
'Sire, vostre baron loassent
Que cil dui baron s'acordassent.
Sauve t'anor et ta querele,
980 Molt tenisson la pes a bêle.'
Molt plest au roi ce qu'il ont dit,
Ja par lui ne seront desdit.
'Seignor' fet il, 'or en parlez!
Ysengrin premier apelez :
ii85 De tôt la querele en lui tient.
A moi de rien n'en apartient
Fors solement de droit tenir.
Del sorplus vos les convenir.
Moi ne poise se il s'acordent,
990 Ne voil que par moi se decordent.
Mels einz la pes d'oulz que la guerre,
Se la poes entre els conquerre.'
Quant Brichemer l'a entendu,
Tornez s'en est col estendu.
995 A Ysengrin dist en l'oreille
Que li rois forment se merveille
Qu'en ne puet pez entre els douz mètre
Ne por doner ne por premetre.
Face le bien, pregne droiture
965 tôt couls 966 a done 986 de manque 9«8 u. en 1. 991 q're
997 Que n<' pot entre elz pez douz pez m.
VI (Méun 14773—14753) 225
1000 De Renart por la forfeture,
Et por ce que sore lui mist
Que a sa feme force fist.
Dist Yseugrins n'en parles pas!
Je voil qu'en m'arde en est le pas
1005 Que je a lui prendre acorde.
îse voil q'autre fois s'i auiorde
A fere honte a son conpere
Ne a pelgesir sa conmere.
Je verrai bien qui me fet droit.'
1010 Brichemers dist que il voudroit
Que la chose fust si menée,
Si déduite et si atornee
Que entr'els douz fusent amis
(Let est qu'il soient enemis)
lCfl5 Si que chascun son droit oiist,
Que a mal torne ne li fust.
Dist Ysengrin ja deu ne place
Que je pes ne acorde face
De ci qu'en voie le plus fort
1 )'20 Et sache liqueus en a tort :
Bien me porra tenir por ivre
Se je l'en les partir délivre.
Dites lo roi et son barnage,
Que ce sache et fol et saje,
10-25 Que por noient la pes requiert.
Ja de si el champ fête n'iert :
Chascuns dira ce qu'il voudra,
El champ verons qui meus vaudra.
Dites au roi que droit me tiegne!
1030 La bataille aim conment qu'il vegne.'
Quant Brichemer ot en la fin,
N'en aura pes vers Isengrin,
Au roi a dite cel novele
Par qoi s'ire li renovele.
10;}5 'Sire' fait il, a moi entent!
1014 enennis 1U19 si 1023 Distes 1024 saclie.s lU2(i niiert
1028 uoudra 1031 Q. brun 1033 merueille
REN'ART 1 15
226 VI (Méon 14754—14789)
Ysengrins sa bataille atent
Qui n'a talant de fere pes.
Honis soit qui en fera mes
Nule acorde se le champ non.
1040 L'en en tendra l'un a bricon.'
Or est li plet molt enpiries.
Car Brichemers est molt iries
De l'orgoil qu'Isengrin li dist,
Quant de pes fere l'escondist.
1045 Dist Brichemer 'se vos voles
Droit fere si con vos soles,
Se vos tenes la droite voie,
Ce est le meuz que je i voie,
Q'amedous les metons la fors,
1050 Penst chascun de garder son cors.
Quant il seront enmi la place.
Qui meuz porra fere, si face.'
Ce dist li rois 'par seiut Richer,
Por verte vos os aficher,
1055 ^'en prendroie pas tôt l'avoir
Que li plus richez puist avoir
Que je la bataille n'en aie,
James n'aurai en els manaie.
Ne sai q'ales plus atendant:
1060 El champ les metes, jel conmant.'
Quant la parole ont récitée
De la bataille et recontee,
Puis les ont mis el champ ensamble.
Li plus hardis de peor trenble.
106.') L'un tenoit l'autre par la mein.
Nobles apele un capelein.
Mon seignor Belin le moton.
Molt est sages, pas n'en doton.
Cil aporta le seintuaire
1070 Sor qoi font les seremenz fere.
Li rois a fet crier son ban
1043 q isengrin 1047 De 1052 fere porra 1055 prendroi 1058
manoie
1075
1080
YI (Méon 14T9U-148B1)
Qu'il û'i ait nul de tel boban
Qui face noise: en pes se tiengne,
Conme prodome se contiengne.
Molt est li rois de grant justice.
Del serement fet la devise
Danz Bricheraers et Brun li ors
Que l'en tenoit as deus meillors.
'Seignor fet il, "or m'entendez,
Si je di mal, si m'amendez!
Renars jurra premerement
Et fera tôt le serement
Qu'a Ysengrin n'en a tort fet
:j^e a Tybert le chat forfet,
1085 ^' a Tiecelin n'a la mesenge,
N'a Roonel coment quil prengne. 48
Alez, fêtes le serement
A Ysengrin enterement!'
Renars s'ajenoille en la place,
109.) Moult s'apareille et se rebrache.
Desor les seinz estent sa mein.
Il a jure par seint Jermein
Et par les seinz que iloc voit
Que de cest plet nul tort n'avoit.
l(H)5 Les seinz bese, puis si s'en lieve.
A Ysengrin durement grève
Ce qu'il fet acroire por voir
La mencoigne par son savoir.
A jenuz s'est a terre mis.
IW) Dist Brichemer 'oies, amis!
Ce jurerez: Renars est fans
Del serement, et tu loiaus.'
Dist Y'sengrin je l'acreant.'
Les seinz besa. Tôt meintenant
lio:. S'est redreches, puis si s'en vet
Enmi le camp, s'oreison fet
Et prie deu qui tôt sormonte,
22-
■ 1072 Qu il ] Ne 1083 Que .y. nen na 1091 seinz estent 1092 seintz
1100 boV llOliurrez 1104 .s. AprèsimiemscAdon.eencœ-e
«L.r. .• Longen-ït fi«t ses oreisons Et fu en grant aflic.ons 07 que
228 V'I (Méon U832— 14867)
Que il li doinst venger sa honte
Si qu'au partir l'onor en ait
1110 De Renart qui li a fet let.
Baisa la terre, puis se dreche,
Son baston afete et adrece,
En plusors sens le retornoie,
En sa mein lace la coroie.
1115 Son escu prent et puis se mole,
En plusors sens le baston croie.
Tôt entor encline a la gent,
Molt se déduit et bel et gent.
A Renart dist que il se gart,
1120 Qu'il ne mete le jor a gast.
Quant Renars l'ot, del cuer sospire :
Tôt s'est teiis, ne velt mot dire.
Renars sot letres de s'enfance,
Molt ot oï de nigromance :
1125 Tant ot entendu puis aillors
Qu'ot oblie les moz mellors.
Son baston prent con afaitiez:
Bien senble home qui soit haitiez,
lentement le sot a soi trere.
1130 Bien fu apris de tel afere.
En plusors sens l'a essaie,
N'a pas senblant d'orne esmaie.
En ses doiz la coroie lace,
Apres se drece de la place.
11 .•55 Quant il le tint, si fu soiirs
Conme castel enclos de murs.
Li escrimir li est joiaus,
Car il en set toz les enviaus.
Sun escu sor sa teste tient:
1140 Se Ysengrins près de lui vient.
Tel escremie li donra
Qui a grant honte li vendra.
Ysengrins est de grant aïr,
1108 son 1118 la detornoie 1115 moille 1120 ior en esgast
1128 q 1138 sot 1141 dora
VI (Méun 148()8— 14901) 229
Molt tost l'est alez envaïr.
1145 'Renart' fait il, 'mal es bailliz.
Toz jorz mes soie je failliz.
Se ne me venz de ma veutance,
Que me feïs par sorcuidance,
Quant tu a ma feme joûs
1150 Et a force le porjoûs.'
Renars respont sire, mal dites.
Otroies que je soie quites !
Fere vos ferai grant homage
A chevalier da haut parage:
1155 Puis irai por vos otre mer.
Si me voles quite clamer.'
'Renart' fait il, 'ne te travailles !
Je ne croi que tu noient vailles.
Qant tu de mes meins torneras,
1160 Ja puis ne me rauproneras.'
Renars respont 'c'est devinaille.
Bien verrou a la defiuaille
Lequel que soit plus decoii.'
Dist Ysengrins 'trop ai vescu,
1165 Se de vos ne me puis venger.'
Ce dit Renart 'or oi danger,
Qu'alez tote jor manecant :
Mes asailliez de meintenant !'
A cest mot Ysengrins acort,
1170 Renars n'a talant qu'il s'en tort,
Son escu tint devant son front.
Met pie avant, sovent s'esgront.
Molt le vet Ysengrin hastant,
Renart se vet bien défendant,
1175 Jeté retreite et entredeus :
Au quel que soit, en iert li dels.
Ainz qu'il se partent de l'asaut,
Renars le fiert que pas ne faut :
Tel coup les l'oreille li doue.
1146 je mawiue 1153 feroie 1156 me fêtes 1166 uoi 1172
auant autr*? couert son gront 1175 et manque entredels 1177 sen p.
230 YI (Méon 14902 — 149371
1180 Tote la teste li estone.
A cel asaut mal li eschet:
Tôt chancelé, a poi ne chet.
Quant sa teste a voû seignier,
De sa mein se prist a segnier.
1185 Deu prie qui ne faut ne ment
Que il le gart d'afoleraent :
Par sa feme est, ce dit, traïs.
Longement fu si esbahis
Que il ne sot quel ore estoit,
1190 S'ert nuis ou jorz, quel tens estoit,
Por le cop qu'il a recoû.
Renart l'a bien aperceii,
Wen fist senblant qu'il lo soiist
Ne que aperceû l'eiist.
1195 Mes d'autre part torna sa chère.
Encor se gart qu'il ne le fere.
S'il en puet leu ne ese avoir,
Encor li fera mels savoir:
Car n'a talant de lui atraire.
1200 En sus le fera de lui trere :
Ne li laira pas aprocher,
Au baston se set esmocher.
Dant Ysengrins de loin esgarde.
Renars li dit por qoi il tarde
1205 Q'a la bataille ne revient:
Bien set qu'a fere li convient.
Ysengrins se fu apensez,
Que raolt a este esmaiez.
Porpense s'est que trop demore.
1210 Isnelement li recort sore,
Met pie avant, jeté retrete.
Mes Renars durement se guete.
Ysengrins jeté, pas n'areste,
De son baston vole la teste,
1215 Met pie ariere, si s'en trait.
1181 est manque 1194 aperce 1197 pot 1203 de lainz 1212 dore-
ment 1215 auant trat
YI (Méon 14938—14970) 231
Renai's qui set asez de fait,
Li dist itant 'dant Ysengrin,
Dex qui sor toz est voirs devin,
Set bien quel droit vers moi aves.
1220 Baston vos faut, dont nel savez? D44a
Car faisons pais a mon seignor
Ainz que vous aiez deshonnor!'
Dist Ysengrins 'faites moi tondre,
S'assez n'en ai pour vous confondre.'
1225 Quant assez ramposnez se furent
Li dui baron qui ou champ furent.
De rechief andui s'en reviennent,
Moult cointement leurs escus tiennent.
Ysengrins gete et fait son esme.
1230 Que geter weille par meesme.
De lui prendre moult s'entremet,
Entre l'escu son baston met:
Enmi le champ son escu lesse.
Renars de son baston reslesse:
1235 Tel coup li donne ainz qu'il le tiengne,
Jamais n'iert jor ne l'en souviengne.
Le bras senestre li a frait.
Or a Ysengrins mult mestrait.
Andui ont leurs escus gerpiz,
1240 Si s'aerdent parmi les piz :
En pluseurs sens se vont tastant.
Longuement furent en estant.
Ne veïstes gens tant combatre.
Li uns ne pooit l'autre abatre,
1245 Ja ne doit on de ce plaidier.
Ysengrins ne se puet aidier
Fors seulement de son bras destre.
Que perdu avoit le senestre.
1216 frat Les vv. 1220 — 1356 manquent dans le nisc. A parce qu' une
feuille en a été arrachée ; ils sont supplées jJf^ir D. 1226 li champion q,
1282 contre lescu 1233 escu] baston 1235 qui le 1239 repris 1240
Es dens se fièrent et es p. 1241 lieus traitant 1244 Lun fleulz ne
uouloit 1248 Car
232 IV (Méon 14971 — 15007)
L'un d'euls tourne, l'autre retorne:
1250 Xulz des vassaus pas ne sejorne.
Mult tournent ainz que nul en chiee.
Ysengrins suefFre grant hachiee :
Mais dens a un pou plus agues
Que Renars et plus esmoulues.
1255 Contre Renart molt se herice,
Bien li descire sa pelice.
Renars li fait un tour François,
Ysengrin nel doutoit ancois.
Renars l'estraint, pas ne se faint:
12fi0 Jambet li fait, de lui l'enpaint,
A la terre le gete envers.
Renars li vint sus en travers.
Les dens li brise en la bouche.
En la chiere li crache et mouche,
1265 Es iex li boute le baston.
Souvent li poile son grenon :
Traire li fait moult maie fin.
Puis li a dit 'sire Ysengrin,
Encui verrons qui droit aura
1270 Et qui miex fere le saura.
De vostre farame m'accusez :
Certes moult estes amusez,
Quant vous ci pour vostre moillier
Moi et vos faites traveillier.'
1275 Ysengrins voit qu'il le laidenge.
Moult est dolens. qu'il ne se venge :
Ce poise li, n'en puet plus faire.
Renars li fait honte et contraire.
Entre ses dens moult se démente
1280 Et dit 'fox est qui met s'entente
En famme pour riens qu'ele die :
Poi sont de famés sanz boidie.
Ja la m oie ne crerai mais.
Par famme est plus guerre que pais,
1252 hachie 1254 miex 1258 Mais .y. nel donte .1. pois 1263
rlebrise 1264 uouche 1265 le ] son 1269 tort 1272 C. trop es des-
mesiivei; 1281 p. chose quil oie 1282 Que mal sa paine y emploie
VI (Méon 15UU1— 15048) 233
1285 Par famme sont bonis maint homme,
De touz les maus est famé somme,
Fox est qui trop i met s'entente.'
Ysengrins ainsi se démente,
Ainssi se complaint bellement^
1290 Renars le fiert menuement
Et sur le nez et sur la face.
Ysengrins ne scet que il face :
Que bien voit que il est en trape.
A ce mot li bastons eschape
1295 Que Renars tenoit en sa main.
Cilz qui n'ot pas le cuer trop vain
Se voult lever, mais ne puet estre,
Qu'il n'a vertu fors de sa destre.
Renars li fet de grans anuis:
1300 De la poudre li gete ou vis.
Ysengrin tient pour non sachant,
xVus mains li vait les iex cerchant.
Mais par sa grant mésaventure
Li avint si fort aventure:
1305 Son doi en la bouche dedens
Li chiet, et cilz le prent aus dens.
La char trenche jusques a l'os,
Ses mains lace derrier son dos.
De l'estraindre pas ne se faint:
i:510 Car en tel guise le destraint.
Ou weille ou non l'estuet descendre
Et de.soz lui le fet estendre.
Or est Renars en mal trepeil :
S'il a paour, ne m'en merveil.
1315 Ysengrins des genous le serre.
Renars ne vit ne ciel ne terre.
Jure avoit faus serement:
Il li parra prochainement
Con fausse loi il a menée.
1320 Hui est venu a sa journée,
V29S quil 1294 le baston 1801 p. mit' poissant 1804 manque
1312 Et tost de dessus lui descendre
234 VI (Méon 15049—15090)
Merci quiert pour les sains de Romme.
Mais ne li vaut pas une pomme :
Car Ysengrins le fiert et maille,
Tant que Renars gient et baaille.
1825 Ysengrins le fiert en la chiere.
Ne tient pas sur lui sa main chiere,
Renars n'a pooir de deffendre,
Tout li convient souffrir et prendre.
Il vosist miex estre aillors :
1330 Son cuer en est en grant douleurs.
Devenus est plus frois que glace:
Ainz velt morir, ce dist, en place
Que pour lui recréant se claint.
A ce mot a gete un plaint,
1335 Semblant fet d'omme qui soit mort
Que en lui n'a mais point d'effort.
Ysengrins un petit le lâche,
Moult le mort et moult le dessache.
Renars ne muet ne pie ne main,
1340 Bien fait semblant qu'il n'est pas sain.
Ysengrin l'a batu si fort,
Enz ou champ l'a laissie pour mort:
Li baron sont de lui parti.
Atant la court se départi,
1.S45 One Troïen n'orent tel joie,
Quant recurent Elaine a Troie,
Con Brun li ours et Ysengrins,
Et Chantecler et Tiesselins
Et dame Pinte et Roeniaus
1350 Pour Renart, qui ert desloiaux. D45
Li parent Renart ont grant honte :
Nobles n'en veult oïr nul conte,
Ainz conmande que on le pende.
Tyberz li chaz les iex li bende,
1355 Et Roeniaux les mains li lie.
Bien ont Renart mis a la lie.
1323 le ] si maaille 1329 Or en est .y. loiinour 1330 R. en 1332
Encoiz raorra ce 1341 la debatu f. 1342 Enz manque 1. tout p. 1350
R. font le d. 1352 ueul 1354 Ty. le chat 1356 R. o. b
YI (Méon 15091 — 15130) 235
De pâmoison fut revenuz. A 49
Bien fu le jor por fol tenuz :
Se de lor moins pooit partir,
1360 James n'iroit home aatir.
Tote la cort oïssiez bruire,
Molt se hastent por lui destruire.
Renars por sa vie tenser
Prie qu'en le laist confesser,
13fi5 Qar a rejehir li covient
Toz les pèches dont li sovient.
Il li ont fet venir Belin.
0 lui ameine Chanteclin.
Renars se fet a lui confes,
1370 Et cil li encarja son fes
Solonc les péchez qu'il a fet
De qoi il a vers deu mesfot.
Si con il confesoit Renart,
Atant es vos frère Bernart
137.') Qui de Grant Mont ert repairez.
Trova Grimbert qui fu iriez.
Euquis li a et demande,
Conment li rois a conmande
Que Renars fust molt tost penduz,
IS-^O Par nullui ne fust desfenduz.
Quant li frères ot la parole,
Molt li poisse, se l'en l'afole.
Il ert de grant franchise pleins,
Molt ert cortois, n'iert pas vileins.
1385 En son cuer l'a aperceii
Par le grant duel qu'il a ou,
Que meine Grinberz li teisons
Et Espinarz li hericons.
La u vit Noble bonement,
1390 Le salua molt doucement.
Li rois se drece en son estant.
Ne set frère que il eint tant.
1357 le msc. A recommence 1362 dest*e 1366 d. il se crient
1371 fes 1378 Conme 1379 tôt 1383 g. seintee p. 1385 1' manque
236 VI (Méun 15131 — 15172)
Joste lui le fet asegier.
Li frères l'aquelt a proier,
1395 Por deii li otroit, se li plest,
Que Renart sain et sauf li les'.
Einsi le raeata li frère.
'Segnor, por deu le devez fere.
Ne puet aler o deu le graut
14tX) Qui ne pardoinst son mautalant,
Itel conseil te voil doner
Que tu lesses Renart aler.'
Molt doproia l'enpereor
Que Renart li doinst par amor :
1405 'Por ce' fet il, 'sui je venuz.
Proier vos voil, ne soit penduz,
Ancois laissies Renart aler:
Dex le vos puist guerredoner!
Donez le nos a deu servir
1410 Qui se laissa por nos morir!
Por amor deu le nos dones!
Renart, de quoi s'est affiches,
Jel quit fere moine ordener:
En tôt le mont n'aura son per.'
1415 Le frère dist l'enpereor
'Dex ne velt mort de peeeor.
Mes soit confes et se gart bien:
Dont sera sauf le crestien.
S'il est retez de guerpilage,
1420 li est au meins el repentage.'
Nobles entent que bien a dit.
Nel voudroit avoir escondit
De rien que il li demandast
Ne que fere li conmandast.
14-25 Renart li rendi bonement
Sens nul autre contenement.
Renart a gite de prison,
Frer(^ en a fet en sa meson.
1393 aseoir 13i)l lequelt 1.(95 Que p. 1396 Q. iiif et s. R 1399 pot
1403 lenperere 1406 Proie 1408 Que d. uos Ulldonas 1412 sert afri-
chas 1415 d. a le. 1424 que a f. 1426 seins 1427 a niatiqnc 1428 Fre
VI (xMéon 1Ô173— 1Ô215) 287
Poissons li donent por am ordre,
1430 Bien le dotrinent de lor ordre,
De dras a moine l'ont vestu
Le fil a putein, le testu.
Einz la quinzeine fu garis :
Cil qui tant a este maris
1435 Toz fu gariz et repasses.
Par meint maveis pas est pasez.
Bien retient ce que on l'enseigne,
N'a pas senblant que il se feinne.
Les signes fet del moiuiage.
1440 Molt le tienent li moine a sage,
Cher est tenuz et molt amez.
Or est frère Renart clames.
Molt est Renart de bel service,
Volenters vet a seinte iglise.
1445 Sovent li menbre des jelines
Dont il selt rongier les eschines.
A peine tient estacions.
Car sovent a tentacions.
Bien li seent si vestement,
1450 Molt se déduit onestement,
Si met s'entente a l'ordre prendre
Que il n'i a que entreprendre.
Un jor fu la messe cantee,
Renart de cuer l'ot escotee.
1455 Tôt dereniers ist du moster.
En sa mein tenoit un sauter.
Quatre capons bien sejornez
Lor avoit un borjois donez
Qui avoit non Tiebaut le riches:
1460 N'iert pas vers els avers ne chices.
Renars les a aperceûs:
Or sera il bien dccoiiz,
Se il n'en fet ses gernons bruire:
Bêlement s'en quide déduire.
1465 'Par dou fait il, ne m'apartient
1431 a frère 1437 ce q len lenseigne 1441 ert
238 YI (Méon 15216—15250)
Cil qui de o.hav manger se tient.
N'ai pas fet veu de manger char.
Molt le tcndroie a grant eschar:
Qui cest veu fer^^ me feroit,
1470 Dex. le set, nK^lt me raesferoit.
De char ne me puis atenir.
Se je en puis en leu venir,
Je mosterai que Je soi tere.
Qui qu'en doive parler ne tere.'
1475 Le jor trespasse et la nuit vient.
Renart qui des chapons sovent
Ne les pot mètre en obliance.
Tote trespasse obédience.
Vient as chapons, si les desjoche,
1480 L'uu en manja. au cuer li toco:
Les autres trois a mis en terre,
Que lendemein les vendra querre.
Covert les a bien de terrier,
Arere s'est venuz chocier.
1485 Ne sot nus mot de son aguet
Ne del hirecin qu'il ot fet.
Si li ciiaï par aventure,
Molt retret bien a sa nature.
Lendemein après les matines
1490 Renart qui tant eime jelines,
D'un des capons se lest dines,
Puis est el cloistre retornes.
Li tiers manja que nus nel sot 50
Au qart manger iluoc passot
149.') Uns frères qui bien l'aperçoit
Que Renars li ros les decoit.
Quant reconte fu au covent,
Renart en out blâme sovent.
Renars lor en velt droit ofrir:
1500 Frère Bernart nel pot soffrir:
1468 a 1 en 1469 tVoit 147U selt 1473 mosteroie 1479 desnocliP
1480 maia 1485 nus] un 1493 nul 1494 marger 1496 les | se 1499
uait 1500 .B'.
YI (Méun 10251 — 10289) 239
Ja ravoit niangie un corbel
Qu'il avoient en lor prael.
Tant larecins lor avoit fet
Que bien voit que il s'est mesfet.
1505 A Renart ont toluz les dras,
Congie li donent. tôt fu gras:
Ne demandoit autres loreins
Ne mes qu'il fust hors de lor moins.
A merveilles lie s'en fesoit,
1510 Car li oi'dres li desplaisoit.
Tornez s'en est tôt le chemin.
Encor nuira a Ysengrin.
Li moigne l'ont mis a la voie,
Toz^ solz s'en vet, nus nel convoie.
1515 Molt manache ses enemis.
Par qui il fu en peine mis.
Sa teste jure coronee
Que ja s'ire n'iert pardouee
A Ysengrin ne a Tybert
i:)20 Par qui il a tant maus sofert.
Roeniaus ert en une haie,
De loin le voit, forment l'esmaie:
Si s'escrie Vois le rendu
Que devien avoir pendu.'
1525 Cil n'a talant de ranproner,
Forment s'aqelt a trestorner
Tant que il vint en sa tesnere
Ou a trove sa feme chère.
Quant le vit, grant joie en a,
1580 En son cuer s'en esleeca.
Car molt avoit grant dol oii
D'Ysengrin qui l'avoit veincu.
Si dui fil fout Joie molt grant
Quant lor père voient vivant:
15)35 Quant soin le voient repairier,
Or nés porroit nus corocher.
1509 merueille 1514 nul 1519 Yscngrinz 1521 Ruiaus 1522 loinz
1524 deuen 1528 trouée 1528 Q. ele le
240
VI (Méon 15290—102941
Molt fu bien aeesmes li estre.
Renaît qui fu res conme prestre,
Ot molt grant talant de manger.
1510 L'eve commanda a hucher
Et l'en li a tost aportee.
Ses filz ont la table posée. — —
1540 commenche
(Méon 27783—27808;
VII
Fous est qui croit sa foie pense : (50)
Molt remeint de ce que fous pensé.
Fous est qui croit foie espérance,
Que toz li monz est en balance.
5 Fortune se joe del mont:
Li un vienent, li autre vont.
L'un met en bien, l'autre en la briche,
Si fet l'un povre et l'autre riche.
Tex est la costume Fortune
10 Que l'un eime, l'autre rancune.
Ele n'est mie amie a toz,
L'un met desus. l'autre dcsoz:
Et celui qu'ele met plus haut
Fit qui mous fet et qui meus vaut,
15 Fait ele un maveis saut saillir
Ou a l'entrer ou a l'issir,
Segnor, cist mondes est prestez,
Li uns a poi, li autre asez:
Et qui plus a, tant doit il plus,
20 De tant sont li povre au desus.
Et qui poi enprunte, poi rent:
En le lest vivre bonement.
Tex a ores grant poeste,
Qu'ancois que un an soit pase
4 Fortuiii'
sert 18 et liiutiM
KKVART 1
IG
242 AMI (.Méon 27809—27848)
25 Sera de molt povre pooir,
Ice saches vus tôt de voir.
Par mon chef, ce n'est mie gas,
L'en vient molt bien de haut en bas,
Par foi, et de molt grant bassece
30 Revient en bien en grant hautece.
Vav ce est dioiz que je me tese.
D'autrui avoir a l'en grant ese:
Ge quit que grant biens en vcndroit,
Qui reison i esgarderoit.
35 Qar qui ovre solonc reson,
Ne l'en puet venir se bien non.
Molt est fox qui meine ponee
De chose qui li est prestee:
Costume est d'autrui garnement,
40 Qui froit lo vest et caut le rent.
Poz est qui por son grant oiir
Est en cest siècle asoiir :
Car je vos di bien seinz feintise,
Tant vait li poz al puis qu'il brise.
45 Ou tost ou tart, ou près ou loin
A li fors del feble besoin.
Cest essample vos ai mostrez
Por Renart qui tant est devez
Et qui ovre contre nature.
50 Ja nus n'aura de lui droiture,
Il prent a tort, il prent a droit,
C'est merveille qu'il ne recroit.
Mes certes ja ne recreira
Devant ce qu'il l'en mescarra:
55 Car son deable le demeine,
Et si est toz en son demeine
Qui de lui ne se velt partir
Jusq'a tant qu'il l'ait fait honir.
Une pièce puet il rener.
29 basseiice '.W m molt bien ;U est bien d. toise 33 l \en 3(> pot
87 Meint 88 que 89 ."•iinuMiiPiis 40 (nic f. loust 41 i)iir 42 s. i.liis a.
45 tart après ou 48 Par
243
VII (Méon 27844—27886)
60 Mes après le fet trébucher:
Pendre le fet ou afoler,
Ardoir en fu et enbraser
Ou a si grant honte baillir
Qu'a noient le fet devenir.
65 Certes qui sert itel baron,
Ne l'en puet venir se mal non.
Je ne di pas par tôt folie,
N'il n'est pas droit que ja la die.
Se vos le voles consentir,
70 Je vos dirai ja sans mentir
De Renart le gopil la vie,
Qui a fet tante trecherie
Et qui tant home a decoû
Que par engin que par vertu.
75 II n'est nus hom que il n'engigne.
Il avint l'autrer a Conpigne
Que Renars fu del bois issus.
Si s'en ala les saus menus
Droit a une grant abeïe.
80 La avoit une conpaignie
De capons cras et sojornez.
Celé part est Renart alez.
Une ne fina, si vint tôt droit
La u li jeliniers estoit.
85 Et quant il vint au jelinier,
Si conmenca a oreillier,
Se les gelines somelloient.
Et quant il vit qu'eles dormoient. 51
A soi sacha le paleszon
90 Qui est liez d'un hardellon.
Tôt coiement et aseri
Un capon prent, n'a pas failli,
Qui bien valoit cinc et maaille.
One n'i quist nape ne toaille:
95 Premerement li ront la teste.
Renart mangue et fet grant feste.
63 baillier 86 rooUier 87 Se manque g. qui s. 98. 94 uianqiioif
16*
244 VII (Méon 27889—27922)
Ne fet pas senblant au manger
Que li chapon li fussent cher.
Molt par se contient ferement.
100 Au chapon vent son mautalant
Qui ni avoit nient mesfet:
Mes bien saves que ausic vet,
Qu'il avient bien souent a cort
Que tex ne pèche qui encort.
105 Molt a Renars de ses aveax,
Car il mangue bons morseax,
Qui grant bien li font a son cuer.
La plume et les os jeté puer.
Molt fet Renart riche relief,
110 Et si jure sovent son chef
Que maigre tos les mainiax
En mangera il des plus baus.
Molt afiche son serement,
Mes il ne set qla rueiljj pent^ -
115 Or lairons de Renart a tant
Et si diromes d'un serjant
Qui releva la nuit pissier,
Si a oï Renart rongier.
Molt durement s'esmerveilla
120 Et en après se porpensa
Que c'estoit gorpils ou tessons
Qui estoit venus as capons.
Au gelinier en vint corant,
L'uis defeima de meintenant,
125 Reclos Ta molt bien et serez:
Or est Renars bien atrapez.
A tant s'en vet en la meson.
Fuis s'escria a molt haut ton
Levez tost sus et si m'eidies!
IHO Or est li gorpil enginnies.
Or sauva il asez de frape,
Se il de ma prison eschape.
102 ausir 1U4 ni \k q. iiacort lO.") iuunix 111 m. as m. 114 luis
Uô Or le 1 i::! 1—1^3 niKiiquriit
YII (Méon 27923—27955) 245
Or tost sus! si Talon tuer!'
Qui lors veïst moignes lever,
135 Qui ainz ainz core au jelinier
Por lor gelines aïdier,
Bien li menbrast de gent iree.
Mal vit Renars ceste asamblee,
El li sera molt cher vendue.
140 î^'i a cel qui ne port macue
Dunt il manacent a ferir
Renart, s'il le poent tenir.
A l'uis vienent. si le déferaient,
Trestuit de bien ferir s'aesment:
145 Enz entrèrent trestuit ensenble.
Renars fremist, li cuers li tremble,
Molt se dehaite et molt s'esmaie,
Bien set que sanz cop ne sanz plaie
Ne puet issir del jelinier.
150 'Ha' fet il, 'moignes sont si fier
Et gens de molt maie manere,
Rien ne feroient por proiere.
Ha, que ferai? se prestre oiisse.
Corpus domini recoiisse,
155 Et a lui confes me feïsse.
Car se mes pèches rejeïsse.
Ne m'en poïst venir nus maus.
Se morusse, si fusse sax.
Il n'est mie tôt or qui luist,
160 Et tex ne puet aidier qui nuist.
Por ce qu'il vestent capes noires,
Si les apele l'en provoires:
Mes il sont tuit cou forsenez.
Meuls les puis apeler maufez:
165 Maufe sont noir et cist ausi.
134 Qui la i39Ele s. 142 se il 143 uindrent sil defermerent 144
f. iurerent 146 la char li 152 ferunt par 154 domine 157 nus mau»
uenir Après 157 le mue A intercale ces deux vers Et ce sai ie bien sanz
mentir Car mit' sont fier cist moniaux 158 Se ie muir ci si Sf^ra s.
159 luit 160 pot nuit 161 sil u. capaus 163 con ] por 165 manque
2-46 VII (Méon 27956—27990)
Bien les puis apeler einsi.
Ce me convient ore esprover,
Bien les puis einsi apeler.'
A cest mot saut Renars en place,
170 Molt se recorce et se rebrace,
Molt sapareille de foïr.
Vers lui vit un moigne venir
Qui si le fiert parmi les reins
D'une grant macue a dous meins,
175 Que a terre l'abat tôt plat.
Ez voz Renart hontex et mat.
Si se redresce conme cil
Qui est estors de meint péril.
Quant il vit que chascuns l'asaut,
180 Parmi euls toz a fait un saut
Qui qatre des moignes trespasse.
Mes ce que vaut? Li uns l'esquasse,
Li uns le fiert, l'autre le bote.
Or est entres en tele rote
185 Dunt ses hauberz et ses escus
Sera desmailliez et ronpuz.
A la parfin l'ont tant mené,
Tant travellie et tant pêne
Que em plus de quatorze leus
190 Li a mestier ogulle et fins.
Tant home ont de Renart fable,
Mes j'en dirai la vérité
En ceste brance sanz esloignc:
Or nel tenes pas a niencoigne!
195 Quant Renars se fu délivrez
Et des moignes fu escapez,
Saches que molt li en fu bel.
Puiant s'en vet tôt un vaucel.
Apres s'en vet par un grant bos,
200 Molt li sue la pel du dos.
166 insi 170 sest'orce et mit' sesbrace 172 luis 173 Que 174
grant manque 175 Qat labat hontex et mat 176 nutnque 182 M.
de ce 184 entreus 195 m. len fu a b. 199 bois
VII (Méon 27991—28028) 247
Fuiant s'en vet grant aleiire
Con cil qui pas ne s'asoure:
Qu'il ne dit mie eus, siu moi',
Mes 'se tu pues, pense de toi!'
205 Malveisement eidast autrui
Cil qui son cul lait après lui:
Se je fusse en sa conpaignie,
Petit me fiasse en s'aïe.
Une ne fina de cure a toise:
210 S'est venuz sor la rive d'Oise.
Et qant il vint sor la rivere,
Garda avant, garda ariere,
Si a choisi enmi un pre
Un mulon de fein ahune
215 Que iloques estoit laissiez
Por ce qu'il n'est pas essuiez.
Hoc fist li gorpil son nit.
En sus se drece un sol petit.
Car il se voloit eslascher
220 Eincois que il s'alast cocher.
Il a mis la coe en arcon
Si fist set pes en un randon.
'Icist premiers soit por mon père
Et l'autre por l'arme ma mère,
225 Et li tiers por mes bienfetors
Et por toz apresleceors,
Et li quars soit por les jelinez
Dont j'oi rongies les escines, ô2
Et li quins soit por le vilein
230 Qui ici aûna cest fein.
Li sistes soit par druerie
Dame Hersenz ma douce amie.
Et li semés soit Ysengrin
Qui dex doinst demein mal matin
235 Et maie encontre a son lever.
Maie mort le puisse acorer!
204 pos 206 li 214 mule 221 en le crépon 222 Se sist .VIT.
pies 234 maie fin 235 m. honte a
248 VII (Méon 28031—28066)
Car je he molt le cors de lui.
Ja ne voie il tel jor conme hui!
A maie hart puisse il pendre
240 Que nus ne l'en puisse desfendre!
Se je soi onques de barat,
Pendus iert il a maie hart.'
Atant se rest aies jesir,
Car talant a voit de dormir.
245 Si se conmande as douze apostres.
Puis a dit douze patrenostres
Que dex garisse toz larons,
Toz traïtors et toz félons,
Toz félons et toz traïtors,
250 Et toz aprimes lecheors
Qui meus eiment les cras morsaux
Qu'il ne font cotes ne mantax,
Et toz cous qui de barat vivent
Et qui prenent quanqu'il consivent.
255 Mes as moignes et as abez
Et as provoires coronez,
Et as hermites des boscagez,
Dunt il ne seroit nuz damagez,
Pri deu qu'il doigne grant torment
260 Si qu'en le voie apertement."
Ce dist Renart li forsenez
Qui meinz homes a barétez
'Car qui bien fet, ne doit pas vivre.
Mes cil qui tôt ades s'enivre.
265 Et cil qui emble, et cil qui toust
Et qui enprunte et rien ne sost,
Ja cist secles ne doit faillir.
Et dex, vos m'en puissies oïr,
Que ja icist siècles ne muire:
270 Que péchez seroit del' destruire."
Ce fu la proiere Renart
Le traïtor de maie part.
237 hee 239 prendre 241 ie onques soi riens 246 dit .IIII. p.
254 prene conseuet 262 home 266 na sost
A^II (Méon 28067—28102) 249
Atant se test li renoiez,
Si mist la teste entre ses piez.
275 Or sachez bien soiireraent
Que il savoit bien vraiement
Que se dex aïdast as maux,
Adonques seroit il bien saux:
Que plus 1ère de lui ne fu
280 Des icel ore que dex fu.
Li gorpil fu tost endormiz,
Car molt estoit soef ses Hz.
Au matin quant il s'esveilla,
Un mot dit que fere quida:
285 'Lèverai moi, s'irai en proie.
Dan Gonberz a une crasse oie
Que il a fet en franc norrir.
Bien se cuide fere servir,
Au noël la cuide mangier.
290 Mes se je puis tant esploitier,
Ja ne la verra neïs cuire.
Je en ferai mes gernons bruire,
Hui en cest jor sanz demorance
Saura je qu'ele a en la pance.
295 Honte ait fors deu qui destina
Conques vilein d'oie manga!
Yilein doit vivre de cardons,
Mes moi et ces autres barons
Lait l'en les bons morsaus mangier:
300 Car nus les manjon sanz dangier.'
Les crestines crourent la nuit:
Encor nos en sentons nus tuit,
Car li ble en furent plus cher
Troi sols ou quatre le sestier.
305 Qant il vit l'eve blanchoier
Et le mulon dedenz plungier,
Si se conmence a démonter
Con d'iloc porra escaper.
287 II f. bien en sein n. 300 les deuons bien mangier 'SOI qourcnt
:i01 .III. f. ou .IIII. 305 leue ablanchoer 306 inuir
250
VII (Méon 28105— 28U2)
Que que il se vait démentant,
310 Es vos un escofle volant
Qui iloc s'aloit reposer
Por ce q'il est las de voler:
Vers le mullon s'est adreciez.
Renart le voit, si s'est dreciez.
315 Sire' fait il, 'bien veignez vos!
Sees vos ci dejoste nos,
Lez ceste lasse créature
Qui est ici en aventure
Et en dotance de morir.
320 Sire, bien puissiez vos venir:
Yos soiez hui li bien venuz.
Or m'a dex fait molt grant vertuz
Q'il vos a ici envoie:
Or serai confes, ce croi gie.'
325 Li escofles le vit plorer,
Lez lui s'est alez demorer,
Et si li conmence un sarmon
Por reconforter le gloton.
'Renart' ce dist sire Huberz,
330 'Par le temple ou dex fu oferz,
Clerc et provoire sont tuit fol.
Ja dex ne place que je vol
De sus cest fein a terre sèche.
Se orne vaut rien qui ne pèche,
335 Ne hons qui n'a fet asez mal.
Li pautonnier, li desloial,
Li traïtor, li foimentie.
Cil sont des peines d'enfer quite.'
Atant a son sarmon feni.
340 'Bau frère' fait il, 'or me di!
Or pues tes pèches rejeïr,
Et je sui toz près del dïr.'
'Sire' dist Renars, 'volontiers.
J'ai este set mois toz entiers
812 ce q il 82-4 Oro «o nianijnc 8S4 Somo ;{35. 386 main/iinit
888 sont dçyfçr des peines denfer
VII (Méon 28143-28178) 251
345 Parjure et eseuminiez.
Mes ce n'est mie grant peciez :
Ja por escuminacion
N'aura m'arme damnaciom.
Sire, g'ai este sodomites,
350 Encore sui je fins hérites.
Si ai este popelicans
Et renaie les cristiens.
Je hax hora frans et debonaire.
Volentiers preïsse la haire
355 Et devenisse moignes blans:
Mes j'ai un mal parmi les flans
Qui chascun jor par droite rente
Me reprent bien vint fois ou trente.
Et je sai bien que moignes noir
360 Trestos sont faillis et por voir
N'ont cure d'ome s'il n'est seins
Ou s'il n'est clers ou chapeleins.
Sire, je ai molt grant essoigne
Que je ne puis devenir moigne:
365 Car je ne sai parler latin. 53
Si manguz volentiers matin.
Sire, je ne puis jeiiner
Ne tiens espandre n'aouner
Ne fere les ovres qu'il font,
370 Qui me dorroit trestot le mont.
Si ai la crope trop liegere
Et fol samblant et foie chère,
Qui trop sovent me feroit batre.
Por ce si ne m'i os enbatre.
375 Par le cuer be, la ou l'en bat,
Dunt n'est il fox qui s'i enbat?
Moigne noir sont trop a mal ese,
Ja n'auront cose qui lor plese,
Trop sont tenu en grant destrece.
380 Neïs l'abe qui les adrece
Bâtent il bien le dos deriere,
345 Pariures 346 nestoit m. 347 Gai p. 349 sodomiees 350
hermites 363 deboname 364 puisse 373 ni mi 380 li abe
252 VII fMéon 28179—28214)
Quant il fet une maie chère.
Pe ce esploistent il molt mal
Q'entr'eus ne font un jeneral
385 De foutre une fois la semeine,
S'en seroit l'ordre molt plus seine.
Et quant il oûssont fotu
Et ele eûst le cul batu,
Si la meïssent hors de cloistre
390 Tant que il fust saisons de croistre.
Car se reraanoit au covent,
Il la foutroient trop sovent.
Si n'en porroit soffrir la peine,
Car trop sont lecheor li moine.
395 II la conbriseroient tote
Si que ja mes ne tendroit gote.
Et il porroit bien avenir
Que grant mal en porroit venir,
Que il entr'eus se conbatroient
400 Si que il s'escerveleroient.
Car chascun volroit fotre avant,
Ausi li viel con li enfant,
Et li serjant conme li mestre.
Et iee ne porroit pas estre,
AOb Ce ne seroit mie raisons:
Que blâme en auroit la mesons, ^
Si en seroit pire lor ordre.
Por ce ne lor veut l'en amordre.
Li blans ordres par est si fors,
410 Nus n'i entre qui n'i soit mors
De jeiiner et de veiller,
De chanter et de versellier
Et d'ovrer et de laborer.
Si n'i fait pas bon demorer,
415 Ce dient cil qu'i ont este.
Car je n'en sai la vérité:
385 f. en la 390 quil oussent talant de 391 sele r.
vei-s 392—396 ont été fudomonif/és. 393 El non -396 si
roit Les vers 397 — 400 sont coupés du feuille; du vise.
383 cil
auoc
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DKt'IKIt
<ie uen
410 s.
, pas la
VII (Méon 28215—28252) 253
Mes j'en oï Ysensfrin pleindre,
Qui est ases plus fors et greindre
Que je ne sui bien les deus parz.
420 II me dist q'uns molt raavais garz
L'out sic el capistre batu,
Tôt en a le cors confundu.
Qui le feroit seignor del mont
Et de trestoz couls qui i sont,
425 N'entreroit il en l'abeïe,
Si par a il l'ordre enhaïe.
Et je conment i entreroie
Qui nul mal soffrir ne porroie,
Ne qui consirrer ne me puis
430 De Hersent ne de son pertuis?
l'artuis! je ment, ains est grant chose:
Molt est hardiz qui nomer l'ose.
Car por seul itant qu'il m'en membre
M'en remuent trestuit li membre
43.') Et heriche tote la charz
Par mon chef, ce n'est mie gaz.
Car ce est li plus nobles nons
Qui soit en cest siècle que cons.
C'est merveille, quant om le nome,
440 Que c'est ce que plus honist l'ome
Et ce que plus le torno a mal
Et plus le fait torner el val.
Et des que il li veut aidier,
De ce ne fait pas a plaidier,
445 II li done plus en un jor
De joie et de bien et d'onor
Que boce d'ome ne puet dire.
Cons est li plus sovereins mire
Que puisse envers amors trover.
450 Ce n'est or mie a esprover.
Car maint home en sont gari
Qui autrement fussent péri.
423 froit s. de A partir de est f;rant clio.su (h( r 4:J1 Jusqu'à la
fin iln r. 434 le texte a é é coupé dans le mue. 444 Ht de 443 quil
pas mauijue 448 soureins 450 ore 451. 452 manquent
254 VII (Méon 28261—28294)
Et encore en garront il meint,
S'en lor maveiste ne remeint.
455 Et qui par maveiste perdra,
Dahez ait qui l'en aidera.
Ne quidies pas que ce soit fables.
Je ne voudroie mie estre abes,
Se Hersent n'estoit abeesse
4t)0 Ou celerere ou prioresse,
Ou qu'ele fust en teil leu mise
Qu'ele fust hors de lor devise.
Que j'en pousse avoir mes bons
Et ele ausi de moi les sons.
465 Car molt est l'ordre bone et bêle
Qui est de maie et de femele.'
Li escouflcs prist a parler
Qui n'i voloit plus demorer.
Renart conmence a chastier
470 Et durement a laidengier.
'Fel nein, fel rous, fel descreiiz,
Tant par es ores descoûs
Que Hersent as t'amor donee,
A une vielle espoistronee
475 Qui ne puet mes ses pies tenir.
L'en la puet bien trop meintenir.
Renart, molt par est ses cons baux!
Hersent ja os ce uns corbaux.
C'est une estrie barbelée
480 Qui a porte verge pelée
Espoir bien a passe cent anz,
Ou plus ou moins, je nç sai qanz.
Mes itant te di je de voir,
Et tu le doûsses savoir,
485 Qu'il n'a jusqu'à la mer betee
CJarcon qui ne l'ait garconee.
Haï haï! quel druerie!
Trop est vielle sa puterie.
454 Si en 4G2 Q'ele 464 soueiis 466 qui iwiiK/nr Les vv.
■t67 — 470 manqiti'iit (Unis h msc. par ce que le feuillet j/esf coupé. 472 est
477 par luunipie ccst 479 estrie | uielle 485 Qui iusqua la
VII (Méon 28295—28324) 255
Ele a entor le cul plus fronces
490 Qu'en un arpen de bois n'ait ronces.
Dont par devroies ores fondre.
Ja te porroies tu repondre
En la pel qui au cul li pent.
Fe te confes, si te repent
495 Et de ces pèches et des autres
Que tu ne voises o les autres
Qui en enfer voisent tôt quite!
Ya t'en en Inde ou en Egipte
Ou en une lointaine terre,
500 Ele ne t'iroit avant querre,
Ainz t'auroit tost mis en oubli.
Se tu estoies a Chambli
Et ele estoit a Ronqueroles, 54
Por que les terres fussent moles,
505 Ne t'iroit ele auan veoir,
Toz jors i porroies seoir.
Eincois requerroit un tafur
Qui auroit le vit gros et dur,
Dunt el feroit tenter sa plaie
510 En leu d'estopes et de naie.
Il na el sieqle si grant tente,
S'ele estoit enz, que ja la sente,
Ne plus que se ce fust neanz.
Car la plaie qui est dedens
515 Li fu trop férue en parfont.
Cest plaie que cist archer font
Ele a a tôt le meins deus fonz:
Mes icele plaie est parfons.
Si n'est plaie el monde si gries.
520 Que celé garist de legiers,
Que l'en puet tenter et chercier:
Mes ci ne puet mires tocher.
491 deueroios 492 respondre 499 loigne Après le v. 500 le tusc.
donne le V. ôOl au deasoifs du quel trois liyius ont été coupées. 501. 502
manquent 504 Par 505 auant uoir 509 ele f. enter 510 manque 512
manque 513 q. ceste f. 514 Car 1 En 515 Li ] EIc f enfcrue p. 520
Me? icele
256 VII (Méon 28325—28360)
Par oignement ne par poison
Wi puet nus mètre garison.
525 Si metroit l'en por neent peine
Qu'el n'ert james de cel mal seine.
La mer seroit avant tarie
Qu'ele fust de cel mal garie.
L'en ne porroit sa rage esteindre,
530 Nus ne porroit au fons ateindre.
Et se en la plaie n'a tente,
Por nient i met l'en s'entente.
Ice vos di je sanz reles
Qu'ele n'en garira james,
535 Ainz ardra pardurablement :
Car c'est plaie sanz finement.
Et une itele vielle sece
Art plus de fotre q'une mece.
Ele a toz jors le con bae,
540 En meins de leu a l'en gae
Un palefroi a qatre piez.
De qatre soudées d'oint viez
Ne seroient les fronces pleines
Que la vielle a entre les eines.
545 De bêle feme est baux pieches:
Mes de vielle est le cuir séchiez.
Qui plus la moilleroit ouan,
Tant seroit plus sèche encoan.
Hersent n'a mes dent en la gole,
550 Si a plus mal fet tote sole
Que totes les puteins del mont.
Hersent poile et Hersent tout,
Hersent escorce. Hersent plume.
Maldite soit tote s'enclume,
555 Qu'ele a plus cops de coille oiis
Qu'il n'a foilles en cent soiis
En este quant les foilles sont.
Ha, quex délices dun toz ont!
524 Nit pot 525 Sil m. 529 esteigdre 531 en nxaujne nest ateintc
532 metroit len ente 534 garra 538 que une 546 est orz conches 551
de m. 552 H. plume et poile tant 555 cols 557 sont manque
YII (Mfkm 28361-28394) 257
Onques Richel n'en sot néant,
560 Ne nul barat envers Hersent.
Qui sauroit donc se Hersent non
Des le tens le roi Salomon
A ele itel mester mené?
Ce sachoiz tôt de vérité,
565 En tote Franche n'a mortier
Qui tant soit bons forz ne entier:
Tant fust de liois ou de coivre,
Por qoi qu'il fust autretant coivre,
Ne eùst le fons abatu,
570 S'en i oiist autant batu,
Ou qu'il ne fust brisies encoste.
L'en met el suen sovent et oste.
Li siens n'iert ja que puisse oiseus.
Des Morenci jusqu'à Poisons
575 N'a nul n'i ait sovent bote,
Meint i ont tret et meint boute.
L'en n'i set tant boter ne trere
Que ja a lendemein i peire.
Il est perdu qanqu'en i met,
580 Car trop set la veille d'abet.
Par le cuer bieu, quant tu aresces,
Fes tu eschaces jamberesces?
Par le cuer be, c'est la fontene
Qui toz jors sort, et ja n'ert pleine.
585 A droit a non Hersent la love,
Car c'est celé qui toz mauz cove.
Auques set ele de barat
Quant ele au cul a pris Renart,
Celui qui tôt le mont decoit,
590 Que tôt siècles le seit et voit.
Mieuz conchie ne sai je nul
Que celui qui est pris au cul.
Qui cul prent, il est conciliez,
Et s'il le rent, il est chiez.
566 ne ent 568 Par 574 iuqa 576 tnattque Les rv. 581. 582
seraient mietix ]}h(cés au dessus du r. 621 comme dnna les Disc. BK.
582 iamberes 585 loe 586 coe 588 auneul 592 priât
RENART 1 17
258 VII (Méon 28395—28429)
Ô95 Et s'il restreint et il le tient,
Ne dirai pas que il devient:
Car trop i auroit vilein mot,
Si m'en tendroit le siècle a sot.
Renart, faites une autre amie
600 Qui plus sache de cortoisie
Et qui un poi soit plus jounete.
Et qui se sache tenir nete
En sisamus, en sebelin.
En Moce la feme Belin
605 A asez bêle et jone et tendre.
La se fet il molt meus entendre.
Ele n'est pas mal enseignée
Ainz est petite et aisée.
La doit l'en aler et venir
610 Ou l'en puet a aise venir.
Mes a Hersent la trecheresse,
Celé qui toz mastins aresce,
Une vielle au cul puceus 1
Il n'a niastiû juqua Poissons
615 Ne nul veautre que trover puise
Qui ne li ait levé la cuisse,
Et vos l'ames ausi de cuer
Conme s'ele fust' vostre suer.
D'itant est li jeus mal partis:
620 Car ele est granz et tu petis.
Il ti estuet fere degré
S'ele ne se coce de gre.
Par le cuer be, qant tu i viens.
C'est merveille que tu deviens
625 Au jou ou toz li raons se soille.
Se tu ères toz vis ou eoiile,
Et teste et col et ventre et piez,
Ne seroit mie pleins li bies.
595. 596 intervertis, mais Ja faute est corrigée par les signes b a
599 aute 601 Molt a bêle feme ionete 607 enseigne 608 aise 610 pot
615 nul ] un 618 Con 622 de son g. 625 soilles 626 coilles
VII (Méon 28430—28465) 259
630 Que quant que il ateint s'i nie.
Je ne t'en dirai ore plus,
Car il n'avient pas a reclus,
Ne a moigne ne a provoire
Qu'il die chose se n'est voire.'
635 Renars ot s'amie blâmer,
Et ledengier et mesamer :
Grant dol en a en son corage.
Ne tient mie l'escofle a sage
Qui si vilainement parole:
640 Einz li est vis que il afole, 55
Et dist soef entre ses denz
Mar fu ledengie Hersenz.
Je en prendrai molt grant venchance
Si ne la pert par mescheance.
645 Filz a puein, maueis bocuz,
Ore a en vos maveis reclus.
• Mesdit aves de la plus france
Qui einz portast guimple ne mance,
Ne laz de soie ne ceinture.
650 Ja senble ele une pointure
Qui soit fête por esgarder.
Je me lairoie ancois larder
Que j'en deïsse une folie.
Car sa doucor m'estreint et lie :
655 Vos par en aves dit trop mal.
Se trestuit li rendu d'un val
Estoient orez toz des voz.
Si en sereez vos provoz.
Je vos ferai damage avoir
660 De vostre cors, non d'autre avoir.
Dahez ait qui el en fera
Ne qui autre avoir en prendra
Se le cors non de meintenant
Qui a parle si folement,
665 Je vos ferai en mon deu croire.
689 insit uelment 640 quel en afole 641 Einz «1. t)4S II en prendra
644 Sil 648 donast
260 VII (Méon 28466—28501)
S'onques nus manja son provoire,
Je vos manjerai en cest jor,
Ja n'en aures autre retor.
Je m'en terei ore a itant,
670 Car je dot molt chose volant.
S'il savoit ore que je pense,
Ja por proiere ne desfensse
]S^e lairoit que ne s'en volast,
Ne l'en chaudroit qui en pesast.'
675 Renart se test et cil parole
Qui ert venus a maie escole,
Et qui son diable dechasce
Et qui son grant ennui porchace.
'Di, di avant, se tu sez rien,
680 Et si te confesse molt bien!'
'Sire, j'ai este molt pervers,
Meinte chose ai fête a envers,
Que je ne doiisse pas fere.
Molt ai este de mal afere
685 Et si fel et si desrubez.
Quant mon cervel est detenpres:
Neïs li abes de Corbie
Duut l'ordre en est tote enorbie:
Huuant li roux ne Tabarie
690 Qui tuit vivent de roberie.
Ne Qoquins ne Hernauz li roux
Qui vet contant des roges trouz,
Ne Herberz cil de raales bordez
Qui est fet au coing as coordez
695 Ne missire Hernauz Bruiere
Qui fet nape de sa suiere:
Ne Mauduis li clers d'Auteinvile
Qui tant cuide savoir de gile :
Ne Godemaus ne Marcheterres,
700 Qui se fet or molt bon borderez:
Ne Pieres li roux ne Fêtas
670 mit' répété 672 pooir ne par d. 674 qui quen pasast 677
diablie chasce 678 Et manque san 682 a manque 689 tubarie 690
rolerie 694 ausit conme coordez 695 bruiêre 696 manque 700 ore
VII (Méon 28502—28536) 261
Qui sevent remuer lor dras :
Ne Richarz li cras ne Tanpeste :
Ne tuit cil qui sont de la j'este
705 N'ont pas tuit entr'ous alochie
Que je ai fet le mien pechie.
J'ai fotu la fille et la mère
Et toz les enfanz et le père,
Et après tote la mesnie,
710 Si dex me doinst boivre de lie
Ne de moure ne de vin cuit.
Il m'est avenu meinte nuit
Que je fotoie quinze fois.
Mes j'estoie toz jorz aroiz.
715 Je sui de molt chaude nature.
Quant je truis con a ma mesure,
Je fot bien dis foiz près a près,
Et noef foïes tôt ades.
Ja n'iert si hideuse la beste,
720 Nés s'ele n'avoit oil en teste,
N'est nus qui men puisse tenser.
J'ai fait que nus n'ose penser,
Car je manjai un mien filloil.
Qar fusse je ore a Maroil
725 Penduz par ma pute de gorge !'
Li huart crent qu'il ne le morde,
Ariere se tret, si Tesgarde.
'Renart' fait il, 'li max fous farde.
Se trestoz li cors ne me tramble
730 Plus que la foille qu'est el tranble.
Et si ne sai que ce puet estre.'
Par foi' fet Renart, 'bau doz m estre.
Do ce vos dirai bien la some.
Il est costome de seint ome,
735 Quant il ot parler lecheor,
Pécheresse ne pecheor.
De ce a poiir. si s'esmoie
702 remuert 705 salochie 707 fotou 713 foisz 714 arez 720
Neis en la t. 721 que me p. tenir 722 nus ne sauroit p. 724 au tilloil
730 qui est el tranle 731 pot 733 d. ie b. 735 p. se dex me uoie
262 VII (Méon 28537—28572)
Qu'il ne le traie a maie voie
Qui en maveisse vie meint.'
740 Oez del 1ère con l'ateint
Et con il l'atrait de parole :
Maldite soit tote s'escole !
Car onques ne se prist a beste
A oui il ne feïst moleste.
745 Si fera il cestui molt grant,
Car il le het molt dorement.
As denz se prent parmi la coe,
Si puet il fere, qu'ele est soe.
Tôt en aroche et poil et cuir :
750 Ha laz' fet il 'dolent, je muir.'
Il s'est coches en pameisons.
'Dex' fet Huberz, 'c'est deveisons
Qui tient ceste caitive beste.
Molt li peut ores celé teste.
755 Je li alasse redrecier
Mes je me crembroie blecier.
Par noz ordres, je ne puis croire
Conques Renart a son provoire
Osast fere nul maveis plet,
760 Car trop a il aillors mefïet.
Ore a tant fet qu'il est au chef.
Je rirai redrecher le chef:
Ja ne sera ores si chens.
Totes voies veintra li biens.'
765 Li huans en ot molt grant pec:
Par l'oreille le prist au bec,
Si li leva amont la teste.
Donques vint Renart pute beste,
Et jeté les denz, si le hape :
770 Et Hubers tire, si eschape.
Soigne soi plus de qatre foiz
Dou pie 0 tôt les qatre dois.
Après le v. 738 le msc jmrte De ce a poor et si sesmaie Quaucuns pe-
ceors ne latraie 749 et manque Après le v. 749 on lit as denz se fet trestot
u'meil 750 fet il manque ie me m. Après le r. 750 on lit Trestot descirrerai
ma cuir 757 core 760 t. en a a. fet 763 serai 769 hape ] sache 771 .XIIII.
VII (Méon 28571-28610) 263
Seigniez soie' fait li huas,
'De fiât voluntas tuas,
775 Et debitoribus nostres,
De credo et patrenostres !
En qui se fiera l'en mes,
Quant cil qui se fesoit confes
Voloit son pro voire manger?
780 Einz par l'anesse Berenger
Ne vi mes si très grant merveille.
Car fust il or en une seille
De puis boli et de plonc chaut!
Mal dahez ait or qui en caut
785 Ques chemins ne quel voie tiegne!
La maie honte li aviegne!
Tel poor m'a il ores fête,
Geste longaine, ceste sete.
Une longaine, une priveise, 56
790 Fous est qui de lui s'apriveise.
Un traïtor qui por un oef
Traïroit uit homes hu noef!
C'est uns leres, uns losengiers
Qui por moi ores engignier
795 Se fist ainsi con beste morte.
La maie passions le torte!
Di di avant, mal es baillis,
Ja n'ieres mes espeneïs.'
'Volentiers, sire' dist Renart.
800 'J'estoie ouan en un essart.
Si trovai qatre huaniax
Bien enpenez et grant et boax.
Qui erent fil Hubert l'escofle.
A un religions ermofle
805 Qui par cest païs quiert les pes,
Et si se font a lui confes
Li malade et li peceor
Qui de lor pèche ont poor.
773 soiez 776 En credos et en patrenstres 779. 780 intervertis
781 tresf 784 ore 789 priuesse 790 sapriuesse 792 nef 794 Q. en la
bene au chareters 795 ainsi J ieter
264 VII (Méon 28611— 2866i)
Sire, si les mangai tos quatre,
810 Des lores me doiist l'eu batre.
Mes certes ores m'en repent,
Si en vien a amendement.'
Li huans levé les sorcis,
Quant il ot parler des ses fis.
815 'Seigniez soie' dist li huans,
'Et de corbeilles et de vanz
Et de paniers et de banastres!
Licherres, por qoi les mangastes?
Il erent mis li liuanel.
820 Grant dol m'aves mis el cervel.
Jes avoie bien un mois quis
Par la terre et par le païs,
Et vos les m'avees mangies,
Cniverz, traîtres, renoies!
825 II erent tuit quatre mi fil.
Ja n'issies vos de cest péril,
Tant que vos i soies noies!
Car forment en sui corocies.
Certes se la force estoit moie,
830 Orendroit vos i neeroie.'
'Sire' ce respont li golpis,
'Se je vos ai mangies vos fils,
Je en vien a grant repentance.
Mes or fêtes une acordance!
835 Por vos enfans que mangies ai
Vostre home lije devendrai,
Si nos entrebesons en foi.'
Volentiers' fet Hubert, 'par foi.'
Li huans tent a lui recoivre,
840 Et Renart bet a lui decoivre:
Si l'ot encois tôt dévore
Que en oiist son pie tome.
Ha las! ci a mal pecheor
Qui a mangie son confesser.
810 loies 813 sorois 815 soies 817 panières 831 1 g. 833 ore
839 tint 843 a manque 844 as Ai)rh 844 Explisit
(Méon 12987—13010)
VIII
Jadis estoit Renart en pes 56 b
A Malpertus en son pales.
Lessie avoit le guerroier:
îîe voloit mes de tel mestier
5 Vivre con il avoit vescu.
Tant avoit de l'autrui eu
A maie reson et a tort
Que bien le haoient de mort
Plus homes qu'il n'a en l'an festes
10 Et autretant, ce quit, de bestes.
Or avint il jadis issi,
Par un matin d'un vendredi
Issi Renart de sa tesnere.
Si s'eslaissa par la bruiere.
15 Ne coroit pas si tost d'asez
Con il soloit, molt fu lassez.
'He las!' dist il, n'ai mes mester
De mal fere ne de pechier.
Par la fiance de mes piez
20 Ai jei fait de molt granz péchiez.
Jei soloie core si tost
Que trestuit li cheval d'un host
Ne m'ateinsissent en un jor
Por qoi voussisse fere un tor.
4 volot 9 nait 12 uendre 24 fere u. fere
266 VIII (Méou 13011 — 13046)
25 En ceste terre n'a mastin
Qui me rescossist un pocin
Por qoi jei Tousse engole.
He dex, tant bon en ai enble,
Tant capon et tante jeline:
30 One n'i ci savor de cuisine
Ne vert sause ne ail ne poivre
Ne cervoise ne vin por boivre.
Toz jors ai este pautoniers
Et aloie molt volontiers
35 La ou je savoie hantins
De jelines et de pocins.
Il me venoient poilliier
Et entre les janbes bechier.
Quant j'en pooie une tenir,
40 O moi l'en estovoit venir.
Ne li avoit crier mestier,
A la mort l'estovoit Initier.
Meinte en ocis en tel manere.
Une en fis je porter en bière
45 Devant dan Noble le lion,
Que je ocis en traïson.
Mes icele me fu tolue:
S'en dut ma gole estre pendue.
Le vaillant l'ele d'un pinçon
.^0 N'oi jei onc se de l'autrui non.
Ce poisse moi, or m'en repent.
Bau sire dex. omnipotent,
Aiez merci de cest chaitif!
Ce poisse moi que je tant vif.'
55 Si con Renart se dementoit,
Ez vos un vilein qui venoit
Par mi la lande tôt a pie
En son caperon enbronchie.
Renart le voit tôt sol venir.
60 Encontre vet, ne volt foïr.
30 On ni ot s. ne c. 35 soloio liantis 3fi et ] ne 39 poio
43 Meint 49 De
VIII (Méon 13047-13082) 267
Renart li dit 'vilein, ca vien!
Meines tu avec toi nul chien?'
'Nenil, ne t'estuet a doter.
Renart, que as tu a plorer?'
65 'Que j'ai?' dist Renart 'ne ses tu.
Ja n'a il jone ne chenu
En ceste terre qui ne sache,
Conques ne fui en celé place
Ou je pousse nul mal fere
70 Conques m'en voussisse retrere.
Mes or le veil enfin leissier:
Que j'oï dire en reprovier
Que par vraie confession,
Qui merci crie, aura pardon.'
75 'Renart, vous te tu confesser?'
Oïl, se pousse trover
Qui la penitance me doigne.'
Dist li vilein 'Renart, ne hoigne !
Tu sez tant de guile et de fart:
80 Bien sai, tu me tiens por musart.'
'Ne fas' dist Renart. 'tien ma foi
Que je n'ai mal penser vers toi.
Mes je te pri por deu et quier
Que me meines a un mostier
85 Ou je puisse prestre trover.
Car enfin me voil confesser.'
Dist li vileins 'ca en cest bois
En a un: vien i, car g'i vois.'
Et li vileins molt bien savoit
90 Cun bon crestien i avoit.
Tant ont erre par le boscage
Qu'il sont venu a l'ermitage.
Le maillet troverent pendant
A la porte par de devant.
95 Li vileins hurte durement
Et l'ermite vint erraument.
66 il ne ueil ne 67 que Icn h. 75 uout te tu 76 ]). prestre t.
tu j que 93 m. i troue p. 94 de manque
268 VIII (Méon 13083—13119)
Le fermai oste de la roille.
Quant vit Renart, molt se merveille.
'Nomine dame' dist H prestie,
100 'Renart, que quier tu en cest estre?
Dex le set, onc puis n'i fus tu,
A cest porpris de mieuz n'en fu.'
'Ha sire' dist Renart, 'merci!
Que que j'aie fet, or sui ci.
105 De quanque j'ai vers vos mespris
Et vers mes autres anemis
Vos cri je merci et pardon.'
Au pie li chet a oreison.
Et Termites l'a redreche,
110 Puis li dit Renart, or te sie
Ci devant moi, si me descovre
Tôt de chef en chef la mal ovre.'
'Sire' dist Renart, volontiers. 57
Qant j'ere bachelers legiers,
115 Volontiers jelines manjoie
En ces haies ou jes trovoie.
Jes tuoie par traïson,
Ses mangoie conme gloton.
A Ysengrin pris conpaignie:
120 Qant je li oi ma foi plevie
De leaument vers lui errer,
Par amor li fis esposer
Hersent la bêle ma seror.
Mes ancois que passast tiers jor
125 Li rendi je maveis loier.
Car jel fis moigne en un moster
Et si le fis devenir prestre.
Mais au partir n'i vousist estre
Por une teste de sengler.
130 Car je li fis les seins soner.
Si vint li prestres de la vile
Et des vileins plus de deus mile
Qui le bâtirent et fusterent:
102 n' manque 107 pri 117 touoie 12-1 p. le t. 138 fautrerent
VIII (Méon 13120—13155) 269
A bien petit ne le tuèrent.
135 Puis li fis je en un vivier
Tote une nuit poissons pechier
Dusq'au matin que uns vileins
I vint sa macue en ses meins.
Cil li fist maveis pelicon:
140 Qar avoc lui ot un gaignon
Qui li peleïca la pel.
Saches que il m'en fu molt bel.
Et puis le refis prendre au piège
Ou il garda huit jorz le siège.
145 Au partir i laissa le pie,
Dex moie cope del pechie!
Puis laçai ma dame Hersent
A la coue d'une gument.
Si la mors et fis repesner
150 Tant qu'a honte la fis livrer.
Molt ai fait autres tricheries
De larecins, de félonies.
Bien sai qu'escomeniez sui.
Certes je ne vos auroie hui
155 Dit la moitié de mes péchiez.
Che que voudrois, si m'en chargiez :
Car je vos ai dite la some.'
'Renart, aler t'estuet a Rome:
Si parleras a l'apostoile
160 Et li conteras ceste estoire
Et te feras a lui confes.'
'Par foi' dist Renart c'est grant fes.'
Dist Termites 'mal estuet trere
A qui penitance veut fere.'
1(55 Or voit Renart, fere l' estuet.
Escrepe et bordou prent, si muot.
Si est entres en son chemin.
Molt resemble bien pèlerin
Et bien li sist l'escrepe au col.
136 Tôt harens 139 Icil 140 garçon 141 pelica 149 repeller
151 que eBComeniez 159 parleras a lapostoire 161 uos feroiz 162 dit
164 veut ] estuet 166 met
270 VIII (Méon 13156—13195)
170 Mes de ce se tint il por fol
Qu'il est meiiz sans conpaignie.
Le grant chemin n'ira il mie,
Ancois l'avoit laissie a destre.
Une sente torne a senestre.
175 Garda aval une chanpaigue :
Si a veii en une pleigne
Berbiz qui paissoient gain:
Et entr'eles fu dan Bolin
Le moton qui se reposoit.
18U Tant avoit luit que las estoit.
'Belin' dist Renart, 'que fes tu ?'
'Ci me repos toz recreii.'
'Par foi, cist repos est maveis.'
Et dist Belins jei n'en puis mes.
185 Jei serf a un vilein félon
Qui onc ne me fist se mal non.
Einz puis que soi bêler ne muire,
Ne final de ses berbis luire.
Ces bestes ai jei enjendrees
190 Que tu vois ici asenblees.
Mal ai mon servi che enploie.
Car li vileins m'a otroie
A ses seeors a lor prise.
Et si a il ma pel promise
195 A housiaux fere a un prodome
Qui les en doit porter a Rome.'
'A Rome? par deu' dist Renart,
Ja en la voie n'auras part.
Mieuz la t'i vaudroit il porter
200 Ta pel que toi fere tuer.
Et se iceste morz t'alasche,
Si revendra après la pasque
Le joësdi de rovoisons
Que jent manguent les motons.
205 Or es a la mort, bien le voi,
178 entre le fou d. 182 irascu 185 repost 187 luire 195 usiaux
199 te 203 iosdi 205 ez
VIII (Méon 18196—13236)
Se tu n'en prens hastif eonroi,
Si tu n'en tornes d'autre part.'
'Por amor deu, sire Renart,
(Pèlerins estes, bien le voi)
210 Conseillies moi en bone foi!'
Pèlerins sui je voirement.
Mes tu n'en crois ores néant
Por le mal cri que j"ai ou.
Mes je m'en sui or repentu.
215 J'ai este a un deu feeil
Qui m'a done molt bon conseil,
Par cui serai sans, se dex plaist.
Dex a conmande que l'en lest
Père et mère, frère et seror
220 Et terre et herbe por s'amor.
Cist siècles n'est que un trespas.
Molt est or cil chaitis et las
Qui aucune foiz ne meiire.
Ja trovons nos en escriture
2-25 Que dex est plus liez d'un felun,
Quant il vient a repentison,
Que de justes nouante noef.
Cist siècles ne vaut pas un oef.
A l'apostoile voil aler
230 Por conseil querre et demander,
Conment je me doi meintenir.
S'avoc moi voloies venir,
> L'en ne feroit ouan housel
îse chaucemente de ta pel.'
235 'L'en ne desdit pas pèlerin.
Jei vois 0 toi' ce dit Belin.
Ed lor chemin en sont entre.
Mes il n'orent gueres erre,
Qant trovent Bernart l'archeprestre
240 En un fosse les cardons pestre.
Bernart' dit Renart, 'dex te saut!'
271
212 ne 2l5 feil 2lS a ma u,jue 219 suer 221 que] fors 224
en Te. 227 .L. noef 233 usel 235 descoit
272 VIII (Méon 13237—13272)
Et cil levé la teste en haut.
'Dex te beneïe!' dist il.
les tu ce, Renart le gorpil?'
2ib 'Oil, ce sui ge voirement.'
Por le cuer be, quex mautalant
T'a fat devenir pèlerin
Entre toi et mestre Belin?'
Ce ne fu maltalant ne ire :
250 Encois volons soffrir niartire
Et travail por nos amender
Et por damledeu rachater.
Mes de ce n'as tu or corache
Ne d'aler en pelerinache:
2â5 Eincois vous porter ouan mes
De la busce grandime fes
Et grant sachees de carbon.
Et si auras de l'ogullon
Tôt le crépon desus pelé:
260 Et quant revendra en este
Que de moches sera giant nonbre,
Lors n'i garras neïs en l'onbre.
Fe le bien, si vien avoe nos.
Tu ne seras ja sofretos
265 De rien dont te puissons aidier.
Tu auras ases a mangier.'
Dist l'anes volentiers iroie,
Se ases a mangier avoie.'
Si auras, ce t'afi par foi.'
270 Or en vont ensemble tuit troi.
En un grant bois en sont entre
Ou il trovent a grant plente
De cers, de bisses et de deins.
Mes de cens pristrent il le meins.
275 Tote jor ajornee errèrent
Par la forest: onc n'i troverent
Vile ne recet ne meson.
'Seignor' dist Belin, que feron
243 benei 251 araerder 252 Et nuntifte 255 Einz
VIII (Méon 1S273— 13308) 273
De herbergier? car il est tart."
280 'Voirs est' ce dist sire Bernart.
Renart respont 'bau conpaignon,
Et nos queil ostel querrion
Fors la bêle erbe soz ce.st arbre?
Meus Teim que un paleis de marbre.'
285 Par foi' dist Belins li motons,
J'aim molt a jesir en meson.
Tost se vendroient ci enbatre
Ci entre nos trois lou ou qatre,
Dont il a ases en cest bois.'
290 Dist l'archeprestres 'ce est voirs.'
Renart lor respont sens orgoil
'Seignor, ce que voles, je voil.
Ci deles est l'ostel Primant 58
Mon conpere qui ne nos faut:
29."> Alons i ! nos i serons ja.
Bien sai qu'il nos herbergera.'
Tant ont fet que la sont venu.
Mais il seront molt irascu
Ainz qu'il s'en partent, se Renart
300 Ne les en jet par son barat.
Li louz ert alos en la lande
Et Hersent por querre viande.
Li pèlerin pristrent Tostel.
Ases i trovent pain et el,
805 Char salée, formache et oes,
Et quanque pèlerin est oes :
Si i trovent bone cervoise.
Tant boit Belins que il s'envoise:
Si a conmencie a chanter
310 Et l'archeprestre a orguaner.
Et dan Renart chante en fauset.
Ja fussent bien fet lor foret,
Se il fussent laissie en pes.
Mes li lous vient o tôt son fes
280 Vour c«' manque 282 querricon 283 desus 296 Tuit .111.
celé part en uont la
RENART l
m
274 VIII (Môon 13309— 13347J
315 Qu'il apovtoit dedenz sa gole:
Et Hersent ne fu pas saole,
Dunt ele estoit tote desvee.
Quant il oïrent la criée
Dedenz l'ostel. si s'aresterent
3-20 Un petitet, si oscoterent.
Et dist li lous j'oi laonz gent.'
'Par foi. g'i irai' dist Hersent.
Quant ele avoit mis son fes jus,
Lors esgarda par le pertuis,
325 Si vit les pèlerins au feu.
Et puis s'en revint a son leu.
'Sire Ysengrin, dont ne ses tu
Con il nos est bien avenu ?
Ce est Renart Belins et Tasne :
330 Cez avons nos en nosire lasne.'
Par graut aïr a l'uis hurte.
Mes il le trovent bien ferme.
Ovrez' dist il, ovrez, ovrez !'
'Teisiez' dist Renart. ne ganlez!'
335 'Renart, u'i a niestier teisir.
11 vos estuet cost huis ovrir.
Fel traïti*es, fel reneie,
Par vos ai ge perdu le pie.
Vos estes tuit livre a mort.
;j4n Mar arivastes a ccst port,
Et vos et l'ane et le moton.'
'Ha las' dist Belin 'que feronV
Tuit somes pris sans nul retor.'
Et dist Renart 'n'aies poor!
345 Car bien istrois de cest tovel,
Se volez croire mon conseil.'
Si ferons nos' dist l'arcliepi-estre.
'Renart, ja es tu nostre mestre
Qui en cest leu nos amenas.'
350 "Or dan Bernart, qui fors reins as,
Va, si t'aeule a cel huiset
322 f. girai 323, 324 intervertis 326 lou 329 lanne 345 roel
VIIKMc'^on 13348— i:S8S4) 275
Et si l'entrovre un petitet,
Tant que li lous i puisse entrer.
Si li lai la teste boter,
355 Puis reclo l'uis par grant vertu.
A lui jostera cest cornu.'
L'asne s'est a l'uis acule,
Un petitet l'a esbae.
Li lous bota la teste avant,
H6() Et cil clôt l'uis de meintenant :
Asez fu nieuz qu(î en prison.
Qui donques veïst le moton,
Con il ruoit les cous d'aïr
Et reculoit por meuz ferir!
365 Renart le seinont et apele
Belin, espan li la cervele!
Garde que vis ne s'en estorde!'
Onques oncore a nule porte
Ke veïstes si fier asaut
370 Connie Belin fet a Priinaut.
Tant a féru et tant hurte
Que le lou a escervele.
Hersent qui par dehors estoit,
Qui aïdier ne li pooit,
375 Parmi le bois s'en vet hulant
Et les autres lous amassant.
En poi d'ore en i asambla
Plus de cent que o lui mena
A l'ostel por le lou vencher.
380 Mes cil se sont mis au frapier.
Et les lous les sevent par trache
(Hersent devant molt les niauace)
Et jurent qu'il les mangeront.
Ja en cest leu nés troveront.
385 Renart qui ot les lous oller,
Ses conpaignons prist a haster.
'Segnors' dist il, 'venez grant oire!'
L'arciieprestres conmenche a poire,
363 meint 379 uenuencher
18*
276 vin (Méon 1U3.S5-1342U)
Qui n'avoit pas apris a corre.
390 Reuart voit qu'il nés puet secorre,
jS'e garder se par engin non.
Segnor' dist Renart, que forou?
ïuit somes mort et confondu.
Montons en cest arbre raniu!
395 S'auront nostre trace perdue.
Hei'sent est forment iiascue
Por son seignor que mort avon.'
'Par foi' dist Belin le moton,
Je n'apris onques a ramper.'
400 Dist Bernarz je ne sai monter.'
'Seignor, besoing fait molt aprendr(
Et tel chose sovent enprendre
Dunt l'en ja ne s'entremetroit
Si li besoing si grant n'estoit.
405 Fêtes, seignor. montes, montes!
Se vos volez, de vos penses !'
Renart monta en l'arbre sus.
Quant il virent qu'il n'i a plus,
A queilque peines sus montèrent,
410 Desus dous branches s'encroerent.
Es vos poignant des espérons
Hersent o toz ses conpaignons.
Quant il sont venu en la place,
Si en orent perdu la trache.
415 Nés sevent mes ou aler querre
Et dient qu'entre sont en terre.
Lasse lurent et travellie,
Desoz l'arbre se sont cochie.
Bolins qui les lous esgarda,
4-20 N'est merveille, s'il s'esmaia.
'Ha las' fet il, tant sui chaitis!
Or voussisse estre o mes berbis!'
'Par foi' dist Bernarz, ',je me doil.
Tel ostel pas avoir ne soil.
390 pot 395 perdu 403 iai 404 iiostoit si o-,-ant 412 tôt 415
Ne 418 Desor 421 fet il ] .loiaiit
VIII (Méon i:i421 — 13-156)
425 Je me voil d'autre part torner.'
Renart le conmence a blâmer,
'Vos porres encui tel tor fere,
Qui vos tornera a contrere.'
Dist Bernarz je me tornerai.'
430 Dist Belins et je si ferai.'
'Or tornes donc: car je vos les.'
Cil se tornent tôt a un fes,
Qu'il ne se sourent sostenir:
A terre les convint venir.
435 Bernarz esquacha qatre lous,
Et Belins en retna dous.
Et les autres lous molt s'esmaient
Por lor conpaignons que morz voient :
Fuit s'ent l'un cha et l'autre la.
440 Et Renart qui les esgarda.
Si s'escria 'la hart, la hart!
Tien le, Belin! pren le, Bernart!
Tien les. Bernart l'archeprovoire!'
Lors s'en tornent les lous grant oire,
44". Que por cinqante mars d'argent
Ne retornast mie Hersent.
Renart qui fu en l'arbre sus,
A ses conpaignons descent jus.
277
'Seignor' dist il, que faites
vos
450 Ai vos bien de la mort rescos .''
En a il nul de vos blecies?'
Dist Bernarz je sui maennies.
Jei ne puis mes avant aler,
Ariere m'estuet retorner.'
455 Dist Belins et je si ferai.
James pèlerins ne serai.'
'Segnor' dist Renart, par mon chef,
Cist eires est pesanz et gref.
Il a el siècle meint prodome
460 Qu'onques encor no fu a Rome.
427 encor hui 428 a grant c. 432 sen 434 les estuet 435 B.
en eschaca. 111. 438 mort 443 mam/iie 451 A en 455 io ausi 457
dit 460 Que o.
278 VIII (Méon VUàl—lMM)
Tiex est revenuz de sept seins
Qui est pires qu'il ne fu eins.
Je me voil mètre en mon retor:
Et si vivrai de mon labor
465 Et gaaignerai leelment.
Si ferai bien a povre gent.'
Lors ont crie outrée, outrée !'
Si ont fête la retornee
461 des 465 gaignerai Ati desaotts du v. 468 on lit Explicit
le pelirinage Renaît
IX (Méon 15:JU9— 15;:i3'JJ
IX
Un prestre de la Croiz en Bric. (69)
Qui damledex doint bone vie
Et ce que plus li atalente,
A mis sun estuide et s' entente
5 A fere une novele branche
De Renart qui tant sont de ganche,
L'estoire temoinne a vraie
Uns bons conteres, c'est la vraie,
(Celui oï conter le conte)
10 Qui tos les conteors sormonte
Qui soient de ci jusqu'en Puille :
Si set niolt de force de guille.
Cil temoingne l'estoire a voire,
Et por ce la devoms meus croire.
15 II avint ancienement,
Se l'aventure ne nos ment '0
Qui aferme le conte a voir,
C'uns vileins qui molt ot d'avoir,
Tenant, esparnables et chiches
20 Plus que Constant des Noes riches
Que l'en tient a ferm et a plein,
En son novel essart bien mein
Près d'un grant bois ses bos lia.
Por le grant gaagn qu'il i a,
gTci manque 9.10 interrerli. 9 A c. lU Que conteres 17
cont 18CWo<î»e d^vurnque 19 richez 20 riche. 21 Que ] R. /e ..co«./
a manque
280 IX ;Méon 15333— 158H8)
25 Li est avis qu'il est trop tart
Venu atant a son essart.
Si ert encore bel le jor.
Mais repos, eise ne sejor
Ne duist a vilein ne ne plest.
30 N'a talent qu'en son lit arest,
Puis qu'un poi voit le jor paroir :
Que vileins ne deit ese avoir,
Ainz ireit en autre ovre fere,
Car molt par puet vilein mal trere.
35 Cil vilein dont je vos conmanz
A conter merveillos romans,
Huit bos a sa carue avoit.
En la contrée en ne savoit
Meillors bues qu'estoient li suen.
40 Mais sor toz en i ot un buen
Qui estoit apeles Rogeus.
Mais tant l'avoit par les fors leus
A son tiens trere demene '
Et totes les saisons pêne,
45 Que lentement aloit le pas,
Por ce que feibles ert et las
De grant travail, et auquos megres.
Li vilein qui fu fel et egres,
Por ce que trop le sent a lent
50 Le point et dit par mautalent
'Rogel, trop estes alentis.
Por vos ai sovent desmentiz
Toz les vileins qui me disoient
Por mes buez que il mesprisoient,
55 Que je n'auroie pas de vos,
Tant fusse d'argent sofreitoz,
Vint et deus sols de dant Durant.
Et je lor disoie en jurant,
Por vérité que ge ne meute,
60 Que je n'en prendroie pas trente.
25 trot 28 repose ne s. 29 Un ne manque 31 que pooit 34
pot fere 38 c. len 40 bon 42 Vmamjue 43 filz 52 u. sui durement
tormentiz 54 m. laies quil 55 pas de ] rien por
XI (Méon 153«9 — 15406) 281
Non pas trente et deus au marche.
Or avez plus le col chargie
Del lien que n'a nus des set.
Si n'aves encor gaires trait,
65 Trop matin estes ja lasses.
Ainz que cist jors seit trespasses,
Yos puissent mal ors dévorer:
Que trop me faites demorer
A arer un sellon de terre.
70 En liu de vos me covient querre
Un bof a la feire de mai.
Se dex me desfende d'esmai,
Je voudroie que lous ou ors
Vos oiist oste a rebors
75 Ce pelicon sans demorance,
Que poi pris mais vostre puissance.
Trop portes basse celé chère.
Mal ors hui cest jor vos requere !'
Ce que dist li vileins engres
80 Brun li ors qui el bois fu près,
A tôt oï et escote.
En un bosson avoit bote
Le col et les pâtes devant.
N'avoit mie poor de vent,
85 Que nul chen nel pot iloc prendre.
Por ^eus escoter et entendre
S'estoit près el bosson repox:
Ne voussist pas por quinze sous
Que n'oiist le vilein oï.
90 Molt Ta la premesse esgoï.
A soi meismes dit tôt coiz
'Bien m'est avenuz ceste foiz.
Or aurai ge, deu merci, proie
Sanz nule faille ceste voie.
95 Ne m'irai or pas delaiant
En aventure por neent.
62 parlus le col pelé 64 encore 72 desfen desmai 73 uoudroi
q. ors a lous 78 M. hor hui 7!) dit 80 du b. 87 del 93 Or ra ge
282 IX (Méon 15407 — 15444)
Or sa je bien ou chargerai
La proie que g'enporterai.
Un buef aurai sol a ma part,
100 Regel qui fu seignor Leotart.
Mes ancois qu'il fust primes sien
Sovent m'a fait sevré a son chen
Et fait descirer sor mon pois
Mon pelicon deus fois ou trois.
105 Encui li vaudrai molt cher vendre.
De la char Rogel crasse et tendre
Ferai encui mes gernons bruire.
Qui qu'il doive plere ne nuire.
Ce puet bien li vilein savoir
110 Que je voudrai mon bof avoir:
Car je tieng promesse a chatal.
N'en ferai mes autre jornal,
G'ain meus sa char que il ne pense.
Et s'il i veut mètre desfense
115 Ne arest, savoir puet sans faille,
Enpris aura aspre bataille.
James n'aura envers moi pes
• Ne trives li vileins punes,
Ainz le gerroierai tôt tans,
120 Se consivre le puis as chans
Ou en bois par son mal oiir,
0 je serai plus asoiir
A ce que dessirrer ai grant.
Se Rogel le buef me desfent,
125 Tel cop li donrai de ma pâte
Que j'ai fort et charnue et plate,
En col ou en pis ou en face,
Que je l'aljatrai en la place.
Mais c'est folie que je di,
130 Car je sai bien trestot de fi
Que il n'i mètre ja arest
Que Rogel mon buef ne me lest
99 suel 101 prmes suen 102 a manque lOo .rogel' 109 pot
113 Gain 115 pot IKJ aurai 119 gerrai 120 as cros 124 .ro. 132
.ro. mon bief
IX (Méon 15445 — 15482)
283
Si con il le m'a en covent.
Je l'ai oï loer sovent
135 Et afermer por véritable,
Bien ferai sa parole estable.
Nului tolir ne le me puet,
Grrant chosse a en fere l'estuet.
Voille 0 ne voille je l'aurai,
140 Ja espoir gre ne l'en saurai.'
Ensi parole a soi tôt sous
Brun li ors qui ert anguissous
De fein, dont molt est amortez:
Mais auques est reconfortez
145 Por ce qu'il ert en espérance
De Rogel avoir sans dotance.
Lors est del boisson sailli fors,
Molt ferement aquet son cors
Et jeta un haut brait de goie.
150 N'a mie poor que l'en l'oie,
Que n'avoit près de nule part
Nului fors solement Leotart 71
Et un gars qui avoc lui fu
Qui les bues chace de vertu,
155 Qu'il ot alue la seson.
Atant del garçon nos taison.
Et si parleron de Brun l'ors
Qui vers le vilein vint le corz.
Il sout bien sa proie espier,
160 Ja voudra Rogel deslier.
Quant il fu près de la charue,
A haute vois Lietart salue
'Et dex te saut, Lietart amis!
Ta premesse en cest«mein m'a mis
165 En grant espérance de bien.
Gre tieng Rogel ton bof a mien
Et bien le doi a mien tenir:
Que ca m'a fait si mein venir
187 Nule nel me 1B8 estot 142 ostoit 147 lors 153 que 154
Que 159 espircr 161 charere 162 1. escrie 163 Et man<iiie 164 p.
est ce mes auis 165 E g. 166 mein 168__Qui ca mas
284 IX (Méun 15488-15518)
La premesse que me feïs
170 Que tu par mal talent deïs
Que max ors le poûst manger.
Ne pues ta parole changer.
Tu es trop tart au repentir,
Je li ferai les dens sentir.
i7f) Deslies le moi sans dangier,
Il n'est or pas tens de songier.
Deslies le moi sanz demeure,
Qu'il n'est or pas ne tens ne eure
Que prodon face chère morne :
180 Ainz doit sitost cou il ajorne,
Si con tu fez, conmencer ovre,
Par ta richesce et lors te covre.
Faz me tu chère felenesse?
Paie, que je voil ma premesse.
18f) Ne fai ja por ce laide chère!
Je voudroie meus estré en bere
Que ma premesse n'enportasse.
Rogeus est une beste lasse,
Caitive et feble et mal traians:
190 De son trere est il mais noiens.
Ja nel ferai lier ne traire
Ne nul autre besoingne fere,
Einz en enplirai ja ma pance.
N'en fai ja laide contenance.
195 Que tu n'i pues rien conquester.
Se tu le me vous arester
Et délier le buef sans noise.
J'ai en pense que je te voise
Douer de ma pâte tel flat
200 Qu'a terre t^abatrai tôt plat.
Et lors serunt, si con moi sanble,
A mon voloir li buef ensanble.
Por ce le te di que meus t'ert
Que Rogol que viellece aquiert,
170 m. le deis 171 hors 172 pos 173 a 17tî. 177 manquent
178 t. neure 179 q. pardon f. 180 sitôt 182 Faut il lire Par la
richesce et les recovre ? 186 Jen IdS ja manque 195 pos 203le tnanque
IX (M.'on 15519— 155.')4) 285
'205 Soit mien seus que eiisenble tuit :
N'i aureis joie ne déduit
Se toz le avoiez perduz.'
Lors est vileins esperdus
De ce que Brun Tors oï dire.
2!0 De mautalant tressue et d'ire,
Molt dolanz est et esbahi,
Car par sa premesse est traï.
Si li poisse de la parole
Qu'il dist, et si la tiut a foie.
215 En meinte guisse se porpense,
Bien set n'i a mester desfense
Vers Brun qui est et grans et fors.
Wi a mester nul reconforz,
Qu'en poi d'ore estrangle aura
2-20 Les buez que ja nus nel saura,
Et lui mort ainz que l'en le sache.
Meus li vient soufrir le damage
D'un sol buef que de toz a tire,
Que bien set, se a lui s'aïre,
•225 Lui meisraes estranglera:
Ne ja mes n'en eschapera.
Bien set n'i a tencier mestier,
Meuz puet par proiere esploitier
Que par tencon ne par melee.
230 Ses bues aresta en l'aree.
Vers Brun l'ors forment s'uraelie,
En plorant li dist, s'il deslie
Rogel si mein, que sa jornee
lert tote a noient atornee.
235 Que nul esploit ne porra fere.
Que li set buef ne poent traire.
Que trop est fors la terre et dure:
Et sovent li aferme et jure
Que granz merciz li devra rendre,
240 Se de Rogol li veut atendre
205 seus manque 211 est manque 214 dit 219 estrane 220
Li 221 li 222 damae 223—228 inatujiinif 230 Son buef 231 soinelit'
2.S8 et manque 239 merci
286 IX (Méon 10555—15590;
Jusq'a lendemeiu solemeut.
'Molt volenters et bonemeut
Le vos rendrai le matiuet,
Foi que doi mon fil Martinet
■245 Et ma bêle fille Costance,
N'en soiez vos ja on dotance!
Yostre merci prestes le moi
Jusqu'à le matin par ma foi.
Que dex bone joie vos doint!'
250 'Letart' fait il, n'en auras point.
Ne le me tornez ja a truit,
Qui aise atent, eise li fuit.
De Renart qui guillier ne fine
Tien ge cest sen, molt vaut saisine.
255 Se je rent ce dont sui saisis,
Molt sereie malvaiz failliz.
Certes molt en seroie fol,
Se ce que je tieng a mon col
Rendoie por bêle parole
260 Trop est cil fox que fol afole.
Je metroie tôt a demein
Ce que je tieng ore en ma mein.
Donc m'auroies tu bien trove
Apertement a fol prove,
2i)5 S'en aventure me metoie
De la chose qui ore est moie.
Bien seroie fol atrapez.
Se de mes meins ère eschapez.
Je cuit et croi par seint Johan,
270 î^e te verroie mes ouan.
A ton pooir te garderoies
De toi mètre mes en mes voies.
Einsi m'auroies tu tost fait,
Que l'en dit, de bienfet col fret,
275 Mal por bien a l'en por service.
Se ta foi en avoie prisse.
247 prestres 250 ne a. 251 au t. 256 s. ore a malueisi Les
257.258 mnnqiieiil 259 Rendroie 261 metroi 266 que
IX (Méon 15591 — 15627) 28 <
Tost en mentiroies ta foi,
Se dex me saut, et bien le croi
Por un vilein dont me sovient,
280 (L'en dit, escaude eve crent)
Qui ouau sa foi me menti,
Ne onques ne s'en repenti,
Ne respit ne m'en demanda,
Ne vers moi ne s'en amenda.
285 Ce fu auan devant vendenges
Que il jura dex et ses angles
Et se dex li donast santé,
Il me donroit a grant plente
De ses rees et de son miel
29U Que je ain plus que rien sos ciel,
Se ses deus chaiaus li rendoie
Qu'au soir a manger atendoie.
J'en pris sa foi, ne fui pas sages,
Car c'est ore li pires gages
295 Qui soit en l'ostel au vilain.
Je ne sui mie cil qui l'ein
Ne n'amerai jor de ma vie,
Que de foi n'a ge nule envie, 72
Ne prodom ne le doit prisier.
;30() Qu'en ne puet mie justiscier
Yilein, ne avoir en destroit.
Bien li semble qu'eschape soit,
Con en le vout par sa foi croire.
Ja puis ne venra un sol oirre
305 Por querre de sa foi respit:
Trop a vilein foi en despit,
Ne l'aime ne crient ne ne prise.
Fox est qui par foi le justise.
S'il le puet en autre manere
310 Justicher que il ait plus chère.
Ne lo a nul seingnor de terre.
281 que o. sa sa f. m. 282 o. sen uont repentir 283 ni sen 285
uendengez 290 siel 292 au m. 203 fu 294 cerrt 295 el ostel 296
ce que 297 namera 300 Can ne pot 304 plus une sole ore 305 de
manque .307 croit ne iustise 308 que .309 Sil no le pot ne 311 Ne la
288 IX (M.'on ir)628— 15663)
Se sun vilein pren et eusere
Por son forfait ne por sa taille,
Que li vileias quite s'en aille
31Ô Por sa fiance solement :
Poi i a d'asoûrement.
Ce dirai que j'ai essaie:
Ne sont pas vilein esmaie
Puis que vient a foi afier.
320 Nus prodom ne s'i doit fier.
Je ne sai conment tant te croie
Que Rogel ton buef te recroie,
Car je dot molt, se gel te croi,
La tricherie et la non foi
325 Que g'ai en ineint autre trovee.
'Sire Brun, vertes est provee,'
Ce dit Lietars et molt fort plore.
Bien le sai, se dex me sequere.
De meinte guise a jent el monde.
330 Que li un sunt de pèche monde,
E molt en i a d'entechez
De toz les criminax péchez :
Et desloiaus en i a meins,
A grennor plente que de seins,
335 Qui ne se vont pas esmaiaut
De mentir lor foi por noiaut.
Et de plussors n'est mie fable.
Qui sont prodome et véritable
Et ont a damledeu bon cuer,
340 Qui ne voudroient a nul fuer
Por nule rien lor foi mentir.
Ja dex ne me lait consentir
Que ma foi mente a orne ne!
Trop m'auroit pèche sormene
34Ô Et dex mis en grant obliance,
Se je mentoie ma fiance.
Por deu Roffel me recrées!
a20 ni si 321 croi 322 le b. 326 es 327 letara 329 guile
332 tôt pichez 335 Quil ne sen u. 336 fois de noent
in: (Méon 15664—15699) 289
Ja demeiu ne vos ert vees.
Par la foi que doi Bruumatin
350 Ma moller, demein au matin
Ci meïsmes le ramenrai,
Que ja vers vos n'en mentirai.'
Brun li ors respont or l'enmeiue,
Si li done fein et aveiue !
355 Je voudroie que plus fust cras,
Mes ce ne puet ore estre pas,
Que sojor i covenroit grant.
De lui me cuidai meintenant
Orandroit ma fein estancher,
360 Et ge le raurai autant cher
Demein con orendroit auroie.
Je rirai tandis querre proie.'
Atant prent la foi du vilein,
Si se mist meintenant du plein
365 El bois: en une espesse lande
Entra por querre sa viande.
Entre ces choses le vilein
Qui d'angoisse et d'ire ert plein,
Deslia les set bues por pestre.
37) Ne pot a ese son cuer estre.
Por ce les deslia sitost.
Que l'ire et l'angoisse li tost
De gaanner tôt le talant.
A Rogel se prist en alant
375 A haute voiz a dementer,
N'a or pas talant de chanter.
'Haï, Rogel, bau bof et grant,
Por vos doi molt estre dolant.
Si sui je si con estre doi,
380 Quant je vos ai tolu a moi.
Ma parole foie et mavaisse
Vos metra demein a malaise.
[Tôt c'a ge fet, amis Rogel,
:S50 moir. 852 ne m. 356 pot 358 cuide 359 mon 363 le 364
«lu J <>1 365 En b. 367 ces sosee 372 tôt 379 su ie 381 e
KKNAKT I 19
290 IX (Méon lô700-157S-tJ
Certes si en ai molt grant duel.]
385 En maies meins vos ai jeté,
A Brun Tors qui est sans pite :
Demein de vos se dinera,
Ce disner molt me costera.
Voirement dist voir qui ce dist,
390 Tant g-rate chèvre que mal gist.
J'estoie trop aise hui mein,
Quant je metoie en autrui mein
Par promesse la moie chosse.
S'or me blâme forment et chose
395 De ma folie et de ma perte
Brunmatin la bêle, l'aperte,
Ne m'en doi mie mervellier.
Je qui soloio conseillier
Mes voisins trestos les plus sages,
400 Ai quis mon dol et mon damage.
Las! or m'a deu trop enliaï.
Quant je meïsmes me trahi.
Dahait ait hui la moie geule!
Qui avient une, n'avient seule:
405 C'est ce que plus cren et redot,
Que je ne perde le mien tôt.
Que si sovent ne me meschee
Que mes avoirs a noient chee:
Que donee m'est maie estreine
410 Au premier jor de la semeine.
Or ne serai mes marcheant.
J'estoie de si grant noiant
Yenu en auques en dis ans
Que deners avoie gisans
415 Bien entor cent livres ou plus
Sans autre chose le sorplus.
Terres et vignes, bues et vaches,
Forment et vin, lait et formaches
384 doil 385 E 389 dit u. 391 haise 402 me sui t. 403 m.
langueille 404 seulle 406 nien 407 meschet 409 tornee mest a. m. estrine
410 pior 412 uuiant 417 Près, uignes. 418 le premier et mniiqne
IX (Méun 157:i5-15769; 291
Avoie plus, la deu merci,
4-20 Que vilein qui fust prest de ci.
Or dot que tôt a nient aille.
Et cuit et ci'oi, sans nule faille
Entres sui de perdre en la voie.
Hui matin m'ert avis c'avoie
425 Trop de huit bos en ma carue.
Tel porte burel et niacue
Grant et pesant desor son col
Qu'eu devroit tenir a moins fol
En tos endrois que je ne sui.
430 II est bien raison que l'anui
Que je ai porchace reçoive.
Drois est que ma folie boive. 73
Certes jamais om qui riens sache
Ne me pleindra de mon damage
4:5;') Que ge ai quis et porchace.
Si l'ai conme je l'ai trache,
Il est bien raison que je l'aie.'
Issi se démente et esmaie
A soi meïsme dan Lietarz.
410 Entre ces cosses dant Renarz
Proie porchace cel matin
En un bois après del chemin,
Quant il oï l'abai des chens
Qui molt li estoient procheius
4^5 Et molt près l'aloient sivant.
Et un vilein après huiaut
Apres les chens par la forest.
N'a ore talent qu'il s'arest,
Ainz cort a garison molt tost.
4r)0 El crues d'un chainne se repost
Tant que li chen soient passe
Qui molt l'avoient ja lasse.
N'a talant d'issir del crues mes
422 E 428 en ] a 426 boicl 428 Qui 4.51 iai 488 que 48'.
gai 436 laie c. lai 439 letart 441 poichucel m. 442 climin 445 suant
446 huant 447 par ] en fore^ 448 que il 450 del c. 453 crus
292 IX (M('on ]r)T70-ir)804)
Tant con les cheus sache si près,
455 Eiuz se repose et esteudelle
El crues et un petit somelle.
Tandis que se repose el crues.
Le vilein qui fu a ses bues,
Qui ploure et se démente en haut,
460 Entroï et hors del crues saut.
Yis li est, aler s'en puet bien,
Quant il n'i ot abai de chen.
Del bois ist, a l'essart va droit
La ou le vilein ester voit
4(i5 Qui se denientoit en plorant.
Vers le vilein en vint corant
Et près de lui vint le grant saut.
Si li dit 'vilein, dex te saut!
Que as tu? por quoi fez tel doil?'
470 'Sire, nel saurois ja mon voil:
Que se gel vos avoie dit,
S'i conquerroie molt petit.
Se mon graut dol vos descovroie,
Ja par vostre conseil u'auroie
475 Ne nul confort ne nule aïe.'
'Foux vileins, que dex te maudie!
Tant par es fous, je le sai bien.
Que tu ne me conois de rien.
Certes se tu me coneûsses,
480 Ja si desconseillies ne fusses
jMe de nule riem esmaies,
Que tost ne fusses apaies,
Por quoi ge te voussise aider.
Je sui bon mestre de plaider,
485 Foi que doi seint Panpalion :
En la cort Noble le lion
Ai ge meii meint aspre plet
Et meintes fois de droit tort fet.
455 repose repose et esteindeile 458 Li uileins 4(>U Et .R. liors
4«jl pot 462 voit 464 li uileins 466 u. tôt droit 4(ii) nieines t. dol 472
con ie eroi 475 conseil nul 488 tort droit
IX (Méuii 15805 — 1584U) 293
Et molt soveut de tort le droit:
490 Eusi covient sovent que soit.
Meint plaideor tient l'en a saje
Qui sovent rendent le musage.
A meint ai fait brisier la teste,
(De moi ne se puet garder beste)
495 L'autre le col, l'autre la cuisse.
Tu ne seis pas que fere puisse
Tant mal tant bien, con fere puis.
Je fis ja avaler el puis
Dan Ysengrin mon cher compère.
r)00 Si feïsse je lors mon père.
Nel doit om tenir a merveille,
Jel fis entrer en une selle
El puis ou avoit seals deus,
(Ce fu bone gile et bon jeus)
50o En une abaie a blanc moines.
D'iloc escapai a grant peines.
Ou mors o retenus i fusse.
Se Isengrin trove n'oiisse
Qui ert apoies a l'encastre
510 Del puis qui ert voûte de piastre.
De pite li fis le cuer tendre,
Que je li fis croire et entendre
Que g'ere en paradis terrestre,
Et il dist qu'il i voudroit estre,
515 Et ses voloirs li fist doloir,
En l'eve l'apris a chaoir.
Lui meïmes devant noel,
Conme l'en met bacons en sel,
Pis ge pescher en un estan
520 Par mon barat et par mon sen :
Car encois i fu saelee
La coe en la glace et gelée
Que il s'aperçut de ma guille.
Maint bon pesson et mcintc anguille
490 que souent 4'.»1 t. un 404 i)i)t 500 ji; manque 503 seuls
505 abie 506 peine 507 i iiudKjuc 51(.t de mtniqnr paistre 5i:{ ^'inam/ue
518 bacon
29-1 IX (Méon 15K41 — 1587HJ
525 Oi jo, qui molt en fui joiant,
En la carete au marcheant.
Que mort me fis enmi la voie
Por ce que trop grant f'ain avoie.
En la charete fui jetez,
530 Des pessons fui bien saoles.
D'anguilles fresces et salées
Enporta ge deus hardelees,
Dont je fis puis molt deleeher
Ysengrin mon conpere chier.
535 Apres moi vint a mon manoir,
Si senti les poissons oloir.
Simplement a vois coie et basse
Me pria que jel herbergasse.
Et je li dis ce ert noiens',
540 Que entrer ne pooit caiens
Nus hom qui ne soit de nostre ordre.
Por alecher et por amordre
Li douai d'anguille un tronçon
Dont il delecha son gernon,
545 Dist qu'il voloit corone avoir
Et ge li fis large por voir.
Onques n'i ot rasoir ne force :
Les pous li esrachai par force :
A pleine oie d'eve boillie.
550 La corone fu si faitie
Que cuir et poil en dévala
Par iloc ou l'eve avala,
Et teste et vis ot escorche.
Que il sambla chat escorcie.
.055 A Ysengrin mui ceste sause :
Ce ne fu pas parole fause,
Ainz est de meint home scii.
Meint prodome a ge deceû
Et meint sage abricone,
560 Si ai meint bon conseil doue:
525 01] Et ô27—ô2'èmaiiqni'Hf 531 et desalcz od'6 molt manque
delech'r 536 poisson 540 poot 545 Dit 547 rasor 549 plein 550
si afaitle 559 abrcone
IX (Méon 15877—15912) 295
Par mon droit non ai non Renart,'
'Par les sains deu' ce dit Lietart,
'Estes Yos ce Renart, bail sire?
J'ai sovent de vos oï dire
565 Et bien et mal a meint prodome.
Il n'a, ce cuit, de ci a RoïTie
Plus requit de vos ne plus sage: 74
Que vos eûstes le fromage
Par vostre sen de Tiecelin
570 Le corbeil, le filz Chanteclin.
Bien le solistes enchanter,
Car tant le feïstes chanter
Que le formache li chaï.
Meint prodome aves esbaï,
575 Molt par aves de sens le los.
Je cuit qu'il n'a ome si os
Qui de cuer conseil vos rovast
Qui senprés en vos nel trovast.
Sire, por deu moi conseilliez,
580 ^^os qui a moins desconseillies
Aves meint bon conseil done.
Le chef ai vuit et estone
De dol et d'ire et del pens
Dont tôt est desvoiez mon sens.'
585 Or di, vilein! conseil auras
De ce que dire me sauras.
Tost t'en porras apercevoir:
Mais que tel tôt me dies voir.'
'Certes, sire, si fera ge.
590 Bien m'avoit hui mein aseje
Maufes, et mis en ses liens.
Quant ge qui bien sui anciens,
Si foie parole disoie:
Mais sages hom sovent foloic.
595 Por ma terre qui trop est dure,
Hui matin par mésaventure.
562 Por le seint deu. letart 568 eslistes le formeje 570 corbeil
571 les 8. 572 manque 580 meint 584 desuoez li s. 588 que manque
594 h. si f. 594 h. si f. 595 que 597 Dis a manque
296 IK (Méon lyiJia — 15948}
Dis a Rogel, com hom iries,
Qui trop fu de traire enpiries,
Que maus ors manger le poiist
600 0 los, qui sore lui corust.
Brun li ors en obli nel mist,
Avoir le vout sans contredit:
Car il fu voir qu'avoir le dut.
Jusqu'à demein le me recrut.
605 Le matin quant se lèvera,
A perdre le me convendra.
Meis co por coi je sui dolans,
Que li damages en est grans :
Jamais nul si bon buef n'aurai,
610 N'en nul liu ne le troverai.'
Renart en riant li a dit
Por ce que il destroit le vit,
'Vilein fait il, or ne te chaut!
Un jor de respit cent sols vaut,
615 Gar que plus démonter ne t'oie,
Apres le doil vient la grant joie.
Par ma guile et par mon savoir
Te ferai tost grant joie avoir.
J'ai en talant que je te die
6-20 Une merveillose voidie,
Que Rogel quiter te ferai
Et l'ors meïsme te rendrai.
Lores seroies tu bien quites.
Mes j'auroie povres mérites
6i'5 De toi si con je croi et pens.
Vilein ment volenters tôt tens
Et trop est de mal apensez.'
'Sire' fait il, ja n'i penses!
Ja li liaus rois si ne me hee
6oO Que ja cose vos soit veee.
Se Roguel me poïez rendre.
Ce que ge ai porriez prendre
597 Dis a manque R. por ce querrc empiries 599 hors 6U()
me uendra 607 M. de ,)«^ manque 610 Ne nul 612 il ] en 617 mon
gile 623 Lors &2i nuiiupie i'>2b je manque 627 es 630 uoee 632 gai
IX (Mf^on 15949 — 159^21 2!)7
CoH la vostre cose demeiue.'
Dont en entrerai je en peine
63.') Et tust en serai en la voie,
Se ton blanc coc Blancart avoie
Que je vi er en ton plaissier.'
'Sire, jel vos irai bailler
Le coc demein bien matinet
640 Et 0 tôt dix cras pocinet
Seront tuit en vostre plaisir.
Demain vos en ferai saisir,
N'en soies ja en nule dote.'
Renart le vilein bien escote.
645 Au vilain dist entent a moi!
Je te conseillerai en foi,
Que tu Rogel ton buef rauras
Por Blancart que tu pramis m'as.
Un bon conseil te dire ja
650 Meillor que je ne fis pièce a.
Brun li ors vendra ci demein,
Rogel vodra avoir en plain :
Le matinet devant la messe
Avoir Guidera sa premesse.
655 Demein matin quant tu vendras,
Sos ta cape en ta mein tendraz
Tôt coiement une cunnie
Qui soit trenchant et agusie
Tôt de novel en un fort mance,
660 Et un cotel qui bien fort tronche
Con ce fust cotel a bocher.
Et ge qui sai ben cor tocher,
L'espierai sans atendue,
Et quant je saurai sa venue,
665 Ferai ci près tel cornerie
Et tel cri et tel huerie
633 conme 634 je manque 636 blancet {de même 648. voyez au r.
1118) 640 tôt .X. bons craz pocinez 641 u. baillie ()42 manque 643 Ne s.
644 Et R. li a dit sans dote 645 Por amor de entendes ca 646—650
manquent 651 u. d. ca 652 manque 655 matin manque tul 661 u
porcel 665 del 666 t. en t. huerai
298 IX (Méon l.-)y83— 16018)
Que tôt entor moi sans mentir
Ferai plein et bois retenir.
Brun li ors te demandera,
H70 Por ce qu'il se mervellera,
Que ce est qui tel noise fet.
Et tu li dies entresait
(N'aies mie de mentir honte)
Que c'est la maisnie le conte
675 Qui cel bois est et celé terre,
Que venus sont venoison querre,
Meint a cheval et raeint a pie:
x^'i a nul qui ne tienge espie
0 bon levier o arc o hache:
680 Encui vouront fere damage
Tuit a meinte savage beste,
Que li quens vout contre la feste
De pantecoste sa maison
Molt bien garnir de venison.
685 Quant cest barat dit li auras
Molt bien au meus que tu sauras,
Ce saches qu'il aura molt cher
Que tu l'aïdes a cocher
Et a covrir dedenz ta reie,
690 Et tu le fas, s'il le te proie.
Si fera il, ce sa ge bien.
Ta connie près te toi tien :
Quant bien le verras estendu
Et un poi auras atendu,
695 Ne sembler mie coart ome,
De la coignie tost l'asome!
Fier et refier, done et redone
Tant qu'il ait vermeile corone,
Et le cotel de bone fourje
700 Li bote par desos la gorge!
Lors le fai durement seigner.
Meus vaudra la char a manger.
667 ment' 668 e 671 cest 676 ueneors q. 677 e 679 leurer G8U
Encuit 693 lauras e.
IX (Mf'on lijdl!» — 16U54)
De nuit Ten menras au repost,
Que damage i auroies tost
70.-) Se li cuens le pooit savoir.
Il te toudroit tôt ton avoir,
Il te feroit espoir desfaire.
Bones pieches en porras fere,
En ton lardier le saleras
710 Et de la pel fere porras
Molt bones capes a flaax. 75
Mes garde que soies loiaux
De rendre moi mon gerredon!
Qar tu auras molt greignor don
715 De moi que de toi ne prendrai.
Car Rogel quite te rendrai,
Et par moi auras Tors en sel
Tôt coiement en ton ostel.
Lors auras tu bien esploite.'
720 Bien a fait le vilein haitie
La gile que Renart a dite.
Au reconter molt se délite,
Onques si bone n'out oïe:
Plus de cinc cent fois l'en mercie.
725 'Sire Renart. a grant plente
Auroiz a vostre volente
Chapons et gelines et cos.
A deu vos conmant, je m'en vois.'
A deu le conmande et il lui,
730 Issi départent ambedui.
Li vileins a l'ostel s'en vet,
Et Renars vers le bois se tret
Que il amoit plus que le plein.
Molt a esbaudi le vilein
735 La gile que Renart a fête.
De noient mes ne se dehete,
Ainz est molt lies et molt joianz.
Si s'en vait a l'ostel chantant.
299
703 nuis 704 damages 705 poit 706 conuenroit 707 ferunt 710
manque 711 flaaix 714 Mais tu a. trop greindre 720 H 721 disto
722 remonter délice 724 fais 727 le liremier et manque
300 IX (Mcoii 11)005— KUlilU)
Que il cuide bieu sanz tarder
740 Avoir char d'ors en son larder.
Tantost conme l'aube creva
Li vileins molt lies se leva,
Un bon cotel mist soz sa cape.
Se Brun li ors vis en escape,
745 II ne s'eime rien ne ne prise.
Une trancant coingnie a prise
Qu'il mist sos sa cape a celé.
Un garçonnet a apele.
Avis li est que trop deniore,
750 II ne cuide ja veoir l'ore
Qu'il ait a son trenchant cotel
A Brun Tors reverse la pel.
Ses bues chace plus que il pot,
En son essart s'en vient le trot,
755 Et le cotel et la coingnie
Ot de soz sa chape muchie.
Tandis qu'il antent a arer.
Brun l'ors ne se pot esgarer
Qui del bois sout tos les trespas,
760 Vint a l'essart phis que le pas
Des pâtes derer regibant.
Mais il ne set c'a l'oil li peut.
Bien cuide que Rogel suen soit.
Vers la carue vient tôt droit,
765 A haute vois Letart escrie
'Deslie, va, le buef deslie !
Por quoi l'as tu soz le jou mis?
Tu nel m'avoies pas promis,
Desloiau vilein deputaire,
770 Que tu feïsses les bos traire.
Tu as or fait ce que te plot.'
Letart qui molt bien fere sot
U'ome coart chère et samblant,
Li respont basset eu traublant
741 se c. 1 il cclco 75fi iuucIr' 757 nier 75>S
osgarder 7()1 (Ici'crc 762 cua lors li 7(35 sescrie 772 b
IX (Méoii 16091 — lin-ifi) '^01
775 '8ire, or ue soies pas iriez !
Rogel n'est gerres enpiries :
C'oreudroit le vos ramenroie,
Se g'estoie au chef de la roie.
Ma roie me laissiez parfere!'
780 Renart qui tôt ot cel afere
Veii de près et espie,
Un lonc cor qu'il avoit lie
A son col, a mis a sa boce :
Si fort et si très bien le toce
78') Et conmenche a corner si haut,
Que retentir en fait le gaut.
Et quant li corners li anuie,
Si escrie forment et hue
Ausi con vénères qui chace,
7'.)0 Qui ses chens envoie a la trace.
Molt fu grauz la noise et li bruiz,
Que molt en fu Renart bien duiz
Et del corner et del huer.
Et Brun Tors conmence a muer.
79.') Le bruit et la noisse qu'il ot
J3e rien ne li sit ne li plot:
]Se la voussist or pas oïr,
Qu'il en cuidast molt mal joïr.
Molt s'esmaie et molt se merveille,
800 Ases escote et oreille:
Conme plus oreille et escote
De tant se crent il plus et dote.
Molt crent que levrer ne l'asaille
Et que venere aus mainz nel baille.
805 De poor tremble, a Letart vient.
De Rogel mes ne li sovient,
N'a or talant qu'il le deslit.
Simplement et bas li a dit
'Or me di, Letart, ne t'anuit,
810 Qui a ceste noisse et cest bruit
7S7 A tôt li 789 connie
SO'J il nHinijitr S()(î Houent
775 iri
pz ] pines 778 uoie 783 ni. et
lUMifor 71)1
en lu 7it« scsnuii 8(t0 Icscdutc
H07 que
302 IX (.Méon 16127 — 161H2)
Conmencie en ceste forest?
Por deu di le moi, s'il te plest.
Par teil convent que meuz t'en seit.
Letart qui taindis s'apensoit
810 De respondre Brun par savoir
Teil cose qui resanblast voir,
Li dit a loi d'orne recuit
'Je t'en dirai ce que j'en cuit.
J'ai 01 dire a un ribaut,
8-20 C'est la gent au conte Tebaut
Par qui la terre est meintenue.
En ceste fores est venue
Qui est au conte tote quite
Et a tote gent contredite
82.') Fors sol au conte et a sa gent.
S'en i trovoit autre chacant,
Li cuens le fereit errant pendre
Que ja ne l'en porroit défendre
Force d'amis ne gentillece,
830 Avoir, proiere ne proece.
C'est, ce cuit, sa mesnie tote
Qu'il amena une grant rote.
Venu sunt si matin cliacer.
Li un portent espie d'acher,
835 Li autre arc et sajetes tienent.
Par les bestes traiant s'en vienent
Et lor douent meins mortels cox.
Li autre ont cors a lor cox
Qu'il cornent et li autre huent.
8J0 Les bestes par le bois s'en fuient.
E ceus qui tenent les levrers,
Molt meillors que chens a chèvres,
Corent par le bois a esles.
Et li cuens meïsmes après
845 Sor un chaceor qui tost cort,
(^ue de venoison vout sa cort
812 dil moi plet 814 qui ] i sapereoit 822 Est en o. fores u.
825 for 826 si ni 829 gentillice 836 sen manque 837 meint S39
cornenent e 842 Molt | Et 843 eornenent 844 nieis a esles
IX (Méon lauys—iav.iS] 803
Garnir a ceste pantecoste 76
Qui chascun an cent mars li coste
Et ouan plus li costera :
8ÔU Que je cuit que li cuens fera
îsovaus chevaliers dusq'a vint,
Qui pieca si grant cort ne tint
Con il voudra auan tenir,
Que a sa cort fera venir
855 Le meuz de la chevalerie
Qui soit desus sa seignorie :
Por c'est si mein la chose enprise.'
Si grant poor est a Brun prisse
Qu'il ne se pot sor pies tenir,
8G0 A tere le convint venir.
'Letart' fait il, 'par ta mérite,
Que je te clein Rogol tôt quite
E que tes verais amis soie.
Laisse me chocer en ta roie
8(j5 Et de la terre bien me covre:
Por deu te pri, ne me decuvre
A ces veueors, ne enseinne.
Que s'il avient que l'en me preine,
Escorcher me fera li cuens.'
870 'Dan Brun' dit Letart, 'toz vo buens
Sui toz aparelliez a fere.
Mais jo vos loeroie a tere
C'aucuns vénères ne vos oie :
Que li cuens en auroit grant joie,
875 S'avoir vos poûst a sa feste.
Enmi une raie s'areste
Brun li ors qui se dote tant.
Hoc se coce et estent.
Si li semble qu'escapes ert
880 Des veneors, mais sa mort quiert :
Et quide estre de la mort loing,
Mais ele li est près du groing.
848 a 849 huan 851 cheual' duqua 853 uaudra 854 cor 857
ce est 863 uraie 864 roe 872 fere 873 ueneors 874 Que mmitfxe
804 I\ (Méon 1(3199—16234)
Et tiel qiiide alonner sa mort
Qui l'aproclie et aprisme fort:
88.') Escape quide estre por voir,
Et il s'aïde a descevoir.
Lietart qui la noisse bien plest
Que Renart fet par la forest,
De ses deus meins sa face tient,
890 Et de rire a peine se tient.
Que molt très graut joie a ou
De Rogel quïl li a rendu.
Si Tacoilli lors a covrir
De la terre par grant aïr.
895 Que qu'il le covre de la terre.
Sa coingnie près de lui sere
Et son cotel près de lui met,
De lui covrir bien s'entremet.
Cou il fu auques bien coverz,
900 Les euz que il tenoit overs
•Li coumande que il les cloe.
Cil fait issi con cil li loe,
Que de nul agait ne se garde.
Letard de rien plus ne se tarde,
905 A dous meins hauce la coignie,
De soi Ta forment esloingnie,
Bien la hauce pqr meuz ferir.
Au premer le voudra merir
Le grant orgoil et le danger
910 Qu'il li mena de son buef ier.
Quant longement out avise
Son coup a loi d'orne sene
Que de faillir se dote trop,
Sor la teste jeté le coup.
915 Fiert et reliert de tel aïr
(^ue jus en fet le sauc venir.
Tel coup li done de rechef
Que tôt li a brisie le chef.
884 Que 886 s' J 1' 887 Retart 888 le f. 890 rier 89H lacueille
896 coingni 898 bien ] puis 900 Le e. quil ,t. aouerz 910 Quil Imena
911 qan
IX (Méon 162;j5 — 16270; 305
Ne le crient mes ne ne le dote.
9-20 Tar desuz la gorge li bote
Le bon cotel qui souef trenche.
Meintenant del orgoil se venge
Qu'il li fist, ne l'espairgne point.
Del cotel jusqu'al cuer li point
925 Si que le sanc en cort et raie
De tôt le cors parmi la plaie.
Bien et forment seignor le fet.
Un poi en swz del sanc le trait
A peine, que molt ert pesant.
930 N'an fera gaire de présent,
Par lui nel saura nus qui soit,
Que por nule rien ne vodroit
Que nus de ses voisins soûst
Qu'en son larder car d'ors oust.
9;};') As meius le covre au meus qu'il puet,
Ses bues sache a l'ostel et muet.
Il fu liez et fet bêle choie.
Sa mollier que il ot molt rhere
Apele sol sans conpaingnie'
940 Si li a dit ma douce amie
Qui après deu me faites vivre.
Voirement dit voir a délivre
Li vileins qui par tôt bien dit,
Qu'il n'est si grans max qui n'aït.
94.") Ne bien qui ne unisse par eures.
Se dex me doinst plente de meures
En mon plaissie por more fere
Tel qui puisse a riche ome pleie,
Je puis bien afermer de voir
950 Que je l'essaiai bien ersoir,
l*ar la grant foi que je vos doi.
Et si vos dirai bien por quoi.
Bien cuidai avoir mon mal quis,
Quant er matin a Rogel dis.
919 nii (les deux ne manque 921 soupf ] bion 926 inaïKjiie 932
ne vodroit j qui soit 9.33 nu8 manque 93ô pot 941 Que 942 Vorement
a]ei 944 quil nait 94fi «loist moure 953 cuidoi
KENAUT I
306 IX (Méoii ir.27 1 — 16305)
955 Por ce qu'il traioit lentement.
Que maus ois sanz prolaingneinent
Le mangast et le me tousist.
Trestot meintenant Brun s'asist
Joste moi et si le vint querre.
960 Sa félonie et sa g-uerre
De moi et del mien comperasse,
Se a lui ne m'umeiiasse.
Il m'avoit piis a maneclier.
Et je le soi bien eulaclier
9(i,') Be blanches paroles et pestre :
Que j'en ai este a bon mestre.
De bien lober buen mestre sui.
Respit me dona jusqu'à hui.
Mes a quoi feroie lonc conte?
970 Renart qui de bien faire a honte,
Tel gile et tel barat m'aprist
Par quoi dan Brun orendroit gist
Mort et covert dedenz la roie.
Mes or me conseille et avoie
975 Conmeut il ne fust ja soii.
Que s'il estoit aperceii
0 del conte o de sa gent,
Ne nos garroit oi- ni argent
Que nos ne fusson afole.'
980 Molt doucement l'a acole 77
Celé qui tant savoit de lobe:
Meulz valoit que tote la robe
Au vilein solemeut sa guimple.
Que trove l'avoit fol et simple:
9S5 Ne li osot dire ne ferc
Chosse qui li doûst desplere,
Et desus le vilein est dame,
Por ce qu'ele ert gentil feme.
Respondu li a en riant
957 me manque 958 meitenant saisit 961 de m. 962 me umi-
liasse 963 moneclier 965 parales 967 laber Après le v. 968 on lit
Uore se dex me gart de lioiite 970 iiKinquc 971 barast 974 ore 978
gai'iroit 981 que 982 sa
IX (Méon 1630G — 10848) 301
990 Certes tôt a mon escient
Yos donrai je conseil, baus siie.
De ce que vos ai oï dire.
Anquenuit devant l'ajornee
Soit une charete atornee:
995 Et entre moi et Costancete
Si le metron en la carete:
Et nostre garçon Tribulez
Sera o nos, se vos volez.
Issi porron nos esploiter,
lOOO Nus ne vos venra agaiter.'
Con ele a ce dit, si le bese.
Or esteit li vileins aesse
De ce que sa feme dit ot,
Et du conseil de li s'esgot.
1005 N'a talant qu'autre conseil pregne.
Si li a dit 'bêle conpaigne,
Nos le feron a vostre los.
Tribulez n'est mie si os
Que de ce conseil nos decovre.
1010 Ja ne li celerun celé ovre,
Bien aurom mestier de s'ahie
Se deu plaist et seinte Marie.
Entre nos quatre lèverons
Brun, que ja grève n'en serons.'
1015 La parole laissent atant.
Jusqu'à la minuit atant
Sa charete a apareller.
N'avoit cure de someller.
Il ne dort mie ne someille.
1020 A mienuit sa feme esveille
Et Costancete et son garçon.
S'a pris en sa mein un arcon
Et deus fleces a sa ceinture,
Que bien sont trere par nature.
991 conseil manqiif h. dou s. 995 Contancoto 998 uos 1000
gaiter \00â qu' manque 1007 lox 1008 mi si 1009 des ce 1014 serans
1017 charate 1019 dormoit ne s. 1021 contancete 1022 S'iuaiiquc
20*
308 IX (Méon 16851 — 16394)
1025 Letart après point ne sejorne,
La carete afete et atorne
Sans noisse fere a plus que pot.
Li chevaus ne va pas le trot:
Aler le feit le petit pas.
1030 Et la charete ne bret pas,
Que de seu l'avoit il bien ointe.
Sa moillier et sa fille acointe
Que eles ne dient un mot.
Et lor defent plus que il pot,
1035 Que de l'agait grant poor ont.
Quant de la vile eslonnie sont
Entor cinc archies ou sis,
Li vileins qui estoit asis
En la sele sor le cheval,
1040 Le fet troter contre un val.
Tant est aie les troz menuz,
En sun essart en est venuz
Ou il avoit coveit Brun l'ors.
De la terre Tavoient sors,
1045 El caretil l'ont mis a paine.
Litart a son ostel l'enmeine
A son cotel bien le depiece.
En son ostel cliascune pièce
Fesoit lever en Teve clere
lOjO Entre Costancete et sa mère.
Le tenoil ou les piecez sont
En une huce le repont.
Litart qui plus celer ne veit,
Ne s'atarde que il n'apelt
1055 Le garçon, que il dote et crient
l'or ce que ne li apartient :
Et bêlement a bêle chère
Si li prie con il a chère
L'amor et la vie de lui,
1060 Que ne le die a nullui.
1020 Y>o\nX maiir/iir 1026 iife et 1088 que 104.") lont il a pue lOôO
eontancete 1052 les r. 1058 uout 1054 uaplet 1055 ereu 105.s il jn
1059 Lanioit
IX (Méun 1639.0—16482) 309
Li garçon li jure et afie.
Sire' fait il, n'en dotes mie:
Que ja par moi n'iert decoverte
Chose dont il vos veigne perte.'
1065 Sitost con li jors escleira
Renart qui ja bien ne fera,
De Malpertus son fort plaissie
S'en est issu le col baissie,
A itant del aler estuide:
1070 Que il bien de vérité cuide
Avoir les jelines Litart
Et avoques le coc Blanchart.
Il ne sera, ce dit, plus vis.
Il quide et si li est avis
1075 Que de trestot sire estre doie
Et de Litart et de la proie
Por Rogel que sauve lui a.
De loing le vilein espia
Qui delez son plessie estoit:
1080 Une viez soif i redrecoit.
Vers la haie Renart s'eslesse
Conme celui que fein apressc:
Bien cuide avoir sanz contredit
Ce que li vilains li ot dit.
1085 Mes autrement est que no pense.
Litart l'a veii, si s'apense
De la promesse que li fist.
Sa sarpe et sa coingnie prist
Dont aguisie avoit ses peus :
1090 Près de la haie ert li osteux
Qui de la haie estoit aceins.
Damnedeu jura et ses seins
Entre ses denz, ainz que s'en tort,
Que Renart ert a povre cort,
1095 S'il atent a li aconter.
'Renart me quide plus coster
1066 que 1068 le J son 1071 la ieline 1074 quida 1079. 1080
inanquent 983. 1084 manquent 1091 Qui manque 1095 conter
iilO I\ Jléon lt)43.i^lti472)
Que ne me costera des mois.
I] quide ore avoir demanois
Ce que je li ai en convent.
uno Mes issi con il a sovent
Convent fause et tant de fois,
Si est il et raison et drois
Del engingneiir qu'en l'engint.'
Issi parlant a l'ostel vint,
1105 Ou trova filant Brunmatin.
'Trop laissies ovre par matin,
Sire raalves vilein' fait ele.
Et il li a dit "demoiselle,
Por deu, or ne vos corocies
1110 Ne a moi ne vos aïres!
Que ne sui pas encor si fous
Que le matin mete a repos:
Einz venoie ici savoir,
Conment poïsse décevoir
1115 Renart qui ci iloques vient.
Les jelincs a soes tient 78
Et les pocins, si quide et croit.
Et que Blancars li cos sien soit.
Por ce i vient il abreve.
1120 Et a ahan iert arive,
Se bon conseil i puez trover.
Or i pues ton sen esprover,
Se tu ses barat ni engin.
Que por autre rien ca ne vin,
1125 Et je ne sai, se dex me saut,
Ame fors toi qui me consalt,
Ne qui si conseiller me doie,
Que je sui tiens et tu es moie.
Et devez dire nostre bon,
1130 Que li consaus est ausi tucn
1101 tante f. 1103 engingnur que Icn Icngint 1104 parlot 1105
Et t. sa feme filant 1106 Qui li auoit dit en riant 1107 Matin laissies
oure f. e. 1114 puisse 1116 suens 1118 le msc. A offre la forme blan-
cet: de même dans les v. 1181. 1186. 1299 1120 a ha 1121 puet 1022
s. prouer 1123 Se b. ses ni
IX (Mcun 16478 — 1(5508) 31:
Con il esf mien en un endroit.
Pens i de bon cuer orendroit,
Conment nos puisson estrangcr
Renart qui bien quide raangier
1135 Nos jelines et nos capons.
Certes se de lui escapons
Par toi sans cost et sans despens,
Bons est tis baras et tis sens,
Et si t'aura dex aponsee.'
1140 Celé qui estoit apensee,
Li a respundu sans demore
'Trove ai, se dex me socore,
Un bon barat qui molt vaudra,
Par quoi Renart atant faudra
1145 A ce que promis li aves,
Se por ce fere le savez
Qoiement sanz aparcevance.
Trois mastins des mellors de France,
(Li pires des trois ne le dote
1150 Qui sont laienz en celé crote)
Amenez conme veiziez.
En vostre granche les liez,
Et gardes que bons iienz aient.
Del pain lor dones qu'il n'abaient:
1155 Que tost porroent esmaier
Dan Renart par lor abaier,
Si s'en fuiroit a sun recet.
Issi n'aureon nos rien fait
Et seroit a reconmenchcr.
1160 Or le laissiez bien avancher
Et tôt asoiir ca venir.
Les mastins faites détenir
A vostre garconet tôt trois
A l'uis de la grange detrois.
1165 Quant Renart sera aprocies,
Les chiens maintenant li huics,
1133 estrangler 1135 nos ] les 1IS7 Pur toi | De li 1138 tist
baves 1142 uoudra 1143 que 1150 est liez 1152 garclie et 1. 1153
il ] bons 1158 nos 1 nule 1159 reconmecher 1166 Lest aler les ch. et h.
312 IX (Méon 1650S)— 10548)
Et cil les laist aler après :
S'il le poent tenir de près,
Il li dépèceront la pel
1170 Et li ferunt roge capel.
Molt vos vaudra, si con je cuit,
Bien sa gorge set sols ou huit,
A ce que ele est de soison.
Issi con le di, le faison,
1175 Que ja ne porreeiii meulz fero.
Et vos por plus Renart atrere
Qui ja est si près avales,
A nostre haie vos alez
Et vostre ovre reconmenciez,
1180 A Renart de rien ne tenciez:
Se il dist Blanchart li donez,
IBt vos par bel li respones
A po de parole brefment
"Renart, saches veraement,
1185 Ja ne devrees avoir cure
De Blancart, qui a la car dure
Et no maujue que ren vaille
Fors ice que prent en la paille,
Et que il ne seroit pas cuit
1190 En un jor et en une nuit,
Qui le metreit quire orendroit.
Tendre chose vos convendroit
A vostre manger: jelinetes,
Chapons et oisons et poletes.
1195 Et se vos nel voles laissier.
Je le vos ferai engracier
Quinze jors, si ert vostre prou
Que il n'est are a manger prou."
Issi le porron losenger
1200 Le traïtor, le losenger.
Itex paroles, itex dit
Si vaudrunt bien un escondit.
Quant ces paroles li diroiz.
1179 reconmeraenciez llHOtenceiz 1186 que 1195nel]Ie 1203diro2
IX iMôon l';:)4'J — lti584) 318
Ases plus bel l'escondiroiz
1205 Que se ves tenceez a lui.
De lui nos vengeront encui
Claviax et Corbel et Tison,
Qui l'en amenront a meson.
Cil troi sel poent acoper,
1-210 Jamais n'iert a nos a soper
Et ja ne querra rien du nostre.'
'Foi que doi saint Pierre l'apostro.
Bêle suer, bons est li consauz,
Ja si n'en ira or les sauz
1215 Renart que nos ne le preignons
A l'aïde des troi gaignons
Qui li ferunt une envaïe.
Si en aura mester d'aïe,
Se il le pooient abatre.
12J0 Je m'en vois a la soif esbatrc,
Que il ne face aucune ganche.
Li garçons tienne en la granche
Les chiens si con vos l'aves dit:
Quant je huerai, sis deslit.'
1225 Atant va arere a la haie.
Renart que fein grieve et esmaie,
S'en va a la haie le trot
La ou li vileins sa soif clôt
Et aguise les pex et fiée.
1230 Entre ses denz jure et afice
Que cher li vendra celé voie.
Por ce que Renart ne le voie,
Enbronce sa chère et abaisse.
Renart vers le vilein s'eslaisse,
1235 Et li dit 'dex te saut., Litart!
Va moi querre le coc Blancart!
Je le doi avoir par raison.
N'ousses pas en ta meson
1206 uengeron 1209 se p. acaper 1212 — 1214 itianqueiif 1216
manque 1218 si naura 1220 Je en uoil abatre 1226 gre 1230
senz denz 1235 li manque
314 IX (Méon li;5S5-lBH20)
Brun l'ors, se ne t'oiisse apris
1240 L'engin par quoi l'as mort et pris.
Je en doi estre bien a coït.'
Litart a fait semblant de sort
Ausi conme s'il n'oïst gote.
Renart en la haie se bote
]245 Eu la manere de furcit,
Et s'apensc qu'il li direit,
Et li a huce de rechef.
Li vileins a hanche son chef
Et l'a en travers regarde:
1250 'Sire' fet il. 'de la part de, 79
Estes vos por le coc venuz ?
Il est et megres et menuz
Qu'il no manjue nule riens
Fors ce que il trove el fieus.
1255 Trop est chaitis, n'a que les os,
Et la plume le fait si gros.
Se la demore ne vos tarde,
Encore n'aura li cos garde:
Huit jors ou quinze le laissies
1260 Tant que soit un po engrasies
Et si vaudra il ases meuls.
Ensorquetot il est trop vels.
Bien a passez trois anz ou quatre.
N'i porriez la dent embatre
1265 Et vos briserees les denz.
Se Jhesu Criz me soit garanz.
Et je seroie fort iries.
Se vos estees enpiriez
Par chosse qui de moi moiist.
1270 Mes qui jounes pocins oust,
0 un oisonet gros et tendre,
Bien vos i porreoz entendre.
Je n'ai capon, oison ne polie,
Molt l'amasse a vostre ffole.
1241 Jen 1243 con 1245 feieret 1246 que il 12513 Qui 1255 chcn
1257 torde 1259 iors manque 1262 Ensoiquotant tro 1264 donz es-
batre 1266 garant 1270 que
IX (Mron li;.-)-'3— 16(J(i-J) 315
1-275 Se Tousse de quoi soigner.
Que ja hom ne doit esloigner
Son ami qui se met en soi.
Certes que volenters vos voi
Conme bon ami, et lie fusse
1280 S'aucune bone rien eusse
Dont je vos pousse somondre.
Ne soiisse a vos respondre
Nule riem qui vos doiist plere.'
Or ne se pot Renart plus tere,
1285 Avis li est que trop se test:
Que il li anuie et desplest
La mencoigne que il entent.
'Fol vilein, trop as dit atant,
Or me represte le frestel!
1290 Tu me quides et bien et bel
Avoir escondit de Blancart.
Et je sai tant engin et art
Ases et plus que tu ne fes.
Je t'ai d'un molt anoiax fes
1295 Et délivre et descarge,
Que je t'ai Rogel atarge
Et t'ai Brun par mon sen done.
Tu m'avoies abandone
Blancart le coc par ta parole :
1300 Or as este a autre escole.
Desloiax vileins, faus et sers.
De bêles paroles me sers.
Je sai bien conoistre tes bordes
Et tes lobes et tes falordes:
1305 Et tu m'as premis sans doner.
Mes par celui qui fet toner,
Damage auras ainz quinseine,
En ta premesse qui est veine.
Tu entens ore a flater,
1310 Mes de dol te ferai grater.
1277 que 1279 le f. 1285 se manque 1286 desplet 1294 dont m.
1295 et ^calenge", des 1300 Or ] Tu autre ] tele i:J01 faus manque
1303 tes manque 1306 que 1308 que
316 IX (Môon 4(>HG5— 46710)
Par bordes quides escaperV
Je te ferai encor fraper.
Desloiaus esconmuniez. *
Or ai bien este merciez
131Ô Par toi qui bel m'as aceilli,
Et bêle chère m'as fait hui.
Puant vilein, con estes leres,
Estecz devenu guileres?
Je vos vendrai chier vostre guilo,
13-20 Hui est li jors que trop avile
Lecherie et bole empire.
Quant tu nie cuides descontîre.
Damage i auras, je t'afi.
Des ore en avant te défi,
1325 Des ore te serai nuisant.'
Litart qui fu a mal pensant
Et qui es trois mastins se fie,
A respundu par felonnie
'Renart, pou voi nuli qui face
13.J0 Grant hardement qi si manace.
Ton pooir fe sanz manacer:
Ja ne ti verras enbracer,
Ne prier por pes ne por trives.
Ne pris pas deus foilles de cives
133 Ton manecer ne ton vanter.
Sui je chaz a espoenter?
Je ai meinte manace oïe :
Ja por ce n'ert moins esjoïe
Ma mesnie por ceste cose,
1340 Ne nostre porte plus tost close.
Je sui cil qui poi cren et dote
Ton pooir et ta force tote.
N'ai poor ne garde te toi,
Po de tex maneceors voi
1345 Qui parolent si egrement,
Qui aient gères hardement,
1311 b. me q. 1315 que 1317 este 1. 1319 manque 1321 rôle
1325 serai a n. 1332 ni ti nenras 1333 pries 1334 inaiiqite 1335 ton
auant 1840 tos
IX (Méon 1K711 — l<i7r)4) 31'
Quant vienent a un po d'efors.
Tu es ases sages et fors:
Eu toz mes nuisemenz te met
i;550 Et de moi nuire t'entromet
Et en apert et a celé!
Tu m'as ici serf apele
Et traïtor et desloial:
Mes je te puis plus fere mal
1355 Que tu ne porroies' moi fore.
Je ne te qier mais a retraire
De moi fere mal et anui.
Je te conmencerai ancui
A nuire et a contralier.
1360 Robelet, va tost deslier
Les trois mastins et si les hue !'
Li gars sa chape a terre rue,
Les chens hua et après cort.
Li mastin saillent de la cort :
VM) Apres lui corent abaiant.
Del atendre est il noient,
Ne li feront pas ses aviax.
Près de lui s'areste Claviax.
Et l'aert as dens par l'oreille
1370 Qui en pou d'ore fu vermeille.
Ne li est mie li jox baus,
Qu'après celui veneit Corbax.
Les denz en la coe li bote
Que il li a ronpue tote,
1375 Et par dejoste le crépon
N'i remeist que le boteron.
Par ces ne fust pas retenus,
8'apres ne fust Tison venus 80
Qui l'a mors et li depelice
1380 Par desus le dos la police
Que il avoit et grande et lee.
1347 Con uient 1348 et gros 1349 nuisenient 1350 Et manque
n. et tant i ûît 1351. 1352 inlervertis 1350 rotrarc 1359 contre alier
1366 ateindre 1368 cliauiax 1370 niêrucilli' i;i7it Imioit m. .-t d. 1380
dos de la 1381 le premier et mniijui-
318 IX (Méon 1B7Ô6 — 18807)
Hoc li a tote pelée,
Jusqu'en la vive car l'a mors.
A peines est de la estors
13S') Reuart qi estoit deplaies
Et de seinier afobloies,
Sivre le poussies par trace.
Si est pensis, ne set que face.
Bien set, n'i a mester peresce,
1,S90 Se en son cum- n'atret proece :
Que vers les cliens n'a nule force.
Do son cors aieser s'eforce.
A Malpertuis en vint les sauz
Ou gaires ne crent lor asaus.
1395 Con il entra en Malpei'tuis,
Si ferma sa porte et son huis.
Il se pleint molt et se dehaite.
Ses plaies li lie et afaite
Hermeline qui est sa feme.
14(X» Renart li a dit douce dame,
Ou monde a une merveille,
Que cil qui a mal fere veille,
Cil qui mordrist et cil qui eml)le
Et qui autrui avoir asemble
1405 O par faus plet o par usure
Et qui de loiaute n'a cure:
A celi ja mal ne carra
Ne ja ne li mesavendra.
l'ius meschet il et mesavient
1410 A celui qui a bien se tient.
Je di ce que je sai de voir:
Je qui soloie décevoir,
N'avoie de cose disete
Qui por aisse d'onie fust faite.
1415 Et por ce que je voil bien fere,
Qui onques mes ne me pot plere
Et que je ai pou meintenu,
1389 proece 1390 leece 1394 na c. 1398 o 1399 que 1401 O
1403 mordi-st UOâ faus iiKOique uusure 1409 il iihiii:/ii<' 1412 que
1414 por <1 aisse 1417 iai p.
IX (Méon 10808-108.-11) 319
Por ce m'est il mesavenu.
James nul jor bien ne ferai
1420 Ne ja vérité ne dirai,
Reson ne loiaute ne drois.
Por ce que oan une fois
Avoie a bien fere entendu,
M'ierent li diable rendu.
14-25 Certes jamais bien ne ferai.
Ne jamais ne le meintenrai.
Plus ai ou et honte et let
Por un sol bien que je ai fet.
Que por mal que je feïsse onques.'
1430 'Sire' fet ele, 'dites donques
Qui ce vos a fet et conment?'
Fet ele je le vos conmant.
Molt par estes depelisces,
La vérité en délices,
143â Con vos estes si descires.'
Renart qui estoit fort ires,
A respundu en sospirant
'Or me va force enpirant,
Hermeline, ma douce amie.
1440 Et por ce ne lera ge mie
Por dolor ne per feblete
Que vos n'oes la vérité
Conment ai este asalis
Et conment ai este bailliz,
1445 Conment ai mal por bien trove.
Je qui sovent ai esprove
Mon sen, ma proece en tos lex,
M'en aloie toz famellex.
Un poi devant none l'autrior
H5') En aloie par un sentier
Qui bien estoit près del essart
A un vilein punes Litart
Qui m'a ceste sausse meiie.
1418 mal auenu 1419 fera 1427 liou le priuiier ot :ii(ni//iie
1436 nires" fort 1438 cniJi-ant 1442 laucnturo 144r) bien jxtr mal 1440
que 1449 lautre
320 IX (M6un KiBôl — ItWyO)
Molt grant poor avuie oûe
145,') De deus mastins qui me sivoient
Et bien près de moi abitoient.
Un pou genci hors de la voie
Por ce que sans dote savoie,
Se il retenir me poussent,
1460 Qu'en petit d'ore mort m'oiissent,
Et si fusse trop mal mené,
Quant trovai un chesne clieve,
Que molt estoio ja lasse.
En pou d'ore fui repasse,
14(i') Eu nul liu n'avoie este mors.
Puis que des mastins fui esters
Sanz plaie avoir par ma proesce,
Petit prisai celé lasece.
Tantdis que je me reposoie
1471) Ou cros qui ert delez la voie
Qui ert del essart Litart près,
Si oï le vilein engres
Qui a son buef se dementoit,
Et ne hoiloit un ne chantoit.
147;'» 11 ploroit: si n'avoit pas tort,
Que par ire et par deseonfoit
A dan Binn l'ors premis Tavoit,
Ne de lui conseil ne savoit.
Con il me conta son afere,
1480 Lors conmenca je bien a fere,
Je qui ouques mes bien ne fiz:
La quit je que je me mesfiz
Quant je fis bien a mal oiir.
Le vilein fis lie et seiir:
148.') Por le vilein devin venerres.
Tant fis que li vilein mentierres
Brun lors oci.st, si l'en mena.
Tel gerredon rendxi m'en a :
14r)."> suoiont 14(>0 Que en mort iikoujhc 14(il Iloques molt mal
(leiiicne UCf) nai este 14H7. HCS ttiiiii(/iii-„f 1474 li. ne cli. 1475 pas
ninmjiif 147(î Q. 1478 Ne ] Qui ]iH\. ]-is-2 »nnifj>i,'i,t l4SH fas 14H5
deuint nat'ies i486 uât'eres
IX (Méoii ItJSyl— 16928) 821
Apres moi a ses chens hues.
1490 Bien ai este despelicez
Si con il est aparissant.
Ausi m'est avis que je sant
Lor denz ez oreillez, ez naehes.
Ma coe ont retenue en gages
1495 Lez troi mastins a lor sacher.
Mes Litart le conperra cher,
Se do tôt mon sen ne declinn.'
'Lessiez ester' dist Hermeline,
'Ne soiez pas si ezniaiez!
lôOO Ja n'estes vos gaires plaez:
Or vos doiissies déporter
De cest mal et reconforter,
Que vos estes en espérance
De prendre hastive venjance,
1505 S'un po vos voleez pener.
La charrue en poroiz mener,
Dépêcher et el bois repondre.
Le vilein porrois si confondre
Petit et petit totes voiez.
1510 0 vos li enblez ses coroiez: 81
Issi le porriez grever
Que de dol le ferez crever,
Le vilein félon deputere.
Ja ne doussiez tel dol fere.
1515 Ce vos doust tôt dedoloir
Que vos solonc vostre voloir
En esclaireres vostre cuer.'
'Bêle conpaigne, doce sor'
Dit il, 'bien ert faite la chose.'
15-20 Huit jors tos pleners se repose
Que il en avoit grant mestcr.
Ses plaies a fait afaiter
A Ilermdino bien sovcnt,
Et ele de cuer i entent.
\W.i Lez (1. le/ (). les naf^f's 1494 La I49(; coupera H
15(10 poirccs l.-.ll i.orrccz 1521 Quil l.Vili sauciit
RKXAKT 1 21
322 IX (Méon 16929-16970)
1525 Reuars de sa plaie se delt.
Por ce que il recovrer velt
Sa force que avoit perdue,
Rien ne fet ne ne se remue
De Malpertus sa maison fort.
1530 Ce li done grant reconfort
Que il set que bien grèvera
Litart, con il s'en penera.
Huit jors tes pleners i sojorne.
A mienuit un main s'atorne,
1535 Por le vilein contralier
Qui ses bues a pris a lier.
Et tandis con il les asamble,
Renars ses coroies li emble,
Que bons mestres estoit d'enbler.
1540 Or puet li vilein asambler
Ses bues et amener en toit.
Il crioit en haut et chantoit
Con hom qui d'agait ne se garde.
Et plus n'i demore n'atarde.
1545 Vers le boisson en ala droit,
Et les coroies pas ne voit.
Quiert les et requiert par la terre.
Et encor les poïst il querre,
Con dit, qui ne trove, no prent.
1550 Et li vileins tôt d'ire esprent.
Jure et rejure, si s'espert
Por ce que sa jornee pert.
Il est dolanz et trespensez.
Et de Renart s'est apenses
1555 Que par ire le défia.
'Alas!' fait il, il m'espia,
Renart li leres, li traîtres.
Car le tenist la mort sobitoz!
Le gerredon m'a pris a rendre
1560 Por ce que je ne li voil rendre
1526 uolt 1528 f. ne se r. lhH2 se p. 1533 pleinz i sororna
1534 matin satorna 1536 sex a oliacer 1540 pot 1547 requier 154S
encore 1550 u. de tôt 1551 et maiiqin' 1554 fi^matique 1559 inniantjiie
IX (Méon 1(;971-1T006; 323
Blanchart que devoit estve suens.
Li gerredons n'en est pas boens.
Je ne puis a lui forcoier,
Il me poiToit ja pecoier
1565 La teste que ja nel verroie.
Volenters m'en repentiroie,
Se rien i valoit repentance.
Mal i fis ouques desfiance
A Renart qui si me puet nuire,
1570 Et a s'entent e a moi destruire,
Que ce emble don ai besoing.
Il seit que li marchez est loing,
J'auroie aincois maint pas marchie
Que fusse venu au marche.
1575 Si en sereit li aler grès
Que la voie n'est mie bries,
A ce que tort sui de deus hanees.
Or puis oan mes en amanches
Les bues par ces chans envoier.
1580 Bien me fet Renart desvoier
De mon besoing et destorber.
Mal gre mien m'estuet sejorner.
N'oiisse mester de sojor
Ne de repos ne nuit ne jor.
1585 Toz jorz me croist ovre et entente.'
Taudis que Litart se démente,
Timer li asnes Espanois
Qui ne crent jelee no uois,
Oï démonter son seignor.
1590 A li est venu sans demor.
Or saura il qu'il a, s'il puet,
'Sire' fet il, 'il vos estuet
Bon conseil prendre et demander,
Qu'en ne poroit pas amender
1595 Einsi vostre avoir ne acrestre.
Le vaillant d'un povre ccvcstre
1561 blanchars que sens 15(52 miens 1505 nen 15(59 pot 1570 sen-
tance 1571 Que don 1578 uaint 1579 b. oan mes o. 1581 besoig 1582
estot 1583 Ne 0. 1585 heure 1588 noif 1592S. afitil 1596 pore
21*
324 IX (Méon 17007— 17U64)
Renai't, s'il puet, ne vos laira,
Que envers vos félon cuer a.
S'entente est a vos essiller.
1600 Et bien vos saurai conseiller,
Conment Renart iert abetez,
Se loiaument me prometez
A doner une mine d'orge.'
'ïimer' dit Litart, par seint Jorge,
l(î05 Se par vos estoit enginniez
Li reproves, li rechigniez.
Je vos donrai tant clierdon tendre!
Et qui est qui le porroit prendre?
Jenz engigne, oisiax et bestes,
1610 Qui sovent fet croisir les testes.
Je ne sai ore orne si sage,
Ne oisel ne beste sauvage
Qui Renart poïst décevoir,
Por qoi jel poiVse savoir,
1615 Que je ne l'alasse requerre
La outre la mer d'Engleterre.
Que trop set Renart renard ie,
Nule beste n'est si hardie.'
Timer respont en dit. ce quit,
1620 Encontre veizie requit.
Quidiez, Renart ait tel eûr
Que il soit ades aseiir?
Renart le larron o sa feme
Vos rendrai par col o par jarne
16-25 Forment lie a vos coroiez.'
'Et conment fere le porroiezV
G'i ai bon barat porveû
Par quoi il seront deceii,
Dont il ert mort et ele morte.
1(530 Mort me ferai devant la porte
A Malpertuiz le suen repère.
Bien saurai sanblant de mort fere.
1604 s. iorge 1606 Li eprouex et li 1609 besto KHO la tosto 1611
si ge 161") ne nen fi. 1617 R. (1er. 1618 li'dio ](;20 u. eeqiiit 1621 Q.
que R. t. euer 1624 o 1 a 162« seroii
XI (Méon 17005—17107) 325
Sitost con il me troveront,
A mes membres se lieront
1635 De vos coroiez conme fol.
Et je sosleverai le col,
Fuiant les en amènerai.' D85c
'Timer, loiaute vos tenrai.
De mon orge aurez vostre part.'
1640 Atant J'ilecques se départ,
Et s'en ala grant aleiire,
Et le grant trot et Tembleure
Tant que il vint a Malpertuis.
Tout estendu se couche a Puis.
1645 De terre a le musel couvert.
Hermeline a son huis ouvert,
La famme Renart, si le voit.
'Sire Renart, se diex m'avoit,
A plante de la char avons,
1650 Ja tant despendre n'en saurons
Deus mois de l'an, conme est ici
Devant cest huis, la dieu merci.
Je voi ester ici selonc
Un asne qui est gros et lonc.
1655 II est mors ore devant nonne.
Les couroies Lietart me donne,
Que je les voudrai atachier
A lui et a moi pour sachier
Et pour atraire le ceens.'
1660 Foie' dist Renart, c'est neens.
Se tu veuls, si i tire et sache,
Je n'i trairai hui que je sache.
Ja diex ne m'ait ne li saint,
' Se je ne cuit que il se faint.
1B65 Pour fol me velt espoir tenir.
Tost t'en pourra mesavenir,
Se tu aus courroies t'ataches.
Les vers 1B37 — 1767 manquent dans le msc. A. à cause de la perte
d'une feuille ; ilssontswppléésparlemsc.J). 1644 Eté. 1645 ot 1648
Renart] fait elle 1655 m. dessor d. 1661 .sel t. t. 1662 Huy ny tirerai
q. 1665 ueuls
326 IX (Mcon 17108—17145)
Mors le dont tout avant es naches,
El pis. en la teste et es flans
1670 Si forment qu'en saille li sans:
Et se par ce ne se remue,
Si l'en pourras mener en mue,
Puis que pour voir le sauras mort.'
Atant court celle, si le mort,
1675 Par devers la nache l'assaut
Durement que li sans en saut
Ou pis. es flans et en la teste.
Mais Timer, qui ert dure beste
Et qui trop mal endurer puet,
1680 Ne se remue ne ne muet.
Renart' fait elle, or es mauvais
Qant pour les courroies ne vais:
Il est mors, jel te di sanz faille.
As tu paour qu'il ne t'assaille?
1685 Tu crienz pour fin noient et doutes,
Aporte les courroies toutes
Que tu getas derrier la porte!'
Renars les courroies aporte
Qui doute encor qu'il ne se faigne.
1690 Mais elle li monstre et enseigne
Conment il feront, et li neue
La plus fort courroie a la queue.
■Renart' fait elle, 'ci treras,
Et de tirer cliargie seras.
1695 II poise pour ce qu'il est mors :
Et tu qui es assez plus fors
Que je de totes ovres faire,
Dois devers le plus pesant traire.
Et je trairai selonc ma force.
1700 Mais que tu de traire t'efïorce!'
Plus ne demeurent ne ne dient,
Aus courroies forment se lient.
Comme il se furent atachie.
1669 En p. ou es 1675 hanche 1677 et as costes 1678 durbotez
1682 Y>oui' tnanque c. aporter ne 1691 nouez 1696 assez ] encor 1697
Qui de tout lan enure ne f.
IX (Méon 1714(3 — 17181) 327
Tant ont et tive et sachie
1705 Que traîne l'ont sor le sueil.
Tymers li asnes ouvri rueil
Et a levé la teste en haut.
En talent a que il s'en aut
Mes que bien les voie liez.
1710 Et Renars conme veziez
Li vit la teste remuer.
Bien set que il les veult grever,
Et si est en péril de mort,
Se par guile ne li estort.
1715 II se doute, sa famme apelle
'Hermeline m'amie belle, D 86
Acour ca tost, si me deslie!
La parole m'empire et lie
De la puor de l'ort pertuis
17-20 Qui me vient au nés, plus ne puis
Puor souffrir ne endurer
Ne puis ci longuement ester.
Acourez ca, se diex vous saut,
A pou que li cuers ne me faut.
1725 Geste puour orde et punaise
Plus que n'est pertuis de privaise,
M'a ja le corps affebloie
Et de traire tout desvoie.
Se m'en plaing, ne m'en dois blâmer,
1730 A pou que ne me fait pasmer
Celle puour qui ou corps m'entre.
Doloir me fait le cuer du ventre
Li ors vens du pertuis punais.
Miex vousisse estre sur une ais
1735 De privée ou me geusse
Que près du pertuis du cul fusse
Qui ici me fait mal au cuer,
Certes ja morrai, belle suer.
Il me sert de trop aigre vent.
1705 Atrainc lont dessus leur 1711 Le 1715 11 | Ht 1717 tost ca
1722 ci I or 1726 priuoise 1785mc]ie 17cJb t'eusse 1737 si m. auenant
1738 m. bien le sent
328 IX (Méon 17182—17217)
1740 S'or estoie liez devant,
Je sai bien que sanz nul secours
Le trairoie je le grant cours :
.Ta ne t'i convendra a traire.
Ne me puez ore secours faire
1745 Ici endroit qui si me plaise,
Se tu m'ostes de tel messaise.
Tout sui ja couvert de suor
De l'angoisse et de la puor
Qui si me fet le cuer doloir.
1750 Si t'aïst diex, ca vien oloir !
La puour dont je suis destroiz
Puez sentir, se tu ne me croiz.
Et vien ca, deslie moi tost!
Celé puour le cuer me tost.
1755 A pou que ne m'a mort gete.'
Hermeline en a giant pitié.
Si cuida que voir li deïst.
Et doutoit, s'elle nel feïst
Sanz délai son conmandemont,
1760 II i morroit soudainement.
Plus tost que pot le deslia.
Renars tantost li escria,
Qant il se senti deslie,
'A poi ne somes concilie
1765 Par ton conseil, folle chetive!
Ne fusses pas enquenuit vive
Se tost ne fusse desliez.
Bien nos a Timer espiez A 82
Qui mener nos voloit en vile
1770 Par tel barat et par tel gile.
Qui mort se fet et il est vis.
Onques ne me pot estre avis
Qu'il fust mors si eon tu disoics.
1741 Je le s. que matique 1751 p. qui me fait d. 1754 tout 1755
quil ne 1756 .h'. 1760 Q'ie neust son paiement 1766 fusse 11 Ql manque
Au V. 1768 le msc. A re'prend. 1769 Que m. u. u. liez Après 1770 U
tnsc ajoute Par foi trop set ore de gile 1773 m. et tu le quidoiez
IX (Méon 17218—17255)
les tu foie que le quidoies?
1775 Quidier! Mes il est fox qui quide.
Chascun met tote son estuide
En barat qu'en ne set qui croire.
Ja nos en menast a grant eire
Timer ches le vilein Litart
1780 Se je parlasse un po a tart.
Mes li vileins le conperra.'
'Renart' fet ele, or i paira
Con tu 11 feras conparer:
Tu en sez plus que bues d'arer.
1785 Mais onques danz Coars li lèvres,
Qui de poor prennent les fevres.
Ne fu si de poor destroiz
Con tu ies ore a ceste foiz
Qui dotes une morte beste.'
1790 Je li vi or lever la teste,
Pute foie, et ovrir les euz.
Quides tu que je croie raeuz
Tun dit que ce que je verrai?'
'Ja' fet ele 'ne te crerai:
1795 Que par poor l'as controve.
Or ai ton corage esprove
Au besoing et ta mavaiste,
Qui si t'a semons et haste
De laissier ce dont tu dois vivre.
1800 Bien puis dire tôt a délivre
Que de grant mavaiste t'avient.
Se ca par aventure vient
Ysengrins et Horsens la love,
Povre en iert ma part et la toe,
1805 Que bruire en feront lor grenons.
Quant a nostre oes char ne pernons,
A peine le iras loin querre.
Covre ton chief et bien le serre,
S'esparne ton cors et repose:
329
1774 tu si fox que tu le q'douz 1777 sot que fere 1779 T. cis
1781 Et li nSb li manque 1789.1 mort 1794 cerrai l799doiss 1807
le liras 1808 manque
330 IX (Méon 17256—172911
1810 Que tu n'as mester d'autre chosse.
Trop par es ore acoardis,'
Dame' fet il, ainz sui hardiz,
Qant je voi m'anor et mon prou.
Mes ne m'i troveres hui prou
1815 Por vos motre en péril de mort.'
'Renart' fet ele. tu as tort
Qui si me mens apertement.
Or saches bien veraiement,
Se as coroies ne te lies,
1820 Certes ja por riens que tu dies
Ne m'i porras tant esmaer
Que je ne m'i voisse essaier
Orendroit si c'en le verra.'
'Et je sui cil qui soffera
1825 Geste aventure a qui qu'il tort.
Voirs est, qui ne pèche, s'encort.
Ne m'en blâmer, se maus t'en vient!'
Celé qui ne prisse ne crient
La parole de son sengnor
1830 La fort coroie, la grennor
Qu'ele avoit loie a la coe,
A la quisse deriers la noue.
Forment la lie et atache,
l'or meuz tenir la tire et sache.
1835 Son col i lie et puis sa quisse
Por ce que meus tenir i puisse. *
Tandis que tirot et sachot,
Timers li annes qui bien sot
Que Renart ne pot enginner,
1840 Forment se prist a aïrer.
Durement recinne et se levé.
M oit annule Renart et grève,
Quant mener en voit Hermeline.
Trop par as este f(unc fine'
1845 Fet il: 'mais tu as este foie.
1814 M. uos nii t^rt-s 18ly uciut 181i) Se tu as c. U- 1822
ne mangue 1826 ne p. scntort 1828 nel 1883 et tache 18:34 t'en
1833 que 1843 .h', line
IX (Ml'uii 17292-17327)
Quant mon conseil et ma parole
As du tôt mis a nonchaloir.
îîe te puis ore rien valoir.
Mes grant raester t'oiist oii
1850 Mon los, se Tousses ereii.
De toi aider n'ai nul pooir.
Ton grant orgoil et ton voloir
Conparras oncor hui trop cher.
Timers me quida acrocher
1855 Por mètre es meins o tu carras.
Une autre fois si me creras,
Se vive t'en puez revenir.
Mes ce ne puet mes avenir,
Perdue es: a deu te conmant.
1860 Commant" fet Renars: 'et comment
Irai ge au vilein plaider
Savoir se te porroie aider?
Ge ne quit que jamais me voies.'
Timers s'en coroit totevoies,
1865 Onques de corre ne se tint
Tant qu'a la porte Letart vint.
A grant merveille s'esjoï
Lietart quant son asne ot oï,
Et puis qu'Hermeline a veiie
1870 Qui niolt estoit et mate et mue,
Traînant la cuisse a la terre,
'S'espee ala meintenant querre
Qui ert enruillie et frète.
A peine l'a del fore trete
1875 Que il quide que Renars soit.
S'espee traite va la droit,
Bien se cuide de li vencher.
A un coup li quida trencher
La teste, mais il a failli.
1880 Hermeline si haut sailli,
Qui u'iert mie trop entestee.
881
1848 nient 1841) te oust 1853 Conifiaras tro 1855 aoht.ici-oclier
1857 pos 1858 pot 1859 Perdu conmanz 1860 Conment f. conmanz
1869 puisque H. ueu 1875 le deuxième que manque 1878 la q. 1881 mi
332 IX (Môon 1 7328-1 7363 j
Que le coup ne l'a adesee.
Hermeline a peor eiie:
Mes l'acolee a receue
1885 Timer que la quisse a trenchie.
Lietart meïmes l'a venchie
Tost de son enemi mortel.
Traînant en porte a l'ostel
La quisse a grant joie fesant.
1890 Renart trova mu e taisant.
Quant il l'a veiie venir,
De rire ne se pot tenir,
Quant la quisse vit traînant.
Renart, dont ne su je vaillant?
1895 Or se puet Timers esventer
(De ce me puis je bien vanter)
Que la quisse en avom de ca.
James Timers feus ne menra. 83
Bien me quida Litart tuer.
1900 Mes ge me soi bien remuer
Et gandiller et tressaillir
Tant que gel fis a moi faillir,
Ne m'a blecie ne tenue.'
Tel aventure est avenue"
1905 Fet Renart, que nus ne quidoit.
Ne oisel ne beste ne deit
Conme tu fez tel guerredon
Damledeu ne si large don.
De ce qu'il t'a si garandio.
1910 Lietart li pognes foi mentio
Quide estrc de moi quite a tant.
Mes bien atent qui par atant.
Ge atendrai molt bien lonc tons:
Que jel ferai, si com je pens,
1915 Plus corocie qu'il ne fu onqucs.'
'Maveiz coart, qu'aten tu donques?
Ge dot molt que cuer ne te faille.'
1901 f>;andriller 1903 tue
molt inaïKjue 1915 que il
1886 uenche
1895 pot 1897 Qui
1907 Con f, ne tel
1908 ne] de 1913
1917 cur
IX (Méon 17894— 178S4. ITôHl — 17f.03j 333
'Quides tu, foie, que jel aille
Dedenz sa meson asaillir?
h)20 Tost porroie a mon cors faillir
S'il me huoit ses trois gainnons:
J'auroie en els maus conpaignons.
Mes encore un pou soferai
Tant qu'el bois suel le troverai
1925 Ou n'aura ja de clien aïe.
Lors li ferai tel envaïe
Par paroles et par manace
Que jamais n'iert teuls qu'il me face
Chose qui anuier me doie.'
1930 'Reuart' fet ele, jel voldroie.
Mes ja en vilein ne te fie,
Por ce s'il te jure et afie :
îfe por nul aseûrement
Par sa foi, par son serement,
1935 Prent en vilein de maie escole.'
Atant laissèrent la parole.
Mes Renart pas ne s'oblia.
Lendemein Lietart espia
Qui dedenz la forest entroit.
19^0 Bien set que o lui n'amenoit
Nul de ses chens en conpaignie.
Hardiement Renart l'escrie:
'Cuvers' fait il, par queil raison
As tu en sel la veneison
1945 Qui fu prisse el defoiz le conte?
Ge te ferai morir a honte.
Nus hon ne t'en porroit deffendre.
Certes je te ferai ja pendre
Au plus haut cesne de cest bois.
1950 Tôt orendroit conter le vois
Au conte ou a ses forestiers.
Se tu avoies cinc sesters
D'esterlins, et fussent besaus,
1918 Que (les 1921 st- t. 1922 Ja aurui 1924 (|ue cl 192.') liaic
192H iiiH iiii'sfaci' 19;{s LcndHiiicn 19:j9 Que 1940 iiuiiicuroit 1917 tcn
ituniqiie
334 IX (Méon ]7604-17fi39)
Et tu Ten faisoios presans,
1955 Ne te vaudroit il une amende
Que l'en meiuteuant ne te pende.
Puis que je li ferai savoir,
Ne porras raencon avoir.
De toi nule pite n'aura,
1960 Sitost cou le voir en saura,
Li quens : que volentiers destruit
Celui qui chasce sanz conduit
El bois, et sa venoison emble.'
Lietart, qui tôt de poor tremble,
1905 Li dit amis, or m'entendes
Un petit, se vos conmandes.
Par raison doit merci trover
Qui de bon cuer la vont rover.
J'ai mespris vers vos laidement,
1970 Merci vos en cri et demant.
Por deu, de moi pite vos prengne !
Par le conseil de ma conpaigne
Ai vers vos- mespris conme fox.
Molt me poisse que fui si ox.
1975 Des que si ert a avenir.
Des or mes me poes tenir
A vostre serf et a vostre home.
Foi que doi seint Père de Rome,
James vers vos, ne mesprendrai.
1980 Mes tôt qanque ge ai tendrai
De vos conme de mon seignor.
Autresi grant doil ou grennor
Ai conme vos, ce saches bien.
8'envers vos ai mespris de rien,
1985 Tos sui près de vostre service.'
'Volenters par itel dévisse
Prendrai' fet Renart 'ton homage
Que tu ne honte ne damage
A ton pooir ne me porchaces
1955 uuiulroit iWH lUMiois
l'.)(>j que
]9(>7 rouer 1968 trouer
1972 (lama 1973 A 1974 i'ii 1977
a vuui^jn^'
19S0 g-ai (lo uos t. 1981
de manque 1984 vos tiKiiniiir
IX (Méon 17640— 17r.75) 335
1990 Et les trois mastins tuer fâches.
Ajenollons droit me feras
Et les dis pocius me rendras
Et Blancart que me premeïs
Quant mon conseil me requeïs.'
1995 Sire' fet Lietart, je l'otroi.
Ja seront li mastin tuit troi
Tue devant vos orendroit.
Bien sai que vos aves grant droit
Que lor vie aves enhaïe:
20no II vos firent grant envaïe.
Droit vos en ferai volenters.
Vostre amis verais et enters
Yoil estre des ore en avant.
Dex me hee, se je ja vent
2005 jSTului point de ma norreture.
De vos prendrai mes si grant cure
Que tôt ert en vostre sesine:
Ane, chapon, oue, geline.
Cliascun jor aures a plente
2010 Tôt selonc vostre volente
Tel char con vos deviseroiz.
Des dis pocins sesiz seroiz
Et de Blancart ja sanz demore.
Mes gardez, se dex vos secore,
2015 Que par vos nul mal ne me viegne.
Ge sui près que je me contiengne
Vers vos tôt a vostre plaisir.
Vos vendrez mes tôt a loisir
En nostre meson sejorner.
2020 Ja ne vos en qerrai torner
Tant con demorer i voudroiz.
Un bon recet en tos endroiz
Avez conquis et recovre.
Por ce se j'ai vers vos ovre
2025 Folement par mavais conseil
1991 m en f,
on a. 2014 j^ardf
336 IX (Méon 17B86 — 17712)
Ne soiez vos ja eu esveil !
Que se dex me ^art de pesance,
Ne par trestos les seius de France.
James nul jor ne voudrai fere
'2U30 Chose qui vos doive deplere. 84
N'i porriez noiant conquerre,
S'essilliez ère de la terre,
Et ma feme et mi enfant,
Ou se ge ère mis au vent.
2035 Molt par deves ma vie amer,
Que por vostre porrez clamer.
Toz jors mes qanque ge aure
Ert tôt a vostre volonté.'
Renart dist 'par tens veil savoir,
2040 Se tu me dis mencoigne o voir.
Et se tu ne fas mou plesir,
Par tens t'en ferai repentir.
Se tant fas que li quens le sace.
Mes jamais anui ne damache,
2045 Se tu es prouz, ne te querrai.
Mes en ta meson n'enterrai
Tant que les cliens aies tues
'Bauz sire, or ne vos remuez'
Fet Lietart: ges irai tuer.'
2050 'Ja ne me quer a remuer
Tant qu'il soient tue tuit troi.
Aies' fet Renart, 'jel otroi.
Vos dites et bien et raison.'
Atant s'en cort en sa meson
2055 Lietart qui molt fu adolez.
A sa feme dit 'se volez
Et vos quidiez que ce soit biens,
A tuer convient nos trois chens.
S'avoir volon pais a Renart.
2()(ii) Et si li rendrai le Blancart,
Et les pocins avoc tôt dis
Li rendrai qu'oreudroit li dis,
2045 t(Mi ccrriu 2041S orc 2().').". iiu.lt ni/r)njiir 2()r>S oomiiiif 20fi
que orendrois
IX (Méon 177i:j-17748j 331
En la forest ou il m'ataut.
Il ne nos costera ja tant
2065 Qu'il ne nos poïst plus coster,
S'il au conte l'aloit conter
Qu'el bois ai sa venoison prise.
Tantost feroit de moi justice:
Tantost seroie ars ou pendu,
2070 îs'en porroie estre desfendu
Por avoir ne por rienz qui soit.
Noz enfanz essiller fereit,
Mort serien et confondu.'
Bruumatin li a respundu,
2075 Que contredire ne li ose,
'En fere l'estuet a grant chose.
Del tôt fêtes sa volonté.
Se vos âmes vostre santé
Et vostre bien et vostre vie.
2080 Avoir deves grennor envie
De vostre vie que d'avoir.'
'Bêle suer, vos dites savoir.
Blanchart et les pocins prenez.
Et les trois mastins li menez!'
2085 Lietart enz el retor s'est miz:
Les chens, le coc et les pocins,
Li garçon enmeine liez.
Et Renart conme voiziez
Vers l'ostel au vilein se tret :
2090 Que molt redote son agait,
Que asaillir a chens nel fâche.
Entre ses denz molt le manache,
Que se jamais vers lui mesprent,
Molt sera iries s'il nel prent.
2095 Lietart et les chens voit venir
Q'il faisoit au garçon tenir.
Renars li conmence a huciiei-
'2se fai pas vers moi aprocor
2069 manque 2074 Brumatin 207G leatot 2()H(; f(. l.'s c. 2089
le u. trest 209.H niesp't 2094 si ne p.
RKKAKT I 22
338 IX (Méon 17749—17786)
Les chens, mais oreudroit les tue!'
2100 Litart ime pesant macue
Teuoit qu'il ot el bois coillie.
Les mastius a un chesne lie,
De la macue les asome.
Oi- le tent Renart a prodome
2105 Puis que les trois mastins voit mors,
'Lietart' fait il, 'molt estes fors
Qui si saves bon coup ferir.
Gel vos voldrai molt bien merir.
Ce que m'aues fet vos pardon
2110 Et m'amor tôt vos abandon :
Que molt par a bel présent ci.'
Renart' fait il, 'vostre merci,
Que vostre amor m'aves donee.
Tote vos ert abandonee
2115 Ma norreture et quanque j'ai.
Plus sereie jalos que gai,
Se jamais vers vos mespernoie."
Atant prent Renart, si manoie
Blancart et les dis pocinez
2120 Que li aporte Martinez.
De Blanchart fist ses gernons bruire.
Onques nel fist plumer ne cuire,
Molt le trova crasset et gros.
Les dis pocins trose a son dos
2125 Et a deu le vilein conmande.
S'en porte a l'ostel sa viande
Ou il a trove sa maisnie
Qui de fein ert mesaaisie.
De fein estoit et floibe et veine.
2130 De joie fu sa feme pleine,
Quant ele vit Renart venir
Les pocins a son col tenir:
Por conble se tient et por riche.
'Renart, or n'est pas Letart cice.'
2101 Tenet eoilli 2104 a manque 2108 uoldra 2119 Rlanoarz
2121 brure 2127 trouée 2128 niisaiee 2129 estoit missaie 2131
Renart J son seinor
IX (Méon 17787—17826) 339
2135 jS^on' fet Renart, mes bien heite.
Bien ai ceste foiz esploitie
Que si m'en sui venus trosez:
Se je n'eusse esse luez
Par Lietart tôt a ma devise,
2140 Gel feïsse mètre a la bise.
Au conte a sa gent le deïsse.
Pendre en la fores le feïsse
Que sa veneison li embla.
Il tressalli molt et trembla,
2145 A jenellon me fist omage.
Jamais ne me fera damage
Ne nule rien qui me desplese.'
'Renart, trop estes ore a aise'
Dist Hermeline, que ge cuit
2150 Que tu n'as pas le ventre vuit.
Tu es plus a aise que gie,
Que tu as hui Blancart mangie
Qui molt ert et cras et rognez.
Se Lietart est bien ranponez
2155 Par toi que me puet ce valoir?
Ne m'en puet pas grantment chaloir.
Se tu as ton ese et tes buens.
Moi et mes enfanz et les tuens
Lez de fein morir a mesese.
2160 Mes je sereie molt maveise.
Se de fain morir me laissoie
Tant cou près de ces pocins soie.
A ces pocins fet bon entendre.'
Atant cort, si prist le plus tendre, 85
2i65 Si le manga a un sol mors.
Un des autres a le col tors:
A sa maisnie le départ,
A chascun a donc sa part.
Renart quide bien son prou fere.
2170 De Malpertuis son fort repère
2138 Se ie nestoi I. 2141 le vunique 2142 Prcndro 214il Dit
2151 aise gei 2155 pot 2150 pot 21()5 Se 21(i7 liv d.
22*
340 I\ (Méoii 17«27 — ITStU)
Il vint leudemeiu par matin,
Veoïv Letart sou bon voisin
Qui le reçut a molt grant joie.
Disner le fait d'une crasse oie
2175 Que il li avoit estoïe,
Et bien li avoit eucrassie
Bruumatin qui tôt en tremblant
Li mostre d'amor bel semblant:
jMolt l'aplanie et si le loe.
2180 Renart li fet sovent la moe
En repost qu'ele nel voit mie.
Et ele le sert sauz boisdie,
jSTe li ose rien refuser :
Que molt redote l'encuser.
2185 A sa volente le pessoit.
Et Renart qui bien s'encrasseit
Qui de la car ert envieus:
Et Lietart fu molt covoiteus,
De lui servir prent molt grant cure.
2 190 Bien aproca sa noreture.
Renart qui sovent en pernoit
Totes les ores qu'il voloit,
Sovent i demore et sejorne,
8i que quant a l'ostel retorne,
21ii5 Ne pot au vilein remanoir
Oe, capon, coc blanc ne noir,
Ne pocinet ne cras oison,
(Tôt porte Renart en meson)
Jeline ne megre ne crasse.
2200 De Renart encor vos contasse
En bon endroit, mes moi ne loist :
Qar autre besoingne me croist.
A autre romanz voil entendre
Ou l'en porra greingnor sens prendre,'
2205 Se dex plaist et se dex m'amende.
Ja de clerc qui reson entende
2174 loiit f. (lu cnis 21SI ^iw clo 2282 le iiikik/k,' 2185
poiisoit 220.') uiinuMulL'
IX (Méon 17865—17870) * H41
N'en serai blâme ue repris,
Se g'ai en aucun liu mespris
En tote ma premere ovragne :
2210 Que pou avient qu'en ne mespregne,
Ou au chef ou a la parclose,
S'il n'est aiisez de la cose.
2207 sera ne utanqtie
X (Méon 17«71 -17896)
Se or vos voliez taisir, 1 1 1 d
Seignor, ja poriez oïr,
S'estiez de bonc mémoire,
Une partie de l'estoire
5 Si con Renart et Ysengrin
Guerroierent jusqu'en la fin.
Se vos me prestes vos oreilles,
Ja vos voldrai dire merveilles
De Renart qui est vis maufes:
10 Toz sui espris et escaufes
De Renart dire en tel endroit
Sanz delaiement orendroit,
Q'einc n'oïstes en si bon leu
De lui e d'Ysengrin le leu.
15 La ou Nobles tenoit sa feste,
Ou asenblee ot meinte beste.
Que tos li païs en fu pleins,
La n'ossast pas estre vileins:
Qar ledement i fust botez.
20 N'en i ot nul, ne fust dotez
Et de haut pris et de haut non.
One n'i ot se frans homes non
Qui por onorer lor seignor
Fesoient feste la grennor
4 lestore 8 uaudra Ki iisciihlot ni. 20 nus 23 Qui' 24 li
X (M.'un ITS'JT — 17935» 'S^'à
25 Que nus hom deviser soiist.
One n'i eut celui qui n^oiist
Eobe au meins de vair o de gris.
Mes li chasteleins de Valgris,
(Cest Renart de qui tos maus sort),
30 N'icrt pas adonc venu a cort.
Neporec si fu il mande, 112
Voire par de et demande
Plus de dis fois, voire de vint.
Mes onc por co plus tost n'i vint.
35 Ne ja mais s'il puet, n'i vendra.
Mes li rois, ce quit, li vendra,
S'il le puet tenir, sans respit
Ce qu'il a sa cort en despit
Et dit 'seignor, a vos me cleim
40 De Renart dont g'ai tant recleim,
Cel traïtor, cel deputere.
Nel deves pas celer ne tere,
Nel voil laissier en nul endroit:
De si grant honte selonc droit
45 Jugiez le moi solouc raison!
Et puis vos dirai l'aceson,
Bel seignor, se vos conmandez,
Por qoi vos ai ici mandez.'
Quant il ot sa raison finee,^
50 Chascun a la teste enclinee.
Molt sont forment pensif et morne
Del jugement trestuit a orne.
Onques n'i osa un sol grondre,
Li uns let a l'autre respondre.
55 Chascun se test, chascun escote,
Chascun se crent, chascun se dote,
S'il fet sor Renart jugement
Si qu'il U tort a nuisement,
Autretel honte li fera,
60 (Ja si bien ne s'en gardera)
S'il en puet liu ne aise avoir:
27 m. ou (le 29 qoi tost 85 pot 37 pot 40 dant 61 pot
ii-ii X (Méon 17!J8B— 179741
Ice seit bien chascuns de voir.
S'en est chascun en grant destrece,
Quant li lox Yseugrins se drece
{i5 Qui Renars ot fait meinte guenche :
Or est honiz s'il ne s'en venche,
Que James n'en aura tel ese.
Dist Ysengrins 'rois, or vos plese
A escoter que je voil dire.
70 Je sui vostre hom lige, baux sire,
Por ce si vos doi conseiller,
Ne s'en doivent pas merveiller
Cil qui devers Renart se pendent.
Mes or oes et si entendent,
Ib Quant autre ne s'en vont movoir,
Gre m'en irai parmi le voir.
Rois, or oies, se tu conmandes
Del jugement que tu demandes,
Ge vos di bien a mon esgart
80 Que mesfait vos a molt Renart,
Quant il vostre conraandement
A trespasse si faitemant,
Ne deinna devant vos venir :
Bien l'en devroit mesavenir.
85 Rois, molt vos a grant honte fête
Cil gars, cil leres, celé sete.
Que bien saves que un mois a.
Que onques tant ne vos proisa
Qu'il vos deingnast contremander,
VK) Ne jor ne respit demander.
Rois, or en pernes la vcnjance
Por le despit, por la veltance,
Por la honte que vos a fet.
De c'est par droit sanz autre plet
95 Que sa terre faces sesir.
Si en fêtes vostre plesir,
E lui faites mètre en prison.
Ja n'en doit avoir garison,
65 mente 78 iugmont îSô mit' uos„" a honte fête" grant 88
prosa 93 Por j De
X (Mcun ITUTô — ISUIU)
Que li autre ne s"i amordeut.'
100 Li rois e tex i a s'acordent
Au jugement e a l'esgart
Qu'Yseugrins a fet sor Renart.
Et tex i a qui molt en poise,
Mes n'en osèrent fere noise,
105 Que trop estoit Renart haïs.
Le jor en fust morz e traïz
Quv'î ja n'en fust resueites,
(Ce est la fine vérités)
Se ne fust dant Tybers li chaz
im Quil délivra par son porchaz,
Qu'il se porpensse del outrag(3
Qu'il li ot fet et del houtage,
Quant il el piège le fist prendre.
Mes encore li quide il vendre,
115 Se il en puet venir en leu.
Maigre dant Ysengrin le leu.
Or si li vont ïybert aidier.
Huimes l'orres por lui plaider,
Qar volenters le secorroit,
1-20 Savoir s'acorder se porroit
A Renart qui est corociez.
Si s'est molt tost en piez dreciez.
Et sor son dos gete sa coue
Et sa langue aguise et desnoue
1-25 Por bien parler, et si herice
Trestoz les pouz de sa pelice.
Tuit se taisent parmi la sale.
Et Tybert desferme sa maie
E dit au roi 'sire, or escote,
130 Lai le coissin, si pren la cote!
De tote rien est il droiture
Que l'en esgart sens et mesure.
Rois, or escote ma parole!
2^'a pas este a bone escole
345
1U2 Que y 107 Kt au tieiz ior r. 111 lioutraj,'!- U3 pndre
114 le 115 pot 121 Trop est uers R. c. 126 Tieztoii
346 X (Méon ISOU — 1805(5)
135 Ysengrins, por jugement fere:
Dont il li venist meus a tere
Que fere esgart ne jugement
Dont eu deïst après qu'il ment.
N'est pas li jugement loiax
140 Que il a fet, ancois est fax.
Ne rien nule ne' fet a croire
Chose qu'il die, c'est la voire:
Que ce poes vos bien savoir
Conques ne porent pes avoir
145 Li vassal nul jor de lor vie,
Ainz sont par mal et par envie.
Et par celé mortel haïne
Qui longement lor est voisine,
A fait Ysengrins sor Renart
150 Fol jugement et fol esgart.
Trop est d'ans deus la gerre amere.
Tort a li leus qui son conpere
Velt forjuger en tel manere
Et de la cort jeter arere.
155 Sire, mavcis conseil vos done
Cil qui de ce vos araisone
Que Renars soit deseritez
Et fors de vostre cort jetez.
Ne l'en crées james, bau sire! 113
160 Saves que de Renart puis dire?
N'aves vairez en vostre terre
Baron, meus sache fere gerre
Ne contrester ses enemis.
Ne qui meuz s'en soit entremis.
165 Sire, porce devant l'esgart
Doiissies somoudre Renart
Par un de vos pers et mander.
Ne doûssiez pas conmander,
Fere somondre par garçon
170 Tel chevalier ne tel baron.
135 iugment 137 De 140 nuix 142 ce est 145 u. a nul 147
m. enuie 14.S Que 15H ce conseil nos done 1()2 ]}. que m. 1(53 contre
ester
X (Moon lï<l)57 — 18Uy}) .
Par deu, sire, molt me mervel
Que d'Ysengrin crées conseil :
Ne por son dit, ce est la some,
Ne devez honir un franc home.
175 Par deu, sire, ce est la pure.
Trop seroit lede chose et dure
S'il n'i avoit autre achoison.
Rois, regardes a la raison :
Qui qui raison ne set et tiiînt,
180 Sa vitaille vet tost et vient.
Et ne por ce solonc mon senz
Vos en dirai ce que je pens:
De pecheor miséricorde,
D'ornes ocis prent en acorde.
185 Bons rois, or le faites semondre
Qu'il viegne a cort et por rcspondro
De quanque demander sauras.
Se ce fes, bon conseil auras.
Et lores s'il ne vient a cort,
190 N'est merveille, se mal l'en sort:
Qar ce cest plait vont refuser,
Ne l'en doit mes nus escuser.
Car il resembleroit enfance.
Ancois en pren lors ta vengancc.'
195 Atant se test, ne vont plus dire.
Et li rois conmenca a rire,
E li baron dient ensenble
'Bien a parle, si con nos senble.
Lors ot Ysengrins molt grant honte,
200 Quant Tybcrt ot defet son conte.
Trestuit le prennent a huier.
Sachez molt li puet anuier.
Mesire Nobles si se levé.
'Segnor' fet il, molt par me grieve
205 De cest cri et de ceste noise.
Mes de Renart qui si me boise
'dVi
179 8. noient 180 bataille u. tôt auont 186 cor 191 uous 192
acuser 194 ta manque 202 S. q' m. li pot
348 .X (Méon 180!(5— 1S184)
M'ensegniez que je porrai fore
Et a qeil chef g"en porrai trere.
Volontiers i envoieroie
210 Un prodome, se jel savoie.'
Sire' clist Belin li motons,
Nos entendons et escotons.
Se vos i voles envoier,
No vos en estuet nul proier :
215 Mes conmaudes qui vos plera
Le message e il le fera,'
Belin ce dist Nobles li rois,
'Molt par estes prous et cortois.
Ja maveis conseil ne donroiz.
220 Saves ore que vos ferez?
Dites Roenel le mastin
Qu'il soit trestos prest le matin
Et apreste de la besoinne
Et qu'il i voist sans nul esoingne.
225 Ne puis avoir mellor messaje,
Ne plus délivre ne plus sage.'
Roenel l'ot, en pies se drece
E parmi les autres s'adrece
Devant le roi, si li a dit
230 'Gre fornirai sanz contredit
Le messaje, s'en m'i envoie.
En son pais sai bien la voie.'
Ta donc' dit li rois, si li di
Que devant moi soit mercredi
235 Prez et garniz de soi deffendre:
Ou se ce non, gel ferai pendre
De la somonse del despit
'Dont il prist par soi le respit.
Portez mes letres seelees,
240 (iardez ne li soient celées !
Et se cest mandement refuse
Et mon conmandement escuse,
208 tro 210 so g-c 'J14 cstut nus 215 que 22:S apooste 233 li
manque 235 g. pur niui <I. 23G ec ce 240 Gai dcz
X (Méoii lSi:i.-)-Ks210) °49
De la moie part le desfie,
Si l'apele de félonie.'
245 Roenel li respont bau sire,
Tôt ce li saura ge bien dire
Si que rien nule u'i faudra,
Ou tel cose qui meuz vaudra.'
Lors prent cougie et si s'en torne.
•250 A son tref vient et si s'atorne
Al einz qu'il puet e s'apareille.
Sa meinie molt se merveille.
En queil leu il voloit aler.
Si le prennent a apeler.
255 Sa fême l'a a raison mis,
'Or me dites" fet ele, amis,
Por queil afaire, por queil oevre
Faites vos ce? 'Cil li descuevre
Qu'el mesage le roi ira,
'2H0 Que li rois molt proie l'en a
Por Renart a cort amener.
'Et ge me voil' fait il 'pener
De tôt son voloir aconplir.
Por ce fas mes maies enplir
265 Et bien atorner mon afere,
Que ne voudroie envers lui fero
Chose dont se doiist irer.
Le matinet a l'esclairer
M'estuet movoir, dex m'en avoit!'
270 'Sire' fet ele, dex l'otroit!'
Atant laissèrent le plaider,
Li lit sont fet, si vont chocer
Jusqu'au matin a l'ajornee.
Ancois que l'aube fust crevée
27.) S'est levez, si a pris congie
Que il n'i a plus délaie.
Montez est, si s'en est tornez,
Que il n'i est plus sejoruez :
2.51 pot 2.52 Lu 2:>4 i)rci)iict 2(;() iiers I. iiicstVrc 2t)it iiicstot
iiKtntcr 277 il. scst A/irès 27S mi lit Au niiitiii (|ii!iiit se i'ij escox
Misirp roenax li rox. Li'k tiers
350 X (Méon 18211—18240.)
Le grant troton s'eii vait a force
2sn La matinée tote a orce,
Toz jorz vait la voie plus droite. D 122^1
Voulez oïr conine il esploite?
Tant chevauche bois et garanuo
Qu'eu la cit viut de ïheroaue.
SSf) Renars, qui se doutoit de guerre,
Avoit fait pourchacier et querre
Charpentiers de pluseurs manières
Qui li faisoient ses perieres,
Qui ou chastel erent assises,
290 Et mangonneax de pluseurs guises.
Et bonnes portes coleïces •
Li fesoient devant les lices.
Ses fessez faisoit redrecier
Et ses passages afaitier
2i)j Que l'en nés poïst damager.
Atant ez vous le messagier
Hoenel qui les lettres porte.
Renart trouva devant sa porte
Qui de ce ne se donne garde.
•,]()() A celle fois il se regarde.
Quant il a choisi Roenel,
Sachiez ne li fu mie bel,
Que vers lui n'a mestier treslue.
'Renart, mes sires vous salue"
30;') Fait Roenel, 'li mieuldres rois
Qui soit jusqu'el règne as L'ois,
Li mieuldres que onques veïsse.'
Ce dist Renars 'diex le garisse :'
'Or vous conterai mon message'
310 Fait Roenel 'sanz nul oultrage.
Renart' fait il, 'li rois vous mande
Et tout a estroux vous conmande,
( Vez ces lettres a testimonie)
(^u'a lui veigniez senz nulle essoiue
282— 410 >n<ni</in'i/f à causa dp la pi'rtc iPiiitc feuille; ils sont
sitpph'és par le iiisr. I). 283 cheuauchu 28") ij. bit'u sauoit la 294
paupilloiis :{()(> le ."{(ttî iusques el 307 m. rois conquos 313 Ueez
X (Méon IS247 — 18282) 351
315 Dedenz sa cort fere droiture
Del despit et de la laidure.
Devant lui soiez mercredi,
De la seue part le vos di.
Molt as mespris vers ton seig-nor,
a-20 Onques mais hom tel deshonor
jS^e fist a son seigneur en terre.
Que l'autrier vos envoia querre
Et vos n'i daignastes venir:
Bien vous en doit mesavenir.
325 Par moi vous en se mont encore
Et par ces lettres : ne sai ore
Se tu i daingneras venir.
Se tu li vous de ce faillir,
Li rois meïsmes te desfie.'
a30 Ce dist Renart ce n'i a mie.
Fox est qui vers seigneur estrive.
James a nul jour que je vive
'Ne ferai rien qui li desplaise,
Ainz soufferroie grant mesaise.
335 Ja mar eu serez en dotance:
A lui irai sanz demorance.
Or m'ont a li melle si homme.
Mais par les sains c'en prie a Rome,
Onques son message ne vi,
34) La moie foi vous en plevi.
Mais tiex ne pèche qui encourt.
Or ù-ai avec vous a court
Oïr qu'il me demandera.
Et ce qu'il me conmandera
345 Ferai sanz contredit de rien.'
Dist Roenel vous dites bien,
Or aves parle conme sage.
Et j'ai bien fourni mon message.
Or n'i a mais que del errer.
350 Faites bien vos chastiax fermer:
.S28 Mais se tu iiy (liuj^'iicH u, ;i;U soufferaio liMô soioz 842 ira
343 Sauoir
352 X (Méuu 1H288— 18820)
Car il nos covient, ce vos di,
Qu'a la cort soions mercredi.
Et si vous en dirai le voir,
Je ne veil pas sanz vous mouvoir,
355 Aiuz en irons andui ensemble.
Renars respout 'ce bien me semble.
A ces paroles s'en tornerent
Cil qui onques ne s'entramereut,
Et se mettent as desarez.
:]f){) Or est Renart molt esgaL-ez
Et va molt ses temples gratant
Et Roenel s'en va devant
Et l'amonneste de troter,
Quant le voit ses temples grater.
:]i;.j Mais Renars va touz jours derrière.
Et se pourpense en quel manière
De Roenel se partira
Et conment il l'engignera.
Tant chevauchèrent li vasal
370 Que il vindrent el fons d'un val
Devant une vile champestre.
Par delez la ville a main destre
Avoit vingues, molt bien m'en membre,
Et fu al entrer de septembre.
37rj Vers les vingnes s'est adreciez
Renart qui molt fu courouciez
De Roenel qui si l'esmaie.
Il garde et voit dessous la haie
T^ne cooignole tendue
3S() Qne uns vilains y ot pendue,
Qui des vignes se faisoit garde.
Bien la congnut, si se regarde
Et vit le morsel en la corde.
Mais n'a talent que il i morde.
385 Mais s'il puet, il i fera prendre
Son coupaignou et entreprendre.
3ôl C. alcr nous c. ce di :{.")(> ce iikiih/xc resst'iiiblc ;{()! mit
ua 362 bâtant 36B qui s(^ .'iTl Dde/. HTô la uij^nc 377 Icsindic
378 dessus 385 Mais 1 Et
X (Médii 1S321— 18358) iioS
Se il niolt bien ue s'echargaite.
Mainte traïson aura faite.
Savez conment l'a deceii?
890 Quant l'enging a apperceii,
Devant le laz qui iert tendus
S'est mis Renaît et estenduz
A genoillons et merci crie
Au ereatour et si li prie
395 Qu'il le gart des mains au gaiguon
Dant Roenel son conpaignon.
Lors s'est Roonel regardez.
'Renart' fait il, 'pour quoi tardez?
Quant vous devez venir avant,
40(1 Pour quoi alez vous demoraut?
Renart' fait il, et car venez.
Tous n'estes mie bien senez.
Rendre vous convendra raison,
Pour quoi querez-vous achoison?
J05 Pour quoi vous alez delaiant
Et de la court si retraiant?'
'En mal eûr' ce dist Renart.
'Touz jours estes vous fox musart.
Je fais ci ilec mes prières
410 A ces reliques qui sont chieres
Et de grans vertus esprouvees.
En cest païs sont honorées.
Mais vous estes tant fols et grains
Que vous n'avez cure de sainz.'
Aïb 'Conment' ce respont Roeniax,
'Est cist saintuaires nouviax?'
OiT fet soi Renart, 'bau sire. A 114
Et savez que je vos puis dire
Ge ne quit pas qu'en tote France
4-20 Ait reliques de tel puissance
Ne ou aviegne tel miracle,
388 vers corrompu 395 Qui lo 396 De 397 Quant R. sost r.
400 reculant 409 alec 413 gains 417 le »isc. A n prend 419 qu'
manque
REXART. I 23
354 X (Môon 1S35S-~18397;
Neïs as poisons seiut Romacle.
Si vos di bien de vérité
Que nus n'a celé enfermete^
425 Se il aproime au seintuaire,
James ait jor mal ne contraire:
Ne celé beste, si l'atouche
Une fois u dous a sa boce,
Qui James soit envenimée
4B0 Des qu'ele en sera aproimee.'
Bien seit Renars gent amuser
Et soi par parole escuser.
Et Roouel, que il afole,
Se tret près de la cooingnole,
435 Et tient bien la parole a voire
Que Renart li a fet acroire.
Et li morsaus de cel engin,
Eu de formage de gaïn,
Et li laz estoit estenduz
440 Par dessus deus pessons feuduz,
Et la corde par desus mise
En tel manere et eu tel guise
Que se Roonel vient avant
Ou par derere ou par devant,
445 Et voille prendre le formage.
Bien i porra avoir damaclie.
Roenel a passe la voie.
Il voit l'engin, si s'en esmoie.
Retorner vont, car il se dote
450 Que il ne tiegne maie rote.
Reculant sailli de la vigne.
Mes cil qui tôt le mont enginne.
Le reconforte e met en voie
Et au seintuaire l'envoie,
455 Et dit 'sire, ne crèmes pas :
Mes alez bêlement le pas!
Beissiez les seinz, si nel leissiez !'
422 p. de s. 427 sil la toiu-lie 42S hu 429 enuenime 430 sara
aproime 432 escuiser 440 dcsuz 4')() ni 457 si uos pleissiez
X Môun (1S:}9S— 1S433) 355
A cest mot s'est cil abeissiez,
A jenoillon se mist a terre
460 Por le sentueire requerre.
Au bessief si vit le formaje,
Dont il ot puis honte et damaje.
Entalentes est molt del prendre
Por ce qu'il le vit gaune et tendre :
465 Gite lez denz, pas ne se tarde,
Porter l'en vont: mais tel le garde.
Qar au sacher li laz destent
Et desus le col li descent,
La ceoignole si l'enporte
470 Amont que molt le decouforte,
Et en tel manere l'atret,
A pou le col ne li a fret.
Roenel conmenca a brere.
'Renart' fait il, 'que porrai fere?
475 A mal ostel sui descendus,
Que par le col i tui penduz.
Toz m'en est enfles li viaires.
Maldeheit ait tel seintuaires
Qui en teil guise fet baler,
480 Cels qui le volent aorer!
Ge me quidoie, c'est la pure.
De vos garder en tel mesure
Et de vos torz et de vos giles,
Que vanter m'en poïsse as viles;
485 Mes or m'en sui si mal gardez
Qu'a honte eu serai regardez.
Por ce dit eu en reprovier
Que tex quide son dol venclier
Molt bien, qui son ennui porchacc
490 Et son damage quiert et brace.'
Rcnars respont par graut pèche.
Dont vos estes molt cnteche,
Vos est venus icist contraires.
4G1 uint le froiiieie 4G(i lo u. 4(;m dcstout 4ii!) Va Im ni^iilc
477 uiairez 478 scintutiirez 4s'.i engin p. 493 L'uz
356 X (Méon 18434—18469)
Corociez est li seiutuaires
495 Por ce quel voliez enbler.
Bien i parut al asambler:
Oreinz quant serastes les denz,
Le Yolieez inetie dedenz.
Por ce vos a il retenu,
500 A bon droit vos est avenu.
Ja de Ifiron bien ne vendra,
Xe ja nus bon chef n'en prendra.
Or me puis bien apcrchevoir
Que me voliez décevoir.
505 Quant entendre me feseez
Et que por voir me disieez
Por mener fors de ceste terre
Que dant Xobles m'enveoit qaerre,
Oreins quant nos en alions.
510 Onques dan Nobles li lions
Xe fist de larou son messaje
En leu de prodome et de sage.
Or m'en ont venche li cors seint
Et la vertu qui vos destreint.
515 Droiz est qui mal velt fere autrui.
Que le max s'en viegne par lui.
Ge m'en irai, vos remandroiz,
Gardez lez vignes, ce est droiz,'
A ces paroles s'achemine
520 Renars, cil remeist en la vigne.
Alolt par s'en est bien délivres.
Renars s'est au foïr tornez
Et son cheval point tant et broche
Que do son castel vit la roche:
525 Venus est, si descent au pont.
Ses ovrers qui ses ovres font
Amoneste de tost ovrer
Et de ses portes délivrer,
Et de reparer ses fosses.
499 ont il tlecou 502 ne p. 507. 508 mantjuenf 512 Quen 514
vos ] me 515 est mfni<j>ie 519 reste parole sacline 522 liurez 523
son castel 529 reparrer
X (Méon 18470—18505)
530 Que bien set qu'il est confessez,
Se li rois vient soi* lui a ost.
Il n'a pas poor qu'il l'en ost:
Ancois en seront molt penez.
Molt s'esforce li forsenes
535 De fere fossez et trenchees.
Tôt environ a cinc archeies
Fet un fosse d'eve parfont,
Nus n'i puet entrer qui n'afont.
Desus fu li ponz torneïz
540 Molt bien torne, toz volteïz.
Desus la tor sont les perreres
Qui lancheront pieres pleneres:
N'est nus hom qui en soit feruz,
Qui ne soit a sa fin venuz.
545 Les archeres sont as querneax
Par ou il treront les quereax
A damager la gent le roi.
Molt est Renart de grant desroi
Qui si contre le roi s'afete.
550 Sor chascune tor une gaite
Fist mètre por eschaugueter.
Et il en avoit grant mester.
Einsi s'est Renart atomes.
Molt fu bien d'eve avirone,
555 Hordeïz ot et bon et bel. 115
Par dedenz lez murs du castel
Ses barbacanes fist drecier
Por meuz son castel enforcier.
Soudoiers mande par la terre
560 Qu'il viegnent a lui por conquerre,
Serjanz a pie et a cheval:
Tant en i vint que tôt un val
En fu covert. Grant joie en fist
Renart, et mcintenant les raist
565 Es barbacanes por deffense.
583 en mauque 538 pot 545 quermeax 547 lo s- 555 Et h.
560 uiegnet quenquerre
358 X (M.'oii is.-)!)!;— is:,4i)
Nus ne puet savoir ce qu'il pense.
Molt s'est Renart bien entremis
D'aïde querre a ses amis,
Que bien quide sanz nul retor
570 Qu'il soit asis dedeuz sa tor.
Grant doute et graut poor en a.
Mes sachez qu'il se défendra,
S'il i vient ame qui l'asaillo.
.Ta n'en partira sanz bataille.
575 De lui me tairai orc ici.
Mes a Roonel qui pendi
En la haie retornere,
Qui malement fu atrapo.
Durement gient et si baaille.
580 Ne chanjast pas une maaille
Qui li donast un esterlin.
Molt ot en celui mal voisin
Qui iloques le mist branler.
Molt se débat por escaper,
585 Mes ce ne li vaut un bouton:
Que molt le tint bien le lacon
Qu'il a entor le col lacie,
Dont il estoit molt corocie.
Hoc se débat et abaie.
590 Et li vignerons sanz délaie
Vient qui des vignes estoit garde.
Vit celui pendu, si l'esgarde.
Entre lui e son conpaignon •
Corant en vienent au gainnon
595 Bien entalonte de mal fere.
Lors ne sot Roonel que fere,
Quant il les vit vers lui venir.
Toz li sanz li prist a frémir.
Que bien cuide estre malbaillis.
600 'Ta crt de dous pars asaillis.
Li vilein saillent meintenant,
566 pot 568 faire 571 G. honte 579 giet 585 ce manque
Rmecon 593 cellu 598 frimir 601 s. de m.
X (Méon 18542—18578)
L'un derere, l'autre devant:
Li uns le fiert, l'autre le maille.
Li mastins durement baaJlle,
605 Molt se crient morir ne l'estuisse,
Ou qu'il n'i laist ou bras ou cuisse.
Durement en est en malaise.
Ge ne quit mie qu'il li plese,
Que tel déduit n'amoit il pas.
610 Et cil vienent plus que le pas
Qui tant ne quant ne l'orent cier.
Maintenant por lui damacher
Sallirent avant amedeus,
Ja li ferunt de molt puz jeus.
615 Li uns let core une macue,
Et li autres dist 'cuivert, tue!
S'il t'eschape, tu es bonis.'
Et cil ne fu pas esbahiz,
Ainz l'a féru parmi les reins
620 D'une grant macue a deus meins,
A max parens est Roenaux,
Que cil li aunent ses bureax,
Dont il n'avoit nul covoite.
Tant l'ont entr'aus deus desache,
625 Et tant li ont le dos batu
Que il li ont le laz ronpu
A qoi il pendi par le col.
Tant l'ont batu que tôt fu mol.
Maintenant cbaï a la terre,
630 Les piez estreint et les denz sere :
Lez un fosse se pleiut et plore.
Et cil li corent andoi sore
La ou il se fu acostez.
Tant li ont batus les costez
635 D'une grant macue pesant,
Que por mort le lessent gisant.
Atant s'en sont d'iloc torno,
Quant il l'orent si atorne.
359
605 c. que m.
608 que il 610 c. li u. 616 dit 630 Lez
360 X (M.H.n 1857;t-18(U4)
Et Roonol iloc remeinf
640 Qui des cox ot rccoû meint,
Ne quit qu'il ait talent de rire.
Molt li estuet avoir bon mire
Et bon porchaz. s'il en escape.
Ileques sout il poi de frape,
045 Quant il insi fu pris au laz
Par tel engin, par tel baraz.
Molt se tient por vil si a droit
De Renart que si le decoit
Et qui en tel prison l'enpeint,
(350 Ou cil l'ont bote et enpaint,
Dont games ne sera loiax.
Einsi se conpleint Rooneax,
Toz soûls a lui meïnie tence.
Sovent a blâmer se conmence,
655 Quant il fu pris en tel mesure.
Que vos diroie? C'est la pure,
Malement est la cose ovree.
Ja es ce vérité provee,
Hasart jeta arere mein.
660 Iloc just dusq'a lendemein.
Lors s'est levés, tant se demeine,
Les euz ovri a quelque peine,
Et conmencha a chanceler.
Et quant il vit l'aube crever,
665 Cou il aiuz pot d'iloc s'en torne,
Vers kl cort vait, plus ne sejorne.
De la vigne ist, si s'en esloigne.
Mes n'a pas bien fet sa besoigne
Ne le messaje le roi fet,
670 Que trop savoit Renart de plet.
Que voles vos? Insi est ore,
Vencher se quide bien encore.
Ireement a soi parole
Et regarde la ceoingnole:
644 Ilec s. il ascz d. 649 quil en 665 se t. 667 se retorne
674 Et si r. la uignole
X (Méon 18615—18650)
675 'Renarf fait il, dex te destriie!
Fait m'aves chose qui m'ennuie.
Par traïson m'as or fet prendre
Et laidement le col e-stendre.
Mes encore le te quit vendre,
680 Ja si ne te sauras desfendre
De gerre vers toi porchacier.'
Atant laisse le manecer,
Envers la cort torne sa resne.
A soi meïme se deresne
685 Et dit que james n'iert haitiez
Jusqu'à l'ore qu'il soit vendiez.
Ensi se conpleint le gainnon
De Renart son bon conpaignon
Qui tant li a fet trore mal.
690 Tôt bêlement le fonz d'un val
S'en vait traînant a grant peine. 1 1 6
D'aler a cort forment se peine,
Mes sovent l'estut reposer.
Malement se puet aloser
695 Qu'il soit bon messager ne proz.
Il en sera gabez de toz
A la cort, quant il i vendra:
Dahez ait qui nel asaudra
Se il puet, et si feront il.
700 Ge ne quit pas qu'il i ait cil
Qui aint Renart de nule rien,
Qui ne li die ou mal ou bien.
Tant ala Roencl le jor
Qu'il vint a la cort son segnor
705 Ancois que midis fust passez.
Mes molt fu durement lasez
Que de cox, que del brandeler
Qu'il ot pris as vignes garder,
Qu'il n'i remeist os a brisier.
710 A grant poine se puet aider
361
677 ore 679 encor 683 règne 694 pot 700 que il 707
blandeler
362 X (Méon 18ti51 — 18690)
Ne sustenir : tant fii dcstroiz
Qu'il chaï bien quatorze foiz
En la voie que il a fête,
Dont molt durement se dehaite.
715 Totevoies conmont qu'il tort,
Est Roonel venus a cort.
Li rois s'estoit aie esbatre
De ses barons avoc lui quatre,
Brichemer li cers, Ysengrin,
720 Grinbert le tesson et Belin.
Cil quatre furent bien du roi.
En els n'avoit point de desroi,
Ainz furent prodome ancien :
Molt estoient bon cristien
725 Tuit quatre et de molt.grant renon.
Aveques Noble le lion
Furent aie esbanoier,
N'avoient cure d'esmaier
Entr'eus ne de rien fors de joie,
730 Et qui le velt oïr, si l'oie.
Ensenble s'en vont li baron
• Parmi la forest de randon,
Els cinc sanz plus, qu'il n'i ont autre.
Chascun tenoit lance sor fautre
735 Que il ne fussent envaïz
Que li rois estoit molt haïz :
Por ce aloient si serre.
Et li rois a premer parle
'Segnor' fet il, 'vos qui ci estez,
740 Vos estes prodom et honestes.
Et molt vos aim en bone foi.
Segnor, por ce dire vos doi
Por quoi ai ma gent asemblee.
Nus n'en sot vérité provee,
745 Ne vos ne autres fors que moi.
Et vos saves bien de la loi
714 dorement 716 ueiiue 7::î4 feutre 739 estez 740 onéste 743
asemble 744 j)roue
X (Méon 18691 — 18740)
Ensi conme je croi et pens.
Por ce vos dirai mon asens,
Que je voil aler par esgart
750 Trestot droit au castel Renart :
Por lui prendre et por amener
Ai fet ceste gent asombler,
Qar messajes ai ja tramis
A lui, ne sai ou cinc ou sis.
753 Par meinte foiz l'ai fait mander.
Mes rien que sache conmander
Ne velt fere: por ce me cleim
A vos quatre que ge molt eim.'
'Sire, sire' dist Ysengrin,
700 'Roonel vendia le matin
Qui i ala par vostre gre.
Et se il ne l'a amené
Et il ne vient avoques soi,
Par celé foi que ge vos doi,
765 Se mis conseuls en est creûz,
Ses castax sera abatuz
Et si seroit mis en prison.'
'Sire Ysengrin dist le tesson,
'Prenez vos sor vos ceste mise?
770 Li rois qui l'enpire justisse
N'en fera pas a vostre esgart.
Quidiez vos dont, se dex vos gart.
Se Renars ot le mandement,
Qu'il ne viegne delivrement
775 A cort por oïi* la demande
Que mis sires li rois demande?
Se Roonel revient sanz li.
Il n'a pas le messajo oï.
Que je sai bien que se il l'ot,
780 II i vendra au premer mot.
Ja n'i aura respit requis,
Tant ai ge de l'afere apris.'
363
753 premis lôA le 2iret>ncr ou manque 765 en manque 766 abauz
770 que 775 la ] uo 777 lui
364 X (Mf'on 1^741—18776)
Atant laissent le sarmoner:
Si se prenent a retorner
78.Î Trestot soavet le cemin,
Li rois, Grinbert et Ysengrin,
Et Belin le nioton ensemble.
One ne finerent, ce me semble,
Si sont a la cort revenu.
790 Et Roonel ert descendu
Tantost el mileu de la cort.
A rencontre chascun li cort
Et demandent, se Renars vient
Et quelle essoinne le détient.
795 Roonel ne lor vout mot dire,
Ancois ploure molt et sospire.
Molt li dout li dos et l'escine.
Parmi la cort ses reins traîne,
Bleciez fu en la dcstre poue.
800 Et chascun li a fet la moue,
Et s'escrient trestuit ensemble
'Misire Roonex resemblc
Qu'il ait chacie ou leu ou ors.
Bien l'a moquie Renars li rox
805 Qui le fait venir de travers.
Il l'a bien tenu en travers
Et del lonc et de totes pars.
La bono aventure ait Kenars !'
Font tuit cil qui voient le chen.
810 'Vees con il resemblo bien
Home qui levé de dormir!
Bien savez message fornir.'
Que qu'il gaboieut le gainnon,
Li rois vint et si conpaignon
815 Devant la sale descendu.
Et cil li est au pie coii.
'Sire' fait il, poi- deu vos pii,
Que vos aiez de moi merci.
792 li]i 803 le preniie?- ou nidiK/tic lou ou Iiors 806 en ] de
811 que 815 descendis 816 cou au pie
X (Méoii 1H777 — 1H812)
Ge fis ce que me conmandastes
8-iO Et le message ou m'envoiastes :
Ge portai vos letres Renart
Et si li dis de vostre part
Que devant vos fust hui cest jor,
Qu'il n'i avoit plus de sejor.
82;") Il me respondi loiaument
Et si me dist joieusement
Que il i vendroit sanz deloie. 117
Puis nos meïmes a la voie
Lie et joiant sanz demorer.
830 Et ge le somons de troter
Por plus tost aler un petit :
Et li traîtres si me dist
Qu'il ne pooit plus tost aler.
Por ce qu'il me voloit lober,
835 Me respondi que bêlement,
Alissons et cortoisement
Tôt soavet et tôt le pas
Que nos ne fussions trop las.
Ge li otroiai son plaissir,
840 Si conmencames a venir.
Endementres que ge venoie,
Li traïstres que g'amenoie
M'abricona par sa parole
Qu'il me fîst d'une ceoignole
84;') Acroire que c'ert seintueire
Et que la giseit seint Yleire,
Et si me dist que gel bossasse
Ancois que je outre passasse.
Ge quidai que voir me deïst
8â() Et que nul mal no me feïst :
Celé part ving sanz demorer
Por le seintueire aorer.
Au deerein me ting por fol,
Que g'i fu pendus par le col.
365
826 dit 827 Quil 838 fussons 844 Que il me «list du. uignole
845 ce ert 846 la 1 iloc
366 X (Méon 1S813- 18848)
855 Si que par poi li eil dol front
Ne me volèrent contreniont.
Ce me fist en sa conpaguie
Li traîtres, li foi mentie,
Li paijures et li tricheres,
S(j() Li fax, li desloiaus lechcres,
Qui tôt le mont a bout euginiie.
Pendant me lessa en la vigne,
Et dist que les vigue.i gardasse :
Ja mar d'iloc me remuasse.
8B3 Quant ce ot dit, si s'en retorne.
Et je remeiz pensif et morne.
Atant me vindrent doi vilein
Chascuns un baston en sa nieiii,
Qui tant me douèrent de cox
870 Que toz les costez en ai mox.
Que vos iroie je disant
Ne mon damaje devisant?
Chascun me bâti sa foïe
Tant que l'eseine ai peeoïe.
875 Rois, s'il n'est si con vos ai dit,
(le vos otroi sanz contredit
Que me facoiz p -ndre ou noier.
Et se Renars le velt noier,
Près sui que vers lui me eombate
880 Et que on ceste cort le mate.
Rois, ore en prou bien ta vencliance.
Que molt est gref la mesestance:
Vendiez vostre honte et la moie
(jue Renars m'a fet en la voie.'
885 Atant sa parole a fenie
Et li rois l'a molt bien oïe:
Si en fu maris et iriez.
Bel segnor, car me conseilliez!
A vos toz conseil en requier.
890 Que ferai de cel avresier.
862 manque 863 dit 865 ce ot ce d. se r. 868 men 869 d<
883 U. la u.
X (Méon 18849 — 18885) 367
Cest diable, cest mecreii
Qui tante fois m'a decoii
Par sou engin et fait marir?
Conseil de lui fere honir
89;') Prendroie molt très volonters.'
Ysengrin, qui fus ses guerrers
Et qui le haoit mortelment,
Li respoudi ireenient:
Segnor' fet il, 'or vos taisiez,
900 Et sor cest afeire juchiez!
Cil qui bon conseil set doner
Ne se doit pas arier torner,
Ancoiz conseilliez mon segnor!
Qar onques mais honte gregnor
905 Ne fist nus a prince de terre.
Si est droiz qu'il en sorde gerre,
Ne nus n'en doit avoir pitié.
Del terme qu'il a respitie
Par lui sol sanz contremander,
910 Onques ne deigna demander
Un sol jor terme ne respit.
Par mon chef ci a grant despit:
Et se ge en fusse jugeras,
Ge jusgasse que li lecheres,
915 Li ribauz, li ataïnez
Fust ou pendus ou traînez,
Que Roonel le messager
A fet si forment damager
Par son engin, par son desroi
9-20 Qui ert el message lo roi.
L'en l'en doit molt bien fere honte.'
Belin, qui ot oï le conte
D'une part et d'autre, saut sus.
Ysengrin, or n'en dites plus!'
925 Fet Belin : 'trop en aves dit,
Nos savom bien sanz contredit
Que vos haez Renart si fort
gierres 902 ariere 905 p'ce 910 ne! d. 913 gen f.
368 X (Méon IS.SHÔ — 18921)
Que vos vouldriez qu'il fust mort.
Or vos pri que n'en parles mes,
930 Qu'en vos en tendroit a mevais
De tel dit et de tel conmande,
Se mis sires li rois conmande
Et il en son conseil le truisse,
11 ert penduz por qu'en le truisse.
9;}5 Mes, se deu plaist en oui je croi,
Nus nel conseillera lo roi
Que ja li face se bien non.
Se dant Roonel le gainnon
N'a fet ce qu'en li conmanda,
940 Un autre qui meus parlera
I envoit li rois ])ar mon loz.
Que jamais n'i ait nul si os
Qui juge sanz conmandement :
Blâmez en seroit durement.
94 j Un messager qui meus parlast
Loeroie qui i alast
Sanz plus atarger le matin,
Qui parlast romans et latin.'
Li rois respont sanz atarger
950 'Belin, molt fêtes a prisier.
Bien sai que vos estes saje home.
Foi que doi seint Père de Rome
Vos vos en alez par le droit.
Mes or nos dites orendroit
95j Qui porra fere cest mesaclie?
Que molt m'est tart que je le sache,
One mais n'oi tel talent de rien.'
'Sire, Brichemer ira bien.
Et si est cortoiz et vaillanz,
9()0 Et si sai bien que meus parlanz
N'en a pas un caicns, ce croi.
Se il en a de vos l'otroi,
Meintenant le verres movoir.'
931 De tel dit et ] Et a maues 935 e oui 939 Ne f. que
955 Que
X (Méon 18922—18957) 369
'Belin, car i aies savoii- 118
065 Et li dites que ge li niant
Que a moi viegne meintenant.'
Brichemer, qui tôt entendi,
En piez se drece et respondi
'Sire rois, je sui en présent
97U Prest de fere vostre talant.
Se vos m'i voles envoler,
Tantost irai sanz delaier:
Et se gel truis, a que qu'il tort,
Sachez, jel amenrai a cort.'
1)75 Brichemer' ce a dit li rois,
Molt par estes prouz et cortois.
Et si savez de meins langages
Dont vos estes ases plus sages.
Yos irez de la moie part
980 Trestot droit au castel Renart,
Et li dites sanz delaier
Qu'il viegne aprendre a cortoier
Sanz achaison querre ne guile.
Que par la foi que doi seint Gile,
98;') Se il m'i fet envoler plus,
Ses castax sera abatus
Et il meïmes ert honiz.
Mes mes letres et mes escriz
Porteras que meus vos en croie.'
990 Cil prent les letres, si s'avoie.
Congie prent, si s'en est partis.
Et li rois remeint tos maris.
Brichemer s'en vait conme saje,
Bien quide fornir son messaje
995 Meuz qu'il ne fera. Tant cemine
Par bois, par près et par gaudine.
Et tant ala esporonant.
Qu'il vint einz miedi sonant
Trestot droit au castel Renart
964 cauoir 907 que 974 S. que iel 976 estez 981 san d. 982
a cort a. c.
REXAKT I 24
370 X (Méon 18958—18998)
1(X)0 Qui de nul home n'a regart.
Qar tant ert bien de mur fermez
Qu'il n'iert pris, s'il n'est afamez:
i'ar home qil sache asaillir
Ne li puet nul mal avenir.
1005 Brichemer s'est aresteii:
Quant il a le castel veû
Si horde, si aparellie,
Durement s'en est merveillie.
Avant en vet desus le pont.
1010 Li sergant qui furent amont
Descochent quarrax enpenez.
Ja fust dant Brichemer finez,
Ne fust le hauberc qu'ot vestu:
Plus de dis en out en l'escu,
1015 Dunt il s'esmaie durement,
Et il traient menuement.
Brichemer ne les peut sofFrir :
Ariere l'cstuet resortir,
Ou il vousist, ou bel li fust,
. 10-20 Ariere par le pont de fust.
Renars s'estoit aie esbatre
En sus d'iloc trois piez ou quatre.
Quant il reveuoit de juer,
Les le pont trove Brichemer.
1025 Tantost con le vit et connut,
Brichemer vers li acurut
Et dist 'sire, cil dex vos gart
Qui toz les biens torne a sa part.
De par Noble que sui message,
1030 Le meillor roi et le plus saje
Qui soit en la crestiente.'
'Cil dex qui meint en trinite'
Fet Renart si vos doinst heuor!
Conment le fait il
1035 Et li baron sont il heitie'
100-4 pot 1006 caste 1009 desoz 1013 que il ot 1027 dit 1029
nobles 1030 meudre 1032 Cist
X (Méon 18994— 19080J 371
'Il sont trestuit joiant et lie'
Fet Brichemer, en moie foi.
Mes ca m'a envoie lo roi.
Qu'a la cort venir ne deiguioz.
1040 Dites moi por qoi desdegniez
Lui ne sa cort, ce est folie.
Il m'a rove que je vos die
Que demein sanz alongez trere
Li venez a la cort droit fere
1045 De ce que l'aves en despit
Et que par vos pernes respit:
Saches, ce n'est mie savoir.
Li rois vos fet par moi savoir
Que demein a ore de plet
lO.ôO Soiez devant lui entreset.
Ice vos ai dit de par li.
Se n'i estes, je vos deffi
De par lui conme messager.'
Renars le prent a losenger:
1055 'Amis' dist Renars, entendez!
A la cort. se vos conmandez,
Irons moi et vos orendroit:
Ja respit ne ferme n'i ait.
Ja n'i aura plus atendu.'
1060 Brichemer li a respondu
'Renart' fet il, 'montes dont tost!
Que durement redot vostre ost:
A pou que il ne m'ont malmis.'
Atant se sont au chemin mis.
1005 Or s'en vont li baron ensemble.
Renars molt très durement tremble,
Qui a grant poor del lion.
S'il trovast qui confession
Li donast, molt très volenters
1070 La preïst. Tant vont les senters,
Li cers avant, Renars après.
Qu'il vindrcnt d'une vile près
1047 S. que ce 1051 lui lO'J.") este 1057 J. a la cort o. 1058
oit 1071 R. près
24*
372 X (Méon 19031 — 19066)
Chanpestre. Renars s'adreca
Envers la vile et dist par ca
1075 Nos en iron, se dex me voie,
Que ce est la plus corte voie.'
Brichemer n'i entent nul mal.
Vers la vile par mi un val
S'en vont le droit chemin tôt plein.
1080 Atant estes vos un vilein
Qui avoit avoc lui trois chens.
'Ici ne voi ge nus des miens'
Fet Renars, cist nos ont veii.'
Li vileins ques ot perceû,
1085 Lor hue ses chens meintenant.
ïuit troi s'en vont en un tenant
Vers Brichemer et si l'ont pris.
Et Renart s'est au foïr mis.
Vers son castel en vet le trot
1090 Au plus durement que il pot :
Dedeus se mist et ses pons drece.
Et Brichemer fu en destresce:
Car li chen, si con nos lison,
Li dépècent son ganboisson.
1095 Molt l'atornent vileinement,
Et li vileins vint erraument
A tôt un baston, si le frape.
Brichemer est en inale trape,
Sa desfense n'i a raester.
1100 Li chen le prennent a sacher 119
Molt durement, pas ne se fennent,
Par un petit qu'il ne l'estrennent.
Un d'els si veument le conroie
Que del dos li trait tel coroie
1105 Dont en poïst fere un braier.
En Brichemer n'ot qu'esmaier:
A molt grant peine lor estort,
Ja n'en quida partir sanz mort.
1074 dit 1076 Qui 1078 Uerrs 1088 pris 1090 quil 1094 dé-
pecèrent 1095 latornerent 1099 dezfense 1101 dorement 1102 Por
1103 Li {'lien .si 1104 Que niaïKiue treent 1105 que esmaier
X (Méon 19067 — 19102) 373
Fuiant s'en vet a grant aleine,
1110 N'ira mes o els de semeine.
Fuiant s'en vait et molt s'esmaie,
Que molt li doit et quit sa plaie.
Or s'en vait Brichemer a cort.
Sor un cheval qui molt tost cort
1115 S'en vet fuiant par un essart,
Durement se pleint de Renart.
Ne fine de core a esles
Tant qu'il est venus au pales
Ou li rois Nobles sa cort tint.
1120 One ne fina jusqu'il i vint:
Meintenant descent en la place.
Quant li baron virent la trace
Qui el dos Brichemer estoit,
Demandent conment li estoit.
1125 Mes onques un mot ne respont
Tant qu'il fu en la sale amont
Ou asemble fu li barne.
Devant le roi chaï pâme.
'Sire' fait il, merci vos quier,
1130 Bien sai que n'aurai mes mester.
Vostre messaje ai bien forni,
Mes einsi m'a Renars bailli.
Bien quit qu'il m'a mis a la mort,
N'en puis avoir autre confort.
1135 Sire' dist Brichemer au roi,
Por amor deu entendes moi!
Vos m'envoiastes conme saje
A Renart fornir le message.
S'en ai maie mérite eiie,
1140 Que tant i ai la pel batue
Que je n'en escaperai ja."
Li rois Brichemer regarda:
Si le voit sanglant et navre,
Et voit meint quarrel enpene
1111 semaie 1112 1 doit 1114 que 1118 que il pelez 1120 ni
f. iusque il 1123 Que 1124 con il i esteit 1141 escapera
374 X (Méon 19103—19138)
1145 Dedens l'escu que il apovte.
Dont durement se desconforte.
'Brichemer' dist li rois, 'amis,
En grant dolor a mon cuer mis
Celui qui si t'a damache.
llôO Mes tu en seras bien venche,
Ge le vos acraant ensi.'
Dist Brichemer 'vostre merci.'
Puis furent einsi longement
Que il n'en fu au roi nient
1155 De Renart fere a cort venir.
Bien le quidoit aillors tenir,
Por ce si l'ont einsi laissie.
Mes molt fu vers Renart irie
Li rois tant qu'il avint un jor
1160 Qu'il se seoit dedenz sa tor,
Si li prist une maladie,
Dont il quida perdre la vie
(Et fu a une seint Johan)
Qui li tint près de demi an.
1165 Partot a fet mires mander
(N'en remest nus jusqu'à la mer)
Por alegier le de son mal.
Tant en vint d'amont et d'aval
Que je n'en sai dire le conte.
1170 II i vint meint roi et meint conte
De tex que je ne sai noraer
Por son mal âge regarder.
Trestuit i vindrent sans desroi
Par le conmandement lo roi.
1175 Onques n'en i sot nus venir
Qui del mal le poïst garir.
Grinbort li tesson qui la fu,
S'est de Renart aperceii
Son cosin qui molt saje estoit,
1180 S'au roi acorder se pooit
1145 quil 1147 dit 1148 cors 1152 Dit ll54 nieent 1157
nuDHjue 11(J8 en i u. 1175 nusj.I. 1177 que
X (Méon 19139-19174) 375
Il en auroit au cuer grant joie.
Meintenant se mist a la voie,
Por lui quorre ne finera
Jusqu'à tant que trove l'aura.
1185 Tant vait Grimbert la matinée
Qu'ancois que none fust sonee,
S'en est venus par une adrece
Trestot droit a la forterece.
Renart son bon cosin germein
1190 Se fu le jor levé bien mein
Et se fu as murs apoies,
Vit Grinbert, si en fu molt lies.
Tantost sans autre cose fere
Conmanda la bare en sus trere
1195 Por son cosin fere venir.
Meintenant ont fet son plesir
Gels a qui il l'ot conmande.
Es vos Grinbert en la ferte
Tôt bêlement pas avant autre.
1200 Son cosin salue et meint autre
Qui estoient avocques li.
Renart forment le conjoï
Et molt li a fête grant joie.
Dit Grinbert 'grant talent avoie
1205 De parler a vos une fois.
Li rois Nobles est si destrois
D'un mal qui par le cors le tient,
Dont chascun jor sospire et gient.
Morir en quide, ce saches,
1210 Et il est molt vers vos iries.
Se le poioiez repasser,
S'amor auries sanz fauser.
Et ge ving ca tôt coiement,
Qu'onques ne fu veii de gent,
1215 Ne onques nus hom n'en sot mot.'
Et Renart respont a cest mot
1184 laure 1187 une drece 1188 fortrecc 1198 frète 1201 lui
1204 t. en a. 1208 sozpire 1210 vos] lui 1212 sanz manque taxer
1214 Quenques 1215 hom manque
376 X (Méon 19175—19214)
'Beax doz cosins. se dex vos gart.
Or me dites' ce dit Renart,
'Por qu'est li rois vers moi irie.
12-20 Ont m'i li baron enpirie?
Dites qui m'a mesle vers li.'
'Vostre conpere, ce vos di'
Fet Grinbert, 'vos i a mesle.
Si vos a Roonel blâme
l'2-25 Et Brichemer qui el messaje
Furent envoie conme saje.
Et vos en ovrastes molt mal,
Quant Roonel dedenz le val
Feïstes en la vigne prendre
1230 (Molt par en faites a reprendre)
Et Brichemer feïs abatre,
Ne sai a trois chens ou a quatre
Qui li ont escorcie le dos,
Si forment qu'en perent li os.'
1235 Renart ot parler son cosin.
Dites vos' fait il, 'Ysengrin 120
M'a melle a la cort lo roi
Par son engin, par son desroi?
Mar le pensa li renoiez.
1240 Alez vos ent, trop delaiez!
Et g'irai a cort le matin.
Si m'escuserai d' Ysengrin.
Devant lo roi irai demein,
Foi que doi deu et seint Germein.'
1245 Grinbert s'en vait, ne vout plus dire.
Renart reraest qui fu sanz ire
De ceuls qui si sont bien paies
Del messaje ou envolez
Les ot li rois o toz ses briez.
1250 Mes qui soit bel ne qui soit griez,
Il s'en escondira s'il puet.
Tantost après Grinbert s'esmuet
1221 lui 1227 ourastc 1234 que en 1242 inescusera .y. 1246
que 1251 pot 1252 sesmot
X (Mcdii l!)21ô — 19252)
Fors de la cort. Mes aricois mande
Sa maiiiie, si lor conmande
1255 Qu'il gardent soa castol très bien,
Que ja home por nule rien
Ne laissent ens mètre le pie.
Que il ne soient espie
D'auqun home, ce seroit max.
1260 'Sire' ce dist li seneschax,
'De ce ne vos estuet doter,
Que ja home ne feme entrer
• Wi laisseron por nule cose.'
Meintenant ont la porte close,
1265 Et s'en montèrent en la tor.
Et Renart s'en vet sanz demor
Parmi la lande esporonant.
Durement vet deu reclamant
Que tel cose par sa pitié
1270 Li doint dont li rois ait santé.
Einsi vet Renart son cemin,
Molt prie deu et seint Martin
Que il tel cose li envoit
Dont li rois Nobles garis soit.
1275 Que molt en a grant desirrer,
Tote jor prent a chevaucier,
Q'unques ne pot cose trover
En qoi il se poïst fier.
Tant a erre qu'en un pre entre,
1280 Molt durement li deut le ventre.
Dont Renars forment se dehete
Por la jornee qu'il ot fête.
La nuit jut en la praerie
Tant que l'aube fu esclaircie.
1285 Quant le jor parut, si se levé.
Et bien sachoiz que molt li grieve
Ice que il ne puet trover
Chose qu'o lui poiist porter
1253 ainco m. 1254 li demande 1259 liomo 1260 dit 1267
esporanant 1273 onuoist 1276 ior manqua 1280 doifmeut 1282 le i,
1286 griue 1287 pot
378 X (Méon 19253—19288;
Por doner au roi garison :
1290 Le jor en fist meinte oreison.
Tant erra Renart cel matin
Que il a trove un gardin
Ou il ot erbes de maneres
Qui sont pressioses ot chères
1295 Et bones sont por mal saner.
Celé part vout Renars torner,
La resne abandone au cheval.
Parmi la costere d'un val
Est entres dedenz le vergier.
1300 Son cheval corut atacher
A un arbre parmi le frein,
liée pest de Terbe et del fein,
Et Renart conmenca a querre
Par le verger, et tret de terre
1305 Herbes de maneres asez :
Que il les cunut meus ases
Que je dire ne vos sauroie.
Plus en queut de pleine galoie.
Quant aaez en ot arachees,
1310 Si les a un petit molliees
En une fonteine qui cort
Par le verger et par la cort.
Iloques les a fet molt notes.
Si les bat entre deus tulletos.
1315 Puis en enpli un barillet
Qui asez estoit petitet.
A son cheval est repairie,
Si l'a a son arcon lie
Molt très bien et molt fermement.
1320 Puis monte que plus n'i atent.
Del verger issi, si s'en vet,
Molt envoissie grant joie fet.
Renars s'en vait a esperon,
(Molt a en lui noble baron)
1290 meint horeison 1304 a mcDt'/itc 1309 araclez 1310 lez
moUiez 1314 lez rat tilletes
X (Méon 19289—19324) 379
1325 Entres s'en est en une lande.
Voie ne senter ne demande:
Car il les savoit molt très bien,
Ne l'en estuet aprendre rien.
De la lande en une forest
IS'jO Entra qui asez meus li plest.
En la forest desoz un pin
Trova dormant un pèlerin.
Cil pèlerins qui la dormoit.
Une riche aumonere avoit
133 Qui eit laciee a sa corroie.
Renars descent enmi la voie
Molt tost de la mule afeutree, *
Si li a l'aumonere ostec
Si c'unques ne s'en aperçut.
1340 Renart qui le sieqle descut,
L'ovri, si a trove dedenz
Une herbe qui ert bone as dens.
Et herbes i trova ases
Dont li rois sera repassez.
1345 Aliboron i a trove
Que plusors genz ont esprove,
Qui est bone por escaufer
Et por fevres de cors oster.
Et puis a garde d'autre part :
1350 Une esclavine vit Renart
Que cil avoit desoz son chef.
Il la prent, qui qu'il en soit grief,
Si l'afubla sanz arester
Et vet sor son cheval monter
1355 Et se remet a l'anbleiire
Par la forest grant aleiire.
Tant a a l'aler entendu
Qu'il est au perron descendu.
Quant Renart fu venu a cort,
1360 Tôt li monde antor lui acort.
1329 la manque 1330 que 1331 desus 1334 aumône 1339 ne
San perçut 1345 Alibarons iloc t. 1346 plushors 1347 por rescaufer
1352 que 1354 uot 1360 1. cort
380 X (Méon 19325—19360)
Ainz n'i ot beste si reposte
Qui ne venist jusqu'à la porte,
Trestuit por dan Renart gaber.
N'i a nul qui ne l'aut lober,
1365 Tex i a qui li getent boe.
Et Renart lor a fet la moe,
Et puis en monta en la sale.
Li rois out le vis teint et pale.
Quant il l'ot, si torne le chef.
1370 Mais molt li torna a meschef
Ce que laienrz le vit entrer.
Et Renart qui bien sont parler 129
Le salue cortoissement
Celui damledieu, qui ne ment,
1375 Qui fist trestot canque mer sere,
Si gart le mellor roi de terre!
Ce est missire li lions,
A tesmoign do toz ses barons,
Cil qui sunt tenu a prodome.
1380 Sire, je sui venu de Rome
Et de Salerne et d'otre mer
Por vostre garisson trover.'
Li rois respont sanz atendue
'Renart, molt savez de treslue.
13S.'> Or ca que mal soiez venuz.
Fil a putain, nain descreijz!
Par mon chief or estes vos pris.
Ou avez tel hardement pris
Que devant moi venir osez ?
13iJ0 Ja ne soie mes alosez,
Quant je vos tieng dedanz ma lice,
Se je. ne faz de vos justice
Tel con ma cort esgardera.'.
'Avoi, sire: ce que sera?'
1395 Fait Renart gardez que vos dites.
Seront ce donques les mérites
1365 gacent 1369 Y manque 1379 qui fa 1383 R. uos s. molt
de bole 1885—1406 manquent
X (Méon 19861 — 19409) 381
Que je aurai de mon servi-e
Que je vos ai la poison quise
Qui bone est contre vostre mal?
1400 Par deu le père esperital,
Ele m'a fait molt de mal traire,
Et or me volez ja deffaire.
Si ne savez encor por coi.
Por dieu, sire, entendez moi,
1405 Refréniez un petit vostre ire :
Si orrez ce que je voil dire.
Sire' dist Renart, ce sachez
Que molt sui por vos damachez.
Tant ai aie par la contrée
1410 Qui asez est et grant et leo.
Car je ai este en Aidane,
En Lonbardie et en Toscane.
Puis que soi vostre enfermete
Ne jui e!i castel n'en cite
1415 Pins d'une nuit, ce sachoiz bien.
N'a delà mer f'usicien,
Ne en Salerne ne aillors
Ou n'aie este molt trauellos.
En Salerne en trovai un saje
14-20 A qui je dis vostre message:
Cil vos envoie garisou.'
'Di me tu voir' dist li lion,
'Que de cest mal me gariras?
Ne sai se fere le porras.'
1425 'Oïl, sire, foi que vos doi,
Ja mar en serois en esfroi.
Que je vos quit tôt respasser,'
Lors se conmence a desfubler.
S'a s'esclavine mise jus
1430 Et son barillet mis desus.
Atant estez vos Roonel:
Quant il le voit, molt li fu bel,
Qui par la gole fu lacie
1416 fucisifMi 1417 Ni 141S nai trauellies 1428 trespasser
1433 Que
382 X (Méon 19410—19445]
La OU Renars l'ot engignie
1430 Et il fu pendu par le col:
Encor l'en tient Renart por fol.
Danz rois' ce a dit li gainnon,
Or entendes a ma raison:
Créez vos donc cest pautoner?
1440 II dist qu'il fu a Monpeller
Et en Salerne, si s'en vante:
Il ne passa onques Maante.
Or dist qu'est mires devenuz:
Pieca qu'il dut estre penduz.
1445 Faites rue droit del grant otrage
Qu'il me fist en vostre messaje.
En une vigne me fist pendre:
Bien en devez venjance prendre.
Molt me fist mal sa conpaignie,
1450 II a vers vos sa foi mentie.
Ge l'en apel de traïson.
Ves en ci mon gage a bandon.'
'Sire rois' dist Renart, 'oez !
Cist mastins est du senz deuez,
1455 II redote ou a trop boii,
Ou il est hors del sen issu.
Trois mois a bien, ce vos plevis,
Que je ne fui en cest païs.
Se Roonax fu en meson,
1460 Ce veil lécheras de gaingnon:
Ma feme est molt bêle mescine
Et si a non dame Ermeline:
Se il li quist honte et folie
Et ele sout tant de voisdie
1465 Qu'el se venja del pautoner.
Ce ne fet pas a merveller.'
Lors se leva Tybers li chaz
Que Renart fist ja prendre au laz.
'Va ta voie' ce dist Tibert:
1437 dist 1441 se u. 1443 que m. est d. 1450 uer uos 1455
ou il a 1459 en ] u 1462 dame 14fi5 sen u.
X (Méon 19446— 19507J 383
1470 'Dahez ait home qui désert!
Trop par as dit grant estotie,
Quant apelaz de foi mentie
Si haut baron con est Renart.
Je te tieng a trop fol musait.
147.') C'au jor que tu fus atrapez
De ce dont tu t'es ci clamez,
Paissai ge devant le plascie
Dont dant Renart s'ert lierbergie:
Hoc trovai dame Hermeline
1480 Qui molt par est de franche oiine,
Je demandai, ou ert Renart,
Et el me dit tôt par esgart
Qu'il estoit eu Saleine alez
0 tôt cent libres moneez
1485 Por acater de la poison
De coi dan JNobles le lion
Poùst encor avoir santé.
Por vos a molt son cors pêne.'
'Siie' dist Renars, il dit voir.
149U Or poes bien de fi savoir,
Je he Tybeit le chat de mort:
S'il i soiist auques de toit,
Certes il ne le celast mie,
Einz me menast tost a la lie.
1495 Mais prodom est et véritable,
Et sa parole est bien creable.'
'Ce est' ce dit Nobles bien fet.
Tybert, laissiez ester lo plait!
E vos, Renart, pensez de moi,
lôOO Si en pernes hastif conroi!
Je ai un mal dont ne voi gote.
Ne ne quit veoir pantecoste.
Je ne vos puis la moitié dire
De la dolor qui me fet frire.'
15UÔ Ce dit Renart 'garis seres
1474 tro f. 1478 Don 1484 .c. lib' moaez 1490 fin 1494 tôt
1497 noblez 1498 feisaiez 1502 uoir le
384 X (Môon 19508—19571)
Ainz que troi jors soient passes.
Aportes moi un orinal
Et si verrai dedenz le mal.'
Li orinax tu aportez.
1510 Nobles s'est jus du lit versez,
Si l'a pissie plus que demi.
Ce dist Renaît 'bien est issi.'
Adonques l'a levé en haut.
Ce dit Renars, 'se dex me saut,
1515 Encor i est la fevre ague :
J'ai la poisson qui bien la tue.
Sire Nobles' ce dist Renart,
'Or i estuet molt grant esgart,
Yoles vos de cest mal garir.'
15J() Ce dit Nobles 'molt le désir.'
'Or me fêtes ces huis fermer
Et si me faiti's aporter
ïot ce que vos denuinderai.
Cest mal del cors vos esterai,
1525 S'en saudra la fevre carteue
Qui si vos fait puïr Talcine.'
Ce dist Nobles molt volenters.
Tti auras quanque t'est mesters.'
Sire' fait il, 'pernes en cure:
1530 La pel del lou a tôt la hure; 122
M'estuet avoir prcmeiement.
-la verront tuit vostie parent
Conbien je sai d'astronomie.
Ja vos crt sauvée la vie.'
1585 Dont ot Ysengrin grant poor.
11 a a deu crie amor :
Que il n'i a plus lous que lui.
Renart s'en venchera ancui.
Nobles sousleve les gernons,
15 JO Si regarde toz ses barons.
Le leu regarde toz pensis,
1507 liui-iiiiil 1510 ses ius fois u. 151(1 que 1518regart 1524 ustera
1526 puire 1528 qnqe test 1530 a ]o 1533 destronomie 15S6 un des deux
a mangue IbSl q. len 1538 anoui ] de lui 1540 Si a garde 1541 pensif
X (Méon 19572— 19fil5) 385
Si li a dit bau clous amis,
Vos me poes avoir mester
De cest grant mal asoagier.'
1545 Ce dist Renart vos dites voir.
Il vos puet bien mester avoir.
Il vos puet bien prester sa pel:
Car ore entre le tens novel
Que sa pel ert tost revenue,
1Ô50 N'aura pas froit a la car nue,'
Dist Ysengrins 'sire, ne faites!
Voles vos donc honir vos bestes?
Cest plet ne m'est mie léger
De ma peiice despoiller.'
1555 'Par les euz be' ce dist ii rois,
'Ore est Ysengrin trop cortois,
Qui ma parole a contredite.
Il en aura ja sa mérite.
Pernez le tost mes euz voiant,
lOlK) Si li despoillies meintenant!'
Dont le pristrent de totes pars
Et par les pies et par les bras,
La pel li traient hors del dos.
Or est li laz a mal repos,
1565 De la sale s'en ist le trot,
Il a bien paie son escot.
Dist Renart 'sire, s'il te plet.
Molt tost soit ton jugement fet.
Il t'estuet de la corne au cerf
1570 Del lonc prendre le mestre nerf
Qui soit un pou retrait arere.
(En l'orine vi la manere
La médecine dont garras:
Porchace toi, mester en as)
1575 Et une coroie del dos.
Se tu l'as ceinte, en grant repos
En seras mis, n'en aies dote.
1544 asaagier 1546 pot 1547 pot 1550 Mit' sot R. de la tri'slue
1552 h. uoletes 1556 tro c. 1557 p. ma 1561 piistren de tote p. 1567
Dit 1569 testot 1570 De 1.
RKXART I 25
386 X (Méon 19616—19651)
Soz ciel n'a ne fevre ne goto
Qui James vos feïst nul mal,
1580 Je l'ai veii en l'orinnal.'
Ce puet bien estre' dit li rois.
Briehemer vit seoir au dois,
Nobles l'iichena a sa poe.
Que il ne pot movoir la joe.
1585 Tar le conmandement lo roi
Fu li cers mis en grant desroi.
Il l'abatirent tôt envers,
La coroie ont pris de travers,
Si l'ont trencie a un cotel,
1590 Bien fu escrisie la pel.
Et les deus cornes li brisèrent,
Hois de la sale le chascerent.
Cist ont bien lor escot paie,
James en foire n'en marcie
1595 ïolliu paiage ne dorront,
Par trestot quitement iront.
'ïybert' ce dit Renart, ca vien
Tu me lairas auques du tien:
De ta pel seras despoilliez
1600 Ou mes sires metra ses piez.'
Et Tybert conmenca a groindre.
Mais n'ert mie tens de respondre
Ne de teucier voiant la gent.
Car il n'i avoit nul parent.
1605 II sailli sus, si s'afaita,
Sanz congie de la cort torna.
L'uis ert ferme, mais il s'en saut
Par un pertuis qui ert en haut
S'en vait Tybert toz eslaissiez,
1610 Si se fori en un plessiez.
Ce dit Renart cestui s'en va.
Maldehez ait qui m'engendra,
Se je le puis as moins tenir
1578 le premier ne manque 1581 pot 1586 ilesroi 1588 de
rauers 1592 len ch. 1594 ni en 1597 .Y. ce 1600 sez 1602 ner m.
cens 1605 safoita 1607 sen manque
X (Méon 19652—196871 387
Se ne li fas mou jii puïr.'
1615 Renaît regarde entor lui,
Vit les barons qui gi-ant anui
Avoient de ce qu'il faisoit,
Chascun de soi poor avoit.
Renars apele Roonel,
1620 Fil a putein' fait il, 'mesel.
Faites me ci molt tost un fou,
Si me pernez la pel du lou.
Si la laves, si l'essuies
Et devant moi l'aparelliez!'
1625 Volentiers, sire, s'il vos plaist.
Canque vos voudioiz sera fet.'
'Et vos, dan Grimbert le tessons,
Venes tost ci agenellons!
Et vos, Belin, venes a moi!'
1680 Cil acorent par grant desroi.
Alez en tost por mon segnor.
(Dex vos otroit grant desonor)
Fêtes molt tost sans demorer,
Aies mon segnor a porter.'
1635 Cil li aportent vistement.
Renars a pris un oignement.
Sire' dist il, je vos garrai
Et ceste fevre vos tondrai :
Or vos covient un pou soufrir.'
1610 Ce dist Nobles molt le désir
Que fusse de cest mal haitiez,
Car molt en sui afebloies.'
Renars le fist cocher adenz.
Puis li a mis el nés dedenz
1645 Aliboron que il avoit,
Qui si fort oignement estoit.
Si le prist si a escaufer
Et il conmenca a enfler.
A démener se conmenca
1616 que 1623 la suies 1625 si uos 1628 ci tost 1638 toudroi
1639 manque 1643 as denz 1645 Alibaion 1646 oigment 164s
conmenee 1649 le
25»
388 X (Méon 19688—19727)
1650 Del cul un gros pet li vola,
Il esternue et se demeine.
Molt estoit li rois en grant peine,
Enfles fu, mes il esternue,
Et la pel du dos li tressue.
1655 Ce dit Nobles molt sui enfles.'
p]t Renart dist ne vos tames!
Garris estes, n'i aves garde.'
Et cil de poire ne se tarde,
Car la poison le detreinnoit
1660 Et les boiax li escaufoit.
Renart l'estendi les le feu,
Puis si a pris la pel du leu,
Dedenz a chocie le lion,
Puis si a prise une poisson
1065 Qu'il avoit enblee au paumer,
A son segnor en fist manger.
Tantost con il en out goste, 123
Ne senti mal n'enfermete.
Ce dit Nobles je sui garîs,
1670 Je vos en rent cinc cent mercis
E si vos saisi de ma terre:
Qui vos uoudroiz si aura guerre,
Car en aïde vos serai,
E deus bons castax vos donrai.
1675 Toz sui garis, nul mal ne sent.
Vos en aurois riche présent.'
'Dex' dist Renart, en ait b^s grès
Quant par moi estez repassez!
Sire rois, or m'en voil aler
1680 Por Ermeline conforter:
Je ne la vi deus mois a ja.
S'ele me voit, grant joie aura.
Je li dirai de vos noveles
Qui li seront bones et bêles.
1685 Sire, Brlchemer si me h et.
1651 esternie 1653 sesternie 1656 dit 1659 le p. 1672 Quant u.
1674 donra 1677 dit 1680 emeline 1681 ia a
X (Méon 19728—19768) 389
Si ne li ai nient raesfet,
Et Ysengrin vostre provost.
Saches qu'il ont vers moi grant tort.
Se il me pooient tenir,
1690 A duel me feroient fenir.
Sire, bon conduit me bailliez
Que je n'i soie damaches.'
Ce dist Nobles, 'molt volentiers.'
Donc fist monter cent chevaliers,
1695 Tant chevaucent a grant vertu
C'a Terouane sont venu
Grant pièce avant midi pase.
Mais lor chevaus sont molt lase.
Li cent sont retorne arere.
1700 Et Renars entre en sa tesnere
Yenches s'est de ses enemis.
Lors sojorna, ce m'est avis.
En son castel une grant pose,
Que asoiir issir n'en ose.
1686 n. forfet 1688 que il 1694 Adonc monter manque c. ch'es
1696 tereuane 1700 tarere
XI (Méon 24345—24368
XI
Ce fu en la douce saison ' 123 b
Que eler chantent li osellon
Por le tans qui ert nés et purs,
Que Renart ert dedens les murs
5 De Malpertuis son fort manoir.
Mais raolt out son cuer tristre et noir
Por sa viande qui li lasche.
Durement s'estent et sosface,
De fein li dolent li boiel.
10 Devant li est venu Rovel
8on fil qui de fain vait plorant,
Et Hermeline meintenant
Qui molt estoit et simple et coie,
Et Malebrance et Perchehaie
15 Qui molt par font cere dolente.
N'i a celui ne se démente.
De lor mère sont molt dolent
Qui ploure de fein tendrement
Et molt par fist dolente chère.
20 Renart li dist amie chère,
Por qoi vos voi je si ateinte?
'Sire' fait el, 'ge sui enceinte,
D'enfant ai tôt le ventre plein.
Mes certes je ai si grant fein V
4 ses 6 son „"t'8tre„,' cuer et 7 que 10 lui /H A m 16 a |
out c. que ne /
XI iMéon 243*59—24407) 391
25 Que j'en quit perdre mon enfant.'
Renart l'oï, molt fu dolant
Et molt en devint esperdu.
A Hermeline a respuudu
'Douce amie, sachez de voir
30 Que je voil orendroit movoir
Et aler la ou dex m'envoit
Qui par tens viande m'envoit
Trestot ausi con je le voil,
Atant feri le pie au soil,
35 Si s'en issi tôt meintenant.
Durement va deu reclamant
Que il viande li envoit,
Que molt grant mester en avoit.
Atant s'en entre en un plassie.
40 Tôt bêlement le col bessie
Vet por savoir et por prover
Se viande porroit trover.
Bêlement s'en vait et le pas,
Sovent coloie haut et bas.
45 Et quant il out coloie tant,
Si se regarde et voit venant
Mesire Ysengrin son conpero.
Mes onques foi que doi seint Père,
Ne vint beste de tel air.
50 'Sire, bien puissiez vos venir !'
Fait il. Ysengrins l'esgarda,
'Renart' fait il, 'ce que sera?
Venes vos en molt tost de ci :
Câpres moi vienent, je vos di,
55 Trestoz les vileins d'une vile.
Se il vos pernent, par seint Gille,
Il vos liverront a essil.'
'Sire ce respont le gorpil.
'Alonz en donques sanz targer.'
60 Atant se metent au frapier
Entre Renart et Ysengrin,
40 chef 44 c. et h. 59 liuront
392 XI (Méon :i4408— 24443)
Ne tindrent voie ne cemin.
Chascun molt durement se dote.
Mais li vileins eu ont la rote
65 Perdue: retorne s'en sont.
Et cil molt durement s'en vont,
Car il n'ont talant d'arester.
Lors se pristrent a regarder,
Mais les vileins ne virent pas.
70 Dit Ysengrins je sui molt las,
Que bien sachez par seint Orner
Que je ne puis avant aler.
Un petit reposer m'estuet.'
'Einsi le fet qui meuz ne puet'
75 Fait Renars, 'et je m'en irai :
Que hui en cest jor ne mangai,
Si irai querre ma viande.'
Ysengrins a deu le conmande
Qui molt fu laz et travellie.
80 Lors s'est soz un arbre cochie.
Et Renars s'en vet meintenant.
Mais il n'eut gaire aie avant,
Ainz jure foi qu'il doit seint Père
Qu'il engingnera son conpere.
85 Savoir vont con se contendra :
Desoz un arbre se muca.
Et Ysengrins si s'endormi.
Renars nel mist pas en obli,
Eins se porpense qu'il fera
90 Et conment il l'engignera,
Que meinte foiz li a mal fet.
Tantost vers Ysengrin se tret.
Et voit qu'il dormoit durement:
Une hart a fête erraument
95 D'un plancon de cesne menu,
A Ysengrin en est venu 124
Qui desoz l'arbre se gisoit
63 66 dorement 65 Perdu 66 sont 73 mestot 74 que pot
75 et manque 83 que doi 86 Desoz larbro si 87 Et Is. si 8!) que il
91 meintenant sa mal f. 95 dun c.
XI (Méon 24444—24479
Cou cil qui nul mal u'i pensoit,
Eiuz se gisoit trestot en pes.
lœ Reuars qui fu fel et engres
Et qui fu plein de grant voisdie,
Ysengrin par les deus piez lie
De la hart au caisne si fort
Que se l'en le chascast a mort,
105 Ne se poïst il remuer.
Renart le voit, ne puet muer
Qu'il n'en rie, puis si s'en torne.
Un poi hors de la voie torne
Por savoir conment avendroit
110 A Ysengrin qui se gisoit.
Tantost s'est soz l'arbre asis.
Mais n'i a mie grantment sis,
Quant iïoques vint un vilein
Qui tint un baston en sa mein
115 Qui ert grant et gros et de hos.
Quant l'aperçut Reuars li ros.
Si en out en son cuer grant joie.
Et li vilein ne se desvoie,
Einz s'en vet trestot le cemin.
1-20 Quant le vilein vit Ysengrin
Qui fu liez devers les piez,
Tantost s'est vers lui eslaissiez :
Le baston hauce par air.
Si corut Ysengrin ferir
125 Parmi le chaannon del col.
Or se puet bien tenir por fol
Ysengrins, quant il s'endormi :
Tôt meiutenaut les eus ovri.
Si a le vilein regarde
130 Qui avoit son baston levé
E le vont ferir sanz targer.
Ysengrins se cuide drecier,
Au vilein voloit corre sus,
393
104 chastast 105 sen p. 106 pot 107 si manque 111 ses soz
118 délaie 119 uet tôt droit le 126 pot 133 uout
394 XI (Méon 24408-24514)
Mais meintenant recaï jus
135 Que il ne pout soi- piez ester.
Et li vileins le vet fraper
Do baston menu et sovent,
A Ysengrin vet malement,
Mais nequedont tant agaita
140 Que le vilein soz soi saca:
Tôt estendu le fist chaïr.
Ysengrins le curut saisir,
As dens le hoce. pinne et mort
Or a molt grant poor de mort
145 Li vileinz, si a grant reson.
Forment prie deu et son non
Par son plaissir et par sa grâce
Que Ysengrins mal ne li face.
Isengrin si fu molt iriez,
150 Le vilein a soz li sachie,
Durement le mort et estreint.
Par poi li cuers ne li esteint.
Si oust il, bien le saches,
Mes li vileins s'est efforciez,
155 Si a repris cuer et aleine,
D' Ysengrin s'estort a grant peine.
Molt fu malement atorne,
Tantost est en fuie torne.
Mais sachoiz. por un marc d'or fin
160 Ne retornast vers Ysengrin.
Fuiant s'en vet tôt corocie,
Car durement estoit blecic.
Et quant Renars voit qu'il s'en vet.
Un petitet en sus se tret
165 Qu'il ne vont qu'Ysengrins le voie.
Tantost se rest mis a la voie
Qui molt estoit et bêle et grant.
Misire Renars vet chantant
Une cancon tote novele
150 manqu
136 ferir 137 banston 140 soi- lui sacai 143 hoce & pinne
anque 151 Duremt 152 le cuer estreint 165 que y. 167 gent
XI (Méon 24515— '24555; 395
170 D'amoretes qui molt est bêle
Et bien fête, par seint Fermin.
Chantant s'en vet tôt le chemin.
Quant Ysengrins le voit venant.
Si li escrie meintenant
175 'Kenart, Renart, bauz doz amis,
A poi que n'ai este maumis.
Je me sui ci trove liez
D'une hart très parmi les pies
A cest chasne qui est brancu,
180 Et un vilein qui m'a batu:
D'un baston m'a tant donne cous
Que trestoz les os en ai mous.
A pou que il ne m'a tue.
Mais je le rai molt bien plume,
185 Bien li ai les chevous sachez,
(Tôt de vérité le sachez)
Par qoi je me confort plus bel.'
'Par foi' dit Renart, ce m'est bel,
Mais de vos sui forment iriez.
190 Mes vos seres ja desliez,
Que ge vos di, foi que doi vos
Qui estes mes conpere doz.
Que meus amasse estre batu
Que vos fussiez si eobatu.'
195 Dist Ysengrins bien vos en croi.
Mes par amors deslies moi.
Que je vos en saurai bon gre.'
Dist Renart ce me vient a gre.'
Lors le cort deslier Renart,
200 Des piez li a oste la hart
Que il n'i a demore plus.
Et Ysengrins est sailliz sus
Qui molt en out graut desirrer.
Si est aie Renart besier
205 Et dit 'Renart, par seinte Foi,
172 chenin 181 b. mit granz cous et lors 182 trestot 188 fai
194 si 195. 198 Dit 200 hoste 202 est sailliz ] si sailli 203 Que
396 XI (Méon 24556—24592)
Je VOS aim molt en bone foi.
Se je vos aim, je n'ai pas tort,
Que vos m'avez gari de mort.
Que mort fusse, bien le sachez,
210 Se ca ne fussiez repairiez.
Dex le fist por amor de moi.
Mais par la foi que je vos doi,
Orendroites sans delaier
Yendroiz avoques moi manger
215 Une cuisse d'aiguel novel
Que je laissai a mon ostel.
Or en venez sans atarger!'
Atant se metent el senter
Entre Renart et Ysengrin,
220 Onques ne gerpirent cemin.
Si sont venu a la meson
Mesire Ysengrin le baron
Qui bien estoit de mur fermée.
Dame Hersent i ont trovee
225 Qui molt grant joie lor a fête.
Tantost a manger lor afete
Tel viande con ele pot :
Aignaux rostis, capons on pot
Lor aparella a foisson,
230 Si en mangèrent li baron
Tant con il lor vint a talant.
Mesire Renars ne fu lent,
Ainz dit qu'il s'en voloit aler : 125
A dame Hersent vait parler
235 Por congie demander et querre,
Car aler s'en vont en sa terre
Son prou porcascer et trover.
Dist Ysengrins 'laissies ester.
Par la foi que doi seint Grermein,
240 Ne vos movrois hui ne demein.'
'Ha! sire' dit Renart, merci!
Je ne puis plus demorer ci.
213 deloier 229 en rost 237 et querre 238 Dit
XI (Méon 24593— 24B28) 397
Car j'ai afere en autre leu.'
'Wen iroiz pas' ce dit li leu
•24^ Hui ne demein, foi que vos doi.'
'8ire' dit Renart, par ma foi,
Je ne deraorroie por rien.
Mes de vérité sachois bien
Que au plus tost que je p orrai
250 Ci alues a vos revendrai,'
Dist Ysengrins 'dont en iroiz,
Mes vostre foi fiaucerois
Que revendroiz dusqu'a quart jor
Ci alec por fere sejor,
255 Que je vos aim en boue foi.'
Ce dit E,enart ensi l'otroi.'
Renars prent congie, si s'en part.
Et chemine tôt un essart
Sanz conpaignie que il ait.
260 Molt prie deu que il l'envoit
En tel leu ou viande truisse
Que a sa ferae porter -puisse
Que il laissa enceinte et grosse.
Lors voit devant li une fosse
265 Qui molt estoit parfonde et grant,
Einz ne fina, si vint devant.
Desus la fosse s'aresta,
Lougement i fist sou esta
Por-esgarder que dedenz ot.
270 Et quant ases regarde ot.
Si vit qu'el fu de ronces pleine
Si durement que a grant peine
I par oit il se ronces non.
Tant a regarde environ,
275 Si vit que meures i ot tant
Que onques mes en son vivant
N'en avoit tant veii ensenble.
'Par foi' fet Renart 'ce me semble.
que
259 que il i ait 260 que il li enuoit 264 lui 266 El ne 271
el 273 Quil ni parut se
398 XI (Méon 24629-24664)
Ici se feroit bon logier,
280 Qui de meures voudroit manger,
Molt s'i feïst bon osteler.'
Adonc comenca a aler
Entor la fosse por savoir
Se des meures porroit avoir.
285 Mais il ne voit mie par ont
Il en puisse avoir, si en gront
Por ce qu'il n'i pot avenir.
La langue li prent a fer mi r
De lecerie et de coros.
290 En la fosse sailli deboz
Por co qu'il au voloit avoir.
Sachez qu'il ne fist pas savoir :
Car il ne s'en pout détenir.
Tôt aval le covint venir.
295 0 li pesast o bel li fu,
One ne fina dusqu'as fonz fu,
De rooler tôt contreval
Bien sachez qu'il out ases mal.
Ancois qu'il s'en poïst issir
300 I a fait li las meint sopir,
Car le fosse estoit trop haut.
Mais comment qu'il viegne ne aut,
A grant peine s'en est esters,
Mais molt fu ainz dolent del cors.
305 Totevoie en est escape.
Lors est sor le fosse monte
Con cil qui ait de lecherie.
'Bax sire dex fait il, 'aïe !
Conment, n'aura ge nule meure?
310 Oïl certes, que qu'il demeure,
G'en aurai a qui qu'il anuit,
Ainz i serai jusqu'à la nuit
Que je n'en aie': lors s'asiet.
Mais sachoiz que pas ne li siet
285 nauoit 297 rooiller 299 Ainz 302 que il 303 a'manque
307 Come cil qui lecherie art 308 dex ce dit .R. 310 demeure 313 ai
XI (Méon 24(565—24700) 399
315 Que as meures ne pot ateindre.
jS^e el fosse ne s'osse enpeiudre,
Que molt i out graut peine oiie.
Lors se levé sanz atendue,
Queut de pieres plein son geran,
320 Si en aroche le boisson
Qu'il voloit les meures abatre.
Si en i gete trente et quatre,
Mes celés qu'il a abatues
Sunt dedenz le fosse coûes
325 Si li anuie molt forment.
Lors dit Renart ireement
'Je sui fox que je ci demeure
iSe je ne menju unie meure.
N'en mangai long tans a passe
330 Que par mon chef je l'ai voue
Que je n'en mangerai james,'
Atant s'en vet tôt a esles
Molt corocie et molt dolant.
Mais il n'ala vaires avant
335 Plus de deus arpens ou de trois
Qu'il a trove enmi le bois
Gisant mon segnor Roonel.
Desoz un arbre grant et bel
Si vit Roonel estendu,
;34) Car un vilein Favoit batu
Tant de son baston et frape,
Qu'a poi qu'il ne l'avoit tue,
Ne pout movoir ne pie ne mein.
Renars s'en vait a li de plein
345 Canque il pot tôt eslaissie.
Molt fu dolant et corocie
Por les meures ou ot failli.
ïantost vers Roonel sailli,
Si le cuida trover dormant.
350 Mes Roonel de meintenant
317 ou 318 atendu 321 Qui u. 322 .XXXIII. 323 Mes j Totes
327 demoure 328 manque 331 Que ] Ne 344 lui 345 Canquil
400 XI (Méon 24701—24736)
Li dist 'sire, bien vegniez vos!
Ne nie puis lever contre vos,
Car n'en ai ese ne pooir.'
11 ne vos estuet ja raovoir'
355 Fet soi Renars, 'par seint Denis.
Mes dites moi, bau dos amis.
Qui vos a si vilment féru.'
'Sire, un vilein qui m'a bafu.
Bien sai, n'en porrai escaper.
360 Renart entent bien au parler
Qu'il est molt durement blecie:
Forment s'en est esleece.
Que meinte fois li ot fet mal.
Lors regarde tôt contreval
3(î5 Le bois por savoir s'aime oroit:
Et quant il nul aime ne voit.
Si jure cil qui l'engendra
Que Roonel iloc pendra.
Que ja n'en aura raencon.
,'370 Lors regarde vers un boisson, 126
Si a une corde trovee,
C'un vilein i avoit botee.
Meintenant a prise la corde
Renart, qui n'ait miséricorde,
37.0 (Non aura il au chef del tor )
De la corde un bon laz corsor
A fet, ne fu mie tro fol,
A Roonel le mist el col.
Mes tant mesprist, bien le saches,
380 Qu'il mist avoc deus de ses piez.
Quant li ot mis el col le laz
Reuart qui tos sont les baraz
Plus que beste noire ne blanche,
La corde desus une brance
385 A gitee, puis sache a li,
Roonel a l'arbre pendi.
351 dit uienes 355 lui 361 dorement 362 sen j li 365 por
mangue 372 u. li 385 lui 385 gite puis si s. a lui
XI (Méon 24787—24772) 401
Au meus qu'il pout l'i ataclia.
Le pie le laz li eslacha,
Que meintenant fust estrauglez,
390 S'il n'i oiist les piez gitez.
Quant Renars l'a veû en haut,
Si li dit 'sire, dex vos saut !
Parlez a moi, se vos volez !
Molt vos estes haut encrouez :
39Ô Conment diable, estes vos tex.
Guidiez vos monter as seinz ciex
Avec damledeu la amont?
A^os estes le plus fol del mont.
Bien vos devroit honte venir,
400 Quant vos voles seinz devenir.
Dites moi' fait il, en queu leu
Vos aves si fort servi deu
Que vos voles aler a li.'
Roonel mot ne respondi,
405 Car il ne puet, que tiop restreint
Le laz, et dant Renars l'enpeint
Par les piez et le fet branler.
A li se prent a porpenser,
Por ce qu'estrangler le voloit.
410 Atant regarde, et si voit
Venir la mesnie le roi:
Adonques fu en grant e&moi.
Car de sa vie ot grant poor,
Fuiant s'en vait sanz plus demor
415 Canque il pot de grant randon.
Et cil vienent a esperon
Au plus tost qu'il pourent venir,
Ainz ne se voudront retenir.
Devant vienent li escuier
420 Et li rois si venoit derer
Chevaucant avoc ses barons.
Atant estes vos le garçons
388 laz li li e. 389 cstrangl 390 gite 396 seint 397 Avocques
399 venir ]fere 403 lui 408 lui 417 foost 418 tenir 420 E
REXART I 26
402 XI (M 'un 24772-24808)
Qui sont desoz l'arbre veuu.
Roonel troverent pendu :
425 Tuit s'arestent, ne veut avant.
Estes vos le roi a itant
Et ses barons avocques li :
Roonel voient qui pendi,
Si en fu le roi molt dolant.
430 Despendre le fîst erraument
Que molt en fu maltentis:
Meintenant l'ont a terre mis
Trestot bêlement et soe.
Les eux ovri, si a parle
435 Et dist 'ha sire dex, merci!
A poi que n'ai este péri.'
Quant li lions l'oï parler,
Descendus est sans demorer.
Deles li s'asist meintenant,
440 Son chef li mist en son devant.
Conme debouere et cortois
Conmenca a plorer li rois,
Por la pitié qu'il a de li.
Et quant Roonel le oï,
445 Si se merveille que ce est,
Et li rois dist conment vos est,
Bau doz ami? dites le moi.'
'Sire' dist Roonel, 'par foi
Molt ai este en grant torment.
450 Mais or ne me celés noient
Qui vos estes tôt demanois:
Car certes je ne vos conois.
Se ne me dites vostre non.'
'Amis' ce respont le lion,
455 'Je sui rois de ceste contrée.'
Roonel l'ot, molt li agrée
Et molt en a ou grant joie.
La teste levé sans deloie.
428 Or sunt dosus 427 auocques lui 433 e 435 dit ha de
439 lui sasist de m. 443 lui 448 dit
\I (Méon 24809—24844) 408
Si a son seignor regarde :
460 'Sire' fait il, 'molt graut bonté
M'aves faite vostre merci.
Sire, quant venistes vos ci:*'
'Or endroit voir, bau doz amis.
Mais qui vos a issi niaumis?
465 'Sire' fait il, 'foi que doi vos,
Tôt ce m'a fet Renart li ros.
Ne je n'en cuit james garir.'
Adonques a fet un sospir
Et après a jeté un pleint:
470 Tôt le viaire li est teint
De la peine qu'il ot soferte.
'Segnors' dit li rois, 'ves quel perte
C'ainsi ai perdu mon baron!
Se je puis prendre le laron,
475 II sera meintenant pendu.'
Et li baron ont respondu
'Bau sire, laissiez cest afere.
Mes faites une bere fere
A porter Roenel en l'ost.'
480 II n'i a nul qui le deslost
Ne le contredient de rien.
Une bière font de merrieu
Li baron, onques n'i ont autre.
Si ont dedenz cocie le veautre,
485 Mes eins ont mis herbe desoz.
Li rois li a dit oiant toz
'Roonel, molt estes blecie:
Mes se dex ait de moi pitié.
Il m'en poise molt durement.'
490 Meintenant coumande a sa gent
Que il gardent qu'il soit aese.
Et cil qui en sont a malese
De ce que il malade fu.
S'en entremetent et fait fu
463 voir manque 466 le 467 ne o. 469 E 484 neautrc 485
ilesua 489 me p. 491 Quil conmande qiiil 494 Tantost sanz atarfcer
(le fu
26*
404 XI (Méou 24845— 24881 J
495 Ce que li rois ot conmande.
Onques plus n'i ot demore,
La bere trossent es chevax,
Puis chevaucent le funs d'un vauz
Tôt bêlement et a loisir,
50l) Tôt soavet a l'aserir.
Molt ot Roenel son voloir,
Car li rois ou n'ot que doloir
Por li qui malades estoit,
Le meine issi eon il voloit.
505 Ne onques son conmandement
Ne fu devoe de noient, 127
Ainz s'en vont bêlement le pas,
Et saches qu'il ne uuisoit pas
A Roonel, ancois li plest.
510 Tant ont erre par la forest
Qu'il ont esloigne grant partie,
Onques n'i out gent départie.
Si sont venu a la raeson
Mon segnor Noble le lion.
515 Descendu sunt devant la porte.
Brichemer et Brun l'ors enporte
Roonel amont en la sale,
Qui out le vis et teint et pale
Por les cous qu'il out recoiis :
520 Et por ce que il fu pendus
Estoit pale e descolores.
Li rois a ses mires mandes,
Et lor prie qu'il s'entremetent
De li et grant peine i metent,
525 Ausi grant conme a li meïsmes.
Li mire qui vindrent de Nimes
Et de Montpellers par delà
Por le roi qui les en proia,
I ont mis tote lor entente.
530 En totes ses plaies ot tente.
Que einz que li mois fust passez
503 lui 522 mires ] barons 524 lui 525 lui 526 nines 530 ente
IX 'Méon 24882—24917)
Fu il garis et repassez.
S'en fu molt bel a tex i ot
E au roi qui forment l'amot.
535 De ce qu'il fu délivre et sein
Sont li baron de joie plein
Et tuit en demeinent grant joie:
Et 11 rois qui vont que l'en l'oie.
Et qu'en sache qu'il en ait feste,
540 En croulle de joie la teste.
Li rois fet joie por le chen
Qui est garis et bel et bien,
Si font tuit li autre baron.
Ici de la cort vos lairon,
545 Et quant lius en sera et tens,
Si vos en dirons tôt a tens.
Des or vos dirai de Renart
Qui chevauce tôt un essart
Tôt plein de joie et de leece.
550 Devers un grant cesne s'adrece
Qui molt estoit haut et brancu.
Amont regarde, s'a veii
Un ni d'escofle qui ert baux,
Dedenz avoit quatre escofleax
555 Ausi dru conme père et mère.
Renart jure l'ame son père
Qu'il est venus a droite voie:
Se l'escofle ne le desvoie,
Il les voudra trestoz manger.
560 Amont l'arbre prent a poier.
Au meus qu'il pout monta en haut,
Au ni en vient que pas ne faut.
Come devez et enragiez,
Trestoz quatre les a mangiez,
565 Qu'il avoit a son cuer grant fein.
Or en a il le ventre plein.
Mes einz que il fust descendus
405
539 quen ] quil 545 en manque 548 escart 552 si a 553
enragie 564 mangie 566 il manque 567 quil
406 IX (Méon 24yu«-'J4953)
Sont les deus escofles venus.
Quant n'ont lor oiselles trovez,
570 Sus li corent conme desvez
Bien entalente de mal fere.
Cil ne se pot arere traire,
Que trop estoit pleine sa pance.
Li un des escofles s'avanchn,
575 Si a Renart done tel flat
Que jus a la terre l'abat,
A poi qu'il ne l'a niaagne.
Isnelement s'est redrecie,
Qu'il s'en voloit foïr atant.
580 Li autres li vint au devant
Tôt autresi con un dragon,
Renart saisi au pelicon,
Jus a terre l'a abatu :
Molt par ont bien Renart batu.
585 Ambedui li corurent sus,
Renart trament sus et jus,
Bâtent des eles et des pies,
Des bes ferent con enragies,
Ne Renars ne se pout deffendre.
590 II le corent as ongles prendre,
En la car li metont dedenz.
Et Ronart a jeta les denz
A tant de force con il a.
L'une des escofles prise a:
595 As denz la prent, si l'estrent si
Que le cuer en deus li fendi
E puis la depecie tote.
L'autre escofle por ce nel dote
Ne plus a envis nel requiert,
600 Vers li en vet et puis le fiert
Granz coz et menu et sovent.
Molt esta Renart malement.
Car cil qui estoit sanz poor,
569. 570 manquent 572 se inaiiquc
a. rctraire 579 se u. 582
sasi 583 a la t. labati 592 a ieta 1. d.
594 Lun pris 599 ne le
600 lui 603 est
XI (Méon 24954—24991) 407
Li est sus coru par irur.
605 Si li fist tôt le pis qu'il pout.
One Renars tant crier ne pot,
Merci ne crier ne rover,
N'onques merci n'i pout trover:
Car il estoit trop anguissous.
610 Ja li oiist crevé les eux
Andous : ja n'en oiist garant:
Et Renars l'aert meintenant.
Par le col le tint si as denz
Que totes li enbat dedenz,
615 Con cil qui fu prous et délivres.
Mais qui li donast cinc cent livres,
Ne marehast il un pas avant.
Hoc se choce. E vos atant
Un chevalier qui trespassoit
620 Par iloques, et si menoit
Un escuier et un garçon.
Issi chevaucent a bandon
Par entre le bois et l'essart.
Si ont iloc trove Renart
625 En mi le chemin tôt envers.
Tôt ont le vis et pale et pers
Si con il ont este blecie,
Tôt le cuir avoit detrencie.
Li chevalers l'a regarde,
630 Son escuier a apele,
Si li a dit 'se dex t'aït.
Es ce gorpil qui ici gist?'
'Oïl, sire, foi que vos doi.
Mes il est mors en moie foi.'
635 Fait li chevaliers 'ce m'est vis
Que cil escofle l'ont ocis
Et il les a mort ambedous.'
Sire' fait il, 'ne n'est pas jeus,
Gorpil set trop de mal por voir.
607 M. crier ne trouer 616 lib'. 618 choca 628 rois 627 lecie
632 q. gist icit 634 en J a 635 mes
408 XI (Méon 24;J92— 25U27J
640 De cestui voil le cuir avoir,
Bien nos porra avoir mester.'
'Tu dis voir' fait le chevalier,
'Fai le donc porter en meson,
La pel est bone et de saison.' 128
645 Li escuier descent atant,
Renart par les deus ganibes prent
Et meintenant a tret s'espee,
Par les gares li a botee.
Et un baston a tost cope,
650 Si li a meintenant bote.
Le garçon apele et il vient.
Le gorpil li baille qu'il tient,
Et cil le prent molt volentiers.
Tien, va' fait soi li escuiers,
655 Pran, porte en meson ceste beste,
Et garde en nul leu ne t'areste.
Et quant tu en meson vendras,
La pel tantost en esteras.'
'Volenters' fait il, 'par seint Pol.'
660 Le gorpil a mis sor son col,
Lors s'en est torne demanois.
Et laisse son segnor el bois.
Qui se remetoit au chemin.
Or est Renart en mal traïn,
665 Se par engin ne s'en estort :
Il ne puet cscaper de mort,
Car il est meuz pris qu'au braion.
Et li garz s'est mis el troton
Tant que le bois a trespasse :
670 En la praerie est entre
Qui estoit grande et longue et lee.
Renart porte qui pas n'agrée
Ce qu'il le tient si malement
Et par les pies contreval peut,
675 Durement eu fu esbahi.
643 en ] a 648 bote 653 — 655 nuoK/iient 657 en ] a 665 e. ne
nen e. 666 pot 667 qu' manque bricc 668 manque 671 lonc et
675 R. en p. que
XI (Méon 25U28— 250B8) 409
Lors regarde tôt entor li,
Si ne voit nul home vivant.
Lors se tient molt a recraant,
Quant einsi se laisse porter.
680 Lors se conmence a porpeuser
iConment il porra esploitier
Por escaper au pautoner.
Quant Renart porpense se fu
Et il ont entor li veii
685 Et il ne coisi home nul,
Celui par les naces del cul
A pris as denz sanz delaier,
Et li garz conmence a crier
Quanque il pot, pas ne se feint,
690 Et Renart les naces estrent
Et au plus qu'il pot les denz sere
Tant que li gars caï a terre.
0 bau li fust ou mal li sache.
Et dan Renart tôt ades sache,
695 Ne onques ne le vont laissier.
Tant que li gars curut sacher
Le baston qu'as jarez avoit,
Por ce que ferir le voloit.
[Car durement fu esperdu,
700 Et cil sache de grant vertu.]
Quant Renart se vit dehvre
Et il vit celui aterre
Et li vit prendre le baston,
Meintenant se part du garçon,
705 Qu'il ot poor qu'il nel ferist :
Atant a la fuie se mist
Au plus durement que il pot.
Or se pot bien tenir por sot
Li garz, quant il l'en vit aler,
710 De dol comenca a plorer.
Dolent en est, si s'en retorne.
676 tôt tôt e. lui 684 lui 688 li garz ] celui 690 Renart I celui
697 que as 700 gran uertu 704 par 707 quil 711 s'en tnaiique
410 IX (Méon 25064-25099)
Jusc'a son segnor ne sojorne,
Si li conte conment Renart
S'en vait fuiant parmi l'essart,
715 Et conment il le prist as denz,
Et conment il li mist dedenz
Les naches par ont il le prist,
Et conment le baston hors mist
Por ce qu'il le voloit ferir:
720 Mes tantost se prist a foïr.
Si s'en torna parmi les pleins.
'Je remos qui fu d'ire pleins
Por ce que je aler l'en vi,'
Quant !i chevaliers l'entendi,
725 Ses paumes en bâti de joie.
'Par foi' fait il, 'ne cuit que j'oie
James issi bêle aventure.'
Atant s'en vet grant aleiire,
Si lassèrent ester atant.
730 Et Renars s'en vet randonant
Parmi les près a grant esploit.
Conme cil qui asez savoit
Plus que nul autre de barat
S'en vait fuiant pensif et mat,
735 Molt dolant et molt corocie
Parmi lo pre tôt eslessiez :
Molt se démente et molt s'esmaie.
Car molt li dont et cuit sa plaie.
[Mes il fu sajes et recuit,
740 Tôt bêlement trotant s'en fuit.]
Car a grant peine peut aler
Et dit que se il puet trover
Une erbe qu'il bien conissoit,
Tantost sa plaie gariroit.
745 Molt recleime deu doucement
Qu'il li envoit proceinement
Si con il en a grant mester.
713 II li c. conme 717 naches mauque 726 fai il 736 t. corocie
737 M. corocie et 742 pot 743 que il
XI (M^on 251U0— 25185) 411
Atant trespassa un senter
Qui en la praerie estoit.
750 Sor un fosse qui grant estoit
A trovee l'erbe qu'il quiert:
Meintenant ses pâtes i fiert
Si l'en a tautost esraciiie,
Ne l'a triblee n'escachie,
753 Eneois la menja sanz tribler.
Del remanant ala froter
Trestotes les plaies qu'il ot,
Et trestot meintenant reclot.
Et fu garis et trestot seins.
760 Vers le ciel en tendi ses moins.
De la joie qu'il ot tressaut,
Outre le fosse fist un saut.
Molt se senti fort et liger,
Meintenant s'est mis au fraper
765 Tant qu'en la forest est venu.
Ne fait pas chère d'esperdu,
Lieement s'en vet et joiant
Tant qu'il trova en un pendant
Un cirisier trop bien cargie.
770 Et Renars s'est tant aprocie
Qu'il est desus l'arbre venu.
Mes onques tel joie ne fu
Con Renars fet, H desloial.
Et puis bee amont et aval
775 Tant qu'il coisi sor l'arbre en haut
Le moinnel qui saut et tressaut
De branche en brance molt soe.
Sire Renart l'a apele :
Droïn, molt as de tes aveaus,
780 Plus en as que nul autre oiseax,
Qu'en ces cerices te délites.'
'Renart, ges vos clein totes quites'
Fet Droïn, qu'anoies en sui.'
750 que 751 A ueu le. queroit 753 esracho 754 nescache 755
saiez 762 manque 769 tro 779 aueus 783 Quites
412 XI (Méon 25136—25173)
'Quites?' fet Renart c'est anui
785 Que je n'en puis nules avoir.
Or m'en dones deus por savoir 129
S'eles sont bones a manger.'
'Aine ne manjas de tel manger'
Fait Droïn 'en tote ta vie:
790 Ne sai se tu en as envie,
Mais je t'en donrai volenters.'
Vostre merci, baus amis ciers'
Fait Renart: quant je les tendrai,
Grant gerredon vos en rendrai.'
795 Atant se taist, qu'il ne dist plus.
Et Droïn li a jeté jus
Trois cerises en un tenant,
Et cil les manga meintenant
Molt volontiers et de bons grez.
800 'Ha. Droïn, donos m'en asez'
Fet soi Renart, 'que bones sont.'
'Par l'ame de toi, e ne sont'
Fait Droïn. 'Oïl par mon chef.'
'Tu en auras, qui qu'il soit grief,
805 A grant plente et a foison.'
Lors l'en gita plein son geron.
Si en manga Renart ases
Tant que il en fu tôt lasses.
Tant en manga qu'il n'en vont mes.
810 Et Droïn dit vous en tu mes?'
'Nenil' dist il, vostre merci.
N'en puis plus manger, ce vos di.'
'Renart' dit Droïn, 'or entent!
Ge t'ai or fait tôt ton talant
815 Et tôt ce que tu m'as recuis.
Et tu as meint afere enquis
En plussurs lius ou as este.
En cest iver et cest este
As este en meinte contrée,
784 Quides 785 nule 788 nen ra. 800 d. moi a 804 que
809 manque 812 dis 814 ore
XI (Méon 25174-25209) 418
8*20 Meinte aventure as eucontree
De tex ou tu as molt apris
Dont tu porras monter en pris,
Se tu les as bien retenues.
Mes ne sai se as gens menues
825 Voudroies point de ton savoir
Ensegner: fai le moi savoir!
Et por ce que j'en ai mester,
Conseil te demant et requier.'
Dist Eenart 'par seint Nicolas,
830 Ne te mesconseillerai pas
Que bien m'as ma volente fête:
Or pos dire ce qu'il te hete.
Que je t'escoterai. molt bien.
Ne t'en estuet doter de rien,
835 Car par la foi que je doi vos
Qui estes li mien amis doz,
Ja riens ne saures con mander
Que ne face sans demorer.
Se tu dis cose que ne sache,
840 Force que n'i aie damache,
Tôt meintenant sanz décevoir
Vos en voudrai dire le voir.
Mais dites moi ce qu'il vos siet.'
Droïn qui desos l'arbre siet,
845 Li respont Renart, or entent
Ce que je te dirai brement.
J'ai ci ilueques deles moi
Noef moinaus, foi que je te doi.
Qui chascun jor cheent de gote.'
850 'Or n'en soies ja mes en dote'
Fait Renart, que bien les garrai,
Or n'en soies ja en esmai.
Tu ses bien qu'il n'a pas passe
Fins de deus ans que j'ai este
855 En Calabre et en Remanie,
820 Meint 827 ie ai 832 ta hete 844 set 846 q. ie d. bêlement
849 chent
414 XI (Méun 25210— 2Ô245)
En Toscane et en Heiminie:
Gr'ai quatre fois passe la mer
For mecine queire et trover
Mon segnor l'enpereor Noble.
860 Foi- li fui en Costentinoble,
S'ai este en meinte autre terre :
Je passai la mer d'Eugleterre
Por le roi deus fois, voire trois.
Je fui en la terre as Yrois.
863 Tant alai eerchant la contrée
Que j'oi la mecine trovee
Dont li rois est garis et seins.
Je sui du païs casteleins.'
'Renart' fait il, or m'ensegniez
870 Conment mes enfans garisiez.'
Droïn' fait il. par seint Orner,
Tu les feras crestiener.
Sitost con bautissiez seront,
James de cest mal ne carront.
875 Et dist Droïn ce puet bien estre.
Mes ou troveroie ge prestreV
Prestre?' dist Renart: par ta foi
Ne sui ge prestre, di le moi V
Dist Droïn 'par l'anie mon père
880 II ne m'en sovennoit, bau frère.
Mes or vos pri ge et requier
Que vos les viegnes bautiszier.
'Molt volenters' ce dist Renart.
Ij'ains ne aura non Lionart,
885 Et des autres penseron bien."
Dist Droïn vos dites molt bien.'
Atant s'en est el ni entre,
Et si a pris son fil l'einz ne.
Si li a gite sanz tencon.
890 Et Renart tendi son geron,
Si le reçut, et sanz dangier
856 cocaigne 858 médecine (de même 866) 859 lenperon 860 lui
costentinnole 861 meint 875 Et manque dit pot 876 au t. ge le p.
877 it (de même 879. 883. 886) 884 aura a n. 890 gernon 891 les
XI (Méon 2.V24(i— 25281 ) 415
Le tet en son cors prinsegner.
Un et un les i a gitez,
Renaît les a crestienez.
89r> Dist Droïn bautissiez les bien.'
'Ne vos estuet doter de rien,
Qu'il ne carrent mais de cest mal.'
Droïn regarde contreval.
N'a ses fiuz veiiz ne choisiz:
9{X) Bien s'aparcoit qu'il est traïz.
Renart' fait il. ou sont mi fil?
Je cuit fet m'en avez essih"
'2son n'ai, jes baptis ca aval.'
"Hav, traîtres desloial
905 Fait Droïn tu les as maugies.'
'2son ai' dit Renart, 'ce saches.'
'Si aves' ce dit Droïn: certes
Mal m'avez rendu les désertes
De ce que ge servi vos o.'
910 'Tu es fox, il s'en sont vole.'
'Vole! nu sont.' 'Si sont, par foi.'
'Mentiroies en tu ta foi?'
'Par foi, oïl bien, se je voil.'
La maie gote te criet l'oil'
915 Fait Droïn. Mais a toi si face!'
'Je te donroie les la face,
Se je te pooie tenir.'
'Tu me ferras? vien moi ferir.'
'Non ferai.' 'Por qoi ?' Je ne puis.'
920 'Tu ne pos?' 'Non, ne je ne ruis.
Mes or me di, traîtres fax.
Que as tu fet de mes oisax?'
'Que j'en ai fait?' 'Voire, di moi!
■Jes ai mangies en moie foi.
925 Mangiez, las! 'Voire, par mon chef,
Tu n'en vendras jamais a chef,
Et par trestoz les seins del mont
892 Les a f. 895 Dit 898—903 matiquevi 908 Malueis r. 910
se sont 916 ta 921 dites
416 XI (Méon 25282-25'317)
James d'icel mal ue carroiit,
Et qu'il en deiist avenir 130
930 Je te voudroie ausi tenir.'
A icest mot s'en est tornes
Renart, n'i est plus demores.
Et Droïn son dol reconmence,
Tôt soûl a soi meïsme tenco
985 E dit las dolent, mi enfant,
Je vos ai mort, au mien parant.
Receû aves mort par moi,
Nus hom n'i a mesfet fors moi.
Tôt certenement vos ai mort,
940 Par moi aves receii mort
Ne je ne quier ja vivre plus.
Atant se laisse caoir jus
A la terre trestot paume.
Durement s'est mesaame,
943 Si se cleime cliaitis et foux.
De son bec se done grant cox.
Si durement se fiert et plume
Poi a sus lui laissiee plume
Que il ne l'ait tote esrachee.
950 Molt a soferte grant haciiiee.
Quant il se fu tant conbatuz
Et a soi mal fere esbatuz,
A ledenger et a malmetre,
En quel sen il poïst tin mètre
955 A laissier le dol qu'il demeine,
Car molt i a soffert grant peine:
Tantost a porpenser se prist
De Renart qui vers lui mesprist,
Coument il s'en porra venger,
9(50 Car la vengance auroit molt cher.
Lors se porpense qu'il iia
Et tôt le païs cerchera
S'il troveroit de nule part
929 dust 930 uoudroe 935 dolent ] de 941 ja nictiujiie 944 sea
a m. 9G1 que il
XI (M.'oii 253 18- 2 -.854) 417
Quil poïst venger de Renart.
905 Ataut s'estoit mis a la voie.
Molt prie a deu que il l'avoie
En itel Icu et en tel cors
Que trover puisse auqun secors.
Et si sachois par seint Martin,
970 Ne laissa lisse ne mastin
En tût le païs qu'il ne prit
Que l'en envers Renart l'aquit.
De ce que il li a promis
Durement s'en est entremis.
97;') Mais celui a qui il parloit,
^lolt g-entemeut li responoit
Qu'il ne s'en volent entremetre.
'Grant entente i covendroit mètre'
Font cil, ne nos entremetrons
.-^80 Que durement Renart dotons,
Ne ja sor li en nule guise
Ne movroms por fere justice.
Alez vos aillors porchacier.'
En Droïn n'ont que corocier,
98j Quant le respons ont entendu.
Unques n'i ot plus atendu,
Einz se départ d'ous, si s'en vot
Molt dolant et molt grant dol f'et.
Quant Droïn fu d'ous départi,
990 Vet s'en corocous et mari
Et démenant sa grant dolor
Ton cil qui ont ases tristor.
(^uo qu'il vint a son repérer,
Si trova desor un fumier
99.') l'n mastin et megre et menu
Qui tôt estoit de fein velu.
Ne pot movoir ne pie no meiii,
Molt ont en son païs grant fein.
Quant Droïn l'a trove gisant,
1000 Devant li vient do meinten;int.
9Cr> il li cmioic ftSl lui 993 reuiiit 99C. Quo lOO:) lui
RKXAKT 1 27
418 XI (Môon 25BÔ5— 26890)
'Morout' fait il, conment t'esta?'
Sire' fait il, 'raolt mal me va'
Fait Morout, ne me puis aidier,
Car ue puis trover que manger:
1005 J'ai servi un meveis vilein
Qui crient ouau morir de fein.'
'Par mon chef fait Droïn, 'Morout,
Il quide avoir trove Herbout
Por le tens qu'il voit un poi ehier.
1010 Mais ore entent ca, amis cher!
Se tu me vous fere un servise.
Je te di bien et sans feintice
Que puis Tore que tu nasquis
Nul si prodome ne servis :
1015 Car je te di sauz losenger,
Tu auras ases a manger.'
'Sire' fait Morout, 'entendez!
Se vos a manger me donez
Tant que je sente un poi mon cuer,
10-20 Je vos di bien que a nul fuer
Ne saurois chose conmauder
Que ne face sanz demorer.
Et bien sachois sanz nule dote,
Quant j'avoie ma force tote,
1025 Ne m'escapast a bois n'a plein
Bisse ne cerf ne porc ne dein,
Ne beste nule, tant fust sage.
Trop avoie grant vasselage,
Car molt avoie grant esfors.
1030 Mes dont que viegne li confors.
A manger me couforteroie :
Que bien sai, se mangie avoie,
One ne fui si fort a nul tens
Conme je seroie par tens.'
1035 Morout parole, cil se test.
'Beax sire' fait il, 'se vos plest
1002 malement 1009 manque 1010 enten 1011 aeruiche 1012
et mangue 1022 deraorrer 1030 M. tout que
XI iMéon 2â80 1—25437) 419
Q'a manger aie a mon voloir,
Ne saures rien amentevoir
Ne conmander que je ne face.
1040 8'a manger ai par vostre grâce,
En ma force me raures mis
Et ge serai molt vostre amis.'
Dit Droïns 'asez en aurois,
Que ja tant manger ne saurois
104 f) Qu'il ne vos en remeigne asez.'
Morliout respont ur en pensez :
Que je sui tos près a devise
Que je face vostre service.
Mes qui est cil que vos haez?
1050 Gardez qu'il ne me soit celez.'
Dist Droins 'foi que je doi vos,
Ce est Renars li maves ros
Qui toz mes enfans a mangiez,
Forment sui par li damachez.
lOôj Grrant damage m'a fet et let.
S'estoie vengiez, dex le set,
Riens el monde ne me faudroit.'
'Droïn' dit Morliout, 'tu as droit,
Mes tu en seras bien vendiez.
1060 Molt est Renars outrequidiez,
Quant ce t'a fait : mes par ma foi,
N'en soies ja mes en esfroi.'
Fet Morliout 'ne n'en dote ja !
Que par celi qui me forma,
106.') Se vos mes convens me tenes, 131
Renart si ert mal atomes.
Se gel puis tenir entre piez.'
'Levés sus et si vos dreciez'
Fet Droïn, et avoques moi
1070 Vos en venes sans nul deloi.'
A cest mot s'est Mcnliout levez,
Mes si for!nent estoit lassez
Qu'a peines se pooit aidier.
1045 remeige 1051 Dit 1054 F. en nui j). lui lOol p ta f.
1063 Moihaut
27*
420 XI (M('on 25438—20403)
Tôt soavet et sauz clangier
107;') S'en vet Morliout après Droïn
Trestot bêlement le cemin,
Car de manger ont covoitie.
En une liaie s'est mucie
Près del eliemin iloc delez.
1080 Et dist Droïn or m'atendez
Ci ileques tôt bêlement!
Car a manger aures bref ment,
Quar je voi la venir un char
Ou il a asez pain et char :
1085 G'irai le charetier lober,
Et tu penses de tost a 1er.
Quant tu verras qu'il entendra
A moi, a la charete va,
Meiutenant et sans coutencon
1090 Atraïne ca un bacon
Si con tu sez qu'il est mesters.
'Par foi' fait Morhout, 'volenters,
Ataut s'en vait Droïn corant :
E vos le chareter errant
1095 Qui molt grant oire cheminoit.
Droïn qui celé part coroit
Molt bone oire sans atarger,
S'en vet devant le chareter
Tôt ausi con s'il fust férus.
1100 Li chareters est descendus
Ausitost con il l'aperçut.
Meiutenant celé part corut,
Molt bien le quida détenir.
Mes quant Droïn le vit venir,
1105 Salletaut s'en vet ca et la.
Et li chareters après va
Corant un levier a son col.
Mes Droïn ne fu mie fol.
Que pas atcudre ne le vont.
1080 iuaiiqiie 1087 uondras 1088 c. en ua lOlKi par o.
par 1103 Mes b.
XI (Mcon 25464—25499) 421
1110 Li cliai'cters quauqii'il pot court
Apres, que prendre le voloit.
Droïn toz jorz devant coroit
Quauque il pooit voletant,
Et Morhout ne vet demorant,
1115 Qui se gisoit les le boisson.
A la charete de r and on
S'en est venus si con il puet.
Mes ce qu'en haut monter l'estuet
Li ennuia molt, ce sachez,
1120 Que molt estoit mesaiesez.
Totevoies est montes sus,
Si a un bacon jeté jus,
Puis descendi de meintenant.
Son bacon en vet traînant,
1125 A poine et a dolor l'en porte.
Et Droïnet qui se déporte
Au chareter qu'il fet nmser.
S'envole sanz plus demorer,
Si a laissie le charetier.
1130 Et cil se met el repairier,
A sa charete vint corant,
Tote ont la pel dou dos suant.
Durement se ledenge et blâme,
Il meïsme se mesaame
1135 De ce qu'il a Droïn chacie.
Forment s'en tient a engingnie.
Molt corociez et molt mariz
Est desus son cheval sailliz
Et s'en vet a tôt sa viande,
1140 Droïn au dieble conmandc.
Et cil qui aillors fu pensis,
Desus le boisson s'est asis.
S'a trove Morhut qui maujut.
Morhut' fet il, dex ti ajut!'
1145 'Sire' fet il, 'bien vieguez vos!
lUOquanquoil 1112 D. do iuz 111^ jiot IVl'ô. Il2i intervertis
llSUsenm. 1136 Durement sen est curocic 1141]jcnsif 1145 uiegne uos
422 XI (Méon '2550U 255361
Ge me levasse contre vos,
Mes ge n'en sui pas aesiez.'
'Sees vos et si vos taisiez'
Fet Droïn, et si te repose :
1150 Que tu n'as mester d'autre chose.
'Sire, c'est voirs, se dex me saut.
Mes par foi a boivre me faut,
Qar a manger ai a foison.'
'Tu en auras, se nos poon'
1155 Fet Droïn, 'a qui qu'il anuit,
A grant plente encor anuit.
Car je voi la, si con devin,
Une charotee de vin
Dont tu auras a grant plente,
il60 Que je sui bien entalente
De toi servir a ton voloir.'
'Vos faites' fait il, 'grant savoir.'
A cest mot s'est Droïn levez
Con cil qui le fet de bon grez
1165 Et qui ases savoit d'eogin.
S'est venus enmi le cemin.
Ilec s'areste : e vos atant
Un chareter qui vint corant
Et ne vint pas a reculuns.
1170 Droïn au cheval des limons
Saut sus la teste meintenant.
Et de son bec le vait becant
En l'oil, a pou que ne li crevé.
Au chareter durement grève
1175 Et li ennuie molt forment.
Son tinel a pris erraument,
Sil voloit ferir, mes il faut,
Et Droïn de l'autre part saut
Qui ne vout pas estre féru.
1180 Cil a le cheval conseil
Parmi la teste si très fort
Que iloques l'abati mort.
1155 a manque que qui! a. 1164 Connie 1167 itant 1175 lui
XI (Méon L'5537-25574} 423
Si est tôt meintenent versez
Enmi la voie, que quassez
1185 Li est li cous et les deus piez.
Li chareters nn fu pas lies,
Qar il meïsmes trébucha.
Le fes del vin l'esuel brisa.
S'est li fons voles du tonel.
1190 D'autre part sen va le moinnel
A Morhout qui fu en la haie.
'Morhout' fet Droïn, ne t'esraaie,
Qar tu auras a boivre asez.'
'Sire, dex vos en sache grès!'
1195 Fet Morhout et ge si sai voir.'
El caretier n'out que doloir:
Son cheval vit mort estendu,
Et si vit son vin espandu.
Grant dol en ot, son cotel tret
1200 Tôt bêlement et tôt a tret,
Si a son cheval escorche
Molt dolant et molt corocie. 132
Mes a Morhot en fu molt poi.
Et Droïn li dist 'par ma foi
1205 Or s'en vet nostre charetier.
Et tu as ases a mangier,
Deus mes de char freche et salée.
Or vien boivre, se il t'agrée,
Que tu en auras a plente.'
1210 Li et Droïn en sont aie,
S'en but ases tant con il vont.
'Es tu bien aese, Morhout?'
'OiT fait il, 'vostre merci.'
Une pièce furent issi,
1215 Et raanja et but a grant tas
Tant que il fu et fort et gras.
Et délivres et bien isnel.
Adonques a dit au moinnel
1183 lassez 1184 que est q. 1190 sen va ] uole 1198 uin tôt e.
1204 dit 1208 Oie 1210 Lui
424 XI (Méon 25575—25610)
'Sire' fait il, 'vostre merci!
1220 Molt m'avez bien et bel servi
Tant que je sui fort et legier.
Yenes, si vos irai vengier
De Renart dont te pleins einsi.
11 conperra par tens l'anui
1225 Que il vos a fet, ce saciez,'
Et Droïns est levés en piez
Sitost con il l'a entendu,
Et a Morhout a respondu
'Baux dons amis, vos dites bien.
12:30 Ne me faudroit el monde rien,
Se g'estoie vengies de li.
Ge m'en vois, vos remandroiz ci.
S'irai savoir et esprover
Se porroie Renart trover.
1235 Et gardes que ne vos movez
Jusqu'à tant que vos me raurez,
Ge m'en irai a son recet
Trestot bêlement et sans plet.
Sil vos ameurai, se gel truis.'
1240 Dist Morhout 'se tenir le puis,
Ge ne déniant nule autre chose.'
Droïu son vet (cil se reposse)
Voletant parmi un essart
Droitement au recet Renart,
1245 Qar il le savoit molt très bien.
Droïn qui nel dote de rien,
Si tost con il vint au pertuis,
Si a regarde parmi l'uis
Et voit Renart qui se gisoit.
1250 Droïn qui asez mal savoit,
S'escrie quanqu'il puet crier
'Renart, car me venes mangier!
Yien tost a moi et si m'estrangle !
Ge ne me movrai de cest angle.
1227 lout e. 1229 ilito 1231 lui 1232 roiiiandi'oit ci 123B rauez
123'J s« puis 1240 (lit 1247 il la entendus 124s luis 1251 pot
XI (Môon 2:)61 1-25646) 425
1255 Ne me voil de ci desrenger:
Tel dol ai, je cuit enragier.
Vien, s'en délivre le païs,
Quant tu as mes enfans ocis:
Car certes ne quier vivre mes.'
121)0 Renars se gisoit tôt en pes,
Molt a ese se reposoit.
Quant oï Droïn qui crioit
Que il Falast manger la fors,
Trestot meintenant sailli fors.
1265 Ou qu'il voit Droïn, si 11 cort.
Mes il n'ot cure de tel cort,
Qu'il ne vout pas encor morir.
Un petit a pris a foïr
Avant, et puis s'i rest asis.
1270 Ti' dit Renart, 'dolenz chaitis.
Tu fuis, si ne m'oses atendre.
Quides tu que te voille prendre?
Par la foi que doi seint Simon,
Ge ne me fas se joer non,
1275 Et Bi ne be a toi tocher :
Ne plus que voudroie sacher
Mon oil de ma teste et crever,
Ne to voudroie je grever.
Si ne to voil certes nul mal.
1280 Sie toi ci ilec en cest val,
Si te reposse deles moi:
Ge ne te voil nul mal par foi.
Certes je ne te prendrai pas
Ne ja par moi nul mal n'auras.'
1285 'Si feras par l'ame de toi'
Fet soi Droïn : 'vien près de moi
Que je ne me movrai de ci.
Ce poise moi que je foï.
Prcn moi: ge n'irai en avant.'
1290 Renart qui molt fu desirrant
1255 dici 1277 creguer 1280 ici 1284 naural 128*5 Droïn ] R.
1289 nira en 12;)9 disirrant
426 XI (Mpoii 2â647— 25682)
Et covoiteus do li avoir,
Quide molt bien qu'il die voir.
Si li curut et si li saut, •
Et Droïnct un poi tressaut
121)5 Tôt coiemcnt et sauz tencon,
Tant qu'il vint devant le buisson.
Adont s'asist et dist 'par foi.
De ci ne me niovrai por toi,
Ci iloques voil je morir.'
1300 Renart fu en molt grant désir
De li prendre et entalente,
Molt en avoit grant volonté,
81 li est sus eorut tantost.
Mes Morhout qui s'estoit repost,
1805 Si est meintenant sus sailliz.
Par li fu Kenars asailliz,
Si li curt sus plus que le trot.
Quant Renars l'a veii, por sot
Se tint, si torne le talon.
1310 Et cil l'aert par le crépon,
As denz le pigne et honse et hape.
Renart s'estort, si li escape,
En fuie torne: cil le prent
Par la cuisse, pas ne mesprent,
1315 Et tantost a terre le lance.
Puis si li monte sor la pance.
As denz le huce, pingne et sache:
Tel coroie del dos li sache
Qui plus de troi doie ot de le.
i;320 Ez vos Renart molt adole
Et corocie, si n'en pot mes.
Que Morout le tint si de près
Conques les denz de son dos n'oste.
Renars n'oûst seing de tel hoste,
1325 Mes il ne s'en pot escondire.
Durement sa pel li descire.
1291 lui 1297 dit 1298 m. par foi 1301 lui 1305 sus manque
1306 lui 1319 Que 1324 not 1325 se p.
XI iMôon 25ii83-25718) 427
Ta ut le desache et tire et mort
Que Renart a lessie por mort.
Par anui l'a Morhout laissie.
1330 Es vos Droïn tôt eslessie,
Si est devant Morhout venu.
Conment' fait il 't'est avenu?'
'Bien' dist Morhoz, n'en dotez ja.
Ge cuit James ne mangera:
1335 Ge Tai tant tire et sache
Que bien sai qu'il est meengne.
S'il escape, n'en dotes mie 133
Le deable aura en aïe:
Que il n'en escapera pas:
1340 Car il est tant batus li las,
Que James ioiax ne sera,
Xe James sor pies n'esterra,
Trop a en maies meins este.'
Dist Droïn ce me vient a gre,
1345 Bien m'as rendu ce que t'ai fet.'
A icest mot Morhout s'en vet.
S'a li uns l'autre conmandc
Molt debonerement a de.
Morhout s'en vet, plus ne demande,
1350 Droïn a damledeu coumande.
A icest mot s'en est tornez.
Et Droïn qui molt fu irez,
Kemeist, s'est venu a Renart
Corant, que molt li estoit tart
i;-(55 Qu'il li oust dit son plaisir
Que molt en avoit grant désir.
Tôt meintenant a li en vient,
Demande li con se contient.
'Conment vos est, sire Renart?
13G0 Ci endroit vaut petit vostre art,
Molt estes malement baillis.
Vostre pelicon est faillis :
1336 Qui 1338 Le d. en a. en 1341 Ioiax 1344 Dit a manque
1347 Sa luns 1348 M. très bonement 1352 fu senez 1357. 13.59 lui
428
XI (Méon 25719—25754)
Baienes i faut et cluteax.
Molt sont descirees vos peax.
1365 Se li tens un petit se tient,
Autre pelicon vos convient,
Ou vos morres de froit sanz dote,
Se dame Ilersens ne vos bote
Entre sa cemise et sa char.
1370 Or nel tenes mie a eschar,
Se gel vos ai amenteii.'
Renars n'a nul mot respondu :
Si l'ot il bien, mes n'a pooir
De nul de ses menbrcs movoir.
1375 Quant Droïn l'ot ases gabe
Tant con li plot et vint a gre,
De li s'en part et si s'en vet
Molt joiant et grant joie fet
De Renart dont il ert vendiez.
1380 Renars remest toz detrencies
La pel du dos en tel manere
Que il n'alast n'avant n'arere,
Qui li doiist couper les piez.
Hoc remeist greins et iriez
1385 Con cil qui ne se pout movoir
D'iloques por nul ostovoir,
Que tant ne quant son cuer ne sent.
Atant es vos dame Hersent
Sa conmere qui tant l'amoit,
13!K) Qui son dons ami le clamoit.
Et Ysengiin avoques li.
Et quant il ont Renart choisi
Et le virent si atorne,
Mcintenant sont vers li torne
1395 Molt corocie et molt dolent.
'Lasse chaitive !' fot Hersent
'Nostre conpero si est mort!
Dolente, ou ]n-ondra gc confort?
18H3 Baiens 1365 desciroe lo77 et manque lui 137S et mit g.
1381 de d. 1387 Qui 1389 que 1391 lui 1394 lui 1396 .li . h
XI (M.'on 2575.-, -25791) 429
lia cliaitivo maloûree,
1400 CoD je fui de maie oure née!'
Dit Ysengrins 'dolent chaitif!
Molt he l'oure que je tant vif,
Quant mon conpere ai ci perdu
Qui si ni'avoit bieu socom:
1405 Au grant besoing' me fii ami.
Or le voi mort, ce poisse mi.
Las chaitif! qui li a ce fet?
Durement est vers moi mesfet.
Si m'aït dex, se gel savoie,
14in Molt hautement le vencheroie :
Se gel pooie as moins tenir,
Molt tost le convendroit fenir.
Et si me face dex pardon.
Il n'en auroit ja raencon.
1415 Mes ce que vaut? Ce est del moins.
jNIolt a este en maies meins
Mes conpercs. dont sui iriez.
Ha las, dont est il repairies?
Par qoi et par queil acoison
1420 Se départi de sa meson ?
Ahi, li las maloûre
En inale prison a este.
Sa maloûrte i gisoit
Et avant aler ne pooit.'
1425 Renars entendi sa coninere
Et oï crier son conpere
(lui por li molt grant dolor ot.
Si respondi au meus qu'il pot
'Baux conpere, ne plores pas !
14:50 Se dex plaist, je ne morrai pas,
Ancois en escaperai bien,
(Ne vos estuet doter do rien)
Se dex plaist e sa douce mère.'
Quant Ysengrins ot son conpere
1400 mal UO.S si 1407 q U17 ooui)f"iTOS 1418 repairries
1424 li las li 1427 (loi 1429 B. doz c.
480 XI (M.'oii 2:.791 -25828)
1435 Qui parole, s'en fu rnolt liez.
'Vos estes m oit mesaeisez'
Fet Yseugrins, bau doz amis.
En grant dolor mon cuer a mis
(Ja mes n'en aurni mon cuer lie)
1440 Qui einsi vos a damagie
Oel crépon et celé pel frète.
Maie jornee aves liui fête.'
Voire' dist Kenart, deu merci,
Malement m'a mon cuer noirci
1445 Et desache et detire.
Ge sui malement atiie,
(îe ne sai se porrai garir.'
Dist Ysengrin 'molt le désir
Que a garisson soiez mis.'
1450 'Oïl voir, beau très doz amis'
Eet Kenars, je garroie bien,
8e g'avoie un fisicien.
Dist Hersent baux très doz amis,
Dites qui vos a si malmis.'
1455 Dame' dit Renars, 'sachez bien
Einsi m'a atorne un chen.
Ne puis traire a moi meins ne pies.
'Se vos gaiir en poïes,
N(^ me cliaudroit' dit Yseiigriii,
14(.0 'Le miie aui'oit un marc d'or lin,
S'il vos puet trere a gai'ison '
Sire' dit Renars, 'si feron.
Se dex plest, j'en escapere.'
Adont a Renart acole
1465 Et baissie trois fois en la face.
Dit Renars 'se dex bien me face,
Ne me puis d'ici remuer.
Se vos ne m'en fêtes porter:
Ge ne verrai ja l'aserir.'
1470 Atant le eoruroit sesir
1436 nieseisez 1443 dit 1448 Dit disir 1451 garrei 1452fedecien
1454 q 1457 moi„ "pies' „meis 1461 pot 1469 uenrai
XI (Méon 25829-25864) 431
Hersens et Ysengrins viaz,
Si le portèrent entre bra/
A lor ostol a molt grant peine. 134
De li servir chascun se peine,
1475 Molt par i metent grant entente.
En totes ses plaies ot tente,
Poison li font boivre et mecine:
D'erbe a niangie meinte racine
Si con li mires lor enseigne.
1480 Ne cuit mie que il se feigne
De li garir et repasser,
Q'ainz qu'en veïst le mois passer
Fu il garis et respasses.
Li mires qui s'en fu lasses
148.') A li garir et alegier
Estoit venus de Monpeller:
Ysengrins l'ot envoie querre.
N'ot meillor mire en Engleterre
Ne nul si bon, si con je cuit:
1490 Car il fu sages et recuit
De plaies garir et saner.
Tant se vont de Renart pener
Que il l'a a garisson mis.
Un marc d'or li avoit promis
149.') Ysengrins, si li a baillie,
Et il s'en fu si travelle
Que il fu tos garis et sein.
Congie prent, si s'en va a plein.
Li mires s'en va: cil lemeint,
1500 Ronars la ou quide qu'en l'eint.
Et si faisoit eu sanz gabois.
liée sojorna près d'un mois
Avec Hersent et Ysengrin
Tant que un vendredi matin
1505 Se leva, ^i a congie pris.
Corne cortois et bien apris
1474 lui 1476 plaes tentes 1479 li enj^egne 1481 lui 1485 lui
1491 "„saner et' „garir
432 XI (Méon 2:)Sfi5— 25900)
Li donc Ysongrins doiicoment.
Mes molt eu pesa a Hersent,
Et jure le cors seint Jolian
lôio Que son veil n'en partist oan.
'Dame' fait il, bien vos en croi,
^les par celui en qui je croi,
Yos ni'aves bien sei'vi a gre.'
Atant avale le degré
lôlô Et s'en issi de nieintenant.
Dame Hersens remeist plorant.
Mes Ysengrins si le convoie
Tant que il l'ot mis en la voie.
Retornez s'en est tôt pensis,
15-20 Et Renars s'est au corre pris,
Parmi la forest de randon
S'en vet fuiant a esperon.
Renart s'en vet a grant alcne,
Molt grant joie en son cuer demoine
lôSf) De ce qu'il est fors et délivres.
Mes qui li donast cinc cent livres,
Ne voudroit il estre en tel point
Con il a este. Adont point
Son cheval molt très durement
lô.'3(1 Qui de corre ne fu pas lent.
Delez un boisson bel et grant
Trova un escuier pissant:
Son cheval fu enmi la voie.
Renart le voit, vers li s'avoie
1.03;') Et voit qu'en la sele au roncin
Si avoit pendu un bacin
Dont on fet as ânes peor:
Molt par estoit bans li tabor.
Deles le tabor a l'arcon
lôlO Avoit atache un faucon.
Renars qui bien l'a regarde,
Est tantost celé part aie
1508 mit mit en 1518 quil lot 1520 priss 1526 .lib. 1531
bosson 1534 lui 1542 par
XI (Méon 25901-259^6) 433
Et choisi celi qui pissoit.
Yers le loncin vint qu'il prisoit:
1545 Que il n'i ot demore plus,
Tôt nieintenant est sailli sus
Et le fiert grans cous des talons,
Et il s'en vet de grans randons.
Ausi s'en va con a besoing,
lô.'iO Le faucon a mis sor son poing
Dont il ot a son cuer grant joie,
Esporonant s'en vet sa voie.
Li escuiers oï la freinte,
L'espee treit qu'il avoit ceinte,
1555 Hi li cort sus de meintenant,
Et cil s'en vet esporonant,
Qui n' avoit soing de son acost.
Li escuiers l'ot perdu tost
Qui ne pot pas sitost aler,
1560 Et cil pense d'esperoner
Grant aleiire par le bois
Tant qu'il a trove un marois
A l'oissue du bois rame.
D'anes i avoit a plente
15fi5 En un estanc qui i estoit.
Renars s'en vet celé part droit:
Quant Renars a l'estanc veii,
Onques mes si joiant ne fu.
Son tabor sone et eles saillent.
1570 Je ne cuit pas que oi s'en allont:
Se Renars puet, il en aura.
Tantost l'esprever delaca,
Les gez lascha a la volée.
Et il s'en ist a la volée
1575 Et molt durement s'esvertue.
Atant a une ane abatue,
Soz li la tint entre ses piez.
Renart i vint toz eslessies,
1549 besoig 1564 a grant p. 1569 e. uolent 1577 lui entre]
desus
REXART I 28
434 Xr (M,'.cn 2.-.!):î7- 25975)
Le faucon roproiit, si le jeté,
1580 Et il tôt ineiutenant s'adrece,
Et en a une autre sesie
Et a la terre l'a jalie,
Et Rcnart si la tantost prise.
MoU en fet grant joie et niolt pii.sf»
lô8j Le faucon et niolt le tient cher:
Tautost le ra mis au frapier.
Qu'iroie lone conte contant?
Trois ânes prist en un tenant.
Kenars molt très grant joie en fet,
ijiiO Triers li les trosse, si s'en vet:
Do son gaaing bien se déporte,
Le faucon desus son poing porte
Et est en la forest entre.
Mes il n'ot pas grantnient este
15i)â Qu'il vit le limaçon venir
La lance el poing. Fescu tenir
Sor un cheval tôt aficlie,
Bien arme, le haume lacie:
Pongnant s'en vet par un essart.
Kioo Sitost con a veu Renart,
(îranr joie en out en son coraje,
Qu'il li ot fet nieint grant daniaje
Et grant rancune et grant anui.
Vencher s'en quide encore enqui :
nm Trestot l'an ni que fet li a
Orendroit, ce dit, li rendra.
Quant lîenars a Tardif coisi.
Lors voussist estre a Choisi l.'j")
Tôt sans cheval et sans faucon.
IGIO Atant e vos le limaçon
Qui s'eslesse sans atargier.
En Renart n'ot que corocier:
Son faucon atace vias
Desus son arcon o les laz,
1615 Et Tardif a pris son espie,
Après le r. 1579 on lil h' r. 1586 lôSl un 1590 lui 1592 poi^
1602 fet fet gran
XI lMA„ii •2M>7t;-2B(tl2) 485
Au premier coup Ta mis a pie
Tôt estendu et trestot plat.
Il resaut sus pensif et mat,
Et le tabor par les las tint.
l()-2() Meiutenant vers Tardif en vint
Et de molt bien ferir s'afete.
-Ta ot Tardif l'espee traite
Et s'est de ferir aprestez:
Mes Renart s'est un poi hastes
1625 Et le fiert tel coup del tabor
Qu'il l'abat jus del misourlor.
De si haut conme Tardif iu
Chaï envers sor son escu,
Toz s'est trébuches et cou.
IHH') Et Renars si cort a l'escu,
Del tabor le fiert lez l'oreille
Que la teste li fait vermeille.
Tôt lo vis li a escorcie.
Et Renars sailli a l'espie
163') Qui estoit granz et fort et gros,
Si li lance parmi le cors.
Mort l'a : puis monte, si s'en vet.
L'espee ceint, grant joie frt.
L'espie en porte tôt vermeil
1640 Qui reluist contre le soleil.
Renart s'en vet joiant et lie,
En son poing porte sou espie
Fort et ligier et bien plane.
Le cheval a esporone
1645 Qui li vet molt grant alenee.
Sa voleille avoit trossee
Sor le cheval au limaçon
Qui molt ert de bêle façon,
Par la resne le meine en destre
1650 Devant li regarde a senestre
Et voit un messager venant.
Sor un cheval esporonant
1621 f. lafete 1«29 cous 1682 meiucille 1042 poig 1650 lui
28*
436 \I (Méon 2R013— 2(5047)
Venoit hastivemont et tost.
Bien semble home qui vogue d'ost,
1()55 Qar de tost venir s'esvertue.
Ou voit Renart, si le salue.
Sire' fait il, cil dex vos meint
Qui la amont es seins ciex meint!
Et Renart tantost respondi
16()0 'Amis, dex beneïe ti!
Dont viens et ou vas et que quiers?'
'Sire' ce dist li messagers,
'Drois est que le voir vos dions.
Misire Nobles li lions
1665 M'a ci iloc a vos tramis
Con a un des mellors amis
Que il ait et qu'il aime plus.
Ge ne quit que el mont n'est nus
Que il aint autant conmo vos.
1670 Cest bref vos envoie par nos,
'l'eues le et si le lisiez !'
Renart le prent, s'en fu molt liez.
Renart a brisie les soiax
Et puis lut les letres roiax.
167.) Bien sot a dire qu'il i a.
Le messager araisonna
Et dist amis, foi que vos doi,
Ge m'en vois orendroit au roi.
De ce qu'il requiert sache bien
16S0 Que je ne li faudrai por rien.'
Cil li respont 'vostre merci.'
Congie prent, si s'en est parti.
Et Renars s'en vet autresint.
Son faucon desor son poing tint:
1685 Molt resemble bien home apert.
Devant li encontre (Jrinbert
Son cosiu qui l'a salue.
\(]r>(i Ou III (i)/(] H, • R. le uuit 1658 el seint ciel 1661 Dout 1664
lion l(i67 Quil lG(i8 nen ca nus 1669 autretant 1671 brisiez 1672 R.
a le seax brisiez 1678 le 1()78 oreiidroites au 1679 quil nie requier
1680 ren 1686 lui
XI (Môon 2604S— 260HH) 431
'Bon jor vos soit hui ajorne!'
Fet Grinbert 'et dont venes vos?'
1690 Cosin, dex beneïe vos!'
Fet Renars quant il l'ot parler,
Venes sor cest cheval monter,
Si iron moi e vos a cort.'
Lors ne fu mie Grinbert sort.
IfiOô Quant Grinbert ot conmandement,
Si est montes isnelement
Que il ne volt plus delaier:
Or a Renart bon escuier.
Tôt meintenant que montes fu,
1700 A a son col pendu l'escu
Et l'espie li baille en son poing.
De tel conpaignie avoit seing.
Desor son poing son faucon porte,
En aler forment se déporte,
1705 Et vont andui parlant ensenble.
Mes poi ont aie, ce me senble.
Qu'il ont Percehaie encontre.
Ce est des filz Renart l'einz ne.
Molt venoit grant duel démenant
1710 Sor un cheval esporonant.
Son père a tantost salue.
Et Renars si l'a acole
Et dit 'con vos est convenant?'
'Sire' fait il, 'maveisement
1715 Nos est avenu, bau doz père.'
'Conment?' 'Par foi, morte est ma mère.
'Morte?' fet Renart. 'Voire, sire.'
Molt en out a son cuer grant ire
Renart, quant la novele entent:
17-JO A poi que li cuers ne li fent.
Molt ot grant dolor en son cuer
'Ha, Hermeline, bêle suer.
Quant morte estes, que porrai ferc':^'
Percehaie li dist.'bau père,
1693 Siron 1695 out 1699 mointenant 1702 toi 1709 M. i)ar u.
1710 esporant 1714 mauoiement 1724 dit
488 XI (Mcon 26087—26125)
1725 Cestui duel convient a laissier,
Desconforter n'i a mestier.'
'Las' dist Renart, 'maloiire!
Et conment m'en confortere?
l'as conforter ne me porroie,
1730 Beax filz : mes alez totevoie
Arieres, si ne demores,
Et voz deus frères m'amènes
A la cort Noble le lion.
Toz trois chevalier vos feron
1735 Mes que veingne la pentecoste,
Qui que soit bel ne que qu'il coste,
Qar au roi molt grant guerre sort.
Aies, ses m'amènes a cort
Molt tost et molt delivrement!'
1740 'Sire, vostre conmandement
Ferai, et volenters l'otroi.'
A itant départent tuit troi:
Si s'en retorne Percehaie,
Et Renart se mist a la voie 136
1745 Et Grinberz fu les li en coste
Qui au meus qu'il pot le conforte.
Tant ont a aler entendu
Que il sont a la cort venu.
Entre Renart et le tesson
1750 Andui descendent au perron.
Et dan Tecelin li corbeax
Reçut anbedoi les chevaus
Et l'escu et la lance après.
Atant montèrent el pales
1755 Ou l'enpereor ont trove.
Molt gentement l'ont salue,
Et Renars con bien ensegniez
S'est devant lui ajenolliez.
Li rois conmande qu'il se liet.
1760 Meintenant deles li l'asiet
Et dist 'Renart, mande vos ai
1727 dit 1738 ses J si 1745 lui liryS S\ncinqne 176U lui 1761 dit
XI (Méon -iHriii— 261C.1)
439
ai
Que molt très grant niester en
Por paiens qui me font grant gerre.
Il sont ja entre en ma terre,
1765 Et si les conduit li camous.
Ja a de mes castax pris rions
Des mellors, des plus fors donjons.
Tant i a des escorpions,
Oliphanz, tigres et yvoires
1770 (Trestoz ont perduz lor mémoires)
Bugles. dromaderes légers,
Qui molt sont orgellos et fiers:
Guivres, sarpens, ne sai le conte.
Molt dot qu'il ne me facent honte.
1775 Lesardes i a et culovres.'
Dit Renart 'ci a maies ovres.
Mandes vos gens sans plus atendre:
S'iron vostre terre deffendre.'
'Renart, Renart' dit Fenperere,
1780 'Vos dites molt bien, par seint Père.
Einsi ert con vos conmandes.
Toz mes barons seront mandez
Par non, ja n'en i faudra un,
Tuit seront mande de conmun."
1785 Âtant fet escrire ses bres.
Qui que soit bel ne qui soit grès:
Ses envoie par ses barons.
N'i remeist grues ne hairons
A semondre, n'ors ne lipars,
1700 Neïs mon seignor Espinars
Le hirccon, ne lou ne chen,
De ce se pu et il vanter bien.
Et Bernart Tarcheprestre i vint
Et Baucent que par la mein tint.
1795 Et si i vint de meintenant
Brun l'ors et mon segnor Ferrant
Le roncin et Tiebert le cat,
17H5 camoul 1766 p. ia .11. 1770 les .... 1771 .Ironadoios logera
1772 Que 1779 deffondre 1792 pot 1796 lor et 1797 et monsegnor t.
440 XI (Mcon 2t;i62 -26197J
Et si i fu Pelé le rat.
Si i est venus Ysengrin.
1800 Roussel l'escuirol et Belin
I vindrent tantost et a plein
Entre li Timer, mein a meia.
Si i est venus Chantecler
Li cos qui molt fist a loer.
1805 Li singes i vint et Coart,
Hardis li conins et Rohart
Le corbel frère Tecelin.
Tant en venoit par le cemin
Que ce n'est se merveille non.
1810 Frobert i vint le gresillon
A grant desroi et a estrif.
Trestuit i vienent fors Tardif,
Li rois s'est apoies as estres:
Si regarde par les fenestres,
1815 Vit venir penons et enseugnes.
'Renart, esgardes, ques conpaignes'
Fet li rois 'de barons de pris !
Cist ni'aquiteront mon païs
Vers tos homes par lor puissance.
1820 Vois tante enseigne, tante lance,
Tant blanc haubert et tant escu!
Cil de la seront tuit veincu.
Molt avom gent, la deu merci :
One mes tant ensenble ne vi,
1825 Xou fist nus hom au mien quidier.'
Et cil se prennent a loger,
Es près qui sont et grant et Ions
Tendent tentes et pavellons.
Quant tuit ^e furent atrave,
1830 Brun Turs est el paleis monte
Et li haut baron avoc li.
Li rois molt bel les recueilli
Et lor fet grant joie et grant feste,
1799 i manque 1802 lui 1803 i manque 1804 L cos 1807 c. i
uint et t. 1812 i manque 1815 et] i 1822 C. diront t. s. u. 1825 raen
ou nien 1831 lui
XI fMéon 261N8— 2K23.S) 441
Et puis lor a conte son estre.
1835 'Segnor, a vos me plein tresto.s
De ces félons paiens estos
Qui en ma terre sont entrez.
^les casteax et mes fermetés
Prenent par force de lor gent.
184U Sachez ne m'est ne bel ne gent
Que vos tant les aves soffert.
Li camaus malement me sert
Qui nus ameine ses paiens.
Mes nos avoms molt cristiens'
184j Fet il. ja ne nos atendront:
Ge croi meus que il s'en fuiront.'
'Sire' dist Belins li niotons,
'Molt aves ci riches barons
Et haus homes de grant lignage.
1850 Si i a meint prodom et saje
Qui bon conseil sauront doner
Conraent vos en porres ovrcr.'
Renars qui sist joste le roi,
Li respont en haut par ma foi,
1855 Sire Belin, vos dites bien,
Yos n'i aves mespris de rien.
Mes ja conseil de cest afere
N'i aura pris : or del bien fere !
Ancois movrom demein matin.'
186U 'Sire Renart' ce dit Belin,
'Vos dites bien, se dex me saut.
Mes mon segnor Tardis nos faut :
Il n'est pas a la cort venuz,
Ne sai por quoi s'en est tenus.
1865 Rosauls l'escuireil saut avant.
Si li respondi meintenant
'Sire Belin, n'atendes pas
Tardif, car il ne vendra pas,
Que il est mors, n'en dotes mie.'
1845 atcindront 1847 bclini 1851 conseil «auront conseil d.
1859 m. Iç demein
442 XI (Mp..n '-'(J'ia^ -28269)
1870 Li rois a la parole oïe,
S'en fu niolt dolans ef si dit
'Roxel, di moi, se dex t'ait,
En queil leu fu mort et conment."
'Sire, so damledex m'ament,
1875 Ge Scù bien que il fu ocis,
Et si le vi, jel vos plevis,
Tôt mort, et si vi bien la plaie.'
Li rois l'oï, moit s'en osmaie,
Qui molt l'amoit et tenoit cher.
1880 'Segnors, ci a grant cnconbrer' 137
Fet li rois, 'car me conseilliez!'
Ysengrins s'est levés en piez
Et dit au roi laissies ester.
Que mort ne puet nus recovrer.
1885 Puis que sire Tardis est mort,
Queres qui le gonfauon port,
Et qui que le doiez baillier,
Vos covient il gonfanoner.'
Voirs est' dit li lois, par mon chef.
1800 Mes por deu, or ne vos soit gref,
Mes gardes, por deu vos prion.
De qui gonfanonner feron :
Por deu vos en requier et pri.'
'Sire, nos l'otrions ensi'
1895 Fet chascun de la soe part.
Atant es vos les filz Renart,
Tuit troi el paleis sont entre,
Molt bel ont le roi salue.
Que molt sont de bêle parole.
1900 Li rois les conjot et acole.
Conme debonere et cortois
Les asiet deles li li rois
Et dit que molt sont bel et gent.
Maintenant conmande a sa gent
1905 Que entr'ous gonfanoner facent
1877 uit 1882 ses 1. 1884 pot 1894 uos 1895 la uostre p 190'J
lui 1903 sont manque
XI (M ('011 •jH27U—2t;3u:)) 443
Si bon que de rien ne mesfacent.
'Sire' dit Ysengrins au roi,
'Tût le nieilor que ge i voi
Et que sache eslire entre nos,
1910 Ce est Renars, foi que doi vos.
Hardis est et de fier corage,
Et molt a en li vasselage,
Et si est bien enparentes.'
Li rois respont 'c'est vérités.
1915 Puis que vos l'avcs esgavde,
Gonfanonner soit de par de
Puis que il vos vient a talent.'
Renars ne fu mie dolent.
Ainz en fu molt lies, ce saches.
1920 Tantost li est coiis as pies :
Con cil qui est bien afaities,
Li a andeus les pies besies
De la grant joie que il a,
Et puis lo roi en apela
1925 Et dit baux sire, mi enfant
Sont (dcK les sauve) bol et grant:
Si vos pri por deu et requier
Que demein soient chevalier.'
Li rois li respont meintenant,
1930 Renart, jo l'otroi voiremont.
Le matin chevalier seront,
A cest besoing nos aideront.'
Atnnt lesserent le plaidier.
La nuit voilèrent au mostier:
UI35 Et quant ce vint a lendemein,
Li rois meïmes de sa mein
A a chascun ceinte l'espee
Et si lor done l'acolee.
Quant il furent fet chevalier,
1940 Li rois n'i veut plus delaier,
Renart apele, si li dit
1908 gi i 1909 s. sire e. 1912 lui 1928. 1931. 1939 ch'r 1932
ideron 1933 plaidie
444 XI (Méon L'fil^Oi 2H;:!12
Renart' fait il, so dex m'aït,
Movoir nos covient le matin.
Mes je vos pii por seint Martin
1945 Que vos ci iloc renianes,
Ma terre et mon païs gardes,
Rovel o vos et Malebranee:
Le penon et l'ensegne blance
Qui est tote pure de seie
1950 Portera on Tost Percehaie.
Celui veil ge niener o moi,
Et ci loc remandroiz vos troi
Et autres barons a plente
Qui vos jureront feelte.
1955 Tybers li chaz, n'en dotes mie.
Sera o vos par conpaignie
Et Ysengrin et sa mennie
Qui molt est droit et alignie.
Feelte vos jureront tuit
1960 Voiant moi a qui qu'il anuit.
Et la roine, ce vos di.
Gardes bien, que je vos en pri.
Ne puis plus demorer o vos,
Ge la les a deu et a vos.'
1965 'Sire' fait il, 'vostre plesir
Ferai que qu'en doive avenir.
Mes la feelte des barons
Voudrai avoir, que c'est resons.
Li rois respont 'vos Taures ja.'
1970 Atant Ysengrin apela
Et Tybert tôt ses eulz voiant.
Segnor' fet il, Venez avant,
S'amenez tote vostre gent!
Si jurreront le serement
1975 Que avocques Renart tôt dis
Demorerez en cest païs.
Bel soigner, a Renart vos les
Por garder mon païs en pes.
1925 remandront vos manque 1954. 1959 iuront lfi5(5 conpaif^nc
32 ien uos 1676 Demorrez
XI (Méun 20343—20^78 1 445
Mes un serenient li feres
lî)80 Que partot li aïdeies
Loiaument a vostre pooir,
Se uus li velt gerre rnovoir.'
A tant ont le serenient fet
Devant le roi sanz plus de plet.
1<.)85 Adont s'en velt li rois partir,
Mes einz fist ses maies enp'ir.
Li rois fist cargier ses deniers
Sor charetes et sor soiniers:
Pavellons et tentes trossereut,
1990 Congie pristrent, si s'en tornereut
A un loarsdi a l'esclerer,
Et furent plus de cent millier.
Chevaucant vont par la cauipaigne.
Pereehaie porte l'ensegne
1995 Qui baloie contre le vent,
Mes le cuer ot tristre et dolent
Por Renart dont il fu sevrés.
Renart qui niolt lu mal senes,
Fu renies avoc la roïne
'2(30(1 Qu'il aime d'amor entenine
Et longement l'avoit amee.
Or est avoc li demoree
Lie et joiant et envoisiee.
Molt soventes fois l'a bessiee
•2005 Renart qui en ese en estoit,
N'ele pas nel contredisoit,
Ancois li plest molt et agrée.
Renars a grant joie menée
De sa dame qu'il ot o li.
2010 Molt a bien le castel garni
Au meus que il pout de vitaille, ,
Qu'il se dote qu'en ne l'asaille.
Einsi remoinent a grant joie.
Et li rois s'en vet totevoie
1979 seerment 1982 So nus i 1987 A\ 1989 trasserent 1990
pritrent tormerent 1992 .c. mill' 1994 por le. 1997 il ert s 2009
lui 2011 que il 2012 quen le la.
446 \I |M('()n 2r.;:579— -2(^14)
'2015 Avoc sa gent au meuz qu'il puot.
Ne vente ne joille ne pluet: 188
De ce lor est bien avenu.
Tant ont aie qu'il sont venu
Chevauchant duieni -nt et tost
20-20 A meius de trois liues del ost
A un castel qu'il ot asis.
Li rois fu durement pensis,
Si a ses homes apelez
Seguor' fet il, or m'entendez!
'2025 Je vos pri por deu et requier,
Fêtes mes batailles renger.'
'Sire' fout il, vostre plesir.
Dont covieiit nos armes sesir.'
Lor batailles ont conmenciees
•2030 A renger. Si les ont rengiees,
Dis escheles font de lor gent.
Molt chevaucent et bel et gent.
Perceiiaie porte l'ensegne
Molt les conduit bel et enseigne.
•jirA,) Les escheles font départir.
Coars !i lèvres sans mentir
Conduit la premere et cliadele
O l'ensegne qui molt ventele.
La seconde meine Belins,
2040 La tierce conduit ïecelins,
J^a quarte quadele Brun Tors
Qui molt estoit et prous et fors.
La quinte conduit Chantecler,
Molt ot en li bel baceler.
2045 La siste, si con nos lisons,
Moine Espinarz li hirecons.
La setime conduit liaucenz
Li sengler as agues denz.
L'uitime conduit Roenel,
2050 Et avoc li estoit Rossel.
2015 pot 201(5 plot 2020 Au de mainjup 2080 arengiees 2035
Les cheles 2037 et uencliadele 2042 fors et prous 2044 lui 2050 E
a. lui e. rouel
XI (Méoii •jtui.-)— 2t;4r)i) 441
La notinie tôt en apert
Caele iiiun segnor Frobeit.
La di^inie conduit li rois
Et l'erceliaie li coitois
2()j5 Qui estoit de tote l'ost niestre.
Mon segnor Bernart l'arcliej restre
Qui molt fu prodom et de pes,
8i les a fet trestos confes,
Et dit seguor, ne dotes ja
2060 Celé parjure gent de la!
Ja n'auiont force ne pooir,
Ice saches vos bien de voir.
Mes or clievauciez sajeuieut:
Q'ainz que soient arme lor gent
■i<i()5 Les auroni detienchcs et mort.'
Dit li rois ci a bon confort.
Mult a en vos bone persone.
Jjien ait qui tel cons^'il me donc!
Par la foi que doi seiut Selvestre,
2u70 Molt a en vos bon arclieprestre.
Gre vos voudrai molt honorer,
Se dex me done retorner :
(jue par la foi que je vos doi,
Evcsques seres de la loi:
2075 Le don vos en otroi ici.'
Sire' fet il, vostre merci.'
Atant prenent a chevaucer.
^'en sorcnt mot li aver.sier,
Si est Coars sor euls venus.
2o:so Molt en ont pris et retenus,
Car il furent tuit desarme.
Parmi l'ost est li cri levé,
As armes corent meintcnant.
Ja fust Coars mal covenaut,
2085 Quant Tiecelins i est venu
Qui hautement l'a socoru.
La ot molt estote mellee.
205.S .X. ime 2059 nel d. 2062 s. nos nos de 2069 le 2074
Enuesques 2087 melle
448 XI {yi'on 2(i4T2-2ti48S)
Tiecelin tint el poing l'espee
Dont li brans fu cler et molu.
2090 S'a un escorpion féru:
La teste li coupe et les piez.
Li ehamous en fu molt iriez,
A Tiecelin est corus sus,
Et jure deu qui est lasus
2095 Que mal s'est sor li enbatu.
Lors l'a si durement féru
De sa pâte que il l'abat
ïot envers a la terre plat.
Ja fust retenus en la fin
2100 Quant entr'eus se feri Belin,
Si con il venoit escorse:
Si a deus Sarasins iiurte
Que il lor fist voler les euz.
Li cbameus nel tint pas a jeus,
2103 Ainz li anuie, cbe saches.
Et Belin se rest eslessies
ïot autres! conuie desve,
Un autre ra escervele.
Trois en a en pou d'ore mors.
2110 Mes neporoc n'en fust esters
Que morz ne fust sanz raencon,
Quant Brun l'ors vint a esperon
Et avoc li tex cent barons
Qui lieent les escorpions
2115 Si conme des testes tolir.
En la presse se vont ferir
De bien ferir eutalente,
Molt en ont mort e cravente.
Qu'iroie lonc conte fesant?
2i20 Mate fussent e reciaant
Cil de la, n'en escapast pie,
Quant d'un val se sont desbussie
Plus de dis mile escorpions.
Chantecler o tôt ses barons
2088 poig 209t) (iorement 2108 a. rera 2112 lors i u 2119 lui. c.
2121 delà ia nen
XI (Métm 2fi489-2G524i 449
2125 I rest de Taiitre part venu.
La ot et grant cri et grant liu
Des abatus et des plaies.
Molt en i ot de maegnies
Et de plaies et de navres.
2130 Chantecler qui fii desrees
I mostre molt bien sa proece:
Conme cil qui est sans parece
S'i est feronient esprovez,
Qar ne pooit estre provez
213.') Par home de l'ost son pareil,
Et molt durement me mervel
Par queil achaisou ne conment
II puet avoir tel liardoment
Home de si petit eage
2140 Cou il est et de tel corsaje,
Qui ausi est vistes et prous.
Qui sou cors abandoue a toz.
En l'estor se fiert par aïr.
Meintenant corut envaïr
2145 Le bugle, qui molt se desroie:
Des nos a mors (et que diroie?)
Plus de set par li solement.
Chantecler en pesa forment
Quant si le vit sa gont malmetre,
2150 Encontre li se voudra mètre.
Meintomiut Ijroche le destrier,
Bien fu aficie en l'estiier 139
Et mist sa lance sor le faurre.
Lors point li un encontre l'autie.
2ir)5 Li bugles vint premeiement,
Chantecler (iert molt durement
De sa lance de tel vertu
Qu'il li a pecoie l'escu.
Mes li haubers fu si tenant
2ifiO Que il ne pot aler avant,
2128 magnies 21412142. Que 2147. 2150 lui 2153 foutre
cbanteclers 2159 haubrs
RE N'A UT I -^
450 XI (Méon 20525—26560)
La lance vole en deus moitiez.
Chantecler qui fu afaitiez
De ferir, l'a féru forment.
De la grant lance roidcment
2iG,') Le feri si parmi le cors
Que le tronçon en parut fors.
Mort le trébuche del cheval,
Onques ne li fist autre mal.
Puis a meintenant tret l'espee,
2170 Si se refiert en la meslee
Li et ses homes molt iries.
La ot de mors et de plaies
Tant que n'en sai dire le conte.
La ot et meint roi et meint conte:
2175 Quant iloc lor segnor mort voient,
Grant dol en ont et molt s'esmoient.
Vers Chantecler en sont venu
Tuit plein de corus esmeû,
Plus de cinc cent tos a un fes
2180 Qui de mal fore sont ongros.
Sor Chantecler et sor sa gent
Périrent molt ireement:
Molt en i ot morz et navrez.
La fu Chantecler mors ruez
2185 Et de ses homes bien cinc cent,
Dont li baron furent dolent.
Desconfit fussent a cel point,
Quant misire Espinart i point,
0 li Baucent et Rooncl,
2190 Molt venoient tost et isnel.
En l'estor se feront manois,
^lolt i ot de lances granz frois.
Missire Espinart si s'eslesse
La ou il vit la gronnor presse :
2195 Le dromadaire a encontre
Qui des autres estoit sevré.
2162 .Ch. fu mit' a. 2168 f. la fuvu ï. 2171 Lui 2176 et manque
2179. 2185 .V. 2181. 21S4 cliaiit' 21sii ,> lui 2191 f. tlonianois
XI (Mc'on 20501— 2fi")9{); 451
Tel cop le feii de l'espee.
Qu'il li a la teste coupoe:
^lort le ti-ebuclie enini la place.
2-200 Tôt meintenant roscu enbrnce
Espinarz conmo liome liai-di,
Ne fet pas sciiblniit d'estordi,
Mes de teus encontra nses
Qu'il a mors et iici-aventes.
2-203 Et si home comnunaiiment
Li aident hardiement.
Molt eu muert d'une part et d'autre,
Mort i çt meint cien et meint ve;iutre.
Mes sor eus en torna li pis.
2210 Car Espinait i fu ocis,
Dont li rois Nobles fu irie
Et tuit li autre corocie.
Desconfit fussent a cel snut.
Quant Froberz li grisillon sniif,
2215 O li de sa gent atrope:
Molt par ont ecus mal atrapo,
Plus de vint mile ocis en ont,
Ja mes en lor terre n'iront.
Serpant s'en vont niolr esmaitint,
2-2-20 Grisillons les vont enpressa ut.
Molt les meinent a grant d(»sroi.
Estes vos l'escele le roi
Que l'crcebaie conduisoit.
Si tost con li chameus la voit,
2-225 Ses gens apele et dit 's'gnor,
No poon plus garir as lor:
Or tost, ne vos puis meintenir,
l'enses do vos vies garir!'
Adont s'en torncnt d(; randon.
2-230 Frobert les suit le giisillon
E tuit li autre a grant esploit.
Et quant li rois f'oïr les voit,
219s Qui li 2204 Qui a 2200 aideront 2207 m. ot duno 2208
iiifin u 221") lui 22lit Senprcs se 2220 a Inr
29*
452 XI (iléon 28597—26632)
Si s'escria or tost après!'
Sire Frobert les suit de près,
2235 Et sa mesiiie et tuit li autre.
Li rois les suit lance sor fautre.
Par force les ont porsoûs
Tant qu'en mer les ont enbatus.
Trestos ensenble estre lor voil
2240 Entrèrent ens, fors le canieil.
Cil n'i entra pas, ains fuï
Par terre: si le consivi
Mesire Frobert, si le prent.
Et par le frein au roi le rent
2245 Et dit sire, la deu merci,
Tuit sont vencu vostro enomi.
Le segnor vos rent demanois,'
'Vostro merci' ce dit li rois.
Molt firent grant joie par l'ost,
2250 Le chammeil désarmèrent tost:
Sitost cuii fu desbauberges.
Si a les pies le roi besies
Et dist sire, merci te quier,
Ge me renc a toi prisonnier:
225.') Yostre plessir de moi feroiz.
Pardones moi iceste foiz
Ice que je vos ai mesfet.'
Li rois dist ja mon cors bien n'ai
Se merci aves ja nul jor.
2200 Ainz scres coume traïtor
Destrus et ars et tormonte.
Lors a meintonant apele
Brun l'ors, Baucent et Tiecolin,
Koonel, Roussel et Bclin,
22fi5 Percebaie, sire Frobert.
Li rois lor a dit en apert
Segnor fct il. consellies moi
De cest laron de pute foi,
2234 frob'rt 2236 feuh-o 2253 di^ 2255 feres 2256 foit 2257
je manrjtie 2262 ajîele
XI (Méon 26634—26669) 453
Quel justice de li ferai,
2-270 Et conmeut je m'en vencherai.'
Froberz respont par seint Richer
Ge lo quel fâches escorcier.
Se vos vees que ce bien soit.'
Li rois dit a vo plaisir soit.'
2275 Tôt meintenant sans plus atendre
Font le chamoil a terre estendre,
Escorcher le fet errament.
Baucent i enbati la dent,
Et Roonel i mist la soue :
2280 S'ont conmencie devers la coe.
Molt lor aïde bien Brun l'ors,
Le cuir li ont trait a rebors.
Escorche est, bien sont venche:
Durement en est li rois lie
2285 De ce qu'il a si bien ovre
De ses enemis qu'a mate.
Li rois ot grant joie a son cuer.
Mes bien saches que a nul fuer 140
Ne voussist de sa gent la mort.
2290 II en est en grant desconfort.
Trestos les a fet enterrer
Fors Espinart et Chantecler,
Cels ne volt il iloc lessier.
Tantost fist li rois conmencer
2295 Deus bières, ens les fist chocier.
Puis se metent el repairer
Con cil qui désirant en erent.
Vers lor terre s'acemin erent
A grant joie tôt sans dosroi.
2800 Ci ilec vos lairon du roi,
Si vos rodiron de Renart
Qui molt estoit de maie part
Et molt fu plein de fausseté.
Un petitet s'est porpenso
2805 A soi meïsmes et a dit
2269 lui 2278 i abati son d. 2291 enterre 2298 lors 2299 tôt
manque
454 XI (Méon 2MuO—2i)70r>}
Que se clamledex li ail,
Enpereres sera et rois,
Se il puet, ains que past li mois.
Il fera enteudre as barons
2310 Que mors est Nobles li lions.
Unes letres a fet errant,
Puis a apele un serjant.
'Amis' dit il, 'entent a moi!
Tu me fianceras ta foi
'2315 Que de rien que ge te conmant
Ne parleras d'or en avant.'
'Sire' fait il, saches sans faille,
N'en parlerai conment qu'il aille,
Foi que doi vos, n'en dotes mie.'
2320 Atant li a sa foi plevie.
Quant il ot fet ce qu'il li quist,
Tôt meintenant Renart li dist
'Amis, tant feras, je te proi,
Que tu en iras de par moi
2325 As barons demein a la cort.
Et si diras, conment qu'il tort,
(]uc li rois a este ocis.
Ice lor diras, baus amis,
Et ces letres de meintenant
2330 Me bailleras lor ouïs voiant.'
'Sire' fet il, 'vostre plesir
Ferai, que qu'en doie avenir.'
A cest mot les letres li tent.
Et li valles tantost les prent
2335 Et a pris congie, si s'en part.
Et Renars remeist qui est tart
Qu'il oiist fet ce qu'il pensoit.
Li valiez s'en vet a esploit
Si que ame ne s'en perçut.
2340 Au matin quant li jor parut
S'en est issus fors de la vile
2308 Sil j.ot 2312 a ] si 2317 fait il manque s mile f.
qt 2332 (lit 2334 le p. 233S li valiez ] Remeist icil
XI (Méon 26706-26742) 455
Con cil qui ases sot de gile.
Dedens la praerie entra,
Son destrer i esporona
2345 Tant que il le fist tôt sullent,
Puis retorna isnelement.
Tel cop li done des talons
Es costes que li esporons
Li sont dedens la char entre.
2350 Tant s'est li raessagiers haste
Que par la porte entre en la cort.
Descendus est et puis s'en cort
El paleis trestot meintenant.
Renart salue tôt avant,
2355 Et puis salue la roïne
Conme cortoisse et enterrine,
Et dit 'dame, salus vos mande
Li rois et as barons conmande
Que il facent lire cest bref,
2360 Et si vos di bien par mon chef
Que il est en bataille ocis.'
'Ocis?' dit Renars las caitis!
Est donques mors li rois missire?'
A cest mot li saut sans plus dire,
2365 Sil fiert d'un baston si forment
Que la cervele li espant,
Que mort l'abati en la place.
'Tais toi' dit Renart, 'dex ne place
Q'einsi aion le roi perdu.'
2370 Saves por quoi il l'ot féru?
Por ce, saches de vérité,
Que par li ne fust encuse:
Molt fu voisies. En apert
Le bref prent, sil bailla Tybort
2375 Le chat, voiant tos les barons.
Et Tybers levé les gcrnous.
Puis lut le bref de chef en chef.
Et puis dit Renart, par mon chef.
2352 D. sest 2355 roiine 2358 conmaiiande 2366 Qui 2372 lui
456 XI (Méon 2(37-13 26782)
Li rois est mors veraiement,
2380 Et si mande a tote sa gent
Que dame Fiere la roïue
Prengne Renart par amor fine,
Delivrement et sans desfois
Soit de tote la terre rois.'
2385 Quant la roïne a entendu.
Tôt simplement a respondu
'Bel soigner, puis que il le mande.
Fere m'estuet ce qu'il conmande.
Quant je voi qu'autre estre ne puet
2390 Et 11 roiaumes de moi muet:
Miens est et bien le doi avoir.
Mes or voudroie je savoir
Se Renars le voult otroier,'
'Dame, gel voil : sanz delaier,
2395 Fere quanque conmanderes.'
'Par foi, sire, bien dit aves.'
Li baron sont dolant et lie:
Por lo roi qui n'est repairrie
Sont dolant, et lie d'autre part,
2400 Quant il ont a seguor Renart.
Tantost sans plus de demorance
Fu d'ous deus prise la fiance.
Grant joie font par le palais.
Chanconetes sonent et lais
2405 Cil jogleor o lor vieles.
Qerolent dames et puceles.
Grant joie font totes et tuit,
Molt dormirent poi celé nuit,
E lenderaein sans demoree
2410 A Renart la dame esposee:
Meintenant li font feelte
ïrestuit li baron del règne
Et jure et plevi li ont
Que par tôt li aideront,
2379 uraiement 2381 Q. ma d. once la roiine 2389 uoi autre i
2391 Mens 2394 uoil bien otroier 2401 de manque 2404 Et uieles
2408 dorement por c. 2409 El deniein s. demorance 2413 pliui
XI (Méon 26783— 2681U) 457
2415 Se il avoit d'els nul besoing.
Renai't n'a de refusser soing.
Grant joie demeiner.t entr'ous,
Molt i ot grant dances et jeus :
De joie ne sont pas aver.
2420 Tantost a done a laver
Cil qui en sert: li connestables
Ysengrins fet mètre les tables :
Si se sont asis au manger.
Grinbert li tesson tôt premer 1-il
2425 Qui cosins fii Renart germeins,
Lor aporta entre ses meins
ïex mes con a tel gent convint:
Ge cuit plus en orent de vint,
Des mes, mes je nés contai pas.
2430 Quant mangie ont, plus que le pas
Se lèvent tuit: premerement
Tybert et Grinbert solement,
Qui molt furent bon conpaignon.
Cil dui font la beneïcon
2135 Des us les liz as deus amanz:
Puis s'en partent liez et joianz,
Et cil remeistrent totevoie.
Lor déduit firent a grant joie
Jusqu'au matin qu'il ajorna.
2440 Misire Renart se leva
A grant joie et a grant baudoi-
Tôt meintenant et snnz demor
A fet le tressor esfondrer
Qu'il n'i voudront plus demorcr.
244 1 Les deniers et l'or et l'argent
En a fet doner a sa gent,
Par con vent qu'il n'i entra puis.
Porter en fist a Malpcrtuis:
2415 besoig 2416 de reposer saig 2418 sances 2420 T. don
erent 2421 seit 2425 Q' cosin fu ''„germein' „.R 2427 gens conuient
2428 cuit quil en orent plus de 2442 mointeinant 2445 d'. 2448
au m.
458 XI (Méon 2(5817—26852)
Quar il se dote (si a droit)
2450 Del roi, que se il revenoit,
Contre li se voudra tenir.
Por ce fet son castel garnir.
Bien le fet garnir de vitaille,
Ne cuit devant set ans li faille.
2455 Li castax. est si bien asis,
Ja ne sera par force pris.
Se par autre n'est afames.
Ja par li ne sera grèves,
Renart fait garnir son castel,
2460 Ases i a de son avel,
Et molt a de ses volontés,
Quant enpereres est clames.
Grant joie en ot et grant leece.
Bien fet garnir sa forterece :
2465 La roïne l'aime et tient cher
Conme son segnor droiturier,
Que meus l'araoit, si con dison.
Que ne fist Nobles le lion.
Grant joie demeinent entr'eus,
2470 Mes par tans i aura grans deus.
Car li rois chevauche a esploit
Qui Chantecler en aportoit
Et le hericon en literes
Ausi fêtes conme deus beres.
2475 Molt ot de ses barons grant dol.
Devant envoie l'escuirol
Por les noveles aporter.
Mes el castel ne pot entrer,
Qar li pont estoient levé.
2480 Renart fu as murs a cote,
Si l'apele et li dist amis.
Dont estes vos? de quel païs?'
'Sire' fait il, par seint Simon,
Ge sui hom Noble le lion.
2449 Qa 2451 lui 245H lui ne s. afames 2464 ehanics, mais
le deuxièm» trait de V h rst ajoute posiérieitrcmcnt avec mie encre plus
claire 2471 Car ] mes 2481 dit
XI (Méon 26853—26888) 459
2485 De l'ost repère ou a este.
Molt l'a bien fet, la merci de:
Tos ses enemis a vencus.
Mes il est forment irascns
Por Chantecler que il aporte
2490 Mort (dont il molt se deconforte)
En litière et sire Espinart.'
'Si m'aït dex' ce dit Renart,
Bien puet venir, quant il vodra :
Mes caens le pie ne metra.
2495 Aies, si li .dites itant
Que rois sui des or en avant,
N'i a mes a reconmander.'
En l'esquirol n'ot qu'aïrer,
Si li respondi erraument
25U0 'Qu'est ce, sire Renart, conment?
Est ce a certes ou a gas
Que li rois n'i entrera pas?'
Dist Renart tôt de voir saches
Que James n'i metra les pies
2505 A nul jor tant con il soit vis.
Or vos en ai dit mon avis.'
Quant li escuirous l'entendi,
Ya s'ent. que plus n'i atendi.
2s'a gueres longement erre
2510 Que il a lo roi encontre.
Quant il le voit, ne se vont tere,
Ains li reconte tôt l'afere
Si con Renaît li avoit dit.
Li rois l'oï, si eu sosrit,
2515 D'ire et de mautalant nercie,
Si apclc sa baronie,
'Segnor' fet il, aves oï
De Renart con il m'a servi?
Ma terre a sesi contre moi,
2520 El païs se fet clamer roi.
2488 es 2493 pot uendra 2498 quair 2503 Dit 2510 Qui il
2514 sosrist 2515 On pourrait lire Mais d'ire a la chiere nercie.
460 XI (M.'on 268S!)- 26924)
Ge vos pri que me consellios
Et qu'a cest bcsoing mo vaillioz.'
'Sire dit Brun Tors, 'sans faillir
Le matin l'iron asaillir
25'25 A porieres. a mangoneax.
S'il tient contre vos vos castax.
Nos les asiuidron le matin.
Se prendre le poon, sa fin
Est venue sans raencon,
2530 Desus cel tertre le pendron :
Einsi le lo, einsi le v.eil.'
Dist li rois ci a bon cons('il.
Atant se metent a la voie
Et cheminèrent totevoie
253Ô Tant qu'il vindrent vers le castcl.
Pavellons tendent, n'i ot el,
Qu'il ne pourent dedens entrer.
Li rois s'en prent molt a irer
Et jure, s'il le puet tenir,
2540 De tel mort lo fera morir
Con l'en doit laron tornienter,
Pendre ou ardoir ou traîner:
11 ne s'en puet partir par el.
Drocher a fet inoint mangonel,
2545 Meint trcbucet ot meint caable.
'Que est ce?' dist Renart 'diable!
Me quident il dont issi prendre?
Ge m'irai fors contre ous deffendi
Encor anuit sans dcnioroi-.'
2550 Atant a fet sa gent armer
Et ses deus fil/, et son cosin:
Par tens seront au l'oi voisin.
Dis mile furent, voire plus.
Le pont a fait avaler jus,
2555 Et s'en issirent de randon,
Atant peignent a esporon.
2522 est besaig 2Ô23 baillir 2â25 porieref< as 2535 caste 2537
Qui ne 2539 pot 2541 1. traîner 2542 tormentcr 2543 pot 2546 dit
XI (M(^on 26920— 1(;900) 461
Perceliaie les vit venant,
Del roi se parti raeiutenant:
Cels qu'il pot mener avoc soi
'■2i)C}() Par tens feront ennui au roi, ]42
Sus li corurent demanois.
Encor n'estoit armes li rois,
Ains l'ont tôt desarme sorpris.
Or fu li rois inolt entrepris.
2505 Un eseu a sesi a plein
Et un espie en l'autre mein.
La et grant cri et grant melleo,
Meint cop i ot féru d'espee.
Molt i oust li rois perdu,
2570 Quant Brun li ors l'a secoru.
Bruiant et Bernart et Baucent
As armes corent meintenant, «
Si ont secoreii lo roi
Que Renart menoit a besloi.
•2575 Bauceuz desrenge tôt premiers,
Molt fu estos îi pautoners.
Quant Ysengrins le vit sevrer,
Lors aquelt a esporoner,
Grans cous se vont entieferir.
25S() Ysengrins nel pout pas soffrir
Le coup que Baucenz le feri
Si qu'a la terre l'abati.
Sor li s'aieste et trait l'espee,
.Ta fust do li la pes jurée
25S5 Que mort l'oiist sans raencon,
Quant Grinbert i vint le tesson.
A qui qu'il eu doiist peser,
A fet Ysengrin remonter.
Mes molt i soffri peine grant.
25!);) Brun l'ors i vint esporonant.
Si encontra enmi sa voie;
Un dos filz Renart l'erceliaie.
2560 ennu 2:)(;i lui 2563 Ion t. 2566 une ospe 2567 cri manque
2673 secoru 2583 lui lespe 2584 lui
462 XI (Môon 2(i901— 20996)
Quant Fercehaie Ta veii,
Envers li torne son escu,
2595 Granz cous se ferent des espiez.
Li Brun Fors est ]iar mi froissiez
Et est en deus nioitiez vole.
Percehaie l'a asene
Haut en Tescu con chevalier:
2600 La hante dont tronche Tacher.
Li passa par le coste destre.
Estes vos poinnant Tarcheprestre:
A la rescusse de Brun l'ois
Yenoit poignant plus que le cors
2005 Desor un grant destrer baucent.
Des Renart i coiurent cent
Por aïder a Pcrcehaio.
Yse«grins forment se deraie,
Rovel et Malebrance ensenble,
2Gin Tôt le parente, ce me senble.
Ou fust ou bien ou niesprison.
Brun Tors en mfiinent en prison
Maugre tos cous qui laiens sont.
L'arceprestre dolent feront
2615 Por ce que aider H voloit.
Quant Malebrance l'aparcoit,
Vers li trcstorne le cheval.
Andui poignent parmi un val,
Des lances se feront grans cox
2620 Desus les escus de lor cox.
IjCs lances volent en asteles.
Puis traient les espees bêles,
Sor les haumes se vont ferir.
Cil qui bien ne se sot covrir
2(5-25 Fu molt malement atorne.
Bernart li a un coup done
Parmi le haume do Tospee,
Jus l'abati jambe levée
2594 lui 2597 moitié 259!» clfr 2603 de manque 2606 R. en i
curent 2610 p. en ce 2613 Maugres que 2615 le 2617 Ue's lui 2618
poignen 2620 D. lor e. 2623 h. les uon 2626 Baucent 2628 leue
XI (Méon 2(;997— 27082) 468
A la terre tôt estendu.
263n Ja l'oust pris et retenu,
(iuant Tybers li chaz i a point,
Por li a enforcie son point.
Malebrance fist remonter
A qui qu'il en doûst peser.
2635 Forment est li cliaple enforciez,
Et Eenars vint tos cslessiez,
L'eseu au col, l'espee trete,
Forment de conbatre s'a faite.
Bruiant le tor a encontre
2640 Qui molt fu richement arme.
Si tost s'en vont entreferir
Con lor chevaus pouient venir.
Bruiant le fiert premerement.
Renars met l'eseu en présent
2645 Et l'a contre terre abatu,
Et Bruiant le ra si féru
Que la lance li brise es poinz.
Renart le fiert si que li coinz
De son helme fiert el sablon.
26.')0 Fuis descent du cheval gascon,
L'espee hauce por ferir.
Quant Bruiant vit le cop venir,
Peor a que il ne l'ocie,
A meins jointes merci li ciie.
2655 'Sire' fait il, 'por deu merci !
(ic me renc a toi, ne m'oci!'
Quant Renart ot parler Bruiant,
Si respondi de meintenant
'Sire' fait il, 'a ceste fois
2660 Vos quit, mais vos fiancerois
Prison a tenir el caste!.'
'Sire' dit Bruiant, 'ce m'est bel.
Einsi le ferai con vos dites.
Mes que soie de la mort quites,
2632 lui 2685 chaples 2689 encontroi 2r,43 le uient 2645 t.
féru 2650 de son ch. 2663 distes
464 XI (Méon 270;{:{-27068)
2(565 Einsi con il vos plaist l'otroi.'
Atant remontent sanz deloi
Con cil a qui niolt estoit tart.
A cest mot li chaples départ.
13ien Ta fet Renart a cel cors,
2670 En prison en meine Brun l'urs
Et Bruiant le tor autresi.
El castel en sont reverti
Tuit ensenble lie et joiant.
Li rois remeist tristre et dolant
2675 Et corocio de ses barons:
Forment jure deu et ses nons
Que d'iloc ne départira
Jusqu'à tant que pris les aura.
Molt par est a Renart petit
2680 De trestot ce que li rois dit,
N'en dorroit pas un esperon.
Descendus sont tuit li baron
Et puis sont monte el pales.
One si grant joii' no fu mes
2()85 Conme la roïne lor t'et.
Puis lor demande 'qu'aves fet?'
'Bien' fet Renars, 'la merci de.
Brun Fors vos avom amené
En prison et Bruicint le tor:
2(;!)() Ja n'en prendrai argent ne or
Ne nul denier do raencon,
Mes ci iloc les garderon.
De ce sui je certeins et fis
Que se uns des nos estoit pi'is,
2695 Que par ices les raurcon.'
'Sire, foi que doi seint Simon, 143
Yos en aves molt bien parle.'
A icest mot l'a acobî :
Apres acole Pcrceiiaie
2700 Et a to/ les autres fet joie.
2667 a manque 2672 c. résout reiienti 2681 Ne espron 2686
que aues 2692 iloques g. 2698 icel 2(;89 iiercehae 2700 a manque
XI (Méoii 27069—27105; 465
Grant ioie font par le pales,
Chaotent et vielent ces lais.
Totes et tuit, si con moi semble,
Firent la nuit grant joie ensemble.
2705 Harpes i sonent et vieles
Qui font les meloudies bêles,
Les estives et les citoles.
Les damoiseles font caroles
Et treschent envoisienient.
2710 Laiens ot meint son d'estrument
Par le pales et par la sale.
Einc n'i ot dit parole maie
De nul, tant fust cointe no noble,
Ne mes solement du rois Noble:
2715 Celui manacent il trestuit.
'C'est merveille s'il ne s'enfuit'
Font il: 'molt l'avons esmaie,
Molt en avon mort et plaie.'
'Segnor' dit Renars, ore est bien.
2720 Onques nés maneciez por rien :
Mes le matin quant jor vendra,
Sauron bien qui meus i vaudra
As cous ferir et enploier
Et as ensegnes desploier.
2725 Se la vos voi bien meintenir
Envers le roi et contenir.
Qu'a la fuie le puisson mètre,
Qui si s'en voudroit entfemetre,
(Il m'auroit molt servi a gre)
27;JO Qu'auroit lo roi desbarete,
Molt auroie de mon déduit.'
Eiusi furent jusqu'à la nuit,
One ne finerent de parler
De si que vint a l'avesprer.
2785 Cil qui estoient connestables
Conmandent a mètre les tables,
Et puis aseent au soper.
2705 uieeles 2711 le s. 2713 Ne nus que t. 2726 meintenir
2728 Seinsi sen uolent 2732 nut 2736 conmanden
RKKAKT i 30
466 XI (Méon 2710i;— 27141)
Ne voil pas tos les mes conter
Ne fere ci g-rant demoree.
2740 Tant mangèrent con lor agrée,
Puis firent les napes ester.
Nuis fu, si se vont reposer
Jusqu'à demein a l'esclairer
Que se lèvent 11 chevaler.
2745 Sitost con il furent levé.
Se sont de meintenant arme.
Autrosi s'arme d'autre part
L'enperere sire Renart
Et ses dui filz et son cosin
2750 Grinbert qui molt fu cnterrin
De loiaute et de valor.
Congie prent nostre enpereor
A la roïne simplement
Et dit 'dame, mon escient
2705 Encor anuit aures lo roi
En prison, foi que je vos doi.'
Sire' fait ele, 'dex l'otroit
Que ce que vos dites voir soit.
Atant la besse au départir,
2760 Puis a fet les portes ovrir,
Et firent les pons avaler.
Hors issirent sans demorer,
Si sont féru en Tost lo roi.
Mes chascun ot poor de soi,
2765 Et furent arme richement.
Li rois m.eïmes et sa gent
Avoient lor garnemens pris.
Ne voloient estre sorpris.
Sitost con coisi cels de la,
2770 Ses chevaliers en apela.
Segnor' fait il, je vos requier
Que vos m'aïdes a vencher
De cel traïtor, cel laron
2741 finent 2744 ch'r 2752 noste 2756 je manque 2767
les garnement 2768 sozpris 2770 l'Ii'r
XI (Méon 27U2-27178j 467
Qui si a sesi ma meson
2775 Et m'a gerroie si a tort
Ge sui bonis, se il m'estort :
Jamais nul jor joie n auroie,
Se je de li venches n'estoie.'
Sire' font il, or i parra:
2780 Honis soit qui vos en faudra
Et qui ja s'en feindra nul jor.
De ce n'aies onques poor!'
Li rois les en a mercies
Conme cil qui molt en fu liez,
2785 A tant asenblent les deus oz
Qui molt estoient grant et forz.
Molt fere mellee i comence,
La ot brisiee mcinte lance
Et meint chevalier abatu.
2790 Renars escrie de vertu :
Rois Nobles, ou estes aies?
Se conbatre a moi vos voles,
Venes, que la bataille aurois
Et molt proceinement saurois
2795 Que je ne vos ein que rien vaille.
Se me conqueres en batalle.
Le castel et tote la terre
Vos lairai en pes et sans geire:
Et se tu es par moi conquis,
2800 Se t'en voisses hors du païs
Et me lesses la terre en pes.'
Li rois vint vers li a esles,
Sitost con la parole oï.
Ne de rien ne s'en esbahi,
2805 Ancois s'escrie durement
'Sire Renart, par seint Climont,
Je ne te demant autre chose :
Honis sui, s'atendre ne t'osse.'
Adont prent a esporoner
2810 Li rois o il n'ot qu'aïror,
2774 sise 2778 lui 2782 honquos 27M9 cirr 2802 lui
30*
468 XI (Méon 27179—27216)
Et Reuars d'autre part rebroche
Le bon destrer qui pas ne cloce.
Les chevaus lesserent aler,
Grans cous se vont entredoner
2815 De lor lances es fors escus.
Percent le vernis et les fus:
Les lances convint a quasser.
Li hauberc ne pourent fausser
Que trop sont sere et tenant.
2820 Si s'en vindrent esporonant
Conme foudre qui doit descendre,
Que les estrers firent estendre.
Li cheval s'encontrent de front,
Ambedoi ceent en un mont.
28-25 Mes tost refurent sus sailli,
Forment li uns l'autre asailli.
Et traient nues les espees.
Si s'entredonent grant colees
Desus les baumes de lor ces.
2>i30 Ja i fust trop grant li mescies
Devers dan Noble le lion,
Quant icil de sa région 144
S'esmurent por li aïdier.
Baucent i acurut premer.
2835 Por lu roi socore s'esmut
Baucent, et bien le socorut
Et l'arceprestre et Roonel,
Et dan Tiecelin le corbel.
Si i vint mon segnor Belin.
2840 Ja fust Renars en mal traïn,
Quant Percehaie et le tesson
Et Malebrance a esporon.
Et Tybers le chat et Rovel
D'aïder Renart sont isnel.
2845 Le chaple ont entr'eus conmencie.
La veïst en moint pie trencie,
2811 par r. 2812 q p. 2815 lances des f. 2816 les uertuz
2818 faifer 2822 estrer f. tendre 2833 lui 2845 Li conmenciei
XI (Méon 27217—27252)
Tantes testes, tant haterel.
Merveilles i fesoit Rovel
Et cil qui furent de sa part.
2850 Par force ont remonte Renart,
Mes a peine et a grant rlolor
Ont remonte Teuporeor.
Ains qu'il poiist estre monte
I ot meint ruiste cop done
2855 Et molt en i out receii,
Molt par i out le roi perdu
De ses homes des meus proissies
Dont il fu molt greins et iries.
Et Renars refu molt dolant,
2860 Q'un home i perdi molt vaillant.
Ce fu Tyberz qui fu ocis,
Dont il furent voir molt pensis.
Molt i perdent d'anbes dous pars.
Totevoies sire Renars
2865 Est remontes a quelque force.
La maisnie lo roi s'esforce
De li monter : monter l'ont fet,
Qui que soit bel ne qui soit let,
Le ront monte sor son cheval.
2870 Mes li ceoirs li fist grant mal.
Estones fu, mes ce que vaut?
Sor le cheval qui molt fu haut
Fu montes et joste demande.
Atant es vos parmi la lande
2875 Renart qui out son cuer repris
Conme cil qui fu d'ire espris:
Sus se corurent de rechef.
Sor le roi torna le meschef
Molt grant, se ne fussent sa gent
2880 Qui le rcscoscent bel et gent,
Qui tuit se ferirent entr'eus.
Mes il nel tindrent mie a jeus
469
2855 ont 2857 des J le 2861 fu que t. fu 2868 dou 2867 lui
2868 ne que que s. 1. 2870 cehoirs 2872 q 2877 cororent 2879 g.
serent sa 2880 Quil rescostent et b. 2882 tindren
470 XI (Mcon •27-J53-27288)
Ne ne lor en fii mie bel.
Atant esporone Rovel
2885 Le destrer qui tost se remue,
En son poing tint l'espee nue.
Roonel en fiert durement,
La teste jusqu'es dens li fent.
Mort le trebuce de la sele :
•2890 Et prent le destrer de Castele.
Mener Fen quide a sauvete.
Quant Bricemer l'a encontre
Qui li crie n'enmenres mie
Tant con me bâte el cors la vit
•2895 Rovel entondi Bricheraer,
Tantost let le cheval aler
Que il on destre en ramenoit,
Et voit Brichemer qui venoit
L'espee traite contre li.
2900 Rovel molt bien le recuilli,
L'espee trete le requiert.
Molt vertueusement le fiert
Parmi le baume si grant cox
Que tôt li est ploie li cox.
2905 Si forment le fort et demeine,
A poi que il ne pert l'aleine:
Ne il n'a pas tant de vertu
Qu'il git devant li son escu,
Ains est autres! conme pris,
2910 Quant il le voit si entrepris.
Si li a si grant cop done
Que trestot l'a escervele.
Son cop estort, que del destrer
Le fet a terre trébucher.
2915 A tere chaï tôt envers
Mesire Bricemer li cers.
Li rois a veû son damache,
Por un petit que il n'enrage,
2885 que 2890 Desor le 2891 le q. 2895 entent brchemer
lui 2901 requier 2907 il nen a 2908 lui 2917 danache
XI (Méon 272«y— 27324) 471
Tant fu pleins de coios et d'ire
2920 'He dex!' dist il que porrai dire
Des ces larons de maie gent
Qui si me meinent malement?
Brichemer, por vos sui iries.
Mes vos seres par tens venches,
2925 S'il plest a deu en qui je eroi.'
Atant esporone lo roi.
Vers Rovel broce le destrer,
Et cil con hardis chevalier
Le reçut, si s'entreferirent
2930 Tex cous que li escu croissirent.
Rovel a brisie son espie
Dont il fu auques enpirie
Et molt li desplut, ce saches.
Mes tost refu ses brans saches.
2935 Mes li rois avant le feri
De l'espie qui estoit forbi,
L'escu li perce et le hauberc,
El coste li a fet un merc,
Trois doie en la char li enbat.
2940 Rovel ciet a terre tôt plat,
Estordiz et mal atomes.
Et H rois se rest retornes
L'espee trete, si s'areste.
.Ta li oiist cope la teste
2945 Et ocis l'oiist meintenant,
Quant Baucent vint esporonant.
'Sire' fet il, merci vos quer
Que vos l'envoies prisonier:
Que se vos ici l'ociez,
2950 Saches, blâme en seriez.
Mes metes le en vo prison!
C'est le filz Renart le laron,
Et por li, se vos l'enmenes,
Tos quites vos prisons raures
2928 connie h. cli'r 2929 requiert 2937 pence 2953 lui lo
menés
472 XI (Méon 27825—27359)
2955 Que Renars a mis en sa tor.
Se vos l'ocies, sans retor
Saches que pendu en seront
Vos deus prisoners ca amont.
Mes s'il vos plest, si l'en menés .'
2960 Li rois respont 'bien dit aves :
A vostre plesir sera fet.'
Tôt meintenant mener l'en fet.
Li rois en fet mener Rovel.
A Renart ne fu mie bel,
2965 Ains li anuie durement,
Mes il ne pot estre autrement.
Molt fu dolens, molt fu iries.
Ses barons en a aresniez
'Seigneur' fet il, 'car retournons! D 150»
2970 Rouvel mon fil perdu avons,
Li rois si l'en maine en prison.'
Atant retournent li baron,
Chascuns forment se desconforte.
Ou chastel entrent par la porte,
2975 Les pons font après euls lever.
Atant se courent desarmer,
Puis en montèrent ou pales.
Et la roïne a grant ellais
Vint encontre, si les conjoie.
2980 'Dame, dame, n'ai seing de joie'
Fait soi Renart, foi que vous doi:
Car ainsi conme je le croi,
Rouvel ai perdu, qu'eu prison
L'enmaine Noble le lion.'
2985 Quant la roïne entent Renart,
A poi que li cuers ne li part.
'Ahi lasse, que pourrai faire?
Lasse! con ci a mal repaire,
S'ainsi avons perdu Rouvel!
2955 la 2957 en manque 29(32 le f. 2966 p. tstrement Les vv.
2969—3103 manquent dans le insc. A, qui a perdu ici un feuillet; ils
sont donnés d'après le msc. D. 2975 fermer 2979 Dit 2989 Se ainsi
XI (Méon 27at;0-273i)5) 473
2990 Miex Yousisse que cest cliastel
Fust mis en charbon et en cendre.
Faites vos deus prisonniers prendre
Et puis si envoiez en l'ost,
S'il ne vos rendent Rouvel tost,
2995 Que vous ferez pendre Brun l'ours
Et Bruiant, n'en auront secours.'
'Dame' fait il, bien avez dit.
Je meïsmes sanz contredit
Irai dessus le mur crier.'
3000 A tant vait sur le mur monter,
Et s'escria que bien l'ot on
'Entent ca. Noble le lion: /
Tu as en prison mon enfant,
Et je rai Brun l'ours et Bruiant.
3005 Or fai lequel que tu voudras:
Ou tu Rouvel mon filz rendras
Ou tu verras Brun sanz demour
Pendre la amont sus la tor.
Si i sera pendu Bruiant.'
3010 Li rois respont 'ce est noient.
Que jamais nul jour nel verras.
Or y parra que tu feras.'
Atant est Renars descendu,
A poi qu'il n'a le sens perdu.
3015 As prisonniers en vint errant,
Si les fist prendre maintenant.
Puis les fist en la tour mener.
Si leur a fait les iex bender
Et puis el col mettre la hart.
3020 'Seigneur' ce leur a dit Renart,
'Hui est adjourne vostre jour.
Proiez Noble l'empereour
Qu'il me rende mon fil Rouvel,
Ou foi que je doi saint Marcel
3025 Ja serez ambedui pendu.'
2990 M. amasse q. ce 2994 Se il ne u. rent ;JUOO m. ester 3009
Et manque Si i s. 3016 fait 3017 fait 3018 a] y 3019 es coulx
3023 Que me filz
474 XI (Môon 27396—27431)
Quant li baron l'ont entendu,
Chascuns ot grant paour de soi.
Meintenant escrient au roi
'Sire, pour dieu et por son non,
3030 Nous sommes mort sanz raancon,
Se vous n'aves de nous merci.'
Li rois les barons entendi
Et bien les vit les iex bendez.
Ses barons en a apelez.
3035 Seigneur' fait il, 'que m'en loez?
Ja seront au vent encroez,
Se nous Rouvel ne leur rendon.'
'Sire' ce dient li baron,
'Fêtes li Rouvel envoier
3040 Et si li faites fiancier
Que vos prisoniers maintenant
Vos rendra et sain et vivant
Tût einsi conme il furent pris,
Armez sus les destriers de pris.'
3045 Vos dites moult bien' dist li rois.
Lors le fait venir demanois
Devant li, et sanz atargier
Li fist meintenant fiancier
Que si tost con laiens sera,
3050 Les prisonniers deliverra.
'Sire' fait il, 'ainsi l'ottroi.'
Atant a pris congie au roy.
Et li rois li baille conduit
Que de sa gent ne fust sousduit,
3055 Sel conduisent vers le chastel.
Renart se sist lez un quernel,
Si a veii Rouvel venir.
Tantost fist les portes ouvrir.
Si le recurent a grant joie.
3060 Le conduit arriéres envoie
Et puis sont monte ou palais.
3039 lui 3042 sainz et uiuaiis 3044 les manque 3045 dit 3046
font 3047 lui 3054 sousdi 3055 condisent 3056 s. uers un 3060
arrière 3061 montez
XI (Méon 274H2-274H7) ^75
Onc si grant joie ne vi mais
Conme son père li a faite.
N'i ot mie gvant noise faite
3065 Ne n'i ot parle fors de joie.
Je ne cuit que jamais tele oie,
Nou fera nul honme vivant.
Monseigneur Brun l'ours et Bruiant
En fist remener conme ber,
3070 Tantost les a fait desbender.
A grant joie et a grant leesce
Issirent de la forteresce
Dessus les destriers Arrabis,
A leur costez les brans forbis.
3075 En l'ost sont venuz sanz desloi
Très devant la tente le roi
Sont andui descendu a pie.
Durement en fu li rois lie :
Il les acole et si les baise
3080 Et dist 'moult estoie en mesaise
Pour vous deus, mais la dieu merci
Moult sui lie, quant je vous voi ci
Devant moi et sainz et haitiez.'
Durement refu Renars liez
3085 Pour son fil: mais Rouvel s'esmaie,
Que moult li deult et cuit sa plaie.
Desarmer le font meintenant,
Si li vont sa plaie cerchant.
Bons mires ot et bien senez.
3090 Tant sont de li garir penez
Que ainz que passast la semaine,
Fu sa plaie garie et saine,
Et bien pot ses armes porter.
Renars qui moult fist a doubter,
3095 En a apele ses barons.
'Seigneur' fait il, quel la ferons?
Il nos convient aler la hors.
3072 Isserent 3076 deuan 3085 filz sesmoie 3086 d. encor sa
serchant 3090 lui 3097 c. armer n. cor'
476 XI (Méon 27468— 275U2J
Il n'i a que d'armer noz cors
Pour noz anemis esmaier.'
3100 Atant s'arment sans delaier.
Par dessus le pont tuit ensemble
S'en issirent, si con moi semble.
Qu'iroie lonc conte faisant?
En l'ost se fereiit meintenant. A 145
3105 Mes nés trovent pas desarmes,
Mes bien garnis et aprestes
Conme de défendre lor cors.
La ot de tabors et de cors
Grant noisse fête et grant esfrois.
3110 Devant les autres vint li rois
Trestos armes sor son cheval:
Molt ot en li noble vassal.
Quant Renart vit lo roi venir,
Envers li broche par aïr
3115 Quanque cheval puet randoner.
Les lances brisent au joster,
Ambedui tôt conmunaument
Outrepassent isnelement,
L'un a l'autre plus ne forfist.
3120 Ysengrins sor un ceval sist
Qui bien valoit cent besans d'or.
Il broche vers Bruiant le tor
La lance droite au fer trenchant.
Bruiant revint esporonant,
3125 Si tost con il le vit venir.
Grans cox se vont entreferir
De lor lances de meintenant.
Ysengrins qui molt fu vaillant
Le feri de si grant vigor
3180 Que de la lance travers d'or
Li mist el cors et le fer tout.
D'autre part en parut li bout.
3098 que daler la Ii. 3099 delaier 3103 Que iroie 3104 le msc.
A recoumence 3112 lui {de même 3114) 3115 pot 3121 Que .c. 3124
reuient 3128 Ysengrins illisihU 3130 travers dor illisible 3130 Vers
corrompu. 3131 es c. 3132 but
XI (Méon 27503-27539) 477
Del destrer a tere le mei".
Cil trébuche et si gete un bret
3135 Si grant que tôt l'ost en frémi.
Li rois l'oï ot enteudi,
Celé part vint esporonant.
Si a trove Bruiant gisant
Tôt estendu enmi la pree,
3140 L'ame li ert del cors sevrée:
Iloques se gist estendu.
'Las!' dit li rois qu'ai atendu
Que ne vois vencher mon baron
Que m'a mort cel quivert félon?
3145 Qu'aten ge que nel vois vencher?
Il m'amoit tant et tenoit cher.'
Lors point le destrer de Castele,
La lance ou le penon ventele
A déploie de meintenant.
3150 Poignant s'en vet devant sa gent
Tos hors del sens, toz enragies.
Un des autres s'est desrengies
Qui contre le roi esperone.
Mes li rois si grant cop li done
3155 De la lance parmi le cors,
Li fers en parut par defors
Ge cuit plus de demie toise.
A ce que la lance pendoise
L'a mort trebucie enz el pre.
3160 Malebranche en a molt pesé
Qui l'ot esgarde et veii,
Tantost est celé part venu,
Malebranche fu tôt desve,
Quant vit son ome mort gite:
3165 Molt en fu dolans et iriez.
Envers le roi s'est eslessie,
Et li rois qui bien l'aperçut
Meintenant celé part corut
Quanqu'il pot trere del destrer.
31.34 Si t. et cil g. 3135 fermie 313(5 lot 3138 par 3141
estendus 3144 quert 3156 La lance p. 3158 pendie 3159 trebuci enz es
478 XI (Méon 27540—27575)
;^170 Bien fu afiche eu l'estiier.
Et Malebraiiche d'autre part
S'eslesse parmi uu essart:
Si tost comne a veû lo roi,
L'escu enbrace par desroi
3175 D'ire et de maltaleut espris.
Li rois revint maltalentis :
Doner se vont mervellos cox
Desus les escuz de lor cox
Se ferirent sanz deuiorance.
31H0 Malebrance brise sa lance.
Et li rois le fiert a bandon.
Que sa lance jusqu'au penon
Li fist parmi le cors glacer.
Mort le trébuche del destrer.
8185 A le rescore vint Renart,
Mes il i est venus trop tart.
Il et sa gent i sont venu,
Mes malement l'ont secuiu,
Qar iloques l'ont trove mort.
3190 Ci n'a' dist Renart nul confort,
Mes or venai qui m'auia cher,
Que je le voil aler vencher.'
Sire' ce dient li baron,
'Volontiers vos i aideron.'
3195 Lors reconmence la niellée.
Meint cop i a féru d'espee,
Molt veïssies bestes morir,
Onques nus ne se pot tenir
Encontre l'espee Renart.
320() Quant Ferant s'en vint celé part,
ïex vint mile en sa conpaignie
Qui au roi firent grant aïe.
En l'ester se feront errant.
Des genz Renart ont ocis tant
3205 Que nus n'en sot le conte dire:
3170 el destre 3172 Sesse lieise 3175 de mavqtie estpris 3177
meru' los 3178 D. lor e. 3190 dit 3191 ore 3195 Adoiit oonnience
319*; fure 3203 ernaiit 3204 gent
XI (Méon 27576—27(311)
Lors n'ot Renart talant de rire.
Qui donques veïst Percehaie
Parmi l'ost con il se desraie !
îsus ne pot a son cop durer.
3210 Belin prent a esperonor,
Percehaie l'a si féru
Que il li a percie l'escu.
Ou li pessast, ou bel li fust,
Que de la lance et fer et fust
3215 Ne li passast parmi le foie.
Mort le trebuce enmi la voie.
Puis sache del fore l'espee,
A Ferrant done tel colee
Que li fist la teste voler:
3-220 D'eus deus fist la guerre finer.
Renart s'eslesse d'autre part,
Grant cop vet ferir le lepart
De son gleive parmi le cors,
Que li fers en parut defors:
3225 Tant con la lance li dura,
A la terre le trebuca.
Molt i ot grant caple et félon.
Estes vos Noble le lion
Arme sor son cheval ferrant,
32;;o La lance en son poing paumoiant.
0 li ot meint duc et meint conte,
Tant en i a, n'en sai le conte.
0 li fu li conte Frobert
Et l'escoufle sire Hubert
3235 Qui heent Renart durement:
Vers li vienent ireement.
Sire Frobert le gresillon
Plus tost que un alerion
Vint poignant encontre Renart.
o240 Renart le voit qui molt fu tart 146
Que il se fust a lui mesle.
479
3218 Au 3220 De .x. a 3229 soz 3230 poig 3231 lui 3233 lui
323-, hent 3236 lui 3240 que
480 XI (Méon 27612—27049)
Del fore tret le brant letre,
Et Fiobert avoit le suen tret.
Li uns pies de l'autre se tret,
3245 Grans cos se ferent de manois.
Des brans qui sont sarasinnois
Si merveilles cox s'entredonent
Que totes les testes estonent.
Et si giant cop se sont féru
3250 Qu'a terre se sont abatu:
Andoi cient enmi la voie.
Estes vos poignant Percehaie,
0 lui meint vaillant bacheler.
A force font Renart monter,
3255 Puis retornerent a itant
Vers le castel esporonant.
Meintenant montent el pales
Qui riches estoit et bien fez.
Molt las et molt travellie sont,
3260 Si se désarment la amont
En la tor qui est bêle e blance.
Molt font grant dol de Malebrance,
'Las!' dist Renart 'maloiire!
De mal ore fu ouques ne
8265 Quant g'ai Malebrance perdu
Par qui dui estre secoru.
Or n'aten ge mes nul socors.
Dame Fere, les voz amors
A ge conparees molt cher.
3270 Mes foi que je doi seint Richer
A qui je n'en doi neïs point,
Li rois Nobles est en mal point.
N'en puet partir en nule guise
Que de ses seges ne se cuise.'
3275 Dist Rovel 'or lessies ester!
Yos n'i poes rien conquester.'
Tos dites voir, sire Rovel,
3253 uallet b. 3263 dit 3270 je manque doi a. s. 3271 ne d.
3272 ert 3273 pot partin 3275 Dit 3277 uor
XI (Méon 27(i50— 27685) 481
Mes foi que je doi seint Marcel
Que je n'ains que vaille un deuier.
3280 Li rois le coupera molt cher:
Ainz que cist castax soit rendus,
Sera il as forces pendus.'
Atant ont lessie le pledier.
Li rois Nobles se fist loger
3285 Enmi le pre desoz la tor,
Et jure deu le creator
Que James ne s'en partira
Tant que Renais pendus sera.
Einsi se sont a grant leece
3290 Tendu devant la forterece,
A grant joie et a grant baudor
Furent iloc trestote jor
Et grant partie de la nuit,
Et tant qu'il se dormirent tuit.
3295 N'en i ot nul qui ne dormist.
Renart qui onques bien ne fist.
Se mal non et desloiautez,
En a ses deus filz apeles
Et Ysengrin son conpaignon.
3300 Scgnor' fet il, 'queil la feron?
Il se dorment trestuit en Tost :
Fêtes et si vos armes tost,
Ses irons la hors estormir.
Se poons au roi avenir,
3305 Ja dex n'ait de m'ame merci,
Sel puis tenir, se ne l'oci.'
'Sire font il, 'bien aves dit.'
Adont s'arment sans contredit
Tuit quatre c'onques n'i ot plus.
3310 Le pont ont fet avaler jus.
Tôt bêlement et tôt soef
(Jnt entr'eus le pont avale.
S'en isscnt sans noisse et sanz cri,
3278 je manfjiie a. fileb't 3279 nai d' 3290 le fortrcce 3300
ferqj 3313 san cri
RENART I 31
482 XI (Méon 27686—27729)
Durement ont l'ost estormi.
3315 Quatre en ont mort au premer saut.
L'ost estormist et bas et haut.
Vers la tente lo roi en vont,
Les cordes coupées en ont:
La tente ciet, li rois s'esveille,
3320 La noisse entent, molt se merveille.
As armes corent et molt tost
Se furent arme cil de l'ost.
Mes cil se sont mis el retor,
Grant caple ont fet devant la tor.
3325 Mais la gent lo roi tant s'esforce
Que Renart i pristrent a force,
Et li autre, qui que soit bel.
Si se ferirent el castel.
Et Renars par molt grant desroi
3330 Fu amenés devant le roi,
Tôt corocie et tôt plein d'ire.
Li rois li commença a dire
'Ha punes rox de maie part,
De ma gent m'as fet grant essart.
3335 Mes molt cher te sera rendus,
Que orendroit seras pendus:
Ne t'i vaudra engin ne lobes.'
'Merci' fet il, 'gentix rois Nobles,
Pardones moi a ceste foiz,
3340 Si abessies vostre bufoiz !
Se ceste fois me pardonez,
Adonc m'ert bien gerredones
Le service que je vos fis
Quant de la fevre vos garis,
3345 Quant je fui por vos en Palerne,
En Romanie et en Salerne.
Outre mer en Sarazinois
Fu je por vos plus de set fois
Por querre vostre garison.
3314 Dorement 3329 desre 3332 Et li q. li a pris a 3334 as
f. g. e. illisible 3336 seras pendu illisible 3339 ceste foiz illisible
3340 uostre bufoiz illisible 3341 me par illisible
XI (Méon 27730—27765) 483
;5350 Or m'en rendes le guerredon :
Et danile deus et nostre dame
Guerredon vos en rende a l'ame!'
Li rois qui fu pleins de savoir,
Ot le service amentevoir
3355 Que Renart li ot fet jadis.
Adonc a porpenser s'est pris.
Et quant il ot pense grant pose,
Si dit 'ore oes une cosse,
Segnor baron !' dit l'enperere
3360 'Ves ci Renart qui meint contrere
M'a fet: or me reproche ci
Ce que de mon mal me gari.
Il le me doit bien reprocher,
Orendroit li aura mester :
3365 Que por tôt l'or qui el mont soit,
Ne li mefferoie orendroit,
Ainz li pardoinz tôt le mesfet
Que il m'a en cest monde fet,
Trestot li quit orendroit ci.'
3370 Renars respont 'vostre merci'.
A icel mot fu la pes fête.
Li rois fet corner la retrete:
Cels qui asaillent a la tor
Renart, fet mètre el retor.
3375 Et li rois sans plus arester
A fait ses pavellons oster. 1-47
Trestot meintenant s'en retorne,
Jusq'a son castel ne sejorne.
Tantost au perron descendi.
3380 L'empereriz vint contre li
Qui a grant joie le reçut
Si con son segnor fere dut.
Durement son segnor conjoie.
El pales monte a grant joie
3385 Li rois que sa feme decoit
3356 se p. 3361 me porchace ci 3369 cuit 3377 se r. 3378
c. ne retorne 3380 lui 3884 montent
484 XI (Méon '2nm— 27782)
Si que il point ue s'aperçoit
Que lienart l'oust esposee:
iN'onques n'en fu aresonee,
Ne il n'en fu parole puis.
3390 Renars ala a Malpertuis
Ou a grant joie le reçurent
Si filz si corne il faire durent,
Et avec rai sire Ysengrin D 152^1
Qui l'aime de cuer enterin
3395 Et puis fu si bien du roi Noble
Que tuit cil de Constantinoble,
Par parole ne par mesdit,
Einsi con l'escripture dit,
Nel feïssent au roi meller
3400 Por rien qu'il seiisseut parler :
Mes entr'euls moult grant amor ot.
Li contes fenist a cest mot.
La fin des vv. 3388 à 3392 ciiiisi que les vv. 3393 à 3402 ont été
arrachés. Voici les lettres et les mots qui manquent: 3388 ce 3889 e
puis 3390 tuis 3391 le recurent 3392 il faire durent On Ut au v. 3390
au Les vers 3393 ss. soit tirés du msc. D. 3399 Ne le feist 3400
quil sen seust pener
LE ROMAN
DE
REPART
PUBLIÉ
PAR
ERNEST MARTIN
DEUXIEME VOLUME
SECONDE PARTIE DU TEXTE: LES BRAXCHES ADDITIONNELLES
STRASBOURG
K .1. T R i: P. N E K , É D I T E U R
PARIS
ERNEST LEIiOfX
INS,-)
linprimfirie de O. Otto à Darmala.lt.
XÏI
(Méon 20491—20517)
Oez une novele estoire A f. 59
Qui bien devroit estre eu mémoire.
Lontans a este adirée :
Mes or l'a un mestres frovee
5 Qui l'a translatée en ronianz.
Oez comment ge la comanz.
Ce fu en mai au tens novel
Que Renart tint son fil Rovel
Sor ses genolz a un matin.
10 Li enfes ploure de grant fin
Por ce qu'il n'aveit que mangier.
Renart le prist a apaier.
Si li a dit 'filz cuer de roi,
Ge vois el bois de Yeneroi
15 Porchacer a ton cors viande'.
Atant s'en ist parmi la lande
Et s'en entre en la voie errant
Et molt sovent vet coloiant
Savoir s'il poïst acrocher
20 Qui a son filz oust mester,
Coc ou jeline ou oison.
ilester en aureit en mason
Que il n'i a point de cuisine,
Et sa ferae gist de gisine,
25 S'est molt ses osteus desgarniz.
Atant li sont devant sailliz
Cinc que jelines, que chaponz.
1 estoro 10 fein 16 sen mist 22 auret
HENART II. 1
XII (Méon 20518-20553)
Et Renart se mist es trotons
Tôt droit vers els giaiit aleûre
30 Tant qu'il vit venir l'ambleuro
Iluon l'abe et sa mesniee.
Kenart maudit sa chevauchiee
Qui sor lui a hui fet teil taille.
Fuiant s'en torne, si baaille,
35 Qu'il n'i ose plus demorer
For les levrers qu'il veit mener.
Vers la forest s'en va corant
Et Huon l'abe dévorant.
'Ahi' fait il, 'Huon l'abe,
40 Mal jur vos seit hui ajorne !
Molt m'as hui fait grant desturber,
Qu'entre ma boce et ma cuillier
As hui proie sor mei sesie.
Maudite seit la toue vie!
45 Que trop me par as hui grève.
(l'en oiisse ja un levé,
Se ne fusses sitost venu.
Et quant ne m'as aperceû,
Ge m'en irai que bien que mal.
50 Meuz m'en vient partir paringal
Trestot sanz perte et sanz mehaing,
Que recovrer mortel gaaing'.
Atant s'en veit toz eslessez,
Molt est dolanz et corochez
5,-) De ce qu'il n'a rienz conqueste
(^u'a son ostel eiist porte
Por sa mesnie desjunier.
Tote jur ne fina d'errer
Jusqu'à tant que vint vers midi
(jo Que il garda, si a coisi
Tibert le chat qui se giseit
Sor une roche et rostisseit
Sa pance au chaut del soleil.
28 el trotans 33 Quo tailloo 37 fores 41 niaiies fait liui
49 bien ] mal (52 rostission
XII (Méon 20554—20590)
Ce dist Renart 'molt me merveil,
65 Se c'est Tybert qui la s'acoste'.
'Oïl voir, ce sui ge, bauz hoste'.
"Et por ce que ci estes vos,
Ge me voil desresner o vos'
Ce dist Renars 'et reposer:
70 Que je ne final Imi d'aler'.
'Si alez dormir en un angle !
N'ai que fere de vostre jangle
Ne de vos falordes oïr :
Fuiez, si me laissez dormir!
75 Ge n'ai or de noise mester.
Fuies de ci, aies biller'.
'Avoi, sire Tybert li chaz,
Por ce s'ore aves voz degraz
Et se vostre pance est or pleine,
80 Ne durra mie la semeine
Cist orgoulz que vos or avez.
Por ce s'or estes saolez,
Si me faites chère lovine.
Ge conterai a Hermeline
85 La foi et la reconnissance
Dont vos estes et la provance.
Et ge l'ai en meisson laissée:
Tôt de novel est achociee
D'un molt bel filz et d'une fille'.
90 'Par fei, n'i donreie une bille'
Ce dit Tybert 'en els n'en toi'.
'Avoi, sire Tybert, par foi,
Ge n'en puis mes, se me dément,
Que desgarnis sui malement.
95 Ge ne laissai hui a l'ostel
Ne pain ne vin ne car ne sel.
Dont ele se poïst disner.
Si m'avint hui a rencontrer
Huon l'abe, un vis diable.
100 Renart doit il donc dire fable,
73 uo f. 79 ore 80 dura 8G la connissance
XII (xMéon 20591— 20R26)
Qui jeiine et feit penitance?
'Nenil, mes estre en repentance.
Si deit aler paissiblement
Ne mie ganler a la gent
105 Quïl trovera par les cemins :
Ainz se deit tenir toz enclins,
Quant il vait en pèlerinage,
Ne deit mie démener rage'.
'Avoi, Tybert, or est asez.
110 N'estez vos mie encor lassez'
Fet sei Renart 'de mei gaber ?
Ja nel vos doiissez penser.
For ce se je sui or frarinz,
Ases set deu quex pèlerins
11') Nus somes' Renart li a dit.
Et Tybert dist 'se dex t'aït,
Renart, di moi ou est l'iglise
Ou tu vas oïr le servise.
Ja ne ses tu pas messe entendre.
120 ^«e t'ai veii carite prendre
Deus fois sans aler au moster.
Molt es religieus des er
En petit d'ore devenu.
Conment dont t'est ice venu?'
125 'Far deu, Tybert, vos aves tort.
Tex est febles qui devient fort.
Tybert' ce dit Renart, 'merci!
Au besoin voit on son ami.
Mes feites le conme corteis,
130 Venes o mei en cel defois
El plaissie Guillaume Bacon
Savoir se ja troverion
Aucune chose a os ma feme'.
'Nofferai' dist Tybert, 'par m'ame,
135 N'ai or mester de traveller'.
'Gel di por vos esbanoier
110 encore 115 dist 116 dit 126 quil d. 131
XII (Méon 20627-20663)
Et por mei feire conpaingnie. 60
Si feres molt grant cortoisie
Se vos venes o moi esbatre'.
140 'Voire mes se tu me fez batre
Par ton engin et fere honte'.
'Avei, Tybert, ice que monte ?
Par la fei que je dei Rovel,
Ne voudroie por le mantel
145 Qui orendreit au col me pent.
Qu'en vos i forfeïst neient,
Ne que eiissies se bien non
Tant con serion conpaingnon'.
Et puis dist en bas bêlement
150 'Tybert, dex t'enveit marement,
Que molt m'auras hui ramprone.
Mes il t'ert bien gerredone
Se je puis et engin i vaut'.
Et après a parle plus haut.
155 'Sire Tybert' Renart a dit,
'Ge vos aim molt, se dex m'aït'.
Ce dit Tybert 'bien vos en croi'.
Atant sont essu del Moloi
Vers le Vernoi tuit esleisse,
160 Si se feront enz el plaisse
Loing del castel desos la vile.
Et Renart qui molt sout de gile,
Aveit Tybert mis a raison.
'Tybert, par ta confession
165 Fet soi Renart di moi verte,
S'or venoient ci arote
Tuit li chen Guillaume Bacon,
Se dex te face veir pardon,
Quar me di or que tu feroies,
170 Fuiroies tu, si me lairoies?'
Ainz m'en monteroie lasus'
Ce dist Tybert, 'n'i auroit plus.
Si esgardoroie lor force,
14S seron 161 caste 107 guill' {de même 18H) 169 ore 170 Fui-
roimes 173 esgarderoi
XII (Méon 20(jG4 -2070 1)
Se je trovoie crues n'escorce
175 <^^u ge me pousse mocier,
S(is laireie outre chevacer :
()ue trop par est ma pance plene,
Au core me faudroit l'aleine.
Et vos, Renart, que ferees?
180 l'ien sai que vos fuïreez,
Si me laireez covenir'.
Atant voient avant venir
Guillaume Bacon o ses clionz.
'Ici ne voi ge nul des miens,
185 Sire Tybert' ce dist Renarz.
'Or face chascun de ses arz
Et tôt au mouz que il porra,
Que Renart plus n'i demorra.
Sire Teberd, or del monter,
190 Ne vos tiengne pas de gaber.
N'estes or mie sor la roche
Ou ore me dist vostre boce
Ijcs foies paroles cuisanz.
La parlerez avoc ces genz,
195 11 vos voudront ja detroer,
Si conmenchez a sarmoner.
Se vos lor i treez sarmon,
Vos vos i tendres a bricon :
(^ue ja ne monteres si haut
200 Que a terre de l'eschafaut
Ne vos metent de lor bastons,
De lor arz et de lor bozons.
Et se vos estes entrepris,
Ja par moi ne seres requis:
205 N'il n'en prendront ja reencon.
S'il n'ont vostre gris pelicon'.
Lors se mist Renart au travers.
Et Tybert s'est au cenne aers.
Si est montes sans demorance,
210 Qui au core n'aveit fiance,
191 ore 197 i manque 2rX) a la t. 202 Et de 206 Sil ueent
XII (Méoii 20701—20737)
Trop se senteit pesans et lenz.
Sovent disoit entre ses denz
Sa credo et sa paternostre:
'Ha dex' fait se il, père nostre,
215 Abandone a totes genz,
Garissies mes pies et mes denz
Et ma santé et ma proece,
Que ge n'i muire par perece,
Mon chef, mes euz et ma feture.
220 Et si dones maie aventure
Renart qui ca m'a amené!'
Atant ont Renart escrie
Li braconnier qui l'ont veii.
Et li bracet sont esmeii,
225 Si vienent sos le cesne droit
Ou dan Tybert li chas esteit.
Hoc conmencent a glatir,
Ne s'en volent por rien partir
Devant que tuit li ponneor
230 Sont venu et li coreor.
Merveillent soi que li chen ont
Tant qu'il gardent el caine amont,
Si ont choisi Tybert le chat.
S'or ne li a mester barat
235 Ja i porra tost escoter,
Quar il conmencent a giter
Que pieres que bastons en haut:
Et il lor guencist et tressant,
Si li est bien de ce venu
240 Que il n'i ont nul arc oii.
Mes 0 les bastonz en gitant
Le font sovent saillir avant.
Mes il ne l'en est a neent,
Ainz les tient a mavaise gent:
245 Ne prise rien tôt lor ruer.
Il ne s'en faiseit que gaber,
Que ja par oulz n'oiist nul mal,
221 ame 223 que 225 drot 228 uoloient
» XII (Méon 20738— -20772)
Qnant uns prestres vint a cheval
Qui ses livres ot fet troser
250 Por ce que il deveit chanter
A Blaangni por le proveire
Qui esteit aies a la feire.
Xe saveit d'autres livres rien.
N'i coneiist ne mal ne bien.
255 Ce qu'il en set. set par anui,
Por ce les porteit avoc lui.
Le prestre del Breil aveit non.
Celé part vint a esperon
Ou vit cels qui gitent au chat.
260 Tôt prestement sor euls s'enbat.
Cil li dient 'se dex vos voie,
Danz prestrez, ou en ert la voie ?"
A Blaanni voloie aler,
Mes 0 vos voudrai demorer
265 Tant que cis chaz seit abatuz".
Lors est li prestres descenduz
Tôt meintenant, e met le frein
Desor le col de son polein,
Sel laisse tôt sanz atachier.
270 Bastonz aquelt fort a trenchier.
Et Tebert li chaz se regarde.
'Ha prestres, maie flambe farde!'
Ce dist Tybert 'de ton venir 61
Me pousse ge bien sofrir'.
275 Atant vient li prestres au cène.
Et danz Tybers li chaz l'arenne
Sire prestre, que me volez?
Sachez bien que pas ne venez
Vers moi a reison ne a droit
280 Si conme prestres fero doit
A doner moi confession.
Ja ne sui je mie laron
251 prouore 258 par 259 ?. enliaut 263 uoloi 267 nieitenanf
269 atoch'e 272 f. darde 278 que manque 279 moi ^iii" a dreit „"
reison
XII (Méon 20773-20807) »
Qu'en doie asallir ne tuer.
Je me voloie confesser,
•285 Se vos eusses vostre estole.
Mes vostre feme n'est pas foie,
Que en a lie son veel.
Mes foi que doi seint Ysrael,
Vos faites molt grant vileinie
•jyo Qui venes par tele estotie
Vers moi qu'en veut ici dcstruire:
Il vos porroit encor bien nuire.
Or doûssez avoir proie
A cous qui m'ont ci asegie
•295 Que il se tressissent arere
Tant qu'oiissiez a cest pechere
Priveement un poi parle
Et que m'oûssies confesse'.
A cest mot li prestres pris a
800 Un des bastons que il trencha,
Si fert Tybert desor l'eschine
Que sor une brance l'encline.
'Avoi, dan prestres' dit Tybert,
'Féru m'aves a decovert.
305 Vos n'estes mie loiau prestre.
Pastor d'ames doùssez estre,
Mes vos estes le plus rapax
Qui fet a tôt son pooir maux.
Se fussiez pastor ovium,
310 Ne me feïssies se bien non.
Pou entendez de l'escriture.
Que dex li doinst malaventure,
Qui a prestre vos ordena,
Qu'en sa vie tant ne fola.
315 Danz prestres, fuies vos de ci!
Par vos sera dex bien servi.
Uaheit ait qui poor en a!'
287 Que ele en 289 Qui uos molt maïKjue 2fil ci 292 encore
294 asogei 296 que eussiez 309 anium 312 li ] nos 313 manque
314 Que- sa 315 vos manque
10 Xir Méon 20808—20842)
A tant li prestres régi ta,
Et Tybert molt bien li guencliist
320 Et puis après itant li dist
'Por quoi me voles vos abatre?
.Ja vois je jus ma corpe batre.
11 a en vos mal confesser'.
Et li prestres rejeté oncor
325 Un des bastons qui est coûz.
Et Tybert est aval venuz
De brance en bran ce bêlement.
Âpensez s'est d'un hardement:
S'il pooit sallir el cheval
330 Au prestre qui tant li fet mal,
Qui ses livres avoit trossez,
Lors auroit de ses bonz asez:
Aler l'en fereit a ses piez.
Tant par est Tybert abaissiez
335 Que tuit quident qu'a terre veisse.
Lor chens huient et font grant noise
Qu'il quident qu'il voille descendre,
Mes il voudra a el entendre.
Tant se trait envers le polein,
340 Qu'il ot bien veii que le frein
Ot sor le col tôt a délivre.
Li prestres s'en tendra por ivre
De ce qu'il n'i ert atachez.
Et Tybert s'est tant aprochez
345 Et tant trez envers le roncin.
Et li provoire Mauvoisin
Son chen apele 'or ca. or ca!
Ja a cestui n'eschapera'
Fet soi li prestres, gel vos di,
350 Puis qu'a la pel l'aura saisi.
Or l'abatou entre les chens,
Si vorron que fera li miens'.
319 guenchit 322 cope 324 se ieto 330 que 334 t. baissie
337 Que il 342 po iure 348 a muiiqiie 352 uenron
XII (Méon 20843-20878) H
Lors ont tuit de rechef hue.
Et Tybert s'est tant avale,
355 Quant il ruèrent lor bastons,
(ju'il sailli entre les arçons
Del polein qui fu esfrees.
T. es granz galoz s'en est tomes
Tôt le chemin de Blaaignie.
36(1 Et li braconnier tôt ire
l'or le chat qu'il orent perdu,
Ont le provoire bien batu.
Puis apelent lor chens bâtant.
Et li prestres s'en vait plorant
365 Apres Tybert tôt le chemin,
Toz soûl fors que de Mauvoisiu
Son chen qui après vait trotant.
Et Tybert veit esporonant
Et galope et retient son frein :
370 Molt par siet bien sor le polein.
Tybert le prestre regarda
Qu'après lui vient, tôt tressua.
'Avoi, dan prestres' dit Tybert,
'Tex cuide gaaigner qui pert,
375 Et autre enborse le gaain.
^[al dol li sorde et mal mahain
De son catel et de son cors
A proveire, quant il vet fors
Por le mester damledeu fere
380 Qui vout les bestes contrefere !
Dahez ait prestre veneor !
Il doit vivre d'autre labor,
Puis qu'il est a prestre sacrez
Et tant fet q'il est ordenez,
38.') Del mester damledeu doit vivre.
Et vos. danz prestre, esteez ivre
Qui laisseez vostre mester
Por aler un chat dechacer.
357 qui 35'J baaignie 361 que il 367 que 370 plein 374 que
386 prostroz
12 - XII (Méon 20879-20912)
Mes c'ert por mètre cl pelecon
300 A vostre putein de meison.
Vos ne feïstes pas que sages
Or en est vostre li damages
Et la perte et le mescehance.
Et je siii en ferme créance,
395 S'irai mes oan au moster :
Por vos fere or le mester.
Molt vos en est bien avenu:
Tôt vostre sen aves perdu,
Vos livres avez adirés.
4tX) Molt estes or maloûrez,
Ne saves mes plus une letre.
D'el vos convendra entremetre
Que de cures d'ames tenir.
Bien vos devoit mesavenir
405 Qui derere aviez trosses
Et a vostre dos adossez
Les seinz livres nostre seignor
Dont on le sert et nuit et jor.
Mes por ice le fesiez
410 Qu'en autre rien ne saviez. 62
Vos n'estes pas de mon savoir,
Quar je cuit autretant savoir
En trestot le peior qui soit,
Conme en cous que j'ai orendroit'.
415 'Haï, Tybert' ce dist li prostrés,
Baux dous amis et bau dous mestres,
Rent moi mes livres: je t'afi,
Contendrai moi eu ta merci.
Si me rendes mon palefroi!'
420 Or n'en soiez ja en esfroi'
Ce dit Tybert, 'par seiut Martin,
Anchois m'ares dit en latin
;394 soie crance 396 or mauquc 399 Puisqiiaues vos liures a.
400 ore 405 d. uos a. 407 Les einz 1. n. scingor 409 feeiz
410 sauieez 413 qui i s. 416 b. do m. 421 matin
XII (Méon 20918- 2U947) 13
Con l'en dit fable, se voles'.
'Faba' dist li prestre, 'or l'aves'.
425 Ce dist Tybert ce ue puet estre.
Faba c'est fève sanz areste,
Et fabula ice est fable.
Alez, fou prestre, au deable
Qui vos puisse le col briser,
480 Si apernes autre mester:
Que la premere question
M'avez sause conme bricon.
Mes dites mei ici endroit,
Se saves par ont cevre poit'.
485 'Par le cul quant il est overt'.
'Mes par la corne' dit Tebert.
'Or me respondes de gramaire!
Saves nient de celi faire
Que li prestre font as clercons
440 Quant il lor pernent lor leçons?'
'Par fei, j'en soel savoir ases'.
'Bien vos en croi, mes trop venez
Si près de moi que il m'ennuie.
Mes savez vos nule alleluie
445 '^0 douz chant por moi endormir?
Vos me voureez or tenir
Parmi les rennes de cest frein.
Lessier m'estovroit le polein
Et trestote le trosseiire.
450 Mes dex li doinst malaventure
Qui le vos en verra mener!'
Lors aquelt a esporoner
Tant que de lui pert la veiie.
Lors a Tybert grant joie hoiie,
455 Et le prestre tristre et dolans
Va après demandant as genz
Qu'il encontre parmi la voie,
423 se uos u. 425 pot 428 deible 432 sause J3S a faire
439 d'oTis 444 alciue 445 moi manque 446 ore 448 me coniifiiiroit
451 Quil uos laira hui m. 452 aqult 455 ot manque 457 Que il
14 XII (Méon 20948-20982)
'Dites' fait il, 'se dex vos voie,
Yeïstes vos par ci mener
460 Un cheval et esporoner
Qui or se départi de nos?'
'Cist prestres qui ci vent si sous
Font soi cil a qui il parole,
'Bien puet estre que il afole
4G5 Ou il a espoir trop boii'.
'Seignor' dist il, 'einz m'a tolu
Mon cheval a trestot mes livres'.
'Oez' font il, 'est il dont ivres?
Dan prestre, il est la feste as fox.
470 Si fera len demein des chox
Et grant départie a Baieus:
Aies i, si verres les jeus'.
Li prestre ot q'il li vont gabant,
Si s'en est retornes atant,
475 II e son chen droit en mason.
Et Tybert s'en vait le troton
Et les galoz et l'anbleiire
Tant qu'il garde par aventure
Lez une haie entre deus blez.
480 Si veit Renart qui fu lassez,
Tant par aveit le jor coru,
Et de la fein qu'il ot oii :
Si n'aveit en li qu'aïrer.
Et Tybert prist a dévaler
485 Le val et Renart l'aperceit.
Trois feiz se seinne, quant le voit,
Molt le regarde apertement,
N'osse pas croire fermement
Que ce fust Tybert qu'il voit la.
490 Et Tybert qui bien veii l'a,
Ne fet pas semblant qu'il le voie,
Ainz chevace molt bel sa voie.
463 cil manque 464 pot 469 la manque 470 fosta 47(;
droit le 481 par manque 486 in. q. il le 489 fu 490 que
495
500
XII (Méon 20983-21018)
Einsi s'en vait molt cointement,
Ses piez regarde molt sovent
Et puis son cors de chef en chef.
Un capel ot mis en son chef
Qa'ert d'eglenter et de cherfueil.
Et Renart regarde a un ueil,
Bien veit tote sa contenance.
Et dit Renart par la membrance,
i'ar les plaiez, par la mort beu,
Ne sai ou sui ne en queil leu,
Ne sai que c'est que je voi la.
Se c'rst Tybert, qui l'adoba?
505 II me resemble chevalier:
Yois por le cuer beu, mes cloistrer
De livres porte a grant plente,
li est esleûz a abe.
lie dex, et de queile abeïe?
510 De Clervauz ne sereit ce mie?
Nenil, mes il i a abe.
Molt sui bonis, par le cuer be,
Que je n'en osse a lui parler.
Il me fereit tost afoler
515 Et leidir a son palefroi.
Il le meine par grant esfroi,
Ce soit par sa malaventure!
8i sera ce, g'i raetrai cure,
S'a lui me puis acompainner.
520 Mes nel sai conment areisnier.
Gel corrocai jeui matin,
Por ce ne m'os en son cemin
:Metre n'a lui abandoncr'.
Et Tybert conmence a chanter
525 Une chancon tote de Rome,
Onques si bêle n'oï home.
Et quant laissie ot a chanter,
Si conmenca a rcgreter
15
501 mor 505 chlr.' 519 acongpaiuer 522 mon 528 conmence
XII (Méon 21019—21053)
Renart que hiii mein Tôt laisse.
530 Dex !' fefc il 'tant sui corocie
De Renart que ne puis trover.
Se ge le poisse encontrer,
Molt le meïsse ore en grant pes,
Mes escuiers fust oan mes'.
535 Lors se raquelt a estargir,
Son cheval fet avant saillir
Et dist 'qu'est Renart devenus?
Ce poise moi qu'il est perduz'.
Et Renart qui bien l'ot oï
540 Est meiutenant en pies salli
Et dist 'gie ne sui pas perduz,
Sire, que bien soies venuz
Et que beneoit jor aiez!'
Et Tybert s'est lors afichiez
545 Sor les estriers, si le regarde,
Et de parler un pou se tarde. 63
Et Renart est avant venuz
Et li dist sire, bons saluz
Et bon jor vos soit hui douez!'
550 A qui es ce que vos parlez?'
Fet soi Tybert a vos qu'ateint?'
'Sire, je di que dex vos meint
Et doint goie et bone aventure!'
De vostre salu n'ai ge cure'
555 Fet soi Tybert: 'ce que ge vueil
Ai ge trestot. et si me doil
De Renart que ne puis trover.
(Je le voloie o moi mener
A seint Martin a Blaengnie:
5(iO Que g'ai de li molt grant pite.
Et ge vois la messe chanter:
L'iglise m'estuet déporter
Jusqu'à huit jors por le provoire
537 que est 543 benoir 559 baensiii 561 li m. 502 mestot
563 Jus a
XII (Méon 21054—21089) 17
Qui est aies a une foire
ôGô A Dol, ce dient, en Bretaingne.
Ja dex ne doint que il reviengne!
Robe va querre a sa putein.
Si m'estuet la chanter demein
Et ge n'ai clerc qui me respoingne'.
570 'Ge ferai bien ceste besoingne,
Le mester sai de chef en chef.
Bien vos aiderai, par mon chef
Fet soi Renart, 'se vos volez.
Ge sui celui que vos querez,
575 Renart vostre bon conpaingnon'.
'Va ta voie' fet il, 'bricon!
Tu es Renart?' Yoire par foi'.
'Mentiroies en tu ta foi?'
'Oïl voir' ce a dit Renart.
580 'Ya ta voie' fet il, musart!
Renart ne s'osereit veoir
Devant moi por nul estovoir,
Quar il m'a hui molt ranprone
Et molt corocie et gabe.'
585 'Ja n'i ot se paroles non.'
'Si ot. il fist grant mesprison
Qui iloc me laissa par moi
Ou iere alez en bone foi
0 li esbatre en eonpainnie.
5!)n II ne fist mie cortoisie.
Mes or me di, se dex te gart,
Se tu me veïs hui Renart'.
'Neuil certes jor do ma vie,
Ge ne vos en mentisse mie'
595 Ce li a Renart rospundu.
'Mes, Tybert, vos ai ge voii'.
'Avez oï, par le cucr be.
Con m'a or cil vileins gabe!'
'Gabe ? de quoi ? oncor i pert.
ÔiHi leuieng:*' 584 coiicie 587 lassa 588 Oui)(|iih li niai
597 oil
liENAUT II. -J
XII (Méon 21090-21125)
600 Dout n'estes vos mie Tybert'.
'Oïl voir'. 'Et je Renart sui,
A cez enseinnes que je hui
Vos trovai sor la roche en haut
Ou vos vos tostissiez au chaut'.
{J05 Tybert respont tu as voir dit.
Mes or me di, se dex t'aït,
Se ge t'enmoin avocques moi,
Seras me tu de bone foi?'
'Certes oïl' ce dit Renart.
610 'Mes or me dites par quel art
Vos avez tel harnois conquis.'
'Ja me cuidoient avoir pris
Li garchon Guillaume Bacon,
Quant un prostrés a esporon
615 I vint sor son cheval ambiant.
Et il descendi meintenant
Et cuilli ne sai quans bastons.
Si m'asailli conme dragons.
Et ge vi en près le cheval
620 Desoz l'arbre tôt a estai.
Conmcncai moi a dévaler.
Et il me pristrent a huer
Lor chiens qu'il me voloient prendre.
Mes je n'oi cure de descendre,
G25 Ainz sailli entre les arçons,
Et il con uns esmerillons
S'en va a tôt moi meintenant.
Quant ge m'aloic regardant,
Vi le prestre dolant et las
630 Qui me sivoit plus que le pas;
Toz lez os li orent quasses
Por ce que lor ère escapes.
Apres moi vint, si m'arainna
Et son polein me demanda.
635 Et ge si le questionai,
606 teit 609 oi 612 ciiidorent 613 ffuill'. 619 en pes
621. (i22 manquent 523 Et li ciiion me 630 suoit 631 erent
XII (Méon 2112G-21I01) 19
De gramaire li demandai,
De soffime et de question :
Ne me sot respondre un boton.
Quant ge Toi fait de tôt conclus,
640 Ge m'en parti, il n'i ot plus,
Et sil rovai aler aprendre
Et a autre mester entendre.'
'Sire Tybert' ce dit Renart,
'S'ore i estoient li set art
G45 En ces livres que vos aves,
Bien nos auroit dex asenez.
Escoles porreen tenir
Et riches homes devenir.'
'Par foi' dit Tybert, 'ge ne sai :
650 Qu'onques es livres ne gardai.'
'Non?' dit Renart 'or i gardons,
Descendes et si destrossons,'
'Non ferai, quar il est trop tarr.
Mes alez en' fet il, Renart,
65Ô - Bone aleiire a Blaainnie.'
'Conment! iroie ge a pie?'
'Bien, si vendres encontre moi.
Si recevrez mon palefroi
Et as genz ires demander,
fiOO S'il i a cors a enterrer
Ne nul enfant a batizier,
Que tost l'aportent au moster.
Et ge i serai orendroit.'
Renart dit qu'aler ne porroit,
663 Que trop a les piez dépeciez.
Si est lasses et travelliez.
Ne manga hui, ne puet aler
S'il ncl laissoit un pou monter.
'Montez' fet Tybert, 'vistement,'
670 Atant vet Renart, si se pront,
Si est montez derere lui :
638 set 04-1 Se oro 650 Q'onques 1. 652 Dezoendes 6ri5 blennie
656 iroi;2;e 657 uenes 659 domandiint 664 qiio :\]or (l(i5 dopiciez
667 pot 668 laissoi t. 1. p.
2*
20 XII (Méon 211<;2-21197J
Il li (lira par tens anui.
Or sont li baron a cheval,
Si chevacerent contreval.
675 Si s'en fuient grant aleûre
Parmi le val d'une cuture :
Tybert devant, Renart derere.
Qui se porpensse en qel manere
Il metreit Tybert a raison.
080 'Tybert, par ta confession,
Di que do cest cheval feras.
Donras le tu, ou le vendras ?'
Ge le vendrai' Tybert a dit.
Et por conbien, se dex t'aït,
08j Le donras tu? va, di le moi.' 64
'Gel te dirai, et ge por coi ?
Yoldroies le tu acater?'
Oïl, se tu le vous douer
A raison et a dioit esgart:
mi) Por conbien aura ge ta paît?'
Fet soi Renart. 'Or di reison,
A i dont nus part se ge non ?'
Ce dit Tybert 'gel gaaingnai."
'Et ge por quoi n'i partirai,
{iS)5 Sire Tybert ?' ce dit Renai t.
T'ar foi tu n'i auras ja part'
Fet soi Tybert 'maie no bouc'
Si aurai, se raisson le done.'
Et dit Renart 'por le cuer be,
700 Ne sui ge autresi monte
Con vos estes, sire Tybert?
Trop est vostre barat apert
Qui me voles de conpaingnie
Giter par vostre trecerie.
70;') Et os livres et el clieval
i'artira ge tôt par igal
Et mot a mot et foil a fuoil.'
07") nlcoro (18" ii est ajouté tV nue atitrc iiuiin 002 ]K^v 701 Connio
.11 .,tic'C'frii'' uie 700 parc igal
XII (Méon 21198-21233) 21
'Maie gote te cret ainz l'eil.
Diable, Renart, es tu ivres?
710 Que feroie tu de mes livres?
Ja n'i ses tu ne q'une chèvre.'
'Si te puisse tornoier fièvre
Con rien n'i sai !' ce dit Renarz
tîe sai plus de toi les trois parz.'
715 'Ses tu rien de dialetique?'
Oïl, tote qiqueliquique.'
Respondras moi se ge t'opos?'
'Oïl, par derere mon dos.'
'Or antent dont a l'argument!
720 Ge di, pain d'orge et de forment.
Si di, pain de forment et d'orge.'
'Maie aventure ait einz ta gorge
Que pain d'orge soit de forment.'
Tu l'as entendu malement'
725 Fet soi Tybert, 'ce n'i a mie:
Tu sez trop pou d'estrenomie.
Se l'argument te puis prover,
Leras m'en mon cheval mener?'
'Oïl et se tu pues faillir,
730 Dont ne ra'i lairaz tu partir?'
Oïl voirs, lors i partiras.'
Or orrai dont que tu diras.'
Ge dirai dont, por estre quite,
Que cil n'abat pas qui ne luite.
735 Or entent dont a la provance,
Si apareille ta faillance.
J'opos cest point que de forment
Fet en un pain tant seulement,
N'i a orge ne autre ble.'
740 'Gel point m'avoes tu enble'
Ce dit Renart: 'or di avant!'
'Beax amis, et puis si di tant
Que l'en feit d'orge unautr e pain
708 cote 7l2choure 714 lezVII. 716 liqueque 7l7tai)08 720
est 721 est 726 tro 727 Sa 1 729 Se ie puis 734 lite 785 enten 737 poin
(de même 740)
22 XII (Méon 21-2;34-2l-269)
Trestot pur et sans autre grein :
745 Sont ce deus pains? Que t'est avis?
Nenil certes, tu as mespris,
Il ne puet estre que un pain.
Dont n'est il q'un filz a putein'
Fet Tybert 'en trestot le monde."
750 'Tu menz.' 'Mes tu, dex le confonde !'
Ce dit Tybert apertement.
'Parmi la veue qui ment
Decoûz es par ta faillance,
Tu as fet trop ppvre semblance.
755 Dont ne sera que unes meins.
Sanz dis blez ne puet on dis pains
Fere, de chascun un par soi?
Sont ce dis, par la toe foi?
Or garde con tu ses les arz.'
760 'Va ta voie' ce dit Renarz.
'Dont n'est blez blez, dont n'est pain pain?'
'Oïl, e vos fil a putein'
Fet Tybert. 'par ceste reson
N'i a nule desfension,
765 Mes entr'auz a grant difcrance.'
'Avoi! vos aves mange tence'
Fet Renart, si voles tencer
Et niellée a moi conmencer.'
']*^on faz, mais vos n'estes pas saje,
770 Et itel gre a qui chien nage.
Quant je vos oi par bone foi
Monte desor mon palefroi,
A chalenger le conmeucbastes,
Meintenant que vos i montastes.
775 Vus ne feïstes pas savoir.
Si ne conquert om pas avoir'
Ce dist Tybert 'par sou genler.'
'Bien le poes laisser ester'
Fet soi Renart, 'go me jooie.'
744 et trestoz s. 752 ueu 756 pot 757 uii manque 759
conme 774 Meitenant montasses 777 dit geler 779 ioie
XII (Méon 21270-21305) 23
780 Puis dist en bas 's'en ceste voie
Ne vos fas annui et pesance,
Dont sa ge poi de nigromance.
Se anchois que nos departoms
N'est reraendez cist pelicons,
785 Ja dex ne me leist jor plus vivre.'
Tant ont chevauce a délivre
Et tant ont entr'eus despute
Qu'il sont en Blaeigni entre.
Desoz la vile enmi les près
790 Si ont lor livres destrossez.
Lor cheval laisseront aler
A l'erbe pestre et saouler,
Si s'en tornent vers le raoster.
Près estoit ja de l'anuiter,
795 Si s'en erent alez lez gens.
Au moster vieuent, s'entrent ens:
Les lampes furent alumees
Et lez genz s'en furent alees.
Ce dit Renart or comenchez!
800 Par deu, trop vos estez targiez:
Sanz vespres oïr s'en vont tuit.'
'Sire Renart, ne vos anuit,
Il lor avespirra asez.
Mes cez chandelez alumez'
805 Ce dit Tybert, 'que le service
Doit l'en dire a treit en l'iglise
Et fere le raester molt bel.
Ovrez les huis de cou chancel,
Nos i verrou oncor molt cler.
810 As antiencs m'estuet torner,
Et vos repernes cou sauter.
Si tornez a vostre mester,
A ces versez et a ces saumes!'
Et Ronart aquelt a ses paumes
815 Plus menu ces fous a torner
787 ont manque 788 bl. ucnu 791 lassèrent 79G Si entret 800
cargiez 804 alomez 807 moster 808 ces h. 809 ueron 810 mestot
24 XU (Méun 21:J0G --21341)
Que vos ne poïssiez conter.
Quant a lor mester sont torne,
Si se sont amedoi levé.
Tybert vesti le sorpelis,
820 Apres est vers l'autel sailliz.
Tybert son capelet esta, 65
En tel mauere conmença
'Domine, labia mea' . .
'Si t'aït dex, con ce i a'
825 Ce li a respundu Renart.
'Ce sont matines, fol musart.
Que tu nos vous por vespres dire.'
Et Tybert conmença a rire,
Si li a dit 'que i a dont?'
830 'Deus in adjutoriura'
Fet Renart 'el conmencement
Doit en dire premerement.
Dant Tybert, ou vos estes ivres.
Ou rienz ne savez en cez livres.
835 Ahi! que ne vos ont oï
Ou Farceprestre ou dant Davi,
Ou le prestre de la folie !
Quidiez qu'il no risissent mie,
S'il vos oïsseut autresi
840 Con moi e vos avom oï
En tel manere conmencer?'
'Fox, jel fis por toi essaier.
Ge ne quidoie pas por voir
Que tu fusses de tel savoir.
845 Mes or t'a ge bien esprove.
Se remeindre vous cest este
En ceste vile et sejorncr,
Molt te ferai garbes doner.'
'Ja est ce bien' ce dit Renart.
850 Mes dites vespres, qu'il est tart.'
Lors aplagno Tybert son chef.
816 ne manque \). tonuM- oontcr 819 sujiHa 830 adutorurii
833 iure 838 que il
25
XII (Méon 21342—21377)
Si reconmence de rechef.
Deus in adjutoriura dit,
Et Renart les antenes lit,
855 Si ont chante salmes et vers
Molt hautement a deus envers,
Les antienes moût hautement:
Le capitre dist simplement
Sire Tybert, et dan Renart
860 Redit le verset a sa part.
Si ont chante ensamble a ligne,
Tôt mot a mot et tôt a ligne.
Sire Renart les versez dist
Et dant Tybert lez responz fist.
865 L'antiene del Mangnificat
Celé dit dant Tybers li chaz,
Et Renart l'a bien entone
Et gloriosement chante.
Apres chantent, si con moi semljle,
870 Lor antiene ambedui ensanble.
Tybert a dit après le vers,
Renart li respont a envers.
Puis dit Tybert en sa reison
Moult bel Dominas vobiscum.
875 Renart li respont hautement,
L'oroison dist apertement
Tybert et le per omnia.
Devant l'autel s'agenoilla.
Et Renart respondi amen,
880 Puis li a dit 'levés vos en
Et si aies clore ces huis.
Ge dirai benedicamus.'
Atant a Renart envaï
Un benedicamus farsi
885 A orgue, a treble et a deschant,
Que il n'a home si vaillant
El mont, ne si mesaaise,
854 antener 863 le 869 chanter 876—879 manquent 880 lo
u' en " ues 884 benediccamus 886 Quil ni a 887 na si mesaise
26
XII (Méon 21378—21413)
De soi n'oiist gregnor pitié,
S'il oïst Renart, que de lui.
890 Tôt le mont repeiist d'ennui
Renart de son seri chanter.
Deus liues poissiez aler
Ainz que il l'oiist parfine.
Et Tybert si a l'uis ferme
895 Qui molt esteit de chanter las,
Si dist le Dec gracias.
Apres ont conplie chantée,
Et quant Torent tote finee
Si prist l'un l'autre a aresner,
900 Et Renart a parle premer.
'Sire Tybert' ce dist Renart,
'Ge voudroie savoir quel part
Ge aurai de tôt le gaaing,
S'en ceste vile o vos remeing.
905 lie la disme de ces porceax,
De ces brebiz, de ces veax.
De cez pocins, de ces oisons,
Dites conment les partirons.
De l'oblacion et dez leiz,
910 Dites et devises en pas
Conbien j'en aurai a ma part.'
'Vos en aures trestot le quart*
Ce dit Tybert, 's'on le me loe.'
Et Renart li a fet la moe.
915 'Conment' fait il, por le cuer bo
N'ai ge autresi bien chante
Anuit a vespres conme vus?
Et autant sui religions
Et nez et prodom de ma mein.
920 Sera ge plus filz a putein
Que vos, que n'aurai de la dime
Autretant cume vos meïme,
Et de tote l'oblacion?'
888 gregnoz 894 luis bifin f. 8!)() dit 899 desrainor 903 gainf
905 dissime cest 911 ie aurai 919 i)rodomo
XII (Méon 21414-21449) 27
'Renart, tu me tienz a bricon'
925 Fet soi ïybert, 'ge le t'afi.
Ne m'as oncor gaires servi
Et si veuls ja a moi partir.'
'Partir? nun voil, ainz voil oïr,
En quoi ge m'i porrai fier,
930 Se ci me siet a demorer.'
Ja se tu es de bone foi,
Te plivis loiaument ma foi,
L'une moitié te partirai
De ce que je gaengnerai
935 De morz, de viz et d'aventures,
D'offrandes et de sépultures,
Et tu me soies bon ami.'
'Ge l'otroi' dist Renart 'ensi,
Mes certes ge ai molt grant fein.'
940 'Se tu voloies mangier pain,
Ves en la un les cel autel.'
'Gre n'en mangai onques de tel'
Fet Renart, 'a jor de ma vie.
Mes de formage auroit i mie?'
945 'Par foi, ne sai' Tybert a dit.
Atant garda avant, si vit
Une toueille envolepee
En une fenestre botee:
Deus en i ot entorteilliez,
950 Li uns fres et li autrez viez.
Tybert les trait de la toaille.
'Dex aïde ! ce n'est pas faille
Que chascun aura ja le sien.'
'Par foi' dit Renart, 'ce est bien.
955 Meis dones moi cel blanc, cel mol.'
'Conment voles vos sambler fol'
Ce dit Tybert, 'sire Renart?
Cest dur aures a vostre part:
Que il est bon a cuer tenir.
929 gi mi 933 Le m. 934 gaongrai 936 Doffrandc 939 gai
948 Ens 953 suen
28 XII (Méon 21450—21485)
%0 Et qui le voudroit départir,
A ses durroit plus que cestui.' 66
'Yoles le vos mètre en estui?*
F et Renurt 'celui me dones.'
Ma par mon chef n'en mangerez'
965 Ce dit Tybert 'grant ne petit.'
'Par le cuer be' Renart a dit,
Dont estes vos vers moi trichere.'
'Or va ta voie, fol licherre !
Demein au soir auras cest mol.'
i)7{) Or m'aves entercie a fol'
Fet Renart, 'en la moie foi.
Et si me mentez vostre foi,
Si vos en apel a Ruen
Ou devant Huon le doien
975 Au couvent a la confrarie'.
Que que Renart Tybert envie.
Si a Tybert tant esploitie
Qu'il a le formache mangie,
S'en a Renart ou grant doil.
980 Tl en oiist ou son voil,
Mes ne puet ore estre autrement.
Entre ses denz dit bêlement
'Se hui ne siii de toi vengiez,
Molt en sera mes cuers iriez.'
985 Lors a son forraace entame,
Que il estoit molt afame.
Si en manja tant con il pot.
Et quant asez mange en out,
L'autre lia en son giron,
990 Que il portera en maison.
]Mes entretant con il manja,
Totes voies se porpensa
Conment Tybert conchiereit
Qui si mal parti li avoit.
995 Lors a Tybert a raison mis
968 uoi
XII (Méon 21480-21522) 29
'Sire, se g'ai vers vos mespris
De ce que ge vos ledenjai.
Onques mes de tel ne manjai.
Molt a este bon le formage,
1000 Et vos partistes conme saje
Quant vos me donastes cestui.
Mes il me torne a grant anui
Qu'anuit nos somes oblie
Que nos n'avom mie sone
lOOô As vespres ne a la vigille.'
'Vos me dites voir, par seint Gile'
Ce dit Tybert, 'car i alons
A ces cordes et si traions!'
Atant sont as cordes venu.
1010 Renart qui plus voiziez fu,
Dist que il sonereit avant.
As cordes s'aert meintenant,
Mes ne pot de terre soner,
Sor un banc le convint monter:
lOif) Des cordes fist un las corsor,
A son col le mist tôt entor
Et ses deus pies avec devant,
Tybert le va molt regardant.
Et il prent les cordes as denz,
!()2() Si rione tant que neiz lez genz
Qui dormoient. sont esvello.
Mes le las ot si adrece
Qu'il ne pooit mes corre aval.
Mes trop savoit Renart de mal
1025 Qui as denz les cordes osteit.
Tybert de ce ne s'en gardeit,
Ancois quidoit q'o les deus piez
Sonoit, qu'avoit avec leiez.
Et quant il ot ases sono,
hW Si s'est molt bien del laz ostc
Et dit Tybert or est il droiz
Que je sone la moie foiz.'
KXiti disips 1011) que 1025 core 1(>32 rcsone
30 XII (Méon 21523—21558)
Et dit Renart 'par seint Riclier,
Gel veil, et que boive un sester
1035 De vin cil qui pis sonera.'
'Dahez ait qui le voiera'
Ce dit Tybert : or seit einsi.'
Atant s'en est eu piez sailli.
Si est desus le banc montes
1040 Et el laz a ses piez botes
Et après i bota son col,
Je cuit qu'il s'en tenra a fol.
Les cordes a prises as denz.
Lors primes le voient les genz
1045 Qui vindrent au moster garder
Qui ce est qui tant puet soner.
Atant Renart Tybert aresne:
'Buer montastes' fait il, 'el chesne
Ou le provoire vos trova
1050 Qui en cest leu vos envoia.
Ice dites, ne vos plaist il?'
Si con Tybert vout dire 'oïl,'
Et conme il la boche ovri,
Li laz par le col le sesi.
1055 Quant les denz de la corde osta,
Li las entor le col serra
Et avec furent li dui pie
A quoi auques est aligie,
Que meintenant fust estrangle
1060 Se li pie estoent este,
Quar 0 les piez li laz eslesse.
Et dit Renart 'estes aese?
Ne saves mie bien soner.
Estes, je vos irai oster.'
1065 Tybert quide qu'il die voir.
Et Renart qui onviz dit voir,
Quant du laz le dut délivrer,
Si li ala le banc oster
1034 et ] aiiiz 10:56 qiio 10:5!) monte 1040 bote 104(; (juo
1048 Ber 1059 nicntonaiit 1001 li 1.
XII (Méon 21059-^2 1594 j
Que il aveit desus ses piez.
1070 Or est Tybert plus enlaciez.
Or ne s'a il sor quoi ester,
Et tôt jors fait les seins soner.
Et quant il s'en quide escaper,
Renart le conmence a gaber.
1075 Envers lui est avant passez,
'Ha ha!' fait il 'ore est ases.
Sire Tybert, ce est anui.
Conment ne finereiz vus hui ?'
Et Tybert conraenca a grondre.
108'J Conment, ne me denuiez respondre?'
Ce dit Renart 'orgoil, orgoeil.
Maie aventure aient mi oil
Se ge ne vus faz sorde oreile :
Vos me faites or la dorveille
1085 Qui ici vos vois aresnant.
Ne ne me proisiez mie tant
Que vos vueilliez a moi parler.
Conment? volez vos ja monter
Lasus amont a damledeu?
1090 Avoi, Tybert, ce n'est pas jeu.
L'en ne monte pas si as nues:
Dont vos sont ces folors venues?
Quidiez vos ja estre si seinz
Que vos ailliez avec lez seinz,
1095 Et moi voles gerpir insi?
Pou avos oncor deu servi
Por aler ja lasus en gloire.
Yos ne fcïstcs pas mémoire
Ersoir as vespres de la feste.
1100 Molt vos devroit doloir la teste
Que toz jors contremont gardes.
Et a moi por quoi ne parlez?
Por quoi m'avez si enhaï?
Ja n'ai ge mie deu trahi
31
1084 ore 108G Ne manque mi t. 1088 uoleues 1000 Anois
1096 encore
32 XII (Mt'ot. '21595-216:30)
1105 Que ne degniez parler a moi.
Vos me mentez la vostre foi.
Or le m'avez deus feiz meutie:
Une ore et autre a la partie,
Quant vos partistes le formage.
1110 Vos ne feïstes pas que saje.
Si vos di bien par seint Sanson,
Que ge vos en tieng a brieon.
Ne me semblez pas insi mestre
Con vos doûssiez erseir estre,
lllf) Quant vos me trovastes el val
Ou chevauciez le cheval
Qui portoit les livres trosoz
Que aviez au prestre eniblez,
Et son polein par trahison.
1120 Or en pendez conme laron
Et si avez or bon chapel.
Et que ert il or de l'apel
Que j'avoie envers vos fet?
Conment ert del aler a plet?
1125 Vos n'i porrez or pas aler.
Fêtes le vaux contremander
A la confrarie as noneinz
Trois semeinez ou un mois meinz.
Or me ditez, que ferois vos?
11-30 Par deu, trop estes ornellox
Por estre mestre a povro gent.
Vos les menrieez malement,
Se sor euls aviez baillio.
Ne place deu le filz Marie
11H5 Que en vos aient lor atente:
Que il auroient maie rente,
Ne voudreez a ouïs parler
Ne seul de droit oeil esgarder
Ge vois ore les huis ovrir,
1140 Que j'ai oï lez gcnz venir
1118 Qni 1121 ore 1122 ore 1127 as ] doz 1181 genz IKM lo
mumjuc IVM uculdrecz
XII (Méon 21631-216(56) 33
Qui voeleut entrer el inoster.
Or doûssiez vostre sauter
Tenir overt sus voz jenolz,
Et vos vos estes a trois uouz
1145 Loiez as cordez par la gole.
La solistes vos pou de bole.
Que dirunt ore li prodome?
Or ne chantez vos pas de Rome
Si con vos feïstez ersoir.
1150 Vos doûssiez si bien savoir
Les set arz, ce deseez ier:
Or ne vos saves dezlier.
Folie vos fait tant soner,
Vos doiissiez laissier ester
11Ô5 Le debateïz de cez clochez.
Meuz vos venist pescher as lochez
Qu'entremetre de tel mester
Dont vos ne savez prou aider.
Ne vos en saves entremetre,
1160 Mes en pris vos voleez mètre
De tenir la marruglerie,
Yos feïstes molt grant folie.
Ge vos di bien tôt a estrox,
Certes trop estes orgellox.
1165 Ge quidoie par seint Guion
Q'a la purification
Yenist ma feme a vos demein.
Mes ne porroit a vostre mein
Ateindre s'ofïrande a baillier
1170 Ne vostre bêle mein baissier,
Que trop vos estez haut levé.
Si vos tendreit a fol deve
Et en auroit trop grant poiir.
Et quar me changies par amor
1175 Deus maailles por un denier,
Qu'allors les voldrai envoler.
1143 SOS 1151 fl. or soir 1157 Que troinotro 1165 quidoi
1172 toiidret 1175 11- O- in6 la
HKNAUT 11. '^
34 XII (Méon 21067—21703)
Que dites vos? aurai les mie?
Voiz por le cors seinte Marie,
S'il deingne a moi parler encor.
1180 Malement parlerees or
A un povre home, qant a moi,
A qui vos estes par vo foi
De mener loiau conpaingnie,
Ne deingnicz encor parler mie.
1185 Mes avant volez oïr tôt.
Or me respondes mot a mot
Espoir de ce que je vos di!
Mes por deu, sire, je vos pri,
Ne metez rien a vostre cuer,
1190 Que go nel voudroie a nul fuer
Que vos en eussiez nul mal.
Parmi tôt ce que el cheval
Ne voussistes que ge partisse,
Si volées que je preïsse
1195 A porter Hermeline a messe.
Ne vos fu onques felonesse:
Yolenters li devez prester
Et de vos chandeilles doner.
Aura le ele, baux douz sire ?
1200 Oïl, damledeux le vos mire.
C'est bon gre deu et raaugre vostre,
Ele dira sa patrenostre,
Que dex vos doinst honte en cest an
Ainz que vienge la seint Johan,
1205 Si aures vos encor anuit.
Por deu, sire, ne vos anuit,
(le paroi volenters a vos,
Et vos estez trop ennuioux.
Et a moi ne volez parler:
1210 Yoldriez vos tôt jors soner?
(îe vos di bien, ce est folie,
1 sanble, ce seit estoutio'.
Atant let Renart le gangler
179 a moi J bioii 1204 lo 218 oHtoit de
XII (Méon 21701—21740)
<iui a l'uis vit abooter
1213 l'n fort vilein fel et enrievres,
llardiz autresi co?j un lèvres.
Au coste ot s'espee ceinte
Qui tote esteit de roïl teinte,
Qu'il ne pooit issir des es,
1220 Ne ja par lui n'en istra mes.
Et quant il vit Tybert le chat
Qui si fort les cloces débat.
Et Renart vit ester les lui,
Tel poor ot et tel ennui
1223 Que raeintenant li pristrent fevres
Et il s'en fiiï con un lèvres.
Et Renart est avant passez.
Si li a dit 'estes, estes,
Fox vileins, par ci cierois.'
1230 A dont fu li vileins dcstroiz.
Quant vit que Renart l'escria,
Einsi très grant poor en a
Qu'il dut estre del sen issu. 68
One ne fina, si est venu
1233 Lasus amont enmi la vile.
Et Renart qui molt sout de gile,
S'en est retorne au moster.
Si esraehe un fuel del sauter.
Si l'a dedens son sein bote.
12-10 Et Tybert a araisone.
Sire Tybert' Renart a dit,
'Ge vos di bien, se dex m'aït,
Que je ne demor plus o vus,
Que trop estes religions.
1245 Trop poes por deu traveller.
Ge ne porroie tant veiller.
Ge m'en irai, vos remanez,
Et vostre offrande rechevez
Tel con ele ert, ou mole ou dure:
1230 Que bien sachez, je n'en ai cure
1015 en liourcs 1220 lui nistiii 1223 \>'h \ uois I2r.0 s. qm^
35
36 XII (Méon 21741— 2177ti)
Ne de la moitié ne du quart.'
Atant Renart de lui se part,
Si s'en vait droit a une haie.
Et Tybert de soner s'esmaie,
12;");') Qui de soner fu si ateinz,
A bien pou que il n'est esteinz,
Ne ne se pot mes preu eider.
Et li vileins qui du moster
Estoit devant Renart torne,
12()n Si avoit tantost encontre
Plus de dis vileins toz pleinz d'ire
Qui tuit li conmencent a dire
'Et fûtes vos a cel moster?'
Oïl' fet il, un aversier:
12()5 I ai veii, jel vos afi.
N'alez pas en avant d'ici,
Que as cordes a un diable.
Ne quidiez pas que ce seit fable!
Et uns autres s'esta les lui.
1270 Saches que il m'ont fait anui.
Et quant je voil laicns entrer.
Si me pristrent a escrier.
Et je m'en fuï conme lèvres.
Si m'en sunt ja prises les fevres
1275 Et autre mal encore asez.
Si ai este espoentez
Que grant poor ai de mon cors.
Molt a anuiz lor sui estors,
Et encore me sivent il.'
1280 'Venez ent arere' font il.
Atant retorne li vileins
Qui de la fevre estoit ja pleins,
S'en va avec ous au moster
Et si lor dit 'par seint Richer,
128.") Si m'en créez, n'i entreroiz:
Quar li deables peut tôt drois
1253 s' manque 1256 quil 1257 ji eid" 1201 v. trostoz 1265
Gelai 1267 cor do 1275 oncorre 1279 suent 1285 enteroiz 1286 debles
XII (Méon 21777-21812)
Et par le col et par les piez.
As cordes est bien atachez.'
'C'est neent' li uns respondi.
1290 'Or tost' fait il, 'baroç hardi!'
Atant sont au moster venu.
Li vileins qui fu esperdu
S'en vait toz jors traiant arere.
Molt fu coarz de grant manere:
1295 Les autres let aler avant.
Dant Tybert trovercnt pendant
As cordes, molt l'ont conjure
Que il lor die vérité,
Se il est bone chose ou non.
1300 II ne respont ne o ne non.
Et il l'en ont entreparle
Et autre foiz reconjure.
Il ne respont ne que devant.
'Tierce feiz' font soi li auquant,
1305 'Le convient encor conjurer,
Et se a nos ne vont parler.
Si Tasaillon hardiement.'
Lors le conjurent erraument.
Un bachelers prou et hardi
1310 Plein pie est devant euls salli,
Si li a dit 'tu qui la pens,
Ge te conjur de totes genz
Et de l'apostoile de Rome,
Que je ne sai nul si haut home
1315 Fors que sous nostre sire dex,
Ge te conjur, se tu es tex
Que tu doies parler a gent,
Parole a moi isnelement !
De ta foi et de ta créance
1320 Te conjur et del roi de France
Et de trestote la maisnie
Qu'il meine o lui en chevaucie,
37
1289 rien H uilein r. 1290 tôt 1305 encore 1317 doie
1319 crance
38 XII (Méon 21813-21848}
Et de par le roi d'Eng-le terre,
De bois, de pre, de tote terre
1325 Et de trestote créature,
De tes eus et de ta faiture.
Que me diez s'es de par de
Ou par celui qui me fist ne.
Ja te verras tôt detrencher,
1330 Ne vois tu ci mon branc d'aeher?'
'C'est noent' cil ont respondu.
'Avant' font il, baron cremu,
Assaillon a destre, a senestre !'
Atant vint la mescine au prestre,
1335 Si li passe conme devee :
Avez vos' fait ele, 'rovee
Ceste iglise par pute estreine?
Ja est el mon seignor demeine.
Ja conperrez, se dex me saut,
1340 Se ma conoille ne me faut,'
Lors li passa a sa quenoille
Et cruelraent le dos li roille.
Et Tybert durement tressant:
Et por neent, rien ne li vaut,
1345 Que il ne lor puet escaper.
Lors saut le quointe bacheler.
Celui qui s'espee avoit traite,
Fiere envaïe li a faite.
Celui qui tant l'ot conjure
1350 Est meintenant vers lui aie:
Enter son braz torelle a masse
Son mantel, et puis si li passe.
Segnies s'est et puis veit avant.
Un coup li done en reculant,
1355 Que les mailles de la police
Li freint et délace et délice.
Si le feri de grant aïr :
A terre en fait un pan venir.
Mes ne l'a en char adese
1333 d. et a 1337 est'ne 1338 denicno 1342 rooillo 1345 pot
1350 nientenîint 1353 p. si u. 1355 maies
XII (Méon 21849—21885) 39
1360 Q'el poin li est lo bran torne.
En tornant descend i aval,
Ne li a fet gairez de mal.
'Ves' fait il, 'con trenche m'espee !
S'el ne ine fust cl poing tornee,
1365 Ja en eusse pris venjance.'
Lors vint un vilein o sa lanche,
Se li refet une envaïe.
A deux meins l'a forment brandie,
Parmi le cors le vont ferir. 69
1370 Et Tybert li sont bien gueuchir.
Et li vileins outre passa,
A une piere s'acopa:
Saches que la lanche a brisée
Et une coste a pechoiee,
1375 Et le bacheler o l'espee
Qui ot s'aleine recovree
Et tôt repris son hardement,
Li est passes hardiement.
Li bacheler ot non Guillame
1380 Ferir le quida sor son haurae,
ISIes a cestui coup a failli,
Que Tybert li a bien guenci :
Ne l'a mie a cel coup ateint,
L'espee entre ses poins li freint.
1385 Et il li passe o le tronçon,
Si le feri el chaaingnon
Que les las ou il ert laciez
A a cel coup outre trenches.
Et Tybert qui molt esteit laz,
1390 S'en vait fuiant plus que le pas.
l*armi l'uis s'en esteit sailhz,
Et li vileins fu esbaïz
Qui de lui ocire ert engrez,
Si lor escrie or tost aprez!'
1395 Si l'enchaucent molt durement.
Et il nés dote de noient
1364 pOg 1374 jjocheoie
40 XII (Méon 21886^21924)
Que la nuit qui esteit oscure
Loi' a fait perdre, et l'aventure
Qui li estoit a avenir,
1400 Qu'il ne deveit mie morir.
Li vilein s'en tornent atant.
Et Tybert s'en vait dévorant
Les vileins et la pute au prestre,
3Iolt les maudit et tôt lor estre,
1405 Et puis Renart et s'ataïue.
Que que Tybert einsi cemine,
Li est venus Renart devant
En sa voie parfont clinant:
Hahi' fait il, 'bons ordenez,
1410 Por amor deu car me donez,
Que dex li père le vos mire.
De vostre offrande, bauz doz sire!
Et si me contes de vostre estre
Que de vostre Ofdre voudroie estre,
1415 Que molt vos siet bien celé estole
Qui le vostre bel col acole.
Et por deu, sire, qui l'i mist
De grant folie s'entremist,
Qu'ele resemble chaagnon
1420 A quoi l'en ait pendu laron.'
'Hahi' ce dit Tybert li chaz,
'Maie aventure ait tis baraz
Et trestote la toe foi!'
'Dites vos' fait Renart, 'a moi ?'
1425 'Oïl voir' Tybert respondi.
'De quoi vos a ge mal parti,
Sire Tybert' Renart a dit.
'Trestot avez sanz contredit,
Vostre offrande tote l'aiez!
1430 Estes vos ore bien paiez?
Anuit aves parti et pris.
Et d'itant avez vos mespris
Que cil n'en a noient oii
Qui a la vigile o vos fu.
1421 Tybert manque.
Xir (Méon 219-25-21960) 41
1435 Renart vostre bon conpaingnon.
Mes tenez vos, si oiez mon,
Que dedenz cesfc brief ici a.
Que orendroit le m'envoia
Mi sire Huon le deien,
1440 Et si vos mande qu'a Roein
Soiez lundi devant manger
Tôt prest a ore de plaider
Encontre le prestre del Brueil
Qui a escrit dedenz cest fueil
1445 Trestot quanque il i vont mètre.
Orendroit le me fiât tremetre.
Et se vos bien ne m'en créez,
Venez avant, si i gardez!
Et plus i a encore el bref,
1450 Qu'il vos contredit, par mon chef,
Le moster, et met en defois.
Vos n'i chanterez mes des mois,
Ne mes ouan de si que la
Que aures de fide lésa
1455 Respundu devant l'archevesque;
Ou a la cort devant l'evesque
Mon seignor Ganter de Costances,
Avon nos mises noz sentances,
Li prestres et je sanz mentir,
1460 Ensamble vos volom tenir'
Fet soi Renart, se vos volez.'
Lors par fu Tybert adolez,
Tristres et doleros et laz.
Que por les cox, que por le gaz.
1465 -Si s'en vait droit a sa m es on.
Si départent li conpaingnon,
Ce dit l'estoire qui ci fine.
S'en vait Renart a Hermeline.
Si encontra un cras oison
1470 Qu'il enporta en sa maison.
14:59 Iierbet 1440 que a room 1443 brol 1451 m. en m. en
defrois 1452 nehanterez 1456 a manque 1458 no s. 1459 ean ra.
1462 engolez 1464 le c. 1467 que 1470 sa manque
42 XII (Méon 219G1— 21976)
A sa feme atornc a manger
Qui molt en avoit grant inester,
Et si li a trestot conte
Conment Tybert l'avoit mené,
1475 Conment le prist a aclioisson.
(/C vos dit Ricliart de Lison
Qui conmenclie a coste fable
Por doner a son conuostablc :
Se il i a en rien mespris,
1480 il n'en doit ja estre repris,
Se il i a de son langaje:
Que fox naïs il n'iert ja sage
N'il ne vont gerpir sa nature,
Que dex nostre sire n'a cure.
1485 Toz jorz siet la pome el pomer.
Ne vos veil avant rimoier.
1471 atornor 1475 Et c. a iiiaiiquc 1479 Et nos dit sil
mesprist 1482 il manque
XIII (Méon 21977-21999) 48
Xlll
Une estoire voil conmencier 93
Qui durement feit a proisier :
Et grant bien i porroiz aprendre,
Si il vos i plest a entendre.
5 Or m'escotes sans noise fere,
Que nus contes ne porroit plcre
A; home qui est trop noisouz:
Mes de l'oïr soit covoitous,
Ccli qui oïr la voudra,
lu Or oez que l'en vos dira.
Il avint ja qu uns chevalers,
Qui molt esteit prous et légers,
Fist fere un castel bel et noble:
N'ot tel jusqu'en Costentinoble.
15 Li castax fu molt bien séant
Desor une roche pendant,
Et si estoit bien conpassez.
Clos fu de mur et de fessez
Dont l'eve coroit tôt entor,
20 Un pont torneïs par desor.
Trop par fu bien fait le castel,
Onques nul om ne vit si bel.
Or vos en ferai le devis.
1 Une iicstoire conieclicir 2 (lorernoiit 4 iiKini/uc 11 qiio
ui;s chV 14 t, (le qucn 15 tastax ItJ rcclie
44 XIII (Méon 22000—22035)
Desur une eve fu asis
25 Qui grant ert et porte navie.
Par l'eve vint marcheandie
Tôt contreval jusq'a la mer.
Molt fait cel païs a amer.
La praerie fu selonc
30 Qui duioit deus liues de lonc
Et quatre de le sans faillancc.
Les vinnez (teloz n'ot en France)
Si firent forment a chérir.
Et si vos di bien sanz mentir
35 Que forest i ot bêle et grande:
Il n'ot tele jusqu'en Ilande,
Plus bêle ne plus avenable,
Ne a franc home delitable.
Cent arpens bien en i avoit.
40 Mes nule beste n'i avoit
Que molt n'en i ot grant plente.
Un jor fu li sire monte
Desur un bon coraut destrer,
Et dit qu'il vont aler chacer
45 Por veneison en la forest.
Les chens acople sanz arest
Li escuier et li sergant,
Et li venerres vait devant
Sor un grant chasceor liart.
50 Atant ont levé dan Renart.
Quant li vénères veû l'a,
Les chenz apele 'or ca, or ca !'
Quant Renart vit les chenz venir,
Vers le castel prist a foïr :
55 Li chen le sivent a ellez,
Et tuit li veneor aprez.
Et Renart qui fu esbaïz.
Sailli sor le pont torneïz
Et s'en va parmi la porte enz.
2B raarcliâdie 36 ius en 41 n' majirjuc 43 dest's 48 uenerrees
50 danj.l. .11'. 52 ape or 54 jiris 55 suent
XIII (Méon •2i03G-22071) 45
60 Del trovcr est il mes noienz.
Con il fu entres on la porte,
Dit li chevalier 'il est nostre.'
Lors s'eslaissent sans atarger.
El castel est entre premer.
65 Puis descendi de son cheval: 94
L'estrer li tint le senescal.
Apres sont li autre venu,
Enmi la cort sont descendu.
Le gorpil vont partot querrant,
70 ISTel troverent ne tant ne quant.
Par cuisines et par estables
Et el paleis desoz les tables
!Ne laissèrent que reverser:
Mes onques nel porent trover.
75 Par les chambres et par soliers
Le fist querre li chevaliers:
Neïs es celers le vont querre.
One n'i remeist pièce de terre
Ne en celier ne fors celier,
80 ^e cognet nul a reverchier,
Ke rien née, bien le saches,
Que li gorpilz n'i fust cochez.
Onques n'i remest banc ne huce,
Neïs desos une viez ruche
85 Dont l'en avoit le mel oste:
Mes il ne l'i ont pas trove.
'Dex!' font il 'qu'est il devenu,
Quant nus de nos ne l'a veû?
Par foi or nel savom ou querre,
90 Ne sai s'il est entres en terre.'
Li chevalier dist 'je ne sei.
Mes quant ne puet estre trove,
Si le laissons atant ester.
Que caiens le vi ge entrer.'
95 Par foi, sire' ce dient tuit.
62 ii*er 63 Lor salaissont 77 querrant 79 ne defors 80 Ne
manque c nuit a 84 desus fruohe 87 que ost 92 pot pas e.
46 XIIT (iléon 22072-22107)
'Ainz le querron jusq'a la nuit.
Que por maveis nos tendra l'on
Se nos si le gorpil perdon.'
Or le queres donques ades'
100 Fet li sire, je le vos les :
Sachez, je nel querrai plus hui.
Atant s'en va de fin auui.
Lors reconmencent de rechef.
Et chascuns a jure son chef
105 Que del querre ne se feindra
-lusqu'a tant que la nuit vendra.
Trestote jor l'ont quis insi,
One ne finerent, gel vos di,
Soz bans, soz hz de reverser.
liO S'oïrent covrefeu soner :
Et con il l'orent entendu,
Onques n'i ont plus atendu
Et dient que nel querront plus.
El palais en montèrent sus,
Uf) Si sont venu a lor seignor.
Trestuit li dient par iror
'Bau sire, par seint Lienart,
Bien nos a conchie Reuart.'
'Qu'est ce?' fet il. 'Ne l'avom mie.
120 Ge ne sai que ce senefie.
C'est aucune senefiance:
Damledex nos fait demostrance,
Mien escient, d'aucune chose.
Noter vos volt une autre glose,
12;') Et si ne sai que ce puet estre.
Neporquant Renart est si mestre,
Il n'est beste, ce sa ge bien,
Qui encontre lui soiist rien:
Meinte foiz nos a deceûs,
130 Toz nos capons nos a toluz.
Or le quidai bien avoir pris,
97 lor 09 querres 101 8. qup ^•(' 104 oli. en a 110 Si o.
114 en manque 115 a son s. 121 coM. aueiiture s. 123 esoienee 125
pot 128 sont rcien I.'ÎO nas
Xril (Méon 22108— ■2-2143) 47
Mes ne sai, dex ou en émis
Le nos a tolu sans dotance.
Mes par sein Denisse de France
135 A qui ge me sui otroiez,
Il sera autre fois chacez.
Renart, se ge ne muir de mort,
Il est arives a mal port:
Que demein sanz nul delaier
140 Iron en la forest chacer.
Et se nos prendre le poon,
Sa pel ert en mon pelicon,
Que caiens en a d'autreteles.
Mes ore alumes les candelez.
145 Si nos aseon au manger,
Que le gorpil voil oblier,
Qui tant nos a fet demorer.
Maie mort le puisse acorer
Que por lui jeiine avoms! /
150 Or ca, de Teve et si lavoms.'
Lors conmencerent a laver,
A tant aseent au soper
Li chevalier et sa maisniee,
Et sa feme joiant et liée
155 Si s'estoit delez lui asise.
Ne vos fas ci nule devise
De sa baute ne de son estre,
Mes ainz plus bêle ne pot estre.
Dejoste son seignor se sist
1(50 Au manger et meintenant rist
De Renart qui les a moquiez.
A tant vindrent richez deintez.
Lardes de cerf et de sengler
Ot li chevalier au soper.
165 Et si burent bon vin d'Angou,
De la Recelé et de Poitou.
Ne vos ferai ci longe fable,
135 otroi«ez 142 p. sera en m. pilicon 143 delez 144 les | de
149 iuene 161 a demoquiez 165 daiiffo 166 poutou
48 XIII (Méon 22144-22179)
Mes quant orent mange, la table
Conmauderent que l'en ostast
170 Por ce que il estoit trop tart.
Quant la table lor fu ostee,
Atant est la dame levée.
A son seignor vint, si Tacole
Et dit 'sire, par seint Nichole.
175 Se vos me créez, vos iroiz
Cocier, si vos reposerois,
11 en est bien tens mes anuit :
Car il est près de mieuuit,
Et vos en aves grant mester.
180 Hui ne finastes de chacer
Le gorpil qui vos a mal fet.'
Dame' fait il, ci a mal plet,
Del gorpil ne m'est il a rien.
Alon dormir, je le voil bien,
185 Se il vos vient a volonté.'
Adonc est li sires levé
Et est entres dodenz sa cambre
Qui tote estoit ovree a l'anbre.
N'a el monde boste n'oisel
190 Que n'i soit ovres a cisel
Et la procession Renart
Qui tant par sot engin et art, 95
Que rien a fere n'i laissa
Cil qui si bel la conpassa,
195 Q'en li soiit onques nomer.
Mes or le voil laissier ester,
Que le conte voil abréger.
Meintenant se fist deschaucer
Li chevalier et si se chouce.
200 La dame ne fu pas faroche,
Ains se rest autresi cochie.
En après choce la mainie,
• Mes en la chambre ardant laissèrent
169 len lostast 170 qiiil tro t. 171 lor manque 172 leue
174 s. a par 180 fiiiasto 188 tôt 203 aidant manque
XIII (Méon 2-2 180— 22215) 49
Deus cierges qui clarté geterent.
205 Ases granz erent par raison,
Bien en vit om par la meson.
Cil qui orent velle la nuit,
Furent molt tost endormi tuit.
Onques nus ne s'en esvela
210 Tant que li baus jors esclaira
Qui lor a rendu grant clarté.
Lors se sont meintenant levé
Li escuier et li sergant.
Et li vénères tôt errant
215 S'en est dedenz la chambre entre.
Li sires estoit ja levé,
Et cil li a ore bon jor.
Apres s'estoit mis el retor,
Et li chevaliers erraument
220 Se chauce, que plus n'i atent.
Puis est eu la sale venus
Ou hautement est receiis.
Tuit se sont levé contre lui.
'Baux sire, bon jor aies hui!'
225 Ce li ont tuit dit li valet.
Met tost ma sele' fait il, 'met
Sor mon cheval sans atarger:
Le gorpil voil aler chacer.'
Celui cui il ot conmande,
230 A tost le cheval ensele,
Et puis au degré li ameine.
Et li vénérez molt se peine
De ses levrers apareller.
Lors montèrent sans atarger,
235 Si sont parmi la porte issu,
Mes il n'orent gaires curu,
(Ice vos di par vérité)
Que il ont le gorpil levé
Qui se gisoit soz un pomer.
204 q. grant c. gérèrent 206 uut 211 charte 225 dit eut éffitcé
229 C. quil ot 238 Qiiil 239 Que
RKXART II. 4
50 XIII (Méon 2-2-2 16— 22251)
240 Tantost font les chens délier
Et li vénères si les hue.
Quant Renart entent lor venue,
Saches que forment l'en pesa.
Tantost par la forest s'en va
245 Que onques ne dist 'cul, suif moi!
Et li levrer sans nul deloi
L'enchaucerent grant aleiire.
Et Renart s'en fuit l'ambleûre
Qui de lor enchaus n'est pas bel.
250 Parmi la porte entre el castel,
Onques n'i ot cil qui nel voie.
Et Renart tantost se desvoie,
Nul ne sot qu'il est devenu.
Et li levrer sont arestu
255 Qui en ont perdue la trace.
Atant est remese la cliace
Que nus n'en sot ne vent ne voie.
'Par deu, seignor, bien nos desvoie
Renart' fait soi le chevalier.
260 Quant nos ne le poon baillier,
Bien nos tient ore a maveiz.
Or del corre tôt a eslez
Savoir se le porrien trover.'
Lors conmencent a remuer
205 Desoz huchez et desoz liz.
Onques a la foire a Senliz
N'ot tel huée ne tel ton,
Quant en meine pendre laron,
Con font tuit cil qui sont laienz.
270 Li chevalier dit 'c'est noienz.
Lèses a mal oiir ester!
Ne veil hui pas si jeûner
Conme ge fis er. par seiut Jaque.
Mes alez, si metez la nape !
275 Si nos aserrons au manger.'
246 délai 250 on ol 251 que 255 perdu 262 core 260
la la f. de a. 269 qiio
XIII (Mcon 2-2-232-'2-2-288) 51
Ataiir laissèrent le cerclier,
Que veer ne l'osèrent pas.
El palais vont plus que le pas,
Sans atargier les tablez mctent:
280 Cil qui sevent s'en entremetent.
Atant sont au manger asis.
Mes il n'i orent gueres sis,
Qu'il voient venir par la porte
Deus escuiers: cliascons aporto
•2S>:> Derere lui une grant flice
Ne sai de sengler ou de biche,
Et si furent il bien monte.
Sitost con vindrcnt au degré,
Sont andui descendu a pie
25)0 Et puis sont el paleis puie.
Quant il sont el paleis entre,
Au chevalier ont encline
Et li dient 'Dex beneie.
Sire, la vostre conpaignie!'
2i)5 Li chevalier, con bien apris,
Li respont Dex vos saut, amis,
Et bien soiez vos arives!
Mes or lavez et si seez
Ci avecques nos au manger !'
•500 Sire' dient li escuier,
'Ainz vos conteron en avant
Ice que nos alon querant:
Ja parole n'en ert teûe.
Vostre père si vos salue
305 Et vos deus frères autresi
Qui le matinet seront ci,
Ensi le vos mandent par nos.'
Il dit 'bien viennant soie/ vos!'
Fet li chevalier en riant.
310 De la table salli errant.
11 les conjoit, si les acole
289 decendii 2i)7 soie uos 298 or seez et si lauez 299 Et nos
aseoz au H02 quorrant îiOfi Qun 308 soie uos 311 noniioist
4*
52 XIII (Méon 22289-2^324)
Conme prodom de sa parole,
Que molt liez et joianz en fu.
A.tant sont deus valiez venu
315 Molt bel enfant sans nule faille.
Li uns aporte une toaille
Et li autres prist deus bacins
Qui toz sont d'argent bons et fins.
Si en empli l'un de fonteine
320 Qui molt estoit et clere et seine:
De l'eve done as escuers
Et il la pristrent volontiers.
Con il orent andui lave, 96
Un des valiez ont apele
325 Et li dient tôt sanz tencon
'Alez querre la veneison
Qui est as piez de ces degrez,
Et de nos deus chevauz pensez
Que il aient fein et aveine!'
.330 Li vf^lez s'en torne, si meine
Avec li un autre vallet.
De la veneison s'entremet
De porter en sauf por garder.
Et li autres meine establer
335 Les deus chevauz sanz demoree.
Si lor a aveine donee
E del fein a molt grant plente.
Si est arere retorne
En la sale sanz atarger
340 Ou estoient li escuier
Qui se sont au manger asis
Delez la dame o le cler vis
Qui molt lor a grant joie fête.
Li sires durement se haite
345 Por la novele que il set
De son père que pas ne het,
Et de ses deus frerez avec
. Qui le matin seront ilec,
319 en maïuiiie 329 e a. 331 Aue li 337 molt manque 347 auoc
XIII (Méon 2>3-25-22360) 53
Si en est molt joiant et lie.
350 Quant il orent asez mangie,
Si conmande la table ester
Que durement se veut haster
D'aler en la forest chacer
Por venoison apareller
355 Contre cous qui durent venir.
Il ne se vont mie tenir.
Tantost conmande a amener
Son cheval sanz plus deraorer,
E que li chen soient tuit prest.
360 Li vénères sans plus d'arest
A fait acopler les levrers.
Si est montes li chevalers,
E tuit li autre sont monte.
Onques n'i out plus reconte,
365 Einz s'en issent parmi la porte
Sor les chevaus qui tost les porte.
En la forest en sont entre,
Mes il n'orent gères erre
Qu'il ont levé un cerf brancu
370 De quatre branches et menbru,
Qui molt tost lor a gerpi place.
Le chen se sont mis a la trace
Qui le sivent de grant randon,
Et cous après a esperon.
375 Et li cherf s'enfoï lez sauz
Qui n'est pas bel de lor encauz,
Juenes estoit il et ligier.
A tant estez vos un archer
Qui une fiece a encochiee,
380 Envers le cerf l'a descochiee,
Que il l'avoit bien avise:
Sel fiert très parmi le coste
Que la flece el cors li enbat.
Li cerf ciet a terre tôt plat
374 après de graiit randon 377 et] est 379 Que eRcochice
384 tere
54 XIII (Méon 22361-22396)
385 Qui ot eii un cop félon.
Li levrer vienent environ
Qui l'ont saisi en eslepas.
Li vénères plus que le pas
Et tuit li autre sont venu :
390 Ensi fu li cerf retenu.
Adonc ont repris les lévriers.
Au cherf laissent deus escuiers
Qui molt l'orent bien afaitie,
Si l'ont au castel envoie,
395 Si se remetent en la broce.
Li chevaliers tint une croce
Dont il va les boissons bâtant.
E li vénères va cornant
Si hautement et issi cler,
400 Tôt le bois en fait retinter
Del cler son que li cor rendi.
Atant est un sengler sailli
Del boisson, qu'a la noisse oïo.
Meintenant est torne en fuie
405 Par la forest quanque il puet.
Apres lui un levrer s'esmuet
Qui molt estoit grant et corsu.
Le sengler a aconseii
Qui s'en fuioit tôt enbroncie.
410 Loing des autres plus d'un archie
Le suit li levrers et le prent
Par l'oreille, pas ne mesprent
Que il le cuida retenir.
Li porz escout la dent d'aïr,
415 Si a si le levrer féru
Que le coste li a fondu.
Si H cort sus et si le prent
As denz molt aïreement,
A un cesne l'a si hurte
420 Que trestot l'a esccrvele,
391 leuis 399 e i. 403 le 404 es t. 405 f. ce que il pot
406 scsmor 414 denz
XIII (Méon 22397-224321 ^^
E que les boiaus li saillirent.
Atant li autre chen saillirent
Vers le sengler qu'il volent prendre:
Et il ne les volt pas atendre.
425 Einz s'en fuit sanz plus demorer
Quanque pies le porent porter.
Li levrer le sivent après
Et tuit 11 veneur de près
Si s'eslaisserent de randon.
430 Par la forest tôt a bandon
Le vont chacant sans demorer.
Li pors vit qu'il nel pot durer:
Il li anuie, ce saches.
Fors del bois estoit desbuchiez
435 E s'en fuit vers l'eve corant.
Li chevalier esporonnant
Le suit après ce que il puet,
Que molt anuie qu'il se muet
De la forest, et molt li poise.
440 E li pors vint a la faloise
A l'eve qui molt haute fu.
Dedenz est sailli par vertu:
Lors quida il estre a repos.
Un levrer li saut sor le dos,
445 Sel prent as dens parmi le col,
Li autre vindrent de plein vol
Apres por lor conpaing aidier
Que il en avoit grant mester.
Et einz qu'il l'oiissent ateint
450 L'avoit le sengler si ateint
Que desos lui l'avoit noie.
Li autre en furent esmaie:
Neporquant pas ne s'aresterent,
Tojors après le porc noerent.
455 Et li chevalier et li autre
Vienent après lance sor fautre,
"^ 424 E 425 pas] plus 427 suent 429 selaisserent 432 Lo plus
u. quel 434 deboissiez 437 pot 438 anuie] li poise se mot
440 falee 441 A] En 446 a. qui u. 451 desus 456 feutre
56 XIII (Méon 22433-22468)
Qui molt sont de lor chens dolant 97
Que li porc lor va ociant.
Tant ont parmi l'eve noe
460 Que d'autre part sont arive,
Li pors avant e puis li chen :
Mes por noient, ne lor vaut rien.
Li pors s'en fuit a grant aleine,
Que il n'en auront point sanz peine,
465 Par la campaigne qui est grant.
E li chen vont après corant,
Qui ne se feinent pas de corre.
Et li vénères por rescorre
Feri après des espérons,
470 Et li pors s'en fuit les trotons
Qui durement va recréant.
Un levrer est sailli avant
Qui le porc a pris par la cuisse.
Or crient que remanoir l'estuisse,
475 Con il se senti entrepris.
Le levrer a as denz repris
Que longues avoit et agues,
Qu'en haut le jeté jus as nues.
Au caoir li done tel flat
480 Que tôt le cerveau lui abat.
Li autre qui le regardèrent,
Onques por ce nel redoterent:
Einz s'en vont a lui sanz targer.
Et il se remist au fraper,
485 Que il ne lez vont mie atendro.
Li chevalier prist a esprendre
Molt durement do mautalant,
Et a jure son serement
Que de chacer ne finera
490 Tant conme chen vif i aura,
Se il n'est retenus avant.
E li pors s'en vait randonant
457 chen 462 par 467 core 471 dorement 474 criem Vinanqxe
477 e 478 Quant h. 480 ceruaeu 481 que 484 E 487 Jorement
488 E 490 i manque
XIII (Méon 22469-22504) 57
Qui de corre fu toz sulenz:
A l'eve revint et saut ens,
495 E puis li levrer après tuit
Et tuit li veneor abruit,
Que onques n'i firent regart:
Ainz sunt arive d'autre part
E furent durement haste.
500 Li pors est en fuie torne
Qui n'avoit cure de targer,
E tojorz après li levrer
Qui molt estoient travelliez.
El bois s'estoit li porc fichiez
505 Dont il estoit parti avant,
E li veneor apoinnant
Sor les chevaus plus que le pas
Qui molt sont travellie et las.
Li pors s'en fuit sans demorance,
510 Molt tost par la forest se lance,
Et li levrer vienent après
Qui del prendre sont molt engres.
Uns des chens s'est adevancis,
Le porc aert parmi le pis
515 Que bien le quida arester.
Li pors le prent sans demorer
As denz parmi la peu do cou,
Si l'a si hurte a un fou
Que les deus euls li fist voler
520 Et tos les boiaus traîner:
Mort le laissa e torne en fuie.
Et li vénères crie et huie.
Li chevalier fu molt iriez
(Juant vit ses chens si dépeciez:
525 De quatorze n'en a que dis,
Quatre l'en a li pors ocis.
Par un senter s'en est torne,
Au devant le porc est aie
497 f. agart 501 Que 504 s'maïKjtie por 508 Que 512 de
prends le sont e. 515 le manque 518 hurtu 528 es t.
58 XIII Oléon 22505-22540)
Largement une arbalestee.
530 Li pors li vint gole baee.
E li chevalier tint l'espie :
A un cesne s'est afiche.
Li pors qui tant curu avoit
Que trestot avegles estoit
535 De lassete et de corrot,
En l'espie se feri debot.
Et li chevaliers le tint si
Qu'en l'espaule le consuï.
Li pors li vint de tel redor,
540 El cors li mist conine rasor:
Toz li a les boiaus perciez.
La hante vole en deus moitiés,
Et le fers est remis el cors.
Adonques est coiis li pors
545 Tos mors, plus ne se desfendi.
E li chevalier decendi
De son cheval et sans demor
Lors sont venu li veneor
Qui furent las et travellie,
550 Doucement ont deu mercie.
Li vénères prist un cotel
A un manche d'argent molt bel,
Si en a le sengler overt
Que tôt estoit de sanc covert.
555 Tost Tout afaitie a son droit,
As levrers a done lor droit,
Et le pomon et la coraille.
Il n'i a chen qui ne baaille
De la grant lassete qu'il ont.
560 Si en mangèrent que fain ont.
E quant mangie orent asez,
Si est li chevalier montes,
E tuit li autre sont monte.
Sampres ont le sengler trosse
531 espee 537. 538 manquent 543 Et inawjKc 550 D'autre part
ont 555 Tant 557 lo c. 558 quo il ne
XIII (Méon '2-2541—22578)
59
5f55 Soi- un roncin qui molt fors est.
Si chevaucent par la forest
Li chevaliers et sa mesniee
Qui estoit lasse et travelliee.
N'ourent mie granment coru
570 Que il sont au castel venu.
Parmi la porte sont entre,
Si en vont descendre au degré.
Li chevalier entre en la sale,
De laste est devenu pale.
575 E li vénères prent la beste
Qui estoit et grant et oneste.
Del fou conmande a aporter
Et del fore por bien bruller.
Le porc cochèrent a la terre,
580 Desoz li font un feu de fuerre,
E quant bien l'orent conree,
Devant lor seignor l'ont porte
Qui molt fu de bêle veiie.
La dame i est corant venue.
585 Que vos iroie racontant?
Les tables metent a itant.
Que li sire l'avoit rove.
Fait fu con il l'ot conmande.
Deus escuiers l'eve aporterent,
590 La dame et li sire lavèrent,
E tuit li autre sanz targier,
Si se sunt asis au mangier 98
E mandèrent tôt a loisir
De ce que lor vint a plaisir.
595 Quant mangie orent a plente,
De la table se sont levé.
Si se vont esbatre en la tor,
As fenestres vont tôt entor.
Asis se sont por esgarder
6(X) Par les chans et por aviser
565 qui 566 cheuaucerent 570 Quil 571 tnanque 576 grande
011 a manque
5S0 Desus lui fiin forre 597 iib.itre
60 XIII (Méon 22579-22614)
Les vingnes et les praeries,
Et les bêles gaagueries
Dont il i avoit a plente.
Lors virent venir abrevie
605 Liemers, levrers e bradiez
Que raenoient quatre valiez.
Vers le cbastel vindrent le trot.
L'un d'aus a son col un cor ot
Qu'il vet menuement cornant.
610 Apres li vont deus chars corant
Qui tuit sont de vitaille plein.
E dui escuier et un nein
Les conduient sans plus de jent,
Asses venent et bel et gent.
615 Apres les chars vienent sanz dote
Plus de quatorze en une lote
Qui tuit sont cargie de richece :
Chascun vers le castel s'adrece.
Quant li sire a ce regarde,
620 S'a lez escuiers apele
Que li out envoie son père.
'Or me dites' fait il, 'bau frère.
Est ce le harnois mon seignor?'
'Oïl, se dex me doinst onor'
625 Font cil, 'sire, n'en dotes pas'.
E cil vienent enneslepas
E sont dedens la porte entre
Li uns après l'autre arote.
De destorser se vont hastant
630 Que la nuit les vait aprocant.
E quant tôt orent destrose.
En la sale s'en sont monte
Tôt contremont par les degrez.
Li sires est jus dévalez
635 E s'estoit asis sor un doiz,
Einz si baux n'out prince ne roiz.
602 ganeries 604 Lor 606 ont 611 Que 615 uient 619 sires
632 entre
XIII (Méon 22615-22651)
Uesor le dois fii en séant.
lA chevalier li vient clinant
E li ont dit ensemble tuit
640 Sire, dex vos doinst bone nuit !'
Li sires lor salu lor rent
Molt bel et molt cortoiseraent
Conrae cortois et bien apris.
Apres sont au manger asis
6-15 Li vallet e li escuier:
Bien furent servi sans danger.
Quant ont mangie sans demoree.
Si lor a l'en la table ostee.
E li sires s'ala cocher
650 En un lit qui est bel e cher.
Apres sunt li autre coche,
Qui le jor orent travelle,
E se dormirent sans fauser
Tant que li baus jors parut cler
655 Qui lor a rendue loor.
Adonc se levé le seignor,
Chance soi et vest sauz targer.
Si vait messe oïr au moster,
Et avoques ala la dame:
660 Messe oïrent de nostre dame.
Quant le service fu fine.
Si sont arere retorne
E la dame et le chevalier.
Tantost conmande apareller
665 Les chevax et tost enseler,
Contre son père vont aler:
Puis conmande que l'en atort
Bel e cortoisement la cort.
Quant il out tôt ce conmande,
(370 Si est tôt meintenant monte
Et avocques li de sa gent
Tant qu'il s'en va et bel e gent.
De la porte issent sans tencon
61
640 tint 642 Mit',' et mit,' bel 659 K a. 666 son 671 K
62 XIII (Méon 22()5-2 -2-2687 j
Et chevaclient le grant troton,
675 Grant eire le cemin ferre.
Mes il n'orent gères erre
Que demie liue sanz dote,
Quant il ont oïe la rote
De gent molt bien enchevauche.
680 Devant venent vallet a pie,
Quatre qui vont hors de la presse.
Chascuns tint en sa mein sa lesse
Ou de levrer ou de braeet.
Eusi s'en vieneut li vallet,
685 Outre s'en vont sans atarger.
Lors s'avança li chevalier,
Si corut son père acoler
Que durement devoit amer:
Molt l'a baissie et conjoï
690 E ses deus frères autresi.
Hoc se sont grant joie fête,
Mainte parole i ont retraite
E contée tôt en alant.
Del castel se vont aprocant.
695 Et ensi con il s'en aloient.
Vers la forest gardent, si voient
Un gorpil qui s'en fuit le pas
Por aus, et si n'en dotez pas
Qu'il n'ait les chens aperceii.
700 Quant li chevalier la veù,
Si se rist, si a dit 'par foi
Ce gorpil que je ici voi,
Si m'a il ja gabe deus fois.
Ce est il, bien le reconnois.'
705 'Gabe! et cornent?' font se il.
'.Tel vos dirai bien' fait se il.
Tar deus fois l'a ge fait chacer,
Si ne le poi onques bailler.
E cum il vit les chens venir,
675 tere G78 oi 683 leures ou braces 684 uallos 687 non p.
688 Qui 694 caste 695 Et manque i sen 697 se f. 698 ne totes
703 il manque 704 ronois 705 et manque
XIII (Méon 22688-22724) 03
710 Vers le castel piist a foïr,
E puis que il i t'u entre,
Ne pout par nul' estre trove,
Si ne sai ou il se repont.'
Tantost ses pères li respont
715 'Par foi, amis, vos saves bien,
Enginneus est sor tote rien,
Moult par est forz a enginner.
Mes faites ces chens deslier'
Fait li sires : 'chacez sera.
720 Or pas ne nus escapera'.
Lors laissierent les chens aler 99
Li valet sanz plus deraorer,
\ Puis si lez ont rais a la chace.
Meintenant ont sentu la trace.
725 E quant Renart les voit venir.
Si s'en foï de grant aïr
Vers le castel ce que il pot.
ïote la rote après s'esmot,
N'i a cil qui uel voist huant.
730 E Renart s'en va randonant,
Quanque il onques pot s'en fuit,
E li bracet glatissent tuit
E corent tuit sanz atarger.
Mais Renart n'a nul desirrer
735 De lor venue, mes dolenz
Sor le pont saut voiant lez genz
Et s'est en la porte embatu.
Ad onques sont tuit acuru
Li escuier e li vallet,
740 Chascuns de querre s'entremet.
Par trestot ont il reverse.
Mais il ne pot estre trove.
Del querre se sont entremis,
Ases i ont joe et riz
745 Trestuit, n'i a celi n'en rie.
Et li sires tantost s'escrie
728 a. lui sesmot IM geiit 787 f'sbatu 738 E rlonquos i sont
64 XIII (Méon 227-25-227t32)
'Seingnors' fait il, par seint Lambert,
Tôt en toi manere me sert
Lo gorpil con vus ci vees.
750 Mes faites et si descendes.'
Lors descendirent il a pie,
N'i a celi ne soit haitie.
Lors s'entrepristrent par les meinz
Le père et les frères germeins.
755 Les degrés contremont montèrent,
En la sale séant troverent
Le nein par desus une table
Qui trop bien resemble diable.
Onques ne fu si contrefez,
760 11 sambloit qu'il fust d'enfer trez,
Torz fu et de piez et de hances:
Et si vos di, en ses deus manches
N'avoit pas deus aunes de drap.
Ses bras sembloit boce de sap.
765 Une boche out contre le cuer
Molt très hiduso de grant fuer.
Et une en out enmi le piz.
Toz est ses visagez sarciz
E boce out lede et mau fête.
770 E la lèvre out contremont trete,
Bien i entrast un pie de bof.
Ses denz resemblent moious d'of.
E si vos di par seinte Agnes,
11 n'a pas plein pouce de nés.
775 Lez euz out gros conme une lische,
Des oreilles resembloit bische,
Chevous out noirs conme arrement.
Molt se deduisoit cointement.
Un capel ot fait de fenoil.
780 Cens qui venent regarde a l'oil.
'Nein, dex te gart!' ce dit li sire.
Onques cil ne donna mot dire
749 gopil 754 ses 758 Que 764 Ces 767 E manque 773 seint
tannes 774 na mie pi. 776 reserablent 777 arrernenz 779 feaol
XIII i'Méon 2-2761—22796) 65
Ne a son salu ne respont,
Einz ci'olle le chef, si se gront.
785 Li chevalier se sont asis
Dejoste le bocu naïs
Qui a si bêle la veiie.
Adonc est la dame venue,
Les chevaliers a saluez
790 E conjoïs et onorez.
Ensi s'esbatent sanz danger
Tant qu'il fu ore de manger
E que les napes furent mises,
Et desus les tables asises
795 Et les salières et li pains.
De Teve lor done a lor meins:
Lave ont, si se sont asis.
Ne vos ferai pas lonc devis
De lor manger ne de lor boivre.
800 Del sengler mangèrent au poivre
E del cerf firent bons lardez,
Et des capons firent pastez.
Yin burent d'Aucorre e d'Orlienz.
De totes pars lor sort li bienz.
805 Endementres que il mangoient,
Deus braces vinrent, si abaient.
Durement glatissent les bestes
E contremont lèvent les testes.
Li sire les a regarde,
810 Son veneor a apele
E si li a meintenant dit
Diva' fait il, 'se dex t'aït,
Quantes paux avom de gorpil?'
'Nos en avom nuef ce fait il.
815 'Nuef, dieble ! J'en i voi dis :
De ces braces sui esbaïs
Que issi les vont abaiant.'
Lors saut li chevalier avant,
783 Na 786 neis 787 Que 789 ch'r 790 conioist 791 sabutcnt
794. 795 manquent 8u0 poure 805 quil m. 807 lez bestez 808 testez
815 -IX- fait il d. 817 uait
HENART II. 5
66 XIII (Méon 22797-22833J
Sor les paux les vit arester,
820 E vit le ventre sospirer
Del gopil qui pendus estoit:
A la hardere molt estroit
Se tint et as denz et as piez.
Li vénères s'est merveilliez
825 Qui bien l'avoit reconeii:
'Seignors' fait il, aves veii?
Par mou seignor saint Lienart,
Li gorpilz se peut a la hart
A celé perce avec ces paux.
830 For ce glatissent les chaiax.
Mes or estes, je Tirai prendre,
Yos le me verrois ja descendre.'
Adonc est revenu arere :
Vit Renart pendre a la hardere,
835 Les meins jeté, prendre le veut,
Et Renart envers li s'aqueut.
Au hardel par lez piez se pent.
Celui par le poinc as denz prent,
Si le mort et si le destreint,
840 L'ongle en la goule li remeint.
Quant ce out fait, si sailli jus,
Foïz s'en est, n'atendi plus,
Parmi la porte el bois entra.
One puis laiens ne retorna,
845 Or en a perdu le repère.
Fuiant s'en va, ne set que fere.
Endementers que fuit s'apense
Que el bois n'a poiot de desfense.
Durement démentant s'en vet,
850 Vers la praerie se tret.
Enmi le pre un tas avoit
De fein qu'aiine i avoit
For esventer et por fener: 100
La se vait Renart reposer.
855 Desor le fein monta en haut,
821 que 824 hardrere 835 uout 83S pone 848 de manque
XIII (Méon 22834-22869) 07
Riens fors a manger ne li faut.
Or fu Renart desor le fein,
Si prie deu e seint Gerniein
Que il li envoit a manger,
860 Car il en auroit grant niester.
En tant con il se dementoit,
Lieve sa teste et venir voit
Une eornaille a la volée.
Renart l'avoit bien esgardee,
865 Cum il la vit, et il s'apense
Que il en fera sa despenso,
E si li fera grant engin.
Lors se laisse chaoir sovin
Le dos desoz, les piez desus,
870 La langue traite, n'i ot plus :
Hoc se gisoit estendu.
La corneille Ta perceii
Qui grant fein en son cuer avoit,
(De tôt le jor mangie n'avoit)
875 E dit 'venue sui a port,
Quant j'ai trove ci Renart mort.
Or en mangerai a plente,
Que je ai hui trop geûne.'
Si s'asiet sor le fein en haut,
880 Onques ne li dit 'dex vos saut',
Einz li cort sus le bec haucie.
Ja li oust fors l'oil sachie
E bien l'oiist tenu por fol:
Renart l'a saisi par le col.
885 Con il la tint, si en fu lies,
De lui a ses gernons torchez.
Si en a fait ses joes bruire,
Einz ne tant ne quant n'en mist cuire.
Quant mangie out, si fu aese.
890 Son lit a fait que qu'en deplese:
Si est choce desor le fein.
869 desoue 870 La manque 878 Que 876 ci mangue 881 soz
882 sache 888 le premier ne manque quan nen piist cure 890 que
que d. 891 Si ç est desoz
5*
68 XIII (Méon 22870-22906)
Tôt maugre le nés au vilein,
Qui iloc l'avoit aiine,
S'est Renart iloc repose
895 E dormi dusqu'en lendemein.
Quant il s'evella, si vit plein
Le pre d'eve entor le muilon.
Ha dex' fait Renart, 'que feron?
Con par est celé eve creiie!
900 Ainz que ele soit descreùe,
Serai ci (je cuit) morz de fein'.
Atant voit venir un vilein
Qui ameine une nef aval.
'Dex' dit Renart Tesperital!
905 Iceste nef me gitera
A celé rive par delà'.
Li vileins a Renart veû.
Sitost con l'a aperceii,
'Dex' fait il, 'quel beste est cela
910 Qui desor cou muilon esta?'
Con il fu un pou avale,
Si li a Renart escrie
'Vilein, vilein' ce dit Renart,
'Ameine ca, se dex te gart,
915 Celé nef, si me met dedenz.'
'Volenters, Renart, par mes denz'
Fait li vileins, 'je la vos meing.
Mes venes jus desus ce fein.'
Tant a le vilein governe
920 Que au mollon est arive.
Or venez jus' fait il, 'Renart'.
'Sire, ne puis, se dex me gart.
Je ne porroie pas descendre.
Car je ne puis le pie estendre.
925 Car une gote me prist er.
Si ne me puis prou aïdier.
Il covient que vos mi aidies
Et que fors de la nef issiez.
89b Que 894 iloques 897 derbe e. 900 quele 910 desoz
918 ce] le 921 ues 923 p. desdescendre
XIII (Méon 22907-22943) 69
E si venes par ca entor
930 Ou il a molt bon monteor
Par ou vos porrois bien monter
Por moi en celé nef porter.'
Cil quide que il voir li die,
Lors est issus de la navie,
935 Entor le muellon est aie.
E Renart est tant avale
Que il saut en la nef abrive
Si l'a escipe de la rive:
Si s'en vait aval durement.
940 E Renart le governail prent.
Si conmenca a governer.
E Renart prent a apeler
Le vilein qui sus le fein monte.
'Yilein' fait il, 'dex vos doinst honte!
945 Se vos me poussiez tenir,
Yos geuz me feïssiez sentir.
Or vos sees desor ce fein,
Que mal jor aies vos demein!
Gardes bien que nul ne l'enport!
950 Je saurai governer a port.
Gardez le en bien et en pes.
Que je m'en vois et si vos lais.'
Renart, Renart' dit li vilein,
Tien ca, je t'afi en ta mein
955 Que je nul mal ne te ferai,
Mes la otre te passerai
E bien e debonairement,'
'Daheit ait' dit Renart, 'qui ment!
Puisque tu ne me feras mal,
960 Or descent de ce fein aval,
Vien avant, je t'atendrai ci.'
Dit li vileins vostre merci.'
Lors descent, plus n'i demora.
E dan Renart se porpensa
965 Cum il le porra cunchier.
ya7 abreuo 939 dûment 942 p. le gouorner 943 que 944 bote
946 gouz 949 bien manque ne manque 950 serai 956 métrai 963 p. que p.
70 XIII (Méon 22944-22979)
S'il puet, il le fera pescher,
Car il fait bien molt a envis.
En une fosse s'estoit mis
Qui estoit grant et bien parfonde.
970 Si a dit, que dex le confonde
S'il ne fait le vilein banner.
E li vileins prist a huclier
■Renart, ca amener l'estuet'.
E Renart dit que il ne puet,
975 Que sor un graver est asis,
Que devant le jor del joïs
N'en seroit ostee par li.
E li vilein avant sailli
Qui de l'engin ne se garda.
980 A une perre s'acopa,
Si chet en la fosse tôt plat.
Renart del governal le bat,
Molt grant coup fiert parmi le doz,
Que tôt li a froissies les os. 101
985 Que que il en doiist peser,
Estut le vilein afondrer.
El fons de l'eve deus fois fu.
E Renart qui vengie se fu
E qui l'ont atorne si mal,
990 S'en vait a tôt la nef aval.
De si grant force governa.
Que totes les meins s'escorca
Au governail que il tenoit.
Et li vileins qui se bainnoit
995 En l'eve ou Renart Tout frape,
A grant peine en est escape.
Tote voies s'en issi fors,
Mes molt fort se doloit ses cors.
Renart voit que la nef anmeine,
1000 N'ira après mais de semeine.
A deable l'a conmande,
966 pot 967 molt bien 970 le] uos 972 pris 974 pot 979 gar-
dea 983 fiert maiiqtte 984 ous 985 Qui que 992 meins eserca 996 en
manque 997 uoies est escape 998 fort manque ses] en 1001 debles
XIII (Méon 22980-23016) 71
Puis est arere retorne,
Si s'en reveit en sa raeson.
E Renart s'en vait de randon
1005 A tote la nef au vilein.
Le governail tint en sa mein
Dont il governe et aprent.
A tant a veùe Hersent
Sa conmere et dant Ysengrin
1010 Qui venoient tôt le chemin.
E quant Renart veû les a,
De grant engin se porpensa.
Car il dit que il se teindroit,
Ja Ysengrin nel connoistroit.
1015 Une erbe avoit en s'auraosnere
Qui molt ert pressiose et chère.
(Bien set que il le het de mort.
Lores est arives au port.)
Renart en a molt tost frotee
1020 Tote sa chère et noirciee
E tôt son cors delivrement:
Lors fu plus noir que arement.
Con il se fu si atorne,
Si est vers Ysengrin torne
1025 Et a dit ca venes, prodom!
S'il vos plest, si vos paseron
Por amor deu et seint Richer,
N'en quer maaille ne denier.'
Ysengrin l'en a mercie.
1030 Puis sont dedens la nef entre
Entre lui e dame Hersent.
Ysengrin au nager se prent:
Il nage et Renart governa.
Que qu'il governe il se pensa
1035 D'un piège que il bien savoit
Qu'a l'entrée d'une ille estoit:
Se enz le puet fere caoir,
De Hersent fera son voloir.
1009 dant manque 1015 annonere 1020 est 1025 E 1026 Si
1028 maille 1030 pus 1036 Ca dun ille 1037 pot
72
XIII (Mcon 23017-23052)
Tant ont nagie et governe
1040 Qu'a celé ille sont arive,
Sitost cum il vindront a terre,
E Renart le governal serre,
Si l'a bien a terre apoie.
Et Ysengrin mist hors le pie
1045 E de son cors la nef alege.
Meintenant est caiet el piège
()ui molt durement le destreint.
E Renart en l'eve s'enpeint,
0 lui Hersent que il enmeine.
Ysengrin remeist en la peine,
Dedens le piège son pie tient.
E Renart vers Hersent en vient,
*jSi racole et si l'enbrace,
iLa boce li baise et la face
|E dit 'douce amie Hersent,
Je sui Renart veraiement.'
Celé l'entent, si ot grant joie,
Ses deus bras au col li envoie.
Molt très grant joie s'entrefont.
E Renart lieve contremont
Dame Hersent le pelicon,
Si li bota le vit el con
E conmenca fort a croller.
Que tote la nef fait branler.
1065 Quant il out fait sa volente,
Si est au governail torne
E conmenca a governer
Tant que la nef fist ariver
A terre molt bel et molt gent.
1070 Si s'en issi dame Hersent,
S'a Renart a deu conmande.
N'a gères d'Isengrin parle
Qui remest en la fosse pris
Ou molt se senti entrepris.
1050
1055
1060
1040 Ca un i. 1049 enmeno 1051 tint 1052 R. enuers uint
1056 uraiement 1061 A à. 1062 les derniers mots ont été en partie
effacés 1068 aruiur 1069 mot <;;.
XIII (Méon 23053—23087) 73
1075 Hoc fu Ysengrin sanz faile
El piège ou durement baaille.
Si i fu tôt le jor enter,
Tant que ce vint a l'anuiter
Que cil qui le piège ot tendu
1080 Vint celé part son arc tendu.
0 lui vindrent quatre vilein,
Chascun un baston en sa mein.
Ysengrin ont dedenz trove,
Si l'ont et batu et frape.
1085 Tant l'ont bote et desache
Qu'Ysengrin i laissa le pie.
Fuiant s'en va, ne set que fera,
Or li covient eschace fere,
Autrement ne porroit aler.
1090 E Renart prent a dévaler
A tôt sa nef molt durement.
De ce q'out fait ne se repent.
Aval Teve s'en vet abrive.
Atant a garde vers la rive
1095 E vit un vilein qui l'aceine:
Si li a dit amis, ca meine
Celé nef, se vendre la veus :
Je l'achaterai, par mes eus.'
'Par foi' fait Renart, 'volonters
1100 La vos vendrai, baus amis chers.
Foi que doi seint Piere l'apostre,
Por quatre capons sera vostre,
Ja certes por meins ne l'aurois.'
Dit le vilein vos les aurois,
1105 Je n'en ferai mie lonc plet.'
Tantost a sa maison s'en vet,
Trois capons a pris raentenant.
I*uis revint arere corant.
Si les a a Renart bailliez,
1075 San f. 1079 auoit 1080 sans atendu 1084 et batu et]
durement 1089 poroit 1091 dorement 1092 ne] re 1093 abreue
1096 Sli 1097 U0U8 1098 lachatrai se tu uoiis IIOI lapostle
1107 Faudrait il lire Por trois capons sera ja vostre?
74 XIII (Méon 23088—23123)
1110 Et il les a molt gufachiez,
E si estoient bon, ce cuit.
Au vilein a dit je vos cuit
La nef, bien l'en poes mener:
Que je m'en vois sans demorer
1115 Mais c'aie mange cest capon.' 102
Li vileins s'en va de randon
0 tôt la nef que il enmeine.
E Renart de mangier se peine
Le chapon qui est gras et gros.
1120 Les autres a mis sor son dos,
Si en va, que plus n'i demore.
Molt li avint bien a cel ore,
Que de tôt le jor n'ot mangie
E si avoit molt travellie.
1125 Renart s'en vet les granz trotonz.
Desor son dos deus graz caponz.
Si s'en va par la tere gaste.
Tôt bêlement et tôt sanz haste
S'en va tant qu'il fu près de nuit,
1130 Un capon manja tôt descuit
Enmi les chans desoz un tell.
Onques la nuit ne clôt son oil
Por le grant travail qu'ot ou.
Et quant le jor esclarci fu,
1135 Si se mist tantost el troton.
Mes ancois manga son chapon
Tôt bêlement e tôt en pes,
Et puis s'en va a grant esles
Trestot contreval un prael.
1140 Atant a trove Roenel
Le mastin qui va querant proie.
Renart le voit, molt s'en esmoie,
E neporquant molt s'aficha,
Ja Roonel nel conoistra.
1145 Vers lui s'en va grant aleiire,
1110 E il 1119 que grous 1123 nauoit m. 1125 Rerant le
grant 1129 tan 1141 que
XIII (Méon 23124-23159) 75
Mes de noient ne s'aseiire.
E quant Roonel l'a veii,
Ne l'a raie reconeû
For la grant neirte qu'il avoit,
1150 Ains quide que deables soit.
Senne soi et si torne en fuie,
E Renart après lui s'escrie
'Venes arere por seint Leu!
Ja su ge cosse de par deu.
1155 Ne vos en fuies pas issi!'
E quant Roenel l'entendi,
Si est arere retornes,
Mes toz estoit desconfortes.
E Renart qui plus hardi fu
1160 Li a dit 'bien soies venu!'
'Dex vos saut' fait soi le mastin.
'Dont estes vos, por seint Martin,
Qui si aves noir pelicon?'
E Renart dit 'par seint Simon,
1165 Sire, je fui nés a Amiens.
Mes quanqu'il i a n'est pas miens.'
'Conment aves non?' dit le chen.
'Par foi, ce vos dira ge bien.
Quant je fu sor fon relevés,
1170 Chufles par non fui apeles.
Choflet ai non, si nomes sui.
Mes dites, se mangastes hui.'
'Naie voir' ce dit Roenel,
'De fein m'en trencent li boiel.
1175 Je manjasse molt volontiers:
Ne mangai, deus jors a entiers.'
'Merveille est' dit Coflet, 'par de.
Je sai de reisins a plente
En une vine près de ci:
1180 Manjeroies en, ce me di?'
'Oïl, molt bien' dit Roenel,
1149 que il 1150 deblea 1159 qui los h. 1166 q'nque il
1170 fu 1171 a non 1173 reonel 1176 ors manque 1181 b. ce d.
76 XIII (Méou 23160—23194)
'Mes je me dot molt de la pel.'
'Tu es coart' ce dit Coflet.
Je ne ti mesferai un pet,
1185 Ice te di por vérité.'
'Alons' dit li chens, 'de par de.'
Atant se metent el cemin
Entre Coflet et le mastin,
E sont en une vingne entre
1190 Ou un vilein avoit plante
Un pocon conme trebucet.
Molt très bien l'i savoit Coflet,
Et dit, si voie il noel.
Il fera prendre Roenel,
1195 Se il onques puet esploiter.
Jjors cemine par un senter
Bonne aleiire le troton
Tant qu'il sont venu au ponchon
Qui bien aparellieiz estoit.
1200 Grant pièce de car i avoit,
Li vileins ne fu mie eschar.
Deu fait il, 'qui or mangast car,
Molt li seroit bien avenu.
Mal soit or mercredi venu,
1205 E li prestre si soit boni
Qui m'encharga le mercredi:
îse mangerai devant noël
Char.' Dieble' dit Roenel,
'J'en mangeroie volenters.'
1210 Vien dont avant, baux amis chicr!
Grant pièce' fet Coflet 'i a.
Dahait qui car me devea,
Quant ore manger n'en oson.'
Roenel s'en vint au pocon,
^ 1215 Qui molt liez et joiant en fu,
E dit, bien li est avenu.
1183 corard 1189 ungne 1190 a. troue 1191 trebucez 1193 ail
u. il 1194 reonel 1195 pot 1197 Bon aleo uore le trocon 1199 Que
1202 mangant 1204 oremprcrede 1205 si max^we 1210 ch'ir 1212 Dalieit
jera 1213 Q'oïit ore
XIII (Méon 53195-23230) 77
Chuflet li dit manger poez
Tant que bien soies saolez,'
Roenel a jeté les denz,
1220 La teste met au panchon enz,
Dont par tens se tendra por fol.
Le laz l'a saisi par le col
E li pancon est destenduz.
Roenel i reraest penduz.
1225 Par le col est bien au laz bris.
Quant Coflet le vit entrepris
Et en haut le vit encroe, ^
Meintenant li a demande
'Qu'est ce, congpainz, ou alez vos?
1230 Geste car lairois la me vos?
Je n'en mangu pas, ce vos di:
Car en veu l'ai au mercredi.
Venes jus e si la mangies!
Yos deïstes que fein aviez,
1235 Et or ne volez pas descendre,
Einz vos voi a ce panchon pendre
Ausi con se fussiez laron.
Vos ne faites mie raison,
E sachez, blâmes en serois.
1240 Quant a la cort le roi irois,
Vos seres bien reconeiis
Que vos avez este pendus:
Il quidera, bien le devin.
Que c'ait este por larecin
1245 Que vos aies este penduz.
Ne vos n'en seres pas creûs,
Ainz le quideront, sanz mentir.' 103
Atant vit le vilein venir
Qui les vignes devoit garder.
1250 Quant il vit le panchon lever
Et il i vit Roenel pendre,
Le grant val conmence a descendre
1224 E si r. r. p. 25 b. a col p. 1230. 31 intervertis, mais
le scribe a corrigé la faute en ajoutant les lettres b a en marge
1231 ne m. 1235 E 1239 s. que b. 1244 par 1251 i manque 1252 uel
78 XIII (Méon 23231-23265)
Et ot un baston en sa mein.
0 lui estoient troi vilein,
1255 Chascuns tenoit hace ou baston,
Si s'en vienent droit au ponchon.
E quant Renart les a veii,
N'i a pas granment atendu,
Ains s'en fuï sans demorer
1260 Quanque pie l'en porent porter,
Que grant poor ot de sa pel.
Et cil vienent a Roenel.
Li premer hauche le baston,
Roenel fiert sor le crépon
1265 Tel cop, c'a poi ne l'a tue.
Li autre a son baston levé,
Sel quide ferir, mais il faut:
• Que Roenel a fait un saut,
Con il vit le baston venir.
1270 Li cox descent de grant aïr,
Que il l'avoit de force enpeint,
S'a si son conpaigoon ateint
Qui devant le cop a este:
A pou ne l'a escervele.
1275 Cil qui out le cop receii,
Chiet a terre tôt estendu
Tôt autres! con s'il fust mort.
Or est Roenel a mal port
Arives, de voir le sachez.
1280 Un des autres s'est avanches
Qui estoit son germein cosin.
Et fiert Roenel le mastin
Si grant cop très parmi le flanc.
Que trestot l'a covert de sanc.
1285 Li quars i vint sans atarger.
Son conpaignon voudra venger:
Une hache hauce d'air,
1254 .III. 1258 groment 1259 fuia s. 1262 reonel 1264 Roenel]
Le prem' cropon 1273 Que a le cop a gite 1275 c. estendu 1276 Chai a
1278 reonol 1279 le chez 1282 rienel 1283 blanc 1287 maclie
XIII (Méon 23266-23301) 79
Roenel en quide ferir
Grant cop parmi le haterel.
1290 Et il faut, si fiert le hardel
De la hace de mein esclenche
Si grant cop que le hardel trenche.
S'est li chens a terre choûs.
Fuiant s'en va tus esperdus,
1295 Que durement fu esbaïs.
E cil ont lor conpaignon pris
Qui fu navrez molt durement,
Si l'en portent isnelement
A lor ostel, si l'ont choce.
1300 De tôt le mois ne fu haitie.
Roenel einsi escapa.
Fuiant par les vignes s'en va
Molt durement, et si s'esmaie.
E Renart jut en une haie
1305 Mucie ou il ot tôt veii,
Con il ont Roenel batu,
Si en a eue grant joie.
Et Roenel s'en va sa voie,
Ainz ne fina, foi que vos doi,
1310 Tant qu'il vint a la cort le roi
Trestot issi mal atorne.
Devant le roi cbaï pâme
E dit 'sire, merci por deu,
Ice ne tenes mie a geu!
1315 Je me plein a vos d'un laron
Qui m'a fait pendre a un panchon
Par traïson, par fausete.
Ou quatre vilein m'ont trove
Qui m'ont batu a reposées:
1320 Totes les reins en ai enflées,
A pou que il ne m'ont tue.'
Li lions est en pies levé,
D'ire e de mautalent fromie,
1288 reonel 1294 se m a 1291 manque 1298 porteront il nelement
1302 se ua 1305 il lot test 1307 eu 1310 que il 1313 por de
1315 pleii 1318 mont tue 1322 pie
80 XIII (MéoM 23302-23337)
A Roenel rove qu'il die
1325 Qui ensi Tôt mal atorne.
'Sire, l'en l'apele Chufe.
Issi me dit qu'il a a non,
S'a vestu un noir pelicon.'
'Noir diable' dit li lions,
1330 II n'est pas de nos régions.
Tantost e sans plus demorcr
A fet li lois son ban crier
Que qui porra Coflet tenir
Que il le face a cort venir,
1335 Ici de la cort vos lairons
Et a Renart retornerons
Qui est en la haie muciez.
Molt fu ses cuer joiant e liez
D'Ysengrin e de Roenel
1340 A qui a fait batre la pel,
Qui estoient ses enemis.
Si se rest a la voie mis
Et a erre la matinée
Tant que ce vint a l'avespree
1345 Qu'il est en la forest entres
Ou auques est asoiires.
Parmi la forest cemina
Grant pas, que il ne s'aresta.
Et chevauce grant aleiire
1350 Tant que il vit la nuit oscure.
Il se dote de Roenel.
Lors s'asist desoz un ormel
Qui grant ombre li a rendu.
Devant lui est Rossel venu
1355 L'escurel au pilicon rox,
Et dit 'bone nuit aies vos!'
Et Renart le regarde a l'oil.
Et dit 'Dex te gart, escuiroil!
Vien toi deles moi reposer!
1324 roonel 1325 Que 1326 chupe 1338 cuerr 1339 yseng'.
1340 le p. 1341 Que 1346 asoure 1347 ce mira 1350 il manque, uint
1351 reonel 1352 desus 1353 rodu
XIII (Méon 23:538— 2.J377) 81
13ti0 Noveles te voil demander,
Se tu les ses, si les me di.'
Li escuireil li respondi
'Si m'aït dex, se je les sei,
Moût volenters les vos dire.'
1365 Atant s'est deles lui asis,
E Renart l'a par la raein pris.
'Amis' dit Renart, 'di moi voir,
Ses tu ci entor nul manoir
Ou je trovasse que manger?
1370 Je ne manjai très avant er:
Je sui venus d'estrange terre.
Si ne sai ma viande ou querro.'
'Sire' dit Rosel l'escuiroil,
'Je vos enseignerai mon voil.
1375 II vos est molt bien avenu:
Que la maison a un rendu
Sai en eeste forest ci près
Ou il a de capons grant fes:
Je cuit plus en i a de trente. 104
1380 Je sai bien par ou l'eu i entre.
Je vos i menrai sans mentir,
Se avoc moi voles venir.'
Renart l'oï, s'en a grant joie,
Un de ses bras au col li ploie
1385 Et dit 'vos estes mes acointes.
Por moi vos ferois oncor cointez.
Que moi e vos amis seron:
Or en alon a la meson.'
Atant s'estoit mis a la voie
1390 Renart, et Rossel le convoie,
Onques n'i sont aresteii
Tant qu'a la maison sont venu
Qui bien estoit close de mur
Dont li quarrel estoient dur.
1395 En la paroi un trou avoit.
1363 mai d. 1364 le uos 1366 sa 1376 Queii 1378 des
gran ses 1379 c. quo p.
82 XIII (Méon '23378-23409)
Que Rossel molt bien i savoit.
Au pertuis sont venu errant,
Rossel i entre tôt avant,
Et Renart est après entre,
1400 Mes n'a pas le trou estope.
Atant en vont au geliner.
Renart comence a orellier,
S'il oroit rien qui li desplese.
Et Rossel a overt la hese
1405 Qui fu fermée a un baston.
Si se metent onz a bandon.
Onques n'i ot noise ne cri,
Renart a un chapon saisi,
Et Rossel conmence a monter.
1410 Une geKne oï cover
Qui desoz lui avoit douze oes.
Ceus retint Rossel a son oes
Trestos que nul n'en i laissa.
L'un après l'autre les huma,
1415 Et Renart manja son capon.
Atant estes vos un garçon
Qui relevé fu a pissier,
Si a oï Renart rongier.
Quant il l'oï, il escota,
1420 Tôt meintenant Puis estopa:
Puis est arere repairies,
Ses conpaingnons a esvelliez.
'Or sus' fait il, 'seingnor baron!
Que ne sai gorpil ou tesson
1425 Est avec les capons enclos.
Or tost, si li bâtons les os.'
Adonc sont li frère levé,
Au gelinier en sont aie
Chascuns un baston en sa mein,
1430 L'uis ont overt trostot de plein.
Li un un grant tortis tcnoit.
1396 mot i] le 1403 que 1407 c'r 1408 a manque saai
1416 Atant ozes nos 1419 Vmavquc 1422 osnielliez 1424 sa 1426 ous
XIII (Méon 23410—23445) B3
Il entra ens, garde, si voit
Renart qui fu plus noir que mure :
Et Renart tantost H cort sore
1435 Ausi con s'il le voussit prendre.
Et li frères sans plus atendre
Let le tortis caoir a terre,
Tôt meintenant le guicet sere,
Puis s'escria 'aïe! aïe!
1440 Douce dame, seinte Marie,
Aidies et si me secorez!
Por pou n'ai este dévorez.
Ce n'est pas gorpil, eins diable,
Seignors, nel tenes mie a fable.
1445 Tôt meintenant con il me vit,
Sus me corut que mot ne dit.
Estrangle m'oûst sans mentir,
Mes tantost con jel vi venir,
Trestot corant sui retorne,
1450 Bien ai l'uis après moi ferme.
Onques mais hom ne vit tel beste.
Or tost, si esveillez le prestre!'
Le prestre esveillerent errant.
Et il est levés meintenant.
1455 N'i remeist clerc ne capelein
Qui n'ait seintuaire en sa mein :
Et li prestres l'estole prist,
Meintenant a son col la mist.
Si se sont a la voie mis.
14H0 Or est Renart molt entrepris.
Chantant s'en vont a haute vois,
L'eve beneïte et la crois
Ya tôt devant, n'en dotes pas.
A l'uis vienent plus que le pas:
14(55 Si entrent ens a une hie.
Meintenant est tome en fuie
Rossel, si a Renart laissie.
1430 p. (latendre 1443 pal g. ciiis ost dicblo 1450 a 1451 liome
1452 esvuiellez 14(50 mot 14fi5 a huno hie
6*
84 XIII (Méon •2344(5-23481)
Lors est le prestre avancie,
Si a veû trestot debot
1470 Renaît qui eu un angle crot.
Con il vit le prestre venir,
Il ne se pot mie tenir
Que a rencontre ne venist.
Li prestre l'estole saisist
1475 Qui ne fu esbaïs ne fol,
Rcnart enlace par le col,
Si le mist hors de sa maison.
Autresi con s'il fust laron
Le vait traînant par la cort.
1480 Meintenant un yilein acort
Qui en sa mein tint une mace.
Ou vit Renart, molt le manace :
Ferir le quide sor le dos.
Et Renart qui dote ses os
1485 Et qui se sentoit nialbailli,
Si est de l'autre part sailli
Molt très durement et a plein.
Li coux. fiert le prestre en la meiu
Que l'estole li fist laissier,
1490 Et Renart se mist au frapier.
Par le pertuis s'en va corant.
Dehors trova Rossel plorant
Qui il-ec dehors l'atendoit.
Dit avoit que ne se movroit,
1495 Si revendroit son conpainnon
Qui leenz estoit en prison.
Einsi meine son dol Rosel,
Et Renart saut par le boel
Par la ou il entres i fu.
1500 Iloques a Rossel veû
Qui demeneit issi fet duel.
Lors li dit Renart 'Escuiruel,
Por qu'est ce que plorer te voi?'
1470 en] seur 1475 Que 1482. 1487 mot 1484 les 1486 par s.
1489 lestoillti 1493 Quiloques 1499 i manque
XIII (Mcon 2348'2-2H5l7) 85
Lors li dit l'escuireil 'por toi,
1505 Que je vi caiens atrape.
A pou que ne vos ont tue,
Que bien quidai que raorz fussiez.'
Dit Renart 'ne vos esmaiez,
Je me soi d'au s bien eschiver:
1510 Mes or nos alons reposer, 105
Qu'il en est ore bien saisons.'
Atant s'en vont tôt les trotons,
Onques n'i ot rien délaie,
Soz un chaîne se sont coche.
1515 Bien orent este conree.
La se sont andoi repose
Et si dormirent, jel vos di,
Tant que li baus jors esclarci
Et par la contrée luist cler.
1520 Lors se lèvent li bacheler.
Tost furent vestu et chance.
Rossel a Renart areinnie.
Si li a dit 'bau conpaignon,
Encor ne sai pas vostre non:
1525 Vos le me dires, se voles.'
Dist Renart 'Cuflet sui clamez,
Et tu es mes cosins germeins,
Mes ore alon laver nos meins
A celé eve laïs aval.'
1580 Chascuns monte sor son cheval
Que il ont innel et corant.
A l'eve vindrent meintenant,
Lor meins lavèrent et lor vis.
Rossel' dit Renart, 'baus amis,
1535 II est huimes très bien seisons
D'aler querre noz garisons
Et ce dont nos devon disner.'
Lors montèrent li bacheler
Et chevauchent sanz demoree
lôUei essmaiez 1511 en manque raisons 1514 Sor 1518 iors
aclarci 1519 contre 1531 Quil 1535 hui manque 1537 dont] que
86 XIII (Méon 23518-23553)
1540 Tant que près fii de l'avespree.
Tôt le jor ne finent d'aler.
Onques ne porent rien trover.
En la forest entrent atant,
Partot vont vitaille querant,
1545 Mes rien ne troverent, ce qiiit,
Ainz chevauchent dusqu'a la nuit:
Mes ne troverent qui lor vaille.
Dant Renart durement baaille
Qui bien quide de fein morir.
1550 Tôt sans manger se vont gésir.
Renart et Rossel sont coche.
Mes il sont durement irie
Que si les detreinnoit la feins,
Por pou ne mangèrent lor meins.
1555 Renart a porpenser s'est pris,
E dit que il est fox naïs.
Se einsi se let aliver:
Meus li vient Rossel estrangler
Que il de fein morir se let.
1560 Tôt meintenant vers lui se tret.
Si l'a si sache par la coue,
A pou del cul ne li dénoue.
Dist l'escuireil 'vos me blechez.
Bau conpaignon, mar i sachez,
1565 Voles vos ma queue csracher?"'
Dist Renart 'ains vos voil mangier
Que je ne puis plus endurer:
En ceste nuit t'estuet finer,
Tu ne pues aler en avant.'
1570 Dit Rossel 'a deu me conmant.'
Renart tint la ceue Rosel
As denz, ne l'en est mie bel.
De si grant redor l'a sachee
Que tote li a escorciee.
1575 Escapes s'en est a grant peine,
1540 la uespree 1544 querrant 1547 que 1548 baille 1553
1559 mori 1565 que e. 1569 ne pot a. 1570 .R'. 1571 ceue
XIII (Méon 23554 -23589) 87
Fuiant s'en va a grant aleine,
Et dit qu'il s'en ira charaer
Au roi Noble sans demorer.
Ainz ne fina d'esporoner
1580 Tant qu'il aperçut le jor cler.
Droit a la cort s'en est venu.
Sitost con a le roi veii,
Si se lesse a ses pies caïr.
Sire' fait il, fai moi oïr,
1585 Por deu entent moi a parler.'
Quant li rois voit Rossel plorer,
Molt li anuie, ce saches :
Meintenant est levés en pies
Et dit 'Rossel, dire poez,
1590 Que vos serois bien escotez.'
'Sire' fait il, a vos me cleira
De Coflet mon cosin germein:
Mes cosins dit que il estoit,
Mes ersoir manger me voloit.
1595 Einsi a ma coe atornee
Que James ne sera sanee,
Dont j'ai le cuer dolant et noir.
Vestu a un pelicon noir,
Mes il est félon e puant.'
1600 Atant saut Roenel avant.
Si a dit au roi n'est pas jent
Qu' il a damage si ta jent:
Moi e Rosel a ja tenu.'
Atant est Ysengrin venu,
1605 Que quida que celui i fust,
Si aporta un pie de fust.
Con il ot entendu Rossel
Et le mastin dant Roonel
Qui se sont clame de celi,
1610 Tantost devant le roi sailli
Et a ses pies s'agenoilla.
1577 que il 1578 rois 1580 que il 1583 caoir 1586 ot
1587 anui 1592 coflet et m. 1595 c. tornee 1600 reonel 1603 a
retenu 1604 es 160:3 celui
88 XIII iMéon 28590-23621))
Li rois Ysengrin regarda
Et vit qu'il ot le pie perdu,
Durement en fu espcrdu.
I(il5 Tôt meintenant l'a arainie
Ysengrin, ou est vostre pie?
Dites par qui l'aves perdu!
As furches en sera pendu.'
'Sire' dit Ysengrin, 'merci!
1620 Vos vees con sui maubailli:
Ensi m'a Coflet atorne.
James a cort n'ere onore.
Ce n'est pas cose covenable
Que laissies vivre cou diable,
1625 II doiist bien estre afînes.'
Lors s'est li rois en pies levés
Par fin mautalant et par ire,
Si conmenca un pou a rire.
Puis a regarde entor li,
1630 Si a Tibert le chat coisi.
'Tibert' fait il, 'avant venes,
Geste besoigne fornires.
Aler vos covient Coflet querre.
Ja n'iert en si estrange terre
1635 Que nel vos covienge amener:
Ou mar vos verrai retorner,
Se vos en retornes sanz li.'
Meintenant Tibert respondi
'Sire, mon pooir en ferai.
1640 Sel puis trover, je l'amenrai.
S'il velt por moi venir a cort.'
Tantost conmande qu'en atort 106
Son palefroi sans demorer,
Que il ne vont plus arester.
1645 Fait fu con il l'ot conmande.
Li singes li a amené
Qui de lui servir n'ot pas honte.
1612 Le roi 1624 dieblo 1628 rie 1629 lui 1637 san lui Le
V. 1639 est ajouté au bas de la inanje 1640. 1641 inanquciit 1646 ame
1647 Que
XIII (Méon 23627-23662) 89,
Et dant Tibert meintenant monte,
Puis a pris congie, si s'en part.
1650 Mes or li pri que il se gart,
Que se Renart le pu et tenir,
Il ne s'en saura revenir.
Tibert s'en vait a esperon,
Molt ot en lui noble baron.
1655 Parmi la fovest s'achemine.
Trestote jor d'errer ne fine
Tant qu'il est venuz a l'oissue.
Une praerie a veûe
Qui molt estoit et grant et bêle:
1660 Enmi out une fontenele
Qui molt estoit et clere et seine.
Si corne aventure le mené
Est Tibert venu celé part.
A la fontaine vit Renart
1665 Qui estoit plus noir que maufez.
Or quide bien estre asenez,
Bien set que ce est que il quert.
Le cheval des espérons fiert
Tant que il est a lui venu.
1670 Si dist 'sire, je vos salu
De la part mon seignor le roi
Qui vos mande que avec moi
Vegnez a cort sanz nul regart,
Entor vostre col une hart.'
1675 Baux sire' dist Renart, 'por quoi?
Se le saves, dites le moi'.
E dit Tibert 'bien le saurois,
Quant a la cort venus serois.
Que bien vos di par seint Mande,
1680 Je n'en sai pas la vérité:
Mes* ce que encarche me fu
Vos ai ci iloc coneù.
Or me dites ce que voudrois.
Se me crées, a cort vendrois.'
1648 mente 1651 pot 1654. 1659 Mot 1659 grant] chère 1661 mot
chère 1678 Con a 1679 die 1680 nés. 1681 encherce 1682 ai ci] ici
90 XIII (Méon 23668-
1685 Dist Renart 'volenters ire.
Mais eins serai desjeiine :
Encor hui ne mangai ne bui.
Se il ne vos tome a ennui,
Je vos voudroie ore proier,
1690 Avoc moi venissies manger
En ma meson qu'est près de ci.'
Tibert respont 'vostre merci.
Alons en donques sans targer,
Que je n'ai soing de delaier.'
1695 Renart monte sor son cheval:
Che vacant va le fons d'un val
Entre lui e Tibert le chat.
Bien le decoit par son barat.
Tant ont le droit cemin tenu
1700 Que en la forest sont venu
Par devant Puis au forester,
Ja esteit près de l'anuiter.
Un pertuis dedens l'uis avoit
Qui por Renart fait i estoit,
1705 Par ou aloit au geliner:
Mes meïsmes le forester
I ot tendu un laz de corde.
Or gart Tibert que il n'i morde;
S'il i va, ce n'est pas savoir.
1710 Et mon seignor Renart le noir
Descent de son cheval premier.
Et sesist Tibert a l'estrier.
Si dist baus sire, descendes,
Et dedens ma meson entres,
1715 Et j'atacerai nos chevaus
Ci iloc a ces arbrissaus.
Et le matin sans nul deloi
En irons a la cort le roi.'
Tibert nul mal n'i entendi.
1720 Meintenant a pie descendi
1686 desiuene 1688 tor a 1689 or 1691 ques p. 1700 Quen
furent 1704 Que 1708 gar 11 12 Et matujue 1716 arbrcaus 1717 dlai
Xiri (Méoi. 23699-23734)
Et le cheval li a lessie,
Si s'est enmi Puis esleisse.
Tôt meintenant dedens se niist:
Li las par le col le saisist.
1725 Et Renaît qui bien le vit pendre,
S'en foï, que ne volt atendre:
Malement l'a fait herbergier.
Lors est sailli le forestier
Qui a oï grocier Tibert.
1780 II fu sages et bien apert
Qu'en lui n'ot point de mesprison,
Et dit nos avon un prison.'
Vers lui s'est venus meintenant,
Si a trove Tibert pendant.
1735 Meintenant a un baston pris.
Et Tibert qui fu entrepris,
A. molt grant poor de sa pel.
Et il li aune son borel,
Sovent va le baston haucant,
1740 Et Tibert va le laz rongant
Qui entor le col li tenoit.
Au vilein dit qui le feroit,
'Vos ne faites pas bien, ce croi.
Que je sui mesager le roi:
1745 En son message m'envoia.
Mes celui qui ca m'avoia.
Me dit que c'estoit sa maison.
Vos ne faites mie raison,
Si me laissies ester atant.'
1750 Et li vileins saut meintenant,
S'a amont le baston hauce.
Tibert qui ot son las rongie,
N'a mie le coup atendu,
Ainz s'en fuit a col estendu.
1755 Parmi le pertuis s'est ficies,
Fuiant s'en va tos eslessiez,
91
1724 saisi 1726 ne pot 1730 bn t apert 1743 pas manque
1746 menuoia 1748 rason 1751 anion
92 XIII (Méon 2373.') -23770)
Mes il estoit mal atomes,
Li sans li saut parmi le nés
Et par la boce de randon.
1760 Fuiant s'en va tôt le troton,
Jusqu'à la forest n'aresta,
Soz un arbre Renart trova.
Renart qui l'a aperceii,
Li dist bien soies vos venu!
1765 Venes vos les moi reposer,
Puis en iron sans demorer
Entre moi et vos a la cort.'
Mes Tibert fîst senblant de sort
Qui de son solas n'avoit cure.
1770 Fuiant s'en va grant aleûre
Tant qu'il vint la ou le roi set.
Tôt meintenant as pies li cet
E dit 'Sire, or sui retorne.
Mes n'ai pas Coflet amené: 107
1775 Ce m'a fait que poes veïr.'
Li rois croie le chef d'aïr,
Quant vit Tibert qui fu sanglanz.
De mautalant estreint lez denz.
'Tibert' fait il, tu es bleches.
1780 Pendus iert, n'en iert respities
Cil qui t'a si mal atorne.'
Atant a li rois apele
Le moton mon segnor Belin
Qui a Renart n'est pas cosin.
1785 'Sire Belin, avant venez,
Et tost querre Coflet alez
Et si li dites, a cort vienne,
Que nus essoignes ne le teine.'
Dit le moton 's'il vos plaisoit,
1790 Bauz sire, uns autres i iroit.'
Dist li rois 'n'ira se vos non.'
Atant s'en torne le moton.
1771 quo il 1774 c. encontre 1775 ueoir 1780 iert
1791 nira nus se
XIII (Méon 23771-23806)
Del aler bien s'aparella.
Quant monte fu, si s'en torna.
1795 Con il out pris du roi congie,
Yers la forest s'est eslesse
Et s'en vait a molt grant aleine.
Mes s'or ne set garder sa leine,
Saches qu'il s'en repentira.
1800 Parmi la forest cemina
Molt bon oire sans arester.
Renart vit soz un horme ester.
Sitost con Belin l'a veii,
'Coflet' fait il, mal avenu
1805 Vos est, ce saches sans mentir.
A la cort vos covient venir
Orendroites avoques moi,
Et si ne dites ja "porquoi",
Mes venes en delivrement.'
1810 Renart a porpen^er se prent,
Conment porra Belin servir.
'Sire' fait il, 'vostre phiisii'
Ferai certes molt volenters.
Mes s'il vos plaist, baus ainis chers,
1815 Un petit avant mangeroie :
Il a jusqu'à la cort grant voie.
Et se vos moi en croïez,
Un petitet mangeriez.
Une aveine ai ici delez
18J0 Dont vos aurois, se vos voles.
Tant con voudiois con je devin.
Aveine? sire' dit Belin,
'Par seint Tomas le bon martir,
J'en voudroie mon ventre enplir :
1825 S'il vos plest, enseigniez la moi.'
'Sire' dit Renart, 'par ma foi,
Molt volenters vos i menre.'
Atant se sont achemine
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1795 prs 1801. 1813 Mot 1807 orendrotes iiuoc 1818 mart^oroinz
ISH) ai ci 1823 8. ce «1. 1825 Si uos p. ensionniea lo m. 1827 menreie
94 XIII (Méon 2;5807-2B84->)
Et chevauchèrent le troton
1830 Entre Renart et le moton.
Jusqu'à l'aveine sont venu
Ou li vilein mucie se fu
Qui ot avec lui un mastin.
Sitost con a veii Belin
1835 En l'aveine, son chen li huie,
E Renart est tome en fuie
Et laisse Belin en la frape.
Li chen li decire sa cape,
As denz le prent, que pas ne faut:
1840 Li flocel en volent en haut.
De sa leine bien l'a plume,
M oit par a Belin malmené.
Et li vilein li escria,
'Certes mar nos escapeia.
1845 Tien le bien, gar que ne t'estorde!
Se gel puis tenir en ma corde.
Je l'enmenre en ma meson,
Si li ostere sa toison.'
Belin a le vilein oï.
1850 'Ha las' fait il, je sui huni.
Chuflet' fait il, 'ce m'as tu fet.
Yers le roi te ferei tel plet.
Se dex me lesse retorner.'
Et li chens le prist a peler,
1855 Tote la leine li esrace.
En son dos remeint meinte place,
Le poil en errache et le cuir.
'Ha las' fait Belin, 'je me muir:
Moût par sui or mal atornez.
1860 Sire dex, car me secores,
Car ore en ai je grant mester.'
Et li vileins prent a hucier,
'Tien le, di va! tien le, di va!'
Atant le chen se regarda.
\bà2 Au lu se manque 1835 huo 1841 la 1812 Mot mal ino
1844 vos 1845 garde 1859 oie
XIII (Méon 23843-t?3878) 95
1865 Qu'il quida que celui venist.
Et Bclin a fuir se prist,
Quant il se senti délivre.
Fuiant s'en va parmi un pre.
Onques tant ne quant n'aresta
1870 Tant qu'a la cort le roi trova.
Si li estoit as pies cous
E dist 'Sire, mal sui venus.
Por amor de, or esgardes.
Cornent je sui entrepeles.
1875 Tôt ensi m'a Coflet servi.'
Et dit li rois 'bien sui boni.
Si ne sei que je puisse fere
De ce traïtor deputere
Qui se fet apeler Coflet
1880 Et einsi ma jent me maumet
Et si les a torne a mal.'
Lors vit parmi la sale aval
Venir dant Bernart l'archeprestre,
Et tint Brun l'ors par la mein destre,
1885 Et avocques fu sans fauser
Misire Baucens le sengler.
Tuit troi sont ensemble venu.
Et quant li roi les a veii,
Si lor a dit 'venes avant,
1890 Seignors, que bien soies venant.
De vos avoie je mester,
Que je vos voudrai envoler
Entre vos trois querre celi
Qui si a Belin maubailli.
1895 Aies et si le m'amènes.
Gardes sans lui ne revenes,
Mes amenés moi le laron !'
'Sire' ce dient li baron,
Nos feron ce que vos plera:
1900 Honis soit qui ja s'en feindra. 108
ISm fuur 1868 se ua 1876 honis 1878 traître 1882 uint
1885 fauxser 18S6 baueos 1888 uens 1893 celui 1897 aines 1898 ce
ci ont li
96 XIII (Méon '23879 --23914.)
Plus ne nos verrois deniorer,
Nos en iron sans arester.'
Bau seignor, a deu vos conmanc/
Et cil montèrent meintenant
1905 Et s'acheminent sanz noisier,
Tuit troi prennent a chevacer
Trestot coste a coste et a destre.
'Seignor' dist Bernart l'arclieprostre,
'Sajement nos covient ovrer
1910 Que il ne nos puisse eschaper.
Li un de nos s'en voist devant
Trestot bêlement chevaucant:
S'il ne voit c'un de nos ensanhle,
N'aura pas poor, ce me semble.'
1915 Par foi' font il, 'vos dites voir.
Mes or voudrion nos savoir
Liquiex sera ce qui ira.'
'Seignors, lequex que vos plaira.
Ge irai, se vos conmandes.
19-20 Sire' font il, 'bien dit aves.
Et damledeu a son plaisir
Yos en laist a bon chef venir,
Qui le vos doinst par tans trover,
Que au roi le puissonz mener.'
1925 Atant Tarcheprestre s'en part
E chevauche tôt un esart.
Auques loing de ses conpaignonz
S'en vait Bernart tos les trotonz
Bien entor une arbalestee.
1930 Si est entre en une pree
Et va chevaucant sanz arest
Tant qu'il fu outre une for est
Qui moût estoit grant et foillue.
Desuz une coudre menue
1935 A trove dant Coflet gisant.
Con il l'ot, si saut en estant,
1902 demorer 1907 o. a c. ;i d. 1909 c a o. 1910 Qui il
1913 quo un 1917 qui i ira 19'20 Soi','nor fait il 1928 les iniiuque
XIII (Méon 23915-23950) 97
Si li dit 'sire, bien yiengniez!'
Et Bernart qui fu avanchez,
Li dit je ne vos salus pas,
1940 Au roi vendrois plus que le pas.
Saches, il ne vos aime mie.
Que sa gent avez maubillie.
Et mal atomes, che saciez.
De ses barons serois jugiez:
1945 Quant la cort jugie vos aura,
Li rois tel justice en fera
Con li baron esgarderont.'
Meinteuant Renart li respont
'Sire, par seinte Charité,
1950 Vos n'estes pas bien asene.
E bien sachez, se dex m'ait.
Que onques li rois ne me vit
Ne moi ne demande il pas.'
'Par foi' fait dant Bernart, 'c'est gas.
1955 II ne demande se vos non.'
Atant vienent li conpaignon,
Mesire Brun l'ors et Baucent
Qui chevaucent isnelement.
Puis descendent andui a pie,
i960 Si ont Choflet pris e lie
Desoz le ventre du cheval.
Si chevacent le fons d'un val.
Onques n'i sont aresteû.
Si en sont a la cort venu.
1965 Tuit troi descendent au degré,
Si ont lor prison détresse
Et puis sont monte el palais.
Li rois se seoit tôt en pais
Et ot avec lui meint baron.
1970 Atant voit venir le laron.
Quant Ysengrin le vit venant,
Meintenant sailli eu estant
1940 pa 1941 S. que il 1945 cor 1947 comanderont 19.V2 ni
me 1959 descent 1961 le le u. 1962 cheuacerent 1967 Si sont
1969 boroii 1970 baron
liENAKT II. 7
98 XIII (Méoii 23951—23987}
E dit 'Sire, vees celui
Qui si m'a del pie maubailli,
1975 Bien saches que je ne ment pas.'
Et cil vienent plus que le pas,
Si tenent Renart trestuit troi,
'Sire, sire' font il au roi,
Vez Coflet que vos amenom.
1980 Ce que vos plaira en feron,'
E li rois respont tôt errant
'Seignor, bien soies vos vennant
Tuit troi, mais ne le salu mie.'
Et Coflet meintenant s'escrie
1985 'Bons rois, cis sires qui ne ment
Il gart vostre cors de torment,
Plus bel ne vos puis saluer.
Vos m'aves fait a cort mander:
Or, si vos plaist, si me dirois
1990 Tôt ce que vos conmanderois.'
Li rois dit 'mal soiez venus !
Je conmanc que soies pendus.
Mes avant te dirai por quoi.
Ysengrin si se pleint de toi
1995 E le mastin dant Roenel,
Et l'escuirel sire Rossel,
Tybert le chat et le moton
Qui a pelée la toison.
Se de ce ne te pos deffendre,
2000 Je te ferai ardoir ou pendre.'
'Sire' dit Renart, 'entendez!
Se il vos plaist, si escotez.
Par tes les seins qu'en prie a Liège,
Se Ysengrin caï el piège
2005 Et il i a le pie perdu,
Doi ge por ce estre pendu?
Dex m'en défende e seint Martin!
Et se Roenel le mastin
A del penchon le lart mangie.
1980 en] nos 1983 nel s. 2000 a. en cendre 2003 pri lege
2009 magie
XIII (Méon 23988-24023) 99
2010 Je n'i ai gaires gaïnie
Ne perdre n'i redoi ge mie.
Foi que je doi seinte Marie
N'i ai gaïnnie ne perdu.
Se li vilein l'i ont batu,
2015 Ai ge forfait que l'en me pende?
Nenil, sire, deu m'en défende!
Et se Tibert que la veom
Fu entre en autrui maison
Tos sous sans demander ostel,
2020 Et l'en li a batu la pel,
En ice que ai ge mesfet?
Quant li fez par moi ne fu fet,
Je n'en doi avoir se bien non. 109
E se dan Belin le moton
2025 A au vilein mangie s'aveine
Et il li a oste la leine,
Bau dous sire, qu'en puis je mes?
S'il vos plaist, si nos tenes pes.
De Rossel l'escuiroil vos di,
2030 Onques a nul jor ne le vi,
Onques par toz les seinz de Rome
Rien ne forfis onc a nul home,
Et s'il en vont son escu prendre
Je sui tos prest de moi defïendre
20!5 Contre lequeil que voudrez d'euz.'
Chuflet' fait li rois, 'par mes euz.
Ce que vos dites ne vaut rien.'
Atant saut Roenel le chen.
Si a dit au roi conme prouz
2010 'Vees ci mon gage por toz,
Por Tybert et por Ysengrin
E por Rossel et por Belin
Et por moi oncor tôt avant.'
Lors se vet Renart defripant,
2045 Quant vit celui sou gaige tendre.
2010 Nonil 2020 patu 2023 ne d. auor 2031 manque
2UoJ uoudioz douz 2040 Ves 2041 et mcoique 2042 roenel 2044 vet
manque defripons 2045 vi
100 XIII (Méon 24024—24059)
Bien sout qu'il le covint défendre:
Durement en est esbaïs.
Et li rois a les gages pris,
Puis a ostages demandez.
2050 Meintenant est en pies levés
Sire Frobert le gressillon
Et dant Tardis le limaçon.
Au roi dient 'ostages somes
Por Roenel contre toz omes.'
2055 Dist li rois 'bien estes créant.'
Lors est Coflet venus avant
E dit au roi 'veis ci mon gage.
Onques nul hom en mon aage
Ne meffis ne ne meffere,
20ti0 Mes cestui recréant rendrai.'
Li rois dist 'dones est li gages.
Or n'i faut mes que les ostages,
Vos les donrois, foi que vos doi.'
Et Renart regarde entor soi
2065 Trestot contreval la meson.
S'a choisi Grinbert le tesson.
'Grinbert' fait il, avant venes.
Et por moi ostages seres:
Et vos avec, dan Brichemer!
2070 Vos me solies tant amer
Entre vos et sire Grinbert.
Or verrai qui ami m'i ert.
Or en est venus li besoing.'
Et Grinbert dit, qu'il n'en a soing,
2075 Que cil que il ostegera.
Moût meuz de lui le conoistra.
Et Renart est vers lui alez,
Si li dit 'sire, a moi parles!
Bien sai se me conissies
2080 Que meintenant m'ostagissiez.'
'Amis' dit il, qui estes vos?'
2048 prist 2049 a les o. 2051 robert 2057 gege 2058 âge
2060 recrant 2061 guibert (de même 2067. 2071. 2074. 2086) 2072 Ore
uenrai 2080 mo ostagissiez
XIII (Méon 24060-24095) 101
"Sire, je sui Renaît le ros.
Si vos di bien de vérité
Que Roenel sera mate,
2085 Car il a tort et je ai droit.'
Et quant dant Grinbert l'aperçoit,
A son dit l'a reconeii:
Devant le roi en est venu.
Ostage por Renart livra,
2090 Et dant Brichemer i entra.
Quant li gage furent done.
Si sont a lor ostex aie:
Répit ont pris de la bataille
Jusqu'à huit jors sanz nule faille,
2095 Et tandis se sont porchache,
S'ont lor barnois aparellie.
Et sire Roenel porquiert
Tel escu cum a lui afiert,
Bone cuiree et bon baston
2100 Qui bien fu frète environ.
Et Renart s'est bien entremis,
Et bien a son barnois porquis
E porchacie son este voir.
Un escu tôt roon et noir
2105 A aparellie, jel vos di,
Et un baston noir autresi.
Le baston estoit de pomer,
Et bien l'ot fait estroit lier.
Il fu molt bien aparellie.
2110 A la cort vint joiant e lie
Renart le jor de la bataille.
Et Roenel i fu sans faille
Tôt aparellie por conbatre
E por l'orgoil Renart abatre.
2115 Devant le roi fu en estant.
'Sire, ma bataille demant'
Ce a dit Roenel au roi.
2085 ai le d. 2086 lapercot 2087 dit a Les vv. 2093. 2094 sont
intervertis dans le nisc, tuais les lettres b a, qui précèdent les deux versi
corrigent l'erreur 2098 lui fiert 2102"„qs'i«. 2108 estorlier 2\\1 & manque
102 XIII (Méon 24096—24132)
Et il H respont je l'otroi.
Et saches, se m'en creïes,
2120 Entre vos deus pais feries:
Et saches qui sera veincus,
Tôt meintenant sera penduz,
Que ja raencon n'en aura.'
Dist Roenel ja n'avendra
2125 Que si s'en voist li leres quites.
Ancois li rendrai ses mérites
Et de la honte et de l'ennui
Que nos a fait ici enqui.'
Lors dist Renart 'par seint Denis,
2130 N'en prendroie de paresis
Un somier chargie, nun pas deus,
Que n'en soion andui as jeus,
Et je et vos sans arester.
Trop poent li seint demorer:
2135 Si m'en poise, par seint martir.
Sire rois, faites lez venir!'
Li rois fait les seinz aporter.
Quant en aus ne pot pes trover.
Ses aporta Tibert li chat.
2140 Ce fu le chef Pelé le rat
Sor quoi le serement fera.
Roenel s'i ajenoilla,
Si a dit, que l'oïrent meint,
'Issi m'aït dex et cist seint,
2145 Que Coflet a ice mesfet
Dont il doit avoir honte e let,
Et d'Isengrin et du moton
E de moi qu'il prist au penchon, 110
Et de Rossel tôt en apert,
2150 Et de vos, mon seignor Tibert,
Qui cest seintuaire tenes.'
'Par foi' fait Renart, 'vos mentes.
De trestot i aves menti.'
Lores l'a par le poing sasi
2118 E 21 19 mec. 2120 „' feries ,' paia 2021 que 2135 martin
3137 seint 2146 hôte 2148 pris 2150 siegnor ,t.
XIII (Méon 21133-24169) 103
2155 Et si l'en a fait redrecier,
Mes ancois ofri un denier.
Lors s'est Renart ajenollies
Et dit 'seignors, or vos taisies!
Par les seins que je voi ici,
2160 Roenel a del tôt menti,
Que onques un mot voir n'i ot.'
Il baise les seins a ce mot
Si a un paressis ofert.
'Or le verron' ce dit Tibert,
2165 'Come vostre droit i parra.
Quant ce au grant besoing venra.'
Quant li serement furent fet,
Si se sont a une part tret,
Et li rois tôt sans plus d'espace
2170 Les fait amener en la place.
Renart de nient ne s'esmaie,
En son doi lace la coroie.
Roenel ne redote mie,
Car ases set de l'escermie,
2175 Car en enfance en ot apris,
N'ot si bon mestre en son païs.
A cest mot furent mis ensemble.
L'un et l'autre de poor tremble.
Roenel bien son escu sere,
2180 Jentement va Renart requerre.
Un cop li a jeté d'aïr,
Et Renart se sont bien covrir
Qui l'escu encontre gita.
Renart grandime cop frapa.
2185 Renart ne fu pas a aprendre,
Vers le chen se voudra deffendre.
Le baston drece et tint l'escu,
Si a si Roenel féru
Del baston par deles l'oïe,
2190 Que tote a la teste estormie.
Atant s'en sont arere trait
2156 ancois i o. 2158 siegnors 2164 uonron 2169 tôt manque
2173 nel r. 2184 Et R. 2185 p. a prendre 2187 tin
104 XIII (Méon 24170-24205)
Onques n'i ot duI semblant fet
Se de bien non, et s'entrevienent,
Les escus devant lor pis tenent,
2195 Grans cous se vont entreferir.
Renart, qui bien sont escrimir
Et bien sont jeter entredeus,
Fiert Roenel enmi les euz,
^ A pou que ne l'a afronte.
2200 Lors dist Renart 'fel parjure,
Moût par vos est mal avenu.
Se dex plaist, vos serois pendu,
Ja autre merci n'en aurois.'
Roenel l'ot, si fu destrois.
2205 Si a son escu enbracie
E tint le baston enpoingnie.
Ferir le quide, mes il faut,
Que Renart d'autre part li saut.
Li cox descendi par vertu,
2210 Si l'a si sor l'escu féru
Que pie et demi en abat.
De son baston vole un esclat
Et est par mi outre brisie.
Molt en fu Roenel irie.
2215 Con il ot son baston perdu,
A deus meins a saisi l'escu,
Encontre Renart l'a jeté:
Si l'a si forment escrie
Qu'il le fit voler tôt envers.
2220 Roenel saut sus en travers,
Del poing li done enmi lez denz
Si que Renart est tôt sanglans :
De son poing li débat les joes.
N'a or talant de fere moez
2225 Renart, ce vos di sans f alliance.
Roenel li foie la pance
Et de ses dens sovent le mort,
2192 nus 2194 e. par d, 2195 entreferrir 2198 le euz 2205 enbracies
2210 Si a sor 2220 sus manque 2223 poig 2224 ore Les vers 2225. 2226
sont intervertis; rnais l'erreur est corrigée par les signes h a
XIII (Méoa 24206-24240) 105
Et Renart un petit s'estort,
Tant que il out sa destre mein.
2230 Moût delivrement et a plein
A son baston en haut levé,
Si a si Roenel fiape
Enmi le vis sans demorer,
Que li fist un des euz voler.
2235 Si l'enpeint de si grant aïr
Que d'autre part l'a fait caïr.
Et Renart est sailli en pies,
Son baston tint, si en fu liez,
Roenel molt sovent en frape.
2240 Meintenant li bastons escape.
Con il ot son baston perdu,
Sor Roenel ciet estendu,
Del poing le fiert menuement.
Et Roenel bien son cuer sent
2245 Que toz est seins, mes il s'esraoie.
De son oil que si le desvoie
Durement li anuie e grieve.
Un tor a fait et puis se leva,
Renart a jeté desoz lui,
2250 Ja li fera, s'il puet, anui.
Or refu desus Roenel,
A Renart a faite sa pel,
As dens le mort et fiert del poing
Moût menuement sor le groin,
2255 E li dit si que chaquns l'ot
'Coflet, car dites le mau mot!
Se ne le dis, je t'ocirai.'
'Ja voir' dist Renart, 'nel dirai,
Por tant puis estre mort ici.'
2260 Et Roenel fiert, ge vos di,
Grant cop con il pout de son pie.
Que tôt a le vis camoisie.
2236 par 2237 rart 2238 bastoton 2241 perde 2242 So roenel
c. tôt e. 2243. 2253 poi? 2245 so maie 2250 pot 2251 Or fu desore
2256 Cenart Au bout de li(jiie il y a un r isolé. 2257 nel dites ie
uos tuereie 2258 diroie 2261 son manque
106 XIII (Méon 24241—24277)
Que molt durement le destrent.
Et Renart a jeté un pleint
2265 Et estreint les meins et les pies,
Conme mors s'est aparelliez.
Roenel prent a apeler
Ceus qui durent le champ garder
Siegnor' fait il, avant venes,
2270 Je cuit cest camp est afines:
Que je vos di par seint Germein,
Choflet ne muet ne pie ne mein. 111
Je cuit que li champ est veinqu.'
Atant i sont corant venu
2275 Et ont trove Coflet gisant,
Si le prennent de meintenant.
Qant Renart sent qu'il l'ont levé,
Meintenant a un pleint gite
Et dit 'haï! dex, je me muir,
2280 Tôt ai perdu et car et cuir.
Damledeu a son plaisir fet.
Que rien n'i avoie mesfait.'
Les gardes n'ont plus demore.
Devant le roi l'en ont mené.
2285 Sitost con li rois l'a veii.
Si demanda 'est il vencu?'
'Sire' font les gardes, 'oïl.
Mes dites que en sera il.'
Li rois respont 'ne delaiez
2290 Qu'il ne soit pendus ou noies.
Jamais ma gent ne honira.
Tôt meintenant pendus sera:
Car insi le voil, par seint Jac,
Que il soit botes en un sac,
2295 Sel jetés en l'eve del pont.'
Tantost en un sac bote l'ont
Si que onques confes ne fu,
Yers l'eve s'en sont acuru.
Grinbert qui estoit corocies,
2266 Con 2270 afnes 2272 mot 2282 forfait 2283 ni ont
2290 Qui n.î s. 2293 .iaq 2294 Quil 2298 se 8.
XIII (Méon 24278-24313) 107
2300 Desos le pont estoit muces,
Que por Renart estoit ire.
E cil sont sor le pont monte,
Si n'i ont pas molt délaie,
Renart ont en l'eve lance,
2305 Au parchaoir un escrois fist,
Et Grinbert tantost le saisist
Et si Tavoit del sac oste.
'Renart' fait il, mal as erre,
Or quident il que ci mors soiez.'
2310 Sire' fait Renart, totes voies
M'en aves vos ore rescos.
Quant je voudrai, je serai ros
Ausi con j'estoic devant.'
Lors dit Grimbert 'se dex m'amant,
2315 Se tu le pues fere, si fe.
Ou autrement tu es aie,
Et je meïmes sui boni.'
'Par foi' fet Renart, 'jel vos di.
Car orendroit sans ar ester
2320 Me verrez la nerte ester.'
Lors comence ses horoisons,
Ses proieres e ses sarmons
Qu'il avoit en enfance apris.
Si fu toz ros, jel vos plevis,
2325 Et a dit 'cosin, or vees!
Dont ne sui ge bien atomes?'
'Oïl certes' ce dist Grinbers,
Tu es plus bel et plus apers.
Mes or te sie, si ne t'anuit.
2330 Ici serons jusqu'à la nuit,
Que se l'en nos savoit ici
Moi e toi seremes boni,
Ja n'en areen raencon.'
'Sire' fait il, 'si nos teson.'
2335 Desoz le pont sont hostele,
2302 il 2303 nont pas ci mot d. 2305 par manque esfroia
2:U4 2:rinnbert mauent 2315 pos 2319 orendroites 2320 uenre?
23-28 bkns
108 XIII (Méoii 24814—24346)
Et li autre sont retorne
En la sale devant le roi,
Et li dient 'sire, par foi,
De cestui estes délivres,
2340 Par lui n'iert mes home grèves.'
'Par foi' fet li rois, 'ce m'est bel.
Lors vait chascuns a son ostel.
Bien cuident estre a sauvete.
Mes il sont en mal an entre,
2345 Se dant Eenart puet esploiter.
Lui e Grinbert sans delaier
S'en sont desoz le pont issu:
Yers le palais en sont venu,
Mes ne sont mie entre dedenz.
2350 Départis sont lieiz et joianz
Entre Renart et le tesson.
Grinbert s'en va en sa meson.
Et mesire Renart s'en torne
Vers Maupertuis, pas ne sojorne.
2355 Menaçant s'en va Roïnel
Et l'escuirois sire Rossel,
Tibert le chat et Ysengrin,
Et le moton sire Belin,
Et dit bien que il lor nuira,
2360 Ja en tel leu nés trovera.
Atant entra en Malpertuis
E après lui referma l'uis,
Et saches que ce fu savoir.
Ci vos lais de Renart le noir.
2365 En son castel est enfermes.
Atant est li contes fines.
2336 son 2340 ihgb] hore 23U manque 2345 pot 2347 deuers
le 2352 Ginbert 2355 Meintenant 2360 cel 2361 en tome en
2365 ch. en est fermes
XIV
(Méon 2661-2086)
Ce fu en mai au teus novel Sô'
Que li tans est seriz et bel,
Si com estoit l'Asension,
Que Renart ert en sa meson
5 Sanz garison et sanz vitaille.
Si grant fein a que il baaille.
De la feim li delt molt li cors.
De Malpertuis s'en issi hors
Grant oire trestot eslaissies.
10 Si se feri en un plaissie.
Tôt coroce est enz entre:
S'a Tibert le chat encontre.
Meintenant l'a a raison mis.
'Tibert' fait il, 'bau duz amis,
15 Dont venes vos? dites le moi.'
'Sire' dit Tebert, 'par ma foi,
Gie avoie enprise ma voie
Chiez un vilein les celé haie
Qui est iloqes devant nos.
20 Li vileins a, foi que doi vos,
Une feme qu'il aime tant
Que rien qu'el voille tant ne quant
Ne li contredit, tant soit let.
Celé a mucie plein pot de let
25 En une huce: et la m'en vois
Tôt eslessie parmi cest boia,
6 il matique 8 issoit 10 sen 19 liloqes 22 quele
l\
110 XIV (Méon ibSl-'Il-iÔ)
Savoir se poiroie avenir.
Se tu en vels o moi venir,
Ge t'en menrai vers la mesoû.
30 Mes par foi soiom conpaingnon!
Gelines et capons y a.'
Renart respont ya, ya :
Gie t'en asoùr, volentiers.'
Atant se metent es senters
35 Grant aleiire et le troton
Tant qu'il vindrent a la meson,
Qui tote estoit close de piex.
Dex' dit Renars 'bauz sire dex,
Conment porrons entrer dedenzP
40 Ces piex sont si entretenanz
Que n'i porrons mètre lez piez.'
Dist Tebert 'ne vos esmaiez!
Molt bien, ce croi, vos i metron.'
Lors s'en vont entor la meson
45 Tout bêlement le pas soe
Tant qu'il trovent un pel froe.
Ens se metent sans atargier.
Puis s'en vont vers le jelinier.
Que molt savoient de barat,
50 'Renart' ce dit Tibert le chat
'Bauz doz amis, sez que feras?
En la meson o moi venras.
Que se ta t'en vas as chapons.
Tant a caenz de teus gaingnons,
;)5 Se il crient, il t'asaudront,
Tost pris et retenu t'auront:
Et g'i perdrai le mien afere.
Mes vien ens, se tu vels bien fere,
Aveuques moi tant qu'aion fet.
60 Et se tu veils avoir du let,
Tu en mangeras grant pleute.'
Dist Renars ce me vient a gre.'
Atant s'en sont a l'uis venu.
28 o] a 3.Ô trotons 46 troueront 50 T. 54 caeenz de tus
58 Meus uient et se 60 se tueils 61 plete
/
XIV (M6on 2746—2794) Hl
Tybert qui molt voiziez fu,
65 S'en est entres la teste avant.
Puis dist 'Renart, se dex t'avant,
Vien enz, ai susleve la huce!
Del leit i a pleine une cruche.'
'Par foi' dist Renart, volentiers
70 T'eïderai, baus amis chers.'
Atant en vont la hocce ovrir.
A Renart la lait sustenir
ïibers, si est dedens sailli.
Au pot en vint, n'a pas failli.
75 Sa teste a bien dedens botee.
Au let boivre a mis sa pensée.
Tybert durement hume et boit.
Renart qui la huce tenoit,
Esteit durement a malese.
80 Tybert' dist il, 'ies tu a ese?
Hume tantost et si t'en is!
Car foi que je doi seint Denis,
Geste huce forment me grève:
Car par un pou que je ne crevé.'
85 Tibert entent tant a humer.
Conques ne li vout mot soner. 86
'Tybert' dit Renart, 'haste toi,
Ou la huce carra sor toi.'
Tibert entendi molt petit
90 A ce que Renart li a dit.
Au manger a s'entente mise.
Tant en manga con il devise.
Quant tant ot mange con il pot,
Tôt a jus trebuce le pot
95 Et le let espandi trestot.
Ce dist Renart 'tu es trop glot.
Por quoi as cel pot abatu ?
Meus amasse estre bien batu.
Et ne por quant fai, si sail hors.
100 Je sui molt travelles du cors
79 mal l'sese 95 let] pot 97 a
112 XIV (Méon 2795-
De ceste hoce sostenir.
Il te covient hors a venir.'
Tibert s'est acorsei, si saut:
Et Renart tint la huce haut.
105 Tiberz desus le bort sailli:
Et Renars la huce Hati,
Qui li peseit, et si Tenpeint.
Tibert a en la coe ateint
Si grant coup, que ce n'est pas jex.
110 La eoue li trenca en deus:
Li bouz en la huce chaï.
Et Tibert a terre est sailli :
Si a Renart areisonne
'Renart, molt m'as mal atorne
115 Que tu m'as la coue trenchie:
Si en ai sofFert grant hachie.
Coupée?' dist Renart par foi,
Ce n'a je pas fait". 'Qui donc?' Toi'
'Je non ai, par seint Lienart.'
120 'Diva, tais toi' ce dist Renart.
'Tu en ies asses plus ligier.'
'De ce n'avoie je mester.'
Dit Tebert 'ce saches por voir.
Nel vousisse por grant avoir.'
125 Dit Tibert 'tu es trop musart.'
'Di va or di' ce dit Renart,
'N'en estas tu legier assez?'
Ce dit Tibers vos i gabez.'
'Gabe?' dit Renart 'a quoi fere?
130 Que as tu de te coue a fere?
S'en te chacoit, se dex m'ament,
Plus corroies légèrement.
Ce poise moi, par seint Amant
Que la moe coe est si grant.
135 Ge voudroie qu'el fust coupée.'
Dist Tibert 'bone Tas trovee.
110 couue 116 hache 118 fait foi que doi toi 121 res
123 .Teb't. 128 Tibers] Renart 135 quele
XIV (Méon •2S6y-2i)l6) IV
Mes or laissons atant ester.
Si en alons sans demorer.
Car foi que ge (loi seint liicher,
140 Je voil que aies a manger.'
Atant s'en oissirent de l'uis
Tôt bêlement par un pertus.
Si s'adrecent vers les capons.
Tôt bêlement et toz enbrons
145 S'en sont au geliner venu.
Tyberz qui porpense se fu,
En a Renart a raison mis.
'Renart' fait il, bau doz amis,
Les capons sont ici dedenz.
150 Mes se tu m'en crois, par mes denz,
As jelines ne toceraz.
Eins te dirai, conment feraz.
Tu prendras le coc raeintenant,
Qui est et bon et cras et grant.
155 Car les gelines, par mon front,
Trestotes escouees sont.
Tout ce te di ge bien de voir.'
Renart quide qu'il die voir:
Mes non fet, aincois le gaboit.
160 Renart s'en vait au coc tôt droit
Qui deles Pinte fu a destre.
Si l'a saisi parmi la teste.
Quant il le tint, grant joie fet.
Tibert qui esteit en agait,
165 Li demande 'tiens le tu bien?
Garde ne t'escape por rien.
Dont nel tiens tu bien, di le moi.'
"OiT dist Renart, par ma foi.'
Si con Renart ovri la boco,
170 Et li cos mcintenant en toche.
Si conmence a chanter si haut
Que li vileins sire Gonbaut,
137 or le 1. 142 par] a 144 enibrons 146 se manque 159 ainz
165 tien les 172 ganbaut
RENART II. 8
114 XIV (Méon 2917—3003)
Qui se dormoit, s'en esvella.
Meintenant ses chens apela
175 Et il meïsme sailli sus.
El geliner entre par l'uis.
Si tost con Tibert l'a veii,
Fuit s'en (n'i a plus atendu)
Tôt coiement et a celo.
180 Renart rest en fuie torne
Parmi els: molt tost l'aperçurent
Li chen et après lui corurent.
Mes Renart se met a la fue.
Et li Yileins ses chens li hue
185 Et cil se metent en la trace.
Tibert qui fu de maie estrace,
Sali hors par le pel froe
Par la ou il esteit entre.
Renart après lui de randon.
190 Mes li chen par le pohcon
L'aerdent, si l'ont jeté jus.
Ambedui li saillirent sus.
Molt l'atornerent malement.
Mes Renart ne fu mie lenz.
195 Einz se redrece, si s'en fuit.
Nel bailleront hui mes, ce quit.
Fuiant s'en vait sanz demoree:
Et li chen font la retornee.
Renart s'en fuit de grant randon
200 Trestot pongnaut a esporon.
Tant con pies le porent porter.
Or vos doi d'un prestre conter,
Qui passoit de travers un plein.
Une boiste avoit en sa mein,
205 Qui tote estoit d'oulees plene.
Li prestres passa a grant peine
Une soif que a passer ot:
Et la boiste qu'onques nel sot,
Li chet qu' eins ne s'en aperçut.
178 Fuiait 179 oelon 183 a] on 18-1 li manque 187 To 191 Ion
209 que oins porcut
XIV (Méon ;^()()4-3055) Hô
210 Renart qui celé part curut,
Trove la boiste, si s'en fuit.
Tôt coiement que mot ne dit
L'a overte, puis si manja.
Les ouleez que enz trova
215 Totes fors deus que il en porte.
En tost aler molt se déporte.
En sa boce tint les oulees
Qui furent en deus plois doblees.
Atant monte en un tertre haut.
220 Hoc a encontre Primaut
Le leu qui fu frère Ysengrin, 87
Qui venoit corant le cemin
Et de tost aler s'esvertue.
Ou voit Renart, si le salue.
2-25 'Renart' fait il, 'bien yienes vos!'
'Primant, dex beneïe vos'
Fet Renart 'et bon jor aies!
Dont venes vos si eslaissies?'
'Par ma foi' fait il, 'de cest bois.'
230 Ou alez?' 'Porcacer m'en vois.
Por manger sui ci atrotes.
Mes que est ce que vos portes?'
'Par ma foi' fait Renart, 'gatax
De mostier que sont bons et bax.'
235 'Dones les moi, bauz amis cherzl'
'Par foi' fet Renart, 'volonters.'
Atant li a Renart donees
De meintenant les deus oulees.
Si les a mangées Primaut.
240 'Renart' fait il, 'se dcx to saut,
Ou les preïs? en as tu mes?'
'Nenil' fet Renart, 'mes ci près
Les pris je dedens un moster.'
'Molt par sont bones a manger'
245 Fet Primaut: 'se plus on avoie,
Molt volenters les mangeroie.
Car par foi, ge ai si graut foin,
210 que par 215 porta 219 A tost 221 que 234 Do 239 mangea
116 XIV (Méon 3056-3116)
Ne mangai Imi ne char ne pain.'
Dit Renart 'tôt ce n'a mester.
250 Tien t'en: si irons au moster,
Ou il en a encor ases.'
Renaît' fait il, gari m'aves.'
Atant se metent a la voie,
Renart et Primant a grant joie.
255 Bien ont lo droit cemin tenu
Tant qu'il sont au moster venu,
Dont li prostrés est capeleins.
Soz le seuil as piez et as meins
Font une fosse, ens sont entre
260 Trestot bêlement de lor gre.
Si en venont detrers l'autel.
Une aumaire ovrent, n'i ot el.
A grant plente i ot oulees
Qui bien furent envolopees
265 En une molt bêle toaille.
Primant qui dorement baaille
De fein, s'en fu tost délivre.
'Renart' fait il, 'bien as ovre,
Que tu nias ma volonté fête.
270 Mes cest manger trop me deliaite.
Car con je plus en mangeroie,
Et je voir grenuor fein auroie.
Mes je voi une huce la:
Espoir aucune chose y a,
275 Qui nos seroit bon a manger.
Alons la huce dépêcher!'
Alon dit Renart, 'de par de!
Ce qu'aves dit, me vient a gre.'
Lors sont a la huce venu.
280 Primauz qui plus voiziez fu,
Prist la huce, et a queilque peine
En a brisie la moreine.
La huce ont overtc tantost.
Dedenz ont li prestres repost
254 prninut 256 su 250 son 2G2 oure ni ot tel 266 qu(
281 a manque
XIV (,Méon 3117—3157) 117
285 Pain et vin et car a foison,
'Renart' dist Primant, or avom
Ases a manger, deu merci.
Mes estent la toaille ici!
Si mangeron de ceste car.
290 Li prostrés n'estoit pas escar
Qui ici mucie l'avoit.
Or manjoDs que dex nos avoit
Trestot estoe cest bienfait.'
Trestot l'a de la huce trait
295 Et lo pain et lo vin avec.
Ambedui s'asient iloc.
Si mangèrent andui ensanble
Pain et vin et car, co me samble,
A grant plente et a foison.
300 Que s'il fussent a lor maison,
N'i oust il pas grennor joie.
Renart dit soef qu'il ne l'oie,
'Primauz, molt es ore haities.
Mes se dex ait de moi pitiez,
305 Ge saurai molt petit d'engin,
Se ne t'en dels a la parfin.
G'i métrai engin et entente.
Primant' fait il, molt m'atalente
Que si estes bien conrees.
310 Verses de cest vin, si beves.
Dist Primant 'sachez sanz mentir
Que nos en bevron par leisir:
Car ases en avon, ce croi,
Se nos esteon oncor troi,
315 A grant foison et a plente.'
Tant burent a lor volente
Q'a Primaut le cervel bolut.
Renart qui très bien l'aperçut
Li dit un petitet en haut
320 'Car beves de cest vin, Primant!'
'Si fa je' fet Primaut, 'par foi,
286 .prmaut 292 no 296 sasent 302 soif 303 prmauz 3l8 que
320 b, ce dit uin
118 XIV {Méou 3158- 32-23)
Et tu Renart, verse, si boi.'
'Si fa ge' dist Renart 'ases:
Mes vos, sire Primaut, bevez':
325 Fet Renart 'que trop estes lent.
Beves un pou plus dorement!
De boivre vos voi recreii.'
Dit Primaus 'je boi plus que tu.'
'Non fez' ce dit Renart, 'par foi.'
330 J'en ai molt plus boii que toi,
Qui vaut la moitié d'un ferlinc.'
'Et tu, Renart, tien, hâve, drinc!'
Primaut boit et Renart li done.
Por noient fust delez la tone:
335 Si bevoit Primaut dorement.
Et Renart l'en force sovent
Ausi conme s'il fust a feste.
Li vins li monta en la teste,
A Primaut, tant en a boii.
340 'Renart' fait il, 'aves veii,
Com dex nos a amené ci?
Molt avom bien este servi,
La merci deu, a cest soper.
Se nos fessons major ou per,
345 Ne poosson pas estre meus.
Et ge vos di bien par mes eulz,
Que je voil orendroit aler
A cel autel messe chanter:
Que je voi tôt prest sor l'autel
350 Le vestement et le messel.'
Quant Renart la parole oï,
Dedenz son cuer s'en esjoï.
'Bien porras' fet il 'tel chant fere
Qui te tornera a contraire.
355 Chanter ne doit nus, bien le sez.
Devant que il soi ordenes.
Nus ne doit estre chapeleins, 88
324 nos 325 Fet i R. 331 forrile 333 et maucpie 345 pas
manque 354 a niaiiijue
XIV (Méon 3224-3302) 119
Se il n'est corones au meins.'
'Par la foi que doi seiiit Renaut
360 Vos dites voir ce dit Primant.
'Bien sai e voi que dites voir.
Mes or voudroie je savoir,
Qui me porra corone fere.
Car conment que or tort l'afere,
365 Ma parole voil bien sauver.
Vespres m'estot ici canter,
Si truis qui corone me face.'
Renart dit 'se dex bien me face,
Se ge puis un rasoir trover,
370 Go vos vourai ja coroner.'
'Vos dites molt bien' dit Primant.
Tôt meintenant en estant sault.
Si com nos trovom en l'estoire,
Tantost troverent un aumoire.
375 S'ont dedenz un rasoir trove
Bien trencant et bien afile
Et uns cisaux et un bacin
D'un cler leiton et bon et fin.
Meintenant l'a saisi Penart.
380 Si se retorne d'autre part,
Si que Primant n'i entendi.
Dedenz le bacin a pisi,
Si c'onques Primant ne le sot.
Or esgardes, con il fu sot:
385 Onques garde ne s'en dona.
'Primant' fait il, 'esgarde ca!
Tôt nos est venu en sohet.'
'Dex' fet Primant, 'graut part i,eit!'
Or n'i a donques plus a fere,
390 Mes vien moi la corone fere.'
Adonques s'est a terre asis.
Et Renart l'a entre meins pris
358 Sil nait corone 365 bien] ore 367 truis qui] que la 368 d.
que se me bien 374 aumare 375 "„ troue ./." rasoir 380 r.
meitenant 382 puisie 383 qnqs nol soit 387 sahat 388 pteiet
390 ui. tost la 391 sos
120 XIV (Méon 3308-8340)
L'eve sor la teste li rue.
Primaus ne se muet ne remue:
395 Einz se tint tôt cois et en pes.
Et missire Renart l'a res,
A qui il n'en est pas deus billes.
La corone dusqu'as orelles
Li a fête, puis li a dit:
400 'Primant' fait il, 'se dex t'ait,
N'ies tu ores bien atorne?
Tu m'en dois savoir molt bon gre.
'Si fa je, foi que gie te doi.
A ge corone?' 'Oïl, par foi.
405 Se ne m'en crées, tastes i!'
'Molt volenters, par seint Rémi'
Fet Primant trestot soavet,
Que meintenant sa mein i met.
La corone a bien detastee.
410 Adonc a grant joie menée.
Si li a dit 'Renart, bau mestre.
Par ma foi, or sui je bon prestre.
Or ne voil je plus demorer:
Einz irai orendroit chanter.
415 Ja n'i aura plus atendu.'
Et Renart li a respondu
'Primauz bauz amis, non feras.
Les seins tôt avant soneras:
Que nus ne doit vespres chanter
420 Devant qu'ait fait les seins soner.
Sones les, si ne vos soit gref!'
'Vos aves bien dit, par mon chef
Fet Primaus. 'ge les sonere
Et puis après si cantere.'
425 Adonc s'en est venu as seins
Si bone oire con il pot ainz.
Les cordes cort tantost saisir.
Les seins sone de grant aïr.
394 ne mue 402 d. oro sauor b. g. 407 saouet 40'J biem
410 mee 415 atende 417 b. doz a. no fras 420 que ait f. le seins
427 tanstot
XIV (Méon 3:M 1-3402) 121
A glas sone et a quareignon.
430 Et Renart a de son giron
La boche estopee du pan.
Puis si a dit enhan, enhan!
Sachez bien ces cordez, sachez!'
'Si fa-ge' fet il, 'ce sachez.
435 Onques mes par prostré ordene
Ke furent seint si bien sone
Come cil seront, se je puis.'
Et Renart respont 'plus ne ruis.
Lessics ester : que trop sones.'
440 Dit Primaut 'quant vos le voles.
Il me vient molt bien a plaisir.'
Atant a fait le glas fenir.
Molt avoit sone longement.
Vers l'autel s'en vet erraument,
445 Au plus tost que il pot venir.
Del vestement se va vestir.
•L'aube a vestu sans atargier,
Et Renart li curut aidier.
Molt ferement li aïda.
450 La caisuble tantost pris a.
Tôt meintenant l'a endossée.
La eorone qu'iert granz et lee
A aplanoie a sa mein.
Puis en vient a l'autel a plein.
455 Tôt meintenant que n'i ot el,
A Primaut overt le messel.
Puis a pris les foulz a torner.
Renart se mist el retorner:
Car il ot de la gent peor.
460 Envers l'uis s'est mis el retor.
Par la ou il entres i fu,
S'en estoit meintenant issu.
La fosse qui ert grant et lee,
A tôt meintenant estopee.
429 quarereignon 447 atagier 453 a as m. 454 1 autos 455 me-
tenât 457 les mangue 45ÎÎ gfit
122 XIV (Méon ;340;3-3488)
465 Et la terre a arere mise.
Et Primaut remest a l'église
Devant l'autel tôt esteste.
A chanter a mis son pense.
Durement brait et uUe et crie.
470 Li prestres a la vois hoïc
Et si avoit les seins oïs.
Tantost est de son lit sailliz.
Si a une cbandoille prise.
Au fu en vient, si l'a esprise.
475 Puis a pris la clef do moster
Et en sa mein un grant levier.
Puis est de son ostel issu,
Droit au moster en est venu.
Par un trou prist a regarder.
480 Si a veii Primaut chanter:
As eulz qu'il ot clerz le conut.
Tantost par les rues corut.
Si escria 'seignors, or tost!
Li leus s'est el moster repost.'
485 Qui donc veïst vileins venir
Et envers le moster saillir!
Chascun porte baston ou mace.
N'i a celi ne le manache.
A l'uis sont venu li cuivert.
490 Et li prestres a l'uis overt.
Si entrent ens a une bie.
Primauz qui la noisse a hoïe,
Se merveille, plus n'arestut. 89
Meintenant au pertuis corut
495 Et vit qu'il fu de terre plein.
Yers l'autel s'en revint a plein
Corne cil qui fu esgarez:
Si a les vestemenz estez.
Puis s'en vint parmi le moster.
500 Li prestres qui tint un levier
466 laglise 468 m. sentento 471 les s. ois 475 cleif 484 set
485 uen' 489 lui 493 nuis 497 esra'Mcz
XIV (Méon 3-189-85:37) 123
Le consuï, si le feri
Que por un pou no Tabati.
Quant Primant so senti féru,
Envers le prestre en est. curuz
505 Tôt hors du sens et erragiez.
S'il fust sous, ja l'oûst mangie.
Mes li vilein si li anuient
Que trestuit ensamble li huent,
Si li douent des cous asez.
510 A pou que n'a les os qassez.
Primant vit que ne pot durer
Ne por fuïr ne por aler.
Molt amast ore ou bois a estre.
Lors a veû une fenestre
515 Bien haute dis piez et demi.
Il s'acorse, si est sailli
Molt dolent et molt corocie.
A pou que n'a le coul brisie.
Con il fu horz, grant joie ot.
520 Fuiant s'en va plus que il pot.
Vers le bois trestot eslaissie
S'en va fuiant le col baissie.
Ne s'est gueres arresteii
Tant qu'en la forest est venu.
525 Si tost con il i fu entre
S'a son conpaingnon encontre,
Renart, que molt d'engin savoit.
Si tost conme Primauz le voit,
Si li dist 'Renart, dont viens tu?
530 Di moi, por qoi me lassas tu
Dedenz le moster ensere?
J'ai trove le trou bien serre.
Tu l'cstopas, si con je croi.'
Dit Renart nol fis, par ma foi.
535 Mes li prestres, qant il t'oï,
Si l'estopa que je le vi,
De la terre que fu en haut.'
501 coiisuit .508 furu 522 fuant 523 gucro 533 le croi
124 XIV (Méou 353S-4165J
'Jo t'en croi bien ce dit Primant.
'Mes je me muir ici de faiu.
510 Qu'est ce que tu tiens en ta moin?'
'C'est un lierane' ce dit Renart.
'Mangie en ai, se dex me gait,
A grant plentc et a foison:
Que je trovai un careton
545 Qui en meinc une caretee,
Ou j'ai bien ma pance force :
Que j'en ai mangie a plente,
Tant con moi vint en volonté.'
A tant li tendi le lierong.
550 Primauz le prist ot dist aliène,
Bien puisses tu ore venir,
Que molt avoie grant désir
De manger, que je fein avoie.
Cesti mangerai tote voie.'
555 Quant il ot lo herenc mangie.
Si en a Renart aresnie.
'Renart" fait il, 'enseinnc moi.
Por deu et por l'ame de toi,
]\Ie di, conraent tu les eus?
560 Sans engin avoir nés poiis.
Que certes s'ancore en avoie,
Que volenters en mangeroie.'
Dit Renart saches sans mentir,
Quant vi la carate venir
565 Tote soef et tote quoie.
Je me chocai enmi la voie
Et la teste tenoie entort
Ausi con se je fusse mort.
Si tost conme li caretier
570 Me virent jesir ou senter.
Si quiderent a escient
Que je fusse mort vraiement.
Il me pristront que n'i ot el.
539 issi 542 grat 548 moi plut et a plente 550 pris
554 mangera ge t. 557 noi 559 Meis di 561 Q. c. que sa. aoie
563 San 565 soif 568 se manque 569 caretier
XIV (Méon 416G-4214) 125
Que il dessirroient ma pel.
575 Et meintenant me pristrent il,
Si me jetent el caretil.
Et je conme prous et ligiers
En ving meintenant as paners.
Si en mangai tant con je poi.
580 Et quant ases mange en oi,
Si sailli jus a tôt cesti,
Que je t'ai aporte ici.
Et se tu en vous plus avoir,
Ya après, si feras savoir,
585 Et si t'apareille autresi.'
Meintenant Primant respondi
'Par ma foi, Eenart, ge i vois.
Mais atendes moi en ce bois.'
'Je volenters, se dex me saut.'
590 Atant s'en est aie Primaut
Et corant que plus n'i délaie.
La charete vit en la voie,
Qui vint decendant d'un laris
Tote cargie de plaïs.
r)95 Con il la vit, si en fu liez.
Enmi la voie est chocez.
Tôt estendu iluec se tint,
Tant que la charete i vint.
Quant cil l'a veii, si s'escrie
600 'Ha ha, le leu! aïe, aïe!'
Li marcheant estoient loing
Et quiderent qu'il ait besoing.
Quant il l'oïrcnt si crier.
Lors prennent a esporener.
GO') Iloques vienent les granz salz.
Mes onques ne se mut Primauz.
Si se sont sor lui enbatu
La ou se gist tôt estendu.
'Il est mors' fait li uns. 'Non est.'
()10 'Par la cervcle deu, si est.'
57G ieterent 587 f^uouois 590 sercri fi04 preniiot (¥)S ou il
126 XIV (Méon 4-215— 4'2()0)
'Folz' fait li autres, 'il se feint.'
Adonc l'a du baston enpeint
Durement, et il ne se mut.
Li careters i accrut
615 A tôt un lever en ses meins.
Si l'a féru parmi les reins
Si grant coup, a po ne l'a mort.
Primauz le sent, si a gient fort.
Mes onques ne se remua.
620 Uns des marcheanz l'ezgarda,
S'a veii sopirer Primaut.
Meintenant a l'espee saut:
Si l'a traite, sel vont ferir.
Conme Primauz le vit venir,
625 Si joint les pies et torne en fuie.
Li chareters forment le hue.
Primauz s'en fuï tôt dolenz.
Bien est batu por les lierons 90
Dont il quida avoir sa part.
630 Ne fina, si vint a Renart
Qui se jut SOS un arbre haut.
Devant lui est venu Primait.
'Renart' fait il, 'mal sui bailis.'
'Coninent?' fet il 'as tu failli?
635 N'as tu pas des lierons mange?'
Dist Primaut ains sui mahanne.
Si m'a batu le careton
Très parmi le dos d'un baston,
A pou que il ne m'a tue,
640 Se ne me fusse remue.
Uns marcheant qui trait s'espee
La le m'oiist ou cors botee.
Mes si tost con traite la vi,
Je sailli sus, si m'en fuï
G45 Au plus que je poi durement.
Il m'atorncrent malement,'
611 Folz] Non est 631 sor 635 du herenc 640 relorne
643 trate 645 A
XIV (Méon 4271-4364) 127
Dit Renars ue vos esmaies!
Quant vos en estes reperies,
Vos en deves deu aorer.
650 Mes or vos venes reposer
Un petitet, puis si irons
Porchascer que nos mangerons.'
Primauz respundi amis cliers,
Ce fera ge molt volenters,'
655 Lors s'est asis joste Renart
Tôt soef a senestre part.
'Renart' fait il, 'car me conseille!
Par quel engin, par quel merveille
Je pousse avoir a mangier:
660 Que je en ai grant dessirrer.
Dist Renars 'foi que je vos doi,
Yos en aurois par tans, ce croi,
A grant plente et a foison:
Que ci près a une meson.
665 Chies un vilein la de delez
A trois bacons molt bien sales,
Dont tu auras en moie foi,
Se tu voulz venir avec moi.'
Dit Primaus 'la vostre merci.
670 Or vos levés donques de ci'
Fet Primauz, 'et si en alon.'
'Je volenters par seint Simon'
Fet Renars: meintenant se levé
Et saches que pas ne li grève
675 De Primaut que si tost decoit.
A la maison vont a esploit
Andoi ensemble les a lez.
Par un pertuis i sont entrez
Qui estoit petiz et estroit.
680 Et Primaus de fein se moroit.
Si i entra a grant destrece.
Tantost vers les bacons s'adreco
653 r. m... oli. 656 soif G6G moU maii/jiie 675 qiinalot se d,
678 i manque
128 XIV (Ucon 43GT-4428)
Delez Renart qui sages fu.
'Primauz, il t'est bien avenu
685 Fet soi Renars: manger poez
Tant que bien soiez saolez.'
Primauz manjue d'une part
Et d'autre mesiro Renart
Qui ases savoit plus engin
690 Que Primauz le frère Ysengrin.
Durement manjuent et tost;
Que il le firent en repost
Por le vilein dont orent dote.
Et Renars durement escote:
695 A l'escoter fu ententis
Que ne vont pas estre sorpris.
Tant manga Primaus des bacons
Qu'il fu ausi gros conme Ions.
'Renart' fait il, qant vos voudrois,
700 Fors de ceens nos geterois:
Que tant ai mangie, ne poi plus.'
Meintenant en venent a l'us.
S'est Renars tantost issu hors
Et Primaus si estoit si gros
705 Que il ne pot onques oissir.
'Ha dex, que porrai devenir'
Fet Primaus et que porrai fere?'
Dist Renars 'que as tu, bau frère?'
'Que j'ai, Renart? par seint Richer,
710 Je ne m'en puis ici ficher.'
'Ficher? si pos, se dex me saut'
Par ma foi, non pois' dit Primant.
'Je ne pois issir, je te di.'
'Or bote ta teste par ci
715 Por savoir et por essaier
Se tu ti porroies ficher.'
Primaus n'i entendi a mal.
Adonques s'eslaissa a val
683 que 684 tes b. 089 Que 693 don 696 sopris 698 au g.
699 uoudroit 701 m. que ne 704 si après Primaus manque 712 no
714 ici 718 se laissa
XIV (Méon 4429—4483) 129
Et el pertus sa teste mist.
7-20 Renars as orreilles le prist
A deus meins et si sache et tire,
A pou le cuir ne li descire.
Et onques ne sot tant tirer
Que d'iloc le poùst oster.
7*25 'Renart' fait Priniaus, 'sache fort!
Se ne me aides, je sui mort:
Que je te di sans décevoir,
Se li vileins pooit savoir
Que je fusse si ensere,
730 II m'auroit meintenant tue
Que ja raencon n'en auroie.'
Dit Renars 'or ne ti esmaie!
Que je te di, se onques puis,
Tu en istras par cest pertus.'
735 Atant s'en est torne Renart.
D'un plancon a fet une hart.
Si est arere repaires
Con cil qui est joians et liez.
Si l'avoit Primant el col mise.
740 'Primant' fet il, en nule guise,
Saches, ne vos lairoie ci.'
Primauz respont 'vostre merci!'
Renars sache ce que il pot
Et Primaus onques ne se mot.
745 Mes por pooir que poïst fere
Hors de laenz ne le pot trere:
Et de sacher ne se recroit.
'Dex' dit Renars ice que doit
Que nel puis avoir? que feron?
750 Leirai je ci non conpaignon?
Nenil, que je puisse par de.'
Tant a et sache et tire
Que du col dosqu'au haterel
Li a reborsee la pel.
755 II l'a escorche entresait
722 ceuer 726 aide 731 r. nauroie 741 lairoi 742 respon
745 ferre
RENART II. 9
130 XIV (Méon 4484-4521)
Et Primaut a gite un brait
Et a si durement crie
Que li vileins est esvelle.
Tantost est sailli de son lit.
760 Primaut aura ja mal délit, 91
Se li vileins le pot tenir.
Quant Primaut l'a veii venir,
Adonques ot poor de soi.
Renart, baux amis, laisse moi!'
765 Fet Primaus ne voil ci atendre:
Vers le vilein m'estot desfendre
Ou il m'aura ja maenne.'
Renars l'oï, si l'a laissie
Conme cil qui en fu dolant.
770 Atant s'en va, plus n'i atent.
Primaut reraest eu meves leu.
Li vileins est corus au feu
Et aluma une chandeille.
Li vileins a pris une astele,
775 Si en est venu a Primaut.
Con Primauz l'a veii, si saut
Un petitet ensus de lui.
Et li vileins le consuï,
Desor le dos un coup l'ateint.
780 A itant la candeille esteint.
Con la chandeile fu esteinte,
Primaus qu'a oii peine meinte,
Est au vilein sore coru.
Li vilein est au feu coru
785 Por sa chandeile alumer.
Primauz ou il n'a que irer
Le vit bouteculer au feu.
Atant li corut sus li lou:
Par les naches du cul l'a pris.
790 Et cil a escrier s'est pris
'Aïde, aïde. boue gent!'
759 T. en est 763 at 772 v. alunie le f. 776 Conme 783 oorou
787 FA uit le uilpiii au f. IW ao prist
XIV (Méon 4522-45B9) 131
Sa feme sailli erraument,
Si tint un baston en sa mein.
Et Primant si tint le vilein.
795 La feme hauce le baston
Et fiert Primant sor le cropon.
Mes por ferir ne por blecer
Ne le voloit Primaulz laissier,
Einz le teneit et bel et gent,
800 'Suer' fait il, 'apele la gent,
Que je plus endurer nel puis.'
Et celé çorut ovrir l'uis.
Con il fu overt, si escrie
'A bone gent, aïe, aïe!'
805 Quant Primaus choisi l'uis overt
Et le vilein fel et cuivert
Tint si par les naches as denz
Que totes li enbati ens
(Et saches que la pièce enporte):
810 Meintenant issi par la porte.
La feme a sor le sueil trovee,
Si l'a en la boe botee
Et est en la forest entre.
Si a tantost Renart trove
815 Qui en la foiest l'atendoit
Et durement se dementoit
Par tiaïson et par envie.
Neporquant saches que sa vie
N'eime il geires ne n'a chère
820 Et si li fesoit bêle chère.
Que ne voult que s'en aperçoive :
Et je crien que il n'en reçoive
Maies désertes en la fin.
Et Primant onques ne prist fin
825 Tant qu'il est arere venu
A Renart que l'avoit veii
Pensif et si décolore:
809 p. porte 811 trouo 812 botft 815 ladontoit 810 dément
toit 819 ne a 822 il ne S'2'à Maie désertée
9*
132 XIV (Méon 4570—4606)
Chère fesoit d'ome adole.
Priraaut le curut arainier.
830 'Renart' fait il, 'vous tu mangier?'
'Manger?' fait il, 'par le cuer be,
Tu as bien le vilein gabe.
Or me di par l'ame de toi,
Se bleche t'a?' 'nenil par foi'
835 Fet Primaus, 'ce saches de voir.
Et si pos bien de fi savoir
Que je li ai fait grant damage.
J'ai une pièce de sa nage
Que je t'ai ici aportee.'
840 Lors li a el giron getee.
'Renart' fet Primaus, 'or mangies!
Char de vilein si est deinties.
Ele vaut plus que je n'espel.'
'Primaut' dit Renars, 'par ma pel
845 Et foi que je doi Malebranche,
Char a vilein noire o blanche
Si n'est prous en nule seison.
J'ameroie plus un oison
Que a manger char de vilein :
850 Que ja ne voie je demein.
Qui la mangera que je seie.
Car il a la lez celé haie
Que vos veez, lez ce plaissiez
Un tropel d'oisons encrassies
855 Qui trestuit sont et grous et gras.
'0 est ce, por seint Nicholas?'
Fet Primaus, 'ensengne le moi!'
'Volenters, foi que je te doi'
Fet Renars, qui fu plein de mal.
860 'Delez celé haie cl val
En poes trover une tropo.
Il n'i a borgne ne esclope
Et sont granz et gras et pesanz:
Si les i garde uns païsanz.
829 anainier 854 tropo doison 857 eiisen 859 fu manque
XIV (Méon 4607-4642) 133
865 II t'est bien avenu sanz faille.'
'Par foi, g'irai, conment qu'il aille.
Ja ne finere jusqu'à ex:
S'en aporterai un ou deus,
Qu'entre moi e toi mangeron
870 Et atent moi les ce boisson.'
'Molt volonters' ce dist Renart,
'Par mon seignor seint Lïenart'
Fet Renars : 'or saches de fi
Que je ne me movrai de ci
875 Por nule chose que je voie,
Et t'atendrai en celé voie.'
Primant s'en va, Renars remeint.
Ne quit mie que se demeint
Con esbahi ne conme fol
880 Et sovent en jure son col
Que Primaus sera mal venus,
Se il i puet estre tenus.
Atant s'asist enmi la voie.
Et Primaus s'en va tote voie.
885 Con il fu près, celé part saut:
Un en a pris que pas ne faut.
Il s'en voloit mètre a retor:
Mes tost l'aperçut le pastor
Et li a hue deus mastins.
890 Primant li frère Ysengrin
Les aperçut, et si s'en fuit.
Et li chen corent après tuit 92
Tuit esleissie et si l'ateinent:
Por un petit que nel mahanent.
895 A molt grant peine i estort,
Fuit s'en delivrement et tost.
Tant que li chen l'orent perdu.
Droit a Renart en est venu.
Renart' fait il, par le cuer be,
'.m Tu m'as hui honi et gabe,
866 conmen 867 que a 868 Sin 870 aten 891 et manque
893 laelnent
134 XIV (Méon 4643-4679)
Que tu m'envoias o les chens.
Il ne t'en puet venir nus biens
Et grant mal t'en pot avenir.'
Aclonques le corut saisir
905 Et li a dit 'sire Renart,
Yos saves trop engin et art,
Se je ne vos reng entreset
Le mal que l'en m'a par vos fet.
Vos m'envoiastes as oisons:
910 Vos i savees les gaingnons.
Por ce n'i volées venir.'
A icest mot le va ferir
De la pâte delez la face.
Dit Renars 'se dex bien me fâche,
915 Vos n'estes mie bien senes
Qui ci ilueques me bâtes
Sans forfet: ce est mesprison.
Por ce se je sui petis hom,
Si me bâtes et ledengies.
920 Si m'aït dex, ce est pèches.
Et par la foi que je vos doi,
Je m'en irei clamer au rei
Et a la roïne et a touz.
Por quoi estes vos si estos
925 Et qui vos a forfeit neent?
Vos me vendes le mautalant.
Pieches est et desloiaute.'
'Se damledex me doinst santé'
Fet Primaus, vos estes bonis.
930 Par vos ai este escharnis
Et batu et mal atorne.
Ja ne vos sera pardone.
Ja ne morres que par ma mein,
Se dex me doint veoir demain.'
935 Renars li respondi en haut
'Par ma foi, monseignor Primant,
Ce seroit folie et tort.
901 Qui menuoias 902 nus manque 920 mai d. 923 roiine
XIV (Méon 4680—4717) 135
L'en vos demanderoit ma mort,
Se vos m'avies ore ocis.
940 Je ai enfans et de grant pris
Qui bien tost, se il le savoient,
L'ame de ce cors vos trairoient.
Se hors du païs ne fuieez,
Ja raencon n'i aurees.'
945 Quant Primaut s'oï manecher,
Lors n'ot en lui que corocher.
Par la ehevechaille l'a pris
Come cil qui est d'ire espris.
Contre terre la trébuche.
950 Sor le ventre h a marche:
Durement li foie la pance.
Or est Renars en grant dotance.
Molt ot grant poor de morir.
Et Primauz conmence a ferir
955 Durement qu'il ne se feint mie.
Et Renars doucement li crie
Merci por de et por son non
(Si me doinst dex confession)
Que onques rein ne li forsfist.
960 A Primaut grant pite en prist:
De ce qu'ot fet molt se repent.
'Renart' fait il, 'a moi entent!
Tu m'as fet molt mal atorner.
As mastins m'as fet retorner
965 Primes aval et puis amont.
Mes par trestos les seinz do mont,
Quant vos de moi escaperois
James autre ne gaberoiz.'
Sire' dit Renars, 'saches bien
970 Que je n'i savoie nul chen
Ne rien née fors le vilein.
Se dex me doinst veoir demein,
N'i savoie nul destorbier
944 rencon 948 es 955 que il 958 conffession 959 nen li
960 pieté 965 p. mont
136 XIV (Méon 4718-4753)
Par quoi me doussiez tocher.
975 Mes se de ci puis escaper,
Ge m'en irai au roi clamer
Et a mes filz et a ma feme
Et a la reïne ma dame.'
Quant Primauz l'a oï parler
980 Del roi a qui s'ira clamer,
Durement en fu esfree.
'Renart, or te seit pardone'
Fet Primant 'ce que tu m'as fet.
Je te pardoins le tuen mesfet,
985 Et je te 1ère ore atant.
Se ja dex a nul bien m'avant,
Se icestui m'est pardone,
James jor ne te mesfere.
Ice te di je tôt por voir.'
990 'Se je ce pooie savoir,
Que james ne me forferoies,
Certes mes bons amis seroies
k trestos les jors de ta vie.'
'G'en ai" dit Primaut 'grant envie
995 Et bien t'en asoiirere.
Un serement te jurere
Par quoi tu a itant me croies.'
'Se tu ce' dit Renars fesoies.
Bien t'en seroies aquite.'
1000 Foi que doi seinte Charité'
Fet Primaus, 'je molt volenters.
Ou sera trove li mosters.
Ou ge fere le serement?'
Renars respont par seint Climent,
1005 Je vos métrai bien a la voie,
Se dex bien et conseil m'envoie.'
Atant s'est pris a porpenser
Conment il le puist vergonder.
Lors se pense qu'il le menra
977 as mes 978 reiine 991 forferoiee 992 seree 995 asour
rere 998 teu ce 1009 que il le m.
XIV (Méon 4754-4789) 137
1010 A un piège que grant pieca
Savoit en ce plaissie laenz.
Soavet dit entre ses denz
Que, se iloc prendre le pot,
Donc a il ce que li estot,
1015 Que ne demande autre rien née.
'Primaut' dit Renars, 'bien m'agrée
Que l'acordance sera fête.'
'Renart' dist Primaus, 'molt me haite
Qu'el sera fête demanois.
1020 Or en alon donc en ce bois:
Si sera fet le serement.
'Molt volenters, se dex ra'ament'
Fet Primaus, 'et a liée chère:
Que vostre amor ai ge bien chère.' 93
1025 A tant se metent a la voie
Renars et Primaus a grant joie,
Tôt bêlement et tôt en pes,
Renart devant, Primaut après.
Tant ont aie qu'il sont venu
1030 La ou li pièges fu tendu.
Iloc sont venu meintenant.
'Primant' fet Renars, vien avant!
Ci iloques gist uns cors seinz
Qui est el ciel avec les seins
1035 Buens martirs et bon confesors.
Ci iloques en gist li cors:
L'ame est en l'angle conpaignie.
Il fu prodom de bone vie.
Il a toz jorz deu onore,
1040 De bon cuer servi et ame.
Hermites a este lonc tens.
Ci fu rais, quant feni son tens.
Ci gist et molt fet a amer.
Se ci iloques vous jurer,
1045 Que par toi n'iere plus batu,
1011 plaissiez 1012 Si auoit 1027. 28 manquent 1035 mar-
tires 1038 prodome 1042 Si i
138 XIV (Méon 4790-4841)
Bon ami seron je et tu.
Se tu ne vous, je n'en puis mes.'
Tar la foi que doi seinte Anes'
Dit Primaus ce fera ge bien.
1050 Ne t'en estuet doter de rien.
Trestot vraiement le saches!'
Dit Renars or vos abaissiez!'
Atant s'estoit agenolliez
Sire Primaus d'andox les piez,
1055 Et mist sor le piège sa mein
Et dit 'si voie ge demein
Que jamais jor de mon ae
A dan Renart ne mesfere
N'a ome que soit de sa part.'
1060 'Si t'aït dex!' ce dit Renart.
Atant est Primaus abaissiez,
Sor le piège est apoiez
Tôt soavet et bêlement.
Et la clef do piège destent,
1065 Si a pris par le pie Primaut.
Quant Renars l'a veii, si saut
D'autre part, et il li escrie
'Sire Renart, aïe, aïe!
Aïdiez por seint Lïenartl'
1070 'Tu es parjure' dit Renart:
'Por ce li cors seins te détient.
De toi aidier a moi ne tient.'
Atant s'en va delivrement
Et Primaus remeint o torment,
1075 Et saches que peine sosfri,
Quant le pie iloc li porri.
Et Renars s'en rêva arere
A Malpertuis en sa taisnere.
Encontre est venu Hermeline
1080 Qui l'eime d'amor enterrine.
Grant joie li font si enfant,
1048 que ie d. 1051 Tôt 1059 Ne a 1060 teidex 1062 siège
1073 se 1078 en] a taisnere] mainie
XIV (Méou 4842-4850) 139
Receii l'ont lie et joiant
0 lui sa feme e sa menie
Molt se repent et s'omelie.
1085 De ce que a Primaut a f et
A damledeu se rent mesfet.
Do mal qu'a fet, molt se repent,
Sa vie amende durement.
XV
(Méoii 2103-2138)
Renars qui moult sot de treslue N 32 "J
Et qui avoit grant faim eiie,
Se met baaillant au frapier.
Si conme il erroit son sentier,
5 One n'en sot mot Tybers li chas
Tant que il se vit en ses las.
Renars le voit, si li fremie
Toute la char de lecherie.
Grant talent a de lui mengier:
10 Et si se voldroit revengier
De ce qu'el broion le bouta.
Mays ja samblant ne l'en fera
Que il li voeille se bien non.
Lors l'a mis Renars a raison.
15 Tybert' fait il, 'quiex vens vos guie?'
Et Tybers s'est mis a la fuie.
'Avoi, Tibert' ce dist Renart.
'Ne fuiez pas, n'aies resgart!
Arrestes, si parles a moy!
20 Souviengne vous de vostre foy!
Que cuidies vous que je vous face?
Ne cuidies pas (ja dieu ne place!)
Que ja nul jour ma foy vos mente.
Je n'entrasse hui en ceste sente,
25 Se ne vous cuidassc trouver:
Quar ma foy voloie acquiter.
4 Et c. il estort 7 uit 9 veiigier 10 Mes il se 11 Por 19 A.
T08 p.
XV (Méon 2139-2176) Ul
Dant Tybert, de la vostre foy
N'estes vous mie en grant effroy.'
Tybers se tourne, si s'arreste.
30 Vers Renaît a tome la teste,
Ses ongles va fort aguisant. N 33
Bien s'appareille par samblant
Que forment se vouldra deffendre,
8e Renars li veult le doi tendre.
3;') Mais Renars qui de faim baaille.
N'a cure de faire bataille:
Tout autre chose a empense.
Moult a Tybert aseiire.
'Tybert' fait il, estrangement
40 A en ce siècle maie gent.
Li uns ne veult a l'autre aidier,
Chascuns se paine d'engignier.
.L'en ne trueve mais vérité
En nul homme ne loyauté.
45 Et si est il chose prouvée •'
Que cilz emporte la colee
Qui s'entremet d'autre engignier.
.Tel vous di pour un sermonnier:
C'est nostre compère Ysengrins,
50 Qui de nouvel a ordenes prins.
N'a encor gueres qu'il cuida
Tel engignier qui l'engigna.
Pour ce ne voeil estre traîtres,
Que tuit en ont maies mérites.
55 De losengier et de mal faire
Ne voi je nul a bon chief traire.
Mal chief prennent li traytour,
Qu'il n'auront ja nul jour honnour.
De tant me sui aparcheûs
60 Que moult est vils et mal venuz
Qui de riens ne se puet aidier.
Tost m'eiistes guerpi l'autrier,
30 a leue la 31 Va ses onj^les 39 dist il 45 il] bifn 49 Ce
est mon c, 50 ordes 59 me manque sui bien a.
142 XV (Méon 2177—2214)
Qant veïstes bien près ma mort.
Et non pourquant si ai je tort:
65 Que certes il vous en pesa.
Honnis soit qui vous mescroira!
Mais non pourquant en loyauté
Me cognoissies la vérité :
N'eiistez vous grant marrement,
70 Qant me veïstes u tourment
Et je fui cheiis u broyon,
Ou me destraindrent li gaignon,
Et li vilains avoit hauchie
Pour moy occirre sa coingnie?
75 Bien cuida sor moi escoter.
Mais il ne sot preu assener:
Encor port je sus moy ma pel.'
Tybert respont 'ce m'est moult bel.'
'De ce sui' dist Renars 'tout cert.
80 Que pot ce estre, dant Tibert?
Vos -m'i botastes tout de gre.
Mais or vous soit tout pardone.
Je nel di pas par felonnie.
• Certes vos nel fesistes mie,
85 Ne quit que nus le poïst faire.
Ne fait ore mie a retraire.'
Tybers s'excuse molement
Que vers lui coulpables se sent.
Mais Renars, ou il voeille ou non,
90 Le conduit par grant trayson.
Tybers ne scet que il li die.
Renars de rechief li affie
Foy a porter d'ore en avant.
Et Tybers refait son créant.
95 Bien ont la chose confermee.
Mais n'aura pas longue durée:
Ja Renars foy ne li tendra,
Ne Tibert plus fol ne sera
(54 oi 65 Quar C^9 Mais n. 70 Q. ie fu cheus v. 75 B. me o. la
acorer 80 Voua dites voir co dist t. 81 manque 82 Des or tout
manque \t. sire 84—86 manquent 87 durement 88 Qui 90 conduist
XV (Méon 221Ô— 2258) 143
Que il n'y ait merel mestrait,
100 Se il voit chose qui li hait.
Andui s'en tournent une sente.
Ni a celui qui son cuer sente,
Que faim avoient forte et dure.
Mes par mervilleuse aventure
105 Une grant andoille ont trovee
Les le chemin en une aree.
Renars Ta premerains saisie.
Et Tybers a dit 'diex aye,
Biaus conpains Renart, g'i ai part.'
110 'Et comment donc ce dist Renart,
'Qui vous en veult tollir partie ?
Ne vous ai je ma foy plevie?'
Tybert moult poi s'i aseiire
En ce que dant Renart li jure.
115 'Conpains' dist il, 'qar la menjons !'
'Avoi' dist Renart, 'non ferons.
Se nous yci demeurions,
Ja en pais n'y esterions.
Porter la nous convient avant.'
120 Ce dist Tybers 'je le créant',
Qant il vit que el ne pot estre.
Renart fu de l'andoille mestre:
Par le milieu aus dens la prent
Que de chascune part li peut.
12.') Qant Tybers vit que il l'enporte,
Moult durement s'en desconforte.
Un po de lui s'est approchies.
'Or est' dist il 'grans malvaistiez.
Conment portes vous celle andoille?
130 Ne vees vous conme elle souille?
Par la poudre la traynes
Et a vos denz la debaves.
Tout le cuer m'en va ondoiant.
Mais une chose vous créant,
99 Quil merole mestraite 100 haito 101 Ambdoux 104 Quar p.
106 ch. (lelez la. 107 R. si la premiers 110 dont 118. 114 manquent
115 le 119 vous 121 il manque quil no \). outre estre 133 ordoiant
144 XV (Méon 2259-2296)
135 S'ainsi la portes longuement,
Je la vos lairai quitement.
Moult la portasse ore autrement.'
Ce dist Renart et vous conment?'
'Mostres la cha! si le verrois'
140 Ce dist Tybert, ce est bien droiz
Que je la vous doie alegier:
Que vos la veïstes premier.'
Renart ne li quiert ce veher,
Quar il se prent a pourpenser:
145 Que se cilz ert auques chargies,
Tant seroit il plus tost plessies
Et mains se porroit il desfendre.
Pour ce li fait l'andouille prendre.
Tybers ne fu pas petit lies.
150 L'andouille prent conme afîaities.
L'un des chies en met en sa bouche,
Puis la balance, si la couche
Dessus son dos conme affaities, \
Puis s'est envers Renart drecies.
155 'Conpains' dist il, 'ainsi ferois
Et tout ainsi la porterois,
Que elle a la terre ne touche.
Ne je ne la souil a ma bouche :
Ne la port pas vilainement.
IfiO Moult vault un po d'affaitement.
Mais ainsi or nous en irons
Tant que a ce tertre viengnons
Ou je voi celle crois fichiee.
La soit nostre andouille mengiee,
165 Ne voeil que avant la portons, N 34
Mais illec nous en délivrons.
La ne poons nous riens cremir,
Que de partout verrons venir
Iceulz qui nous voudront mal faire.
170 Pour ce nous y fait il bon traire.'
136 Jel u. 1. certainement 142 Quar la 147 iniex le 162 qiia ce
hault t. 168 Que mainpie v. bien v.
XV (Méon 2297--234G) U[
Renart de tout ce n'eûst cure:
Mais Tibert moult grant aleiire
Se met devant lui au chemin.
Onquez de courre ne prist fin
175 Tant qu'il est a la crois venus.
Renart en fu moult irascus
Qui s'apparchut de la boidie.
A plaine bouche li escrie:
'Coinpains' dist il, 'quar m'attendes.'
180 'Renart' dist il, ne vos doubtes:
Ja n'y aura riens se bien non.
Mais siuez moi a esperon!'
Tybers ne fu pas a apprendre,
Bien sot monter et puis descendre.
185 Aus ongles a la crois se prent,
Si rampe sus moult vistement,
Desus un des bras s'est assis.
Renart fu dolens et pensis.
Qui de voir scet que moquie l'a.
190 'Tybert' fait il, 'ce que sera?'
'N'est riens' dist Tibert 'se bien non.
Mais venes sus, si mengeron.'
'Ce seroit' dist Renart, 'grant mal.
Mais vous Tybert, venes aval!
195 Car trop me poroie grever.
S'il me convenoit sus monter.
Car faites or grant cortoisie.
Si me jetés jus ma partie:
Si s ères de vostre foi quites.'
200 Renart, que est ce que vos dites?
Il semble que vos soies ivres.
Je nel feroie por cent livres.
Vous deiissiez moult bien savoir
Que ceste andouille doit valoir:
205 Que c'est chose saintefiee:
Si ne doit pas estre mengiee
181 Ja I Quar 182 M. uones sus si tneng^eron 190 fait ] dist
195— 202 mmiqueiit 204 d. sauoir 203 c'est jtel saintofyo 20<j mengie
RENART II. 10
146 XV (Méon 2347—2382)
Se sus crois non ou sus moustier:
Moult la doit l'en bien exauchier.'
'Biau sire Tybert, ne vos chaut :
210 Petit de place a la en haut,
N'i porrions ensemble ester.
Mes or le faites conme ber,
Puis q'aval venir ne volez.
Conpains Tybert, bien le savez,
215 Vos m'avez vostre foi plevie
De porter loial compaingnie :
Et conpaingnon qui sont ensemble,
Se il trovent rien, ce me semble
Que cascuns d'iaus i doit partir.
220 Se vo foi ne volez mentir,
Partez celé andoille la sus,
Si m'en getez ma part cha jus!
J'en prendrai le pechie sor moi.'
Non fere' dist Tibers 'par foi.
225 Conpains Renart, merveilles dites.
Pires estes que uns hérites,
Qui me rouves chose geter
Que l'en ne doit deshonnourer.
Par foy, ja n'aure tant beii
230 Que je a terre la vous ru.
Mentir en porroie ma foy.
Ce est saintisme chose en loy:
Andouille a nom, bien le saves,
Nommer l'aves oy asses.
235 Or vous dirai que vous ferois :
Vous souferres or ceste fois.
Et je vous en doing ci le don:
La première que trouveron.
Que elle iert vostre sans partie,
240 Ja mar m'en donres une mie.'
'Tybert, Tibert' ce dist Renarz,
'Tu cherras encore en mes las.
208 l'en manque 209—220 manipient 221 Ce dist R. or ny a
plus 222 Getos mont dont ma 223.4 manquent 225 Tvbers rosponf,
ni. 229 f. ie nai pas t.
XV (Méon 2383—2419) 147
Se veulz, quar m'en gietes un poi.'
'Merveillez' ce dist Tibers oi.
245 Ne poes vous dont tant attendre
Qu'aus poins vous en viengne une tendre
Qui sera vostre sanz doubtance?
N'estes pas de bone abstenance.'
Tybers a laissie le plaidier,
250 Si aqeut l'andouille a mengier.
Qant Renart vit qu'il la mengue,
Si li tourble auques la veûe.
'Renart' dist Tybers, 'moult sui lies
Que vous pleurez pour vos pechies.
255 Diex qui congnoist ta repentance,
T'en aliege la penitance.'
Ce dist Renart 'or n'y a plus.
Mais tu venras encor cha jus.
A tout le mains qant auras soy,
260 Te convendra venir par moy.'
'Ne saves pas' ce dist Tybert,
'Conment diex m'est amis apert.
Encore a tel crues deles moy
Qui m'estanchera bien ma soy.
265 N'a encor guieres que il plut,
Et de l'yave assez i estut
Ou plus ou mains d'une jaloie
Que je buvrai conme la moie.'
'Toutevoies' ce dist Renart
270 'Yenres vos jus ou tost ou tart.'
'Ce n'iert' ce dist Tybert des mois.'
'Si sera' dist Renart, 'anchois
Que set ans soient trespasse.'
'Et quar l'eiisies vous jure!'
275 Ce dist Renart 'je jur le siège
Tant que je t'aurai en mon piège.'
'Or serois' dist Tybert 'dyables,
Se cils seremens n'est estables.
Mais a la crois quar l'affiez:
250 aqeut j va tost a mampie 251 uit R. 256 ta 278 tenables
10*
148 XV (Méon 24-20—2453)
280 Si sera dont miex affermes.'
Ce dist Renart 'et je l'affi
Que je ne me mouvrai de cy
Tant que li termes soit venus,
Si en serai dont miex creuz.'
285 'Asses en aves' dist il 'fet.
Mais d'une chose me dehet
Et si en ai moult grant pitié,
Que vos n'aves encor mengie,
Et set ans deves jeûner:
290 Porres vous dont tant endurer?
Ne vous en poes ressortir,
Le serement convient tenir
Et la foy que plevie aves.'
Ce dist Renart ne vos tames.'
295 Respont Tybert et je m'en tais.
Certes je n'en parlerai mais.
Taire m'en doi et si est drois,
Mais gardes que ne vos mouvois.'
Tybert se taist et si mengue.
300 Et Renart fremist et tressue
De lecherie et de fine ire.
Que que il est en tel martyre,
Si ot tel chose qui l'esmaie :
Quar uns chaiaux de loing l'abaye
305 Qui en avoit senti la trache.
Or li convient guerpir la place,
Se il n'y veult lessier la pel:
Que tuit s'en viennent li chael
A celui qui avoit la queste.
310 Li venerres illec s'areste:
Aus chiens parole, sels somont.
Et Renart garde contremont:
'Tybert' dist il, 'qu'est ce que j'oy?'
'Attendes' dist Tybert 'un poi,
315 Et si ne vous remues raie. N 35
304 r manque 309 la traco 310 i. sen p.isso 311 sels
312 R. pense que faire puot
XV (Méon 2454-2489) 149
C'est une douce mélodie:
Par ci trespasse une corapaingne
Qui vient parmi ceste champaingne.
Par ces buissons, les ces espines
320 Vont chantant messes et matines :
Apres pour les mors chanteront
Et ceste crois aoureront.
Or si vous y convient a estro,
Qu'aussi fustez vous jadis prestre.'
325 Renart qui sent que ce sont chien,
S'apparchut que n'est mie bien :
Mettre se veult au desares.
Qant Tybert vit qu'il ert levés,
'Renart' fet il, 'pour quel mestier
330 Vous voy je si apparillier?
Que est ce que vous voles faire?'
'Je me voeil' fet il 'en sus traire.'
'En sus? pour dieu, et vous conment?
Souviengne vous du serement
335 Et de la foy qui est plevie!
Car certes vous n'en ires mie.
Estez illec, je le conmant.
Par dieu, se vos alez avant,
Vous en rendres (ce est la pure)
340 En la court dan Noble droiture.
Quar la seres vous appelés
De ce que vous vous parjures.
Et de plus que de foy mentie:
Si doublera la felonnie.
345 Set ans est li sièges jures,
Par foy plevis et affies :
Com mauvais vous en deduies,
Qant au premier jour en fuycs.
Moult par sont bien de moi li chien:
350 Se vos ja les doutez de rien,
Ains que vous faciez tel outrage.
323 A.u8si 329 fet J dist 332 fet J dist 336 Par raison uous
337.8 manquent 349.50 manquent
150 XV (Méon 2490—2525)
Donroie je pour vous mon gage
Et vers eulz trieves en prendroie.'
Renart le laist, si va sa voie.
355 Li chien qui l'ont apparceii,
Se sont après lui esmeu.
Mais pour nient, que le païs
Sot si Renart, que ja n'iert pris:
Bien s'en eschapa sans morsure.
360 Moult menace Tybert et jure
Qu'a lui se vouldra acoupler,
Se jamais le puet encontrer.
Esfondree est entr'eulz la guerre,
Ne veult mais trievez ne pais querre.
365 Tybers li chas dont je ai dit,
Doubte Renart assez petit.
Ne quiert avoir trievez ne pais.
Es vous deus prostrés a eslais
Qui en aloient au saint senne.
370 Li un ot une hiue bauchenne,
Et li autrez ot desouz soy
Un souef ambiant palefroy.
Cilz a l'iue a Tybert choisi.
Conpains' dist il, estes yci.
375 Quel beste est ce que je voy la?'
'Cuivert' dist li autres, 'esta.
C'est uns mervilleus chat putois.'
'He diex, com je seroie roys.
Se jel pooie aus mains tenir
380 A mon chief pour le froit couvrir,
Pour ce que bonne pel avoit!
Bon chapel et grant y auroit.
Certes grant mestier en avoie.
Diex nous amena ceste voie
385 Qui bien savoit le grant mestier.
Ore en ferai apparillier
Tout a vostre los un chapel,
354 si] et 357 M. cest por 358 Scet iamais p. 359 Ne sera
par nulle auenture 370 Lun huie 372 anabloit luie 376 Or tost d.
XV (Méon 2526-2561) 151
Et pour agensir le plus bel
Me sui appenses d'une rien,
390 Se vous loes que ce soit bien:
Que g'i voeil la queue lessier
Pour le chapel agrandoier
Et pour mon col couvrir derrière.
Vees conme est grans et pleuiere !'
395 Dist li autres cy a bon plait.
Pour amour dieu, q'ai je fourfait
Ne mesfait en nulle baillie,
Qu'en doie perdre ma partie?'
Ce dist li autres non aves.
400 Mesire Torgis, ne saves
Que je en ay moult grant mestier.
Pour ce la me deves lessier.'
'Lessier?' fet il pour quel servise?
Quel bonté ay je de vous prise?
405 Pour quel bonté, pour quiex mérites
La vous lairoie, ce me dites?'
'A mal eûr' dist Rufrangier,
'Trop estez tous jours manuier.
Ja mar du vostre y aura rien.
410 Or soit partie, jel voeil bien.
Mais de tant sui je esbahis,
Conment il doit estre partiz.'
'Je le sai moult bien, par ma foy,
Ja mar en seres en effroy:
415 Que se faire en voles chapel,
Si en faisons prisier la pel.
Et de la moitié le vaillant
Faites en après mon créant.'
Dist Rufrengier faisons le bien!
420 Le chat voeil je tout quitte mien:
Et nous alons au senne ensamble.
Et si mengerons, ce me samble,
(Que ce ne poons nous veher
394 grande 396 P. lamour 397 mespris 398 Pour quon ma
manque 400 Monsigneur 403 dist il 407 mal eur ce d. frogier
411 de ce s. trop e. 416 faites 419 rufengier 421 ensamble au senne
152 XV (Méon 2562-2507)
Qu'il ne nous conviengne escoter) :
425 Por moy et pour vous paierai,
Par tout vous en acquiterai.
Et vous m'affiez loyaument
Que vous nel feres autrement,
Mais le chat quite me lares
430 Que jamais part n'y clameres.'
'Honte ait quil vehe' dist Torgis.
'Tenes, sire, jel vous plevis
Et loyaument le vous affi.'
'Bien est' dist Rufrengiers 'ainsi.
435 Mais liquelz de nous le prendra?'
Ce dist Tourgis qui il sera.
Je n'y claim riens ne riens n'y ai.
Ne ja ne m'en entremettrai
Ne par moy n'y aurez aye.'
440 'Pour ce ne remaindra il mie'
Dist Rufrengier : 'quar il est mien.'
'Or vous en conviengne dont bien.'
Rufrengier de la crois approuche.
Que riens plus au cuer ne li touche
445 Fors Tybert le chat traire a soy.
Mes trop ot petit palefroy,
Si n'y pot attaindre en séant: N 36
Sus la selle monte en estant.
Qant Tybers vit qu'il est drecies,
450 Par maltalent s'est herichies:
Escopi l'a enmi le vis.
Puis done un saut, sel fiert des gris,
La face li a gratinée.
Jus l'abati teste levée,
455 Si que li hateriaus derrière
Li est férus en la quarriere:
Par poi qu'il n'est escherveles.
Deus foyees s'estoit pasmes.
Li prestres jut en pasmoisons,
428 ne f. 431 quel 434.441.443 rufengior 449 voit 451 li e.
452 P. fiât un s. si f. tourgis
XV (Méon 2598—2633) 153
460 Et Tybers sailli es archons
Qui vuidie erent du prouvoire.
Li chevaux s'en tourne grant oirre
Qui avoit este efFiaes,
Tant fuit par champs et par ares,
J65 Et tant a erre qu'il vint droit
A l'ostel dont tournez estoit.
La femme au prouvoire seoit
Enmi sa court, si buchetoit:
Ne vit pas le cheval venir.
470 Et il vint ens de grant aïr,
Tel cop li donne en la poitrine
Qu'il l'a getee sus l'eschine.
Blechie fu, si ot paour,
Conme elle ne vit son seignor.
475 En la selle ou il seult seïr
Vit dant Tybert dessus croupir :
Bien cuida ce fussent dyable.
Li chevaux va droit en l'estable,
Et dant Tybert tous jours en son,
480 Qui bien congnissoit la maison.
Moult li estoit bien avenu.
Quant ne l'ont mort ne retenu.
Le cheval lessa estrayer,
Puis s'en est aies pourchacier.
485 Li prostrés qui jut contre terre,
Ne sot son palefroy ou querre.
Son compaignon appelle a soy
'Amenés moy mon palefroy,
Biaux conpains, quar le m'enseigniez.'
490 'Estes vous' dist Tourgis 'blechies?'
'Blechies?' dist il 'ains sui tues.
Ne fu pas chas, einz fu mauffoz
Qui nous a fait ceste envaye.
Dyables fu, n'en doubtes mie.
495 Ice sai je de vérité,
462 tourna 475 sale 477 cuida que ce fnst d. 482 lot 492 Ce
ne ch. mais m.
154 XV (Méon 2634-'2660)
Que nos sommes enfantosme,
Ne ja de cest an n'en istron
(Ce sachies) que nous ne muiron.
Ne sui pas aseiir de moi,
500 Qant ay perdu mon palefroy.'
Lors conmence une kyriele,
Son credo et sa miserele,
Pater noster, la letanie:
Et sire Torgis li aye.
505 Souvent gardent se il veïssent
Ains qu'a la voie se meïssent,
Tibert et le cheval ensamble.
Mais nel virent pas, ce me samble.
Qant point nel virent, si s'en vont,
510 Chascuns si fait signe en son front.
Ore est li saines respities,
Que Eufrangier est moult blechies.
A son hostel en est venus.
Moult fu dolens et irascus.
515 Sa femme li a demande
'Quel vent vous maine et quel ore?'
'Péchiez' dist il 'et enconbrier.
J'encontrai hui un adversier
Entre moy et mon conpaignon
520 Seigneur Torgis de Lonc-Buisson,
Qui nous a tous enfantosmes:
A paine en sui vis eschapes.
497 an nous nistron 501 Mesire 505 gardent sillo u. 512 ruffen-
gier 513 b. sen 522 en sonmes e.
XVI
(Méon 4851-4876)
Pierres qui de Saint Clost fu nez, N 41
S'est tant traveilliez et penez
Par prière de ses amis
Que il nous a en rime mis
5 Une risée et un gabet
De Renart, qui tant set d'abet,
Le puant nain, le desereû,
Par qui ont este deceii
Tant baron que n'en sai le conte,
10 Des or conmencerai le conte,
Se il est qui i veille entendre.
Sachiez, moult i porra aprendre,
Si con je cuit et con je pens,
Se a l'escouter met son sens.
15 Ce fu en mai en cel termine
Que la fleur monte en l'aube espine,
Prez reverdissent et li bos,
Et oissel chantent sanz repos
Et toute nuit et toute jour.
20 Et Renart estoit a séjour
A Malpertuis sa forteresce.
Mes molt estoit en grant destrecc,
Quar de garison n'avoit point.
Sa mesniee ert en si mal point
25 Que de fain crient durement.
Sa famé Hermeline ensement
7 descoru 18 Et ] Cil 20 as s. 24 estoit si manque 25 Qui
crioit
156 XVI (Méon 4877-4813)
Qui estoit de nouvel encainte,
Estoit si fort de fain atainte
Que ne se savoit conseillier.
30 Lors se prent a appareillier
Renart pour querre garison.
Touz seulz s'en ist de sa maison
Et jure qu'il ne revenra
Jusqu'à tant qu'il aportera
35 Viande a sa mesnie pcstre.
Le grant chemin tourne a senestre
Et vet en travers la for est,
Que il ne li siet ne ne plest
A tenir chemin ne sentier.
40 Bien savoit le bois tout entier,
Quar maintez foiz l'avoit aie.
Tant vet que il est avale
Souz le boiz en la praierie.
'Diex' dist Renart, 'sainte Marie!
45 Ou fu trouvez ainssi biax estrez?
Je cuit, c'est paradis terrestrez.
Ici feroit bon herbergier,
Qui auroit assez a mengier.
Vez ci le bois et le ruissel !
50 Ouques mes ne vi voir si bel:
Veez con est vert et floris!
Ainsi m'aït sains esperis,
Que moult volontiers m'i geiisse,
Se je si grant besoing n'eusse.
55 Mais besoing fet vieille troter.'
A cest mot prent a galoper,
Si s'en part tristres et dolans.
Mes la fain qu'il avoit aus dons,
Qui enchace le leu du bois,
(iO L'en fait partir outre son pois.
Par les prez s'en vet contreval,
Moult regarde amont et aval
Por savoir se il y veïst
29 Quel 38 Quil no ne li p. 55 Mais ] Car 62 Et r. 62 P. ueoir
XVI (Méon 4814—4949) 157
Chose qui au cuer li seïst,
65 Oisel ne lièvre ne connin.
Tant vet qu'il entre en un chemin
Qui envers une vile aloit..
Le chemin suit, et quant il voit •
La vile, si jure son chief,
70 Oui qu'il soit bel ne cui soit grief,
Droit a celé vile en ira.
Bien cuide qu'il y trovera
Chose qui li aura mestier.
Let le chemin et le sentier,
75 Qant venuz est près de la vile,
Cil qui savoit assez de guile:
Qu'il ne volt pas estre veiiz.
Par ces boissons, par cez seiiz
S'en vet le pas le col bessant.
80 Durement vet dieu reclament
Qu'il li gart son corps de prison
Et li envoit tel garison
Dont il face sa famé liée
Et ses enfans et sa maisniee.
85 Or ne me veil pas de ce taire,
Que en la vile ot un repaire
A un vilain riche d'avoir:
Que se li livres nous dit voir
Ou je trouve l'istoire escrite,
90 De ci a Troie la petite
N'ot un vilain si aesie.
Sa meson sist joste un plessie
Qui estoit richement garnie
De tôt le bien que terre crie,
95 Si con de vaches et de bues.
De brebiz et de lait et d'oes.
D'unes et d'autres norriscons.
De gelines et de chapons,
De ce i avoit a plante.
65 ne — ne ] ou — ou 70 qui s. b. on 71 a la v. son 82 Et
quil li tel manque 89 jai t. escripto 92 sist ] fu i>4 tons Ifs bien
95 conme et manque 96 ces 99 ce ot il a grant p.
158 XVI (Méon 4950-4i)85)
100 Or aura ja sa volente
Renart, s'il puet entrer dedenz.
Mes je cuit et croi par mes denz
Qu'il fera par dehors sejor,
'Que clos estoit trestout entour
105 Et li jardins et la mesons
De piex aguz et gros et Ions :
Si couroit entor un ruissiaux.
La dedenz avoit arbruissiaux
De maintes guises, ce sachiez,
110 Qui tuit erent de fruit charchiez.
Moult par estoit biax li repères.
Sire en estoit Bertolz h Mères,
Uns vilein entulles et riches
Qui moult estoit avers et chiches,
115 Car de despendre n'avoit cure:
En amasser metoit sa cure.
Ainz lessast plumer ses grenons
Qu'il menjast un de ses chapons,
Ne qu'il eûst au feu cuisine
120 Ne de chapon ne de gehne,
Ainz les fesoit au marchie vendre.
Se Renart y vuet la main tendre,
Je cuit bien que il en aura:
Ja si garder ne les saura.
125 Li vileins fu en sa meson
Ou n'avoit home se lui non.
Sa famé fu son file vendre,
Li autre furent pour entendre
A lor afere trestuit fors. N 42
130 Renart vint celé part le cours.
Qui bien pensoit (n'en doutez mie)
Que la mesou ert bien garnie
De ce dont il avoit mestier.
Entre deus blez par un sentier
135 S'en est venuz jusqu'à la haie.
100 Or en aura sa 103 sera le jour 107 missel 108 d. erent
arbriiissel 112 ert 113 artilleus 120 chapons 122 Se manque vorra
126 O lui nauoit liom 127 f. estoit son 12S autre estoient p. apredre
XVI (Méon 4986-5021) 159
De leanz entrer moult s'esmaie:
Quar les chapons vit au soleil,
Et Chantecler qui cligne l'ueil,
Et ses poucins et ses gelines
140 Qui erent lez un tas d'espines
En un paillier ou il gratoient.
De tout ice ne se gardoient,
Bien cuidoient asseûr estre.
Mes Renart qui fu pute beste,
145 De lecherie frit et art:
Bien voit, par engin ne par art
N'i entrera, c'est por noiant.
Entour vet et vient coloiant
Pour veoir et pour esprouver
150 Se ja peûst partuis trouver
Par ou il se peûst enz mètre.
Tant vet a destre et a senestre
Renart li rous, li maleïs,
Que par devers le plesseïs
155 Trouva un pel par aventure
Qui ert use de pourreture.
Par la ou li regorz couroit
Du jardin quant pieu avoit:
Par la s'en est entrez dedenz
160 Tout souef, et jure ses denz
Que a cui que il doie nuire
Y fera il ses grenons bruire
Ou de chapon on de geline.
Tapiz s'est desoz une espine,
165 Que ne volt mie estre veûz.
Ne s'est crolez, ne s'est meûz.
Touz coiz se tient et si escoute.
Chantecler qui point ne se doute
Et qui bien cuide estre asseiir,
170 S'en vet en non de maleûr
Parmi le jardin pourchacent
147 noiant 151 manque. Après le r. 152 on lit Ro. li mus
la maie beste 153 Renart manque li traitres li 165.() manquent
160 XVI (Méon 50-22 -505fi)
Et ses gelines apelant.
Et tant se pourquiert et porchace
Qu'il est veauz devant la place
175 La ou Renart se fu muciez.
Qant Renart le vit, si fu liez.
Si jure que, se diex le saut,
Il li fera un mauves saut.
Que que cil a grater entent,
180 Renart se lieve, si descent
Vers lui pour prendre: mes il faut,
Quar Chantecler en travers saut.
Or est Renart moult malbailli.
Quant il voit que il a failli.
185 Si n'ot en lui que correcier:
Le coc a pris a dechacier
Et ca et la et sus et jus.
Chantecler voit qu'il n'i a plus,
A crier conmence a haut ton.
190 Bertolz qui fu en sa mesou.
Saut pour veoir que ce estoit
Qui ses gelines tanpestoit.
L'uis a ouvert de son courtil.
S'a veû Renart le gourpil
195 Qui einsi les va dechascent.
En sa meson repère atant,
Si prent deus resiaux enfumez
Que maufe li orent donnez.
Et dist que se Renart l'ateut,
200 Moult iert iriez, s'il ne le prent:
Diable li ont amené
Cil qui bien semble forsene.
S'en revint en son courtil droit:
Et Renart qui veii l'avoit,
205 Desouz un chol muciez se fu :
Et cil qui pas apris ne fu
173 t. ala et se et porchace manque 174 Et se pourchaoe que
il ert Après ce v. on lit venuz au lou et aprochiez 177 Et si que
manque 178 Qui li 180 1. et si 184 quil y a 192 if. deciiacuir 195
Qui eiiisi manque Ses gelines uet d. 199 dit
XYI (Méon 5057-5002) 161
Ne d'oiseler ne de chacier,
Seur les cholz a pris a couchier
Les resiax trestouz de travers,
210 Et jure les os et les ners
Que Renart sera engingniez.
Lors s'escrie con esragiez
Et en aventure buie et crie,
Ja soit ce qu'il nel voie mie.
215 'Haha!' fet il 'niar i venistes,
Filz a putain, lierres traïstres.
Par ca saudroiz par saint Germain.'
Un baston tenoit en sa main,
Dont il a les cbols reverehiez
220 Tant que touz les a detranchiez.
Si les revercbe sus et jus.
Quant Renart voit qu'il n'i a plus
Et que n'i a mestier celée.
Un saut a fet a la volée:
225 Si se fiert en un des roiseus.
Or li croist et anuiz et deus.
Maufez l'ont en ce point tenu
Que moult li est mal avenu.
S'il eschape, ce ert merveille.
280 La roiz entour lui s'entourteille:
Pris est et par col et par piez.
Or est il moult bien eugigniez.
Ne li a riens valu sa guile.
Mielx li venist que en la vile
2;î5 Ne fust venuz ne entrez ja.
Tourne et retourne ca et la.
Quant plus tourne et plus s'enlace.
Toutesvoies tourne et rebrace
Pour issir, mes riens ne li vaut:
240 Quar li vilainz a fet un saut,
Qui bien l'avoit aparceù.
Et dist qu'or li est mescheù.
210 erragiez 213 Et en oiant forment le huie 214 ueoit 223 Ne
quil ni 2.37 s'manque 2.39 i. hors r. 240 a fort y s. 242 dit
RENART ir. 11
162 XVI (Méon 5093-5128J
Quant il est cheiiz en sa trape:
Merveilles ert s'il li eschape
245 Que del corps ne soit empiriez.
Vers lui s'adresce touz iriez:
Si avoit haucie le pie destre,
Desus la gorge li voult mètre,
Quar mielz l'en cuidoit mestroier.
250 Mes Renart nel voult otroier,
Que tost l'auroit espoir bleeie.
Si con cil rabessoit son pie,
Renart l'a pris par mi aus denz
Si que toutes li embat enz:
253 Serre les denz aprez la bouche
Si que l'une a l'autre touche.
Moult les a bien Renart serrées,
Que d'outre en outre sont passées. N 48
Quant li vilainz se sent bleeie
2()0 Et vit son pie par mi percie,
Li sans li mue et pert couleur,
Pasmez chaï de la doulour.
Et Renart le tint toutevoie.
Qui a son cuer avoit grant joie
265 De ce qu'il l'avoit si a main,
Et jure dieu et saint Germain
Que il ne li eschapera
Devant que son plesir fera:
Que bien scet qu'il seroit frapez,
270 Se il li estoit eschapez:
Que ne porroit ester son corps
Du roisel, s'il n'en est mis fors
Par tel qui sceiist la manière.
Pour ce dist que la mort le fiere,
275 S'il li este del pie les denz.
Li vileinz qui se jut adenz
Tout ainsi con il estoit Ions,
Est revenuz do pâmoisons.
244 sil en e. 247 poing d. 252 con raettoit auant s. 254 les
257 serres 259 sent] uit 260 parmi percie son pie 271 Quil ne 272 r.
ne mètre soi hors 273 quil s. 276 uit
XVI (Méon 5129—5164) 168
De Renart se cuide eschaper,
280 Si li prent le groing a taster :
Que la bouche li voult ouvrir.
Mes Renart ne le volt soufrir,
Eincois li vet moult anoiant.
Et li vilainz le vet baillant
•28.1 Aus pouces qu'il a durs et gros.
Toutes voies n'est pas tant os
Que a la bouche li adese.
Et Renart qui jut a malese,
Quant voit que durement le taste,
•290 Si giete les denz, si le hape
Ovec le pie par la main destre.
Or est le vilain bien a mestre,
Bien le vet Renart mestroiant:
N'eschapera. c'est pour noiant.
295 11 eùst fet greigneur savoir,
S'eûst lessie (ce sai de voir)
Renart en pes querre sa vie:
Moult ot empense grant folie
Quant le volt prendre, mar le iist.
3'.K) Tant grate chievre que mal gist.
Bien se cuida de lui vengier:
Or est cheû en son dangiei-,
Quar il n'en aura ja pitié.
A tout le mainz n'a il c'un pie
;}(i5 Et une main en sa baillie.
Renart a sa geule sesie
Del pie destre et de l'autre main.
Moult vet menaçant le vilain.
Et dist qu'il li torra la vie
;J10 Del corps, foi que il doit s'amie,
Que ja n'en aura reancon:
Mielz li venist estre a Lançon
Que il fust cheuz en ses mainz.
Grant paour en a li vilainz,
284 luet baaillant 287 osf 29(5 Sil oust i-o saoliiez do 298 M.
tost empensa g. 299 mal 306 R. sa u:- en a s. 309 dit 312 e. en
meson
164 XVI (Méon 5165-5201)
315 Ne scet que fere ne que dire.
Des ielx pleure, du cuer souspire
Et maine ileuques moult fort vie.
Tout en plorant merci li crie.
'Sire Renart' fait il, 'merci!
320 Lessiez moi, por dieu vos em pri
Conmandez moi ce que voudroiz,
Et jel ferai, quar il est droiz.
Et vostre hora sere tous jours mes.'
Filz a putain, vilain punes'
325 Fet Renart, 'qu'aies vos disant?
Moult m'aliez hui despisant,
Et moult me cuidiez bien prendre.
Quant vos roiseus alastes tendre
Parmi le jardin conme foux.
330 Mes si me puist aidier saint Lox,
Vous le conparroiz hui moult chier.'
Et cil qui ne se pot venchier.
Crie et se plaint et fet son duel.
'Sire' fet il, 'a vostre vueil
335 Ferai quanque conmanderez.'
'Tesiez' dist Renart, 'ne jaugiez,
Filz a putain, traîtres sers!
Que par mes doiz et par mes ners
Je vous métrai en maie paine.
340 Ne m'eschaperez des semaine.
Bien me cuidiez avoir pris:
Mes je vous ai mieuz entrepris.
Ore estes vous mis en prison:
Ja n'aie je mes garison,
345 Se ne vous faiz moult grant anui.
Au mainz y serez vous meshui,
N'avez pooir de vous mouvoir.
N'en prendroie pas tout l'avoir
L'empereour Otevien,
316 p. et du 317 ileuo m. fort(3 3l!) R. pour tlieu m. 320 m.
quar ie uous 321 uoudrez ;}23 Et manque hoiiine 32(i »MouIt] Qui
330 M. ainsiques maist .s', leux 3.U hui manque 333 se mani/tie
336 «lit 342 Mieuz] bien 343 vo3 mis on ]>. ;]45 foiz
XVI (Méon 5202-5237) 165
350 Foi que je doi saint Julien,
Que je ne vous face contraire.'
'Renart, pour amour dieu, non faire,
Ne me fai ore pas del pis
Que tu porras! se j'ai mespris
355 Envers toi, que bien m'i acort.
Certes j'en ai eu le tort.
Mes je sui prest de l'amender
Einsi con vorras conmander:
Ja n'irai contre ton conmant.
SHO Et sachiez bien veraieraent
Que je le veil et si l'otroi,
Que moi et tôt le mien metroi
De tout en tout en ton esgart.
Ne devez pas, se diex me gart,
365 Refuser ainsi bêle amende,
Et je sui garniz de viande
Tele conme vos a mestier,
Ge vous en verrai aesier.
Plus en ai c'onme ci entour.
370 Pour dieu fêtes moi ceste amour!
Vostre honme lige devandrai.
James voir en lieu ne serai
Dont vous doie venir domage.
Pour dieu, quar prenez cest hommage,
375 Pour dieu, ne soiez si crueuz!
Liex puez estre, qant uns bons tiex
Qui est si poissanz et si riches,
Yeult devenir vostre homme liges.'
Quant Renart le vilain entent
380 Qui si fort pleure et se repent.
Et dit que il a grant pesance
De l'outrage et de la viltance
Et de la honte qu'il li fist:
Pitié l'en prent et si li dist
385 Tes toi, vilain, ne pleure pas!
359 Jaurai coutemant 360 uraiemeiit 362 m. pour toi le m.
métrai .363 De 366 de lamende 367 c. el uous 376 Liex tiex
382 greuance 383 qui li
1()6 XVI (Méon 5238—5273)
A ceste foiz mal ni auras. N 44
Mes garde toi de rencheoir!
Que si puisse je mes veoir
Ne ma famé ne mes enfanz,
390 Nulz bons ne te seroit garanz,
Nel te feïsse comparer.
Mes eincois que t'en les aler,
Vileinz, me bailleras ta foi
Que de par les tiens ne par toi
395 N'aurai ne honte ne domage,
Et que tu me feras hommage
Si tost conme lessie t'aure,
Et que tôt a ma volonté
Métras et ton avoir et toi.'
400 Dist li vilainz 'et je Totroi
Tout ainsi conme vous le dites.
Einsi m'aïst sainz esperites
Que riens nule tant ne désir
Con a fere vostre plesir.'
405 A icest mot sa foi li tant
Li vilainz et Renart la prent.
Or sachiez que bien le puet croire
Tout aussi bien conme un prouoire:
Quar li vilainz estoit entiers,
410 Si ne mentoit pas volantiers.
'Vilainz' ce dit Renart, 'entent!
Tu m'as fiance loyaument
Que tu feras a mon esgart.'
Voire, si ait diex en moi part
415 Con je volantiers le ferai:
Que ja pour nului nel lairai,
Ainz le fere dou tout en tout.'
Puis que dit l'as, je pas n'en dont'
Fet Renart, 'quar tu es preudom.
420 Au mainz en as tu le renon.
Moult ai 01 de toi parler.'
387 del encheoir 388 ie dieu v. 396 Et si me f. ci h. 398 tu
400 dit 417 de 418 je manque ne œen d. 420 tu biî le non 421
manque
XVI (Méon 5274-5309) 167
A cest mot l'a laissie aler.
Cil qui avoit este grevez,
A grant paine s'en est levez,
425 Et puis devant lui s'agenoille.
De ses lermes les piez li moille
Si li fist hommage en plorant,
Qu'il n'i ala plus demourant.
Envers le moustier sa main tant,
4H0 Si li a fet le serement
Tel con estuet fere a hommage.
Et si li amende l'outraje
Que il ri avoit fet devant.
Bien li a tenu son créant
435 Con cil qui estoit peouros.
Puiz li dist 'sire, or direz vous
Trestot ice qui vous plera.
Et je sui cil qui le fera
Si con vous verrez a devise,
440 A mon pooir et sanz faintise.'
Or dont' dist Renart 'vien avant!
Si me deslace tout avant
De ton roisel qui trop me grieve.'
Maintenant li vilainz se lieve,
445 Si li a fet a sa devise.
Et Renart qui en mainte guise
Engingne la gent et decoit,
Desliez est, si le conjoit.
Encor n'a il pas oublie,
450 Ainz li dist tu m'as afie.
Amis, que trestout mon vouloir
Feras tu selonc ton pooir.
Mes certes tu en seras quites
Por mainz assez que tu ne cuides.
455 Ge te fere bien ton feret.
Aporte moi ton coc veret
Que j'ai hui toute jour gaitie,
422 manque 423 q. estoit ml'l a greuez 424 sestoit 1. 427 Se
432 li a amende 435 q. moult e. preudons 436 li manque dit 437 Tout
i. que il u. p. 441 dit vien] tout 442 d. maintenant 445 Ift
168 XVI (Méon 5310—5349)
Se tu veus avoir m'amistie,
Si le me baille par le col!
460 Par la foi que je doi saint Pol,
James riens plus ne te querrai:
Ainz te di que je te ferai
Seigneur de moi et de ma terre.'
Bertolz qui ne voult pas la guerre,
465 Li dist 'sire, vos dites mal:
Que par le père esperital
Li coc est trop dur a menger.
Se le voliez eschanger?
Quar il a bien deus anz touz plainz.
470 Mes je vous baudrai de mes raainz
Trois poucins tendres, se voulez.
Dont vous serez bien saoulez,
Et vous feront a vostre cuer
Greigneur bien, foi que doi ma suer
475 Dame Haouis de la Monjoie.
Qar le coc a, se diex me voie.
Les ners et la char forment dure.'
'Vileinz' fet Renart, n'en ai cure
De tes poucins: tuit soient tien.
480 Mes se tu veuz fere mon bien,
J'aurai le coc que je demant.'
'Sire' fet il, 'vostre conmant
Ferai je sanz nule achoison,
Quar je sui devenuz vostre hom.
485 Par mon chief orendroit l'aurez.
Des que vous tant le desirez.'
Atant let li vilains le plet
Et maintenant au coc s'en vet.
Si l'a chacie par le porpris.
490 Et tant chaca que il l'a pris.
Vient a Renart et si li baille.
Tenez, sire, se diex me vaille.
Ge vousisse mielz par saint Gile,
Qu'eussiez deus de mes gelines,
495 Qar je l'amoie durement
465 Li manque D, ma] dites par saint tyrail 479 tien 490 ala
XVI (Méon 5350-5386) 169
Pour ce que menu et souvent
Les mechauchoit l'une après l'autre.
Mes puis que vous ne voulez autre,
Il est bien droiz que vous l'aiez.'
500 'Vileinz, or ne vous esraaiez!
Que par mon ehief bien l'avez fet.
L'ommage que m'aviez fet.
Vous claim orendroit trestout quite.'
'Sire' fet Bertolz, 'la mérite
505 Vos en puisse diex rendre a l'ame,
Et sainte Marie ma dame!'
A ces paroles se départ
Bertolz et mesires Renart,
Si le conmande moult a de.
510 Et Renart qui bien l'a gabe
A pris le coc et si s'en vet
A Malpertuis a son recet.
Bien en cuide runger l'eschine
Entre lui et dame Hermeline,
515 Sa famé que il tant amot.
Mes encore ne scet il mot N 45
De ce que il li peut a l'ueil.
Si con il vint desouz un tueil
Qui ert lez le chemin a destre
520 Delez une ville champestre,
Garde et voit le coc qu'il porte
Qui durement se desconforte.
Des iex pleure, moult fu dolant,
A Renart grant pitié en prent,
5-25 Si li a dit, pour quoi il pleure.
'Pour quoi? maleoite soit l'eure'
Fet le coc, 'que onques fu nez!
Moult m'est or bien guerredonnez
Li servises que je ai fet
580 A Tort vilein mesel deffet
Que j'ai si longuement servi.
Mal soit l'eure c'onques le vi!
497 me wanque 511 A] Et 521 et voitj avoit 527 que ie o.
170 XVI (Méon 5387-5423)
Qar ja n'en aurai fors la mort.'
'Par dieu fet Renart, 'tu as tort,
iïHô Quant pour ce te vas démentant.
Par l'ame ton père ore entent !
N'est il bien droiz en toute place
Que li sires par reson face
Ue son serjant sa volente?
.•)40 Oïl, par ma crestiente,
Il se doit bien lessier morir
Pour son bon seigneur garantir
De mort, se il est a meschief.
Or n'aies paour, par mon chief,
54.') Ne puez avoir anor greigneur
Con de morir pour ton seigneur.
Malbailliz fust et malmenez,
Se il ne se fust rachetez
Envers moi de toi seulement.
550 Quar si aie je amendement,
Je l'eusse occis tout froit mort.
N'aies paour, pren bon confort,
Qu'ainsi avoies a mourir :
Nus bons ne t'en pooit garir.
5r).T II te vient mielz morir ainsi
Que autrement, saches de fi.
Quar qant pour ton seigneur menas.
Saches de voir, tu t'en iras
Lassus en la dieu compaingnie
.'ieo Ou auras pardurable vie.
'Sire' dit le coc, bien le sai.
Ne sui pas pour mort en esmai
Que je doie avoir, ce sachiez.
Mes de ce sui je correciez
ÔB5 Que les chapons et les gelines.
Que veïstes lez les espines.
Seront a grant joie mengiees.
S'en seront leur âmes plus liées
Et du solaz et de la feste.
XVI iMéon 5424-5459) 171
570 Et j'aurai croissue la teste.
Moult grant solaz me feïssiez,
Se une chancon chantissiez.
Ne me chausist, qant je morusse.
Bien sai que plus souef en fusse
57â Lassus en la dieu compaignie."
Et dist Renart 'voir par ma vie,
Est ce pour ce que tu ploroies?
Et pour qoi ne le me disoies?
Ja pour ce ne fai laide chiere!
580 Foi que je doi ma famé chiere,
Orendroit je vous en dire
Del meilleur endroit que saure
Sanz plus pour toi reconforter.'
Lores conmenca a chanter
585 Une chanconnete nouvele.
Et qant cil qui par sa favele
L'amusoit, vit la bouche ouvrir.
Des eles commence a ferir
Et a batre et vint volant
590 Deseur un orme haut et grant
Qui devers l'autre part estoit.
Et quant dant Renart ice voit.
Bien voit que il est deceii.
Desouz l'orme est acoru,
595 Si dist sire, guile m'avez.'
'Renaît' dist il, or le savez,
Devant ne le saviez pas:
Foi que je doi saint Nicolas
Mielz vous venist estre teiis.
600 Se vous estes or deceiis
Par trop chanter, si vous tesiez,
Qant vous en serez aesiez
Une autre foiz, s'on vos en proie:
Si alez or querre autre proie,
605 Qar a ceste avez vous failli.'
576 voiz pour 587 Lamusoit ] Lot deceu 595 guyle mauuez
603 con
172 XVI (Méon 5460-5496)
Renart se tint pour escharni,
Ne scet que dire ne que fere.
Bien voit que mielz li venist tere
Qu'avoir chante a celé empainte.
610 'Lierres' fet il, 'foi que doi sainte
Agnes qui fu de bonne vie,
Bien voi que bel chanter anuie
Et nuist aucune foiz ensemble.
Voir dist li vilainz, ce me semble,
615 Qui dist qu'entre bouche et cuillier
Avient souvent grant encombrier.
Ore en sui bien certainz et fiz.
Sages fu Chatons et recuiz,
Qui enseigna son fil petit
6-20 Q'a son menger parlast petit.
Mes je ne l'ai pas retenu.
Bien voi que mal m'est avenu
De trop parler a ceste foiz.
Or m'en irai, quar il est droiz,
6-25 En autre lieu moi pourchacier,
Que ne puis ci riens gaaingnier.'
'Ha puanz roux de pute estrace,
Alez vous en! ja dieu ne place'
Fet soi li coc, ne ses vertuz,
630 Que ne soiez ars ou penduz
Encois que li mois soit passez,
.la m'eussiez les os quassez
Moult putement. jel sai de voir,
Se par engin ou par savoir
635 Ne me fusse de vous esters.
Alez vous en : que par le corps
Saint Marcel, se plus attendez,
Vo pelicon ert ramendez.
Que que il vont ainsi parlant,
640 Quatre lévrier viennent bruiant
Apres un porc a grant alaine
Tout contreval par la champaigne.
615 dit 619 filz 638 reuidoz
XVI (Méon 5497—553-2)
173
Et deus brachez aprez eulz viennent
Et li veneour leur cors tiennent, X 46
(;j5 Dont il vont durement cornant.
Tout le païs vont estonnant
De lor huier, de lor corner.
Tant entent au coc a parler
Renart li roux que maufeus arde,
(i5i) Que onques ne se doua garde:
Ainz li sont sus le col cheû.
Lors se tint il a deceii.
Aval les chanps s'en vet fuiant.
Li veneour li vont huiant :
(i55 'Aha, aha font il, 'Renart!
Ja diex n'ait en vostre arae part!
Se ne fusson si emblae,
Ja vous eûsson effrae.
Ja si bien ne vous gardissiez
660 Que la cote n'i lessissiez.
Trop convenist savoir de frape,
Se ne nous lessissiez la chape.
Mes or n'avez garde de nous.'
Et cil s'en va touz poourous
(iHô Qui n'a cure de lor acost.
Dedenz un terrain s'est repost
Tant que li chien s'en sont outre.
Et cil s'en vont tout aroute
Apres courant, et font grant noise:
670 Ne finerent de courre a toise
Tant que il sont en la forest.
Qant ce voit Renart, si 11 plest,
Et si dit, foi qu' il doit s'amie.
Que cela part n'ira il mie,
675 Que il puist, ne que bel li soit.
Bien scet se uns d'eulz le tenoit,
Il li donroient el que pain.
A cest mot est venuz au plain
649 maufez 650 donne 654 lo v. bruiant 657 enil)lj
658 efifrilez 660 coste 666 se r. 677 li couuenroit
174 XVI (Méon 5533—5569)
Et let le coc dont moult li poise,
()S() Si s'en vet fuiant a grant toise
Par un sentier entre deus blez.
Encor se crient d'estre encontrez
Ou de lévrier ou de gaignon.
Del ble s'en ist le grant troton
685 Si se fiert enz en la forest:
Ce est li leuz qui plus li plest
Et ou il a mainz de peiir.
Ore est aese et asseiir,
Se ne fust la tain qui le grieve.
61)0 Souvent regarde, s'il voit lièvre
Ne connin que il peûst prenre.
Moult est iriez, qant il li membre
Du coc qui si l'a deceii,
Et dit que mal li est cheû.
695 Ne prise tout son sens un œf,
Fait il, 's'il fussent dis et nœf.
Si les deiisse engignier touz.
Chascun dit que je sui si preuz
Et que j'ai tant senz et savoir:
700 Certes il ne dient pas voir.
N'ai pas grant sapience enclose
En moi, qant si chetive chose
Conme un cochet qui m'a boule.
Mielz vousisse que afole
705 M'eiist en d'un pie ou d'un oeil.
Mes si puisse je mes le sueil
De ma meson passer a joie.
Se diex donne que ja mes voie,
Je li fere chier comparer.
710 Ja disoie que buef d'arer
Ne savoit tant con moi de guile,
Et un petit cochet de vile
M'a engignie et deceii!
Ne vorroie qu'il fust sceii
715 Pour l'avoir de Costantinoble
680 Si ] Et 687 paour 698 preiiz 704 que ] estre
XVI (Méon 5570-5607) 175
Dedenz la court raesire Noble.
Foi que je doi touz mes enfanz
Que j'en seroie moult dolanz,
Se nus bons le me reprocboit.
720 Nel vorroie pour riens qui soit.'
Einsi s'en aloit démentant,
Et toutevoies esgardant,
Savoir se ja chose veïst,
Dont sa famé liée feïst
7-25 Qui en sa meson se démente
Pour la fain qui si la tormente:
Et il meïsmes en baaille.
Mes n'i voit cbose qui li vaille,
Dont il est moult forment iriez.
780 N'est mie un arpent alez
De terre, ce sacbiez de voir,
Qant il prent a aparcevoir
Monseignor Noble et Ysengrin
Qui venoient tout le chemin
735 Et parmi le bois deduiant.
Et Renart celé part en vient.
Et dit et pense en son courage
Qu'il fera Ysengrin domage
S'il puet en aucune manière.
740 Atant s'en vint a bêle chiere
Devant le roi, si le salue.
'Or ca que bien soit hui venue'
Fet Renart 'ceste compaignie !'
Li rois ne puet muer ne rie,
745 Qant vit Renart de devant lui.
'Bon jour' fet il 'aiez vous hui,
Renart barat, qu'aies querant?'
Sire, je me voiz pourquerant,'
Fet se il, 'par ici entor.
751) Ne final des le point du jour
Pour ma famé qui est enceinte.
Et ge n'ai mie encore ateinte
Chose que li puisse porter
749 ci
176 XVI (Méon 5608-5645)
Dont la puisse reconforter
753 Pour la fain qui la destraint fort.'
'Renart" dit Nobles, 'par la mort,
Bien fez tes aferes sanz nous.'
'Sire' fet il, 'foi que doi vous,
Je ne vous os m'aïde offrir.
760 Que ne daiugneriez souffrir
Que si petix homs con je sui
De force et de cors autresi,
Alasse o vous en compaignie.
Mielz amez la grant baronie
765 De vostre court avecques vos.
Aussi con or est Bruns li ours.
Baucenz et Rooniax li viautres,
Seigneur Ysengrin et ces autres.
N'avez cure de povre gent.'
770 'Renart' fet li rois, bel et gent
M'alez gabant, si con moi semble.
Mes or vendrez o nous ensemble, N 47
Se il vous plest et il vous siet,
(Et si vous pri qu'il ne vous griet)
775 Tant que puissons proie trouver,
Dont nous puissons desjeiiner
Entre nous trois, se diex me voie.'
'Sire' fet il, 'je n'oseroie
Pour mesire Ysengrin le leu
78U Qui est 0 vous, que par saint Leu,
Bien sai que il m'a contre cuer:
Ne ne m'ameroit a nul fuer.
Mes onques ne fis par mon chief
Nule chose qui li fust grief.
785 De sa famé m'a mescreii.
Mes par dieu et par sa vertu,
Onques encor jour de ma vie
Ne li requis je vilenie
Ne nule chose a ma comere
790 Que je ne feïsse a ma mère.
Si ne le cuideroit il pas.'
7yi ilj nen
XVI (Méon :j()47-ô681) 177
'Renart' fet li rois, c'est tout gas.
Si ne puet pas estre avère
Qu'il ne vos i eiist trouve,
795 Se tant l'eussiez maintenue.
Or n'i ait point desconvenue,
Orendroit la pais en feson.'
'Sire' fet il, le guerredon
Vos en puist rendre diex a l'ame !
80:i Que foi que je doi a ma famé,
Il a tort et je ai grant droit.'
'Ysengrin amis, ce que doit'
Fait li roiz, que Renart haez?
Par dieu, fox estes qui créez
805 Tel vilenie de Renart.
Se dame diex ait en moi part,
Je ne cuit pas qu'il le feïst
Qu'en nule guise requeïst
Vostre femme de vilenie.
810 Quar fêtes ore courtoisie,
Pardonnez li vo mautalent!
Si ferez senz mien escient.
Que par mon chief, grant tort avez.
Quant de ce que vous ne savez
815 Fors seulement par oïr dire,
Li portez et courrouz et ire:
N'est pas manière de sage homme.
Foi que doi saint Père de Romme,
Je connois bien Renart a tel
820 Que nel feïst pour le chatel
L'empereeur Otevien.'
'Sire, par foi, je le croi bien'
Fet il, 'quant vous le tesmoignez.'
'Or donques si ne porloingniez,
825 M^es de bon cuer li pardonnez
Le mautalant qu'a lui avez!'
'Sire' fet il, et je l'otroi.
791 il J on 794 Que il ne manque 814 de ^ uons
RENART II.
178 XVI (Méon 5682-5718)
Je li pardoing en bonne foi
Ici iluec par devant vous.
830 James n'iere vers lui irons
Jour que la vie el cors me soit,
Ainz voeil que mes bons conpainz soit.'
Apres ce mot s'entrebeserent
Cil qui onques ne s'entramerent,
835 Ne ja mes ne s'entrameront.
Dire pueent ce qu'il vorront:
Por ce ne se remue droit.
Pes ont fête quele qu'el soit:
Devant le roi l'ont afiee.
840 Mes moult aura corte durée,
Quar il ne puet estre a nul fuer
Que l'uns n'ait l'autre contre cuer.
Ne ja ne seront sanz rancune.
Ne donroie pas une prune
845 En la pes: quar se diex me gart,
Voirs est que c'est la pes Reuart
Qui einz ne fina de trichier,
Encor ne le veult pas lessier.
Einsi ont fet pes, ce me semble,
850 Renart et Ysengrins ensemble.
Apres se sont mis au chemin
Nobles avant et Ysengrin,
Et puis après vet dant Renars
Qui moult est plaiuz de maies ars.
855 'Renart' dit Nobles, 'que ferons?
A ton conseil nous maintendrons.
A cest point seras nostre mestres,
Quar bien sai que scez touz les estres
De cest bois et toutes les sentes.
860 Mes garde que tu ne me mentes!
Se tu scez nul lieu ci entour,
Pre ne pasture ne destour
Ou nous peiissons trouver proie:
Quar nos y maine droite voie,
858 touz scez 862 no d. ] en cl.
XVI (Méon 5719-5755) IT^
865 Se tu le scez. que diex t'avoit
Chose qui le tien cuer convoit.
Lors m'auras a mon gre servi.'
Et dit Renart 'par saint Davi,
Je ne sai pas certainement,
870 En quel pasture ne conment
Nos truisson proie qui riens vaille.
Mes de tant me recort sanz faille
Que il a ca une valee
Entre deux mons en une pree,
875 Ou l'eu amaine souvent pestre
L'aumaille de ceste champestre
Vile qui est ici delez.
Alons celé part, se voulez,
Por savoir et pour esprouver,
880 Se porrions chose trouver
Que peiissons menger tuit troi.'
Par foi' fet Noble, je l'otroi.'
A tant s'en tornent celé part
Entre seignor Noble et Renart
8SÔ Et Ysengrin son bon ami.
Mes se dieu plest et saint Rémi,
L'amor aura corte durée.
Si s'en vont la voie ferrée
Et tant ont lor chemin tenu
890 Qu'il sont dedenz le pre venu
Que dant Renart lor avoit dit.
Ysengrins regarde, si vit
El chief du pre moult bêle proie.
Or sachiez que il ot grant joie,
8% Que moult estoit de fain grevez.
Or cuide bien estre arrivez
En lieu ou il emple sa pance.
Mes ja n'en soit il en beance:
Que se l'estoire ne nous ment,
900 Je cuit qu'il ira autrement. N 48
Lors a aresonne le roi.
866 cuer torioit 877 ici ] la
180 XVI (Méoii 5756-579-2)
Sire' fet il. 'foi que vous doi,
Nous avons bon chemin tenu.
Je cuit, bien nous est avenu,
905 Quar je voi si conme il me semble
Un tor et une vache ensemble
Qui a avec lui son veel
La jus el chief de ce prael.
Ces auron nous qui que il griet.
910 Mes je vous lo, se il vous siet,
Ainz que nous aillons celle part,
Que nous i envoions Renart
Por veoir et pour espier.
S'il y a mastin ne bovier,
915 Ne chose qui nous puist mal fere.
Bien porrions avoir contrere,
Se nous einsi despourveû
Estions seur eulz embatu.
Mes il est grelles et menuz,
920 Si n'iert mie si tost veiiz
Si comme nous i serions.'
'Vous dites voir' fet li lions.
Il est sages et veziez.
Si les aura tost espiez.'
925 Atant en aresne Renart,
'Renart' fet il, se diex vous gart.
Sages estez et decevanz
Et de touz maux aparcevanz.
Quar i alez, si espiez
930 Savoir se la jus verriez
Bovier ne vilein deputere
Dont nos peiist venir contrere:
Quar pour noiant nous irions,
Se nostre preu n'i fesions.'
985 'Sire' fet Renart, 'volentiers.'
Atant s'estoit mis es sentiers
Grant aleûre aval le pre.
Tant avoit coru et trote
909 Geste 921 i manque 933 nous manque
XYI (Méon 5793-5829) 181
Qu'il est venuz au leu tôt droit.
940 Tout entor lui garde, si voit
El chief du pre delez l'oraille
Le vilein qui gardoit l'aumaille,
Qui se dormoit desoz un orme.
Maintenant celé part s'en torne
945 Trestout le pas le col bessant.
Durement se va pourpensant
Dedenz son cuer que il fera
Et conment il l'engingnera
Le vilain qu'il ne l'aparcoive.
950 Soef estuet qu'il le déçoive :
Quar il scet bien, s'il le tenoit,
Que malement l'atorneroit,
Sel feïst volontiers cheoir
En lieu dont ne peiist mouvoir,
955 Et n'ait pooir en nule guise.
Lors avoit une branche prise
De l'orme, et saut isnelement
Desus ainsi très bêlement.
Que onques cil ne s'esveilla.
960 Et danz Renart qui tant mal a
Pense et fet puis qu'il fu nez.
S'en est de branche en branche alez
Tant qu'il vint endroit le vilain.
Si jure dieu et saint Germain
965 Que il H fera encui honte.
Que vous feroie plus lonc conte?
Renart fist conme pute beste:
Quant il li fu desus la teste,
Drescc la queue, aler lesse
970 Tout contreval une grant lesse
De foire clere a cul ouvert,
Tout en a le vilain couvert.
Cil qui l'a sentue, s'esveille,
Taste a son vis et se merveille,
975 Que ce est qui si li chiet chaut
940 8il u. 949 qui ne 969 a. li 1. 973 Et il
182 XVI (Méon 5830—5866)
Sus son vis de lassus en haut.
Si prent a regarder amont,
N'i voit nule chose del mont,
Quar li arbres ert trop fueilliez,
980 Et Renart si s'estoit muciez
Es fueilles si qu'il n'i paroit.
Et quant li vilains riens ne voit,
Si cuide que ce soit fantosme.
Lors taste a sa main et si osme
985 Et sent que c'est merde qui put.
Ne fu pas liez quant l'aperçut,
Ainz li anuie fort et grieve.
Tout maintenant d'iluec se lieve
Et s'en cort droit a un fosse
990 Qui iluec fu au chief du pre
(Si ot bien vint piez de parfont,
Et fu pleinz d'eve jusqu'amont)
Et jure et dit, se diex le saut,
Qu'il saura qui est la en haut
995 Sitost con il ert revenuz.
Quant il fu a l'eve venuz,
Si s'acroupi pour lui laver.
Renart qui bee a lui grever,
Saut jus a terre au mielz qu'il pot.
1000 Vers lui en est venuz le trot
Par derrier qu'il ne l'aparcoive,
Que talant a qu'il le déçoive
A ceste foiz moult malement,
Et si le veult si soutilment
1005 Fere que il ne puist foïr.
Si con il vint de grant air,
Li est desus le dos sailliz.
Ore est li vileinz malbailliz,
Quar ainz qu'il fust aparceiiz
1010 Est il dedenz l'eve cheiiz.
Il ot grant paour de noier:
Si conmenca a patojer.
992 iusquii fons 1001 derrières
XVI (Méon 5867-5902) 183
Quar volantiers en issist hors.
Mes ainz aura anui du corps,
1015 Se Renart puet en nule guise.
Il est venuz a son joïse,
N'en istra mes sanz beste vendre.
Enmi le pre cort Renart prendre
Une pierre qu'il a veûe
1020 Grant et quarree, si li rue
Desus le col par tel aïr
Conques cil ne se pot tenir
Que il ne soit au fons alez.
Ysengrins qui se jut delez
1025 Monseignor Noble enmi le pre,
L'a veii, si li a mostre,
Con se délite la aval.
Non mie pour bien, mes pour mal. N 49
Quar onques ne le pot amer:
1030 Son ami le puet il clamer,
Mes ja du cuer ne l'amera.
Biau semblant espoir li fera.
Si vorroit il qu'il fust lardez.
'Sire' fet il, 'or esgardez
1035 De Renart con est maux voisins!
Bien nous tient or pour ses cousins,
Qui tant nous fait ci acorber.
Deablez le puist assorber
Quant il nous fet tant de mal trere,
1040 Que il ne vient ne ne repère!
En lui auroit bon messager
Por querre la mort et cerchier,
Quar il revenroit moult a tart.
Quar alons ore celé part,
1045 Si saurons pour quoi il ne vient
Et quiex essoines le détient.
Je le voi la, ce m'est avis,
Lez le fosse tout ademis
1025 A mo.sire noblo le monstre 1026 Que il ni avoit denioure
1034 fait ] dist 1037 vous 104V ce vous plovis 1048 f. ce raest avis
184 XVI (Méon 5903—5939)
Ou il se jeue et court et saut.
1050 Moult petitet de nous li chaut.
Il a espoir trouve pasture
A son oes, si n'a de nous cure,
Puis que il est bien saoulez.
Alons celé part, se voulez!
1055 Si saurons qu'il fet et pour quoi
Il est remes.' 'Et je l'otroi'
Pet Nobles, 'vous dites moult bien.
Foi que je doi saint Julien,
Je li fere comparer chier
1060 Ce qu'il nous fet ici juchier:
Se il le fet. pour nul despit,
Ja n'en aura point de respit.
Ne nus ne l'en sera garant
Se il n'i a cause apparant.'
1065 Atant se sont d'iluec torne.
Celé part s'en vont abrive
Plainz d'ire et de maltalent.
Et li vileinz qui vet balant
En l'eve, que Renart destraint,
1070 Avoit ja le cuer si ataint:
Tant l'avoit dant Renart batu,
Qu'il n'avoit force ne vertu.
Ja ot deus foiz au fons este.
Et Renart qui onc n'ot bonté,
1075 Se barat non et triciierie,
S'apense que moult li anuie
Que tant le fet iluec atandre.
(rarda entor lui, si va prendre
Des motes tout plain son giron,
1080 Si li rue tout environ.
Et desus le dos et en coste.
Li vilains a en lui mal este
Qui moult durement li meffet.
Que vous diroie? Tant a fet
1085 Renart, et tant li a gete
1055 et ] ne 1060 Ci imchier 1073 II 1078 va ] cort 1080 Se
XVI (Méon 5940-5977) 185
Et pierres et motes de pre :
Que qui que soit bel ne qui gronde,
Tierce foiz ou fosse afonde.
Ore est mors, bien s'en puet vanter.
1090 N'en orra mes nus bons chanter
Maie chancon d'ore en avant.
Renart que li corps dieu cravant,
S'en est délivrez en tel guise.
Or puent fere a lor devise
1095 De la proie tout sanz peur.
De cestui sont il asseiir
Que James mal ne lor fera
Ne riens ne lor contredira.
Quant Renart ot fet ce qu'il quist,
1100 Si conme il li plot et sist,
Et ot feni tout son estour,
Lors se voult mètre au retour.
Quant voit dant Noble le lion
Et dant Ysengrin le félon
1105 Qui vers lui tout droit s'en venoient.
Yoie ne sentier ne tenoient,
Par les prez viennent a travers.
Et il fu sages et apers:
Sitost con les a parceiiz,
Il 10 Encontre vet les sauz menuz,
Si les salue gentement.
'Bien vieingniez, sire, voirement'
Fet il, et vostre compaignie!"
'Renart, je ne vous salu raie.
1115 Renart, l'en vous deiist bien pendre.
Quant vos m'avez fet tant atendre
Sanz venir et sanz reperier.'
'Sire, foi que doi ma moillier'
Fet soi Renart, 'je n'en puis mes.
1120 Quar j'ai eii un entremes
D'un vilein qui gardoit l'aumaille
1087 que ne ] ou 1089 se 1090 mes manque homes 1095
peeur 1109 c. il 1. aperçut 1114 salue
186 XVI (Méon 5976-6012J
Que j'ai trouve la en l'oraille
De ce pre dormant conme loir.
Si ra'apense et soi de voir,
1125 Que s'il nous savoit ne veoit,
Qu'il nous nuiroit se il pooit.
Si l'ai tant mené, dieu merci,
Par mon engin qu'ancor sui ci
Tous sains et hetiez et tous forz,
1130 Et il gist en ce fosse morz
Tous estenduz conme une raine.
Moult en ai este en grant paine.
Mes toutevoie ai tant ouvre
Que nous en sommes délivre.
1185 Se d'atendre estes anoies,
Ne m'en merveil (ice sachiez),
Que demore ai longuement:
Et moult an oie qui atent.
Ce dit l'eu, et il est bien voirs.
1140 Mes foi que je doi a mes oirs,
Se la vérité saviez,
Ja mal gre ne m'en sauriez^
Encoiz m'en émissiez, ce croi.
Or escoutez, je vous diroi
1145 De chief en chief le voir parconte.'
Et il adonques li raconte,
Conment il monta sus l'ormel,
Conment chia sus le musel
Au vilain tant qu'il s'esveilla,
1150 Et puis conment il s'en ala
Laver a l'eaue du fosse.
'Et il ot son penel trousse.
Et je sailli a terre aprez:
Si conme je ving a eslez,
1155 Sailli sus lui a quatre piez
La ou il estoit abessiez N 50
A l'cve por son vis laver,
Si qu'el fosse le fis aler
1138 mot 1143 me émissiez
1160
1165
XVI (Méon 6013-6048) 187
La teste avant, le cul desus.
Que vous diroie' fet il 'plus?
Quant Toi dedenz l'eve enbatu,
Tant le feri, tant l'ai batu
Que il n'en lèvera james.
De lui avons ore tel pes
Que james mal ne nous fera,
Ne chose ne nous desdira,
Que weillons fere de l'aumaille.'
Li rois l'escoute et se merveille,
Et bat ses paumes et fet feste,
1170 Et jure ses ielx et sa teste
Qu'ainz mes ne fu veuz tiex gieus.
'Par foi' fet Ysengrin li leus,
'Tel bourde ne fu mes oïe,
Ne je ne le creroie mie,
1175 Certes, se je ne le veoie.'
Et dit li rois 'se diex me voie,
Renart, dis le me tu pour voir?'
'Il n'i a tel con del veoir'
Pet il: 'se vous ne m'en créez,
1180 Alez la et si le veez.'
'Dahait' dit Noblez, 'qui ira
Et qui ja tant s'en lassera!
Je n'ai mie vilain tant chier.
Autant ameroie a touchier
1185 A un ort vessel de ma main
Conme je feroie a vilain.
Or soit iluec et si se gise!
Et nous ferons a nostre guise
Le nostre preu, se nous savon,
1190 De la proie que nos avon.
Certes moult grant tort en avons:
Moi et Ysengrin disions
Que vous nous vouliez tricher:
Mes or vous voil bien aficher
1161 abatu 1174 querroie 1181 Daheait .lit manque 1190
nos sauons 1194 Mes sor
188 XVI (Méon 6049-6085)
1195 Qu'il n'a si loial ue si sage
A ma court, de vostre corsage :
Ne ours ne leu ne autre beste.
Bien avez la besoingne fête,
Et mielz assez que ne diroio.
1200 Mes ore alons a nostre proie,
Si soit partie maintenant.
Ysengrins, or venez avant,
Si faites ceste partison!
Trop y auroit grant mesprison
1-205 Se chascun n'en avoit sa part.'
Et dit li leus 'par saint Maart,
Sire, quant vous vient a plesir.
Il n'est riens que je tant désir:
Que je ai au cuer fain moult grant.
1210 Et il me semble tôt avant
Que nous avons ci un torel
Et une vache et un veel:
De ce devons partison fere.'
Lors prent en son cuer a retrere
1215 Ce que l'en dit auques souvent,
Que cil qui bien voit et mal prent,
S'il s'en repent, c'est a bon droit.
Et puis dist que il mielz vorroit
Qu'il fust penduz a une hart
1220 Que ja Renart i eiist part.
S'il puet, du tout l'en getera
Si que il ja n'i partira.
Si s'aut pourchacier autre part!
'Sire fet il, 'se diex me gart,
1225 Le mielz si est que je i voie,
Que vous de ceste bêle proie
Reteigniez a vostre oes cest tor
Et celle genicete encor:
Quar a ma dame l'Orgueilleuse
1230 Sera bonne et savoureuse,
Quar elle est bonne, crasse et tendre.
1210 Et sachiez bii vraiement 1211 Et v. 1218 dit 1227 cest
tor] trestout 1228 genice et cel tor
XVI (Méon 6()86— 6121) lo^
Et ge qui ne veil pas tout prendre,
Si aurai sanz plus cel veel.
Et cil garz roux de pute pel
l'235 Si n'a mes de viande cure,
Si aut ailleurs querre pasture !'
Moult a grant chose en seigneurie,
Quar tôt veut fere a sa devise.
De riens ne veut a part venir,
1240 Tout veut a son hues retenir.
A ce deûst avoir garde
Ysengrin, foi que je doi de,
Ainz qu'en eiist partison fête.
Nobles croulla un pou la teste,
1245 Quant la parole a entendue.
Ne li fu pas a gre venue:
Quar bien savoit trestout de voir,
Tout vouloit a son hues avoir,
Que que il eiist dit avant.
1250 Deus pas avoit passe avant,
Si a haucie la destre poe
Et fiert Ysengrin lez la joe
Si durement que le cernai
L'en a abatu contreval,
1255 Si l'a fet durement seingnier.
Renart emprist a aresner.
Si li a dit 'vous partiroiz,
Ore orrons que vous en diroiz.
Sire Renart, qui tant savez.'
1260 Sire fait Renars, ne devez
Tel chose dire: en vérité.
Foi que doi sainte Charité,
Vers vous ne doi je part avoir.
Mes prenez a vostre vouloir
1265 Et nous donnez ce que voudroiz:
Quar bien savez, et si est droiz
Que toute la proie soit vostre.'
1253 cerual 1258 en tnanqiie ferez 1260 Or i para que voua
direz 1261 Et dit R. en
190 XVI (Méon (512-2-6157)
Foi que doi sainte Paternostre,'
Fait Nobles, ainsi n'ira mie.
1-210 Je veil que ele soit partie
Encoiz que de ci vous mouvez.'
'Sire, puis que vous le voulez'
Fet Renart, je la partirai.
11 m'est avis, au sens que j'ai,
1275 Et si conme Ysengrins disoit.
Que ce est le mielz qui i soit
Que ce tor a vostre oes aiez.
Mielz sera eu vous emploiez
Que il ne seroit en nule ame.
1280 Et la vache aura ma dame.
Qui est et crasse et tendreté.
Et vostre iilz qui mes n'alete,
Et qui oan a este nez,
Aura, se ainssi le voulez, N 51
1285 A son raenger ce veelet,
Qui est et tendres et de let:
N'aura encor huit jourz demain.
Et entre moi et ce vilain
Irons en autre lieu chacier
r29() For nostre vie pourchacier.'
Li rois l'entent, si li fu bien:
Quant oit et voit que tout fu sien,
S'en a de joie fet un saut.
'Renart' fet il, 'se diex te saut,
1295 Or me di voir, ne me mentir.
Qui t'aprist primes a partir?'
'Sire' fet il, 'par sainte Luce,
Cel vilain a la rouge aumuce.
Je n'en oi onques autre mestre.
1300 Ne sai s'il est ou clerc ou prestre
Qui si porte rouge couronne,
Mes bien semble haute personne,
Qui soit ou pape ou cardinax.'
1277 Que vous toute a v. o. laiez 1281 fit après est manque
1282 mes n'] eiioor 1285 se v. 1287 <>. que h. 1298 rouge | grosse
1303 carrlinal
XVI (Méon 6158-6194) 191
'Renart' fait Nobles, moult es max,
1305 Tu scez plus que ton pain menger.
Fox est qui de toi fet berchier.
Que par mes iex ne par ma teste
Il n'a plus veziee beste
Que tu es dedenz mon empire.
1310 Bien retiens ce que tu os dire.
Et cil si prent la meilleur voie
Qui par autrui bien se chastoie.
Et tu as bien fet, ce me semble.
Or remanez ici ensemble
1315 Entre vous deus, que je m'en part.
Di Ysengrin que il se gart
Que une autre foiz parte droit:
Qu'espoir a tel afere auroit
Qui li feroit encore pis.
1320 Or demorez (que je ne puis
Demeurer ici, si m'en voiz)
Et vous pourchaciez par ce boiz.
Se vous voulez, vostre disner:
Quar ma proie en veil je mener.
1325 Vous et Ysengrin, sanz mentir,
Par mon chief bien savez partir;
Et bien m'acort a vostre dit.
Vous n'i aurez ja contredit
De nul homme que bel me soit.
1330 Ore alez querre que que soit.
Se voulez, que vous mengerez.
Que ja de ceulz ne gousteroiz.'
Ha sire' fet cil, ne le dites!
Seront ce donques les mérites
1335 De ce que ci vous amenai?
Certes s'aucun petit n'en ai.
Pou me porrai de vous loer.
Se vous ne m'en voulez donner.
Sire, a cel vilain en donez
1340 Tant que il soit desgeùnez.
1304 f. il tu sppz m. mal 1316 Dit
192 XVI (Méon 6195-6-231J
Quar il est si mal atornez
Qu'a paines se puet il ester.
Mielx li venist que l'eiissiez
Fet eschacier d'un de ses piez.
1345 Si le lessiez si fameilleus,
Ce poisse moi, si m'aïst diex:
Quar je ne li ai que donner
Dont le face desjeiiner.
Je li donnasse volantiers, -
I3j0 Quar moult en est mes cuers tandrien
Por ce que si le voi blecie.
Moult li avez mal despecie
Son chaperon delez la joe.'
A cest mot li a fet la moe
I35J Si que ne l'aparcut ne vit.
Nobles Tesgarda, si s'en rit
Et dit 'Renart, moult scez de boule.
Tu es issus de mainte foule.
Diex scet bien par quel convenant
1360 Tu me vas ainsi sermonant:
Plus le dis pour pitié de toi
Que ne fes pour lui, par ma foi.
Quar je sai bien, se j'en lessoie,
Ja si tost tornez n'en seroie
1365 Que tu li torroies sa part
Et l'en monsterroies la hart.
Qu'il ne se porroit revenchier.
Se il en devoit errager,
N'en aroit il point, par mes iex.
1370 Mes je le fere assez miex.
Que foi que doi saint esperit,
Ja n'en métrez la ou chiens chit
Ne pour vos fez ne pour vos dis.
Ainz vous en ferai si onnis
1375 Que ja l'un de vous par reson
N'en gabera son corapaignon
D'espaule, de pie ne de cuisse,
1345 Ci 1346 86 1355 qui 1363 j'en] len 1367 R. ne se pot r.
XVI (Méon 6232 6207)
193
Ne d'un ne d'el que j'onques puisse.'
A icest mot Nobles s'en part
1380 Et lesse enmi le pre Renart
Qui moult fesoit le correcie
Por Ysengrin qu'il vit blecie:
Et si en avoit il grant joie.
Puis li a dit 'se diex me voie,
1385 Compère, bien sommes guile.
Bien vous a li rois afole
Trestout sanz droit et sanz reson.
Si voie je dieu et son non,
Grant mal a fet et grant outrage.
1390 Bien i porra avoir domage
Espoir encore en aucun temps.
Et qui vorroit, selonc mon sens,
Encontre lui du tout ouvrer,
Il le porroit bien comparer,
1395 Je cuit, ou au près ou au loing.
Son ami doit en au besoing
Au mielz que l'en puet conseillier.
Et je m'en veil bien traveillier
Por tant que vengiez en soiez.
1400 J'en seroie certes moult liez
Se li veoie anui avoir.
S'en lui avoit point de savoir
Ne de bien ne de cortoisie,
N'eiist pas la proie sesie
1405 Si toute que n'en eiissou.
Honi sommes, se nous lesson
A lui einsiques défouler.
Quar tost nos porroit afoler,
Se nos ne l'osion desdire.
1410 Si lo, ainz que la chose empire.
Que nous querons et art et guile
Par quoi la venjance en soit prise N 52
Por vous trestout premièrement
1378 Ne del ueel ne de la cuisse 1395 ou . . ou] et .
1396 dont en a b. 1397 quen le 1409 nous lessons défouler sire
RENART n. 13
.94 XVI (Méon 6268-6302)
Qu'il a mené si malemenfc
1415 Par la force que il a fête,
Que nostre part nous a tolete :
Quar la proie estoit conmune.
Ne se deiist faire si prune,
Pour ce s'il est par desus nous.
1420 Que par la foi que je doi vous
Qui estes mon compère chiers,
Ne §era si max ne si fiers
Que bien n'en aions la venjance.'
Ysengrins ot la couvenance
1425 Que Renart li offre et présente,
Que se il veult selonc s'entente
Ouvrer et selonc son savoir.
Il li fera venjance avoir
De ce que il l'a mal mené:
14H0 Et il le het plus qu'homme ne
Pour le mal que il li a fefc.
Et si ne li a pas meffet
Chose pour quoi il le deûst
Si mal mener: se il peûst,
1435 II li feïst volantiers fere
Chose qui li peiist desplere
En tel guise, gel sai de voir,
Ne s'en peiist aparcevoir
Devant que la chose fust fête.
1440 II s'apense que sa retrete
Ne sera a fin, n'acomplie
Sa pensée, s'il n'a aïe
D'aucun qui soit plus de lui sage.
Nelui ne scet qui son corage
1445 Puist descouvrir seûrement.
'Voir' fet se il, je me dément
De néant : je voi mon compère
Qui plus m'aime ore que son frère.
U18 prime 1419 ce quil 1430 que home 1432 se 1433 par
1436 m. ne ne deuat 1441 Sa pensée nert a. 1442 Ou en pensée ou en
aie 1443 Et durement ne sen porchace 1444 A un home qui auques
sache 1445 Pour d. 1446 se manque je ne dont néant
XVI (Méon 6308—6338) 195
Et plus set de barat tous seuz
1450 Voir que ne scevent vint et deus
Des meilleurs de la court le roi,
Et je pas ne descouverrai
A lui mon cuer? que n'oseroie.
Paour ai, se je li disoie,
ïAôD Qu'il ne m'encusast au lion,
Que en lui a maleïcon.
Si dit l'en par tout le païs
Que il est traïstres naïs.
Pour ce si ne m'i os fier.
I4ik) Mes ne cuit pas qu'il aut crier
A court ce que j'ai em pense.
Or ai je voir moult fol pense
Envers mon compère Renart.
Je ne cuit pas, se diex me gart,
U6o Que il me mesfeïst pour rien.
Il est preudons, ce sai je bien.
Pieca que je l'ai esprouve,
Et encore l'ai je trouve
Jusques ici moult loyal homme,
1470 Foi que doi saint Père de Romme
A son conseil me maintendrai,
Ja est il mon compère en loi, '
Si pens qu'il ne me mefferoit,
Ne nul mal ne pourehaceroit.'
1475 Einsi a lui meïsmes tance.
Et en la fin de sa sentence
S'acorde a ce qu'il li dira
Et a son conseil en fera
Conment que l'aferes en aut.
1480 Quar nus tant ne scet ne ne vaut
A nul besoing conme Renart.
Lors conmence a dire par art
Et bel conme bien afetiez,
Et si a dit par amistiez
1453 A luij Autrui 1454 se Jo li| que se le 1457 dit| ait
1457 dit] ait 1459 se 1460 quil laut
13*
196 XVI (Méon 6339—6360)
1485 'Biax douz amis, biax douz conpere,
Conseilliez moi si qu'il i père,
Que vostre conseil m'ait mestier.
Je ne verrai ja l'anuitier
Se de Noble ne sui vengiez,
1490 Qui si m'a le vis escorchie
Que le cuir en est moult maumis.
Pour ce le vous di, biax amis,
Que pour moi tant vous traveilliez
Qu'en bonne foi me conseilliez.'
1495 'Si ferai je' ce dit Renart,
'Par le baron saint Lienart.
Mes orendroit n'en est seson.
Mes alez en vostre meson,
Et si lessiez ester huinies.'
1500 Atant est le conseil remes.
Si vet Renart a son repère,
Et Ysengrin son chier compère
S'en est tornez a son manoir.
Ici fet Pierres remanoir
1505 Le conte ou se voult traveillier,
Et lesse Renart conseillier.
1487 ma m. 1491 cuer
XVll
(Méon 28665-28690)
Ou mois de mai qu'este conmence, N 52^
Que cil arbre cueillent semence,
Que cler chantent parmi le gaut
L'oriol et le papegaut:
3 A ice temps que vous dison
Estoit Renart en sa meson,
Qui pour le biau temps qui revint,
Moult liez et moult joianz devint,
Que moult ot l'iver mal souffert.
10 De son chastel vit l'uis ouvert:
Si s'en issi sanz demouree
Et regarda aval la pree,
Se nus vendroit de nule part.
Atant de sa meson se part,
15 Que nule ame a dieu ne conmande:
Poignant s'en vet parmi la lande
Pour sa viande pourchacier.
Il ne fu ne clop n'eschacier,
Ainz s'en vet poignant tous les sans.
20 Parmi un plesseïs de sans
S'en vet Renart tout eslessie,
Esperonnant, le col bessie.
Dedenz cel plesseïz avoit
Un parc qui noviaus i estoit:
25 Dedenz avoit a granz foisons
Ces et gelines et chapons,
3 chante 26 Connins g.
198 XYII (Méon 28691—28727)
Qui sont d'une abaïe blanche.
Renart monte par une branche
Sor les pieus et sor le paliz.
30 ïantost est en la cort sailliz
Des pieus a terre qui sont haut.
As chapons vient, si les assaut
Conme desvez et enragie. N 53
Un chapon prent, si l'a niengie /
Hô A grant lieesse et a grant ese.
Puis s'en issi par une hese.
Mes ainssi con il s'en issoit,
Uns des blans moines l'aparcoit:
S'a pris un baston en sa main.
40 Apres Renart s'en vet au plain,
Tout correcie et tout plain d'ire.
Maintenant li a pris a dire
'Renart, vous estes atrape.'
Lors l'a si du baston frape
45 Que toute l'eschine li ploie.
En Renart n'ot ne ris ne joie.
Vers le randu s'en est alez.
Entre ses jambes s'est coulez
Conme cil qui fu d'ire espris.
50 Renart l'a par la coillé pris
As denz et si forment le sache
Que uns des pendenz li arrache.
Li moines fu moult esperduz,
A la terre chiet estanduz.
55 Et Renart torne les talons,
Del paliz ist a reculons:
A la fuie se met le trot.
Le moine a bien tenu a sot,
Qu'il li ot la coille tolue :
60 Si en a moult grant joie eue.
Mes n'a mie granment aie
Que il a Couart encontre
Qui venoit desor son destrier.
32 si I et 35 aese 58 a J ot 59 Qui Ji 60 avoit g.
XVII (Méon 28728-28764) 199
Sor son col tint un peletier
(i.) A. qui il ot tolu s'espee.
Par les jarrez li a boutée
Une verge d'un vert plancon.
Vers Renart vint sanz contencon.
Sitost con Renart l'aparcut,
70 Merveilla soi, si s'arestut
Et le regarda une pièce.
Oui que il desplcse ne siece,
L'a salue et dit itant
'Coart, bien soiez vous venant!
75 Dites moi, se vous conmandez,
Qui cist hom est que vous portez?
Savoir le veil sanz nule faille.
Avez le vous pris en bataille?
Et conmant et par quel raison
80 Li faites vous tel mesprison?
Savoir le veil, que il est droiz.'
Coarz respont 'bien le sauroiz
Moult volantiers, puisqu'il vous siet.'
Atant le met jus, si s'asiet,
85 Et Renart s'assist joste lui.
'Sire' fet il, il m'avint hui
Matin que joer m'en aloie
Par cel bois si con je souloie:
Si encontrai par aventure
90 Cest vilain qui me fist ledure
Moult grant, que s'espee sor moi
Sacha, par la foi que vous doi.
Et sachiez que féru m'eûst
Moult volantiers, se il peiist.
95 Quant je le vi vers moi venir,
Adonques ne me poi tenir,
Ainz ving a lui touz ademis.
Si li crachai enmi le vis
Et escopi par grant vertu.
100 Li vilainz en fu esperdu,
66 le iarrct 97 a] vers 99 espissaj
200 XVII (Méon 28765-28801)
De paour a terre chaï:
Et je maintenant li sailli
Sor le vantre sanz demorer.
L'espee li alai oster
105 Hors de la main moult vistement.
Ore en voiz querre jugement,
Pour savoir que de lui feron,
A la court Noble le lion.'
Renart qui la parole oï,
110 Moult durement s'en esjoï.
Si li respont sanz demoree
'Coart, folie avez pensée,
Ce seroit folie et outrage.
N'afiert a homme de parage,
115 Puis que' il tient honneur et terre,
Que ailleurs aut jugement querre.
Mes s'il prent homme en son forfet.
Il meïsmes justise en fet.
S'il m'eiist meffet, par ma foi,
120 Yenjance en preïsse par moi.'
'Sire' dist Couarz, 'entendez!
Or sai de voir que vous m'amez.
Mes s'il vous estoit a plesir,
A court iroie pour oïr
125 Le jugement et pour savoir
Quele. amende j'en doi avoir.
Se il vous plest, o moi vendroiz.'
'Par foi' dit Renart, 'ce est droiz
Que g'i voise, puisqu'il vous siet.'
180 Lors se lieve de la ou siet
Renart et Coarz a grant joie.
Atant se metent a la voie,
Et Coarz son peletier porte.
Ne finerent jusqu'à la porte
135 Mon seigneur Noble le lyon,
Endui i viennent li baron
Sanz dejïenz et sanz contredit. "^
105 moult J et ;^15 Pour . . , tiegne 116 aut uianque 116
Quaillei^rB aille
XVII (Méon 28802—28837) 201
Coarz si a a Renart dit:
'Renavt' dit il, 'biax douz amis,
140 Le vilain que je port m'a mis
En grant travail, et en. grant paine.
Diex le mette en maie semaine
Qui en avant le portera!
Ore orrons que li rois dira
145 Et li baron du jugement,
A quel paine et a quel, tormént
Nous ferons le vilain morir.'
Et dit Renart moult le désir
Que vous soiez de lui vengie.'
150 Maintenant montent le planchie
Li dui baron sanz nul délai.
En la sale truevent le roi,
Et ot entor lui tante beste.
Le jour celebroit une feste
155 D'une haute dame honorée,
La suer Pinte, dame Coupée
Qui fu ocise en traïson.
Le jour en fesoit mencion
Li rois Nobles et son barne,
160 Qui iluec erent assemble.
Maint prince i ot et maint baron: N 54
Il n'i ot se hauz hoinmes non
Qui estoient (ce -vous devis)
Vestuz ou^ de vair ou de gris.
165 Li rois qui fesoit bêle chiere,
Seoit joste ma dame Fiere
Et li baron environ eulz.
Es vous les conpaiguons ondeus,
Renart et Coart qui aporte
170 Le vilain ou il se déporte.
Mesire Renart vint devant:
Le roi salue tout avant
Con cil qui bien fu enseigniez
141 et manque paine] ahan 142 Et d. 1. ni. hiii en inalan 144
orront 147 ce 148 m. de lesir 172 s. hautement
202 XVII (Méon 28838-28874)
S'est devant lui agenoilliez.
iTn Et li rois qui moult chier l'avoit,
Le redresce, con il le voit,
Et dit 'bien soiez vous venuz!
■ Amis, bien vous estez tenuz
De moi veoir : ne vous vi mes
180 Puis que nous formâmes la pes
Entre vous et vostre conpere.
Foi que je doi l'ame mon père,
Or sui je moult hetie et liez,
Quant a moi estes repériez.
185 Sachiez que bon gre vous en sai.'
Renart ne fu pas en esmai
De respondre, si dit briefment
'Sire rois, cil diex qui ne meut
Vous otroit de vostre vouloir
190 La moitié, que je sai de voir
Que vous m'amez : et je vous aim,
Foi que je doi a saint Germain.
Mes d'un afere vous requier
Conseil, qar bien en ai mestier
195 Moi et mon conpaignon Coart.'
Diex aïde, sire Renart'
Fet li rois, qu'est ce que vous dites?
Ainsi m'aïst sainz esperites.
Conseil vous donrai volantiers.
200 Mais or me dites, amis chiers,
De quoi vous demandez conseil.'
'Sire' fet il, 'dire vous veil.'
A cest mot appela Couart
Qui s'estoit trez a une part,
20 ■) Qui encore le vilain tint,
Et maintenant au roi en vint
Iriez et de corrouz espris.
Et Renart par la main l'a pris
Et li fist geter erraument
210 Le vilain sor le pavement
194 ait 200 me manque d, biax
XVII (Méon 28875—28910) 203
Qui n'estoit mie granment mol. •
A poi ne li a rout le col,
Si en fu le vilain plain d'ire.
Et Renart li a pris a dire
21.') Biau sire, conseil vous queron,
Que nous de cel vilain feron
Qui vostre baron assailli.
Ferir le cuida, si failli.'
'Sire' dit Coarz, entendez,
220 Se je di mal, si m'amendez.
J'ai cel vilain ci pris de guerre:
Si en vieng ci jugement querrc.
Je le vous rent conme larron :
Esgardez que nous en feron.'
225 Quant li vilainz ot et entent
Que l'en demande jugement
De lui, si fu moult esbahiz.
Maintenant est em piez sailliz
Et dist au roi 'Sire, merci!
230 A vous me rent jointes mainz ci.
Sachiez que je sui loiaus hom.
S'il vous plest, bon renon avon
De mes voisins des plus feaus
Qui diront que je sui loiaus.
235 Des plus preudommes de la terre.
Si les fêtes envoler querre !'
Li rois respont 'moult volantiers.
Que il vous en est granz mestiers.'
Mander les fist sanz plus atendre.
240 Dis et huit furent mainz de trente.
Douze vinrent pour tesmoignier:
Tuit loial homme peletier
Estoient, a court sont venuz.
Quant li vilainz les a veiiz,
245 Si ot grant joie et grant lieesce.
Maintenant en estant se dresce
212 pou 220 laracndez 221 si 229 dit 23:^ DeR m. v. d. p,
loyaus 289 le
204 XVII (Méon 28911-28947)
Et dit au roi sanz delaier
'Cist ci me viennent tesmoigner.'
'Sire' font il, 'vous dites voir.
250 Se vérité voulez savoir,
Par tens vous sera enseignie.
Il avoit un œf gaaignie
Ou il nous fist moiller ensemble
Tous treize: pour ce si nous semble
255 Qu'il est loiaus homs et de foi.'
Quant ce ot entendu le roi,
Moult durement s'en esjoïst
Et maintenant au vilain dist
Qu'il s'en alast, il n'avoit garde.
260 Et li vilainz plus ne se tarde,
Si s'en revêt o ses vilainz.
Li rois remest de joie plainz,
Tuit firent joie par la sale.
Renart n'ot pas la couleur pale.
2(35 Dejoste le roi s'est assis,
Ne fist pas chiere de pensis.
Li rois a dit aus connestables
Que il facent mètre les tables,
Et il si firent sanz targer.
270 Si assistrent li chevalier,
Delez le roi sistrent maint conte.
Des mes qu'il orent ne faiz conte:
Mes qant mengie orent assez,
Jeuent as tables et as dez.
275 Au chief du pales d'une part
S'asist Ysengrins et Renart,
Devant eulz deus un eschequier.
Lor gieu prennent a arengier.
Et dist Renart a Ysengrin
280 Que venir face un marc d'or fin
A mètre au jeu: et il si fist,
Tantost sor l'eschequier le mist.
Un autre en i a mis Renart,
262 remet 270 clilr* 272 foiz 278 gieu] gent
XYII (Méon 28948—28984) 205
Si jouèrent par grant esgart.
285 Ysengrin fu du jeu apris,
Del paonnet a un roc pris:
Apres le roc a pris la fierce.
Tant jouèrent, ainz qu'il fust tierce,
Gaaigna Ysengrins cent livres: N 55
290 Dont Kenart se tint bien pour yvres,
Que il n'ot mes que mètre au jeu.
Il en a appelé le leu.
'Ysengrin fet il, 'entent moi!
Par celé foi que je te doi,
29.') Je n'ai de quoi mon jeu envit,
Se n'i met ma coille et mon vit.
Encor jouerai volentiers,
S'encontre veuz mètre deniers.'
"Si ferai' fet il, 'par mon chief.'
300 Lors reconmencent de rechief
A jouer et tout erranment
Perdi Renart son garnement.
Ysengrins qui ot gaaignie
En fu joiens et forment lie.
305 Tantost sanz plus de demourer
A fait un grant clo aporter,
Parmi la coille li ficha
Et a l'eschequier l'atacha.
Puis s'en torna et si le let.
310 Renart remaint qui crie et bret
Touz correciez et touz plainz d'ire.
Que il souffroit si grant martire.
Ma dame Fiere oï le cri,
Maintenant celé part guenchi.
315 Quant vit Renart, si fu marrie:
Celé part vient, si li aïe:
A grant paine d'iluec l'estort.
Dedenz sa chambre le repost
Et le coucha dedenz un lit.
320 Mes il n'i ot point de délit,
29(3 otjou 297 Encore 308 la tailla
206 XVII (Môon 28985-29018)
Que de doulor est si destroit,
A pou le cuer ne li partoit.
Del courrouz qu'il ot sanmella:
Malades fu, si se pasma.
.•i-25 En pâmoisons jut longuement,
Qu'ele cuidoit veraiement
Que il fust mort, si s'escria
'Sire Renart, ce que sera,
Me voulez vous ainsi guerpir?'
um Adonques a fait un souspir.
Renart qui le soupir oï,
Un petitet les iex ouvri,
Si parla et dist a quoi fere,
Dame, vous voi je tel duel fere?
335 Faites un baing appareillier
Que je me veil un pou baignier.'
'Sire' fet ele, 'volantiers
Vous ferai ce qui est mestiers.'
Atant conmande qu'en li face
340 Un baing chaufer, et sanz espace
Fet fu qant il l'ot conmande.
Mon seigneur Renart ont porte
En la cuve et dedenz l'ont mis.
Dame Fiere li dist 'amis,
•m6 Conme vous est? dites le moi!
.Pour vous sui forment en esmai.
Lors dist Renart 'n'en cuide avoir
Respit: ce ai par non savoir
Dont je crieu morir a douleur.
;)50 Si m'en poise pour vostre amor,
Que je cuit de vous départir.
Je ne verrai ja l'asserir.'
Dame Fiere l'ot et entent,
A pou que li cuers ne li fent,
355 Tant est dolante et correciee.
'Lasse! james ne serai liée.'
323 samesna 326 vraiement 341 e] 345.6 manquent 347 Lors
dist Renart manque Ja nen quiert raancon avoir 348 Rospit manque
C'est mal ai ie p. n. s. 350 me p.
XV 11 u«fon }iy019-29055) 20 <
A icest mot sanz autre plet
Ont Renart de la cuve tret,
En un lit l'ont couchie et mis.
3U0 Conme cil qui moult est malmis
Demande a confession,
S'aura s'ame remission.
'Sachiez' fet il, que moult m'est tart.
Faites moi parler a Bernart
;îG5 L'arceprestre, si me ferai
Confes et mes péchiez dirai.'
La dame respundi atant
Que ele fera son talent.
Maintenant a Bernart mande
;^70 Et il n'i est pas demore,
Ainz i vint sanz plus atarger
0 tout ce qui li ot mestier.
Desus un banc as piez Renart
Avoient assis dant Bernart,
87 j Si a Renart mis a reson.
'Renart, voulez confession?
Se vous vous voulez repentir,
A bonne fin poez venir.
Lessiez ester les mauvestiez
380 Et les vices dont entechiez
Avez este si longuement:
Que sages est, qui se repent.'
'Sire' fet Renart, entendez!
Se vous a droit m'amonnestez,
38.") Que preudon ferez et loiaus.
Vous m'alegerez de touz maus,
Que je n'ai pas meffet granment.
Se je croissi dame Hersent
Ma comere, ne mespris rien,
390 Encoiz li fis lieesce et bien.
Quant je croissi ma dame Fiere,
Qui si est orgueilleuse et fiere,
Ne mespris pas envers ma dame
360 C'on liome .j. ."Ki? d. li r. 3G8 ntainjue
208 XVII (Méon ZJ.UU,,- -^r..,f)2)
Que je avoie prise a famé
S95 Et espousee par soulaz,
Li prestres fu Tibers li cliaz
Qui volantiers la m'espousa,
Et a tieus i ot qui pesa.
Que diroie? de voir sachiez:
^00 Je ne fis onques nus péchiez
Fors qant je donnai garison
Mon seignor Koble le lion.
Mes bien sai que lores péchai,
Quant je garison li donnai.'
405 'Renart, Renart' ce dit Bernart,
'Par mon seignor saint Lienart,
Moult es ore de pute orine.
Quant tu connois que la roïne
As croissue, tu as mespris.
410 S'a bonne fin veus estre pris,
A forjurer la te convient.'
'Coument' fet Renart, 's'il avient
Que je aie respassement,
Je fausserai le serement,
415 Et vous poez de fi savoir
Que pour la repentance avoir
Le serement otroi je bien.
Mes pour ce n'en ferai je rien
Se je del mal puis respasser.
420 Mes pour ce que ne veil passer N 56
Voz conmandemenz ne deffere,
Veil je bien le serement fere.'
Tout maintenant sanz plus d'espasce
Firent aporter en la place
425 Les sains, si a jure Renart
Devant l'arceprestre Bernart
Tout ce qu'il li ot devise.
Quant le serement ot jure,
Renart remest qui moult se plaint,
430 Que l'angoisse moult le destraint.
429 plainst
XVII fMéon 29093-2912!!) 209
Un plaint a gete, si se pasme.
Dame Fiere d'un pou de basme
Li frote le poux et le vis.
Si conme je pens et devis,
-i;^5 Del froter durement s'esforce.
Mes Renart avoit si sa force
Perdue, c'onques ne se mut.
Mes ainssi en pâmoisons jut
Si que tuit cuident qu'il soit mors.
440 Lores fu granz li desconfors.
Ma dame Fiere la roïne
Pour Renart fet chiere lovine,
Dolante et mal aventurée.
. Li rois a la noise escoutee,
445 Si est tout maintenant venu
En la chambre, si a veii
Renart qui fu en pâmoisons.
Moult se merveilla li lions:
Qui li donnast trestout l'avoir
450 Que rois ne quenz peûst avoir,
Ne se peiist sor piez ester:
Eincoiz le convint adenter.
Et dist 'Renart, perdu vous ai :
James si bon baron n'aurai.'
455 Adonc sanz plus de delaier
A fait toute la gent huicher,
Qui le confortent durement.
Et dient que n'est mie gent
A homme de si grant renon
460 Que tel duel face d'un baron.
'Mes qant mors est, sanz détenir
Faites sa mesniee venir.'
Tout maintenant et sanz targer
A fait venir un messager,
465 Si a Hermeline mandée
A Malpertuis sanz demoreo.
Et ses troiz filz qui grant duel ont.
44b maie 447 pâmoison 448 le lion 450 quoinz 453 dit
RENART 11. ..
210 XVII (Méon 29130-29174)
Quant le mesage entendu ont,
Tant ont aie qu'il sont venu
470 Au chastel ou li lions fu.
Quant Hermeline en la chambre entre,
Tout li fremist li cuers el ventre
Et conraenca un duel si grant
Que l'en n'i oïst dieu tonnant.
475 Et disoient a haute alaine
'Sire, n'a pas encor quinzaine
Que de Malpertuis vous partistes
Liez et joianz, puis n'i venistes.
Or a ci grant duel et apert.
480 Encore nel scet pas Grinbert,
A fere li convient savoir
Yostre mort, si sera savoir.'
Fet li rois 'si soit dont mande.'
Un mesager a appelé,
485 Et cil est venuz maintenant.
Ta' fet il, 'n'i va demeurant,
Droit a Malbuisson, si me di
Grinbert que il viengne a moi ci,
Et si li conte l'aventure.'
490 Cil s'en tome grant aleûre.
Dedenz la court de Malbuisson
Se seoit Grinbert le tesson.
Quant le message entre en la court,
Grinbert a l'encontre li court
495 Et dit 'que alez vous querant?
Amis, bien soiez vous venant!
A qui estes? dites le moi.'
'Sire' fet il, 'je sui au roi.
Qui de par moi saluz vous mande
500 Et encor vous prie et conmande
Que a lui vegniez sanz délaie.'
Grinbers l'oï, moult s'en esmaie,
Si a dit 'g'irai volentiers.
Or me dites, biaus amis chiers,
472 Tout] Si
XVir (MéoM 2917J--29-J11) 211
505 Pourquoi me mande l'emperere.'
'Sire' fet li mes, 'par saint Père,
Mors est Renart vostre cousin.
Yos n'aviez meilleur voisin.'
Quant Grinbert entent la nouvele,
510 Sachiez ne li fu mie bêle,
Ainz en ot a son cuer grant ire.
Au mesager a pris a dire
'Amis, par cel dieu qui ne ment.
Ici a mauves mandement,
515 Quant morz est mes cousins germainz.
Du plus estoie, or sui du mainz :
Que par lui, ce sachiez de voir,
Estoie montez en avoir.'
A icest mot s'en sont torne
520 Endui et sont achemine :
Tant ont aie qu'a la court vindrent.
De lor venue lie devindrent
De tiens ot a la court assez.
Grinbers qui si estoit lassez,
525 Si s'est delez la bière assis.
Moult estoit dolanz et pensis.
Son visage enbrunche tenoit,
Lez le cors moult li avenoit
La chiere qu'il fet et la lipe.
530 D'eures en autres se defripe.
Il crie et pleure durement.
Si le regrete doucement
Que nus ne le pot conforter.
Et li rois fist le corps porter
535 En la sale par grant déduit:
Iluec furent jusqu'à la nuit.
Dame Fiere par grant afere
Fist cierges aporter et fere,
A grant plente et a foison
540 Les alument par la meson.
Tant en i ot, n'en sai le conte,
525 Si manque sestoit 526 M. par est
14*
212 XVII (Méon 2921-2—29248)
Onques mes pour roi ne pour conte
Ne fu tel luminere fet.
Grinberz qui avoit son duel fet,
545 S'estoit delez la bière assis,
Et dit au roi par saint Denis
Ne foi que vous devez saint Gile,
Quar faites chanter la vegile N 57
Orendroites et sanz délai.'
r)50 Li rois respont 'par saint Eloi,
Grinbert, vous avez bien parle.'
Lors en a Bernart apele :
'Bernart' fet il, avant venez
Et voz conpaignons amenez !
555 Si chantes vegiles des mors
Por Renart qui ici est mors,
Dont je sui iriez durement.'
'Sire, a vostre conmandement'
Ce li a respondu Bernart.
5{î() Tout maintenant du roi se part.
S'en a o lui mené Tibert
Le chat et mon seigneur Hubert
L'escoufle et mon seigneur Tardis
Qui moult fu pour Renart pensis.
565 Ceulz amena o lui Bernart.
Et li hericons d'autre part
Qui moult est ceintes et apers,
Et li grésillons dans Frobers
Si en a mené Chantecler
570 Tout pour les vegiles chanter.
Et dant Roonel le mastin.
Et sire Ferrant le roncin,
Et Brun l'ours et Bruiant le tor.
Et si fu avec eulz encor
575 Ysengrins et dant Brichemer
Et sire Baucent le senglier.
Revestu sont et atourne.
Puis sont arrière retourne
546 pour 548 Ifiuangile
XVII (Méon 29249-29285) 213
Devant le cors enmi la sale.
580 Grinbers ot le vis taint et pale
Pour E,enart que forment amoit.
Lui et ceulz que il amenoit
Ont les vegiles conmenciees.
Maintes temples i ot sachiees
585 Et maint poing ensemble féru.
Roonel qui sages bons fu,
A leii la leçon première,
Mes pour Renart fist laide chiere.
Le respons dit le limaçon
591) Trestout sanz noise et sanz tencon.
Puis distrent eulz deus le verset,
Li uns en gros, l'autre en fauxet.
La seconde leçon après
A leii Brichemer li cers,
595 Le respons a chante Tiebert
Entre lui et sire Frobert.
Et puis ont le verset chante
Doucement, ne sont pas haste.
Et puis lut la tierce leçon
6U0 Sire Espinart le hericon
Bêlement et sanz contencons.
Et Grinbers chanta le respons,
Et après le verset andeus :
Ysengrins lor aida li leus.
HOô Puis a la quarte leçon dite
Ysengrins qui bien s'en aquite,
Et Baucenz le respons chanta
Tout souef, pas ne se hasta.
Et Brun l'ours chanta le verset.
610 Quant il l'ot dit, si fist un pet.
Et après lut la leçon quinte
Dant Chantecler le mari Pinte,
Et le respons, con nous lisons,
Chanta Frobert li grésillons.
615 Le vers chanta Pelez li raz,
594 sers 603 empres un dcnlz 613 li 615 Li
'^'^ XVII (Méon 29286-29324)
Et mesire Tibert li chaz.
Brun li ours qui s'en efforça,
La siste leçon conmenca:
Bien la conmenca et feni.
620 Et maintenant avant sailli
Rousel l'escuirel qui chanta
Le respons, biau se déporta.
Le verset chanta simplement
Petitpourchaz et doucement.
625 La septisme leçon conmence
Doucement par grant sapience
Le paon sire Petitpas.
Et sachiez qu'il ne failli pas,
Ancoiz la lut et bien et bel.
630 Le respons chanta Roonel,
Et le verset, par grant déport
Chanta pour celui qui est mort
Droïn le moisnel a grant joie
Si haut que il veult que l'en l'oie.
635 L'uitiesme leçon sanz desroi
Lut dant Ferrant le palefroi,
Et Coarz chanta le respons
Qui 0 les autres fu espons.
Li connins sire Sauteret
640 Conmenca l'uitiesme verset.
La nuesme leçon lut Bernart
Qui estoit dolanz pour Renart:
Le respons chanta Brichemer
Et le vers Baucent le sanglier.
645 Quant les leçons furent chantées
Et vegiles furent finees,
Desvestir se vont maintenant
Tuit arengie en un tenant.
Quant il furent desvestu tuit,
650 En la sale, qui qu'il anuit,
S'en sont venu trestuit ensemble.
Devant le corps si con moi semble
que ne 641 niioviesme
XVII (Méon 29325 -293iil) 215
Furent assis conmuneraent.
Luminere et bel et gent
655 Avoit laiens a tel foisson
Que toute en reluist la meson.
Icele nuit j&rent il joie
Gre ne cuit que james tele oie :
Non feront il, si con je cuit.
600 As plantées jeuent la nuit.
Le pie leva premièrement
Ysengrins moult joieusement,
Et Tieberz li chaz i feri
Si doucement et si seri,
665 Que d'autre part le fist chaoir.
Lors s'est Tiebers alez seoir,
Dont retendi Primant le pie.
Mes onques n'ot de lui pitié
Brichemer qui tel li assist
67») Que trestout li piez li fremist:
Vousist ou non, d'autre part chiet.
Et Brichemers tantost s'assiet.
Si a le pie en haut tendu,
Adonc a son cop estandu
675 Bruiant li tors et si s'efforce
De ferir, que toute sa force N 58
I mist, mes pour ce ne se mut:
Quant ce vit, la color li mut,
Brichemer, et fu si destroiz:
680 Mes il se tint a celé foiz
Qu'il ne se mut pour cop qu'il doinst:
Ne quit mie qu'il li pardoinst.
Mesire Frobers qui se test
A veii le cop qu'il a fet:
685 Envers Bruiant vint aire.
Et cil li a le pie haucie
Tout ainssi conme a lui affiert,
Et Froberz un grant cop i fiert:
A pou le cuir ne l'en a tret.
6H7 primat 669 quo 689 fret
216 XVII (Méon 29362-29398)
G9() De maintenant arriers se tret
Bruiant le tor tout esbahi,
Et danz Froberz le pie tendi.
A grant joie et a grant leesce
De maintenant a lui s'adresce,
B95 Quanqu'il onques puet i a point
Baucens li sangliers a cel point,
Et fiert Frobert le gresillon
Que il l'abat a genoillon.
Mes tost en estant resailli
700 Et dit Vos n'avez pas failli,
Sire Baucent' ce dit Frobert,
'Foi que je doi frère Hubert:
Moult durement vous lo et pris,
Quant vous tel chevalier de pris
705 Avez devant moi abatu.
Moult en sui de joie esbatu.'
'Sire Frobert' ce dit Baucens,
'Par la foi que doi saint Laurens,
Riens se jeu non n'i entendi.'
710 Lors s'assist et le pie tendi.
Si a féru sanz demeurée
Tardiz qui a sa chape ostee.
A ferir mist tout son pooir :
Et a bien son cop aseoir
715 L'a féru si très durement
Qu'il l'abat sus le pavement.
Le vis et la couleur mua.
Plus tost qu'il pot se remua,
Qu'il estoit dolanz et plainz d'ire.
720 Et Tardis li a pris a dire
'Baucent, ne vous courrouciez pas.
Atant vint avant Petitpas
Li paons a qui il dessiet.
Et Tardiz maintenant s'assiet
725 Qui lor courrouz petit redoute.
Li paons mist sa force toute
A ferir, et si s'esvertue.
710 sassiet 714 o. empleoir 725 le c.
XVII (Mèoii 29399—29431)
Mes pour le cop ne se remue
Mesire Tardiz de la place.
730 Toute li vermeillist la face
Pour le cop qu'il ot receû.
Li paons s'est aparceû
Qu'il l'ot blecie, si li escrie
'Tardif, ne vous correciez mie !
735 Mes bevez, si ne vous anuit.
Encore est moult longue la nuit,
Si joueron plus liement.'
'Sire, vostre conmandement'
Fait Petitpas. Lors fist venir
740 Du vin, si burent a loisir,
Et autresi i ot cervoise:
Tant ot beii que il s'envoise.
Quant beû ont a lor vouloir.
Si ala Petitpas seoir.
745 Pelez li raz s'est avant tret
Tout bêlement et tout a tret.
Et fiert Petitpas sanz attendre
Tout bêlement sanz pie estandre.
Sa force i a trestoute mise.
750 Li bastons en deus tronçons brise
En deus moitiez par le milieu.
Cel cop vit Ysengrin le leu:
Si li anuie, ce sachiez.
Envers le rat s'est avanciez
755 Et li a dit par grant desroi
Si que bien l'entendi le roi :
'Sire Pelez, grant tort avez
Que vous si durement ferez :
Grant ire en ai eue au cuer,
760 Je ne lesseroie a nul fuer
Que n'i fiere, se diex m'ait.'
Et mesire Pelez li dist
Sire Ysangrin, sachiez de voir
Que blecie nel vorroie avoir
765 Pour la pelice de mon dos.
217
732 cest 736 moult J bien
218 XVII (Méon 29440-29476)
Mielz vorroie que trusqu'a l'os
Me fusse tranchiez en un doit.
Dist Ysengrin 'vous avez droit.
Or lessiez le jeu a itant!'
770 Maintenant est sailliz avant
Petitpourchaz, si li escrie
'Ysengrin, si n'ira il mie:
Ainz jouerons jusques au jour
Tout souavet et par amour.'
775 'Pelez' fet il, 'avant venez:
Asseez vous et si jouez!'
Il tent le pie sanz demeurée.
Atant es vous de randonnée
Mon seignor Pourchaz sanz atendre,
780 Et vit Pelez le pie estandre
Et li a si grant cop donne
Que il l'a trestout estonne.
Que vous iroie je contant?
Tant vont lor euvre démenant
785 Que le jour vint: adonc finerent
Lor jeu et le ferir lessierent.
Sitost conme il lor adjourna,
Li jouers maintenant fina:
Et l'arceprestre dant Bernart
790 Fist les sainz sonner pour Renart.
Au sonner sont moult déporte.
Le cors ont au mouster porte:
Asis Forent devant l'autel,
Ne cuit qu'el siècle eûst autel.
795 L'autel ma dame Pinte estoit
Qui en fiertre illuec gisoit,
Qui a grant dolor fu ocise.
Iluecques fu soz l'autel mise
Le jour que ele dévia,
800 Dont tel i ot grant anui a
Qu'el fu mise si richement.
Chanteclers ovra sagement,
773 jusques ] de si 780 uint 787 lor manque 794 que s. 798
sor 802 erra
XVII (Méon 29477 'J9513i 219
Quant en itel leu fist poser
Le cors et mètre et reposer: N 59
805 Ce fu par le congie le roi
Qu'ele i fu mise sanz desroi.
Miracles apertement fet
Pour li, si que tuit li contret
Garissent qui entrent laiens,
810 Et autrez de goûte et de denz:
Maint très bel miracle i avint.
Quant leanz Renart adonc vint.
Devant l'autel fu mis a terre,
Et li rois a envoie querre
815 Touz les barons de son empire.
Tuit i vindrent meillor et pire,
Que ne l'osèrent refuser.
Maintez foiz les ot fet muser
Celui pour qui il sont venu.
820 Devant l'autel paisible et mu
Se sont entor le roi assis.
Revestir s'en alerent sis
Qui estoient riche et greigneur
Pour faire au corps Renart honneur.
825 Li un fu Bernart l'arceprestre
Qui de la court fu sire et mestre,
Bruiant le tor et le roncin :
Li quarz Roenel le mastin,
Brun l'ours et le cerf Brichemer
830 Qui moult souloit Renart amer.
Revestu furent a devise
Cil sis por faire le servise
De Renart qui gist en la bière.
Hermeline et ma dame Fiere
8.35 Meinent grant cri et grant douleur.
Bernart qui pale ot la couleur
De jeûner et de mal trere,
Lors prist un sarmon a retrere
Un petit devant l'évangile.
817 le 80rent 826 Que
220 XVII (Méon 29514-29550)
840 'Biaus seigneurs' fet il, par saint Gile,
Forment me puis esmerveillier :
Renart estoit touz hetiez hier,
' Et or est alez a sa fin.
Bien devroit estre net et fin
845 Qui voudroit estre en ceste vie
Ou chascun se muert et dévie,
Cist example devroient prandre
Cil qui ades weulent emprandre
Les mauvestiez et les malices.
850 Ja ne les garra tour ne lices,
Ne forteresces ne mesons.
Chascun morra, c'est l'achoisons
Por quoi chascun se doit pener •
De bonne vie démener.
855 Renart qui la vie a finee,
Si a en son temps démenée
Vie de martyr et d'apostre :
Autel fin aient tuit li nostre
Et aussi bonne repentance,
8o0 Que de lui ne sui en dotance
Qu'il ne soit en bonne fin pris.
Onques ne fu Renart repris
Nul jour a nule vilanie.
Il a este sanz felonnie
805 Et sanz malice et sanz orgueil.
Onques jour ne virent mi œil
Prince qui fust de sa vertu.
Se il a volantiers foutu,
L'en n'en doit tenir plet ne conte.
870 II n'a ou monde roi ne conte
(De ce ne sui je pas en doute)
Qui n'ait foutu ou qui ne foute.
Foutre convient, si con moi semble.
Pour ce vous di a touz ensemble
875 Que foutre n'iert ja deffendu.
Pour foutre fu le con fendu.
847 examples 850 touz 853 ch. deuroit
XVII (Méoii 29551-29587) 221
Si conmant a touz orandroit
Que qui a le vit dur et roit,
S'il a le con abandonne,
880 Le foutre li est pardonne,
Que ja ne li ert reprochie.
Ne il n'est de foutre pechie
Pour que vit soit parti de eoilles,
Ne que il fait de faire endoilles
885 Qu'en met de bouel en bouel.
Tuit se jeuent de ce jouel.
Renart a foutu volantiers.
A Hersent a este entiers
Ses cuers et a ma dame Fiere.
8W Mors est, n'ai paour qu'il me fiere
Pour chose que je racont ci.
Biau sire roi. pour dieu merci!
Fêtes crier par vostre empire,
Que qui foutra ja n'en iert pire.
895 Le pechie en weil pardonner,
Et se lor pooie donner
Rantes, volantiers lor donroie.
Et lor péchiez lor pardonroie.
Ne lor pramet pas en pardon
900 Ci et devant dieu lor pardon
Quenque pour foutre mesprandront.
Tele penitance emprandrout
Qu'il en mengeront a estraine
Chat touz les jors de la semaine.
905 Et qui de mon conmant istroit
Et qui volantiers ne foutroit,
Soit homme, soit femme ou soit beste.
Et piez et mainz et corps et teste
Li soit de chaennez de fer
910 Lie es granz tourmenz d'enfer.
Et cil qui mon conmant feront,
A joie en paradiz seront.'
Quant l'arceprestre ot afiue
891 raconte
222 XVII (Méon 29588—29024)
Tout son sarmon et termine,
915 De son servise s'avança.
Son confiteor conmenca
, Le bon arceprestre Bernart,
Puis dist l'oroison pour Renart.
'Ahi Renart' fist il, amis!
920 En maint péril vous estes mis
En bois, en forest et en plain
Pour avoir vostre vantre plain,
Et pour porter a Hermeline
Vostre famé coc ou geline,
925 Chapon ou oe ou cras oison.
Touz jorz estoient en seson,
Quant les poïez or tenir.
Or estuet a néant venir
Les granz hardemenz qu'avez fez
930 Et les bienz dont estes refez.
James tel baron ne morra.
Sire Renart, or demorra N 60
Hermeline povre esgaree.
James n'aura de bien denrée.
935 Bien le saviez procurer.
Or li convient mètre curer
Et tremper son ventre et ses mainz.
Du plus estoit: or est du mainz.
N'ara mes vaillant une alie,
940 Quant vostre amour li est faillie.'
Quant Bernarz ot en sa reson
Bien definee s'oroison
Et aproprie son chapistre,
Brichemer conmenca l'epistre
945 Que bien l'oïrent touz et toutes.
Renart' fet il, 'sanz nules doutes
Pour vous ont este esbaïes
En grandies et en abaïes
Mainte geline et mainte oe.
950 Maintez foiz vous en est la joe
925 ore i»-J3. 914 manquent
XVII (Méon 29620-29661) 223
Remuée et le grenon tors.
Maint cop en avez sor le dos
Et sus le crépon receii.
Meint blanc moine avez deceû
955 Et fet (dont moult lor doit grever)
Tart coucher et matin lever
Pour agaitier ton larrecin.
Meinte geline, maint poucin
Lor as emble conme felou.
960 Mes de tout ice fasolon.
De tout quanque tu as tolu.
Renart, soiez tu absolu.
Li péchiez en soit seur moi mis,
Ainssi absoil je mes amis.'
965 Brichemer l'espitre fina
Et Ferrant le roncins qui n'a
Conpain qui tant sache de guille,
Conmenca en haut l'evaugile,
Et a dit vescoi grascia
970 Euvangile sequencia
Secondum le gorpil Renart!
Entendez i, sire Bernart,
Arceprestre estez et seignor,
Et vous après, grant et menor,
975 Le roi et trestous les barons.
Renart, que de voir le savons,
Est morz, vez le ci en présent.
Dolante en est dame Hersent,
L'espousee Ysengrin le leu,
980 Que maintez foiz en prive lëu
L'a Renart tenue adossée.
Meint grant cop et mainte dossee
Li a_fVope sor sa crevace.
Ot apareipit celé fendace
Qui mouÙ part que l'en i fiere.
1060 Le cors oi^a dame Fiere
Qui couverèt batu son tro,
\ci 982 granf manque cos 985 face
1042 sien 1048 .s. 1055\
JKNAK'r 11. \
224 XVII (Méon 29662-22698)
Il ne li poise fors du po.
Onques son con, s'entendu l'as,
990 Pour cop de coille ne fu las.
Le cul deûst avoir coupe,
Quant ele a le roi acoupe!
Et Hersent a la croupe lee
Deûst la keue avoir ullee.
995 Renart, n'en soit nus en doutance,
En a fête sa penitance.
L'ame en ira a reculons
En paradis o les muions
Iluec ou les asnes iront,
lOno Quant de cest siècle partiront.
Renart, je l'en faz bien promesse,
Sera assis delez l'arnesse
A grant joie et a grant délit.
Les gelines feront le lit
1005 En coi il devra reposer.
Mes itant vous veil je gloser,
Ja n'i osera le doit tendre
A oison n'a geline prandre.
Autre penitance n'aura,
1010 Pour ce qu'en sa vie en ara
Meinte occise par son pechie.
Pour c'iert en paradiz trichie.'
L'arceprestre sire Bernart
Chanta la messe pour Renart.
1015 Quant ele fu toute finee,
Li rois par bonne destinée
En haut devant trestouz parla.
Et Bruns l'ours a soi apela
Et li dist amis, vous iroiz
1020 Desouz ce pin et me feryg„
La fosse, biaus très do»^„
' les
Ou le cors Renart ser^
A grant honor iert m^g^ j^'j^^
Si vous weil prier e<"
989 cul 991 cospe 999 o 101
XVII (Méon 29695)- 29735)
1025 Que vous faciez isnelemeot
Mon bon et mon conmandement.'
Et cil respont vostre vouloir,
Quiconques s'en doie doloir,
Ferai, que ne le voeil lessier.'
1030 'Chanteclers, prenez l'encensier
Dont vous le cors encenseroiz!
Brichemer et vous porteroiz
La bière au baron de franc lin,
Et vous, le mouton dant Belin.
1035 Ysengrin se déportera
En la croiz que il portera.
Chascun fera de son labour.
La chievre prandra un tabour,
De quoi ele ira tabourant,
1040 Et le roncin sire Ferrant
Harpera, tiex est mon plesir,
L^n son galois tout a loisir:
Ne veil pas que se voist tardant.
Les cierges porteront ardant
1045 Couart li lièvres et Tibert
Li chaz et l'escoufle Hubert.
Quant le cors enterrer iront,
Les souriz les sains sonneront
Ainssi con mon conseil le loe,
1050 Et li singes fera la moe.
Bernart metra le cors en terre.
Meilleur de li n'i convient querre.'
Ainssi con li rois le conmande
Le font, nus respit n'i demande:
1055 Le cors aportent a grant feste
Qui descouverte avoit la teste.
Brun Tours qui la poe avoit grosse,
Ot apareilliee la fosse.
Qui moult bien i ot entendu.
1060 Le cors ont iluec descendu
Qui couvert iert d'un paile vert.
1042 sien 1048 .s. 1055 apoi-toient
liKNAK'r II.
15
226 WII (Méon 29736—29774)
Et quant il Torent descouvert, N 61
Brichemer par le chief le prist,
Ainsi con Bernarz li aprist,
10()5 Que maint mis en terre en avoit.
A Belin que devant lui voit,
A fet Renart par les piez prendre.
En la fosse sanz plus atendre
L'ont mis et concilie doucement,
1070 Et l'arceprestre isnelement
Geta sus Teve beneoite
Pour ce que chose maleoite
Ne se peiist au cors bouter.
Quant vint a la terre giter
1075 De coi Brun l'ours le voult couvrir,
Renart prist les iex a ouvrir.
Merveilla soi que ce estoit,
Paour ot et si se doutoit
Qu'en la terre ne fust enclos.
1080 II ne tint mie les iex clos,
Que tens n'en estoit ne seson.
Moult ot jeii en pâmoison,
Ne sot ou il avoit este,
Moult cuida bien estre enchante.
1085 Quant vit le roi et le barnage,
Cuer prist en soi et vasselage,
A li garir mist cuer et cors :
Joinz piez saut de la fosse hors.
Chantecler qui tint l'enceusier,
1090 Prist as dens, ne le volt lessier.
A tout s'en va tout eslessie
Et se feii en un plessie.
Quant li rois a aparceû
Que Renart l'avoit deceii,
1095 Corroucie en fu et plain d'ire.
Tout maintenant a pris a dire
'Ore après, franche gent loee !
S'il estoit loins une loee,
J'aroie perdu mon baron.
1100 Qui porra prendre le larron,
XVII (M.'on 29775—29811) 22 <
A touz joiirz mes aura m'amour.'
Adont s'eslescent sanz demour
Tretuit a grant esperonnee
Apres Renart de randonnée
1105 Qui Chanteeler en va portant.
Ja ot erre et fouï tant
Quel plessie se fu embatu.
'Vi chetis, laz! pour coi fuis tu?'
Fet Chanteeler Vest grant outrage.
1110 Di leur que tu emportes gage
Du tort que l'en t'a fet a court.
Il ne te tiennent pas si court
Que tu ne lor puisses moustrer
Et tout apertemant conter
1115 Que maugre eulz m'enporteras
Et de moi ton vouloir feras
Maugre toute la conpaiguie.
Te font ore grant vilanie,
Quant ainssi me veuUent rescorre.
1120 Nus d'eulz ne t'aprendroit a corre,
Tant seiist bien du pie aler.
Di lor, ne lor dois pas celer,
Que pour néant te vont sivant.'
Renart qui fu aparcevant
1125 De Chanteeler qui l'aparole,
Que par engin et par parole
L'avoit autre foiz engingnie,
Si a a parler resoingnie.
Ne voult mot dire, et cil s'escrient
1130 Que tuit de la court le deffient.
Se il ne lor rant Chanteeler.
'Certes moult te deûst grever'
Fet Chanteeler 'ceste huée.
Di leur sanz nule demeurée
1135 Qu'il s'en retournent orandrort:
Tu iras a cort faire droit
De ce qu'en te demandera.
1132 se
15«
228 XVir (M.'on 29812--29850)
Que que li rois conmandera
Feras de gre et volantiers
1140 Connie cil qui est siens entiers.
Ainssi les feras remanoir,
Puis t'en iras a ton manoir
Ou tu te porras déporter,
Et moi avecques toi porter
1145 A anuit a bonne cuisine.
Se ta famé fust en gesine.
Si eusses tu pour vitaille.'
Lors choissi un vilain qui taille
Ramille pour son four chaufer:
1150 A une chaaine de fer
Ot a sa coroie lie.
Dont li cloet sont délie.
Un gaignon grant et merveilleus.
Meigres estoit et fameilleus.
1155 Le vilein qui le chien tenoit,
Choissi le gorpil qui venoit:
Le chien deslace, si li huie.
Renart le voit, moult li anuie:
Tant fu courouciez et plain d'ire,
1160 Ne sot que faire ne que dire.
Il n'ose vers le chien tourner
Ne vers les reaus retourner.
Que grant pas le vionent sivant,
Tardiz u premier chief devant,
1165 Qui tint la baniere levée.
Adonc a sa règne tournée
Renart au travers d'un plessie.
Ne n'a pas Chantecler lessie,
Ainz l'emporte moult esmaiez.
1170 Li mastins ne s'est delaiez,
Aincoiz le suit de grant esles.
Lors pense Renart 'se je les
Chantecler aler, que ferai?
Car anuit mes ne trouverai
1175 Chose dont me puisse souper.
Et se cil me puet acouper
XVII (Méon 29851-29887J 229
Qui si me chace pour moi prendre,
Il me fera encui aprendre
Conme ses denz savent trancher.
1180 Je ne doi pas avoir tant chier
Ce coc conme mon cors déracine.
D'autre part vient Tardis qui meine
Un moult grani- peuple a sa baniere.
Et se il me meinent arrière,
1185 Je serai moult mal atirie,
Que li rois iert vers moi irie
Pour Chantecler qu'il aime et prise.
Moult me poise de ceste prise:
Seur moi en venra le meschief,'
1190 Lors dit 'Chantecler, par mon chief, N 62
A force convient que vous lesse.
Cist mastin a este en lesse,
Que trop me suit delivrement.
Va t'en tost et isnelement.
1195 Je ne t'ai blecie ne malmis,
Et se tu viens a cort, amis,
Ne me soies par ton desroi
En nuisance devers le roi.'
'Non ferai je' fet il, 'biau mestre.'
1200 Lors saut desus un arbre a destre.
Si a grant joie démenée,
Et Renart de grant randonnée
S'en va fuiant et a grant corse.
Mes li chiens saut qui li rebourse
1205 La pel du dos jusqu'au crépon.
Ja fust en maie souspecon
Li gorpilz de perdre la vie.
Quant Tardiz, qui a grant envie
De lui prandre, i est seurvenu.
1210 De ce li est bien avenu
Que il l'a au mastin rescous.
Mes ain/ i ot féru mainz cous
Que il en eiist la baillie.
1182 vint 1192 matin 1197 8oies| sage
230 XVII (Méon 29888 -29924)
Tantost est entor lui saillie
1215 La conpaignie bêle et noble
Que li riche empereres Noble
I envoia pour Renart prandre.
Pris et lie l'ont sanz atandre.
Si l'ont devant le roi mené, ,
1220 Qui aussi conme forsene
Jure qu'il le fera deffaire,
Ardoir, escorchier ou detraire,
Ou livrer a cruel tormant.
Et Chantecler isnelement
1225 Se plaint de la desconvenue
Qui li est par li avenue.
Li rois dit que droit en aura
Tel con il demander saura,
Que trop li fist grant mesprison.
1230 'Ja ne sera mis en prison,
Aincoiz le ferai cscorcher.
Ne m'en porrai plus bel venger.'
'Sire' fet Renart, entendez!
Jugement de moi entendez :
1235 Au jugement me contendrai
Et vostre merci atandrai.
Onques ne fu nul homme ne
Sanz leal jugement mené.
S'en puet en vostre court trouver
1240 Nus qui veille vers moi prouver
Que j'aie fet desleaute
Ne traïson ne fausetc,
Aprestez sui de moi deffandre.
Trop voldrent envers moi mesprandre
1245 Cil qui en terre me raetoient.
Mon sens espoir petit doutoient.
Pour quel forfet, ce veil oïr,
Me faisoit l'en vis enfoïr ?
Or me dites vostre semblant,
1250 Estoie je pris en emblant?
1216 riches 124(1 Mon espérance p. 1250 en manque
XVII (Méon 29925-29961) 231
La court en fet moult a blasmer.
Bruiant li tors et . Brichemer,
Et les autres que j'aim et prise,
Seront blasme de ceste emprise.
1255 Chantecler, n'en sui pas en doute,
Avoit ceste traïson toute,
(Ce m'est vis) quise et pourchaciee.
Mainte mauvestie a braciee:
Ceste li doit l'en reprouver.
1260 Encontre son cors veil prouver .
Que par lui m'est hui avenue
Iceste grant desconvenue
De moi tout vif en terre mètre.
Ja ne s'en deiist entremetre
1265 De moi faire honte et anui.
Se recréant ne l'en rant hui,
A qui que il doie grever,
Fêtes moi les deus iex crever.'
'Renart' dit Chantecler, 'Renart,
1270 Par la foi que je doi Bernart
L'arceprestre que je voi la,
Onques en tel guise n'ala
Li afaires con vous le dites.
Ne vos en iroiz pas si quites
1275 De cest jour d'ui con vous cuidiez.
Ahi! sainte Pinte, or m'aidiez
Si voire ment con je recort
Que Renart vous ocist a tort,
Et si conme je n'i ai coupe
1280 Du blasme de coi il m'encoupe.'
'Vous mentez' fet Renart, 'traïtrez!
Par vostre menconge feïstes
Qu'enterre fui: ce vous créant,
Si vous en rendre recréant
1285 Aincoiz que li jours soit passez,
Ou a mort plaiez et quassez.
Ne poez faillir, ainssi n'aille.'
1256 avez ceste .Wo« ] trete 1258 as 1282 Pour 1286 Faut
il lire Ou a mort serez vos plaiez?
232 XVII (Méon 29962—30000)
'Sire, otroiez moi la bataille'
Fet Chantecler a l'emperere,
1290 Et celi qui recréant ère
Faites ou pendre ou desmembrer.
Il vous devroit bien remembrer
Des anuiz que il vous a fez.
Par dieu, penduz iert ou deflFez
1295 Iceli qui vaincu sera,
Ja autrement n'en passera.
Et c'est droiz et reson, me semble.
Maintenant les mettent ensemble,
N'i vont plus d'aloigne querant.
1300 Tardif, l'escoufle et Ferrant,
Le gresillon et le fourmi
Qui moult estoient bon ami
Et preuz et vaillanz sanz desroi,
Cil gardèrent de par le roi
1305 Moult très bien et moult sagement.
Quant fet furent li serement,
Si les ont ensemble lessie.
Lors s'est l'un vers l'autre eslessie.
Et Renart qui premier l'assaut,
1310 Enpres Chantecler fet assaut.
Granz cos li donne de la poe.
Et Chantecler delez la joe
Li fet de son bec une roie
Si grant que li clers sans en roie,
1315 Que jusqu'au talon va la goûte,
Et des iex ne vit nule goûte
De l'erreûre d'une live.
11 pert bien, la char avez vive' N 63
Fet Chantecler qui le tint cort,
1320 'Que li sans touz vermaus en cort.
Folie vous fist a moi prandre.
Je vous ferai encui aprandre,
Conment je me sai maintenir.
Se pour outre te veulz tenir,
1325 Je lo que te cleimes vaincu.
Pandre te fai, trop as vescu.'
XVII (Méon 30001-30037) 233
Renart qui entent la menace,
Tert le sanc contreval sa face
Que les iex li avoit couvers.
1330 Lors a les iex andeus ouvers,
Et dit a Chantecler 'traîtres,
Si ni'aïst diex, mar le déistes
Que je recréant me rendisse.
Se sein ne sauf de cest jour isse,
1335 Je vous cuit encui donner tele,
Mes ne métrez en fu atele.'
Lors li cort viguereusement.
Si le feri irieement
De la poe parmi la hanche,
1340 Qu'i li derompi la char blanche.
Trop li a fet doulereus merc.
Parmi la plume del aubère
Fist de sanc saillir plein boisel.
Par le champ en court le ruisel
1345 Si c'un moulin en peiist moldre,
Kes bien le cuide rendre et sodre
Chantecler iceste bonté.
Lors li est sus le dos monte,
Si le fiert des espérons fort,
1350 Et de son bec le pince et mort,
Que jusques au test li embat.
La destre oreille li abat,
Et l'ueil senestre li creva.
Puis li dist malement vous va,
1355 Sire Renart, au mien avis.
Ja de cest champ n'estordrez vis.
Que il du cors ne vous meschiee.
Bien est dame Pinte vengiee
Et dame Coupée s'entein.
1360 De lancelee et de plantein
Se voudra en vos plaies mètre,
S'Epinart se veult entremetre
Qui est fisicien le roi,
1330 as 1. i. as denz 1342 aubert 1357 meschiee ,Wo« | mo.
schiece 1361 Faut il lire voudrez?
234 XVII (Méon 30038-30073)
Bien vous garra : mes le derroi,
1365 Qui en vous est vous honnira.
Quant la bataille fenira
De vous, et vengiee arai m'ire,
N'arez, ce croi, mester de mire.'
Kenart qui la response entant,
1370 Au miex que il set i antent
La grant honte et la vilenie
Que Chantecler par felonnie
Li fet: n'encor n'en est lassez.
Adonc s'est Renart pourpensez
1375 Que la morte vieille fera.
N'a Chantecler n'adesera
Que tant li fet et honte et let.
Atant seur li cheïr se let:
Et Chantecler le pince et mort
1380 Et Renart fet semblant de mort,
Qu'il ne se crolle ne remue.
Ainz tint la bouche close et mue
Que voiz n'aleine n'en issi.
Quant Chantecler le vit ainsi,
1385 Lors l'a conme lierre repris,
, Au bec parmi la keue pris,
En un fosse le traîna.
Or voit bien Renart que il n'a
De nului secours ne aïe:
1390 Car c'est la beste plus haïe
Du monde et de toute gent.
Bien' set pour or ne pour argent,
Pour promesse ne pour avoir
Ne pourroit raencon avoir,
1395 Se il estoit aparceû.
Par son savoir a deceû
Chantecler qui por mort le lesse.
Entour lui ot aussi grant presse
Conme se il fust gent develle.
1364 m. ie doroi 1380 manque., ce vers serait-il inferpoîé par
Méon? 1385 Vu manque 1399 Faut il lire d'esveille?
XVII (Méon 30074-30110)
1400 Rohart et Brune la corneille
Vindrent au roi tôt pie estant
Et li distrent 'Sire, a itant
Lessiez Renart! mors iert sanz faille.
Moult li est de ceste bataille
1405 Hui vilainement mescheii.
Or est en ce fosse cheii
Tout mort aussi conme une coche.
Blasme i auriez et reproche,
Se l'en metoit plus seur li mein.
1410 Maies choses l'aront demein
Tout despecie et devoure.
Et vous avez ci demoure
Que son conpaignon a outre.'
Li rois Nobles vint a son tre
1415 Et li barnages s'en tourna
En son hostel. Cil qui tourna
S'en entra joie démenant.
Renart lessierent remanant
U fosse la gueule baee,
1420 Si con l'ame s'en fust alee,
Que ses anemis en fu bel.
Du roi se départ le corbel
Et la cornille dame Brune,
Conques nel sot beste nesune.
1425 U fosse s'en vindrent courant,
Ou Renart iert de fein mourant
Qui l'orille ot perdue et Tueil.
'Rohart' fet la cornille, 'or veil
Que nous aillons veoir Renart
1430 Encore anuit, ce famelart.
Par les sainz qu'en quiert en Galice,
Li afaiterons sa pelice.
Mors est, nous n'avons de li garde.'
Renart les ot et les regarde,
1435 Que blecie fu et se feingnoit
Ne a elz parler ne daignoit:
235
1420 fu {corriyf^ par Méon?) 1431
XVII (Méon 30112-30147)
Tant se cuidoit iluec tenir
Que il veïst la nuit venir.
Mes cil souffrir nel voldrent pas
1440 Que li vindrent plus que le pas,
Qui de noient ne se doutèrent.
Ambedui desus lui montèrent.
Rohart premerainz s'avança,
Le bec avant primes hauca,
1445 En la char li embat dedenz.
Et Renart a gete les danz :
Si le prist par la cuisse et tret N 64
A soi si con l'escrit retret,
Que il li a loquee toute
1450 Et la cuisse empres le cul route.
Vileinement l'a afole.
Rohart est d'autre part vole
Seur le fosse moult angoisseus.
La cornille vit Renart seus,
1455 Avecques li tressailli.
Et Renart est en piez sailli,
La cuisse prant, a tout s'en torne, •
Et Rohart lessa tristre et morne.
Aussi conme beste esperdue,
1460 Fuiant s'en va sanz atandue
L'ueil crevé, l'oreille copee.
Il ne trouva pas estoupee
La porte de sa forteresce,
Ainz s'i feri a grant destresce.
1465 Quant Hermeline le choisi,
Qui li donnast quite Choisi,
N'eiist tel joie ne tel feste.
Quant ele a parceii la teste,
Qu'il avoit si mal atournee,
1470 Adonc a grant doulour menée.
Ausi firent les Renardiax.
Grant fu la criée et li diax.
En un lit l'ont couchie et mis.
1447 et le t. 1449 cil lobée 1455? 14H1 co?pee 1468aaparceu
XVII (Méon 30148-30181) 231
Et Rohart qui moult fu mauinis,
1475 A la cornille se demante:
'Dites' fet il, amie gente,
Conment porrai aler a cort?
Trop durement m'a tenu cort
Renart, ne sai que j'en ferai.'
1480 "Entre mes braz vous porterai'
Fet la cornille, 'par mon chief.
De l'anui et du grant meschief
Sui moult dolante et correciee.'
Atant s'est Brune rebraciee,
1485 Si s'en ala triste et dolante
Au roi qui se sist en sa tante.
Criant 'A sire roi, merci.
Tout mahaignie vous aport ci
Rohart, vostre ami, le corbel.
1490 Et si ne m'est mie encor bel
Du larron Renart deputere
Qui a Malpertuis son repère
S'est mis et a ferme sa porte,
Que la cuisse Rohart emporte.
1495 Mengiee l'a et devouree.
Frans rois, ne fêtes demouree,
Vengiez la honte et la laidure
Que Renart vous fet, qui trop dure.
Yostre baron a desmembre.
1500 Se vous estes bien amembre,
Destroiz quatre foiz vos a fez.
Detranchiez sera et defFez
Li traîtres de ceste emprise.'
Rohart a la parole emprise
150Ô Et dist Sire, merci aiez
De moi, car a mort sui plaiez.
Le pie et la cuisse ai perdue
Dont j'ai la pensée esperdue,
Morir en cuit procheinement.
1510 Mes se je n'en ai vengement
149"2 sen 1501 a J/«-'o// 1 ai
238 XVII (Méon 30185-30221)
Du desleal, du traïtour
Par qui sui en ceste tristour,
Blasme en seroiz et a droit.'
Li rois se leva en piez droit,
1515 Quant la parole ot et entant,
Et respont, que plus n'i atant.
Rohart, vous estes mehaingnie.
Ne cil n'i a riens gaaingnie,
Qui ainsi vous a atorne.'
1520 Tantost conmande qu'atourue
Soient si baron et si homme,
'Que par les sains qui sont a Romme,
Ne m'i tandra yver n'este
Tant qu'aie a Malpertuis este.
1525 A terre abatre le ferai
Et Renart par force eu trerai:
Pendu sera conme larron,
Si que le verront mi baron.
N'en puet partir par autre pas.'
1530 'Biau sire, si n'ira il pas'
Fet le tesson sire Grinbert.
Entre moi et frère Hubert
Iron, mes qu'il ne vous desplese.
De Malpertuis passer la hese.
1535 Et a Renart conme homme sage
Raconterons vostre mesage
Et li dirons, sel conmandez,
A vous viengne, ce li mandez.
Et selonc ce que entendon
1540 Response de li vous randon.'
Li rois qui fu em piez drecie,
Respondi conme courroucie
Alez i tost, ainssi le voeil,
Et li dites, seur son destre œil,
1545 Qu'il me viengne randre reson
Pour coi et pour (|uele achoison
Il a mon baron mehaignie.'
1513 seroiz Méon] seroit 1532 guibert
XVn (Méon 30222-30258) 239
Cil n'ont le coumant desdaingnie,
Ainz s'en tornent sanz plus atandre.
1550 Au devant pour bon hostel prandre
Ala li limaçons Tardis. .
Cil chevauchent après tandis
Qui ne s'i voldrent arrester.
Ne vous veil toutes aconter
1555 Lor journées, ne qu'il devindrent.
Tant errent qu'a Malpertuis vindrent
Ou Renart jut sanz nul délit
A grant dolor dedanz son lit.
Hubert, qui le mesage aporte,
1560 Et Grinbert vindrent a la porte.
Si huchierent par grant desroi
Ouvrez au mesage le roi.'
Renart qui entendi la noise,
Conmande qu'a la porte voise
1565 Li portiers qui n'est pareceus,
Et maintenant parole a ceus
Qui si huch oient fièrement.
Li portiers vint isnelement
Qui torse et velue ot la |ceue,
1570 D'en haut desus la barbakeue
Lor escria con preu et sage
Qui estes vous?' 'Sommes mesage
Mon seigneur Noble le lion.
Que Renart parler voulion.'
1575 Quant li portiers l'ot, de volée N 65
La porte qui estoit coulée,
Amont a trere conmenca.
Grinbert qui d'antrer s'avança,
I est a reculons entre.
1580 Quant le premier huis ot outre.
Si dist a l'escoufle Grinbert
Tenez avant, sire Hubert!
Bessiez vous, que basse est l'entroo.'
Dit Hubert je dout que vantree
1548 Sil 1571 coiinip (con: par Méuii) 1579 arreculons
240 XVII (Méon 30259—30295)
1585 Ne face, par saint Lienart,
De moi encore anuit Renart.
Ici iluecques me tendre:
Tant que vous viengniez atandre.
Miex meing au large qu'a l'estroit.'
1590 A Grimbert convient qu'il otroit
Ce que frère Hubert conmande.
Ainz vint et Renart li demande,
Conme cil qui moult se doloit,
Que il queroit et qu'il vouloit.
1595 Grinbert li a dit 'Biau voisin.
Je sui vostre germain cousin,
Si vous devroie moult amer.
A court vous est venuz blasmer
Mon seignor Rohart le corbel.
1600 De son domage n'est pas bel
Au roi ne a sa baronnie.
Ne le tenez a vilanie,
Par moi vous mande, et il a droit,
Que viengniez a li orandroit
1605 Pour vous de ce blasme escuser.
Ne devez mie refuser
Qu'a court ne viengniez pour droit faire.
Cousin, de ce n'ai je que faire.
Ne veil or plus aler a court,
1610 Que trop m'i a l'en tenu court.
Ceste parole me randroiz
Au roi, quant devant li vendroiz.
Qu'a la mort m'a mis le corbel.
Et la dehors souz ce tombel,
1615 A celé croiz, soyz celé espine
Me fist enfouir Hermeline
Yostre amie, vostre parente
Qui iriee en est et dolante.
Quant hors de la porte seroiz,
1620 Un tombel iluec trouveroiz
D'un vilain qui Renart ot non.
1616 Hermeline Méoii] ameline
XVII (Méon 30-296—30332) 241
Desus verrez escrit le non:
Et ainsi au roi le diroiz,
Quant de ci vous departiroiz.
1625 Hermeline vos menra droit
Veoir le tombel orandroit
Qui est tout fres et tout nouvel:
0 lui ira mon filz Rovel."
'Ausi' fet Grinbert, l'otroi je:
1630 Si m'en voiz a vostre congie.'
Atant s'en départi Grinbert,
Et avec l'escoufle Hubert
Et Tardis, plus conpaignous n'a.
Tout droit au tombel les mena
1635 Hermeline et Rovel son filz,
Et distrent 'Renart le gorpilz
De qui il ne vous est pas bel,
Biaus seignor, gist soz ce tombel.
Lisiez les letres et l'escrit,
1640 Et si priez a Jhesu Crist
Que il ait de s'ame merci.
Lasse esgaree remein ci,
Et mi enfant sont orfelin.
N'ai robe lange ne de lin,
1645 A grant povrete sui remese.'
Atant est entrée en la hese
De Maupertuis, et cil s'en tournent.
Qui de ci au roi ne sejornent.
Trouve l'ont en ses paveillons.
1650 De devant lui a genoillons
S'est maintenant agenouille
Grinbert qui le vis ot moillie
Du plorer que il fet avoit.
Et quant li rois Nobles le voit
1655 Plorer, si en fu touz pleinz d'ire.
Et l'escoufle li prist a dire
'Sire, de Malpertuis venons
Dont a engingniez nous tenons.
1632 guibort 1647 tourne 1648 seiourne 1654 le Méon] ce
RENART II. 1(J
242 XVII (Méon 30333-30362)
Renart est morz et enfoui.
1660 Quant Rohart ceanz a fuï,
Si durement estoit malmis
Renart, qu'il est en terre mis.
La fosse et le tombel avons
Veûe, tout de voir savons
1665 Que le corbel le par tua
Qui ore pou de vertu a.
Mehaingnie en est, et periz
Est Renart. Li sainz esperiz
De la seue ame s'entremete
1670 Tant qu'en paradouse la mete,
Deus liues outre paradiz
Ou nus n'est povre ne mandis.'
Quant li rois oï la nouvele.
Tout son courrons li renouvelé.
1675 De Renart fu moult courrouciez.
Tantost s'est en estant dreciez
Et dist dolanz et esperdu
'Par grant pechie avons perdu
Le meilleur baron que j'avoie.
1680 Ne ne cuit mie que ja voie
Que je venjance en puisse avoir.
Pour la moitié de mon avoir
Ne vousisse qu'il fust ainssi.'
Atant fors de son tref issi
1685 Et s'en monta en son pales.
Ici luec de Renart vous les
La vie et la procession.
Ci fine de Renart le non.
1660 a estui
XVIIT
(Méon 7383—7406)
Seignor, ce dient li devin, B 127'^
Si est escrit en parchemin
Que cil a sovent mau matin
Qui près de lui a mau voisin.
5 Je le vos di por Isangrin
Et por un prestre dant Martin.
Viellarz estoit auques li prestres,
Ne fu onques de letres mestre:
Plus savoit de truie enfondue
10 Que de letre deporveiie.
Prestres Martins estoit moult sages
De bien norrir par ces erbages
Brebis dont il pt maint fromage.
Mais moult li fist plusors domage
15 Li leus, mal ait toz ses lignages!
Près de lui menoit es boscages,
Si li a fait souvent anui:
Car il menoit moult près de lui,
Sovent li faisoit ses oailles
20 Non per, s'eles erent parailles:
Et sovent les rapareilloit.
Se non pareilles les trovoit.
Moult ert dolanz prestres Martins
De ce dont iert liez Isengrins.
2 II 8. 10 lestre 15 uisages l(i ou bosfag*' 17 II li 19 ces
21 rapareillot 22 trovot
16*
244 XVIII (Méon 7407—7442)
25 Prestre Martin se porpansa
C'une grant fouse chevera.
Qant faite fu a sa devise,
Une perche a par desus mise:
Sus la perche met une cloie,
30 Toute a conpas la contremoie.
A la perche l'a bien fermée,
La fouse a tote acovetee.
Un aignel lia sor la perche,
Se Isaugrin par la s'adresce
35 Et l'angnel en voille porter.
De la cloie l'estuet tumer:
Et ja si tost n'i montera
Con il en la fouse cherra.
Qant il l'ot bien apareilHe,
40 Alez s'en est, si l'a laissie.
Ysengrin qui grant fain endure
Se lieve a mie nuit oscure, B 128
Qant toute gent se dort seiire,
Et est veuuz grant aleûre
45 La ou sieut panre sa pasture.
L'angien trueve par avanture.
Qant vit l'aignel, s'en fait grant joie
De ce qu'il a encontre proie:
Or n'a paor que nus le voie,
50 Seûrement s'en va sa voie.
Sitost con monta sor la cloie,
Chaûz est anz, qar ele ploie.
Ysengrin voit que il est pris,
De l'eschaper n'est il pas fis,
55 Ha! las' fait il, 'dolenz, chaitis,
Com covoitise ma sorpris!
Or puis je bien dire et jurer
Que de ci ne puis eschaper.
Or m'estovra chier comparer
60 Les berbiz que m'en vit porter.
37 Et ausi tost remontera 41 q. maint fainz 42 Sest levez
48 qui a enconcontre p. 51 en m. 52 plaie
XVIII (Méon 7443-7478) 245
Ce dist moult bien qui set conter
C'une foiz viaut le pot verser.'
Li prestres fu toz trespansez
Et celé nuit toz esgarez,
65 Conques la nuit ne pot dormir.
Sitost con il vit esclarir,
Il lieve sus isnelement,
Une macue en sa main prant,
A la fouse vint, par le treu
70 Si a dedenz veii le leu.
Qant il le voit, grant joie en fait,
La perche et la cloie sus trait,
Puis se desfuble par grant ire,
A Tsengrin conmence a dire
75 Sire Ysengrin, or vos vendrai
Ce que je tant pramis vos ai:
Apanrai vos a cest baston
Conment prestre Martin a non.'
Li prestres lieve la macue,
80 Et Ysengrin l'a bien veûe:
En la teste le vost ferir.
Et Ysengrin sot bien gauchir.
A celé foiz nou tocha mie,
Car il set trop de l'escremie.
85 Prestres Martins est aïriez,
En autre sens s'est porpansez :
En avalant le baston mist
Desor le leu et si li dist
'Enz en mon cuer forment me doil,
90 Se a cest coup ne vos crief l'oeil'.
Qant ofc ce dit, le bâton boute.
Ysengrin qui le coup redoute,
Garde a son euel, le baston prent.
Et li prestres vers lui le tent,
95 A ses deus mains le sache fort.
De ca en la li leus s'estort,
70 denz 79 sa 80 veu 89 Enz enz cest c. 90 loiM 91 dist
95 A andeus
246 XVIII (Méon 7479-7514)
Le baston li cuide esforcier.
Qui donc veïst prestre enforcier
Por bien tenir celé macue!
100 Li leus d'autre part s'esvertue.
Moult s'esforcoient enbedui
Chascuns dou baston traire a lui.
Si con nos conte l'escripture,
Au prestre avint une avanture,
105 Que la terre est soz lui fondue,
Desoz les piez li est cheue.
Il s'en vet enz o le baston,
Or a Ysengrin conpaignon.
L'uns fu de ca, l'autre de la,
110 De paor l'un l'autre esgarda.
Moult ot Ysengrin grant paor,
Mais li prestre ot asez graignor.
Il a conmencie son sautier
Par toz les moz a verseillier,
115 Et puis dist conmendacion
Que diex le giet de sa prison.
Geste sept siaume disoit plus,
Miserere mei, deus :
Pater noster disoit enclin.
120 Sor le col li saut Isangrin:
Li prestres cheï demi morz.
Et Ysengrin s'en va moult test,
Par bois et par chans si s'en fiche.
Li prestres remest en la briche:
*125 Prestre Martins ne rit ne muit.
Et Ysengrin moult tost s'en fuit:
A lui meïmes rit assez
De ce qu'il est si eschapez
Et qu'il li sailli sus le dous,
130 Qant en la fouse l'ot enclous.
Si sergent l'en orent tost trait,
Puis se rient de ce qu'a fet.
102 basions 103 dist li escriture 107 II en va 116 gart
117 Geste se s. 124 Le prestre chei en 126 Mais y.
XVIII (Méon 7515-7520) 247
Bien vos puis dire et aconter
Que onques messe ne sautier
135 Ne chanta puis de bon entent
Ne par si bon entendement
Com il fist ovec Ysengrin,
Tant con il fu en son enging.
134 Conques puis mese
XIX
(Méon 7521-7545) .
Or vos dirai con il avint B 128'^
A Ysengrin, qant la nuit vint.
Parmi ces bos s'en va corant,
Et si aloit ce porpensant
5 Que fous est li hom et li leus
Qui onques va nule part seus,
Puis qu'il puist avoir compaignie,
Que mestier a souvent d'aïe:
Et tel puet on aconpaingnier
10 Dont l'en a puis grant enconbrier.
Qant ce pansoit en son corage,
Atant issi de cel boscage:
Une jument vit en un pre
Ou ele pessoit près d'un ble.
15 Li leus s'en va grant aleûre
Droit au jument par la costure:
Qant a lui vint, si la salue.
'Diex saut' fait il, 'Eainsent ma drue!'
'Et dex vos saut, sire Ysengrin !
20 Dont venez vos si très matin?'
'Dame' dist il, 'eschapez sui
De maies mains ou anuit fui: B 129
Prestre Martins un angin fist
Por prandre moi et si me prist:
25 Toute une nuit fui en prison.
4 porpensent 8 daide 12 bouchaigo 21 il manque
XIX (Méon 7546-7582) 249
Se i eiisse un conpaingnon,
D'ileuc m'eiist il bien gite.
Por ce le vos ai raconte :
Se volez estre en ma conpaingne,
30 Nos ferions moult grant gahaigne.
Assez vos donroie a mangier
De quel que auriez plus chier,
Ou bon froment, ou bone avaine,
Ou bone orge a quel que paine.
35 Vos m'auriez moult grant mestier,
Car je iroie porchacier:
No compaignie esteroit bêle.
Car vos porpansez, damoisele,
De ce vilain qui si vos tue
40 Et vos fait traire a la charrue:
Vos gaaingniez trestot son bien,
Ne vos n'en aurez ja rien
Fors le nouau que il aura
Et ce dont il cure n'aura.
45 Haï, Rainsant, ma douce amie,
Qar venez en ma conpaignie!
Si serez fors d'autrui dangier.
Ne vos estovra charrier
Ne ca ne la porter nul fais:
50 A toz jorz mes vivroiz en pais.
'Sire Ysengrin, se je peiisse,
Vo compaingnie chier eiisse.
Mes je ne puis corre n'aler,
Por ce voil ici pasturer.
55 De mon pie destre par deriere
Passai ier en une charriere,
Une espine me feri enz:
Se la me traissisiez as danz,
A nul jor ne seroit partie
60 De vos la moie conpaignie.
Grant mestier vos porroi avoir,
Car je ferai tout vo voloir:
34 bon 44 dom 45 Ha r. 59 ior restroie p.
250 XIX (Méon 7583—7610)
Car s'en vos viaut gaingnons huer,
Je saure moult bien rejeter,
65 Mordre des danz, ferir des piez.
Qui consuivrai, touz iert jugiez:
Qui ge porrai bien assener.
N'aura talent de regiber.'
Dist Ysengrin 'le pie montrez,
70 Celui ou l'espine sautez!
Tost la vos aurai ja sacliie:
Ja mar i aura autre mire.'
Le pie li lieve, et cil s'acrout,
0 ses ongles le voido tout.
75 Que qu'Isangrins a voidier bronche
Et il le pie nestie et fourche,
Rainsent le pie a destandu
Et Ysengrin a si féru
Entre le piz et le musel,
80 Tout coi le gita ou prael.
Rainsent s'en torne regibant.
Queue levée va fuiant.
Et Ysengrin toz coi se gist
Grant pièce après et puis si dist
85 Ahi, maleûreus chaitis!
Se ier oi mal, or ai hui pis.
Ne me sai mes en qui fier,
Ne puis en nuli foi trover.'
Issi se demante Ysangrin.
90 Ici prant ceste branche fin.
73 li manque 82 peant 86 m. encore ai p.
XX
(Méon 6361-6385)
Or vos redirai d'Isengrin, B 45''
Qui se remist en son chemin :
Car il s'en voloit reperier.
Qant il s'ala esbenoier,
5 Les berbiz oit ou ebanp bélier:
Celé part emprent a aler.
Si con il fu dou bois issuz,
Deus moutons a es chans veûz :
L'un fu Belins, l'autre Bernart.
10 Molt les amoit sire Tieharz.
Au chief dou chanp s'esbeneoient
Et de lor cornes se hurtoient.
Que qu'il fesoient lor mellee,
Lor bergiere s'en iert alee,
15 Li bergiers let ot obliez:
Iluec s'en ierent outre alez.
Li vilains qui molt par sot peu,
La maie garde pest le leu,
3i entre Bernart et Belin
20 Ne se gardent voir d'Isangrin.
Se cil ne sont et sage et cointe,
Mar i fu faite ceste pointe.
Belins si fu li plus coarz.
Premièrement parla Bernarz
25 'Bien vaingniez vos, biau sire lous!'
10 MU (17) 15 oubliez 19 Sontre 22 painte
252 XX (Méon 6386-6422)
'Je ne vos salu mie endous.
Ja beste ne saluerai
Puis que je mangier la vodrai.'
'Sirè Ysangrin, nos savons bien
30 Que nos somes enbedui tien
Et que endeus nos mengeras
De quele eure que tu vodras.
Mais se toi plest par ta franchise,
Primes nos fai tant de servise:
35 Entre nos deus met acordence,
Sel tenra l'en a grant vallance.
Car il dist que cist chans est siens
Et je redi que il est miens.
Sire, se vos le partiez
40 Et el chanp bien nos meïssiez.
Si que g' en eiisse ma part,
Et l'autre an donisiez Bernart,
Dont poez faire vo plaisir
De nos deus et vostre désir.'
45 Dist Ysengrins 'raolt volentiers.
Or me dites conment premiers.'
'Sire, saiez a la foriere!
Chascuns de nos se traie arrière:
Ci devant vos venrons corant.
50 Cil qui plus tost venra avant,
De tant con il plus tost corra,
La greignor part ou champ aura.'
Dist Ysengrins et je l'otroi.
Or vos traiez ensus de moi!
55 Belins ira de ca a destre
Et Bernart ira a senestre.'
Belins estoit li plus iniaus,
Q'il estoit li plus joveniaus.
Mais Bernart estoit plus senez
60 Por ce qu'il estoit li ainz nez.
Comunement sont esloingnie
Si con li lous l'ot deresnie.
28 Todroi 42 aidonisier 43 voz 49 corent 50 auent 62 la
XX (Méon 6423—6454) 253
Il lor a dit 'saignor, movez!
Faites le mieuz que vos povez!'
65 Belins s'esmuet de grant ravine.
Qant vient au leu, ses cornes cline:
Par grant vertu fiert Ysengriu
Si qu'il le giete tout sovin
Tout estandu de l'autre part.
70 Au relever es vos Bernart
Qui le fiert en l'autre coste:
Devers Belin le ra gite.
Quatre costes li ont brisie,
A bien petit l'ont mort laissie.
75 Puis si s'en tornent a itant:
De loing le vont escharnissant.
Il se pâme plus de cent foiz,
Si est engoiseus et destroiz.
Li sans li saut par grant randon
80 Parmi le nés et a foison.
Qant il fu un poi acoisiez,
De paumaison est repériez:
'Ha las' dist il, 'dolenz chaitis,
Con sui mal eiirez tout dis!
85 La costume ai a l'esprevier
Qui l'aloe va tant chacier
Que il la prant par tost voler
Et puis si l'en relaist aler.
Li vif daiauble, li saignor
90 M'avoient fait partiseor.
Et que devoit a moi tenir B 46
De terre doner et partir?'
Geste branche est bone et petite
Et bien faite, s'ele est bien dite.
63 dist 64 sauez 65 se muet ()6 uint 68 qui 69 par 74 gite
75 itent 76 escharnisent 79 sens 86 tout
XXI
(Méon 7027-7051)
Ge vos voil uns vers comencier, B 46*
Mais je vos criem molt auoier.
Se vos volez, je me tairai.
Et se vos plaist, je vos dirai
5 Conment avint a Isengrin
Qui se leva par un matin.
Dame Hersent l'ot bien garde
Et de ses dolors respasse.
Or iert toz gras et revelous,
10 Fel et hardiz et orgaillos.
Grant aleiire s'en aloit
Par mi ce bois ou il estoit.
Enmi sa voie a encontre
Un vilain qui avoit trove
15 Un bacon qui estoit cheiiz
De la charreste a deus reclus.
Il le tenoit devers la hart.
Ysengrin vint de l'autre part.
'Ou vas?' dist il esta ileuc!'
20 'A qoi?' fait il. 'Par foi por eue:
Ou as tu ce bacon enble?'
'Par foi' fait il, 'ainz l'ai trove.'
'Trove? dont i aurai ge part
D'outre en outre jusq'a la hart,'
25 Dist li vilains en moie foi,
1. un main m. 17 hai
XXI (Méon 7052—7086) 255
Sire Ysengrin, et je l'otroi.'
Acompaignie sont li baron
Am poi d'eure por le bacon.
Endementres que il parloient
30 Et que il départir voloient,
Este vos d'autre part un ors
Qui lor est venuz de plain cors.
Si com il fu ileuc venuz,
Sor le bacon s'est arestuz.
35 'Et qui est cist bacon, danz lous?'
'Sire' dist il, c'est a nos dous.'
'J'en voir dist il, ma part avoir
Par amistie, non par pooir.'
Dist li vilains et je l'otroi.'
40 Et je' ce dist li lous, 'par foi.
Or en soiora domques tuit troi
Compaignon et par bone foi.'
'Seignor fait il, vostre merci.
Conquis m'avez a vostre ami.
45 Or le metez ci sor mon dos:
Je l'enporterai en cest bos,
Car tez porroit ici venir
Qui tost le nos voroit tolir.'
Atant li ont sor le dos mis,
50 Ou bois se sont arrière mis:
Sor l'erbe gitent le bacon.
S'en parolent li conpaignon
Conment il soit partiz a droit.
Li ors qui plus sages estoit,
55 Lor dist que ni est arestez:
Seignor, se mon conseil créez,
A nuit mes le leron pandant
A cest fol qui est bel et grant.
Et le matin ci revenron,
60 Et trestuit troi noz eus moutron.
29 Entrementrea 31 vos maintenant .1. 37 Je u. 40 Ce d.
1. 1. et ie p. f. 49 dous 54 Li l^us qui 56 S. dist il car me c. Aprèa
ce V. le nisc. ajoute Se mon conseil croire uolez Ja uoir de riens ne
mesferez 57 laison 58 f. que uez ci g. 60 troi manque mouterron
256 XXI (Méon 7087-7122)
Et cil qui graingnor cul aura,
Le bacon tôt en portera.'
Ce dit li leus et je l'otroi.'
'Et je' fait li vilains, 'par foi.'
65 Le bacon ont en haut levé,
Et puis s'en sont tuit troi aie.
Li bons hom vint en sa meson
Ou l'atendent si enfancon.
'Ou estes vos' dist il, dame Ame?'
70 'Je sui ci, sire' dist sa famé,
For coi aves tant demore?'
'Suer' dist il, qar je ai trove
Un bon bacon enz en cest bos,
Einz de mes iaulz ne vi si gros.
75 Mais nos somes troi conpaignon:
Sez conment nos le partiron?
Le matin irons la tuit troi,
Si mouterrons noz eus tuit troi:
Qui graingnor cul porra moutrer,
80 Le bacon en porra porter.'
Seignor, famé est et foie et sage,
Et molt changanz de son corage.
Foie est, quant ne se set partir
D'une chose qu'a en désir :
85 Et sage est, car qant en li rueve,
Tost a trovee une contrueve,
Et vérité dit por menconge,
S'ele en a mestier et besoigne.
Ce nos dient cil fol musart,
90 Flus que deables a un art:
Mais je di ce en ma partie.
Que sage et foie est par maistrie.
Moult fu sages cil qui ce dist
Et qui en son livre le mist:
95 Selonc les eures et le tens
A bien mestier folie et sens.
73 bois 74 gérais 75 some 82 m. est foie de c. 85 car manque
87 (liât 91 ma manque 94 son sonet le
XXI (Méon 7r2;;-7i58) 257
Moult est famé de parfont sens.
Et ceste prist molt bon porpans.
Si a raconte son saigner
100 Que se il vient demain au jor,
Que ses garnemenz vestira
Et por le bacon s'en ira:
Et se ce vient au cul mostrer,
Grant fandace porra mostrer.
105 Li vilains l'ot et puis s'en rit,
'Par dieu fait il, moult bien as dit.'
Qant vint au jor, levez se sont
Et par le bois endui s'en vont.
Molt bien li ensaigna la voie
110 Jusqu'à l'aistre parmi l'arbroie.
Et qant el i est parvenue,
Por le vilain l'ont coneûe
Li dui baron qui l'atandoient
Desoz le fou ou il estoient. B 47
115 II li ont dit 'sire vilain.
Dame dieu vos doint hui bon main !'
Primes parla Patous li ors.
Seignor' fait il, ja est granz jorz:
Faites tost ce que vos devez.
120 Sire Yseugrin, vo cul mostrez!'
'Sire' dist il, molt volontiers.
Or me dites conment premiers.'
'Son cors estent on par devant.'
Puis par derrière en estupant
125 Lieve sa qeue, le cul bee:
Jusques leanz parmi l'antree
Li puet on veoir es boiaus.
Tant par est larges li tuiaus.
'Sire Ysengrin ce dit Patous,
130 'Molt est voz eus granz et estouz.
Vilains' fait il, 'or estupez!
Le vostre cul remosterrez.'
97 manque 104 porroi 110 lorboio 117 jiatou li rous 128 douent
126 parmi] dodanz 128 longos 129. 147. 155 P'^ti'^
RENART II. 17
258 XXI (Méon 7159— 718«)
Celé a ses braies avalées
Qu'ele avoit a son cul fermées.
135 Ele a fait large enforchevire,
Por bien mostrer celé nature
Son chief mist bas por estuper.
Cil la prenent a regarder:
Tant s'en est Patous merveilliez,
140 De son pie désire s'est saigniez.
• 'Nomini dame' dist li leu,
A ce cul devisent tuit treu.
Se ice la est trestout eus,
A icestui ne se prant nus.
145 II m'est avis' ce dist li leus,
'Par foi que g'i voie deus treus.'
Ce dist Patous garde de près,
Se del veoir es si engres!
Je n'i ai soing d'aboester,
150 Ne m'i estuet point alumer.'
Celé lor dist or escoutez,
Mes eus est touz acostumez
Sovent de sou col afichier:
Por ce l'ai ge tout tens plus chier.
155 Ce dist Patous 'Ysengrin, fuite!
Alon nos an, clamons li quite.
Bons hom' fait il, pren le bacon
Et si l'en porte en ta meson.'
Ele si fist et lieve sus.
160 De ceste brandie n'i a plus.
133 Cel a 134 Qe lea a. au c. f. 139 patus 141 leus 142 treus
145 le li a respondu li 146 f. dist il gi uoi tent t.
XXII
(Méon 19769—19793)
^fainz hon puet tel chose tesir B 116'
Qui autrui venroit a plesir,
S'ele ert conue et descoverte.
Por ce est fous qui done a perte
5 Bêle avanture, quant il l'ot.
Estraire en doit aucun bon mot
Dont il puise ces resbaudir
Qui son conte volent oïr.
G'en di por ce une avanture
10 Ou ge ai mis toute ma cure.
Ge l'oï dire a un veillart
Qui sages iert et de grant art.
Li contes est traiz dou gorpil,
Ne l'aiez pas por ce plus vil:
15 Car toute en est l'estoire voire
Si conme en le nos fait acroire.
Ce fu li voirs que Chanteclers
Et Ysengrins et Brichemers
Et dant Benart, si con moi sanble,
20 Firent un grant essart ensanble.
Brichemers as cornes agues
En a les coiches esmeiies,
Chanteclers grata les racines,
Et Ysengrin as forz eschines
25 Et as espaules qu'il ot forz,
3 est cil f. 5 Moue 10 con 22 esnieus
260 XXII (M.'-on l9794-198-2i))
En a gite les coiches hors.
Renart qui tôt le mont decoit,
Qui de mal faire ne recroit,
Esta selonc, si les semont.
30 'Or tost, saignor, faites grant mont!
Je garderai que nus ne veingne
Qui baston ne espee taingne
Dont il nos puisse faire mal.'
Lors garda amont et aval,
35 Bien sot son cul ariere traire,
Que il n'ot cure d'ovre faire.
Qant il orent par lor pechie
Le bois deront et despecie,
Renart parla tout premerains
40 Qui n'estoit pas fous ne vilains.
'Seignor, ci a grant chanp de terre.
Or avons mestier de bien faire:
Or devons panre tel porpens
Chascuus de nos selon son sens,
45 Que nos tel chose i semisiens
Dont nos raparisent fusions.
Qu'en dites vos, dant Brichemer,
Et vos, biau sire Chantecler?
Dites que vos en est avis.'
00 Chantecler en gita un ris,
Si respondi assez briement
'Sire Renart, mien escient,
Moult drue chanvre i croistroit
Qui chanevis i semeroit.
55 Li grainz en est douz a mengier.
Maintes foiz m'a eii mestier.
Et de la tile a on argent.'
Brichemer dist par maltalent
Que ja chanvre n'i ert semée.
60 'La terre est de novel sartee:
Bien i puet on orge semer,
33 puissent 43 deurions 47 Quant 53 crostroit 50 Mainstes
58 dit 59 semence
XXII (MéoM 19830-19866) 261
Se vos le volez crcanter,
Et je l'otroi de moie part.'
Ysengrin l'en fist un regart,
65 Si li a dit irieement
'Dant Brichemer, a vo talent,
Ce sachiez vos, n'ira il mie.
Maudahez ait qui si l'otrie!
Q'ainz celé foiz ne mengai d'orge
70 Que n'eusse mal en ma gorge.
Mes se Renart de ca l'otroie,
Semons froment en ceste roie:
C'en est le mieuz, quar toute rien
Vit de froment, ce set l'on bien.'
75 Renart respont 'biauz douz conpere,
Bien ait l'ame de vostre père!
Ja n'en seroiz par moi desdiz,
Ce est le mieuz, jel vos pleviz.
Or pansons donc de tost semer.
80 J'ai oï les grues chanter
Qui nos tesmoingnent par raison
Que de semer avons saison.'
Qui dont veïst gens esploitier,
L'un semer et l'autre hercier,
85 L'autre ces coiches aiiner
Et les ramilles fors porter,
Et puis après bien rasteler,
De bons sergenz li puet menbrer.
Tost fust la chose a droit point mise
90 Qui de tel gent fust entreprise.
Qant semez fu toz cil essarz
Et bien enclous de toutes parz,
Renart qui moult estoit soutis.
Sus un estoc s'estoit asis :
95 Dont apele ses conpaignons
Et si fu tele sa raisons.
'Seignor, ceste gaaignerie
Ne sera ja par nos partie.
80 oies 83 manque 87 rçteler 8S bon sergent 91 cist 96
262 XXII (Méon 19867 — 19902)
Tuit ensenble la cuellerons
100 Et ensenble la mengerons
En iver, qant il gèlera,
Qant viende ne trovera
A chanp n'en bois oisiaus ne beste.'
Ysengrin a jure sa teste
105 Que ja par lui n'iert destorne :
Lors l'ont li autre créante.
Dant Brichemers grant aleûre
S'en repéra en sa pâture.
Et Ysengrin s'en est tornez,
110 En la forez s'en est entrez
Nuit et jor por querre viende,
Car autre déduit ne demande.
Et Chanteclers revint volant
A ses gelines maintenant
115 Qui moult l'avoient atendu,
Ne l'avoient pieca veû.
D'autre part vint Renart sa voie,
Par ces essarz va querant proie.
Si départent li conpaignon
120 Sanz mautalent et sanz tancon.
Qant vint en guing qu'il fait grant cbaut,
Que cil ble sont creii en haut B 117
Et espie et tuit grenu,
Et Ysengrin qu'ot poil chenu
125 S'en vint traiant a un mainil,
Bestes vit paitre en un cortil.
Tresaut la haie, s'en prent une.
Mes il li a fait tel rancune
Et si la va esperonnant,
130 La pel dou dos li va estant,
Car il ne volt laissier sa proie.
Tant a aie que toutevoie
Parvint la nuit a son recet.
Qant il fu enmi la forest.
98 ia a droit p. 99 cueudrons lOl galera 104 guree 107 Qant
122 blei 125 traient 127 voie 131 vost 133 recest 134 emi
XXII (Méon 19903-19938) 263
135 La a sa proie descliargie,
Isnelement l'a despecie
Qu'il n'i laissa ne pel ne os.
Si fu enflez, bargis et gros
Q'a poine puet un pas passer.
140 Lors se conmence a porpanser,
Ja ne porroit dou pas issir,
Se besoing avoit de fouir.
Tout souavet ist dou bouchel,
Par une sente d'un vaucel
145 S'en vint tout droit a cel essart
Ou il avoit la quart part.
Porpensa soi qu'en cel froment
Prendra il son reposement
Tant que la chaleur soit cheiie
150 Et la viande descreûe
Dont il avoit si plain le ventre.
Ala avant, ou froment entre,
Si se coucha enz el plus dru:
Defole l'a et abatu,
155 Lors conmenca haut a uller.
Atant este vos Brichemer,
Moult se merveille qui c'estoit.
Celé part est venu tout droit,
Ala avant, si l'aresna
160 Por le cuer bieu qui voi ge la?
Sire Ysengrin, par qui congie
Avez cest ble si despecie?
Est ce donc chose abandonee?'
Li leus a la teste levée,
165 Si respondi en soupirant
Biau conpere, venez avant
Et si veez ma maladie:
Je sui touz plains d'itropisie.
Se m'orine aviez veiie
170 Et m'anfermete conneue,
143 bouchet 148 il manque 153 couche toz estando 158 Cela
160 (lieu
264 XXII (Méon Hn);39-U)i)74)
Yos savez tant de la fisique,
Bien me guerrez d'estre itropiquc.
Brichemer respont maintenent
'Ja dame dex mon cors n'ament,
175 Se je soi onques riens d'ourine,
Ne ne sai rien de médecine
Ne de plaie ne de poison
Don donne a autrui garison.
Ja par moi garison n'aurez.
180 Mes s'iere un poi desgeiinez,
Plus en seroie un poi haitiez.'
Ysengrin dist alez, paissiez
De cel froment enz ou plus dru.
Ja ne sera par moi seii
185 Que ja i aiez atouchie,
De moi avez vos bon congie.'
Lors en menja tant Brichemer
Que il fu grous et bien enflez,
Puis vint gésir lez Isangrin,
190 Qui n'avoit pas ventre frarin.
Cel jor avint par avanture
Que Chanteclers queroit pasture.
Celé part vint tout droit volant,
Ysengrin a veû gisant
195 Et Brichemer dejoste lui.
Moult par li vint a grant anui,
Et plus li fu de son domage:
Car il n'avoit plus d'eritage
Q'an icel essart seulement.
200 II lor a dit par maltalent
'Seignor, ce n'est mie par moi
Ne par Renart, si con je croi,
Que vos avez fait cest outrage :
Onques mes jor de mon aage
205 Ne vi faire tel desraison.
Erre avez conme larron
171 fuisie 172 guerriez dedropisie 178 Don domne gairison
}80 Sun poi iere 190 Quil 193 tpu droit yo}ei}t 194 gisent 202 conme
XXII (Méon 19975-20010) 265
Yers moi, dehaiz vo conpaignie !
Yos i avez vo foi mentie.
Se je les cous tant ne doutasse,
210 De traïson vos apelasse:.
Certes bien l'avez deservi
Selonc l'uevre que je voi ci.'
Ysengrin l'ot, si s'aïra,
De maltalent se herica,
215 Qant il s'ot tenir por pargure.
Entre ses denz forment en jure,
S'il puet as mains le coc tenir,
Il li fera les denz santir.
Ne mostra pas son mautalent,
220 Einz respondi seneement.
'Chantecler fait il, par saint Jorge,
Je ne voil pas que 'nus s'amorge
A moi reter de félonie.
Se vos avez dit vo gorgie.
225 ^liauz vos venist par saint Omer
Q'ancore fust a porpanser.
Bien le vos cuit encor merir.
Se je en puis en leu venir.
Mais or n'avez vos de moi garde :
2.30 Maus feus et maie flambe m'arde,
S'onques vers vos ne vers Renart
Quis tricherie ne barat,
Desloiaute ne traïson.
Mais por itant que conpaignon
235 Avons este de cest essart.
Or en prenez vo droite part
Endemantiers que il vos loist:
Ne quidiez pas que il m'en poist."
Lors descendi li cocs a pie,
240 Qui dou froment a tant mengie
Q'ainz ne se pot d'ileuc partir.
Lez Ysengrin s'ala gésir. B 118
209 C08 213 sen ira 220 seurement 222 ne manque samorde
224 voz 227 vo8 manque encore 235 esarz '237 nos laist 239 cois
240 mengier
266 XXII (Méon 20011—20046}
Atant es vos Renart traiant
Parmi la sente d'un pendant:
245 Ses conpaignons cuidoit noncier,
Qant lor blez seroit a soier.
Qant il le vit si défoule
Et abatu et estrepe,
(D'autre part veoit caus gésir,
250 L'un delez l'autre fer dormir)
Iriez en fu, maz et dolenz,
En bas a dit entre ses denz
'Se vis eschaper en cuidasse
Et que dou mien plus n'i laissase
255 Que de mes quises les braons,
Je oceïsse cez gloutons
Qui vers moi se sont parjure.'
Ysengrin a le chief levé,
Si a Renart aparceii
260 'Willecome, bien veignes tu!
Renart, quar vos venez seoir,
Moult vos desirroie a veoir.'
Renart ne pot un mot soner,
De maltalent prist a tranbler
265 Et dist je ne vos salu pas,
Sire Ysengrin, par saint Tomas,
Ne ces autres qui ici sont
Qui domage et honte me font.
Menti m'avez de covenance
270 Et trespase vostre fience,
Fiz a putains, desloiaus cous.'
'Renart, ce n'est mie de vous'
Dist Ysengrin, 'que cous soie.
Un serement vos en feroie
275 Que a Hersant ma douce amie
N'eûstes part ne conpaignie.
Si vos en lestes vos vantez.
Mes par mon chief vos i mantez :
243 traiant] atant 244 pundant 250 ? 253 vif o. men 256 Ja
260 Taie ne 271 Fil 278 Tois
XXir (Méon 20047-20082) 267
Q'an ceste terre, dieu merci,
280 N'a plus loial dame de lui:
Ele en a bien le tesmoignage.
Mais se je vos ai fait dômage,
Si en querez vostre droiture
Isnelement grant aleûre.
285 Je ne sui pas en voz dangier
Ne ne vos ai mie tant chier
Que vos en face droit n'amande,
Ne nul escondit vos en rende,
Foi que doi Noble le lion.
290 Ne Maupertuis ne fort donjon
Yers moi ne vos garentiroit.
Se por la pes ne remeuoit
Que li rois m'a fait fiencier.
Se ne li quidasse anuier,
295 Dou plicon n'enportisiez mie.
Mar m'apelastes foi mentie,
Filz a putain, rous venimeus.
Mes anemis iestes mortieus,
Onques n'aiez vers moi fience.
300 Foi que je doi Hersant la franche,
Je vos ferai un saut saillir,
Ainz que voiez aoust venir.'
Renart voit Ysengrin irie
Et de maufere encoragie.
305 Si respondi asez par sen
'A letare Jérusalem
Je vos envi, sire Isangrin,
Droit a la cort le roi Conin
Vos et voz autres conpaignons :
310 La nos départira raisons.'
Ysengrin dist 'maldahez ait
Cil qui cest enviai vos lait.
Por droit faire et por prendre droit
Yoil ge bien que chascuns i soit.'
280 laial 286 tant] si 288 esconduit 299 narez 302 uaiez
310 raiesons
268 XXII iMéoii -JOUcSS— -21)118)
315 Einsi l'ont tuit acreente.
Es vos Renart d'ileuc torne.
Einz puis n'ot gaires de sejor,
Ne ne fina ne nuit ne jor
Tant qu'il vint a la cort le roi.
320 La trova il, si con je croi,
Ysengrin et sa conpaignie
Qui la defors s'estoit logie :
Onques un soûl n'en salua.
Par un guichet leanz entra.
325 Le roi salue hautement
Si conme cil qui sagement
Savoit bien dire sa raison.
'Sire rois, grant beneïcon
Yos doint li filz sainte Marie
330 Et toute vostre conpaignie!
Li rois ne tint mie peresce,
Contre JRenart moult tost se dresce,
Si l'a dejoste lui asis.
Car il estoit moult ses amis.
335 Li rois une bêche tenoit
Qui d'autre mestier ne servoit
Que de cons faire seulement.
Mais nés fesoit ne bel ne gent.
Que qant la ploie avoit fandue
340 De la bêche grant et molue,
Si remenoit hideuse et grant:
Ne ja ne reclousit nul tens,
Que demie aune a grant mesure
Ne parut bien la fandeûre.
345 Renart moult s'en esmerveilla.
Le roi Connin en apela,
Demanda de celé overture
Qui si estoit laide et oscure:
Por coi l'avoit faite si grant,
350 Qar onques mes a son vivant
316 .Jileui 319 Des q. 328 Si r. .329 le fil 331 mi 388 nais
346 Li rois
XXII (Méon 20119-20IÔ4) 269
N'avoit veii plaie sanz fonz,
Ne ne resanbloit mie cons.
'Renars' ce respondi li rois,
N'iestes pas sages ne cortois
355 Qui blâmez ce que toz li monz
Sert et requiert a genoillons :
Ce est uns cons que j'ai ci fait.'
'Sainte Marie, sont si lait
Tuit li autre conme cist est?'
360 'Oïl, se diex santé me prest.
Car tuit sont en une coing féru
Et de ceste bêche fandu.' B 119
Renart respont en souriant
'Sire, je m'en terai atant,
365 Que nus hom ne doit con blâmer.
Mes moult i porroit amander,
Sire, se vos m'en créiez.'
'Conment, Renart?' 'Vos preïssiez
Un col de cerf fort et tenant
370 Qui escorchiez fust maintenant.
Sel meïssiez tout au travers
A poiz et a gluz bien aers.
Quant la ploie fust départie
Et de cest cuir estroit lacie,
375 Ne fussent mie si hideus
Li dui pertuis con li un sens.
Cil de deseure fust li cons
Et cil desoz li plus reonz
Fust eus par autele manière
380 Que li eus doit aler derrière.'
Li rois se tut, si l'esgarda,
Enz en son cuer se porpansa
Que se li cons aloit desus,
Par coi desoz refust li eus
385 Si com Renart li enseignoit,
La chose moult amanderoit.
352 resanblo 363 sourient S66 Uom manque porrioz 3G9 tendent
37G Lun des p. conme li deua 381 r. estut 384 desus
270 XXII (Méon 20155-20190)
'Renart' dist il, 'tu me diz voir,
Moult par ies plains de grant savoir :
Qantque tu diz est veritez.
390 Mes je ne sai ou fust trovez
Li cous de cerf qui la fust mis,
Q'ainz n'en vi nul en cest païs.'
Renart l'entent, moult en fu liez.
'De folie vos esmaiez.
395 A celé porte la defors,
En vi ge un et grant et gros.
Pieca qu'il fust ceenz entrez.
Se li postiz fust desfermez.'
Li rois meïsmes se dreca
400 Vers le postiz moult tost ala,
Si l'a overte isnelement.
Bricliemer, qui son plait atent,
Voit que délivre estoit l'entrée.
Leenz se fiert taiste levée,
405 Ainz conpaingnon n'i atendi.
' Li rois les trives li rendi,
Par les cornes as mains le prent:
Une grant macue destent,
Si l'en dona parmi la teste.
410 Renart li rous en ot grant feste,
Qant il le vit agenoillier.
'Tuez' dist il, 'cest pautonier:
Que onques jor de son aage
Ne vesqui sauz autrui domage.
415 Pieca qu'il deûst estre ocis,
Se droiz alast par cest pais.'
Li roiz tint un coutel a pointe,
Dou col a la teste desgointe,
S'antailla fors dou chaaiguou,
420 A travers l'a mis sor le con.
Bien l'atacha a fort ciment.
Bien est mestier que toujorz tent
399 m. tost se 400 Et v. la porte en a. 404 Se fiert leenz
412 ce
XXII (Méon 20191—20226) 271
Si durement que par un pou
Ne reviegnent a un li trou.
425 'Renarz' fait li rois, 'biaus amis,
Fait ai ce que tu m'as apris.
Or sai de voir qu'en mon vivant
Ne fis chose qui vausit tant.'
Qant Renart vit que au roi plot,
430 Dedanz son cuer grant joie en ot
De ce que li rois s'acordoit
A ce que il li ensaingnoit.
'Sire, bien avez esploitie,
Qant vos avez estroit lacie
435 Le cuir a la forte corroie.
Or n'est mie si grant la roie
Ne si hideuse a esgarder.
Por ce poez vos bien prover
Q'ovre avez moult sagement.
440 Fait avez le conmencement
Del con, mais moWt i a a faire
Encore eincois que cist conpere.
La fouse en est grant et parfonde,
N'a si hideuse en tôt le monde.
445 Qui orandroit desor vanroit
Et dedanz aboesteroit,
N'i a chose ne destornast
Que de ci au fonz ne gardast,
Se il le fonz poïst veïr.
450 Mes ce ne porroit avenir.
Sire, ce n'est marliere viez
Ne grant fousez ne parfont biez,
Ainz est abimes vroiement,
Car nule chose fonz n'i prent.
455 Je ne sai que je vos en die:
C'est li goufres de Satenie
Qui tout englout et tout reçoit.
Mais or sachiez qui prenderoit
423 peu 424 reuiont a .|. le partren 429 plue! 430 eut 443 en
manque grande 446 aboostcroit 458 veroiement
272 XXII (Méou 20227-20-262)
Une creste de coc vermeille,
460 Si l'atachast en celé raille
Que vos avez ileuques mise,
Qui le cul et le con devise,
Un poi estouperoit l'entrée.
Dont ne seroit pas si baee
465 Celé fouse qui toujors ovre
Por ce que nule riens nel cuevre:
Wi osera nus aprochier,
Car il cuideroient noier.'
Li rois Connins entent et voit
470 Que Renart bien le conseilloit.
Merveilla soi moult durement
En quel manière ne conment
Renart se puet de ce manbrer:
Car toujorz poïst il panser
475 Que il de ce s'aparceiist,
Se li consauz Renart ne fust.
'Renart' fait il, 'moult par ies sages.
Je sai de voir que mes ovrages
Amenderoit, se c'iert tenu
480 Que tu m'as ci amenteû.
Mais je ne sai ou prenderoie
La creste, que point n'en auroie, B 120
Ne je ne la sauroie ou querre:
Q'ainz ne vi coc en ceste terre.'
485 Renart parla qui fu senez
'Sire, se croire me volez,
De ce bon conseil vos donrai.
Hui main quant je ceenz entrai,
Vi Chantecler la fors logier
490 Desor la branche d'un pomier:
Durement coloioit ceenz.
Sire, je sai de voir et pens
Que volontiers i enterroit,
Qui la porte li overroit.'
463 éstouperez 475 Qant 4SiM:ie nuDique 486 .lonroi 492 Sire
manque pt pon<!] a esoiont
XXII (Môon 202G3— 20298) 273
4it5 llenart, va li donques ouvrir,
Et se il viaut ceenz venir.
Garde que n'i soit destorne,
(iu'il n'i entre a sa volente.'
Maintenant saut Renart en piez
ôOO Qui moult en fu joient et liez,
Q'adonc sot il bien sanz faillance
Quauroit de Chantocler vengeneo.
Lou postiz va desverroillier.
Et Chantecler cuida plaidier:
ôOf) Voit que la porte estoit o verte,
Ne s'aparcut point de sa perte.
Laienz se fiert tout a bandon,
N'atendi per ne conpaignon.
Renart a le postiz reclos.
510 Dont primes s'aparcut li cos
Que traïz iert, qant Brichemer
Vit à la terre peester.
Autretel atandi de lui.
Bien set de voir que sanz anui
51.') Ne partira de cort huimais:
Car il n'auroit trives ne pais
De Renart qu'a ileuc veû
Qui tout cest plait li a meii.
De morir a moult grant peiir.
520 Ne Renart n'iert mie aseûr
Qui se doute de l'eschaper.
Volontiers li alast douer
Un coup ou deus de livroison
Parmi la teste d'un baston,
525 Car moult doute chose volant.
Li rois s'est dresciez en estant,
(.'hantecler par la teste prent.
Vasal' fait il, 'sanz jugement
Ferai de vos ma volonté,
5B0 Quant je vos ai si près trove :
49() ('. ouiirir 497 qui 518 le p. 518 paor 525 uolont 526
se dresea
RESART H. 18
274 XXII (Méou 20299-'20334)
S'il VOS en poise, ne m'en chaille.'
Renart un rasouer li baille
Dont il a la creste coupée
Qui grant estoit et cretelee.
535 Enmi le con asise l'a
Si coni Renart li devisa.
Et qant il l'ot ileuc assise
Par grant sen et par grant devise,
Si fu la creste grant et lee
540 Qu'ele estoupa toute l'entrée.
Vos qui en con veû avez
Et de con vos entremetez,
Savez bien que ce senefie.
Les dames l'apelent lendie
545 Por ce qu'ele est enmi le con.
Encore adonc n'avoit nul non,
Mais puis li ont les dames mis
Qui le non nos en ont apris.
Moult fu li rois Connins haitiez,
550 Qant li cens fu apareilliez
De la creste et du chaaignon,
Qu'adonc primes senbla ce con.
Renart' dit il, 'en tôt le monde
Qui cercheroit a la raonde,
555 N'i troveroit home si sage
Conme tu ies de ton aage.
Moult me mervoil, dont si grant sens
T'est venuz no si grant porpens
Conme je t'oi ci deviser.'
560 'Sire, tout ce laissiez ester,
Qu'asez avez de ce plaidie.
Un con avez ci conmencie,
Mais il n'est mie encore faiz.'
'Conment, Renart, n'est il donc faiz?'
5(55 'Nanil d'assez.' Di moi por coi.'
'Volontiers, sire, par ma foi.
531 Si V. mo c. 545 ntiiiujHe 54() nus lion 551 oliaicifnon 55"2
senble 551 Quel 557 uervoil 5(51 parle
XXII (Méon 20335-20370)
Barbe li faut: se barbe eûst,
Plus biaus et miauz .seenz eu fust.
Or me di donques que vaudroit
570 La barbe qui la li mestroit.'
'Sire, ele coverroit le cou
Cou Yoit enmi tout a bandon,
Et celé creste et cel coueigno.
Sire, conment que il avaingne,
575 Se mes consauz en iert creiiz,
La barbe iert mise par desus.
Yilain qui ne s'i connoistroit,
Por sa barbe bieu cuideroit
Que ce soit d'un haut puis l'entiff
580 Qui d'un buison soit estoupee.
Car mainte foiz avons veii,
Qant en un puis est on cheii,
Li païsant d'entor le liaient
Que les bestes dedenz ne chaient.
585 Autel quideroit ci trover,
Ja n'i oseroit abiter.
Cortoise gent qui ce sauront,
Ja por la barbe nel leront,
Einz l'en auront assez plus chier
590 Clers et borjois et chevalier.'
'Renart, je voi bien et entent
Que me conseilles loiaument.
Or saches bien de vérité
Que ainz m'aura dou cors oste
595 La barbe qu'ele n'i soit mise,
En quel terre qu'ele soit prise.'
'Se la barbe volez avoir,
Ja ne vos en covient movoir
De ci dedanz vostre maison,
G10 Se croire volez ma raison.
Foi que je doi Hersent m'amie,
Caienz einz eure de conplie
569 que 570 la manque 572 oini 583 paisont 584 loonz 585
quidnront 580 ospioni 590 l,inn| iiinuK 594 Cnrc 598 on iiunKjiie
276 XXII (Méon 20371—20405)
Vos amenroi dant Isangrin. B 121
Je le vi seoir hui matin
C05 La defors devant celé porte.
Une grandime hure aporte,
Bone esteroit a cel mestier.'
'Diex' dist li rois, 'quel conseillier!
Eu tôt le mont ne sai son per.
nio Va li la porte deffermer.'
Volontiers, sire' dist Renart
Qui niert mie lenz ne coarz:
Lors li desserre le postiz.
Ysengrin n'iert pas endormiz,
015 Saut sus, ne fist pas chiere morte :
Qant vit qu'overte fu la porte,
Laienz se fiert tôt a eslais,
Devant le roi vient ou palais.
Qant sanz creste vit Chantecler
fi20 Et sanz chaaignon Brichemer,
Paor ot grand, n'en dotez mie.
Por tôt l'or qu'eiist en Pavie
N'i vosist il estre enbatuz.
Miauz vosist estre avec les Turs
625 Qu'avec Renart son anemi.
Renart' fait il, 'tu m'as traï
Et toz ces autres que ci vol.
S'or ne dotasse autre que toi.
Foi que je doi dame Hersent,
630 II alast ja tout autrement.
Ta traïson ferai paroir.
Ce vos lairai ge bien savoir.'
Par ma teste, dant Ysengrin,
Vos parlerez d'autre Martin
035 Aincois que vos nos escbapez :
Celé hure que vos portez
Nos lairez vos au mains en gage.'
605 devent 607 cest 609 monde iia s. 616 (pip o. 620
chaignon 624 voisist 621) je manque 631 feroie aparoir 633 t. dist y.
635 Ainzcois eschapeiz
XXII (Méon 20406—20442) 277
'Renart, j'auroie grant domage,
Si je la hure ici laissoie.
640 Mais a Hersent ne parleroie:
Bien quideroit, jel vos plevis,
Qu'a larrecin fusse repris.'
'Sire Ysengrin, de A'ostre honte,
Por le cuer bien, a moi que monte?
645 Se vos estiez vis escorchiez
Des les oreilles jusqu'as piez,
N'esteroit mie asez vangance,
Tant m'avez fait duel et pesance.
Ne sai beste fors que Brun Tors
650 Que je tant hee conme vos.
Mais vos hai ge de fine mort.'
'Avoi, Renart! vos avez tort.
Ai ge dont riens vers vos mespris?
Je cuidoie estre vostre amis.'
655 'Mes amis? diex, et vos conment?
Par vos perdi ge mon froment
Ou j'avoie la quarte jarbe.
Mais par iceste moie barbe,
J'en auroi encor hui tôt droit,
660 Ou mal vos sache ou bien vos poit.'
Par saint Romacle ou ainz ne fui,
Renart, se j'ai par vos anui
Et je vos puis tenir ca fors,
Je pranderai de vostre cors
665 Tel vengance qui grèvera
Celui qui miauz vos amera.'
'Moult par iestes outrecuidiez,
Isengrin, qui me menaciez
Devant le roi enz en sa cort:
670 Je cuit qu'autre bien vos acort.'
Non' dist le roi 'par saint Senson,
Ainz que il part de ma maison
Laira il moult de son genglois.
Ce n'est pas la première foiz
648 pesence 650 hace 655 Mais 665 veiiî^ence
278 XXII (Méon 20443-20478)
675 Qu'il s'est ventez et aatiz
De faire honte a mes amis.'
A ccst mot saut li rois en piez,
Yers Ysengrin vint touz iriez.
Si li saicha par les oreilles
680 Si que totes les fist vermailles:
Enpaint et fiert et sache et boute,
La couleur li fuit tantost toute.
Puis le prent par le tribunel.
La hure avec toute la pel
1385 Li a de la teste sevrée,
Et antor le con si plantée
Q'ainz puis ne la pot nus ester
Por engin c'on peiist trover.
Ne gluz ne chauz ne poilecon
(jDO iX'i valent mie troi boston.
Mesleiire n'autre pelains,
Que mètre i vuelent ces putains,
Ne lor vaut riens : que touz jorz croit
Plus dru après qu'avant n'estoit,
695 Seignor, einsi fu atornez
Li cens, com vos dire m'oez.
Par le conseil Renart le sage.
Bien se venga dou grant domage
Que li firent si moitaier.
700 Moult lor en fist grant enconbrier
A toz troi (premier Brichemer
Et Ysengrin et Chantecler)
Renart al estorer le con.
Brichemer mist le chaaignon,
705 Et la landie i mist li cos :
La barbe qui croist par defors,
Qui i fu mise au daerains,
I mist Y''sengrin li farains
Qui toz en fu deaornez:
710 II ne sera mes onorez.
682 fait t. trouble 683 cribunol 6'JO mie .i. b. 6'J4 avent
707 i manque
XXII (Méon 20479-20490) 279
Li rois esgarde son ovrage.
Moult li plesoit en son corage,
Conques nule chose n'i mist
Que par raison n'i covenist
715 Sanz plus mètre ne rien ester.
Ici puis ge bien oposer
Et laissier le conte dou con.
Nus n'en doit dire se bien non,
Qu'el monde n'a si douce rien
720 Com est li cens, ce set l'en bien.
Ici parfine la chancon,
Conme Renart parfist le con.
711 regardoit 715 mustro et r. 716 oposcer 717 lej dou
XXIII
Seigneurs barons, or entendez, M 72'
Qui de lienart oï avez:
S'orrez une molt grant voisdic,
Qui a Eenart fist grant aïe.
5 Renars li rous s'est porpensez
Que tant estoit au roi mêliez:
Ne puet a nul jor pes avoir.
Se ce n'est par molt grant savoir.
'Sire, sire Renars a dit,
10 Vers vos n'ai ge nul contredit
De quanque vos demanderez.
Vostre plaisir de moi ferez.
Je sui venuz a vostre mant.
Si fêtes tôt vostre commant.
15 Se tant fusse vers vos mesfaiz
Que j'en deiisse estre desfaiz,
Tresisse moi de vos ensus.
De mon chastol ne fusse issuz :
Ainz atendisse guerre et ost.
'20 Que au mal vient en assez tost.
A vos sui venuz volontiers :
Que tant me sant sans et entiers
Que sui sanz nule forfeture
Et bien m'offre a vostre droiture.
•25 Je vos ai servi mainte foiz,
Si m'aïst diex en bone foiz!
S'en seriez molt avilliez,
Se ge estoie cssiliez
Sanz jugement et sanz reson
XXIII 281
30 El conduit de vostre meson.
Mes je sai bien de vérité
Qu'en vos a tant de charité,
Encor soiez vos forz et fiers,
Que vos estes bons droituriers.
35 Ne feriez tort a nul home
Por trestot le trésor de Rome.
De ce sui ge tôt asseiir,
Por quant se j'ai maves eiir,
(Que bons rois estes et loiaux,
40 N'estes mie simoniaux)
Que vos por or ne por argent
Faciez mal mener vostre gent.
Sire, s'il vos vient a plaisir,
Que faites ces crieurs taisir
J5 Et ceste grant noise abessier.
Apres qui nel voldra îessier
Face son claim a vos de moi
Et vos i entendez por coi
Et por quel mesfet il se claiment.
50 Cist haut baron qui ensus mainent,
Die chascuns que vodra dire.
Se ge ne m'en puis escondire
Et ge n'en sai mon droit mostrcr.
Dont me doit on fere lier
55 A la queue d'un viel jument.
Faites m'avoir droit jugement!'
'Cist a bien dit' fet l'empcrere.
'Foi que je doi l'ame mon père.
Je ne vueil pas le los avoir
60 Que je face tort por avoir
Ne que ma cort soit loonice:
Ainz vueil estre loial justice.
Qui riens velt Renart demander.
Si se viegne de lui clamer.
1)5 Et il de ce soit touz certains,
Se il de ces plez est atains,
46 quil 54 licrj mostrer 61 ?
282 XXIII
Que ja vis n'en eschapera:
A molt grant honte fenira.'
Isengrin s'est en piez dreciez,
TU Qui encor ert molt corrouciez
Por ce qu'il velt son sairement
Selon l'esgart du jugement
Que 11 baron li orent fait
En amendise du meflFait.
75 Devant le roi s'est aprouchiez,
Dist 'rois, ne vos en corrouciez,
Se ge me reclaim de Renart,
Yo baron firent un esgart
Qu'il se duit vers moi escondire
80 Par serement de l'avoutire
Qu'en li raist sus de m'espousee,
Dont ele a molt este blasmee. M 73
De ce me plaing qu'il se quati
En ma loviere et si bâti
85 Mes loviaux et les conpissa:
Aine nus d'euls ne s'en revenja.
Ce savons nos bien vraiement
Que il vint jusqu'au serement.
Il quida que je tant l'amasse,
90 Espoir que je li pardonasse.
Quant vit qu'il li convendroit fere,
Molt tost se sot arrière trere:
Si s'en foï en sa meson.
Ce sevent bien tuit cist baron,
95 Que nel porroient consentir,
S'il n'en voloient bien mentir.
Or en prenez bien vo droiture
Por moi de ceste forfeture.
Fêtes tant que gre vos en sache.
100 Bien doit avoir ce qu'il porchace.
Espoir Renars est trop voiseus.
Encor ne soit il pas noiseus.
Qu'il dira ja par mesprison
83 (]ui 30
XXIII 283
Qu'ainz ne porchaca traïson.
105 Mes tôt ce li met ge bien sus.
Par cel scignor qui meint lasus
Bien en ferai quanqu'en voudra,
Si con la cort esgardera.
Bien m'en acort au jugement,
110 Et l'on le face loiaument.'
Renart rospont Ysengrin, sire,
Avez tôt dit? volez plus dire?
Dist Ysengrins j'ai dit assez.
De tant serez vos toz lassez,
115 Ainz que vos en soiez délivres.
Je ne bui hui dont je soie ivres.'
Renars respont 'sire, entendez!
Selonc l'un droit l'autre prenez!
De ce qu'Ysengrin me met sus,
120 Le métrai ge du tôt ensus.
Ce fu voirs que vos me mandastes
Et par Grimbert me conmandastes
Que devant Roonel venisse
Et a son los me déduisisse.
125 Apres trovai en vostre escrit
Ce ne sai ge quel chose escrit.
Que por quanqu'a cest mont apeut
Ne feïsse je serement.
Por tant en devroie estre quitcs.
130 Et quant je oi les letres lites,
Près fui de mon sairement faire
Et Roonel dut estre maire.
Je ving a cort près et garniz
Par vo conmant: mes escharniz
185 I dui estre mT)lt malement.
Et si vos conterai conment.
Quant je fui venuz a mon jor
Sanz contremant et sanz sejor,
Ysengrin me fist a entendre
140 Con cil qui me voloit sorprendre,
Que Roonel iert enossez.
A un tonbel ert adossez.
284 xxm
Illec devoit il estre morz.
Esgarderent, fiist droit ou torz,
145 Sor la dent Roonel jurasse
Et mon serement aquitasse.
One n'en foï: ainz m'avanchie,
Encor en fusse ge irie.
8i Yoil fere mon serement,
150 Por pes avoir a lor talent.
Je ving au dent toz rebraciez.
Molt en dui estre corrouciez.
Se ne me fusse aperceiiz,
J'eusse este molt deceiiz.
155 Je li vi la teste lever
Et a s'alaine molt pener.
Bien apercui la vilanie,
Qu'en i entendoit félonie.
Et se je quis ma guerison
l()0 Que ne cheïsse en lor prison,
De ce ne me doit nus blasmer.
Que tost m'eussent fet basmer.
Morz devoit estre Rooniaux:
Mes après moi fu toz isuiaux.
1(55 II me sivi grant aleiire
Et si me fist mainte laidure
Entre lui et ses conpaignons.
Bien i avoit cinc cens gaignons
Qui laidement me démenèrent,
170 Mon pelicon me despanerent.
Sire, si fui ge maubailliz
Et en vo conduit assailliz.
Vostre est la honte et miens li maux
Par vo justisier qui fu faux.
175 Ce fist Roonel par haïne
Por ma famé dame Hermeline
Qui nu volt aaisier d'amors.
L'autrier en furent les claraors
De la honte qu'il vos a faite.
163 roonel 174 iustisiers 177 aisicr 179 Que la
XXIIl 285
180 Qu'il jut issi la langue traite :
Bien en devez justise prendre
Et plus haut qu'autre larron pendre.
Ce vit danz Frimaux li putois
Et Grimbert qui molt est cortois
185 Et tuit li baron qui la vindrent
Et molt loiaument se contindrent.
Se diex plest, le voir en diront
Que ja por moi ne mentiront.
Bien sevent tuit que je di voir.
mO Et ne porquant por pes avoir
Feroie je le serement
Ci devant vos molt loiaument.
Je n'auroie raestier de guère
Que pes vodroie estre en la terre :
inô Si juroie tôt le mener
Et porteroie grant honor.
S'en dient ces barons droiture,
N'averoie de plaider cure.
Molt volontiers sivrai lor dit,
2œ Ja n'i meterai contredit.'
'Or, por les sainz de Biauliant!'
Respont Nobles en sorriant,
'Renaît, se tu dis vérité,
Dont sont il tout déshérite.
205 S'en mon conduit fus deceùz,
Ge meïsme i sui receûz.
Seignors, oez que dit Renart!
Ci afiert un molt grant esgart.
Facent li autre lor clamor.
210 Vos i entendez par amor,
Metez i vostre entendement
Por faire loial jugement!'
Chantecler est sailli/ en place
Touz corrouciez, molt se rebracp,
215 Au bec ses pennes aplanoie
Et de bien parler s'amanoie.
195 Suroie 203 dit 204 tout] dont
286 XXIII
Sire, sire,' dist Chanteclers
Onques mes eu ers ne fu puis clers
Que morte fu dame Coupée,
•220 Que Renart dut avoir soupee.
Por dieu, sire, fêtes m'en droit
Yoiant voz homes orendroit
De Tomicide que il fist,
Quant il dame Coupée ocist.
2-20 Por dieu vos en ven ge prier.
Que ce ne puet il pas noier :
Vez dame Pinte le tesmoigne
Qui avec fu en la besoigne. M 74
'Voire, sire' ce dist la dame.
230 'Dame diex ait merci de l'ame!
Au lieu fui ge ou il Tocist
Li sire qui grant pechio fist.'
Li cos a si son claim fine
Et Renarz a son cliief cline,
235 Vers terre un poi ses eulz bessa.
La parole atant ne lessa,
Ainz respondi molt sagement :
Si se contient hardiement.
Sire' fet Renarz, 'or oez,
240 Por dieu ne vos en gramoiez:
Que je n'ai mie si grant tort.
Se g'en dévoie avoir la mort,
S'en irai ge parmi le voir :
Bien le vos doi fere savoir.
245 Quant je vos oi l'autre an guéri
Du mal dont vos vi esmari,
Yostre merci molt me amastes.
En baillie me conmandastes
Que garde fusse de vo terre,
250 Penasse moi de vo preu querre.
Ge porchacoie vo besoigne.
Je m'en issi fors de vergoigne
Touz fameilleus et alassez,
219
XXIII 287
Que meinz pas oi ce jor passez:
255 Ving a l'ostel Gonbert du Fraine,
Qui meint mal porchace et amaine.
De vostre part bel li priai,
Conques ne le contraliai,
Qu'ilec me lessast osteler:
'200 Nuiz ert, ne savoie ou aler,
Por vos me donast a menger.
Il me fist molt mon sens changer,
Molt m'en escondist laidement
Et molt contralieusement
205 Dist, u'àmoit tant ne vos ne moi,
Que por vos feïst ce ne quoi.
Un poi vers lui me redrecai.
De vostre part le menaçai.
Dis li qu'a vos me clameroie,
270 Ne James jor ne l'ameroie :
Ainz li querroie son damage.
Mes il ot molt félon corage
Et dist "por ton seignor anuit
Te liverrai si mal conduit
275 Que tu seras bien chapigniez."
Touz ses gaignons a apelez,
Ses me hua après la queue.
Chacer me durent maie voie.
Je ne me poi pas retorner.
280 Bon pas me firent retorner:
Ainz fu sailli sor une roche.
La fui toz quoiz a close bouche.
Onques n'osai un mot tentir
Duques les chiens vi départir.
285 Si se râlèrent en maison.
Celé nuit oi maie saison.
Por vos me fist on tant de biens,
Que de cort fu chaciez a chiens.
Honte m'a fet et vos greignor,
290 Qui reclamoie a seignor.
254 passe
288 xxui
Volenters li feïsse ennui,
Venjasse vos du cors de lui
Plus volenters que de Favoir,
Se g'en peiisse leu avoir.
20") Et lendemain la matinée
Encontrai ge dame Coupée,
Que danz Gonberz avoit molt ohi
Ele meïsme estoit fiere.
Vilainement me ramposna.
300 Apres a moi s'abandona,
Se ge mal li osoie fere.
Ge ne m'en pooie retrere.*
Por son seignor s'aseûroit,
Ca defors la cort pasturoit.
305 Mes maltalent m'ot sormene
Por Gonbert que m'ot mal mené.
Por fornir vostre mandement
Cueilli ge greignor liardement.
Un petit venjoi vostre honte.
310 De ce que amendise monte.
Se riens i a de mesfaiture,
Vostre est la cort et la droiture.
Se vos por ce me fêtes mal,
N'aurez serjant ne seneschal
315 Qui per vo prou a porchacier
Osast un vilain corroucier.
Ne Chantecler ne lie je mie.
S'il prent sor lui la felonnie.
Bien l'en ferai amendement
320 Au los de toute vostre gent.'
'Par mon cliief le lyon a dit,
'Or me regrieve du despit
Que li vilains ne me douta.
Qui mon serjant me débouta,
325 Et volt fere a ses genz menger.
Auques me deiist resoigner.
Viiv ma barbe, se g'en ai aise.
301 frère 30G jjronhert
XXIII 289
Je l'en ferai estre a malaise.
Mes Chantecler par tel déserte
3:30 N'en deûst pas avoir la perte.
Barons, s'en faites vostre esgart,
Comment li amende Renart,'
Dient li autre 'nous feron.
Baron, entendez que diron.'
iW) Bruns li ours est en piez levez,
A poi qu'il n'est de duel crevez.
Quant li rois ne destruit Renart
Et qu'il est auques de sa part.
'Sire, sire' dist Brun li ours,
340 'De dieu soit guérie vo cors
Et li sires qui la maintient,
Quant si bone justice tient.
S'il vos plest, sire, or me vengiez
De ce que si fu ledengiez,
.340 Quant m'envoiastes por Renart
A Malpertuis a son essart.
Par lui fui ge tel conreez
Con vos veïstes et veez.
Ce ne porroit il pas noier :
350 Ja m'en verroit gage ploier.
Envers son cors le mosterrai
Que vif ou mort le requerrai.'
'Mostrez' dist Renart, 'diex i vaille
Ci auroit ja povre bataille :
.3.')') Que vos estes et granz et fors
Et ge ai ci molt petit cors.
Si sui molt povres et menuz
Et si sui toz viex et chanuz.
Ja qui cest plet vos loeroit,
nfiO Certes vo pris n'i acrestroit.
Ne ving pas por bataille faire,
Restroie en Roonel le maire.
Ge vieug parler a monseignor.
Por dieu li pri et por s'amor
333 nou f. 335 runs 362 Reateroi
RENART n. 19
290 XXIII
365 Qu'il me mainteigne a feeute
Et qu'il i g-art sa loiaute.'
'Renart, Renart' ce dist li rois,
'Par mon chief, ce fu grant desrois,
Quant mon mesage laidenjastes.
870 Lez et seignanz les m'envoiastes,
Brun l'ours et dant Tybert le chat.
Je n'en prendroie nul rachat, M 75
Se par nos avoit este fait,
Que morz ne fussiez entresait.'
375 'Ostez, sire : ne créez onques !'
Por amor deu, créez vos donques
Que je fusse si forsenez
Ne par deable si menez
Que ne servise jusqu'as piez
380 Message que m'envoissiez?
Je vos dirai une reson.
Yoirs fu. Bruns vint en ma meson,
Si dist que vos me mandiez
Et a vo cort m'atendiez.
385 Ce ne sai ge, se voir m'a dit :
Onques ne vi seel n'escrit.
Puis me proia por dieu du ciel.
Se ge Savoie point de miel,
Que je un petit l'en douasse
390 Ou la ou il est le menasse.
Je l'i menai molt volenters
Et par broces et par senters,
Tant que venimes a chatoire
Ou Bruns devoit menger et boivre.
395 Espoir, si le poindrent les es :
C'ainc par moi ne fu adesez.'
'Bruns' fet li rois, 'toucha vos il?'
'Il me toucha certes nenil.
Mes il sot bien la traïson
400 Dont remanoir dui en prison.'
'Qui deable' dist Renart, 'ge?
dessrois 370 le 386 ne escrit
.KXTIT 291
Dan Brun, por quoi dites vos ce?
Quant vos vodrez, vos direz miex.
Maie honte li doint hui diex
405 Et mal flambe le cors arde
Qui aine de ce se donoit garde.'
l^ar foi' dist Bruns, 'merveilles dites.
Et por ce quidez estre quites ?
Yos deïstes du tronc fendu
410 C'un vilain i avoit tendu,
Que ce estoit une chatoire.'
'Vos ot il ce fet a acroire ?'
'Cou ert un trons ou miel avoit.
Sire, Lanfrois bien l'i savoit
41.') Par qui fustes contraliez.
Plus en fui ge dolenz que liez,
Et se ge aider vos peiisse.
Gel feïsse, se jel seiisse.
Mes por aquerre vostre amor
420 Yos en ferai ge tant d'onnor,
Yolenters jurerai tos sainz
Que par moi nu sot li vilains :
Ainz me poise de vostre ennui.
Sachiez que toz honteus en sui,
42') Por ce que je vos i menai,
Mavesement vos assenai.
Yos aiderai bien a venger.
Se le vilain puis laidenger.
Apres esgardent cil seignor
4.^0 Et li petit et li greignor,
Qui preudome sont et loial
A droit siéent el banc roial.
Comment jel vos amenderai,
.Ta contredit n'en esserai.'
48;') Brun' fet Frumanz, 'il dit assez.
Et vos estes toz respassez.
Ne prenez chose si en grief,
Que puist torner a grant meschief.
Qui toz ses deuls venger voudra,
440 Ja ce sache, bien n'eu vendra.
19*
292 XXIII
Si vos a trop coste au mire,
Si vos aïst d'une paitie.
Ferme conseil et bon prenez,
Que touz mesfaiz soit pardonez.
44;') Si vos rnetez en nostre esgart.'
'Voir ge, sire: de vostre part,
Frumans' fet Bruns, 'molt estes preus.
Si je le tenoie a ces greus,
Por qu'il noiast la traïson,
450 N'auriez pris a terre un tison
Si tost con je l'auroie mort,'
'Bruns' fet Frumans, 'vos avez tort,
Qui tel parole maintenez :
Que de tel chose vos penoz
43.') Qui devant aoust n'avendra.
Renart a la pes se rendra.
Il n'est mie si desreez
Ne por cest plet si effreez
Qu'il face bataille envoisie
400 Qui encor ne li est jugiee.
Trop malement en artilliez.
Avez tesmoinz apareilliez
Qui de ce porteront tesmoing
Que vos veïssent au besoing
4(;r) Ou Renart vos fist ceste lionte?'
'Quels tesmoinz' respont Bruns 'i monte?
Dont ne fu li sanz aparanz
Qui par tesmoing me soit guaranz?'
'Bruns' dist le singes Cointeriaus,
470 'Dont est bien vostre li meriaus.
Se por ce desresnie avez,
Por neent vos estes levez,
A dieu beneïcon ce soit!
Vos me barrez de quoi que soit,
475 Puis vos serez ensanglantez
Ou vos meïsme esgratinez :
Puis direz que je l'aurai fet.
464 besoig 468 tesmoig 477 lauen
XXIII 293
S'en amenderai le mesfet
De chose qui n'est conneiie
•ISO Ne de nus fors de vos seiie?
Lessiez ester, qu'estre ne pu et.
Autre parole vos estuet.
Rcnarz s'en est bien deschargiez,
Qu'ainz par U ne fustes touchiez
J85 Et bien l'avez en cort connut.'
A ces paroles Bruns se tut.
Pensa, ne puet avoir durée.
Sa raison a amesuree.
'Biau seignor' fet il. or m'oez.
490 Por ce que si biau m'en proiez,
Et a graut honte morir doit
Qui a la foiz conseil ne croit,
Ne vucil vers vos tant estriver
Ne mon mautalent alever:
4ÎI5 Que en vostre esgart me métrai
Et a vo los me contendrai.'
'Bien est ainsi' fet li lions.
'Renart, se nos vos afions
Et vos les raaus nos porchaciez,
ôW Nos vos en béons, ce sachiez.
A vos tramis Tybert le chat.
M oit se plaint de vostre barat.
Par vos fu il au laz penduz
Que ne sai ou estoit tenduz.
505 Encore en est toz corrouciez.'
Lors s'est Tybert en piez dreciez,
Puis que li rois por li parole.
Vers Renart a la teste mole:
Molt durement le redouta
010 Por l'escharpel ou le bouta.
Ne ja se li rois s'en teiist,
La parole n'en osmoiist.
Que j'ai oï et escoute
C'on a tant sachie et boute
515 Que Renart s'en va au deseure.
Bon taire feïst a ccle eure. M 70
294 XXIII
En piez est enmi la meson,
Si a conmencie sa reson.
'Sire ce dist Tybert au roi,
5-2U 'Molt par fist Renart grant desroi,
S'il savoit la descovenance,
La ou me fist la mesestance:
Que par son conseil i alai^
Ou trou conmc fox avalai
5-J5 Ou je fui pris au laz corant.
Mes le prestre lessai constant.
Sanz m'envie se degratoit
Et sa putain, qui me batoit
A deus mains de sa grant quenoille.
53U Por ce q'as denz tranchai la coille,
Tôt lessai le prestre effree.
Tel fussent ore conree
Tuit li prostrés qui famés ont,
S'en lor ostex lor dames sont.
535 Renart me het de viez haïne.
Molt est dure, encore ne fine:
S'est la rete por un charpel,
Ou l'autrier dut lessier la pel:
Par maie aventure i cheï.
540 Sus me mist que je le traï.
Mes voir, non fis, se diex me voie.
Onques n'en soi ne vent ne voie.
Cist mesfait soit contre celui:
Sel me pardoint et je a lui.
545 S'einsi le voloit otroier,
Sire, vos en vueil ge proier
Que vos le conmandez de bot, •
Que cist baron l'en prient tôt.'
Or entent Renart ceste pes
550 Li torne auques a la pais.
Or est si liez q'ainz ne fu si.
'Renart, loez le vos ainsi'
Ce dist li rois, con Tybert fet?
527 mëniese d, 537 par 538 dui 54'J /««< il lire que cest plais V
xxm 295
Je vos pardone le mesfet.
555 N'ai soing a tendre a desreson
Sus vos ne sor autre baron.'
'Faites, Renart!' tuit 11 escrient.
Ne puet muer que il n'en rient.
'Sire, sire' Renart respont,
560 Qui sa parole bien cspont,
Tybert a molt vers moi mespris.
S'il m'avoit fet encore pis,
Si le voussisiez bien a certes,
S'en soufferroie gc les pertes.
565 Biau sire, vostre loement
Vueil ge fere molt bonement
Et ce que cist baron m'en prient.'
'Voire voir, Renart' cil escrient.
'Seignor, n'auroie soing de guerre :
570 Ainz vodroie la pes a querre.
Si ostroie très bien la pes.
Et loez vos que je le bes';^'
'Oïl, oïl, tôt pie estant!'
Entrebesie se sont atant.
575 La pes est fête de ces deus:
Entre autre gent la mete dex!
Or sont et claim et respont fait.
Li rois a respitie le plait.
'Seignors' fet il, 'or m'entendez,
580 Qui les droiz fêtes et prenez,
Et ceus qui doivent atirier.
Je ne vos veil pas empirier.
Alez, fêtes primes esgart
D'entre Ysengrin et Renart.
585 Vis m'est, Renart en sa raison
Reste Ysengrin de traïson,
Et Ysengrins lui de faillance
Qui li failli de covenance.
Partissiez si bien l'aventure
5yo Que chascuns en ait sa droiture,
563 le v'ioussisiez 575 deuls
XXIII
Ap«'ez jugiez do Chantecler,
Con Renart li doit amender
La moït de ma dame Coupée,
Qui l'autre jor fu enterrée.
ô!)5 Et s'esgardez, comment soit prise
Por Brun de Renart l'amendise.
Fêtes cest esgart, dan Platcl,
Et vos, misire Cointerel!
Avec soit Brichemer li cers
(iOO Et li taisons sire Grinberz.
Si voil que i voist le liepart.
Si faites si loial esgart
Que chascun ait bien sa raison
Selonc le droit de ma mesou.
600 Je vos conjur, le serement
Que me feïstes loiaument.
Faites si q'ennor en aiez
Et que nos aions bone pcs.
Et s'il i a controuverie,
610 Sivez en la greignor partie.'
Atant li cinc s'en lievent sus.
En une chambre vont ensus.
S'or estoit creiiz Brichemers
Et que de toz en fust loez,
615 La corroie seroit vengie
Qui sor le dos li fu tranchie.
Seignors' ce dist Platiaus li dains,
'Oï avez respons et clains.
Li rois vos aime tant et prise,
6-_'0 Sur vos a la parole assise.
Or i esgardons nostre honor!
A l'onorance no signer
Faisomes tant qu'en nos en lot:
Que qui soi pert d'autrui ne jot.
625 Yscngrins s'est plains voirement
De ce qu'il velt son serement
51)1 jugiez manque 601 lici)iirz 602 osgarz 6"25 s' manque
cel
xxiii 297
Esgardous, se vos le loez
Et por voir dire le pocz,
Qu'il li face devant le roi
630 Tôt sanz orgueil et sanz desrui.
Si soit la pes sanz contredit,'
Dist Brun Platiaus, bien avez dit.'
Ce dist li singes Cointeriaus
'Cist jugemenz est trop isniaux.
635 Que direz vos dont de la reste
Que Renart sor Ysengrin giete?
Je di par droit que premerains
Li escondie cil as sainz:
Que traïson c'est lede chose,
640 Molt est hardiz qui faire l'ose.'
'Par mes ieulz' ce dist li lieparz,
'Miex me contieng que cist esgarz
Et je le lo très bien ainsi.'
Dist Grinbert 'et je autresi.'
645 A ce dit se tienent li troi
Et li dui sivent lor ostroi.
Ce dist li cers 'gardons après,
(Si m'aïst diex, il se va près,
Puis que nos somes ci ensenble,
650 Que je ne di ce que moi senble)
Cornent Renarz doit amender
La mesfaiture Chantecler'.
Respont Grinbert 'dites le, sire !
Autresi l'avez vos a dire.'
655 Dont di ge por bien et por droit
Que tôt sanz respit orendroit
Devroit estre Renarz desfait
Por l'omicide qu'il a fait.
As forches en doit penduz estre
660 Au meins ou perdre le pie destre M 79
Que connut a la felonnie.
Apres le clain nel noia mie.
Molt me senble qu'il s'est mcsfaiz.
632 PlatiausJ Renart 639 Icdcdo 660 prendre
298 XXIII
Ensorquetot il a la pais,
665 Que 11 rois a jurée, enfraite.'
Li singes a la langue traite.
Si li fait moe par derrière.
Puis parole en tel manière
'Danz Bricheraer, loez le yoz?"
67U 'Oïl, voir, Cointerel; et vos?'
'Or me senble que soiez yvres.
Qui me donroit deus mille livres,
Ne diroie je tel parole
Devant le roi, que ele est foie,
675 Qu'en jugera si haut baron
A pendre con autre larron,
Nis mesmement serjant le roi.
Ja qui devant lui tel desroi
Dira, ja gre ne l'en saura
68U Ne ja miex ne l'en amera.
Dont n'oï ge que Renarz dist
Que por le roi venger le fist.
En quel servise est ledengiez?
Droiz est que miex l'entegniez.
685 Bien me senble que se soit droiz
Ce que Renarz fist, port li rois,
Puis qu'en son servise le fist.
Se plus grant merveille feïst,
Dont on li deûst fere anui,
690 Doit li sires prendre sor lui.
Si ne jugiez mes del desroi.
Li jugemenz iert sor le roi.
Bien me senbleroit a droiture
Que por ceste mésaventure
695 Por Chantecler qui m oit est preuz
Et por la pes mètre entr'eus deus,
Que Renart l'en feïst homage
En l'onorance del damage.
La pes me senble ainsi plus biax.'
700 'Dant Cointerel' ce dist Platiax,
672 m ft- 683 cstj fu 684 Icntt-giez 686 por
XXIII 299
'Vo§ alez auques près de bien.
Mes ce ne loe ge de rien,
Que, se li rois a son serjant
Un petitet maliciant,
705 S'aucuns n'a son aaisemout
De faire son comandement,
Que li vassaus por ce l'ocie
Par le pooir de sa mesnie.
Mes s'aucun li fait deshonor,
710 Mostrer le doit a son seignor:
Li sires preigne la venjance
A son gre de la mesestance.
Issi me senble la droiture.'
Grinbert qui de ce n'avoit cure
715 Et ot este a bone escole,
Li a rescousse la parole.
'Avoi' dist il, 'sire Platel!
Un poi nos prestez le batel
Et vostre parole avalez.
720 De tant selonc l'araisonez
Que nului ne doit on tuer.
Amors de seignors puet muer.
Mes on dist (si le savez bien)
Qui moi honore, et mon chien.
7'25 Or por les sainz qui sont a Rome,
S'iere serjanz a un riche home,
Sa terre m'aura conmandee
Qui par moi soit très bien gardée.
Et se nus i fait mesprison,
730 Ne remaigne sanz venjoison.
Puis me fera aucun laidure
Qui de m'amor n'avéra cure,
Moi et mon seignor dcspira
Et moi noient ne prisera,
735 Je porrai venger le médire.
Puis si Icre monscignor dire.
Dont sui gc por noient assis.
N'est sages hom, ce m'est avis,
Et la pais garder de la terre
300 xxili
740 Et a l'onor mon seignor querre,
Qui me dit honte ne mesfait,
Monseignor meïsmes le fait.
Et Chantecler n'en noia mie
Que li \ilains par félonie
745 Et Coupée tôt sanz respit
N'eussent le roi en despit.'
Dist Brichemcr de ce le vi
Ne trait noient chascuns a lui,
Li sires son talant fera,
750 For son home nel lessera.'
Grinbert respont Voir dites, sire.
Mes vos avez bien oï dire,
La truie fet sovent les maus
Dont les pucelcs sont novaus.
755 For mon haterel, se ge puis,
N'en iert oan serjanz destruiz
Par mon dit ne par mon otroi.
Qui soit ou servise le roi,
Tant i face ne droit ne tort.
760 Li rois nel het mie de mort.
Qui l'a toz jorz molt bien servi.
Ne doit mie avoir deservi
C'en le destruie por tel fet.
Autres afaires i estuet,
765 Autre conseil vos convient prendre.
Que de Renart jugier a pendre.'
Seignor, seignor' dist li lieparz,
'Ci affiert auques grant esgarz.
Molt vos ai oï estriver
770 Et vo mautalanz aviver.
N'ose Renart sauver de bout
N'a mort jugier du tôt en tout
Por ce qu'il est serjanz le roi.
Et por l'omicide, ge croi,
775 Qui a la pais le roi despite.
Ne l'ose fere du tôt quite.
747 ? 754 Faut il lire 1). 1. porcels sont tôt novaus?
XXIII 301
Si vos dirai c'on en puet faire.
Metons sor le roi cest afaire
Qu'il en face le sien talant.
780 Si n'aurons pas son mautalent.
De Brun, qui de Renart se plaint,
Molt le veïsraes pale et taint :
Il li met sus qu'il le trahi
Au tronc, quant il li mescheï,
785 Ou sire Renart le mena.
Por ce que il tesmoinz n'en a,
Renart li escondit as sainz:
Si soient ami conme ainz.
Ce est li miex que ge i voie.
790 Sivrez me vos de ceste voie ?'
Dist Brichemer nos le loons.
Puis qu'amender ne le poons.
Alons avant: sire liepart.
Devant le roi dites l'esgart!'
793 Repairie sont ou mandement
Ou li rois tient son jugement.
Li liparz enmi la meson
A conmenciee sa reson.
'Sire rois' fet il, or oiez !
800 Je dirai, se vos l'otroiez,
Les esgarz que nos avons faiz
Au conformément de la pais.'
Respont li rois jel vos otroi.
Bien le voil et conmant et proi.' 31 78
805 Esgarde avons voirement,
Renarz face le serement
Ysengrin si con il dut faire
Conme Roonel en fu maire.
Mes por le roi asseiirer
810 Convient ainz Ysengiin jurer,
La traïson ne fist ne seut,
Dont Renart maie aventure eut.
De maufaire sont arrarai,
804 conment
302 XXIII
D'ore en avant soient ami.
815 Et de Renart que dans Bruus rete
Et traïson sor lui degiete,
Renart as sainz escondira
Qu'il ne le sot ne atira.
Si soit d'ans deus faite la pais
820 Qu'el ne renouvelé jamais.
Mes de l'afaire Chantecler
Vos di, ne veons mie cler
Ne n'osons dire (ce sachiez)
Que Renart soit a mort jugiez
825 De l'omicide qu'il a fait,
Por ce qu'a garant vos en trait.
D'autre part ne poons trover
Sa délivrance ne prover
Por la pes que il a faussée,
8.S0 Qu'avez plevie et affiee.
Atant nos en volons taisir
Et vos en faites vo plaisir.'
'Nos em parlerons' fet li rois :
'Que tant est Chantecler cortois
8B5 Qu'il en esgardera mesure
Et par raison prendra droiture.
Ce sachiez, por nului tenser
Ne vueil mon serement fausser.
Sus Chantecler met cest afaire,
840 Qui en soit justicier et maire
Et il regart que tant en face
Dont moi et autre gre l'en sache.
Très bien li affi loiauraent
Qu'en en fera son bernent.
845 Or se conseult de l'amendise,
Conment il velt qu'ele soit prise.
Si façon ci les sainz venir,
Et li autre por pais tenir
Soient prest de lor serement
850 Et sivent lor ostroiement.'
840 iusticiere
xxiri 308
Li cos a la parole oie.
De ce qu'il ot, le roi mercie,
La teste en a vers lui clinee.
Dame Pinte a apelee
855 Et ma dame Rosse acenee:
A son conseil andeus les maine.
Aporte sont li saint atant.
Et li baron sont en estant,
S'ont lor pais faite et atiree
860 Si con on lor ot esgardee.
Chantecler est a son conseil
Qui molt en est en grant esveil.
Pinte' fet il, 'que me loez
De cest conseil que vos oez?
805 Que diron nos de l'amendise
Qui de Renart est sor nos mise?
Morte est vo suer dame Coupée.
Mort ne puet estre recovree.
Pardonons li la mort por l'ame,
870 Que diex ait merci de la dame.'
'Coi' dist Pinte, quel la ferez?
La mort ma seror pardonrez.
Que tant amai, dame Coupée?
Ja me verrez de duel pasmee.'
875 'Pinte' fet Rosse, 'or m'entendez !
Por dieu, bon jugement prenez
De Coupée vostre seror.
Puisqu'avons le gre du seignor,
Nos le devons molt bien grever,
■ 880 Pesons au moins ses eulz crever
Ou il perde les piez andeus.
En toutes corz soit mes honteus.'
Fait Pinte 'Rousse dit merveille
Qui en tel guise me conseille
885 Con de Renart desfigurer.
James ne nos lairoit durer.
S'il sanz mort remanoit en vie :
852 li rois 855 Ma d. r. et a. 864 De co cest
304 XXIII
Que molt est fel et plains d'envie.
S'est molt sages et veziez :
890 Tost se seroit de nos vengiez.
Par mon chief, ce n'est pas mes los.
11 a trait le plus cort des loz,
Si est cheiiz en no manede.
Bien li devons or fere lede.
89.') Je l'otroi bien qu'il soit penduz,
Por prière ne soit reuduz.
Par le haut seignor qui ne ment,
Se vos le fêtes autrement,
James mes amis ne serez
900 Ne ma croupe ne chaucerez.'
Or ot Chantecler que s'amie
A Renart ne pardonra mie
La laidure qu'il lor a faite.
Tel parole li a retraite
90j Que James jor ne l'amera
Tant conme Renart vivera.
Miex li vient il que Renart muire.
Quant s'amie le velt destruire,
Qu'il la perdist d'ore en avant.
910 Bien ont famés les dez avant:
Otroiez li quanqu'ele velt.
Mes neporquant le cuer en deuU.
Atant ont lor conseil fine.
Renart i ont mal encline
9ir) Qu'il cuidoit avoir bone pais.
Mes autrement torne li plais.
Du conseil repèrent tuit troi
Si sont venu devant le roi.
Molt se tint enbruns Chanteclers.
9-20 Piteus fu molt li bachelers.
Les larmes li moilleut la face,
Desous ses ielz i pert la trace.
As piez le roi s'est aploiez.
Puis est li conseulz desploiez.
922 Desus
XXIII 305
925 Ce co vient il que devant viegne.
'Sire' fait il, 'diex vos maintiegne,
Que grant honor m'avez portée.
Dame Pinte est molt amortee
Por sa seror qui est occise
930 Et velt que venjance en soit prise.
Volons que Renart soit penduz :
Trop est il assez atenduz.
Mort a donnée, mort reçoive!'
Or trenble Renart plus que fueille,
935 Quant de sa mort oï plaider.
Nus ne l'en pooit mes aider.
Li rois ot fet son sairement.
Qu'il sivroit lor atirement.
Nobles s'en est en piez dreciez.
940 Molt durement s'est corrouciez.
'Chantecler' fait il, 'tu m'as mort.
S'as vers Renart molt félon tort
Qui maint biau servise m'a fait,
Mau guerredon l'en ai retrait.
945 Ne fausere mon serement,
Que trop le jure asprement,
Que plus te quidai debonaire.
Si feras ce qu'aras a faire. M 79
Mon serement aquiterai,
950 Que je le te deliverrai.'
Li rois a apele Renart,
Si li a livre par la hart.
Lors voit Renart, qu'il est jugiez,
Ne puet mais estre ostagiez.
955 De mort ne puet avoir treslue,
Se son engin ne li aiue.
Porpensez s'est de grant voidic:
Ne lessera qu'il ne le die.
Se il li puet valoir, si vaille.
900 Senblant a fet qu'il ne l'en chaille.
Rois' fet Renart, 'antent a mi.
933 Fuiit a lire reoueille?
RENART II 20
306 XXIII
Por dieu, parole a ton ami
Qui servi t'a si bonement
Sanz tricherie loiaument.
965 Bien ai porchacie vostre preu
Tôt la ou je fere^ le peu.
Mon vueil fuisse pieca finez.
Puis que si mal sui destinez.
Tant ai veseu, toz sui chanuz.
970 Or sui a maie fin venuz.
Se morusse de bêle mort,
M'ame en eûst plus grant confort.
Ne puet estre autresi espris.
Par grant pecliie sui entrepris.
975 Se g'eiisse de vie espace,
Molt richement vos mariasse.
Mes soufrir m'estuet cest martire.
Ainz que ge muire, vos vueil dire
Ce que rois Yvoris vos mande.
980 Molt a grant chose en sa conmande.
Plus a de terre a manburnir
Dis tanz que n'en poez fornir.
Une fille a molt précieuse,
Douer la vos veult a espeuse.
985 N'a plus hoirs, sa terre avérez.
Or i parra, quel la ferez.
Bien vos sai dire tel novele,
Q'en tout le monde n'a si bêle.
N'est beste tant con terre dure,
990 Dont ne puist prendre la figure.
Molt par se set bien tresmuer,
Quant ele se veult remuser.
Sire, pensez de cest afaire
Que cest honor puissiez atraire.
995 Se bien n'en pensez de l'ovrer,
Ja tel ne porras recovrer.
S'il n'i avoit autre eritage,
Mes que son déduit et sa rage,
Sire, si t'en doiz tu pener
1000 Que ci la puisses amener.
XXIII 307
Por quant se cloi estre essilliez,
De vosh'e honor seroie liez,
Pren ton mesage, si l'envoie,
Ainz qu'autre se mete a la voie.
1005 Se encore demain vesquisse,
Cest porchaz très bien vos feïsse.
Mes fet avez vo seremeut,
Sel tenez trop entièrement.
Que ce nos dit sainte escriture,
1010 Qui la vérité nos espure :
On fait le mal por pis lesser,
Por bien se doit la lois plessier.
Et si trovons, ce m'est avis,
Que meïsmes li rois David
1015 Qui diex ama parfitement,
Par ire fist un sairement
C'un home ocirroit sanz respit:
Ne sai s'il l'avoit en despit
Ne por quel chose il le haoit.
1020 Mes diex li dist, péchiez feroit:
Qu'omicide en nule mesure
Ne doit estre fet sanz droiture.
Cil crut ce que diex li ot dit
Et selonc son conseil le fist.
1025 De ce que diex loe un afaire
Qui de toz est sires et maire,
Ce doit estre m oit bien tenu.
Or sommes a cest point venu,
Se ma vie vos a mestier,
1030 Bien poez ma mort respitier.
Péchiez est il de parjurer,
Graindre est de moi deffigurer.'
Quant li rois oï la novele,
Sachiez que auques li fu bêle.
10.35 De tant seulement qu'il oï,
Molt durement s'en esjoï.
Or parlera, s'il en a aise,
1023 dist
20"
XXIII
Qui que soit let ne cui il plaise.
Seignors' ce dist Nobles li rois,
1040 'Bien esseroit resons et drois
Que li plus grant et li menor
Par tôt porchasacent m'onor.
Tel chose m'a Renart ci dite,
S'en cest an la puis avoir quite :
1045 Et se ge n'ai ce qu'il m'a dit,
Dont pris ge m'anor molt petit.
Or set Renart, ne puet durer.
Que je ne m'en vueil parjurer:
Quel de vos fera la mesage
1050 A Yvoris du mariage.
De par moi die la novele
Qu'a moillier me doint la pucele ?'
Mal de celui qui aine deïst
Du mesage qu'il le feïst !
1055 Que Yvori ne connoissoient,
De sa terre point ne savoient.
Ne sai comment il la seiissent
Ne quel raalfe dit lor eussent.
Renart meïsmes nu savoit,
1060 Mes le roi amuse avoit:
Tel chose li faisoit acroire
Qui ne pooit pas estre voire.
Mes si le vol oit enivrer
Que il se peûst délivrer.
1065 'Seignors' fet Nobles, or oiezl
Molt vos ai semons et proiez
Que me feïssiez cest mesage.
Mes n'en i voi un seul tant sage
Qui du fere s'en ost vanter.
1070 Et vos que direz, Chantecler?
Se vos Renart me destruicz,
Ou mes conseulz est apuiez,
Cest mesage ferez le vos?'
Tor dieu, sire, gabez me vos?
1038 let manijne 1060 li rois
XXIII 309
1075 Aine ne soi ou mest Yvoris.
Mes Renart qui n'est esbahis,
^ Vos fet acroire ce qu'il veult
Issi faitement con il seult.'
Renart a son conte abessie.
1080 Le parler eiist ja lessie:
Mes nel lera si faitement.
'Sire' fait il, 'sanz doutement
Créez ce que je vos ai dit:
Que ge ferai sanz contredit
1085 Que rois serez delà la mer
Si con vos estes deçà mer.
Et si auroiz feme nobile:
N'a tant bêle jusqu'à Sezille.
S'ainsi nel faz, se ge ai vie,
1090 Dedenz cest an sanz felonnie,
Ostroi que je soie deffez.
Ja mar en ert jugemenz fez.' M 80
Ce dist Grinbert il dit bien, sire.
Ja ne le devez escondire.
1095 Je le preing bien por lui en main.
Mar me lerez mie de pain
Ne fiez ne terre a tenir.
Que que je doie devenir,
Moi meïsmes metez avant,
1100 Se Renart ne vos tient covant.
Prenez sor vos sa forfaiture.
Que chaut, s'en vos tient a parjure?
Que ja ne porriez trover
Qui le vos doie reprover.'
1105 Li rois ot le besoing estroit.
Que li rois li conseille a droit.
'Chantecler' fet il, je commant
Et si vos pri con mon amant
Que ceste mort me pardonez,
1110 Tant que je soie coronez
De tel honor con je porchace.
1106 Faut il lire Que Grimbcrs?
310 XXIII
Mes une chose por voir sache,
Se mes de riens vos desdisoit,
Touz li os dieu nel gueriroit.'
1115 Chantecler ot la conmandie,
Ne set conment il escondie
Ce que li rois prie et conmande:
Que l'amendise est molt grande,
Puis que li rois le velt a certes :
1120 Et souffrir li convient ses pertes.
Otrie li a son talant.
Mes tel i a qui sont dolent.
Qui que fu lait, Renart fu bel
Et le singe dant Cointerel.
11 '25 Mes Pinte en fu tote dolente
Et Ysengrins molt se démente.
Mes li rois Chantecler mercie,
Quant il a sa parole oïe.
'Grez et merciz' ce dist li rois.
1130 'Renart, Renart, or est bien droiz:
Quant de mort estes aquitez,
Vos et vostre plege aquitez !
Si porchaciez bien vostre afaire.'
Ce dist Renart 'bien est a faire.
1135 Mes vo letres m'estuet avoir
Et vo seel, que por avoir
Nel lerai ge que je n'en quiere,
Se diex done que je ne muire.'
Li rois fet ses letres escriro
11 40 Et fait mètre quanqu'il vuelt dire
En un parchemin de veel.
Renart les charge o son seel,
De la besoigne molt li prie.
Renart quanqu'il veult li otrie
1145 Bien alast la on len l'envoie:
Mes il n'en set ne champ ne voie,
Tant a fait qu'il est eschapez.
S'il puet, il n'iert mes atrapez
1114 ors 1138 faut il lire je repère?
XXIII
En cort a roi jusqu'à celé eure
1150 Que il iert auques au deseure
Et qu'il porra chose trover
Dont ses anemis puist grever
Et en la cort faire tesanz
Si que il soit au roi plesanz.
1155 Atant toute la cort départ.
Renart s'en torne d'une part
Qui a cort dut estre traïz.
Revenuz est en son païs
A sa famé prendre conseil
1160 Qui por lui est en grant esveil.
Por lui a grant joie menée.
Mes molt li a corte durée,
Que tôt li a conte l'afaire.
Ne sevent preu a quel chief trere.
1165 Ce dist Renart, guérir ne cuide,
Se trestot le païs ne wide.
Porpensa soi dame Hermeline,
Qui molt par fu sage meschine.
Loe li a que s'escience
1170 'V'elt aprendre de nigromance:
'Jusqu'en Espaigne vos lassez.
A Tolete en set on assez.
Ce est uns ars de tel manière
Que qui bien en set la manière,
1175 Tôt fait a son commandement.
Que ce est l'art d'enchantement.
Se de cel art apris avez
Et de l'enchantement savez,
Par vostre enchant le roi ferez
1180 Quanque fere li deverez.'
Renart sot que s'amie dist
Qui^ de bon conseil le garnist.
'Dame fet il, 'vos me loez
Du mieuz que vos fere savez
1185 Et je irai puis qu'il vos grée.
1170 Foui il lire Metc a prendre? 1183 me manque
311
312 XXIII
Mes je vos les molt esgaree.
Or pensez de vostre mesnie
Que richement soit amanie.
Vostre terre soit bien tenue
1190 Que ne sai de ma revenue,
En quel termine le ferai
Ne quels merveilles troverai.'
Atant s'en va, sa feme lesse.
Molt doucement Tacole et bese
1195 De son travail molt li ennuie.
Si prie dieu qu'il le conduie.
Va s'en Eenart au miex que puet
Si corne fere li cstuet.
Passe les monz et les valees
1200 Et les forez larges et lees
Et les destroiz et les passages
Si conme veziez et sages.
Les nuiz va molt sovent en proie,
Que il n'a cure c'en le voie.
1205 Tant a tenues ses jornees
Et les granz terres trespassees,
Entrez est en terre d'Espaigne.
Lieve son pie, sa teste saigne.
En Espaigne ert, bien le savoit.
1210 Or prie dieu que il l'avoit.
La trace suit d'une charrete.
Par nuit est venuz a Tolete.
Amont en va parmi les rues
Ou les mesons sont granz et drues.
1215 Molt se demuce, près se tient,
Que molt se doute et molt se crient
Que chiens ou beste ne l'asaille.
Tel fain a que molt en baaille.
Cerche citieres et cuisines,
1220 Volontiers goutast de gelines
Et s'en preïst a son souper.
Engin savoit a destouper
Trous de jaioles et de toiz.
Muce par haies et par soiz.
XXIII 313
1225 Par aventure est enbatuz
En tel ostel ou ert batuz,
A l'ostel le mestre de l'art
Qui ne se gardoit de Renart:
Mestre Henriz avoit a non.
1230 S'estoient mis si gras chapon
Eu une cage lez le fu.
Aine mes tele voie ne fu.
Renart a flairie e't senti.
Ainz de grater ne s'alenti
1235 Desus le sueil de la meson,
Que volentiers queroit reson, M 81
Conment il fust laienz entrez
Tant que des chapons fust ventrez.
Il i a tant grate a preu
1240 Que fet i a un petit treu.
A par soi s'est tant avanciez
Qu'il s'est en la meson fichiez.
Molt l'angoisse la lecherie
Et si n'a pas voie marrie.
1245 Que li flairiers l'en fesoit sage.
Venuz est tôt droiz a la cage.
Li un des piex brise a ses denz
Tant que son chief a mis dedenz.
Puis i entre de tôt son cors.
1250 Mes ja aincois n'en istra fors^
Qu'il en sera molt entrepris.
L'un des chapons a aus denz pris.
Lors s'escria de tel randon
Que les serjans de la meson
1255 Por la noise se sont levé.
Durement ont Renart grève,
Que li maistres lor cscria
'Por les sainz deu, gorpil i a.
Filz a putain, alcz a Tuis.
1260 Desouz le sueil est le pertuis:
1244 voe marie 1246 jjage
314 XXIII
Très bien l'ai veii en mon sort.
Honniz somes, s'il nos estort.'
Il meïsmes saut de «on lit
Veoir la chace et le déduit
1265 Que si vallet font a Renart
Qui de la cage issi a tart:
Que grant clarté fet la lumière,
Si ont estoupe sa toviere.
Or est Renart en maie paine.
1270 Au comencier a maie estraine.
Chascuns tient pesteil on macue.
De la poor Renart tressue.
Qui primes vint, primes i fiert.
'Las' pense Renart, ce que iert?
1275 List on ainsi de nigromance?
Trop en ai ja grief penitance.
Encor n'en ai gueres ouvre,
S'en ai ja maint cop recouvre.'
Qu'en diroie? tant l'ont batu,
1280 Por mort l'ont a terre abatu.
Renart se gist gueule baee,
Auques a celé gent gabee.
N'estoit pas mort du tôt en tôt,
Ainz prenoit bien a euls escot.
1285 Oïr voloit, que il diroient
Et que de lui deviscroient.
'Prenons en' dist li uns 'la pcl.
Je li tondrai a un coutel.'
Mal avons fet' ce dist li mcstre:
12'J0 'Que tôt vif le peiisson pestre
Jusqu'à yver après este,
Se vif l'eussons arreste.
Adont fust sa seson venue
Et sa gorge blanche et chanue.
12'J5 Miex vausist que no fet assez.
Que fust il ore respassez!
Si m'aïst diex, mes ne morroit,
Tant con ici vivre porroit.'
Quant Renart ot q'ainsi puet vivre,
XXIII 315
1300 De mort ne le fera nus cuivre,
Aincois le tendront em prison
Tant que sa pel soit en seson.
Or est si lies q'ainz si ne fu.
Un petit s'estent vers le fu
1305 Et a gite un grant soupir.
Li mestres jure saint espir:
'K'est mie morz: or li aidons!'
Let li gietcnt a granz randons
En la gueule tôt eschaufe.
1310 Si respasserent le maufe.
D'une chaane l'ont lie.
Le mestre a ses serjanz prie
Qu'a menger li doingnent assez
Tant que il soit toz respassez.
1315 II si firent tant qu'est gueriz.
Or ne fu fel ne esmarriz:
Ainz se contient molt simplement
En l'ostel et molt bonement.
Or puet aprendre nigromance,
1320 Que assez li font de pitance.
Chascun jor en l'escole gist
Et ot quanque le mestre dist.
Molt fu sages et entendanz,
îs'ot pas les oreilles pendanz,
1325 Ainz les tient droites et escoute
Molt parfont pense que il doute.
Tant en aprist que toz fu sages.
Si n'estoit pas entr'eus sauvages:
Ainz estoit molt aprivoisiez.
1330 Par l'ostel aloit desliez.
Une nuit se leva de l'estre.
Si s'en ala après le mestre
En une voûte desouz terre,
Ou il aloit son savoir querre
1335 A une grant teste cavee,
Qui estoit de cuivre gitee:
1301 cuire 1306 saintj s. 1319 digromàce 1328 erre'
316 XXIII
A celé prenoit ses conseulz
Les plus privez et les plus seus.
'Baron' dist le mestre, 'que doit,
1H40 Meint conpaignon ai orendroit
Qui assez sevent de vostre art.
Ne lor vault denrée de lart
Et non fet il demie d'oint,
Qu'il ne pueent savoir un point:
1345 S'en sont dolent et confondu.'
La teste li a respondu
'Mestre, meint jor lit en avez,
Et plus encor si n'en savez
Ne ne poez par vos trover
1350 Que doit qu'il n'en pueent ovrer.
Or m'entendez, gel vos dirai,
Que ja ne vos en mentirai.
Qui bien velt ovrer de cest art.
Venir l'estuct ou tempre ou tart
1355 Au trou d'une chambre privée.
Croiz ne soit fête ne nomee.
Mes si se velt en nos fier,
Illeques doit sacrefier
D'un coc raarchois ou d'un noir chat.
1360 Qui nel puct enbler, si l'achat.
Aprez die sanz autre fable
"Oiez, d'enfer tuit li deable!
De ceste ocvre soiez seignor
Et si soit fet en vostre honor!'
1365 La dedenz giet son sacrefice:
Apres s'il velt, de la chambre isse.
Ja mar fera autre proiere.
Tôt puct faire son majetiere.'
Ne volt plus dire, si se tut.
1370 Renart retint ce que il put.
Li mestres sanz arrestoison
Est revenuz en sa meson.
Un petitet s'est tret ensus
Tant que le mestre en fu issus.
1375 De son acostement n'a cure.
xxm 317
Fet i a maie norreture,
Qu'il a pris le coc de l'ostel.
N'en savoit nul ci près ne tel.
Atant s'en va a la longaigne.
1380 Ilec a fet sa barbacane M 82
Si con la teste l'ot apris.
Puis s'en va, congie n'i a pris.
Fist ses charmes et ses caraudes,
Ses conjuremenz et ses laudes.
1385 Ainz puià ne pot estre tenuz.
Avec le vent s'en est venuz
A Malcrues en une seule eure,
Ou sa famé trova qui pleure
Par la dolor de son mari,
1390 Qu'en envoia si esmarri.
Mes il l'a bien réconfortée.
S'aventure li a contée.
Dit, bien aura toz ses ators.
D'enchantement set toz les cors.
1395 Or se gart bien que il harra,
Qu'assez tost li en mescherra.
Grant joie ont ensenble menée
Tant que ce vint a la jornee.
Congie prent Renart a s'amie
1400 Et dist qu'il ne lessera mie.
Qu'au roi ne se voise aquitier.
James n'en quiert jor respitier.
Renart vot a la cort le roi
Par chauciees et par perroi
1405 En la forest Broceliande.
Illec le trova sanz demande.
Por Renart ert en grant abo,
Cremoit qu'il ne l'eùst guabe.
Atant ez vos Renart en place
1410 Que il velt bien que on l'i sache:
Que il aporte tel novele
Qui as rausarz essera bêle.
ÎO Faut il lire fête su biirgaigiift? 1410 que manque
318 XXIII
Li rois estoit bauz et hetiez.
Renart parla con afetiez
1415 Rois, toz jorz soies tu sauvez!
Molt ai este por vos grevez.
Passe en ai mainte contrée.
Bone aventure en ai trovee,
Bien ai esploitio mon travail
1420 Et s'ai prove conbien je vail.'
Or le sert bien de la treslue
Renart qui tôt le mont argue.
'Rois est d'Arcade et de Celdone.
Meint riches hom treû li done.
1425 Jusqu'as bones qu'Artus les fit
Est il sire, si con il dist:
Tôt vos donne son héritage
Avec sa fille en mariage,
Si fait de vos son eritier.
1430 Viex est, ne puet mes ostoier.
A famé vos done sa fille.'
'Renart' fet li rois, 'ou est ille?'
'Sire, ele vient a grant empire:
Avant le vos sui venuz dire.
1435 Or mandez tote vostre gent.
Sel recevez honestement
Et apareilliez tel conroi
Tel con convient a noble roi
Et que nos i aions honneur.'
1440 'Renart' fet li rois, a beneur!
Ya par la dame, si l'amoine
Et je dedenz ceste semaine
Ferai ma gent toute venir
En ma sale por cort tenir,'
1445 Atant Renart s'en est tornez
Et li rois s'est bien atoruez.
Mande ses genz granz et menors
Que tuit viegnent a ses honors.
Tuit i aqueurent volentiers,
1450 Ni quierent voies ne sentiers,
Mes par broces et par essart,
XXIII 319
Veoir les merveilles Renart.
Tant en i vient, la cort fu plaine.
Ne finerent d'une semaine
1455 De venir d'amont et d'aval.
Estanchie i ont meint cheval.
Li rois atorne son afaire:
Que granz voies vodra il faire.
De venoison i a molt prise
1460 Et volille de mainte guise.
Du tôt me penasse a nomer,
Mes ceste oeuvre vueil achever.
Li rois ses menestreus assist
Et a chascun son mestier dist.
1465 Roonel met a la cuisine
Qui de l'aparailHer ne fine:
Et dit Tybert qu'il li aïs t.
Bruns li ors a loe et dist,
Bien set mengier asavorer.
1470 Tybert i va sanz demorer.
Platiaus conmande pain livrer
Et molt largement délivrer.
De Brichemer fet bouteillier,
Le vin li rueve apareillier.
1475 Et Brun preigne garde des mes,
A la table les face près.
'Ysengrin, pensez de taillier
Et de la coupe apareillier
Devant vo dame la roïne.'
1480 Ysengrin parfont l'en encline,
Li rois a bien tôt devise
Et Renart a tôt avise
Qui ert en aise de la cort.
Or le convient qui se ratort.
1485 II fet ses ynvocations
Et ses forz conjurations:
As maufez fet d'un chat présent
Por bien fere l'enchantement.
1487 A mauuez
320 XXIII
Par eD chant a fet meintes bestes,
1490 De tex i a qui ont vint testes.
Et plus assez de tex i a.
Bestes fait q'ainz dex ne cria,
Et molt de diverse manière
Et aussi con devant derrière.
1495 Puis que Renart les a charmez,
Gietent par bouches et par cies
Feu et flambe par tel ravine,
Avis est que tôt le mont fine.
Et quant il velt, si les racoise
l'ôOO Que ja ne feront point de noise.
Renart vient a joie et a feste,
Mes molt demoine grant tempeste.
N'est merveille, se noise font
Bestes qui tant de testes ont.
1505 La noise iert a merveille grande.
Puis que danz Renart le commande,
Ullent et cornent etbuisinent:
Cil qui l'oent, s'en adevinent
Que ce sont deable qui vienent.
1510 A poines de poor se tienent.
En guise d'une lionnesse
Anmaine au roi sa promesse.
Ainsi s'en vint Renart a cort.
Nobles encontre lui acort.
1515 'Renart, bien soiez vos venuz !
Por ce se tu es viex chanuz.
N'a il bachelier en ma terre
Qui mex i sache mon preu querre.
Est ce ma famé qui m'amaines,
1520 Dont tu as eu si granz paines?'
Oïl' ce dit Renart, 'biau sire.
Je la vos rent a tôt Tempiro.'
'Yostre merci.' Li rois l'embrace,
La keue li met sor la macc. M 83
1525 'Dame, bien soiez vos venue !'
1505 a manque 1512 Aumaine
XXIII 321
Celé a sa parole tenue,
Que dant Renaît li a fet signe:
Mes parfondement li encline.
Nobles la va molt atouchant,
1530 Sa barbe en va delechant
Et saut en piez : tel joie maine,
Qu'il est tenuz a molt grant paino
Que voiant toz ne l'a saillie.
Si espris fu de la folie
1535 Por ce que si belc la voit.
Mes dant Renart qui molt sa voit,
Toz les enraaine el pales
Et si fet fere molt grant pes.
Chascuns s'est assis a la table.
1540 Or poez oïr bêle fable.
Tuit servirent de lor mestier,
Serjanz, valiez et bachelier.
La dame sist el mestre dois
Et li sires Nobles li rois,
1545 Et Ysengrins devant euls taille,
Qui lor apreste lor vitaille.
Il fu autrefois esco reliiez
Des le haterel jusqu'es piez
Por le roi Noble le lyon,
1550 C'on fist de sa pel guerison.
Ses cuirs li estoit revenuz.
Li peuls ert juenos et menuz.
Les piez avoit ja toz veluz:
Mes li chics estoit toz chanuz
1555 Por les viex peuls qui i remestrciit.
Mes je crien que il ne couperont:
Que Renart s'en est garde pris.
Qui mointes fois l'a entrepris.
Or so porpense li maufoz,
15()0 Qui do grant mal fu eschaufcz,
En quel manière li nuira:
Que s'il puet, il le destruira.
Et si ne volt plus demorer.
La lionesse fet plorer,
UliNAlir II "'
322 XXIII
1505 Soupirer et color changer.
De tôt en laisse le menger.
Li rois la voit, si li en grieve,
Renart apele et cil se lieve.
'Renart' fait il, 'qu'a ceste dame?
1570 Arde le feus et raale flambe
Qui la vérité n'en dira,
Et qui ja li escondira
Chose qu'el vueille conmander,
Por quoi on le puist amender.'
1575 Or ot Renart c'en en fera
Tôt ce que il commandera.
Ysengiin voudra ennuier.
S'a son droit se puet apuier.
Si ne li set que demander,
1580 Fors tant qu'a cort le fist mander
Por sa famé dont le bani.
Que fox fist, quant il en groinni.
'Sire' ce dist Renart, 'moi poise,
(Ma dame est molt franche et cortoise),
1585 Quant ele tel senblant vos fait.
Ne sai s'on li a riens forfait.'
Renart la dame dist et prie.
Que a son seignor Noble die,
De quoi tel mautalent avoit.
1590 Porquant Renart bien le savoit:
Mes du blasme se velt geter,
C'on ne l'en puist de riens rester,
'Dame, dites vostre voloir!
Ja ne vos en convient doloir :
1595 Que j'en ferai vostre plaisir.'
Or ne s'en puet ele teisir.
Des que Renart l'ot conmande
Et li rois li a demande.
Un petit a crolle la teste,
1600 Ja parlera con fiere beste.
'Renart, qui tôt le mont traïs,
1592 peust
xxrii 323
Quant m'amenas en cest païs,
Je ne quidai mie trover
Beste que on peiist prover
1005 De si aperte vilenie,
(Ne sai se c'est par felonnie)
Que cist vassaus qui ci nos sert.
Je le voi molt d'orgueil apert.
Nis un seul point ne sui decute,
IfiiO Ainz me sui très bien apereute.
Il deûst moi et son seignor
Servir a joie et a honor:
Et il est de félon apel.
Hui tote jor a son chapel
1615 Ferme, qu'oster ne le deigna.
Mal dahez ait qui l'engendra.
Se ce feiist en ma contrée,
S'aumuce li fust tost ostee
Si bêlement qu'il le sentist.
1620 Ne trovast qui le consentist.
Ce ne sai ge, s'il est tigneus:
Que je le voi molt rechigneus.
Encor voi autre raesfeture,
Dont au cuer ai greignor ardure :
1625 Que tote jor devant nos taille
Mouffles chauciees no vitaille.
Dont il tert son nés et sa bouche;
Espoir en plus ort leu l'atouche,
Quant il fet le vilain afaire.
1630 Onques por nos nés deigna traire.
S'en ai eii grant mal au cuer.
Sire, bien vos ai dit le fuer,
Que ja ne gerrez a ma coste,
S'on ci devant moi ne li oste
1635 Chapel et mouffles a rebors.'
Isengrin fu fel et rebors.
Ja parlast felenessement.
S'il en eiist consentement
Et li rois nel deûst hair:
1640 Que il cremoit en pis chaïr.
21'
324 XXIII
N'ose mot dire, aincois se taist,
Un petit arrière se traist.
Nobles ot que sa famé dist
Que son gésir li contredist,
1645 Se Ysengrin n'est desmoufflez.
Un petit en est bouronflez.
Voit Ysengrin qui se demuce.
'Ostez en maleur vostre aumuce.
Sire Ysengrin ce dist li rois.
1650 'Ja n'estes vos Escos n'Irois.
Guidiez estre enchapelez?
Estes vos tigneus ne pelez?
De ces moufles vos deschauciez!'
Lors s'est Ysengrin haut dreciez.
1655 'Sire, merci! por dieu, nu faites!
Ne seroient de léger traites.
Ja me verrez ici pasmer.
Porquant ne me devez blasmer,
Que n'i ai moufle ne chapel,
1660 Ainz est remenant de ma pel
Dont vos feïstes pelicon,
Quant Renart vos dona poison.'
Renart l'ot qui de ce n'a cure,
Entre ses dens la reconjure,
1665 La roïne parler refet.
Dist ele 'cist set molt de plet,
Foi que je doi l'ame ma mère!
Se ce fust en la cort mon père, M 84
Ja tant plaider ne li leiist,
1670 Mes maugre sien este l'eûst.
Ne je ne sai quel roi vos estes
Qui n'estes doutez de voz bestos.'
Ot le li rois, molt li en grieve.
Et ce qu'il voit qu'ele se lieve,
1675 Dist qu'ele ne remaindra mes.
'Dame' fet li rois, or a pes.
Que par mon chief on li trera.'
Quant li leus ot q'ainsi ira,
Il prent un saut, foïr s'en cuide.
XXIII 325
1680 Mes la sale n'est mie wide.
Li rois le conraande a tenir.
Ainz qu'il peiist a l'uis venir,
Le saisissent de totes parz.
Or est bien seur ses oes Renarz,
IfiSS Quant voit Ysengrin entre piez.
Tôt li escorchcnt chief et piez,
Chapel et moufles ont ostees.
Bien a les noces achetées,
Aval se prent a avaler.
1690 II l'ont atant lessie aler.
Il n'ont plus que fere de lui.
Li chael li font grant ennui.
Renart deus de ses gas li done
'ConperC; vos avez coronne!
1695 Vos porrez bien chanter la messe.
Quant vostre dame ira a messe.
Rouche chapel a mes conperes:
Ce quit bien qu'il est empereres.'
Fuit Ysengrin, n'a cuir en teste,
1700 Mar vit ajostee la feste.
A table siet Nobles li rois
Et la roïne au plus haut dois.
Molt furent servi noblement.
Mes les bestes d'enchantement
1705 N'i gastent gueros de pasture.
Deables n'a de menger cure.
Quant li mengers fu toz passez
Et il orent mengie assez,
Beii tant qu'il ne vodrent mes,
1710 Lors rouva li rois fere pes.
Renart apele qu'a lui viegne
Et sa convenance li tiegne.
'Renart, tu m'eiis en covent
Et le me deïs molt sovent
1715 Que ma feme savoit jocr
Et sa figure tresmuer
En senblance de toutes bestes:
Aquitez vos que que ci estes.'
326 XXIII
'Sire' dist Renart, 'il est voirs.
1720 En 11 est molt granz li savoirs.
Si li priez qu'ele le face.'
Bien fet Renart ce qu'il porchace.
Entre ses denz l'a conjurée
Qu'ele parolt sanz demoree
1725 Et si agence sa parole,
Que Renart nel tiegne por foie
Devant le roi et son barnage.
Ele si fait que plus n'atarge.
'Renart, bien vos poez seoir,
1730 Que je voudrai primes veoir,
Conment set joer ma mesnie
Que vos avez ci amenie.
Vos me deïstes en ma terre.
Quant vos me venistes requerre,
1735 Voz bestes savoient chanter
Et sor chevans molt bien monter
Et s'ierent bones tumberesses
Et parmi cerciaus sailleresses
Et savoient molt bien joer
1740 C'on ne pooit lor pers trover,
Miex que celés de ma contrée.
Or soit la menconge provee.
Face li rois joer les sienes
Et je ferai joer les mienes.
1745 Se les vostres i sont vaincues
Qu'eles soient taisanz et mues,
Mon maj étire vos ferai
Du miex que faire saverai.'
'Sire' dist Renart, 'bien a dit.
1750 Ja mar i aura contredit.
Conmandez que voz bestes jeuent,
Conques vers elles ne detrieuent.
Nos les vaincrons tôt sanz faillance,
Ja mar en avérez doutance.'
1755 Renart' ce dist Nobles li rois,
1743 sens
XXIII
'Molt par es sages et cortois.
Ge met sor toi tôt cest afere,
Gardes qu'en saches m'onor trere.
Assie les giex a ton talant,
1760 Et jel conmant sanz mautalant
Qu'en sivent trestuit vostre asise.'
Or est la parole ainsi prise
Conrae Renart le velt li faux.
Encui fera fere biax saux.
1765 Renart conmande faire parc
Enmi la sale grant et lare,
Et viengnent les b estes seoir
Por plus plenierement veoir.
Brun apele tôt premerain,
1770 Ne veoit plus léger ferain.
'Brun fet Renart, 'venez avant!
De par le roi je vos conmant
Que vos tumbez por sa proierc:
Tôt en savez le majestiere.'
1775 Bruns ot que tumber li estuet,
Que escondire ne s'en puet
Que totes voies ne le face.
Yenuz en est enmi la place.
Molt s'acesme, molt s'aplanie
1780 Et de bien tumber s'amanie.
La teste lesse a terre aler
Et puis lesse le cul aler.
Si durement vient a la terre,
Le pertuis eslesse et desserre:
1785 Que si ert plain, par poi ne crieve.
Et li tumbers si fort li grieve,
Maugre sien li estuet peoir,
Si que tuit le porent veoir.
Toute la sale en rebondist,
1790 Chascune des bestes en rist.
'Cist tumbe bien' fet la roïnc,
'Que au tumber du cul buisinc.'
Lors a fet lever une beste :
Bien avoit vint et une teste:
327
328 XXIII
17iJ5 CoDmauclc qu'oie face un tor.
Celé apareille son ator.
Voiant toz en la place vient.
Si fet son tor que bien revient.
Molt par le fist legierement,
1800 Puis s'est assise bonement,
Tuit la tesmoignent entresait
Que miex de Brun a le tor fait.
Renart li rous qui en mal veille,
Quatre cerciaus lor apareille,
1805 Les deus larges et deus estrois:
Li un fu plus petit des trois.
En la place les a assis,
L'un avant l'autre les a mis.
Il les a couchie roidement.
1810 II voit très bien entièrement
Que pas ne charront por le saut.
Se l'un saut, li saillieres faut. M 85
Renart apele Brichemer,
For saillir le rueve aoesmer.
1815 N'en i choisi nul si saillant
Ne a celé euvre si vaillant.
Le saut face devant le roi.
Danz Brichemer tôt sanz desroi
Du saillir s'est apareilliez.
1820 Mes plus en fu dolonz que liez.
La teste et le col avant tent.
Sa queue sor son dos estent.
Vient aus cerciaus, les deus en passe.
Mes au tiers durement se lasse.
1825 Li quarz le pardestraint si fort
Que bien en cuide avoir la mort.
Si le destraint qu'il en baaille.
Trop se fu empliz de vitaille.
Molt fu Brichemer a malaise.
18;30 Ventres cstraint et trou eslesse.
Renart le semont par derrière.
181H eui-Q
XXlli 329
Li boillons saut de la doiere
Qui Renart fiert enmi le vis.
A grant peines et a envis
1835 Est Brichemer outre glaciez.
Mes Kenart fu toz conciliez
Que liouteus en est et dolenz.
Mes molt en i a de joianz.
Grant joie en mainent et grant feste.
1840 La roïne apele une beste,
Si li conraande qu'ele saille:
Très bien s'i gart qu'ele n'i faille.
Celé saut acesmeement,
Outre s'en va legiereraent.
1845 Tuit s'esorient 'mi ex a sailli,
Que cil qui Renart mesbailli.'
Renart apele Cointerel
'Metez la sele en Roonel,
Si nos ferez ci un esles.
1850 Assez est larges li pales.'
On li aporte frain et sele
Tote a or painte. molt fu bêle.
Si ont Roonel ensele.
Et quant li singes fu monte,
1855 Or i parra, dant Cointerel.
Vengiez moi bien de ce wadel!
Coitiez le bien des espérons
Si que le sente li gaignons.'
Li singes très bien s'aparaille.
1860 Renart uns espérons li baille
Qui sont agu de bon acier.
En ses talons li a fichiez.
Son escucel a lion prent,
A senostrc a son col le peut.
1865 Met Roonel le frain el chief
Qu'il le puist tenir a meschief.
Cointeriaux monte a son destrier:
Ne se deigna prendre a estrier.
A son coste ceint a l'espee.
1870 Galopant va lance levée
330 XXIII
Par la sale fait son eslais.
A Roonel fu cist gieus lais:
Que danz Cointeriaus l'esperoune.
Des espérons granz cops li done
1875 Que il en fet voler le sanc.
Il avoit molt farsi le flanc,
Que tant a beii et inengie:
Vis est c'on l'eûst enpreignie.
Danz Cointeriaus si fort le grieve,
1880 Par un petit que il ne crieve:
Et sachiez que morir i cuide.
Vilainement du cul se wide.
Cil fiert devant et fiert derrière
Et retire le frain arrière.
1885 Toute la gueule li desfait:
Si ne li avoit riens mesfait.
Danz Cointeriaus sa lance besse,
Par grant aïr forment s'eslesse.
Durement fiert par grant aïr.
1890 Mes molt estoit près de cheïr.
Sa lance brise, puis repaire.
Son eslais reconmence a faire,
Des espérons fiert Roonel,
En meint leu li perce la pel.
1895 Le sanc on vole fils a fils
En plus de vint et quatre lius.
Quant il a ses eslais renduz,
De son cheval est descenduz.
Tuit dient cist n'est pas vilains :
1900 Mais ses chevaus estoit trop plains.
Deus des bestes d'enchantement
Sont remontées erranment
Desor deus de lor autres bestes.
Molt demenoiont granz tempestes
1905 Et jostent bien, lor lances brisent.
A lor leus vont, si se rasisent.
Ce dist Nobles cist jostent bien.
1896 .xxiiij. 1906 rasient
XXIII 331
Renart, nos ne wenchons de rien.
Prenez garde de nostre honeur.'
15)10 'Sire' dist Renarz, 'a beneur.'
Renart issi hors de la sale.
Parmi les degrez en avale,
En la cort entre en une borde.
Par enchant i fet une corde,
1915 Un vilain i eiist son fais,
A tôt est venuz el palais.
'Tybert' ce dist Renarz, 'ca vien!
En toi a molt proesce et bien.'
(Or oez conment il l'adorde.)
1920 'Portez moi la sus ceste corde
En haut la vos estuet lier.'
Qui le d(!ust pendre ou noier,
Ne l'i portast il par son cors:
Que il n'estoit mie si fors.
1925 Mes Renarz l'en a fet aiue
Qu'il en tendra mavese feue.
Sor les trez l'ont lie amont.
Renart dit Tybert et semont,
Qu'il la queure de chief en chief:
1930 Ainsi quite tendra son chief.
Tybert quide estre respassez:
Que de cest gieu set il assez,
Se la corde fust bien ovree,
Que par enchant ne fust trovee.
1935 Tybert fu sus les trez montez
Qui de ramper fu bien dantez.
Sus la corde cuide saillir:
Mes maugre sien l'estut faillir
Et cheoir molt vilainement.
1940 De cul et de pointe descent,
Merveilleus flat prist a la terre.
D'angoisse eschigne, les dcnz serre.
Por poi n'est crevée sa maie.
1908 vonchons l'J09 Faut il lire l'aborde? 192(J ? 1937 saill'
faill*
332 XXIII
Toz pasmez chiet enmi la sale.
1945 A grant malaise Tybert gist.
Une beste que Renart fist,
Que bien ot aprise et dantee,
Sus le travers en est montée.
Apres sor la corde sailli,
1950 Cort et racort: ainz n'i failli.
Voit le Roussiaus li escureus.
Toz fu honteus, si ot granz deuls
Por ce que danz Tybert cheï.
'Sire Renart' dist il, oï!
1955 Laissiez me corre la deseure.'
Taisiez vos' dist il 'en maloure ! M 86
Vos vos présentez de folie."
Roussiaus entent qu'il le chastie,
Atant se taist, n'ose plus dire.
1960 Et Nobles li lions s'aïre.
Par mautalent Renart apele,
Jure le cuer et la boele:
Renart, ti gieu m'ont hui traï,
Onques bien ne nos en chaï,
1965 Mes par mon chief, très bien le saches!
Je vueil que tu un gieu me faces
Du cors de toi sanz delaier,
Dont tu les faces esmaier.'
Renart ot que ses sires jure,
1970 Si l'en convient garder mesure,
Et dit, s'il puct, qu'il le fera,
A son voloir se maintenra.
Montez en est en son pales,
Il fera ja un de ses lais.
1975 Sus la feste se va seoir.
Tuit en issent por li veoir.
Ses conjures dist mot a mot,
Et apele que nus ne l'ot,
Les vis deables qu'a lui viegnent
1980 Et si bêlement le sostiegnent
1972 niaintora
XXIII 333
Que il n'i soit un point grevez.
Puis est Renarz en piez levez,
Un petit siffle sor le feste:
Voit venir une noire beste.
1985 Or est seûrs de son afaire,
Qu'il en porra a bon chief traire.
Venir s'en lesse trébuchant
Et a plaine gueule huiant
Et crie ce desouz deseure!'
1990 Et Grinbert ses cousins en pleure,
Qu'il crient qu'il ne soit afolez.
Mes par deable estoit volez,
Si que toz sainz en piez remaint.
N'i a celi qui ne s'en saint.
1995 Devant la dame vint arrière.
Puis parole en tel manière
'Dame, fêtes fere cest saut!'
'Renart' fet ele, 'ne me vaut,
Moi meïsmes convient joer:
2000 Je ne vueil pas ma gent tuer.'
La lionnesse s'est crestee.
En une autre beste muée.
Ne sai qu'aconte vos en face.
Il n'est beste c'on nuncer sache
2005 Dont ele n'ait senblance prise.
En lionnesse se rest mise.
Li rois a bien tôt avise.
Et Renarz li a devise:
'Sire' dist Renarz, 'or me dites,
2010 Que vos senble? sui ge bien quites?'
Ce dist Nobles raolt est cortoise.
Mes d'un poi de chose me poise.
S'ele pooit estre amendée,
Molt seroit bien l'uevre fondée.
2015 Si vos en convient prendre esgart.'
Lors li a respondu Renart
'Dites le, sire, s'il vos plaist.'
Li rois a un conseil le trait.
'Renart, ge te dirai mon sens,
334 XXIII
2020 Que molt par ies de grant porpens.
Ta dame ai fait son sens muer,
Por ce que je quidai trover
Une beste par aventure
Qui ne fust de tele nature
2025 Que li cons fust ensus du cul.
Mes par ma foi, n'en i voi nul.
S'en sui a molt très grant malaise:
Que eus est chose molt punaise
Et cons est une douce chose
2030 Et soef flerant conme rose
Et que on volontiers manie.
S'est mauvese lor conpaignie.
Qui sage home trover peiist,
Qui entre eslongnier le seiist
2a35 Et l'un ensus de l'autre trere,
Geste chose fust bone a fere.'
Renarz ot que ses sires dit.
Si s'est porpensez un petit.
Porpense a molt grant boidie.
2040 Con cil qui molt est plains d'envie
Grever voudra ses anemis,
Por ce s'en est bien entremis.
'Rois' fet Renarz, 'si grant afere
Ne puet on sanz grant paine fere.
2045 Mes qui poine i vodroit mètre.
On s'en porroit bien entremetre.
J'en sauroic molt bien ovrer,
Se ge pooie ce trover,
A ceste oevre tôt l'estovoir.'
2050 'Renart' dist 11 rois, 'dis tu voir?
'Sire, ja mar le mescroirez:
Que vos meïsmes le verrez,
Se ge ai ce qu'il i estuet.'
'Renart, s'on recouvrer le puet,
2055 Par mes deus eulz, vos l'averez
Et toz dis mes amis serez.'
Or ot Renarz ce qu'il li plaist
Qui de musage le fol paist.
XXITI 335
'Sire' fait Renarz, 'entendez !
2060 Huit jorz de respit me donez
Et fêtes feste a la roïne.
G'irai parler a Hermeline
Ma famé qui mult set de bien.
De ce me conseillera bien,
2065 Qu'ele set molt de cileurgie,
Et des cens set bien la mestrie.'
Li rois respont 'dont vos hastez
Et de tost revenir pensez!'
Atant a Renarz congie pris
2070 Et s'en issi par un postis
Que ne le vit home de char.
Ainsi fet du roi son eschar
Et par dcspit le fet muser,
Et a granz despens sejorner.
2075 Qar ainz que revoie Renart,
Fera il un molt grant essart
Ou il sèmera son froment,
Dont il fera aucun dolent.
Si en porrez oïr parler,
2080 Se il vos plest a escouter.
(Le msc. fait suivre la branche XXII, avec des variantes qui la
rattachent à la XXIII""). «
XXIV
(Méon 23-48)
Or oiez, si ne vos anuit! B 32''
Je vos conterai par déduit
Conment il vindrent en avant,
Si con je l'ai trouve lisant,
5 Qui fu Renart et Ysengrin.
Je trovai ja en un escrin
Un livre, Aucupre avoit non:
La trovai ge mainte raison
Et de Renart et d'autre chose
10 Dont l'en doit bien parler et ose.
A une grant letre vermeille
Trovai une molt grant merveille.
Se je ne la trovasse ou livre,
Je tenisse celui a ivre
15 Qui dite eiist tele aventure:
Mes l'en doit croire l'escriture.
A desonor muert a bon droit
Qui n'aime livre ne ne croit.
Aucupres dit en celé letre
20 (Bien ait de dieu qui Ti sot mètre!)
Corne diex ot de paradis
Et Adam et Evain fors mis
Por ce qu'il orent trespasse
Ce qu'il lor avoir conmande.
25 Pitié l'en prist, si lor dona
Une verge, si lor mostra,
1 8>l ailuist 8 trouoi (12) 12 ;;rani matique 21 Je] en 25 U u.
XXIV (Méon 4<)-84) .337
Qaut il de rien mestier auroieût,
De celé verge en mer feroient,
Adams tint la verge en sa main,
30 En mer feri devant Evain :
Sitost con en la mer feri,
Une brebiz fors en issi.
Ce dist Adam 'dame, prenez
Geste brebiz, si la gardez :
.15 Tant vos donra lait et fromaclie.
Assez i aurons conpenage.
Eve en son cuer se porpensoit
Que s'ele une encor en avoit.
Plus bêle estroit la conpaingnie.
40 Ele a la verge tost saisie,
En la mer fiert moult roidement:
Un leus en saut, la berbiz prent.
Grant aleiire et grant galos
S'en va li leus corant as bos.
4ô Quant Eve vit qu'ele a perdue
Sa brebiz, s'ele n'a aiue,
Brait et crie forment 'ha ha!'
Adam la verge reprisse a,
En la mer fiert par maltalant,
50 Un chien an saut hastivemant.
Quant vit le leu, si laisse corre
Por la berbiz qu'il vost rescorro.
Il li requeut: moult a enviz
La laissa li leus la berbiz,
55 Si feroit il encor demain.
S'il la tenoit n'a bois n'a plain.
Por ce que meffait ot li leus.
Au bois s'en foui tout honteus.
Adams ot son chien et sa beste,
60 Si en fait grant jmo et grant festo.
Selonc la santance dou livre
Ces deus bcstes ne puent vivre
44 corent 46 eiue 49 fior 50 Si lo ô6 mosfaiz 50 Quant A.
62 baistos ne pooient
REVAKT n 22
338 XXIV (Méon 85-121)
îfe durer mie longement,
S'eles n'estoient avec gent.
65 Ne savez beste porpenser
Miauz ne s'em puisse conserver.
Toutes les foiz c'Adens feri
En la mer, que beste en issi,
Celé beste si retenoient,
70 Quel que iert, si l'aprivoisoient.
Celés que Eve en fist issir,
Ne pot il onques retenir:
Sitost con de la mer issoient,
Apres le leu au bois aloient.
75 Les Adam bien aprivoisoient.
Les Evain asauvagisoient.
Entre les autres eu issi
Le gorpis, si asauvagi:
Rous ot le poil conme Renarz,
80 Moult par fu ceintes et gaingnarz:
Par son sens toutes decevoit B 33
Les bestes qantqu'il en trovoit.
Icil gorpis nos senefie
Renart qui tant sot de mestrie:
85 Tôt cil qui sont d'anging et d'art
Sont mes tuit apele Renart.
Por Renart et por le gorpil
Moult par sorent et cil et cil.
Se Renart sot gent concilier,
90 Li gorpix bestes engingnier.'
Moult par furent bien d'un lignage
Et d'unes meurs et d'un corage.
Tôt ensement de l'autre part
Ysengrin li oncle Renart,
95 Fu (ce sachiez) moult fort roberre.
Et par nuit et par jor fort lerre.
Icelui leu senefia,
Qui les berbiz Adam roba :
Tôt cil qui sorent bien rober
66 conscrrer 70 eront 84 minstrie 87 lej son
XXIV (Mt-un I-2-2-l-llr<) 339
l(X) Et par uuit et par jor emblnr,
Sont bien a droit dit Ysengrin.
Cist furent bien endui d'un lin,
Et d'un panse et d'un corage.
Larron furent tuit d'un aage,
105 Et Ysengiin apele l'on
Le leu par iceste acoison.
Dame Hersant resenefie
La louve qui si est haïe,
Que si par est aigre d'anbler,
110 Bien puet celé Hersent senbler:
Celé Hersent la lentilleuse.
Qui famé ert Ysengrin espeuse.
La gorpille le senefie,
(Car moult set d'art et do mestrie:
115 Se l'une iert mestre abaeresse.
Et l'autre mestre lecharesse,
Moult furent bien les deus d'un cuer,
L'une fu l'autre, ce cuit, suer)
Por Richout la famé Renart,
120 Por le grant engin et por l'art
Est la gorpille Richeut dite:
Se l'une est chate, l'autre est mite.
Moult a ci bone conpaignie.
Et l'une et l'autre senefie.
125 Cist quatre sont bien asanble,
Eiuz ne furent mes tel trove.
Se Ysengrin est mestre lerre,
Ausi est li rous forz roberro:
Si Richeuz est abaiaresse,
130 La gorpille est fort lecharesse.
Por ce qu'erent si d'un traïn,
Estoit Renart nies Isengrin.
Por ce que si bien s'entramoient
Et qu'ansanble sovent aloient,
135 Lo leu du gorpil fait neveu
Et li gorpiz oncles dou leu.
101 (list 111 mintric 125 sont | furent
340 XXIV (Méon 149— li)4)
Si faitement con je vos di,
Sont enti-'aus parent et ami:
Ne s'apartienent autrement,
1 JO Se mes bons livres ne me ment,
Por ce que le gorpil disoit,
Qant il avec le leu aloit,
'Biaus oncles, que volez vos faire?'
Le voloit a s'amor atraire.
145 Li lous disoit par amor fine
Au gorpil vers qui n'ot haïne.
Par amistie s'entrapeloient
'Oncles, neveu,' quant se veoient.
A Renart puet on bien aprandre
150 Grant sen qui bien i viaut entendre;
Car cil Renart nos senefie
Caus qui sont plain de félonie,
Qui ne finent del agaitier
Con puissent autrui engingnier.
155 Ne ja le fel liez ne sera
Le jor q'autrui n'engingnera.
A engingnier 11 sont onni
Prive ou estrange ou ami:
Ja un seul n'en esparnera,
160 Ja si chier ami ne sera.
Et avec celé félonie
A il le cuer tout plain d'envie,
Et envie est celé racinne
Ou tout li mal prenent orine.
1G5 Avec félonie et envie
Escharsetez est lor amie.
Et escharsetez est tel chose
Que toz tens a la borse close.
Escharsetez est une vice
170 Qui forment aime avarice:
Avarice a le mont sorpris.
Cil est clamez dolanz chaitis.
138 parant 139 niapartionont 148 iioloionl; lfi7 telo KiS ait
XXIV (Méon 195-230) 341
Se rante n'a, se il n'usure.
Or ai parle outre mesure,
175 Car cil qui les granz rantes ont
Ce sont cil qui mainz maus en font.
Moult en puet l'en vilment parler,
Mes je n'ai soin de plus conter.
Une riens vos voil acointier :
180 Ne vous devez esmerveillier,
Se j'ai mis en cest mien traitie
Que de Renart ai commencie,
Si com l'en parole d'autrui,
Con vos porrez oïr ancui
185 De dant Renart et d'Ysangrin.
Car ce content nostre voisin
Que une anesse parla ja
Que un profete chevaucha:
Balaam l'oï apeler,
190 Por ce le sai ainsi nomer.
' Balaac un rois l'out mené
(Tant li ont promis et done)
Par maltalent et par grant ire
Tout le pueple Israël maudire.
195 Nostres sires nou vost soufrir.
Son ange fist devant venir,
A une bien tranchant espee
A la voie celui veee.
Cil point l'asne del aguillon
200 Par derrière sor le crépon.
Des espérons le destraingnoit, B 34
Et du chevestre le feroit.
L'ane n'osoit avant aler.
Par force le covint parler,
205 Et diex le volt qu'cle parla
Et le profete raconta:
'Diva' fait il, 'laisse m'ester,
Diex ne me laisse avant aler.'
173 sa il 176 maint 177 uilmen 181 Se 11 ions en 182 Qui
ait 183 S com 184 oir dancui 196 cnge 198 uce 204 les
342 XXIV (Méon 231—266)
Cil diex, si li vient a plaisir,
210 Puet encore bien consentir
A parler les bestes sauvages,
Et les usuriers faire larges.
Or avez bien oï a tant
Conment sont venu on avant
215 Renars et Ysengrins li leus.
Or redevez oïr des deus.
Si vos conterai de lor vie
Ce que j'en sai une partie.
Toz malades plain de raoncle
220 Vint Renart un jor a son oncle,
Dist Ysengrin 'biaus nies, q'as tu?
Moult te voi ore confondu.'
Ce dist Renart malades sui'.
'Voire, cheles, manjas tu hui?
225 Nenil, sire, ne n'ai talent.'
'Levez vos sus, dame Hersent,
Fêtes li une petite haste
De deus roignons et d'une rate !'
Renart si se tut toz ombrons,
230 Pansa qu'il eiist faiz bacons.
Un petitet leva la teste,
Troi bacons vit pandre a la feste.
En sorriaut as bacons dist
'Moult par est fox qui la vos mist.
235 Ahi, biaus oncles Ysangrin,
Ja sont il tant malves voisin,
Tex puet la voz bacons veoir
Qui en vora sa part avoir.
Isnelement les despandez,
240 Dites c'en les vos a enblez!'
Dist Ysengrin n'en goûtera
Tex, com je cuit, qui le saura.'
Dont conmenca Renart a rire.
'Nel porrez' dist il escondire,
225 Nai 22<3 vosj moi 233 sérient dit 237 Tez (242. 288)
243 rirre
XXIV (Méon 267-302)
245 Tes hom vos en porroit rover.'
Dist Ysengrin 'laissiez ester !
Je n'ai frère, neveu ne nièce
Qui j'en donasse une pièce.'
Por lui le dist et por son père,
250 Et por sa famé et por sa mère.
Ne demora mie grantment
Que Renart vint tout coioment
En sa meson, qant il dormi,
Sus el feste la descovri.
255 Par tel vertu assaut ses cors,
Les trois bacons en sacha fors.
En sa meson les enporta.
Et par pièces les despeca,
En son lit les mist en l'estrain.
260 Ysengrin s'est levez par main:
Il vit sa meson descoverte
Et de ses troi bacons la perte.
'Ahi' dist il, 'dame Hersent,
Concilie somes laidement.'
265 Ele saut sus conrae desvee
Toute nue et eschevelee.
'Diex' dist ele, 'qui a ce fait ?
Ci a estout, domage et lait.'
Ne le sevent sor qui souchier,
270 N'a entr'aus deus que corrocier.
Conme ce vint après meugler.
Renart s'en vint esbenoier
En la meson moult lieement,
Son oncle trueve moult dolent.
275 'Oncle' dit il, 'que avez vos '?
Pensis vos voi et corrocous.'
'Biauz niez' fait il, bien sai de coi.
Perdu sont mi bacon tuit troi,
S'en ai au cuer corrouz et ire.'
280 Oncles' dit il, 'or devez dire.
343
247 neue 251 grantmant 255 v. i seut 273 sa 277 niezj fiuz
344 XXIV vMôon 1503-33(3)
Se vos dites aval la rue,
Que celé char aiez perdue,
Puis ne vos en rovera mie
Paranz ne ami ne amie.'
285 Biau niez' fait il, 'por voir te di,
Perduz les ai, ce poise mi.'
Renart respont 'onc n'oï tal:
Tex se plaint n'a mie de mal.
Bien sai qu'en sauf les avez mis
auu Por voz paranz, por vos amis.'
Diva' fet il, es tu gabierre?
Foi que tu doiz l'ame ton père,
Et ne croiz tu ce que je di?'
'Toz tens dites' dist Renart 'si.'
295 'Renart' ce dist dame Hersens,
'Je cuit vos estes hors dou sens.
Se nos nés eiissons perduz,
Ja esconduiz n'en fust randuz.'
'Dame' dist il, 'je le sai bien
300 Que moult savez d'art et d'augien.
Nequedant tant i a de perte,
Vo meson avez dcscoverte,
Or dites par la en sont trait.'
'Par dieu, Renart, si sont il fait.'
305 Respont Renart 'ce devez dire.'
Renart, n'en ai talent de rire:
Ce poise moi qu'il sont perdu,
Grant domage i avons eu.'
xVtant Renart s'an vait joiant,
310 Et cil remestrent tiiit dolant.
Ce fu des anfances Renart.
Tant aprist puis d'angin et d'art.
Que il en fist puis maint ennui
Et a son oncle et a autrui.
281 la uile 284 P. amis nami namie 285 niers il iminque
287 or noi 289 sanz 295 lursans 296 hor 302 Uoz 307 poise
moise moi 310 remédient
XXV
Signor, oï aves asses, H 74
Et ans et jors a ja passes,
Les aventures et le conte
Que Pierres de Saint Cloot conte
5 De Renart et de ses affaires.
Tels i a qu'il ne prise gaires
Ne l'aventure ne le conte:
Car il ne sevent que ce monte.
Mais qui bien i vorroit entendre,
10 Grant savoir i porroit aprendre
Et oïr mainte bone exemple:
Car la matere est large et ample.
Tout cil qui en content sans rime
Ne sevent pas vers moi la dime:
15 II le vous content a envers,
Mais jel cont par rime et par vers.
Jadis avint en Engleterre
Que Renars s'ert aies pourquerrc.
Un jour s'estoit levés bien main,
'20 Dou. bos iert venus a un plain.
De gaaignier moult s'aparelle
Renars, et si n'iert pas mervelle,
(iu'il ot moult jeune le jour.
Por cou n'a cure de sejor:
25 Cort et racort les sans menus.
Et a tant fait qu'il est venus
16 ie 1 uous conte
346 XXV
Tôt droit sor Teur d'une rivière.
Lors s'en revolt aler arrière
Cius qui de tous baras est mestre,
30 Quant il regarda sor senestre
Par desous l'ombre d'un carbon:
Si vit dan Pincart le hairon
Qui en la rivière pescoit,
Et les poissons au bech chercoit.
dô Renars le vit, la teste abaisse,
A la terre cheoir se laisse
Et se porpense qu'il fera
Et conment il l'engignera.
A soi meïsme se démente
40 Por le fain qui molt le tormente.
'Diex' fait Renars, 'que porai faire?
Par quell engien le porai traire?
Se je atent tant que ci vegne,
Por coi folement se contiegne,
45 Espoir jel poroie bien prendre.
Mais longeraent i puis atendre
Ancois qu'il viegne ci peschier.
Et sel puis comparer molt chier:
Car se je sui aperceûs,
50 Des mastins troves ne veiis,
Il me feront lor jeu puïr
Se je ne m'en puis bien fuïr.
Et s'il me voit, il s'en ira
Et de l'ewe se partira:
55 Si aurai perdu mon travail.
Et diex, que ferai, se g'i fail ?
Et se je sui ci toute jour
Quel preut aurai en mon sejor?
Se preut n'ai par mon travillier,
60 Toute jour i puis baaillier.
Tels est li siècles, dont rien
Sans travail n'a on gaires bien.'
Sor la rive s'est adentes,
59 preut C (=^ Chabailh)] painc 61 Faut il lire est or li?
XXV 347
Quant asses se fu démentes.
65 Sovent regarde le hairon.
Moult est plains de grant traïson.
As deus esraiche la feuchiere
Dont plente a sor la rivière:
Une grant bracie en a prise
70 Renars, et entor soi l'a mise :
Tout contreval la lait aler,
Et sor le hairon avaler.
Et li hairons dreee la teste,
Le peschier lait et si s'areste,
75 Un petitet se trait arrière,
Et quant il vit que c'est feuchiere,
Aval l'enpoint et puis repesche.
Renars seoit sor l'erbe fresche,
Si a a ses dens esrachie
80 De la feuchiere une brachie :
Il la gete en l'ewe courant.
Et si ne va pas demorant.
Li hairons se rest tressallis,
Qui bien cuide estre malbaillis:
85 De la fouchiere se raproche,
Des pies et de son bec l'atouchc
Et reverse en mainte manière.
Et quant il voit que c'est fouchiere.
Do rechief conmence a peschier
90 Et les poissons al bec cerchier.
Renars estoit en son agait,
Bien a veii quanqu'il a fait:
De lecherie se debrise
Et se porpense en mainte guise,
95 Conme il le puisse damagier
Et de la rivière sachiei*.
Mais il dist qu'en l'ewe enterra
Et en aventure se mctra H 75
Envolopes en la fouchiere:
100 Si flotera, qu'ele est ligiere.
grans
348 XXV
Asses porront bien estre ensamble,
Car la fouchiere le resamble :
N'ert pas ligiers a apercoivre.
Ensi le porra bien decoivre.
105 Lors aracha une grant masse
De la fouchiere, et si l'amasse:
Et quant il l'a mis en reorte,
Entrer i voet, mais il ne l'ose.
110 Diex, tant par est couarde cose!
'Par dieu' fait il, g'i enterrai,
Et se je puis, je le ferrai.'
A ces mos s'est Renars couchies
En la fouchiere et enbussies.
115 La rivière ert auques estroite :
Renars, qui le hairon convoite,
S'enpaint en l'ewe de la rive.
Onques diex ne fîst riens qui vive
Qui apercoivre le peuïst,
120 Tant fust saiges ne tant seuïst,
Se il ne 11 fust dit avant,
Par derrière ne par devant.
L'ewe tôt contrevaî le mainne
Vers le hairon qui moult se painue
125 De porcachier sa garison:
Ne se gardoit de traïson,
Ancois entendoit al peschier
Et a poissonnes acrochier.
Et si veoit bien la fouchiere
130 Floter contrevaî la rivière
Et venir vers lui durement.
Moult se contient seiirement.
Si conme cix qui ne savoit
Qui dedens la fouchiere avoit,
135 Et qui nulle cose ne doute.
Mais Renars, qui ne l'aimme goûte
Et qui maint home desavance,
109 il ne l'osej no parole VIA baron 132 C cointient
XXV 349
Se trait vers lui sans deinorance.
Et quant il voit qu'il ne prent garde,
140 Jeté les dens, plus ne se tarde:
Vers soi parmi le col le saiche
Si que la teste li escaiche.
E vous finee ceste guerre.
Atout lui va Renars a terre,
145 Jusqu'à un buisson le traîne
Qui ert desous une aube espine.
Et li haïrons comence a braire.
Renars n'a seing de noise faire:
Dou buisson le trait en un angle,
lôO La le tient tant que il l'estrangle.
Quant estrangle l'ot, sel menja
Ensi que point n'en i laissa :
N'en volt longue parole faire.
Renars s'en va a son repaire,
155 Ce fu en fauquison de près:
Li jors iert auques avespres.
Lors s'aresta enmi un pre.
Le solel vit bas avespre:
Iluec atendra le serain.
100 Très desous un mule de fain
Se va dormir et reposer.
Apres raengier fait mal aler.
Ce nous font acroire li mire:
Maintes fois l'aves oï dire.
1G5 Sor le mullon s'est endormis.
Mais par tens sera estormis :
L'ewe iert desrivee et creiie.
Onques si grans ne fu veiie
Com elle fu en cel saison :
170 Desrivee iert outre raison.
Toute iert couverte la contrée
De l'ewe, qui ert grant et lee:
Jusqu'au mulon iert ja venue.
Couverte en iert l'erbe menue,
loi) setain 17.S .Tusqiia m.
350 XXV
175 Et li flos si venoit montant.
Que vous iroie jou. contant?
Tout contreval o la crétine
S'en va li muions de ravine
U Renars s'ert aies dormir.
180 De poiir comence a frémir,
Et puis après s'est esvillies.
Estrangement s'est mervillies,
Quant il voit que li flos l'enporte,
Qui durement le desconforte.
185 'Ha las' fait il, malaeures,
Chetis folz et desmesures,
Pereceus, mal vais, plains d'outraige!
Ja me suet on tenir por saige:
Mais onques voir n'oi point de sens,
190 Ne ne fis de nul biens porpens.
Dyauble me fist ci couchier
Desus le fain et embussier,
Quant je m'en deùsse estre aies.
Et en ma taisniere avales.
195 Près sui de mort, or le sai bien.
De l'escaper n'i a mais rien.
Car li flos se retrait en l'ombre
Qui maint home noie et encombre.
Se je saut jus, je noierai,
200 Ja autre cose n'en ferai.
N'i os salir, n'i os remaindre:
La menre poor est la graindre:
Qar s'on me puet apercevoir,
Icou sai ge trestot de voir,
205 (Que d'un que d'el ai grant fricon)
C'on me torra mon pelicon.'
Endementres que se démente
Renars en celé grant tormente,
Atant estes vous un vilain
210 Najant vers le mullon de fain
D'un grant aviron qu'il tenoit.
190 fui 191 fironf 199 ius quo n. 202 ost] on 211 naviron
(248. 252).
XXV 351
De la pescherie venoit.
Mainte aventure aviont ou mont.
Najant s'en venoit coutremont,
215 L'aviron tenoit en sa main.
Quant fu près dou mulon de fain,
Si vit Renart cropir deseure.
Quant il le vit, plus n'i demeure :
Celé part vint grant aleiire
220 Con cix qui point ne s'aseûre.
Or est Renars en grant barate,
Qui tantes gens a mis en flate,
Et qui les plus cointes assote.
Sor le mullon de fain qui flote
225 Se siet dolans et esbahis;
Bien cuide estre mors et trahis.
He diex' fait il vilains, 'bial sire,
Si sui haities, ne sai que dire.
Saint Juliens, quel troveûre!
230 Quel dos et quele engorgeùre!
Or est Renars bien atrapes.
Se je puis, il sera hapes.
.Ta li ferai le col estendre
Et senpres le porterai vendre.
235 A que que soit le dos vendrai,
Et la gorge si retendrai:
Orle en ferai a mon mantel.
Il me covient avoir sa pel.
Cou est la fine vérité.
240 Puis sera en l'ewe gete.
Qu'il n'a vers moi point de desfense.'
Moult remaint de cou que fols pense:
Tout autrement ira la cose.
Cil ne fine ne ne repose
245 Trusqu'il vint au mullo tout droit
Ou Renars estendus estoit.
Moult le manace li vilains :
Son aviron prent as deus mains,
227 li] il 244 Cil | Qui 245 C vint manque
352 XXV
Ferir le volt, mais a faili,
250 Car Renars d'autre part sali.
Li vilains li cort environ,
Et lait corre son aviron :
Ferir le cuida en la teste.
Mais Renars, qui pas ne s'arcste,
25;') De l'autre part guencist et saut
En tel manière que cil faut
Qui moult durement le manace.
Renars fuit, li vilains le chacho:
Cliace de ca, chace de la:
2G0 Moult iert corochies s'il ne l'a.
Mais asses se puet travillier
Ancois qu'il le puisse baillier.
Li vilains voit, prendre nel puet,
Bien voit que monter li estuet H 76
265 Sor le mullon, si l'en voet traire:
Car ne li puet damaige faire
Ne ferir en nulle manière
Ne par devant ne par derrière.
Les le mullon de fain s'areste,
270 Et por ramper ses sollers este.
Que vous feroie jou lonc conte?
Sor le mullon li vilains monte,
Et li batiaus dou fain s'eslonge.
Renars, qui le vilain resoigne,
275 Quant il le vit vers lui venir.
Et le grant aviron tenir.
As joins pies ou batel sali.
E vous le vilain esbahi
Par convoitise et par outraige !
280 Por cou nous retraient li saige
Que tels cuide bien son prou faire
Qui quiert son honte et se contraire.
Icou suet on dire en respit:
Por le vilain le vous ai dit.
285 Or est remes en grant péril
253 C Ronara iD/inqur. (' : Lf.t rrj-s; 263. 264 sont iutrrvfrti
XXV H53
Par convoitise d'un houpil:
Or est sor le mullon renies.
Atout Renart s'en va la nés.
L'onde s'en part, l'onde là serre.
290 Ains ne fina trusqua la terre.
Puis s'en va en sa forterece.
Et li vilains est en destrece.
De toute pars l'ewe le molle.
De poor oste sa despoille
295 Con cius qui bien cuide noier.
Li vens le i'ait moult esmaier,
Sa colpe batoit moult sovent.
Lors vint une wague levant
Qui sor le raullon l'acravante.
3(M) Li flos l'enporte et la tormente
Vers un pel, par poi nel tua.
Mais li vilains s'esvertua
Con cius qui bien savoit noer:
De cou fist il moult a loer.
305 Tant s'est ploncliies, tant se demainne,
Qu'a terre vint a quelque painne.
Et quant il fu venus a rive,
Si dist, jamais jor que il vive
A houpil plait nul ne tenra,
.'^lO Xe par lui niaus ne li venra.
289 Faut il lire La nés s'en part? Au lieu de serre // ij avait
'abord reste 309 nu
RENART II 23
XXVI
Or vos traiez ca d'une part, L 62'
Un fauble dirai de Renart,
Qui de Hersent s'est departiz.
Il s'an torna par un larriz
5 Tant qu'il vint a une grant voie,
Entre un champ et une moie.
Garda avant et se remire
Tant que il vit, ce oï dire,
Une croiz desus un chemin
10 Qui moult estoit près d'un sapin.
D'un home qui i fu murtriz.
De ses ennemis desconfiz:
Tue l'orent si ennemi.
Cil parant, li plus près voisins,
15 Celé croiz firent landemain :
Ne tardèrent, mais main et main
Li assistrent desus son chief
Ont a terre a lor piez botee
20 Et une plainche bien dolee
Ont entre les deus croiz assise:
Et bien les tient et fait jostise.
Sor la pierre ot un marreglor
Qu'entaillie i ont 11 bergier.
25 La se seoient per a per
7 a. ce oï dire 8 uit l't se remiro 18 // >iifni(jiip in' un vers
lu moins. 22 bie
XXVI 355
Que je vos sai moult bien nommer.
Li uns est li fiemiz Fremonz,
Blans li hermines li seconz,
Et li tiers fu Thieberz li chaz,
80 Et Ros li esquiriaux li quarz.
S'orent une andoille trovee
Qui moult estoit bien conraee.
îfe sai cui ele fu cheue,
Mais cist quatre l'ont receûe.
35 En poinne sont et en tormant
Que la partissent igalmant.
Enmi est grosse et graille au chief.
De ce est moult granz li meschief:
Quar s'ele fu partot honie,
40 Legieremant fust départie.
Tant ont dit et tant ont parlé
Que tuit ensanble ont esgarde:
As marrelles la jueroit
Li quex d'aux trestote l'auroit.
45 Entre Ros et Thiebert le chat
Andui estoient d'une part,
Si que l'uns l'autre ensoigneroit
Se nus d'aux mestraire voloit.
Fromonz et Hermine la blanche
50 Ont andui d'une part la planche :
Bien puet li uns l'autre ensoignier
Quanqu'il porra au marregher.
11 l'avoient trestot en peis,
Et marrelles i avoit près.
55 Mes encor ne se vent a dire
Qui dou geu soit miadres ne pire,
Quant lor danz Renars aparut.
Si comme Faisius traire dut,
Garda avant par aventure,
00 Yit le venir grant aleiire.
Il lor crie 'Fuiioz, fuiiez!
.31 troup .% |»aitissnnf .'îi) oole 51 pnoiit 57 danz Renars
n été ajouté iCitite main /j/iis récente.
23*
356 XXVI
Fil a putain, ne vos targiez!'
Si con ce ot dit li Faissiax,
Et li chaz, qui moult fu isneax,
(),') L'andoille prant, sor la croiz monte :
Il ne dote ne roi ne conte.
Et tuit li autres compaignons
S'anfiiirent tuit a g-arison.
Renars a Thiebert esgarde,
70 Et cil li a le dos torne.
Thiebert' dit-il, 'es tu ce la?'
Adonc primes le regarda.
'Et dont vienz tu or, Renardin?'
'De cest bois ci, biaux douz cosin.
7ô Porquoi es tu laissus montez?'
Quar plus seûrs en sui assez.'
'Cornant' fait il, 'doutez nelui?'
Oïl.' 'Et cui?' 'Toi et autrui.'
Porquoi?' 'Quar tel chose teing ci
80 Dont j'auroie le cuer marri,
Se par malveste le perdoie.'
'Ha, ce que est? a hi dont proie?'
Oïl.' 'Si ne le puis savoir?'
Oïl: mes n'an puis riens avoir.'
85 Di, va, ce qu'est : comant a non,
Di, va!' 'Andoille Tapelle on.'
'Comant' dit il, 'et par quel art?'
'.Ta voir n'en goteras, Renart,
Quar autres compaignons hi a.'
5)0 'Ou sont?' dit il. 'Très bien le sa.'
Aussinc i aurai je ma part.'
Renart, trop i es venuz tart.'
Renars se fist moult corrociez,
Sovant a ses grenons léchiez.
90 Li angoissus moult se defripe.
Moult art, moult frit, moult se delippe.
Sovant ses yeuz laissus rehuille :
66 rois
94 grenos
OS ficfiit 69 a| Z = et ; rofi-fcllou de Cliahaii
XXVI
357
Sor lui n'a mambre ne se duille.
L'andoille iert un poi entamée,
100 Plus l'esgarde, plus li agrée.
Bien voit Renars, n'an aura mie,
Se granz baraz ne li ayie.
De grant engin s'est porpanssez.
Desor la plainche en est montez:
105 N'i a gaires este en pais,
Quant resaut jus tôt a un fais :
Ses piez bota en l'erbe drue.
Thiebert' dit il, havez veue?'
'Et qu'est ce, Renart, qu'avez pris?'
110 Par deu, ci a une soriz.'
(]uant Thiebers oï ce nommer,
La riens que il puet tant amer,
A la soriz tant entandi
Que l'andoille mit en obli.
115 Au retorner son pie remue.
Et l'andoille li est cheue.
Renars l'ahert ysnelement,
Et l'andoille tantost s'estant.
Thiebers fait duel sor la croiz maire
lio Que nus ne poïst plus grant faire.
■Renart' dit il, 'dex fu trahiz :
Qui vos croit, moult par est honiz.'
'Thiebert' dit il, 'lai moi ester!
;N'ai cure de ton sarmoner.
1-J5 Plus est fox qui en vos se fie.
Moult vos criai orainz aye,
Ne me doignates regarder.
:Meis orandroit me puis vanter, I^ 63
Je hai l'andoille a tôt la liart.
lao Plus ni auroiz ne hart ne part:
Ne me tieng pas a vo cosin.'
Ici prant ceste branche fin.
108 hauo HT lahort, corriyé pur Chahaillc.
XXVII
D'uiia festa de 1 Asansion
Che raonsignor sire lion
Vol gran cort tenir de so bornazo
De bestie demestege e salvaze.
5 Non c grande ne menor
Che totc no vegna a lo segnor:
Che lo segnor vol corte tenir
E raxon far e pla oldir.
Le bestie ben le sete conte parte
10 Totc se lomeiita de Raynald :
Un Chantacler molvolenter,
E Lesengrin de soa moier.
'Nobel lion, ^er deo mcrze,
De Raynaldo fa raxon a mi,
15 De quel sperzora enganaor:
Ch e palexe laro e traytor.
El fio ten ne fe ne sagramento
Ni lealta per nesun tenpo :
Ma d ogna cosa fa felonia.
20 El speza tiita la oonpagnia.'
E Lisengrin, ch el re no 1 anaa,
Davanti lo lion si se regama.
'Nobel lion, per deo merci,
De Raynaldo fa raxon a mi.
25 Ch el m a boni de mia muier,
De Lesengra ch e mi river.
A Malpcrtuso che la trova
A mal so gra che la slbrza.'
'Se deo m ai' dis lo lion,
30 'Questa c grande ofension :
Chi onis 1 altru muier.
Srgnori e done che se qui, [50]
Plas ve intendcr ec aldir
Un sermon de grant sobic,
A chi intendcr si li plas.
El e sermon de grande festa 5
A chi intendre se deleta,
E sciencia s en po trar
Chi in bona part la vol rctrar.
Clie bein dise la scritura:
Tute cosse vul mesura. 10
Chi altri briga de inganar,
L ingano in lui sol retronar:
E chi per altri fa la fossa,
Entro cl cace con soa volta :
E 1 omo che pensa vadagnar, 15
Con malicia avoir trovar,
El ge perde quel et altro
Et e fora dol so salto.
Nui om no diga mal d altrui,
Che altri diga bein de lui. 20
Chi vol dir mal del so visin,
Inpriraa inpense pur de si
E soa rason si de cercar,
E postra diga de altri mal.
Chi de altri dise vilania 25
Ella retorna in soa camissa^
Or, perce cho lo mondo se de mal afar
Et ogn omo briga de far mal,
Imperco Xristo veras signur [51]
Si ne a dado cotai rason, 30
Che tuta cente al mont vivent
8 T{eza) farj fa 15 eganaor 26
T che manque
16 P(iUelli) malicia] malcia 21
XXVII
359
E son tegn,u de iostixier.'
Un Cantacler si s aprexcnta
Davant lo lion, si se lamenta.
35 'Nobel lion, per deo marci,
De Raynald fa raxon a mi.
Che g era ben con sete cento.
Ma un gc n era sanguenente
CheHaynald trovo la noite col dente:
40 Si ge trase 1 ala dentro cl ventre
D un pal ge vedo che non ave un
oltro.'
De quel tb grarao Raynaldo a la mort.
E quel ch era navra e sangucnent,
Davant lo lion si va plurando.
iô'Xobcl lion, per deo merci,
De Raynaldo fa raxon a mi 1
Da che 1 onci 1 orden sagre,
Vu si tignu de iustixier.
Ben sa tu che son Chantacler:
50 Li previi deo chauto hi mcstcr.
Ben sa tu che sun cantaor,^
Li previi deo chante li ore.'
E tute bestie curent,
Viva soto segnoria
Che li demene per dreta via,
Che tuti aibia soa rason '-
A soa dreta doraandason.
E si plasete a leshu Xristo,
Che del mondo fo magistro,
Clie lo lion fosse podesta
E signor e re clama
De tute bestie che al mondo son,
Fer far a lor soa rason.
Or sta lo lion su in una grant
raontagna
Cou moite bestie in soa compagna,
Et avea soi conscieri,
Quant li fasea mesteri,
E comandadori e scrivan
Si aveva d ogna man.
Elo tegniva pledo e rason
Si com re e grant signor :
Tute le besti fese adunanca
E si fese grant lementanca
Sovra Reinaldo comunament
De li soi grandi offendiraent.
Li Cantacler orden segra
Si se comenca a lementar.
Or dise quelli 'miser lion,
Vui se re e bon signor :
Nui ve pregemo fortement,
Entendi nostro lementament,
Et a dreta demandason
N avrei ne in nostra rason.
Dananti vui fasemo reclamo
De Raynaldo to vasallo,
Che sempre ne va mal metant
Lo orden segre e la nostra cant.
Nui cantemo li officii e li maitin
Et el no cessa de nui alcir.
Ancora non e tropo tenpo
Che de nui a morti bein cinque cento,
Cenca queli ch ell a inavra
E poco vivi li a laga.
E questa se cosa manifesta
Ch io d ai perclada la ala dreta.
Le V. 40 se trouve au dessous du
T. 42 cp. 306. Corrigé par T.
55 P catiicler 60 F leraentumet
860
XXVII
'Se doo m ay' dis lo lion,
'Quobfa e grande ofension :
55 Da che 1 onci 1 orden sagre
E son tignu de iostixier.
Anda, Busnardo lo criaor,
Si me 1 meti in bando inortor !
E Boclia move isncllamenl,
60 Si me I scrivi in lo livro deiitio.
Or parla Gilberto li tason
Cl'.e de Kaynaldo c eonpagnon.
'Nobel lion, per deo merzo,
Vu dovi ben intender mi.
65 Moite false lamentaxon
Fi tate davant vu, baron.
Tal so lamcnt de Kaynaldo,
S cl t'ose qui in questa parte,
Za no avrisi ste parole crcere,
70 Ch cl son avrave ben ascoder,
Mo si dis pur a la soa parte
Perche 1 non e qui lo Kaynaldo.
E digo a Yoi, chotal segnor,
No me 1 meti in bando mortor !
75 Che voio essere so churaor,
Davanti voi manlevaor.
De qui a tri zorni lo f'aro venir
A raxon l'ar e pla oldir.
A sa a 1 plu a domandar
80 Ch cl no de ad altru dare.'
Dis lo lion 'A bona or :
Or, mesier, per vostro honor 75
De qucsto vui ne fai rason.'
'Si deo m ai' dis lo lion, [52]
'Questa se grande offension
Ad alcir 1 orden segre.
Eo son tegnu de custisier. «o
Or andei, Busnard lo criador,
E i me 1 cridai in bant mortor !
E vui, siraia, scrivan faccnt,
Scrivc me 1 ordenamcnt,
Si che per scrito sempre se trova 85
E bein ne sia in memoria,
Che in bant mortor sia crida
Quel malvasio omicidial.'
E la simia si se aprestava
A far 00 che lo lion comandava. <jo
Or e vegnu Cilbert lo tason
Che de Kainaldo se compagnon.
Si venue dananti lo lion
E si disse saviamentre
Dananti lo lion so parlaraent. 95
'0 Nobel lion, per deo marce^
Vui deve intender me.
Moite false lementason
Se fa davanti vui, baron,
Incontra Kainaldo loro vasalo luo
Che sovra tuti li altri val.
Ma se Kainaldo fose qui,
Ch el soa rason podese dir,
Bein vederis, Nobel lion.
Ora non e qui Rainald, 105
Ch el e anda in altra part,
A feste 0 a predicacion.
Ter inparar cant e ferm.
Eo V en prego, centil signor.
No me 1 mete in bant mortor, no
Che eo voio eser so curador
E dananti vui manlevador.
De qui a trei corni ve 1 faro vegnir
A rason far e pleido aldir.'
'In bon
dis lo lion.
Da/t^ les vv. 53 ss. les initiales ne
sont pas tout à fait lisibles. 6Q
crivi 64 ï' intcder
XXYll
3«1
Da clie 1 trova reteneor,
Oima no avra 1 bando mortor:
E ve comando ben, Zilbcito li tassuii,
85 Che voe anda per voslio conpagiion.
Tra qui a tri zorni me 1 fa venir
A raxon far e pla oldir.'
E Zilbcrto dis che ben lo tara.
l'artc se da la corte e si son va.
90 Fin al chastol de Raynald
Va Zilbcrto senza reguardo.
E Raynaldo era in una montagna
Che de le altre bcstie no se lagna.
Quindexe porte a per entrer
95 E altretante per eschanper.
El e ben perchaza la noite
De manzer a gran desdoit
Sete galine e un chapon
E un chantaclcr ch e bel e bon.
100 E Zilberto tb a le porte,
Si comenzo a crier a oit :
'0 e tu anda, chonpare Raynald?'
'Chi e tu, che soni en quelc part?
'E son Zilberto li tassun.'
105 'Che. \o tu far, bel conpagiion '?'
'E te vorave parole dir,
Che noe avemo entrum a partire :
E vegno da la corte del lion
Ch e inperero et c baron.
llOLe bestic ben le sete cento parte
ïutc se loraenta de vu, Raynaldo.
Un Chantacler molvolenter,
E Lcsengrin de soa moier.
L e vegnu a lo segnor,
115 Si ve faxea mctcre en bando mortor.
E son stato curaor,
Davanti lu manlevaor:
Da che sum sta curaor
No me lasa en dexenor.'
120 'Car conpaguon' zo dis Raynald,
'Quand eo ve prego en mille part,
'Da poi ch eo trovo curador
E per lui manlevador,
Non e dreto ni rason
De cridar lo in bant mortor.
Or andai, Cilbert le tason, 120
Ter Rainald vostro compagnon :
De qui a trei corni me 1 fai vegnir
A rason far e pleido audir.'
Dis Cilbert che bein lo fara.
Parti se de la cort e si s en va. 125
Dreto al castello de Rainald
S en va Cilbert cenca revart.
Rainald era in una montagna, [5i3J
De le altre bestie no se da lagna.
Bein XV porte elo a d andar 130
E bein quaranta onde el po scanpar :
El e bein percaca la noit
Del mancar a grant déport,
Scttc galline, cinque caponi
E doi Cantacler grosi e boni, 135
Ch el aveva porta de la noit
Per aver so grant secorn.
E Cilbert fo a le porte
E si clama Rainaldo molt c forte.
E Rainaldo respose in ait 140
'Chi e tu che ses vegnu in questa partV'
'Eo son Cilbert le tason.'
'E que voi tu far bel compagnon?'
'Eo te voi parlar e dir.'
Dis Rainaldo 'che avem nui a partir ?' 145
'Eo vegno da la corte do lo lion
Che se imperer e baron.
Eo te digo novella tal,
Che li Cantacler orden sogra
Dananti nostro re lion 150
Do ti a fat lemcntason
Et co per ti son curador
E a lo lion manlevador.
De qui a trei corni ti prcscntar
A rason e pleid menar. 155
De co no sia in ti rancura,
Che nui semo si savi de scritura
1-21 T Qund
130 pertaça
362
XXVII
E quand "e ve vcgno ben a pragai-
Che vu m entres! a manlevar,
E quand e prego per grande amor,
125 Ko no porave trovar manlevaor.
Se me voli a forza far manlevaxon,
Si ve romagno 1 obligaxon.
Ben oe fato tante otcnsion,
S eo Yolese ben trar raxon,
130 Con drito me dovrave lo lion pren-
dere.
Si me dovrave in torche apendere.
Clii a si tegna' zo dis Raynald,
'Che 110 viro en quela parte."
'Car conpagnon' zo dis tassum,
135'Vigni a la cort del lion!
Da ch eo son sta curaor,
No me lasa en dexenor.
Ch eo c ti, senza mentir,
Sen ben per undexe palain.
140 Ben avesemu el palexe torto,
Si vinziramo el pla per volte.'
'Char conpagnon' zo dis Raynaldo,
'Nu saven tanto e 1 un e 1 altro
Ch i corerave tuti a uno remor
145 A una vosa e a un crior:
Remor de povol m a oncir,
Ch eo no porave mia raxon dir.'
'Char conpagnon' zo dis tassun,
'Vigni a la cort de lo lion!
150 Che deo n a da si bon signer
Che 1 no si osa levar remor,
Ne burzela aparir,
E ne no si osa parole dir.'
Dixc Raynaldo 'E ge viro.
155 Me cre che raay non tornaro.
E ve comando ben, Zilberto li tassun,
No me fai may manlevaxon :
No m entra ma a malevare.
Se no ve vegno ben a pregare.'
E si doti in la rason,
Che, s el torto fose de nui,
Bein saveremo nui si far
Cil el pleido avère vadagnar.'
'Chi a si tegiia' co dis Rainald.
'Eo no vegno in quella part:
Clie remor de povol bein m afraf
alcir,
Ch eo no porave mia rason dir.' 165
'Char compare' dis lo tason,
'Vegni a la corte de lo lion :
Da che eo son stado to curador,
No me lasar iu desenor,
Che deo ne a dado si bon signor, 170
Ch el no sen ausa far remor
Ni parola alsa dir,
Se no a chi el fa mestier.'
Dis Rainald 'eo vegiiero.
Eo creco che mai no tornero. 175
Eo ven prego, Cilbert le tason,
No m intrei a far manlevador
E non m intrei a manlevar,
Se eo no von vegno bein a prcgar.
Eo vel voio paleismentre dir, 180
134 T Ca 186 T Da heo
159 P d nui
XXVII
363
160 E Zilberto dis che ben lo tara
En tuto 1 tenpo chc 1 vivo sera.
Oima se raixe en lo viazo
L un 6 I altro a franco chorazo.
La mula de Zilberto ben trota,
165 Quela do Raynaldo va zopa.
La, mula de Zilberto ben anbla,
E quela de Raynaldo si e staneha.
O i t "g a la cort de lo lion,
Cil e inperero e baron,
170 Le bestie ben le zete zeiito part
Tute comenza a crier a olto
'De za ven Raynaldo e lo tassun :
Anda chorando a lo lion :
O sia drit o sia a torto,
l'a Si li faren douer la morte.'
'Char coupagnon' zo di Raynaldo,
'Tu m a conduto en raala parte.
Ben ti 1 vign eo per tenpo a dir,
Remor de povol m a onzir.
180 No oldi tu con gran rcmoi ?
F, nu aven zi gran paura.'
Dixe Zilberto 'No temi miga !
Vigni siguramente en questa via
D en davanti lo lion,
185 Ch e enperer et e baron.'
'Sire lion' dis lo tassun,
'Vei Raynaldo meo conpagnon.
Vu no avi si bon vasallo
Che ve ténia un batistallo,
190 Xe che sapia si bon portare una
mcsazo,
Con sa Raynald, sire lion.
Si mel tigni ben a raxon,
Che 1 incontra a meza via:
Senza comando a cortc venia.'
195 E lo lion Raynaldo guarda
licin ven porave mal avegnir,
Quando eo to vcgno a pregar,
Che tu mcn entresi a manlcvar.
Quant prega 1 om per grant amor [54]
No po el trovar manlevadur.' 185
Or dis Cilbert ch el bein l'ara.
Parti se intrabi e si scn va.
La mula de Cilbert bcin trota
E quclla de Rainald e cota.
La muUa de Cilbert bcin anibla 190
E quela de Rainald c staneha.
Or son après de la cort de lo lion
Che se inperier e grant baron.
Quando le bestie li vête vognir,
Tute si scumenca a dir 195
'De qua ven Rainald e lo tason.
Andemo a corte de lo lion,
O sia dret o sia tort,
Si li farem donar la mort.'
'Compare Cilbert' co dis Rainald, 200
'Tu m ai conduto in mala part.
Bein tel vegni per tempo a dir,
Remor de povelo me ave alcir,
Ch eo no porave mia rason
Dir ananti lo lion. 205
Or semo apresso de la cort,
Grant paura ai de la mort.
In corte semo de lo lion
Che se imperier e grant baron,'
Or intranbi doi se aprcsenta 210
E lo tason preis parlar.
'Sire lion' co dis lo tason,
'Vedi Rainald meo compagnon
Che sovra tuti li altri val.
Ni che aibia si franc coraco 215
De bein portar un mesaco,
Cum fu Rainald, sire lion.
Si me 1 tegni bein a rason,
Ch eo 1 incontrai a meca via,
Cenca demora ch el vigniii.' 220
Lo lion Rainaldo varda, [55]
186 riio
193 F Ce se imprier 213 F com-
pagno
364
XXVII
Avre la boca e si ge parla.
'Bestia malvasia de natura,
Con tua pesima figura,
Con po tu tante guère finir
200 E tanti to inimixi guarir ?'
'Sire lion' zo dis Raynaldo,
'E 0 raxon in ogna part:
Per zo m a manda deo creator
Che 0 rason e noite e zonio.'
205 E Lixengrin, ch el re nol 1 ama,
Uavanti lo lion si se regama.
'Nobel lion, per deo merze,
De Raynaldo fa raxon a mi!
Ch el m a boni de mia muier,
210 De Lexengra, ch e qui river :
A Malpcrtus ch el la trova
A mal so gra ch el la storza.'
'Se deo m ai' dis lo lion,
'Questa e grande ofension :
215 Chi bonis 1 altru muier,
E son tignu de iostixier.
Com e zo, sire Raynaldo,
Che vu si tanto ardi e baldo
Che vu oni 1 altru muier ?
220 E ve son tignu de justixier.'
Or parla Cilberto li tassun,
Che de Raynaldo e conpagnon:
'Nobel lion, per deo merzc,
Vu devi ben intender mi.
225 Per raeo compare voio parlare,
En soa raxon voio curare :
De (|uello che ge dobia zoare a Ray-
naldo
Digo per lu en questa part:
230 De quel che ge dovese jiosere
Per te nol digo per lu, e anzi per mie.
Questa si e falsa lamentaxon
Ch e fata davanti vu, baron.
Con drito dovrisi Lixengrin prender
235 E si 1 dovrisi in forche apendere:
E la putana de soa moier
Dovristu far arder e broxer.
Avri la boca e si parla.
'Bestia mala de natura,
ïu ei de si picola figura,
Com poi tu tante vere far
E tante brige demenar?'
Dis Rainald 'miser lo lion,
Imperco ch eo ai rason.'
Et Isengrin, che Rainaldo non ama, 230
Dananti lo lion se reclama.
'Nobel lion, per deo marce !
De Rainald t'ai rason a me,
Ch el m a uni da niia muier,
De Isigrina, ch e qui a river. 235
Ad un pertus el 1 a trova,
A mal so gra si 1 a força.'
'Si deo m ai' dis lo lion,
'Questa fo grant oflension
A forcar 1 altrui muier: 240
Eo son tegnu de custiser.'
Responde Cilbert lo tason
Che de Rainald e compagnon:
'Sire lion, per deo merce !
Vui deve bein intendre me.
Moite falsc lementason
Se fai ananti vui, baron.
Per meo compare voio parlar
E voio soa rason cuiter.
Quel che de coar a Raynald
Digo per lui in questa part.
Quel che li dcvese noser per se
No digo per lui, anci per me.
Con dret devercs tu Isigrin
Far condur a mala fin,
E la putana de soa muier
Far la arder e brusicr.
■218 T blando
244 Sire bon
XXVII
365
Corne I porave ma a me segnor dir,
Ne com e ma sta cosa da crecre,
Che Raynaldo, ch e qui river,
240 Poesse mai Lesengra sforzer ?
Ne, s t ame deo, d esto claraor
L'an de gran pena e gran remor.
Anch e Lisengra si forte
Che la n porave onzir quatordoxe,
245 E la gel de per bon convento.
Del bando no de 1 pagar niente:
Da che 1 no fe sego tenzon,
Tu no i di far condanaxon.'
'Se deo m ai' dis lo lion
250 'El par che Raynaldo abia raxon.
Bestia malvaxia de re pensero,
Con te laxavi tu a Raynaldo sforzer ?
Ben e tu si grande e si forte
Che tu en porisi ancir quatordexc.
255 Tu gel dexi per bon convento,
De bando no de 1 pagar nient :
Da che tu no fisi sego tezon,
Eo ne ge do far condanaxon.'
'Sire lion' co dis Lexengra,
260 'Vu no savi de latro e de la puta
strena.
E vidi e latro, si vel vosi première,
Che vel volea, mesegnor, r.ondere,
Con de far spercuraor
E bandezao a segnor.
265 Raynaldo fuzi in una chosta,
A una tana entro una posta :
Et eo ze dreo, che vosi prendere,
Che vel volea, mesegnor, rendere.
Si me caze en le reie parte,
270 Che de fora me roraaxe le quarte :
Dentro e no poti entrere
Ne de fora poti torner.
Raynaldo ensi da 1 altre part
De dreo me venc senza reguart:
275 A mal mec grao ch el me sforza,
Trea via mego che se conza.
Peroh eo no me poti acholeger,
Per zo sofri grève mester.'
Pris a crior lo Lion a olto:
Com poraf eo a meo signor di
Parole che non e de crer,
Che Raynald, ch e qui river,
Podes Isigrina a forcer ?
Che Isigrina se si forte
Che a dodese darave la morte.
Or vel digo per convont
Del bant no de 1 pagar nient,
E fai, mesier, comandason
Che de co plu no sia tenenn.'
'Se deo m ai' dis Isigrina,
'Eo me lemento de puta ostrina
De un falso spercurador, [56] 270
Che e bandeca de so signor.
Rainald se caca in una tana.
Et entro la tana se aposta :
Eo me cacai entro la terca part.
De fora romas la quarta part:
Uncha no poti dentro entrar
Ni de fora no poti tornar.
Fora ensi Rainald da 1 altra part.
De dreto me venne cenca rcvart.
A mal moo gra si m a força,
Entro la via se acolega,
Eo no me podeva corler,
Per co sofri quel gref mestier.'
•273 T latre 279 T ton
279 ma
366
XXVII
28o'Fisi vu zo, sire Raynaldo?'
'Se deo m'ai' dis Raynaldo, 'altri
Qui 110 rcspondera nesuii per mi:
E se 1 ge rcspondera nexon,
E nol tegno per rexoncion.
28n E ve digo che no fi miga:
Me la ve dixe gran folia.
Forsi fo la altra rea chosn,
V altra rea pesima.
Me me lamento de 1 asolto,
290 Che la me volse prendere a lorto,
Corne la confessa denanzi da ti.
Si 1 abia ben a lermo re.'
Dis lo lion "Voli vo mostrer?'
'No voio, eh eo no poso, nieser.'
295 'Se deo m ay' dis lo lion,
'El par che Raynaldo abia raxon :
E V asolvo ben de questo pla, Ray-
naldo.'
Dis lo tassun 'Si fari vo dl altri.'
Un Cantacler si s apre.xenta
.■^00 Davanti lo lion si se lamenta.
'Nobel lion, per deo merze,
De Raynaldo fa raxon a mi !
Che g era ben con sete cento,
Ma un ge n era sanguenent,
30.") Che Raynaldo trovo la noitc col dent :
Si ge trasse 1 ala dentro 1 ventre :
D un pal ge vedo ch el non ave un
oltro.'
De quel fo grarao Raynaldo a mort.
Quel ch era navra e sanguenent
310 Davanti lo lion s un va plurando;
'Nobel lion, per deo merze,
De Raynaldo fa raxon a mi !
Da che 1 onci 1 orden sagre
Vu si tignu de iostixier..'
315 'Se deo m ai' dis lo lion,
'Questa e grande oftension :
Da che 1 onci l'orden sagre
E son tignu de iustixier.
Ben soc, tu e raeo chantaor,
Dis Rainald 'questo no fes on miga.
Ella ve dise grant folia.
Ella fo altra mala bestia,
0 altra mala cosa pessima
Che li 1 feis intro la tana.
S ert ela e paleîs putana.'
'Se dio m ai' dis lo lion,
'El par che Rainald aibia rason : ^oo
Da che 1 se po con dret defender,
A tort non li voio la morte rendor.'
Li Cantacler si s apre.=enta,
Davanti lo lion si s aleraenta.
'Saipia bona cent,
Che i era bein seto cent. 29S
Un si n era sanguanent
Che Rainald trova la noit :
Con li dent li trase 1 alla del corp,
Ont el parea ch el fosse mort. ^oo
Quel ch era inavra e sanguannent,
Davanti lo lion si veni plancent:
Nobel lion, per deo merce!
De Rainald fai rason a me,
Che 1 m alci 1 orden segre : 305
Tu ei tegnu de custiser.
Bein sai tu ch eo son to cantador
E prevede de cantar le ore.'
'Se deo m ai' dis lo lion,
'Questa fo grant offension 310
Ad alcir 1 orden segre,
Eo son tegnu de custiser.'
'Se deo m ai' dis Rainald,
309 P Seo deo 311 P loden 312
P custier
XXVII
367
320 Li previi deo chanti li or:
Ben soe che tu e me Chantacler,
Li previi deo chanti i mester.
Raynaldo, quan tu t a de qua partir,
Za no avra taleuto de rier:
325 Quan tu t avra partir de questa parte
Porave valer enzigna e art.'
'Sire lion' zo dis Raynaldo,
'E son qui alo en questa part.
Si va credeva un drito signor,
330 Mo vu si fato plazaor :
Da che tu plaizi per 1 altra part,
Segnor, e de malvaxia arte.
Le poesta dovrave intendere,
E le apresn dovrave responderc,
335 E le rexocion scolter,
E le sentencie débuter.
Se no me voli tignir ben a raxon,
E no ve prexio miga un speron.
Che di Cantacler, a mi siente :
340 Eo ne manza za in tri mixi ben
sete cent.
Mo son tôt veclo, no posso ander
Ch e 0 ben doxento agni passe.
El no serave vignu el meo tenpo,
Ch eo dovese far sagramento :
345 Ni anche dovese a cort vegnir.
Se vu lo volissi sofferrir.
Mo da che voli ch eo ge vegna,
Ben e che 1 vostro comando tegna :
E si ve digo ben, meser,
350 Che no vosi uncha ingicsia entrer,
Per mesa ne per maitin scolter,
Se no ge ze per grasa galina o per
'chapon prenderc.
Xo 0 grida, zentil signor,
Che volese scoltar so ore
355 Che i no e de nostra religion.
Nu semo bestie et el e osello:
El sa volar e ben e bello :
E no me recordo in nesun tenpo
Che vu me fisi coraandamento,
360 Se deo me de che poti prendere,
De queste parole eo son ben calt.
De co no responda negun per mi 315
Ch eo no li prego, si deo m ai:
S el de responder algun baron,
Eo no la fegnaro per responsion.
A vui digo, meser lion,
Eo ve credeva un bon signor: 320
Vui se spercuro per tute part,
Mal de andar tute le art.
La podesta de bein intender [57]
E 1 apelason inprendre
E la rason bein ascoltar 325
E dreta sentencia debia dar.
Ancora te digo, miser lion.
Se tu no me teines bein in rason,
Eo no te presio un speron.
De li Cantacler a mi sicnt 330
Eo n ai manca bein einquo cent. »
Eo son veglo, non poso cir,
No devcrave a cort vognir,
Mai vos tu pur ch eo devogna
E 1 to comandamcnt mantegna. 335
Eo non volsi mai in glesia infrar
Per messa ni per maitin scoltar,
Se no andai per galine prender
Et a lo meo corpo grant asio render
0 per galine o per capon 340
Ond eo me les de gros bocon.
Eo son bestia per andar
E li auselli sa bein volar.
Chi non vol lo mal fucir,
De rason lo de padir.' 345
322 T chati 337 no manque 340 T to
86S
xxvn
Clie no dovese a mou asio renderc.
'So deo m ai' dis lo lion,
"El par che Raynaldo abia la.xon ;
A tort no voie Raynaldo prendcre
365 E no gc voie la mort rondere,
E no me recordo per nesun tempo
Che ge fesse comandamento :
E da che no ge fi comandare
A tort no 1 voia justixiar.
370 Ma el zurara in ogna parle
De tegnir fe tregua e paxo.'
E Raynaldo tôle e si zura hi co-
mandament del lion,
Ch e inperer e baron.
Li aloga Cilberto pregasse
375 Che diil re lo manlevaso.
'Reten te, Raynaldo, de lavorer
E laga star li re mester :
Reten te, Raynaldo, de to siinr
E no siar may chacaor.
380 S tu me falasi may, Raynaldo, e
t avi prendero,
Si te farave in forche apenderc.'
E Raynaldo dis, che ben lo fara.
Parte se de la corte e si scu va.
Quando Raynaldo e parti dai oltri,
385 Si a grau zoia e gran confort.
Dixe Raynaldo 'Deo creator,
Che m a fato zurar sto signer,
Che me retegna de lavorar
E lagar star li re mester ;
390 E no so arar ni zapar,
Somenar ni crpegar,
Far vigna ne far fossa
Ne far queste lavorar ;
E no so far tore ni soler,
595 Chanbiar or ni diner :
E no so far nave ne sandon,
Ne so far queste lavnraxon :
E cre ch eo me n sperzuraro
Ni sagraniento eo non tiro.
'Si deo m ai' dis lo lion,
'El par che Rainald aibia rason,
Da poi ch el se po con dret defcnder,
A tort no li voio la morte reudcr.'
Dis Rainald 'grant marcc, miser lo 3.50
lion.'
Dis Gilbert 'miser fase li don.'
Dis lo lion 'vole vui mestier?'
Dis Rainald 'no voil mestier,
Trop son vetran, nol pos durer.'
Or a fato comandament 3.55
Lo lion incontinent
A Rainald bel e cent,
Sota peina de sagrament.
'Eo ve comando, Rainald,
Treva e pas in ogna part. sfio
Retei te, Rainald, de lavorer
E lasa star lo reo mestier!
Retei te, Rainald, de te lavor
E non eser plu scacador!
Se plu mal fasi, eo te faro prendor 365
E la morte te farai render.'
Da la cort Rainald s en part
Con reo incegno c cou mal art,
E va digaud 'deo criator,
Que m a fato curar lo meo signor ! aîO
Ch eo me mantegno de lavorer
E lasa star li rei mestier!
Eo non sei arar ni capar.
Ni sachi adoso no sai portar.
Ni travesar vin in vecol, 375
Ni capar fava ni fasol,
Ni cambiar or ni arcent,
Ni far nisun lavoranient,
Ni far nave ni sandon.
Ne alguna lavorason, 380
Ni menar morcadantia
Ni lavorer ch al mondo sia.
Eo crcco bein ch eo me spercurero
E l sagraniento no tegnero.
m-2 T Ion '365 T r. a tort 372
T comandamit H87 T na
.'],')8 mesier 372 P nioscier 880
P lauorauorason
XXVII
369
400 A mal nioo gra luel fc zurar : ,
Se nien sperzmo, el no e pécha.
In una bradia Raynaldo intra,
Una grassa cavra ch cl ge trova.
'Deo te salvi' zo dis Ilaynaldo.
405 'Comadre, chc fa tu en questa part ?'
La cavra ge dis senza rancura
'Raynaldo, deo te dia mala vcntiira !
Unda si vu meo conpadre ?
Unda vu me clama comadre ?'
410 Dixe Raynaldo 'De lo cavrco,
Clie ge mis nom 1 Agnelo.
lîen te dovrave a recordare :
Tu sa che 1 tigni al batezare.'
La cavra dixe 'De puta fe,
41.") K cre che 1 me 1 recordo raci,
L'onpatre Raynaldo, che volivu farc?'
'Ohomadre chavra, e me voio consier.
En vpgno da la corte do lion,
Cil e onperer c baron,
420
E si m a ftito zurarc en ogna part
Che debia tegnir tregua e paxe.
E no so menar merchaandia,
Ne far lavor ch al raondo sia.
E cre ch eo men sperzuraro,
42r> Ni sagraraento e non tiro.
A mal meo gra me 1 fe zurare:
Se me sperzuro, el no e pécha.'
'Conpadre Raynaldo' la chavra dis,
'Vu no si savio ni cortis.
430 Vu perderisi deo onipotente
A sperzurar ve de sagramento.
E si avrisi bando mortor
Da lo lion, ch e inperaor.
Mo mi e vu coraunamente
435 Somenaren sta bradia de formcnto.
Deo ne porave far gran ben :
D un gran nen porave rcnder zento.'
E Raynaldo un piteto pensa
E dixe 'Comadre cavra, nu no aven
somcnte :
Fe mel curar a mal meo gra, 385
S eo me spercur non e 1 peca.'
In una braida Rainald intra,
Una cavra si ne trova.
'Deo te salve, comarc cavra.
Que fas tu in tjuosta braida V' ?'90
Dis la cavra ccnca rancura
'Deo ve dia mala ventura!
De qui se vui mia compare,
Che vui m apelai vostra comare ?'
Dis Rainald 'del cavriel 3;).'>
Cil eo te baticai 1 autrer :
Bcin te devres tu arecordar
Ch eo tel teni a baticar.'
La cavra li dise in quela ora
'Bein creco eh eo mel recorda. loo
Car conpare, que vole vui far?
Or mel dise, se 1 ve plas.'
'Eo vegno de la corte de lo lion
Che se imperer e grant baron,
Ela m a comanda per so art 405
Treva e pas in ogna part,
I'] ch eo me tegno de lavorer
E lasse star li rei mestier.
Eo creco bein che men spcrcurero
Ne 1 sagrament no tegnero: 410
Fe mel curar a mal moo gra,
S eo me specuro non e peca.'
La cavra responde e si 11 dis
'Vui no se savio ni corteis
A sporcurar ve del sagrament. 415
Partirese ve da deo omnipotent
E averase bando mortor
Da lo lion ch e inperer e baron.
Or mi e vui coraunamcnt
Semenemo questa braida de furment. 420
Grant bein ne porave deo far,
Se nui scumencemo a lavorar.
D un gran ne dara bein cent
Lo vero deo omnipotent,'
E Rainald un poco se inpensa: 425
'Comare, nui non avemo semenca :
404 T 8, comadre chavra zo 434
comunanente
KENART H
404 P grat 408 P lieri
24
370
xxvir
440Arar tera senza somener,
Ora ne poravemo poca asenbler!'
Dixe la cavra 'Lo meo scgnor lo vilan
Si n a una tina plena.
En sta noyte i andiron :
445 Assa, asa n involaron,
Si ne avron ben a somener,
E sin dovraverao ben asenbler.'
Dixe Raynaldo 'A bona hor,
Da che 1 va plax, che 1 e 1 mior.
450 Me staro for da luitan,
Che 0 tropo gran giiera co hi can :
Entro 1 logo no voio entrer,
Che hi cani e tuti me guirer.'
Dixe la cavra 'A bona or,
455 Or i andaro per vostro amor.'
Oima se mise en lo \iazo
L un e 1 oltro a franco corazo.
La cavra entro la vila entra,
Raynaldo de fora da la .vila sta.
460 Dixe Raynaldo 'Qui alo no la voio
atendere,
Che la me porave trair o prendere.
Tor moe nia possa per fe,
No trovara la miga mi qui.'
La cavra ze, si sen carega,
465 Fora de la villa si torna,
E vignua en quella part,
E DO trova miga Raynaldo.
Per lo camin si se driza,
Raynaldo la corando ge va.
470 Sin a aduto dcl formento,
Sin soraeno e bene e gento.
Con le grasspe si graspa,
E si 1 crovi si como i sa.
Raynaldo se colego sovina,
475 Come vel digo per dotrina.
Arar tera senca semenar
Poco ne pora covar.'
Dis la cavra 'bein la trovcremo
E tosto la recovrerremo. ■iSO
Un vilan de quella villa
Si n ge n a plena una tina.
Doraan per tenpo nui anderemo
E asai nui de involeremo :
Si la voremo semenar, 435
Grant bein ne poremo trovar.'
Dis Rainald 'a la bon ora,
Deo ne faca far bona ovra.'
La cavra inver la villa va
E Rainald con si mena. 440
Dis Reinald per lo primer
'In la villa no voio intrier,
Che tuti li e mei verier.
Eo me staro pur da lutan,
Ch eo ai vere con li can.' 445
La cavra inver la villa vi
E de forment se carega.
Dis Rainald 'per mia fe,
La cavra qui no trova me.
Ella vein de forment cargada
E Rainald non a trova :
Et e alegra, ananti sen va
E Rainald si trova.
'Or semenemo lo forment
Tntrabi doi cumunament.
440 T somtener
XXVII
371
La cavra ge vene molto corente,
A la coa ge mixe el dent.
La cavra e 1 bo che de ander,
Raynaldo e 1 erpexe che de erpegcr.
480 Tanto cercho e -valle e dosso,
Che 1 no ge romaxc de pel adosso.
Dixe Raynaldo 'Deo crcator,
Con mala cosa e a far lavor
Atant che 1 forraento e naxu,
485 E una spana 1 e crexu,
La cavra en zencha qiian d el ge
plax,
E raanduga quel che plu ge plaxe.
'Comadre cavra' co dis Raynaldo,
'Vu m en fari mollo mala parte.
490 Vu savi ben 1 erba manzer,
E no me n posso miga sozorner.'
'Conpadre Raynaldo' la cavra dis,
'Vu no si savio ni cortexe.
Vu no si uso de lavor,
4"J5 E per zo fa vu cotai remor.
Per manzer 1 erba e be e bello,
Za non sera el formento de pezo.
Per manzer 1 erba e ben e zent
Za non sera de pezo el formentor.
500 Atant che 1 formento e cresu,
Et 0 raeij, et e batu,
E amontona e aparecla,
Et entro 1 ara c ben conza :
'Comadre cavra' zo dis Raynaldo,
505 'E toi formento en qucsta parte:
Or scravc bon partir,
Se 1 fosse vostro plaxir.'
La cavra fo bo per arar
E Rainald preis a semenar.
Tant cercha Rainald val e dos,
No li remase pcl a dos.
'Si deo m ai' dis Rainald, <
'Eo son conduto in mala part.
Alto pare creador,
Com mala cosa fo lavorason !
Eo creco bein ch eo me spercurero
Ne 1 sagrament no tegnero :
Fe mel curar a mal meo gra.
S eo me spercuro, non e 1 peca.'
Or e semena lo furment
In la braida bel e cent.
Tant che 1 furment e cresu
E grant bein li e devegnu.
La cavra va per lo furment
E manca la erba e bein e cent.
'Se deo m ai' dis Rainald,
'Vui men fare mala part.
Bein save 1 erba mancar :
Eo d ai dura fadiga e pensier,
Tant ai cerca e val e dos
No me remas pel a dos.'
'Si deo m ai' la cavra dis,
'Vui no se savio ni cortes.
Vui non se uso de lavorason,
Per co parla vui contra rason.
An me te cretev eo servir,
Bein sai a lavor che fai mistier.'
Atant ch el furment c cresu,
E raadur el e vegnu,
El a medu e taia,
P^t al ara e 1 porta,
De un granel liiid a rendu cent 490
Lo vero deo omnipotent.
Amantenent Rainald si dis
'Questo furment se vol partir.
487 r qui 497 T fomenta
466 ma 476 P lebar
24^
372
XXVII
Dixe la cavra 'A bon hora,
Or partirerao a grande araor.'
Slo'Comadre cavra' zo dis Raynaldo,
'E faro la jeta e \n tori la part.'
Dixe la cavra 'A bon or,
Me no me piaro al pezor.
No parti par zo falsamente
5in Clie piaro pur lo formcnto.'
'Comadre cavra' zo dis Raynaldo,
'E ve voio tare cotai parte
Che voe avri la pagla e 1 loglo
Et co avro lo forraento tuto.
620 E se questa no voli prendere,
Un altra ve n voio metere.
Che voe avri o 1 loglo e la paia,
Etre avro cl formento, a eu son caia.'
'Conpadre Raynaldo' la cavra dis,
525 *Voi no si savio ne cortexe :
Che voe parti malvaxiamente
Che voe voli pur lo Ibrinento.
Ma se voi voli bon far rason
E no aver nicgo tenzon,
530 Tremo alo de sto lavor
La somente del meo spgnor,
Foe meti del grano e de la pagla:
E quel che de valer, si vaia :
E no m entradi a inganare,
535 Che voio inanci plaezare.'
Dixe Raynalde 'El sol va a monte:
A pladezar de noite no e ora.
Ma demaytina ie vigneron^
S a dco plaxp, si s aeordaron.'
540 Dixe la cavra baldamentc
'Mai domatina ge saremo per ton[)0.'
Raynaldo se driza per un caniin,
E zura a dco e a san Martino
De menar sego Lcxcngrino.
Del partir bein e rason
La soa part eiba cascadun.
Eo faro la partita' dis Rainald,
'E vui tore la vostra part;
Lo strau a la paia toi a ti,
E lo frumcnto eo voio a mi.'
'A chl cl doia' co dis la cavra,
'La mia part avérai co a casa,
E la mia parte bel e cent
Intregaraentre dcl furment,
E la semcnca dcl meo signer
Tuta dananti a lo lion.'
Dis Rainald lo sol tir a monta,
Plaicar de not me fai grant onta.
Doman per tenpo qua vegneremo.
Se a dco plas, si s acordcremo.'
La cavra son va per un camin, ôio
E cura deo e sant Martin
'Rainald, tu me voi incegncr :
Eo tel faro bein conprer.
Se eo non demeino intrabi li mastini
A qacsto furment partir, ôl5
Samai no voio deo orer,
Ne 1 Creator che ferma lo cel.
Se tu veines, Rainald, a la tencon,
Se tu no .ge lasses lo pilicon,
518 T e logo 520 T avri o logo
533 T qui 541 T samo
508 P tepo
XXVII
373
545 'E se toe veni, cavra, a la tcnzone,
S tue nu ge lasi el pilizone,
Eo no voio mai manzar caponc'
Et andando Raynaldo per lo camino
El guarda e vede Lesengrino.
5"0 E lo Lesengrino no disea niente,
Como homo ch era molio dolentre :
Che 1 era ben tri zorni passa
Ch el no avea raandega.
Dixe Raynaldo 'Yen za, baron,
j.jj Che te daro de venason.
E 0 domane a partir blava
Cou essa mia coraadre cavra.
Vcn t en mego domatiua:
Si avéra la bona strcna.'
5fiO Lesengrin dise 'Volcntera:
Che 1 me fa lo gran raestero.
Pure che la sia ben grassa:
Si avro la bona passqua.'
Dixe Raynaldo 'No domandaro,
jf)5 Ch elle si grassa, zo me parc;
Ch clla no se po portarc,
E tu nol la pora pur mandegare.'
La cavra en ver la via sen va
E dui mastini cJl a trova.
565 Dixe la cavra 'Fiioli mastini,
Fin che vo cri pizini,
E ve fo morta vostra madrc,
Samai no voio deo orer, 520
Ni 1 Creator che ferma lo cel.'
A li cagnoni la cavra anda
E si li parla com clla fa.
'Dont vcgui vui, mare V' dis li cagnon,
'Fioli, de raolto mala tciicon : 525
Ch eo semenai furment
Con Rainald comuiiament,
E lo traditor Rainald
No me vol dar la mia part.
Fioli, eo voleva del gran, 530
Ch eo ve voleva far del pan,
E si ve voleva dar raancar,
Unde ch eo ve voleva alevar.'
Dis Fortinel 'mare, intendi mi,
Mcnei me a quest furment partir ! 535
Se 1 vein Rainald a la teucon.
Se 1 no ge lasa lo pilicon,
Camai no voio dco orer.
Ni 1 Creator che ferma lo cel.'
Dis Bonapresa 'mare, intendi me, 540
Da che mco frer vol lo pilicon,
Sego no voio far tencon.
Ma in tanti logi lo scuracero
E si 1 ai romper e forer,
Che non pura nul bein aveir.' 5 45
Dis la cavra 'a bon ora,
Eo ven prego, fioli cagnon,
Che vui vigne a la tencon.'
A la maitina la cavra s a leva,
Intranbi li mastin si trova, ^ô"
Si scn va bel e cent
0 e la paia e 1 furment :
Soto la paia li cani s acolega,
La cavra la paia su li cita :
Si li covri e bein e cent, "''^^
Uncha no par che sia nient.
E Rainald sen va per un cainin,
E cura deo e saint Martin
'Cavra, tu me voi incegner :
Eo tel faro bein conprer. îJ^O
S co non dcmcin Isigrin
A questo frument partir.
552 T zoni 557 easo 567 El
545 nui 562 F patir
374
XXVII
Et eo ve voisi nudrigare
E fi ve asa bene a raxone.
575 Mo men rendi bon guierdone :
Che 0 a partir blava cum Raynaldo,
Et el me \a pur inganando :
Che I me vol pur dar lo stramc,
E vol per lui lo formento tulo.
580 Ma doman lo voie partire.
Si ve coven mego vignirc,
E stare en 1 ara soto la paia,
Fin che Raynaldo sera in 1 ara:
E s el vira per lo gran partire,
585 Voe savi ben chen se vol dire.'
Li cani dixe 'Be ne plaxe.
Noi gin darerao niala parte.'
E la sira in l'ara andono
E in la paia s aplatono.
5!^0 E la cavra sta dal grano,
E aspeta pur Raynaldo.
Raynaldo vignia per una via
Cun Lesengrin in conpagnia.
E vignando Raynaldo per una costa,
595 El guarda in 1 ara e vcde la paia
mosa,
K stare in un altra guisa,
Ch el no la laso la sira.
Dixe Raynaldo 'E o panra
Ch eo avro rnala ventura,
600 Se vo a partire lo formento,
E avro mal partimento :
Chel la cavra avea er sira
Del formento molto grand ira,
Che 1 tignia pur per mi
605 E la paia dava a si.
Ond eo crezo per viretae
Ch ella me vol inganar.
Che crezo che 1 abia conpagnia,
E no per mi che bona sia.
610 Und co no voio cire a 1 ara,
Ch eo la poravi ben aver cara,
Ch eo m infingiro d aver maie
E diro ch co no poso andare :
E pregaro Lixengrino tahto,
615 Ch el andara a partir lo formento:
Camai no voio deo orcr,
Ni 1 Creator che ferma lo ccl.
Se tu no gen lases lo pilioon, 565
Camai no voio deo orer,
Ni 1 Creator che fermo lo cçl.'
Tant k el trova Isigrin
Ch el nol tein per bon visin.
'Deo te salve' co dis Rainald. 570
Isigrin senca rancura:
'Deo te dia mala ventura !
Per qui m intrei vui ad apelar,
Ch eo non anio d un dinar?
Tu credi eser verament 575
A la caneva del vilan :
Tu menassi a carn salea mancer,
Foi me fasisti bein fruster.'
'Se deo m ai' dis . Rainald,
'Eo ve menei in bona part. 580
E 1 cra asai carne salca,
Vui ne mancasse oltra mesura.
Si ve fo streto lo capel,
Che 1 ve trova lo vilan
Ch aveva lo baston in maa : ôsô
Per la carn che aveva mancca
El ve de una mala copea.
Eo ai semena furment
Con una cavra grossa e cent :
Voi pori la cavra prender, 590
Al Yostro corpo grant asio rcndcr.
Dis Isigrin 'or sia in bon or,
Eo ve apello per meo signor.'
Si se mete allô viaco
L un e 1 altro a franc coraco, 595
Si se mette amatinent
Ad andar la ch e 1 furment,
Amantinent si sen va
E la cavra si a trova.
Quant la cavra ve Isigrin, €00
Cclla nol tein per so bon visin,
No a paura ne vol fucir,
Anci sta ardida e balda.
580 T vie 585 T vl 595 T vdo
577 a cansalear 579 de
XWII
375
Et eo nie staro quen de via,
E parera eh eo infermo sia.
E se Lescngn'no conze la cavra,
Et ella no e aconpagnada,
f)20 Tncontenente la piara,
E si se la mandcgara.
Et eo andaro poe plue seguramonte
Et andaro per lo fbrnieiito.'
Or se laso Raynaldo chaer,
(525 E par pur chc 1 voia morir.
Dise Lescngrino 'Conpagno men^
Che a tu, si t ai 1 alto deo?
El par che toe \oi morir.
Mo corao pora tu vignire
630 A partir lo formento con la cavra,
Che t aspeta e quela ara?'
Dixe Raynaldo '£ o tal maie,
Ch eo no poso per via andare.
Ma nue s cnduxiarcmo,
g35 E si ie poravemo, tornaremo :
Se nui li trovaremo la cavra,
Si avra la bona maytenaa.
Me crezo bene ch ela no ge vira:
Si c eo portaro el formento a cha.
g4Q E se 1 dovese cosi avignire,
Che no avesa briga de partiro,
E ne séria molto alegro,
Si oncha m ai 1 alto deo.'
DIxe Lesengrino 'Bello Raynaldo,
g45 Qui no avrav eo guadagnao,
Ne no me sta ben a talento
Che toe abii lo formento,
E la cavra posa scanpare
Che no la dubia mandegare.
g5Q Mo s tue Yoi, eo g andaro aloe,
E la cavra piaroe,
E faro mia volentae.
E posa ge tornaren domanc
E aduremo lo formento,
655 Se 1 sera to plasiraento.
E prego te che toc me lasi fare,
Che toe no avra penser domane
Che la cavra dubia vignire
Con le graspe comenca graspar
E con le corne a manecar: f,05
'Se tu vcns, Rainald, a la tencon,
Se tu no ge lasses lo pilicon,
Camai no voio deo orer
Ne Creator che ferma lo col.'
Rainald varda per val in perdos, ciO
E varda per lute part,
E lo stalo Rainald varda :
Ad una volta de via
La paia cresuda li paria.
'Si deo m ai' co dis Rainald, f.is
'La cavra se de mala art:
Qucsta note fo rosea
E la paia me par basea.
Vede lo furment in quella part.
Andai, compare, in quella part fi20
E si tolère la vostra part.
A mi se près grant mal de ventre,
E sapiai ch eo ai reo talento,
Grant mal me farave intro 1 era star.'
E Rainald intro un boscelo se caca, 625
Su in un arbor si monta.
Si chel ve e bel e cent,
La 0 e la paia e 1 furment.
Dis Isigrin a grant baldor
'Eo son gastaldo e partidor C30
De Rainald ch e meo signer.'
Dis la cavra 'a mi siente.
622 T segumente 631 urara rp.
686 6:^5 r tornare 6^8 T chola
T vra
376 XXVII
Fer lo formento partirc'
660 Dixe Raynaldo 'El me parc
Ch eo farave tropo maie :
E srria mal merchao
S ro fpsse cotai pecato :
Chc la cavra m e sta bona amiga,
6f,5 E si m ha fato bona conpagnia,
E a me insigna de guadagnare
E reteger me de lavoro.
Und 00 nol porave conportare
Che tu a la cavra fisi maie.
670 Ma domatina g andaremo
E llo formento partirrmo
Si ch eo te sodesfaro,
S tue avra rezcvu briga
Fer farme conpagnia.'
675 Dixo Lesengrino 'Raynaklo ladio,
A me tu chusi inganao?
Tue disivi, s eo vignise a 1 ara,
Ch eo me mandogaravc la cavra.
Mo par che toe me voi altro faro,
680 E ella no porave andar «K)sio.
Me te prego ben, Raynaldo,
E che toe me tegni cl pato saldo.
Et eo te voio perdonare,
Si tu me fisi ni ira ne maie.
fiS") S tu me la>i andare da la cavra,
Che t aspeta in quella ara,
Et eo te prometo de far sic
Che la cavra no vira plue a ti
Fer far pato ne convento, ^
CSG Ne per partirc lo formento.'
Dixe Raynaldo 'Or va via.
Me o te prego per cortexia,
Quando te avra mandoga la cavra,
Chovri lo formento con la paia:
695 E posa dobii a mi tornare
Ch eo te voro favelare.'
Dixe Lesengrino 'Ben lo faro.
Alo a ti me tornaro.'
Or sen va Lesengrino,
700 Como fose un pelegrino.
La cavra sta a pe del formento,
675 T ixe {l'initiale manque encore
danf! les vers 691. 697. 712. 718.
741. 767. 775).
XXVII
377
E vede benc lo parlamento
Che fa Raynaldo e Leseugrino.
Et ella dixe ai so mastini
Tioli, e vegoLesengrino ellaynaldo,
Et ano gran peza conseiao,
E Lesengrino par che vegna ca,
E crezo ch el vegna per farme maie.
El ve covene ben guardare
Che voe no stesi tropo a vignire
Ch el me porave tosto ancidere.'
Dixeno i mastini 'Xo abia paura,
Che noe ne daremo mala ventura,
l^rese Lesengrino a la cavra dire
'E son vignu per lo gran partire.
Raynaldo e fato meo signore:
Sun castaldo, sun fato partior.'
La cavra ge dixe senza rancura
'Lisengrino, deo te dia mala ventura!
Eo no ve vidi unca lavorare:
Per che voli vo parte domandare ?
Per deo veraxio onipotente,
Voi no portari un sol grano de for-
mento.
Lasa vignire meo conpadre Raynaldo,
Si rezevera la soa parte.'
E Lisingrino si sen n ira,
Ver la cavra corando sen va.
Al colo lo dente g a butao :
La cavra trase un gran crio :
Da 1 aguaito i mastini intranbi iu-
sino.
Quando Lisengrino i mastini vide,
Si ave gran paura de morir.
Lasa la cavra e fozir volse :
E Bonaprexa in prima el conse,
Del peto gi dona zoxo e 1 buta:
E Fortinello si lo pilucha.
Or 1 asaie 1 uno e 1 altro
E per tera el buta stravolto:
Or no se po lo da lor partire,
Ben e ello zerto de morir.
'Se deo ra ai' dise Raynaldo,
La cavra e plena de maie artc.
Se fosse andao per lo formento partire.
Vui no portiri gran del furraent:
Vegna meo conpare Rainai,
Si tora la soa part.'
Isigrin tost sen va,
Lo dent a col si li caca.
Intranbi li mastin su leva,
Fortinel lo pia fort.
Per 1 ara lo getta stravolt.
Bonapressa lo scuarca fore,
Tanto li tira si che 1 e mort.
"Si deo m ai' co dis Rainald,
'La cavra se de mal art.
S eo fos anda al furment parti
731 T Qundo
645 P patir
378
XXVII
Ben era eo zerto de raorir.
745 Ma meo conpadre Lesengrino valcnte
A conparao ben 1 ondexcna.'
E Lesengrino zaxe stravolto
E par pui'C cli cl sia morto.
Et eco vignando dui vilani,
750 Ch avea dui bastoni in mane.
Li cani cazono do sovra Lesengrino,
Clie i nol \olea lasar anzidere.
Dixe 1 unu vilano a 1 altro
'A quela costa sta Raynaldo :
755 Como 1 e alegro de Lesengrino,
Ch el no 1 tene per bon vixino !'
Qnando li eani 1 ave oldio menzonare,
In quela parte prese a guardare :
E avelo sgosio da delonzc Raynaldo,
760 Oima se mixc en quella parte.
Li cani vano de toslo in tosto
E Raynaldo sen l'uze de bosco en
bosco.
In quella parte si niisono andare,
Clie i lo volea prendere e afogare.
765 Quando Raynaldo li vede vignire.
Si e ben zerto de morire.
Dixe Raynaldo 'Deo creatore,
Como mala cosa e a far lavoro!
Uncha no so del gran mangare :
770 Perche intrave a la vo rare
E poe partiva a tradimento,
Non e raeravia s eo raen repento.'
Si se mixe a fuzire et andare,
Et i chani a incalzare.
775 In uuo broilo Raynaldo intro,
Ad uno grande ramo si s apicho.
E con le granfe, e cou li denti
Se ten Raynaldo lizeramente.
Driza la coa incontra el monte
780 Ch el no la lasa pendcre zoxo.
E li chani e 1 uno e 1 altro
Dise 'E cre che 1 e scanpa per arte,
Da qui inanzo no e andao,
Ne onqua indreo no e tornao.'
785 Per tanto perde li cani Raynaldo,
Ch ili no sapeno guardare inn alto.
Bein m averave condut a fin.
Mai meo compare Isigrin
Bein a conpra lo desin.'
De la pasava doi vilan
Che aveva doi forche in man.
'Deo' dis 1 un incontr a 1 altro,
'Varda la che sta Rainaldo.
Com el e venca de Isigrin
Che 1 nol tcin per bon visin.'
E li cagnon si 1 aldi; 655
Entro lo bosca cli sali,
E Rainald se mete de 1 altra part.
E li cagnon si sailuto,
Si che non 1 a miga vecuto.
Dis 1 un incontr a 1 altro CCO
'Eo crcco che 1 sia scampa per ria
art.
Ananti non e 1 anda,
Ni în dreelo non e 1 trôna :
El e scampa per art,
Sin nol trova in nula part.
Rainald se pia ad una rama,
Dreca la coda inver la montagna.
E li cagnon oltra se torna.
764 Tatofti
T andandiire
ra 772 Tpento 773
654 F toin manque (i64 P scarap
per 6(J5 nuia
XXVII
379
,Kaynaldo serave ben preso e raorto,
S ili in quela ora 1 avesse colto.
E li cani si se tornano,
790 Driti a la cavra si seii vano.
E Raynaldo se dispico
A plue tosto che 1 po
E in lo bosco si sen ando.
E zuro a deo lo criatorc,
795 Ch el no mai fâra lavor.
'Senpre mai sero schacaor,
Chomo foe i mai antcsori.'
E li cani a la cavra veneno
Si g a contao 1 aconvenente.
80o'Matre, Lesengrino e morto,
E Raynaldo chazono fina al terzo
salto.
Nui credemo ben che 1 scanpasse
per arte.'
Dise la cavra, ch e ben usata,
'E j avellQ arbori en quela parte?
805 'Si era, raadre, plue de cento,
Pizoli e grandi spesamente.'
'Fioli mei, vi no guardesivu in alto,
Che a una rama pendea Raynaldo.'
A cui sen pisi e a cui sen caia,
810 La chavra si s. lo grano e la paia.
E meo conpadre, lo Lesengrino va-
lente,
Si conparo ben 1 ondesena :
E Raynaldo per soa forza
Si scanpa al dreano salto.
'Marc, Isigriii e mort,
E Rainald concessemo in lo bosco, 670
E se anda de tosto in tosto :
Om cre ch ei sia scampa per art,
Avanti non e 1 anda,
Xi ananti non e 1 torna.'
Dis la cavra mal usada 675
'Se 1 era arbor in la contrada?'
'Si era bein seto cent
Fetiti e grandi comunamentre.'
'Vui non vardalle ad oltoRainald,[64]
Bein sa 1 montar in rama ad ait.' 680
A chi 1 peis et a chi e sen caia, ■
La cavra a 1 furment e la paia
E la semenca del so signor
ïuta dananti a lo lion.
E Rainald se caca inn un bosco, 685
E si sen va de tosto in tosto,
E gura deo lo creator,
El camai no fara lavor:
Ananti vol eser scacador
Si com fo li soi macor. 690
'Eo non era use de gran mancer.
Ni de far nisun lavorer.
Eo partiva falsament.
Non e meraveia se 1 mal men prent.
Li mal incegni sol mal fenir. 695
Chi altrui mantcl vol retenir,
Lo so ne sol bein reraagnir.
Chi altrui mantel vol incegner
698 r
trui
380
XXVII
Lo so ne sol bein laser:
Si com fo quel de Isigrin,
Che de soa muier fo oni,
E si fo avergonca,
E si perdi tuto 1 so plaid.
699 P 0 so
O
BiNDiKc sicr, F£e 1 7 ©s.
PQ Romar de Renart
1507 Le Roman de Renart
Al
1882
v.l
cop.2
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