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LES
FORÊTS DE LA GAULE
ET DE
L'ANCIENNE FRANCE
OUVRAGES DE M. L. F. ALFRED MAURY.
HI8T0IBE DES B£UGIONS DE LA GRÈCE ANTIQUE, depuiS leUT Origine
jusqu'à leur complète constitution. 3 forts vol. in-8°, 1859.
ESSAI SDR LES LÉGENDES PIEUSES DU MOYEN AGE, OU ExamCn (le 06
qu'elles renferment de merveilleux, d'après le.s connaissances que
fournissent l'archéologie, la théologie, la philosophie et la physiologie
médicale. 1 vol. in-S», 1843.
LES FÉES DU MOYEN AGE, rccherches sur leur origine, leur histoire et
leurs attributs, pour servir à la connaissance de la mythologie gau-
loise. 1 vol. in-12, 1843.
LA TERRE ET l'homme, aperçu historique de géologie, de géographie
et d'ethnologie générale, pour servir d'introduction à l'histoire uni-
verselle. 1 vol. in-12, 2^ édition, 18G1.
LA KAGIE ET l' ASTROLOGIE duus l'antiquilé et au moyen âge. l vol.
in-12, 3« édition, 1864.
LE SOMMEIL ET LES RÊVES, études psychologiques sur ces phénomènes
et les divers états qui s'y rattachent ; suivies de recherches sur le dé-
veloppement de l'instinct et de l'intelligence dans leurs rapports avec
le phénomène du sommeil. 1 vol. in-1?, 2* édition, 1865.
CROYANCES ET LÉGENDES DE L'ANTIQUITÉ. — Essais de Critique ap-
pliquée à quelques points d'histoire et de mythologie. 1 vol. in-12,
2« édition. 1865.
LES ACADÉMIES d'autrefois, — L'ancicnne Académie des sciences et
l'ancienne Académie des inscriptions et belles- lettres. 2 vol. in-t2,
2^ édition, 1864.
rapports faits en 1856-57-58 et 59 à l'Assemblée générale de la So-
ciété de géographie sur les progrès des sciences géographiques.
4 cahiers in-4°.
MÉMOIRE sur le véritable caractère des événements qui portèrent Ser-
vius TuUius au trùne, et sur les éléments dont se composait origi-
nairement la population romaine. Imprimerie impériale. In-4°, 1866.
LES
FORETS DE L4 GAIILE
ET DE
L'ANCIENNE FRANCE
Aperça sur leur histoire, leur topographie et la législation qui les a régies,
D'UN TABLEAU ALPHABETIQUE
DES FORÊTS ET DES BOIS PRINCIPAUX DE l'eMPIRE FRANÇAIS
PAR
L-F. ALFRED IVIAURY
Membre de Vltistilut (Académie des inscriptions et belles-'ettres),
Professeur au Collège de France, Hililiotliécaire du palais des Tuileries, Officier de ta Légiou
d'honneur et Clievalier des ordres de Saint-Maurice et de Saint-Lazare d'Italie,
De la société impériale des antiquaires de France, de l'institut aichéolngique de Rome,
■ le l'institut archéologique de la Grande-Bretagne, vice-président pour 1867 de la société de
géographie de Paris, des acadéniies de Caen et Bordeaux, des sociétés de géographie
de Saint-Pétersbourg, des antiquaires de Moscou,
des antiquaires de la Suisse romande, de littérature néerlandaise de Leyde,
de l'académie d'Archéologie de Madrid.
PARIS
LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE DE LADRÂNGE
RUE SAINT-ANDRÉ-DES-ARTS, 41
1867
BIW.IOTHECA
I ^Ch
PRÉFACE.
L'ouvrage que je soumets aujourdliui au pu-
blic a paru dans le tome IV, '2' série, de&Mé-
nioires présentés par divers savants à V Acadé-
mie des inscriptions et belles-lettres de l'Institut
impérial de France (Paris, 1860), après avoir
obtenu une médaille au concours des antiqui-
tés nationales, pour 1854. Mais je ne me suis
pas borné à reproduire une œuvre dont la
rédaction remonte à plus de douze années.
Les limites dans lesquelles devait se resserrer
un mémoire destiné à un concours académique
m'obligeaient à supprimer certains développe-
ments qui ont pu trouver place dans cette nou-
velle publication. Je me suis, de plus, aidé d'ou-
vrages et de documents qu'il ne m'avait pas été
possible de consulter lors de mon précédent
travail, soit parce qu'ils n'étaient pas à ma dis-
position, soit parce qu'ils n'avaient point encore
vu le jour. Sous sa forme actuelle, mon aperçu
de l'histoire des Forets de la Gaule et de l'an-
cienne France suffira pour donner une idée
VI PRÉFACE.
complète des révolutions qu'a traversées notre
sol boisé et des cliaiigements successivement ap-
portes dans l'esprit de notre législationforestière.
Il n'aurait pas été inutile pour l'intelligence du
livre que des cartes et des plans l'accompagnas-
sent, mais c'est un atlas tout entier qu'il eût fallu
y joindre. Ne pouvant songer à une pareille en-
treprise, je me borne à renvoyer le lecteur au.\
cartes nombreuses que nous possédons de toutes
les parties de la France. On devra consulter de
préférence les feuilles de l'excellente carte de
l'Etat-Major, auxquelles on fera bien d'ajouter
celles de Belgique et de Suisse données par
les ingénieurs militaires de ces pays. C'est là
qu'on pourra suivre d'une manière précise les
indications topograpliiques dont mon travail est
semé.
Quoique ce livre s'adresse avant tout aux géo-
graphes, il est de nature à intéresserégalement les
personnes qui s'occupent d'histoire générale, de
mythologie et d'archéologie, et plus particulière-
ment ceux qui cherchent à éclairer les diverses par-
ties de notre histoire nationale. L'état de nos an-
ciennes forêts, la condition des populations qui les
ont habitées, les traditions et les croyances qui
s'y rattachaient, les règlements dont elles furent
l'objet, tout cela importe à la connaissance des
PRÉFACE. Vil
événements et des idées dans le passe de notre
patrie. L'économiste et le propriétaire forestier
pourront aussi puiser dans quelques-uns des
faits ici consignés, des renseignements qui ne
sont pas sans valeur. J'ai non-seulement étendu
mes recherches antérieures, mais fait suhir au
mémoire qui sert de base au livre, une refonte,
sur certains points totale, en sorte qu'il peut se
présenter avec le caractère d'un ouvrage nou-
veau. Je l'ai fait suivre d'un tableau alphabé-
tique des forets et des principaux bois de l'Em-
pire qui, tout en servant de table des matières,
donne un dictionnaire des forets françaises,
ouvrage qui manquait aux géographes. Cela
ne veut pas dire qu'on n'y puisse signaler bien
des imperfections et des lacunes. Le sujet est
inépuisable, et le cadre trop vaste pour qu'un
seul auteur arrive à le remplir ; j'espère toutefois
([ue le public me tiendra compte de mes efforts,
et n'oubliera pas que dans les œuvres d'érudi-
tion, on ne saurait jamais se flatter de n'avoir
point commis des péchés d'inexactitude ou
d'omission.
INTRODUCTION.
La disparition des forêts se lie intimement aux progrès
de la civilisation. Presque partout, avant d'être défriché,
le sol se dérobait aux regards sous un épais manteau de
feuillage. J'ai jadis montré, dans un ouvrage spécial (1),
que dans le monde qui fut connu des anciens, les forêts
sont d'autant plus éclaircies qu'on s'avance davantage
au sud-ouest. Or, c'est précisément la direction suivant
laquelle s'est propagée la civilisation. Les Espagnols, les
Italiens, les Français, les Anglais, les Grecs, en un mot,
toutes les nations des contrées européennes actuellement
les plus déboisées, descendent de populations qui sont les
aînées en civilisation. Les montagnes étant de leur nature
plus difficilement accessibles que les plaines, le progrès
social s'est plus lentement accompli chez leurs habitants;
aussi leurs pentes sont-elles demeurées plus longtemps
ombragées (2). Voilà pourquoi les idées de forêts et de
montagnes étaient étroitement unies dans l'esprit de la
(1) Voy. mon Histoire des grandes forêts de la Gaule et de l'ancienne
France, Paris, 1850, in-8".
(2) Le fait se produit aussi dans l'Asie centrale, où la civilisation est
venue de la Chine. Depuis le milieu du xvu' siècle que les Chinois ont
pénétré dans le royaume Ouniot, et notamment dans le pays des Gorges-
contiguës, les montagnes se sont découronnées de forêts. Voy. Hue, Sou-
venirs d'un voyage dans la Tartarie, le Thibct et la Chine, 2* édit., t. I,
p. 13.
i
2 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
plupart des peuples anciens. Chez les Allemands, le mot
tcald signifie à la fois montagne et forêt, parce qu'il s'appli-
quait originairement à des chaînes de hauteurs naturelle-
ment boisées. Les Latins donnaient le nom de sahus à un
défilé montagneux qu'ils se représentaient toujours comme
couvert d'arbres, en sorle que cette expression s'entendait
à la fois d'une montagne et d'une foret. Platon regarde
comme un fait avéré l'existence des forêts sur toutes les
cimes de la Grèce déjà découronnées de son temps (1).
L'homme des bois, l'habitant des forêts est devenu le type
du sauvage ; tant il est vrai que la disparition des forêts
apparaissait comme l'œuvre de la civilisation. En alle-
mand, le mot icild, sauvage, appartient au même radical
que icald, forêt. Le mot français sauvage, en italien sel-
vaggio, est dérivé du latin sylva (en italien se/i«), forêt.
Chez les Hindous^, on donne le nom de djangli à un bar-
bare, un sauvage; et cette appellation signifie proprement
habitant des forêts, des jongles.
Le moyen âge représentait le sauvage sous la figure
d'un personnage velu et hideux commis à la garde des châ-
teaux enchantés, des grottes mystérieuses que l'imagina-
tion populaire supposait exister dans la profondeur des
solitudes ombragées. On en a la preuve dans plusieurs
monuments que couserventles cabinets d'amateurs et d'an-
tiquaires (2). Les forêts ont été en effet de tout temps et en
tout pays le refuge des proscrits, des brigands, don baiidit.s.
C'était dans les forêts, aujourd'hui presque toutes déman-
telées, de l'Angleterre, que se cachaient les indigènes d'Al-
bion traqués par les Romains, et les restes de ces forêts
(1) Kat ^z'i)lr,•^ ii tcI; ôpsiriv ôXr.v ei/.cv, r; y.%\ W-* oc4vîpà nx.u.r.oia,, (Platon,
Critias, § 5, p. 384, éclilion Bekker.)
(2) Voyez le riK-nioirc de M. A. de Longpérier, sur les Figures velurs
du moyen âge. [Rciue arcliéolog., t. II, p. 507 et suiv.)
INTRODUCTION. 3
fournirent encore un refuge aux insulaires, à l'arrivée des
Saxons ; c'est là que plus tard se retrouvent les outlaws (1).
Quand la paix avait enlevé aux soudards un motif légi-
time de guerroyer, ils formaient des bandes pillardes qui
s'embusquaient dans les bois, ainsi que cela a eu lieu,
notamment au xiv^ et au xv siècle, en France et en Alle-
magne. Robin Hood et Witikind ont dû leur nom à ce
genre de vie (2). En Irlande, on donnait vulgairement le
nom de coureurs des bois aux ivhiteboys qui, au milieu du
siècle dernier, constituèrent une vaste association d'insur-
gés contre la domination anglaise. En France, les Gami-
sards cherclièrent un refuge dans les forêts des Céven-
nes (3). En Corse, ce fut longtemps dans les maquis que
s'établissaient les bandits ; et, de nos jours, dans le royaume
de Naples, les forêts servent de places fortes aux brigands
qui le désolent sous prétexte de défendre la cause de la
famille royale déchue.
La vie des forêts ramène forcément l'homme civilisé à
(Ij L'empereur Sévère fit abattre ces forêts pour couper aux insulaires
leurs retraites. (Dion Cassius, Excerpta Xiphilin., lib. LXXVl, c. xiii,
édit. Sturz, p. 637.) Les Romains n'osèrent pendant longtemps attaquer
les pays oîi des forêts profondes pouvaient servir de refuge aux habitants.
En l'an de Rome 679, le consul Scribonius Curion s'avança jusqu'aux fron-
tières de la Dacie; mais les forêts dont elle était couverte paralysèrent
son courage : « Tenebras salluum expavit, » écrit Florus (III, 5), et
trente-liuit années auparavant, G. Caton n'avait pu triompher des Scor-
disques cantonnés dans leurs montagnes et leurs forêts (Florus, I. c).
(2) Le nom du célèbre Robin Hood est une corruption de Robin of tlie
wood, de même que celui de Witikind est dérivé de l'ancien teuton Wilu
chincl, « fils du bois. » (Voy. la dissertatiou|de M. Th. Wright, intitulée
Popular cycle of the Robin Hood ballads, ap. Essays on suhjects connec-
ted with the literaiurc, popidar supersliiions and histonj of England,
vol. II, p. 207, et un article de la Revue britannique, 6« série, t. XI,
p. 132.)
(3) Un bois de chênes verts, nommé la Lauzicres des Mas de Ilorles,
servit de refuge à Ravauel et à sa troupe, qui se sauva plus tard dans
la forêt de Lens. (Voy. D. Vaissète, Histoire de Languedoc ^ continuée
par H. Dumége, t. X, p. 408.)
4 LES FORÊTS DE L.V GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
la barbarie. Un exemple curieux nous en est fourni par
ce que rapporte le voyageur Caslren. Dans les forêts de la
Touba, en Sibérie, quiconque s'établit, prêtre, cultiva-
teur russe ou tartare, est contraint de se dépouiller de son
costume et de revêtir le grossier accoutrement des Kirghises
de la forêt. Les squattons et les coureurs de bois de
l'Amérique du Nord ne tardent pas à devenir aussi sauva-
ges que les tribus indiennes.
C'est dans les jongles de l'Hindoustan qu'une partie des
populations dravidiennes se sont réfugiées pour échapper
à la conquête aryenne. Sur la côte de l'Orissa, la seule
vue d'un étranger fait fuir l'indigène dans les bois (i).
Les Bhils, les Waralis, les Cotes, les Katodis, les Chensuars,
débris des tribus primitives de l'Inde, se sont retirés dans
les forêts pour y garder encore leur indépendance et
échapper à la haine et au mépris qu'ils inspirent (2).
C'est ce que font plusieurs des dernières castes hindoues.
A Ceylan, les forêts deBintenne et de Veddaratta ont servi
de refuge aux Veddahs, descendants des Yakkas, abori-
gènes de cette île, chassés par les conquérants étrangers ;
ils conservent là leurs usages et leurs antiques supersti-
tions (3). A Madagascar, les forêts sont presque exclusive-
ment peuplées par les Djiolahi, sorte de caste de brigands
établie dans les cavernes dont ces forêts sont remplies (4).
En Amérique, les descendants des Muscogis ou Creeks sont
allés se cacher dans les éverglades, forêts marécageuses
(t , Journal of the royal Asiatic Society of Bengal, vol. VIII, p. 607,
année 1839.
(2) Jacquemont, Voyage dons l'Inde, t. III, p. 475. — Ritter, yl5î>>i,
l. V,p. 1040; t. VI, p. 52G, 619. (Voy. sur les Chensuars, Newbold,
dans le Journal of the royal Asiatic Soc. of Greal Drilain, vol. VIII,
p. 271.)
(3; Major Forbes, Eleven years in Ceylan, t. II, p. 75.
(4) W. Eilis. History of Madagascar, vol. 1, p. 35.
INTRODUCTION. 5
de la Floride, poursuivis qu'ils étaient de tous côtés ])ar
les colons européens; et cette circonstance leur a valu le
nom de Seminoles, c'est-à-dire réfugiés (1). Une des princi-
pales causes de la disparition des forêts dans la Nouvelle-
Angleterre, c'est qu'elles servaient de défense et de refuge
aux Indiens (2).
J'ai dit que les populations qui ont fixé leur demeure
dans les épaisses forêts, y prennent des mœurs appropriées
à cette sauvage patrie, et subissent dans leur caractère et
jusque dans leurs traits l'influence de leur ténébreuse
habitation. Dans les jongles, l'Hindou des castes inférieures
offre cette physionomie maladive, cet air défiant, cette
apparence grêle qui frappent surtout chez les Soudras du
Sunderbunds. La force de la végétation absorbe, pour
ainsi parler, tous les éléments de la vie et ne laisse à
l'homme qu'une existence chétive et misérable.
Au pied de l'Himalaya s'étend une longue bande d'un
sol d'alluvions apportées de la montagne; c'est ce qu'on
appelle le Teraï. De là on s'élève sur les premières pentes
de la chaîne, que recouvrent de vastes forêts et notam-
ment celle qui fournit en abondance l'essence appelée
shorea robusta, forêt que les Anglais désignent sous le nom
de Saul Forest. Dans cette région empestée par les mias-
mes échappés du terrain humide, du détritus de végétaux
et d'animaux qui s'accumule à la base des arbres, vit
une race d'un aspect repoussant, et dont le teint hâve,
la physionomie maladive dénotent la triste condition
hygiénique; ce sont les Mechis, habitants des jongles
(I) Voy. la notice de M. de Castelnau, dans le Bulletin de la Société de
Géographie, 3^ série, t. XVII, p. 393. Cf. sur les éverglades G. Catlin,
Letters and notes on the manners, cusloms and condition of Ihe Norlh
American Indians, 4* édit., t. IV, p. 33.
\Vj Voy. Ch. Lyell, Travelsin Norlh America, t. I, p. 12.
b LES FORETS DE LA CAULE ET DE L ANCIENNE FRANCE.
du Teraï et des pentes du Saul Forest, véritables types
de la dégénérescence qu'une semblable demeure fait
subir à l'espèce humaine (1). Cette influence fatale appa-
raît aussi dans les forêts des îles de la Malaisie et de la
presqu'île de Malaya. Là, comme dans les jongles de l'Hin-
doustan, l'électricité dont est chargée l'atmosphère, le
haut état hygrométrique, relâchent les organes et dépri-
ment la vie. Les Tchcpang et les Kusunda, qui habitent
le centre des forêts du Népal, sont, comme les Waralis des
forêts du Konkan septentrional et les Chensuars des forêts
des Ghàtes orientales, de petite stature et de maigre com-
plexion (2). Les Sletas, les Sabimbas et d'autres tribus de la
Malaisie fixées dans les forêts, ne s'élèvent guère, pour le
genre de vie, au-dessus de ces autres hommes des bois,
les ora7ig-outans dont ils partagent le nom et la patrie (3).
Chez l'homme des forêts, le langage est plus guttural,
(1) Le mol Teraï signifie, en persan, humidité. La zone ainsi appelée
s'élend depuis le Suttledje jusqu'à Bralima-Koum dans le Haut-Assam.
Voy. sur cotte région, dont la végétation présente une physionomie à part,
et sur ïeSaul-Foresl, J.-D. Hooker, Himalayan Journals, 1. 1, p. 100 et
377 (Londres, 1854), et Hodgson, On llie physical geographij of Ihc
Himalaya, dans le Journal of Ihe Royal Asialic Society of Denrjal,
t. XVIII, p. 780.
(2) Voy. sur les Tchepang et les Kusunda l'article de M. Hodgson
dans le Journal of Ihe Roy. As. Soc. of Dengal, t. XVII, part, ii, p. G50.
Sur les Waralis, l'article de M. J. Wilson, Journal oftheAs. soc.ofGreal
Britain, t. VII, p. 24, et sur les Chensuars ou Chenchwars, rarticle du
capitaine Newbold, déjà cité.
(3) Voy. Nouvelles annales des voyages, 5* série, t. XX, p, 230 et
suiv. Les Malais appellent ces peuplades hommes des bois, Orang-oulan.
Les Dayaks, les Malais et les Bouguis regardent les singes de ce nom
comme des hommes que Dieu a condamnés à la dégradation, et a privés
de l'usage de la jtarole, en expiation de que^iue crime. Certaines peu-
plades nègres de l'Afrique disent que les grands singes sont des hommes
paresseux qui ont fui dans la forêt et qui refusent de parler pour n'être
pas obligés à travailler. — (Voy. à ce sujet D. de Rienzi, L'Océanic,
t. I, ]». 38.) — Il y a dans ces croyances un sentiment de l'influence
dégradante du séjour des bois sur notre espèce.
INTRODUCTION. /
plus concis, plus passionné que chez celui des plaines,
comme l'a observé pour les Indiens de l'Amérique méri-
dionale Alexandre de Humboldt (1). Là où une humi-
dité excessive, jointe à une haute température, ne vient
pas énerver la vigueur musculaire, le froid piquant et
âpre des forêts donne à la fibre plus de force, au caractère
plus d'énergie. L'homme de ces forêts est aussi hardi,
aussi attaché à son indépendance que celui des forêts ma-
récageuses et des jongles est faible et timide. La même
différence s'observe dans la Sibérie entre les tribus dites
des bois et celle des steppes. La vie de chasseurs des pre-
miers leur donne une énergie qui fait place, chez les
seconds, à un caractère plus doux {%.
Sans adopter les idées chimériques émises par Poinsinet
de Sivry, dans son ouvrage sur l' Origine des premières so-
ciétés, on peut cependant reconnaître avec lui que la dé-
couverte du feu amena promptement l'incendie des fo-
rêts (3), Ce fut un des premiers actes d'hostilité de l'homme
contre la nature sau\age. Non pas qu'on doive croire avec
Vico que cet acte ait été le résultat d'idées religieuses, que
le désir de jouir plus librement de la vue du firmament, de
mieux apercevoir les auspices en ait été la principale
cause (4). Évidemment, ce furent les premiers progrès de
l'agriculture qui amenèrent le commencement de la
guerre déclarée aux arbres par l'homme, puisque, ainsi
que je l'ai remarqué en commençant, la destruction delà
végétation forestière est ordinairement d'autant plus com-
plète en un pays que ce pays est plus anciennement civi-
(1) Voyages aux régions équinoxiales, t. YII, p. 17.
(2) Voy. Castren, Voyage ethnologique dans rintérieur de la Sibérie,
dans les Nouv. Annales des Voyages, v^ série, 5« année, p. 126 et suiv.
(3) Voy. Origine des premières sociétés, p. 72 et 73.
(4) La Science nouvelle, traduction nouv. (Paris, 1844), p. 188.
8 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'ANCIENNE FRANCE.
lise. Mais si les forêts étaient l'image de la vie sauvage, si
par là l'homme policé éprouvait pour elles une aversion
instinctive (1), elles étaient aussi l'emblème de cette vie
primitive, de cette société primordiale dont le souvenir
est demeuré, chez tous les peuples, associé à des idées re-
ligieuses. Les forêts, par leur aspect lugubre, leur carac-
tère silencieux, les arbres, parla majesté de leur port, la
longue durée de leur existence, entretenaient dans l'esprit
superstitieux des premiers hommes un profond sentiment
de crainte et de vénération. Aussi les voit-on jouer un rôle
dans le culte de presque tous les anciens peuples. A l'é-
poque du fétichisme ou du naturalisme, état par lequel
ont débuté les religions, les végétaux arborescents sont
adorés comme des divinités, ou du moins regardés comme
leur demeure.
Cette terreur qui peuple les forêts d'êtres divins, mysté-
rieux, de puissances cachées et terribles, est née du senti-
ment d'effroi que les forêts font éprouver à l'homme ; en
lui donnant, par leur [majesté, conscience de sa faiblesse,
elles élèvent sa pensée vers la Divinité : « Si tibi occurrit
» vetustis arboribus, écrit Sénèque (2), et solitam altitu-
» dinem egressis frequens lucus, illa proceritas sylvae et
» secretum loci et admiratio umbrœ fidem numini facit.»
Le silence solennel qui règne au sein des forêts enga-
geait l'homme au recueillement, et le portait au sentiment
religieux plus que des simulacres brillants d'or et d'ivoire.
» Hœc fuere numinum templa, priscoque ritu simplicia
» rura, etiam nunc Deo praecellentem arborem dicant, nec
(1) La loi de Manou interdit au Brahmane, maître de maison, d'en-
trer jamais dans une forêt épaisse, impraticable, embarrassée de lianes,
de ronces, de buissons et où peuvent être cachés des serpents et des
voleurs. (Lois de Manou, IV, 77. J
(2) Epislol. XLi.
INTRODUCTION. 9
» magisaurofulgentiaatqueebore simulacra,quamlucos,
» et in his silentia ipsa adoramus (1).»
A ces motifs de respect pour les forêts et les bocages est
venu se joindre chez l'homme le sentiment de l'utilité des
arbres ; on comprit les services qu'ils pouvaient rendre,
et de bonne heure la superstition ou la loi les défendit
contre une imprudente et capricieuse destruction. Dans
les lois de Manou, qui nous ont conservé tant de disposi-
tions datant de l'antiquité la plus reculée, on voit déjà les
arbres mentionnés comme devant servir de clôture et de
limite. Le propriétaire doit entourer son champ d'une
haie d'arbrisseaux épineux, au moins assez élevés pour
qu'un chameau ne puisse regarder par-dessus (2). Le légis-
lateur hindou prend soin d'énumérer les diverses essences
de belle venue qui serviront de limite entre les champs (3).
Abattre des arbres encore verts pour en faire du bois à
brûler, est un acte criminel interdit à un sectateur de
Brahma (4), et une pénitence sévère est imposée à celui
qui arrache inutilement des plantes cultivées ou nées
spontanément dans une forêt (5). Une peine est établie
contre celui qui endommage de grands arbres (6). La
plantation de ces arbres avait même, il semble, originaire-
ment dans l'Lide le caractère d'un acte religieux qu'on
devait accomplir uniquement pour honorer les dieux et
servir les hommes, puisque le planteur d'arbres salarié
était exclu, comme les criminels et les gens impurs ou de
condition abjecte, du repas funèbre en l'honneur des
(1) Plin. Ilist. nat. lib. XII, c. i. g 2.
(2j Lois de Manou, VIII, 239.
(3) Ibid., VIII, 246, 247.
(4) Ibid., XI, 64.
(h) Ibid., XI, 144.
(6) /ttti., VIII, 285.
10 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
mânes (1). En beaucoup de contrées ce sont les arbres
fruitiers dont la conservation imporle si fort au bien-
être de la société, qu'on a regardes comme sacrés. Dans
la Polynésie, le tabou protégeait l'arbre à pain et garantis-
sait ainsi aux peuplades sauvages leur subsistance qu'elles
tirent en grande partie de cet arbre.
De nombreux témoignagesfournispar les plus anciennes
traditions de tous les peuples confirment l'existence du
culte des forêts, des bocages et des arbres que tant d'idées
et de convenances tendaient à perpétuer. La Bible nous
parle du culte rendu dans les bocages et sous les arbres
verts au Très-Haut (2).
C'est au bocage de Mamré qu'Abraham construisit un
autel à Jehovah, et c'est là que ce Dieu se révéla à lui (3).
Au iv^ siècle de notre ère, on continuait encore de venir là
au pied des chênes touffus, adorer les génies et les anges,
qui, suivant la croyance populaire, s'y rendaient vi-
sibles (4).
Avant l'établissement de l'islamisme, les habitants du
Nadjran dans l'Yemen offraient leurs adorations à un
énorme dattier, autour duquel ils célébraient, tous les ans,
une fête solennelle et qu'ils chargeaient de vêtements et
d'étoffes précieuses (5).
Le culte des arbres en Perse, sur lequel Chardin et
William Ouseley nous ont donné de si curieux détails,
paraît remonter à l'antiquité la plus reculée. Les arbres
vénérés y portent le nom de Dirakht i fazel, « les excellents
(1) Lois de Matiou, III, 1G3.
(2) Voy. par exemple Judith, III, 12.
(3) Gènes, xiii, 18, xv, 7 et suiv.
(4) Ce lieu portait le nom de TércbinlJic. (Voy. Sozomen,, Ilislor. ceci.
lib. II, c. IV.)
(5) W. Ouseley, Travels in varions counlrics of Ute Easl, l. I, p. 3G9,
370, London, 1819, ia-4».
INTRODUCTION. 41
arbres; » on les couvre de clous, à' ex-voto, d'amulettes,
de guenilles, et les derviches et les fakirs accourent se
placer sous leur ombre (1). Ce sont généralement des pla-
tanes ou des cyprès. Quelques-uns de ces arbres sont
d'une extrême vieillesse. Près de Naklichivan, à Ardubad,
en Arménie, est un orme vieux de plus de mille ans, qui
est l'objet du culte des habitants (2). Les crédules Persans
attribuent à leur vertu divine l'étonnante longévité de ces
végétaux, sur lesquels la présence des hommes saints, qui
viennent s'abriter sous leur feuillage, attire, disent-ils, les
bénédictions. On brûle à leur pied de l'encens ou des
cierges pour obtenir la guérison des malades ou l'accom-
plissement de ses vœux. Ceux qui s'endorment à l'ombre
de ces arbres s'imaginent, dans leurs songes, goûter les
félicités réservées aux aoulia (3) ou bienheureux. On con-
naît le célèbre cyprès de Passa, l'ancienne Pasagarde, qui
était encore, il y a quelques années, l'objet d'un pèleri-
nage célèbre de la part des musulmans. Ces arbres reçoi-
vent le nom de Pb\ c'est-à-dire les anciens (4), et on les
regarde comme le séjour favori des âmes des élus. Une
croyance analogue fait des forêts du Mazanderan, derniei^s
vestiges de la végétation forestière de ces contrées, la
résidence, le lieu de retraite des clives (5). Ce dernier trait
achève de démontrer que c'est là un des restes du maz-
déisme qui se sont conservés à travers l'islamisme, ainsi
que tant d'autres idées zoroastriennes. L'Avesta nous
apprend que les anciens Perses adoraient les saints ferouers
(1) Ouseley, oui', cit. t. I, p. 373.
(2) Ibid., t. III, p. 434.
(3) Ce mot signifie en persan, bienheureux .
(4) Pir, en persan, ancien, vieillard. Voy. Pietro délia Yalle, Viaggi.
lett. XVI. Luglio, 1629..
(5) Ouseley, ouv. cit. t. I, p. 313.
12 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L' ANCIENNE FRANCE.
OU esprits de Peau et des arbres (1). Ces ferouers se pla-
çaient au-dessus des arbres et bénissaient leurs fruits. Ils
étaient dits puissants et immortels.
Les Persans donnent encore à certains arbres l'épithète
de muharek, c'est-à-dire sacré. De ce nombre sont l'olivier,
le dattier, le naklil, le kharma (2). Un conifère porte dans
leur langue le nom de dib-dar, div-dar, div-daru (3), c'est-
à-dire ai'bre des dives ou des démons. C'est le même que
les Arabes appellent schedjeret-al-djinn {l'arbre des djùms),
et quelquefois schedjer et- Allah (l'arbre de Dieu), expres-
sions qui remontent toutes également à la dendolâtrie maz-
déenne. Quand l'islamisme eut pris la place de la religion
d'Ormuzd, les génies bienfaisants furent regardés comme
de méchants démons, et les dives ou dews, les djinns, se
substituèrent (4) dans les superstitions populaires aux
Amschaspands et aux Ferouers. Ce fait rappelle ce qui
est rapporté par Gazwini, d'un arbre qu'on trouvait au
pied du montSabalan, dans l' Azerbaïdjan, et où résidaient
les djinns (5).
Dans rilindoustan subsistent des vestiges nombreux de
la dendolâtrie qui se sont greffés sur le brahmanisme et
le bouddhisme; cette dernière religion en se répandant
dans l'Asie les a propagés avec elle. Chaque village de
l'Hindoustan a son ficus indica qui en est comme le sanc-
tuaire et l'asile. Ces arbres parviennent à une vieillesse
(1) Voy. Zend-Avpsfa, traduct. Anquetil du Perron, t. II, p. 257,
"284, 286 et suiv. — E. Burnouf, Commentaire sur le Yaçna, p. 380.
(2) Ouseley, ouv. cil. t. II, p. 330.
(3) Le mot dar, daru, arbre, ajjpartient à la même racine que le russe
dcrcvo, que le grec Jpûç, chêne, et ^o'pu, lance, l'anglais Iree, et les
mots dard, dague, daguet, larière. Voy. G. Curtius, Grundziige dcr
griechischen Elymologie, 2* édit. p. 215.
(4) Ouseley, ouv. cil. t. I, p. 387.
(5) Ouseley, ouv. cit. t. I, p. 386.
INTRODUCTION. 13
prodigieuse, circonstance qui a beaucoup contribué à
inspirer pour eux la vénération. C'est surtout sur les bords
du Nerboudda qu'ils atteignent une extrême longévité; il
n'est pas rare d'en rencontrer qui ont plus de 500 ans.
Souvent un seul individu forme à lui seul une véritable
forêt; quelques-uns ont pu abriter toute une armée. Les
rameaux du figuier connu en Europe sous le nom de fi-
guier des Banyans, et dans lequel il faut reconnaître le
sijcê indicé dont nous ont parlé les compagnons d'Alexan-
dre, se repiquent dans la terre et donnent ainsi naissance
à une foule de rejetons qui ne se séparent pas de la tige
mère(l).
Il existe deux espèces de ficiisindica, l'une et l'autre en-
tourées du culte et de la vénération des Hindous : \q ficus in-
dica proprement dit, appelé par ces peuples vata ou nya-
r/rôdha, et le ficus reUgiosa, qui porte le nom de açvattha,
ou de pippala. C elui-ci présente de nombreux et flexibles
rameaux qui se replantent dans le sol. Le pippala est
le symbole de l'intelligence, bôdhi; c'est le hom des anciens
Persans, l'arbre de la science du bien et du mal de la Ge-
nèse (2). fl atteint, dans l'île de Ceylan, où il est fort abon-
dant, d'étonnantes dimensions (3), et est, de la part des
bouddhistes, l'objet d'une dévotion spéciale. Dans tous les
pays de foi bouddhique, on rencontre des arbres de
Bouddha, Pout ou Bodhi, qui répondent tous à la même
idée symbolique (4). Le vata est regardé comme de sexe
mâle. On le plante près de l'açvattha, qui est regardé, au
contraire, comme de sexe femelle. Ces mariages d'arbres
sont accompagnés de cérémonies religieuses, sur lesquelles
(1) Ch. Lassen, Indische Alterthumskunde , t. I, p. 256 etsuiv.
(2) Ibid.
(3) Major Forbes, Elevenyears in Ceijlon, t. II, p. 108.
(4) W. Ouseley, Travels in varions counlries ofihe East, t. I, p. 393.
14 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L ANCIENNE FRANCE.
les voyageurs ont donné des détails intéressants (1).
Dans le Sindh, l'islamisme a consacré ce culte des
arbres, en transportant aux saints musulmans les hon-
neurs primitivement rendus aux dieux forestiers. On y
observe fréquemment des arbres surmontés d'une per-
che et d'un drapeau, et au tronc duquel les dévots vont
suspendre des ex-voto. C'est d'ordinaire à Abd-el-Kader
Djelaui que l'habitant du Sindh dédie ces antiques objets
de sa vénération (2). Déjà Quinte-Gurce signale, au temps
d'Alexandre, le culte solennel rendu aux arbres par les
peuplades des bords de l'Indus (3).
Les jongles remplissent de crainte, par leur profon-
deur et leur aspect lugubre, le timide Hindou. Il s'ima-
gine rencontrer à chaque pas des monstres, des dé-
mons, le banbh et le manu aux longues oreilles pen-
dantes, à la chevelure semblable au pelage de l'ours, qui
errent incessamment dans les solitudes des bois (4).
Les Shingalais placent aussi dans leurs forêts la demeure
des génies malfaisants. C'est dans la foret Yakgirri que
Guadma, un des Bouddhas adorés par les insulaires,
confina, lors de sa première visite à Ceylan, les démons
et les enchanteurs qui s'opposaient à son apostolat.
Telle est l'origine de l'opinion encore répandue aujour-
d'hui que le roi des démons a fixé sa résidence dans cette
foret (5).
(1) \V. II. Slccman, Rambles and recollections of on Indian officiai,
vol. I, p. 42 et suiv.
(2) Richard E. Burton, Sind hand Ihe races Uiat iuhabit the valley of
Ihe Indus. "Loniion, 1851, p. 177.
(33 « Arbores maxime (colunt) , quas violare capitale est. (Quint.
Curt. VIII, g 31,0. i.\.)
(4) Richard E. Burton, Sindh, p. 175.
(5) Voy.ù la suite du poëme shingalais intitulé : Yahkun yattannaua
et publié par Callaway, le iioëme qui porte le nom do Kolan Nallannau'n ,
p. 54, no 118 (Londres, 1829).
INTRODUCTION. 15
Le culte des arbres a rayonné de l'Hindoustan et de
l'Asie centrale jusqu'en Europe. On vient de le voir en
Perse; il a sans doute passé de là au Caucase^ où l'on adore
Mesté, le dieu des forêts (1) ; des dieux analogues étaient
révérés chez les Abkhazes avant leur conversion au chris-
tianisme (2).
On peut dire que toutes les populations indo-européen-
nes ont été dendoîâtres. LesGrecsetles Pélasges leurs ancê-
tres avaient pour les bois une vénération superstitieuse. Au
berceau même de la société hellénique, nous trouvons à
Dodone, l'antique centre de la civilisation pélasgique, une
forêt de chênes consacrés au grand dieu Zeus ou Joii (3).
On prêtait à ces arbres une vertu prophétique générale-
ment attribuée aux forêts sacrées (4). Voilà pourquoi les
oracles les plus célèbres, ceux de Claros, de Thymbra,
d'Olympie, deCharax en Carie étaient placés au voisinage
de bois sacrés (5) .
Les Grecs donnaient le nom d'alsos, dans l'ancien dialecte
du Péloponèse altis, et les Latins celui de Iucks aux bois
ou bocages sacrés. Chez les premiers les noms de dr?/m'os,
d^'ymôn s'entendaient des forêts plantées de main
d'homme, des forêts de chênes surtout; on réservait le
terme de hylê aux forêts naturelles, aux forêts vierges ou
profondes (6). Les Romains distinguaient le nemus {!), qui
(1) Ed. Spencer, Travels in Cvxassia, t. Il, p. 343.
(2) "AXc-/) Ts )4al ûXaç èffs'govTo, dit Procope, De bell. goth., IV, 3.
(3) Voy. Religions de VAniiquilc de Creuzer, trad. et refondu par G ui-
gniaut.
(4) Strabon, Géographie, "VIII, vu, p. 257 et suiv.
(5) Voy. Vibius Sequester, éd. Oberlin, p. 25, et l'article Oracles, par
M. L. Renier dans l'Encyclopédie moderne, nouv. édition.
(6) Voy. J. Pollux, Onomasticon, I, 12. Cf. sur le sens d'iXoc;, S.
Cyrill. Hierosol. Ilomil. IV in Jerem.
(7) Nemora significant sylvas amccnas. Paul Diacon. Except. ex lib.
Pomp. Fest. de signif. verhor. XII, p. 107, éd. Lindeman.
16 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
était pour eux un parc, un bocage, de la 5y/r« qui répondait
hXdihjlê grecque, mot dont est dérivé le terme latin (l).Par ■
synecdoque, le mot Jtylè s'estappliquédansla suite aubois,
à la matière, sens qu'il prit surtout à l'époque alexandrine;
le bois étant à l'origine le type de la matière, materia,
materies. C'est ce qui explique comment cette dernière
forme, devenue en espagnol madera, a pris le sens de bois;
elle fournit également l'étymologie du portugais mato, et
du français madrier, madré. On sait que c'est au grand
nombre de forêts dont elle était couverte que l'île de Ma-
dère a dû son nom. {Madeira, en portugais, bois de cons-
truction ; en espagnol, madera.) Par un rapprochement
inverse, le radical latin hicus a fourni l'anglais log, lig,
dans lesquels on retrouve la même racine que dans le la-
tin lignum, l'italien legno.
Les bocages étaient consacrés tantôt à des divmités rus-
tiques, tantôt à des héros dont ils entouraient la sépulture,
sur la tombe desquels ils avaient été plantés (2). Dans l'i-
magination des Grecs, ces divinités choisissaient de préfé-
rence pour leur demeure les lieux frais et ombragés, et
s'y rendaient parfois visibles. De là la croyance, admise
parmi eux, qu'on ne devait s'approcher des bois sacrés
qu'en adressant des prières ou des offrandes à la divinité
champêtre, au héros qui y résidait. L'accès de quelques-
uns de ces bois restait même complètement interdit aux
profanes et ils étaient pour ce motif entourés d'une en-
ceinte en pierre (3) ; c'est ce qui avait lieu pour le bois
(1 ) Interest auiem inter nemiis el sylvam et lucum ; hicus cnim est arbo-
rum mnUihtdo ciim religione, 7iemus vero composila muUitudo arbonnn ;
Sylva diffusa el inculta. Servius, in ^neid. 1, 310, 1. 1. p. Gl, éd. Lion.
(2) Ainsi un bois fut planté au lieu où les Sept chefs avaient été enter-
rés, comme on le voit par les paroles d'Athéné, à la lin de la tragédie des
SupplianleSy d'Euripide.
(3) Voy. ce que Pausanias dit d'un htcus de liera. Arcad. 37, g 7.
INTRODUCTION. 17
des Euménides où, suivant la légende, Œdipe trouva la
fin de ses maux (d).
Les Hellènes donnaient le nom de Dryades, à^Hamadrya-
des, de A'ff/jee^ aux divinités des arbres, des bois, des lieux
ombragés (2j ; ils révéraient aussi des divinités spéciales
des forêts, telles (\\\ Apollon Hylates, auquel on avait élevé
dans l'île de Chypre (3) un grand nombre de sanctuaires,
et Artemis-Agrotera (4), que l'on disait se livrer à la chasse
dans les clairières, à la clarté de la lune.
Ainsi que le font aujourd'hui encore les Hindous et
quelques musulmans, les Grecs honoraient d'un culte par-
ticulier certains arbres auxquels ils suspendaient des
offrandes et des tablettes votives ; c'est ce que nous mon-
trent les monuments (5). La vénération dont étaient en-
tourés ces végétaux se rattachait d'ordinaire au souvenir
d'un héros; tel était le cas pour l'olivier sauvage qu'on
voyait à Olympie et qui, assurait-on, avait fourni à Her-
cule la couronne du vainqueur ; le platane d'Apamée en
Phrygie, oii, suivant la tradition, Marsyas avait été sus-
pendu, était, pour un motif analogue, réputé sacré (6).
Les Pélasges de l'Italie rendaient, comme leurs frères
(1) Voy. la tragédie d'OEdipe à Colone, par Sophocle.
(2) Les nymphes sylvestres recevaient les noms de 'AXay.i'^'e?, 'ïXyiwpot,
Naralai, AùXoJvîa'îs;, AsûaS'ïç, 'AaaS'pûaJsç.
(3) Voy. Engel, Kypros^ 1. 1, p. H 9. De Luynes, Niimismaliq. et ins-
criptions cypriotes, p. 27.
(4) Homer. Iliad. XXI, v. 471. Cf. Xénophon, Hisior. grxc. IV,
p. 516, b. Pausanias, Attic.l^ 41, g 4.
(5) Voy. à ce sujet Raoul Rochette, Peintures antiques inédiles, pi. VI,
p. 403.
(6) Voy. Plin, Ilisl. nal. 1. XVI, c. lxxxix. Le platane était souvent
l'essence dont se composaient les bois sacrés. C'est ce qui avait lieu, par
exemple, pour un âXuo; dont parle Pausanias, et oîi se trouvaient les sta-
tues de Déméter Prosymna et de Dionysos, Corinth. c. xxxvii, § 2. Cf.
sur un autre bois sacré de platanes à Phares en Achaïe, Pausanias.
Achaic. c. xxii, § 1.
18 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
de Grèce, un culte aux arbres et aux bocages, culte dont
héritèrent les Latins (1). De là les ex-voto que ceux-ci sus-
pendaient aux arbres, et auxquels fait allusion Ovide en
parlant du lucus de la Diane de Nemi (2).
Au temps de Pline, s'élevait sur le mont Vatican, un
chêne vert que l'on disait plus vieux que Rome, et oîi se
lisait une inscription étrusque en lettres d'airain, indi-
quant que cet arbre étai^t depuis longtemps l'objet d'un
culte (3). Il est souvent fait mention, chez les auteurs la-
tins, des lucus, dont les chênes éveillaient par leur vé-
tusté un respect religieux (4); plus ordinairement ils
étaient consacrés aux divinités forestières. L'un des plus
célèbres, sans contredit, celui qui ombrageait la colline
Cornée, près d'un faubourg de Tusculum, était dédié à
Diane, depuis les âges les plus reculés (5).
Si grande était la vénération pour les bocages, les bois
sacrés, qu'on ne pouvait, au dire de Caton, y abattre un
tronc qu'après un sacrifice solennel destiné à expier cette
sorte de sacrilège (6) ; et c'est à cette vénération profonde
(1) Cf. Pausanias, Corinth. c. ii, g 6. Ovid. Amor. III, 1-3. Le culte
rendu, dans le bocage d'Aricie, à une divinité des arbres, tire sa source
de l'ancienne religion pélasgique. (Voy. Yirg. .En. VII, 762; Ovid. Mc-
tam.XY, 539.)
(2) Ovid. Fasl. III, 2CG-2G7. Aux arbres de ce bois, les dévots allaient
suspendre des tablettes votives :
Licia dépendent longas vclanlia sepes,
Et posita est mérita; multa tabella dea3.
(3; Plin. Uist. nat. lib. XVI, lxxxvii.
( i) Sicut sacros vetustatc lucos adoremus in quibus grandia et antiqua
robora jam non tantam habcnt speciem quantam religionem. (Quintilien,
Instil. orat. X, 1.)
(5) Pline, XVI, xci. C'était dans ce bois qu'on voyait l'arbre qui
inspirai l'orateur Passienus Crispus une passion si bizarre. (Voyez Pline,
ibid) Près de ce bois était un immense chêne vert (jui formait à lui seul
une véritable forêt. « Sylvamque soia facit, » dit le naturaliste romain.
(G) Caton nous donne la formule d'expiation usitée dans ce cas. (Caton,
De re rmtico, c. clx, p. iSO. Cf. Plin. Ilid. nat. 1. XVII, c. xlvii, § 28.)
INTRODUCTION. 19
des Romains pour les arbres que font allusion les vers bien
connus d'Ovide :
Ille etiara céréale nemus violasse securi
Dicitur, et lucos ferro violasse vetustos (i).
Des divinités analogues à celles que les Hellènes suppo-
saient habiter les forêts, étaient adorées par les Italiotes.
Elles recevaient des Latins les noms de Faunes, de Sijl-
vains ; et de même qu'en Grèce Artemis était placée à la
tête des dieux rustiques, en Italie, Diane, identifiée à la
sœur d'Apollon, eut l'empire des forêts et des bêtes fauves.
De là l'épithète de sylvarum potens Diana, qu'Horace lui
donne dans son Carmen sœculare ; de là celle de S//Iva?'iwi
virenthim saltimmque reconditorum domina qu'on trouve
dans Catulle appliquée à la déesse. Le culte de Sylvain,
associé parfois à celui de Mars (2), prit surtout faveur
chez les populations pastorales de l'Italie, qui voyaient
€n lui le protecteur de leurs troupeaux; de là le surnom
•de Custos imposé à ce dieu champêtre (3). Les Romains
paraissent l'avoir reçu des Pélasges (4), et ils le portèrent
à leur tour à d'autres peuples qui l'assimilèrent à cer-
taines divinités locales des bois et des champs. C'est ce
•qui explique comment on rencontre l'adoration de Syl-
•vain en Grèce (5), en Gaule (6), en Angleterre (7), en Da-
li) Ovid. Metamorph. lib. YIII, 740, 741.
(2) On voit, par Caton, que Mars-Sylvain était adoré dans les forêts
•comme le protecteur des troupeaux. (M. Gato, De re ruslica, lxxxiii -,
Lucil. ap. Nonn. ii, n° 324.)
(3) Voy. Muralori, Inscript, p. 70, n» 0-, Gruter, Imcr. LXIV^ 4.
(4) G'est ce que nous rappellent ces vers :
Sylvano fama est veteres sacrasse Pelasgos,
Arvorum pecorisque deo lucumque diemque.
(ViRG. JEneid. VIII, 600.)
(5) 2u>.€a-jû çiiXaxt, Bœclch, Corp. inscT. grsBC. t. III, n° 5963.
(6) Voy. Ôrelli, Inscr. lai. sélect, n"^ 328, 333 etpassim.
(7) Un autel découvert à Birdeswald porte : DEO SANGTO j SIL-
20 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
cie (1), dans toutes les contrées, en un mot, où les forêt
abondent et qui furent jadis soumises à l'autorité de Romt
On donna à ce dieu les surnoms les plus imposants : ceu
d'Auguste (2), de Céleste (3), d'Invaincu (4), de Toul
Puissant (5), de Salutaire (6) , de Dieu présent (7), d
Saint (8), qui pourraient faire oublier son origine rusti
que, si le retour fréquent des épithètes de Sylvestre (9^
de Dendropliore (10) ne la rappelait pas.
Les Faunes furent moins cosmopolites ; leur culte n
sortit guère des gorges de l'Apennin (11); ils finirent par s
confondre avec les Sylvains et cette foule de génies inft
rieurs, de démons familiers, qu'on retrouve à la fois dai:
la Gaule, la Germanie, la Grande-Bretagne, sous les non
de Gobelins, de Follets, de Trolls, de Kobolds, d'Elfs, d
Banshee, etc., et dont les Sulèveset le St/lvamis domestia
desLatins étaient comme le type (12); ils pénétrèrent menu
sous le nom de Seirbn, dans les superstitions juives (13
VANOVE I NATORES 1 BANNE . S. S. (Voy. J. Gollingwood Briic
The Roman wall, p. 413, London, 1851.)
(1) Neigebaur, Dacien, p. 155, n° 230.
(2) Voy. Orelli, Inscr. lai. seled. n"s 1598, 1599.
(3) Orelli, n-'s 1119. 1611.
(4) /nridui, Orelli, n° 1603.
(5) Pollens, Orelli, n° 1611.
(6) Salularis, Orelli, n°' 1596, 1609, 2518.
(7) Deus prxsens, Orelli, n° 1008.
(8) Sanclus, Orelli, n"1838.
(9) Orelli, no^ 1609, 4490. — Neigebaur, Dacien, p. 152.
(10) Dendrophorus, Orelli, n° 1602.
(11) Apennicola3 fugcre ad httora fauni. (yil. Ilalic. lib. V, v. 620.)
(12) Voy. Grimm, Deutsche Mytholorjie, 2' édit. p. 451. — W. Miille
Geschichle und System der alldeulsrhen Religion, p. 379 (GoUingiv
1844). — Croflon Croker, Fairy legends of Ihe Soidh of Jrelani
part. III, p. 84 ; Keightley, The fairy Mylhology, new edit. p. 3"
et suiv.
(13) Ces Seirim ou esprits des bois, que les Juifs se représentaient soi
la forme de boucs ou d'hommes ayant des formes empruntées à un an
mal, devaient leur origine à Azazel, le bouc émissaire, devenu j'our l(
INTRODUCTION. 21
Les esprits des forêts, Waldgeister, Waldleuten, Holzleiiten
des Allemands, comme les Trolls ou Trolds des Scandina-
ves, appartiennent à cette vaste famille de demi-dieux qui
personnifient à la fois les grands phénomènes atmosphé-
riques, tels que les vents, l'action des eaux et du sol, et
qui se confondaient avec les âmes des morts, identifiées
au souffle que le mourant exhale dans l'atmosphère (d).
Il n'est donc point étonnant de retrouver des dieux
des bois chez toutes les anciennes populations de l'Eu-
rope. Partout nous y voyons les arbres regardés pres-
que comme des êtres animés et divins. Ce respect pour les
rois de la végétation persista pendant des siècles malgré
le progrès des lumières. Pline nous apprend que le culte
des arbres était très-vivace de son temps dans les cam-
pagnes (2). Ce fut un de ceux que les apôtres du christia-
nisme eurent le plus de peine à déraciner. Aux portes de
Rome, sur la via Ostiensis, un arbre consacré aux dieux
attirait encore la vénération des habitants, quand saint
Adaucte vint y prêcher la foi (3).
En Sicile, le pâtre continua pendant bien des années à
faire des libations de lait à Paies, divinité rurale qu'on
supposait cachée au fond des bois (4).
En Germanie et chez toutes les populations de race teu-
tonique existaient des bocages et des forêts sacrés {Heili-
Hébreux un malin esprit. Yoy. Hamburger, Real-Encrjclopœclie fur
Dibel, art. Azazel.
(l),Voy. la dissertation de A. Kuhn mtiiulée-. Vie Sprachverglcichung
v.nd die Urgeschichte der indo-germanischen VOlker^ dans la Zeils-
rJirifl fiir vergleichende SprachforscJning, t. IV, p. UG et suiv. et W.
Mannhardt, Germanische Mxjthen, Forschungen, p. 709 (Berlin, 1858).
(2) « Priscoque ritu simplicia rura etiam nunc deo praecellentem arbo-
rera dicant. » (Pline, lib. XII, i, 1.)
(3) Bolland. Ad. sancl. XXX, aug. p. 546, col. 2.
(4) Silvicolam tepido lacté Païen (Ovid. Fast. IV, 746). — Paies a été
regardée tour à tour comme un dieu et comme une déesse.
1
22 LES FORETS DE LA GAULE ET DE L ANCIENNE FRANCE.
geforst, Haine). Tacite dit des Germains (1) : « Lucos ac
nemora consecrant, » et il ajoute : Deorumque nomi-
nibus appellant secrelum iilud quod sola reverentia vi-
dent. » Ailleurs, il nous parle de la forêt des Semnons (2)
et du Castum nemus consacré à Herta (3), Le poëte Glau-
dien mentionne de son côté le caractère sacré qu'avait
la forêt Hercynienne (4). Ce culte des forêts et des arbres
a été signalé chez un grand nombre de nations issues
de la souche germanique, les Francs (6), les Alamans (7),
les Lombards (8), les Saxons (9), les Angles (10).
En Gaule, même respect superstitieux pour les forêts
où s'accomplissaient les cérémonies du druidisme (11).
Les Celtes appelaient nemet ces sanctuaires forestiers où
ils allaient solennellement cueillir le gui (12). Ce mot
entre en composition dans le nom de quelques villes gau-
loises, Nemetacum, Nemetocenna, Nemetobriga, Xemetodu-
rum (13) et l'épithète de Nlmidœ appliquée, dans un dé-
cret du concile de Leptines, aux forêts où se pratiquaient
encore des rites païens (14), paraît en être dérivée. La
(1) German. c. ix.
(2) Ibid. c. XXXIX.
(3) Ibid. c. XXXIX, xl.
(4) Ut procul Hercyniae per vasta silentia silvaî
Venari tuto liceat, lucosque velusta
Relligione truces et robora numinis instar. (Glaudian. De Lmid.
Slilich. I, 228, 230.)
(5) Voy. Diefenbach, Cellica, I, p. 83.
(6) Gregor. Turoa. Hislor. Francor. t. II, c. x. Cf. Epist. V, v. 5.
(7) Agathias.
(8) Viia S. Bertulfi Bobbiensis, ap. Ad. SS. Bened. sacc. II, p. l'ii.
(9) Pertz, Mon. germ. histor. t. II, p. 67G.
(10) Leges Canuli Magni, quas olim Anglis dedil, éd. Kolderup, p. 38.
(11) GifiSâr,Dcbell.gall. YI, 13.
(12) ApuvaîixeTcv , Strabon, XII, xvi, p. 507. — Vernemetis, fanum
ingens gallicu lingua refeii. Fortunat, Carm. i, 9.
(13) Voy. Diefenbach, .Cellica, t. YI, p. 33.
(U) De sacris sglvarum qux Nimidas vocanl, disent les canons dv
INTRODUCTION. ZÔ
forêt des Ardennes était révérée comme une déesse que
les Romains confondirent avec leur Diane (1). Le mont Vo-
sège ou Vosge, ombragé d'épaisses forêts, fut, à la même
époque, adoré comme un dieu (2). Une divinité du nom de
Nemetona, visiblement dérivé du mot nemet, paraît avoir
été honorée en qualité de déesse tutélaire du Palatinat(3),
pays qui fut longtemps couvert d'épaisses forêts.
Ainsi le culte des arbres était aussi répandu en Gaule
qu'en Germanie, et une inscription découverte en France
constate le fait de cette superstition chez les Gaulois nos
ancêtres (4). Lucain a donné dans sa Pharsale une magnifi-
que description de ces forêts divines dont la cognée res-
pectait les rameaux et où les Romains n'osaient pénétrer
qu'en tremblant, croyant voir dans les arbres autant
d'êtres animés (5).
Sed fortes tremuere manus, molique verenda
Majestate loci, si robora sacra ferirent
In sua credebant redituras membra secures.
Les anciens Prussiens et divers autres peuples slaves re-
concile. — Concil. Liptin. an. 743. — Reginon, De discqjlina ecclesiast.
lib. II, p. 143, éd. Hildebr.
(1) Voy. J. de Wal, Myihologix seplenlrionalis monument, epigraphic.
lalina, n°' 20, 21. — Gruter, Inscripl. CGGXIV, 3.
(2) Gruter, Insc. XGIV, 10.
(3) Yoy. rinscription qui porte : MARTI NEMETON^, trouvée à
Spire, et publiée par J. Becker dans les Jahrbilcher des Vereins von
AUerthurnsfreudeniniRheinlande, t. XV, p. 97. Gette divinité rappelle le
Deus nemeslrinus dont parle Arnobe. {Adv. genl. IV, 6.)
(4) Orelli, Inscriplioncs lalinae selecta:, n" 218 -, cf.Muratori, .4n<(r/m'-
tales italicœ medii cevi, t. V, p. 66 et suiv. Gette inscription, trouvée
à Auch, porte : SEX ARBORIBVS Q. RVFIVS GERMANVS. V. S.
(5) Lib. III, V. 399 sqq.
Lucus erat longo numquam violatus ab lewo,
Obscurum cingens connexis aéra ramis
Et gelidas alte summotis solibus umbras. etc.
Gomparez la description donnée par M. de Marchangy dans la Gaule
poétique.
24 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
connaissaient également des dieux des bois et des chênes
sacrés (1). Saint Adalbert, pendant son apostolat, fit
abattre un de ces arbres (2).
Les populations germaniques comme les Gre«îs donnaient
lesarbres pour habitations aux esprits sylvestres. La viedes
Waldleuten, des Holzleutoi était liée, dans leurs idées, à
celle de ces végétaux. Venait-on à les écorcer, cela amenait
la mort d'une de ces petites déesses mystérieuses nom-
mées Waldweibchen (3). Pendant longtemps, en certains
cantons de l'Allemagne, le bûcheron ne porta la hache
sur un tronc qu'après s'être agenouillé devant lui, l'avoir
imploré, les mains jointes et la tête nue (4). On attribuait
une reine à ces êtres surnaturels, reine qui rappelle la
Berchta des traditions germaniques et recevait le nom
de Buschgrossmutter (5).
Dans les contes populaires, ces esprits des bois se trans-
formèrent en géants, en héros. On fit par exemple de
Witolf, ^Vittich, Witugouwo, le fils du fabuleux forgeron
Wieland, un hôte des bois, sijlvarwn satyrus, épithète
donnée aussi au forgeron divin Mime (6).
Dans le nord de l'Allemagne on prêtait jadis aux arbres
une vertu fatidique, comme le faisaient les Grecs pour
11) Voy. Helmold, Chronic. slav. I, 53. Cf. J. L. von Parrot,
Versuch einer Entwicklitng der Sprache iind Mythologie der Liwen,
Lallen, Eesten, t. I. p. 321.
(2) Radulph. Glaber. Chronic. I, 4.
(3) Dans diverses traditions de l'Allemagne, les forêts sont repré-
sentées comme ayant été habitées par un widdmscnnlein et une wald-
iveiblein, qui, après leur défrichement, se mirent à hanter les maisons
ainsi qu'étaient supposés le faire nos follets. Voy. Panzer, Deitrag ziir
deutscher Mythologie, t. I, p. 08 (Munich, 1855).
(4) Voy. K. Simrock, Handbuch der deulschen Mythologie, p. 4C0
(Bonn, 1864).
(5) Jbid.
(G) lUid. p. 40 1.
INTRODUCTION, 20
les chênes de Dodone. On s'imaginait qu'ils annonçaient,
par l'agitation de leur feuillage, la mort d'une personne('l).
On retrouve dans toutes ces croyances, ainsi que pour
une foule d'autres mythes, une communauté d'idées
entre les Germains et les Scandinaves.
A Upsal, était un chêne consacré à Thor, le dieu de la
Ibudre; ce qui rappelle l'attribution à Jupiter par les
Grecs du même arbre. En Scandinavie, on donnait aux
forêts sacrées le nom de Liind (pluriel lunder), qui
fournit l'étymologie du nom de Londres, London (2).
Elles étaient placées, la plupart, sous l'invocation d'Odin
ou Wodan. Ce dieu conduisait, au dire des Saxons^, sa
bande mystérieuse, ses chasseurs, ses chiens^ à la clarté
de la lune, dans la solitude des forêts : c'est ce qu'en Alle-
magne on appela longtemps Wuotans Heer{^}, la troupe
ou l'armée d'Odin. Dans la basse Saxe, le Holstein, le
Mecklembourg, la Poméranie, lorsqu'un bruit soudain se
fait entendre dans l'air, le peuple dit que c'est Odin qui
passe (4). Comme ce dieu a été identifié avec le diable,
depuis l'établissement du christianisme, le chasseur divin
(1) Voy. Benj. Thorpe, Northern Mylhology, t. III, p. 161 (London,
1852).
(2) En danois, lund signifie encore « un bois. » L'île do Seeland s'ap-
pelait autrefois Siœlund, « bois entouré d'eau. » (GralT, Allhochdeidscher
Sprachschatz, vol. II, col. 241, et Du Gange, Glossar. med. jEvi,
v° Sylva,]). 468, éd. Henschel.) L'emplacement actuel de Londres était
jadis occupé en effet par une vaste forêt, dont la forêt de Wesminster et
celle dite Totehele ou Tothil, mentionnées dans le Domesday book,
étaient des restes. On trouvait de plus, dans le Middlesex, la forêt de
Fulehant ou Fulham, où l'on nourrissait 1,000 porcs, et une autre qui
en avait 300. Voy. Ellis, A genercd inlroduclion io Domesday book, 1. 1,
p. 97 et sv. Turner, The history of Ihe Anglo-Saxom, t. II, append. IV.
Le nom de Londinium (Londres) est déjà cité par Tacite et Ptolémée, ce
qui donne à penser que le mot lund avait dans le dialecte de la Bretagne
le même sens qu'en danois.
(3) Voy. J. Grimm, Deutsche Mythologie, 2* édit. p.. 871.
(/k) Ou Odin qui chasse, qui entre en colère. (J, Grimm, ouv. cit.)
1
26 LES FORÊTS Dlil LA GALLE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
est devenu un chasseur infernal, Ilelljœfjer (1). On l'ap-
pelle encore le chasseur sauvage, der wilde Jœger (2) ; et
c'est sous ce nom que Bûrger (3j a décrit son appari-
tion terrible. Les noms d'armée furieuse, das icûthende
Heer (4), de chasseurs furieux, die ivûthendcn Jœrjer, lui
sont également appliqués (5). A l'île de Moen, on désigne
un bruit mystérieux qui retentit en l'air ou dans la soli-
tude des forêts, par le mot grunjelte (G). Suivant les can-
tons, le même personnage, ce revenant des forêts, appa-
raît, dans la légende populaire, sous les noms divers
de Eackelber(j j de Welt jœger, le chasseur éternel, de
Wowijœger, Woejoijœge?', Joejœger, JSachtJœger, le chas-
seur nocturne, de Bassjœger, le chasseur maudit, de
Schwai'ze Jœger, le chasseur noir (7).
En France et en Angleterre, on retrouve sous mille for-
(1) Voy. Grimm, oui-. ci[. p. 871; Wilhem Mûller, Geschidite und
System der alldeidschen Religion, p. 120; Klemme, Hundbuch der
germanisclwn ÂUerthumskunde, p. 281 et 282. Dans les Pays-Bas et la
basse Allemagne, le cortège mystérieux est aussi désigné par le nom du
« char infernal, » Hœllenwagen, Spukwagen ; et pour être délivré de son
apparition, le peuple dit qu'il faut faire le signe de la croix. (Voy. J. W.
Wolf, Deutsche Mxhrchen und Sagen, n°» 203, 204, p. 314, 315.)
(2) Voy. J. Grimm, op. cit. p. 881. De même, son cortège s'appelle la
chasse sauvage, die wilde Jagd. Au xvii* siècle, on s'imaginait encore
l'entendre dans les forets qui avoisinent Annaberg. (J. W. VVolf,
Deutsche Mxhrchen und Sagen, p. 579.)
(3) Grimm, loc. cit.
(4) Grimm, Deutsche iMijlhologie, 2« édit., p. 890. — W. Mannhardt,
Gcnnanische Mylhen, p. 262, 270, 709. — Panzer, Deilrag zur deuts ■
chen Mythologie, t. I, p. 66.
(5) Grimm, ibid.
(6) Voy. à ce sujet Grimm, W. MùUer, Simrock et Mannhardt. — Le
nom de GrOnjette qui se retrouve sous diverses altérations dans le centre
de l'Allemagne, s'est formé par corruption de yachtgejaid, Nachlgelaid,
<< procession nocturne, » appellation donnée encore en Bavière à la chasse
infernale.
(7j Tandis qu'en France ce sont les bergers que l'on regarde comme
sorciers et faiseurs de charmes, en Allemagne, ce sont les chasseurs.
Vov. E. "Willkomm, Sagen und Mxhrchen aus der Oberlausitz, part. I,
p. 20.
INTRODUCTION. 27
mes pareilles traditions. Gervais de Tilbury (1) nous ap-
prend qu'en Angleterre, on prenait ce chasseur mystérieux
pour l'ombre d'Arthur ; on croyait entendre le bruit de sa
meute dans la forêt deCaerléon. Dans le midi de la France
et dans les Pyrénées, c'était aussi à Arthur que se ratta-
chait cette superstition populaire. Le héros breton avait,
disait-on, une grande passion pour la chasse. Un jour où
l'on offrait un sacrifice solennel, il fut averti qu'un san-
glier monstrueux s'approchait du temple. La sainteté de
la cérémonie, le respect dû à la religion ne purent retenir
le roi; il sortit, saisit un épieu et courut après le sanglier.
Le ciel irrité du peu d'attachement qu'Arthur avait mon-
tré pour la religion, le condamna à chasser éternellement
dans les plaines de l'air (2). En Angleterre, ce héros que
les anciennes traditions celtiques représentent comme ha-
bitant l'île d'Avallon ou Avallach et régnant sur les
morts (3), est devenu le inqueur noir, le chasseur de la
forêt de Windsor (4). En France on lui donnait jadis les
noms les plus divers, quoique le caractère qu'on lui prêtât
vaiiàt peu. En Provence, on l'appelait le chasseur blanc.
Ailleurs le bruit mystérieux entendu dans les airs était
regardé comme l'indice du passage de la chasse de saint
Hubert, de celle du comte Thibaut, de la chasse du roi
Hugon, de la chasse du veneur Gain (5) ou simplement
(1) Oiia iinperialia III, c. lxix, p. 981, édit. Leibnitz. — Le lieu de
la forêt de Caerléon où l'on entendait ce bruit mystérieux, avait en consé-
quence reçu le nom de Laykibrait.
(2; Dumège, Fragments (V archéologie 'pyrénéenne , p. 388.
(3) Voy. à ce sujet Mannhardt, ouv. cit., p. 459.
(4) Cette légende est rapportée par Shakspeare dans l'acte IV, scène iv,
des Bourgeoises de Windsor.
(5) Cette tradition avait cours encore à la fin du xvi^ siècle chez les
paysans de Fontainebleau, et on racontait qu'Henri IV avait une fois
rencontré le veneur mystérieux, en chassant dans la forêt (voy. le P.
Mathieu, Histoire de France et des cJiasses mémorables sous le règne de
Henri ÎV).
28 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'ANCIENNE FRANCE.
du Grand Veneur, comme on disait en Auvergne (i).
Chaque pays avait sa légende sur ce chasseur mystérieux.
En Danemark, dans l'île de Seeland, on disait que
c'était le roi Yaldemar condamné ainsi à chasser éternelle-
ment. Dans l'ile de Fyonie, on l'appelait Paine le chasseur.
A Aalborg, le peuple nommait ce mystérieux chasseur
Jons Jaeger (2) et s'imaginait entendre son effroyable voix
qui se mêlait aux hurlements de sa meule. Dans le
Schleswig, ce bruit, qu'en certains cantons du Danemark
on appelle le Chasseur volant^ est pour les paysans celui
de la chasse d'un roi du xiii* siècle, le fratricide Abel,
tombé dans un marais de l'Eyder, lors d'une expédition
contre les Frisons, et qui dans l'autre vie continue les
plaisirs qu'il prenait ici-bas (3), Quelques-uns des noms
que je viens de citer montrent que la légende du chasseur
infernal s'est pareillement associée en France à des tradi-
tions locales. Dans les Vosges, elle a été appliquée au
seigneur Jean des Baumes (4). Dans certaines parties
de l'Allemagne, le dieu chasseur Odin a été trans-
formé en un comte de Schulemburg (5), ou en un gé-
néral Spar (6). Le nom de Jean, que les montagnards des
Vosges donnent au chasseur éternel, pourrait être une
(1) Entre les forêts de Siniq, de Malbo, de Vigoureux et de Brézous,
au point d'intersection de quatre chemins, on a élevé une croix parce
que, solon la croyance populaire, c'est là que ])assait à certains jours le
Grand Veneur avec sa meule et sa suite infernale composée de piqueurs
vêtus d'écarlate comme leur maître. On faisait de ce cortège infernal
une description effroyable. Voy. Deribier du Ghàtelet, Dictionnaire
historique et statistique du Cantal, 1. 1, p. 303.
(2) C'est-à-dire Jons ou Jean le Chasseur. Voy. Thorpe, ouv. cit., t. II,
p. 197, 198.
(3) Thorpe, ouv. cit.
(4) Voy. cette légende dans H. Lepage et Charton, Le Département des
Vosges, l. II, p. 438.
(5) Voy. Sagen aus der Mark, herausg. von A. Kuhn, ap. Ilaupt,
Zeitschrifl, t. IV, p. 391.
(6) A. Kuhn et VV. Schwartz, Norddeutschc Sagen, Mxhrchen und
INTRODUCTION. 29
altération de celui de Joe, Joejœger, que nous venons de
voir appliqué, par certaines populations du Nord, au chas-
seur mystérieux. Dans le Bourbonnais, cette chasse s'ap-
pelle chasse Gayère (1), mot qui semble être une altéra-
tion de l'appellation danoise Grûnjette, ci-dessus men-
tionnée(2), et cette épithètedeG«yère, s'est altérée dans la
Saintonge en celle de Galerie. Un autre nom que notre
chasse porte encore est celui de Mesnie Hellequin ou Hen-
nequin, &Qtroi(pe d' Hellequin (4). Ce n'est vraisemblable-
ment qu'une altération du mot allemand Erl-Konif/^
c'est-à-dire le roi des Erles ou des Elfes, qui a donné
d'autre part naissance à notre mot arlequbi ; il nous ra-
mène à la véritable origine de la tradition du chasseur
sauvage^ du chasseur infernal. Les savants allemands qui
se sont livrés dans ces derniers temps à l'étude compa-
rative des mythologies, ont établi en effet que le point de
départ de toutes ces traditions est la croyance répandue
chez les diverses populations d'origine indo-européenne,
GehrsBUch. p. 74, n° 7G. Il circule un grand nombre de légendes de ce
genre en Allemagne et dans les Pays-Bas.
(1) Acli. Allier, Voyage pilloresque dans l'ancien Bourbonnais, t. II,
p. 12.
(2) Nous venons de voir, en effet, que la chasse d'Odin était désignée,
dans certains cantons de l'Allemagne, par un nom analogue. Les Suisses
appellent la chasse sauvage Durslcngejeg, c'est-à-dire la troupe de Dûrst
(ou du dieu infernal). (Voy. Grimra, 2" édit. p. 487, 872.) Le nom de
Gayère paraît être une altération du Gejeg suisse. En effet, dans la
Franche-Comté, pays intermédiaire entre le Bourbonnais et la Suisse la
chasse infernale présente un caractère essentiellement germanique et
est désignée sous un nom, l'homme sauvage, qui rappelle tout à fait
l'appellation allemande.
(3) Voy. A. Gautier, Slalist. du dép. de la 6harenlc-Inférieure, part.
pe, p. 233.
(4) Voy. Leroux de Lincy, Introduction au livre des Légendes, append.
Plus tard, lorsque le souvenir des vacations nocturnes se fut tout à fait
effacé, on transporte le nom de Mesnie Hellequin aux feux follets, qu'on
appela ensuite par corruption arlequins. (Voy. Paulin Paris, Description
des manuscrits français de la Bibliothèque royale, t. 1, p. 323.)
30 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
que les âmes des trépassés assimilées au souffle des vents,
comme les Marouts du Véda (1), se réunissent dans les airs
sous la conduite de la divinité qui règne sur l'empire des
morts. Ces âmes divinisées sont, comme je l'ai déjà dit
plus haut, les Elfes ou Elbes, transformées en diables ou
en démons par le christianisme. L'orage n'est que le bruit
fait dans les airs par cette troupe invisible; il devient
ainsi le tumulte d'une troupe nocturne, Xachtvolk, confon-
du bientôt avec celui des bandes de sorcières qui prati-
quaient encore la nuit les rites païens proscrits par le nou-
veau culte (2). Wodan ou Odin, comme dieu des morts,
comme roi de l'Elysée, est placé chez les Saxons et les
Scandinaves à la tête de cette troupe infernale. De là
l'association de son nom et de celui d'Arthur à celte lé-
gende d'origine asiatique où ils jouent le rôle d'Yama,
le dieu des morts chez les Aryas. On rencontre en effet
chez toutes les populations septentrionales la croyance
que les Elfes se montrent parfois dans l'atmosphère et y
font entendre des bruits mystérieux, quelquefois même
une véritable harmonie (3). Sur eux régnent Odin et
Freya, son épouse. Des peuples tels que les Germains,
qui vivaient au milieu des forêts, attribuaient naturelle-
ment la même résidence à la divinité suprême ; aussi plu-
sieurs grandes forêts de l'Allemagne étaient-elles consa-
crées à Odin (4). Freya fut, par le même motif, assimilée à
(1) Voy. mon ouvrage intitulé : Croyances et Légendes de l'antiquité,
2« édit., p. 97 et suiv.
(2) Voy. surtout Mannhardt, ouv. cit., p. 709, 710.
(3) Mannhardt, ïfcfrf. On racontait que le bruit de la chasse mystérieuse
se faisait surtout entendre la nuit de Noël. (Panzer, Deitrag zur deuts-
chen Mijlholorjie, t. I, p. 2G0.;
(i) Tels étaient l'Odenwald, petit grouj^e de montagnes voisin de la
chaîne de la Forot-Noirc, et le Freyenwald, situé près de l'Oder, et où
se sont retrouvés les restes d'un temple de la déesse Freya. (Voy. Eyriès
et Malte-Brun, Xouvellcs Annales des Voyages, t. XllI, p, 288.) (Année
1822.)
INTRODUCTION. 3i
Ja Diane latine, la divinité des foiéts. C'est en son hon-
neur ou en l'honneur d'une divinité analogue telle que
Holda (1), que pendant longtemps les femmes de la Gaule
et de la Germanie allèrent dans les bois accomplir des
cérémonies mystérieuses (2). Le sabbat des sorcières du
moyen âge n'a pas d'autre origine (3).
Voilà comment la tradition de la Mesnie Hellequin asso-
cia la croyance aux apparitions des Elfes dans les airs
au souvenir des vacations nocturnes {utisetiir) où s'ac-
complissaient les rites du seidr, qui offrent eux-mêmes
plus d'une analogie avec les fêtes célébrées en l'honneur
de Diane par les Romains, avec celles qui avaient lieu en
l'honneur de Sabazius eL de Bacchus chez les Grecs (4).
On retrouve du reste chez les Grecs des superstitions qui
rappellent celle du chasseur nocturne (5).
(1) Voy. sur la substitution de Holda, à Odin, dans la tradition de la
chasse infernale, Mannhardt, oiiv. cit., p. 262.
(2) Ce sont des cérémonies de ce genre accomplies en Gaule en l'hon-
neur d'une déesse que lesGalIo-Romains identifièrent à Diane, que défen-
dirent les conciles et lescapitulairesdes roisCarlovingiens. (Voy. Fragm.
capit., c. xiii, édit. Baluze.) « Nulla mulierem se nocturnis horis equi-
tare cum Diana profiteatur, hsec enim dœmoniaca est illusio. » — Cf.
Walter Scott, Lellers on deinonoloyy and iviiclicraft, vu'' lettre.
(3) Voy. mon ouvrage intitulé : La Magie et r Astrologie dans l'anti-
quité et le moyen âge, 3^ édit., p. 176.
(4) Le voyageur Pouqueville pense qu'il faut aller chercher l'étymo-
iogie du nom de sabbat dans le grec aaSàî^siv qui s'appliquait à l'action
de célébrer la fête de Sabazios (SaSa^îo?, SaêaS'toç), divinité solaire, vrai-
semblablement d'origine phrygienne, assimilée par les Hellènes à leur
Dionysos ou Bacchus. En efTet, les fêtes Sabaziennes se célébraient avec
des rites qui rappellent à certains égards la cérémonie du Seidr et le
culte de Diane dans les bois. (Voy. Pouqueville, Voyage de la Grèce,
2« édit., t. V[, p. 156.) Peut-être toutes ces fêtes avaient-elles une ori-
gine asiatique commune.
(5) Pausanias {Attic, c. xxxii, § 3) nous dit que les habitants de Ma-
rathon s'imaginaient entendre parfois la nuit le hennissement des che-
vaux, et un bruit semblable à celui que font les combattants. A Alexan-
drie, on croyait entendre de temps en temps dans les airs le bruit du
cortège ou thiase de Bacchus. Plutarque, Vie de Marc-Anloine, c. lxxvi,
p. 231, édit. Reiske.
32 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Que le roi des morts soit devenu un chasseur mysté-
rieux, qu€ les âmes des trépassés aient été transformées
en esprits des forêts, en sylvains (i), cela démontre que!
rôle important jouaient les forêts dans les croyances re-
ligieuses des populations germaniques et gauloises. Les
esprits dont les Aryas peuplaient l'air se sont ainsi peu
à peu métamorphosés en chasseurs, en habitants des
bois ; ils se sont présentés à l'imagination des popula-
tions germaniques et Scandinaves sous la forme d'hommes
velus, d'êtres farouches, noirs et hideux ; tels étaient les
Satyres, les Sylvains et les Waldieuten; vrais diables
des bois, qui furent les prototypes des sauvages du moyen
âge, de Volundr, le forgeron bois, aux formes de sa-
tyre (2), de Vi(o?7i foresto de Pulci (3), enfin de ces" sau-
vages qui ont fini par ne plus avoir d'existence que sur nos
enseignes (4).
Le souvenir des forêts sacrées, hantées par des dieux
identifiés aux démons après l'établissement du christia-
nisme, de ces forêts où se réunissaient les Druides, les
Semnothées, les Eubages, les prêtres de Thor et de Jupi-
ter, réduits plus tard à la condition de magiciens et de
(1) Faimi, Sylvani, homines sylvestres, feminae sylvestrix. Voy. W.
'HLnWç.T, AUdeulsche Religion, p. 379. — On s'imaginait pour ce motii-
que les Elfos aimaient à résider sous les arbres et dans les forêts. (Voy.
Crofton Croker, Fairy legends ofllie soulli ofircland, part. 111'=, p. 84.)
(2) Voy. la dissertation de MM. Depping et Fr. Michel, intitulée ;
Veland le Forgeron. Paris, 1833.
(3) Pulci, Morgante, v, 38. Cf. Grimm, ouv. cil. p. 44 et suiv.
(4j En Suisse, en Allemagne et en France, on trouve encore beaucouji
d'auberges ayant pour enseigne An Sauvage, Zum wilden Mann. Celles
qui sont demeurées fidèles aux vieilles traditions, telles que je les ai
rencontrées dans le pays des Grisons et en Allemagne, représentent le
sauvage comme une sorte de satyre aux cheveux longs et à la barbe
touffue. On sait du reste qu'on a cru longtemps, chez nous, à l'existence
d'hommes sauvages habitant dans les bois. (Voy. Bonnaterre, Nolicr
historique sur le sauvage de l'Avegron, Paris, an vni, j). 4.)
INTRODUCTION. 33
sorciers, a fait imaginer ces forêts enchantées qui occu-
pent une si grande place dans le merveilleux des épopées
des temps de chevalerie, et qui ont fourni à l'immortel
Torquato Tasso l'idée de la forêt qu'il décrit dans ces
magnifiques vers :
Sorge non lunge aile cristiane tende
Tra solitarie valli alta foresta
Foltissima di plante antiche, orrendo
Che spargon d' ogni intorno ombra funesta.
Qui neir cra che '1 sol più chiaro splende
È luce incerta, e scolorita e mesta,
Quando parte il sol qui tosto adombra
Notte, nube, caligine ed orrore
Che rassembra infernal, che gli occhi ingombra
Di cecità.
(Gante xiii.)
Forêt sur laquelle Ismen semble étendre ses enchante-
ments et où il évoque les mauvais esprits :
Citadini d' Averno
Prendete in guardia questa selva e queste
Plante che numerate a voi consegno.
Corne il corpo è dell' aima albergo e veste,
Cosî d' alcun di voi sia ciascun legno.
Veniano innumerabili, infiniti
Spirti, parte che 'n aria alberga ed erra,
Parte di quel che son dal fondo usciti,
Galiginoso e tetro délia terra (1).
Les idées de divination, de magie qui s'attachaient,
chez les Celtes, aux arbres, objet de leur culte, paraissent
avoir donné naissance à cet alphabet magique, à ces runes
merveilleuses qui représentaient les différentes lettres par
(1) Cette forêt, mentionnée par Le Tasse, n'a aucune réalité. C'est une
pure conception poétique, et M. Michaud a vainement tenté, comme il le
reconnaît lui-même, d'y retrouver les caractères d'une forêt de la Pa-
lestine. (Voy. Correspondance d'Orient, t. IV, p. 105, 166.)
3
34 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L ANCIENNE FRANCE.
des pousses, des scions. Ces signes recevaient chacun
le nom de l'arbre sur le bois duquel ils étaient gravés
par incision ; l'on agitait ces fragments taillés, de manière
à en tirer des augures (1). Plus tard, cet assemblage de
signes fournit ses éléments à l'alphabet dit rimirjue, qui
prit en Irlande le nom à'Or/ham craobh, c'est-à-dire « d'ar-
bre aux lettres (2). »
Les faits que je viens de rappeler montrent à quel
point avait pénétré dans les usages populaires de l'Europe
le culte des forêts et des arbres.
En France, il y a un petit nombre d'années, plusieurs
arbres demeuraient entourés de la vénération inspirée
par leurs ancêtres. Dulaure nous apprend (3) qu'on voyait
non loin d'Angers, un chêne, nomme Lapalud, auquel
les habitants rendaient une sorte de culte. Cet arbre, que
l'on regardait comme aussi vieux que la ville, était tout
couvert de clous jusqu'à la hauteur de dix pieds environ.
Un usage, datant d'un temps immémorial, voulait que
(1) C'était le mode de divination appelé Rhabdomantie, et dont il est
déjà question dans la Genèse.
(2) Ce genre d'écriture paraît avoir été un des plus anciennement usit '■.-
chez les peuples du Nord, et un passage de Pline (Ilisl. nal. lib. XYI,
c. XIV, ^ 9j semble se rapporter à son em])loi. L'irlandais fecidha, et le
gallique cjwijdd, signifient à la fois arbre et lettre. Dans l'alphabet ogham,
toutes les lettres, à l'exception du P [pelhovc) et du T {(inné), avaient
des noms d'arbres ; c'est ainsi que A {ailm) s'appelait « ormeau, » B
(beitli) « bouleau, » C (coU) << coudrier, » D [ditir) « chone, » E {eagli)
« peuplier, » F {frarn) « aune, » etc. (Voy. E. Davies, Cellic researclics,
]). 246. — J. O'Donovan, A grammar of ilie irisli language, Dublin,
1845, p. XXXII. — E. Duméril, De l'origine des runes, dans ses Mé-
langes archéologiques et Vdièraires, p. 77. Paris, 1850.) Les Scandinaves
appelaient les lettres hâtons de hêtre, « Bok-stafir, » parce qu'ils gra-
vaient les runes sur des bâtons faits de ce bois, qui étant sans filaments
et sans nœuds se jjrète inioux aux incisions. C'est à la même étymoiogie
qu'appartient l'allemand Ditchslabc « lettre, » proprement « bâton de
hêtre. » (Voy. ce que dit Fry, Pantographia, p. 507, sur la manière
dont les Bretons se servaient pour écrire de ces sprigs ou rods.)
(3) Histoire abrégée des di/l'érents adtcs, 2« édit. t. I, p. 70.
INTRODUCTION. 35
chaque ouvrier charpentier, charron, menuisier, maçon,
qui passait près de ce chêne, y fichât un clou (1).
Plusieurs de ces arbres vénérés avaient été consacrés à
la Vierge ou aux saints, et décorés de petites statues,
d'images de croix qu'apportaient les pèlerins. Tel a été le
cas pour le célèbre chêne à la Vieivje, qu'on voit à l'ex-
trémité du Ban-de-Mailly, dans l'ancien duché de Bar, et
dans le tronc duquel est pratiquée une niche décorée d'une
madone (2).
Au Tyrol, la Vierge a recueilli, de même, l'héritage des
antiques divinités forestières, et, en particulier, celui de
Frigga, que rappelle l'épithète de diealteFrouica, qu'elle
reçoit encore. Des chapelles en son honneur ont été cons-
truites au milieu des bois (3), au pied des arbres (4), où
accourent en pèlerinage les chasseurs tyroliens (5).
La fête de la plantation des Mais, si générale en France ,
se rattache, sans contredit, à ce culte fétichiste (6).
(1) Nous avons vu plus haut que le même usage existe en Perse poul-
ies arbres sacrés ou Dirakhl i fazel.
(2) H. Lepage, Le département de la Meurthe, slalistique historique et
tidministrative, l. 11, p. 337.
(3; Tels sont les pèlerinages célèbres de Waldrast, sur le Serloshercj ,
dans le Wippthal, de Maria Hilf, dans le Grùnwald, près de Brixlegg, de
IJnsere liebe Froii, dans le Jochberg, et dans la forêt de Gampen. (Yoy.
Ign. Vincenz Zingerle, Wald, Baume, Kràuler^ dans la Zeitschrift fïir
(leutsclie Mythologie, her. von J. W. Wolf, t. 1, p. 325-326. Goettingue,
1854.)
(4) Tels sont les pèlerinages de Sainte-Marie-du-Tilieul, sur le Geor-
genberg, de Sainte-Marie-du-Melèze, de Sainte-Marie-du-Sapin, etc.
Voy. Zingerle, oiiv. cit. p. 325.)
(5) Cette circonstance fit imposer à une des forêts du Tyrol le nom
«le Gnadenivald, à cause des grâces que valaient aux pèlerins les nom-
l)reuses chapelles qu'on y avait construites. (Zingerle, ouv. cil.)
(6) Voy. M"»^ Clément, Histoire des fêles du déparlement du Nord,
p. 356 et suiv. Coremans, L'année de V ancienne Belgique, p. 21.
Bruxelles, 1844. 11 est digne de remarque qu'en Angleterre celui qui
préside à la fête de la plantation du Mai, reçoive précisément le nom
de Robin Hood, <« Robin des Bois.» (Voy. plus haut. Conf. Revue britan-
nique, 5e série, l, XI, p. 158.)
36 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
En Irlande, certains ifs d'une antiquité extraordinaire,
qui encadrent le porche des églises (d), remontent à l'usage
qu'avaient les Celtes de consacrer les arbres aux dieux,
usage que les apôtres du christianisme ont dû accepter
en le transformant, comme ils l'ont fait pour tant d'au-
tres superstitions (2). Ils mirent sous le patronage de la
Vierge et des saints ces arbres vénérés (3).
Ce ne fut pas seulement de sanctuaires que les forêts do
la Gaule et de la Germanie servirent aux populations,
leurs clairières furent aussi les lieux d'assemblée , de
réunion. En Gaule, c'était là qu'à certaines époques, les
Druides tenaient leurs conciles, et quelques localités sont
données par la tradition, comme ayant eu jadis cette des-
tination. On l'a vu plus haut par le témoignage de Tacite,
les Germains s'assemblaient dans les forêts pour certaines
solennités religieuses. C'est sans doute pour ce motif que
les massifs qui ombragent les sommets de l'Abnoba re-
cevaient le nom du dieu Wodan ou Odin, et une forêt
(1) Tels sont les ifs de Newry, dont la plantation est attribuée à
saint Patrice, et ceux de Glendaborough qu'on dit avoir été plantés pai
saint Kevin.
(2) "Voy. ce qui a été rapporté dans la vie de saint Maurille, d'un lucus
que détruisit cet apôtre au Payus commoninis fBolland. Ad. Sanct.,
xm septemb., p. 74, col. 2); ce qui est dit du cultf des arbres et des
forêts chez les Gaulois, au temps de l'apostolat de saint Amand (Bolland.
Act. I febr. p. 850} et du même culte chez les habitants du pays de Caux
lois de l'apostolat de saint Valéry. (Bolland. Act. April., 1. 1, p. 617.)
(3) En Irlande, les chênaies, appelées dans l'idiome de ce pays doire,
furent consacrées au Christ. Lorsque saint Columba vint au vi* siècle
prêcher la foi dans l'île, il fit élever deux monastères au milieu de
ces forêts sacrées : l'un au lieu qui a longtemps gardé le nom de Doire,
ot est devenu ensuite par corruption Dcrry ; l'autre à Doire-Magh ou
Durrow dans le King's county. La présence du mot Doire comme élément
composant dans le nom d'un grand nombre d'églises en Irlande, montre
que les disciples de saint Columba en agirent de même. Tels sont Doire-
mella, Doire-moor, Doire-inis, Dar-neagh, Dar-arda, Dore-bruchais,
Dore-chacohain. Dore-cUiiiseriyh, Doredunchon, Kil-doire, A'il-derrff.
(Voy. E. Ledwich, The anttquilies oflrhmd. 2"^ édil. p. 70,71. Dublin,
1804.)
INTRODUCTION. 37
voisine de la Forêt-Noire doit à cette circonstance son nom
d'Odenwald (1).
Le Champ de feu ou Hochfeld, dans les Vosges, fut
un de ces lieux de réunion. On y voit encore de nom-
breux monuments qui semblent appartenir à l'époque
druidique (2). Une enceinte de ce genre se trouvait au
milieu de la forêt des Garnutes, et c'est là que se tenait
l'assemblée générale des druides gaulois. Ces emplace-
ments répondent aux Valplatzen des anciens Scandina-
ves, lieux choisis spécialement pour les diètes religieuses,
et qu'entouraient des blocs de pierre grossièrement
taillés (3).
Les Celtes aimaient à se faire enterrer à l'ombrage des
hautes futaies. On a observé, dans plusieurs forêts an-
ciennes, des tumulus et des tombelles gauloises. Au bois
des Loges, reste de l'ancienne forêt de Fécamp, des
fouilles ont révélé l'existence d'un grand cimetière gallo-
romain, et des restes de sépultures antiques ont été re-
trouvés au bois des Haulles, près Etretat (4). Dans la
forêt de Garnoet (Finistère), fut récemment mise au jour
une sépulture contenant divers objets de travail gau-
lois (5). Dans la forêt de Duault ( arrondissement de
Guingamp), où les ducs de Bretagne avaient jadis leur
haras, et qui conservait, il y a une cinquantaine d'années,
(1) Eginhard, Histor. translat. martyr. MarcelL et Pétri, édit.
Teulet, l. II, p. ns.
(2) Elie de Beaumont et Dufrénoy, Explication de la carte géol. de
France, t. I, p. 272.
(3) Voy. Chr. Keferstein, Ansichten ûber die keltischenAlteflhuiner,
1. 1, p. 283.
(4) Cochet, Normandie souterraine, chap. vu. — Sépultures gauloises,
romaines, franques, p. 45.
(5) Annales forestières, t. II, p. 547 ; Revue archéologique, 1. 1, p. 133.
Les antiquités découvertes à Carnoet ont été déposées au Musée de l'hôtel
de Cluny, à Paris.
38 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIEN. NE FRANCE.
encore tout à fait l'aspect d'une forêt primitive, est un
monument appelé le Calvaire de la Motte, qui paraît avoir
été le tombeau d'un haut personnage. Les habitants
du pays croient que le dolmen qui le surmonte est la
pierre sur laquelle saint Guénolé vint d'Angleterre en
Bretagne (1).
En diverses localités des Vosges, on a trouvé des cime-
tières gaulois au milieu des bois. Sur le plateau, jadis
couronné de forêts, que surmontent les ruines du chàtelet
de Bonneval, furent découverts, au lieu nommé Goutte-
des-Tomhes, un dolmen et de nombreux tumulus gaulois
dont on a retiré des médailles et des armes gallo-ro-
maines (2). Les forêts de Rixheim, de Schirrhein, de Bru-
math, de Hatten, les bois de Niedernai, en Alsace, ca-
chaient des tombes celtiques (3). La présence de tombelles
celtiques a été signalée dans un grand nombre de nos
bois (4). Le même fait s'est produit en Angleterre. Le
canton du Lancashire qui s'étend entre Kirkby-Moor,
Woodland et Dalton, jadis couvert de forêts, présente les
restes d'un vaste cimetière celte (5).
En Allemagne, c'est souvent dans les profondeurs des
forêts, à l'ombre des bocages, sous de hautes futaies, que
l'on retrouve ces antiques tombeaux, connus sous le nom
de Hunenç/rœber, et qui remontent, pour la plupart, au
(1) Habasquc, Notices historiques sur les Câtes-du-Nord, 1. 111, p. 3i.
(2) H. Lepage et Charton, le Dëparlement des Vosges, t. II, p. 68.
(3) Voy. M. de Ring, Tombes celtiques de V Alsace, 2« édit., p. 17 et
suiv.
(4) Ainsi on a trouvé des sépultures gauloises dans la forêt de Gartempe
(Creuse) [Bulletin de la Société de la Creuse, 1843, p. 49), dans les bois
de Martigny-lèz-Lamarche, dans le département des Vosges (Lepage et
Charton, ouv. cit. t. II, p. 317). Voy. ce qui est dit à proi)OS de plusieurs
forêts dans le cours de cet ouvrage.
(5) Voy. le mémoire de M. Charles M. Jopling, dans le tom. XXXI de
VArchxoloyia, p. 451 et suiv.
INTRODUCTION. 39
temps des anciens Germains (i). De là les traditions qui
représentent les géants comme s'étant retirés au fond des
forets, où l'on croit rencontrer çà et là leurs tombeaux.
Les géants sont, dans l'imagination des peuples germani-
ques, la personnification de la vie rude et sauvage»de leurs
ancêtres, dont la haute taille avait frappé les Romains.
En Alsace on dit que, jadis habitants du pays (2), ils ont fui
devant l'homme, et sont allés ensevelir leur existence mys-
térieuse dans les retraites impénétrables des Wœlder (3).
L'histoire des forêts si elle ne nous intéressait pas
déjà à un haut degré sous le rapport de la géographie, de
l'économie politique et agricole, si elle ne se liait pas à la
connaissance d'une foule de faits curieux, devrait donc
encore attirer notre attention, parce qu'elle éclaire l'his-
toire des croyances religieuses de la vieille Europe. En
disparaissant, elles ont emporté avec elles bien des Iradi-
tions et des usages, des superstitions et des idées dont l'an-
tiquaire, l'érudit aiment à ressaisir les traces. En suivant,
époque par époque, province par province, la marche du
déboisement dans la Gaule et l'ancienne France, en
fouillant le sol où les vieux troncs ont laissé leurs racines,
en écartant la mousse qui couvre les places où s'élevaient
jadis tant de belles futaies, nous retrouverons des vestiges
curieux de l'état primitif de notre pays ; ils nous serviront
à refaire en imagination la patrie de nos pères.
(1) Fr. Mûller, Die Hunengrxher di^n's>BQ\i\çn, Allgemeine Forst-und-
Jagd-Zeitung, 1834, p. 240.
(2) A. Stôber, Die Sagen des Elsasses, p. 88.
(3) Voy. à ce sujet dans les Kindes-iond-Hausmsehrchen publiés par
les frères Grimm, la tradlLion hessoise sur les colonnes de géants, celle
de Brixen sur les géants venus de l'Unterberg. et celles de l'Odenwald
sur les géants du Lichtenberg. On peut rapprocher de ces légendes la
tradition poméranienne sur le bruit qui se fait dans le tombeau des
géants.
FIN DE L'INTRODUCTION.
LES
FORÊTS DE LA GAULE
ET DE L'ANCIENNE FRANCE
CHAPITRE PREIVIIER.
ÉTAT FORESTIER PRIMITIF DE LA GAULE.
On ne saurait douter que la Gaule, à l'époque de la
conquête romaine, ne présentât encore sur beaucoup de
points l'aspect d'une vaste forêt ; elle devait offrir alors à
peu près la même physionomie que l'Amérique du Nord,
il y a un siècle (1). Pomponius Mêla, qui écrivait au com-
mencement de notre ère, qualifie ia Gaule : « (ÏAîJîœiîa
lucis immanibus i^) ; » et tout ce que nous rapporte César
en ses Commentaires est d'accord avec les paroles du
géographe latin. Dans le pays des Belges, les habitations
se trouvaient d'ordinaire au voisinage des bois^ et même
parfois au milieu des forêts (3). C'était également là le
caractère des bourgs ou villages de la Grande-Bretagne,
moins avancée en civilisation, et où des populations belges
avaient porté leur langue et leurs usages (4). Le centre
et le midi de la Gaule avaient déjà subi, au temps de
César, de nombreux et d'importants défrichements. Non-
seulement les parties naturellement découvertes étaient
(1) Voy. à ce sujet J. S. Springer, Foresl life and forest Irees (New-
York, 1851). —Dlackwood's Magazine, 1855, p. 335.
(2) Desilu orbis, III, 2.
(3) Caesar, De bell. gall. VI, 30.
(4) Caesar, De belL gall. V, 31. — Oppidum autem Britanni vocant,
quum silvas impeditas vallo atque fossa munierunt.
42 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'ANCIENNE FRANCE.
semées de blé, d'orge et d'autres céréales (1), mais de plus
on avait pratiqué dans presque toutes les forets des
clairières qui ne cessaient de s'agrandir. Les habitants,
comme toutes les populations primitives (2), fertilisaient le
sol, dépouillé de son ombrage, avec la cendre des arbres,
seul amendement connu des populations sylvaines (3). Il est
donc naturel de supposer que déjà plus d'un siècle avant
notre ère, les forêts ne présentaient pas partout une ligne
continue d'arbres, qu'en plusieurs cantons alternaient
avec elles les champs et les bois ; mais à tout instant la
végétation arborescente reparaissait, en sorte qu'au centre
et au sud-ouest de la Gaule, le pays devait avoir sensi-
blement la physionomie de ces cantons de la Norman-
die, du Perche, de l'Anjou et du Poitou, désignés sous
le nom de bocage. Les buissons, associés à quelques bali-
veaux, constituaient pour \ager de chaque parjusy de
chaque u/cî«, un enclos, une enceinte naturelle. Les haies
dont César signale la présence chez les Nerviens (4), s'éle-
vaient comme les témoins des forêts primitives dont elles
étaient les débris. Mais sur les frontières du territoire des
(1) Plin. Ilisl. nal. XVII, n. Voyez ce qui est dit ù ce sujet au cha-
pitre IV.
(2) Lorsque les Orang Gunong, (jui habitent les forets de l'île de
Banka, ont fait choix d'un canton pour leur demeure, ils commencent
par abattre les arbres, construisent une enceinte avec les petits troncs
et les branches, brûlent les plus gros et les souches, puis sèment le
sol et attendent sous leurs huttes le produit de leurs moissons. Les plan-
tations ou enclos de ce genre sont appelais par ces peuplades Dartg. (Voy.
Horsfield, Reporl on the island of Banka, dans Xa Journal of llie Imlian
Archipelarjo, 1848, p. 333.)
(3jDans le langage des tribus Bodo et Dhimal, races indigènes de l'Hin-
doustan, le terme employé pour exprimer l'idée d'agriculture signitie :
abattage ou éclaircissement de la foret. (Voy. B. H. Hodgson, On the
aborigènes of India, p. 139.) C'est par l'opération de la roza ou défri-
chement par le feu, que les colons espagnols ont mis en culture la ma-
jeure partie de l'Amérique méridionale. (Voy. pour plus de détails à cet
égard, Weddel, Voyage dans le nord de la Bolivie, p. 336.)
(i) De bell. gall. II, 17.
î
CHAPITRE 1. 43
cités, le sol gardait clans toute leur épaisseur ses antiques
ombrages. Les forêts formaient entre les territoires de vé-
ritables frontières, comme un espace neutre ; car, à cette
époque, les nations n'avaient pas l'habitude de tracer avec
la rigueur d'aujourd'hui la ligne de démarcation de leur
domaine respectif. Les marches ou frontières étaient lais-
sées sans culture, suivant un usage commun à la Gaule
et à la Germanie, et quand la région intermédiaire entre
deux ou plusieurs civitates était favorable à la végétation
des bois, elle se recouvrait bientôt de vastes forêts. Il
subsiste en France, comme nous le verrons plus loin,
quelques vestiges de ces grandes marches toutes boisées.
C'est ainsi que la frontière méridionale de l'ancien pays
des Tricasses, qui se trouve hors de la région de la craie,
sur un sol profond et fertile, présentait à l'origine une
longue bande arborescente d'une largeur assez considé-
rable, et dont les forêts d'Othe, d'Aumont, deRumilly, de
Chaource, de Chappes, d'Orient, de Soulaines, de Bliffeix
et de Der sont les restes (1).
Au nord de la Gaule, les forêts étaient toutefois trop
étendues pour être prises comme frontières entre deux ou
plusieurs peuples ; elles recouvraient souvent des terri-
toires entiers, ainsi que cela avait lieu, par exemple, pour
celui des Trévires, des Nerviens et des Sylvanectes(2). Et
cette extension démesurée des arbres contribuait à perpé-
tuer, chez plusieurs des populations belges, les habitudes
de la vie sylvaine primitive que menaient encore à cette
époque les Germains. Ceux-ci étaient de véritables no-
mades de forêts ; ils trouvaient dans la chasse et l'élève
des bestiaux leurs principaux moyens de subsistance, et
(1) Voyez à ce sujet H. d'ArLois de Jubainville, Voyage paléogra-
phique dans le département de l'Aube, p. 214. (Troyes, 1855.)
{Vj Voy. ce qui est dit plus loin.
44 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L'ANCIENNE FRANCE.
quand ils avaient épuisé le fourrage et le bois d'un can-
ton de la forêt où étaient dressées leurs huttes, et récolté
un peu de blé, ils se transportaient dans un autre, oîi
leur séjour n'était également que temporaire (1). Ils agis-
saient, en en mot, comme agissent encore aujourd'hui les
débris des premières populations indigènes de l'IIindous-
tan, du Kumaon (2), du Népal et de TAssam (3). La forêt
fournissait à tous leurs besoins, comme elle fournit à tous
ceux de diverses tribus sauvages de la Malaisie et de l'ar-
chipel Indien (4).
Ainsi, malgré les progrès de l'agriculture en Gaule,
ce pays demeura pendant bien des siècles une contrée es-
sentiellement forestière, dont le climat âpre et froid était
(1) Tacit. Gcrma7i.,b, 15, IG, 26. — Kuivantune vieille traditionalle-
maude qui a cours encore chez quelques paysans de l'Alsace, et que j'ai
rappelée dans l'Introduction, les géants gouvernèrent d'abord les hommes ;
mais peu à peu ils furent repoussés par eux et contraints d'aller ensevelir
leur existence dans les forêts et les montagnes. [A. Stôber, Die Sagen
des Elsasscs, p. 88.) Ces géants sont visiblement la personnification delà
population sauvage vivant dans les bois, avant l'introduction de la civili-
sation romaine.
(2) C'est là l'existence que mènent les Radjis, race aborigène des pro-
vinces de Kumaon et de Garhwal. Voy. Strachey, On llie physical gcogra-
phy of ihe provinces of Kumaon und Garhwal dans le Journal of Ihe
royal geographical society ofLondon, t. XV, p. 80.
(3) Voy. A Sketch ofAxsani, ivilh some account ofthe hill-lribes by an
officer (London, 1847), et B. H. Hodgson, On ihe aborigènes ofJndia,
p. 151 et suiv. (Calcutta, 1847).
(4) C'est ce qui a lieu pour les Mintiras, les Semang, les Dayaks, les
Michmis. (Voy. Journal ofllie indianarchipelago andeasleniAsia, 1847,
n" 5, suppL, ]j. 307, 1849, p. 109 et suiv.) Les Semang peuvent être con-
sidérés comme le peuple des bois par excellence. Ils vivent au milieu des
forêts sous un simple toit de ])ranchages, se vêtissent de feuilles et se
distinguent entre eux jjar les noms des arbres sous lesquels ils sont nés.
(James Low, Journal cité, août 1850, p. 425, 427.) Les Moi, tribu sau-
vage, qui Jiabite entre la Cochinchine et le Camboge, vivent aussi
comme les singes, sur les arbres, où ils construisent dus huttes de bran-
ches, dans lesquelles ils demeurent confinés. (Voy. Gutzlaff, On Ihe Co-
chinchine empire, dans le Journal oflhe royal geographical sociely ofLon-
don. Tom. IX, part. 2, p. 190.)
CHAPITRE I. 45
aussi redouté des Romains que nous redoutons maintenant
celui de la Suède ou de la Norvège. Florus ne distingue pas
entre le ciel de la Gaule et celui de la Germanie ; il les qua-
lifie tous deux d'atrox cœlum'\\).
En s'aidant du témoignage des anciens, il est possible
de se faire une idée de la singulière extension des forêts
dans la Gaule, lors de l'établissement de la domination
romaine. Quand, débarqué sur la côte de Massilia, le Latin
pénétrait dans notre pays, en suivant la direction du Nord,
il rencontrait, à mesure qu'il s'avançait, des bois de plus
en plus épaio, de plus en plus vastes. A peine, après avoir
passé laDurance, était-il entré dans la Viennoise, qu'il lui
fajlait traverser de grandes forêts, où subsistait encore, il
n'y a pas deux siècles, le souvenir des cérémonies drui-
diques (2). Au delà et à l'ouest s'allongeait la chaîne boisée
des Cévennes, où l'abondance des arbres avait fait honorer
d'un culte particulier le dieu Sylvain (3). Le même dieu
comptait dans l'Hehétie, qui formait l'extrémité orientale
de la Gaule, de nombreux adorateurs (4), en raison des
épaisses forêts de ce pays, que nous décrirons plus loin,
et qui allaient se joindre à celles de la Rhétie et de la
Gaule cisalpine, lesquelles servaient de frontière septen-
trionale à l'Italie (5).
(1) Florus, III, 3.
(2) Chorier, Histoire générale du Daupliiné, t. I, liv. 1, p. 60 (Gre-
noble, 1661).
(3j D. Martin, Religion des Gaulois, t. 1, p. 198.
(4) Orelli, Inscr. lai. sélect. N°« 276, 328, 333.
(5) Les Romains, au temps de César et do ses successeurs, tiraient des
forêts de la Rhétie leurs bois de construction. (Plin. Hist. nat., lib. XVI,
c. Lxxiv et Lxxvi.) Ces forêts s'étendaient jusqu'au lac de-Côme, que
Pline le Jeune nous représente comme environné de forêts habitées par
des bêtes fauves (lib. II, ep. 7). Des forêts de sapins ombrageaient la
source du Pô (^Padus), et, suivant Mélrodore de Scepsos. elles avaient
valu à ce fleuve son nom ; Padus signifiant pin en gaulois (Plin. JlisL
nrtL 1. III, c. XX, g 16).
1
46 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L ANCIENNE FRANCE.
Le pays des Arvernes et celui des Éduens ne pouvaient
sans doute, à raison de leur sol généralement granitique
ou trachytique, offrir sur tous les points ces essences vi-
goureuses qui donnent naissance aux forêts les plus pro-
fondes et les plus étendues. Mais les essences qui s'ac-
commodent d'un terrain sec et aride, s'y groupaient en
une multitude de bouquets et de buissons. La puissance de
ces deux peuples, déjà grande à l'arrivée des Romains, fait
supposer qu'ils avaient enlevé à la végétation forestier^
bon nombre de terrains pour les donner à la culture.
La région du territoire éduen que traversait le Rhône
était certainement, comme l'ouest du pays des AUobroges,
couverte de champs de blé, dont le produit suffit et /lu
delà à la consommation des habitants (i); les forêts en
avaient donc, lors de la conquête romaine, en grande
partie disparu.
Les Sénons étaient séparés des Carnutes par les forêts
de Fontainebleau et de Montargis, à travers lesquelles
César dut opérer sa marche, quand il se dirigea sur Gena-
biim (Orléans) et Bihracte. C'est au milieu de ces forêts
qu'il faut aller chercher l'emplacement encore incertain
de Vellaunodunum.
Le centre de la Gaule, le pays des Lemovices, celui des
Cadurques, celui des Bituriges, à en juger par l'espace
borné qu'y occupaient les forêts au moyen âge, était loin
d'offrir des ombrages aussi prolongés et aussi épais. Les Ca-
durques avaient de grands champs de lin (2), Chez les Bi-
turiges, le déboisement avait dû être amené par les besoins
de l'industrie du fer : car ce peuple exploitait des mines
importantes (3). Son agriculture était productive, puisqu'à
(1) Voy. ce que dit César [De bell. fjall. I. 23, 28).
(2) Strabon, IV, m, yi. 158, éd. Millier et Dubnor.
(3) CEusar, De bell. gall. VIT, 22; Slrabon, 1. c.
I
CHAPITRE 1. 47
l'arrivée de César en Gaule, le territoire des Bituriges
était regardé comme im des plus fertiles de cette con-
trée (i); il comptait des villes nombreuses et nourrissait
une population abondante. Ce que César rapporte d'une
nouvelle que les habitants de Genabmn (Orléans) trans-
mirent, en un seul jour, par des cris répétés de village en
village jusqu'aux confins du pays des Arvernes (2), ne
saurait s'expliquer, sans admettre au centre de la Gaule
une population très-dense (3). Quoique le pays des Car-
nutes fut couvert d'immenses forêts (4), dont nous verrons
plus loin qu'il subsista des vestiges nombreux au moyen
âge, Genabum renfermait cependant assez d'approvision-
nements pour servir de quartiers d'hiver aux armées ro-
maines (o).*
Quant à l'Aquitaine et à la partie de la Narbonnaise
qui y confinait, les forêts n'ont jamais dû y être bien
étendues et bien profondes; la nature du sol s'y opposait,
A part les pins, qui ombrageaient les dunes de la Gas-
cogne (6), où ils formaient peut-être des fourrés d'un accès
difficile (7), le littoral de l'Océan jusqu'au pays des San-
tons ne présentait que peu d'essences réunies en bois.
En général, l'altitude de l'Aquitaine dépasse rarement
(1) De bell. gall.YU, 13, 32.
(2) Ibid. VII, 3.
(3) Ibid.Yïl, 15. Les Biluriges ne comptaient pas moins de vingt villes.
(4) Les Commentaires de César nous représentent ces forêts comme peu
accessibles, à raison des vents et des mauvais temps qui y régnaient,
" nec sylvarum preesidio tempestatibus durissimis tegi possent. » De bell.
Oall. VIII, 5. Voy. ce que je dis plus loin des forêts du pays chartrain.
(5) De bell. (jall. VIII, 5. Cf. VII, ii.
(G) Festus Avienus, Oramaritima,21\.
(7) Le pin constitue, quand il est jeune, des bois très-fourrés où il est
tellement serré que l'on a quelquefois de la peine à les traverser. Plus
tard, s'il peut s'isoler, son tronc pei'd les branches, son écorce devient
rouge, les rameaux supérieurs s'étendent ou se redressent, et son aspect
n'est plus le même. Voy. Lecoq, Géographie bolanique, tome I, p. 456.
48 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
300 mètres, et les essences alpestres ne se rencontrentguère
qu'au-dessus de 1200 à 1300 mètres, dans les montagnes
de l'Auvergne et la chaîne des Pyrénées. Ainsi bien
des espèces ne pouvaient venir dans la plaine, et il fallait
remonter dans les vallées qui s'étendent au pied des mon-
tagnes, pour y trouver la forêt avec l'aspect imposant
qu'elle avait plus au nord de la Gaule. César nous dit
d'ailleurs que les Aquitains exploitaient les mines de fer (1);
cette industrie, qui s'est perpétuée jusque de nos jours,
employait une assez grande quantité de bois, et amena na-
turellement dans la montagne un commencement de déboi-
sement. Tout concourait donc à faire disparaître du sud-
ouest de la Gaule cet amas démesuré d'arbres qui se re-
trouvait au contraire avec sa physionomie primitive
dans la plus grande partie de la Gaule belgique. Dans la
contrée qui prit plus tard le nom de Provence, rétablisse-
ment des colonies phocéennes amena de bonne heure
la destruction des forêts. Celles qui ombrageaient le terri-
toire de Massilia (Marseille), au vu" siècle avant notre ère,
à l'arrivée des Grecs (1), avaient, au temps de César, fait
place à des cultures et à des plantations d'oliviers.
L'Armorique, comme le pays desAndecavi, des Abnn-
catui, des Essid, des Diablhdes, présentait vraisembla-
blement un état peu différent, sous le rapport forestier,
de ce que nous observons au moyen âge. L'élément celti-
que se fondit moins avec l'élément latin, dans cette partie
de la Gaule, qu'au sud de la Loire. Les Romains y avaient
établi plus de castella, de postes militaires, qu'ils n'y
avaient fondé de villes. Le fleuve qui se jette dans l'Océan
près de Nantes, étaitl'artère principale de communication
(1) Quem i)rimum in terram agressi occupaverant locum, palenlibu
sylvis, communirent. Tite-Live, V, 34.
IS
I
CHAPITRE I. 49
avec le centre et le sud de cette vaste province et les rou-
tes étant moins nombreuses et moins fréquentées^, la
végétation forestière pouvait plus librement se maintenir
et s'étendre. Nous verrons, en traitant de l'état forestier de
la Bretagne, de l'Anjou, du Maine et de la Normandie, que,
cinq ou six siècles plus tard, de grandes zones arborescen-
tes recouvraient encore le sol de cette région de la France,
Toutefois plusieurs forêts devaient avoir disparu, à l'épo-
que carlovingienne, et de ce nombre est cerîainement
la célèbre forêt de Scissy.
L'extension et l'emplacement originels de cette forêt
ont fait l'objet de recherches nombreuses. IMais récemment
M. Laisné(l) a jeté sur cette question un jour nouveau, et
nous résumons ici les résultats auxquels il a été conduit.
La forêt de Scissy {Sessiacwu) (2), d'après un texte
datant certainement du ix*" ou x*" siècle, entourait
le mont Saint-^Iichel, sur une épaisseur d'environ six
milles. Ce témoignage appuyé sur d'anciens souvenirs (3)
est confirmé par le moine Guillaume de Saint-Pair qui
reproduisit en vers, au xiv siècle, les mêmes traditions.
L'auteur anonyme d'un manuscrit écrit du xiv^au xv siè-
cle et donné par M. L. Delisle à la bibliothèque d'Avran-
clies, fait aller la forêt primitive, du territoire de cette
ville jusqu'à Aleth (Daletum), autrement dit Saint-Servan.
(1) Voy. A. M. Laisné, Elude sur l'ancien étal de la haie du montSainl-
Micltel d'après les manuscrits-dé l'abbaye de ce mont, dans les Mémoires
lus à la Sorbonnc dans les séances extraordinaires du comité impérial
des trav. historirpies en 1865. Archéologie {Vdt.rx'S,, 18G6), p. 81 et suiv.
(2) Voy. mes Observations sur les origines du mont Saint-Michel, et en
particidier sur l'existence de la forêt de Scissy, dans les Mémoires de la
Société roy. des Anticpiair. de France, nouv. série, t. VII. p. 378 et suiv.
(3) « Qui primumlocus, sicut averacibus cognoscerepotuimusnarrato-
iibuSjOpacissima claudebatur sylva, longe abOceani, ut a?stimatur, sestu
millibus distans sex, dptissima pnobens lalibula feranim. » Cf. G. de
Saint-Pair, le roman du Mont Saint-Michel, éd. F. Micliel, p. 3.
4
50 LES FORÊTS Di: LA (.AILE Eï DE l'aNCIENNE FRANCE.
Cette forêt, qui subsistait eno40, et quelques années plu>
tard, fut graduellement envahie par les eaux; la mer la
détruisit et des grèves en ont pris la place. On a découvert
de nos jours, enfoncés dans le sable, d'antiques troncs en-
core debout, qui en proviennent. Ce phénomène naturel
fut représenté par la légende comme un miracle qu'avait
opéré l'archange Michel. Il date de la fin du vi'' siècle ou
du commencement du vu*"; mais la croyance à un événe-
ment surnaturel qui serait lié à l'arrivée de saint Aubert
en ces lieux, le fit reporter au viii' siècle ; on donna pour
un cataclysme soudain ce qui était dû simplement à l'in-
vasion successive de l'Océan.
Cette forêt du mont Tombe formait une marche boisée
entre le pays des A brincatui, des Redones et des Curio-
solites; elle se réunissait vraisemblablement à d'autres
dont nous retrouverons les vestiges, en recherchant l'an-
cien état forestier du département d'IUe-et-Vilaine.
La Seine et la ]\Iarne étaient regardées comme la
frontière de la Celtique et de la contrée occupée par les
Belges (1). Mais cette frontière n'était pas formée par deux
simples rivières ; elle s'étendait en réalité de la Loire à la
Seine. Du nord de Genahum jusqu'aux portes de Lutèce,
du pays des Carnutes à celui des Veliocasses, régnait une
de ces grandes marches forestières dont j'ai parlé tout à
l'heure. Les forêts d'Orléans, de Montargis, de Fontaine-
bleau, de Rambouillet, de Laye, en sont les derniers ves-
tiges. Sans doute, ainsi qu'on le verra plus loin, cette
marche boisée a été de bonne heure scindée en plusieurs
forêts distinctes; mais avant l'arrivée des Romains,
comme on ne voyageait guère que par les rivières,
(1) CaDsar, De hell. cjull. I, 1; Sirabon, IV, i, p. 147, éd. Millier ot
Dùbner. — Pomponius Mêla, III, 1,
1
CHAPITRE I, 51
il n'avait pas été nécessaire d'ouvrir un grand nombre
de routes à travers cette zone d'arbres; elle gardait alors
certainement sa physionomie originelle, et, après leur
établissement dans les Gaules, les Romains respectèrent
une partie ou peut-être la totalité de cette grande foret,
comme ils le firent pour l'Ardenne. Le canton appelé
jadis Deserre, Serre ou Desmirre, et qui s'étend au sud-
est du département de l'Eure et sur la lisière de celui de
Seine -et-Oise (canton de Iloudan), tire son nom de l'ex-
pression Diana sylva. transcription latine du mot celte
dean^ den, forêt. Là était la marche commune des Garnu-
tes et des Aulerques-Eburovices. Gette marche fut dé-
membrée de si bonne heure qu'il n'est plus possible au-
jourd'hui d'en reconstruire, même approximativement,
la topographie.
Quand on avait passé la Seine, on entrait dans la Gaule
Belgique; alors la profondeur, les dimensions des forêts
augmentaient encore ; le pays n'était plus, pour ainsi dire,
qu'une vaste nappe arborescente.
52 I.ES FORÊTS DE LA (lALI.E HT DE l'aNCIENNE FP.ANCI
CHAPITRE II.
4
KTAT I-iiHi:sTlEU Hr NORIi DE L.V GAlLi:. — roUl!.T i:llAP.BON.Mi:iH:. —
PAYS I»E TIIIÉRACIIE. — ÉTAT KOKESTIER ANCIEN HE LA BELHIUI !
— FORÊT DES AKKEXNES. — TRAHITIOXS ET SOUVENIRS (.lUl s'y HA . -
TACHAIENT. I
Un peu au nord-est de Lulècc existait une petite popu-
lation gauloise que César n'a point mentionnée et que les
géographes qui vinrent après lui, nomment \esSt/lvmiec-^
tes (i). Ce nom leur était attribué parce qu'ils habitaient
une vaste forêt entrecoupée seulement de quelques clai-
rières. Cette forêt s'avançait jusqu'aux confins du petit
territoire des Parisii, qu'on appela au moyen âge le
Parisis; elle a été désignée sous le nom de Silviacwn qui
fut altéré plus tard en celui de Servais ou de Serval (2).
A deux lieues de Louvres, se trouve un village qui porte
encore le nom de La Cliapclle-en-S errais ; ce nom de
Servais reparaît dans le Laonnais; il est celui d'un vil-
lage appelé, dans les Copiliilairc^, Silvanon (3) et où les rois
carlovingiens avaient un palais. Ainsi cette forêt s'éten-
dait depuis les environs de Louvres jusqu'au milieu
du département de l'Aisne; elle embrassait les forêts de
Chantilly, de Compiègne, de Laigue, de Coucy, de Vil-
'1) Ptolémée, Géograph. II, 9. Pline 'Ilisl. nal. IV, xvii, 31) écrit :
l'imnneles. Les Sylvanecles étaient vraisemblaMenient clients des Bel-
lovaques, avec lesquels César, qui nous parle des forêts du pays de ceux-
ci [De brll. fjaU. VIII, 19), les aura confondus,
(2) Hincmar, Annales, an. 8GÔ. ap, Pert/, Moniim. hisl. grrm. t. f.
p. iG7, 477. — Cf. Carlier, Ifisloiir du duché de Valois, t, I,p. 12.
^.'î)Voy. ce que je dis plus loin. Cf. Hadr. Valesius. Noiilia Gollinr'n:
p. 524. "
CHAPITRE II, 53
Iers-Cottere!s, dont nous verrons plus loin (1) quelle était
au moyen âge la topographie. La forêt des Sylvanectes
recouvrait donc à la fois les frontières des Bellovaques, des
Suessions et des Meldcs; elle se terminait sans doute aux
marais tourbeux du Ponthieu et de l'Amiénois, où les
eaux de la Somme (la 5'^/^*'/;'^ des anciens) apportaient
les troncs déracinés et les rameaux que le vent avait
arrachés (2).
Au delà de la Somme et de l'Aisne, paraissait une forêt
nouvelle dont les lignes ombragées couraient jusqu'aux
bords de l'Escaut; c'est celle dont il est question, aux pre-
miers temps de notre histoire, sous le nom de Carbonarht
Sylra, Foret CJtarJionnièrcÇà), à raison des charbons qu'on
en tirait (4). Les annalistes de l'époque carlovingienne
en parlent plus d'une fois (5), et elle est citée dans la loi
Salique (6). C'est près de la forêt Charbonnière qu'au dire
de Sulpice Alexandre, cité dans Grégoire de Tours, les
Francs furent vaincus par les Romains, qui avaient à leur
tête Nannenus et Quintinus (7). Au v' siècle, cette forêt
S3rvait de limite entre le rovaume de Neustrie et celui
(1) Cette grande loiél garait avoir été simiilement désignée par les
Gaulois sous le nom de coal, col (en latin, colia), c'est-à-dire la forci;
nom d'où sont dérivés les noms de Cuise, Coucy, Cuisy, etc. Voy. ce que
.je dis plus loin do cette forêt et de ces noms. Dans le dialecte gaélique, fo
rcl se dit coill, et en comique, kclli.
(2) Voy., sur les marais du Ponlhiou, le mémoire do M. Girard sur
VlUsloirc phjisique de ht vallér de la Somme, dans le Journal des Mines,
n" 10, p. 15.
(3) Grégonc de Tours, Iltsl. eceles. franc. II, 9.
(4) Belleforcst prétend, dans sa Cosmographie universelle , liv. Il,
)). 4'i-'j, ({ue le nom de Charbonnière est une altération de Camhronicre,
dérivé du nom de Cambron, le cliei" des Cimbres, ou peut-être de celui
des Cimbres eux-mêmes.
(5) Voy. I). Bouiiuel, llisloriens de France, t. III, p. 4, 308, 3 44,
<;87,
(G) Lrx saliva, tit. XLIX, p. 173, éd. Peyré.
(7) Grégoire de Tours, Hislor. eceles. franc. II, 9.
54 LES FORÊTS DE LA (;AULC ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
d'Austrasie (i). Je parlerai plus loin des démembrements
do cette grande marche sylvaine, au sein de laquelle fut
fondé, au x^ siècle, le monastère de Lobbes ou Laubes (2).
Qu'il me suffise de dire ici que les forêts de Soignes [Si/I-
rn Soniacn) (Sonienbosch) (3), de Vicogne (4), de Fagne Cô)
de Mormal et deSirault ou Tirant ((3), en faisaient partie
Dans les anciennes chartes flamandes, il est question
d'une foret de Carbonires qui était située dans lellainaut,
près de Séneff, et qui ne pouvait être qu'une fraction de
la grande forêt mérovingienne (7), laquelle s' avançai',
comme l'observe Adrien de Valois, jusqu'aux alentour-
do Louvain et recouvrait tout un pays que sa présence a .
fait désigner sous le nom de Hat/elaud. fl
La forêt Carbonnière occupait, on le voit, une grand
partie de l'ancien territoire dosNerviensetdesMénapien> :
(1) Annal, de Metz-, an C87, voy. Alfreil Jacobs, Gcorimpliie de Cri- j
(joire de Tours et Frcdégaire, dans Gréiroire de Tours et Frédéiraiie. |
n-ud. Guizot, nouv. édit. t. Il, p. 359, 405, 466.
(•2) Folcuin, citi'- par A. Jacobs, Grégoire de Tours el Frcdégnire. t. 11.
p. 3«9. Cf. H. Valesius, Nolilin GaUiurum. p. 126.
(3) C'est-à-dire bois du soleil, peut-être parce que la fortH t'Iait
consacrée à ce dieu. On a fait aussi dériver ce nom de sogne, eu wallon,
eirroi. Yoy. A. Isabeau, les Forcis de l'Europe, dans les Annales forrs-
lièrrs, t. XIII, p. 203.
(4) La forêt de Vicogne ou de Saint- Amand (HVco» m Sijlca] s'étend i.
l'enlour de Condé (Nord;. Elle est nommée dans les Annales de Saint-
Wansl. Cc'ii là qu'en 872 l'abbé Hugues poursuivit les Normands,
de concert avec Carloman. Voy. Historiens de Fronee. t. VIII, p. 83.
Cette foret ou que^iue forêt voisine a été aussi, au moyeu âge, désigner
sous le nom de forci du Ilainaul, appliqué par les compagnons de Guil-
laume le Conquérant, qui transportèrent en Angleterre des noms d<'
localités françaises, à une forêt du comté d'Essex voisine de la forêt
d'Epping.
(5) Fannia Sylva, plusieurs fois citée à l'époque carlovmgiennc Voy.
Historiens de France, t. VII, p. 110. Cf. t. III, p. 524.
(G) II. Valesius, Xulitia Galliarum. p. 12G. Voy. ce que je dis plii>
loin de ces forêts.
(7; Voy. J.-J. de Smet, lieeueil des ehroniiiws de Flmnlr' ^
lali'f lie- noms de lien.K (Hruxello-. 18.^7, iii-î"'.
i
CHAPITRE II. 55
César nous représente en effet ces populations trouvant
un refuge dans la profondeur de leurs bois (l) ; un peu
plus tard les Francs s'y cantonnèrent pour résister aux
Romains (2).
Près du littoral de l'Océan, les arbres n'offraient plus
la môme élévation, les fourrés la même épaisseur; on
rencontrait seulement une suite de buissons, de halliers
poussant sur un sol marécageux. Les Ménapiens et les Mo-
rins se logeaient dans ces forêts basses, ces espèces de
jongles , pour harceler l'armée romaine (3).
La Meuse et le Rhin charriaient incessamment comme
la Somme, les troncs des arbres que leurs débordements
avaient été chercher loin de leurs bords ou que les vents
avaient poussés dans leurs flots. C'est ainsi que se sont
formées les vastes tourbières de la Relgique, d'où Fou a
extrait plusieurs fois des troncs ou de larges rameaux à
peine décomposés de chênes, d'ormes, de bouleaux et de
pins (4). Les eaux de la mer ont en plusieurs points envahi
ces marais, et faisant irruption à travers les dunes, elles
ont gagné les forêts elles-mêmes (5). Les forêts qui cou-
raient d'Ostcndeà Boulogne paraissent avoir subsisté jus-
(|ii"au temps deCharlemagne (6); elles recouvraient toute
la vallée de la Liane, se prolongeaient sur le territoire ac-
(1) Ih hcU. fjaU.U, 17.
(2) Grégoire de Tours, 1. c.
(3) Cajsar, De bell. gnll. III, 28 ; VI, 6. Dion Cassius, XXXIX, 44.
(4) Voy. Belpaire, sur les changrmenls de la côte d'Anvers à Bou-
logne, ûa,ns]es Mémoires couronnés par rAcadémie de Bruxelles, t. VI.
p. 20 et i^issim, et un mémoire du même auteur, sur la. ville d'Ostende^
dans le Recueil de cette Académie, t. X. Dans les tourbières de Duren,
près la frontière de Belgique, non loin d'Aix-la-Chapelle, on a trouvé des
troncs entiers de pins.
(5) Belpaire, mém. cilé, et Dumont, dans le Bulletin de FAcud.
de liruxelles, t. V, p. 643.
(0) Belpaire, 1. c. et Bulletin de l'Âead. de Bruxelles, t. X, p. 4.
56 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
tuel de Boulogne jusqu'à Hardelot, Samer, Desvres, La
Capelle, et garnissaient la ceinture de montagnes qui
environne lespace connu sous le nom de Fosse houlon-
naise (1). Le diocèse de Térouanne dont dépendaient Aire
et Saint-Omer, était en grande partie occupé par la
forêt dite Tristiacensis sylva ou Vastus saltus, et le bois
de Bey/d (Bailleulj, situé entre Budderwoorde et Thou-
rout (2). La forêt où saint Léodegaire soufTrit le martyre, et
qui s'étendait sur le territoire des Atrébates, se rattachait
aux précédentes (3). Il en reste encore aujourd'hui un
débris dans le bois de Luchcux, dont le nom est une cor-
ruption de celui de Léodegaire.
Plus à lest, les forêts d'Arouaise {Arida (jamantia sylva)
et de Thiérache {Theoracia sf/lca) présentaient aussi à
quelques égards le caractère de forêt marécageuse;
elles furent défrichées de bonne heure sur plusieurs
points (A); et voilà comment un y;/7^?/.s- tout entier, \q pcnjus
(1) Voy. Bertrand, Précis de l'hisloire physique, citile et poliliquc de
la ville de Boulogne-sur-}Icr,\. I, p. 22 (Boulogne, 1828;.
(2) Voy. E. Bernard de Sainte-Marie, Recherches sur les anciennes
foréls de la partie nord-csi de la France, dans les Annales forestirns,
année 1850, p. 49 et suiv.
(3 Silva san<:ii Leodryarii. Voy. Gestn episcop. Camerac. lib. I,
pag. 409, ap. Pertz, Monumcnta yerman. hislor. tom. VII.
(4) Voy. H. Valesiu?, Xolilia Oalliarum, p. 549; Cf. Uislorinis dr
France, t. XI, p. 128. La fonH d'Arouaise {Arida Gamantia Silva), où
fut fondé le monastère de ce nom, s'étendait du château appelé Dusla
jusqu'à la Sambre (Voy. YHa Heldemari eremitx, dans 1rs Historiens de
France, t. XIV, p. 157). L'abbé Gosse, qui avait compulsé )e cartulaire
de l'abbaye d'Arouaise, dit que la forêt de ce nom allait d'Encre, au-
jourd'hui Albert, jusqu'à la Sambre (Voy. Gosse, Histoire de l'ahbaye et
de l'ancienne congrégation des chanoines réguliers d'Arouaise, p. 6
(Lille, 1786, in-4''). Il s'appuie sur le témoignage de l'abbé Gautier,
qui a écrit, à la fin du xii* siècle, une histoire de la fondation de
cette abbaye. Le nom d' Estréeen-Arouaise, (jue porte encore une localité
voisine du Calolet, prouve qu'une voie romaine [strata] traversait déjà
la forêt. — Voy. sur la foret de Thiérache, Li Itomans de Raoïd de
Cambrai tt de Lcrnicr,\mhUéi>aT Ed. Le Glay, p. 341, 348 (Paris, t840),
CHAPITRE II. 57
Theoracia ou pays de Thiérache prit son nom de la forêt ;
il comprenait les cantons de La Fère, Guise, Ribemont,
Rosoy, dans le département de l'Aisne, une partie de
l'arrondissement d'Avesnes, et dépendait de l'évcché de
Laon .
Ainsi les anciennes provinces de Picardie, d'Artois, de
Flandres (1) etdeHainaut étaient recouvertes, sur les trois
quarts de leur superficie, de forêts se rattachant sans
doute les unes aux autres par des lignes d'arbres sou-
vent entrecroisées et formant de véritables plexm. Au
moyen âge, ces anciennes retraites des Ménapiens, des
Morins et des Nerviens étaient devenues le repaire debri-
gands redoutés. Dans la forêt d'Arouaise, le lieu où fut fon-
dée l'abbaye qui en prit le nom, était désigné sous le nom
du chef d'une de ces bandes et s'appelait /e tronc Béran-
ijCT (2). L'auteur de la vie de saint Arnulfe, évêque de Sois-
sons, fait mention d'une tourbière située près deGhistelle,
et qui servait d'asile aux brigands (3).
Aujourd'hui les effets de l'érosion de la mer ne permet-
tent pas de rétablir la topographie de cette marche fores-
tière qui a disparu sous les flots; mais en sondant les es-
tuaires des divers fleuves qui déchargent leurs eaux dans
l'Océan, de l'Elbe, de l'Oder, del'Ost, del'Ems, du Weser,
en visitant le delta du Rhin et les bords du Bies-Bos et du
Zuyderzée, l'ancien lacFkco, on retrouve, dans la couche
inférieure des terrains appelés en Hollande Moorei Veen,
i3lJ. Lhcniiite, Excursion dan^ V Aisne, ûans la France liUéraire, 1832,
p. 52G.
(1) Voy. ce que je dis plus loin de l'élat des forêts d'Arouaise et de
Thiérache au moyen âge.
(1) Voy. Vila IJeldemari eremiUc, ap. Historiens de France, t. XIV,
p. 157, et Gosse, Histoire de Vabhayc d'Arouaise, p. 9, 10.
(3) Cf. Acla SS. ord. S. Dcned. sœc. vi, part. Il, p. 537, n" xvii. Saint
Araulfe est mort à Oudenbours en 1087.
58 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
les traces du séjour de l'homme et des fragments de végé-
taux arborescents qui ombrageaient ces contrées (1). On
voit par ce qui vient d'être dit que la Belgique, actuelle-
ment si peu boisée, le fut jadis sur presque toute sa super-
ficie; l'on garde même le souvenir de plusieurs des forêts
qui subsistaient encore aux viii''et ]x*"sièclcsde notre ère. Le
mot lof) qui sert à former une foule de noms de localités cic
la Belgique, et s'appliquait à des hauteurs boisées, témoi-
gne de la disparition des forêts (2) dans les Flandres et le
Brabant. La forêt de Ileinaerst-Trist, débris du Vasii'^
sdltus cité plus haut, s'avançait jusque dans le district y\>-
Loo. D'après la chronique de S. Bavon, le forestier Li-
derick II et son fils obtinrent d'Éginhard, au ix*" siècl'
le droit d'y chasser, à condition de payer une dîn;
de cerfs et d'autres gibiers (3). Le Shchleholt (for
(I) On a reconnu des branches et des troncs de bouleaux, de hêtres et
de chênes dans les tourbières du i)ays de Liège. (Cf. Davreux, Essai sur
la roiistitulion grolorjique de In province de Liège, mémoire couronné ]iar
l'académie de Bruxelles, 1833, in-4"', p. 51.) On a aussi trouvé des
fragments des mêmes essences dans les tourbières de la Flandre. (Voy.
Belpaire, mémoire cité, p. 34.) M. Galeotti soutient, il est vrai, que ces
débris d'arbres n'appartiennent pas à la période géologique actuelle (Sur
la conslilidion géologique de la province de Brabunl, mim. couronné par
l'acad. de Bruxelles, t. XII, p. 16); mais ce qui va à rencontre de
son opinion, c'est qu'on a découvert, au milieu de ces restes nombreux
de végétaux, des traces de voies romaines, ainsi que cela est arrivé dans
les tourbières de la province de Drenthe et dans celles de Kinardine et di'
llatlield, dans la Grande-Bretagne. (Voy. Berghaus, Allgemrine Lxndcr-
und-Vœlkerhunde , t. Il, p. 570.) Ces tourbières ont offert de plus dts
débris de poteries romaines. (De Bast, Recueil d'antiq. t. II, pi. cm.
p. 370.) Les restes de bois, de défenses, d'ossements qui y sont enfouis
paraissent avoir appartenu aux cerfs, aux sangliers, aux chevreuils ilont
étaient peuplées ces forêts.
('2j Ce mot Loo se retrouve dans les noms deLouvain {Looven) cl Ven-
loo. Le motven, en llamand vehen, en hollandais vcen, signifie « loui-
Itièrc; » le mot français /'«//?(f en est dérivé. Les noms do Looven, il-
Venloo indiquent donc des lieux tourbeux et boisés. La même racme l<u.
entre dans les noms de Waterloo, Westerloo. Loos etc. Voy, J..î. d-
Smet, dans les Mém. de l'Acad. de B'-lgique, 1. XXVI, p. 5.
(3) Annales for esli'e ris, 1850, /of. ri7. \
1
CHAPITRE II. 59
de l'Escaut), qu'administrait, suivant A. Lemire (1), le
forestier Tliéodorick, se prolongeait sur les bords de ce
fleuve et touchait au Wasda ou Wacs (forêt aux vastes
prairies), dans le comté de Gand. Une charte de Lothaire,
du 13 avril 969, la donna à Théoderick, comte de Gand et
de Hollande, avec les eaux, les prés, les terres labourables
({u'elle renfermait, et toutes ses/lépendances. Le TTVv^/'/
était situé entre le SkchlcJwlt et le Lisgmunc, forèf, des
!)ords de la Lys, dont le point central paraît avoir été
Harlebeke.Gesdeuxderiîières forêts sont mentionnées dans
le capitulaire rendu, en 877, par Charles le Chauve {Sha-
di'holt et Lisga). L'emplacement de Turnhout et de Tour-
hout était occupé, au vu*" siècle^ par deux forets consacrées
au dieu Thor {Thoraldl sylva, Thoralti si/ica), d'où ces villes
ont tiré leur nom (2). Au moyen âge, la foret de Beverhout
s'étendait sur une partie du canton de Bruges (3). Les fo-
rêts de Boland et de Brion ombrageaient une portion du
Limbourg (4). Bruxelles occupe l'emplacement d'anciens
bois (5). Près deNamur, la forêt de Villers ou de ^îarlage
unissait la forêt Carbonnière à la forêt des Ardennes ou de
TArdenne, la plus considérable de toute la Gaule Belgique,
(1)A. Mirfous. Oprr. diploin. cd. secund. 1. I, ji. 33; Captlul. éd. Ba-
luzc, t. II, col. 268.
(2) Voy. Scliayesr, Essai hisloriqiir sur les usages. les croyances, elc.
'Jes Belges, p. 9 (Louvain, 1834).
T^ Voy. J. J. de Smet, Recueil des chroniciurs de Fhnidres, t. I>
]K 240.
(4) Voy. Annales foreslières, 1. c.
(5) Aimales foreslières, l" année, 1808, p. 208, 219. —Le nom do
Bruxelles, écrit dans les anciennes chartes latines Brosella. Bruolesihi,
Brucsella, BniselUa, signifie wi pelil bois, un breuil. Un village situé
près de Saint-Gilles garde encore le nom de Foresf, dénomination qui
prouve qu'une forêt existait, dans le principe, au sud <lc Bruxelles.
Los moines de l'abbaye de Saint-Benoit, qui avait été fondée dans or'
village, doivent avoir beaucoup contribué à son défriclioment.
60 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
dont César (1) etStrabon (2) nous ont donné la description
et qui est mentionnée par Tacite et plusieurs écrivains (!<■
l'antiquité. Elle s'étendait des bords du Rhin, à travers le
pays des Trévires, jusque chez les Nerviens, sur une lon-
j^iieur de plus de500 milles (3). Mais déjà, à l'époque de la
conquête romaine, elle devait être traversée par quelque^
grandes routes (4). Elle subit, aux v*" et vi' siècles, de nom-
breux défrichements, quand Trêves fut devenue une de>
villes les plus importantes de l'Empire (5). Au temps do
Charlemagne, elle se subdivisait en plusieurs forêts ; car en
un diplôme de 802, où il est fait donation de deux localités
peu distantes de Trêves [Ccrviam et Cerviaco), on interdit
la chasse dans les forêts voisines (6). A l'époque mérovin-
gienne, les rois francs avaient une habitation ro\a\e [vil/c
ref/ia) en un canton de cette forêt appelé Bclsoncmcm, au-
jourd'hui Bar-togne. C'est là que Childebert II réunit lc>
{.nands de son royaume (7).
Dans la partie de l'Ardennc qui s'avançait sur la fron-
tière desMédiomatrices, les voies établies par les Romains
déterminèrent de nombreuses éclaircies. Des traces d'une
de ces voies apparaissent dans la forêt de Calonoven ou Cal-
lenhoven,siseau suddeSiercketau nord-est de Thionville,
et elles lui ont valu son nom, dérivé du latin cfdlis, qui
fournit également Tétymologie du nom d'un village voisin,
Calembourg (8). A la lisière de cette forêt se trouvait la
(1, De bell.fjall.Y, 3; YI, 29.
(2) Slrabon, IV, m, p. 161. Cf. Tacit. Annal. III, i-2.
(3) Cœsar, De bell. yall. VI, 29.
(4) Yoy. ce qui est dit, De bell. gall. VI, 33.
(5) Voy. sur les limites anciennes de ÏAiilacnna Sijlca. H. Valesius,
Notilia Galliaî'um, p. 37.
(6) Voy. E. Bernard Sainte-Marie, Rerherclirs citées p. 49.
(7) Grégoire de Tours, Hisl. cccles. franc. VIII, 21.
(8) Verronnais, Siipplcineuf à la sifdistiqiir liisloriqur dr la Mosrilc,
y. 129, 3G3.
Il
I
CHAPITRE II. Cl
station de Ricciacum (Ritziiig), par où l'on passait pour se
rendre à Trêves. Comme certaines autres forêts, celles
J'Othe, de Thiéraclie notamment, l'Ardenne devint un
véritable pa<jus, un pays, qu'on confondit quelquefois par
ignorance avec le Danemark, à canse de la ressemblance
des noms(l).
Mais, malgré ces démembrements, la foret des Ardennes,
surtout dans sa partie centrale, garda pendant des
siècles son aspect formidable; elle produisait une impres-
sion si profonde sur les imaginations qu'on la voit figurer
sans cesse dans les aventures fahlées par nos trouvères.
On la dépeignait comme le repaire de bétes féroces
étrangères à notre climat, lions, tigres, léopards.
Devers Ardene vit venir un leuparz,
dit la chanson de Roland (2). Dans le roman de Partheno-
pex de Blois, ce chevalier et le roi Glovis sont représentés
chassant dans cette forêt, dont on donne la description
suivante :
(1) Ce nom ]taraît rtre dérivé de l'article celtique ar. et dan, dcan,
« foret. » En eifct, on le trouve appliqué à plusieurs forêts de la France
et de l'Angielerre. Deux forets importantes de ce dernier pays s'ap-
pelaient Dan, Dean et Ardin. Il y avait jadis au diocèse de Bayeux
une abbaye d'Arden qui était située au milieu des bois. (Piganiol de la
Force, Nouvelle desnipl. de la France, 3^ édit. t. XI, p. 60.) La Chro-
nique de l'abbaye de Savigny, de 11 18, mentionne une forêt appelée Ar-
dcns. (Voy. Ilisloriens de France, t. XI, p. 200.) Les Anglais traduisaient
le nom d'Ardenne par Sylva danica. Ogier le Danois est appelé, dans le
roman de Raimbert de Pans, Ogier l'Ardenois (voy. la préface de ce ro-
man, édlt. Paulin Paris, 1842, p. iij)-, ce paladin était, en effet, non dn
Danemark, mais du pays d'Ardenne. On doit toutefois faire observer, à
rencontre de cette étymologie, que l'article ar, dont l'ancienne forme pa-
raît être ir, se change en an devant le d et le t ; en sorte qu'on aurait dû
dire Andcnne, et non Ardenne. Aussi le savant Zeuss, dans sa Gram-
malica cellica (t. I, p. 70), expliquc-t-il ce nom par le celte Arddu,
haut (altior).
(2) Éd. Fr. Michel, st. uvi, p. 29. Cf. Doon de Moyence, éd. Pey. p.
xxxvii cl suiv.
62 LES FORÈT.S DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Ardane ert moult grans à cel jor,
Et porprendoit moult en son tor ;
Car plus duroit dont li convers,
Sains la mervelle des desers,
<Jue or ne dure tote Ardene;
Pi le volt Ueus, ensi ordene.
Ele est ore molt escillie
Et par lius tote herbergie ;
Mais à cel jor dont je vos cant
î par avoit de forest tant
(Jue cil qui erroient par mer
N'i ossoient pas ariver.
Por elefans, ne por lions,
Ne por guivres, ne por dragons.
Ne por autres mervelles grans
Dont la forest ert formians.
Ele estoit hisdouse et face;
La disme pars n'en ert antée.
Li paissant i missent mers
De tant con duroit li convers.
Ne passoit gaires nus les sains
Oui là revenist dont mut ains.
Oltre les sains n'avoit convers,
Chievrels ne dains, bisce ne cers,
Ne beste nule fors maufés,
Oui mangeoit les esgarés.
Cil Cloevis, cil rices rois,
Ala cacier en Ardenois, etc. (i).
Cette naïve description, qui tialiit l'ignorance du ro-
mancier en matière d'histoire naturelle (2), peut nou>
donner une idée des fables dont la ténébreuse Ardeiiii»
était l'objet. Au fond de celte forêt, les mœurs étaient
restées ce qu'elles avaient éléau lemps desNerviens et de>
(1) Voy. 490 cl suiv. éd. Crapelet, t. I, p. 18, 19. '
(î) Les romanciers du moyen àg« étaient généralement ^orligno^ant^
sur ce chapitre. C'est ainsi qu'Adenès, on son roman de Bcrlcaujc gramly
pii'S, place un olivier dans la forèl du Mans :
C'ert dans la forest du Mans, ce oy tosmoignier
Lors se sont arrestés dessous un olivier.
Édit. P. Paris, p. 34.
CHAPITRE II. 63
Eburons. La forêt était un repaire de brigands. Le roman si
I populaire des Quatre fils Aymon nous représente Renaud
et ses frères s'y retirant pour mener la vie de brigand
et y restant jusqu'au moment où leur mère \int à leur
secours. Le christianisme ne pénétra que difticilement dans
cette contrée. Les descendants de cesNerviens, que César
nous représente comme les plus barbares d'entre les Bel-
ges (1), résistèrent avec obstination à la prédication del'E-
vangile (2), attachés qu'ils étaient au culte des divinités
forestières dont la nature semblait prendre soin de renou-
veler autour d'eux les monuments. Aux environs de
Trêves, leculte de Diane se conservait encore au v'siècle(3).
C'est seulement au siècle suivant, que saint Hubert et saint
Bérégise réussirent à déraciner de ce pays, des supers-
titions dont le caractère vivace est indiqué par ces paroles
de Hariger dans la vie de saint Remacle (4). « Reperit ibi
» manifesta satis inclicia, quod loca illa idolatriae quon-
A dam fuissent mancipala, lapides scilicet Diana? et aliis
» portentuosis nominibus eflfigiatos, fontes hominum
» (juidem usibus aptos, sed gentilium errore pollutos ac
» per hoc da3monum adliuc infestatione obnoxios. »
Des superstitions d'origine païenne, celles surtout qui
tiennent à la croyance aux esprits des bois dont j'ai parlé
clans l'introduction de ce livre, ont cours encore dans l'Ar-
(1) De belLgall.il, 15.
(2) « Nam cum illis adhuc lomporibiis fanatico errore Austrasiorum
(loimlus multis in locis horrende fœdarelur, per hune pra'cii)imm sacer-
dolcm dsomonum pnestigia et idolorum fantasias maxime ab hoc Ar-
Jennensi territorio, etc.» (Bolland. j4fL sanclnr. Il octob. p. 528, col. 2.)
(3) Grégoire de Tours, Jlisl. franc. YIII, 15. Cf. A. Beugnot, Histoire
de la dcslrucliondu jjaganisme en Occident, t. II, p. 319.
(4)Lib. 1, 92. Saint Remacle, évoque de Maestriclit. fonda les abbayes
do Staveiot et de Malmédy, au pays d'Ardenne. (Bolland. Act. III sep-
teinb. p. GC9 ci, suiv.GSO.) Le pieux évoque eut soin préalablement d'exor-
ciser les lieux.
64 LES FORÊTS DE LA (lAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
demie. Il y a peu d'années, les paysans s'imaginaient en-
tendre le bruit du cor et de la meute du chasseur nocturne
et \oir tout à coup tomber morts des sangliers, des daims
et des cerfs frappés par son invisible épieu (1). D'autres
disaient que c'était saint Hubert, apôtre de la contrée, qui
continuait son ancien métier de chasseur (2). Une légende
célèbre rapportait sa conversion miraculeuse dans la forêt
des Ardennes (3). Dans la forêt de Soignes, le chasseur
nocturne est devenu un jeune paysan maudit par son père
pour avoir trop aimé la chasse, et condamné à chasser étor-
nellement(4). Avantqu'on eût éclairci cette forêt, les char-
bonniers assuraient en tendre souvent les aboiements de sa
meute.
Les vestiges de superstitions analogues ont longtemps
persisté dans la Belgique; elles furent comme les dernières
traces des forêtsdisparues. Le peuple croyait encore, jadis,
aux Wondmannen ou BoscJifjoden, génies des bois qui
viennent la nuit prendre leurs ébats sous les arbres. Le
souvenir de ces divinités se retrouvait également dans
Tusage de conjurer, la nuit de Noël, le diable qui faisait
son apparition dans les forêts (5). Les V fuujsttanuvn ou
Sapins (le In Pentecôte, longtemps en usag(M6j, ont été les
héritiers des arbres sacrés et réputés prophétiques dont
l'Ardenne élait sans doute originairement toute rem-
plie (7).
(1) Voy. la légende Die uildc Jagd in dcn Ardcnncn, dans l'ouvrage
de J. W. Wolf, intitulé : Niederlacndische Saffrn, ]». 616, Leii)/ig, 1843.
(2) Voy. J. W. Wolf, ouv. cU. p. 350, n° 259.
(3) Boiland. Ad. sancl. II octob. p. 528, col. 2.
(4) Voy. J. W. Wolf, ouv. cil. p. 350, n" 259.
(5) Voy., sur un usage qui se rattache à la croyance aux Wahllcuf' '
A. Kuhn et W. Schwartz, XorddditscJtr Sagrn, Ma'hrchcn xmd i
br/euchr^ p. 405.
(6) Voy. Coremans, U année de l'ancienne Itrlgique, p. 22 et suiv
{!) Pendant la nuit du dinianche au lundi de Dloeifest (Pâques fl
I
CHAPITRE II. 65
Au reste, cène sont pas seulement les forêts du nord de
la Gaule dont l'ancien caractère sacré se reflète dans les
traditions mythologiques de notre pays ; l'imagination
populaire a attaché des idées de merveilleux à presque
toutes nos grandes forêts; elles ont un rôle dans la féerie
et les contes bleus. Raymondin rencontra la fée Mélusine
dans la foret de Colombiers en Poitou (1). C'est dans celle
de Léon en Bretagne, que Gugemer, étant en chasse, trouva
la fée qui est le principal acteur de sa mystérieuse aven-
ture (2). C'est dans une autre forêt que Gracient vit celle
qui l'enleva au séjour d'Avallon (3). Les merveilles de la
forêt deBrécheliant, dont nous reparlerons plus loin, ont
occupé l'imagination des chroniqueurs bretons et se sont
liées au souvenir de l'enchanteur ^lerljn, sorte de fée
mâle dépeint par les traditions de la Grande-Bretagne
comme un habitant des bois (4). J'ai montré dans un
travail spécial que les fées descendent de l'union desFatcr^
déesses de la destinée des Romains, et des dresses Mères avec
les druidesses, les prophétesses de la Gaule et de la Ger-
manie (5).
L'association des noms de bois et de fées peut donc
être regardée comme un dernier vestige des forêts de la
Gaule; et c'est là un fait qui n'est pas rare. Je me bor-
nes, les paysans flamands étaient encore dans l'usage, au moyen âge. de
planter autant d'arbres devant leurs étables qu'elles renfermaient de
Ictes de bétail. Ces arbres avaient un caractère sacré, 11 en était
de même ào?, sapins de la Pentecôte [Pfingsllanncn, Sinxeiulennen). Il n'y
a pas eu d'exemple, suivant M. Coi-emans, qu'on les ait jamais endom-
magés. Coremans, ouv. cil. p. 137.
(1) Voy. F. Nodot, Histoire de Mchisine, \^. 19 (Paris, IG98).
(2) Voy. le lai de Gugemer dans, lo?> Poésies de Marie de France, puljl.
par de Roquefort, t. I, p. 54.
(3) Voy. le lai de Gracient, dans les Poésies de Marie de France, t. 1,
]). 538, 539.
(4) Voy. ce que je dis des forets delà Bretagne.
(5) Voy. mon ouvrage intitulé : les Fées du moyen âge Paris, 1843}.
66 T.ES FORÊTS DF, LA GAUÎ^E F.T DE l'anC1F>NF FRANCE.
lierai à quelques exemples. En Lorraine, un petit ])oi>
situé sur la route de Tarquimpol à Marsal, porte en-
core le nom de Hayc-des-Fées (li. Une dame blanche ou
fée se montrait, au dire des paysans, près des forêts qui
environnaient la 1lnrhc-aii-I)ifihIc, où un menhir, appelé
Iv.nl.el, « la quenouille, » atteste l'existence ancienne du
culte druidique (2). La célèbre Roche-aiix-Fées se trouvait
jadis dans la forêt du Teil, en Bretagne; mais aujourd'hui
son emplacement a été déboisé (3). C'était au pied des ar-
bres que les fées aimaient à se montrer. Témoin cet arbre
aux fées où, au temps de Jeanne d'Arc, les superstitieux
habitants de Domremy faisaient chanter la messe pour
éloisner les esprits malfaisants (4).
(1) Voy. H. Lepage, le dcpartemenl df la Mnulhe. t. II. p. î'iT.
(2} Ce lieu est près d'Abresch-willer. (Voy. H. Lepage, onv. cit. t. II.
p. G.)
(3) Mémoires de V Académie celtique, t. V, p. 379, 381.
(4) Notices et extraits des majiuscrits de la Bibliotlièque du roi, t. III .
p_ 300. — Procès dp Jeanne d'Arc, publié par Laverdy. — J. Quiclierai .
Procès de Jeanne dWrr. t. I. p. 07 ol suiv.. t. II. y. 300 ctsuiv.
CHAPITRE 111. 67
CHAPITRE III.
i:tat forestfer bu .u:ra et du pays des helvètes. — fouets de la
GERMANIE, GRANDES FORÊTS DE l'aLLEJIAGXE. CAUSE DU DÉBOISEMENT
DANS CE PAYS.
Quoique les Romains comprissent dans la Gaule le pays
(les Helvètes, il se rattachait plutôt par sa configuration
à la Rhétie et à la Vindélicie, contrées en partie occupées
par des populations d'origine celtique. On peut dire que
les forêts de la Germanie commençaient avec le Jura,
puisque c'est la barrière naturelle qui ferme la France à
l'est. La disposition orographique de cette chaîne, son
sol calcaire éminemment propre à la croissance des
arbres, la rapprochaient des TTVtVf/e?' allemands, et, il y a
deux mille ans, son aspect devait présenter une ma-
jestueuse horreur. Les six à huit lignes parallèles dont
le Jura se compose, comprennent une longueur de
quatre-vingts à quatre-vingt-dix lieues, sur une largeur de
dix à quinze ; il se termine à l'ouest au mont Vouache,
dans l'ancien territoire des Allobroges, et à l'est, au Rau-
denberg, près de Schaffouse, non loin de l'ancien terri-
toire des Rauraques. C'était naguère une suite de défilés
impénétrables, bordés d'épaisses forêts. Des sommets de la
Dole, du Chasserai, du Chaumont et du Weissenstein, ces
forêts descendaient jusqu'au fond des vallées longitudi-
nales qui, semblables à de larges ravins, séparent les
crêtes parallèles ; elles garnissaient les cluses el masquaient
les torrents (1). Des vents glacés, le Joran ou Juron et la
(1) Yoy. J. Thurmann , Essai svr les soiilrrcmrnls jurassiqws tir
Porentruy. Paris, 1832, p. 47.
68 LES FORÊTS DE LA (jAUl.E ET DE l'anCIENNE FRANCE.
Montaine (1), qui soufflent encore dans ces contrées, du
nord, du nord-ouest, de l'est, s'engouffraient dans les dé-
filés et arrêtaient la marche des voyageurs assez osés pour
s'y hasarder. Aujourd'hui, des villages ont remplacé les
arbres qui tapissaient les vallons. Les petits cours d'eau
qui traversent ceux-ci, la fertilité du sol ont appelé les
habitants (2).
A l'époque où les Romains pénétrèrent dans la Séqua-
nie, les forets des pentes occidentales du Jura devaient se jl
rattacher à celles des pays des Lingons et des Eduens.
Un épais manteau d'arbres s'étendait entre l'Ognon, le
ûoubs et la Saône ; mais bien des centres de population
s'y étaient formés, favorisés par la nature du soi que
la main de l'homme avait déjà éclairci. lies oppicla, des
ficus y existaient en Séquanie_, et Vesontio (Besançon),
situé au pied du Jura, était au temps de César non-seule-
ment une ville importante, mais encore un lieu d'appro-
visionnement (3). La domination romaine une fois établie,
la Séquanie fut coupée par des voies dont on reirouve
encore de nombreux tronçons. L'une d'elles passait à
Gredisans, village de l'arrondissement de Dôle, et tra-
versait une contrée qui conserve le nom de Vicux-f/mnd-
cJieniin, ou de Chemin de la Poste; elle reliait Dôle à
la ville détruite qu'a remplacée Dammarlin. Les forêts
qui la bordaient en plusieurs points ont fait le sujet d'une
foule de traditions féeriques qui se sont perpétuées jus-
qu'à nous. La forêt de la Serre, notamment, a joui chez
les conteurs d'une grande célébrité ; ils en firenl le théâtre
(1) Voyez, sur ces vents, J. Thurmunn, Essai de Phyloslatique apjili-
(jitée à lachalne du Jura, t. I, p. 69. Berne, 1849.
(2) Voy. Girod-Chantrans, Essai sur la géographie physique du dèpur-
Icmenl du Douhs, t. 1, p. 21 .
(3) Dehrll. (joU, T, 39.
CHAPITRE III. 69
de mille fictions : c'est là, disaient-ils, que l'empereur
Frédéric allait tenir ses cours d'amour (1).
La forêt de la Serre n'est qu'une petite fraction du Sal-
ti(s sequanus que constituait le Jura. Dans cette chaîne
vivent des traditions qui remontent jusqu'aux Ro-
mains et aux Gaulois. Ainsi, au Champ-Dolent, lieu voisin
de Villers-Farltiy, dans l'arrondissement de Poligny, se
continuent des pratiques d'origine certainement païenne.
Un autre débris du Salins sequamis était l'immense forêt
qui s'étendait naguère entre la rive gauche du Doubs et
le bassin de la Seille. Son sol est aujourd'hui complètement
défriché ; mais on a retrouvé aux environs du village de
Tassenière, en creusant la terre, des fragments d'an-
tiques troncs que la pioche ne put déraciner. Un reste
non moins important du même saltus est la forêt qui
porte actuellement le nom de Chaux ou de LacJiaux^ et à
laquelle se rattachent des traditions druidiques (2). A la
même catégorie appartiennent la forêt de Colonne, peu-
plée d'ermites au vi'^ siècle, et celle qui s'étend entre Sel-
lières, Arlay et Bellevesvre, arrondissement de Lons-le-
Saulnier. Un village de ce canton, Vers, s'appelait origi-
nairement Warz, et tira son nom de sa position forestière ;
car ce mot a le même sens que celui de Harz. Des souvenirs
du culte des bois s'y sont conservés. Les paysans de Vers-
sous-Sellières s'imaginent encore que les restes démantelés
des vastes lucus de leurs ancêtres sont habités par des
esprits mystérieux, des dames blanches , des dames vertes,
(1) Roussel, Dictionnaire gcograpltiquc des communes du Jura, t. III,
p. 283.
(2) Dans cette forêt, dont le nom paraît dérivé du celte chod, bois,
existe un grand nombre de mottes, de iumidus, où, suivant la croyance
l)opulaire, venaient s'assembler descspritsmystérieux. Pareille superstition
s'attache à la. pierre qui vire, vieille borne servant de limite du côté de
la Laye. (Voy. Rousset, o. c. t. III, p. ^2G! ; l. 11, p. ^80-, t. T, p. 337.
70 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
(les lovps-ijarous et des .somer.ç(l), qui viennent la nuit
y prendre leurs ébats. Pareille croyance se perpétue au
village de Clialelneuf (arrondissement de Poligny); la
superstition populaire peuple la forêt qui en porte le nom,
et celle de Loulle, d'esprits, de sylphes et^de chagseurs
sauvages (2).
Les premiers défrichements opérés dans la contrée du
Val de ^lièges (arrondissement de Poligny), datent très-
vraisemblablement des Gaulois. Depuis cette époque
jusqu'à Charlemagne, la grande forêt du Jura ne cessa
de s'éclaircir. Dans une charte de l'an 793, rédigée à Reims,
cet empereur fit don à l'abbaye de Saint-Oyen-de-Joux
d'une grande partie de la forêt du Jura, dont il indique
ainsi l'étendue : Depuis le lac de Brassus, nommé l'Orbe,
et tout le long de Noirmont, en suivant le cours de cette
rivière jusqu'aux Alpes et au chemin qui traversait le
milieu de la Ferrière-sous-Jouarre; depuis le cours de la
Valserinejusqu'au Bief-Brun, et dès ce Bief jusqu'à la Se-
mine; de la Semine jusqu'au Bief-Noir ; la troisième partie
d'Eschalon, et depuis la rivière d'Orbe, du côté du cou-
chant, jusqu'aux Chaumes appelés J/e;-e«.sT5( les Marêchets),
et de là, en tirant à l'est, jusqu'à la plaine de Segouciac
(dans le pays de Vaud) (3).
Les forêts du Jura étaient en divers points coupées par
des lacs, des étangs, dont le fond incomplètement desséché
s'est transformé en tourbières (4), où sont venus se pourrir
les troncs qui s'élevaient jadis pleins de sève sur la pente
des montagnes. Tel est le cas, par exemple, pour le village
(1) Roussel, Bkt. f/éorjr. des romm. du Jura, l. YI, p. 43.
(2) Ibid. t. II, p. io.'
(3) Ibid. t. IV, p. 308. — Cf. Pyot, Slatisliquc générale du Jura.
p. 441.
(4) Voy. Giiyétant, Tableau de l'étai aelurl de l'économie rurale dans
le Jura, p. 1.>. — J. Thurmann, Essai sur les soulèvemenls jurassiijues
CHAPITRE 1)1. 71
de Fay-en-Bresse (arrondissement de Dole), construit au
milieu d'une vaste forêt, traversée par de larges étangs
qui s'allongent à perte de vue(l). Le territoire de Cour-
iaoux (arrondissement de Lons-le-Saulnier) était autre-
fois occupé par une forêt entrecoupée de marécages (2), A
Biefmorin (canton de Poligny), et dans la contrée environ-
nante, ces tourbières forestières sont singidièrement mul-
tipliées ; une mousse épaisse les recouvre et en dissimule
la profondeur. Le fond de ces flaques d'eau est consis-
tant et retentit comme un pavé. Là sont venus se dé-
poser des arbres et une foule d'objets que le temps y a
entraînés (3).
Plusieurs de ces lacs étaient consacrés à des divinités ;
car chez les Celtes, les dieux des eaux voyaient souvent
leur culte associé à celui des dieux des bois. Au nord de la
Séquanie, aux environs de Luxeuil, célèbre par le culte de
Luxovius qui présidait à la vertu de ses eaux thermales,
s'étendaient des forêts sacrées oîi se pratiquaient encore au
moyen âge des cérémonies païennes. « Ibi imaginum lapi-
dearum densitas, écrit Jouas (4), vicina saltùs densabat
quas cultu miserabili rituque profano vetusta pagano-
rum tempora honorabant. »
de Porenlruij, Paris, 1832, p. 47. Presque tous ces lacs ou tourbières
sont situés à environ 800 mètres au-dessus du niveau de la mer ; on les
trouve surtout dans les forêts d'épicéas.
(1) Roussct, oiiv. cit. t. m, p. 92,
(2) Piousset, ibid. t. III, p. 300.
(3) On en a retiré des plats d'étain, des chaudrons, des ustensiles de
cuisine et des objets beaucoup plus anciens. Rousset, ouv. cit. t. I,
p. 228. Ed. Clerc, la Franche-Comté à l'époque romaine, p. 156 (Besan-
çon, 184G). On a extrait de ces marais des chênes auxquels leur séjour
dans les eaux avait donné l'apparence de l'ébène. C'est dans ces marais
que se cachèrent les habitants pour échapper aux désastres de la guerre
<le I63G.
(4) Vila S. Culumbani, 17. ap. Acla SS. onlinisS. DencdicU, t. Il,
p. 13.
~-2 LES lORÈTS DE LA GALLE ET UE J."AN(.li:NNi: IRANCE.
Après avoir pour ainsi dire gravi les pentes occiden-
tales du Jura, les forêts de la Séquanie redescendaieni
sur les pentes opposées et se liaient au vaste manteau
d'ombrage qui dérobait aux yeux les vallées et les monta-
gnes du pays des Helvètes. Le Rhin les séparait de la fo-
ret yoïre {Sc/twa)'zwa/fl); celle-ci s'étendait du pays des
Rauraques, près duquel se trouve son point culminant dé-
signé sous le nom de Hom ron Sclnrai'zwnld (1), jusqu'à
la partie de la Souabe où le Danube prend sa source.
L'empereur Julien la traversa dans toute sa longueur lors-
qu'il alla reconnaître les sources de risler(:2).
Au delà de la Sijlra Marriana, quand on avait passé le
pays des Ghattuareset celui des Curions, on rencontrait la
forêt Gabrète {sylva Gribrefa ou Gabriia) (3). La partie
la plus occidentale de cette forêt correspondait au
Tltïuuujerwald, ou forêt de la Thuringe, qui constitue
encore aujourd'hui un des cantons les plus forestiers de
rAllemagne, un de ceux qui peuvent le mieux donner
ridée des anciennes forêts de la Germanie; aussi, les habi-
tants du paysl'appellent-ils la Forêt , laForêt par excellence,
der Wald (4). La forêt de Thuringe est surtout composée
de chênes qui s'associent quelquefois aux hêtres, plus ra-
rement aux conifères, au pin, au genévrier, au mélèze,
à l'épicéa. Cette dernière essence est une des plus belles
de l'Allemagne centrale, et plusieurs individus y comptent
un siècle et un siècle et demi d'existence (o). L'épicéa
(1) Cf. Marlinus Q,crhcv\.ns,Uislovia yigrx Syhx ordiiiisS. Dcneclicli
colonix, l. I, p. 12 (1783, in-4°).
(2) Amiuien Marcellin. XXI, 8. 9.
(3) Slrabon. VII, p. 292, Plolémée. Géograpli. II, II.
(4) Voy. l'article sur cette forêt douné dans VAUgem. Forsl-uml Joyil-
. Zeitung de Behlen, juin 183G.
(5) Belilen, Allgemeitie Forsl-ùnd Jagil-Zcihmg, 1836. p. 435: IL
Sjchacht, Lfs arbres, trad. i«ar Morren. p. 380. 390.
CHAPITRE Hf. 73
s'accommode merveilleusement du sol de porphyre et de
grès rouge {todtlicf/endé) qui recouvre surtout les pentes
septentrionales de la Thuringe. Sur les hauteurs moins
élevées de calcaire de la partie orientale, le sapin dispute
le terrain à l'épicéa {\), car cet arbre tend toujours à en-
vahir les cantons dans lesquels il a une fois pénétré. 11
chasse le hêtre qui, api*ès avoir composé avec lui le fond
du Thûringerwald, s'est réfugié à l'ouest, entre Eisenach
et rinselsberg, et au pied de quelques cimes, telles que
celks du Schneekopf. Le plus curieux débris de l'antique
foret de Thuringe, est celui qui se trouve au sommet
du Wurzelberg, près de Katzhûtte, et dont M. Schacht
nous a donné, dans son excellent ouvrage, une si curieuse
description. C'est, dit-il, la plantation la plus sauvage et
l'association la plus riclie qu'il ait jamais vue d'épicéas,
de sapins et de hêtres.
La forêt Gabrète recouvrait le versant méridional des
monts Sudètes (2) {montes Sudeti), aujourd'hui le Bœhmer-
icald (2), dont les restes se voient encore dans les districts
si boisés de la Bohême (3). Plus loin, en allant vers le pays
desQuades, on rencontrait la sybxi Luna (4), qui se termi-
nait aux montes Sarmatorum. Au nord de cette forêt s'of-
frait la célèbre forêt Hercynienne {sylva Hercynia ou Orcy-
nia) (4), véritable pendant de l'Ardenne, et qui inspirait
(1) ic'JJr.T». i'pr,. les monts Sudètes. Ils se joignaient à ïAsciburgiwii
mons, leRieserigebirge actuel, jadis couvert de forêts.
(2) Aux XIII* et XIV* siècles, le Bœhmerwald {Sylva boemica) était con-
fondu avec la forêt Hercynienne, et regardée encore comme une ligne con-
tinue d'arbres qui allait rejoindre les forêts de la Transylvanie ou Syk.r
ptir/anonim. Yoy. de ëaniavem, Essai sur V histoire de la Cosmor/rapltii-
an moyen âge, t. III, p. 264. Voy. sur les forêts de la Bohême, et no-
tamment sur celles du cercle de Bunzlaw, qui occupent encore aujour-
d'hui le tiers du sol. Sommer, Bas Kœnigreich Bœlimcn, t. II, p. 26.
(3) 'H Ac'Jva ûJ.Yi, Ptolém. Géogr. II, xr.
(4) Voy., sur cette forêt, Til. Liv. Y, 3'i; Plin. IIisl. nnl. \Y, 25, 28;
74 LES FORÊTS DELA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
aux Romains encore plus d'étonnement et d'efîroi ; tel
tut le sentiment que cette forêt éveilla dans l'esprit de
l'empereur Julien (1), quoiqu'il y eût déjà plus de quatre
siècles que Drusus en avait ouvert les profondeurs par
une route (2). Le nom de foret Hercynienne fut du rest<
souvent étendu par les anciens à l'ensemble des forrl-
qui occupaient le centre de la Germanie. César donn ■
déjà à ce nom une acception aussi générale, puisqu'il
fait commencer la foret qu'il appelle ainsi, aux fron-
tières des Helvètes, des Nemètes et des Rauraques, et
qu'il la prolonge suivant la direction du Danube jus-
qu'au pays des Daces et des Anartes (3). Il englobe
donc dans la forêt Hercynienne la forêt Marciane et
toutes les chaînes boisées de la Bavière et de l'Autriche.
Strabon ne lui assigne guère moins d'étendue ; car il
nous la représente comme occupant le territoire des Boïens
<?t des Suèves(4). Le poëte Glaudien la prolonge au sud
jusqu'à la Rliétie (5). Cette élasticité topographique de la
forêt Hercynienne s'explique par ce fait que toute la Ger-
manie, du sud-ouest au sud-est, apparaissait comme une
seule et même forêt, redoutable retraite qu'il làllait "ab-
solument traverser pour arriver aux frontières de la Sar-
matie et de la Dacie. Voilà pourquoi Charlemagne nous
€st dit avoir passé par la forêt Hercynienne, lorsqu'il alla
porter la guerre chez les Bohèmes (6). Il s'y Hvra au plaisii-
Poniponius Mêla, III. 3 : Tacit. (icnnan. 28, 30. Cf. F. A. Ukcrt, Géo-
graphie dcr Gi'ieclten und Rornwr. i. III, jiai-t. I, p. 111, cl K. Barlli ,
Teutschhmds i'rgeschichte, 2'= éilil. t. III, p. 90.
(1) Julian. Epislol. LXIII. Cf. Suidas, v" Xorax.
(2) Florus, IV, 12.
(3) C.x'sar, JJe bell. gnll. VI, 25,
(4) Straljon, Vil, p. 292, 293.
(5^ Promiiiet Ilorovnia; conliiiis Rln.'tia ?\lv;o, De hell. Gel. 331.
(OJ Eginhard, Anmdes, ann. 805.
CHAPITRE III. ih
de la chasse (1), poursuivant les bœufs sauvages ou bubales
dont elle était alors peuplée (2).
Le moyen âge a généralement désigné cette foret sous
le nom de Hircamis sa/tus. On en racontait, comme de
l'Ardenne, des choses merveilleuses; et son souvenir s'at-
tacha si fortement pour les nations occidentales de l'Eu-
rope aux contrées placées à leur orient, que les anciennes
cartes nous présentent la Bohême, et toute la contrée qui
continuait à être désignée sous le nom, de Scythie, comme
couvertes d'une immense forêt (3).
La sijlra Bacenis s'étendait à l'est du Rhin et servait de
frontière aux Suèves et auxChériisques(4). Au nord-ouest
se trouvait le lucus Baduheimœ (o), qui formait la tête des
forêts de la Frise. Cette partie de l'Allemagne demeura
longtemps boisée. Les chroniqueurs ajoutent souvent, aux
noms des localités qui y sont situées: in sij/cis australi-
hm (6). Le village de Frodawald indique par son nom
l'existence d'une forêt qui se continuait au sud entre les
estuaires Flevo et Lavica CI). Ce district reçoit chez les
auteurs du moyen àgel'épithète de si/lvestris, et les chro-
niqueurs bas-allemands l'appellent Bee Seven Holden.
Au xv*" siècle, cette forêt frisonne : Frisia forestemis, comme
disent les anciens géographes, appartenait à l'évêque
(!) « Scd antea venationembubalorum, Ccutorarumquo ferarumper sal-
» Uim llircauum exercuit. » (Eckhart, De reh. Franc, orient, t. II, p. 32.^
(2) Ce sont les urus de la forêt Hercynienne dont nous parlent déjà
Pline (Hist. nul. lib. Vill, c. xv) et César {De bell. gall. YI, xxviii).
(3) C'est ce qu'on observe dans les cartes, à partir du xiv*^ siècle. (Voy.
de Santarem, Essai sur Ihisloire de la Cosmographie et de la Carlo-
graphie pendant le moyen tige, t. III^ p. 23.)
(4) Cœs. De bell. gall. VI, 10.
(5) Tacit. Annal. iV, 73.
(6) 'Voy. M. Alting, Descr. Frisix, p. 14. Amst. 1701.
(7) Frodawalda ou Fredawalda ou Frodasylva. C'est aujourd'hui une
grande bruyère qui s'étend jusqu'aux bords du Zuyderzée. (Voy. Alting,
ouv. cil. p. 60.)
76 LES FORETS DE L\ GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
d'rtrccht (i). Elle allait rejoindre celles dont était cou-
vert le Brabant, débris du grand manteau forestier sou-
lequel s'enveloppaient, ainsi qu'on l'a vu plus haut, 1'
pays des Ménapiens et celui des Nerviens. La forêt de Ni-
mègiie {Xoriomaijens'is sylca) qui existait au ix* siècle, et
dans laquelle allait chasser Louis le Débonnaire (2), ccll'^
où, en 1172, Henri, duc de Brabant, fit bâtir une maison
de plaisance, circonstance qui lui valut le nom de sylra
Ducis (3), sont autant de tronçons de la grande bandr
forestière qui unissait la Gaule Belgique à la Germani.'
septentrionale.
Quoique le nord de l'Allemagne ne présentât pas d
retraites ombragées si profondes et si continues qu^
le centre de ce pays, il offrait cependant de nombreuse^
forêts, Xon loin du Weser existait la forêt Teutoburg
[Teutoburgeriuald), que la défaite de Varus a rendue cé-
lèbre (4). Lb. sylca Cœsia {^) occupait le pays de Goesfeld
et de Nottuln et avait son point culminant au Mous Coi-
siu/n (6). Au delà se trouvaient les forêts du Ilolstein, pro-
vince qui devait son nom à l'abondance de ses bois (7). Sur
les bords de la mer du Nord existaient cette forêt de Sem-
nons, dont Tacite nous a fait connaître le caractère re-
ligieux (8), etle bois sacré des Xaharvales, peu distant des
(1) Alting, ouv. cil. p. 58.
(2) Eginhard, Anjïoles Froncor. an 825.
(3) Aujourd'hui S'IIciiogoihosch ou Dois-lc-Diir, dans le Brabant so]'-
tentrional.
(4) Tacit. Annales. I, 51, Gl ; II, 7. Florus, IV, 12. Velk-ius Palci -
culus, II, 105, 100, 120. Slrabon, VU, p. 291. Dion Cassius, LVI, 1^
24. Frontin, Slratoffrm. IV, 7, 8.
(5) Tacit. Annal. I, 50.
(6) Voy. Wilken, Versuch einrr Grschithlc (Ici SlacU Miinsler, p. 68.
(7) I/olstrin, en latin JJolsalla. « Ilolzali dicti a sylvis quas accolunt.
Adam. Bremens. Ilislor. ecclcs. Il, 8.
(8) Voy. ce que j'ai dit dans l'introduction.
CHAPITRE III. / /
ives de l'Oder (i). Près de Minden était une autre forêt
onsacréeà un dieu que Tacite identifie à Hercule (2). La
Si/Iva Sentana, moins septentrionale, et qui paraît s'être
v't'udue sur le xer&àni mévidionol du Mous Mclibocus (3),
lurmait le passage des forêts de la Germanie du nord à celles
il 11 centre; c'était conséqueniment une des fractions de la
forêt Hercynienne. Celle-ci se scinda de bonne heure en
plusieurs forêts distinctes qui constituèrent elles-mêmes
encore d'immenses cantons forestiers; tels sont l'Erz-
hirge, le Thûringerwald, le Harz, et cette forêt que les
chroniqueurs du moyen âge désignent sous le nom de
Si//ra ocridentalis {Westericald), et qui recouvrait les mon-
tagnes de la Hesse; tel était aussi le Spesshart, un des
plus importants vestiges de la forêt Hercynienne (4), et
dans le nom duquel reparaît ce mot Jiart ou harz^ si-
gnifiant forêt en langue teutonique et qui entre en com-
position dans un grand nombre de noms de lieux.
Le Harz est peut-être de toutes les forêts allemandes
celle qui a le plus gardé l'aspect des antiques forêts de la
Germanie. La prédominance du pin, l'absence totale du
chêne la rattachent à la classe des forêts septentrionales.
C'est une grande marche forestière qui sépare les quatre
Etats sur le territoire desquels elle s'étend, le Hanovre,
le Brunswick, la Prusse et l'Anhalt. Jadis, à ces lignes de
conifères se mêlaient aussi des amentacées, qui impri-
(1) Tacit German. 43.
(2) Tacit. Antial. 11, 12.
(3) To Mv.îoi/.cv c.'j)o; — 'H Ir.y.x-ix 'jX-r,. Ptoléméo, Géogv. 11, xi.
(4) Barth, ouv. cil. p. 34. Aujourd'hui les forêts sont désignées en alle-
mand par les noms «de Forsl et de Wold. Ce dernier mot s'applique à
toute une étendue de pays couvert d'arljres; le premier uniilique l'idée
d'un canton déterminé d'une forêt, d'une superficie bornée par des mon-
tagnes, des vallées ou des bruyères. (Behlen, Lelirbuch cler deulschcn
Vorsl-und Jagd-Gcschichle. p. 174. Francf. 1831.) Voyez ce qui est dit
plus loin de l'orjgine do ces différentes acceptions.
78 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENXE FRANCE
niaient à sa physionomie une teinte moins sombre; mnh
le défaut d'aménagement dont le Harz^vald eut longtemps
à souffrir (1), a laissé le pin tout envahir, et aujourd'hui
le hêtre devient de plus en plus rare (2). Quant aux
autres essences, elles ne se rencontrent presque pas don-
les futaies, et ne se présentent que dans les petits bois. !
grands incendies ont, à certaines époques, dévasté cet
forêt. Le plus célèbre est celui qui arriva en 1473,
par suite de l'incroyable sécheresse de l'année; car il ne
tomba pas une goutte de pluie depuis le huitième jour de
l.i Pentecôte jusqu'à la Saint-Éloi(2 décembre). Des oui
gans terribles déracinèrent aussi des cantons entiers de
la forêt, notamment en 1714, 1747 et 1800. Enfin, un en-
nemi plus dangereux encore, parce que ses atta({ii
étaient moins passagères, les xylophages {Injlurfjus pim-
'perdo) se répandirent par milliers sur les arbres et en at-
taquèrent le bois. Cette maladie, appelée Trochiiss, « s^'-
cheresse, » tua, en moins de douze ans, un million
demi de pins et fut, pour le pays, un véritable fléau. I
Harz est coupé en divers endroits par des tourbières (fo//-
moore), qui, lorsqu'elles occupent des plateaux élevé
sont souvent dépouillées de toute végétation. Çà et là <
aperçoit quelques bouleaux {hetiila puhescens et hctuhi
nana). Des bêtes fauves habitent en grand nombre les pr
fondes retraites du Ilarzwald, le qqt{ (rervus claplms), h
(1) Mais dpi»ui5 deux siècles environ, surtout dans le haut Harz, l'a-
ménagement des forêts peut être, au contraire, proposé comme modèle.
Labiés excelsa, aménagé, on général, par révolutions de cent vingt ans,
y fournit des produits abondants, et s'y projjago (l'une manière roni.n-
quable. (Voy. sur l'aménagement de ces forêts, F. Leplay, les Ouvrii i^
européens j p. 145. Paris, Imprimorio impériale, 1855.)
{1} Voyez l'intéressant articlf inlilulé : Die Walchingen %nul .UkjiI'
(fes Ilarzes, dans Wlllyemeine Forsl-iwil Jagd-Zeitioig de Behlcn, m >
1834.
l
CHAPITRE m. 79
sanglier^, le blaireau, le r-liat sauvage, le lynx {frlis hj)rr)
et le renard.
Les souvenirs du culte célébré dans les forêts de la Ger-
manie se sont conservés au Brocken, dans le Harz et en
d'autres localités environnantes, au Fichtelberg, dans la
forêt de Zeitelmoos(l), comme dans les profondeurs du
Riesengebirge.
Le déboisement commença de bonne heure dans la Ger-
manie; mais il ne s'effectua jamais sur une bien grande
échelle. Les Gaulois qui accompagnaient Sigovèse durent
opérerquelquesdrfrichementsdanslaforêtIiercynienne(2).
Sur le Rhin et ses affluents, de nombreuses corporations
de flotteurs, dont l'existence remonte aux Romains (3)^
conduisaient, attachés en radeaux, les arbres que leurs
compagnons avaient abattus dans les forets voisines, et ce
fut là sans aucun doute une cause active de déboise-
ment (4). Mais la disparition des forêts, que les chapitres
suivants nous montreront s'être rapidement opérée dans
la FrancC;, à partir du xii'' et du x]ir siècle, ne s'effectua que
(1) Voy. J. et W. Grimm, Tradilions allemandes^ trad. par Theil, t. I,
p. 68.
(2) Voy. Tit. Liv. lib. Y, 34.
(3) Ces corporations sont plusieurs fois mentionnées dans les inscrip-
tions sous le nom de Naidês. (Orelli, Inscript. Hclvclix^ p. 170, n" 174,
p. 180, n° 212; Jnscripl. latin, sel. n°^ 4077, 4120, 6950, 7007, 7254.)
(Voy. un mémoire de M. Max de Ring, intitulé : Notice sur les Nauta'
du Rhin, dans le Messager des sciences historiques de Belgique, an 1842,
p. 3:>2 et suiv.) Il y avait aussi des corporations (Vutrindarli (Orelli.
Jnscripl. sel. n"* 7208, GO'Jl, 41 l'J) ([ui conduisaient des trains soutenus
par des outres.
(4) La corporation des flotteurs existe encore aujourd'hui à Ettingen
ol dans les environs. Elle est désignée sous le nom de Schi/ferscliafl.
mot qui répond tout à fait au eontxthcrnium naidarum des inscriptiolI^
latines. Celle corporation se partage en trois brandies, selon le métier de
ceux qui en font partie : 1° les Waldschiffer, qui coupent dans les foret?
le bois destiné aii flottage-, 2° les Mnrfisfhijfcr ou flotteurs de la Murg;
3° les Bheinschiffer ou flotteurs du Rhin. Voy. M. de Ring, mcm. cité.
80 LES FORÊTS DK LA GALLL LT DE e'aNCIENNE FRANCE.
beaucoup plus leutement chez nos voisins d'outre-Rliin.
Sans doute de magnifiques futaies tombaient journelle-
ment sous la hache du bûcheron (1); le besoin de lumi-
naire (2) amenait la décortieation des arbres préjudi-
ciable à leur croissance (3j; on manquait, dès les x' et xr
siècles, en certains cantons, de bois de chauffage (4); quel-
ques forets, par exemple celle de Nuremberg, presque to-
talement défrichée au xv" siècle (5), celle d'Allholt, située
près deSoest, que l'archevêque de Cologne, Reinhold, ne
regardait plus que comme un bois sans valeur (6), disparu-
rent avec le temps; mais en une fouled'autreslieuxlaforce
de la végétation forestière, des mesures intelligentes prise>
(1) Voy. V. G. Anton, Gcscliirhlc der ihalsckcp Landuirllischafl.
t. I, p. 459 et suiv. (Gœrlitz, 1799.)
(•2) « Cortices arborum quilnis ad luminariautisolcmus. » Vit. Ludger.
ap. Leibniz. Scriplor. Gcnnanic. \, 87.
(3j Los arbres servant à cet usage recevaient le nom de Schleissbammc.
Schleissiiolz, et les fragments que l'on Ijrùlait en guise de torches s'appe-
laient SpcU. Anton, ouv. cil. l. I, p. 161. Dans certaines provinces d''
France, ia rareté de l'huile et du suif faisait qu'on s'éclairait avec de>
torches, ce qui avait lieu encore en Brelagne au siècle dernier. Voy. C.
, Dareste de la Chavanne, Ilisloire des classes agricoles oi France. 2^ éd.
p. 491.
(4) C'est ce qui résulte des termes de certaines chartes. Ainsi on voit.
en 995, Othon lll donner à l'abbaye de VValdkirchen un bois {lucus) ap-
pelé Hard, parce que les moines manquaient de bois. (Voy. Acia acad.
Tlieod. Pal. III, p. 134, etSchœpflin cité ])ar Anton, t. II, p. 342.
(5) Une charte de l'empereur Frédéric II fait donation de cette forêt :'i
Henri Waldstromer et à son frère Gramlieb, pour services rendus idUi
mare . Frédéric assure aux deux frères, à leur famillectà leurs descendant-
la charge de forestier, avec droit de chasse et de couper du bois dans 1
forêt. (Voy. IIuillardBréholles, ///A'/o^'/a diploinatica Fedcrici Secuiidi.
t. III, p. 41 .] — Une charte de 12GG de l'empereur Conradin accorde lad-
ministration de la même forèl à Conrad Stromaer et à ses héritiers. (Vo\ .
Moimmcnta ho'ica. nova coUect. t. XXX, part. I, p. 348.) — En 1309.
l'emitercur Henri VII ordonna que la forêt de Nuremberg fût remise en
état et plantée d'arbres. (Voy. Cott.i, Piincipes de la science foreslièri .
1" éd. trad. Nouguier, p. 9. >
(6) Aussi cette forêt est-elle qualiiiéo ^Vureu ncraoris. (Voy. Kindlin-
ger, .Miinsler. Beilr.rye, t. II, p. 9.}
CHAPITRE Kl. 81
par les seigneurs, arrêtèrent cette destruction inconsidé-
rée, et ce fut au wif siècle seulement que les guerres qui
désolèrent T Allemagne, la dépouillèrent sur bien des
points des majestueux ombrages dont elle était enveloppée
depuis des milliers d'années. La Germanie garda donc
plus longtemps ([ue notre pays cet aspect forestier
qu'ofiTait la Gaule, lors de la conquête romaine.
82 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIEX.XE FRANCE.
CHAPITRE 1\ .
ESSENCES FORESTIÈRES DE LA GALLE. AMENAOEMIC.NT ET LMIIETIEN Hts
FOhÈTS AU TEMPS UES HOMAIXS. — l'REMIEK fiÉBOlSEMENT.
Les essences qui composaient les forets de notre pays,
au temps des Gaulois, étaient généralement les mêmes
qu'on y rencontre aujourd'hui, abstraction faite bien en-
tendu de celles qu'y ont introduites les progrès de la sylvi-
culture. Ainsi on y voyait déjà nos principales espèces de
chênes (1 ), l'érable {acer) (2), le bouleau, dont les Gaulois
tiraient une sorte de résine (3) , Torme (4), le saule (5); de
magnifiques pins croissaient sur les hauteurs des Vosges,
du Jura et des Alpes (6), et fournissaient une poix re-
(1) Plin. Uisl. nal. XXI, 31.
(l) Ibid. XYl, 26, 27.
(3) Matlhiol. In Dioscorid. 1, c. xcni. Pline (XV-I, xvin, g 30) parle
de la beauté des bouleaux de la Gaule: « Gallica ha?c arbor, écrit-il,
» mirabili candore atque tenuitate, terribilis magistraluum virgis. x
Le nom latin de cet arbre, hetula. parait être dérivé du nom celte, qu.
était vraisemblablement beitha ou bel. Quant au nom de bouleau, lui-
même, il est dérivé de fc<?/u/«, « bétoul, bétouleau, » par la suppression du/,
comme les mots rouleau, rôle, sont formés du latin l'oluhis par la suppres-
sion de la même lettre. (Voy. Radlof, Neue Untersuch. des Kellenllmmes.
Bonn, 1822, p. 3D0.) Le Ijouleau se rencontre surtout, comme essenci'
forestière, sur les courants de lave do l'Auvergne. Il ne dépasse pas en
altitude 1,985 mètres.
(4) Plin. XV, XVII, 39.
(5) Ibid. XV, XLiii, §83.
(6) Ibid. XV, 76. Le pin sylvestre, en tant que composant le fond do
forêts, ne s'avance guère dans les plaines, au sud du 49°, et en altitude,
au-dessus de 900 mètres. Il constitue aujourd'hui l'essence dominante du
plateau granitique de l'Auvergne. Le l'in mugho, dans les Pyrénées,
atteint jusqu'aux neiges étemelles.
Il
CHAPITRE IV. 83
cherchée jusqu'en Italie (1). L'if se rencontrait aussi fré-
{{uemment en Gaule ; les progrès de la culture durent
plutôt s'opposer à sa propagation que la favoriser, car
son ombrage était regardé comme funeste, son bois comme
empoisonné (2). Le peuplier blanc est originaire de la
Cisalpine (3) ; mais cet arbre préfère le bord des rivières
aux épaisseurs des forêts; on ne saurait donc le compter
comme essence forestière. Le buis atteignait, dans la Gel-
tique, une hauteur inaccoutumée (4), et le platane s'a-
vançait au nord jusque dans le pays des Morins. Le
hêtre, qui ne croissait pas dans la Grande-Bretagne, foi-
sonnait au contraire en Gaule (5), là où le sol atteignait
une certaine altitude. On sait, en effet, que c'est à la
hauteur d'environ mille mètres que le fagus sylvatica
forme souvent à lui seul de magnifiques berceaux ou des
forêts entières, à l'ombre desquelles pousse une végétation
abondante, tandis que les chênes constituentde préférence
lesforêtssurunsolmoinsélevé(6). Tous ces arbres étaient-
ils indigènes dans ce pays? C'est ce qu'il est difficile de
déterminer (7) ; il semble que certaines espèces, telles que
(1) Columell. de re rusL XII, xxii, xxiii.
('2) Athen. V, c. xl, t. II, p. 596, éd. Schweigh.
(3) Des bords de l'Éridan. (Pausanias, I, Eliac. c. xiv, § 4.)
(4) Plin. XVI, 28. Si, comme on le croit , le buis est originaire du
•Caucase, cet arbuste a dû être apporté fort anciennement dans la
Gaule ; il croît aujourd'hui de préférence sur les terrains calcaires du
Jura et les schistes argileux des Pyrénées. La multiplicité des noms
àaBussy^ Buxeuil, Ditssière, Boùsy, etc., montre qu'en Fi-ance le buis
était jadis très-abondant.
(5) Gscsar, De bello galL, V, 21.
(6) Les hêtres n'apparaissent guère en France qu'à une hauteur de
600 mètres, où ils s'associent encore aux chênes, essence dominante des
forêts inférieures. Toutefois ces deux essences ne se mêlent pas d'ordi-
naire ; sur beaucoup de points, elles s'excluent ; et dans la région moyenne
inférieure à 1,000, on voit souvent sur les mêmes terrains des bois de
chênes et des bois de hêtres. Au-dessus de 1,000 mètres, les chênes sont
rares, età 1,200, ilsont complètement disparu. (Voy. Lecoq, Géographie
botanique, 1. 1, p. 450.)
(7) Suivant Deleuze {.Innal. du Muséum, t. III, p. 191), la France
84 LES FOP.KTS Di: LA GAULE ET DE l'aXCIENNE FRANCE.
le châtaignier qui recouvre aujourd'hui le vaste plateau
de roches anciennes du centre de la France et les pentes de
ses collines (i), sont des émigrés venus de l'Asie. Car cet
arbre (2) ne parait pas avoir été connu dans les Gaules;
Pline ne l'y mentionne pas; il se borne à dire que les pre-
miers châtaigniers ont été apportés de Sardes.
J'ai déjà dit plus haut qu'à l'époque de la conquête ro-
maine, la culture avait pris en diverses parties de notre pa-
trie une notable extension. Le froment était déjà cultivé
dauslesplaines crayeuses de la Champagne, sur les terrains
tertiaires et jurassiques des territoires des Piétons et des
Eduenset dans la Xarbonnaise (3). hapankiim se récollait
en Aquitaine (4). Varimv, le si/if/o(o), confondu plus tard
avec le scca/e ou seigle, se semaient dans les provinces
méridionales. C'est, dit-on, à la culture de cette céréale
que la Sologne {Secalmmia) doit son nom.
renferme aujourd'hui deux cent cinquante espèces d'arbres, dont les
trois quarts sont d'origine étrangère; ce qui réduit beaucoup le nombre
d'espèces qu'on peut supposer avoir formé les forets de la Gaule. Peut-
être doit-on admettre qu'il y eut, dans notre jiatric, plusieurs époques de
végétation correspondant à des caractères forestiers déterminés. Toute-
fois, si l'on induisait de ce qui s'est passé en Irlande, ce qui a dû se
passer chez nous, il faudrait admettre que la majorité des essences fores-
tières est demeurée la même. En effet, on retrouve dans les hogs ou
tourbière? de l'Irlande, le chêne, le frêne, le bouleau, le sapin, le coudriei
qui poussent encore aujourd'hui dans l'île. M. Worsao^ a cherché à éta-
blir, d'après M. Steenstrujj, que les révolutions du sol du Danemark ont
successivement donné naissance aux trembles, aux pins, puis aux hêtres,.
aux chênes. Le même auteur distinpie quatre périodes. (Cf. Worsaœ,
Dancmarks Vorzril durcli AHerlhïnurr und Urab/iUgel, ùbers. von Ber-
telsen, p. 7, Copenhague. 18'i4.) On pourrait tenter un travail analogue
jiour notre pays.
(1) Voy. Dufrénoy et Élie de Beauaiont, Drscriplion géologique de la
France, t. I, i>. 175.
(2) Plin. Ilisl. nal. XV, xxiii, 2J; XVI, 30.
(3) Ihid. XVII, vu, 4. — Strabon, IV. p. 14î), éd. Muiler et Dùbner.
(4) Varron, De re ruslica, I, c. vii; Pallud. De rr ruslica, I, .\xxiv;
Plin. Ilisl. nul. XVII, viii ; XVIII, xxx, 72.
(5) Strabon, IV, p. 158; Pline, XVIII, 20.
CHAPITRE IV. 85
La plantation de la vigne, introduite d'abord aux envi-
rons de Marseille (1), s'était peu à peu étendue dans la
Gaule ; les piogrès de cette culture ont certainement con
tribué à diminuer les forets, notamment dans le midi et
la région répondant à la Bourgogne. Au temps de Grégoire
de Tours, Dijon était déjà entourée, à l'occident, de mon-
tagnes couvertes de vignobles en renom (2). L'industrie des
tonneaux, d'origine gauloise(3), venait se joindre à l'exten-
sion des vignes pour accélérer le déboisement.
Les guerres des Romains contre les Gaulois,.et desFrancs
contre les Romnins, furent pour les forêts une cause, une
occasion de dévastation. César ayant attaqué les Belges,
ceux-ci mirent pour se défendre le feu à leurs forêts (4);
quand, au contraire, nos ancêtres choisirent les forêts
comme retraite et y déposèrent leurs bagages, les Romains,
à leur tour, y portèrent la flamme (5). Ces habiles domina-
teurs renversaient tout ce qui pouvait s'opposer à leur au-
torité, et, reconnaissant combien les forêts étaient dange-
reuses par l'asile qu'elles fournissaient à l'indépendance
des indigènes, ils employèrent ceux-ci à les abattre, non
toutefois sans rencontrer de résistance. Aussi Tacite fait-il
dire à Galgacus : « Sylvis emuniendis verbera inter contu-
melias conterunt. » Les Romains n'abandonnaient pour-
tant pas les forêts à une dévastation imprévoyante et sans
pitié. On sait que des consuls nouvellement élus avaient,
(1) Martial, lib. Il, opigr. lxxxii; lib. XII, epigr. cwiii.
(2) Grcgor. Tur. Ilisl. Franc. III, 9.
(3) Plin. Ilist. nul. XIV, xi, 27.
(4) Dion Cassius, lib. XL, c. xlii, p. 030, cd. Sturz.
(5) Au siège d'Avaricum, nous voyons Vercingétorix déposer son lia-
gage dans une forêt voisine. (Ciosar, De bell. (jall. VII, IG sq.) Ce fut
ilans les forêts qui occupaient les territoires des Bellovaques, des Am-
biains,des Atrebates, que ces peuples, lors de biurs guerres contre César,
cachèrent leurs provisions et leurs équipages. (Ca?sar, De hcUo {jalL,
VTII, 0.)
86 LES FORÊTS DE L.V GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
entre autres fonctions, la surveillance des forêts, ce que
l'on retrouve désigné par les mots provincia ad si/lvas et
calles{\).'[)Qz les premiers temps de l'empire, les forêts
furent soumises à l'ijnpôt. Le bois était sujet au vectir/al
ou impôt indirect comme la plupart des objets de con-
sommation (2). Dans le cadastre, on distinguait deux caté-
gories de forêts^ les sylrœ iilandiferœ et les sylcœ vul-
gares, ayant leur aménagement respectif (3). La sollicitude
du gouvernement romain pour l'entretien des arbres utiles
est marquée en vingt endroits. La loi des Douze Tables con-
damnait à une amende de vingt-cinq as celui qui mutilait
un arbre, amende autant de fois imposée qu'il y avait
d'arbres mutilés (4). Des peines sévères furent édictées
contre celui qui coupait^ en Egypte, un sycomore, es-
sence dont le bois servait à construire les digues qui rete-
naient le Nil (5). Une loi du Code (6) nous montre les em-
pereurs Arcadius et Honorius interdisant la destruction
des cèdres dont était planté le bois sacré d'Apollon da-
phnéeU;, près d'Antioche, défense renouvelée des temps
païens (7), et qui avait alors pour motif non le respect dû
au dieu, mais la protection des arbres. La garde des
(1) Sueton. Vil. Cxsar. c. xix.
(2) Yoy. Bureau de la Mullc, Economie politique des Romains, t. II.
IK 466.
(3) Hygin. Gromatie. De timit. eonslitiiend. ap. Die Schriflen der Ro-
mischen Fridmesser. hor. von Blumi', Lachmann, Rudorff, t. I, ]i. 205.
."ÎOe, Berlin, 1848.
(4) Lex XII Tab. viii, ad calcem Elément, juris rom. Ilcineccii, éd.
Giraud, p. kU.— PVm.Hisl. nal. XVII, 1 . Cf. Gaius, Z??*/. Comm.l\/^,\ 1 .
(5) Digcst. 1. XLVil, Ut. xxi, 1. 10, ex Ulpian. De offte. proc. D«''jà.
chez les Grecs, laction de couper un arbre chez autrui était regarder
comme un acte d'hostilité. (Libanius, Orat. VII pi'O Arisloph. \^. iW-
éd. Morell. — Xenojjhon. Ilistor. grxc. lib. IV, 1.)
(6) Cod. lib. II, tit. lxxvii.
(7) Le sophiste Heraclite, d'une famille de jirélres, l'ut condamné ;i
une amende qui lui enleva une partie de son patrimoine, pour avoir
CHAPITRE IV. 87
forêts publiques ou privées était remise chez les Romains
à des agents spéciaux appelés saltuarii (1).
Les nombreux termes relatifs à l'aménagement des fo-
rêts que l'on rencontre dans les lois romaines, prouvent
d'ailleurs que les Romains étaient fort avancés en écono-
mie forestière. Par les expressions de sylvœ materanœ et
de syhœ ceduœ, ils distinguaient les forêts de haute futaie
des bois taillis. Ceux-ci suivant leur caractère respectif
recevaient des noms spéciaux tels que sylva regerminans ^
Sylva repullulans, sylva ?'e)iasce?is, sylva stolones radicibus
emittens. De même, des expressions particulières, comme
celles Ôl' arbores grandes, arbores tonsiles, étaient en usage
pour différencier les diverses classes d'arbres envisagées
au point de vue de l'exploitation.
Cette administration prévoyante des Romains empêcha
la Gaule de trop se dégarnir d'arbres. Si l'extension de la
culture amenait, en certains points, le déboisement, si les
guerres furent une cause fréquente de dévastation des fo-
rets, si l'accroissement des latifundia entraînait la des-
truction de bien des futaies, le goût des parcs, des jardins
de plaisance, que les Romains avaient à un haut degré,
leur faisait respecter des ombrages qu'une industrie agri-
cole aussi développée qu'elle est aujourd'hui, n'eût pas
manqué de détruire.
Quoique l'invasion des barbares ait désolé notre pays,
quoique les Huns, les Goths, les Vandales, les Burgondes,
les Francs aient entretenu sur son sol presque constam-
ment la guerre, la végétation forestière en beaucoup de
points y perdit moins qu'elle n'y gagna. La fondation d'un
coupé des cèdres sacrés. (Voy. Philostrat. De Vil. sophislarum, lib. II,
c. XXVI, p. 614, cd. Olearius. Cf. Philostrat. De VU. Apoll. Tyan. lib. I,
C. XVI.)
(1) Petron. Sadjric. c. lui. Digcsl. XXXII, 1. 36.
88 LES FORÊTS DE l.A CAULE ET DE l'a.NCIENNE I ^A^XE.
«;rand nombre de villes et de villages sous la domination
romaine avait nécessité de nombreux abattis; la destruc-
lion de plusieurs de ces villes et de ces villages par les bar-
bares en rendit le sol aux végétaux sylvestres. La foret re-
poussée par la cognée du colon latin, reprit en plusieurs
lieux ce qu'on lui avait enlevé, et les Francs, enfants des
irabJar, grands amateurs de chasse, veillèrent à la conserva-
tion de ces retraites ombragées qui servaient à leurs plai-
sirs ; c'est ce que Ion verra dans le chapitre suivant.
CHAPITRE. V
89
CHAPITRE Y.
LÉGISLATION FORESTIÈRE DES POPULATIONS GERMANlùlES; INFLUENCE TiES
IDÉES QUI ONT INSPIRÉ CETTE LÉGISLATION SUR l'ÉTAT DES FORÊTS EN
GAULE APRÈS l'établissement DES GOTIIS, DES FRANCS ET DES BUR-
G ON DES.
Les populations qui envaliirent la Gaule aux v^ et \i'
siècles, étaient sorties d'un pays encore plus boisé que
n'était celui où elles venaient s'établir. J'ai dit plus haut
que les Germains vivaient en majorité au milieu des fo-
rêts, qui fournissaient à leurs besoins et qu'ils entouraient
d'un respect religieux. Ignorant alors l'art de construire
des demeures assez hermétiquement closes pour les dé-
fendre contre le froid des hivers, obligés de se réfugier dans
des cavernes, ils trouvaient dans la forêt, malgré son hu-
midité, un abri contre les frimas, contre les vents glacés
que rien n'arrêtait dans les plaines; ils devaient en agir
un peu à la façon des rennes qui quittent en Sibérie les
toundras, au commencement de l'automne, pour se réfugier
dans la profondeur des bois (1). C'était là un premier
motif pour que les populations germaniques prissent soin
des forets; mais il en existait un autre ; elles avaient ap-
porlé de l'Asie le respect de la végétation arborescente qui
régnait à un haut degré chez les Perses (2) et d'autres po-
pulations de même race. De plus la forêt nourrissait en
(1) Voy. sur la inigralion des roniies eu Sibérie, et leur passage ailei-
nalif des forêts dans les loundrns. grandes plaines de mousse et de lichen
des bords de la mer, Bibliolhrque de Genève, n"* série, t. XXXIl,
p. 288 (1841).
(2) Ce respect, qui si' ratlacliail au ••ulto des arbres dont j'ai parlé
90 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. '
foule des animaux que le Germain aimait à voir se pro-
pager dans l'intérêt de sa chasse. De là la législation pro-
tectrice des forêts établie de bonne heure par l'usage, el
qui fut définitivement sanctionnée par les codps que le-
barbares rédigèrent sous Tinfluence de la civilisation de-
Romains et dans la langue de ceux-ci. La loi saliqiu
montre que le législateur, en protégeant les bois, s'étail
surtout proposé la conservation des animaux domestique-
qui y trouvaient une pâture assurée. En même temps qm-
par ses dispositions elle garantit la propriété des porcs, de^
brebis, des chèvres, des oiseaux et même des abeilles (d),
elle protège les arbres contre les abattis imprévoyants des
usagers (2), Lorsque l'on compare les dispositions pénales
établies dans la loi saliquedans l'intérêt des arbres et des
bestiaux, à celles qui se rapportent à la protection desper-
dans rinlroduction, ressort de ce que nous lisons dans la vie d'Artaxer- >
ces. On y voit les soldats de ce prince n'osant couper, malgré le froid
le plus vif, les grands arbres, les pins, les cyprès dont son parc ou
paradis était planté, quoique Artaxercès le leur eût permis. Il fallut que
le roi prît lui-même la cognée et leur donnât l'exemple. (Voy. Plularquf
Artaxercès, c. xxxv, p. 494, éd. Reiske.)
(1) Voici, par exemple, le titre de quelques-uns des chapitres de la lu.
saliquo : c. ii. De furlis jjorcorum ; c m, De furlis animalntm : c. iv. De
furtis oviiim ; c. v. De furlis caprarum; c. vi, De furlis cnmtm : c. vu.
De furtis avium ; c. vm. De furlis arborum ; c. ix. De furlis apium. (Cf.
édit. Pardessus, p. 4 et suiv. et quatrième texte, p. 121.)
(2) Voici le texte delà loi salique relatif aux forêts : C. vin, De furlis
arborum. 1. « Si quis pomarium, sive quamlibet arborem domesticaïu.
extra clausuram excideril aut furatus fuerit, CXX dinariis qui faciuni
solides m, culpabilis judicetur, cxcepto cajiitale et delalura. »
2. « Si quis vcro pomarium, aut quamlibet arborem domesticam, infra
clausuram exciderit aut furatus fuerit, DC dinariis, qui faciuni solidos XV.
culpabilis judicetur, excepte capitale et dclatura. »
3. « Hanc quoquelegem et de vitibus furatis observari jussinius. »
4. « Si quis in sylva aUerius materiamen furatus fuerit, aut inoendi-
rit,velconcapulaverit, aut ligna alterius furaverit, DC dinariis, qui faciuiit
solidos XV, culpabilis judicetur, excepte capitale et delatura » (éd. Par-
dessus, p. 121, 282;.
CHAPITRE V. 9i
sonnes, une chose frappe surtout, c'est que les peines sont
plus sévères en matière de délits forestiers et agricoles que
pour les attentats contre les individus (i). Tandis qu'on
payait 15 sous pour avoir coupé ou brûlé des arbres pro-
pres aux constructions [materiamen) (2) ou au chauffage
[ligna) (3), ou encore pour avoir volé un porc de deux ans
[hinum porcum) {^) , plus cher même pour un verrat (ver-
rum) (5), il n'en coûtait que 30 sous à celui qui avait
frappé un homme à la tête assez fortement pour en faire
sortir trois os (6j.
Des dispositions analogues se rencontrent dans lés lois
des autres peuples barbares d'origine germaine. La loi
ripuairc condamne expressément le vol dans les forêts
royales et communales (7). La loi des Lombards veut que
celui qui abat un arbre de réserve, ou qui en enlève seule-
ment la marque, ait le poing coupé ou perde la vie (8). Au
motif d'utilité publique, qui engageait le législateur bar-
bare à défendre l'abattage du bois, se rattachait sans doute
le respect religieux dont, malgré la conversion de ces peu-
ples au christianisme, les arbres demeuraient entourés.
C'est ce que prouve l'existence des arbores sacrivœ (9).
(Ij C'est ce qu'a remarqué M. Meaume dans son introduction au Com-
mentaire qu'il a rédigé sur le Code forestier.
(2) « Si quis in sylva materiamen alienum aut incenderit aut capula-
vcrit, DC dinariis, qui faciunt solidos XV, culitabilis judicetur. « [Lex
salico, c. XXIX, g 27, éd. Pardessus, p. 295.)
(3) Lex salica, c. vui, g 4, p. 282, éd. Pardessus.
(4) Si quis porcum bmum furaverit, DC dinariis, qui faciunt solidos XV,
culpabilis judicetur, c.\ccpto capitale et delatura.
(5) Lex salica, c. n, ^ 12.
(6) Voy. Lex salica, c. mx, jJ 3, éd. Pardessus, p. 289.
(7) Lex Ripuarioridn, til. LXXVI, p. 317, éd. Canciani.
(8) Leges langobanlicr, 1. I, c. i, art. 138 et suiv. p. 71 et suiv. éd.
Canciani. Ces lois défendirent aussi d'incendier les forets, p. 20G, éd.
Canciani.
(9) Cf. Lcfjes lanfjob. 1. VI, c. i, art, 30, p. 120, éd. Canciani; Du
02 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE 1- RANGE.
La loi salique dit peu dechosedela propriété forestière.
On trouve au chapitre viii quelques dispositions relativc>
au vol des arbres; au chapitre x sontdéterminées les peines
pour les dommages faits aux champs et la destruction dos
clôtures. Ces dispositions ne paraissent dater que de l'épo-
que de la conquête, alors que les Francs s'étaient distribué
lesterresdontilss'étaientemparésetavaient pris l'habitude
des demeures fixes. Il n'est rien dit dans la loi salique de-
démembrements delà propriété forestière, des bois restésen
indivision et des droits que certaines personnes pouvaient
avoir sur eux (1). C'est seulement dans le Code des Bur-
gondes, des Ripuaireset des Wisigoths, qu'il est parlé d'une
manière circonstanciée des forêts indivises ou commune?
(sykœ crmwmncs), c'est-à-dire des forêts dont les produit-
inférieurs étaient considérés comme communs (2). Car chez
ces barbares, la communauté n'impliquait pas l'idée que
nous attachons aujourd'hui aux forêts coy;2mi/?w/f.s (3). Cha-
cun avait le droit de prendre dans la forêt d'autrui du bois
pour ses besoins, comme il ressort clairement d'un pas-
sage delà loi Gombette (4). Ainsi, le droit de chacun était
Cango, Glossar. sub. v"* Saciùvvs. (Voy. sur les Arhorrs sarrir.c, Muia-
tori, Antiquitalrs ilalirœ mcdii xvi, t. V, y. 66 et suiv.)
(1) Moaume, Introduction historique à la jurisprudence forestièn
i 15.
(2) « Si quis Burj,mndio aut Romanus Sylvain non liabeat, incidcndi
ligna ad usus suos dcjacenlivis ot sine fruclu arboribus in cnjuslibet sylva
habeat iiberam potustatem, neque ab ilio, cujus sylva est, repellatur. —
Si quis vero arburem fructiforam in aliéna sylva, non pcrmittente donimo,
ferlasse incident, per sinpulas arbores quas incidit singiilos solidos, do-
mirio sylva^- inférai.... Quod si sorvub hoc fi'cerit, fusligetur et dorainus
ejus nuUum damnuin aut calumniam patiatur. — Si quis vero qucm-
quam di.'jacentivis et non frucliferis arboribus lignum usibus suis neces-
sarium priT'sumere fortasse non permiserit, ac si ci pignora tulerit,
reslitutis in triplum pignoribus, inférât muleta:! nomine solides sex. •■
{Lex Burgund. éd. Canciani, lit. xxxii, p. "I.)
(3) C'est une confusion qu'a faite le jurisconsulte Proudhen, ainsi qii'
la remarqué M. Meaumc.
(4) Voyez le passage cité, note 1.
i
CHAPITRE V. 93
non un dioiL do propriété commune, mais un droit d'u-
sage. Les produits secondaires des forêts, quel que fût le
possesseur de celles-ci, étaient considérés comme faisant
partie du domaine public (1), Le propriétaire faisait mar-
quer les arbres dont il se réservait la disposition, et était
supposé abandonner le surplus aux prolétaires.
Les forets qui servaient de frontières entre les peupla-
des de la Gaule, entre celles de la Germanie, conservèrent
pendant longtemps ce caractère de marches ; elles n'appar-
tenaient vraisemblablement à aucun particulier; c'était
la propriété commune des nations qu'elles séparaient;
voilà ce qui explique pourquoi en certaines contrées, dans
les pays germaniques surtout, les forêts apparaissent gé-
néralement comme propriétés communales, avant de tom-
ber au pouvoir du seigneur; car elles avaient originaire-
ment constitué des zones forestières. Une fois maître de
la forêt, le seigneur n'accorda plus aux habitants des vil-
lages voisins qu'un droit d'usage de plus en plus limité (2).
L'extension de la législation romaine fit en grande partie
cesser l'indivision, en matière de propriété forestière, par
la tendance à individualiser la propriété qu'elle introduisit;,
les marches forestières durent être souvent partagées entre
les cités auxquelles elles confinaient. 4^ussi quand les
Francs et les autres populations germaniques envahirent
la Gaule, bien des forêts étaient-elles déjà devenues la pro-
priétédesnoblesjd'hommes riches; cequi le prouve.c'est que
toulesles lois barbares opposent constamment la forêt com-
mune indivise à la forêt particulière ou partagée (3). Tou-
(1) Méaumc, ouv. cit. Cf. Lcx salica, c. xxix, § 28, 29, éd. Pardessus,
p. 295.
(2j Voy. ce quo dit M. A. Boultiors. les Sources du Droit rural, p. 70'
(Paris, 1865j.
(3) Cf. LexWisifjolh. VIIL iv, 27; II, ii-, IH. viu-, Y, i ; X, i, G. Lej-
94 tES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FILVNCE.
tefois la tendance à l'individualisation delà propriété fo
restière était combattue par les habitudes des populatioi
germaniques, qui avaient pour effet de ramener les chose
en Gaule à ce qu'elles étaient avant César. M. A. Bouj
thors, dans un ouvrage, où ce sujet est traité fort af
long (1), fait observer que les termes : in sylva commui
seu régis, de l'article 76 de la loi ripuaire, prouvent que 1^
déclaration de domanialité n'avait pas, à l'époque de \i
rédaction de cette loi, altéré d'une manière bien sensiblj
le droit préexistant de ceux qui jouissaient des forêts comj
munales. Toutefois, cette jouissance tendit chaque jour
se restreindre. Si l'on compare la loi salique à la 1(
Gombette (2), on voit que dans celle-ci les dispositions sont
moins larges àl'égard des usagers. Tandis que le législateui
salien imposait aux propriétaires l'obligation delà marqu^
comme signe de réserve, le législateur burgonde ne per-j
mettait à l'étranger de disposer que du mort-bois et di
bois mort gisant, « dejacentivis et si)ie fructu arborions^
celui-ci ne pouvait toucher aux bois durs. Qu'ils fus
sent marqués ou non, le propriétaire avait seul le droij
de disposer des arbres sur pied et portant fruit. Le boi
mort et le mort-bois étaient si essentiellement du domaial
public (3), que la loi prononçait une forte amende (sex se
lidos) contre le propriétaire qui en aurait interdit l'usagi
aux colons. '
Quand les barbares pénétrèrent dans la Gaule, voyan|
liipiiar. Lxxvi. Lex salica., VIII, iv. Lex Dojuv. II, xxi. Voy. Bouthoii
ouv. cit. p. 7t.
(1) Boulliors, ouv. cil.
(2) La loi saliquo est antérieure à la loi burgonde, qui ne date que du
V siècle. Le prologue des lois des Ripuaires et des Bavarois en attribui^
la composition à Théodoric ; mais ces lois ont été rotoucliées sous les Mr-
rovingicns. La loi wisigothe a été rédigée à. la fin du vi* siècle.
(3) Le droit au morl-hois est celui qui porto sui' les essences vives les
moins ])récieuscs et les moins propres à la combustion.
CHAPITRE V. 9o
certaines forêts aux mains de propriétaires privés, les
plus puissants d'entre eux durent chercher à s'attribuer
la propriété d'une partie des forêts communes qu'ils y
trouvèrent. En même temps ils dépouillaient souvent les
propriétaires antérieurs. Voilà comment il arriva qu'une
même forêt put appartenir à des hommes de race
différente. Un titre de la loi wisigothe porte : De sylvisinter
Gotlium et Romanion imUvisis relief is(i}. Le code buroonde,
au titre xiii, traite des défrichements (2) et statue que si
une forêt commune a été défrichée, soit par un Burgonde,
soit par un Romain, le défricheur abandonnera en toute
propriété, à son hôte copropriétaire, une étendue de la
forêt égale à celle du sol défriché, laquelle demeurera la
propriété exclusive de l'auteur du défrichement (2).
€es défrichements se faisaient souvent en mettant
le feu à la forêt, incendie qui se communiquait par-
fois aux forêts voisines, et occasionnait de graves
dommages, contre lesquels nous voyons la loi burgonde
prendre des mesures (3). Au reste, cette communauté entre
hommes de race différente n'existait pas seulement pour
la forêt. Les consortes romains et burgondes possédaient
en commun ou divisément, moitié par moitié, les forêts
non délimitées, les champs, les pâturages, en ce sens qu'ils
participaient également aux profits de la communauté
jusqu'à ce qu'il leur plût d'essarter une partie de la forêt
commune, de mettre en culture ou de planter en vigne
une partie du champ indivis. Lorsqu'un défrichement
avait lieu, la division de la forêt devait se faire de manière
(1) Lex Wisigolli. X, v, p. 175, éd. Canciani.
(2) Tit. XIII. De exariis : « Si quis taniBurgundio quam Romanus in
Sylva communi exartum fecerit, aliud tanlum spatii de sylva hospiti siio
consignet, et exartum, quem fecit, remota hospitis communione possi-
deat » (éd. Canciani, p. 17).
(3) Lcx Buvgund. ibid. Cf. la disposition de loi wisigothe citée n. 1.
96 LES FORÊTS Dt LA GALLE ET DE l'a>«CIE>'NE FRANCE.
à ce que la moitié des essaits fût toujours attribuée auj
Romains. L'étendue du champ cultivé ou l'importance d^
l'exploitation iiulividuello, servait à déterminer dans*
quelle proportion les consortcs pourraient prétendre à lî
jouissance de la forêt commune (1).
Tandis qu'en Allemagne les forêts communes (2) onl
persisté fort longtemps, en France les habitudes de la
propriété romaine s'opposèrent à ce que la législation
barbare en matière de forêts poussât de profondes racines.
Le droit de propriété forestière fut de plus en plus ré-
servé aux seigneurs, et ceux-ci en veillant, dans leur inté-
rêt particulier, à ce que les usagers n'abusassent pas de
leurs droits, coutriLuèrent à arrêter le défrichement. Nous
allons voir même qu'ils étendirent souvent le domaine de
la forêt.
(1) Bouthors, oxivr. cité, p. 72. Jo crois utile de rappeler ceUe obser-
vation du même auteur :
« La loi des Wisigoths consacre aussi le principe de la liberté des dé-
IVicheraents de la forêt indivise pour la convertir en culture ; mais c'est
sous la condition que Ir Romain ou le Barbare co-propriétaire sera in-
demnisé par l'attribution d'une partie de la forêt encore intacte, égale en
valeur à celle de la paitie défrichée, ou s'il ne reste pas do forêt de conte^
nancc et de valeur suflisante pour lui offrir celte compensation, qu'il sera
admis au partage, par moitié, de la portion mise en culture. »
(2) Ces foiêts sont souvent désignées sous le nom d'Alemcnt, qu
lépond à l'allemand actuel AlUjemeine , « générales, » et qui est rend'
dans les chartes latines i)ar le mot aimnida. (Voyez IIuillard-BréhoUes,
IHstoria diplomoika Frderki 11, t. III, p. 396, 442 oi passim.)
CHAPITRE YI, 97
CHAPITRE VI.
LÉGISLATION" FORESTIÈRE ET GRANDES FORÊTS DE LA FRANCE AU TEMPS DES
CARLOVINGIENS.
Quoique les forêts communes se rencontrassent sur-
tout, ainsi qu'il a été dit, chez les populations germa-
niques, qui leur ont conservé longtemps le caractère
indivis, ce sont des princes d'origine teutonique auxquels
est due l'introduction du nouveau droit forestier qui res-
treignit la communauté des forêts. Les Carlovingiens,
tout en laissant subsister dans les Gaules une partie des
coutumes apportées par les Barbares, cherchèrent à for-
tifier leur autorité et à s'attribuer exclusivement des
avantages dont avait d'abord joui l'ensemble des conqué-
rants.
Certaines étendues de forêt furent destinées à l'usage
spécial du roi et de ses officiers (i). On appela ces can-
tons foresta, forestis, foreste, en allemand Bannforstei^}.
Comme c'était surtout en vue de la chasse que les mo-
narques francs se les réservaient, on les peupla de bêtes
(l) Cet usage existait déjà en Asie, d'où il a peut-être été porté par
les populations qui émigrèrent en Europe. La jouissance de certaines
forêts était exclusivement réservée aux princes. L'empereur Khang-Hi,
dans une de ses expéditions en Mongolie, s'attribua ainsi Ja jouissance
exclusive, pour la chasse, d'une grande forêt qui s'étend sur plus de
100 lieues du nord au midi, sur plus de 80 de l'est à l'ouest, et qui a
été depuis désignée sous le nom de Grande Forêt impériale de la Mon-
golie. (Voy. Hue, Souvenirs d'un coyage dans la Tarlaric, le Tliibel et
la Chine, \^èû. t. I, p. 38.)
■2) Behlen, Lelirb. der deulschen Forstc/eschichte, p. .50 et suiv. On a
fait dériver tour à tour le mot forcsla de fonim, « droit de justice, dé-
fens; » do fera, « bête fauve-, » de forehoka {fœhrenicakl), «forêt de
pins. »
7
98 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
fauves, qu'il l'ut interdit de détruire. Les forêts moins
importantes, celles qui demeuraient à l'abri des défens,
finirent par tomber en la possession, soit des seigneurs,
soit des principaux usagers. Et une fois qu'elles eurent
perdu le caractère de propriété communale, il fut d'autant
plus facile aux hommes puissants de les reSendiquer, en
faisant valoir une sorte d'usucapion, de possession à
long titre (1). Toute syka, tout ^yald devint con?équem-
ment une foresta, un Forst. Le droit de forêt et de chasse
fut un apanage obligé de la seigneurie. Nos rois se mon-
traient alors fort jaloux d'un privilège qui assurait leur
plaisir favori. On sait combien les Francs étaient amateurs
de chasse. « Vix ulla in terris natio invenitur quae in
hac arte Francis possit sequari , » écrit Eginhard (2).
Cette passion que nos ancêtres avaient apportée de la
Germanie (3), était très-vive chez Gharlemagne et ses suc-
cesseurs (4). C'est ce que nous voyons par un capitulaire
de Charles le Chauve, de l'an 877 (5). Le monarque y
dresse une longue liste de forêts {forestœ regiœ) dans les-
(1) Voy. Anton, Geschichle der deutschcn Landwirlliscliaft, t. 1,
].. '4G2 elsuiv.; t. II, \). 326 el suiv.
(2) Eginhard, Vita Caroii Magni, ^ 22. Cf. Eginhard, Annal, ann.
819, 820, 822.
(3) Quand les Germains ne font ]ias la guerre aux hommes, écrit
Tacite (Gfr>nfl«. 15), ils la font aux animaux. Arrien nous apprend que
les Gaulois avaient la même passion, et que leurs chiens de chasse
étaient en grand renom. [De Venidione, c. m, xxxv.) Cf. Du Cange,
(Hossar., \° Foresla, éd. Henschel, t. III, p. 350, et LaCurne de Sainte-
Palaye, Méni. hisloriq. sur la chasse, dans le tom. III, p. 107 et suiv.
des Mémoires sur l'ancienne chevalerie.
(4) Voy. sur les chasses de Gharlemagne et de ses fds, un poëme
attribué à Alcuin, ap. Alcuin, Oper. l. II, part, n, p. 452 (1777, Ratis-
lionne, in-fol.). La moitié du i)oeme est consacrée à la description d'une
chasse, après laquelle, suivant l'auteur, l'empereur franc, s'étant en-
dormi, eut un songe qui lui annonça les maiiieurs dont le i)ape était
menacé: Versus de Carlo Magno, ap. Historiens de France, t. V,
p. 392.
(5) Capilul. éd. Baluze, t. II, p. 208.
CHAPITRE VI. 99
quelles il interdit expressément à son fils de chasser. Et
même, pour les autres forêts, il ordonne que l'on s'en-
qiiière ponctuellement {diUrjenter) du nombre des sangliers
€t des autres bêtes fauves que celui-ci aura tuées.
Les restrictions apportées à la faculté d^ chasser en cer-
tains lieux, expliquent pourquoi on donna à ceux pour les-
quels l'interdiction n'existait pas le nom particulier de
Venabula, d'où est dérivé celui de Vénables que portent
encore diverses localités (Eure, Seine-Inférieure).
Les concessions de forêts accordées par les rois à des
particuliers furent d'abord très-peu nombreuses ; elles
n'étaient généralement obtenues que par des ecclésiasti-
ques, en faveur de leur église, ou par des abbés, en fa-
veur de leur monastère. La première donation qui se ren-
contre à cette époque est consignée dans un capitulaire de
l'an 804. Elle est faite, en toute propriété, par l'empereur
Charlemagne à l'évêque et à l'église d'Osnabruck :1),
Au prince seul appartenait le droit de laisser établir une
foresta. C'est ce que l'on appelait forestare, afforestare ou
inforestare (2). Lorsqu'un grand de la cour, un comte {co-
mes), voulait établir une foresta, c'est-à-dire proprement
une garenne, pour quelque forêt que ce fût, même pour
celle dont il était propriétaire, il devait demander l'au-
torisation au monarque (3).
La foresta, même établie avec le consentement royal,
pouvait être supprimée, aussi bien dans les domaines des
particuliers que dans ceux du prince. C'est ce qu'on ap-
pelait deafforestare ou d'iwfforestare. Pareillement, les fo-
restoi détruites étaient susceptibles d'être reconstituées :
(Ij Elle porte ]jour titre : Pr^cejHinn de scholis grœcis et laiinis iiuti-
iiiendis in ecclesia Osnahrukgensi.
(2) Voy. Du Gange, Gloss. s. vv. foreslagium et foresta.
r3) Du Gange, ihid.
BIBLIOTHECA
100 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
c'estce qu'on appelait reafforestare. Telle était lalégislatioii
germanique; mais elle ne s'introduisit jamais complète-
ment en France : le droit de supprimer les forestœ
établies cum jussiojie régis n'ayant guère été exercé
par nos rois. On en trouve, au contraire, de nombreux
exemples dans les chartes anglaises et allemandes (1).
La régie des forêts royales fait l'objet de plusieurs capi-
tulaires de Gharlemagne et de Louis le Débonnaire. Elle
fut confiée sous ces princes à des officiers appelés fores-
tarii (2). Le capitulaire De villis, de l'an 800, nous apprend
que ces forestiers avaient la garde générale des forêts de
la couronne. Ils décidaient des défrichements à opérer
dans les endroits propres à la culture, et veillaient à ce
qu'on ne mît pas en labour ceux où le bois prospérait ; ils
avaient sous leur garde tout le gibier et affermaient la
glandée. Au-dessus d'eux étaient placés les veneurs royaux,
qui visitaient de temps à autre les forêts, y tenaient con-
seil et dressaient des règlements. La surveillance des pê-
cheries du roi leur était spécialement dévolue (3). Les fo-
rêts qui appartenaient aux comtes ou aux immunistos et
qui se distinguaient des forestœ dominœ, avaient leurs
forestarii particuliers (4).
Quoique la propriété forestière fût devenue plus abso-
lue sous Gharlemagne et ses premiers successeurs, elle
n'excluait pas encore complètement le droit d'usage géné-
ral, la communauté de produits secondaires qui existait
dans la législation germanique. Les lites, les colons et gé-
(1) Du Cange, siili v" Forcsla, ne cite aucuiil; charte (Je dcsoiJonsla-
lion. (V. Anton, Gcscliiclile dcr deulschen Landuiiihschaft, t. II, ]•. 'M'>'^
et suiv.)
'^2) Capilul. ann. 813, j! 18. Du Gange, Gloss. suh v° Fort-slariiis.
(3) Capitid. ann. 813, jJ 18, 19, éil. Baluze, t. I, col. olO. CiipH. ann.
800. 1. 1, col. 338.
(4) Du Cange, Gloss. sub v° Foreslarhis, \>. 353.
CHAPITRE Yl. 101
iiéralement tous les cultivateurs en usaient, comme le font
encore aujourd'hui les usagers qui prennent du bois d'af-
fouage ou de construction, soit dans les forêts domaniales,
soit dans les forêts particulières (1). Il ne semble pas qu'il
ait existé en ce temps-là de règles de police relatives à la
délivrance; on ne les voit apparaître que beaucoup plus
tard, en 1:280, dans une ordonnance de Philippe le
Hardi (2). Sans doule l'abondance des bois était alors
assez grande pour qu'on ne se préoccupât pas toujours des
coupes intempestives qui pouvaient être faites par les
ayants-droit autres que le propriétaire (3). Mais, tandis
que le droit de recueillir les produits en bois mort et en
mort-bois restait à peu près, pour les usagers, ce qu'il
avait été chez les Francs, les droits de glandée, de panage
ou paisson, subissaient une notable réduction. Le porc
demeurait, comme au temps des Gaulois, la principale
nourriture, et la population augmentant, on devenait de
plus en plus sévère sur l'exercice des servitudes usagères
établies dans le but d'assurer la subsistance de cet ani-
mal. Déjà, la loi des Wisigoths (4) nous offre des disposi-
tions fort étendues sur le droit de parcours des porcs dans
les forêts. Ce droit constituait une propriété privée, et ne
pouvait être exercé par chacun que sur son propre ter-
rain, ou entre copropriétaires du même lot [consortes) (5).
(1) Voy. Meaume, Inlroduction historique à la Jiirispriidnicc fores-
tière, g 25.
(2) Voy. Saint-Yon, Ordonn. des eaux et forêts, liv. I, tit. xxix,
p. 377. — Il ejîistc deux textes de cette ordonnance, l'un latin et l'autre
français. Ce dernier porte : « Des livrées qui se doivent faire aux usa-
gers. » On appelait livrées les délivrances de certains lieux et triages des
forêts qui leur servaient de limites pour la perception des droits.
(3) Voyez toutefois ce qui est dit ci-dessus des règlements établis [lar
€harlemagne pour ses forêts particulières.
(4) Lex Wisig. lib. VIII, éd. Canciani, p. IGl.
(5) Les consortes étaient les copropriétaires d'un même lot de terre, ori-
ginairement tiré au sort. Les lots gardèrent le nom de sortes, bien long-
d02 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Lorsqu'un propriétaire rencontrait dans les bois des porcs
ne portant point sa marque, il avait le droit de les mettre
sous le séquestre (1). Des dispositions analogues appar-
tiennent à la loi des Lombards (2). Le droit depaisson n'é-
tait pas entièrement synonyme de celui depanar/e. Il ne
comprenait pas celui de glandée, c'est-à-dire qu'il n'auto-
risait pas l'usager à emporter de la forêt des glands pour
la nourriture de ses animaux domestiques. La glan-
dée désignait uniquement le droit de panage dans les fo-
rêts de chênes, parfois ce mot s'appliquait au simple
droit de ramasser les glands tombés naturellement. Le
droit de prendre et de couper du bois dans les forêts roya-
les, jm capulandi (3), fut réglé avec une plus grande sévé-
rité, preuve de l'observation plus rigoureuse du droit de
propriété forestière. Charlemagne défendit les' coupes trop
abondantes (4), et les serfs chargés du caplim, c'est-à-dire
de la coupe du bois, furent assujettis à certaines obser-
vances. Le capitulaire de ri/lis de l'an 812 porte en effet :
« Ut sylvae vel forestes nostrae bene sint cusloditae, et
» ubi locus fuerit ad stirpandum , stirpare faciant et
» campos de sylva increscere non permittant. Et ubi
y> sylvae debout esse, non eas permittant nimis cnpulare
» atque damnare (5). »
Le soin que Charlemagne prenait d'empêcher la dévas-
tation de ses forêts, de veiller à leur conservation, semble
difficilement s'accorder avec la défense portée dans cer-
lemps après que la distribution no s'en faisait plus ainsi. Dans les
Ardennes, on désigne encore aujourd'hui i)ar le mot sorts les portions
de fonHs sur lesquelles se pratique l'opération du sarloge.
(1) Leg. Wisig. 1. VIII, lit. v, g 4, p. 161.
(2) Leg. Langobard. lib. I, tit. xxiii, g 7, éd. Canciani,p. 93, 138.
(3) Capitular. éd. Baluze, t. I, col. 300 et /)a5Sîm. ?
(4) Voy. Guérard, Polyptique de l'abbé Irminon, t. I, part, ii, p. 68.
(5) Càpilul. éd. Baluze, t. 1, col. 510, art. 13. éd. Pertz, g 36, p. 183.
i
CHAPITRE VI. 103
tains capitulaires (1) d'établir des forêts nouvelles.
M. Meaume explique cette apparente contradiction, en fai-
sant observer que les dispositions des capitulaires ne sont
applicables qu'à l'administration des biens royaux (2). Le
prince si attentif, si ménager pour ses intérêts, et auquel
n'échappe aucun détail dans le règlement du revenu de
ses terres, ne négligeait pas de rappeler à ses intendants
qu'on ne devait point laisser les forêts envahir les champs
cultivés; recommandation d'autant plus nécessaire que
lesjudices et les ?najores, qui avaient le droit de panage,
étaient intéressés à l'extension du sol forestier.
La plupart des auteurs ont interprété autrement le sens
du passage du capitulaire ou cet avertissement est donné,
et ils lui ont supposé une application beaucoup plus gé-
nérale qu'elle ne doit lui être attribuée, quoique la même
défense se reproduise en d'autres capitulaires et qu'elle se
retrouve dans la loi lombarde (3) : circonstance qui mon-
tre seulement que l'origine de cette mesure doit être
cherchée dans les habitudes introduites par les popula-
tions germaniques; elle se rattache au droit de garenne
dont il sera question au chapitre suivant.
Le droit de forêt {foresta) avait d'abord porté sur la ré-
serve appliquée à tout ou partie d'une forêt. Plus tard,
(1) Capilul. (le villis, g 36, édit. Baluze, col. 336; Capit. lib. lY,
j{ 65, col. 788.
(2) Meaume, Inlrod. histor, à la Jurisprud. forest. ^ 23. — L'argu-
mentation de cet auteur contre le sens général appliqué aux défenses que
publièrent les Garlovingiens, d'établir de nouvelles forêts, ne porte que
sur le capitulaire De villis, dans lequel cette défense pourrait se ratta-
cher à un simple fait de bonne administration des biens royaux. Mais il
est à remaniuer que les successeurs de Charlemagne rendirent ces dé-
fenses d'une manière générale, interdirent dans leur domaine toute nou-
velle forêt, et prescrivirent le déboisement de celles qui avaient été
établies sans leur permission. {Capitid. lib. IV, § 65, col. 788 ; Capilul,
Ludovic. PU, ann. 819, g 7, col. 612; g 22, p. 617.)
(3) Leg. Langobard. § 49, éd. Canciani, p. 193..
404 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
on distingua deux espèces de droit : celui de forêt propre-
ment dit : bannus si/lvestris, Forstbann, d'où naissait le
forestarium {\), et celui de chasse (Wiklhann, forestum)
qui comprenait aussi le droit de pêche {foreslaaquatica).
Le premier était nécessairement contenu dans le second;
mais l'inverse n'avait pas lieu; preuve que la j^ensée
d'assurer la conservation du gibier, de réserver au
seigneur les plaisirs de la chasse, était le principal motif
de ces dispositions législatives (2).
L'union étroite des droits de chasse et des droits de
pêche explique pourquoi la surveillance des eaux et celle
des forêts ont été, jusque dans ce siècle, confiées à une
même administration, celle des eaux et forêts. Le pouvoir
des rois ou des grands feudataires s'étant presque partout
substitué au droit qu'exerçaient originairement les habi-
tants des civitates, les grandes forêts [sylvœ) finirent par
entrer dans le domaine de ces puissants barons. Le do-
maine royal embrassa les principales forêts du nord de la
France. Les petits bois ou breuils (boscits), les brosses
[lucits), les forêts de peu d'étendue [nemus), appartinrent
soit à des monastères, soit à des seigneurs de rang in-
férieur. Les anciennes forêts communes de la Gaule,
comme plusieurs de celles de la Germanie, furent enva-
hies par les défens qui circonscrivirent ainsi chaque jour
davantage la partie attribuée à l'usage commun. Les
grandes marches forestières qui séparaient dans leprincipe
les cités, furent dès lors partagées en divers districts,
les uns concédés soit en propriété, soit pour l'usage, à
des monastères ou à des villes, les autres réservés par les
seigneurs pourleur jouissance j^ersonnelle. La conséquence
de cette division fut le démembrement d'une foule de
(1) Voy. Du Gange, Glossar. ?ub v» Forestagium.
(2) Voy. Anton, Gcschichte der deutschen Landivirthschaft, t. II, p. 1 33.
CHAPITRE VI. 105
grandes forêts en un certain nombre de forêts distinctes qui
prirent chacune des noms particuliers et ne tardèrent pas
à être séparées les unes des autres par des essarts, des
champs découverts dont les progrès de la culture éten-
daient graduellement la superficie. On voit parles Comptes
de saint Louis {\) que pour certaines forêts, ces subdivi-
sions étaient devenues singulièrement multipliées. Presque
jamais la forêt n'y est désignée par son nom géographique
et général. Il n'est question, le plus souvent, que de can-
tons forestiers dénommés d'après l'époque de la coupe, le
nom du propriétaire ou des usagers.
Sous les Garlovingiens, les grandes forêts du nord de la
France gardaient sans doute un développement consi-
dérable; cependant elles avaient subi de notables dé-
membrements et étaient déjà partagées en larges subdi-
visions constituant encore des forêts importantes; plu-
sieurs d'entre elles, devenues propriétés royales, sont men-
tionnées dans un capitulaire de Gharlemagne et dans un
autre de Charles le Chauve (2). Du Gange (3) en arecueilli
les noms et a déterminé leurs équivalents modernes ;
nous nous aiderons de son travail.
La vaste forêt des Sylvanectes, dont j'ai parlé au cha-
])itre ïi, et qui s'étendait depuis les frontières du Parisis
jusqu'à travers le territoire des Suessions et des Veroman-
duens, avait été défrichée sur divers points, et un grand
nombre de villas royales furent élevées sur son sol, villas
ayant chacune à l'entour un parc de chasse, qui était une
(1) Voy. les ComjHes de soinl Louis, t. XXI, p. 250 et suiv. des Hislo-
riens de France.
(2) Capilid. Carol. Magni, XLIII, 22. Cf. Capilul. éd. Baluze, t. 11,
col. 2G8. Le capitulaire de Charles le Chauve, qui est de l'amiée 877,
('iDumère, comme il a été dit, un certain nombre de forêts où Louis, fils
de ce monarque, ne doit pas chasser en l'absence de son père.
(3) Glossar. \° foreste dominicum, t. III, p. 350, éd. Henschel,
106 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
fraction de la forêt primitive (1) ; celle-ci avait alors fait
place à des forêts séparées que nous allons faire connaître.
La forêt appelée Cotia ou Coatia, Caucia sylva (2), nom
qui futplus tard altéré en celui de Guise, répondaità la plus
grande partie de la foret de Compiègne actuelle. Son ap-
pellation montre qu'elle comprenait la partie centrale et
principale de l'ancienne forêt des Sylvanectes, désignée
auparavant, comme je l'ai remarqué, par le nom seul
de la forêt (Z). Car il est tout naturel de supposer que la
partie centrale ou principale de la forêt des Sylvanectes
avait gardé le nom imposé d'abord à la forêt tout entière.
Ce nom se retrouve d'ailleurs altéré dans l'appellation
d'un grand nombre de villages et de bourgs construits
en divers points de l'ancien territoire de la forêt, tels sont :
Coucy, Quincy, Cuissy, Cuisy, Choisy. Lès mêmes noms
reparaissent en beaucoup d'autres régions de la France,
et il faut leur rattacher ceux de Cuisance^ Cidseaux,
Cuisei^ey, Cuisery, Cuisiat, Chessy^ Crécy ou Cressy (4) et
Chaource (5) indiquant tous l'existence d'anciennes forêts.
La forêt de Cuise se subdivisa elle-même en deux autres :
1" celle de Cuise, nommée dans la suite forêt de Com-
piègne, et qui a valu leurs noms à Choisy-au-Bac (6),
(1) L'une de ces villas, celle qui était située à peu près à son centre,
prit le nom de Sylvanectis Palatium, et a été l'origine de Senlis. Voyez
Du Cange, Glossar. t. V, p. 25.
(2) Grégoire de Tours, Hislor. Franc. l\, 21. — Fredegar. chron.
cont. g 104. Fortunat, Vil. S. Medardi, p. 405, cd. L. d'Achéry. Gesta
regum francorum, ^ 29.
(3) Voy. ce qui est dit plus haut, p. 53.
(4) Le nom de Choisy est rendu dans les cRartes latines par Cauciacum :
peut-être le nom de Crouy (en latin Croiciacwn), porté par un village
où existait un palais royal, au moyen âge, a-t-il la même étymologie.
(5) La forme latine était Catusiacum, nom d'une station romaine de
la Gaule. Voy. Ilinerar. AtUonini, éd. Parthey et Pinder, n» 381, p. 183.
Plusieurs bois portent en France le nom de Chaource.
(C) En latin Cauciacus, Cociacus ou CUosiacus. Voy, sur le nom d'-
CHAPITRE VI. 107
village dont la foret tira son nom de forêt de Choisyfl),
et à Cuise-la-Motte, village situé à l'extrémité nord-
est de la même forêt; 2° la forêt de Laigiie (Lisica),
sise au nord de la forêt de Compiègne et dont j'aurai
occasion de reparler en traitant des forêts de cette partie
de la France, au moyen âge. M. S. Prioux, dans son ex-
cellente carte de la Civitas Suessionum, a donné approxi-
mativement la topographie de ces deux forêts, à l'époque
romaine. Nul doute que la voie qui allait de la ville des
Sylvanectes à Noviodiimim (Soissons), et qui coupait la
forêt de Cuise au sud-est, n'ait amené de très-bonne
heure dans cette direction un défrichement partiel. Des
monnaies dont aucune n'est postérieure au règne de Gor-
dien P*", découvertes en un lieu de la forêt de Compiègne,
qui paraît avoir été une station de la voie allant de Senlis
à Soissons (2), prouvent que, dès la moitié du iii^ siècle
de notre ère, cette forêt fut traversée par une route. Toute
la rive gauche de l'Aisne était dégarnie d'arbres entre
Noviodwium et la petite rivière de Vandy . Selon M. Prioux,
la frontière septentrionale était marquée dans cet espace
par une ligne brisée passant par Dommies, Missy-au-Bois,
Vierzy et Parcy. La forêt avait pour borne, à l'est, le
ruisseau appelé Crise, et au sud, la petite rivière • d'Au-
tonne. Quant à la forêt de Laigue, la carte du même au-
teur la conduit jusqu'à l'Oise, qui doit lui avoir de tout
temps servi de frontière. A l'est, elle s'arrêtait à une ligne
cette localité, de Ponton d'Amécourt, Essai sur la numisynalique méro-
vingienne, p. 77.
(1) Ainsi le lieu de la forêt de Cuise, appelé Casjius, et plus tard le
Chêne Ilerbelot, entre Chellea et Retheuil, où fut fondée une abbaye, après
la mort de Charles le Chauve, est indiqué comme se trouvant dans la
furêl de Choisy. Voy. Historiens de France, t. VIII, p. 544, 545.
(2) S. Prioux, Civitas Suessionum, Mémoire pour servir d'éclaircis-
sement à la carte des Suessions, p. 61. Voy. l'article de M. A. deRoucy,
Revue numismatique, nouv. série, t. VIII, p. 463.
108 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
(jui unit Attichy, Saint-Crépin-aux-Bois, Tracy-le-Mont. \\
Cette forêt était traversée par une voie romaine allant de *'
Ghoisy-au-Bac à Blérancourt. Elle dut originairement
s'avancer jusqu'à la voie romaine qui conduisait de
Soissons à Saint-Quentin, puisque nous trouvons, 'au
delà de la frontière orientale qui lui est assignée
dans la carte de M. Prioux, une localité ayant retenu
le nom de la forêt primitive; c'est Cuisia in allô
monte, aujourd'hui Cu'mj en Ahnont , où existait, au temps
de Brunehaut, une villa que cette reine donna à l'abbaye
Saint-Médard de Soissons (1). Ajoutons que l'extension pri-
mitive de la Cotia sijlva dans cette direction est attestée
par l'application de ce nom {Coda ou Cuisia) à un can-
eton où l'on comptait plusieurs petites forêts (2).
La forêt de Ver ou de Verncuil {Vernensis sylva) qui
englobait peut-être celle de Villers-Cotterets (3), était
contiguë à celle de Cuise ou en était au moins très-voi-
sine(4;. Cet autre démembrement de la grande zone boisée
(l; Prioux, ouv. cité, \). 80, 101.
(2) On trouve mentionnés dans les Comiitos de saint Louis, Vendo
Baornœ in Cuisia, Venda Haseii in Cuisia, — Hisloriens de France^
t. XXr, p. 275.
(3) On pourrait croire de prime abord que le nom de Villers-Cotterols
est dérivé de celui de Colin, mais ce nom est une abréviation pour Vil-
lers-Coste-Rez [Villarc juxla Coslum Resli), Du Cange, t. V, p. 26.
(4) CapH. Caroli Magni ann, 808, c. x. Quelques érudits ont regardé
cette forêt comme étant celle de Verneuil en Normandie; il nous parait
plus naturel d'y reconnaître celle qui entourait la ville de Verberie. jadis
Vrrnbria, Vermeria, Verbrio, où Charlemagne avait fait bâtir un palais
vaste et magnifique, et où les Mérovingiens possédaient déjà une maison
de plaisance, forêt qui a sans doute laissé son nom au village de Ver,
situé entre Compiègnc et Paris. Verberie n'a plus, il est vrai, de fonHs
sur son territoire, qui ne présente que quelques bosquets (voy. Caml^ry,
Description du dcparlemenl de l'Oise, t. II, p. 131) ; mais dans ses en-
virons, on découvre des traces d'une forêt qui allait se joindre à celles de
Compiègnc et de Halalte. Nous savons d'ailleurs que Ciiarlemagne avait,
dans les environs de la forêt de Ilaiatte, une villa ajipelée Verncuil.
C'était évidemment celle qui donnait son nom ù la forêt. Quant h la 1er-
CHAPITRE YI. 109
des Sylvanectes est prolDablement la forêt que l'on trouve
désignée dans certains documents par le nom de \'e-
rwja (1). Tout donne à penser que la forêt de Coucy qui
devait s'avancer au sud jusqu'à Crécy-au-Mont, que celle
de Fère, contiguë à celle de Ris, avec laquelle elle ne fai-
sait vraisemblaiilement qu'un, sont aussi des démembre-
ments de la même marche forestière, représentée encore,
au ix*" siècle, comme formant des retraites singulièrement
profondes : densissimi saltus, dit un hagiograplie (2).
Toutefois la présence de nombreuses antiquités gauloises
et romaines à Fère-en-Tardenois, atteste qu'au nord de
la forêt qui porte son nom, le pays, dès l'époque celtique,
était cultivé et habité (3). La Cotiasijka ou forêt de Guise
est d'ailleurs mentionnée sous les Mérovingiens comme
une forêt particulière où allaient chasser les rois ; Glo-
taire P' y fut saisi de la maladie dont il mourut (4). Elle
s'était donc dégagée de la grande forêt des Sylvanectes
antérieurement à l'arrivée des Francs. Du démembrement
de la partie orientale de celle-ci sortirent un certain nom-
bre de forêts. Le prompt développement de l'agriculture
et de la richesse dans le Soissonnais, et le Laonnais, ex-
plique pourquoi, de très-bonne heure, les défrichements
prirent une notable extension de ce côté; d'ailleurs, le
territoire des Suessions, quoique de médiocre étendue,
était déjà fort peuplé à l'époque de César (5). Citons
miuaison bria, elle appartient à un radical celtique [Briga, Bria) qui
iinplicjuo l'idée de boue, de pays humide, et se retrouve dans les
noms de Brie, Bray, Bresse, Brenne, etc. Voy. sur la position de la forêt
de Ver et du Vernum Palaiium qui y avait été construit, Du Cange,
Oloss. t. V, p. ■ 26.
(1) Voy. Hisloriens de France, t. VI, p. 539.
("2) Vita S. Drausii, ap. Historiens de France, t. III, p. G 10.
(3) Prioux, ouv. cil., p. 103.
(4) Grégoire de Tours, Hisior. Franc. IV, 21.
(5) Cecsar, De bcll. gall. II, 4.
MO LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L ANCIENNE FRANCE.
ies principales forêts formées du démembrement de la.
partie orientale de la forêt des Sylvanectes : Celle de Sa-
mouci {Salmotiacum foreste) {\), qui subit depuis de no-
tables réductions; celle de Selve {Silvacum foreste) (2),
dont le nom rappelle à la fois celui des Sylvanectes et
celui de Servais donné, comme on l'a yu plus haut, à un
démembrement méridional de la même forêt, nom qui
n'est vraisemblablement que la transcription latine du
mot Cûtia ; cette forêt fit imposer le nom de Silvacum (3)
à un palais des Carlovingiens construit sur sa lisière et
qu'il faut rapprocher de celui de Se7'vais porté par un
village qui en occupa l'emplacement, près de La Fère ; la
forêt de Voës ou de Y osa^e {Vosagus sylva, Vosagum fo-
reste), située au sud de Laon, et (^ue la forme de son nom
a fait mal à propos confondre avec les Vosges (4) ; c'est
vraisemblablement dans cette forêt de Voës que le roi
Ooutran allait chasser le bœuf sauvage {bubahis) (5) et que
(1) Diplomal. Caroli Calvi, ap. Historiens de France, t. VIII, p. GGO.
(;f. Du Gange, Glossar. éd. Henschel, t. III, p. 350.
(2) Du Gange, Gloss. cit. t. III, p. 350.
(3) Annal. S. Berlin, ap. Historie7is de France, l. YIII, p, 879; Cl",
l. XII, p. 271. C'est dans cette résidence royale que Gharles le ChauM-
ijij rendit en 865, venant d'Attigny, pour y passer le carême et les fêtes
lie Pâques. Annal. S. Berlin, an. 865, dans les Historiens de France,
t. VII, ]i. 89. On a identifié à tort la forêt de Ver avec celle qu'on
trouve désignée sous le nom de Vedogiensis Sylva (Du Gange, Glossar.
1. III, p. 350); car cette dernière forèl, appelée aussi Sylva Videgonia,
>o trouvait dans l'Amiénois. Voy. Gallia christiana, 2^ édit. t. X, col. 280.
(4) Au centre do cette forêt s'élevait une habitation royale où Char-
iemagne et son fils résidèrent en 80o, habitation que l'on plaça mal à
jiropos dans les Vosges, à Champ-le-Duc, quand on eut confondu la forêl
ih: Voës avec le Saltiis-Vogesiis. Voy. Lepage et Gharton, le Département
(les Vosges, t. II, p. 95. Celte confusion a donné naissance à quelques-
unes des traditions héroïques qui se rattachent, chez les Allemands, à la
forêt des Vosges. Voy. W. Grimm, Die deutschc Hcldensage, p. 90.
(5) Grégoire de Tours. Histor. Framor. X, 10. C'est dans cette forêi
que fut foiidêf l'abbaye de Prémontré. « Tune cpiscopus duxit eum lu
Sylvara Vosagum, ostenditque in i])sa locum quemdam qui Pratum mous-
CHAPITRE VI. 111
Chundon fut pris avant d'être envoyé à Châlons. Louis le
Débonnaire aimait aussi à s'y livrer à la chasse (1) ; la
forêt de Kiersy ou Quiersy-sur-Oise {Karisiacwn foreste)
était pendant l'automne le théâtre des exploits cyné-
gétiques du même monarque ; elle s'étendait jadis
entre l'Ailette et le chemin de Blérancourt à Noyon (2).
Cette dernière forêt séparait l'ancienne Cotia sylva ou
i'orêt des Sylvanectes de celle des Ardennes (3), sans
doute bien considérable encore, mais dont s'était pourtant
détaché un certain nombre de forêts distinctes qui ser-
virent dépares à autant de palais royaux (villœ regiœ) (4),
à savoir: les forêts d'Attigny {Attiniacum foreste) (5),
d'Héristal ou Herstal (6) {Aristallmn foreste), de Wara
ou Vavra Ci) autrement dit de Voivre (8), de Ste-
iraUim vel Prfpmonstratum vocatur. » — Herman. Laudunens. ap. Histo-
riens de France, t. XII, p. 271. — Les traducteurs de Grégoire de
Tours ont confondu cette forêt avec celle des Vosges ; d'autres ont été la
chercher près du Berry. Voy. A. Jacobs, Géographie de Grégoire de
Tours, p. 415.
(1) Eginhard, innrt^. an. 817, 821.
(2) Eginhard, Annal, an. 808. Cf. Melleville, Dictionnaire hislorique
du département de V Aisne, t. II, p. 260. Au siècle dernier, cette forêt ne
contenait plus que 200 arpents.
(3) Arduenna sylva. — Annales Francor. ann. 802, 804, 813. 819,
822, 823. Grégoire de Tours écrit : Ardoennensis sylva, et Frédégaire,
Ardenna.
(4) Ainsi la forêt d'Aix-la-Chapelle [Aquisgranensis foresia), canton
de la forêt des Ardennes, était le parc de Gharlemagne et de ses succes-
seurs. Voy. Du Gange, v Foresta, éd. Henschel, t. III, p. 350. Non loin
<rAix-la-Ghapelle, une autre villa royale, Gardina Palalium, avait été
construite dans les Ardennes. Du Gange, t. V, p. 21.
(5) Du Gange, v° Palalium regum., t. V, p. 2t.
(G) Annal. Francor. an. 823. Cf. Du Gange, Glossar. v° Palalium.
(7) Du Gange, Gloss. t. V, p. 26. — Capitul. Caroli Magni, an. 877.
(8j G'est cette forêt qui a valu son nom au Vabrensispagus, Wavrensis
Comilatus (Pays de Voëvre ou Voivre), souvent cité dans les documents
de l'époque carlovingienne, et qui était compris entre Longwy et Gom-
mercy; j'en reparlerai plus loin. Des bois^ des forêts de la Lorraine, de
la Champagne et de la Franche-Comté portent ce même nom de Voivre
ou Voëvre, qui a passé à des villages construits sur l'emplacement de
!
112 LES FORÊTS DE L.V GAULE ET DE L ANCIENNE FRANCE.
nay ou Astenay {Astenidum ou Satanacum foresté) (1).
Les forêts qui couvraient dans le principe le territoire
(les Atrébates, des Ambiains et des Morins, étaient, à la
même époque, subdivisées en plusieurs grandes forêts, en-
tre lesquelles nous citerons: celle d'Orville en Picardie (.4/^-
driaca ou Odriaca sylva) (2), celle de Lens (3), celle de Cressy
{Cresiacum foresté) (-4) ou Forestis Sijlva (o), dans lafjuelle
Ebroin prit et mit à mort Leudésius, maire du palais de
Dngobert II. Nous reviendrons sur quelques-unes de ces
forêts, en traitant de l'état forestier de l'Artois et de la
Picardie. Ce qui vient d'être dit suffit à indiquer le ca-
ractère essentiel des grandes forêts, à partir de l'époque
carlovingienne et même des derniers temps de l'époque
mérovingienne : elles furent surtout destinées à servir
de parcs de chasse aux souverains et aux seigneurs;
l'on va voir que ce fut là une des causes qui contribuè-
rent le plus, à l'époque suivante, au reboisement do
notre pays.
forêts ainsi appelées. On i»ûut citer notamment le Bois-de-Voivrv, situt-
dans la Haute-Marne, au sud de la foret de Maréchats et Relanvaux.
Yoy. Jlisloriens de France, t. VU, \>. 110, note 1. Cf. D. Calmet, .Vo/ùv
de lu Lorraine, t. II, \). 989. A. Jacobs, Géographie de Grégoire de
Tours, p. 405.
(1) Du Gange, Glossar. t. III, p. 350.
(2) Cette forêt aurait pris son nom, selon d'autres interprètes, non il'Ur-
ville près Doulens, mais d'Aire en Artois où ils placent la villa royak-
dont parlent les Annales S. Dcrlini, ann. 863, 867, 873, 875. Cf.
Eginhard, Episl. LIV.
(3) Du Cange, Glossar. t. III, p. 350. v^Foresla.
(4) Cette forêt est désignée dans Frédégaire par le nom de Criscecuin,
forme qui indique qu'à l'époque carlovingienne, le mot (7o<jadovenuensiiiti-
Coalia avait subi dans sa prononciation gulluraic une nouvelle altération
qui amena l'insertion de r. Evidemment le c était prononcé comme nh
dans le mot coal, col. — Voy. sur cette forêt, A.Jacobs, Géographie df
Frédégaire, p. 443.
(5) Voy. Diplom. Caroii Magni, d\>. D. iJoviquet, Ilisloriens de l'ranrr.
t. V, p. 759.
CHAPITRE YI. 113
En résumé l'état forestier de la Gaule, sous la première
race et au commencement de la seconde, ne devait pas être
bien différent de ce qu'il était sous les Romains. Le seul
trait qui différencie les deux époques, c'est que, de plus en
plus coupées par des chemins, les forêts anciennes encore
subsistantes tendaient à se partager en plusieurs forets
distinctes.
114 Li:S FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
CHAPITRE VIL
KETOIH PAUTIKI, lUC LA FRAN'CE A SON ANCIK.N ÉTAT I-ORKSTIKI: . — l'i
DROIT DE GAREX.NE,
Les guerres dont la Gaule eut tant à souffrir, du m*' au
VI'' siècle, amenèrent la dévastation d'un grand nomi)i(;
de furets. Les armées ennemies y portèrent le fer et le
feu. La profondeur des forêts gauloises, leur inextrica-
bilité en faisaient pour les vaincus des retraites natu-
relles; mais elles ne demeurèrent pas longtemps inex-
pugnables. A la fin du iii^ siècle, les Bagaudcs (1), qui
défendaient contre la cupidité romaine leur travail et leur
indépendance, se réfugièrent dans les forêts et reprirent le
genre de guerre propre à leurs ancêtres (2). La guerre de
partisans rendit les campagnes peu sûres ; en une foule
de lieux, les colons abandonnèrent leurs cultures pour se
réfugier dans les villes ; les -champs laissés en friche se re-
couvrirent peu à peu d'une végétation arborescente; la forêt
ressaisit son empire (3). Plusieurs forêts s'élevèrent même lu
où avaient existé des vicus et dts habitations. Quand les
barbares, Alains, Suèves, Vandales, Gothsou Huns s'abat-
tirent sur la France, ils détruisirent bien des centres de
(1) Ce nom çst dérivé do Bagad, qui signifie, en celte, « rassemble'-
ment. » Les Bagaudcs {Dagaudii) étaient des bandes qui infestaient le
pays.
(2) C'est ce qui résulte de la comédie de Querolus. (Voyez, ù ce sujet,
les recherches de M. A. de Courson, Histoire des peuples bretons, t. I^
p. 137.)
(3; « Adeo major esse cœperat nuincrus accipientium (juam (iaiilinin..
ut enormitate indictionum, consuniplis virihus colonorum, dt sererentur
agri et culturjp, verterentur in sylvam. » dit Lactance, en parlant dos.
provinces romaines à cette époque. (De mort, perscc. ^ 7.)
•I
CHAPITRE VII. 115
population, et sur les ruines qu'ils avaient faites, les forêts
reparurent. Un hagiographe (l) nous rapporte un fait
de ce genre. Sur la colline de Magdunum (aujourd'hui
Meung), dans \e pagus d'Orléans, était une forteresse dont
les Vandales s'emparèrent et qu'ils rasèrent jusqu'au sol ;
aucun être vivant ne resta sur cet emplacement : les arbres
y poussèrent, et ce lieu, auparavant rempli d'hommes
renommés, fut réduit à n'être qu'une épaisse forêt (2). Les
Sarrasins, dans le midi de la France, les Normands dans le
nord, opérèrent des dévastations dont les conséquen-
ces durent être les mêmes. C'est au premier de ces peuples
ou aux Goths qu'il faut attribuer l'abandon des salines de
Salces, exploitées jadis par les Romains avec un grand
succès (3), et qui se changèrent en marais infects (4). Au
temps de l'invasion des Arabes, des bois de pins et de
chênes lièges remplacèrent sur le littoral méditerranéen,
à l'est de Marseille, les plantations d'oliviers qu'y avaient
établies les Phocéens, et dont l'existence est attestée par
les souches que le sol recèle encore. « Ces souches, écrit un
savant forestier (5), sont tellement nombreuses dans quel-
ques cantons, que leurs rejetons recherchés dans les bois,
détachés avec un peu de racine et plantés dans les champs
cultivés pour être plus tard greffés en place, tiennent
lieu de plants élevés en pépinières. »
(1) L'autour de la Vie de S. Liphard.
(2) a Est autem mons in Aurelianensi pago, qucui ejusdemincola^ rc-
gionis Magdunum appellant; in quo ab antiquis castrum fuerat aîdilica-
tum, quod crudcli Wandalorum vaslalione ad solum usque dirutum est.
Nemine autem rémanente habitatoie, nemoribus hinc inde succrescenti-
hus, locus idem qui elaris liominum xjonveulibus quondam replebatur, in
densissimam redactus est soliludineni. » (Bolland. Acl. SS. III jmi.
p. 300.)
(3) Pomponius Mêla, De siiii orbis, III, "2.
(4) Voy. J. J. Baude, Les Ctles du Roussillon, dan?, la Revue drs Deux-
Mondes, ann. 1844, t. III, p. 1.
(5; A. Ysabeau, dans /es Annales forestières , t. XllI, p. 301.
116 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Lors de leurs incursions au diocèse de Reims et sur les
bords du Rhin, les Normands abattirent une foule de vil-
lages, brûlèrent des abbayes (1), et laissèrent partout le
champ libre aux forêts, qui, déjà largement distribuées
dansle pays, n'eurent qu'à étendre quelque peu leurs lignes
pour englober dans leur domaine les points antérieure-
ment habités.
Des ruines romaines découvertes dans certaines forêts
du Haut-Rhin, dans celles de Grand (Vosges), de Banville
(INIeurthe), et où se reconnaissent de^ restes de bourgades,
prouvent l'envahissement par la végétation forestière de
lieux jadis haiiités et cultivés. D'autres ruines romaines
ont été retrouvées à la Petite-IIoussaye, dans la forêt de
Brotonne, en Normandie (2), dans celle de Beaumont-le-
Roger (Eure) (3). Le plateau de Lcinenberg, prèsd'Abres-
chwjller en Lorraine, aujourd'hui tout boisé, fut jadis
cultivé (4).
Ces causes de reboisement n'étaient pas les plus acti-
ves, comparées à celles qu'amena l'établissement du ré-
gime féodal. La propriété particub'ère et libre disparais-
sait chaque jour davantage de notre patrie, pour faire place
à la domination seigneuriale. Les forêts par leur impor-
tance, à raison des droits qui s'y rattachaient, tombèrent
toutes nécessairement, comme je l'ai noté plus haut, sous
l'autorité du seigneur, qui se substitua à la propriété
communale. Tandis que la majorité des grandes forêts
conlinuaient à dépendre du domaine de la couronne,
(|u'une foule d'autres étaient possédées par les abbayes,
(1) Voy. Depping, Ilisl. des expéditions manlimcs des Normands,
lîv. Il, c. VI; liv. m, c. I.
(2) Annales forestières, t. III, p. 197, 546.
(3) Hii(Jel)leiJ, Dictionnaire topof/raphirjue, slalisliquc et Iiislorifjiie
du département de l'Eure, p. 37. Évreux, 18i0.
(V H. Lf'pago, Le Département de la Meurtlir^ t. Il, p. 43,
CHAPITRE Vir. 117
auxquelles elles avaient été concédées en relourdes défri-
chements dus aux moines, ou pour des motifs de piété,
le reste des forêts était graduellement englobé dans le do-
maine seigneurial. C'étaient les seigneurs qui distribuaient
et réglaient l'affouage, les droits de panage et de pacage ; et
modelant leur autorité sur celle du prince suzerain, ils
restreignaient de plus en plus les droits des usagerscomme
les premiers rois carlovingiens l'avaient fait pour les fo-
rêts de leur domaine. Telle était la liaison qui finit par
s'établir entre les idées de seigneur et de propriétaire de
forêts, qu'on en vint à exiger, jusqu'à un certain point,
cette dernière qualité de celui qui était revêtu de la pre-
mière, et que, dans plusieurs contrées, notamment dans
l'Anjou, ce fut une règle que le justicier de certaine classe
devait avoir forêt, comme si, dit Ghampionnière (i), la
marque essentielle de la justice dût être l'effet le plus terri-
ble de la conquête et de la désolation. Les prélats s'arro-
gèrent aussi, à titre de seigneurs, les droits de forêts,
qu'ils concédaient ensuite, en lout ou en partie, aux moi-
nes, leurs subordonnés spirituels (2).
Les droits de forêt et de garenne furent de véritables
calamités établies par l'autorité du bannum (3). En Alsace,
en Lorraine, comme dans les contréesgermaniques situées
au delà du Rhin, l'existence traditionnelle des forêts com-
munes s'opposa à ce que l'usurpation du seigneur devint
aussi complète et aussi générale. C'est ce qui explique
comment la plupart des forêts y purent conserver le
caractère de propriété commune; mais les seigneurs con-
(1) Ghampionnière, De la ■propriélé des eaux courantes, p. 68.
(2) "Voyez, notamment, la concession faite en 1128 par Adelbcrt, ar-
cliovèque de Mayence, et celle de Herman, archevêque de Cologne, on
1090, citée plus haut.
(3) Voy. Çhampionnière, De la propriété des eaux courantes, p. 5G7.
118 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
fisquèrent parfoîs à leur profit les droits d'usage et ne les
rendirent qu'à titre de concession volontaire et toute libé-
rale (1). lis s'efforçaient de légitimer leur droit de pro-
priété, en se donnant l'apparence d'octroyer aux usagers
des droits dont ceux-ei étaient déjà en jouissance et que la
charte de concession prétendue ne faisait que rappeler en
réalité (2). Cette charte était souvent même rédigée en vue
de les restreindre, faute de pouvoir les supprimer com-
plètement; elle ne les accordait qu'en certains cantons de
la forêt. Ces faits expliquent pourquoi en Alsace, en Lor-
raine, aussi bien qu'en Allemagne, l'état forestier ne tra-
versa pas les mêmes vicissitudes que dans le reste de la
France. En même temps que les forêts primitives demeu-
raient plus intactes, ce qui a été déjà remarqué plus
haut (3), le droit de garenne ne fut pas aussi efficace pour
opérer le reboisement des parties anciennement défrichées.
L'usurpation était plus difficile, quel que fût son objet,
soit que le seigneur voulût s'approprier la forêt, soit qu'il
prétendit, pour ses plaisirs ou ses besoins, transformer en
forêt des terres dont la population rurale avait lajouissance
ou la propriété. Plusieurs nobles durent revenir sur les
usurpations par eux tentées et rendre les forêts qu'ils
avaient incorporées dans leur domaine (4).
Le droit de garenne n'était au reste qu'une dérivation
(1) Voy. Schœpflin, Alsatia diplomnlica, t. I, p. 230, n» 270. En
Alsace, les droits d'usage forestiers demeurèrent toujours très-largos.
En certains lieux, l'usager avait même le droit de vendre. (Yoy. Meaumi>,
Comm. du Code forest. t. I, part, ii, p. 892.)
(2) C'est ce (jui résulte de la charte émanant de l'abbesse d'Andlau,
qui date de 1145, et que cilcSchœpllin.
(3) Vpy. ce qui a été dit p. 79.
(i) Ainsi, en 10G3, l'empereur Henri IV restitue au chapitre d'L'-
Irecht une forêt qui avait appartenu à ce chapitrcj s'exprimant en ces
termes: « In cnedendis lignls et venatione et pascuis ex omni utilitatc. »
(Ileda, Ifistor. episc. l'ilraj. p. 130.)
CHAPITRE VII. ' 119
du droit de forêt. Ce mot de garenna ou icarenna, déri\'é
du germain icarcn, « défense, » avait originairement la
même signification que le mot forestcUa, diminutif de
foresta, ainsi que cela ressort du passage suivant d'une
charte de 1209 (1) : « Forestella illa quae garenna vocatur,
priori de Pargis extra partem meam et successorum meo-
runi comitum Campania^, libéra i emanebit. »
La législation carlovingienne, qui semble avoir interdit,
en certains cas, dans l'intérêt de l'agriculture, l'établis-
sement de nouvelles forêts, a complètement disparu au
x*", au xi*" siècle, et dans les siècles suivants. Les seigneurs
ne songent plus alors qu'à leurs chasses, et veulent avoir
les forêts les plus étendues possible (2). La distinction
des deux classes de bois est fondée sur leur destination
purement cynégétique. Les grandes forêts sont celles où
l'on chasse les ours, les buffles, les cerfs, les sangliers;
les garennes sont les forêts de moindre venue où vivent
les lièvres, les lapins, les perdrix, les faisans. Une charte
d'Edouard III, roi d'Angleterre, statue sur la question
de savoir si les chevreuils sont bêtes de forêt ou de ga-
renne, et, de l'avis de ses seigneurs hauts-justiciers, le roi
décide que le chevreuil est un animal de garenne et non de
forêt : « Videtur tamen justitiariis et consiliodom. régis,
quod caprioli sunt bestiae de warenna et non de foresta(3). »
« L'établissement des premières garennes, dit M. Cham-
pionnière, qui nous sert de guide ici (4), ne fut que la con-
(1) Cliampionnièi-e, ouv. cî(. p. G4, et Du Gange, Glossar. sub v» Wa-
renna.
(2) Aussi, vers ceUe époque, le cor ou la corne, destiné à servir d'ins-
trument d'appel à la chasse, devint-il le symbole de la possession d'une
Ibrêt, en vertu d'un usage qui parait d'origine germanique ou au moins
danoise. (Voyez, à ce sujet, le Mémoire de M. Pegge, dans ïArcItœologia
vol. III, p. 3.)
(3) Championnière, ouv. cil. Du Gange, ouv. cil.
(4) Ouvr. cité, p. 05 et suiv.
120 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
tinuation des ravages de la conquête, mais plus odieuse
peut-être que les incendies et les meurtres de l'envahisse-
ment. Le soldat qui dévaste les récoltes et fait périr les
habitants du pays où il pénètre, les armes à la main,
trouve une excuse dans la nécessité de la guerre et les
dangers que lui- même a courus; mais, lorsque les peuples
vaincus ont déposé la résistance et que des traités ont
permis aux vainqueurs de jouir des fruits de leur con-
quête, l'abus de la force, au préjudice des populations qui
ne se défendent plus, est un fait tyranniquedont le temps
et la possession ne sauraient légitimer les conséquences. »
Que les premiers établissements de garennes, de forêts
et des banalités de diverses espèces, aient été le résultat
habituel de la violence, c'est ce qui ressort d'un grand
nombre de documents contemporains, surtout des monu-
ments judiciaires. Pour preuve, il nous suffira de rappeler
le procès élevé en 1259 entre un certain Jean de Moy
et ses hôtes , qui avaient eu à souffrir des vexations
de son père Drogon. Celui-ci, après avoir abusé de sa
position, jier potentiam suam , pour établir une ga-
renne sur les vignes, les blés et les jardins de ses hôtes,
hospites sîios, puis obtenu d'eux une somme considérable
sous la promesse d'y renoncer, était parvenu par violence,
pe)' vim suam iterum lecarit , à la rétablir, malgré la foi du
serment, hoc ipsisjuravit. Jean de Moy prétendait mainte-
nir cette garenne au mépris de tout droit (1). Dans le plus
grand nombre des procès de ce genre, les réclamants attri-
buent à la même cause l'établissement de la garenne con-
testée (2). Citons comme autre exemple le fait suivant :
Il est dit, dans un cartulaire de l'abbaye de Saint-
Ci) Oliin, éd. Beugnot, t. I, 83. Enquêtes, 1259.
(2) Championnière, De lapropriclé des eaux couranies, p. 73. Cet au-
teur cite encore plusieurs autres espèces curieuses.
Il
CHAPITRE YII. 124
Serge (1), qu'Adam, fils de Thibaud, avait, près de Braël
{juxta Braellum), une terre nommée Ralée {Baleium) dont
il avait hérité de ses ancêtres. Elle était environnée par
des forêts appartenant à Widon , seigneur de Laval, et à
André, seigneur de Vitré. Un jo?ir Hervé ayant fait obser-
veràces seigneurs, dontil était leforestier, l'avantage qu'ils
auraient à agrandir leurs forêts en envahissant le do-
maine du sieur Adam, Widon et André s'en emparèrent
aussitôt, sans forme de procès. En vain le possesseur dé-
possédé protesta-t-il contre la violence dont il était vic-
time; les récriminations et les plaintes furent inutiles:
les seigneurs de Laval et de Vitré étaient gens puissants;
il lui fallut se résoudre à perdre son bien. Il ne cessa pas
toutefois de réclamer, durant plusieurs années. Devenu
vieux, Adam tenta une dernière démarche; il alla, en-
touré de tous les siens, supplier André de Vitré. Celui-ci
se laissa fléchir; mais il ne consentit à rendre au vieillard
son domaine, converti en forêt;, que sur la promesse d'en
faire don à l'abbaye de Saint-Serge, dans laquelle Adam
prit, ainsi que son fils, l'habit de moine.
Le droit de garenne persista longtemps; on le trouve
formellement consacré dans les Etablissements de S. Louis
où il est dit : « Hons coustumiers si fet s^tixante sols d'a-
mende, se il brise la sesine de son seigneur ou il chace en
ses garennes ou. il pesche en ses étangs ou en ses defois (def-
fens). » Une ancienne coutume de France, citée par Du
Gange, au mot Feudum, faisait de la violation d'une ga-
renne un cas de commise : « Le vassal perd son fief quand,
par mal talent, il met la main sur son seigneur à tort, se
il arme contre lui, se sans congié il pêche en ses étangs et
(1) Voy. les preuves de V Histoire de Bretagne, do D. Lobineau, t. II,
ann. 1073, col. 258,
122 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
OU il chasse en sa garenne. » Mais la civilisation avait déjà
fait de notables progrès; la commise et l'amende de
soixante sous ont remplacé les cruautés des seigneurs du
xr siècle. Un arrêt de 4270, rapporté par Guénois (1), dé-
clare également amendable celui qui prend cerf ou biche
au lieu où il y a garenne. Enfin, dans les nombreux procès
inscrits au registre des Olhn, la garenne est considérée
comme un droit légitime, ayant le même caractère que le
droit de corvée, de moulin banal ou tout autre élément de
la puissance seigneuriale (2).
Si les garennes ne comprirent pas des provinces entières,
elles s'étendirent au moins sur de vastes possessions et des
biens de toute nature. Moins destructives que les forêts,
e'ies n'entraînaient pas nécessairement là ruine des popu-
lations, l'abandon des terres et la dévastation du sol; mais
elles nuisaient considérablement à l'agriculture et restrei-
gnaient le droit du propriétaire : aussi devinrent-elles la
source d'innombrables contestations entre les seigneurs
et les vassaux , dès que ces derniers purent recourir à la
justice royale. Le registre des Olbn contient une foule
d'arrêts sur le sujet de garenne. L'exposé du litige montre
qu'il s'agissait de garennes établies sur les terres d'aulrui,
terres souvent fort étendues et qui pouvaient comprendre
des fiefs, des censives, des communautés, des vignes, des
jardins, des villages, etc. (3).
Les rois normands transportèrent en Angleterre cet ini-
que droit de garenne et de forêt. Guillaume le Conquérant
donna le premier l'exemple de l'envahissement des ter-
rains cultivés (4). Il contraignit, dans le Ilampshirc, des
(1") Grandes conférences des ordonnances et cdils royaiur, t. II,
p. 3/j4.
(2) Championnière, De la propriété des eaux courantes, p. 70.
(3) Jdnn, ibid. p. 08.
(4) L'usage de planter des forêts pour se ménager des chasses n'a pas
CHAPITRE VJl. 123
hommes à abandonner un espace de trente milles, où il
détruisit toutes les habitations, sans môme épargner les
églises. Les bêtes fauves devinrent bientôt si nombreuses,
dans cette forêt de nouvelle création, que l'on prétendit
qu'elles empesaient l'air. Voici ce qu'écrit à ce sujet Guil-
laume de Malmesbury (1) : « Tradunt cervos, in nova fo-
» resta terebrantem, tabidi aeris nebula morbum incur-
» risse. Locus est quem Willielmus pater, desertis villis,
» sûbrutis ecclesiis, per triginta et eo amplius milliaria in
» saltus et lustra ferarum redegerat, infando prorsus spec-
» taculo, ut ubi ante vel humana conversatio, vel divina
» veneratio fervebat, nunc ibi cervi et capreoli et ceterae
» illud genus bestia? petulanter discursitent : nec illœ qui-
» dem mortalium usibus communiter exposita\ »
La Chronique de Pldlippe Mousket attribue au fils du
Conquérant, Guillaume le Roux, cet acte de tyrannie (2).
Voici le naïf récit du chroniqueur gantois :
Gis rois fu Guillaume li Rous
D'Engletière et fut moult irous.
Es abéies soujournoit
En toutes les glisesreuboit.
D'autre part Hanstone en I plain
Avoit I liu moult biel et sain :
XVII que capieles que glises
I avoit-on pour Dieu assises
été pratiqué par les seuls seigneurs du moyen âge; nous lisons dans le
grand historien de l'Arménie, Moïse de Khorènc, que Chosroès II
(Khosrow) planta, près du fleuve Éleuthère, une forêt qui porte aujour-
d'hui son nom, et au centre de laquelle il lit élever un palais, afin d'ètro
lilus à mémo de se livrer à la chasse, son passe-temps favori. (Moïse de
Khorène, trad. par Levaillant do Florival, liv. III, c. vrii, t. II, p. 19.)
(1) Lib. III, p. m, ap . Savile, Rer. anglic. scinplores.
(2) Orderic Vital, XI. 13, p. 82, éd. Leprévost. Cf. sur l'histoire de
l'aiforostation du Ilampshire, Henri Ellis, A geiirml introduction io Do-
laesday book, London, 1833, t. 1, p. 105. L'établissement de cette forêt
a inspiré à Pope une des plus belles tirades de son poëme sur la forêt de
Windsor (vers 42 et suiv.).
124 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Très le tans Artus, le bon roi.
Cil rois Guillaumes, par desroi
Les fit abattre et bos planter
Des kaillos fist son ^art-muer,
Et quant vint al ciel' de vu ans
Si fu li bos créus et grans
Ciers i mist et bisses et dains ;
Pour, counins, livres et ferains
Et manière de sauvagine
Tant que plaine en fut la gaudine.
La Ntieve-Foriés fu clamée,
Encore est-ele ensi nommée (1).
La forêt qui dut son origine au bon plaisir des Nor-
mands est celle qui fut désignée depuis sous le nom de
New-Forest (2) et qui constitua plus tard le parc de.Sou-
thampton (3). On dirait que la Providence ait voulu faire
expier dans cette foret même aux princes qui l'avaient
établie l'iniquité de leurs procédés à l'égard des malheu-
reux cultivateurs anglo-saxons. En effet, c'est dans Ne^v-
Forest que Guillaume le Roux fut percé d'une flèche, et
que périt Richard, le frère de Henri I"; Henri, neveu de
(1) Chronique rimée de Pliiliiypr Mouskes, publiée par M. de RoifTcn-
berg, tome II, vers 17710-717-729. Nous renverrons aux notes do celle
édition pour l'explication des vieux mots français du texte que nous ve-
nons de citer ; nous remarquerons seulement que le mot gaudine, em-
ployé par Mouskot avec le sens de forêt, et qui se retrouve chez les écri-
vains en langue vulgaire, du même temps, vient de l'allemand ti'ciUI. par
la substitution ilu gnu w et de Vu ii 1'/. (Voy. Wachter, Glossarium gerniit-
nicum, sub v" Wald.) Ce mot wald a donné naissance au bas latin
gnaldum, gwdda, << forêt, » qui fui en usage en Italie au xi'= siècle, ainsi
que le montre ce passage de la chronique du mont Cassin, écrite i)ar
Léon Marsicanus : « Necnon et duo gualda in finibus Vicalbi, unum in
loco qui dicitur sylva plana, alterum in monte Albeto. » (Lib. II, ap.
Pertz, Momimenl. grnnan. iiistor. t. VIT, p. 032.) De gaudine on fit. par
corruption, gaid. Voy. Roman dr la lUisr, v. 662.)
(2) Elle est citée par Guillaume de Jumiéges (Recueil de Camden,
liv. VU, c. ix) et Fr. Michel, Chroniques anglo-normandes, t. I, p. 51.
(3) Chronic. Jlenr. Kngghion, ]). 2:573. L'ile de Wight fui aussi n/fo-
restée; a. ce point «[ue, suivant les anciennes chroniques, un écureuil la
j)0uvait parcourir tout entière en sautant d'arbre en arbre.
CHAPITRE Vil. 125
Robert, fils aîné du Conquérant, y resta, comme Absalon,
suspendu par sa chevelure à un arbre (1).
Les successeurs de Guillaume, afin de se rendre la po-
pulation favorable furent contraints d'abolir ce système
révoltant d'oppression forestière, et c'est dans ce but que
le roi Jean donna la charte des forêts, qui faisait partie
delà grande charte. Les monarques anglais conservaient,
en vertu de cette charte, leur juridiction forestière, mais
des garanties y étaient accordées contre l'arbitraire dans
tout ce qui se rapportait au droit de chasse, garanties re-
nouvelées et étendues en 1225, par Henri III (2).
Le droit de forêt et de garenne laissait seulement à
celui qui en jouissait la faculté d'interdire de chasser
ou de pêcher; à l'origine le seigneur ne s'appropriait, ni
le sol, ni le fleuve auxquels s'appliquait sa défense; il se bor-
nait à s'y réserver les avantages de la pêche et de la chasse
et à empêcher tout travail pouvant nuire à la propagation
du gibier (3). Les interdictions avaient pour effet d'entrete-
nir et de favoriser la présence des bêtes fauves et des ani-
maux nuisibles qui pullulaient souvent au point que les
paysanssevoyaientsouvent réduits à abandonner la culture
et à émigrer ailleurs, désertion dont le seigneur profitait
pour s'emparer du territoire (4). L'exercice du droit dega-
renne engendra donc un véritable droit dedépossession, une
sorte de déshérence par voie d'abandon au profit du sei-
gneur; mais ce qui démontre que tel n'était pas le droit
primitif, c'est l'effet de la renonciation au droit de forêt ;
(1) Cf. Roger de Hovedcn, Annal. P. I, p. 468, éd. Savile.
(2) Yoy. Mathieu Paris, Chronic, an 1215, trad, Huiliard-Bréholles,
t. III, p. 23. Cf. Haliam, Supplemenlcd lo Ihe views ofthe state of Eu-
rope during Ihe middle âges, p. 278, London, 1848.
(3) Mathieu Paris, Chronic. ann. 1225, trad. Huiliard-Bréholles, t. III,
p. 283.
^4) Championnière, De la propriété des emix courantes, p. 5G9.
126 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
cette renonciation que les chartes du moyen âge expri-
ment par le mot deafforcstare, rendait au propriétaire,
que l'exercice du droit en avait faitévincer, la libre dispo-
sition du domaine.
Les résistances armées des possesseurs, et les procès
auxquels la propriété d'un grand nombre de forets a per-
pétuellement donné lieu, ne sont qu'une protestation du
droit contrôla violence et le souvenir vague et traditionnel
d'une spoliation.
I
CHAPITRE Ylll. 127
CHAPITRE YIII.
INFLUENCE DES MOINES SUU LE HÉFRICIIEMENT DES FORETS. — ENVAHIS-
SEMENT DES FORÊTS PAR LES MONASTÈRES. — ROBERT d'aRBRISSEL ET
l'ordre de UTEAUX.
La fondation des ordres religieux, le progrès de la yie
monastique eurent une influence considérable sur la mise
en culture des forêts. A l'instar des ascètes de l'Hindous-
tan qui choisissaient les forets pour théâtre de leur \ie
d'abstinence et de macération (1), de pieux solitaires
cherchaient chez nous, au cœur de certaines forêts, une
retraite où ils puisent se livrer librement à leurs médita-
tions et à leurs pénitences. Ils vivaient là, respectés par les
larrons, parles chasseurs dont les plaisirs venaient parfois
les arracher au calme de leur solitude (2). Les ermitages fu-
rent remplacés plus tard par des monastères qui devinrent
autant de centres agricoles. Les moines défrichaient autour
d'eux; leur règle leur faisait un devoir du travail manuel,
et les besoins domestiques les obligeaient à chercher du
bois. Ils éclaircirent de la sorte nombre de forêts; c'est ce
dont témoigne la vie de plusieurs saints fondateurs d'or-
dres monastiques, de divers abbés et ermites.
• Nous lisons dans la vie de saint Fiacre (3), que les hau-
(1) Voy. Lois de Monoii, XI, 72.
(2) Voy. à ce sujet le roman de Doon de Mayence, qui nous raconle que
le comte Gui de Mayence, père de Doolin, ayant tué un ermite dans la
forêt d'Aideniie, en croyant atteindre un cerf qui s'était réfugié dans la
cellule de cet anachorète, se fit, en expiation, ermite à sa place. —
Voy. Doon de Mayence, chanson de geste, éd. A. Pey, p. 27 et suiv. (Pa-
ris, !859j et ce (jui a été dit, p. 69, de la forêt de Colonne.
(3) « Ad pia^dictum locum reversus est Fiacrius et avulso ncmore
monastcrium in lionorem Beat;t- Mariœ construxit. » (Bolland. XX aug.
128 LES FORÊTS DELA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE
leurs de la Brie, sur lesquelles se. retira ce solitaire, étaient
couvertes d'une épaisse foret qu'il défricha en partie.
C'est actuellement l'un des cantons les plus fertiles de l'ar-
rondissement de Meaux. Cette forêt se rattachait, par celle
du Mans et les bois de Meaux (1), à la forêt de Jouarre (Jora-
)ius saltus) (2), où, au commencement du yii"" siècle,
Adon (3), dégoûté des vaines pompes du monde, avait
fondé le monastère de Jouarre (4i,
On doit à saint Deicol ou Diel le défrichement d'un can-
ton des forets des Vosges, celui de Luthre ou Ltiders, au-
jourd'hui Lure, qu'iiifestaient alors les bêtes fauves. Il
y fonda la fameuse abbaye de Lure, où vint le visiter
Clotairell, que la chasse du sanglier avait amené dans la
contrée (5).
Aux VII*' et viir siècles, la forêt de llaguenau se peupla
d'ermitages dont les habitants commencèrent à l'éclaircir ;
le séjour de ces nombreux cénobites lui valut le nom
de Eeilifje Vorst (Sylva sancta); c'est là que vécurent
saint Arbogast auquel un vieux chêne, dit le gros C/i(hie,
est consacré, et sainl Dcodat qui avait abandonné pour se
p. 600.) Le lieu où s'établit sainl Fiacre sapjielait le BveuiL c'est-à-dire
Le Bois, l't ai)partenait- à l'évèque Faron, qui le lui concéda pour sa re-
traite. (Cf. Mahillon, Act. SS. Bened. t. II, p. 618.)
'1) Ce sont vraisemblablement ces bois dans lesquels, au x"' siècle, le
moine Richer raconte qu'il se perdit, en se rendant de Reims à Chartres.
^Richer, IJisl. 1. lY, c. ôO.)
(2j Cf. Vit. S. Columbani. op. D. Bouquot, IJisl. de France, t. III-.
p. 481, 513.
(3) Adon et Dadoii étaient 111s d'Authaire, proche parent de saint Fa-
ron, et auquel appartenait la forêt. Il avait été catéchisé par saint Coloni-
ban. (Voy. Mabilion, Act. SS. Benedicl. t. II, p. 187, 612, et Toussaint
Duplessis, Hist.de t' église de Meimx. pièces justificatives, ann. 835, p. 3.}
Cf. ce qui est dit plus loin de cette foret.
(4) Toussaint Duplessis, loc. cit.
(5) Rolland. Act. SS. XVIII jan. Saint Diel, dont le nom a été altéré
plus tard en celui de saint Dipy ou Dié, vivait au commencement du
vu* siècle. Le lieu des Vosges où il se relira appartenait à Weifliar, sei-
gneur de la cour de Thierry, roi de Bourgogne.
1
«
CHAPITRE YIII. 129
retirer du commerce des hommes, son évéché de Nevers (1).
De nombreux anachorètes de la Flandre occidentale vin-
rent s'établir dans la vaste forêt appelée T/iigalmsco,
qui s'étendit, jusqu'au yii' siècle, de Poperinghe à Rou-
1ers. Leurs cellules se multiplièrent, surlout dans le canton
entrecoupé de criques et de marais, qui portait le nom de
Rumetia, et où abondaient les oruieaux ou ypreaux (en
flamand Y'epenboomen), ainsi que l'atteste le nom delà ville
d'Ypres, élevée sur son sol, après qu'il eut été défri-
ché (2).
Au xr siècle, un des plus célèbres apôtres de la vie cé-
nobitiquc, Robert d'Arbrissel, coniribua singulièrement
au défrichement des forêts de l'Anjou et de la Bretagne. Il
s'établit dans la forêt deCraon (3), et le nombre de ses dis-
ciples s'étant considérablement accru, il se vit obligé de
les envoyer dans les forêts voisines. Les solitaires qui
avaient embrassé sa règle, se divisèrent donc par colonies
et allèrent fonder des abbayes en divers points de l'est de
la France.
Robert s'était fixé dans la partie de la forêt de Graon qui
portait le nom de LaRoë {Rota). C'est là qu'il fit bâtir, en
1094, un monastère [S. Maria de Bosco ou de Sylva) placé
par lui sous la règle de saint Augustin (4). Ce canton, qui
était alors tout boisé, est aujourd'hui entièrement ou-
vert (5) ; il sépare la forêt de Craon de celle de la Guer-
(1) Voy. Ristftlhuber, l'Alsace ancienne et moderne ou Dklionn. topo-
r/raph. Idsloriq. et slalisliq. du Haut et du Bas-Rhin, p. 160.
(2) Voy. J. J. tic Smet, Essai sur 1rs 7ioms des villes et des rominuncs
de la Flandre occidentale, dans les Nouveaux Mémoires de VAcad. de
Belgique, t. XXIV, p. 13.
(3) Salins Credoniensis .
(4) Baldoric. ep. Dolensis, Vil. B. Rohcrli, ap. Bolland. Ad. SS.
XXV feb. p. 605. Cf. Gall. Christian, t. XIV, col. 716, Eccles. An-
degav.
(5) « Excisa tamen est magna pars illius sylva:;, » disent les Bollan-
distes, oiiv, cit. p. 606, col. 1, note.
9
130 LES FORÊTS DE L\ GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
che: le petit bois de Laubrière et deux autres bou-
quets sont actuellement les seuls débris de la foret de la
Roë. Deux iocalités appelées les Bois, et une autrenommée
les Saris (1) (les Essarls) rappellent encore la présence desl
arbres qui ont disparu. Il y a tout lieu de penser que la fo-
rêt de Craon ne faisait alors qu'un avec celle de la Gucrclie,
et qu'elle se rattachait, par des lignes non interrompues
d'arbres, à celles de Verzec, de Lourzé, d'Ombrée, de Juigné
et d'Arraise (2). Une foule de noms de lieux des environs,
qui se rencontrent précisément dans les parties intermé-
diaires entre ces forêts, attestent la présence ancienne de
bois en des points qui en sont aujourd'hui totalement
dépourvus. Tels sont le Bois-Gyaitt, le Grand-Bois, le
Bois- B lin, la Brosse, etc.
Vital de Tierceville se retira avec une partie de? disciples
de Robert, dans la forêt de Fougères, où ses compagnons
se dispersèrent en plusieurs endroits. Raoul de Fougères,
qui en était seigneur, les y souffrit quelques années ; mais,
comme il aimait passionnément la chasse, et qu'il crai-
gnait que les ermites ne dégradassent la forêt où il en pre-
nait le plaisir, il préféra leur abandonner la partie de la fo-
rêt de Savigny le vieux, où Vital tle Tierceville fonda l'ab-
baye qui en prit le nom (3), et il la leur concéda par une
charte on 4112. La carte de Gassini ne place plus à Savi-
gné qu'un bois tiès-démantclé, (|ui a disparu de nos
(1) Citons encore les localités, aujourd'hui défrichées, apijolées Bois-
Sainl-Miclu'l et le Dois-DuUier. (Voy. la carte de Cassini.)
(2) Ce nom d'Arraise, qu'on trouve aiipliqué à d'autres forêts, est peul-
être dérivé du celte; à. savoir de l'article ar et de waz, gwas, « ruis-
seau, » ce qui donnerait à penser ijuil a été attribué à des forêts traversées
par des cours d'eau. (Voyez sur ces forêts, Bizeul. Drs Naiinèles aux
(époques celliqurs et romaines, dans lo Revue des 2'>rovinces de l'Ouest.
juin 1854, p. 392.)
(3) Voy. Chronie. Malleac. ad ann. 1103, ap. Historiens de France,
t. XII, p. i04. Orderic. Vital. VIII. 27, p. 449, éd. Lcprévost.
CHAPITRE YIII. 131
jours. Il est à remarquer que la partie de la foréi
<{ui, d'après les termes de la charte, fut cëdëe à Vital
et à ses compagnons (1), ne correspond pas du tout,
sur la même carte, à un canton boisé (2). Le défrichement
de cette partie de la forêt de Savigny doit avoir été
l'œuvre des moines. L'inspection des lieux montre qu'elle
s'étendait jusqu'à la rivière de Galmont, près de laquelle
on trouve encore une localité appelée le Bois (3).
Un autre compagnon de Robert, Raoul de la Futaye,
alla s'établir dans la forêt de Saint-Suipice, non loin de
celle de Rennes, en un canton qui portait le nom de Nid-
de-Merle, aujourd'hui en grande partie déboisé (4). Re-
naud choisit pour retraite la forêt de Melinois ou Meli-
nais(3), qui n'est plus actuellement représentée que par les
petits bois dits de Melinais et de la Boverie, au sud de La
Flèche. De l'inspection de la carte de Cassini on peut con-
clure la forêt primitive se prolongeait jusque sur la rive
que droite de la rivière appelée les Cartes, contre laquelle
est une localité dite Savigné [Salviniacum), nom qui dénote
la présence ancienne d'une forêt. A peu de distance
de ce bourg, est un village appelé le Grand-Bols-Bicher.
La forêt de Melinais s'étendait, au sud, jusqu'à Vau-
landry, et, dans cette direction, on remarque une lo-
calité déboisée appelée les Bois-de-Vaux.
(1) « Foroslam de Savigneio siciU ex mia parte fluvius qui vocatur
Chambn, ipsam forestam a Cenomannia disterminat et ex altéra parte
Ghamb(>sneta fluviolus ab ipso vico séparât qui Savigneium appellatur. »
(Lobineau, llisfoire de Dreiagne, preuves, liv. IV, col. 202.)
(2) En olfet, la rivière appelée Chamba dans la charte est le Galmonf ;
il faut reconnaître le Chmnhi'sneta dans un petit ruisseau qui se jette
dans le Déron, entre l'Habit et la Prise-aux-Nonnes ; le nom de Cham-
besnc s'étant conservé dans le nom d'une localité placée sur ce ruisseau.
(3) Voy. la carte de Cassini.
(4) Lobineau, Ilisl. de Drelagnc, preuves, col. 298.
(5) Voyez, dans Cassini, la carte des environs de l'abbaye de Melinais.
132 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'a.NCIENNE FRANCE.
Salomon, autre disciple du même solitaire, choisit pour
retraite la forêt de Xfj-0/seau{\), ou Nid-d'Oiseau, qui allait
de la i'orèt d'Ombrée à la rivière d'Oudou; elle a dû ori-
ginairement se rattacher à la forêt de Graon; elle n'est plus
indiquée sur la carte de Gassini que par de très-petits
bouquets épars. Alleaume, sorti delà môme école monas-
tique, bâtit l'abbaye d Estival ou Etival dans la forêt do
Gharnie (2), au nord-ouest du Mans. Le canton où se trou-
vait l'abbaye d'Estival est représenté comme déjà défriché
dans Gassini, aussi bien que l'espace s'étendant, au midi,
jusqu'au Bols-dii-Creiix; il dut fairedans le principe corps
avec la forêt (3).
André, compagnon des cénobites que je viens de nom-
mer, fixa sa demeure dans la forêt de la Chausscre, sur
les confins de la Bretagne et de l'Anjou. Or, au siècle der-*
liier, la carte n'indiquait plus, au lieu où s'élevait
l'abbaye, dont il fut le fondateur, qu'un bouquet sans im-
portance. Un lieu voisin, dit Z-aForéV, rappelleseul l'exis-
tence de cette forêt de la Ghaussère, qui devait s'étendre,
d'un côté, jusqu'à l'Evre, et de l'autre jusqu'à la San-
gueise.
La forêt de Fougères, où alla habiter Engelger, subsiste
encore aujourd'hui ; mais sa superficie a été fort réduite.
D'autres disciples de Robertd'Arbrissd se retirèrent dans
la forêt de Goncisc, placée au nord-est de celles de Graon
et de Fougères.
Partout où les élèves de ce pieux ascète bâtirent de>
(1) Ny-Oiseau, Ni-Oisd {N idus Avis) o\\ Nid d'Oiseau. (Loliincau, ///.s/.
tir Brdagne, preuves, eol. 183.) Cf. Goll. clmslian. t. XIV, coi. 70 i.
ICccles. Andegavcns.
(2) Lobineau, llisi. de iJrekif/nr, t. I, p. 115.
(3) Dans la carte de Gassini, on remaniue deux fonHs de Ciiarnie. I^t
grande et la petite, sèiiarées par la rivière de Palais; elles se rat-
tachaient à la grande forêt du Mans. (Voyez ce que nous disons pins loin
de cette forôt.
CHAPITRE yill. loo
monastères, les forêts disparurent ou s'éclaireirent, preuve
que le défrichement fut l'œuvre des moines.
Une autre école de cénobites joua aussi un rôle consi-
dérable dans le défrichement des forets. L'ordre, qui eut
pour fondateurs S. Robert et ses six compagnons, Albéric,
Odon, Jean, Etienne, Létalde et Pierre, lesquels avaient
établi leur retraite en unlieu couvert depierreset d'épines
appelé Giteaux('l), donna naissance à une foule d'abbayes.
La plupart furent élevées au milieu des bois, ainsi que
l'attestent leurs noms (2). Telles sont : Sauvelade {Sylva
lato), dans le Béarn, fondée en 1150 par Gaston, vicomte de
ce pays, Talaise, sa femme, et Centule,son fils (3) ; Sauve-
Benoite ou Sauve-Bénite (Stjlra henedictai^^)) en Vélay, à
deux lieues de Monistrol, dans une partie actuellement en-
tièrement déboisée; Saint-Benoît-dans-les-Bois, au diocèse
de Verdun, fondée en 1131, et Haute-Selve (.4/^« sylva) ou
Haute-Seille, fondée, en 1140, par Agnès, comtessedeSalm.
Le clergé régulier a donc été un des grands agents du
déboisement (o) ; le clergé séculier l'accéléra de son coté,
(1) A. Manrique, Annal. Cisterc. an. 1098. c. m.
(2; Entre les abbayes qui peuvent être citées comme étant dans ce cas.
plusieurs avaient été fondées par des monastères issus eux-mêmes de
Citeaux, et en particulier par l'abbaye de Morimond, la plus illustre des
lilles de Citeaux. Voy. Chronic. Malleac. an 1120. p. 407.
(3) A. Manrique, Annal. Cisterc. an 1 1 i'i, c. vu, p. 468. Cette abbaye
était la première lille de celle de Gimond, fille de celle de Morimond.
(4) Cette aljbaye de filles, diie de ï AssomjyiiôJi, fut construite dans une
forêt dont le bois Bercarrie est le principal vestige et qui se rattachait,
sans doute, au Grand-Bois, situé plus au nord. Les noms de Bois
(le Friiges, de Bosc. etc., rappellent encore la présence des arbres là où
ilsontcoBi|)lélemcnt disparu. Deux autres abbayes, l'une située dans le
diocèse de Constance, et appelée en allemand Wald, l'autre, fille de la
Grande-Chartrouse {Sylve-Bcnilr), fondée en Dauphiné (canton de Virieu)
en 1 HiG par Thierry, fils de l'empereur Barberousse, portaient également
l(î nom de Sijlva-Benedicta, destiné à rappeler leur construction au mi-
lieu d'une foret. (Voy. Gallia christ, t. II, p. '777, Eccles. Anic.)
(ô) Outre les abbayes de l'ordre de Citeaux, beaucoup d'autres rappe-
laient par leur nom qu'elles avaient été établies au milieu des forêts.
134 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
poussé par l'intérêt qu'il avait aux défrichements. Ayant
droit à la dîme (1) sur les parties mises en culture, il en-
couragea les colons dans leur œuvre de destruction.
Tout en veillant à la conservation des forêts qui fai-
saient partie de leur domaine, les autorités ecclésias-
tiques trouvaient avantage à abandonner, de temps à
autre, certains cantons à la cognée et à la charrue du co-
lon, pour les concéder ensuite, sous la réserve de dîmes et
de redevances, à des couvents et à des abbés (2). Nous
voyons, par exemple, en 1128, Adelbert, archevêque de
Mayence, accorder aux moines de l'abbaye de Disiboden-
berg une vaste étendue de forêt soumise à sa juridic-
tion, ou dépendant de son domaine épiscopal (3). Le défri-
chement avait été si considérable, que trois églises furent
bâties sur des emplacements occupés auparavant parla fo-
rêt (4). Adelbert, tout en attribuant aux monastères et à
l'honneur du culte de saint Disibod ces champs nouvelle-
ment cultivés, s'en réserva la dîme.
Les termes précis dans lesquels sont faites les con-
cessions, les délimitations rigoureuses des cantons
à déboiser, prouvent que l'autorité eccjésiastique était
aussi bonne aménagère des bois qu'instigatrice des défri-
Telles étaient colles : de Sylva jntia, dans le dioc'^'-e do Tréguicr ; de Sylva
regtilis ou d'Eaumet (i'ImrUim), dans le diocèse d'Arles ; de Sylva Me-
lonis ou de Coeimaloen, dans celui de Quimper.
(1) C'est ce qui ressort du passage d'une charte de l'an 1085 :
« Universa decimatio inde terminata ex novalibus jjroveniens nostri?
tcmporibns erutis sive cruendis. >> {Arta academ. Theod. 'pal. t. HT,
p. 158.)
(2) M. Léopold Delisle, dans ses Etudes siir la condition de ift classe
agricole en Normandie au moyen âge (p. 392 ctsuiv.), adonné de nom-
breux exemples de concessions de parties de forêts à défricher faites par
le clergé, moyennant dîme sur les novalcs. En d'autres provinces de
France, on en trouve également de fréquents exemples.
(3) Gudenus, Codex diploinaticus, t. 1, p. G9.
(4) C'étaient les églises de Bolenbach, Ilundisbach et MerckenJiaeli.
(Gudenus, lieu cit.)
CHAPITRE VIII. 135
chements utiles à l'agriculture. L'abbé, auquel était ac-
cordé l'usage d'une forêt ou le défrichement d'un de ses
cantons, ne pouvait, sans la permission de l'évêque, défri-
cher là où il devait simplement couper du bois, et déraci-
ner les arbres au delà de l'espace qui lui était assigné (1).
Le rôle civilisateur, l'action agricole des moines (2), ne
cessa que lorsque, enrichis par les efforts et les travaux
de leurs devanciers, ils ne songèrent plus qu'à jouir
paisiblement de leurs biens, et abandonnèrent à des serfs
la culture du sol dont ils consommaient les produits.
L'opulence amena la paresse, et les moines, en envahis-
sant à leur tour les forets seigneuriales à titre d'usagers,
en obtenant des seigneurs le droit d'abattre, dans les forêts
de plus en plus restreintes, le bois nécessaire à leur con-
sommation (3), vinrent grossir la troupe déjà nombreuse
de ceux qui dévastaient les forêts, sans pour cela les trans-
former en de fertiles guérets.
(1) Voyez la concession faite par Ilermann, archevèquo do Cologne, à
l'abbé de Bramveiler, en 1099. {Acla academ. theod. pal. 1. 111, p. 161.)
(2) On doit aux moines divers travaux agricoles fort importants. Ce
sont eux notamment qui ont créé une foule d'étangs dans la Brenne et
dans la Bresse. (Voy. De Marivault. Précis de rhisloire générale de l'a-
(jricidlure, p. 311, note. Paris, 1837.)
(3) Ilexiste un grand nombre de chartes par lesquelles des seigneurs
concèdent à des abbayes des droits d'usage étendus dans leurs forêts.
Nous aurons plusieurs fois l'occasion, dans les chapitres suivants, de citer
des chartes de ce genre.
436 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
CHAPITRE IX.
DROITS D USAGE DANS LES FORETS SOUS LE REGIME FEODAL. — RÈGLEMENTS
DE POLICE ÉTABLIS PAR LES ROIS ET LES SEIGNEURS AU TEMPS DES
CAPÉTIENS. — LÉGISLATION DE SAINT LOUIS ET DE SES SUCCESSEURS EN
MATIÈRE DE FORÊTS.
On vient de voir que les défrichements opérés par les
moines avaient été un premier contre-poids à la manie
de l'afforestation. Une autre cause ne tarda pas à ap-
porter de nouvelles bornes à l'invasion de la végétation
arborescente. Les droits d'usage que les rois et les sei-
gneurs concédaient dans leurs forêts, dégénérèrent
sur plusieurs points en abus et amenèrent la détério-
ration de celles-ci. Une foule d'individus et de commu-
nautés obtinrent le privilège de ramasser et de couper le
bois nécessaire à leur chauffage, à la construction et à la
réparation de leurs demeures (1) , parfois même à la con-
fection de leurs ustensiles, de leurs instruments aratoi-
res (2); souvent on allait jus(ju'à autoriser les usagers à
prendre des branches pour établir les haies destinées à
protéger leurs propriétés contre les ravages du gibier (3).
Aussi Philippe de Valois, par sa première ordonnance
donnée àBrunoy, en mai 1346, déclarait-il qu'il ne serait
(1) Voy. Léopold Delisle, Études sur la condiiion de la classe agricole
el rélal de l'agriculture en Normandie, j). 374. Evreux, 1851. C'est ce
Huon nomme en Alsace, en- Franclit'-Comté, et dans les Pyrénées, ]o
mnronage ou marnage.
(2) Ouv. cil., ibid.
(3) On apjiolaitce droit ramage, et ramagers ceux qui en jouissaient.
En Norraandii-, le ramage appartenait généralement aux habitants dos
l)aroisses limitrophes des forêts. {Ouv. cil. ji. 37 j.)
ij
CHAPITRE IX. 437
plus accordé d'usage dans les forêts, à cause de leur dimi-
nution et du préjudice que cela leur causait (1).
La vaine pâture, les droits de panage, de glandée dont
il a été question plus haut, quoique ordinairement moins
étendus quecelui d'affouage, ouvraient, en dépit des règle-
ments édictés à leur égard, la porte à une foule d'abus. Les
concessions en étaient de plus si multipliées, que même en
restant dans les limites prescrites, l'exercice de ces droits
tendait à devenir préjudiciable à la bonne conservation
des forêts (2). Au moyen âge, la consommation du bois
étaitd'ailleurs assez considérable (3); car si, dans les mai-
sons les feux ne s'allumaient point l'hiver en aussi grand
nombre que de nos jours, en revanche les cheminées
étaient bien plus spacieuses, et l'on y brûlait d'énormes
souches; joignez à cela le bois qui, en certains lieux,
servait au luminaire et que l'on allumait en guise de
torche (4). Il faut pourtant reconnaître que nos ancêtres,
(1) Voy. ce qui est dit dans les Conférences de V ordonnance de
Louis XIV du mois d'août 1G69 sur le fait des eaux et forêts, n"'= éd. t. II,
p. 44 (Paris, 1752).
(2) Il exislc un grand nombre de chartes de concession de droits do
paisson, panage, etc. {pastio, pastinacum porcorum, etc.). On efi peut
lire notamment dans D. Lobineau, Preuves de VHistoire de Bretagne,
col. 137, 290 et passim. C'étaient surtout les porcs que l'on nourris-
sait dans les forêts. On y recevait aussi les juments, les vaches et les
brebis ; mais les chèvres étaient habituellement écartées. (L. Delisle,
Éludes sur la condition de la classe agricole et l'état de V agriculture en
Normand'ie, p. 369, et Saint-Yon, Ordonn. des eaux et forêts, 1. I,
t. XXIX, art. 5 et 6.)
(3) En voici un exemple que nous empruntons au savant ouvrage de
M. L. Delisle : « Pour chauffer leurs hôtes, les religieux Je Montebourg
pouvaient, chaque semaine, enlever un arbre dans la. foret de Brix. Ceux
de Saint- Taurin, pour lessiver leur linge, n'avaient pas à dépenser
annuellement moins de vingt-six charretées de bois à deux chevaux. En
vertu d'une concession faite en mai 1325, Nigaise le Veneur prenait en
la foret do Lions, pour brûler en son manoir du Mesnil-Guilbert, autant
de bois ([ue jjouvait en charrier journellement une charrette à deux ou
trois chevaux. (L. Delisle, oui), cil. p. 371, 372.)
(4) Voy. co qui a déjà été dit à ce sujet p. 80.
438 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'anCIENXE FRANCE.
])eaucoup moins avisés que nous sur le chapitre du con-
fortable, ignoraient l'art de chauffer hermétiquement
leurs maisons (i) : mais ces réserves faites, il n'en de-
meure pas moins constant que la consommation du bois
était au moyen âge déjà abondante, et le. besoin de com-
bustible s'opposa plus d'une fois, sous les Capétiens, à un
aménagement prévoyant et économique des forêts.
Il n'existait pas d'ailleurs, dans le principe, en France,
de lois générales applicables au régime forestier, et, aux
XI* et xii^ siècles, les lois barbares qui y pourvoyaient à
plusieurs égards, ayant cessé d'èire en vigueur, chaque
seigneur établit un règlement local sur la police des droits
d'usage. En Normandie, nous voyons à des époques pério-
diques, certains officiers et certains tenanciers se réunir
pour juger les délits, percevoir les droits, visiter les forêts
et prendre les mesures nécessaires à leurconservation. Ces
opérations s'appelaient le j:)knt et le m/wr/de la forêt. Les
mentions en sont assez communes à partir du xi^ siècle.
Mais dans ce pays la législation forestière était plus avan-
cée qu'ailleurs (2), car les Normands, en deçà comme au
(1) On lit dans la Conférence de l'ordonnance de Louis XIV, l. II,
j). 44 : « Anciennement on faisait facilement des concessions de bois
par la grande quantité qu'il y en avait alors en France et le peu de-
monde pour le brûler ; mais depuis les forêts sont diminuées de plus
des trois quarts; les peuples sont augmentés, et les hommes, devenus
plus voluptueux en toute chose, se cliaufTant plus que ne le faisaient au-
trefois nos pères, qui, s'ils se chaulfaient, ne se mettaient pas du moins
en peine de quelle sorte de bois ce fûl... Au .lieu que présentement, il
n'y a pas jusqu'au moindre petit bourgeois qui ne brûle du bois neuf,
c'est-à-dire qui ait été coupé vif, parce que le feu en est plus ardent, cl
qu'il rend jilus de chaleur, le bois mort, et même le bois flotté n'étant
que pour les petites gens ou pour l'usage de la cuisine... Ce qui a encore
beaucoup augmenté la consommation de bois, c'est le grand nombre de
feux qu'on fait aujourd'hui dans les ménages de gens médiocres; au lieu
qu'autrefois, même des gens distingués n'en faisaient qu'un seul ; ils re-
cevaient et travaillaient dans une cliambre commune, comme faisail
M. de Saumaise, conseiller au parlement. »
(2) L'ancienne loi du ]»ays de Galbs inti'rdisait l'accès des forêts aux
CHAPITRE IX. 439
delà de la Manche, sont sous ce rapport comme sous
d'autres, demeurés plus que les Français fidèles aux tradi-
tions germaniques qui ne dataient pas d'ailleurs pour eux
d'une époque aussi reculée (i).
La première règle de police à laquelle les usagers ont
été soumis, les astreignait à demander la délivrance des
produits auxquels ils pouvaient avoir droit. Les formes
de cette délivrance ont varié suivant les temps et les
lieux. Le plus ancien exemple connu de règlement forestier
à cet égard, se trouve dans les archives d'Alsace. Schœp-
flin (2) lui assigne la date de 1144. On y lit : « Omnes
qui ibi aliquid incidere ad venclendum cupiunt, si mi-
liter a custode petere debent. » Dans les chartes de Nor-
mandie, la clause de ne s'approprier le bois que lorsqu'il
sera livré aux usagers par la main des forestiers, est assez
fréquemment énoncée (3).
En général, les usagers n'étaient obligés à faire marquer
par le forestier que les arbres dont ils avaient affaire. Si
le forestier, mis en demeure d'indiquer ces arbres, ne l'a-
vait pas fait, l'usager pouvait alors les couper, sans être
pourceaux qui y venaient paître, depuis le troisième jour avant la Saint-
Michel jusqu'au quinzième jour après l'Epiphanie, afin que ces animaux
ne détruisissent pas les graines destinées à propager les arbres; en
général, les forets étaient fermées durant cette période. Voy. Ancient
laivi and instiliUes of Wales (1841, in-fol.j, Leges Wallica;, c. xxviu,
art. 16, p. 801 ; c. lviii, art. 22, p. 845.
(1) On retrouve dans les coutumes recueillies en 9'i0 par ordre d'Hoël
le Bon, des dispositions fort analogues à celles que M J. Grimm a
signalées dans les coutumes de la Marche. Chez les Bretons, les bois de
haute futaie, ainsi que les taillis, étaient le privilège de toute une parenté.
Dans la Marche, tout Germain libre, tout Erfexen avait le droit de porter
la cognée. Un voyageur éloigné de toute habitation pouvait prendre dans
le bois de quoi nourrir lui et son cheval, et celui qui traversait la forêt
sur un chariot, y pouvait choisir une bille de bois pour réparer son véhi-
cule.
(2) Als.ilia diplomalico, t. I, p. 2211.
(3j Voyez L. Delisle, om. cil. p. 372.
140 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIKNNE 1 UANCE.
reproché de fraude. Cette di-position n'était applicable'
qu'aux arbres de haute futaie; lorsqu'il s'agissait du bois
de tond ou des taillis, les usagers étaient autorisés à les
couper sans délivrance, même s'il les voulait vendre,
pourvu qu'il n'en résultât ni déformation ni défjùt de laj
forêt (1).
C'est de Philippe-Auguste que datent les premières or-
donnances sur les forêts. Par une ordonnance rendue à]
Gisors en 1219, ce monarque règle la juridiction des]
gardes de la forêt de Retz et la vente de ses bois (2). Mais,
antérieurement à cette époque, la surveillance des forêts
était déjà remise à de hauts personnages. Thibaud File-
Etoupe fut revêtu de cette charge, sous le roi RobertO) ;
les comtes de Flandres, à partir de Baudoin Bras-de-Fer,
prirent le titre de forestiers (4). Les premiers maîtres des
eaux et forêts ou forestiers royaux dont notre histoire
fasse mention, sont Etienne Bienfaitc et Jean le Veneur(5).
Cettecharge resta uniquejusqu'au règne de Henri III (6j.
Ses attributions ne furent nettement déterminées qu'au
xiu' siècle. Citons encore parmi les plus anciennes ordon-
nances sur les forêts celle de 1280 établissant que les déli-
vrances auxquelles les usagers peuvent avoir dioit dans
les forêts royales, doivent leur être faites parles us"agers(7:,
(1) Yoy. Imbert, Enchiridion, sub v° Usage : Papon, Arrêts notables,
l. XIV, lit. III; Coquille, Sur la coutume du Nivernais, p. 57.
(2) Saint-Yon, les Édils cl Ordonnances des eaux et forêts, j). 1137.
La seconde ordonnance, aussi relative à la foret de Retz, est de
Loufe YIU. Elle lut rendue à Monlargis en 1223.
(3) Aiinoin, De Gest. Francor. 1. V, c. xlvi.
(4j Et. Pascjuier, Les Recherches de la France. 1. Il, c. xv, p. 12G.
(5) P. Anselme, Histoire gcnèalog. et chronolog. de la maison roijule
de France, 3« éd. t. YIII, p. 841.
(G) Il s'agit ici de la charge de maître des eaux et forêts près la cour-,
car il existait, depuis le règne de Philippe le Bel, des maîtres et enquê-
teurs des forets pour les diverses jirovinces. Yoy. dans L. Delisle.
Eludes, p. 337 et suiv. la liste de ceux de Normandie.)
(7j Saint-Yon, ouv. cit. Parfois c'était aux maîtres des forets qu'il
CHAPITRE IX. 141
Dans quelques pays, on avait créé des scrç/enteries fief-
fées. Ainsi UQ acte du duc d'Aquitaine, de 1273, nous
montre des bois donnés en fief sous la condition de rendre
foi et hommage de conserver les bois et la chasse. Des
concessions analogues se multiplièrent tellement qu'on se
vit plus tard, fréquemment, obligé de les révoquer (1). Les
sergenteries étaient données à la charge de faire la garde
du bois en personne. L'ordonnance de Philippe le Long
de 1318 (2) organisa les sergents dans les forets royales.
En Normandie, on ne trouve qu'à la fin du xiv' siècle des
traces d'une juridiction supérieure s'étendant sur toute
la province. C'était moins une cour particulière qu'une
sorte de commission siégeant à côté de l'Echiquier ordi-
naire de Normandie ; on l'appelait l'Echiquier des eaux et
forets (3). Les baillis {hallm) et les justiciarU forestarum
apparaissent pour la première fois dans un acte de
1283 (4). Mais l'acte n'indique pas que ces officiers
aient été chargés de veiller, d'une manière spéciale, à la
conservation des produits forestiers, et leur juridiction,
qui fut abrogée par l'établissement des maîtrises fores-
tières, demeure encore entourée pour nous d'obscurité.
L'ordonnance de Philippe le Bel, d'août 1291 (5), men-
tionnant pour la première fois les maîtres des eaux
appartonait de fixer la valeur des bois, dont le prix seulement était aban-
donné à des établissements religieux. Voyez, par exemple, l'ordre du
maréchal d'Audenehan aux maîtres des forêts de la sénéchaussée de
Beaucaire, d'assigner aux frères mineurs d'Uzès quarante livres de rente
sur les bois du roi à Servies, pour la réédiflcation de leur couvent. (Mé-
nani, JJisloire de Nismes, t. II, p. 289. Preuves.)
(1) Ces sergents furent supprimés par l'édit de Charles YI de 1413, et
(11' nouveau par un édit de Charles IX de 15G3. (Terrien, Coulume de
yoniuuulie, 1. XIV, c. xi.)
(2) Saint-Yon, Édkis li ordonnances des eaucs el forcsls, p. 121.
(3) Édils el ordonn. des rois de France, t. IV, p. 141.
(4) Delisle, Éludes, p. 330.
(5) Ord. des rois de France, l. I, p. 684.
142 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
et forets, c'est à celte épofjue que l'on fait remonter
l'organisation de la juridiction forestière q\ù subsista,
sauf quelques modifications, jusqu'à la fin des Va-
lois (J).
Nous n'entrerons pas dans le détail de cette organisa-
tion, qui n'intéresse pas directement l'état forestier de la
France à cette époque. Disons seulement que Phili[)pc d(
Valois revisa toute la constitution du service des eaux
et forêts, divisé en 1333 entre les baillis et sénéchaux aux-
quels était attribuée la surveillance des rivières et étangs,
et les maîtrises qui ne conservaient plus dans leur dépar-
tement que les bois, mais réuni de nouveau en 13-46. h
domaine fut réparti en dix maîtrises. En vertu de cette
organisation, les appels de la juridiction supérieure des
maîtres devant être portés au Parlement de Paris, une
Chambre nouvelle y fut créée qui jugea en dernier ressort
de ces appels (2).
Malheureusement une partie des mesures prises par nos
souverains pour la conservation de leurs bois tourna
contrôleurs intentions. Les friponneries et les malversa-
tions des agents forestiers vinrent se joindre encore aux
abus des droits d'usage.
Louis IX, frappé de l'improbité des magistrats sous l'ins-
pection desquels les forets étaient placées, avait expressé-
ment défendu aux baillis, sénéchaux et autres officiers, de
rien recevoir sur le produit de la vente des bois (3). Mais
les éditsde Philippe de Valois, de Jean, deCharles V, prou-
vent que, de tous côtés, les agents forestiersexploitaicnt lc>
bois à leur profit et opéraient des achats et des ventes par
(1) Saint-Yon, ouv. cil.
(2) Voy. à ce sujet G. Dareste de la Chavanne, Histoire de l'admivis-
Iration en Fiance, tom. II, p. 17, 18.
(3) Ordonn. des rois de France, t. I, p. C8i.
CHAPITRE IX. 143
personnes interposées (i). Dans rordoiinaiice de 1348, le
premier de ces rois se plaint amèrement qu'un revenu
considérable, celui des forêts, ait été comme mis à néant,
et il cherche les moyens de le faire revivre. Les charges
de sergent-fieffé ayant été partagées ou vendues par les
titulaires, il arrivait souvent que les acquéreurs ou les
nouveaux possesseurs pillaient en commun les arbres
confiés à leur garde (2).
Chailes V crut porter un remède efficace à tant de
maux. Il réduisit le nombre des maîtres des eaux et fo-
rêts (3). Les progrès de l'industrie rendaient alors le be-
soin de bois plusurgentque jamais : de plus ce prince créait
une marine et songeait à s'assurer des bois de construction.
On le voit en effet dans l'ordonnance du 3 septembre 1376,
régler la coupe du bois de la forêt de Roumare, située en
Normandie non loin de Rouen, bois destiné, ainsi que nous
l'apprend l'ordonnance, à la construction des vaisseaux
et bâtiments du roi (4).
Pendant la seconde moitié du xiv^ siècle, les abus du
<lroit d'usage étaient vraiment arrivés à leur comble.
J'ai déjà rappelé plus haut que Philippe de Valois annon-
çait, dès le 29 mai 1348, la ferme résolution de ne plus ac-
corder de droits nouveaux ([>). Les termes de bois mort et
de mort-bois, dont le sens était si différent, avaient été
abusivement confondus par les gens intéressés à ce qu'on
ne les distinguât pas et qui voulaient étendre au boi-s vert
les droits d'usage dont ils jouissaient sur le bois mort (6).
(1) Ordonnances des rois de France, t. XV, p. xxxij, préface; Isain-
hert, Becucil général des anciennes lois'françaises, t. V, ]>. 456 et suiv.
(2) Voy. Meaume, Commentaires du Code forestier.
(3) Ordonnance des rois de France, t. IV, p. 214.
(4) Ibid. t. V, p. 218.
(5) Ibid. t. II, p. 644.
(6) Voy. la distinction étalilie par l'ortlonnance de Mclun de 1376.
(Isamhort, neciicil général des anciennes lois françaises, t. V, p. 467.)
144 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
L'autorité luttait cependant en bien des lieux contre
les usurpations des u:agers, et veillait à ce que les forêts
ne fussent pas dévastées. En Anjou, dès le xf siècle, oi
voit les seigneurs interdire l'enlèvement de la plus utile
des essences, le bois de chêne (1). Philippe-Auguste fixî
pour la Normandie un certain chifïVe que ne devaient pas'
dépasser les ventes annuelles de bois (2), et il continua a
étendre sur les forêts cette même protection vigilante
dont les ducs avaient donné l'exemple (3).
Ces mesures protectrices ne furent pas suffisantes pour
arrêter le déboisement. On verra plus loin qu'elles durent
être renouvelées sous les Valois. Les délinquants étaient
plus forts et plus nombreux que les agents décidés à faire
respecter les défenses émanées du roi. Les usurpations se
produisaient de toute part. Dès le xii^ siècle, effrayés de
leur audace, les ducs de Normandie faisaient rechercher
avec soin celles auxquelles les droits d'usage avaient ou-
vert la porte dans leurs forêts.
(I) Marchegay, Archives cV Anjou, p. 3i4, 388.
(1) A savoir : 2,000 liv. pour les bois du pays de Caux, 400 liv. iiour
la forêt de Rouvray, 1 ,000 liv. pour les bois de Bur en Colentin, el
500 liv. pour la forêt de Vernon. 'Voy. l'indication de ce règlenionl dans
Delisle, Éludes sur la rondilion de la classe agricole et Vêlai de l'ayrical-
iure en Normandie, p. 303.)
(3) En 1171, Henri II fait rechercher les usurpations qu'à la faveur
(les guerres civiles, avaient commises ses sujets sur les forêts ducales.
— Rob. du Mont, Appendix ad Sigebertinn. dans les Historiens de
France, t. XIII, p. 315 On peut voir, dans l'ouvrage de M. Delisle, l'é-
noncé de mesures semblables prises, dans la suite, en Normandie, jiar
les souverains et les seigneurs iiarticuliers (p. 341 et suiv.). Ces curieuses
indications montrent que les forêts étaient dans cette province l'objet do
beaucoup plus d'attention qu'ailleurs. - Les rois de France, par les ordon-
nances de juillet 137G, et de septembre 1402, prescrivirent aux adjudi-
cataires de bois dans les forêts royales, de faire clore, le temps de vidange
expiré, leurs ventes de bons fossés, de haies vives, afin d'empêcher les
bestiaux de causer dommage aux semis de chênes qui y étaient faits
après la coupe. (Voy. Conférence de l'ordonnance de Louis XIV y
1. 1, p. 305.)
CHAPITRE IX. 145
Quand on parcourt les procès-verbaux de la réforma-
tion des forêts royales opérée par ordre de Louis XIV, on
est frappé du grand nombre d'usagers qui existait encore
au XVII' siècle ; l'on peut alors se faire une idée de ce qu'il
devait être, deux ou trois siècles auparavant, sous une
administration moins éclairée et moins vigilante. Venaient
d'abord les gros usagers : les seigneurs, les abbés, les
prieurs ayant droit au baissée en estant et vert gisant, mort
bois en estant et gisant avec pâturage, et qui prélevaient
pour leur fouage un chiffre énorme de cordes, chiffre qui
s'élevait souvent à près de la moitié du rendement total.
Puis arrivaient les petits usagers, les paroisses limitro-
phes de la forêt ayant droit de branches et remanants,
droit de mort bois avec panage. De là, on le comprend, un
affouage considérable et des abus qui menaçaient inces-
samment les forêts de dévastation.
10
146 Li:S FORÊTS DE LA C.ALLI-: ET DE l'ANCIENNE [T.AN'CE
CHAPITRE X.
ÉTAT 1-ORESTlEB l'E LA FRANXE DU Xll" AL" XVl'= SIÈCLE, — l'OUtTS 1>E L'ÎLE-
UE-1RANCe! FORÊTS DE SARRIS, DE ROUVRAY, DE LAYE, YVELINE. — I.K
GATINAIS, FORÊT DE FONTAINEBLEAU. — FORÊTS DE LIVRY, DE BONDV,
DE VINCENNES. — FORÊTS DE LA BRIE, DU VALOIS ET DU BEAUVAISIS.
J'ai déjà présenté plus haut un aperçu sommaire de
l'état forestier de la France au temps des Gaulois et donné
quelques détails sur les grandes forêts à l'époque carlo-
vingienne. Ce tableau serait insuffisant pour le moyen
âge, car ce qui a été dit précédemment montre que de-
puis, des révolutions partielles s'étaient accomplies dans
le sol forestier. Il faut donc, pour se faire une idée de
l'étendue et de la distribution de nos anciennes forêts,
réunir, province par province^ les documents qui s'y rap-
portent et chercher à en rétablir la topographie.
Je commence par l'Ile-de-France, non pas seulement
parce que c'a été le cœur de la nationalité française, mais
encore parce que les environs de Paris subirent de très-
bonne heure un déboisement considérable. La population
s'étant fort agglomérée dans cette région de notre patrie,
le besoin des subsistances accéléra le défrichement. Les
forêts qui environnaient l'antique Lutèce, furent rapide-
ment éclaircies et démembrées au profit du sol cultivé de
sa banlieue. La consommation du combustible et des bois
de charpente ne contribua pas peu à des abattis inconsi-
dérés dans les forêts qu'avaient jusque-là ménagées le feu
et la cognée (1) ; et elles étaient encore très-multipliées
(l) Déjà, au temps de Suger, l'insuffisance des bois aux environs de
Paris contraignit de faire venir les grosses charpentes des environs
CHAPITRE X. 147
«
aux xii" et XIII'" siècles ; elles se rencontraient presque
dans toutes les directions. Cette ceinture arborescente de
la capitale n'était interrompue que par des intervalles
de quelques kilomètres.
Aux portes de Paris, dans la direction du Nord , s'éten-
daient les forêts de Sarris et de Saint-Denis. En 1193,
la première de ces forêts occupait le territoire du village
de Villeneuve-Saint-Denis, qui y fut construit, peu d'an-
nées après, et dont la cure dépendit de l'abbaye royale.
L'année suivante, Gauthier de Chàtillon, sénéchal de Bour-
gogne, cédait à ce monastère la gruerie (1) et les autres
droits qu'il avait dans la forêt de Sarris*, en faveur du
nouveau village qu'on y voulait fonder. Plus tard, Mau-
rice, évêque de Paris, autorisait la construction d'une
église paroissiale au même lieu (2).
C'est donc vers le xiii'' siècle que la forêt de Sarris com-
mença à être défrichée ; deux siècles après, elle avait à peu
près disparu. Elle devait recouvrir l'espèce d'isthme qui
est compris entre les sinuosités de la Seine, d'Asnières à
Argenteuil. La plaine de Gennevilliers, qui s'étend jus-
qu'à Villeneuve-Saint-Denis, était également boisée, et
voilà pourquoi ce dernier village s'appelait autrefois Vil-
d'Auxerre : « Cumque pro trabium inventione lam noslros quam Paii-
sienses lignoruni artifices consuluissemus, responsum nobis est, pro
ooriim existimatione verum, in finibus istis propter sylvarum inopiam
minime inveniri posse, vel ab Autissiodorensi pago necessario develii
oportere. » (Suger, Libell. de vonsecralione ecdesiie S. Dioiiysii, dans les
Ilisloriens de France, t. XIV, p. 314.) Les charpentiers exagéraient à
ilessein, il est vrai, cette pénurie; l'illustre abbé, en visitant lui-même, à
l'improviste, la forêt Iveline, y trouva des pièces de bois très-propres à
faire de larges solives; mais l'allégation des ouvriers prouve au moins
que le bois n'était plus, au xu* siècle, d'une abondance notoire dans les
environs de la capitale.
(1) Voyez, sur ce qu'on entendait par griicrîc, grairie ou grurie, l'ar-
ticle de Baudrillart, DicUonnai) e général des taux cl foréls.
(2) Voyez Félibien, Ilisloire de l'abbaye royale de Sahil -Denis,
p. 210.
148 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
leneuve-la-Garenne (1). II y avait là des bois qui se ratta-
chaient, dans le principe, à la forêt de Sarris.
Le nom de forêt de Saint-Denis paraît s'être appliqué
au canton de cette forêt touchant au territoire immédiat
de l'abbaye. La forêt de Saint-Denis s'avançait originaire-
ment dans la direction de Pontoise et recouvrait consé-
quemment les frontières du Vexin français. De là le nom
de forêt de Verrerie-en-Vexin qui lui est donné par un
acte de 1202, dans lequel Jean de Gisors cède à l'abbaye
royale une partie de ses droits sur la forêt (2). Celle-ci se
continuait, selon quelques-uns, jusqu'à Xeuilly; car on
a cherché l'étymologie du nom de Neuilly dans le mot
lund, forêt (3). Peut-être ombrageait-elle dans le principe
la rive droite de la Seine jusqu'au centre de Paris; on
sait qu'à l'époque carlovingienne le quartier Sainte-
Opportune était encore occupé par un bois (4). Il s'en-
suivrait que le territoire répondant au Paris de la rive
droite était anciennement enveloppé, à la fois par une
épaisse ligne d'arbres et par un marais (5). Dans ce cas,
on devrait considérer comme étant un démembrement de
la forêt de Sarris, une forêt qui n'en était séparée plus
(1) Ce nom de Garenne était précisément appliqué à toute celte partie
de la banlieue de Paris ; il a valu le surnom de la Garenne à Clichy cl
à Yilliers, dits jusqu'au xv* siècle, Clichy-en-la-Garenne et Villiers-
en-la-Garenne. (Voy. Lecanu, Ilisloire de Clichy-la-Garenne, j). 15.
— Paris, 1848.)
(2) Félibien, Histoire de labbaye royale de Saint-Denis, p. 314.
(3; Neuilly, en latin NuUiacitni, s'était d'abord appelé Lulliacuin el
Lugniacwn. (Voy. Lecanu, Ilisloire de Clicliy-la-Garenne, p. 12.)
(4} L'église de Ste-Opportune dut ce nom aux reliques do sainte Oji-
portune, qui y furent apportées par Ilildebert, évèque de Séez, à l'occa-
sion de l'invasion des Normands; elle s'appelait auparavant iV.-i^.-r/w-
l'ois. (Voy. Lecanu, ouv. cil. p. 15.)
(5) Voy, sur ce marais, qui existait encore à la lin du xu* siècle, el
qui allait depuis le pont Perrin, situé rue Saint-Antoine, jusqu'à Chaillot.
Félibien, Ilisloire de Paris, Preuves, t. III, p. 34. et Lecanu, ow. cil.
p. 9.
CHAPITRE X. 149
tard que par la Seine, celle de Rouvray {Rover itum) (1)
qu'en 717 Chilpéric II avait concédée au monastère de
Saint-Denis; elle s'avançait jusqu'à Chaillot (2). Le village
de Boulogne, appelé d'abord Menus-lez-Saint-Cloud, s'é-
leva sur l'emplacement des premiers larges abattis- qu'on
y opéra (3). En 1358, la forêt de Rouvray, déjà fort ré-
duite, ne s'appelait plus que le bois de Saint-Cloud (4).
Le bois actuel de Boulogne en est le dernier reste.
La forêt de Laye ou Leie, qui subsiste encore aujour-
d'hui sous le nom de forêt de Saint-Germain, est désignée,
dans le Polyptique d'Irminon, sous lé nom de Lida (5),
d'où l'on a fait par corruption Lia, Lea, Laie ou Laye (6).
Au xiii'^ siècle, il y existait de nombreuses clairières au
milieu desquelles des habitations avaient été construites.
Dans les Comptes de saint Louis , il est déjà question de
Saint-Germain-en-Laye {Sanctiis Germaniis in Laya) (7),
et l'on y mentionne également la Venda Layœ{8}. Réservée
(1) Foresle nostra Roverilo eum omnemjure vel lermene suo ad inle-
grum qnœ est in pago Porisiaco super fluvium Sigono, dit l'acte de
concession. Historiens de France, t. IV, p. 694.
(2) Challol, Challoel, Chail ou Cal, sont les noms sous lesquels, dans
les anciens titres, le village est désigné. Le sens de ces noms est âestruc-
tio arhorum ; et, en effet, Chaillot fut construit, vers le vii^ siècle, sur
l'emplacement d'un abbatis opéré dans la forêt de Rouvray. Cette foret
ne s'étendait pas toutefois jusqu'au territoire d'Auteuil, qui était, dès
cette époque, occupé par des marais, des prés ou des cultures. (Voy. Le-
beuf. Histoire de la banlieue ecclés. de Paris, p. 24.)
(3) Lebeuf, ouv. cil. p. 18. C'est en 1343 que Menus-loz-Saint-Cloud
prit le nom de Boulogne, de la chapelle de N.-D.-de-Boùlogne qui y fut
élevée.
(4) Lebeuf, ouv. cil. p. 24.
(5) Polypt. d'Irminon, éd. Guérard, p. 90.
(6) Lebeuf, Histoire du diocèse de Paris, t. VII, p. 210.
(7) Historiens de France, t. XXII, p. 242. « Monasterium S. Ger-
mani Parisiacensis cum ecclesia S. Vincenlii in sylva cognominata
Ledia. » (Helgald. Flor. Epit. vit. Rob. reg. 31, ap. Historiens de France,
t. X, p. 115.)
(8) Histor. de France, t. XXII, p. 253.
loO LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
aux chasses de nos rois, la forêt de Laye échappa pour ce
motif aux défrichements qui firent promplemcnt dispa-
raître la forêt de Sarris. Au xvii* siècle, elle continuait
d'occuper une étendue très-vaste (1).
L'abbaye de Saint-Dei>is possédait une forêt plus impor-
tante encore que celle de Sarris, c'était celle qui s'éten-
dait originairement sur les confins du pays des Caniutes
et de celui des Parisii; on l'appelait au moyen âge la forêt
Yveline {Aquilina sylva) (2), nom altéré plus tard en celui
de forêt d'Yveline. Un démembrement de cette forêt a
constitué la forêt de Chevreuse, dans laquelle Suger pres-
crivit de couper les bois nécessaires aux constructions
et aux agrandissements qu'il fit faire à l'abbaye de Saint-
Denis (3).
Les documents historiques et l'inspection de la carte
prouvent que la forêt Yveline était originairement limi-
tée au nord-ouest par la ligne de hauteurs qui part de
Septeuil (Seine-et-Oise, arrondissement de Manies) et de la
rivière de Yaucouleur, suivant une direction X. O.-S. E. ;
sa limite septentrionale dépassait Néauphle-le-Chàteau (4) :
en soite qu'elle a du, dans le principe, ne faire qu'un
(1) Voy. 1 état de la Forêt de Laye en 1086 avec le plan manuscrit,
indiqué dans le P. Lelong, Bibliothèque historique, tom. V, p. 353.
n'° 34799. La Venda de Burgival ou bois de Bougival, mentionnée dans
un document de la première moitié du xiu* siècle {Historiens de France.
t. XXI, p. IbZ), doit avoir été un écart de la forêt de Laye.
(2) Celte forêt est appelée Foresle equilina dans des chartes du viii* siè-
cle. Voy. B. Guérard, Essai sur le système des divisions territoriales dr
la Gaule, p. 139.
(3) Félibien, Histoire de l'abbaye royale de Saint-Denis, p. 171. Celt<-
forêt existe encore aujourd'hui, mais fort réduite-, elle a dû comprendre
les bois de Sainte-Appolline, près Néauphle-le-Château, de Trappes c\
des bouquets environnants.
(4) L'ancien bois de Néauphle est désigné dans les chartes sous le nom
de Haya de Nie! fa. •
CHAPITRE X. 151
avec la foret de Laye, et englober consëquemment la forêt
(le Marly. Elle s'avançait certainement jusqu'à la voie ro-
maine de Lutèce à Genabum, et renfermait alors la forêt
qui reçut plus tard le nom de Palaiseau, de l'habitation
royale qu'avaient en ce lieu les Mérovingiens (1). Les
Comptes de saint Louis (2) font mention de celle-ci sous le
nom de Venda de Palecel. Divers noms de localités situées
à l'ouest de Montlhëry et de Longjumeau rappellent la
présence de la forêt {Mlle- du- Bois, la Forest, etc.). Plus au
sud, la forêt Yveline devait s'avancer jusqu'au voisinage
d'Étampes ; car on trouve entre cette ville et Dourdan
un village appelé laForest-le-Roi. Non loin de là est Allain-
ville-au-Bois. Le bourg de Saint-Arnoult, situé entre les
bois de Rochefort et ceux de Dourdan, portait jadis le
nom de Saint-ihmoult-en-Yveline; ce qui démontre que
les bois de Rochefort et de Dourdan étaient des dé-
membrements de XAquilina sylva (3). Nous savons en
effet que cette forêt, déjà mentionnée à l'époque mé-
rovingienne (4), et dont Pépin fit donation à l'abbaye
de Saint-Denis (5), avait subi, dès le xif siècle, de grands
(1) Voy. Lebeuf, Histoire du diocèse de Paris, t. VIII, p. 1 etsuiv. et
Disserlnl. sur l'Histoire de Paris, t. II, p. 215. — Ghildebert l" et Clo-
taire III firent pendant quelque temps leur résidence à Palaiseau.
(2) Historiens de France, t. XXI, p. 254. Le nom de Palaiseau, anté-
rieurement Paleisol ou Palaisel, est une corruption de Palatiolum, « petit
])alais. » Cet endroit est cité ap. Translat. S. German. episc. Parisiens.
dans D. Bouquet, Historiens de France, t. V, p. 427. (Voy. aussi Ex Vil.
S. Ri(/omer. Jbid., t. III, p. 427, 428.)
(.3) Cette forêt est aussi appelée ^quilina sylvn; peut-être l'étymologie
de son nom est-elle la même que celle de la rivière d'Yvette, qui la tra-
versait. Au moyen âge, il existait encore un bois d'Yvette [Haia de
Evela) dans les environs de N.-D.-des-Vaux-de-Cernay, bois qui était
certainement un démembrement de la forêt.
(4) Grégoire de Tours, Histor. eccles. Franc, lib. X, ap. Historiens
de France, t. II, p. 387, note K.
(5) Voy. la charte de donation de l'an 768, dans D. Bouquet, Histo-
riens de France, t. V, p. 707, 708.
152 LES FORÊTS DE LA GALLE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
cléfrichements et été scindée en plusieurs forêts. Ces dé-
t'richemenls furent dus pour une bonne part aux moines
de l'abbaye de Notre- Dame-des-Vaux-de-C ernay , fondée
en 1118 dans le val de Bric-Essart, et dont l'impor-
tance s'accrut rapidement. Dès cette époque, le terri-
toire sur lequel s'éleva Gernay-la-Yille présentait un
vaste essart que les chartes désignent sous le nom d'iss-
sartwn Roberti (1). C'est là que fut construite une grande
ferme qui a été l'origine du hameau iV Essart Robert, dont
le nom s'est altéré ensuite en celui de Saint-Robert. A
l'entour de Cernay-la-Ville, divers lieux-dits dénotent
l'ancienne existence de bois qui n'étaient d'abord que des
triages de la forêt Yveline ; tels sont : Choisel, la Grande-
Hogne [Magna Haya), la Petite-Hogue {Parva Haya), le
Cormier. Le village de Tyvernon, situé dans le même can-
ton, donnait son nom à une forêt qui a disparu. Ce dé-
membrement de la forêt Yveline contenait encore en 1511
une superficie de 200 arpents (2). Une autre forêt voisine
de l'abbaye de Notre-Dame-des-Vaux-de-Cernay, qui ne
subsiste pas davantage, la forêt deVaindrin, en contenait,
à la même époque, 300 (3). Il y avait en outre une forêt
plus petite, dite la Forêt du Prieur, close à fossés.
Ainsi le bois de Trappes faisait originairement partie de
V Aqtdlina sylva, et les noms de Hautes-Bruyères, les Es-
■sarfs-le-Roi, les Lays, la Brosse, la Grosse-Haye, toutes lo-
calités voisines de ces bois, mais situées dans une partie
maintenant découverte, en accusent l'ancienne extension.
Entre les bois de Trappes et ceux de Sainte-Appolline, voi-
sins de Néauphle-le-Château, existaient, il y a un siècle et
(1) Voy. Merlet et Mou lié, Carlulaire de l'abbaye de Nolre-Dame-des
Vaux-de-C ernay, t. I, p. 12 et 13, n"' 9 et 10. Paris, 1857, in-4°.
(2) Merlet et Moutié, Carlulaire cité, t. II, appendice, p. 113.
(i) Merlet et Moutié, Carlulaire cité, ibid.
CHAPITRE X. 153
demi, de nombreux bouquets. La présence primitive des
arbres est indiquée sur des points cultivés par les noms
suivants : Dois-dArcy, le Buisson, les Gâtines, les Cou-
drais, etc. La forêt de Rambouillet et celle qui conserve
le nom de forêt d'Yveline, sont les principaux restes de
(•ette grande marche forestière. Au nord- est de la seconde
de ces forets se trouve la Celle-les- Bordes, qui, dans Cas-
sini, est marquée comme un lieu découvert. Un petit
bois voisin et un autre qui porte le nom de Foulleuse,
formaient, au commencement du xvr siècle, une forêt
(Sylva Follosii, Nemiis de Foillous) d'une étendue de
330 arpents (1); mais il y avait eu là antérieurement de
grands défrichements, puisque les chartes mentionnent
dès 1263 un large essart sous le nom d'Essarkim Che-
nardi {^). Au xiii'= siècle, les forêts de Foulleuse et de la
Celle-les-Bordes devaient donc s'être séparées depuis long-
temps de la forêt principale. Les lieux-dits (3) indiquent
que les défrichements avaient été opérés dans toutes les
directions. La fondation de diverses abbayes y aida singu-
lièrement. En 1031 fut construite l'abbaye de Saint-Léger,
surnommée, à raison de son emplacement, en Yveline
(Sanctus Leodegarius in Aquilina sylva) (4); elle donna son
nom à un bois qui est un démembrement de la forêt Yve-
line dont la sépare un vaste essart semé de noms rappe-
lant la présence des arbres. Dès 1160, nous trouvons
dans la même forêt Yveline, une autre abbaye, celle de
Saint-Remi-des-Landes [Sanctus Remigius de Landis) ;
(1) Merlet et Moutié, Cartulaire cité, ibid.
(2) Merlet et Moutié, Caiiulaîre cité, t. I, p. 601, n» 643.
(3) Voy. Féiibien, Histoire de l'abbaye de Saint-Denis, p. 176.
(4) Voy. Ilelgold. Flor. Epitom. vil. Roberti reg. c. xxxi [Historiens
de France, t. X, p. 115)-, Ohronic. Mauriniac. {Historiens de France,
t. XII, p. 80.)
154 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
et cependant, à cette époque, malgré ces fondations
pieuses qui multipliaient les éclaircies (l), YAquilimi
sylva offrait encore une singulière étendue ; aussi était-
elle le théâtre favori des exploits cynégétiques des rois et
de leur cour. Louis le Gros, y étant à la chasse, fut pris
de la fièvre dont il mourut (2). L'abbé Suger y diri-
gea une chasse au cerf et y passa une semaine entièrr
i^ous des tentes, avec plusieurs de ses amis et de ses vas-
saux (3).
Cette grande forêt Yveline doit, à une époque très-re-
culée, s'être unie à l'est à la forêt de Bière ou de Fontaine-
bleau, au sud à celles d'Orléans et de Montargis; car la
région découverte qui sépare ces forêts prit le nom de
GastinaisouGâtinais, en latin Vastinium{^), c'est-à-dire :
lieu défriché. Cette désignation doit remonter aux Ro-
mains; elle était certainement déjà en usage avant le
xi^ siècle. Je reviendrai sur la partie du Gàtinais qui fai-
sait partie de l'Orléanais, en traitant des forêts de cette
province. Je ne parlerai ici que du Gàtinais français qui
comprenait Dourdan, MontUiéry, Courtenay, Nemours et
Moret, et occupait ainsi à la fois une fraction de l'ancien
domaine de la forêt Yveline et une fraction de celui de Ja
forêt de Bière iSijlva Bieria ou Biera) (5). Au xiir siècle,
(1) Ajoutons tiue l'abbaye de Saint-Remi-des-Landcs, dont une légende,
sans doute apocryphe, fait remonter la fondation au règne de Clovis, exis-
tait déjà en 1160. {Gallia chrisl. l. VIII, col. 1299, Eccles. Camolens.
(2) Voy. Orderic Vital, XIII, c. 32, t. V, p. 88, éd. Leprévost.
(3) Suger, De rébus in adminislralione sua geslis, dans Duchesne.
ffistor. de France, t. IV, p. 334, et Félibien, Hisl. de l'abbaye de Saint-
Denis, p. 176.
(4) On retrouve ce nom de Vaslinium, dont j'ai déjà parlé p. 124, ap-
pliqué à bien d'autres contrées de forêts défrichées ; il a subi diverses
altérations, par exemple, il est devenu Vauciennes dans la Champagne.
Voy. ChaleUe, Précis de la statistique générale du départ, de la Marne,
t. II, p. 195, et ce que je dis plus loin.
(5) Ce nom est cité dans les Comptes de saint Louis i^Foresta Dicrra).
CHAPITRE X, 155
:omme depuis, la forêt de Bière était la plus importante
de l'Ile-de-France ; elle se rattachait à la forêt d'Emans
ou Esmans, située dans le canton de Montereau, VAanan-
tusoii VAgmantus des diplômes carlovingiens. Au ix^siècle,
Emans était environné d'une lisière de quatre lieues de
forêts qui suffisaient à l'engraissement de 500 porcs (1). La
forêt d'Emans faisait corps à son tour avec la forêt
d'Othe (2), dont j'ai parlé et sur laquelle je reviendrai,
en traitant de l'état forestier de la Champagne. Il arriva
[i:)ur cette forêt de Bière ce qui advint pour la forêt
d"Othe; elle laissa son nom au canton ou pagiis dont elle
avait auparavant recouvert le sol. En effet, l'épithète de
en Bière, donnée à plusieurs villages, montre que le nom
de Bière passa de la -forêt de Fontainebleau à un pays
en quelque sorte conquis sur son territoire. Le pays de
Bière ou de Bierre était jadis dans la circonscription du
diocèse de Sens; il formait la limite septentrionale du Gà-
tinais. Les villages de Ghailly-en-Bière, Villiers-en-Bière,
existaient déjà au xiii^ siècle; celui de Fleury -en-Bière-
date au moins du commencement du xii" (3). On ignore la
date de la fondation de Saint-Martin-en-Bière. Ainsi le
défrichement du pays de Bière est certainement antérieur
au XI* siècle. Nous savons, d'autre part, que de très-
bonne heure la forêt de Fontainebleau avait été cou-
pée par de larges clairières oii furent bâtis des viens, dont
Ilistor. de France, t. XXI, p. 174, et apparaît plusieurs fois dans le
même document. De veteribus paliciis Bierix, de bosco caso in Bieriu,
d>; esplelis Bierix. — Ifisloriens de France, t. XXI, p. 254.) Dans l'ordon-
nance de Charles IX du 25 octobre 1573, la même forêt est appelée
Forci de Bicre-lez-Fonknnebleau. Voy. Fontanon, les Édicls et Ordon-
nances des Roys de France, 2e édit. t. II, p. 269.
(1) Voy. Guérard, Polyplique d'Irminon, t. I, part, ir, p. 199, 207.
(2) Voy. ce qui a été dit p. 43 et Gl.
(3) Voy. F. Pascal, Histoire lopofjraphique, politique el statistique du
départ, de Seine-et-Marne, t. I, p. 94, 97.
156 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRAN'CE.
quelques-uns devinrent plus tard des villes ou des bourgj
importants. Nemours, en latin Nemoracum, doit son noi
à la forêt ou bois qui l'entourait {nemus) (1). A Morel
{Moretus), se tint un concile dès l'année 850 (2). Dorj
melles est peut-être encore plus ancien (3). Toutes 1(
vraisemblances font donc admettre que, dès le temps de^
premiers Mérovingiens, la foret de Fontainebleau n'allai!
pasau delà duLoing. S'il était prouvé queChâteau-Landon,
qui fut dès le x^ siècle le chef-lieu du Gâtinais, répondît ai
V^ellaKnodioiiwi de César, i\ faudrait faire remonter encore^
bien plus haut le défrichement de la partie méridionale
de la forêt de Bière (4).
Les Comptes de saint Louis mentionnent comme deux
bois distincts, la Vendu Dianœ sylvœfii le Boscus Chapuis (5j .
La première forêt est celle de Dian ou Dians, qui a laissé
son nom à un village construit dans la vallée de l'Orvanne,
à la hmite des départements de Seine-et-Marne et de
l'Yonne, et fut jadis une résidence royale (6). On y voyait
encore de petits bois en 1710 (7). Le nom de Dian ou
Diane est visiblement une corruption du mot dean, forêt,
que nous rencontrons ailleurs (8), et ayeut-être été l'ap-
pellation primitive de la Sylva Bie?'a. Quoi qu'il en soit,
la forêt de Dians est vraisemblablement un démembre-
(1; Voy. G. Morin, Histoire générale du Gastinois, p. 302 et suiv. Paiij
1630. Le nom de Nemours n'apparaît guère que vers le xm* siècle.
(2) Lupi Ferrariens. Episl. XLV, IJistor. de France, t. VII, p. 507.
(3) F. Pascal, ouv. cil. t. Il, p. 423. Dormelles {Doromelhts) est men-
tionné par Frédégaire [Chronic. 20) comme existant déjà au vi« siècle.
(4) Voy. De bello gallico, VII, 11.
(5) Voy. Historiens de France, t. XXI, p. 254.
(G) Le château de Dians ou Dyan, après avoir appartenu aux rois de
France, passa à la famille des Alégrains. (Vov. G. Morin, ouv. cil.
p. 588.)
(7) C'est ce qui est indiqué par Chalibert Dancosse, la Généralité de
Paris, p. 328. Paris, 1710.
(8) Voy. ce qui est dit p. 51.
CHAPITRE X. 157
ment de la forêt de Fontainebleau, et l'on voit que ce dé-
membrement est déjà fort ancien.
Le bois Chapuis se trouve encore indiqué par la carte
de Cassini, près Machault, qui fait maintenant partie du
canton du Châtelet. C'est pareillement un reste de la forêt
de Bière. La Chapelle-la-Reine avait déjà de l'importance
au xi^ siècle : nouvelle preuve des réductions considéra-
bles qu'avait subies la forêt, dès l'époque carlovingienne.
A l'ouest, c'est-à-dire entre Melun et Gorbeil, les bois
ont dû longtemps se continuer jusqu'à la forêt de Se-
nart (1), mentionnée comme une forêt distincte dès 1308.
Ainsi les arbres ne cessaienl guère alors qu'à quelques ki-
lomètres de Paris. Divers noms de lieux, tels que Boissise-
la-Bertrand, Boissise-le-Roi , Boissette montrent que la
forêt des Rougeaux, sise sur la rive droite de la Seine,
avait, antérieurement au xii' siècle, une extension bien
autre qu'aujourd'hui, puisque c'est à dater de cette
époque qu'apparaissent divers villages, tels que Vert (au-
jourd'hui Vert-Saint-Denis), Le Mée (jadis Le Mas), Cesson,
Savigny-le-Temple, construits sur des points où la forêt
s'était jadis avancée (2).
Sur la rive gauche de la Seine, les forêts disparurent de
bonne heure entre Melun et Paris. Cependant on trouve
mentionnée, jusqu'au commencement du xvii' siècle, une
garenne dite du Louvre, qui s'étendait dans les environs
de Bagneux et recouvrait une partie de la plaine située
entre ce village, Vanvres et Issy (3).
La forêt de Meudon n'a pas subi de bien notables ré-
,;^l) Voy. Historiens de France, t. XXII, p. 556. CeUe forêt s'étendait
encore, au temps de Henri II,- des portes de Melun au port de Gharen-
ton. Saint-Yon, Ordonnances des eaux el forcsls, p. 84.
(2) Pascal, ouv. cit. t. I, p. 74 et suiv.
(3) Saint-Yon, Ordonnances, p. 981.
158 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'ANCIENNE FRANCE.
duclions, et, dès le vif siècle, Clamait [Clamanlum) exis-
tait déjà. On trouve à cette époque et aux âges suivants,
une foule de terres cultivées en cette partie de la ban-
lieue de Paris, preuve qu'elle n'était pas envahie par la
forêt. I\Ieudon est antérieur au xii" siècle, et Fleury exis-
tait, dès le commencement du siècle suivant (1).
La bande forestière qui longeait, de Melun à Paris, la
rive droite de la Seine, en remontant plus au nord, allait
se rattacher à une autre large bande sylvestre qui se par-
tagea de bonne heure en trois grandes forêts, à savoir :
la Sijlva Vilcena ou Vilcenna (2), aujourd'hui forêt de Vin-
cennes, la Bungiacetisis sylva, aujourd'hui forêt de Bond y.
et la Liber iacensis sylva, aujourd'hui forêt de Livry. Ces
trois forêts , lorsqu'elles n'en faisaient qu'une seuio
étaient désignées sous le nom commun de Lauchoniasyl"
C'est là queChildéricIIfut assassiné en 673parBodiIlon(o).
Le nom de Lauchonia disparut, dès que la forêt eut été
démembrée; mais ces démembrements constituaient en-
core des forêts très-considérables. La forêt de Livry ne por-
tait déjà plus, en 1302, que la quahficalion de hoscus (4) ;
celle de Bondy, qui devait son nom au village deBondics,
plus anciennement Bonsies, existait déjà en 700 et approvi-
sionnait de bois Paris au xv" siècle. Charles VI y alla piu-
(1) Voy. Lebeuf, Histoire du cUoccsc de Ports, t. VIII, p. 366
lit suiv.
(2) Cette forèl est désignée, dans les documents du xiii^ siècle, sous
les noms de Vicenx boscus, Vicena' ou Vicenanim nemuS. Voy. Ili^'
riens de France, t. XXI, p. 70, 223, 227 et possim. Lebeuf, ouv. ri
p. 74, 75.
(3) Voy. Frédégûire, Chronique, ap. D. Bouquet, Historiens de France, ',
t. 1, p. 450. Cf. A. Jacobs, Géographie de Frédégaire, p. 458.
(4) C'est ce qui résulte d'un traité i)assé entre Pierre de Chambly H
Philippe le Bel, où le boscus de Livriaco est mentionné avec le boscus d'
Alnelo (bois d'Anet'; et le boscus de Courbcron. Lebeuf, ouv. cil. t. VI.
p. 200.
•»
CHAPITRE X. 159
sieurs fois chasser. Elle s'étendait jusqu'à la Marne et
rejoignait la grande forêt des Sylvanectes jDar le canton
actuel de Dammartin, dont l'ancien nom, jMiys de Goiielle,
n'est sans doute qu'une altération du mot celte Coil, fo-
rêt (1). En effet, il subsiste encore de nombreux bouquets
dans tout ce canton. Au xiV' siècle, les bois de Moutgé
{Nemus montis Gaï, boscus Rainaldi) touchaient à un bois
appelé Gratuel, qui a disparu et qui s'avançait jusqu'aux
environs de Pomponne (2).
Au sud-est de Montgé, le village de Guisy, dont le terri-
toire dépendait jadis de la paroisse de Plessis-l'Évêque,
rappelle, par son nom, la présence d'une forêt à laquelle
appartenaient les deux bouquets qui ont valu leur ap-
pellation aux villages de Plessis-l'Évêque et de Plessis-
aux-Bois'. Sans doute, la fondation, au xiii^ siècle, de
l'abbaye de Chambre-Fontaine, de l'ordre de Prémontré,
qui s'élevait originairement au sommet d'une colline
d'où l'on dominait la forêt, en amena la finale destruc-
tion (3). Dans la même région, mais plus au sud de Mont-
gé, les noms de Choisy-le-Temple, Fresnes, portés par des
villages sis en des lieux depuis longtemps découverts,
accusent l'ancienne présence des bois. Ceux-ci s'unis-
saient, selon toute vraisemblance, aux bois de Carnetin,
qu'on doit considérer comme un démembrement de la
forêt de Livry et de Montfermeil. Une localité située entre
ce dernier village et Pomponne, garde encore le nom de
Forcst. Le docteur F. Pascal, dans la carte qui est jointe
à son Histoire du département de Seifie-et-Mame, a tracé
la topographie approximative de toute cette région fo-
(Ij Lebeuf, ouv. cit. t. VI, p. 169.
(2) Voy. H. Cocheris, Notices et Extraits des documents manuscrits
conserves dans les dépôts publics de Paris et relatifs à l'histoire de
Picardie, t. I, p. 414, 417. Paris, 1854.
(3) Pascal, ouv. cit. t. I, p. 430.
460 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
restière, qui constituait une marche septentrionale entre
l'Ile-de-France et la Brie.
Cette dernière province, aujourd'hui plus déboisée que
les environs de Paris, était, à l'époque mérovingienne,
encore puissamment ombragée. En parlant des défriclie-
ments opérés par les moines, j'ai déjà dit quelques mots
du Joranus saltus ou forètde Jouarre (1). Cette forêt n'était
qu'une subdivision d'une forêt plus étendue qui entou-
rait en partie la ville de Meaux (2), de l'est à l'ouest, en
passant par le sud ; elle a laissé comme témoins de son
antique existence les bois de Meaux et la forêt du Mans
ou de Mant. Celle-ci s'étendait fort au sud-ouest, quand,
au commencement du vu* siècle, saint Fiacre en com-
mença le défrichement (3). Toutefois, les clairières n'y
manquaient pas, et du massif principal s'étaient dé-
tachés divers écarts, puisque c'est dans un petit bois ou
breuil, peu éloigné de la forêt, que saint Fiacre fixa
d'abord sa retraite (4).
Les territoires de Boutigny et de Villemareuil ont été
en partie formés aux dépens de la forêt du Mans ; ce dernier
village ne futérigé en paroisse qu'en 1549(5). Dans la di-
rection opposée, le village de La Haute-Maison, qui doit son
(1) Voy. ce qui a été dit p. l'iS. Aclon jeta les fondements il
l'abbaye de Jouarre, dans lo Joranus soUus, au vu* siècle. (Voy. Ton
saint Duplessis, Histoire de l'Église de Meaux, t. 1, p. 34.)
(2) En 1176, il est fait mention d'une forêt do Maham , en Hi
({ui devait se trouver dans les environs de Meaux, et qui servait d'; i
traite à un ermite nommé Guérin. Elle fut cédée par l'abbaye de Saii;i
Denis à l'abbaye de Notrc-Damc-dc-Chaage. (Félibien, Hisl. de l'abbayi
de Sainl-Denis, p. 202.) En 1226, elle fut partagée entre cette abbaye '
et le comte de Champagne {Félibien, ihid. p. 224); son défrichemeni
doit s'être opéré au siècle suivant.
(3) Voy. Toussaint Duplessis, oxiv. cil. t. I, p. 53.
(4) Toussaint Duplessis, Inc. cit.
(5) Voy. Pascal, ouv. cil. t. 1, ]). 500 et suiv.
CHAPITRE X. 161
origine à une chapelle fondée au xiii' siècle au cœur de la
forêt, et quelques autres hameaux, sont aussi des con-
quêtes de la culture. Il en faut dire autant du territoire du
village de Pierre-Levée, des alentours du château de Mon-
tebise, des paroisses deSigny et de Signets, réunies depuis
1489 (1). L'espace cultivé qui séparait^ à l'époque de l'in-
vasion francque, le Joranus ou Jodrensis saltus de la forêt
de Grécy-en-Brie, devait être peu étendu, en sorte que
cette dernière forêt peut, ainsi que celle de Jouarre, être
considérée comme n'ayant été qu'une simple subdivision
de la Brigia sijlva ou grande forêt de Brie. La petite ville
de Grécy remonte au delà du x^ siècle (2) ; on ne saurait
dès lors attribuer une notable extension à la forêt dans
sa région N. E., depuis l'époque de l'établissement des
Francs; mais le nom de Grécy est la preuve qu'à l'époque
gauloise, la forêt allait jusqu'à l'emplacement de cette
ville. Plus tard, quand on eut oublié la signification du
mot Grécy, dérivé, comme on l'a vu, du celte coat, la forêt
prit le nom de forêt de Lubeton (3). L'inspection de la
carte montre qu'elle a dû s'étendre originairement du
grand Morin à la rivière d'Yères, suivant la direction
nord-sud, et de la petite rivière d'Aubetin au ruisseau de
Bréjon, suivant la direction est-ouest. Déjà antérieurement
au xiii'' siècle, plusieurs paroisses et hameaux avaient été
pris sur son territoire ; tels sont les villages de Touquin ou
Toquin, de La Houssaie et de Fontenay-Tresigny , où
Gharles IX eut une maison de plaisance. Le bois de Lu-
migny est certainement un reste de la forêt primitive de
(1) Toussaint Duplessis, Hisloire de l'église de Meaux, t. II, p. 650.
(2) Pascal, ouv. cit. t. I, p. 529.
(3) Dans un document de l'an 1308, cette forêt est encore appelée
Foresta de Creciaco. Voy. Historiens de France, t. XXII, p. 556.
il
162 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Lubeton. Plusieurs lieux-dits du canton de Crécy rappel-
lent d'ailleurs la présence primitive des arbres. Nous
citerons : Choisiel, écart de la commune de La Gliapelle-
sur-Crécy; Romainvilliers, dont le territoire réuni au-
jourd'hui à celui de Bailly renfermait jadis un prieuré
appelé de Bosco; Sylvelle,oîi s'éleva une maison religieuse
des Trinitaires, et qui était compris dans la paroisse de
Magny-le-Hongre ; un petit bois sépare encore cette der-
nière commune de celle de Goutevroult (1); enfin Serris
ou Sarris, nom dérivé du mot essart, et que nous avons
vu plus haut avoir jadis désigné une partie de la forêt de
Saint-Denis ; le hameau de Sarris devait son origine à des
réserves faites dans la forêt de Crécy (2).
Les forêts qui environnaient Lagny, l'ancien Latinia-
r,wn, peuvent être considérées comme le dernier prolon-
gement occidental de la forêt de Brie. Quand, en 64o,
Erchinoald donna à Furcy l'emplacement où fut depuis
construit un monastère, le lieu qui servit de retraite à ce
pieux Écossais se trouvait au milieu d'une forêt, qui a valu
son nom au village de Chessy situé à une lieue à l'.est de
Lagny, au sommet d'un coteau qui borde la rive gauche
(le la Marne. Les bois et le parc du château de Chessy,
([ue des peintures de Vouët ont rendu célèbre, sont les
derniers et maigres vestiges de cette grande forêt (3).
C'est au commencement du vif siècle, vers l'époque
où saint Colomban visitait le diocèse de Meaux, où sainte
Fare fondait l'abbaye du Pont, qui reçut plus tard le nom
de Faremoutiers (4), que l'on peut faire remonter les pre-
(1) Pascal, ouv. cil. l. I, p. 548.
(2) Lebeuf, Histoire du diocèse de Paris, t. XV, p. 17.
(3) Lebeuf, ibid. t. XV, p. 41. Cet auteur donne une fausse étymologii'
<\\i nom de Chessy.
(4) En effet, il est dit que sainte Fare alla s'établir dans la Sylva
lirigifi, près d'un pont sur le Morin, qui valut à l'abbaye son nom.
CHAPITRE X. 163
miers démembrements de la forêt de Brie; car c'est vers
la même époque qu'il est pour la première fois question
de la villa Calensis. Ce palais de Chelles, construit par
les rois Mérovingiens (4), tire son nom des premiers
abattis effectués dans la partie de la forêt de Brie^, la plus
rapprochée de Paris (2). La région de la même forêt qui en-
vironnait la nouvelle résidence royale, fut appelée la forêt
de Chelles, et elle dut au plaisir de la chasse qu'elle four-
nissait à nos rois (3), d'être préservée de la destruction;
mais dans la partie orientale du Brigiensis saltus, les dé-
frichements furent moins ménagés. Toutefois, l'importance
<|u'a gardée jusqu'à nos jours la forêt de Crécy (4), prouve
<|u'en cette région le déboisement n'a pas été fort étendu.
Ce sont aussi les intérêts de la chasse plus encore que
«eux de l'approvisionnement de bois, qui ont sauvé de la
destruction une bonne partie de la bande forestière qui
traverserait le sud de la Brie. Cette bande a laissé un im-
portant vestige dans la forêt d'Armainvilliers dont dépen-
daient jadis les bois de La Grange. Désignée d'abord sous
le nom de forêt de la Ferrière, à cause du grand nombre
de forges qu'elle contenait (5), cette forêt continuait au
(Voy. Toussaint Duplessis, ouv. cit. t. I, p. 26, et Mabillon, Acia SS.Be-
nedict. t. II, p. 117.) Cette forêt est désignée, dans la vie de saint Ouen,
évêquf; de Rouen, sous le nom de Brigia sylva, Brigiensis saltus {cf.
Aimoin, De gest. Francor. lib. IV, c. xli, p. 119, éd. Ducliesne).
(1) Ce fut dans la villa Calensis que se retira* le roi Chilpéric I", après
la mort de deux de ses fils. 11 venait de quitter la forêt de Cuise, et fit
venir de Brennacum à Chelles, Clovis, le seul fils qui lui restât. (Voy.
Grégoire de Tours, Hist. Francor. V, 40.)
(2) C'est la même racine qui a donné le nom de Chaillot menlionné
p. 149. — Voy. Lebeuf, oui;, c/ie, t. VI, p. 31.
(3) Chilpéric pr fut assassiné dans cette forêt, comme il y chassait.
Grégoire de Tours, Ilisl. Franc. VI, 46.
(4) 11 y avait à Crécy, avant la Révolution, une maîtrise des eaux et
forêts.
(5) Ce nom est resté au village d'Ouzouer, dit: Ousouer-la-Ferri'cre .
164 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIE>'NE FRANCE.
sud la marche boisée existant entre la Brie et l'Ile-de-
France, dont il a été question plus haut. La ville de Brie-
Gomte-Robert, jadis Bradeia, qui date au moins du vi"
siècle, marque une limite inférieure de la forêt à cette
époque ; Tournans, jadis Tournihamus,(\\x\ remonte aussi,
suivant la tradition, à l'époque mérovingienne, nous
fournit pour la même date sa limite à l'est (i).
Au nord de Paris^ subsistaient au moyen âge bien des
vestiges de l'ancienne forêt des Sylvanectes, dont j'ai fait
connaître, dans un chapitre précédent, la prodigieuse
étendue. Depuis la forêt de Montmorency jusqu'à celle de
Cuise, autrement dit de Compicgne, se succédaient à courts
intervalles des forêts considérables, tant dans leBeauvaisis
méridional que dans le Valois. La grande forêt des Sylva-
nectes n'avait cessé depuis l'époque gallo-romaine de se
fractionner. J'ai déjà parlé plus haut de plusieurs des forêts-
auxquelles elle avait donné naissance durant la période
carlovingienne. Aux xif, xm^ et xiv^ siècles, son morcel-
lement fut encore plus accusé.
Le bois de Coye, appelé encore bois de Quaye [Boscus
Coyœ, Qumjœ boscus), est mentionné dans différents do-
cuments de ces époques, notamment dans les comptes de
saint Louis (2), comme tout à fait séparé de la forêt de
Cuise {sî/lva Cotia, devenu par corruption sylva Cuisin)
dont il tirait pourtant son nom (3).
Certaines circonstances, certains usages rappelaient
l'unité primitive existant entre toutes ces forêts, isolées
depuis. Ainsi, pour n'en citer qu'un exemple, les habi-
(1) Voy. Pascal, ouv. cil. t. I, p. 184 et suiv.
(2) Voy. Historiens de France, t. XXI, j). 275. — Cf. XXII, p. 507,
748. — On trouve aussi mentionnée une Veiula Coyœ. Voy. sur ce bois
00 que je dis jilus loin.
(3; Voy. Historiens de France, l. XXII, j>. 507.
CHAPITRE X. 165
taiitsde Servais enParisis, village qui devait, comme on l'a
vu, son nom, Silvacum ou Silmacimi, à la forêt de Servais
ou des Sylvanectes, avaient conservé le droit de panage et
de pâturage dans la forêt de Goucy, démembrement le
plus septentrional de la forêt primitive, et partageaient ce
privilège avec les religieux de Prémontré (1),
La portion de la forêt de Guise qui recouvrait la partie
du canton de Vie située sur la rive gauche de l'Aisne, ne
fut défrichée qu'aux xii*" et xiii^ siècles, tant par le chapitre
de Soissons que par plusieurs autres communautés reli-
gieuses établies aux environs (2).
La célèbre forêt de Rest ou Retz (3), désignée aujour-
d'hui sous le nom de Villers-Cotterets (4), peut être consi-
dérée comme un des plus importants démembrements de
l'ancienne sijlva Cotia (5) ; elle paraît même avoir, à une
certaine époque, dépassé en étendue la forêt de Guise (6)
(1) Voy. Forêts du département de V Ile-de-France. Bibl. imp. mss.
fonds Versailles, n» 8037, 11.
(2) Melleville, Dictionnaire historique du département de l'Aisne, 1. 1,
p. 330.
(3) Resti Foresia. Voy. Historiens de France, t. XXI, p. 253, 276;
t. XXII, p. 526, 560, 567 et suiv. — Olim, éd. Beugnot, t. II, p. 206
(année 1282).
(4) Villers-Cotterets n'existait pas encore au viu^ siècle, et tire sou
origine d'une ferme autour de laquelle se groupa un hameau appelé d'a-
bord Villers-Saint-George, et ensuite Villers- Col-de-Retz ou Coste-Retz,
d'où Villers-Cotterets. (Melleville, ouv. cit. t. II, p. 456.) Cf. ce (Jue j'ai
déjà dit sur l'étymologie de ce nom, p. 108.)
(5) Ph. de La Marre, dans sa Vie de Languet (éd. Ludwig, p. 50, 51),
s'exprime ainsi au sujet de cette forêt -. a Retise sylvse omnium fere
quotquot in Gallia sunl praeter Compendiensem, vastissima3 et ferarum
omnis generis refertissimse. »
(6) L'ordonnance de 1575 veut qu'il soit coupé 100 arpents en la forêt
de Retz, et 96 en la forêt de Cuise-lez-Compiègne. Si l'étendue des
coupes réglées par cette ordonnance est, ce qui parait vraisemblable,
proportionnelle à la superficie, il faut en conclure que ces deux forêts
avaient alors une étendue de 22,000 arpents environ, puisque la forêt
de la Neuville n'est comiirise que pour 23 arpents, c'est-à-dire pour
1/220* de sa superficie actuelle.
166 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
et était également le théâtre habituel des chasses royales.
La fondation de l'abbaye de Longpont en 1131, à l'extré-
mité orientale de la forêt de Retz, en amena le défriche-
ment dans cette direction. Dès 1317, en était séparée la
forêt de Dementart, qui commençait elle-même à se scinder
en de plus petits bois, ceux de Longue-Roye, de la Croiz-
le-Frison, de la Fautoye (1) qui ont eux-mêmes disparu.
Nul doute que les bois que la carte de Cassini marque en-
core dans cette région, au nord-est de la forêt de Retz, le
bois desÉghses, un peu plus au sud celui de Vierzy, et en
.s' avançant au midi, le bois deBlanzy,leboisLouisan,celui
de Graine, ne soient d'anciens écarts de la forêt qui s'avan-
çait vraisemblablement jusqu'à l'Ourcq. A l'est de la forêt
de Retz s'étendait sur les confins de l'ancien pays des
Suessions et de Tancien pays des Rêmes, entre la Vesle et
la Marne, l'importante forêt de Dole {sylva Dola), mention-
née au xi^ siècle. Elle a dû occuper les territoires des com-
munes de Mareuil en Dole et de Nesle en Dole qui font
partie du canton de Fère en Tardenois. La forêt qui a pris
le nom de cette dernière ville, s'en était détachée à une
époque fort ancienne ; d'autres lambeaux, les bois d'Or-
mont, de Manières, s'en séparèrent dans un temps plus
rapproché de nous. Aujourd'hui, toute la forêt qui a
gardé le nom de Dole, n'offre plus qu'une superficie de 500
hectares, tandis que celle de Fère en présente environ
2000 ; mais au siècle dernier, la première occupait encore
en bois taillis une surface de 2000 arpents (2).
La forêt de Laigue appelée ensuite par corruption forêt
de Laigle, et qu'on trouve désignée dans les anciennes
chartes sous les noms de sylva Lisica, Lisgua, Esga (3), con-
(1) Voy. Olim, éd. Beugnot, t. III, p. 114'2 (an. 1317).
(2) Melleville, ouv. cit. t. I, p. 342.
(3) Voy. Carlior, Ilisloire du Valois, t. II, p. 280.
CHAPITRE X. 167
serva pendant tout le moyen âge une notable étendue ;
plus visitée d'ailleurs pour les chasses que pour l'exploi-
tation du bois, qui y est d'une médiocre qualité, elle était
moins exposée aux ravages de la cognée (1). Au xvii'^ siècle,
la forêt de Laigue était encore comprise entre l'Aisne et
l'Oise. Plantée en futaies de chênes, elle offrait une super-
ficie de 6432 arpents ; 300 arpents au sud avaient déjà été
défrichés. Cet essart s'étendait au midi de la forêt de
Saint-Pierre, qui avait à la même époque 740 arpents (2).
Les forêts de Hez {Hecium, Hescium ou Hez) (3), celle
d'Ageux (4), s'étaient détachées de la forêt de Cuise, dès le
commencement de la seconde race (5). Mais celle de Guise
qui avait subi, sous les Mérovingiens et les Carlovingiens,
de notables défrichements, amenés par la présence à l'en-
tour de, nombreuses habitations royales (6), ne paraît
avoir éprouvé sous les Capétiens que de faibles réductions.
Pendant des siècles, elle s'étendit sur la rive gauche de
l'Aisne, depuis Pernant et Chaudun jusqu'à l'Oise, bien
(1) Le nom de Lisgua ou Lisica est dérivé, selon quelques-uns, de
Agua. aiguë (eau) ; et, en eiTet, cette forêt est tellement humide, qu'il a
fallu la traverser en tous sens par des fossés, pour y rendre possible la
production du bois de bonne qualité. Voy. ï Annuaire du départ, de VOise
pour 1839, Slaiistique du canton de Ribccoiirt.
(2) Voy. sur la forêt de Laigue, qui est encore une des plus belles de
France, et a une contenance de 2,064 hectares, Fontânon, Edicts et Or-
donnances, t. Il, p. 259, et Annuaire de VOise pour 1838, Statistiqur
du canton de Clennont.
(3) Voy. Historiens de France, t.^XXI, p. 507. Cette forêt, sise à
rO. de Clermont, est aussi appelée forêt de la Neuville, du village de La
Neuville qu'on dislingue, surnommé La Neuville-en-Hez.
(4) Il faut aussi comprendre, dans ce vaste amas de forêts, les forêts
d'Ourscamps, de Quierzy, sur la rive gauche de l'Oise.
(5) M. Mclloville [ouv. cit.) n'admet pas cependant l'unité première de
ces diverses forêts.
(6) C'était dans la forêt de Cuise qu'allait chasser Chiipéric P'', qui s'y
retira avec Frédégonde en 580, pour y donner cours au chagrin que leur
donnait la mort de leurs deux fils, enlevés par l'épidémie. (Grégoire de
Tours, Ilisl. Franc. V, 40.)
168 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
que des châteaux s'élevassent en quelques-unes de ses
clairières. Tel est celui de Bétisy {Beslisiacum) où les rois
de France ont plusieurs fois habité et qui est mentionné
dès le XII® siècle (1).
Un autre démembrement delà forêt desSylvanectes, ce-
lui qui correspondait précisément au territoire occupé
par le petit peuple de ce nom, donna naissance à la foret
de Halatte {Halala, Halacta, Alatha, Harlata) (2), voisine
de Senlis, et qui était encore souvent confondue, au xiv
siècle, avec celle de Guise (3). Cette foret qui, plus tard, a
pris le nom de la ville la plus importante qui l'avoisine
(forêt de Senlis) (4), comme celle de Cuise a pris le nom
de forêt de Compiègne (5), est déjà mentionnée dans les
Comptes de saint Louis (6), et c'est à tort que Cartier, en
son Histoire du duché de Valois Ci), dit que l'emploi de ce
(1) Cette mention est consignée dans deux lettres de Louis VII, qui
datent des années 1107 et 1168. (Cf. Hisloriens de France, t. XVI, \).
139, 140. Episiol. régis Ludovici VII ad var.) Le château de Bétisy est
appelé Bistisiacensis recjia villa. Dans les Comptes de saint Louis (p. 275),
on trouve mentionnée une Vente de la Chesnaye au-dessus de Bétisy
{Vcnda Chesnaiœ super Beslisiacum).
(2) Voy. Historiens de France, t. XXI, p. 253, 271. — Olim, éd.
Beugnot, t. II, p. 223 (an. 1283).
(3) Voy. V Annuaire de l'Oise pour 1834, Slalistique du canton de Ponl-
Sainle-Maxence .
(4) Elle est aussi' appelée forêt de Saint-Christophe.
(5) En général, le nom de forêt de Compiègne a fini par être substitué
à ces divers noms. Il a sa source dans l'institution des maîtrises, par
l'ordonnance du 29 mai 1346, et dans la création de quatre de ces
sièges pour le pays de Valois, dont l'un fut fixé à Compiègne. Cepen-
dant l'appellation de forêl de Cuise subsista encore pendant plusieurs
siècles. Sous Louis XIV, la plupart des actes disent forêl de Cuise-lez-
Compiègne. (Voy. Statistique du canton de Compiègne, dans l'Ann. de
l'Oise pour 1850.)
(6) On y lit en effet les noms de Yenda Ilalate, Gruagium Halate. (His-
toriens de France, t. XXI, p. 253, 271.) Dans un titre de 1165, cette fo-
rêt est désignée par le nom de Lucus Halachius. (Voy. Carlier, ouv. cit.
t. I, p. 57.)
(7) Carlier, ibidem.
CHAPITRE X. 169
nom ne date que du xiv^ siècle. Le mot Halatte paraît être
une corruption du nom de Halta que portait une colline
qui domine la foret et qu'on appela plus tard Mont Hal-
tois (1). La forêt de Halatte s'est elle-même promptement
réduite, et plusieurs bois et forêts s'en sont successive-
ment détachés ; telles sont les forêts de Chantilly et d'Er-
menonville. L'inspection de la carte montre que la forêt
de Halatte devait, il y a cinq ou six siècles, être reliée à la
forêt de Cuise par une succession de bois. Au xiv' siècle,
il existait à Epinay-Champlatreux, près Luzarches, une
forêt dite Foreste Hespyonie{^), qui n'était visiblement
qu'un démembrement de la grande forêt de Senlis. Elle
n'est plus représentée sur la carte de Cassini que par les
petits bois, aujourd'hui à peu près disparus, du Tremblay
et de Champlatreux. La forêt de Pontarmé et les bois
d'Hervaux, situés au sud de Chantilly, sont pareillement
un reste de cette forêt dont le village de CoyC;, en latin
Cotia, rappelle le nom gaulois. Au xiv' siècle, la forêt d'Er-
menonville était déjà distincte de celle de Perthes, qui
avait fait originairement corps avec elle; elle s'avançait
plus au sud et bordait la route qui va d'Ermenonville à
Montagny. La forêt de Perthes elle-même se réduisait déjà
à un bois contigu à un autre bois, celui de Coard ou
Couard, mentionné à la même époque, et qui a disparu.
Ce nom de Coard, que portent en France divers vihages
construits sur un sol jadis boisé, paraît être une altéra-
tion du mot coat. Sans doute que la fondation de l'abbaye
(1) Voy. Annuaire de VOise pour 1841, Statistique du canton de
Senlis.
(2) Voy. le dépouillement du cartulaire de l'abbaye de Chaalis, donné
dans H. Cocheris, Notices et extraits des documents manuscrits conservés
dans les dépôts publics de Paris et relatifs à l'histoire de la Picardie, 1. 1,
p. 384 (Paris, 1854).
170 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'anCIENNE FRANCE.
(le Chaalis, qui devint propriétaire de plusieurs de ces
bois, en hâta le défrichement (1).
Un peu plus au nord-ouest de Paris, le déboisement
était déjà très-étendu au commencement du xiii^ siècle.
L'ancienne forêt de Beaumont-sur-Oise n'était plus qu'un
bois (Boscus belli montis) (2).
On doit donc regarder la frontière septentrionale du
Parisis comme s'étant dégarnie d'une manière sensible
aux xii^et xiii^ siècles. Le Valois {Vademis comitatus) res-
tait sans doute encore très-boisé (3); mais une foule d(_
massifs d'arbres en avaient disparu; certaines essences
mêmes ne s'y rencontraient plus (4). Le châtaignier, pai
exemple, qui y dominait, comme l'attestent des noms de
lieux et de vieilles charpentes, n'y existe plus aujour-
d'hui (5).
Dans le voisinage le plus immédiat de la capitale, le
bois de chauffage commençait à manquer (6). Les forêts
de la banlieue qui avaient d'abord suffi à la consom-
(1) Cocheris, ouv. cit., p. 386.
(2) Voy. Historiens de France, t. XXI, p. 253.
(3) De vieux auteurs ont voulu mOme faire dériver le nom de Valois
du grand nombre de vallées boisées qu'on y rencontrait, comme le rap-
pelle le titre de cet ouvrage, imprimé en ICOO : « Le pais de Valois, ainsi
appelé pour les belles vallées, boys ot buissons qui s'y trouvent, peint par
Damiens de Templeux, sur ung mémoire et escript du feu sieur de Hurae-
rolles. » 1600, in-fol. colorié.
(4) Cette disposition de certaines essences des forêts d'un canton a été
souvent le résultat d'une concession de droit d'usage accordé pour celte
seule essence. Ainsi, dans la forèl de Mary, en Auvergne, le sapin a dis-
[jaru des bois voisins de Salers, et le héu-e seul a survécu, parce que les
habitants de Salers ne pouvaient couper que le premier bois. (Voy.
J.-B. Bouillcl, Description histor. et scientif. de la haute Auvergne, p.
308.)
(5) Voy., à ce sujet, les curieux détails consignés dans Brayer, .S'/^(-
tistique du déparlement de l'Aisne. Laon, 1824.
(6) Voy. Félibien, Pièces juslificatives à l' Histoire de Paris, p. 657.
CHAPITRE X. 171
mation, devinrent tout à fait insuffisants (1). On dut
recourir aux forêts de Crécy-en-Brie, de Fontainebleau,
de Jouy, de Sourdun et à quelques autres plus éloi-
gnées (2). C'est alors que Jean Rouvet, bourgeois de Paris,
conçut l'idée du flottage, qui devait amener dans cette
ville les bois de la Bourgogne et du Morvan (3). Déjà, au
temps de Suger, l'insuffisance des bois contraignait
d'envoyer prendre les grosses charpentes aux environs
d'Auxerre(4). Ladisette du bois de chauffage s'était fait
sévèrement sentir sous Charles VI. Pour y remédier, ce
prince expédia, le 29 novembre 1418, aux trésoriers géné-
raux des finances, des lettres patentes leur enjoignant de
faire vendre extraordinairement, dans les forêts de Laye,
de Senart, de Pommeraie (5), de Bondy et dans les bois les
plus proches de Paris, jusqu'à 300 arpents. Plusieurs fois,
sous ses successeurs, des mesures analogues furent or-
données, afin de suppléer à la pénurie du combustible.
Un arrêt du Parlement, du 26 novembre 1419, prescrivit
(1) Voyez à ce sujet, dans les Annales forestières, en 1849, l'intéres-
sant travail de M. Alfred Gerbaut, Sur le Bois de chauffage de Paris,
depuis la fin du xm' siècle juscju'au règne de Louis XIV.
(2) Baudrillart, Diciionn. général des Eaux et Forêts, au mot Bois
de chauffage. Les forêts de Jouy et de Sourdun faisaient partie de la
maîtrise de Provins. (Conf. sur ces forêts, Piganiol de la Force, Nouvelle
description de la France, 3« édit. 1. 1, p. 18 et 19.)
(3) Cette invention date de 1449. Jean Rouvet en fut le véritable au-
teur; mais, dix-sept ans plus tard, Arnoul, bourgeois de Paris, s'en
empara.
(4) « Gumque pro trabium inventione tam nostros quam Parisienses
lignorum artifices consuluissemus, responsum nobis est, pro eorum exis-
timatione verum, iA finihus istis propter sylvarum mopiam minime inve-
niri posse, vel ab Autissiodorensi pago necessario devehi oportere. ->
(Suger, Libell. de consecratione ecclesix S. Dionysii, dans les Historiens
de France, i. XIV, p. 314.) Voy. toutefois ce qui a été dit p. 147, au sujet
de ce fait.
(5) C'est le nom que l'on donnait à une partie dé la forêt de Villers-
Cotterets, appelée, au siècle dernier, bois de Pommereau, et qui contenait
alors 1,300 arpents.
172 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
une coupe extraordinaire dans les forêts de Bondy de
Senart,et les forets des çnvirons de la capitale (1). C'était
étendre les causes du mal pour en atténuer momentané-
ment les effets. Au xvi" siècle, on se montra plus intelli-
gent. Un édit de mai 1520, pour remédier à la pénurie
du combustible, fit défense de défricher les terrains en
nature de bois, bordant la Seine et ses affluents, et éta-
blit un règlement pour la coupe des arbres et la conduite
du bois de chauffage à Paris (2).
Déjà à cette époque, au lieu de présenter un rempart
quasi continu, comme au temps de l'invasion franquc,
l'enceinte forestière de l'Ile-de-France avait été forcée en
une foule de points et elle se réduisait à un certain nombre
de grands massifs séparés par de larges éclaircies.
(1) Voy. Belama^rejraité de la Police, t. III, p. 838 (Paris, 1770).
(2) Isamberl, Recueil des anciennes lois françaises, t. XII, p. 173.
CHAPITRE XI. 173
CHAPITRE XI.
FORÊTS DE LA PICARDIE, DE l'aRTOIS, DE LA FLANDRE ET DU HAINAUT.
Les forêts de la Picardie ne semblent point avoir
été, au moyen âge, à beaucoup près, aussi nombreuses et
aussi profondes que celles de l'ancien pays des Sylvanectes.
La basse Picardie surtout était déjà, à cette époque, dé-
pouillée de l'épais manteau arborescent, dont quelques
lambeaux enveloppaient encore la partie orientale de
cette même province. La plus célèbre des forêts de la Pi-
cardie était celle de Cressy {Cresiaceusis foresta), que j'ai
mentionnée en parlant des forêts de l'époque carlovin-
gienne. Plus tard, on la trouve simplement désignée sous
le nom de Sijlva foresteiisis ; elle avait certainement subi
alors de notables réductions, surtout à l'est, où elle était
traversée par une ancienne voie romaine qui a valu leur
nom aux trois villages à' Estrées-lez-Cressy , Caiichy,
Aoyelle-en-Chaussée. C'est dans cette forêt que vint s'éta-
blir, au VH^ siècle, pour y terminer ses jours dans la re-
traite la plus absolue, saint Riquier, qui avait quitté le
monastère de Centule, connu depuis sous le nom de ce
saint personnage (abbaye de Saint-Riquier). Le lieu de la
Ibrèt où saint Riquier bâtit sa cellule lui fut donné par
Gislemar, que la légende qualifie d'homme illustre et
pieux, et par IMaurontus, préfet des forêts royales (jjro'fec-
tus regiarum sylvarum). Cette dernière circonstance nous
montre qu'au vii^ siècle la forêt de Cressy appartenait
au domaine royal (1). D'autres cellules ^^s'élevèrent, après
(IJ Voyez Gallia christiana. Ecdes, Amhian. t. X, col. 1307.
174 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
la mort de saint Riquier, dans cette même clairière de la
forêt située au voisinage du village iWArgubius, aujour-
d'hui Argenne, près de la Gauche. Au xi" siècle y était
fondée une abbaye dite le Moùtier de la forêt ou Forêl-
Montier {Fo?'esti monastermm) (1), dont la construction
amena le défrichement de nouvelles parties de la forêt.
Toutefois la surveillance active des officiers royaux et des
agents des comtes de Ponthieu en fît respecter les hautes
futaies (2), et sa superficie varia peu pendant plusieurs
siècles ; c'est ce que démontre l'étude de la carte. Celle
de Cassini place encore Forêt-Montier sur la lisière de la
forêt de Gressy, à l'angle sud-ouest ; d'où il suit qu'il
n'y avait pas eu d'essart de ce côté. A l'ouest et au nord,
la petite rivière de Maye, qui traverse l'étang de Rue, a
dû toujours présenter une limite naturelle à la forêt, et il
n'y a que la plaine d'Auville qui ait pu être boisée. La
forêt descendait vraisemblablement à forigine jusqu'à
Saint-?sicolas-des-Essarts, dont le nom est très-significatif,
et devait ainsi englober les bouquets du Plessiel et de Ha-
loy (3).
(1) Gallia chrùliana, t. X, col. 1307.
(2) Voyez l'énoncé des amendes établies pour délits de chasse et vols
commis dans la forêt de Cressy, dansV. de Beauvillé, Documents inédits
concernant la Picardie, p. 132. L'activité de celte ancienne surveillance
ressort des procès-verbaux de visite dressés lors de la réformation des
forets de la province de Picardie, faite au xvii* siècle. (Voy. Dibl. imp.
mss. fonds Saint-Germain, n" 27.)
(3j Lors de la réformation des forêts de la province, en 1667, la forrt
de Cressy renfermait, y compris le bois Biasset, 7,163 arpents 1/4 (nii -
sures du roi). (Voy. ms. cité.) Les derniers déboisements de cette époqi.
s'étaient opérés à l'est et au nord-est, près du village de Marcheuill' ,
dont les habitants avaient été réduits, par les dernières guerres, à trans-
porter leurs cabanes dans ce canton de la forêt. La vallée dite desG/mei
présentait déjà en 1667 une clairière entièrement dépourvue de bois, de
deux journaux environ. La partie occidentale du bois Biasset avait servi,
lors des mêmes guerres, de refuge aux habitants de Nouvion. De là la
formotion de la clairière dite FInque.
CHAPITRE XI. 175
Le grand nombre d'abbayes de la Picardie qui ont été
fondées dans des bois aujourd'hui en partie disparus,
montre que le Ponthieu et l'Amiénois doivent surtout
les défrichements de leur sol forestier aux moines. C'est
dans un bois au sud d'Amiens et voisin de Saint-Acheul,
que fut fondée, en 1105, l'abbaye de Saint-Fuscien-aux-
Bois {S. Fuscianus in nemore) (1). Près des bords de la
Candie, existait, au milieu du xii^ siècle, un bois assez
considérable où fut fondée l'abbaye de Saint-André, qui
dut à cette circonstance son nom &q S . Andréas in nemore
(Saint-André-aux-Bois) (2). Sur la carte de Cassini, l'empla-
cement et tout le canton où se trouve Saint-André sont
marqués comme déboisés. On ne rencontre plus, à cette
heure, qu'une sorte de remise adjacente aux champs de
Grémecourt; le bois a donc disparu depuis le xii" siècle.
Vers la même époque, en 1125, une autre abbaye, celle
de Saint-Josse-aux-Bois {S. Judociis in nemore) (3), dési-
gnée plus tard sous le nom de Domp-Martin, était cons-
truite dans une forêt, sise au nord de la forêt de Cressy,
près de l'Authie et dont ne s'aperçoit presque aucune
trace.
A l'est de Saint-Just, dans le diocèse de Beauvais, exis-
tait un autre bois qui valut à l'abbaye de Rurecourt son
appellation vulgaire : Saint-Martin-aux-Bois (4). A peine
un bouquet en reste-t-il aujourd'hui. Le déboisement est
donc aussi, dans cette localité, postérieur au xii« siècle.
On peut citer également parmi les forêts qui ont dis-
paru delà Picardie, celle de Holmes subsistant encore au
xin*= siècle et dont la destruction semble avoir été la con-
(1) Gattia christiana, Eccles. Ambian. t. X, col. 301.
(2) Gnllia chrisliana, t. X, col. 315.
(3) Gallia christiana, Eccles. Ambinn. t. X, col. 303.
(4) Ibid. t. X, col. 8-:G, Eccles. Dcllovac.
176 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
séquence de l'établissement par Philippe-Augusle d'une
forteresse dans son voisinage (1).
Le Boulonais, dont le sol forestier ne semble pas,
au reste, avoir jamais été bien riche, subit de bonne heure
de notables défrichements ; c'est ce qui se passa aussi dans
l'Artois, qui était beaucoup moins découvert. Ces défriche-
ments furent surtout l'œuvre des nombreuses abbayes
élevées dans les diocèses de Boulogne et de Saint-Omer.
L'abbaye de l'Ostine ou de Westine {Vastina), qui date
de 1195 (2), tire son nom des défrichements qui lui don-
nèrent son territoire. Le même motif fit imposer le nom
de Wasùnum ou Guatamim à une autre abbaye, celle de
Watten, fondée vers la même époque dans une forêt {fo-
resta) (3). L'abbaye de Ruisseauville {Russellivilla), fon-
dée, à la fin du xf ou au commencement du xii* siècle,
dans le diocèse de Boulogne , porta d'abord le nom de
Sainte-Marie-du-Bois {B. Maria in nemoré) (4). Et ce-
pendant la carte de Gassini place Ruisseauville dans
un lieu maintenant complètement déboisé. Le bois qui
(<) Voy. Chroniques de Saint-Denis, 1. III, dans les Hisloi: de h'r.
t. XVIII, p. 399, et Guillelm. Armorie. De geslis Philippi Augitsli, ilans
les Hùlor. de Fr. t. XVII, p. 86, B. — Un grand nomlire de bois cl du
forêts de la Picardie, aujourd'hui réduites à de simples bois ou même to-
talement défrichées, sont mentionnées dans les actes. Nous nommerons
notamment les forêts de Tirincourt et de Croy, dont parle la charte
de fondation de la collégiale de Saint-Martin de Picquigny, de l'an
1066. {Galiia chrisliana, Ecoles. Ambian. t. X, col. 290.) Gassini n'in-
dique plus près de Croy qu'un simple bouquet.
(2) Gcdlia chi^istimia, Eccles. Audomar. t. III, col. 537.
(3) Galiia cliristiana, t. III, col. 522. Eccles. Alreb. Ce monastère du
diocèse de Térouanne ou Saint-Omer, passa ensuite au diocèse d'Arras.
(4) Voy. Galiia chrisliana, l. X, col. 1607, Eccles. Bononens. La
charte de fondation dit que l'abbaye fut élevée dans une clairière de la
forêt. « Iiï vaciio arboribiis spalio ncmoris. » Au même diocèse de Bou-
logne, deux autres abbayes furent fondées au milieu des bois, Samer-au\-
Bois {Samcriwn in Bosco) et Saint-Sauguier-aux-Bois (Sanclit.s Salvivs
in Bosco).
fi
CHAPITRE XI. 177
donna son nom à l'abbaye, a disparu depuis le xii" siècle.
Il devait ne faire originellement qu'un avec ceux deFruges
fort distants au nord de Ruisseauville, et englober divers
bouquets épars depuis le bois de Créqui jusqu'aux
bois de la Ternoise. Sur la route d'Hesdin à Fruges, on
voyait jadis une chapelle Saint-Hubert, élevée pour la pro-
tection de ceux qui venaient chasser dans la forêt. Une
autre localité du même vocable se trouve près de Biès.
Lors de la réformation des foréls du Boulonais et de la
Picardie, en 1667, la forêt de Hardelot contenait encore
i,220 arpents, 20 verges; celle de Guines, 1,788 arpents ;
celle de Boulogne-sur-Mer, 4,432 arpents; celle de Desu-
resmes, 2,242 arpents, non compris les bois des Monts et
de Quesnet (1). Aujourd'hui la forêt de Boulogne ne ren-
ferme plus que 3,300 arpents environ (2), et les autres ne
sont pas moins réduites. On a des preuves certaines que
les forêts d'Hesdin et celle du Forestel, située au sud du
Vieil Hesdin, ont eu une extension fort supérieure à celle
qu'elles présentaient au siècle dernier. La première s'a-
vançait au nord-ouest jusqu'à la chaussée de Brunehaut;
elle occupait, au xvii"' siècle, une superficie de 1,933 ar-
pents. La seconde, qui tenait à la forêt d'Arguel, en avait
591 ; elle a dû recouvrir, dans le principe, les deux rives
de la Canche et s'avancer jusqu'à l'Authie.
Dans la région orientale de la Picardie, subsistaient les
débris de la partie septentrionale de la forêt des Sylva-
nectes et de la partie méridionale de la forêt Charbon-
nière. Si quelques forêts royales gardaient la majesté et
l'étendue qu'elles avaient à l'époque carlovingienne^ d'au-
(1) Voy. 1(1 Réformalion des eaux et forets de Picardie, Artois, Bou-
lenois et Pays reconquis. Biblioth. impèr. mss. fonds Saint-Germain,
n" 26.
(2) Voy. Bertrand, Histoire de Boulogne-sur-Mer, t. II. p. 170.
12
178 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE lUANCE.
très s'étaient singulièrement réduites; tel fut le cas pour
la Vosagus sïjlva dont le nom s'était altéré en celui àQ Syl-
va Voesia (1), forêt de Voase ou Voëse. Nous avons dc^'à dit
plus haut que c'est au milieu de cette forêt que fut fon-
dée, au xii'" siècle, la célèbre abbaye de Prémontré {Prœ-
monstraturn), chef-lieu d'ordre (2). Antérieurement une
autre abbaye avait été élevée dans la même forêt, celle de
Saint-Mcolas-du-Bois ou du Saut {S. Nicolaus in Bosco ou
de Saltu) (3). La forêt de Voëse était, au xii' siècle, aussi
désignée sous le nom de Vendogia ou Vedogia (4). A cette
époque, elle s'étendait entre l'Ailette, l'Oise et la Serre
jusqu'à A-sis et Laon (5); elle se divisa en plusieurs quar-
tiers qui finirent par constituer des forêts séparées : la
forêt de Goulommiers ou de Folembray, le bois de Fores-
telle, du Tilleul, de Tranlois, etc.
Le plus important de ses lambeaux est la forêt de Saint-
Gobaiu; c'est surtout aux xii' et xiif siècles, que la forêt
de Voës fut défrichée en partie, grâce aux moines de l'ab-
baye de Saint- Vincent de Laon. La forêt de Goulommiers,
déjà mentionnée sous le nom de Colombaria sylva en
l'an 831, perdit ce nom, puis celui de Folembray, pour
prendre le nom de Forêt basse de Coucy (6), du voisinage
(1) Voy. ce qui en a été dit p. 110.
(2) « Sed et aliud construxit monaslerium clericornm, in loco qui vo-
catur Cuissiacus, abbatemque ibi ordinavit... Gum auteni vidisset mo-
nachos Valclarenses qui prope manebant, contendere contra vicinos
suos canonicos Cuissiaccnses pro quadam conligua sylva, etc. » Gesia
Bartholomxi Laudunensis cpiscopi, dans les Historiens^ de France,
t. XIV, p. 346.
(3) Voy. Guiberl de Nogent, dans les Historiens de France, t. XIT,
p. 249. Gallia chrisliona,i. IX, col. 010. Eccles. Laudunens.
(4) 5. Nicolaus de sylva Vendogii Suessionis, lit-on dans une lettre de
Samson, archevêque de Reims, à Innocent IL Voy. Historiens de France,
t. XV, p. 404.
(5) Melieville, Diclionn. histor. du départ, de l'Aistie, t. II, p. 4C8.
(6) Melieville, ibid. 1. 1, p. 296.
CHAPITRE XI. 179
4e cette ville, qui empruntait elle-même le ien à la grande
forêt des Sylvanectes (1) ; elle ne présentait plus, au siècle
dernier, que de faibles vestiges. L'inspection de la carte
permet d'en retrouver les limites originelles. La forêt
de Goulommiers englobait la foret Basse, placée dans
Cassini au nord de Coucy, et les grands bois des Avow-s.
Toute la contrée, jusqu'aux j:'ivières de Souche et de Serre,
fut visiblement recouverte naguère d'arbres. Saint-Nico-
las-du-Bois, dont il vient d'être question, se trouve dans
une partie actuellement déboisée. A l'est du bois des
Avours, on rencontre un lieu maintenant faiblement om-
bragé, dit le Mont-de-Forêt, Les noms de Bussy-les-Ra-
monts, Bois-Roger, Sart-Notre-Dame , témoignent de la
présence ancienne des arbres sur des points qui en sont
actuellement tout à fait dégarnis. Le nom d'Ardon, porté
par un village situé entre Bruyères et Laon, n'est pas
moins significatif; il rappelle celui de l'Ardenne, forêt
dont celle de Voëse n'est qu'un antique démembrement,
comme on le verra plus loin. Un autre village, sis au sud
de Bruyères, s'appelle Vorges ; ce mot semble être une
corruption du nom de Vosges, transcription française de
Vosagus. L'épithète de Waste, que reçoit le village de
Monceau, situé dans la grande plaine s'étendant vers la
Souche, dénote l'existence d'une gâtine ou large défriche-
ment opéré anciennement dans la partie de la forêt qui
constitua le bois de Samoucy. Ce dernier bois représen-
tait déjà, à l'époque carlovingienne, comme on l'a vu plus
haut, une forêt séparée; le village de Coussij-les-Aipes
(Cociaciis juxta Apiam), situé plus au sud, tire son nom,
ainsi que Coucy, de la grande forêt primitive des Sylva-
nectes.
(1) Voy. ce qui a été dit p. ôQ, 1 10.
180 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L* ANCIENNE FRANCE.
Le reste le plus septentrional de la forêt de Voëse qui
sépare le territoire des Bellovaques, de celui des Sues-
sions, semble être la forêt de Bouveresse, appelée jadis
forêt de Boveresche ou de Beverisse, sise au sud de Saint-
Quentin et au nord de Ribecourt. Nous possédons sur
l'état de cette forêt en 1260, un document curieux (1) qui
indique quelles étaient alors les parties boisées entre
Guiscard, Montdidier et Nesle. Nous voulons parler d'un
texte des Olim où sont mentionnés une foule de noms de
bois et de forêts, dont bon nombre ont totalement dispa-
ru (2). Il ressort de ce document que la forêt de Boveresse
ne s'étendait pas alors beaucoup plus au nord que ne l'in-
dique, 500 ans plus tard, la carte de Gassini. Les villages
de Solente, d'Ercheu (Ilerchieu dans le document), d'O-
gnoles, de Moyencourt, les hameaux de Wally, de Breuil
(Breuille dans le document), existaient déjà. Seulement,
on mentionne près de Breuil, un bois qui a disparu sur
la carte de Gassini {Xe?)ius qui cUcitur Le Breuille). Le nom
de^Gressy porté par un village situé au nord de la même
forêt, au voisinage des lieux que je viens de rappeler, date
(1) Voy. Olbn, éd. Beugnot, t. I, p. 115.
(2) Nous extrayons de ce document le passage suivant, où se trouvent
mentionnés bon nombre de ces bois : « Celerum dicebant ipsi milites et
armigeri quod a nemore de Rovroy usque ad nemus quod vocatur les
Conchis de Cavaignes, in omnibus terris arabilibus que sunt inter dicta
nemora de Rovroy et de Conchis, usque ad rivum aque que vocatur
"Verse ; item in omnibus nemoribus que vocantur les Conchis de Cavai-
gnes et de Gratoil et nemoribus Pétri de Kilescort et nemore bastardi de
MoUcncort et nemore Raboudi, militis, et nemore quod dicitur Le Fretoy
et nemore quod dicitur les Conclus Sancli Clementis et a dictis nemoribus.
in omnibus terris arabilibus et possessionibus silis inter dicta nemora et
uquam (jue dicitur Verse, oxcepto molendino de Tyllencort... Ilem a ne-
more quod vocatur les Conchis Sancli Clementis in terris arabilibus et
nemore (luod dicitur Cauda de Bucliy et aliis terris arabilibus et posses-
sionibus usque ad Plancham de Mevc... Item ab exitu nemoris des
Crous de Boveresches versus Roienglese (Royoé'.dise ), usq\ie ad muriiloa
dicte ville, etc. »
CHAPITRE XI. 481
certainement d'une époque bien plus ancienne; car il
doit avoir été imposé, peu après le défrichement de la
partie de la forêt où il fut construit. Au sud de la forêt
actuelle de Boveresse, les limites n'ont pas changé sensi-
blement davantage, puisqu'on trouve déjà mentionnés
dans le document en question les villages du Fretoy et de
Campagne, d'où il suit que les deux essarts au milieu
desquels ils se trouvent, sont antérieurs au xiii" siècle.
Si, au midi et au septentrion, la forêt de Boveresse a
gardé pendant cinq siècles presque les mêmes limites, elle
devait en revanche s'étendre beaucoup plus à l'ouest et au
sud-ouest, et s'avançait vraisemblablement jusqu'au ruis-
seau deMareuil. Quand on rapproche les indications de la
carte de celles de la pièce des Olim du Parlement, on
voit que tout le pays au sud de Nesle, de Roye, en tirant
sur Montdidier, a dû être déboisé; mais en 1260 ces bois
depuis longtemps ne formaient plus une forêt continue;
ils avaient chacun leur nom particulier (1). Gassini ne
place en ce canton que quelques bouquets ; mais le
grand nombre de lieux-dits formés avec le mot Rue révèle
la présence de l'ancienne forêt. C'est ainsi qu'à l'est de
Tilloloy, on rencontre la Rue de 3Iaiibinsso?iy la Rue des
Puquettes, la Rue de l'Abbaye. Près de Gonchy-les-Pots, lo-
calité mentionnée dans notre document, et au sud de Til-
loloy, se trouve encore marqué dans Gassini un bois de
quelque importance. Au midi de Plessier-de-Roye repa-
raissent également en foule les lieux-dits formés avec le
mot Rue ; Rue de la Plaine , Rue d'en haut, Rue du Rraij, etc. ,
et plus au sud, Rue du Rout, Rue du RJiosne. Les deux
essarts dont sur la carte de Gassini, la Potière-Pezzé et La
(I) Outre les bois cités dans le passage précédent, nous rencontrons
encore le Nemus de Bonoil, le Nemus majus de Herchieu, le Nemus des
llalois, le Nemus quod diciiur les Quesnmjs. etc.
182 LES FORÊTS DELA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
Toutelle occupent à peu près le milieu, sont \isiblement
d'origine assez moderne.
Tout concourt donc à nous faire admettre que, depuis
le xiif siècle, la forêt de Boveresse a été largement défri-
chée dans sa région occidentale.
Au nord de la forêt des Sylvanectes, sur les confins de
la Picardie, duCambrésis et de l'Artois, la forêt d'Arouaise,
dont j'ai dcgà parlé plus haut, reçut, à partir du xii" siè^
cle, de larges éclaircies. Elles furent dues surtout à la
fondation de l'abbaye de Sainte-Trinilé, autrement dit
Saint-Nicolas-d'Arouaise, en l'an 1098 (1). La carte de
Cassini marque cette forêt comme complètement distincte
et séparée par un espace de plusieurs kilomètres, des bois
de Liessies et d'Andigny. Or, dans la demi-lune défrichée
qu'enveloppe le premier de ces bois, se trouve une loca-
lité du nom de Vaux-en-Arrouaise. On doit donc regar-
der ces deux bois, ainsi que les forêts de Bohain et de
Beaurevoir, les bois de Tupigny, d'Hennechies, de Gui-
sancourt et quelques bouquets voisins, comme autant
de lambeaux épars de la forêt d'Arouaise (2). L'établis-
sement de la voie romaine qui traversait celle-ci et qui
a laissé son nom à Estrées-en-Arouaise (canton du Catelet),
y appela les premiers défrichements (3)^ Au nord-ouest
de Saint-Quentin, dans un canton actuellement très-dé-
couvert et qui l'était déjà au siècle dernier, se trouve
Montigny-cn-Arouaise. D'où il suit que l'ancienne Arida
Gamantia devait recouvrir une bonne partie du Vermaii-
(1) Voy. Chronic. Camcrar. dans les Historiens de France, t. XI,
p. 128. — Gallia christiana, t. III. Ecoles. Airebaten.y col. 433. Cf. ce
qui a été dit p. 56.
(?) Voy. Melleville, Dictionnaire historique du départ, de l'Aisne, 1. 1,
p. 40.
(3) Voy. Cocheris, Notices et extraits relatifs à la Picardie, t. II,
p. 504. Cf. ce quej'ai dit p. 56, note 4.
CHAPITRE XI. 183
dois; elle n'était conséquemment sépare'e de la forêt de
Thiéraclie que par un espace de quelques kilomètres. Un
village appelé Pleinc-Selve rappelle par son nom la pré-
sence, entre Ribemont et IMonceau-le-Neuf, de la forêt.
Un acte de 1322 mentionne la foresterie de Wimy (1).
Cette forêt, qui s'étendait aux environs d'Oliis, dans le
canton d'IIirson, a disparu. Elle devait être un démembre-
ment de la forêt de Tliiérache, puisque le village de Wimy,
déjà existant au xii^ siècle, faisait partie du pays de ce
nom (2). Sur la carte de Cassini, la forêt de Wimy n'est
plus représentée que par de simples bouquets ; mais à
l'entour de Wimy, sont tracés plusieurs chemins portant
encore le nom de Rue [Rue de la Chasse, Rue des Cen-
dreux, etc.). La forêt de Wimy se rattachait au nord à la
forêt dite la Haie-de-Fourmies, jadis propriété de l'abbaye
de Liessies et démembrement de la forêt de Thiérache.
La fondation, en 940, de l'abbaye de Saint-Michel-en-
Thiérache, qui a valu son nom à la forêt de Saint-
Michel, celle de l'abbaye de Glerfontaine, non moins riche
en bois que sa voisine (3), ont certainement hâté la des-
truction des restes de la grande marche forestière du
Vermandois.
La constitution en forêts séparées des principales divi-
sions de la forêt Charbonnière, explique pourquoi le nom
de celle-ci disparut au moyen âge. Déjà, à la fin du
xn'' siècle, elle n'est plus représentée que comme un bois,
Nemus Carboneria (4). Dans sa partie nord- est, la forêt
(1) Cocheris, ouv. cit.— Galliachristiana, t. IX, p. 600. Eccles. Audom.
(2) McUeville, ouv. cit. t. II, p. 476.
(3) Coclicris, ouv. cil. t. II, p. 517, 526, 592. Il est dit que l'abbaye
de Saint-Michel fut élevée ad deseriiim locum in sylva Teoracia.
(4) Voy. Gislebert. Montons. Ilannaon. Chronic. dans les Historiens
de France, t. XVIII, p. 377.
184 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
Charbonnière avait, à la même époque, fait place à des
bois et des forêts désignés par des dénominations spé-
ciales. Il existait alors aux environs de Maubeuge quatre
bois distincts, ceux de Tiloit, de Faiisc, de ('oui<imis et
d'Aumône {E leemosi/)ia) (1), qui ont aujourd'hui disparu
ou n'ont laissé de traces que dans le bois de Jeumont et
quelques autres bouquets placés aux alentours de cette
ville. Ainsi, dès la fin du xu' siècle, la forêt de la Fagne
avait cessé d'envelopper Maubeuge, et l'éclaircie, au
milieu de laquelle cette ville s'éleva, était déjà ancienne,
puisque, dès avant le viii'' siècle, une abbaye, celle
d'Hautmont (Alttis jnons) (2), avait été construite aux
environs, en un point de la forêt qui fut vraisemblable-
ment défriché à la même époque. Le bois de Beaufort,
qui allait rejoindre sans doute la forêt de la Haye d'A-
vesnes (3), est très-probablement un débris de cet ancien
manteau forestier. Les noms de Choisi/, de Sart, du
Censé du Farjet (4), qui se rencontrent dans le voisinage,
indiquent autant de points où s'étendait jadis la forêt.
Dans leCambrésis, la forêt de Mormal continuait à re-
présenter le reste le plus important de la forêt Char-
bonnière. A en juger par la carte, elle s'étendait origi-
nairement de Landrecy à Bavay et au Quesnoy. Bavay,
existant déjà du temps des Romains, devait être, dès le
commencement de notre ère, une des limites de la forêt.
(1) Hannon. Chronic. ibid.
(2) Gallia Christian, t. III, col. 1 14. Eccles. Camer.
(3) Rappelons ici que le nom de Haye, Ifayes désignait, non une hair,
une enceinte, comme aujourd'hui, mais une portion de forêt assez éten-
due et réservée pour différents besoins du seigneur. Elle tira son nom de
la clôture {iiaga ou haia], qui la circonscrivait. On désignait sous le
nom de plessis une portion de foret fermée par une clôture de bois vif
dont les branches s'entrelaçaient.
(4) Fagetum, lieu planté de hêtres. Le hêtre est une des essences domi-
nantes des forêts du Ilainaut.
CHAPITRE XI. 185
Landrecy ne se trouve guère mentionné que dans les
chartes du xiii^ siècle, où il est appelé Landericiacum.
Le Quesnoy apparaît chez les chroniqueurs, dès le
xp siècle, sous le nom de Quercetiim. On est donc en
droit de supposer que la forêt de Mormal, qui a toujours
été nécessairement bornée à l'est par laSambre, embras-
sait, antérieurement aux^ siècle, le territoire de Landrecy
et celui du Quesnoy, où s'élevaient des futaies de chênes
qui ont valu, plus tard, à la ville son nom (i). A une
époque moins reculée, dans la direction ouest, furent
ouverts les grands essarts de Preiix-aux-Bois, Bobersat et
Montgarny (2).
A la fin du xvii'' siècle^, les clairières qui entourent Lo-
quignoljl'Hermitage et Grande-Pàture, existaient déjà (3),
et dévastes défrichements avaient été opérés dans la di-
rection sud-ouest. On estimait alors la superficie de la
forêt de Mormal à 46,722 arpents 50 verges (4). Elle est
aujourd'hui de 16,948 arpents ; ce qui prouve que les
améliorations faites à son aménagement au xviif siècle,
lui avaient rendu quelque peu de son antique splen-
deur (5).
La Sambre séparait la forêt de Mormal de celles deNou-
vion et d'Arouaise. J'ai déjà parlé de la seconde de ces
forêts. Les bois du Toillon, le bois de l'Evêque doivent
être des démembrements de la première. Ce dernier bois
(1) Le chêne forme encore, dans la forêt de Mormal, de magnifiques
lutaies.
(2) Voy. Plans des forcis des provinces des Flandres, Artois, Hai-
nault et pai/s d'entre Sambre et Meuse et Outre-Meuse, dont la réforma-
lion a été faite par MM. L. Féronpère et fils, après la paix de Nimègue,
suivant les ordres du roy, mss. l)ibl. de l'Arsenal, in-4°, n» 288, hist.
(3) Voy. Féron, ?nw. cité.
(4) Ibid.
(5) Voy. Dieudonné, Statistique du déparlemenl du Nord, t. I, p. 282.
186 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
se trouve au nord-ouest d'un canton forestier apj)elé h
Haye Catelaine dont le sépare une plaine de 5 à 6 kilom^
très et au centre de laquelle se trouve le hameau du Sart\
qui montre par son nom que toute cette étendue était
boisée. La forêt de Nouvion n'est elle-même qu'une frac
lion qui s'est anciennement détachée de la forêt de Thi(
rache, dont a également fait partie la forêt de Regnaval oi
Renneval. Non moins réduite que la forêt actuelle d^
Nouvion, cette forêt en constitua d'abord le canton le plus
méridional, de même que le bois d'Andigny en représenta
l'ancienne partie occidentale. La forêt de Nouvion fut
bonne heure limitée par deux Toies romaines demeurées
pendant des siècles de grands chemins de communication,
à savoir : à l'ouest, celle qui traversait une partie de lî
forêt d'Arouaise et qui valut à Etreux-Landrenat son
nom ; à l'est, celle qui passait par Estrez et par Etreung-
la-Chaussée.
Au nord-ouest de la forêt de Nouvion, la forêt de Vi-
cogne dont j'ai parlé comme existant à l'époque des Car-
lovingiens et qui, sur la carte de Cassini, n'est déjà plu<
représentée que par un grand bois dit « bois de Vicognc
et de Saint-Amand, » fut dans le principe une simple sub-
division de la grande forêt Charbonnière et dut compren-
dre la forêt de Gondé, que l'Escaut partage en deux. Ondis-
cerneencoresur la carte des traces nombreuses de son an-
tique extension à l'ouest. Toute la rive gauche de la Scarpe,
jusqu'au bois situé au sud de Tournay, est semée de loca-
lités dont les noms dénotent l'ancienne présence des
arbres; tels sont ceux de Sautbois, de Court-aux-Bois, Le
Chùiie-Sartaiijne, Mue-du-Bois.Vne multitudedelieuxsitués
en des points découverts et parfois très-éloignés de la fo-
rêt actuelle^ portent le nom de Rue. Nous citerons notam-
ment : Itiie-Vcrdrei'ie, liiie-Roteleux, Rue delà Place ^ Rue
CHAPITRE XI. 187
de Fressij, Rue de Quiez, RiieduSart, etc. ARuedeMariy,
Cassini indique encore un bouquet.
A l'ouest d'Orcliies, les Rois du Roi dessinent un der-
nier lambeau de la partie de la forêt Charbonnière qui
s'étendait au sud jusqu'au voisinage de Douai, comme le
rappelle le nom de La Forest porté par un \illage sis un
peu au nord de cette dernière ville. C'est là que passe la
frontière de l'ancien Artois. Ce canton de la forêt Char-
bonnière a dû conséquemment constituer la marche
des Atrébates. Une charte de l'an 937 mentionne, dans les
environs de Saint-Amand, une forêt appelée Rlangiacus
(Blangy) et dont la position n'est pas nettement fixée (1).
C'était là encore un autre débris de la grande forêt
Carbonière.
Les bois que l'on coupait dans cette forêt étaient vrai-
semblablement embarqués sur l'Escaut et conduits de
là sur les bords de l'Océan, où ils servaient à construire
des nefs qui hantaient la haute mer. Au temps des Car-
lovingiens, Tournay et Valenciennes étaient des ports
importants (2).
II arriva pour la forêt Charbonnière et pour celle de
Mormal qui en représenta dans la suite le plus grand
morceau, ce qui advint pour une foule d'autres; les mo-
nastères fondés à leur voisinage ou dans leurs clairières
en hâtèrent le démantèlement. Dès le vu" siècle, s'élevèrent
les abbayes de St-Amand {Elnonense M onasterium) (3),
dans le diocèse de Tournay, et sur les bords de la Scarpe,
(1) Voy. Historiens de France, t. IX, p. 587, c.
(2) Ces doux villes sont indiquées comme des ports dans la légende de
leurs monnaies carlovingiennes. Voy. A. de Longpérier, Notices des mon-
naies françaises de la collection Rousseau, \). 226.
(3) Galiia christiana, tom. III, col. 254. Eccles. Tornac. Cf. V. de
Courmaceul, Histoire de la ville et de l'abbaye de Sai?it- Arnaud, p. 2.
(Valenciennes, 18G6.)
188 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
dans le diocèse d'Arras, ceux de Hasnon et de Marchienf Bi
nés (1). En i039, des religieux de l'abbaye d'Arouaise
vinrent fonder dans le premier de ces diocèses l'abbaye de
St-Christophe de Falempin (2). Vers 1125, Alman de Pont
donna au prêtre anglais Guidon, pour y construire un
monastère, un lieu de la forêt de Vicogne ; l'abbaye en
prit le nom (St- Sébastien de Vicogne); en 1234 s'élevait
près de Douai, celle de Flines ou Félines (3). La partie de
la forêt de Vicogne où furent construites les abbayes
de Hasnon et de Marchiennes et qui s'étendait sur la rive
droite de la Scarpe, était, au siècle dernier, très-faiblement
boisée. Un petit canton bien cultivé, la Pévèle, s'était ,
formé aux dépens de la forêt près de laquelle s'éleva ori- ^
ginairement l'abbaye de Saint-Amand. Le petit bois de
Raches est tout ce qui subsistait de la forêt qui avait ;
environné le territoire de Flines. Les cantons de l'an- |
cienne forêt Charbonnière, qui devinrent des propriétés
de ces abbayes, après avoir constitué des forêts isolées,
disparurent ainsi graduellement (4).
Au diocèse d'Ypres, limitrophe de celui de Tournay,
une autre abbaye, celle de Vestines sur la Lys {Wateniœ
ou Guateniœ), fut pareillement fondée dans l'essart d'une
forêt dont elle amena l'entière destruction (5).
A l'est de la forêt de Vicogne et de Nouvion, la forêt dite
LaUayed' Avesnes, dont j'ai parléci-dessus, servait comme
de raccordement entre la forêt Charbonnière et celle des
(1) Galliachristiana, t. III, coL 393, 399. Eccles. Atrebal.
(2) Jbid. t. III, col. 294. Ecoles. Tornac. — Les bois de Falempin
occupaient encore à la lin du xvii* siècle une superficie de 1549 arpents
98 perches. Voy. Féron, mss. cité.
(3) Gallia chrisliana, t. III, col. 463. Eccles. Alrehalens.
(4) Voy. Dieudonné, Slotislirjue du dcparlement du Nord, 1. 1, p. 281 .
(5) Gallia chrisliana, L V, col. 345. Dans le même diocèse existait
l'abbaye de Nonnenbosch, bâtie avant le xii* siècle dans la forêt de Ru-
metre {Rumelra sylva) qui n'existe plus aujourd'hui.
CHAPITRE XI, 189
\rdennes. Elle ne tarda pas à constituer une forêt isolée,
et c'est ainsi qu'elle est indiquée dans Cassini. Plus au
isud, la Haye dWuhenton représente un autre trouçon de
lia bande qui unissait dans le principe l'Ardenne à la forêt
iCharbonnière et qui n'était autre que la continuation de
la Theoracia Sylva ou forêt de Thiérache dont j'ai déjà
parlé (1).
Cette forêt de Thiérache recouvrait, au xii*^ siècle, le ter-
ritoire compris entre la Serre, Guise et le Nouvion : elle a
laissé son nom à un bois marqué encore comme assez im-
portant dans Cassini, et qui s'est peut-être rattaché au
nord à la forêt de la Fagne, dont il est séparé par le terri-
toire de Chimay; ses parties centrale et méridionale fu-
rent de bonne heure défrichées. La ville de Guise {Guisia),
dont la fondation est antérieure au xii*^ siècle, fut élevée
dans un de ses e.-sarts et tire son nom du celte coat par
lune altération semblable à celle qui donna le mot Cuise.
Auxxiii® et xiV siècles, certaines communautés religieuses,
particulièrement les abbayes de St-Denis, de Foigny, de
Thenaille, accélérèrent le défrichement de la forêt de
Thiérache ; il fut encore étendu au xvi^par les cendriers,
qui, pendant cinquante ans, brûlèrent tout le menu
bois leur tombant sous la main. La forêt devait s'étendre
originairement à l'est jusqu'à l'Aisne. Le bois de la Mal-
maison, le bois d'Angoutte, près duquel est une localité
appelée La Ville aux Bois, en sont certainement des dé-
bris. Plusieurs noms très-significatifs marquent des points
où s'étendait anciennement la forêt ; tels sont La Selve,
village situé au sud du Gros-Dizy, Chaource (2) en Thié-
rache, village situé sur les bords de la Serre, à Test de
(1) Voy.p. 56. Cf. Melleville, Dklionn.hhlorlq. d-c l'Aisne, i. il. {>. 370.
(2) Yoy. ce qui a été dit sur ce nom, p. 100.
I
190 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE
Rozoy en Thiérache; Sevigny, village situé au sud du bois
de Voilep, et où il faut peut-être reconnaître le Sylvinia-
cum mentionné dans une charte de 1380 comme se trou-
vant au voisinage du bois de Valencourt (1).
La forétde Thiérache s'était graduellement subdiviséeen
plusieurs cantons qui devinrent des forêts distinctes, et
parmi lesquelles il faut compter les forêts de Wattigny, de
St-Michel, d'Origny, de Renneval, deNouvion, les grands
bois de Ilonduin et de Ciny, les haies de Vigneux, de
Ghaource, de Guise, d'Artaing(2). J'ai déjà parlé ci-dessus
de quelques-unes de ces forêts. La haie de Ghaource {Ca-
lusiacum, et par corruption Cadussa, Cûdurca, O/oursius)
occupait jadis l'espace compris entre la Serre et le Gros-
Dizy. Au xii" siècle, elle appartenait aux seigneurs de
Rozoy, et l'un d'eux la donna en 12 10 aux moines de St-De-
nis, avecledroitde l'essarter (3). La haie deVigneux s'éten-
dait du village de ce nom jusqu'aux rives de la Serre; elle
fut également défrichée par les moines de St-Denis qui en
étaient propriétaires (4). Quant à la forêt d'Origny {Sylva
Origniaci), elle s'étendait autrefois vers le confluent du
Thon et de l'Oise (5).
Ainsi encore au moyen âge, malgré des défrichements
nombreux, surtout dans sa région nord-est, l'ancienne
forêt Gharbonnière avait laissé des vestiges aussi étendus
que multipliés. Tout l'ancien territoire des Ncrviens con-
servait la plus grande partie de son manteau forestier.
La forêt de la Fagne formait la lisière méridionale de la
grande forêt qui recouvrait dans le principe le Ilainaut
(1) Voy. V. J. Lecaipenlier, Histoire de Cambray. Preuves, p. 56.
Peut-être était-ce Selvigny.
(2) Melleville, ouv. cit., t. Il, p. 370.
(3) Melleville, ouv. cit., t. I, p. 206.
(4) Melleville, ouv. cit., t. II, p. 447.
(5) Melleville, ouv. cit., t. 11, p. 185.
CHAPITRE XII. 191
et le Brabant (1). De la Sambre à la Meuse, le réseau arbo-
rescent devenait plus épais et plus serré; on entrait alors
dans ce qui représentait à proprement parler la forêt des
Ardennes.
L'extension de la culture, due à l'introduction vers le
xYi^ siècle, dans le nord de la France, des plantes oléagi-
neuses, telles que le colza et la navette (2), donna plus de
valeur aux terres arables et poussa au défrichement. Aussi
est-ce à cette époque qu'il faut rapporter l'essartement de
divers cantons des forêts qui viennent d'être passées en
revue.
(1) Voy. ce que j'ai dit de cette forêt, p. 54, 60.
(2) Voy. G. Dareste de la Gtiavanne, Histoire des classes agricoles en
France^ 2« édit., p. 491.
192 LES FORÊTS DE LA CAULE ET DE l'aNCIEN'NE 1 RANGE.
CHAPITRE XII.
FOKKT DES ARDEXNE?, — l'aRGO.VNE, FORÊTS DU BARHOIS, PE LA
LORRAINE.
La forêt des Ardeimes ne présentait plus, sans doute,
au moyen âge, cette étendue gigantesque qu'elle avait au
temps de César ; ses profondeurs, longtemps impéné-
trables, avaient été maintes fois violées, et de vastes clai-
rières devenues bientôt des cantons peuplés et cultivés,
l'avaient fractionnée en plusieurs forêts distinctes. Ce-
pendant le souvenir de la grandeur de son domaine vivait
encore* dans les imaginations. C'était, comme l'appelle
l'auteur du roman de Doon de IMayence :
La grande forest qui moult fort verdoict (1),
la grande forêt de la France par excellence.
On a rappelé plus haut le rôle qu'elle joua dans nos
vieilles chansons de geste, les légendes qui couraient à
son sujet. Ajoutons qu'une des aventures romanesques
imaginées sans doute par nos jongleurs, qui jouirent aux
siècles derniers de plus de popularité, avait reçu un can-
ton des Ardennes pour théâtre. Il s'agit de l'histoire si
touchante de Geneviève de Brabant, que son époux Sige-
froi, palatin d'Ottendinck, retrouva dans une des retraites
les plus inaccessibles de la forêt, là où plus tard, suivant
la tradition, s'éleva la chapelle de Fraucnkirchen, que
visitent encore les pèlerins des provinces rhénanes. La
victime de la scélératesse de Golo prit, dans la vénération
des paysans ardennois, la place de la Diane Arduenna dont
(1) Un des principaux éjtisodcs de cette chanson se passe a en chele
grant forest qui Ardane a à nom. » Voy. Doon de Mayence, chanson
de geste, publiée par A. Pey. p. 43 et suiv, (Paris, 1859).
CHAPITRE XII. 193
le culte avait laissé des traces dans les superstitions lo-
cales.
Malgré la réduction notable de la forêt, on lui attri-
buait encore au xvi« siècle une étendue gigantesque; on
assurait qu'elle allait de l'Escaut au Rhin. En effet, André
Thevet en fait, dans sa Cosmographie universelle^ la des-
cription suivante (i) : «La forest d'Ardenne, ayant une
grande estendue, va depuis Trêves du Rhin avant, jus-
qu'aux limites de Trêves, jusqu'aux Nerviens (qui est le
comté de Hainault et Artois), contenant plus de cent lieues
de longueur. Quant à cette large forest tant célébrée, c'est
peu de chose aujourd'hui, qu'il n'y a seigneur y préten-
dant droit qui ne la fasse abattre et démolir, pour en ti-
rer du profit. Jadis elle embrassait les pays de Hainault,
Luxembourg, Bouillon, Bar, Lorraine, Limbourg, Metz,
Namur, Mayence, Confluents et Cologne, voire encore à
elle, soubz soy la plus part du pays de Liège, tirant à
l'ouest... Et vers les Belges, l'extrémité de ceste forest est
prise aux rivières de Meuse et d'Escault; car, quant à la
Moselle, du côté de l'est, elle est encore ombragée de cette
forêt de la part de Trêves. »
Là où des villes, des villages n'avaient pas chassé les ar-
bres, les moines se chargèrent de ce soin. Une foule d'ab-
bayes, dont quelques-unes donnèrent naissance cà des
villes, ont été fondées dans l'Ardenne. Déjà, à la fin du
xii® siècle, existaient celles à^Eslam, appelée depuis El-
lant {Ellantium) (2), de Signy {Signiacum) (3), à'Orval
{Aiirea vallis) (4), de Saint-Hubert {Andagimim) (5), de
(1) Livre XVI, c. 14.
(2) Voy. G allia christ, t. IX, col. 310, Eccles. Bemens. Cette abbaye
fut fondée en 1148.
(3) G ail. christ, ibid., col. 304. Kccl. Remens.
(4) Gall. christ, t. XIII, Eccles. Trevir. Cette abbaye date de 11-24.
(5) Gall. christ, t. III, col. 966, Eccl. Leod. Cette abbaye dale de 087.
13
194 LES FORÊTS DE L\ GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Saint-Trond OU Trityon [Sanctiis Trudo ou Sarcmium) (1). '
Quand on jette les yeux sur la carte, on reconnaît l'em-
))lacement de la plupart de ces monastères (2) à des es-
sarts s' étendant parfois sur une longueur, une largeur de
plusieurs myriamètres et dont ils occupaient le centre.
Plusieurs ont laissé leur norn aux cantons de l'Ardenne
où ils avaient été élevés.
Malgré ces éclaircies, il subsistait encore, il y a deux
siècles, une large zone forestière, orientée à peu près du
sud-ouest au nord-ouest, et recouvrant la province de
Namur, les principautés de Bouillon et de Luxembourg,
les évôchés de Trêves et de Liège. Les nombreuses val-
lées du Condros étaient alors, comme elles le demeurent
aujourd'hui, tapissées de futaies (3), surtout multipliées
aux environs de Dinant et de Bouvignes. Dans le pays
d'Hervé et la Famenne, au contraire, les essences fores-
tières semblent avoir été de fort bonne heure clairsemées.
Dès l'antiquité, les vastes étendues marécageuses que l'on
nomme Hautes-Fagnes (4) {HoJie-Wehen), analogues aux
Hautes-Chaumes des Vosges, devaient interrompre çà et là
les fourrés ; elles se sont seulement depuis agrandies.
Les larges essartements subis par la forêt d'Ardenne
expliquent pourquoi, dès le xii* siècle, on en mentionne des
parties comme des forets distinctes, ayant des noms spé-
(1) GaU. chrisl.iAW, col. 952, Eccl. Leod. Celte aLbayo date de Tan
G62.
(2) Ajoutons encore ù cette abbaye celle de Bellefaget [Ddlofagelum),
lilacée au voisinage d'une forél qui était un démembrement de l'Ardenne
et dont Robert, évèquc de Verdun, lui fil cession en 1215. Voy. GalUa
christ, t. III, col. lOiO, Eccles. Leod. L'abbaye de Pruim, fondée en 720
à 10 lieues de Trêves, fut bùlie dans un lieu qui était déjà déboisé. GaUia
Christian, t. Xlll, col. 58!J. Eccles. Trevirens.
(3) Voy. d'Omalius d'IIaloy, Coupd'œil sur la géologie de la Belgique,
1». 27 ^Bruxelles, 1843).
(4) "Voy. Dufrénoy et Elu de Beaumont, Explication de la carie géolo-
Qiquc de la France, t. I, p. 243.
CHAPITRE XII. 195
ciaux ; par exemple, on trouve citée dans le diocèse de
Namur, près de Bromes, une sylva Cipeleis (i), et les An-
nales de Saint-Bertin (2) parlent déjà de la fo.èt de la
Fagne (3), qui s'étendait, au siècle dernier, de la rivière
d'Epte au sud de Philippeville, et dont j'ai parlé plus haut.
Cette forêt, ainsi que les bois de Signy, forme le trait
d'union entre l'Ardenne et l'ancienne forêt Charbonnière,
celles de Thiérache et du Laonnais.
Un espace de quelques lieues séparait encore, au siècle
■dernier, les débris de la forêt de Thiérache de celle de
Alazarin, l'un des grands tronçons de l'Ardenne, qui
s'avance jusqu'à la Sémoy et se déploie au nord de Don-
€hery et au nord-est de Charleville.
La forêt de'Mortagne, sise entre la Sambre et la Meuse,
représente un autre des plus importants débris de k
partie de l'Ardenne qui recouvrait le diocèse de Namur.
Sous le règne de Louis XIV, elle offrait une superficie de
14,530 arpents (4). C'est au milieu de cette forêt qu'avait
été bâti le monastère de Bronium ou Saint-Gérard-de-
firogne (5). Depuis l'an 928, auquel en remonte la fonda-
tion, la forêt fut rejetée au delà du territoire du monas-
ière. Toutefois, les abbés et les religieux de Saint-Gérard
(1) Chronic. Valciodorens. cœnoh , dans les Ilisloricns de France.
t. XIV, p. 515.
(2) Ilistorieiys de France, t. VII, p. 110, p. 514
(3) Le nom de Fagne est encore donné aujourd'hui à des Lois qui sont
les dé]>ris de cette ancienne forêt -. la Fagne-de-Trélon, la Fagne-
dc-Suins. Dans un bréviaire manuscrit qui se conserve aux archives de
.Saint-Omer, il est fait mention d'une Fagina sijlva. (Voy. Du Gange,
Gloss. med. el infxm. latin, éd. Henschel, s. h. v. Dieudonné, Slatisl. du
(lép. du Nord, t. I, p. 283.) M. Mougy {Mém. de la sociclê de Lille,
1850, p. lOG) remarque que le nom d'j Fagne paraît indiquer qu'à une
«'ïpoque reculée cette forêt, dont le chêne est aujourd'hui l'essence domi-
nante, n'était i)euplée que de hêtres. Voy. toutefois ce qui a été dit p. 54.
(4) Féron, mss. cilé.
(J)} Gall. christ, t. III, col. 540. Fcclrs. Namiirc.
496 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
conservèrent le privilège de choisir tous les ans trois
hêlres dans la forêt (1).
J'ai déjà dit que les bords delà Moselle avaient subi, dès
l'époque de la domination romaine, un vaste défrichement
qui dégarnit toute la marche septentrionale du pays
desMédiomatrices. Le Sonnerwald, qui s'étend entre Bin-
gen et Simmern,est le vestige le plus septentrional de celte
foret. Ausone, qui l'avait traversé dans son voyage sur la
Moselle, y fait allusion dans ces deux vers :
L'nde iter ingrediens nemorosa per avia solum
Et nuUa humani spectans vestigia cultus.
(Au SON. MoseU. v. 5, 6.)
Toutefois, l'extrémité orientale du pays Messin conserva
son aspect forestier. Avant la cession du canton de Bit-
che à la France, les forêts étaient presque ce qu'elles
avaient été, six siècles antérieurement, et dans un espace
de quinze années, le gouvernement en vendit 93,595 chê-
nes (2). Actuellement, elles embrassent encore une super-
ficie de 20,553 hectares (3,i. M. V. Simon, dans une intéres-
sante notice sur leSablon, près Metz, a signalé l'existence
d'un bois, situé sur le versant nord de la Raque, qui a
envahi une voie antique; cette circonstance démontre
clairement l'extension des forêts dans la contrt'C, après In
domination romaine (4).
Au xii* siècle, quand fut fondée près des bords de la
Sarre, non loin de la ville actuelle de Sarrelouis, le mo-
(1) Féron, mss. cilc.
(2) Verronais, Slatisliqne du dcparlrmenl de la Moselle (Metz, 18-ii,
in-8»), p. 62.
(3; L'hiver de 1709 a amené dans ces forêts une grande dévastation,
à laquelle sont venus se joindre, quarante ans plus tard, en 1750, les
aballs de plus de cinquante mille arbres faits inconsidérément pour le
fomptc de la Hollande.
{\, \oy. Mémoire de l'acadcmic de Met:, an. 1848. 18i9.
CHAPITRE XII. 197
nastère de Wadegotia {Wadegasscn), son emplacement
était en partie couvert de bois (1). Or, on trouve encore
indiqué sur la carte de Cassini, un bois au sud de l'abbaye;
ce qui prouve que l'état forestier n'aurait pas sensiblement
changé. Ce bois est certainement un démembrement de
la partie de l'Ardenne qui longeait la rive gauche de la
Sarre et qui a dû originairement comprendre au sud les
forêts de Longeville (2) et de Saint-Avold, à l'est celle de
Gueslanter. Peut-être englobait-elle celle de Remilly,
beaucoup plus méridionale et qui fut longtemps une pro-
priété des évêques de Metz. Au nord-ouest, ce prolonge-
ment de l'Ardenne se rattachait à la forêt de Gallenho-
ven (3), sise entre le Nied français et la Moselle; il courait
ainsi parallèlement à la région, plus fortement boisée au-
jourd'hui, qui s'étend sur la rive droite de la Sarre et où
la grande forêt du prince de Nassau, indiquée dans Cas-
sini, s'est formée d'un démembrement de l'Ardenne pri-
mitive.
Sur la rive gauche de la Moselle, aux confins du domaine
des évêques de Metz et du comté de Briey, se rencontraient
plusieurs forêts assez étendues ; c'est là que furent fondées,
en l'an 1090, l'abbaye deSaint-Pierremont, et vers 1132
celle de Justemont (4). La première donna naissance à une
clairière quasi-circulaire, au centre de laquelle s'éleva le
village d'Avril. Les bois de Thionville, situés en face de
cette ville, sur la rive opposée de la rivière, et la forêt de
Mangienne sontles restes de ce prolongement de l'Ardenne.
(1) Gall. Christian, t. XIII, col. 658. Ecoles. Trevirens.
(2) C'est près de cette forêt que fut fondé, vers 587, le monastère de
Longeville ou Glandièrcs dit Sainl-Marlin-aux-Chênes. Gallia. Christian.
t. XIII, col. 841. Ecoles. Melons.
(3) Voy. ce que j'ai dit plus haut de cette forêt, p. CO.
(4) Gall. christ, t. XIII, col. 938, 949. Fccks. Melons.
198 LES FORÊTS DE LA GALLE ET DE l'anCIENNE FRANCE.
Une autre zone forestière, beaucoup plus fractionnée,
formait comme la bordure méridionale de la forêt des Ar-
dennes et poussait au sud de longs rameaux presque per-
pendiculaires à la l%ne principale. Ce réseau séparait
jadis les territoires des Rèmes, des Médiomatrices et des
Leuques; il embrassait les forêts des anciens évêchés de
Verdun et de Toul, du Barrois et du diocèse de Nancy.
La première grande forêt que cette zone nous présente
est celle d'Argonne ; elle recouvre les deux versants d'une
chaîne de petites montagnes dirigée du sud au nord dans le
département de la ^leuse^ et pouvant être regardée comme
la frontière naturelle entre la Champagne et la Lorraine.
Cette chaîne constitue la ligne de faîtes qui sépare les eaux
de la Manche de celles de la mer du Nord. La forêt d'Ar-
gonne est mentionnée parle moine Richer (i), qui écri-
vait au x^ siècle, et citée par divers chroniqueurs (2),
Elle appartint longtemps aux comtes de Toul (3). C'est
du vu"^ au \if siècle, qu'on en poursuivit activement le dé-
frichement, surtout aux environs de monastères qui y
avaient été fondés, et entre lesquels nous citerons l'abbaye
de Beaulieu {BeUus /oci^s), dit Beaulieu-en-Argonne, élevée
en 642 dans un lieu de la forêt infesté de bêtes fauves (4),
rétablie en 1015 (5). Non loin de ce monastère fut bâtie plus
tard une abbaye de femmes de l'ordre de Prémontré qui
dut à sa situation dans la forêt, son nom de Si/lva domina-
rum (6). En 1134, un autre monastère fut fondé, comme
(1) Richer, Ilisior. III. 13, t. II, »28, éd. Guadet.
(2) Voy. la Chronique rimée de Philippe Mouskes, 2i,987, t. IL
p. 471, éd. ReilTenberg.
(3) Yoy. Ilist. ecdés. et civile de Verdun, par un chanoine de la ville,
p. 198. Paris, 1745, in-4°.
(4) Gallia Christian, t. XIII, col. IIGO. Ecoles. Verdun. Il est dit rjiu-
l'abbaye fut fondée in loco ubi erant lustra ferarum.
(5) Beaulieu se trouve dans la partie méridionale de l'Argonne.
(6) Gallia Christian, t. IX, col. 180. Eccles. Remens.
CHAPITRE XII. 199
celui de Beaulieii, dans la partie méridionale de l'Argonne,
mais plus à l'ouest; c'est celui de Sainte-Marie, généra-
lement connu sous le nom de Moutier-en-^Argonne {Monas-
terium m Argonna) (1). Ses religieux ont puissamment
concouru à l'éclaircissement de la région de la foret dans
laquelle il avait été édifié. Les défrichements dus à la
présence de ces abbayes, bien que notables, laissèrent ce-
pendant encore à la forêt d'Argonr<^ une étendue considé-
rable, comme on en peut juger par la superficie qu'elle
offrait au siècle dernier. Elle représentait alors une lon-
gue bande dirigée du nord au sud, et sise à l'ouest de Gler-
mont, dit Clermont-en-Argo7me. Sa limite septentrionale
était plus anciennement la petite rivière d'Aire, dont
les bords, à l'est de Grandpré, s'éloignaient peu de la
lisière de la forêt; mais antérieurement la forêt devait
s'étendre beaucoup plus au nord, et il n'est pas témé-
raire d'admettre que la forêt de Dieulet, sise au sud de la
Meuse, non loin de Mouzon (département des Ardennes),
en a originairement constitué la tête. Cette forêt de Dieu-
let, une des plus importantes du pays de Sedan (2), a subi,
aux xiv et XY" siècles, de larges défrichements, comme le
montre le vaste essartde Beaufort, marqué sur la carte de
Cassini ; elle a dû former unemêmc chaîne avec l'Argonne,
dont les anneaux aujourd'hui détachés se retrouvant dans
les bois de Montigny, la forêt et les bois de BrieullC;,
les forêts de Hesse, de Souilly, etc. A l'ouest, l'Argonne
devait s'avancer originairement jusqu'à l'Aisne. Au
sud, le nom de Villiers-en-Argonne , qui rappelle sa pré-
sence, montre qu'elle se prolongea dans le principe jus-
(1) Gallia Christian, t. IX, col. 9G7. Ecoles. Calalaunens.
(2) Voy. le mss. de la Bibl. imp. intitulé : Procès-verbaux et autres
actes touchant la forêt de Dieullet appartenant au roij à cause de sa sei-
gneurie de Mouzon.
200 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
qu'à rOrnain. L'Aisne se retrouvait aussi comme fron-
tière de la foret à l'angle sud-ouest, en un point qui fait
face à l'emplacement de l'abbaye de Ghatries.
Au delà de l'Ornain, les forêts reparaissaient de distance
en distance; mais on n'était plus dansrArgonne,ou péné-
trait en Champagne. Nous reparlerons de ces forêts, en
traitant de l'état forestier de la province de ce nom.
De la grande région de l'Argonne, s'était détachée à une
époque déjà fort ancienne la Voëvre ou Voivre, en latin
Vcpriu. ou Vabria, pays qui s'étendait entre la Meuse et la
Moselle, de Longwy à Gommercy, et que Grégoire de
Tours (i) désigne sous le nom depagus Vabrensis. C'était
une antique conquête de la culture faite sur la Wara ou
Vavra sylva encore subsistante, comme on l'a vu, au temps
des Garlovingiens. Son nom qui est resté à un petit bois
situé au nord-est de Colombey, près de la voie romaine
venant de Neufcbâteau^, paraît indiquer une forêt couverte
de buissons {Vêpres) (2). La Voivre doit avoir été une
région de l'Argonne, où les bois taillis et les broussailles
remplaçaient les arbres de haute futaie. C'est dans ce can-
ton, en un lieu qui s'appelait d'abord Richismanilj que
fut fondé en 1132 le monastère de Saint-Benoît, qui prit
le nom de Saint-Benoît-en-Voivre {S. Benedictus in
\ epria (3).
En résumé, la région forestière et montagneuse, désignée
(1 Grégoire de Tours, Ilisl. Franc. IX, Q.Lepagns Vahrensis tenait
à l'est à l'Antenne, car le caslnnn Vabrense se trouvait à liuit milles
d'Yvoy-Carignan.
,2) Voy. ce qui a été dit p. H 1 , note 8, des localités jadis boisées por-
tant ce nom. On retrouve en Normandie une forêt de Vièvre (Vievra)
(Ordcric-Vital, XII, p. 365, éd. Leprévost) voisine de Saint-Martin-Saint-
Firmin. C'est la Vevrœ foresta ou Vevrse vendu dont il est question dans
les comptes de S. Louis. Historiens de France^ t. XXII, p. 575, 602.
(3) Gallia Christian, t. XIH, col. 944. Eccles. Metens.
CHAPITRE XII. 201
SOUS le nom d'Argonne, commençait, au sortir delà grande
plaine crétacée de Valmy, avec la forêt de Sainte-Mene-
hould, encore considérable à la fin du xyi*^ siècle (1). Les
sinuosités répétées, formées par les mamelons ombragés
qui se présentent après qu'on a gravi la bande de grès
vert, valurent peut-être à la forêt son nom (2). Celle-ci
constituait la ligne principale du réseau forestier qui re-
couvrait les anciens diocèses de Verdun et de Toul ; ce
réseau a toujours été s'éclaircissant. Au x'^ siècle, les pentes
escarpées que baigne la Meuse, près de Verdun, étaient
tapissées d'une longue forêt (3). Au reste, l'inspection de
la carte fait facilement découvrir quel a été l'état forestier
primitif du pays entre la Meuse et la Moselle. Les bois de
La Marche, de Foug, d'Ugny, qui se succèdent du nord
au sud, celui d'Ocliey, placé au sud-est, apparaissent
comme autant de lambeaux d'une grande ceinture de fo-
rêts anciennement lacérée. Dans les forêts ou bois de la
Reine, les rois d'Austrasie avaient une résidence {i^egia
mansio) qui valut à Royaumex son nom ; ils se livraient à
la chasse dans les fourrés environnants plus étendus et
plus épais alors qu'aujourd'hui. Le souvenir d'une reine
de ce temps s'attache encore à ces bois (4). Gommercy,
qui donne son nom à une forêt voisine, située sur la rive
gauche de la Meuse, était enveloppé d'une zone sylvestre.
(1) Celte forêt est mentionnée comme importante en 1573. Voy. Fon-
lanon, Les édicts et ordonnances des roys de France, 2* édit. t. II, p.
•2(50.
(2) Ce nom semble être formé du celtique yican, courbe, précédé de
l'article ar. Peut-être aussi n'esl-ce qu'une altération du mot Arduenna.
(3) Richer, Histor. lll, 101; t. Il, p. 125, éd. Guadet.
(4) Suivant la tradition, elle fut ainsi appelée, en souvenir de Brune-
haut; mais lo nom de Foresla regia Ermandia, sous lequel elle est dési-
gnée au moyen âge, fait plutôt songer à une veine Ermengarde, sans
doute la femme de Louis lo Débonnaire. Voy. Lepage, Le déparlemenl
de la Mcurllie, l II, p. 497.
202 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Au nord de cette ville, les noms de Cousances-aux-Bois,
Lignières, Mesnil-aux-Bois, rappellent la présence des
arbres. A l'ouest et au sud, les forêts du Saulcy et de
Ligny sont d'autres tronçons détachés de la même cein-
ture qui devait aussi englober les Bois-du-Roi sur la fron-
tière du Barrois.
Une déclaration royale de 1682, autorisant ceux qui
avaient la jouissance de nombreux bois de propriété ec-
clésiastique, à ne pas se soumettre aux règles imposées
par l'ordonnance d'août 1669 sur la coupe et l'exploita-
tion, atteste qu'à cette époque la végétation était encore
si riche dans les évéchés de Metz, Tout et Verdun, qu'il y
avait utilité à favoriser l'essartement et la création de-
villages sur le sol forestier (1).
Moins boisés que le pays d'Argonne et que l'évêclK'
de Verdun, les évêchés de Toul et de Nancy présentaient
cependant des forêts importantes. Dans un acte de 897,
contenant une concession au monastère de Saint-Evre (2),
il est question d'une forêt de Saint-Étienne et d'une autre
de Saint-Evre {Sancti Stephani et sancti Api-i sijlva')
comme étant situées le long de la Moselle. Une charte
de donation de Conrad-le-Salique à la même abbaye (3)
mentionne d'autres bois étendus. Une charte de con-
cession de Gharles-le-Gros, renouvelée par Gharles-le-
Simple, parle d'une forêt située près de l'église Saint -
(1) Voy. les termes de cette déclaration dans Conférence de l'ordon-
nance de Louis XIV du mois d'aoïU 1C69, sur le fait des eaux et forêts,
nouv. édit. t. II, p. 179. On y lit : « D'autant plus que la plus grande
liartie des dits bois sont situés en des pays presque déserts et inhabitables,
i-X ne peuvent jamais être presque d'aucune utilité pour être trop éloi-
gnés des villes, et qu'il serait même à souhaiter qu'il y eût assez de peu-
ples pour se servir des dits bois pour bâtir des maisons et les essarter et
défricher, etc. »
(2) Voy. Historiens de France, t. IX, p. 397.
(3) R. P. Benoit, Histoire ecclésiastique de Toul, preuves, p. xxv.
CHAPITRE XII. 203
Etienne (1) qui doit être Tune de celles qui fut concédée
au monastère de Saint-Èvre. Des débris de cette foret de
Saint-Étienne se reconnaissent dans le bois de Villey-
Saint-Étienne, qui allait rejoindre certainement, dans le
principe, ceux de Fougues et de Blénod. Au même pays,
la forêt de Haye occupait, sur les deux riyes de la Moselle,
un espace beaucoup plus étendu qu'aujourd'hui, puisque
sur la rive droite qui fait face à celle que couvre la forêt
de Haye, sont des localités appelées Villers-en-Haye, et
Rozière-in-Haije (2). Cette branche de la forêt de Haye,
située sur la rive droite de la Moselle, devait aller rejoindre
la forêt de Pont-à-Mousson, actuellement très-réduite.
C'est dans un des bois dont étaient semés les bords de la
Moselle, de Nancy à Metz, que fut fondée, en 1126, l'ab-
baye de Sainte-Marie-aux-Bois {S. Maria in Nemore), au-
trement dit Sainte-Marie-Majeure (3).
Il est à supposer qu'une grande forêt existait aussi à
l'extrémité nord-est du diocèse de Nancy, là où fut élevée
l'abbaye de Haute-Seille ;\a.forme latine de son nom {A/ta
sTjlva le donne du moins à penser (4). Il se pourrait tou-
tefois que ce ne fût point à une forêt, mais à une rivière,
que cette abbaye ait dû son nom; car la contrée où le
monastère fut fondé eu 1140, paraît, dès cette époque, avoir
été peu boisé (5).
(1) Benoît, OUI', cil. p. x, xv.
(î) On trouve aussi ViéviUe-en-Hmje, Vilaine -en- Haye. Tout le canton
a gardé le nom de l'ancienne foret.
(3) Voy. Gallia Christian, t. XIII, col. 1127. Eccles. Tullens.
(4) Voy. Gallia chrislian. t. XIII, 1372. Eccles. Nanceiens., et ce qui
a été dit plus haut, p. 101 .
(5) Voy. la carte de Cassini. Il ne reste plus que les petits bois de la
Haute-Seille et de Cirey, qui sont contigus. Entre ces derniers et la
Sarre, on rencontre encore une localité appelée la Forêt, et, au sud d'une
ancienne abbaye, sur la rive gauche de la Vezouze, on trouve des lieux
appelés Dois-Coupé. Dois-de-la-Grange, laGrande-Uaye, là oùles arbres
ont disparu.
1204 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
L'ancien diocèse de Nancy peut donc être considéré
comme représentant une vaste clairière ouverte entre
l'Ardenne, l'Argonne et les Vosges. Une partie de la région
vosgienne dépendait de la Lorraine, mais comme d'autres
de ses parties appartenaient à l'Alsace, et qu'on ne saurait
scinder l'étude de l'état forestier de l'une et de l'autre,
nous remettrons au chapitre suivant ce que nous avons à
en dire.
Nous ajouterons seulement qu'une marche forestière
marquait la séparation entre la région vosgienne propre-
ment dite et la Basse-Lorraine : marche formée par quel-
ques forêts importantes, celles de Charmes, de Fraise,
celle de Romont, qui se joignait à l'E. à une suite de bois
taillis occupant un canton qui avait reçu, comme celui
dont il a été question plus haut, le nom de Voivre (1) et
où fut fondée au vii^ siècle l'abbaye d'Estival.
(1) Un village au sud d'Estival a conservé le nom de La Voivre; un
peu au nord d'Epinal se trouve aussi un bois de la Voivre qui s'est sans
doute détaché de la forêt d'Epinal.
CHAPITRE XIII. :205
CHAPITRE XIII.
ANCIEN ÉTAT FORESTIER DES VOSGES ET DE L ALSACE. — DISTRICTS
FORESTIERS DE LA SOUABE.
Les sommets arrondis des Vosges^ comme une foule de
chaînes de montagnes de l'Europe moyenne et septentrio-
nale, devaient encore, au moyen âge, être enveloppés par
l'épais manteau d'arbres que la carte dePeutinger désigne
sous le nom de Srjlva Vosagiis. A en juger par ce qui en
subsiste aujourd'hui, des amas de hêtres, de sapins
blancs, de sapinettes recouvraient les pentes du Baren-
kopf, du Bossberg, du Hohneck, du Gresson, du Ballon
cV Alsace, du Grand-Ventron, du Ballon-de-Guebwiller (1).
Toutefois, ces forêts étaient déjà interrompues par les
grandes clairières naturelles qui s'observent dans les
Vosges, là où sont des cimes élevées et qu'on appelle
Hautes- Chaumes {Calvi montes) (2). En effet, la nature du
sol dut, en certains points de la montagne, toujours s'op-
poser à la végétation arborescente. Les géologues ont re-
marqué que le grès vosgien donne naissance à un terrain
léger et arénacé peu propre à la culture, mais où réus-
sissent fort bien les arbres et les taillis, en sorte que les
limites du sol boisé sont souvent indiquées par celles
(1) Dufrénoy et Elie de Beaumout, Explicalion de la carie géologique
de France^ t. I, pag. 278 et suiv.
(2) Voy. H, Hogard, Descripl. du système des Vosges, p. 19. Epinal,
1837, et II. Lcpagc ctCharton, Le départemenl des Vosges, t. II, p. 121.
Los forêts sont aujourd'hui plus abondantes à l'est et au sud-est de la
chaîne des Vosges que dans l'ouest du déparlement, qui est plus cnlro-
mclé de coteaux.
^OG LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIEMNE FRANCE.
mêmes du grès vosgien. Le grès bigarré, au contraire, ne
produit qu'un sol froid, impropre à la culture forestière :
aussi, à son voisinage, voit-on disparaître peu à peu le
liètre,qui se mêle au sapin sur le versant septentrional des
Vosges, et au chêne sur le versant méridional (1). C'est
surtout à dater du xv'^siècle, que la chaîne des Vosges s'est
vue dépouillée de ses majestueux ombrages dont des
lambeaux importants subsistent encore aux flancs des
vallées de la Thur, de la Vologne, de Plancher et d'An-
dlau.
De petits lacs tout entourés de forêts {Waldseé), tels que
ceux deGérardmer, de Longemer, de la Maix, de Sternsee,
ajoutaient encore à l'humidité entretenue par les arbres
qui sont maintenant éloignés de leurs bords; mais avant
de les abandonner, ils ont jonché de leurs rameaux et de
leurs feuilles le fond de ces lacs dans les tourbières des-
quels ils se sont accumulés (2).
La présence si multipliée encore de bois et de forêts
explique pourquoi les traditions relatives à la disparition
des arbres ne se rencontrent pas autant dans cette région
de la France qu'ailleurs. Les wœlder, qui recouvrent des
espaces assez considérables dans les parties nord et oue.-t
du département du Bas-Rhin, s'avançaient, il y a quelquo
siècles, jusqu'au voisinage du fleuve; en sorte que sur di-
vers points, le Rhin semblait s'ouvrir un passage à travers
une immense forêt. Les retraites ténébreuses des Vosges
et celles de la Forêt-Noire ne formaient en réalité qu'un
même tout^, un seul et même manteau arborescent. L'Al-
(1) Voyez, sur tous ces faits, Daubrée. Description gc'olog. ol min> -
lalog. du départemenl du Das-IViin, Strasbourg, 1852, p. 270 et suiv.
(2) Voy. Dufrénoy et Élie deBeaumont, oitv. cit. ]>. 275. C'est ce qu'on
ùliserve notamment au lac de Foudromey, où Ton voit beaucouj) d'ilols
tourbeux, couverts de bouleaux, et qui changent déplaces. Ce lac estélevé
■I ]tlu^ do 200 mètres au-dessus du Rupt.
CHAPITRE xi:i. 207
saceel une portion de la haute Lorraine, quoique séparées
de l'Allemagne par un large cours d'eau, y appartiennent
par l'aspect physique comme par l'histoire. Si ces deux
provinces faisaient partie de la Gaule, si les frontières
naturelles les donnent incontestablement à la France,
la nature comme les événements du passé en font un
prolongement des contrées germaniques ; elles consti-
tuaient la marche qui séparait la race germanique de la
race celtique. Dès une haute antiquité, en etïet, des popu-
lations germaines avaient passé le Rhin et occupé sa rive
gauche. Au nord de l'Alsace, les forêts de Haguenau, du
comté deHanau, au sud, les bois du Roi, de Strasbourg,
la longue bande quasi-longitudinale que trace la forêt de
la Hartt, celle d'Ensisheim sont des appendices de la
grande forêt vosgienne. Le sol de la plupart de ces forêts
renferme de nombreuses sépultures attestant le séjour
de populations celtiques ou germaines (1). Au moyen
âge, bon nombre de ces forêts étaient encore communes,
et la jouissance en appartenait à ce qu'on appelait des
marches, groupes de villages et de hameaux ayant une
administration, une justice, une constitution commu-
nes (2). Ainsi, la forêt d'Aspruch, partie septentrionale
de celle de Haguenau, dépendait de la marche de Hatgau,
(|ui comprenait Hatten, les deux Betschdorf, Rittershofen
et quatre autres villages (3). Certaines fractions de la
ibrêt vosgienne appartenaient à des abbayes. Telle
était la forêt de Hildenhusen, sise au s.id de la Zorn et
(1) Voy. M. de Ring, Tombes celtiques de l'Alsace, 2^ édit., p. 3, 17,
■27. Ci'S lombes ont ôlé découvertes dans les forêts de Hatten, Seltz, Ha-
guenau, Schirrheim, Brumath {canlon dû Sloclavinkel), Schelestadt, Rix-
heim, delà Hartt, de l'Allmend ou d'Ensisheim, Voy. ce qui est dit, p. 38.
(2) Voy. sur ce qu'on appelait it/arA; en Alsace, Hanauer, La conslilu-
lio)i des campagnes de l'Alsace au moyen âge, p. 45 (1865, in-S*»).
(3) Hanauer, ouv.cil. p. 127, 128.
208 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
qui était comprise dans les propriétés de l'abbaye de
Marmoutier (1). Les seigneurs travaillaient déjà à s'en at-
tribuer la possession. En 1527, le comte Philippe de Hanau
tenta vainement de retirer aux habitants du Hatgau la
jouissance de la forêt d'Aspruch. Un long procès s'ensui-
vit devant la chambre impériale, qui ne fit que mieux
mettre en lumière les droits de ceux-ci (2). Profitant des
droits d'usage étendus que l'abbaye de Marmoutier
avait concédés à ses ancêtres dans la forêt d'Hilden-
husen, Pierre, comte de Lutzelbourg, prétendait s'em-
parer de celle-ci. Son fils Reginold dut les rendre aux
moines (3).
Les habitants des Vosges prenaient un soin attentif d<
leurs forêts communales; ils avaient des icaldmeisterchm-
gés de surveiller les bois, de dénoncer les délits, de rendre
compte des revenus à la communauté (4). D'autres fois,
c'étaient les forestiers {Forsteier) du seigneur ([ui surveil-
laient les usagers dans l'intérêt de la colonge ou de la
marche, et les rotules que l'on a conservés déterminent
en détail les droits de chaque village, de chaque indi-
vidu (5).
Cependant, malgré cette inteUigente administration, de-
forêts furent dévastées, des parties en furent abattues. Cel;^
arriva surtout au xvr siècle, après la guerre des Paysans.
Des traditions parlent de ces destructions. Des forêts
recouvraient, dit-on, jadis les coteaux d'Attigny,auxquel'^
(1) Hanauer, om\ cil., p. 57.
(2) Ibid., p. 127, 128.
(3) Jbid., p. 57.
(4) Ibid., p. 127.
(5) Hanauer, les Paysans de l'Alsace au moyen âge, Etudes sur h'
cours colonfjères de l'Alsace, p. 49, 50 (1865, in-8). On voit par rim]ior-
tanle étude do M. l'abbé Hanauer que tout était réglé pour que les usa-
ges n'outrepassassent pas leurs droits de simple usage.
CHAPITRE Xlll. 209
se rattachent des légendes et des superstitions popu-
laires (i). Les emplacements de Gérardmer et d'Auzain-
villiers passent de même pour avoir été couverts de
bois (2).
La contrée qui comprend le département de la Moselle
et le nord de celui du Bas-Rhin, liait la forêt des Vosges à
celle des Ardennes. Dans ces deux départements, la région
forestière est demeurée considérable. Les chênes, les char-
mes, et parfois les hêtres dominent dans la partie occi-
dentale de l'ancien pays messin (3); le pin sylvestre
apparaît près de Greutzwald, en allant vers Bitche, et
surtout aux frontières de l'Alsace.
Cette dernière province est aujourd'hui, eu égard à son
étendue, la plus forestière de la France. Malgré le dé-
boisement qu'ont subi ses montagnes, la vallée du Rhin
s'est aussi fort dégarnie. Le département du Haut-Rhin ne
possède plus aujourd'hui que deux forêts domaniales en
plaine, celles de Kusten {Kustemoald) et de la Hartt (4).
La tradition orale et les témoignages écrits s'accordent
pour représenter les forêts alsaciennes comme ayant été
considérablement réduites. Les îles du Rhin furent jadis
couvertes d'aunes, de frênes, d'ormes et de charmes. Le
canton de Soultz, quoique encore fort boisé, a pourtant
perdu ses massifs de mélèzes (5). Les forêts de Bienwald et
de Haguenau dessinaient une zone étendue, avant que
(1) Voy. Lepage et Charton. Le dcparlemenl des Vosges, tom. II,
p. 19, 20.
(2) Lepage et Charton, ibid.
(3) Verronais, Slalislique du département de la Moselle (Metz, 1844,
in-8°), p. 62.
(4) Voy. Onimus, Mémoire sur Valiénation et le défrichement de la
forêt, et sur les irrigations du territoire de la Harlh. Golmar, 18GG
(Extrait de la Revue d'Alsace).
(5) Laumond, Slalisl. du Uas-Rhiii, p. 38. La forêt de Soultz-sous-Fo-
rêts présente encore un assez notable développement. On y observe une
pierre énorme dite Hexenstein, la Pierre des Sorcières, qui jiaraît avoir
U
210 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
les ravages des guerres de la première république les eus-
sent resserrées entre des limites beaucoup plus étroites.
La forêt de la Ilartl, qui, comme son nom l'indique, était
la foret de l'/Vlsace par excellence (I), occupait une étendue
de 22 lieues entre Bàle et ^larkolsheim (2).
Les pins sylvestres qui constituent l'essence dominante
dans la forêt de Haguenau, distribuent leurs bouquets sur
un sable quartzeux provenant de la désagrégation du
grès des Vosges; ceux-ci sont actuellement très-clair-se-
més et alternent avec des essarts qui ne remontent pas à
une époque ancienne.
La forêt d'Obernlieim, qui occupe le versant oriental des
Vosges, adù se joindre à celle du Bande la Roche et redes-
cendre, sur l'autre versant, jusqu'au Champ-de-Feu, dont
le sol, de nature amphibolique, présente une riche végé-
tation arborescente (3). Le nom de Waklerbach rappelle
la présence des forêts, et celui de Bruche dénote l'exis-
tence d'un essart entre les bois du Gi^aml-Rond et celui
du Bas-Orbois. 11 y a donc lieu de penser que ces deux
bois ne formaient dans le principe qu'une seule et même
forêt.
Le Rhin séparait les centres forestiers de la Suisse des
districts forestiers de la Souabe. LeBrisgau avait, comme
l'Helvétie, ses quatre districts forestiers ou Waldstetteii :
Rheinfeld, Seckingen, Laufenburg et Waldshut (4). La
été jadis l'objet d'un culte. Voy. Bistelhuber, L'Alsace ancienne et mo-
derne, p. 488.
(1) Voy. ce qui a été dit plus haut, p. 207.
(2) Schœpflin, Àlsalia illuslrala, t. I, xi, p. 8. Billing, Geschichle und
Beschreibung des Elsasses (Bàle, 1782).
(3) Voy. Daubrée, Description géologique et mxnéralog. du départe-
ment du Bas-Rhin, p. 270.
(4) Gerbort, Hisloria Nigrx syhx, t. II, p. 27 et suiv., 211 et suiv.,
477 et suiv.
CHAPITRE XIII. 211
Forêt-Noire, à laquelle ces villes servaient comme de portes
et de garde, se développait sur les montagnes jusqu'à Pforz-
heim, qui en constituait l'entrée septentrionale {Porta
Nigrœ sijlvœ). Des forteresses, qui devinrent plus tard des
villes, et qu'on désignait sous le nom de Waldeiiburg , c'est-
à-dire Fort de la forêt (1) défendaient à l'ouest, près de
Bâle, au pied de l'Ober-Hauenstein, et au nord-est, près
d'Œhrigen, dans le territoire occupé ensuite par la sei-
gneurie de Hohenlohe-Waldenburg-Scliillingsfûrst, la
longue marche forestière de la Germanie. De même que
les Burgondes, les Allamans s'étaient établis au milieu de
vastes forêts qui formaient autant de rameaux de la sylva
Marciana. Plus barbares que les conquérants de THelvé-
tie, ils vivaient du produit de la chasse des bêtes fauves
qui infestaient ces cantons; ils poursuivaient l'ours avec
leurs limiers (w-saritu) afin d'en dévorer la chair (2) ; ils
habitaient des chalets {vaçcaritia) et faisaient paître leurs
taureaux sauvages {bisoiites).
Les moines défrichèrent ces contrées; l'abbaye de Sec-
kingen, fondée par saint Fridolin, auquel Clovis II avait
fait don du district de la Forêt-Noire qu'elle occupait (3),
les abbayes de Rheinau (4) et de Reichenau, devinrent les
centres des grands travaux de colonisation de la Forêt-
Noire et de la Thurgovie dont les solitudes ombragées
s'étendaient jusqu'au lac qui baigne Uri.
Les Waldstetten de la Souabe formaient avec les Vosges
(1) Un grand ncrmbre de villes placées à l'entrée des forêts de la^ilésie
€t de la Saxe (dans l'Erzgebirge) portent aussi ce nom, pour le même
motif.
(2) J. de Millier, ouv. cil. t. I, p, 158.
(3) Gerbert, ouv. cit. t. I, p. 27.
(4) Gerbert, Ilist. Nigrx sylvas, t. I, p. G9, 431. Ce nom de Forci sa-
crée, qui rappelle celui de forêt d'Odin, Odemvald, donné à la forêt
située sur l'autre rive du Rhin, provenait sans doute du culte qui était
rendu aux arbres par les anciens Germains. L'Heiligenforst, Forcsla
212 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
une seule et même région dont le lit du Rhin représentait
ea réalité la vallée principale. Une ligne de forêts bordait
cette vallée du côté de la France. Au nord, la forêt Sainte,
Heilifjenforst (4), appelée plus tard forêt de Haguenau,
et que défrichèrent en partie les moines de l'abbaye de
Saint-Walbourg, au sud le Harz ou forêt de la Hartt dont
il a été question plus haut, et qui donna naissance par des
démembrements aux forêts de Rouffach et de l'Allmend
ou d'Ensisheim. De celle-ci se détacha plus tard le bois
de Hùbehvaeldele (2).
Les forêts du Rhin allaient rejoindre celles qui bor-
daient le Danube par deux cantons forestiers, le Klekgau,
semé de hauteurs ombragées entre lesquelles le mont
Randen élevait sa cime altière, que couronna bientôt une
forteresse, Randenburg, et le Hégau, dont le canton
de Schafîouse occupe actuellement l'emplacement. De
nombreux monastères , bâtis par Eberhard , comte de
Nellenbourg, animèrent ces solitudes. Les moines des
couvents d'Hirschau, de Saint- Sauveur, de Tous-les-
Saints défrichèrent ces restes de l'antique forêt Hercy-
nienne et dégagèrent les bords du Rhin et de la
Durach (3).
Le Rhin formait donc comme un magnifique Waldstroin
entre les forêts des Vosges et celles de l'Odenwald. Cette
dernière chaîne forestière, désiguéedans les chartes et par
sancta, est mentionnée dans les chartes remontant au xii* siècle (Conl.
Schœpflin, Alsatia iUustrala, t. III, p. 65, n" 800).
(1) Voy. sur cette forêt mentionnée dans les chartes des ix* et xiv* siè-
cles ce qui a été dit p. 128. (Cf. Schœpflin, Ahalia illuslr. t. Ill, p. 97,
n" 123; t. IV, p. 256, n° 1142).
(2) Voy. M. de Ring, Tombes celtiques de la forêt communale d'En-
sisheim, p. 2, 14 (1859, in-fol.)
(3) Voy. Ch. G. Reichard, Gnmanien tinter den Ramern. Nurnberp-
18!J"4, p. 19.
Il
CHAPITRE XIII. 213
les chroniqueurs latins sous le nom A'Othonia sylva{\),
étendait sur toute la marche de Souabe ses lignes de pins
ifohré) qui valurent à une partie de cette forêt le nom de
Forhahum {Fohrheim, Fohrenwald), mentionné dans les
Niebelungen.
(1) Voy. Fr. Baader, Sagen des Neckarthals, der Berg^lrasse und des
Odcwu'rt/des. Manheim, 1847, p. 416, 417.
214 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
CHAPITRE XIV.
FORETS DE LA CIIAMI'AG.NE.
La Champagne demeurait encore au siècle dernier une
des régions les plus forestières de la France. « Il est peu
de provinces dans le royaume, écrit l'abbé Expilly en son
Dictionnaire des Gaules^ qui soient mieux fournies de forêts
que la Champagne. » lien était ainsi également au moyen
âge, car Huon le Roi, dans son charmant fabliau Du vair
;?«/e/m, s'exprime ainsi :
Adonc estoient li boschage
Dedans Champaingne plus sauvage
E li païs que or ne soit (1).
Cependant, déjà dès cette époque, de nombreuses forets
y avaient été abattues ou démantelées. Le développement
de l'industrie et du commerce dans la province (2) eut
pour effet d'accroître la consommation du bois. Au
XIII' siècle, il existait en Champagne des associations ou
compagnies d'exploitations agricoles pour l'acquisition des
grands bois et quelquefois pour leur défrichement et mise
en culture (3). Un grand nombre de témoignages recueillis
(1) Barbazan, Fabliaux cl Contes, l. I, p. 1G7.
(2) Voy. le savant mémoire de M. F. Bourquelot, sur les foires dt
Champagne et de Paris. Mém. de l'Acad. des Inscript. Sav. étrang.
2" série, part. I et II.
(3) Ainsi on trouve mentionnée une association d'Eudes, abbé de Saint-
Remy <le Troyes, et de Blanclie, comtesse de Giiampagne, pour construire
une ville neuve dans les bois de Saint-Rcmy a]iparlenant au monastère.
(^Bibl. imp. mss. Liber principum, n° 5092, fol. 181 v".) 11 est parlé, dans
une autre charte do l'année 1200, et antérieure, par conséquent, d'un an à
la mention précédente, de l'établissement de la même ville. ^Bibl. im]).
I
CHAPITRE XIV. 215
par M. F. Bourquelot^ prouvent que, dès le xii« siècle^ on
avait autorisé et encouragé le défrichement des bois (1).
J'ai déjà dit plus haut quelques mots des forêts qui rat-
tachaient la Champagne à la Lorraine et que l'on peut
considérer comme ayant originairement formé les marches
qui séparaient les territoires des Médiomatrices et des
Leuques, de ceux des Rèmes et des Lingons. La rive gau-
che de la Meuse, ainsi que je l'ai observé, a dû être très-boi-
sée. Mais les forêts n'étaient pas seulement limitrophes
entre ces diverses provinces, elles s'étendaient jusqu'au
cœur de la Champagne, et l'on a la preuve de l'exac-
titude des paroles de Huon le Roi. Toutefois, c'était plus
particulièrement sur les frontières de ce comté, que les
forêts s'étaient conservées avec leur antique épaisseur;
le centre de la province, tant par la nature de son sol que
par suite de défrichements amenés par l'agglomération de
la population, offrait déjà, dès l'époque romaine, ces vastes
plaines qui ont valu son nom à la province [Campania,
Champagne).
Dans la partie orientale de la Champagne, un pays ap-
pelé le Perthois, sis au sud de Yitry, a dû jadis être en-
tièrement couvert de forêts ; c'est peut-être à cette cir-
constance que la ville de Perthes, dont le Perthois tire sa
dénomination, doit le nom qui lui a été imposé (2i. Une
forêt, qui gardait encore au xvii' siècle le nom de forêt de
Perthes, présentait en 1663, lors de la réformation des
Varlul. Campan. n" 5993, fol. il2 r°.) Une charte de Milon de Nan-
teuil, prévôt de Reims, de février 1210, parle d'une société de culture
analogue, entre la môme comtesse et les seigneurs. [Cariitl. Campan.
(lit Liber principum, u" 5995, fol. 145, v°, et Cartul. Comp. n° 5993.
Jol. 29, v°.)
(1) Voy. Bourquelot, mém. cité, part. I, p. 59 et suiv.
(2) On trouve, en effet, dans plusieurs chartes rex])ressiûn in srjlvis,
l'oreslis, perlis. Voy. notamment E. de Barthélémy, Diocèse ancien de
CIuUons-sur-Marne, tome I. p. 35S. (Paris, 18G1.;
216 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
forêts de Champagne (1), une superficie de 800 arpents.
On voit par la carte de Cassini qu'elle était singulière-
ment réduite, un siècle plus tard, et n'occupait plus alors
qu'une petite bande dirigée de l'ouest à l'est et sise au
nord du village d'Hallignicourt, dont les habitants jouis-
saient depuis bien des années du droit d'usage dans
cette forêt : aussi n'était-elle plus connue que sous le nom
de la Garenne, qu'on commença à substituer à celui
de forêt de Perthes, sous Louis XIV. Cette forêt s'éten-
dait originairement de la Marne à la rivière de Saux, et
on doit considérer comme s'en étant détachés les bois des
Trois-Fontaines, la forêt d'Ancerville, qui en constituait la
région orientale avec le bois de Rupt, les bois de Chemi-
non, Sermaize et Andernay.
En 672, Childéric II fît don à saint Berchaire d'une pe-
tite partie du territoire d'une grande forêt qui n'était sé-
parée de celles du Perthois que par la Marne ; c'est la forêt
de Der ou Dcrs [foresta Dervensis), qui a valu son nom au
Par/us Dervensis, appelé aussi Ager Derwenm; elle est men-
tionnée sous le nom de Demis sijlva dans des chartes de
815, 816 et 837(2). Le monastère fondé par saint Berchaire
{Monasterivm Dervense) s'appela d'abord Nova Ce/la (3),
et s'éleva lui-même sur l'emplacement d'un manoir
nommé MansKS Cor bonis, preuve qu'il existait déjà là un
essart. Le lieu de ce monastère se retrouve au bourg de
(1) Voy. la RéforMalion des forais de Champagne, mss. Bibl. imj)ér.
n» 16686^ f» 242.
(2) Voy. Historiens de France, t. VI, p. 249, 476, 498, 552. Dans
une charte de l'empereur Olhon, datée de l'année 974, et confirmant
les biens de la ville de Toul, le monastère est désigné sous le nom de
Sanchis Petits in sallu Denervensi [sic). (Voy. R. P. Benoît, Histoire
ecclésiastique du diocèse de Toul, preuves, p. xix.) Cf. E. de Barthélémy,
Diocèse ancien de Chûlons-sur-Marnc , t. I, p. 353.
(3) C'est coque nous dit la charte de 837. Voy. Historiens de France,
t. VI, p. 242.
CHAPITRE XIV. 217
Monlier-en-Der (Haute-Marne), situé au sud-est de la forêt
actuellement désignée sous ce nom ; il est précisément
placé, comme le dit la charte de 815, au confluent de la
Voire {Vigera) et d'un ruisseau appelé dans cette charte
Alsmantia (1). Nous voyons par la vie de saint Berchaire
que la forêt, alors très-vaste, s'étendait sur le canton de
Brienne (Aube) et était un repaire de brigands (2). Les lo-
calités appelées Ville-aii-Bois et Sauvage dénotent l'ancien
p'iongement au sud de la forêt de Der. Le nom de forêt de
Der étendu, dès le ix*" siècle, jusqu'aux bois qui environ-
naient Montieramey, nous est la preuve que cette forêt
avait alors une largeur d'au moins dix lieues (3). Elle
s'avançait près des bords de l'Aube, plus à l'est vers la
Haute-Voire; elle paraît avoir étééclaircie de très-bonne
heure, car le village de Sommevoire {Sommavigera)^ cons-
truitsurce cours d'eau, existait déjà à l'époque de l'apos-
tolat de saint Berchaire (4). Il n'y a pas de doute qu'au
w" siècle, la forêt ne comprît les bois actuels du Boulaij et
du Grand-Bois.
Plusieurs petites forêts, notamment celle de Montmo-
"rency, de Champagne, où se trouve l'étang de La Horre,
semblent avoir été des démembrements fort anciens de
cette vaste marche forestière appelée le Ber ou le Derve.
Les forêts du Perthois se rattachaient à celles du Bassi-
gny et du Vallage. Un des plus importants débris de
celles-ci et qui faisait face sur l'autre rive de la Marne, à la
(1) Historiens de France, t. VI, p. 416, cf. t. X, p. 375.
(2) Qux immensa circumqvaque diffusa. — Ex. miracul. S. Dercharii
ahb. Derveus., dans les Historiens de Fronce, t. X, p. 375.
(3) Voy. D'Arbois de Jubainville, Voyage paléographique dans le dé-
partement de l'Aube, p. 214, où l'on renvoie au Prompluarium de Ca-
muzat.
(4) Voy. G. Carnandot, Géographie historique, industrielle et statis-
tique du département de la Haute-Marne, p. 599. (Chaumont, 1860.)
218 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
forêt fie Perthes, est la forêt du Val, qui dépendait de
la maîtrise de Saint-Dizier; lors de la réformation des
forêts de Champagne, en 1664, elle renfermait 6,838 ar-
pents (4;. Cette forêt, peuplée comme la plupart de celles
de la province, de chênes, de hêtres, de charmes et de
trembles, et au centre de laquelle avait été construite l'ab-
baye de l'Espine, où, plus tard, François I'^'" fit bâtir un
pavillon de chasse, était entièrement ruinée, lorsque le:<
mesures conservatrices prescrites par Louis XIV vinrent
en arrêter la dévastation (2).
Dans le diocèse de Châlons-sur-Marne, la fondation de I
divers monastères amena la réduction ou même la dispa-
rition de plusieurs forêts. Tel fut le cas pour celle qui était
d'abord désignée sous le nom de Sylva major, et au cœur
de laquelle fut élevée l'abbaye appelée ensuite iS'. Nicolaûs
in sylva Luviz, antérieure à l'an 1120 (3). L'abbaye
de Chatrices (Castriciœ), bâtie, vers la même époque,
dans un canton encore fort boisé, et dotée de 1,500 ar-
pents de bois dont ceux des Chambres et de Pologne doi-
vent être des restes , était originairement tout entourée
de forêts qui se liaient à celle d'Argonne (4).
. Non loin de labbaye de Chatrices, une autre abbaye,
celle de Trois-Fontaines, fut élevée, vers le xu^ siècle^ au
[i) Voy. la Réfonnalion des forêts de Champagne. Biblioth. impér.
mss. n" 1G686.
(2) C'est ce qui est dit formellement dans le procès-verbal de visite
contenu dans la réformalion des forets de la province. Mss. cilé, p. 230
et suiv.
(3) Amaluinus sylvœ majoris diclus abbas... quod ad nemus nostrum
juxta bellam vallem situm quod de Luviz, nobilom mulierem Blancham
comitissam Trecensem palatinam tali conditione associavimus quod nos
simul faciemus ibi villam novam, etc. (Biblioth. impér. Liber prinri-
puni, n° 5992, fol. 255. Cf. fol. 251, 276, cité par F. Bourquelot.)
(4) Voy. Gallia Christian, t. IX, col. 952. Eccles. Calalaun., et E.x-
]>illy, Dictionnaire géographique des Gaidcs, art. Chalries.
CHAPITRE XIV. 249
voisinage de bois qui s'étendaient au nord de Saint-Dizier
et qui prirent le nom du monastère.
Le diocèse de Reims était beaucoup plus boisé. Je ne
parle pas de la partie occupée par la région sud-ouest de
l'Ardenne, mais du voisinage même de l'ancien Dtirocor-
torum. Quoique la cité des Rèmes fût depuis longtemps
cultivée, une grande forêt, appelée sous la première et la
seconde race, iSemus Rigetti ou Rigetius, Richetius saltus,
occupait une vaste étendue (1). C'est là que fut fondé en
573 le monastère de Verzy (Virisiacian), autrement dit de
Saint-Basle {S. Basohis), au pied des hauteurs que cette
forêt ombrageait (2). Celle-ci n'est plus représentée que
par les bois dits de la Montagne de Reims, appelés encore,
il y a quelques siècles, la forêt de Route. Ville-en-Seke
{Villare in Silva) existait déjà au ix*" siècle, dans une
clairière de ces bois, maintenant fort clair-semés. Ainsi,
dès cette époque, l'établissement dans la sylva primitive
de nombreux centres d'habitations amena des défriche-
ments (3).
L'état forestier des cantons situés plus au sud de
Reims ne paraît pas avoir subi des modifications bien
marquées, durant le moyen âge. Peut-être les trois forêts
d'Epernay, d'Enghien et de Vassy étaient-elles réunies en
une bande unique, allant de l'est à l'ouest, s'arrêtant au
nord à quelque distance de la Marne, au sud à la petite ri-
vière de Surmelin. Mais Dormans {Duromannu7n), ancien
(1) Frodoard, Hisi. Rkemcns., II, i, 3. Cf. H. Yalesius, Nolitia Gallia-
rum, p. 614.
(2) Gall. Christian, t. IX, col. 195. Ecdes. Remens. L'abbaye s'éleva
dans la partie de la forêt où saint Bâsle ou Basile avait mené quarante
ans la vie d'ermite. Voy. Baillet, Vies des Sai)Us, 2G novemb. p. 691.
(3) B. Gnéi-urd, Polj/ptiqiic de l'abbaye de saint Rémi de Reims, p. 28.
Voy. J. Chaletlc, Précis de la statistique de la Marne, t. II, p. 412. (Cha-
lons, 1845.)
220 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
oppidum gaulois où ont été découvertes des antiquités cel-
tiques, existait déjà (1).
Dans la Champagne Pouilleuse, le premier rang appar-
tenait, entre les forêts, à celle de la Traconne, situéeà l'ouest
de Sézanne et qui fit originairement corps avec celle du
Gaidt, sise plus au nord, ainsi que l'indique le Grand
Essart placé entre les deux forêts sur la carte de Cassini.
Elle appartenait au domaine royal et formait avec quel-
ques autres bois voisins, en 1663, une étendue de plus
de 7,000 arpents. Les Essarts-le-Vicomte indiquent que la
forêt de la Traconne s'étendait plus à l'ouest, quelques
siècles auparavant, sans doute jusqu'aux hauteurs de
Saint-Bon et de Saint-Genêt. Le voisinage de la Seine
rendait facile l'exploitation de ses bois, qu'on expédiait,
par bresles ou bateaux, dans les petits ports de IMarsilly,
Lure et Gonflans (2).
Dans la partie de la Champagne qui confine à la Brie,
les documents anciens témoignent de la disparition de '
plusieurs forêts. Une charte de Henri-le-Libéral, concé-i
dant des privilèges au chapitre de Saint-Quiriacede Pro-'
vins, mentionne la sylva flildonis, dont l'emplacement '-i
occupé actuellement par la commune tout «à fait déboisée i
de Bois-Don dans le canton de Nangis (3). La forêt de'
Sourdun, dans l'arrondissement de Provins, ne forme plusi
de nos jours qu'une longue bande; elle paraît s'être éten-!
<lue jadis à l'est jusqu'à la Vieille Seine. Toutefois, dès lexii* j
siècle, cette partie était déjà découverte, puisque, suivant j
la tradition, le Petit-Paraclet fut bâti près de la Fontaine-
aux-Bois, fontaine qui dépend de la commune de Melz (4). j
(1) Voy. S. Prioux, Civitas Suessionum, p. lOÎ. I
(2) "Voy. Réforinalion des fonts de Champagne, mss. cité fol. 34'2. I
(3) Boiin|uolot, Histoire de Provins, t. II, p. 394.
(4) F. Pascal, Histoire de-Seine-et-Marne, t. II. p. 880.
f
CHAPITRE XIV. 221
La forêt de Jouy, au nord de Provins, n'a pas subi non
plus de bien grandes réductions. Jouy-le-Châtel date au
moins du x* siècle (i); ce qui démontre que sa limite ne
dépassait pas ce point au nord, et au sud la fondation de
l'abbaye de Jouy en 1124 montre également qu'elle ne se
prolongeait guère dans cette direction plus qu'aujour-
d'hui.
Le diocèse de Troyes et la partie occidentale de celui
de Langres, conservaient sans doute, auxvin' siècle, encore
quelques grandes forêts; mais la plupart étaient, six à huit
siècles auparavant, bien plus étendues que ne les repré-
sente Gassini.
La forêt de Glairvaux est le débris d'une forêt considé-
rable mentionnée sous la première race (2); il est facile
de retrouver sur la carte les traces du domaine de
cette antique forêt. Toute la partie de la forêt de Glair-
vaux, qui s'étend entre sa région septentrionale, dite /«
Forest, et les bois de Jocourt, n'était qu'une succession
non interrompue d'arbres. Boismartin, Valperdu, Arcon-
ville se sont élevés sur les clairières de cette forêt , qui a
dû originairement se rattacher à celle de Bossican, et par
suite à celle d'Orient.
La Sylva Rubra, qui valut son nom au petit monastère de
Sivarolle-sur-l'Aube, au diocèse de Langres, a disparu depuis
dessiècles(3).Laforêtd'Orient, qui s'étend au nord deVen-
dœuvre, une des plus importantes du département de l'Au-
be, a dû s'avancer jadis plus au sud et comprendre le ievYi-
loire de Vi/le-aux-Bois.Lo. forêt deBossican, qui faisait jadis
corps avec les bois de Trode, situés plus à l'ouest, comme le
(1) Pascal, ouv. cil. t. II, p. 228.
(2) Rogct de Belloguet, Carie du premier royaume de Bourgogne,
Supplémenl avx questions bourguignonnes. Dijon, 1848.
(3) Yoy. H. Valcsius, Nolilia Galliarum.. ji. 28.
H
222 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
lieu-dit la Forcsf, placé entre eux l'indique, n'en est vraP
semblablemcnt qu'un démembrement. Au voisinage de
Bar-sur-Seine s'étendait la forêt de Ghaource, dont le nom
rappelle, par son étymologie (Catorissnon), une forêt de-
temps celtiques. La partie nord-est de cette forêt reçut h
nom de Forêt de Rumilly, qu'on étendait déjà au xvii'^ sir-
cle à la forêt tout entière, dont la superficie était évalu*
à 6,000 arpents (1). Des bois étaient distribués au moyei)
âge entre cette forêt et Bar-sur-Seine ; ils recouvraient '
plaine de Foolz qui séparait, au xviii'^ siècle, un certain
nombre de paroisses appartenant au diocèse de Troyc-,
d'autres dépendant de celui de Langres; ils avoisinaicnt
le village de Jully et ont maintenant totalement disparu (2j.
La forêt d'Olhe, qui fut, comme on l'a vu, désignée par 1^
nom d' Usta ou Otta sijlva, aux temps carlovingicns • J
avait depuis cette époque été défrichée sur une vaste si
perficie (4). Dans un pouillé du diocèse de Troyes, qiu
date de 1407 (5), on indique comme des paroisses ou d.-
villages, Maraye-en-Othe, Nogent-en-Othe, Aix-en-Otli' .
Bercenay-en-Othe. Bucey, Bligny, Bussy, ParoySt-Mard-,
Villemaur, reçoivent la même épithète. Cette forêt occu-
pait donc une grande partie des cantons d'Estissac, d'Aix-
en-Othe et de Brienon; elle était déjà fort réduite au
xiu* siècle. Les Comptes de saint Louis (6) ne lui donnent
(1) C'est ce qui résulte des pièces d'un procès qui s'éleva entre cos
communes. Voy. DArbois de Jubainville, Voyage paléographique dans
le déparlemenl de l'Aube, p. 21G.
(2) Voy. Béformalion des forêts de Champagne, mss. cité.
(3) Voy. Historiens de France, t. VI, p. 650 et ce quj a été dit p. 43,
Cl, 155.
(4) Pagits ornalicnsis, \o\. GneTO-và, Pohjptiqiie d'Irminon, Prolégo-
mènes, p. 03.
(5J D'Arbois de Jubainville, Pouillé du diocèse de Troyes, p. 134.
(6) Historiens de France, t. XXI, p. 254. Ce nom û'Olha fut altéré
parfois en celui d'Orla, comme on le voit par une lettre de Milon do
Traisnel, à Louis YII. Voy. Historiens de France, t. XVI, p. 76.
CHAPITRE XI Y.
plus que le nom de Venda Otœ. Mais nous avons des indi-
cations qui permettent de préciser davantage l'époque
de ses défrichements.
Dès le vif siècle, le village d'Arces {Arcea) avait été
construit dans l'essart sur lequel s'éleva plus tard l'abbaye
de Dilo et qui finit par s'étendre à l'ouest jusqu'au village
de Villechétive (1). Paroy-en-Othe {Paretum-in-Otha) est
mentionné dès l'an 519. Cette grande forêt se trouva ainsi
subdivisée en plusieurs sections séparées par des parties
ouvertes, et qui finirent par représenter des forêts diverse-
ment dénommées. C'est ainsi que se constituèrent la forêt
de Rajeuse {Raiosa ou. Rabiosa sijlva), (canton d'Arces), qui
est mentionnée au xii* siècle, la forêt de Lancy {Lanceia
sylva), (canton de Vilieneuve-l' Archevêque), dont il est
parlé dès 1148, la forêt de Saint-Loup {SanctlLiqn nemiis)
(canton de Brienne), citée également dès le xii^ siècle (2).
L'étendue des défrichements opérés dans la forêt d'Othe,
dès nos premiers rois, montre que comme je l'ai dit et
ainsi que Ta pensé Adrien de Valois, son territoire cons-
titua dès l'époque carlovingienne une sorte de pngus.
Aujourd'hui, la forêt d'Othe, quoique encore importante,
n'occupe qu'une superficie singulièrement réduite, aux
environs de Joigny et de Saint-Florentin ; et non-seule-
ment cette forêt a perdu plus de la moitié de son domaine,
une essence, le châtaignier (3), en a, en outre, totalement
disparu.
Deux autres forêts situées dans la partie méridionale du
(1) Quanlin, Dictionnaire lo])ograpliique du déparlement de V Yonne,
\K IV, à artulaire général de l'Yonne, t. II, p. 337.
(2) Quanlin, 1. c.
(3) Des charpentes en bois de châtaignier, provenant de ia forêt
d'Othe, ont été jadis employées dans les constructions de Troyes. Voy.
sur cette foret, Grosley, Mémoires liistoriques cl critiques pour l'histoire
de Troyes, t. I, p. 86.
224 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
même diocèse n'ont plus laissé d'autres vestiges que k
noms de deux villages; la première est la Sylva Clamscer
sis (1), mentionnée dans une charte de 864 et qui devaj
recouvrir les hauteurs actuellement déboisées, sises
nord du village de Glérey^ qu'on trouve sur la route allai
de Troyes à Bar-sur-Seine (2). Cette forêt, dont le? bo|
de Chappes, situés au sud-est, sont un débris, devait s'î
vancer au nord jusqu'à la Barse; la seconde était la forel
Javernamlus, dont le nom subsiste dans celui du village
de Javernant, au sud -ouest de Clérey et au sud fU'
Bouilly. C'était sans doute un démembrement fort ancien
des forêts d'Aumont et de Rumilly, dont la lisière devait ;
s'avancer à l'est jusqu'à la Sarce, à en juger par les nom-
breux bouquets marqués sur la carte de Cassini, Au
sud de cette rivière s'offrait la forêt de Balnot, déjà au
xvi" siècle partagée en plusieurs bois qui ne subsistent
plus (3).
Citons encore parmi les forêts qui ont à peu près disparu
du midi de la Champagne, celle de Màlay-le-Roi (Moa/rf
fo?'esfa}, mentionnée dans les Comptes de saint Louis (4j
(1) Voy. Historiens de France, t. VIII, p. 590.
(2) D'Arbois de Jubainville, Pouillé du diocèse de Troyes, \). 22. Le
nom de Clarey ou Clereij est dérivé de Clarascensis.
(3; Balnol, dit Balnol-la-Grange, était le centre d'une exploitatioji
rurale appartenant à l'abbaye de Quincy-sur-Armançon. Les bois recou-
vraient encore son territoire au XVI* siècle, bois dont l'existence est raji-
pelée par le nom de Villirrs-le-Bois. Dans une charte de 1318, on fait
mention de quatre bois environnant Balnot-la-Grange, à savoir : le bois
de Vauclairon, celui de Fayet, celui des Estrapis, enfin le bois dit
■ Bois-de-dessous-le-Grand-Fayel. Dès l'année 1210, la forêt de Balnui
[sylva de Beleno) avait été l'objet d'une sentence arbitrale de Blancii-
comtesse de Champafrne, qui en fixait les limites ainsi que celles de l.i
forêt de Pargues. (Voy. D'Arbois de Jubainville, Voyage paléographiqui
cité p 188, 194, 197.) 11 est probable que la forêt de Mosne, et que ct-ll''
de Paisson, toutes deux situées au sud de Balnot, en sont d'anliqn'^
démembrements.
(4) Ilisloriens de France^ t. XXI. y. 2 12. 273.
CHAI'lTIUi XIV. ^■■2i>
auK environs de Sens, et une date plus reculée, s'élen-
dant au nord de Tonnerre el dont le bois de Saint-JMichel
est un dernier reste. Elle dut naguère s'avancer jusqu'aux
bords de l'Armance, où existe en face d'Ervy un lieu ap-
pelé La Forêt. IMus au sud, sur la rive gauche du même
cours d'eau, une localité du nom de Gliessy, et plus à l'est,
deuxhnmeaux ôlis Le Bi-euil ei Bois-Lessif, en sont d'autres
indices. Le bois de Gussangy est aussi vraisemblablement
un écart nord -est de cette forêt, qui dut se rattacher, dans
le principe, à celle de Chaource dont il a été question ci-
dessus. Il est à croire qu'originairement tout le pays entre
l'Armance et l'Armançon avait été boisé.
Une charte de l'année 1239 mentionne comme bois
de quelque importance : le Netniis de Va/eres, XeNeimtsde
Dorso Asim et le Neums de Ikniloy. Or, aux environs des
Vallières (Valeres), où la charte nous dit qu'ils étaient si-
tués (i), la carte de Gassini n'indique que deux faibles
bouquets. Les noms de localités voisines. Le Charme, Vil-
liers-le-Bois, Bois-le-Comte, rappellent l'existence de bois
graduellement détachés du grand voile forestier qui s'é-
tendait jusqu'à l'Armançon, et dont la forêt de Mosne est
le principal des lambeaux encore subsistants.
Sur les bords du Serain, à la limite de la Ghampagne et
de la Bourgogne, une foule de noms de lieux dénotent la
présence de bois et de forêts Tels sont ceux de Chablis, de
Sarry, de Lucy-le-Bois, etc. A Sainte-Vertus, sur ce cours
d'eau, existait au moyen âge une villa que son voisinage
des forêts fit appeler Silviniacus (2).
(1) Voy. riiistoire de l'abbaye de Moutier-Saint-Jean, intitulée : Rcc~
mous seu IHsloria vionaslerii S.Johannis Reomacnsis, intractu Liniju-
nensi, auctore Petro Rouerio, jt. 2G4. (Paris, 1637, m-4°.) La charte, eu
l>arlanl de ces trois bois, dit : « Quibusdam iiemoribus sitis in territurio
de Valeriis. »
(2) H. Valesius. \vUli(i Gallionnn, p. Ô^'G.
13
22C Li:s Kuui-Ts i>i; i.\ (.aill ft dk i.'ancitnM'; iranck.
Quoiquesitiiéeen réalité en Lorraine, la forêt de Passavant
doit être comptée parmi les forêts de la Champagne, parce
qu'elle s'étendait en grande partie sur une enclave de cette
dernière province. Cette furet tirait son nom d'un bourg
jadis ruiné (1) et qui ne faisait que commencer à j-e rele-
ver dans les premières années du \\\f siècle (2). Elle fut,
de 1574 à 1577, l'objet d'une transaction entre le roi
de France et le duc de Lorraine, qui s'en étaient disputé
la possession (3). On y planta une suite de bornes en
pierre destinées à faire reconnaître les parties qui appar-
tenaient respectivement aux deux princes. Au commen-
cement du xvu*^ siècle, on y pratiqua de vastes cssarts qui
furent également partagés. A dater de cette époque, on
veilla avec soin à sa conservation; elle n'avait pas eu, au
reste, à souffrir d'une exploitation inconsidérée; car lors
de la réformation des forêts de Champagne (4;, il ne s'y était
fait aucune vente depuis quarante ans; mais la guerre
lui avait causé quelque préjudice. Sise aux confins du
Barrois, de la Champagne et de la Franche-Comté, elle
formait entre ces provinces une marche boisée; au
xviii^ siècle, elle perdit une grande partie de son impor-
(1) Passavant en Vosges, bourg Ju canton de Jussey (Haute-Saône).
(2) C'est ce que nous lisons dans le mss. cité de la Réformation des
forêts de Champagne. Ce bourg, aujourd'hui important, n'avait, en
16G0, que neuf huttes de bois, couvertes de paille. Ses habitants, ainsi
que ceux de Vaugiscourt et LaCoste, jouissaient du droit d'usage dans la
forêt, droit dont ils profilùrent largement pour la reconstruction du vil-
lage, ce qui a dû singulièrement contribuer à l'amoindrissement de cette
foret.
{3) Voy. le manuscrit de la Biblioth. impér. intitulé : Proch-verbativ
et autres actes touchant la forêt de Passavant en Vosges, 1577, La forêt
fut partagée par parties égales entre Henri III et le duc de Lorraine.
Lors de la réformation des forets de Champagne, une petite partie, sise
près Selle, appartenait au roi d'Espagne.
(4) Mss. cité f» 1C8. Quoique la Saône se trouvât au rein de la forêt, on
n'oxpédiait sur celte rivière aucun bois par le flottage, quand eut lieu la
réforniation.
CHAPITRE XIV. 227
tance. En 1063, on estimait sa superficie à 10,000 arpents
de haute futaie. Sur la carte de Cassini, la forêt de Pas-
savant n'est déjà plus représentée que par une série de
bouquets coupés de clairières. Elle bordait originairement
la Saône et s'avançait au nord jusque vers Darney.
Cette forêt doit avoir été un antique démembrement de
la grande forêt des Vosges, dont j'ai parlé en traitant des
forêts de l'époque caVlovingienne.
J'avertis, en terminant cet aperçu des forêts de la
Champagne au moyen âge, qu'il m'a été impossible de
mentionner toutes celles qui présentaient une notable
étendue; aussi ne me suis-je attaché qu'à parler de celles
sur l'importance desquelles j'ai pu recueillir quelques
données.
228 LES FOKKTS i)K LA (.AILL Kl UK l'aN( IK.N.M: IHANCF..
CHAPITRE XV.
FOBf:T« m: i.v hoiiuiognf. et du mveknais. — état forestier m;
MnUVANI» ET l>E LA BRESSE.
Si la Champagne fut, durant la première période du
moyen âge, ombragée par un réseau de forêts, le lacis
recouvrait beaucoup plus serré la Bourgogne, qui de-
meure encore, de nos jours, une des parties le plus riche-
ment boisées de la France. D'ailleurs, les forêts de la Cham-
pagne méridionale secoiitinuaient jusqu'en Bourgogne, et
les frontières géographiques de ces deux provinces dis-
paraissaient, pour ainsi dire, sous la bande forestière ser-
pentant à travers les diocèses de Troyes, de Sens et
d'Auxerre. Les documents anciens mentionnent en effet
un assez grand nombre de forêts appartenant au territoire
de l'ancien pagiis d'Auxerre. C'était d'abord la forêt
d'Hervaux, auparavant forêt d'Erviel ou d'Arviail, qui oc-
cupait la presque totalité du canton actuel de Guillon, et
devait s'avancer à l'ouest jusqu'au Serain, et, au sud, au
moinsjusqu'à une ligne dont nous connaissonsdeux points:
Lucy-les-Bois et Sauviijny-lcs-Bois. La forêt de Maulne,
qui subsiste en partie dans le canton de Crusy, n'était
guère moins importante. Jusqu'aux portes d'Auxerre
s'avançait la forêt de Bar {Banns sylva), qui n'avait, au
commencement du siècle dernier, laissé d'autres vestiges
que le petit bois de Monéteau, sis au nord de la capi-
tale de l'Auxerrois. Une charte de l'an 1171 nous ap-
prend que le comte Guy fit don à l'abbaye de Sainl-Marien
de la partie de la forêt de Bar sise cnfie deux étangs ap-
i
ciiAiTiiu: w. 229
paitenant aux religieux (1). La même pièce nous apprend
qu'au voisinage de cette forêt existait alors un' petit bois
dit de Saint-Efiennc, et qui devait être un ancien écart.
En 1181, la comtesse ^latliilde accorda au monastère de
Pontigny, 40 arpents de bois dans la même forêt. Quel-
ques années plus tard, on trouve l'abbaye de Crisenon en
possession d'une partie de la forêt de Bar (2). Les reli-
gieux de ces abbayes ont vraisemblablement été les
principaux agents du défrichement de la Barrus sylra.
Il y a quatre à cinq siècles, elle s'étendait jusque sur le
territoire des communes de Charbuy et de Villefar-
geau (3).
Dans le diocèse d'Auxerre, un pays connu aujourd'hui
sous le nom de Puisaie et appelé dans les chartes du moyen
'à^ePoisea, Puseya{A), est occupé par une succession de mi\~
récages et de bois. L'état physique de cette partie de la
Bourgogne n'a sans doute pas beaucoup changé; mais il
y a lieu de supposer que les bois y étaient naguère beau-
coup plus étendus. Le Polyptique d'irininon mentionne
même une forêt appelée Paciolus, qui tirait son nom delà
Puisaie et devait se trouver dans les environs de Bitry.
Au nord de Goulanges-sur- Yonne, entre Auxerre et Ve-
zelay, s'étendait une forêt a;-€ez importante, celle deFretoy
ou Frettey {Freteium)j actuellement réduite à un grand
bois dont le territoire est divisé entre les communes de
]\lailly-le-Gliàteau,Mailly-la-Ville et Goulanges-sur- Yonne.
(1) Quantiii, Carlulaire de l'Yonne, t. II, p. 472. — Lebeuf, Mémoire
concernant L'histoire ecclésiastique et civile dWuxerre, t. II, p. 25,.
n" 49. Celte partie de l'ancienne forêt s'étendait de l'étang Mxilsus à l'é-
tang Del Borber.
(2) Quantin, oui', cit.
(3) On rencontre dans les environs diverses localités dont le nom dé-
note la présence ancienne de bois : les Pclils-Bois, les Bries, Gâlines,
Clunmoy. les Vareyincs., etc.
(4; Quantin, 1. c.
230 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE I UANCE.
Des traditions d'origine païenne se rattaclicnt encore au-
jourd'hui à cette foret et en démontrent ranti<iuilé (4).
Pierre II de Courtenay, comte d'Auxerre et de Tonnerre,
y concéda aux habitants de Mailly le droit d'usage. La
concession fut confirmée en i239 par Guy, comte de Ni-
vernais et de Forez, et étendue en 1315 par une stipu-
lation de leur seigneur aux habitants de Merry (3). Les
termes de la concession sont un témoignage curieux de
la libéralité de certains seigneurs en matière de droits
d'usages forestiers, libéralités dont eurent tant à souffrir
nos forêts (2). Ces concessions n'étaient du reste parfois,
comme il a déjà été remarqué, que la reconnaissance de
droits dont jouissaient les usagers, et Pierre de Courtenay
ne fit lui-même qu'en agir ainsi à l'égard des habitants de
Mailly. Ledroit d'usage s'étendait sur le tremble, le charme
et l'érable. Il était permis aux bourgeois de recueillir tout
le bois mort nécessaire pour se chauffer, de couper tout
le bois vif nécessaire pour la construction des maisons, la
confection de tous les aisements (aiseîyienta) , de tous les
ustensiles de ménage, de tonneaux, de cuves, de plats de
diverses espèces, de quelque bois que ce fût (3).
On pourrait encore citer, dans le diocèse d'Auxerre, bien
d'autres bois qui existaient au xii* siècle et dont il ne
reste maintenant aucune trace; tels sont par exemple
ceux de Tul ou Tuleau (4), et de Montiers (5), etc.
Plus au midi, vers le centre de la Bourgogne, les bois
foisonnaient littéralement; le pays compris entre la Seine,
(1) Voy. J.-F. Baudiau, Le Morvand, t. I, p. 278.
(2) Voy. H. de Riancey, Mémoire pour servir à riiislnirc d'une forvl,
dans /c Correspondant, t. I, p. 183 et suiv.
(3) H. de Riancey, mém. cité p. 193.
(4) Voy. Lebeiif, Mémoires concernant l'histoire ecclésiastique et civile
d'Auxerre, t. II, pièces, n° 37.
(5; Ibid. p. 21, cliarlc df 11 G5.
Il
CHAPITRE XV. 2')1
J'Arninn 011, la Bi-eniie et la Loze, conslituait une sorte
d'île boisée. C'est dans un des cantons de celte grande
t'orét bourguignonne, appelé Cliatehui ou Chatelot, que
fut fondée, en l'an 11 16, une abbaye de l'ordre de saint
Benoît, sur l'emplacement où existait auparavant un er-
mitage (1).
Le défrichement commencé par les moines fut continué
plus tard pour le service des forges; l'exploitation du fer
oolitbique dont cette foret devint le siège, acheva la des-
truction des futaies. Les longues lignes d'arbres qui se
déployaient encore, il y a quelque cent ans, sur le cal-
caire oolithique compris entre Montbard et Ghàtillon-sur-
Saône, à plusieurs myriamètres de distance, ont été ro-
gnées par les champs (2).
Au sud, en descendant vers Dijon, la culture, celle de
la vigne plus particulièrement, avait amené de bonne
heure le défrichement, et, parmi les nombreuses chartes
que D. Plancher nous a conservées dans son histoire, il
est fréquemment question, en cette partie de la province,
de prés, de vignobles et de terres labourables (3). Toute-
fois les environs de Dijon, dans la direction du nord est,
jusqu'à laNorge, doivent avoir été boisés, il y a seulement
quelques générations, car on y rencontiait au siècle der-
nier plusieurs lieux-dits accusant l'ancienne présence des
bois, tels que Bois-dc-Sully, JJois-de-Pierre, Bois-de-Va-
rois, etc.
{\) D. Plancher, Ilùloirc générale de Bourgogne, t. î, p. 313, Preuvps,
p. XXXVII. La charte qui relaie ce fait est une concession faite par Guy,
abbé de Moiesme, à la r6;(iuisilion d'Etienne, évêque d'Autun. Cette
charte ai)partenait au cartulaire de Fontenay.
(?) Voy. Dufrénoy etElie de Beauinoiit, E.rplicalion de la carie géolo-
gique de France, t. II, p. 386.
v3) Voy. l'rcuvcs de l'Ifisloire générale de Bourgogne, p. txiii et
passim.
232 LES FOUETS DE LA (;AULf; KT DE l'aNCIKNM. FHANr.K.
Au siul-est (le Dijon, piès de rOiiclio, oxislaieiit, en
1 125, deux bois, ceux d'Allé et de Broesse, sur remplace-
ment ou au voisinage desquels fut fondée l'abbaye de
Tart, le premier monastère de femmes qui soit sorti de
Citeaux (1); mention est faite de ces bois dans le Vidimus
de Hugues, abbé de Saint-Bénigne de Dijon, certifiant
une concession de Jean, seigneur de Montréal, à l'ab-
baye (2). Le bouquet indiqué dans la carte de Cassini
sous le nom de bois des Ailiers, est certainement un
débrisdu premier de ces bois. Toute la partie sise au midi
d'Echigey doit avoir été défrichée pour le service des
nonnes.
Une autre fille de Cîteaux, l'abbaye de la Ferté, fondée
en 1113, fut la cause principale du déboisement du dis-
trict qui environne Bragny, à deux kilomètres de Verdun,
entre la Saône et la Dheune. Cette forêt, dite forêt de
Braùjne, ou du Grand- Brarjny^ au milieu de laquelle fut
construite l'abbaye (3), n'est déjà plus que qualifiée de
bois {ncnnis de Braicjneaul) en 1283; elle devait compren-
dre le massif forestier qui occupe l'angle formé par la
Guye, le Grison et la Grône, à savoir, le bois de Bragny,
les bois de Chapaise et de Cluny. Elle a dû aussi s'unir,
dans le principe, à la forêt de Givry [furcsla de Giceieiu)
(1) Voy. Goll. rinisl. l. IV, col. 818, de lùcics. Lingoiu
(2) Voy. D. Plancher, J/isl. grnéralc ilc Bourtjoguc, jinnivos, t. I,
p. 101. Joari de Montréal concède à l'abbaye l'usage du bois de hêtre el
de chêne et de tout autre bois, et il s'engage, dans le cas où il voudrait
faire abattre le bois {boscinn), de rendre aux nonnes l'usage de bois é<|ui-
valenls. La même charte parle d'un défrichement antérieur d'une partie
des bois d'Aile et de Broesse, qui ont été convertis en prés et en champs :
" Quod ad homines jam dicti domini Joannis (de Montréal) in bosco Aile
vel de Broesse extirpaverunt, ad faciendum prata vel campos, similileret
jam dictœ moniales potuerunt cxtirpare. »
(3) « Quamdam partom sylvae quam incolœ loci illius Bragne, gallico
le Graud-Bragny a\)i)e\]a.ni, » est-il dit dans la charte. (Voy. Preuves de
l'Hhl. de la ville de Clwhn ;rillu5-lre Orluindalo), t. II. p. 71.;
C11AIMT1U-: w. ^33
iij)|)elec au xiii'' siècle, forcsta de ruptiis Gicreium, et dont
plusieurs bois s'étaient alors détachés. Car elle n'en est
séparée que par la Corne.
La partie déboisée de l'ancienne forêt de Beauregard et
(le Malleroye occupe la rive droite de la Dheune et est in-
diquée par Saint-Martin-en-Gàtinais, Sondebois et le bois
de Gergy. Cette rivière la séparait de la forêt de Borne.
En général, au midi de la Bourgogne, surtout dans la
région qu'embrasse le département de Saône-et-Loire, la
majorité des forêts n'a subi de grands défrichements que
depuis un siècle à peine (1). 11 n'y a pas soixante-dix ans
que celles qui appartenaient à l'abbaye de Cluny ont été
envahies par la culture ^2). L'Autunois, le Brionnais, pré-
sentaient de vastes étendues boisées quinesubirent pas de
notables réductions pendant toute la durée du moyen âge.
On en a la preuve pour la IbrêtdePlanèse, dans la donation
faite d'une partie de cette forêt à l'abbaye de Maizières,
par Hugues ni, duc de Bourgogne, en l'an 1174 (3). Le
bois de Planoise qui, réuni à celui de Beunchy, représente
l'ancienne. forêt de Planèse^ garde presque les mêmes li-
mites qu'avait celle-ci, il y a sept cents ans. k\\i\A\^{Antid-
//««/m) occupait déjà, en 1174, le centre d'un vaste essart,
comme l'indique la carte de Cassini. La route romaine
désignée dans la charte d'Hugues sous le nom de Chemi-
num Petrimim, qui allait d'Autun à Chàlon, traversait de
même la forêt, laissant de côté une forêt de Saint-Saturnin
et de l'autre la terre de Saint-Martin. C'est seulement au
nord, aux environs de Saint-Léger-des-Bois, que quelques
défrichements paraissent avoir été opérés.
(1) Dans le Charollais, il y a eu pourtant dos défrichements notables
qui ont amené l'éclaircissement de la forêt de Cliarolles et la séparation
di^s bois Brûlé et du Grandvaitx.
•1) Ragut, Slnlistique dp Saône-et-Loire, p. 561.
:i) Voy. D. Plancher, Hisloire gén. de Bourgogne, l. I, lueuves, p. uv,
234 LKS FORÊTS DK L\ CAULE F.T DE l'aNC.IKNNE FRANCE.
La forêt de Planè>e a pu se rattacher oriiiiiiaii'cmeiit à ^
celle qui environnait Autun, l'antique Ain/ustodumtm, et
que l'on trouve désignée dans une charte de Louis d'Ou-
tremer sous le nom de Forêt de la montntjne (1). (
D'ailleurs, dans sa partie occidentale, le département
de Saône-et-Loire occupe le sud du ^Morvand, légion qui j
conserva encore, à beaucoup d'égards, l'aspect forestier
de l'ancienne France. On y trouve en grand nombre de
belles forêts, telles que celles de Gluàtillon et de la Gra-
velle, et j'en ai déjà signalé quelques-unes, en parlant
de l'Auxerrois. Ce n'est pas à dire cependant (jue dans le
Morvand l'influence du déboisement ne se soit pas fait
sentir. Plusieurs forêts ont subi des réductions notables;
plusieurs ont à peu près disparu. Dès le milieu du
xiii^ siècle, la forêt de Saint-Germain, située au voisinage
de Brazey-en-Morvand, offrait de larges clairières, puisqu'on
1261 nous trouvons au centre de cette forêt un hameau
nommé Tanoise et une chapelle dédiée à Saint-Germain (2),
Cussy-en-M()rvand,qui faisait jadis partie de l'archiprètré
d'Autun, tire son nom, corruption du mot cotiq,des forêts
étendues dont il était environné. Dans ces forêts seigneu-
riales, les habitants jouissaient, moyennant cinq sous par
feu, du droit d'usage et de pacage; ils pouvaient, disent
les anciennes chartes, prendre bois mort et mort-bois
pourtour cha.uiïaige, bois de fol coupé à la serpe, pour bou-
cher leurs héritages , pièces à bâtir et pour chaussure de
charrettes et charrues et autres engins nécessaires, sans
pouvoir toutefois en vendre, à peine de trois livres un sou
par chaque contravenlion(3). On comprend que de si beaux
(1) Cette charte a été publiée par la société éduemie [Méni. a». I83'.i,
p. 34).
(?) Voy. à ce sujet Baudiait, le Morrand. t. 11^ p. (>28.
(3) Baudiau, oHf. vil. t. Il, p. 314.
CHAPITRE XV. ZOO
privilèges aient amené la dévastation de la forêt. Une autre
forêt dite la forêt an Duc, parce qu'elle appartint jadis au
duc de Bourgogne, occupe encore aujourd'hui une notable
superficie (1,235 hectares); mais elle était beaucoup
plus étendue, quand, en 1215, Eudes III en fit l'acquisition
de Robert de Corbigny (i). C'est ce que montrent le grand
nombre de villages qui y avaient droit d'usage et de pa-
cage, moyennant une certaine somme (2). D'épaisses forêts
environnent encore le village de Roussillon-en-Morvand,
appelé jadis Blain; l'inspection de la carte de Cassini ac-
cuse certains défrichements antérieurs (3).
Au reste, leMorvand partageait avec le Nivernais, dans
lequel se trouve la majeure partie de son territoire, ce
caractère forestier.. Bien que l'établissement de forges
en cette province ait été la cause de l'exploitation impré-
voyante du bois (4), les forêts y sont encore étendues. Dans
les temps anciens, elles couvraient cette partie de l'ancien
territoire éduen d'un réseau serré d'arbres. Une forêt
presque continue se déroulait au sud-ouest et au sud d'En-
trains, localité (î'origiiie romaine, et s'avançait jusque
vers Cosne, le Condnte des Itinéraires. Des lambeaux de
bois , qu'indique Cassini sur la rive gauche de la Cure,
semblent être les vestiges de la forêt qu'on trouve men-
tionnée dans une charte de la fin du xii^ siècle, sous le nom
de forêt de Callibus, autrement dit la forêt de Calz et qui
empruntait son nom à un village ainsi appelé, et qu'a rem-
placé le hameau de Chau, dépendant de la commune de
(1) Baudiau, ibid. t. II, p. 433.
(2) Les villages qui y avaient ce droit étaient Quarré-les-Tombes,
Champlois, Montz, La Fouleticre, La Gorge, Villiers, Velars, Menemois,
Montgaudier, Bousson, Iles-Menerier, Crot de Fou, Bonnaré etBonioux.
(3) Baudiau, ouv. cil. t. II, p. 3-21.
(4) Voy. Guy Coquille, Hisloire du pays cl duché de Nivcrnois,
p. 349.
23C LLS l'OUÉTS DE LA (;ALLL; liT UE i/aNCIKNMJ FRANCE.
DIlun-les-Places, canton de Lorme, arrondissement de
Clamecy (i).
Des souvenirs de l'âge celtique vivent encore dans plu-
sieurs forêts nivernaises,{lont la présence est rappelée par
des noms de lieux. Ainsi, près des Amogncs {AmaïKjiœ
ou,4;?«o;?/œdans les chartes), dont le nom nous conserve
un mot de la langue celtique, existe un hameau de La
Forest. Près de Saint-Sauge, se rencontrent les lieux-dits
La Forest, Bussières, Sahil-Iienin-des-Bois. Auprès de La
Fermeté se trouve le bois de Gul-l'an-Xeuf, dans le<iucl
est un dolmen (2).
Le commerce du bois, que l'établissement du flottage a
singulièrement activé dans le Nivernais, doit être consi-
déré comme une des causes qui ont le. plus puissamment,
depuis trois siècles, contribué à éclaircir les forêts niver-
naises et en particulier celles du Morvand. Quoique la
plupart des forêts n'aient point été coupées à blanc, qu'on
se soit souvent borné au fwetafje (3), la consommation
croissante du combustible dans la capitale a fait jeter dans
les eaux de la Cure, de l'Yonne et de leurs affluents, une
masse de plus en plus étendue de bûches perdues de chênes,
de hêtres, de charmes, d'ormes, de bouleaux (4/.
Mais cette exploitation active n'a pu dépouiller le Ni-
vernais et la Bourgogne de la parure de leurs forêts; elles
(1) Voy. Quantin, Cartulaire général de l'Yonne, t. Il, p. 235.
(2) Voy. Morellet, Supplément à l'Album htsioriquc et pilloresqne du
Nivernais.
(3} Aujourd'hui le gouvernement et quel(|ues riches particuliers coupent
à blanc ; mais la phipart des autres particuliers coupent au fureliigc; ce
qui se fait en abattant les plus gros arbres ; c'est le mode d'exploitation
qu'exprime le terme jardiner.
(4) Voy. à ce siijet Baudiau, Le Monand, 1. 1, p. 4, 5. L'invention <I''
la marque des bûches {marleluge}, qui date de 1798, en facilitant le coin
merce par flottage, en étendit encore la splière. Auparavant les mai-
chands retiraient un nombre de bûches pruiiortionnel à celui i|u'i:-
avaient jeté à l'eau.
CHAPITRE XV. 237
(•(aient, il y a un ou deux siècles, l'orgueil des habitants
de cette province, qui les défendaient avec ténacité
•contre des défrichements inconsidérés. « Quant aux bois
pour la multitude desquels nos voisins coustumièrement
se moucquent, écrit Gollut, ils sont couchés pour une sin-
gulière commodité et proffitde tout le peuple, non-seule-
ment pour la nécessité des bastiments et du chauffage,
mais pour le plaisir et proffit des bestes sauvaiges qui s'y
establent et infinie multitude, mais encore pour le gland,
faine, cerises es pasturages et austres choses nécessaires
au bestail, desquelles l'on tire tant de profïit que nous
disons cela valoir une troisième portion des graines du
pays. Et c'est pourquoy les laboureurs les appellent le
troisième grenier de Bourgogne. Et sert ce grenier mer-
veilleusement pour la seuretédu pais, parce que, de quel-
que endroit que vous voudrez, vous passerez à couvert
par tous les quartiers du pays, de forteresse à autre, et
pourrez facilement aller au secours et ravitaillement des
villes, donner camisades aux ennemis, faire retraite à la
seureté et vous refaire et rassembler à un signal, en tel
endroit du païs, prochain ou esloigné, que vous voudrez,
comme l'hay apprinspar un militaire discours, etc. (1). »
Les cantons qui longent la rive gauche de la Saône, dans
la partie de son cours où elle sépare la Bourgogne de la
Bresse, étaient, suivant la tradition du pays, couverts de
bois lorsque les débris des armées sarrasines vinrent s'y
établir. Ce furent elles qui transformèrent par leurs défri-
chements, ces contrées forestières en des plaines très-
productives. Le nom de Boz (bois), que porte encore une
localité de cette contrée, rappelle l'ancienne existence de
ces bois.
(1) }l(':m. histor. delà répiihl. Sf'fjuannise. p. 8'i. Dijgn, éflit. (\p Kri?,
iii-lul.
:238 LES FORETS DE LA CAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Cette tradition (1) est confirmée par le témoignage d'Ai-
moin, qui parle du Saltus Brexius; car, comme l'a remar-
qué Adrien de Valois (2), ce Saltus devait s'étendre sur la
rive gauche de la Saône. Il en subsista longtemps des ves-
tiges. En face de Màcon se trouvait le Bois chétif, dont le
nom est une corruption de l'appellation Nemus Captionnc.
Le bois Vaucré se rencontrait plus au sud, là où sont le>
prairies de Gormoranche (3j.
Des bords de la Seille à ceux du Doubs, dans l'arron-
dissement actuel de Louhans répondant en grande partie
à la Bresse chalonnaise, régnait une succession de grands
bois qui indiquait la séparation de la Bourgogne et de la
Franche-Comté, et dont Lessard et Saint-Germain du Bois
marquent le centre. Les bois de La Marche, la forêt de
Malvèvre, ceux de Savigny en sont les restes (4).
Ainsi au sud comme au nord, subsistaient au moyen âge
des pans delà vaste muraille de forêts qui environnait la
Bourgogne comme un rempart naturel.
(1) Voy. à ce sujet Reinaud, Invasions des Sarrasins en France^
p. 302, 303.
(2) II. Vales. Nutilin GalUarum, p. 98. Adrien de "Valois rapporte la
passage du livre IV d'Aimoin.
(3) Aug. Bernard, Gartulaire de Savigny et d'Ainay, U* partie,
p. 1073.
(4) Quelques autres forêts ont disparu de la Bresse, telle est celle rpa
portait le nom de Sylva Pirela située près de Replonges (canton de Bagé
le Chatel). Voy. sur cette forêt et sur plusieurs autres de la Bresse, du
Maçonnais, du Charollais et du Brionnais, Ragut, Cartnlaire de Sainl-
Vi7icent de Mâron, p. 249 et passim.
CHAPITRE XVI. â39
CHAPITRE XVI.
FiiRÊTS DE LA FKANCHE-COMTÉ. — LE JURA. — LE PATS DE VAUD. —
ANCIENNES FORÊTS DE LA SAVOIE. — LES WALDSTETTEN. — INFLUENCE
DES BURGONDES. — Df.KRICHEMENTS OPÉRÉS DANS l'hELVÉTIE.
On a déjà vu, par ce que j'ai dit du Saltus Sequanus,
quelle vaste étendue occupaient les forêts dans la partie
de la France qui porte le nom de Franche-Comté. Durant
la période du moyen âge, tandis que le défrichement se
poursuivait sur certains points, en d'autres, ainsi que
cela s'est passé pour diverses provinces, les arbres repre-
naient le domaine dont ils avaient été chassés. La vaste
forêt de Chaux, dont il a déjà été question, celles de
Chailluz, de Ban, du Jura, la forêt de Lomont, au pays de
Baume, formaient comme les diverses mailles du réseau
forestier qui enveloppait les défilés conduisant de la Comté
de Bourgogne dans l'Helvétie (1). Dans la partie de la
Franche-Comté, qui répond au département actuel de la
Haute-Saône, une foule de bois furent laissés debout et ils
ont subsisté jusqu'au siècle dernier. La région, notam-
ment, qui s'étend de Vesoul à la rive de l'Ognon, était
toute boisée, mais on n'y rencontrait aucune grande forêt,
et celle de Sorans, malgré son nom, n'était elle-même
(|u'un de ces grands bois qui continuaient ailleurs de porter
simplement cetle appellation générique. Du x^ au xvii* siè-
cle, les mailles de ce réseau se sont graduellement élargies ;
plusieurs forêts disparurent; je citerai notamment celle
(1) Annuaire liistor. et stalisl. du Doubs, l'J* année, \k 201. (Voy. sur
les forêts de la Franche-Comté, Gollut, Miim. hislor. de la répull. séqua-
noise, p. 8G.)
240 LFS FOlllIlTS 1>F. l..\ i.Wl.T. ET DK LANCIF NNE IHANCE.
qui environnait Dole et qui, s'avançant jusqu'à Auxonne,
servait de nmrclie entre le duché et la comté (1). Cette
forêt, ainsi que celle de la Serre, était un des principaux
débris du Saltus Sequanus; là se pressaient les futaies de
hêtres, d'aulnes et de frênes, comme l'indiquent les noms
d'une foule de villages dérivés de celui de ces essences {2j :
Faye ou Fai (du latin /ff/us, hêtre), Vernois, Vernay ou
quelques noms commençant par le radical ver (vern, en
celtique, aulne) (3), Frasne, Frasnée, Frasnois (du latin
fraœinus^ frêne) (4). Bu xii" au xiv* siècle, toutlc territoin-
qu'occupent actuellement les villages du Grand et du Pelit
Abergement était entièrement boisé. Le défrichement date
des constructions élevées en 1190 par l'abbé de Rosières,
au hameau de la Tournelle, qui n'était alors qu'une
simple ferme. Dans les siècles suivants, les colons ne ces-
sèrent d'y arriver, attirés par les avantages qui leur étaient
faits, et nous voyons encore, au xyii" siècle, le maréchal de
Lorge, baron de Vadans, accorder aux nouveaux habi-
tants des droits importants dans ses forêts (5). Au val i\c
Miége, arrondissement de Poligny, les prieurés de Miég<'
et de Sirod, colonies sorties du monastère de Saint-Oyan-
de-Joux, devinrent des centres agricoles. Les clairières
s'étendirent rapidement; au xii' siècle, les villages de
(1) Roussel, Dictionnaire géographique des communes du Jura, l. lit,
p. 141.
(2) Roussel, 0. c. t. 111, p. 169.
(3j V'ingt villages de la Franclie-Comtô s'appellenl le Ver'nois ou le
Vernay. Le radical Ver ou Vaire se relrouve dans les dénoniinalioiis
géographiques des t-nvirons de Cuisia, village do l'arrondissenioul di'
Lons-le-Saulnier, dont le nom, d'origine celtique {roat, bois), dénote lu
présence ancienne d'une foret. (Voy. Roussel, o. c. t. 11, p. 355.)
(4) Roussel, 0. r. l. 111, p. 150.
(5) Roussel, 0. c. t. 1, j). 4 et 5. Le nom d'Abergement commence à
figurer dans les litres à jiartir de 1?C3. Les deuv villages, qui ne foi-
niaienl dans le principe <iu'iinr' roninnuii'. dépendaient du bailliage d>;
halins.
CHAPITRE XVI. 24i
Miége et de Molpré étaient déjà florissants. En possession
de droits d'usage étendus dans les forêts d'Onglières et de
la Haute-Joux que leur avait concédés un seigneur de No-
zeroy, les habitants abattirent sans discernement, et la
dévastation des arbres marcha rapidement (1). Toute cette
partie de la Franche-Comté subit un déboisement tel cju'il
ne restait plus, au xvf siècle, dans la seigneurie de Poli-
gny, que deux forêts domaniales, celle de Vaivre (2), qui
contenait de 800 à 1,000 journaux, et celle de la Mangette,
d'une superficie de 500 arpents. A une époque plus recu-
lée, existaient les forêts deBoichat, du Bois-Couronné, du
Bois'-Fromont, des Champs-Rouges, de Dam-Rainaud, de
Mont-Adelon, autrefois mont Oidelon {mous Odilonis) (3),
de Devens et d'Outre-Bois (4). Ce n'est qu'au xv' siècle, que
des mesures furent prises pour en régler l'aménagement
et y limiter le droit d'usage (5).
J'ai dit qu'au moyen âge la forêt reprit souvent le [do-
maine dont elle avait été jadis chassée. On en a la preuve
dans les antiquités romaines, telles que tuiles à rebords,
médailles, débris de constructions, découvertes dans le
climat nommé aux Vamwz, sur le territoire de Balay-
Saux (arrondissement de Dôle); car l'origine de ce village
(1) Roussel, 0. c. t. IV, p. 1G8.
(2) Voy. sur ce nom, variante de celui de Voevre, ce qui est dit
]i. 200 et'204.
(3) Cette forêt tira, dit-on, son nom du forestier Odilon, qui est men-
tionné dans une charte de 1133. Voy. Chevalier, Mémoires historiques
sur la ville cl seigneurie de Poligny, t. II, p. 91, note.
(4) Rousset, ouv. cil. t. Y, p. 167. Yoy. sur la forêt de Devens, p. 248.
(5) Le 4 juillet 1459, la ville de Poligny renonça au droit qu'elle avait
de prendre librement dans la forêt de Vaivre les bois nécessaires pour
les besoins jiublics. L'obtention de ce droit dépendit désormais du gruyer
de Bourgogne ou de son lieutenant. Indépendamment des droits d'usage
que les habitants de Poligny avaient dans les forêts de Vaivre et de la
Mangette, ils possédaient de vastes forêts sur la montagne. Le maire en
avait d'abord l'administration, mais celle-ci passa ensuite à la maîtrise
le Poligny, puis aux ofQciers de la réformalion des forêts. Rousset, /. c.
16
:242 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
et des villages limitrophes est comparativement récente;
ils ont remplacé des forêts qui existaient au moyen
âge, et pourtant cette contrée forestière nous apparaîl
comme défrichée pendant l'époque romaine (1). Ces re-
tours de la forêt sont en certains points d'une dale assez
moderne. Le village de Larnaud, qui appartient aujour-
d'hui à l'arrondissement de Lons-le-Saulnier, avait déjà
acquis assez d'importance, lorsqu'au xv* siècle les armées
de Louis II le ruinèrent. La végétation arborescente s'em-
para alors des champs qu'offrait le territoire de ce village,
et elle transforma en forêt le pays auparavant ouvert et
fertile compris entre l'Etoile, Montmort et Louhans. Les
déirichements furent suspendus durant une courte pé-
riode; mais ils reprirent en 1530, et les hameaux cons-
truits à la suite de ces abattis, empruntèrent leurs noms
aux essences forestières qui dominaient à l'entour. De co
nombre furent le Frasnois, la Grande Verney, la Petite
Verney. Au xvii^ siècle,, les guerres et les maladies conta-
gieuses qui désolèrent ce canton ramenèrent le sol à l'état
où il était du temps des Gaulois (2). Mais il faut le recon-
naître, ces reboisements naturels ont été en somme
moins nombreux que les défrichements. Dans l'arrondis-
sement de Poligny, les vignobles prirent la place des forêts
abattues, forêts dont les noms viennent d'être rappelés.
Aux environs de Saint-Amour, dans le canton de Lons-le-
Saulnier, grâce aux soins de Philibert de la Baume, de-
venu acquéreur de la terre de Saint-Amour en 1548, les
mûriers blancs plantés pour l'élève des vers à soie, les
châtaigniers du Dauphiné, qui donnent les célèbres mar-
(l) Roussel, 0. c. t. I, p. 139. Non loin de l'ancien château de Sainte-
Marie existe une mare profonde d'où l'on a retiré d'énormes pieds df
ohène.
(-2) Rousset, 0. c. t. III, p. 374.
CHAPITRE XVI. 243
ronsde Lyon, remplacèrent pendant un temps les essences
purement sylvestres (1).
Dans le Jura proprement dit, le sapin demeura l'essence
dominante à partir d'une altitude de 700". Entre ce
niveau et I.IOO"" environ, il forme surtout des forêts qu'il
peuple seul de ses troncs élancés. Plus haut l'épicéa sou-
vent le remplace (2).
Un peu plus à l'est, dans la contrée qui constitue
comme une vaste marche montagneuse entre notre pays,
l'Allemagne et la Suisse, apparaissent au moyen âge des
restes plus imposants de l'antique Saltus Sequanus ;yi^e\-
vétie en est encore enveloppée sur une foule de points.
Là, comme dans le Jura, le sapin continue à se montrer;
mais il règne moins exclusivement. Aux environs d'Aarau
et d'Olten, il fait place, sur le versant oriental de la chaîne
jurassique, au hêtre, dont les teintes riantes contrastent
avec la sombre couleur des épicéas prédominant dans le
bassin suisse. Le hêtre descend en général dans cette
<^.haîne plus bas à l'exposition du nord, ainsi qu'on peut
l'observer au voisinage de Bade, Feri'ette et Porentruy,
et se présente à une plus forte altitude dans les districts
méridionaux de la même chaîne (3).
La distribution des essences n'a pas changé depuis des
siècles. Au moyen âge comme de nos jours, les forêts se
continuaient de France en iSuisse et de Suisse en Savoie.
Otte ténébreuse enveloppe qui dissimulait en partie la
frontière dressée par la nature entre ces trois pays, est
(1) Roussel, 0. c. t. I, p. 22. Saint-Amour est un des lieux les plu?
anciens de la Franche-Comté.
(2) Le sapin prédomine aux niveaux indiqués ici, à partir des chaînes
sises à l'est du Stafelegg, et s'avance sans interruption jusque dans le
Bugey.
(3) .1. Thurm.mn, Essai de phytoslaliquc, t. I, p. 183.
244 LES FORÊTS DE L.V GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
toutefois devenue moins épaisse. Entamée par le temps et
par l'homme, elle laisse maintenant percer à travers de
nombreuses fissures faites à son ombre, la roche nue
qu'elle recouvrait. Quelques forets ont totalement disparu.
Dans un diplôme de l'année 862, où se trouve consignée
une donation faite par Charles le Chauve à Richebert,
abbé de Saint-Oyan {Sanctus Eurjendus) (i), il est fait
mention d'une forêt s'étendant de la rivière d'Orbe {Orba)
à la montagae Noire {terminationem Nigri montis). Cette
forêt ombrageait donc les flancs de la Grande-Combe, ac-
tuellement déboisés; elle allait certainement se joindre
à l'épais rideau derrière lequel se dérobe la montagne qui
court parallèlement au lac des Charbonniers. Deux lieux
dits, Cliapelle-des-Dois et Bois-d' Amont, rappellent encore
l'étendue de cette vaste forêt, jetée comme une muraille
végétale entre la France et la Suisse.
Le nom de Juris appliqué à cette forêt dans la charte
précitée, semble être une altération de celui de Jura, par
lequel on continua longtemps de désigner toute la chahie
forestière qui recouvre les lignes du Jura (Juranus sal-
ins) (2). Les noms que portent deux contrées princi-
pales de la Suisse, en rappellent l'état forestier, à savoir :
au nord-est, les Waldstetten ou Cantons forestiers, qui ont
valu au lac de Lucarne une des appellations sous lesquelles
il est connu; et au sud-ouest, le pays aujourd'hui canton
de Vaud {pagus Waldensis) (3). Les cantons forestiers
(1) Ilisloriens de France, t. VIII, p. 583.
(2) Ce nom de Juranus salttis se trouve employé notamment dans Ai-
moin, Z>e gestis Francorum. lib. III, c. xcvi. cd. D. Bouquet, p. 1 1-i.
(3) J'ai déjà dit que ce mot Wald signifiait à la lois une forêt fl unt:
chaîne de montagnes boisées, absolument comme cela arriva en latin pour
le mot sylva. Diodorc de Sicile nous apprend, on elfel, que de son temps
on appliquait ce nom aux montagnes évidemment i)arce qu'elles étaient
boisées. TcjvAaTÎvuv To o5o; (jtXiv»xv ôvoaxîiivTMv. ^Diodor. Sicil. Exccrpl.
cap. IV, p. 8, édit. C. Millier.,.
CHAPITRE XVI. 245
étaient ceux de Lucerne, de Sch\vytz, d'Uri et d'Unter-
waldeu. Ce dernier nom rappelle les forêts dont le pays
tut jadis ombragé.
Le pagus Waldensis, auquel les Burgondes avaient
imposé cette dénomination tirée du mot Wald, s'éten-
dait oiiginairement bien au delà des limites du can-
ton de Vaud actuel (1) ; il comprenait une grande partie
du canton de Fribourg. Au voisinage de cette ville, on
trouvait, en remontant la Sarine, une vaste forêt, dont
la tradition a conservé le souvenir et dans les solitudes
de laquelle s'étaient jadis établies les hordes du roi Gun-
dioch (2).
La plaine qui s'allonge de l'Aar au Jura était dominée
par la forêt de Gouggisberg, qu'une chanson populaire de
la Suisse a rendue célèbre. Cette forêt recouvrait une
partie de l'Aufgau, où Lutold de Rumligen bâtit un mo-
nastère de l'ordre de Cluny, circonstance qui la lui fit
' donner en toute propriété par l'empereur Henri IV. Au-
jourd'hui on ne trouve plus sur l'emplacement de la forêt
de Gouggisberg, que des prairies, des champs, des bos-
quets et des jardins (3).
L'ancien pagns ou décanat d'Alinges, qui comptait,
au XI* siècle, soixante-quatre églises paroissiales, et
s'étendait entre le lac Léman et la Menoge, limite de la
province de Faucigny, depuis le château de Troches à
l'ouest jusqu'à Saint-Gingolph à l'est, était couvert de
forêts, surtout dans sa partie orientale, appelée pour cette
(1) Voy. le savant mémoire de M. Fr. de Gingins-la-Sarraz sur réta-
blissement des Burgondes dans la Gaule, dans les Mémoires de l'Acadé-
mie royale des Sciences de Turin, t. xl, p. 243, 253.
(2) Voy. Gingins-la-Serraz, Mémoire cité, p. 247.
(3) J. do Millier, Hist. de la Confédération suisse, traduite par
Cil. Monnard, t. I, p. 335.
246 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
raison Gaw-Oti, c'est-à-dire le pays désert, d'où l'on a
fait par corruption pays de Gavot.
Ce pagus, qui a formé depuis la province de Chablais,
est maintenant dépouillé de la presque totalité de ses
bois (1).
Les forêts qui valurent le nom de Waldstetten aux qua-
tre cantons de Schwytz, d'Uri, d'Unterwalden et de Lu-
cerne, entouraient d'une large ceinture arborescente le
magnifique lac qui baigne ces cantons et dans les eaux
duquel se réfléchissaient ses ombrages. Cette zone syl-
vestre s'élargissait au nord du lac de Lucerne et allait se
joindre aux forêts de l'Helvétie septentrionale. Quand,
vers l'an lloO, le déboisement eut enlevé aux Waldstetten
leur physionomie primitive et en eut fait disparaître les
plus épaisses profondeurs, un seul canton conserva ses té-
nébreuses forêts, ce fut celui de Stanz, et ons'habilua dès
lors à Je distinguer des autres petits cantons par le nom
d' Untencalden, comme nous dirions en français : Sous bois.
Les deux vallées dont il est formé n'étaient alors en réalité
que deux forêts : l'une placée au sommet des Alpes, l'O-
berwalden, et l'autre à leur pied, le Nieder\valden (2).
Le caractère forestier que présentait au moyen âge la
partie de la Suisse qui répond aux petits cantons, la fit
désigner par les chroniqueurs latins sous le nom de Sil-
vania; ses habitants furent appelés SHvarài (3).
De même que le lac des quatre cantons, celui de Zu-
rich était entouré d'une forêt qui, sous Charlemagne,
devint propriété royale. Cinq siècles de défrichement ont
(1) Gingins-la-Sarraz, Mém. cit. p. 264.
(2) Tscliudi, Chronicon Ihlvelicum, t. I, p. 3-4, 58, 71 el 72.
(3) Le nom de Sylvain, Sijknus, fut aussi imposé à plusieurs mon-
tagnes qui séparent la Suisse de l'Italie. Ainsi les monts Rosa et Cerviii
reçurent successivement ce nom, mons Syliius, à cause de leurs cime?
boisées. (Nouv. Annal, des Voilages, 1824, t. XXIII, p. 238.)
CHAPITRE XVI. 247
substitué à cette ceinture forestière de nombreux vigno-
bles (1).
Les Burgondes apportèrent la culture et la vie dans ces
solitudes, abandonnées auparavant aux bêtes fauves, aux
chamois et aux aigles. Les villages s'élevèrent en grand
nombre dans les clairières pratiquées sur les flancs des
montagnes et gagnèrent jusqu'à leur cime, que les glaciers
ont souvent envahie depuis. Les, bnœhes {^) , les neiireus{^
prirent la place des futaies de sapins et d'épicéas. Là où
auparavant l'on se bornait à ouvrir par le feu un essart
sur le sol duquel se semaient quelques maigres céréales,
furent créés des vignobles et des jardins.
Toutefois, malgré les progrès du défrichement, l'Helvé-
tie, et en général les contrées qu'envahirent les Burgondes,
conservèrent de vastes forêts dont la jouissance commune
assurait aux populations voisines la satisfaction d'indis-
pensables besoins. Les Burgondes apportèrent dans la
Gaule les habitudes germaniques, et j'ai déjà dit plus
liaut qu'en Allemagne, surtout dans la Saxe, l'existence
des forêts communes s'est continuée fort longtemps. C'est
seulement à dater de la fin du xii*" et du commencement
du xiii^ siècle, que les princes commencèrent à s'en attri-
buer la possession. Cette usurpation eut d'heureux effets
pour la conservation des forêts. En perdant le droit dont
(1) J. de Millier, Uisl. de la Conf. suisse, ti-ad. par Ch. Monnard, t. ],
!>. 203.
(2) C'est ainsi qu'on appelle, dans le Jura et les Alpes, les lieux défri-
chés; ce nom vient de l'allemand brache, « friche. » En gaëlic, ces lieux
s'appellent Frilh, Ftilhe (mot celle d'où parait dériver notre français
friche, et qui avait désigné originairement une forêt). Les anciens Alle-
mands, à l'époque carlovingienne, donnaient le nom de Bifange aux can-
tons d'une foiôt qui étaient défrichés et livrés à la culture. (Behlen
Lehrb. der deulsch. Forstgeschiclile), t. I, p. 56.)
(3; Ce nom, porté par divers villages, signifie liexi nouvellement défri-
rhé, de reule7i, « extirper.» Le nom de iVf'wrews s'est changé, dans cer-
tains endroits, on celui de Nugerol.
248 LES FORÊTS DE L/V GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
ils avaient joui durant des siècles de couper du bois, de
chasser, les paysans allemands furent mis dans l'impossi-
bilité de dévaster les forêts. La possession devint plus mé-
nagère entre les mains des seigneurs. Les établissements
religieux envahirent aussi les forêts communes; des char-
tes de donation firent passer de grandes étendues d'an-
ciennes marches forestières entre les mains des moines
avec tous les droits utiles qui eu dépendaient (1). Les mo-
nastères devinrent alors, comme ils l'ont été en France,
les grands centres de défrichement; c'est ce qui arriva
également en Suisse. Les vallées du Jura et de l'Oberland
se peuplèrent de solitaires; leur établissement en Helvétie
remonte aux premiers temps de l'invasion burgonde.
Protais s'était retiré dans les forêts qui bordaient le Lé-
man. Il construisit au-dessus de l'ancien Lousoniwn
quelques cabanes qui donnèrent naissance à Lausanne.
Genève, l'antique Genaha, avait dû par son importance
amener le défrichement de presque toute la contrée qui
la sépare du Jura, et la colonie équestre de Xyons étendit
encore de ce côté la zone cultivée. Aussi au xiii' siècle,
ne restait-il plus de la forêt qui, dans le principe, s'avan-
çait de la crête du mont Tendre au lac, que la forêt de
Devens, qui ombrageait le district de Cossonay (2). Dans
la haute vallée du Jura, Ponlius, Romanus et Lupicinus
fondèrent des ermitages. Sigonius plaça sa cellule au
haut des rochers de Balm ou Baulmes (3). Saint Germain
appelait, au vif siècle, dans la vallée de Porentruy, les
religieux qui défrichèrent la vallée de Mou tiers-Grand -
(1) Voy. Boulhors, L>:s Sources du droit rural, p. 85.
(2) Nemtts castelU quod dicilur Devens, dit une charte de l'an 1211.
— Carlidaire de la Chartreuse d'Oujon, publ, par J.-J. Hisely, p. 10.
[Mémoires de la Société d'Histoire de la Suisse romande, t. XII.)
(3) J. do Millier, Ilisl. delà Conf. suisse, irad. parCh. Monnard, 1. 1,
p. 119.
CHAPITRE XYl. 249
Val (1). Vers la même époque, Ursinus allait bâtir sa
cellule non loin de la source du Doubs, là où est au jour-,
d'hui Sainte-Ursanne. La vallée arrosée par la Suze,
qui n'était qu'un défilé couvert de forêts, circonstance à
laquelle elle dut le nom de ISirjra Vallis (Nugerol),s'éclair-
cissait sous la hache d'Imier et de son valet Albert (2).
Non loin de Morat, Marins, par des travaux du même
}<enre, jetait les fondements de Payerne (3). Saint Gall et
saint Mang, son disciple et son ami, après avoir traversé
les bois de Zurich et ceux qui recouvraient les pentes de
l'Albis (4), pénétrèrent jusqu'aux bords du lac de Cons-
tance dans une forêt contiguë à la forteresse d'Arbon,
dont le nom primitif rappelle encore la présence des ar-
bres {Arbor felix) (5). Ils gravirent la montagne, qui n'a-
vait jusqu'alors été hantée que par les bêtes fauves, et se
mirent à défricher le pays (6).
De toutes ces forêts que les ascètes chrétiens ont rendues
à la culture, il ne subsiste plus que de maigres débris,
des sapinières, comme celles de la Handeck (7), qui par
l'altitude à laquelle elles s'élèvent, échappent à la dent
des bestiaux, à la hache du cultivateur, et qu'on est
aujourd'hui plus intéressé à conserver qu'à détruire (8).
(1) Gingins-]a-Sarraz, Mém. cilé, p. 226.
(2) J. de Millier, Ilist. de la Conf. Suisse, trad. par Ch. Monnard,
l. I, p. 151.
(3) Jbid. p. 152.
(4) Ibid. p. 161.
(5) Ibid. p. 168, Arbon est indiqué dans l'itinéraire d'Antonin sous
le nom à.' Arbor felix. (Voy. n° 234, p. 110, éd. Parthey et Pinder.) C'é-
tait dans les forêts de l'Albis, à l'occident du lac de Zurich, que s'étaient
"retirés Ruprecht et Wikard, son frère.
(6) Ibid. p. 164.
(7) J. Olivier, Le canton de Vaiid, t. I, p. 105. Lausanne, 1837.
(8) Voy. E. Desor, Excursions et séjour dans les glaciers et les hautes
rêr/ions des Alpes, Neuchûtel, 1844, p. 22. La vallée de Hassli est une
de celles où la végétation forestière atteint, en Suisse, la plus grande élé-
250 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Des bords du lac de Constance {Brujantimis /^cms) jus-
qu'aux Alpes Pennines, s'étendait une vaste forêt dont un^
partie a été défrichée par tes serfs de Beronmïinster. Un
grand nombre de monastères de la Suisse, ceux par exem-
ple de Roggenbourg, près du Weissenhorn (1), d'Einsied-
len (2), située dans une forêt surnommée la Noire, de Ro-
mainmoutier, n'ont pas d'autre origine. Frappés des ser-
vices que les moines rendaient à l'agriculture, les seigneurs
fondèrent à leur tour de nombreux couvents (3).
Leurs serfs concoururent avec les moines au vaste tia-
vail de défrichement qui découronna les cimes des Alpes
de leurs épais ombrages. Les montagnes, de plus en plu>
habitées, cessèrent d'être le repaire des bêles fauves qui
foisonnaient dans l'Helvétie ; car les dominateurs de ce>
contrées, les comtes de Rapperschwyl,deTokenbourg, de
Gruyère, de Lenzbourg, les seigneurs de Monlfort, le>
comtes de Kibourg, les ducs de Zaehringen et cent autre^
nobles les poursuivaient journellement dans leurs chas-
ses (4). Non-seulement le paysan lié à la glèbe transfor-
mait pour son seigneur le sol forestier en terre arable, il
ouvrait encore dans les taillis des clairières qu'il cultivait
à son i)roûl{srmdî'umsimm}. Des pâtres s'établissaient dans
les forêts les plus élevées, comme cela eut lieu au Sentis
et au Kamor (o). Telle a été l'origine du canton d'Appen-
zell. Le nom des deux divisions qu'on y reconnaît aujour-
vation. Le chalet de !a Harideck, à 4,400 pieds, est caché au milieu «l'iin
magnifique bosquet de sapins séculaires.
(1) Fondé en 11 2G, par Conrad, comte de Biberek, évéque de Coire, et
par Berthold et Siegfried, ses frères.
(2) Le couvent de Notre-Danie-des-Ermites. (MùUcr, t. 1, p. 279; Goi -
bert, Hisl. Silvx Nigrx, t. 1, p. 193.)
(3) Voy. Mémoires et documents jnibliés par la société d'histoire de In
Suisse romande, t. I, p. 120.
(4; J. do Mùller, OMii. cit. p. 399 et suiv.
(5) Jbid. p. 387.
CHAPITRE XVI. 251
d'iîui, les rhodes (1) intérieurs et les rhodes extérieurs, rap-
pelle les défrichements qu'on y a jadis opérés. L'antique
Rhétie, que d'immenses forêts traversaient, ainsi que l'Hel-
vétie, fut plus épargnée par la hache des moines et des
serfs. Plusieurs de ses ténébreux massifs gardèrent pen-
dant bien des siècles leur sauvage et primitif aspect ; et
le chasseur seul se hasardait dans leurs inextricables défi-
lés. Mais avec le temps, ces solitudes se laissèrent péné-
trer. Les hardis montagnards de l'Allemagne gravirent le
Monte d'Uccello et sillonnèrent, dans leurs courses aventu-
reuses, le Rheinwald ou forêt du Rhin. Les paysans de la
Souabe traversèrent la forêt qui occupait le canton de
Curwalchen et parvinrent jusqu'au pied du Spliïgen (2).
Les friches et les clairières qui avoisinent le lac de Wal-
lenstadt furent mises en culture par les serfs des comtes de
Bregenz et de Lenzbourg (3). Ceux du couvent de Saint-
Hilaire, à Seekingen, se répandirent, en suivant sans
doute les bords de la Limmat, de l'Aar ou du Rhin, dans
le pays de Glaris, vallée moitié rhétienne, moitié allema-
nique, et construisirent leurs habitations avec les arbres
qui en tapissaient les flancs (4).
Aux altitudes oii ne pouvaient atteindre les demeures
des cultivateurs, celles des hommes de Dieu arrivaient
encore, et comme à l'Engelberg, au comté de Zurich, les
moines ne reculaient pas devant des forêts chargées toute
l'année de frimas.
Des villes s'élevèrent donc peu à peu dans les contrées
qu'occupaient les forêts. Au milieu des épais ombrages
(1) Ce nom est dérivé de roda, rode, qui répond au latin navale.
(Voy. Scherzius, Glossar. german. s. v.)
(2) J. de Millier, Ilist. de la conf. suisse, trad. par Ch. Monnard, t. I,
].. 150, 322.
(3) Ibid. p. 154, 322.
(i) Ibid. p. 150, 281, 325.
252 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
qui environnaient le château de Nidek, Cuno de Buben-
berg ouvrit de vastes clairières qu'il ajouta au territoire,
alors borné, de Berne, et, de simple bourgade, cette place
devint une des métropoles de l'Helvétic (l). Le pied du
Jorat, dont quelques habitations perçaient le rideau ar-
borescent, vit s'élever la ville de Moudon. Jadis cette mon-
tagne s'était confondue avec la chaîne du Jura, à laquelle
la liait une ligne continuedeforèts dont un tronçon impor-
tant [neinus de Jorat) subsistait encore au xiii" siècle (2).
Enfin, au milieu des déserts ombragés de l'Uechtland,
qui appartenaient à l'abbaye dePayerne, sur les bords de
la Sarine, Berthold, duc de Zaehringen, fit construire
Fribourg, qui devint, pour l'abbaye d'Hauterive, une ri-
vale redoutable (3).
Les forêts marécageuses de l'Uechtland (pays de Neu-
châtel), vraisemblablementd'un aspect analogue à la vaste
forêt de Dromling, dont les lignes irrégulières couvrent
les bords de l'Ohre (4), furent asséchées ; à leur place on
vit paraître des campagnes fertiles que des digues éle-
vées préservaient des inondations dues à l'irruption des
eaux des lacs (5).
Les habitants de la Suisse jouissaient en commun de ces
magnifiques forêts où ils faisaient paître leurs troupeaux et
allaient recueillir du bois. Ainsi l'autorisait, comme je
l'ai fait remarquer plus haut, la loi des Burgondes. « Syl-
varum, montium et pascuorum unicuique pro rata sup-
(1) J. de Millier, t. I, p. 168, 373.
(2) Voy. Cartulaire de Vabbaye de llauteret, pub), par J.-J. Hisol\ .
p. 202 (dans les Mémoires de la société d'histoire de la Suisse romande).
(3) J. de Mûller, t. I, p. 164, 367 et suiv.
(4) Cette forêt, qui recouvrait encore', il y a quelques années, une su-
perficie de 130,000 arpents, s étend dans la Saxe prussienne, le Ilanoviv
et le duché de Brunswick.
(5) L'Aar, en débordant, inondait les bois de l'Uechtland. (Vo\
Millier, t. I, p. 254.)
CHAPITRE XYI. 253
petit esse commimionem (1), » dit un de ses articles. Des
restes de cette communauté se conser\èrent longtemps
dans rUechtland ; on peut citer notamment l'association du
liouchoyage, établie entre les barons-bourgeois de Pontar-
lier (2). A leur arrivée dans le pays, les Burgondes avaient
exigé des propriétaires riverains la cession de la moitié de
leurs bois (3). Cet état de choses ne tarda pas à entraîner
de graves abus, qui portèrent un coup funeste aux forets
suisses. Les communiers commirent de nombreux dégâts.
De plus l'exploitation naissante des mines hâta la des-
truction des forêts du Mont-Julier (4) et d'autres mon-
tagnes dont les flancs recelaient des métaux utiles. Les
communiers se disputèrent, chacun pour son industrie
particulière, le droit d'abattre et de mutiler les arbres.
Les charbonniers, les tonneliers, les verriers entrèrent en
lutte, et cette lutte se continuait encore au commence-
ment du siècle dernier (5). Aussi, du moment que les
usages se multiplièrent assez pour amener une exploita-
tion abondante, vit-on les forêts péricliter rapidement.
En 1576, les joux ou vastes sapinières de la vallée de
Romainmoutier, sont dévastés par les communautés de
risle, Villars-Boson et la Coudre (6), qui abattent par
milliers les sapins pour en faire lavons (planches), ce qui
(1) Lex iJurj/imrf. addit. pr. g 6.
(2) Droz, Ilisi, de Ponta)iie)\ p. 120, 131. Voy. ce que je dis plus loin
du bouchoyage, on parlant de l'extension des droits d'usage.
(3) Millier, ouvr. cit. t. I, p. 114.
(4) On y exploitait des mines de fer pour les Guelfes, comtes d'Altorf.
(Voy. Mûller, oiiv. cit. p. 285.)
(5) Yoy. les pièces justificatives de l'Histoire de la vallée du lac de
Joux, par J. D. Nicole, dans le t. I, part, ii, p. 49(3. 440, 444, des Mé-
moires et documents imbliés par la société d'histoire de la Suisse
romande.
^6) Voy. les pièces justificatives des Annales de l'abbaye de Joux,
jiubl. parFr. de Gingins-de-la-Sarraz, n° 86, 1. 1, part, m, p. 431, des
.Uémoires de la société d'histoire de ta Suisse romande.
254 LES FORÊTS DELA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
donne lieu à de vives réclamations. La forêt de Risou, si><
entre la vallée de Joux et la Franche-Comté (1), la forêt d.
Febeton (2), fort importante au xiii« siècle, perdireiii
promptement une partie notable de leur étendue. Uuc
pièce des archives de Cossonay, de l'année 1664, repré-
sente les bois de Seppez, qui entouraient cette ville,
comme grandement ruinés depuis plusieurs années (3). En
1618, un seigneur de Gorgier, dans la principauté de
Neuchâlel, se plaint aux fji^mdsjoursou plaids de mai « du
grand mésus qui se commet aux bois et forêts, tant de
son altesse, de ses vassaux, que communs et particuliers,
pour n'être châtiés suffisamment et extraordinairement
ceux qui font le guet sur les arbres^, quand les autres mé-
susants coupent et abattent du bois, ni ceux qui avec un
corbet, couteau ou autres glaives qui n'appellent le fores-
tier, font aussi dégât de jeunes arbres, plantes et arbres,
qu'ils peuvent plumer et couper avec lesdites menus
glaives (4). » Toutefois, la Suisse était assez riche de boi>
pour pouvoir réparer les pertes et ne point souffrir de ces
dévastations locales. D'autres contrées nous donneront If
spectacle d'un gaspillage de la matière ligneuse ayant
ou des conséquences bien autrement fâcheuses.
[\) Mémoires el docum. de lu société d'hist. de la Suisse romande, t. I,
part, in, p. 440.
(2) Voy. Recueil de pièces concernant l'ancien évcché de Lausanne,
Cartulaire de l'an 1277, Mém. et dociim. cités, t. VII, part, i, p. 69.
(3) Pièces justificatives delà Chronique de Cossonay. publ. par L. dt*
Charrière, Mém. el doc. cit. II* iivr. p. 435.
(4) Matile, Travaux législatifs des plaids de mai, p. 42, Neufchàlel,
1837. En Allemagne, c'était aussi aux assises de mai i^Maigedinge) qu'é-
taient portées les affaires de délits forestiers.
CHAPITRE XVI. 255
CHAPITRE XVII.
AMJIEN ÉTAT FORESTIER DE l'oRLÉANAIS. — FORÊTS d'oRLÉANS ET DE
MON'TAR&IS. — LE GATINAIS. — FORÊTS DU PAYS CHARTRAI>", DU RLÉSOIS
ET DU VENDOMOIS. — LA SOLOGNE. FORÊTS DU BERRY.
L'ancien pays des Carnutes, qui répondait en grande
partie au territoire de la province d'Orléanais, formait,
ainsi qu'on l'a vu plus haut, comme la frontière entre les
<leux Gaules, telle que la donnent les Romains, la Gaule
Belgique et la Gaule Celtique .
La Loire, dont le cours partage la France en deux por-
tions à peu près égales, était prise par eux pour la ligne
de démarcation entre les deux races (1), quoique au temps
de César, la Belgique ne commençât qu'à la Seine (2).
La large zone forestière qui recouvre, duSénonais au pays
Chartrain et au Vendômois, toute la rlye gauche de ce
grand fleuve, constituait donc une immense marche boisée
analogue à celles qu'on rencontre entre les territoires de
diverses cités gallo-romaines. Le centre de cette zone était
occupé par une des forêts les plus importantes de la Gaule,
la Leodia ou Leodica sylva (3), désignée plus tard sous le
nom de foresta Lagii (4) et que nous appelons aujourd'hui
forêt d'Orléans. Ce nom de foresta Lagii ou simplement
fMf/him apparaît dès le xiif siècle, et comme à cette
(1) Co fleuve séparait, au moyen âge, les pays de langue d'oc et ceux de
langue d'oyl.
(2) Strabon. IV, i, p. 147, éd. Dûbner et MûUcr. Cf. Caîsar, de bell.
fluHic. 1,1.
(3) Voy. H. Valesius, Nolilia Galliariim, p. 270.
(4) Voy. Historiens de France, t. XXII, p. 517, 378, 610. — Olim,
M. Beugnot, t. II, p. 289. (An. 1289.)
256 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
époque, divers villages s'étaient élevés en des lieux qu'oc-
cupait originairement la forêt, l'épithète de in Lcujio fut
donnée à quelques-uns d'entre eux (1),
On ne peut douter qu'au temps des Romains, la forêt
d'Orléans et celle de Montargis dont je parlerai tout à
l'heure et qui n'en était qu'un démembrement, ne pré-
sentassent sur une foule de points de grandes trouées.
Les voies romaines de Genabiim (Orléans) à Ayemlicum
(Sens), et à Lutèce, dont on retrouve encore aujourd'hui
les tronçons (2), avaient nécessité pour leur percement il<
nombreux abattis. Plusieurs des villages construits ^nr
l'ancien territoire de la Leof//<7 i^y/i-a datent au moins <le
l'époque carlovingienne. Dès le x* siècle, il existait dans
cette forêt, qui était une propriété royale et où les prim
allaient souvent chasser, plusieurs villas (3). La seule ins-
pection de la carte de Cassini peut faire découvrir quelles
pertes la forêt d'Orléans avait antérieurement éprouvées.
Les défrichements se sont surtout étendus dans la partie
septentrionale. Une foule de localités placées bien au delà
de la lisière de la forêt, à huit, dix kilomètres et même
davantage, portent des noms qui rappellent leur présence
au milieu des bois : tels sont Vrir/ny-aiix-Bois, Bois-
Laleu, la Brosse, le Buisson-avx-Bois, Bois-Bénier,Bouzn,-
i:ille-aux-Bois, le Bois-Jean, Bois-(le-Lully, Xeuville-au.i -
Bois, Villereau-aux-Bois, CJdlleurs-anx-Bois, Bois-Boissi//,
Bois-commun.
(1) Ainsi Neuville-aux-Bois est appelé, au comnioncement du xiv'' siè-
cle, Novilla in Lagio. (Historiens de France, t. XXII, p. 517.) I
(2) Voy. à ce sujet Jollois, Mémoire sur les anliquilés dudépartemerUi
du Loiret. Il y avait deux voies qui conduisaient d'Agendicum à Gêna- Il
hum; l'une passait \)a.r Aqu,T Segeste, l'autre vraisemblablement par T'
launodununi : cette dernière est encore connue sous le nom de Clui>
de César.
(3) Valesius, Notilia GaUiarum, p. 270.
c:ii.\pm;r: xvii. i57
Pour rc'tiouver raiieieiinc IVoiiLière se[)teiiLriuiiu!e de
la Ibrèt d'Orléans, il l'aut donc réunir à son domaine toutes
ces localités et tirer une ligne de Neuville jusqu'à Boyne,
en la faisant passer par le Bois-de-Laleu, Saint-Michel, où
se trouve encore un bouquet, Bouzonville, Mareau, et
Bois-de-Luliy.
Au sud, entre Boigny et Saint-Benoît, la forêt se rap-
prochait beaucoup des rives de la Loire. Dans cette ré-
gion, les noms de Ghessy et de Fay-aux-Loges sont suffi-
samment significatifs. Le territoire de Saint-Benoit était,
au VII'' siècle, occupé par la furet, quand oh y fonda l'ab-
baye de Fleury {Floriacum) (4). Antérieurement, une
autre abbaye fut élevée en un de ses cantons qui n'était
plus au xiii^ siècle, ainsi que cela ressort des Comptes
de saint Louis, qu'un simple bois {boscus sancti EvurtU){^) .
Je veux parler de l'abbaye de saint Evurte, appelée par
corruption saint Euverte, et qui se trouvait sur le bord
de la Loire aux portes mêmes d'Orléans. L'existence, à cette
époque, du bois de St-Evurte, ou comme l'on disait encore
de Sain t-Eu verte, prouve que la foret s'était avancée à peu
de distance de la banlieue de la ville.
Sans doute qu'à la période gallo-romaine, la sylva Lagit
s'étendait beaucoup plus loin au sud-est; elle allait re-
joindre la forêt de Montargis dont un prolongement avoi-
sinait Chàtillon-sur-Loing; car divers lieux-dits qui se
trouvent entre Sury-aux-Bois (4) et cette dernière ville,
accusent l'existence d'une suite de bois, tels sont Ste-Ge-
(1) Ce monastère qui doit son oriyjne ù LéodeLode, abbé de Saint-
Aniane {GalHa christiana, t. VIII, coi. 1538, Ecclesia Aurelùmensix),
('•tait situé à sept lieues à l'est d'Orléans.
(2) Hisloriens de France, t. XXI.
(3) Gallia chrisliana, t. YIIl, col. 1573, Kccles. Aurelianensis.
(4) Sury-aux-Bois, en latin Siitnnkiciis ou Siriacus, existait déjà au
X* siècle. (Voy. Gallia christ, t. VIII, Instnini. col. 48S, cliarle du
Hugues Capet) de l'année 990.)
17
258 Li:s FûRi-Ts i>K LA (.AILE KT DE l'ancilnm; fi'.anci:.
ncviève-des-Bois, CliatK/y-lcs-Iiola, La Forrst, /r Irra/tt/-
Bois, le Boiit-dit-Iioia, etc. Il en est de même d'une foule
de noms de lieux dans la partie comprise entre Ghàtillon-
sur-Loing, et la forêt actuelle de Montargis, par exemple
Jai Gmnde-Brossey Boisgcrmain, Cottereau, Bois-Franc, La
Forest, etc.
Au xiii* siècle, la Foresta Lagii éiaii subdivisée en plu-
sieurs parties distinctes qui répondent aux Gardes que
l'on y trouve établies au xviif, à savoir : la Venda de
Gomet {{), qui est la Garde de Goiwias prèsMehuu; la
Vetida Chomontessi , appelée quelquefois simplement
Chomontesium (2), qui est la Garde de Chaumontuis, la-
quelle s'étendait au-dessus de Saint-Martin ; le Boscus
Sancti Lœti et S. Eviirtii (3), qui est le bois de Saint-Lyé,
situé au nord-est de la forêt actuelle, dans le canton de
Neuville-aux-Bois; le Boscus Curiœ Dei, qui est la partie
de la forêt d'Orléans sise au nord de SuUy-la-Cha pelle
où fut fondée eu H18 la célèbre abbaye de la Cour-Dieu
de l'ordre de Cîteaux (5); cette abbaye qui lui valut son
nom se trouvait sur le territoire actuel de la commune
d'Ingranne (canton de Neuville-aux-Bois); la Garenna Cas-
tri Novi, qui est l'ancienne Garde de Cluiteauneuf-sur-
Loire, aujourd'hui presque totalement démantelée. D'au-
tres parties, dont il n'est point aussi facile d'assigner
l'exact emplacement, telles que la Venda Boorlii, le Boscus
Pafjani de Villari et Venatoruin sont aussi mentionnées
dans les Comptes de saint Louis, auxquels nous emprun-
tons ces indications.
(1) "Vov. Historiens de France, t. XXI, p. 254.
(2) ma. p. 254, t. XXII, p. 574.
(3) Ibid. t. XXI, p. 272.
14) Ihid. l. XXI, p. 272.
(5) Gall. christ, t. VIII, col. 1582, Eccles. Aurelinn.
(6) Historiens ilr Framr, t. XXI, p. 254.
CHAPITRE xvn. 259
Le même document mentionne des parties de la foret
d'Orléans plus éloignées de cette \ille et dont ellea aujour-
d'hui abandonné le sol : telles sont la Venda Cantollii (4),
qui est l'ancien bois de Chantaloue, la Venda Mellerii,
qui est l'ancien bois de Melleroy, dans le canton de Châ-
teau-Renard (arrondissement de Montargis); le Boscna
Bableiœ, qui est le bois d'Arrabloy (Arre/dat/ioji), dans le
canton de Gien (2). Pithiviers date au moins du x* siècle;
circonstance d'où l'on doitconclurequedèscette époque, la
Ibrét d'Orléans avait déjà été ouverte dans cette direction.
L'indication de ces diverses parties de la forêt montre
que les éclaircies n'y étaient pas encore très-multipliées,
au commencement du xiii" siècle. Quatre cents ans plus
lard, François Lemaire, dans son livre intitulé : Histoire
et antiquités de la ville et duché d Orléans (3) a signalé en
ces termes l'étendue considérable qu'avait eue antérieu-
rement la forêt : « L'estendue de la forest d'Orléans estoit
grande; le Gastinoisy estoit compris, Pluviers, Yenville,
Nemours et autres qui en portent le nom; car Gastinois
est appelé en latin Vastinimn, qui vient du mot vastuni
« large et estendu. » Nemours^ A>wzo?-e « une forest; » que
les bourgs et villes qui sont dans l'estendue de la dite
forest, comme Vitry,Fay,NeufvilIe et au très, sont surnom-
més aux-Loyes, à cause du relais que les princes et roys y
mettoient, et Boigency a pris son nom de Bois-Joli y (4). »
Les souverains et les seigneurs allèrent souvent chasser
(1) Hisloriens de France, t. XXI, p. 254.
(2) Ibid. t. XXI, p. 272.
(.3) Chapitre XIII, p. 'ib et suiv.
(4) Ces deux ùlyinoloj^ics proposées par Lomaire sont absolument
inadmissibles. La forme latine Dolgenciacum exclut formellement la se-
conde.
(5) Belleforest, dans sa Cosmographie universelle, t. I, p. 331, qua-
lifie cette forêt de tant renommée. Quelques auteurs admettent que c'est
dans la forêt d'Orléans que se trouvaitune viilad'Arèle,oîi Bertoald, maire
2C0 I.nS FORÊTS DF LA C\ULF ET DK l'aNCIINM 1 H\M:i;.
dans cetio mai^Miifiquc forùl (I), i\m lut, en loi.^, (Iiiniiil
un mois entier, le théâtre des plaisirs cyné<(éli(|ucs de
François F (2). Le même délassement y avait déjà, aux
premiers temps de son règne, appelé le fils de Charles
d'Orléan>. L'élat de dégradation où se trouvait la forêt le
frappa. Il était la conséquence des coupes inconsidérées
qui y avaient été faites. François!*' sentit la nécessité d'en
régler l'aménagement. Il ordonna que la superficie de la
forêt fùl exactement arpentée; celte superficie futlrouvée
de 140,000 arpents. Mais les mesures prévoyantes, prescri-
les par le monarque, ne furent guère mises à exécution.
Lescoupesc^nlinuèrent sur une grande échelle. Une cause
contribuait d'ailleursàréciaircissement de la forêt; c'était
unebarrière incommode élevée entre Paris et la Loire, une
des grandes artères commerciales à cette époque. On récla-
mait des routes de plus en plus nombreuses qui missent
en communication l'Ile-de-France et l'Orléanais; l'éta-
blissement de ces voies amenait sans cesse de nouveaux
abattis. Au milieu du xvir siècle, la foi et d'Orléans était
déjà réduite à 70,000 arpents (3). Rabelais assigne à la
forêt d'Orléans (/>), une longueur de trente-cinq lieues et
une largeur d'environ dix-sept. Un siècle après, elle s'était
considérablement réduite, car F. Lemaire, qui écrivait au
xvirsièclejnelui attribue plusquedouzelieuesdelongueur.
(lu palais du royaume de Hourgogno, se livrait aux plaisirs de la-chassf
quand Clotaire envoya contre lui Mérovée, son lils, et son maire du palais
Landry, avec un corps de troui)C pour l'accabler (Frédé{,'aire, Clno-
niqve, ch. Ib). Ils se fondent sur ce que Herloaltl, qui n'était i)as en
force pour résister, s'enfuit à Orléans. Mais, suivant l'abbé Cochet et
M. Alfred Jacobs, il s'agirait ici d'une villa située dans la forél Arelau-
num, autrement dit de Brolonnc, en Normandie. (Voy. A. Jacobs, Gré-
goire de Tours et Frcdcgaire, t. II. p. 435.'
(1) C'est ce que rapporte Paradin, cité par Lemaire, l. e.
(î) Lemaire, /. r. Cf. Fonlanon, Ordonnuncrs, t. H, ji. 270. — Isam-
bort, Recueil, t. XII, p. 107.
[:\) Rabelais, liv. I, cli. xvi.
CHAPITRE XVII. 261
Do la foiùt d'Oiléaiis, s'était détaclice depuis une époque
déjà reculée, celle de Moiitargis, qui, unie à celle de Bière
ou de Fontainebleau, dut constituer à l'époque gauloise
la marche boisée séparant les Belges des Celtes. Le dé-
veloppement de la puissance des Sénons, les progrès de
l'agriculture sous la domination romaine, amenèrent des
déiVicliements; les essarts, en s'agrandissant peu à peu,
fractionnèrent en trois cette vaste zone sylvestre. On a vu
plus haut que le Gàtinais est une conquête de l'homme
sur le sol boisé; la distinction qui s'établit de bonne
heure, entre le Gàtinais français et le Gàtinais Orléanais,
montre que ce furent d'une part la forêt de Bière et ses
dépendances, de l'autre les forets de Montargis et d'Or-
léans qui cédèrent leur territoire au pays de ce nom. J'ai
parlé ci-dessus du Gàtinais français (1); j'ajouterai quel-
ques mots sur le Gàtinais Orléanais.
x\ux xjii'' et xiv" siècles, ce dernier pays embrassait déjà
une notable superficie ; plusieurs bourgs assez distants les
uns des autres reçoivent dans les Comptes de saint Louis
et do ses successeurs, l'épithète de in Gastinio (2). Tels
sont Loriacum in Gastinio (Lorris en Gàtine); Ferrai'iœ in
Vastinio, aujourd'hui Ferrières (arrondissement de Mon-
largis), où existait au xiii'' siècle une abbaye; Foresta
in pago Vastinend (Forest-lez-Milly-en-Gàtinc) où avait
été bâtie une villa royale (3) ; Mormans en Gàtine, ou
comme l'on dit plus tard, Mormans en Gàtinais, bâti en
un canton qui fut totalement défriché.
C'est principalement aux déj)ens de la forêt de Montar-
' (I) Voy. !>. iO, 15-i.
r^l Hislorir)is (Ir Francr. I. XXI, p. 503. 505,
'.')* Ilislijrirns dr Fr<iiu'r, t. XXI, p. jOâ. Cf, Du (]au^<', Glossar, e<l.
H'>ii>choi, I. V. p. •;:l
2C2 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
gis et celle de Chàtillon sur Loing, qui n'en est qu'un dc-
niembremenl, que le Gàtinais Orléanais a été agrandi.
On trouve la première de ces forêts mentionnée au xiii^
siècle sous le nom de forèl de Poecourty Pouecourt ou
Paiicourt, tiré de celui d'un bourg qui fait aujourd'hui
partie du canton de Montargis. Cette appellation paraît
être dérivée du latin : Pauca Caria. Les Comptes de saint
Louis nous parlent de la Venda de Pouecourt, des Esplela
de Pouecourt (1). Au xiii'= siècle, les rois allaient parfois
chasser dans la foret de Montargis, dont Guillaume Morin,
qui écrivait au xvii'' siècle, évalue sa contenance à 9733
arpents, et le circuit à sept lieues. La forteresse de Chas-
lellier, ancien Caslellum romain, qui avait peut-être pris
la place d'un oppidum gaulois, s'élevait en son centre et
commandait aux diverses routes qui la sillonnaient. Au
temps de cet historien, des vestiges du culte druidique,
ou tout au moins des cérémonies païennes dont cette téné-
breuse retraite dut être le théâtre, s'y conservaient encore.
Les rites accomplis par les prêtres gaulois s'y répétaient
sous la forme dégénérée du sabbat et des pratiques ma-
gi([ues : l'on montrait au Chàteau-du-Chat , près de la
pierre du Gros-Vilain, le lieu oîi se réunissaient les sor-
ciers (2)!
A l'ouest, la forêt d'Orléans allait rejoindre la grande
foiêt des Carnutes, qui n'était plus au moyen âge repré-
sentée que par les forêts de plus en plus clairsemées de la
Beauce et du Drouais; car cette vaste nappe arborescente,
depuis l'établissement des Francs, avait été incessamment
lacérée. La multitude de noms de lieux qui rappellent la
j)résence des bois dans le déj)artement d'Eure-et-Loir,
est une preuve manifeste que des parties nombreuses de
^\) llislofirns de Frnnrr, (. XXI, y. '2ôi.
(?/ ('•. Morin, llisinirr grni'iob du Gnidnois, y. 82, 83.
CHAPITRE XVII.
263
celle antique forêt ont été délrichées; on ne compte pas
moins de cent quarante localités qui, dans ce départe-
ment, s'appellent Bois ou Boissy (1). Une vaste forêt, celle
de Gaull, qui a valu leur nom au Gault {Gaudum Thesau-
nirii] (canton de Droué) et au Gault en Beauce [Gaudum
S. S tephani) (canton de Bonneval), recouvrait les frontières
des départements actuels d'Eure-et-Loir et Loir-et-
Cher (2), aujourd'hui presque complètement découvertes.
Toute la commune d'Arrou (canton de Cloyes), située à
l'ouest de Châteaudun, n'offre plus que des plaines sans
un bouquet d'arbres. Au siècle dernier, le bois Ruffin,
situé à l'ouest d'Arrou, et déjà mentionné au xiii'' siècle,
était le seul vestige de la forêt de Gault. Elle s'étendait
bien au delà et allait rejoindre au sud la forêt de Freteval,
déhris important de cette zone sylvestre. A l'entour d'Ar-
rou, on trouve des villages ou hameaux du nom de Bois-
Besîiards, Forêt-Aii-diiiot, Bois-Gasson {Nermis GacJiojiis),
Bois-Curvée. Au nord d'Arrou, le nom de Grande-Forest
donné à un hameau autour duquel il n'y a plus nulle
trace de bois, peut marquer le point où commençait cette
forêt du Dunois, au temps où, quoique réduite, elle pré-
sentait encore une notable étendue. La forêt s'avançait
vraisemblablement jusqu'aux bords du Loir et avait de
l'autre côté pour limite la petite rivière d'Yères.
Presque en face de la forêt de Freteval, sur l'autre rive
du Loir, se déployait la forêt de Marchenoir qui subsiste
aujourd'hui, mais dont la superficie a été fort réduite.
L'abbé Expilly lui assigne encore, au siècle dernier, une
(I) Voy. L. Merlet, Diclionnairc lopographique du déporlnncnt
d'Eiire-el-Loir, romprcnaM 1rs noms de lieux anciens et modernes.
nmprim. inipér. 1861, in-4".) — E. de Lépinois c( L. Merlet, Carlu-
hiirr dr y. J). de Chorlres, t I, p 182, t Tf, p. 134. 374.
264 LES FORÊTS DE LA GALLi: ET DE LANCIENNE FRANCE.
étendue de 4230 arpcnls; d"où il suit qu'elle était alors la
plus considérable du Dunois. IMais antérieurement sa su-
perficie avait été plus que double; et c'est ce qui explique
le nom de Sijlca Longa sous lequel elle fut désignée au
moyen âge, nom altéré ensuite en celui de Sylva Lonia.
La fondation, au xii'' siècle, de l'abbaye d'Aumône [Elcc-
mosyiia) (4) n'a pas peu contribué à la faire défricher sur
divers points ; elle a dû comprendre les bois de Rocheval
qui s'en sont détachés au nord depuis plusieurs siècles.
D'autres bois, tels que ceux de Saint-Claudp, des Bretons,
de Reiiay, de Chiclieray paraissent en être également des
débris épars. Entre la forêt de Freteval et celle de Marche-
noir, plusieurs noms de lieux attestent l'existeuce des ar-
bres. Tels sont : Notrc-Dame-des-Haiites-Forêts, le Jireinl,
Liyiiières, les Souches, la Ches?iay, Tremblay, Gros-Chène,
la Boissière, le Boisnormand.
D'autres noms qu'on rencontre en des lieux actuelle-
ment découverts, au nord de la forêt de INIarchenoir, La
Brosse, St-Laiirent-des-Bois, Bois-d'Enfer, indiquent que
la grande marche ténébreuse s'étendait autrefois beau-
coup plus dans cette direction.
Les forêts du Dunois se continuaient sur certaines lignes
jusque dans le Vendomois. L'une des forêts de cette dei-
nière province recouvrait la plus grande partie des can-
tons de Saint-Amand et de Montoire (Loii-et-Gher), de
Château-Renault et Neuvy-le-Roi (Indre-et-Loire). « Cette
forêt, écrit le savant historien du Vendomois, M. de
Pétigny, était connue sous le nom de Gastùies ou Wastines
que porte encore une masse assez considérable de bois
près de Montrouveau. J'ai donné ci-dessus l'étymologie
(1) Ctûllin rhristiuno . i. VllF , --ijl. U'JT. Lui. BIcsrns. ]u^Uum.
p. 420.
cil Al itrf: XVII. 26r>
tic ce iioiii, (Jérivé du radical vasl (1). La l'orèt do Gàtinos
(Giiasl'mcmis ou Wastine?isis sTjlva, Waslhnum) s'avan-
çait jusqu'en Touraine et se joignait à celle de Blémars
dont je parlerai plus loin. La foret de Beaumont-la-
Ronce, mentionnée dès l'an 1399, en constituait le can-
ton le plus important. Elle comprenait aussi le Bois de
Villedomcr {Foresta Villadoyneni) et la foret de Semblan-.
çay {Foresta de Sempliacio) qui se rattachait à la pre-
mière et recouvrait une partie du territoire des paroisses
voisines de Semblançay (Serrain, CharenLilli, St-Antoine
du Rocher, Bousiers) (2). La forêt de Gàtines n'a com-
mencé à être défrichée qu'au xi*" siècle. La métaiiie de
Grand-Mars, sur les confins de la commune d'Huisseau,
semble indiquer sa limite primitive au nord; vers le midi
elle s'étendait au moins jusqu'à la commune de Saint-
Laurent- en-Gàti nés (Indre-et-Loire) ; son défrichement est
un des faits les plus importants de l'histoire du Vendômois
du moyen âge (3). Ronsard, qui était de cette province,
a célébré dans ces vers la forêt de sa terre natale :
Saincte Gastine, ô douce secrétaire
De mes ennuis qui respons en ton bois.
Ores en haute, ores en basse voix,
Aux longs soupirs que mon cœur ne peut taire
Loir, qui refreins la course volontaire
Des flots roulans par notre Vendoniois (4).
Ailleurs, il consacre à la forêt de Gâtines une de ses odes:
Doni]ues forest c'est à ce jour
Que nostre Muse oisive
(1) Ce mot ost devenu Frt/, Vall en Normandie, et a donné naissance
an nom do Vallevilte.
(2) E. Mabille, Notice sur les divisions Icrrilnriaks de rancininf
Touraine, p. 153, 150, 161. ,
(3) J. de l'éligny, Histoire arvhdvlofiiipir Ou VciuUiiiiois. l. 1, p. - 1
(','< /er /,,,,.^ ii^.f^ Ainoun, CLXI. — Cf. c xxiv, vers 2,
2GÔ LES FORÊTS DL LA (.ALLE ET DE LANCIENNE FKANCE.
Veut rompre pour toy son st-jour;
Aussi tu seras vive,
Je le (ly vive pour le moins
Autant que celles, voire
De qui les Latins sont témoins
Et les Grecs, de leur gloire.
De quel présent te puis-je aussi
Payer et satisfaire
IMus grand que cestuy-là qu'ici
Ma plume te veut faire!
Toy qui au doux froid de tes bois
Ravy d'esprit m'amuses,
Toy qui fais qu'à toutes les f()is ' •'
Me répondent les Muses.
Toy qui devant qu'il naisse en moy
Le soin meurtrier arraches :
C'est toy qui de tout esmoy
M'allèges et défasches.
Toy qui en caquet de mes vers
Estens l'oreille oyante
Courbant en bas les cheveux vers
De ta cime ployante. '"
La douce rosée te soit
Tousjours quotidiane
Et le vent qu'en chassant reçoit
L'alenante Diane.
En toy habite désormais
Des Muses le collège,
Et ton bois ne sente jamais
La flàme sacrilège.
La destruction des magni fiques arbres don t Gâti nés était
plantée, commençait au temps du poète; elle lui a inspiré
d'autres yers où éclatent son indignation et ses regrets (1).
Les forêts de Dreux, de Ghàteauneuf-en-Thimerais, de
(I) Voy. notamment V Elégie XXX, commençant par ces vers :
Quiconque aura premier la main embesongnée
A te couppcr, forest. d'une dure cognée,
f>l son églogue, commfnrant par ceux-ci ;
Les ohesiios ombrageux que, sans art, la nature
l'ar ses hautes lorcstï. nourrit à laventure.
CHAPITRE XVII. 267
Lorges, la forêt Yveline, dont il a été question plus haut,
sont autant de lambeaux de la forêt des Carnutes. Le
Drouais ou pays de Dreux {pogiis Durocassinns)(\Q,\mi^\é\k
être défriché en partie au xr" siècle; car à cette époque il
formait un comté renfermant un grand nombre de vil-
lages (1). La forêt de Dreux, deux ou trois siècles au-
paravant, s'avançait jusqu'à la Vesgre; elle touchait
vraisemblablement au village de Rouvres, construit au
bord de cette rivière et dont le nom dénote l'antique pré-
sence de chênes. Houdan, petite ville située à l'extrémité
occidentale du département de Seine-et-Oise, et au voisi-
nage de laquelle est un village appelé La Forest, fut cer-
tainement construit sur un territoire originairement en-
veloppé dans cette grande marche forestière (2). L'Eure
traversait, selon toute apparence, de part en part cette
région de la forêt des Carnutes, car sur la route de Dreux
à Evreux, non loin de cette rivière, se trouve un village
appelé Cussay, jadis Cmei, qui est désigné dans une charte
de 1031 sous le nom de Campus sylvœ (3). Il y avait donc
là une forêt dont le Bois- Von est un reste; elle allait de
l'Avre au nord jusqu'à l'Eure au sud, et comme la forêt
actuelle de Dreux s'étend aujourd'hui sur la rive gauche
de cette dernière rivière, il faut en conclure que la forêt
originelle en ombrageait les deux rives. Mais l'établisse-
ment de la chaussée de Dreux à Paris, qui date de l'époque
gallo-romaine, amena de nombreux abattis qui durent
se continuer dans les âges suivants ; ils se multiplièrent
surtout au sud; ce qui donna naissance à une gàtine, dont
la création a fait donner à un village le nom de Sabit-
Lau7'ent-de-Gâtine .
(I) "Voy. Giiérari], Poli/plitiue d'Inninon, prolégomènes, p,. 69.
(1) iioiulan (flodainim) existait «iéjà au x* siècle.
f:r Moiiet, ouv. cit.
2G8 Li:S FORÊTS DE LA r.AULIC ET DE L ANCIENNE I HANCE.
La forêt de Tliimerais {Sylva Timaricmis) consliUiait
déjà une section séparée delà forêt des Carnules(l), quand
y fut fondé, en l'an lOGG, un oratoire consacré à saint Vin-
cent où se retirent Guimond et ses frères, et qui fut l'ori-
jïine de l'abbaye de Saint-Vincent-aux-Bois [Suint- Viucen-
t'uis in Ncmnrc) (2). D'autres abbayes s'dlevèreul au pays
Cliartrain dans des parties boisées au défrichement des-
quelles elles contribuèrent ; de ce nombre furent l'ab-
baye des Ilauies-Bruyères {Allœ linieriœ) (3) et celle des
Clairets, fondée dans un bois dit, dans la charte de dona-
tion, Nemus <Ip Clareto (-4), par Matliilde, veuve deGeolfroy,
comte de Perche.
Sur les confins du Drouaiset de la Normandie, s'étendait
la forêt de Croth ou de Crotois, mentionnée dès la fin du
xiii= siècle (5) sous ce dernier nom, et sur laquelle non-
reviendrons, en traitant des forêts de la Normandie. El h
était séparée par l'Avre du Bois-Yon, autrefois Bois-Guy on.
séparé lui-même par l'Eure de la forêt de Dreux, comnii
il vient d'être dit.
Les forêts du Blésoisse liaient par unesuitede bois peu
distants les uns des autres, à celles d'Orléans et du pays
Chartrain. Il y a deux siècles, on y distinguait trois belles
forêts: La plus proche delà ville de Blois, écritBernier(G),
et qui est située du côté de la Beauce, s'appelle vulgaire-
ment la forêt de Blois ; des deux autres, qui sont au delà
de la Loire, la première s'appelle la forêt de Biissi, et tire
vers Les Montils; la seconde est la foirt de Boulofjnc;
(1) Voy. ce qui a ôlé dil plus haut sur cette forêt, p.
- (2) GaU. chrisiian. t. VIII, col. 1320, Eccks. Carnolens.
Ci) Orduric Vital. Ilislor. lib. V, an. 1006, cd. Le Prévost, p. 40r..
l (7. liobeiii de Arbn'ssd.. dans les Hislorinis de France, t. XIV. p. Kk»
(■4) GaU. chrisiian. t. VllI, col. 1324, Eccks. Carnolens.
(ô) Foresia de Crvlois in pago Drocensi. Olim, cd. Ikaij-'not^ t. I
j.. 70. (An 1275.)
^0,1 Hisluire de Dloi^, parlic I, p. 4 >A b.
CHAPITRK XVH. 209
(clle-ei (Hail l;i |»liis importante clos trois; elle est men-
iionnée sous le nom de Boulougne dans une ordonnance
(le Charles IX de d573 (1). La forêt de Blois contenait,
d'après Dernier, 5316 arpents; elle en avait 8000 au temps
de Charles, duc d'Orléans et comte de Blois, père de
Louis XH, qui en fit abattre une grande partie, nous dit
encore le même historien, pour bâtir des maisons dans la
ville à ses officiers et aux bourgeois, aimant mieux, par
un motif d'humanité assez rare chez les grands, loger des
liommes que des bêtes. Les comtes de Blois chassaient
souvent dans cette forêt, et la maison de chasse que l'un
d'eux fit construire dès l'an 1090, au nord de la forêt, a été
l'origine du château de Chambord.
La forêt de Blois ne parait pas avoir subi de bien no-
tables réductions au moyen âge. Peut-être comprenait-
elle originairement à l'ouest le bois de Raceon, et au nord-
ouest ceux de Boulemer, Rougey et Chambon. Le nom de
ChouHy, dérivé du latin Cociacwn, porté par une localité
située entre la forêt et le bois de Raçeon, indique qu'ils
ne faisaient qu'un, à l'époque gauloise.
La Sologne, par la nature de son sol, n'a jamais com-
porté une notable extension des forêts ; cependant on en
trouve mentionnées plusieurs au moyen âge qui ont dis-
paru ou sont singulièrement réduites. Il est question
d'une Cosdrena sylvadans l'état des propriétés de l'abbaye
de Micy {Miciacus), ainsi que d'une autre forêt qui en était
voisine et qui prenait son nom du village de Cersy {Cer-
cincum). Celle-ci est simplement désignée sous le nom de
la Foi'-êt; elle s'étendait, ainsi que le bois de Saint-Agile
{/iosciis S.Agill) sur la rive gauche de la Loire (2). Au
(1) Yoy. Fonlanon, Les Edils el Ordonnances des rois de France,
2« (■■dit. t. II, p. 259.
(2) Voy. les Micincensis monaslrrii possrssiones. dans lo? Historiens-
de France, l. X, \>. COIJ.
210 UiS FOHÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
nord-est de Uomorantin subsistent encore les restes de h
forêt de Bruadan, qui gardait quelque importance ai
siècle dernier. Cassini marque au nord de cette forêt des
localités du nom de Bois-Guilloji^ Bois^Gautier, Jiois-Azi-
bert, Corhois; il est donc probable que la forêt de Bruadan
s'étendait dans cette direction jusqu'aux bords du Beu-
vron, là où sont les Hautes- Brosses, en face de LamoLte-
Beuvron. En l'an 1153, il est question des bois de Cliau-
mont près Mindré i|2), qui déjà lort éclaircis, présentaient
cependant d'épais taillis «près de ce village. Le défriche-
ment d'une partie de cette forêt de la Sologne avait donné
naissance à un petit pays appelé le Gault, comme la forêt
du Dunois (3), et qui a laissé son nom à Marcilly-en-Gault.
Le Berry, comme la Sologne, n'offrait qu'un assez petit
nombre de forêts dont la majorité a disparu. Dans la par-
tie centrale de cette province, il ne semble pas qu'il ait
jamais existé de forêts d'une bien notable importance ;
toutefois on trouve citées dans les Comptes de saint Louis
la forêt d'Aubigny-sur-Nère, qui se trouvait aux environs
de Sancerre, et une forêt désignée sous le nom de forêt du
Berry (Foresta Bittiricemis) (4), et dont l'emplacement
n'est pas exactement déterminé. Peut-être cette forêt du
Berry n'était-elle autre que celle qui existe encore au
(1) «« Juxta Monticios Beuvronem fluvium, transmcantes nemorisque
Calvinionlis raritalein considérantes atque spissiludinem sepium Min-
driei vitanlcs, Incuni lolum transeunt. » Ex r/cslis Ambasiensis ilomitio-
rum, dans les Uistorinu Oc France^ t. XII, p. 515.
(2) Ce mot Guxdt^ dérivé de U'a/f/, rappelle la forme Gautier, qu'a
prise en français le nom germanique de W'aidrr, Waller, « forestier, » et
se rencontre fréquemment en Normandie, où l'on trouve Bois-dti-Gault.
Mesnil-Gault; il s'est altéré ailleurs en Goull (Lande-de-Goultj. Voy.
E. Lehéricher, Philologie lopoyrwph. de la Normandie, dans les Mém. de
la société des anliquair. de Normandie, t, XXV, p. 239. Gf. ce qui a été
dit p. 2,220, 203.
(.3) Historiens de France, t. XXI, p. 239.
(4) Historiens di Fnoicc, I. XXI, |). 253, l. XXII. p. 575.
GHAI^ITRE Wir. 271
nord (leVieizoïi, nuqiiel elle emprunte son nom. Cette
forêt de Vierzon a conservé quelque importance; elle était
séparée par la petite rivière de Barangeon des forêts de
Hmite-briine et cf Allogny situées plus à l'est. De ce côté du
•Berry, en efïet, les forêts commencent à se montrer moins
rares. Le duché de Cliàteauroux passait même pour assez
boisé. Les bois en couvraient encore, il y a soixante ans,
une notable superficie, ainsi qu'on en peut juger par la
carte de Legendre (2).
On trouve, au moyen âge, mentionnée la forêt de Chèvre
peu éloignée d'Issoudun et que Eudes, seigneur de cette
ville, concéda aux religieux du prieuré de Saint-Mar-
tin (3). Une charte de 1323, émanée du roi Charles le Bel,
accorde dans la même forêt des droits d'usage (4).
Entre la petite et la grande Saudre, il dut jadis exister
une forêt assez étendue, qui a laissé comme débris de
nombreux bouquets et la petite forêt d'Yvoi. La fondation
de l'abbaye de Loroy {Locus ret/ius), qui s'éleva dans un
essart d'un grand bois situé de l'autre côté de la petite
Saudre, a certainement contribué à faire disparaître les
arbres dans cette région. Il est d'autant plus naturel d'ad-
mettre que le Berry dans sa partie occidentale fut jadis
très-boisé, que par ce côté il touchait à la Touraine, con-
trée qui l'était également. La grande forêt de Brione
{Briona sijlim) formait jadis une marche entre le terri-
toire des Bitiiriges et celui des Tiirones ; ] en reparlerai
plus loin. Une autre forêt, celle de Berohart ou Brouart,
qui faisait suite à la forêt de la Tonne, marquait sur un
(1) Cette carte a été copiée par Fricalet, voy. Monteil, Traité des via-
iériaux manuscrits, t. I, p. 17.
(2) Voy. Thaumasde la Thaumassière, Histoire du Berry, p. 357.
(3) Thaumas de la Thaumassière, ouv. cit. p. 3GG.
(4) H. Valpsius, Notitia Galliarum,v- 283.
:272 i.i;s ror.îrrs df: la (.ali.f et de l'ancienne euance.
;ui(rc point la sépara lion do la ïouraine ot «lu Berry (ij
Elle a laissé son nom à la lîrcnnc , contrée maintenai
déboisée, qui s'étend entre la Creuse et l'Indre, dai
l'ouest du départenrient qui porte le nom de cette rivière?
L'abbaye de Landais près Levroux, de l'ordre de Cîtcaux,
fut fondée en H15 dans cette grande contrée forestière
(lui unissait la Touraine au Berry, et voilà pourquoi
saint Sylvain y fut l'objet d'un culte tout particulier (2).
D'autres abbayes s'élevèrent également dans cette région
du Berry; celle de IMiserai (S. Nicolaus de Miseraïo), sise
à l'O. de celle de Landais, commença par être un simpl<
oratoire bâti en 1089, dans une forêt appelée Sijlva Oijncn-
sis (forêt d'IIcugnes) qui comprenait celles de Saint-Paul el
deCarsenland (3) encore existante, et dut ensuite à son
vaste défrichement opéré surtout dans la direction du
sud, le nom de forêt de Gàtines ; elle n'était séparéeque par
le Nalion des forêts de Vernusse et de Vatan.
Cette forêt de Gàtine, qui se trouvait à l'ouest et au nord-
ouest de Valençay, dut s'avancer dans le principe au sud
jus(|ue vers Argy; les bois qui prennent leur nom de
cette dernière localité, en sont, selon toute vraisemblance
le tronçon le i)lus éloigné dans la direciion méridional»
La partie du Berry qui s'étend à l'ouest et au sud de
Chàteauroux, présentait une succession de forêts et d'é-
tangs. La partie la plus septentrionale de cette zone fores-
(1) E. Mabille, Nolice sur les divisions Icrriloriales de Vancierni
Touraine, p. 154.
{2) Yoy. sur saint Sylvain, confondu ])arfois avec saint Sylvesli-
lioliand. Acla Sonetor. xxii septemb. p. 404. Ce suint, dont la légend
est en i)artie fabuleuse, fut regardé comme idi'nliiiuc au Zacliée de l'K-
vangile. Yoy. Gallia clirisiiana, t. II, col. '200, licchs. liiluric. Cf. sm
l'abbaye de Landais, Cliam]joliion-Figeac, Documents hislori(jues incdi!
lires delà BiUiolkeqxir roytUe, t. I, p. 220.
(^)\oY. Gallia chrisliana, t. Il, col. 188. Ecoles. Itilurie. La fonH <l
Saint-Paul, sise au nord de Levroux, est entourée, sur la carti^ de Ca
sini, de cinq bois qui s'en sont jadis détach«''S,
CHAPITRE XVII. 273
tière était représentée parla forêt du Berger ; à son centre
répond la forêt Thibault ; les bois d'Epinay, de Merssan,
de Lorez peuvent en être regardés comme des démembre-
ments. La Bouzanne séparait cette forêt de la forêt d'Ar-
genton, vraisemblablement la foresta Arge?itonu men-
tionnée dans le registre des Olim (1), et qui n'est plus
figurée sur la carte deCassini que par les grands bois des
Salerons et de la Chaize, maintenant aux trois quarts dé-
frichés. Les noms de Bouesse, de Bouqueteau, du Breuil,
de Vavre, prouvent que les bois s'étendaient à l'est et re-
montaient jusque sur les bords delà Bouzanne.
A l'ouest d'Argenton, le Bois-Ruban semble être le reste
d'une forêt qui, à l'époque gallo-romaine et au commen-
cement du moyen âge, dut rejoindre au sud la forêt de
Fousseaux, et ombrager tout le pays que coupent la Sosne
et l'Abloux, en s'avançant jusqu'à St-Benoist-du-Sault.
La petite ville de ce nom, d'abord appelée Salis, s'éleva
au centre d'une forêt dite Caput Cervinwn ou de Sa-
cerge (2), et que traversait la voie romaine d'Avaricuni
(Bourges) à Augustoritimi (Limoges). Elle échangea cette
dénomination contre celle de St-Benoist-du-Sault qui rap-
pelait sa position au centre d'un saltus, quand une colonie
de moines venus de S.-Benoist-sur-Loire y eut fondé un
monastère (3). La Sylva Caput cervinum servait, dans le
principe, de marche aux Pictaves et aux Biluriges. Le
bois de Chinon est un autre reste de cette forêt frontière
que rappellent dans ce canton quelques lieux-dits (4).
(Il Olim, éd. Beugnol, t. I, p. 585 (an, 12641. Argenton, ville gau-
iuise, s'appelait Argenlomagus, comme le prouvent les itinéraires an-
i"ns; mais au moyen àgo ce nom fut altéré en Argenlonium.
(2; Salis, d'où le nom ûeSalense Cœnohium. — Aimoin, De Gest. Fran-
rnr., II, 7, 15. — Ilisloricns de France, t. VIII, p. 544, t. IX, p. 141.
:^) Voy. E. de Beaufort, RecJierckes archéologiques dans les environs
'le Saint-Denoit-du-Sault, dans les Mémoires de la Société des Anii-
■piaires de l'Ouest, ann. 18G0-GI, p. 270.
; 4) Le Breuil, Petit-Bosc, les Bois, Forest-Bate, etc.
1 ^ 18
274 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
CHAPITRE XVIII.
ANCIENNES FORÊTS DE LA TOLRAINE, HU MAINE ET DE l'aNJOU.
Le grand développement que prit de bonne heure la
culture sur les bords de la Loire n'eut pas cependant pour
effet de faire disparaître les vastes forets qui recouvraient,
à l'époque gauloise, le territoire des Turones. Sans doute
leur lisière s'écarta de plus en plus des rives du fleuve,
mais elles conservèrent, pendant longtemps, une extension
remarquable, et au siècle dernier plusieurs des forêts de
la Touraine figuraient encore au nombre des grandes
forêts de la France. Nous devons une énumération des
vieilles forêts tourangelles à l'excellente AWz'ce de M. Emile
i\Iabille sur les divisions territoriales et la topotiraphie de
^ancienne province de Touraine (1); aussi dans ce qui va
suivre la prendrons-nous souvent pour guide.
La forêt de Chinon {Sijlva Caynonis, foresta de Chino?i)
est mentionnée dans les Coiyiptes de saint Louis (2). Au
xv^ siècle, suivantM.E.Mabille, elle commençait àl'ouest
entre la Loire et la Vienne, depuis Huismes jusqu'à Chi-
non, et s'étendait à l'est jusqu'à Thilouze, Ville-Perdue et
Ste-Gatherine-de-Fierbois, L'ancienne route de Tours à
Chinon et la vallée de l'Indre lui servaient de limites au
nord. L'inspection de la carte de Cassini montre qu'elle a
dû anciennement s'avancer jusqu'aux bords de l'Indre,
embrasser Azay-le Rideau et rejoindre Montbazon. Comme
(1) Paris, 18GC, in-8".
(2) Historiens de France, t. XXI, p. 2ô8. C'est à tort que M. E. Ma-
bille dit que le nom de forêt de Chinon n'apparail que vers la lin .lu
XIV* siècle.
CHAPITRE XVIII. 275
ces deux villes ne paraissent pas remonter au delà du x"
ou xi'siècle, il est probable qu'elles furent bâties dans des
clairières de la forêt (1). Quelques bouquets, tels que le
bois de Montison, celui des Etangs, en doivent être des par-
celles détachées. Dans le principe, la forêt de Chinon ne
faisait vraisemblablement qu'un avec celle de Crissay dont
le nom rappelle le celtique Cotia ; en effet, elle n'en était
séparée, au siècle dernier, que par les landes et les bruyè-
res de Ruchard {Nemiis de Ruchart), qui ont pris, il y a
(juatre ou cinq siècles, la place de l'ancienne forêt de Bel-
levau {Nemus de Bella Valle) dont le nom ne subsiste plus
que dans celui d'une petite habitation isolée(2). Vers cette
époque, la contenance de la forêt de Chinon était évaluée à
6369 arpents (3). Entre cette forêt et l'Indre existent des
localités dont les noms rappellent la présence des bois,
telles sont : Bois-Saint-Martin, VEssart, la Frenaye, la
Brosse, les Brosses, la Chenuaise, Ste-Catherine-de-Fier-
Bois et un hameau appelé la Forêt, au sud de Villeperdue.
Ces deux dernières occupent l'emplacement de la partie
de la forêt dont le bois Saint-Maurice est certainement un
débris. Dès le xi^ ou xif siècle, diverses autres forêts s'é-
taient détachées de l'épaisse nappe d'ombre dont la forêt
de Chinon a constitué jusqu'à nos jours le reste le plus
important. La forêt de Teillier ou Teillay {Tilliacum ne-
mus) englobait dans sa primitive étendue la forêt de Chi-
non et plusieurs bois, tels que le bois Chétif et le bois da
Bouchet.
Amboisc donne son nom à une forêt encore aujour-
(1) Azay-le-Rideau et Montljazon n'apparaissent dans notre histoire
qu'au XIV* siècle.
(2) E.Mabille, ouv. cit. p. 153, IGl.
3} Voy. les procès-verbaux de visite de la forêt de Chinon, dressés à
i occasion de la ri^'forniation des eaux et forêts, par M. Voisin de La Noi-
raye, en 1CC9. Bibliolh. impér. mss. supplcm. franc. n° 3540 (2).
il
270 LES FOUETS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
d'hui très-importante (1). L'ancienne Foresta Amhasiœ
s'étendait entre la Loire et le Clier, depuis cette ville jus-
qu'à Bouré et St-Martin-le-Bcau. Elle s'avançait jusqu'à
Rochepinard et se liait conséquemment à la forêt de Chi-
noii. Le bois appelé Braiiim nemus (Bois-de-Braie), où fut
vaincu Eudes II, comte de Touraine, et où fut pris, en
i402, par le comte d'Anjou Geoffroy Martel, le comte de é\
Touraine et de Blois, Thibault, en a été un des premiers
démembrements. Divers noms de lieux qu'on rencontre
en celte région : Chissay, C/tisseaii, Sotœifjmj, rappellent
la présence des bois aux époques celtique et gallo-ro-
maine. Les bois de Chaumont, la forêt de Choussy, située
plus à l'est, celle de Gros-Bois, qui s'y rattachait peut-
être au sud, paraissent être autant de démembrements de
la grande forêt d'Amboise ; leur distribution topogra-
phique ainsi que celle d'un certain nombre de bou-
quets font même supposer que la forêt de Montrichard
n'en était pas, dans le principe, distincte. Celle-ci, en
effet, était liée originairement à la forêt de Ghaumont,i
prolongement de la 5///m /or?//« (2) qui s'étendait le long
de la Loire et dont parlent les chroniqueurs angevins.
La forêt d'Aigues-Vives(/4|7?/«' viva'Sf/lvfnpresque contiguë
à celle de Montrichard, s'avançait jadis au nord et à
l'ouest, jusque dans les environs d'Epeigné. Ainsi tout le
pays a été boisé entre la Loire et le Cher. L'établissement
de l'abbé Geoffroy dans cette forêt en avait amené de bonne
heure le défrichement partiel (3). Les noms des lieux qui
séparent ces forêts démontrent l'existence ancienne d'une
(1) Cette forêt contenait, au xviie siècle, 3,633 arpents. Les buissons
des Uayes d'Amboise en renfermaient 104, ceux de Courgerayes 23, et
ceux de Mortesoif 9 arp. 90 ch. Voy. Voisin de La Noiraye, mss. cilé.)
(2) Voy. ce qui a été dit plus haut de la foret deMarchenoir, p. 203.
(3) André Salmon, necveil des clu'oniqxtcs de Touraine, p. 264.
CHAPITRE XVIII. 277
série de bouquets et de bocages, de plantations d'arbres
qui doivent avoir été les débris d'une véritable forêt (1).
Sur la rive gauche de la Loire, plusieurs autres forêts
avaient encore, au moyen âge, une vaste contenance, à
savoir: La forêt de Ghedon {Capduana sylmi, sylvade Chep-
doné)y qui longeait le Cher et s'étendait sur les paroisses
de Ghedon, Faveroles, Ange et Poillé; la forêt d'Aigues-
vives pourrait bien n'en avoir été dans le principe qu'un
lambeau; la forêt de Bréchenay ou Brussenay {Brusse-
r/neium nemus, Brunissiacmn nemus), dite encore forêt des
Pelouses, sise entre l'Indre et le Gher, allant de Gourçay,
Athée et Azay-sur-Gher d'un côté, jusqu'à Balan et Miré
de l'autre ; au xiii'= siècle, cette forêt était déjà divisée en
plusieurs parties (2) désignées chacune par un nom pro-
pre (3) ; les bois actuels de Balan en sont de faibles dé-
bris; le bois de rile-Bouchard [Nemus imidanense) , dont
il ne subsiste plus de trace, joignait la forêt de Bellevau
et s'étendait vraisemblablement sur une partie des pa-
roisses de Panzoult et d'Avon sur la rive gauche de l'Indre,
depuis Perrusson jusqu'à Gornillé, elle allait à l'ouest
jusque vers Doulus et La Joncheray; la forêt de Bois-Oger
{Boscus Ogerii), dont la partie centrale a depuis longtemps
été défrichée ; le bois de Châtres, situé sur la commune de
Ghambourg, le bois de l'Epinois en ont été des démem-
(1) Tels sont les bois de Cornilli, le Breuil, Gormeray, Aulnière, le
Bois, les Grandes-Touches, la Touche, la Goudraie, le Grand-Bois-Mar-
tin, le Chène-au-Loup, Vert-Bois, le Petit-Boulay.
(2) Mabille, ouv. cit. p. 157.
(3) L'une s'appelait le Bois-Martin (^Nemus S. Marlini) ; une seconde
Landa MUihim ; une troisième Hasla Comitis; une quatrième le bois de
l'Archevêque ; une cinquième le bois du Ghantre {Nemiis Canloris); une
sixième le bois du Brandon. Le lieu nommé Bois-Rahier, qui fut donné
aux religieux de Grammont pour y fonder un prieuré, était également
une dépendance de la forêt de Bréchenay ou de la forêt de Bray, à la-
quelle elle confinait en cet endroit: le canton de la forêt dont il faisait
partie est désigné sous le nom de Albereia
^78 LES FORÊTS DE LA. GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
brements; la forêt de Plante {Foresta Splenta, Splendida,
Ëxplenta nemus), dont il subsistait encore un assez large
reste au xvir siècle, recouvrait l'extrémité de l'île de Ber-
tlienay qu'elle enveloppa dans le principe tout entière
depuis le Cher jusqu'à la Loire. Un de ses cantons {C/-
metum), planté en ormes au xi'= siècle, fut désigné sous le
nom de VEpilois ou YEsplante. Enfin nous citerons plus
au sud, entre la Creuse et la Glaise, sur les paroisses d'A-
billy, du Grand-Pressigny, de la Guierche et de Barrou,
l'ancienne forêt de VEpi?iaf, qui donna son nom à une
commanderie de Saint-Jean-de-^érusalem.
La forêt de Loches {Xemus Lochiœ) est mentionnée dans
les titres des xii* et xiii*^ siècles. Elle s'avançait autrefois
beaucoup plus à l'est qu'elle ne le fait aujourd'hui ; toute-
fois elle était encore, il y a deux siècles, une des plus im-
portantes de la Touraine (1); elle a dû comprendre, à une
époque peu éloignée, le bois de Beaugerais, situé au sud,
et peut-être même celui de Ghampdoiseau, placé plus à
l'est. Le bois de La Fontaine-Milon, situé sur la rive
droite de l'Indre, près de Cornillé, en était un quartier ;
peut-être même s'est-elle dans le principe rattachée aux
forêts du Berry, à la forêt de Vatan, ville dont le nom
( Vastinium) indique par son étymologie un ancien essart
ou gàtine, à celles de Brouard, de Vernusse, de La Tonne,
de Saint-Paul et de Gàtine, dont j'ai déjà parlé plus haut.
(1; Au xviic siècle, la forêt de Loches présentait une superficio (Je
4,850 arpents. l'Voy. Voisin de La Noiraye, mss. cité.) D'après le mcsu-
rage de Jacques Le Loyer, elle était alors bornée et confinée par les
l)aroisses de Saint-Quentin, Genillé et Aubigny, au Nord; Ferrière-sur-
Boaulieu et Senevières, au Midi; de Chenille, à l'Est; de Chedigné,
il l'Ouest. Elle se divisait en cinq gardes ou triages : de Mareschal, de
Mi^(non, de Poussechat, de Bataillé et de Migeon, renfermant 1 ,577, 545,
1,048, 718 et 702 arpents, y compris deux étangs enclavés, aboutissant
l'un à l'autre, et d'une superficie, l'un do il, et l'autre de 6 arpents
30 ch. (Voy. liibl. imp. mss. SuppL fr. n" 3510.)
CHAPITRE XVIII. 279
S'il en fut ainsi, la forêt de Loches constitua le prolonge-
ment de la grande marche forestière qui s'élevait entre
les Bituriges et les Turones. L'Indre séparait cette grande
forêt de celles qui allaient rejoindre les forêts des Pictaves,
et entre lesquelles il faut citer la forêt de Preuilly, au-
jourd'hui très-réduite, mais qui s'est jadis avancée jus-
qu'aux portes de Châtillon-sur-Indre. Cette forêt n'est
qu'un démembrement de l'ancienne forêt de Brenne
{Brionna sylva, sylva Brenniœ), citée dès le vu*' siècle et
qui ombrageait les territoires de Preuilly, Bossay et Tour-
non (1) ; elle en représente la partie tourangelle ; elle a
été aussi désignée sous le nom de Foret de Saint-Michel.
Tout le canton qui sépare Châtillon-sur-Indre de la forêt
de Preuilly, est encore semé de noms très-significatifs :
Cléré-du-Bois, La Forêt, Bois-le-Roy ^ le Breuil-Manmn, les
Brosses, la Petite-Boissiére, etc. La forêt dite de Beaumont,
qui s'étendait à l'est de celle de Loches, n'était déjà plus,
au siècle dernier, qu'un petit bois situé au nord de Mon-
trésor. A l'époque où ce bois constituait réellement une
forêt, il devait se rattacher à celui de Brouard. Une loca-
lité du nom de La Forêt subsiste en effet dans les envi-
rons. De l'Indre au Cher et à l'Arnon, on retrouve égale-
ment des lieux appelés La Forêt et des noms qui nous
révèlent l'antique présence des arbres.
Un«peu moins au sud, en tirant vers l'est et s'appro-
chant des frontières du Berry, existait aux xfet xir siècles
une autre forêt qui a pareillement disparu, celle de Che-
nevose [Canevosa sylva), que bornait au midi la vallée de
rindroye, et qui s'étendait sur les paroisses de Saint-Quen-
tin, de Chedigny, de Braye. L'établissement du prieuré
de Brenezay en amena la destruction (2).
(t) Mabille, ouv. cil. p. 154. Voy. ce que j'ai dil de celte forêt, p. 271.
(2) Mabille, ouv- cil. p. 157.
280 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
Au sud-ouest, la frontière de la Touraine et du Poitou
était tracée par la foret de Bort {Foresta de liort, Foresta
Hormis), qui s'étendait sur les paroisses de Tizay, Cou-
ziers, Lerné, Cinais, Candes en Touraine, Boifféen Poitou,
Champigny-le-Sec^ et où fut fondée la célèbre abbaye de
Fontevrault à la fin du xf siècle.
Sur la rive droite de la Loire, au nord de la Touraine,
existaient plusieurs forêts importantes : celle deBourgueil
{Foresta Burgulii), depuis longtemps disparue, et qui om-
brageait la vallée de Bourgueil, en face de Candes et de
Montsoreau; en 1488, une partie de cette forêt existait
encore sous le nom de Bois du Port d'Ablevoie (1); la forêt
de Château-la-Vallière {IS'emus de Castellis), qui s'étendait
sur les frontières de la Touraine et de l'Anjou. La forêt de
Château-Renault dut, dans le principe, englober les bois
de Couard situés plus au sud, et celui de la Chaîne ; c'est
un reste de la marche forestière qui séparait la Touraine
du Vendomois, marche qui, en se continuant plus au sud,
allait rejoindre celle qui confinait à la première de ces
provinces et au Blésois. Nous avons dans cette région à
signaler une forêt importante :
La forêt de Bimars ou Blimard (Foresta Blimardi, lUi-
marcium nc7nus, Blemardisylva), située sur les territoires
de St-Ouen-du-Bois, de Cangy, de Fleur-Aylée, d'Autres-
ches, de Dame-Marie-du-Bois, de Moran, de St-Nicolas-
des-Motets, de St-Etienne-des-Guérets, dit jadis St-Etienne-
de-Blémard, séparait la Touraine du Blésois, et c'est à
cette circonstance qu'elle a dû son nom, corruption de
lilesis Marca (2). Cette vaste forêt était déjà fort entamée
au xu^ siècle. La fondation de l'abbaye de Fontaines-les-
(1) Mabille, oui\ cit. p. 156.
(2) André Salmon, Recueil des ch)'oniqu('s de Touraine, p. "28Î a
suiv. 293.
CHAPITRE XVIII. 281
Blanches {Fontanœ albœ) dans un de ses quartiers les plus
reculés et les plus inaccessibles, devenu un repaire de
brigands, y fit pénétrer comme un germe de destruction
qui se développa rapidement (1). En 1130, des ermites
se mirent à défricher les bois de la Ghapelle-Ste-Marie-
Madeleine, et dix années après, en 1140, ayant obtenu
de Raymond de Château-Renault, seigneur du pays, le
droit d'afîouage et d'usage, ils portèrent hardiment la
cognée en divers points de la forêt de Bimars. On voit
par la chronique de l'abbaye de Marmoutier, écrite au
commencement du xvii' siècle, qu'à cette époque la forêt
de Bimars se réduisait à des bouquets, des haies dites
Haies de Sai?2t-Cyr [Hmjœ Sancti-Cyrici) (2).
L'inspection de la carte de Gassini nous fait voir que
toute la contrée qui s'étend sur la rive droite de la Loire,
depuis la forêt de Blois jusqu'au cours du Doit, avait été,
dans le principe, fort boisée ; la forêt de Bimars devait
recouvrir l'espèce d'île comprise entre la Loire et la
Branle. Un lieu de cette forêt, qui est désigné, en 1286,
sous le nom de Puzei, se retrouve dans la métairie dePuzé,
dépendant de la commune de Monteaux (3) . Cette commune
devait donc être occupée par la forêt, et, en effet, il existe
sur son territoire et sur celui des communes voisines,
diverses localités dont les noms rappellent la présence de
bois à cette heure totalement détruits ; telles sont Gros-
Hois, le Bois-Huart, la Boiderie, leBois-Guicher, lesHayes^
Cotereanœ, etc. Les bois encore subsistants, mais très-
réduits, de Corneau, de la Chaîne, des Dames, de la
Couarde, sont certainement des démembrements de cette
grande forêt ; le nom de Forêt de Chancay, donné à un
(1^ A. Salmon, oxa\ cil. p. lxxxvi.
(2) Jbid. p. 295.
(3) Ibid. p. 289.
:282 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
bouquet fort éclairci, qu'on aperçoit sur la rive gauche]
de la Branle, accuse l'existence d'une forêt qui a disparu
depuis plus de deux siècles, et qui, comprise entre Ver-,
nou et Xazelles, avoisinait au nord Montreuil. Il est
vraisemblable que cette forêt n'était en réalité qu'un
quartier de la forêt de Bimars ; on la trouve désignée au
moyen âge sous le nom de Nemiis Aquilonarium ; la forêt
de Chancay doit en être un reste (i).
Les forêts de la Touraine se rattachaient par leurs pro-
longements à celles de l'Anjou et du Plaine. Faisons con-
naître l'état forestier de ces deux provinces, il y a cincj
à six siècles
On a vu qu'au commencement duxii" siècle, les moines
qui suivaient la discipline de Robert d'Arbrissel avaient
fixé leur retraite dans les forêts du Maine et de l'Anjou,
et donné le signal du défrichement qui s'est continué jus-
qu'à nos jours. Déjà au chapitre viii j'ai indiqué quelques-
uns des changements qui se sont opérés dans l'état fores-
tier de cette partie de la France et déterminé pour plu-
sieurs forétsTétendue des défrichements. Mais cesdeux pro-
vinces possédaient de trop riches et de trop épais ombrages
pour que la bêche ou la cognée des moines et des serfs
pussent rapidement les éclaircir. Si les arbres perdirent
une fraction considérable de leur domaine, ils continuè-
rent sur bien des points à former d'aussi majestueuses
futaies, d'aussi épais fourrés que par le passé. Le Maine
renfermait originairement plusieurs forêts qui pouvaient
le disputer en importance à celles de la Touraine, mais
qui de bonne heure furent éclaircies et partiellement
abattues. Il n'y avait pas d'ailleurs que les disciples de
Robert d'Arbrissel qui, dans cette province, eussent déclaré
(1; Mabille, oxa\ cil. \<. Iô3.
CHAPITRE XVlIt. 283
la j; Lierre à la végétation arborescente. Le grand nombre
de maisons religieuses fondées au milieu des bois est la
pleuve que les moines se plaisaient dans les solitudes om-
bragées dont ils ne tardaient pas à agrandir la clairière
oii ils avaient bâti leurs cellules. Cauvin, dans sa Géogra-
phie ancienne du diocèse duMans'iï), rappelle les noms des
abbayes de Bois-Renou, depuis le Paray-Neuf, de Saint-
George s-du-B ois, de Sainte-Marie-dii-Bois ou de la Boë,
dont j'ai déjà parlé plus haut (2), des prieurés de Saint-
■han-du-Bois et de Saint-Léonard-du-Bois ; il ne relève pas
moins de trente paroisses du même diocèse dans le nom
desquelles entre le mot bois.
Une des contrées du Maine qui fut dépouillée le plus
tôt de son manteau forestier est le pays inégal et cou-
vert de rochers, qui porte le nom de Charnie {Carnicensis
pagiis). Ce pagifs, mentionné dès l'an 838, occupait le do-
maine d'une vaste forêt appelée Carneta sylva ou sylva
Carnida, ou simplement Carnea. Une foule de villages
se construisirent sur son emplacement. Cauvinen compte
vingt-trois, et plusieurs sont encore qualifiés par l'épi thète
en-Charnie (3), qui montre que leur sol était une con-
quête opérée sur la forêt. Au xvii'' siècle, ce qui restait
de la forêt de Charnie était entouré de vastes landes qui
avaient pris naissance au détriment de la forêt primitive.
Celle-ci a dû, dans le principe, ne faire qu'un avec celle
de Lavardin, qui touchait Savigné. Tout le pays jusqu'à
l'Huisne n'offrait guère qu'une succession de bois. C'était
dans cette région qu'existait la forêt du Mans, célèbre
dans les traditions du moyen âge et où se passa l'aventure
(1) P.' 07.
(2) Voy. p. 120.
(3) Tels sont Livel-en- Charnie, Sainl-Léger-en-Charnie, EHval-en-
Chorm'e, Viviers-cn-Charnie, etc. Voy. Cauvin, Gcographic ancienne
du (Hoche du Mans, p. lit.
284 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L'ANCIENNE FRANCE.
qui fit éclater la folie de l'infortuné Charles VI (1). Il n'ej
reste plus maintenant que des bouquets (2). Cette for^
se confondait avec la forêt de Longaunai {Longus Alneti
qu'on trouve mentionnée dès le xi'^ siècle, et qui occupai
les territoires de Mézeré, Courcelles, Ligron, La Foi
taine-Saint-Martin, Cerans, Saint-Jean-du-Bois, La Suz(
Roézé, et s'étendait jusqu'à Alonne (3).
La forêt de Longaunai subit des défrichements for
étendus et n'occupait plus au siècle dernier qu'une supei
ficie de 500 arpents, auxquels on peut rattacher 128 ar-
pents de la Forêt le Viconite, qui n'en était qu'un dé-
membrement, et 100 arpents du Bois-des-Pàtis (4).
La forêt de Bersay [Bursemm], située dans le départe-
ment de la Sarthe, au sud de Lucé et de Pruillé, sur la
rive droite de l'Etangsort, a été plus respectée ; elle pré-
sentait, il y a un demi-siècle, une superficie de 8,309 ar-
pents (5). Cette foret, qui appartenait à la couronne et qui
s'avance jusqu'aux environs de Ghàteau-du-Loir, est men-
tionnée dès l'an 1196 ; on y trouvait un manoir féodal où
fut établi un monastère de l'ordre de Grand-Mont.
La forêt de Vibraye, située à l'est du Mans et au nord
de Saint-Galais, dans la partie orientale du Maine, et qui
(l) Froissart, Chroniques, liv. IV, c. xxix, p. 88, 89, éd. Buchon.
(5) Il est question de celte forêt dans le roman de Derte aux grans pies
(éd. Paulin Paris, p. 34). Voici le passage :
Bien cinq grandes journées, i voudront détrier
Tant qu'en un bois s'en vindrent haut et grand ot plainicr,
C'est la foret du Mans, ce oy tesmoigner,
Lors se sont arrestées desous un olivier.
(3) Cauvin, ouv. cit. p. 376. Le bois de Chalonge {Boscus de Caluvi-
nia), qui devait occuper l'emplacement du bordage de Chalonge, au sud
de Roézé, est mentionné en 1050 comme un ancien écart de cette fonM.
Voy. Cauvin, ouv. cit. p. 67.
(4) Cauvin, ibid. p. 377.
(5) Cauvin, ibid. p. 80, ôOb.
CHAPITRE XVIII.
contient encore aujourd'hui 2,800 arpents, s'étendait jadis
plus à l'ouest et au nord-ouest, et englobait dès lors les
boië de Saint-Pi er?'e ei des Loges; elle devait aller jusqu'au
ruisseau de la Tortue; car on trouve dans cette direction
divers hameaux portant des noms qui rappellent la pré-
sence des arbres, tels que Haute-Brosse, Basse-Brosse, La
Brosse, les Essarts, Bois-Guinant, etc. Au vf siècle, la ville
de Vibraye n'existait point encore ; elle eut pour origine
un oratoire fondé en l'honneur de saint Pierre, sans doute
au voisinage de la forêt, près d'un gué que présentait la
petite rivière de Brave, d'où la ville qui succéda à l'ora-
toire tire son nom (Vadum Brigia>, Vibrœitan) (1).
Dans le nord-est du Maine, là oi^i cette province con-
fine au Perche et à la Normandie, existaient d'autres
forêts, qui comme celles de Vibraye et de Bersay, conti-
nuaient celles du Perche et du pays des Carnutes ; telle
était la grande forêt de Perseigne, située au nord-ouest
de Mamers, et qui s'étendait sans doute originairement
jusqu'à cette ville ; elle dut recouvrir en partie le Sonnois
dont Mamers, déjà existant au xi' siècle, devint la capi-
tale. Plus au sud, elle se rattacha peut-être originaire-
ment à la forêt de Bonnétable, autrefois Malestable, qui
est antérieure au xii^ siècle (2). Cette forêt de Perseigne,
(jui a perdu beaucoup de son importance, faisait partie
du domaine de la couronne. On la trouve désignée au
moyen âge sous les noms de Perseingna, Persenia. En 4 145,
une abbaye de l'ordre de Gîteaux y fut construite et
contribua sans doute beaucoup à son défrichement. La
concession faite aux moines par Guillaume, comte d'A-
lençon, et renouvelée par ses successeurs, donna lieu à
(1) Cauvin, oui', ril. p. 548. Vibraye a été aussi appelé Viens Brigix.
(?) Cauvin, ibid. p. 391 . La forêt de Bonnétable a pu se rattacher elle-
même à celle de Ilallais, située plus au nord.
286 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
de graves abus (1) auxquels on dut remédier par ui
règlement en 1668 (2).
En avançant plus à l'ouest, sur les frontières du Maini
et de la Normandie, se trouvait une autre région égalemeiil
boisée qui avait formé dans le principe la marche sepleu-»
trionale du pays des Diablintes. C'était le Passais, pays
qui s'étendait depuis Domfront, au nord, jusqu'au delà
Sillé-le-Guillaume au sud. Le nom latin de cette dernière
ville, Silviacus (3), dont la fondation date au moins <lu
iv'' siècle (4), montre qu'elle s'était élevée sur un sol jadis
occupé par une forêt. La forêt de Sillé, sise au nord, est mi
des plus importants vestiges de cette vaste sylva. D'autre^
lambeaux nous sont offerts par les forêts d'Andaine, d*-
Pail et de Monnaie.
La forêt d'Andaine M»f/<?;2r/) (5), contenue aussi dans \c
Passais, est^entionnée avec une autre sous le nom d(
Silvedine, dans un acte de l'an 1026. Elle allait de Dom-
front à la Vée. Elle n'est plus représentée de nos jours que
par une étroite bande semée de nombreuses éclaircies o\
{{) Cauvin, oui. cil. p. 456.
(2) Voy. Voisin de la Noirayc, Procès-verbaux de la réformalion des
eaux et forêts de la Perseigne. Bibl. impér. mss. franc. suii|ilém.
n" 3540 (5).
(3)- Il existe en France un assez grand nombre de localités perlant
le nom de Sillé ou Silly ; la plupart doivent ce nom à des forêts. Nous
citerons comme renfermant des villages ou bourgs de ce nom les dé-
partements de l'Oise, l'Aisne, la Moselle, la Vienne. Dans le même
département de la Sarthe, il existe une autre ville du nom de Sillé, Sill'-
le-Pliilippe.
(4) Cauvin, p. 10. Ilélie, comte du Maine et seigneur de Domfront, mort
en 1110, avait accordé aux curés du Passais le droit de faire paître ]o\\r<
porcs dans cette foret et dans toutes celles du même pagus. Voy. Cauvin.
p. 506.
(5) Cauvin, p. 449. M. E. Lehericher regarde ce nom d'Andaine comme
une forme altérée de celui d'Ardenne ; et il rattache à la même étynio-
logie ceux d'ilardincourt, d'Ilardinvast, Ilardonville. Voy. Mémoires (h
In sociélc des Antiquaires de Normandie, t. XXV, p. 227,
CHAPITRE XVIII. 287
que traverse la route de Domfront à Bagnoles. Jusqu'au
moyen âge, elle devait border la route qui conduit de la
première de ces villes à Alençon, entre Juvigny et Cou-
terne ; car on rencontre dans cette région une foule de
noms où entre le mot de bois. La forêt d'Andaine a du con-
stituer à l'origine la marche qui séparait le Maine de la
Normandie, ou plutôt le pays des Essui de celui des Dia-
blintes. Il en faut dire autant de la forêt de Pail {Pal,
Pallhan), qui courait de la Mayenne au Merdereau. Elle
dut jadis englober le boisdeChemasson. Son défrichement
partiel donna naissance à un pagus qui en prit le nom et
dont le souvenir se conserve dans l'épithète donnée à plu-
sieurs des villages qui s'y élevèrent, à savoir : Prez-en-
Pail, maintenant séparé de ce qui subsiste de la forêt,
par un espace de plus de 6 kilomètres ; dans la direction
du sud, Saint-Cyr-en-Pail, Ville-pail (1).
Peut-être faut-il chercher l'étymologie de ce nom de
Pallum, Pail, dans le caractère originairement maréca-
geux de la forêt. Car la racine de ce nom trouve une
explication naturelle dans le celtique j^yrm'/, marécage, qui
a donné naissance au nom de Pallu, Pallue, et aux noms
de Pouilly, Pavilly, La Bouille et Pauliac (2).
En s' avançant toujours dans la même direction, on ren-
contre une partie jadis boisée, mais où la végétation arbo-
rescente ne semble pas avoir été jamais bien active, et qui
sous le nom de Désert constitua aussi un pagus dans le-
quel furent établis divers villages {Saint-Maurice du Désert,
Saint-Calais du Désert, Saint-Mars du Désert, etc.) (3), et
qui s'étendait au nord, au sud et à l'est de la Vée et de
l'Aisne.
(l)Gauvin, p. 449.
(2) Voy. sur ces noms Revue archéologique , nouv. série, t. II, p. 93.
(3) Cauvin, ].. 296.
Jl
288 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE,
Au nord de Prez-en-Pait se trouve la petite forêt de
Monnaie (3/o;<e/r/) (i), qui a pu se rattacher dans le prin-
cipe à la forêt de Pail aussi bien que le bois de Moultonne;
elle est, de même que celles de Douvereau et de Pincé, le
maigre vestige de forêts beaucoup plus étendues.
L'Anjou offre toute l'apparence d'un ancien boise-
ment; une foule de localités rappellent par leur nom,
spécialement dans le canton avoisinant Saint-Léger-des-
Bois, l'existence de forêts ou de bois actuellement dé-
truits. La forêt de Becori est un débris de ce vaste man
teau arborescent qui couvrait le pays des Andecavi. Au
sud les forêts de Chollet, de Longeron, au nord-est celle
de Chambiers et de Baugé en sont d'autres lambeaux.
J'ai parlé déjà de la forêt de IVidoiseau ou Nyoiseau qui
s'étendait non loin de l'Oudon, et se liait à celle de Craon.
Elle n'a laissé de nos jours que de faibles restes (2),
La belle forêt de Beaufort {Nemus Belli Foi-tis), qui s'é-
teudait, au xi' siècle, sur les bords de l'Authion, et
touchait presque Mazé, n'existe plus; il n'en subsiste pas
même un arbre (3); sa surface était de 7497 hectares (4),
En 1148, Geoffroy le Bel, comte d'Anjou, en donna 291 à
Othon, seigneur du Lac. En 1356, elle n'occupait plus que
2178 hectares. En 1567, ie souvenir de son ancienne con-
tenance se conservait encore par tradition, et on estimait
alors sa superficie de 1200 à 1300 arpents, sans y com-
prendre le buisson de Ghaanne, qu'on évaluait de 30 à
40 arpents. Mais son étendue s'était augmentée, ou cette
(1) Cauvin, p. 421.
(2) Belleforesi, Cosmographie universelle, de la Gaule cellique, p. 70.
(3) Desvaux, Slatislique de Maine-el-Loire, part. 1, p. 113, lli. Voy.
ce que j'ai dit sur la foret de l'Anjou, p. 131 et suiv.
(4) Dès le XI* siècle, on voit les magistrats de Beaufort s'ciïorcer vai-
nement d'enlever aux moines de Saint-Maur les droits d'usage que leur
avait accordés, dans la forêt, Geoffroy Martel l'Ancien, et dont ils abu-
saient. (Voy. Marchogay, Archivai d'Anjou, p. 33i.)
CHAPITRE XYIII. 289
évaluation était fautive, puisque, lors du mesurage effec-
tué cette année-là, on trouve 1762 arpents et demi (1). De
1790 à 1795, le reste fut détruit (2). Cette forêt allait se
rattacher aux forêts, maintenant très-réduites, d'Ombrée
et de Chandelais(3).
La forêt de Belle-Poule, jadis si étendue, et qui rejoi-
gnait l'espèce de ligne de circonvallrtion forestière dont
Angers était entouré, n'offrait plus, en 1575, que des bois
de peu d'étendue (4), et, au temps de Charles Colbert,
elle était défrichée aux deux tiers (5). Au xvii" siècle, la
forêt de Durtal avait encore une réelle importance. Elle
séparait l'Anjou du Maine, et n'a laissé pour vestige que
la forêt de Malpayre (6).
Du xin'' auxv*^ siècle, les provinces de Maine et d'Anjou,
dont je viens d'indiquer l'ancien état forestier, fournis-
saient à nos rois et aux seigneurs du pays des chasses
magnifiques et fort recherchées. Hardouin de la Fontaine-
Guérin au commencement de son Trésor de la Vénerie,
composé dans les dernières années du xiv° siècle, signale
les plus importantes de ces forêts, et nous retrouvons dans
ses vers plusieurs de celles qui viennent d'être passées en
revue :
(1) Le même mesurage donne 37 arpents et demi pour le Ijuisson de
Chaanne, et pour le buisson de Beaufort 112 arpents et demi. (Voy. le
procès-verbal de reconnaissance de visite générale, faite par le sieur
Férou, des forêts de Beaufort et de Ghaasnes, dans les procès-verbaux
de la réformation des eaux et forêts, dans les forêts de Beaufort, Beaugé,
Perseigne, par Voisin de la Noiraye, au 16G7-16G9. Bibl. imp. mss.
Suppl. franc, n» 3540 (5).)
(2) Des vaux, ouv. cil.
(3) La forêt de Chandelais contenait encore, en 1668, 6,435 arpents,
dont 3,870 en vieilles futaies. Voy. Voisin de la Noiraye, mss. ciic
n° 3540 (9).
(4) Voy. J'édil de Henri III sur les eaux et forêts, dans Fontanon, Oi--
ilonnances, t. II, p. 267.
(5) Marchegay, Archives d'Anjou, p. 145.
(6) C'est la seule que Robert de Salnoue donne pour l'Anjou, dans son
dénombrement. Voy. la Vénerie royale, p. 417. (Paris, 1605.)
10
290 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE 1 RANGE.
Des plesans lieux et li remebre
Du très-douls lieu plain d'esbanoy
De la fùrest de Lonc aunoy
El une autre qui est moult belle
De Bersay se nomme et appelle
La forest de Monnoys nous nomme
Où déduit prennent maint noble homme
La forest de Bauge après
E\. Chandelais qui en est près
Qui pour un roy est belle et gente
La treuve ou de maint cerfs la sente
Et le grand boysson de Bondré
Où maint noble a, tout à son gré
Pouvant grant venoison trouvée
Et Belle Poule l'esprouvée
D'élre de maint cerfs bien garnie
Et les YUes sans viconnie
Qui du pont de Cée se sournoment
Et un boysson que de la noment
Et appellent le breuil de Fains
Dont yssent maint grands cerfs au plins.
Avant de terminer cet aperçu des forêts de l'ancicii An-
jou, mentionnons une forêt qui avait disparu antéiieure-
met à quelques-unes de celles qui viennent d'être rap-
pelées, la Brisiaci sylva (1), ou forêt de Brissac ; il en est
parlé dans un document du ix^ siècle (2); il y faut vrai-
semblablement reconnaître non une forêt de la Bretagne,
comme plusieurs lont cru, mais la forêt qui s'étendait sur
la rive gauche de la Loire, au sud de Brissac, et dont se
voient encore de faibles vestiges sur la carte de Cassini. La
forêt de Beaulicu-des-Marchais, située plus à l'ouest, doit
en être un démembrement. Les lieux-dits de cette partie
de l'Anjou accusent en effet l'ancienne présence des bois.
(!) Voy. Dihliolh. impér. mss. coUecl. Mouchel {Shasse, l. II, p. 507).
(î; Voy. Uisioriens deFronre, l. YI, p. 513, note.
CHAPITRE XIX. 291
CHAPITRE XIX.
ANCIEN ÉTAT FORESTIER DE LA NORMANDIE ET DU l'ERCIIE.
La Normandie est signalée, au temps de Charles V, poui
l'abondance de ses forêts. Une ordonnance de ce prince,
rendue à Melun en 1372, porte : « Au pays du duché de
Normandie, qui est peuplé de forests, buissons et brosses
plus qu'aucunes autres parties de nostre royaume (1). »
Et, cependant, c'est au règne de saint Louis que se rap-
portent les principaux défrichements effectués dans le?
forêts de la Normandie (2); ce qui montre à quel point cette
province avait été boisée dans le principe.
Le grand nombre d'abbayes et d'établissements monas-
tiques fondés sur le territoire normand hâta singuliè-
rement la transformation du sol. Les forêts élaient de-
meurées en dehors de la circonscription paroissiale; elles
passaient donc plus facilement dans le domaine des com-
munautés religieuses, ou, tout au moins, des dîmes et des
servitudes usagères étaient concédées à celles-ci sans
beaucoup d'opposition (3). Les servitudes accordées soit
à des monastères, soit à des paroisses, soit à des seigneurs,
étaient arrivées à être si nombreuses au xiv' siècle, qu'on
^1) Saint-Yon, Les Eclits el Ordonnances des eaues et forêls, p. 55,
(los forêts étaient si étendues que les voyageurs s'y perdaient souvent.
D'après VOrdinalio forest.v de 13.06, tout étranger trouvé dans la forêt,
liors du chemin ordinaire et public, pouvait, après avoir prêté serment
sur les armes qu'il s'était égaré, et que le vrai chemin lui était inconnu,
obliger le forestier à lui indiquer la route convenable pour parvenir
au lieu de sa destination. {Leges forestarise, c. xi, dans Houard, t. II,
}). 309.)
(2) Voy. L. Dclisle, Études sur la condilion de la classe agricole en
Normandie au moyen âge, p. 390.
:3) Ibid. p. 392'et suiv.
292 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L'ANCIENNE FRANCE.
dut rédiger à cette époque, sous le nom de Coutumier
des forêts de Normandie, un code spécial qui en fixait la
nature et l'étendue. Ces droits d'usage amenèrent des
éclaircies au milieu desquelles des hameaux, des villages
turent bâtis. D'un autre côtelés religieux usagers élevaient
dans la forêt des granges (i)qui devenaient le centre d'au-
tres hameaux d'où partait une véritable déclaration de
guerre à la forêt. Les grandes forêts de la Normandie qui
se trouvent avoir subi le plus de défrichements sont pré-
cisément celles où nous voyons de bonne heure se fonder
des abbayes.
Dans la forêt de Gouffer ou Gouffern {Golfcrni Sylco)
futétabhe, dès le viii'= siècle, l'abbaye d'Almenèches {Al-
maniscanan) (2). Non loin de là existait un autre monas-
tère de femmes souvent confondu avec cette abbaye et qui
était gouverné par sainte Opportune (3). Quatre siècles
environ plus tard, s'élevèrent les abbayes de Saiiit-André-
de-Goufifern (4) et de Sainte-Marie à Silly de Gouffern (o).
Des témoignages historiques démontrent qu'une autre
abbaye de fdles existait dc^'à dans un canton de la forêt
appelée Vignaz {Vinacium], Sainte-^Iarguerite-de-Vignaz
ou de Gouffern (6). Une charte constate que les moines
de Saint-André avaient, à la fin du même siècle, opéré le
défrichement d'une partie de la forêt (7). A cette époque
(1) Voyez les détails donnés à ce sujet par L. Delislo, ouv. cil. p. 31)").
396.
(2) Gallia chrisliana, t. XI, col. 736, Eccles. Sngicnsis. — Orderii-
Vital, X, 18, p. 104, éd. Le Prévost.
(3) Gallia chrisliana, ibid.
(4) Gallia chrisliana, t. XI, col, 744, Eccles. Sagiens.
{")] Ibid. col. 758. Cette abbaye, de l'ordre de Prémontré, lut fondéi'
en 1 150 par l'impératrice Mathilde. Silly a conservé le nom de Silly-tu-
Govfl'ern.
(0) ]bid. col. 740.
(7; Voy. Léchaudé, Exlrait des charlcs de Normandie, t. I, p. 'i'î\ ■
CHAPITRE XIX. 293
fut conclu un accord entre le prieur de Sainte-Barbe et
l'abbé de Silly, au sujet de la dîme de l'essart, sis entre
ïerde et Saint-Benoît, que le roi Jean avait donnée à
Robert de Tournay, et au sujet d'un droit appelé perro-
sac/ium, « sur les ménages qu'on pourrait établir dans cet
essart (1). »
Ces faits trouvent leur confirmation dans l'inspection
de la carte. D'abord, tout le territoire occupé par les ab-
bayes de Saint-André, d'Almenèches, de Sainte-Marie, de
Sainte-Marguerite-de-Vignaz est complètement déboisé(2).
La forêt semble s'être fractionnée d'abord en deux par-
ties : la plus septentrionale, la seule qui ait subsisté jus-
qu'à nos jours, s'avançait au nord aux environs de
Falaise, ville fort ancienne^ qui nous en marque de ce
côté la limite extrême. La partie méridionale descendait
jusqu'aux environs de Séez, qui nous fournit par son em-
placement la limite ancienne la plus extrême au sud. Car
Séez, la civitas des Sagii, date de l'époque romaine. La
forêt de Gouffern a certainement englobé d'abord celle de
Saint-Évroult, qui, sur la carte de Cassini, en est séparée
à l'est par un espace de plusieurs kilomètres. Elle a du se
rattacher originairement à celle de Pail, dont j'ai parlé au
chapitre précédent, et à celle de Sillé, que j'ai également
mentionnée.
En général, cette partie de la Normandie qui occupe
l'ancien territoire des Essui et peut-être aussi une partie
de celui des Abrincatui, ne présentait qu'une suite quasi
non interrompue de forêts. De là l'aspect de bocage que
(1) Voyez le passage de la charte donnée p^r L. Delisle, ouv. cil.
p. 415, note.
(2) Voyez, sur la forci de Gouffer ou Gouffern, Orderic Vital, liv. X,
ann. 1110 et 1102, éd. Le Prévost, p. 104. Rob. de Mont. Appendix ad
Sigebertum, dans [qs Historiens de France, t. Xïll, p. 311. Cf. t. XII,
p. G81, 686.
:294 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
conserve encore de nos jours cette région, circonstance
qui a valu son nom au ])ays dont Vire était la capi
taie, et à une partie du Perche (le Bocage percheron).
Même dans l'état de déboisement qu'elle offre mainte-
nant, cette contrée de la France rappelle beaucoup par
sa physionomie l'ancien aspect forestier de la Neustrie.
Plusieurs forêts du département actuel de l'Orne se re-
connaissent aisément comme autant de lambeaux du
grand manteau forestier qui recouvrait tout le pays d'Hyes-
mois et le Bocage normand. Nous citerons d'abord la forèl
de Bourse, à trois lieues au nord-est d'Alençon, dans le
canton de Le Mesle-sur-Sarthe ; elle fut essartée de bonne
heure; aussi est-elle simplement mentionnée dans les
Comptes de saint Louis sous le nom de Bersœ Vendu. En
12-46, les moines de l'abbaye de Perseigne avaient sur ses
essarts des droits qui tenaient sans doute à l'union ori-
ginelle des deux forêts (1). Celle de Bourse, qui n'apparaît
sur la carte de Cassini que comme un bois, malgré le nom
de forêt qu'elle garde encore, n'est en réalité qu'un écart
un peu éloigné au nord, de la forêt de Perseigne, dont elle
dut au reste toujours se distinguer, puisqu'elle en est sé-
parée par la Sarthe. Une forêt plus importante étail
celle d'Ouche, l'ancienne l'ticcnsis Sylva, où fut, dès le
vi' siècle, fondée une abbaye (2). Elle recouvrait la ma-
jeure partie de l'Hyesmois, regorgeait de bêtes fauves et
était infestée de brigands, quand vers 562, sous le règne
de Clotaire I" (3), saint Évroult {sanctus Ebndfus) vint s'y
(1) Voy. Historiens de France, t. XXI, p. 256. — Seuslria pio.
].. 819. "
(2) Gallia Christian, t. XI. col. 813. Eccles. Lexoviens.
(3) Orderic. Vital, III, i, p. 5, éd. Le Prévost. « Bajocensis Ebriill'u>
in Uticensi saltu, angelica demonstratione doctus, monasterium instau-
ravit et agrestes incolas qui rapinis et lalrociniis ante deservicrant. coi-
rexil. » Surius, 1(7. Sonctor. XXIX decemb. p. 303.
CHAPITRE XIX. 295
établir. La tbndation de l'abbaye n'entraîna pas immé-
diatement des défrichements étendus. Le monastère ayant
été presque entièrement détruit dans la suite, c'est seule-
ment au XI'' siècle qu'il fut rétabli par Guillaume, sei-
gneur d'Eschaufour (i). Les bois purent donc, pendant
quelques siècles, reprendre leur empire; mais à partir
de la réédifîcation de l'abbaye, la guerre aux arbres re-
commença. La forêt a dû s'étendre jadis dans la direction
du nord, depuis les Bois, localité située au septentrion de
Noyer-Ménard, jusqu'au bord de la Rille, au delà de
L'Aigle, en remontant vers les bois de Broglie (2), qui pa-
raissent en être des débris. Les lieux-dits qu'on rencontre
entre la forêt actuelle d'Ouche et le Noyer-Ménard, d'une
part, et de l'autre entre cette forêt et la Rille, le prouvent
clairement (3). Sur le territoire de la commune de Notre-
Dame-du-Hamel (canton de Broglie) se trouve la gàtine
de Pont-Éehanfré mentionnée dès le xni° siècle et qui rap-
pelle un défrichement de la forêt plus ancien (4).
(1) Mabillon, Acta SS. Bencdict. Sxc. I, p. 354. Orderic Vital, V,
p. 576 et suiv. Orderic Vital était moine de l'abbaye d'Ouche. Cf. Andiii
Duchesne, H islor. Norman, scripior., p. 279, 460, 575. Cf. VU. Orderic
Vital, t. V, p. 5G.
(2) Citons, dans la première de ces directions, La Gdline, Le Dois-
Ilué, Le Buisson, Cisay (altération du nom de Coiiacum), Les Bois ; dang
ia seconde, Bois-Normand, La Boissière, Bois-Derlre, Bois-au-Père,
La Gdline, La Chenaye, Bois-Nouvel, Bosc-Boberl, Bois-Baril, Bois-
Mahiard, Bois-André, Bois-Truel, Bois-Penlhon, Bois-B ranger, Boiil-
(lu-Bois, Bois-Goul, Bois-Duclos, etc.
(3) Le nom de Broglie n'indique pas ici la présence d'un bois ; il a été
donné, en 1742, au village de Chambrais, quand la baronnie de Ferrières,
dont il dépendait, fut érigée en duché-pairie pour le maréchal de Broglii;.
Le nom de Broglie (italien, Broglio), comme notre français Breiiil ou
Breul, est dérivé du mot brogilum, brogilus, par syncope broilum, d'o-
rigine lombarde, et qui, signifiant d'abord un parc, un lieu fermé, a
lini par s'appliquer à un petit bois-taillis ou à un bois clos de murs ou
<le fossés. Voy. Aug. Le Prévost, Mémoires et notes pour servir à Hiis-
loire du déparlemenl de l'Eure, t. I, part, ii, p. 43G.
(4) A. Le Prévost, Mémoires el noies pour servir à Vhisloire du dé-
parlement de l'Eure, t. II, part, u, p. 499, 500.
:296 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
La forêt de L'Aigle, située à l'est de la ville de ce nom,
est un des plus importants lambeaux de ce vêtement fores-
tier, que le temps a percé à jour. Les noms d'un grand
nombre de localités sises entre la forêt et la ville montrent
que dans le principe elles étaient contiguës. Nous cite-
rons: Saint-Michel-de-la-Forèty le Bois-au-Lard, Bois-
Hamery, le Bois-Heux, Bois-Rohert, Chaillouet^ les Bois-
dc-l<i-Pierre, les Bois-de-la-Pichotière. La forêt s'avançait
conséquemment jusque sur les bords de la Rille, et si l'on
en croit une tradition qu'Orderic Vital nous a conservée,
un nid d'aigle trouvé sur un des chênes de la partie dé-
truite de la forêt, valut son nom au castnim, d'où la ville
de L'Aigle tire son origine.
C'est également le relevé des noms de lieux, dans la ré-
gion comprise entre la forêt de Gouffern et la Dive, qui
nous fournit la preuve de l'extension qu'a eue là naguère
la zone forestière. Citons les noms suivants: Frmay, Lr
Cheney, Bierres, qui rappelle l'ancien nom de la forêt de
Fontainebleau, et dont le sens doit impliquer l'idée de
forêt, La Londe (1), qui rappelle par son- étymologie le
nom ancien de la capitale de l'Angleterre, Londoniwn,
ville qui s'élevait dans l'origine au milieu d'une fo-
rêt (2).
L'espèce de presqu'île comprise entre la Dive et l'Orne
était certainement fort boisée; les noms de lieux l'in-
diquent encore (3). La forêt devait s'étendre jusqu'au
(1) Voy. ce qui est dit dans Vinlrodiiction, p. 25. Une forêt de la Nor-
mandie, dont il sera parlé plus loin, porte le nom de La Londe.
(2) Citons les noms de Londinières (Seine-Inférieure). La Londe, portr
l)ar deux localités de l'Eure et une do la Seine-Inférieure, Londemarr
'Eure, commune de Crcstot).
'^3) On peut citer les noms Frênay-le-Buffard , Les Bois. Dois-Aumont.
IMs-de-Serrom, Courbois, Les Brousses, Le Buisson, etc.
CHAPITRE XIX. 297
bord de la seconde de ces rivières, au sud de Montabard,
et englober un bois que Gassini y indique.
Les forêts de l'Est du département del'Orne constituaient
donc une marche mitoyenne, confinante la fois aux Baio-
casses, aux Unelles, aux Lexoviens, aux Ehurovices, aux
Cenomans et aux Carnutes. La partie orientale de cette
grande bande sylvestre formait la sylva Pertica, autre-
ment dit le saltus Perticus, mentionné dès l'époque carlo-
vingienne (1). Défrichée sur une assez grande surface,
elle donna naissance, comme bien d'autres forêts, à un
pa(/i(s, qui en prit le nom, le Perche (2). La profondeur de
la sylva Pertica (3) offrait à ceux qui voulaient se retirer
de la société, de commodes retraites. Les moines y affluè-
rent. C'est là que s'élevèrent au x*" siècle, le monastère de
Saint-Laumer {Santiis-Launomanis){^, au xii^ siècle, celui
de La Trappe (5), et en 1323, l'abbaye du Chêne-Galon
[Quercus-Galonis], de l'ordre de Grandmont (6).
Le plus important débris de la grande forêt du Perche
est la forêt de Bellesme, qui dut jadis ne faire qu'un avec
1) Voy. Nithard, Hislor. Caroli Marjni. dans les Hisloriens de France,
t. III, p. 26.
(î) 11 est à noter que le Pagns perticus, d'une formation plus récente
que les Pagi voisins, a pris une partie de leur territoire, en sorte que
les limites du Pagus embrassent un espace plus étendu que la Sylva Per-
Hra. Voy. Merlet, Dictionnaire lopographique du départem. d'Eure-et-
Loir, Introduct. p. xi.
(3) Aimoin dit à son sujet : « Post eum existât Liger, qui terram illam,
qure intcr ilium et Sequanam jacet, pêne insulam efficit ; sylva3 multœ, sed
'•mincnliorcfeteris Perticus. » {Prxfal. in Gest. Francorum ap. D. Bou-
quet, Historiens de France, t. III, p. 25. Cf. Excerpl. ex Vit. S. Belha-
ni, de Clotario II, ap. D. Bouquet, t. III, p. 489, etc., et Lasicotière,
Sur le Perche, dans l'Annuaire des cinq départements de l'ancienne
Xormandie, 1838, 4® année, p. 26i, 262. Cf. Guérard, Polyptiqiie de
l'abbé Inninon, p. 75, proleg.)
(4) Gall. clirislian. t. VIII, col. 1350. Eccles. Blés.
(5) Gall. Christian, t. XI, col. 747. Eccles. Sagiens.
(0) Historiens de France, t. XXI, p. 502.
298 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
la forêt de Reno, située au nord-est, et qui n'en est séparée
que par l'IIuisne. Cette forêt dut aussi englober deux
bois qui n'en sont réellement que des écarts, ceux dr
Dambray et de Sablonne. Elle est mentionnée sous le nom
de Foresta Balismi dans les Comptes de S. Louis en 1238.
La forêt de Bellesmc se lia originairement à celle de Per-
seigne, dont il a déjà été question au chapitre précédenl.
En effet, si on tire une ligne de Bourg-le-Roy, au delà de
Bellesme, jusqu'à Origny, en la faisant passer par Saint-
Aubin-des-Croix et Chemilly ; si on en trace une autre à
partir de Lignières et gagnant les rives de l'Huisne, prè-
du Petit-Bois et du Breuil, en face de Mauves, on dessine
à peu près le pourtour de la partie encore boisée au moyen
âge. Les noms d'une foule de lieux rappellent dans cet
espace la présence des arbres (1). L'éclaircissement de
cette forêt a commencé dès l'époque mérovingienne (2).
La Sarthe sépare la forêt de Perseigne de celle d'Ecou-
ves (3), qui dut jadis s'avancer dans la direction du sud
jusqu'à Cuissey {Cotiacum), et demeure aujourd'hui une
des plus importantes du département de l'Orne. On y
reconnaît un débris de la partie la plus occidentale do
l'ancienne Sijka Pertica. Alençon, situé au sud de la iorèt
(1) Tels sont : Le Moulin-du-Dois, Lignères, Les Aulneoux, etc.
Entre les forêts de Perseigne et d'Écouves, on rencontre Bois-Giurin.
Haul-Bois, Dois-Jouin, Sftint-IIilaire-de-Soisay [Soisa y ou Soisij, foi me
altérée de Choisi/). Haut- Bouc âge, Bois- Hébert, Les Brosses, La Brosse.
Bois-Semélé, Gué-des-Bois, La Gdiine, Les Bois, etc.
(2) Bellesme est antérieur au x^ siècle ; ce n'était d'abord qu'un châ-
teau fort. A l'époque de sa construction, le Icrritoirc ([u'il occupait de-
vait être déjà défriché. Cette observation est applicable à Mortagne, d''
date un peu moins ancienne. L'espace qui séparait Mortagne de Hollesm>'
n'était conséquemment plus recouvert par la Sylva Pertica aux xi* <t
xii« siècles, bien que le pays gardât l'aspect d'un bocage.
(3) M. E. Lehéricher croit que cette forêt a dû son nom, dérivé du
latin Scopa, Scopw, h ce qu'elle était originairement remplie de génois.
\oy. Mémoir. de la société des Aniiq. de Normandie, t. XXV, p. 253.
CHAPITRE XIX. 299
d'Ecouves, date au moins du iv" siècle, circonstance qui
prouve que, dès le commencement de notre ère, un vaste
essart séparait cette forêt de la forêt de Perseigne.
La forêt du Perche, représentée dans Gassini par une
forêt assez éloignée de l'Iton, doit jadis avoir eu ce cours
d'eau pour limite au nord ; divers noms de lieux {Le Buis-
son, Bois de la Hais, Les Bois, Gâtine, Randonnai) , indi-
quant dans cette direction la présence originelle de bois.
Elle, s'étendait naguère jusqu'aux bords du Loir et de
TEure, car cette région était encore une forêt au xii" siècle.
Une charte passée en 1134 au Temple, près Mondoubleau,
est datée de la maison des chevaliers du Temple, dans la
forêt du Perche. Or, ce lieu se trouve dans l'arrondisse-
ment actuel de Vendôme, en un canton déboisé, mais
qui garde de nombreux vestiges de son ancien état fo-
restier^ et où la population demeure très-clairsemée (i).
En plusieurs communes, les défrichements ne remontent
pas plus haut que le règne de Henri IV, qui aliéna dans
cette région de vastes étendues de bois domaniaux, et
les livra à la culture (2).
Un autre tronçon de la grande forêt du Perche est celle
qui s'étend au sud-est de La Loupe, et que l'inspection de
la carte nous montre s'être étendue à l'orient jusque
vers Bois-Saint-Père, Fruncéet le Bois-Hénou. La gâtine,
(jui a laissé son nom à Ghamprond-en-Gàtine, la partagea
en deux. Bordée au nord par l'Eure, cette forêt faisait face
à deux forêts maintenant fort réduites et situées sur l'au-
tre rive de la rivière. La forêt de Senonches s'étendait au
nord de Saint- Aubin-des-Bois, de Dangers à Fontaine-le-
Guyon. Gc sont autant de restes de l'ancienne forêt des
(1) Voy. .1. (le Pétigny, Histoire archéologique du VejuJnmois, Part. I,
jj. 21, 22; Mcrlet, Dictionn. cité, p. xi.
(2) J, (le Pétigny, ouv. cit.
300 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE
Carnutes et de la marche arborescente placée entre ce
peuple et les Eburovices. Au xi' siècle, existait près cl
Gardais, dans le canton de Nogent-le-Rotrou, une forêl,
celle de Thiron (1), dont de nombreux lieux-dits rap-
pellent la présence (2), et où Bernard, abbé de Saint-
Gyprien, fonda un monastère sous le vocable de Saint-
Sauveur (3).
Gitons encore dans le département de l'Orne, aux porte>
d'Alençon, la forêt de Malèfre {Malafia sylva), dont parle
Orderic Vital (2), et où fut tué en 1136 le chambellan de
Geoffroy, comte d'Anjou. Cette forêt a totalement disparu,
et son existence n'est rappelée que par quelques noms de
lieux des environs de Malèfre-aiix-Moines : Bois-Loiivet,
Bois-Margot, La Garenne, Lignerottes, etc.
Si nous quittons maintenant la partie méridionale de
la Normandie et nous nous avançons dans l'Avranchin,
nous rencontrons de nouvelles preuves d'un boisement
beaucoup plus considérable qu'on ne l'observe aujour-
d'hui. Les forêts ont commencé surtout à s'y éclaircir à
dater du xiv*" siècle. Au milieu de la forêt de Lande-
Pourrie, les essarts devinrent alors si nombreux qu'ils
formèrent un territoire suffisant à l'établissement de deux
nouvelles paroisses.
(1) Les lieux-dits, tels que le Bois-Massé, Grand-Bois-Ragam, Bois-
Brûlé, Bois-aux-CIayes, Le Plessis, Les Brosses, indiquent que la forèl
(le Thiron, qui n'est plus représentée que par de faibles bouquets, s'é-
tendait de MaroUes, au nord, jusqu'à la Croix-du-Perche, au sud, et
s'avançait ù l'ouest jusqu'aux abords de Nogent-le-Rotrou.
(2) Orderic Vital, liv. XIII, p. 74, éd. Le Prévost.
(3) Nous citons ici le curieux passage d'Orderic Vital (VIII, 27, p. 448.
éd. Le Prévost) : « Denique post plures circuitus, ad venerabilem epi?-
copum Ivonem divertit, et ab eo benigniter susceptus, in prœdio Carno-
tensis ecclesiae cum fratribus quibusdam constitit et in loco silvestri, qui
Tiron dicitur, cœnobium in honore S. Salvatoris construxit. lUuc multi-
tudine fidelium utriusquo ordinis abundo confluxit et prœdictus pater
omnos ad conversionein properantes, charitativo amplexu suscepit, et
singulis artes quas noverant, légitimas in raonastcrio exercerc prœcepil.
36 I
CHAPITRE XIX. 301
Cette forêt de Lande-Pourrie se rattachait, dans l'ori-
gine, à d'autres bois qui en étaient des annexes, notam-
ment à celui dont Nicolas-des-Bois occupait le centre et
qui s'étendait, au nord-est, jusqu'à Saint-]\Iaur-du-Bois
et dont la forêt de Saint-Se\er est le dernier reste (1).
C'est près de ce bois que fut fondée, en 1143, l'abbaye de
la Luzerne. La charte de fondation de cette abbaye, en
partie reproduite dans la chronique de l'abbaye d'Ar-
denne en Normandie (2), indique que la partie comprise
entre Menidre, la Tanaise, et le Thar, était boisée (3).
En remontant plus au nord, dans la presqu'île de Co-
tentin, on retrouve sans doute aussi des traces de forets,
mais moins étendues. La forêt de la Lande-cV Airou ou
d'Hérould, qui s'étendait près de Villedieu, n'a laissé que
d'insignifiants \estiges. Elle a valu son nom à la chapelle
dite Sainl-Lconard-des-Boù . En revanche, la forêt de Beau-
quenay, que la Saudre sépare de celle de Samt-Sauveiir-
le-Vicomte, semble n'avoir perdu que peu de son an-
ricjine extension. A l'extrémité septentrionale du dépar-
Unde libcnter convenerunt ad eum fabri, tam lignarii, quam ferrai-ii,
sculptures et aurifabri, pictores et ceementarii, vinitores et agricola", mul-
tori'irque officiorum artifices peritissimi. Sollicite, quod eis jussio seiiio-
ris injungebat, operabuntur et communem conferebant ad utilitatem
qiuc lucrabantur. Sic ergo, ubi paulo anle in horribili saltu latrunculi
solobant latitare, et incautos viatores repentino incursu trucidare, adju-
vante Deo, in brevi consurrexit monasterium nobile. » Tiron n'est plus
aujourd'hui qu'un hameau de la commune des Gardais (Eure-et-Loii-j.
(1) Voy. L. Dclisle, Etudes sur la condilion de la classe agricole en
Normandie, p. 416.
(2) Cette charte et la Chronique de l'abbaye d'Ardenne parlent d'un
bois situé près de la rivière de Thar, et qui s'appelait Molendinum. i^Voy.
Neuslria Pia, p. 793, «t la Chronique manuscrife de Vabhaye dAr-
dennc, que possède la Bibliothèque impériale, <>t que m'a signalée mon
obligeant et savant confrère M..L. Delisle.)
(3) Le nom de Sartilly, que porte une localité au sud de la Luzerne,
parait indiquer un ancien essart. Au nord de cette abl.iayc, La Cour du
Dois rappelle l'emplacement de la tète du bois.
^02 LES FORÊTS DE L\ GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
lement de la Manche, une autre forêt, celle de Brix (1),
située près de Cherbourg, a été atteinte par le défriche-
ment sur toute la lisière et réduite graduellement à l'état
de simple bois (2). Jusqu'au siècle dernier, elle occupa un
espace assez considérable.
Dans l'ancien territoire des Baïocasses, plusieurs forêts
très-importantes ont disparu. Ce sont celles de Mauper-
tuis, TortevaljdeFoulogne, duQuênay,dontGuillaume-le-
Conquérant avait fait concession aux religieux de l'abbaye
de Saint-Etienne-de-Caen;, sous la condition de ne poinl
la défricher et de n'en pas détruire le gibier (3). Il n'j
a plus de traces de bois aux environs des trois dernières
localités (4), et près de Maupertuis, dans l'arrondissemenl
de Saint-Lô (canton de Percy), on ne trouve plus que le
chétif bois de Mo von, sis au nord de ce village. La forêt de
Cérisy, qui s'étend au sud-ouest de Bayeux, paraît avoii
aussi subi de notables défrichements.
La partie de la Normandie qui répond aux arrondisse-
ments de Caen, de Pont-L'Évcque, dans le déparlemenl
du Calvados, et qui embrasse la plus grande partie du
territoire des deux peuples gaulois appelés les Viducasse;
et les Lexoviens, ne semble pas avoir offert dans l'anti
quité cette même abondance de bois qui caractérisai
(1) Elle est mentionnée dans les Comptes de saint Louis sous le non
'le Venda de Bniies. Historiens de France, t. XXI, p. 257.
(2) Voy. les passages dos cartulairos de Coutances, cités par L. De
lisle, ouv. cil. p. 416, 417.
(3) La donation rappelée par le registre des Olim jtour 1268 (t. I.
p. 747, éd. Beugnot) porte : « Silvam de Malo-Pertuso, et de Torta-Valle.
«t de Folonia, et de Casneto cum aquis et terris seu omnibus ad eas per-
tinentibus hac conditione servata uL monachi ipsius cœnobii ipsas silva?
nulle terapore destruant vcl destrui jubeant propter ipsani terram colen-
dam sive inhabitandam, retenti* in suo dominio cervis,.caprcolis et apris
silvestribus. »
(4) Le bois du Vernay, au nord de Foulogne, peut élrt toutefois k
reste d'une de ces forêts.
CHAPITRE XIX. 303
d'autres cantons de la Normandie ; il n'y faut donc pas
aller chercher les vestiges d'autant de forêts. A une lieue
au nord de Gaen, fut fondée cependant, au xii*" siècle, une
abbaye dont le nom indique la présence d'une forêt im-
portante, nom que nous avons vu plus haut appliqué
à l'une des plus grandes forêts de la Gaule : c'est l'abbaye
d'Ardenne (1), qui joue dans l'histoire de la province un
certain rôle.
La forêt de Bur a jadis présenté une superficie bien su-
périeure à celle qu'elle avait au xvii'' siècle. Elle est men-
tionnée dans les Comptes de saint Louis {]^e?ida ou Foresta
de Bîir) ; c'estle principal reste de la grande forêtdu Bocage
normand (2). Sous Philippe-le-Bel, les bois de Foulogne
s'en détachèrent. La carte de Cassini nous montre égale-
ment qu'une bonne partie de la forêt de Touques, située
à quatre lieues de Pont-L'Evêque, avait disparu au siècle
dernier, car les noms de lieux annoncent un ancien boise-
ment entre l'Orne et la Touques. La forêt qui emprunte
son nom à cette rivière, et qui est située au nord de
Pont-L'Evêque, a dû s'avancer dans le principe jus-
qu'aux abords d'IIonfleur. Saint-Quentin-des-Bois marque
un des essarts qui y furent ouverts au moyen âge. Elle
<'onstitua sans doute la marche qui séparait les Lexoviens
'les Vi du casses.
Les forêts redeviennent très-nombreuses, quand on
s'approche de la haute Normandie ; elles l'étaient encore
davantage au moyen âge. Les départements de l'Eure et
(le la Seine-Inférieure conservent les débris de plusieurs
des plys magnifiques forêts de la France. Nous sommes ici
sur l'ancien territoire des Eburovices, des Lexoviens, des
Véliocasses ci des Calètes.
(I) Gallia chrislian. t. XI, col. /iàO. EccUs. Bajocem.
(■2) lUsloriau dr Fronce, l. XXI, \). 258. C(?lte forêt de Bur recouvrait
304 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
A une époque qui n'est pas fort reculée, la contrée qu'a-
vait occupée cette grande fraction des Aalerques, dont le
nom se conserve dans celui du chef-lieu du départemeni
de l'Eure, était couverte par plusieurs forêts très-étendues.
Au centre et dans le voisinage immédiat de l'ancien
MediolamimAulcrcorum, s'élevait la forêt d'Evreux(/v><r^.v/</
Ebroicensis), plusieurs fois mentionnée par les Comj)le.s
de saint Louis (1). Ce monarque en poussa activement le
défrichement et y établit de nombreux colons; chacun
d'eux reçut quelques acres de terre moyennant redevance.
La forêt d'Evreux doit avoir subi un commencement de
défrichement à l'époque gallo-romaine, sans doute à l;i
suite de l'ouverture de la voie romaine, dont un tron-
çon subsiste sous le nom de Clicinin-Chaussée, et qui allai I
d'Evreux à Condé-sur-Iton ; car on a découvert sur son
sol, dans la commune des Ventes, près du hameau de la
Trigale, des débris de murailles portant des traces d'en-
duit et autres vestiges de constructions romaines (2).
Cette forêt ne forme plus aujourd'hui qu'une bande légè-
rement contournée et s'étendant au sud du chef-lieu dr
l'Eure. Elle n'était séparée, il y a deux ou trois siècles,
de la forêt de Couches que par la vaste clairière du Cliam/)
Dolent; ce qui fait croire qu'elle en a dépendu origi-
nairement. Le nom de Champ Dolent dénote l'exislencc
d'un ancien heu de sépulture (3).
une partie du canton do Bcssy-Bocage (arrond. do Vire)- Cf. 0 im. t. Il
ji. 378,'cilés par M. Dclisle, oui', vil. p. 47G.
(1) Historiens de France, t. XXI, p. 259, 2G7, 278. CT. Delislo, Hliuh
citée, p. 409 et 410. — On la trouve aussi mentionnée sous le nom <li
Foresta Ebroucensis dans le reiristre <les Olim ])our 1309. C^y- i'''l.
Beugnot, t. III, p. 496.)
(2) Aug! Le Prévost, Mémoires el notes j)our servir à l'itistoire du di-
parlement de VEure, pu))l. par L. Delisle et L. Passy, i. I, Paii. i.
p. 32.
(3) Ce nom paraît, en effet, avoir été imposé à des lieux où se trou-
vaient des tombes à l'époque gallo-romaine ou franquo. On jiout encore
CHAPITRE XIX. o05
Malgré les défrichements opérés sous saint Louis, la foret
d'Evreux demeurait encore vaste en 1298. Sa garenne, son
panage, ses ventes et ses amendes firent partie de V^\:a-
nage donné par Philippe-le-Bel à son frère Louis, comte
d'Evreux (1). Le nom de Grandis sylva, qu'a jadis porté le
village ou plutôt le château de Grossœuvre (2), sis au sud
d'Evreux, atteste son antique importance. Elle était plan-
tée des essences les plus variées, chênes, hêtres, érables,
trembles, genévriers, saules, merisiers, coudriers, etc.,
ainsi que nous l'apprend le Coutumier des forêts de Xor-
mandie (3), qui traite des droits d'usage dont y jouissaient
les habitants de Bérengeville et de Meileville.
Tout le canton actuel de Saint-André^ c'est-à-dire la
partie de l'ancien comté d'Evreux comprise entre l'Iton
et l'Eure, fut jadis recouverte de bois qui s'étaient successi-
vement détachés de la forêt d'Evreux. Un de ces bois, de-
meuré assez étendu pour être qualifié de foret, fut donné
au xV siècle par Hugues, fds d'Hubald de Pacy, à l'ab-
baye de Saint-Taurin ; le village de Paintourville en prit
le nom, à dater du xni" siècle, et s'appela La Forêt du
Parc (4),
On trouve dans une pièce concernant les droits d'un
seigneur de Garencières, conservée aux archives de l'Em-
supposer qu'il fait allusion à quelque événement sanglant, par cxoniiile,
aune bataille. Voy. Le Prévost, }lém. et noies cités, t. I, Part, ii, p. 484,
et Orderic Vital, XIII, 10, p. 20, note, éd. Le Prévost. Toutefois M. Le-
héricher, qui a relevé plusieurs localités de ce nom en Normandie et en
Bretagne, le fait dériver du celte ial, dol. « élevé, » et trouve dans cette
étymologie l'explication de Mont-Dol, Chènedollé, Canidol, Yoy. Mrmoircs
de la socirlé des AiUiq. de Xonnondie, t. XXV, p. 232.
(i) Le Brasseur, Preuves de V Histoire du eomlé d'Evreux, p. 24.
(2) Orderic Vital, XIII, p. 89. Cf. A. Le Prévost, Dklionmnre des
anciens noms de lieux du dcparlem. de l'Eure, p. 140.
(3) A. Le Prévost, Mémoires et notes cités, tom. I, part, i, p. 202 ;
t. II, part, ir, p. 393, 547,
^4) Le Prévost, ibid. t. II, part, i, p. 121. On dilil'abûrd Notre-Dame-
dc-PaintourvilIe, puis Notre-Dame-de-la-Forèt, puis simplement La Foret.
20
306 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
pire et datant de la fin du xiv^ siècle, un tableau curieux
de la contenance d'un grand nombre de bois, la plupart
situés dans le même canton (1). Nous citerons quelques-
uns des chiffres :
« Les bois de la Queue contenant environ IIII^'' et
XVI arpents ; les bois du Rouvray XIIII arpents ; les bois
du Buisson XIIII arpents; les bois de la Chaste-Houlle II
arpents ; les bois de Grantseuvre appelez Descouardes
XLVIII arpents ; les bois du Plesseiz-IIébert XXX arpents;
les bois de la Neufville-des-Vaulx, le bois de Trasselangue
IIII^'^ arpents ; les bois de la IMaire-Rogier X arpents ;
les bois Grespin jouxte la forest de IMéré, qui sont bois
coustumiers, et n'y peut-on faire vente, contenant GL ar-
pents ; les bois de Bacquet contenant environ IIII CXXVII
arpents et trente perches ; les bois de Tronqueux conte-
nant environ IIII '^^^ VI arpents ; les bois Ferreux contenant
environ XXXVII arpents XII perches ; les bois du Lonp^
contenant environ LXVI arpents XLIIII perches ; les haies
de Fourges contenant environ III arpents et demi ; tous
lesdits bois sans tiers et dangier, avecques tous autres
bois, prez, terres et revenues et toutes les autres apparte-
nances et appendances des dites villes. »
Une des forêts mentionnées dans le document précédent,
celle de ]\Iéré offrait une étendue assez considérable. Au
xv'^ siècle, elle appartenait au roi, mais plusieurs seigneurs
y avaient obtenu le droit de franc usage. Quelques villages
y étaient aussi usagers. Toutefois à cette époque elle avait
certainement été réduite, et on la regardait comme une
simple dépendance de celle de Pacy. Sur la carte de Gas-
sini, elle n'est plus indiquée que comme recouvrant un
étroit canton au midi d'Evreux. Elle s'avançait dans le
(1) A. Le Prévost, Mémoires et noies cités t. II, part, i, p. 159.
CHAPITRE XIX. 307
principe davantage au sud où les noms de la Boissière,
Sérez-le-Bois, la Haye, rappellent la présence des arbres ;
elle n'occupe maintenant qu'une faible portion du canton
de Saint-André. Cette forêt était, au xi\^ siècle, plantée
de chênes et de hêtres (1). Au siècle suivant, les seigneurs
d'Ivry s'en réservaient la jouissance exclusive pour la
chasse, aussi bien que de celle de Roseux (partie méri-
dionale de la forêt d'Ivry), qui en était peu éloignée (2).
On doit citer entre les forêts de cette partie de la Nor-
mandie qui subirent de notables réductions, celle de
Pacy et celle d'Anet {for esta de Âiiet), mentionnée dans
les Comptes de saint Louis (3). Celle d'Ivry ne s'étendit
certainement jamais plus au sud qu'elle ne le fait de nos
jours ; elle n'a dès lors pu faire corps avec la forêt de
Dreux, car elle en est séparée par l'Eure ; mais elle s'é-
tendait originairement fort au nord et allait vraisembla-
blement rejoindre la forêt d'Evreux. -En effet, la région
intermédiaire est toute semée de noms de lieux annonçant
d'anciennes forêts ou d'anciens bois {le Bois-Hébert, le
Bois-Périer, la Ville-aii-Bois, la Brosse, la For est).
Une forêt qui se rattachait à celle d'Ivry et qui a dis-
paru, ne laissant guère de vestige que le bois de Roseux
ou Roze, dans lequel se reconnaît un prolongement méri-
dional de la même forêt, est celle de Crotli ou Croteis {fo-
resta de Croteis), plusieurs fois citée dans les chartes du
xii^ siècle en faveur des religieux de l'Estrée (4). Cette forêt.
(1) Le Prévost, ouv. cit. t. II, part, ii, p. 332, 622. Voy. l'indication
des droits d'usage qu'avaient dans cette forêt, d'après le Goutumier des
forêts de Normandie, les habitants de Bretagnolles. Le Prévost, ouv. cil.
t. I,part. II, p. 413.
(2) Voy. l'aveu de la seigneurie d'Ivry donné dans Le Prévost, ouv.
eil. t. II, Part, i, p. 289.
(3) Foresla de Anet, Historiens de France, t. XXI, p. 253.
(4) Voy. Le Prévost, ouv. cit. 1. 1, part, ii, p. 673.
308 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
qui tire son nom d'un mot saxon {Crost ou Craft, enclos),
était déjà assez notablement défrichée au xi« siècle, puis-
que le village qui lui valut cette dénomination avait alors
quelque importance. En 1258, 320 arpents en étaient de-
puis peu essartés (1). Elle a dû s'étendre dans le principe
assez à l'ouest pour embrasser les territoires de Saint-
Laurent-des-Bois, de Lignerolles et deGrateuil, et absor-
ber le bois situé plus au sud le loug du cours d'eau appelé
la Coudane, et pénétrer jusque dans le Drouais, comme
il a déjà été dit à l'article de cepagns. La forêt de Croth
se scindait, deux siècles plus tard, en plusieurs parties ;
l'une gardait le nom de l'ancienne forêt, et s'appelait
Magna foresta de Croteis ; les autres formèrent de petits
bois, dont l'un est nommé Venda de Crot dans les Comptes
de saint Louis (2). Les seigneurs d'Ivry avaient, au xv" siè-
cle, droit (le chasser une fois l'an dans la forêt de Croth (3),
droit fort recherché alors, car le gibier y abondait. Entre
les causes qui ont amené la disparition de la forêt de Croth,
il faut placer en première ligne la fondation de l'abbaye de
Breuil-Benoît, qui y posséda des droits d'usage étendus.
Au nord et au nord-est d'Evreux, j'ai aussi à signaler
quelques forêts importantes. La Chapelle du Bois-des-Faux
[Capclla des Bosco Farjoriim) dut son nom à un bois de
hêtres dont l'établissement de la voie romaine de Rouen à
Ciiartres qui la traversait, dut amener de bonne heure la
destruction. Cette chapelle, dédiée à saint Nicolas, a été
l'origine d'une paroisse qui existait déjà au xni*' siècle (4).
(1) Voy. Olim, éd. Beugnot, t. I, p. 70' (An. 1258.)
(2) llisloriens de France, t. XXI, p. 253, 277. Le Prévost, ouv. cilc.
Elle est appelée simplement Uois-de-Crolois dans une jjièce de 1282, où
est mentionné l'élablissemenl, par Robert, comte de Dreux, de sept cha-
noines de Notre-Dame-dc-Braisne en l'église de Fermecourt.
(3) Le Prévost, ouv. cil. t. II, part, i, p. 289.
(4) Le Prévost, ibid. t. I, part, ii, p. 488.
CHAPITRE XIX, 309
La forêt de Yernon {foresta Vernonis) (1), mentionnée
dans les Comjjtes de saint Louis (2), avait dû originaire-
ment comprendre le territoire de Bois-Gérôme-Saint-Ouen,
anciennement Bois-Gireaume, village datant au moins du
xif siècle, et dont les habitants, deux siècles plus tard,
continuaient à jouir dans la forêt de droits fort éten-
dus (3). Un canton de cette forêt, désigné dans les Comptes
de saint Louis (4) sous le nom de Vcnda de Boutevant, était
situé près du château de ce nom.
Un bourg dit La Forest, situé à 14 kilomètres environ
de la forêt de Vernon, montre que celle-ci s'avançait jadis
dans la direction nord-est et englobait les bois qui avoi-
sinent Arquency. La réduction de la superficie de cette forêt
s'opéra assez rapidement du xiii'' au xvii^ siècle. Sur la
carte de Cassini, la forêt de Vernon n'est plus qu'une lon-
gue bande qu'on prendrait pour un écart de la forêt d'An-
dely {foresta Andeliaci) qui, quoique peu éloignée au nord,
constituait cependant dès le moyen âge une forêt dis-
tincte, et est également mentionnée dans les Comptes de
saint Loîiis (5). L^ deux forêts étaient sans doute unies
dans le principe, mais elles durent se détacher à la
suite du percement de la route de Vernon à Gisors.
Les villages de Bouafles [Boalfa) (6) et de Fours, qui
avaient conservé des droits d'usage dans la forêt d'An-
dely (7), s'élevèrent certainement, ainsi que celui de Forêt-
(I) Ilisloriens de France, t. XXI, p. 25Î.
(Tj On trouve aussi dans ces Comptes la forêt mentionnée sous le nom
de Venda de Verno7i.
(3j Le Prévost, oui', cil. t. part, ii, p. 353.
(4) Historiens de France, t. XXI, p. 558.
(5) Historiens de France, l. XXI, p. 278. On la trouve mentionnée
dans divers actes du xiv* siècle, sous le nom de foresta de Andeliaco. Le
Prévost, ouv. cil. t. II, part, ii, p. 319.
(6) Ce nom de Boalfa, d'origine nordique, signifie : Je domaine de Bo
ou de But. Voy. Le Prévost, oiiv. cit. t. L part, ii, p. 384.
(7) Le Prévost, ouv. cit. t. II, part, i, p. 133.
310 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
la-Folie (1) dans des essarts qu'on y avait opérés avant le
xii^ siècle. Au xr\^*, au temps de la rédaction du Coutu-
mior des forets de Normandie, le hêtre en était l'essence
dominante (2).
Au sud-ouest d'Évreux existe encore une des forêts cou-
tumières qui fut une des plus célèbres de la province, à
raison du grand nombre de villages qui y avaient des
droits d'usage (3) : c'est celle deConches. Elle est désignée
sous le nom qu'elle porte encore aujourd'hui, dès le
xif siècle iforesta Concliarum) (4). Riche des essences les
plus variées, chênes, hêtres, bouleaux, trembles, charmes,
saules, etc. (5), les cerfs et les sangliers y pullulaient. La
multitude des francs-usagiers y causa de bonne heure des
dégâts qui ouvrirent la porte aux défrichements. En 1452,
on distinguait la honte forêt de Couches, c'est-à-dire le
canton où les grands arbres avaient été respectés, de celui
où n'existaient plus que des bois taillis (6). Les moines de
l'abbaye fondée (7) en 1035 à Conçues, et ceux d'abbayes
voisines, ont beaucoup contribué à cette destruction par-
tielle d'un des principaux lambeaux de la marche fores-
tière des Éburovices,
Les religieux de l'abbaye de Bernay tenaient des sei-
gneurs c}e Couches dans la même forêt des droits d'usage
fort étendus que reconnut Charles VI, en 1392. La forêt
étant devenue propriété de la couronne (8), quelques
(1) Le Prévost, ouv. cil. t. II, part, i, p. 122.
(2) Voy. le passage du Coutumier des forêts de Normandie, cité par Le
Prévost, t. I, part, ii, p. 384.
(3j Le Prévost, ouv. cit. t. I, part, ii, p. 290, 517, o3I.
(4) Le Prévost, ouv. cit. t. I, part, ii, p. 531.
(5) Le Prévost, ouv. cit. t. I, part, n, p. 517, 531.
(6) Le Prévost, ouv. cil. t. II, part, i, p. 77, 533.
(7) Celte abbaye se trouvait ii l'ouest de la ville, sur la route de Cou-
ches à Evreux. Gallia clirisliuna, i. XI, col. 637. EccU'S. Ebroicens.
(8) Le Prévost, oui', cil. t. II, part, a, p. "200.
CHAPITRE XIX. 311
communes, telles que celle de Louversei, y jouirent aussi
de droits analogues (1). En 1234, Robert de Courtenay
donna aux moines de Conches la dîme de toutes les terres
de la forêt nouvellement défrichées ou qui seraient défri-
chées dans la suite (2), et, afin d'augmenter leur revenu, les
moines travaillèrent activement à son éclaircissement.
Dans le principe, la forêt de Couches allait se joindre à
celle de Brcteuil, dont elle n'est séparée que par une vaste
clairière dans laquelle on rencontre des noms de localités
tels que ceux-ci : la Coupe-Bois, le Friche, la Rue-du-Bois,
les Baux-de-Breteuil (3). Garnanville (4) occupe le centre
de cette clairière (o). La forêt poussait ses lignes ombra-
gées jusqu'à riton; car la région qui s'étend entre elle
et cette rivière est semée de petits bouquets (6) et de loca-
lités dont les noms rappellent d'anciens bois (7).
La forêt de Brefeuil {BritoUi ou Bretolii for esta, ou
foresta de Britholio (8) est mentionnée dans les Comptes
(1) Le Prévost, ouv. cit. t. II. part, ii, p. 334,
(2) Gallia christ, t. XI, instrum. c. cl.
(3) Le village de Saint-Christophe-des-Baux-de-Breteuil fut fondé sur
l'emplacement que le roi avait concédé, en 1246, aux moines de Lire.
Voy. les chartes mentionnées par M. L. Delisle, ouv. cit. p. 412, 413.
(4) Ou Guernanville Yors 1246 saint Louis céda un morceau de la
forêt de Breteuil, du côté de Guernanville, aux înoines de Royaumont,
qui, selon leur habitude, partagèrent ce terrain entre des cultivateurs
chargés de leur payer un cens annuel. (Martène, Thésaurus anecdo-
lorum. t. III, col. 1434.)
(5) Voy. la carte de Cassini.
(6) Tels sont le bois Morin, qui s'étend de Nogent-le-Sec à Saint-
Biaise, celui de Boshion, et le bois plus étendu, au nord, dit de la
Haye.
(7) Tels sont : Le Buisson-Ruet, Boisset, le Bois-Morin, La Brosse, le
Buisson-Ardouin, Le Faye, le Chêne, les Essarts, Le Coudray, laCroix-
du-Frichc, la Rue-du-Long Essart, le Cornut-du-Bois, les Boulets, le
Bouquelard, Buisson- Verne, le Frénc, le Bois-Richard, la Brosse deux
localités de ce nom), le Tronchet.
(8) Historiens de France, t. XXI, p. 256, 248. Cf. Le Prévost, Mé-
moires et notes, t. I, part, ii, p. 259. — Olim, éd. Beugnot, t. II, p. 1 53
(an. 1275).
312 LKS FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIEX.NE l-RANCE.
de saint Louis, avec celle de Bort, il faut croire qu'au
xiii"" siècle, les deux forêts que l'Iton sépare formaient
(\ci parties distinctes. La foret de Bi-etcuil était alors une
des plus considérables de la Normandie. Saint Louis y
établit des colons pour en faire opérer en partie le défri-
chement (1). Déjà à celte époque, ce qui se répéta depuis,
un grand nombre d'ermitages y avaient été fondés (2),
tous placés sous le patronage des moines de Lire; ce qui
donna naissance à divers essarts. Les territoires de Vieille
et de Nouvelle-Lire furent deux conquêtes faites sur la
forêt de Couches f3), laquelle s'avançait dans le principe
jusqu'à la Rillc.
L'état de la forêt de Breleuil, au commencement du
xiii" siècle^ nous est révélé par une enquête qu'ordonna
Philippe-Auguste et qu'a publiée M. Lechaudéd'Anisy (4).
Il ressort de cette pièce curieuse que la partie avoisi-
nant Ambenay (5) formait au xiiic siècle un quartier
distinct, ou haie {Iiala), que le territoire de Bordigny,
village situé au nord de Breteuil, n'était pas encore défri-
ché, dçfrichement qu'indique Cassini. D'où il suit que la
forêt a subi de bonne heure des abalis dans sa région
orientale.
La grande clairière dans laquelle se sont élevés les liaux
de lircteiiil, Garnanvillc, Sainte-Marguerite, existait déjà
(1) Voy. Di.'lislc, ouv. cil. p. 'il 4.
(2) Voy. les carlulaires cités par L. Dclisie, ouv. vit. p. 412, et Le
Prévost, OUI', cil. t. 1, part, ii, p. 41 fi.
(3) L'abbaye de Lire date du milieu du xi' siècle, et avait remplacé une
chapelle de Saint-Clirisloiihe déjà existante en ce lieu. Voy. Gollia vliris-
tiuna.t. XI, col. G44. Eccles. Ebroivens.
(4) Voy. Le Prévost, Mémoires el noies cités, t. l. part, ii, p. 424 et
suiv.
(5) Ambenay est situé au nord-est de Rugles, prés la rive gauche de hi
Rille. Le nom de Bois-Arnault. que porte un village voisin, montre que
ce colé avait été boisé, et rai)pelle celui d'unxlcs écarts cité ici.
CHAPITRE XIX. 313
alors, en partie dix moins, et était occupée par ce qu'on
appelait la Belle-Lande [Bella-Landa), qui séparait cette
foret de celle de Gonches, de même que le canton dont Les
is.s.swY5 indique à peu près le centre, la séparait de la foret
d'Évreux, qui avait dû faire corps avec elle, au temps où
elle se liait encore au sud à la forêt de l'Aigle, dont il a été
question plus haut.
Le texte de Fenquéte ordonnée par Philippe-Auguste
prouve qu'un assez grand nombre de petits bois ou parcs
{nemora) s'étaient détachés de la forêt principale (Sa/tus),
parcs dont la jouissance était réservée à certaines per-
sonnes ou à certains établissements. Tels étaient le Bois-
Ariiaud Qi le Parc-de-Breteuil (parcus Britolli).
Les moines de l'abbaye de Lire, les habitants de Vieille
et Nouvelle-Lire avaient dans la forêt de Breteuil des droits
d'usage importants (1), ainsi que les ermites du Désert ou
Ermitage du Lerme, et divers paroisses et seigneurs (2)
du voisinage. La liste des usagers était sans fin, et cette
prodigalité des droits d'affouage, de paisson, de panage,
de récolte du bois mort et du mort-bois, amena forcé-
ment de graves abus dont la forêt eut grandement à souf-
rir. Celle-ci renfermait en outre de nombreux herbages
d'<jù les arbres avaient disparu et que s'efforçaient d'a-
grandir par des abatis faits à la dérobée ceux qui en
avaient la jouissance.
J'ai parlé tout à l'heure de la forêt de Bort ou Bourth,
dite aussi de Borz, comme étant dès le xii'^ siècle distraite
de celle de Breteuil. Elle paraît avoir occupé à cette épo-
que une portion notable du canton actuel de Yerneuil.
Elle répondait à la section la plus méridionale de la grande
(t) Le Prévost, ouv. cil. t. II, pari, ir, p. iG8.
(2) Voy. Le Prévost, ouv. cit. t. II, part, ii, p. 303.
314 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Sylva Eburovicwn, dont les forêts d'Évreux et de Conciles
occupent le centre. Elle est souvent mentionnée dans le
cartulaire de l'abbaye de Bon-Port avec celle d'Eavi {de
.4</^/o.s7'.s), dont je reparlerai plus loin (1). Au commence-
ment du règne de saint Louis, Gautier, châtelain de Vau-
dreuil, abandonna diverses portions de cette forêt à des
particuliers, sous condition de les défricher héréditaire-
ment, moyennant des rentes de 4, 5 ou 6 sous par an. Les
défrichements prirent assez d'extension pour l'obliger à
indemniser des graves préjudices qu'éprouvaient )<
moines de l'abbaye de Bon-Port, auxquels Bichard Cœur-
de-Lion avait fait de larges concessions dans la forêt (2).
En 1246, saint Louis accorda aux moines de cette abbaye
cent acres de terre dans la forêt (3), et en 1256 et 1280 ils
obtenaient des droits d'usage étendus ; mais ces conces-
sionsconduisirent parfois lesmoinesà dépasser leursdroits,
et ces usurpations ont dû ouvrir la porte à des dégâts qui
amenèrent de nouveaux défrichements. Ainsi nous voyons
Charles VI faire remise à ces religieux d'une amende do
30 francs qu'ils avaient encourue pour bois indûment j)ris
dans la forêt (4. Souvent mentionnée au xiii" siècle, la
forêt de Bort perdit peu à peu son importance. Le can-
ton actuel de Bugles, sur lequel elle s'étendait dans li
principe, fut graduellement déboisé, mais l'existence do
(1) Andrieux, Carlulaire de Vahbmjc royale de Notre-Damc-de-Bo)i -
port, de l'ordre de Clleaux au diocèse d'Eireux, p. 159, 331. (Evreu
1861.) La forêt de Bort est mentionnée dans les Comptes de saint Loin
sous les noms de foresta ou venda dejiorl. Voy. Historiens de Frum
t. XXI, p. 253, 255.
(2) Gallia chrisliana, t. XI, inslmm. c. cxxxvii. — Xcuslria Pin.
p. 197.
(3) Andrieux, Carlul. de l'abbaye de Donporl, p. 159. Une conces-
sion de droits d'usage dans la morne forêt fut encore accordée à celle
abbaye par saint Louis en 1250. — Voy. Andrieux, ouv, cil. p. 215.
(/j) Andrieux, oiiv. cit. p. 318, 372, 403.
CHAPITRE XIX. 315
bois détruits nous est encore attestée par les noms de di-
verses communes {Bois-Gautier, La Haie^ Silvestre, le
Bout-dn-Bois^ Bois-Béranger, etc.) (1).
Les forêts de Neubourg et de Beaumont-le-Roger re-
présentent les quartiers nord-ouest et ouest de l'ancienne
forêt des Eburovices. Celle-ci dut recouvrir les deux rives
de la Rille, car tout le plateau du canton de Beaumesnil,
qui longe la valide de cette rivière, était, aux x° et xi* siè-
cleS;, couvert de bois^, ainsi que le rappelle le grand nom-
bre de paroisses dans le nom desquelles entre le mot bois
ou bosc {Bosc-Renoîdt , Bois-Aitzerai, Bois-Nouvel , Bois-
Pantou , Bois-Normand, Bois-Mahiara) (2).
La forêt de Neubourg {Xoi-iburgi foresta), sise au nord
de cette petite ville, dut s'étendre anciennement beau
coup plus dans le sens septentrional et comprendre 6'rtm;^-
Mélin-du-Bosc et Saint-Nicolds-du-Bosc ; elle a pu faire
originairement corps avec la forêt de la Londe, qui se
trouve au nord d'Elbeuf, sur la rive gauche de la Seine,
et dont il sera parlé plus loin ; car l'espace qui les sépare
est semé d'une foule de localités accusant par leur nom
l'existence antérieure de bois. En 1281, la forêt de Neu-
bourg présentait déjà de vastes espaces cultivés (3), et en
1281, on dut fixer les limites de la paroisse de Sainte-Ca-
therine nouvellement fondée sur son territoire (4).
La forêt de Beaumont-le-Roger ne prit guère ce nom
qu'au xiv" siècle; elle le dut à la ville qui Favoisine, ville
qui reçut l'épithète de Roger, en mémoire du seigneur
(1) Le Prévost, Mémoires et noies, t. I, part, i, p. 2G0 ; t. II, part, i,
p. 237.
(2) Le Prévost, Mémoires el notes, t. I, part. ii. p. 373.
(3) Voy. le Cartulaire du chapitre d'Evreux cité par L. Delislo,
OUI», cit. p. 408.
(i) Delisle, 1. c.
316 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
de PonL-Audemer, dont la piété dola richement, au xi*" siè-
cle, sa collégiale (1). Dans le principe, la forêt portait le
nom de forêt d'Ouche {Occa sylva). Elle ne faisait d'abord
qu'un avec la forêt de Barc [forcsta Barchi) qui s'en était
détachée dès le xi^ siècle (2). La petite forêt de Plasnes
{Platanensis sylva) avait dû subir, par suite de la fonda- [
tion du village de ce nom (canton de Bernay), un défri-
chement dès l'époque mérovingienne. Au xv*" siècle, elle
ne recevait plus que la qualification de Pwc (3).
Ens'avançant au nord de la forêt de Neubourg, on ren-
contre les deux forêts de la Londe et de Montfort, qu'on
peut, ainsi que celle de Rouvray, regarder comme les dé-
bris de la partie la plus septentrionale de la forêt des
Eburovices. Ces trois forêts recouvraient toute la rive gau-
che de la Seine entre Saint-Sever et Vieux-Port.
La forêt de la Londe, qui ouibrage encore aujourd'hui
une partie du canton de Bourg-Théroulde, et s'avançait
au siècle dernier jusqu'aux portes d'Elbeuf, est plusieurs
fois meivlionnée dans les documents des xif et xiif siècles,
époque à laquelle elle fut singulièrement éclaircie. Cet!'
circonstance lui valut le surnom de foret des Essaris (4).
il n'est pas impossible qu'elle se soit rattachée, dans
les temps primitifs, à la forêt de Pont-de-l' Arche , qui
allait autrefois de cettt ville aux abords de Louviers.
On sait en effet que les environs de cette dernière ville
furent naguère beaucoup plus boisés qu'ils ne le sont de
(1) Le Prévost, Mnnoircs el noies, t. 1, [lart. i, p. 202 et suiv. , 22 i.
Roger, lils d'Onfroy, accorda de grandes donations à la collégiale, depui>
prieuré de la Trinité de Bcaumont, notamment des dîmes sur les forèls
d'Ouche et de Barc.
(2) Le Prévost, t. I, ]). 98 et 14G.
(3) Le Prévost, ouv. cil. t. II, part. ii,p. SU.
(4) Voy. Rôles de V Echiquier, 1. 1, p. 08 et 14G.
CHAPITRE XIX. 317
nos jours (1). Dans les Comptes de saint Louis, la forêt de
la Londe n'est mentionnée que sous le nom de venda
Londœ (2). En 1218, le bois de Rispeville qui s'en était
détaché, commençait à être mis en culture. A cette date,
un seigneur, du nom de Jean Gommin, dans une charte
relative au bois ainsi appelé (3), et au manoir de Beaure-
paire, prévoit le cas où le grand nombre de défrichements
et l'établissement de nouvelles habitations dans ledit bois
nécessiteraient la construction d'une église (4).
La forêt de la Londe s'était, sans doute, d'abord confondue
avec laforêtde Beaulieu qui, depuis, pritle nom àe forêt de
Maumj. En 1225, on voit les moines du Bec se réserver les
deux tiers des dîmes des essarts dans la forêt de Beaulieu et
laisser le reste à l'église de Mauny (5). En 1266, les défri-
chements exécutés dans les vingt dernières années obligè-
rent Eudes Rigaud à fixer les limites de la paroisse d'Iville.
Cinq ans plus tard, il dut ériger la chapelle de Mauny en
église paroissiale (6). Le village de Bosnormand, qui est
antérieur au xiif sièclCj occupe un territoire conquis sur
la forêt de la Londe (7). Au y.is" siècle, cette forêt était
i\) Une partie des bois de ce canton lurent essartés par les moines de
l'abbaye du Bec. Voy. Le Prévost, ouv. cit. t. II, part, i, p. 231.
(2) Uisloriens de France, t. XXI, p. 255.
(3) C'est le hois ou hosc Bénard-Commin qui a laissé son nom ,i un
village du canton de Bourg-Théroulde, et qui fut partagé en deux au
xii« siècle ; le hosc Bénard-Commin et le hosc Bénard de Cressi. (Voy. Le
Prévost, Mémoires et noies, t. I, part, ii, p, 3G9, 370.) Ces deux bois
devaient être d'anciens écarts de la forêt de la Londe.
(49 Carlul. de Saint-Georges, dans Delisle, p. 407.
(r>) Carlulairc de 5ai«/-/mer, dans Delisle, p. 407.
(6) Cartidaire deSaint-Imcr^l. c.
(7) La forêt de Monlfort {foresla Mentis Forlh] est mentionnée dans les
pièces du parlement de 1256 et 1258. Olim, éd. Beugnot, t. I, p. û
et 69. Le bois qu'on coupait alors dans cette forêt était amené par eau à
Pont-Audemer.
318 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
plantée en grande partie de hêtres, comme cela ressort
de ce qui en est dit dans le Coutumier des forêts de Nor-
mandie.
La forêt de Montfort, qui s'étend au nord de Glos-sur-
Rille, constituait déjà une forêt séparée au xi' siècle,
époque à laquelle quelques essarts y avaient été ou-
Terts. C'était une propriété des comtes de Montfort (1) ;
les habitants de la ville et de divers villages voisins y
avaient des droits étendus, ainsi qu'en témoigne le Coutu-
mier des forêts de Norjnandie (2). Peuplée d'essenci
variées, chênes, hêtres, bouleaux, frênes, trembles, etc. (3),
cette forêt devait s'être détachée, quelques siècles aupara-
vant, de la forêt de Brotoune. On peut donc la considérer
comme en ayant formé à l'origine la partie méridionale.
Elle n'en était, au siècle dernier, séparée que par le vaste
essart dans lequel s'élevèrent les paroisses de Rougemon-
tier et d'Eturqueraie, et où une foule de lieux-dits rap-
pellent l'ancienne présence des bois. |
La forêt de Bretonne {Brotona, Britonîs ou Brothon't"
5y/tY/)(4) apparaît déjà sous ce nom dès les viii'' et ix' siècle-,
on la trouve notamment ainsi désignée dans Orderi(
Vital (5). Elle le dut, suivant l'opinion commune, au Bre-
ton saint Condé, auquel Thierry III avait donné la partie de
cette forêt que posséda plus tard l'abbaye de Saint-Wan-
drille. Elle portait antérieurement le nom de Arelaunum
(t) Le Prévost, Mémoires et noies, 1. 1, part, ii, p. 369 et suiv.
(2) Le Prévost, Mémoires et notes, t. I, part, ii, p. 412; t. II, part, i,
p. 109, 187. Ces droits ont été parfois l'objet de procès qui furent portés
au Parlement. Voy. Ûlim, t. I, p. 0.
(3) Le Prévost, ouv. cit. t. I, Part, ii, p.- 412, t. II, Part, ii, p. 118.
(4) Abbé Cochet, La Seine-Inférieure historique et archéologiqu
époque gauloise, romaine et franque, p. 315.
(5) Orderic Vital, lib. XI, 39, p. 456, éd. Le Prévost.
CHAPITRE XIX. 319
sijlva ou de Salhis Arelaimensis, lequel est mentionné par
l'auteur des Gesta reginn qui l'identifie avec la forêt où,
selon Grégoire de Tours (1), se réfugia en 537, Glotaire I",
roi de Soissons, poursuivi par son frère Childebert I°% roi
de Paris, et son neveu ThéodebertP% roi de Metz.
Jusqu'au xv'' siècle, les rois de France continuèrent à
aller chasser dans la forêt de Brotonne, qui était alors par-
tagée entre les communes de Vatteville-Ja-Rue et deGuer-
baville-la-Mailleraye.
Quoique très-importante sous nos premiers rois, cette
forêt avait pourtant déjà subi, à l'époque romaine, de
notables défrichements. A son voisinage s'élevait une
villa romaine qui devint sous les Mérovingiens une. villa
royale. On a trouvé dans la forêt de Brotonne des anti-
quités romaines (2) ; on y a même observé des fosses de 4
à 5 mètres de profondeur et de 10 à 12 de diamètre, qui
semblent remonter à l'époque celtique et que l'on nomme
Puits du trésor (3) .
Cette forêt n'échappa pas plus à la cognée que les au-
tres forêts de la Normandie. Une curieuse charte, éma-
née de Renaud, abbé de Saint-Wandrille, et qui porte la
date de 1202, y mentionne des défrichements considéra-
bles (4). Mais, quelque étendue qu'ait été avant cette épo-
que sa superficie, quoique elle ait dû s'avancer au sud au
delà de Routot, elle n'a jamais pu dépasser à l'ouest le
Vieux-Port. Au reste, la physionomie de cette belle forêt
(1) Grégoire de Tours, Ilisior. eccïes. Francor. III, c. xxviii. Voy. ce
qui a été dit p. 259, note 5.
(2) Gocliet, 1. c. CL AvcJiives de r Empire, Trésor des cliarles, P. 277,
n° 241. — Dibliolhèque de l'Ecole des cliarles, t. IV, p. 587.
(3) Cochet, oui\ cil. p. 311.
(4} Voy, Cariulaire de Saint-Wandrillc, cité par Delisle, ouv. cit.
p. 40G.
320 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
doit avoir peu changé, et au xiv= siècle, elle était plantée
comme aujourd'hui de chêiies et de hêtres (1).
La forêt de Rouvray dont le nom, Roveretwn, rappelle
l'essence (/?o6wr) qui y dominait, doit avoir primitive-
ment recouvert toute l'espèce d'île ou de presqu'île que
dessine la sinuosité de la Seine, d'Elbeuf à La Bouille.
Le nom de Saint-Élienne-du-Rouvray indique qu'elle s'est
prolongée autrefois jusque sur le territoire de ce village.
Un grand nombre de noms de lieux rappelant la présence
des bois (2) donne à penser que naguère cette foret s'avan-
ça beaucoup plus dans la direction de l'ouest et du sud-
ouest. Elle ne faisait en réalité qu'un avec la forêt de la
Londe, dont elle n'est encore séparée, sur certains points,
que par un espace assez étroit.
Les chartes parlent peu de la forêt de Rouvray. Il est
question de trois cents acres de landes qu'accorda avec
droit d'usage le roi d'Angleterre, Henri II, en des bois
qui paraissent en avoir dépendu, aux hôtes établis par
Martin de la Heuse (3). On sait d'autre part que ce fut
dans cette forêt, où il était allé chasser, que Guillaume
le Bâtard, dit depuis le Conquérant, apprit qu'Harold
s'était fait proclamer roi d'Angleterre (4).
Aux environs de Rouen existait une autre forêt qui n'a
laissé que d'insignifiants vestiges. C'est celle de Silvei-
son, qu'à partir du xv*" siècle, on commença à désigner
le plus ordinairement sous le nom de Foret- Verte. Aux xu*
et xiii'" siècles, les moines de St-Oucn qui l'avaient reçue
en donation de Robert le Magnifique, y établirent des co-
(1) Le Prévost, Mémoires et 7Wlcs, t. I, pari, ii, p. 379.
('2) "Voy. la carte de Cassini.
(3) Cniiulaire de Sainl-hnri\ dans Delislo, oiii\ cil. p. 408, OUm, t. I,
p. 50'2.
(4) Edlrail de la Chronique de Sormandic, dans les IJislorirns de
France, t. XIII, p. TH.
CHAPITRE XIX. 321
Ions; ce qui fut l'origine des \illages d'Isneau ville et de
Quinquempoist (1). Une charte de Renaud du Bois, de l'an
i212, nous apprend que les religieux, à cette époque,
essartaient un canton de la forêt yerte dit : la Housscuje-
crisneauville. Des chartes d'une date antérieure mention-
nent d'autres défrichements opérés par les moines dans
les forêts aujourd'hui presque totalement détruites de
Préaux et de Cailli (2).
La forêt deRoumare {Romariœ for esta, Rotmarcmis sfjlva)
citée dans les Comptes de saint Louis (3), tapisse les abords
de la Seine au voisinage de Ducler (4) et fait face à celles de
Rouvray et de La Londe sises sur la rive opposée. Forcé-
ment limitée par l'isthme de la Seine où elle se trouve,
elle n'a jamais pu occuper un espace plus étendu que cet
isthme même. C'est au règne d'Henri II, roi d'Angleterre,
que remontent les premiers défrichements importants
qui y furent exécutés. Les abbayes de Bondeville et Saint-
Georges enlevèrent des pai ties considérables de cette forêt
pour les livrer à la culture (5).
La forêt de Maulevrier, qui se confondait dans le prin-
cipe avec celle du Trait, située au S.-E. de Caudebec, doit
être également signalée comme l'une des plus impor-
tantes de cette région de la haute Normandie. Elle
subit de bonne heure de grandes réductions, par suite
des travaux de défrichements dus aux moines de Rovau-
(1) Voy. Delisle, ouv. cil. p. 402.
(2) Voy. les passages donnés dans Delisle, p. 403.
(3) Venda Romariic. -~ Ilisioriens de France, t. XXI, p. 255.
(4) liomara sylva. Orderic Vital, éd. Le Prévost, t. V, p. 125. On
retrouve dans ce nom de Rotmara la racine Rot, qui entre dans Ro-
luvtagus, et qui appartenait sans doute au nom celtique du Rou-
mois.
(5) Delisle, ouv. cit. j). 403. CarUduire de Bondeville et des Em-
murées.
21
322! LES FORÊTS DELA GAULE ET DE l'ANCIENNE FRANCE.
mont (1). Le bois de Beauvoir en avait probablement
dépendu à l'origine, et, au commencement du xnf siè-
cle, Richard d'Yvetot fit dans cette forêt des essarts
considérables où il bâtit une chapelle à saint Mi-
chel (2j.
Les ducs de la maison d'Anjou furent les auteurs de
vastes défrichements dans la foret de Lillcbonne (3), où
s'ouvrirent de telles éclaircies, qu'elle n'a pas tardé à dis-
paraître complètement. Le rôle de l'échiquier de 1180
parle des nouveaux villages établis dans cette forêt, villa-
ges dont la liste nous est exactement fournie par l'accord
conclu, la môme année, entre les abbayes de Yallemont,
de Moutivillicrs et de St-Georges, au sujet des églises et des
dîmes de la forôt. L'abbaye de Vallemont obtint les églises
de Saint-Gilles, de Saint-Thomas et de Saint-Blaise-du-
Parc; les abbayes de Saint-Georges et de I^Iontivilliers
eurent les deux tiers des gerbes de Saint-Jean-de-la-Neu-
ville et de Notre-Dame-du-Herteley (4). Le village de la
Remuée est d'une origine un peu plus récente: il eut pour
fondateur Renaud, comte de Boulogne (5). Le nom de St-
Antoinc-dc-la-Forct nous indique jusqu'où s'avançait la
forôt; il en est de môme du nom de St-Jean-des-Essarts,
village situé en aval de Lillebonne. Le petit bois de Tau-
carville, sis plus au sud, était, au siècle dernier, avec
quelques autres bouquets plus voisins de l'antique Julia-
hûna, le seul vestige de cette large bande arborescente.
L'inspection de la carte suffit pour faire reconnaître que
tout le pays dut ôtrc originairement boisé jusqu'à Bolbec.
(1) Delisle, ouv. cit. p. 404.
(2) Voy. le grand Carlul-aire de Jumiéges. n» 380.
(3) Voy. les Rôles de l'Ecltiquier, i. 1, p. 90, et les Rôles nornuinds,
«)t<^s par M. Delisle, p. 405.
(4) Olim, t. I, p. 733, cités par M. Delisle.
(5j Carluluire de CrrariV/c, cité jtar M. Delisle, p. 405.
CHAPITRE XIX. 323
La foret de Fécamp {Fiscanne.nsis sylva on solfiai) est une
de celles que la hache du paysan normand a le pluséclair-
cie. Elle recouvrait, au temps des rois francs et même
sous les premiers ducs de Normandie, toute cette contrée
maritime qui s'étend depais les Dalles jusqu'au delà d'E-
tretat, et ses seigneurs s'y donnaient souvent les plaisirs
de la chasse (1). Aux xi*" et xii*" siècles, Fécamp était en-
core enveloppée de forêts ; telle Baudry, archevêque de
Dole, nous dépeint cette ville (2). Le démembrement de
la Fiscannensis sylva a été surtout le résidtat de la fonda-
tion, sur son domaine, d'un grand nombre d'églises, de
prieurés, de chapelles. Divers seigneurs s'en partr gèrent
les tronçons. L'abbé de Fécamp se réserva les bois de
Hogues {sylva de Hoyis) (3) déjà cités dans la Chroni-
que de Normandie (4) ; la conservation de ceux des Loges
est due aux Etoutteville, châtelains de Valmont, qui les
possédaient depuis des siècles. Le bois de Bocquelon est
un autre débris de cette grande couche forestière dont le
souvenir subsiste encore au nord et à l'ouest de Fécamp,
dans des lieux-dits tels que les Plantis, la Rue-sous-
Bofs(^), etc.
La forêt d'Eu subit, du xi" au xir siècle, des défriche-
ments qui eurent pour effet de la scinder en deux forêts
distinctes: la haute et la basse foret d'Eu. La partie située
à l'est de Foucarmont fut mise, alors, en culture par
(1) Ansegise, Lothaire cl Waninge chassèrent dans cette forêt. Xcus-
■ Iria iiia, p. 196, 198, 199.
(2) « Al) hinc sylvulâ pralissimà circumsoptus. » Neustria pia,
p. Û8.
(3) L. Dclisle, ouv. cit. p. 400.
(4) Historiens de France, t. XIII, p. 251, b. Cf. Robert, abb. de
Monte, Appendix ad Sicjeherhnn, ibid. ]). 30G.
(5) Cochet, La Seine-Infcrieure hislorique et archéologique, époques
gauloise, romaine el franque, p. 200, 238. — La Xormandie souter-
raine, ch. VII, p. 70.
324 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
les moines de l'abbaye fondée dans cette localité. Henri ÏI,
roi d'Angleterre, confiima la possession qui leur avait été
accordée du lieu appelé Beloi et celle du canton de la forêt
qui l'avoisine et qu'ils devaient défricher (1). Ces religieux
mirent également en rapport le quartier de la forêt d'Eu
situé du côté d'Onnemesnil, et sur lequel ils conservè-
rent le droit de lever la dîme (2). Sous le règne de saint
Louis, les paroisses de Réalcamp et d'Aubignemont furent
fondées dans la même forêt par la comtesse d'Eu (3), et
voilà comment prit naissance la vaste clairière qui sépare
les deux forêts d'Eu. A l'origine, la gronde forêt de ce nom
dut aller jusqu'à la Bresle; celle-ci la séparait d'autres fo-
rêts, qui peuvent aussi être regardées comme en étant d'an-
tiques démembrements; telle est notamment celle d'Ar-
gueil située près d'Aumale. Les noms de plusieurs localités
sises entre ces deux forêts, Saint-Lé(jer-au-Hois, le Buis-
son, la Hoitssaye, Saint-Mariin-fiu-ïïois, prouvent l'exten-
sion originelle de la végétation arborescente dans cette
direction.
La forêt d'Arqués, qui avait encore, au siècle dernier,
une certaine importance, et qui s'étend au sud-est ^de
Dieppe, formait originairement une bande de plus de 30
kilomètres; car trois autres forêts, presque contiguës,
n'en sont que d'anciennes subdivisions. La première de
ces trois forêts est désignée dans Cassini sous le nom de
forH des Ventes; elle s'avançait à l'ouest jusqu'à la rive
droite de la rivière d'Arqués ; vient ensuite la forêt d'Eavi,
dont j'ai d('^à parlé plus haut (4) et qui fut un des théâtres
(1) Voy. Carhilnirc de Foucarmont. cité par Delisle, oiiv. cil. p. 398,
noie.
(2) Ibid. Delisle, p. ^96.
(3) Carlulaire de Pliil. dWlcnçon, cil'i par Delisle, p. 399, noie.
(4) Voy. ci-dessus, p. 31 i.
I
CHAPITRE XIX.
de l'activité des religieux de Royaumont. Elle présentait
déjà des essarts considérables au temps de Guillaume le
■Conquérant (1). La rivière d'Arqués en formait, comme
pour la précédente, la frontière occidenlale. Sa plus grande
extension au sud nous est indiquée par une foule de
noms de lieux rappelant la présence des bois : Bosc-
Mcmil, Neufbosc, Bosc-Bordel, BoHC-Kdeline, Rourraij,
Bois(ji(ilbert, Bosc-Asselln, Bois-Hcroult, etc. Un ])etit bois
marqué encore dans Cassini au nord-ouest de Sigy, sem-
ble être le dernier vestige de la partie orientale de l'an-
cienne forêt d'Eavi. La foret d'Alihermont, quand elle fut
abandonnée par Richard Cœur-de-Lion à Gautier de Cou-
tances, se confondait presque avec La Haye d'Arqués (2).
En 1217, l'archevêque de Rouen transigea avec Robert de
Saint-Valery et ses hommes de Saint-Aubin relativement
au nouveau village fondé par le prélat entre cette localité
et Envermeu (3). Un autre accord, conclu en 1255, prouve
qu'à cette époque la foret était déjà fort démantelée.
La forêt de Bray peut être regardée comme l'extrémité
la plus méridionale de la bande forestière dont la forêt
d'Arqués représentait la tête du côté de la Manche ; car
au siècle dernier, elle se continuait encore à l'ouest et au
nord-ouest, sauf quelques étroites interruptions, jusqu'à
la forêt d'Eavi. L'ancien pays de Bray {patjus Ih-acim) avait
été à l'origine très-boisé (4); ce n'était en réalité qu'une
(1) Voy. Garlulairede Sainl-Amand, cité par M. Delisle, p. 401, note.
(2) Roluli Norman, cités par M. Delisle, ouv. cilé p. 400. note. Cf. Le
Prévost, Mémoires et noies sur le déparlcment de rEure, t. 1, Part, i,
p. 104.
(3) Carlul. de PIùl. d'Alençon, cité par Delisle, p. 400, note.
(4) Ce nom, identique à celui de Brie, signifiait fangeux. Il a servi à
former un grand nombre de dénominations de lieux : Folembray, Osem-
bray, Tinchebray, Vibraye, etc. Voy. Lehéricher, Pliilologie de la Nor-
mandie, dans les Mémoires de la Société des Anliq. de Normandie,
t. XXV, p. î-29. Saulx-Tavanncs, dans ses Mémoires (t. II, p. 380,
32(5 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
forêt ; son défrichement amena, ainsi que nous avons vu
que cela était arrivé pour d'autres, la création d'un pays,
celui de Bray ; de là l'épithète de en Jhrnj, donnée à quel-
ques localités {Eibeuf-en-Braij, Mortemer-en-Brcnj).
Cette forêt formait vraisemblablement avec celle de
Lyons ou Léon» la marche qui séparait le pays des Velio-
casses de celui des Bellovaques. La forêt de Lyons est fré-
quemment mentionnée au moyen âge sous le nom de
Leonis ou Leonum sylva (1). Mais ce nom de Lyons est une
corruption du vieux français : Li-IIons ou Li-Homs, c'est-
à-dire « les hameaux. » La forêt avait été ainsi appelée à
raison du grand nombre de petites habitations qui s'y
élevèrent, après que le défrichement en eut été commencé.
Les premiers défrichements doivent remonter à l'époque
gallo-romaine, car on trouve sur le territoire de la forêt
de Lyons des restes de construction datant de cet âge (2).
De là les noms de Beauvoir-en-Lijons, La Ilaye-en-Lyonsi^).
C'est dans la forêt de Lyons que fut fondée, au xii^ siècle,
la célèbre abbaye deMortemer (•4) dont les moines établirent
de nombreuses gronges en différents points de la Leonis
sylva où ils jouissaient de droits étendus (5). A la fin du
xiii" siècle, la paroisse de Beauficel (6) s'éleva sur une
éd. Petitot), appelle le pays de Bray, un pays plein de bois, marais,
fanges el broussailles. (Voy. sur ce pays A. Passy, Description géolo-
gique du déparlement de lu Seine-hiférieitre, t. 1, p. 196.
(1) Orderic Vital, éd. Le Prévost, t. IV, p. 35o, t. Y, p. 179, Voy.
II. Valesius, Notilia Galliaruvi, p. 271.
(1) Voy. A. Le Prévost, Mémor. el notes, t. Il, Part, ii, p. 313.
(3) Voy. Noël, Essais sur le département de la Scine-fnférieurc. t. I.
p. 31. (Rouen, 1795.)
(4) Gallia chrislian. t. XI, col. 307. Ecoles. Bolomag.
(5) Voy. Delisle, ouvr. cil. p. 395. A. Le Prévost, oui'. fi7. p.'3l9,
relate ces droits. Les abbés de Morteiner avaient aussi des droits dans
les forêts do Baqueville, d'Andely et de Portniort.
(G) CaHuluir. de Pliil. d'Alençon, cité par M. Delisle, p. 401.
CHAPITRE XIX. 327
partie défrichée de ce canton. A partir de la fin du xt' siè-
cle, g-râce à la facilité de transport que présentait l'An-
delle, les bois de la forêt de Lyons furent largement
coupés et transportés à Paris (1). Aux xii*" et xiii^ siècles,
il existait déjà dans la forêt de Lyons de vastes landes
d'où les arbres avaient disparu. Telles étaient la lande
de Mate?' ou Amara Herba, « l'herbe amère » (2), celle de
Corcel, dont parle Robert Wace (3).
A la fin du xiv^ siècle, les rois possédaient en cette forêt
une maison de plaisance^, Folleye ou Fouillée, construite
dans l'un des nombreux essarts qu'elle présentait dès
cette époque (4). Bézu -la-Forêt s'éleva pareillement dans
une des clairières de la forêt de Lyons ; les habitants de ce
bourg y avaient, au xiv^ siècle, conjointement avec ceux
de Fleury-sur-AndellC;, de Lisors, de La Haye-en-Lyons,
de Lilly, de iMorguy, de ]\îartigny, des droits d'usage qui
provenaient de ce que ces diverses localités appartenaient
dans le principe au territoire occupé par la forêt (5).
Au siècle dernier, la forêt de Lyons n'était plus qu'un
assemblage de lambeaux disjoints portant de nombreu-
ses traces de dévastation (6). Toutefois les débris qui en
subsistent encore ne sont pas sans magnificence. La po-
pulation sylvaine qui l'habite, et qui y vit de l'industrie
de la saboterie, y a conservé en partie la simplicité et la
rudesse des mœurs de nos ancêtres.
(1) Voy. Baudrillart, Diclionnairc gênerai des Eaux et Forcis, art.
Flottage.
(2) Delisle, ouïr. cit. p. 370.
(3) Roman de Rou, v. 5GG68. — En mai 1305, Enguerrand de Mari-
gny reçut do Philippe le Bel les landes de la forêt de Lyons, situées près
Longchamp. Le Prévost, ouv. cil. p. 361.
(4) Du Gange, Glossarium, éd. Henschel, t. V, p. 21.
(5,' Voy. Le Prévost, Mémoires et notes, t. I, Part, ii, p. 339; t. II,
Part. Il, p. 313, 314, 356.
(6) Voy. la carie de Cassini.
328 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
La foret dite des Sept- Villes a dû originairement ne faire
qu'un avec la forêt ou buisson de Bleu, qui en est distante
d'un kilomètre seulement, et constituait dans le principe
un simple canton de celle de Gi;ors, mentionnée dans le
Coutumier des forets de Normandie, et où le prieur de l'hô-
pital df Néaufle-St-Martin jouissait des droits d'usage.
Les trois noms finirent par se confondre. On appela forêt
de Bleu celle qui s'étendait sur les sept communes de
Mainneville, Ilébécourt, Tierceville, St-Denis-le-Ferment,
Sancourt, Heudicourt et Amécourt, voisines de Gisors,
communes désignées sous le nom des Sept-Villes'de-Bleu.
Cette forêt, dont les lial^itants desdites communes étaient
usagers, parait avoir été en grande partie déracinée par
un ouragan en 1519. Le terrain de la forêt des sept
communes de Bleu devint alors un objet continuel de
contestation, et le défrichement s'en opéra graduelle-
ment (1).
La forêt de Long-Boël, qui s'étendait jusque sur la rive
droite de la Seine, presque en face de la forêt de Pont-de-
l'Arche, ombrageant la rive opposée, a dû toujours avoir
pour limite ce fleuve et la petite rivière d'Andolle ; mais
elle remontait jadis beaucoup plus au nord. Comme celle
d'Eavi, elle dut aux moines de l'abbaye de Royaumont
ses principaux défrichements (2), et, selon toute appa-
rence, la paroisse de la Neuville-Champ-d'Oiicl fut prise
sur le territoire déboisé de cette forêt (3).
La forêt de Long-Boël est déjà mentionnée sous ce nom
dans les Comptes de saint Louis (4) (l'e/ula lonr/i Boelli) ;
(1) Le Prévost, ouv. cil. t. II, Part, ii, p. 36i, 'i45.
(2) Voy. Delisle, ouv. ct7. p. 396.
(3) Ld commune de Boos doit aussi être une conquête faite sur la
Forêt.
(4; Historiens de France, t. XXI, p. 271.
CHAPITRE XIX. 329
elle le dut aux Bock ou masures qu'y avaient construites
les colons qui la défrichèrent en divers points.
Cette forêt est un des principaux tronçons de la grande
zone forestière qui commençant aux environs d'Eu se con-
tinuait, par le comtéd'Evreux, jusqu'auPerche, et dont je
viens de passer en revue les nombreux segments.
330 LES FORÊTS DE LA GAULE Eï DE l' ANCIENNE FRANCE.
CHAPITRE XX.
KTAT FORESTIER DE LA BRETAGNE AL* MOYEN AGE.
L'Armorique, par la naiiire de son sol, ne se prêtait
pas, à beaucoup près, autant que la Normandie au déve-
loppement des forêts. Les landes, où l'ajonc et le genêt
chassent presque toute autre végétation, y ont toujours
occupé des espaces considérables, surtout dans l'ancienne
Domnonée. Toutefois, il n'y a pas encore bien longtemps
que plusieurs des cimes de l' Arrhes se dérobaient sous
un manteau arborescent, dont les progrès de l'agriculture
et le besoin de combustible ont fini par les dépouiller.
Dans la partie de la Bretagne confinant à l'Anjou, au
Maine, à la Normandie, les forêts prenaient plus d'éten-
due et de profondeur, et au siècle dernier, il subsistait de
nombreux débris de la grande marche forestière qui sé-
parait les territoires des Abrmcatui, des Diqblintes, des
Andecavi^ de ceux des Nannetes et des Bédanes. En effet,
quand on s'avance du bord de l'Erdre vers lés sources de
la Vilaine, on rencontre sur une zone de peu de largeur,
les forêts de Juigné, d'Araise, d'Ombrée et Graon, et à
l'ouest celle de la Guerche, celle de Pertre, faisant corps
peut-être dans le principe, par les bois de Pars, avec la fo-
rôl de Concise dont j'ai déjà parlé. Ges diverses forêts qui
occupent sur la carte de Cassini une superficie notable,
sont aujourd'hui bien réduites.
Entre toutes les forêts de l'Armorique, celle qui a vu lo
plus se rétrécir son domaine, et qui jouissait au moyen
âge du plus de célébrité, est celle de Quintin, connue
CHAPITRE XX, 331
jadis sous les noms de Brocélian, Brocéliande, Brrchéliant,
Brécilien, Bréchilien, de forêt de Barenton, et surnommée
la forêt de la retraite montagneuse (1). Elle divisait jadis
en deux parties, Tune septentrionale, l'autre méridionale,
la presqu'île armoricaine. Quand les traditions galloises
eurent pénétré en Bretagne, on la confondit avec la forêt de
Calidon, où Geoffroy de Monmoutli (2) raconte que IMerlin
s'était retiré. La légende d'outremer se localisa dans la
forêt bretonne, et on la représenta en conséquence comme
la demeure du fameux magicien (3). Elle s'offrit dès lors
à la croyance populaire, comme un lieu d'enchaiiLements.
Le trouvère Robert Wace y alla vainement chercher les
fées qui, au dire. des Bretons de son temps, y faisaient
leur séjour; il s'en revint, sans avoir rien pu voir, s'écriant
avec un accent d'incrédulité : Fol y allais^ fol ni en re-
vins.
A la fin du xif siècle, Chrétien de Troyes, plus enthou-
siaste, chanta les merveilles de la forêt armoricaine. Dans
lepoëme qu'il a composé sous le titre du Chevalier au lion,
Yvain le héros se rend à la fontaine de Baranton, située
au milieu de la forêt de Brécilient et dont Calogrenaut lui
a vanté les prodiges. Il y rencontre un géant auquel obéis-
sent les bêtes du bois. L'eau qu'il puise dans la fontaine
à l'aide d'un bassin d'or, et qu'il répand, excite une
épouvantable tempête qui fait accourir le seigneur du
lieu ; Yvain le combat, le blesse mortellement, le poursuit,
entre avec lui dans son château, maisy est retenu pi-ison-
(1) Tel est le sens du mot Brécilicn ou Brêxilie7i; car ce mot signifie
proprement : les asiles de la monlagnc de Bré. Le mot A'/Z, Kill (pluriel,
Killicn) se retrouve dans le nom d'I-Colm-Kill, dont le sens est : Brlrailc
de Sainl-Colm (Columban), du7is FUe d'I.
(2) Voy. Galfrid. de Monemuta, Vila MerUni, édit. Fr. Michel, v. 132,
23'J et suiv. p. 10.
(3) Voy. Th. de la Villemarqué, L'Enchanteur Merlin {Myrdhinn),
son histoire, ses œuvres, son influence, p. 71. (PariS; 1862.)
332 LES FORÊTS DE LA. GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
nier. Il est délivré par une demoiselle nommée Lunette, àj
laquelle il a eu le bonheur d'être utile. Celle-ci le rend]
invisible au moyen d'un anneau magique (i).
Chrétien de Troyes, guidé par Robert Wace, nous a
donné une description un peu fantastique de cette forêt (2).
Elle a été copiée au siècle suivant par lluon dcMéry dans
son Tournoiement de l'Antéchrist (3j, et cent ans plus tard,
par l'auteur de l' Image du monde (4).
Ces fables dont la forêt de Bréchéliant élait deve-
nue le sujet, semblent avoir inspiré l'auteur du roman
de Iluon de Bordeaux dans ce qu'il rapporte de la fo-
rêt enchantée où habitait, avec ses chevaliers fées, le nain
Obcron qui, comme le seigneur mystérieux de la forêt
bretonne, commandait aux bêtes fauves, et au son de
son cor, provoquait les tempêtes. Oberon donné comme
le fils de la fée Morgane est une imitation affaiblie de
Merlin (5).
On trouve, dans un curieux documentdu milieu du xv"^
siècle, mais qui relate des usages et des données d'une
date bien plus reculée (6), une description de la forêt de
Bréchéliant. En voici quelques passages:
«Ladicteforestestdegrant et spacieuse estandue, appe-
(1) Voy. Th. de la Villemaniué, les Homans de la Table ronde, y Cd.
p. 87 et suiv.
(2) Voy. ce morceau donne à la suite du Tournoiement de l'Antc-
chrisl, éd. P. Tarbé, ]>. I J 4 et suiv. Cf. Leroux de Lincy, le Livre des
Légendes, introduction, p. 97, et l'appendice n° 1.
(3) Voy. le Tournoiement de rAntcchrisl, par lluon de Méry, éd.
Tarbé, p. 125.
(4) La Villemarriué, les Romans de la Table ronde, p. 231.
(5) Voy. ce qui est dit dans l'introduction de lluon de Bordeaus,
chanson de geste, publiée par F. Guessard et G. Grandmaison, p. xxn,
XXXI. (Paris, 18G0.)
(6) Voy. Aurcl. de Gourson, Carlulaire de l'abbaye de Redon, Éclair-
cissements, p. cccLxxxvi. Les usements et couslumes de la foresl de BvC-
rilien.
CHAPITRE XX. 333
lëe mère forest, contenant sept lieulx de long et de lèse
deux et plus, habitée d'abbayes, prieurez de religieulx,
et dames en grand nombre, ainsi qu'est décléré cy davant
ou chappitre des usagiers, touz fondez de la seigneurie de
Montfort et de Lolieac, qui leur ont donné le droiz et pri-
vilé^ez dont davant est fait mencion.
Item, en ladicte forest y a 'quatre chasteaulx et mesons
fortes, grant nombre de beaulx estangs, et des plus bel-
les chassez que on pourrait aultre part trouvez.
Item, en la dicte forest y a deux cens brieuc de boays,
chacun portant son nom différent de l'autre, et ainsi que
on dit, autant de fontaynes chacime portant son nom.
Item, entre aultres desbrieuc da la dicte forest, y a un
breil nommé le breil au seigneur auquel james n'abite ne
ne peult abiter aucune beste venymeuse ne portante ve-
nin, ne nulles mouches, et quant on y apporterait au dit
breil aucune beste venymeuse, tantost est morte et n'y
peult avoir vie, et quand les bestes pasturantes, en ladicte
forest sont couvertes de mouches, et en mouchant elle
peut recouvrez le dit breil, soudaynémentles dictes mou-
ches se départent et vont hors d'icelui breil.
Item, auprès du dict breil, y a ung aultre breil nommé
le breil de Bellenton, et auprès d'icelui y a une fontayne
nommée la fontayne de Bellenton, auprès de laquelle fon-
tayne, le bon chevalier Pontusfist ses armes, ainsi que on
peult voir par le livre qui de ce fut composé.
Item, joignant la dicte fontayne, y a une grosse pierre
que on nomme le perron de Bellenton , et toutes les
foiz que le seigneur de Monfort vient à la dicte fontayne,
et de l'eau d'icelle arouse et mouUe le dit perron, quelque
challeur temps assuré de pluye, quelque part que soit le
vent, et que chacun pourrait dire que le temps ne serait
aucunement disposé à pluye ; tantost et en peu d'espace
334 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
aucunes foiz plus tost que le dit seigneur ne aura peu re*'
coupvrez son chasteau dcGomper, aulters foiz plus tart,
et qui que soit aiiis que soit la fin d'icelui jour, pleut ou
pays si liabnndamment que la terre et les biens estans en
ycelle en sont arousez et moult leur proufite. »
Telle était l'étendue de cctle forêt, qui allait des envi-
rons de ^lontfort-sur-Meu aux portes de Corlay (Côtes-du-
Nord), que dans Tenceinte qu'elle présentait encore au
moyen âge, s'élevaient cinq abbayes : l'abbaye de Saint-
Méen (\), fondée au vii^ siècle, détruite au viii% rétablie
sous Cliarlemagne, et enfin détruite de fond en comble au
x^ siècle par les ^'ormands ; l'abbaye de Plélan (2), fondée
au IX* siècle par Salomon, roi des Bretons; l'abbaye de
Gaël (3), détruite au x'' siècle par les pirates du nord ; l'ab-
baye de Montfort (4), fondée en 1152 par Guillaume P',
seigneur de Montfort-la-Canne et de Gaël, et, enfin l'ab-
baye de Painpont (o;, originairement prieuré dépendant
de Saint-Méen et érigé en abbaye de chanoines réguliers
dans la dernière moitié du xii^ siècle (6). Il faut encore y
joindre l'abbaye de Bosquien, fondée en 1137 par Olivier
de Dinan, à l'angle nord d'un bois de ce nom qui est un
démembrement de la forêt. Il existait en outre au xi'' siè-
cle, en la forêt de Brécilien, de nombreux hennitages (7).
La forêt de Catelun, qui n'est plus représentée que
(1) Lobineau, 7/isL de Bretagne, l, II, col. 31, 33,58, \\0,1S0 ; j^rcu-
vei, col. 312.
(2) Plebtlanum ou Salomonis monaxlerium. vLobinoau, 1. 1, j>. G3.)
(3) Gaelum. CeUe abbaye, fondée dans la seconde moitié du vi' siècle,
a été ensuite confondue avec celle de Sainl-Méen, sous le nom de Saint-
Méen ou Sainl-Mciaine-de-Ghé ou de Gacl. (Lobineau, t. I, p. 2'i.)
(4J Monsforlis. MonIfort-la-Canne. (Voy. Lobineau, preuves, col. 301.)
(5) L'abbaye de Saint-Judicael-de-Painpont. (Lobineau, t. I, p. 22.)
(6) Voy. A. de (^ourson, oui', cil.
(7) On lit dans la Cfironifjue de Bretagne : « El ali?c multae hercmi-
tarum mansiones in BiX)choliam (B<Trolion) et aliis foreslis a quodam
CHAPITRE XX. 335
par un petit bois au nord de Merdignac, celle de Paim-
pont, déjà fort démantelée au siècle dernier, celles de
Coulon, Saint-Méen, Coet-Lorges, Loudéac, qui se sont
formées du démembrement de cette Ardenne armoricaine
ont elles-mêmes singulièrement perdu de leur impor-
tance. La forêt de Loudéac, qui n'offre plus à cette heure
qu'une superficie de 2,573 hectares, en enibrassait, en
1460, une de plus de 20,000 (1). Au siècle dernier, ehe
n'était séparée de la forêt de Quintin, appelée depuis forêt
de Loroux, que par la large lande de Trêve. Cette dernière
forêt constituait alors une longue bande commençant au
nord non loin de Plaintel, ayant l'Hermitage à son centre
et Graces-Trève au sud.
Entre Lanmor et Lambaîîe s'étendait une belle forêt
qui est peut-être le plus ancien démembrement de celle
de Brécilien; elle a donné naissance à un certain nombre
de forêts distinctes, celles de la lïunaudaye, appelée aussi
la forêt Noire, et qîi fut fondée en 1137 l'abbaye de
Saint-Aubin-des-Bois (2) ; celle de Lanmor qui, au xvr siè-
cle, ne faisait qu'un avec elle (3) ; enfin celle de Lam-
balle (3). La forêt de Brécilien était séparée par la ri-
vière d'Arguenon de celle de Faigne, dont l'emplace-
hccrelico ipsas fo restas cum multis sequacibus habitante quem taiitum
sequebatur. (An. 1145.) Chronic. Brit. dans les Historiens de France,
t. XII, p. 558.
(1) Habasque, Notions historiques sur les Cûles-du-Nord, t. III,
append. p. 55.
(2) On lit dans les Contes d'Eutrapel (de la Moquerie, p. 191 r", éd. de
Rennes) : « Ce que le grand roy François souffrit être fait en sa jieraonne
par les sergents et forestiers de la forest Noire, depuis appelée Lanmur,
aujourd'hui de la Hunaudaye. »
(3) Gott. cltristian. t. XIY, col. 1115. Ecctes. Briocens. Lobineaa,
Histoire de Bretagne^ 1. 1, p. 55.
(4) Habasque, Notions historiques sur les Cùtes-du-Nord^ t. 111,
p. 41.
336 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
ment est aujourd'hui occupé par la ville de Dinan (1).
Il existait dans la foret de Brécilien une population fo-
restière analogue à celle que nous rencontrons en diverses
forêts de la Normandie et de l'Anjou, et qu'avaient attirée
les privilèges dont jouissaient les usagers. « En la dicte
forest, lit-on dans le document que j'ai déjà cité (2), il y a
un grand nombre de gens mencionniers el habitants
d'icelle, comme dit est; lesquels, pour quelque marchan-
die, manœupvre ne quelque aultre chose ou mestier dont
ils s'entremeptent, ne sont subjetz ne contributifs en la-
dicte forest à aucun subside de ne debvoir quelconque,
et sont de longtemps en possession de franchise par toute
la dicte forest. »
Citons encore dans cette même partie de la Bretagne le
Coet-Maloen , qui gardait quelque importance au siècle
dernier, et près duquel lut fondée en 1142, par le comte
Alain le Noir, l'abbaye de Sancta-Maria-Mellonis . A cette
époque, le territoire voisin de Saint-Gillcs-Pligeau (canton
de Bothoa) était en grande partie boisé (3).
Dans le département du Morbihan, la foi^êt de Camors
(canton de IMuvigner) s'étendait jadis beaucoup plusà l'est
et ne faisait originairement qu'un avec celle do Louvaux,
fort éclaircie depuis deux siècles. Au nord-est de ce canton
et au nord de Josselin, la foret de La Nouée paraît avoir
eu dans le principe plus d'étendue vers le sud.
Les environs de Rennes, qui présentent encore aujour-
d'hui un si grand nombre de petits bois et quelques fo-
rets, ont été, à la même époque que le centre de la Bre-
tagne, occupés par d'épais ombrages. Les forêts de Fou-
(1) Ogée, Dklionnaire historiq. el géographiq. de la Bretagne, sous
ce nom.'
(2) A. deCourson, ovv. cit. Eclaircissements, p. ccclxxxvi.
(3) Gallia chiistiai}. t. XIV, col. 907. Kcdcs. Corisopolitan. Le bois
dit Coetmaloen était situé au nord et à l'ouest de l'abbave.
I
CHAPITRE XX. 337
gères et du Teil allaient rejoindre celles qui bordent
l'Anjou (1), et les traditions d'origine païenne qui s'y
rattachent font supposer que ces forêts ont été un des
principaux sièges du culte gaulois (2). Deux monuments
vraisemblablement consacrés par les Celtes, le Monument
et la Pierre du Trésor, y ont attiré l'attention des anti-
quaires. Les forêts de Rennes et de Lififré, jadis réunies en
une seule, sont actuellement séparées par une lande do-
maniale de 500 hectares (3).
La forêt de Ville- Gardier, débris de la marche qui sé-
parait le territoire des Redones de celui des Ahrincatui,
ne doit guère avoir occupé au moyen âge un espace plus
étendu qu'au siècle dernier. Le nom de Pleinefougères
donné à un bourg situé très au nord de la forêt actuelle,
montre que les arbres avaient déjà disparu de son empla-
cement au XII* ou xiii' siècle, époque de laquelle date sa
construction. Entrain sis à l'est de la forêt, Bazouges
placé au sud, indiquent des limites que n'a jamais fran-
chies son territoire. Tout au plus peut-on admettre que
cette forêt s'avança naguère un peu plus au sud-ouest, si
l'on tient compte de lieux-dits, tels que Bois-Férans, les
Gaudinès, le Groschêne, qui se rencontrent dans cette di-
rection.
La forêt nantaise s'étendait de Nantes à Glisson, Mache-
coul et Prince (4). Une charte de 1123 constate l'existence
d'une forêt de Gastine, près d'Issé, au nord de Nantes,
(1) Voy. ce qui a été dit, au chapitre viii, p. 129 et suiv., des forèls
dans lesquelles se retirèrent les disciples de Robert d'Arbrissel.
(2) Voy. Mémoires de l'Académ. celtique, t. V, p. 381; Mémoires de
la Société des Antiquaires de France., 1. 1, p. 396.
(3) Voy. le mémoire de M. Vigan dans les Annales forestières, t. IV,
p. 100. Il est fait mention de la forêt de Liffré dans les Contes d'Eutrapel
(ch. intitulé : Musique d'Eutrapel, p. 100 v», éd. de Rennes, 1585),
(4) Travers, Histoire de Nantes, p. 216; Cf. J. B. H. Rechercha
écoîiom. et statisl. sur le départ, de la Loire-Inférieure (an xii, Nantes),
p. 86.
22
338 LrS FORÊTS Dïï LA GAULH ET DK LANCIENNE FRANCE.
sjr Jes l.orJs du Don (l). Vers les frontières de l'xVnjou,
]n forêt (!e Puzarlès, Putcus Arlcsii, mentionnée dans des
fliartes du xii" siècle, n'a laissé que quelques vestiges au
milieu desquels s'éleva la Madeleine-en-Bois (2).
La forêt de Saffré, assez étendue encore aujourd'hui,
était évidemment, comme l'a remarqué M. Bizeul (2), la
prolongation des forêts de l'Arche, de Vioreau et d'An-
cenis ; elle a dû occuper tout ce côté élevé où se trouvent
le moulin à vent de la Praye et les mines de Lan-Guen.
De là jusqu'à l'ancienne forêt de Héric, il ne restait plus à
) arcourir que quelques centaines de mètres. On peut
même croire que la lande des Jarriais, où se trouve le
point de partage entre les eaux de l'Erdre et de l'Isar
j)our le canal de Nantes à Brest;, fit partie de l'une ou
l'autre forêt, et que, comme tant d'autres landes, elle a
éprouvé un déboisement comj)let.
La forêt de Héric, mentionnée dans des actes du xiv*"
siècle (3), observe le même auteur, n'existe plus ; car on
ne saurait compter comme telle quelques hectares de
taillis de chêne, morcelés et semés çà et là sur son an-
cien emplacement; mais le nom a persisté. Cette forêt
s'étendait sur tout l'espace compris entre les bourgs de
Cirand-Champ, de Héric, de Casson, et aboutissait, au
nord-est, à la lande des Jarriais, près d'un village encore
appelé Le Pas-de-Hc'ric, au nord-ouest à la vieille hôtellerie
du Bout-de-Bois, qui marque le point où la forêt (4) finis-
(1) Jsiacum cu7n Gastina sylva, dit une charte citée par M. Bizctil.
dans sa Notice sur les Xannèles mix époques celtique et romaine {Hc-
xitP des provinces de l'Ouest, juin 1854, y. 392).
(2) Lobincau. Uist. de Bretagne, t I, col. 513, 523.
(3) Voy. Bizeul, article cité.
(4) Ogée, Diiiionn. de Bnlcujne, Unie. On trouvait dans cette forél le
]>rieuré de Sle-Honorinc.
(5) Voy. les intéressants détails donnés, sur cette forél, par M. Bizeul,
qui cile la charte d( vim.
Il
CHAPITRE XX. 339
sait. C'est au xvir siècle que cette forêt fut définitivement
abattue. Vers 1651, Marguerite de Rohan fit raser la
futaie et effroger le sol qui demeura plus d'un siècle à
l'état de broussailles et de vaine pâture.
Des vestiges de bois, encore apparents, chênaies,
broussailles, taillis aménagés, des noms de localités, des
traditions, prouvent qu'en suivant la chaîne de collines
serpentant du moulin à vent de la Bosse-des-Landes, près
du bourg de Héric, vers la Praquelage, la forêt de Héric
allait se réunir entre Vignieux et Toulières, à la forêt de
Sautron (1). Celle-ci a subi le sort de sa voisine. En 1734,
elle ne contenait plus que 30 arpents en futaies et 80 ar-
pents en bois taillis. Ogée lui donne encore 200 arpents (2).
Cette forêt paraît s'êlre étendue jadis jusqu'aux portes de
Nantes. Les bois de Launay et des Dervalières en sont
des restes, et sa présence est rappelée par les noms de
diverses localités sises entre Nantes et Sautron (3).
La forêt de Gavre, qui est, comme celle de Prince, un
débris de la grande forêt nantaise, avait déjà subi de
notables réductions en 1544, lors de la réformation des
eaux et forêts de Bretagne (4). Les abus auxquels se lais-
saient aller les usagers éveillèrent l'attention royale, et,
en 1545, François F interdisait la vaine pâture dans cette
forêt (5), qui avait eu particulièrement à souffrir des
(1) C'est dans ce parcours qu'on trouve les noms significatifs de Laforest
Rivaud, la Foresterie, le Haiil-Fay, le Breil, le Dreil-Renaud, Breil-Vain.
Près de ce dernier village, un tronçon de la voie romaine de Blain à
Nantes porte, pendant une lieue, du Breil-de-Loup à l'Epine-de-Fay, le
nom de Cliaussée-de- Vieille -For est. En 1618, la Vieille-Forest consti-
tuait encore quelques brosses et ragosses. (Voy.Bizeul, art. cité, p. 396.)
(2) Diclionn. de Bretagne, art. Sautron.
(3) Voy. la discussion intéressante à laquelle M. Bizeul s'est livré sur
celte question, p. 397 et suiv.
(4) Voy. Fontanon, Ordonnances, t. II, p. 239.
(5) Saint-Yon, Ordonnances, p. 407. La forêt de Gavre ne couvre pas
aujourd'hui moins de 5,000 hectares. Divers bois qui n'en sont qu'une
0-40 LFs FoniVrs de la r.AULïï i:t de l'ancienne France.
ftoisiers dont elle dtnit peuplée. Une antre forêt voisine de
Nantes, celle de Torfou, est mentionnée dans l'ëdit de 1544,
qui avait également pour objet de porter remède aux dé-
vastations dont se rendaient coupables les usagers (1).
Le déboisement du pays nantais ne fut pas seulement
le résultat de l'imprévoyance, de l'avidité de ceux qui
avaient la jouissance de ses forêts^ il a été aussi Vœuvre
des religieux. J'ai cité plus haut un grand nombre d'ab-
bayes élevées sur le sol des forêts bretonnes. Je dois
encore mentionner l'abbaye de Saint-Gilda?-des-Bois, qui
fut fondée en i026, au cœur même du pays nantais, par
Simon de la Roche-Bernard (2).
Si maintenant nous nous approchons du littoral méri-
dional de l'Armorique, nous y trouvons des preuves de la
disparition de plusieurs forêts importantes. Une forêt
existait entre Goncarneau et Fouesnant, qui a valu son
nom à la haie de la Forêt. A l'est la forêt de Carnoet, placée
sur la rive droite du Quimperlé, a dû s'avancer un peu au
sud, là où fut fondée, vers 1170, l'abbaye de Saint-
Maurice.
Aux environs de Vannes, on chercherait vainement de
nos jours la forêt de Goetloux, ou Goitlou, au milieu de
laquelle s'élevait le château dans lequel se tint en 848 un
concile qui déposa quatre évêques bretons (3). Le radical
oonlinuation, et qui s'étendent sur la chaîne de collines entre le Don rt
l'Isar, subsistent encore aujourd'hui. (Voy. l'article de M. Bizcul, Sur
les Nannètes aux époques celtique et romaine, dans la Revue des prov.
de l'Ouest (juin 1854), p. 393.)
(1) Fontanon, lac. cil.
(î) Voy. Lohinoau, Preuves de l'Histoire de Bretagne, liv. TV,
col. 161. Le surnom de Saint-Giidas-des-Hois, Sanctus Gildasius de
Nemore, distingue cette abbaye, de celle de Saint-Gildas-de-Hhuis. Le
Cool-Sé ou Couossé, petit bois qui existait, il y a deux siècles, dans cette
localité, a été le dernier vestige de la forêt de ce canton. (Bizeul, art. cité,
p. 40.=^.1
(3) LobineaU; Ilislcirc de Brelofjne, t.l, ]>. 40, et Preuves, col. 5B.
CHÂÎITRE XX.. 341
coet OU coat, qui entre dans le nom de Goetloux et dans
celui de COijtmaloën rappelé ci-dessus 1), entre dans des
noms de localités de la Bretagne situées dans des districts
actuellement tout à fait découverts, Aux environs du
Faou (Finistère), les noms de Goatmenec, Coatmeur, Goa-
trian, Goatnan, Penarcoat accusent l'existence originelle
d'une grande forêt dont la forêt du Grannou, sise à l'est
du Faou, et le bois de Gars sont les débris (2). Gelte foret
subsistait en partie au xvii^ siècle; elle s'étendait vraisem-
blablement au nord du Faou et tapissait le bassin com-
pris entre l'Aulne et FElorn. La partie supérieure de l'es-
pèce d'isthme que forme l'Elez réunie à l'Hière et où se
trouvent les deux exploitations plombifères de Huelgoat
et de PouUaouen, devait être enveloppée par une autre
lorét qui a laissé de nombreux vestiges, notamment les
bois, encore importants au siècle dernier, de la Garenne
et de Fréau. Le nom de Coatqueau, donné à une localité
sise entre le premier de ces bois et i'Aulne, atteste égale-
ment la présence originelle d'une épaisse agrégation d'ar-
bres dans cette région.
En Bretagne, l'incurie des habitants, l'absence de ca-
pitaux chez le propriétaire ont été cause que le déboise-
ment s'est continué activement jusque de nos jours. Une
circonstance le démontre, c'est que dans les départements
de la Loire-Inférieure, du Morbihan et de l'IUe-et-Vilaine,
(1) J'ai montionné ci-dessus l'al>baye de Coetmalopn, qui s'Hlevaif au
diocèse de Quimper, à trois lieues sud de Guingamj), dans un bois au-
jourd'hui presque entièrement détruit. Les noms de localités situées fort
au nord de ce bois, Coatpeul, les Bois-de-Fau, Couadout. Coetando, elc ,
suffiraient à établir que, dans le principe, il exista là une forêt. Les
débris de celle-ci sont les bois des montagnes de Fromontel, qui so rat-
tachaient sans doute à la fonH de Quintin ou Brechelien. (Voy. Lobi-
ni'au, Hisloire de Bretagne, preu.ves, col. 1G45.,,
(2) Voy. ce (|ui est dit dans la suite de cet ouvrage !;ur' les mesures
pio[iùsées par Colbert rclalivemL-ut à !a l'or't du l'aou.
342 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
la plupart des propriétés rurales, éloignées des centres de
])opulation, comprennent, suivant leur désignation ca-
dastrale, àes landes autrefois en bois. La disparition de ces
bois, sur divers points, remonte à peine à cent ans (1).
(1) A. Isabcau, les Forêts du Globe, t. XIII (1854), p. 299. Voy. no-
tamment ce que dit cet auteur de la lorct de Pont, dans l'arrondisse-
ment de Chateaubriand.
CUM'ITRE XXI,
CHAPITRE XXr.
FOUtl;; ne l'UlTUL'. LA GATINE ET LE UOCAGE.
Lorsqu'on jette les yeux sur la carte de l'ancieune pro-
vince du Poitou, on y voit figurer une foule de localités
dont les noms et remplacement annoncent des établisse-
ments faits sur des novaies, dans des essarts, au milieu d'î
clairières. Ces appellations réveillent le souvenir des in-
dustries qui se développèrent au voisinage des bois, ou des
manoirs édifiés à la liàte sur le sol éclairci. M. Redet (1) a
compté dans le seul département de la Vienne 21 lieux
habités s'appelant la Forêt, 9 le Foidllou (lieu planté de
liêtres), 8 la Garenne^ 26 la Varenne, 42 le Breidl, 39 la
iirousse, 47 la Touche iîl). Ce fait montre combien le pays
fut jadis boisé.
Le nord du Poitou s'est rapidement dégarni des forèls
qui l'ombrageaient. L'une d'elles, la forêt de Gliàtelle-
rauU, n'a pas toutefois diminué notablement de super-
ficie. Resserrée entre la Lauvigne, le G'ain et la Vienne,
elle n'a pu franchir les limites que lui a.signe Gassini ;
c'est seulement au sud-ouest qu'elle a dû se raccourcir ;
elle s'avançait vraisemblablement jusqu'à Ouzilly, près
duquel existe un lieu appelé les Essarts.
A l'est de Poitiers, près de Ghauvigny, dans l'arrondis-
(1) Rodet, Observations sur les noms de lieux dans le départcmenl de
la Vienne, dans Ic^ Mémoires de la Société des Anliquaires deiOuat,
an I84G, p. 343.
(2) La Touche; ce nom signilio un bouquet d<! futaies ; en Normandie,
il dérive queUiuelbis, suivant M. Lehéricher, de tocu, qui auiait eu le
sens (le limi:c de pininiélé. Aniiq. de yormandie, t. XXV, p. 25 i.
344 LES FORÊTS DE LA GAULlî ET DE l' ANCIENNE FUANCE,
sèment actuel de Montmoiillon, se trouve une Ibrèl que
le temps a fort réduite au contraire et qui était connue
au moyen âge sous le nom de forêt de Mareuil ou de
Marealhe (1). Elle commençait à 5 kilomètres environ au
couchant de Chauvigny, au nord-est des Eglises. Jadis
propriété des sires de Gouzon, à qui appartenait le châ-
teau de cette ville, elle fut acquise plus tard en partie par
les évéques de Poitiers, qui, par suite d'une cession,
étaient devenus, en 1356, propriétaires de toute sa con-
tenance. Plantée de chênes, elle occupe encore une su-
perficie de 620 hectares. La route de St-Savin, percée en
1834, la traverse dans son étendue la plus méridionale.
Une des forêts du Poitou portait, comme une de celles
du Yendomois, le nom de Gàtines (2), qui désignait la
contrée que son défrichement rendit habitable. Elle est
aujourd'hui fort réduite. Au xvn^ siècle, une partie de
la baronnie de Parthenay et de la Gâlhie était encore
richement boisée (3). Les forêts de Chantemerle, de
Montcoutant, d'Aubigny, de La Perrière, ont dû s'en dé-
tacher à une époque déjà reculée.
(1) Voy. sur ceUe forêt, dite aussi de Chauvigny, Auber, Recherches
archéologiques sur Saint-Pkrre-les-Eglises, dans les Mémoires de la
Société des Antiquaires de l'Ouest, an 1851, p. 331. Cet auteur pro-
pose du nom de Mareuil, que jjorlait cette foret, une étymologie inac-
ceptable {Mar-Ruil, grand bois).
(2; Voyez, sur la Gûline du Poitou, le travail de M. Dupin, dans les
Mémoires de la Soc. des Antiquaires de France, l. 111, p. 276, 277.
C'est dans la forêt de Gàtine (in nemore Gaslinensi), à 5 lieues sud-ouest
de Poitiers, que fut fondée, en 1120, l'abbaye de Sainl-Benoit-du-Pin,
dont les moines contribuèrent à son défrichement. {Chronic. Malleac.
ap. llist. de France, t. XII, p. 407.) La môme année, une seconde abbaye
s'éleva dans la forêt de Bonnevaux {Bona Vallis). {Chroti. Mail, ib.)
Dans une autre partie de la Gâtine du Poitou, aux environs de Par-
tlienay, fut fondée, en 1220, l'abbaye d'Absie-en-Gàtine. {GuUia christ.
t. II, col. 1380. Eccles. Malleac.)
(3j Voyez, sur les forêts du Poitou, Estais des forests et boys du roy
de lajirociîice du Poictou (Poiliertj IGG7. in-f"). p. 201 cl biii\ .
CHAPITRE xxr. 345
La forêt des Meulières, située non loin de Poitiers, est
mentionnée dans les Comptes de saiiH Louis sous le nom
de foresta de Molliere (1) ; il en est souvent question dans
les anciennes chartes ; celles de Dine et de Brosse avaient
été naguère fort importantes ; elles étaient déjà extrême-
ment réduites au xv!!** siècle.
La partie du Poitou jadis désignée sous le nom de Bo-
cage et que comprend le département de la Vendée, ren-
fermait les forêts les plus épaisses et les plus serrées. Les
nombreux bocages qui la coupent en tous sens en sont
certainement des débris. La forêt de Vouvant ou Mere-
vant, dont la superficie égale 2,982 hectares (2), offrait,
il y a p3u d'années, de superbes futaies de chênes et de
châtaigniers. Le gibier abondait dans ces retraites, et
du Fouilloux, dans La Vénerie (3). à propos de la forêt
de Merevant, parle de ses cerfs remarquables, à la tête
petite et noire, qui se distinguaient de ceux des autres
forêts de la province, et notamment de ceux de la forêt
de Chisay (Chizé) (4).
Au commencement du xi'^ siècle, Guillaume III, duc
d'Aquitaine, comte de Poitiers, seigneur de Talmont, fit
donation, pour la construction d'une abbaye, d'un terrain
très-vaste situé au sud des Sables-d'Olonne, et qui était en
partie occupé par la forêt d'Orbestier i^sijka Orbisterii) (5).
(t) Historiens de France, t. XXI, p. 258.
(2) Voy. Cavoleau, Statistique de la Vendée, p. 335.-
(3) Voy. la Vénerie de Jacques du Fouilloux, ch. xix, p. 18, v».
(4) Voy. les preuves de Vllist. du Poitou, par J. Besly.
(5) Voy. la charte de donation dans les i)reuves de VHist. du Poitou,
p. 351. Guillaume VI accorda aux moines le droit de couper du bois vert
et du bois sec pour tous leurs besoins, « de viridi et de sicco ad omnia
necessaria olTiciorum. » Il leur permet, ou, pour mieux dire, il leur con-
lirme, en même temps que ce droit d'usage, le droit de paisson et de pa-
cage pour leurs porcs, leurs bœufs, leurs vaches et leurs juments, tant
en été qu'en hiver. Leurs porcs ))ouvaient paître partout où bon leur
seaiblail, etc., etc. (Voy. lus li'rmes morne de la charte dans Besly, p. 320.)
346 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
Un peu plus lard, vers le milieu du xi* siècle, Pierre-
Guillaume VI, dit le Hardi, duc d'Aquitaine, comte de
Poitiers, accorda aux moines de Sainte-Groix-de-Talmont
des droits d'usage étendus dans la même forcH (I), droits
qui ne contribuèrent pas peu à iiàter sa dévastation.
La forêt d'Orbestier n'est plus aujourd'hui représentée
que par un bois assez maigre. Elle s'étendait, à l'origine,
au sud de Saint-Hilaire-de-la-Forèt, jusqu'au bois desMal-
tières, que l'on rencontre au sud-est de la Mothe-Achard.
Dans une charte du milieu du xi'' siècle(d), il estfait mention
de Saint-Hilaire-de-la-Forêt {Sanctus Hilarius de Foresta)
et de Gros-Breuil (Gros-B/'o/), d'où il suit que déjà, à
cette époque, cette partie de la forêt d'Orbestier avait été
défrichée. Il ressort, d'ailleurs, de la charte de donation,
de l'an 1007, aux moines de l'abbaye d'Orbestier {Orbis-
teriuni) (2), que la forêt était alors limitée, d'un côté, par
la route des Sables-d'Olonne à Talmont, et, de l'autre, par
un torrent, celui d'Illicon, qui se jette dans la mer à la
baie de Doet {gula de Doetis) (3).
Les noms des localités qui environnent Saint-Hilaire-de-
la-Forêt, fournissent des indications certaines d'un boise-
ment antérieur au xi* siècle; tels sont outre plusieurs vil-
lages du nom de Bois, La Forêt, Le Bois-Renard, Buis-
Sarrazin, Bois-Grolland (4), dont le territoire fut sans
doute pris sur un bois qui a laissé ses débris sur la rive
(1) Voy. la note 5, à la page précédente.
(2) Cette abbaye était de l'ordre de saint Benoit, et bâtie h qupli|uc
distance de l'Océan, entre la ville de Talmont et celle des Sables-d'O-
lonne.
(3) La charte de 1007 donne avec détail la circonscription des lic-ux,
dont une partie se retrouve encore sur la carte de Cassini.
(4) C'est à liois-GroUand (Drolium OoUandi) que fut londée, en IIO'J,
l'abbaye de ce nom, «médium inler sylvas et sabulosa locaautmjricisrt
suiiielis oljsila, » (Gnllia cliridiunu, l. II, col. 1437); ce ipii monlre iju'à
celle époque il existait déjà une lande en cette partie du la lurJt.
CHAPITUIE XXI. 347
droite de la rivière Troussepoil, entre la Freiiaudière et
les Petites-Brosses. Le bois de la Garde, à l'est de
Saint-Avaugourd-des-Landes, est un reste de la même
forêt.
Dans cette partie du Poitou existait encore la forêt de La
{iarnachelGuanapu foresta), qui empruntait son nom à une
petite ville du canton de Ghallans (Vendée) appelée dans les
chartes Gatiapia. Elle est mentionnée dans un diplôme de
l'an 838, émanée de Pépin I", roi d'Aquitaine; il n'en sub-
siste plus-de trace (d).
Le pays compris entre Talmont et Aizenay offrait jadis
une succession de forêts ou de bois dont la forêt d'Aizenay
est le principal vestige. Des bords du Lay jusqu'à la mer,
les bois continuent à se succéder à de courts espaces. La
forêt d'Aizenay semble s'être rattachée à celle de laCtiaize
par les Essarts-Gouin, Saint-Florent-des-Bois, laGrange-
du-Bois, le Bois-au-Boin, le village du Bois.
Le bois de l'Étang-Neuf est un démembrement de cette
dernière forêt, dont il n'est séparé que par quelques kilo-
mètres ; et au sud-ouest de la forêt de la Chaize on ren •
contre une localité qui a gardé le nom des Bois-de-Mal~
traite, quoique en un pays qui n'offre plus d'arbres.
L'inspection des lieux donne également à penser que do
l'embouchure du Pairay, où subsiste le bois de Veillon, à
la rivière de Vie, s'étendait une forêt ou une succession de
bois qui faisait pendant à la forêt d'Aizenay: Le pays
toutefois n'a pu être habité sans que les essarts aient
de bonne heure étendu leur domaine, et la charte de Guil-
laume III, que nous avons citée, mentionne, au voisinage
(l) Je dois cette indication au savant M. Lacahane. Cet habile paléo-
graphe a fait voir qu'on devait chercher celte forêt dans le Bas-Poitou,
en suivant ritinérairc de Pépin 1, à Viiidc des diplômes publiés dans lu,
tome YI des Histuritms de France.
348 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
de la forêt d'Orbestier, des prés, des vignes, des champs
qui, dans la suite, n'ont cessé de s'étendre.
C'est à l'est de l'ancien Bocnge poitevin, que le sol a
le plus gardé son antique aspect forestier ; l'arrondisse-
ment de Bressuire compte encore plusieurs forêts impor-
tantes: celles d'Elusson, de La Fougereuse, d'Oiron et de
Saint-Porchaire.
Sur les confins du Poitou et de l'Angoumois, la forêt de
Tusson (Tiitio) a dû être notablement défrichée dans sa
partie septentrionale; tout donne à penser qu'elle s'a-
vançait originairement au sud et à l'est jusqu'à la Clia-
nnte. Un lieu nommé la Farêt, maintenant à la distance
de plusieurs kilomètres de cette forêt, se trouve en un
canton tout découvert. Le territoire de l'abbayede Tusson,
fondée en 1420, fut pris sur la forêt, et il se trouve ac-
tuellement au nord de celle-^i. On doit donc attribuera
la création du monastère la cause principale du déboise-
ment de ce district.
La partie du Poitou, qui répond au sud du départe-
ment des Deux-Sèvres, a pareillement subi de larges de-
frichements qui ont partagé en lambeaux l'ancienne
marche arborescente des Pictaves et des Santons, lam-
beaux qui ont donné naissance à la fo7rt de ffJcrmitain,
à celle de Chef-'Boutonney aux buis de Melle^ Celles et
Saint-Lé<jcr.
Nous citerons dans la même région mérithonale du
Poitou, la forêt d'Aulnay, qui avait au commencement de
ce siècle une superficie de 2,278 hectares (1), celle de
(l) Voy. sur la forêt d'Aulnay, qui a été l'objet de règlements spé-
ciaux en 1001 et 1602, Saint-Yon, Ordonnances, p. Il 13. Au xvii' siè-
cle, cette forêt contenait 4,000 arpents. Voy. Estai des foresls et boys du
roy de ta province de Voiclou, k la suite de la Réfonnalion yénérule de^
foresls et boys de Su Mujcslc de la pruiinct de Poictou, y. 26 i Poitiers,
1667, la-lyl.j.
CHAPITRE XXI. 349
CIlizé, qui en renfermait 3,974 et dont s'est détachée celle
d'Etampes ou Petile-Forêl-de-Chizé, d'une superficie de
714 hectares. Dans l'une et l'autre, le chêne atteint une
grande longévité (i).
ri) Voy. Dupin, Slaiist. du d(' parlement des Deux-Sèvres, mss. de la
Biblioth. de l'Institut, p. 556.
3oO r.Ks FOnfiTs di: la gaui.c et de l'ancienne frange. 'il
CHAPITRE XXII.
FOnilTS DU CENTRE DE LA FRANCE. SÉPARATION DES DEUX GRANDES ZONES
FORESTIÈRES DE CE l'AYS, VÉGÉTATION DU CHATAIGNIER. LES ANCIENNÎ
FORÊTS DU LYONNAIS, DE l'aUVERGNE, DU LIMOUSIN, DU BOURBONNAIS,
DE LA MARCIÎE.
Une chaîne de montagnes, les unes granitiques, les
autres d'origine volcanique, traverse la France par son
milieu et la divise en deux parties presque égales. Elle
constitue une véritable frontière naturelle entre les pays
de langue d'oc et ceux de langue d'oïl. La végétation fo-
restière n'est ni très-riche ni très-vigoureuse sur le chaînon
purement granitique de ces montagnes; mais l'abondance
du châtaignier lui imprime une physionomie propre;
l'apparition de ces arbres annonce au voyageur venu du
nord qu'il entre dans une nouvelle zone. Le Vélay, l'Au-
vergne, le Limousin présentaient, dès le xii" siècle, de
vastes châtaigneraies qui ont aujourd'hui en partie dis-
paru, dans les deux premières de ces provinces sur-
tout (1). Vers l'ouest, d'épaisses lignes de bois conti-
nuaient jadis la marche arborescente formée par les mon-
tagnes dont il vient d'être parlé. A l'est, cette frontière
(1) Yoy. Duribier du Chatelct, Dcscriplicm stalislique de la Jlaule-
Loire, p. 101. Le chàtaif^nier otail autrefois plus commun dans les Cé-
venncs qu'il ne l'est aujoind'hui. Le nombre ilc ces arbres parait avoir
beaucouj) décru depuis le froid rigoureux de l'an 1709 et les grands
hivers antérieurs Le châtaignier se rencontrait aussi avec abondance,
au XVI* siècle, dans les Vosges de l'Alsace, à ce que nous apprend Fr,
de Helleforest {Cosmographie, t. II, col. 1139. Paris, 1575, in-fol.);
mais il est actuellement devenu assez rare. (Voy. D'IIombres Firmas,
mém. cilr, p. 510.)
CHAPITRE XXII. 351
sylvestre se terminait au Rhône. Car entre la Bresse et le
Dauphiné, aucune séparation tranchée n'apparaît dans la
végétation arborescente; il faut s'avancer beaucoup plus
au sud pour rencontrer les signes indiquant une nouvelle
région végétale.
Ces conditions n'ont pas^ varié depuis bien des siècles,
et quoique les forêts n'offrent plus d'ombrages aussi
épais que par le passé, le contraste de leur physionomie
demeure ce qu'il était au moyen âge. La prédominance
de certaines essences avertit encore le voyageur qu'il a
quitté la zone du nord.
Lyon, placé au confluent de deux grands cours d'eau,
est dominé par de nombreux coteaux que recouvraient
naguère des bois dont la destruction n'est pas très-an-
cienne. On a, suivant AUéon Dulac (1), les preuves les
plus authentiques que les coteaux de Fontanières et
de Sainte-Foix, qui sont aux portes de l'ancien Lugdu-
num, étaient très-boisés; les Bénédictins en ont opéré le
défrichement. Le micocoulier {celtis aiistralis), qui croit
encore spontanément sur les rochers des environs de cette
ville, peuplait vraisemblablement tous ces coteaux.
On voit donc que le Lyonnais, aussi bien par son dia-
lecte et sa population que par la nature de sa végétation
arborescente, représentait l'extrémité orientale de la
grande lande montagneuse et forestière qui scindait en
deux parties la Gaule et l'ancienne France.
Cette province, quoique offrant encore quelques bois,
a considérablement perdu de ses ombrages; et quand on
compulse les vieux titres, on y trouve mentionnés une
foule de bois dont il ne subsiste plus de trace.
(1} Mémoires pour servir à riiisloire valureUc du Lyonnais, Forez et
Beaujolais, t. 1. )>. l>0.
352 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
En 1131^ lorsque fut fondée dons le diocèse de Lyon
l'abbaye du Miroir {Miratorimn)^ il existait au voisinage
du lieu où s'éleva le monastère» une forêt que les chartes
du temps appellent Nemus Bikhnn (1), et qui n'est plus
représentée que par quelques bouquets placés du côté de
Saint-Amour. Tout le pays jusqu'à Saint-Trivier, à en
juger par les lieux-dits (2), était boisé.
Le Beaujolais ne paraît pas avoir possédé, depuis
une époque très-ancienne, de forêts d'une étendue bien
vaste; mais il était incontestablement, il y a sept ou
huit siècles, beaucoup plus boisé qu'il ne l'est aujourd'hui .
Les dévastations commises dans ses bois durant le xiv^
siècle ressortent des mesures que prit en 1407 Louis H,
duc de Bourbonnais et seigneur deBeaujeu, pour porter
un remède au mal (3). L'étude de la carte nous montre,
en effet, que des forêts ont dû exister là où il n'y en a
plus guère de trace. C'est ainsi que le bois de Place-
Blanche, qui n'est déjà plus marqué dans Gassini que
comme occupant une centaine d'hectares, parait être le
reste d'une forêt assez considérable qui s'étendait entre
la Vauzonne et le Morgon, deux affluents du Rhône
dont le cours est à peu près parallèle. Cette forêt pouvait
même remonter jusqu'au delà de la Vauzonne, dans les
environs de Belleville, car on trouve près de ce bourg
les bois de Manœuvre, qui doivent être un démembre-
ment d'un bois plus considérable. Quelques noms du voi-
sinage rappellent aussi la présence des arbres ; mais ces
(1) Gallia christ, t. IV, col. 296. Eccles. Lugdun. — Historiens (h
France, t. XIV, p. 402.
(2) Citons les noms de Varenne, La Forest, Les Vernels, Dois-Bou-
vier, La Varenne, Tremblay et un autre La Forest au nord de Cour-
toux.
(3) Voy. F. de La Roche la Carelle, Histoire du Beaujolais et des sirfs
de Beuujeu (1853), t. I, p. 362.
CHAPITRE XXII. 353
nomsdeviennent surtout plus nombreux entre la Vauzonne
et le Morgon, Sans parler des hameaux de Bois-Robin, de
la Varenne, de Clieissy, de Boisfranc, certains fiefs encore
mentionnés dans les vieux actes portent des noms très-
significatifs. Un des fiefs de Gogny s'appelait Epeisses-le-
Bois (4). Saint-Georges de Reneins ou de Rogneins, cons-
truit aux bords de la Vauzonne, sur la route de Lyon à
Mâcon, avait entre autres fiefs Bmsy, Laye, Boistrait (2).
L'emplacement de cette localité a donc dû être originaire-
ment fort boisé. Vraisemblablement on doit attribuer la
destruction des derniers débris de cette antique forêt aux
moines du prieuré de Salles, de l'ordre de Gluny, et dont
la fondation est très-ancienne.
Dans la partie occidentale du Beaujolais, là où le sol de-
vient plus montagneux, les forêts étaient certainement
abondantes. On trouve encore en effet, dans la partie
septentrionale de cette région, des bois a-ssez importants,
comme ceux d'Aigueperse et d'Aujoux, et plus à l'est, tels
que les bois de Pramenou et de Molières; mais au sud de
Roanne, dans la partie qu'arrose le Reins ou Rhin, devait
exister une forêt assez vaste qui n'est plus représentée
que par le bois de Fêchier. Son nom est rappelé par
celui de Lay que portait une ancienne chàlellenie et
qu'emprunta le village de Saint-Symphorien, construit
plus tard à quelque distance et qui finit par devenir le
chef-lieu de la paroisse. Tout ce pays est actuellement
déboisé, et cependant outre le nom très-siguificatif de
Lay (3), nous trouvons parmi les anciens fiefs de la chà-
tellenie un lieu appelé LaForest. A quelque distance, une
(1) Voy. de La Roche la Garelle, out\ c'ilà^ t. II, p. 84.
(2) Voy. de La Roche la Garelle, oiiv. cilé, t. Il, p. 108.
(3) Voy. ce qui a été dit au sujet de la forêt de Saint-Giîrmain-en-
Xaye, p. 149.
23
354 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
autre localité ScippeUe Jiafm-du-Bois. Les sires de Beaujeu
devaient aller chasser dans cette antique forêt, maintenant
effacée de la carte, car ils avaient encore au xiii* siècle une
maison dechasscàPesselay, autre fief de Lay(l).Toutdonne
donc à croire que la foret s'étendait du Reins à un autre
petit cours d'eau appelé le Gand. Les montagnes du Fo-
rez qui présentaient encore au temps d'Anne d'Urfé (2)
d'épaisses forêts de sapins et de hêtres, sont aujourd'hui à
peu près dégarnies.
Plus au nord s'annoncent aussi des indices de déboise-
ment assez notables. La célèbre abbaye de Souvigny,
dans la province de Bourbonnais;, s'éleva, à trois lieues
de Moulins, sur l'emplacement d'un courtil {no'fis Silvi-
maci) (3) dont le nom rappelait l'existence antérieure
d'une forêt qui devait avoir disparu bien avant lex* siècle,
puisque l'abbaye date de cette époque.
Dans l'Auvergne, le Vélay et le Yivarais, une multitude
de forêts qui garnissaient le flanc des montagnes ont fait
place à des cultures. Les roches volcaniques, qui y consti-
tuent le fond du sol, étaient éminemment propres, par leur
décomposition sous l'influence des agents atmosphériques,
à la végétation arborescente (-4). Nous ne pouvons citer le
nom et l'emplacement de tous ces ombrages; nous nous
bornerons à en signaler quelques-uns.
Entre Pionçat et Menât, sur les bords de la petite rivière
deBauble, s'étendait, au tempsde Grégoire de Tours, une
(1) De La Roche la Carelle, oitv. citc^ l. II, p. 143.
(2) Aug. Bernard, Les d'Urfé. p. 444.
(3) Gallia chmlian. t. II, col. 377. Le nom de Silviniacus (Souvigny)
fut donné à diverses ccllw établies dans des forêts. Voy. H. de Valois,
NotUia GaUiantm, p. 526.
(4) C'est co qu'on peut observer au mont Elna, à la région dite Nemo-
rosa. Voy. les observations de M, Élio de Beaumont dans le Journal des
Savants, octolire 1839.
Jl
CHAPITRE XXII. 355
forêt que cet écrivain appelle Ponticiacensis sylva et dans
la profondeur de laquelle saint Émilien et saint Bravi al-
lèrent placer leur ermitage (i). Au siècle dernier, il ne
subsistait plus de cette forêt que les bois de Pionçat et de
Pierrebrune. Peut-être celui de Montaigu, situé plus au
nord, en est-il aussi un vestige. En descendant plus au
sud, nous rencontrons dans les montagnes d'autres indi-
ces de la disparition des arbres. Les belles sapinières du
Mont Dore, encore si touffues en 1669, se sont depuis bien
éclaircies (2).
Les progrès de l'agriculture ont aussi amené la des-
truction des forêts dont était semée la contrée comprise
entre le Tanargue et le Mézenc. La fertilité du sol, d'ori-
gine volcanique, y appelait naturellement le colon, et, de
cette vaste masse némorale, refuge de tant de bétes fauves,
il ne reste plus que 40,000 hectares environ.
Dans le pays qui répond aux départements de la Haute-
Loire et du Cantal, le domaine de presque toutes les an-
ciennes forêts s'est graduellement rétréci. Dans le premier
de ces départements, la forêt de Geyroux, jadis une des
plus belles possessions de la maison de Penthièvre, occu-
pait encore au siècle dernier une superficie de 350 hec-
tares ; elle n'est plus à cette heure qu'un amas de taillis de
hêtres et de chênes (3). Elle dut naguère ne faire qu'un
avec le bois de Montdésir et constituer la marche qui sépa-
rait les Arvernes des Vellaves.
(1) Voy. le DicUonn. géographique placé par M. Alfred Jacobs à la
suite de la nouvelle édition de la traduct. de Grégoire de Tours par
M. Guizot, t. II, p. 386.. Pionçat ou Pionsat est situé au nord-ouest de
Riom. On y a trouvé un grand nombre de monnaies gauloises.
(2) Voy. Depping, Correspond, adminislralive sous Louis XIV , t. III,
p. 704.
(3) Voy. Deribier du Chatelet, Description statisUq. de la Ilaule- Loire,
p. 101. Cf. ce qui a été dit p. 133 de Sauve-Uenile.
3o6 LES FORÊTS DE LA GALLE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Dans le Cantal, les forêts se sont sans doute moins
éclaircies, elles ont pourtant cédé en bien des points la
place aux cultures. L'ancien vicomte de Murât comprenait
les bois de Murât, d'Albepierre, deMallet, deChàteauneuf,
d'Anglards, les forets de Vigouroux et de Ciniq vraisem-
blablement unies à l'origine. Les nombreux droits d'usage
accordés aux habitants des villages limitrophes amenèrent
le démembrement de cette dernière, qui fut dans le prin-
cipe l'une des plus importantes de l'Auvergne et se lia
aux forets de Brezons et de Malbo.
Tous ces bois de la vicomte de Murât n'occupaient pas,
il y a deux siècles, une superficie de moins de i5,090 ar-
pents. Le sapin en constitua toujours l'essence dominante;
il s'y trouve associé à quelques hêtres. Les magnifiques
ombrages des pentes du Cantal avaient subi, lors de l'or-
donnance de 1GT8, de graves dommages auxquels elle
eut pour objet de porter remède (i).
Le plateau de la Margeride, qui sépare la vallée de l'Allier
de celle de la Truyère, était, il y a moins de deux siècles,
ainsi que les pentes du Cantal, occupé par de vastes forêts
de sapins, admirables de vigueur et d'énergie. Aucune
route ne traversait alors cette région, le transport du bois
étaitconséquemmentdifficile, cequi fitquelesforêlséchap-
pèrent à l'avidité des exploitants. Les habiiants de Saint-
Flour se contentaient d'aller chercher sur leur lisière un
mauvais charbon et quelques provisions pour lechauflage
et les usages domestiques. Aussi, malgré les droits d'usage
concédésparlesanciensseigneurs, la partie centraledecette
masse forestière demeura-t-elle fort longtemps intacte (2).
(1) Dcribierdu Chatelet, Dictionnaire hisloriq. et slatisliq. du Caninl,
t. IV, p. 92, 503.
(2) Ibid. t. IV, p. 129. Entre antres forêts «le cotte partie de la France,
ayant gardé de l'importance, il faut citer celle de Mercoire, où l'Allier
prend sa sourcp.
I
CHAPITRE XXII. 357
A côté de ces forêts, maintenant plus ou moins réduites,
il en faut citer d'autres ayant totalement ou presque tota-
lement disparu. Près de Mauriac, il en existait, au moyen
âge, une qui était le repaire de nombreuses bêtes fauves (1).
Une charte de l'année 1119 renferme la donation faite
par Odon, comte de La Marche, au monastère de Rocama-
dour, de la forêt appelée Motis Salviiei de toutes les terres
cultivées et incultes qui l'avoisinent (2). Cette charte
marque d'une manière précise la poiition de la forêt (3),
qu'il est possible de reconnaître sur la carte. Montsalvy est
aujourd'hui non plus une forêt, mais un bourg, et les
arbres ont presque complètement disparu de ses environs.
Les noms du Fau, du Bousquet, de CJioisy, indiquent leur
ancienne présence. Une localité appelée Arses, fait vrai-
semblablement, par son nom, allusion à quelque dé-
frichement opéré par l'incendie. Le petit bois désigné
dans la charte sous le nom de Costa CJiapsis, dut oc-
cuper les environs de l'endroit appelé encore aujour-
d'hui la Coste. Mais il est impossible de retrouver la posi-
tion du bois de Bézeus, dont le nom rappelle la présence
d'une forêt (4); ce bois était situé à l'autre côté du grand
chemin, a parte stratœ puhlico'^ qui ne saurait être que la
route d'Aurillac à Montsalvy.
Le Limousin a vu les flancs de ses montagnes se dégar-
nir avec le temps ; ses forêts se sont éclaircies par suite
(I) Voy. la chronique citée par le P.Dominique de Jésus, dans sa Vie
de saint Marins. Deribier du Ghatelet, Diciionn. historiq. et slaiist. du
Cantal, t. IV, p. 210.
(2)Baluze, llistoria Tutelensis, lib. III, p. 138.
(3) « Ilanc autem sylvam sciant qui scire voluerint sitam esse inter
Nemus Bastutorum , ex altéra parte inter ipsum qui dicitur Nemus
Omorum, ex altéra sibi adjacente nemus qui dicitur Nemus de Bezeus
a parte stratœ publier», ex altéra vero nemus qui dicitur Costachapsis. »
(4) En efTot, il existe en France plusieurs localités du nom de BézUy
qui sont toutes au voisinage de bois ou de forets. Nous citerons notam-
ment, dans le département do l'Eure. Bézu-la-Forèt. Voy. p. 327.
358 LES FORÊTS DK LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
des progrès de la culture. Au moyen âge, celles-ci
avaient déjà été largement défrichées, car les pièces que
nous a conservées Baluze attestent l'existence dans la pro-
vince de nombreuses terres labourables, de vastes prai-
ries et de champs multipliés (1). Toutefois jusque vers la
fin du moyen âge subsistèrent quelques grandes forêts
qui depuis ont disparu en tout ou en partie.
La forêt dont l'abbaye d'Obasine, fondée au xiii^ siècle,
occupa une clairière (2), n'a laissé aucune trace; la com-
mune de ce nom où s'élevait la forêt donnée à saint
Etienne par le vicomte Archambault, n'offre pas même
un bouquet. Au sud d'Uzerchcs, sur la rive gauche de la
Vézère, le déboisement date seulement d'un ou deux siè-
cles (3). C'est là que se trouvait la forêt d'Espartignac,
mentionnée dans une charte de l'an îOOi (4). Une autre
charte quelque peu postérieure (de l'an 1 036) contient une
donation faite par Guy, vicomte de Limoges, aux moines
de la ville d'Uzerches. Et il y est parlé de l'église de La
Fage {ecdesiam quœ vocatitr a La Fayd) (5), placée dans la
forêt de Celom {quœ posita est in sylva quœ dicitur Celoiii).
Or, le village de La Fage est peu distant d'Espartignac, et
au sud-est se rencontre une localité du nom de Bois la
Fage, mais où ne se montre aucune trace de forêt. Ce
(1) La Gorrèze n'offre aujourd'hui que peu de forêts, si ce n'est dans"
l'ancien duché de Ventadour, près Eglelon et aux confins de la Haute-
Vienne où sont les forêts de Montar et de Poudras. "Voy. A. Firmigier,
Essai de siaiisliq. de la Corrèze, p. 9 (1802).
(2) L'abbaye d'Obasine fut fondée en 1152, sur l'emplacement d'une
forêt à deux lieues noi"d-est de Brives. Voy. Gallia cJwisl. t. II, col. G35.
Eccles. Lemov.
(3) Le déboisement ne s'est pas autant étendu dans la Haute-Vienne,
où plusieurs forêts, telles que celles de Rançon, Coutumes, Lastours,
présentent encore sensiblement la même étendue qu'au moyen âge. Voy.
'Texier-Olivier, Slalistiq.de la Haule-Vienne.Y- 53, 54.
(4) Baluzo, Ilisl. TuUi. col. 404.
(5) Baluzi', ouv. cil. col. 808.
CHAPITRE XXII. 359
point marque évidemment l'emplacement de l'ancienne
forêt de Gélom, et effectivement, dans les environs, sont
des lieux qui gardent les noms de la Farjearderie, la
Page, le Bosc, le Bos-Pcirat. Le bois de la Fage était
donc une dépendance de la forêt d'Espartignac, et tous
deux ont été défrichés depuis le xf siècle. Une charte du
X' siècle nous donne le nom d'autres forêts, celles de Mom-
bresme et Malevalle, appartenant à la même contrée et
qui n'ont pareillement laissé aucun vestige (i).
M. Max DelochC;, en publiant le cartulaire de l'abbaye
de Beauheu (2), a relevé le nom de plusieurs forêts du
Limousin méridional, mentionnées dans des documents
du ix*" au XII'' siècle, et qui ont été totalement ou presque
totalement défrichées. Nous citerons notamment la forêt sei-
gneuriale de Caumont, dans l'ancienne vicairie de Bri-
ves, celles de Mollis Caparia^ de Palson {syka de Palsonis),
de Surdoire {Siirdoira), dans l'ancienne vicairie de Puy-
d'Arnac (3). Cette dernière forêt tirait sans doute son nom
de la petite rivière qui la traversait ; elle dut originaire-
ment s'étendre à l'est et au sud de Meissac. Quoique la
contrée sise au midi et à l'ouest de Puy-d'Arnac, soit ac-
tuellement découverte, nombre de localités rappellent par
leur appellation l'ancienne présence des arbres [la Brousse^
le Bois, le Bois-Cailleau). Au nord-ouest du même bourg
se trouve un endroit appelé le Bos. D'autres forêts, telles
que celle du Doignon, située au nord-est de Limoges, sur
la rive gauche du Thorion, ne sont plus représentées dans
Cassini que par une très-petite bande (3). Au sud-est de
(1) Baluzc, OUI', cil. col. 337.
(2) Max. Deloche, Cartulaire de l'ahbaye de Beaulieii, en Limousin,
p. cv, cvi. (Paris, 1859, in-4''.)
(3) Ce nom du Dognoii ou Doignon parait avoir impliqué le sens de
forêt. Toute la contrée désignée sous le nom de Dognon ou Doignon, ef
qui s'étend au sud de la rivière du Thorion, contenait des bois épais. Di^
360 LES FORÊTS DE LA. GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
Limoges, la forêt de Châteauneuf, qui ne constitue déjà
plus sur la carte de Cassini qu'une étroite zone longitu-
dinale, semble s'être, dans le principe, étendue de Châ-
teauneuf jusque près de Ghambéret (1).
Au sud-ouest de Limoges, la forêt des Gars, sise à l'est
deChalus, doit avoir fait corps, il yn quelques siècles, avec
la forêt de Fiavignac qui en est voisine. Entre la Vienne
et la Grande-Briance, la contrée a été jadis manifeste-
ment boisée. La forêt d'Aigueperse est un autre vestige
du grand manteau forestier dont s'enveloppait le Limou-
sin et que le temps a percé à jour.
J'ai déjà rappelé l'existence d'une forêt du Bourbonnais
à propos de la fondation de l'abbaye de Souvigny ; je dois
revenir sur l'ancien état forestier de cette province dont
je n'ai dit qu'un mot. Le recueil des cartes et plans des
forêts du Bourbonnais que possède la Bibliothèque impé-
riale (2), peut donner une idée de l'extension qu'avait
dans le principe le sol forestier de cette province. Entre
les forêts bourbonnaises qui sont mentionnées au xvn*" siè-
cle, il faut d'abord citer celle de Molladier, d'une conte-
nance de i,i52 arpents et qui ombrageait la rive gauche
de l'Allier. Elle se terminait au nord aux bois taillis de
Boze et des Billotz, et à l'ouest à d'autres bois également
peu étendus, dits Ixns Ponmicrets, bois des Fours. Sur la
lisière occidentale s'élevaient les hameaux de i\Iontaret, la
Goutte elSanrondin. Au midi, la forêt était séparée par
verses localités éloignées de la région qui porte plus spécialement ce
nom sont aussi appelées Doignon : Chatenct-en-Doignon, dans la com-
mune de Saint-Léonard (Ilaule-Yienne), Puy-de-Doignon, étaient égale-
ment entourées do forols.
(1) Voy. Deloche, Éludes sur la géographie hislorique de la Gaule, cl
spècialemenl sur les divisions Icrriloriales du Limousin au moyen âge,
p. 195 ot 190. (Paris, 1861.)
(2) Mss. fonds Saint-Germain, n" 33. Ce curieux manuscrit renferme
une belle collection de planches sur parchemin.
CHAPITRE XXII. 361
quelques bois taillis des hameauxde laRoche et des Thierry.
Le village des Ra.millons marquait la lisière orientale et
le lieu-dit les Jean-Denis, sa frontière sud-est. C'est sur
cette forêt que fut pris tout le territoire du prieuré qui
porta son nom, le prieuré de MoUadier.
Une seconde forêt, sise à l'est et au nord-ouest de celle-
ci, la forêt de Messarge, devait à l'origine n'en être pas
séparée; elle contenait 1,165 arpents plantés en chêne,
et c'est à cette même zone sylvestre qu'il faut rattacher la
forêt qui valut son nom à l'abbaye de Souvigny.
La forêt de Bagnollet, sise au nord de la forêt de JMolla-
dier, et sur la même rive de l'Allier, renfermait 1,600 ar-
pents. Les cartes citées ci-dessus montrent qu'elle s'éten-
dait depuis la Justice-de-l'Espine, à l'occident, jusqu'aux
étangs et au village de la Terrasse, à l'est, depuis Channe,
et les Gilletz au sud, jusqu'à une petite distance de l'Al-
lier, au nord, présentant son plus grand allongement dans
la direction sud-nord. Les alentours de Langeron étaient
déjà déboisés. La forêt de Givrais, à l'ouest de celle de Ba-
gnollet, contenait 1,926 arpents.
La forêt de Tronçais, à l'ouest de celle de Givrais, ren-
fermait 18^,300 arpents. G'était la plus vaste du Bourbon-
nais; elle s'étendait depuis le village de Breton, au sud,
jusqu'à l'étang près duquel s'élevait la tuilerie de Ganot
au nord, depuis les hameaux de Barrière etdeSalle-Guérin
à l'est, jusqu'à ceux de Douignost et de Vaux à l'ouest.
Déjà, au xvir siècle, elle avait subi de larges défriche-
ments ; la partie comprise entre les localités des Nigaidts,
les Lo(/es, Chez-Cepij, le Montest, Bretoirc, et entre la Ver-
natte^ le Metz et la Villette, était transformée en clai-
rière. A l'ouest, la forêt était limitée par le Gher qui la
longeait pendant plusieurs kilomètres, et par un ruisseau
que reçoit cette rivière près du moulin de Vernil ; à
362 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Meaulne, en allant vers le sud, la forêt reculait à l'est et
avait pour lisière le cours d'eau que reçoit le Cher et sui
lequel étaient construits le moulin d'Aglandebeuf et le vilJ
lage du Creux. Il semble qu'au sud-est le village de la Rif-
faudière ait formé l'angle originaire de la forêt, laquelle,
au nord-est, s'avançait jusqu'à l'étang de Couillcuvre et
s'élevait au nord, jusque près de Valigny, d'où elle re-
montait jusqu'au château de Chandon et allait rejoindre
la tuilerie de Jaccotz. Enfin, vers l'ouest, la forêt re-
descendait au village de Braize et à celui de la Pacau-
dière, qui était presque enclavé dans la forêt, dont il oc-
cupait une clairière. La forêt prenait alors pour lisière le
cours d'eau joignant deux étangs, sur lequel était cons-
truit le moulin du Ris et qui se jette, à l'ouest, dans le
Cher.
Les forêts de Grosbois et de Dreuille, au sud de celle de
Tronçais, contenaient, la première, 2930 arpents, et la
seconde, 1917 arpents un quart, La forêt de Grosbois s'é-
tendait à l'est depuis la tête de l'étang de Barachis et la
Croix-de-Barachis jusqu'à Fonteneau à l'est; au sud, les
bruyères des Touraults, les bois taillis de Saint-Pierre et
de lïeregnières. L'inspection de la carte manuscrite dres-
sée au xvip siècle et citée précédemment, montre (|ue la
forêt allait jusqu'à la Menigodière; la Croix-des-Touraults
occupait le centre du canton méridional de cette forêt, qui
s'allongeait, dans la direction du sud-est, jusqu'à Gipsi.
Au nord, le ruisseau qui sort de l'étang de Collombière
devait en former depuis longtemps la frontière, comme
le figure la carte. Du reste, la présence du prieuré de
Grosbois, presque au centre de la forêt, dut en amener
promptement sinon la dévastation, au moins le défriche-
ment partiel. Au delà du ruisseau septentrional, les noms
de Bois et de Forêt-du-Prieiir,de Bois-des-Jeunes-PalliangeSf
CHAPITRE XXIII. 363
rappellent que la forêt dépassait, originairement, le cours
d'eau.
Au nord-est, une partie de la forêt dépendait du
prieuré de Souvigny, qui dut aussi en hâter l'essartement
et la mise en culture. De toutes les forêts du Bourbonnais^
celle de Grosbois, plantée en chênes et hêtres, présente
les traces les plus visibles d'un défrichement graduel.
L'espace compris entre la route de Cosne à Moulins et le
village de Mérolles paraît avoir été déboisé, quelques
siècles seulement avant la réformation des forêts de la
province. Les forêts deBort, de Maulnay et de Laide durent
dans le principe former une seule bande à l'Est de Moulins.
La forêt de Dreuille affectait originairement la forme
d'un triangle dont les sommets s'appuyaient : 1° sur le ruis-
seau au bord opposé duquel est bâti le village de Perchatz;
2° à l'angle compris entre le Magnou et les Regnaux, et
qui dépasse de 500 mètres environ la ligne joignant ces
paroisses; 3° à Pilotas, vers l'occident. Au sud, Malicorne
et Tortezay durent, dès le moyen âge, se trouver en dehors
de la ligne de pourtour de la forêt. Même observation pour
Bedun à l'ouest. Dans la direction Est sa ligne dépassait
Perrière.
La forêt de Lespinasse, que la petite tivière d'Œil
sépare de la forêt de Dreuille, contenait, il y a un siècle,
1,733 arpents. Elle se terminait à l'est un peu en avant de
la Forge et de la Varenne ; elle était bornée au sud par le
cours d'eau sur lequel est bâti le hameau d'Ieu. Ce cours
d'eau en suivait la lisière jusqu'à la route de Parrouy-au-
Mont, hameau placé à l'occident, en avant de la forêt. Au
Qord,les villages de Jobergère, Givrais, desPoyars traçaient
son pourtour; Parsay le dépassait un peu.
La forêt de Marsenac contenait jadis, avec ses annexes,
1,147 arpents. Elle était comprise entre Lonzat, Saint-
364 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
Didier et Villaine; s'avançant au sud de la première loc
lité, elle avait été réunie originairement au bois des"
Granges, dont la séparait le chemin des Baux à Lonzat.
Le chemin du Pont-dc-Vichy à Saint-Remy formait la fron-
tière méridionale. Au nord, le hameau d'Afière n'en était
séparé que par un petit chaume, et Martillière touchait
presque à sa lisière. Le nom de Champ-de-la-Petite-Forèt^
donné à une clairière, située à l'est, entre deux cours
d'eau, et d'une étendue de 16 arpents et demi, représen-
tait un écart de la foret de Marsenac. Un village, qui porte
aussi le nom de la Petitc-Forèt, le rappelle également ;
c'est évidemment de cette Petite-Forêt qu'avait dépendu
la partie encore subsistante au delà du confluent des deux
ruisseaux qui se trouve au sud du Champ-de-la-Petite-
Forêt.
La partie méridionale du Bourbonnais qui touche à
l'Auvergne et au Lyonnais, offre encore diverses forêts de
quelque importance qui sont visiblement les restes d'une
zone forestière par laquelle était traversé l'ancien pays
des Arvernes.
La forêt de Marsenac, qui s'étend sur la rive gauche de
l'Allier, en face de Vichy, n'est que le prolongement sep-
tentrional d'une zone plus allongée qui boisait autrefois
toute cette rive et pénétrait jusque dans l'Auvergne. Les
bois de Randan et de Montpensier en sont des débris, et
le village de Saint-Sylvestre doit sans doute son nom à s^
position au centre de ce canton forestier.
Plus au nord, sur la rive droite de l'Allier, quand on se
dirige de Varennes et de Vouroux, l'ancien Vorofjium^
vers le Bèbre, on rencontre la forêt de Voudelle, située au
nord de Saint-Géraud, et qui était limitée à l'orient par
cette petite rivière, ainsi qu'une succession d'autres bois
(bois de Brosses, bois du Moutier, etc.). En remontant le
CHAPITRE XXIII. 36S
cours de la Bèbre, au sud de La Palisse, se trouvait un
canton que l'inspection de la carte nous montre avoir été
occupé naguère par des bois nombreux, maintenant défri-
chés pour la plupart, et dontle bois de Champagne est le
seul reste de quelque importance.
L'ancienne Marche dont le territoire répond en grande
partie au département actuel de la Creuse, était loin de
présenter des forêts aussi épaisses et aussi nombreuses.
Voilà pourquoi au siècle dernier on n'y rencontrait déjà
plus qu'un très-petit nombre de bois. C'est la région qui
s'étend à l'ouest de Guéret, vers le nord du département
de la Haute-Vienne, et s'avance vers les anciens confins
du Berry, qui a toujours présenté l'aspect le plus boisé.
Le village de la Forest, situé à l'ouest de Bourganeuf, dé-
note l'ancienne existence d'une forêt qui n'a laissé presque
aucun vestige. Plus au nord, sur les bords de la rivière de
Gartempe, au sud de Saint-Vaulry, existait encore, il y a
un siècle, un canton très-boisédontlapetiteforêtdeSainte-
Berthe représente le débris principal, et dont le centre
était occupé par le village de Saint-Silvain, qui doit sans
doute son nom à cette circonstance. La forêt de Cervelle, si-
tuée au norddeDuu-Pailetcau, est, sans contredit, le reste
le plus important de l'ancienne marche forestière qui sé-
parait les Bituriges des Arvernes; elle a dû s'étendre dans
le principe à l'est jusqu'à la Creuse, et elle n'était séparée
de la petite forêt de Saint-Germain, autre débris de la
même marche, que par un faible cours d'eau. De ce côté,
au delà de la Creuse, on entrait dans le Berry, et les fo-
rêts de Murât et du Temple annonçaient une zone plus
boisée. En redescendant plus au sud, on trouve encore
des bois qui peuvent être les débris d'une forêt de quel-
que importance, tels sont ceux du Grand-Chapitre si-
366 I-ES FORÊTS DE L\ GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
tués au sud de Guéret et ceux de Pognat qui s'y rattaj
chaient vraisemblablement. Certains noms de lieux moi
trent que dans le principe les bois se continuaient jusqu'
la Creuse.
CHAPITRE XXIII. 367
CHAPITRE XXIII.
ANCIENNES FORÊTS DE l'aNGOUMOIS, DE LA SAINTONOE ET DE l'aUNIS.
Lorsque le voyageur quitte le Limousin et s'ayance vers
l'ouest, il voit le pays s'abaisser et la végétation arbores-
cente se rapprocher davantage du caractère qu'elle pré-
sente plus au nord.
L' Angoumois, célèbre par ses belles forets de chênes , avait
conservé, jusqu'au milieu du siècle dernier, d'épais ombra-
ges. La raison en est que dans cette province le sol forestier
n'avait point été morcelé entre les communes. Il n'y exis-
tait que des forêts royales ou seigneuriales. Toutefois ces
forêts, mal tenues et mal exploitées, ne demeurèrent pas
tout à fait ce qu'elles avaient été au vieux temps (1). L'édit
de mars 1514 (2), relatif à la forêt d'Angoulême, nous
montre que cette forêt avait encore à cette époque une
grande importance. Un peu plus tard, en 1580, la forêt de
la Braconne, qui se trouve au nord-est de cette ville, est re-
présentée comme une des plus vastes de l'Angoumois. Sa
superficie était alors évaluée à 14,500 journaux de
terre (3). En 1778;, elle contenait 10,300 arpents (à la
perche de 22 pieds). Mais, à cette époque, les besoins de la
marine et de la forge de Ruelle y firent faire des coupes
inconsidérées.
(1) Voy. ce que dit l'ingénieur Munier dans son ouvrage intitulé : Essai
d'une mélhocle générale pour étendre la connaissance des voyageurs,
t. I, p. 280, 4G9. (Paris, 1779 )
(2) Voy. Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises,
t. XII, p. 30.
(3) Desvues, Ajitiquilés de la France, 'Z^ édition, p. 39'j, et Munier,
Notice sur la forêt de Braconne, dans l'ouvrage cité t. Il, p. 435.
368 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
On aurait, suivant un statisticien (1), une idée assez
juste de l'état forestier de cette province, avant l'époque
des armes à feu, en se la représentant comme un archipel
de forêts; ces forêts étaient la propriété d'une trentaine
de châtelains qui relevaient des comtes d'Angoulême; là
vivait toute une population sylvaine qui les défricha peu
à peu et les sema en froment. Ces défrichements se mul-
tiplièrent surtout aux xn" et xv* siècles, et la découvert
de l'Amérique ayant donné une grande activité aux poi i
de l'Aunis, du Médoc et de la Saintonge, de nombreux
navires y furent construits aux dépens des forêts angou-
moises. L'histoire de quelques-unes des anciennes forêts do
cette partie de la France peut encore être établie.
A quatre lieues au sud d'Angoulême, s'étendait, à la iin
du xii" siècle, une forêt dite Gros-Bois, qui valut son nom
à l'abbaye qu'on y fonda à cette époque {Sancla B. Marin
de Grosso-Bosco) (2). En moins de deux siècles, ce Gros-
Bois ou, comme on disait dans le dialecte de la province,
ce Gros-Bas, avait été tellement défriché qu'il se trouvait
fractionné en cinq forêts ou bois, à savoir : la fo7'(H de
Horte, celle de Dirac, celle de Bois-Blanc, les bois de Venil
et de Torsac. Divers noms de lieux indiquent que ces fo-
rêts, maintenant fort réduites, présentaient originaire-
ment une beaucoup plus grande superficie (3). La forêt
de Horte notamment a dû s'étendre jusqu'au bord de la
Hvière de Bandiat (4).
(1) Quenot, Slnlislique de la Charente, p. 375.
(2) Gallia christ, t. II, coL 1048. Eccles. Engol.
(3) Ainsi, au nord du territoire de l'ancienne abbaye, on trouve un
lieu nommé les Essarls. Au sud de la foret de Horte, dans une partie
toute déboisée, sont deux localités appelées Dois-Verdun et la Forii-de-
Laurière. Entre celte même forêt et celle de Dirac, est un village nommé
Bouex.
(4) Entre la forêt de Ilorlo et la rivière Handiat, on rencontre, au sud
CHAPITRE XXIII. 369
Il est à supposer que dans le principe cette grande forêt
allait se rattacher à celle de la Braconne, située plus au
nord et qui, comme je viens de le dire, demeura longtemps
l'une des plus importantes de l'Angoumois. L'inspection
de la carte donne à penser qu'elle était originairement
bornée à l'est par la Tardoire, car divers noms de lieux
qu'on rencontre dans cette direction, rappellent la pré-
sence d'anciens bois.
Au nord de La Rochefoucauld jusqu'à la Sonnette et au
cours supérieur delà Charente, se présentent une succes-
sion de petites forêts, débris de la marche forestière qui
servait de limite méridionale au pays des Pictaves. On
y distingue les forêts de Quatrevaux et de Belair, que
sépare la Dronne.
D'autre part, l'ancien pays des Petrocorii était séparé de
l'Angoumois par une grande marche forestière, mainte-
nant déchiquetée en une foule de tronçons, à savoir : les
grands bois de la Roche-Beaucourt, déjà très-éclaircis au
siècle dernier, et qui devaient englober dans le principe
les bois de Beaussat et de Rudeau, de façon à former une
forêt continue qui s'avançait jusqu'à la rivière de Bandiat ;
les petites forêts de Saint-James et de Paussac, situées au
nord-est de Bourdeilles, et celle de Mareuil qu'on trouve
plus au nord.
Dans la Saintonge existaient également quelques larges
lambeaux de l'antique manteau forestier qui le recouvrait
au temps des Gaulois.
La forêt de Saintes {Santonœ sylva) était très-impor-
tante au xii' siècle; une charte curieuse de l'an 1129 nous
fait connaître en partie les limites du territoire qu'elle oc-
Souffraignac, une localité nommée la Grande-Forêt, et des lieux portant
les noms de Grand-Breuil, Pelil-Dreuil, Breuil, etc.
24
370 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
cupait alors (1). Par cette charte, Guillaume VIII, comte
de Poitiers et duc d'Aquitaine, abandonne aux moines du
nouveau monastère de Poitiers tout ce qu'ils réclamaient
dans la forêt de Saintes (2). Le canton revendiqué par les
religieux commençait à la Groix-de-Tirmorins en sui-
vant Pont-l'Abbé {Ponte Labium); il allait de la source de
la Groix-aux-Seguins par la carrière jusqu'au Palet {Pale-
twn) ; longeait les terres cultivées et le chemin qui con-
duisait à Maleville {Malavilla) jusqu'aux confins de la
Fraignée, et à la paroisse de Saint-Georges-aux- Gousteaux,
près des fiefs de la Loubatre et de la Béraudière, s'avan-
çant jusqu'à un endroit désigné sous le nom d'Enseigne-
Biancheou de Marque-Blanche, puis revenait au fief Bau-
douin, auquel est assignée une étendue de 30 journaux de
terre, pour atteindre ensuite la route de Saintes à Pont-
l'Abbé. Ledit canton forestier longeait cette route jusqu'à
la fontaine Boudard et à Boutiraud (3), d'où elle allait re-
joindre la Groix-de-Tirmorins.
Lorsqu'on suit sur la carte cette description topogra-
])hique si minutieuse, on voit que la forêt s'étendait sur-
tout à la droite de la route de Saintes à Rochefort. Toute
la partie comprise entre Pont-l'Abbé, Saint-Georges-aux-
Gousteaux (aujourd'hui Saint-Georges-des-Goteaux) et
Saintes, n'offre d'autre trace de bois que de très-maigres
bouquets d'arbres. Des localités du nom des Essarts, de
Grand-Breuil, de Petit-Breuil, de la Forest, du Chail (ou
Ghaillot, c'est-à-dire « bois tombé »), du Gros-Chêne et de
(1) Cette charte est donnée dans Çhampollion-Figeac, Documents Ms-
loriqups inédits, tires de la Bibliolltèque royale et des archives et biblio-
thèques des déparlements, t. II, partie II, p. 12.
(2) Documents cités.
(3) Dutiraldus. Nous avons traduit ici en français quelques-uns des
noms meniionnés. tels que Ponlelabium, etc.
CHAPITRK XXIII. 371
Freuche (c'est-à-dire, « lieu défriché»), annoncent encore
l'emplacement de bois qui ne sont plus.
Les indications contenues dans la charte de Guil-
laume VIII permettent de rétablir avec une assez grande
approximation la li^ne de pourtour de la forêt; car on
y trouve mentionnés divers lieux-dits ayant conservé
jusqu'à ce jour leur nom, sauf de légères altérations. La
Groix-aux-Séguins doit être la localité située au sud-est
de Saint-Michel-de-la-Nuelle, qui porte actuellement le
nom de La Croix. En effet, on rencontre à son voisii\age
un endroit appelé La-Séguinière, nom qui indique qu'on
est là sur l'ancien domaine des Séguins. Palet a gardé son
nom ainsi que La Fraignée. Les fiefs de la Loubatre et de
la Béraudière doivent être incontestablement identifiés aux
lieux dits dans Gassini, la Loubatière, situé au nord-
ouest de Saint-Porcliaire, et /«^roc/zère.Boutiraud, qu'on
écrit aussi Boutireau, n'a pas changé d'appellation. La
Croix-de-Tirmorins est vraisemblablement l'autre localité
du nom de La Groix, sise à l'est et tout près de Saint-
Porchaire.
Gette forêt de Saintes, ainsi limitée au nord, devait
renfermer, au sud, la forêt actuelle de Corme-Royal, qui
dut elle-même s'avancer anciennement jusqu'au lieu ap-
pelé la Forest, entre Gorme-Royal et la Glyce, et se ratta-
cher aux débris de bois qu'on voit au nord de Nancras.
Saint-Thomas-du-Bois marque un autre point septen-
trional jusqu'où s'élevait la forêt de Saintes dont le bois
de Sainte-Radegonde est sans doute un débris. Il est
probable que cette forêt allait rejoindre, dans le prin-
cipe, celle de Mortagne, par le bois de Ghatenay encore
subsistant.
Nous trouvons en Saintonge, mentionné, au xii^ siècle,
un autre bois, celui de Sanzel [boscus de Sanzelia), qui
372 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
fut un objet de contestation entre le sénéchal Rodolphe et
l'abbé d'Oléron fl). Ce bois n'existe plus aujourd'hui.
L'Aunis dont le territoire fait maintenant partie du dé-
partement de la Charente-Inférieure renfermait, à la fin du
xvi^ siècle, quelques forêts importantes, entre lesquelles il
faut citer celle d'Aulnay, dont j'ai déjà parlé ci-dessus (2).
Dans l'arrondissement de La, Rochelle, la forêt de Benon
est le seul débris de l'ancien yêtement forestier de la pro-
vince. De vastes clairières dénotent l'extrême étendue
qu'elle a jadis occupée (3). Une portion de la forêt qui
entourait le bourg de Benon, fut donnée, en 1135, à
Bernard, abbé de Glairvaux, pour y fonder un monastère
qui reçut le nom de la Gràce-de-Dieu ou la Grâce-
Dieu (4). Une charte de 1189 désigne comme appartenant
à la forêt de Benon le canton compris entre le chemin de
Mauzé à Gramahé et celui de Lalaigne à Benon (5), lieu
maintenant tout à fait défriché, et qu'occupait, en 1839,
une sucrerie (6).
Les forêts de la Saintonge et de l'Aunis durent se lier
naguère aux forêts de l'Angoumois, notamment à celles
de Cognac et des Ombrets. La forêt de Cognac, mainte-^
nant réduite à un faible bois fort démantelé, formait,
dans le principe, l'une des parties méridionales de la
forêt de Jarnac, distante de la ville qui lui donne son
(1) Voy. Jlisloriem de France, t. XII, p. 488.
(2) Voy. ce qui a été dit p. 347.
(3) Voy. A. Gautier, Stalislique du départemenl de la Charenk-
Inférieure, part. I, p. 27 et 303. Celte forêt est célèbre par ses charbon-
nages.
(4) Gallia chrislian. t. II, col. 1397. Cette forêt ou plutôt ce bois
s'appelait alors Bois-l'Abbé. Voy. Gallia clirislian. t. II, inslrum.
col. 387.
(5) Gall. christ, t. II, inslrum. col. 387. La forêt est désignée sous le
nom de Foresla de Ariansum. C'est celle qui prit plus lard le nom de
Bois-rAbbé.
(G) Gautier, Slaiist. de la Cliarente-Jnfïr. p. 40.
CHAPITRE XXIIl. 373
nom, de plusieurs lieues (1). Il y a là un indice que la
forêt s'avança primitivement jusqu'au voisinage de
Jarnac. Et en effet, l'inspection de la carte fait voir que
cette forêt a été naguère très-étendue (2). Elle descendait
jusqu'à la Charente, entre Jarnac et Cognac, allait se
rattacher, à l'est, à la forêt de Marange (3), et, à l'ouest,
à un bois ou une forêt qui ombrageait le canton situé
entre l'Auteine et la Charente (4).
(1) On trouve, entre la forêt actuelle de Jarnac et la Charente, des
localités toutes découvertes, appelées cependant Bois-Clair, la Grange-
du-Bois, le Buisson, Taveau-des-Bois, etc.
(2) La forêt devait s'étendre à plusieurs kilomètres au sud de Ségon-
zac, ainsi que le démontre une foule de noms de lieux qui annoncent
tous des bois : le Bois-de-Pressac, Bois-Blanc, Bois-Bajaux, le Maine-
Bois, Bois-Clavaux, le Bois, Bois-Charente^ la Brousse (la Brosse), Gri-
iinoux (la Gàtine), les Bois, h Court, le Breuil, le Bois d'Angeac, etc.
C'est au centre de cette partie de la forêt que fut fondée, au milieu du
XII* siècle, l'abbaye de la Frenade, dont l'établissement contribua cer-
tainement à son défrichement.
(3) On rencontre, en effet, entre ces deux forêts, des localités dont les
noms sont la trace du cordon d'arbres qui les unissaient autrefois; ci-
tons : le Bois, Bois-Noble, Maine-Bois, la Brousse, les Brandes (lieux
^ défrichés par le feu}, etc.
(4) Tout le pays au sud d'Escoveux, jusqu'à la route de Saintes, est
semé de petits bouquets d'arbres ou de remises, et dans les intervalles
découverts, on rencontre des lieux appelés : Villars-les-Bois, Sainl-Brice'
des-Bois, La Forest, Bichou-des-Bois, La Brousse, Petit-Bois, Le Plessis-
Gdtineau, etc.
374 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
CHAPITRE XXIV.
FORÊTS DU DAUPHINÉ. — LA GRAXDE-CHARTRELSE. — DÉBOISEMENT DEi'
ALPES.
Le Graisivaudan, le Valentinois, le Briançoniiais gardè-
rent plus longtemps que l'Auvergne et le Lyonnais, leur
épaisse enveloppe forestière. Des forêts de pins laricio, de
hêtres, de châtaigniers, disposées chacune à des étages
différents, comme on l'observe aujourd'hui, unissaient le
Dauphiné au Piémont et à la Savoie. Le dauphin Hum-
bert ayant observé qu'elles arrêtaient les avalanches
veilla par une ordonnance à leur conservation (i). Mais ce
n'était pas seulement la chaîne des Alpes qui se dérobait
alors tout entière sous un épais manteau d'arbres; les
parties moins élevées de la province étaient également
occupées par de belles forêts. En il93, celle de Baratier
couvrait tout le territoire des Orres, de Baratier et d'Em-
brun. Parmi les anciennes forêts du Dauphiné, celles do
Lens et de Vergues sont les plus connues. Il en est fait
mention dès 877, dans une ordonnance de Charles-le-
Ghauve (2). Vienne était alors toute environnée de bois (3),
les forêts de Limon, deSeptême, de Saint-Georges, deFala-
vier et d'Eyrieu étaient à la même époque réunies. Sur les
éminences qui entourent le vieux château de Pipet se dé-
( 1) Voy. Ladoucette, Histoire topographique des Haules-Alpes, 3^ édit.
p. 766.
(2) Voy. ce que rapporte à ce sujet Chorier, Histoire générale du
Dauphiné, i. I, liv. i, p. 60.
(3) Voy. l'extrait du Cartulaire de Saint-Pierre de Vienne, cité pai
Chorier, 1. c.
i
I
CHAPITRE XXIV. 375
ployait la forêt de Moiii\éa.ns{VancienMonsLugdimum),qm,
*sous les Carlovingiens, appartenait au roi, comme l'in-
dique le nom de Beureyel (hoh royal) qu'une partie de son
territoire aconserYé.Elleestappelée,dansGirard devienne,
forêt de Clermont (1). On rapporte dans ce roman que Vienne
étant assiégée depuis sept années, par l'empereur Charles-
Je-Ghauve, Girard le surprit dans la forêt, ayant été averti,
le jour d'auparavant, que ce monarque devait y chasser :
Demain ira l'erripere chasser
Dedans Clarmont, vostre grand bois plener.
Au dire du poëte, on pouvait alors se rendre, sans être
aperçu, de la ville dans la forêt par une grotte ou galerie
souterraine que traversa Girard.
Dans la partie du Dauphiné qui confine au Lyonnais,
les bois s'étaient éclaircis depuis la plus haute antiquité ;
peut-être même n'y ont-ils jamais été abondants. Mais au
sud de la Galaure, rivière qui tombe dans le Rhône près
de Saint-Vallier, existait jadis une grande forêt, dont il
ne subsistait, il y a deux cents ans, que d'étroits lambeaux ;
elledutoccuper la presque totalité du territoire de Roybon
et s'avancer plus au sud, dans la direction de Romans
(Drôme). Cette forêt est mentionnée dans une charte de
1062, sous le nom de sijlva de Cambaran; un débris s'en
voyait encore au commencement du xviif siècle dans le
bois de Chamberan, maintenant presque entièrement dé-
friché. La lisière de cette forêL longeait, selon toute appa-
rence, la grande plaine de la Côte Saint-André. L'ancien
bois du Vers et le hameau appelé Bois- Blanchard attestent
son extension primitive en dehors des limites données dans
la carte de Gassini au bois de Chamberan. A l'ouest de ce
(1) Cborier, 1. c.
^76 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
bois, un autre bois, dilde Montailles, semble être aussi un
démembrement de la sylva de Cambaran. •
Sur la rive gauche de la Galaure, le déboisement a éga-
lement laissé des traces. La petite forêt de Thivole présen-
tait naguère une superficie beaucoup plus grande que
n'en accusent nos anciennes cartes. La fondation de l'ab-
baye de Saint-Antoine dans un essart de cette forêt eut
pour effet de la scinder en deux parties; l'une, celle qui
est dirigée vers l'Orient, se rétrécit graduellement de façon
à ne plus former qu'une simple bande longitudinale. La
charte citée ci-dessus prouve qu'au xf siècle la forêt de
Thivole devait être bordée par le ruisseau appelé le Vaillet,
et que l'espèce de delta compris entre ce ruisseau et le Mé-
darel était déjà déboisé. En effet, c'est là que s'élève le
village de Bessin dont parle la charte en question et au
territoire duquel appartenait la forêt de Chamberan.
Ainsi toute la partie du Dauphiné que traverse la Ga-
laure, entre Bessin et la plaine de la Côte Saint-André,
n'avait encore au xi'^ siècle, aucun centre de population,
nouvel indice qu'elle était complètement boisée (1).
Dans la partie orientale et haute du Dauphiné, les forêts
demeuraient, à la même époque, singulièrement épaisses.
Le mont Durbon en était tout recouvert. 'Les chartreux,
auxquels les seigneurs du pays avaient abandonné ces pro-
fondes solitudes, en défrichèrent une vaste étendue et y
fondèrent un monastère qui devint un digne pendant de
celui de la Grande-Chartreuse, dont il sera question
plus loin (2). La forêt de Durbon offre encore vingt-neuf
(1) Voy. le Cartulaire de Romans, n° 41, dans Giraud, Essai histo-
rique sur l'abbaye de Sainl-Dernurd el sur la ville de Romans, t. II,
p. 91.
(2) Ladoucette, Hisloire topographique des Hautes- Alpes, 3* édition,
p. 1348.
CHAPITRE XXIV. 377
kilomètres de tour; mais ses futaies de hêtres et de sapins
ne donnent qu'une faible idée de ce qu'étaient naguère ses
majestueux massifs. Une des essences les plus élégantes
qu'on y voyait autrefois, le mélèze, a presque totalement
disparu de cette montagne et des cimes environnantes (1).
Il en est de même de l'arolC: arbre plus modeste, mais qui
a aussi son pittoresque ^â).
La Grande-Chartreuse {Carthnsia ou Catorissium) , dont
le nom rappelle la présence des bois à l'époque cel-
tique, est trop connue pour qu'il soit besoin de rappeler
qu'elle fut fondée en 1084, dans une des retraites les
plus inaccessibles des Alpes dauphinoises (3). Ce mo-
nastère est devenu le centre d'un déboisement qui n'a
heureusement, jamais, pris de bien grandes proportions.
Ses alentours sont encore garnis d'admirables futaies
de hêtres croissant à une altitude de 1013 mètres et aux-
quels succèdent plus haut des buissons de la même es-
sence qui se mêlent à des érables, des sapins et des épi-
céas (4). Ce magnifique manteau arborescent peut donner
(1) D'^après la tradition, le mélèze recouvrait jadis les montagnes de
Chaillût et de Saint-Bonnet ; on ne le trouve plus guère qu'au plateau
d'Aureas, dans la forêt sise au nord-ouest du col de la Postérie, un peu
plus haut que le Puy-Saint-Vincent, en Vallouise. (Voy. Ladoucette,
ouv. cit. p. 765.)
(2) Il y avait autrefois des aroles dans les montagnes du Dau-
phiné, de la Provence ; on ne les trouve plus guère actuellement qu'en
Suisse, par petits groupes, à une assez grande hauteur. (Voy. Ra?,thofer,
Le Guide dans les forcis, trad. par Monney, t. I, p. 205 ; Porentruy,
1838,in-8o.)
(3) Voy. B. Tromby, Sloria crilico-cronologica diplomatica del pa-
Iriarca S. Brunone e del suo ordine, t. II, p. 43.
(4) Martins, Géographie botanique de la France, dans Patrîa, t. I,
p. 433. Les hêtres commencent sur le versant septentrional, au-dessus
de Saint-Laurent-du-Pont, près du Martinet de Fourvoirie, à 454 mètres
au-dessus du niveau de la mer, et la forêt règne sans interruption jus-
qu'à la Grande-Chartreuse, c'est-à-dire à une hauteur de 1,013 mètres.
Les hêtres cessent, en se rabougrissant, à 1,465 mètres. Les sapins et
378 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENNE FRANCE.
une idée de ce qu'étaient à l'origine les forêts du Dau-
phiné.
La région située au nord et à l'est de Grenoble, entre
l'Isère et la Romanche, offre des vestiges manifestes de
forêts. C'est dans ce canton tout couvert d'arbres que fut
fondée l'abbaye de Domène. L'une des forêts voisines est
désignée dans une charte du xi* ou xii* siècle sous le nom
àesylva Rotunda (i). La forêt d'Uriage est le plus large
lambeau de ce lacis arborescent oti les Romains qui exploi-
taient les eaux minérales d'Uriage et lui donnèrent son
nom {Auriacum), avaient déjà opéré de larges trouées.
Quand on parcourt les vallées des Alpes françaises, on
rencontre à chaque pas des restes des forêts qui les en-
veloppaient dans le principe jusqu'au voisinage de la
région des neiges. Des successions de pins et de hêtres,
dont la croissance alterne souvent, ont laissé leurs em-
preintes dans le sol. Ainsi dans le canton de La Grave, sur
les bords de la Romanche, de larges ravins gardent enfouis
des conifères qui ont cessé d'y croître. Des pièces de bois,
déposées au fond des lacs, des cols, comme au col de Cris-
taon, à celui de Galibier, à celui de la Croix-de-Queyras,
sont, en quelque sorte, des ossements fossiles de ces an-
tiques habitants du sol (2).
Dans la vallée de Dévoluy, à l'ouest du département des
Hautes-Alpes, non-seulement on déterre dans les tour-
bières les troncs des arbres qui garnissaient les flancs de
la montagne, aujourd'hui arides et désolés, mais on ren-
ies érables ne dépassent pas le Chalet-de-Bouvines (1,031 mètres). Ar-
rivé à celte hauteur, l'érable se rabougrit et disparaît à 1,G80 mètres.
(1) L'éditeur du Cartulaire de Domène croit que cette forêt se trouvait
sur le territoire de Saint-Martin-de-Miséré, commune de Montbonnot.
Voy. Cartulare monaslerii beatorum Pétri et Pauli de Domina, p. 4S
(Lyon, 1859).
(2) Ladoucette, ouv. cit. p. 428.
CHAPITRE XXIV. 379
contre dans les charpentes des vieilles habitations,
d'énormes pièces de bois que ne pourrait actuellement
fournir la contrée.
Dans le département des Hautes- Alpes, plusieurs quar-
tiers, maintenant exposés aux ardeurs du soleil, portent
encore le nom de bois, bien qu'on y cherche vainement
des futaies ou des taillis. Tel est le quartier du bois de
Laye. Un vallon voisin, celui d'Agnères, est désigné dans
les anciens titres sous le nom de Comha Nigra, à raison
des obscures forêts qui tapissaient autrefois ses flancs (1).
Les archives des bénédictins de Boscodon, conservées
dans l'église de Notre-Dame-d'Embrun, renferment un
grand nombre de contestations relatives à des dépréda-
tions forestières qui s'exercèrent pendant près de cinq
siècles (2). Le bois au milieu duquel fut construit cette
abbaye, et qui lui a valu son nom (3), existait encore, en
partie, au siècle dernier; mais il est maintenant presque
détruit. La forêt de Boscodon se rattachait à celle delNIor-
gon, et, plus anciennement, elle remontait jusqu'au pont
Meale, comme l'indique une localité du nom de Laforest,
qu'on rencontre au nord du bois de la Ville.
Il est certain qu'une bonne partie des Alpes était déjà
déboisée, quand parut, en 1669, l'ordonnance de Colbert,
qui régla les eaux et forêts et interdit le défrichement aux
communautés (4). Pendant tout le cours du xvii« au
xvin° siècle, l'autorité judiciaire lutta contre le déboi-
sement des montagnes (5).
(1) Voy. A. Surell, Etude sur les torrents des Hautes-Alpes, p. 152.
(2) A. Surell, Etude, note \b.
(3) Yoy. Gallia christ, t. III, col. 1103, Ecoles. Ebrodun.
(4) Voy. Surell, Etude, note 15.
(5) Aliard {Dictionnaire du Dauphiné, art. Dois) cite plusieurs arrêts
du parlement de Grenoble de 1651, 1655 et de 1672, qui interdisaient
de couper, défricher, dégrader et essarter les bois des montagnes. Cf.
les arrêts du conseil de 1729, 173b, 1749, 1753 et 1780.
380 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Dans toutes les Hautes-Alpes, lé déboisement a com-
mencé par le flanc des montagnes: il est descendu peu
à peu au fond des vallées, puis a remonté ensuite jus-
qu'aux cimes qu'il avait d'abord respectées. La natur<
des essences dont les forêts alpestres sont peuplées a aidi'
à ce déboisement. Les arbres résineux qui y prédominent,
ne repoussant pas de souche, et le gazon étouffant ]>
semis naturels, on ne saurait les exploiter par coup'
réglées, ou, pour employer l'expression consacrée, à bla?v
estoc; il faut les abattre çà et là dans les parties les plu-
fourrées où de jeunes arbrisseaux sont prêts à les rem-
placer. Ce mode d'exploitation, qu'on appelle jaivUner.
ne peut s'effectuer, sans briser, sans mutiler beaucouf-
déjeunes arbres (1).
Cependant, en dépit du déboisement général des Alpes,
quelques bois ont été épargnés, entre lesquels nous cite-
rons celui qui occupe le versant du torrent de Gloizette,
à l'est de Vey nés. Le respect qu'il inspire, les tradition?
qui s'y rattachent, l'ont protégé contre l'ardeur de des-
truction des habitants (2).
La partie du Dauphiné qui répond au département
actuel de la Drôme, moins montagneux que celle qu'oc-^
cupent les Alpes, n'offrait pas au moyen âge d'aussi vastes
nappes de forêts; elle en renfermait pourtant quelques-
unes assez importantes. Au temps des Mérovingiens, une
grande forêt s'étendait entre Grenoble et Valence. Les
(1) Surell, Elude citée, p. 141.
(2) Ce Lois était vraisemblablement un lucus gaulois. Les jurats fai-
saient jadis serment, à leur entrée en fonctions, de le respecter. Veynes
(Hautes-Alpes) paraît être le Davianum de l'Itinéraire de Bordeaux à
Jérusalem, le Venelum du moyen âge. Cf. Ladoucette,out;. cit. p. 324. Un
autre lucus, qui avait été consacré à Auguste {Lucus Auguslî), existait
dans le pays des Voconces, et a donné naissance à un municipe romain
mentionné par Tacite (//i5/. I, 66), quia été l'origine du bourg actuel do
I-uc (DrOme, arrond. de Die).
CHAPITRE XXIV. 381
Lombards la trayersèrent sous la conduite de Rhodan,
lorsqu'ayant été défaits par Mummole, ils allèrent re-
joindre Zaban qui assiégeait Valence (1). Il y a un siècle
et demi, le mamelon prolongé d'une montagne parallèle
au Rhône et située à un myriamètre de ce fleuve, était
ombragée par une forêt qui n'occupait pas une superficie
moindre de ^0,000 arpents. Cinquante ans plus tard, il
ne subsistait plus de ce vert tapis, appelé forêt de Mar-
sanne, que des halliers, des broussailles, et la roche cal-
caire se montrait à nu sur tout le reste de son ancien do-
maine (2).
Dans l'ancien diocèse de Saint-Paul-Trois-Ghâteaux, une
forêt, dont on cherche aujourd'hui vainement les traces,
ombrageait, antérieurement au xii" siècle, le canton de
Pierrelatte, au voisinage du village de Saint-Restitut (3).
Tout le pays sis au sud du Roubion jusqu'au Lez (arron-
dissement de Montélimart), paraît avoir été jadis boisé.
Les forêts de Gharanibert et de Taulignan^ les bois de
Luba, situés plus à l'est, ceux de Montjoyer, à l'ouest,
ceux de Salles, au sud, sont des vestiges de cet immense
rideau forestier.
L'arrondissement actuel de Die garde également des
traces assez apparentes de son ancien état forestier. La pe-
tite chaîne du Vercors ou Vécors était au siècle passé en-
veloppée par une forêt qui a été depuis, toujours en s'é-
claircissant, et ne tardera pas à disparaître complètement
par suite du percement de la nouvelle route qui traverse
cette région du Dauphiné (4).
(1) Grégoire de Tours, Ilistor. eccles. Francor. IV, 45.
(i) Colin, Observalions sur la situation du dq^arlement de laDrôme.
(3) C'est là que fut élevée l'abbaye du Bosquet (Doschetum). Voy.
Gallia chrislian. t. I, col. 739, Eccles. Tricast.
(4) Celte route a été ouverte, il y a quelques années, par M. de Mont-
richer.
382 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
CHAPITRE XXV.
ANCIENNES FORÊTS DE LA PROVENCE. — FORÊTS DE LA CORSE.
La Provence, pays ouvert et brûlé, non plus que les au-
tres régions du littoral méditerranéen, n'a jamais présenté
les retraites ténébreuses si multipliées dans la France
moyenne et septentrionale. Au siècle dernier, le Parlement
d'Aix, dans ses remontrances au roi sur l'édit des eaux et
forêts de 1773 (1), faisait remarquer que le sol aride de cette
province se refuse à produire des arbres de haute futaie ;
que des racines sarmenteuses, des bois en petit nombre e(
résineux sont tout ce que son sol végétatif peut alimenter.
Cependant, si au moyen âge, pas plus que de nos jours, l'an-
cienne Province romaine n'a offert une végétation arbo-
rescente bien riche, elle était moins dépouillée qu'aujour-
d'hui. Les parties nord et est furent naguère ombragées
par quelques forêts qui s'étendaient sur le flanc des
montagnes, mais dont onn'aperçoit plus maintenant que
des lambeaux. Ainsi dans le département des Basses-Al-
pes, aux environs de Sisteron, on donne le nom de La Forêt
à une contrée qui environne Aubignosc, et n'a plus un
bouquet (2). Une inscription latine que l'on y a décou-
(1) Cet édit supprimait la chambre des eaux et forêts du parlement
d'Aix, et enlevait la Provence au grand-maitre des eaux et forêts du
Lyonnais, pour en faire un département particulier. Voy. abbé de Corio-
lis. Traité sur l'administration du comté de Provence, t. III, p. 106
(Aix, 1788).
(2) Laplane, Histoire de 5/i/fron, t. I, p. 31. Il a dans le canton de
Sisleron deux villages de ce nom. Le second n'est plus aujourd'hui
qu'un hameau dépendant de la commune de Saint-Génies. Voy. Achard,
Dictionn. géograpliiq. de la Provence et dit Comtal vefiaissin (Aix,
1777), art. Laforêt.
CHAPITRE XXV. 383
verte (1) et qui sert maintenant de support au bénitier de
l'église, nous apprend que la grande divinité des bois, Syl-
vain, y était l'objet d'une dévotion particulière. Le récit
de Pétrarque nous fait soupçonner et la tradition nous
rapporte que jadis le mont Venteux était couvert de bois.
La violence des vents a achevé l'œuvre de destruction
commencée par l'homme (2).
Lorsque au milieu du xi* siècle fut fondée, dans le dio-
cèse d'Aix, l'abbaye de Sauve-Cane [Sylva Cand) (3), des
massifs de peupliers argentés, d'oliviers tapissaient le lieu
choisi pour son emplacement, et au siècle dernier, le nom
de cette forêt blanche transporté au monastère était la
seule trace de son existence.
Au diocèse d'Arles, une autre forêt, encore en grande
partie subsistante, occupait une vaste superficie; c'était
celle que l'on appelait la forêt Roijale ou Sylva Real {sylva
regalis), et qui est dite encore foret d' Al baron. En \ 194, Al-
phonse II, roi d'Aragon, en fit cession à l'abbé Etienne (4).
Le nom d'Eaumet {Ulmetum), que prit une abbaye bâtie
sur son territoire, annonce qu'elle était partout plantée
d'ormes. Actuellement la forêt de Silvéréal recouvre dans
la petite Camargue une superficie nominale de 5000 hec-
tares, mais les quatre cinquièmes sont occupés par des
(1) SILVANO II G. IVL || F. HALLVS [1 EX VOTO.
(2) Voy. Ch. Marlins, Du Spilzberg au Sahara, étapes cVun nalura-
liste, p. 409.
(3) Voy. Manrique, Aimai, cistercienses, t. II, p. 91, t. III, p. 87. Cf.
Gallia christiana, t. I, p. 310.
(4) Cotte foret était placée au sud de Saint-Gilles. Voy. GaUia chris-
liana, t. I, instrumenta, p. 105. — La charte de donation concède
à Etienne la forêt d'Albaron, franche et hbre de tous droits (francam,
liberam et iinmnnem), avec les pâturages, cours d'eau, chasses qui en
dépendent, et toutes les essences {omnibus arboribiis diversi gencris)
dont les moines peuvent avoir besoin. On comprend qu'une concession
aussi large ait ouvert la porte à des abus qui portèrent la dévastation
dans la forêt.
384 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
marais, des étangs, des landes. L'orme en a disparu et le
pin est actuellement à peu près la seule essence qu'on y
rencontre (1). De là le nom de Pinède-des-Saintes-Marie<
qui lui est souvent donné (2).
En général le pin tend, en Provence, à chasser les autres
essences forestières. Les différentes espèces de pin ont en-
vahi toute la région littorale jusqu'à la partie inférieure
et méridionale de la Durance (3). Au contraire, le hêtre et
rif disparaissent, et le comte de Villeneuve écrivait, en
1824, qu'on ne rencontrait plus ces arbres qu'à Cuges et
à la Sainte-Baume (4). Les chênes ont certainement cons-
titué naguère des forêts dans des plaines où ne se voient
plus maintenant que quelques individus isolés (5).
On évaluait, il y a quarante ans, encore à 155,000 hec-
tares l'étendue du sol forestier du département des Bou-
ches-du-Rhône, mais on comprenait dans cette évaluation
tout le sol boisé, et les forêts proprement dites y figuraient
pour une faible fraction. Entre ces forêts, outre la Silve-
real, celles de Suez et de la Taillade, aux environs de
Lambesc, plantés de pins, de Cadarache, dans le canton
dePeyroles, sur le territoire de Saint-Paul-lez-Durance,
de la Palière, qui ne faisait jadis qu'un avec celle de Pa-
leirotte, aux environs de Puy-Loubier, dans le canton de
Tretz, toutes plantées de chênes verts, sont les plus con-
sidérables. Mais leur étendue est relativement médiocre
et l'État ne possède dans le département aucune de ces
forêts domaniales dont les majestueux ombrages embel-
(1) Voy. comte de Villeneuve, Slatisiique du département des liou-
ches-du-Rlume, t. H, p. 730, 731, t. IV, p. 105.
(2) Les habitants de cette commune avaient dans la forôt des droits
étendus.
{?,) Villeneuve, Statistique des Bouches-du- Rhône, t, IV, p. 103
(4) Villeneuve, ibid.
(5) Villeneuve, ibid.
I
CHAPITRE XXV. 385
lissent tant l'aspect du pays. Il y a cinq ou six siècles, les
pinèdes et les clienaies étaient beaucoup multipliées. La
commune des Pennes, dans le canton de Gardanne, tire
son nom des hautes forêts de pins qui l'entouraient. Un
monument, découvert sur le territoire de cette commune,
paraît indiquer que les forêts de Pennes avaient été consa-
crées à la déesse Gybèle, dans le culte de laquelle ce coni
fère jouait un grand rôle (i).
La partie de la Provence qui répond aux départements
actuels du Varet des Alpes-Maritimes, a subi, en beaucoup
de points, un déboisement aussi étendu et aussi impi-
toyable que celui dont a souffert le département des
Bouches-du-Rhône ; mais dans sa zone montagneuse,
l'état forestier est resté à peu près ce qu'il devait être en
Provence au moyen âge. Les hauteurs de l'Esterel sont
couvertes de chênes blancs, d'yeuses, de pins et de hêtres.
Le mélèze et le sapin y ont jadis été abondants, mais ces
deux essences reculent de plus en plus vers le nord (2), et
on ne les rencontre plus guère dans l'ancienne Basse-Pro-
vence.
La forêt de la Sainte-Baume a conservé, à quelques
égards, l'aspect que devait offrir, il y a cinq ou six
siècles, le sol forestier de cette région de la France.
Les traditions qui se rattachent en grand nombre à cette
localité (3), nous la représentent comme ayant jadis été
enveloppée de futaies d'érables, de hêtres, d'ifs, de tilleuls,
qui ont disparu , ainsi que vingt autres forêts de cette même
partie de la Provence, dont on a conservé les noms (4);
(1) Villeneuve, ouv. cit. p. 105. — Orelli, Inscripl. lai. n» 1896.
(2J Villeneuve, ibid. t. IV, p. 103.
(3) Saint Honorât, avant de se fixer dans l'île de Lerins, s'était retiré
à la Sainte-Baume. Bolland. Act. Sanclor. xvi Januar. p. 19. Cf. Bail-
let, Vies des Saints, t. II, p. 207.
. (4) Noyon, Statistique du Var, p. 7C.
25
386 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
la plus importante s'étendait de la Sainte-Baume à Tou-
lon. De celles qui restent, l'incendie a anéanti ou au
moins fort réduit plusieurs. La plupart des essences qui
les peuplaient ont ainsi été expulsées du sol ; le chêne-
liége, sur lequel la flamme est impuissante, quand il a dé-
passé un certain âge, a seul résisté au feu (1). Mais une
autre cause de destruction le menace. Le démasclage (2),
qui constitue dans le pays une industrie fort ancienne,
a fait périr des milliers d'individus privés trop jeunes de
leur écorce, et actuellement des incendies consument les
derniers débris de cette antique parure des montagnes de
la contrée (3). Mais, si la main de l'homme a produit tant
de dévastations, elle a, d'un autre côté, réparé le dom-
mage causé par son imprévoyance. Plusieurs essences in-
connues à nos pères remplacent maintenant les arbres
détruits; l'arbousier, qui peuple aujourd'hui lesforêlsdcs
Maures, l'oranger, le myrte, le laurier-rose, le pin d'Alep,
acclimaté par les Arabes, le pistachier-lentisque ont doté
la Provence d'une végétation pluschétive, il est vrai, que
l'ancienne, mais plus gracieuse et plus odorante (4), à la-
quelle se marie de plus en plus l'olivier, indigène en Pro-
vence, ou du moins apporté par les Grecs dès une haute
antiquité (5), et que la culture a été propageant sans cesse.
Théophraste, Polybe, Diodore de Sicile, Denys le Périé-
gète (6) parlent des magnifiques forêts qui couvraient les
(tj Voy. l'arlicle de M. Ysabeau, sur les forcis du Globe, dans les
Annales foreslières, t. XIII, p. 301.
(2) Jbid. p. 620.
(3) Voy., sur les incendies de ces forêts, l'article de M. Ysabeau, dans
les Anncdes foreslières, t. III, p. 439 et suiv. Comparez ce que M. Al-
bert de la Marmora dit des incendies des forets de la Sardaigne, dans
son Voyage, 2* édit. t. I, p. 426.
(4; Darluc, Hisloire nalurelle de la Provence, t. III, p. 309.
(5) Cf. Am. Thierry, Hisloire des Gaulois, 3"= édit. t. Il, p. 5.
(6) Dionys. Perieg. V, 4G0. Diodor. Sic. V, 13. (Cf. Mannert, Géogra-
phie der Griechen und Rœmer, part. IX, t. II, p. 506 et suiv.)
CHAPITRE XXV. 387
montagnes de la Corse. Ces forêts ont été, comme celles
de la Sardaigne, détruites en grande partie par les dé-
frichements et les incendies. Un petit nombre seulement
rappelle la magnificence de la parure forestière de l'an-
tique Cyrnos. Ces forêts sont, en majorité, formées de pins
laricio, ou pins de Corse ; il n'y a guère d'autres espèces
que les conifères. Aussi, depuis la réunion de l'ile à la
France, ses forêts fournissent-elles de précieux bois de
construction. Les plus belles tiges se rencontrent dans
les forêts de Parma, Loma, Tretore, Libio, Aitone et
Pietro-Piano. D'énormes pins faisaient l'admiration du
voyageur dans la forêt de Vizzavona, avant le terrible
incendie qui vient de la consumer (septembre 4866).
Quelques forêts de la Corse sont encore tout à fait
vierges et n'ont même point été exploitées; telles sont
celles de Valdoniello, qui présente des pins de propor-
tions colossales (1), de Rospa, dont l'exploitation avait
été décidée, de l'Indinosa, qui n'est qu'une branche de
la forêt d'Aitone (2). Ailleurs, de vastes défrichements ont.
commencé à être opérés. La vallée de Cruzini, située sur
la côte occidentale de l'île, et qui s'étend de Boccia-
d'Oreccia à Uti, où elle confine à la mer, n'était an-
ciennement qu'une vaste forêt dont la destruction a été
presque achevée dans le xv^i*" siècle (3). Filippini, dans
son Histoire de la Corse, écrite au xvr siècle, dit que la
chaîne principale, qui traversel'îlediagonalementjdunord-
ouest au sud-est, et à laquelle il assigne une étendue de 70
milles, formait une suite de montagnes couvertesde forêts.
(1) On voyait, il y a quelques années, dans celte forêt, un pin de
)i"',20 de circonférence, qui était connu dans le pays sous le nom du Roi
drs arbres. (Voy. Robiquet, Rech. Idsl. etsiat. sur la Corse, p. 529.)
(2) Robiquet, oui', cil- p. 524 et suiv.
(3) H. J. Michiel von Kessenich, Manuscrit inédit sur les bois et les
forêts, publié par son lils, p. 50, 51.
388 LES FORÊTS DELA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
A côté de ces forêts séculaires croissent des forêts
naines, vrais carrascos de l'île, les maquis, qui sont pour
Ja Corse ce que les jungles sont pour l'Inde, vastes éten-
dues de broussailles que le feu dévore en vain et qui
repoussent sans cesse sur le sol cent fois dévasté i^ar l'in-
cendie (1).
(1) Voy. De Beaumont, Observations sw la Corse, 2^édit. p. 11. Cl',
l'article de M. Ysabeau intitulé -. La Corse et ses forêts. Annales fores-
tières, t. XIII, p. 249etsuiv.
I
CHAPITRE XXVI. 389
CHAPITRE XXVI.
l'ORÈTS DU LANGUEDOC ET DE LA GUYEXNE AU MOYEN AGE. — FORÊTS DES
PYRÉNÉES, DU, COUSERANS. — FORÊTS DU ROUSSILLON, DE l'aLBIGEOIS
ET DU ROUERGUE. — LES SAUBES. — FORÊTS DU BÉARN ET DU PAYS
BASQUE. — ANCIENNES FORÊTS DU QUERCY ET DU PÉRIGORD.
La chaîne des Corbières, qui traverse le Bas-Languedoc,
était, dans le principe, fort boisée; on n'y rencontre plus
maintenant que de rares taillis. Ce déboisement a com-
mencé sans doute, il y a bien des siècles, mais il s'est con-
tinué jusqu'à notre époque, et les vieillards du pays se
rappellent encore avoir vu très-ombragées certaines mon-
tagnes qui ne sont plus à cette heure recouvertes que de
mousse. Là où subsiste une végétation plus élevée, on
n'aperçoit guère que des arbrisseaux, des arbustes, tels
que des genêts, des romarins, des bruyères auxquels
s'associent sur quelques points des arbres rabougris, et
que dévaste la dent des moutons et des chèvres (1).
Dans les Montagnes-Noires, la végétation arborescente
étant restée plus énergique, les dégâts dus à l'impré-
voyance ou à la cupidité sont vite réparés. Toutefois, la
sécheresse cause au bois de graves préjudices, et partout
où il n'est pas abrité contre les ardeurs du soleil, il se
dessèche et languit.
Nous possédons divers documents qui témoignent de
l'existence ancienne, dans le Bas-Languedoc, de forêts
aujourd'hui totalement disparues.
Dans un diplôme de l'an 864, daté de Compiègne, et
contenant une donation faite par l'empereur Charles le
(1) Voy. Duhamel, Notice sur l'état des bois et des furets en France,
dans le Journal des Mines, n" 21, p. 49 (prairial, an iv).
390 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Chauve à un nommé Adroarius (1), il est question de deux
forets, l'une appelée Sylva Monîederna ou simplement
Montedernus, et l'autre Sylva Bitoranda^ qui ont été depuis
si longtemps défrichées qu'il est difficile d'en retrouver
la position précise. Le texte de la charte porte: <c Et cum
ipsa Sylva Monîederna et ipso monte quem vocant Monas-
teriolum cum sylva Bitoranda usque ad Riotaraciaco et
usque ad Petraficta inter Redense et Narbonnense. »
D'où il suit que les deux forêts s'étendaient entre le Nar-
bonnais et le Rasez, non loin d'un village appelé Petra-
ficta (en français Pierrefitte , en dialecte languedocien
Peyrefite). Or il n'y a, dans cette partie du Languedoc,
que deux Peijrefite : l'un dit Peyrefite du Razès (Aude,
canton de Chalabre), Tautre dit Peyrefite-mr-VEers (can-
ton de Belpech). La topographie des environs du pre-
mier village ne s'adapte pas aux indications du diplôme.
Au nord de Peyrefite-sur-l'Hers existait au contraire,
au siècle dernier, un petit bois qui était désigné sous
le nom de bois de Montauriol, et devait être le dernier
vestige de la Sylva Montederna ; car celle-ci était placée,
d'après la charte, près du Mons Mojiasteriolum, dont
l'appellation se retrouve altérée dans celle de Montauriol.
Au sud du bois de ce nom, Cassini en marque un autre
dit de la Selve, nom où se reconnaît une forme languedo-
cienne du latin sylva. Ce bois ne peut être que le reste de
la forêt Bitoranda. Ainsi les deux forêts, importantes au
IX'' siècle, n'étaient plus représentées au siècle dernier que
par deux maigres bois. Nul doute qu'au temps de Charles
le Chauve, l'une de ces forêts ne s'étendît jusqu'au cours
d'eau appelé Lers-Morte, et l'autre jusqu'à la Vixiège.
Dans les environs, le nom de Gaston (Gâtine), donné à
(I) Voy. Hisloriem de France, t. VIII. p. 592.
CHAPITRE XXVI. 391
un hameau, rappelle les défrichements qui y furent jadis
opérés.
Une forêt non moins importante, à en juger par le nom
de Grandis Sylva qu'elle portait au xif siècle (1), fut
celle de Fontfroide, également située dans le Narbonnais.
L'examen de la carte montre qu'elle dut originairement
s'avancer beaucoup plus au nord que ne fait aujourd'hui
le bois auquel elle est réduite. Dans cette direction se
trouvait en effet l'abbaye qui lui valut son nom, abbaye
dont les moines hâtèrent son défrichement, La dénomi-
nation de Grandis Sylva ne pouvant plus convenir aux
étroites proportions dans lesquelles la forêt s'était res-
serrée, tomba peu à peu en désuétude.
La montagne de Cette s'est dépouillée depuis 1622 des
pins qui l'ombrageaient, et dont parle déjà Festus Avie-
nus {Setius inde nions tumet. — Procerus arcem ac pini-
fer){%
Gervais de Tilbury (3) rapporte qu'il avait existé, aux
environs de Montpellier, une forêt qui fut détruite par la
hache et le feu {succisa atque combusta), puis défrichée
{aratro scissa). Une vigne y poussa sans avoir été plantée,
et fournit pendant trois ans de très-bon vin.
Les nombreux étangs distribués le long de la côte du
' bas Languedoc, les alluvions qui s'y accumulent, ont dû
de tout temps s'opposer à ce que la végétation forestière
y prît autant d'extension que dans la montagne. Un docu-
ment du V'' siècle nous fournit la preuve que, sur certains
points de cette contrée littorale, la distribution des arbres
n'a guère changé. Un diplôme de l'an 844 renferme la
ri) Gallia chrisliana, t. VI, col. 199. Eccles. Narbon.
12} Voy. ce que dit P. do Marca cité par M. de Saulcy [Revue ar-
chéolog., 1867, p. 88).
(3) Olia impeiialia, t. III, c. xxxvi, p. 973, éd. Leibnitz.
392 LES FORÊTS DE LA. GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
concession d'un droit d'usage et de paisson au monastère
de Psalmody, dans une forêt voisine, désignée sous le nom
de Pineta (1). C'est celle qui subsiste encore sous le nom
de Pinède-de-fAbbé, près de l'emplacement de l'ancien
monastère, au nord-est d'Aigues-Mortes. Or, la dispo-
sition des lieux, coupés de marais et de cours d'eau,
écarte l'idée que cette forêt de pins se soit jadis plus
étendue qu'elle ne fait aujourd'hui (2).
Toute la chaîne des Pyrénées a vu s'éclaircir graduelle-
ment l'épais manteau forestier dont elle était d'abord en-
veloppée. Dans les Pyrénées orientales, le déboisement n'a
pris des proportions considérables que depuis deux siècles
environ. Il y a deux cents ans, de larges sapinières éten-
daient encore leur voile vert foncé sur la croupe de Ca-
nigou (3). Le touriste qui visite les frontières du la
France et de la Catalogne aperçoit de tout côté des vestiges
manifestes de l'ancienne richesse forestière de la région
orientale des Pyrénées. Aux bords des torrents s'offrent
presque à chaque pas des ruines de forges que le manque
de bois a obligé à éteindre, mais dont l'ancienne activité
€st attestée par les tas de scories çà et là répandues (4). Le
comté de Foix eut aussi beaucoup à souffrir de la dévas-
(1) Voy. Historiens de France, t. VIII, p. 467; Diplom. (,Cf. Gallia
chrisliana, t. VI, col. 471 ; Ecoles. Nemaus.)
(2) Dans la même partie du Languedoc, on trouve, à la fin du xii* siè-
cle (1174), mention d'une forêt, dite forêt Gothique ou Godesque [Sylva
Godesca), sise près de l'abbaye de Franquevaux, dont le reste parait
être le bois qu'on rencontre sur les collines, au nord de Franquevaux,
dans la direction de Génêrac. Brémond, seigneur d'Uzès, y avait accordé
aux moines de l'abbaye droit de paisson (D. Vaissete, Histoire du Lan-
guedoc, t. III, preuves, col. 135), mais il fit réser\-e pour le droit d'af-
fouage et droits analogues; ce qui explique comment la forêt Godesque
n'a pas été totalement détruite.
(3) P. de Marca (Marca liispanica, col. 9), dit à propos du mont Ca-
nigou : Abietum laudabili sylva comalus.
(4) Voy. J. J. Baude, Les cotes du Roussillon, dans la Revue des deux
mondes, année 1849, t. III, p. 33, 34.
CHAPITRE XXVI. 393
tation des forêts (1). Le Couserans (2) a seul dans cette ré-
gion du Midi échappé à un si déplorable appauvrisse-
ment. Ses belles forêts fournissent encore de quoi alimen-
ter des mines de fer dont l'exploitation remonte au temps
des Ibères et qui étaient si multipliées à la fin du xv^
siècle, que les ouvriers du pays ne suffisaient plus et qu'on
était obligé d'en faire venir d'Allemagne (3),
En avançant plus à l'ouest, les traces du déboisement
sont plus apparentes, les pentes se dégarnissent. C'est là
un jait déjà fort ancien ; Strabon (4) remarquait que le
versant septentrional des Pyrénées était nu, comparé au
versant méridional, ombragé par les essences les plus
variées. Toutefois il ne faut pas s'exagérer l'étendue du
déboisement ; nous avons des preuves que bien des parties
du département actuel des Basses-Pyrénées étaient encore
très-boisées, il y a plusieurs siècles. Froissart nous parle
du Béarn comme d'un pays riche en bois. C'est dans un
de ces bois, aujourd'hui détruit, que s'éleva naguère la
chapelle qui devint plus tard la cathédrale de Lescar (5).
Au VIII'' siècle, une immense forêt de hêtres s'étendait sur
(1) Voy. ce qu'écrivait en 1801 le préfet Brun (Ebauche d'une cles-
cripl. du dépl. de VAriége, p. 9).
(2) Le Couserans ou Conserans et le pays de Comminges sont très-
montagneux et encore assez boisés. Une bulle du pape Alexandre III,
en faveur de l'abbaye de Bonnefont, en Comminges, mentionne des
localités de ce pays appelées Silva, Silveyra. [Gall. christ. 1. 1, Instrum.,
p. 180.)
(3) Voy. la déclaration de Beaugency, de novembre 1483, dans'Isam-
bert, Recueil général des anciennes lois françaises, t. XI, p. xii. Cf. Cor-
respondcmce administrative sous le règne de Louis XIV, publ. par Dep-
ping, t, III, p. 876, t. IV, p. .52. Il se pourrait toutefois, qu'ainsi que cela
se passa sous le ministère de Colbert, l'introduction des ouvriers alle-
mands ait eu pour véritable motif leur habileté dans la métallurgie.
(4) Strabon, III, p. 161.
(5) La charte do fondation de Lescar, ville bâtie en 1084 par Lopofort,
porte qu'en ce lieu niliil invenit prœter sijlvani et ecclesiolam B. Joannis
Daptislw. (Voy. Marca, ouv. cit. p. 212, etPalassou, Mémoires pour ser-
vir à l'histoire naturelle des Pyrénées, p. 190 et suiv. (,Pau, 1815.)
394 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L ANCIENNE FRANCE.
tout le défilé de Roncevaux. « Est enim locus ex opacitate
sylvarum, quarurn ibi maxima est copia, insidiis ponendis
opportunus, » dit Eginhaid (1).
Le département des Basses-Pyrénées ne présente plus
de nos jours qu'un fort petit nombre de forets de quelque
importance; ce sont celle de Gabas, commune de La-
runs, arrondissement d'Oléron, et celle d'Iraty, qui s'étend
sur les deux cantons de Tardets et de Saint-Jean-Pied-de-
Port ; mais antérieurement leur nombre était beaucoup
plus considérable. Dans la vallée de Soûle, la forêt d'Ar-
bailles ou d'Arbalhe recouvrait une partie des communes
de Gamou-Gihigue, Aussurucq, Ordiarp,Musculdy;Saint-
Just-Ibarre et Behorleguy (2).
Le nom de Saube ou Seubeque portent encore plusieurs
localités de ce dép.artement, est dérivé du latin sijlva ou
silvœ, ainsi que les chartes en font foi (3) ; mais les forêts
qui leur valurent ce nom ont disparu. Ainsi le village de
La Seube occupe l'emplacement de l'ancienne forêt d'Es-
cout(4). Au diocèse d'Oléron existait une abbaye, celle de
Saudebonne-de-Luc, appelée antérieurement Sauvebone-
de-Luc, et dont le nom latin était Sanctus Vincentius de
saltu bono ou de luco, en mémoire de la forêt au milieu de
laquelle elle fut élevée (5). J'ai déjà parlé de l'abbaye de
Sauveiade {Sylva Lato), dans le diocèse de Lescar, qui s'é-
leva, en 1127 (6), au milieu d'une forêt de hêtres, dite
(1) Yila Karoli Magni, 9, p. 32, éd. Teulet.
(2) Paul Raymond, Dictionnaire lopoQraphique des Basses-Pyrénées.
p. 8.
(3) Ibidem, p. 96. — Lasseube (arrondissement d'Oléron) est désignée
sous le nom de Sylvse, dans une charte de 1305.
(4) Palassou, Mémoires pour servir à l'histoire naturelle des Py-
rénées, p. 173, 190 et suiv. (Pau, 1815.)
(5) Gallia chrisliana, t. I, col. 1281, Eccles. Olor.
(6) Idem, t. I, col. 1305; Eccles. Lascar. — L'abbaye de Sauveiade,
de l'ordre de Cîteaux, désignée aussi sous le nom de Seublade ou Ceu-
blade, donna naissance à un village compris aujourd'hui dans le canton
CHAPITRE XXVI. 395
pour cette raison, la forêt du Faget (Fagus) (i); il ne
reste plus aujourd'hui de cette forêt que d'insignifiants
vestiges, quoique Tépithète de LaU( dénotât que dans le
principe elle était très- vaste. Il ne serait guère possible
aujourd'hui, tant Sauvelade a été défrichée, d'en recons-
truire sur la carte les limites précises. Cap del bosc, loca-
lité sise à l'ouest, à plus de deux kilomètres au delà du
territoire de l'abbaye, et Moulin-du-Bosc, autre localité
déboisée que l'on rencontre à plus d'une lieue au sud-est,
indiquent certainement d'anciens cantons de la forêt, qui
dut comprendre le bois d'Abos, placé au sud-est.
L'abbaye de la Reule fut fondée en un canton appelé
Sauvestre(5'?//De5/?'/5), à raison de son aspect forestier (2).
Ce pays de Sauvestre s'étendait le long du Gave de Pau
jusqu'à Haget-Aubin et Sault-de-Navailles. Ce dernier
nom, dérivé du latin saltiis, et celui de Castillon-en-Sau-
vestre attestent l'existence ancienne de forêts là oîi ne
s'élèvent plus que de minces bouquets.
Le versant méridional des Pyrénées occidentales est le
seul qui puisse encore donner quelque idée de l'aspect
qu'offraient jadis un grand nombre de régions du Béarn
et de la Navarre française. Aux montagnes d'Iropil et vers
les gorges d'Iral, les hêtres forment un épais rideau sur
lequel les gaves se dessinent comme des fils d'argent ; leurs
eaux bouillonnantes roulent souvent les troncs fracassés par
les avalanches. De la crête des monts jusqu'au bas de la
de Lagor, et qui comptait déjè, en 1385, dix-sept feux. (Voy. P. Ray-
mond, ouv. cil., p. 158 et ce qui a été dit p. 133.)
(1) « In Sylva quse vocatur Fajet, in loco qui dicitur sylca lata, » lit-on
dans la charte de donation de Gaston, vicomte de Bearn.
(2) La Reule ou La Réole, à trois lieues nord-ouest de Lescar, fondée
au X* siècle, sous le nom de Sandus Petrus de Régula, dans le pays de
Sauvestre. « Monaslerium situm in pago Vasconia? qui Sylvestrensis
dicitur. » {Gall. clirisliana, t. I, col. 1303. Eccirs. Lascar.)
396 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
vallée, les forêts d'Iraty, d'Aran,d'Artigues-Teline, d'Ordc-
sa,du Val de Lastos, de Bielsa, promènent leurs lignes té-
nébreuses. La pente moins rapide du versant sud donn(
plus rarement naissance à des avalanches, et cette causi
jointe au peu de développement de l'industrie, a préser\
jusqu'à présent ce côté des Pyrénées de la perte de sa pa-
rure (1).
Le Haut-Armagnac, maintenant si découvert, renfermait
encore au moyen âge uneforêt d'assez notable importance;
c'était celle de Bouconne ou de Baconne, qui conserva pen-
dant longtemps la physionomie des antiques et téné-
breuses forêts de la Gaule. « La grande et profonde forêt
de la Baconne, écrit Fr. de BelleCorest (2), pour laquelle il
y a de grands procès entre les comtes d'Isle et de Tolose,
à cause des limites, je l'ai vue si épaisse, qu'on n'y eût
sceu choisir un homme à quatre pas là où maintenant il
y fait beau et large, tant l'on l'a éclaircie, je pense, pour
en chasser les voleurs qui y repairaient ordinairement. »
Toutefois, malgré la présence de ce débris important des
grandes forêts de la Gaule, la Gascogne, dont les plaines
riches et riantes appellent la culture, était, selon toute
vraisemblance, déjà largement défrichée à l'époque qui
nous occupe. Dans les pièces nombreuses que D. Clément
de Brugèles a recueillies à la suite de ses Clironiques ecclé-
siastiques du diocèse cl'Auch (3), on ne rencontre que fort
peu de mentions de bois et de forêts. Il y est sans cesse
parlé de prairies, de champs de blé, de vignobles, de jar-
dins potagers. Quand les bois sont nommés, ils n'appa-
raissent que comme des accessoires. Évidemment, au
(1) Voy. Arbanère, Tableau des Pyrénées françaises, t. II, p. ^7;i
(2) Cosmographie, 1. 1, col. 372. (Paris, 1575.)
(3) Voy. Chroniques ecclésiastiques du diocèse d'Auch. Toulous-
17iG, in-4°.
CHAPITRE XXVI. 397
moyen âge, les grandes forêts avaient depuis longtemps
. disparu de la province. Au xii* siècle, lorsque fut fondée
i l'abbaye de Gimont, son territoire était encore occupé par
un bois (jiemus) qui gardait le nom de Plana sijlva (1), rap-
pelant son importance primitive; Depuis le xif siècle,
cette forêt n'a cessé d'être défrichée ; elle n'est plus re-
présentée de nos jours que par quelques maigres bou-
quets. Au nord de l'emplacement qu'occupait l'abbaye de
Gimont, l'ancienne présence des bois est accusée par plu-
sieurs lieux-dits : Le Bosc^ Saint-Pé-du-Bosc, le Brouil,
Embouas, etc.
L'abbaye du Haut-Faget {Altum Fagetum), antérieure
au IX'' siècle (2)^ atteste par son nom qu'il existait dans
son voisinage, à cette époque, une forêt de hêtres qui
a été depuis longtemps abattue. Pareillement les noms
de Haget-Aubin (Basses-Pyrénées), Hagetmau (Landes)
tirent leur origine d'anciennes forêts de hêtres et de peu-
pliers blancs qui occupaient le territoire de ces petites
villes (3). A la fin du xi= siècle, on trouvait à une faible
distance d'Auch, la forêt de Nigra Yallis, qui s'étendait
aux environs de Montant (4), dans un pays qui, de nos
jours, est totalement découvert (5). La Medkma sglva,
forêt non moins importante, ombrageait les environs de
(1) Gall. chrislian. t. I, col. 1026. Ecoles. Ausc.
(2) Voy. Gallia cJiristiana, 1. 1, col. 1009. Ecd. Aiisc.
(3) C'est ce que nous apprend Palassou, loc. cit. — Toutefois l'éléva-
tion de la Chalosse, qui ne dépasse guère 130 mètres, paraît peu favo-
lable à la végétation du hêtre, qui, dans le Limousin, ne descend pas
au-dessous de 5 à GOO mètres, et, dans les Pyrénées, de 700.
(4) Voy. Gallia chrisliana, t. I, p. 100, insirumenta ; cf. D. Clément
de Brugèles, Chroniques ceci, du diocèse d'Auch, preuves, p. 58.
(5) Peut-être la localité appelée Lasseiihe, au sud d'Auch, et Masseube
occupent-ils l'emplacement d'une partie de cette forêt de la Vallée-
Noire, dont le nom contraste avec l'aspect actuel du jiays. Le petit bois
de Saintc-Dode peut en être un reste.
\
398 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Madéran, au diocèse de Tarbes (1). Il semble que cet!
forêt s'étendit au sud de Gastelnau-Rivière-Basse, cui
divers noms de lieux y rappellent la présence des bois. Du
reste, le pays de Bigorre est encore assez riche en forêts,
et le déboisement n'y a pas pris d'aussi grandes propor-
tions que dans l'Agénois et la Gascogne propre.
Les bords de la Garonne, depuis Toulouse jusqu'au delà
deMontauban, offraient une succession de forêts étendues
dont les vestiges sont encore nombreux. L'examen de la
carte permet de renouer la ligne des localités boisées qui
leur servait comme de soudure et que le temps a disjointe.
Sur la rive gauche de ce fleuve régnait, au commence-
ment du xii* siècle, une forêt qui, dans le pays, était ap-
pelée la Gra?uIe-Fo?'êt (Grandis sijka), nom qui, dans le
dialecte du pays, est devenu la Gi^and Selve (2). C'est au
sein de cette forêt que s'éleva en l'honneur de la Vierge
un monastère célèbre de l'ordre de Saint-Benoît (3). La
Grand'Selve fut peu à peu envahie par les moines et ré-
duite aux conditions d'un simple bois.
Cette grande bande forestière, coupée par la Garonne,
était traversée par la Daire, dont les eaux conduisaient au
fleuve les troncs qui tombaient sous la hache des gens de
l'abbaye. A la suite de nombreux essartements, laGrand'-
(1) Voy. Ex iniliis Madirensis monasterii, dans les Ilistorkns de
France, t. XI, p. Hô.
(2) « In territorio Tolosse est iinum cœnobium in honore Sanctie
Mariae quod vocatur Major Sylva, ubi primus abbas fuit Stephanus. »
Chronic. Malleacens. cité par J. Besly, Histoire du Poitou, preuves,
p. 450.
(3) Voy. Notilia de fundatione monasterii Sylvx majoris, dans les
Historiens de France, t. XI, p. 312 et 407, t. XIV^ p. 45, — Gallia
christiana, t. XIII, col. 127. Eccles. Tolos. — Chronic. Malleac. ad
an. 1120, dans les Historie7}s de France, t. XII, p. 407. Voy. aussi Ju-
glar. Monographie de l'abhaye de Grandselve, dans les Mémoires de la
Société archéolog. du midi de la France, 1857.
CHAPITRE XXVI. 399-
Selve finit par se scinder en deux parties que séparait
la rivière, et celle qui était placée au delà de la Daire,
prit le nom de forêt de Verdun, de la ville au sud de
laquelle elle est située.
La partie orientale et nord-est du département actuel
de Tarn-et-Garonne, formée d'une fraction du Languedoc
et de la Basse-Marche du Rouergue, présentait une suc-
cession de forêts qui servaient de limites communes aux
Tolosates, et aux Rutènes, aux Cadurques.
Les forêts du Rouergue et de l'Albigeois ont été incon-
testablement plus étendues qu'elles ne le sont aujourd'hui,
et comme celles des Pyrénées, elles doivent avoir eu à
souffrir de la dévastation et de l'imprévoyance.
Des bois de chênes recouvraient jadis les collines cal-
caires du Rouergue (1) ; ils ont disparu. La forêt de Pa-
lance, située à l'est de Rodez, s'étendait vraisemblablement
à l'origine de l'Aveyron au N. jusqu'à la Viaur au S. Mais
les territoires de St-Martin-des-Cormières, de Vibal et
d'Argués furent pris sur la forêt dans la région qui aA'oi-
sine la Viaur, et déjà, au siècle dernier, le grand essart de
Malvertie, ouvert au centre de la partie la. plus boisée,
frappa comme au cœur l'existence de cet épais groupe
d'arbres. Vers la frontière du Rouergue et du Languedoc
proprement dit, un autre débris important des anciennes
forêts de cette partie de la France, est la belle forêt de
Guillaumard, sise au S. de Cornus, et qui est comprise
entre la Pesade au N. et l'Orb au S. On est ici dans la ré-
gion des Cévennes, dont les montagnes sont en grande
partie dépouillées de leur manteau forestier. En s'avançant
plus au N., les pentes du mont Largoust, dont la cime
s'élève au N.-O. de Valleraugue (Gard), gardent, dans la
(1) Bosc, Mémoires pour servir à Vhisloire naturelle du Rouergue,
t. I, p. 29, 69.
400 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
forêt des Goilles ou de Galcadis, un lambeau de ce vête-
ment arborescent.
Dans l'Albigeois, le défrichement semble avoir été
moins prononcé que dans le Rouergue. Plusieurs forêts
assez vastes s'y voient encore. Telle est d'abord celle de
Grésigne, qui recouvre un sol de grès bigarré, d'argile et
de marne, dans le canton deCastelnau-de-Montmirail, sur
les frontières du bas Quercy ; au x^ siècle, elle apparte-
nait au comte de Toulouse ; elle fut partagée, au xiir,
entre plusieurs propriétaires, et offrait encore, au xvii* siè-
cle, une superficie de 7,150 arpents ; elle en a aujour-
d'hui une de 3,264 hectares. Au moyen âge, une foule de
communes y jouissaient de droits d'usage, notamment
celle de Gaillac, qui y avait droit de fjaudence, c'est-à-dire
droit de prendre chaque année pour faire merrain 150
pieds d'arbres, en payant un prix déterminé. Les rois de
France s'efforcèrent de limiter ces privilèges, souvent
abusifs ; une lutte s'engagea entre la royauté et les usa-
gers, qui ne finit qu'à la Révolution. Gaillac se désista de
son droit en 1637 (1).
Au nord de la forêt de Grésigne, dans le canton de
Vaour, s'étendaient sur la commune de Montricoux, des
bois considérables où les communes avaient également
des droits d'usage ; ils leur,furent accordés par les Tem-
pliers, possesseurs d'une commanderie dans le canton,
lesquels n'avaient fait de réserves que pour les forêts de
Breton et de Castres (2).
Citons encore, comme ayant une notable importance,
les forêts de la Narbonnaise, de la Cabarède, de Girous-
sens et de Vialavert. Ces deux dernières ont été toutefois
(1) Voy. les détails donnés dans A. Rossignol, Monographies commu-
nales du dcparlemenl du Tarn, Part, ii, t. III. p. 298.
(2) Voy. A. Rossignol, ouv. cit. Part, ii, t. III, p. 218.
CHAPITRE xxvr. 401
partiellement démantelées. La forêt d'Angles, jadis l'or-
nement de l'Albigeois, n'est plus représentée que par le
bois assez maigre de Salabert, d'où ont disparu les gi-
gantesques sapins qui firent jadis la renommée de la
forêt (1). Un bois, dont l'abbaye de Candeil a perpétué le
nom, doit être compté également parmi les pertes qu'a
faites la végétation sylvestre en cette province (2). La fon-
dation de ce monastère, vers 1150, fut une des causes
principales de la destruction du bois; les religieux, après
en avoir abattu une partie, accordèrent libéralement des
droits d'usage aux communes environnantes.
L'Agénois paraît avoir été déboisé depuis une époque
fort ancienne et couvert de nombreuses cultures, dès le
temps des Romains. La carte ne nous offre plus aujour-
d'hui le moindre vestige de forêt, et les noms de localités
rappelant la présence d'arbres ou de bouquets y sont
rares.
Le Quercy était beaucoup plus boisé. Bien des forêts
importantes en ont disparu. Citons d'abord la forêt de
Trégazou {Tresgonus), située aux environs de Saint-Céré
(1) Massol, Descrijytion du déparlem. du Tarn, p. 186, 187. (Alby,.
1818, in-8°.)
(2) Voy. A. Rossignol, ouv. cil. Part. I, t. I, p. 104. 184. Ce bois de
Candeil {Boscus de Candelio) était situé au sud de Gaillac, dans le canton
de Cadalen. Giraud Bec et Guillaume de Grave y cédèrent,* vers 1150, à
Alexandre, abbé de Grand'Selve, un territoire où fut élevée l'abbaye qui
prit le nom de Candeil. (D. Vaissette, Histoire du Languedoc, t. II,
preuves, col. 528.) Les termes mornes de la charte de concession nous
montrent qu'à cette époque il y avait dans le bois de Candeil une partie
défrichée {cullum el incullum, d'ii la charte). De faibles vestiges de bois
se voient encore près l'emplacement de l'ancienne abbaye. A l'ouest,
il devait s'étendre au moins jusqu'à Saint-Laurent-du-Bosc-Gros,et à l'est,
il se prolongeait beaucoup plus loin, jusqu'à Saint-Salvi-de-Foresestes
et à Notre-Dame-de-Salviniame, dont les noms sont suffisamment signi-
ficatifs. Dans l'intervalle de plus de 10 kilomètres qui sépare de Candeil
ces deux localités, on rencontre d'autres lieux-dits dont la signification
nous reporte également à l'existence d'anciens bois, tels sont : le Bouis-
son, la Bouisse, La Foresl. Bousquet. Ardenne. etc.
20
402 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
(Lot), et que donna, en 878, à l'abbaye de Beaulieu, le fils
de Godefroy, vicomte de Turenne (1).
Cette forêt pourrait bien être la même que celle qu'on
trouve plus tard appelée forêt de Saint-Céré et qui occu-
pait l'emplacement de la ville de ce nom, quand, antérieu-
rement au xiii^ siècle, fut élevée la chapelle de Sainte-
Spérie, à laquelle Saint-Céré doit son origine (2). Figeac,
à l'arrondissement duquel Saint-Céré appartient était
encore, aux yiii° et ix° siècles, environné de vastes
forêts (3).
La tradition populaire veut que la région orientale du
Haut-Quercy, qui s'étend depuis Figeac jusqu'à la frontière
de l'Auvergne, et où se rencontrent Sainte-Colombe et
Prendeignes, ait été jadis occupée par une vaste forêt
dans laquelle croissaient le chêne, le bouleau et surtout
le châtaignier qui domine encore aujourd'hui en cette ré-
gion. Un diplôme de Pépin I, roi d'Aquitaine, du 23 sep-
tembre 838, par lequel ce prince confirme diverses pos-
sessions et accorde divers privilèges à la célèbre abbaye
de Conques, en Rouergue, vient à l'appui de cette tradi-
tion. Car, parmi ces possessions, Pépin comprend sa forêt
de Prendeignes ou, comme on disait alors, de Premleremies
[Foresta nostra quœ nominatur Panderemia), et la phrase
qui précède montre que la forêt était voisine de Sainte-
Colombe [Sancta Columha) (4).
Au sud-est de Caussade, sur la frontière du Quercy et
du Languedoc, la petite forêt de La Vaur a dû se ratta-
cher anciennement à celle de La Garrigue, située plus à
(1) M. Deloche, Carlulaire de l'abbaye de Beaulieu, n° xi.vi, p. 83.
(2) Delpon, Staiisiique du département du Lot, t. I, p. 451, t. II.
p. 15.
(3) Delpon, ibid. 1. 1, p. 445.
(4) Je dois ce i)récieux renseignement au fravant M. Lacabane, si
vorsé dans l'histoire du Quercy.
CHAPITRE XXVI. 403
l'est, car entre ces deux forêts, des lieux-dits [Bousquet^
Bart, Albenque, etc.) rappellent la présence des bois. Elle
a pu également faire corps avec la forêt de Breton, sise
plus au nord.
LeVivarais, pays montagneux et inégal, n'a jamais
offert ces vastes tapis de forêts qu'on trouve dans la
France septentrionale, mais ses hauteurs étaient naguère
plus ombragées que de nos jours. Il en était de même de
Gévaudan. En s'avançant de Villen^uve-de-Berg jusqu'à
Bagnols et aux bords de la Gèze, on rencontre une succes-
sion de bois (Bois de Valbonne, Montclus, Bonze, Malbose,
Leaux, Saint-Maurice, Arus) qui semblent être les débris
des forêts qui occupaient à l'origine la plus grande partie
du territoire des Helviens.
En s'approchant du Vélay, dont j'ai déjà parlé au
chap. XXII, de véritables forêts reparaissent. Au nord de
Montpézat s'étend la forêt de Dauzon à laquelle la Loire,
encore très-voisine de ses sources, sert depuis longtemps
de limite. Elle dut dans le principe être unie à la forêt
de Bauzon, située au sud-ouest, déjàtrès-réduiteau siècle
dernier, et dont le défrichement fut hâté par la fondation
de l'abbaye de Mazan.
Le Périgord offre aussi de nombreux vestiges de bois;
leur étendue originelle nous est indiquée par des noms
de localités. L'espèce de presqu'île que forme en se con-
tournant le cours de la Dronne et qui est situé au sud de
la Roche-Chalais, en est surtout riche (1). De Ci vrac à Ber-
gerac, le pays paraît avoir jadis présenté une succession
de landes et de bois. C'est là qu'on trouve : Saint-HUaire-
du-Bois, Sai?it-Marti7i-de-L€rme, dont le surnom est em-
(1) On y trouve, par exemple, Grand-Bois-Vert, Petil-Bois-VerL
Bois-Martin.
404 LES FORÊTS DE LV GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
prunté à une lande ou désert (Eretum), Soubie-Ie-BoiSr
La Forest, près Sainte-Innocence, Les Forests, entre Cu-
nèges et Thenac, le Bosc.
L'une des plus importantes forêts du Périgord était
celle de Ver, qui paraît devoir être identifiée avec la sij/vo
Eclobola, dont parle le continuateur de Frédégaire (1).
Cette forêt avait du reste été ouverte avant l'époque fran-
que, puisqu'elle était traversée par la voie romaine de
Périgueux à Gahors, dont on voit encore un tronçon
près Rossignol.
La Guienne proprement dite n'a dû jamais présenter
les grandes étendues de forêts que Ton trouve dans le
midi de la France en se rapprochant de la partie mon-
tagneuse.
La marche qui séparait dans le principe le territoire
de Petrocorii de ceux des Cadurci et des Lemovices, était
toute semée de forêts et de bois, entre lesquels il faut
citer la forêt de Goly qui s'étendait, il y a plusieurs siècles,
des bords de la Vezère aux frontières du Limousin, ainsi
que cela se reconnaît à la suite de bouquets qui sont
marqués sur la carte de Gassini. Un autre vestige de
cette marche sylvestre est la forêt de BourzoUes qui s'a-
vançait jusqu'à la rive droite de la Dordogne et n'était
elle-même, au moyen âge, que la partie orientale de la forêt
de Salagnac, sise au sud de celle de Goly et au nord-
ouest de Souillac.
J'ai déjà parlé ci-dessus de la forêt de Saint-James qui
était située au nord-ouest de Bourdeilles ; elle paraît être
(1) Voy. Chronic. Frcdcgar. continuât. Pars IV auctor. anonj-m.
c. 134, dans les Ilisloriciis de France, t. V, p. 8. Le chroniqueur
(lit que cette forêt était dans le pagus Petrocorrccvs. C'est dans cett.;
forêt que se réfugia, en 768, Waifre, duc d'Aquitaine, poursuivi par Pi-
pin-le-Bref.
CHAPITRE XXVI. 405
le reste de la bande forestière qui s'étendait dans le prin-
cipe entre le Périgord et l'Angoumois.
L'extension des vignobles a peu à peu chassé les forêts
du Médoc et du Bazadois. En d078, à six lieues au sud de
Bordeaux, existait une forêt épaisse, remplie de buissons
et de ronces; les habitants du pays l'appelaient la Grande-
Forêt, Saulve-Majour {Sylva Major). C'est là que saint Gé-
raud ou Gérard, qui avait obtenu de Guillaume VII, comte
de Poitiers et duc d'Aquitaine, la concession de ce dé-
sert (1), construisit un monastère. Aujourd'hui l'emplace-
ment de l'abbaye de la Saulve-Majour, dont le nom s'est
altéré en celui de La Séoube, se trouve dans un canton
complètement défriché et n'offrant presque aucune trace
d'arbres ; mais les noms de Gùtineau, de Hautbois^ de
Bois-du-Roi, de la Forêt, de Bois-des-Filles, de Bois-des-
Moulins, de Breuil, etc., sont autant d'indices de l'exis-
tence antérieure d'une grande forêt. La Saulve-Majour
devait s'étendre de Crognon-aux-Loupes à la Trène; sa
lisière allait vraisemblablement rejoindre, par Mainac,
l'emplacement qu'occupent Haux et Targon, d'où elle re-
venait à Grognon, en passant par une localité du nom de
La Forêt. La Saulve-Majour n'est pas la seule forêt dans
cette province de la France dont on puisse constater la
disparition. On sait d'autre part que de hautes futaies
ombrageaient la Benauge (2), l'Entre-deux-Mers, les deux
rives de la Dordogne et de la Garonne. Les noms de Bous-
cat (Boscus), de Bois-Majou (Boscus Major), de la Barthe
(1) « Et ad locuni qui Sylva Major inter duo maria nuncupatur,
adduxit sylva autem in circuitu tani densa vepribus et sentibus
creverat, quod nullus ad ecclesiam appropinquare poterat, nisi gladio
aut alio feramento prius iter fecisset. » (Boll. ActaSS. v. April, p. 419 ;
(S. Hugon, Florac, De modernis Francorum regibus, dans les Hisloriei^s
(le France, t. XII, \). 797.)
(2) Le chêne blanc constituait l'essence principale des forêts do l'an-
cienne Benauge.
406 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
{Bartha) et une foule d'autres y rappellent encore l'exis-
tence de forêts dont il ne reste plus d'autre souvenir (1).
Le canton confinant à la Guyenne et à la Saintonge
était jadis occupé par une vaste forêt, qu'on peut re-
garder comme ayant été le prolongement de la ligne fores-
tière qui partageait en deux la France, el marquait sa
région centrale. Cette forêt était celle de Pleine-Selve ou
Plane-Selve {Plana-Sylva), dans laquelle fut, en 1148,
fondée l'abbaye qui en prit le nom (3), et qui s'est aussi
appelée Saint-Géniez-de-la-Plaine. L'étendue de cette
forêt, que traversait la route de Blaye à Mirambeau,
à l'estimer par l'aire où sont répandus" les noms de lieux
qui en rappellent l'existence (4), était, de l'est à l'ouest,
de près de trois lieues. Elle comprenait au sud une lande,
dans laquelle fut construit le village de Saint-Giers (Saint-
Ciers-1 a-Lande). Sans doute qu'à l'origine la Plcine-Selvc
se rattachait à la forêt de Saintes, dont il a été parlé plus
haut (5).
(1) Jouannet, Statistique du département de la Gironde, t. II, Part, t,
p. 28.
(2) Voy. ce qui a été dit au sujet d'une forêt de même nom, p. 397.
(3) Gallia christiana, t. II, col. 892 ; Eccles. Burdigal.
(4) Ainsi, à l'ouest de la roule, on rencontre le Petit-Bois, et au sud-
est Boisredon, Bois-Menu, le Bosquet, Bois-Sec, Bois-Renau, Sauvêtre,
Drouillard-des-Bois, etc.
(5) Yoy. p. 371.
CHAPITRE XXVII. 407
CHAPITRE XXVII.
ARBRES CÉLÈBRES PAR LEUR VÉTUSTÉ ET LEURS GRANDES DIMENSIONS. —
DERNIERS HABITANTS DES ANCIENNES FORÊTS.
Non -seulement les anciennes forêts de la France ont
laissé de leur importance passée et de leur extension pri-
mitive, des traces que fait découvrir l'inspection de la
carte, mais quelques-uns des arbres qui les habitaient, il
y a quatre ou cinq siècles, ont vécu jusque de nos jours.
Entourés d'une végétation plus jeune de dix ou douze
générations, ils peuvent être regardés comme les pa-
triarches de nos bois, et une sorte de vénération les a
défendus contre la hache qui n'a point respecté d'autres
vieux baliveaux (1).
On sait que, placés dans un terrain et à une exposition
très- favorables, les arbres prolongent parfois leur exis-
tence durant des' siècles. On a pu apprécier l'étonnante
antiquité de. plusieurs, par le nombre de couches concen-
triques dont se compose leur tronc (2). Le chêne de La
(1) Une des principales raisons delà rareté des vieux arbres dans nos
forêts, c'est que la loi permettait, avant la révolution, aux gens de main-
morte, d'abattre une partie des baliveaux, dits anciens baliveaux, c'est-
à-dire âgés de 100 à 120 ans, à condition de commencer par ceux
qui donnaient les signes les plus évidents de vétusté et de dépérissement.
Voy. Duhamel du Monceau, De V Exploilalion des Bois, p. 139.
(2) Cette manière d'apprécier l'âge des arbres n'est applicable qu'aux
climats tempérés. Dans les contrées tropicales, telles que le Mexique, où
la végétation est si active qu'en trois ans un arbre a atteint la grosseur
pour laquelle il faudrait en Europe douze à quinze ans, en une seule
année il se forme souvent de trois à six de ces cercles, et l'ignorance de
ce fait a conduit parfois à prêter aux végétaux de l'Amérique et de l'A-
frique une antiquité exagérée. Voy. l'excellent ouvrage de M. le baron
J.-W. deMiilIcr, Reisen in den Vereinigten Slaaten, Canada, und Mexico^
t. I, p. 232.
408 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Mothe, dans l'arrondissement de Neufchâteau, a 7 mètres
de circonférence, et, à en juger par son diamètre, doit
dater du xii" siècle. On abattit en 1825, près de Treignac
(Corrèze), un chêne d'une grosseur plus considérable en-
core, car il ombrageait une surface de plus de dix ares;
son tronc mesurait 18 mètres en circonférence, et il en
naissait quatre branches principales ayant chacune
1 m. 20 de diamètre; ce qui dénote un âge non moins
avancé que celui du chêne de La Mothe. C'est aussi au xir
siècle, qu'il faut faire remonter la naissance de deux ifs de
La Haie de Roulot, arrondissement de Pont-Audemer {\).
Le genévrier qui s'élève à l'extrémité de la maison de cam-
pagne de Gresset, près d'Amiens, l'emporterait encore
en antiquité sur ces respectables vétérans delà végétation
sylvestre, si l'on en croit la tradition populaire, car elle
veut que ce conifère ait été planté par saint Firmin,
premier évêque de la ville. On pourrait douter de la
réalité de cette date, si dans d'autres parties du monde
on n'avait pas signalé des conifères d'une aussi haute
antiquité. En Californie, par exemple, se rencontrent cer-
taines variétés de pins qui atteignent jusqu'à 100 mètres
de haut et 6 de diamètres et dont les cônes ont jusqu'à
0m.40 de long; leur naissance date de plusieurs siècles (2).
Bien d'autres localités de la France possèdent des arbres
(1) Voy. A. Le Prévost, Mémoires cl notes sur le déparlement di
l'Eure, t. II, part, i, p. 236.
(2) Voy. DuhaïU-Cilly, Voyage autour du monde, 1835, t. II. p. 225.
— Duflot de Mofras, Exploration de VOrègon, 1. 1, p. 478; t. II, p. 403.
Toutefois il faut rabattre beaucoup de l'antiquité qu'on a attribuée à ces
arbres, par ce qui vient d'être dit ci-contre ; le baron J.-W. de Millier
estimeque sous les tropiques les arbres vivent rarement plus 80 à 100 ans.
Dans les forets de l'Amérique du Nord, on voit peu de très- vieux arbres,
parce que la décomposition est hùtée par les alternatives de pluie et de
soleil. Voy. Ch. Lyell, Travels in Xorth America, t. I, p. 60 (Londres.
1845J.
CHAPITRE XXVII. 409
d'une prodigieuse vétusté. Dans le département de la
Haute-Saône, on en cite notamment plusieurs : Il y a un
chêne au bois de la Malachère dont le tronc unique se
divise, au sortir de terre, en dix tiges élancées ayant cha-
cune près de 0 m. 40 centimètres de diamètre. Que d'an-
nées n'a-t-il pas fallu pour que cet arbre atteignît de telles
dimensions! Le tilleul qui s'élève au milieu du village
d'Oricourt, a près de 7 mètres de circonférence ; ses bran-
ches prennent toutes naissance à deux mètres du sol et
forment un massif d'ombre et de verdure dont la circon-
férence est de près de 30 mètres. A Fresne-Saint-Mamès,
deux autres tilleuls remontent, suivant la tradition, à
l'année 1340.
Dans la plupart des grandes forêts de la couronne, les
paysans montraient encore, il y a cinquante ans, certains
chênes royaux auxquels se rattachaient des souvenirs
historiques, et dont les dimensions et l'aspect attes-
taient la vétusté (1).
L'habitude de ne couper les futaies qu'à un âge très-
avancé, favorisait la multiplication de ces arbres de fort
brin qui pullulaient dans les anciennes forêts doma-
niales (2). Ils servaient à marquer, dans les chasses, les
quêtes et les relais (3). En la forêt de Vincennes, existait
naguère un chêne sous lequel on assurait que saint Louis
avait rendu la justice. Dans celle de Compiègne, le chêne-
rouvre, dit de Saint-Jean, si remarquable par sa confor-
mation bizarre, paraît remonter à une assez haute anti-
(1) J'ai lieu de croire, écrit P. de Candolle, qu'il existe encore dans
nos pays des chênes de quinze à, seize siècles-, mais il serait utile de con-
stater ces dates par des travaux plus soignés. [De la longévité des arbres,
dans la Bihliollièque universelle de Genève, 1831, t. XLVII, p. 64.)
2) Cf. Draiet, Traité de Vaménagemenl des bois et forcis, p. 29. Ces
forêts étaient généralement aménagées à cent cinquante ans.
(3) Voy. Rob. de Salnoue, la Vénerie royale, p. 341 et suiv.
410 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
quité(l). Près de Châtillon-sur-Seine, à la colline Sainte-
Anne, s'élève un chêne qui compte, dit-on, près de huit
cents ans; car on assure qu'il fut planté, en 1070, sous les
premiers comtes de Champagne (2). Le chêne surnommé
le Charlemagne qui n'avait pas moins de 20 pieds de cir-
conférence (3), les chênes dits de Clovis, de la reine Blan-
che, de Henri IV, de Sully, les futaies rfi< Gros-Fouteau,
de la Tillaie (4) de la forêt de Fontainebleau, sont plusieurs
fois centenaires. Voici encore d'autres exemples d'arbres
d'une extrême longévité et les noms de plusieurs vétérans
de nos forêts: Le chêne de Henri IV, dans la forêt de
Roumare en Normandie ; celui d^ Allouville {^) près d'Yve-
tot, qui a près de 12 mètres de circonférence et dont on
évalue l'âge à 900 ans; le chêne des Vendeurs de la forêt de
Montfort dont la circonférence mesure plus de 13 mètres
et dont la hauteur est proportionnelle ; le chêne gigan-
tesque de la forêt de Brotonne que ses prodigieuses di-
mensions ont fait appeler la Cuve; un autre chêne très-
ancien de la forêt de Trouhart (Calvados) ; le chêne
Salle ou Soret de la forêt de Bellesme, dont on estime l'âge
à 800 ans (6); le chêne dit des Sept-Frères de la forêt com-
(1) Voyez, sur ce chêne, la notice de M. Poirson, Annales foresticres,
t. I, p. 719. Il est probable que la dénomination de chênes de Saint-Jean,
appliquée à certains chênes de nos forêts, remonte aux cérémonies drui-
diques qui se célébraient sous les chênes sacrés, à l'époque du solstice
d'été.
Ci) Voyez, sur ce chêne, les détails donnés dans l'Allgemeine Forst- '
vnd Jagd-Zeitiing, mars 1834, p. 152.
(3) Cf. Dennecourt, Guide dans la forêt de Fontainebleau, p. 23.
(4) Dejinecourt, ouv. cil., p. 112. La futaie de la grande Tillaie est
une des plus belles de la forêt de Fontainebleau, si riche en arbres gi-
gantesques; on y remarque ceux qui sont désignés sous les noms dii
Goliath, du Pharamond, du Majestueux.
(5) Voy. sur ce chêne de Jouy, L'Ermite en province, dans ses OEuvres,
t. Vil, 337. Une chapelle a été établie dans l'intérieur de ce chêne.
(6) Voy. sur le chêne de la forêt de Montfort, J.-B. Thomas, Traité
général de statistique, culture et exploitation des bois, t. I, p. 37G; sur
CHAPITRE XXVII. 411
munale de Charmes (Vosges), doit son nom aux sept puis-
santes tiges nées de sa souche ; il s'élève près de la fon-
taine Gauffy. Au même département^ dans la forêt de
Saint-Ouen-lez-Parez_, le chêne des Partisans fut ainsi ap-
pelé parce qu'au commencement du xvi^ siècle, il servit
de point de réunion aux partisans Lorrains qui dévas-
taient alors les forêts et désolaient les villages de la fron-
tière française (i); le chêne d' Au trage (Haut-Rhin) abattu,
il y a quelques années (2), avait 14 m. de tour à sa base;
plusieurs rameaux mesuraient en circonférences à 4 m. ;
le chêne à la IS'otre-Dame, dans l'arrondissement de Po-
ligny, entre Villers-les-Bois et le Petit-Villey demeura
jusqu'au moment de sa destruction l'objet d'un pieux
pèlerinage (3) ; le chêne dit du comte Thibaud, dans la
forêt de Marchenoir ; le chêne Rognon àiidu Druide, dans
la forêt de la Pommeraye (Maine-et-Loire) ; le chêne au
Duc, dans la forêt de Gavre près Blain (Loire-Inférieure) ;
le tilleul du château de Chaillé (Deux-Sèvres) ; le Chêne de
la chair au Point dans la forêt de Saint-Benoit-du-Sault
(Indre) offrait plus de 17 m. de circonférence à 3 m. au-
dessus du sol, et son tronc creux servit aux jeunes filles de
salle de danse (4).
le chêne dit la Cuve, Cochet, La Seine-Inférieure historique et archéo-
logique, p. 316. Ce chêne est sur la lisière de la forêt près le Lendin.
(1) Voy. H. Lepage et Charton, le département des Vosges, t. II, p. 104,
470, 47).
(2) Cet arbre, au débit, a donné environ 170 stères de bois. La cavité
de son tronc avait 2 mètres.
(3) Rousset, Didionn. géograph. des communes du dépari, du Jura,
t. VI, p. 239. Des pèlerins avaient pratiqué dans la tige de cet arbre une
niche où fut yilacée une madone qui valut son nom au chêne. Suivant la
croyance populaire, le diable, sous la forme d'un lièvre boiteux, allait
chaque dimanche au-devant des fidèles qui se rendaient h l'église de Se-
iigney,ct il se faisait poursuivre par eux, de manière à ne les laisser ar-
river que quand la messe était achevée.
(4) Voy. sur cet arbre les détails donnés par le D'' E. de Beauforl.
412 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Tous ces arbres, auxquels se rattachent des «traditions
historiques (1), ont vécu dans les forêts du moyen âge.
D'autres, non moins anciens peut-être, n'ont pas autant
attiré l'attention ; tels sont les magnifiques baliveaux
qu'on rencontre dans la forêt de Nouvion (Aisne) et dans
celle de Der (Haute-Marne, canton de Brancourl)(2).
Combien de ces patriarches de nos bois ont disparu,
après avoir fait, durant des siècles, l'admiration de ceux
auxquels ils distribuaient libéralement leur ombrage !
L'homme, en les voyant périr, ne peut se défendre d'un
sentiment de regret, ainsi que l'a heureusement exprime
Guillaume le Breton, dans sa PJnlippide, en parlant la
destruction de l'orme de Gisors, un des derniers survi-
vants, au xii' siècle, des forêts druidiques. La description
qu'il en donne pourrait s'appliquer à la plupart des
baliveaux dont nous venons de rappeler les noms :
dans ses Recherches archéologiques sur les environs de Sainl-BenoU-du-
SauU, dans les Mémoires de la Société des antiq. de l'Ouest, an. 1800-61,
]). 271. — A 5 m. au-dessus du sol, cet arbre se divisait en 4 branches qui
auraient pu fournir une poutre de 20 m. de lonj:ueur. Trois chevaux char-
gés pouvaient se tenir ù l'abri dans son tronc. Ce chêne, qui se trouvait à
J'entrée du bois, a disparu, il y a 30 ans environ.
(1) Ces vieux chênes rai)pellent celui (ju'on voyait, au temps dePlutar-
que, près du Céphise, et qui ijortail le nom d'Alexandre, en mémoire de
ce que le grand conquérant avait dressé dessous sa lente (17/. Alcxand.,
g 9, p. 22, éd. Reiske).
(2) Thomas, ouv. cit. On pourrait encore citer des arbres fort anciens,
quoique n'appartenant pas tous à la période qui nous occupe, et qui sont
aujourd'hui les derniers représentants d'un état forestier qui a disparu;
tels sont : l'arbre des Sept-Frères, de la forêt de Villers-Cotterets, le
hêtre des Beauremonts, de la forêt de Compiègne, le Châtaignier brôlé^
de la forêt de Montmorency. Il y a quelques années, nous eussions pu join-
dre à cette liste les magnifiques futaies de la mare d'Auleuil et le hêtre
pleureur de la forêt de Troarn, près Caen. (Voy. Philippar, Etudes sylvi-
roles, dans les Annales de l'agriculture française, 4* série, t. "VI, p. 305,
30G. De Candolle, Mém. cil. dans \a. Bibliothèque universelle de Genève.)
Nous rappellerons aussi l'oranger surnommé /f Grand-Bourbon, qui fui
planté en 1411, par une des aïeules de Jeanne d'Albret. (Voy. Bévue
britannique, 5« série, t. VIII, p. 297 ; on donne dans cet article de cu-
rieux détails sur ces orangers.)
CHAPITRE XXV) I. 413
Haîid procul a mûris Gisorti qua via plures
Se secat in partes, prœgrandi robore quéedam
Ulmus erat visu gratissima, gratior usu
Ramis ad terram redeuntibus, arte juvante
Naturam, foliis uberrima ; roboris imi
Tanta mole tumens, quod vix bis quatuor illud
Protensis digitis circumdent bracchia totum ;
Sola nemus faciens, tôt obumbrans jugera terne
Milibus utmultis solatia mille ministret (1).
Plus les exigences de l'industrie se multiplieront, plus
les vieux arbres deviendront rares dans les forêts ; car
celles-ci tendent à passer des mains de l'État dans celles
des particuliers qui ne les exploitent pas à de si longues
révolutions. En France, l'État, sur les 9 millions d'hectares
boisés, n'en possède que 100, 000, représentant un revenu de
30 à 35 millions de francs ; les essences résineuses tendent
en même temps à remplacer les amentacées, les cupuli-
fères, qui nous fournissent la plupart de ces majestueux
vétérans delà végétation des temps passés.
(t' Liv. III, V. 102 et suiv. Hisloriens de France, t. XYIII, p. 148.
Le poète dit plus loin qu'après que l'arbre eut été abattu parles Français,
une nouvelle génération de rejetons sortit du sein de la terre et donna
naissance à une forêt :
Nam nova progenies fructicum succrevit ad ii^siar
A terra sensim steterat qua nobile lignum ;
Quœ numerum vincens, sylvam facit ordine pulchro.
414 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE L* ANCIENNE FRANCE.
CHAPITRE XXVIII.
ANIMAUX QUI HANTAIENT LES ANCIENNES FORÊTS DE LA GAULE J — PLALNTES
AUXQUELLES ILS DONNENT LIEU. — POPULATION DES FORÊTS. — ASSO-
CIATIONS PARMI LES HABITANTS DES FORÊTS.
On ne saurait douter qu'au temps où la Gaule était cou-
verte de forêts, les bêtes fauves, les animaux sauvages n'y
fussent singulièrement multipliés. L'urus {Bos primige-
iiius) hantait encore la forêt Hercynienne, au temps de
César (1), et les Germains excellaient à lui dresser des piè-
ges. Pline donne à entendre qu'il avait habité la Gaule (2).
Répandu d'abord dans toute l'Europe occidentale et cen-
trale, cet animal disparut peu à peu de nos forêls. Sous
les Mérovingiens, il était devenu assez rare pour que ces
rois s'en réservassent la chasse (3). Le poëme de Niehe-
lungen, rédigé au xii^ siècle sur des traditions beaucoup
plus anciennes, mentionne le Bos 'primigenins au nombre
des animaux qu'on chasse dans l'Odenwald, non loin de
Worms (4). Avec lui avait vécu l'aurochs, que César n'a
point mentionne, mais qui est évidemment le bison, dont
parlent Pline et Sénèque (5), car la chronique de Saint-
Gall, rédigée au xif siècle, le désigne sous le nom de
Veson omnipoteiis, et nous apprend que les moines en
(1) Caesar, De bell. g ail., VI, 28.
(2) Pline en parle comme d'un animal de la Germanie. Hist. nat.,
VIII, 15, 16, 81, éd. Sillig. « Uri enim gallica vox est, qua feri boves
signiflcantur, » dit Macrobe {Saturn., VI, 4).
(3j Voy. Legrand d'Aussy, Vie privée des Français, t. I, p. 371.
(4)Voy. les Niehelungen, 16* aventure, trad. par M™" Moreaux de la
MeUière," t. I, p. 288, 291, 371.
(5) Pline [Ilist. nal., VIII, 17, p. 81, éd. Sillig) en parle comme d'un
animal de la Germanie.
CHAPITRE XXVIII. 415
faisaient servir la viande dans leurs repas (1). Au xiii«
siècle, l'aurochs ne se rencontrait plus qu'en Bohême et
en Carinthie (2), et de nos jours sa descendance se réduit
à quelques individus parqués dans la forêt de Biéloviecza,
en Lithuanie (3). Plus redoutable pour le chasseur était le
chama, appelé aussi par les Gallo-Romains rufius, et qu'à
la description que nous en donne Pline (4), nous recon-
naissons pour être notre lynx ou loup-cervier. Au xv" siècle,
on le chassait dans les forêts des Pyrénées (5), et quel-
ques individus ont encore été tués de nos jours sur les
hauteurs ombragées des Alpes (6). L'ours, qui continue à
hanter les vallées les plus sauvages des Pyrénées (7), était
jadis très-commun et se trouvait dans des cantons d'où
il a complètement disparu. Si l'on en croit la légende de
saint Vaast ou Védast, ce carnassier habitait, aux v"" et
vr siècles, les forêts de TArtois (8). Les loups pullulaient,
et au moyen âge, leurs troupes affamées accouraient de
(1) Voy. ce que dit, sur cet animal. M. Ed. Lartet, dans sa dissertation
intitulée : Nouvelles recherches sur la coexistence de Vhomme et des
grands mammifères fossiles réputée caractéristique de la dernière pé-
riode géologique , dans les Annales des sciences naturelles, iv" série, par-
tie zoologique, t. XV, p. 230.
(2) Voy. les fragments d'un géographe latin du xviir siècle, publiés
par M. Wackernagel, dans la ZeitschiHft fiir deutsches AlteiHhum, de
Haupt, t. IV, p. 487, 483, c. xc, xxx. Toutefois, un siècle auparavant, on
voit par ce que dit Fitz-Stephen, que l'immense forêt de Middlesex abon-
dait encore en taureaux sauvages, qui devaient être des aurochs (Cf. Sam.
Pegge, On the hunting ofthe ancient inJiahitants of our Island, Britons
and Saxons, dans l'Archœologia, t. X, p. 163 (1792).
(3) Voyez, sur cette ancienne forêt, le Mémoire de Brinken, publié en
1825, à Varsovie, et analysé dans les Nouvelles annales des voyages,
2« série, t. III, xxxni, p. 277.
(4) Hisl. nat., VIII, xix, 28, p. 90, éd. Sillig.
(5) C'est ce ipi'oa voit par l'ouvrage de Gaston Phœbus.
(6) Cet animal se trouve encore dans le Hartz.
(7) On le rencontre notamment dans la vallée d'Ossau, circonstance qui
valut, au moyen âge, à cette vallée le nom d'Ursuni Saltus.
(8) Un ours sortit des forêts qui s'étendaient au delà du Crinchon,
416 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
très-loin dans nos forêts et jusque dans les villes, pour
dévorer les cadavres abandonnés à la suite de ces com-
bats incessants, triste fruit des guerres civiles et des
luttes des seigneurs (1). Les pores sauvages, les san-
gliers, erraient par troupes nombreuses dans les forêts
de la Gaule, où les glands leur fournissaient une abon-
dante nourriture (2), et leur multiplication les rendait
aussi dangereux que les carnassiers (3). Les renards, les
cerfs n'étaient pas moins répandus. Peut-être, à l'arrivée
des premiers Celtes en Gaule, continuaient à vivre dans
nos bois quelques-uns de ces ruminants qui ont laissé
leurs débris dans les dépôts quartenaires, associés à des
ouvrages de main d'homme : Le renne qui, à une épo-
que très-ancienne, vécut dans les Pyrénées ; le grand
cerf d'Irlande {Megaceros Hibeniicus), dont les restes
se sont rencontrés à la fois dans le nord de la France
et jusqu'au pied des Pyrénées, qui habitait les Iles Bri-
tanniques, à une époque à peine éloignée de quelques
siècles des temps de la conquête romaine (4), l'élan.
nous dit la vie de ce saint (F. Alcuini, V'da S. Vedasti dans les Œuvres
d'Alcuin, t. II, vol. 2, p. 1G8, éd. Froben).
(1) Il est dit à ce sujet, dans les additions à la Vénerie^ de du Fouil-
lou.v, fol. 112 : « Ainsi les tient-on (les loups) pour Lestes de passage
et qui viennent de bien loin, comme des Ardennes et autres grandes fo-
rests. Ce qui attire aussi une quantité de loups en un pays, ce sont les
guerres, car les loups suivent toujours un camp, etc.
(2) Strabon, IV, p. 197.
(3)Sigel>ert, roi des Anglo-Saxons, périt déchiré par un troupeau de ces
animaux qui vaguait dans la foret d'Andred (Sussex), où il s'était ré-
fugié après avoir perdu sa couronne. Voy. Camden, Drilannia, éd. Gib
son, 3* édit., col. 151.
(4) Voy.l^artet, Dissertation citée, passim. Il faut toutefois faire remar-
quer que dans l'opinion dequehjues naturalistes, et notamment du célèbre
paléontologiste Owen, le Megaceros hibeniicus appartiendrait à l'époqife
antérieure aux tourbières d'Irlande, et que ses os proviendraient de la
marne coquiliière qui leur sort de base. Voy. les mémoires de M. Lubbock,
Ajinales dcsscintces valurelles, 5* série, t. 2, ji. 3o8, part, zoolog. (1864}.
CHAPITRE XXVIU. 417
que César trouva encore dans la forêt Hercynienne (1).
Pendant bien des années, l'homme dut faire une guerre
incessante à ces bêtes fauves qui lui disputaient la jouis-
sance des forêts et en rendaient l'accès dangereux ; sans
doute il porta parfois la flamme pour les contraindre à
sortir de leurs repaires. Si quelques espèces disparurent
dès les temps anciens, les autres, plus multipliées ou plus
vivaces, s'y maintinrent durant tout le cours du moyen
âge. Le chasseur tenait d'ailleurs à ne pas détruire en-
tièrement des animaux qui étaient la source de ses plaisirs,
et nous avons vu que, seuls en possession du droit de
chasse, les rois et les barons étendaient sans cesse leurs
garennes pour s'assurer des chasses plus belles et plus
variées. Le droit de garenne, en multipliant le gibier ou,
comme on disait alors, la. sauvagine, entraînait pour l'agri-
culture de graves préjudices. Le gros et le menu gibier oc-
casionnaient dans les champs des pauvres paysans des
dégâts considérables (2). Qu'on lise pour s'en convaincre
ce passage d'une lettre du grand sénéchal de Sisteron,
datée du 28 septembre d377 : « Invalescunt assidue cervi,
y est-il dit, apri et alise bestiae, ferae in districtibus dicto-
rum et locorum, quod in vineis, bladis et possessionibus
aliis fructus edunt, dissipant inextimabiliter et consu-
Quant au renne, il a non-seulement habité les Pyrénées, mais les Alpes,
et l'on a retrouvé ses ossements associés à des silex travaillés de main
d'homme et à des cendres dans la caverne de l'Échelle, entre le grand
etle petit Salève, près Genève (Lubbock, ouv. cit., p. 360).
(1) Cccsar, De hdl. galL, VI, 27, Plin., Ilist. nat., VIII, 17, p. 81, éd.,
Sillig en parle seulement comme d'un animal du Nord de l'Europe.
(2) Dans les chartes qui accordent le droit de chasse dans les forêts
royales, on distingua généralement, les salvalicx beslix et les sangliers
{tt'pn), des animaux ([ui se prennent aux rets {ramerii, ramcria).
Voy. notamment une charte du xiv^ siècle, citée par Beihomme, Nolice
historique sitr le lieu cVOrfons, dans les Mémoires de la société or-
chéolog. du Midi de la France, t. V, p. 263.
27
418 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
munt (1). » En 1364, les consuls, syndics et conseiller?
de Revel en Lauraguais, se plaignaient amèrement des
dégâts causés dans la grande forêt de Vaur {alla et lata
foresta) par les bêtes fauves, qui infestaient la banlieue
de cette \ille. « In quibus, écrivent-ils à propos de la
forêt., multitudoluporumrapacium, aprorum, cervorum,
caproUorum et aliarum diversarum ferarum cohabitant,
permanent et nutriuntur, quae ipsis habitatoribus de Re^
vello et aliis locis circumvicinis magna et inextimabilia
damna afferunt (2). »
Pour parer à ces inconvénients graves, le roi Jean or-
donna la suppression des nouvelles garennes (3); mai-
ses bonnes intentions furent paralysées dans l'exécution,
et Charles VI dut renouveler l'interdiction d'une manière
toute spéciale. Dans son édit, ce roi reproche aux sei-
gneurs d'abuser de leur puissance et de la faiblesse dt
leurs tenanciers, pour leur imposer de nouvelles garen-
nes, ce qui a pour résultat de dépeupler d'habitants le pays
voisin et de le peupler de bêtes sauvages; « ce pourquoi
les labourages et vignes des pauvres gens étaient telle-
ment endommagés que les malheureux n'avaient plus de
quoi vivre et s'étaient vus forcés d'abandonner leur de-
meure (4). » En Angleterre, des plaintes analogues se fai-
saient entendre (5). De pareils abus, faiblement réprimé:^.
(1) Laplane, Histoire de Sisleron, 1. 1, p. 524, pièces justificatives.
(2) Ordonnances des rois de France, t. IV, p. 448.
(3) Jbid., t. 11. p. 395, 507, 530. 568.
(4) Ibid., t. XVIII, préface, p. 25.
(5) La réserve du droit de chasse aux seigneurs, a de même multipli
extraordinairement les bêtes fauves dans la Grande-Bretagne. En Ecosse,
les cerfs et les daims se sont ainsi accrus d'une manière prodigieuse-, par
exemple, la forêt d'Atholl, située dans le Perthshire, entre les comtés-
d'Aberdecn et d'Inverness, qui a quarante milles de long sur environ
dix-huit de large, ne comptait guère, en 1770, qu'une centaine de cerf-,
tandis qu'elle en renferme aujourd'hui cinq à six mille. La forêt de D
CHAPITRE XXVIII. 419
se perpétuèrent jusqu'aux deux derniers siècles. Le 8 juin
1607, les habitants de Gérardmer adressèrent au duc de
Lorraine une requête pour lui remontrer que ce lieu étant
limitrophe de l'Allemagne et de la Bourgogne, couvert de
forêts et environné de hautes montagnes, leurs bestiaux
étaient en danger d'être mangés par les loups, ours et
autres bêtes sauvages ; pour ce motif, ils demandaient
qu,'il leur fût permis de continuer à chasser sans payer
aucun tribut au receveur d'Arches (1). Le droit que ré-
clamaient les habitants d'une ville de Lorraine, les bour-
geois de Dole en Franche-Comté, sans doute pour le motif
qui vient d'être énoncé, en jouirent en tout temps; il
leur avait été concédé non-seulement dans tout le finage
et le territoire de leur cité, mais encore dans la giboyeuse
forêt de Chaux, où ils pouvaient chasser à la grosse et à
la petite bête. Les règlements sur la chasse étaient faits
par le mayeur, et les chasseurs étaient organisés en une
confrérie qui portait le nom de Saint-Hubert (2). Mais
on accordait rarement ces privilèges aux bourgeois, et
dans la majorité des cantons de la France, la réserve du
droit de chasse au seigneur continua à favoriser la propa-
gation des bêtes nuisibles. « Le fléau le plus redoutable
pour l'agriculture, disait le tiers-état de Paris en 1789,
rimore, dans le comté de Sutherland, en Ecosse, est célèbre par l'abon-
dance étonnante de son gros gibier, et notamment de ses cerfs à queue
fourchue. (Voy. à ce sujet, James Wilson, A voyage round the coasls of
Scolland, 1. 1, 345, Edinbufgh, 1842.) Les forêts de Mar, de Sutherland,
de Corrichibah, de Glenartney, en nourrissent également un nombre con-
sidérable. (Voyez, à ce sujet, un article de VEdinburgh Rcview, publié
dans la. Revue bn'lcmnique, 4^ série, t. XXVIII, p. 39 et suiv.) Déjà, de
son temps, Gervais de Tilbury signale la multitude de cerfs que l'on ren-
contrait dans la forêt de Caerléon. (Voy. Otia imperiolia^ III, c. i.xxi,
p. 984.)
(1) Voy. Leiiage et Charton, le déparlement des Vosges, t. II, p. 235.
(2) Rousset, Dictionnaire géographique des communes du Jura, t. II,
,p. 459.
420 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
dans ses cahiers, c'est l'excès du gibier résultant du pri-
vilège de la chasse ; de là les campagnes dépouillées,
les forêts dévastées, les vignes rongées jusqu'aux raci-
nes, etc. Aussi vit-on, jusqu'au xviii' siècle, des ordon-
nances spéciales prescrire la destruction des animaux nui-
sibles. C'est ce que fit notamment Louis XIV par lettres-
patentes du 2 mars 1671, pour les bètes fauves, dont l'abon-
dance s'opposait au récépage des forêts du duché de la Val-
lière, et portait préjudice aux cultures avoisinantcs (1). »
Qui aurait pu prévoir alors que, soixante ans plus tard,
le gibier deviendrait assez rare pour qu'on dût s'occuper
de veiller à sa conservation? Qui aurait pensé que ces
mêmes paysans, traités avec tant de rigueur et d'injustice
lorsqu'il leur arrivait d'enfreindre la prohibition de chasser
qui leur était faite (2), deviendraient, à une autre épo-
que, d'incorrigibles braconniers, qui, d'un coup de filet,
anéantissent tout le gibier d'une propriété particulière, et
tirent même parfois, sans scrupule, sur un garde prêt à les
surprendre.
Au milieu des forêts, vivait au moyen âge une popula-
tion sylvestre, livrée exclusivement aux industries qui
naissent de l'exploitation des bois : les charbonniers, les
cercliers, les cendriers, les tourneurs, les briqueticrs, les
tuiliers, les fourniers, les forgerons, les potiers, les van-
niers, les verriers, tous gens qui, sans mener une vie aussi
sauvage que les Wood-cutters (3) de l'Amérique du Nord,
(1) Voy. Correspondance administralive sous le rbgne de Louis XIV,
puiîl. par Depping, l. IV, p. 706.
(2) Les coutumes du Nivernais, de Vitry et d'Orléans, déclarent pu-
nissables comme larrons ceux qui sont trouvés chassant en garennes
ou connilières. (Voyez les lois de chasse. Isambert, Recueil, vol. XII,
p. 381.)
(3) Voy. le curieux ouvrage de M. John Springer, sur la vie des cou-
peurs de bois dans les forêts du Maine, Forest life and forcst tnes
(London, 1851, in-8°). Ces Woodnun établissent leur camp el leur hovel
CHAPITRE XXVIII. 421
constituaient cependant une classe d'hommes plus rus-
tiques que les habitants des bourgs et des villages.
Dans la Franche-Comté, toute une population vivait
dans les bois pour extraire des pesses ou épicéas la résine
connue sous le nom de poix de Bourgogne, et les fours où
elle la faisait cuire devenaient le point de départ des vil-
lages dont le territoire se formait aux dépens de la fo-
rêt (1).
En certains lieux, ces artisans s'étaient constitués en des
associations qui prirent quelquefois un caractère politique
ou religieux, et offraient quelque analogie avec nos mo-
dernes compagnonnages. Tels étaient, dans l'Artois, les
bons-coiisins des bois et les fendeurs-charbonniers. Cette
confrérie, composée de charbonniers, de coupeurs, de
scieurs et de fendeurs de bois, s'était placée sous le patro-
nage de saint Thibaud, solitaire de Provins, que la légende
représentait comme ayant d'abord exercé, en Souabe, la
profession de charbonnier. Plus tard, des gentilshommes
verriers, des marchands de fer et quelques autres corps
d'état s'agrégèrent à cette compagnie (2).
Dans les montagnes de la Franche-Comté et les Alpes,
existaient des corporations analogues, où l'on n'était ad-
mis qu'après une sorte d'initiation. Dans le Jura, ceux qui
en faisaient partie portaient le sobriquet de cousins-char-
bonniers (3).
dans la clairière qu'a faite leur cognée ; c'est là qu'ils bâtissent leurs-
log-Iiouses destinés à les loger eux et leurs bestiaux. Cf. sur la vie des
forêts du Nouveau Monde, Abr. Gesner, New-Brunsivick (London, 1847).
(t) Voy. Tissot, Les Fourgs ou un village de la Haute-Comté, dans les
Mémoires lus à la Sorbonne dans la séance extraordinaire du comilr
impérial des travaux historiques en 1863, p. 220 et suiv. (Paris, 1864).
(2) Voy. Cauchard d'ilermilly, des Carbonari et des fendeurs-char-
bonniers. Paris, 1822, in-S".
(3) Voy. GiUias de Marchand, Réflexions sur les sociétés secrètes et les
usurpations, t. II, p. 248 et 19. Arbois, 1813 2 vol, in-8°.
422 I-ES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Il est à noter qu'à toutes les époques, ceux que leur pro-
fession retient au milieu des bois, ont constitué des
associations particulières, et leur séparation des corpora-
tions d'artisans des villes leur a donné quelque peu le
caractère de sociétés secrètes. En Gaule et en Italie,
les dendrophores^ ouvriers occupés à transporter le
merrain nécessaire pour les constructions, le bois à brû-
ler, le charbon et les planches, formaient déjà de vérita-
bles confréries {collegia) (1), qui nous ont laissé çà et là des
traces de leur existence (2). Dans les Pyrénées, les cagots,
race méprisée et regardée par les montagnards comme
d'origine païenne, presque exclusivement livrée au moyen
âge aux professions sylvestres, et habitant au voisinage
des forêts, formaient une société à part (3).
Une classe qui contribua l)eaucoup au défrichement des
forêts eut sa bonne part dans leur dévastation, et ce furent
les hôtes {hospites) (4). On appelait ainsi ceux qui rece-
vaient du seigneur, sur son domaine, une masure, une ca-
bane, quelques acres ou journaux de terre pour les la-
bourer ou y établir un courtil (5). Fréquemment ces hôtes
étaient établis par le seigneur sur la lisière ou dans l'inté-
rieur d'une forêt qu'il voulait faire défricher (6), et pour
(t) Orelli, Inscripl. lalin. selecL, n°* 2177, 2322, 4082, 4160, 5113,
6031.
(2) Voy. Rabanis, Recherches sur les dendrophores {BoTdea.ux, 1841),
p. 25.
(3) Voy. Francisque Michel, Ilisloire des races maudiles de la France
(;l de l'Espagne, 1. 1, p. 81 et suiv. \
(4) "Voy. sur les hôtes Guérard, Pohjplique de l'abbé Jrminon, Pro-
légom., p. 424. — L. Delisle, Eludes sur la cnndilion de la classe agri-
cole en Normandie, p. 8 et suiv.
(5) L. Delisle, 1. c. — Lehuerou, Inslilulions carolingiennes, t. 1, p.
179, 180.
(G) Et ubicunique invenient utiles vilos homines, detur illis sylva ad
stirpandum ut nostrum servitium imiuelioretur. Koroli Magni Capilul.
Aguisgran. an. 813.
CHAPITRE XXYIII. 423
compenser ce qui manquait aux faibles produits de leur
tènement, ces colons entamaient souvent les parties de la
forêt qu'il leur était enjoint de respecter. Loin de la sur-
veillance des officiers seigneuriaux, il leur était facile de
prendre en plus grande abondance qu'on ne leur avait con-
cédé le bois placé à leur portée.
En certaines provinces, les hôtes se multiplièrent sin-
gulièrement, et, de la réunion de leurs masures dans les
clairières des forêts, naquirent des villages qui finirent par
chasser tout à fait les arbres. En Franche-Comté, bien des
défrichements forestiers ont eu ces colons pour auteurs.
Dans l'arrondissement de Lons-le-Saulnier, la forêt du Ver-
nois, appelée sans doute ainsi à raison de l'abondance des
aunes ou vernes, fut démantelée au xv*" siècle par les hôtes
qu'avaient appelés les seigneurs du pays. Ceux-ci avaient
reçu dans cette forêt, des ducs de Bourgogne, comme une
annexe de leur fief, une superficie de deux cents arpents
qu'ils firent défricher par des hôtes (1). Leur but était aussi
vraisemblablement, en y amenant une population agri-
cole, de faire disparaître les bêtes fauves qui désolaient le
canton (2), Dans le même arrondissement de Lons-le-Saul-
nier, le hameau du Bois-du-Ban, qui n'existait pas avant
la fin du xvii" siècle, doit son origine à une agglomération
de cabanes sous lesquelles vivaient les hôtes établis par le
seigneur de Loisia. D'après le contrat passé en 1691 , ce bois,
tenu en ban, devait êire défriché par huit individus aux-
quels cent journaux de terre étaient concédés, le seigneur
ne se réservait que les chênes des hautes futaies (3). Dans
(1) Roussel, ouv. cit., t. VI, p. 176.
(2) Un village qui touchait la forêt domaniale du Yernois, dut à la
présence des loups le nom de Louverot. Rousset, ouv. cit., t. IV, p. 30.
(3) Cette donation fut faite à la fille du célèbre Bussy de Rabutin.Voy.
Rousset, owi\ cit., L. III, p. 451.
424 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'aNCIENiNE FRANCE.
l'arrondissement de Poligny, au bord du bois de Fraisse,
Tundes plus beaux assemblages de sapins qu'offre le Jura,
les seigneurs de Vers avaient accordé, dans le cours du xiii«
siècle, de nombreux droits d'usage aux colons, ce qui eut
pour effet de réduire singulièrement la forêt et l'amena
peu à peu aux proportions de bois qu'elle offre aujour-
d'hui (1). Même fait se passa au village de Bouchaud, qui
prit naissance au milieu d'une vaste forêt où les colons
étaient accourus de toutes parts (2). Dans l'arrondissement
de Saint-Claude, à la fm du xii'' et au commencement du
xnp siècle, les seigneurs de Saint-Sorlin divisèrent par lots
le territoire actuel du village d'Uxel, et le concédèrent à des
colons appelés de diverses contrées, et dont l'industrie se
rattachait pour la plupart à l'exploitation des bois (3). Le
petit village de Recanoz, dans l'arrondissement de Dôle,
eut pour premiers fondateurs deux familles de charbon-
niers qui s'établirent, en 1510, dans les vastes forêts de
la baronnie d'Arlay (4). Le village de Bois-de-Gand doit
pareillement son origine à des charbonniers et à des cou-
peurs de bois, venus au xiv*" siècle pour exploiter la forêt
qui ombrageait son territoire (5).
Dans les Vosges, les choses se sont passées souvent de
même; par exemple, le village d'Auzainvilliers a eu pour
point de départ les cabanes construites par les sabotiers
et les charbonniers qui vinrent se fixer dans la forêt dont
ce village occupe l'emplacement (6). Gérardmer s'élève
dans un canton jadis tout couvert de bois de haute futaie,
(IJ Roussel, oiiv. cil. t. III, p. 3G7.
(2) Roussel, t. I, p. 283.
(3) Roussel, t. I, p. 100.
(4) Roussel, l. V, p. 418.
(5) Roussel, l, 1, 271.
(6) H. Le page ctCharlon, le drparlemenl ihs Vosges, t. II, p
CHAPITRE XXVIII. 425
et qui fut défriché par une population de sabotiers, de
cuveliers, de boisseliers, de marcaires et de fromagers (1).
Les cabanes faites a\ec l'écorce qu'ils enlevaient aux ar-
bres, s'avancèrent peu à peu sur la rive orientale du lac
et dans les clairières qu'ils avaient ouvertes (2).
Cette population que renfermaient nos forêts au moyen
âge, remplaçait sans doute avantageusement les animaux
qui les hantaient, mais elle était pour.la végétation sylves-
tre une cause plus grandededévastation. Elles'accrutd'ail-
leurs non moins rapidement que ne l'avaient fait les bêtes
fauves, quelques siècles auparavant. A partir du règne de
François P"", les liùtea des bois avaient tellement grossi en
nombre, que l'autorité dut songer à en arrêter les progrès.
Elle renouvela, en les spécifiant davantage, les disposi-
tions déjà consignées dans les ordonnances de juillet 1370,
mars 1388, septembre 1402^ qui défendaient de souffrir
ailleurs que dans les \entes ordinaires, aucuns attelages de
tuiliers, briquetiers, potiers, verriers, forgerons, tonne-
liers, charpentiers, boisseliers, cercleurs, jattiers, pelle-
ronniers, cuilleronniers, tourneurs et autres sembla-
bles (3j. Mais de nouvelles professions que les ordonnances
n'avaient pas mentionnées, vinrent s'abattre sur les bois:
les teinturiers, les chaufourniers, les plâtriers prirent dans
les forêts la matière première nécessaire à leurs outils et
leurs établissements. Les arrêts du parlement secondèrent
l'action de l'autorité.
Ce n'était pas toutefois au mépris des lois que cette po-
pulation d'artisans s'était établie à l'intérieur ou sur la li-
sière des forêts. Bon nombre avaient obtenu à cet égard
(1^' Lepage et Cliarton, ouv. cil.
(2) Voy. Annalf's foresticres, 1848, p. 190.
(3) Conférence de l'ordonnance de Louis XIV de I6G9 sur le fail des
eaux el forêls, t. II, p. 455.
426 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
des concessions. On chercha à mettre un terme à ces actes
d'une libéralité imprévoyante; une ordonnance de janvier
1518 défendit aux maîtres gruyers, verdiers, maîtres des
gardes ou maîtres sergents, et tous autres officiers des fo-
rêts, de bailler congé et permission d'attelages (ateliers) à
tuiliers, potiers, verriers, forgerons, cercleurs, tourneurs,
sabotiers, cendriers et autres, et de prendre terre-mine en
lesdites forêts (1). En 1536 cette défense fut renouvelée, et
le roi interdit spécialement aux cendriers de faire cen-
dres dans les forêts royales, sous peine d'amende arbitraire
et confiscation des outils et ouvrages (2). En 1584 et en
1597, des ordonnances royales interdisent, pour les forêts
de Normandie et pour celle de Villers-Gottercts, l'établis-
sement des industries dont nous venons de parler (3). En-
fin, comme ces défenses n'atteignaient pas leur but, l'or-
donnance de 1669 interdit, sous peine de 100 livres d'a-
mende, à tous ces artisans, d'établir leurs ateliers à moins
d'une demi-lieue de la forêt, en même temps qu'elle pro-
hibait formellement le transport du feu et l'établissement
de cendreries dans les mêmes forêts.
Les mesures de précaution pour empêcher le détourne-
ment du bois dans les forêts royales, allèrent si loin que l'or-
donnance de 1669 défendit à ceux qui demeuraient dans les
forêts ou sur leur lisière, d'avoir plus de bois qu'il n'était
nécessaire pour leur chauffage, à peine de confiscation,
d'amende arbitraire et de démolition de leurs maisons,
disposition déjà prise dès 1563 à l'égard de la forêt de Guise.
Défense fut faite aux sergents et autres gardes des forêts
de tenir taverne, ni d'exercer aucun métier où l'on emploie
(i) Voy. Saint-Yon, Ordonnances des eaues cl forets, p. 408.
(2) Fontaaon, Ordonnances, t. II, p. 223.
(3) Saint-Yon, p. 1110 et 1111.
CHAPITRE XXVllI. 427
le bois; disposition qui ne faisait au reste que généraliser
(les mesures datant de saint Louis (1), et qui a été repro-
duite dans l'ordonnance du 1" août 1827 pour l'exécution
du Code forestier (art. 31).
11 n'y avait pas, du reste, que ces professions sylvestres
(|ui portassent dans nos forêts leurs dégâts journaliers.
Dans certaines villes, chaque corps d'état avait le droit
d'aller chercher au bois la matière première dont il
avait besoin. Les ferrons, les tourneurs, les charrons, les
huchiers, les charpentiers abattaient les troncs nécessaires
pour fabriquer des solives ou des moyeux, des brancards
ou des planches (2). Les tanneurs prétendaient, en certains
lieux, pouvoir s'approprier l'écorce de tous les arbres
abattus. En Normandie, nous voyons les bouchers s'empa-
rer dans les forêts, du bois qui devait servira la confection
des crochets pour pendre la viande ; les boulangers allaient
chercher de quoi faire les fourgons pour enfourner le pain;
les tisserands abattaient des hêtres pour établir leurs mé-
tiers; les forgerons ramassaient ou coupaient les grosses
branches pour façonner les manches de leurs marteaux etle
tronc de leurs enclumes (3). On a déjà vu plus haut que cer-
taines forêts, par exemple celle de Lyons en Normandie,
étaient occupées par toute une population sylvestre dont la
présence a singulièrement hâté leur déboisement. Jusque
dans ces derniers temps, en Bretagne, dans la partie ré-
pondant au département du Morbihan, les bois de châtai-
gniers ont été singulièrement réduits par l'exploitation à
vide des tonneliers qui s'y venaient établir pour y faire
des cerceaux qu'ils expédiaient au loin.
(1) Conférence de Vordonnance de Louis XIV de 16G9. t. II, p. 466,
407.
(î) Delisle, Eludes citées p. 377.
(3) Delisle, JFiudeA- cit. p. 377.
428 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
Moins dangereux pour les forêts que \e& hôtes, mais beau-
coujD plus pour ceux qui les traversaient, étaient les lar-
rons qui y fixaient leur repaire, y construisaient quelque-
fois de véritables forteresses. C'est ce qui a suggéré à
l'auteur du roman de Gaufrey l'idée de ce château périlleux
où s'engage l'intrépide Robastre, qui le prenant pour la
demeure de quelque forestier , envoie son infortuné
écuyer Aleaume demander pour lui un gîte. Trente lar-
rons en sortent à l'improviste après avoir tué l'imprudent,
mais Rabastre les met en pièces et s'établit dans cette de-
meure, où son père, le lutin Malabron, met encore à l'é-
preuve son courage (1). Ces brigands attaquaient les
gens isolés ou ne voyageant qu'avec une très-faible
escorte. A la suite des guerres civiles et intérieures qui dé-
solèrent la France aux xiif , xiv et xv*" siècles, des parti-
sans se cantonnèrent dans bon nombre de ces forêts, qui
pour la plupart étaient coupées de grands chemins. C-
furent notamment les Jacques, les Grandes Compagnies,
les Pastoureaux. Les soldats débandés (2), jusqu'alors dé-
signés sous le nom de brigands, devinrent si habituelle-
ment des voleurs, que leur nom passa aux larrons, tout
comme en Italie et en Corse l'épithète de bandit [han-
clitio, c'est-à-dire banni), en Angleterre celle d'outlaw.
est passée aux voleurs de grandes routes. Plusieurs forêts
devaient aux brigands dont elles foisonnaient une véri-
table célébrité : telles étaient celles d'Amboise, de Cer-
cotte, de Gouffern, de Baconne. Telle fut à une époque
moins ancienne celle de Bondy. Sous Louis XIII, plusieurs
(1) Voy. sur ce roman du xiii» siècle, Gaufrey, chanson de geste, pu-
blié par F. Guessard et Chabaille, p. xxxix et 1G4 (Paris, 1859).
(2) Voy. S. Luce, Histoire de la Jacquerie, p. 8.
(3) Voy. ce qui est rapporté dans les Mémoires de Pontis, livre II.
p. 254, éd. Petitot, et ce que j'ai dit dans l'introduction, p. 3.
CHAPITRE XXVIII. 429
des forêts traversées même par des routes très-fréquen-
tées (3), étaient infestées de ces dangereux larrons, et
jusqu'aux abords de la capitale, dans le bois, aujourd'hui
transformé en parc, de Boulogne, les arrestations à main
armée n'étaient pas rares (1). La fréquence de ces attaques
dans les forêts fut le principal motif qui dicta la disposi-
tion de l'ordonnance des eaux et forêts de 1669 (tit. 28,
art. 3), imposant une largeur de soixante pieds aux
•grands chemins là où ils traversent une forêt.
(l) Voy. le curieux Journal cViui voyage de deux Hollandais à Paris,
en 1657, publié par P. Faugère, p. 38 4.
430 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
CHAPITRE XXIX.
i
INFLUENCE DU DROIT d'uSAGE SUR LA DIMINUTION ET l'eXTENSION DES
FORÊTS A DATER DU XV'= SIÈCLE. LÉGISLATION DE FRANÇOIS l^' ET DE SES
SUCCESSEURS.
Les chartes et documents du moyen âge nous offrent,
sans cesse le tableau de la lutte des milites, des armigeriy
des baillivi, des servientes reyis, contre les paysans. Ceux-
ci se vengeaient des violences des nobles, en dévastant les
forêts, objet de contestations et source de vexations fis-
cales. Ils enlevaient sans scrupule le plus de bois possible
et se mettaient peu en peine de respecter les baliveaux.
A partir du xii'^ siècle, un grand nombre de villages nou-
veaux furent élevés^ et comme le bois entrait alors pour
une bien plus grande proportion qu'aujourd'hui dans les
constructions, comme la plupart des maisons, même des
villes, étaient en bois, cette matière prenait une impor-
tance et une valeur croissantes. Les fréquents incendies
qui désolaient les villages, les dévastations de la guerre,
amenaient sans cesse des reconstructions.
Toutefois cette cause de destruction des forêts était
contrebalancée par la persistance du droit de garenne.
Bien que la reconnaissance et le maintien de ce droit
fussent soumis à la condition d'une possession immémo-
riale (1), des usurpations se produisaient tous les jours,
et les seigneurs continuaient à donner comme des con-
cessions, des droits qui, ainsi qu'il a été remarqué plus
haut, n'étaient, au contraire, que les derniers vestiges
d'une propriété commune.
(1) Voy. Championnière, De la propriété des eaux courantes, i\. 77.
CHAPITRE XXIX. ^^31
Mais l'abaissement graduel de la noblesse, la substitu-
tion du pouvoir royal, c'est-à-dire d'un régime plus éclairé
et plus paternel, au pouvoir seigneurial, l'adoucissement
des mœurs, l'énergie croissante des communes affranchies,
I mirent fin à cet ordre de choses et en firent naître un nou-
veau. Les deffens perdirent de leur rigueur. Les solitudes
que la guerre avait faites étant devenues pour les no-
bles de stériles domaines, ils furent contraints de pro-
voquer le retour de la culture; de là l'établissement des
hôtes dont il a été question au chapitre précédent. Au
xv"" siècle, une multitude d'actes ont pour objet d'offrir à
ceux qui voudraient s'établir dans une seigneurie autant
de terres qu'ils en pourraient cultiver, le pâturage libre
pour les bestiaux, et tout le bois nécessaire soit au chauf-
fage, soit à la construction et à l'entretien des mai-
sons (1). « De grande ancienneté, dit Guy Coquille (2), les
seigneurs, voyant leurs territoires déserts ou inhabités,
concédèrent des usages à œux qui voudraient les habiter,
moyennant quelque légère prestation, plutôt en recon-
naissance de supériorité qu'en profits pécuniaires (3). »
Le droit de prendre du bois dans les forêts fut accordé
de bonne heure par les seigneurs en échange de certains
services que leurs sujets s'engageaient à leur rendre (4).
En plusieurs parties de la France, le droit d'usage dans
(1) Championnière, Be la propiiclé des eaux courantes, p. 341.
(2) Coulume du Nivernois, quost. 303.
(3) Cf. Honrion de Pansey, Des biens communaux, p. 72; du même,
Bisseriations féodales, v° Communauté. Salvaing, rsacjc des fiefs.
chap. xcvi. Boiitiior, Ohscrvalions sur la coutume de Bourges, cli. lxii.
n° 30.
(4) Pour en citer un exemple, nous voyons, en 1378, Gaston Phébus,
comte de Foix, concéder aux cagots le droit de forêtage dans tous ses
bois, pour prix de l'engagement qu'ils prennent d'exécuter tous les ou-
vrages de charpente nécessaires au château de Montaner. (Toy. Francis-
que Michel; Histoire des races maudites, t. I, p. 179.)
432 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
les forêts put être acquis sans titre et uniquement par
l'effet d'une longue possession (1).
Ce droit fut inégalement étendu suivant les lieux. En
Alsace, en Franche-Comté surtout, ainsi qu'on l'a vu plus
haut,làoù lesforêts abondaient, les seigneursse montrèrent
à cet égard fort libéraux. Dans la seconde de ces provinces,
le droit de bouchoyage dégénéra en une insupportable li-
cence, et eut pour l'existence des bois des conséquences
désastreuses. Suivant Droz (2), ce droit conférait à ceux qui*
l'avaient obtenu, la faculté de couper les bois et les brous-
sailles crus sur les prés des particuliers, en sorte que ceux
qui voulaient laisser croître du bois sur leurs héritages,
étaient obligés de recourir à l'autorité des magistrats
municipaux pour les banaliser ou mettre en défem. Les
hôtes qui venaient s'établir dans les clairières ou sur
la lisière des bois, n'étaient pas seulement autorisés
à couper et à ramasser pour le chauffage, ils pouvaient
aussi prendre du bois pour bâtir (3), et, en certains cas,
pour vendre (4). Aussi quand ces droits d'usage vinrent à
(1) Voy. h ce sujet, le savant ouvrage de M. Meaume, intitulé : Des
droits d'usage dans les forêts, t. I, p. 19 et 25.
(2) Droz, Histoire de Pontarlier, p. 279. Voy. ce qui a été dit, p. 253.
(3) Au village des Bouchoux, arrondissement de Saint-Claude, les ha-
bitants pouvaient couper du bois dans une partie de la forêt de Cerne-
trou, pour les besoins du chauffage -, dans l'autre ils pouvaient, avec l'au-
torisation des échevins et messiers, prendre du bois pour bâtir. (Voy.
Rousset, Dict. géographique des communes du Jura, 1. 1, p. 290.)
(4) Les habitants du Latet, village de larrondissement de Poligny,
avaient obtenu du seigneur de Vers le droit de couper dans la" foret de
Fraisse du bois pour leur usage et môme pour en vendre aux sauneries de
Salins ; il n'y avait d'exception que i)our les arbres forestiers, restriction
qui rappelle celle de la loi des Bavarois {Lex Dajuvariot^m, VII, 21).
Voy. Rousset, ouv. cit. t. III, p. 380. A Champagnole, ville de l'ar-
rondissement de Poligny, les habitants avaient non-seulement, dans le
bois de Taravant, le droit de prendre du bois de chauffage et de cons-
truction, ainsi que la glandée, mais ils pouvaient encore couper du bois
pour vendre dans les Joux qui dépendaient de la seigneurie de Montrivel,
moyennant un droit de 4 deniers par charretée de bois vendu. (Rousset,
CHAPITRE XXIX. 433
être restreints, des villages qui trouvaient là toutes leurs
ressources, tombèrent-ils dans la misère^, et les cabanes
perdirent-elles leurs habitants (1).
Une fois cette extension des droits d'usage autorisée par
les seigneurs, ce ne fut plus l'envahissement des forêts
qu'on eut à déplorer, mais leur diminution trop rapide.
Une guerre sourde et continue fut dféclarée à la végétation
forestière; le besoin croissant de combustible et de ma-
*tières premières pour les industries qui emploient le bois,
fit abattre les arbr*es à profusion, et la France perdit peu
à peu ses innombrables ombrages.
Tant que le combustible demeurait assez abondant pour
que le gaspillage du bois ne produisît pas un renchérisse-
ment marqué, une disette véritable, on s'occupa plus,
quand on cherchait à y porter remède, des droits des pro-
priétaires que de l'intérêt des consommateurs, c'est-à-dire
du public. Cette abondance était parfois telle que l'on ne
payait pas la matière première plus cher que le trans-
port (2).
Il n'y avait qu'un remède à ces dévastations croissantes,
c'était la concentration de l'autorité forestière en une
seule main, l'établissement d'une administration, une et
ouv. cil. t. I, p. 420.) — Dans la forêt de Saint-Aubin (arrondissement
de Dôle), en vertu de droits conférés par Jean de Neuchàtel, les habi-
tants du bourg du même nom jouissaient non-seulement de la faculté de
prendre pour leur chauffage et leurs clôtures, mais quand ils voulaient
bâtir, ils n'avaient qu'à en faire la déclaration pour recevoir tout le bois
qui leur était nécessaire. (Voy. Rousset, ouv. cit. t. I, p. 106.)
(1) Ainsi la restriction apportée par Louis XIV aux droits qu'avaient
les habitants d'Aumur, dans l'arrondissement de Dôle, et qu'ils tenaient
depuis 1390 de leurs seigneurs, d'un usage étendu dans les vastes forêts
dites les Noues et les Grands Bois, amena la décadence de ce village.
(Voy. Rousset, o. c. 1. 1, p. 126.)
(2) Encore au xviii' siècle, dans une partie du Bourbonnais la corde
de bois de chauffage coûtait trois livres prise dans la forêt, et six rendue
1 en ville. (Voy. Allier, Histoire du Bourbonnais, p. 284. Cf. Dareste de
laChavanne, Histoire des classes agricoles en France, 2 édit., p. 458.)
28
434 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
simple, qui pût veiller également à la protection de toutes
les forêts du royaume, et eût assez de force pour que cette
protection fût efficace. Ou a vu que cette administration
n'avait d'abord embrassé que le domaine royal; c'était, eu
effet, dans les forets appartenant au roi, que s'étaient le
plus multipliées les droits d'usage, et que les inconvénients
qu'entraînait cette multiplication s'étaient fait le plus
tôt sentir. Écoutons Pecquet, dans ses Lois forestières :
« Les droits de pâturage dans les forets du roi sont, dit-il,
une des parties sur lesquelles les temps reculés nous pré-
sentent le plus d'abus préjudiciables à Sa Majesté. On peut
dire qu'elles en étaient inondées ; il a'y avait personne un
peu voisin des forêts qui n'y fût usager. Et cela ne pou-
vait être autrement, puisque cela avait été originairement
an des avantages accordés libéralement pour attirer des
habitants dans les environs. L'on ne prévoyait pas alors
que les bois deviendraient d'une valeur considérable, et
que ces espèces de colons, qu'on cherchait à multiplier,
seraient un jour fort à charge aux forêts par les facilités
que l'ouverture de celles-ci donnait pour commettre les
délits. Les communautés ecclésiastiques fondées par la
piété de nos rois, y possédaient des droits excessifs. Il y
en avait qui avaient droit de paisson, avec feu et loge,
comme le couvent de Saint-Valery, en la forêt de Retz, re-
connu par arrêt des juges, en dernier ressort, du 17 no-
vembre 1537 ; les chartreux de Bourg-Fontaine, reconnus
par arrêt du même tribunal, du 2 septembre 1549; le
couvent de Saint- Jean-du-Moncel, en la forêt de Cuise,
reconnu par arrêt des mêmes juges, du 26 octobre de la
même année (1). »
(1) L'usage d'accordor le droit de glandée et de paisson dans les bois,
comme récompense de services rendus, existait déjà dans l'antiquité.
Cela ressort d'une inscriiition découverte en Arcadie, où ce droit est dé-
CHAPITRE XXIX. 435
L'autorité royale^ en matière de forêts comme dans les
autres branches de l'administration, tendit à devenir de
plus en plus générale. Effrayés de cette extension du pou-
voir monarchique et craignant de voir soustraites à leur
juridiction patrimoniale les forêts particulières, les sei-
gneurs se la firent confirmer par lettres spéciales en 1355.
Certaines villes, telles que Montauban, obtinrent la recon-
naissance du privilège qui leur attribuait une juridiction
forestière indépendante (1) ; mais ces concessions ne firent
que retarder de quelques années une révolution devenue
inévitable. Les règlements faits aux xiv" et xv*" siècles fu-
rent repris, étendus, promulgués de nouveau par Fran-
çois P^ Une ordonnance de mars 1515, rendue à Lyon,
reproduisit en partie celle de 1376; elle prescrivit aux
agents forestiers une inspection fréquente et régulière des
forêts; elle réglementa leur aménagement, leur mode de
conservation et de vente; institua et définit les fonctions
de maîtres, verdiers, gruyers et sergents. On y trouve une
disposition spéciale (art. 60) interdisant aux maîtres de
vendre ni bailler aucunes rentes des forêts à aucun de son
lignage, ni à gentilhomme ou officier, ni à clerc béné-
ficier (2).
L'ordonnance dejanvier 1518, intitulée : Edit sur la con-
servation des forêts {^), signale la ruine et le dépeuplement
non- seulement des forêts de la couronne, mais encore des
signé par les mots rb iTzvrJ\i.wi /m fj'iXi'iwi 6psa[j.ocTtûv. (Voy. Ph. Le Bas,
Inscr. grecq. et M. de Morce, col. I, p. 46.)
(1) En 1367, les seigneurs stipulèrent que les maîtres des eaux et fo-
rêts ne pourraient poursuivre les délits de pèche, sans l'assistance des
justices locales. Voy. C. Dareste de la Chavanne, Histoire de V adminis-
tration en France, t. II, p. 18.
(2) Fontanon, Ordonnances, t. 11, p. 259; Isambert, Recueil, t. XII,
p. 49 et suiv.
(3) Voy. Fontanon, Ordonnances, t. II. p. 271; Isambert, /}ecwei7,
t. XII, p. 16.
436 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
autres. Pour remédier à cet état de choses, des peines pé-
cuniaires fixes et certaines y sont établies conlre les au-
teurs des délits forestiers.
L'article 24 interdit le défrichement des forêts royales
et de celles où le roi avait droit de gruerie, de tiers et
danger. Ce dernier droit, qui avait pris naissance en Nor-
mandie, sous le gouvernement des ducs, autorisait à pré-
lever le tiers et le dixième du produit des bois (1). Quant
au défrichement des bois appartenant à des particuliers,
l'ordonnance ne prit encore aucune mesure (2).
L'édit de Foniainebleau du 17 juin 1537, s'immisça
plus directement dans l'administration des forêts particu-
lières. Il défendit aux évoques et archevêques de couper
les bois de haute futaie dépendant de leurs bénéfices (3).
Une déclaration de 1543 étend la compétence des tri-
bunaux de maîtrise à toutes les forêts, sans distinction en-
tre le domaine de la couronne et celui des princes, prélats
et communautés. La même règle fut établie en 1545 dans
la Bretagne.
Déjà, en 1533, afin de mettre un terme à l'extension
des droits des usagers, François L"^ avait fixé par un édit
la signification des mots bois-mort et mort-bois (4).
(1) Voy. le traité de Christofle Bérault, avocat au parlement de Rouen,
intitulé : Des droits de tiers et danger, grurie et grairie ; Rouen, 1625,
in-8. Le mot « danger « signifie, comme l'a fait voir M. L, Delisle, « sei-
gneurie. » Ce droit n'était général qu'en Normandie ; il existait partielle-
ment dans l'Orléanais, la Beauce, le Hurepoix et le Valois. (Voyez Massé,
Dictioniwire des eaux et forêts, art. Gruerie) et était placé sous la sur-
veillance des sergents dits dangereux. (Voyez Conférences de l'ordon-
nance de Louis XIV, t. I, p. 601.)
(2) Ordonnances citées.
(3) Voy. Isambert, Becueil, t. XII, p. 540.
(4) Le mort-bois était « le bois de saux, le mort-saux, esi)ines, prui-
nes, seur, aulne, genêts et genesvre et non autres. » Le bois mort est
défini : « bois sec en estant ou gisant. » (Fontanon, t. II, p. 270; Isam-
bert, t. XII, p. 383.)
I
I
I
CHAPITRE XXIX. 437
L'établissement des forges était devenu une des causes
principales des dégâts dans les forêts; la déclaration de
Saint-Germain-en-Laye, du 18 mai 1543, porta règlement
pour les mines de fer du royaume, afin d'apporter des en-
través à l'établissement trop facile des usines (1). Fran-
çois !*"■ encouragea aussi la" plantation des bois tendres,
tels que peupliers, saules, marceaux, dans le but d'empê-
cher les nombreux artisans qui faisaient usage de ces bois,
d'aller les couper dans les forêts. L'ordonnance de Fontai-
nebleau, citée ci-dessus, défendit, pour la même raison,
d'employer le bois de chêne à faire les échalas des vi-
gnes (2).
Indépendamment de la juridiction des maîtrises, le fait
des eaux et forêts, pour nous servir de l'expression jadis
consacrée, ressortissait à la Table de marbre, dont le siège
était à Paris. On ignore l'origine de celte juridiction, qui
s'étendit delà capitale dans les provinces, et apparaît déjà
au commencement du xvr siècle. Louis XII en créa une au
parlement deRouenenl508. Henri II en institua, en 1554,
dans ceux de Toulouse, Bordeaux, Aix, Dijon, Grenoble et
Rennes. Gettejuridiction eut pour effet décentraliser tout
ce qui touchait à la police forestière, car ce fut de la Table
de marbre que découla toute l'organisation judiciaire des
eaux et forêts. A sa tête était le grand-maître, au nom du-
quel les sentences étaient rendues et dont les officiers des
maîtrises recevaient leur institution.
La Table de marbre jugeait sans appel les causes ordi-
naires et en première instance celles qui as^aient plus d'im-
portance. Ce fut l'édit du mois de mars 4558 qui établit
(1) Voy. ce que nous disons au chapitre suivant.
(2) Voy. ce qui est dit plus loin de l'ordonnance de février 1554.
(3) L'ordonnance qui leur attribue cette extension est du 22 mai 1539.
(Voy. Fonlanon. t. I, p. 979. Isamberl, t. XII, p. 559.)
438 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
des juges en dernier ressort au siège de la Table de mar-
bre à Paris, édit confirmé par lettres d'attache du roi Fran-
çois II, du 17 juillet de l'année suivante. Le parlement ne
voulait pas se dessaisir de toute compétence dans cette
matière, et les lettres de François II font réserve de tout ce
qui louchait aux procès portant sur le fonds domanial, sur
les droits de grurie, grairie et segrairie ; elles n'attribuaient
à la Table de marbre que la connaissance des affaires tou-
chant aux usages, délits, abus et malversations commis
dans les eaux et forêts. Le parlement tenait à se réserver
l'appel de la Table de marbre, et voilà pourquoi l'ordon-
nance de Henri II, qui attribuait cet appel à une chambre
mi-partie composée d'un président du parlement et d'un
maître des requêtes, et de dix juges, ne put recevoir son
application. L'édit ne fut enregistré sous le règne suivant
qu'avec des modifications qui empêchaient la nouvelle ju-
ridiction de se constituer d'une- manière indépendante.
Ces résistances de la cour souveraine nuisaient, il faut le
dire, à la bonne administration des forêts, en enlevant au
conseil supérieur une partie de l'autorité dont il avait be-
soin pour faire exécuter des règlements toujours trans-
gressés. L'édit de décembre 1543, qui constitua définiti-
vement les Tables de marbre et fixa leur juridiction,
montre qu'à cette époque les officiers des forêts ne pou-
vaient prendre connaissance des affaires concernantles bois
des gens de mainmorte et des particuliers,] qu'en vertu
de commissions spéciales données par le roi. Ainsi, l'au-
torité royale n'avait agi qu'exceptionnellement, par me-
sure de règlement, sur les forêts placées en dehors du do-
maine, et c'est de François l" que date véritablement
l'établissement d'une jui'idiction émanant du roi, appli-
cable à tout le royaume. Les ordonnances de 1513, 1518,
et l'édit de 1543, manifestent tous une tendance de plus
CHAPITRE XXIX. 439
en plus marquée à réglementer d'une manière générale
les forêts, quel qu'en soit le propriétaire. En voici
notamment une preuve : Quoique les ordonnances anté-
rieures à i543 n'eussent investi les officiers des forêts que
d'attributions relatives aux bois royaux, le préambule de
•cette ordonnance montre que les lettres de provision des
forestiers étendaient leur surveillance et leur juridiction à
toutes les autres propriétés boisées. Le principe de l'ins-
pection par les agents royaux, des bois privés, que recon-
naît et sanctionne l'ordonnance de 1515, que confirme
redit de 1543, demeura depuis la base de la législation
forestière. Les édits postérieurs à 1543 étendirent la ju-
ridiction des forêts, en la distinguant nettement de la ju-
ridiction ordinaire. Charles IX continua, par ses ordon-
nances, l'établissement des mesures protectrices dont
François P"" avait eu l'idée. Un édit de septembre 1563
interdit à tout particulier de couper les taillis avant l'âge
de dix ans. En cas de contravention^ les bois coupés in-
dûment étaient confisqués et le propriétaire puni d'a-
mendes arbitraires. De plus, à l'égard des taillis exploités
après l'âge de dix ans, il était enjoint de laisser un cer-
tain nombre de baliveaux par arpent. Déjà, fort anté-
rieurement, les ducs de Normandie avaient donné dans
leurs p]taLs l'exemple de cette sage précaution et inlerdit
de défricher les taillis (1). Ces dispositions étaient ailleurs
traditionnellement consacrées; mais on les éludait trop
souvent.
Toutes ces mesures demeuraient cependant encore in-
sufïisantes, aucune règle n'étant prescrite pour l'exploita-
tion des futaies. La coupe à blanc estoc, que nous avons déjà
signalée dans les Alpes comme si funeste, était d'un usage
(1) Voy. C. Dareste de la Ghavanne, Ilisloire des classes agricoles en
France, 2« édil., p. 'i59.
440 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
général, en sorte que les futaies se trouvaient bien vite
réduites à de simples taillis. Ce mode d'exploitation in-
considéré était même employé dans les forêts du domaine
royal. Le bois se vendant alors beaucoup plus en fagots
qu'en bûches (1), on trouvait un avantage momentané à
multiplier les taillis. Une ordonnance de Charles IX, de
156J , prescrit de mettre en réserve, pour les faire croître
en futaies, le tiers des bois taillis dépendant du domaine.
La même disposition fut étendue aux bois des gens de
mainmorte, bénéficiers et communautés, tant ecclésias-
tiques que laïques (2). Les officiers des maîtrises étaient
chargés de veiller à l'exécution de cette ordonnance sous
peine de privation de leur office.
Douze ans plus tard, en lo73, soit qu'on eût trouvé cette
mesure trop rigoureuse pour les propriétaires de bois, soit
que le besoin de combustible et de matière première se
fît plus fortement sentir, on réduisit au quart l'étendue
des bois à réserver pour croître en futaies ; mais il fut en-
joint de choisir ce quart dans l'endroit où le fonds se trou-
verait le meilleur et le plus propre à la croissance des
arbres. Telle est l'origine des quarts en rcsei^ve existant
encore aujourd'hui dans les bois des communes et deséta-
(1) On trouve dans les mémoires de Claude Haton (éd. Bourquelot,
1. 1, p. IG, 1857) écrits, au milieu du xvi" siècle, quelques indications cu-
rieuses sur le prix du bois à Provins en 1555. On y voit notamment que
le cent des meilleurs fagots valait de "25 ù 30 sous, et le cent des moyens
de 18 à 20. Quatre années plus tard, en 1559, le cent des meilleurs fa-
gots dits de houp])icr, de 3 pieds et demi de long et autant de grosseur.
SG vendait de 30 à 35 sous ; le millier d'échalas de chêne valait 50 sous .
la jjlanche do chêne d'une toise de long et d'un pied de large, 5 sous;
la paire de roues d'orme, 25 sous, et de lièlre, 20 sous. On ]»eut consulter
sur le prix du bois en Normandie au moyen âge, deRobillarlde Beaure-
])aire, ISolrs et dorxnnenls conccrnnnl l'îlnt des camjiaanes de la hauh
Normandie dans les derniers temps du moyen âge, p. 263, 2G5. (Evrc-ux.
1865.)
(2) Voy. VOrdonnancc de Louis XIV pour les eaux et forêts : Des boi>
appartenant aux ecclésiastiques, art. II, p. 114, éd. 1673.
CHAPITRE XXIX. 441
blissements publics (1). L'ordonnance de 1573 établit, par
son article 4, que les bois taillis se couperaient de dix en
dix ans, mais par dixièmes, de manière à avoir chaque
année une vente ordinaire. Les ordonnances de 1539
et lo66, renouvelées en 1597, avaient établi que les ventes
extraordinaires^ c'est-à-dire des bois de haute futaie, ne
pouvaient être aliénées que dans des cas de grande néces-
sité, par exemple pour l'apanage d'un fils de France. L'é-
tablissement des gardes-marteaux par Henri III, en l'année
1583, assura l'exécution de ces mesures conservatoires;
les arbres destinés à la réserve eurent leur marque cer-
taine.
L'institution de ces agents se rattache, au reste, aux
changements qui ne cessèrent de s'opérer dans la distri-
bution des officiers des eaux et forêts depuis François P""
jusqu'à la fin du xvf siècle. Le règlement de février 1554
avait créé en titre d'office toutes les charges des eaux
et forêts et supprimé les commissions précédemment
données. L'article 2 établit dans chacun des palais des par-
lements de Toulouse, Bordeaux, Dijon, Provence, Dau-
phiné et Bretagne, un siège de grand maître et réforma-
teur général des eaux et forêts. Chacun de ces sièges devait
être occupé par un lieutenant avec quatre conseillers ou
avocats et un procureur du roi. La Table de marbre de
Rouen, créée en 1508, fut augmentée de quatre conseillers.
Henri III supprima, en 1575, l'office unique de grand
maître enquêteur et réformateur général, pour le partager
entre six personnes. Les six offices ainsi créés subsistè-
rent, malgré leur suppression nominale en 1579, et furent
même rendus alternatifs, en 1586, ce qui porta leur nom-
bre à douze. Par ces créations de nouveaux offices, on se
(1) C'osl ce qu'observe M. Meaume dans son IntroducUoji au droii
forestier.
442 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
proposait plutôt de faire de l'argent que d'arriver à une
meilleure administration des forêts. Si même on crut aussi
atteindre ce dernier but, on alla droit à l'encontre. La
plupart des nouveaux officiers ayant acheté cher leur
charge, s'indemnisèrent par le pillage; ce qui donna lieu à
de nombreuses réclamations.
Les heureuses réformes introduites par Charles IX res-
tèrent ainsi sans effet. Les guerres de religion, les discordes
civiles, frappèrent de stérilité la belle législation de Fran-
çois I". Les abus reprirent comme par le passé. L'État,
dont les finances étaient obérées, concédait facilement dans
les forêts des droits d'usage, parce que ces concessions
étaient un moyen d'accroître sqs ressources pécuniaires;
aussi, quand Henri IV monta sur le trône, le désordre
était-il arrivé à son comble (1).
(d) Les arbres furent abattus, dans les temps de guerres civiles, par
les mêmes motifs qu'ils avaient été détruits lors de l'établissement de la
domination romaine : « Asseientium quod ex multitudine salicum et
» aliarum diversarum arborum... locus predictus est adeo absconditus et
» cohopertus quod hostes qui presentem patriam et alias circumvicinas
» discurrunl et discurrere et equilare nituntur, inter dictas arbores abs-
» condi possunt et se plures abscondere ceperunt de die et de nocte, etc. »
est-il dit, à propos des habitants de Lates, près Montpellier, dans la
permission que leur donne, en 13G3, le maréchal d'Audenehan, de cou-
per les arbres qui couvraient les chemins. (Voy. Ménard, Histoire de
Kismes. preuves, t. II, p. 271.) Les bois servaient constamment de re-
traite aux partisans dans les guerres civiles. Divers mots français rap-
pellent encore, par leur étymologie, le rôle qu'ils jouaient alors; tels sont
les mots, embusque!', débusquer, embûche, où entre le radical fcu.sc, bois.
(Voy. L. Delatre, La langue française dans ses rapports avec le samcrit,
p. 1C9 et ce qui a été dit p. 428. j
CHAPITRE XXIX. 443
CHAPITRE XXX.
INÉGALITÉ DANS LA MARCHE DU DÉBOISEMENT EN FRANCE. — EFFET DU
DÉBOISEMENT SUR LE RÉGIME DES EAUX ET SUR LE SOL; — PLAINTES A
CE SUJET. COUP d'œIL RÉTROSPECTIF SUR LE RÉGIME DES EAUX AU
MOYEN AGE.
Ce qui a été dit dans les pages précédentes montre que,
du xYi'' siècle au xvin% la dévastation des forêts marcha
avec une extrême rapidité. La terre prenant chaque jour
plus de valeur par l'accroissement de la population , le
profit qu'on avait à la mettre en culture augmentait. Les
seigneurs voyant qu'ils pouvaient retirer des sols cultivés
en céréales de plus fortes redevances que des sols boisés,
prêtaient eux-mêmes les mains à la destruction des forêts.
Gollut se plaint de ce qu'ils « font raser leurs bois, par
trop grande cupidité, pour avoir des subjets ou des cens,
ou fournir leurs forges à fer (1). ))
Durant les siècles antérieurs, le ramage, lepanage et la
glandée, donnaient un prix particulier aux terrains plan-
tés de bois; mais, plus tard, les procédés d'élève des bes-
tiaux changèrent, on nourrit moins de porcs, et la glandée
fut de moindre profit. On préféra les prairies ouvertes aux
forêts, qui avaient l'inconvénient d'entretenir dans le voi-
sinage un froid dont la cherté croissante du bois rendait
plus difficile de se garantir. L'industrie métallurgique
se développait et devenait une autre cause de déboisement,
car une quantité croissante de bois était nécessitée pour
(1) Mémoires liistorifjucs de la république Séquanoise^ p. 84. Les
forges et les verreries l'uront les premières usines établies à la naissance
(les arts industriels.
444 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. i
alimenter les usines. Des forges, qui s'établirent de bonne!
heure dans les forêts des pays riches en fer (1), ont été pour
celles-ci une des causes les plus actives de destrifction.;
La législation ne prit pas malheureusement en France, :
comme elle l'a fait en Suède depuis une époque fort an-!
cienne(2), le soin de lier par un système solidaire de con-j
servation, la propriété forestière et l'industrie des mines 1
et des usines métallurgiques. |
En Bourgogne et dans le Nivernais, les forges à bras da- 1
tent d'un âge reculé. De ces forges existaient très-ancien-
nement au voisinage de la belle forêt de Narcy, dans le
canton de La Charité ; ainsi que cela est attesté par les
nombreux dépôts de laitiers qu'on rencontre dans les
communes de Narcy et de Marlin, dépôts qui sont deve-
nus par leur décomposition très-propres à la culture (3).
(1) C'est ce qui a eu lieu notamment en Alsace dans les forêts du
Bienwald et de Haguenau. Ces forêts s'élèvent surunsable marécageux-,
le minerai de fer, précipité par les eaux dont le sol est arrosé, s'infiltre
graduellement dans les sables ; il se réunit à l'oxyde de fer qui y a été
amené de la même manière, et contribue à la formation de concrétions
ferrugineuses, qui ont été exploitées à l'aide du bois qui pousse sur les
lieux. (Voy. le mémoire de M. Daubrée, dans les Annales des mines,
4« série, t. X, p. 45 etsuiv.)
(2) Cette législation conservatrice a créé ce qu'on nomme les Bergslags,
c'est-à-dire des circonscriptions tracées autour des grands gîtes minéraux
de la Suède. On a compris, en général, dans chacune d'elles toutes les
forêts dont les produits peuvent servir à l'exploitation d'un groupe de
gîtes et au traitement métallurgique de leurs minerais. (Voy. sur les
Brrgslags, F. Le Play, Les ouvriers de l Europe, y>- 97. Paris, Impri-
merie impér.) En d'autres contrées de l'Europe, comme en certains lieux
des Alpes et de la Carinthie, des conventions entre les propriétaires de
forges produisent ù peu près le même effet. (Voy. Le Play, onr. eil. p. 1 32.)
(3) Voy. Née de la Rochelle, Mémoires pour servir à l'histoire du dé-
parlemenl de la Nièvre, t. I, p. 355, 356. Cette forêt est mentionnée dans
l'histoire du Nivernais ù une époque déjà reculée. Elle appartenait, ainsi
que celle de la Bertrange, à Ermcngarde, femme de Hugues Dulys; la
plus grande partie de l'une et l'autre fut donnée, en ll'Zl, aux religieux
de La Charité qui possédaient aussi la forêt d'Artonne, dont Marguerite do
Fontenay, dame de Champlemy, leur avait fait donation.
CHAPITRE XXX. 445
Ou a vu par ce qui a été dit plus haut, que presque par-
tout en France, au xvi® siècle, les usagers à divers titres
,se multiplièrent, que bon nombre abusèrent de leurs
droits. La mauvaise constitution du régime de la propriété
contribuait encore à ce fâcheux état de choses. On avait
sans doute édicté, sous François P"", des peines sévères
contre les délits dont les usagers se rendaient coupables;
mais ces peines étaient éludées, à raison même de leur
rigueur. Les lois répressives demeuraient inefficaces, et
les provinces où il eût le plus importé qu'elles fussent
appliquées^ étaient précisément celles où elles l'étaient
le moins. Au contraire, en Franche-Comté, en Lorraine et
en Alsace, où le régime forestier était plus doux, les forêts
eurent moins à souffrir des déprédations (1).
Ces diverses circonstances expliquent pourquoi la des-
truction des forêts ne marcha point, dans toute la France,
du même pas. Au nord, les forêts restèrent plus longtemps
environnées du respect des populations. Au midi, au con-
traire, le besoin de pâturages fît déclarer aux arbres une
guerre acharnée (2). Dans les Basses-Alpes, le déboisement
a été directement contre le but que l'on voulait atteindre.
Les pâturages n'ont pas lardé à être entièrement détruits
par les torrents que la disparition des arbres avait fait
grossir, comme l'a observé un habile administrateur,
M. Dugied (3).
(1) Yoy. le mémoire de M. Noirot, dans les Annales foreslières, t. IV,
p. 199 et suiv.
(2) C'est l'usage de la Mesta qui a amené en Espagne la destruction de
presque toutes les forêts, et qui tend à faire disparaître celles de l'Amé-
rique du Sud.L"oisif colon espagnol préfère le soin facile des bestiaux à la
culture pénible des terres, et conduit par son aphorisme favori : Crianza
quita Idbrunza (l'élève des bestiaux dispense de toute autre occupation),
il incendie les forêts vierges et prive ses descendants de ce qui eût fait
leur richesse.
(3) Dugied, Projet de reboisemenl des Basses-Alpes.
446 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE. MU
Dans les forêts des Pyrénées, on comptait encore, au
xvii^ siècle, les sapins par centaines de mille, et il a fallu
toute l'énergie de la végétation du sol pour résister quel-
que peu à la fureur destructive des habitants (i).
A ces causes, qui établissent, sous le rapport des vicissi-
tudes forestières, une distinction marquée entre les pro-
vinces du midi et celles du nord, il faut en joindre une
autre. Les provinces méridionales n'ayantjamaisreconnula
maxime: «NuUeterre sans seigneur; » les nobles nepurent, i
dans cette partie de la France, envahir, comme ils le firent
dans le nord, les communaux, sous prétexte qu'ils étaient
sans propriétaires, et convertir en forêts destinées à leurs
plaisirs les biens qui servaient aux usages communs des
habitants. Dans l'est de la France, l'emploi des coupes som-
bres ou système allemand fit conserver les grands arbres,
à l'ombre desquels on plantait, et dont les rameaux rap-
prochés protégeaient les jeunes plants délicats. Dans le
midi, au contraire, la prédominance des coupes blanches,
des défrichements à blanc estoc, anéantit les baliveaux ré-
générateurs des forets. Les réserves, trop vite éclaircies,
finirent par disparaître, et le sous-bois ne rencontrant plus
l'abri nécessaire, le sol se dépouilla complètement. Enfin,
(1) Ainsi qu'il a été observé p. 393, les forêts des Pyrénées paraissent
avoir été mieux respectées du côté de l'Espagne que du côté de la
France; de celui-ci, elles ont perdu, par les incendies, les défrichements,
les abus de pâturages et le pillage, dans l'espace de cent quai'anle ans,
les deux tiers de leur contenance. Si elles continuaient, écrivait un ins-
pecteur forestier, M. Dralet, à être livrées ù la dévastation, dans cent
vingt ans, il n'en existerait plus. Depuis que ces réflexions ont été publiées,
des bandes de pillards ont, à la suite de la révolution de février 1848,
(le nouveau porté la destruction dans les faibles restes de ces magnifi-
ques forêts. En certains cantons des Basses-Pyrénées, l'on a tant défri-
ché, tant extirpé, tant incendié et dilapidé, que les communes ne trou-
vent même plus le combustible ligneux le plus indisi)ensabte, le simple
nécessaire. Quantité de hameaux ont été abandonnés par les habitants,
faute de bois. D'autres villages sont obligés de l'aller chercher dans les
forêts éloignées, et jusqu'en Espagne.
CHAPITRE XXX. 447
une dernière cause qui hâta, dans le midi, la dévastation
des forêts, c'est que l'usage des constructions en bois s'y
continua plus longtemps qu'au nord et au centre de la
France, où la pierre calcaire abondait (l).Danslescontrées
de sol granitique, de landes et d'alluvions, la rareté des
pierres à bâtir nécessitait l'usage du bois et faisait abattre
un grand nombre d'arbres. Ainsi, dans le Bordelais, pres-
que toutes les maisons étaient en bois ou en torchis, comme
les habitations des anciens Gaulois (2), et du mortier ne
réunissait pas même les poutres. Les fenêtres et les portes
étaient pratiquées à coups de hache dans les murs formés
de solives superposées (3).
La destruction des forêts a exercé en France, comme
ailleurs, une influence notable sur le régimedes eaux. Pour
les rivières qui, comme le Mississipi, en Amérique (4), pren-
nent leur source dans des forêts, dans des cantons fort
boisés, conséquemment là où le sol humide amasse lente-
ment les réservoirs qui les alimentent (5), le volume moyen
(1) On continua longlemps, cependant, dans certaines villes du Nord,
à construire les maisons en bois. A la fin du xiv* siècle, la ville de
Gand n'offrait que des maisons de cette matière, plâtrées d'argile et cou-
vertes en paille. (Diericx, Mém. sur Ga?id, t. II, p. 10.) A Rouen, les
maisons en bois n'ont complètement disparu que dejouis trente ans en-
viron. (Voy. Behlen, Lehrh. clev deuischen Forst-Geschichle, p. 35.)
(2) CsRsar, de bell. GalL, Vil, "23. Yoy. ce que dit Vitruve desêBdificia
des Gaulois.
(3)* Jouannet, Slcdisliq. de la Gironde, t. I, part, ii, p. 284.
(4) Le lac Ilasca, où le Mississipi prend sa source, est entouré de hau-
teurs couvertes de conifères et dites haideurs des terres; ces hautq^irs,
où se tamise l'eau des pluies qui alimente le lac, s'étendent à une
grande dislance et jjrésentent i)lusieurs branches dont la principale est dite
Coteau du fjrand bois. Voy. Nicollct, Beporl on the hydrographical ba-
sin of the upper Mississij)i river., p. 238. (Washington, 1843, in-8.)
(5) Nous citerons, comme étant de ce nombre, l'Aff qui prend sa source
dans la forél de Paimponl (lile-et-Viiaine), la Brevonne qui prend la
sienne dans la forêt d'Orient (Aube), l'Allier qui prend sa source dans la
foret de Mercoire (Lozère), l'Huisne qui prend la sienne dans.la forêt de
Bellesme (Orne), le Vrin qui sort de la forêt de Bontin (Yonne).
448 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
des eaux a diminué; en revanche, sur les montagnes dé-
boisées, l'eau n'étant plus lentement tamisée, les torrents
sont devenus plus impétueux et plus irréguliers. Il ne faut
sans doute pas trop généraliser ce fait. Les forêts ne sont
pas la source unique, ni même principale des rivières.
Ainsi que l'a remarqué un ingénieur auquel on doit des
recherches approfondies sur les inondations, M.Vallès, les
sources qui se produisent aux environs des forêts sont gé-
néralement d'un débit peu important; c'est aux sources
profondes que les grands cours d'eau empruntent leur ali-
mentation; et les sources résultent des infiltrations sou-
terraines qui amènent les eaux pluviales tombées sur une
vaste surface en un point où l'inclinaison et l'imperméa-
bilité d'une couche géologique les oblige à se créer une
issue (1). Cette réserve faite, on doit admettre, avec Alex,
de Humboldt, que l'absence de sources permanentes, la
destruction des forêts et l'existence des déserts sont trois
phénomènes étroitement liés (2). Les anciens avaient
déjà été frappés de l'influence des bois sur le régime des
eaux (3).
Le déboisement d'un canton a parfois suffi pour amener
le dessèchement d'un torrent (4). Un grand nombre de ri-
vières autrefois navigables ne le sont plus actuellement, à
(1) Voy. à ce sujet dans la Revue contemporaine (30 avril 1866)
l'article de M. E. Tisserand, sur la question des forêts, p. 599.
(2) Voy. sur les effets du déboisement Revue britannique, 5' série,
t. VJII, p. 391. — Boussingault, Mémoire sur Vinfuence des défriche-
ments dans la diminution des cours d'eau, dans le tome LXIV des An-
nalesde physique et de chimie (1837). — W. H. Parish, On tlie influence
of forests on climate dans le Journal of the asiaiic society of Dengal,
t. XVIII, p. 791 et suiv., enlin le curieux chapitre de l'ouvrage do
Schacht, sur les arbres, intitulé . La forêt et sa vie, trad. Morron, p. 380
et suiv., et surtout le chapitre suivant intitulé: La forci el son vn-
portance, p. 410 et suiv.
(3) Pline, Hist. nat. XXXI, 4.
(4) A. Surell, FAude sur les torrents des Hautes-Alpes, p. 134.
CHAPITRE XXX. 449
cause de leurs bas-fonds. Ceux-ci sont déterminés par le
sédiment qui se dépose dans leur lit et que les eaux ont
charrié avec d'autant plus de facilité, que le sol était
moins consolidé sur les rives par la végétation (i).
Au temps des Romains, sur la partie la plus haute de la
Durance, il existait une corporation de bateliers et de flot-
teurs, tandis qu'aujourd'hui la pénurie des eaux s'oppose
à ce que le flottage s'y puisse effectuer; c'est là un des
effets du déboisement qui s'est principalement opéré sur
la rive gauche de cette rivière torrentielle depuis Savines
jusqu'à rUbaye (2). De semblables corporations de nautœ
existaient aussi dans l'antiquité sur le Rhône, le Rhin, la
Saône et la Seine. Il dut vraisemblablement y en avoir
sur d'autres rivières de la Gaule, et elles subsistèrent
jusqu'à l'établissement des barbares (3). Ces collèges de
bateliers et de flotteurs ont eu leur part dans l'œuvre du
déboisement, en facilitant et accélérant l'expédition des
bois coupés, absolument comme depuis deux siècles, les
(1) Surell, OUI', cil. p. 125, note 17.
(2) Voy. Orelli, Inscription, latin, sélect., n°1993, 4077, 4243, 4244,
4245, 6950, 7007, 7254, 7256, 7257. Cf. dans le Messager des sciences
historiques de Belgique, an. 1842, une notice de M. de Ring sur les Nau-
tol du Rhin et ce que nous avons dit plus haut, p. 79.
(3) « On voit dans les Gaules des corporations multipliées de bateliers
pour transporter les marchandises et pour faciliter le passage des rivières.
Une inscription, trouvée sous le chœur do Notre-Dame de Paris, parle
des nantie Parisiaci. La notice des dignités de l'empire, le recueil des •
historiens de Franco, par D. Bouquet, offrent la preuve qu'il existait de
ces corporations pour la Seine, la Sambre, la Loire, la Saône, le Rhône,
la Durance, etc., et que chacune avait un préfet ou patron. Toute
cette organisation disparut pendant l'invasion des barbares et l'anarchie
qui lui succéda. Mais on ne peut douter que, lorsque les voies de terre
furent devenues impraticables, faute de police et d'entretien, les rivières
présentant des chemins tout faits qui pouvaient à la rigueur se passer de
la main des hommes, servirent au transport des matériaux, des produits
du sol et des autres objets de première nécessité, dont le commerce ne
peut être absolument anéanti, même dans l'état social le plus barbare. »
(Vignon, Etudes historiques sur l'administration des voies publiques en
France, t. I, p. 30.)
29
450 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
trains qui descendent l'Yonne et la Marne, dépeuplent les
forêts du Morvand, de l'Auxcrrois et du Bassigny (1). La
disparition des essences forestières dont étaient couvertes
les chaînes de montagnes qui longent le Rhône, depuis
Tournon jusqu'au delà de Bourg-Saint-Andéol, a gra-
duellement grossi les torrents qui versent leurs eaux dans
ce fleuve. Ceux-ci ont raviné les pentes des Gévennes,
occasionné d'incessants éboulemenis, et, avec le temps,
la terre qui garnissait le versant tourné vers le Rhône, a
été précipitée dans son lit et charriée, par ses flots rapides,
jusqu'à son embouchure, où elle élève les bords, môme le
fond, et détermine la formation des canaux latéraux (2).
Ces attérissements continuels ont apporté des modifica-
tions sensibles dans le delta du Rhône ; ses bras se sont
notablement restreints. C'est ainsi que Saint-Gilles, qui
était, au xi" et au xii* siècle, un port important, ne peul
plus actuellement recevoir de navires, qu'Aigues-Mortt
n'offre plus, depuis plusieurs siècles, un chenal assez large
pour donner accès à des vaisseaux tels que ceux qui ser-
virent à l'embarquement de saint Louis, à l'époque des
croisades (3).
Si le déboisement exerça sur le régime des eaux une fâ-
cheuse influence, le mauvais état de ce régime réagit à
son tour sur la végétation ; il multiplia les étangs, les eaux
stagnantes, et convertit en c'ontrées malsaines des lieux
qui avaient été précédemment boisés. Le séjour des eaux
amenait rapidement la destruction des arbres (4) et chas-
(1) Voy. à ce sujet Deiaraaro, Traité delà Police, t. III, p. 475.
(2) Elle de Beaumont, Leçons de (jéolocjie pratique, t. I, p. 373.
(3) Ibid., p. 384.
(4) Voy. ce que dit M. Isabeau de la forêt de Pont (Loire-Inférieure
où depuis un siècle des centaines d'hectares de bois ont été détruii
par l'accumulation des eaux stagnantes: Annales forestières, t. XII.
p. no.
f
CHAPITRE XXX. 451
sait la végétation. Dans des intérêts de fiscalité, dans le
but de multiplier les moulins ou de grossir les produits
de la pêche, les seigneurs retenaient les eaux par des per-
tuis ou des barrages, plantaient au milieu des rivières des
pieux, ou y élevaient des digues qui nuisaient à leur cours;
et, afin de lever péage plus fréquemment, rapprochaient
les écluses. Ces usurpations se rattachaient à toute une
invasion d'abus de la ])uissance seigneuriale contre les-
quels Richelieu et Golbert luttèrent plus tard énergique-
ment(l). Au commencement du xvi'^ siècle, ces abus étaient
arrivés au dernier degré, et ils furent, de la part des habi-
tants, lésés dans leurs intérêts légitimes, l'objet de vives
réclamations, auxquelles fit droit l'ordonnance du 29 mars
1515 (2). C'était surtout dans le nord de la France qu'une
suite d'usurpations persévérantes avait donné aux sei-
gneurs plus de facilité pour s'approprier les rivières.
L'abondance des eaux fit dans le principe attacher peu
d'importance au détournement ou à l'obstruction de quel-
ques cours d'eau. En certaines provinces même, toute li-
berté était accordée aux justiciers d'établir des étangs et
de retenir les eaux des rivières. Ailleurs, on allait plus loin.
D'après les coutumes de Tours, du Maine, de l'Anjou, du
Perche (3), le seigneur bas-justicier pouvait, à sa conve-
nance, établir moulins et barrer les rivières. Cette faculté
abusive laissée aux seigneurs portait la désolation dans
les propriétés riveraines, sans cesse exposées à être sub-
mergées. Dans le Vendômois et le Blésois, on constate en-
core aujourd'hui les conséquences de ce déplorable sys-
tème. Des étangs occupent l'emplacement sur lequel
(1) Voy. à ce sujet J. Caillet, U administration en France, sous le
ministère du cardinal de Richelieu, 2e édit., t. II, p. 11 et suiv. H. Do-
niol, Histoire des classes rurales en France, 2" édit., p. 404 et suiv.
(2) Fontanon, t. II, p. 622. Isambcrt, necueil, t. XII, p. 43.
(3) Voy. Saint-Yon. ]). 444, 448.
452 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l'ANCIENNE FRANCE. j
s'élevaient jadis des villages (1). La multiplicité de ces
abus éveilla pourtant la sollicitude des villes. Les cou-
tumes de Montargis et de Blois renferment des dispositions
destinées à empêcher qu'en retenant l'eau des moulins, on »
ne submerge les terres d'autrui (2). On mit certaines res-
trictions aux privilèges qui tout d'abord avaient été in-
considérément concédés aux nobles (3). Dans certaines
coutumes, le droit d'établir un moulin à étang ne peut être
accordé à tout autre que celui auquel il appartient, sans
un congé exprès du seigneur (4). La coutume de Norman-
die dénote plus de prévoyance encore, et l'on reconnaît
aux mesures qu'elle prescrit, un pays où l'agriculture, à ■
raison même de ses progrès, attirait davantage la sollici-
tude de l'autorité. Cette coutume défend formellement do
retenir les eaux des rivières pour en faire des étangs (5). En
revanche, d'autres coutumes, celle du Nivernais par exem-
ple, accuse à cet égard une négligence complète, et dé-
clare qu'il est loisible à chacun de faire étang dans son
domaine et d'y asseoir bonde ou pilon (6;.
Dans le midi de la France, le régime des eaux était
beaucoup plus avancé. Les traditions de l'administration
romaine, si vigilante à ce sujet, comme le montre le cé-
lèbre traité de Frontin sur les aqueducs, ne s'étaient pas
complètement perdues. Aussi tandis que dans les pro-
\inces de droit coutumier, tout était livré, en matière do
régime des eaux, à l'arbitraire du seigneur, qui se mon-
(1) Je dois la connaissance de ce fait à feu mon confrère J. de Pé-
tigny.
(2) Saint-Yon, p. 444.
(3) Le principe que le droit d'établir moulin ot étang appartient exclu-
sivement au seigneur, est posé par la coutume de Bretagne.
(4) C'est ce qui est formellement dit dans la Coutume de La Ferté-Im-
baut (c. V, art. 10).
(5) Saint-Yon, p. 452.
(0) Saint-Yon, y. 449.
CHAPITRE XXX. 453
trait moins préoccupé des intérêts de la navigation et de
la culture, que de se créer des fiefs productifs, dans la
partie du royaume qui gardait le droit romain, le prin-
cipe de cette législation « aqua publica nullo modo reti-
neri potest, » continua à être en vigueur. D'ailleurs la
nécessité des canaux d'irrigation pour l'agriculture, dans
un pays où le sol est plus sec et la température plus
chaude, avait appris à régler de bonne heure l'usage des
eaux. L'établissement d'un grand nombre de canaux par
les Visigoths et les Arabes, canaux qu'alimentaient des
torrents (1), obligeait à veiller plus attentivement à ce que
rien n'arrêtât ou ne diminuât, dans leur volume, les eaux
destinées à fertiliser les champs. On peut citer divers can-
tons de la France comme ayant subi, sur une assez vaste
échelle, la fâcheuse influence de cette extension démesurée
des étangs et du barrage inconsidéré des cours d'eau.
Dans la Brenne, jadis couverte de forêts, des étangs pri-
rent la place des arbres, et les poissons celle du gibier.
Cette révolution, opérée surtout à la fin du xv® et au mi-
lieu du xvi" siècle, se continua dans le siècle suivant. La
multiplication des eaux stagnantes finit par être portée
à un tel pomt, qu'en 1714 la seule terre du Bouchet, en
Brenne, comptait trois cent neuf étangs (2).
La Dombes, naguère pays riche et peuplé^ fut aussi, à
partir du xv" siècle, si encombrée d'étangs que des vil-
lages entiers disparurent. L'insalubrité chassa ceux des
habitants qui n'avaient point été déjà expulsés par l'in-
vasion des eaux. La pêche devint presque l'unique res^
(1) Tels sont le canal d'Alaric, qui est dérivé de la rive droite de l'A-
dour, ceux du Yernet, d'Els, Molis, dans les Pyrénées-Orientales, etc.
(2) Piganiol de la Force, Descript. de la France, t. XIII, Cf. Raynal,
Hisl. du Berry, t. I, p. xii. Ces marais abondent surtout dans la partie
de la Brenne qui reçoit le surnom de Désolée, laquelle s'étend entre Nou-
ziers et Vendœuvre.
454 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
source du pays. Tous les cliamps qui présentaient quel-
que humidité naturelle furent graduellement transformés
en étangs. Lorsqu'on parcourt la Bombes, on est surpris
du peu d'importance des villages, eu égard à l'étendue et
à la grandeur de leurs églises(l). Cette circonstance prouve
que la population a notablement diminué, et la cause en
est à l'établissement des étangs.
Les rois de France cherchèrent à porter remède à cette
extension déplorable des eaux dormantes et à la multipli-
cation fâcheuse des barrages et des mouhns. Dans le man-
dement déclaratif de l'édit de 1544, sur la réformation des
eaux et forêts en Bretagne (2), on ordonne la destruction
des écluses qui arrêtent l'écoulement des eaux et la navi-
gation. L'ordonnance de Charles IX, de 1570, interdit les
écluses, pêcheries, nasseries, moulins, plantations d'ar-
bres, de paux et de pieux, et autres choses étant dans les
rivières et les fleuves, qui empêchent leur navigation (3).
Ces défenses soulevèrent beaucoup de réclamations. En
diverses provinces, dans le Midi surtout, les intérêts des
propriétaires se coalisèrent pour faire obstacle aux plans
de Colbert qui s'efforçait d'augmenter le nombre des ri-
vières navigal)les et flottables (4). Dans l'ouest, les inter-
dictions ne semblent pas avoir eu grand efiet, puisque
l'abus s'était perpétué jusqu'au commencement de la ré-
volution française. Il faut le dire aussi, l'arrêt des eaux
(1) Ainsi, les églises de Versailleux, Marlieiix, Saint-Paul, Houli-
gneux, le Montellier, contiendraient une population triple do celle qui se
trouve aujourd'hui dans ces localités. (Voy. Becquerel, Des climats el cU
l'influence qiCexercenl les sols boisés et non boisés, p. 277.)
(2) Fontanon, t. II, p. 268.
(3) Fontanon, t. II, p. 421.
(4) Voy. à ce sujet la Correspondance administrative sous le règne
de Louis X/V publ. par Dcpping, passim et notamment T. 111. p. 70'j,
T. IV, ]). 75, el Vignon. Etudes historiques sur l'administration des voies
publiques en France. T. L p. 97 et suiv.
I
CHAPITRE XXX. 455
avait parfois son avantage ; il produisait une sorte de col-
matage; car le limon charrié par la rivière était forcé de
se déposer, quand les eaux étaient retenues, et le sol ga-
gnait alors en fertilité. C'est ce qui s'est produit surtout
dans le midi de la France; l'établissement du barrage ne
s'y faisait plus dans l'intérêt tout personnel du seigneur,
c'était un avantage concédé à tous les agriculteurs. Les
statuts des comtes de Provence et de Forcalquier per-
mettent « à chacun, ayant droit et faculté de moulin et
engin, de conduire les eaux, faire fosse, levée et écluse
par les propriétés de ses voisins, là où il lui sera conve-
nable, moyennant indemnité (!). » Les chartes de la Pro-
vence et du Languedoc nous fournissent des exemples de
transactions qui intervenaient entre les usagers dans le
but d'assurer aux terres de chacun l'irrigation et le col-
matage. Telle est la transaction passée, en 1204, entre les
usagers des eaux de Vaucluse, et qui réglait le partage et
la proportion dans laquelle chacun devait subvenir à
l'entretien et aux réparations (2). Telle est encore la coa-
cession faite, en 1235, par Tévéque de Cavaillon, aux habi-
tants de cette ville, de se servir des eaux de la Durance
qui étaient dérivées par le canal Saint-Julien (3).
L'établissement des étangs et le mauvais régime des
eaux conspirèrent donc avec les dévastations des forêts
pour amener le déboisement de notre patrie. Le danger
était déjà visible au xvi" siècle, pour des yeux clair-
voyants, puisque Bernard Palissy écrivait, dans son
style naïf : « Et quand je considère la valeur des plus
moindres gittes des arbres ou espèces, je suis tout émer-
(1) Saint Yon.p. 449.
(2) Nadault de BulTon, Traite lliéoriquc et prcdique des irrigations,
t. I, p. 163.
(3) Ibid. p. 177.
4o6 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
veillé de la grande ignorance des hommes, lesquels il
semble qu'aujourd'hui ils ne s'estudient qu'à rompre,
couper et déchirer les belles forêts que leurs prédéces-
seurs avaient si précieusement gardées. Je ne trouveray
pas mauvais qu'ils coupassent les forests, pourvu qu'ils
en plantassent après quelque partie ; mais ils ne se sou-
cient nullement du temps à venir, ne considérant point le
grand dommage qu'ils font à leurs enfants à l'advenir. Je
ne pu ys assez détester une telle chose et ne la puys appeler
faute, mais une malédiction et un malheur à toute la
France, parce qu'après que tous les bois seront coupez il
faut que tous les arts cessent, et que les artizans s'en
aillent paistre l'herbe, comme fit Nabuehodonosor (1). »
Sous Henri IV et sous Louis XIII, on commença pourtant à
s'occuper du dessèchement des étangs, en vue de rendre à
la culture des terres en grande partie improductives (2),
et les champs remplacèrent sur divers points les eaux
stagnantes qui avaient auparavant pris la place des
arbres.
(1) Recepl vériluble pour multiplier les thrésors dans les OEuvres de
n. Palissy. éd. Cap, p. 88, 89.
(2) Voy. à ce sujet J. Caillet, rAdminislraiion en France sousle mi-
nistère du cardinal de Richelieu. 2*édit.. t. Il, p. 12.
CHAPITRE XXXI. 457
CHAPITRE XXXI.
LÉGISLATION FORESTIÈRE SOUS HENRI IV ET LOUIS XIV. ABOLITION HE
l'ancienne LÉGISLATION FORESTIÈRE A LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.
Lexvir siècle fut, pour les forets de la France, une ère
de réparation. Sully était aussi occupé que Bernard Pa-
lissy du danger que faisait courir au pays leur disparition,
alors qu'il annonçait que la France périrait faute de bois.
Henri IV, qui subissait l'influence des idées de son mi-
nistre et en concevait lui-même souvent de plus élevées et
de plus étendues, comprit l'insuffisance des mesures jus-
qu'alors adoptées; et par une réglementation plus sévère,
plus prévoyante, il s'efforça sur ce point, comme sur
bien d'autres, de cicatriser les plaies faites par les guerres
civiles. On peut dire que, pendant plus d'un quart de
siècle, les forêts avaient été livrées à la dévastation et
au pillage. Les unes avaient été incendiées par les parti-
sans; dans les autres, on avait inconsidérément et au dé-
triment des futaies et des taillis les plus nécessaires à
conserver, ouvert des chemins et des sentiers qui devin-
rent à leur tour le point de départ de nouveaux abattis (1).
Le besoin d'argent avait multiplié les ventes, et beaucoup
avaient été opérées dans les forêts domaniales au préju-
dice du trésor royal. A la faveur de ce désordre, les usagers
usurpèrent des droits nouveaux. En un mot, les mêmes
motifs qui appelaient, plus d'un demi-siècle aupara-
(1) "Voy. ce qui est dit, dans le règlement de Chàtellerault, du 1"' dé-
cembre 1601, pour les forêts de Chizé et d'Aulnay . «Aussi tantà cause
(les guerres que du grand désordre qu'il y a eu par ci-devant es dites fo-
rests, chacun s'élant licencié de faire des chemins et sentiers nouveaux
partout OÙ hon leur a semblé, elc.« Saint- Yon, p. 1112.
458 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
vant, la sollicitude de François 1" pour la conservation
des forêts, se représentaient avec plus de force que jamais.
L'administration était à régénérer et des mesures conser-
vatrices devaient être prises avec vigueur.
Un édit, donné à Rouen par Henri IV, interdit toute
coupe extraordinaire et révoqua les droits d'usage, con-
cédés à titre gratuit depuis François I", prescrivant en
même temps la révision et le rachat des droits con€édé> i
titre onéreux. En tête de l'édit de Rouen se trouvent ces
paroles remarquables :
« Considérant que les grands dégâts et ruines des fon i -
de notre royaume, tant de celles de notre domaine et au-
tres baillées en douaire^, usufruit et engagement, que de
celles des ecclésiastiques, commanderies et communautés,
procèdent principalement des ventes extraordinaires qui
se font contre les règlements et ordonnances de nos pré-
décesseurs et de nous; du grand et excessif nombre d'offi-
ciers, grands et petits, qui prennent gages et taxations,
chauffage et autres droits es dites forêts, que de l'extrême
quantité d'usages et chauffages qu'il y a en icelles, et des
délits, abus et malversations qui s'y commettent ; et dé-
sirant, à l'exemple des rois nos prédécesseurs, Philippe et
Charles, très-amateurs de forêts, remédier à la ruine évi-
dente de nos dites forêts et conserver ce qui y este et
les traverses d'aucuns de nos dits officiers ayant causé une
licence si effrénée à tous débordements es dites forêts qu'il
semble qu'on en ait conjuré l'entière ruine et dépopula-
tion... ne pouvant plus tolérer ni laisser aller le mal plu?
longtemps..., etc. »
Les charges d'officiers des eaux et forêts, créées depuis
la mort de Charles IX, furent supprimées, afin de rendre
l'unité à la direction. Mais, à cette époque, la vénalité des
offices opposait de graves obstacles aux réformes adminis-
CHAPITRE XXXI. 459
Iratives. On se heurtait sans cesse contre le droit de pro-
ipriété, qui était regardé comme sacré. L'édit de Rouen
dut garantir aux possesseurs des offices supprimés le
remboursement de la somme qu'ils avaient payée pour se
les faire conférer; toutefois l'état des finances ne permit le
remboursement que des deux grandes maîtrises de l'Ile-
de-France et de Normandie. Quoique on n'eût pas toujours
iautant de respect pour la possession du droit d'usage dans
les forêts, on craignait cependant d'y porter atteinte,
quand il appartenait à des nobles, à l'Église, et on n'avait
pas encore imaginé^, en vue d'affranchir de ce droit les
forêts de la couronne, de recourir au cantonnement,
comme le fit le code forestier (tit. 3, art. 63).
La même année, 1597, qui venait d'être inaugurée par
l'édit de Rouen, vit paraître un règlement général des
eaux et forêts, oîi sont contenues un grand nombre de
dispositions sur les officiers, sur les coupes et les ventes
ordinaires. L'article premier est ainsi conçu : « Voulons
que sur l'avis qui nous en sera donné par nos officiers
es sièges des tables de marbre, être par eux commis et
pris arpenteurs jurés pour faire borner de hautes et
apparentes bornes le circuit et reins desdites forêts et
par peintres être faites cartes et figures desdites forêts, oîi
seront dénotées lesdites bornes. »
La mention d'arpenteurs des forêts n'est point ici nou-
velle. La nécessité d'évaluer rigoureusement leur conte-
nance et d'établir l'assiette des coupes, avait déjà obligé
de recourir à des arpenteurs ; mais leurs plans ou cartes
étaient fort grossiers. Il y eut longtemps, en titre d'office,
un grand arpenteur ordinaire, pour arpenter tous bois,
buissons, forêts, garennes, terres, eaux, îles, pàtis, com-
munes, prés, ventes, asseoir bornes, faire partages et di-
visions, et rapports de toutes choses, circonstances et dé-
460 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
peiidances desdites mesures, soit qu'elles fussent du do-
mai ne du roi ou des princes, potentats, gens d'église, com-
munautés, seigneurs et autres sujets du royaume (1).
Henri II avait porté à six le nombre des arpenteurs placés
sous la direction du grand arpenteur et mesureur général
du pays. En juin 1575, Henri III arrêta pour chaque juri-
diction le chiffre de quatre arpenteurs-mesureurs et pri-
seurs-jurés. Le personnel du cadastre forestier ne se
trouva donc pas, sous Henri IV, en rapport avec l'étendue
des travaux qui leur étaient imposés. Aussi son projet de
faire exécuter la topographie complète de nos forêts ne
reçut-il qu'une exécution très-imparfaite. Déjà, en 1571,
la formation d'un terrier des eaux et forêts avait été inu-
tilement décrétée.
C'était à Louis XIV qu'il était réservé de reconstituer
sur des bases meilleures la propriété forestière dans notre
pays. L'ordonnance d'août 1669, qui est à elle seule tout
un code forestier, demeurera un des plus beaux monu-
ments législatifs de son règne. Le préambule de cette or-
donnance nous apprend que le désordre qui s'était glissé
dans les eaux et forêts du royaume, était si universel, si
invétéré que le remède semblait presque impossible.
Aussi Louis XIV ne négligea-t-il aucunsoinpour arriver à
guérir tant de plaies; il se fit représenter les ordonnances
de ses prédécesseurs, qui s'étaient plaints à diverses épo-
ques de la désolation et de la ruine des forêts ; il fit exa-
miner dans son conseil les procès-verbaux de vingt et un
commissaires qui avaient été envoyés dans les provinces,
et qui, durant huit ans, en avaient visité les forêts (2).
(1) Yoy. P. Neol Duval, siourde laLissandrière, Traité universel des
eaux et forêts de France, Paris, 1G99.
(2) Voy. Conférence de l'ordonnance de Louis XI V du mois d'août
1669 sur le fait des eaux et forêts, Nouvelle édition. Préface (Paris,
1752, t. Ij.
CHAPITRE XXXI. 461
Cotte idée avait été suggérée à Louis XIV par Colbert,
qu'on peut regarder comme le véritable promoteur de
l'ordonnance d'août 1669. Golbert, frappé comme Sully de
l'importance de la surveillance des forêts et de leur bon
aménagement, en même temps qu'il prenait des mesures
générales, apportait dans le détail de l'administration
des soins tout particuliers pour arrêter le déboisement.
On trouve dans la CoiTesjJondance administrative sous
Louis A'/r, des instructions précises adressées par lui à
' Froidour, qui avait été chargé de la réformation des forêts
dans les Pyrénées (1). Golbert voulait aussi qu'on lui si-
gnalât les forêts dont l'État pouvait utilement faire l'ac-
I quisition. C'est ce qui ressort d'une lettre qui lui est
i adressée par Colbert de Terron, où celui-ci appelle son
attention sur l'utilité qu'il y aurait à faire acheter par le
roi la forêt du Faou, en Basse-Bretagne, forêt toute peu-
plée de chênes et qui avait alors une lieue de long sur en-
viron trois quarts de lieue de large, et qui, comme il a été
dit plus haut, devait offrir antérieurement une plus vaste
étendue. La forêt du Faou était, il y a deux siècles, la seule
qui existât dans les environs de Châleaulin ; car la plus
grande partie des bois qui avoisinaient Brest, avaient été
coupés depuis peu pour les besoins de la marine (2). Les
progrès de toute nature faits par le commerce et l'in-
dustrie, l'accroissement de la population avaient doublé,
triplé la consommation du bois, et le développement pro-
digieux que Louis XIV donnait à ses flottes, en rendait
le besoin plus impérieux.
(1) Voy. Correspondance adminislralive sous Lotus XIV, recueillie
et mise en ordre par G.-B. Dopping, t. IV, p. 75.
(2) Ibid., t. IV, p. 13. Le nom de plusieurs localités des environs de
Brest, rappelle encore la présence de forêts qui ont disparu-, on peut
citer notamment l'endroit api)elé La Forest, non loin de Landerneau.
(Voy. au reste ce qui a été dit au sujet des forêts de la Bretagne, p. 341.)
462 LES FORÊTS DE LA. GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
L'ordonnance de Louis XIV introduisit dans la législa-
tion forestière la même unité que ce souverain s'attachait
à faire régner dans toute l'organisation du royaume ;
elle mit un terme aux aliénations du domaine, objet de
vives réclamations aux états de 1614. Je viens de remar-
quer que le désordre était arrivé à son comble dans cette
branche de l'administration. « Depuis que nous avons
pris nous-même la conduite et direction de nos princi-
pales affaires de finances, dit le monarque dans son édit
du 1" mars 1663, nous n'en avons trouvé aucune où les
désordres du temps passé nous aient paru plus considé-
rables que dans l'état des forêts à nous appartenant. >>
Dans l'exposé des motifs qui avaient nécessité la réforma-
tion des forêts de Champagne, on lit ce passage caracté-
ristique : « Et parce que le mauvais état des forêts tant
du domaine royal, que des ecclésiastiques et commu-
nautés, a principalement été causé par là mauvaise admi-
nistration des grands maîtres et des officiers es maîtrises
particulières qui, non contents de les dégrader eux-mê-
mes par des coupes forcées et par l'emploi de leurs plus
beaux arbres à leurs maisons et bâtiments, ont traité avec
les riverains, usagers, rentiers, liénéficiers, syndics et
principaux habitants des lieux, pour permettre et souffrir
les abus, moyennant sommes notables et pensions an-
nuelles, qu'ils ont exigées par composition, outre les
droits inclus, exorbitants, qui ont souvent absorbé le prix
des ventes et l'application des amendes à leur profit par-
ticulier, en sorte que ceux qui étaient prépesés pour la
garde et la conservation des forêts ont été les véritables
auteurs de la ruine où elles se trouvent (1). »
Le régime forestier sortit du chaos dans lequel il était
(1) Voy. Réformaliondcs forctsde Champa(jne,ïnzs. Bibl. impr. foiKlf
fr. n° 16686, f. 14.
CHAPITRE XXXI. 463
plongé. Un système à peu près uniforme d'aménagement
et de pénalité fut adopté pour toutes les provinces. L'or-
donnance de 1669 prescrivit la constatation rigoureuse
de la contenance et de la superficie des principales
lorêts; elle détermina leur mode de conservation et d'a-
inénagement, ainsi que les précautions et les formalités
relatives aux coupes et à la vente de leurs produits.
Les règlements de 1561, 1573 et 1579 avaient pour but
d'empêcher l'exploitation trop précoce du sous-bois et de
faire établir des réserves en bois de fortes dimensions.
Dans ces ordonnances, il était prescrit de mettre en dé-
fends certaines parties des forêts pour la production des
arbres de gros brin, et il était interdit d'exploiter en
taillis les peuplements ainsi réservés. L'ordonnance de
1669 fut plus explicite; elle défendit d'exploiter des taillis
âgés de moins de 25 ans, limite inférieure qui fut même
fixée à 35 pour les forêts dont la superficie dépasserait
50 arpents et dont le bois pouvait être livré à la consom-
mation de Paris (1). On enjoignit aussi de laisser des ba-
liveaux en nombre déterminé dans les cantons où se fe-
raient des abattis, ces étalons servant à repeupler par le
gland les parties dégarnies (2).
La nouvelle législation s'appliquait non-seulement aux
bois de l'État, elle devait aussi régir les bois des com-
munautés et des établissements publics; elle reproduisit
sur les bois des particuliers certaines dispositions des or-
donnances antérieures : « Les règles qu'elle trace pour
(1) Voy. Duhamel du Monceau, De r exploitation des bois, p. 139.
(2) En Allemagne, il y avait un siècle qu'on avait déjà pris pareille
mesure. En 1568, le duc Louis de Wurtemberg prescrivait la réserve
d'un nombre suffisant de baliveaux, et en 1585, la célèbre ordonnance fo-
restière de Mansfeld renouvelait les mêmes injonctions. Voy. l'analyse de
la Théorie de l'aménagement des taillis sous futaie, parPfeil, dans les
Annales forestières, t. XIII, p. 155.
4(54 LES FORÊTS DE LX GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
l'assiette, le balivage, le martelage et la vente des bois, les
recolements, et, en général, les conditions de l'exploita-
tion, écrit l'éminent jurisconsulte DujDin (1), sont digni
de servir de modèle à l'administration du père de familli
le plus éclairé sur ses intérêts particuliers. »
Cette réforme administrative fut annoncée, dès 1667,
par la réorganisation du personnel des eaux et forêts, la
réduction du nombre des officiers en chaque maîtrise, la
mise sous l'inspection d'un gruyer spécial, des forêts, qui
par leur position écartée pouvaient échapper à la sur-
veillance. Une réforme si radicale blessait trop d'intérêts
privés, elle portait remède à trop d'abus dont profitaient
des gens puissants, pour ne pas provoquer des résistances.
Elle fut repoussée par quelques parlements, et notamment
par le parlement de Paris, dont l'opposition intempestive
et inintelligente s'est manifestée en tant d'occasions. Cette
cour ne l'enregistra le 13 août, qu'en vertu de lettres de
jussion, le roi séant à son lit de justice.
Les usurpations auxquelles la nouvelle législation pro-
mettait de mettre un terme, étaient si anciennes et
devenues si tenaces, qu'elles se présentaient à beaucoup
d'esprits, surtout aux intéressés, avec le caractère de vé-
ritables droits ; les usagers, les seigneurs, propriétaires
de bois se prétendaient injustement dépouillés. Dans
beaucoup de coutumes avait passé une doctrine favorisant
singulièrement les usurpations; elle admettait que la pos-
session immémoriale en matière de servitude discontinue
peut tenir lieu de titre. Les chartes de propriétés et le
payement d'une redevance étaient placés sur la même
ligne, en dépit de la règle : Ntdlc servitude sans titre. On
comprend qu'il était facile, en l'absence de pièces écrites,
(I) Lois forestières, p. 0.
CHAPITRE XXXI. 465
et une foule de ces pièces avaient été détruites pendant
les guerres (1), de prétendre à une longue possession. Les
coutumes deChaumont (art. 102), de Nivernais (titre des
Bois, chap. 9 et 10), de St-Miliiel (titre xiii, art. 9), de
. Meaux (art. 76), d'Auxerre (art. 271), de Sens (art. 147),
consacraient ainsi la substitution d'une jouissance immé-
moriale à un titre véritable.
Les usages en matière de forêts sont si divers et si mul-
tipliés, que, pour empêcher les abus auxquels ils ouvrent
la porte, une surveillance de tous les instants était néces-
saire. La nouvelle législation le comprit. De là le soin
qu'eut le monarque de n'en confier la préparation qu'à
des hommes possédant une parfaite connaissance de la ma-
tière. Les règlements exigeaient d'autant plus d'attention
que le sens des mots, la valeur précise des termes variaient
suivant les provinces. Par exemple, le mot affouage était
entendu tantôt de l'usage du bois destiné au chauffage
[ad focum) (2), tantôt de la portion afférente à chaque ha-
bitant dans le partage du produit en bois de chauffage des
forêts concédées à plusieurs communes ; cette dernière
acception est celle qui a été adoptée dans notre Gode fo-
restier; d'autres fois, le droit à' affouage s'entendait aussi
du droit de couper du bois pour les usages domestiques :
Jus cœdendœ sylvœ domesticos in usus, dit Du Gange ; ce qui
(1) Il est dit dans des lettres patentes de Louis XII, conllrniant à
Jacques de Ghambray ses droits dans les forêts de Eeaumont-lo-Roger,
de Conches et de Breteuil : « Mais, pour ce que, durant les guerres des
Anglois et autres divisions qui, par cy-devant, ont eu cours en nostre
royaume, les prédécesseurs de nostre dit chambellan, tenant le party des
François, ont perdu plusieurs Chartres, lettres, papiers et écritures fai-
sant mention des droitures de sadite terre de Thevray et en spéciale celle
des franchises desdites forets, etc.» (Le Brasseur, Ilist. civile et ecclé-
siastique du comté (VEvreux, preuves, p. 126.)
(2) Voy. Du Gange, Gloss. V Affuagium : u. Jus excidendi ligni in ne-
more ad focura suum. »
30
466 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
conduisait à confondre l'affouage avec l'usage au hois
d'œuvre, qu'on appelait en Lorraine maronafje, et en Al-
sace tnarnarje (1). Gomment pouvait-on distinguer, en
effet, entre le bois propre aux ouvrages de petite char-
pente, par exemple, celui qui devait servir à réparer un
petit appentis, de celui qui était employé pour des besoins
domestiques? Et alors se posait la question de savoir si le
bois pris pour façonner quelques ustensiles domesti-
ques (2), était de la classe de celui que l'usager, ou, comme
on disait aussi, le réager avait le droit de ramasser ou de
couper.
La législation de Louis XFV fit disparaître, en grande
partie, l'incertitude et la confusion qui régnaient en cette
matière difficile.
Les embarras d'argent où se trouvait le gouvernement
menacèrent, sous les successeurs de Colbert, la réforme
opérée par cet homme illustre dans l'organisation du per-
sonnel. Le nombre des grandes maîtrises fut porté à
seize, en 1689, et à dix-huit, en 1720. En 1691 , on créa
des receveurs particuliers près des tables de marbre.
Un édit royal de 1704 enleva à ces tables le droit de juger
en dernier ressort, jusqu'à concurrence d'une certaine
somme. Une chambre des eaux et forêts fut instituée dans
chaque parlement, pour statuer en dernier ressort sur les
contestations forestières. Mais cet édit ne reçut qu'une
incomplète exécution. Les parlements de Besançon et de
(t) Toutefois, CCS expressions ne s'appliquaient, dans les doux provin-
ces, qu'aux bois de service destinés aux constructions. Le maronage se
distingue du droit au bois de travail ou d'ouvrage et droit au bois de fonte.
(2) Aussi Fournel, dans son Trailé du voisinage (4' édition, t. II, p.
530), a-t-il soin de distinguer l'usage aux bois d'étais , c'est-à-dire le
droit de prendre les branches pour clôture ou pour ramer les légumes, de
l'affouage. J'ai déjà parlé plus haut du ramage, qui entre dans cette ca.
tégorie et que certaines ordonnances s'attachent à distinguer de tous les
autres droits usagers.
r
CHAPITRE XXXI. 467
Douai furent les seuls auprès desquels les nouvelles cham-
bres fonctionnèrent ; ceux de Rennes et de Toulouse se
bornèrent à augmenter le nombre de leurs conseillers aux
chambres des requêtes. Les tables de marbre de Paris et
de Bordeaux furent rétablies dans leurs droits en 1704 et
1705 ; celles des autres villes ne cessèrent jamais de les
exercer.
Le règne de Louis XV n'apporta aucun changement sé-
rieux au système inauguré paj" son prédécesseur.
Louis XVI s'efforça de suivre les principes qu'avait con-
sacrés son ancêtre. Une déclaration du 14 décembre 1777
organisa une nouvelle régie des domaines et bois. La
science, qui avait jadis réclamé contre la destruction des
forêts, par la bouche dePalissy, réclamait de nouveau, et
avec plus d'autorité, par celles de Réaumur et de Buffon.
Turgot écouta les avis éloquents de ce dernier et voulut
marcher sur les traces de Golbert. Il prépara un arrêt du
conseil obligeant les propriétaires à planter un vingtième
de leurs biens, sous peine d'une surtaxe d'imposition.
Mais ce projet partagea le sort de son auteur.
La révolution, en renversant tout l'ancien édifice social,
abaissa les barrières que l'autorité opposait à la destruc-
tion des forêts.
Si le décret du 15-29 septembre 1791 soumit au régime
forestier, non- seulement les bois des communes et des sec-
tions de communes, des établissements publics^ mais en-
core ceux dans lesquels l'Etat, la couronne, les communes
ou les établissements publics avaient des droits de pro-
priété indivis avec les particuliers, en retour il émancipa
la propriété forestière privée. Tandis que l'ordonnance
d'aoûtl669 avait astreintau régime forestier, outre les bois
royaux, ceux qui étaient tenus en gruerie, grairie, ségrai-
rie, tiers et danger, apanage, engagements par indivis,
468 LES FORÊTS DELA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
les bois appartenant aux ecclésiastiques et gens de main-
morte, ceux appartenant aux communautés et habitants
des paroisses, le décret de septembre 1791 déclara que les
bois appartenant aux particuliers cesseraient d'y être
soumis, et que chaque propriétaire serait libre de les
administrer et d'en disposer à l'avenir comme bon lui
semblerait.
On reconnut plus tard le péril de cette soudaine éman-
cipation, et l'on revint à u*i système qui apportait dans
l'intérêt général quelque restriction à la libre disposition
individuelle. La loi du 9 floréal an xi (29 avril 1803) sou-
mit les bois des particuliers à un régime spécial et prohiba
tout défrichement sans autorisation.
Par la proclamation de Louis XVI du 3 novembre 1791,
les bois avaient été placés sous la protection des munici-
palités. C'était, il faut le dire, livrer les forêts, dans les
communes rurales, précisément à ceux qui les dévas-
taient. Déclarer la nation, les assemblées administratives,
les municipalités, les communes et les gardes nationales,
gardiennes des forêts, comme l'avait fait auparavant le
décret du 11 décembre 1789, c'était placer sous une au-
torité impuissante et entre les mains d'un dépositaire
mal défini, un de nos plus précieux trésors. L'abolition
des maîtrises fut une calamité publique, et, bien que
protégées par le principe de l'inaliénabilité que proclama
l'Assemblée nationale, les forêts domaniales éprouvèrent,
à cette époque, les plus fâcheuses dévastations. Les villa-
geois, et surtout les montagnards, profitaient de l'anarchie
pour se ruer sur les arbres ; on les brûla, on les abattit
inconsidérément. La haine pour les seigneurs fit porter
la hache dans les bois qui avaient été leur richesse ou le
théâtre de leurs plaisirs. Les arbres disparurent de tous
côtés. En un siècle, la France perdit la moitié de ses
CHAPITRE XXXI. 469
forêts; car le marquis de Mirabeau, dans sa Théorie de
l'impôt (1), évalue à trente-quatre millions d'arpents les
forêts qui couvraient la surface de la France, et aujour-
d'hui elle ne présente que huit millions et demi d'hec-
tares boisés (2). Au reste, il ne faut pas s'effrayer outre
mesure de ce mal ; la plus-value d'une matière première
d'une indispensable utilité ramènera le bois là où le
sol n'est pas propre à donner des produits plus avanta-
geux, et un temps viendra où s'établira de soi-même
l'équilibre entre la culture et les boisements, sans que le
gouvernement ait besoin de continuer un système de pro-
tection, utile en des âges d'imprévoyance et d'inégalité,
dangereux, impuissant pour des peuples libres et juges
éclairés de leurs intérêts (3).
La végétation forestière tend, sans doute, chaque jour
à perdre de son domaine, mais elle ne saurait être expul-
sée complètement sans de graves dangers, sans de funestes
conséquences; elle est le symbole de ces instincts puis-
sants et de ces sentiments naïfs qui prédominent dans les
sociétés primitives, s'affaiblissent avec le temps, mais ne
peuvent être complètement détruits au sein des sociétés
civilisées, sans tarir chez celles-ci les sources les plus fé-
condes de l'activité et de la vie. Dépouillé totalement de
ses épais ombrages, le sol, quelque cultivé qu'il fût par la
main des hommes, souffrirait d'une désolante sécheresse
ou serait exposé à des inondations terribles. De même chez
(1) Ed. 1760, p. 211.
(2) Suivant les dernières statistiques, 8,900,000 h., c'est environ 1/6
de la superficie de la France. Les forêts produisent annuellement 35 mil-
lions de stères de bois de construction et de chauffage, valant près de
4,000,000 fr., chiffre insuffisant pour nos besoins, puisqu'on importe en
France une grande quantité de bois.
(3) Voy. à ce sujet le savant et curieux article de M. Eugène Tisse-
rand, intitulé la Quesiion des forêts, dans la Revue contemporaine du
30 avril 1866.
470 LES FORÊTS DE LA GAULE ET DE l' ANCIENNE FRANCE.
les nations dans le cœur desquelles les instincts sponta- ■
nés et la naïveté des premiers âges n'auraient plus laissé
aucune trace, rien ne saurait tempérer, arrêter la tyran-
nie des intérêts matériels qui dessèche les âmes, ou le re- "^
tour périodique des révolutions politiques qui les boule-
versent et les énervent.
TABLE DES CHAPITRES,
papps.
Préface v
Introduction 1
Chapitre l*=f. — Etat forestier primitif de la Gaule 41
Chapitre II. — Etat forestier du nord de la Gaule. — Forêt char-
bonnière.— Pays de Thiérache. — État forestier ancien de la Bel-
gique.— Forêt des Ardennes. — Traditions et souvenirs qui s'y
rattachent 52
Chapitre III. — Etat forestier du Jura et du pays des Helvètes.
— Forêts de la Germanie. — Grandes forêts de l'Allemagne. —
Causes du déboisement dans ce pays 67
Chapitre IV. — Essences forestières de la Gaule. — Aménagement
et entretien des forêts du temps des Romains. — Premier déboi-
sement 82
Chapitre V. — Législation forestière des populations germaniques-,
influence des idées qui ont inspiré cette législation sur l'état des
forêts en Gaule, aprèsl'établissement des Goths, des Francs et des
Burgondes 89
Chapitre VI. — Législation forestière et des grandes forêts de
la France au temps des Carlovingiens • 97
Chapitre VII. — Retour partiel de la France à son ancien état fo-
restier.—Du droit de garenne 114
Chapitre VIII. — Influence des moines sur le défrichement des
forêts. — Envahissement des forêts parles monastères. — Robert
d'Arbrissel et l'ordre de Citeaux 127
Chapitre IX. — Droits d'usage dans les forêts sous le régime féo-
dal.— Règlements de police établis par les rois et les seigneurs
au temps des Capétiens. — Législation de saint Louis et de ses
successeurs en matière de forêts 136
Chapitre X. — Etat forestier de la France du xii^ au xvi® siècle.
— Forêts de l'Ile-de-France. — Forêts de Sarris, de Rouvray, de
Laye, Yveline. — Le Gàtinais, forêt de Fontainebleau. — Forêts
de Livry, de Bondy, de Vincermes— Forêts de la Brie, du Valois
et du Beauvaisis 1 46
Chapitre XI. — Forêts de la Picardie, de l'Artois, de la Flandre
etduHainaut 173
Chapitre XII. — Forêt des Ardennes, — l'Argonne. — Forêts du
BarroiSj de la Lorraine 192
Chaphre XIII. —Ancien état forestier des Vosges et de l'Alsace.
— Districts forestiers de la Souabe 205
Chapitre XIV. — Forêts de la Champagne 214
472 TABLE DES CHAPITRES.
pages.
Chapitre XV. — Forêts de la Bourgogne et du Nivernais. — Etat
forestier du Morvand et de la Bresse 228
Chapitre XVI. — Forêts de la Franche-Comté. — Le Jura. —Le pays
de Vaud. — Anciennes forêts de la Savoie. — Les Waidstetten. —
Influence des Burgondes. — Défrichements opérés dans l'Hel-
vétie 230
Chapitre XVII. — Etat forestier de l'Orléanais. — Forêts d'Or-
léans et de Montargis.— Le Gâtinais. — Forêts du paysChartrain,
du Blésois et du Vendomois. — La Sologne. — Forêts du Berry. 255
Chapitre XVIII. — Anciennes forêts de la Touraine, du Maine et
de l'Anjou 274
Chapitre XIX. — Ancien état forestier de la Normandie et du
Perche 291
Chapitre XX. — Etat forestier de la Bretagne au moyen âge. . 330
Chapitre XXI. — Forêts du Poitou. — La Gàtine et le Bocage. . 343
Chapitre XXII. — Forêts du centre de la France. — Séparation
des deux grandes zones forestières de ce pays. Végétation du
châtaignier. — Les anciennes forêts du Lyonnais, du Bourbon-
nais, de la Marche 350
Chapitre XXIII. — Anciennes forêts de l'Angoumois, de la Sain-
tonge et de l'Aunis 367
Chapitre XXIV. — Forêts du Dauphiné. — La grande Chartreuse.
Déboisement des Alpes. . . . ■ 374
Chapitre XXV. — Anciennes forêts de la Provence. — Forêts de
la Corse 382
Chapitre XXVI. — Forêts du Languedoc et de la Guyenne au
moyen âge. — Forêts des Pyrénées, du Couserans. — Forêts du
Roussillon, de l'Albigeois et du Rouergue. — Les Landes. —
Forêts du Béarn et du pays Basque. — Anciennes forêts du
Quercy et du Périgord 389
Chapitre XXVII. — Arbres célèbres par leur vétusté et leurs
grandes dimensions. — Derniers habitants des anciennes forêts. 407
Chapitre XXVIII. — Animaux qui habitaient les anciennes forêts
de la Gaule. — Plaintes auxquelles ils donnent lieu. — Population
des forêts. — Associations parmi les habitants des forêts. . . 414
Chapitre XXIX. — Influence du droit d'usage sur la diminution
et l'extension des forêts, à dater du xv* siècle. Législation de
François P"' et do ses successeurs 431
Chapitre XXX. — Inégalité dans la marche du déboisement en
France. — Efl'et du déboisement sur le régime des eaux et du
sol. — Plaintesà ce sujet. — Coup d'œil rétrospectif sur le régime
des eaux au moyen âge 443
Chapitre XXXI. — Législation forestière sous Henri IV et
Louis XIV. — Abolition de l'ancienne législation forestière à la
révolution française 457
TABLE GENERALE
DES FORÊTS ET DES BOIS PRINCIPAUX DE LA FRANCE
ANCIENNE ET MODERNE ET DES AUTRES FORÊTS CITÉES
DANS CET OUVRAGE.
N.-B. — Les numéros qui suivent le nom de chaque forêt renvoient aux pages ou il en
est parlé. La lettre n indique que la citation se trouve dans une note. Les noms de forêts
qui n'ont pas été mentionnées dans l'ouvrage ne sont suivis d'aucun numéro.
AbrescMviller (Bois d') (Meurthe,
arr. de Sarrebourg).
Acmanli sylva, 155,
Ageville (F. d'| (Haute-Marne, arr.
de Chaumont).
Ageux (Forêt d') (Oise, arr. de Sen-
lis), 167.
Aigueperse (F. d') (Haute-Vienne,
arr. de Limoges), 360.
Aigueperse (B. d') (Rhône, arr. de
Villefranche), 353.
Aigues-Vives (F. d') (Loir-et-Cher,
arr. de Blois), 276, 277.
Aisances (F. des) (Saône-et-Loire).
Aitone (F. d") (Corse), 387..
Aix-la-Chapelle (F. d') (Prusse Rhé-
nane), 111 (?i).
Aixe (F. d') (Haute-Vienne, arr. de
Limoges).
Aizenay (F. d') (Vendée, arr. de
Napoléon-Vendée), 347.
Ahitlia stjlva, 168.
Albepierre (B. d') (Cantal, arr. de
Murât), 356.
Albis (F. de 1') (Suisse), 249 {n).
Aliermont (F. d') (Seine-Inférieure,
arr. de Dieppe), 325.
Alix (B. d') (Rhône, canton du Bois-
d'Oingt^.
Aile (B. d') ^Côte-d'Or\ 232.
AUiers(B.des)(Côle-d''Or), 232.
Allmend(F. de 1') (Haut-Rhin, arr.
de Colmar), 207 (n), 212.
Allogny (F. d") (Cher, arr. de
Bourges), 271.
Alluets (F. des) (Seine-et-Oise, arr.
de Versailles),
Alneto (Boscus de), 158 (n).
AUa sylva, 133.
Aitholt (F. d') (Allemagne), 80.
Amboise (F. d') (Indre-et-Loire, arr.
de Tours), 275, 276, 428.
Ameillon (F. d') (Deux-Sèvres).
Amont (F. d') (Jura, arr. de Lons-
le-Saulnier).
Ancenis (F. d') (Loire-Inférieure,
arr. d'Ancenis), 338.
Ancerville (F. d') (Meuse,' arr. de
Bar-Ie-Duc), 216.
Andaine (F. d') (Orne, arr. de Dom-
front), 286, 287.
Andeliaci foresla, 309.
Andely (F. d') (Eure, arr. d'Andely) ,
309, 326 (n).
Andena sylva. 286.
Andernay (F. ou B. d') (Meuse, arr.
de Bar-le-Duc), 216.
Andigny (B. d') (Aisne, arr. de Ver-
vins), 182, 180.
Andlau (F. d') (Bas-Rhin, arr. de
Schélestadt).
Andred (F. d') (Angleterre, Sussex),
416 (n).
Anet (F. d') (Eure-et-Loir, arr. de
Dreux), 158 (71), 307.
Anglards (B. d') (Cantal), 356.
Angles (F. d") (Tarn, arr. de Cas-
tres), 401.
Angoulême (F. d') (Charente, arr.
d'Angoulème), 367.
Angoutte (B. d') (Aisne, arr. de
Laon), 189.
474
TABLE GÉNÉRALE.
Anost 'F. d"; (Saône-et-Loire, arr.
d'Autun).
Auguien (F. d') (Marne, arr. d'E-
pernay), vov. Enguien.
Antoniboul (F" d') (Tarn).
Anlremonl {F. d") (Meurthe, arr. de
Nancy, canton de Nomeny).
Anville (F. d') (Charente, arr.
d'Angouléme).
Any (B. d') (Orne, arr. de Dom-
frontj.
Apollon daphnéenfBois sacré d'), 86.
AquUina sylva, 150, 151, 152,154.
Aquilonarium nemus, 282.
Aquisgranensis foresla, 111 (n).
Aquosis {foresla de), 314.
Aralse ou Arraize (F. d") (Loire-
Inférieure, arr. deChateaubriant;,
130, 330.
Aran (F. d") (Basses -Pyrénées),
396.
Arbailles ou Arbalhe (F. d') (Basses-
Pyrénées), 394.
Arbois (F. d') (Jura, arr. de Poli-
gny).
Arc (F, d') (Doubs).
Arc-en-Barrois (F. d') (H. -Marne,
arr. de Chaumoni et Aube, arr.
de Bar- sur- Aube).
Arche (F. de 1"). Yoy. L'Arche.
Archevêque (B. de 1') (Indre-et-
Loire;, 277 (n).
Ardenna sylva, 60 (n), 111 (n).
Ardennes (F. des) (Ardennes), 23,
52, 59. 61,64, 111 (n), 127 (n),
179,189, 191, 192,193,194,195,
197, 198,209, 416 (n).
Ai'claunum sallus, 260, 319.
Arelaunum sylva, 318.
Argenton-le-Château (F. à' i (Deux-
Sèvres, arr. de Bressuire), 273.
Argenlonii foresla, 273.
Argonne (F. d') (Meuse, arr. de
Montmédy et de Verdun), 192,
198, 199, 200, 2)8.
Argoulais (F. d') (Nièvre, cant. de
Montsauche).
Argueil ou Arguel (F. d') (Somme,
arr. d'Abbeville), 177, 324.
Aricie (Bocage d') (Italie), 18 {n).
Arida Gainanlia sylva, 56.
Arislallinn foreste^ 111.
Armainvilliers (F. d") (Seine-et-
Marne, arr. de Melun), 163.
Armes (B. des) (Lozère, arr. de
Florac, canton de Monlverl).
Arnaud (Bois) (Eure), 31 3.
Arne (F. d') (Jura, arr. de Dole).
Arouaise ou Arrouaise (F. d') (Aisne,
arr. de Yervins et St-Quentin),
56, 57, 182, 185, 186.
Arques (F. ou B. d'J (Seine-Infé-
rieure, arr. de Dieppe), 324, 32ô.
Arrablav (B. d') (Loiret, arr. de
Gien);^ 259. ^
Arlaing (la Haie d') (Aisne), 190.
Artigues-Telline (F. d') (Basses-
Pyrénées), 396.
Artonne (F. d") (Nièvre), 444 (n).
Arus (B. d'J (Ardèche), 403.
Arviail (F. d') (Yonne), 228.
Aspruch (F. d") (Bas Rhin, arr. de
Wissembourg), 207, 208.
Astenay (F. d'J (Meuse, arr. de
Montmédy). Vov. Stenay, 112.
Asie nidum for esle, 112.
Atholl (F. d') (Ecosse), 418 (n).
Altigny(F. d') (Ardennes), 111.
AlUniacum foresle, lit.
Aubenton (la Haie d') (Aisne, arr.
de Yervins), 189.
Aubignosc (F. d") (Basses-Alpes, arr.
de Sisteron), 382 (n).
Aubigny (F. d') (Cher, arr. de San-
cerre).
Aubigny (F. d') (Deux-Sèvres, arr.
de Parthenay), 344.
Aubrac (F. d") (Aveyron, arr. d'Es-
palion et Lozère).
Aubusson (F. d') (Puy-de-Dôme,
arr. de Thiers).
Audriaca sylva, 112.
Aujoux (B. d") (Rhône, arr. de Vil-
lefranche), 353.
Aulnay (F. d") (Deux-Sèvres, arr. de
MelïeetCharente-Infér., arr. deSt-
Jean-d'Angély), 3 18, 370, 457 (n).
Aumône (B. d') (Nord, arr . d'Aves-
nes), 184.
Aumont (F. d") (Aube, arr. de
Troyes), 43, 224.
Autrey (F. d') (Hauie-Saône, arr.
de Gray).
Autun ou Autin (F. d") (Deux-
Sèvres, arr. de Parthenay).
TABLE GENERALE.
475
Availles (F. d') (Deux-Sèvres).
Avesnes (la Haie d'). Voy. La Haie
d'Avesnes.
Avignon (F. d') (Jura, arr. de St-
Ciaude).
Avaize (F. d') (Saône-et-Loire, arr.
de CharoUesJ.
Avours (B. des) (Aisne, arr. de
Laon), 179.
Bacenis sylva, 75.
Baconne. Yoy. Bouconne.
Bacquet (B. de) (Eure), 306.
Baduhennœ lucus, 75.
Bagnoliet (F. de) (Allier, arr. de
Moulins), 361.
Bailleul (B. de) (Nord, arr. d'Haze-
brouk), 56.
Balan (B. de) (Indre-et-Loire),
277.
Balismi foresta, 298.
Balnot (F. de) (Aube, arr. de Bar-
sur-Seine), 224.
Ban (F. de) (Jura), 239.
Ban de la Roche (F. du) (Vosges,
arr. de Saint-Dié), 210.
Baornx Vendu in Cuisia, 108 (n).
Baqueville (B. de) (Eure, arr. dAn-
dely), 326 (n).
Bar (F. de) (Yonne, arr. d'Auxerre),
228, 229.
Baratier (F. de) (Hautes-Alpes),
374.
Barbançon (F. de) (Nord, arr. d'A-
vesnes).
Barc(F. de) (Eure), 316.
Barenton (F. de) (Côtes-du-Nord,
arr. de Saint-Brieuc et Loudéac),
331.
Baronnies (Bois des) (Meurthe, arr.
deSarrebourg).
Barr (F. de) (Bas-Rhin, arr. de
Schélestadt).
Barrade (F.) (Dordogne, arr. de Pé-
rigueux).
Barriis sylva, 228, 229.
Bas (F. de) (Loire, arr. de Roanne).
Bas-Orbois (B. du) (Vosges, arr. de
Saint-Dié), 210.
Basqui (F. du) (Ariége, arr. de
Foix).
Basse (F.) (Aisne), 179.
Bassine (F. de la) (Tarn).
Baslulorum nemus, 357 (n).
Baugé F. de) (Maine-et-Loire), 288,
289 [n], 290.
Bauzon (F. de) (Ardèche, arr. de
Largentière, cantons de Montpe-
zat, Concouron, Saint-Etienne de
Lugdares), 403.
Bazoge (B. de la) (Sarthe, arr. du
Mans).
Beaufort (F. de) (Maine-et-Loire,
288, 289 (n).
Beaufort (B. de) (Nord, arr. d'A-
vesnes), 184.
Beaugerais (B. de) (Indre-et-Loire,
arr. de Loches), 278.
Beaulieu (F. de) (Deux-Sèvres, arr.
de Bressuire).
Beaulieu (F. de) (Seine-Inférieure,
arr. de Rouen), 317.
Beaulieu des Marchais (F. de)
(Maine-et-Loire, arr. d'Angers),
290.
Beaulieu (B. de) (Loire^ arr. de
Roanne).
Beaumont (F. de) (Indre-et-Loire,
arr. de Tours), 279.
Beaumont (F. de) (Marne).
Beaumont la Ronce (F. de) (Indre-
et-Loire), 265.
Beaumont le Roger (F. de) (Eure,
arr. deBernay), 116, 315, 465 (?i).
Beaumont-sur-Oise (F. de) (Seine-
et-Oise, arr. de Pontoise;, 170.
Beaupré (F. de) (Oise, arr. de Beau-
vais).
Beauquênay (F. de) (Manche, arr.
de Valognes), 301.
Beauregard (F. de) (Saône-et-Loire,
arr. de Châlon),' 233.
Beaurevoir (F. de) (Aisne, arr. de
Saint-Quentin), 182.
Beaussac (B. de) (Dordogne, arr.
de Nontron), 369.
Beauvoir (B. de) (Seine-Inférieure),
322.
Bécon (F. de) (Maine-et-Loire, arr.
d'Angers), 288.
Beffou (F. de) (Côtes-du-Nord, arr.
de Guingamp) .
Belair (F. de) (Charente, arr. de
Confolens), 369. ,
476
TABLE GÉNÉRALE.
Belchamp (F. de fHaut-Rhin).
Belenot [Sijlva de), 224 (n).
Belesta (F. de) (Aude, arr. de Cas-
tel naudary).
Bella valle [nemusde), 275.
Bellechassagne (F. de) (Corrèze;
arr. d'Ussel).
Belle-Perche (F. de) (Haute-Vienne,
arr. de Bellac).
Belle-Poule (F. de) (Maine-et-
Loire), 289, 290.
Bellesme (F. de) (Orne, arr. de
Mortagne), 297, 288. 410, 447 (?i).
Bellevaivre (F. de) (Haute-Saône,
arr. de Gray).
BcUevau (F. de) (Indre-et-Loire),
275, 277.
Belli-Forlis (nemus), 288.
Belli-mo7itis bosciis, 170.
Beloi (F. de) (Charente, arr. de
Confolens).
Benard-Commin (Bosc) (Eure), 317
(n).
Benard de Cressi 'Bosc) (Eure), 317
(n).
Benedicla sylva, 133.
Bénite (Sylve), 133 [n).
Benney (F. de) (Meurthe, arr. de
Lunéville, canton d'Haroué).
Benon (F. de) (Basses-Pyrénées).
Benon (F. de) (Charente-Inférieure,
arr. de Rochefort et de La Ro-
chelle), 370.
Bercarrie (Bois) (Haute-Loire, arr.
d'Yssingoaux), 133 («).
Berger (F. du) (Indre, arr. du
Blanc), 273.
Berohart (F. de) (Indre-et-Loire).
Voy. Brouart.
Bersay (F. de) (Sarthe, arr. de
Saint-Calais), 284, 285, 290.
Bersx {vpixda), 294.
Bersch (F. de) (Bas-Rhin, arr. de
Schélestadt).
Beureycl (F. de) (Isère), 375.
Beverhout (F. de) (Flandres, Bel-
gique), 59.
Beyla (B. de) (Nord), 56.
Bezeus {nnnus de), 357 (n).
Bezeus (B. de) (Cantal, arr. d'Au-
riilac), 357.
Bibiche (F. de) (Moselle, arr. de
, Thionville).
Bielsa (F. de) (Basses-Pyrénées),
396.
Bienwald (F. de) (Bas-Rhin, arr.
de Wissembourg), 209.
Biera sylva, 154, 156.
Bière (F. de) rSeine-et-Mai"no, arr.
de Fontainebleau), 154, 155, 156.
157, 261.
Bilcium nemus, 352.
Blllotz (B. des) (Allier), 360.
Bimars ou Blémars (F. de) (Indre-
et-Loire), 265, 280, 281,282.
Bioncourt (F de) (Meurthe, arr. de
Château-Salins).
Biloranda sylvn, 390.
Biluricensis foresla, 270.
Bizy (le Parc de) (Eure, arr. d'An-
dely).
Blanf/inrus Sylva. 187.
Blangv (F. dn) (Nord, ou Pas-de-
Calàis), 187.
Blanzy (B. de) (Aisne, arr. de Sois-
sons), 106.
Blasset(B.) (Somme), 174 (n).
Biémras (F. de). Voy. Bimars.
Blénod (B. de) (Meurthe, arr. de
Toul), 203.
Bliffaix(F. de) (Aube), 43.
Bleu (F. de^ Œurc), 328.
Blimardi sylva, 280.
Blimarcium nemus, 280.
Blois (F. de) ('Loir-et-Cher, arr. de
Blois), 268,^269, 281.
Bocquelon (B. de) (Seiue -Infé-
rieure), 323.
BœJimenvald, 73.
Boemica sylva, 73.
Bohain (F. de) (Aisne, arr. de Saint-
Quentin), 182.
Boichat (F. de) (Jura), 241.
Bois-Blanc (F. de) (Charente),
368.
Bois - Couronné (F. du) (Jura),
241.
Bois-Fromont (F. du) (Jura), 2 il.
Bois-l'Abbessc (F. de) fSaône-et-
Loire, canton de Saint-Léger sous
Beuvray).
Bois-Oger (F. de) (Indre-et-Loire).
277.
Bois-royal (Loir-et-Cher, arr. de
Blois).
TABLE GÉNÉRALE.
47Y
Ijoisseaux (F. de) (Indre\
Boland (F. de) (Belgique), 59.
Bommiers (F. de) (Indre, arr. d'Is-
soudun).
Bondré (Buisson de) (Maine-et-
Loire), 290.
Bondy (F. de) (Seine-et-Oise, arr.
dePontoise), 146, 158, 171, 172,
428.
Bonne (F. de) (Aisne, arr. de Chà-
toau-Tliierry).
Bonnétable (F. de) (Sarthe, arr. de
M amers), 285.
Bonnevaux(F. de) (Vienne), 344 (n).
Bonnevaux (B. de) (Isère, arr. de
Yienne).
Bonoil {nemits de), 181 (n).
Bontin(F de) (Yonne), 447 (n).
Bocjuien (F. de) près de Gollinée
(Gôtes-du-Nord, arr. de Lou-
déac).
Bord (F. de) (Allier, arr. de Mou-
lins, cant. de Neuillv le Real),
303.
Borey (B. de) (Haute-Saône, arr. de
Yesoul).
Bornacq (F. de) (Cher, arr. de Saint-
Amand).
Borne (F. de) (Cote-d'Or, arr. de
Beaune), 233.
Bornus foresla, 280.
Bort (F. de) (Indre-et-Loire et
Vienne), 280.
Bort (F. de) (Allier?), 363.
Bort ou Borz (F. de) (Eure), 312.
313, 314 n).
Boscodon (F. de) (Hautes- Alpes",
379.
Boshion(B. de) (Eure), 311 (n).
Bossican (F. de) (Aube, arr. de Bar-
sur-Seine et Bar-sur-Aube), 231.
Boucharde (F.) (Allier, arr. de Can-
nât, et Puy-de-Dôme, arr. de
Riom).
Bouche-Clause (B. de) Hautes-
Alpes).
Bouchot (B. du) (Indre-et-Loire; 275.
Boucheville (F. de) (Aude, arr. de
Limoux).
BouclansouChauley (F. de)(Doubs,
arr. de Baume-les-Dames).
Bouconne (F de) (Haute-Garonne,
arr. de Toulouse, canton de Le-
gnevin, au N. de Legnevin), 39G,
428.
Bougival (B. de) (Seine-et-Oise),
150 (?!)•
Bouhey (F. de) (Côte-d'Or. arr. de
Beaune).
Boulay (B. du) (Haute-Marne, arr.
de Vassy;, 217.
Boulemer (B. de) (Loir-et-Cher\
269.
Boulogne (F. de) (Loir-et-Cher, arr.
de Blois), 268.
Boulogne (F. de) (Pas-de-Calais),
177.
Boulogne (B. de) (Seine), 149, 429.
Bouloij {nemiis de), 225.
Bourcier (F. de) (Saône-et-Loirc).
Bourdonnais (F. de la) (Morbihan,
arr. de Ploermel, cant. de Guer).
Bourgon (F. de) (Mayenne, arr. de
Mayenne).
Bourgueil (F. de) (Indre-et-Loire,
arr. de Chinon), 280.
Boursault (F. de) (Marne, arr. d'E-
pernay").
Bourse (F. de) (Orne), 294.
Bourth (F. de). Vov. Bort ou Borz
(F. de).
BourzoUes (F. de) (Dordogne, arr.
de Sarlat, sur la frontière du Lot-
et-Garonne), 404.
Boittivant {venda de), 309.
Bouveresse ou Boveresse (F. de)
(Oise, arr. de Compiègne, front.
de la Somme), 180, 181, 182.
Boverie 'B. de la) (Sarthe, arr. de
La Flèche), 131.
Braconne (F. de) (Charente, arr.
d'Angouléme), 367, 369.
Bragny (Grandj (F. du) (Saône-et-
Loire). Voy. Grand-Bragny.
Bragny-la-Ferté (F. de) (Saùne-et-
Loire).
Braie (B. de) (Indre-et-Loire), 276.
Braigne (F. de) (Saône-et-Loire\
232.
Braigneaul (nemiis de), 232.
Braium nemiis, 276.
Brandon 'B. du) 'Indre-et-Loire),
277 (n).'
Brassac (F. de) (Ariége. arr. de
Foix).
Bray (F. de) (Seine-Inférieure, arr.
478
TABLE GÉNÉRALE.
de Neufchâtel), 277 (n), 325,
326.
Brécélien (Voy. Brécheliant).
Brécheliant T. de) (Côtes-du-Nord),
65, 330,331,332, 334, 335, 336,
341 (n).
Brecheuav (F. de) (Indre-et-Loire),
277.
Brenne (F. de) (Indre-et-Loire), 279.
Bretèche (F. de la) (Loire-Inférieure,
arr. de Savenay).
Bretons (B. des) (Loir-et-Cher), 264.
Bretonne (F. de) Voy. Bretonne.
Breton (F. de) (Tarn), 400, 403.
Brextil {nemus le), 180.
Brezons (F. de) (Cantal), 28 (?;),
356.
Bride et Queken (F. de) (Meurthe,
arr. de Château-Salins).
Brie (F. de la) (Seine-et-Marne),
128, 146, 161, 162, 163.
Brieulle(F. de) (Meuse), 199.
Brigueil (F. de) (Charente, arr. de
Confolens).
Brigia sylva ou Brigiensis sallus,
161, 162 (n) 163.
Brione (F. de) (Indre), 271.
Brionna sylva, 279.
Brion (F. de) (Belgique), 59.
Briquebec (F. de) (Manche, arr. de
Valognes).
Brisiaci sylva, 290.
Brissac (F. de) (Maine-et-Loire,
arr. d'Angers), 290.
Britolii parcus, 313.
Briionis sylva, 318.
Brix (F. de; (Manche), 1 37 (n), 302.
Brixhis sallus, 238.
Brocéliande (F. de). Voy. Bréche-
liant.
Broësse (B. de) rCôte-d'Or), 232.
Broglie (B. de) (Eure), 295.
Brossay (F. de) (Maine-et-Loire,
arr. de Saumur).
Brose (F. de) (Tarn).
Brosse (F. de) (Indre), 345.
Brosses (B. de) (Allier), 304.
Brothonix sijlva, 318.
Brotonne (F. de) (Eure) (Seino-In-
férieurei, 116, 260, 318, 319,
410.
Brouart ou Berohart (F. de) (Indre-
et-Loire, arr. de Loches, et Indre,
arr. de Châteauroux), 271, 27-
279.
Brouis (F. du), sur le mont Broui
au-dessus de La Martre (Vâr).
Bruadan (F. de) (Loir-et-Cher, an .
de Romorantin), 270.
Brueix ( Venda de), 302 (/()•
Brugny (F. de) (Marne, arr. d'E-
Ijernay).
Brullé (B.) (Saône-et-Loire), 233
in).
Bmmath (F. de) (Bas- Rhin), 38,
207 (?i).
Bruni ssiacum nemus, 277.
Brussenay (F. de). Voy. Bréchenay.
Buisson (B. du) (Eure), 306.
Bungiacensis sxjlva, 158.
Bur (F. de) (Calvados), 144 (n)j
303.
Burgudii foresla, 280.
Burseiwn sylva, 284.
Bussy (F. de) 'Loir-et-Cher, arr. d«
Blois), 268. ■
Cabarède (F. de la) (Tarn, arr. de
Castres)^ 400.
Cadarache (B. de) (Bouches-du-
Rhône, arr. d'Aix, canton de Pey-
rolles), 384.
Caerléon (F. de) (Angleterre), 27,
419 (n).
Cailli (F. de) (Seine-Inférieure);
321.
Calcadis (F. de). Voy. Goille (F. de).
Galdenoven ou Cailenhoven (F. de
(Moselle, arr. de Thionville), 60,
197.
Calidon (F. de) (Ecosse), 331.
Callibus {foresla de), 235.
Cahnnnia [Boscus de), 84.
Calz (F. de) (Nièvre), 235.
Camors (F. de) (Morbihan, arr. de.
Lorient), 336.
Cambaran (sylva de), 375.
Campuzan (F. de) (Hautes-Pyré-
nées, arr. de Bagnères).
Candeil (B. de) (Tarn), 401.
Canevosa sylva, 279.
Canlollii venda, 259.
Cantoris nemus, 277 (n).
Cap de la Bielle (F. de) (Basses-Py-
TABLE GÉNÉRALE.
479
rénées, canton de la Barthe de
Neste).
Capduana sylva, 277.
Captionne nemus, 238.
Caput cct^'inum sylva, 273.
Carbonaria sylva, 53, 183.
Carbonnière ou Charbonnière (F.)
52, 53, 54, 59, 177, 183, 184,
187, 188, 189, 190, 195.
Carneta sylva, 283,
Oarnida sylva, 283.
Carnetin (B. de) (Seine-et-Marne,
arr. de Meaux), 159.
Garnoët (F. de) (Finistère, arr. de
Quimperlé), 37, 340.
Carnutes (F. des) (Eure-et-Loir,
Loiret) 37, 262, 267, 268, 285,
300.
Gars (F. des) (Haute-Tienne, arr.
de Saint- Yrieix}, 3G0.
Cosnelo {sylva de), 302 (n).
Castcllis (nemus de), 280.
Catelaine (Laliave) (Nord), 186.
Castres [F. de) (Tarn), 400.
Caslum Jiemiis, 22.
Catelun (F. de) (C6tes-du-Nord,
arr. de Loudéac^, 334.
Caucia sylva, 106.
Caumont (F. de) (Corrèze), 359.
Caux (F. de) (Seine-Inférieure).
Caynonis sylva, 274.
Celle-lez-Bordes T. de) (Seine-et-
Oise), 153.
Celles (F. de) (Deux-Sèvres), 348.
Cellier (F. de) (Loire-Inférieure,
arr. J'Ancenis).
Cleom (sylva de), 358. 359.
Cercottes (F. de) partie de la forêt
d'Orléans (Loiret^, 248.
Cerisy (F. de) (Calvados\ arr. de
Vire), 302.
Cernetrou (F, de) (Jura, arr. de Po-
ligny), 432 (n).
Cersy (F. de) (Loir-et-Cher), 209.
Cette (F. de la montagne de) ^Hé-
rault}, 391.
Cevennes (F. des), 3.
Ceyroux (F. de) (Haute-Loire, can-
ton de la Voûte), 355.
Chaanne ou Chasnes (Buisson de)
(Maine-et-Loire), 288, 289 («).
Chabet (F. de) (Nièvre, arr. de Ne-
vers).
Chagny ,F. de) Saône-et-Loirè, arr.
de Châlon).
Chailluz F. de) (Doubs, arr. do
Besançon), 239.
Chaîne (B. de la) (Indre-et-Loire,
arr. de Tours\ 280, 281.
Chaise ou Chaize (F. de la) fVendée,
arr. de Napoléon- Vendée), 347.
Chaize (B. de la) (Indre), 273.
Chalonge (B. de) (Sarthe), 284 (n).
Chambaran (B. de) (Drôme), 375.'
Chamberceau (F. de) (Haute-Marne,
arr. de Langres, canton de Prau-
thoy).
Ghambiers ou Chambières (F. de)
(Maine-et-Loire, arr. de Baugé"»,
288.
Chambon (B. de) (Loir-et-Cher), 269.
Chambres (B. des) (Marne), 218.
Champ d'oiseau (B. de) (Indre-et-
Loire), 278.
Champfromier (F. de) (Ain, arr. de
Nantrou).
Champlive (F. de) (Yonne, arr. d'A-
vallon).
Champlatreux (B. de) (Seine-et-Oise,
arr. de Pontoiseï, 169.
Champlitte (B. de) (Haute-Saône,
arr. de Grayj.
Champs rouges (F. des) ''Jura), 241.
Chancay (F. de) (Indre-et-Loire),
28 î, 282.
Chandelais (F. de) (Maine-et-Loire,
arr. de Beaugé), 289, 290.
Chantaloue (B. de) (Loiret), 259.
Chantemerle (F. de) (Deux-Sèvres,
arr. de Parthenay>, 344.
Chantillv (F. de) (Oise, arr. de Sen-
lis), 52, 169.
Chantre (B. du) (Indre-et-Loire),
277 (n).
Chanveaux (F. de) (Loire-Infé-
rieure).
Chaource(F. de) (Aube, arr. de Bar-
sur-Seine), 43,^222, 225.
Chaource (la Haie de) Aisne), 190.
Chapaize F. de) (Saone-et-Loire,
arr. de Mâcon), 232.
Chapelle Sainte-Marie Magdelaine
iB. delà) (Indre-et-Loire\ 281.
Chappes (F. ou B. de) (Aube), 43,
224.
Chapuis {boscus),\b(i, 157.
480
TABLE GÉNÉRALE.
Charbonnière (F.}. Yoy. Carbon-
nière.
Cliardin (F. de) (Charente, arr.
d'Angoulème).
Charmes (F. de) (Vosges, arr. de
Mirecourtj, 204, 411.
Charnay (B. de) (Rhône, arr. de
Yillefranche).
Cliarnie (F. de) (Sarlhe^ arr. du
Mans), 122, 283.
Charnouveau (F. de) (Nièvre, arr.
de Cosnc).
Charolles (F. de) (Saône-et-Loire,
arr. de Charollesj, 233 (?i>.
(Chartreuse (la Grande) (F. de la)
(Isère), 377.
Chaste-lloulle (B. de la) fEurc),
306.
Chateaulin (F. de) (Finistère).
Château la A'allière (F. de) (Indre-
et-Loire, arr. de Chinon), 280.
Châteauncuf (F. de) (Haute-Vienne,
arr. de Limoges), 3G0.
Châteauncuf (B. de) (Cantal), 356.
Châteauneuf en Thimerais (F. de)
(Eure-et-Loir, arr. de Dreux),
2G6.
Château-Renault (F. de) (Indre-et-
Loire), 280.
Châteauroux (F. de) (Indre).
Château-Salins (F. de) (Meurthe).
Châteauvert (F. de; (Creuse, arr.
d'Aubusson).
Château-Villain (F. de) (Haute-
Marne, arr. de Chaumont).
Chatellerault (F. dej (Vienne'), 343.
Chatelneuf (F. de) (Jura), 70.'
Ghatenay (B. de) (Charente-Infé-
rieure), 37i.
Chatillon (F. de) (Loiret), 262.
Chalillon-sur-Seine (F. de) (Côte-
d'Or, arr. de Chàtillon-sur-Seine),
234.
Chatillon en Bazois (F. de) (Nièvre,
arr. de Château- Chinon).
Châtres (B. de) (Indre-et-Loire).
277.
Chaume-Gennigny (F. de) (Saône-
et-Loire).
Chaumont (F. de) (Loir-et-Cher),
270, 276.
Chausse-Moreau (F. de) (Jura, arr.
dq Dôle), sur la frontière du
département de Saône-et-Loi
Chaussère ou de Leppo (F. de II
(Maine-et-Loire), 132.
Chauvigny (F. de) (Vienne), 3^
(?i).
Chaux (F. de) (Jura, arr. de Dôlc),|
69,239,419.
Chazetle (F. de) (Haute-Loire, can-
ton de Saugues).
Chedon (F. de) (Indre-et-Loirf .
277.
Clief-Boutonne (F. de) (Deux.-S -
vres, arr. de Molle), 348.
Chelles (F. de) (Seine-et-Marne
163.
Chemasson (B. de) (Mayenne), 287.
Cheminon (B. de) (Marne, arr. il •
Vitrv), 216.
Chenevole (F. de) (Indre), 279.
Chenue (F.) (Nièvre, canton do
Montsauche).
Clœpdone sylva, 277.
Cherbourg (F. de) (Manche).
Chérimont (F. du) (Haule-Saôn
arr. de Lùre).
Chesnaix vendu, 1 68 (n).
Chessy (B. de) (Seine-et-Marne,
arr. de Meaux), 162.
Chétif (B.) (Ain), 238.
Chétif (B.) (Indie-et-Loire), 275.
Chèvre (F. delà) (Indre), 271.
Chevreuse (F. de) (Seine-et-Oisc .
150.
Chinon (F. de) (Indre-et-Loire\ 27?,
274, 275, 276.
Chizay ou Chizé (F. de) (Deux-Sè-
vres, arr. de Niort et de Melle),
345, 349, 457 (n).
Chœurs (F. de) (Cher, arr. de Saint-
Amand).
Choisy (F. de) (Oise), 107.
Chollet (F. de) (Maine-et-Loire),
288.
Chomontesio (Vcnda de), 258.
Choussy(F. de) (Loir-et-Cher), 276.
Cinglais (F. de) (Calvados, arr. de
Lisieux).
Ciniq (F. de) (Cantal), 356.
Ciny (B. de) (Aisne), 190.
Cipeleis sylva, 195.
Cirey (B. de) (Meurthe), 203.
Cîteaux (B. de) (Côte-d'Or, arr. de
Beaune et Dijon), 221.
TABLK GÉNÉRALE.
481
Civens (F. de) \,Tarn).
Givrais (F. de) (Allier), 361.
Clairmarais (F. de) (Pas-de-Calais,
arr. de Saint-Omer).
Clairvaux (F. de) (Aube, arr. de
Bar-sur-Seine et Bar-sur- Aube) ,
221, 224.
Clarascencis sylva, 224.
Clay (F. de) (Isère).
Clermont (F. de) (Isère), 373.
Cluny (B. de) (Saône-et-Loire), 232.
Coard ou CouartfB. de) (Oise), 169.
Coat-an-noz et Coat-an-nay (F. de)
(Côtes-du-Nord, arr. de Guin-
gamp).
Cœsia sylva, 76.
Goet-Lorges (F. de) (Gôtes-du-Nord,
arr. de Saint-Brieuc), 335.
Goet-Loux (F. de) (Morbihan), 340.
Goet-Maloen (B. de) (Côtes-du-Nord,
arr. de Guingamp), 336.
Golettes (F. des) (Allier, arr. de
Gannat).
Colombaria sylva, 178.
Colombe (F. de) (Aube).
Colombiers (F. de) (Vienne ou Deux-
Sèvres). 65.
Colonne (F. de) (Jura). 69.
Coly ou Labal (F. de) (Dordogae,
arr. de Sarlat), 404.
Comhanigra [sylva), 379.
Commercy (F. de) (Meuse), 201.
Gompiègne ou Guise (F. de) (Oise),
52, 106, 107, 108 {il), 164, 168,
409. Voy. Cuise (F. de).
Goncarneau (F. de) (Finistère), 340.
Concharum foresta, 310.
Couches (F. de) (Eure), 304, 310,
311, 312, 313, 314.
Conchis S.Clemenlis [nermis] 180 (n) .
Conchis de Cavaignes [nemus) 180
(n).
Concise (F. de) (Mayenne, arr. de
Laval), 132, 330. '
Gondé (F. de) (Nord), 186.
Gootsé (B.) (Loire-Inférieure), 340
(n).
Gorbeny (F. de) (Aisne, arr. de
Laon).
Corbières (Forêts des), 389.
Corgebin (F. de) (Haute-Marne,
arr. de Chaumont).
Cormaranche (F. de) (Ain, arr. de
Belley).
Corme Royal (F. de) (Charente-In-
férieure), 371.
Corneau (B. de) (Saône-et-Loire),
281.
Corneau (B. de) (Indre-et-Loire, arr.
de Tours).
Cosdrena sylva, 269.
Costa Chapsis (Boscus), 257.
Colia sylva, 106, 108, 109, 111.
Couarde (B. de la) (Indre-et-Loire ">,
281.
Couard (B. de), voy. Coard.
Couassé (B. de) (Loire-Inférieure),
340 (/?).
Goucy (F. de) (Aisne, arr. de Laon),
52, 109, 165, 178.
Coudane (B. de la) (Eure et Eure-
et-Loir), 308.
Gouisans (B. de) (Nord), 184.
Coulommiers (F. de) (Aisne), 179.
Coulon (F. de) (Côtes-du-Nord), 335.
Courheron (Boscus de] 158 (n).
Coutumes (F. de) (Haute-Vienne),
358 {n).
Gouvaux (F. de) (Morbihan, arr. de
Napoléonville).
Coye {Boscus de), 164.
Coyœ {Venda), 164 (n).
Graine (B. de) (Oise), 166.
Crannou (F. de) (Finistère), 341.
Craon (F. de) (Mayenne, arr. de
Ghâteau-Gontier),"'l29, 130, 132,
288, 330.
Creciaco {for esta de), 161 (n).
Crécy (F. de) (Seine-et-Marne, arr.
de Meaux et Coulommiers), 161,
162, 168, 171.
Créqui (B. de) (Pas-de-Calais, arr.
de Montreuil), 177.
Cresiacum foreste, 112, 173.
Crespin (B.) (Eure), 306.
Gressy (F. de) (Somme, arr. d'Ab-
beville), 112, 132, 173, 174.
Crissay (F. de) (Indre-et-Loire, arr.
de Chinon), 275.
Croc (F. du) (Seine-Infér., arr. de
Dieppe).
Croiz-le-Frison (B.) (Aisne), 166.
Gronilhac (F. de) (Haute-Loire, com-
mune de Tence, arr. d'Yssin-
geaux).
31
482
TABLE GÉNÉRALE.
Croie (Veyula de), 308.
Croteis {foresla de), 307, 308.
Croth ou Crot (F. de) (Eure), 268,
307, 308.
Crolois (B. de). 308 (n).
Crolois, voy. Croth (F. de).
Crous de Boveresche (nemus), 180
(n).
Crov(F. de) (Somme), 176 (/î).
Cuise (F. de) (Oise). 106, 107. 108,
109, 164, 165. 107, 168, 169,
434. Voy. Compiègne (F. de).
Cw'siasylva, 164.
Cunexv (F. de) (Moselle, arr, de
Metz).
Ciiria Dei (Dosais), 258.
Cussangy (B. de) (Aube, arr. de
Bar-sur-Seine), 225.
Cussey-les-Forges (F. de) (Côte-
d'Or, arr. de Dijon).
Dambach 'F. de) (Bas-Rhin, arr. de
Schélestadt).
Dambray (B. de) (Orne), 298.
Dames (B. des) (Indre-et-Loire),
281.
Dam-Ravnaud (F. de) (Jura), 241.
Danville^F. de) (Meurthe), 116.
Dauzon (F. de) (Ardèche, arr. de
Largenlière), 403.
Dementart (F. de) (Aisne), 166.
Denervense salins, 216 (n).
Der, Ders ou Derve (F. de) (Haute-
Marne, arr. de Yassy), 43, 216,
217, 412.
Dervalières (B. des) (Loire-Infé-
rieure), S 39.
Descouardes (B. de) (Eure), 306.
Désuresmes ou de Desvres (F. de)
(Pas-de-Calais, arr. de Boulogne;,
177.
Devons (F. de) (Jura), 241, 248.
Devez (F. de) (Haute-Loire, canton
de Saugues).
Desvres (F. de). Voy. Desuresnes,
arr. de Boulogne).
Dian ou Dians (F. de) (Seine-et-
Marne), 156.
Dianx sijlva, 51, 156.
Dieuiit (F. de) (Orne, arr. de Dom-
front).
Dieulet (F. de) (Meuse, arr. de Mont-
médv), 199.
Dinan (B. de) (Côtes-du-Nord), 334.
Dine (F. de) (Vienne), 345.
Dirac (F. de) (Charente, arr. d'An-
gouléme), 368.
Dirimore (F. de) (Angleterre), 419
(n).
Dissey (F. de) (Saône-et-Loire, arr.
de Louhans).
Doignon (F de) (Haute-Vienne, arr.
de Limoges), 359.
Dola sylva, i 66.
Dole (F. de) (Aisne, arr. de Châ-
teau-Thierry), 166.
Domenéche ou Domnaiche (P. de)
(Loire-Inférieure, arr. de Châ-
teaubriant).
Dormont (B. de) (Aisne, arr. de
Chî'iteau-Thierry).
Dorso asini (nemiis de), 225.
Dourdan (F, de) (Seine-et-Oise, arr.
de Rambouillet), 151.
Douvereau (F. de) (Mayenne), 288.
Dreuille (F. de) (Allier, arr. de
Montluçon), 362, 363.
Dreux (F° de) (Eure-et-Loir), 266,
267, 268, 307.
Dromling (F. de) (Allemagne), 252.
Drouille (F. de) (Creuse, arr. d'Au-
busson).
Duault (F. de) (Côtes-du-Nord, arr.
de Guingamp), 37.
Duc (F. au) ou Bois du Roi (Yonne,
arr. d'Avallon, canton de Quarré-
les-Tombes), 235.
Ducis sijlva, 78.
Durbont (F. du Mont), 376.
Durtal (F. de) (Maine-et-Loire, arr.
de Baugé), 289.
E
Eaumet (F. d') CBouches-du-Rhône),
383.
Eavi (F. d') (Seine-Inférieure, arr.
de Dieppe et Neufchàlel), 314,
324, 32o, 328.
Ehroicensis foresla, 304.
Eburovices (F. des) 314, 315, 316.
Echallon (F. d') (Ain, arr. de Nan-
tuaj.
TABLE GÉNÉRALE.
483
E couves (F. d') (Orne, arr. d'Argen-
tan), 298, 299.
Edohola sylva, 404.
Eglises (B. des) (Aisne), 166.
Emans (F. d") (Seine-et-Marne),
155.
Embeyre (F, d') (Ariége, arr. de
Foix).
Enfers (B. des) (Var, arr. de Dra-
guignan).
Enghien ou Anguien (Marne, arr.
d'Epernay), 219.
Engoudsent (F. d') (Pas-de-Calais,
arr. de Moritreuil).
Ensigné (F. d') (Deux-Sèvres), arr.
de Melle).
Ensisheim (F. ouB. d') (Haut-Rhin),
2Û7 (n), 212.
Epernav (F. d') (Marne), 219.
Epinal (F. d") (Vosges), 204 (n).
Epinat (F. de 1') (Indre-et-Loire),
278.
Epinay (B. d') (Indre), 273.
Epinoy (B. de 1') (Indre-et-Loire),
277.
Epoisses (B. des) (Doubs, arr. de
Besançon).
Epping (F. d') (Angleterre), 54 (n).
Equilina foresla^ 150 in).
Ennandia regia foresla, 201 (n).
Ermenonville (F. d') (Oise), 169.
Erviel (F. d') (Yonne), 228.
Escout (F. d') (Basses-Pyrénées),
394.
Esga sylva, 166.
Esmans (F. d') (Seine-et-Marne),
155.
Espartignac (F. de) (Gorrèze), 358,
359.
Epinasse (F. de 1') (Allier, arr. de
Montluçon), 363.
Essarts (F. des) (Eure et Seine-In-
férieure), 316.
Essarts (F. des) (Vendée, arr. de
Napoléon- Vendée) .
Estrapes (Bois des) (Aube), 224 {n).
Etampes (F. d') (Deux-Sèvres j, 349.
Etang-Neuf (B. de 1') (Vendée),
347.
Etangs (B. des) (Indre-et-Loire),
275.
, Etoile (F. de 1') (Haute-Marne, arr.
de Chaumont).
Etusson (F. d') (Deux-Sèvres, arr.
de Bressuire), 348.
Eu (F. d') (Seine-Inférieure), 323,
324.
Evêque (Bois de 1') (Nord), 185.
Everla {Haiade), 151 (n).
Evreux (F. d') (Eure), 304, 305,
307, 313, 314.
Evroux, voy. S. Evroux (B. de).
Evuriii {S.) (Boscus), 257.
Explenta {nemiis), 278.
Eyrieu (F. d') (Isère), 374.
Fage (B. de la) (Gorrèze), 359.
Faget (B. du) (Gôte-d'Or), 224 (n).
Fagina sylva, 195 (n).
Fagne ou La Fagne (F. de) (Nord et
Ardennes), 54, 184, 189, 190,
195.
Fagne de Sains (B. de la) (Aisne,
arr. de Vervins), 195 {n).
Fagne de Trélon (B. de la) (Nord, arr.
d'Avesnes), 195 (n).
Fa igné (B. de la) (Gôtes-du-Nord),
335.
Fains (Buisson du Breuil de) (Maine-
et-Loire), 290.
Fajel (sylva de), 395 (n).
Falavier (F. de) (Isère), 374.
Falise (B. de) (Nord), 184.
Falempin (B. de) (Nord), 186 (?i).
Fannia sylva, 54 (n).
Faou (F. du) (Finistère), 341, 461.
Farschwiller (F. de) (Moselle, arr.
de Sarreguemines).
Fauge (F. de) (Aude).
Fautoye (B. de la) (Aisne), 160.
Faux (F. de) (Gôte-d'Or, arr. de
Beaune).
Faye (F. de la) (Jura, arr, de Poli-
gny).
Faye de Valempoulière (F. de la)
(Jura. arr. de Poligny).
Febeton (F. de) (Suisse), 254.
Ft'camp (F. de) (Seine-Inférieure),
37, 323.
Féchier (B, de) (Loire, arr. de
Roanne), 353.
Fère en Tardenois (F. de) (Aisne,
arr. de Ghiteau-Thierry), 109,
166.
484
TABLE GÉNÉRALE.
Perrière (F, delà) (Seine-et-Marne^,
163.
Ferrière (F. de là) (Deux-Sè\Tes,
arr. de Bressuire), 344.
Fertans (F. de) (Doubs, arr. de Be-
sançon).
Ferté (F. de la) (Indre-el-Loire).
Voy. Bragny (F. de).
Ferté-Vidame (F. de la) (Eure-et-
Loir, arr. de Dreux).
Feytaud (F. de) (Dordogne, arr. de
Périgueux).
Fiscannensis sylva, 323.
Flavignac (F. de) (Haute-"Vienne),
360.
Fléteau (B. de) (Indre-et-Loire, arr.
de Tours).
Flines (F. de) (Nord, arr. de Douai).
Foilloiis {nemus de), 153.
Folembray(F. de) (Aisne), 178.
Folin (F. de) (Saône-et-Loire).
Follosii sylva, 153.
Folonia sylva, 302 (?i).
Fûkrenioald, 213.
Fontainebleau ou de Bière (F. de)
(Seine-et-Marne), 27 (n), 46, 50,
146,154, 155, 156, 157,171,201,
296, 410. Yoy. Bière (F. de).
Fontaine-Française (F. de) (Côte-
d'Or, arr. de Dijon).
Fontainé-Milon (B. de la) (Maine-
et-Loire, arr. de Baugé), 278.
Fontevrault (F. de) (Maine-et-Loire,
arr. de Saumur).
Fondfroide (F. de) (Aude), 391.
Fontpéron (F. de) (Deux-Sèvres).
Forahwn sylva, 213.
Forbach ^F. de) (Moselle, arr. de
Sarreguemines).
Forêt Noire (Allemagne), 30 (n), 72,
206,211,250.
Foret Noire. Voy. Hunaudaye (F.
de la).
Forestel (F. du) (Somme), 177.
Forestelle (B. dej (Aisne), 178.
Fossart (F. de) (Vosges, arr. de Re-
miremont).
Foucaudière (F. de la) (Maine-et-
Loire, arr. de Chollet).
Fuugaron (F. du) (Haute-Garonne,
arr. de Saint-Gaudcns).
Fougères (F. de) (lile-et-Vilaine),
130, 132.
Fougereuse (F. de la) (Deux-Sèvres,
arr. de Bressuire), 348.
Fougues ou Foug (B. de) (Meurthe,
arr. de Toul), 201, 203.
Foulleuse (B. de) (Seine-et-Olse),
153.
Fouiognes (B. et F, de" (Calvados,
arr. de Bayeux), 302, 303.
Fourges (B. de) (Eure), 306.
Fours (B. de) (Nièvre, arr. de ISe-
vers), 360.
Fourmies (La Haye de). Voy. Haie
de Fourmies.
Fousseaux (F. de) (Indre), 273.
Fraise (B. de) (Vosges;, 204.
Fréau (B. de) (Finistère), 341.
Fresne (F. de) (Meurthe, arr. de
Chàteau-Salins).
Fresse ou La Presse (P. de) (Jura,
arr. de Poligny), 424, 432 {n\
Fretieum sylva, 229.
Freley ou Fretoy (F. de) (Yonne,
arr. d'Auxerre), 229.
Fretoy [nemus de), 180 [n).
Fretteval (F. de) (Loir-et-Cher, arr.
de Vendôme), 263, 264.
Freyenwald, 30 (n).
Fricourt (F. de) (Somme, arr. de
Péronne).
Frisia foreslensis, Ib.
Froidmont (F. de) (Ardennes, arr.
de Mézières).
Fromontel (B. des Montagnes de)
'Côtes-de-Nord), 34 (n).
Fruges (B. de) (Pas-de-Calais), 177.
Fuluhant(F. de), 25 (n).
Fursl (B. de) (Moselle, arr. de Sar-
reguemines).
G
Gabas (F. de) (Basses-Pyrénées,
arr. d'Oloron), 394.
Gahrela sylva, 72, 73.
Gajon (P. de) (Gers, arr. de Lec-
toure).
Gampen(F. de) (Allemagne), 35 (n).
Ganac (P. de, (Ariégc, arr. de Foix).
Garde (B. de la; (Vendée), 347.
Garenne (B. de la) (Finistère), 341.
Garrigue (F. de la) (Tarn-et-Ga-
ronne, arr. de Montauban), 402.
Garnache (F. de la) (Vendée), 347.
TABLE GÉNÉRALE.
485
Gars (B. de) (Finistère), 341.
Gars (F. du) (Haute-Garonne, arr,
deSaint-Gaudens).
Garsenland (F. de) (Indre), 272.
Gartempe (F. de) ^Creuse, arr. de
Guéret), 38 (n).
Gastines ou Gâtines (F. de) (Loir-
et-Cher), 264, 2G5.
Gatey (F. de) (Jura, arr. de Dôle).
Gâtine (F. dej (Indre), 272, 278.
■Gâtine (F. de) (Vienne), 344.
Gats (F. des) (Vendée, arr. de Na-
poléon-Vendée).
Gault (¥. de) (Marne, arr. d'Eper-
nav), 220.
•Gault (F. de) (Eure-et-Loir), 263.
Gavre (F. de) (Loire -Inférieure,
arr. de Savenay) , 339, 411.
Gehan (F. du) (Vosges, arr. de Re-
miremont).
Gennes (B. de) (Doubs, arr. de Be-
sançon).
Gergy (F. de) (Saône-et-Loire, arr.
de Chalon).
Gervelle (F. de) (Creuse), 365.
Gesse (F. de) (Aude).
Gétel (F. de) (Orne, arr. de Dom-
front).
Giroussens (F. de) (Tarn, arr. de
Lavaur), 400.
Gisors_(F. de) (Eure), 328.
Givereio (for esta de), 232.
Givreium [foresta de rupins), 233.
Givry (B. de) (Saône-et-Loire, arr.
de Chalon),. 233.
Gnadenwtdd (Tyrol), 35 (?i).
Godesque (Forêt), 392 (?i).
Goille ou des Goilles (F. de) ou de Cal-
cadis (Gard, arr. du Vigan), 400.
Golferni sylva, 292.
Gomet {Venda de), 258.
Gondrecourt (F. de) (Meuse, arr.
de Commercy).
Gorze (B. de) (Moselle, arr. de
Metz).
Gouffer ou Gouffern (F. de) (Orne,
arr. d'Argentan), 292, 293, 296,
428.
Gouggisberg (F. du) (Suisse), 245.
Gouline (F. de) (Saône-et-Loire, arr.
de Mâcon).
Gralas (F. de) (Vendée, arr. de
Napoléon- Vendée).
Grand (F. de) (Vosges, arr. de
Neufchâteau) , 116.
Grand-Bragny (F. du) (Saône-et-
Loire), 1 32. Voy. Bragny.
Grand-Bois (B. lïu) (Marne), 217.
Grand-Chaiily (F. du) (CùLe-d'Or,
arr. de Chatillon-sur-Seine).
Grand-Chapitre (B. du) (Creuse),
365.
Grandes Vendres (F. de) (Hé-
rault).
Grandis sylva, 305, 391.
Grand Lande (F. de) (Vendée, arr.
des Sables d'OIonne).
Grand-Fayet (B. du) (Côte-d'Or),
224.
Grande -Vèvre (B. de) (Haute -
Saône, arr. de Vesoul).
Grand Selve (F. de) (Haute-Ga-
ronne), 398.
Grandvaux (B. de) (Saône-et-Loire,
arr. de CharoUes).
Grange (B. de la) (Seine-et-Marne,
arr. de Coulommiers', 163.
Granges (B. de) (Allier), 364.
Grange (F. de) (Haute-Saône, arr.
de Lure).
Grantsœuvre (B. de) (Eure), 306.
Grata (F. de) (Vendée).
Graloil {nemus de], 180 (n).
Gratuel (B. de) (Seine-et-Marne),
159.
Gravelle (F. de la) (Nièvre, arr. de
Château- Chinon), 234.
Gravelle (B. de la) (Isère, arr. de
Grenoble).
Grésigne (F. de) (Tarn), 400.
Grosbois (F. de) (Charente), 368.
Grosbois (F. de) (Indre-et-Loire),
276.
Grosbois (F. de) (Allier, arr. de
Moulins), 362, 363.
Grosme (B. de) (Saône-et-Loire, arr.
d'Autun).
Croulais ou La Croulais (F. de)
(Loire-Inférieure, arr. de Save-
nay), 330.
Gitanapii foresla, 347.
Guasiinensis sylva, 265.
Guerche (F. de la) (Ille-et-Vilaine,
arr. de Vitré), 129, 130.
Guerche (F. de la) (Vienne, arr. de
Chatellerault).
486
TABLE GÉNÉRALE.
Gueslanter (F. de) (Moselle), 197.
Guinegault (B. de) (Mayenne, arr.
de Laval).
Guillaumard (F. de) (Aveyron, arr.
de Sainte-AfTriquej, 399.
Guines (F. de) (Pas-de-Calais, arr.
de Boulogne), 177.
Guirbaden (F. de) (Bas-Rhin, arr.
de Schélestadt).
Guisancourt;B. de) (Aisne ou Nord),
182.
Guise (Haie de) (Aisne, arr. de
Vervins), 190.
Guyon(B.) (Eure-et-Loir), 2C8.
H
Haartwald (F. de) (Bas-Rhin, arr.
de Wissembourg).
Ilaguenau (F. d') (Bas-Rhin, arr.
de Strasbourg), 128, 207, 209,
210, 212.
Hainaut (F. du), 173, 184 (n).
Haira (F. de) (Basses-Pyrénées).
Ilaîachhis lucus, 168 (n).
Halacla sylva, 168.
Hallais (F. de) (Sarthe), 285 (n).
Ilallatte (F. de) (Oise), 108 (n), 168,
169.
Hallois (nemiis de), 181 (n).
Halouze (F. d') (Orne, arr. de Dom-
front).
Ilanau (F. de) (Bas-Rhin), 207.
Handeck (F. de la) (Suisse), 249.
Hardelot (F. de) (Pas-de-Calais, arr.
de Boulogne), 177.
Harlala s'jlva, 168.
Hartt ou Harth (F. de la) (Haut-
Riiin, arr. de Mulhouse et Col-
mar), 207, 209, 210, 212.
Harz(F. du) (Allemagne), 77,78,79.
Haseii (Venda) in Cuisia, 108 (n).
Hasta comilis {nemus), 211 (n).
Hatten (F. de) (Bas-Rhin, arr. de
Wissembourg), 138, 207 (?i).
Ilaulles (B. des) fSeine-Inférieure),
37.
llaule-Brune (F. de) (Cher), 271.
Haute Forêt (F. de la^ (Côte-d'Or,
an-, de Beaune, canton de Nuits
et de Seurre).
Jlautes-Joux (F. des) (Jura), 241.
Haute-Seille (B. de la) (Meurlhe\
203 («).
Haute-Sel ve (P. de) (Ille-et-Vilainc,
arr. do Rennes et de Fougères).
Haye (F. de) (Meurthe, arr. de
Nancy), 203.
HayefB. delà) (Eure-et-Loir), 3 11(«).
Haye des Fées (B. de la) (lUe-et-
Vilainc), 66.
Haye de Fourni les (la) (Nord, arr.
d'Avesnes), 183.
IIayed'Avesnes(la)(Nord), 184, 188.
Ilecium sylva, 167.
Heilige-Forsl, 128, 212.
Heilly (F. d') (Somme, arr. d'A-
miens).
Heinart-Trist (F. de), 58.
Hellet (F. du) (Seine-Infér., arr.
de Neufchatel).
Hennechies (B. d') (Nord, arr. de
Cambray), 182.
Herbeys (F. des) (Isère et Hautes-
Alpes).
Herchieu{nemusde), 181 {n).
Hercynia sylva, 22,73, 74, 75(n),
77, 212, 416.
Héregnières (B. d') (Allier), 302.
Héric(F. d") (Loire-Inférieure), 338,
339.
Hénstal(F. d'), 115.
Hérival (F. d') (Vosges, arr. de Re-
miremonl).
Hermitain (F. de 1') (Deux-Sèvres, c.
de Souvigné, arr. de Niort), 348.
Hervaux (F. d') (Yonne, arr. d'A-
vallonj, 228.
Hervaux fB. d') (Oise), 169.
Hesdin (F. d') (Pas-de-Calais), 177.
Hespyonia foresla, 169.
Hesse (F. de) (Meuse, arr. de "Ver-
dun), 199.
Heugnes (F. d') (Indre), 272.
Hez (F. de) (Oise), 167.
Hildenhusen (F. d') (Haut-Rhin),
207, 208.
Hildonis syFva, 220.
Ilircauus sallus, 75.
Hœwald (F. d") (Bas-Rhin).
I/ogis {sylva de), 323.
Hogue (B. de) (Seine-Inférieure),
323.
Holmes (F. de) (Somme), 175.
Honduin(B. de) (Aisne), 190.
TABLE GÉNÉRALE.
487
Hôpital (F. de 1') (Côte-d'Or, arr.
de Chatillon-sur-Seine).
Horte (F. de) (Charente, arr. d'An-
goulème), 368.
Houssière (F. de) (Nièvre, canton de
Montsauche).
Houvre (F. de la) (Moselle, arr. de
Thionville).
Hubelwaeldele (B. de) (Haut- Rhin),
212.
Hunaudaye (F! de la) ou Forêt
Noire (I Ile-et-Vilaine), 335.
He-Bouchard (B. de 1") (Indre-et-
Loire), 277.
Indinosa (F. de 1') (Corse), 387.
Insulanus nemus, 111 .
Iratv (F. d') (Basses-Pyrénées), 394,
396.
Isneauville (La Haie d') (Seine-
Inférieure), 321.
Isseaux (F. d') (Basses-Pyrénées,
arr. d'Oloron).
Issoudun (F. d') (Indre).
Iveline (F. d'). Voy. Yveline (F).
Ivry (F. d') (Eure), 307.
Jailly (F. de) (Côte-d'Or, arr. de
Chatillon).
Jarnac (F. de) (Charente, arr. de
Cognac), 370.
Javernandus sylva, 124.
Jeumont ^B. de) (Nord, arr. d'A-
vesnes), 184.
Jeune (F.) (Dordogne, arr. de Non-
tron).
Jocourt (B. de) (Aube), 221.
Jodrensis saillis, 161.
Jonchère (F. de) (Saône-et-Loire).
Joranus snllus, 128, 160, 161.
Jorat {nemits de), 252.
Jouarre (F. de) (Seine-et-Marne),
128, 160, 161.
Joux (F. de la Haute-) (Jura, arr.
de Poligny).
Joux (F. de) (Jura, arr. de Saint-
Claude), 240.
Jouy (F. de) (Seine-et-Marne, arr.
de Provins), 171, 221.
Jugny (F. de) (Côte-d'Or, arr. de
Dijon).
Juigné (F. de) (Loire-Inférieure,
arr. de Châteaubriant), 130, 330.
Jura (F. royale de) (Doubs, arr. de
Ponlarlier).
Jura (Forêts du), 70, 239.
Juranus sidlus, 244.
Juris sylva, 244.
K
Karisiacum foresle ,111.
Kasten (F. de) (Haut-Rhin, arr. de
Colmar), 209.
Katzenwald (F. de) (Bas-Rhin, arr.
de Wissembourg).
Kiersy. Voy. Quiersy, 111.
Kilescort {nemus de), 186 (n).
Kintzheimer (F. de) (Bas-Rhin, arr.
de Schélestadt).
Labal (F. de). Voy. Coly.
L'Absie (F. de) (Deux-Sèvres, arr.
de Parthenay).
Lagii foresla, 255, 257, 258.
Laide (F. de) (Allier, arr. de Mou-
lins), 363.
L'Aigle (F. de) (Orne, arr. de Mor-
tagne). 296, 313.
L'Aigle ^F.' de). Voy. Laigue.
Laigue (F. de) (Oise), 52, 107, 166,
167.
Laigue (F. de) (Isère).
Laie [sylva), 149.
Lalonde (F. de) fSeine-Inférieure\
296 (?î), 315, 316, 317, 320, 32h
I;amandes (F. de) (Haute-Loire,
caut. de la Chaise-Dieu).
Lamarche (B. de) (Saône-et-Loire,
arr. de Louhans), 238.
Lamarche (B. de (Meurlhe), 201.
Lamballe (F. de) '(Côtes du Nord),
335.
Lambert (B. de) (Vaucluse, arr.
d'Apt).
Lanceia sylva, 223.
Lancy (F. de) (Yonne, canton de
Villeneuve-l'Archevôque), 223.
Lande-d'Airou (F. de la) (Manche),
301.
488
TABLE GÉNÉRALE.
Lande-Pourrie (F. de) (Manche,
arr. de Mortain), 300, 301.
Landes-Ruchart F. de) (Indre-et-
Loire, arr. de Ghinon), 275. Voy.
Ruchart.
Langeais (B. de) Indre-et-Loire,
arr. de Ghinon).
Lanière (B. de ia) (Nord, arr. d"A-
vesnes).
Lanmur ou Lanmor (F. de) (Gôtes-
du-Nord), 335.
Lanoé ou Lanouée (F. de) (Mor-
bihan, arr. de Ploermei), 336.
Larçay (F. de) (Indre-et-Loire, arr.
de Tours).
Larche (F. de) (Loire-Inférieure,
arr. d'Ancenis), 338.
Laruns (F. de) (Basses-Pyrénées,
arr. d'OIoron), 396.
Lastol (F. du Val de) (Basses-Pyré-
nées).
Laubrière (B. de) (Loir-el-Gher, arr.
deBlois), 130.
Laiichonia sylvo, 158.
Launay (B. de) (Loire-Inférieure),
339.
Lavardin (F. de) (Sarthe, arr. du
Mans), 283.
Lmj3e vendu, 149.
Laye (F. de) ou de Saint-Germain
en Lave (Seine-et-Oise, arr. de
Versailles), 50, 146, 149, 150,
151, m.
Laye (B. de) (Hautes-Alpes), 379.
Lea ou Lia sylva, 149.
Léaux (B. de) (Ardèche), 403.
Lens (F. de) (Pas-de-Calais, arr.
de Béthune), 112.
Leodegarii {sylva S.), 56 (n).
Leodia sylva, 326.
Léon (F. de) (Finistère), 65.
Léons (F. de). Voy. Lyons.
Leppo (F. de) (Maine-et-Loire, arr.
de GhoUet). Voy. Ghaussère (La).
Lescar (B. de) (Basses-Pvrénées),
393.
Lésine (F. de) (Jura, arr. de Po-
ligny).
Lezin (F. de) (Loire-Inférieure, arr.
de Savenay).
Liberiacensis sylva, 158.
Libio (F. de) (Corse), 387.
Licques (F. de) (Pcs-de-Calais, arr.
de Saint-Omer).
Lida sylva, 149.
Liessies (B. de) (Nord, arr. d'Aves-
uesj, 142.
Liffré (F. de) (Ille-et-Vilaine, arr.
de Rennes), 337.
Ligny (F. de) (Meuse, arr. de Bar-
le-Duc), 202.
Liheu ou Lihus (B. de) (Oise, arr.
de Clermont et Gompiègne).
L'Ile- Adam (F. de) (Seine-ct-Oise,
arr. de Pontoise).
Lillebonne fF. de) (Seine-Inférieure,
arr. du Havre), 332.
Limon i F. de) (Dauphiné), 374.
Lisganaw (F. de) (Belgique), 59.
Lisgua sijlva, 166.
Lisica sylva, 107, 166.
Liriaco (Doscus de), 158 («)•
Livry (F. de) (Seine-et-Oise, arr.
de Pontoise), 146, 158, 159.
Lochère (F. de la) (Gôte-d'Or, arr.
de Dijon).
Loches (F. Ae) (Indre-et-Loire), 278,
279.
Lochets (F. des) (Vosges, -commune
de Sauville, arr. de Neufchâteau).
Lochix nemus, 278.
Lodes (B. de) (Haute-Garonne, arr.
de Saint-Gaudcns).
Loges (B. des) (Sarthe). 285.
Loges (B. des) (Seine-Inférieure), 37,
323.
Loma(F. de) (Corse), 387.
Lomont (F. de) (Doubs), 239.
Londse venda, 317.
Long (B. du) (Eure), 306.
Lonrja sijlvu, 264, 276.
Longaunay (F. de) (Maine-et-Loire),
284,290.
Long-Boël (F. de) (Eure), 328.
Longegoulte (F. de) (Vosges, arr.
de Remiremont).
Longeron (F. de) (Maine-et-Loire,
arr. de Chollel). 288.
Longeville (F. de) (Moselle, arr. de
Sarreguemines).
Longue roye (B. de) (Aisne), 106.
Longus-Alnetus [sylva), 284.
Lonia sylva, 264.
Lorez(B. de) (Indre), 273.
Lorges (F. de) (Eure-ot-Loir), 207.
TABLE GÉNÉRALE.
489
Lorges (F. de) (Gôies-du-Nord, arr.
de Saint-Brieuc et Loudéac). Voy,
Coet-Lorges.
Lornie (F. de) (Nièvre, arr. de Cla-
mecy).
Loroux (F. de)(Côtes-du-Nord), 235.
LoubiUé (F. de) (Deux-Sèvres, arr.
do Melle).
Loudéac (F. de) (Gôtes-du-Nord),
335.
Louisian (B.) (Aisne), 166.
LûLille (F. de) (Jura, arr. de Poli-
gny), 70.
Lourzé (F. de) (Maine-et-Loire, arr.
do Segré), 130.
Louvaux (F. de) (Morbihan), 336.
Louvre (Garenne du) (Seine-et-Oise),
157.
Lulia (B. de) (Vaucluse, arr. d'Aptl,
381.
Luljoton (F. de) (Seine-et-Marne),
ICI, 162.
Luclieux (B. de) (Pas-de-Calais), 56.
Lumigny (B. de) (Seine-et-Marne),
IGl.
Luna sylva, 73.
Lure (B. de) (Basses-Alpes, arr. de
Forcalquier et Sisteron) .
Lussac (F. de) (Vienne, arr. de
Montmorillon).
Lyons (F. de) (Eure et Seine-Infé-
rieure), 137 (îi). 326, 327.
Lys (F. du) (Oise, arr. de Senlis).
M
Maalel fovesla, 224.
Mably (B. de) (Loire, arr. de Roan-
ne).
Machecoul(F. de) (Loire-Inférieure,
arr. de Nantes).
Macretet (F. de) (Ain, arr. de Nan-
tua).
Magdelaine (B. de la) (Allier, arr.
de La Palisse).
Magnac (F. de). Voy. Meuzac (F. de).
Magnat (F. de) (Creuse, arr. d'Àu-
bussdn).
Magot (B. de) (Deux-Sèvres, arr. de
Parthenay)
Maham (F. de) (Seine-et-Marne),
160 (n).
Mairc-Rogier(B. de la) (Eure), 306.
Maisonrouge (B. de) (Ardennes, arr-
de Vouziers).
Major {sylva), 218.
Malachère (B. de la) (Haule-Saône),
409.
Malapa sylva, 300.
Mdlay-le-Roy(F. de) (Yonne), 224.
Maibo (F. de) (Cantal, arr. de Saint-
Flour), 356.
Malbosc (B. de) (Ardèche, arr. de
Privas), 403.
Maldabide (B. de) (Basses-Pyrénées,
arr. de Bayonne).
Malefre (F. do) (Orne), 300.
Malestable (F. de) (Sarlhe), 2S5.
Malevalle (F. de) (Haute-Vienne),
• 359.
Malissard (F. de) (Isère, arr. de
Grenoble).
Malleroye (F. de) ^Saône-et-Loire,
arr. de Ghalon), 233.
Mallet(B. de) (Cantal), 356.
Malmaison (B. de la) (Aisne, arr.
de Laon), 189.
Malnoue (B. de) (Jura, arr. de
Dôle).
Malo Perluso {sylva de), 302 {n).
Malpayre (F. de) (Sarthe, arr. de La
Flèche), 289.
Manières (B. des) (Vendée), 346.
Malvèvre (F. de) (Saône-et-Loire,
arr. de Louhans), 238.
Mangette (F. de la) (Jura), 241.
Mangienne (F. de) (Meuse, arr. de
Montmédy), 197.
Manœuvre (B. de) (Loire et Rhône),
352.
Mans (F. du) (Sarthe), 283 {n), 284.
Mans ou Mant (F. du) Seine-et-
Marne), 128, 132fn), 160.
Ma range (F. de) (Charente, arr.
d'Angouléme).
Maquis de la Corse, 388.
Marchenoir (F. de) (Loir-et-Cher,
arr. de Vendôme), 263, 264, 276
(n), 411.
Marciana sylva, 72, 74, 211.
Maréchats ou du Marchât (F. de)
(Haute-Marne, arr. de Chau-
mont), 112 (??).
Mareuil ouMarealhe (F. de) (Vienne,
arr. de Montmorillon), 344.
Mareuil (F. de) (Dordogne), 369.
490
TABLE GÉNÉRALE.
Mariage (F. de) (Belgique), 59.
Marmiesse (F. de) (Cantal, arr.
d'Aurillac).
Marly (F. de) (Seine-el-Oise), 151.
Marloux (F. de) (Saûne-et-Loire, arr.
de Chalon).
Marsenac ou Marcenat (F. de)
(Allier, arr. de Gannat), 363,
364.
Martigny-les-Lamarche (B. de)
(Vosges, arr. de Neufchâteau) ,
38 (n).
Marsois (F. de) (Haute-Marne, arr.
de Chaumont).
Martin (B.) (Indre-et-Loire), 277(n).
Martinville (F. de) (Vosges, arr. de
Mirecourt».
Mary (F. de) (Cantal, arr. de Mau-
riac), 170 (n).
Mas d'Agenais et de Senestis (F. de)
(Lot-et-Garonne, arr. de Mar-
mande).
Matte (F, de la) (Pyrénées-Orienta-
les, arr. de Prades).
Mauboussin (F. de) (Haute-Ga-
ronne, arr. de Saint-Gaudens).
Maulevrier (F. de) (Seine-Infé-
rieure), 321.
Maulnay (F. de) (Allier), 363.
Maulne et Grailly (F. de) (Cher,
arr. de Saint-Amand).
Maulnes (F. de) (Yonne, arr. de
Tonnerre).
Maumusson (F. de) (Loire-Infé-
rieure, arr. d'Ancenis).
Mauny (F. de) (Seine-Inférieure,
canton de Ducler), 317.
Maupertuis (F. de) j Manche, arr.
de Saint-Lô), 302.
Maures (F. des) (Var, arr. de Dra-
guignan), 386.
Mauzé (F. de) (Deux-Sèvres).
Mayenne (F. de) (Mayenne, arr. de
Laval et Mayenne).
Mazarin (F. de) (Ardennes, arr. de
Mézières), 195.
Meaux (B. de) (Seine-et-Marne),
128, 160.
Mediana sylva, 397.
Meilleraic (F. de la) (Deux-Sèvres,
arr. de Parthenay).
Mélinais (F. de) (Sarlhe, arr. de La
Flèche), 131.
Melle (B. de) (Deux-Sèvres), 34
Mellerii venda. 259.
Melleroy (B. de) (Loiret), 259.
Mercoire (F. de) (Lozère, arr
Mende, cant. de Langogne), 35i
(»), 447 (n).
Mercoires (F. de) (Basses-Alpes,
arr. de Sisteron et Forcalquier).
Méré (F. de) (Eure), 306.
Merevant (F. de) (Vendée), 345.
Merssan (B. de) (Indre), 273.
Mescleuve (F. de) (Moselle, arr. de
Metz).
Messarges (F. de) (Allier, arr. de
Moulins\ 361.
Meudon (F. de) (Seine-et-Oise), 177.
Meuzac ou Magnac (F. de) (Haute-
Vienne, arr. de Saint- Yrieix).
Meynac (F. de) (Haute-Vienne, arr.
de Bellac).
Miderche (F. de) ou Muyderswald
(Meurthe, canton de Fenestrange).
Milihtm landa, 277 (n).
MiramJDel (F. de) (Corrèze, arr.
d'Ussel).
Mirebeau (F. de) (Côte-d'Or, arr. de
Dijon).
Misedon (B. de) (Mayenne, arr. de
Laval).
Moidons-Viblanche et des Moidons-
Papillard (F. des) (Jura, arr. de
Poligny) .
Moines iB. aux) (Mayenne, arr. de
Lavai).
Moines (B. aux) (Loir-et-Cher, arr.
de Romorantin), et Loiret (arr.
d'Orléans).
Moiadier ou Molladier (F. de) (Al-
lier, arr. de Moulins), 360, 361.
Molendmwn boscus, 301 (n).
Molières(F. de). Voy. Meulières.
Molières (B. de) (Loire), 353.
Mollencori îiemus, 180 (n).
Mollis caparia (sylva), 359.
Mombresme (F. de) (Corrèze), 359.
Mondon (F. de) (Meurthe, arr. de
Lunéville).
Mondragon (B. de) (Côte-d'Or, arr.
de Dijon).
Moiiela sylva, 288.
Monc'loau (B. de) (Yonne, arr.
d'Au.\erre), 228.
1
TABLE GÉNÉRALE.
491
Monnaie (F. de) (Maine-et-Loire,
arr. de Baiigé), 286, 288, 290.
Nlùnpeje (F. de) (Indre).
Mon que (F. de) (Côte-d'Or, arr. de
(Ihatillon-sur-Seine).
Mont (F. du) (Jura, arr. de Poli-
gny)-
Montaigu (B. de) (Puy-de-Dôme,
arr. de Riom), 355.
Montagne (F. delà) (Saône-et-Loire,
arr. d'Autun), 234.
Montagne de Reims (B. de la)
(Marne), 219.
Montailles (B. de) (Drôme, arr. de
Valence), 376.
A[ontar (F. de) (Gorrèze), 358 (n).
.Mintargis (F. de) (Loiret), 46, 50,
154,255,256,257,258,261,262.
Montauriol (B. de) (Aube), 390.
Montbessy (F. de) (Saône-et-Loire\
Montclus (B. de) (Ardèche, arr. de
Largentière).
Montcoutant (F. de) (Deux-Sèvres,
arr. de Parthenay), 344.
]Montdésir (B. do) (Haute-Loire, arr.
ilo Brioude, cant. de La Voute\
355.
MonLech (F. de) (Tarn-ot-Garonne,
arr. de Castel-Sarrazin).
Mnntederna sylva, 390.
Montfermeil (F. de) (Seine-et-Oise),
159.
Montferrat (B. de) (Var, arr. de
Draguignan).
Muntfort (F. de) (Eure), 316, 317
:«), 318, 410.
Monlgé (B. de) (Seine-et-Marne, arr.
de Meaux), 159.
Mont de Hère (B. de) (Orne, arr. de
Domfront).
Montiers(B. de) (Yonne), 230.
Montier-sur-Seaux (F. de) (Meuse,
arr. de Bar-le-Duc), 217.
Montignon (F. de) (Saône-et-Loire).
Montigny (B. de) (Aisne, arr. de
Château-Thierry), au S. de La-
ferté-Milon.
Montigny (B. de) (Meuse, arr. de
Montmédy), 199.
Monlis foriis foresta, 3 17 (n).
Montis Gaii nemus, 159.
Monlis Odilonis srjlva, 241.
Monlis Salvii foresla, 357.
Montison (B. de) (Indre-et-Loire),
275.
Montjoyer (B. du) (Drôme, arr. de
Montelimart), 381.
Mont-Julier (F. du) (Suisse), 253.
Montléans (F. de) (Isère), 375.
Montmajour (B. de) (Var, arr. de
BrignoUes).
Montmeillant (F. de) (Ardennes,
arr. de Réthel).
Montmirad (F. de) (Sarthe, arr. de
Mamers).
Montmorency (F. de) (Seine-et-Oise,
arr. de Pontoise), 164, 2l7.
Montmorency (F. de) (Aube, arr.
d' A rcis-sur-Aube) .
Mont-Oidelon ^F. du) (Jura), 241.
Montoulieu (F. de) (Ariége, arr. de
Foix).
Montpellier (F. de) (Hérault), 391
Montpensier (B. de) (Puy-de-Dôme
arr. de Riom), 364.
Montpmçon (F. de) (Calvados, arr
de Lisieux).
Montrauves (F. de) (Haute-Garonne
arr. de Saint-Gaudens).
Montréal (F. de) (Ain, arr. de Nan
tua).
Montrichard (F. de) (Loir-et-Cher)
276.
Monts (B. des) (Pas-de-Calais), 177
Morgon (F. de) (Hautes-Alpes), 379
Morin (B.) (Eure), 311 {?i).
Morley (F. de) (Meuse, arr. de Bar-
le-Duc).
Mormal (F. de) (Nord, arr. d'Àves
nés), 54, 184, 185, 187.
Mortagne (F. de) (Belgique), 195.
Mortagne (F. de) (Charente-Infé-
rieure), 371.
Mortain (F. de) (Manche).
Mosne (F. de) (Aube, arr. de Bar-
sur-Seine ; Yonne, arr. de Ton-
nerre), 224 (n), 225.
Motte (B. de la) (Indre-et-Loire, arr.
de Tours).
Mouère (F. de) (Indre).
Meulières ou Mollières (F. de)
(Vienne, arr. de Poitiers), 345.
Moulins (F. de) (Orne, arr. d'Ar-
gentan).
492
TABLE GÉNÉRALE.
Moultonne ou Mullonne (B. de)
(Mayenne, arr. de Mayenne), 288.
Moussières (F. des) (Ain, arr. de
Nantua).
Moutier(B. du) (Allier), 364.
Moyeuvre (F. de; (Moselle, arr. de
Thionville).
Movon (B. de) (Manche, arr. de
Saint-Lô), .302.
Mozun (F. de) ''Haute-Loire, arr. de
Brioude, cant. de La Chaise-Dieu).
Mundat (F. de) (Bas-Rhin, arr. de
Wissembourg).
Munet [F. de) (Allier, arr. de Mou-
lins).
Munière (B. de) (Aisne, arr. de
Château -Thierry), 166.
Murât (F. de) (Indre, arr. de La
Châtre), 365.
Murât (B. de) (Cantal), 356.
Murs (F. de) (Vaucluse, au S.-O. de
Vénasque).
Myonne (F. de) (Haute-Loire,' arr.
du Puy, canton de Vorey).
N
Naharvales (Bois sacré des) (Germa-
tia), 76.
Nainglet(F. de) (Saône-et-Loire).
Nant (B. de) (Haute-Saône, arr. de
Lure) .
Nantaise (F.) (Loire-Tnférioure),
337, 339.
Nappes (F. des) (Seine-Infér. arr. de
Dieppe).
Narbonnaise (F. de la) (Aude), 400.
Nassau (F, du Prince de) (Bas-
Rhin), 197.
Neauphle (B. de) (Seine-et-Oise),
150 (n).
Nesle (F. de) (Côte-d'Or, arr. de
Dijon).
Neubourg(F. de) (Eure), 315, 316.
Neuf-Cantons (F. des) (Saône-et-
Loire), 306.
Neuve (F.) (Loire-Inférieure).
Neuville (F. de la) (Oise), 168 (n).
New forest (Angleterre), 124.
Nidoiseau (F. de). Vov. Ny-Oiseau.
Niedernai(B. de) (Bas-Rhin), 33.
Niederwald, 246.
Nieppe (F. de) (Nord, arr, d'Ha
brouck).
Nielfa (flaia de), 150 (n).
Nigrx vallis sijlva, 397.
Nimègue (F. de) (Pays-Bas), 76.
Nogent-l'Arlault (Aisne, arr. de
Château -Thierry, et Seine-et-
Marne, arr. de Meaux),
Noirs (Les B.) (Loire, arr. de Roan-
ne).
Noire (F.). Voy. Forët-Noire.
Noire-Bouze (F. de) (Doubs, arr. de
Baume-les-Daraes, canton de Rou-
gemont).
Nossoncourt (F. de) (Vosges, arr.
d'Epinal).
Nouart (B. de) (Ardennes, arr. de
Vouziers) .
Noues (F. des) (Jura), 433 {n).
Nouvion (F. de) (Aisne, arr. de V'T-
vins,\ 185, 186, 188, 190, 412.
Xoviburgi foresla, 315.
Xoviomagensis sylva^ 76.
Nuremberg iF. de) (Allemagne), 80.
Ny-Oiseau où Nidoiseau (Maine-et-
Loire, arr. de Segré), 132, 288.
Obemheim ou Obernay (F. d") (Bas-
Rhin, arr. de Schélestadt), 210.
Occa Sylva, 3 16.
Occidenlalis sylva, 77.
Ochey (B. d") (Meuse), 201.
Ode7iwald,Z0 (n), 37, 211 (?i), 212.
Odriaca sylva, 112.
Odemvald (F. d") (Bas-Rhin, arr.
de Strasbourg).
Ogerii boscus, 277.
Ognensù sylva, 272.
Ombrée (F. d') (Maine-et-Loire, arr.
de Segré), 130, 132, 289, 330.
Ombrets (F. des) (Charente), 370.
Omont (B. d') (Ardennes, arr. do
Vouziers).
OmorUm nemus, 357.
Onglières(F. d') (Jura), 241.
Orbestier (F. d") (Vendée), 345, 346,
348.
Orcynia sylva, 73.
Ordesa (F. d') (Basses-Pyrénées),
396.
TABLE GÉNÉRALE.
m
(irient (F. d') (Aube, arr. de Troyes
et de Bar-sur- Aube), 43, 221,
447 (n).
Oiig7iiaci sylva, 190.
Oi'i^iTly (F. d') (Aisne, arr. de Ver-
vins), 190.
Orléans (F. d') (Loiret), 50, 154,
255, 25G, 257, 258, 259, 260,
201, 262, 268.
Ormont (B. d') (; Aisne), 166.
Orville (F. d') (Somme, arr. de Doul-
lens), 112.
OUa sylva, 222.
niluv venda, 223.
Ollionia sylva, 213.
Othe (F. d') (Aube, arr. de Troyes,
et Yonne, arr. de Joigny), 43, 61,
155, 222, 223.
Ouche CF. d') (Orne), 294, 295.
r)uche (F. d') (Eure), 314.
Ourscamps (F. d') (Oise), 167 (n).
Outre-Bois (F. d') (Jura), 241.
Paciolus sylva, 229.
Pact (F. du) (Basses-Pvrénées).
iMcy (F. de) (Eure), 306, 307.
l'iigani boscus, 258.
l'aganorum sylva, 73 (n).
Pail (F. de) (Mayenne, canton de
Yillaine), 286, 287, 288, 293.
Paimpont (F. de) (Morbihan, arr.
de Ploërmel, et Ille-et-Vilaine,
canton de Plélan), 335, 447 (n).
Paisson (F. de) (Yonne, arr. de
Tonnerre), 224 (n).
Pal {Sylva de), 287. .
Palaiseau (F. de) (Seine-et-Oise),
151.
Palanges (F. des) (Aveyron, arr.
de Rhodez).
Palbion (F. de) (Yonne).
Palecel{Venda de), 151.
Paleirotte (F. de) (Bouches-du-Rhù-
ne), 224 (n), 384.
Palière (F. de) (Bouchos-du-Rhônb),
384.
Pallium sylva, 287.
Palson (F. de) (Corrèze), 350.
Panderemia sylva, 402.
Parc (F. du) (Maine-et-Loire, arr.
de Chollet).
Parc-Chàlon (F. du) (Deux-Sèvres)*
Parc-Soubise (F. du) (Vendée, arr*
de Napoléon-Vendée).
Pargues (F. de) (Aube, arr. de Bar-
sur-Seine), 224 (n).
Parma (F. de) (Corse), 387.
Pars (B. du) (Mavenne, arr. de La-
val), 320.
Passavant (F. de) (Vosges, arr. de
Mirecourt), 226, 227 {n).
Pâtis (B. des) (Sarthe), 284.
Paucourt (F. de) (Loiret), 262.
Paussac ou Peaussac (F. de) (Dor-
dogne, arr. de Riberac), 369.
Pavée (F.) (Loire-Inférieure).
Pavillon (F. du) (Haute-Marne, arr.
de Vassy).
Pelouses (F. des) (Indre-et-Loire),
277.
Pennes (F. de) (Bouches-du-Rhône),
285.
Perche (F. du) (Orne, arr. de Mor-
tagne), 283', 297, 299.
Perray (F. du) (Nièvre, arr. de Ne-
vers).
Perreux (B.) (Eure), 306.
Perseigne (F. de) (Sarthe, arr, de
Mamers), 285, 289 (n), 294 298,
299.
Pcrseigna sylva, 285.
Periica sylva, 297, 298.
PerUcits sallus, 297.
Perthes (F. de) (Oise), 169.
Perthes (F. de) (Haute-Marne), 215,
216, 218.
Pertre (F. de) (Ille-et-Vilaine, arr.
de Vitré), 330.
Pinède de l'Abbé (Gard), 392.
Pierrebrune (B. de) (Puv-de-Dôme),
355.
Pietro-Piano (F. de) (Corse), 287.
Pionsat (B. de) (Puy-de-Dôme, arr.
de Riom), 355.
Pireta sylva, 238.
Place-Blanche (B. de) (Rhône), 352.
Plana sylva, 397, 406.
Planèse ou Planoise (F. de) (Saône-
et-Loire, arr. d'Autun), 233,
234.
Plante (F. de) (Indre-et-Loire), 278.
Plasnes (F. de) (Eure), 316.
Plalanensis sylva, 316.
Pleine-Selve (Gironde, arrond. de
494
TABLE GÉNÉRALE.
Blaye, et Charente-Infér., arr. de
Jonzac), 406.
Pleisseiz-Hébert (B. du} (Eure),
^ 306.
Pleumartin (F. de) (Vienne, arr. de
Châtellerault).
Pognat (B. de) (Creuse), 366.
Poiseux (F. de) (Nièvre, arr. de Ne-
vers) .
Poligny (F. de) (Jura).
Pologne (B. de) (Marne), 218.
Pommeraie (F. delà) (Aisne), 171.
Pommeraie (F. de la) (Maine-et-
Loire), 411.
Pommerets(B.) (Ailier), 360.
Poni (F. de) (Loire-Inférieure, arr.
de Chàteaubrianl), 342 (n).
Pont-à-Mousson (F. de) (Meurthe,
arr. de Nancy), 203.
Pontarmé (F. de) (Oise), 169.
Pontcallec (F. de) (Morbihan, arr.
de Lorient).
Pont-de-l'Arche (F. de) (Eure), 316,
328.
Pont-l'Evêque (F. de) (Calvados).
Ponliciacensis sylva, 355.
Pontoise (F. de) (Seine-et-Oise).
Port d'Ablevoie (B. du) (Indre-et-
Loire), 280.
Portmort (F. de) (Seine-Inférieure),
326 (n).
Pouecouri (Vendu de), 262.
Poudras (F. de) (Corrèze), 358 (n).
Pourîans (F. de) (Saône-et-Loire, arr.
de Châlon).
Pramenou (B. de) (Rhône, arr. de
Yillefranchc), 353.
Pravols (F. de) (Ariége, arr. de
Foix).
Préaux (F. de) (Seine-Inférieure,
arr. de Rouen), 321.
Prondeignes (F. de) (Lot, arr. de
Figeac), 402.
Preuilly (F. de) (Indre-et-Loire,
arr. de Loches), 279.
Prieur (F. du) (Seine-et-Oise), 152.
Prieuré (F, du) [Allier, arr. de Mou-
lins;.
Prince (F. de) (Loire-Inférieure, arr.
de PaimbeuO, 339.
Puleus Arlesii (sylva), 338.
Puzarlès (F. de) (Bretagne), 338.
Quatrevaux (F. de) (Charente, ai
de Confolens), 369.
QuayaB boscus, 164.
Quaye (B. de) (Oise), 164.
Quesnays {nemus les), 181 (n).
Quênay (F. du) (Calvados), 302.
Quènet (B. du) (Pas-de-Calais , 17'
Quenecan (F. de) (Morbihan, ai
de Pontivy).
Queue (la) de Buchy [Cauda de Dit-
chy nemus), 180 (n).
Queue (B. de la) (Eure), 306.
Quierzy (F. de) (Aisne, arr. de Laon),
167 (n). Voy. Kiersy.
Quimperlé (F. de) (Finistère).
Quintin (F. de) (Côtes-du-Nord),
330, 335, 341 (n).
Quirin (B. de) (Meurthe, arr. de
Sarrebourg).
R
liabiosa sylva , 223.
Bableise boscus, 259.
Rab ourdi nemus, 180 («).
Raches(B. de) (Nord), 188.
Raçeon (B. de) (Loir-et-Cher), 269.
Rahon (F. de) (Jura, arr. de Dôle).
Rainaldi boscus, 179.
Raismes (F. de) (Nord, arr. de Va-
lenciennes).
Rajeuse (F. de'' (Aube, canton d'Ar-
ces), 223.
Rambouillet (F. de) (Seine-et-Oisu),
50, 153.
Ramiex (F. de) (Gers).
Ramodeins (F. de) (Aude, arr. de
Carcassonne).
Rançon (F. dej (Loir-et-Cher, arr.
de Blois).
Rançon (F. de) (Haute-Vienne, arr.
de Bellac).
Randan (B. de) (Puy-de-Dôme, arr.
de Riom), 364.
Ranegros (B. de) (Lozère, arr. de
Mende).
Rascuine (B. de) (Drôme, canton de
Rémuzat).
Regnaval (F. de), voy. Renneval.
Reine (B. de la) (Meuse, arr. de
Commercy), 201.
TABLE GÉNÉRALE.
495
U(3lanvaux (F. de) (Haute-Marne,
arr. de Chaumont), 112 [n).
Remberviller (F. de) (Vosges, arr.
d'Epinal).
Remich (F. de) (Moselle, arr. de
Metz) .
liomiliy (F. de) (Moselle, arr. de
Metz), 197.
Renay (B. de) (Loir-et-Cher), 264.
Renève (B. de) (Côte-d'Or, arr. de
Dijon).
Rennes (F. de) (Ille-et-Vilaine),
131, 337.
Renneval ou Regnaval (F. de)
Aisne, arr. de Laon), 186, 190.
Reno (F. de) (Orne. arr. de Morta-
gne), 298.
Rt'tz ou Rest (F. de) (Aisne), 140,
165, 166. 434.
Reunchy (B. de) (Saône-et-Loire),
233.
Ilheinwald, 251.
liieuines (F. de) (Haute-Garonne,
arr. de Muret).
Richelius saUus, 219.
Rigambat (F. de) (Aveyron, arr.
d'Espalion), au N. de celle d'Au-
brac.
Rigeihis 7}emiis, 219.
Ris (F. de) (Aisne, arr. de Cliàteau-
Thierry), 109.
Risou (F. de) (Suisse), 254.
Rispeviile (B. de) (Eure ou Seine -
Inférieure), 317.
Rixlieim (F. de) (Haut-Rliin), 38,
207 (n)
Roche (F. de la) (Puy-de-Dôme, arr.
de Clermont).
Roche (F. de) (Puy-de-Dôme, arr.
de Riom).
Roclie Boaucourt (B. de la) (Dordo-
gne). 369.
Roche-Bernard (F. de la) (Loire-In-
férieure et MorlMhan).
Rochechouart (F. de) (Haute-
Vienne).
Rochefort (B. de) (Seine-et-Oise),
151.
Roche-Servière (F. de) (Loire-Infé-
rieure, ai'r. de Nantesi, 264.
Roclieval(B. de) (Loir-et Cher), 264.
Roc ou Rouée (F. de la) (Mayenne,
arr. de Chàteau-Gontier), 130.
Roi (B. du) (Nord), 187.
Roi (B. du) (Meuse), 202.
Roi (B. du). Voy. Duc (F. au).
Romainville (B. de) (Seine).
Romara sylva, 321.
Roniarixvenda, 321 (n).
Romilly (F. de) (Moselle, arr. de
Metz).
Romont (F. de) (Vosges, arr. d'E-
pinal), 204.
Roorlii vencla, 258.
Roseux (F. dej (Eure), 307.
Rosheim (F. de; (Bas-Rhin, arr. de
Schélestadt).
Rosny (B. de) (Seine-et-Oise, arr.
de Mantes).
Rospa (F. de., (Corse), 287.
Rotmariensis sylva, 321 .
Rolunda syhm., 378.
Rouffach (F. de) (Haut-Rhin),
212.
Rougeaux (F. de) (Seine-et-Oise,
arr. de Corbeil), 157.
Rougey (B de) (Loir-et-Cher), 269.
Roumare ou Romare (F. de) (Seine-
Inférieure), 143, 321, 410.
Route (F. de) (Marne), 219.
Routot (La Haie de) (Eure), 408.
Rouvray (F. de) (Seine-Inférieure),
144 (n), 306, 320.
Rouvray (F. de) (Seine-et-Oise),
146, 149.
Rouvray (B. de) (Meuse, arr. de
Montmédy) .
RoverUum sylva, 149, 320.
Rovroy {nemus de), 180 (n).
Roze (B. de). Voy. Roseux, 360.
Roze(B. de) (Allier).
Ruban (B.) (Indre), 273.
Rubra {sylva}, 221.
Hucharl [nemus de), 275.
Ruchart (Voy. Lande Ruchart).
Rudeau (B. de) (Dordogne), 369.
Ruffec (F. de) (Charente).
Ruflin (B.) (Loir-et-Cher), 263.
Rumcira sylva, 188 [n).
Rumetre (F. de) (Belgique), 188
(n).
Rumilly (F. de) (Aube), 43, 222,
224.
Rupt (B. de) (Haute-Marne, arr. de
Vassy), 216.
496
TABLE GÉNÉRALE.
S
Sablonne (B. de) (Orne), 298.
Sacerge (F. de) ^Indre), 273.
Sacrée (F.) (Allemagne), 211 (/i).
Safré ou Saffré (F. de) (Loire-Infé-
rieure, arr. de Châteaubrianl),
338.
Saignelte (F. de) (Haute-Loire, cant.
de Pinols, .
Saint-Agile (B. de) (Loir-et-Cher),
269.
Saint- Amand ;F. de) (Nord), 54 (?;),
186, 197.
Saint-Amand de Bouex (F. de)
(Charente, arr. d'Angoulême).
Saint- Arnoult (F. de) (Seine-Infér.,
arr. d'Yvetot).
Saint-Aubin (F. de) (Jura, arr. de
Dole), 433 (n).
Saint-Aubin de Beaubigné (F. de)
(Deux-Sèvres, arr. de Bressuire).
Saint- Aubin du Cormier (Ille-et-
Vilaine, arr. de Rennes et Fou-
gères).
Sainl-Avold (F. de) (Moselle, arr.
de Sarreguemines), 197.
Saint-Benoit (F. de) (Vosges, arr.
d'Epinal).
Saint-Benoît du Sault (F. de) (Indre,
arr. du Blanc), 411.
Saint-Céré (F. de) (Lot, arr. de
Figeac), 402.
Saint-Christophe (F. de). Yoy. Sen-
lis(F. de) (Oise), 168.
Saint-Claude (B. de) (Loir-et-Cher),
264.
Saint-Cloud (B. de) (Seine-et-Oise),
149.
Saint-Cyr (Haie de) (Indre-et-Loire) .
281.
Saint-Dagobert (F. de) (Meuse, arr.
de Monlmédy).
Saint-Denis (F. de) (Seine), 147,
148, 162.
Saint Eloy (B. de) (Pas-de-Calais).
Saint-Engrace (F. de) (Basses-
Pyrénées, arr. de Mauléon).
Saint-Etienne (F. de) (Meurthe), 202.
Saint-Etienne (B. de) (Yonne), 229.
Saint-Euverte (B. de) (Loiret), 257.
Saint-Evrc (F. de) (Meurthe), 202.
Saint-Evroult (F. de) (Orne), 293.
Saint-Evurte(B. de) (Loiret). 257.
Saint-Gemme (F. de) (Vendée, ari'.
de Fontenay), près Luçon.
Saint-Georges (F. de) (Isère), 374.
Saint-Georges (F. de) (Haute-Saône).
Saint-Germain (F. de) (Côte-d'Or,
arr. de Beaune, cant. de Lier-
nais\ 234.
Saint-Germain (F. de) (Creuse, arr.
de Guéret), 365.
Saint-Germain en Laye (F. de). Voy.
Laye (F. de).
Saint-Germier (F. de) (Deux-Sèvre^
Saint-Gobain (F. de; (Aisne, arr. i.
Laon), 178.
Saint-James (F. de) (Dordogne, ai r.
deNontron), 369, 404.
Sainl-Jean-Fontaine (F. de) (Meur-
the, arr. de Chàteau-Salins).
Saint-Laurent (F. de) Vov. Vierzon
(F. de).
Saint-Léger (F. de) (Deux -Sèvres).
Saint-Léger (B. de) (Seine-et-Oise,^
arr. de Rambouillet).
Saint-Loup (F. de) (Aube, canton
de Brienne), 223.
Saint-Lyé (B. de) (Loiret), 258.
Saint-Mars (F. de) (Loire-Inférieure,
arr. d'Ancenis; Maine-et-Loire^
arr. de Segré), 411.
Saint-Martin (F. de) (Ardennes,
arr. de Mézières).
Saint-Martin du Fouilloux (F. de)
(Deux-Sèvres, arr. de Parthenay),
Saint-Maurice (B. de) (Ardèche,
arr. de Privas), 403.
Saint-Maurice (B. de) (Indre-et-
Loire), 275.
Saint-Méen (F. de) (lUe-et-Vilaine,
arr. de Montfort\ 335.
Saint-Michel (B. de'; (Yonne). 225.
Saint-Michel (F. de) (Indre et Indre-
et-Loire), 279.
Saint-Michel (F. de) (Aisne, arr. de
Vervins), 183, 190.
Saint-Ouen-les-Parey (F. de) (Vosges,
arr. de Neufchàteau), 411.
Saint-Palais (F. de) iCher, arr. de
Sancerre).
Saint-Paul (F. de)(Indre\ 272, 278.
Saint-Pierre (B. de) (Allier), 362.
Saint-Pierre (B. de) (Sarlhe), 285.
TABLE GÉNÉRALE.
49V
Saint-Pierre (F. de) (Oise), 167.
Sdint-Porchaire (F. de) (Deux-
Sèvres, arr. de Bressuire , 348.
Saint-Remy (B. de) (Aube), 214 (n).
Saint-Reslitut (F. de) (Drùme, arr.
de Montolimart), 381.
Saint-Saens (F. de) (Seine-lnfér.,
arr. de Neufchalel).
Saint-Saturnin (F. de) (Saône-et-
Loire\
Saint-Sauveur (F. de (Deux-Sèvres,
arr. de Bressuire).
Saint-Sauveur (F. de) (Manche, arr.
de Valognes), 301.
Saint-Sever (F. de) (Calvados, arr.
de Vire), 301.
Saint -Sulpice (F. de) ( 111e -et -
"Vilaine, arr. de Rennes), 131.
ëaint-Waast (F. dei. Yov. Waasl
(F. de S.-).
Sainte (F.) ou de Ilaguenau (Bas-
Rhin), 212.
Sainte-Apolline (B. de) (Seiue-ct-
Oise), 150 (?j), 152.
Sainte-Baume (F. de la) (Var), 385,
3.(3.
Sainte-Berthc (F. de) (Creuse), 365.
Sainte-Dode (B. de) (Gers, arr. do
Mirande).
Sainte- Geneviève (F. de) (Meuse,
arr. de Bar-le-Due).
Sainte-Menehould (F. de) (Marne),
201.
Sainte-Radegonde (B. de) (Charente-
Inférieure), 371.
Saintes F. de) (Charente-Inférieure),
309,370,371.
Salabert (B. de) (Tarn), 401.
Salagiiac(F. de) (Dordogne, arr. de
Périgueux), 404.
Salerons (B. des) (Indre), 273.
Salmotiacvm foresle, 110.
Salmoucy fF. de) (Aisne, arr. de
Laon), 110, 179.
Sancla foresla, 211 (n;.
Sancti Apri sylca, 202.
S. Lœii hoscus, 258.
S. Liipi nemus, 223.
Sanlonx sijlva, 3G9.
Sanzel (B. de) (Charente-Inférieure),
371.
Saon (F. de, (Drùme).
Sapet (F. de) (Haute-Loire, an-, du
Puy, canton d'Allègre).
Sarris (F. de] (Seine et Seine-et-
Oise), 146, 147, 148, 150.
Salanacum foresle, 112.
Saulnot (B. de) (Haute-Saône, arr.
de Lure).
Saul foresl (Hindoustan), 15.
Sault de Grillet (F. du) (Vendée,
arr. de Fontenay).
Saulcy (F. de) (Meuse, arr. de Com-
mercy], 202.
Saulve-Slajour, 404.
Saurais (F. de) (Deux-Sèvres, arr.
de Parthenay).
Saussey (F. de) (Côte-d'Or, arr. de
Beaune).
Sautron (F. de) (Loire-Inférieure),
339.
Sauve-Cane (F. de) (Bouches-du-
Rhône), 383.
Sauvestre (F. de) (Basses-Pyrénées).
305.
Savigneio {foresla de), 131 {n).
Savigny (B. de) (Saùne-et-Loire),
238.
Savigny le Yieux (F. de) (Manche,
arr. de Mortain), 130, 131.
Savoie (Forêts de li), 245, 246.
Scay (F. du) (Doubs, arr. de Pon-
tarlier).
Scévolle (F. de) (Vienne, arr. de
Loudun).
Schélesladt (F. de) (Bas -Rhin),
207 [n).
Schirrheim (F. de) i Bas-Rhin, arr.
de Strasbourg), 38, 207 (n).
Schwarzwald, 72.
Scissy (F. de) (Gaules), 40.
Secondigné (F. de) (Deu.x-Sèvres,
arr. de Melle).
Seillon (F. de) (Ain, près Bourg).
Seltz (F. de) (Bas-Rhin, arr. de
Wissembourg), 207 in).
Selve (F. de^, (Gaule Belgique), 110.
S:-lve(B. de'la) (Aude), 390.
Scmblancay (F. de) (Indre-et-Loire,
arr. de Tours), 265.
Semnons (F. des) (Germanie), 7G.
Sempliaco {foresla de), 265.
Senart(F. de) (Seine-ct-Oise\ 157,
171, 172.
Senlis(F. de) (Oise), 168, 169.
32
498
TABLE GÉNÉRALE.
Senonches (F. de) (Eure-et-Loir,
arr. de Nogent le Rotrou), 299.
Seppez (B. de; Suisse), 254.
* Sept-Cantons (F. des) (Saône-et-
Loire).
Sept-Viiles (F. des) (Eure), 328.
So]Jtême (F. de) (Isère, arr. de
Vienne),' 374.
Sequanm saillis, 60, 239, 240, 243.
Sermaize (B. de), 'Marne, arr. de
Vitryle Français), 216.
Servais (F. de^ (Oise et Seine-et-
. Oise), 165.
Serveirin (F. de) (Isère).
Sessiaciim sylva. 49.
Signy-le-Grand (F. de) (Ardennes,
arr. de Mezières), 195,
Signy-le-Pelit (F. de) (Ardennes,
arr. de Rocroyj.
Silié (F. de) iSarthe. arr. du Mans),
286, 293.
Silvacum ou Silviacum foresla, 52,
110.
Silve (B. de la) (Hautes-Alpes).
Silveison (F. de) (Eure), 320.
Silveline (F. de). Vov. Andaine
(F. d'), 286.
Silveréal (F. de) (Bouches - du -
Rhùne), 383, 384.
Simiane (B. de) (Basses-Alpe?, arr.
de Forcalquier, cant. de Banon).
Sirault ou Tirault(F. de) (Belgique),
54.
Sonnenvald. 196.
Soignes (F. de) (Belgique), 54, 64.
Soniaca sylva, 54.
Sorans (F. de) ,'Haute-Saône, arr.
de Vesoul, canton de Rioz), 239.
Sorans-les-Cordiers (B. de) (Haute-
Saône, arr. de Vesoul).
Sorcy (B. de) (Ardennes, arr. de
Réthel).
Soudrin (F. de ) ( Cher, arr. de
Bourges).
Souillv (F. de) (Meuse, arr. de Ver-
dun), 199.
Soulaines (F. de) (Aube, arr. de
Bar-sur- Aube), 43.
Sourdun (F. de) (Seine-et-Marne,
arr. de Provins), 171, 220.
Souiz-sous-Foréts (F. de) (Bas-Rhin,
arr. de Wissembourg), 209 («).
Spesshart, 77.
Spîendida foresla, 278.
Splenla foresla, 278.
Stenay (F. de) (Meuse, arr. do
Montmédy), 111.
Strasbourg (B. de) (Bas-Rhin), 207.
Suez (F. de) (Bouches-du-Rhône),
384.
Surdoira sylva, 359.
Surdoire (F. de) (Corrèze), 350.
Sutherland (F. de) iEcosse), 419 (n).
Si/lcacana, 383.
Sylva Ma, 133, 394, 395.
Sylva regalis, 383.
Sylva major, 404.
Svlvanecles (F. des), 53, 105, 106,
109, 110. 111, 159, 164, 165,
1G8, 177, 170, 182.
Sylveslris pagus, 395.
Tancarville (B. de) (Seine-Infé-
rieure, arr. du Havrel, 322.
Tahy iF. de) (Haut-Rhin).
Taillade (B. de la). (Hérault, arr. de
Montpellier).
Taillade i^F. de) (Bouches-du-Rhône) ,
384.
Tanoise (F. de) (Gôte-d'Or. arr. de
Beaune, canton de Liernais).
Taulignan (F. de) (Drùme. arr. de
Montelimart, au N -0. de la ville
de ce nom).
Teil (F. du) (Ille-et-Vilaine, arr. de
Vitré). 66.
Teiilay ou Tellier (F. du) (Indre-et-
Loire\ 275.
Teille F. de) (Loire-Inférieure, arr.
de Châteaubriant et Ille-et-Vi-
laine, arr. de Redon).
Temple (F. du) (Indre), 365.
Teoracia sylva, 56, 183 (n), 189.
Ternoise (B. de la) (Pas-de-Calais),
177.
Toutoburg (F. de) (Germanie). 76.
Tharlet ( B. de) (Ain, arr. de
Bourg) .
Thel (F. du) (Oise).
Thibaut ou Thibault (F. de) ^ndre),
273.
Thiérache fF. de) (Aisne et Somme],
56, 57 (n), 61, 183, 186, 189,
190, 195.
TABLE GENERALE.
499
Thigahitsca si/lva, 129.
Thimerais (F. de) (Eure-et-Loir,
arr. de Dreux), 268.
Thionville (B. de) (Moselle), 197.
Thiron (F. de) (Eure-et-Loir), 300.
Thivole (F. de) (Drôme, arr. de
Valence], 376.
Thoraldi syiva, 59.
Thuringenrald, 72, 73, 77.
Tiberge (F. de) (Isère).
Tilleul (B. du) (Aisne), 178.
Tilliacum nemus, 275.
Tillots (F. des) (Moselle, arr. de
Briey).
Tiloit (B. de) (Nord), 184.
Timariensis sylva, 268.
Tirant (F. de\ Voy. Siraut (F. de),
54.
Tirincouit (F. de) (Somme), 176(??).
Toilloux (B. du) (Aisne ou Nord),
185.
Tombe (F. du Mont) (Manche, Ille-
et-Vilaine), 50.
Tonne (F. de la) (Indre, arr. de
Châteauroux, et Indre-et-Loire,
arr. de Loches), 271, 278.
Torfou (F. de) (Loire-Inférieure),
340.
Torsac (B. de) (Charente, arr. d'An-
goulême), 368.
ToriavaUe sylva, 302 (?!)•
Torteval (F. dej (Calvados, arr. de
Bayeux), 302.
Tolehèle ou Tothil (F. de) (Angle-
terre), 25 (n).
Touques F. de) (Calvados, arr. de
Pont-l'Evêque), 303.
Tournehem (F. de) (Pas-de-Calais,
arr. de Saint-Omer).
Tournelles (B. des) (Aisne, arr. de
Château-Thierry).
Touvois (F. de) (Loire-Inférieure,
arr. de Nantes).
Traconne (F. de la) (Marne, arr.
d'Epernay), 220.
Trait (F. du) (Seine-Inférieure, près
Gaudebec), 321.
Tranlois (B. de) (Aisne), 178.
Transylvanie (F. de), 73 (n).
Trappes (B. de) (Seine-et-Oise), 150
•(n), 152.
Trasselangue (B. de) (Eure), 306.
Tregarou (F. de) (Lot), 401.
Trélon (La Haie ou F. de) (Nord,
arr. d'Avesnos).
Trémonts (F. des) (Ardennes, arr.
de Réthel).
Tremblay (B. du) (Seine-et-Oise\
169.
Tresgonus sylva, 40 1 .
Tretore (F. de) (Corse), 387.
Trisliacensis sylva, 56.
Trode (B. de) (Aube), 221.
Trois-Fontaines (B. ou F. des)
(Haute-Marne, arr. de Vassy),
216.
Tronçais (F. de) (Allier, arr. de
Montluçon), 361, 362.
Troncay iF. de) (Nièvre, arr. de
Clamecy et de Nevers, canton
de Saint-Saulge).
Tronquel (B. de) (Aisne, arr. de
Château-Thierry).
Tronqueux (B. de) (Eure), 306.
Trouhart(F. de) (Calvados), 410
Truche (F. de la) (Haut-Rhin).
Truchy (F. de) (Saône-et- Loire, àrr.
de Louhans).
Tul ou Tuleau (B. de) (Yonne), 230.
Tupigny (F. de) (Aisne, arr. de
Vervins), 182.
Tusson (F. de) (Charente, arr. de
Ruffec), 348.
U
Uchon (F. d') (Saône-et-Loire, arr.
d'Autun).
Uechtland (F. de 1') (Allemagne),
252.
Ugny (B. d') (Meuse, arr. de Com-
mercyl, 201.
Uriage(F. d') (Isère, arr. de Gre-
noble), 378.
Usia sylva, 222.
Ulicensis sylia, 294.
Vaast (F. de) (Somme). Voy. Saint-
Vaast.
Vacquies (F. de) (Haute-Garonne,
arr. de Toulouse, canton de Le-
gnevin, au N. de Legnevin).
Vaindrin (F. de) (Seine-et-Oise), 152.
500
Vaivre (F. de) 'Jura, arr. de Po-
ligny)-
Val (F. du) (Haute-Marnp, arr. de
Va?sy), 218.
Valbonne (B. de) (Ardèche\ 403.
Val.loniello (F. de) (Corse), 387.
Valençay (F. de) (Indre).
Valence (F. de) (Tarn).
Valence F. de) (Seine-et-Marne).
Valencuurt B. de) (Ardennes), 190.
Vallée-Noire (F. delà) Gers), 397.
Vallès (F. de) (.Mayenne, canton de
Ghâteau-Gontier).
Valeres [nemiis de), 12b.
Valois, F. de), 146.
Vaour, Vaur ou La Vaur F. del,
(Tarn, arr. de Gailiac), 402, 41.8.
Vassy (F. de) (Haute-Marne), 219.
Vaslus saillis, 56, 58.
Valin F. de) (Indre), 272, 278.
Vauclairon (F. de) (Cùte-d'Or ou
Nièvre), 224 (n).
Vaucouléurs (F. de) (Meuse, arr.
de Commercy).
Vaucré B.) ^\in ou Saône-et-Loire),
238.
Vautel.is F. de) (Deux-Sèvres, arr.
de Parlhenay).
Vaux ou de Vaudeville (F. du)
(Meuse, arr. de Commercy).
Vavra srjlva, 111, 200.
Vedogiensis ou Vedogia sylva, 110
{n\ 178.
Veillon (B. de) (Vendée>, 347.
Velour (F. de) (Côte-d'Or, arr. de
Dijon, au N. de Bèze).
Veluze (F. de) (Côte-d'Or, canton
Sombernon).
Vendogia sylva, 178.
Vendôme (F. de) (Loir-et-Cher).
Ventes (F. des) (Seine-Inférieure),
324.
Venil (B. dej [Charente), 368.
Vèpre (F. de) (Meuse, arr. de
Montmédv).
Ver (F. (\o\ 108, 109 (n), 110 (»).
Ver (F. de) (Dordogne), 404.
Vercors (F. ou B. du) ^Drùme, arr.
de Die), 381.
Verdun-sur-Garonne (F. de) (Tarn-
et-Garonne, arr. doCastei-Sar-
razin), 399.
Vcrgnes (F. de) -Isère), 374.
TABLE GÉNÉRALE.
Verneuil (F. de) (Eure), 108.
Vernon (F. d.-) (Eure), 309.
Vcrnensis sylva, 108.
Vernusse(F. de) (Indre), 272.
Véron (F. de) (Somme).
Verrières (B. de) (Seine et Seine-et-
Oise).
Verrières (F. de) (Vienne, arr. de
Poitir^rs et Montmoriilon).
Vers (B. du) (Drùme), 275.
Veriign sylva, 109.
Verzec i,F. de) (Maine-et-Loire, arr.
de Se gré).
Vesvre F. de) 'Saùne-et-Loire).
Vevncs (B. de) (Haulcs-Alpcs, arr.
de Gap), 378.
Veyrac F. de) (Haute-Vienne, arr.
de Limoges).
Vialavert (F. de) (Tarn\ 400.
Viautreau |F. de) (Loire-Inférieuro,
arr. d'Ancenis).
Vibraye (F. de) (Sarlhe, arr. de
Saint-Calais).
Vico (F. do) (Corse, arr. d'Ajaccio).
Vicogne (F. de) (Nord), 54, 188.
Voy. Raismes (F. de).
Vieillecour (F. de) (Haute-Vienne,
arr. de Saint-Yrieix).
Vienne (F. de) (Isère), 374.
Vierzon et de Saint-Laurent F. de)
(Cher, arr. de Bourges), 371.
Vigneux (Haie de) ;Aisne), 191.
Vilcenna sylva, 158.
Villandry (F. de) (Indre-et-Loire).
Villard (F. du) (Ain, arr. de Bourg).
Vil'.e (B. de la) Hautes-Alpes).
Villecartier ou Villegardier (F. de)
(Ille-et-Vilaine, arr. de Fougères
et Saint-Malo).
Villefermoy ;F, de) (Seine-et-Marne).
Villemur (F. de) (Haute-Garonne,
arr. de Toulouse).
Villeneuve-le-Roi (F. de) (Yonne).
Villers (F. de) (Moselle, arr. de
Metz).
Villers-Cotterets eu de Retz (F. de)
(Aisne, arr. de ChàteuU-Thierry\
108, 420. Voy. Retz.
Vincence (F. de) (Nièvre, arr. de
Chùteau-Chinon).
Vincennes (F. de) (Seine), 158, 40i).
Vitrcmont (F. de) (Meurthe, arr.
de Lunévillo).
TABLE GENERALE.
501
Vi/.7,avone (F. de) (Corse), 387.
Vue?, Voëse ou Voas ^F. de) (Aisne\
110, 178.
Voevre ou Voivre (F. de) (Meuse),
■2G0.
Voilep (B. de) (Ardennes, arr. de
Rélhel), 190.
Vonc (B. de) (Ardennes, arr. de
Youziers).
Vnsagus sylva, 1 10, 178.
Yusège (F. de) (Aisne). Voy. Vocs
F. de).
Vtisi (/lis salins, 110 (n).
Youdelle (F. de) (Allier, arr. de La
Palisse), 364.
VoulUé (F. de) (Vienne, arr. de
Poitiers).
Vouvant ou Merevant (F. de) (Ven-
dée, arr. de Fontenay), 345.
ViT
Waes (F. de) (Belgique), 59.
Waldeck (F. de) (Moselle, arr. de
Sarreguemines).
Wara sylva, 111, 200.
Warèse ^F. de) (Moselle, arr. de
Metz).
Wasda sylva, 59,
Wasiinensis sylva, 265. '
"Wastines ou Gastines (F. de) (Loir-
et-Cher). Voy. Gastines, 204.
Watten (B. de) (Pas-de-Calais, arr.
de Saint-Omer).
Wattigny (F. de) (Nord), 190.
Westminster (F. de) (Angleterre),
25 («).
Westenvald, 77.
Wimy {F. de) (Aisne, arr. de Ver-
vins), 183.
Windsor (F. de) (Angleterre), 27,
123 («).
Ylles (F. des) (Maine-et-Loire), 290.
Yon (B.) (Eure et Eure-et-Loir\
267, 268.
Yveline ou des Yvelines (F.)(Seine-
et-Oise), 146, 147 {n\ 150, 151,
152, 154, 267.
Yvettes (B. d') (Seine-et-Oise), 151
(n).
Yvoy (F. d') (Cher), 271.
Zang (F. de) (Moselle, arr. de Sar-
reguemines) .
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Tome I. — La religion helK'nique depuis les temps primiti)
jusqu'au siècle d'Alexandre.
Tome IL — Institutions religieuses de la Grèce.
Tome III. — La morale. — Influence des refigions étrangères el
de la philosophie. — Avec une table générale d<
matière; contenues dans les trois volumes.
ESSAI SUR LES LÉGEUDES PIEUSES DU MOTEN AGE, OU CXameU de Ce
qu'elles renferment de merveilleux, d'aj)rès les connaissances que
fournissent de nos jours l'archéologie, la théologie, la philosophie et la
physique médicale, par M. Maurv, Membre de l'Institut, etc. 1 vol.
in-8^ ' 6 fr.
LES FÉES DU MOTEM AGE, rccherchcs sur leur origine, leur histoire et
leurs attributs, pour servir à la connaissance de la mythologie gauloise,
par M. Alfred Maury, membre de l'Institut, etc. 1 vol. in- 12. 3 fr.
PRINCIPES DE LA IBORALE, leur Caractère rationnel et universel, leur ap-
plication, par J. TissoT, professeur de philosophie, doyen de la Faculté
des lettres de Dijon. 1866. — 1 vol. in-S». 6 fr.
Ouvragp couronné par l'inslilul. (Académie des sciences morales et
politiques.)
ŒUVRES PHILOSOPHIQUES DE LEIBNIZ, avcc uuc lutroduction et des
notes, par M. Paul Janet, membre de l'Institut, etc. 1866. — 2 forts
vol. in-8" de 700 pages chacun, ornés d'un beau portrait de Leibniz.
16 fr.
SYSTÈME DE LOGIQUE DÉOUCTIVE ET INDUCTIVB, CXpOSé dcS princi])es
de la preuve et des méthodes de recherche scientifique, par John
Stuart Mill, traduit sur la 6* édition anglaise de 1865, par M. Louis
Peisse. 18GG. — 2 forts vol. in-8°. 15 fr.
DE LA SCIENCE ET DE LA NATURE, essal de philosophie première, par
M. F. Magy, agrégé de philosophie. 1 vol. in-8". 6 fr.
Ouvrage couronné par VAcadctixie française dans la séance du 7 juin
1866, avec un prix de 2000 fr.
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SAINT-CLOLD. — IMPIllMEUIE DE Mme ye UKLIX.
BIELIOTHECA
The Librory
University of Ottawa
Date due
La Bibliothèque
Université d'Ottawa
Echéance
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