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Full text of "Les forêts de la Gaule et de l'ancienne France : aperçu sur leur histoire, leur topographie et la législation qui les a régies, suivi d'un tableau alphabétique des forêts et des bois principaux de l'Empire français"

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University  of  Toronto 


littp://www.arcliive.org/details/lesfortsdelagaOOmaur 


LES 


FORÊTS  DE  LA  GAULE 


ET  DE 


L'ANCIENNE  FRANCE 


OUVRAGES  DE  M.  L.  F.  ALFRED  MAURY. 


HI8T0IBE    DES    B£UGIONS    DE    LA    GRÈCE  ANTIQUE,   depuiS  leUT  Origine 

jusqu'à  leur  complète  constitution.  3  forts  vol.  in-8°,  1859. 

ESSAI    SDR   LES  LÉGENDES  PIEUSES  DU   MOYEN  AGE,   OU  ExamCn    (le    06 

qu'elles  renferment  de  merveilleux,  d'après  le.s  connaissances  que 
fournissent  l'archéologie,  la  théologie,  la  philosophie  et  la  physiologie 
médicale.  1  vol.  in-S»,  1843. 

LES  FÉES  DU  MOYEN  AGE,  rccherches  sur  leur  origine,  leur  histoire  et 
leurs  attributs,  pour  servir  à  la  connaissance  de  la  mythologie  gau- 
loise. 1  vol.  in-12,  1843. 

LA  TERRE  ET  l'homme,  aperçu  historique  de  géologie,  de  géographie 
et  d'ethnologie  générale,  pour  servir  d'introduction  à  l'histoire  uni- 
verselle. 1  vol.  in-12,  2^  édition,  18G1. 

LA  KAGIE  ET  l' ASTROLOGIE  duus  l'antiquilé  et  au  moyen  âge.  l  vol. 
in-12,  3«  édition,  1864. 

LE  SOMMEIL  ET  LES  RÊVES,  études  psychologiques  sur  ces  phénomènes 
et  les  divers  états  qui  s'y  rattachent  ;  suivies  de  recherches  sur  le  dé- 
veloppement de  l'instinct  et  de  l'intelligence  dans  leurs  rapports  avec 
le  phénomène  du  sommeil.  1  vol.  in-1?,  2*  édition,  1865. 

CROYANCES  ET  LÉGENDES  DE  L'ANTIQUITÉ.  —  Essais  de  Critique  ap- 
pliquée à  quelques  points  d'histoire  et  de  mythologie.  1  vol.  in-12, 
2«  édition.  1865. 

LES  ACADÉMIES  d'autrefois,  —  L'ancicnne  Académie  des  sciences  et 
l'ancienne  Académie  des  inscriptions  et  belles- lettres.  2  vol.  in-t2, 
2^  édition,  1864. 

rapports  faits  en  1856-57-58  et  59  à  l'Assemblée  générale  de  la  So- 
ciété de  géographie  sur  les  progrès  des  sciences  géographiques. 
4  cahiers  in-4°. 

MÉMOIRE  sur  le  véritable  caractère  des  événements  qui  portèrent  Ser- 
vius  TuUius  au  trùne,  et  sur  les  éléments  dont  se  composait  origi- 
nairement la  population  romaine.  Imprimerie  impériale.  In-4°,  1866. 


LES 


FORETS  DE  L4  GAIILE 

ET   DE 

L'ANCIENNE  FRANCE 

Aperça  sur  leur  histoire,  leur  topographie  et  la  législation  qui  les  a  régies, 


D'UN  TABLEAU  ALPHABETIQUE 

DES    FORÊTS    ET   DES   BOIS    PRINCIPAUX    DE    l'eMPIRE    FRANÇAIS 
PAR 

L-F.  ALFRED  IVIAURY 

Membre  de  Vltistilut  (Académie  des  inscriptions  et  belles-'ettres), 

Professeur  au  Collège  de  France,  Hililiotliécaire  du  palais  des  Tuileries,  Officier  de  ta  Légiou 

d'honneur  et  Clievalier  des  ordres  de   Saint-Maurice  et  de  Saint-Lazare  d'Italie, 

De  la  société  impériale  des  antiquaires  de  France,  de  l'institut  aichéolngique  de  Rome, 

■  le   l'institut  archéologique    de    la   Grande-Bretagne,   vice-président     pour  1867   de   la   société   de 

géographie  de  Paris,  des  acadéniies  de  Caen  et  Bordeaux,  des  sociétés  de  géographie 

de  Saint-Pétersbourg,  des  antiquaires  de  Moscou, 

des  antiquaires  de  la  Suisse  romande,  de  littérature  néerlandaise  de  Leyde, 

de  l'académie  d'Archéologie  de  Madrid. 


PARIS 

LIBRAIRIE  PHILOSOPHIQUE  DE  LADRÂNGE 

RUE  SAINT-ANDRÉ-DES-ARTS,  41 

1867 


BIW.IOTHECA 


I  ^Ch 


PRÉFACE. 


L'ouvrage  que  je  soumets  aujourdliui  au  pu- 
blic a  paru  dans  le  tome  IV,  '2'  série,  de&Mé- 
nioires  présentés  par  divers  savants  à  V Acadé- 
mie des  inscriptions  et  belles-lettres  de  l'Institut 
impérial  de  France  (Paris,  1860),  après  avoir 
obtenu  une  médaille  au  concours  des  antiqui- 
tés nationales,  pour  1854.  Mais  je  ne  me  suis 
pas  borné  à  reproduire  une  œuvre  dont  la 
rédaction  remonte  à  plus  de  douze  années. 
Les  limites  dans  lesquelles  devait  se  resserrer 
un  mémoire  destiné  à  un  concours  académique 
m'obligeaient  à  supprimer  certains  développe- 
ments qui  ont  pu  trouver  place  dans  cette  nou- 
velle publication.  Je  me  suis,  de  plus,  aidé  d'ou- 
vrages et  de  documents  qu'il  ne  m'avait  pas  été 
possible  de  consulter  lors  de  mon  précédent 
travail,  soit  parce  qu'ils  n'étaient  pas  à  ma  dis- 
position, soit  parce  qu'ils  n'avaient  point  encore 
vu  le  jour.  Sous  sa  forme  actuelle,  mon  aperçu 
de  l'histoire  des  Forets  de  la  Gaule  et  de  l'an- 
cienne   France   suffira   pour   donner  une   idée 


VI  PRÉFACE. 

complète  des  révolutions  qu'a  traversées  notre 
sol  boisé  et  des  cliaiigements  successivement  ap- 
portes dans  l'esprit  de  notre  législationforestière. 
Il  n'aurait  pas  été  inutile  pour  l'intelligence  du 
livre  que  des  cartes  et  des  plans  l'accompagnas- 
sent, mais  c'est  un  atlas  tout  entier  qu'il  eût  fallu 
y  joindre.  Ne  pouvant  songer  à  une  pareille  en- 
treprise, je  me  borne  à  renvoyer  le  lecteur  au.\ 
cartes  nombreuses  que  nous  possédons  de  toutes 
les  parties  de  la  France.  On  devra  consulter  de 
préférence  les  feuilles  de  l'excellente  carte  de 
l'Etat-Major,  auxquelles  on  fera  bien  d'ajouter 
celles  de  Belgique  et  de  Suisse  données  par 
les  ingénieurs  militaires  de  ces  pays.  C'est  là 
qu'on  pourra  suivre  d'une  manière  précise  les 
indications  topograpliiques  dont  mon  travail  est 
semé. 

Quoique  ce  livre  s'adresse  avant  tout  aux  géo- 
graphes, il  est  de  nature  à  intéresserégalement  les 
personnes  qui  s'occupent  d'histoire  générale,  de 
mythologie  et  d'archéologie,  et  plus  particulière- 
ment ceux  qui  cherchent  à  éclairer  les  diverses  par- 
ties de  notre  histoire  nationale.  L'état  de  nos  an- 
ciennes forêts,  la  condition  des  populations  qui  les 
ont  habitées,  les  traditions  et  les  croyances  qui 
s'y  rattachaient,  les  règlements  dont  elles  furent 
l'objet,  tout  cela  importe  à  la  connaissance  des 


PRÉFACE.  Vil 

événements  et  des  idées  dans  le  passe  de  notre 
patrie.  L'économiste  et  le  propriétaire  forestier 
pourront  aussi  puiser  dans  quelques-uns  des 
faits  ici  consignés,  des  renseignements  qui  ne 
sont  pas  sans  valeur.  J'ai  non-seulement  étendu 
mes  recherches  antérieures,  mais  fait  suhir  au 
mémoire  qui  sert  de  base  au  livre,  une  refonte, 
sur  certains  points  totale,  en  sorte  qu'il  peut  se 
présenter  avec  le  caractère  d'un  ouvrage  nou- 
veau. Je  l'ai  fait  suivre  d'un  tableau  alphabé- 
tique des  forets  et  des  principaux  bois  de  l'Em- 
pire qui,  tout  en  servant  de  table  des  matières, 
donne  un  dictionnaire  des  forets  françaises, 
ouvrage  qui  manquait  aux  géographes.  Cela 
ne  veut  pas  dire  qu'on  n'y  puisse  signaler  bien 
des  imperfections  et  des  lacunes.  Le  sujet  est 
inépuisable,  et  le  cadre  trop  vaste  pour  qu'un 
seul  auteur  arrive  à  le  remplir  ;  j'espère  toutefois 
([ue  le  public  me  tiendra  compte  de  mes  efforts, 
et  n'oubliera  pas  que  dans  les  œuvres  d'érudi- 
tion, on  ne  saurait  jamais  se  flatter  de  n'avoir 
point  commis  des  péchés  d'inexactitude  ou 
d'omission. 


INTRODUCTION. 


La  disparition  des  forêts  se  lie  intimement  aux  progrès 
de  la  civilisation.  Presque  partout,  avant  d'être  défriché, 
le  sol  se  dérobait  aux  regards  sous  un  épais  manteau  de 
feuillage.  J'ai  jadis  montré,  dans  un  ouvrage  spécial  (1), 
que  dans  le  monde  qui  fut  connu  des  anciens,  les  forêts 
sont  d'autant  plus  éclaircies  qu'on  s'avance  davantage 
au  sud-ouest.  Or,  c'est  précisément  la  direction  suivant 
laquelle  s'est  propagée  la  civilisation.  Les  Espagnols,  les 
Italiens,  les  Français,  les  Anglais,  les  Grecs,  en  un  mot, 
toutes  les  nations  des  contrées  européennes  actuellement 
les  plus  déboisées,  descendent  de  populations  qui  sont  les 
aînées  en  civilisation.  Les  montagnes  étant  de  leur  nature 
plus  difficilement  accessibles  que  les  plaines,  le  progrès 
social  s'est  plus  lentement  accompli  chez  leurs  habitants; 
aussi  leurs  pentes  sont-elles  demeurées  plus  longtemps 
ombragées  (2).  Voilà  pourquoi  les  idées  de  forêts  et  de 
montagnes  étaient  étroitement  unies  dans  l'esprit  de  la 

(1)  Voy.  mon  Histoire  des  grandes  forêts  de  la  Gaule  et  de  l'ancienne 
France,  Paris,  1850,  in-8". 

(2)  Le  fait  se  produit  aussi  dans  l'Asie  centrale,  où  la  civilisation  est 
venue  de  la  Chine.  Depuis  le  milieu  du  xvu'  siècle  que  les  Chinois  ont 
pénétré  dans  le  royaume  Ouniot,  et  notamment  dans  le  pays  des  Gorges- 
contiguës,  les  montagnes  se  sont  découronnées  de  forêts.  Voy.  Hue,  Sou- 
venirs d'un  voyage  dans  la  Tartarie,  le  Thibct  et  la  Chine,  2*  édit.,  t.  I, 
p.  13. 

i 


2      LES   FORÊTS    DE    LA    GAULE   ET   DE    l' ANCIENNE    FRANCE. 

plupart  des  peuples  anciens.  Chez  les  Allemands,  le  mot 
tcald  signifie  à  la  fois  montagne  et  forêt,  parce  qu'il  s'appli- 
quait originairement  à  des  chaînes  de  hauteurs  naturelle- 
ment boisées.  Les  Latins  donnaient  le  nom  de  sahus  à  un 
défilé  montagneux  qu'ils  se  représentaient  toujours  comme 
couvert  d'arbres,  en  sorle  que  cette  expression  s'entendait 
à  la  fois  d'une  montagne  et  d'une  foret.  Platon  regarde 
comme  un  fait  avéré  l'existence  des  forêts  sur  toutes  les 
cimes  de  la  Grèce  déjà  découronnées  de  son  temps (1). 
L'homme  des  bois,  l'habitant  des  forêts  est  devenu  le  type 
du  sauvage  ;  tant  il  est  vrai  que  la  disparition  des  forêts 
apparaissait  comme  l'œuvre  de  la  civilisation.  En  alle- 
mand, le  mot  icild,  sauvage,  appartient  au  même  radical 
que  icald,  forêt.  Le  mot  français  sauvage,  en  italien  sel- 
vaggio,  est  dérivé  du  latin  sylva  (en  italien  se/i«),  forêt. 
Chez  les  Hindous^,  on  donne  le  nom  de  djangli  à  un  bar- 
bare, un  sauvage;  et  cette  appellation  signifie  proprement 
habitant  des  forêts,  des  jongles. 

Le  moyen  âge  représentait  le  sauvage  sous  la  figure 
d'un  personnage  velu  et  hideux  commis  à  la  garde  des  châ- 
teaux enchantés,  des  grottes  mystérieuses  que  l'imagina- 
tion populaire  supposait  exister  dans  la  profondeur  des 
solitudes  ombragées.  On  en  a  la  preuve  dans  plusieurs 
monuments  que  couserventles  cabinets  d'amateurs  et  d'an- 
tiquaires (2).  Les  forêts  ont  été  en  effet  de  tout  temps  et  en 
tout  pays  le  refuge  des  proscrits,  des  brigands,  don  baiidit.s. 
C'était  dans  les  forêts,  aujourd'hui  presque  toutes  déman- 
telées, de  l'Angleterre,  que  se  cachaient  les  indigènes  d'Al- 
bion traqués  par  les  Romains,  et  les  restes  de  ces  forêts 


(1)  Kat  ^z'i)lr,•^  ii  tcI;  ôpsiriv  ôXr.v  ei/.cv,  r;  y.%\  W-*  oc4vîpà  nx.u.r.oia,,  (Platon, 
Critias,  §  5,  p.  384,  éclilion  Bekker.) 

(2)  Voyez  le  riK-nioirc  de  M.  A.  de  Longpérier,  sur  les  Figures  velurs 
du  moyen  âge.  [Rciue  arcliéolog.,  t.  II,  p.  507  et  suiv.) 


INTRODUCTION.  3 

fournirent  encore  un  refuge  aux  insulaires,  à  l'arrivée  des 
Saxons  ;  c'est  là  que  plus  tard  se  retrouvent  les  outlaws  (1). 
Quand  la  paix  avait  enlevé  aux  soudards  un  motif  légi- 
time de  guerroyer,  ils  formaient  des  bandes  pillardes  qui 
s'embusquaient  dans  les  bois,  ainsi  que  cela  a  eu  lieu, 
notamment  au  xiv^  et  au  xv  siècle,  en  France  et  en  Alle- 
magne. Robin  Hood  et  Witikind  ont  dû  leur  nom  à  ce 
genre  de  vie  (2).  En  Irlande,  on  donnait  vulgairement  le 
nom  de  coureurs  des  bois  aux  ivhiteboys  qui,  au  milieu  du 
siècle  dernier,  constituèrent  une  vaste  association  d'insur- 
gés contre  la  domination  anglaise.  En  France,  les  Gami- 
sards  cherclièrent  un  refuge  dans  les  forêts  des  Céven- 
nes  (3).  En  Corse,  ce  fut  longtemps  dans  les  maquis  que 
s'établissaient  les  bandits  ;  et,  de  nos  jours,  dans  le  royaume 
de  Naples,  les  forêts  servent  de  places  fortes  aux  brigands 
qui  le  désolent  sous  prétexte  de  défendre  la  cause  de  la 
famille  royale  déchue. 
La  vie  des  forêts  ramène  forcément  l'homme  civilisé  à 


(Ij  L'empereur  Sévère  fit  abattre  ces  forêts  pour  couper  aux  insulaires 
leurs  retraites.  (Dion  Cassius,  Excerpta  Xiphilin.,  lib.  LXXVl,  c.  xiii, 
édit.  Sturz,  p.  637.)  Les  Romains  n'osèrent  pendant  longtemps  attaquer 
les  pays  oîi  des  forêts  profondes  pouvaient  servir  de  refuge  aux  habitants. 
En  l'an  de  Rome  679,  le  consul  Scribonius  Curion  s'avança  jusqu'aux  fron- 
tières de  la  Dacie;  mais  les  forêts  dont  elle  était  couverte  paralysèrent 
son  courage  :  «  Tenebras  salluum  expavit,  »  écrit  Florus  (III,  5),  et 
trente-liuit  années  auparavant,  G.  Caton  n'avait  pu  triompher  des  Scor- 
disques  cantonnés  dans  leurs  montagnes  et  leurs  forêts  (Florus,  I.  c). 

(2)  Le  nom  du  célèbre  Robin  Hood  est  une  corruption  de  Robin  of  tlie 
wood,  de  même  que  celui  de  Witikind  est  dérivé  de  l'ancien  teuton  Wilu 
chincl,  «  fils  du  bois.  »  (Voy.  la  dissertatiou|de  M.  Th.  Wright,  intitulée 
Popular  cycle  of  the  Robin  Hood  ballads,  ap.  Essays  on  suhjects  connec- 
ted  with  the  literaiurc,  popidar  supersliiions  and  histonj  of  England, 

vol.  II,  p.  207,  et  un  article  de  la  Revue  britannique,  6«  série,  t.  XI, 

p.  132.) 

(3)  Un  bois  de  chênes  verts,  nommé  la  Lauzicres  des  Mas  de  Ilorles, 
servit  de  refuge  à  Ravauel  et  à  sa  troupe,  qui  se  sauva  plus  tard  dans 
la  forêt  de  Lens.  (Voy.  D.  Vaissète,  Histoire  de  Languedoc ^  continuée 
par  H.  Dumége,  t.  X,  p.  408.) 


4         LES  FORÊTS  DE  L.V  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

la  barbarie.  Un  exemple  curieux  nous  en  est  fourni  par 
ce  que  rapporte  le  voyageur  Caslren.  Dans  les  forêts  de  la 
Touba,  en  Sibérie,  quiconque  s'établit,  prêtre,  cultiva- 
teur russe  ou  tartare,  est  contraint  de  se  dépouiller  de  son 
costume  et  de  revêtir  le  grossier  accoutrement  des  Kirghises 
de  la  forêt.  Les  squattons  et  les  coureurs  de  bois  de 
l'Amérique  du  Nord  ne  tardent  pas  à  devenir  aussi  sauva- 
ges que  les  tribus  indiennes. 

C'est  dans  les  jongles  de  l'Hindoustan  qu'une  partie  des 
populations  dravidiennes  se  sont  réfugiées  pour  échapper 
à  la  conquête  aryenne.  Sur  la  côte  de  l'Orissa,  la  seule 
vue  d'un  étranger  fait  fuir  l'indigène  dans  les  bois  (i). 
Les  Bhils,  les  Waralis,  les  Cotes,  les  Katodis,  les  Chensuars, 
débris  des  tribus  primitives  de  l'Inde,  se  sont  retirés  dans 
les  forêts  pour  y  garder  encore  leur  indépendance  et 
échapper  à  la  haine  et  au  mépris  qu'ils  inspirent  (2). 
C'est  ce  que  font  plusieurs  des  dernières  castes  hindoues. 
A  Ceylan,  les  forêts  deBintenne  et  de  Veddaratta  ont  servi 
de  refuge  aux  Veddahs,  descendants  des  Yakkas,  abori- 
gènes de  cette  île,  chassés  par  les  conquérants  étrangers  ; 
ils  conservent  là  leurs  usages  et  leurs  antiques  supersti- 
tions (3).  A  Madagascar,  les  forêts  sont  presque  exclusive- 
ment peuplées  par  les  Djiolahi,  sorte  de  caste  de  brigands 
établie  dans  les  cavernes  dont  ces  forêts  sont  remplies  (4). 
En  Amérique,  les  descendants  des  Muscogis  ou  Creeks  sont 
allés  se  cacher  dans  les  éverglades,  forêts  marécageuses 


(t ,  Journal  of  the  royal  Asiatic  Society  of  Bengal,  vol.  VIII,  p.  607, 
année  1839. 

(2)  Jacquemont,  Voyage  dons  l'Inde,  t.  III,  p.  475.  —  Ritter,  yl5î>>i, 
l.  V,p.  1040;  t.  VI,  p.  52G,  619.  (Voy.  sur  les  Chensuars,  Newbold, 
dans  le  Journal  of  the  royal  Asiatic  Soc.  of  Greal  Drilain,  vol.  VIII, 
p.  271.) 

(3;  Major  Forbes,  Eleven  years  in  Ceylan,  t.  II,  p.  75. 

(4)  W.  Eilis.  History  of  Madagascar,  vol.  1,  p.  35. 


INTRODUCTION.  5 

de  la  Floride,  poursuivis  qu'ils  étaient  de  tous  côtés  ])ar 
les  colons  européens;  et  cette  circonstance  leur  a  valu  le 
nom  de  Seminoles,  c'est-à-dire  réfugiés  (1).  Une  des  princi- 
pales causes  de  la  disparition  des  forêts  dans  la  Nouvelle- 
Angleterre,  c'est  qu'elles  servaient  de  défense  et  de  refuge 
aux  Indiens  (2). 

J'ai  dit  que  les  populations  qui  ont  fixé  leur  demeure 
dans  les  épaisses  forêts,  y  prennent  des  mœurs  appropriées 
à  cette  sauvage  patrie,  et  subissent  dans  leur  caractère  et 
jusque  dans  leurs  traits  l'influence  de  leur  ténébreuse 
habitation.  Dans  les  jongles,  l'Hindou  des  castes  inférieures 
offre  cette  physionomie  maladive,  cet  air  défiant,  cette 
apparence  grêle  qui  frappent  surtout  chez  les  Soudras  du 
Sunderbunds.  La  force  de  la  végétation  absorbe,  pour 
ainsi  parler,  tous  les  éléments  de  la  vie  et  ne  laisse  à 
l'homme  qu'une  existence  chétive  et  misérable. 

Au  pied  de  l'Himalaya  s'étend  une  longue  bande  d'un 
sol  d'alluvions  apportées  de  la  montagne;  c'est  ce  qu'on 
appelle  le  Teraï.  De  là  on  s'élève  sur  les  premières  pentes 
de  la  chaîne,  que  recouvrent  de  vastes  forêts  et  notam- 
ment celle  qui  fournit  en  abondance  l'essence  appelée 
shorea  robusta,  forêt  que  les  Anglais  désignent  sous  le  nom 
de  Saul  Forest.  Dans  cette  région  empestée  par  les  mias- 
mes échappés  du  terrain  humide,  du  détritus  de  végétaux 
et  d'animaux  qui  s'accumule  à  la  base  des  arbres,  vit 
une  race  d'un  aspect  repoussant,  et  dont  le  teint  hâve, 
la  physionomie  maladive  dénotent  la  triste  condition 
hygiénique;  ce  sont  les  Mechis,   habitants  des  jongles 


(I)  Voy.  la  notice  de  M.  de  Castelnau,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de 
Géographie,  3^  série,  t.  XVII,  p.  393.  Cf.  sur  les  éverglades  G.  Catlin, 
Letters  and  notes  on  the  manners,  cusloms  and  condition  of  Ihe  Norlh 
American  Indians,  4*  édit.,  t.  IV,  p.  33. 

\Vj  Voy.  Ch.  Lyell,  Travelsin  Norlh  America,  t.  I,  p.  12. 


b         LES  FORETS  DE  LA  CAULE  ET  DE  L  ANCIENNE   FRANCE. 

du  Teraï  et  des  pentes  du  Saul  Forest,  véritables  types 
de  la  dégénérescence  qu'une  semblable  demeure  fait 
subir  à  l'espèce  humaine  (1).  Cette  influence  fatale  appa- 
raît aussi  dans  les  forêts  des  îles  de  la  Malaisie  et  de  la 
presqu'île  de  Malaya.  Là,  comme  dans  les  jongles  de  l'Hin- 
doustan,  l'électricité  dont  est  chargée  l'atmosphère,  le 
haut  état  hygrométrique,  relâchent  les  organes  et  dépri- 
ment la  vie.  Les  Tchcpang  et  les  Kusunda,  qui  habitent 
le  centre  des  forêts  du  Népal,  sont,  comme  les  Waralis  des 
forêts  du  Konkan  septentrional  et  les  Chensuars  des  forêts 
des  Ghàtes  orientales,  de  petite  stature  et  de  maigre  com- 
plexion (2).  Les  Sletas,  les Sabimbas  et  d'autres  tribus  de  la 
Malaisie  fixées  dans  les  forêts,  ne  s'élèvent  guère,  pour  le 
genre  de  vie,  au-dessus  de  ces  autres  hommes  des  bois, 
les  ora7ig-outans  dont  ils  partagent  le  nom  et  la  patrie  (3). 
Chez  l'homme  des  forêts,  le  langage  est  plus  guttural, 


(1)  Le  mol  Teraï  signifie,  en  persan,  humidité.  La  zone  ainsi  appelée 
s'élend  depuis  le  Suttledje  jusqu'à  Bralima-Koum  dans  le  Haut-Assam. 
Voy.  sur  cotte  région,  dont  la  végétation  présente  une  physionomie  à  part, 
et  sur  ïeSaul-Foresl,  J.-D.  Hooker,  Himalayan  Journals,  1. 1,  p.  100  et 
377  (Londres,  1854),  et  Hodgson,  On  llie  physical  geographij  of  Ihc 
Himalaya,  dans  le  Journal  of  Ihe  Royal  Asialic  Society  of  Denrjal, 
t.  XVIII,  p.  780. 

(2)  Voy.  sur  les  Tchepang  et  les  Kusunda  l'article  de  M.  Hodgson 
dans  le  Journal  of  Ihe  Roy.  As.  Soc.  of  Dengal,  t.  XVII,  part,  ii,  p.  G50. 
Sur  les  Waralis,  l'article  de  M.  J.  Wilson,  Journal  oftheAs.  soc.ofGreal 
Britain,  t.  VII,  p.  24,  et  sur  les  Chensuars  ou  Chenchwars,  rarticle  du 
capitaine  Newbold,  déjà  cité. 

(3)  Voy.  Nouvelles  annales  des  voyages,  5*  série,  t.  XX,  p,  230  et 
suiv.  Les  Malais  appellent  ces  peuplades  hommes  des  bois,  Orang-oulan. 
Les  Dayaks,  les  Malais  et  les  Bouguis  regardent  les  singes  de  ce  nom 
comme  des  hommes  que  Dieu  a  condamnés  à  la  dégradation,  et  a  privés 
de  l'usage  de  la  jtarole,  en  expiation  de  que^iue  crime.  Certaines  peu- 
plades nègres  de  l'Afrique  disent  que  les  grands  singes  sont  des  hommes 
paresseux  qui  ont  fui  dans  la  forêt  et  qui  refusent  de  parler  pour  n'être 
pas  obligés  à  travailler.  —  (Voy.  à  ce  sujet  D.  de  Rienzi,  L'Océanic, 
t.  I,  ]».  38.)  —  Il  y  a  dans  ces  croyances  un  sentiment  de  l'influence 
dégradante  du  séjour  des  bois  sur  notre  espèce. 


INTRODUCTION.  / 

plus  concis,  plus  passionné  que  chez  celui  des  plaines, 
comme  l'a  observé  pour  les  Indiens  de  l'Amérique  méri- 
dionale Alexandre  de  Humboldt  (1).  Là  où  une  humi- 
dité excessive,  jointe  à  une  haute  température,  ne  vient 
pas  énerver  la  vigueur  musculaire,  le  froid  piquant  et 
âpre  des  forêts  donne  à  la  fibre  plus  de  force,  au  caractère 
plus  d'énergie.  L'homme  de  ces  forêts  est  aussi  hardi, 
aussi  attaché  à  son  indépendance  que  celui  des  forêts  ma- 
récageuses et  des  jongles  est  faible  et  timide.  La  même 
différence  s'observe  dans  la  Sibérie  entre  les  tribus  dites 
des  bois  et  celle  des  steppes.  La  vie  de  chasseurs  des  pre- 
miers leur  donne  une  énergie  qui  fait  place,  chez  les 
seconds,  à  un  caractère  plus  doux  {%. 

Sans  adopter  les  idées  chimériques  émises  par  Poinsinet 
de  Sivry,  dans  son  ouvrage  sur  l' Origine  des  premières  so- 
ciétés, on  peut  cependant  reconnaître  avec  lui  que  la  dé- 
couverte du  feu  amena  promptement  l'incendie  des  fo- 
rêts (3),  Ce  fut  un  des  premiers  actes  d'hostilité  de  l'homme 
contre  la  nature  sau\age.  Non  pas  qu'on  doive  croire  avec 
Vico  que  cet  acte  ait  été  le  résultat  d'idées  religieuses,  que 
le  désir  de  jouir  plus  librement  de  la  vue  du  firmament,  de 
mieux  apercevoir  les  auspices  en  ait  été  la  principale 
cause  (4).  Évidemment,  ce  furent  les  premiers  progrès  de 
l'agriculture  qui  amenèrent  le  commencement  de  la 
guerre  déclarée  aux  arbres  par  l'homme,  puisque,  ainsi 
que  je  l'ai  remarqué  en  commençant,  la  destruction  delà 
végétation  forestière  est  ordinairement  d'autant  plus  com- 
plète en  un  pays  que  ce  pays  est  plus  anciennement  civi- 


(1)  Voyages  aux  régions  équinoxiales,  t.  YII,  p.  17. 

(2)  Voy.  Castren,  Voyage  ethnologique  dans  rintérieur  de  la  Sibérie, 
dans  les  Nouv.  Annales  des  Voyages,  v^  série,  5«  année,  p.  126  et  suiv. 

(3)  Voy.  Origine  des  premières  sociétés,  p.  72  et  73. 

(4)  La  Science  nouvelle,  traduction  nouv.  (Paris,  1844),  p.  188. 


8        LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'ANCIENNE  FRANCE. 

lise.  Mais  si  les  forêts  étaient  l'image  de  la  vie  sauvage,  si 
par  là  l'homme  policé  éprouvait  pour  elles  une  aversion 
instinctive  (1),  elles  étaient  aussi  l'emblème  de  cette  vie 
primitive,  de  cette  société  primordiale  dont  le  souvenir 
est  demeuré,  chez  tous  les  peuples,  associé  à  des  idées  re- 
ligieuses. Les  forêts,  par  leur  aspect  lugubre,  leur  carac- 
tère silencieux,  les  arbres,  parla  majesté  de  leur  port,  la 
longue  durée  de  leur  existence,  entretenaient  dans  l'esprit 
superstitieux  des  premiers  hommes  un  profond  sentiment 
de  crainte  et  de  vénération.  Aussi  les  voit-on  jouer  un  rôle 
dans  le  culte  de  presque  tous  les  anciens  peuples.  A  l'é- 
poque du  fétichisme  ou  du  naturalisme,  état  par  lequel 
ont  débuté  les  religions,  les  végétaux  arborescents  sont 
adorés  comme  des  divinités,  ou  du  moins  regardés  comme 
leur  demeure. 

Cette  terreur  qui  peuple  les  forêts  d'êtres  divins,  mysté- 
rieux, de  puissances  cachées  et  terribles,  est  née  du  senti- 
ment d'effroi  que  les  forêts  font  éprouver  à  l'homme  ;  en 
lui  donnant,  par  leur  [majesté,  conscience  de  sa  faiblesse, 
elles  élèvent  sa  pensée  vers  la  Divinité  :  «  Si  tibi  occurrit 
»  vetustis  arboribus,  écrit  Sénèque  (2),  et  solitam  altitu- 
»  dinem  egressis  frequens  lucus,  illa  proceritas  sylvae  et 
»  secretum  loci  et  admiratio  umbrœ  fidem  numini  facit.» 

Le  silence  solennel  qui  règne  au  sein  des  forêts  enga- 
geait l'homme  au  recueillement,  et  le  portait  au  sentiment 
religieux  plus  que  des  simulacres  brillants  d'or  et  d'ivoire. 
»  Hœc  fuere  numinum  templa,  priscoque  ritu  simplicia 
»  rura,  etiam  nunc  Deo  praecellentem  arborem  dicant,  nec 


(1)  La  loi  de  Manou  interdit  au  Brahmane,  maître  de  maison,  d'en- 
trer jamais  dans  une  forêt  épaisse,  impraticable,  embarrassée  de  lianes, 
de  ronces,  de  buissons  et  où  peuvent  être  cachés  des  serpents  et  des 
voleurs.  (Lois  de  Manou,  IV,  77. J 

(2)  Epislol.  XLi. 


INTRODUCTION.  9 

»  magisaurofulgentiaatqueebore  simulacra,quamlucos, 
»  et  in  his  silentia  ipsa  adoramus  (1).» 

A  ces  motifs  de  respect  pour  les  forêts  et  les  bocages  est 
venu  se  joindre  chez  l'homme  le  sentiment  de  l'utilité  des 
arbres  ;  on  comprit  les  services  qu'ils  pouvaient  rendre, 
et  de  bonne  heure  la  superstition  ou  la  loi  les  défendit 
contre  une  imprudente  et  capricieuse  destruction.  Dans 
les  lois  de  Manou,  qui  nous  ont  conservé  tant  de  disposi- 
tions datant  de  l'antiquité  la  plus  reculée,  on  voit  déjà  les 
arbres  mentionnés  comme  devant  servir  de  clôture  et  de 
limite.  Le  propriétaire  doit  entourer  son  champ  d'une 
haie  d'arbrisseaux  épineux,  au  moins  assez  élevés  pour 
qu'un  chameau  ne  puisse  regarder  par-dessus  (2).  Le  légis- 
lateur hindou  prend  soin  d'énumérer  les  diverses  essences 
de  belle  venue  qui  serviront  de  limite  entre  les  champs  (3). 
Abattre  des  arbres  encore  verts  pour  en  faire  du  bois  à 
brûler,  est  un  acte  criminel  interdit  à  un  sectateur  de 
Brahma  (4),  et  une  pénitence  sévère  est  imposée  à  celui 
qui  arrache  inutilement  des  plantes  cultivées  ou  nées 
spontanément  dans  une  forêt  (5).  Une  peine  est  établie 
contre  celui  qui  endommage  de  grands  arbres  (6).  La 
plantation  de  ces  arbres  avait  même,  il  semble,  originaire- 
ment dans  l'Lide  le  caractère  d'un  acte  religieux  qu'on 
devait  accomplir  uniquement  pour  honorer  les  dieux  et 
servir  les  hommes,  puisque  le  planteur  d'arbres  salarié 
était  exclu,  comme  les  criminels  et  les  gens  impurs  ou  de 
condition   abjecte,  du  repas  funèbre  en  l'honneur  des 


(1)  Plin.  Ilist.  nat.  lib.  XII,  c.  i.  g  2. 
(2j  Lois  de  Manou,  VIII,  239. 

(3)  Ibid.,  VIII,  246,  247. 

(4)  Ibid.,  XI,  64. 
(h)  Ibid.,  XI,  144. 
(6)  /ttti.,  VIII,  285. 


10      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

mânes  (1).  En  beaucoup  de  contrées  ce  sont  les  arbres 
fruitiers  dont  la  conservation  imporle  si  fort  au  bien- 
être  de  la  société,  qu'on  a  regardes  comme  sacrés.  Dans 
la  Polynésie,  le  tabou  protégeait  l'arbre  à  pain  et  garantis- 
sait ainsi  aux  peuplades  sauvages  leur  subsistance  qu'elles 
tirent  en  grande  partie  de  cet  arbre. 

De  nombreux  témoignagesfournispar les  plus  anciennes 
traditions  de  tous  les  peuples  confirment  l'existence  du 
culte  des  forêts,  des  bocages  et  des  arbres  que  tant  d'idées 
et  de  convenances  tendaient  à  perpétuer.  La  Bible  nous 
parle  du  culte  rendu  dans  les  bocages  et  sous  les  arbres 
verts  au  Très-Haut  (2). 

C'est  au  bocage  de  Mamré  qu'Abraham  construisit  un 
autel  à  Jehovah,  et  c'est  là  que  ce  Dieu  se  révéla  à  lui  (3). 
Au  iv^  siècle  de  notre  ère,  on  continuait  encore  de  venir  là 
au  pied  des  chênes  touffus,  adorer  les  génies  et  les  anges, 
qui,  suivant  la  croyance  populaire,  s'y  rendaient  vi- 
sibles (4). 

Avant  l'établissement  de  l'islamisme,  les  habitants  du 
Nadjran  dans  l'Yemen  offraient  leurs  adorations  à  un 
énorme  dattier,  autour  duquel  ils  célébraient,  tous  les  ans, 
une  fête  solennelle  et  qu'ils  chargeaient  de  vêtements  et 
d'étoffes  précieuses  (5). 

Le  culte  des  arbres  en  Perse,  sur  lequel  Chardin  et 
William  Ouseley  nous  ont  donné  de  si  curieux  détails, 
paraît  remonter  à  l'antiquité  la  plus  reculée.  Les  arbres 
vénérés  y  portent  le  nom  de  Dirakht  i  fazel,  «  les  excellents 


(1)  Lois  de  Matiou,  III,  1G3. 

(2)  Voy.  par  exemple  Judith,  III,  12. 

(3)  Gènes,  xiii,  18,  xv,  7  et  suiv. 

(4)  Ce  lieu  portait  le  nom  de  TércbinlJic.  (Voy.  Sozomen,,  Ilislor.  ceci. 
lib.  II,  c.  IV.) 

(5)  W.  Ouseley,  Travels  in  varions  counlrics  of  Ute  Easl,  l.  I,  p.  3G9, 
370,  London,  1819,  ia-4». 


INTRODUCTION.  41 

arbres;  »  on  les  couvre  de  clous,  à' ex-voto,  d'amulettes, 
de  guenilles,  et  les  derviches  et  les  fakirs  accourent  se 
placer  sous  leur  ombre  (1).  Ce  sont  généralement  des  pla- 
tanes ou  des  cyprès.  Quelques-uns  de  ces  arbres  sont 
d'une  extrême  vieillesse.  Près  de  Naklichivan,  à  Ardubad, 
en  Arménie,  est  un  orme  vieux  de  plus  de  mille  ans,  qui 
est  l'objet  du  culte  des  habitants  (2).  Les  crédules  Persans 
attribuent  à  leur  vertu  divine  l'étonnante  longévité  de  ces 
végétaux,  sur  lesquels  la  présence  des  hommes  saints,  qui 
viennent  s'abriter  sous  leur  feuillage,  attire,  disent-ils,  les 
bénédictions.  On  brûle  à  leur  pied  de  l'encens  ou  des 
cierges  pour  obtenir  la  guérison  des  malades  ou  l'accom- 
plissement de  ses  vœux.  Ceux  qui  s'endorment  à  l'ombre 
de  ces  arbres  s'imaginent,  dans  leurs  songes,  goûter  les 
félicités  réservées  aux  aoulia  (3)  ou  bienheureux.  On  con- 
naît le  célèbre  cyprès  de  Passa,  l'ancienne  Pasagarde,  qui 
était  encore,  il  y  a  quelques  années,  l'objet  d'un  pèleri- 
nage célèbre  de  la  part  des  musulmans.  Ces  arbres  reçoi- 
vent le  nom  de  Pb\  c'est-à-dire  les  anciens  (4),  et  on  les 
regarde  comme  le  séjour  favori  des  âmes  des  élus.  Une 
croyance  analogue  fait  des  forêts  du  Mazanderan,  derniei^s 
vestiges  de  la  végétation  forestière  de  ces  contrées,  la 
résidence,  le  lieu  de  retraite  des  clives  (5).  Ce  dernier  trait 
achève  de  démontrer  que  c'est  là  un  des  restes  du  maz- 
déisme qui  se  sont  conservés  à  travers  l'islamisme,  ainsi 
que  tant  d'autres  idées  zoroastriennes.  L'Avesta  nous 
apprend  que  les  anciens  Perses  adoraient  les  saints  ferouers 


(1)  Ouseley,  oui',  cit.  t.  I,  p.  373. 

(2)  Ibid.,  t.  III,  p.  434. 

(3)  Ce  mot  signifie  en  persan,  bienheureux . 

(4)  Pir,  en  persan,  ancien,  vieillard.  Voy.  Pietro  délia  Yalle,  Viaggi. 
lett.  XVI.  Luglio,  1629.. 

(5)  Ouseley,  ouv.  cit.  t.  I,  p.  313. 


12      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  L' ANCIENNE  FRANCE. 

OU  esprits  de  Peau  et  des  arbres  (1).  Ces  ferouers  se  pla- 
çaient au-dessus  des  arbres  et  bénissaient  leurs  fruits.  Ils 
étaient  dits  puissants  et  immortels. 

Les  Persans  donnent  encore  à  certains  arbres  l'épithète 
de  muharek,  c'est-à-dire  sacré.  De  ce  nombre  sont  l'olivier, 
le  dattier,  le  naklil,  le  kharma  (2).  Un  conifère  porte  dans 
leur  langue  le  nom  de  dib-dar,  div-dar,  div-daru  (3),  c'est- 
à-dire  ai'bre  des  dives  ou  des  démons.  C'est  le  même  que 
les  Arabes  appellent  schedjeret-al-djinn  {l'arbre  des  djùms), 
et  quelquefois  schedjer et- Allah  (l'arbre  de  Dieu),  expres- 
sions qui  remontent  toutes  également  à  la  dendolâtrie  maz- 
déenne.  Quand  l'islamisme  eut  pris  la  place  de  la  religion 
d'Ormuzd,  les  génies  bienfaisants  furent  regardés  comme 
de  méchants  démons,  et  les  dives  ou  dews,  les  djinns,  se 
substituèrent  (4)  dans  les  superstitions  populaires  aux 
Amschaspands  et  aux  Ferouers.  Ce  fait  rappelle  ce  qui 
est  rapporté  par  Gazwini,  d'un  arbre  qu'on  trouvait  au 
pied  du  montSabalan,  dans  l' Azerbaïdjan,  et  où  résidaient 
les  djinns  (5). 

Dans  rilindoustan  subsistent  des  vestiges  nombreux  de 
la  dendolâtrie  qui  se  sont  greffés  sur  le  brahmanisme  et 
le  bouddhisme;  cette  dernière  religion  en  se  répandant 
dans  l'Asie  les  a  propagés  avec  elle.  Chaque  village  de 
l'Hindoustan  a  son  ficus  indica  qui  en  est  comme  le  sanc- 
tuaire et  l'asile.  Ces  arbres  parviennent  à  une  vieillesse 


(1)  Voy.  Zend-Avpsfa,  traduct.  Anquetil  du  Perron,  t.  II,  p.  257, 
"284,  286  et  suiv.  —  E.  Burnouf,  Commentaire  sur  le  Yaçna,  p.  380. 

(2)  Ouseley,  ouv.  cil.  t.  II,  p.  330. 

(3)  Le  mot  dar,  daru,  arbre,  ajjpartient  à  la  même  racine  que  le  russe 
dcrcvo,  que  le  grec  Jpûç,  chêne,  et  ^o'pu,  lance,  l'anglais  Iree,  et  les 
mots  dard,  dague,  daguet,  larière.  Voy.  G.  Curtius,  Grundziige  dcr 
griechischen  Elymologie,  2*  édit.  p.  215. 

(4)  Ouseley,  ouv.  cil.  t.  I,  p.  387. 

(5)  Ouseley,  ouv.  cit.  t.  I,  p.  386. 


INTRODUCTION.  13 

prodigieuse,  circonstance  qui  a  beaucoup  contribué  à 
inspirer  pour  eux  la  vénération.  C'est  surtout  sur  les  bords 
du  Nerboudda  qu'ils  atteignent  une  extrême  longévité;  il 
n'est  pas  rare  d'en  rencontrer  qui  ont  plus  de  500  ans. 
Souvent  un  seul  individu  forme  à  lui  seul  une  véritable 
forêt;  quelques-uns  ont  pu  abriter  toute  une  armée.  Les 
rameaux  du  figuier  connu  en  Europe  sous  le  nom  de  fi- 
guier des  Banyans,  et  dans  lequel  il  faut  reconnaître  le 
sijcê  indicé  dont  nous  ont  parlé  les  compagnons  d'Alexan- 
dre, se  repiquent  dans  la  terre  et  donnent  ainsi  naissance 
à  une  foule  de  rejetons  qui  ne  se  séparent  pas  de  la  tige 
mère(l). 

Il  existe  deux  espèces  de  ficiisindica,  l'une  et  l'autre  en- 
tourées du  culte  et  de  la  vénération  des  Hindous  :  \q ficus  in- 
dica  proprement  dit,  appelé  par  ces  peuples  vata  ou  nya- 
r/rôdha,  et  le  ficus  reUgiosa,  qui  porte  le  nom  de  açvattha, 
ou  de  pippala.  C  elui-ci  présente  de  nombreux  et  flexibles 
rameaux  qui  se  replantent  dans  le  sol.  Le  pippala  est 
le  symbole  de  l'intelligence,  bôdhi;  c'est  le  hom  des  anciens 
Persans,  l'arbre  de  la  science  du  bien  et  du  mal  de  la  Ge- 
nèse (2).  fl  atteint,  dans  l'île  de  Ceylan,  où  il  est  fort  abon- 
dant, d'étonnantes  dimensions  (3),  et  est,  de  la  part  des 
bouddhistes,  l'objet  d'une  dévotion  spéciale.  Dans  tous  les 
pays  de  foi  bouddhique,  on  rencontre  des  arbres  de 
Bouddha,  Pout  ou  Bodhi,  qui  répondent  tous  à  la  même 
idée  symbolique  (4).  Le  vata  est  regardé  comme  de  sexe 
mâle.  On  le  plante  près  de  l'açvattha,  qui  est  regardé,  au 
contraire,  comme  de  sexe  femelle.  Ces  mariages  d'arbres 
sont  accompagnés  de  cérémonies  religieuses,  sur  lesquelles 


(1)  Ch.  Lassen,  Indische  Alterthumskunde ,  t.  I,  p.  256  etsuiv. 

(2)  Ibid. 

(3)  Major  Forbes,  Elevenyears  in  Ceijlon,  t.  II,  p.  108. 

(4)  W.  Ouseley,  Travels  in  varions  counlries  ofihe  East,  t.  I,  p.  393. 


14      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  L  ANCIENNE  FRANCE. 

les  voyageurs  ont  donné  des    détails  intéressants  (1). 

Dans  le  Sindh,  l'islamisme  a  consacré  ce  culte  des 
arbres,  en  transportant  aux  saints  musulmans  les  hon- 
neurs primitivement  rendus  aux  dieux  forestiers.  On  y 
observe  fréquemment  des  arbres  surmontés  d'une  per- 
che et  d'un  drapeau,  et  au  tronc  duquel  les  dévots  vont 
suspendre  des  ex-voto.  C'est  d'ordinaire  à  Abd-el-Kader 
Djelaui  que  l'habitant  du  Sindh  dédie  ces  antiques  objets 
de  sa  vénération  (2).  Déjà  Quinte-Gurce  signale,  au  temps 
d'Alexandre,  le  culte  solennel  rendu  aux  arbres  par  les 
peuplades  des  bords  de  l'Indus  (3). 

Les  jongles  remplissent  de  crainte,  par  leur  profon- 
deur et  leur  aspect  lugubre,  le  timide  Hindou.  Il  s'ima- 
gine rencontrer  à  chaque  pas  des  monstres,  des  dé- 
mons, le  banbh  et  le  manu  aux  longues  oreilles  pen- 
dantes, à  la  chevelure  semblable  au  pelage  de  l'ours,  qui 
errent  incessamment  dans  les  solitudes  des  bois  (4). 
Les  Shingalais  placent  aussi  dans  leurs  forêts  la  demeure 
des  génies  malfaisants.  C'est  dans  la  foret  Yakgirri  que 
Guadma,  un  des  Bouddhas  adorés  par  les  insulaires, 
confina,  lors  de  sa  première  visite  à  Ceylan,  les  démons 
et  les  enchanteurs  qui  s'opposaient  à  son  apostolat. 
Telle  est  l'origine  de  l'opinion  encore  répandue  aujour- 
d'hui que  le  roi  des  démons  a  fixé  sa  résidence  dans  cette 
foret  (5). 

(1)  \V.  II.  Slccman,  Rambles  and  recollections  of  on  Indian  officiai, 
vol.  I,  p.  42  et  suiv. 

(2)  Richard  E.  Burton,  Sind  hand  Ihe  races  Uiat  iuhabit  the  valley  of 
Ihe  Indus.  "Loniion,  1851,  p.  177. 

(33  «  Arbores  maxime  (colunt) ,  quas  violare  capitale  est.  (Quint. 
Curt.  VIII,  g  31,0.  i.\.) 

(4)  Richard  E.  Burton,  Sindh,  p.  175. 

(5)  Voy.ù  la  suite  du  poëme  shingalais  intitulé  :  Yahkun  yattannaua 
et  publié  par  Callaway,  le  iioëme  qui  porte  le  nom  do  Kolan  Nallannau'n , 
p.  54,  no  118  (Londres,  1829). 


INTRODUCTION.  15 

Le  culte  des  arbres  a  rayonné  de  l'Hindoustan  et  de 
l'Asie  centrale  jusqu'en  Europe.  On  vient  de  le  voir  en 
Perse;  il  a  sans  doute  passé  de  là  au  Caucase^  où  l'on  adore 
Mesté,  le  dieu  des  forêts  (1)  ;  des  dieux  analogues  étaient 
révérés  chez  les  Abkhazes  avant  leur  conversion  au  chris- 
tianisme (2). 

On  peut  dire  que  toutes  les  populations  indo-européen- 
nes ont  été  dendoîâtres.  LesGrecsetles  Pélasges leurs  ancê- 
tres avaient  pour  les  bois  une  vénération  superstitieuse.  Au 
berceau  même  de  la  société  hellénique,  nous  trouvons  à 
Dodone,  l'antique  centre  de  la  civilisation  pélasgique,  une 
forêt  de  chênes  consacrés  au  grand  dieu  Zeus  ou  Joii  (3). 
On  prêtait  à  ces  arbres  une  vertu  prophétique  générale- 
ment attribuée  aux  forêts  sacrées  (4).  Voilà  pourquoi  les 
oracles  les  plus  célèbres,  ceux  de  Claros,  de  Thymbra, 
d'Olympie,  deCharax  en  Carie  étaient  placés  au  voisinage 
de  bois  sacrés  (5) . 

Les  Grecs  donnaient  le  nom  d'alsos,  dans  l'ancien  dialecte 
du  Péloponèse  altis,  et  les  Latins  celui  de  Iucks  aux  bois 
ou  bocages  sacrés.  Chez  les  premiers  les  noms  de  dr?/m'os, 
d^'ymôn  s'entendaient  des  forêts  plantées  de  main 
d'homme,  des  forêts  de  chênes  surtout;  on  réservait  le 
terme  de  hylê  aux  forêts  naturelles,  aux  forêts  vierges  ou 
profondes  (6).  Les  Romains  distinguaient  le  nemus  {!),  qui 


(1)  Ed.  Spencer,  Travels  in  Cvxassia,  t.  Il,  p.  343. 

(2)  "AXc-/)  Ts  )4al  ûXaç  èffs'govTo,  dit  Procope,  De  bell.  goth.,  IV,  3. 

(3)  Voy.  Religions  de  VAniiquilc  de  Creuzer,  trad.  et  refondu  par  G ui- 
gniaut. 

(4)  Strabon,  Géographie,  "VIII,  vu,  p.  257  et  suiv. 

(5)  Voy.  Vibius  Sequester,  éd.  Oberlin,  p.  25,  et  l'article  Oracles,  par 
M.  L.  Renier  dans  l'Encyclopédie  moderne,  nouv.  édition. 

(6)  Voy.  J.  Pollux,  Onomasticon,  I,  12.  Cf.  sur  le  sens  d'iXoc;,  S. 
Cyrill.  Hierosol.  Ilomil.  IV  in  Jerem. 

(7)  Nemora  significant  sylvas  amccnas.  Paul  Diacon.  Except.  ex  lib. 
Pomp.  Fest.  de  signif.  verhor.  XII,  p.  107,  éd.  Lindeman. 


16      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

était  pour  eux  un  parc,  un  bocage,  de  la  5y/r«  qui  répondait 
hXdihjlê  grecque,  mot  dont  est  dérivé  le  terme  latin  (l).Par  ■ 
synecdoque,  le  mot  Jtylè  s'estappliquédansla  suite  aubois, 
à  la  matière,  sens  qu'il  prit  surtout  à  l'époque  alexandrine; 
le  bois  étant  à  l'origine  le  type  de  la  matière,  materia, 
materies.  C'est  ce  qui  explique  comment  cette  dernière 
forme,  devenue  en  espagnol  madera,  a  pris  le  sens  de  bois; 
elle  fournit  également  l'étymologie du  portugais  mato,  et 
du  français  madrier,  madré.  On  sait  que  c'est  au  grand 
nombre  de  forêts  dont  elle  était  couverte  que  l'île  de  Ma- 
dère a  dû  son  nom.  {Madeira,  en  portugais,  bois  de  cons- 
truction ;  en  espagnol,  madera.)  Par  un  rapprochement 
inverse,  le  radical  latin  hicus  a  fourni  l'anglais  log,  lig, 
dans  lesquels  on  retrouve  la  même  racine  que  dans  le  la- 
tin lignum,  l'italien  legno. 

Les  bocages  étaient  consacrés  tantôt  à  des  divmités  rus- 
tiques, tantôt  à  des  héros  dont  ils  entouraient  la  sépulture, 
sur  la  tombe  desquels  ils  avaient  été  plantés  (2).  Dans  l'i- 
magination des  Grecs,  ces  divinités  choisissaient  de  préfé- 
rence pour  leur  demeure  les  lieux  frais  et  ombragés,  et 
s'y  rendaient  parfois  visibles.  De  là  la  croyance,  admise 
parmi  eux,  qu'on  ne  devait  s'approcher  des  bois  sacrés 
qu'en  adressant  des  prières  ou  des  offrandes  à  la  divinité 
champêtre,  au  héros  qui  y  résidait.  L'accès  de  quelques- 
uns  de  ces  bois  restait  même  complètement  interdit  aux 
profanes  et  ils  étaient  pour  ce  motif  entourés  d'une  en- 
ceinte en  pierre  (3)  ;  c'est  ce  qui  avait  lieu  pour  le  bois 

(1  )  Interest  auiem  inter  nemiis  el  sylvam  et  lucum  ;  hicus  cnim est  arbo- 
rum  mnUihtdo  ciim  religione,  7iemus  vero  composila  muUitudo  arbonnn  ; 
Sylva  diffusa  el  inculta.  Servius,  in  ^neid.  1,  310,  1. 1.  p.  Gl,  éd.  Lion. 

(2)  Ainsi  un  bois  fut  planté  au  lieu  où  les  Sept  chefs  avaient  été  enter- 
rés, comme  on  le  voit  par  les  paroles  d'Athéné,  à  la  lin  de  la  tragédie  des 
SupplianleSy  d'Euripide. 

(3)  Voy.  ce  que  Pausanias  dit  d'un  htcus  de  liera.  Arcad.  37,  g  7. 


INTRODUCTION.  17 

des  Euménides  où,  suivant  la  légende,  Œdipe  trouva  la 
fin  de  ses  maux  (d). 

Les  Hellènes  donnaient  le  nom  de  Dryades,  à^Hamadrya- 
des,  de  A'ff/jee^  aux  divinités  des  arbres,  des  bois,  des  lieux 
ombragés  (2j  ;  ils  révéraient  aussi  des  divinités  spéciales 
des  forêts,  telles  (\\\  Apollon  Hylates,  auquel  on  avait  élevé 
dans  l'île  de  Chypre  (3)  un  grand  nombre  de  sanctuaires, 
et  Artemis-Agrotera  (4),  que  l'on  disait  se  livrer  à  la  chasse 
dans  les  clairières,  à  la  clarté  de  la  lune. 

Ainsi  que  le  font  aujourd'hui  encore  les  Hindous  et 
quelques  musulmans,  les  Grecs  honoraient  d'un  culte  par- 
ticulier certains  arbres  auxquels  ils  suspendaient  des 
offrandes  et  des  tablettes  votives  ;  c'est  ce  que  nous  mon- 
trent les  monuments  (5).  La  vénération  dont  étaient  en- 
tourés ces  végétaux  se  rattachait  d'ordinaire  au  souvenir 
d'un  héros;  tel  était  le  cas  pour  l'olivier  sauvage  qu'on 
voyait  à  Olympie  et  qui,  assurait-on,  avait  fourni  à  Her- 
cule la  couronne  du  vainqueur  ;  le  platane  d'Apamée  en 
Phrygie,  oii,  suivant  la  tradition,  Marsyas  avait  été  sus- 
pendu, était,  pour  un  motif  analogue,  réputé  sacré  (6). 

Les  Pélasges  de  l'Italie  rendaient,  comme  leurs  frères 


(1)  Voy.  la  tragédie  d'OEdipe  à  Colone,  par  Sophocle. 

(2)  Les  nymphes  sylvestres  recevaient  les  noms  de  'AXay.i'^'e?,  'ïXyiwpot, 
Naralai, AùXoJvîa'îs;,  AsûaS'ïç,   'AaaS'pûaJsç. 

(3)  Voy.  Engel,  Kypros^  1. 1,  p.  H 9.  De  Luynes,  Niimismaliq.  et  ins- 
criptions cypriotes,  p.  27. 

(4)  Homer.  Iliad.  XXI,  v.  471.  Cf.  Xénophon,  Hisior.  grxc.  IV, 
p.  516,  b.  Pausanias,  Attic.l^  41,  g  4. 

(5)  Voy.  à  ce  sujet  Raoul  Rochette,  Peintures  antiques  inédiles,  pi.  VI, 
p.  403. 

(6)  Voy.  Plin,  Ilisl.  nal.  1.  XVI,  c.  lxxxix.  Le  platane  était  souvent 
l'essence  dont  se  composaient  les  bois  sacrés.  C'est  ce  qui  avait  lieu,  par 
exemple,  pour  un  âXuo;  dont  parle  Pausanias,  et  oîi  se  trouvaient  les  sta- 
tues de  Déméter  Prosymna  et  de  Dionysos,  Corinth.  c.  xxxvii,  §  2.  Cf. 
sur  un  autre  bois  sacré  de  platanes  à  Phares  en  Achaïe,  Pausanias. 
Achaic.  c.  xxii,  §  1. 


18      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

de  Grèce,  un  culte  aux  arbres  et  aux  bocages,  culte  dont 
héritèrent  les  Latins  (1).  De  là  les  ex-voto  que  ceux-ci  sus- 
pendaient aux  arbres,  et  auxquels  fait  allusion  Ovide  en 
parlant  du  lucus  de  la  Diane  de  Nemi  (2). 

Au  temps  de  Pline,  s'élevait  sur  le  mont  Vatican,  un 
chêne  vert  que  l'on  disait  plus  vieux  que  Rome,  et  oîi  se 
lisait  une  inscription  étrusque  en  lettres  d'airain,  indi- 
quant que  cet  arbre  étai^t  depuis  longtemps  l'objet  d'un 
culte (3).  Il  est  souvent  fait  mention,  chez  les  auteurs  la- 
tins, des  lucus,  dont  les  chênes  éveillaient  par  leur  vé- 
tusté un  respect  religieux  (4);  plus  ordinairement  ils 
étaient  consacrés  aux  divinités  forestières.  L'un  des  plus 
célèbres,  sans  contredit,  celui  qui  ombrageait  la  colline 
Cornée,  près  d'un  faubourg  de  Tusculum,  était  dédié  à 
Diane,  depuis  les  âges  les  plus  reculés  (5). 

Si  grande  était  la  vénération  pour  les  bocages,  les  bois 
sacrés,  qu'on  ne  pouvait,  au  dire  de  Caton,  y  abattre  un 
tronc  qu'après  un  sacrifice  solennel  destiné  à  expier  cette 
sorte  de  sacrilège  (6)  ;  et  c'est  à  cette  vénération  profonde 

(1)  Cf.  Pausanias,  Corinth.  c.  ii,  g  6.  Ovid.  Amor.  III,  1-3.  Le  culte 
rendu,  dans  le  bocage  d'Aricie,  à  une  divinité  des  arbres,  tire  sa  source 
de  l'ancienne  religion  pélasgique.  (Voy.  Yirg.  .En.  VII,  762;  Ovid.  Mc- 
tam.XY,  539.) 

(2)  Ovid.  Fasl.  III,  2CG-2G7.  Aux  arbres  de  ce  bois,  les  dévots  allaient 
suspendre  des  tablettes  votives  : 

Licia  dépendent  longas  vclanlia  sepes, 
Et  posita  est  mérita;  multa  tabella  dea3. 

(3;  Plin.  Uist.  nat.  lib.  XVI,  lxxxvii. 

(  i)  Sicut  sacros  vetustatc  lucos  adoremus  in  quibus  grandia  et  antiqua 
robora  jam  non  tantam  habcnt  speciem  quantam  religionem.  (Quintilien, 
Instil.  orat.  X,  1.) 

(5)  Pline,  XVI,  xci.  C'était  dans  ce  bois  qu'on  voyait  l'arbre  qui 
inspirai  l'orateur  Passienus  Crispus  une  passion  si  bizarre.  (Voyez  Pline, 
ibid)  Près  de  ce  bois  était  un  immense  chêne  vert  (jui  formait  à  lui  seul 
une  véritable  forêt.  «  Sylvamque  soia  facit,  »  dit  le  naturaliste  romain. 

(G)  Caton  nous  donne  la  formule  d'expiation  usitée  dans  ce  cas.  (Caton, 
De  re  rmtico,  c.  clx,  p.  iSO.  Cf.  Plin.  Ilid.  nat.  1.  XVII,  c.  xlvii,  §  28.) 


INTRODUCTION.  19 

des  Romains  pour  les  arbres  que  font  allusion  les  vers  bien 
connus  d'Ovide  : 

Ille  etiara  céréale  nemus  violasse  securi 
Dicitur,  et  lucos  ferro  violasse  vetustos  (i). 

Des  divinités  analogues  à  celles  que  les  Hellènes  suppo- 
saient habiter  les  forêts,  étaient  adorées  par  les  Italiotes. 
Elles  recevaient  des  Latins  les  noms  de  Faunes,  de  Sijl- 
vains  ;  et  de  même  qu'en  Grèce  Artemis  était  placée  à  la 
tête  des  dieux  rustiques,  en  Italie,  Diane,  identifiée  à  la 
sœur  d'Apollon,  eut  l'empire  des  forêts  et  des  bêtes  fauves. 
De  là  l'épithète  de  sylvarum  potens  Diana,  qu'Horace  lui 
donne  dans  son  Carmen  sœculare  ;  de  là  celle  de  S//Iva?'iwi 
virenthim  saltimmque  reconditorum  domina  qu'on  trouve 
dans  Catulle  appliquée  à  la  déesse.  Le  culte  de  Sylvain, 
associé  parfois  à  celui  de  Mars  (2),  prit  surtout  faveur 
chez  les  populations  pastorales  de  l'Italie,  qui  voyaient 
€n  lui  le  protecteur  de  leurs  troupeaux;  de  là  le  surnom 
•de  Custos  imposé  à  ce  dieu  champêtre  (3).  Les  Romains 
paraissent  l'avoir  reçu  des  Pélasges  (4),  et  ils  le  portèrent 
à  leur  tour  à  d'autres  peuples  qui  l'assimilèrent  à  cer- 
taines divinités  locales  des  bois  et  des  champs.  C'est  ce 
•qui  explique  comment  on  rencontre  l'adoration  de  Syl- 
•vain  en  Grèce  (5),  en  Gaule  (6),  en  Angleterre  (7),  en  Da- 
li) Ovid.  Metamorph.  lib.  YIII,  740,  741. 

(2)  On  voit,  par  Caton,  que  Mars-Sylvain  était  adoré  dans  les  forêts 
•comme  le  protecteur  des  troupeaux.  (M.  Gato,  De  re  ruslica,  lxxxiii  -, 
Lucil.  ap.  Nonn.  ii,  n°  324.) 

(3)  Voy.  Muralori,  Inscript,  p.  70,  n»  0-,  Gruter,  Imcr.  LXIV^  4. 

(4)  G'est  ce  que  nous  rappellent  ces  vers  : 

Sylvano  fama  est  veteres  sacrasse  Pelasgos, 
Arvorum  pecorisque  deo  lucumque  diemque. 
(ViRG.  JEneid.  VIII,  600.) 

(5)  2u>.€a-jû  çiiXaxt,  Bœclch,  Corp.  inscT.  grsBC.  t.  III,  n°  5963. 

(6)  Voy.  Ôrelli,  Inscr.  lai.  sélect,  n"^  328,  333  etpassim. 

(7)  Un  autel  découvert  à  Birdeswald  porte  :  DEO  SANGTO   j  SIL- 


20      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

cie  (1),  dans  toutes  les  contrées,  en  un  mot,  où  les  forêt 
abondent  et  qui  furent  jadis  soumises  à  l'autorité  de  Romt 
On  donna  à  ce  dieu  les  surnoms  les  plus  imposants  :  ceu 
d'Auguste  (2),  de  Céleste  (3),  d'Invaincu  (4),  de  Toul 
Puissant  (5),  de  Salutaire  (6) ,  de  Dieu  présent  (7),  d 
Saint  (8),  qui  pourraient  faire  oublier  son  origine  rusti 
que,  si  le  retour  fréquent  des  épithètes  de  Sylvestre  (9^ 
de  Dendropliore  (10)  ne  la  rappelait  pas. 

Les  Faunes  furent  moins  cosmopolites  ;  leur  culte  n 
sortit  guère  des  gorges  de  l'Apennin  (11);  ils  finirent  par  s 
confondre  avec  les  Sylvains  et  cette  foule  de  génies  inft 
rieurs,  de  démons  familiers,  qu'on  retrouve  à  la  fois  dai: 
la  Gaule,  la  Germanie,  la  Grande-Bretagne,  sous  les  non 
de  Gobelins,  de  Follets,  de  Trolls,  de  Kobolds,  d'Elfs,  d 
Banshee,  etc.,  et  dont  les  Sulèveset  le  St/lvamis  domestia 
desLatins  étaient  comme  le  type  (12);  ils  pénétrèrent  menu 
sous  le  nom  de  Seirbn,  dans  les  superstitions  juives  (13 


VANOVE   I    NATORES  1  BANNE .  S.  S.  (Voy.  J.  Gollingwood  Briic 
The  Roman  wall,  p.  413,  London,  1851.) 

(1)  Neigebaur,  Dacien,  p.  155,  n°  230. 

(2)  Voy.  Orelli,  Inscr.  lai.  seled.  n"s  1598,  1599. 

(3)  Orelli,  n-'s  1119.  1611. 

(4)  /nridui,  Orelli,  n°  1603. 

(5)  Pollens,  Orelli,  n°  1611. 

(6)  Salularis,  Orelli,  n°'  1596,  1609,  2518. 

(7)  Deus  prxsens,  Orelli,  n°  1008. 

(8)  Sanclus,  Orelli,  n"1838. 

(9)  Orelli,  no^  1609,  4490.  —  Neigebaur,  Dacien,  p.  152. 

(10)  Dendrophorus,  Orelli,  n°  1602. 

(11)  Apennicola3  fugcre  ad  httora  fauni.  (yil.  Ilalic.  lib.  V,  v.  620.) 

(12)  Voy.  Grimm,  Deutsche  Mytholorjie,  2'  édit.  p.  451.  —  W.  Miille 
Geschichle  und  System  der  alldeulsrhen  Religion,  p.  379  (GoUingiv 
1844).  —  Croflon  Croker,  Fairy  legends  of  Ihe  Soidh  of  Jrelani 
part.  III,  p.  84  ;  Keightley,  The  fairy  Mylhology,  new  edit.  p.  3" 
et  suiv. 

(13)  Ces  Seirim  ou  esprits  des  bois,  que  les  Juifs  se  représentaient  soi 
la  forme  de  boucs  ou  d'hommes  ayant  des  formes  empruntées  à  un  an 
mal,  devaient  leur  origine  à  Azazel,  le  bouc  émissaire,  devenu  j'our  l( 


INTRODUCTION.  21 

Les  esprits  des  forêts,  Waldgeister,  Waldleuten,  Holzleiiten 
des  Allemands,  comme  les  Trolls  ou  Trolds  des  Scandina- 
ves, appartiennent  à  cette  vaste  famille  de  demi-dieux  qui 
personnifient  à  la  fois  les  grands  phénomènes  atmosphé- 
riques, tels  que  les  vents,  l'action  des  eaux  et  du  sol,  et 
qui  se  confondaient  avec  les  âmes  des  morts,  identifiées 
au  souffle  que  le  mourant  exhale  dans  l'atmosphère  (d). 

Il  n'est  donc  point  étonnant  de  retrouver  des  dieux 
des  bois  chez  toutes  les  anciennes  populations  de  l'Eu- 
rope. Partout  nous  y  voyons  les  arbres  regardés  pres- 
que comme  des  êtres  animés  et  divins.  Ce  respect  pour  les 
rois  de  la  végétation  persista  pendant  des  siècles  malgré 
le  progrès  des  lumières.  Pline  nous  apprend  que  le  culte 
des  arbres  était  très-vivace  de  son  temps  dans  les  cam- 
pagnes (2).  Ce  fut  un  de  ceux  que  les  apôtres  du  christia- 
nisme eurent  le  plus  de  peine  à  déraciner.  Aux  portes  de 
Rome,  sur  la  via  Ostiensis,  un  arbre  consacré  aux  dieux 
attirait  encore  la  vénération  des  habitants,  quand  saint 
Adaucte  vint  y  prêcher  la  foi  (3). 

En  Sicile,  le  pâtre  continua  pendant  bien  des  années  à 
faire  des  libations  de  lait  à  Paies,  divinité  rurale  qu'on 
supposait  cachée  au  fond  des  bois  (4). 

En  Germanie  et  chez  toutes  les  populations  de  race  teu- 
tonique  existaient  des  bocages  et  des  forêts  sacrés  {Heili- 


Hébreux   un  malin  esprit.    Yoy.  Hamburger,    Real-Encrjclopœclie  fur 
Dibel,  art.  Azazel. 

(l),Voy.  la  dissertation  de  A.  Kuhn  mtiiulée-.  Vie  Sprachverglcichung 
v.nd  die  Urgeschichte  der  indo-germanischen  VOlker^  dans  la  Zeils- 
rJirifl  fiir  vergleichende  SprachforscJning,  t.  IV,  p.  UG  et  suiv.  et  W. 
Mannhardt,  Germanische  Mxjthen,  Forschungen,  p.  709  (Berlin,  1858). 

(2)  «  Priscoque  ritu  simplicia  rura  etiam  nunc  deo  praecellentem  arbo- 
rera dicant.  »  (Pline,  lib.  XII,  i,  1.) 

(3)  Bolland.  Ad.  sancl.  XXX,  aug.  p.  546,  col.  2. 

(4)  Silvicolam  tepido  lacté  Païen  (Ovid.  Fast.  IV,  746).  —  Paies  a  été 
regardée  tour  à  tour  comme  un  dieu  et  comme  une  déesse. 


1 


22      LES  FORETS  DE  LA  GAULE  ET  DE  L  ANCIENNE  FRANCE. 

geforst,  Haine).  Tacite  dit  des  Germains  (1)  :  «  Lucos  ac 
nemora  consecrant,  »  et  il  ajoute  :  Deorumque  nomi- 
nibus  appellant  secrelum  iilud  quod  sola  reverentia  vi- 
dent. »  Ailleurs,  il  nous  parle  de  la  forêt  des  Semnons  (2) 
et  du  Castum  nemus  consacré  à  Herta  (3),  Le  poëte  Glau- 
dien  mentionne  de  son  côté  le  caractère  sacré  qu'avait 
la  forêt  Hercynienne  (4).  Ce  culte  des  forêts  et  des  arbres 
a  été  signalé  chez  un  grand  nombre  de  nations  issues 
de  la  souche  germanique,  les  Francs  (6),  les  Alamans  (7), 
les  Lombards  (8),  les  Saxons  (9),  les  Angles  (10). 

En  Gaule,  même  respect  superstitieux  pour  les  forêts 
où  s'accomplissaient  les  cérémonies  du  druidisme  (11). 
Les  Celtes  appelaient  nemet  ces  sanctuaires  forestiers  où 
ils  allaient  solennellement  cueillir  le  gui  (12).  Ce  mot 
entre  en  composition  dans  le  nom  de  quelques  villes  gau- 
loises, Nemetacum,  Nemetocenna,  Nemetobriga,  Xemetodu- 
rum  (13)  et  l'épithète  de  Nlmidœ  appliquée,  dans  un  dé- 
cret du  concile  de  Leptines,  aux  forêts  où  se  pratiquaient 
encore  des  rites  païens  (14),  paraît  en  être  dérivée.  La 


(1)  German.  c.  ix. 

(2)  Ibid.  c.  XXXIX. 

(3)  Ibid.  c.  XXXIX,  xl. 

(4)  Ut  procul  Hercyniae  per  vasta  silentia  silvaî 
Venari  tuto  liceat,  lucosque  velusta 

Relligione  truces  et  robora  numinis  instar.  (Glaudian.  De  Lmid. 
Slilich.  I,  228,  230.) 

(5)  Voy.  Diefenbach,  Cellica,  I,  p.  83. 

(6)  Gregor.  Turoa.  Hislor.  Francor.  t.  II,  c.  x.  Cf.  Epist.  V,  v.  5. 

(7)  Agathias. 

(8)  Viia  S.  Bertulfi  Bobbiensis,  ap.  Ad.  SS.  Bened.  sacc.  II,  p.  l'ii. 

(9)  Pertz,  Mon.  germ.  histor.  t.  II,  p.  67G. 

(10)  Leges  Canuli  Magni,  quas  olim  Anglis  dedil,  éd.  Kolderup,  p.  38. 

(11)  GifiSâr,Dcbell.gall.  YI,  13. 

(12)  ApuvaîixeTcv ,  Strabon,  XII,  xvi,  p.  507.  —  Vernemetis,  fanum 
ingens  gallicu  lingua  refeii.  Fortunat,  Carm.  i,  9. 

(13)  Voy.  Diefenbach,  .Cellica,  t.  YI,  p.  33. 

(U)  De  sacris  sglvarum  qux  Nimidas  vocanl,  disent  les  canons  dv 


INTRODUCTION.  ZÔ 

forêt  des  Ardennes  était  révérée  comme  une  déesse  que 
les  Romains  confondirent  avec  leur  Diane  (1).  Le  mont  Vo- 
sège  ou  Vosge,  ombragé  d'épaisses  forêts,  fut,  à  la  même 
époque,  adoré  comme  un  dieu  (2).  Une  divinité  du  nom  de 
Nemetona,  visiblement  dérivé  du  mot  nemet,  paraît  avoir 
été  honorée  en  qualité  de  déesse  tutélaire  du  Palatinat(3), 
pays  qui  fut  longtemps  couvert  d'épaisses  forêts. 

Ainsi  le  culte  des  arbres  était  aussi  répandu  en  Gaule 
qu'en  Germanie,  et  une  inscription  découverte  en  France 
constate  le  fait  de  cette  superstition  chez  les  Gaulois  nos 
ancêtres  (4).  Lucain  a  donné  dans  sa  Pharsale  une  magnifi- 
que description  de  ces  forêts  divines  dont  la  cognée  res- 
pectait les  rameaux  et  où  les  Romains  n'osaient  pénétrer 
qu'en  tremblant,  croyant  voir  dans  les  arbres  autant 
d'êtres  animés  (5). 

Sed  fortes  tremuere  manus,  molique  verenda 

Majestate  loci,  si  robora  sacra  ferirent 

In  sua  credebant  redituras  membra  secures. 

Les  anciens  Prussiens  et  divers  autres  peuples  slaves  re- 


concile. —  Concil.  Liptin.  an.  743.  —  Reginon,  De  discqjlina  ecclesiast. 
lib.  II,  p.  143,  éd.  Hildebr. 

(1)  Voy.  J.  de  Wal,  Myihologix  seplenlrionalis  monument,  epigraphic. 
lalina,  n°'  20,  21.  —  Gruter,  Inscripl.  CGGXIV,  3. 

(2)  Gruter,  Insc.  XGIV,  10. 

(3)  Yoy.  rinscription  qui  porte  :  MARTI  NEMETON^,  trouvée  à 
Spire,  et  publiée  par  J.  Becker  dans  les  Jahrbilcher  des  Vereins  von 
AUerthurnsfreudeniniRheinlande,  t.  XV,  p.  97.  Gette  divinité  rappelle  le 
Deus  nemeslrinus  dont  parle  Arnobe.  {Adv.  genl.  IV,  6.) 

(4)  Orelli,  Inscriplioncs  lalinae  selecta:,  n"  218 -,  cf.Muratori,  .4n<(r/m'- 
tales  italicœ  medii  cevi,  t.  V,  p.  66  et  suiv.  Gette  inscription,  trouvée 
à  Auch,  porte  :  SEX  ARBORIBVS  Q.  RVFIVS  GERMANVS.  V.  S. 

(5)  Lib.  III,  V.  399  sqq. 

Lucus  erat  longo  numquam  violatus  ab  lewo, 
Obscurum  cingens  connexis  aéra  ramis 
Et  gelidas  alte  summotis  solibus  umbras.  etc. 
Gomparez  la  description  donnée  par  M.  de  Marchangy  dans  la  Gaule 
poétique. 


24      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

connaissaient  également  des  dieux  des  bois  et  des  chênes 
sacrés  (1).  Saint  Adalbert,  pendant  son  apostolat,  fit 
abattre  un  de  ces  arbres  (2). 

Les  populations  germaniques  comme  les  Gre«îs  donnaient 
lesarbres  pour  habitations  aux  esprits  sylvestres. La  viedes 
Waldleuten,  des Holzleutoi  était  liée,  dans  leurs  idées,  à 
celle  de  ces  végétaux.  Venait-on  à  les  écorcer,  cela  amenait 
la  mort  d'une  de  ces  petites  déesses  mystérieuses  nom- 
mées Waldweibchen  (3).  Pendant  longtemps,  en  certains 
cantons  de  l'Allemagne,  le  bûcheron  ne  porta  la  hache 
sur  un  tronc  qu'après  s'être  agenouillé  devant  lui,  l'avoir 
imploré,  les  mains  jointes  et  la  tête  nue  (4).  On  attribuait 
une  reine  à  ces  êtres  surnaturels,  reine  qui  rappelle  la 
Berchta  des  traditions  germaniques  et  recevait  le  nom 
de  Buschgrossmutter  (5). 

Dans  les  contes  populaires,  ces  esprits  des  bois  se  trans- 
formèrent en  géants,  en  héros.  On  fit  par  exemple  de 
Witolf,  ^Vittich,  Witugouwo,  le  fils  du  fabuleux  forgeron 
Wieland,  un  hôte  des  bois,  sijlvarwn  satyrus,  épithète 
donnée  aussi  au  forgeron  divin  Mime  (6). 

Dans  le  nord  de  l'Allemagne  on  prêtait  jadis  aux  arbres 
une  vertu  fatidique,  comme  le  faisaient  les  Grecs  pour 


11)  Voy.  Helmold,  Chronic.  slav.  I,  53.  Cf.  J.  L.  von  Parrot, 
Versuch  einer  Entwicklitng  der  Sprache  iind  Mythologie  der  Liwen, 
Lallen,  Eesten,  t.  I.  p.  321. 

(2)  Radulph.  Glaber.  Chronic.  I,  4. 

(3)  Dans  diverses  traditions  de  l'Allemagne,  les  forêts  sont  repré- 
sentées comme  ayant  été  habitées  par  un  widdmscnnlein  et  une  wald- 
iveiblein,  qui,  après  leur  défrichement,  se  mirent  à  hanter  les  maisons 
ainsi  qu'étaient  supposés  le  faire  nos  follets.  Voy.  Panzer,  Deitrag  ziir 
deutscher  Mythologie,  t.  I,  p.  08  (Munich,  1855). 

(4)  Voy.  K.  Simrock,  Handbuch  der  deulschen  Mythologie,  p.  4C0 
(Bonn,    1864). 

(5)  Jbid. 

(G)  lUid.  p.  40 1. 


INTRODUCTION,  20 

les  chênes  de  Dodone.  On  s'imaginait  qu'ils  annonçaient, 
par  l'agitation  de  leur  feuillage,  la  mort  d'une  personne('l). 

On  retrouve  dans  toutes  ces  croyances,  ainsi  que  pour 
une  foule  d'autres  mythes,  une  communauté  d'idées 
entre  les  Germains  et  les  Scandinaves. 

A  Upsal,  était  un  chêne  consacré  à  Thor,  le  dieu  de  la 
Ibudre;  ce  qui  rappelle  l'attribution  à  Jupiter  par  les 
Grecs  du  même  arbre.  En  Scandinavie,  on  donnait  aux 
forêts  sacrées  le  nom  de  Liind  (pluriel  lunder),  qui 
fournit  l'étymologie  du  nom  de  Londres,  London  (2). 
Elles  étaient  placées,  la  plupart,  sous  l'invocation  d'Odin 
ou  Wodan.  Ce  dieu  conduisait,  au  dire  des  Saxons^,  sa 
bande  mystérieuse,  ses  chasseurs,  ses  chiens^  à  la  clarté 
de  la  lune,  dans  la  solitude  des  forêts  :  c'est  ce  qu'en  Alle- 
magne on  appela  longtemps  Wuotans  Heer{^},  la  troupe 
ou  l'armée  d'Odin.  Dans  la  basse  Saxe,  le  Holstein,  le 
Mecklembourg,  la  Poméranie,  lorsqu'un  bruit  soudain  se 
fait  entendre  dans  l'air,  le  peuple  dit  que  c'est  Odin  qui 
passe  (4).  Comme  ce  dieu  a  été  identifié  avec  le  diable, 
depuis  l'établissement  du  christianisme,  le  chasseur  divin 


(1)  Voy.  Benj.  Thorpe,  Northern  Mylhology,  t.  III,  p.  161  (London, 
1852). 

(2)  En  danois,  lund  signifie  encore  «  un  bois.  »  L'île  do  Seeland  s'ap- 
pelait autrefois  Siœlund,  «  bois  entouré  d'eau.  »  (GralT,  Allhochdeidscher 
Sprachschatz,  vol.  II,  col.  241,  et  Du  Gange,  Glossar.  med.  jEvi, 
v°  Sylva,]).  468,  éd.  Henschel.)  L'emplacement  actuel  de  Londres  était 
jadis  occupé  en  effet  par  une  vaste  forêt,  dont  la  forêt  de  Wesminster  et 
celle  dite  Totehele  ou  Tothil,  mentionnées  dans  le  Domesday  book, 
étaient  des  restes.  On  trouvait  de  plus,  dans  le  Middlesex,  la  forêt  de 
Fulehant  ou  Fulham,  où  l'on  nourrissait  1,000  porcs,  et  une  autre  qui 
en  avait  300.  Voy.  Ellis,  A  genercd  inlroduclion  io  Domesday  book,  1. 1, 
p.  97  et  sv.  Turner,  The  history  of  Ihe  Anglo-Saxom,  t.  II,  append.  IV. 
Le  nom  de  Londinium  (Londres)  est  déjà  cité  par  Tacite  et  Ptolémée,  ce 
qui  donne  à  penser  que  le  mot  lund  avait  dans  le  dialecte  de  la  Bretagne 
le  même  sens  qu'en  danois. 

(3)  Voy.  J.  Grimm,  Deutsche  Mythologie,  2*  édit.  p..  871. 

(/k)  Ou  Odin  qui  chasse,  qui  entre  en  colère.  (J,  Grimm,  ouv.  cit.) 


1 


26      LES  FORÊTS  Dlil  LA  GALLE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

est  devenu  un  chasseur  infernal,  Ilelljœfjer  (1).  On  l'ap- 
pelle encore  le  chasseur  sauvage,  der  wilde  Jœger  (2)  ;  et 
c'est  sous  ce  nom  que  Bûrger  (3j  a  décrit  son  appari- 
tion terrible.  Les  noms  d'armée  furieuse,  das  icûthende 
Heer  (4),  de  chasseurs  furieux,  die  ivûthendcn  Jœrjer,  lui 
sont  également  appliqués  (5).  A  l'île  de  Moen,  on  désigne 
un  bruit  mystérieux  qui  retentit  en  l'air  ou  dans  la  soli- 
tude des  forêts,  par  le  mot  grunjelte  (G).  Suivant  les  can- 
tons, le  même  personnage,  ce  revenant  des  forêts,  appa- 
raît, dans  la  légende  populaire,  sous  les  noms  divers 
de  Eackelber(j j  de  Welt jœger,  le  chasseur  éternel,  de 
Wowijœger,  Woejoijœge?',  Joejœger,  JSachtJœger,  le  chas- 
seur nocturne,  de  Bassjœger,  le  chasseur  maudit,  de 
Schwai'ze  Jœger,  le  chasseur  noir  (7). 
En  France  et  en  Angleterre,  on  retrouve  sous  mille  for- 

(1)  Voy.  Grimm,  oui-.  ci[.  p.  871;  Wilhem  Mûller,  Geschidite  und 
System  der  alldeidschen  Religion,  p.  120;  Klemme,  Hundbuch  der 
germanisclwn  ÂUerthumskunde,  p.  281  et  282.  Dans  les  Pays-Bas  et  la 
basse  Allemagne,  le  cortège  mystérieux  est  aussi  désigné  par  le  nom  du 
«  char  infernal,  »  Hœllenwagen,  Spukwagen  ;  et  pour  être  délivré  de  son 
apparition,  le  peuple  dit  qu'il  faut  faire  le  signe  de  la  croix.  (Voy.  J.  W. 
Wolf,  Deutsche  Mxhrchen  und  Sagen,  n°»  203,  204,  p.  314,  315.) 

(2)  Voy.  J.  Grimm,  op.  cit.  p.  881.  De  même,  son  cortège  s'appelle  la 
chasse  sauvage,  die  wilde  Jagd.  Au  xvii*  siècle,  on  s'imaginait  encore 
l'entendre  dans  les  forets  qui  avoisinent  Annaberg.  (J.  W.  VVolf, 
Deutsche  Mxhrchen  und  Sagen,  p.  579.) 

(3)  Grimm,  loc.  cit. 

(4)  Grimm,  Deutsche  iMijlhologie,  2«  édit.,  p.  890.  —  W.  Mannhardt, 
Gcnnanische  Mylhen,  p.  262,  270,  709.  —  Panzer,  Deilrag  zur  deuts  ■ 
chen  Mythologie,  t.  I,  p.  66. 

(5)  Grimm,  ibid. 

(6)  Voy.  à  ce  sujet  Grimm,  W.  MùUer,  Simrock  et  Mannhardt.  —  Le 
nom  de  GrOnjette  qui  se  retrouve  sous  diverses  altérations  dans  le  centre 
de  l'Allemagne,  s'est  formé  par  corruption  de  yachtgejaid,  Nachlgelaid, 
<<  procession  nocturne,  »  appellation  donnée  encore  en  Bavière  à  la  chasse 
infernale. 

(7j  Tandis  qu'en  France  ce  sont  les  bergers  que  l'on  regarde  comme 
sorciers  et  faiseurs  de  charmes,  en  Allemagne,  ce  sont  les  chasseurs. 
Vov.  E.  "Willkomm,  Sagen  und  Mxhrchen  aus  der  Oberlausitz,  part.  I, 
p.  20. 


INTRODUCTION.  27 

mes  pareilles  traditions.  Gervais  de  Tilbury  (1)  nous  ap- 
prend qu'en  Angleterre,  on  prenait  ce  chasseur  mystérieux 
pour  l'ombre  d'Arthur  ;  on  croyait  entendre  le  bruit  de  sa 
meute  dans  la  forêt  deCaerléon.  Dans  le  midi  de  la  France 
et  dans  les  Pyrénées,  c'était  aussi  à  Arthur  que  se  ratta- 
chait cette  superstition  populaire.  Le  héros  breton  avait, 
disait-on,  une  grande  passion  pour  la  chasse.  Un  jour  où 
l'on  offrait  un  sacrifice  solennel,  il  fut  averti  qu'un  san- 
glier monstrueux  s'approchait  du  temple.  La  sainteté  de 
la  cérémonie,  le  respect  dû  à  la  religion  ne  purent  retenir 
le  roi;  il  sortit,  saisit  un  épieu  et  courut  après  le  sanglier. 
Le  ciel  irrité  du  peu  d'attachement  qu'Arthur  avait  mon- 
tré pour  la  religion,  le  condamna  à  chasser  éternellement 
dans  les  plaines  de  l'air  (2).  En  Angleterre,  ce  héros  que 
les  anciennes  traditions  celtiques  représentent  comme  ha- 
bitant l'île  d'Avallon  ou  Avallach  et  régnant  sur  les 
morts  (3),  est  devenu  le  inqueur  noir,  le  chasseur  de  la 
forêt  de  Windsor  (4).  En  France  on  lui  donnait  jadis  les 
noms  les  plus  divers,  quoique  le  caractère  qu'on  lui  prêtât 
vaiiàt  peu.  En  Provence,  on  l'appelait  le  chasseur  blanc. 
Ailleurs  le  bruit  mystérieux  entendu  dans  les  airs  était 
regardé  comme  l'indice  du  passage  de  la  chasse  de  saint 
Hubert,  de  celle  du  comte  Thibaut,  de  la  chasse  du  roi 
Hugon,  de  la  chasse  du  veneur  Gain  (5)  ou  simplement 

(1)  Oiia  iinperialia  III,  c.  lxix,  p.  981,  édit.  Leibnitz.  —  Le  lieu  de 
la  forêt  de  Caerléon  où  l'on  entendait  ce  bruit  mystérieux,  avait  en  consé- 
quence reçu  le  nom  de  Laykibrait. 

(2;  Dumège,  Fragments  (V archéologie  'pyrénéenne ,  p.  388. 

(3)  Voy.  à  ce  sujet  Mannhardt,  ouv.  cit.,  p.  459. 

(4)  Cette  légende  est  rapportée  par  Shakspeare  dans  l'acte  IV,  scène  iv, 
des  Bourgeoises  de  Windsor. 

(5)  Cette  tradition  avait  cours  encore  à  la  fin  du  xvi^  siècle  chez  les 
paysans  de  Fontainebleau,  et  on  racontait  qu'Henri  IV  avait  une  fois 
rencontré  le  veneur  mystérieux,  en  chassant  dans  la  forêt  (voy.  le  P. 
Mathieu,  Histoire  de  France  et  des  cJiasses  mémorables  sous  le  règne  de 
Henri  ÎV). 


28      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'ANCIENNE  FRANCE. 

du  Grand  Veneur,  comme  on  disait  en  Auvergne  (i). 
Chaque  pays  avait  sa  légende  sur  ce  chasseur  mystérieux. 
En  Danemark,  dans  l'île  de  Seeland,  on  disait  que 
c'était  le  roi  Yaldemar  condamné  ainsi  à  chasser  éternelle- 
ment. Dans  l'ile  de  Fyonie,  on  l'appelait  Paine  le  chasseur. 
A  Aalborg,  le  peuple  nommait  ce  mystérieux  chasseur 
Jons  Jaeger  (2)  et  s'imaginait  entendre  son  effroyable  voix 
qui  se  mêlait  aux  hurlements  de  sa  meule.  Dans  le 
Schleswig,  ce  bruit,  qu'en  certains  cantons  du  Danemark 
on  appelle  le  Chasseur  volant^  est  pour  les  paysans  celui 
de  la  chasse  d'un  roi  du  xiii*  siècle,  le  fratricide  Abel, 
tombé  dans  un  marais  de  l'Eyder,  lors  d'une  expédition 
contre  les  Frisons,  et  qui  dans  l'autre  vie  continue  les 
plaisirs  qu'il  prenait  ici-bas  (3),  Quelques-uns  des  noms 
que  je  viens  de  citer  montrent  que  la  légende  du  chasseur 
infernal  s'est  pareillement  associée  en  France  à  des  tradi- 
tions locales.  Dans  les  Vosges,  elle  a  été  appliquée  au 
seigneur  Jean  des  Baumes  (4).  Dans  certaines  parties 
de  l'Allemagne,  le  dieu  chasseur  Odin  a  été  trans- 
formé en  un  comte  de  Schulemburg  (5),  ou  en  un  gé- 
néral Spar  (6).  Le  nom  de  Jean,  que  les  montagnards  des 
Vosges  donnent  au  chasseur  éternel,  pourrait  être  une 

(1)  Entre  les  forêts  de  Siniq,  de  Malbo,  de  Vigoureux  et  de  Brézous, 
au  point  d'intersection  de  quatre  chemins,  on  a  élevé  une  croix  parce 
que,  solon  la  croyance  populaire,  c'est  là  que  ])assait  à  certains  jours  le 
Grand  Veneur  avec  sa  meule  et  sa  suite  infernale  composée  de  piqueurs 
vêtus  d'écarlate  comme  leur  maître.  On  faisait  de  ce  cortège  infernal 
une  description  effroyable.  Voy.  Deribier  du  Ghàtelet,  Dictionnaire 
historique  et  statistique  du  Cantal,  1. 1,  p.  303. 

(2)  C'est-à-dire  Jons  ou  Jean  le  Chasseur.  Voy.  Thorpe,  ouv.  cit.,  t.  II, 
p.  197,  198. 

(3)  Thorpe,  ouv.  cit. 

(4)  Voy.  cette  légende  dans  H.  Lepage  et  Charton,  Le  Département  des 
Vosges,  l.  II,  p.  438. 

(5)  Voy.  Sagen  aus  der  Mark,  herausg.  von  A.  Kuhn,  ap.  Ilaupt, 
Zeitschrifl,  t.  IV,  p.  391. 

(6)  A.  Kuhn  et  VV.  Schwartz,  Norddeutschc  Sagen,  Mxhrchen  und 


INTRODUCTION.  29 

altération  de  celui  de  Joe,  Joejœger,  que  nous  venons  de 
voir  appliqué,  par  certaines  populations  du  Nord,  au  chas- 
seur mystérieux.  Dans  le  Bourbonnais,  cette  chasse  s'ap- 
pelle chasse  Gayère  (1),  mot  qui  semble  être  une  altéra- 
tion de  l'appellation  danoise  Grûnjette,  ci-dessus  men- 
tionnée(2),  et  cette  épithètedeG«yère,  s'est  altérée  dans  la 
Saintonge  en  celle  de  Galerie.  Un  autre  nom  que  notre 
chasse  porte  encore  est  celui  de  Mesnie  Hellequin  ou  Hen- 
nequin,  &Qtroi(pe  d' Hellequin  (4).  Ce  n'est  vraisemblable- 
ment qu'une  altération  du  mot  allemand  Erl-Konif/^ 
c'est-à-dire  le  roi  des  Erles  ou  des  Elfes,  qui  a  donné 
d'autre  part  naissance  à  notre  mot  arlequbi  ;  il  nous  ra- 
mène à  la  véritable  origine  de  la  tradition  du  chasseur 
sauvage^  du  chasseur  infernal.  Les  savants  allemands  qui 
se  sont  livrés  dans  ces  derniers  temps  à  l'étude  compa- 
rative des  mythologies,  ont  établi  en  effet  que  le  point  de 
départ  de  toutes  ces  traditions  est  la  croyance  répandue 
chez  les  diverses  populations  d'origine  indo-européenne, 


GehrsBUch.  p.  74,  n°  7G.  Il  circule  un  grand  nombre  de  légendes  de  ce 
genre  en  Allemagne  et  dans  les  Pays-Bas. 

(1)  Acli.  Allier,  Voyage  pilloresque  dans  l'ancien  Bourbonnais,  t.  II, 
p.  12. 

(2)  Nous  venons  de  voir,  en  effet,  que  la  chasse  d'Odin  était  désignée, 
dans  certains  cantons  de  l'Allemagne,  par  un  nom  analogue.  Les  Suisses 
appellent  la  chasse  sauvage  Durslcngejeg,  c'est-à-dire  la  troupe  de  Dûrst 
(ou  du  dieu  infernal).  (Voy.  Grimra,  2"  édit.  p.  487,  872.)  Le  nom  de 
Gayère  paraît  être  une  altération  du  Gejeg  suisse.  En  effet,  dans  la 
Franche-Comté,  pays  intermédiaire  entre  le  Bourbonnais  et  la  Suisse  la 
chasse  infernale  présente  un  caractère  essentiellement  germanique  et 
est  désignée  sous  un  nom,  l'homme  sauvage,  qui  rappelle  tout  à  fait 
l'appellation  allemande. 

(3)  Voy.  A.  Gautier,  Slalist.  du  dép.  de  la  6harenlc-Inférieure,  part. 
pe,  p.  233. 

(4)  Voy.  Leroux  de  Lincy,  Introduction  au  livre  des  Légendes,  append. 
Plus  tard,  lorsque  le  souvenir  des  vacations  nocturnes  se  fut  tout  à  fait 
effacé,  on  transporte  le  nom  de  Mesnie  Hellequin  aux  feux  follets,  qu'on 
appela  ensuite  par  corruption  arlequins.  (Voy.  Paulin  Paris,  Description 
des  manuscrits  français  de  la  Bibliothèque  royale,  t.  1,  p.  323.) 


30   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

que  les  âmes  des  trépassés  assimilées  au  souffle  des  vents, 
comme  les  Marouts  du  Véda  (1),  se  réunissent  dans  les  airs 
sous  la  conduite  de  la  divinité  qui  règne  sur  l'empire  des 
morts.  Ces  âmes  divinisées  sont,  comme  je  l'ai  déjà  dit 
plus  haut,  les  Elfes  ou  Elbes,  transformées  en  diables  ou 
en  démons  par  le  christianisme.  L'orage  n'est  que  le  bruit 
fait  dans  les  airs  par  cette  troupe  invisible;  il  devient 
ainsi  le  tumulte  d'une  troupe  nocturne,  Xachtvolk,  confon- 
du bientôt  avec  celui  des  bandes  de  sorcières  qui  prati- 
quaient encore  la  nuit  les  rites  païens  proscrits  par  le  nou- 
veau culte  (2).  Wodan  ou  Odin,  comme  dieu  des  morts, 
comme  roi  de  l'Elysée,  est  placé  chez  les  Saxons  et  les 
Scandinaves  à  la  tête  de  cette  troupe  infernale.  De  là 
l'association  de  son  nom  et  de  celui  d'Arthur  à  celte  lé- 
gende d'origine  asiatique  où  ils  jouent  le  rôle  d'Yama, 
le  dieu  des  morts  chez  les  Aryas.  On  rencontre  en  effet 
chez  toutes  les  populations  septentrionales  la  croyance 
que  les  Elfes  se  montrent  parfois  dans  l'atmosphère  et  y 
font  entendre  des  bruits  mystérieux,  quelquefois  même 
une  véritable  harmonie  (3).  Sur  eux  régnent  Odin  et 
Freya,  son  épouse.  Des  peuples  tels  que  les  Germains, 
qui  vivaient  au  milieu  des  forêts,  attribuaient  naturelle- 
ment la  même  résidence  à  la  divinité  suprême  ;  aussi  plu- 
sieurs grandes  forêts  de  l'Allemagne  étaient-elles  consa- 
crées à  Odin  (4).  Freya  fut,  par  le  même  motif,  assimilée  à 

(1)  Voy.  mon  ouvrage  intitulé  :  Croyances  et  Légendes  de  l'antiquité, 
2«  édit.,  p.  97  et  suiv. 

(2)  Voy.  surtout  Mannhardt,  ouv.  cit.,  p.  709,  710. 

(3)  Mannhardt,  ïfcfrf.  On  racontait  que  le  bruit  de  la  chasse  mystérieuse 
se  faisait  surtout  entendre  la  nuit  de  Noël.  (Panzer,  Deitrag  zur  deuts- 
chen  Mijlholorjie,  t.  I,  p.  2G0.; 

(i)  Tels  étaient  l'Odenwald,  petit  grouj^e  de  montagnes  voisin  de  la 
chaîne  de  la  Forot-Noirc,  et  le  Freyenwald,  situé  près  de  l'Oder,  et  où 
se  sont  retrouvés  les  restes  d'un  temple  de  la  déesse  Freya.  (Voy.  Eyriès 
et  Malte-Brun,  Xouvellcs  Annales  des  Voyages,  t.  XllI,  p,  288.)  (Année 
1822.) 


INTRODUCTION.  3i 

Ja  Diane  latine,  la  divinité  des  foiéts.  C'est  en  son  hon- 
neur ou  en  l'honneur  d'une  divinité  analogue  telle  que 
Holda  (1),  que  pendant  longtemps  les  femmes  de  la  Gaule 
et  de  la  Germanie  allèrent  dans  les  bois  accomplir  des 
cérémonies  mystérieuses  (2).  Le  sabbat  des  sorcières  du 
moyen  âge  n'a  pas  d'autre  origine  (3). 

Voilà  comment  la  tradition  de  la  Mesnie  Hellequin  asso- 
cia la  croyance  aux  apparitions  des  Elfes  dans  les  airs 
au  souvenir  des  vacations  nocturnes  {utisetiir)  où  s'ac- 
complissaient les  rites  du  seidr,  qui  offrent  eux-mêmes 
plus  d'une  analogie  avec  les  fêtes  célébrées  en  l'honneur 
de  Diane  par  les  Romains,  avec  celles  qui  avaient  lieu  en 
l'honneur  de  Sabazius  eL  de  Bacchus  chez  les  Grecs  (4). 
On  retrouve  du  reste  chez  les  Grecs  des  superstitions  qui 
rappellent  celle  du  chasseur  nocturne  (5). 

(1)  Voy.  sur  la  substitution  de  Holda,  à  Odin,  dans  la  tradition  de  la 
chasse  infernale,  Mannhardt,  oiiv.  cit.,  p.  262. 

(2)  Ce  sont  des  cérémonies  de  ce  genre  accomplies  en  Gaule  en  l'hon- 
neur d'une  déesse  que  lesGalIo-Romains  identifièrent  à  Diane,  que  défen- 
dirent les  conciles  et  lescapitulairesdes  roisCarlovingiens.  (Voy.  Fragm. 
capit.,  c.  xiii,  édit.  Baluze.)  «  Nulla  mulierem  se  nocturnis  horis  equi- 
tare  cum  Diana  profiteatur,  hsec  enim  dœmoniaca  est  illusio.  »  —  Cf. 
Walter  Scott,  Lellers  on  deinonoloyy  and  iviiclicraft,  vu''  lettre. 

(3)  Voy.  mon  ouvrage  intitulé  :  La  Magie  et  r Astrologie  dans  l'anti- 
quité et  le  moyen  âge,  3^  édit.,  p.  176. 

(4)  Le  voyageur  Pouqueville  pense  qu'il  faut  aller  chercher  l'étymo- 
iogie  du  nom  de  sabbat  dans  le  grec  aaSàî^siv  qui  s'appliquait  à  l'action 
de  célébrer  la  fête  de  Sabazios  (SaSa^îo?,  SaêaS'toç),  divinité  solaire,  vrai- 
semblablement d'origine  phrygienne,  assimilée  par  les  Hellènes  à  leur 
Dionysos  ou  Bacchus.  En  efTet,  les  fêtes  Sabaziennes  se  célébraient  avec 
des  rites  qui  rappellent  à  certains  égards  la  cérémonie  du  Seidr  et  le 
culte  de  Diane  dans  les  bois.  (Voy.  Pouqueville,  Voyage  de  la  Grèce, 
2«  édit.,  t.  V[,  p.  156.)  Peut-être  toutes  ces  fêtes  avaient-elles  une  ori- 
gine asiatique  commune. 

(5)  Pausanias  {Attic,  c.  xxxii,  §  3)  nous  dit  que  les  habitants  de  Ma- 
rathon s'imaginaient  entendre  parfois  la  nuit  le  hennissement  des  che- 
vaux, et  un  bruit  semblable  à  celui  que  font  les  combattants.  A  Alexan- 
drie, on  croyait  entendre  de  temps  en  temps  dans  les  airs  le  bruit  du 
cortège  ou  thiase  de  Bacchus.  Plutarque,  Vie  de  Marc-Anloine,  c.  lxxvi, 
p.  231,  édit.  Reiske. 


32   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Que  le  roi  des  morts  soit  devenu  un  chasseur  mysté- 
rieux, qu€  les  âmes  des  trépassés  aient  été  transformées 
en  esprits  des  forêts,  en  sylvains  (i),  cela  démontre  que! 
rôle  important  jouaient  les  forêts  dans  les  croyances  re- 
ligieuses des  populations  germaniques  et  gauloises.  Les 
esprits  dont  les  Aryas  peuplaient  l'air  se  sont  ainsi  peu 
à  peu  métamorphosés  en  chasseurs,  en  habitants  des 
bois  ;  ils  se  sont  présentés  à  l'imagination  des  popula- 
tions germaniques  et  Scandinaves  sous  la  forme  d'hommes 
velus,  d'êtres  farouches,  noirs  et  hideux  ;  tels  étaient  les 
Satyres,  les  Sylvains  et  les  Waldieuten;  vrais  diables 
des  bois,  qui  furent  les  prototypes  des  sauvages  du  moyen 
âge,  de  Volundr,  le  forgeron  bois,  aux  formes  de  sa- 
tyre (2),  de  Vi(o?7i  foresto  de  Pulci  (3),  enfin  de  ces"  sau- 
vages qui  ont  fini  par  ne  plus  avoir  d'existence  que  sur  nos 
enseignes  (4). 

Le  souvenir  des  forêts  sacrées,  hantées  par  des  dieux 
identifiés  aux  démons  après  l'établissement  du  christia- 
nisme, de  ces  forêts  où  se  réunissaient  les  Druides,  les 
Semnothées,  les  Eubages,  les  prêtres  de  Thor  et  de  Jupi- 
ter, réduits  plus  tard  à  la  condition  de  magiciens  et  de 


(1)  Faimi,  Sylvani,  homines  sylvestres,  feminae  sylvestrix.  Voy.  W. 
'HLnWç.T,  AUdeulsche  Religion,  p.  379.  —  On  s'imaginait  pour  ce  motii- 
que  les  Elfos  aimaient  à  résider  sous  les  arbres  et  dans  les  forêts.  (Voy. 
Crofton  Croker,  Fairy  legends  ofllie  soulli  ofircland,  part.  111'=,  p.  84.) 

(2)  Voy.  la  dissertation  de  MM.  Depping  et  Fr.  Michel,  intitulée  ; 
Veland  le  Forgeron.  Paris,  1833. 

(3)  Pulci,  Morgante,  v,  38.  Cf.  Grimm,  ouv.  cil.  p.  44  et  suiv. 

(4j  En  Suisse,  en  Allemagne  et  en  France,  on  trouve  encore  beaucouji 
d'auberges  ayant  pour  enseigne  An  Sauvage,  Zum  wilden  Mann.  Celles 
qui  sont  demeurées  fidèles  aux  vieilles  traditions,  telles  que  je  les  ai 
rencontrées  dans  le  pays  des  Grisons  et  en  Allemagne,  représentent  le 
sauvage  comme  une  sorte  de  satyre  aux  cheveux  longs  et  à  la  barbe 
touffue.  On  sait  du  reste  qu'on  a  cru  longtemps,  chez  nous,  à  l'existence 
d'hommes  sauvages  habitant  dans  les  bois.  (Voy.  Bonnaterre,  Nolicr 
historique  sur  le  sauvage  de  l'Avegron,  Paris,  an  vni,  j).  4.) 


INTRODUCTION.  33 

sorciers,  a  fait  imaginer  ces  forêts  enchantées  qui  occu- 
pent une  si  grande  place  dans  le  merveilleux  des  épopées 
des  temps  de  chevalerie,  et  qui  ont  fourni  à  l'immortel 
Torquato  Tasso  l'idée  de  la  forêt  qu'il  décrit  dans  ces 
magnifiques  vers  : 

Sorge  non  lunge  aile  cristiane  tende 
Tra  solitarie  valli  alta  foresta 
Foltissima  di  plante  antiche,  orrendo 
Che  spargon  d'  ogni  intorno  ombra  funesta. 
Qui  neir  cra  che  '1  sol  più  chiaro  splende 
È  luce  incerta,  e  scolorita  e  mesta, 

Quando  parte  il  sol  qui  tosto  adombra 

Notte,  nube,  caligine  ed  orrore 

Che  rassembra  infernal,  che  gli  occhi  ingombra 

Di  cecità. 

(Gante  xiii.) 

Forêt  sur  laquelle  Ismen  semble  étendre  ses  enchante- 
ments et  où  il  évoque  les  mauvais  esprits  : 

Citadini  d'  Averno 

Prendete  in  guardia  questa  selva  e  queste 
Plante  che  numerate  a  voi  consegno. 
Corne  il  corpo  è  dell'  aima  albergo  e  veste, 
Cosî  d'  alcun  di  voi  sia  ciascun  legno. 


Veniano  innumerabili,  infiniti 
Spirti,  parte  che  'n  aria  alberga  ed  erra, 
Parte  di  quel  che  son  dal  fondo  usciti, 
Galiginoso  e  tetro  délia  terra  (1). 


Les  idées  de  divination,  de  magie  qui  s'attachaient, 
chez  les  Celtes,  aux  arbres,  objet  de  leur  culte,  paraissent 
avoir  donné  naissance  à  cet  alphabet  magique,  à  ces  runes 
merveilleuses  qui  représentaient  les  différentes  lettres  par 

(1)  Cette  forêt,  mentionnée  par  Le  Tasse,  n'a  aucune  réalité.  C'est  une 
pure  conception  poétique,  et  M.  Michaud  a  vainement  tenté,  comme  il  le 
reconnaît  lui-même,  d'y  retrouver  les  caractères  d'une  forêt  de  la  Pa- 
lestine. (Voy.  Correspondance  d'Orient,  t.  IV,  p.  105,  166.) 

3 


34      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  L  ANCIENNE   FRANCE. 

des  pousses,  des  scions.  Ces  signes  recevaient  chacun 
le  nom  de  l'arbre  sur  le  bois  duquel  ils  étaient  gravés 
par  incision  ;  l'on  agitait  ces  fragments  taillés,  de  manière 
à  en  tirer  des  augures  (1).  Plus  tard,  cet  assemblage  de 
signes  fournit  ses  éléments  à  l'alphabet  dit  rimirjue,  qui 
prit  en  Irlande  le  nom  à'Or/ham  craobh,  c'est-à-dire  «  d'ar- 
bre aux  lettres  (2).  » 

Les  faits  que  je  viens  de  rappeler  montrent  à  quel 
point  avait  pénétré  dans  les  usages  populaires  de  l'Europe 
le  culte  des  forêts  et  des  arbres. 

En  France,  il  y  a  un  petit  nombre  d'années,  plusieurs 
arbres  demeuraient  entourés  de  la  vénération  inspirée 
par  leurs  ancêtres.  Dulaure  nous  apprend  (3)  qu'on  voyait 
non  loin  d'Angers,  un  chêne,  nomme  Lapalud,  auquel 
les  habitants  rendaient  une  sorte  de  culte.  Cet  arbre,  que 
l'on  regardait  comme  aussi  vieux  que  la  ville,  était  tout 
couvert  de  clous  jusqu'à  la  hauteur  de  dix  pieds  environ. 
Un  usage,  datant  d'un  temps  immémorial,  voulait  que 


(1)  C'était  le  mode  de  divination  appelé  Rhabdomantie,  et  dont  il  est 
déjà  question  dans  la  Genèse. 

(2)  Ce  genre  d'écriture  paraît  avoir  été  un  des  plus  anciennement  usit '■.- 
chez  les  peuples  du  Nord,  et  un  passage  de  Pline  (Ilisl.  nal.  lib.  XYI, 
c.  XIV,  ^  9j  semble  se  rapporter  à  son  em])loi.  L'irlandais  fecidha,  et  le 
gallique  cjwijdd,  signifient  à  la  fois  arbre  et  lettre.  Dans  l'alphabet  ogham, 
toutes  les  lettres,  à  l'exception  du  P  [pelhovc)  et  du  T  {(inné),  avaient 
des  noms  d'arbres  ;  c'est  ainsi  que  A  {ailm)  s'appelait  «  ormeau,  »  B 
(beitli)  «  bouleau,  »  C  (coU)  <<  coudrier,  »  D  [ditir)  «  chone,  »  E  {eagli) 
«  peuplier,  »  F  {frarn)  «  aune,  »  etc.  (Voy.  E.  Davies,  Cellic  researclics, 
]).  246.  —  J.  O'Donovan,  A  grammar  of  ilie  irisli  language,  Dublin, 
1845,  p.  XXXII.  —  E.  Duméril,  De  l'origine  des  runes,  dans  ses  Mé- 
langes archéologiques  et  Vdièraires,  p.  77.  Paris,  1850.)  Les  Scandinaves 
appelaient  les  lettres  hâtons  de  hêtre,  «  Bok-stafir,  »  parce  qu'ils  gra- 
vaient les  runes  sur  des  bâtons  faits  de  ce  bois,  qui  étant  sans  filaments 
et  sans  nœuds  se  jjrète  inioux  aux  incisions.  C'est  à  la  même  étymoiogie 
qu'appartient  l'allemand  Ditchslabc  «  lettre,  »  proprement  «  bâton  de 
hêtre.  »  (Voy.  ce  que  dit  Fry,  Pantographia,  p.  507,  sur  la  manière 
dont  les  Bretons    se    servaient  pour  écrire  de   ces  sprigs  ou  rods.) 

(3)  Histoire  abrégée  des  di/l'érents  adtcs,  2«  édit.  t.  I,  p.  70. 


INTRODUCTION.  35 

chaque  ouvrier  charpentier,  charron,  menuisier,  maçon, 
qui  passait  près  de  ce  chêne,  y  fichât  un  clou  (1). 

Plusieurs  de  ces  arbres  vénérés  avaient  été  consacrés  à 
la  Vierge  ou  aux  saints,  et  décorés  de  petites  statues, 
d'images  de  croix  qu'apportaient  les  pèlerins.  Tel  a  été  le 
cas  pour  le  célèbre  chêne  à  la  Vieivje,  qu'on  voit  à  l'ex- 
trémité du  Ban-de-Mailly,  dans  l'ancien  duché  de  Bar,  et 
dans  le  tronc  duquel  est  pratiquée  une  niche  décorée  d'une 
madone  (2). 

Au  Tyrol,  la  Vierge  a  recueilli,  de  même,  l'héritage  des 
antiques  divinités  forestières,  et,  en  particulier,  celui  de 
Frigga,  que  rappelle  l'épithète  de  diealteFrouica,  qu'elle 
reçoit  encore.  Des  chapelles  en  son  honneur  ont  été  cons- 
truites au  milieu  des  bois  (3),  au  pied  des  arbres  (4),  où 
accourent  en  pèlerinage  les  chasseurs  tyroliens  (5). 

La  fête  de  la  plantation  des  Mais,  si  générale  en  France , 
se  rattache,  sans  contredit,  à  ce  culte  fétichiste  (6). 

(1)  Nous  avons  vu  plus  haut  que  le  même  usage  existe  en  Perse  poul- 
ies arbres  sacrés  ou  Dirakhl  i  fazel. 

(2)  H.  Lepage,  Le  département  de  la  Meurthe,  slalistique  historique  et 
tidministrative,  l.  11,  p.  337. 

(3;  Tels  sont  les  pèlerinages  célèbres  de  Waldrast,  sur  le  Serloshercj , 
dans  le  Wippthal,  de  Maria  Hilf,  dans  le  Grùnwald,  près  de  Brixlegg,  de 
IJnsere  liebe  Froii,  dans  le  Jochberg,  et  dans  la  forêt  de  Gampen.  (Yoy. 
Ign.  Vincenz  Zingerle,  Wald,  Baume,  Kràuler^  dans  la  Zeitschrift  fïir 
(leutsclie  Mythologie,  her.  von  J.  W.  Wolf,  t.  1,  p.  325-326.  Goettingue, 
1854.) 

(4)  Tels  sont  les  pèlerinages  de  Sainte-Marie-du-Tilieul,  sur  le  Geor- 
genberg,  de  Sainte-Marie-du-Melèze,  de  Sainte-Marie-du-Sapin,  etc. 
Voy.  Zingerle,  oiiv.  cit.  p.  325.) 

(5)  Cette  circonstance  fit  imposer  à  une  des  forêts  du  Tyrol  le  nom 
«le  Gnadenivald,  à  cause  des  grâces  que  valaient  aux  pèlerins  les  nom- 
l)reuses  chapelles  qu'on  y  avait  construites.  (Zingerle,  ouv.  cil.) 

(6)  Voy.  M"»^  Clément,  Histoire  des  fêles  du  déparlement  du  Nord, 
p.  356  et  suiv.  Coremans,  L'année  de  V ancienne  Belgique,  p.  21. 
Bruxelles,  1844.  11  est  digne  de  remarque  qu'en  Angleterre  celui  qui 
préside  à  la  fête  de  la  plantation  du  Mai,  reçoive  précisément  le  nom 
de  Robin  Hood,  <«  Robin  des  Bois.»  (Voy.  plus  haut.  Conf.  Revue  britan- 
nique, 5e  série,  l,  XI,  p.  158.) 


36      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

En  Irlande,  certains  ifs  d'une  antiquité  extraordinaire, 
qui  encadrent  le  porche  des  églises  (d),  remontent  à  l'usage 
qu'avaient  les  Celtes  de  consacrer  les  arbres  aux  dieux, 
usage  que  les  apôtres  du  christianisme  ont  dû  accepter 
en  le  transformant,  comme  ils  l'ont  fait  pour  tant  d'au- 
tres superstitions  (2).  Ils  mirent  sous  le  patronage  de  la 
Vierge  et  des  saints  ces  arbres  vénérés  (3). 

Ce  ne  fut  pas  seulement  de  sanctuaires  que  les  forêts  do 
la  Gaule  et  de  la  Germanie  servirent  aux  populations, 
leurs  clairières  furent  aussi  les  lieux  d'assemblée ,  de 
réunion.  En  Gaule,  c'était  là  qu'à  certaines  époques,  les 
Druides  tenaient  leurs  conciles,  et  quelques  localités  sont 
données  par  la  tradition,  comme  ayant  eu  jadis  cette  des- 
tination. On  l'a  vu  plus  haut  par  le  témoignage  de  Tacite, 
les  Germains  s'assemblaient  dans  les  forêts  pour  certaines 
solennités  religieuses.  C'est  sans  doute  pour  ce  motif  que 
les  massifs  qui  ombragent  les  sommets  de  l'Abnoba  re- 
cevaient le  nom  du  dieu  Wodan  ou  Odin,  et  une  forêt 

(1)  Tels  sont  les  ifs  de  Newry,  dont  la  plantation  est  attribuée  à 
saint  Patrice,  et  ceux  de  Glendaborough  qu'on  dit  avoir  été  plantés  pai 
saint  Kevin. 

(2)  "Voy.  ce  qui  a  été  rapporté  dans  la  vie  de  saint  Maurille,  d'un  lucus 
que  détruisit  cet  apôtre  au  Payus  commoninis  fBolland.  Ad.  Sanct., 
xm  septemb.,  p.  74,  col.  2);  ce  qui  est  dit  du  cultf  des  arbres  et  des 
forêts  chez  les  Gaulois,  au  temps  de  l'apostolat  de  saint  Amand  (Bolland. 
Act.  I  febr.  p.  850}  et  du  même  culte  chez  les  habitants  du  pays  de  Caux 
lois  de  l'apostolat  de  saint  Valéry.  (Bolland.  Act.  April.,  1. 1,  p.  617.) 

(3)  En  Irlande,  les  chênaies,  appelées  dans  l'idiome  de  ce  pays  doire, 
furent  consacrées  au  Christ.  Lorsque  saint  Columba  vint  au  vi*  siècle 
prêcher  la  foi  dans  l'île,  il  fit  élever  deux  monastères  au  milieu  de 
ces  forêts  sacrées  :  l'un  au  lieu  qui  a  longtemps  gardé  le  nom  de  Doire, 
ot  est  devenu  ensuite  par  corruption  Dcrry  ;  l'autre  à  Doire-Magh  ou 
Durrow  dans  le  King's  county.  La  présence  du  mot  Doire  comme  élément 
composant  dans  le  nom  d'un  grand  nombre  d'églises  en  Irlande,  montre 
que  les  disciples  de  saint  Columba  en  agirent  de  même.  Tels  sont  Doire- 
mella,  Doire-moor,  Doire-inis,  Dar-neagh,  Dar-arda,  Dore-bruchais, 
Dore-chacohain.  Dore-cUiiiseriyh,  Doredunchon,  Kil-doire,  A'il-derrff. 
(Voy.  E.  Ledwich,  The  anttquilies  oflrhmd.  2"^  édil.  p.  70,71.  Dublin, 
1804.) 


INTRODUCTION.  37 

voisine  de  la  Forêt-Noire  doit  à  cette  circonstance  son  nom 
d'Odenwald  (1). 

Le  Champ  de  feu  ou  Hochfeld,  dans  les  Vosges,  fut 
un  de  ces  lieux  de  réunion.  On  y  voit  encore  de  nom- 
breux monuments  qui  semblent  appartenir  à  l'époque 
druidique  (2).  Une  enceinte  de  ce  genre  se  trouvait  au 
milieu  de  la  forêt  des  Garnutes,  et  c'est  là  que  se  tenait 
l'assemblée  générale  des  druides  gaulois.  Ces  emplace- 
ments répondent  aux  Valplatzen  des  anciens  Scandina- 
ves, lieux  choisis  spécialement  pour  les  diètes  religieuses, 
et  qu'entouraient  des  blocs  de  pierre  grossièrement 
taillés  (3). 

Les  Celtes  aimaient  à  se  faire  enterrer  à  l'ombrage  des 
hautes  futaies.  On  a  observé,  dans  plusieurs  forêts  an- 
ciennes, des  tumulus  et  des  tombelles  gauloises.  Au  bois 
des  Loges,  reste  de  l'ancienne  forêt  de  Fécamp,  des 
fouilles  ont  révélé  l'existence  d'un  grand  cimetière  gallo- 
romain,  et  des  restes  de  sépultures  antiques  ont  été  re- 
trouvés au  bois  des  Haulles,  près  Etretat  (4).  Dans  la 
forêt  de  Garnoet  (Finistère),  fut  récemment  mise  au  jour 
une  sépulture  contenant  divers  objets  de  travail  gau- 
lois (5).  Dans  la  forêt  de  Duault  (  arrondissement  de 
Guingamp),  où  les  ducs  de  Bretagne  avaient  jadis  leur 
haras,  et  qui  conservait,  il  y  a  une  cinquantaine  d'années, 


(1)  Eginhard,  Histor.  translat.  martyr.  MarcelL  et  Pétri,  édit. 
Teulet,  l.  II,  p.  ns. 

(2)  Elie  de  Beaumont  et  Dufrénoy,  Explication  de  la  carte  géol.  de 
France,  t.  I,  p.  272. 

(3)  Voy.  Chr.  Keferstein,  Ansichten  ûber  die  keltischenAlteflhuiner, 
1. 1,  p.  283. 

(4)  Cochet,  Normandie  souterraine,  chap.  vu.  —  Sépultures  gauloises, 
romaines,  franques,  p.  45. 

(5)  Annales  forestières,  t.  II,  p.  547  ;  Revue  archéologique,  1. 1,  p.  133. 
Les  antiquités  découvertes  à  Carnoet  ont  été  déposées  au  Musée  de  l'hôtel 
de  Cluny,  à  Paris. 


38      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIEN. NE  FRANCE. 

encore  tout  à  fait  l'aspect  d'une  forêt  primitive,  est  un 
monument  appelé  le  Calvaire  de  la  Motte,  qui  paraît  avoir 
été  le  tombeau  d'un  haut  personnage.  Les  habitants 
du  pays  croient  que  le  dolmen  qui  le  surmonte  est  la 
pierre  sur  laquelle  saint  Guénolé  vint  d'Angleterre  en 
Bretagne  (1). 

En  diverses  localités  des  Vosges,  on  a  trouvé  des  cime- 
tières gaulois  au  milieu  des  bois.  Sur  le  plateau,  jadis 
couronné  de  forêts,  que  surmontent  les  ruines  du  chàtelet 
de  Bonneval,  furent  découverts,  au  lieu  nommé  Goutte- 
des-Tomhes,  un  dolmen  et  de  nombreux  tumulus  gaulois 
dont  on  a  retiré  des  médailles  et  des  armes  gallo-ro- 
maines (2).  Les  forêts  de  Rixheim,  de  Schirrhein,  de  Bru- 
math,  de  Hatten,  les  bois  de  Niedernai,  en  Alsace,  ca- 
chaient des  tombes  celtiques  (3).  La  présence  de  tombelles 
celtiques  a  été  signalée  dans  un  grand  nombre  de  nos 
bois  (4).  Le  même  fait  s'est  produit  en  Angleterre.  Le 
canton  du  Lancashire  qui  s'étend  entre  Kirkby-Moor, 
Woodland  et  Dalton,  jadis  couvert  de  forêts,  présente  les 
restes  d'un  vaste  cimetière  celte  (5). 

En  Allemagne,  c'est  souvent  dans  les  profondeurs  des 
forêts,  à  l'ombre  des  bocages,  sous  de  hautes  futaies,  que 
l'on  retrouve  ces  antiques  tombeaux,  connus  sous  le  nom 
de  Hunenç/rœber,  et  qui  remontent,  pour  la  plupart,  au 


(1)  Habasquc,  Notices  historiques  sur  les  Câtes-du-Nord,  1. 111,  p.  3i. 

(2)  H.  Lepage  et  Charton,  le  Dëparlement  des  Vosges,  t.  II,  p.  68. 

(3)  Voy.  M.  de  Ring,  Tombes  celtiques  de  V Alsace,  2«  édit.,  p.  17  et 
suiv. 

(4)  Ainsi  on  a  trouvé  des  sépultures  gauloises  dans  la  forêt  de  Gartempe 
(Creuse)  [Bulletin  de  la  Société  de  la  Creuse,  1843,  p.  49),  dans  les  bois 
de  Martigny-lèz-Lamarche,  dans  le  département  des  Vosges  (Lepage  et 
Charton,  ouv.  cit.  t.  II,  p.  317).  Voy.  ce  qui  est  dit  à  proi)OS  de  plusieurs 
forêts  dans  le  cours  de  cet  ouvrage. 

(5)  Voy.  le  mémoire  de  M.  Charles  M.  Jopling,  dans  le  tom.  XXXI  de 
VArchxoloyia,  p.  451  et  suiv. 


INTRODUCTION.  39 

temps  des  anciens  Germains  (i).  De  là  les  traditions  qui 
représentent  les  géants  comme  s'étant  retirés  au  fond  des 
forets,  où  l'on  croit  rencontrer  çà  et  là  leurs  tombeaux. 
Les  géants  sont,  dans  l'imagination  des  peuples  germani- 
ques, la  personnification  de  la  vie  rude  et  sauvage»de  leurs 
ancêtres,  dont  la  haute  taille  avait  frappé  les  Romains. 
En  Alsace  on  dit  que,  jadis  habitants  du  pays  (2),  ils  ont  fui 
devant  l'homme,  et  sont  allés  ensevelir  leur  existence  mys- 
térieuse dans  les  retraites  impénétrables  des  Wœlder  (3). 
L'histoire  des  forêts  si  elle  ne  nous  intéressait  pas 
déjà  à  un  haut  degré  sous  le  rapport  de  la  géographie,  de 
l'économie  politique  et  agricole,  si  elle  ne  se  liait  pas  à  la 
connaissance  d'une  foule  de  faits  curieux,  devrait  donc 
encore  attirer  notre  attention,  parce  qu'elle  éclaire  l'his- 
toire des  croyances  religieuses  de  la  vieille  Europe.  En 
disparaissant,  elles  ont  emporté  avec  elles  bien  des  Iradi- 
tions  et  des  usages,  des  superstitions  et  des  idées  dont  l'an- 
tiquaire, l'érudit  aiment  à  ressaisir  les  traces.  En  suivant, 
époque  par  époque,  province  par  province,  la  marche  du 
déboisement  dans  la  Gaule  et  l'ancienne  France,  en 
fouillant  le  sol  où  les  vieux  troncs  ont  laissé  leurs  racines, 
en  écartant  la  mousse  qui  couvre  les  places  où  s'élevaient 
jadis  tant  de  belles  futaies,  nous  retrouverons  des  vestiges 
curieux  de  l'état  primitif  de  notre  pays  ;  ils  nous  serviront 
à  refaire  en  imagination  la  patrie  de  nos  pères. 

(1)  Fr.  Mûller,  Die  Hunengrxher  di^n's>BQ\i\çn,  Allgemeine  Forst-und- 
Jagd-Zeitung,  1834,  p.  240. 

(2)  A.  Stôber,  Die  Sagen  des  Elsasses,  p.  88. 

(3)  Voy.  à  ce  sujet  dans  les  Kindes-iond-Hausmsehrchen  publiés  par 
les  frères  Grimm,  la  tradlLion  hessoise  sur  les  colonnes  de  géants,  celle 
de  Brixen  sur  les  géants  venus  de  l'Unterberg.  et  celles  de  l'Odenwald 
sur  les  géants  du  Lichtenberg.  On  peut  rapprocher  de  ces  légendes  la 
tradition  poméranienne  sur  le  bruit  qui  se  fait  dans  le  tombeau  des 
géants. 

FIN  DE  L'INTRODUCTION. 


LES 

FORÊTS  DE  LA  GAULE 

ET  DE  L'ANCIENNE  FRANCE 
CHAPITRE  PREIVIIER. 

ÉTAT    FORESTIER   PRIMITIF   DE    LA   GAULE. 

On  ne  saurait  douter  que  la  Gaule,  à  l'époque  de  la 
conquête  romaine,  ne  présentât  encore  sur  beaucoup  de 
points  l'aspect  d'une  vaste  forêt  ;  elle  devait  offrir  alors  à 
peu  près  la  même  physionomie  que  l'Amérique  du  Nord, 
il  y  a  un  siècle  (1).  Pomponius  Mêla,  qui  écrivait  au  com- 
mencement de  notre  ère,  qualifie  ia  Gaule  :  «  (ÏAîJîœiîa 
lucis  immanibus  i^)  ;  »  et  tout  ce  que  nous  rapporte  César 
en  ses  Commentaires  est  d'accord  avec  les  paroles  du 
géographe  latin.  Dans  le  pays  des  Belges,  les  habitations 
se  trouvaient  d'ordinaire  au  voisinage  des  bois^  et  même 
parfois  au  milieu  des  forêts  (3).  C'était  également  là  le 
caractère  des  bourgs  ou  villages  de  la  Grande-Bretagne, 
moins  avancée  en  civilisation,  et  où  des  populations  belges 
avaient  porté  leur  langue  et  leurs  usages  (4).  Le  centre 
et  le  midi  de  la  Gaule  avaient  déjà  subi,  au  temps  de 
César,  de  nombreux  et  d'importants  défrichements.  Non- 
seulement  les  parties  naturellement  découvertes  étaient 

(1)  Voy.  à  ce  sujet  J.  S.  Springer,  Foresl  life  and  forest  Irees  (New- 
York,  1851).  —Dlackwood's  Magazine,  1855,  p.  335. 

(2)  Desilu  orbis,  III,  2. 

(3)  Caesar,  De  bell.  gall.  VI,  30. 

(4)  Caesar,  De  belL  gall.  V,  31.  —  Oppidum  autem  Britanni  vocant, 
quum  silvas  impeditas  vallo  atque  fossa  munierunt. 


42      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'ANCIENNE  FRANCE. 

semées  de  blé,  d'orge  et  d'autres  céréales  (1),  mais  de  plus 
on  avait  pratiqué  dans  presque  toutes  les  forets  des 
clairières  qui  ne  cessaient  de  s'agrandir.  Les  habitants, 
comme  toutes  les  populations  primitives  (2),  fertilisaient  le 
sol,  dépouillé  de  son  ombrage,  avec  la  cendre  des  arbres, 
seul  amendement  connu  des  populations  sylvaines  (3).  Il  est 
donc  naturel  de  supposer  que  déjà  plus  d'un  siècle  avant 
notre  ère,  les  forêts  ne  présentaient  pas  partout  une  ligne 
continue  d'arbres,  qu'en  plusieurs  cantons  alternaient 
avec  elles  les  champs  et  les  bois  ;  mais  à  tout  instant  la 
végétation  arborescente  reparaissait,  en  sorte  qu'au  centre 
et  au  sud-ouest  de  la  Gaule,  le  pays  devait  avoir  sensi- 
blement la  physionomie  de  ces  cantons  de  la  Norman- 
die, du  Perche,  de  l'Anjou  et  du  Poitou,  désignés  sous 
le  nom  de  bocage.  Les  buissons,  associés  à  quelques  bali- 
veaux, constituaient  pour  \ager  de  chaque  parjusy  de 
chaque  u/cî«,  un  enclos,  une  enceinte  naturelle.  Les  haies 
dont  César  signale  la  présence  chez  les  Nerviens  (4),  s'éle- 
vaient comme  les  témoins  des  forêts  primitives  dont  elles 
étaient  les  débris.  Mais  sur  les  frontières  du  territoire  des 

(1)  Plin.  Ilisl.  nal.  XVII,  n.  Voyez  ce  qui  est  dit  ù  ce  sujet  au  cha- 
pitre IV. 

(2)  Lorsque  les  Orang  Gunong,  (jui  habitent  les  forets  de  l'île  de 
Banka,  ont  fait  choix  d'un  canton  pour  leur  demeure,  ils  commencent 
par  abattre  les  arbres,  construisent  une  enceinte  avec  les  petits  troncs 
et  les  branches,  brûlent  les  plus  gros  et  les  souches,  puis  sèment  le 
sol  et  attendent  sous  leurs  huttes  le  produit  de  leurs  moissons.  Les  plan- 
tations ou  enclos  de  ce  genre  sont  appelais  par  ces  peuplades  Dartg.  (Voy. 
Horsfield,  Reporl  on  the  island  of  Banka,  dans  Xa  Journal  of  llie  Imlian 
Archipelarjo,  1848,  p.  333.) 

(3jDans  le  langage  des  tribus  Bodo  et  Dhimal,  races  indigènes  de  l'Hin- 
doustan,  le  terme  employé  pour  exprimer  l'idée  d'agriculture  signitie  : 
abattage  ou  éclaircissement  de  la  foret.  (Voy.  B.  H.  Hodgson,  On  the 
aborigènes  of  India,  p.  139.)  C'est  par  l'opération  de  la  roza  ou  défri- 
chement par  le  feu,  que  les  colons  espagnols  ont  mis  en  culture  la  ma- 
jeure partie  de  l'Amérique  méridionale.  (Voy.  pour  plus  de  détails  à  cet 
égard,  Weddel,  Voyage  dans  le  nord  de  la  Bolivie,  p.  336.) 

(i)  De  bell.  gall.   II,  17. 


î 


CHAPITRE   1.  43 

cités,  le  sol  gardait  clans  toute  leur  épaisseur  ses  antiques 
ombrages.  Les  forêts  formaient  entre  les  territoires  de  vé- 
ritables frontières,  comme  un  espace  neutre  ;  car,  à  cette 
époque,  les  nations  n'avaient  pas  l'habitude  de  tracer  avec 
la  rigueur  d'aujourd'hui  la  ligne  de  démarcation  de  leur 
domaine  respectif.  Les  marches  ou  frontières  étaient  lais- 
sées sans  culture,  suivant  un  usage  commun  à  la  Gaule 
et  à  la  Germanie,  et  quand  la  région  intermédiaire  entre 
deux  ou  plusieurs  civitates  était  favorable  à  la  végétation 
des  bois,  elle  se  recouvrait  bientôt  de  vastes  forêts.  Il 
subsiste  en  France,  comme  nous  le  verrons  plus  loin, 
quelques  vestiges  de  ces  grandes  marches  toutes  boisées. 
C'est  ainsi  que  la  frontière  méridionale  de  l'ancien  pays 
des  Tricasses,  qui  se  trouve  hors  de  la  région  de  la  craie, 
sur  un  sol  profond  et  fertile,  présentait  à  l'origine  une 
longue  bande  arborescente  d'une  largeur  assez  considé- 
rable, et  dont  les  forêts  d'Othe,  d'Aumont,  deRumilly,  de 
Chaource,  de  Chappes,  d'Orient,  de  Soulaines,  de  Bliffeix 
et  de  Der  sont  les  restes  (1). 

Au  nord  de  la  Gaule,  les  forêts  étaient  toutefois  trop 
étendues  pour  être  prises  comme  frontières  entre  deux  ou 
plusieurs  peuples  ;  elles  recouvraient  souvent  des  terri- 
toires entiers,  ainsi  que  cela  avait  lieu,  par  exemple,  pour 
celui  des  Trévires,  des  Nerviens  et  des  Sylvanectes(2).  Et 
cette  extension  démesurée  des  arbres  contribuait  à  perpé- 
tuer, chez  plusieurs  des  populations  belges,  les  habitudes 
de  la  vie  sylvaine  primitive  que  menaient  encore  à  cette 
époque  les  Germains.  Ceux-ci  étaient  de  véritables  no- 
mades de  forêts  ;  ils  trouvaient  dans  la  chasse  et  l'élève 
des  bestiaux  leurs  principaux  moyens  de  subsistance,  et 

(1)  Voyez  à  ce  sujet  H.   d'ArLois  de  Jubainville,   Voyage  paléogra- 
phique dans  le  département  de  l'Aube,  p.  214.  (Troyes,  1855.) 
{Vj  Voy.  ce  qui  est  dit  plus  loin. 


44      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  L'ANCIENNE  FRANCE. 

quand  ils  avaient  épuisé  le  fourrage  et  le  bois  d'un  can- 
ton de  la  forêt  où  étaient  dressées  leurs  huttes,  et  récolté 
un  peu  de  blé,  ils  se  transportaient  dans  un  autre,  oîi 
leur  séjour  n'était  également  que  temporaire  (1).  Ils  agis- 
saient, en  en  mot,  comme  agissent  encore  aujourd'hui  les 
débris  des  premières  populations  indigènes  de  l'IIindous- 
tan,  du  Kumaon  (2),  du  Népal  et  de  TAssam  (3).  La  forêt 
fournissait  à  tous  leurs  besoins,  comme  elle  fournit  à  tous 
ceux  de  diverses  tribus  sauvages  de  la  Malaisie  et  de  l'ar- 
chipel Indien  (4). 

Ainsi,  malgré  les  progrès  de  l'agriculture  en  Gaule, 
ce  pays  demeura  pendant  bien  des  siècles  une  contrée  es- 
sentiellement forestière,  dont  le  climat  âpre  et  froid  était 


(1)  Tacit.  Gcrma7i.,b,  15,  IG,  26.  — Kuivantune  vieille  traditionalle- 
maude  qui  a  cours  encore  chez  quelques  paysans  de  l'Alsace,  et  que  j'ai 
rappelée  dans  l'Introduction,  les  géants  gouvernèrent  d'abord  les  hommes  ; 
mais  peu  à  peu  ils  furent  repoussés  par  eux  et  contraints  d'aller  ensevelir 
leur  existence  dans  les  forêts  et  les  montagnes.  [A.  Stôber,  Die  Sagen 
des  Elsasscs,  p.  88.)  Ces  géants  sont  visiblement  la  personnification  delà 
population  sauvage  vivant  dans  les  bois,  avant  l'introduction  de  la  civili- 
sation romaine. 

(2)  C'est  là  l'existence  que  mènent  les  Radjis,  race  aborigène  des  pro- 
vinces de  Kumaon  et  de  Garhwal.  Voy.  Strachey,  On  llie  physical  gcogra- 
phy  of  ihe  provinces  of  Kumaon  und  Garhwal  dans  le  Journal  of  Ihe 
royal  geographical  society  ofLondon,  t.  XV,  p.  80. 

(3)  Voy.  A  Sketch  ofAxsani,  ivilh  some  account  ofthe  hill-lribes  by  an 
officer  (London,  1847),  et  B.  H.  Hodgson,  On  ihe  aborigènes  ofJndia, 
p.  151  et  suiv.  (Calcutta,  1847). 

(4)  C'est  ce  qui  a  lieu  pour  les  Mintiras,  les  Semang,  les  Dayaks,  les 
Michmis.  (Voy.  Journal  ofllie  indianarchipelago  andeasleniAsia,  1847, 
n"  5,  suppL,  ]j.  307,  1849,  p.  109  et  suiv.)  Les  Semang  peuvent  être  con- 
sidérés comme  le  peuple  des  bois  par  excellence.  Ils  vivent  au  milieu  des 
forêts  sous  un  simple  toit  de  ])ranchages,  se  vêtissent  de  feuilles  et  se 
distinguent  entre  eux  jjar  les  noms  des  arbres  sous  lesquels  ils  sont  nés. 
(James  Low,  Journal  cité,  août  1850,  p.  425,  427.)  Les  Moi,  tribu  sau- 
vage, qui  Jiabite  entre  la  Cochinchine  et  le  Camboge,  vivent  aussi 
comme  les  singes,  sur  les  arbres,  où  ils  construisent  dus  huttes  de  bran- 
ches, dans  lesquelles  ils  demeurent  confinés.  (Voy.  Gutzlaff,  On  Ihe  Co- 
chinchine empire,  dans  le  Journal  oflhe  royal  geographical  sociely  ofLon- 
don. Tom.  IX,  part.  2,  p.  190.) 


CHAPITRE    I.  45 

aussi  redouté  des  Romains  que  nous  redoutons  maintenant 
celui  de  la  Suède  ou  de  la  Norvège.  Florus  ne  distingue  pas 
entre  le  ciel  de  la  Gaule  et  celui  de  la  Germanie  ;  il  les  qua- 
lifie tous  deux  d'atrox  cœlum'\\). 

En  s'aidant  du  témoignage  des  anciens,  il  est  possible 
de  se  faire  une  idée  de  la  singulière  extension  des  forêts 
dans  la  Gaule,  lors  de  l'établissement  de  la  domination 
romaine.  Quand,  débarqué  sur  la  côte  de  Massilia,  le  Latin 
pénétrait  dans  notre  pays,  en  suivant  la  direction  du  Nord, 
il  rencontrait,  à  mesure  qu'il  s'avançait,  des  bois  de  plus 
en  plus  épaio,  de  plus  en  plus  vastes.  A  peine,  après  avoir 
passé  laDurance,  était-il  entré  dans  la  Viennoise,  qu'il  lui 
fajlait  traverser  de  grandes  forêts,  où  subsistait  encore,  il 
n'y  a  pas  deux  siècles,  le  souvenir  des  cérémonies  drui- 
diques (2).  Au  delà  et  à  l'ouest  s'allongeait  la  chaîne  boisée 
des  Cévennes,  où  l'abondance  des  arbres  avait  fait  honorer 
d'un  culte  particulier  le  dieu  Sylvain  (3).  Le  même  dieu 
comptait  dans  l'Hehétie,  qui  formait  l'extrémité  orientale 
de  la  Gaule,  de  nombreux  adorateurs  (4),  en  raison  des 
épaisses  forêts  de  ce  pays,  que  nous  décrirons  plus  loin, 
et  qui  allaient  se  joindre  à  celles  de  la  Rhétie  et  de  la 
Gaule  cisalpine,  lesquelles  servaient  de  frontière  septen- 
trionale à  l'Italie  (5). 

(1)  Florus,  III,  3. 

(2)  Chorier,  Histoire  générale  du  Daupliiné,  t.  I,  liv.  1,  p.  60  (Gre- 
noble, 1661). 

(3j  D.  Martin,  Religion  des  Gaulois,  t.  1,  p.  198. 

(4)  Orelli,  Inscr.  lai.  sélect.  N°«  276,  328,  333. 

(5)  Les  Romains,  au  temps  de  César  et  do  ses  successeurs,  tiraient  des 
forêts  de  la  Rhétie  leurs  bois  de  construction.  (Plin.  Hist.  nat.,  lib.  XVI, 
c.  Lxxiv  et  Lxxvi.)  Ces  forêts  s'étendaient  jusqu'au  lac  de-Côme,  que 
Pline  le  Jeune  nous  représente  comme  environné  de  forêts  habitées  par 
des  bêtes  fauves  (lib.  II,  ep.  7).  Des  forêts  de  sapins  ombrageaient  la 
source  du  Pô  (^Padus),  et,  suivant  Mélrodore  de  Scepsos.  elles  avaient 
valu  à  ce  fleuve  son  nom  ;  Padus  signifiant  pin  en  gaulois  (Plin.  JlisL 
nrtL  1.  III,  c.  XX,  g  16). 


1 


46      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  L  ANCIENNE  FRANCE. 

Le  pays  des  Arvernes  et  celui  des  Éduens  ne  pouvaient 
sans  doute,  à  raison  de  leur  sol  généralement  granitique 
ou  trachytique,  offrir  sur  tous  les  points  ces  essences  vi- 
goureuses qui  donnent  naissance  aux  forêts  les  plus  pro- 
fondes et  les  plus  étendues.  Mais  les  essences  qui  s'ac- 
commodent d'un  terrain  sec  et  aride,  s'y  groupaient  en 
une  multitude  de  bouquets  et  de  buissons.  La  puissance  de 
ces  deux  peuples,  déjà  grande  à  l'arrivée  des  Romains,  fait 
supposer  qu'ils  avaient  enlevé  à  la  végétation  forestier^ 
bon  nombre  de  terrains  pour  les  donner  à  la  culture. 

La  région  du  territoire  éduen  que  traversait  le  Rhône 
était  certainement,  comme  l'ouest  du  pays  des  AUobroges, 
couverte  de  champs  de  blé,  dont  le  produit  suffit  et  /lu 
delà  à  la  consommation  des  habitants  (i);  les  forêts  en 
avaient  donc,  lors  de  la  conquête  romaine,  en  grande 
partie  disparu. 

Les  Sénons  étaient  séparés  des  Carnutes  par  les  forêts 
de  Fontainebleau  et  de  Montargis,  à  travers  lesquelles 
César  dut  opérer  sa  marche,  quand  il  se  dirigea  sur  Gena- 
biim  (Orléans)  et  Bihracte.  C'est  au  milieu  de  ces  forêts 
qu'il  faut  aller  chercher  l'emplacement  encore  incertain 
de  Vellaunodunum. 

Le  centre  de  la  Gaule,  le  pays  des  Lemovices,  celui  des 
Cadurques,  celui  des  Bituriges,  à  en  juger  par  l'espace 
borné  qu'y  occupaient  les  forêts  au  moyen  âge,  était  loin 
d'offrir  des  ombrages  aussi  prolongés  et  aussi  épais.  Les  Ca- 
durques avaient  de  grands  champs  de  lin  (2),  Chez  les  Bi- 
turiges, le  déboisement  avait  dû  être  amené  par  les  besoins 
de  l'industrie  du  fer  :  car  ce  peuple  exploitait  des  mines 
importantes  (3).  Son  agriculture  était  productive,  puisqu'à 


(1)  Voy.  ce  que  dit  César  [De  bell.  fjall.  I.  23,  28). 

(2)  Strabon,  IV,  m,  yi.  158,  éd.  Millier  et  Dubnor. 

(3)  CEusar,  De  bell.  gall.  VIT,  22;  Slrabon,  1.  c. 


I 


CHAPITRE    1.  47 

l'arrivée  de  César  en  Gaule,  le  territoire  des  Bituriges 
était  regardé  comme  im  des  plus  fertiles  de  cette  con- 
trée (i);  il  comptait  des  villes  nombreuses  et  nourrissait 
une  population  abondante.  Ce  que  César  rapporte  d'une 
nouvelle  que  les  habitants  de  Genabmn  (Orléans)  trans- 
mirent, en  un  seul  jour,  par  des  cris  répétés  de  village  en 
village  jusqu'aux  confins  du  pays  des  Arvernes  (2),  ne 
saurait  s'expliquer,  sans  admettre  au  centre  de  la  Gaule 
une  population  très-dense  (3).  Quoique  le  pays  des  Car- 
nutes  fut  couvert  d'immenses  forêts  (4),  dont  nous  verrons 
plus  loin  qu'il  subsista  des  vestiges  nombreux  au  moyen 
âge,  Genabum  renfermait  cependant  assez  d'approvision- 
nements pour  servir  de  quartiers  d'hiver  aux  armées  ro- 
maines (o).* 

Quant  à  l'Aquitaine  et  à  la  partie  de  la  Narbonnaise 
qui  y  confinait,  les  forêts  n'ont  jamais  dû  y  être  bien 
étendues  et  bien  profondes;  la  nature  du  sol  s'y  opposait, 
A  part  les  pins,  qui  ombrageaient  les  dunes  de  la  Gas- 
cogne (6),  où  ils  formaient  peut-être  des  fourrés  d'un  accès 
difficile (7),  le  littoral  de  l'Océan  jusqu'au  pays  des  San- 
tons ne  présentait  que  peu  d'essences  réunies  en  bois. 
En  général,  l'altitude  de  l'Aquitaine  dépasse  rarement 

(1)  De  bell.  gall.YU,  13,  32. 

(2)  Ibid.  VII,  3. 

(3)  Ibid.Yïl,  15.  Les  Biluriges  ne  comptaient  pas  moins  de  vingt  villes. 

(4)  Les  Commentaires  de  César  nous  représentent  ces  forêts  comme  peu 
accessibles,  à  raison  des  vents  et  des  mauvais  temps  qui  y  régnaient, 
"  nec  sylvarum  preesidio  tempestatibus  durissimis  tegi  possent.  »  De  bell. 
Oall.  VIII,  5.  Voy.  ce  que  je  dis  plus  loin  des  forêts  du  pays  chartrain. 

(5)  De  bell.  (jall.  VIII,  5.  Cf.  VII,  ii. 
(G)  Festus  Avienus,  Oramaritima,21\. 

(7)  Le  pin  constitue,  quand  il  est  jeune,  des  bois  très-fourrés  où  il  est 
tellement  serré  que  l'on  a  quelquefois  de  la  peine  à  les  traverser.  Plus 
tard,  s'il  peut  s'isoler,  son  tronc  pei'd  les  branches,  son  écorce  devient 
rouge,  les  rameaux  supérieurs  s'étendent  ou  se  redressent,  et  son  aspect 
n'est  plus  le  même.  Voy.  Lecoq,  Géographie  bolanique,  tome  I,  p.  456. 


48   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

300  mètres,  et  les  essences  alpestres  ne  se  rencontrentguère 
qu'au-dessus  de  1200  à  1300  mètres,  dans  les  montagnes 
de  l'Auvergne  et  la  chaîne  des  Pyrénées.  Ainsi  bien 
des  espèces  ne  pouvaient  venir  dans  la  plaine,  et  il  fallait 
remonter  dans  les  vallées  qui  s'étendent  au  pied  des  mon- 
tagnes, pour  y  trouver  la  forêt  avec  l'aspect  imposant 
qu'elle  avait  plus  au  nord  de  la  Gaule.  César  nous  dit 
d'ailleurs  que  les  Aquitains  exploitaient  les  mines  de  fer  (1); 
cette  industrie,  qui  s'est  perpétuée  jusque  de  nos  jours, 
employait  une  assez  grande  quantité  de  bois,  et  amena  na- 
turellement dans  la  montagne  un  commencement  de  déboi- 
sement. Tout  concourait  donc  à  faire  disparaître  du  sud- 
ouest  de  la  Gaule  cet  amas  démesuré  d'arbres  qui  se  re- 
trouvait au  contraire  avec  sa  physionomie  primitive 
dans  la  plus  grande  partie  de  la  Gaule  belgique.  Dans  la 
contrée  qui  prit  plus  tard  le  nom  de  Provence,  rétablisse- 
ment des  colonies  phocéennes  amena  de  bonne  heure 
la  destruction  des  forêts.  Celles  qui  ombrageaient  le  terri- 
toire de  Massilia  (Marseille),  au  vu"  siècle  avant  notre  ère, 
à  l'arrivée  des  Grecs  (1),  avaient,  au  temps  de  César,  fait 
place  à  des  cultures  et  à  des  plantations  d'oliviers. 

L'Armorique,  comme  le  pays  desAndecavi,  des  Abnn- 
catui,  des  Essid,  des  Diablhdes,  présentait  vraisembla- 
blement un  état  peu  différent,  sous  le  rapport  forestier, 
de  ce  que  nous  observons  au  moyen  âge.  L'élément  celti- 
que se  fondit  moins  avec  l'élément  latin,  dans  cette  partie 
de  la  Gaule,  qu'au  sud  de  la  Loire.  Les  Romains  y  avaient 
établi  plus  de  castella,  de  postes  militaires,  qu'ils  n'y 
avaient  fondé  de  villes.  Le  fleuve  qui  se  jette  dans  l'Océan 
près  de  Nantes,  étaitl'artère  principale  de  communication 


(1)  Quem  i)rimum  in  terram  agressi  occupaverant  locum,  palenlibu 
sylvis,  communirent.  Tite-Live,  V,  34. 


IS 

I 


CHAPITRE    I.  49 

avec  le  centre  et  le  sud  de  cette  vaste  province  et  les  rou- 
tes étant  moins  nombreuses  et  moins  fréquentées^,  la 
végétation  forestière  pouvait  plus  librement  se  maintenir 
et  s'étendre.  Nous  verrons,  en  traitant  de  l'état  forestier  de 
la  Bretagne,  de  l'Anjou,  du  Maine  et  de  la  Normandie,  que, 
cinq  ou  six  siècles  plus  tard,  de  grandes  zones  arborescen- 
tes recouvraient  encore  le  sol  de  cette  région  de  la  France, 
Toutefois  plusieurs  forêts  devaient  avoir  disparu,  à  l'épo- 
que carlovingienne,  et  de  ce  nombre  est  cerîainement 
la  célèbre  forêt  de  Scissy. 

L'extension  et  l'emplacement  originels  de  cette  forêt 
ont  fait  l'objet  de  recherches  nombreuses.  IMais  récemment 
M.  Laisné(l)  a  jeté  sur  cette  question  un  jour  nouveau,  et 
nous  résumons  ici  les  résultats  auxquels  il  a  été  conduit. 

La  forêt  de  Scissy  {Sessiacwu)  (2),  d'après  un  texte 
datant  certainement  du  ix*"  ou  x*"  siècle,  entourait 
le  mont  Saint-^Iichel,  sur  une  épaisseur  d'environ  six 
milles.  Ce  témoignage  appuyé  sur  d'anciens  souvenirs  (3) 
est  confirmé  par  le  moine  Guillaume  de  Saint-Pair  qui 
reproduisit  en  vers,  au  xiv  siècle,  les  mêmes  traditions. 
L'auteur  anonyme  d'un  manuscrit  écrit  du  xiv^au  xv  siè- 
cle et  donné  par  M.  L.  Delisle  à  la  bibliothèque  d'Avran- 
clies,  fait  aller  la  forêt  primitive,  du  territoire  de  cette 
ville  jusqu'à  Aleth  (Daletum),  autrement  dit  Saint-Servan. 


(1)  Voy.  A.  M.  Laisné,  Elude  sur  l'ancien  étal  de  la  haie  du  montSainl- 
Micltel  d'après  les  manuscrits-dé  l'abbaye  de  ce  mont,  dans  les  Mémoires 
lus  à  la  Sorbonnc  dans  les  séances  extraordinaires  du  comité  impérial 
des  trav.  historirpies  en  1865.  Archéologie  {Vdt.rx'S,,  18G6),  p.  81  et  suiv. 

(2)  Voy.  mes  Observations  sur  les  origines  du  mont  Saint-Michel,  et  en 
particidier  sur  l'existence  de  la  forêt  de  Scissy,  dans  les  Mémoires  de  la 
Société  roy.  des  Anticpiair.  de  France,  nouv.  série,  t.  VII.  p.  378  et  suiv. 

(3)  «  Qui  primumlocus,  sicut  averacibus  cognoscerepotuimusnarrato- 
iibuSjOpacissima  claudebatur  sylva,  longe  abOceani,  ut  a?stimatur,  sestu 
millibus  distans  sex,  dptissima  pnobens  lalibula  feranim.  »  Cf.  G.  de 
Saint-Pair,  le  roman  du  Mont  Saint-Michel,  éd.  F.  Micliel,  p.  3. 

4 


50       LES  FORÊTS  Di:  LA  (.AILE  Eï  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

Cette  forêt,  qui  subsistait  eno40,  et  quelques  années  plu> 
tard,  fut  graduellement  envahie  par  les  eaux;  la  mer  la 
détruisit  et  des  grèves  en  ont  pris  la  place.  On  a  découvert 
de  nos  jours,  enfoncés  dans  le  sable,  d'antiques  troncs  en- 
core debout,  qui  en  proviennent.  Ce  phénomène  naturel 
fut  représenté  par  la  légende  comme  un  miracle  qu'avait 
opéré  l'archange  Michel.  Il  date  de  la  fin  du  vi''  siècle  ou 
du  commencement  du  vu*";  mais  la  croyance  à  un  événe- 
ment surnaturel  qui  serait  lié  à  l'arrivée  de  saint  Aubert 
en  ces  lieux,  le  fit  reporter  au  viii'  siècle  ;  on  donna  pour 
un  cataclysme  soudain  ce  qui  était  dû  simplement  à  l'in- 
vasion successive  de  l'Océan. 

Cette  forêt  du  mont  Tombe  formait  une  marche  boisée 
entre  le  pays  des  A  brincatui,  des  Redones  et  des  Curio- 
solites;  elle  se  réunissait  vraisemblablement  à  d'autres 
dont  nous  retrouverons  les  vestiges,  en  recherchant  l'an- 
cien état  forestier  du  département  d'IUe-et-Vilaine. 

La  Seine  et  la  ]\Iarne  étaient  regardées  comme  la 
frontière  de  la  Celtique  et  de  la  contrée  occupée  par  les 
Belges  (1).  Mais  cette  frontière  n'était  pas  formée  par  deux 
simples  rivières  ;  elle  s'étendait  en  réalité  de  la  Loire  à  la 
Seine.  Du  nord  de  Genahum  jusqu'aux  portes  de  Lutèce, 
du  pays  des  Carnutes  à  celui  des  Veliocasses,  régnait  une 
de  ces  grandes  marches  forestières  dont  j'ai  parlé  tout  à 
l'heure.  Les  forêts  d'Orléans,  de  Montargis,  de  Fontaine- 
bleau, de  Rambouillet,  de  Laye,  en  sont  les  derniers  ves- 
tiges. Sans  doute,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin,  cette 
marche  boisée  a  été  de  bonne  heure  scindée  en  plusieurs 
forêts  distinctes;  mais  avant  l'arrivée  des  Romains, 
comme  on    ne  voyageait  guère  que  par  les  rivières, 


(1)  CaDsar,  De  hell.  cjull.  I,  1;  Sirabon,  IV,  i,  p.  147,  éd.  Millier  ot 
Dùbner. — Pomponius  Mêla,  III,  1, 


1 


CHAPITRE    I,  51 

il  n'avait  pas  été  nécessaire  d'ouvrir  un  grand  nombre 
de  routes  à  travers  cette  zone  d'arbres;  elle  gardait  alors 
certainement  sa  physionomie  originelle,  et,  après  leur 
établissement  dans  les  Gaules,  les  Romains  respectèrent 
une  partie  ou  peut-être  la  totalité  de  cette  grande  foret, 
comme  ils  le  firent  pour  l'Ardenne.  Le  canton  appelé 
jadis  Deserre,  Serre  ou  Desmirre,  et  qui  s'étend  au  sud- 
est  du  département  de  l'Eure  et  sur  la  lisière  de  celui  de 
Seine -et-Oise  (canton  de  Iloudan),  tire  son  nom  de  l'ex- 
pression Diana  sylva.  transcription  latine  du  mot  celte 
dean^  den,  forêt.  Là  était  la  marche  commune  des  Garnu- 
tes  et  des  Aulerques-Eburovices.  Gette  marche  fut  dé- 
membrée de  si  bonne  heure  qu'il  n'est  plus  possible  au- 
jourd'hui d'en  reconstruire,  même  approximativement, 
la  topographie. 

Quand  on  avait  passé  la  Seine,  on  entrait  dans  la  Gaule 
Belgique;  alors  la  profondeur,  les  dimensions  des  forêts 
augmentaient  encore  ;  le  pays  n'était  plus,  pour  ainsi  dire, 
qu'une  vaste  nappe  arborescente. 


52       I.ES  FORÊTS  DE  LA  (lALI.E  HT   DE  l'aNCIENNE  FP.ANCI 


CHAPITRE  II. 


4 


KTAT    I-iiHi:sTlEU    Hr    NORIi    DE    L.V    GAlLi:.     —    roUl!.T    i:llAP.BON.Mi:iH:.    — 
PAYS    I»E    TIIIÉRACIIE.      —     ÉTAT    KOKESTIER     ANCIEN    HE    LA    BELHIUI  ! 
—  FORÊT    DES    AKKEXNES.  —  TRAHITIOXS    ET    SOUVENIRS    (.lUl    s'y    HA  .  - 
TACHAIENT.  I 

Un  peu  au  nord-est  de  Lulècc  existait  une  petite  popu- 
lation gauloise  que  César  n'a  point  mentionnée  et  que  les 
géographes  qui  vinrent  après  lui,  nomment  \esSt/lvmiec-^ 
tes  (i).  Ce  nom  leur  était  attribué  parce  qu'ils  habitaient 
une  vaste  forêt  entrecoupée  seulement  de  quelques  clai- 
rières. Cette  forêt  s'avançait  jusqu'aux  confins  du  petit 
territoire  des  Parisii,  qu'on  appela  au  moyen  âge  le 
Parisis;  elle  a  été  désignée  sous  le  nom  de  Silviacwn  qui 
fut  altéré  plus  tard  en  celui  de  Servais  ou  de  Serval  (2). 
A  deux  lieues  de  Louvres,  se  trouve  un  village  qui  porte 
encore  le  nom  de  La  Cliapclle-en-S errais  ;  ce  nom  de 
Servais  reparaît  dans  le  Laonnais;  il  est  celui  d'un  vil- 
lage appelé,  dans  les  Copiliilairc^,  Silvanon  (3)  et  où  les  rois 
carlovingiens  avaient  un  palais.  Ainsi  cette  forêt  s'éten- 
dait depuis  les  environs  de  Louvres  jusqu'au  milieu 
du  département  de  l'Aisne;  elle  embrassait  les  forêts  de 
Chantilly,  de  Compiègne,  de  Laigue,  de  Coucy,  de  Vil- 


'1)  Ptolémée,  Géograph.  II,  9.  Pline  'Ilisl.  nal.  IV,  xvii,  31)  écrit  : 
l'imnneles.  Les  Sylvanecles  étaient  vraisemblaMenient  clients  des  Bel- 
lovaques,  avec  lesquels  César,  qui  nous  parle  des  forêts  du  pays  de  ceux- 
ci  [De  brll.  fjaU.  VIII,  19),  les  aura  confondus, 

(2)  Hincmar,  Annales,  an.  8GÔ.  ap,  Pert/,  Moniim.  hisl.  grrm.  t.  f. 
p.  iG7,  477.  — Cf.  Carlier,  Ifisloiir  du  duché  de  Valois,  t,  I,p.  12. 

^.'î)Voy.  ce  que  je  dis  plus  loin.  Cf.  Hadr.  Valesius.  Noiilia  Gollinr'n: 
p.  524.  " 


CHAPITRE    II,  53 

Iers-Cottere!s,  dont  nous  verrons  plus  loin  (1)  quelle  était 
au  moyen  âge  la  topographie.  La  forêt  des  Sylvanectes 
recouvrait  donc  à  la  fois  les  frontières  des  Bellovaques,  des 
Suessions  et  des  Meldcs;  elle  se  terminait  sans  doute  aux 
marais  tourbeux  du  Ponthieu  et  de  l'Amiénois,  où  les 
eaux  de  la  Somme  (la  5'^/^*'/;'^  des  anciens)  apportaient 
les  troncs  déracinés  et  les  rameaux  que  le  vent  avait 
arrachés  (2). 

Au  delà  de  la  Somme  et  de  l'Aisne,  paraissait  une  forêt 
nouvelle  dont  les  lignes  ombragées  couraient  jusqu'aux 
bords  de  l'Escaut;  c'est  celle  dont  il  est  question,  aux  pre- 
miers temps  de  notre  histoire,  sous  le  nom  de  Carbonarht 
Sylra,  Foret  CJtarJionnièrcÇà),  à  raison  des  charbons  qu'on 
en  tirait  (4).  Les  annalistes  de  l'époque  carlovingienne 
en  parlent  plus  d'une  fois  (5),  et  elle  est  citée  dans  la  loi 
Salique  (6).  C'est  près  de  la  forêt  Charbonnière  qu'au  dire 
de  Sulpice  Alexandre,  cité  dans  Grégoire  de  Tours,  les 
Francs  furent  vaincus  par  les  Romains,  qui  avaient  à  leur 
tête  Nannenus  et  Quintinus  (7).  Au  v'  siècle,  cette  forêt 
S3rvait  de  limite  entre  le  rovaume  de  Neustrie  et  celui 


(1)  Cette  grande  loiél  garait  avoir   été  simiilement  désignée  par  les 
Gaulois  sous  le  nom  de  coal,  col  (en  latin,  colia),  c'est-à-dire  la  forci; 
nom  d'où  sont  dérivés  les  noms  de  Cuise,  Coucy,  Cuisy,  etc.  Voy.  ce  que 
.je  dis  plus  loin  do  cette  forêt  et  de  ces  noms.  Dans  le  dialecte  gaélique,  fo 
rcl  se  dit  coill,  et  en  comique,  kclli. 

(2)  Voy.,  sur  les  marais  du  Ponlhiou,  le  mémoire  do  M.  Girard  sur 
VlUsloirc  phjisique  de  ht  vallér  de  la  Somme,  dans  le  Journal  des  Mines, 
n"  10,  p.  15. 

(3)  Grégonc  de  Tours,  Iltsl.  eceles.  franc.  II,  9. 

(4)  Belleforcst  prétend,  dans  sa  Cosmographie  universelle ,  liv.  Il, 
)).  4'i-'j,  ({ue  le  nom  de  Charbonnière  est  une  altération  de  Camhronicre, 
dérivé  du  nom  de  Cambron,  le  cliei"  des  Cimbres,  ou  peut-être  de  celui 
des  Cimbres  eux-mêmes. 

(5)  Voy.  I).  Bouiiuel,   llisloriens  de  France,   t.  III,  p.  4,  308,   3  44, 

<;87, 

(G)  Lrx  saliva,  tit.  XLIX,  p.  173,  éd.  Peyré. 

(7)  Grégoire  de  Tours,  Hislor.  eceles.  franc.  II,  9. 


54   LES  FORÊTS  DE  LA  (;AULC  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

d'Austrasie  (i).  Je  parlerai  plus  loin  des  démembrements 
do  cette  grande  marche  sylvaine,  au  sein  de  laquelle  fut 
fondé,  au  x^  siècle,  le  monastère  de  Lobbes  ou  Laubes  (2). 
Qu'il  me  suffise  de  dire  ici  que  les  forêts  de  Soignes  [Si/I- 
rn  Soniacn)  (Sonienbosch)  (3),  de  Vicogne  (4),  de  Fagne  Cô) 
de  Mormal  et  deSirault  ou  Tirant  ((3),  en  faisaient  partie 
Dans  les  anciennes  chartes  flamandes,  il  est  question 
d'une  foret  de  Carbonires  qui  était  située  dans  lellainaut, 
près  de  Séneff,  et  qui  ne  pouvait  être  qu'une  fraction  de 
la  grande  forêt  mérovingienne  (7),  laquelle  s' avançai', 
comme  l'observe  Adrien  de  Valois,  jusqu'aux  alentour- 
do  Louvain  et  recouvrait  tout  un  pays  que  sa  présence  a  . 
fait  désigner  sous  le  nom  de  Hat/elaud.  fl 

La  forêt  Carbonnière  occupait,  on  le  voit,  une  grand 
partie  de  l'ancien  territoire  dosNerviensetdesMénapien>  : 


(1)  Annal,  de  Metz-,  an  C87,  voy.  Alfreil  Jacobs,  Gcorimpliie  de  Cri-  j 
(joire  de  Tours  et  Frcdégaire,  dans  Gréiroire  de  Tours  et  Frédéiraiie.  | 
n-ud.  Guizot,  nouv.  édit.  t.  Il,  p.  359,  405,  466. 

(•2)  Folcuin,  citi'- par  A.  Jacobs,  Grégoire  de  Tours  el  Frcdégnire.  t.  11. 
p.  3«9.  Cf.  H.  Valesius,  Nolilin  GaUiurum.  p.  126. 

(3)  C'est-à-dire  bois  du  soleil,  peut-être  parce  que  la  fortH  t'Iait 
consacrée  à  ce  dieu.  On  a  fait  aussi  dériver  ce  nom  de  sogne,  eu  wallon, 
eirroi.  Yoy.  A.  Isabeau,  les  Forcis  de  l'Europe,  dans  les  Annales  forrs- 
lièrrs,  t.  XIII,  p.  203. 

(4)  La  forêt  de  Vicogne  ou  de  Saint- Amand  (HVco» m  Sijlca]  s'étend  i. 
l'enlour  de  Condé  (Nord;.  Elle  est  nommée  dans  les  Annales  de  Saint- 

Wansl.  Cc'ii  là  qu'en  872  l'abbé  Hugues  poursuivit  les  Normands, 
de  concert  avec  Carloman.  Voy.  Historiens  de  Fronee.  t.  VIII,  p.  83. 
Cette  foret  ou  que^iue  forêt  voisine  a  été  aussi,  au  moyeu  âge,  désigner 
sous  le  nom  de  forci  du  Ilainaul,  appliqué  par  les  compagnons  de  Guil- 
laume le  Conquérant,  qui  transportèrent  en  Angleterre  des  noms  d<' 
localités  françaises,  à  une  forêt  du  comté  d'Essex  voisine  de  la  forêt 
d'Epping. 

(5)  Fannia  Sylva,  plusieurs  fois  citée  à  l'époque  carlovmgiennc  Voy. 
Historiens  de  France,  t.  VII,  p.  110.  Cf.  t.  III,  p.  524. 

(G)  II.  Valesius,  Xulitia  Galliarum.  p.  12G.  Voy.  ce  que  je  dis  plii> 
loin  de  ces  forêts. 

(7;  Voy.  J.-J.   de  Smet,  lieeueil  des  ehroniiiws  de  Flmnlr'  ^ 
lali'f  lie- noms  de  lien.K  (Hruxello-.   18.^7,  iii-î"'. 


i 


CHAPITRE    II.  55 

César  nous  représente  en  effet  ces  populations  trouvant 
un  refuge  dans  la  profondeur  de  leurs  bois  (l)  ;  un  peu 
plus  tard  les  Francs  s'y  cantonnèrent  pour  résister  aux 
Romains  (2). 

Près  du  littoral  de  l'Océan,  les  arbres  n'offraient  plus 
la  môme  élévation,  les  fourrés  la  même  épaisseur;  on 
rencontrait  seulement  une  suite  de  buissons,  de  halliers 
poussant  sur  un  sol  marécageux.  Les  Ménapiens  et  les  Mo- 
rins  se  logeaient  dans  ces  forêts  basses,  ces  espèces  de 
jongles ,  pour  harceler  l'armée  romaine  (3). 

La  Meuse  et  le  Rhin  charriaient  incessamment  comme 
la  Somme,  les  troncs  des  arbres  que  leurs  débordements 
avaient  été  chercher  loin  de  leurs  bords  ou  que  les  vents 
avaient  poussés  dans  leurs  flots.  C'est  ainsi  que  se  sont 
formées  les  vastes  tourbières  de  la  Relgique,  d'où  Fou  a 
extrait  plusieurs  fois  des  troncs  ou  de  larges  rameaux  à 
peine  décomposés  de  chênes,  d'ormes,  de  bouleaux  et  de 
pins  (4).  Les  eaux  de  la  mer  ont  en  plusieurs  points  envahi 
ces  marais,  et  faisant  irruption  à  travers  les  dunes,  elles 
ont  gagné  les  forêts  elles-mêmes  (5).  Les  forêts  qui  cou- 
raient d'Ostcndeà  Boulogne  paraissent  avoir  subsisté  jus- 
(|ii"au  temps  deCharlemagne  (6);  elles  recouvraient  toute 
la  vallée  de  la  Liane,  se  prolongeaient  sur  le  territoire  ac- 


(1)  Ih  hcU.  fjaU.U,  17. 

(2)  Grégoire  de  Tours,  1.  c. 

(3)  Cajsar,  De  bell.  gnll.  III,  28  ;  VI,  6.  Dion  Cassius,  XXXIX,  44. 

(4)  Voy.  Belpaire,  sur  les  changrmenls  de  la  côte  d'Anvers  à  Bou- 
logne, ûa,ns]es  Mémoires  couronnés  par  rAcadémie  de  Bruxelles,  t.  VI. 
p.  20  et  i^issim,  et  un  mémoire  du  même  auteur,  sur  la.  ville  d'Ostende^ 
dans  le  Recueil  de  cette  Académie,  t.  X.  Dans  les  tourbières  de  Duren, 
près  la  frontière  de  Belgique,  non  loin  d'Aix-la-Chapelle,  on  a  trouvé  des 
troncs  entiers  de  pins. 

(5)  Belpaire,  mém.  cilé,  et  Dumont,  dans  le  Bulletin  de  FAcud. 
de  liruxelles,  t.  V,  p.  643. 

(0)  Belpaire,  1.  c.  et  Bulletin  de  l'Âead.  de  Bruxelles,  t.  X,  p.  4. 


56      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

tuel  de  Boulogne  jusqu'à  Hardelot,  Samer,  Desvres,  La 
Capelle,  et  garnissaient  la  ceinture  de  montagnes  qui 
environne  lespace  connu  sous  le  nom  de  Fosse  houlon- 
naise  (1).  Le  diocèse  de  Térouanne  dont  dépendaient  Aire 
et  Saint-Omer,  était  en  grande  partie  occupé  par  la 
forêt  dite  Tristiacensis  sylva  ou  Vastus  saltus,  et  le  bois 
de  Bey/d  (Bailleulj,  situé  entre  Budderwoorde  et  Thou- 
rout  (2).  La  forêt  où  saint  Léodegaire  soufTrit  le  martyre,  et 
qui  s'étendait  sur  le  territoire  des  Atrébates,  se  rattachait 
aux  précédentes  (3).  Il  en  reste  encore  aujourd'hui  un 
débris  dans  le  bois  de  Luchcux,  dont  le  nom  est  une  cor- 
ruption de  celui  de  Léodegaire. 

Plus  à  lest,  les  forêts  d'Arouaise  {Arida  (jamantia  sylva) 
et  de  Thiérache  {Theoracia  sf/lca)  présentaient  aussi  à 
quelques  égards  le  caractère  de  forêt  marécageuse; 
elles  furent  défrichées  de  bonne  heure  sur  plusieurs 
points  (A);  et  voilà  comment  un  y;/7^?/.s- tout  entier,  \q  pcnjus 


(1)  Voy.  Bertrand,  Précis  de  l'hisloire  physique,  citile  et  poliliquc  de 
la  ville  de  Boulogne-sur-}Icr,\.  I,  p.  22  (Boulogne,  1828;. 

(2)  Voy.  E.  Bernard  de  Sainte-Marie,  Recherches  sur  les  anciennes 
foréls  de  la  partie  nord-csi  de  la  France,  dans  les  Annales  forestirns, 
année  1850,  p.  49  et  suiv. 

(3  Silva  san<:ii  Leodryarii.  Voy.  Gestn  episcop.  Camerac.  lib.  I, 
pag.  409,  ap.  Pertz,  Monumcnta  yerman.  hislor.  tom.  VII. 

(4)  Voy.  H.  Valesiu?,  Xolilia  Oalliarum,  p.  549;  Cf.  Uislorinis  dr 
France,  t.  XI,  p.  128.  La  fonH  d'Arouaise  {Arida  Gamantia  Silva),  où 
fut  fondé  le  monastère  de  ce  nom,  s'étendait  du  château  appelé  Dusla 
jusqu'à  la  Sambre  (Voy.  YHa  Heldemari  eremitx,  dans  1rs  Historiens  de 
France,  t.  XIV,  p.  157).  L'abbé  Gosse,  qui  avait  compulsé  )e  cartulaire 
de  l'abbaye  d'Arouaise,  dit  que  la  forêt  de  ce  nom  allait  d'Encre,  au- 
jourd'hui Albert,  jusqu'à  la  Sambre  (Voy.  Gosse,  Histoire  de  l'ahbaye  et 
de  l'ancienne  congrégation  des  chanoines  réguliers  d'Arouaise,  p.  6 
(Lille,  1786,  in-4'').  Il  s'appuie  sur  le  témoignage  de  l'abbé  Gautier, 
qui  a  écrit,  à  la  fin  du  xii*  siècle,  une  histoire  de  la  fondation  de 
cette  abbaye.  Le  nom  d' Estréeen-Arouaise,  (jue  porte  encore  une  localité 
voisine  du  Calolet,  prouve  qu'une  voie  romaine  [strata]  traversait  déjà 
la  forêt. —  Voy.  sur  la  foret  de  Thiérache,  Li  Itomans  de  Raoïd  de 
Cambrai  tt  de  Lcrnicr,\mhUéi>aT  Ed.  Le  Glay,  p.  341,  348  (Paris,  t840), 


CHAPITRE    II.  57 

Theoracia  ou  pays  de  Thiérache  prit  son  nom  de  la  forêt  ; 
il  comprenait  les  cantons  de  La  Fère,  Guise,  Ribemont, 
Rosoy,  dans  le  département  de  l'Aisne,  une  partie  de 
l'arrondissement  d'Avesnes,  et  dépendait  de  l'évcché  de 
Laon . 

Ainsi  les  anciennes  provinces  de  Picardie,  d'Artois,  de 
Flandres (1)  etdeHainaut  étaient  recouvertes,  sur  les  trois 
quarts  de  leur  superficie,  de  forêts  se  rattachant  sans 
doute  les  unes  aux  autres  par  des  lignes  d'arbres  sou- 
vent entrecroisées  et  formant  de  véritables  plexm.  Au 
moyen  âge,  ces  anciennes  retraites  des  Ménapiens,  des 
Morins  et  des  Nerviens  étaient  devenues  le  repaire  debri- 
gands  redoutés.  Dans  la  forêt  d'Arouaise,  le  lieu  où  fut  fon- 
dée l'abbaye  qui  en  prit  le  nom,  était  désigné  sous  le  nom 
du  chef  d'une  de  ces  bandes  et  s'appelait /e  tronc  Béran- 
ijCT  (2).  L'auteur  de  la  vie  de  saint  Arnulfe,  évêque  de  Sois- 
sons,  fait  mention  d'une  tourbière  située  près  deGhistelle, 
et  qui  servait  d'asile  aux  brigands  (3). 

Aujourd'hui  les  effets  de  l'érosion  de  la  mer  ne  permet- 
tent pas  de  rétablir  la  topographie  de  cette  marche  fores- 
tière qui  a  disparu  sous  les  flots;  mais  en  sondant  les  es- 
tuaires des  divers  fleuves  qui  déchargent  leurs  eaux  dans 
l'Océan,  de  l'Elbe,  de  l'Oder,  del'Ost,  del'Ems,  du  Weser, 
en  visitant  le  delta  du  Rhin  et  les  bords  du  Bies-Bos  et  du 
Zuyderzée,  l'ancien  lacFkco,  on  retrouve,  dans  la  couche 
inférieure  des  terrains  appelés  en  Hollande  Moorei  Veen, 


i3lJ.  Lhcniiite,  Excursion  dan^  V  Aisne,  ûans  la  France  liUéraire,  1832, 
p.  52G. 

(1)  Voy.  ce  que  je  dis  plus  loin  de  l'élat  des  forêts  d'Arouaise  et  de 
Thiérache  au  moyen  âge. 

(1)  Voy.  Vila  IJeldemari  eremiUc,  ap.  Historiens  de  France,  t.  XIV, 
p.  157,  et  Gosse,  Histoire  de  Vabhayc  d'Arouaise,  p.  9,  10. 

(3)  Cf.  Acla  SS.  ord.  S.  Dcned.  sœc.  vi,  part.  Il,  p.  537,  n"  xvii.  Saint 
Araulfe  est  mort  à  Oudenbours  en  1087. 


58      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

les  traces  du  séjour  de  l'homme  et  des  fragments  de  végé- 
taux arborescents  qui  ombrageaient  ces  contrées  (1).  On 
voit  par  ce  qui  vient  d'être  dit  que  la  Belgique,  actuelle- 
ment si  peu  boisée,  le  fut  jadis  sur  presque  toute  sa  super- 
ficie; l'on  garde  même  le  souvenir  de  plusieurs  des  forêts 
qui  subsistaient  encore  aux  viii''et  ]x*"sièclcsde  notre  ère.  Le 
mot  lof)  qui  sert  à  former  une  foule  de  noms  de  localités  cic 
la  Belgique,  et  s'appliquait  à  des  hauteurs  boisées,  témoi- 
gne de  la  disparition  des  forêts  (2)  dans  les  Flandres  et  le 
Brabant.  La  forêt  de  Ileinaerst-Trist,  débris  du  Vasii'^ 
sdltus  cité  plus  haut,  s'avançait  jusque  dans  le  district  y\>- 
Loo.  D'après  la  chronique  de  S.  Bavon,  le  forestier  Li- 
derick  II  et  son  fils  obtinrent  d'Éginhard,  au  ix*"  siècl' 
le  droit  d'y  chasser,  à  condition  de  payer  une  dîn; 
de   cerfs  et  d'autres   gibiers  (3).    Le  Shchleholt  (for 

(I)  On  a  reconnu  des  branches  et  des  troncs  de  bouleaux,  de  hêtres  et 
de  chênes  dans  les  tourbières  du  i)ays  de  Liège.  (Cf.  Davreux,  Essai  sur 
la  roiistitulion  grolorjique  de  In  province  de  Liège,  mémoire  couronné  ]iar 
l'académie  de  Bruxelles,  1833,  in-4"',  p.  51.)  On  a  aussi  trouvé  des 
fragments  des  mêmes  essences  dans  les  tourbières  de  la  Flandre.  (Voy. 
Belpaire,  mémoire  cité,  p.  34.)  M.  Galeotti  soutient,  il  est  vrai,  que  ces 
débris  d'arbres  n'appartiennent  pas  à  la  période  géologique  actuelle  (Sur 
la  conslilidion  géologique  de  la  province  de  Brabunl,  mim.  couronné  par 
l'acad.  de  Bruxelles,  t.  XII,  p.  16);  mais  ce  qui  va  à  rencontre  de 
son  opinion,  c'est  qu'on  a  découvert,  au  milieu  de  ces  restes  nombreux 
de  végétaux,  des  traces  de  voies  romaines,  ainsi  que  cela  est  arrivé  dans 
les  tourbières  de  la  province  de  Drenthe  et  dans  celles  de  Kinardine  et  di' 
llatlield,  dans  la  Grande-Bretagne.  (Voy.  Berghaus,  Allgemrine  Lxndcr- 
und-Vœlkerhunde ,  t.  Il,  p.  570.)  Ces  tourbières  ont  offert  de  plus  dts 
débris  de  poteries  romaines.  (De  Bast,  Recueil  d'antiq.  t.  II,  pi.  cm. 
p.  370.)  Les  restes  de  bois,  de  défenses,  d'ossements  qui  y  sont  enfouis 
paraissent  avoir  appartenu  aux  cerfs,  aux  sangliers,  aux  chevreuils  ilont 
étaient  peuplées  ces  forêts. 

('2j  Ce  mot  Loo  se  retrouve  dans  les  noms  deLouvain  {Looven)  cl  Ven- 
loo.  Le  motven,  en  llamand  vehen,  en  hollandais  vcen,  signifie  «  loui- 
Itièrc;  »  le  mot  français /'«//?(f  en  est  dérivé.  Les  noms  do  Looven,  il- 
Venloo  indiquent  donc  des  lieux  tourbeux  et  boisés.  La  même  racme  l<u. 
entre  dans  les  noms  de  Waterloo,  Westerloo.  Loos  etc.  Voy,  J..î.  d- 
Smet,  dans  les  Mém.  de  l'Acad.  de  B'-lgique,  1.  XXVI,  p.  5. 

(3)  Annales  for esli'e ris,  1850, /of.  ri7.  \ 


1 


CHAPITRE    II.  59 

de  l'Escaut),  qu'administrait,  suivant  A.  Lemire  (1),  le 
forestier  Tliéodorick,  se  prolongeait  sur  les  bords  de  ce 
fleuve  et  touchait  au  Wasda  ou  Wacs  (forêt  aux  vastes 
prairies),  dans  le  comté  de  Gand.  Une  charte  de  Lothaire, 
du  13  avril  969,  la  donna  à  Théoderick,  comte  de  Gand  et 
de  Hollande,  avec  les  eaux,  les  prés,  les  terres  labourables 
({u'elle  renfermait,  et  toutes  ses/lépendances.  Le  TTVv^/'/ 
était  situé  entre  le  SkchlcJwlt  et  le  Lisgmunc,  forèf,  des 
!)ords  de  la  Lys,  dont  le  point  central  paraît  avoir  été 
Harlebeke.Gesdeuxderiîières  forêts  sont  mentionnées  dans 
le  capitulaire  rendu,  en  877,  par  Charles  le  Chauve  {Sha- 
di'holt  et  Lisga).  L'emplacement  de  Turnhout  et  de  Tour- 
hout  était  occupé,  au  vu*"  siècle^  par  deux  forets  consacrées 
au  dieu  Thor  {Thoraldl  sylva,  Thoralti  si/ica),  d'où  ces  villes 
ont  tiré  leur  nom  (2).  Au  moyen  âge,  la  foret  de  Beverhout 
s'étendait  sur  une  partie  du  canton  de  Bruges  (3).  Les  fo- 
rêts de  Boland  et  de  Brion  ombrageaient  une  portion  du 
Limbourg  (4).  Bruxelles  occupe  l'emplacement  d'anciens 
bois  (5).  Près  deNamur,  la  forêt  de  Villers  ou  de  ^îarlage 
unissait  la  forêt  Carbonnière  à  la  forêt  des  Ardennes  ou  de 
TArdenne,  la  plus  considérable  de  toute  la  Gaule  Belgique, 


(1)A.  Mirfous.  Oprr.  diploin.  cd.  secund.  1.  I,  ji.  33;  Captlul.  éd.  Ba- 
luzc,  t.  II,  col.  268. 

(2)  Voy.  Scliayesr,  Essai  hisloriqiir  sur  les  usages.  les  croyances,  elc. 
'Jes  Belges,  p.  9  (Louvain,  1834). 

T^  Voy.  J.  J.  de  Smet,  Recueil  des  chroniciurs  de  Fhnidres,  t.   I> 
]K  240. 

(4)  Voy.  Annales  foreslières,  1.  c. 

(5)  Aimales  foreslières,  l"  année,  1808,  p.  208,  219.  —Le  nom  do 
Bruxelles,  écrit  dans  les  anciennes  chartes  latines  Brosella.  Bruolesihi, 
Brucsella,  BniselUa,  signifie  wi  pelil  bois,  un  breuil.  Un  village  situé 
près  de  Saint-Gilles  garde  encore  le  nom  de  Foresf,  dénomination  qui 
prouve  qu'une  forêt  existait,  dans  le  principe,  au  sud  <lc  Bruxelles. 
Los  moines  de  l'abbaye  de  Saint-Benoit,  qui  avait  été  fondée  dans  or' 
village,  doivent  avoir  beaucoup  contribué  à  son  défriclioment. 


60   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

dont  César  (1)  etStrabon  (2)  nous  ont  donné  la  description 
et  qui  est  mentionnée  par  Tacite  et  plusieurs  écrivains  (!<■ 
l'antiquité.  Elle  s'étendait  des  bords  du  Rhin,  à  travers  le 
pays  des  Trévires,  jusque  chez  les  Nerviens,  sur  une  lon- 
j^iieur  de  plus  de500  milles  (3).  Mais  déjà,  à  l'époque  de  la 
conquête  romaine,  elle  devait  être  traversée  par  quelque^ 
grandes  routes  (4).  Elle  subit,  aux  v*"  et  vi'  siècles,  de  nom- 
breux défrichements,  quand  Trêves  fut  devenue  une  de> 
villes  les  plus  importantes  de  l'Empire  (5).  Au  temps  do 
Charlemagne,  elle  se  subdivisait  en  plusieurs  forêts  ;  car  en 
un  diplôme  de  802,  où  il  est  fait  donation  de  deux  localités 
peu  distantes  de  Trêves  [Ccrviam  et  Cerviaco),  on  interdit 
la  chasse  dans  les  forêts  voisines  (6).  A  l'époque  mérovin- 
gienne, les  rois  francs  avaient  une  habitation  ro\a\e  [vil/c 
ref/ia)  en  un  canton  de  cette  forêt  appelé  Bclsoncmcm,  au- 
jourd'hui Bar-togne.  C'est  là  que  Childebert  II  réunit  lc> 
{.nands  de  son  royaume  (7). 

Dans  la  partie  de  l'Ardennc  qui  s'avançait  sur  la  fron- 
tière desMédiomatrices,  les  voies  établies  par  les  Romains 
déterminèrent  de  nombreuses  éclaircies.  Des  traces  d'une 
de  ces  voies  apparaissent  dans  la  forêt  de  Calonoven  ou  Cal- 
lenhoven,siseau  suddeSiercketau  nord-est  de  Thionville, 
et  elles  lui  ont  valu  son  nom,  dérivé  du  latin  cfdlis,  qui 
fournit  également  Tétymologie  du  nom  d'un  village  voisin, 
Calembourg  (8).  A  la  lisière  de  cette  forêt  se  trouvait  la 

(1,  De  bell.fjall.Y,  3;  YI,  29. 

(2)  Slrabon,  IV,  m,  p.  161.  Cf.  Tacit.  Annal.  III,  i-2. 

(3)  Cœsar,  De  bell.  yall.  VI,  29. 

(4)  Yoy.  ce  qui  est  dit,  De  bell.  gall.  VI,  33. 

(5)  Voy.  sur  les  limites  anciennes  de  ÏAiilacnna  Sijlca.  H.  Valesius, 
Notilia  Galliaî'um,  p.  37. 

(6)  Voy.  E.  Bernard  Sainte-Marie,  Rerherclirs  citées  p.  49. 

(7)  Grégoire  de  Tours,  Hisl.  cccles.  franc.  VIII,  21. 

(8)  Verronnais,  Siipplcineuf  à  la  sifdistiqiir  liisloriqur  dr  la  Mosrilc, 
y.  129,  3G3. 


Il 


I 


CHAPITRE    II.  Cl 

station  de  Ricciacum  (Ritziiig),  par  où  l'on  passait  pour  se 
rendre  à  Trêves.  Comme  certaines  autres  forêts,  celles 
J'Othe,  de  Thiéraclie  notamment,  l'Ardenne  devint  un 
véritable  pa<jus,  un  pays,  qu'on  confondit  quelquefois  par 
ignorance  avec  le  Danemark,  à  canse  de  la  ressemblance 
des  noms(l). 

Mais,  malgré  ces  démembrements,  la  foret  des  Ardennes, 
surtout  dans  sa  partie  centrale,  garda  pendant  des 
siècles  son  aspect  formidable;  elle  produisait  une  impres- 
sion si  profonde  sur  les  imaginations  qu'on  la  voit  figurer 
sans  cesse  dans  les  aventures  fahlées  par  nos  trouvères. 
On  la  dépeignait  comme  le  repaire  de  bétes  féroces 
étrangères  à  notre   climat,  lions,   tigres,   léopards. 

Devers  Ardene  vit  venir  un  leuparz, 

dit  la  chanson  de  Roland  (2).  Dans  le  roman  de  Partheno- 
pex  de  Blois,  ce  chevalier  et  le  roi  Glovis  sont  représentés 
chassant  dans  cette  forêt,  dont  on  donne  la  description 
suivante  : 


(1)  Ce  nom  ]taraît  rtre  dérivé  de  l'article  celtique  ar.  et  dan,  dcan, 
«  foret.  »  En  eifct,  on  le  trouve  appliqué  à  plusieurs  forêts  de  la  France 
et  de  l'Angielerre.  Deux  forets  importantes  de  ce  dernier  pays  s'ap- 
pelaient Dan,  Dean  et  Ardin.  Il  y  avait  jadis  au  diocèse  de  Bayeux 
une  abbaye  d'Arden  qui  était  située  au  milieu  des  bois.  (Piganiol  de  la 
Force,  Nouvelle  desnipl.  de  la  France,  3^  édit.  t.  XI,  p.  60.)  La  Chro- 
nique de  l'abbaye  de  Savigny,  de  11 18,  mentionne  une  forêt  appelée  Ar- 
dcns.  (Voy.  Ilisloriens  de  France,  t.  XI,  p.  200.)  Les  Anglais  traduisaient 
le  nom  d'Ardenne  par  Sylva  danica.  Ogier  le  Danois  est  appelé,  dans  le 
roman  de  Raimbert  de  Pans,  Ogier  l'Ardenois  (voy.  la  préface  de  ce  ro- 
man, édlt.  Paulin  Paris,  1842,  p.  iij)-,  ce  paladin  était,  en  effet,  non  dn 
Danemark,  mais  du  pays  d'Ardenne.  On  doit  toutefois  faire  observer,  à 
rencontre  de  cette  étymologie,  que  l'article  ar,  dont  l'ancienne  forme  pa- 
raît être  ir,  se  change  en  an  devant  le  d  et  le  t  ;  en  sorte  qu'on  aurait  dû 
dire  Andcnne,  et  non  Ardenne.  Aussi  le  savant  Zeuss,  dans  sa  Gram- 
malica  cellica  (t.  I,  p.  70),  expliquc-t-il  ce  nom  par  le  celte  Arddu, 
haut  (altior). 

(2)  Éd.  Fr.  Michel,  st.  uvi,  p.  29.  Cf.  Doon  de Moyence,  éd.  Pey.  p. 
xxxvii  cl  suiv. 


62      LES  FORÈT.S  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Ardane  ert  moult  grans  à  cel  jor, 
Et  porprendoit  moult  en  son  tor  ; 
Car  plus  duroit  dont  li  convers, 
Sains  la  mervelle  des  desers, 
<Jue  or  ne  dure  tote  Ardene; 
Pi  le  volt  Ueus,  ensi  ordene. 
Ele  est  ore  molt  escillie 
Et  par  lius  tote  herbergie  ; 
Mais  à  cel  jor  dont  je  vos  cant 
î  par  avoit  de  forest  tant 
(Jue  cil  qui  erroient  par  mer 
N'i  ossoient  pas  ariver. 
Por  elefans,  ne  por  lions, 
Ne  por  guivres,  ne  por  dragons. 
Ne  por  autres  mervelles  grans 
Dont  la  forest  ert  formians. 
Ele  estoit  hisdouse  et  face; 
La  disme  pars  n'en  ert  antée. 
Li  paissant  i  missent  mers 
De  tant  con  duroit  li  convers. 
Ne  passoit  gaires  nus  les  sains 
Oui  là  revenist  dont  mut  ains. 
Oltre  les  sains  n'avoit  convers, 
Chievrels  ne  dains,  bisce  ne  cers, 
Ne  beste  nule  fors  maufés, 
Oui  mangeoit  les  esgarés. 
Cil  Cloevis,  cil  rices  rois, 
Ala  cacier  en  Ardenois,  etc.  (i). 

Cette  naïve  description,  qui  tialiit  l'ignorance  du  ro- 
mancier en  matière  d'histoire  naturelle  (2),  peut  nou> 
donner  une  idée  des  fables  dont  la  ténébreuse  Ardeiiii» 
était  l'objet.  Au  fond  de  celte  forêt,  les  mœurs  étaient 
restées  ce  qu'elles  avaient  éléau  lemps  desNerviens  et  de> 

(1)  Voy.  490  cl  suiv.  éd.  Crapelet,  t.  I,  p.  18,  19.  ' 

(î)  Les  romanciers  du  moyen  àg«  étaient  généralement  ^orligno^ant^ 
sur  ce  chapitre.  C'est  ainsi  qu'Adenès,  on  son  roman  de  Bcrlcaujc  gramly 
pii'S,  place  un  olivier  dans  la  forèl  du  Mans  : 

C'ert  dans  la  forest  du  Mans,  ce  oy  tosmoignier 
Lors  se  sont  arrestés  dessous  un  olivier. 
Édit.  P.  Paris,  p.  34. 


CHAPITRE    II.  63 

Eburons.  La  forêt  était  un  repaire  de  brigands.  Le  roman  si 
I  populaire  des  Quatre  fils  Aymon  nous  représente  Renaud 
et  ses  frères  s'y  retirant  pour  mener  la  vie  de  brigand 
et  y  restant  jusqu'au  moment  où  leur  mère  \int  à  leur 
secours.  Le  christianisme  ne  pénétra  que  difticilement  dans 
cette  contrée.  Les  descendants  de  cesNerviens,  que  César 
nous  représente  comme  les  plus  barbares  d'entre  les  Bel- 
ges (1),  résistèrent  avec  obstination  à  la  prédication  del'E- 
vangile  (2),  attachés  qu'ils  étaient  au  culte  des  divinités 
forestières  dont  la  nature  semblait  prendre  soin  de  renou- 
veler autour  d'eux  les  monuments.  Aux  environs  de 
Trêves,  leculte  de  Diane  se  conservait  encore  au  v'siècle(3). 
C'est  seulement  au  siècle  suivant,  que  saint  Hubert  et  saint 
Bérégise  réussirent  à  déraciner  de  ce  pays,  des  supers- 
titions dont  le  caractère  vivace  est  indiqué  par  ces  paroles 
de  Hariger  dans  la  vie  de  saint  Remacle  (4).  «  Reperit  ibi 
»  manifesta  satis  inclicia,  quod  loca  illa  idolatriae  quon- 
A  dam  fuissent  mancipala,  lapides  scilicet  Diana?  et  aliis 
»  portentuosis  nominibus  eflfigiatos,  fontes  hominum 
»  (juidem  usibus  aptos,  sed  gentilium  errore  pollutos  ac 
»  per  hoc  da3monum  adliuc  infestatione  obnoxios.  » 

Des  superstitions  d'origine  païenne,  celles  surtout  qui 
tiennent  à  la  croyance  aux  esprits  des  bois  dont  j'ai  parlé 
clans  l'introduction  de  ce  livre,  ont  cours  encore  dans  l'Ar- 


(1)  De  belLgall.il,  15. 

(2)  «  Nam  cum  illis  adhuc  lomporibiis  fanatico  errore  Austrasiorum 
(loimlus  multis  in  locis  horrende  fœdarelur,  per  hune  pra'cii)imm  sacer- 
dolcm  dsomonum  pnestigia  et  idolorum  fantasias  maxime  ab  hoc  Ar- 
Jennensi  territorio,  etc.»  (Bolland.  j4fL  sanclnr.  Il  octob.  p.  528,  col.  2.) 

(3)  Grégoire  de  Tours,  Jlisl.  franc.  YIII,  15.  Cf.  A.  Beugnot,  Histoire 
de  la  dcslrucliondu  jjaganisme  en  Occident,  t.  II,  p.  319. 

(4)Lib.  1,  92.  Saint  Remacle,  évoque  de  Maestriclit.  fonda  les  abbayes 
do  Staveiot  et  de  Malmédy,  au  pays  d'Ardenne.  (Bolland.  Act.  III  sep- 
teinb.  p.  GC9  ci,  suiv.GSO.)  Le  pieux  évoque  eut  soin  préalablement  d'exor- 
ciser les  lieux. 


64      LES  FORÊTS  DE  LA  (lAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

demie.  Il  y  a  peu  d'années,  les  paysans  s'imaginaient  en- 
tendre le  bruit  du  cor  et  de  la  meute  du  chasseur  nocturne 
et  \oir  tout  à  coup  tomber  morts  des  sangliers,  des  daims 
et  des  cerfs  frappés  par  son  invisible  épieu  (1).  D'autres 
disaient  que  c'était  saint  Hubert,  apôtre  de  la  contrée,  qui 
continuait  son  ancien  métier  de  chasseur  (2).  Une  légende 
célèbre  rapportait  sa  conversion  miraculeuse  dans  la  forêt 
des  Ardennes  (3).  Dans  la  forêt  de  Soignes,  le  chasseur 
nocturne  est  devenu  un  jeune  paysan  maudit  par  son  père 
pour  avoir  trop  aimé  la  chasse,  et  condamné  à  chasser  étor- 
nellement(4).  Avantqu'on  eût  éclairci  cette  forêt,  les  char- 
bonniers assuraient  en  tendre  souvent  les  aboiements  de  sa 
meute. 

Les  vestiges  de  superstitions  analogues  ont  longtemps 
persisté  dans  la  Belgique;  elles  furent  comme  les  dernières 
traces  des  forêtsdisparues.  Le  peuple  croyait  encore,  jadis, 
aux  Wondmannen  ou  BoscJifjoden,  génies  des  bois  qui 
viennent  la  nuit  prendre  leurs  ébats  sous  les  arbres.  Le 
souvenir  de  ces  divinités  se  retrouvait  également  dans 
Tusage  de  conjurer,  la  nuit  de  Noël,  le  diable  qui  faisait 
son  apparition  dans  les  forêts  (5).  Les  V fuujsttanuvn  ou 
Sapins  (le  In  Pentecôte,  longtemps  en  usag(M6j,  ont  été  les 
héritiers  des  arbres  sacrés  et  réputés  prophétiques  dont 
l'Ardenne  élait  sans  doute  originairement  toute  rem- 
plie (7). 

(1)  Voy.  la  légende  Die  uildc  Jagd  in  dcn  Ardcnncn,  dans  l'ouvrage 
de  J.  W.  Wolf,  intitulé  :  Niederlacndische  Saffrn,  ]».  616,  Leii)/ig,  1843. 

(2)  Voy.  J.  W.  Wolf,  ouv.  cU.  p.  350,  n°  259. 

(3)  Boiland.  Ad.  sancl.  II  octob.  p.  528,  col.  2. 

(4)  Voy.  J.  W.  Wolf,  ouv.  cil.  p.  350,  n"  259. 

(5)  Voy.,  sur  un  usage  qui  se  rattache  à  la  croyance   aux  Wahllcuf'  ' 
A.  Kuhn  et  W.   Schwartz,  XorddditscJtr  Sagrn,  Ma'hrchcn  xmd  i 
br/euchr^  p.  405. 

(6)  Voy.  Coremans,  U année  de  l'ancienne  Itrlgique,  p.  22  et  suiv 
{!)  Pendant  la  nuit  du  dinianche  au  lundi  de  Dloeifest  (Pâques  fl 


I 


CHAPITRE    II.  65 

Au  reste,  cène  sont  pas  seulement  les  forêts  du  nord  de 
la  Gaule  dont  l'ancien  caractère  sacré  se  reflète  dans  les 
traditions  mythologiques  de  notre  pays  ;  l'imagination 
populaire  a  attaché  des  idées  de  merveilleux  à  presque 
toutes  nos  grandes  forêts;  elles  ont  un  rôle  dans  la  féerie 
et  les  contes  bleus.  Raymondin  rencontra  la  fée  Mélusine 
dans  la  foret  de  Colombiers  en  Poitou  (1).  C'est  dans  celle 
de  Léon  en  Bretagne,  que  Gugemer,  étant  en  chasse,  trouva 
la  fée  qui  est  le  principal  acteur  de  sa  mystérieuse  aven- 
ture (2).  C'est  dans  une  autre  forêt  que  Gracient  vit  celle 
qui  l'enleva  au  séjour  d'Avallon  (3).  Les  merveilles  de  la 
forêt  deBrécheliant,  dont  nous  reparlerons  plus  loin,  ont 
occupé  l'imagination  des  chroniqueurs  bretons  et  se  sont 
liées  au  souvenir  de  l'enchanteur  ^lerljn,  sorte  de  fée 
mâle  dépeint  par  les  traditions  de  la  Grande-Bretagne 
comme  un  habitant  des  bois  (4).  J'ai  montré  dans  un 
travail  spécial  que  les  fées  descendent  de  l'union  desFatcr^ 
déesses  de  la  destinée  des  Romains,  et  des  dresses  Mères  avec 
les  druidesses,  les  prophétesses  de  la  Gaule  et  de  la  Ger- 
manie (5). 

L'association  des  noms  de  bois  et  de  fées  peut  donc 
être  regardée  comme  un  dernier  vestige  des  forêts  de  la 
Gaule;  et  c'est  là  un  fait  qui  n'est  pas  rare.  Je  me  bor- 
nes, les  paysans  flamands  étaient  encore  dans  l'usage,  au  moyen  âge.  de 
planter  autant  d'arbres  devant  leurs  étables  qu'elles  renfermaient  de 
Ictes  de  bétail.  Ces  arbres  avaient  un  caractère  sacré,  11  en  était 
de  même  ào?,  sapins  de  la  Pentecôte  [Pfingsllanncn,  Sinxeiulennen).  Il  n'y 
a  pas  eu  d'exemple,  suivant  M.  Coi-emans,  qu'on  les  ait  jamais  endom- 
magés. Coremans,  ouv.  cil.  p.  137. 

(1)  Voy.  F.  Nodot,  Histoire  de  Mchisine,  \^.  19  (Paris,  IG98). 

(2)  Voy.  le  lai  de  Gugemer  dans,  lo?>  Poésies  de  Marie  de  France,  puljl. 
par  de  Roquefort,  t.  I,  p.  54. 

(3)  Voy.  le  lai  de  Gracient,  dans  les  Poésies  de  Marie  de  France,  t.  1, 
]).  538,  539. 

(4)  Voy.  ce  que  je  dis  des  forets  delà  Bretagne. 

(5)  Voy.  mon  ouvrage  intitulé  :  les  Fées  du  moyen  âge   Paris,  1843}. 


66      T.ES  FORÊTS  DF,  LA  GAUÎ^E  F.T  DE  l'anC1F>NF  FRANCE. 

lierai  à  quelques  exemples.  En  Lorraine,  un  petit  ])oi> 
situé  sur  la  route  de  Tarquimpol  à  Marsal,  porte  en- 
core le  nom  de  Hayc-des-Fées  (li.  Une  dame  blanche  ou 
fée  se  montrait,  au  dire  des  paysans,  près  des  forêts  qui 
environnaient  la  1lnrhc-aii-I)ifihIc,  où  un  menhir,  appelé 
Iv.nl.el,  «  la  quenouille,  »  atteste  l'existence  ancienne  du 
culte  druidique  (2).  La  célèbre  Roche-aiix-Fées  se  trouvait 
jadis  dans  la  forêt  du  Teil,  en  Bretagne;  mais  aujourd'hui 
son  emplacement  a  été  déboisé  (3).  C'était  au  pied  des  ar- 
bres que  les  fées  aimaient  à  se  montrer.  Témoin  cet  arbre 
aux  fées  où,  au  temps  de  Jeanne  d'Arc,  les  superstitieux 
habitants  de  Domremy  faisaient  chanter  la  messe  pour 
éloisner  les  esprits  malfaisants (4). 


(1)  Voy.  H.  Lepage,  le  dcpartemenl  df  la  Mnulhe.  t.  II.  p.  î'iT. 
(2}  Ce  lieu  est  près  d'Abresch-willer.  (Voy.  H.  Lepage,  onv.  cit.  t.  II. 
p.  G.) 

(3)  Mémoires  de  V Académie  celtique,  t.  V,  p.  379,  381. 

(4)  Notices  et  extraits  des  majiuscrits  de  la  Bibliotlièque  du  roi,  t.  III . 
p_  300.  —  Procès  dp  Jeanne  d'Arc,  publié  par  Laverdy.  —  J.  Quiclierai . 
Procès  de  Jeanne  dWrr.  t.  I.  p.  07  ol  suiv..  t.  II.  y.  300  ctsuiv. 


CHAPITRE  111.  67 


CHAPITRE  III. 

i:tat  forestfer  bu  .u:ra  et  du  pays  des  helvètes.  —  fouets  de  la 

GERMANIE,  GRANDES  FORÊTS  DE  l'aLLEJIAGXE. CAUSE  DU  DÉBOISEMENT 

DANS    CE    PAYS. 

Quoique  les  Romains  comprissent  dans  la  Gaule  le  pays 
(les  Helvètes,  il  se  rattachait  plutôt  par  sa  configuration 
à  la  Rhétie  et  à  la  Vindélicie,  contrées  en  partie  occupées 
par  des  populations  d'origine  celtique.  On  peut  dire  que 
les  forêts  de  la  Germanie  commençaient  avec  le  Jura, 
puisque  c'est  la  barrière  naturelle  qui  ferme  la  France  à 
l'est.  La  disposition  orographique  de  cette  chaîne,  son 
sol  calcaire  éminemment  propre  à  la  croissance  des 
arbres,  la  rapprochaient  des  TTVtVf/e?' allemands,  et,  il  y  a 
deux  mille  ans,  son  aspect  devait  présenter  une  ma- 
jestueuse horreur.  Les  six  à  huit  lignes  parallèles  dont 
le  Jura  se  compose,  comprennent  une  longueur  de 
quatre-vingts  à  quatre-vingt-dix  lieues,  sur  une  largeur  de 
dix  à  quinze  ;  il  se  termine  à  l'ouest  au  mont  Vouache, 
dans  l'ancien  territoire  des  Allobroges,  et  à  l'est,  au  Rau- 
denberg,  près  de  Schaffouse,  non  loin  de  l'ancien  terri- 
toire des  Rauraques.  C'était  naguère  une  suite  de  défilés 
impénétrables,  bordés  d'épaisses  forêts.  Des  sommets  de  la 
Dole,  du  Chasserai,  du  Chaumont  et  du  Weissenstein,  ces 
forêts  descendaient  jusqu'au  fond  des  vallées  longitudi- 
nales qui,  semblables  à  de  larges  ravins,  séparent  les 
crêtes  parallèles  ;  elles  garnissaient  les  cluses  el  masquaient 
les  torrents  (1).  Des  vents  glacés,  le  Joran  ou  Juron  et  la 


(1)  Yoy.  J.  Thurmann  ,  Essai  svr  les  soiilrrcmrnls  jurassiqws  tir 
Porentruy.  Paris,  1832,  p.  47. 


68      LES  FORÊTS  DE  LA  (jAUl.E  ET  DE  l'anCIENNE  FRANCE. 

Montaine  (1),  qui  soufflent  encore  dans  ces  contrées,  du 
nord,  du  nord-ouest,  de  l'est,  s'engouffraient  dans  les  dé- 
filés et  arrêtaient  la  marche  des  voyageurs  assez  osés  pour 
s'y  hasarder.  Aujourd'hui,  des  villages  ont  remplacé  les 
arbres  qui  tapissaient  les  vallons.  Les  petits  cours  d'eau 
qui  traversent  ceux-ci,  la  fertilité  du  sol  ont  appelé  les 
habitants  (2). 

A  l'époque  où  les  Romains  pénétrèrent  dans  la  Séqua- 
nie,  les  forets  des  pentes  occidentales  du  Jura  devaient  se  jl 
rattacher  à  celles  des  pays  des  Lingons  et  des  Eduens. 
Un  épais  manteau  d'arbres  s'étendait  entre  l'Ognon,  le 
ûoubs  et  la  Saône  ;  mais  bien  des  centres  de  population 
s'y  étaient  formés,  favorisés  par  la  nature  du  soi  que 
la  main  de  l'homme  avait  déjà  éclairci.  lies  oppicla,  des 
ficus  y  existaient  en  Séquanie_,  et  Vesontio  (Besançon), 
situé  au  pied  du  Jura,  était  au  temps  de  César  non-seule- 
ment une  ville  importante,  mais  encore  un  lieu  d'appro- 
visionnement (3).  La  domination  romaine  une  fois  établie, 
la  Séquanie  fut  coupée  par  des  voies  dont  on  reirouve 
encore  de  nombreux  tronçons.  L'une  d'elles  passait  à 
Gredisans,  village  de  l'arrondissement  de  Dôle,  et  tra- 
versait une  contrée  qui  conserve  le  nom  de  Vicux-f/mnd- 
cJieniin,  ou  de  Chemin  de  la  Poste;  elle  reliait  Dôle  à 
la  ville  détruite  qu'a  remplacée  Dammarlin.  Les  forêts 
qui  la  bordaient  en  plusieurs  points  ont  fait  le  sujet  d'une 
foule  de  traditions  féeriques  qui  se  sont  perpétuées  jus- 
qu'à nous.  La  forêt  de  la  Serre,  notamment,  a  joui  chez 
les  conteurs  d'une  grande  célébrité  ;  ils  en  firenl  le  théâtre 


(1)  Voyez,  sur  ces  vents,  J.  Thurmunn,  Essai  de  Phyloslatique  apjili- 
(jitée  à  lachalne  du  Jura,  t.  I,  p.  69.  Berne,  1849. 

(2)  Voy.  Girod-Chantrans,  Essai  sur  la  géographie  physique  du  dèpur- 
Icmenl  du  Douhs,  t.  1,  p.  21 . 

(3)  Dehrll.  (joU,  T,  39. 


CHAPITRE    III.  69 

de  mille  fictions  :   c'est  là,  disaient-ils,  que  l'empereur 
Frédéric  allait  tenir  ses  cours  d'amour  (1). 

La  forêt  de  la  Serre  n'est  qu'une  petite  fraction  du  Sal- 
ti(s  sequanus  que  constituait  le  Jura.  Dans  cette  chaîne 
vivent  des  traditions  qui  remontent  jusqu'aux  Ro- 
mains et  aux  Gaulois.  Ainsi,  au  Champ-Dolent,  lieu  voisin 
de  Villers-Farltiy,  dans  l'arrondissement  de  Poligny,  se 
continuent  des  pratiques  d'origine  certainement  païenne. 
Un  autre  débris  du  Salins  sequamis  était  l'immense  forêt 
qui  s'étendait  naguère  entre  la  rive  gauche  du  Doubs  et 
le  bassin  de  la  Seille.  Son  sol  est  aujourd'hui  complètement 
défriché  ;  mais  on  a  retrouvé  aux  environs  du  village  de 
Tassenière,  en  creusant  la  terre,  des  fragments  d'an- 
tiques troncs  que  la  pioche  ne  put  déraciner.  Un  reste 
non  moins  important  du  même  saltus  est  la  forêt  qui 
porte  actuellement  le  nom  de  Chaux  ou  de  LacJiaux^  et  à 
laquelle  se  rattachent  des  traditions  druidiques  (2).  A  la 
même  catégorie  appartiennent  la  forêt  de  Colonne,  peu- 
plée d'ermites  au  vi'^  siècle,  et  celle  qui  s'étend  entre  Sel- 
lières,  Arlay  et  Bellevesvre,  arrondissement  de  Lons-le- 
Saulnier.  Un  village  de  ce  canton,  Vers,  s'appelait  origi- 
nairement Warz,  et  tira  son  nom  de  sa  position  forestière  ; 
car  ce  mot  a  le  même  sens  que  celui  de  Harz.  Des  souvenirs 
du  culte  des  bois  s'y  sont  conservés.  Les  paysans  de  Vers- 
sous-Sellières  s'imaginent  encore  que  les  restes  démantelés 
des  vastes  lucus  de  leurs  ancêtres  sont  habités  par  des 
esprits  mystérieux,  des  dames  blanches ,  des  dames  vertes, 

(1)  Roussel,  Dictionnaire  gcograpltiquc  des  communes  du  Jura,  t.  III, 
p.  283. 

(2)  Dans  cette  forêt,  dont  le  nom  paraît  dérivé  du  celte  chod,  bois, 
existe  un  grand  nombre  de  mottes,  de  iumidus,  où,  suivant  la  croyance 
l)opulaire,  venaient  s'assembler  descspritsmystérieux.  Pareille  superstition 
s'attache  à  la.  pierre  qui  vire,  vieille  borne  servant  de  limite  du  côté  de 
la  Laye.  (Voy.  Rousset,  o.  c.  t.  III,  p.  ^2G!  ;  l.  11,  p.  ^80-,  t.  T,  p.  337. 


70       LES   FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE   l' ANCIENNE  FRANCE. 

(les  lovps-ijarous  et  des  .somer.ç(l),  qui  viennent  la  nuit 
y  prendre  leurs  ébats.  Pareille  croyance  se  perpétue  au 
village  de  Clialelneuf  (arrondissement  de  Poligny);  la 
superstition  populaire  peuple  la  forêt  qui  en  porte  le  nom, 
et  celle  de  Loulle,  d'esprits,  de  sylphes  et^de  chagseurs 
sauvages  (2). 

Les  premiers  défrichements  opérés  dans  la  contrée  du 
Val  de  ^lièges  (arrondissement  de  Poligny),  datent  très- 
vraisemblablement  des  Gaulois.  Depuis  cette  époque 
jusqu'à  Charlemagne,  la  grande  forêt  du  Jura  ne  cessa 
de  s'éclaircir.  Dans  une  charte  de  l'an  793,  rédigée  à  Reims, 
cet  empereur  fit  don  à  l'abbaye  de  Saint-Oyen-de-Joux 
d'une  grande  partie  de  la  forêt  du  Jura,  dont  il  indique 
ainsi  l'étendue  :  Depuis  le  lac  de  Brassus,  nommé  l'Orbe, 
et  tout  le  long  de  Noirmont,  en  suivant  le  cours  de  cette 
rivière  jusqu'aux  Alpes  et  au  chemin  qui  traversait  le 
milieu  de  la  Ferrière-sous-Jouarre;  depuis  le  cours  de  la 
Valserinejusqu'au  Bief-Brun,  et  dès  ce  Bief  jusqu'à  la  Se- 
mine;  de  la  Semine  jusqu'au  Bief-Noir  ;  la  troisième  partie 
d'Eschalon,  et  depuis  la  rivière  d'Orbe,  du  côté  du  cou- 
chant, jusqu'aux  Chaumes  appelés J/e;-e«.sT5( les Marêchets), 
et  de  là,  en  tirant  à  l'est,  jusqu'à  la  plaine  de  Segouciac 
(dans  le  pays  de  Vaud)  (3). 

Les  forêts  du  Jura  étaient  en  divers  points  coupées  par 
des  lacs,  des  étangs,  dont  le  fond  incomplètement  desséché 
s'est  transformé  en  tourbières  (4),  où  sont  venus  se  pourrir 
les  troncs  qui  s'élevaient  jadis  pleins  de  sève  sur  la  pente 
des  montagnes.  Tel  est  le  cas,  par  exemple,  pour  le  village 

(1)  Roussel,  Bkt.  f/éorjr.  des  romm.  du  Jura,  l.  YI,  p.  43. 

(2)  Ibid.  t.  II,  p.  io.' 

(3)  Ibid.  t.  IV,  p.  308.  —  Cf.  Pyot,  Slatisliquc  générale  du  Jura. 
p.  441. 

(4)  Voy.  Giiyétant,  Tableau  de  l'étai  aelurl  de  l'économie  rurale  dans 
le  Jura,  p.  1.>.  —  J.  Thurmann,  Essai  sur  les  soulèvemenls  jurassiijues 


CHAPITRE    1)1.  71 

de  Fay-en-Bresse  (arrondissement  de  Dole),  construit  au 
milieu  d'une  vaste  forêt,  traversée  par  de  larges  étangs 
qui  s'allongent  à  perte  de  vue(l).  Le  territoire  de  Cour- 
iaoux  (arrondissement  de  Lons-le-Saulnier)  était  autre- 
fois occupé  par  une  forêt  entrecoupée  de  marécages  (2),  A 
Biefmorin  (canton  de  Poligny),  et  dans  la  contrée  environ- 
nante, ces  tourbières  forestières  sont  singidièrement  mul- 
tipliées ;  une  mousse  épaisse  les  recouvre  et  en  dissimule 
la  profondeur.  Le  fond  de  ces  flaques  d'eau  est  consis- 
tant et  retentit  comme  un  pavé.  Là  sont  venus  se  dé- 
poser des  arbres  et  une  foule  d'objets  que  le  temps  y  a 
entraînés  (3). 

Plusieurs  de  ces  lacs  étaient  consacrés  à  des  divinités  ; 
car  chez  les  Celtes,  les  dieux  des  eaux  voyaient  souvent 
leur  culte  associé  à  celui  des  dieux  des  bois.  Au  nord  de  la 
Séquanie,  aux  environs  de  Luxeuil,  célèbre  par  le  culte  de 
Luxovius  qui  présidait  à  la  vertu  de  ses  eaux  thermales, 
s'étendaient  des  forêts  sacrées  oîi  se  pratiquaient  encore  au 
moyen  âge  des  cérémonies  païennes.  «  Ibi  imaginum  lapi- 
dearum  densitas,  écrit  Jouas  (4),  vicina  saltùs  densabat 
quas  cultu  miserabili  rituque  profano  vetusta  pagano- 
rum  tempora  honorabant.  » 

de  Porenlruij,  Paris,  1832,  p.  47.  Presque  tous  ces  lacs  ou  tourbières 
sont  situés  à  environ  800  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  ;  on  les 
trouve  surtout  dans  les  forêts  d'épicéas. 

(1)  Roussct,  oiiv.  cit.  t.  m,  p.  92, 

(2)  Piousset,  ibid.  t.  III,  p.  300. 

(3)  On  en  a  retiré  des  plats  d'étain,  des  chaudrons,  des  ustensiles  de 
cuisine  et  des  objets  beaucoup  plus  anciens.  Rousset,  ouv.  cit.  t.  I, 
p.  228.  Ed.  Clerc,  la  Franche-Comté  à  l'époque  romaine,  p.  156  (Besan- 
çon, 184G).  On  a  extrait  de  ces  marais  des  chênes  auxquels  leur  séjour 
dans  les  eaux  avait  donné  l'apparence  de  l'ébène.  C'est  dans  ces  marais 
que  se  cachèrent  les  habitants  pour  échapper  aux  désastres  de  la  guerre 
<le  I63G. 

(4)  Vila  S.  Culumbani,  17.  ap.  Acla  SS.  onlinisS.  DencdicU,  t.  Il, 
p.  13. 


~-2       LES   lORÈTS  DE  LA  GALLE  ET  UE  J."AN(.li:NNi:  IRANCE. 

Après  avoir  pour  ainsi  dire  gravi  les  pentes  occiden- 
tales du  Jura,  les  forêts  de  la  Séquanie  redescendaieni 
sur  les  pentes  opposées  et  se  liaient  au  vaste  manteau 
d'ombrage  qui  dérobait  aux  yeux  les  vallées  et  les  monta- 
gnes du  pays  des  Helvètes.  Le  Rhin  les  séparait  de  la  fo- 
ret yoïre  {Sc/twa)'zwa/fl);  celle-ci  s'étendait  du  pays  des 
Rauraques,  près  duquel  se  trouve  son  point  culminant  dé- 
signé sous  le  nom  de  Hom  ron  Sclnrai'zwnld  (1),  jusqu'à 
la  partie  de  la  Souabe  où  le  Danube  prend  sa  source. 
L'empereur  Julien  la  traversa  dans  toute  sa  longueur  lors- 
qu'il alla  reconnaître  les  sources  de  risler(:2). 

Au  delà  de  la  Sijlra  Marriana,  quand  on  avait  passé  le 
pays  des  Ghattuareset  celui  des  Curions,  on  rencontrait  la 
forêt  Gabrète  {sylva  Gribrefa  ou  Gabriia)  (3).  La  partie 
la  plus  occidentale  de  cette  forêt  correspondait  au 
Tltïuuujerwald,  ou  forêt  de  la  Thuringe,  qui  constitue 
encore  aujourd'hui  un  des  cantons  les  plus  forestiers  de 
rAllemagne,  un  de  ceux  qui  peuvent  le  mieux  donner 
ridée  des  anciennes  forêts  de  la  Germanie;  aussi,  les  habi- 
tants du  paysl'appellent-ils  la  Forêt ,  laForêt  par  excellence, 
der  Wald  (4).  La  forêt  de  Thuringe  est  surtout  composée 
de  chênes  qui  s'associent  quelquefois  aux  hêtres,  plus  ra- 
rement aux  conifères,  au  pin,  au  genévrier,  au  mélèze, 
à  l'épicéa.  Cette  dernière  essence  est  une  des  plus  belles 
de  l'Allemagne  centrale,  et  plusieurs  individus  y  comptent 
un  siècle  et  un  siècle  et  demi   d'existence  (o).   L'épicéa 

(1)  Cf.  Marlinus  Q,crhcv\.ns,Uislovia  yigrx  Syhx  ordiiiisS.  Dcneclicli 
colonix,  l.  I,  p.  12  (1783,  in-4°). 

(2)  Amiuien  Marcellin.  XXI,  8.  9. 

(3)  Slrabon.  VII,  p.  292,  Plolémée.  Géograpli.  II,  II. 

(4)  Voy.  l'article  sur  cette  forêt  douné  dans  VAUgem.  Forsl-uml  Joyil- 
.  Zeitung  de  Behlen,  juin  183G. 

(5)  Belilen,  Allgemeitie  Forsl-ùnd   Jagil-Zcihmg,    1836.  p.  435:  IL 
Sjchacht,  Lfs  arbres,  trad.  i«ar  Morren.  p.  380.  390. 


CHAPITRE    Hf.  73 

s'accommode  merveilleusement  du  sol  de  porphyre  et  de 
grès  rouge  {todtlicf/endé)  qui  recouvre  surtout  les  pentes 
septentrionales  de  la  Thuringe.  Sur  les  hauteurs  moins 
élevées  de  calcaire  de  la  partie  orientale,  le  sapin  dispute 
le  terrain  à  l'épicéa  {\),  car  cet  arbre  tend  toujours  à  en- 
vahir les  cantons  dans  lesquels  il  a  une  fois  pénétré.  11 
chasse  le  hêtre  qui,  api*ès  avoir  composé  avec  lui  le  fond 
du  Thûringerwald,  s'est  réfugié  à  l'ouest,  entre  Eisenach 
et  rinselsberg,  et  au  pied  de  quelques  cimes,  telles  que 
celks  du  Schneekopf.  Le  plus  curieux  débris  de  l'antique 
foret  de  Thuringe,  est  celui  qui  se  trouve  au  sommet 
du  Wurzelberg,  près  de  Katzhûtte,  et  dont  M.  Schacht 
nous  a  donné,  dans  son  excellent  ouvrage,  une  si  curieuse 
description.  C'est,  dit-il,  la  plantation  la  plus  sauvage  et 
l'association  la  plus  riclie  qu'il  ait  jamais  vue  d'épicéas, 
de  sapins  et  de  hêtres. 

La  forêt  Gabrète  recouvrait  le  versant  méridional  des 
monts  Sudètes  (2)  {montes  Sudeti),  aujourd'hui  le  Bœhmer- 
icald  (2),  dont  les  restes  se  voient  encore  dans  les  districts 
si  boisés  de  la  Bohême  (3).  Plus  loin,  en  allant  vers  le  pays 
desQuades,  on  rencontrait  la  sybxi  Luna  (4),  qui  se  termi- 
nait aux  montes  Sarmatorum.  Au  nord  de  cette  forêt  s'of- 
frait la  célèbre  forêt  Hercynienne  {sylva  Hercynia  ou  Orcy- 
nia)  (4),  véritable  pendant  de  l'Ardenne,  et  qui  inspirait 


(1)  ic'JJr.T».  i'pr,.  les  monts  Sudètes.  Ils  se  joignaient  à  ïAsciburgiwii 
mons,  leRieserigebirge  actuel,  jadis  couvert  de  forêts. 

(2)  Aux  XIII*  et  XIV*  siècles,  le  Bœhmerwald  {Sylva  boemica)  était  con- 
fondu avec  la  forêt  Hercynienne,  et  regardée  encore  comme  une  ligne  con- 
tinue d'arbres  qui  allait  rejoindre  les  forêts  de  la  Transylvanie  ou  Syk.r 
ptir/anonim.  Yoy.  de  ëaniavem,  Essai  sur  V histoire  de  la  Cosmor/rapltii- 
an  moyen  âge,  t.  III,  p.  264.  Voy.  sur  les  forêts  de  la  Bohême,  et  no- 
tamment sur  celles  du  cercle  de  Bunzlaw,  qui  occupent  encore  aujour- 
d'hui le  tiers  du  sol.  Sommer,  Bas  Kœnigreich  Bœlimcn,  t.  II,  p.  26. 

(3)  'H  Ac'Jva  ûJ.Yi,  Ptolém.  Géogr.  II,  xr. 

(4)  Voy.,  sur  cette  forêt,  Til.  Liv.  Y,  3'i;  Plin.  IIisl.  nnl.  \Y,  25,  28; 


74      LES  FORÊTS  DELA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

aux  Romains  encore  plus  d'étonnement  et  d'efîroi  ;  tel 
tut  le  sentiment  que  cette  forêt  éveilla  dans  l'esprit  de 
l'empereur  Julien  (1),  quoiqu'il  y  eût  déjà  plus  de  quatre 
siècles  que  Drusus  en  avait  ouvert  les  profondeurs  par 
une  route  (2).  Le  nom  de  foret  Hercynienne  fut  du  rest< 
souvent  étendu  par  les  anciens  à  l'ensemble  des  forrl- 
qui  occupaient  le  centre  de  la  Germanie.  César  donn  ■ 
déjà  à  ce  nom  une  acception  aussi  générale,  puisqu'il 
fait  commencer  la  foret  qu'il  appelle  ainsi,  aux  fron- 
tières des  Helvètes,  des  Nemètes  et  des  Rauraques,  et 
qu'il  la  prolonge  suivant  la  direction  du  Danube  jus- 
qu'au pays  des  Daces  et  des  Anartes  (3).  Il  englobe 
donc  dans  la  forêt  Hercynienne  la  forêt  Marciane  et 
toutes  les  chaînes  boisées  de  la  Bavière  et  de  l'Autriche. 
Strabon  ne  lui  assigne  guère  moins  d'étendue  ;  car  il 
nous  la  représente  comme  occupant  le  territoire  des  Boïens 
<?t  des  Suèves(4).  Le  poëte  Glaudien  la  prolonge  au  sud 
jusqu'à  la  Rliétie  (5).  Cette  élasticité  topographique  de  la 
forêt  Hercynienne  s'explique  par  ce  fait  que  toute  la  Ger- 
manie, du  sud-ouest  au  sud-est,  apparaissait  comme  une 
seule  et  même  forêt,  redoutable  retraite  qu'il  làllait  "ab- 
solument traverser  pour  arriver  aux  frontières  de  la  Sar- 
matie  et  de  la  Dacie.  Voilà  pourquoi  Charlemagne  nous 
€st  dit  avoir  passé  par  la  forêt  Hercynienne,  lorsqu'il  alla 
porter  la  guerre  chez  les  Bohèmes  (6).  Il  s'y  Hvra  au  plaisii- 


Poniponius  Mêla,  III.  3  :  Tacit.  (icnnan.  28,  30.  Cf.  F.  A.  Ukcrt,  Géo- 
graphie dcr  Gi'ieclten  und  Rornwr.  i.  III,  jiai-t.  I,  p.  111,  cl  K.  Barlli , 
Teutschhmds  i'rgeschichte,  2'=  éilil.  t.  III,  p.  90. 

(1)  Julian.  Epislol.  LXIII.  Cf.  Suidas,  v"  Xorax. 

(2)  Florus,  IV,  12. 

(3)  C.x'sar,  JJe  bell.  gnll.  VI,  25, 

(4)  Straljon,  Vil,  p.  292,  293. 

(5^  Promiiiet  Ilorovnia;  conliiiis  Rln.'tia  ?\lv;o,  De  hell.  Gel.  331. 
(OJ  Eginhard,  Anmdes,  ann.  805. 


CHAPITRE    III.  ih 

de  la  chasse  (1),  poursuivant  les  bœufs  sauvages  ou  bubales 
dont  elle  était  alors  peuplée  (2). 

Le  moyen  âge  a  généralement  désigné  cette  foret  sous 
le  nom  de  Hircamis  sa/tus.  On  en  racontait,  comme  de 
l'Ardenne,  des  choses  merveilleuses;  et  son  souvenir  s'at- 
tacha si  fortement  pour  les  nations  occidentales  de  l'Eu- 
rope aux  contrées  placées  à  leur  orient,  que  les  anciennes 
cartes  nous  présentent  la  Bohême,  et  toute  la  contrée  qui 
continuait  à  être  désignée  sous  le  nom,  de  Scythie,  comme 
couvertes  d'une  immense  forêt  (3). 

La  sijlra  Bacenis  s'étendait  à  l'est  du  Rhin  et  servait  de 
frontière  aux  Suèves  et  auxChériisques(4).  Au  nord-ouest 
se  trouvait  le  lucus  Baduheimœ  (o),  qui  formait  la  tête  des 
forêts  de  la  Frise.  Cette  partie  de  l'Allemagne  demeura 
longtemps  boisée.  Les  chroniqueurs  ajoutent  souvent,  aux 
noms  des  localités  qui  y  sont  situées:  in  sij/cis  australi- 
hm  (6).  Le  village  de  Frodawald  indique  par  son  nom 
l'existence  d'une  forêt  qui  se  continuait  au  sud  entre  les 
estuaires  Flevo  et  Lavica  CI).  Ce  district  reçoit  chez  les 
auteurs  du  moyen  àgel'épithète  de  si/lvestris,  et  les  chro- 
niqueurs bas-allemands  l'appellent  Bee  Seven  Holden. 
Au  xv*"  siècle,  cette  forêt  frisonne  :  Frisia  forestemis,  comme 
disent  les  anciens  géographes,   appartenait  à  l'évêque 

(!)  «  Scd  antea  venationembubalorum,  Ccutorarumquo  ferarumper  sal- 
»  Uim  llircauum  exercuit.  »  (Eckhart,  De  reh. Franc,  orient,  t.  II,  p.  32.^ 

(2)  Ce  sont  les  urus  de  la  forêt  Hercynienne  dont  nous  parlent  déjà 
Pline  (Hist.  nul.  lib.  Vill,  c.  xv)  et  César  {De  bell.  gall.  YI,  xxviii). 

(3)  C'est  ce  qu'on  observe  dans  les  cartes,  à  partir  du  xiv*^  siècle.  (Voy. 
de  Santarem,  Essai  sur  Ihisloire  de  la  Cosmographie  et  de  la  Carlo- 
graphie  pendant  le  moyen  tige,  t.  III^  p.  23.) 

(4)  Cœs.  De  bell.  gall.  VI,  10. 

(5)  Tacit.  Annal.  iV,  73. 

(6)  'Voy.  M.  Alting,  Descr.  Frisix,  p.  14.  Amst.  1701. 

(7)  Frodawalda  ou  Fredawalda  ou  Frodasylva.  C'est  aujourd'hui  une 
grande  bruyère  qui  s'étend  jusqu'aux  bords  du  Zuyderzée.  (Voy.  Alting, 
ouv.  cil.  p.  60.) 


76      LES  FORETS  DE  L\  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

d'rtrccht  (i).  Elle  allait  rejoindre  celles  dont  était  cou- 
vert le  Brabant,  débris  du  grand  manteau  forestier  sou- 
lequel  s'enveloppaient,  ainsi  qu'on  l'a  vu  plus  haut,  1' 
pays  des  Ménapiens  et  celui  des  Nerviens.  La  forêt  de  Ni- 
mègiie  {Xoriomaijens'is  sylca)  qui  existait  au  ix*  siècle,  et 
dans  laquelle  allait  chasser  Louis  le  Débonnaire  (2),  ccll'^ 
où,  en  1172,  Henri,  duc  de  Brabant,  fit  bâtir  une  maison 
de  plaisance,  circonstance  qui  lui  valut  le  nom  de  sylra 
Ducis  (3),  sont  autant  de  tronçons  de  la  grande  bandr 
forestière  qui  unissait  la  Gaule  Belgique  à  la  Germani.' 
septentrionale. 

Quoique  le  nord  de  l'Allemagne  ne  présentât  pas  d 
retraites  ombragées  si  profondes  et  si  continues  qu^ 
le  centre  de  ce  pays,  il  offrait  cependant  de  nombreuse^ 
forêts,  Xon  loin  du  Weser  existait  la  forêt  Teutoburg 
[Teutoburgeriuald),  que  la  défaite  de  Varus  a  rendue  cé- 
lèbre (4).  Lb.  sylca  Cœsia  {^)  occupait  le  pays  de  Goesfeld 
et  de  Nottuln  et  avait  son  point  culminant  au  Mous  Coi- 
siu/n  (6).  Au  delà  se  trouvaient  les  forêts  du  Ilolstein,  pro- 
vince qui  devait  son  nom  à  l'abondance  de  ses  bois  (7).  Sur 
les  bords  de  la  mer  du  Nord  existaient  cette  forêt  de  Sem- 
nons,  dont  Tacite  nous  a  fait  connaître  le  caractère  re- 
ligieux (8),  etle  bois  sacré  des  Xaharvales,  peu  distant  des 


(1)  Alting,  ouv.  cil.  p.  58. 

(2)  Eginhard,  Anjïoles  Froncor.  an  825. 

(3)  Aujourd'hui  S'IIciiogoihosch  ou  Dois-lc-Diir,  dans  le  Brabant  so]'- 
tentrional. 

(4)  Tacit.  Annales.  I,  51,  Gl  ;  II,  7.  Florus,  IV,  12.  Velk-ius  Palci - 
culus,  II,  105,  100,  120.  Slrabon,  VU,  p.  291.  Dion  Cassius,  LVI,  1^ 
24.  Frontin,  Slratoffrm.  IV,  7,  8. 

(5)  Tacit.  Annal.  I,  50. 

(6)  Voy.  Wilken,  Versuch  einrr  Grschithlc  (Ici  SlacU  Miinsler,  p.  68. 

(7)  I/olstrin,  en  latin  JJolsalla.  «  Ilolzali  dicti  a  sylvis  quas  accolunt. 
Adam.  Bremens.  Ilislor.  ecclcs.  Il,  8. 

(8)  Voy.  ce  que  j'ai  dit  dans  l'introduction. 


CHAPITRE    III.  /  / 

ives  de  l'Oder  (i).  Près  de  Minden  était  une  autre  forêt 
onsacréeà  un  dieu  que  Tacite  identifie  à  Hercule  (2).  La 
Si/Iva  Sentana,  moins  septentrionale,  et  qui  paraît  s'être 
v't'udue  sur  le  xer&àni  mévidionol  du  Mous  Mclibocus  (3), 
lurmait  le  passage  des  forêts  de  la  Germanie  du  nord  à  celles 
il  11  centre;  c'était  conséqueniment  une  des  fractions  de  la 
forêt  Hercynienne.  Celle-ci  se  scinda  de  bonne  heure  en 
plusieurs  forêts  distinctes  qui  constituèrent  elles-mêmes 
encore  d'immenses  cantons  forestiers;  tels  sont  l'Erz- 
hirge,  le  Thûringerwald,  le  Harz,  et  cette  forêt  que  les 
chroniqueurs  du  moyen  âge  désignent  sous  le  nom  de 
Si//ra  ocridentalis  {Westericald),  et  qui  recouvrait  les  mon- 
tagnes de  la  Hesse;  tel  était  aussi  le  Spesshart,  un  des 
plus  importants  vestiges  de  la  forêt  Hercynienne  (4),  et 
dans  le  nom  duquel  reparaît  ce  mot  Jiart  ou  harz^  si- 
gnifiant forêt  en  langue  teutonique  et  qui  entre  en  com- 
position dans  un  grand  nombre  de  noms  de  lieux. 

Le  Harz  est  peut-être  de  toutes  les  forêts  allemandes 
celle  qui  a  le  plus  gardé  l'aspect  des  antiques  forêts  de  la 
Germanie.  La  prédominance  du  pin,  l'absence  totale  du 
chêne  la  rattachent  à  la  classe  des  forêts  septentrionales. 
C'est  une  grande  marche  forestière  qui  sépare  les  quatre 
Etats  sur  le  territoire  desquels  elle  s'étend,  le  Hanovre, 
le  Brunswick,  la  Prusse  et  l'Anhalt.  Jadis,  à  ces  lignes  de 
conifères  se  mêlaient  aussi  des  amentacées,  qui  impri- 

(1)  Tacit   German.  43. 

(2)  Tacit.  Antial.  11,  12. 

(3)  To  Mv.îoi/.cv  c.'j)o;  —  'H  Ir.y.x-ix  'jX-r,.  Ptoléméo,  Géogv.  11,  xi. 

(4)  Barth,  ouv.  cil.  p.  34.  Aujourd'hui  les  forêts  sont  désignées  en  alle- 
mand par  les  noms  «de  Forsl  et  de  Wold.  Ce  dernier  mot  s'applique  à 
toute  une  étendue  de  pays  couvert  d'arljres;  le  premier  uniilique  l'idée 
d'un  canton  déterminé  d'une  forêt,  d'une  superficie  bornée  par  des  mon- 
tagnes, des  vallées  ou  des  bruyères.  (Behlen,  Lelirbuch  cler  deulschcn 
Vorsl-und  Jagd-Gcschichle.  p.  174.  Francf.  1831.)  Voyez  ce  qui  est  dit 
plus  loin  de  l'orjgine  do  ces  différentes  acceptions. 


78   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENXE  FRANCE 

niaient  à  sa  physionomie  une  teinte  moins  sombre;  mnh 
le  défaut  d'aménagement  dont  le  Harz^vald  eut  longtemps 
à  souffrir  (1),  a  laissé  le  pin  tout  envahir,  et  aujourd'hui 
le  hêtre  devient  de  plus  en  plus  rare   (2).  Quant  aux 
autres  essences,  elles  ne  se  rencontrent  presque  pas  don- 
les  futaies,  et  ne  se  présentent  que  dans  les  petits  bois.  ! 
grands  incendies  ont,  à  certaines  époques,  dévasté  cet 
forêt.   Le   plus  célèbre  est   celui  qui   arriva  en    1473, 
par  suite  de  l'incroyable  sécheresse  de  l'année;  car  il  ne 
tomba  pas  une  goutte  de  pluie  depuis  le  huitième  jour  de 
l.i  Pentecôte  jusqu'à  la  Saint-Éloi(2  décembre).  Des  oui 
gans  terribles  déracinèrent  aussi  des  cantons  entiers  de 
la  forêt,  notamment  en  1714,  1747  et  1800.  Enfin,  un  en- 
nemi plus  dangereux  encore,  parce  que    ses  atta({ii 
étaient  moins  passagères,  les  xylophages  {Injlurfjus  pim- 
'perdo)  se  répandirent  par  milliers  sur  les  arbres  et  en  at- 
taquèrent le  bois.  Cette  maladie,  appelée  Trochiiss,  «  s^'- 
cheresse,  »  tua,  en  moins  de  douze  ans,  un  million 
demi  de  pins  et  fut,  pour  le  pays,  un  véritable  fléau.  I 
Harz  est  coupé  en  divers  endroits  par  des  tourbières  (fo//- 
moore),  qui,  lorsqu'elles  occupent  des  plateaux  élevé 
sont  souvent  dépouillées  de  toute  végétation.  Çà  et  là  < 
aperçoit  quelques  bouleaux  {hetiila  puhescens  et  hctuhi 
nana).  Des  bêtes  fauves  habitent  en  grand  nombre  les  pr 
fondes  retraites  du  Ilarzwald,  le  qqt{ (rervus  claplms),  h 


(1)  Mais  dpi»ui5  deux  siècles  environ,  surtout  dans  le  haut  Harz,  l'a- 
ménagement des  forêts  peut  être,  au  contraire,  proposé  comme  modèle. 
Labiés  excelsa,  aménagé,  on  général,  par  révolutions  de  cent  vingt  ans, 
y  fournit  des  produits  abondants,  et  s'y  projjago  (l'une  manière  roni.n- 
quable.  (Voy.  sur  l'aménagement  de  ces  forêts,  F.  Leplay,  les  Ouvrii  i^ 
européens j  p.  145.  Paris,  Imprimorio  impériale,  1855.) 

{1}  Voyez  l'intéressant  articlf  inlilulé  :  Die  Walchingen  %nul  .UkjiI' 
(fes  Ilarzes,  dans  Wlllyemeine  Forsl-iwil  Jagd-Zeitioig  de  Behlcn,  m  > 
1834. 


l 


CHAPITRE  m.  79 

sanglier^,  le  blaireau,  le  r-liat  sauvage,  le  lynx  {frlis  hj)rr) 
et  le  renard. 

Les  souvenirs  du  culte  célébré  dans  les  forêts  de  la  Ger- 
manie se  sont  conservés  au  Brocken,  dans  le  Harz  et  en 
d'autres  localités  environnantes,  au  Fichtelberg,  dans  la 
forêt  de  Zeitelmoos(l),  comme  dans  les  profondeurs  du 
Riesengebirge. 

Le  déboisement  commença  de  bonne  heure  dans  la  Ger- 
manie; mais  il  ne  s'effectua  jamais  sur  une  bien  grande 
échelle.  Les  Gaulois  qui  accompagnaient  Sigovèse  durent 
opérerquelquesdrfrichementsdanslaforêtIiercynienne(2). 
Sur  le  Rhin  et  ses  affluents,  de  nombreuses  corporations 
de  flotteurs,  dont  l'existence  remonte  aux  Romains  (3)^ 
conduisaient,  attachés  en  radeaux,  les  arbres  que  leurs 
compagnons  avaient  abattus  dans  les  forets  voisines,  et  ce 
fut  là  sans  aucun  doute  une  cause  active  de  déboise- 
ment (4).  Mais  la  disparition  des  forêts,  que  les  chapitres 
suivants  nous  montreront  s'être  rapidement  opérée  dans 
la  FrancC;,  à  partir  du  xii''  et  du  x]ir  siècle,  ne  s'effectua  que 


(1)  Voy.  J.  et  W.  Grimm,  Tradilions  allemandes^  trad.  par  Theil,  t.  I, 
p.  68. 

(2)  Voy.  Tit.  Liv.  lib.  Y,  34. 

(3)  Ces  corporations  sont  plusieurs  fois  mentionnées  dans  les  inscrip- 
tions sous  le  nom  de  Naidês.  (Orelli,  Inscript.  Hclvclix^  p.  170,  n"  174, 
p.  180,  n°  212;  Jnscripl.  latin,  sel.  n°^  4077,  4120,  6950,  7007,  7254.) 
(Voy.  un  mémoire  de  M.  Max  de  Ring,  intitulé  :  Notice  sur  les  Nauta' 
du  Rhin,  dans  le  Messager  des  sciences  historiques  de  Belgique,  an  1842, 
p.  3:>2  et  suiv.)  Il  y  avait  aussi  des  corporations  (Vutrindarli  (Orelli. 
Jnscripl.  sel.  n"*  7208,  GO'Jl,  41  l'J)  ([ui  conduisaient  des  trains  soutenus 
par  des  outres. 

(4)  La  corporation  des  flotteurs  existe  encore  aujourd'hui  à  Ettingen 
ol  dans  les  environs.  Elle  est  désignée  sous  le  nom  de  Schi/ferscliafl. 
mot  qui  répond  tout  à  fait  au  eontxthcrnium  naidarum  des  inscriptiolI^ 
latines.  Celle  corporation  se  partage  en  trois  brandies,  selon  le  métier  de 
ceux  qui  en  font  partie  :  1°  les  Waldschiffer,  qui  coupent  dans  les  foret? 
le  bois  destiné  aii  flottage-,  2°  les  Mnrfisfhijfcr  ou  flotteurs  de  la  Murg; 
3°  les  Bheinschiffer  ou  flotteurs  du  Rhin.  Voy.  M.  de  Ring,  mcm.  cité. 


80       LES   FORÊTS  DK  LA  GALLL  LT  DE  e'aNCIENNE  FRANCE. 

beaucoup  plus  leutement  chez  nos  voisins  d'outre-Rliin. 
Sans  doute  de  magnifiques  futaies  tombaient  journelle- 
ment sous  la  hache  du  bûcheron  (1);  le  besoin  de  lumi- 
naire (2)  amenait  la  décortieation  des  arbres  préjudi- 
ciable à  leur  croissance  (3j;  on  manquait,  dès  les  x'  et  xr 
siècles,  en  certains  cantons,  de  bois  de  chauffage  (4);  quel- 
ques forets,  par  exemple  celle  de  Nuremberg,  presque  to- 
talement défrichée  au  xv"  siècle  (5),  celle  d'Allholt,  située 
près  deSoest,  que  l'archevêque  de  Cologne,  Reinhold,  ne 
regardait  plus  que  comme  un  bois  sans  valeur  (6),  disparu- 
rent avec  le  temps;  mais  en  une  fouled'autreslieuxlaforce 
de  la  végétation  forestière,  des  mesures  intelligentes  prise> 


(1)  Voy.  V.  G.  Anton,  Gcscliirhlc  der  ihalsckcp  Landuirllischafl. 
t.  I,  p.  459  et  suiv.  (Gœrlitz,  1799.) 

(•2)  «  Cortices  arborum  quilnis  ad  luminariautisolcmus.  »  Vit.  Ludger. 
ap.  Leibniz.  Scriplor.  Gcnnanic.  \,  87. 

(3j  Los  arbres  servant  à  cet  usage  recevaient  le  nom  de  Schleissbammc. 
Schleissiiolz,  et  les  fragments  que  l'on  Ijrùlait  en  guise  de  torches  s'appe- 
laient SpcU.  Anton,  ouv.  cil.  l.  I,  p.  161.  Dans  certaines  provinces  d'' 
France,  ia  rareté  de  l'huile  et  du  suif  faisait  qu'on  s'éclairait  avec  de> 
torches,  ce  qui  avait  lieu  encore  en  Brelagne  au  siècle  dernier.  Voy.  C. 
,  Dareste  de  la  Chavanne,  Ilisloire  des  classes  agricoles  oi  France.  2^ éd. 
p.  491. 

(4)  C'est  ce  qui  résulte  des  termes  de  certaines  chartes.  Ainsi  on  voit. 
en  995,  Othon  lll  donner  à  l'abbaye  de  VValdkirchen  un  bois  {lucus)  ap- 
pelé Hard,  parce  que  les  moines  manquaient  de  bois.  (Voy.  Acia  acad. 
Tlieod.  Pal.  III,  p.  134,  etSchœpflin  cité  ])ar  Anton,  t.  II,  p.  342. 

(5)  Une  charte  de  l'empereur  Frédéric  II  fait  donation  de  cette  forêt  :'i 
Henri  Waldstromer  et  à  son  frère  Gramlieb,  pour  services  rendus  idUi 
mare .  Frédéric  assure  aux  deux  frères,  à  leur  famillectà  leurs  descendant- 
la  charge  de  forestier,  avec  droit  de  chasse  et  de  couper  du  bois  dans  1 
forêt.  (Voy.  IIuillardBréholles, ///A'/o^'/a  diploinatica  Fedcrici  Secuiidi. 
t.  III,  p.  41 .] — Une  charte  de  12GG  de  l'empereur  Conradin  accorde  lad- 
ministration  de  la  même  forèl  à  Conrad  Stromaer  et  à  ses  héritiers.  (Vo\ . 
Moimmcnta  ho'ica.  nova  coUect.  t.  XXX,  part.  I,  p.  348.)  —  En  1309. 
l'emitercur  Henri  VII  ordonna  que  la  forêt  de  Nuremberg  fût  remise  en 
état  et  plantée  d'arbres.  (Voy.  Cott.i,  Piincipes  de  la  science  foreslièri . 
1"  éd.  trad.  Nouguier,  p.  9.  > 

(6)  Aussi  cette  forêt  est-elle  qualiiiéo  ^Vureu  ncraoris.  (Voy.  Kindlin- 
ger,  .Miinsler.  Beilr.rye,  t.  II,  p.  9.} 


CHAPITRE    Kl.  81 

par  les  seigneurs,  arrêtèrent  cette  destruction  inconsidé- 
rée, et  ce  fut  au  wif  siècle  seulement  que  les  guerres  qui 
désolèrent  T Allemagne,  la  dépouillèrent  sur  bien  des 
points  des  majestueux  ombrages  dont  elle  était  enveloppée 
depuis  des  milliers  d'années.  La  Germanie  garda  donc 
plus  longtemps  ([ue  notre  pays  cet  aspect  forestier 
qu'ofiTait  la   Gaule,  lors  de  la  conquête  romaine. 


82      LES  FORÊTS  DE   LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIEX.XE  FRANCE. 


CHAPITRE   1\  . 

ESSENCES    FORESTIÈRES  DE  LA  GALLE.    AMENAOEMIC.NT  ET   LMIIETIEN   Hts 

FOhÈTS  AU  TEMPS  UES  HOMAIXS.   —  l'REMIEK  fiÉBOlSEMENT. 

Les  essences  qui  composaient  les  forets  de  notre  pays, 
au  temps  des  Gaulois,  étaient  généralement  les  mêmes 
qu'on  y  rencontre  aujourd'hui,  abstraction  faite  bien  en- 
tendu de  celles  qu'y  ont  introduites  les  progrès  de  la  sylvi- 
culture. Ainsi  on  y  voyait  déjà  nos  principales  espèces  de 
chênes  (1  ),  l'érable  {acer)  (2),  le  bouleau,  dont  les  Gaulois 
tiraient  une  sorte  de  résine  (3) ,  Torme  (4),  le  saule  (5);  de 
magnifiques  pins  croissaient  sur  les  hauteurs  des  Vosges, 
du  Jura  et  des  Alpes  (6),  et  fournissaient  une   poix  re- 


(1)  Plin.  Uisl.  nal.  XXI,  31. 

(l)  Ibid.  XYl,  26,  27. 

(3)  Matlhiol.  In  Dioscorid.  1,  c.  xcni.  Pline  (XV-I,  xvin,  g  30)  parle 
de  la  beauté  des  bouleaux  de  la  Gaule:  «  Gallica  ha?c  arbor,  écrit-il, 
»  mirabili  candore  atque  tenuitate,  terribilis  magistraluum  virgis.  x 
Le  nom  latin  de  cet  arbre,  hetula.  parait  être  dérivé  du  nom  celte,  qu. 
était  vraisemblablement  beitha  ou  bel.  Quant  au  nom  de  bouleau,  lui- 
même,  il  est  dérivé  de  fc<?/u/«,  «  bétoul,  bétouleau,  »  par  la  suppression  du/, 
comme  les  mots  rouleau,  rôle,  sont  formés  du  latin  l'oluhis  par  la  suppres- 
sion de  la  même  lettre.  (Voy.  Radlof,  Neue  Untersuch.  des  Kellenllmmes. 
Bonn,  1822,  p.  3D0.)  Le  Ijouleau  se  rencontre  surtout,  comme  essenci' 
forestière,  sur  les  courants  de  lave  do  l'Auvergne.  Il  ne  dépasse  pas  en 
altitude  1,985  mètres. 

(4)  Plin.  XV,  XVII,  39. 

(5)  Ibid.  XV,  XLiii,  §83. 

(6)  Ibid.  XV,  76.  Le  pin  sylvestre,  en  tant  que  composant  le  fond  do 
forêts,  ne  s'avance  guère  dans  les  plaines,  au  sud  du  49°,  et  en  altitude, 
au-dessus  de  900  mètres.  Il  constitue  aujourd'hui  l'essence  dominante  du 
plateau  granitique  de  l'Auvergne.  Le  l'in  mugho,  dans  les  Pyrénées, 
atteint  jusqu'aux  neiges  étemelles. 


Il 


CHAPITRE    IV.  83 

cherchée  jusqu'en  Italie  (1).  L'if  se  rencontrait  aussi  fré- 
{{uemment  en  Gaule  ;   les  progrès  de  la  culture  durent 
plutôt  s'opposer  à  sa  propagation  que  la  favoriser,  car 
son  ombrage  était  regardé  comme  funeste,  son  bois  comme 
empoisonné  (2).  Le  peuplier  blanc  est  originaire  de  la 
Cisalpine  (3)  ;  mais  cet  arbre  préfère  le  bord  des  rivières 
aux  épaisseurs  des  forêts;  on  ne  saurait  donc  le  compter 
comme  essence  forestière.  Le  buis  atteignait,  dans  la  Gel- 
tique,  une  hauteur  inaccoutumée  (4),  et  le  platane  s'a- 
vançait  au  nord  jusque   dans  le  pays   des  Morins.  Le 
hêtre,  qui  ne  croissait  pas  dans  la  Grande-Bretagne,  foi- 
sonnait au  contraire  en  Gaule  (5),  là  où  le  sol  atteignait 
une  certaine  altitude.  On  sait,  en  effet,  que  c'est  à  la 
hauteur   d'environ   mille  mètres  que  le  fagus  sylvatica 
forme  souvent  à  lui  seul  de  magnifiques  berceaux  ou  des 
forêts  entières,  à  l'ombre  desquelles  pousse  une  végétation 
abondante,  tandis  que  les  chênes  constituentde  préférence 
lesforêtssurunsolmoinsélevé(6).  Tous  ces  arbres  étaient- 
ils  indigènes  dans  ce  pays?  C'est  ce  qu'il  est  difficile  de 
déterminer  (7)  ;  il  semble  que  certaines  espèces,  telles  que 

(1)  Columell.  de  re  rusL  XII,  xxii,  xxiii. 

('2)  Athen.  V,  c.  xl,  t.  II,  p.  596,  éd.  Schweigh. 

(3)  Des  bords  de  l'Éridan.  (Pausanias,  I,  Eliac.  c.  xiv,  §  4.) 

(4)  Plin.  XVI,  28.  Si,  comme  on  le  croit ,  le  buis  est  originaire  du 
•Caucase,  cet  arbuste   a    dû  être    apporté    fort  anciennement   dans    la 

Gaule  ;  il  croît  aujourd'hui  de  préférence  sur  les  terrains  calcaires  du 
Jura  et  les  schistes  argileux  des  Pyrénées.  La  multiplicité  des  noms 
àaBussy^  Buxeuil,  Ditssière,  Boùsy,  etc.,  montre  qu'en  Fi-ance  le  buis 
était  jadis  très-abondant. 

(5)  Gscsar,  De  bello  galL,  V,  21. 

(6)  Les  hêtres  n'apparaissent  guère  en  France  qu'à  une  hauteur  de 
600  mètres,  où  ils  s'associent  encore  aux  chênes,  essence  dominante  des 
forêts  inférieures.  Toutefois  ces  deux  essences  ne  se  mêlent  pas  d'ordi- 
naire ;  sur  beaucoup  de  points,  elles  s'excluent  ;  et  dans  la  région  moyenne 
inférieure  à  1,000,  on  voit  souvent  sur  les  mêmes  terrains  des  bois  de 
chênes  et  des  bois  de  hêtres.  Au-dessus  de  1,000  mètres,  les  chênes  sont 
rares,  età  1,200,  ilsont complètement  disparu.  (Voy.  Lecoq,  Géographie 
botanique,  1. 1,  p.  450.) 

(7)  Suivant  Deleuze  {.Innal.  du  Muséum,  t.  III,  p.  191),  la  France 


84      LES  FOP.KTS  Di:  LA  GAULE  ET  DE  l'aXCIENNE  FRANCE. 

le  châtaignier  qui  recouvre  aujourd'hui  le  vaste  plateau 
de  roches  anciennes  du  centre  de  la  France  et  les  pentes  de 
ses  collines  (i),  sont  des  émigrés  venus  de  l'Asie.  Car  cet 
arbre (2)  ne  parait  pas  avoir  été  connu  dans  les  Gaules; 
Pline  ne  l'y  mentionne  pas;  il  se  borne  à  dire  que  les  pre- 
miers châtaigniers  ont  été  apportés  de  Sardes. 

J'ai  déjà  dit  plus  haut  qu'à  l'époque  de  la  conquête  ro- 
maine, la  culture  avait  pris  en  diverses  parties  de  notre  pa- 
trie une  notable  extension.  Le  froment  était  déjà  cultivé 
dauslesplaines  crayeuses  de  la  Champagne,  sur  les  terrains 
tertiaires  et  jurassiques  des  territoires  des  Piétons  et  des 
Eduenset  dans  la  Xarbonnaise  (3).  hapankiim  se  récollait 
en  Aquitaine  (4).  Varimv,  le  si/if/o(o),  confondu  plus  tard 
avec  le  scca/e  ou  seigle,  se  semaient  dans  les  provinces 
méridionales.  C'est,  dit-on,  à  la  culture  de  cette  céréale 
que  la  Sologne  {Secalmmia)  doit  son  nom. 

renferme  aujourd'hui  deux  cent  cinquante  espèces  d'arbres,  dont  les 
trois  quarts  sont  d'origine  étrangère;  ce  qui  réduit  beaucoup  le  nombre 
d'espèces  qu'on  peut  supposer  avoir  formé  les  forets  de  la  Gaule.  Peut- 
être  doit-on  admettre  qu'il  y  eut,  dans  notre  jiatric,  plusieurs  époques  de 
végétation  correspondant  à  des  caractères  forestiers  déterminés.  Toute- 
fois, si  l'on  induisait  de  ce  qui  s'est  passé  en  Irlande,  ce  qui  a  dû  se 
passer  chez  nous,  il  faudrait  admettre  que  la  majorité  des  essences  fores- 
tières est  demeurée  la  même.  En  effet,  on  retrouve  dans  les  hogs  ou 
tourbière?  de  l'Irlande,  le  chêne,  le  frêne,  le  bouleau,  le  sapin,  le  coudriei 
qui  poussent  encore  aujourd'hui  dans  l'île.  M.  Worsao^  a  cherché  à  éta- 
blir, d'après  M.  Steenstrujj,  que  les  révolutions  du  sol  du  Danemark  ont 
successivement  donné  naissance  aux  trembles,  aux  pins,  puis  aux  hêtres,. 
aux  chênes.  Le  même  auteur  distinpie  quatre  périodes.  (Cf.  Worsaœ, 
Dancmarks  Vorzril  durcli  AHerlhïnurr  und  Urab/iUgel,  ùbers.  von  Ber- 
telsen,  p.  7,  Copenhague.  18'i4.)  On  pourrait  tenter  un  travail  analogue 
jiour  notre  pays. 

(1)  Voy.  Dufrénoy  et  Élie  de  Beauaiont,  Drscriplion  géologique  de  la 
France,  t.  I,  i>.  175. 

(2)  Plin.  Ilisl.  nal.  XV,  xxiii,  2J;  XVI,  30. 

(3)  Ihid.  XVII,  vu,  4.  —  Strabon,  IV.  p.  14î),  éd.  Muiler  et  Dùbner. 

(4)  Varron,  De  re  ruslica,  I,  c.  vii;  Pallud.  De  rr  ruslica,  I,  .\xxiv; 
Plin.  Ilisl.  nul.  XVII,  viii  ;  XVIII,  xxx,  72. 

(5)  Strabon,  IV,  p.  158;  Pline,  XVIII,  20. 


CHAPITRE    IV.  85 

La  plantation  de  la  vigne,  introduite  d'abord  aux  envi- 
rons de  Marseille  (1),  s'était  peu  à  peu  étendue  dans  la 
Gaule  ;  les  piogrès  de  cette  culture  ont  certainement  con 
tribué  à  diminuer  les  forets,  notamment  dans  le  midi  et 
la  région  répondant  à  la  Bourgogne.  Au  temps  de  Grégoire 
de  Tours,  Dijon  était  déjà  entourée,  à  l'occident,  de  mon- 
tagnes couvertes  de  vignobles  en  renom  (2).  L'industrie  des 
tonneaux,  d'origine  gauloise(3),  venait  se  joindre  à  l'exten- 
sion des  vignes  pour  accélérer  le  déboisement. 

Les  guerres  des  Romains  contre  les  Gaulois,.et  desFrancs 
contre  les  Romnins,  furent  pour  les  forêts  une  cause,  une 
occasion  de  dévastation.  César  ayant  attaqué  les  Belges, 
ceux-ci  mirent  pour  se  défendre  le  feu  à  leurs  forêts  (4); 
quand,  au  contraire,  nos  ancêtres  choisirent  les  forêts 
comme  retraite  et  y  déposèrent  leurs  bagages,  les  Romains, 
à  leur  tour,  y  portèrent  la  flamme  (5).  Ces  habiles  domina- 
teurs renversaient  tout  ce  qui  pouvait  s'opposer  à  leur  au- 
torité, et,  reconnaissant  combien  les  forêts  étaient  dange- 
reuses par  l'asile  qu'elles  fournissaient  à  l'indépendance 
des  indigènes,  ils  employèrent  ceux-ci  à  les  abattre,  non 
toutefois  sans  rencontrer  de  résistance.  Aussi  Tacite  fait-il 
dire  à  Galgacus  :  «  Sylvis  emuniendis  verbera  inter  contu- 
melias  conterunt.  »  Les  Romains  n'abandonnaient  pour- 
tant pas  les  forêts  à  une  dévastation  imprévoyante  et  sans 
pitié.  On  sait  que  des  consuls  nouvellement  élus  avaient, 

(1)  Martial,  lib.  Il,  opigr.  lxxxii;  lib.  XII,  epigr.  cwiii. 

(2)  Grcgor.  Tur.  Ilisl.  Franc.  III,  9. 

(3)  Plin.  Ilist.  nul.  XIV,  xi,    27. 

(4)  Dion  Cassius,  lib.  XL,  c.  xlii,  p.  030,  cd.  Sturz. 

(5)  Au  siège  d'Avaricum,  nous  voyons  Vercingétorix  déposer  son  lia- 
gage  dans  une  forêt  voisine.  (Ciosar,  De  bell.  (jall.  VII,  IG  sq.)  Ce  fut 
ilans  les  forêts  qui  occupaient  les  territoires  des  Bellovaques,  des  Am- 
biains,des  Atrebates,  que  ces  peuples,  lors  de  biurs  guerres  contre  César, 
cachèrent  leurs  provisions  et  leurs  équipages.  (Ca?sar,  De  hcUo  {jalL, 
VTII,  0.) 


86      LES  FORÊTS  DE  L.V  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

entre  autres  fonctions,  la  surveillance  des  forêts,  ce  que 
l'on  retrouve  désigné  par  les  mots  provincia  ad  si/lvas  et 
calles{\).'[)Qz  les  premiers  temps  de  l'empire,  les  forêts 
furent  soumises  à  l'ijnpôt.  Le  bois  était  sujet  au  vectir/al 
ou  impôt  indirect  comme  la  plupart  des  objets  de  con- 
sommation (2).  Dans  le  cadastre,  on  distinguait  deux  caté- 
gories de  forêts^  les  sylrœ  iilandiferœ  et  les  sylcœ  vul- 
gares,  ayant  leur  aménagement  respectif  (3).  La  sollicitude 
du  gouvernement  romain  pour  l'entretien  des  arbres  utiles 
est  marquée  en  vingt  endroits.  La  loi  des  Douze  Tables  con- 
damnait à  une  amende  de  vingt-cinq  as  celui  qui  mutilait 
un  arbre,  amende  autant  de  fois  imposée  qu'il  y  avait 
d'arbres  mutilés  (4).  Des  peines  sévères  furent  édictées 
contre  celui  qui  coupait^  en  Egypte,  un  sycomore,  es- 
sence dont  le  bois  servait  à  construire  les  digues  qui  rete- 
naient le  Nil  (5).  Une  loi  du  Code  (6)  nous  montre  les  em- 
pereurs Arcadius  et  Honorius  interdisant  la  destruction 
des  cèdres  dont  était  planté  le  bois  sacré  d'Apollon  da- 
phnéeU;,  près  d'Antioche,  défense  renouvelée  des  temps 
païens  (7),  et  qui  avait  alors  pour  motif  non  le  respect  dû 
au  dieu,   mais  la  protection  des  arbres.  La  garde  des 


(1)  Sueton.  Vil.  Cxsar.  c.  xix. 

(2)  Yoy.  Bureau  de  la  Mullc,  Economie  politique  des  Romains,  t.  II. 
IK  466. 

(3)  Hygin.  Gromatie.  De  timit.  eonslitiiend.  ap.  Die  Schriflen  der  Ro- 
mischen  Fridmesser.  hor.  von  Blumi',  Lachmann,  Rudorff,  t.  I,  ]i.  205. 
."ÎOe,  Berlin,  1848. 

(4)  Lex  XII  Tab.  viii,  ad  calcem  Elément,  juris  rom.  Ilcineccii,  éd. 
Giraud,  p.  kU.—  PVm.Hisl.  nal.  XVII,  1 .  Cf. Gaius, Z??*/.  Comm.l\/^,\  1 . 

(5)  Digcst.  1.  XLVil,  Ut.  xxi,  1.  10,  ex  Ulpian.  De  offte.  proc.  D«''jà. 
chez  les  Grecs,  laction  de  couper  un  arbre  chez  autrui  était  regarder 
comme  un  acte  d'hostilité.  (Libanius,  Orat.  VII  pi'O  Arisloph.  \^.  iW- 
éd.  Morell.  —  Xenojjhon.  Ilistor.  grxc.  lib.  IV,  1.) 

(6)  Cod.  lib.  II,  tit.  lxxvii. 

(7)  Le  sophiste  Heraclite,  d'une  famille  de  jirélres,  l'ut  condamné  ;i 
une  amende  qui  lui  enleva  une  partie  de  son   patrimoine,   pour  avoir 


CHAPITRE   IV.  87 

forêts  publiques  ou  privées  était  remise  chez  les  Romains 
à  des  agents  spéciaux  appelés  saltuarii  (1). 

Les  nombreux  termes  relatifs  à  l'aménagement  des  fo- 
rêts que  l'on  rencontre  dans  les  lois  romaines,  prouvent 
d'ailleurs  que  les  Romains  étaient  fort  avancés  en  écono- 
mie forestière.  Par  les  expressions  de  sylvœ  materanœ  et 
de  syhœ  ceduœ,  ils  distinguaient  les  forêts  de  haute  futaie 
des  bois  taillis.  Ceux-ci  suivant  leur  caractère  respectif 
recevaient  des  noms  spéciaux  tels  que  sylva  regerminans  ^ 
Sylva  repullulans,  sylva  ?'e)iasce?is,  sylva  stolones  radicibus 
emittens.  De  même,  des  expressions  particulières,  comme 
celles  Ôl' arbores  grandes,  arbores  tonsiles,  étaient  en  usage 
pour  différencier  les  diverses  classes  d'arbres  envisagées 
au  point  de  vue  de  l'exploitation. 

Cette  administration  prévoyante  des  Romains  empêcha 
la  Gaule  de  trop  se  dégarnir  d'arbres.  Si  l'extension  de  la 
culture  amenait,  en  certains  points,  le  déboisement,  si  les 
guerres  furent  une  cause  fréquente  de  dévastation  des  fo- 
rets, si  l'accroissement  des  latifundia  entraînait  la  des- 
truction de  bien  des  futaies,  le  goût  des  parcs,  des  jardins 
de  plaisance,  que  les  Romains  avaient  à  un  haut  degré, 
leur  faisait  respecter  des  ombrages  qu'une  industrie  agri- 
cole aussi  développée  qu'elle  est  aujourd'hui,  n'eût  pas 
manqué  de  détruire. 

Quoique  l'invasion  des  barbares  ait  désolé  notre  pays, 
quoique  les  Huns,  les  Goths,  les  Vandales,  les  Burgondes, 
les  Francs  aient  entretenu  sur  son  sol  presque  constam- 
ment la  guerre,  la  végétation  forestière  en  beaucoup  de 
points  y  perdit  moins  qu'elle  n'y  gagna.  La  fondation  d'un 


coupé  des  cèdres  sacrés.  (Voy.  Philostrat.  De  Vil.  sophislarum,  lib.  II, 
c.  XXVI,  p.  614,  cd.  Olearius.  Cf.  Philostrat.  De  VU.  Apoll.  Tyan.  lib.  I, 

C.  XVI.) 

(1)  Petron.  Sadjric.  c.  lui.  Digcsl.  XXXII,  1.  36. 


88      LES  FORÊTS  DE  l.A  CAULE  ET  DE  l'a.NCIENNE  I  ^A^XE. 

«;rand  nombre  de  villes  et  de  villages  sous  la  domination 
romaine  avait  nécessité  de  nombreux  abattis;  la  destruc- 
lion  de  plusieurs  de  ces  villes  et  de  ces  villages  par  les  bar- 
bares en  rendit  le  sol  aux  végétaux  sylvestres.  La  foret  re- 
poussée par  la  cognée  du  colon  latin,  reprit  en  plusieurs 
lieux  ce  qu'on  lui  avait  enlevé,  et  les  Francs,  enfants  des 
irabJar,  grands  amateurs  de  chasse,  veillèrent  à  la  conserva- 
tion de  ces  retraites  ombragées  qui  servaient  à  leurs  plai- 
sirs ;  c'est  ce  que  Ion  verra  dans  le  chapitre  suivant. 


CHAPITRE.  V 


89 


CHAPITRE  Y. 

LÉGISLATION  FORESTIÈRE  DES  POPULATIONS  GERMANlùlES;  INFLUENCE  TiES 
IDÉES  QUI  ONT  INSPIRÉ  CETTE  LÉGISLATION  SUR  l'ÉTAT  DES  FORÊTS  EN 
GAULE  APRÈS  l'établissement  DES  GOTIIS,  DES  FRANCS  ET  DES  BUR- 
G  ON  DES. 

Les  populations  qui  envaliirent  la  Gaule  aux  v^  et  \i' 
siècles,  étaient  sorties  d'un  pays  encore  plus  boisé  que 
n'était  celui  où  elles  venaient  s'établir.  J'ai  dit  plus  haut 
que  les  Germains  vivaient  en  majorité  au  milieu  des  fo- 
rêts, qui  fournissaient  à  leurs  besoins  et  qu'ils  entouraient 
d'un  respect  religieux.  Ignorant  alors  l'art  de  construire 
des  demeures  assez  hermétiquement  closes  pour  les  dé- 
fendre contre  le  froid  des  hivers,  obligés  de  se  réfugier  dans 
des  cavernes,  ils  trouvaient  dans  la  forêt,  malgré  son  hu- 
midité, un  abri  contre  les  frimas,  contre  les  vents  glacés 
que  rien  n'arrêtait  dans  les  plaines;  ils  devaient  en  agir 
un  peu  à  la  façon  des  rennes  qui  quittent  en  Sibérie  les 
toundras,  au  commencement  de  l'automne,  pour  se  réfugier 
dans  la  profondeur  des  bois  (1).  C'était  là  un  premier 
motif  pour  que  les  populations  germaniques  prissent  soin 
des  forets;  mais  il  en  existait  un  autre  ;  elles  avaient  ap- 
porlé  de  l'Asie  le  respect  de  la  végétation  arborescente  qui 
régnait  à  un  haut  degré  chez  les  Perses  (2)  et  d'autres  po- 
pulations de  même  race.  De  plus  la  forêt  nourrissait  en 

(1)  Voy.  sur  la  inigralion  des  roniies  eu  Sibérie,  et  leur  passage  ailei- 
nalif  des  forêts  dans  les  loundrns.  grandes  plaines  de  mousse  et  de  lichen 
des  bords  de  la  mer,  Bibliolhrque  de  Genève,  n"*  série,  t.  XXXIl, 
p.  288  (1841). 

(2)  Ce  respect,  qui  si'  ratlacliail  au  ••ulto  des  arbres  dont  j'ai  parlé 


90      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE.  ' 

foule  des  animaux  que  le  Germain  aimait  à  voir  se  pro- 
pager dans  l'intérêt  de  sa  chasse.  De  là  la  législation  pro- 
tectrice des  forêts  établie  de  bonne  heure  par  l'usage,  el 
qui  fut  définitivement  sanctionnée  par  les  codps  que  le- 
barbares  rédigèrent  sous  Tinfluence  de  la  civilisation  de- 
Romains  et  dans  la  langue  de  ceux-ci.  La  loi  saliqiu 
montre  que  le  législateur,  en  protégeant  les  bois,  s'étail 
surtout  proposé  la  conservation  des  animaux  domestique- 
qui  y  trouvaient  une  pâture  assurée.  En  même  temps  qm- 
par  ses  dispositions  elle  garantit  la  propriété  des  porcs,  de^ 
brebis,  des  chèvres,  des  oiseaux  et  même  des  abeilles  (d), 
elle  protège  les  arbres  contre  les  abattis  imprévoyants  des 
usagers  (2),  Lorsque  l'on  compare  les  dispositions  pénales 
établies  dans  la  loi  saliquedans  l'intérêt  des  arbres  et  des 
bestiaux,  à  celles  qui  se  rapportent  à  la  protection  desper- 


dans  rinlroduction,  ressort  de  ce  que  nous  lisons  dans  la  vie  d'Artaxer-  > 
ces.  On  y  voit  les  soldats  de  ce  prince  n'osant  couper,  malgré   le  froid 
le   plus   vif,  les  grands  arbres,  les  pins,  les  cyprès    dont  son  parc    ou 
paradis  était  planté,  quoique  Artaxercès  le  leur  eût  permis.  Il  fallut  que 
le  roi  prît  lui-même  la  cognée  et  leur  donnât  l'exemple.  (Voy.  Plularquf 
Artaxercès,  c.  xxxv,  p.  494,  éd.  Reiske.) 

(1)  Voici,  par  exemple,  le  titre  de  quelques-uns  des  chapitres  de  la  lu. 
saliquo  :  c.  ii.  De  furlis jjorcorum  ;  c  m,  De  furlis  animalntm  :  c.  iv.  De 
furtis  oviiim  ;  c.  v.  De  furlis  caprarum;  c.  vi,  De  furlis  cnmtm  :  c.  vu. 
De  furtis  avium  ;  c.  vm.  De  furlis  arborum  ;  c.  ix.  De  furlis  apium.  (Cf. 
édit.  Pardessus,  p.  4  et  suiv.  et  quatrième  texte,  p.  121.) 

(2)  Voici  le  texte  delà  loi  salique  relatif  aux  forêts  :  C.  vin,  De  furlis 
arborum.  1.  «  Si  quis  pomarium,  sive  quamlibet  arborem  domesticaïu. 
extra  clausuram  excideril  aut  furatus  fuerit,  CXX  dinariis  qui  faciuni 
solides  m,  culpabilis  judicetur,  cxcepto  cajiitale  et  delalura.  » 

2.  «  Si  quis  vcro  pomarium,  aut  quamlibet  arborem  domesticam,  infra 
clausuram  exciderit  aut  furatus  fuerit,  DC  dinariis,  qui  faciuni  solidos  XV. 
culpabilis  judicetur,  excepte  capitale  et  dclatura.  » 

3.  «  Hanc  quoquelegem  et  de  vitibus  furatis  observari  jussinius.  » 

4.  «  Si  quis  in  sylva  aUerius  materiamen  furatus  fuerit,  aut  inoendi- 
rit,velconcapulaverit,  aut  ligna  alterius  furaverit,  DC  dinariis,  qui  faciuiit 
solidos  XV,  culpabilis  judicetur,  excepte  capitale  et  delatura  »  (éd.  Par- 
dessus, p.  121,  282;. 


CHAPITRE   V.  9i 

sonnes,  une  chose  frappe  surtout,  c'est  que  les  peines  sont 
plus  sévères  en  matière  de  délits  forestiers  et  agricoles  que 
pour  les  attentats  contre  les  individus  (i).  Tandis  qu'on 
payait  15  sous  pour  avoir  coupé  ou  brûlé  des  arbres  pro- 
pres aux  constructions  [materiamen)  (2)  ou  au  chauffage 
[ligna)  (3),  ou  encore  pour  avoir  volé  un  porc  de  deux  ans 
[hinum porcum)  {^) ,  plus  cher  même  pour  un  verrat  (ver- 
rum)  (5),  il  n'en  coûtait  que  30  sous  à  celui  qui  avait 
frappé  un  homme  à  la  tête  assez  fortement  pour  en  faire 
sortir  trois  os  (6j. 

Des  dispositions  analogues  se  rencontrent  dans  lés  lois 
des  autres  peuples  barbares  d'origine  germaine.  La  loi 
ripuairc  condamne  expressément  le  vol  dans  les  forêts 
royales  et  communales  (7).  La  loi  des  Lombards  veut  que 
celui  qui  abat  un  arbre  de  réserve,  ou  qui  en  enlève  seule- 
ment la  marque,  ait  le  poing  coupé  ou  perde  la  vie  (8).  Au 
motif  d'utilité  publique,  qui  engageait  le  législateur  bar- 
bare à  défendre  l'abattage  du  bois,  se  rattachait  sans  doute 
le  respect  religieux  dont,  malgré  la  conversion  de  ces  peu- 
ples au  christianisme,  les  arbres  demeuraient  entourés. 
C'est  ce  que  prouve  l'existence  des  arbores  sacrivœ  (9). 


(Ij  C'est  ce  qu'a  remarqué  M.  Meaume  dans  son  introduction  au  Com- 
mentaire qu'il  a  rédigé  sur  le  Code  forestier. 

(2)  «  Si  quis  in  sylva  materiamen  alienum  aut  incenderit  aut  capula- 
vcrit,  DC  dinariis,  qui  faciunt  solidos  XV,  culitabilis  judicetur.  «  [Lex 
salico,  c.  XXIX,  g  27,  éd.  Pardessus,  p.  295.) 

(3)  Lex  salica,  c.  vui,  g  4,  p.  282,  éd.  Pardessus. 

(4)  Si  quis  porcum  bmum  furaverit,  DC  dinariis,  qui  faciunt  solidos  XV, 
culpabilis  judicetur,  c.\ccpto  capitale  et  delatura. 

(5)  Lex  salica,  c.  n,  ^  12. 

(6)  Voy.  Lex  salica,  c.  mx,  jJ  3,  éd.  Pardessus,  p.  289. 

(7)  Lex  Ripuarioridn,  til.  LXXVI,  p.  317,  éd.  Canciani. 

(8)  Leges  langobanlicr,  1.  I,  c.  i,  art.  138  et  suiv.  p.  71  et  suiv.  éd. 
Canciani.  Ces  lois  défendirent  aussi  d'incendier  les  forets,  p.  20G,  éd. 
Canciani. 

(9)  Cf.  Lcfjes  lanfjob.  1.  VI,  c.  i,  art,  30,  p.  120,  éd.  Canciani;  Du 


02      LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  1- RANGE. 

La  loi  salique  dit  peu  dechosedela  propriété  forestière. 
On  trouve  au  chapitre  viii  quelques  dispositions  relativc> 
au  vol  des  arbres;  au  chapitre  x  sontdéterminées  les  peines 
pour  les  dommages  faits  aux  champs  et  la  destruction  dos 
clôtures.  Ces  dispositions  ne  paraissent  dater  que  de  l'épo- 
que de  la  conquête,  alors  que  les  Francs  s'étaient  distribué 
lesterresdontilss'étaientemparésetavaient  pris  l'habitude 
des  demeures  fixes.  Il  n'est  rien  dit  dans  la  loi  salique  de- 
démembrements  delà  propriété  forestière,  des  bois  restésen 
indivision  et  des  droits  que  certaines  personnes  pouvaient 
avoir  sur  eux  (1).  C'est  seulement  dans  le  Code  des  Bur- 
gondes,  des  Ripuaireset  des  Wisigoths,  qu'il  est  parlé  d'une 
manière  circonstanciée  des  forêts  indivises  ou  commune? 
(sykœ  crmwmncs),  c'est-à-dire  des  forêts  dont  les  produit- 
inférieurs  étaient  considérés  comme  communs  (2).  Car  chez 
ces  barbares,  la  communauté  n'impliquait  pas  l'idée  que 
nous  attachons  aujourd'hui  aux  forêts  coy;2mi/?w/f.s (3).  Cha- 
cun avait  le  droit  de  prendre  dans  la  forêt  d'autrui  du  bois 
pour  ses  besoins,  comme  il  ressort  clairement  d'un  pas- 
sage delà  loi  Gombette  (4).  Ainsi,  le  droit  de  chacun  était 

Cango,  Glossar.  sub.  v"*  Saciùvvs.  (Voy.  sur  les  Arhorrs  sarrir.c,  Muia- 
tori,  Antiquitalrs  ilalirœ  mcdii  xvi,  t.  V,  y.  66  et  suiv.) 

(1)  Moaume,  Introduction  historique  à  la  jurisprudence  forestièn 

i  15. 

(2)  «  Si  quis  Burj,mndio  aut  Romanus  Sylvain  non  liabeat,  incidcndi 
ligna  ad  usus  suos  dcjacenlivis  ot  sine  fruclu  arboribus  in  cnjuslibet  sylva 
habeat  iiberam  potustatem,  neque  ab  ilio,  cujus  sylva  est,  repellatur.  — 
Si  quis  vero  arburem  fructiforam  in  aliéna  sylva,  non  pcrmittente  donimo, 
ferlasse  incident,  per  sinpulas  arbores  quas  incidit  singiilos  solidos,  do- 
mirio  sylva^- inférai....  Quod  si  sorvub  hoc  fi'cerit,  fusligetur  et  dorainus 
ejus  nuUum  damnuin  aut  calumniam  patiatur.  —  Si  quis  vero  qucm- 
quam  di.'jacentivis  et  non  frucliferis  arboribus  lignum  usibus  suis  neces- 
sarium  priT'sumere  fortasse  non  permiserit,  ac  si  ci  pignora  tulerit, 
reslitutis  in  triplum  pignoribus,  inférât  muleta:!  nomine  solides  sex.  •■ 
{Lex  Burgund.  éd.  Canciani,  lit.  xxxii,  p.  "I.) 

(3)  C'est  une  confusion  qu'a  faite  le  jurisconsulte  Proudhen,  ainsi  qii' 
la  remarqué  M.  Meaumc. 

(4)  Voyez  le  passage  cité,  note  1. 


i 


CHAPITRE    V.  93 

non  un  dioiL  do  propriété  commune,  mais  un  droit  d'u- 
sage. Les  produits  secondaires  des  forêts,  quel  que  fût  le 
possesseur  de  celles-ci,  étaient  considérés  comme  faisant 
partie  du  domaine  public  (1),  Le  propriétaire  faisait  mar- 
quer les  arbres  dont  il  se  réservait  la  disposition,  et  était 
supposé  abandonner  le  surplus  aux  prolétaires. 

Les  forets  qui  servaient  de  frontières  entre  les  peupla- 
des de  la  Gaule,  entre  celles  de  la  Germanie,  conservèrent 
pendant  longtemps  ce  caractère  de  marches  ;  elles  n'appar- 
tenaient vraisemblablement  à  aucun  particulier;  c'était 
la  propriété  commune  des  nations  qu'elles  séparaient; 
voilà  ce  qui  explique  pourquoi  en  certaines  contrées,  dans 
les  pays  germaniques  surtout,  les  forêts  apparaissent  gé- 
néralement comme  propriétés  communales,  avant  de  tom- 
ber au  pouvoir  du  seigneur;  car  elles  avaient  originaire- 
ment constitué  des  zones  forestières.  Une  fois  maître  de 
la  forêt,  le  seigneur  n'accorda  plus  aux  habitants  des  vil- 
lages voisins  qu'un  droit  d'usage  de  plus  en  plus  limité  (2). 
L'extension  de  la  législation  romaine  fit  en  grande  partie 
cesser  l'indivision,  en  matière  de  propriété  forestière,  par 
la  tendance  à  individualiser  la  propriété  qu'elle  introduisit;, 
les  marches  forestières  durent  être  souvent  partagées  entre 
les  cités  auxquelles  elles  confinaient.  4^ussi   quand  les 
Francs  et  les  autres  populations  germaniques  envahirent 
la  Gaule,  bien  des  forêts  étaient-elles  déjà  devenues  la  pro- 
priétédesnoblesjd'hommes  riches;  cequi  le  prouve.c'est  que 
toulesles  lois  barbares  opposent  constamment  la  forêt  com- 
mune indivise  à  la  forêt  particulière  ou  partagée  (3).  Tou- 


(1)  Méaumc,  ouv.  cit.  Cf.  Lcx  salica,  c.  xxix,  §  28,  29,  éd.  Pardessus, 
p.  295. 

(2j  Voy.  ce  quo  dit  M.  A.  Boultiors.  les  Sources  du  Droit  rural,  p.  70' 
(Paris,  1865j. 

(3)  Cf.  LexWisifjolh.  VIIL  iv,  27;  II,  ii-,  IH.  viu-,  Y,  i  ;  X,  i,  G.  Lej- 


94      tES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FILVNCE. 

tefois  la  tendance  à  l'individualisation  delà  propriété  fo 
restière  était  combattue  par  les  habitudes  des  populatioi 
germaniques,  qui  avaient  pour  effet  de  ramener  les  chose 
en  Gaule  à  ce  qu'elles  étaient  avant  César.  M.  A.  Bouj 
thors,  dans  un  ouvrage,  où  ce  sujet  est  traité  fort  af 
long  (1),  fait  observer  que  les  termes  :  in  sylva  commui 
seu  régis,  de  l'article  76  de  la  loi  ripuaire,  prouvent  que  1^ 
déclaration  de  domanialité  n'avait  pas,  à  l'époque  de  \i 
rédaction  de  cette  loi,  altéré  d'une  manière  bien  sensiblj 
le  droit  préexistant  de  ceux  qui  jouissaient  des  forêts  comj 
munales.  Toutefois,  cette  jouissance  tendit  chaque  jour 
se  restreindre.   Si  l'on  compare   la  loi  salique  à  la  1( 
Gombette  (2),  on  voit  que  dans  celle-ci  les  dispositions  sont 
moins  larges  àl'égard  des  usagers.  Tandis  que  le  législateui 
salien  imposait  aux  propriétaires  l'obligation  delà  marqu^ 
comme  signe  de  réserve,  le  législateur  burgonde  ne  per-j 
mettait  à  l'étranger  de  disposer  que  du  mort-bois  et  di 
bois  mort  gisant,  «  dejacentivis  et  si)ie  fructu  arborions^ 
celui-ci  ne  pouvait   toucher  aux   bois    durs.  Qu'ils  fus 
sent  marqués  ou  non,  le  propriétaire  avait  seul  le  droij 
de  disposer  des  arbres  sur  pied  et  portant  fruit.  Le  boi 
mort  et  le  mort-bois  étaient  si  essentiellement  du  domaial 
public  (3),  que  la  loi  prononçait  une  forte  amende  (sex  se 
lidos)  contre  le  propriétaire  qui  en  aurait  interdit  l'usagi 
aux  colons.  ' 
Quand  les  barbares  pénétrèrent  dans  la  Gaule,  voyan| 

liipiiar.  Lxxvi.  Lex  salica.,  VIII,  iv.  Lex  Dojuv.  II,  xxi.  Voy.  Bouthoii 
ouv.  cit.  p.  7t. 

(1)  Boulliors,  ouv.  cil. 

(2)  La  loi  saliquo  est  antérieure  à  la  loi  burgonde,  qui  ne  date  que  du 
V  siècle.  Le  prologue  des  lois  des  Ripuaires  et  des  Bavarois  en  attribui^ 
la  composition  à  Théodoric  ;  mais  ces  lois  ont  été  rotoucliées  sous  les  Mr- 
rovingicns.  La  loi  wisigothe  a  été  rédigée  à.  la  fin  du  vi*  siècle. 

(3)  Le  droit  au  morl-hois  est  celui  qui  porto  sui'  les  essences  vives  les 
moins  ])récieuscs  et  les  moins  propres  à  la  combustion. 


CHAPITRE    V.  9o 

certaines  forêts  aux  mains  de  propriétaires  privés,  les 
plus  puissants  d'entre  eux  durent  chercher  à  s'attribuer 
la  propriété  d'une  partie  des  forêts  communes  qu'ils  y 
trouvèrent.  En  même  temps  ils  dépouillaient  souvent  les 
propriétaires  antérieurs.  Voilà  comment  il  arriva  qu'une 
même  forêt  put  appartenir  à  des  hommes  de  race 
différente.  Un  titre  de  la  loi  wisigothe  porte  :  De  sylvisinter 
Gotlium  et  Romanion  imUvisis  relief is(i}.  Le  code  buroonde, 
au  titre  xiii,  traite  des  défrichements  (2)  et  statue  que  si 
une  forêt  commune  a  été  défrichée,  soit  par  un  Burgonde, 
soit  par  un  Romain,  le  défricheur  abandonnera  en  toute 
propriété,  à  son  hôte  copropriétaire,  une  étendue  de  la 
forêt  égale  à  celle  du  sol  défriché,  laquelle  demeurera  la 
propriété  exclusive  de  l'auteur  du  défrichement  (2). 
€es  défrichements  se  faisaient  souvent  en  mettant 
le  feu  à  la  forêt,  incendie  qui  se  communiquait  par- 
fois aux  forêts  voisines,  et  occasionnait  de  graves 
dommages,  contre  lesquels  nous  voyons  la  loi  burgonde 
prendre  des  mesures  (3).  Au  reste,  cette  communauté  entre 
hommes  de  race  différente  n'existait  pas  seulement  pour 
la  forêt.  Les  consortes  romains  et  burgondes  possédaient 
en  commun  ou  divisément,  moitié  par  moitié,  les  forêts 
non  délimitées,  les  champs,  les  pâturages,  en  ce  sens  qu'ils 
participaient  également  aux  profits  de  la  communauté 
jusqu'à  ce  qu'il  leur  plût  d'essarter  une  partie  de  la  forêt 
commune,  de  mettre  en  culture  ou  de  planter  en  vigne 
une  partie  du  champ  indivis.  Lorsqu'un  défrichement 
avait  lieu,  la  division  de  la  forêt  devait  se  faire  de  manière 

(1)  Lex  Wisigolli.  X,  v,  p.  175,  éd.  Canciani. 

(2)  Tit.  XIII.  De  exariis  :  «  Si  quis  taniBurgundio  quam  Romanus  in 
Sylva  communi  exartum  fecerit,  aliud  tanlum  spatii  de  sylva  hospiti  siio 
consignet,  et  exartum,  quem  fecit,  remota  hospitis  communione  possi- 
deat  »  (éd.  Canciani,  p.  17). 

(3)  Lcx  Buvgund.  ibid.  Cf.  la  disposition  de  loi  wisigothe  citée  n.  1. 


96   LES  FORÊTS  Dt  LA  GALLE  ET  DE  l'a>«CIE>'NE  FRANCE. 

à  ce  que  la  moitié  des  essaits  fût  toujours  attribuée  auj 
Romains.  L'étendue  du  champ  cultivé  ou  l'importance  d^ 
l'exploitation    iiulividuello,    servait  à  déterminer    dans* 
quelle  proportion  les  consortcs  pourraient  prétendre  à  lî 
jouissance  de  la  forêt  commune  (1). 

Tandis  qu'en  Allemagne  les  forêts  communes  (2)  onl 
persisté  fort  longtemps,  en  France  les  habitudes  de  la 
propriété  romaine  s'opposèrent  à  ce  que  la  législation 
barbare  en  matière  de  forêts  poussât  de  profondes  racines. 
Le  droit  de  propriété  forestière  fut  de  plus  en  plus  ré- 
servé aux  seigneurs,  et  ceux-ci  en  veillant,  dans  leur  inté- 
rêt particulier,  à  ce  que  les  usagers  n'abusassent  pas  de 
leurs  droits,  coutriLuèrent  à  arrêter  le  défrichement.  Nous 
allons  voir  même  qu'ils  étendirent  souvent  le  domaine  de 
la  forêt. 

(1)  Bouthors,  oxivr.  cité,  p.  72.  Jo  crois  utile  de  rappeler  ceUe  obser- 
vation du  même  auteur  : 

«  La  loi  des  Wisigoths  consacre  aussi  le  principe  de  la  liberté  des  dé- 
IVicheraents  de  la  forêt  indivise  pour  la  convertir  en  culture  ;  mais  c'est 
sous  la  condition  que  Ir  Romain  ou  le  Barbare  co-propriétaire  sera  in- 
demnisé par  l'attribution  d'une  partie  de  la  forêt  encore  intacte,  égale  en 
valeur  à  celle  de  la  paitie  défrichée,  ou  s'il  ne  reste  pas  do  forêt  de  conte^ 
nancc  et  de  valeur  suflisante  pour  lui  offrir  celte  compensation,  qu'il  sera 
admis  au  partage,  par  moitié,  de  la  portion  mise  en  culture.  » 

(2)  Ces  foiêts  sont  souvent  désignées  sous  le  nom  d'Alemcnt,  qu 
lépond  à  l'allemand  actuel  AlUjemeine ,  «  générales,  »  et  qui  est  rend' 
dans  les  chartes  latines  i)ar  le  mot  aimnida.  (Voyez  IIuillard-BréhoUes, 
IHstoria  diplomoika  Frderki  11,  t.  III,  p.  396,  442  oi  passim.) 


CHAPITRE    YI,  97 


CHAPITRE  VI. 

LÉGISLATION"   FORESTIÈRE    ET  GRANDES  FORÊTS  DE  LA   FRANCE  AU  TEMPS  DES 
CARLOVINGIENS. 

Quoique  les  forêts  communes  se  rencontrassent  sur- 
tout, ainsi  qu'il  a  été  dit,  chez  les  populations  germa- 
niques, qui  leur  ont  conservé  longtemps  le  caractère 
indivis,  ce  sont  des  princes  d'origine  teutonique  auxquels 
est  due  l'introduction  du  nouveau  droit  forestier  qui  res- 
treignit la  communauté  des  forêts.  Les  Carlovingiens, 
tout  en  laissant  subsister  dans  les  Gaules  une  partie  des 
coutumes  apportées  par  les  Barbares,  cherchèrent  à  for- 
tifier leur  autorité  et  à  s'attribuer  exclusivement  des 
avantages  dont  avait  d'abord  joui  l'ensemble  des  conqué- 
rants. 

Certaines  étendues  de  forêt  furent  destinées  à  l'usage 
spécial  du  roi  et  de  ses  officiers  (i).  On  appela  ces  can- 
tons foresta,  forestis,  foreste,  en  allemand  Bannforstei^}. 
Comme  c'était  surtout  en  vue  de  la  chasse  que  les  mo- 
narques francs  se  les  réservaient,  on  les  peupla  de  bêtes 


(l)  Cet  usage  existait  déjà  en  Asie,  d'où  il  a  peut-être  été  porté  par 
les  populations  qui  émigrèrent  en  Europe.  La  jouissance  de  certaines 
forêts  était  exclusivement  réservée  aux  princes.  L'empereur  Khang-Hi, 
dans  une  de  ses  expéditions  en  Mongolie,  s'attribua  ainsi  Ja  jouissance 
exclusive,  pour  la  chasse,  d'une  grande  forêt  qui  s'étend  sur  plus  de 
100  lieues  du  nord  au  midi,  sur  plus  de  80  de  l'est  à  l'ouest,  et  qui  a 
été  depuis  désignée  sous  le  nom  de  Grande  Forêt  impériale  de  la  Mon- 
golie. (Voy.  Hue,  Souvenirs  d'un  coyage  dans  la  Tarlaric,  le  Tliibel  et 
la  Chine,  \^èû.  t.  I,  p.  38.) 

■2)  Behlen,  Lelirb.  der  deulschen  Forstc/eschichte,  p.  .50  et  suiv.  On  a 
fait  dériver  tour  à  tour  le  mot  forcsla  de  fonim,  «  droit  de  justice,  dé- 
fens;  »  do  fera,  «  bête  fauve-,  »  de  forehoka  {fœhrenicakl),  «forêt  de 
pins.  » 

7 


98      LES  FORÊTS  DE   LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

fauves,  qu'il  l'ut  interdit  de  détruire.  Les  forêts  moins 
importantes,  celles  qui  demeuraient  à  l'abri  des  défens, 
finirent  par  tomber  en  la  possession,  soit  des  seigneurs, 
soit  des  principaux  usagers.  Et  une  fois  qu'elles  eurent 
perdu  le  caractère  de  propriété  communale,  il  fut  d'autant 
plus  facile  aux  hommes  puissants  de  les  reSendiquer,  en 
faisant  valoir  une  sorte  d'usucapion,  de  possession  à 
long  titre  (1).  Toute  syka,  tout  ^yald  devint  con?équem- 
ment  une  foresta,  un  Forst.  Le  droit  de  forêt  et  de  chasse 
fut  un  apanage  obligé  de  la  seigneurie.  Nos  rois  se  mon- 
traient alors  fort  jaloux  d'un  privilège  qui  assurait  leur 
plaisir  favori.  On  sait  combien  les  Francs  étaient  amateurs 
de  chasse.  «  Vix  ulla  in  terris  natio  invenitur  quae  in 
hac  arte  Francis  possit  sequari ,  »  écrit  Eginhard  (2). 
Cette  passion  que  nos  ancêtres  avaient  apportée  de  la 
Germanie  (3),  était  très-vive  chez  Gharlemagne  et  ses  suc- 
cesseurs (4).  C'est  ce  que  nous  voyons  par  un  capitulaire 
de  Charles  le  Chauve,  de  l'an  877  (5).  Le  monarque  y 
dresse  une  longue  liste  de  forêts  {forestœ  regiœ)  dans  les- 


(1)  Voy.  Anton,  Geschichle  der  deutschcn  Landwirlliscliaft,  t.  1, 
]..  '4G2  elsuiv.;  t.  II,  \).  326  el  suiv. 

(2)  Eginhard,  Vita  Caroii  Magni,  ^  22.  Cf.  Eginhard,  Annal,  ann. 
819,  820,  822. 

(3)  Quand  les  Germains  ne  font  ]ias  la  guerre  aux  hommes,  écrit 
Tacite  (Gfr>nfl«.  15),  ils  la  font  aux  animaux.  Arrien  nous  apprend  que 
les  Gaulois  avaient  la  même  passion,  et  que  leurs  chiens  de  chasse 
étaient  en  grand  renom.  [De  Venidione,  c.  m,  xxxv.)  Cf.  Du  Cange, 
(Hossar.,  \°  Foresla,  éd.  Henschel,  t.  III,  p.  350,  et  LaCurne  de  Sainte- 
Palaye,  Méni.  hisloriq.  sur  la  chasse,  dans  le  tom.  III,  p.  107  et  suiv. 
des  Mémoires  sur  l'ancienne  chevalerie. 

(4)  Voy.  sur  les  chasses  de  Gharlemagne  et  de  ses  fds,  un  poëme 
attribué  à  Alcuin,  ap.  Alcuin,  Oper.  l.  II,  part,  n,  p.  452  (1777,  Ratis- 
lionne,  in-fol.).  La  moitié  du  i)oeme  est  consacrée  à  la  description  d'une 
chasse,  après  laquelle,  suivant  l'auteur,  l'empereur  franc,  s'étant  en- 
dormi, eut  un  songe  qui  lui  annonça  les  maiiieurs  dont  le  i)ape  était 
menacé:  Versus  de  Carlo  Magno,  ap.  Historiens  de  France,  t.  V, 
p.  392. 

(5)  Capilul.  éd.  Baluze,  t.  II,  p.  208. 


CHAPITRE   VI.  99 

quelles  il  interdit  expressément  à  son  fils  de  chasser.  Et 
même,  pour  les  autres  forêts,  il  ordonne  que  l'on  s'en- 
qiiière  ponctuellement  {diUrjenter)  du  nombre  des  sangliers 
€t  des  autres  bêtes  fauves  que  celui-ci  aura  tuées. 

Les  restrictions  apportées  à  la  faculté  d^  chasser  en  cer- 
tains lieux,  expliquent  pourquoi  on  donna  à  ceux  pour  les- 
quels l'interdiction  n'existait  pas  le  nom  particulier  de 
Venabula,  d'où  est  dérivé  celui  de  Vénables  que  portent 
encore  diverses  localités  (Eure,  Seine-Inférieure). 

Les  concessions  de  forêts  accordées  par  les  rois  à  des 
particuliers  furent  d'abord  très-peu  nombreuses  ;  elles 
n'étaient  généralement  obtenues  que  par  des  ecclésiasti- 
ques, en  faveur  de  leur  église,  ou  par  des  abbés,  en  fa- 
veur de  leur  monastère.  La  première  donation  qui  se  ren- 
contre à  cette  époque  est  consignée  dans  un  capitulaire  de 
l'an  804.  Elle  est  faite,  en  toute  propriété,  par  l'empereur 
Charlemagne  à  l'évêque  et  à  l'église  d'Osnabruck  :1), 

Au  prince  seul  appartenait  le  droit  de  laisser  établir  une 
foresta.  C'est  ce  que  l'on  appelait  forestare,  afforestare  ou 
inforestare  (2).  Lorsqu'un  grand  de  la  cour,  un  comte  {co- 
mes),  voulait  établir  une  foresta,  c'est-à-dire  proprement 
une  garenne,  pour  quelque  forêt  que  ce  fût,  même  pour 
celle  dont  il  était  propriétaire,  il  devait  demander  l'au- 
torisation au  monarque  (3). 

La  foresta,  même  établie  avec  le  consentement  royal, 
pouvait  être  supprimée,  aussi  bien  dans  les  domaines  des 
particuliers  que  dans  ceux  du  prince.  C'est  ce  qu'on  ap- 
pelait deafforestare  ou  d'iwfforestare.  Pareillement,  les  fo- 
restoi  détruites  étaient  susceptibles  d'être  reconstituées  : 


(Ij  Elle  porte  ]jour  titre  :  Pr^cejHinn  de  scholis  grœcis  et  laiinis  iiuti- 
iiiendis  in  ecclesia  Osnahrukgensi. 

(2)  Voy.  Du  Gange,  Gloss.  s.  vv.  foreslagium  et  foresta. 
r3)  Du  Gange,  ihid. 


BIBLIOTHECA 


100    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

c'estce  qu'on  appelait  reafforestare.  Telle  était  lalégislatioii 
germanique;  mais  elle  ne  s'introduisit  jamais  complète- 
ment en  France  :  le  droit  de  supprimer  les  forestœ 
établies  cum  jussiojie  régis  n'ayant  guère  été  exercé 
par  nos  rois.  On  en  trouve,  au  contraire,  de  nombreux 
exemples  dans  les  chartes  anglaises  et  allemandes  (1). 

La  régie  des  forêts  royales  fait  l'objet  de  plusieurs  capi- 
tulaires  de  Gharlemagne  et  de  Louis  le  Débonnaire.  Elle 
fut  confiée  sous  ces  princes  à  des  officiers  appelés  fores- 
tarii  (2).  Le  capitulaire  De  villis,  de  l'an  800,  nous  apprend 
que  ces  forestiers  avaient  la  garde  générale  des  forêts  de 
la  couronne.  Ils  décidaient  des  défrichements  à  opérer 
dans  les  endroits  propres  à  la  culture,  et  veillaient  à  ce 
qu'on  ne  mît  pas  en  labour  ceux  où  le  bois  prospérait  ;  ils 
avaient  sous  leur  garde  tout  le  gibier  et  affermaient  la 
glandée.  Au-dessus  d'eux  étaient  placés  les  veneurs  royaux, 
qui  visitaient  de  temps  à  autre  les  forêts,  y  tenaient  con- 
seil et  dressaient  des  règlements.  La  surveillance  des  pê- 
cheries du  roi  leur  était  spécialement  dévolue  (3).  Les  fo- 
rêts qui  appartenaient  aux  comtes  ou  aux  immunistos  et 
qui  se  distinguaient  des  forestœ  dominœ,  avaient  leurs 
forestarii  particuliers  (4). 

Quoique  la  propriété  forestière  fût  devenue  plus  abso- 
lue sous  Gharlemagne  et  ses  premiers  successeurs,  elle 
n'excluait  pas  encore  complètement  le  droit  d'usage  géné- 
ral, la  communauté  de  produits  secondaires  qui  existait 
dans  la  législation  germanique.  Les  lites,  les  colons  et  gé- 


(1)  Du  Cange,  siili  v"  Forcsla,  ne  cite  aucuiil;  charte  (Je  dcsoiJonsla- 
lion.  (V.  Anton,  Gcscliiclile  dcr  deulschen  Landuiiihschaft,  t.  II,  ]•.  'M'>'^ 
et  suiv.) 

'^2)  Capilul.  ann.  813,  j!  18.  Du  Gange,  Gloss.  suh  v°  Fort-slariiis. 

(3)  Capitid.  ann.  813,  jJ  18,  19,  éil.  Baluze,  t.  I,  col.  olO.  CiipH.  ann. 
800.  1. 1,  col.  338. 

(4)  Du  Cange,  Gloss.  sub  v°  Foreslarhis,  \>.  353. 


CHAPITRE   Yl.  101 

iiéralement  tous  les  cultivateurs  en  usaient,  comme  le  font 
encore  aujourd'hui  les  usagers  qui  prennent  du  bois  d'af- 
fouage ou  de  construction,  soit  dans  les  forêts  domaniales, 
soit  dans  les  forêts  particulières  (1).  Il  ne  semble  pas  qu'il 
ait  existé  en  ce  temps-là  de  règles  de  police  relatives  à  la 
délivrance;  on  ne  les  voit  apparaître  que  beaucoup  plus 
tard,  en  1:280,  dans  une  ordonnance  de  Philippe  le 
Hardi  (2).  Sans  doule  l'abondance  des  bois  était  alors 
assez  grande  pour  qu'on  ne  se  préoccupât  pas  toujours  des 
coupes  intempestives  qui  pouvaient  être  faites  par  les 
ayants-droit  autres  que  le  propriétaire  (3).  Mais,  tandis 
que  le  droit  de  recueillir  les  produits  en  bois  mort  et  en 
mort-bois  restait  à  peu  près,  pour  les  usagers,  ce  qu'il 
avait  été  chez  les  Francs,  les  droits  de  glandée,  de  panage 
ou  paisson,  subissaient  une  notable  réduction.  Le  porc 
demeurait,  comme  au  temps  des  Gaulois,  la  principale 
nourriture,  et  la  population  augmentant,  on  devenait  de 
plus  en  plus  sévère  sur  l'exercice  des  servitudes  usagères 
établies  dans  le  but  d'assurer  la  subsistance  de  cet  ani- 
mal. Déjà,  la  loi  des  Wisigoths  (4)  nous  offre  des  disposi- 
tions fort  étendues  sur  le  droit  de  parcours  des  porcs  dans 
les  forêts.  Ce  droit  constituait  une  propriété  privée,  et  ne 
pouvait  être  exercé  par  chacun  que  sur  son  propre  ter- 
rain, ou  entre  copropriétaires  du  même  lot  [consortes)  (5). 

(1)  Voy.  Meaume,  Inlroduction  historique  à  la  Jiirispriidnicc  fores- 
tière, g  25. 

(2)  Voy.  Saint-Yon,  Ordonn.  des  eaux  et  forêts,  liv.  I,  tit.  xxix, 
p.  377.  —  Il  ejîistc  deux  textes  de  cette  ordonnance,  l'un  latin  et  l'autre 
français.  Ce  dernier  porte  :  «  Des  livrées  qui  se  doivent  faire  aux  usa- 
gers. »  On  appelait  livrées  les  délivrances  de  certains  lieux  et  triages  des 
forêts  qui  leur  servaient  de  limites  pour  la  perception  des  droits. 

(3)  Voyez  toutefois  ce  qui  est  dit  ci-dessus  des  règlements  établis  [lar 
€harlemagne  pour  ses  forêts  particulières. 

(4)  Lex  Wisig.  lib.  VIII,  éd.  Canciani,  p.  IGl. 

(5)  Les  consortes  étaient  les  copropriétaires  d'un  même  lot  de  terre,  ori- 
ginairement tiré  au  sort.  Les  lots  gardèrent  le  nom  de  sortes,  bien  long- 


d02   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Lorsqu'un  propriétaire  rencontrait  dans  les  bois  des  porcs 
ne  portant  point  sa  marque,  il  avait  le  droit  de  les  mettre 
sous  le  séquestre  (1).  Des  dispositions  analogues  appar- 
tiennent à  la  loi  des  Lombards  (2).  Le  droit  depaisson  n'é- 
tait pas  entièrement  synonyme  de  celui  depanar/e.  Il  ne 
comprenait  pas  celui  de  glandée,  c'est-à-dire  qu'il  n'auto- 
risait pas  l'usager  à  emporter  de  la  forêt  des  glands  pour 
la  nourriture  de  ses  animaux  domestiques.  La  glan- 
dée désignait  uniquement  le  droit  de  panage  dans  les  fo- 
rêts de  chênes,  parfois  ce  mot  s'appliquait  au  simple 
droit  de  ramasser  les  glands  tombés  naturellement.  Le 
droit  de  prendre  et  de  couper  du  bois  dans  les  forêts  roya- 
les, jm  capulandi  (3),  fut  réglé  avec  une  plus  grande  sévé- 
rité, preuve  de  l'observation  plus  rigoureuse  du  droit  de 
propriété  forestière.  Charlemagne  défendit  les' coupes  trop 
abondantes  (4),  et  les  serfs  chargés  du  caplim,  c'est-à-dire 
de  la  coupe  du  bois,  furent  assujettis  à  certaines  obser- 
vances. Le  capitulaire  de  ri/lis  de  l'an  812  porte  en  effet  : 
«  Ut  sylvae  vel  forestes  nostrae  bene  sint  cusloditae,  et 
»  ubi  locus  fuerit  ad  stirpandum ,  stirpare  faciant  et 
»  campos  de  sylva  increscere  non  permittant.  Et  ubi 
y>  sylvae  debout  esse,  non  eas  permittant  nimis  cnpulare 
»  atque  damnare  (5).  » 

Le  soin  que  Charlemagne  prenait  d'empêcher  la  dévas- 
tation de  ses  forêts,  de  veiller  à  leur  conservation,  semble 
difficilement  s'accorder  avec  la  défense  portée  dans  cer- 


lemps  après  que  la  distribution  no  s'en  faisait  plus  ainsi.  Dans  les 
Ardennes,  on  désigne  encore  aujourd'hui  i)ar  le  mot  sorts  les  portions 
de  fonHs  sur  lesquelles  se  pratique  l'opération  du  sarloge. 

(1)  Leg.  Wisig.  1.  VIII,  lit.  v,  g  4,  p.  161. 

(2)  Leg.  Langobard.  lib.  I,  tit.  xxiii,  g  7,  éd.  Canciani,p.  93,  138. 

(3)  Capitular.  éd.  Baluze,  t.  I,  col.  300  et /)a5Sîm.  ? 

(4)  Voy.  Guérard,  Polyptique  de  l'abbé  Irminon,  t.  I,  part,  ii,  p.  68. 

(5)  Càpilul.  éd.  Baluze,  t.  1,  col.  510,  art.  13.  éd.  Pertz,  g  36,  p.  183. 


i 


CHAPITRE    VI.  103 

tains  capitulaires  (1)  d'établir  des  forêts  nouvelles. 
M.  Meaume  explique  cette  apparente  contradiction,  en  fai- 
sant observer  que  les  dispositions  des  capitulaires  ne  sont 
applicables  qu'à  l'administration  des  biens  royaux  (2).  Le 
prince  si  attentif,  si  ménager  pour  ses  intérêts,  et  auquel 
n'échappe  aucun  détail  dans  le  règlement  du  revenu  de 
ses  terres,  ne  négligeait  pas  de  rappeler  à  ses  intendants 
qu'on  ne  devait  point  laisser  les  forêts  envahir  les  champs 
cultivés;  recommandation  d'autant  plus  nécessaire  que 
lesjudices  et  les  ?najores,  qui  avaient  le  droit  de  panage, 
étaient  intéressés  à  l'extension  du  sol  forestier. 

La  plupart  des  auteurs  ont  interprété  autrement  le  sens 
du  passage  du  capitulaire  ou  cet  avertissement  est  donné, 
et  ils  lui  ont  supposé  une  application  beaucoup  plus  gé- 
nérale qu'elle  ne  doit  lui  être  attribuée,  quoique  la  même 
défense  se  reproduise  en  d'autres  capitulaires  et  qu'elle  se 
retrouve  dans  la  loi  lombarde  (3)  :  circonstance  qui  mon- 
tre seulement  que  l'origine  de  cette  mesure  doit  être 
cherchée  dans  les  habitudes  introduites  par  les  popula- 
tions germaniques;  elle  se  rattache  au  droit  de  garenne 
dont  il  sera  question  au  chapitre  suivant. 

Le  droit  de  forêt  {foresta)  avait  d'abord  porté  sur  la  ré- 
serve appliquée  à  tout  ou  partie  d'une  forêt.  Plus  tard, 


(1)  Capilul.  (le  villis,  g  36,  édit.  Baluze,  col.  336;  Capit.  lib.  lY, 
j{  65,  col.  788. 

(2)  Meaume,  Inlrod.  histor,  à  la  Jurisprud.  forest.  ^  23.  —  L'argu- 
mentation de  cet  auteur  contre  le  sens  général  appliqué  aux  défenses  que 
publièrent  les  Garlovingiens,  d'établir  de  nouvelles  forêts,  ne  porte  que 
sur  le  capitulaire  De  villis,  dans  lequel  cette  défense  pourrait  se  ratta- 
cher à  un  simple  fait  de  bonne  administration  des  biens  royaux.  Mais  il 
est  à  remaniuer  que  les  successeurs  de  Charlemagne  rendirent  ces  dé- 
fenses d'une  manière  générale,  interdirent  dans  leur  domaine  toute  nou- 
velle forêt,  et  prescrivirent  le  déboisement  de  celles  qui  avaient  été 
établies  sans  leur  permission.  {Capitid.  lib.  IV,  §  65,  col.  788  ;  Capilul, 
Ludovic.  PU,  ann.  819,  g  7,  col.  612;  g  22,  p.  617.) 

(3)  Leg.  Langobard.  §  49,  éd.  Canciani,  p.  193.. 


404   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

on  distingua  deux  espèces  de  droit  :  celui  de  forêt  propre- 
ment dit  :  bannus  si/lvestris,  Forstbann,  d'où  naissait  le 
forestarium  {\),  et  celui  de  chasse  (Wiklhann,  forestum) 
qui  comprenait  aussi  le  droit  de  pêche  {foreslaaquatica). 
Le  premier  était  nécessairement  contenu  dans  le  second; 
mais  l'inverse  n'avait  pas  lieu;  preuve  que  la  j^ensée 
d'assurer  la  conservation  du  gibier,  de  réserver  au 
seigneur  les  plaisirs  de  la  chasse,  était  le  principal  motif 
de  ces  dispositions  législatives  (2). 

L'union  étroite  des  droits  de  chasse  et  des  droits  de 
pêche  explique  pourquoi  la  surveillance  des  eaux  et  celle 
des  forêts  ont  été,  jusque  dans  ce  siècle,  confiées  à  une 
même  administration,  celle  des  eaux  et  forêts.  Le  pouvoir 
des  rois  ou  des  grands  feudataires  s'étant  presque  partout 
substitué  au  droit  qu'exerçaient  originairement  les  habi- 
tants des  civitates,  les  grandes  forêts  [sylvœ)  finirent  par 
entrer  dans  le  domaine  de  ces  puissants  barons.  Le  do- 
maine royal  embrassa  les  principales  forêts  du  nord  de  la 
France.  Les  petits  bois  ou  breuils  (boscits),  les  brosses 
[lucits),  les  forêts  de  peu  d'étendue  [nemus),  appartinrent 
soit  à  des  monastères,  soit  à  des  seigneurs  de  rang  in- 
férieur. Les  anciennes   forêts  communes  de  la  Gaule, 
comme  plusieurs  de  celles  de  la  Germanie,  furent  enva- 
hies par  les  défens  qui  circonscrivirent  ainsi  chaque  jour 
davantage  la  partie  attribuée  à  l'usage  commun.    Les 
grandes  marches  forestières  qui  séparaient  dans  leprincipe 
les  cités,  furent  dès  lors  partagées  en  divers  districts, 
les  uns  concédés  soit  en  propriété,  soit  pour  l'usage,  à 
des  monastères  ou  à  des  villes,  les  autres  réservés  par  les 
seigneurs  pourleur  jouissance  j^ersonnelle.  La  conséquence 
de  cette  division  fut  le  démembrement  d'une  foule  de 


(1)  Voy.  Du  Gange,  Glossar.  ?ub  v»  Forestagium. 

(2)  Voy.  Anton,  Gcschichte  der  deutschen Landivirthschaft,  t. II,  p.  1 33. 


CHAPITRE    VI.  105 

grandes  forêts  en  un  certain  nombre  de  forêts  distinctes  qui 
prirent  chacune  des  noms  particuliers  et  ne  tardèrent  pas 
à  être  séparées  les  unes  des  autres  par  des  essarts,  des 
champs  découverts  dont  les  progrès  de  la  culture  éten- 
daient graduellement  la  superficie.  On  voit  parles  Comptes 
de  saint  Louis  {\)  que  pour  certaines  forêts,  ces  subdivi- 
sions étaient  devenues  singulièrement  multipliées.  Presque 
jamais  la  forêt  n'y  est  désignée  par  son  nom  géographique 
et  général.  Il  n'est  question,  le  plus  souvent,  que  de  can- 
tons forestiers  dénommés  d'après  l'époque  de  la  coupe,  le 
nom  du  propriétaire  ou  des  usagers. 

Sous  les  Garlovingiens,  les  grandes  forêts  du  nord  de  la 
France  gardaient  sans  doute  un  développement  consi- 
dérable; cependant  elles  avaient  subi  de  notables  dé- 
membrements et  étaient  déjà  partagées  en  larges  subdi- 
visions constituant  encore  des  forêts  importantes;  plu- 
sieurs d'entre  elles,  devenues  propriétés  royales,  sont  men- 
tionnées dans  un  capitulaire  de  Gharlemagne  et  dans  un 
autre  de  Charles  le  Chauve  (2).  Du  Gange  (3)  en  arecueilli 
les  noms  et  a  déterminé  leurs  équivalents  modernes  ; 
nous  nous  aiderons  de  son  travail. 

La  vaste  forêt  des  Sylvanectes,  dont  j'ai  parlé  au  cha- 
])itre  ïi,  et  qui  s'étendait  depuis  les  frontières  du  Parisis 
jusqu'à  travers  le  territoire  des  Suessions  et  des  Veroman- 
duens,  avait  été  défrichée  sur  divers  points,  et  un  grand 
nombre  de  villas  royales  furent  élevées  sur  son  sol,  villas 
ayant  chacune  à  l'entour  un  parc  de  chasse,  qui  était  une 


(1)  Voy.  les  ComjHes  de  soinl  Louis,  t.  XXI,  p.  250  et  suiv.  des  Hislo- 
riens  de  France. 

(2)  Capilid.  Carol.  Magni,  XLIII,  22.  Cf.  Capilul.  éd.  Baluze,  t.  11, 
col.  2G8.  Le  capitulaire  de  Charles  le  Chauve,  qui  est  de  l'amiée  877, 
('iDumère,  comme  il  a  été  dit,  un  certain  nombre  de  forêts  où  Louis,  fils 
de  ce  monarque,  ne  doit  pas  chasser  en  l'absence  de  son  père. 

(3)  Glossar.  \°  foreste  dominicum,  t.  III,  p.  350,  éd.  Henschel, 


106    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

fraction  de  la  forêt  primitive  (1)  ;  celle-ci  avait  alors  fait 
place  à  des  forêts  séparées  que  nous  allons  faire  connaître. 
La  forêt  appelée  Cotia  ou  Coatia,  Caucia  sylva  (2),  nom 
qui  futplus  tard  altéré  en  celui  de  Guise,  répondaità  la  plus 
grande  partie  de  la  foret  de  Compiègne  actuelle.  Son  ap- 
pellation montre  qu'elle  comprenait  la  partie  centrale  et 
principale  de  l'ancienne  forêt  des  Sylvanectes,  désignée 
auparavant,  comme  je  l'ai  remarqué,  par  le  nom  seul 
de  la  forêt  (Z).  Car  il  est  tout  naturel  de  supposer  que  la 
partie  centrale  ou  principale  de  la  forêt  des  Sylvanectes 
avait  gardé  le  nom  imposé  d'abord  à  la  forêt  tout  entière. 
Ce  nom  se  retrouve  d'ailleurs  altéré  dans  l'appellation 
d'un  grand  nombre  de  villages  et  de  bourgs  construits 
en  divers  points  de  l'ancien  territoire  de  la  forêt,  tels  sont  : 
Coucy,  Quincy,  Cuissy,  Cuisy,  Choisy.  Lès  mêmes  noms 
reparaissent  en  beaucoup  d'autres  régions  de  la  France, 
et  il  faut  leur  rattacher  ceux  de  Cuisance^  Cidseaux, 
Cuisei^ey,  Cuisery,  Cuisiat,  Chessy^  Crécy  ou  Cressy  (4)  et 
Chaource  (5)  indiquant  tous  l'existence  d'anciennes  forêts. 
La  forêt  de  Cuise  se  subdivisa  elle-même  en  deux  autres  : 
1"  celle  de  Cuise,  nommée  dans  la  suite  forêt  de  Com- 
piègne, et  qui  a  valu  leurs  noms  à  Choisy-au-Bac  (6), 


(1)  L'une  de  ces  villas,  celle  qui  était  située  à  peu  près  à  son  centre, 
prit  le  nom  de  Sylvanectis  Palatium,  et  a  été  l'origine  de  Senlis.  Voyez 
Du  Cange,  Glossar.  t.  V,  p.  25. 

(2)  Grégoire  de  Tours,  Hislor.  Franc.  l\,  21. —  Fredegar.  chron. 
cont.  g  104.  Fortunat,  Vil.  S.  Medardi,  p.  405,  cd.  L.  d'Achéry.  Gesta 
regum  francorum,  ^  29. 

(3)  Voy.  ce  qui  est  dit  plus  haut,  p.  53. 

(4)  Le  nom  de  Choisy  est  rendu  dans  les  cRartes  latines  par  Cauciacum  : 
peut-être  le  nom  de  Crouy  (en  latin  Croiciacwn),  porté  par  un  village 
où  existait  un  palais  royal,  au  moyen  âge,  a-t-il  la  même  étymologie. 

(5)  La  forme  latine  était  Catusiacum,  nom  d'une  station  romaine  de 
la  Gaule.  Voy.  Ilinerar.  AtUonini,  éd.  Parthey  et  Pinder,  n»  381,  p.  183. 
Plusieurs  bois  portent  en  France  le  nom  de  Chaource. 

(C)  En  latin  Cauciacus,  Cociacus  ou  CUosiacus.  Voy,  sur  le  nom  d'- 


CHAPITRE    VI.  107 

village  dont  la  foret  tira  son  nom  de  forêt  de  Choisyfl), 
et  à  Cuise-la-Motte,  village  situé  à  l'extrémité  nord- 
est  de  la  même  forêt;  2°  la  forêt  de  Laigiie  (Lisica), 
sise  au  nord  de  la  forêt  de  Compiègne  et  dont  j'aurai 
occasion  de  reparler  en  traitant  des  forêts  de  cette  partie 
de  la  France,  au  moyen  âge.  M.  S.  Prioux,  dans  son  ex- 
cellente carte  de  la  Civitas  Suessionum,  a  donné  approxi- 
mativement la  topographie  de  ces  deux  forêts,  à  l'époque 
romaine.  Nul  doute  que  la  voie  qui  allait  de  la  ville  des 
Sylvanectes  à  Noviodiimim  (Soissons),  et  qui  coupait  la 
forêt  de  Cuise  au  sud-est,  n'ait  amené  de  très-bonne 
heure  dans  cette  direction  un  défrichement  partiel.  Des 
monnaies  dont  aucune  n'est  postérieure  au  règne  de  Gor- 
dien P*",  découvertes  en  un  lieu  de  la  forêt  de  Compiègne, 
qui  paraît  avoir  été  une  station  de  la  voie  allant  de  Senlis 
à  Soissons  (2),  prouvent  que,  dès  la  moitié  du  iii^  siècle 
de  notre  ère,  cette  forêt  fut  traversée  par  une  route.  Toute 
la  rive  gauche  de  l'Aisne  était  dégarnie  d'arbres  entre 
Noviodwium  et  la  petite  rivière  de  Vandy .  Selon  M.  Prioux, 
la  frontière  septentrionale  était  marquée  dans  cet  espace 
par  une  ligne  brisée  passant  par  Dommies,  Missy-au-Bois, 
Vierzy  et  Parcy.  La  forêt  avait  pour  borne,  à  l'est,  le 
ruisseau  appelé  Crise,  et  au  sud,  la  petite  rivière •  d'Au- 
tonne.  Quant  à  la  forêt  de  Laigue,  la  carte  du  même  au- 
teur la  conduit  jusqu'à  l'Oise,  qui  doit  lui  avoir  de  tout 
temps  servi  de  frontière.  A  l'est,  elle  s'arrêtait  à  une  ligne 

cette  localité,  de  Ponton  d'Amécourt,  Essai  sur  la  numisynalique  méro- 
vingienne, p.  77. 

(1)  Ainsi  le  lieu  de  la  forêt  de  Cuise,  appelé  Casjius,  et  plus  tard  le 
Chêne  Ilerbelot,  entre  Chellea  et  Retheuil,  où  fut  fondée  une  abbaye,  après 
la  mort  de  Charles  le  Chauve,  est  indiqué  comme  se  trouvant  dans  la 
furêl  de  Choisy.  Voy.  Historiens  de  France,  t.  VIII,  p.  544,  545. 

(2)  S.  Prioux,  Civitas  Suessionum,  Mémoire  pour  servir  d'éclaircis- 
sement à  la  carte  des  Suessions,  p.  61.  Voy.  l'article  de  M.  A.  deRoucy, 
Revue  numismatique,  nouv.  série,  t.  VIII,  p.  463. 


108    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE   ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

(jui  unit  Attichy,  Saint-Crépin-aux-Bois,  Tracy-le-Mont.  \\ 
Cette  forêt  était  traversée  par  une  voie  romaine  allant  de  *' 
Ghoisy-au-Bac  à  Blérancourt.  Elle  dut  originairement 
s'avancer  jusqu'à  la  voie  romaine  qui  conduisait  de 
Soissons  à  Saint-Quentin,  puisque  nous  trouvons, 'au 
delà  de  la  frontière  orientale  qui  lui  est  assignée 
dans  la  carte  de  M.  Prioux,  une  localité  ayant  retenu 
le  nom  de  la  forêt  primitive;  c'est  Cuisia  in  allô 
monte,  aujourd'hui  Cu'mj  en  Ahnont ,  où  existait,  au  temps 
de  Brunehaut,  une  villa  que  cette  reine  donna  à  l'abbaye 
Saint-Médard  de  Soissons  (1).  Ajoutons  que  l'extension  pri- 
mitive de  la  Cotia  sijlva  dans  cette  direction  est  attestée 
par  l'application  de  ce  nom  {Coda  ou  Cuisia)  à  un  can- 
eton où  l'on  comptait  plusieurs  petites  forêts  (2). 

La  forêt  de  Ver  ou  de  Verncuil  {Vernensis  sylva)  qui 
englobait  peut-être  celle  de  Villers-Cotterets  (3),  était 
contiguë  à  celle  de  Cuise  ou  en  était  au  moins  très-voi- 
sine(4;.  Cet  autre  démembrement  de  la  grande  zone  boisée 


(l;  Prioux,  ouv.  cité,  \).  80,  101. 

(2)  On  trouve  mentionnés  dans  les  Comiitos  de  saint  Louis,  Vendo 
Baornœ  in  Cuisia,  Venda  Haseii  in  Cuisia,  — Hisloriens  de  France^ 
t.   XXr,   p.    275. 

(3)  On  pourrait  croire  de  prime  abord  que  le  nom  de  Villers-Cotterols 
est  dérivé  de  celui  de  Colin,  mais  ce  nom  est  une  abréviation  pour  Vil- 
lers-Coste-Rez  [Villarc  juxla  Coslum  Resli),  Du  Cange,  t.  V,  p.  26. 

(4)  CapH.  Caroli  Magni  ann,  808,  c.  x.  Quelques  érudits  ont  regardé 
cette  forêt  comme  étant  celle  de  Verneuil  en  Normandie;  il  nous  parait 
plus  naturel  d'y  reconnaître  celle  qui  entourait  la  ville  de  Verberie.  jadis 
Vrrnbria,  Vermeria,  Verbrio,  où  Charlemagne  avait  fait  bâtir  un  palais 
vaste  et  magnifique,  et  où  les  Mérovingiens  possédaient  déjà  une  maison 
de  plaisance,  forêt  qui  a  sans  doute  laissé  son  nom  au  village  de  Ver, 
situé  entre  Compiègnc  et  Paris.  Verberie  n'a  plus,  il  est  vrai,  de  fonHs 
sur  son  territoire,  qui  ne  présente  que  quelques  bosquets  (voy.  Caml^ry, 
Description  du  dcparlemenl  de  l'Oise,  t.  II,  p.  131)  ;  mais  dans  ses  en- 
virons, on  découvre  des  traces  d'une  forêt  qui  allait  se  joindre  à  celles  de 
Compiègnc  et  de  Halalte.  Nous  savons  d'ailleurs  que  Ciiarlemagne  avait, 
dans  les  environs  de  la  forêt  de  Ilaiatte,  une  villa  ajipelée  Verncuil. 
C'était  évidemment  celle  qui  donnait  son  nom  ù  la  forêt.  Quant  h  la  1er- 


CHAPITRE   YI.  109 

des  Sylvanectes  est  prolDablement  la  forêt  que  l'on  trouve 
désignée  dans  certains  documents  par  le  nom  de  \'e- 
rwja  (1).  Tout  donne  à  penser  que  la  forêt  de  Coucy  qui 
devait  s'avancer  au  sud  jusqu'à  Crécy-au-Mont,  que  celle 
de  Fère,  contiguë  à  celle  de  Ris,  avec  laquelle  elle  ne  fai- 
sait vraisemblaiilement  qu'un,  sont  aussi  des  démembre- 
ments de  la  même  marche  forestière,  représentée  encore, 
au  ix*"  siècle,  comme  formant  des  retraites  singulièrement 
profondes  :  densissimi  saltus,  dit  un  hagiograplie  (2). 
Toutefois  la  présence  de  nombreuses  antiquités  gauloises 
et  romaines  à  Fère-en-Tardenois,  atteste  qu'au  nord  de 
la  forêt  qui  porte  son  nom,  le  pays,  dès  l'époque  celtique, 
était  cultivé  et  habité  (3).  La  Cotiasijka  ou  forêt  de  Guise 
est  d'ailleurs  mentionnée  sous  les  Mérovingiens  comme 
une  forêt  particulière  où  allaient  chasser  les  rois  ;  Glo- 
taire  P'  y  fut  saisi  de  la  maladie  dont  il  mourut  (4).  Elle 
s'était  donc  dégagée  de  la  grande  forêt  des  Sylvanectes 
antérieurement  à  l'arrivée  des  Francs.  Du  démembrement 
de  la  partie  orientale  de  celle-ci  sortirent  un  certain  nom- 
bre de  forêts.  Le  prompt  développement  de  l'agriculture 
et  de  la  richesse  dans  le  Soissonnais,  et  le  Laonnais,  ex- 
plique pourquoi,  de  très-bonne  heure,  les  défrichements 
prirent  une  notable  extension  de  ce  côté;  d'ailleurs,  le 
territoire  des  Suessions,  quoique  de  médiocre  étendue, 
était  déjà  fort  peuplé  à  l'époque  de  César  (5).  Citons 

miuaison  bria,  elle  appartient  à  un  radical  celtique  [Briga,  Bria)  qui 
iinplicjuo  l'idée  de  boue,  de  pays  humide,  et  se  retrouve  dans  les 
noms  de  Brie,  Bray,  Bresse,  Brenne,  etc.  Voy.  sur  la  position  de  la  forêt 
de  Ver  et  du  Vernum  Palaiium  qui  y  avait  été  construit,  Du  Cange, 
Oloss.  t.  V,  p.  ■  26. 

(1)  Voy.  Hisloriens  de  France,  t.  VI,  p.  539. 

("2)  Vita  S.  Drausii,  ap.  Historiens  de  France,  t.  III,  p.  G 10. 

(3)  Prioux,  ouv.  cil.,  p.  103. 

(4)  Grégoire  de  Tours,  Hisior.  Franc.  IV,  21. 

(5)  Cecsar,  De  bcll.  gall.  II,  4. 


MO    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  L  ANCIENNE   FRANCE. 

ies  principales  forêts  formées  du  démembrement  de  la. 
partie  orientale  de  la  forêt  des  Sylvanectes  :  Celle  de  Sa- 
mouci  {Salmotiacum  foreste)  {\),  qui  subit  depuis  de  no- 
tables réductions;  celle  de  Selve  {Silvacum  foreste)  (2), 
dont  le  nom  rappelle  à  la  fois  celui  des  Sylvanectes  et 
celui  de  Servais  donné,  comme  on  l'a  yu  plus  haut,  à  un 
démembrement  méridional  de  la  même  forêt,  nom  qui 
n'est  vraisemblablement  que  la  transcription  latine  du 
mot  Cûtia  ;  cette  forêt  fit  imposer  le  nom  de  Silvacum  (3) 
à  un  palais  des  Carlovingiens  construit  sur  sa  lisière  et 
qu'il  faut  rapprocher  de  celui  de  Se7'vais  porté  par  un 
village  qui  en  occupa  l'emplacement,  près  de  La  Fère  ;  la 
forêt  de  Voës  ou  de  Y osa^e  {Vosagus  sylva,  Vosagum  fo- 
reste), située  au  sud  de  Laon,  et  (^ue  la  forme  de  son  nom 
a  fait  mal  à  propos  confondre  avec  les  Vosges  (4)  ;  c'est 
vraisemblablement  dans  cette  forêt  de  Voës  que  le  roi 
Ooutran  allait  chasser  le  bœuf  sauvage  {bubahis)  (5)  et  que 


(1)  Diplomal.  Caroli  Calvi,  ap.  Historiens  de  France,  t.  VIII,  p.  GGO. 
(;f.  Du  Gange,  Glossar.  éd.  Henschel,  t.  III,  p.  350. 

(2)  Du  Gange,  Gloss.  cit.  t.  III,  p.  350. 

(3)  Annal.  S.  Berlin,  ap.  Historie7is  de  France,  l.  YIII,  p,  879;  Cl", 
l.  XII,  p.  271.  C'est  dans  cette  résidence  royale  que  Gharles  le  ChauM- 
ijij  rendit  en  865,  venant  d'Attigny,  pour  y  passer  le  carême  et  les  fêtes 
lie  Pâques.  Annal.  S.  Berlin,  an.  865,  dans  les  Historiens  de  France, 
t.  VII,  ]i.  89.  On  a  identifié  à  tort  la  forêt  de  Ver  avec  celle  qu'on 
trouve  désignée  sous  le  nom  de  Vedogiensis  Sylva  (Du  Gange,  Glossar. 
1.  III,  p.  350);  car  cette  dernière  forèl,  appelée  aussi  Sylva  Videgonia, 
>o  trouvait  dans  l'Amiénois.  Voy.  Gallia  christiana,  2^  édit.  t.  X,  col.  280. 

(4)  Au  centre  do  cette  forêt  s'élevait  une  habitation  royale  où  Char- 
iemagne  et  son  fils  résidèrent  en  80o,  habitation  que  l'on  plaça  mal  à 
jiropos  dans  les  Vosges,  à  Champ-le-Duc,  quand  on  eut  confondu  la  forêl 
ih:  Voës  avec  le  Saltiis-Vogesiis.  Voy.  Lepage  et  Gharton,  le  Département 
(les  Vosges,  t.  II,  p.  95.  Celte  confusion  a  donné  naissance  à  quelques- 
unes  des  traditions  héroïques  qui  se  rattachent,  chez  les  Allemands,  à  la 
forêt  des  Vosges.  Voy.  W.  Grimm,  Die  deutschc  Hcldensage,  p.  90. 

(5)  Grégoire  de  Tours.  Histor.  Framor.  X,  10.  C'est  dans  cette  forêi 
que  fut  foiidêf  l'abbaye  de  Prémontré.  «  Tune  cpiscopus  duxit  eum  lu 
Sylvara  Vosagum,  ostenditque  in  i])sa  locum  quemdam  qui  Pratum  mous- 


CHAPITRE   VI.  111 

Chundon  fut  pris  avant  d'être  envoyé  à  Châlons.  Louis  le 
Débonnaire  aimait  aussi  à  s'y  livrer  à  la  chasse  (1)  ;   la 
forêt  de  Kiersy  ou  Quiersy-sur-Oise  {Karisiacwn  foreste) 
était  pendant  l'automne  le  théâtre  des  exploits   cyné- 
gétiques  du    même    monarque  ;    elle    s'étendait  jadis 
entre  l'Ailette  et  le  chemin  de  Blérancourt  à  Noyon  (2). 
Cette  dernière  forêt  séparait  l'ancienne  Cotia  sylva  ou 
i'orêt  des  Sylvanectes  de   celle  des   Ardennes  (3),  sans 
doute  bien  considérable  encore,  mais  dont  s'était  pourtant 
détaché  un  certain  nombre  de  forêts  distinctes  qui  ser- 
virent dépares  à  autant  de  palais  royaux  (villœ  regiœ)  (4), 
à   savoir:   les  forêts   d'Attigny  {Attiniacum  foreste)  (5), 
d'Héristal  ou  Herstal  (6)  {Aristallmn  foreste),  de    Wara 
ou     Vavra  Ci)    autrement  dit   de    Voivre  (8),    de  Ste- 


iraUim  vel  Prfpmonstratum  vocatur.  »  —  Herman.  Laudunens.  ap.  Histo- 
riens de  France,  t.  XII,  p.  271.  —  Les  traducteurs  de  Grégoire  de 
Tours  ont  confondu  cette  forêt  avec  celle  des  Vosges  ;  d'autres  ont  été  la 
chercher  près  du  Berry.  Voy.  A.  Jacobs,  Géographie  de  Grégoire  de 
Tours,  p.  415. 

(1)  Eginhard,  innrt^.  an.  817,  821. 

(2)  Eginhard,  Annal,  an.  808.  Cf.  Melleville,  Dictionnaire  hislorique 
du  département  de  V Aisne,  t.  II,  p.  260.  Au  siècle  dernier,  cette  forêt  ne 
contenait  plus  que  200  arpents. 

(3)  Arduenna  sylva.  —  Annales  Francor.  ann.  802,  804,  813.  819, 
822,  823.  Grégoire  de  Tours  écrit  :  Ardoennensis  sylva,  et  Frédégaire, 
Ardenna. 

(4)  Ainsi  la  forêt  d'Aix-la-Chapelle  [Aquisgranensis  foresia),  canton 
de  la  forêt  des  Ardennes,  était  le  parc  de  Gharlemagne  et  de  ses  succes- 
seurs. Voy.  Du  Gange,  v  Foresta,  éd.  Henschel,  t.  III,  p.  350.  Non  loin 
<rAix-la-Ghapelle,  une  autre  villa  royale,  Gardina  Palalium,  avait  été 
construite  dans  les  Ardennes.  Du  Gange,  t.  V,  p.  21. 

(5)  Du  Gange,  v°  Palalium  regum.,  t.  V,  p.  2t. 

(G)  Annal.  Francor.  an.  823.  Cf.  Du  Gange,  Glossar.  v°  Palalium. 

(7)  Du  Gange,  Gloss.  t.  V,  p.  26.  —  Capitul.  Caroli  Magni,  an.  877. 

(8j  G'est  cette  forêt  qui  a  valu  son  nom  au  Vabrensispagus,  Wavrensis 
Comilatus  (Pays  de  Voëvre  ou  Voivre),  souvent  cité  dans  les  documents 
de  l'époque  carlovingienne,  et  qui  était  compris  entre  Longwy  et  Gom- 
mercy;  j'en  reparlerai  plus  loin.  Des  bois^  des  forêts  de  la  Lorraine,  de 
la  Champagne  et  de  la  Franche-Comté  portent  ce  même  nom  de  Voivre 
ou  Voëvre,  qui  a  passé  à  des  villages   construits  sur  l'emplacement  de 


! 


112  LES  FORÊTS  DE  L.V  GAULE  ET  DE  L  ANCIENNE  FRANCE. 

nay  ou  Astenay  {Astenidum  ou  Satanacum  foresté)  (1). 
Les  forêts  qui  couvraient  dans  le  principe  le  territoire 
(les  Atrébates,  des  Ambiains  et  des  Morins,  étaient,  à  la 
même  époque,  subdivisées  en  plusieurs  grandes  forêts,  en- 
tre lesquelles  nous  citerons:  celle  d'Orville  en  Picardie  (.4/^- 
driaca  ou  Odriaca  sylva)  (2),  celle  de  Lens  (3),  celle  de  Cressy 
{Cresiacum  foresté)  (-4)  ou  Forestis  Sijlva  (o),  dans  lafjuelle 
Ebroin  prit  et  mit  à  mort  Leudésius,  maire  du  palais  de 
Dngobert  II.  Nous  reviendrons  sur  quelques-unes  de  ces 
forêts,  en  traitant  de  l'état  forestier  de  l'Artois  et  de  la 
Picardie.  Ce  qui  vient  d'être  dit  suffit  à  indiquer  le  ca- 
ractère essentiel  des  grandes  forêts,  à  partir  de  l'époque 
carlovingienne  et  même  des  derniers  temps  de  l'époque 
mérovingienne  :  elles  furent  surtout  destinées  à  servir 
de  parcs  de  chasse  aux  souverains  et  aux  seigneurs; 
l'on  va  voir  que  ce  fut  là  une  des  causes  qui  contribuè- 
rent le  plus,  à  l'époque  suivante,  au  reboisement  do 
notre  pays. 


forêts  ainsi  appelées.  On  i»ûut  citer  notamment  le  Bois-de-Voivrv,  situt- 
dans  la  Haute-Marne,  au  sud  de  la  foret  de  Maréchats  et  Relanvaux. 
Yoy.  Jlisloriens  de  France,  t.  VU,  \>.  110,  note  1.  Cf.  D.  Calmet,  .Vo/ùv 
de  lu  Lorraine,  t.  II,  \).  989.  A.  Jacobs,  Géographie  de  Grégoire  de 
Tours,  p.  405. 

(1)  Du  Gange,  Glossar.  t.  III,  p.  350. 

(2)  Cette  forêt  aurait  pris  son  nom,  selon  d'autres  interprètes,  non  il'Ur- 
ville  près  Doulens,  mais  d'Aire  en  Artois  où  ils  placent  la  villa  royak- 
dont  parlent  les  Annales  S.  Dcrlini,  ann.  863,  867,  873,  875.  Cf. 
Eginhard,  Episl.  LIV. 

(3)  Du  Cange,  Glossar.  t.  III,  p.  350.  v^Foresla. 

(4)  Cette  forêt  est  désignée  dans  Frédégaire  par  le  nom  de  Criscecuin, 
forme  qui  indique  qu'à  l'époque  carlovingienne,  le  mot  (7o<jadovenuensiiiti- 
Coalia  avait  subi  dans  sa  prononciation  gulluraic  une  nouvelle  altération 
qui  amena  l'insertion  de  r.  Evidemment  le  c  était  prononcé  comme  nh 
dans  le  mot  coal,  col.  —  Voy.  sur  cette  forêt,  A.Jacobs,  Géographie  df 
Frédégaire,  p.  443. 

(5)  Voy.  Diplom.  Caroii  Magni,  d\>.  D.  iJoviquet,  Ilisloriens  de  l'ranrr. 
t.  V,  p.  759. 


CHAPITRE    YI.  113 

En  résumé  l'état  forestier  de  la  Gaule,  sous  la  première 
race  et  au  commencement  de  la  seconde,  ne  devait  pas  être 
bien  différent  de  ce  qu'il  était  sous  les  Romains.  Le  seul 
trait  qui  différencie  les  deux  époques,  c'est  que,  de  plus  en 
plus  coupées  par  des  chemins,  les  forêts  anciennes  encore 
subsistantes  tendaient  à  se  partager  en  plusieurs  forets 
distinctes. 


114    Li:S  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE   FRANCE. 


CHAPITRE  VIL 

KETOIH    PAUTIKI,    lUC    LA    FRAN'CE    A    SON    ANCIK.N    ÉTAT    I-ORKSTIKI: .    —     l'i 
DROIT    DE    GAREX.NE, 

Les  guerres  dont  la  Gaule  eut  tant  à  souffrir,  du  m*'  au 
VI''  siècle,  amenèrent  la  dévastation  d'un  grand  nomi)i(; 
de  furets.  Les  armées  ennemies  y  portèrent  le  fer  et  le 
feu.  La  profondeur  des  forêts  gauloises,  leur  inextrica- 
bilité  en  faisaient  pour  les  vaincus  des  retraites  natu- 
relles; mais  elles  ne  demeurèrent  pas  longtemps  inex- 
pugnables. A  la  fin  du  iii^  siècle,  les  Bagaudcs  (1),  qui 
défendaient  contre  la  cupidité  romaine  leur  travail  et  leur 
indépendance,  se  réfugièrent  dans  les  forêts  et  reprirent  le 
genre  de  guerre  propre  à  leurs  ancêtres  (2).  La  guerre  de 
partisans  rendit  les  campagnes  peu  sûres  ;  en  une  foule 
de  lieux,  les  colons  abandonnèrent  leurs  cultures  pour  se 
réfugier  dans  les  villes  ;  les -champs  laissés  en  friche  se  re- 
couvrirent peu  à  peu  d'une  végétation  arborescente;  la  forêt 
ressaisit  son  empire  (3).  Plusieurs  forêts  s'élevèrent  même  lu 
où  avaient  existé  des  vicus  et  dts  habitations.  Quand  les 
barbares,  Alains,  Suèves,  Vandales,  Gothsou  Huns  s'abat- 
tirent sur  la  France,  ils  détruisirent  bien  des  centres  de 

(1)  Ce  nom  çst  dérivé  do  Bagad,  qui  signifie,  en  celte,  «  rassemble'- 
ment.  »  Les  Bagaudcs  {Dagaudii)  étaient  des  bandes  qui  infestaient  le 
pays. 

(2)  C'est  ce  qui  résulte  de  la  comédie  de  Querolus.  (Voyez,  ù  ce  sujet, 
les  recherches  de  M.  A.  de  Courson,  Histoire  des  peuples  bretons,  t.  I^ 
p.  137.) 

(3;  «  Adeo  major  esse  cœperat  nuincrus  accipientium  (juam  (iaiilinin.. 
ut  enormitate  indictionum,  consuniplis  virihus  colonorum,  dt  sererentur 
agri  et  culturjp,  verterentur  in  sylvam.  »  dit  Lactance,  en  parlant  dos. 
provinces  romaines  à  cette  époque.  (De  mort,  perscc.  ^  7.) 


•I 


CHAPITRE    VII.  115 

population,  et  sur  les  ruines  qu'ils  avaient  faites,  les  forêts 
reparurent.  Un  hagiographe  (l)  nous  rapporte  un  fait 
de  ce  genre.  Sur  la  colline  de  Magdunum  (aujourd'hui 
Meung),  dans  \e  pagus  d'Orléans,  était  une  forteresse  dont 
les  Vandales  s'emparèrent  et  qu'ils  rasèrent  jusqu'au  sol  ; 
aucun  être  vivant  ne  resta  sur  cet  emplacement  :  les  arbres 
y  poussèrent,  et  ce  lieu,  auparavant  rempli  d'hommes 
renommés,  fut  réduit  à  n'être  qu'une  épaisse  forêt  (2).  Les 
Sarrasins,  dans  le  midi  de  la  France,  les  Normands  dans  le 
nord,  opérèrent  des  dévastations  dont  les  conséquen- 
ces durent  être  les  mêmes.  C'est  au  premier  de  ces  peuples 
ou  aux  Goths  qu'il  faut  attribuer  l'abandon  des  salines  de 
Salces,  exploitées  jadis  par  les  Romains  avec  un  grand 
succès  (3),  et  qui  se  changèrent  en  marais  infects  (4).  Au 
temps  de  l'invasion  des  Arabes,  des  bois  de  pins  et  de 
chênes  lièges  remplacèrent  sur  le  littoral  méditerranéen, 
à  l'est  de  Marseille,  les  plantations  d'oliviers  qu'y  avaient 
établies  les  Phocéens,  et  dont  l'existence  est  attestée  par 
les  souches  que  le  sol  recèle  encore.  «  Ces  souches,  écrit  un 
savant  forestier  (5),  sont  tellement  nombreuses  dans  quel- 
ques cantons,  que  leurs  rejetons  recherchés  dans  les  bois, 
détachés  avec  un  peu  de  racine  et  plantés  dans  les  champs 
cultivés  pour  être  plus  tard  greffés  en  place,  tiennent 
lieu  de  plants  élevés  en  pépinières.  » 

(1)  L'autour  de  la  Vie  de  S.  Liphard. 

(2)  a  Est  autem  mons  in  Aurelianensi  pago,  qucui  ejusdemincola^  rc- 
gionis  Magdunum  appellant;  in  quo  ab  antiquis  castrum  fuerat  aîdilica- 
tum,  quod  crudcli  Wandalorum  vaslalione  ad  solum  usque  dirutum  est. 
Nemine  autem  rémanente  habitatoie,  nemoribus  hinc  inde  succrescenti- 
hus,  locus  idem  qui  elaris  liominum  xjonveulibus  quondam  replebatur,  in 
densissimam  redactus  est  soliludineni.  »  (Bolland.  Acl.  SS.  III  jmi. 
p.  300.) 

(3)  Pomponius  Mêla,  De  siiii  orbis,  III,  "2. 

(4)  Voy.  J.  J.  Baude,  Les  Ctles  du  Roussillon,  dan?,  la  Revue  drs  Deux- 
Mondes,  ann.  1844,  t.  III,  p.  1. 

(5;  A.  Ysabeau,  dans /es  Annales  forestières ,  t.  XllI,  p.  301. 


116  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Lors  de  leurs  incursions  au  diocèse  de  Reims  et  sur  les 
bords  du  Rhin,  les  Normands  abattirent  une  foule  de  vil- 
lages, brûlèrent  des  abbayes  (1),  et  laissèrent  partout  le 
champ  libre  aux  forêts,  qui,  déjà  largement  distribuées 
dansle  pays,  n'eurent  qu'à  étendre  quelque  peu  leurs  lignes 
pour  englober  dans  leur  domaine  les  points  antérieure- 
ment habités. 

Des  ruines  romaines  découvertes  dans  certaines  forêts 
du  Haut-Rhin,  dans  celles  de  Grand  (Vosges),  de  Banville 
(INIeurthe),  et  où  se  reconnaissent  de^  restes  de  bourgades, 
prouvent  l'envahissement  par  la  végétation  forestière  de 
lieux  jadis  haiiités  et  cultivés.  D'autres  ruines  romaines 
ont  été  retrouvées  à  la  Petite-IIoussaye,  dans  la  forêt  de 
Brotonne,  en  Normandie  (2),  dans  celle  de  Beaumont-le- 
Roger  (Eure)  (3).  Le  plateau  de  Lcinenberg,  prèsd'Abres- 
chwjller  en  Lorraine,  aujourd'hui  tout  boisé,  fut  jadis 
cultivé  (4). 

Ces  causes  de  reboisement  n'étaient  pas  les  plus  acti- 
ves, comparées  à  celles  qu'amena  l'établissement  du  ré- 
gime féodal.  La  propriété  particub'ère  et  libre  disparais- 
sait chaque  jour  davantage  de  notre  patrie,  pour  faire  place 
à  la  domination  seigneuriale.  Les  forêts  par  leur  impor- 
tance, à  raison  des  droits  qui  s'y  rattachaient,  tombèrent 
toutes  nécessairement,  comme  je  l'ai  noté  plus  haut,  sous 
l'autorité  du  seigneur,  qui  se  substitua  à  la  propriété 
communale.  Tandis  que  la  majorité  des  grandes  forêts 
conlinuaient  à  dépendre  du  domaine  de  la  couronne, 
(|u'une  foule  d'autres  étaient  possédées  par  les  abbayes, 

(1)  Voy.  Depping,  Ilisl.  des  expéditions  manlimcs  des  Normands, 
lîv.  Il,  c.  VI;  liv.  m,  c.  I. 

(2)  Annales  forestières,  t.  III,  p.  197,  546. 

(3)  Hii(Jel)leiJ,  Dictionnaire  topof/raphirjue,  slalisliquc  et  Iiislorifjiie 
du  département  de  l'Eure,  p.  37.  Évreux,  18i0. 

(V   H.  Lf'pago,  Le  Département  de  la  Meurtlir^  t.  Il,  p.  43, 


CHAPITRE    Vir.  117 

auxquelles  elles  avaient  été  concédées  en  relourdes  défri- 
chements dus  aux  moines,  ou  pour  des  motifs  de  piété, 
le  reste  des  forêts  était  graduellement  englobé  dans  le  do- 
maine seigneurial.  C'étaient  les  seigneurs  qui  distribuaient 
et  réglaient  l'affouage,  les  droits  de  panage  et  de  pacage  ;  et 
modelant  leur  autorité  sur  celle  du  prince  suzerain,  ils 
restreignaient  de  plus  en  plus  les  droits  des  usagerscomme 
les  premiers  rois  carlovingiens  l'avaient  fait  pour  les  fo- 
rêts de  leur  domaine.  Telle  était  la  liaison  qui  finit  par 
s'établir  entre  les  idées  de  seigneur  et  de  propriétaire  de 
forêts,  qu'on  en  vint  à  exiger,  jusqu'à  un  certain  point, 
cette  dernière  qualité  de  celui  qui  était  revêtu  de  la  pre- 
mière, et  que,  dans  plusieurs  contrées,  notamment  dans 
l'Anjou,  ce  fut  une  règle  que  le  justicier  de  certaine  classe 
devait  avoir  forêt,  comme  si,  dit  Ghampionnière  (i),  la 
marque  essentielle  de  la  justice  dût  être  l'effet  le  plus  terri- 
ble de  la  conquête  et  de  la  désolation.  Les  prélats  s'arro- 
gèrent aussi,  à  titre  de  seigneurs,  les  droits  de  forêts, 
qu'ils  concédaient  ensuite,  en  lout  ou  en  partie,  aux  moi- 
nes, leurs  subordonnés  spirituels  (2). 

Les  droits  de  forêt  et  de  garenne  furent  de  véritables 
calamités  établies  par  l'autorité  du  bannum  (3).  En  Alsace, 
en  Lorraine,  comme  dans  les  contréesgermaniques  situées 
au  delà  du  Rhin,  l'existence  traditionnelle  des  forêts  com- 
munes s'opposa  à  ce  que  l'usurpation  du  seigneur  devint 
aussi  complète  et  aussi  générale.  C'est  ce  qui  explique 
comment  la  plupart  des  forêts  y  purent  conserver  le 
caractère  de  propriété  commune;  mais  les  seigneurs  con- 


(1)  Ghampionnière,  De  la  ■propriélé  des  eaux  courantes,  p.  68. 

(2)  "Voyez,  notamment,  la  concession  faite  en  1128  par  Adelbcrt,  ar- 
cliovèque  de  Mayence,  et  celle  de  Herman,  archevêque  de  Cologne,  on 
1090,  citée  plus  haut. 

(3)  Voy.  Çhampionnière,  De  la  propriété  des  eaux  courantes,  p.  5G7. 


118   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

fisquèrent  parfoîs  à  leur  profit  les  droits  d'usage  et  ne  les 
rendirent  qu'à  titre  de  concession  volontaire  et  toute  libé- 
rale (1).  lis  s'efforçaient  de  légitimer  leur  droit  de  pro- 
priété, en  se  donnant  l'apparence  d'octroyer  aux  usagers 
des  droits  dont  ceux-ei  étaient  déjà  en  jouissance  et  que  la 
charte  de  concession  prétendue  ne  faisait  que  rappeler  en 
réalité  (2).  Cette  charte  était  souvent  même  rédigée  en  vue 
de  les  restreindre,  faute  de  pouvoir  les  supprimer  com- 
plètement; elle  ne  les  accordait  qu'en  certains  cantons  de 
la  forêt.  Ces  faits  expliquent  pourquoi  en  Alsace,  en  Lor- 
raine, aussi  bien  qu'en  Allemagne,  l'état  forestier  ne  tra- 
versa pas  les  mêmes  vicissitudes  que  dans  le  reste  de  la 
France.  En  même  temps  que  les  forêts  primitives  demeu- 
raient plus  intactes,  ce  qui  a  été  déjà  remarqué  plus 
haut  (3),  le  droit  de  garenne  ne  fut  pas  aussi  efficace  pour 
opérer  le  reboisement  des  parties  anciennement  défrichées. 
L'usurpation  était  plus  difficile,  quel  que  fût  son  objet, 
soit  que  le  seigneur  voulût  s'approprier  la  forêt,  soit  qu'il 
prétendit,  pour  ses  plaisirs  ou  ses  besoins,  transformer  en 
forêt  des  terres  dont  la  population  rurale  avait  lajouissance 
ou  la  propriété.  Plusieurs  nobles  durent  revenir  sur  les 
usurpations  par  eux  tentées  et  rendre  les  forêts  qu'ils 
avaient  incorporées  dans  leur  domaine  (4). 

Le  droit  de  garenne  n'était  au  reste  qu'une  dérivation 


(1)  Voy.  Schœpflin,  Alsatia  diplomnlica,  t.  I,  p.  230,  n»  270.  En 
Alsace,  les  droits  d'usage  forestiers  demeurèrent  toujours  très-largos. 
En  certains  lieux,  l'usager  avait  même  le  droit  de  vendre.  (Yoy.  Meaumi>, 
Comm.  du  Code  forest.  t.  I,  part,  ii,  p.  892.) 

(2)  C'est  ce  (jui  résulte  de  la  charte  émanant  de  l'abbesse  d'Andlau, 
qui  date  de  1145,  et  que  cilcSchœpllin. 

(3)  Vpy.  ce  qui  a  été  dit  p.  79. 

(i)  Ainsi,  en  10G3,  l'empereur  Henri  IV  restitue  au  chapitre  d'L'- 
Irecht  une  forêt  qui  avait  appartenu  à  ce  chapitrcj  s'exprimant  en  ces 
termes:  «  In  cnedendis  lignls  et  venatione  et  pascuis  ex  omni  utilitatc.  » 
(Ileda,  Ifistor.  episc.  l'ilraj.  p.  130.) 


CHAPITRE   VII.  '  119 

du  droit  de  forêt.  Ce  mot  de  garenna  ou  icarenna,  déri\'é 
du  germain  icarcn,  «  défense,  »  avait  originairement  la 
même  signification  que  le  mot  forestcUa,  diminutif  de 
foresta,  ainsi  que  cela  ressort  du  passage  suivant  d'une 
charte  de  1209  (1)  :  «  Forestella  illa  quae  garenna  vocatur, 
priori  de  Pargis  extra  partem  meam  et  successorum  meo- 
runi  comitum  Campania^,  libéra  i  emanebit.  » 

La  législation  carlovingienne,  qui  semble  avoir  interdit, 
en  certains  cas,  dans  l'intérêt  de  l'agriculture,  l'établis- 
sement de  nouvelles  forêts,  a  complètement  disparu  au 
x*",  au  xi*"  siècle,  et  dans  les  siècles  suivants.  Les  seigneurs 
ne  songent  plus  alors  qu'à  leurs  chasses,  et  veulent  avoir 
les  forêts  les  plus  étendues  possible  (2).  La  distinction 
des  deux  classes  de  bois  est  fondée  sur  leur  destination 
purement  cynégétique.  Les  grandes  forêts  sont  celles  où 
l'on  chasse  les  ours,  les  buffles,  les  cerfs,  les  sangliers; 
les  garennes  sont  les  forêts  de  moindre  venue  où  vivent 
les  lièvres,  les  lapins,  les  perdrix,  les  faisans.  Une  charte 
d'Edouard  III,  roi  d'Angleterre,  statue  sur  la  question 
de  savoir  si  les  chevreuils  sont  bêtes  de  forêt  ou  de  ga- 
renne, et,  de  l'avis  de  ses  seigneurs  hauts-justiciers,  le  roi 
décide  que  le  chevreuil  est  un  animal  de  garenne  et  non  de 
forêt  :  «  Videtur  tamen  justitiariis  et  consiliodom.  régis, 
quod  caprioli  sunt  bestiae  de  warenna  et  non  de  foresta(3).  » 

«  L'établissement  des  premières  garennes,  dit  M.  Cham- 
pionnière,  qui  nous  sert  de  guide  ici  (4),  ne  fut  que  la  con- 

(1)  Cliampionnièi-e,  ouv.  cî(.  p.  G4,  et  Du  Gange,  Glossar.  sub  v»  Wa- 
renna. 

(2)  Aussi,  vers  ceUe  époque,  le  cor  ou  la  corne,  destiné  à  servir  d'ins- 
trument d'appel  à  la  chasse,  devint-il  le  symbole  de  la  possession  d'une 
Ibrêt,  en  vertu  d'un  usage  qui  parait  d'origine  germanique  ou  au  moins 
danoise.  (Voyez,  à  ce  sujet,  le  Mémoire  de  M.  Pegge,  dans  ïArcItœologia 
vol.  III,  p.  3.) 

(3)  Championnière,  ouv.  cil.  Du  Gange,  ouv.  cil. 

(4)  Ouvr.  cité,  p.  05  et  suiv. 


120   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

tinuation  des  ravages  de  la  conquête,  mais  plus  odieuse 
peut-être  que  les  incendies  et  les  meurtres  de  l'envahisse- 
ment. Le  soldat  qui  dévaste  les  récoltes  et  fait  périr  les 
habitants  du  pays  où  il  pénètre,  les  armes  à  la  main, 
trouve  une  excuse  dans  la  nécessité  de  la  guerre  et  les 
dangers  que  lui- même  a  courus;  mais,  lorsque  les  peuples 
vaincus  ont  déposé  la  résistance  et  que  des  traités  ont 
permis  aux  vainqueurs  de  jouir  des  fruits  de  leur  con- 
quête, l'abus  de  la  force,  au  préjudice  des  populations  qui 
ne  se  défendent  plus,  est  un  fait  tyranniquedont  le  temps 
et  la  possession  ne  sauraient  légitimer  les  conséquences.  » 
Que  les  premiers  établissements  de  garennes,  de  forêts 
et  des  banalités  de  diverses  espèces,  aient  été  le  résultat 
habituel  de  la  violence,  c'est  ce  qui  ressort  d'un  grand 
nombre  de  documents  contemporains,  surtout  des  monu- 
ments judiciaires.  Pour  preuve,  il  nous  suffira  de  rappeler 
le  procès  élevé  en  1259  entre  un  certain  Jean  de  Moy 
et  ses  hôtes ,  qui  avaient  eu  à  souffrir  des  vexations 
de  son  père  Drogon.  Celui-ci,  après  avoir  abusé  de  sa 
position,  jier  potentiam  suam ,  pour  établir  une  ga- 
renne sur  les  vignes,  les  blés  et  les  jardins  de  ses  hôtes, 
hospites  sîios,  puis  obtenu  d'eux  une  somme  considérable 
sous  la  promesse  d'y  renoncer,  était  parvenu  par  violence, 
pe)'  vim  suam  iterum  lecarit ,  à  la  rétablir,  malgré  la  foi  du 
serment,  hoc  ipsisjuravit.  Jean  de  Moy  prétendait  mainte- 
nir cette  garenne  au  mépris  de  tout  droit  (1).  Dans  le  plus 
grand  nombre  des  procès  de  ce  genre,  les  réclamants  attri- 
buent à  la  même  cause  l'établissement  de  la  garenne  con- 
testée (2).  Citons  comme  autre  exemple  le  fait  suivant  : 
Il  est  dit,  dans  un  cartulaire  de  l'abbaye  de  Saint- 
Ci)  Oliin,  éd.  Beugnot,  t.  I,  83.  Enquêtes,  1259. 
(2)  Championnière,  De  lapropriclé  des  eaux  couranies,  p.  73.  Cet  au- 
teur cite  encore  plusieurs  autres  espèces  curieuses. 


Il 


CHAPITRE  YII.  124 

Serge  (1),  qu'Adam,  fils  de  Thibaud,  avait,  près  de  Braël 
{juxta  Braellum),  une  terre  nommée  Ralée  {Baleium)  dont 
il  avait  hérité  de  ses  ancêtres.  Elle  était  environnée  par 
des  forêts  appartenant  à  Widon ,  seigneur  de  Laval,  et  à 
André,  seigneur  de  Vitré.  Un  jo?ir  Hervé  ayant  fait  obser- 
veràces  seigneurs,  dontil  était  leforestier,  l'avantage  qu'ils 
auraient  à  agrandir  leurs  forêts  en  envahissant  le  do- 
maine du  sieur  Adam,  Widon  et  André  s'en  emparèrent 
aussitôt,  sans  forme  de  procès.  En  vain  le  possesseur  dé- 
possédé protesta-t-il  contre  la  violence  dont  il  était  vic- 
time; les  récriminations  et  les  plaintes  furent  inutiles: 
les  seigneurs  de  Laval  et  de  Vitré  étaient  gens  puissants; 
il  lui  fallut  se  résoudre  à  perdre  son  bien.  Il  ne  cessa  pas 
toutefois  de  réclamer,  durant  plusieurs  années.  Devenu 
vieux,  Adam  tenta  une  dernière  démarche;  il  alla,  en- 
touré de  tous  les  siens,  supplier  André  de  Vitré.  Celui-ci 
se  laissa  fléchir;  mais  il  ne  consentit  à  rendre  au  vieillard 
son  domaine,  converti  en  forêt;,  que  sur  la  promesse  d'en 
faire  don  à  l'abbaye  de  Saint-Serge,  dans  laquelle  Adam 
prit,  ainsi  que  son  fils,  l'habit  de  moine. 

Le  droit  de  garenne  persista  longtemps;  on  le  trouve 
formellement  consacré  dans  les  Etablissements  de  S.  Louis 
où  il  est  dit  :  «  Hons  coustumiers  si  fet  s^tixante  sols  d'a- 
mende, se  il  brise  la  sesine  de  son  seigneur  ou  il  chace  en 
ses  garennes  ou.  il  pesche  en  ses  étangs  ou  en  ses  defois  (def- 
fens).  »  Une  ancienne  coutume  de  France,  citée  par  Du 
Gange,  au  mot  Feudum,  faisait  de  la  violation  d'une  ga- 
renne un  cas  de  commise  :  «  Le  vassal  perd  son  fief  quand, 
par  mal  talent,  il  met  la  main  sur  son  seigneur  à  tort,  se 
il  arme  contre  lui,  se  sans  congié  il  pêche  en  ses  étangs  et 


(1)  Voy.  les  preuves  de  V Histoire  de  Bretagne,  do  D.  Lobineau,  t.  II, 
ann.  1073,  col.  258, 


122    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

OU  il  chasse  en  sa  garenne.  »  Mais  la  civilisation  avait  déjà 
fait  de  notables  progrès;  la  commise  et  l'amende  de 
soixante  sous  ont  remplacé  les  cruautés  des  seigneurs  du 
xr  siècle.  Un  arrêt  de  4270,  rapporté  par  Guénois  (1),  dé- 
clare également  amendable  celui  qui  prend  cerf  ou  biche 
au  lieu  où  il  y  a  garenne.  Enfin,  dans  les  nombreux  procès 
inscrits  au  registre  des  Olhn,  la  garenne  est  considérée 
comme  un  droit  légitime,  ayant  le  même  caractère  que  le 
droit  de  corvée,  de  moulin  banal  ou  tout  autre  élément  de 
la  puissance  seigneuriale  (2). 

Si  les  garennes  ne  comprirent  pas  des  provinces  entières, 
elles  s'étendirent  au  moins  sur  de  vastes  possessions  et  des 
biens  de  toute  nature.  Moins  destructives  que  les  forêts, 
e'ies  n'entraînaient  pas  nécessairement  là  ruine  des  popu- 
lations, l'abandon  des  terres  et  la  dévastation  du  sol;  mais 
elles  nuisaient  considérablement  à  l'agriculture  et  restrei- 
gnaient le  droit  du  propriétaire  :  aussi  devinrent-elles  la 
source  d'innombrables  contestations  entre  les  seigneurs 
et  les  vassaux  ,  dès  que  ces  derniers  purent  recourir  à  la 
justice  royale.  Le  registre  des  Olbn  contient  une  foule 
d'arrêts  sur  le  sujet  de  garenne.  L'exposé  du  litige  montre 
qu'il  s'agissait  de  garennes  établies  sur  les  terres  d'aulrui, 
terres  souvent  fort  étendues  et  qui  pouvaient  comprendre 
des  fiefs,  des  censives,  des  communautés,  des  vignes,  des 
jardins,  des  villages,  etc.  (3). 

Les  rois  normands  transportèrent  en  Angleterre  cet  ini- 
que droit  de  garenne  et  de  forêt.  Guillaume  le  Conquérant 
donna  le  premier  l'exemple  de  l'envahissement  des  ter- 
rains cultivés  (4).  Il  contraignit,  dans  le  Ilampshirc,  des 

(1")  Grandes  conférences  des  ordonnances  et  cdils  royaiur,  t.  II, 
p.  3/j4. 

(2)  Championnière,  De  la  propriété  des  eaux  courantes,  p.  70. 

(3)  Jdnn,  ibid.  p.  08. 

(4)  L'usage  de  planter  des  forêts  pour  se  ménager  des  chasses  n'a  pas 


CHAPITRE    VJl.  123 

hommes  à  abandonner  un  espace  de  trente  milles,  où  il 
détruisit  toutes  les  habitations,  sans  môme  épargner  les 
églises.  Les  bêtes  fauves  devinrent  bientôt  si  nombreuses, 
dans  cette  forêt  de  nouvelle  création,  que  l'on  prétendit 
qu'elles  empesaient  l'air.  Voici  ce  qu'écrit  à  ce  sujet  Guil- 
laume de  Malmesbury  (1)  :  «  Tradunt  cervos,  in  nova  fo- 
»  resta  terebrantem,  tabidi  aeris  nebula  morbum  incur- 
»  risse.  Locus  est  quem  Willielmus  pater,  desertis  villis, 
»  sûbrutis  ecclesiis,  per  triginta  et  eo  amplius  milliaria  in 
»  saltus  et  lustra  ferarum  redegerat,  infando  prorsus  spec- 
»  taculo,  ut  ubi  ante  vel  humana  conversatio,  vel  divina 
»  veneratio  fervebat,  nunc  ibi  cervi  et  capreoli  et  ceterae 
»  illud  genus  bestia?  petulanter  discursitent  :  nec  illœ  qui- 
»  dem  mortalium  usibus  communiter  exposita\  » 

La  Chronique  de  Pldlippe  Mousket  attribue  au  fils  du 
Conquérant,  Guillaume  le  Roux,  cet  acte  de  tyrannie  (2). 
Voici  le  naïf  récit  du  chroniqueur  gantois  : 

Gis  rois  fu  Guillaume  li  Rous 
D'Engletière  et  fut  moult  irous. 
Es  abéies  soujournoit 
En  toutes  les  glisesreuboit. 
D'autre  part  Hanstone  en  I  plain 
Avoit  I  liu  moult  biel  et  sain  : 
XVII  que  capieles  que  glises 
I  avoit-on  pour  Dieu  assises 

été  pratiqué  par  les  seuls  seigneurs  du  moyen  âge;  nous  lisons  dans  le 
grand  historien  de  l'Arménie,  Moïse  de  Khorènc,  que  Chosroès  II 
(Khosrow)  planta,  près  du  fleuve  Éleuthère,  une  forêt  qui  porte  aujour- 
d'hui son  nom,  et  au  centre  de  laquelle  il  lit  élever  un  palais,  afin  d'ètro 
lilus  à  mémo  de  se  livrer  à  la  chasse,  son  passe-temps  favori.  (Moïse  de 
Khorène,  trad.  par  Levaillant  do  Florival,  liv.  III,  c.  vrii,  t.  II,  p.  19.) 

(1)  Lib.  III,  p.  m,  ap .  Savile,  Rer.  anglic.  scinplores. 

(2)  Orderic  Vital,  XI.  13,  p.  82,  éd.  Leprévost.  Cf.  sur  l'histoire  de 
l'aiforostation  du  Ilampshire,  Henri  Ellis,  A  geiirml  introduction  io  Do- 
laesday  book,  London,  1833,  t.  1,  p.  105.  L'établissement  de  cette  forêt 
a  inspiré  à  Pope  une  des  plus  belles  tirades  de  son  poëme  sur  la  forêt  de 
Windsor  (vers  42  et  suiv.). 


124   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Très  le  tans  Artus,  le  bon  roi. 
Cil  rois  Guillaumes,  par  desroi 
Les  fit  abattre  et  bos  planter 
Des  kaillos  fist  son  ^art-muer, 
Et  quant  vint  al  ciel' de  vu  ans 
Si  fu  li  bos  créus  et  grans 
Ciers  i  mist  et  bisses  et  dains  ; 
Pour,  counins,  livres  et  ferains 
Et  manière  de  sauvagine 
Tant  que  plaine  en  fut  la  gaudine. 
La  Ntieve-Foriés  fu  clamée, 
Encore  est-ele  ensi  nommée  (1). 

La  forêt  qui  dut  son  origine  au  bon  plaisir  des  Nor- 
mands est  celle  qui  fut  désignée  depuis  sous  le  nom  de 
New-Forest  (2)  et  qui  constitua  plus  tard  le  parc  de.Sou- 
thampton  (3).  On  dirait  que  la  Providence  ait  voulu  faire 
expier  dans  cette  foret  même  aux  princes  qui  l'avaient 
établie  l'iniquité  de  leurs  procédés  à  l'égard  des  malheu- 
reux cultivateurs  anglo-saxons.  En  effet,  c'est  dans  Ne^v- 
Forest  que  Guillaume  le  Roux  fut  percé  d'une  flèche,  et 
que  périt  Richard,  le  frère  de  Henri  I";  Henri,  neveu  de 

(1)  Chronique  rimée  de  Pliiliiypr  Mouskes,  publiée  par  M.  de  RoifTcn- 
berg,  tome  II,  vers  17710-717-729.  Nous  renverrons  aux  notes  do  celle 
édition  pour  l'explication  des  vieux  mots  français  du  texte  que  nous  ve- 
nons de  citer  ;  nous  remarquerons  seulement  que  le  mot  gaudine,  em- 
ployé par  Mouskot  avec  le  sens  de  forêt,  et  qui  se  retrouve  chez  les  écri- 
vains en  langue  vulgaire,  du  même  temps,  vient  de  l'allemand  ti'ciUI.  par 
la  substitution  ilu  gnu  w  et  de  Vu  ii  1'/.  (Voy.  Wachter,  Glossarium  gerniit- 
nicum,  sub  v"  Wald.)  Ce  mot  wald  a  donné  naissance  au  bas  latin 
gnaldum,  gwdda,  <<  forêt,  »  qui  fui  en  usage  en  Italie  au  xi'=  siècle,  ainsi 
que  le  montre  ce  passage  de  la  chronique  du  mont  Cassin,  écrite  i)ar 
Léon  Marsicanus  :  «  Necnon  et  duo  gualda  in  finibus  Vicalbi,  unum  in 
loco  qui  dicitur  sylva  plana,  alterum  in  monte  Albeto.  »  (Lib.  II,  ap. 
Pertz,  Momimenl.  grnnan.  iiistor.  t.  VIT,  p.  032.)  De  gaudine  on  fit.  par 
corruption,  gaid.   Voy.  Roman  dr  la  lUisr,  v.  662.) 

(2)  Elle  est  citée  par  Guillaume  de  Jumiéges  (Recueil  de  Camden, 
liv.  VU,  c.  ix)  et  Fr.  Michel,  Chroniques  anglo-normandes,  t.  I,  p.  51. 

(3)  Chronic.  Jlenr.  Kngghion,  ]).  2:573.  L'ile  de  Wight  fui  aussi  n/fo- 
restée;  a.  ce  point  «[ue,  suivant  les  anciennes  chroniques,  un  écureuil  la 
j)0uvait  parcourir  tout  entière  en  sautant  d'arbre  en  arbre. 


CHAPITRE    Vil.  125 

Robert,  fils  aîné  du  Conquérant,  y  resta,  comme  Absalon, 
suspendu  par  sa  chevelure  à  un  arbre  (1). 

Les  successeurs  de  Guillaume,  afin  de  se  rendre  la  po- 
pulation favorable  furent  contraints  d'abolir  ce  système 
révoltant  d'oppression  forestière,  et  c'est  dans  ce  but  que 
le  roi  Jean  donna  la  charte  des  forêts,  qui  faisait  partie 
delà  grande  charte.  Les  monarques  anglais  conservaient, 
en  vertu  de  cette  charte,  leur  juridiction  forestière,  mais 
des  garanties  y  étaient  accordées  contre  l'arbitraire  dans 
tout  ce  qui  se  rapportait  au  droit  de  chasse,  garanties  re- 
nouvelées et  étendues  en  1225,  par  Henri  III  (2). 

Le  droit  de  forêt  et  de  garenne  laissait  seulement  à 
celui  qui  en  jouissait  la  faculté  d'interdire  de  chasser 
ou  de  pêcher;  à  l'origine  le  seigneur  ne  s'appropriait,  ni 
le  sol,  ni  le  fleuve  auxquels  s'appliquait  sa  défense;  il  se  bor- 
nait à  s'y  réserver  les  avantages  de  la  pêche  et  de  la  chasse 
et  à  empêcher  tout  travail  pouvant  nuire  à  la  propagation 
du  gibier  (3).  Les  interdictions  avaient  pour  effet  d'entrete- 
nir et  de  favoriser  la  présence  des  bêtes  fauves  et  des  ani- 
maux nuisibles  qui  pullulaient  souvent  au  point  que  les 
paysanssevoyaientsouvent  réduits  à  abandonner  la  culture 
et  à  émigrer  ailleurs,  désertion  dont  le  seigneur  profitait 
pour  s'emparer  du  territoire  (4).  L'exercice  du  droit  dega- 
renne  engendra  donc  un  véritable  droit  dedépossession,  une 
sorte  de  déshérence  par  voie  d'abandon  au  profit  du  sei- 
gneur; mais  ce  qui  démontre  que  tel  n'était  pas  le  droit 
primitif,  c'est  l'effet  de  la  renonciation  au  droit  de  forêt  ; 


(1)  Cf.  Roger  de  Hovedcn,  Annal.  P.  I,  p.  468,  éd.  Savile. 

(2)  Yoy.  Mathieu  Paris,  Chronic,  an  1215,  trad,  Huiliard-Bréholles, 
t.  III,  p.  23.  Cf.  Haliam,  Supplemenlcd  lo  Ihe  views  ofthe  state  of  Eu- 
rope during  Ihe  middle  âges,  p.  278,  London,  1848. 

(3)  Mathieu  Paris,  Chronic.  ann.  1225,  trad.  Huiliard-Bréholles,  t.  III, 
p.  283. 

^4)  Championnière,  De  la  propriété  des  emix  courantes,  p.  5G9. 


126   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

cette  renonciation  que  les  chartes  du  moyen  âge  expri- 
ment par  le  mot  deafforcstare,  rendait  au  propriétaire, 
que  l'exercice  du  droit  en  avait  faitévincer,  la  libre  dispo- 
sition du  domaine. 

Les  résistances  armées  des  possesseurs,  et  les  procès 
auxquels  la  propriété  d'un  grand  nombre  de  forets  a  per- 
pétuellement donné  lieu,  ne  sont  qu'une  protestation  du 
droit  contrôla  violence  et  le  souvenir  vague  et  traditionnel 
d'une  spoliation. 


I 


CHAPITRE    Ylll.  127 


CHAPITRE  YIII. 

INFLUENCE  DES  MOINES  SUU  LE  HÉFRICIIEMENT  DES  FORETS.  —  ENVAHIS- 
SEMENT DES  FORÊTS  PAR  LES  MONASTÈRES.  —  ROBERT  d'aRBRISSEL  ET 
l'ordre  de  UTEAUX. 

La  fondation  des  ordres  religieux,  le  progrès  de  la  yie 
monastique  eurent  une  influence  considérable  sur  la  mise 
en  culture  des  forêts.  A  l'instar  des  ascètes  de  l'Hindous- 
tan  qui  choisissaient  les  forets  pour  théâtre  de  leur  \ie 
d'abstinence  et  de  macération  (1),  de  pieux  solitaires 
cherchaient  chez  nous,  au  cœur  de  certaines  forêts,  une 
retraite  où  ils  puisent  se  livrer  librement  à  leurs  médita- 
tions et  à  leurs  pénitences.  Ils  vivaient  là,  respectés  par  les 
larrons,  parles  chasseurs  dont  les  plaisirs  venaient  parfois 
les  arracher  au  calme  de  leur  solitude (2).  Les  ermitages  fu- 
rent remplacés  plus  tard  par  des  monastères  qui  devinrent 
autant  de  centres  agricoles.  Les  moines  défrichaient  autour 
d'eux;  leur  règle  leur  faisait  un  devoir  du  travail  manuel, 
et  les  besoins  domestiques  les  obligeaient  à  chercher  du 
bois.  Ils  éclaircirent  de  la  sorte  nombre  de  forêts;  c'est  ce 
dont  témoigne  la  vie  de  plusieurs  saints  fondateurs  d'or- 
dres monastiques,  de  divers  abbés  et  ermites. 
•   Nous  lisons  dans  la  vie  de  saint  Fiacre  (3),  que  les  hau- 

(1)  Voy.  Lois  de  Monoii,  XI,  72. 

(2)  Voy.  à  ce  sujet  le  roman  de  Doon  de  Mayence,  qui  nous  raconle  que 
le  comte  Gui  de  Mayence,  père  de  Doolin,  ayant  tué  un  ermite  dans  la 
forêt  d'Aideniie,  en  croyant  atteindre  un  cerf  qui  s'était  réfugié  dans  la 
cellule  de  cet  anachorète,  se  fit,  en  expiation,  ermite  à  sa  place.  — 
Voy.  Doon  de  Mayence,  chanson  de  geste,  éd.  A.  Pey,  p.  27  et  suiv.  (Pa- 
ris, !859j  et  ce  (jui  a  été  dit,  p.  69,  de  la  forêt  de  Colonne. 

(3)  «  Ad  pia^dictum  locum  reversus  est  Fiacrius  et  avulso  ncmore 
monastcrium  in  lionorem  Beat;t-  Mariœ  construxit.  »  (Bolland.  XX  aug. 


128    LES  FORÊTS  DELA  GAULE  ET    DE  l' ANCIENNE  FRANCE 

leurs  de  la  Brie,  sur  lesquelles  se. retira  ce  solitaire,  étaient 
couvertes  d'une  épaisse  foret  qu'il  défricha  en  partie. 
C'est  actuellement  l'un  des  cantons  les  plus  fertiles  de  l'ar- 
rondissement de  Meaux.  Cette  forêt  se  rattachait,  par  celle 
du  Mans  et  les  bois  de  Meaux  (1),  à  la  forêt  de  Jouarre  (Jora- 
)ius  saltus)  (2),  où,  au  commencement  du  yii""  siècle, 
Adon  (3),  dégoûté  des  vaines  pompes  du  monde,  avait 
fondé  le  monastère  de  Jouarre  (4i, 

On  doit  à  saint  Deicol  ou  Diel  le  défrichement  d'un  can- 
ton des  forets  des  Vosges,  celui  de  Luthre  ou  Ltiders,  au- 
jourd'hui Lure,  qu'iiifestaient  alors  les  bêtes  fauves.  Il 
y  fonda  la  fameuse  abbaye  de  Lure,  où  vint  le  visiter 
Clotairell,  que  la  chasse  du  sanglier  avait  amené  dans  la 
contrée  (5). 

Aux  VII*'  et  viir  siècles,  la  forêt  de  llaguenau  se  peupla 
d'ermitages  dont  les  habitants  commencèrent  à  l'éclaircir  ; 
le  séjour  de  ces  nombreux  cénobites  lui  valut  le  nom 
de  Eeilifje  Vorst  (Sylva  sancta);  c'est  là  que  vécurent 
saint  Arbogast  auquel  un  vieux  chêne,  dit  le  gros  C/i(hie, 
est  consacré,  et  sainl  Dcodat  qui  avait  abandonné  pour  se 

p.  600.)  Le  lieu  où  s'établit  sainl  Fiacre  sapjielait  le  BveuiL  c'est-à-dire 
Le  Bois,  l't  ai)partenait-  à  l'évèque  Faron,  qui  le  lui  concéda  pour  sa  re- 
traite. (Cf.  Mahillon,  Act.  SS.  Bened.  t.  II,  p.  618.) 

'1)  Ce  sont  vraisemblablement  ces  bois  dans  lesquels,  au  x"'  siècle,  le 
moine  Richer  raconte  qu'il  se  perdit,  en  se  rendant  de  Reims  à  Chartres. 
^Richer,  IJisl.  1.  lY,  c.  ôO.) 

(2j  Cf.  Vit.  S.  Columbani.  op.  D.  Bouquot,  IJisl.  de  France,  t.  III-. 
p.  481,  513. 

(3)  Adon  et  Dadoii  étaient  111s  d'Authaire,  proche  parent  de  saint  Fa- 
ron, et  auquel  appartenait  la  forêt.  Il  avait  été  catéchisé  par  saint  Coloni- 
ban.  (Voy.  Mabilion,  Act.  SS.  Benedicl.  t.  II,  p.  187,  612,  et  Toussaint 
Duplessis,  Hist.de  t' église  de  Meimx.  pièces  justificatives,  ann.  835,  p.  3.} 
Cf.  ce  qui  est  dit  plus  loin  de  cette  foret. 

(4)  Toussaint  Duplessis,  loc.  cit. 

(5)  Rolland.  Act.  SS.  XVIII  jan.  Saint  Diel,  dont  le  nom  a  été  altéré 
plus  tard  en  celui  de  saint  Dipy  ou  Dié,  vivait  au  commencement  du 
vu*  siècle.  Le  lieu  des  Vosges  où  il  se  relira  appartenait  à  Weifliar,  sei- 
gneur de  la  cour  de  Thierry,  roi  de  Bourgogne. 


1 


« 


CHAPITRE    YIII.  129 

retirer  du  commerce  des  hommes,  son  évéché  de  Nevers  (1). 
De  nombreux  anachorètes  de  la  Flandre  occidentale  vin- 
rent s'établir  dans  la  vaste  forêt  appelée  T/iigalmsco, 
qui  s'étendit,  jusqu'au  yii'  siècle,  de  Poperinghe  à  Rou- 
1ers.  Leurs  cellules  se  multiplièrent,  surlout  dans  le  canton 
entrecoupé  de  criques  et  de  marais,  qui  portait  le  nom  de 
Rumetia,  et  où  abondaient  les  oruieaux  ou  ypreaux  (en 
flamand  Y'epenboomen),  ainsi  que  l'atteste  le  nom  delà  ville 
d'Ypres,  élevée  sur  son  sol,  après  qu'il  eut  été  défri- 
ché (2). 

Au  xr  siècle,  un  des  plus  célèbres  apôtres  de  la  vie  cé- 
nobitiquc,  Robert  d'Arbrissel,  coniribua  singulièrement 
au  défrichement  des  forêts  de  l'Anjou  et  de  la  Bretagne.  Il 
s'établit  dans  la  forêt  deCraon  (3),  et  le  nombre  de  ses  dis- 
ciples s'étant  considérablement  accru,  il  se  vit  obligé  de 
les  envoyer  dans  les  forêts  voisines.  Les  solitaires  qui 
avaient  embrassé  sa  règle,  se  divisèrent  donc  par  colonies 
et  allèrent  fonder  des  abbayes  en  divers  points  de  l'est  de 
la  France. 

Robert  s'était  fixé  dans  la  partie  de  la  forêt  de  Graon  qui 
portait  le  nom  de  LaRoë  {Rota).  C'est  là  qu'il  fit  bâtir,  en 
1094,  un  monastère  [S.  Maria  de  Bosco  ou  de  Sylva)  placé 
par  lui  sous  la  règle  de  saint  Augustin  (4).  Ce  canton,  qui 
était  alors  tout  boisé,  est  aujourd'hui  entièrement  ou- 
vert (5)  ;  il  sépare  la  forêt  de  Craon  de  celle  de  la  Guer- 

(1)  Voy.  Ristftlhuber,  l'Alsace  ancienne  et  moderne  ou  Dklionn.  topo- 
r/raph.  Idsloriq.  et  slalisliq.  du  Haut  et  du  Bas-Rhin,  p.  160. 

(2)  Voy.  J.  J.  tic  Smet,  Essai  sur  1rs  7ioms  des  villes  et  des  rominuncs 
de  la  Flandre  occidentale,  dans  les  Nouveaux  Mémoires  de  VAcad.  de 
Belgique,  t.  XXIV,  p.  13. 

(3)  Salins  Credoniensis . 

(4)  Baldoric.  ep.  Dolensis,  Vil.  B.  Rohcrli,  ap.  Bolland.  Ad.  SS. 
XXV  feb.  p.  605.  Cf.  Gall.  Christian,  t.  XIV,  col.  716,  Eccles.  An- 
degav. 

(5)  «  Excisa  tamen  est  magna  pars  illius  sylva:;,  »  disent  les  Bollan- 
distes,  oiiv,  cit.  p.  606,  col.  1,  note. 

9 


130    LES  FORÊTS  DE  L\  GAULE  ET   DE  l'aNCIENNE   FRANCE. 

che:  le  petit  bois  de  Laubrière  et  deux  autres  bou- 
quets sont  actuellement  les  seuls  débris  de  la  foret  de  la 
Roë.  Deux  iocalités  appelées  les  Bois,  et  une  autrenommée 
les  Saris  (1)  (les  Essarls)  rappellent  encore  la  présence  desl 
arbres  qui  ont  disparu.  Il  y  a  tout  lieu  de  penser  que  la  fo- 
rêt de  Craon  ne  faisait  alors  qu'un  avec  celle  de  la  Gucrclie, 
et  qu'elle  se  rattachait,  par  des  lignes  non  interrompues 
d'arbres,  à  celles  de  Verzec,  de  Lourzé,  d'Ombrée,  de  Juigné 
et  d'Arraise  (2).  Une  foule  de  noms  de  lieux  des  environs, 
qui  se  rencontrent  précisément  dans  les  parties  intermé- 
diaires entre  ces  forêts,  attestent  la  présence  ancienne  de 
bois  en  des  points  qui  en  sont  aujourd'hui  totalement 
dépourvus.  Tels  sont  le  Bois-Gyaitt,  le  Grand-Bois,  le 
Bois- B lin,  la  Brosse,  etc. 

Vital  de  Tierceville  se  retira  avec  une  partie  de?  disciples 
de  Robert,  dans  la  forêt  de  Fougères,  où  ses  compagnons 
se  dispersèrent  en  plusieurs  endroits.  Raoul  de  Fougères, 
qui  en  était  seigneur,  les  y  souffrit  quelques  années  ;  mais, 
comme  il  aimait  passionnément  la  chasse,  et  qu'il  crai- 
gnait que  les  ermites  ne  dégradassent  la  forêt  où  il  en  pre- 
nait le  plaisir,  il  préféra  leur  abandonner  la  partie  de  la  fo- 
rêt de  Savigny  le  vieux,  où  Vital  tle  Tierceville  fonda  l'ab- 
baye qui  en  prit  le  nom  (3),  et  il  la  leur  concéda  par  une 
charte  on  4112.  La  carte  de  Gassini  ne  place  plus  à  Savi- 
gné  qu'un   bois   tiès-démantclé,  (|ui  a  disparu  de  nos 

(1)  Citons  encore  les  localités,  aujourd'hui  défrichées,  apijolées  Bois- 
Sainl-Miclu'l  et  le  Dois-DuUier.  (Voy.  la  carte  de  Cassini.) 

(2)  Ce  nom  d'Arraise,  qu'on  trouve  aiipliqué  à  d'autres  forêts,  est  peul- 
être  dérivé  du  celte;  à.  savoir  de  l'article  ar  et  de  waz,  gwas,  «  ruis- 
seau, »  ce  qui  donnerait  à  penser  ijuil  a  été  attribué  à  des  forêts  traversées 
par  des  cours  d'eau.  (Voyez  sur  ces  forêts,  Bizeul.  Drs  Naiinèles  aux 
(époques  celliqurs  et  romaines,  dans  lo  Revue  des  2'>rovinces  de  l'Ouest. 
juin  1854,  p.  392.) 

(3)  Voy.  Chronie.  Malleac.  ad  ann.  1103,  ap.  Historiens  de  France, 
t.  XII,  p.  i04.  Orderic.  Vital.  VIII.  27,  p.  449,  éd.  Lcprévost. 


CHAPITRE    YIII.  131 

jours.  Il  est  à  remarquer  que  la  partie  de  la  foréi 
<{ui,  d'après  les  termes  de  la  charte,  fut  cëdëe  à  Vital 
et  à  ses  compagnons  (1),  ne  correspond  pas  du  tout, 
sur  la  même  carte,  à  un  canton  boisé  (2).  Le  défrichement 
de  cette  partie  de  la  forêt  de  Savigny  doit  avoir  été 
l'œuvre  des  moines.  L'inspection  des  lieux  montre  qu'elle 
s'étendait  jusqu'à  la  rivière  de  Galmont,  près  de  laquelle 
on  trouve  encore  une  localité  appelée  le  Bois  (3). 

Un  autre  compagnon  de  Robert,  Raoul  de  la  Futaye, 
alla  s'établir  dans  la  forêt  de  Saint-Suipice,  non  loin  de 
celle  de  Rennes,  en  un  canton  qui  portait  le  nom  de  Nid- 
de-Merle,  aujourd'hui  en  grande  partie  déboisé  (4).  Re- 
naud choisit  pour  retraite  la  forêt  de  Melinois  ou  Meli- 
nais(3),  qui  n'est  plus  actuellement  représentée  que  par  les 
petits  bois  dits  de  Melinais  et  de  la  Boverie,  au  sud  de  La 
Flèche.  De  l'inspection  de  la  carte  de  Cassini  on  peut  con- 
clure la  forêt  primitive  se  prolongeait  jusque  sur  la  rive 
que  droite  de  la  rivière  appelée  les  Cartes,  contre  laquelle 
est  une  localité  dite  Savigné  [Salviniacum),  nom  qui  dénote 
la  présence  ancienne  d'une  forêt.  A  peu  de  distance 
de  ce  bourg,  est  un  village  appelé  le  Grand-Bols-Bicher. 
La  forêt  de  Melinais  s'étendait,  au  sud,  jusqu'à  Vau- 
landry,  et,  dans  cette  direction,  on  remarque  une  lo- 
calité déboisée  appelée  les  Bois-de-Vaux. 


(1)  «  Foroslam  de  Savigneio  siciU  ex  mia  parte  fluvius  qui  vocatur 
Chambn,  ipsam  forestam  a  Cenomannia  disterminat  et  ex  altéra  parte 
Ghamb(>sneta  fluviolus  ab  ipso  vico  séparât  qui  Savigneium  appellatur.  » 
(Lobineau,  llisfoire  de  Dreiagne,  preuves,  liv.  IV,  col.  202.) 

(2)  En  olfet,  la  rivière  appelée  Chamba  dans  la  charte  est  le  Galmonf  ; 
il  faut  reconnaître  le  Chmnhi'sneta  dans  un  petit  ruisseau  qui  se  jette 
dans  le  Déron,  entre  l'Habit  et  la  Prise-aux-Nonnes  ;  le  nom  de  Cham- 
besnc  s'étant  conservé  dans  le  nom  d'une  localité  placée  sur  ce  ruisseau. 

(3)  Voy.  la  carte  de  Cassini. 

(4)  Lobineau,  Ilisl.  de  Drelagnc,  preuves,  col.  298. 

(5)  Voyez,  dans  Cassini,  la  carte  des  environs  de  l'abbaye  de  Melinais. 


132    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'a.NCIENNE  FRANCE. 

Salomon,  autre  disciple  du  même  solitaire,  choisit  pour 
retraite  la  forêt  de  Xfj-0/seau{\),  ou  Nid-d'Oiseau,  qui  allait 
de  la  i'orèt  d'Ombrée  à  la  rivière  d'Oudou;  elle  a  dû  ori- 
ginairement se  rattacher  à  la  forêt  de  Graon;  elle  n'est  plus 
indiquée  sur  la  carte  de  Gassini  que  par  de  très-petits 
bouquets épars.  Alleaume,  sorti  delà  môme  école  monas- 
tique, bâtit  l'abbaye  d  Estival  ou  Etival  dans  la  forêt  do 
Gharnie  (2),  au  nord-ouest  du  Mans.  Le  canton  où  se  trou- 
vait l'abbaye  d'Estival  est  représenté  comme  déjà  défriché 
dans  Gassini,  aussi  bien  que  l'espace  s'étendant,  au  midi, 
jusqu'au  Bols-dii-Creiix;  il  dut  fairedans  le  principe  corps 
avec  la  forêt  (3). 

André,  compagnon  des  cénobites  que  je  viens  de  nom- 
mer, fixa  sa  demeure  dans  la  forêt  de  la  Chausscre,  sur 
les  confins  de  la  Bretagne  et  de  l'Anjou.  Or,  au  siècle  der-* 
liier,  la  carte  n'indiquait  plus,  au  lieu  où  s'élevait 
l'abbaye,  dont  il  fut  le  fondateur,  qu'un  bouquet  sans  im- 
portance. Un  lieu  voisin,  dit Z-aForéV,  rappelleseul  l'exis- 
tence de  cette  forêt  de  la  Ghaussère,  qui  devait  s'étendre, 
d'un  côté,  jusqu'à  l'Evre,  et  de  l'autre  jusqu'à  la  San- 
gueise. 

La  forêt  de  Fougères,  où  alla  habiter  Engelger,  subsiste 
encore  aujourd'hui  ;  mais  sa  superficie  a  été  fort  réduite. 
D'autres  disciples  de  Robertd'Arbrissd  se  retirèrent  dans 
la  forêt  de  Goncisc,  placée  au  nord-est  de  celles  de  Graon 
et  de  Fougères. 

Partout  où  les  élèves  de  ce  pieux  ascète  bâtirent  de> 

(1)  Ny-Oiseau,  Ni-Oisd  {N idus  Avis)  o\\  Nid  d'Oiseau.  (Loliincau,  ///.s/. 
tir  Brdagne,  preuves,  eol.  183.)  Cf.  Goll.  clmslian.  t.  XIV,  coi.  70  i. 
ICccles.  Andegavcns. 

(2)  Lobineau,  llisi.  de  iJrekif/nr,  t.  I,  p.  115. 

(3)  Dans  la  carte  de  Gassini,  on  remaniue  deux  fonHs  de  Ciiarnie.  I^t 
grande  et  la  petite,  sèiiarées  par  la  rivière  de  Palais;  elles  se  rat- 
tachaient à  la  grande  forêt  du  Mans.  (Voyez  ce  que  nous  disons  pins  loin 
de  cette  forôt. 


CHAPITRE    yill.  loo 

monastères,  les  forêts  disparurent  ou  s'éclaireirent,  preuve 
que  le  défrichement  fut  l'œuvre  des  moines. 

Une  autre  école  de  cénobites  joua  aussi  un  rôle  consi- 
dérable dans  le  défrichement  des  forets.  L'ordre,  qui  eut 
pour  fondateurs  S.  Robert  et  ses  six  compagnons,  Albéric, 
Odon,  Jean,  Etienne,  Létalde  et  Pierre,  lesquels  avaient 
établi  leur  retraite  en  unlieu  couvert  depierreset  d'épines 
appelé  Giteaux('l),  donna  naissance  à  une  foule  d'abbayes. 
La  plupart  furent  élevées  au  milieu  des  bois,  ainsi  que 
l'attestent  leurs  noms  (2).  Telles  sont  :  Sauvelade  {Sylva 
lato),  dans  le  Béarn,  fondée  en  1150  par  Gaston,  vicomte  de 
ce  pays,  Talaise,  sa  femme,  et  Centule,son  fils  (3)  ;  Sauve- 
Benoite  ou  Sauve-Bénite  (Stjlra  henedictai^^))  en  Vélay,  à 
deux  lieues  de  Monistrol,  dans  une  partie  actuellement  en- 
tièrement déboisée;  Saint-Benoît-dans-les-Bois,  au  diocèse 
de  Verdun,  fondée  en  1131,  et  Haute-Selve  (.4/^«  sylva)  ou 
Haute-Seille,  fondée,  en  1140,  par  Agnès, comtessedeSalm. 

Le  clergé  régulier  a  donc  été  un  des  grands  agents  du 
déboisement  (o)  ;  le  clergé  séculier  l'accéléra  de  son  coté, 

(1)  A.  Manrique,  Annal.  Cisterc.  an.  1098.  c.  m. 

(2;  Entre  les  abbayes  qui  peuvent  être  citées  comme  étant  dans  ce  cas. 
plusieurs  avaient  été  fondées  par  des  monastères  issus  eux-mêmes  de 
Citeaux,  et  en  particulier  par  l'abbaye  de  Morimond,  la  plus  illustre  des 
lilles  de  Citeaux.  Voy.  Chronic.  Malleac.  an  1120.  p.  407. 

(3)  A.  Manrique,  Annal.  Cisterc.  an  1 1  i'i,  c.  vu,  p.  468.  Cette  abbaye 
était  la  première  lille  de  celle  de  Gimond,  fille  de  celle  de  Morimond. 

(4)  Cette  aljbaye  de  filles,  diie  de  ï AssomjyiiôJi,  fut  construite  dans  une 
forêt  dont  le  bois  Bercarrie  est  le  principal  vestige  et  qui  se  rattachait, 
sans  doute,  au  Grand-Bois,  situé  plus  au  nord.  Les  noms  de  Bois 
(le  Friiges,  de  Bosc.  etc.,  rappellent  encore  la  présence  des  arbres  là  où 
ilsontcoBi|)lélemcnt  disparu.  Deux  autres  abbayes,  l'une  située  dans  le 
diocèse  de  Constance,  et  appelée  en  allemand  Wald,  l'autre,  fille  de  la 
Grande-Chartrouse  {Sylve-Bcnilr),  fondée  en  Dauphiné (canton  de  Virieu) 
en  1  HiG  par  Thierry,  fils  de  l'empereur  Barberousse,  portaient  également 
l(î  nom  de  Sijlva-Benedicta,  destiné  à  rappeler  leur  construction  au  mi- 
lieu d'une  foret.  (Voy.  Gallia  christ,  t.  II,  p.  '777,  Eccles.  Anic.) 

(ô)  Outre  les  abbayes  de  l'ordre  de  Citeaux,  beaucoup  d'autres  rappe- 
laient par  leur  nom  qu'elles  avaient  été  établies  au  milieu  des  forêts. 


134   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

poussé  par  l'intérêt  qu'il  avait  aux  défrichements.  Ayant 
droit  à  la  dîme  (1)  sur  les  parties  mises  en  culture,  il  en- 
couragea les  colons  dans  leur  œuvre  de  destruction. 
Tout  en  veillant  à  la  conservation  des  forêts  qui  fai- 
saient partie  de  leur  domaine,  les  autorités  ecclésias- 
tiques trouvaient  avantage  à  abandonner,  de  temps  à 
autre,  certains  cantons  à  la  cognée  et  à  la  charrue  du  co- 
lon, pour  les  concéder  ensuite,  sous  la  réserve  de  dîmes  et 
de  redevances,  à  des  couvents  et  à  des  abbés  (2).  Nous 
voyons,  par  exemple,  en  1128,  Adelbert,  archevêque  de 
Mayence,  accorder  aux  moines  de  l'abbaye  de  Disiboden- 
berg  une  vaste  étendue  de  forêt  soumise  à  sa  juridic- 
tion, ou  dépendant  de  son  domaine  épiscopal  (3).  Le  défri- 
chement avait  été  si  considérable,  que  trois  églises  furent 
bâties  sur  des  emplacements  occupés  auparavant  parla  fo- 
rêt (4).  Adelbert,  tout  en  attribuant  aux  monastères  et  à 
l'honneur  du  culte  de  saint  Disibod  ces  champs  nouvelle- 
ment cultivés,  s'en  réserva  la  dîme. 

Les  termes  précis  dans  lesquels  sont  faites  les  con- 
cessions, les  délimitations  rigoureuses  des  cantons 
à  déboiser,  prouvent  que  l'autorité  eccjésiastique  était 
aussi  bonne  aménagère  des  bois  qu'instigatrice  des  défri- 

Telles  étaient  colles  :  de  Sylva  jntia,  dans  le  dioc'^'-e  do  Tréguicr  ;  de  Sylva 
regtilis  ou  d'Eaumet  (i'ImrUim),  dans  le  diocèse  d'Arles  ;  de  Sylva  Me- 
lonis  ou  de  Coeimaloen,  dans  celui  de  Quimper. 

(1)  C'est  ce  qui  ressort  du  passage  d'une  charte  de  l'an  1085  : 
«  Universa  decimatio  inde  terminata  ex  novalibus  jjroveniens  nostri? 
tcmporibns  erutis  sive  cruendis.  >>  {Arta  academ.  Theod.  'pal.  t.  HT, 
p.  158.) 

(2)  M.  Léopold  Delisle,  dans  ses  Etudes  siir  la  condition  de  ift  classe 
agricole  en  Normandie  au  moyen  âge  (p.  392  ctsuiv.),  adonné  de  nom- 
breux exemples  de  concessions  de  parties  de  forêts  à  défricher  faites  par 
le  clergé,  moyennant  dîme  sur  les  novalcs.  En  d'autres  provinces  de 
France,  on  en  trouve  également  de  fréquents  exemples. 

(3)  Gudenus,  Codex  diploinaticus,  t.  1,  p.  G9. 

(4)  C'étaient  les  églises  de  Bolenbach,  Ilundisbach  et  MerckenJiaeli. 
(Gudenus,  lieu  cit.) 


CHAPITRE    VIII.  135 

chements  utiles  à  l'agriculture.  L'abbé,  auquel  était  ac- 
cordé l'usage  d'une  forêt  ou  le  défrichement  d'un  de  ses 
cantons,  ne  pouvait,  sans  la  permission  de  l'évêque,  défri- 
cher là  où  il  devait  simplement  couper  du  bois,  et  déraci- 
ner les  arbres  au  delà  de  l'espace  qui  lui  était  assigné (1). 
Le  rôle  civilisateur,  l'action  agricole  des  moines  (2),  ne 
cessa  que  lorsque,  enrichis  par  les  efforts  et  les  travaux 
de  leurs  devanciers,  ils  ne  songèrent  plus  qu'à  jouir 
paisiblement  de  leurs  biens,  et  abandonnèrent  à  des  serfs 
la  culture  du  sol  dont  ils  consommaient  les  produits. 
L'opulence  amena  la  paresse,  et  les  moines,  en  envahis- 
sant à  leur  tour  les  forets  seigneuriales  à  titre  d'usagers, 
en  obtenant  des  seigneurs  le  droit  d'abattre,  dans  les  forêts 
de  plus  en  plus  restreintes,  le  bois  nécessaire  à  leur  con- 
sommation (3),  vinrent  grossir  la  troupe  déjà  nombreuse 
de  ceux  qui  dévastaient  les  forêts,  sans  pour  cela  les  trans- 
former en  de  fertiles  guérets. 

(1)  Voyez  la  concession  faite  par  Ilermann,  archevèquo  do  Cologne,  à 
l'abbé  de  Bramveiler,  en  1099.  {Acla  academ.  theod.  pal.  1. 111,  p.  161.) 

(2)  On  doit  aux  moines  divers  travaux  agricoles  fort  importants.  Ce 
sont  eux  notamment  qui  ont  créé  une  foule  d'étangs  dans  la  Brenne  et 
dans  la  Bresse.  (Voy.  De  Marivault.  Précis  de  rhisloire  générale  de  l'a- 
(jricidlure,  p.  311,  note.  Paris,  1837.) 

(3)  Ilexiste  un  grand  nombre  de  chartes  par  lesquelles  des  seigneurs 
concèdent  à  des  abbayes  des  droits  d'usage  étendus  dans  leurs  forêts. 
Nous  aurons  plusieurs  fois  l'occasion,  dans  les  chapitres  suivants,  de  citer 
des  chartes  de  ce  genre. 


436   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 


CHAPITRE  IX. 

DROITS  D  USAGE  DANS  LES  FORETS  SOUS  LE  REGIME  FEODAL.  —  RÈGLEMENTS 
DE  POLICE  ÉTABLIS  PAR  LES  ROIS  ET  LES  SEIGNEURS  AU  TEMPS  DES 
CAPÉTIENS.  —  LÉGISLATION  DE  SAINT  LOUIS  ET  DE  SES  SUCCESSEURS  EN 
MATIÈRE  DE  FORÊTS. 

On  vient  de  voir  que  les  défrichements  opérés  par  les 
moines  avaient  été  un  premier  contre-poids  à  la  manie 
de  l'afforestation.  Une  autre  cause  ne  tarda  pas  à  ap- 
porter de  nouvelles  bornes  à  l'invasion  de  la  végétation 
arborescente.  Les  droits  d'usage  que  les  rois  et  les  sei- 
gneurs concédaient  dans  leurs  forêts,  dégénérèrent 
sur  plusieurs  points  en  abus  et  amenèrent  la  détério- 
ration de  celles-ci.  Une  foule  d'individus  et  de  commu- 
nautés obtinrent  le  privilège  de  ramasser  et  de  couper  le 
bois  nécessaire  à  leur  chauffage,  à  la  construction  et  à  la 
réparation  de  leurs  demeures  (1) ,  parfois  même  à  la  con- 
fection de  leurs  ustensiles,  de  leurs  instruments  aratoi- 
res (2);  souvent  on  allait  jus(ju'à  autoriser  les  usagers  à 
prendre  des  branches  pour  établir  les  haies  destinées  à 
protéger  leurs  propriétés  contre  les  ravages  du  gibier  (3). 
Aussi  Philippe  de  Valois,  par  sa  première  ordonnance 
donnée  àBrunoy,  en  mai  1346,  déclarait-il  qu'il  ne  serait 

(1)  Voy.  Léopold  Delisle,  Études  sur  la  condiiion  de  la  classe  agricole 
el  rélal  de  l'agriculture  en  Normandie,  j).  374.  Evreux,  1851.  C'est  ce 
Huon  nomme  en  Alsace,  en-  Franclit'-Comté,  et  dans  les  Pyrénées,  ]o 
mnronage  ou  marnage. 

(2)  Ouv.  cil.,  ibid. 

(3)  On  apjiolaitce  droit  ramage,  et  ramagers  ceux  qui  en  jouissaient. 
En  Norraandii-,  le  ramage  appartenait  généralement  aux  habitants  dos 
l)aroisses  limitrophes  des  forêts.  {Ouv.  cil.  ji.  37  j.) 


ij 


CHAPITRE    IX.  437 

plus  accordé  d'usage  dans  les  forêts,  à  cause  de  leur  dimi- 
nution et  du  préjudice  que  cela  leur  causait  (1). 

La  vaine  pâture,  les  droits  de  panage,  de  glandée  dont 
il  a  été  question  plus  haut,  quoique  ordinairement  moins 
étendus  quecelui  d'affouage,  ouvraient,  en  dépit  des  règle- 
ments édictés  à  leur  égard,  la  porte  à  une  foule  d'abus.  Les 
concessions  en  étaient  de  plus  si  multipliées,  que  même  en 
restant  dans  les  limites  prescrites,  l'exercice  de  ces  droits 
tendait  à  devenir  préjudiciable  à  la  bonne  conservation 
des  forêts  (2).  Au  moyen  âge,  la  consommation  du  bois 
étaitd'ailleurs assez  considérable  (3);  car  si,  dans  les  mai- 
sons les  feux  ne  s'allumaient  point  l'hiver  en  aussi  grand 
nombre  que  de  nos  jours,  en  revanche  les  cheminées 
étaient  bien  plus  spacieuses,  et  l'on  y  brûlait  d'énormes 
souches;  joignez  à  cela  le  bois  qui,  en  certains  lieux, 
servait  au  luminaire  et  que  l'on  allumait  en  guise  de 
torche  (4).  Il  faut  pourtant  reconnaître  que  nos  ancêtres, 

(1)  Voy.  ce  qui  est  dit  dans  les  Conférences  de  V ordonnance  de 
Louis  XIV  du  mois  d'août  1G69  sur  le  fait  des  eaux  et  forêts,  n"'=  éd.  t.  II, 
p.  44  (Paris,  1752). 

(2)  Il  exislc  un  grand  nombre  de  chartes  de  concession  de  droits  do 
paisson,  panage,  etc.  {pastio,  pastinacum  porcorum,  etc.).  On  efi  peut 
lire  notamment  dans  D.  Lobineau,  Preuves  de  VHistoire  de  Bretagne, 
col.  137,  290  et  passim.  C'étaient  surtout  les  porcs  que  l'on  nourris- 
sait dans  les  forêts.  On  y  recevait  aussi  les  juments,  les  vaches  et  les 
brebis  ;  mais  les  chèvres  étaient  habituellement  écartées.  (L.  Delisle, 
Éludes  sur  la  condition  de  la  classe  agricole  et  l'état  de  V agriculture  en 
Normand'ie,  p.  369,  et  Saint-Yon,  Ordonn.  des  eaux  et  forêts,  1.  I, 
t.  XXIX,  art.  5  et  6.) 

(3)  En  voici  un  exemple  que  nous  empruntons  au  savant  ouvrage  de 
M.  L.  Delisle  :  «  Pour  chauffer  leurs  hôtes,  les  religieux  Je  Montebourg 
pouvaient,  chaque  semaine,  enlever  un  arbre  dans  la.  foret  de  Brix.  Ceux 
de  Saint- Taurin,  pour  lessiver  leur  linge,  n'avaient  pas  à  dépenser 
annuellement  moins  de  vingt-six  charretées  de  bois  à  deux  chevaux.  En 
vertu  d'une  concession  faite  en  mai  1325,  Nigaise  le  Veneur  prenait  en 
la  foret  do  Lions,  pour  brûler  en  son  manoir  du  Mesnil-Guilbert,  autant 
de  bois  ([ue  jjouvait  en  charrier  journellement  une  charrette  à  deux  ou 
trois  chevaux.  (L.  Delisle,  oui),  cil.  p.  371,  372.) 

(4)  Voy.  co  qui  a  déjà  été  dit  à  ce  sujet  p.  80. 


438   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'anCIENXE  FRANCE. 

])eaucoup  moins  avisés  que  nous  sur  le  chapitre  du  con- 
fortable, ignoraient  l'art  de  chauffer  hermétiquement 
leurs  maisons  (i)  :  mais  ces  réserves  faites,  il  n'en  de- 
meure pas  moins  constant  que  la  consommation  du  bois 
était  au  moyen  âge  déjà  abondante,  et  le. besoin  de  com- 
bustible s'opposa  plus  d'une  fois,  sous  les  Capétiens,  à  un 
aménagement  prévoyant  et  économique  des  forêts. 

Il  n'existait  pas  d'ailleurs,  dans  le  principe,  en  France, 
de  lois  générales  applicables  au  régime  forestier,  et,  aux 
XI*  et  xii^  siècles,  les  lois  barbares  qui  y  pourvoyaient  à 
plusieurs  égards,  ayant  cessé  d'èire  en  vigueur,  chaque 
seigneur  établit  un  règlement  local  sur  la  police  des  droits 
d'usage.  En  Normandie,  nous  voyons  à  des  époques  pério- 
diques, certains  officiers  et  certains  tenanciers  se  réunir 
pour  juger  les  délits,  percevoir  les  droits,  visiter  les  forêts 
et  prendre  les  mesures  nécessaires  à  leurconservation.  Ces 
opérations  s'appelaient  le  j:)knt  et  le  m/wr/de  la  forêt.  Les 
mentions  en  sont  assez  communes  à  partir  du  xi^  siècle. 
Mais  dans  ce  pays  la  législation  forestière  était  plus  avan- 
cée qu'ailleurs  (2),  car  les  Normands,  en  deçà  comme  au 

(1)  On  lit  dans  la  Conférence  de  l'ordonnance  de  Louis  XIV,  l.  II, 
j).  44  :  «  Anciennement  on  faisait  facilement  des  concessions  de  bois 
par  la  grande  quantité  qu'il  y  en  avait  alors  en  France  et  le  peu  de- 
monde  pour  le  brûler  ;  mais  depuis  les  forêts  sont  diminuées  de  plus 
des  trois  quarts;  les  peuples  sont  augmentés,  et  les  hommes,  devenus 
plus  voluptueux  en  toute  chose,  se  cliaufTant  plus  que  ne  le  faisaient  au- 
trefois nos  pères,  qui,  s'ils  se  chaulfaient,  ne  se  mettaient  pas  du  moins 
en  peine  de  quelle  sorte  de  bois  ce  fûl...  Au  .lieu  que  présentement,  il 
n'y  a  pas  jusqu'au  moindre  petit  bourgeois  qui  ne  brûle  du  bois  neuf, 
c'est-à-dire  qui  ait  été  coupé  vif,  parce  que  le  feu  en  est  plus  ardent,  cl 
qu'il  rend  jilus  de  chaleur,  le  bois  mort,  et  même  le  bois  flotté  n'étant 
que  pour  les  petites  gens  ou  pour  l'usage  de  la  cuisine...  Ce  qui  a  encore 
beaucoup  augmenté  la  consommation  de  bois,  c'est  le  grand  nombre  de 
feux  qu'on  fait  aujourd'hui  dans  les  ménages  de  gens  médiocres;  au  lieu 
qu'autrefois,  même  des  gens  distingués  n'en  faisaient  qu'un  seul  ;  ils  re- 
cevaient et  travaillaient  dans  une  cliambre  commune,  comme  faisail 
M.  de  Saumaise,  conseiller  au  parlement.  » 

(2)  L'ancienne  loi  du  ]»ays  de  Galbs  inti'rdisait  l'accès  des  forêts  aux 


CHAPITRE    IX.  439 

delà  de  la  Manche,  sont  sous  ce  rapport  comme  sous 
d'autres,  demeurés  plus  que  les  Français  fidèles  aux  tradi- 
tions germaniques  qui  ne  dataient  pas  d'ailleurs  pour  eux 
d'une  époque  aussi  reculée (i). 

La  première  règle  de  police  à  laquelle  les  usagers  ont 
été  soumis,  les  astreignait  à  demander  la  délivrance  des 
produits  auxquels  ils  pouvaient  avoir  droit.  Les  formes 
de  cette  délivrance  ont  varié  suivant  les  temps  et  les 
lieux.  Le  plus  ancien  exemple  connu  de  règlement  forestier 
à  cet  égard,  se  trouve  dans  les  archives  d'Alsace.  Schœp- 
flin  (2)  lui  assigne  la  date  de  1144.  On  y  lit  :  «  Omnes 
qui  ibi  aliquid  incidere  ad  venclendum  cupiunt,  si  mi- 
liter a  custode  petere  debent.  »  Dans  les  chartes  de  Nor- 
mandie, la  clause  de  ne  s'approprier  le  bois  que  lorsqu'il 
sera  livré  aux  usagers  par  la  main  des  forestiers,  est  assez 
fréquemment  énoncée  (3). 

En  général,  les  usagers  n'étaient  obligés  à  faire  marquer 
par  le  forestier  que  les  arbres  dont  ils  avaient  affaire.  Si 
le  forestier,  mis  en  demeure  d'indiquer  ces  arbres,  ne  l'a- 
vait pas  fait,  l'usager  pouvait  alors  les  couper,  sans  être 


pourceaux  qui  y  venaient  paître,  depuis  le  troisième  jour  avant  la  Saint- 
Michel  jusqu'au  quinzième  jour  après  l'Epiphanie,  afin  que  ces  animaux 
ne  détruisissent  pas  les  graines  destinées  à  propager  les  arbres;  en 
général,  les  forets  étaient  fermées  durant  cette  période.  Voy.  Ancient 
laivi  and  instiliUes  of  Wales  (1841,  in-fol.j,  Leges  Wallica;,  c.  xxviu, 
art.  16,  p.  801  ;  c.  lviii,  art.  22,  p.  845. 

(1)  On  retrouve  dans  les  coutumes  recueillies  en  9'i0  par  ordre  d'Hoël 
le  Bon,  des  dispositions  fort  analogues  à  celles  que  M  J.  Grimm  a 
signalées  dans  les  coutumes  de  la  Marche.  Chez  les  Bretons,  les  bois  de 
haute  futaie,  ainsi  que  les  taillis,  étaient  le  privilège  de  toute  une  parenté. 
Dans  la  Marche,  tout  Germain  libre,  tout  Erfexen  avait  le  droit  de  porter 
la  cognée.  Un  voyageur  éloigné  de  toute  habitation  pouvait  prendre  dans 
le  bois  de  quoi  nourrir  lui  et  son  cheval,  et  celui  qui  traversait  la  forêt 
sur  un  chariot,  y  pouvait  choisir  une  bille  de  bois  pour  réparer  son  véhi- 
cule. 

(2)  Als.ilia  diplomalico,  t.  I,  p.  2211. 
(3j  Voyez  L.  Delisle,  om.  cil.  p.  372. 


140   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIKNNE  1  UANCE. 

reproché  de  fraude.  Cette  di-position  n'était  applicable' 
qu'aux  arbres  de  haute  futaie;  lorsqu'il  s'agissait  du  bois 
de  tond  ou  des  taillis,  les  usagers  étaient  autorisés  à  les 
couper  sans  délivrance,  même  s'il  les  voulait  vendre, 
pourvu  qu'il  n'en  résultât  ni  déformation  ni  défjùt  de  laj 
forêt  (1). 

C'est  de  Philippe-Auguste  que  datent  les  premières  or- 
donnances sur  les  forêts.  Par  une  ordonnance  rendue  à] 
Gisors  en  1219,  ce  monarque  règle  la  juridiction  des] 
gardes  de  la  forêt  de  Retz  et  la  vente  de  ses  bois  (2).  Mais, 
antérieurement  à  cette  époque,  la  surveillance  des  forêts 
était  déjà  remise  à  de  hauts  personnages.  Thibaud  File- 
Etoupe  fut  revêtu  de  cette  charge,  sous  le  roi  RobertO)  ; 
les  comtes  de  Flandres,  à  partir  de  Baudoin  Bras-de-Fer, 
prirent  le  titre  de  forestiers  (4).  Les  premiers  maîtres  des 
eaux  et  forêts  ou  forestiers  royaux  dont  notre  histoire 
fasse  mention,  sont  Etienne  Bienfaitc  et  Jean  le  Veneur(5). 
Cettecharge  resta  uniquejusqu'au  règne  de  Henri  III  (6j. 
Ses  attributions  ne  furent  nettement  déterminées  qu'au 
xiu' siècle.  Citons  encore  parmi  les  plus  anciennes  ordon- 
nances sur  les  forêts  celle  de  1280  établissant  que  les  déli- 
vrances auxquelles  les  usagers  peuvent  avoir  dioit  dans 
les  forêts  royales,  doivent  leur  être  faites  parles  us"agers(7:, 

(1)  Yoy.  Imbert,  Enchiridion,  sub  v°  Usage  :  Papon,  Arrêts  notables, 
l.  XIV,  lit.  III;  Coquille,  Sur  la  coutume  du  Nivernais,  p.  57. 

(2)  Saint-Yon,  les  Édils  cl  Ordonnances  des  eaux  et  forêts,  j).  1137. 
La  seconde  ordonnance,  aussi  relative  à  la  foret  de  Retz,  est  de 
Loufe  YIU.  Elle  lut  rendue  à  Monlargis  en  1223. 

(3)  Aiinoin,  De  Gest.  Francor.  1.  V,  c.  xlvi. 

(4j  Et.  Pascjuier,  Les  Recherches  de  la  France.  1.  Il,  c.  xv,  p.  12G. 

(5)  P.  Anselme,  Histoire  gcnèalog.  et  chronolog.  de  la  maison  roijule 
de  France,  3«  éd.  t.  YIII,  p.  841. 

(G)  Il  s'agit  ici  de  la  charge  de  maître  des  eaux  et  forêts  près  la  cour-, 
car  il  existait,  depuis  le  règne  de  Philippe  le  Bel,  des  maîtres  et  enquê- 
teurs des  forets  pour  les  diverses  jirovinces.  Yoy.  dans  L.  Delisle. 
Eludes,  p.  337  et  suiv.  la  liste  de  ceux  de  Normandie.) 

(7j  Saint-Yon,  ouv.  cit.   Parfois  c'était  aux  maîtres  des  forets  qu'il 


CHAPITRE    IX.  141 

Dans  quelques  pays,  on  avait  créé  des  scrç/enteries  fief- 
fées. Ainsi  UQ  acte  du  duc  d'Aquitaine,  de  1273,  nous 
montre  des  bois  donnés  en  fief  sous  la  condition  de  rendre 
foi  et  hommage  de  conserver  les  bois  et  la  chasse.  Des 
concessions  analogues  se  multiplièrent  tellement  qu'on  se 
vit  plus  tard,  fréquemment,  obligé  de  les  révoquer  (1).  Les 
sergenteries  étaient  données  à  la  charge  de  faire  la  garde 
du  bois  en  personne.  L'ordonnance  de  Philippe  le  Long 
de  1318  (2)  organisa  les  sergents  dans  les   forets  royales. 

En  Normandie,  on  ne  trouve  qu'à  la  fin  du  xiv'  siècle  des 
traces  d'une  juridiction  supérieure  s'étendant  sur  toute 
la  province.  C'était  moins  une  cour  particulière  qu'une 
sorte  de  commission  siégeant  à  côté  de  l'Echiquier  ordi- 
naire de  Normandie  ;  on  l'appelait  l'Echiquier  des  eaux  et 
forets  (3).  Les  baillis  {hallm)  et  les  justiciarU  forestarum 
apparaissent  pour  la  première  fois  dans  un  acte  de 
1283  (4).  Mais  l'acte  n'indique  pas  que  ces  officiers 
aient  été  chargés  de  veiller,  d'une  manière  spéciale,  à  la 
conservation  des  produits  forestiers,  et  leur  juridiction, 
qui  fut  abrogée  par  l'établissement  des  maîtrises  fores- 
tières, demeure  encore  entourée  pour  nous  d'obscurité. 
L'ordonnance  de  Philippe  le  Bel,  d'août  1291  (5),  men- 
tionnant pour  la  première  fois   les    maîtres  des  eaux 

appartonait  de  fixer  la  valeur  des  bois,  dont  le  prix  seulement  était  aban- 
donné à  des  établissements  religieux.  Voyez,  par  exemple,  l'ordre  du 
maréchal  d'Audenehan  aux  maîtres  des  forêts  de  la  sénéchaussée  de 
Beaucaire,  d'assigner  aux  frères  mineurs  d'Uzès  quarante  livres  de  rente 
sur  les  bois  du  roi  à  Servies,  pour  la  réédiflcation  de  leur  couvent.  (Mé- 
nani,  JJisloire  de  Nismes,  t.  II,  p.  289.  Preuves.) 

(1)  Ces  sergents  furent  supprimés  par  l'édit  de  Charles  YI  de  1413,  et 
(11'  nouveau  par  un  édit  de  Charles  IX  de  15G3.  (Terrien,  Coulume  de 
yoniuuulie,  1.  XIV,  c.  xi.) 

(2)  Saint-Yon,  Édkis  li  ordonnances  des  eaucs  el  forcsls,  p.  121. 

(3)  Édils  el  ordonn.  des  rois  de  France,  t.  IV,  p.  141. 

(4)  Delisle,  Éludes,  p.  330. 

(5)  Ord.  des  rois  de  France,  l.  I,  p.  684. 


142    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

et  forets,  c'est  à  celte  épofjue  que  l'on  fait  remonter 
l'organisation  de  la  juridiction  forestière  q\ù  subsista, 
sauf  quelques  modifications,  jusqu'à  la  fin  des  Va- 
lois (J). 

Nous  n'entrerons  pas  dans  le  détail  de  cette  organisa- 
tion, qui  n'intéresse  pas  directement  l'état  forestier  de  la 
France  à  cette  époque.  Disons  seulement  que  Phili[)pc  d( 
Valois  revisa  toute  la  constitution  du  service  des  eaux 
et  forêts,  divisé  en  1333  entre  les  baillis  et  sénéchaux  aux- 
quels était  attribuée  la  surveillance  des  rivières  et  étangs, 
et  les  maîtrises  qui  ne  conservaient  plus  dans  leur  dépar- 
tement que  les  bois,  mais  réuni  de  nouveau  en  13-46.  h 
domaine  fut  réparti  en  dix  maîtrises.  En  vertu  de  cette 
organisation,  les  appels  de  la  juridiction  supérieure  des 
maîtres  devant  être  portés  au  Parlement  de  Paris,  une 
Chambre  nouvelle  y  fut  créée  qui  jugea  en  dernier  ressort 
de  ces  appels  (2). 

Malheureusement  une  partie  des  mesures  prises  par  nos 
souverains  pour  la  conservation  de  leurs  bois  tourna 
contrôleurs  intentions.  Les  friponneries  et  les  malversa- 
tions des  agents  forestiers  vinrent  se  joindre  encore  aux 
abus  des  droits  d'usage. 

Louis  IX,  frappé  de  l'improbité  des  magistrats  sous  l'ins- 
pection desquels  les  forets  étaient  placées,  avait  expressé- 
ment défendu  aux  baillis,  sénéchaux  et  autres  officiers,  de 
rien  recevoir  sur  le  produit  de  la  vente  des  bois  (3).  Mais 
les  éditsde  Philippe  de  Valois,  de  Jean,  deCharles  V,  prou- 
vent que,  de  tous  côtés,  les  agents  forestiersexploitaicnt  lc> 
bois  à  leur  profit  et  opéraient  des  achats  et  des  ventes  par 


(1)  Saint-Yon,  ouv.  cil. 

(2)  Voy.  à  ce  sujet  G.  Dareste  de  la  Chavanne,  Histoire  de  l'admivis- 
Iration  en  Fiance,  tom.  II,  p.  17,  18. 

(3)  Ordonn.  des  rois  de  France,  t.  I,  p.  C8i. 


CHAPITRE    IX.  143 

personnes  interposées  (i).  Dans  rordoiinaiice  de  1348,  le 
premier  de  ces  rois  se  plaint  amèrement  qu'un  revenu 
considérable,  celui  des  forêts,  ait  été  comme  mis  à  néant, 
et  il  cherche  les  moyens  de  le  faire  revivre.  Les  charges 
de  sergent-fieffé  ayant  été  partagées  ou  vendues  par  les 
titulaires,  il  arrivait  souvent  que  les  acquéreurs  ou  les 
nouveaux  possesseurs  pillaient  en  commun  les  arbres 
confiés  à  leur  garde  (2). 

Chailes  V  crut  porter  un  remède  efficace  à  tant  de 
maux.  Il  réduisit  le  nombre  des  maîtres  des  eaux  et  fo- 
rêts (3).  Les  progrès  de  l'industrie  rendaient  alors  le  be- 
soin de  bois  plusurgentque  jamais  :  de  plus  ce  prince  créait 
une  marine  et  songeait  à  s'assurer  des  bois  de  construction. 
On  le  voit  en  effet  dans  l'ordonnance  du  3  septembre  1376, 
régler  la  coupe  du  bois  de  la  forêt  de  Roumare,  située  en 
Normandie  non  loin  de  Rouen,  bois  destiné,  ainsi  que  nous 
l'apprend  l'ordonnance,  à  la  construction  des  vaisseaux 
et  bâtiments  du  roi  (4). 

Pendant  la  seconde  moitié  du  xiv^  siècle,  les  abus  du 
<lroit  d'usage  étaient  vraiment  arrivés  à  leur  comble. 
J'ai  déjà  rappelé  plus  haut  que  Philippe  de  Valois  annon- 
çait, dès  le  29  mai  1348,  la  ferme  résolution  de  ne  plus  ac- 
corder de  droits  nouveaux  ([>).  Les  termes  de  bois  mort  et 
de  mort-bois,  dont  le  sens  était  si  différent,  avaient  été 
abusivement  confondus  par  les  gens  intéressés  à  ce  qu'on 
ne  les  distinguât  pas  et  qui  voulaient  étendre  au  boi-s  vert 
les  droits  d'usage  dont  ils  jouissaient  sur  le  bois  mort  (6). 

(1)  Ordonnances  des  rois  de  France,  t.  XV,  p.  xxxij,  préface;  Isain- 
hert,  Becucil  général  des  anciennes  lois'françaises,  t.  V,  ]>.  456  et  suiv. 

(2)  Voy.  Meaume,  Commentaires  du  Code  forestier. 

(3)  Ordonnance  des  rois  de  France,  t.  IV,  p.  214. 

(4)  Ibid.  t.  V,  p.  218. 

(5)  Ibid.  t.  II,  p.  644. 

(6)  Voy.  la  distinction  étalilie  par  l'ortlonnance  de  Mclun  de  1376. 
(Isamhort,  neciicil  général  des  anciennes  lois  françaises,  t.  V,  p.  467.) 


144   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

L'autorité  luttait  cependant  en  bien  des  lieux  contre 
les  usurpations  des  u:agers,  et  veillait  à  ce  que  les  forêts 
ne  fussent  pas  dévastées.  En  Anjou,  dès  le  xf  siècle,  oi 
voit  les  seigneurs  interdire  l'enlèvement  de  la  plus  utile 
des  essences,  le  bois  de  chêne  (1).  Philippe-Auguste  fixî 
pour  la  Normandie  un  certain  chifïVe  que  ne  devaient  pas' 
dépasser  les  ventes  annuelles  de  bois  (2),  et  il  continua  a 
étendre  sur  les  forêts  cette  même  protection  vigilante 
dont  les  ducs  avaient  donné  l'exemple  (3). 

Ces  mesures  protectrices  ne  furent  pas  suffisantes  pour 
arrêter  le  déboisement.  On  verra  plus  loin  qu'elles  durent 
être  renouvelées  sous  les  Valois.  Les  délinquants  étaient 
plus  forts  et  plus  nombreux  que  les  agents  décidés  à  faire 
respecter  les  défenses  émanées  du  roi.  Les  usurpations  se 
produisaient  de  toute  part.  Dès  le  xii^  siècle,  effrayés  de 
leur  audace,  les  ducs  de  Normandie  faisaient  rechercher 
avec  soin  celles  auxquelles  les  droits  d'usage  avaient  ou- 
vert la  porte  dans  leurs  forêts. 


(I)  Marchegay,  Archives  cV Anjou,  p.  3i4,  388. 

(1)  A  savoir  :  2,000  liv.  pour  les  bois  du  pays  de  Caux,  400  liv.  iiour 
la  forêt  de  Rouvray,  1 ,000  liv.  pour  les  bois  de  Bur  en  Colentin,  el 
500  liv.  pour  la  forêt  de  Vernon.  'Voy.  l'indication  de  ce  règlenionl  dans 
Delisle,  Éludes  sur  la  rondilion  de  la  classe  agricole  et  Vêlai  de  l'ayrical- 
iure  en  Normandie,  p.  303.) 

(3)  En  1171,  Henri  II  fait  rechercher  les  usurpations  qu'à  la  faveur 
(les  guerres  civiles,  avaient  commises  ses  sujets  sur  les  forêts  ducales. 
—  Rob.  du  Mont,  Appendix  ad  Sigebertinn.  dans  les  Historiens  de 
France,  t.  XIII,  p.  315  On  peut  voir,  dans  l'ouvrage  de  M.  Delisle,  l'é- 
noncé de  mesures  semblables  prises,  dans  la  suite,  en  Normandie,  jiar 
les  souverains  et  les  seigneurs  iiarticuliers  (p.  341  et  suiv.).  Ces  curieuses 
indications  montrent  que  les  forêts  étaient  dans  cette  province  l'objet  do 
beaucoup  plus  d'attention  qu'ailleurs.  -  Les  rois  de  France,  par  les  ordon- 
nances de  juillet  137G,  et  de  septembre  1402,  prescrivirent  aux  adjudi- 
cataires de  bois  dans  les  forêts  royales,  de  faire  clore,  le  temps  de  vidange 
expiré,  leurs  ventes  de  bons  fossés,  de  haies  vives,  afin  d'empêcher  les 
bestiaux  de  causer  dommage  aux  semis  de  chênes  qui  y  étaient  faits 
après  la  coupe.  (Voy.  Conférence  de  l'ordonnance  de  Louis  XIV y 
1. 1,  p.  305.) 


CHAPITRE    IX.  145 

Quand  on  parcourt  les  procès-verbaux  de  la  réforma- 
tion des  forêts  royales  opérée  par  ordre  de  Louis  XIV,  on 
est  frappé  du  grand  nombre  d'usagers  qui  existait  encore 
au  XVII'  siècle  ;  l'on  peut  alors  se  faire  une  idée  de  ce  qu'il 
devait  être,  deux  ou  trois  siècles  auparavant,  sous  une 
administration  moins  éclairée  et  moins  vigilante.  Venaient 
d'abord  les  gros  usagers  :  les  seigneurs,  les  abbés,  les 
prieurs  ayant  droit  au  baissée  en  estant  et  vert  gisant,  mort 
bois  en  estant  et  gisant  avec  pâturage,  et  qui  prélevaient 
pour  leur  fouage  un  chiffre  énorme  de  cordes,  chiffre  qui 
s'élevait  souvent  à  près  de  la  moitié  du  rendement  total. 
Puis  arrivaient  les  petits  usagers,  les  paroisses  limitro- 
phes de  la  forêt  ayant  droit  de  branches  et  remanants, 
droit  de  mort  bois  avec  panage.  De  là,  on  le  comprend,  un 
affouage  considérable  et  des  abus  qui  menaçaient  inces- 
samment les  forêts  de  dévastation. 


10 


146    Li:S  FORÊTS   DE  LA  C.ALLI-:  ET  DE  l'ANCIENNE  [T.AN'CE 


CHAPITRE   X. 

ÉTAT   1-ORESTlEB  l'E  LA  FRANXE  DU  Xll"  AL"  XVl'=  SIÈCLE,  —  l'OUtTS   1>E  L'ÎLE- 

UE-1RANCe!  FORÊTS  DE  SARRIS,  DE  ROUVRAY,  DE  LAYE,  YVELINE.  —  I.K 

GATINAIS,    FORÊT  DE   FONTAINEBLEAU.  —  FORÊTS   DE   LIVRY,    DE   BONDV, 
DE  VINCENNES.   —  FORÊTS  DE  LA  BRIE,  DU  VALOIS  ET  DU  BEAUVAISIS. 

J'ai  déjà  présenté  plus  haut  un  aperçu  sommaire  de 
l'état  forestier  de  la  France  au  temps  des  Gaulois  et  donné 
quelques  détails  sur  les  grandes  forêts  à  l'époque  carlo- 
vingienne.  Ce  tableau  serait  insuffisant  pour  le  moyen 
âge,  car  ce  qui  a  été  dit  précédemment  montre  que  de- 
puis, des  révolutions  partielles  s'étaient  accomplies  dans 
le  sol  forestier.  Il  faut  donc,  pour  se  faire  une  idée  de 
l'étendue  et  de  la  distribution  de  nos  anciennes  forêts, 
réunir,  province  par  province^  les  documents  qui  s'y  rap- 
portent et  chercher  à  en  rétablir  la  topographie. 

Je  commence  par  l'Ile-de-France,  non  pas  seulement 
parce  que  c'a  été  le  cœur  de  la  nationalité  française,  mais 
encore  parce  que  les  environs  de  Paris  subirent  de  très- 
bonne  heure  un  déboisement  considérable.  La  population 
s'étant  fort  agglomérée  dans  cette  région  de  notre  patrie, 
le  besoin  des  subsistances  accéléra  le  défrichement.  Les 
forêts  qui  environnaient  l'antique  Lutèce,  furent  rapide- 
ment éclaircies  et  démembrées  au  profit  du  sol  cultivé  de 
sa  banlieue.  La  consommation  du  combustible  et  des  bois 
de  charpente  ne  contribua  pas  peu  à  des  abattis  inconsi- 
dérés dans  les  forêts  qu'avaient  jusque-là  ménagées  le  feu 
et  la  cognée  (1)  ;  et  elles  étaient  encore  très-multipliées 

(l)  Déjà,  au  temps  de  Suger,  l'insuffisance  des  bois  aux  environs  de 
Paris  contraignit  de  faire    venir  les   grosses  charpentes  des  environs 


CHAPITRE    X.  147 

« 

aux  xii"  et  XIII'"  siècles  ;  elles  se  rencontraient  presque 
dans  toutes  les  directions.  Cette  ceinture  arborescente  de 
la  capitale  n'était  interrompue  que  par  des  intervalles 
de  quelques  kilomètres. 

Aux  portes  de  Paris,  dans  la  direction  du  Nord ,  s'éten- 
daient les  forêts  de  Sarris  et  de  Saint-Denis.  En  1193, 
la  première  de  ces  forêts  occupait  le  territoire  du  village 
de  Villeneuve-Saint-Denis,  qui  y  fut  construit,  peu  d'an- 
nées après,  et  dont  la  cure  dépendit  de  l'abbaye  royale. 
L'année  suivante,  Gauthier  de  Chàtillon,  sénéchal  de  Bour- 
gogne, cédait  à  ce  monastère  la  gruerie  (1)  et  les  autres 
droits  qu'il  avait  dans  la  forêt  de  Sarris*,  en  faveur  du 
nouveau  village  qu'on  y  voulait  fonder.  Plus  tard,  Mau- 
rice, évêque  de  Paris,  autorisait  la  construction  d'une 
église  paroissiale  au  même  lieu  (2). 

C'est  donc  vers  le  xiii''  siècle  que  la  forêt  de  Sarris  com- 
mença à  être  défrichée  ;  deux  siècles  après,  elle  avait  à  peu 
près  disparu.  Elle  devait  recouvrir  l'espèce  d'isthme  qui 
est  compris  entre  les  sinuosités  de  la  Seine,  d'Asnières  à 
Argenteuil.  La  plaine  de  Gennevilliers,  qui  s'étend  jus- 
qu'à Villeneuve-Saint-Denis,  était  également  boisée,  et 
voilà  pourquoi  ce  dernier  village  s'appelait  autrefois  Vil- 

d'Auxerre  :  «  Cumque  pro  trabium  inventione  lam  noslros  quam  Paii- 
sienses  lignoruni  artifices  consuluissemus,  responsum  nobis  est,  pro 
ooriim  existimatione  verum,  in  finibus  istis  propter  sylvarum  inopiam 
minime  inveniri  posse,  vel  ab  Autissiodorensi  pago  necessario  develii 
oportere.  »  (Suger,  Libell.  de  vonsecralione  ecdesiie  S.  Dioiiysii,  dans  les 
Ilisloriens  de  France,  t.  XIV,  p.  314.)  Les  charpentiers  exagéraient  à 
ilessein,  il  est  vrai,  cette  pénurie;  l'illustre  abbé,  en  visitant  lui-même,  à 
l'improviste,  la  forêt  Iveline,  y  trouva  des  pièces  de  bois  très-propres  à 
faire  de  larges  solives;  mais  l'allégation  des  ouvriers  prouve  au  moins 
que  le  bois  n'était  plus,  au  xu*  siècle,  d'une  abondance  notoire  dans  les 
environs  de  la  capitale. 

(1)  Voyez,  sur  ce  qu'on  entendait  par  griicrîc,  grairie  ou  grurie,  l'ar- 
ticle de  Baudrillart,  DicUonnai)  e  général  des  taux  cl  foréls. 

(2)  Voyez  Félibien,  Ilisloire  de  l'abbaye  royale  de  Sahil -Denis, 
p.  210. 


148    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

leneuve-la-Garenne  (1).  II  y  avait  là  des  bois  qui  se  ratta- 
chaient, dans  le  principe,  à  la  forêt  de  Sarris. 

Le  nom  de  forêt  de  Saint-Denis  paraît  s'être  appliqué 
au  canton  de  cette  forêt  touchant  au  territoire  immédiat 
de  l'abbaye.  La  forêt  de  Saint-Denis  s'avançait  originaire- 
ment dans  la  direction  de  Pontoise  et  recouvrait  consé- 
quemment  les  frontières  du  Vexin  français.  De  là  le  nom 
de  forêt  de  Verrerie-en-Vexin  qui  lui  est  donné  par  un 
acte  de  1202,  dans  lequel  Jean  de  Gisors  cède  à  l'abbaye 
royale  une  partie  de  ses  droits  sur  la  forêt  (2).  Celle-ci  se 
continuait,  selon  quelques-uns,  jusqu'à  Xeuilly;  car  on 
a  cherché  l'étymologie  du  nom  de  Neuilly  dans  le  mot 
lund,  forêt  (3).  Peut-être  ombrageait-elle  dans  le  principe 
la  rive  droite  de  la  Seine  jusqu'au  centre  de  Paris;  on 
sait  qu'à  l'époque  carlovingienne  le  quartier  Sainte- 
Opportune  était  encore  occupé  par  un  bois  (4).  Il  s'en- 
suivrait que  le  territoire  répondant  au  Paris  de  la  rive 
droite  était  anciennement  enveloppé,  à  la  fois  par  une 
épaisse  ligne  d'arbres  et  par  un  marais  (5).  Dans  ce  cas, 
on  devrait  considérer  comme  étant  un  démembrement  de 
la  forêt  de  Sarris,  une  forêt  qui  n'en  était  séparée  plus 

(1)  Ce  nom  de  Garenne  était  précisément  appliqué  à  toute  celte  partie 
de  la  banlieue  de  Paris  ;  il  a  valu  le  surnom  de  la  Garenne  à  Clichy  cl 
à  Yilliers,  dits  jusqu'au  xv*  siècle,  Clichy-en-la-Garenne  et  Villiers- 
en-la-Garenne.  (Voy.  Lecanu,  Ilisloire  de  Clichy-la-Garenne,  j).  15. 
—  Paris,  1848.) 

(2)  Félibien,  Histoire  de  labbaye  royale  de  Saint-Denis,  p.  314. 

(3;  Neuilly,  en  latin  NuUiacitni,  s'était  d'abord  appelé  Lulliacuin  el 
Lugniacwn.  (Voy.  Lecanu,  Ilisloire  de  Clicliy-la-Garenne,  p.  12.) 

(4}  L'église  de  Ste-Opportune  dut  ce  nom  aux  reliques  do  sainte  Oji- 
portune,  qui  y  furent  apportées  par  Ilildebert,  évèque  de  Séez,  à  l'occa- 
sion de  l'invasion  des  Normands;  elle  s'appelait  auparavant iV.-i^.-r/w- 
l'ois.  (Voy.  Lecanu,  ouv.  cil.  p.  15.) 

(5)  Voy,  sur  ce  marais,  qui  existait  encore  à  la  lin  du  xu*  siècle,  el 
qui  allait  depuis  le  pont  Perrin,  situé  rue  Saint-Antoine,  jusqu'à  Chaillot. 
Félibien,  Ilisloire  de  Paris,  Preuves,  t.  III,  p.  34.  et  Lecanu,  ow.  cil. 
p.  9. 


CHAPITRE   X.  149 

tard  que  par  la  Seine,  celle  de  Rouvray  {Rover itum)  (1) 
qu'en  717  Chilpéric  II  avait  concédée  au  monastère  de 
Saint-Denis;  elle  s'avançait  jusqu'à  Chaillot  (2).  Le  village 
de  Boulogne,  appelé  d'abord  Menus-lez-Saint-Cloud,  s'é- 
leva sur  l'emplacement  des  premiers  larges  abattis- qu'on 
y  opéra  (3).  En  1358,  la  forêt  de  Rouvray,  déjà  fort  ré- 
duite, ne  s'appelait  plus  que  le  bois  de  Saint-Cloud  (4). 
Le  bois  actuel  de  Boulogne  en  est  le  dernier  reste. 

La  forêt  de  Laye  ou  Leie,  qui  subsiste  encore  aujour- 
d'hui sous  le  nom  de  forêt  de  Saint-Germain,  est  désignée, 
dans  le  Polyptique  d'Irminon,  sous  lé  nom  de  Lida  (5), 
d'où  l'on  a  fait  par  corruption  Lia,  Lea,  Laie  ou  Laye  (6). 
Au  xiii'^  siècle,  il  y  existait  de  nombreuses  clairières  au 
milieu  desquelles  des  habitations  avaient  été  construites. 
Dans  les  Comptes  de  saint  Louis ,  il  est  déjà  question  de 
Saint-Germain-en-Laye  {Sanctiis  Germaniis  in  Laya)  (7), 
et  l'on  y  mentionne  également  la  Venda  Layœ{8}.  Réservée 


(1)  Foresle  nostra  Roverilo  eum  omnemjure  vel  lermene  suo  ad  inle- 
grum  qnœ  est  in  pago  Porisiaco  super  fluvium  Sigono,  dit  l'acte  de 
concession.  Historiens  de  France,  t.  IV,  p.  694. 

(2)  Challol,  Challoel,  Chail  ou  Cal,  sont  les  noms  sous  lesquels,  dans 
les  anciens  titres,  le  village  est  désigné.  Le  sens  de  ces  noms  est  âestruc- 
tio  arhorum  ;  et,  en  effet,  Chaillot  fut  construit,  vers  le  vii^  siècle,  sur 
l'emplacement  d'un  abbatis  opéré  dans  la  forêt  de  Rouvray.  Cette  foret 
ne  s'étendait  pas  toutefois  jusqu'au  territoire  d'Auteuil,  qui  était,  dès 
cette  époque,  occupé  par  des  marais,  des  prés  ou  des  cultures.  (Voy.  Le- 
beuf.  Histoire  de  la  banlieue  ecclés.  de  Paris,  p.  24.) 

(3)  Lebeuf,  ouv.  cil.  p.  18.  C'est  en  1343  que  Menus-loz-Saint-Cloud 
prit  le  nom  de  Boulogne,  de  la  chapelle  de  N.-D.-de-Boùlogne  qui  y  fut 
élevée. 

(4)  Lebeuf,  ouv.  cil.  p.  24. 

(5)  Polypt.  d'Irminon,  éd.  Guérard,  p.  90. 

(6)  Lebeuf,  Histoire  du  diocèse  de  Paris,  t.  VII,  p.  210. 

(7)  Historiens  de  France,  t.  XXII,  p.  242.  «  Monasterium  S.  Ger- 
mani  Parisiacensis  cum  ecclesia  S.  Vincenlii  in  sylva  cognominata 
Ledia.  »  (Helgald.  Flor.  Epit.  vit.  Rob.  reg.  31,  ap.  Historiens  de  France, 
t.  X,  p.  115.) 

(8)  Histor.  de  France,  t.  XXII,  p.  253. 


loO    LES  FORÊTS  DE   LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

aux  chasses  de  nos  rois,  la  forêt  de  Laye  échappa  pour  ce 
motif  aux  défrichements  qui  firent  promplemcnt  dispa- 
raître la  forêt  de  Sarris.  Au  xvii*  siècle,  elle  continuait 
d'occuper  une  étendue  très-vaste  (1). 

L'abbaye  de Saint-Dei>is  possédait  une  forêt  plus  impor- 
tante encore  que  celle  de  Sarris,  c'était  celle  qui  s'éten- 
dait originairement  sur  les  confins  du  pays  des  Caniutes 
et  de  celui  des  Parisii;  on  l'appelait  au  moyen  âge  la  forêt 
Yveline  {Aquilina  sylva)  (2),  nom  altéré  plus  tard  en  celui 
de  forêt  d'Yveline.  Un  démembrement  de  cette  forêt  a 
constitué  la  forêt  de  Chevreuse,  dans  laquelle  Suger  pres- 
crivit de  couper  les  bois  nécessaires  aux  constructions 
et  aux  agrandissements  qu'il  fit  faire  à  l'abbaye  de  Saint- 
Denis  (3). 

Les  documents  historiques  et  l'inspection  de  la  carte 
prouvent  que  la  forêt  Yveline  était  originairement  limi- 
tée au  nord-ouest  par  la  ligne  de  hauteurs  qui  part  de 
Septeuil  (Seine-et-Oise,  arrondissement  de  Manies)  et  de  la 
rivière  de  Yaucouleur,  suivant  une  direction  X.  O.-S.  E.  ; 
sa  limite  septentrionale  dépassait  Néauphle-le-Chàteau  (4)  : 
en  soite  qu'elle  a  du,  dans  le  principe,  ne  faire  qu'un 


(1)  Voy.  1  état  de  la  Forêt  de  Laye  en  1086  avec  le  plan  manuscrit, 
indiqué  dans  le  P.  Lelong,  Bibliothèque  historique,  tom.  V,  p.  353. 
n'°  34799.  La  Venda  de  Burgival  ou  bois  de  Bougival,  mentionnée  dans 
un  document  de  la  première  moitié  du  xiu*  siècle  {Historiens  de  France. 
t.  XXI,  p.  IbZ),  doit  avoir  été  un  écart  de  la  forêt  de  Laye. 

(2)  Celte  forêt  est  appelée  Foresle  equilina  dans  des  chartes  du  viii*  siè- 
cle. Voy.  B.  Guérard,  Essai  sur  le  système  des  divisions  territoriales  dr 
la  Gaule,  p.  139. 

(3)  Félibien,  Histoire  de  l'abbaye  royale  de  Saint-Denis,  p.  171.  Celt<- 
forêt  existe  encore  aujourd'hui,  mais  fort  réduite-,  elle  a  dû  comprendre 
les  bois  de  Sainte-Appolline,  près  Néauphle-le-Château,  de  Trappes  c\ 
des  bouquets  environnants. 

(4)  L'ancien  bois  de  Néauphle  est  désigné  dans  les  chartes  sous  le  nom 
de  Haya  de  Nie! fa.  • 


CHAPITRE   X.  151 

avec  la  foret  de  Laye,  et  englober  consëquemment  la  forêt 
(le  Marly.  Elle  s'avançait  certainement  jusqu'à  la  voie  ro- 
maine de  Lutèce  à  Genabum,  et  renfermait  alors  la  forêt 
qui  reçut  plus  tard  le  nom  de  Palaiseau,  de  l'habitation 
royale  qu'avaient  en  ce  lieu  les  Mérovingiens  (1).  Les 
Comptes  de  saint  Louis  (2)  font  mention  de  celle-ci  sous  le 
nom  de  Venda  de  Palecel.  Divers  noms  de  localités  situées 
à  l'ouest  de  Montlhëry  et  de  Longjumeau  rappellent  la 
présence  de  la  forêt  {Mlle- du- Bois,  la  Forest,  etc.).  Plus  au 
sud,  la  forêt  Yveline  devait  s'avancer  jusqu'au  voisinage 
d'Étampes  ;  car  on  trouve  entre  cette  ville  et  Dourdan 
un  village  appelé  laForest-le-Roi.  Non  loin  de  là  est  Allain- 
ville-au-Bois.  Le  bourg  de  Saint-Arnoult,  situé  entre  les 
bois  de  Rochefort  et  ceux  de  Dourdan,  portait  jadis  le 
nom  de  Saint-ihmoult-en-Yveline;  ce  qui  démontre  que 
les  bois  de  Rochefort  et  de  Dourdan  étaient  des  dé- 
membrements de  XAquilina  sylva  (3).  Nous  savons  en 
effet  que  cette  forêt,  déjà  mentionnée  à  l'époque  mé- 
rovingienne (4),  et  dont  Pépin  fit  donation  à  l'abbaye 
de  Saint-Denis  (5),  avait  subi,  dès  le  xif  siècle,  de  grands 

(1)  Voy.  Lebeuf,  Histoire  du  diocèse  de  Paris,  t.  VIII,  p.  1  etsuiv.  et 
Disserlnl.  sur  l'Histoire  de  Paris,  t.  II,  p.  215.  —  Ghildebert  l"  et  Clo- 
taire  III  firent  pendant  quelque  temps  leur  résidence  à  Palaiseau. 

(2)  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  254.  Le  nom  de  Palaiseau,  anté- 
rieurement Paleisol  ou  Palaisel,  est  une  corruption  de  Palatiolum,  «  petit 
])alais.  »  Cet  endroit  est  cité  ap.  Translat.  S.  German.  episc.  Parisiens. 
dans  D.  Bouquet,  Historiens  de  France,  t.  V,  p.  427.  (Voy.  aussi  Ex  Vil. 
S.  Ri(/omer.  Jbid.,  t.  III,  p.  427,  428.) 

(.3)  Cette  forêt  est  aussi  appelée  ^quilina  sylvn;  peut-être  l'étymologie 
de  son  nom  est-elle  la  même  que  celle  de  la  rivière  d'Yvette,  qui  la  tra- 
versait. Au  moyen  âge,  il  existait  encore  un  bois  d'Yvette  [Haia  de 
Evela)  dans  les  environs  de  N.-D.-des-Vaux-de-Cernay,  bois  qui  était 
certainement  un  démembrement  de  la  forêt. 

(4)  Grégoire  de  Tours,  Histor.  eccles.  Franc,  lib.  X,  ap.  Historiens 
de  France,  t.  II,  p.  387,  note  K. 

(5)  Voy.  la  charte  de  donation  de  l'an  768,  dans  D.  Bouquet,  Histo- 
riens de  France,  t.  V,  p.  707,  708. 


152    LES  FORÊTS  DE  LA  GALLE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

cléfrichements  et  été  scindée  en  plusieurs  forêts.  Ces  dé- 
t'richemenls  furent  dus  pour  une  bonne  part  aux  moines 
de  l'abbaye  de  Notre- Dame-des-Vaux-de-C ernay ,  fondée 
en  1118  dans  le  val  de  Bric-Essart,  et  dont  l'impor- 
tance s'accrut  rapidement.  Dès  cette  époque,  le  terri- 
toire sur  lequel  s'éleva  Gernay-la-Yille  présentait  un 
vaste  essart  que  les  chartes  désignent  sous  le  nom  d'iss- 
sartwn  Roberti  (1).  C'est  là  que  fut  construite  une  grande 
ferme  qui  a  été  l'origine  du  hameau  iV Essart  Robert,  dont 
le  nom  s'est  altéré  ensuite  en  celui  de  Saint-Robert.  A 
l'entour  de  Cernay-la-Ville,  divers  lieux-dits  dénotent 
l'ancienne  existence  de  bois  qui  n'étaient  d'abord  que  des 
triages  de  la  forêt  Yveline  ;  tels  sont  :  Choisel,  la  Grande- 
Hogne  [Magna  Haya),  la  Petite-Hogue  {Parva  Haya),  le 
Cormier.  Le  village  de  Tyvernon,  situé  dans  le  même  can- 
ton, donnait  son  nom  à  une  forêt  qui  a  disparu.  Ce  dé- 
membrement de  la  forêt  Yveline  contenait  encore  en  1511 
une  superficie  de  200  arpents  (2).  Une  autre  forêt  voisine 
de  l'abbaye  de  Notre-Dame-des-Vaux-de-Cernay,  qui  ne 
subsiste  pas  davantage,  la  forêt  deVaindrin,  en  contenait, 
à  la  même  époque,  300  (3).  Il  y  avait  en  outre  une  forêt 
plus  petite,  dite  la  Forêt  du  Prieur,  close  à  fossés. 

Ainsi  le  bois  de  Trappes  faisait  originairement  partie  de 
V Aqtdlina  sylva,  et  les  noms  de  Hautes-Bruyères,  les  Es- 
■sarfs-le-Roi,  les  Lays,  la  Brosse,  la  Grosse-Haye,  toutes  lo- 
calités voisines  de  ces  bois,  mais  situées  dans  une  partie 
maintenant  découverte,  en  accusent  l'ancienne  extension. 
Entre  les  bois  de  Trappes  et  ceux  de  Sainte-Appolline,  voi- 
sins de  Néauphle-le-Château,  existaient,  il  y  a  un  siècle  et 

(1)  Voy.  Merlet  et  Mou  lié,  Carlulaire  de  l'abbaye  de  Nolre-Dame-des 
Vaux-de-C ernay,  t.  I,  p.  12  et  13,  n"'  9  et  10.  Paris,  1857,  in-4°. 

(2)  Merlet  et  Moutié,  Carlulaire  cité,  t.  II,  appendice,  p.  113. 
(i)  Merlet  et  Moutié,  Carlulaire  cité,  ibid. 


CHAPITRE   X.  153 

demi,  de  nombreux  bouquets.  La  présence  primitive  des 
arbres  est  indiquée  sur  des  points  cultivés  par  les  noms 
suivants  :  Dois-dArcy,  le  Buisson,  les  Gâtines,  les  Cou- 
drais, etc.  La  forêt  de  Rambouillet  et  celle  qui  conserve 
le  nom  de  forêt  d'Yveline,  sont  les  principaux  restes  de 
(•ette  grande  marche  forestière.  Au  nord- est  de  la  seconde 
de  ces  forets  se  trouve  la  Celle-les- Bordes,  qui,  dans  Cas- 
sini,  est  marquée  comme  un  lieu  découvert.  Un  petit 
bois  voisin  et  un  autre  qui  porte  le  nom  de  Foulleuse, 
formaient,  au  commencement  du  xvr  siècle,  une  forêt 
(Sylva  Follosii,  Nemiis  de  Foillous)  d'une  étendue  de 
330  arpents  (1);  mais  il  y  avait  eu  là  antérieurement  de 
grands  défrichements,  puisque  les  chartes  mentionnent 
dès  1263  un  large  essart  sous  le  nom  d'Essarkim  Che- 
nardi  {^).  Au  xiii'=  siècle,  les  forêts  de  Foulleuse  et  de  la 
Celle-les-Bordes  devaient  donc  s'être  séparées  depuis  long- 
temps de  la  forêt  principale.  Les  lieux-dits  (3)  indiquent 
que  les  défrichements  avaient  été  opérés  dans  toutes  les 
directions.  La  fondation  de  diverses  abbayes  y  aida  singu- 
lièrement. En  1031  fut  construite  l'abbaye  de  Saint-Léger, 
surnommée,  à  raison  de  son  emplacement,  en  Yveline 
(Sanctus  Leodegarius  in  Aquilina  sylva)  (4);  elle  donna  son 
nom  à  un  bois  qui  est  un  démembrement  de  la  forêt  Yve- 
line dont  la  sépare  un  vaste  essart  semé  de  noms  rappe- 
lant la  présence  des  arbres.  Dès  1160,  nous  trouvons 
dans  la  même  forêt  Yveline,  une  autre  abbaye,  celle  de 
Saint-Remi-des-Landes    [Sanctus  Remigius  de  Landis)  ; 


(1)  Merlet  et  Moutié,  Cartulaire  cité,  ibid. 

(2)  Merlet  et  Moutié,  Caiiulaîre  cité,  t.  I,  p.  601,  n»  643. 

(3)  Voy.  Féiibien,  Histoire  de  l'abbaye  de  Saint-Denis,  p.  176. 

(4)  Voy.  Ilelgold.  Flor.  Epitom.  vil.  Roberti  reg.  c.  xxxi  [Historiens 
de  France,  t.  X,  p.  115)-,  Ohronic.  Mauriniac.  {Historiens  de  France, 
t.  XII,  p.  80.) 


154    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

et  cependant,  à  cette  époque,  malgré  ces  fondations 
pieuses  qui  multipliaient  les  éclaircies  (l),  YAquilimi 
sylva  offrait  encore  une  singulière  étendue  ;  aussi  était- 
elle  le  théâtre  favori  des  exploits  cynégétiques  des  rois  et 
de  leur  cour.  Louis  le  Gros,  y  étant  à  la  chasse,  fut  pris 
de  la  fièvre  dont  il  mourut  (2).  L'abbé  Suger  y  diri- 
gea une  chasse  au  cerf  et  y  passa  une  semaine  entièrr 
i^ous  des  tentes,  avec  plusieurs  de  ses  amis  et  de  ses  vas- 
saux (3). 

Cette  grande  forêt  Yveline  doit,  à  une  époque  très-re- 
culée, s'être  unie  à  l'est  à  la  forêt  de  Bière  ou  de  Fontaine- 
bleau, au  sud  à  celles  d'Orléans  et  de  Montargis;  car  la 
région  découverte  qui  sépare  ces  forêts  prit  le  nom  de 
GastinaisouGâtinais,  en  latin  Vastinium{^),  c'est-à-dire  : 
lieu  défriché.  Cette  désignation  doit  remonter  aux  Ro- 
mains; elle  était  certainement  déjà  en  usage  avant  le 
xi^  siècle.  Je  reviendrai  sur  la  partie  du  Gàtinais  qui  fai- 
sait partie  de  l'Orléanais,  en  traitant  des  forêts  de  cette 
province.  Je  ne  parlerai  ici  que  du  Gàtinais  français  qui 
comprenait  Dourdan,  MontUiéry,  Courtenay,  Nemours  et 
Moret,  et  occupait  ainsi  à  la  fois  une  fraction  de  l'ancien 
domaine  de  la  forêt  Yveline  et  une  fraction  de  celui  de  Ja 
forêt  de  Bière  iSijlva  Bieria  ou  Biera)  (5).  Au  xiir  siècle, 

(1)  Ajoutons  tiue  l'abbaye  de  Saint-Remi-des-Landcs,  dont  une  légende, 
sans  doute  apocryphe,  fait  remonter  la  fondation  au  règne  de  Clovis,  exis- 
tait déjà  en  1160.  {Gallia  chrisl.  l.  VIII,  col.  1299,  Eccles.  Camolens. 

(2)  Voy.  Orderic  Vital,  XIII,  c.  32,  t.  V,  p.  88,  éd.  Leprévost. 

(3)  Suger,  De  rébus  in  adminislralione  sua  geslis,  dans  Duchesne. 
ffistor.  de  France,  t.  IV,  p.  334,  et  Félibien,  Hisl.  de  l'abbaye  de  Saint- 
Denis,  p.  176. 

(4)  On  retrouve  ce  nom  de  Vaslinium,  dont  j'ai  déjà  parlé  p.  124,  ap- 
pliqué à  bien  d'autres  contrées  de  forêts  défrichées  ;  il  a  subi  diverses 
altérations,  par  exemple,  il  est  devenu  Vauciennes  dans  la  Champagne. 
Voy.  ChaleUe,  Précis  de  la  statistique  générale  du  départ,  de  la  Marne, 
t.  II,  p.  195,  et  ce  que  je  dis  plus  loin. 

(5)  Ce  nom  est  cité  dans  les  Comptes  de  saint  Louis  i^Foresta  Dicrra). 


CHAPITRE   X,  155 

:omme  depuis,  la  forêt  de  Bière  était  la  plus  importante 
de  l'Ile-de-France  ;  elle  se  rattachait  à  la  forêt  d'Emans 
ou  Esmans,  située  dans  le  canton  de  Montereau,  VAanan- 
tusoii  VAgmantus  des  diplômes  carlovingiens.  Au  ix^siècle, 
Emans  était  environné  d'une  lisière  de  quatre  lieues  de 
forêts  qui  suffisaient  à  l'engraissement  de  500  porcs  (1).  La 
forêt  d'Emans  faisait  corps  à  son  tour  avec  la  forêt 
d'Othe  (2),  dont  j'ai  parlé  et  sur  laquelle  je  reviendrai, 
en  traitant  de  l'état  forestier  de  la  Champagne.  Il  arriva 
[i:)ur  cette  forêt  de  Bière  ce  qui  advint  pour  la  forêt 
d"Othe;  elle  laissa  son  nom  au  canton  ou  pagiis  dont  elle 
avait  auparavant  recouvert  le  sol.  En  effet,  l'épithète  de 
en  Bière,  donnée  à  plusieurs  villages,  montre  que  le  nom 
de  Bière  passa  de  la  -forêt  de  Fontainebleau  à  un  pays 
en  quelque  sorte  conquis  sur  son  territoire.  Le  pays  de 
Bière  ou  de  Bierre  était  jadis  dans  la  circonscription  du 
diocèse  de  Sens;  il  formait  la  limite  septentrionale  du  Gà- 
tinais.  Les  villages  de  Ghailly-en-Bière,  Villiers-en-Bière, 
existaient  déjà  au  xiii^  siècle;  celui  de  Fleury -en-Bière- 
date  au  moins  du  commencement  du  xii"  (3).  On  ignore  la 
date  de  la  fondation  de  Saint-Martin-en-Bière.  Ainsi  le 
défrichement  du  pays  de  Bière  est  certainement  antérieur 
au  XI*  siècle.  Nous  savons,  d'autre  part,  que  de  très- 
bonne  heure  la  forêt  de  Fontainebleau  avait  été  cou- 
pée par  de  larges  clairières  oii  furent  bâtis  des  viens,  dont 


Ilistor.  de  France,  t.  XXI,  p.  174,  et  apparaît  plusieurs  fois  dans  le 
même  document.  De  veteribus  paliciis  Bierix,  de  bosco  caso  in  Bieriu, 
d>;  esplelis  Bierix.  —  Ifisloriens  de  France,  t.  XXI,  p.  254.)  Dans  l'ordon- 
nance de  Charles  IX  du  25  octobre  1573,  la  même  forêt  est  appelée 
Forci  de  Bicre-lez-Fonknnebleau.  Voy.  Fontanon,  les  Édicls  et  Ordon- 
nances des  Roys  de  France,  2e  édit.  t.  II,  p.  269. 

(1)  Voy.  Guérard,  Polyplique  d'Irminon,  t.  I,  part,  ir,  p.  199,  207. 

(2)  Voy.  ce  qui  a  été  dit  p.  43  et  Gl. 

(3)  Voy.  F.  Pascal,  Histoire  lopofjraphique,  politique  el  statistique  du 
départ,  de  Seine-et-Marne,  t.  I,  p.  94,  97. 


156   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRAN'CE. 

quelques-uns  devinrent  plus  tard  des  villes  ou  des  bourgj 
importants.  Nemours,  en  latin  Nemoracum,  doit  son  noi 
à  la  forêt  ou  bois  qui  l'entourait  {nemus)  (1).  A  Morel 
{Moretus),  se  tint  un  concile  dès  l'année  850  (2).  Dorj 
melles  est  peut-être  encore  plus  ancien  (3).  Toutes  1( 
vraisemblances  font  donc  admettre  que,  dès  le  temps  de^ 
premiers  Mérovingiens,  la  foret  de  Fontainebleau  n'allai! 
pasau  delà duLoing.  S'il  était  prouvé  queChâteau-Landon, 
qui  fut  dès  le  x^  siècle  le  chef-lieu  du  Gâtinais,  répondît  ai 
V^ellaKnodioiiwi  de  César,  i\  faudrait  faire  remonter  encore^ 
bien  plus  haut  le  défrichement  de  la  partie  méridionale 
de  la  forêt  de  Bière  (4). 

Les  Comptes  de  saint  Louis  mentionnent  comme  deux 
bois  distincts,  la  Vendu  Dianœ  sylvœfii  le  Boscus  Chapuis  (5j . 
La  première  forêt  est  celle  de  Dian  ou  Dians,  qui  a  laissé 
son  nom  à  un  village  construit  dans  la  vallée  de  l'Orvanne, 
à  la  hmite  des  départements  de  Seine-et-Marne  et  de 
l'Yonne,  et  fut  jadis  une  résidence  royale  (6).  On  y  voyait 
encore  de  petits  bois  en  1710  (7).  Le  nom  de  Dian  ou 
Diane  est  visiblement  une  corruption  du  mot  dean,  forêt, 
que  nous  rencontrons  ailleurs  (8),  et  ayeut-être  été  l'ap- 
pellation primitive  de  la  Sylva  Bie?'a.  Quoi  qu'il  en  soit, 
la  forêt  de  Dians  est  vraisemblablement  un  démembre- 


(1;  Voy.  G.  Morin,  Histoire  générale  du  Gastinois,  p.  302  et  suiv.  Paiij 
1630.  Le  nom  de  Nemours  n'apparaît  guère  que  vers  le  xm*  siècle. 

(2)  Lupi  Ferrariens.  Episl.  XLV,  IJistor.  de  France,  t.  VII,  p.  507. 

(3)  F.  Pascal,  ouv.  cil.  t.  Il,  p.  423.  Dormelles  {Doromelhts)  est  men- 
tionné par  Frédégaire  [Chronic.  20)  comme  existant  déjà  au  vi«  siècle. 

(4)  Voy.  De  bello  gallico,  VII,  11. 

(5)  Voy.  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  254. 

(G)  Le  château  de  Dians  ou  Dyan,  après  avoir  appartenu  aux  rois  de 
France,  passa  à  la  famille  des  Alégrains.  (Vov.  G.  Morin,  ouv.  cil. 
p.  588.) 

(7)  C'est  ce  qui  est  indiqué  par  Chalibert  Dancosse,  la  Généralité  de 
Paris,  p.  328.  Paris,  1710. 

(8)  Voy.  ce  qui  est  dit  p.  51. 


CHAPITRE   X.  157 

ment  de  la  forêt  de  Fontainebleau,  et  l'on  voit  que  ce  dé- 
membrement est  déjà  fort  ancien. 

Le  bois  Chapuis  se  trouve  encore  indiqué  par  la  carte 
de  Cassini,  près  Machault,  qui  fait  maintenant  partie  du 
canton  du  Châtelet.  C'est  pareillement  un  reste  de  la  forêt 
de  Bière.  La  Chapelle-la-Reine  avait  déjà  de  l'importance 
au  xi^  siècle  :  nouvelle  preuve  des  réductions  considéra- 
bles qu'avait  subies  la  forêt,  dès  l'époque  carlovingienne. 
A  l'ouest,  c'est-à-dire  entre  Melun  et  Gorbeil,  les  bois 
ont  dû  longtemps  se  continuer  jusqu'à  la  forêt  de  Se- 
nart  (1),  mentionnée  comme  une  forêt  distincte  dès  1308. 
Ainsi  les  arbres  ne  cessaienl  guère  alors  qu'à  quelques  ki- 
lomètres de  Paris.  Divers  noms  de  lieux,  tels  que  Boissise- 
la-Bertrand,  Boissise-le-Roi ,  Boissette  montrent  que  la 
forêt  des  Rougeaux,  sise  sur  la  rive  droite  de  la  Seine, 
avait,  antérieurement  au  xii'  siècle,  une  extension  bien 
autre  qu'aujourd'hui,  puisque  c'est  à  dater  de  cette 
époque  qu'apparaissent  divers  villages,  tels  que  Vert  (au- 
jourd'hui Vert-Saint-Denis),  Le  Mée  (jadis  Le  Mas),  Cesson, 
Savigny-le-Temple,  construits  sur  des  points  où  la  forêt 
s'était  jadis  avancée  (2). 

Sur  la  rive  gauche  de  la  Seine,  les  forêts  disparurent  de 
bonne  heure  entre  Melun  et  Paris.  Cependant  on  trouve 
mentionnée,  jusqu'au  commencement  du  xvii' siècle,  une 
garenne  dite  du  Louvre,  qui  s'étendait  dans  les  environs 
de  Bagneux  et  recouvrait  une  partie  de  la  plaine  située 
entre  ce  village,  Vanvres  et  Issy  (3). 

La  forêt  de  Meudon  n'a  pas  subi  de  bien  notables  ré- 


,;^l)  Voy.  Historiens  de  France,  t.  XXII,  p.  556.  CeUe  forêt  s'étendait 
encore,  au  temps  de  Henri  II,- des  portes  de  Melun  au  port  de  Gharen- 
ton.  Saint-Yon,  Ordonnances  des  eaux  el  forcsls,  p.  84. 

(2)  Pascal,  ouv.  cit.  t.  I,  p.  74  et  suiv. 

(3)  Saint-Yon,  Ordonnances,  p.  981. 


158   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'ANCIENNE  FRANCE. 

duclions,  et,  dès  le  vif  siècle,  Clamait  [Clamanlum)  exis- 
tait déjà.  On  trouve  à  cette  époque  et  aux  âges  suivants, 
une  foule  de  terres  cultivées  en  cette  partie  de  la  ban- 
lieue de  Paris,  preuve  qu'elle  n'était  pas  envahie  par  la 
forêt.  I\Ieudon  est  antérieur  au  xii"  siècle,  et  Fleury  exis- 
tait, dès  le  commencement  du  siècle  suivant  (1). 

La  bande  forestière  qui  longeait,  de  Melun  à  Paris,  la 
rive  droite  de  la  Seine,  en  remontant  plus  au  nord,  allait 
se  rattacher  à  une  autre  large  bande  sylvestre  qui  se  par- 
tagea de  bonne  heure  en  trois  grandes  forêts,  à  savoir  : 
la  Sijlva  Vilcena  ou  Vilcenna  (2),  aujourd'hui  forêt  de  Vin- 
cennes,  la  Bungiacetisis  sylva,  aujourd'hui  forêt  de  Bond  y. 
et  la  Liber iacensis  sylva,  aujourd'hui  forêt  de  Livry.  Ces 
trois  forêts ,  lorsqu'elles  n'en  faisaient  qu'une  seuio 
étaient  désignées  sous  le  nom  commun  de  Lauchoniasyl" 
C'est  là  queChildéricIIfut  assassiné  en 673parBodiIlon(o). 
Le  nom  de  Lauchonia  disparut,  dès  que  la  forêt  eut  été 
démembrée;  mais  ces  démembrements  constituaient  en- 
core des  forêts  très-considérables.  La  forêt  de  Livry  ne  por- 
tait déjà  plus,  en  1302,  que  la  quahficalion  de  hoscus  (4)  ; 
celle  de  Bondy,  qui  devait  son  nom  au  village  deBondics, 
plus  anciennement  Bonsies,  existait  déjà  en  700  et  approvi- 
sionnait de  bois  Paris  au  xv"  siècle.  Charles  VI  y  alla  piu- 


(1)  Voy.  Lebeuf,  Histoire  du  cUoccsc  de  Ports,  t.  VIII,  p.  366 
lit  suiv. 

(2)  Cette  forèl  est  désignée,  dans  les  documents  du  xiii^  siècle,  sous 
les  noms  de  Vicenx  boscus,  Vicena'  ou  Vicenanim  nemuS.  Voy.  Ili^' 
riens  de  France,  t.  XXI,  p.  70,  223,  227  et  possim.  Lebeuf,  ouv.  ri 
p.  74,  75. 

(3)  Voy.  Frédégûire,  Chronique,  ap.  D.  Bouquet,  Historiens  de  France,  ', 
t.  1,  p.  450.  Cf.  A.  Jacobs,  Géographie  de  Frédégaire,  p.  458. 

(4)  C'est  ce  qui  résulte  d'un  traité  i)assé  entre  Pierre  de  Chambly  H 
Philippe  le  Bel,  où  le  boscus  de  Livriaco  est  mentionné  avec  le  boscus  d' 
Alnelo  (bois  d'Anet';  et  le  boscus  de  Courbcron.  Lebeuf,  ouv.  cil.  t.  VI. 
p.  200. 


•» 


CHAPITRE   X.  159 

sieurs  fois  chasser.  Elle  s'étendait  jusqu'à  la  Marne  et 
rejoignait  la  grande  forêt  des  Sylvanectes  jDar  le  canton 
actuel  de  Dammartin,  dont  l'ancien  nom,  jMiys  de  Goiielle, 
n'est  sans  doute  qu'une  altération  du  mot  celte  Coil,  fo- 
rêt (1).  En  effet,  il  subsiste  encore  de  nombreux  bouquets 
dans  tout  ce  canton.  Au  xiV'  siècle,  les  bois  de  Moutgé 
{Nemus  montis  Gaï,  boscus  Rainaldi)  touchaient  à  un  bois 
appelé  Gratuel,  qui  a  disparu  et  qui  s'avançait  jusqu'aux 
environs  de  Pomponne  (2). 

Au  sud-est  de  Montgé,  le  village  de  Guisy,  dont  le  terri- 
toire dépendait  jadis  de  la  paroisse  de  Plessis-l'Évêque, 
rappelle,  par  son  nom,  la  présence  d'une  forêt  à  laquelle 
appartenaient  les  deux  bouquets  qui  ont  valu  leur  ap- 
pellation aux  villages  de  Plessis-l'Évêque  et  de  Plessis- 
aux-Bois'.  Sans  doute,  la  fondation,  au  xiii^  siècle,  de 
l'abbaye  de  Chambre-Fontaine,  de  l'ordre  de  Prémontré, 
qui  s'élevait  originairement  au  sommet  d'une  colline 
d'où  l'on  dominait  la  forêt,  en  amena  la  finale  destruc- 
tion (3).  Dans  la  même  région,  mais  plus  au  sud  de  Mont- 
gé, les  noms  de  Choisy-le-Temple,  Fresnes,  portés  par  des 
villages  sis  en  des  lieux  depuis  longtemps  découverts, 
accusent  l'ancienne  présence  des  bois.  Ceux-ci  s'unis- 
saient, selon  toute  vraisemblance,  aux  bois  de  Carnetin, 
qu'on  doit  considérer  comme  un  démembrement  de  la 
forêt  de  Livry  et  de  Montfermeil.  Une  localité  située  entre 
ce  dernier  village  et  Pomponne,  garde  encore  le  nom  de 
Forcst.  Le  docteur  F.  Pascal,  dans  la  carte  qui  est  jointe 
à  son  Histoire  du  département  de  Seifie-et-Mame,  a  tracé 
la  topographie  approximative  de  toute  cette  région  fo- 

(Ij  Lebeuf,  ouv.  cit.  t.  VI,  p.  169. 

(2)  Voy.  H.  Cocheris,  Notices  et  Extraits  des  documents  manuscrits 
conserves  dans  les  dépôts  publics  de  Paris  et  relatifs  à  l'histoire  de 
Picardie,  t.  I,  p.  414,  417.  Paris,  1854. 

(3)  Pascal,  ouv.  cit.  t.  I,  p.  430. 


460   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

restière,  qui  constituait  une  marche  septentrionale  entre 
l'Ile-de-France  et  la  Brie. 

Cette  dernière  province,  aujourd'hui  plus  déboisée  que 
les  environs  de  Paris,  était,  à  l'époque  mérovingienne, 
encore  puissamment  ombragée.  En  parlant  des  défriclie- 
ments  opérés  par  les  moines,  j'ai  déjà  dit  quelques  mots 
du  Joranus  saltus  ou  forètde  Jouarre  (1).  Cette  forêt  n'était 
qu'une  subdivision  d'une  forêt  plus  étendue  qui  entou- 
rait en  partie  la  ville  de  Meaux  (2),  de  l'est  à  l'ouest,  en 
passant  par  le  sud  ;  elle  a  laissé  comme  témoins  de  son 
antique  existence  les  bois  de  Meaux  et  la  forêt  du  Mans 
ou  de  Mant.  Celle-ci  s'étendait  fort  au  sud-ouest,  quand, 
au  commencement  du  vu*  siècle,  saint  Fiacre  en  com- 
mença le  défrichement  (3).  Toutefois,  les  clairières  n'y 
manquaient  pas,  et  du  massif  principal  s'étaient  dé- 
tachés divers  écarts,  puisque  c'est  dans  un  petit  bois  ou 
breuil,  peu  éloigné  de  la  forêt,  que  saint  Fiacre  fixa 
d'abord  sa  retraite  (4). 

Les  territoires  de  Boutigny  et  de  Villemareuil  ont  été 
en  partie  formés  aux  dépens  de  la  forêt  du  Mans  ;  ce  dernier 
village  ne  futérigé  en  paroisse  qu'en  1549(5).  Dans  la  di- 
rection opposée,  le  village  de  La  Haute-Maison,  qui  doit  son 

(1)  Voy.  ce  qui  a  été  dit  p.  l'iS.  Aclon  jeta  les  fondements  il 
l'abbaye  de  Jouarre,  dans  lo  Joranus  soUus,  au  vu*  siècle.  (Voy.  Ton 
saint  Duplessis,  Histoire  de  l'Église  de  Meaux,  t.  1,  p.  34.) 

(2)  En  1176,   il  est  fait  mention  d'une  forêt  do  Maham ,  en  Hi 
({ui  devait  se  trouver  dans  les  environs  de  Meaux,  et  qui  servait  d';  i 
traite  à  un  ermite  nommé  Guérin.  Elle  fut  cédée  par  l'abbaye  de  Saii;i 
Denis  à  l'abbaye  de  Notrc-Damc-dc-Chaage.  (Félibien,  Hisl.  de  l'abbayi 
de  Sainl-Denis,  p.  202.)  En  1226,  elle  fut  partagée  entre  cette  abbaye  ' 
et  le  comte  de  Champagne  {Félibien,  ihid.  p.  224);  son  défrichemeni 
doit  s'être  opéré  au  siècle  suivant. 

(3)  Voy.  Toussaint  Duplessis,  oxiv.  cil.  t.  I,  p.  53. 

(4)  Toussaint  Duplessis,  Inc.  cit. 

(5)  Voy.  Pascal,  ouv.  cil.  t.  1,  ]).  500  et  suiv. 


CHAPITRE   X.  161 

origine  à  une  chapelle  fondée  au  xiii'  siècle  au  cœur  de  la 
forêt,  et  quelques  autres  hameaux,  sont  aussi  des  con- 
quêtes de  la  culture.  Il  en  faut  dire  autant  du  territoire  du 
village  de  Pierre-Levée,  des  alentours  du  château  de  Mon- 
tebise,  des  paroisses  deSigny  et  de  Signets,  réunies  depuis 
1489  (1).  L'espace  cultivé  qui  séparait^  à  l'époque  de  l'in- 
vasion francque,  le  Joranus  ou  Jodrensis  saltus  de  la  forêt 
de  Grécy-en-Brie,  devait  être  peu  étendu,  en  sorte  que 
cette  dernière  forêt  peut,  ainsi  que  celle  de  Jouarre,  être 
considérée  comme  n'ayant  été  qu'une  simple  subdivision 
de  la  Brigia  sijlva  ou  grande  forêt  de  Brie.  La  petite  ville 
de  Grécy  remonte  au  delà  du  x^  siècle  (2)  ;  on  ne  saurait 
dès  lors  attribuer  une  notable  extension  à  la  forêt  dans 
sa  région  N.  E.,  depuis  l'époque  de  l'établissement  des 
Francs;  mais  le  nom  de  Grécy  est  la  preuve  qu'à  l'époque 
gauloise,  la  forêt  allait  jusqu'à  l'emplacement  de  cette 
ville.  Plus  tard,  quand  on  eut  oublié  la  signification  du 
mot  Grécy,  dérivé,  comme  on  l'a  vu,  du  celte  coat,  la  forêt 
prit  le  nom  de  forêt  de  Lubeton  (3).  L'inspection  de  la 
carte  montre  qu'elle  a  dû  s'étendre  originairement  du 
grand  Morin  à  la  rivière  d'Yères,  suivant  la  direction 
nord-sud,  et  de  la  petite  rivière  d'Aubetin  au  ruisseau  de 
Bréjon,  suivant  la  direction  est-ouest. Déjà  antérieurement 
au  xiii''  siècle,  plusieurs  paroisses  et  hameaux  avaient  été 
pris  sur  son  territoire  ;  tels  sont  les  villages  de  Touquin  ou 
Toquin,  de  La  Houssaie  et  de  Fontenay-Tresigny ,  où 
Gharles  IX  eut  une  maison  de  plaisance.  Le  bois  de  Lu- 
migny  est  certainement  un  reste  de  la  forêt  primitive  de 


(1)  Toussaint  Duplessis,  Hisloire  de  l'église  de  Meaux,  t.  II,  p.  650. 

(2)  Pascal,  ouv.  cit.  t.  I,  p.  529. 

(3)  Dans  un  document  de  l'an  1308,  cette  forêt  est  encore  appelée 
Foresta  de  Creciaco.  Voy.  Historiens  de  France,  t.  XXII,  p.  556. 

il 


162    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Lubeton.  Plusieurs  lieux-dits  du  canton  de  Crécy  rappel- 
lent d'ailleurs  la  présence  primitive  des  arbres.  Nous 
citerons  :  Choisiel,  écart  de  la  commune  de  La  Gliapelle- 
sur-Crécy;  Romainvilliers,  dont  le  territoire  réuni  au- 
jourd'hui à  celui  de  Bailly  renfermait  jadis  un  prieuré 
appelé  de  Bosco;  Sylvelle,oîi  s'éleva  une  maison  religieuse 
des  Trinitaires,  et  qui  était  compris  dans  la  paroisse  de 
Magny-le-Hongre  ;  un  petit  bois  sépare  encore  cette  der- 
nière commune  de  celle  de  Goutevroult  (1);  enfin  Serris 
ou  Sarris,  nom  dérivé  du  mot  essart,  et  que  nous  avons 
vu  plus  haut  avoir  jadis  désigné  une  partie  de  la  forêt  de 
Saint-Denis  ;  le  hameau  de  Sarris  devait  son  origine  à  des 
réserves  faites  dans  la  forêt  de  Crécy  (2). 

Les  forêts  qui  environnaient  Lagny,  l'ancien  Latinia- 
r,wn,  peuvent  être  considérées  comme  le  dernier  prolon- 
gement occidental  de  la  forêt  de  Brie.  Quand,  en  64o, 
Erchinoald  donna  à  Furcy  l'emplacement  où  fut  depuis 
construit  un  monastère,  le  lieu  qui  servit  de  retraite  à  ce 
pieux  Écossais  se  trouvait  au  milieu  d'une  forêt,  qui  a  valu 
son  nom  au  village  de  Chessy  situé  à  une  lieue  à  l'.est  de 
Lagny,  au  sommet  d'un  coteau  qui  borde  la  rive  gauche 
(le  la  Marne.  Les  bois  et  le  parc  du  château  de  Chessy, 
([ue  des  peintures  de  Vouët  ont  rendu  célèbre,  sont  les 
derniers  et  maigres  vestiges  de  cette  grande  forêt  (3). 

C'est  au  commencement  du  vif  siècle,  vers  l'époque 
où  saint  Colomban  visitait  le  diocèse  de  Meaux,  où  sainte 
Fare  fondait  l'abbaye  du  Pont,  qui  reçut  plus  tard  le  nom 
de  Faremoutiers  (4),  que  l'on  peut  faire  remonter  les  pre- 

(1)  Pascal,  ouv.  cil.  l.  I,  p.  548. 

(2)  Lebeuf,  Histoire  du  diocèse  de  Paris,  t.  XV,  p.  17. 

(3)  Lebeuf,  ibid.  t.  XV,  p.  41.  Cet  auteur  donne  une  fausse  étymologii' 
<\\i  nom  de  Chessy. 

(4)  En  effet,  il  est  dit  que  sainte  Fare  alla  s'établir  dans  la  Sylva 
lirigifi,  près  d'un   pont  sur  le  Morin,   qui  valut  à  l'abbaye  son  nom. 


CHAPITRE    X.  163 

miers  démembrements  de  la  forêt  de  Brie;  car  c'est  vers 
la  même  époque  qu'il  est  pour  la  première  fois  question 
de  la  villa  Calensis.  Ce  palais  de  Chelles,  construit  par 
les  rois  Mérovingiens  (4),  tire  son  nom  des  premiers 
abattis  effectués  dans  la  partie  de  la  forêt  de  Brie^,  la  plus 
rapprochée  de  Paris  (2).  La  région  de  la  même  forêt  qui  en- 
vironnait la  nouvelle  résidence  royale,  fut  appelée  la  forêt 
de  Chelles,  et  elle  dut  au  plaisir  de  la  chasse  qu'elle  four- 
nissait à  nos  rois  (3),  d'être  préservée  de  la  destruction; 
mais  dans  la  partie  orientale  du  Brigiensis  saltus,  les  dé- 
frichements furent  moins  ménagés.  Toutefois,  l'importance 
<|u'a  gardée  jusqu'à  nos  jours  la  forêt  de  Crécy  (4),  prouve 
<|u'en  cette  région  le  déboisement  n'a  pas  été  fort  étendu. 
Ce  sont  aussi  les  intérêts  de  la  chasse  plus  encore  que 
«eux  de  l'approvisionnement  de  bois,  qui  ont  sauvé  de  la 
destruction  une  bonne  partie  de  la  bande  forestière  qui 
traverserait  le  sud  de  la  Brie.  Cette  bande  a  laissé  un  im- 
portant vestige  dans  la  forêt  d'Armainvilliers  dont  dépen- 
daient jadis  les  bois  de  La  Grange.  Désignée  d'abord  sous 
le  nom  de  forêt  de  la  Ferrière,  à  cause  du  grand  nombre 
de  forges  qu'elle  contenait  (5),  cette  forêt  continuait  au 


(Voy.  Toussaint  Duplessis,  ouv.  cit.  t.  I,  p.  26,  et  Mabillon,  Acia  SS.Be- 
nedict.  t.  II,  p.  117.)  Cette  forêt  est  désignée,  dans  la  vie  de  saint  Ouen, 
évêquf;  de  Rouen,  sous  le  nom  de  Brigia  sylva,  Brigiensis  saltus  {cf. 
Aimoin,  De  gest.  Francor.  lib.  IV,  c.  xli,  p.  119,  éd.  Ducliesne). 

(1)  Ce  fut  dans  la  villa  Calensis  que  se  retira*  le  roi  Chilpéric  I",  après 
la  mort  de  deux  de  ses  fils.  11  venait  de  quitter  la  forêt  de  Cuise,  et  fit 
venir  de  Brennacum  à  Chelles,  Clovis,  le  seul  fils  qui  lui  restât.  (Voy. 
Grégoire  de  Tours,  Hist.  Francor.  V,  40.) 

(2)  C'est  la  même  racine  qui  a  donné  le  nom  de  Chaillot  menlionné 
p.  149.  —  Voy.  Lebeuf,  oui;,  c/ie,  t.  VI,  p.  31. 

(3)  Chilpéric  pr  fut  assassiné  dans  cette  forêt,  comme  il  y  chassait. 
Grégoire  de  Tours,  Ilisl.  Franc.  VI,  46. 

(4)  11  y  avait  à  Crécy,  avant  la  Révolution,  une  maîtrise  des  eaux  et 
forêts. 

(5)  Ce  nom  est  resté  au  village  d'Ouzouer,  dit:  Ousouer-la-Ferri'cre . 


164   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIE>'NE   FRANCE. 

sud  la  marche  boisée  existant  entre  la  Brie  et  l'Ile-de- 
France,  dont  il  a  été  question  plus  haut.  La  ville  de  Brie- 
Gomte-Robert,  jadis  Bradeia,  qui  date  au  moins  du  vi" 
siècle,  marque  une  limite  inférieure  de  la  forêt  à  cette 
époque  ;  Tournans,  jadis  Tournihamus,(\\x\  remonte  aussi, 
suivant  la  tradition,  à  l'époque  mérovingienne,  nous 
fournit  pour  la  même  date  sa  limite  à  l'est  (i). 

Au  nord  de  Paris^  subsistaient  au  moyen  âge  bien  des 
vestiges  de  l'ancienne  forêt  des  Sylvanectes,  dont  j'ai  fait 
connaître,  dans  un  chapitre  précédent,  la  prodigieuse 
étendue.  Depuis  la  forêt  de  Montmorency  jusqu'à  celle  de 
Cuise,  autrement  dit  de  Compicgne,  se  succédaient  à  courts 
intervalles  des  forêts  considérables,  tant  dans  leBeauvaisis 
méridional  que  dans  le  Valois.  La  grande  forêt  des  Sylva- 
nectes n'avait  cessé  depuis  l'époque  gallo-romaine  de  se 
fractionner.  J'ai  déjà  parlé  plus  haut  de  plusieurs  des  forêts- 
auxquelles  elle  avait  donné  naissance  durant  la  période 
carlovingienne.  Aux  xif,  xm^  et  xiv^  siècles,  son  morcel- 
lement fut  encore  plus  accusé. 

Le  bois  de  Coye,  appelé  encore  bois  de  Quaye  [Boscus 
Coyœ,  Qumjœ  boscus),  est  mentionné  dans  différents  do- 
cuments de  ces  époques,  notamment  dans  les  comptes  de 
saint  Louis  (2),  comme  tout  à  fait  séparé  de  la  forêt  de 
Cuise  {sî/lva  Cotia,  devenu  par  corruption  sylva  Cuisin) 
dont  il  tirait  pourtant  son  nom  (3). 

Certaines  circonstances,  certains  usages  rappelaient 
l'unité  primitive  existant  entre  toutes  ces  forêts,  isolées 
depuis.  Ainsi,  pour  n'en  citer  qu'un  exemple,  les  habi- 


(1)  Voy.  Pascal,  ouv.  cil.  t.  I,  p.  184  et  suiv. 

(2)  Voy.  Historiens  de  France,  t.  XXI,  j).  275.  —  Cf.  XXII,  p.  507, 
748.  —  On  trouve  aussi  mentionnée  une  Veiula  Coyœ.  Voy.  sur  ce  bois 
00  que  je  dis  jilus  loin. 

(3;  Voy.  Historiens  de  France,  l.  XXII,  j>.  507. 


CHAPITRE   X.  165 

taiitsde  Servais  enParisis,  village  qui  devait,  comme  on  l'a 
vu,  son  nom,  Silvacum  ou  Silmacimi,  à  la  forêt  de  Servais 
ou  des  Sylvanectes,  avaient  conservé  le  droit  de  panage  et 
de  pâturage  dans  la  forêt  de  Goucy,  démembrement  le 
plus  septentrional  de  la  forêt  primitive,  et  partageaient  ce 
privilège  avec  les  religieux  de  Prémontré  (1), 

La  portion  de  la  forêt  de  Guise  qui  recouvrait  la  partie 
du  canton  de  Vie  située  sur  la  rive  gauche  de  l'Aisne,  ne 
fut  défrichée  qu'aux  xii*"  et  xiii^  siècles,  tant  par  le  chapitre 
de  Soissons  que  par  plusieurs  autres  communautés  reli- 
gieuses établies  aux  environs  (2). 

La  célèbre  forêt  de  Rest  ou  Retz  (3),  désignée  aujour- 
d'hui sous  le  nom  de  Villers-Cotterets  (4),  peut  être  consi- 
dérée comme  un  des  plus  importants  démembrements  de 
l'ancienne  sijlva  Cotia  (5)  ;  elle  paraît  même  avoir,  à  une 
certaine  époque,  dépassé  en  étendue  la  forêt  de  Guise  (6) 

(1)  Voy.  Forêts  du  département  de  V Ile-de-France.  Bibl.  imp.  mss. 
fonds  Versailles,  n»  8037,  11. 

(2)  Melleville,  Dictionnaire  historique  du  département  de  l'Aisne,  1. 1, 
p.  330. 

(3)  Resti  Foresia.  Voy.  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  253,  276; 
t.  XXII,  p.  526,  560,  567  et  suiv.  —  Olim,  éd.  Beugnot,  t.  II,  p.  206 
(année  1282). 

(4)  Villers-Cotterets  n'existait  pas  encore  au  viu^  siècle,  et  tire  sou 
origine  d'une  ferme  autour  de  laquelle  se  groupa  un  hameau  appelé  d'a- 
bord Villers-Saint-George,  et  ensuite  Villers- Col-de-Retz  ou  Coste-Retz, 
d'où  Villers-Cotterets.  (Melleville,  ouv.  cit.  t.  II,  p.  456.)  Cf.  ce  (Jue  j'ai 
déjà  dit  sur  l'étymologie  de  ce  nom,  p.  108.) 

(5)  Ph.  de  La  Marre,  dans  sa  Vie  de  Languet  (éd.  Ludwig,  p.  50,  51), 
s'exprime  ainsi  au  sujet  de  cette  forêt  -.  a  Retise  sylvse  omnium  fere 
quotquot  in  Gallia  sunl  praeter  Compendiensem,  vastissima3  et  ferarum 
omnis  generis  refertissimse.  » 

(6)  L'ordonnance  de  1575  veut  qu'il  soit  coupé  100  arpents  en  la  forêt 
de  Retz,  et  96  en  la  forêt  de  Cuise-lez-Compiègne.  Si  l'étendue  des 
coupes  réglées  par  cette  ordonnance  est,  ce  qui  parait  vraisemblable, 
proportionnelle  à  la  superficie,  il  faut  en  conclure  que  ces  deux  forêts 
avaient  alors  une  étendue  de  22,000  arpents  environ,  puisque  la  forêt 
de  la  Neuville  n'est  comiirise  que  pour  23  arpents,  c'est-à-dire  pour 
1/220*  de  sa  superficie  actuelle. 


166  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

et  était  également  le  théâtre  habituel  des  chasses  royales. 
La  fondation  de  l'abbaye  de  Longpont  en  1131,  à  l'extré- 
mité orientale  de  la  forêt  de  Retz,  en  amena  le  défriche- 
ment dans  cette  direction.  Dès  1317,  en  était  séparée  la 
forêt  de  Dementart,  qui  commençait  elle-même  à  se  scinder 
en  de  plus  petits  bois,  ceux  de  Longue-Roye,  de  la  Croiz- 
le-Frison,  de  la  Fautoye  (1)  qui  ont  eux-mêmes  disparu. 
Nul  doute  que  les  bois  que  la  carte  de  Cassini  marque  en- 
core dans  cette  région,  au  nord-est  de  la  forêt  de  Retz,  le 
bois  desÉghses,  un  peu  plus  au  sud  celui  de  Vierzy,  et  en 
.s' avançant  au  midi,  le  bois  deBlanzy,leboisLouisan,celui 
de  Graine,  ne  soient  d'anciens  écarts  de  la  forêt  qui  s'avan- 
çait vraisemblablement  jusqu'à  l'Ourcq.  A  l'est  de  la  forêt 
de  Retz  s'étendait  sur  les  confins  de  l'ancien  pays  des 
Suessions  et  de  Tancien  pays  des  Rêmes,  entre  la  Vesle  et 
la  Marne,  l'importante  forêt  de  Dole  {sylva  Dola),  mention- 
née au  xi^  siècle.  Elle  a  dû  occuper  les  territoires  des  com- 
munes de  Mareuil  en  Dole  et  de  Nesle  en  Dole  qui  font 
partie  du  canton  de  Fère  en  Tardenois.  La  forêt  qui  a  pris 
le  nom  de  cette  dernière  ville,  s'en  était  détachée  à  une 
époque  fort  ancienne  ;  d'autres  lambeaux,  les  bois  d'Or- 
mont,  de  Manières,  s'en  séparèrent  dans  un  temps  plus 
rapproché  de  nous.  Aujourd'hui,  toute  la  forêt  qui  a 
gardé  le  nom  de  Dole,  n'offre  plus  qu'une  superficie  de  500 
hectares,  tandis  que  celle  de  Fère  en  présente  environ 
2000  ;  mais  au  siècle  dernier,  la  première  occupait  encore 
en  bois  taillis  une  surface  de  2000  arpents  (2). 

La  forêt  de  Laigue  appelée  ensuite  par  corruption  forêt 
de  Laigle,  et  qu'on  trouve  désignée  dans  les  anciennes 
chartes  sous  les  noms  de  sylva  Lisica,  Lisgua,  Esga  (3),  con- 

(1)  Voy.  Olim,  éd.  Beugnot,  t.  III,  p.  114'2  (an.  1317). 

(2)  Melleville,  ouv.  cit.  t.  I,  p.  342. 

(3)  Voy.  Carlior,  Ilisloire  du  Valois,  t.  II,  p.  280. 


CHAPITRE   X.  167 

serva  pendant  tout  le  moyen  âge  une  notable  étendue  ; 
plus  visitée  d'ailleurs  pour  les  chasses  que  pour  l'exploi- 
tation du  bois,  qui  y  est  d'une  médiocre  qualité,  elle  était 
moins  exposée  aux  ravages  de  la  cognée  (1).  Au  xvii'^  siècle, 
la  forêt  de  Laigue  était  encore  comprise  entre  l'Aisne  et 
l'Oise.  Plantée  en  futaies  de  chênes,  elle  offrait  une  super- 
ficie de  6432  arpents  ;  300  arpents  au  sud  avaient  déjà  été 
défrichés.  Cet  essart  s'étendait  au  midi  de  la  forêt  de 
Saint-Pierre,  qui  avait  à  la  même  époque  740  arpents  (2). 
Les  forêts  de  Hez  {Hecium,  Hescium  ou  Hez)  (3),  celle 
d'Ageux  (4),  s'étaient  détachées  de  la  forêt  de  Cuise,  dès  le 
commencement  de  la  seconde  race  (5).  Mais  celle  de  Guise 
qui  avait  subi,  sous  les  Mérovingiens  et  les  Carlovingiens, 
de  notables  défrichements,  amenés  par  la  présence  à  l'en- 
tour  de,  nombreuses  habitations  royales  (6),  ne  paraît 
avoir  éprouvé  sous  les  Capétiens  que  de  faibles  réductions. 
Pendant  des  siècles,  elle  s'étendit  sur  la  rive  gauche  de 
l'Aisne,  depuis  Pernant  et  Chaudun  jusqu'à  l'Oise,  bien 

(1)  Le  nom  de  Lisgua  ou  Lisica  est  dérivé,  selon  quelques-uns,  de 
Agua.  aiguë  (eau)  ;  et,  en  eiTet,  cette  forêt  est  tellement  humide,  qu'il  a 
fallu  la  traverser  en  tous  sens  par  des  fossés,  pour  y  rendre  possible  la 
production  du  bois  de  bonne  qualité.  Voy.  ï Annuaire  du  départ,  de  VOise 
pour  1839,  Slaiistique  du  canton  de  Ribccoiirt. 

(2)  Voy.  sur  la  forêt  de  Laigue,  qui  est  encore  une  des  plus  belles  de 
France,  et  a  une  contenance  de  2,064  hectares,  Fontânon,  Edicts  et  Or- 
donnances, t.  Il,  p.  259,  et  Annuaire  de  VOise  pour  1838,  Statistiqur 
du  canton  de  Clennont. 

(3)  Voy.  Historiens  de  France,  t.^XXI,  p.  507.  Cette  forêt,  sise  à 
rO.  de  Clermont,  est  aussi  appelée  forêt  de  la  Neuville,  du  village  de  La 
Neuville  qu'on  dislingue,  surnommé  La  Neuville-en-Hez. 

(4)  Il  faut  aussi  comprendre,  dans  ce  vaste  amas  de  forêts,  les  forêts 
d'Ourscamps,  de  Quierzy,  sur  la  rive  gauche  de  l'Oise. 

(5)  M.  Mclloville  [ouv.  cit.)  n'admet  pas  cependant  l'unité  première  de 
ces  diverses  forêts. 

(6)  C'était  dans  la  forêt  de  Cuise  qu'allait  chasser  Chiipéric  P'',  qui  s'y 
retira  avec  Frédégonde  en  580,  pour  y  donner  cours  au  chagrin  que  leur 
donnait  la  mort  de  leurs  deux  fils,  enlevés  par  l'épidémie.  (Grégoire  de 
Tours,  Ilisl.  Franc.  V,  40.) 


168    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

que  des  châteaux  s'élevassent  en  quelques-unes  de  ses 
clairières.  Tel  est  celui  de  Bétisy  {Beslisiacum)  où  les  rois 
de  France  ont  plusieurs  fois  habité  et  qui  est  mentionné 
dès  le  XII®  siècle  (1). 

Un  autre  démembrement  delà  forêt  desSylvanectes,  ce- 
lui qui  correspondait  précisément  au  territoire  occupé 
par  le  petit  peuple  de  ce  nom,  donna  naissance  à  la  foret 
de  Halatte  {Halala,  Halacta,  Alatha,  Harlata)  (2),  voisine 
de  Senlis,  et  qui  était  encore  souvent  confondue,  au  xiv 
siècle,  avec  celle  de  Guise  (3).  Cette  foret  qui,  plus  tard,  a 
pris  le  nom  de  la  ville  la  plus  importante  qui  l'avoisine 
(forêt  de  Senlis)  (4),  comme  celle  de  Cuise  a  pris  le  nom 
de  forêt  de  Compiègne  (5),  est  déjà  mentionnée  dans  les 
Comptes  de  saint  Louis  (6),  et  c'est  à  tort  que  Cartier,  en 
son  Histoire  du  duché  de  Valois  Ci),  dit  que  l'emploi  de  ce 


(1)  Cette  mention  est  consignée  dans  deux  lettres  de  Louis  VII,  qui 
datent  des  années  1107  et  1168.  (Cf.  Hisloriens  de  France,  t.  XVI,  \). 
139,  140.  Episiol.  régis  Ludovici  VII  ad  var.)  Le  château  de  Bétisy  est 
appelé  Bistisiacensis  recjia  villa.  Dans  les  Comptes  de  saint  Louis  (p.  275), 
on  trouve  mentionnée  une  Vente  de  la  Chesnaye  au-dessus  de  Bétisy 
{Vcnda  Chesnaiœ  super  Beslisiacum). 

(2)  Voy.  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  253,  271.  —  Olim,  éd. 
Beugnot,  t.  II,  p.  223  (an.  1283). 

(3)  Voy.  V Annuaire  de  l'Oise  pour  1834,  Slalistique  du  canton  de  Ponl- 
Sainle-Maxence . 

(4)  Elle  est  aussi' appelée  forêt  de  Saint-Christophe. 

(5)  En  général,  le  nom  de  forêt  de  Compiègne  a  fini  par  être  substitué 
à  ces  divers  noms.  Il  a  sa  source  dans  l'institution  des  maîtrises,  par 
l'ordonnance  du  29  mai  1346,  et  dans  la  création  de  quatre  de  ces 
sièges  pour  le  pays  de  Valois,  dont  l'un  fut  fixé  à  Compiègne.  Cepen- 
dant l'appellation  de  forêl  de  Cuise  subsista  encore  pendant  plusieurs 
siècles.  Sous  Louis  XIV,  la  plupart  des  actes  disent  forêl  de  Cuise-lez- 
Compiègne.  (Voy.  Statistique  du  canton  de  Compiègne,  dans  l'Ann.  de 
l'Oise  pour  1850.) 

(6)  On  y  lit  en  effet  les  noms  de  Yenda  Ilalate,  Gruagium  Halate.  (His- 
toriens de  France,  t.  XXI,  p.  253,  271.)  Dans  un  titre  de  1165,  cette  fo- 
rêt est  désignée  par  le  nom  de  Lucus  Halachius.  (Voy.  Carlier,  ouv.  cit. 
t.  I,  p.  57.) 

(7)  Carlier,  ibidem. 


CHAPITRE   X.  169 

nom  ne  date  que  du  xiv^  siècle.  Le  mot  Halatte  paraît  être 
une  corruption  du  nom  de  Halta  que  portait  une  colline 
qui  domine  la  foret  et  qu'on  appela  plus  tard  Mont  Hal- 
tois  (1).  La  forêt  de  Halatte  s'est  elle-même  promptement 
réduite,  et  plusieurs  bois  et  forêts  s'en  sont  successive- 
ment détachés  ;  telles  sont  les  forêts  de  Chantilly  et  d'Er- 
menonville. L'inspection  de  la  carte  montre  que  la  forêt 
de  Halatte  devait,  il  y  a  cinq  ou  six  siècles,  être  reliée  à  la 
forêt  de  Cuise  par  une  succession  de  bois.  Au  xiv'  siècle, 
il  existait  à  Epinay-Champlatreux,  près  Luzarches,  une 
forêt  dite  Foreste  Hespyonie{^),  qui  n'était  visiblement 
qu'un  démembrement  de  la  grande  forêt  de  Senlis.  Elle 
n'est  plus  représentée  sur  la  carte  de  Cassini  que  par  les 
petits  bois,  aujourd'hui  à  peu  près  disparus,  du  Tremblay 
et  de  Champlatreux.  La  forêt  de  Pontarmé  et  les  bois 
d'Hervaux,  situés  au  sud  de  Chantilly,  sont  pareillement 
un  reste  de  cette  forêt  dont  le  village  de  CoyC;,  en  latin 
Cotia,  rappelle  le  nom  gaulois.  Au  xiv'  siècle,  la  forêt  d'Er- 
menonville était  déjà  distincte  de  celle  de  Perthes,  qui 
avait  fait  originairement  corps  avec  elle;  elle  s'avançait 
plus  au  sud  et  bordait  la  route  qui  va  d'Ermenonville  à 
Montagny.  La  forêt  de  Perthes  elle-même  se  réduisait  déjà 
à  un  bois  contigu  à  un  autre  bois,  celui  de  Coard  ou 
Couard,  mentionné  à  la  même  époque,  et  qui  a  disparu. 
Ce  nom  de  Coard,  que  portent  en  France  divers  vihages 
construits  sur  un  sol  jadis  boisé,  paraît  être  une  altéra- 
tion du  mot  coat.  Sans  doute  que  la  fondation  de  l'abbaye 


(1)  Voy.  Annuaire  de  VOise  pour  1841,  Statistique  du  canton  de 
Senlis. 

(2)  Voy.  le  dépouillement  du  cartulaire  de  l'abbaye  de  Chaalis,  donné 
dans  H.  Cocheris,  Notices  et  extraits  des  documents  manuscrits  conservés 
dans  les  dépôts  publics  de  Paris  et  relatifs  à  l'histoire  de  la  Picardie,  1. 1, 
p.  384  (Paris,  1854). 


170    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'anCIENNE  FRANCE. 

(le  Chaalis,  qui  devint  propriétaire  de  plusieurs  de  ces 
bois,  en  hâta  le  défrichement  (1). 

Un  peu  plus  au  nord-ouest  de  Paris,  le  déboisement 
était  déjà  très-étendu  au  commencement  du  xiii^  siècle. 
L'ancienne  forêt  de  Beaumont-sur-Oise  n'était  plus  qu'un 
bois  (Boscus  belli  montis)  (2). 

On  doit  donc  regarder  la  frontière  septentrionale  du 
Parisis  comme  s'étant  dégarnie  d'une  manière  sensible 
aux  xii^et  xiii^  siècles.  Le  Valois  {Vademis  comitatus)  res- 
tait sans  doute  encore  très-boisé  (3);  mais  une  foule  d(_ 
massifs  d'arbres  en  avaient  disparu;  certaines  essences 
mêmes  ne  s'y  rencontraient  plus  (4).  Le  châtaignier,  pai 
exemple,  qui  y  dominait,  comme  l'attestent  des  noms  de 
lieux  et  de  vieilles  charpentes,  n'y  existe  plus  aujour- 
d'hui (5). 

Dans  le  voisinage  le  plus  immédiat  de  la  capitale,  le 
bois  de  chauffage  commençait  à  manquer  (6).  Les  forêts 
de  la  banlieue   qui  avaient  d'abord  suffi  à  la  consom- 


(1)  Cocheris,  ouv.  cit.,  p.  386. 

(2)  Voy.  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  253. 

(3)  De  vieux  auteurs  ont  voulu  mOme  faire  dériver  le  nom  de  Valois 
du  grand  nombre  de  vallées  boisées  qu'on  y  rencontrait,  comme  le  rap- 
pelle le  titre  de  cet  ouvrage,  imprimé  en  ICOO  :  «  Le  pais  de  Valois,  ainsi 
appelé  pour  les  belles  vallées,  boys  ot  buissons  qui  s'y  trouvent,  peint  par 
Damiens  de  Templeux,  sur  ung  mémoire  et  escript  du  feu  sieur  de  Hurae- 
rolles.  »  1600,  in-fol.  colorié. 

(4)  Cette  disposition  de  certaines  essences  des  forêts  d'un  canton  a  été 
souvent  le  résultat  d'une  concession  de  droit  d'usage  accordé  pour  celte 
seule  essence.  Ainsi,  dans  la  forèl  de  Mary,  en  Auvergne,  le  sapin  a  dis- 
[jaru  des  bois  voisins  de  Salers,  et  le  héu-e  seul  a  survécu,  parce  que  les 
habitants  de  Salers  ne  pouvaient  couper  que  le  premier  bois.  (Voy. 
J.-B.  Bouillcl,  Description  histor.  et  scientif.  de  la  haute  Auvergne,  p. 
308.) 

(5)  Voy.,  à  ce  sujet,  les  curieux  détails  consignés  dans  Brayer,  .S'/^(- 
tistique  du  déparlement  de  l'Aisne.  Laon,  1824. 

(6)  Voy.  Félibien,  Pièces  juslificatives  à  l' Histoire  de  Paris,  p.  657. 


CHAPITRE   X.  171 

mation,  devinrent  tout  à  fait  insuffisants  (1).  On  dut 
recourir  aux  forêts  de  Crécy-en-Brie,  de  Fontainebleau, 
de  Jouy,  de  Sourdun  et  à  quelques  autres  plus  éloi- 
gnées (2).  C'est  alors  que  Jean  Rouvet,  bourgeois  de  Paris, 
conçut  l'idée  du  flottage,  qui  devait  amener  dans  cette 
ville  les  bois  de  la  Bourgogne  et  du  Morvan  (3).  Déjà,  au 
temps  de  Suger,  l'insuffisance  des  bois  contraignait 
d'envoyer  prendre  les  grosses  charpentes  aux  environs 
d'Auxerre(4).  Ladisette  du  bois  de  chauffage  s'était  fait 
sévèrement  sentir  sous  Charles  VI.  Pour  y  remédier,  ce 
prince  expédia,  le  29  novembre  1418,  aux  trésoriers  géné- 
raux des  finances,  des  lettres  patentes  leur  enjoignant  de 
faire  vendre  extraordinairement,  dans  les  forêts  de  Laye, 
de  Senart,  de  Pommeraie  (5),  de  Bondy  et  dans  les  bois  les 
plus  proches  de  Paris,  jusqu'à  300  arpents.  Plusieurs  fois, 
sous  ses  successeurs,  des  mesures  analogues  furent  or- 
données, afin  de  suppléer  à  la  pénurie  du  combustible. 
Un  arrêt  du  Parlement,  du  26  novembre  1419,  prescrivit 

(1)  Voyez  à  ce  sujet,  dans  les  Annales  forestières,  en  1849,  l'intéres- 
sant travail  de  M.  Alfred  Gerbaut,  Sur  le  Bois  de  chauffage  de  Paris, 
depuis  la  fin  du  xm'  siècle  juscju'au  règne  de  Louis  XIV. 

(2)  Baudrillart,  Diciionn.  général  des  Eaux  et  Forêts,  au  mot  Bois 
de  chauffage.  Les  forêts  de  Jouy  et  de  Sourdun  faisaient  partie  de  la 
maîtrise  de  Provins.  (Conf.  sur  ces  forêts,  Piganiol  de  la  Force,  Nouvelle 
description  de  la  France,  3«  édit.  1. 1,  p.  18  et  19.) 

(3)  Cette  invention  date  de  1449.  Jean  Rouvet  en  fut  le  véritable  au- 
teur; mais,  dix-sept  ans  plus  tard,  Arnoul,  bourgeois  de  Paris,  s'en 
empara. 

(4)  «  Gumque  pro  trabium  inventione  tam  nostros  quam  Parisienses 
lignorum  artifices  consuluissemus,  responsum  nobis  est,  pro  eorum  exis- 
timatione  verum,  iA  finihus  istis  propter  sylvarum  mopiam  minime  inve- 
niri  posse,  vel  ab  Autissiodorensi  pago  necessario  devehi  oportere.  -> 
(Suger,  Libell.  de  consecratione  ecclesix  S.  Dionysii,  dans  les  Historiens 
de  France,  i.  XIV,  p.  314.)  Voy.  toutefois  ce  qui  a  été  dit  p.  147,  au  sujet 
de  ce  fait. 

(5)  C'est  le  nom  que  l'on  donnait  à  une  partie  dé  la  forêt  de  Villers- 
Cotterets,  appelée,  au  siècle  dernier,  bois  de  Pommereau,  et  qui  contenait 
alors  1,300  arpents. 


172    LES  FORÊTS  DE   LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

une  coupe  extraordinaire  dans  les  forêts  de  Bondy  de 
Senart,et  les  forets  des  çnvirons  de  la  capitale  (1).  C'était 
étendre  les  causes  du  mal  pour  en  atténuer  momentané- 
ment les  effets.  Au  xvi"  siècle,  on  se  montra  plus  intelli- 
gent. Un  édit  de  mai  1520,  pour  remédier  à  la  pénurie 
du  combustible,  fit  défense  de  défricher  les  terrains  en 
nature  de  bois,  bordant  la  Seine  et  ses  affluents,  et  éta- 
blit un  règlement  pour  la  coupe  des  arbres  et  la  conduite 
du  bois  de  chauffage  à  Paris (2). 

Déjà  à  cette  époque,  au  lieu  de  présenter  un  rempart 
quasi  continu,  comme  au  temps  de  l'invasion  franquc, 
l'enceinte  forestière  de  l'Ile-de-France  avait  été  forcée  en 
une  foule  de  points  et  elle  se  réduisait  à  un  certain  nombre 
de  grands  massifs  séparés  par  de  larges  éclaircies. 

(1)  Voy.  Belama^rejraité  de  la  Police,  t.  III,  p.  838  (Paris,  1770). 

(2)  Isamberl,  Recueil  des  anciennes  lois  françaises,  t.  XII,  p.  173. 


CHAPITRE    XI.  173 


CHAPITRE  XI. 

FORÊTS    DE   LA    PICARDIE,    DE   l'aRTOIS,    DE    LA    FLANDRE   ET   DU   HAINAUT. 

Les  forêts  de  la  Picardie  ne  semblent  point  avoir 
été,  au  moyen  âge,  à  beaucoup  près,  aussi  nombreuses  et 
aussi  profondes  que  celles  de  l'ancien  pays  des  Sylvanectes. 
La  basse  Picardie  surtout  était  déjà,  à  cette  époque,  dé- 
pouillée de  l'épais  manteau  arborescent,  dont  quelques 
lambeaux  enveloppaient  encore  la  partie  orientale  de 
cette  même  province.  La  plus  célèbre  des  forêts  de  la  Pi- 
cardie était  celle  de  Cressy  {Cresiaceusis  foresta),  que  j'ai 
mentionnée  en  parlant  des  forêts  de  l'époque  carlovin- 
gienne.  Plus  tard,  on  la  trouve  simplement  désignée  sous 
le  nom  de  Sijlva  foresteiisis ;  elle  avait  certainement  subi 
alors  de  notables  réductions,  surtout  à  l'est,  où  elle  était 
traversée  par  une  ancienne  voie  romaine  qui  a  valu  leur 
nom  aux  trois  villages  à' Estrées-lez-Cressy ,  Caiichy, 
Aoyelle-en-Chaussée.  C'est  dans  cette  forêt  que  vint  s'éta- 
blir, au  VH^  siècle,  pour  y  terminer  ses  jours  dans  la  re- 
traite la  plus  absolue,  saint  Riquier,  qui  avait  quitté  le 
monastère  de  Centule,  connu  depuis  sous  le  nom  de  ce 
saint  personnage  (abbaye  de  Saint-Riquier).  Le  lieu  de  la 
Ibrèt  où  saint  Riquier  bâtit  sa  cellule  lui  fut  donné  par 
Gislemar,  que  la  légende  qualifie  d'homme  illustre  et 
pieux, et  par  IMaurontus,  préfet  des  forêts  royales  (jjro'fec- 
tus  regiarum  sylvarum).  Cette  dernière  circonstance  nous 
montre  qu'au  vii^  siècle  la  forêt  de  Cressy  appartenait 
au  domaine  royal  (1).  D'autres  cellules  ^^s'élevèrent,  après 

(IJ  Voyez  Gallia  christiana.  Ecdes,  Amhian.  t.  X,  col.  1307. 


174   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

la  mort  de  saint  Riquier,  dans  cette  même  clairière  de  la 
forêt  située  au  voisinage  du  village  iWArgubius,  aujour- 
d'hui Argenne,  près  de  la  Gauche.  Au  xi"  siècle  y  était 
fondée  une  abbaye  dite  le  Moùtier  de  la  forêt  ou  Forêl- 
Montier  {Fo?'esti  monastermm)  (1),  dont  la  construction 
amena  le  défrichement  de  nouvelles  parties  de  la  forêt. 
Toutefois  la  surveillance  active  des  officiers  royaux  et  des 
agents  des  comtes  de  Ponthieu  en  fît  respecter  les  hautes 
futaies  (2),  et  sa  superficie  varia  peu  pendant  plusieurs 
siècles  ;  c'est  ce  que  démontre  l'étude  de  la  carte.  Celle 
de  Cassini  place  encore  Forêt-Montier  sur  la  lisière  de  la 
forêt  de  Gressy,  à  l'angle  sud-ouest  ;  d'où  il  suit  qu'il 
n'y  avait  pas  eu  d'essart  de  ce  côté.  A  l'ouest  et  au  nord, 
la  petite  rivière  de  Maye,  qui  traverse  l'étang  de  Rue,  a 
dû  toujours  présenter  une  limite  naturelle  à  la  forêt,  et  il 
n'y  a  que  la  plaine  d'Auville  qui  ait  pu  être  boisée.  La 
forêt  descendait  vraisemblablement  à  forigine  jusqu'à 
Saint-?sicolas-des-Essarts,  dont  le  nom  est  très-significatif, 
et  devait  ainsi  englober  les  bouquets  du  Plessiel  et  de  Ha- 
loy  (3). 

(1)  Gallia  chrùliana,  t.  X,  col.  1307. 

(2)  Voyez  l'énoncé  des  amendes  établies  pour  délits  de  chasse  et  vols 
commis  dans  la  forêt  de  Cressy,  dansV.  de  Beauvillé,  Documents  inédits 
concernant  la  Picardie,  p.  132.  L'activité  de  celte  ancienne  surveillance 
ressort  des  procès-verbaux  de  visite  dressés  lors  de  la  réformation  des 
forets  de  la  province  de  Picardie,  faite  au  xvii*  siècle.  (Voy.  Dibl.  imp. 
mss.  fonds  Saint-Germain,  n"  27.) 

(3j  Lors  de  la  réformation  des  forêts  de  la  province,  en  1667,  la  forrt 
de  Cressy  renfermait,  y  compris  le  bois  Biasset,  7,163  arpents  1/4  (nii  - 
sures  du  roi).  (Voy.  ms.  cité.)  Les  derniers  déboisements  de  cette  époqi. 
s'étaient  opérés  à  l'est  et  au  nord-est,  près  du  village  de  Marcheuill'  , 
dont  les  habitants  avaient  été  réduits,  par  les  dernières  guerres,  à  trans- 
porter leurs  cabanes  dans  ce  canton  de  la  forêt.  La  vallée  dite  desG/mei 
présentait  déjà  en  1667  une  clairière  entièrement  dépourvue  de  bois,  de 
deux  journaux  environ.  La  partie  occidentale  du  bois  Biasset  avait  servi, 
lors  des  mêmes  guerres,  de  refuge  aux  habitants  de  Nouvion.  De  là  la 
formotion  de  la  clairière  dite  FInque. 


CHAPITRE    XI.  175 

Le  grand  nombre  d'abbayes  de  la  Picardie  qui  ont  été 
fondées  dans  des  bois  aujourd'hui  en  partie  disparus, 
montre  que  le  Ponthieu  et  l'Amiénois  doivent  surtout 
les  défrichements  de  leur  sol  forestier  aux  moines.  C'est 
dans  un  bois  au  sud  d'Amiens  et  voisin  de  Saint-Acheul, 
que  fut  fondée,  en  1105,  l'abbaye  de  Saint-Fuscien-aux- 
Bois  {S.  Fuscianus  in  nemore)  (1).  Près  des  bords  de  la 
Candie,  existait,  au  milieu  du  xii^  siècle,  un  bois  assez 
considérable  où  fut  fondée  l'abbaye  de  Saint-André,  qui 
dut  à  cette  circonstance  son  nom  &q  S .  Andréas  in  nemore 
(Saint-André-aux-Bois)  (2).  Sur  la  carte  de Cassini,  l'empla- 
cement et  tout  le  canton  où  se  trouve  Saint-André  sont 
marqués  comme  déboisés.  On  ne  rencontre  plus,  à  cette 
heure,  qu'une  sorte  de  remise  adjacente  aux  champs  de 
Grémecourt;  le  bois  a  donc  disparu  depuis  le  xii"  siècle. 

Vers  la  même  époque,  en  1125,  une  autre  abbaye,  celle 
de  Saint-Josse-aux-Bois  {S.  Judociis  in  nemore)  (3),  dési- 
gnée plus  tard  sous  le  nom  de  Domp-Martin,  était  cons- 
truite dans  une  forêt,  sise  au  nord  de  la  forêt  de  Cressy, 
près  de  l'Authie  et  dont  ne  s'aperçoit  presque  aucune 
trace. 

A  l'est  de  Saint-Just,  dans  le  diocèse  de  Beauvais,  exis- 
tait un  autre  bois  qui  valut  à  l'abbaye  de  Rurecourt  son 
appellation  vulgaire  :  Saint-Martin-aux-Bois  (4).  A  peine 
un  bouquet  en  reste-t-il  aujourd'hui.  Le  déboisement  est 
donc  aussi,  dans  cette  localité,  postérieur  au  xii«  siècle. 
On  peut  citer  également  parmi  les  forêts  qui  ont  dis- 
paru delà  Picardie,  celle  de  Holmes  subsistant  encore  au 
xin*=  siècle  et  dont  la  destruction  semble  avoir  été  la  con- 


(1)  Gattia  christiana,  Eccles.  Ambian.  t.  X,  col.  301. 

(2)  Gnllia  chrisliana,  t.  X,  col.  315. 

(3)  Gallia  christiana,  Eccles.  Ambinn.  t.  X,  col.  303. 

(4)  Ibid.  t.  X,  col.  8-:G,  Eccles.  Dcllovac. 


176    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

séquence  de  l'établissement  par  Philippe-Augusle  d'une 
forteresse  dans  son  voisinage  (1). 

Le  Boulonais,  dont  le  sol  forestier  ne  semble  pas, 
au  reste,  avoir  jamais  été  bien  riche,  subit  de  bonne  heure 
de  notables  défrichements  ;  c'est  ce  qui  se  passa  aussi  dans 
l'Artois,  qui  était  beaucoup  moins  découvert.  Ces  défriche- 
ments furent  surtout  l'œuvre  des  nombreuses  abbayes 
élevées  dans  les  diocèses  de  Boulogne  et  de  Saint-Omer. 
L'abbaye  de  l'Ostine  ou  de  Westine  {Vastina),  qui  date 
de  1195  (2),  tire  son  nom  des  défrichements  qui  lui  don- 
nèrent son  territoire.  Le  même  motif  fit  imposer  le  nom 
de  Wasùnum  ou  Guatamim  à  une  autre  abbaye,  celle  de 
Watten,  fondée  vers  la  même  époque  dans  une  forêt  {fo- 
resta)  (3).  L'abbaye  de  Ruisseauville  {Russellivilla),  fon- 
dée, à  la  fin  du  xf  ou  au  commencement  du  xii*  siècle, 
dans  le  diocèse  de  Boulogne ,  porta  d'abord  le  nom  de 
Sainte-Marie-du-Bois  {B.  Maria  in  nemoré)  (4).  Et  ce- 
pendant la  carte  de  Gassini  place  Ruisseauville  dans 
un  lieu  maintenant  complètement  déboisé.  Le  bois  qui 


(<)  Voy.  Chroniques  de  Saint-Denis,  1.  III,  dans  les  Hisloi:  de  h'r. 
t.  XVIII,  p.  399,  et  Guillelm.  Armorie.  De  geslis  Philippi  Augitsli,  ilans 
les  Hùlor.  de  Fr.  t.  XVII,  p.  86,  B.  —  Un  grand  nomlire  de  bois  cl  du 
forêts  de  la  Picardie,  aujourd'hui  réduites  à  de  simples  bois  ou  même  to- 
talement défrichées,  sont  mentionnées  dans  les  actes.  Nous  nommerons 
notamment  les  forêts  de  Tirincourt  et  de  Croy,  dont  parle  la  charte 
de  fondation  de  la  collégiale  de  Saint-Martin  de  Picquigny,  de  l'an 
1066.  {Galiia  chrisliana,  Ecoles.  Ambian.  t.  X,  col.  290.)  Gassini  n'in- 
dique plus  près  de  Croy  qu'un  simple  bouquet. 

(2)  Gcdlia  chi^istimia,  Eccles.  Audomar.  t.  III,  col.  537. 

(3)  Galiia  cliristiana,  t.  III,  col.  522.  Eccles.  Alreb.  Ce  monastère  du 
diocèse  de  Térouanne  ou  Saint-Omer,  passa  ensuite  au  diocèse  d'Arras. 

(4)  Voy.  Galiia  chrisliana,  l.  X,  col.  1607,  Eccles.  Bononens.  La 
charte  de  fondation  dit  que  l'abbaye  fut  élevée  dans  une  clairière  de  la 
forêt.  «  Iiï  vaciio  arboribiis  spalio  ncmoris.  »  Au  même  diocèse  de  Bou- 
logne, deux  autres  abbayes  furent  fondées  au  milieu  des  bois,  Samer-au\- 
Bois  {Samcriwn  in  Bosco)  et  Saint-Sauguier-aux-Bois  (Sanclit.s  Salvivs 
in  Bosco). 


fi 


CHAPITRE    XI.  177 

donna  son  nom  à  l'abbaye,  a  disparu  depuis  le  xii"  siècle. 
Il  devait  ne  faire  originellement  qu'un  avec  ceux  deFruges 
fort  distants  au  nord  de  Ruisseauville,  et  englober  divers 
bouquets  épars  depuis  le  bois  de  Créqui  jusqu'aux 
bois  de  la  Ternoise.  Sur  la  route  d'Hesdin  à  Fruges,  on 
voyait  jadis  une  chapelle  Saint-Hubert,  élevée  pour  la  pro- 
tection de  ceux  qui  venaient  chasser  dans  la  forêt.  Une 
autre  localité  du  même  vocable  se  trouve  près  de  Biès. 

Lors  de  la  réformation  des  foréls  du  Boulonais  et  de  la 
Picardie,  en  1667,  la  forêt  de  Hardelot  contenait  encore 
i,220  arpents,  20  verges;  celle  de  Guines,  1,788  arpents  ; 
celle  de Boulogne-sur-Mer,  4,432  arpents;  celle  de  Desu- 
resmes,  2,242  arpents,  non  compris  les  bois  des  Monts  et 
de  Quesnet  (1).  Aujourd'hui  la  forêt  de  Boulogne  ne  ren- 
ferme plus  que  3,300  arpents  environ  (2),  et  les  autres  ne 
sont  pas  moins  réduites.  On  a  des  preuves  certaines  que 
les  forêts  d'Hesdin  et  celle  du  Forestel,  située  au  sud  du 
Vieil  Hesdin,  ont  eu  une  extension  fort  supérieure  à  celle 
qu'elles  présentaient  au  siècle  dernier.  La  première  s'a- 
vançait au  nord-ouest  jusqu'à  la  chaussée  de  Brunehaut; 
elle  occupait,  au  xvii"'  siècle,  une  superficie  de  1,933  ar- 
pents. La  seconde,  qui  tenait  à  la  forêt  d'Arguel,  en  avait 
591  ;  elle  a  dû  recouvrir,  dans  le  principe,  les  deux  rives 
de  la  Canche  et  s'avancer  jusqu'à  l'Authie. 

Dans  la  région  orientale  de  la  Picardie,  subsistaient  les 
débris  de  la  partie  septentrionale  de  la  forêt  des  Sylva- 
nectes  et  de  la  partie  méridionale  de  la  forêt  Charbon- 
nière. Si  quelques  forêts  royales  gardaient  la  majesté  et 
l'étendue  qu'elles  avaient  à  l'époque  carlovingienne^  d'au- 


(1)  Voy.  1(1  Réformalion  des  eaux  et  forets  de  Picardie,  Artois,  Bou- 
lenois et  Pays  reconquis.  Biblioth.  impèr.  mss.  fonds  Saint-Germain, 
n"  26. 

(2)  Voy.  Bertrand,  Histoire  de  Boulogne-sur-Mer,  t.  II.  p.  170. 

12 


178   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  lUANCE. 

très  s'étaient  singulièrement  réduites;  tel  fut  le  cas  pour 
la  Vosagus sïjlva  dont  le  nom  s'était  altéré  en  celui  àQ  Syl- 
va Voesia  (1),  forêt  de  Voase  ou  Voëse.  Nous  avons  dc^'à  dit 
plus  haut  que  c'est  au  milieu  de  cette  forêt  que  fut  fon- 
dée, au  xii'"  siècle,  la  célèbre  abbaye  de  Prémontré  {Prœ- 
monstraturn),  chef-lieu  d'ordre  (2).  Antérieurement  une 
autre  abbaye  avait  été  élevée  dans  la  même  forêt,  celle  de 
Saint-Mcolas-du-Bois  ou  du  Saut  {S.  Nicolaus  in  Bosco  ou 
de  Saltu)  (3).  La  forêt  de  Voëse  était,  au  xii'  siècle,  aussi 
désignée  sous  le  nom  de  Vendogia  ou  Vedogia  (4).  A  cette 
époque,  elle  s'étendait  entre  l'Ailette,  l'Oise  et  la  Serre 
jusqu'à  A-sis  et  Laon  (5);  elle  se  divisa  en  plusieurs  quar- 
tiers qui  finirent  par  constituer  des  forêts  séparées  :  la 
forêt  de  Goulommiers  ou  de  Folembray,  le  bois  de  Fores- 
telle,  du  Tilleul,  de  Tranlois,  etc. 

Le  plus  important  de  ses  lambeaux  est  la  forêt  de  Saint- 
Gobaiu;  c'est  surtout  aux  xii'  et  xiif  siècles,  que  la  forêt 
de  Voës  fut  défrichée  en  partie,  grâce  aux  moines  de  l'ab- 
baye de  Saint- Vincent  de  Laon.  La  forêt  de  Goulommiers, 
déjà  mentionnée  sous  le  nom  de  Colombaria  sylva  en 
l'an  831,  perdit  ce  nom,  puis  celui  de  Folembray,  pour 
prendre  le  nom  de  Forêt  basse  de  Coucy  (6),  du  voisinage 


(1)  Voy.  ce  qui  en  a  été  dit  p.  110. 

(2)  «  Sed  et  aliud  construxit  monaslerium  clericornm,  in  loco  qui  vo- 
catur  Cuissiacus,  abbatemque  ibi  ordinavit...  Gum  auteni  vidisset  mo- 
nachos  Valclarenses  qui  prope  manebant,  contendere  contra  vicinos 
suos  canonicos  Cuissiaccnses  pro  quadam  conligua  sylva,  etc.  »  Gesia 
Bartholomxi  Laudunensis  cpiscopi,  dans  les  Historiens^  de  France, 
t.  XIV,  p.  346. 

(3)  Voy.  Guiberl  de  Nogent,  dans  les  Historiens  de  France,  t.  XIT, 
p.  249.  Gallia  chrisliona,i.  IX,  col.  010.  Eccles.  Laudunens. 

(4)  5.  Nicolaus  de  sylva  Vendogii  Suessionis,  lit-on  dans  une  lettre  de 
Samson,  archevêque  de  Reims,  à  Innocent  IL  Voy.  Historiens  de  France, 
t.  XV,  p.  404. 

(5)  Melieville,  Diclionn.  histor.  du  départ,  de  l'Aistie,  t.  II,  p.  4C8. 

(6)  Melieville,  ibid.  1. 1,  p.  296. 


CHAPITRE   XI.  179 

4e  cette  ville,  qui  empruntait  elle-même  le  ien  à  la  grande 
forêt  des  Sylvanectes  (1)  ;  elle  ne  présentait  plus,  au  siècle 
dernier,  que  de  faibles  vestiges.  L'inspection  de  la  carte 
permet  d'en  retrouver  les  limites  originelles.  La  forêt 
de  Goulommiers  englobait  la  foret  Basse,  placée  dans 
Cassini  au  nord  de  Coucy,  et  les  grands  bois  des  Avow-s. 
Toute  la  contrée,  jusqu'aux  j:'ivières  de  Souche  et  de  Serre, 
fut  visiblement  recouverte  naguère  d'arbres.  Saint-Nico- 
las-du-Bois,  dont  il  vient  d'être  question,  se  trouve  dans 
une  partie  actuellement  déboisée.  A  l'est  du  bois  des 
Avours,  on  rencontre  un  lieu  maintenant  faiblement  om- 
bragé, dit  le  Mont-de-Forêt,  Les  noms  de  Bussy-les-Ra- 
monts,  Bois-Roger,  Sart-Notre-Dame ,  témoignent  de  la 
présence  ancienne  des  arbres  sur  des  points  qui  en  sont 
actuellement  tout  à  fait  dégarnis.  Le  nom  d'Ardon,  porté 
par  un  village  situé  entre  Bruyères  et  Laon,  n'est  pas 
moins  significatif;  il  rappelle  celui  de  l'Ardenne,  forêt 
dont  celle  de  Voëse  n'est  qu'un  antique  démembrement, 
comme  on  le  verra  plus  loin.  Un  autre  village,  sis  au  sud 
de  Bruyères,  s'appelle  Vorges  ;  ce  mot  semble  être  une 
corruption  du  nom  de  Vosges,  transcription  française  de 
Vosagus.  L'épithète  de  Waste,  que  reçoit  le  village  de 
Monceau,  situé  dans  la  grande  plaine  s'étendant  vers  la 
Souche,  dénote  l'existence  d'une  gâtine  ou  large  défriche- 
ment opéré  anciennement  dans  la  partie  de  la  forêt  qui 
constitua  le  bois  de  Samoucy.  Ce  dernier  bois  représen- 
tait déjà,  à  l'époque  carlovingienne,  comme  on  l'a  vu  plus 
haut,  une  forêt  séparée;  le  village  de  Coussij-les-Aipes 
(Cociaciis  juxta  Apiam),  situé  plus  au  sud,  tire  son  nom, 
ainsi  que  Coucy,  de  la  grande  forêt  primitive  des  Sylva- 
nectes. 

(1)  Voy.  ce  qui  a  été  dit  p.  ôQ,  1 10. 


180  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  L* ANCIENNE  FRANCE. 

Le  reste  le  plus  septentrional  de  la  forêt  de  Voëse  qui 
sépare  le  territoire  des  Bellovaques,  de  celui  des  Sues- 
sions,  semble  être  la  forêt  de  Bouveresse,  appelée  jadis 
forêt  de  Boveresche  ou  de  Beverisse,  sise  au  sud  de  Saint- 
Quentin  et  au  nord  de  Ribecourt.  Nous  possédons  sur 
l'état  de  cette  forêt  en  1260,  un  document  curieux  (1)  qui 
indique  quelles  étaient  alors  les  parties  boisées  entre 
Guiscard,  Montdidier  et  Nesle.  Nous  voulons  parler  d'un 
texte  des  Olim  où  sont  mentionnés  une  foule  de  noms  de 
bois  et  de  forêts,  dont  bon  nombre  ont  totalement  dispa- 
ru (2).  Il  ressort  de  ce  document  que  la  forêt  de  Boveresse 
ne  s'étendait  pas  alors  beaucoup  plus  au  nord  que  ne  l'in- 
dique, 500  ans  plus  tard,  la  carte  de  Gassini.  Les  villages 
de  Solente,  d'Ercheu  (Ilerchieu  dans  le  document),  d'O- 
gnoles,  de  Moyencourt,  les  hameaux  de  Wally,  de  Breuil 
(Breuille  dans  le  document),  existaient  déjà.  Seulement, 
on  mentionne  près  de  Breuil,  un  bois  qui  a  disparu  sur 
la  carte  de  Gassini  {Xe?)ius  qui  cUcitur  Le  Breuille).  Le  nom 
de^Gressy  porté  par  un  village  situé  au  nord  de  la  même 
forêt,  au  voisinage  des  lieux  que  je  viens  de  rappeler,  date 


(1)  Voy.  Olbn,  éd.  Beugnot,  t.  I,  p.  115. 

(2)  Nous  extrayons  de  ce  document  le  passage  suivant,  où  se  trouvent 
mentionnés  bon  nombre  de  ces  bois  :  «  Celerum  dicebant  ipsi  milites  et 
armigeri  quod  a  nemore  de  Rovroy  usque  ad  nemus  quod  vocatur  les 
Conchis  de  Cavaignes,  in  omnibus  terris  arabilibus  que  sunt  inter  dicta 
nemora  de  Rovroy  et  de  Conchis,  usque  ad  rivum  aque  que  vocatur 
"Verse  ;  item  in  omnibus  nemoribus  que  vocantur  les  Conchis  de  Cavai- 
gnes et  de  Gratoil  et  nemoribus  Pétri  de  Kilescort  et  nemore  bastardi  de 
MoUcncort  et  nemore  Raboudi,  militis,  et  nemore  quod  dicitur  Le  Fretoy 
et  nemore  quod  dicitur  les  Conclus  Sancli  Clementis  et  a  dictis  nemoribus. 
in  omnibus  terris  arabilibus  et  possessionibus  silis  inter  dicta  nemora  et 
uquam  (jue  dicitur  Verse,  oxcepto  molendino  de  Tyllencort...  Ilem  a  ne- 
more quod  vocatur  les  Conchis  Sancli  Clementis  in  terris  arabilibus  et 
nemore  (luod  dicitur  Cauda  de  Bucliy  et  aliis  terris  arabilibus  et  posses- 
sionibus usque  ad  Plancham  de  Mevc...  Item  ab  exitu  nemoris  des 
Crous  de  Boveresches  versus  Roienglese  (Royoé'.dise ),  usq\ie  ad  muriiloa 
dicte  ville,  etc.  » 


CHAPITRE   XI.  481 

certainement  d'une  époque  bien  plus  ancienne;  car  il 
doit  avoir  été  imposé,  peu  après  le  défrichement  de  la 
partie  de  la  forêt  où  il  fut  construit.  Au  sud  de  la  forêt 
actuelle  de  Boveresse,  les  limites  n'ont  pas  changé  sensi- 
blement davantage,  puisqu'on  trouve  déjà  mentionnés 
dans  le  document  en  question  les  villages  du  Fretoy  et  de 
Campagne,  d'où  il  suit  que  les  deux  essarts  au  milieu 
desquels  ils  se  trouvent,  sont  antérieurs  au  xiii"  siècle. 

Si,  au  midi  et  au  septentrion,  la  forêt  de  Boveresse  a 
gardé  pendant  cinq  siècles  presque  les  mêmes  limites,  elle 
devait  en  revanche  s'étendre  beaucoup  plus  à  l'ouest  et  au 
sud-ouest,  et  s'avançait  vraisemblablement  jusqu'au  ruis- 
seau deMareuil.  Quand  on  rapproche  les  indications  de  la 
carte  de  celles  de  la  pièce  des  Olim  du  Parlement,  on 
voit  que  tout  le  pays  au  sud  de  Nesle,  de  Roye,  en  tirant 
sur  Montdidier,  a  dû  être  déboisé;  mais  en  1260  ces  bois 
depuis  longtemps  ne  formaient  plus  une  forêt  continue; 
ils  avaient  chacun  leur  nom  particulier  (1).  Gassini  ne 
place  en  ce  canton  que  quelques  bouquets  ;  mais  le 
grand  nombre  de  lieux-dits  formés  avec  le  mot  Rue  révèle 
la  présence  de  l'ancienne  forêt.  C'est  ainsi  qu'à  l'est  de 
Tilloloy,  on  rencontre  la  Rue  de  3Iaiibinsso?iy  la  Rue  des 
Puquettes,  la  Rue  de  l'Abbaye.  Près  de  Gonchy-les-Pots,  lo- 
calité mentionnée  dans  notre  document,  et  au  sud  de  Til- 
loloy, se  trouve  encore  marqué  dans  Gassini  un  bois  de 
quelque  importance.  Au  midi  de  Plessier-de-Roye  repa- 
raissent également  en  foule  les  lieux-dits  formés  avec  le 
mot  Rue  ;  Rue  de  la  Plaine ,  Rue  d'en  haut,  Rue  du  Rraij,  etc. , 
et  plus  au  sud,  Rue  du  Rout,  Rue  du  RJiosne.  Les  deux 
essarts  dont  sur  la  carte  de  Gassini,  la  Potière-Pezzé  et  La 

(I)  Outre  les  bois  cités  dans  le  passage  précédent,  nous  rencontrons 
encore  le  Nemus  de  Bonoil,  le  Nemus  majus  de  Herchieu,  le  Nemus  des 
llalois,  le  Nemus  quod  diciiur  les  Quesnmjs.  etc. 


182   LES  FORÊTS  DELA  GAULE  ET   DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

Toutelle  occupent  à  peu  près  le  milieu,  sont  \isiblement 
d'origine  assez  moderne. 

Tout  concourt  donc  à  nous  faire  admettre  que,  depuis 
le  xiif  siècle,  la  forêt  de  Boveresse  a  été  largement  défri- 
chée dans  sa  région  occidentale. 

Au  nord  de  la  forêt  des  Sylvanectes,  sur  les  confins  de 
la  Picardie,  duCambrésis  et  de  l'Artois,  la  forêt  d'Arouaise, 
dont  j'ai  dcgà  parlé  plus  haut,  reçut,  à  partir  du  xii"  siè^ 
cle,  de  larges  éclaircies.  Elles  furent  dues  surtout  à  la 
fondation  de  l'abbaye  de  Sainte-Trinilé,  autrement  dit 
Saint-Nicolas-d'Arouaise,  en  l'an  1098  (1).  La  carte  de 
Cassini  marque  cette  forêt  comme  complètement  distincte 
et  séparée  par  un  espace  de  plusieurs  kilomètres,  des  bois 
de  Liessies  et  d'Andigny.  Or,  dans  la  demi-lune  défrichée 
qu'enveloppe  le  premier  de  ces  bois,  se  trouve  une  loca- 
lité du  nom  de  Vaux-en-Arrouaise.  On  doit  donc  regar- 
der ces  deux  bois,  ainsi  que  les  forêts  de  Bohain  et  de 
Beaurevoir,  les  bois  de  Tupigny,  d'Hennechies,  de  Gui- 
sancourt  et  quelques  bouquets  voisins,  comme  autant 
de  lambeaux  épars  de  la  forêt  d'Arouaise  (2).  L'établis- 
sement de  la  voie  romaine  qui  traversait  celle-ci  et  qui 
a  laissé  son  nom  à  Estrées-en-Arouaise  (canton  du  Catelet), 
y  appela  les  premiers  défrichements  (3)^  Au  nord-ouest 
de  Saint-Quentin,  dans  un  canton  actuellement  très-dé- 
couvert et  qui  l'était  déjà  au  siècle  dernier,  se  trouve 
Montigny-cn-Arouaise.  D'où  il  suit  que  l'ancienne  Arida 
Gamantia  devait  recouvrir  une  bonne  partie  du  Vermaii- 


(1)  Voy.  Chronic.  Camcrar.  dans  les  Historiens  de  France,  t.  XI, 
p.  128.  —  Gallia  christiana,  t.  III.  Ecoles.  Airebaten.y  col.  433.  Cf.  ce 
qui  a  été  dit  p.  56. 

(?)  Voy.  Melleville,  Dictionnaire  historique  du  départ,  de  l'Aisne,  1. 1, 
p.  40. 

(3)  Voy.  Cocheris,  Notices  et  extraits  relatifs  à  la  Picardie,  t.  II, 
p.  504.  Cf.  ce  quej'ai  dit  p.  56,  note  4. 


CHAPITRE   XI.  183 

dois;  elle  n'était  conséquemment  sépare'e  de  la  forêt  de 
Thiéraclie  que  par  un  espace  de  quelques  kilomètres.  Un 
village  appelé  Pleinc-Selve  rappelle  par  son  nom  la  pré- 
sence, entre  Ribemont  et  IMonceau-le-Neuf,  de  la  forêt. 

Un  acte  de  1322  mentionne  la  foresterie  de  Wimy  (1). 
Cette  forêt,  qui  s'étendait  aux  environs  d'Oliis,  dans  le 
canton  d'IIirson,  a  disparu.  Elle  devait  être  un  démembre- 
ment de  la  forêt  de  Tliiérache,  puisque  le  village  de  Wimy, 
déjà  existant  au  xii^  siècle,  faisait  partie  du  pays  de  ce 
nom  (2).  Sur  la  carte  de  Cassini,  la  forêt  de  Wimy  n'est 
plus  représentée  que  par  de  simples  bouquets  ;  mais  à 
l'entour  de  Wimy,  sont  tracés  plusieurs  chemins  portant 
encore  le  nom  de  Rue  [Rue  de  la  Chasse,  Rue  des  Cen- 
dreux, etc.).  La  forêt  de  Wimy  se  rattachait  au  nord  à  la 
forêt  dite  la  Haie-de-Fourmies,  jadis  propriété  de  l'abbaye 
de  Liessies  et  démembrement  de  la  forêt  de  Thiérache. 
La  fondation,  en  940,  de  l'abbaye  de  Saint-Michel-en- 
Thiérache,  qui  a  valu  son  nom  à  la  forêt  de  Saint- 
Michel,  celle  de  l'abbaye  de  Glerfontaine,  non  moins  riche 
en  bois  que  sa  voisine  (3),  ont  certainement  hâté  la  des- 
truction des  restes  de  la  grande  marche  forestière  du 
Vermandois. 

La  constitution  en  forêts  séparées  des  principales  divi- 
sions de  la  forêt  Charbonnière,  explique  pourquoi  le  nom 
de  celle-ci  disparut  au  moyen  âge.  Déjà,  à  la  fin  du 
xn''  siècle,  elle  n'est  plus  représentée  que  comme  un  bois, 
Nemus  Carboneria  (4).  Dans  sa  partie  nord- est,  la  forêt 


(1)  Cocheris,  ouv.  cit.—  Galliachristiana,  t.  IX,  p.  600.  Eccles.  Audom. 

(2)  McUeville,  ouv.  cit.  t.  II,  p.  476. 

(3)  Coclicris,  ouv.  cil.  t.  II,  p.  517,  526,  592.  Il  est  dit  que  l'abbaye 
de  Saint-Michel  fut  élevée  ad  deseriiim  locum  in  sylva  Teoracia. 

(4)  Voy.  Gislebert.  Montons.  Ilannaon.  Chronic.  dans  les  Historiens 
de  France,  t.  XVIII,  p.  377. 


184   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

Charbonnière  avait,  à  la  même  époque,  fait  place  à  des 
bois  et  des  forêts  désignés  par  des  dénominations  spé- 
ciales. Il  existait  alors  aux  environs  de  Maubeuge  quatre 
bois  distincts,  ceux  de  Tiloit,  de  Faiisc,  de  ('oui<imis  et 
d'Aumône  {E leemosi/)ia)  (1),  qui  ont  aujourd'hui  disparu 
ou  n'ont  laissé  de  traces  que  dans  le  bois  de  Jeumont  et 
quelques  autres  bouquets  placés  aux  alentours  de  cette 
ville.  Ainsi,  dès  la  fin  du  xu'  siècle,  la  forêt  de  la  Fagne 
avait  cessé  d'envelopper  Maubeuge,  et  l'éclaircie,  au 
milieu  de  laquelle  cette  ville  s'éleva,  était  déjà  ancienne, 
puisque,  dès  avant  le  viii''  siècle,  une  abbaye,  celle 
d'Hautmont  (Alttis  jnons)  (2),  avait  été  construite  aux 
environs,  en  un  point  de  la  forêt  qui  fut  vraisemblable- 
ment défriché  à  la  même  époque.  Le  bois  de  Beaufort, 
qui  allait  rejoindre  sans  doute  la  forêt  de  la  Haye  d'A- 
vesnes  (3),  est  très-probablement  un  débris  de  cet  ancien 
manteau  forestier.  Les  noms  de  Choisi/,  de  Sart,  du 
Censé  du  Farjet  (4),  qui  se  rencontrent  dans  le  voisinage, 
indiquent  autant  de  points  où  s'étendait  jadis  la  forêt. 
Dans  leCambrésis,  la  forêt  de  Mormal  continuait  à  re- 
présenter le  reste  le  plus  important  de  la  forêt  Char- 
bonnière. A  en  juger  par  la  carte,  elle  s'étendait  origi- 
nairement de  Landrecy  à  Bavay  et  au  Quesnoy.  Bavay, 
existant  déjà  du  temps  des  Romains,  devait  être,  dès  le 
commencement  de  notre  ère,  une  des  limites  de  la  forêt. 

(1)  Hannon.  Chronic.  ibid. 

(2)  Gallia  Christian,  t.  III,  col.  1 14.  Eccles.  Camer. 

(3)  Rappelons  ici  que  le  nom  de  Haye,  Ifayes  désignait,  non  une  hair, 
une  enceinte,  comme  aujourd'hui,  mais  une  portion  de  forêt  assez  éten- 
due et  réservée  pour  différents  besoins  du  seigneur.  Elle  tira  son  nom  de 
la  clôture  {iiaga  ou  haia],  qui  la  circonscrivait.  On  désignait  sous  le 
nom  de  plessis  une  portion  de  foret  fermée  par  une  clôture  de  bois  vif 
dont  les  branches  s'entrelaçaient. 

(4)  Fagetum,  lieu  planté  de  hêtres.  Le  hêtre  est  une  des  essences  domi- 
nantes des  forêts  du  Ilainaut. 


CHAPITRE    XI.  185 

Landrecy  ne  se  trouve  guère  mentionné  que  dans  les 
chartes  du  xiii^  siècle,  où  il  est  appelé  Landericiacum. 
Le  Quesnoy  apparaît  chez  les  chroniqueurs,  dès  le 
xp  siècle,  sous  le  nom  de  Quercetiim.  On  est  donc  en 
droit  de  supposer  que  la  forêt  de  Mormal,  qui  a  toujours 
été  nécessairement  bornée  à  l'est  par  laSambre,  embras- 
sait, antérieurement  aux^  siècle,  le  territoire  de  Landrecy 
et  celui  du  Quesnoy,  où  s'élevaient  des  futaies  de  chênes 
qui  ont  valu,  plus  tard,  à  la  ville  son  nom  (i).  A  une 
époque  moins  reculée,  dans  la  direction  ouest,  furent 
ouverts  les  grands  essarts  de  Preiix-aux-Bois,  Bobersat  et 
Montgarny  (2). 

A  la  fin  du  xvii''  siècle^,  les  clairières  qui  entourent  Lo- 
quignoljl'Hermitage  et  Grande-Pàture,  existaient  déjà (3), 
et  dévastes  défrichements  avaient  été  opérés  dans  la  di- 
rection sud-ouest.  On  estimait  alors  la  superficie  de  la 
forêt  de  Mormal  à  46,722  arpents  50  verges  (4).  Elle  est 
aujourd'hui  de  16,948  arpents  ;  ce  qui  prouve  que  les 
améliorations  faites  à  son  aménagement  au  xviif  siècle, 
lui  avaient  rendu  quelque  peu  de  son  antique  splen- 
deur (5). 

La  Sambre  séparait  la  forêt  de  Mormal  de  celles  deNou- 
vion  et  d'Arouaise.  J'ai  déjà  parlé  de  la  seconde  de  ces 
forêts.  Les  bois  du  Toillon,  le  bois  de  l'Evêque  doivent 
être  des  démembrements  de  la  première.  Ce  dernier  bois 


(1)  Le  chêne  forme  encore,  dans  la  forêt  de  Mormal,  de  magnifiques 
lutaies. 

(2)  Voy.  Plans  des  forcis  des  provinces  des  Flandres,  Artois,  Hai- 
nault  et  pai/s  d'entre  Sambre  et  Meuse  et  Outre-Meuse,  dont  la  réforma- 
lion  a  été  faite  par  MM.  L.  Féronpère  et  fils,  après  la  paix  de  Nimègue, 
suivant  les  ordres  du  roy,  mss.  l)ibl.  de  l'Arsenal,  in-4°,  n»  288,  hist. 

(3)  Voy.  Féron,  ?nw.  cité. 

(4)  Ibid. 

(5)  Voy.  Dieudonné,  Statistique  du  déparlemenl  du  Nord,  t.  I,  p.  282. 


186   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

se  trouve  au  nord-ouest  d'un  canton  forestier  apj)elé  h 
Haye  Catelaine  dont  le  sépare  une  plaine  de  5  à  6  kilom^ 
très  et  au  centre  de  laquelle  se  trouve  le  hameau  du  Sart\ 
qui  montre  par  son  nom  que  toute  cette  étendue  était 
boisée.  La  forêt  de  Nouvion  n'est  elle-même  qu'une  frac 
lion  qui  s'est  anciennement  détachée  de  la  forêt  de  Thi( 
rache,  dont  a  également  fait  partie  la  forêt  de  Regnaval  oi 
Renneval.  Non  moins  réduite  que  la  forêt  actuelle  d^ 
Nouvion,  cette  forêt  en  constitua  d'abord  le  canton  le  plus 
méridional,  de  même  que  le  bois  d'Andigny  en  représenta 
l'ancienne  partie  occidentale.  La  forêt  de  Nouvion  fut 
bonne  heure  limitée  par  deux  Toies  romaines  demeurées 
pendant  des  siècles  de  grands  chemins  de  communication, 
à  savoir  :  à  l'ouest,  celle  qui  traversait  une  partie  de  lî 
forêt  d'Arouaise  et  qui  valut  à  Etreux-Landrenat  son 
nom  ;  à  l'est,  celle  qui  passait  par  Estrez  et  par  Etreung- 
la-Chaussée. 

Au  nord-ouest  de  la  forêt  de  Nouvion,  la  forêt  de  Vi- 
cogne  dont  j'ai  parlé  comme  existant  à  l'époque  des  Car- 
lovingiens  et  qui,  sur  la  carte  de  Cassini,  n'est  déjà  plu< 
représentée  que  par  un  grand  bois  dit  «  bois  de  Vicognc 
et  de  Saint-Amand,  »  fut  dans  le  principe  une  simple  sub- 
division de  la  grande  forêt  Charbonnière  et  dut  compren- 
dre la  forêt  de  Gondé,  que  l'Escaut  partage  en  deux.  Ondis- 
cerneencoresur  la  carte  des  traces  nombreuses  de  son  an- 
tique extension  à  l'ouest.  Toute  la  rive  gauche  de  la  Scarpe, 
jusqu'au  bois  situé  au  sud  de  Tournay,  est  semée  de  loca- 
lités dont  les  noms  dénotent  l'ancienne  présence  des 
arbres;  tels  sont  ceux  de  Sautbois,  de  Court-aux-Bois,  Le 
Chùiie-Sartaiijne,  Mue-du-Bois.Vne  multitudedelieuxsitués 
en  des  points  découverts  et  parfois  très-éloignés  de  la  fo- 
rêt actuelle^  portent  le  nom  de  Rue.  Nous  citerons  notam- 
ment :  Itiie-Vcrdrei'ie,  liiie-Roteleux,  Rue  delà  Place ^  Rue 


CHAPITRE   XI.  187 

de  Fressij,  Rue  de  Quiez,  RiieduSart,  etc.  ARuedeMariy, 
Cassini  indique  encore  un  bouquet. 

A  l'ouest  d'Orcliies,  les  Rois  du  Roi  dessinent  un  der- 
nier lambeau  de  la  partie  de  la  forêt  Charbonnière  qui 
s'étendait  au  sud  jusqu'au  voisinage  de  Douai,  comme  le 
rappelle  le  nom  de  La  Forest  porté  par  un  \illage  sis  un 
peu  au  nord  de  cette  dernière  ville.  C'est  là  que  passe  la 
frontière  de  l'ancien  Artois.  Ce  canton  de  la  forêt  Char- 
bonnière a  dû  conséquemment  constituer  la  marche 
des  Atrébates.  Une  charte  de  l'an  937  mentionne,  dans  les 
environs  de  Saint-Amand,  une  forêt  appelée  Rlangiacus 
(Blangy)  et  dont  la  position  n'est  pas  nettement  fixée  (1). 
C'était  là  encore  un  autre  débris  de  la  grande  forêt 
Carbonière. 

Les  bois  que  l'on  coupait  dans  cette  forêt  étaient  vrai- 
semblablement embarqués  sur  l'Escaut  et  conduits  de 
là  sur  les  bords  de  l'Océan,  où  ils  servaient  à  construire 
des  nefs  qui  hantaient  la  haute  mer.  Au  temps  des  Car- 
lovingiens,  Tournay  et  Valenciennes  étaient  des  ports 
importants  (2). 

II  arriva  pour  la  forêt  Charbonnière  et  pour  celle  de 
Mormal  qui  en  représenta  dans  la  suite  le  plus  grand 
morceau,  ce  qui  advint  pour  une  foule  d'autres;  les  mo- 
nastères fondés  à  leur  voisinage  ou  dans  leurs  clairières 
en  hâtèrent  le  démantèlement.  Dès  le  vu"  siècle,  s'élevèrent 
les  abbayes  de  St-Amand  {Elnonense  M onasterium)  (3), 
dans  le  diocèse  de  Tournay,  et  sur  les  bords  de  la  Scarpe, 


(1)  Voy.  Historiens  de  France,  t.  IX,  p.  587,  c. 

(2)  Ces  doux  villes  sont  indiquées  comme  des  ports  dans  la  légende  de 
leurs  monnaies  carlovingiennes.  Voy.  A.  de  Longpérier,  Notices  des  mon- 
naies françaises  de  la  collection  Rousseau,  \).  226. 

(3)  Galiia  christiana,  tom.  III,  col.  254.  Eccles.  Tornac.  Cf.  V.  de 
Courmaceul,  Histoire  de  la  ville  et  de  l'abbaye  de  Sai?it- Arnaud,  p.  2. 
(Valenciennes,  18G6.) 


188  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

dans  le  diocèse  d'Arras,  ceux  de  Hasnon  et  de  Marchienf  Bi 
nés  (1).  En  i039,  des  religieux  de  l'abbaye  d'Arouaise 
vinrent  fonder  dans  le  premier  de  ces  diocèses  l'abbaye  de 
St-Christophe  de  Falempin  (2).  Vers  1125,  Alman  de  Pont 
donna  au  prêtre  anglais  Guidon,  pour  y  construire  un 
monastère,  un  lieu  de  la  forêt  de  Vicogne  ;  l'abbaye  en 
prit  le  nom  (St- Sébastien  de  Vicogne);  en  1234  s'élevait 
près  de  Douai,  celle  de  Flines  ou  Félines  (3).  La  partie  de 
la  forêt  de  Vicogne  où  furent  construites  les  abbayes 
de  Hasnon  et  de  Marchiennes  et  qui  s'étendait  sur  la  rive 
droite  de  la  Scarpe,  était,  au  siècle  dernier,  très-faiblement 
boisée.  Un  petit  canton  bien  cultivé,  la  Pévèle,  s'était    , 
formé  aux  dépens  de  la  forêt  près  de  laquelle  s'éleva  ori-  ^ 
ginairement  l'abbaye  de  Saint-Amand.  Le  petit  bois  de 
Raches  est  tout  ce  qui  subsistait  de  la  forêt  qui  avait     ; 
environné  le  territoire  de  Flines.  Les  cantons  de  l'an-    | 
cienne  forêt  Charbonnière,  qui  devinrent  des  propriétés 
de  ces  abbayes,  après  avoir  constitué  des  forêts  isolées, 
disparurent  ainsi  graduellement  (4). 

Au  diocèse  d'Ypres,  limitrophe  de  celui  de  Tournay, 
une  autre  abbaye,  celle  de  Vestines  sur  la  Lys  {Wateniœ 
ou  Guateniœ),  fut  pareillement  fondée  dans  l'essart  d'une 
forêt  dont  elle  amena  l'entière  destruction  (5). 

A  l'est  de  la  forêt  de  Vicogne  et  de  Nouvion,  la  forêt  dite 
LaUayed'  Avesnes,  dont  j'ai  parléci-dessus,  servait  comme 
de  raccordement  entre  la  forêt  Charbonnière  et  celle  des 

(1)  Galliachristiana,  t.  III,  coL  393,  399.  Eccles.  Atrebal. 

(2)  Jbid.  t.  III,  col.  294.  Ecoles.  Tornac.  —  Les  bois  de  Falempin 
occupaient  encore  à  la  lin  du  xvii*  siècle  une  superficie  de  1549  arpents 
98  perches.  Voy.  Féron,  mss.  cité. 

(3)  Gallia  chrisliana,  t.  III,  col.  463.  Eccles.  Alrehalens. 

(4)  Voy.  Dieudonné,  Slotislirjue  du  dcparlement  du  Nord,  1. 1,  p.  281 . 

(5)  Gallia  chrisliana,  L  V,  col.  345.  Dans  le  même  diocèse  existait 
l'abbaye  de  Nonnenbosch,  bâtie  avant  le  xii*  siècle  dans  la  forêt  de  Ru- 
metre  {Rumelra  sylva)  qui  n'existe  plus  aujourd'hui. 


CHAPITRE  XI,  189 

\rdennes.  Elle  ne  tarda  pas  à  constituer  une  forêt  isolée, 
et  c'est  ainsi  qu'elle  est  indiquée  dans  Cassini.  Plus  au 
isud,  la  Haye  dWuhenton  représente  un  autre  trouçon  de 
lia  bande  qui  unissait  dans  le  principe  l'Ardenne  à  la  forêt 
iCharbonnière  et  qui  n'était  autre  que  la  continuation  de 
la  Theoracia  Sylva  ou  forêt  de  Thiérache  dont  j'ai  déjà 
parlé  (1). 

Cette  forêt  de  Thiérache  recouvrait,  au  xii*^  siècle,  le  ter- 
ritoire compris  entre  la  Serre,  Guise  et  le  Nouvion  :  elle  a 
laissé  son  nom  à  un  bois  marqué  encore  comme  assez  im- 
portant dans  Cassini,  et  qui  s'est  peut-être  rattaché  au 
nord  à  la  forêt  de  la  Fagne,  dont  il  est  séparé  par  le  terri- 
toire de  Chimay;  ses  parties  centrale  et  méridionale  fu- 
rent de  bonne  heure  défrichées.  La  ville  de  Guise  {Guisia), 
dont  la  fondation  est  antérieure  au  xii*^  siècle,  fut  élevée 
dans  un  de  ses  e.-sarts  et  tire  son  nom  du  celte  coat  par 
lune  altération  semblable  à  celle  qui  donna  le  mot  Cuise. 
Auxxiii®  et  xiV  siècles, certaines  communautés  religieuses, 
particulièrement  les  abbayes  de  St-Denis,  de  Foigny,  de 
Thenaille,  accélérèrent  le  défrichement  de  la  forêt  de 
Thiérache  ;  il  fut  encore  étendu  au  xvi^par  les  cendriers, 
qui,  pendant  cinquante  ans,  brûlèrent  tout  le  menu 
bois  leur  tombant  sous  la  main.  La  forêt  devait  s'étendre 
originairement  à  l'est  jusqu'à  l'Aisne.  Le  bois  de  la  Mal- 
maison, le  bois  d'Angoutte,  près  duquel  est  une  localité 
appelée  La  Ville  aux  Bois,  en  sont  certainement  des  dé- 
bris. Plusieurs  noms  très-significatifs  marquent  des  points 
où  s'étendait  anciennement  la  forêt  ;  tels  sont  La  Selve, 
village  situé  au  sud  du  Gros-Dizy,  Chaource  (2)  en  Thié- 
rache, village  situé  sur  les  bords  de  la  Serre,  à  Test  de 


(1)  Voy.p.  56.  Cf.  Melleville,  Dklionn.hhlorlq.  d-c  l'Aisne, i.  il.  {>.  370. 

(2)  Yoy.  ce  qui  a  été  dit  sur  ce  nom,  p.  100. 


I 


190   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE 

Rozoy  en  Thiérache;  Sevigny,  village  situé  au  sud  du  bois 
de  Voilep,  et  où  il  faut  peut-être  reconnaître  le  Sylvinia- 
cum  mentionné  dans  une  charte  de  1380  comme  se  trou- 
vant au  voisinage  du  bois  de  Valencourt  (1). 

La  forétde  Thiérache  s'était  graduellement  subdiviséeen 
plusieurs  cantons  qui  devinrent  des  forêts  distinctes,  et 
parmi  lesquelles  il  faut  compter  les  forêts  de  Wattigny,  de 
St-Michel,  d'Origny,  de  Renneval,  deNouvion,  les  grands 
bois  de  Ilonduin  et  de  Ciny,  les  haies  de  Vigneux,  de 
Ghaource,  de  Guise,  d'Artaing(2).  J'ai  déjà  parlé  ci-dessus 
de  quelques-unes  de  ces  forêts.  La  haie  de  Ghaource  {Ca- 
lusiacum,  et  par  corruption  Cadussa,  Cûdurca,  O/oursius) 
occupait  jadis  l'espace  compris  entre  la  Serre  et  le  Gros- 
Dizy.  Au  xii"  siècle,  elle  appartenait  aux  seigneurs  de 
Rozoy,  et  l'un  d'eux  la  donna  en  12 10  aux  moines  de  St-De- 
nis,  avecledroitde  l'essarter  (3).  La  haie  deVigneux  s'éten- 
dait du  village  de  ce  nom  jusqu'aux  rives  de  la  Serre;  elle 
fut  également  défrichée  par  les  moines  de  St-Denis  qui  en 
étaient  propriétaires  (4).  Quant  à  la  forêt  d'Origny  {Sylva 
Origniaci),  elle  s'étendait  autrefois  vers  le  confluent  du 
Thon  et  de  l'Oise  (5). 

Ainsi  encore  au  moyen  âge,  malgré  des  défrichements 
nombreux,  surtout  dans  sa  région  nord-est,  l'ancienne 
forêt  Gharbonnière  avait  laissé  des  vestiges  aussi  étendus 
que  multipliés.  Tout  l'ancien  territoire  des  Ncrviens  con- 
servait la  plus  grande  partie  de  son  manteau  forestier. 
La  forêt  de  la  Fagne  formait  la  lisière  méridionale  de  la 
grande  forêt  qui  recouvrait  dans  le  principe  le  Ilainaut 

(1)  Voy.  V.  J.  Lecaipenlier,  Histoire  de  Cambray.  Preuves,  p.  56. 
Peut-être  était-ce  Selvigny. 

(2)  Melleville,  ouv.  cit.,  t.  Il,  p.  370. 

(3)  Melleville,  ouv.  cit.,  t.  I,  p.  206. 

(4)  Melleville,  ouv.  cit.,  t.  II,  p.  447. 

(5)  Melleville,  ouv.  cit.,  t.  11,  p.  185. 


CHAPITRE   XII.  191 

et  le  Brabant  (1).  De  la  Sambre  à  la  Meuse,  le  réseau  arbo- 
rescent devenait  plus  épais  et  plus  serré;  on  entrait  alors 
dans  ce  qui  représentait  à  proprement  parler  la  forêt  des 
Ardennes. 

L'extension  de  la  culture,  due  à  l'introduction  vers  le 
xYi^  siècle,  dans  le  nord  de  la  France,  des  plantes  oléagi- 
neuses, telles  que  le  colza  et  la  navette  (2),  donna  plus  de 
valeur  aux  terres  arables  et  poussa  au  défrichement.  Aussi 
est-ce  à  cette  époque  qu'il  faut  rapporter  l'essartement  de 
divers  cantons  des  forêts  qui  viennent  d'être  passées  en 
revue. 


(1)  Voy.  ce  que  j'ai  dit  de  cette  forêt,  p.  54,  60. 

(2)  Voy.  G.  Dareste  de  la  Gtiavanne,  Histoire  des  classes  agricoles  en 
France^  2«  édit.,  p.  491. 


192    LES  FORÊTS  DE  LA  CAULE  ET  DE  l'aNCIEN'NE  1  RANGE. 


CHAPITRE  XII. 

FOKKT    DES    ARDEXNE?,   —     l'aRGO.VNE,    FORÊTS    DU     BARHOIS,     PE    LA 

LORRAINE. 

La  forêt  des  Ardeimes  ne  présentait  plus,  sans  doute, 
au  moyen  âge,  cette  étendue  gigantesque  qu'elle  avait  au 
temps  de  César  ;  ses  profondeurs,  longtemps  impéné- 
trables, avaient  été  maintes  fois  violées,  et  de  vastes  clai- 
rières devenues  bientôt  des  cantons  peuplés  et  cultivés, 
l'avaient  fractionnée  en  plusieurs  forêts  distinctes.  Ce- 
pendant le  souvenir  de  la  grandeur  de  son  domaine  vivait 
encore*  dans  les  imaginations.  C'était,  comme  l'appelle 
l'auteur  du  roman  de  Doon  de  IMayence  : 

La  grande  forest  qui  moult  fort  verdoict  (1), 

la  grande  forêt  de  la  France  par  excellence. 

On  a  rappelé  plus  haut  le  rôle  qu'elle  joua  dans  nos 
vieilles  chansons  de  geste,  les  légendes  qui  couraient  à 
son  sujet.  Ajoutons  qu'une  des  aventures  romanesques 
imaginées  sans  doute  par  nos  jongleurs,  qui  jouirent  aux 
siècles  derniers  de  plus  de  popularité,  avait  reçu  un  can- 
ton des  Ardennes  pour  théâtre.  Il  s'agit  de  l'histoire  si 
touchante  de  Geneviève  de  Brabant,  que  son  époux  Sige- 
froi,  palatin  d'Ottendinck,  retrouva  dans  une  des  retraites 
les  plus  inaccessibles  de  la  forêt,  là  où  plus  tard,  suivant 
la  tradition,  s'éleva  la  chapelle  de  Fraucnkirchen,  que 
visitent  encore  les  pèlerins  des  provinces  rhénanes.  La 
victime  de  la  scélératesse  de  Golo  prit,  dans  la  vénération 
des  paysans  ardennois,  la  place  de  la  Diane  Arduenna  dont 

(1)  Un  des  principaux  éjtisodcs  de  cette  chanson  se  passe  a  en  chele 
grant  forest  qui  Ardane  a  à  nom.  »  Voy.  Doon  de  Mayence,  chanson 
de  geste,  publiée  par  A.  Pey.  p.  43  et  suiv,  (Paris,  1859). 


CHAPITRE   XII.  193 

le  culte  avait  laissé  des  traces  dans  les  superstitions  lo- 
cales. 

Malgré  la  réduction  notable  de  la  forêt,  on  lui  attri- 
buait encore  au  xvi«  siècle  une  étendue  gigantesque;  on 
assurait  qu'elle  allait  de  l'Escaut  au  Rhin.  En  effet,  André 
Thevet  en  fait,  dans  sa  Cosmographie  universelle^  la  des- 
cription suivante  (i)  :  «La  forest  d'Ardenne,  ayant  une 
grande  estendue,  va  depuis  Trêves  du  Rhin  avant,  jus- 
qu'aux limites  de  Trêves,  jusqu'aux  Nerviens  (qui  est  le 
comté  de  Hainault  et  Artois),  contenant  plus  de  cent  lieues 
de  longueur.  Quant  à  cette  large  forest  tant  célébrée,  c'est 
peu  de  chose  aujourd'hui,  qu'il  n'y  a  seigneur  y  préten- 
dant droit  qui  ne  la  fasse  abattre  et  démolir,  pour  en  ti- 
rer du  profit.  Jadis  elle  embrassait  les  pays  de  Hainault, 
Luxembourg,  Bouillon,  Bar,  Lorraine,  Limbourg,  Metz, 
Namur,  Mayence,  Confluents  et  Cologne,  voire  encore  à 
elle,  soubz  soy  la  plus  part  du  pays  de  Liège,  tirant  à 
l'ouest...  Et  vers  les  Belges,  l'extrémité  de  ceste  forest  est 
prise  aux  rivières  de  Meuse  et  d'Escault;  car,  quant  à  la 
Moselle,  du  côté  de  l'est,  elle  est  encore  ombragée  de  cette 
forêt  de  la  part  de  Trêves.  » 

Là  où  des  villes,  des  villages  n'avaient  pas  chassé  les  ar- 
bres, les  moines  se  chargèrent  de  ce  soin.  Une  foule  d'ab- 
bayes, dont  quelques-unes  donnèrent  naissance  cà  des 
villes,  ont  été  fondées  dans  l'Ardenne.  Déjà,  à  la  fin  du 
xii®  siècle,  existaient  celles  à^Eslam,  appelée  depuis  El- 
lant  {Ellantium)  (2),  de  Signy  {Signiacum)  (3),  à'Orval 
{Aiirea  vallis)  (4),  de  Saint-Hubert  {Andagimim)  (5),  de 

(1)  Livre  XVI,  c.  14. 

(2)  Voy.  G  allia  christ,  t.  IX,  col.  310,  Eccles.  Bemens.  Cette  abbaye 
fut  fondée  en  1148. 

(3)  G  ail.  christ,  ibid.,  col.  304.  Kccl.  Remens. 

(4)  Gall.  christ,  t.  XIII,  Eccles.  Trevir.  Cette  abbaye  date  de  11-24. 

(5)  Gall.  christ,  t.  III,  col.  966,  Eccl.  Leod.  Cette  abbaye  dale  de  087. 

13 


194   LES  FORÊTS  DE  L\  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Saint-Trond  OU  Trityon  [Sanctiis  Trudo  ou  Sarcmium)  (1).  ' 
Quand  on  jette  les  yeux  sur  la  carte,  on  reconnaît  l'em- 
))lacement  de  la  plupart  de  ces  monastères  (2)  à  des  es- 
sarts  s' étendant  parfois  sur  une  longueur,  une  largeur  de 
plusieurs  myriamètres  et  dont  ils  occupaient  le  centre. 
Plusieurs  ont  laissé  leur  norn  aux  cantons  de  l'Ardenne 
où  ils  avaient  été  élevés. 

Malgré  ces  éclaircies,  il  subsistait  encore,  il  y  a  deux 
siècles,  une  large  zone  forestière,  orientée  à  peu  près  du 
sud-ouest  au  nord-ouest,  et  recouvrant  la  province  de 
Namur,  les  principautés  de  Bouillon  et  de  Luxembourg, 
les  évôchés  de  Trêves  et  de  Liège.  Les  nombreuses  val- 
lées du  Condros  étaient  alors,  comme  elles  le  demeurent 
aujourd'hui,  tapissées  de  futaies  (3),  surtout  multipliées 
aux  environs  de  Dinant  et  de  Bouvignes.  Dans  le  pays 
d'Hervé  et  la  Famenne,  au  contraire,  les  essences  fores- 
tières semblent  avoir  été  de  fort  bonne  heure  clairsemées. 
Dès  l'antiquité,  les  vastes  étendues  marécageuses  que  l'on 
nomme  Hautes-Fagnes  (4)  {HoJie-Wehen),  analogues  aux 
Hautes-Chaumes  des  Vosges,  devaient  interrompre  çà  et  là 
les  fourrés  ;  elles  se  sont  seulement  depuis  agrandies. 

Les  larges  essartements  subis  par  la  forêt  d'Ardenne 
expliquent  pourquoi,  dès  le  xii*  siècle,  on  en  mentionne  des 
parties  comme  des  forets  distinctes,  ayant  des  noms  spé- 

(1)  GaU.  chrisl.iAW,  col.  952,  Eccl.  Leod.  Celte  aLbayo  date  de  Tan 
G62. 

(2)  Ajoutons  encore  ù  cette  abbaye  celle  de  Bellefaget  [Ddlofagelum), 
lilacée  au  voisinage  d'une  forél  qui  était  un  démembrement  de  l'Ardenne 
et  dont  Robert,  évèquc  de  Verdun,  lui  fil  cession  en  1215.  Voy.  GalUa 
christ,  t.  III,  col.  lOiO,  Eccles.  Leod.  L'abbaye  de  Pruim,  fondée  en  720 
à  10  lieues  de  Trêves,  fut  bùlie  dans  un  lieu  qui  était  déjà  déboisé.  GaUia 
Christian,  t.  Xlll,  col.  58!J.  Eccles.  Trevirens. 

(3)  Voy.  d'Omalius  d'IIaloy,  Coupd'œil  sur  la  géologie  de  la  Belgique, 
1».  27  ^Bruxelles,  1843). 

(4)  "Voy.  Dufrénoy  et  Elu  de  Beaumont,  Explication  de  la  carie  géolo- 
Qiquc  de  la  France,  t.  I,  p.  243. 


CHAPITRE    XII.  195 

ciaux  ;  par  exemple,  on  trouve  citée  dans  le  diocèse  de 
Namur,  près  de  Bromes,  une  sylva  Cipeleis  (i),  et  les  An- 
nales de  Saint-Bertin  (2)  parlent  déjà  de  la  fo.èt  de  la 
Fagne  (3),  qui  s'étendait,  au  siècle  dernier,  de  la  rivière 
d'Epte  au  sud  de  Philippeville,  et  dont  j'ai  parlé  plus  haut. 
Cette  forêt,  ainsi  que  les  bois  de  Signy,  forme  le  trait 
d'union  entre  l'Ardenne  et  l'ancienne  forêt  Charbonnière, 
celles  de  Thiérache  et  du  Laonnais. 

Un  espace  de  quelques  lieues  séparait  encore,  au  siècle 
■dernier,  les  débris  de  la  forêt  de  Thiérache  de  celle  de 
Alazarin,  l'un  des  grands  tronçons  de  l'Ardenne,  qui 
s'avance  jusqu'à  la  Sémoy  et  se  déploie  au  nord  de  Don- 
€hery  et  au  nord-est  de  Charleville. 

La  forêt  de'Mortagne,  sise  entre  la  Sambre  et  la  Meuse, 
représente  un  autre  des  plus  importants  débris  de  k 
partie  de  l'Ardenne  qui  recouvrait  le  diocèse  de  Namur. 
Sous  le  règne  de  Louis  XIV,  elle  offrait  une  superficie  de 
14,530  arpents  (4).  C'est  au  milieu  de  cette  forêt  qu'avait 
été  bâti  le  monastère  de  Bronium  ou  Saint-Gérard-de- 
firogne  (5).  Depuis  l'an  928,  auquel  en  remonte  la  fonda- 
tion, la  forêt  fut  rejetée  au  delà  du  territoire  du  monas- 
ière.  Toutefois,  les  abbés  et  les  religieux  de  Saint-Gérard 

(1)  Chronic.  Valciodorens.  cœnoh  ,  dans  les  Ilisloricns  de  France. 
t.  XIV,  p.  515. 

(2)  Ilistorieiys  de  France,  t.  VII,  p.  110,  p.  514 

(3)  Le  nom  de  Fagne  est  encore  donné  aujourd'hui  à  des  Lois  qui  sont 
les  dé]>ris  de  cette  ancienne  forêt  -.  la  Fagne-de-Trélon,  la  Fagne- 
dc-Suins.  Dans  un  bréviaire  manuscrit  qui  se  conserve  aux  archives  de 
.Saint-Omer,  il  est  fait  mention  d'une  Fagina  sijlva.  (Voy.  Du  Gange, 

Gloss.  med.  el  infxm.  latin,  éd.  Henschel,  s.  h.  v.  Dieudonné,  Slatisl.  du 
(lép.  du  Nord,  t.  I,  p.  283.)  M.  Mougy  {Mém.  de  la  sociclê  de  Lille, 
1850,  p.  lOG)  remarque  que  le  nom  d'j  Fagne  paraît  indiquer  qu'à  une 
«'ïpoque  reculée  cette  forêt,  dont  le  chêne  est  aujourd'hui  l'essence  domi- 
nante, n'était  i)euplée  que  de  hêtres.  Voy.  toutefois  ce  qui  a  été  dit  p.  54. 

(4)  Féron,  mss.  cilé. 

(J)}  Gall.  christ,  t.  III,  col.  540.  Fcclrs.  Namiirc. 


496   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

conservèrent  le  privilège  de  choisir  tous  les  ans  trois 
hêlres  dans  la  forêt  (1). 

J'ai  déjà  dit  que  les  bords  delà  Moselle  avaient  subi,  dès 
l'époque  de  la  domination  romaine,  un  vaste  défrichement 
qui  dégarnit  toute  la  marche  septentrionale  du  pays 
desMédiomatrices.  Le  Sonnerwald,  qui  s'étend  entre Bin- 
gen  et  Simmern,est  le  vestige  le  plus  septentrional  de  celte 
foret.  Ausone,  qui  l'avait  traversé  dans  son  voyage  sur  la 
Moselle,  y  fait  allusion  dans  ces  deux  vers  : 

L'nde  iter  ingrediens  nemorosa  per  avia  solum 
Et  nuUa  humani  spectans  vestigia  cultus. 

(Au SON.  MoseU.  v.  5,  6.) 

Toutefois,  l'extrémité  orientale  du  pays  Messin  conserva 
son  aspect  forestier.  Avant  la  cession  du  canton  de  Bit- 
che  à  la  France,  les  forêts  étaient  presque  ce  qu'elles 
avaient  été,  six  siècles  antérieurement,  et  dans  un  espace 
de  quinze  années,  le  gouvernement  en  vendit  93,595  chê- 
nes (2).  Actuellement,  elles  embrassent  encore  une  super- 
ficie de  20,553  hectares  (3,i.  M.  V.  Simon,  dans  une  intéres- 
sante notice  sur  leSablon,  près  Metz,  a  signalé  l'existence 
d'un  bois,  situé  sur  le  versant  nord  de  la  Raque,  qui  a 
envahi  une  voie  antique;  cette  circonstance  démontre 
clairement  l'extension  des  forêts  dans  la  contrt'C,  après  In 
domination  romaine  (4). 

Au  xii*  siècle,  quand  fut  fondée  près  des  bords  de  la 
Sarre,  non  loin  de  la  ville  actuelle  de  Sarrelouis,  le  mo- 

(1)  Féron,  mss.  cilc. 

(2)  Verronais,  Slatisliqne  du  dcparlrmenl  de  la  Moselle  (Metz,  18-ii, 
in-8»),  p.  62. 

(3;  L'hiver  de  1709  a  amené  dans  ces  forêts  une  grande  dévastation, 
à  laquelle  sont  venus  se  joindre,  quarante  ans  plus  tard,  en  1750,  les 
aballs  de  plus  de  cinquante  mille  arbres  faits  inconsidérément  pour  le 
fomptc  de  la  Hollande. 

{\,  \oy.  Mémoire  de  l'acadcmic  de  Met:,  an.  1848.  18i9. 


CHAPITRE    XII.  197 

nastère  de  Wadegotia  {Wadegasscn),  son  emplacement 
était  en  partie  couvert  de  bois  (1).  Or,  on  trouve  encore 
indiqué  sur  la  carte  de  Cassini,  un  bois  au  sud  de  l'abbaye; 
ce  qui  prouve  que  l'état  forestier  n'aurait  pas  sensiblement 
changé.  Ce  bois  est  certainement  un  démembrement  de 
la  partie  de  l'Ardenne  qui  longeait  la  rive  gauche  de  la 
Sarre  et  qui  a  dû  originairement  comprendre  au  sud  les 
forêts  de  Longeville  (2)  et  de  Saint-Avold,  à  l'est  celle  de 
Gueslanter.  Peut-être  englobait-elle  celle  de  Remilly, 
beaucoup  plus  méridionale  et  qui  fut  longtemps  une  pro- 
priété des  évêques  de  Metz.  Au  nord-ouest,  ce  prolonge- 
ment de  l'Ardenne  se  rattachait  à  la  forêt  de  Gallenho- 
ven  (3),  sise  entre  le  Nied  français  et  la  Moselle;  il  courait 
ainsi  parallèlement  à  la  région,  plus  fortement  boisée  au- 
jourd'hui, qui  s'étend  sur  la  rive  droite  de  la  Sarre  et  où 
la  grande  forêt  du  prince  de  Nassau,  indiquée  dans  Cas- 
sini, s'est  formée  d'un  démembrement  de  l'Ardenne  pri- 
mitive. 

Sur  la  rive  gauche  de  la  Moselle,  aux  confins  du  domaine 
des  évêques  de  Metz  et  du  comté  de  Briey,  se  rencontraient 
plusieurs  forêts  assez  étendues  ;  c'est  là  que  furent  fondées, 
en  l'an  1090,  l'abbaye  deSaint-Pierremont,  et  vers  1132 
celle  de  Justemont  (4).  La  première  donna  naissance  à  une 
clairière  quasi-circulaire,  au  centre  de  laquelle  s'éleva  le 
village  d'Avril.  Les  bois  de  Thionville,  situés  en  face  de 
cette  ville,  sur  la  rive  opposée  de  la  rivière,  et  la  forêt  de 
Mangienne  sontles  restes  de  ce  prolongement  de  l'Ardenne. 


(1)  Gall.  Christian,  t.  XIII,  col.  658.  Ecoles.  Trevirens. 

(2)  C'est  près  de  cette  forêt  que  fut  fondé,  vers  587,  le  monastère  de 
Longeville  ou  Glandièrcs  dit  Sainl-Marlin-aux-Chênes.  Gallia.  Christian. 
t.  XIII,  col.  841.  Ecoles.  Melons. 

(3)  Voy.  ce  que  j'ai  dit  plus  haut  de  cette  forêt,  p.  CO. 

(4)  Gall.  christ,  t.  XIII,  col.  938,  949.  Fccks.  Melons. 


198    LES  FORÊTS  DE  LA  GALLE  ET  DE  l'anCIENNE  FRANCE. 

Une  autre  zone  forestière,  beaucoup  plus  fractionnée, 
formait  comme  la  bordure  méridionale  de  la  forêt  des  Ar- 
dennes  et  poussait  au  sud  de  longs  rameaux  presque  per- 
pendiculaires à  la  l%ne  principale.  Ce  réseau  séparait 
jadis  les  territoires  des  Rèmes,  des  Médiomatrices  et  des 
Leuques;  il  embrassait  les  forêts  des  anciens  évêchés  de 
Verdun  et  de  Toul,  du  Barrois  et  du  diocèse  de  Nancy. 

La  première  grande  forêt  que  cette  zone  nous  présente 
est  celle  d'Argonne  ;  elle  recouvre  les  deux  versants  d'une 
chaîne  de  petites  montagnes  dirigée  du  sud  au  nord  dans  le 
département  de  la  ^leuse^  et  pouvant  être  regardée  comme 
la  frontière  naturelle  entre  la  Champagne  et  la  Lorraine. 
Cette  chaîne  constitue  la  ligne  de  faîtes  qui  sépare  les  eaux 
de  la  Manche  de  celles  de  la  mer  du  Nord.  La  forêt  d'Ar- 
gonne est  mentionnée  parle  moine  Richer  (i),  qui  écri- 
vait au  x^  siècle,  et  citée  par  divers  chroniqueurs  (2), 
Elle  appartint  longtemps  aux  comtes  de  Toul  (3).  C'est 
du  vu"^  au  \if  siècle,  qu'on  en  poursuivit  activement  le  dé- 
frichement, surtout  aux  environs  de  monastères  qui  y 
avaient  été  fondés,  et  entre  lesquels  nous  citerons  l'abbaye 
de  Beaulieu  {BeUus  /oci^s),  dit  Beaulieu-en-Argonne,  élevée 
en  642  dans  un  lieu  de  la  forêt  infesté  de  bêtes  fauves  (4), 
rétablie  en  1015  (5).  Non  loin  de  ce  monastère  fut  bâtie  plus 
tard  une  abbaye  de  femmes  de  l'ordre  de  Prémontré  qui 
dut  à  sa  situation  dans  la  forêt,  son  nom  de  Si/lva  domina- 
rum  (6).  En  1134,  un  autre  monastère  fut  fondé,  comme 

(1)  Richer,  Ilisior.  III.  13,  t.  II,  »28,  éd.  Guadet. 

(2)  Voy.  la  Chronique  rimée  de  Philippe  Mouskes,   2i,987,  t.   IL 
p.  471,  éd.  ReilTenberg. 

(3)  Yoy.  Ilist.  ecdés.  et  civile  de  Verdun,  par  un  chanoine  de  la  ville, 
p.  198.  Paris,  1745,  in-4°. 

(4)  Gallia  Christian,  t.  XIII,  col.  IIGO.  Ecoles.  Verdun.  Il  est  dit  rjiu- 
l'abbaye  fut  fondée  in  loco  ubi  erant  lustra  ferarum. 

(5)  Beaulieu  se  trouve  dans  la  partie  méridionale  de  l'Argonne. 

(6)  Gallia  Christian,  t.  IX,  col.  180.  Eccles.  Remens. 


CHAPITRE    XII.  199 

celui  de  Beaulieii,  dans  la  partie  méridionale  de  l'Argonne, 
mais  plus  à  l'ouest;  c'est  celui  de  Sainte-Marie,  généra- 
lement connu  sous  le  nom  de  Moutier-en-^Argonne  {Monas- 
terium  m  Argonna)  (1).  Ses  religieux  ont  puissamment 
concouru  à  l'éclaircissement  de  la  région  de  la  foret  dans 
laquelle  il  avait  été  édifié.  Les  défrichements  dus  à  la 
présence  de  ces  abbayes,  bien  que  notables,  laissèrent  ce- 
pendant encore  à  la  forêt  d'Argonr<^  une  étendue  considé- 
rable, comme  on  en  peut  juger  par  la  superficie  qu'elle 
offrait  au  siècle  dernier.  Elle  représentait  alors  une  lon- 
gue bande  dirigée  du  nord  au  sud,  et  sise  à  l'ouest  de  Gler- 
mont,  dit  Clermont-en-Argo7me.  Sa  limite  septentrionale 
était  plus  anciennement  la  petite  rivière  d'Aire,  dont 
les  bords,  à  l'est  de  Grandpré,  s'éloignaient  peu  de  la 
lisière  de  la  forêt;  mais  antérieurement  la  forêt  devait 
s'étendre  beaucoup  plus  au  nord,  et  il  n'est  pas  témé- 
raire d'admettre  que  la  forêt  de  Dieulet,  sise  au  sud  de  la 
Meuse,  non  loin  de  Mouzon  (département  des  Ardennes), 
en  a  originairement  constitué  la  tête.  Cette  forêt  de  Dieu- 
let, une  des  plus  importantes  du  pays  de  Sedan  (2),  a  subi, 
aux  xiv  et  XY"  siècles,  de  larges  défrichements,  comme  le 
montre  le  vaste  essartde  Beaufort,  marqué  sur  la  carte  de 
Cassini  ;  elle  a  dû  former  unemêmc  chaîne  avec  l'Argonne, 
dont  les  anneaux  aujourd'hui  détachés  se  retrouvant  dans 
les  bois  de  Montigny,  la  forêt  et  les  bois  de  BrieullC;, 
les  forêts  de  Hesse,  de  Souilly,  etc.  A  l'ouest,  l'Argonne 
devait  s'avancer  originairement  jusqu'à  l'Aisne.  Au 
sud,  le  nom  de  Villiers-en-Argonne ,  qui  rappelle  sa  pré- 
sence, montre  qu'elle  se  prolongea  dans  le  principe  jus- 

(1)  Gallia  Christian,  t.  IX,  col.  9G7.  Ecoles.  Calalaunens. 

(2)  Voy.  le  mss.  de  la  Bibl.  imp.  intitulé  :  Procès-verbaux  et  autres 
actes  touchant  la  forêt  de  Dieullet  appartenant  au  roij  à  cause  de  sa  sei- 
gneurie de  Mouzon. 


200   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

qu'à  rOrnain.  L'Aisne  se  retrouvait  aussi  comme  fron- 
tière de  la  foret  à  l'angle  sud-ouest,  en  un  point  qui  fait 
face  à  l'emplacement  de  l'abbaye  de  Ghatries. 

Au  delà  de  l'Ornain,  les  forêts  reparaissaient  de  distance 
en  distance;  mais  on  n'était  plus  dansrArgonne,ou  péné- 
trait en  Champagne.  Nous  reparlerons  de  ces  forêts,  en 
traitant  de  l'état  forestier  de  la  province  de  ce  nom. 

De  la  grande  région  de  l'Argonne,  s'était  détachée  à  une 
époque  déjà  fort  ancienne  la  Voëvre  ou  Voivre,  en  latin 
Vcpriu.  ou  Vabria,  pays  qui  s'étendait  entre  la  Meuse  et  la 
Moselle,  de  Longwy  à  Gommercy,  et  que  Grégoire  de 
Tours  (i)  désigne  sous  le  nom  depagus  Vabrensis.  C'était 
une  antique  conquête  de  la  culture  faite  sur  la  Wara  ou 
Vavra  sylva  encore  subsistante,  comme  on  l'a  vu,  au  temps 
des  Garlovingiens.  Son  nom  qui  est  resté  à  un  petit  bois 
situé  au  nord-est  de  Colombey,  près  de  la  voie  romaine 
venant  de  Neufcbâteau^,  paraît  indiquer  une  forêt  couverte 
de  buissons  {Vêpres)  (2).  La  Voivre  doit  avoir  été  une 
région  de  l'Argonne,  où  les  bois  taillis  et  les  broussailles 
remplaçaient  les  arbres  de  haute  futaie.  C'est  dans  ce  can- 
ton, en  un  lieu  qui  s'appelait  d'abord  Richismanilj  que 
fut  fondé  en  1132  le  monastère  de  Saint-Benoît,  qui  prit 
le  nom  de  Saint-Benoît-en-Voivre  {S.  Benedictus  in 
\  epria  (3). 

En  résumé,  la  région  forestière  et  montagneuse,  désignée 


(1  Grégoire  de  Tours,  Ilisl.  Franc.  IX,  Q.Lepagns  Vahrensis  tenait 
à  l'est  à  l'Antenne,  car  le  caslnnn  Vabrense  se  trouvait  à  liuit  milles 
d'Yvoy-Carignan. 

,2)  Voy.  ce  qui  a  été  dit  p.  H  1 ,  note  8,  des  localités  jadis  boisées  por- 
tant ce  nom.  On  retrouve  en  Normandie  une  forêt  de  Vièvre  (Vievra) 
(Ordcric-Vital,  XII,  p.  365,  éd.  Leprévost)  voisine  de  Saint-Martin-Saint- 
Firmin.  C'est  la  Vevrœ  foresta  ou  Vevrse  vendu  dont  il  est  question  dans 
les  comptes  de  S.  Louis.  Historiens  de  France^  t.  XXII,  p.  575,  602. 

(3)  Gallia  Christian,  t.  XIH,  col.  944.  Eccles.  Metens. 


CHAPITRE   XII.  201 

SOUS  le  nom  d'Argonne,  commençait,  au  sortir  delà  grande 
plaine  crétacée  de  Valmy,  avec  la  forêt  de  Sainte-Mene- 
hould,  encore  considérable  à  la  fin  du  xyi*^  siècle  (1).  Les 
sinuosités  répétées,  formées  par  les  mamelons  ombragés 
qui  se  présentent  après  qu'on  a  gravi  la  bande  de  grès 
vert,  valurent  peut-être  à  la  forêt  son  nom  (2).  Celle-ci 
constituait  la  ligne  principale  du  réseau  forestier  qui  re- 
couvrait les  anciens  diocèses  de  Verdun  et  de  Toul  ;  ce 
réseau  a  toujours  été  s'éclaircissant.  Au  x'^  siècle,  les  pentes 
escarpées  que  baigne  la  Meuse,  près  de  Verdun,  étaient 
tapissées  d'une  longue  forêt  (3).  Au  reste,  l'inspection  de 
la  carte  fait  facilement  découvrir  quel  a  été  l'état  forestier 
primitif  du  pays  entre  la  Meuse  et  la  Moselle.  Les  bois  de 
La  Marche,  de  Foug,  d'Ugny,  qui  se  succèdent  du  nord 
au  sud,  celui  d'Ocliey,  placé  au  sud-est,  apparaissent 
comme  autant  de  lambeaux  d'une  grande  ceinture  de  fo- 
rêts anciennement  lacérée.  Dans  les  forêts  ou  bois  de  la 
Reine,  les  rois  d'Austrasie  avaient  une  résidence  {i^egia 
mansio)  qui  valut  à  Royaumex  son  nom  ;  ils  se  livraient  à 
la  chasse  dans  les  fourrés  environnants  plus  étendus  et 
plus  épais  alors  qu'aujourd'hui.  Le  souvenir  d'une  reine 
de  ce  temps  s'attache  encore  à  ces  bois  (4).  Gommercy, 
qui  donne  son  nom  à  une  forêt  voisine,  située  sur  la  rive 
gauche  de  la  Meuse,  était  enveloppé  d'une  zone  sylvestre. 


(1)  Celte  forêt  est  mentionnée  comme  importante  en  1573.  Voy.  Fon- 
lanon,  Les  édicts  et  ordonnances  des  roys  de  France,  2*  édit.  t.  II,  p. 
•2(50. 

(2)  Ce  nom  semble  être  formé  du  celtique  yican,  courbe,  précédé  de 
l'article  ar.  Peut-être  aussi  n'esl-ce  qu'une  altération  du  mot  Arduenna. 

(3)  Richer,  Histor.  lll,  101;  t.  Il,  p.  125,  éd.  Guadet. 

(4)  Suivant  la  tradition,  elle  fut  ainsi  appelée,  en  souvenir  de  Brune- 
haut;  mais  lo  nom  de  Foresla  regia  Ermandia,  sous  lequel  elle  est  dési- 
gnée au  moyen  âge,  fait  plutôt  songer  à  une  veine  Ermengarde,  sans 
doute  la  femme  de  Louis  lo  Débonnaire.  Voy.  Lepage,  Le  déparlemenl 
de  la  Mcurllie,  l   II,  p.  497. 


202   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Au  nord  de  cette  ville,  les  noms  de  Cousances-aux-Bois, 
Lignières,  Mesnil-aux-Bois,  rappellent  la  présence  des 
arbres.  A  l'ouest  et  au  sud,  les  forêts  du  Saulcy  et  de 
Ligny  sont  d'autres  tronçons  détachés  de  la  même  cein- 
ture qui  devait  aussi  englober  les  Bois-du-Roi  sur  la  fron- 
tière du  Barrois. 

Une  déclaration  royale  de  1682,  autorisant  ceux  qui 
avaient  la  jouissance  de  nombreux  bois  de  propriété  ec- 
clésiastique, à  ne  pas  se  soumettre  aux  règles  imposées 
par  l'ordonnance  d'août  1669  sur  la  coupe  et  l'exploita- 
tion, atteste  qu'à  cette  époque  la  végétation  était  encore 
si  riche  dans  les  évéchés  de  Metz,  Tout  et  Verdun,  qu'il  y 
avait  utilité  à  favoriser  l'essartement  et  la  création  de- 
villages  sur  le  sol  forestier  (1). 

Moins  boisés  que  le  pays  d'Argonne  et  que  l'évêclK' 
de  Verdun,  les  évêchés  de  Toul  et  de  Nancy  présentaient 
cependant  des  forêts  importantes.  Dans  un  acte  de  897, 
contenant  une  concession  au  monastère  de  Saint-Evre  (2), 
il  est  question  d'une  forêt  de  Saint-Étienne  et  d'une  autre 
de  Saint-Evre  {Sancti  Stephani  et  sancti  Api-i  sijlva') 
comme  étant  situées  le  long  de  la  Moselle.  Une  charte 
de  donation  de  Conrad-le-Salique  à  la  même  abbaye  (3) 
mentionne  d'autres  bois  étendus.  Une  charte  de  con- 
cession de  Gharles-le-Gros,  renouvelée  par  Gharles-le- 
Simple,  parle  d'une  forêt  située  près  de  l'église  Saint - 

(1)  Voy.  les  termes  de  cette  déclaration  dans  Conférence  de  l'ordon- 
nance de  Louis  XIV  du  mois  d'aoïU  1C69,  sur  le  fait  des  eaux  et  forêts, 
nouv.  édit.  t.  II,  p.  179.  On  y  lit  :  «  D'autant  plus  que  la  plus  grande 
liartie  des  dits  bois  sont  situés  en  des  pays  presque  déserts  et  inhabitables, 
i-X  ne  peuvent  jamais  être  presque  d'aucune  utilité  pour  être  trop  éloi- 
gnés des  villes,  et  qu'il  serait  même  à  souhaiter  qu'il  y  eût  assez  de  peu- 
ples pour  se  servir  des  dits  bois  pour  bâtir  des  maisons  et  les  essarter  et 
défricher,  etc.  » 

(2)  Voy.  Historiens  de  France,  t.  IX,  p.  397. 

(3)  R.  P.  Benoit,  Histoire  ecclésiastique  de  Toul,  preuves,  p.  xxv. 


CHAPITRE   XII.  203 

Etienne  (1)  qui  doit  être  Tune  de  celles  qui  fut  concédée 
au  monastère  de  Saint-Èvre.  Des  débris  de  cette  foret  de 
Saint-Étienne  se  reconnaissent  dans  le  bois  de  Villey- 
Saint-Étienne,  qui  allait  rejoindre  certainement,  dans  le 
principe,  ceux  de  Fougues  et  de  Blénod.  Au  même  pays, 
la  forêt  de  Haye  occupait,  sur  les  deux  riyes  de  la  Moselle, 
un  espace  beaucoup  plus  étendu  qu'aujourd'hui,  puisque 
sur  la  rive  droite  qui  fait  face  à  celle  que  couvre  la  forêt 
de  Haye,  sont  des  localités  appelées  Villers-en-Haye,  et 
Rozière-in-Haije  (2).  Cette  branche  de  la  forêt  de  Haye, 
située  sur  la  rive  droite  de  la  Moselle,  devait  aller  rejoindre 
la  forêt  de  Pont-à-Mousson,  actuellement  très-réduite. 
C'est  dans  un  des  bois  dont  étaient  semés  les  bords  de  la 
Moselle,  de  Nancy  à  Metz,  que  fut  fondée,  en  1126,  l'ab- 
baye de  Sainte-Marie-aux-Bois  {S.  Maria  in  Nemore),  au- 
trement dit  Sainte-Marie-Majeure  (3). 

Il  est  à  supposer  qu'une  grande  forêt  existait  aussi  à 
l'extrémité  nord-est  du  diocèse  de  Nancy,  là  où  fut  élevée 
l'abbaye  de  Haute-Seille ;\a.forme  latine  de  son  nom  {A/ta 
sTjlva  le  donne  du  moins  à  penser  (4).  Il  se  pourrait  tou- 
tefois que  ce  ne  fût  point  à  une  forêt,  mais  à  une  rivière, 
que  cette  abbaye  ait  dû  son  nom;  car  la  contrée  où  le 
monastère  fut  fondé  eu  1140,  paraît,  dès  cette  époque,  avoir 
été  peu  boisé  (5). 

(1)  Benoît,  OUI',  cil.  p.  x,  xv. 

(î)  On  trouve  aussi  ViéviUe-en-Hmje,  Vilaine -en- Haye.  Tout  le  canton 
a  gardé  le  nom  de  l'ancienne  foret. 

(3)  Voy.  Gallia  Christian,  t.  XIII,  col.  1127.  Eccles.  Tullens. 

(4)  Voy.  Gallia  chrislian.  t.  XIII,  1372.  Eccles.  Nanceiens.,  et  ce  qui 
a  été  dit  plus  haut,  p.  101 . 

(5)  Voy.  la  carte  de  Cassini.  Il  ne  reste  plus  que  les  petits  bois  de  la 
Haute-Seille  et  de  Cirey,  qui  sont  contigus.  Entre  ces  derniers  et  la 
Sarre,  on  rencontre  encore  une  localité  appelée  la  Forêt,  et,  au  sud  d'une 
ancienne  abbaye,  sur  la  rive  gauche  de  la  Vezouze,  on  trouve  des  lieux 
appelés  Dois-Coupé.  Dois-de-la-Grange,  laGrande-Uaye,  là  oùles  arbres 
ont  disparu. 


1204   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

L'ancien  diocèse  de  Nancy  peut  donc  être  considéré 
comme  représentant  une  vaste  clairière  ouverte  entre 
l'Ardenne,  l'Argonne  et  les  Vosges.  Une  partie  de  la  région 
vosgienne  dépendait  de  la  Lorraine,  mais  comme  d'autres 
de  ses  parties  appartenaient  à  l'Alsace,  et  qu'on  ne  saurait 
scinder  l'étude  de  l'état  forestier  de  l'une  et  de  l'autre, 
nous  remettrons  au  chapitre  suivant  ce  que  nous  avons  à 
en  dire. 

Nous  ajouterons  seulement  qu'une  marche  forestière 
marquait  la  séparation  entre  la  région  vosgienne  propre- 
ment dite  et  la  Basse-Lorraine  :  marche  formée  par  quel- 
ques forêts  importantes,  celles  de  Charmes,  de  Fraise, 
celle  de  Romont,  qui  se  joignait  à  l'E.  à  une  suite  de  bois 
taillis  occupant  un  canton  qui  avait  reçu,  comme  celui 
dont  il  a  été  question  plus  haut,  le  nom  de  Voivre  (1)  et 
où  fut  fondée  au  vii^  siècle  l'abbaye  d'Estival. 

(1)  Un  village  au  sud  d'Estival  a  conservé  le  nom  de  La  Voivre;  un 
peu  au  nord  d'Epinal  se  trouve  aussi  un  bois  de  la  Voivre  qui  s'est  sans 
doute  détaché  de  la  forêt  d'Epinal. 


CHAPITRE  XIII.  :205 


CHAPITRE  XIII. 


ANCIEN  ÉTAT  FORESTIER  DES  VOSGES  ET  DE   L  ALSACE.   —  DISTRICTS 
FORESTIERS  DE  LA  SOUABE. 


Les  sommets  arrondis  des  Vosges^  comme  une  foule  de 
chaînes  de  montagnes  de  l'Europe  moyenne  et  septentrio- 
nale, devaient  encore,  au  moyen  âge,  être  enveloppés  par 
l'épais  manteau  d'arbres  que  la  carte  dePeutinger  désigne 
sous  le  nom  de  Srjlva  Vosagiis.  A  en  juger  par  ce  qui  en 
subsiste  aujourd'hui,  des  amas  de  hêtres,  de  sapins 
blancs,  de  sapinettes  recouvraient  les  pentes  du  Baren- 
kopf,  du  Bossberg,  du  Hohneck,  du  Gresson,  du  Ballon 
cV Alsace,  du  Grand-Ventron,  du  Ballon-de-Guebwiller  (1). 
Toutefois,  ces  forêts  étaient  déjà  interrompues  par  les 
grandes  clairières  naturelles  qui  s'observent  dans  les 
Vosges,  là  où  sont  des  cimes  élevées  et  qu'on  appelle 
Hautes- Chaumes  {Calvi  montes)  (2).  En  effet,  la  nature  du 
sol  dut,  en  certains  points  de  la  montagne,  toujours  s'op- 
poser à  la  végétation  arborescente.  Les  géologues  ont  re- 
marqué que  le  grès  vosgien  donne  naissance  à  un  terrain 
léger  et  arénacé  peu  propre  à  la  culture,  mais  où  réus- 
sissent fort  bien  les  arbres  et  les  taillis,  en  sorte  que  les 
limites  du  sol  boisé  sont  souvent  indiquées  par  celles 


(1)  Dufrénoy  et  Elie  de  Beaumout,  Explicalion  de  la  carie  géologique 
de  France^  t.  I,  pag.  278  et  suiv. 

(2)  Voy.  H,  Hogard,  Descripl.  du  système  des  Vosges,  p.  19.  Epinal, 
1837,  et  II.  Lcpagc  ctCharton,  Le  départemenl  des  Vosges,  t.  II,  p.  121. 
Los  forêts  sont  aujourd'hui  plus  abondantes  à  l'est  et  au  sud-est  de  la 
chaîne  des  Vosges  que  dans  l'ouest  du  déparlement,  qui  est  plus  cnlro- 
mclé  de  coteaux. 


^OG   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIEMNE  FRANCE. 

mêmes  du  grès  vosgien.  Le  grès  bigarré,  au  contraire,  ne 
produit  qu'un  sol  froid,  impropre  à  la  culture  forestière  : 
aussi,  à  son  voisinage,  voit-on  disparaître  peu  à  peu  le 
liètre,qui  se  mêle  au  sapin  sur  le  versant  septentrional  des 
Vosges,  et  au  chêne  sur  le  versant  méridional  (1).  C'est 
surtout  à  dater  du  xv'^siècle,  que  la  chaîne  des  Vosges  s'est 
vue  dépouillée  de  ses  majestueux  ombrages  dont  des 
lambeaux  importants  subsistent  encore  aux  flancs  des 
vallées  de  la  Thur,  de  la  Vologne,  de  Plancher  et  d'An- 
dlau. 

De  petits  lacs  tout  entourés  de  forêts  {Waldseé),  tels  que 
ceux  deGérardmer,  de  Longemer,  de  la  Maix,  de  Sternsee, 
ajoutaient  encore  à  l'humidité  entretenue  par  les  arbres 
qui  sont  maintenant  éloignés  de  leurs  bords;  mais  avant 
de  les  abandonner,  ils  ont  jonché  de  leurs  rameaux  et  de 
leurs  feuilles  le  fond  de  ces  lacs  dans  les  tourbières  des- 
quels ils  se  sont  accumulés  (2). 

La  présence  si  multipliée  encore  de  bois  et  de  forêts 
explique  pourquoi  les  traditions  relatives  à  la  disparition 
des  arbres  ne  se  rencontrent  pas  autant  dans  cette  région 
de  la  France  qu'ailleurs.  Les  wœlder,  qui  recouvrent  des 
espaces  assez  considérables  dans  les  parties  nord  et  oue.-t 
du  département  du  Bas-Rhin,  s'avançaient,  il  y  a  quelquo 
siècles,  jusqu'au  voisinage  du  fleuve;  en  sorte  que  sur  di- 
vers points,  le  Rhin  semblait  s'ouvrir  un  passage  à  travers 
une  immense  forêt.  Les  retraites  ténébreuses  des  Vosges 
et  celles  de  la  Forêt-Noire  ne  formaient  en  réalité  qu'un 
même  tout^,  un  seul  et  même  manteau  arborescent.  L'Al- 

(1)  Voyez,  sur  tous  ces  faits,  Daubrée.  Description  gc'olog.  ol  min>  - 
lalog.  du  départemenl  du  Das-IViin,  Strasbourg,  1852,  p.  270  et  suiv. 

(2)  Voy.  Dufrénoy  et  Élie  deBeaumont,  oitv.  cit.  ]>.  275.  C'est  ce  qu'on 
ùliserve  notamment  au  lac  de  Foudromey,  où  Ton  voit  beaucouj)  d'ilols 
tourbeux,  couverts  de  bouleaux,  et  qui  changent  déplaces.  Ce  lac  estélevé 
■I  ]tlu^  do  200  mètres  au-dessus  du  Rupt. 


CHAPITRE  xi:i.  207 

saceel  une  portion  de  la  haute  Lorraine,  quoique  séparées 
de  l'Allemagne  par  un  large  cours  d'eau,  y  appartiennent 
par  l'aspect  physique  comme  par  l'histoire.  Si  ces  deux 
provinces  faisaient  partie  de  la  Gaule,  si  les  frontières 
naturelles  les  donnent  incontestablement  à  la  France, 
la  nature  comme  les  événements  du  passé  en  font  un 
prolongement  des  contrées  germaniques  ;  elles  consti- 
tuaient la  marche  qui  séparait  la  race  germanique  de  la 
race  celtique.  Dès  une  haute  antiquité,  en  etïet,  des  popu- 
lations germaines  avaient  passé  le  Rhin  et  occupé  sa  rive 
gauche.  Au  nord  de  l'Alsace,  les  forêts  de  Haguenau,  du 
comté  deHanau,  au  sud,  les  bois  du  Roi,  de  Strasbourg, 
la  longue  bande  quasi-longitudinale  que  trace  la  forêt  de 
la  Hartt,  celle  d'Ensisheim  sont  des  appendices  de  la 
grande  forêt  vosgienne.  Le  sol  de  la  plupart  de  ces  forêts 
renferme  de  nombreuses  sépultures  attestant  le  séjour 
de  populations  celtiques  ou  germaines  (1).  Au  moyen 
âge,  bon  nombre  de  ces  forêts  étaient  encore  communes, 
et  la  jouissance  en  appartenait  à  ce  qu'on  appelait  des 
marches,  groupes  de  villages  et  de  hameaux  ayant  une 
administration,  une  justice,  une  constitution  commu- 
nes (2).  Ainsi,  la  forêt  d'Aspruch,  partie  septentrionale 
de  celle  de  Haguenau,  dépendait  de  la  marche  de  Hatgau, 
(|ui  comprenait  Hatten,  les  deux  Betschdorf,  Rittershofen 
et  quatre  autres  villages  (3).  Certaines  fractions  de  la 
ibrêt  vosgienne  appartenaient  à  des  abbayes.  Telle 
était  la  forêt  de  Hildenhusen,  sise  au  s.id  de  la  Zorn  et 


(1)  Voy.  M.  de  Ring,  Tombes  celtiques  de  l'Alsace,  2^  édit.,  p.  3,  17, 
■27.  Ci'S  lombes  ont  ôlé  découvertes  dans  les  forêts  de  Hatten,  Seltz,  Ha- 
guenau, Schirrheim,  Brumath  {canlon  dû  Sloclavinkel),  Schelestadt,  Rix- 
heim,  delà  Hartt,  de  l'Allmend  ou  d'Ensisheim,  Voy.  ce  qui  est  dit,  p.  38. 

(2)  Voy.  sur  ce  qu'on  appelait  it/arA;  en  Alsace,  Hanauer,  La  conslilu- 
lio)i  des  campagnes  de  l'Alsace  au  moyen  âge,  p.  45  (1865,  in-S*»). 

(3)  Hanauer,  ouv.cil.  p.  127,  128. 


208   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

qui  était  comprise  dans  les  propriétés  de  l'abbaye  de 
Marmoutier  (1).  Les  seigneurs  travaillaient  déjà  à  s'en  at- 
tribuer la  possession.  En  1527,  le  comte  Philippe  de  Hanau 
tenta  vainement  de  retirer  aux  habitants  du  Hatgau  la 
jouissance  de  la  forêt  d'Aspruch.  Un  long  procès  s'ensui- 
vit devant  la  chambre  impériale,  qui  ne  fit  que  mieux 
mettre  en  lumière  les  droits  de  ceux-ci  (2).  Profitant  des 
droits  d'usage  étendus  que  l'abbaye  de  Marmoutier 
avait  concédés  à  ses  ancêtres  dans  la  forêt  d'Hilden- 
husen,  Pierre,  comte  de  Lutzelbourg,  prétendait  s'em- 
parer de  celle-ci.  Son  fils  Reginold  dut  les  rendre  aux 
moines  (3). 

Les  habitants  des  Vosges  prenaient  un  soin  attentif  d< 
leurs  forêts  communales;  ils  avaient  des  icaldmeisterchm- 
gés  de  surveiller  les  bois,  de  dénoncer  les  délits,  de  rendre 
compte  des  revenus  à  la  communauté  (4).  D'autres  fois, 
c'étaient  les  forestiers  {Forsteier)  du  seigneur  ([ui  surveil- 
laient les  usagers  dans  l'intérêt  de  la  colonge  ou  de  la 
marche,  et  les  rotules  que  l'on  a  conservés  déterminent 
en  détail  les  droits  de  chaque  village,  de  chaque  indi- 
vidu (5). 

Cependant,  malgré  cette inteUigente  administration,  de- 
forêts  furent  dévastées,  des  parties  en  furent  abattues.  Cel;^ 
arriva  surtout  au  xvr  siècle,  après  la  guerre  des  Paysans. 
Des  traditions  parlent  de  ces  destructions.  Des  forêts 
recouvraient,  dit-on,  jadis  les  coteaux  d'Attigny,auxquel'^ 


(1)  Hanauer,  om\  cil.,  p.  57. 

(2)  Ibid.,  p.  127,  128. 

(3)  Jbid.,  p.  57. 

(4)  Ibid.,  p.  127. 

(5)  Hanauer,  les  Paysans  de  l'Alsace  au  moyen  âge,  Etudes  sur  h' 
cours  colonfjères  de  l'Alsace,  p.  49,  50  (1865,  in-8).  On  voit  par  rim]ior- 
tanle  étude  do  M.  l'abbé  Hanauer  que  tout  était  réglé  pour  que  les  usa- 
ges n'outrepassassent  pas  leurs  droits  de  simple  usage. 


CHAPITRE   Xlll.  209 

se  rattachent  des  légendes  et  des  superstitions  popu- 
laires (i).  Les  emplacements  de  Gérardmer  et  d'Auzain- 
villiers  passent  de  même  pour  avoir  été  couverts  de 
bois  (2). 

La  contrée  qui  comprend  le  département  de  la  Moselle 
et  le  nord  de  celui  du  Bas-Rhin,  liait  la  forêt  des  Vosges  à 
celle  des  Ardennes.  Dans  ces  deux  départements,  la  région 
forestière  est  demeurée  considérable.  Les  chênes,  les  char- 
mes, et  parfois  les  hêtres  dominent  dans  la  partie  occi- 
dentale de  l'ancien  pays  messin  (3);  le  pin  sylvestre 
apparaît  près  de  Greutzwald,  en  allant  vers  Bitche,  et 
surtout  aux  frontières  de  l'Alsace. 

Cette  dernière  province  est  aujourd'hui,  eu  égard  à  son 
étendue,  la  plus  forestière  de  la  France.  Malgré  le  dé- 
boisement qu'ont  subi  ses  montagnes,  la  vallée  du  Rhin 
s'est  aussi  fort  dégarnie.  Le  département  du  Haut-Rhin  ne 
possède  plus  aujourd'hui  que  deux  forêts  domaniales  en 
plaine,  celles  de  Kusten  {Kustemoald)  et  de  la  Hartt  (4). 
La  tradition  orale  et  les  témoignages  écrits  s'accordent 
pour  représenter  les  forêts  alsaciennes  comme  ayant  été 
considérablement  réduites.  Les  îles  du  Rhin  furent  jadis 
couvertes  d'aunes,  de  frênes,  d'ormes  et  de  charmes.  Le 
canton  de  Soultz,  quoique  encore  fort  boisé,  a  pourtant 
perdu  ses  massifs  de  mélèzes  (5).  Les  forêts  de  Bienwald  et 
de  Haguenau  dessinaient  une  zone  étendue,  avant  que 

(1)  Voy.  Lepage  et  Charton.  Le  dcparlemenl  des  Vosges,  tom.  II, 
p.  19,  20. 

(2)  Lepage  et  Charton,  ibid. 

(3)  Verronais,  Slalislique  du  département  de  la  Moselle  (Metz,  1844, 
in-8°),  p.  62. 

(4)  Voy.  Onimus,  Mémoire  sur  Valiénation  et  le  défrichement  de  la 
forêt,  et  sur  les  irrigations  du  territoire  de  la  Harlh.  Golmar,  18GG 
(Extrait  de  la  Revue  d'Alsace). 

(5)  Laumond,  Slalisl.  du  Uas-Rhiii,  p.  38.  La  forêt  de  Soultz-sous-Fo- 
rêts  présente  encore  un  assez  notable  développement.  On  y  observe  une 
pierre  énorme  dite  Hexenstein,  la  Pierre  des  Sorcières,  qui  jiaraît  avoir 

U 


210   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

les  ravages  des  guerres  de  la  première  république  les  eus- 
sent resserrées  entre  des  limites  beaucoup  plus  étroites. 
La  forêt  de  la  Ilartl,  qui,  comme  son  nom  l'indique,  était 
la  foret  de  l'/Vlsace  par  excellence  (I),  occupait  une  étendue 
de  22  lieues  entre  Bàle  et  ^larkolsheim  (2). 

Les  pins  sylvestres  qui  constituent  l'essence  dominante 
dans  la  forêt  de  Haguenau,  distribuent  leurs  bouquets  sur 
un  sable  quartzeux  provenant  de  la  désagrégation  du 
grès  des  Vosges;  ceux-ci  sont  actuellement  très-clair-se- 
més  et  alternent  avec  des  essarts  qui  ne  remontent  pas  à 
une  époque  ancienne. 

La  forêt  d'Obernlieim,  qui  occupe  le  versant  oriental  des 
Vosges,  adù  se  joindre  à  celle  du  Bande  la  Roche  et  redes- 
cendre, sur  l'autre  versant,  jusqu'au  Champ-de-Feu,  dont 
le  sol,  de  nature  amphibolique,  présente  une  riche  végé- 
tation arborescente  (3).  Le  nom  de  Waklerbach  rappelle 
la  présence  des  forêts,  et  celui  de  Bruche  dénote  l'exis- 
tence d'un  essart  entre  les  bois  du  Gi^aml-Rond  et  celui 
du  Bas-Orbois.  11  y  a  donc  lieu  de  penser  que  ces  deux 
bois  ne  formaient  dans  le  principe  qu'une  seule  et  même 
forêt. 

Le  Rhin  séparait  les  centres  forestiers  de  la  Suisse  des 
districts  forestiers  de  la  Souabe.  LeBrisgau  avait,  comme 
l'Helvétie,  ses  quatre  districts  forestiers  ou  Waldstetteii  : 
Rheinfeld,  Seckingen,  Laufenburg  et  Waldshut  (4).  La 


été  jadis  l'objet  d'un  culte.  Voy.  Bistelhuber,  L'Alsace  ancienne  et  mo- 
derne, p.  488. 

(1)  Voy.  ce  qui  a  été  dit  plus  haut,  p.  207. 

(2)  Schœpflin,  Àlsalia  illuslrala,  t.  I,  xi,  p.  8.  Billing,  Geschichle  und 
Beschreibung  des  Elsasses  (Bàle,  1782). 

(3)  Voy.  Daubrée,  Description  géologique  et  mxnéralog.  du  départe- 
ment du  Bas-Rhin,  p.  270. 

(4)  Gerbort,  Hisloria  Nigrx  syhx,  t.  II,  p.  27  et  suiv.,  211  et  suiv., 
477  et  suiv. 


CHAPITRE   XIII.  211 

Forêt-Noire,  à  laquelle  ces  villes  servaient  comme  de  portes 
et  de  garde,  se  développait  sur  les  montagnes  jusqu'à  Pforz- 
heim,  qui  en  constituait  l'entrée  septentrionale  {Porta 
Nigrœ  sijlvœ).  Des  forteresses,  qui  devinrent  plus  tard  des 
villes,  et  qu'on  désignait  sous  le  nom  de  Waldeiiburg ,  c'est- 
à-dire  Fort  de  la  forêt  (1)  défendaient  à  l'ouest,  près  de 
Bâle,  au  pied  de  l'Ober-Hauenstein,  et  au  nord-est,  près 
d'Œhrigen,  dans  le  territoire  occupé  ensuite  par  la  sei- 
gneurie de  Hohenlohe-Waldenburg-Scliillingsfûrst,  la 
longue  marche  forestière  de  la  Germanie.  De  même  que 
les  Burgondes,  les  Allamans  s'étaient  établis  au  milieu  de 
vastes  forêts  qui  formaient  autant  de  rameaux  de  la  sylva 
Marciana.  Plus  barbares  que  les  conquérants  de  THelvé- 
tie,  ils  vivaient  du  produit  de  la  chasse  des  bêtes  fauves 
qui  infestaient  ces  cantons;  ils  poursuivaient  l'ours  avec 
leurs  limiers  (w-saritu)  afin  d'en  dévorer  la  chair  (2)  ;  ils 
habitaient  des  chalets  {vaçcaritia)  et  faisaient  paître  leurs 
taureaux  sauvages  {bisoiites). 

Les  moines  défrichèrent  ces  contrées;  l'abbaye  de  Sec- 
kingen,  fondée  par  saint  Fridolin,  auquel  Clovis  II  avait 
fait  don  du  district  de  la  Forêt-Noire  qu'elle  occupait  (3), 
les  abbayes  de  Rheinau  (4)  et  de  Reichenau,  devinrent  les 
centres  des  grands  travaux  de  colonisation  de  la  Forêt- 
Noire  et  de  la  Thurgovie  dont  les  solitudes  ombragées 
s'étendaient  jusqu'au  lac  qui  baigne  Uri. 

Les  Waldstetten  de  la  Souabe  formaient  avec  les  Vosges 

(1)  Un  grand  ncrmbre  de  villes  placées  à  l'entrée  des  forêts  de  la^ilésie 
€t  de  la  Saxe  (dans  l'Erzgebirge)  portent  aussi  ce  nom,  pour  le  même 
motif. 

(2)  J.  de  Millier,  ouv.  cil.  t.  I,  p,  158. 

(3)  Gerbert,  ouv.  cit.  t.  I,  p.  27. 

(4)  Gerbert,  Ilist.  Nigrx  sylvas,  t.  I,  p.  G9,  431.  Ce  nom  de  Forci  sa- 
crée, qui  rappelle  celui  de  forêt  d'Odin,  Odemvald,  donné  à  la  forêt 
située  sur  l'autre  rive  du  Rhin,  provenait  sans  doute  du  culte  qui  était 
rendu  aux  arbres  par  les   anciens  Germains.  L'Heiligenforst,  Forcsla 


212    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

une  seule  et  même  région  dont  le  lit  du  Rhin  représentait 
ea  réalité  la  vallée  principale.  Une  ligne  de  forêts  bordait 
cette  vallée  du  côté  de  la  France.  Au  nord,  la  forêt  Sainte, 
Heilifjenforst  (4),  appelée  plus  tard  forêt  de  Haguenau, 
et  que  défrichèrent  en  partie  les  moines  de  l'abbaye  de 
Saint-Walbourg,  au  sud  le  Harz  ou  forêt  de  la  Hartt  dont 
il  a  été  question  plus  haut,  et  qui  donna  naissance  par  des 
démembrements  aux  forêts  de  Rouffach  et  de  l'Allmend 
ou  d'Ensisheim.  De  celle-ci  se  détacha  plus  tard  le  bois 
de  Hùbehvaeldele  (2). 

Les  forêts  du  Rhin  allaient  rejoindre  celles  qui  bor- 
daient le  Danube  par  deux  cantons  forestiers,  le  Klekgau, 
semé  de  hauteurs  ombragées  entre  lesquelles  le  mont 
Randen  élevait  sa  cime  altière,  que  couronna  bientôt  une 
forteresse,  Randenburg,  et  le  Hégau,  dont  le  canton 
de  Schafîouse  occupe  actuellement  l'emplacement.  De 
nombreux  monastères ,  bâtis  par  Eberhard ,  comte  de 
Nellenbourg,  animèrent  ces  solitudes.  Les  moines  des 
couvents  d'Hirschau,  de  Saint- Sauveur,  de  Tous-les- 
Saints  défrichèrent  ces  restes  de  l'antique  forêt  Hercy- 
nienne et  dégagèrent  les  bords  du  Rhin  et  de  la 
Durach  (3). 

Le  Rhin  formait  donc  comme  un  magnifique  Waldstroin 
entre  les  forêts  des  Vosges  et  celles  de  l'Odenwald.  Cette 
dernière  chaîne  forestière,  désiguéedans  les  chartes  et  par 


sancta,  est  mentionnée  dans  les  chartes  remontant  au  xii*  siècle  (Conl. 
Schœpflin,  Alsatia  iUustrala,  t.  III,  p.  65,  n"  800). 

(1)  Voy.  sur  cette  forêt  mentionnée  dans  les  chartes  des  ix*  et  xiv*  siè- 
cles ce  qui  a  été  dit  p.  128.  (Cf.  Schœpflin,  Ahalia  illuslr.  t.  Ill,  p.  97, 
n"  123;  t.  IV,  p.  256,  n°  1142). 

(2)  Voy.  M.  de  Ring,  Tombes  celtiques  de  la  forêt  communale  d'En- 
sisheim, p.  2,  14  (1859,  in-fol.) 

(3)  Voy.  Ch.  G.  Reichard,  Gnmanien  tinter  den  Ramern.  Nurnberp- 
18!J"4,  p.  19. 


Il 


CHAPITRE   XIII.  213 

les  chroniqueurs  latins  sous  le  nom  A'Othonia  sylva{\), 
étendait  sur  toute  la  marche  de  Souabe  ses  lignes  de  pins 
ifohré)  qui  valurent  à  une  partie  de  cette  forêt  le  nom  de 
Forhahum  {Fohrheim,  Fohrenwald),  mentionné  dans  les 
Niebelungen. 

(1)  Voy.  Fr.  Baader,  Sagen  des  Neckarthals,  der  Berg^lrasse  und  des 
Odcwu'rt/des.  Manheim,  1847,  p.  416,  417. 


214  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 


CHAPITRE  XIV. 

FORETS  DE    LA   CIIAMI'AG.NE. 

La  Champagne  demeurait  encore  au  siècle  dernier  une 
des  régions  les  plus  forestières  de  la  France.  «  Il  est  peu 
de  provinces  dans  le  royaume,  écrit  l'abbé  Expilly  en  son 
Dictionnaire  des  Gaules^  qui  soient  mieux  fournies  de  forêts 
que  la  Champagne.  »  lien  était  ainsi  également  au  moyen 
âge,  car  Huon  le  Roi,  dans  son  charmant  fabliau  Du  vair 
;?«/e/m, s'exprime  ainsi  : 

Adonc  estoient  li  boschage 
Dedans  Champaingne  plus  sauvage 
E  li  païs  que  or  ne  soit  (1). 

Cependant,  déjà  dès  cette  époque,  de  nombreuses  forets 
y  avaient  été  abattues  ou  démantelées.  Le  développement 
de  l'industrie  et  du  commerce  dans  la  province  (2)  eut 
pour  effet  d'accroître  la  consommation  du  bois.  Au 
XIII'  siècle,  il  existait  en  Champagne  des  associations  ou 
compagnies  d'exploitations  agricoles  pour  l'acquisition  des 
grands  bois  et  quelquefois  pour  leur  défrichement  et  mise 
en  culture (3).  Un  grand  nombre  de  témoignages  recueillis 

(1)  Barbazan,  Fabliaux  cl  Contes,  l.  I,  p.  1G7. 

(2)  Voy.  le  savant  mémoire  de  M.  F.  Bourquelot,  sur  les  foires  dt 
Champagne  et  de  Paris.  Mém.  de  l'Acad.  des  Inscript.  Sav.  étrang. 
2"  série,  part.  I  et  II. 

(3)  Ainsi  on  trouve  mentionnée  une  association  d'Eudes,  abbé  de  Saint- 
Remy  <le  Troyes,  et  de  Blanclie,  comtesse  de  Giiampagne,  pour  construire 
une  ville  neuve  dans  les  bois  de  Saint-Rcmy  a]iparlenant  au  monastère. 
(^Bibl.  imp.  mss.  Liber  principum,  n°  5092,  fol.  181  v".)  11  est  parlé,  dans 
une  autre  charte  do  l'année  1200,  et  antérieure,  par  conséquent,  d'un  an  à 
la  mention  précédente,  de  l'établissement  de  la  même  ville.  ^Bibl.  im]). 


I 


CHAPITRE   XIV.  215 

par  M.  F.  Bourquelot^  prouvent  que,  dès  le  xii«  siècle^  on 
avait  autorisé  et  encouragé  le  défrichement  des  bois  (1). 

J'ai  déjà  dit  plus  haut  quelques  mots  des  forêts  qui  rat- 
tachaient la  Champagne  à  la  Lorraine  et  que  l'on  peut 
considérer  comme  ayant  originairement  formé  les  marches 
qui  séparaient  les  territoires  des  Médiomatrices  et  des 
Leuques,  de  ceux  des  Rèmes  et  des  Lingons.  La  rive  gau- 
che de  la  Meuse,  ainsi  que  je  l'ai  observé,  a  dû  être  très-boi- 
sée. Mais  les  forêts  n'étaient  pas  seulement  limitrophes 
entre  ces  diverses  provinces,  elles  s'étendaient  jusqu'au 
cœur  de  la  Champagne,  et  l'on  a  la  preuve  de  l'exac- 
titude des  paroles  de  Huon  le  Roi.  Toutefois,  c'était  plus 
particulièrement  sur  les  frontières  de  ce  comté,  que  les 
forêts  s'étaient  conservées  avec  leur  antique  épaisseur; 
le  centre  de  la  province,  tant  par  la  nature  de  son  sol  que 
par  suite  de  défrichements  amenés  par  l'agglomération  de 
la  population,  offrait  déjà,  dès  l'époque  romaine,  ces  vastes 
plaines  qui  ont  valu  son  nom  à  la  province  [Campania, 
Champagne). 

Dans  la  partie  orientale  de  la  Champagne,  un  pays  ap- 
pelé le  Perthois,  sis  au  sud  de  Yitry,  a  dû  jadis  être  en- 
tièrement couvert  de  forêts  ;  c'est  peut-être  à  cette  cir- 
constance que  la  ville  de  Perthes,  dont  le  Perthois  tire  sa 
dénomination,  doit  le  nom  qui  lui  a  été  imposé  (2i.  Une 
forêt,  qui  gardait  encore  au  xvii'  siècle  le  nom  de  forêt  de 
Perthes,  présentait  en  1663,  lors  de  la  réformation  des 

Varlul.  Campan.  n"  5993,  fol.  il2  r°.)  Une  charte  de  Milon  de  Nan- 
teuil,  prévôt  de  Reims,  de  février  1210,  parle  d'une  société  de  culture 
analogue,  entre  la  môme  comtesse  et  les  seigneurs.  [Cariitl.  Campan. 
(lit  Liber  principum,  u"  5995,  fol.  145,  v°,  et  Cartul.  Comp.  n°  5993. 
Jol.  29,  v°.) 

(1)  Voy.  Bourquelot,  mém.  cité,  part.  I,  p.  59  et  suiv. 

(2)  On  trouve,  en  effet,  dans  plusieurs  chartes  rex])ressiûn  in  srjlvis, 
l'oreslis,  perlis.  Voy.  notamment  E.  de  Barthélémy,  Diocèse  ancien  de 
CIuUons-sur-Marne,  tome  I.  p.  35S.  (Paris,  18G1.; 


216   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE   l'aNCIENNE  FRANCE. 

forêts  de  Champagne  (1),  une  superficie  de  800  arpents. 
On  voit  par  la  carte  de  Cassini  qu'elle  était  singulière- 
ment réduite,  un  siècle  plus  tard,  et  n'occupait  plus  alors 
qu'une  petite  bande  dirigée  de  l'ouest  à  l'est  et  sise  au 
nord  du  village  d'Hallignicourt,  dont  les  habitants  jouis- 
saient depuis  bien  des  années  du  droit  d'usage  dans 
cette  forêt  :  aussi  n'était-elle  plus  connue  que  sous  le  nom 
de  la  Garenne,  qu'on  commença  à  substituer  à  celui 
de  forêt  de  Perthes,  sous  Louis  XIV.  Cette  forêt  s'éten- 
dait originairement  de  la  Marne  à  la  rivière  de  Saux,  et 
on  doit  considérer  comme  s'en  étant  détachés  les  bois  des 
Trois-Fontaines,  la  forêt  d'Ancerville,  qui  en  constituait  la 
région  orientale  avec  le  bois  de  Rupt,  les  bois  de  Chemi- 
non,  Sermaize  et  Andernay. 

En  672,  Childéric  II  fît  don  à  saint  Berchaire  d'une  pe- 
tite partie  du  territoire  d'une  grande  forêt  qui  n'était  sé- 
parée de  celles  du  Perthois  que  par  la  Marne  ;  c'est  la  forêt 
de  Der  ou  Dcrs  [foresta  Dervensis),  qui  a  valu  son  nom  au 
Par/us  Dervensis,  appelé  aussi  Ager  Derwenm;  elle  est  men- 
tionnée sous  le  nom  de  Demis  sijlva  dans  des  chartes  de 
815,  816  et  837(2).  Le  monastère  fondé  par  saint  Berchaire 
{Monasterivm  Dervense)  s'appela  d'abord  Nova  Ce/la  (3), 
et  s'éleva  lui-même  sur  l'emplacement  d'un  manoir 
nommé  MansKS  Cor  bonis,  preuve  qu'il  existait  déjà  là  un 
essart.  Le  lieu  de  ce  monastère  se  retrouve  au  bourg  de 


(1)  Voy.  la  RéforMalion  des  forais  de  Champagne,  mss.  Bibl.  imj)ér. 
n»  16686^  f»  242. 

(2)  Voy.  Historiens  de  France,  t.  VI,  p.  249,  476,  498,  552.  Dans 
une  charte  de  l'empereur  Olhon,  datée  de  l'année  974,  et  confirmant 
les  biens  de  la  ville  de  Toul,  le  monastère  est  désigné  sous  le  nom  de 
Sanchis  Petits  in  sallu  Denervensi  [sic).  (Voy.  R.  P.  Benoît,  Histoire 
ecclésiastique  du  diocèse  de  Toul,  preuves,  p.  xix.)  Cf.  E.  de  Barthélémy, 
Diocèse  ancien  de  Chûlons-sur-Marnc ,   t.   I,   p.  353. 

(3)  C'est  coque  nous  dit  la  charte  de  837.  Voy.  Historiens  de  France, 
t.  VI,  p.  242. 


CHAPITRE   XIV.  217 

Monlier-en-Der  (Haute-Marne),  situé  au  sud-est  de  la  forêt 
actuellement  désignée  sous  ce  nom  ;  il  est  précisément 
placé,  comme  le  dit  la  charte  de  815,  au  confluent  de  la 
Voire  {Vigera)  et  d'un  ruisseau  appelé  dans  cette  charte 
Alsmantia  (1).  Nous  voyons  par  la  vie  de  saint  Berchaire 
que  la  forêt,  alors  très-vaste,  s'étendait  sur  le  canton  de 
Brienne  (Aube)  et  était  un  repaire  de  brigands  (2).  Les  lo- 
calités appelées  Ville-aii-Bois  et  Sauvage  dénotent  l'ancien 
p'iongement  au  sud  de  la  forêt  de  Der.  Le  nom  de  forêt  de 
Der  étendu,  dès  le  ix*"  siècle,  jusqu'aux  bois  qui  environ- 
naient Montieramey,  nous  est  la  preuve  que  cette  forêt 
avait  alors  une  largeur  d'au  moins  dix  lieues  (3).  Elle 
s'avançait  près  des  bords  de  l'Aube,  plus  à  l'est  vers  la 
Haute-Voire;  elle  paraît  avoir  étééclaircie  de  très-bonne 
heure,  car  le  village  de  Sommevoire  {Sommavigera)^  cons- 
truitsurce  cours  d'eau,  existait  déjà  à  l'époque  de  l'apos- 
tolat de  saint  Berchaire  (4).  Il  n'y  a  pas  de  doute  qu'au 
w"  siècle,  la  forêt  ne  comprît  les  bois  actuels  du  Boulaij  et 
du  Grand-Bois. 

Plusieurs  petites  forêts,  notamment  celle  de  Montmo- 
"rency,  de  Champagne,  où  se  trouve  l'étang  de  La  Horre, 
semblent  avoir  été  des  démembrements  fort  anciens  de 
cette  vaste  marche  forestière  appelée  le  Ber  ou  le  Derve. 

Les  forêts  du  Perthois  se  rattachaient  à  celles  du  Bassi- 
gny  et  du  Vallage.  Un  des  plus  importants  débris  de 
celles-ci  et  qui  faisait  face  sur  l'autre  rive  de  la  Marne,  à  la 


(1)  Historiens  de  France,  t.  VI,  p.  416,  cf.  t.  X,  p.  375. 

(2)  Qux  immensa  circumqvaque  diffusa.  —  Ex.  miracul.  S.  Dercharii 
ahb.  Derveus.,  dans  les  Historiens  de  Fronce,  t.  X,  p.  375. 

(3)  Voy.  D'Arbois  de  Jubainville,  Voyage  paléographique  dans  le  dé- 
partement de  l'Aube,  p.  214,  où  l'on  renvoie  au  Prompluarium  de  Ca- 
muzat. 

(4)  Voy.  G.  Carnandot,  Géographie  historique,  industrielle  et  statis- 
tique du  département  de  la  Haute-Marne,  p.  599.  (Chaumont,  1860.) 


218  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

forêt  fie  Perthes,  est  la  forêt  du  Val,  qui  dépendait  de 
la  maîtrise  de  Saint-Dizier;  lors  de  la  réformation  des 
forêts  de  Champagne,  en  1664,  elle  renfermait  6,838  ar- 
pents (4;.  Cette  forêt,  peuplée  comme  la  plupart  de  celles 
de  la  province,  de  chênes,  de  hêtres,  de  charmes  et  de 
trembles,  et  au  centre  de  laquelle  avait  été  construite  l'ab- 
baye de  l'Espine,  où,  plus  tard,  François  I'^'"  fit  bâtir  un 
pavillon  de  chasse,  était  entièrement  ruinée,  lorsque  le:< 
mesures  conservatrices  prescrites  par  Louis  XIV  vinrent 
en  arrêter  la  dévastation  (2). 

Dans  le  diocèse  de  Châlons-sur-Marne,  la  fondation  de  I 
divers  monastères  amena  la  réduction  ou  même  la  dispa- 
rition de  plusieurs  forêts.  Tel  fut  le  cas  pour  celle  qui  était 
d'abord  désignée  sous  le  nom  de  Sylva  major,  et  au  cœur 
de  laquelle  fut  élevée  l'abbaye  appelée  ensuite  iS'.  Nicolaûs 
in  sylva  Luviz,  antérieure  à  l'an  1120  (3).  L'abbaye 
de  Chatrices  (Castriciœ),  bâtie,  vers  la  même  époque, 
dans  un  canton  encore  fort  boisé,  et  dotée  de  1,500  ar- 
pents de  bois  dont  ceux  des  Chambres  et  de  Pologne  doi- 
vent être  des  restes ,  était  originairement  tout  entourée 
de  forêts  qui  se  liaient  à  celle  d'Argonne  (4). 
.  Non  loin  de  labbaye  de  Chatrices,  une  autre  abbaye, 
celle  de  Trois-Fontaines,  fut  élevée,  vers  le  xu^  siècle^  au 


[i)  Voy.  la  Réfonnalion  des  forêts  de  Champagne.  Biblioth.  impér. 
mss.  n"  1G686. 

(2)  C'est  ce  qui  est  dit  formellement  dans  le  procès-verbal  de  visite 
contenu  dans  la  réformalion  des  forets  de  la  province.  Mss.  cilé,  p.  230 
et  suiv. 

(3)  Amaluinus  sylvœ  majoris  diclus  abbas...  quod  ad  nemus  nostrum 
juxta  bellam  vallem  situm  quod  de  Luviz,  nobilom  mulierem  Blancham 
comitissam  Trecensem  palatinam  tali  conditione  associavimus  quod  nos 
simul  faciemus  ibi  villam  novam,  etc.  (Biblioth.  impér.  Liber  prinri- 
puni,  n°  5992,  fol.  255.  Cf.  fol.  251,  276,  cité  par  F.  Bourquelot.) 

(4)  Voy.  Gallia  Christian,  t.  IX,  col.  952.  Eccles.  Calalaun.,  et  E.x- 
]>illy,  Dictionnaire  géographique  des  Gaidcs,  art.  Chalries. 


CHAPITRE   XIV.  249 

voisinage  de  bois  qui  s'étendaient  au  nord  de  Saint-Dizier 
et  qui  prirent  le  nom  du  monastère. 

Le  diocèse  de  Reims  était  beaucoup  plus  boisé.  Je  ne 
parle  pas  de  la  partie  occupée  par  la  région  sud-ouest  de 
l'Ardenne,  mais  du  voisinage  même  de  l'ancien  Dtirocor- 
torum.  Quoique  la  cité  des  Rèmes  fût  depuis  longtemps 
cultivée,  une  grande  forêt,  appelée  sous  la  première  et  la 
seconde  race,  iSemus  Rigetti  ou  Rigetius,  Richetius  saltus, 
occupait  une  vaste  étendue  (1).  C'est  là  que  fut  fondé  en 
573  le  monastère  de  Verzy  (Virisiacian),  autrement  dit  de 
Saint-Basle  {S.  Basohis),  au  pied  des  hauteurs  que  cette 
forêt  ombrageait  (2).  Celle-ci  n'est  plus  représentée  que 
par  les  bois  dits  de  la  Montagne  de  Reims,  appelés  encore, 
il  y  a  quelques  siècles,  la  forêt  de  Route.  Ville-en-Seke 
{Villare  in  Silva)  existait  déjà  au  ix*"  siècle,  dans  une 
clairière  de  ces  bois,  maintenant  fort  clair-semés.  Ainsi, 
dès  cette  époque,  l'établissement  dans  la  sylva  primitive 
de  nombreux  centres  d'habitations  amena  des  défriche- 
ments (3). 

L'état  forestier  des  cantons  situés  plus  au  sud  de 
Reims  ne  paraît  pas  avoir  subi  des  modifications  bien 
marquées,  durant  le  moyen  âge.  Peut-être  les  trois  forêts 
d'Epernay,  d'Enghien  et  de  Vassy  étaient-elles  réunies  en 
une  bande  unique,  allant  de  l'est  à  l'ouest,  s'arrêtant  au 
nord  à  quelque  distance  de  la  Marne,  au  sud  à  la  petite  ri- 
vière de  Surmelin.  Mais  Dormans  {Duromannu7n),  ancien 


(1)  Frodoard,  Hisi.  Rkemcns.,  II,  i,  3.  Cf.  H.  Yalesius,  Nolitia  Gallia- 
rum,  p.  614. 

(2)  Gall.  Christian,  t.  IX,  col.  195.  Ecdes.  Remens.  L'abbaye  s'éleva 
dans  la  partie  de  la  forêt  où  saint  Bâsle  ou  Basile  avait  mené  quarante 
ans  la  vie  d'ermite.  Voy.  Baillet,  Vies  des  Sai)Us,  2G  novemb.  p.  691. 

(3)  B.  Gnéi-urd,  Polj/ptiqiic  de  l'abbaye  de  saint  Rémi  de  Reims,  p.  28. 
Voy.  J.  Chaletlc,  Précis  de  la  statistique  de  la  Marne,  t.  II,  p.  412.  (Cha- 
lons,  1845.) 


220   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

oppidum  gaulois  où  ont  été  découvertes  des  antiquités  cel- 
tiques, existait  déjà  (1). 

Dans  la  Champagne  Pouilleuse,  le  premier  rang  appar- 
tenait, entre  les  forêts,  à  celle  de  la  Traconne,  situéeà  l'ouest 
de  Sézanne  et  qui  fit  originairement  corps  avec  celle  du 
Gaidt,  sise  plus  au  nord,  ainsi  que  l'indique  le  Grand 
Essart  placé  entre  les  deux  forêts  sur  la  carte  de  Cassini. 
Elle  appartenait  au  domaine  royal  et  formait  avec  quel- 
ques autres  bois  voisins,  en  1663,  une  étendue  de  plus 
de  7,000  arpents.  Les  Essarts-le-Vicomte  indiquent  que  la 
forêt  de  la  Traconne  s'étendait  plus  à  l'ouest,  quelques 
siècles  auparavant,  sans  doute  jusqu'aux  hauteurs  de 
Saint-Bon  et  de  Saint-Genêt.  Le  voisinage  de  la  Seine 
rendait  facile  l'exploitation  de  ses  bois,  qu'on  expédiait, 
par  bresles  ou  bateaux,  dans  les  petits  ports  de  IMarsilly, 
Lure  et  Gonflans  (2). 

Dans  la  partie  de  la  Champagne  qui  confine  à  la  Brie, 
les  documents  anciens  témoignent  de  la  disparition  de  ' 
plusieurs  forêts.  Une  charte  de  Henri-le-Libéral,  concé-i 
dant  des  privilèges  au  chapitre  de  Saint-Quiriacede  Pro-' 
vins,  mentionne  la  sylva  flildonis,  dont  l'emplacement  '-i 
occupé  actuellement  par  la  commune  tout  «à  fait  déboisée  i 
de  Bois-Don  dans  le  canton  de  Nangis  (3).   La  forêt  de' 
Sourdun,  dans  l'arrondissement  de  Provins,  ne  forme  plusi 
de  nos  jours  qu'une  longue  bande;  elle  paraît  s'être  éten-! 
<lue  jadis  à  l'est  jusqu'à  la  Vieille  Seine.  Toutefois,  dès  lexii*  j 
siècle,  cette  partie  était  déjà  découverte,  puisque,  suivant  j 
la  tradition,  le  Petit-Paraclet  fut  bâti  près  de  la  Fontaine- 
aux-Bois,  fontaine  qui  dépend  de  la  commune  de  Melz  (4).  j 

(1)  Voy.  S.  Prioux,  Civitas  Suessionum,  p.  lOÎ.  I 

(2)  "Voy.  Réforinalion  des  fonts  de  Champagne,  mss.  cité  fol.  34'2.        I 

(3)  Boiin|uolot,  Histoire  de  Provins,  t.  II,  p.  394. 

(4)  F.  Pascal,  Histoire  de-Seine-et-Marne,  t.  II.  p.  880. 


f 

CHAPITRE   XIV.  221 

La  forêt  de  Jouy,  au  nord  de  Provins,  n'a  pas  subi  non 
plus  de  bien  grandes  réductions.  Jouy-le-Châtel  date  au 
moins  du  x*  siècle  (i);  ce  qui  démontre  que  sa  limite  ne 
dépassait  pas  ce  point  au  nord,  et  au  sud  la  fondation  de 
l'abbaye  de  Jouy  en  1124  montre  également  qu'elle  ne  se 
prolongeait  guère  dans  cette  direction  plus  qu'aujour- 
d'hui. 

Le  diocèse  de  Troyes  et  la  partie  occidentale  de  celui 
de Langres, conservaient  sans  doute,  auxvin'  siècle, encore 
quelques  grandes  forêts;  mais  la  plupart  étaient,  six  à  huit 
siècles  auparavant,  bien  plus  étendues  que  ne  les  repré- 
sente Gassini. 

La  forêt  de  Glairvaux  est  le  débris  d'une  forêt  considé- 
rable mentionnée  sous  la  première  race  (2);  il  est  facile 
de  retrouver  sur  la  carte  les  traces  du  domaine  de 
cette  antique  forêt.  Toute  la  partie  de  la  forêt  de  Glair- 
vaux, qui  s'étend  entre  sa  région  septentrionale,  dite /« 
Forest,  et  les  bois  de  Jocourt,  n'était  qu'une  succession 
non  interrompue  d'arbres.  Boismartin,  Valperdu,  Arcon- 
ville  se  sont  élevés  sur  les  clairières  de  cette  forêt ,  qui  a 
dû  originairement  se  rattacher  à  celle  de  Bossican,  et  par 
suite  à  celle  d'Orient. 

La  Sylva Rubra,  qui  valut  son  nom  au  petit  monastère  de 
Sivarolle-sur-l'Aube,  au  diocèse  de  Langres,  a  disparu  depuis 
dessiècles(3).Laforêtd'Orient,  qui  s'étend  au  nord  deVen- 
dœuvre,  une  des  plus  importantes  du  département  de  l'Au- 
be, a  dû  s'avancer  jadis  plus  au  sud  et  comprendre  le  ievYi- 
loire  de  Vi/le-aux-Bois.Lo.  forêt  deBossican,  qui  faisait  jadis 
corps  avec  les  bois  de  Trode,  situés  plus  à  l'ouest,  comme  le 


(1)  Pascal,  ouv.  cil.  t.  II,  p.  228. 

(2)  Rogct  de  Belloguet,   Carie  du  premier  royaume  de  Bourgogne, 
Supplémenl  avx  questions  bourguignonnes.  Dijon,  1848. 

(3)  Yoy.  H.  Valcsius,  Nolilia  Galliarum..  ji.  28. 


H 


222   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

lieu-dit  la  Forcsf,  placé  entre  eux  l'indique,  n'en  est  vraP 
semblablemcnt  qu'un  démembrement.   Au  voisinage  de 
Bar-sur-Seine  s'étendait  la  forêt  de  Ghaource,  dont  le  nom 
rappelle,  par  son  étymologie  (Catorissnon),   une  forêt  de- 
temps  celtiques.  La  partie  nord-est  de  cette  forêt  reçut  h 
nom  de  Forêt  de  Rumilly,  qu'on  étendait  déjà  au  xvii'^  sir- 
cle  à  la  forêt  tout  entière,  dont  la  superficie  était  évalu* 
à  6,000  arpents  (1).  Des  bois  étaient  distribués  au  moyei) 
âge  entre  cette  forêt  et  Bar-sur-Seine  ;  ils  recouvraient  ' 
plaine  de  Foolz  qui  séparait,  au  xviii'^  siècle,  un  certain 
nombre  de  paroisses  appartenant  au  diocèse  de  Troyc-, 
d'autres  dépendant  de  celui  de  Langres;  ils  avoisinaicnt 
le  village  de  Jully  et  ont  maintenant  totalement  disparu  (2j. 
La  forêt  d'Olhe,  qui  fut,  comme  on  l'a  vu,  désignée  par  1^ 
nom  d' Usta  ou  Otta  sijlva,  aux  temps  carlovingicns   •  J 
avait  depuis  cette  époque  été  défrichée  sur  une  vaste  si 
perficie  (4).  Dans  un  pouillé  du  diocèse  de  Troyes,  qiu 
date  de  1407  (5),  on  indique  comme  des  paroisses  ou  d.- 
villages,  Maraye-en-Othe,  Nogent-en-Othe,  Aix-en-Otli'  . 
Bercenay-en-Othe.  Bucey,  Bligny,  Bussy,  ParoySt-Mard-, 
Villemaur,  reçoivent  la  même  épithète.  Cette  forêt  occu- 
pait donc  une  grande  partie  des  cantons  d'Estissac,  d'Aix- 
en-Othe  et  de  Brienon;  elle  était  déjà  fort  réduite  au 
xiu*  siècle.  Les  Comptes  de  saint  Louis  (6)  ne  lui  donnent 

(1)  C'est  ce  qui  résulte  des  pièces  d'un  procès  qui  s'éleva  entre  cos 
communes.  Voy.  DArbois  de  Jubainville,  Voyage  paléographique  dans 
le  déparlemenl  de  l'Aube,  p.  21G. 

(2)  Voy.  Béformalion  des  forêts  de  Champagne,  mss.  cité. 

(3)  Voy.  Historiens  de  France,  t.  VI,  p.  650  et  ce  quj  a  été  dit  p.  43, 
Cl,  155. 

(4)  Pagits  ornalicnsis,  \o\.  GneTO-và,  Pohjptiqiie  d'Irminon,  Prolégo- 
mènes, p.  03. 

(5J  D'Arbois  de  Jubainville,  Pouillé  du  diocèse  de  Troyes,  p.  134. 

(6)  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  254.  Ce  nom  û'Olha  fut  altéré 
parfois  en  celui  d'Orla,  comme  on  le  voit  par  une  lettre  de  Milon  do 
Traisnel,  à  Louis  YII.  Voy.  Historiens  de  France,  t.  XVI,  p.  76. 


CHAPITRE   XI Y. 

plus  que  le  nom  de  Venda  Otœ.  Mais  nous  avons  des  indi- 
cations qui  permettent  de  préciser  davantage  l'époque 
de  ses  défrichements. 

Dès  le  vif  siècle,  le  village  d'Arces  {Arcea)  avait  été 
construit  dans  l'essart  sur  lequel  s'éleva  plus  tard  l'abbaye 
de  Dilo  et  qui  finit  par  s'étendre  à  l'ouest  jusqu'au  village 
de  Villechétive  (1).  Paroy-en-Othe  {Paretum-in-Otha)  est 
mentionné  dès  l'an  519.  Cette  grande  forêt  se  trouva  ainsi 
subdivisée  en  plusieurs  sections  séparées  par  des  parties 
ouvertes,  et  qui  finirent  par  représenter  des  forêts  diverse- 
ment dénommées.  C'est  ainsi  que  se  constituèrent  la  forêt 
de  Rajeuse  {Raiosa  ou. Rabiosa  sijlva),  (canton  d'Arces),  qui 
est  mentionnée  au  xii*  siècle,  la  forêt  de  Lancy  {Lanceia 
sylva),  (canton  de  Vilieneuve-l' Archevêque),  dont  il  est 
parlé  dès  1148,  la  forêt  de  Saint-Loup  {SanctlLiqn  nemiis) 
(canton  de  Brienne),  citée  également  dès  le  xii^  siècle  (2). 
L'étendue  des  défrichements  opérés  dans  la  forêt  d'Othe, 
dès  nos  premiers  rois,  montre  que  comme  je  l'ai  dit  et 
ainsi  que  Ta  pensé  Adrien  de  Valois,  son  territoire  cons- 
titua dès  l'époque  carlovingienne  une  sorte  de  pngus. 
Aujourd'hui,  la  forêt  d'Othe,  quoique  encore  importante, 
n'occupe  qu'une  superficie  singulièrement  réduite,  aux 
environs  de  Joigny  et  de  Saint-Florentin  ;  et  non-seule- 
ment cette  forêt  a  perdu  plus  de  la  moitié  de  son  domaine, 
une  essence,  le  châtaignier  (3),  en  a,  en  outre,  totalement 
disparu. 

Deux  autres  forêts  situées  dans  la  partie  méridionale  du 


(1)  Quanlin,  Dictionnaire  lo])ograpliique  du  déparlement  de  V  Yonne, 
\K  IV,  à artulaire général  de  l'Yonne,  t.  II,  p.  337. 

(2)  Quanlin,  1.  c. 

(3)  Des  charpentes  en  bois  de  châtaignier,  provenant  de  ia  forêt 
d'Othe,  ont  été  jadis  employées  dans  les  constructions  de  Troyes.  Voy. 
sur  cette  foret,  Grosley,  Mémoires  liistoriques  cl  critiques  pour  l'histoire 
de  Troyes,  t.  I,  p.  86. 


224   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

même  diocèse  n'ont  plus  laissé  d'autres  vestiges  que  k 
noms  de  deux  villages;  la  première  est  la  Sylva  Clamscer 
sis  (1),  mentionnée  dans  une  charte  de  864  et  qui  devaj 
recouvrir  les  hauteurs  actuellement  déboisées,  sises 
nord  du  village  de  Glérey^  qu'on  trouve  sur  la  route  allai 
de  Troyes  à  Bar-sur-Seine  (2).  Cette  forêt,  dont  le?  bo| 
de  Chappes,  situés  au  sud-est,  sont  un  débris,  devait  s'î 
vancer  au  nord  jusqu'à  la  Barse;  la  seconde  était  la  forel 
Javernamlus,  dont  le  nom  subsiste  dans  celui  du  village 
de  Javernant,    au  sud -ouest  de  Clérey  et   au  sud   fU' 
Bouilly.  C'était  sans  doute  un  démembrement  fort  ancien 
des  forêts  d'Aumont  et  de  Rumilly,  dont  la  lisière  devait   ; 
s'avancer  à  l'est  jusqu'à  la  Sarce,  à  en  juger  par  les  nom- 
breux bouquets  marqués  sur  la  carte  de  Cassini,  Au 
sud  de  cette  rivière  s'offrait  la  forêt  de  Balnot,  déjà  au 
xvi"  siècle  partagée  en  plusieurs  bois  qui  ne  subsistent 
plus  (3). 

Citons  encore  parmi  les  forêts  qui  ont  à  peu  près  disparu 
du  midi  de  la  Champagne,  celle  de  Màlay-le-Roi  (Moa/rf 
fo?'esfa},  mentionnée  dans  les  Comptes  de  saint  Louis  (4j 

(1)  Voy.  Historiens  de  France,  t.  VIII,  p.  590. 

(2)  D'Arbois  de  Jubainville,  Pouillé  du  diocèse  de  Troyes,  \).  22.  Le 
nom  de  Clarey  ou  Clereij  est  dérivé  de  Clarascensis. 

(3;  Balnol,  dit  Balnol-la-Grange,  était  le  centre  d'une  exploitatioji 
rurale  appartenant  à  l'abbaye  de  Quincy-sur-Armançon.  Les  bois  recou- 
vraient encore  son  territoire  au  XVI*  siècle,  bois  dont  l'existence  est  raji- 
pelée  par  le  nom  de  Villirrs-le-Bois.  Dans  une  charte  de  1318,  on  fait 
mention  de  quatre  bois  environnant  Balnot-la-Grange,  à  savoir  :  le  bois 
de  Vauclairon,  celui  de  Fayet,  celui  des  Estrapis,  enfin  le  bois  dit 
■  Bois-de-dessous-le-Grand-Fayel.  Dès  l'année  1210,  la  forêt  de  Balnui 
[sylva  de  Beleno)  avait  été  l'objet  d'une  sentence  arbitrale  de  Blancii- 
comtesse  de  Champafrne,  qui  en  fixait  les  limites  ainsi  que  celles  de  l.i 
forêt  de  Pargues.  (Voy.  D'Arbois  de  Jubainville,  Voyage  paléographiqui 
cité  p  188,  194,  197.)  11  est  probable  que  la  forêt  de  Mosne,  et  que  ct-ll'' 
de  Paisson,  toutes  deux  situées  au  sud  de  Balnot,  en  sont  d'anliqn'^ 
démembrements. 

(4)  Ilisloriens  de  France^  t.  XXI.  y.  2  12.  273. 


CHAI'lTIUi    XIV.  ^■■2i> 

auK  environs  de  Sens,  et  une  date  plus  reculée,  s'élen- 
dant  au  nord  de  Tonnerre  el  dont  le  bois  de  Saint-JMichel 
est  un  dernier  reste.  Elle  dut  naguère  s'avancer  jusqu'aux 
bords  de  l'Armance,  où  existe  en  face  d'Ervy  un  lieu  ap- 
pelé La  Forêt.  IMus  au  sud,  sur  la  rive  gauche  du  même 
cours  d'eau,  une  localité  du  nom  de  Gliessy,  et  plus  à  l'est, 
deuxhnmeaux  ôlis  Le  Bi-euil  ei  Bois-Lessif,  en  sont  d'autres 
indices.  Le  bois  de  Gussangy  est  aussi  vraisemblablement 
un  écart  nord -est  de  cette  forêt,  qui  dut  se  rattacher,  dans 
le  principe,  à  celle  de  Chaource  dont  il  a  été  question  ci- 
dessus.  Il  est  à  croire  qu'originairement  tout  le  pays  entre 
l'Armance  et  l'Armançon  avait  été  boisé. 

Une  charte  de  l'année  1239  mentionne  comme  bois 
de  quelque  importance  :  le  Netniis  de  Va/eres,  XeNeimtsde 
Dorso  Asim  et  le  Neums  de  Ikniloy.  Or,  aux  environs  des 
Vallières  (Valeres),  où  la  charte  nous  dit  qu'ils  étaient  si- 
tués (i),  la  carte  de  Gassini  n'indique  que  deux  faibles 
bouquets.  Les  noms  de  localités  voisines.  Le  Charme,  Vil- 
liers-le-Bois,  Bois-le-Comte,  rappellent  l'existence  de  bois 
graduellement  détachés  du  grand  voile  forestier  qui  s'é- 
tendait jusqu'à  l'Armançon,  et  dont  la  forêt  de  Mosne  est 
le  principal  des  lambeaux  encore  subsistants. 

Sur  les  bords  du  Serain,  à  la  limite  de  la  Ghampagne  et 
de  la  Bourgogne,  une  foule  de  noms  de  lieux  dénotent  la 
présence  de  bois  et  de  forêts  Tels  sont  ceux  de  Chablis,  de 
Sarry,  de  Lucy-le-Bois,  etc.  A  Sainte-Vertus,  sur  ce  cours 
d'eau,  existait  au  moyen  âge  une  villa  que  son  voisinage 
des  forêts  fit  appeler  Silviniacus  (2). 

(1)  Voy.  riiistoire  de  l'abbaye  de  Moutier-Saint-Jean,  intitulée  :  Rcc~ 
mous  seu  IHsloria  vionaslerii  S.Johannis  Reomacnsis,  intractu  Liniju- 
nensi,  auctore  Petro  Rouerio,  jt.  2G4.  (Paris,  1637,  m-4°.)  La  charte,  eu 
l>arlanl  de  ces  trois  bois,  dit  :  «  Quibusdam  iiemoribus  sitis  in  territurio 
de  Valeriis.  » 

(2)  H.  Valesius.  \vUli(i  Gallionnn,  p.  Ô^'G. 

13 


22C  Li:s  Kuui-Ts  i>i;  i.\  (.aill  ft  dk  i.'ancitnM';  iranck. 

Quoiquesitiiéeen  réalité  en  Lorraine,  la  forêt  de  Passavant 
doit  être  comptée  parmi  les  forêts  de  la  Champagne,  parce 
qu'elle  s'étendait  en  grande  partie  sur  une  enclave  de  cette 
dernière  province.  Cette  furet  tirait  son  nom  d'un  bourg 
jadis  ruiné  (1)  et  qui  ne  faisait  que  commencer  à  j-e  rele- 
ver dans  les  premières  années  du  \\\f  siècle  (2).  Elle  fut, 
de  1574  à  1577,  l'objet  d'une  transaction  entre  le  roi 
de  France  et  le  duc  de  Lorraine,  qui  s'en  étaient  disputé 
la  possession  (3).  On  y  planta  une  suite  de  bornes  en 
pierre  destinées  à  faire  reconnaître  les  parties  qui  appar- 
tenaient respectivement  aux  deux  princes.  Au  commen- 
cement du  xvu*^  siècle,  on  y  pratiqua  de  vastes  cssarts  qui 
furent  également  partagés.  A  dater  de  cette  époque,  on 
veilla  avec  soin  à  sa  conservation;  elle  n'avait  pas  eu,  au 
reste,  à  souffrir  d'une  exploitation  inconsidérée;  car  lors 
de  la  réformation  des  forêts  de  Champagne  (4;,  il  ne  s'y  était 
fait  aucune  vente  depuis  quarante  ans;  mais  la  guerre 
lui  avait  causé  quelque  préjudice.  Sise  aux  confins  du 
Barrois,  de  la  Champagne  et  de  la  Franche-Comté,  elle 
formait  entre  ces  provinces  une  marche  boisée;  au 
xviii^  siècle,  elle  perdit  une  grande  partie  de  son  impor- 

(1)  Passavant  en  Vosges,  bourg  Ju  canton  de  Jussey  (Haute-Saône). 

(2)  C'est  ce  que  nous  lisons  dans  le  mss.  cité  de  la  Réformation  des 
forêts  de  Champagne.  Ce  bourg,  aujourd'hui  important,  n'avait,  en 
16G0,  que  neuf  huttes  de  bois,  couvertes  de  paille.  Ses  habitants,  ainsi 
que  ceux  de  Vaugiscourt  et  LaCoste,  jouissaient  du  droit  d'usage  dans  la 
forêt,  droit  dont  ils  profilùrent  largement  pour  la  reconstruction  du  vil- 
lage, ce  qui  a  dû  singulièrement  contribuer  à  l'amoindrissement  de  cette 
foret. 

{3)  Voy.  le  manuscrit  de  la  Biblioth.  impér.  intitulé  :  Proch-verbativ 
et  autres  actes  touchant  la  forêt  de  Passavant  en  Vosges,  1577,  La  forêt 
fut  partagée  par  parties  égales  entre  Henri  III  et  le  duc  de  Lorraine. 
Lors  de  la  réformation  des  forets  de  Champagne,  une  petite  partie,  sise 
près  Selle,  appartenait  au  roi  d'Espagne. 

(4)  Mss.  cité  f»  1C8.  Quoique  la  Saône  se  trouvât  au  rein  de  la  forêt,  on 
n'oxpédiait  sur  celte  rivière  aucun  bois  par  le  flottage,  quand  eut  lieu  la 
réforniation. 


CHAPITRE    XIV.  227 

tance.  En  1063,  on  estimait  sa  superficie  à  10,000  arpents 
de  haute  futaie.  Sur  la  carte  de  Cassini,  la  forêt  de  Pas- 
savant n'est  déjà  plus  représentée  que  par  une  série  de 
bouquets  coupés  de  clairières.  Elle  bordait  originairement 
la  Saône  et  s'avançait  au  nord  jusque  vers  Darney. 

Cette  forêt  doit  avoir  été  un  antique  démembrement  de 
la  grande  forêt  des  Vosges,  dont  j'ai  parlé  en  traitant  des 
forêts  de  l'époque  caVlovingienne. 

J'avertis,  en  terminant  cet  aperçu  des  forêts  de  la 
Champagne  au  moyen  âge,  qu'il  m'a  été  impossible  de 
mentionner  toutes  celles  qui  présentaient  une  notable 
étendue;  aussi  ne  me  suis-je  attaché  qu'à  parler  de  celles 
sur  l'importance  desquelles  j'ai  pu  recueillir  quelques 
données. 


228    LES  FOKKTS  i)K   LA  (.AILL    Kl    UK  l'aN(  IK.N.M:  IHANCF.. 


CHAPITRE  XV. 

FOBf:T«  m:  i.v  hoiiuiognf.  et  du  mveknais.  —  état  forestier  m; 

MnUVANI»  ET    l>E    LA    BRESSE. 

Si  la  Champagne  fut,  durant  la  première  période  du 
moyen  âge,  ombragée  par  un  réseau  de  forêts,  le  lacis 
recouvrait  beaucoup  plus  serré  la  Bourgogne,  qui  de- 
meure encore,  de  nos  jours,  une  des  parties  le  plus  riche- 
ment boisées  de  la  France.  D'ailleurs,  les  forêts  de  la  Cham- 
pagne méridionale  secoiitinuaient  jusqu'en  Bourgogne,  et 
les  frontières  géographiques  de  ces  deux  provinces  dis- 
paraissaient, pour  ainsi  dire,  sous  la  bande  forestière  ser- 
pentant à  travers  les  diocèses  de  Troyes,  de  Sens  et 
d'Auxerre.  Les  documents  anciens  mentionnent  en  effet 
un  assez  grand  nombre  de  forêts  appartenant  au  territoire 
de  l'ancien  pagiis  d'Auxerre.  C'était  d'abord  la  forêt 
d'Hervaux,  auparavant  forêt  d'Erviel  ou  d'Arviail,  qui  oc- 
cupait la  presque  totalité  du  canton  actuel  de  Guillon,  et 
devait  s'avancer  à  l'ouest  jusqu'au  Serain,  et,  au  sud,  au 
moinsjusqu'à  une  ligne  dont  nous  connaissonsdeux  points: 
Lucy-les-Bois  et  Sauviijny-lcs-Bois.  La  forêt  de  Maulne, 
qui  subsiste  en  partie  dans  le  canton  de  Crusy,  n'était 
guère  moins  importante.  Jusqu'aux  portes  d'Auxerre 
s'avançait  la  forêt  de  Bar  {Banns  sylva),  qui  n'avait,  au 
commencement  du  siècle  dernier,  laissé  d'autres  vestiges 
que  le  petit  bois  de  Monéteau,  sis  au  nord  de  la  capi- 
tale de  l'Auxerrois.  Une  charte  de  l'an  1171  nous  ap- 
prend que  le  comte  Guy  fit  don  à  l'abbaye  de  Sainl-Marien 
de  la  partie  de  la  forêt  de  Bar  sise  cnfie  deux  étangs  ap- 


i 


ciiAiTiiu:  w.  229 

paitenant  aux  religieux  (1).  La  même  pièce  nous  apprend 
qu'au  voisinage  de  cette  forêt  existait  alors  un' petit  bois 
dit  de  Saint-Efiennc,  et  qui  devait  être  un  ancien  écart. 
En  1181,  la  comtesse  ^latliilde  accorda  au  monastère  de 
Pontigny,  40  arpents  de  bois  dans  la  même  forêt.  Quel- 
ques années  plus  tard,  on  trouve  l'abbaye  de  Crisenon  en 
possession  d'une  partie  de  la  forêt  de  Bar  (2).  Les  reli- 
gieux de  ces  abbayes  ont  vraisemblablement  été  les 
principaux  agents  du  défrichement  de  la  Barrus  sylra. 
Il  y  a  quatre  à  cinq  siècles,  elle  s'étendait  jusque  sur  le 
territoire  des  communes  de  Charbuy  et  de  Villefar- 
geau  (3). 

Dans  le  diocèse  d'Auxerre,  un  pays  connu  aujourd'hui 
sous  le  nom  de  Puisaie  et  appelé  dans  les  chartes  du  moyen 
'à^ePoisea,  Puseya{A),  est  occupé  par  une  succession  de  mi\~ 
récages  et  de  bois.  L'état  physique  de  cette  partie  de  la 
Bourgogne  n'a  sans  doute  pas  beaucoup  changé;  mais  il 
y  a  lieu  de  supposer  que  les  bois  y  étaient  naguère  beau- 
coup plus  étendus.  Le  Polyptique  d'irininon  mentionne 
même  une  forêt  appelée  Paciolus,  qui  tirait  son  nom  delà 
Puisaie  et  devait  se  trouver  dans  les  environs  de  Bitry. 

Au  nord  de  Goulanges-sur- Yonne,  entre  Auxerre  et  Ve- 
zelay,  s'étendait  une  forêt  a;-€ez  importante,  celle  deFretoy 
ou  Frettey  {Freteium)j  actuellement  réduite  à  un  grand 
bois  dont  le  territoire  est  divisé  entre  les  communes  de 
]\lailly-le-Gliàteau,Mailly-la-Ville  et  Goulanges-sur- Yonne. 

(1)  Quantiii,  Carlulaire  de  l'Yonne,  t.  II,  p.  472.  —  Lebeuf,  Mémoire 
concernant  L'histoire  ecclésiastique  et  civile  dWuxerre,  t.  II,  p.  25,. 
n"  49.  Celte  partie  de  l'ancienne  forêt  s'étendait  de  l'étang  Mxilsus  à  l'é- 
tang Del  Borber. 

(2)  Quantin,  oui',  cit. 

(3)  On  rencontre  dans  les  environs  diverses  localités  dont  le  nom  dé- 
note la  présence  ancienne  de  bois  :  les  Pclils-Bois,  les  Bries,  Gâlines, 
Clunmoy.  les  Vareyincs.,  etc. 

(4;  Quantin,  1.  c. 


230   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE   I  UANCE. 

Des  traditions  d'origine  païenne  se  rattaclicnt  encore  au- 
jourd'hui à  cette  foret  et  en  démontrent  ranti<iuilé  (4). 
Pierre  II  de  Courtenay,  comte  d'Auxerre  et  de  Tonnerre, 
y  concéda  aux  habitants  de  Mailly  le  droit  d'usage.  La 
concession  fut  confirmée  en  i239  par  Guy,  comte  de  Ni- 
vernais et  de  Forez,  et  étendue  en  1315  par  une  stipu- 
lation de  leur  seigneur  aux  habitants  de  Merry  (3).  Les 
termes  de  la  concession  sont  un  témoignage  curieux  de 
la  libéralité  de  certains  seigneurs  en  matière  de  droits 
d'usages  forestiers,  libéralités  dont  eurent  tant  à  souffrir 
nos  forêts  (2).  Ces  concessions  n'étaient  du  reste  parfois, 
comme  il  a  déjà  été  remarqué,  que  la  reconnaissance  de 
droits  dont  jouissaient  les  usagers,  et  Pierre  de  Courtenay 
ne  fit  lui-même  qu'en  agir  ainsi  à  l'égard  des  habitants  de 
Mailly.  Ledroit  d'usage  s'étendait  sur  le  tremble,  le  charme 
et  l'érable.  Il  était  permis  aux  bourgeois  de  recueillir  tout 
le  bois  mort  nécessaire  pour  se  chauffer,  de  couper  tout 
le  bois  vif  nécessaire  pour  la  construction  des  maisons,  la 
confection  de  tous  les  aisements  (aiseîyienta) ,  de  tous  les 
ustensiles  de  ménage,  de  tonneaux,  de  cuves,  de  plats  de 
diverses  espèces,  de  quelque  bois  que  ce  fût  (3). 

On  pourrait  encore  citer,  dans  le  diocèse  d'Auxerre,  bien 
d'autres  bois  qui  existaient  au  xii*  siècle  et  dont  il  ne 
reste  maintenant  aucune  trace;  tels  sont  par  exemple 
ceux  de  Tul  ou  Tuleau  (4),  et  de  Montiers  (5),  etc. 

Plus  au  midi,  vers  le  centre  de  la  Bourgogne,  les  bois 
foisonnaient  littéralement;  le  pays  compris  entre  la  Seine, 


(1)  Voy.  J.-F.  Baudiau,  Le  Morvand,  t.  I,  p.  278. 

(2)  Voy.  H.  de  Riancey,  Mémoire  pour  servir  à  riiislnirc  d'une  forvl, 
dans /c  Correspondant,  t.  I,  p.  183  et  suiv. 

(3)  H.  de  Riancey,  mém.  cité  p.  193. 

(4)  Voy.  Lebeiif,  Mémoires  concernant  l'histoire  ecclésiastique  et  civile 
d'Auxerre,  t.  II,  pièces,  n°  37. 

(5;  Ibid.  p.  21,  cliarlc  df  11 G5. 


Il 


CHAPITRE    XV.  2')1 

J'Arninn  011,  la  Bi-eniie  et  la  Loze,  conslituait  une  sorte 
d'île  boisée.  C'est  dans  un  des  cantons  de  celte  grande 
t'orét  bourguignonne,  appelé  Cliatehui  ou  Chatelot,  que 
fut  fondée,  en  l'an  11  16,  une  abbaye  de  l'ordre  de  saint 
Benoît,  sur  l'emplacement  où  existait  auparavant  un  er- 
mitage (1). 

Le  défrichement  commencé  par  les  moines  fut  continué 
plus  tard  pour  le  service  des  forges;  l'exploitation  du  fer 
oolitbique  dont  cette  foret  devint  le  siège,  acheva  la  des- 
truction des  futaies.  Les  longues  lignes  d'arbres  qui  se 
déployaient  encore,  il  y  a  quelque  cent  ans,  sur  le  cal- 
caire oolithique  compris  entre  Montbard  et  Ghàtillon-sur- 
Saône,  à  plusieurs  myriamètres  de  distance,  ont  été  ro- 
gnées par  les  champs  (2). 

Au  sud,  en  descendant  vers  Dijon,  la  culture,  celle  de 
la  vigne  plus  particulièrement,  avait  amené  de  bonne 
heure  le  défrichement,  et,  parmi  les  nombreuses  chartes 
que  D.  Plancher  nous  a  conservées  dans  son  histoire,  il 
est  fréquemment  question,  en  cette  partie  de  la  province, 
de  prés,  de  vignobles  et  de  terres  labourables  (3).  Toute- 
fois les  environs  de  Dijon,  dans  la  direction  du  nord  est, 
jusqu'à  laNorge,  doivent  avoir  été  boisés,  il  y  a  seulement 
quelques  générations,  car  on  y  rencontiait  au  siècle  der- 
nier plusieurs  lieux-dits  accusant  l'ancienne  présence  des 
bois,  tels  que  Bois-dc-Sully,  JJois-de-Pierre,  Bois-de-Va- 
rois,  etc. 


{\)  D.  Plancher,  Ilùloirc  générale  de  Bourgogne,  t.  î,  p.  313,  Preuvps, 
p.  XXXVII.  La  charte  qui  relaie  ce  fait  est  une  concession  faite  par  Guy, 
abbé  de  Moiesme,  à  la  r6;(iuisilion  d'Etienne,  évêque  d'Autun.  Cette 
charte  ai)partenait  au  cartulaire  de  Fontenay. 

(?)  Voy.  Dufrénoy  etElie  de  Beauinoiit,  E.rplicalion  de  la  carie  géolo- 
gique de  France,  t.  II,  p.  386. 

v3)  Voy.  l'rcuvcs  de  l'Ifisloire  générale  de  Bourgogne,  p.  txiii  et 
passim. 


232    LES  FOUETS  DE  LA  (;AULf;   KT  DE  l'aNCIKNM.   FHANr.K. 

Au  siul-est  (le  Dijon,  piès  de  rOiiclio,  oxislaieiit,  en 
1 125,  deux  bois,  ceux  d'Allé  et  de  Broesse,  sur  remplace- 
ment ou  au  voisinage  desquels  fut  fondée  l'abbaye  de 
Tart,  le  premier  monastère  de  femmes  qui  soit  sorti  de 
Citeaux  (1);  mention  est  faite  de  ces  bois  dans  le  Vidimus 
de  Hugues,  abbé  de  Saint-Bénigne  de  Dijon,  certifiant 
une  concession  de  Jean,  seigneur  de  Montréal,  à  l'ab- 
baye (2).  Le  bouquet  indiqué  dans  la  carte  de  Cassini 
sous  le  nom  de  bois  des  Ailiers,  est  certainement  un 
débrisdu  premier  de  ces  bois.  Toute  la  partie  sise  au  midi 
d'Echigey  doit  avoir  été  défrichée  pour  le  service  des 
nonnes. 

Une  autre  fille  de  Cîteaux,  l'abbaye  de  la  Ferté,  fondée 
en  1113,  fut  la  cause  principale  du  déboisement  du  dis- 
trict qui  environne  Bragny,  à  deux  kilomètres  de  Verdun, 
entre  la  Saône  et  la  Dheune.  Cette  forêt,  dite  forêt  de 
Braùjne,  ou  du  Grand- Brarjny^  au  milieu  de  laquelle  fut 
construite  l'abbaye  (3),  n'est  déjà  plus  que  qualifiée  de 
bois  {ncnnis  de  Braicjneaul)  en  1283;  elle  devait  compren- 
dre le  massif  forestier  qui  occupe  l'angle  formé  par  la 
Guye,  le  Grison  et  la  Grône,  à  savoir,  le  bois  de  Bragny, 
les  bois  de  Chapaise  et  de  Cluny.  Elle  a  dû  aussi  s'unir, 
dans  le  principe,  à  la  forêt  de  Givry  [furcsla  de  Giceieiu) 

(1)  Voy.  Goll.  rinisl.  l.  IV,  col.  818,  de  lùcics.  Lingoiu 

(2)  Voy.  D.  Plancher,  J/isl.  grnéralc  ilc  Bourtjoguc,  jinnivos,  t.  I, 
p.  101.  Joari  de  Montréal  concède  à  l'abbaye  l'usage  du  bois  de  hêtre  el 
de  chêne  et  de  tout  autre  bois,  et  il  s'engage,  dans  le  cas  où  il  voudrait 
faire  abattre  le  bois  {boscinn),  de  rendre  aux  nonnes  l'usage  de  bois  é<|ui- 
valenls.  La  même  charte  parle  d'un  défrichement  antérieur  d'une  partie 
des  bois  d'Aile  et  de  Broesse,  qui  ont  été  convertis  en  prés  et  en  champs  : 
"  Quod  ad  homines  jam  dicti  domini  Joannis  (de  Montréal)  in  bosco  Aile 
vel  de  Broesse  extirpaverunt,  ad  faciendum  prata  vel  campos,  similileret 
jam  dictœ  moniales  potuerunt  cxtirpare.  » 

(3)  «  Quamdam  partom  sylvae  quam  incolœ  loci  illius  Bragne,  gallico 
le  Graud-Bragny  a\)i)e\]a.ni,  »  est-il  dit  dans  la  charte.  (Voy.  Preuves  de 
l'Hhl.  de  la  ville  de  Clwhn  ;rillu5-lre  Orluindalo),  t.  II.  p.  71.; 


C11AIMT1U-:  w.  ^33 

iij)|)elec  au  xiii''  siècle,  forcsta  de  ruptiis  Gicreium,  et  dont 
plusieurs  bois  s'étaient  alors  détachés.  Car  elle  n'en  est 
séparée  que  par  la  Corne. 

La  partie  déboisée  de  l'ancienne  forêt  de  Beauregard  et 
(le  Malleroye  occupe  la  rive  droite  de  la  Dheune  et  est  in- 
diquée par  Saint-Martin-en-Gàtinais,  Sondebois  et  le  bois 
de  Gergy.  Cette  rivière  la  séparait  de  la  forêt  de  Borne. 

En  général,  au  midi  de  la  Bourgogne,  surtout  dans  la 
région  qu'embrasse  le  département  de  Saône-et-Loire,  la 
majorité  des  forêts  n'a  subi  de  grands  défrichements  que 
depuis  un  siècle  à  peine  (1).  11  n'y  a  pas  soixante-dix  ans 
que  celles  qui  appartenaient  à  l'abbaye  de  Cluny  ont  été 
envahies  par  la  culture ^2).  L'Autunois,  le  Brionnais,  pré- 
sentaient de  vastes  étendues  boisées  quinesubirent  pas  de 
notables  réductions  pendant  toute  la  durée  du  moyen  âge. 
On  en  a  la  preuve  pour  la  IbrêtdePlanèse,  dans  la  donation 
faite  d'une  partie  de  cette  forêt  à  l'abbaye  de  Maizières, 
par  Hugues  ni,  duc  de  Bourgogne,  en  l'an  1174  (3).  Le 
bois  de  Planoise  qui, réuni  à  celui  de  Beunchy, représente 
l'ancienne. forêt  de  Planèse^  garde  presque  les  mêmes  li- 
mites qu'avait  celle-ci,  il  y  a  sept  cents  ans.  k\\i\A\^{Antid- 
//««/m)  occupait  déjà,  en  1174,  le  centre  d'un  vaste  essart, 
comme  l'indique  la  carte  de  Cassini.  La  route  romaine 
désignée  dans  la  charte  d'Hugues  sous  le  nom  de  Chemi- 
num  Petrimim,  qui  allait  d'Autun  à  Chàlon,  traversait  de 
même  la  forêt,  laissant  de  côté  une  forêt  de  Saint-Saturnin 
et  de  l'autre  la  terre  de  Saint-Martin.  C'est  seulement  au 
nord,  aux  environs  de  Saint-Léger-des-Bois,  que  quelques 
défrichements  paraissent  avoir  été  opérés. 

(1)  Dans  le  Charollais,  il  y  a  eu  pourtant  dos  défrichements  notables 
qui  ont  amené  l'éclaircissement  de  la  forêt  de  Cliarolles  et  la  séparation 
di^s  bois  Brûlé  et  du  Grandvaitx. 

•1)  Ragut,  Slnlistique  dp  Saône-et-Loire,  p.  561. 

:i)  Voy.  D.  Plancher,  Hisloire  gén.  de  Bourgogne,  l.  I,  lueuves,  p.  uv, 


234    LKS  FORÊTS  DK  L\  CAULE  F.T  DE  l'aNC.IKNNE  FRANCE. 

La  forêt  de  Planè>e  a  pu  se  rattacher  oriiiiiiaii'cmeiit  à   ^ 
celle  qui  environnait  Autun,  l'antique  Ain/ustodumtm,  et 
que  l'on  trouve  désignée  dans  une  charte  de  Louis  d'Ou- 
tremer sous  le  nom  de  Forêt  de  la  montntjne  (1).  ( 

D'ailleurs,  dans  sa  partie  occidentale,  le  département 
de  Saône-et-Loire  occupe  le  sud  du  ^Morvand,  légion  qui  j 
conserva  encore,  à  beaucoup  d'égards,  l'aspect  forestier 
de  l'ancienne  France.  On  y  trouve  en  grand  nombre  de 
belles  forêts,  telles  que  celles  de  Gluàtillon  et  de  la  Gra- 
velle,  et  j'en  ai  déjà  signalé  quelques-unes,  en  parlant 
de  l'Auxerrois.  Ce  n'est  pas  à  dire  cependant  (jue  dans  le 
Morvand  l'influence  du  déboisement  ne  se  soit  pas  fait 
sentir.  Plusieurs  forêts  ont  subi  des  réductions  notables; 
plusieurs  ont  à  peu  près  disparu.  Dès  le  milieu  du 
xiii^  siècle,  la  forêt  de  Saint-Germain,  située  au  voisinage 
de  Brazey-en-Morvand, offrait  de  larges  clairières,  puisqu'on 
1261  nous  trouvons  au  centre  de  cette  forêt  un  hameau 
nommé  Tanoise  et  une  chapelle  dédiée  à  Saint-Germain  (2), 
Cussy-en-M()rvand,qui  faisait  jadis  partie  de  l'archiprètré 
d'Autun,  tire  son  nom,  corruption  du  mot  cotiq,des  forêts 
étendues  dont  il  était  environné.  Dans  ces  forêts  seigneu- 
riales, les  habitants  jouissaient,  moyennant  cinq  sous  par 
feu,  du  droit  d'usage  et  de  pacage;  ils  pouvaient,  disent 
les  anciennes  chartes,  prendre  bois  mort  et  mort-bois 
pourtour  cha.uiïaige,  bois  de  fol  coupé  à  la  serpe,  pour  bou- 
cher leurs  héritages ,  pièces  à  bâtir  et  pour  chaussure  de 
charrettes  et  charrues  et  autres  engins  nécessaires,  sans 
pouvoir  toutefois  en  vendre,  à  peine  de  trois  livres  un  sou 
par  chaque  contravenlion(3).  On  comprend  que  de  si  beaux 


(1)  Cette  charte  a  été  publiée  par  la  société  éduemie  [Méni.  a».  I83'.i, 
p.  34). 

(?)  Voy.  à  ce  sujet  Baudiait,  le  Morrand.  t.  11^  p.  (>28. 
(3)  Baudiau,  oHf.  vil.  t.  Il,  p.  314. 


CHAPITRE    XV.  ZOO 

privilèges  aient  amené  la  dévastation  de  la  forêt.  Une  autre 
forêt  dite  la  forêt  an  Duc,  parce  qu'elle  appartint  jadis  au 
duc  de  Bourgogne,  occupe  encore  aujourd'hui  une  notable 
superficie  (1,235  hectares);  mais  elle  était  beaucoup 
plus  étendue,  quand,  en  1215,  Eudes  III  en  fit  l'acquisition 
de  Robert  de  Corbigny  (i). C'est  ce  que  montrent  le  grand 
nombre  de  villages  qui  y  avaient  droit  d'usage  et  de  pa- 
cage, moyennant  une  certaine  somme (2). D'épaisses  forêts 
environnent  encore  le  village  de  Roussillon-en-Morvand, 
appelé  jadis  Blain;  l'inspection  de  la  carte  de  Cassini  ac- 
cuse certains  défrichements  antérieurs  (3). 

Au  reste,  leMorvand  partageait  avec  le  Nivernais,  dans 
lequel  se  trouve  la  majeure  partie  de  son  territoire,  ce 
caractère  forestier..  Bien  que  l'établissement  de  forges 
en  cette  province  ait  été  la  cause  de  l'exploitation  impré- 
voyante du  bois  (4),  les  forêts  y  sont  encore  étendues.  Dans 
les  temps  anciens,  elles  couvraient  cette  partie  de  l'ancien 
territoire  éduen  d'un  réseau  serré  d'arbres.  Une  forêt 
presque  continue  se  déroulait  au  sud-ouest  et  au  sud  d'En- 
trains, localité  (î'origiiie  romaine,  et  s'avançait  jusque 
vers  Cosne,  le  Condnte  des  Itinéraires.  Des  lambeaux  de 
bois ,  qu'indique  Cassini  sur  la  rive  gauche  de  la  Cure, 
semblent  être  les  vestiges  de  la  forêt  qu'on  trouve  men- 
tionnée dans  une  charte  de  la  fin  du  xii^  siècle,  sous  le  nom 
de  forêt  de  Callibus,  autrement  dit  la  forêt  de  Calz  et  qui 
empruntait  son  nom  à  un  village  ainsi  appelé,  et  qu'a  rem- 
placé le  hameau  de  Chau,  dépendant  de  la  commune  de 


(1)  Baudiau,  ibid.  t.  II,  p.  433. 

(2)  Les  villages  qui  y  avaient  ce  droit  étaient  Quarré-les-Tombes, 
Champlois,  Montz,  La  Fouleticre,  La  Gorge,  Villiers,  Velars,  Menemois, 
Montgaudier,  Bousson,  Iles-Menerier,  Crot  de  Fou,  Bonnaré  etBonioux. 

(3)  Baudiau,  ouv.  cil.  t.  II,  p.  3-21. 

(4)  Voy.  Guy  Coquille,  Hisloire  du  pays  cl  duché  de  Nivcrnois, 
p.  349. 


23C   LLS  l'OUÉTS  DE  LA  (;ALLL;  liT  UE  i/aNCIKNMJ   FRANCE. 

DIlun-les-Places,  canton  de  Lorme,  arrondissement  de 
Clamecy  (i). 

Des  souvenirs  de  l'âge  celtique  vivent  encore  dans  plu- 
sieurs forêts  nivernaises,{lont  la  présence  est  rappelée  par 
des  noms  de  lieux.  Ainsi,  près  des  Amogncs  {AmaïKjiœ 
ou,4;?«o;?/œdans  les  chartes),  dont  le  nom  nous  conserve 
un  mot  de  la  langue  celtique,  existe  un  hameau  de  La 
Forest.  Près  de  Saint-Sauge,  se  rencontrent  les  lieux-dits 
La  Forest,  Bussières,  Sahil-Iienin-des-Bois.  Auprès  de  La 
Fermeté  se  trouve  le  bois  de  Gul-l'an-Xeuf,  dans  le<iucl 
est  un  dolmen  (2). 

Le  commerce  du  bois,  que  l'établissement  du  flottage  a 
singulièrement  activé  dans  le  Nivernais,  doit  être  consi- 
déré comme  une  des  causes  qui  ont  le.  plus  puissamment, 
depuis  trois  siècles,  contribué  à  éclaircir  les  forêts  niver- 
naises  et  en  particulier  celles  du  Morvand.  Quoique  la 
plupart  des  forêts  n'aient  point  été  coupées  à  blanc,  qu'on 
se  soit  souvent  borné  au  fwetafje  (3),  la  consommation 
croissante  du  combustible  dans  la  capitale  a  fait  jeter  dans 
les  eaux  de  la  Cure,  de  l'Yonne  et  de  leurs  affluents,  une 
masse  de  plus  en  plus  étendue  de  bûches  perdues  de  chênes, 
de  hêtres,  de  charmes,  d'ormes,  de  bouleaux  (4/. 

Mais  cette  exploitation  active  n'a  pu  dépouiller  le  Ni- 
vernais et  la  Bourgogne  de  la  parure  de  leurs  forêts;  elles 

(1)  Voy.  Quantin,  Cartulaire  général  de  l'Yonne,  t.  Il,  p.  235. 

(2)  Voy.  Morellet,  Supplément  à  l'Album  htsioriquc  et  pilloresqne  du 
Nivernais. 

(3}  Aujourd'hui  le  gouvernement  et  quel(|ues  riches  particuliers  coupent 
à  blanc  ;  mais  la  phipart  des  autres  particuliers  coupent  au  fureliigc;  ce 
qui  se  fait  en  abattant  les  plus  gros  arbres  ;  c'est  le  mode  d'exploitation 
qu'exprime  le  terme  jardiner. 

(4)  Voy.  à  ce  siijet  Baudiau,  Le  Monand,  1. 1,  p.  4,  5.  L'invention  <I'' 
la  marque  des  bûches  {marleluge},  qui  date  de  1798,  en  facilitant  le  coin 
merce  par  flottage,  en  étendit  encore  la  splière.  Auparavant  les  mai- 
chands  retiraient   un   nombre  de  bûches  pruiiortionnel  à  celui  i|u'i:- 
avaient  jeté  à  l'eau. 


CHAPITRE   XV.  237 

(•(aient,  il  y  a  un  ou  deux  siècles,  l'orgueil  des  habitants 
de  cette    province,  qui   les  défendaient  avec    ténacité 
•contre  des  défrichements  inconsidérés.  «  Quant  aux  bois 
pour  la  multitude  desquels  nos  voisins  coustumièrement 
se  moucquent,  écrit  Gollut,  ils  sont  couchés  pour  une  sin- 
gulière commodité  et  proffitde  tout  le  peuple,  non-seule- 
ment pour  la  nécessité  des  bastiments  et  du  chauffage, 
mais  pour  le  plaisir  et  proffit  des  bestes  sauvaiges  qui  s'y 
establent  et  infinie  multitude,  mais  encore  pour  le  gland, 
faine,  cerises  es  pasturages  et  austres  choses  nécessaires 
au  bestail,  desquelles  l'on  tire  tant  de  profïit  que  nous 
disons  cela  valoir  une  troisième  portion  des  graines  du 
pays.  Et  c'est  pourquoy  les  laboureurs  les  appellent  le 
troisième  grenier  de  Bourgogne.  Et  sert  ce  grenier  mer- 
veilleusement pour  la  seuretédu  pais,  parce  que,  de  quel- 
que endroit  que  vous  voudrez,  vous  passerez  à  couvert 
par  tous  les  quartiers  du  pays,  de  forteresse  à  autre,  et 
pourrez  facilement  aller  au  secours  et  ravitaillement  des 
villes,  donner  camisades  aux  ennemis,  faire  retraite  à  la 
seureté  et  vous  refaire  et  rassembler  à  un  signal,  en  tel 
endroit  du  païs,  prochain  ou  esloigné,  que  vous  voudrez, 
comme  l'hay  apprinspar  un  militaire  discours,  etc.  (1).  » 
Les  cantons  qui  longent  la  rive  gauche  de  la  Saône,  dans 
la  partie  de  son  cours  où  elle  sépare  la  Bourgogne  de  la 
Bresse,  étaient,  suivant  la  tradition  du  pays,  couverts  de 
bois  lorsque  les  débris  des  armées  sarrasines  vinrent  s'y 
établir.  Ce  furent  elles  qui  transformèrent  par  leurs  défri- 
chements, ces  contrées  forestières  en  des  plaines  très- 
productives.  Le  nom  de  Boz  (bois),  que  porte  encore  une 
localité  de  cette  contrée,  rappelle  l'ancienne  existence  de 
ces  bois. 

(1)  }l(':m.  histor.  delà  répiihl.  Sf'fjuannise.  p.  8'i.  Dijgn,  éflit.  (\p  Kri?, 
iii-lul. 


:238    LES  FORETS  DE  LA  CAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Cette  tradition  (1)  est  confirmée  par  le  témoignage  d'Ai- 
moin,  qui  parle  du  Saltus  Brexius;  car,  comme  l'a  remar- 
qué Adrien  de  Valois  (2),  ce  Saltus  devait  s'étendre  sur  la 
rive  gauche  de  la  Saône.  Il  en  subsista  longtemps  des  ves- 
tiges. En  face  de  Màcon  se  trouvait  le  Bois  chétif,  dont  le 
nom  est  une  corruption  de  l'appellation  Nemus  Captionnc. 
Le  bois  Vaucré  se  rencontrait  plus  au  sud,  là  où  sont  le> 
prairies  de  Gormoranche  (3j. 

Des  bords  de  la  Seille  à  ceux  du  Doubs,  dans  l'arron- 
dissement actuel  de  Louhans  répondant  en  grande  partie 
à  la  Bresse  chalonnaise,  régnait  une  succession  de  grands 
bois  qui  indiquait  la  séparation  de  la  Bourgogne  et  de  la 
Franche-Comté,  et  dont  Lessard  et  Saint-Germain  du  Bois 
marquent  le  centre.  Les  bois  de  La  Marche,  la  forêt  de 
Malvèvre,  ceux  de  Savigny  en  sont  les  restes  (4). 

Ainsi  au  sud  comme  au  nord,  subsistaient  au  moyen  âge 
des  pans  delà  vaste  muraille  de  forêts  qui  environnait  la 
Bourgogne  comme  un  rempart  naturel. 

(1)  Voy.  à  ce  sujet  Reinaud,  Invasions  des  Sarrasins  en  France^ 
p.  302,  303. 

(2)  II.  Vales.  Nutilin  GalUarum,  p.  98.  Adrien  de  "Valois  rapporte  la 
passage  du  livre  IV  d'Aimoin. 

(3)  Aug.  Bernard,  Gartulaire  de  Savigny  et  d'Ainay,  U*  partie, 
p.   1073. 

(4)  Quelques  autres  forêts  ont  disparu  de  la  Bresse,  telle  est  celle  rpa 
portait  le  nom  de  Sylva  Pirela  située  près  de  Replonges  (canton  de  Bagé 
le  Chatel).  Voy.  sur  cette  forêt  et  sur  plusieurs  autres  de  la  Bresse,  du 
Maçonnais,  du  Charollais  et  du  Brionnais,  Ragut,  Cartnlaire  de  Sainl- 
Vi7icent  de  Mâron,  p.  249  et  passim. 


CHAPITRE   XVI.  â39 


CHAPITRE  XVI. 

FiiRÊTS  DE  LA  FKANCHE-COMTÉ.  —  LE  JURA.  —  LE  PATS  DE  VAUD.  — 
ANCIENNES  FORÊTS  DE  LA  SAVOIE.  —  LES  WALDSTETTEN.  —  INFLUENCE 
DES  BURGONDES.   —  Df.KRICHEMENTS  OPÉRÉS  DANS  l'hELVÉTIE. 

On  a  déjà  vu,  par  ce  que  j'ai  dit  du  Saltus  Sequanus, 
quelle  vaste  étendue  occupaient  les  forêts  dans  la  partie 
de  la  France  qui  porte  le  nom  de  Franche-Comté.  Durant 
la  période  du  moyen  âge,  tandis  que  le  défrichement  se 
poursuivait  sur  certains  points,  en  d'autres,  ainsi  que 
cela  s'est  passé  pour  diverses  provinces,  les  arbres  repre- 
naient le  domaine  dont  ils  avaient  été  chassés.  La  vaste 
forêt  de  Chaux,  dont  il  a  déjà  été  question,  celles  de 
Chailluz,  de  Ban,  du  Jura,  la  forêt  de  Lomont,  au  pays  de 
Baume,  formaient  comme  les  diverses  mailles  du  réseau 
forestier  qui  enveloppait  les  défilés  conduisant  de  la  Comté 
de  Bourgogne  dans  l'Helvétie  (1).  Dans  la  partie  de  la 
Franche-Comté,  qui  répond  au  département  actuel  de  la 
Haute-Saône,  une  foule  de  bois  furent  laissés  debout  et  ils 
ont  subsisté  jusqu'au  siècle  dernier.  La  région,  notam- 
ment, qui  s'étend  de  Vesoul  à  la  rive  de  l'Ognon,  était 
toute  boisée,  mais  on  n'y  rencontrait  aucune  grande  forêt, 
et  celle  de  Sorans,  malgré  son  nom,  n'était  elle-même 
(|u'un  de  ces  grands  bois  qui  continuaient  ailleurs  de  porter 
simplement  cetle  appellation  générique.  Du  x^  au  xvii*  siè- 
cle, les  mailles  de  ce  réseau  se  sont  graduellement  élargies  ; 
plusieurs  forêts  disparurent;  je  citerai  notamment  celle 


(1)  Annuaire  liistor.  et  stalisl.  du  Doubs,  l'J*  année,  \k  201.  (Voy.  sur 
les  forêts  de  la  Franche-Comté,  Gollut,  Miim.  hislor.  de  la  répull.  séqua- 
noise,  p.  8G.) 


240    LFS  FOlllIlTS  1>F.  l..\  i.Wl.T.  ET  DK  LANCIF NNE    IHANCE. 

qui  environnait  Dole  et  qui,  s'avançant  jusqu'à  Auxonne, 
servait  de  nmrclie  entre  le  duché  et  la  comté  (1).  Cette 
forêt,  ainsi  que  celle  de  la  Serre,  était  un  des  principaux 
débris  du  Saltus  Sequanus;  là  se  pressaient  les  futaies  de 
hêtres,  d'aulnes  et  de  frênes,  comme  l'indiquent  les  noms 
d'une  foule  de  villages  dérivés  de  celui  de  ces  essences  {2j  : 
Faye  ou  Fai  (du  latin  /ff/us,  hêtre),  Vernois,  Vernay  ou 
quelques  noms  commençant  par  le  radical  ver  (vern,  en 
celtique,  aulne)  (3),  Frasne,  Frasnée,  Frasnois  (du  latin 
fraœinus^  frêne)  (4).  Bu  xii"  au  xiv*  siècle,  toutlc  territoin- 
qu'occupent  actuellement  les  villages  du  Grand  et  du  Pelit 
Abergement  était  entièrement  boisé.  Le  défrichement  date 
des  constructions  élevées  en  1190  par  l'abbé  de  Rosières, 
au  hameau  de  la  Tournelle,  qui    n'était  alors   qu'une 
simple  ferme.  Dans  les  siècles  suivants,  les  colons  ne  ces- 
sèrent d'y  arriver,  attirés  par  les  avantages  qui  leur  étaient 
faits,  et  nous  voyons  encore,  au  xyii"  siècle,  le  maréchal  de 
Lorge,  baron  de  Vadans,  accorder  aux  nouveaux  habi- 
tants des  droits  importants  dans  ses  forêts  (5).  Au  val  i\c 
Miége,  arrondissement  de  Poligny,  les  prieurés  de  Miég<' 
et  de  Sirod,  colonies  sorties  du  monastère  de  Saint-Oyan- 
de-Joux,  devinrent  des  centres  agricoles.  Les  clairières 
s'étendirent  rapidement;  au  xii'  siècle,  les  villages  de 

(1)  Roussel,  Dictionnaire  géographique  des  communes  du  Jura,  l.  lit, 
p.  141. 

(2)  Roussel,  0.  c.  t.  111,  p.  169. 

(3j  V'ingt  villages  de  la  Franclie-Comtô  s'appellenl  le  Ver'nois  ou  le 
Vernay.  Le  radical  Ver  ou  Vaire  se  relrouve  dans  les  dénoniinalioiis 
géographiques  des  t-nvirons  de  Cuisia,  village  do  l'arrondissenioul  di' 
Lons-le-Saulnier,  dont  le  nom,  d'origine  celtique  {roat,  bois),  dénote  lu 
présence  ancienne  d'une  foret.  (Voy.  Roussel,  o.  c.  t.  11,  p.  355.) 

(4)  Roussel,  0.  r.  l.  111,  p.  150. 

(5)  Roussel,  0.  c.  t.  1,  j).  4  et  5.  Le  nom  d'Abergement  commence  à 
figurer  dans  les  litres  à  jiartir  de  1?C3.  Les  deuv  villages,  qui  ne  foi- 
niaienl  dans  le  principe  <iu'iinr'  roninnuii'.  dépendaient  du  bailliage  d>; 
halins. 


CHAPITRE    XVI.  24i 

Miége  et  de  Molpré  étaient  déjà  florissants.  En  possession 
de  droits  d'usage  étendus  dans  les  forêts  d'Onglières  et  de 
la  Haute-Joux  que  leur  avait  concédés  un  seigneur  de  No- 
zeroy,  les  habitants  abattirent  sans  discernement,  et  la 
dévastation  des  arbres  marcha  rapidement  (1).  Toute  cette 
partie  de  la  Franche-Comté  subit  un  déboisement  tel  cju'il 
ne  restait  plus,  au  xvf  siècle,  dans  la  seigneurie  de  Poli- 
gny,  que  deux  forêts  domaniales,  celle  de  Vaivre  (2),  qui 
contenait  de  800  à  1,000  journaux,  et  celle  de  la  Mangette, 
d'une  superficie  de  500  arpents.  A  une  époque  plus  recu- 
lée, existaient  les  forêts  deBoichat,  du  Bois-Couronné,  du 
Bois'-Fromont,  des  Champs-Rouges,  de  Dam-Rainaud,  de 
Mont-Adelon,  autrefois  mont  Oidelon  {mous  Odilonis)  (3), 
de  Devens  et  d'Outre-Bois  (4).  Ce  n'est  qu'au  xv'  siècle,  que 
des  mesures  furent  prises  pour  en  régler  l'aménagement 
et  y  limiter  le  droit  d'usage  (5). 

J'ai  dit  qu'au  moyen  âge  la  forêt  reprit  souvent  le  [do- 
maine dont  elle  avait  été  jadis  chassée.  On  en  a  la  preuve 
dans  les  antiquités  romaines,  telles  que  tuiles  à  rebords, 
médailles,  débris  de  constructions,  découvertes  dans  le 
climat  nommé  aux  Vamwz,  sur  le  territoire  de  Balay- 
Saux  (arrondissement  de  Dôle);  car  l'origine  de  ce  village 

(1)  Roussel,  0.  c.  t.  IV,  p.  1G8. 

(2)  Voy.  sur  ce  nom,  variante  de  celui  de  Voevre,  ce  qui  est  dit 
]i.  200  et'204. 

(3)  Cette  forêt  tira,  dit-on,  son  nom  du  forestier  Odilon,  qui  est  men- 
tionné dans  une  charte  de  1133.  Voy.  Chevalier,  Mémoires  historiques 
sur  la  ville  cl  seigneurie  de  Poligny,  t.  II,  p.  91,  note. 

(4)  Rousset,  ouv.  cil.  t.  Y,  p.  167.  Yoy.  sur  la  forêt  de  Devens,  p.  248. 

(5)  Le  4  juillet  1459,  la  ville  de  Poligny  renonça  au  droit  qu'elle  avait 
de  prendre  librement  dans  la  forêt  de  Vaivre  les  bois  nécessaires  pour 
les  besoins  jiublics.  L'obtention  de  ce  droit  dépendit  désormais  du  gruyer 
de  Bourgogne  ou  de  son  lieutenant.  Indépendamment  des  droits  d'usage 
que  les  habitants  de  Poligny  avaient  dans  les  forêts  de  Vaivre  et  de  la 
Mangette,  ils  possédaient  de  vastes  forêts  sur  la  montagne.  Le  maire  en 
avait  d'abord  l'administration,  mais  celle-ci  passa  ensuite  à  la  maîtrise 
le  Poligny,  puis  aux  ofQciers  de  la  réformalion  des  forêts.  Rousset,  /.  c. 

16 


:242    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

et  des  villages  limitrophes  est  comparativement  récente; 
ils  ont  remplacé  des  forêts  qui  existaient  au  moyen 
âge,  et  pourtant  cette  contrée  forestière  nous  apparaîl 
comme  défrichée  pendant  l'époque  romaine  (1).  Ces  re- 
tours de  la  forêt  sont  en  certains  points  d'une  dale  assez 
moderne.  Le  village  de  Larnaud,  qui  appartient  aujour- 
d'hui à  l'arrondissement  de  Lons-le-Saulnier,  avait  déjà 
acquis  assez  d'importance,  lorsqu'au  xv*  siècle  les  armées 
de  Louis  II  le  ruinèrent.  La  végétation  arborescente  s'em- 
para alors  des  champs  qu'offrait  le  territoire  de  ce  village, 
et  elle  transforma  en  forêt  le  pays  auparavant  ouvert  et 
fertile  compris  entre  l'Etoile,  Montmort  et  Louhans.  Les 
déirichements  furent  suspendus  durant  une  courte  pé- 
riode; mais  ils  reprirent  en  1530,  et  les  hameaux  cons- 
truits à  la  suite  de  ces  abattis,  empruntèrent  leurs  noms 
aux  essences  forestières  qui  dominaient  à  l'entour.  De  co 
nombre  furent  le  Frasnois,  la  Grande  Verney,  la  Petite 
Verney.  Au  xvii^  siècle,,  les  guerres  et  les  maladies  conta- 
gieuses qui  désolèrent  ce  canton  ramenèrent  le  sol  à  l'état 
où  il  était  du  temps  des  Gaulois  (2).  Mais  il  faut  le  recon- 
naître, ces  reboisements  naturels  ont  été  en  somme 
moins  nombreux  que  les  défrichements.  Dans  l'arrondis- 
sement de  Poligny,  les  vignobles  prirent  la  place  des  forêts 
abattues,  forêts  dont  les  noms  viennent  d'être  rappelés. 
Aux  environs  de  Saint-Amour,  dans  le  canton  de  Lons-le- 
Saulnier,  grâce  aux  soins  de  Philibert  de  la  Baume,  de- 
venu acquéreur  de  la  terre  de  Saint-Amour  en  1548,  les 
mûriers  blancs  plantés  pour  l'élève  des  vers  à  soie,  les 
châtaigniers  du  Dauphiné,  qui  donnent  les  célèbres  mar- 

(l)  Roussel,  0.  c.  t.  I,  p.  139.  Non  loin  de  l'ancien  château  de  Sainte- 
Marie  existe  une  mare  profonde  d'où  l'on  a  retiré  d'énormes  pieds  df 
ohène. 

(-2)  Rousset,  0.  c.  t.  III,  p.  374. 


CHAPITRE   XVI.  243 

ronsde  Lyon,  remplacèrent  pendant  un  temps  les  essences 
purement  sylvestres  (1). 

Dans  le  Jura  proprement  dit,  le  sapin  demeura  l'essence 
dominante  à  partir  d'une  altitude  de  700".  Entre  ce 
niveau  et  I.IOO""  environ,  il  forme  surtout  des  forêts  qu'il 
peuple  seul  de  ses  troncs  élancés.  Plus  haut  l'épicéa  sou- 
vent le  remplace  (2). 

Un  peu  plus  à  l'est,  dans  la  contrée  qui  constitue 
comme  une  vaste  marche  montagneuse  entre  notre  pays, 
l'Allemagne  et  la  Suisse,  apparaissent  au  moyen  âge  des 
restes  plus  imposants  de  l'antique  Saltus  Sequanus ;yi^e\- 
vétie  en  est  encore  enveloppée  sur  une  foule  de  points. 
Là,  comme  dans  le  Jura,  le  sapin  continue  à  se  montrer; 
mais  il  règne  moins  exclusivement.  Aux  environs  d'Aarau 
et  d'Olten,  il  fait  place,  sur  le  versant  oriental  de  la  chaîne 
jurassique,  au  hêtre,  dont  les  teintes  riantes  contrastent 
avec  la  sombre  couleur  des  épicéas  prédominant  dans  le 
bassin  suisse.  Le  hêtre  descend  en  général  dans  cette 
<^.haîne  plus  bas  à  l'exposition  du  nord,  ainsi  qu'on  peut 
l'observer  au  voisinage  de  Bade,  Feri'ette  et  Porentruy, 
et  se  présente  à  une  plus  forte  altitude  dans  les  districts 
méridionaux  de  la  même  chaîne  (3). 

La  distribution  des  essences  n'a  pas  changé  depuis  des 
siècles.  Au  moyen  âge  comme  de  nos  jours,  les  forêts  se 
continuaient  de  France  en  iSuisse  et  de  Suisse  en  Savoie. 
Otte  ténébreuse  enveloppe  qui  dissimulait  en  partie  la 
frontière  dressée  par  la  nature  entre  ces  trois  pays,  est 


(1)  Roussel,  0.  c.  t.  I,  p.  22.  Saint-Amour  est  un  des  lieux  les  plu? 
anciens  de  la  Franche-Comté. 

(2)  Le  sapin  prédomine  aux  niveaux  indiqués  ici,  à  partir  des  chaînes 
sises  à  l'est  du  Stafelegg,  et  s'avance  sans  interruption  jusque  dans  le 
Bugey. 

(3)  .1.  Thurm.mn,  Essai  de  phytoslaliquc,  t.  I,  p.  183. 


244   LES  FORÊTS  DE  L.V  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

toutefois  devenue  moins  épaisse.  Entamée  par  le  temps  et 
par  l'homme,  elle  laisse  maintenant  percer  à  travers  de 
nombreuses  fissures  faites  à  son  ombre,  la  roche  nue 
qu'elle  recouvrait.  Quelques  forets  ont  totalement  disparu. 
Dans  un  diplôme  de  l'année  862,  où  se  trouve  consignée 
une  donation  faite  par  Charles  le  Chauve  à  Richebert, 
abbé  de  Saint-Oyan  {Sanctus  Eurjendus)  (i),  il  est  fait 
mention  d'une  forêt  s'étendant  de  la  rivière  d'Orbe  {Orba) 
à  la  montagae  Noire  {terminationem  Nigri  montis).  Cette 
forêt  ombrageait  donc  les  flancs  de  la  Grande-Combe,  ac- 
tuellement déboisés;  elle  allait  certainement  se  joindre 
à  l'épais  rideau  derrière  lequel  se  dérobe  la  montagne  qui 
court  parallèlement  au  lac  des  Charbonniers.  Deux  lieux 
dits,  Cliapelle-des-Dois  et  Bois-d' Amont,  rappellent  encore 
l'étendue  de  cette  vaste  forêt,  jetée  comme  une  muraille 
végétale  entre  la  France  et  la  Suisse. 

Le  nom  de  Juris  appliqué  à  cette  forêt  dans  la  charte 
précitée,  semble  être  une  altération  de  celui  de  Jura,  par 
lequel  on  continua  longtemps  de  désigner  toute  la  chahie 
forestière  qui  recouvre  les  lignes  du  Jura  (Juranus  sal- 
ins) (2).  Les  noms  que  portent  deux  contrées  princi- 
pales de  la  Suisse,  en  rappellent  l'état  forestier,  à  savoir  : 
au  nord-est,  les  Waldstetten  ou  Cantons  forestiers,  qui  ont 
valu  au  lac  de  Lucarne  une  des  appellations  sous  lesquelles 
il  est  connu;  et  au  sud-ouest,  le  pays  aujourd'hui  canton 
de  Vaud  {pagus   Waldensis)  (3).  Les  cantons   forestiers 

(1)  Ilisloriens  de  France,  t.  VIII,  p.  583. 

(2)  Ce  nom  de  Juranus  salttis  se  trouve  employé  notamment  dans  Ai- 
moin,  Z>e  gestis  Francorum.  lib.  III,  c.  xcvi.  cd.  D.  Bouquet,  p.  1 1-i. 

(3)  J'ai  déjà  dit  que  ce  mot  Wald  signifiait  à  la  lois  une  forêt  fl  unt: 
chaîne  de  montagnes  boisées,  absolument  comme  cela  arriva  en  latin  pour 
le  mot  sylva.  Diodorc  de  Sicile  nous  apprend,  on  elfel,  que  de  son  temps 
on  appliquait  ce  nom  aux  montagnes  évidemment  i)arce  qu'elles  étaient 
boisées.  TcjvAaTÎvuv  To  o5o;  (jtXiv»xv  ôvoaxîiivTMv.  ^Diodor.  Sicil.  Exccrpl. 
cap.  IV,  p.  8,  édit.  C.  Millier.,. 


CHAPITRE   XVI.  245 

étaient  ceux  de  Lucerne,  de  Sch\vytz,  d'Uri  et  d'Unter- 
waldeu.  Ce  dernier  nom  rappelle  les  forêts  dont  le  pays 
tut  jadis  ombragé. 

Le  pagus  Waldensis,  auquel  les  Burgondes  avaient 
imposé  cette  dénomination  tirée  du  mot  Wald,  s'éten- 
dait oiiginairement  bien  au  delà  des  limites  du  can- 
ton de  Vaud  actuel  (1)  ;  il  comprenait  une  grande  partie 
du  canton  de  Fribourg.  Au  voisinage  de  cette  ville,  on 
trouvait,  en  remontant  la  Sarine,  une  vaste  forêt,  dont 
la  tradition  a  conservé  le  souvenir  et  dans  les  solitudes 
de  laquelle  s'étaient  jadis  établies  les  hordes  du  roi  Gun- 
dioch  (2). 

La  plaine  qui  s'allonge  de  l'Aar  au  Jura  était  dominée 
par  la  forêt  de  Gouggisberg,  qu'une  chanson  populaire  de 
la  Suisse  a  rendue  célèbre.  Cette  forêt  recouvrait  une 
partie  de  l'Aufgau,  où  Lutold  de  Rumligen  bâtit  un  mo- 
nastère de  l'ordre  de  Cluny,  circonstance  qui  la  lui  fit 
'  donner  en  toute  propriété  par  l'empereur  Henri  IV.  Au- 
jourd'hui on  ne  trouve  plus  sur  l'emplacement  de  la  forêt 
de  Gouggisberg,  que  des  prairies,  des  champs,  des  bos- 
quets et  des  jardins  (3). 

L'ancien  pagns  ou  décanat  d'Alinges,  qui  comptait, 
au  XI*  siècle,  soixante-quatre  églises  paroissiales,  et 
s'étendait  entre  le  lac  Léman  et  la  Menoge,  limite  de  la 
province  de  Faucigny,  depuis  le  château  de  Troches  à 
l'ouest  jusqu'à  Saint-Gingolph  à  l'est,  était  couvert  de 
forêts,  surtout  dans  sa  partie  orientale,  appelée  pour  cette 


(1)  Voy.  le  savant  mémoire  de  M.  Fr.  de  Gingins-la-Sarraz  sur  réta- 
blissement des  Burgondes  dans  la  Gaule,  dans  les  Mémoires  de  l'Acadé- 
mie royale  des  Sciences  de  Turin,  t.  xl,  p.  243,  253. 

(2)  Voy.  Gingins-la-Serraz,  Mémoire  cité,  p.  247. 

(3)  J.  do  Millier,  Hist.  de  la  Confédération  suisse,  traduite  par 
Cil.  Monnard,  t.  I,  p.  335. 


246  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

raison  Gaw-Oti,  c'est-à-dire  le  pays  désert,  d'où  l'on  a 
fait  par  corruption  pays  de  Gavot. 

Ce  pagus,  qui  a  formé  depuis  la  province  de  Chablais, 
est  maintenant  dépouillé  de  la  presque  totalité  de  ses 
bois  (1). 

Les  forêts  qui  valurent  le  nom  de  Waldstetten  aux  qua- 
tre cantons  de  Schwytz,  d'Uri,  d'Unterwalden  et  de  Lu- 
cerne,  entouraient  d'une  large  ceinture  arborescente  le 
magnifique  lac  qui  baigne  ces  cantons  et  dans  les  eaux 
duquel  se  réfléchissaient  ses  ombrages.  Cette  zone  syl- 
vestre s'élargissait  au  nord  du  lac  de  Lucerne  et  allait  se 
joindre  aux  forêts  de  l'Helvétie  septentrionale.  Quand, 
vers  l'an  lloO,  le  déboisement  eut  enlevé  aux  Waldstetten 
leur  physionomie  primitive  et  en  eut  fait  disparaître  les 
plus  épaisses  profondeurs,  un  seul  canton  conserva  ses  té- 
nébreuses forêts,  ce  fut  celui  de  Stanz,  et  ons'habilua  dès 
lors  à  Je  distinguer  des  autres  petits  cantons  par  le  nom 
d' Untencalden,  comme  nous  dirions  en  français  :  Sous  bois. 
Les  deux  vallées  dont  il  est  formé  n'étaient  alors  en  réalité 
que  deux  forêts  :  l'une  placée  au  sommet  des  Alpes,  l'O- 
berwalden,  et  l'autre  à  leur  pied,  le  Nieder\valden  (2). 
Le  caractère  forestier  que  présentait  au  moyen  âge  la 
partie  de  la  Suisse  qui  répond  aux  petits  cantons,  la  fit 
désigner  par  les  chroniqueurs  latins  sous  le  nom  de  Sil- 
vania;  ses  habitants  furent  appelés  SHvarài  (3). 

De  même  que  le  lac  des  quatre  cantons,  celui  de  Zu- 
rich était  entouré  d'une  forêt  qui,  sous  Charlemagne, 
devint  propriété  royale.  Cinq  siècles  de  défrichement  ont 

(1)  Gingins-la-Sarraz,  Mém.  cit.  p.  264. 

(2)  Tscliudi,  Chronicon  Ihlvelicum,  t.  I,  p.  3-4,  58,  71  el  72. 

(3)  Le  nom  de  Sylvain,  Sijknus,  fut  aussi  imposé  à  plusieurs  mon- 
tagnes qui  séparent  la  Suisse  de  l'Italie.  Ainsi  les  monts  Rosa  et  Cerviii 
reçurent  successivement  ce  nom,  mons  Syliius,  à  cause  de  leurs  cime? 
boisées.  (Nouv.  Annal,  des  Voilages,  1824,  t.  XXIII,  p.  238.) 


CHAPITRE   XVI.  247 

substitué  à  cette  ceinture  forestière  de  nombreux  vigno- 
bles (1). 

Les  Burgondes  apportèrent  la  culture  et  la  vie  dans  ces 
solitudes,  abandonnées  auparavant  aux  bêtes  fauves,  aux 
chamois  et  aux  aigles.  Les  villages  s'élevèrent  en  grand 
nombre  dans  les  clairières  pratiquées  sur  les  flancs  des 
montagnes  et  gagnèrent  jusqu'à  leur  cime,  que  les  glaciers 
ont  souvent  envahie  depuis.  Les,  bnœhes  {^) ,  les  neiireus{^ 
prirent  la  place  des  futaies  de  sapins  et  d'épicéas.  Là  où 
auparavant  l'on  se  bornait  à  ouvrir  par  le  feu  un  essart 
sur  le  sol  duquel  se  semaient  quelques  maigres  céréales, 
furent  créés  des  vignobles  et  des  jardins. 

Toutefois,  malgré  les  progrès  du  défrichement,  l'Helvé- 
tie,  et  en  général  les  contrées  qu'envahirent  les  Burgondes, 
conservèrent  de  vastes  forêts  dont  la  jouissance  commune 
assurait  aux  populations  voisines  la  satisfaction  d'indis- 
pensables besoins.  Les  Burgondes  apportèrent  dans  la 
Gaule  les  habitudes  germaniques,  et  j'ai  déjà  dit  plus 
liaut  qu'en  Allemagne,  surtout  dans  la  Saxe,  l'existence 
des  forêts  communes  s'est  continuée  fort  longtemps.  C'est 
seulement  à  dater  de  la  fin  du  xii*"  et  du  commencement 
du  xiii^  siècle,  que  les  princes  commencèrent  à  s'en  attri- 
buer la  possession.  Cette  usurpation  eut  d'heureux  effets 
pour  la  conservation  des  forêts.  En  perdant  le  droit  dont 

(1)  J.  de  Millier,  Uisl.  de  la  Conf.  suisse,  ti-ad.  par  Ch.  Monnard,  t.  ], 
!>.  203. 

(2)  C'est  ainsi  qu'on  appelle,  dans  le  Jura  et  les  Alpes,  les  lieux  défri- 
chés; ce  nom  vient  de  l'allemand  brache,  «  friche.  »  En  gaëlic,  ces  lieux 
s'appellent  Frilh,  Ftilhe  (mot  celle  d'où  parait  dériver  notre  français 
friche,  et  qui  avait  désigné  originairement  une  forêt).  Les  anciens  Alle- 
mands, à  l'époque  carlovingienne,  donnaient  le  nom  de  Bifange  aux  can- 
tons d'une  foiôt  qui  étaient  défrichés  et  livrés  à  la  culture.  (Behlen 
Lehrb.  der  deulsch.  Forstgeschiclile),  t.  I,  p.  56.) 

(3;  Ce  nom,  porté  par  divers  villages,  signifie  liexi  nouvellement  défri- 
rhé,  de  reule7i,  «  extirper.»  Le  nom  de  iVf'wrews  s'est  changé,  dans  cer- 
tains endroits,  on  celui  de  Nugerol. 


248  LES  FORÊTS  DE  L/V  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

ils  avaient  joui  durant  des  siècles  de  couper  du  bois,  de 
chasser,  les  paysans  allemands  furent  mis  dans  l'impossi- 
bilité de  dévaster  les  forêts.  La  possession  devint  plus  mé- 
nagère entre  les  mains  des  seigneurs.  Les  établissements 
religieux  envahirent  aussi  les  forêts  communes;  des  char- 
tes de  donation  firent  passer  de  grandes  étendues  d'an- 
ciennes marches  forestières  entre  les  mains  des  moines 
avec  tous  les  droits  utiles  qui  eu  dépendaient  (1).  Les  mo- 
nastères devinrent  alors,  comme  ils  l'ont  été  en  France, 
les  grands  centres  de  défrichement;  c'est  ce  qui  arriva 
également  en  Suisse.  Les  vallées  du  Jura  et  de  l'Oberland 
se  peuplèrent  de  solitaires;  leur  établissement  en  Helvétie 
remonte  aux  premiers  temps  de  l'invasion  burgonde. 
Protais  s'était  retiré  dans  les  forêts  qui  bordaient  le  Lé- 
man. Il  construisit  au-dessus  de  l'ancien  Lousoniwn 
quelques  cabanes  qui  donnèrent  naissance  à  Lausanne. 
Genève,  l'antique  Genaha,  avait  dû  par  son  importance 
amener  le  défrichement  de  presque  toute  la  contrée  qui 
la  sépare  du  Jura,  et  la  colonie  équestre  de  Xyons  étendit 
encore  de  ce  côté  la  zone  cultivée.  Aussi  au  xiii'  siècle, 
ne  restait-il  plus  de  la  forêt  qui,  dans  le  principe,  s'avan- 
çait de  la  crête  du  mont  Tendre  au  lac,  que  la  forêt  de 
Devens,  qui  ombrageait  le  district  de  Cossonay  (2).  Dans 
la  haute  vallée  du  Jura,  Ponlius,  Romanus  et  Lupicinus 
fondèrent  des  ermitages.  Sigonius  plaça  sa  cellule  au 
haut  des  rochers  de  Balm  ou  Baulmes  (3).  Saint  Germain 
appelait,  au  vif  siècle,  dans  la  vallée  de  Porentruy,  les 
religieux  qui  défrichèrent  la  vallée  de  Mou  tiers-Grand - 


(1)  Voy.  Boulhors,  L>:s  Sources  du  droit  rural,  p.  85. 

(2)  Nemtts  castelU  quod  dicilur  Devens,  dit  une  charte  de  l'an  1211. 
—  Carlidaire  de  la  Chartreuse  d'Oujon,  publ,  par  J.-J.  Hisely,  p.  10. 
[Mémoires  de  la  Société  d'Histoire  de  la  Suisse  romande,  t.  XII.) 

(3)  J.  do  Millier,  Ilisl.  delà  Conf.  suisse,  irad.  parCh.  Monnard,  1. 1, 
p.  119. 


CHAPITRE   XYl.  249 

Val  (1).  Vers  la  même  époque,  Ursinus  allait  bâtir  sa 
cellule  non  loin  de  la  source  du  Doubs,  là  où  est  au  jour-, 
d'hui  Sainte-Ursanne.  La  vallée  arrosée  par  la  Suze, 
qui  n'était  qu'un  défilé  couvert  de  forêts,  circonstance  à 
laquelle  elle  dut  le  nom  de  ISirjra  Vallis  (Nugerol),s'éclair- 
cissait  sous  la  hache  d'Imier  et  de  son  valet  Albert  (2). 
Non  loin  de  Morat,  Marins,  par  des  travaux  du  même 
}<enre,  jetait  les  fondements  de  Payerne  (3).  Saint  Gall  et 
saint  Mang,  son  disciple  et  son  ami,  après  avoir  traversé 
les  bois  de  Zurich  et  ceux  qui  recouvraient  les  pentes  de 
l'Albis  (4),  pénétrèrent  jusqu'aux  bords  du  lac  de  Cons- 
tance dans  une  forêt  contiguë  à  la  forteresse  d'Arbon, 
dont  le  nom  primitif  rappelle  encore  la  présence  des  ar- 
bres {Arbor  felix)  (5).  Ils  gravirent  la  montagne,  qui  n'a- 
vait jusqu'alors  été  hantée  que  par  les  bêtes  fauves,  et  se 
mirent  à  défricher  le  pays  (6). 

De  toutes  ces  forêts  que  les  ascètes  chrétiens  ont  rendues 
à  la  culture,  il  ne  subsiste  plus  que  de  maigres  débris, 
des  sapinières,  comme  celles  de  la  Handeck  (7),  qui  par 
l'altitude  à  laquelle  elles  s'élèvent,  échappent  à  la  dent 
des  bestiaux,  à  la  hache  du  cultivateur,  et  qu'on  est 
aujourd'hui  plus  intéressé  à  conserver  qu'à  détruire  (8). 


(1)  Gingins-]a-Sarraz,  Mém.  cilé,  p.  226. 

(2)  J.  de  Millier,  Ilist.  de  la  Conf.  Suisse,  trad.  par  Ch.  Monnard, 
l.  I,  p.  151. 

(3)  Jbid.  p.  152. 

(4)  Ibid.  p.  161. 

(5)  Ibid.  p.  168,  Arbon  est  indiqué  dans  l'itinéraire  d'Antonin  sous 
le  nom  à.' Arbor  felix.  (Voy.  n°  234,  p.  110,  éd.  Parthey  et  Pinder.)  C'é- 
tait dans  les  forêts  de  l'Albis,  à  l'occident  du  lac  de  Zurich,  que  s'étaient 

"retirés  Ruprecht  et  Wikard,  son  frère. 

(6)  Ibid.  p.  164. 

(7)  J.  Olivier,  Le  canton  de  Vaiid,  t.  I,  p.  105.  Lausanne,  1837. 

(8)  Voy.  E.  Desor,  Excursions  et  séjour  dans  les  glaciers  et  les  hautes 
rêr/ions  des  Alpes,  Neuchûtel,  1844,  p.  22.  La  vallée  de  Hassli  est  une 
de  celles  où  la  végétation  forestière  atteint,  en  Suisse,  la  plus  grande  élé- 


250  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Des  bords  du  lac  de  Constance  {Brujantimis  /^cms)  jus- 
qu'aux Alpes  Pennines,  s'étendait  une  vaste  forêt  dont  un^ 
partie  a  été  défrichée  par  tes  serfs  de  Beronmïinster.  Un 
grand  nombre  de  monastères  de  la  Suisse,  ceux  par  exem- 
ple de  Roggenbourg,  près  du  Weissenhorn  (1),  d'Einsied- 
len  (2),  située  dans  une  forêt  surnommée  la  Noire,  de  Ro- 
mainmoutier,  n'ont  pas  d'autre  origine.  Frappés  des  ser- 
vices que  les  moines  rendaient  à  l'agriculture,  les  seigneurs 
fondèrent  à  leur  tour  de  nombreux  couvents  (3). 

Leurs  serfs  concoururent  avec  les  moines  au  vaste  tia- 
vail  de  défrichement  qui  découronna  les  cimes  des  Alpes 
de  leurs  épais  ombrages.  Les  montagnes,  de  plus  en  plu> 
habitées,  cessèrent  d'être  le  repaire  des  bêles  fauves  qui 
foisonnaient  dans  l'Helvétie  ;  car  les  dominateurs  de  ce> 
contrées,  les  comtes  de  Rapperschwyl,deTokenbourg,  de 
Gruyère,  de  Lenzbourg,  les  seigneurs  de  Monlfort,  le> 
comtes  de  Kibourg,  les  ducs  de  Zaehringen  et  cent  autre^ 
nobles  les  poursuivaient  journellement  dans  leurs  chas- 
ses (4).  Non-seulement  le  paysan  lié  à  la  glèbe  transfor- 
mait pour  son  seigneur  le  sol  forestier  en  terre  arable,  il 
ouvrait  encore  dans  les  taillis  des  clairières  qu'il  cultivait 
à  son  i)roûl{srmdî'umsimm}.  Des  pâtres  s'établissaient  dans 
les  forêts  les  plus  élevées,  comme  cela  eut  lieu  au  Sentis 
et  au  Kamor  (o).  Telle  a  été  l'origine  du  canton  d'Appen- 
zell.  Le  nom  des  deux  divisions  qu'on  y  reconnaît  aujour- 


vation.  Le  chalet  de  !a  Harideck,  à  4,400  pieds,  est  caché  au  milieu  «l'iin 
magnifique  bosquet  de  sapins  séculaires. 

(1)  Fondé  en  11 2G,  par  Conrad,  comte  de  Biberek,  évéque  de  Coire,  et 
par  Berthold  et  Siegfried,  ses  frères. 

(2)  Le  couvent  de  Notre-Danie-des-Ermites.  (MùUcr,  t.  1,  p.  279;  Goi  - 
bert,  Hisl.  Silvx  Nigrx,  t.  1,  p.  193.) 

(3)  Voy.  Mémoires  et  documents  jnibliés  par  la  société  d'histoire  de  In 
Suisse  romande,  t.  I,  p.  120. 

(4;  J.  do  Mùller,  OMii.  cit.  p.  399  et  suiv. 
(5)  Jbid.  p.  387. 


CHAPITRE   XVI.  251 

d'iîui,  les  rhodes  (1)  intérieurs  et  les  rhodes  extérieurs,  rap- 
pelle les  défrichements  qu'on  y  a  jadis  opérés.  L'antique 
Rhétie,  que  d'immenses  forêts  traversaient,  ainsi  que  l'Hel- 
vétie,  fut  plus  épargnée  par  la  hache  des  moines  et  des 
serfs.  Plusieurs  de  ses  ténébreux  massifs  gardèrent  pen- 
dant bien  des  siècles  leur  sauvage  et  primitif  aspect  ;  et 
le  chasseur  seul  se  hasardait  dans  leurs  inextricables  défi- 
lés. Mais  avec  le  temps,  ces  solitudes  se  laissèrent  péné- 
trer. Les  hardis  montagnards  de  l'Allemagne  gravirent  le 
Monte  d'Uccello  et  sillonnèrent,  dans  leurs  courses  aventu- 
reuses, le  Rheinwald  ou  forêt  du  Rhin.  Les  paysans  de  la 
Souabe  traversèrent  la  forêt  qui  occupait  le  canton  de 
Curwalchen  et  parvinrent  jusqu'au  pied  du  Spliïgen  (2). 
Les  friches  et  les  clairières  qui  avoisinent  le  lac  de  Wal- 
lenstadt  furent  mises  en  culture  par  les  serfs  des  comtes  de 
Bregenz  et  de  Lenzbourg  (3).  Ceux  du  couvent  de  Saint- 
Hilaire,  à  Seekingen,  se  répandirent,  en  suivant  sans 
doute  les  bords  de  la  Limmat,  de  l'Aar  ou  du  Rhin,  dans 
le  pays  de  Glaris,  vallée  moitié  rhétienne,  moitié  allema- 
nique,  et  construisirent  leurs  habitations  avec  les  arbres 
qui  en  tapissaient  les  flancs  (4). 

Aux  altitudes  oii  ne  pouvaient  atteindre  les  demeures 
des  cultivateurs,  celles  des  hommes  de  Dieu  arrivaient 
encore,  et  comme  à  l'Engelberg,  au  comté  de  Zurich,  les 
moines  ne  reculaient  pas  devant  des  forêts  chargées  toute 
l'année  de  frimas. 

Des  villes  s'élevèrent  donc  peu  à  peu  dans  les  contrées 
qu'occupaient  les  forêts.  Au  milieu  des  épais  ombrages 

(1)  Ce  nom  est  dérivé  de  roda,  rode,  qui  répond  au  latin  navale. 
(Voy.  Scherzius,  Glossar.  german.  s.  v.) 

(2)  J.  de  Millier,  Ilist.  de  la  conf.  suisse,  trad.  par  Ch.  Monnard,  t.  I, 
]..  150,  322. 

(3)  Ibid.  p.   154,  322. 

(i)  Ibid.  p.   150,  281,  325. 


252   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

qui  environnaient  le  château  de  Nidek,  Cuno  de  Buben- 
berg  ouvrit  de  vastes  clairières  qu'il  ajouta  au  territoire, 
alors  borné,  de  Berne,  et,  de  simple  bourgade,  cette  place 
devint  une  des  métropoles  de  l'Helvétic  (l).  Le  pied  du 
Jorat,  dont  quelques  habitations  perçaient  le  rideau  ar- 
borescent, vit  s'élever  la  ville  de  Moudon.  Jadis  cette  mon- 
tagne s'était  confondue  avec  la  chaîne  du  Jura,  à  laquelle 
la  liait  une  ligne  continuedeforèts  dont  un  tronçon  impor- 
tant [neinus  de  Jorat)  subsistait  encore  au  xiii"  siècle  (2). 
Enfin,  au  milieu  des  déserts  ombragés  de  l'Uechtland, 
qui  appartenaient  à  l'abbaye  dePayerne,  sur  les  bords  de 
la  Sarine,  Berthold,  duc  de  Zaehringen,  fit  construire 
Fribourg,  qui  devint,  pour  l'abbaye  d'Hauterive,  une  ri- 
vale redoutable  (3). 

Les  forêts  marécageuses  de  l'Uechtland  (pays  de  Neu- 
châtel),  vraisemblablementd'un  aspect  analogue  à  la  vaste 
forêt  de  Dromling,  dont  les  lignes  irrégulières  couvrent 
les  bords  de  l'Ohre  (4),  furent  asséchées  ;  à  leur  place  on 
vit  paraître  des  campagnes  fertiles  que  des  digues  éle- 
vées préservaient  des  inondations  dues  à  l'irruption  des 
eaux  des  lacs  (5). 

Les  habitants  de  la  Suisse  jouissaient  en  commun  de  ces 
magnifiques  forêts  où  ils  faisaient  paître  leurs  troupeaux  et 
allaient  recueillir  du  bois.  Ainsi  l'autorisait,  comme  je 
l'ai  fait  remarquer  plus  haut,  la  loi  des  Burgondes.  «  Syl- 
varum,  montium  et  pascuorum  unicuique  pro  rata  sup- 

(1)  J.  de  Millier,  t.  I,  p.   168,  373. 

(2)  Voy.  Cartulaire  de  Vabbaye  de  llauteret,  pub),  par  J.-J.  Hisol\ . 
p.  202  (dans  les  Mémoires  de  la  société  d'histoire  de  la  Suisse  romande). 

(3)  J.  de  Mûller,  t.  I,  p.   164,  367  et  suiv. 

(4)  Cette  forêt,  qui  recouvrait  encore',  il  y  a  quelques  années,  une  su- 
perficie de  130,000  arpents,  s  étend  dans  la  Saxe  prussienne,  le  Ilanoviv 
et  le  duché  de  Brunswick. 

(5)  L'Aar,  en  débordant,   inondait   les    bois   de  l'Uechtland.  (Vo\ 
Millier,  t.  I,  p.  254.) 


CHAPITRE    XYI.  253 

petit  esse  commimionem  (1),  »  dit  un  de  ses  articles.  Des 
restes  de  cette  communauté  se  conser\èrent  longtemps 
dans  rUechtland  ;  on  peut  citer  notamment  l'association  du 
liouchoyage,  établie  entre  les  barons-bourgeois  de  Pontar- 
lier  (2).  A  leur  arrivée  dans  le  pays,  les  Burgondes  avaient 
exigé  des  propriétaires  riverains  la  cession  de  la  moitié  de 
leurs  bois  (3).  Cet  état  de  choses  ne  tarda  pas  à  entraîner 
de  graves  abus,  qui  portèrent  un  coup  funeste  aux  forets 
suisses.  Les  communiers  commirent  de  nombreux  dégâts. 
De  plus  l'exploitation  naissante  des  mines  hâta  la  des- 
truction des  forêts  du  Mont-Julier  (4)  et  d'autres  mon- 
tagnes dont  les  flancs  recelaient  des  métaux  utiles.  Les 
communiers  se  disputèrent,  chacun  pour  son  industrie 
particulière,  le  droit  d'abattre  et  de  mutiler  les  arbres. 
Les  charbonniers,  les  tonneliers,  les  verriers  entrèrent  en 
lutte,  et  cette  lutte  se  continuait  encore  au  commence- 
ment du  siècle  dernier  (5).  Aussi,  du  moment  que  les 
usages  se  multiplièrent  assez  pour  amener  une  exploita- 
tion abondante,  vit-on  les  forêts  péricliter  rapidement. 
En  1576,  les  joux  ou  vastes  sapinières  de  la  vallée  de 
Romainmoutier,  sont  dévastés  par  les  communautés  de 
risle,  Villars-Boson  et  la  Coudre  (6),  qui  abattent  par 
milliers  les  sapins  pour  en  faire  lavons  (planches),  ce  qui 

(1)  Lex  iJurj/imrf.  addit.  pr.  g  6. 

(2)  Droz,  Ilisi,  de  Ponta)iie)\  p.  120,  131.  Voy.  ce  que  je  dis  plus  loin 
du  bouchoyage,  on  parlant  de  l'extension  des  droits  d'usage. 

(3)  Millier,  ouvr.  cit.  t.  I,  p.  114. 

(4)  On  y  exploitait  des  mines  de  fer  pour  les  Guelfes,  comtes  d'Altorf. 
(Voy.  Mûller,  oiiv.  cit.  p.  285.) 

(5)  Yoy.  les  pièces  justificatives  de  l'Histoire  de  la  vallée  du  lac  de 
Joux,  par  J.  D.  Nicole,  dans  le  t.  I,  part,  ii,  p.  49(3.  440,  444,  des  Mé- 
moires et  documents  imbliés  par  la  société  d'histoire  de  la  Suisse 
romande. 

^6)  Voy.  les  pièces  justificatives  des  Annales  de  l'abbaye  de  Joux, 
jiubl.  parFr.  de  Gingins-de-la-Sarraz,  n°  86,  1. 1,  part,  m,  p.  431,  des 
.Uémoires  de  la  société  d'histoire  de  ta  Suisse  romande. 


254   LES  FORÊTS  DELA  GAULE  ET   DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

donne  lieu  à  de  vives  réclamations.  La  forêt  de  Risou,  si>< 
entre  la  vallée  de  Joux  et  la  Franche-Comté  (1),  la  forêt  d. 
Febeton  (2),  fort  importante  au  xiii«  siècle,  perdireiii 
promptement  une  partie  notable  de  leur  étendue.  Uuc 
pièce  des  archives  de  Cossonay,  de  l'année  1664,  repré- 
sente les  bois  de  Seppez,  qui  entouraient  cette  ville, 
comme  grandement  ruinés  depuis  plusieurs  années  (3).  En 
1618,  un  seigneur  de  Gorgier,  dans  la  principauté  de 
Neuchâlel,  se  plaint  aux  fji^mdsjoursou  plaids  de  mai  «  du 
grand  mésus  qui  se  commet  aux  bois  et  forêts,  tant  de 
son  altesse,  de  ses  vassaux,  que  communs  et  particuliers, 
pour  n'être  châtiés  suffisamment  et  extraordinairement 
ceux  qui  font  le  guet  sur  les  arbres^,  quand  les  autres  mé- 
susants  coupent  et  abattent  du  bois,  ni  ceux  qui  avec  un 
corbet,  couteau  ou  autres  glaives  qui  n'appellent  le  fores- 
tier, font  aussi  dégât  de  jeunes  arbres,  plantes  et  arbres, 
qu'ils  peuvent  plumer  et  couper  avec  lesdites  menus 
glaives  (4).  »  Toutefois,  la  Suisse  était  assez  riche  de  boi> 
pour  pouvoir  réparer  les  pertes  et  ne  point  souffrir  de  ces 
dévastations  locales.  D'autres  contrées  nous  donneront  If 
spectacle  d'un  gaspillage  de  la  matière  ligneuse  ayant 
ou  des  conséquences  bien  autrement  fâcheuses. 

[\)  Mémoires  el  docum.  de  lu  société  d'hist.  de  la  Suisse  romande,  t.  I, 
part,  in,  p.  440. 

(2)  Voy.  Recueil  de  pièces  concernant  l'ancien  évcché  de  Lausanne, 
Cartulaire  de  l'an  1277,  Mém.  et  dociim.  cités,  t.  VII,  part,  i,  p.  69. 

(3)  Pièces  justificatives  delà  Chronique  de  Cossonay.  publ.  par  L.  dt* 
Charrière,  Mém.  el  doc.  cit.  II*  iivr.  p.  435. 

(4)  Matile,  Travaux  législatifs  des  plaids  de  mai,  p.  42,  Neufchàlel, 
1837.  En  Allemagne,  c'était  aussi  aux  assises  de  mai  i^Maigedinge)  qu'é- 
taient portées  les  affaires  de  délits  forestiers. 


CHAPITRE  XVI.  255 


CHAPITRE  XVII. 

AMJIEN  ÉTAT  FORESTIER  DE  l'oRLÉANAIS.  —  FORÊTS  d'oRLÉANS  ET  DE 
MON'TAR&IS.  — LE  GATINAIS.  —  FORÊTS  DU  PAYS  CHARTRAI>",  DU  RLÉSOIS 
ET  DU  VENDOMOIS.   —  LA  SOLOGNE.  FORÊTS  DU  BERRY. 

L'ancien  pays  des  Carnutes,  qui  répondait  en  grande 
partie  au  territoire  de  la  province  d'Orléanais,  formait, 
ainsi  qu'on  l'a  vu  plus  haut,  comme  la  frontière  entre  les 
<leux  Gaules,  telle  que  la  donnent  les  Romains,  la  Gaule 
Belgique  et  la  Gaule  Celtique . 

La  Loire,  dont  le  cours  partage  la  France  en  deux  por- 
tions à  peu  près  égales,  était  prise  par  eux  pour  la  ligne 
de  démarcation  entre  les  deux  races  (1),  quoique  au  temps 
de  César,  la  Belgique  ne  commençât  qu'à  la  Seine  (2). 
La  large  zone  forestière  qui  recouvre,  duSénonais  au  pays 
Chartrain  et  au  Vendômois,  toute  la  rlye  gauche  de  ce 
grand  fleuve,  constituait  donc  une  immense  marche  boisée 
analogue  à  celles  qu'on  rencontre  entre  les  territoires  de 
diverses  cités  gallo-romaines.  Le  centre  de  cette  zone  était 
occupé  par  une  des  forêts  les  plus  importantes  de  la  Gaule, 
la  Leodia  ou  Leodica  sylva  (3),  désignée  plus  tard  sous  le 
nom  de  foresta  Lagii  (4)  et  que  nous  appelons  aujourd'hui 
forêt  d'Orléans.  Ce  nom  de  foresta  Lagii  ou  simplement 
fMf/him  apparaît  dès  le  xiif  siècle,  et  comme  à  cette 

(1)  Co  fleuve  séparait,  au  moyen  âge,  les  pays  de  langue  d'oc  et  ceux  de 
langue  d'oyl. 

(2)  Strabon.  IV,  i,  p.  147,  éd.  Dûbner  et  MûUcr.  Cf.  Caîsar,  de  bell. 
fluHic.  1,1. 

(3)  Voy.  H.  Valesius,  Nolilia  Galliariim,  p.  270. 

(4)  Voy.  Historiens  de  France,  t.  XXII,  p.  517,  378,  610.  —  Olim, 
M.  Beugnot,  t.  II,  p.  289.  (An.  1289.) 


256   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

époque,  divers  villages  s'étaient  élevés  en  des  lieux  qu'oc- 
cupait originairement  la  forêt,  l'épithète  de  in  Lcujio  fut 
donnée  à  quelques-uns  d'entre  eux  (1), 

On  ne  peut  douter  qu'au  temps  des  Romains,  la  forêt 
d'Orléans  et  celle  de  Montargis  dont  je  parlerai  tout  à 
l'heure  et  qui  n'en  était  qu'un  démembrement,  ne  pré- 
sentassent sur  une  foule  de  points  de  grandes  trouées. 
Les  voies  romaines  de  Genabiim  (Orléans)  à  Ayemlicum 
(Sens),  et  à  Lutèce,  dont  on  retrouve  encore  aujourd'hui 
les  tronçons  (2),  avaient  nécessité  pour  leur  percement  il< 
nombreux  abattis.  Plusieurs  des  villages  construits  ^nr 
l'ancien  territoire  de  la  Leof//<7  i^y/i-a  datent  au  moins  <le 
l'époque  carlovingienne.  Dès  le  x*  siècle,  il  existait  dans 
cette  forêt,  qui  était  une  propriété  royale  et  où  les  prim 
allaient  souvent  chasser,  plusieurs  villas  (3).  La  seule  ins- 
pection de  la  carte  de  Cassini  peut  faire  découvrir  quelles 
pertes  la  forêt  d'Orléans  avait  antérieurement  éprouvées. 
Les  défrichements  se  sont  surtout  étendus  dans  la  partie 
septentrionale.  Une  foule  de  localités  placées  bien  au  delà 
de  la  lisière  de  la  forêt,  à  huit,  dix  kilomètres  et  même 
davantage,  portent  des  noms  qui  rappellent  leur  présence 
au  milieu  des  bois  :  tels  sont  Vrir/ny-aiix-Bois,  Bois- 
Laleu,  la  Brosse,  le  Buisson-avx-Bois,  Bois-Bénier,Bouzn,- 
i:ille-aux-Bois,  le  Bois-Jean,  Bois-(le-Lully,  Xeuville-au.i  - 
Bois,  Villereau-aux-Bois,  CJdlleurs-anx-Bois,  Bois-Boissi//, 
Bois-commun. 


(1)  Ainsi  Neuville-aux-Bois  est  appelé,  au  comnioncement  du  xiv''  siè- 
cle, Novilla  in  Lagio.  (Historiens  de  France,  t.  XXII,  p.  517.)  I 

(2)  Voy.  à  ce  sujet  Jollois,  Mémoire  sur  les  anliquilés  dudépartemerUi 
du  Loiret.  Il  y  avait  deux  voies  qui  conduisaient  d'Agendicum  à  Gêna-  Il 
hum;  l'une  passait  \)a.r  Aqu,T  Segeste,  l'autre  vraisemblablement  par  T' 
launodununi :  cette  dernière  est  encore  connue  sous  le  nom  de  Clui> 

de  César. 

(3)  Valesius,  Notilia  GaUiarum,  p.  270. 


c:ii.\pm;r:  xvii.  i57 

Pour  rc'tiouver  raiieieiinc  IVoiiLière  se[)teiiLriuiiu!e  de 
la  Ibrèt  d'Orléans,  il  l'aut  donc  réunir  à  son  domaine  toutes 
ces  localités  et  tirer  une  ligne  de  Neuville  jusqu'à  Boyne, 
en  la  faisant  passer  par  le  Bois-de-Laleu, Saint-Michel,  où 
se  trouve  encore  un  bouquet,  Bouzonville,  Mareau,  et 
Bois-de-Luliy. 

Au  sud,  entre  Boigny  et  Saint-Benoît,  la  forêt  se  rap- 
prochait beaucoup  des  rives  de  la  Loire.  Dans  cette  ré- 
gion, les  noms  de  Ghessy  et  de  Fay-aux-Loges  sont  suffi- 
samment significatifs.  Le  territoire  de  Saint-Benoit  était, 
au  VII''  siècle,  occupé  par  la  furet,  quand  oh  y  fonda  l'ab- 
baye de  Fleury  {Floriacum)  (4).  Antérieurement,  une 
autre  abbaye  fut  élevée  en  un  de  ses  cantons  qui  n'était 
plus  au  xiii^  siècle,  ainsi  que  cela  ressort  des  Comptes 
de  saint  Louis,  qu'un  simple  bois  {boscus sancti EvurtU){^) . 
Je  veux  parler  de  l'abbaye  de  saint  Evurte,  appelée  par 
corruption  saint  Euverte,  et  qui  se  trouvait  sur  le  bord 
de  la  Loire  aux  portes  mêmes  d'Orléans.  L'existence,  à  cette 
époque,  du  bois  de  St-Evurte,  ou  comme  l'on  disait  encore 
de  Sain t-Eu verte,  prouve  que  la  foret  s'était  avancée  à  peu 
de  distance  de  la  banlieue  de  la  ville. 

Sans  doute  qu'à  la  période  gallo-romaine,  la  sylva  Lagit 
s'étendait  beaucoup  plus  loin  au  sud-est;  elle  allait  re- 
joindre la  forêt  de  Montargis  dont  un  prolongement  avoi- 
sinait  Chàtillon-sur-Loing;  car  divers  lieux-dits  qui  se 
trouvent  entre  Sury-aux-Bois  (4)  et  cette  dernière  ville, 
accusent  l'existence  d'une  suite  de  bois,  tels  sont  Ste-Ge- 

(1)  Ce  monastère  qui  doit  son  oriyjne  ù  LéodeLode,  abbé  de  Saint- 
Aniane  {GalHa  christiana,  t.  VIII,  coi.  1538,  Ecclesia  Aurelùmensix), 
('•tait  situé  à  sept  lieues  à  l'est  d'Orléans. 

(2)  Hisloriens  de  France,  t.  XXI. 

(3)  Gallia  chrisliana,  t.  YIIl,  col.  1573,  Kccles.  Aurelianensis. 

(4)  Sury-aux-Bois,  en  latin  Siitnnkiciis  ou  Siriacus,  existait  déjà  au 
X*  siècle.  (Voy.  Gallia  christ,  t.  VIII,  Instnini.  col.  48S,  cliarle  du 
Hugues Capet)  de  l'année  990.) 

17 


258  Li:s  FûRi-Ts  i>K  LA  (.AILE  KT  DE  l'ancilnm;  fi'.anci:. 
ncviève-des-Bois,  CliatK/y-lcs-Iiola,  La  Forrst,  /r  Irra/tt/- 
Bois,  le  Boiit-dit-Iioia,  etc.  Il  en  est  de  même  d'une  foule 
de  noms  de  lieux  dans  la  partie  comprise  entre  Ghàtillon- 
sur-Loing,  et  la  forêt  actuelle  de  Montargis,  par  exemple 
Jai  Gmnde-Brossey  Boisgcrmain,  Cottereau,  Bois-Franc,  La 
Forest,  etc. 

Au  xiii*  siècle,  la  Foresta  Lagii éiaii  subdivisée  en  plu- 
sieurs parties  distinctes  qui  répondent  aux  Gardes  que 
l'on  y  trouve  établies  au  xviif,  à  savoir  :  la  Venda  de 
Gomet  {{),  qui  est  la  Garde  de  Goiwias  prèsMehuu;  la 
Vetida  Chomontessi ,  appelée  quelquefois  simplement 
Chomontesium  (2),  qui  est  la  Garde  de  Chaumontuis,  la- 
quelle s'étendait  au-dessus  de  Saint-Martin  ;  le  Boscus 
Sancti  Lœti  et  S.  Eviirtii  (3),  qui  est  le  bois  de  Saint-Lyé, 
situé  au  nord-est  de  la  forêt  actuelle,  dans  le  canton  de 
Neuville-aux-Bois;  le  Boscus  Curiœ  Dei,  qui  est  la  partie 
de  la  forêt  d'Orléans  sise  au  nord  de  SuUy-la-Cha pelle 
où  fut  fondée  eu  H18  la  célèbre  abbaye  de  la  Cour-Dieu 
de  l'ordre  de  Cîteaux  (5);  cette  abbaye  qui  lui  valut  son 
nom  se  trouvait  sur  le  territoire  actuel  de  la  commune 
d'Ingranne  (canton  de  Neuville-aux-Bois);  la  Garenna  Cas- 
tri  Novi,  qui  est  l'ancienne  Garde  de  Cluiteauneuf-sur- 
Loire,  aujourd'hui  presque  totalement  démantelée.  D'au- 
tres parties,  dont  il  n'est  point  aussi  facile  d'assigner 
l'exact  emplacement,  telles  que  la  Venda  Boorlii,  le  Boscus 
Pafjani  de  Villari  et  Venatoruin  sont  aussi  mentionnées 
dans  les  Comptes  de  saint  Louis,  auxquels  nous  emprun- 
tons ces  indications. 

(1)  "Vov.  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  254. 

(2)  ma.  p.  254,  t.  XXII,  p.  574. 

(3)  Ibid.  t.  XXI,  p.  272. 
14)  Ihid.  l.  XXI,  p.  272. 

(5)  Gall.  christ,  t.  VIII,  col.  1582,  Eccles.  Aurelinn. 

(6)  Historiens  ilr  Framr,  t.  XXI,  p.  254. 


CHAPITRE  xvn.  259 

Le  même  document  mentionne  des  parties  de  la  foret 
d'Orléans  plus  éloignées  de  cette  \ille  et  dont  ellea  aujour- 
d'hui abandonné  le  sol  :  telles  sont  la  Venda  Cantollii  (4), 
qui  est  l'ancien  bois  de  Chantaloue,  la  Venda  Mellerii, 
qui  est  l'ancien  bois  de  Melleroy,  dans  le  canton  de  Châ- 
teau-Renard (arrondissement  de  Montargis);  le  Boscna 
Bableiœ,  qui  est  le  bois  d'Arrabloy  (Arre/dat/ioji),  dans  le 
canton  de  Gien  (2).  Pithiviers  date  au  moins  du  x*  siècle; 
circonstance  d'où  l'on  doitconclurequedèscette  époque,  la 
Ibrét  d'Orléans  avait  déjà  été  ouverte  dans  cette  direction. 

L'indication  de  ces  diverses  parties  de  la  forêt  montre 
que  les  éclaircies  n'y  étaient  pas  encore  très-multipliées, 
au  commencement  du  xiii"  siècle.  Quatre  cents  ans  plus 
lard,  François  Lemaire,  dans  son  livre  intitulé  :  Histoire 
et  antiquités  de  la  ville  et  duché  d Orléans  (3)  a  signalé  en 
ces  termes  l'étendue  considérable  qu'avait  eue  antérieu- 
rement la  forêt  :  «  L'estendue  de  la  forest  d'Orléans  estoit 
grande;  le  Gastinoisy  estoit  compris,  Pluviers,  Yenville, 
Nemours  et  autres  qui  en  portent  le  nom;  car  Gastinois 
est  appelé  en  latin  Vastinimn,  qui  vient  du  mot  vastuni 
«  large  et  estendu.  »  Nemours^  A>wzo?-e  «  une  forest;  »  que 
les  bourgs  et  villes  qui  sont  dans  l'estendue  de  la  dite 
forest,  comme  Vitry,Fay,NeufvilIe  et  au  très,  sont  surnom- 
més aux-Loyes,  à  cause  du  relais  que  les  princes  et  roys  y 
mettoient,  et  Boigency  a  pris  son  nom  de  Bois-Joli  y  (4).  » 

Les  souverains  et  les  seigneurs  allèrent  souvent  chasser 

(1)  Hisloriens  de  France,  t.  XXI,  p.  254. 

(2)  Ibid.  t.  XXI,  p.  272. 

(.3)  Chapitre  XIII,  p.  'ib  et  suiv. 

(4)  Ces  deux  ùlyinoloj^ics  proposées  par  Lomaire  sont  absolument 
inadmissibles.  La  forme  latine  Dolgenciacum  exclut  formellement  la  se- 
conde. 

(5)  Belleforest,  dans  sa  Cosmographie  universelle,  t.  I,  p.  331,  qua- 
lifie cette  forêt  de  tant  renommée.  Quelques  auteurs  admettent  que  c'est 
dans  la  forêt  d'Orléans  que  se  trouvaitune  viilad'Arèle,oîi  Bertoald,  maire 


2C0    I.nS  FORÊTS  DF  LA  C\ULF  ET   DK  l'aNCIINM     1  H\M:i;. 

dans  cetio  mai^Miifiquc  forùl  (I),  i\m  lut,  en  loi.^,  (Iiiniiil 
un  mois  entier,  le  théâtre  des  plaisirs  cyné<(éli(|ucs  de 
François  F  (2).  Le  même  délassement  y  avait  déjà,  aux 
premiers  temps  de  son  règne,  appelé  le  fils  de  Charles 
d'Orléan>.  L'élat  de  dégradation  où  se  trouvait  la  forêt  le 
frappa.  Il  était  la  conséquence  des  coupes  inconsidérées 
qui  y  avaient  été  faites.  François!*'  sentit  la  nécessité  d'en 
régler  l'aménagement.  Il  ordonna  que  la  superficie  de  la 
forêt  fùl  exactement  arpentée;  celte  superficie  futlrouvée 
de  140,000 arpents.  Mais  les  mesures  prévoyantes,  prescri- 
les  par  le  monarque,  ne  furent  guère  mises  à  exécution. 
Lescoupesc^nlinuèrent  sur  une  grande  échelle.  Une  cause 
contribuait d'ailleursàréciaircissement  de  la  forêt;  c'était 
unebarrière  incommode  élevée  entre  Paris  et  la  Loire,  une 
des  grandes  artères  commerciales  à  cette  époque.  On  récla- 
mait des  routes  de  plus  en  plus  nombreuses  qui  missent 
en  communication  l'Ile-de-France  et  l'Orléanais;  l'éta- 
blissement de  ces  voies  amenait  sans  cesse  de  nouveaux 
abattis.  Au  milieu  du  xvir  siècle,  la  foi  et  d'Orléans  était 
déjà  réduite  à  70,000  arpents  (3).  Rabelais  assigne  à  la 
forêt  d'Orléans  (/>),  une  longueur  de  trente-cinq  lieues  et 
une  largeur  d'environ  dix-sept.  Un  siècle  après,  elle  s'était 
considérablement  réduite,  car  F.  Lemaire,  qui  écrivait  au 
xvirsièclejnelui  attribue  plusquedouzelieuesdelongueur. 

(lu  palais  du  royaume  de  Hourgogno,  se  livrait  aux  plaisirs  de  la-chassf 
quand  Clotaire  envoya  contre  lui  Mérovée,  son  lils,  et  son  maire  du  palais 
Landry,  avec  un  corps  de  troui)C  pour  l'accabler  (Frédé{,'aire,  Clno- 
niqve,  ch.  Ib).  Ils  se  fondent  sur  ce  que  Herloaltl,  qui  n'était  i)as  en 
force  pour  résister,  s'enfuit  à  Orléans.  Mais,  suivant  l'abbé  Cochet  et 
M.  Alfred  Jacobs,  il  s'agirait  ici  d'une  villa  située  dans  la  forél  Arelau- 
num,  autrement  dit  de  Brolonnc,  en  Normandie.  (Voy.  A.  Jacobs,  Gré- 
goire de  Tours  et  Frcdcgaire,  t.  II.  p.  435.' 

(1)  C'est  ce  que  rapporte  Paradin,  cité  par  Lemaire,  l.  e. 

(î)  Lemaire,  /.  r.  Cf.  Fonlanon,  Ordonnuncrs,  t.  H,  ji.  270.  —  Isam- 
bort,  Recueil,  t.  XII,  p.  107. 

[:\)  Rabelais,  liv.  I,  cli.  xvi. 


CHAPITRE    XVII.  261 

Do  la  foiùt  d'Oiléaiis,  s'était  détaclice  depuis  une  époque 
déjà  reculée,  celle  de  Moiitargis,  qui,  unie  à  celle  de  Bière 
ou  de  Fontainebleau,  dut  constituer  à  l'époque  gauloise 
la  marche  boisée  séparant  les  Belges  des  Celtes.  Le  dé- 
veloppement de  la  puissance  des  Sénons,  les  progrès  de 
l'agriculture  sous  la  domination  romaine,  amenèrent  des 
déiVicliements;  les  essarts,  en  s'agrandissant  peu  à  peu, 
fractionnèrent  en  trois  cette  vaste  zone  sylvestre.  On  a  vu 
plus  haut  que  le  Gàtinais  est  une  conquête  de  l'homme 
sur  le  sol  boisé;  la  distinction  qui  s'établit  de  bonne 
heure,  entre  le  Gàtinais  français  et  le  Gàtinais  Orléanais, 
montre  que  ce  furent  d'une  part  la  forêt  de  Bière  et  ses 
dépendances,  de  l'autre  les  forets  de  Montargis  et  d'Or- 
léans qui  cédèrent  leur  territoire  au  pays  de  ce  nom.  J'ai 
parlé  ci-dessus  du  Gàtinais  français  (1);  j'ajouterai  quel- 
ques mots  sur  le  Gàtinais  Orléanais. 

x\ux  xjii''  et  xiv"  siècles,  ce  dernier  pays  embrassait  déjà 
une  notable  superficie  ;  plusieurs  bourgs  assez  distants  les 
uns  des  autres  reçoivent  dans  les  Comptes  de  saint  Louis 
et  do  ses  successeurs,  l'épithète  de  in  Gastinio  (2).  Tels 
sont  Loriacum  in  Gastinio  (Lorris  en  Gàtine);  Ferrai'iœ  in 
Vastinio,  aujourd'hui  Ferrières  (arrondissement  de  Mon- 
largis),  où  existait  au  xiii''  siècle  une  abbaye;  Foresta 
in  pago  Vastinend  (Forest-lez-Milly-en-Gàtinc)  où  avait 
été  bâtie  une  villa  royale  (3)  ;  Mormans  en  Gàtine,  ou 
comme  l'on  dit  plus  tard,  Mormans  en  Gàtinais,  bâti  en 
un  canton  qui  fut  totalement  défriché. 

C'est  principalement  aux  déj)ens  de  la  forêt  de  Montar- 


'   (I)  Voy.  !>.  iO,   15-i. 
r^l  Hislorir)is  (Ir  Francr.  I.  XXI,  p.  503.  505, 
'.')*   Ilislijrirns  dr  Fr<iiu'r,  t.  XXI,  p.  jOâ.  Cf,  Du  (]au^<',  Glossar,  e<l. 

H'>ii>choi,  I.  V.  p.  •;:l 


2C2    LES  FORÊTS  DE    LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

gis  et  celle  de  Chàtillon  sur  Loing,  qui  n'en  est  qu'un  dc- 
niembremenl,  que  le  Gàtinais  Orléanais  a  été  agrandi. 
On  trouve  la  première  de  ces  forêts  mentionnée  au  xiii^ 
siècle  sous  le  nom  de  forèl  de  Poecourty  Pouecourt  ou 
Paiicourt,  tiré  de  celui  d'un  bourg  qui  fait  aujourd'hui 
partie  du  canton  de  Montargis.  Cette  appellation  paraît 
être  dérivée  du  latin  :  Pauca  Caria.  Les  Comptes  de  saint 
Louis  nous  parlent  de  la  Venda  de  Pouecourt,  des  Esplela 
de  Pouecourt  (1).  Au  xiii'=  siècle,  les  rois  allaient  parfois 
chasser  dans  la  foret  de  Montargis,  dont  Guillaume  Morin, 
qui  écrivait  au  xvii''  siècle,  évalue  sa  contenance  à  9733 
arpents,  et  le  circuit  à  sept  lieues.  La  forteresse  de  Chas- 
lellier,  ancien  Caslellum  romain,  qui  avait  peut-être  pris 
la  place  d'un  oppidum  gaulois,  s'élevait  en  son  centre  et 
commandait  aux  diverses  routes  qui  la  sillonnaient.  Au 
temps  de  cet  historien,  des  vestiges  du  culte  druidique, 
ou  tout  au  moins  des  cérémonies  païennes  dont  cette  téné- 
breuse retraite  dut  être  le  théâtre,  s'y  conservaient  encore. 
Les  rites  accomplis  par  les  prêtres  gaulois  s'y  répétaient 
sous  la  forme  dégénérée  du  sabbat  et  des  pratiques  ma- 
gi([ues  :  l'on  montrait  au   Chàteau-du-Chat ,   près  de  la 
pierre  du  Gros-Vilain,  le  lieu  oîi  se  réunissaient  les  sor- 
ciers (2)! 

A  l'ouest,  la  forêt  d'Orléans  allait  rejoindre  la  grande 
foiêt  des  Carnutes,  qui  n'était  plus  au  moyen  âge  repré- 
sentée que  par  les  forêts  de  plus  en  plus  clairsemées  de  la 
Beauce  et  du  Drouais;  car  cette  vaste  nappe  arborescente, 
depuis  l'établissement  des  Francs,  avait  été  incessamment 
lacérée.  La  multitude  de  noms  de  lieux  qui  rappellent  la 
j)résence  des  bois  dans  le  déj)artement  d'Eure-et-Loir, 
est  une  preuve  manifeste  que  des  parties  nombreuses  de 

^\)  llislofirns  de  Frnnrr,  (.  XXI,  y.  '2ôi. 

(?/  ('•.  Morin,  llisinirr  grni'iob  du  Gnidnois,  y.  82,  83. 


CHAPITRE    XVII. 


263 


celle  antique  forêt  ont  été  délrichées;  on  ne  compte  pas 
moins  de  cent  quarante  localités  qui,  dans  ce  départe- 
ment, s'appellent  Bois  ou  Boissy  (1).  Une  vaste  forêt,  celle 
de  Gaull,  qui  a  valu  leur  nom  au  Gault  {Gaudum  Thesau- 
nirii]  (canton  de  Droué)  et  au  Gault  en  Beauce  [Gaudum 
S.  S tephani)  (canton  de  Bonneval),  recouvrait  les  frontières 
des  départements  actuels  d'Eure-et-Loir  et  Loir-et- 
Cher  (2),  aujourd'hui  presque  complètement  découvertes. 
Toute  la  commune  d'Arrou  (canton  de  Cloyes),  située  à 
l'ouest  de  Châteaudun,  n'offre  plus  que  des  plaines  sans 
un  bouquet  d'arbres.  Au  siècle  dernier,  le  bois  Ruffin, 
situé  à  l'ouest  d'Arrou,  et  déjà  mentionné  au  xiii''  siècle, 
était  le  seul  vestige  de  la  forêt  de  Gault.  Elle  s'étendait 
bien  au  delà  et  allait  rejoindre  au  sud  la  forêt  de  Freteval, 
déhris  important  de  cette  zone  sylvestre.  A  l'entour  d'Ar- 
rou, on  trouve  des  villages  ou  hameaux  du  nom  de  Bois- 
Besîiards,  Forêt-Aii-diiiot,  Bois-Gasson  {Nermis  GacJiojiis), 
Bois-Curvée.  Au  nord  d'Arrou,  le  nom  de  Grande-Forest 
donné  à  un  hameau  autour  duquel  il  n'y  a  plus  nulle 
trace  de  bois,  peut  marquer  le  point  où  commençait  cette 
forêt  du  Dunois,  au  temps  où,  quoique  réduite,  elle  pré- 
sentait encore  une  notable  étendue.  La  forêt  s'avançait 
vraisemblablement  jusqu'aux  bords  du  Loir  et  avait  de 
l'autre  côté  pour  limite  la  petite  rivière  d'Yères. 

Presque  en  face  de  la  forêt  de  Freteval,  sur  l'autre  rive 
du  Loir,  se  déployait  la  forêt  de  Marchenoir  qui  subsiste 
aujourd'hui,  mais  dont  la  superficie  a  été  fort  réduite. 
L'abbé  Expilly  lui  assigne  encore,  au  siècle  dernier,  une 


(I)  Voy.  L.  Merlet,  Diclionnairc  lopographique  du  déporlnncnt 
d'Eiire-el-Loir,  romprcnaM  1rs  noms  de  lieux  anciens  et  modernes. 
nmprim.  inipér.  1861,  in-4".)  —  E.  de  Lépinois  c(  L.  Merlet,  Carlu- 
hiirr  dr  y.  J).  de  Chorlres,  t    I,  p    182,  t   Tf,  p.  134.  374. 


264    LES  FORÊTS  DE   LA  GALLi:  ET  DE  LANCIENNE    FRANCE. 

étendue  de  4230  arpcnls;  d"où  il  suit  qu'elle  était  alors  la 
plus  considérable  du  Dunois.  IMais  antérieurement  sa  su- 
perficie avait  été  plus  que  double;  et  c'est  ce  qui  explique 
le  nom  de  Sijlca  Longa  sous  lequel  elle  fut  désignée  au 
moyen  âge,  nom  altéré  ensuite  en  celui  de  Sylva  Lonia. 
La  fondation,  au  xii''  siècle,  de  l'abbaye  d'Aumône  [Elcc- 
mosyiia)  (4)  n'a  pas  peu  contribué  à  la  faire  défricher  sur 
divers  points  ;  elle  a  dû  comprendre  les  bois  de  Rocheval 
qui  s'en  sont  détachés  au  nord  depuis  plusieurs  siècles. 
D'autres  bois,  tels  que  ceux  de  Saint-Claudp,  des  Bretons, 
de  Reiiay,  de  Chiclieray  paraissent  en  être  également  des 
débris  épars.  Entre  la  forêt  de  Freteval  et  celle  de  Marche- 
noir,  plusieurs  noms  de  lieux  attestent  l'existeuce  des  ar- 
bres. Tels  sont  :  Notrc-Dame-des-Haiites-Forêts,  le  Jireinl, 
Liyiiières,  les  Souches,  la  Ches?iay,  Tremblay,  Gros-Chène, 
la  Boissière,  le  Boisnormand. 

D'autres  noms  qu'on  rencontre  en  des  lieux  actuelle- 
ment découverts,  au  nord  de  la  forêt  de  INIarchenoir,  La 
Brosse,  St-Laiirent-des-Bois,  Bois-d'Enfer,  indiquent  que 
la  grande  marche  ténébreuse  s'étendait  autrefois  beau- 
coup plus  dans  cette  direction. 

Les  forêts  du  Dunois  se  continuaient  sur  certaines  lignes 
jusque  dans  le  Vendomois.  L'une  des  forêts  de  cette  dei- 
nière  province  recouvrait  la  plus  grande  partie  des  can- 
tons de  Saint-Amand  et  de  Montoire  (Loii-et-Gher),  de 
Château-Renault  et  Neuvy-le-Roi  (Indre-et-Loire).  «  Cette 
forêt,  écrit  le  savant  historien  du  Vendomois,  M.  de 
Pétigny,  était  connue  sous  le  nom  de  Gastùies  ou  Wastines 
que  porte  encore  une  masse  assez  considérable  de  bois 
près  de  Montrouveau.  J'ai  donné  ci-dessus  l'étymologie 


(1)  Ctûllin  rhristiuno  .   i.  VllF  ,   --ijl.   U'JT.  Lui.   BIcsrns.   ]u^Uum. 
p.  420. 


cil  Al  itrf:  XVII.  26r> 

tic  ce  iioiii,  (Jérivé  du  radical  vasl  (1).  La  l'orèt  do  Gàtinos 
(Giiasl'mcmis  ou  Wastine?isis  sTjlva,  Waslhnum)  s'avan- 
çait jusqu'en  Touraine  et  se  joignait  à  celle  de  Blémars 
dont  je  parlerai  plus  loin.  La  foret  de  Beaumont-la- 
Ronce,  mentionnée  dès  l'an  1399,  en  constituait  le  can- 
ton le  plus  important.  Elle  comprenait  aussi  le  Bois  de 
Villedomcr  {Foresta  Villadoyneni)  et  la  foret  de  Semblan-. 
çay  {Foresta  de  Sempliacio)  qui  se  rattachait  à  la  pre- 
mière et  recouvrait  une  partie  du  territoire  des  paroisses 
voisines  de  Semblançay  (Serrain,  CharenLilli,  St-Antoine 
du  Rocher,  Bousiers)  (2).  La  forêt  de  Gàtines  n'a  com- 
mencé à  être  défrichée  qu'au  xi*"  siècle.  La  métaiiie  de 
Grand-Mars,  sur  les  confins  de  la  commune  d'Huisseau, 
semble  indiquer  sa  limite  primitive  au  nord;  vers  le  midi 
elle  s'étendait  au  moins  jusqu'à  la  commune  de  Saint- 
Laurent- en-Gàti  nés  (Indre-et-Loire)  ;  son  défrichement  est 
un  des  faits  les  plus  importants  de  l'histoire  du  Vendômois 
du  moyen  âge  (3).  Ronsard,  qui  était  de  cette  province, 
a  célébré  dans  ces  vers  la  forêt  de  sa  terre  natale  : 

Saincte  Gastine,  ô  douce  secrétaire 

De  mes  ennuis  qui  respons  en  ton  bois. 

Ores  en  haute,  ores  en  basse  voix, 

Aux  longs  soupirs  que  mon  cœur  ne  peut  taire 

Loir,  qui  refreins  la  course  volontaire 

Des  flots  roulans  par  notre  Vendoniois  (4). 

Ailleurs,  il  consacre  à  la  forêt  de  Gâtines  une  de  ses  odes: 

Doni]ues  forest  c'est  à  ce  jour 
Que  nostre  Muse  oisive 

(1)  Ce  mot  ost  devenu  Frt/,  Vall  en  Normandie,  et  a  donné  naissance 
an  nom  do  Vallevilte. 

(2)  E.  Mabille,  Notice  sur  les  divisions  Icrrilnriaks   de  rancininf 
Touraine,  p.  153,  150,  161.   , 

(3)  J.  de  l'éligny,  Histoire  arvhdvlofiiipir  Ou  VciuUiiiiois.  l.  1,  p.  - 1 
(','<  /er  /,,,,.^  ii^.f^  Ainoun,  CLXI.  —  Cf.  c    xxiv,  vers  2, 


2GÔ    LES    FORÊTS  DL  LA   (.ALLE  ET  DE  LANCIENNE  FKANCE. 

Veut  rompre  pour  toy  son  st-jour; 

Aussi  tu  seras  vive, 
Je  le  (ly  vive  pour  le  moins 

Autant  que  celles,  voire 
De  qui  les  Latins  sont  témoins 

Et  les  Grecs,  de  leur  gloire. 
De  quel  présent  te  puis-je  aussi 

Payer  et  satisfaire 
IMus  grand  que  cestuy-là  qu'ici 

Ma  plume  te  veut  faire! 
Toy  qui  au  doux  froid  de  tes  bois 

Ravy  d'esprit  m'amuses, 
Toy  qui  fais  qu'à  toutes  les  f()is  '     •' 

Me  répondent  les  Muses. 
Toy  qui  devant  qu'il  naisse  en  moy 

Le  soin  meurtrier  arraches  : 
C'est  toy  qui  de  tout  esmoy 

M'allèges  et  défasches. 
Toy  qui  en  caquet  de  mes  vers 

Estens  l'oreille  oyante 
Courbant  en  bas  les  cheveux  vers 

De  ta  cime  ployante.  '" 

La  douce  rosée  te  soit 

Tousjours  quotidiane 
Et  le  vent  qu'en  chassant  reçoit 

L'alenante  Diane. 
En  toy  habite  désormais 

Des  Muses  le  collège, 
Et  ton  bois  ne  sente  jamais 

La  flàme  sacrilège. 

La  destruction  des  magni  fiques  arbres  don  t  Gâti  nés  était 
plantée,  commençait  au  temps  du  poète;  elle  lui  a  inspiré 
d'autres  yers  où  éclatent  son  indignation  et  ses  regrets  (1). 

Les  forêts  de  Dreux,  de  Ghàteauneuf-en-Thimerais,  de 

(I)  Voy.  notamment  V Elégie  XXX,  commençant  par  ces  vers  : 
Quiconque  aura  premier  la  main  embesongnée 
A  te  couppcr,  forest.  d'une  dure  cognée, 
f>l  son  églogue,  commfnrant  par  ceux-ci  ; 

Les  ohesiios  ombrageux  que,  sans  art,  la  nature 
l'ar  ses  hautes  lorcstï.  nourrit  à  laventure. 


CHAPITRE    XVII.  267 

Lorges,  la  forêt  Yveline,  dont  il  a  été  question  plus  haut, 
sont  autant  de  lambeaux  de  la  forêt  des  Carnutes.  Le 
Drouais  ou  pays  de  Dreux  {pogiis  Durocassinns)(\Q,\mi^\é\k 
être  défriché  en  partie  au  xr"  siècle;  car  à  cette  époque  il 
formait  un  comté  renfermant  un  grand  nombre  de  vil- 
lages (1).  La  forêt  de  Dreux,  deux  ou  trois  siècles  au- 
paravant, s'avançait  jusqu'à  la  Vesgre;  elle  touchait 
vraisemblablement  au  village  de  Rouvres,  construit  au 
bord  de  cette  rivière  et  dont  le  nom  dénote  l'antique  pré- 
sence de  chênes.  Houdan,  petite  ville  située  à  l'extrémité 
occidentale  du  département  de  Seine-et-Oise,  et  au  voisi- 
nage de  laquelle  est  un  village  appelé  La  Forest,  fut  cer- 
tainement construit  sur  un  territoire  originairement  en- 
veloppé dans  cette  grande  marche  forestière  (2).  L'Eure 
traversait,  selon  toute  apparence,  de  part  en  part  cette 
région  de  la  forêt  des  Carnutes,  car  sur  la  route  de  Dreux 
à  Evreux,  non  loin  de  cette  rivière,  se  trouve  un  village 
appelé  Cussay,  jadis  Cmei,  qui  est  désigné  dans  une  charte 
de  1031  sous  le  nom  de  Campus  sylvœ  (3).  Il  y  avait  donc 
là  une  forêt  dont  le  Bois- Von  est  un  reste;  elle  allait  de 
l'Avre  au  nord  jusqu'à  l'Eure  au  sud,  et  comme  la  forêt 
actuelle  de  Dreux  s'étend  aujourd'hui  sur  la  rive  gauche 
de  cette  dernière  rivière,  il  faut  en  conclure  que  la  forêt 
originelle  en  ombrageait  les  deux  rives.  Mais  l'établisse- 
ment de  la  chaussée  de  Dreux  à  Paris,  qui  date  de  l'époque 
gallo-romaine,  amena  de  nombreux  abattis  qui  durent 
se  continuer  dans  les  âges  suivants  ;  ils  se  multiplièrent 
surtout  au  sud;  ce  qui  donna  naissance  à  une  gàtine,  dont 
la  création  a  fait  donner  à  un  village  le  nom  de  Sabit- 
Lau7'ent-de-Gâtine . 

(I)  "Voy.  Giiérari],  Poli/plitiue  d'Inninon,  prolégomènes,  p,.  69. 
(1)  iioiulan  (flodainim)  existait  «iéjà  au  x*  siècle. 
f:r  Moiiet,  ouv.  cit. 


2G8    Li:S  FORÊTS  DE  LA  r.AULIC  ET  DE  L  ANCIENNE   I  HANCE. 

La  forêt  de  Tliimerais  {Sylva  Timaricmis)  consliUiait 
déjà  une  section  séparée  delà  forêt  des  Carnules(l),  quand 
y  fut  fondé,  en  l'an  lOGG,  un  oratoire  consacré  à  saint  Vin- 
cent où  se  retirent  Guimond  et  ses  frères,  et  qui  fut  l'ori- 
jïine  de  l'abbaye  de  Saint-Vincent-aux-Bois  [Suint- Viucen- 
t'uis  in  Ncmnrc)  (2).  D'autres  abbayes  s'dlevèreul  au  pays 
Cliartrain  dans  des  parties  boisées  au  défrichement  des- 
quelles elles  contribuèrent  ;  de  ce  nombre  furent  l'ab- 
baye des  Ilauies-Bruyères  {Allœ  linieriœ)  (3)  et  celle  des 
Clairets,  fondée  dans  un  bois  dit,  dans  la  charte  de  dona- 
tion, Nemus <Ip  Clareto  (-4),  par  Matliilde,  veuve  deGeolfroy, 
comte  de  Perche. 

Sur  les  confins  du  Drouaiset  de  la  Normandie,  s'étendait 
la  forêt  de  Croth  ou  de  Crotois,  mentionnée  dès  la  fin  du 
xiii=  siècle  (5)  sous  ce  dernier  nom,  et  sur  laquelle  non- 
reviendrons,  en  traitant  des  forêts  de  la  Normandie.  El  h 
était  séparée  par  l'Avre  du  Bois-Yon,  autrefois  Bois-Guy  on. 
séparé  lui-même  par  l'Eure  de  la  forêt  de  Dreux,  comnii 
il  vient  d'être  dit. 

Les  forêts  du  Blésoisse  liaient  par  unesuitede  bois  peu 
distants  les  uns  des  autres,  à  celles  d'Orléans  et  du  pays 
Chartrain.  Il  y  a  deux  siècles,  on  y  distinguait  trois  belles 
forêts:  La  plus  proche  delà  ville  de Blois,  écritBernier(G), 
et  qui  est  située  du  côté  de  la  Beauce,  s'appelle  vulgaire- 
ment la  forêt  de  Blois  ;  des  deux  autres,  qui  sont  au  delà 
de  la  Loire,  la  première  s'appelle  la  forêt  de  Biissi,  et  tire 
vers  Les  Montils;  la  seconde  est  la  foirt  de  Boulofjnc; 

(1)  Voy.  ce  qui  a  ôlé  dil  plus  haut  sur  cette  forêt,  p. 
-  (2)  GaU.  chrisiian.  t.  VIII,  col.  1320,  Eccks.  Carnolens. 

Ci)  Orduric  Vital.  Ilislor.  lib.  V,  an.  1006,  cd.  Le  Prévost,  p.  40r.. 
l  (7.  liobeiii  de  Arbn'ssd..  dans  les  Hislorinis  de  France,  t.  XIV.  p.  Kk» 

(■4)  GaU.  chrisiian.  t.  VllI,  col.  1324,  Eccks.  Carnolens. 

(ô)  Foresia  de  Crvlois  in  pago  Drocensi.  Olim,  cd.   Ikaij-'not^  t.   I 
j..  70.  (An  1275.) 

^0,1  Hisluire  de  Dloi^,  parlic  I,  p.  4  >A  b. 


CHAPITRK    XVH.  209 

(clle-ei  (Hail  l;i  |»liis  importante  clos  trois;  elle  est  men- 
iionnée  sous  le  nom  de  Boulougne  dans  une  ordonnance 
(le  Charles  IX  de  d573  (1).  La  forêt  de  Blois  contenait, 
d'après  Dernier,  5316  arpents;  elle  en  avait  8000 au  temps 
de  Charles,  duc  d'Orléans  et  comte  de  Blois,  père  de 
Louis  XH,  qui  en  fit  abattre  une  grande  partie,  nous  dit 
encore  le  même  historien,  pour  bâtir  des  maisons  dans  la 
ville  à  ses  officiers  et  aux  bourgeois,  aimant  mieux,  par 
un  motif  d'humanité  assez  rare  chez  les  grands,  loger  des 
liommes  que  des  bêtes.  Les  comtes  de  Blois  chassaient 
souvent  dans  cette  forêt,  et  la  maison  de  chasse  que  l'un 
d'eux  fit  construire  dès  l'an  1090,  au  nord  de  la  forêt,  a  été 
l'origine  du  château  de  Chambord. 

La  forêt  de  Blois  ne  parait  pas  avoir  subi  de  bien  no- 
tables réductions  au  moyen  âge.  Peut-être  comprenait- 
elle  originairement  à  l'ouest  le  bois  de  Raceon,  et  au  nord- 
ouest  ceux  de  Boulemer,  Rougey  et  Chambon.  Le  nom  de 
ChouHy,  dérivé  du  latin  Cociacwn,  porté  par  une  localité 
située  entre  la  forêt  et  le  bois  de  Raçeon,  indique  qu'ils 
ne  faisaient  qu'un,  à  l'époque  gauloise. 

La  Sologne,  par  la  nature  de  son  sol,  n'a  jamais  com- 
porté une  notable  extension  des  forêts  ;  cependant  on  en 
trouve  mentionnées  plusieurs  au  moyen  âge  qui  ont  dis- 
paru ou  sont  singulièrement  réduites.  Il  est  question 
d'une  Cosdrena  sylvadans  l'état  des  propriétés  de  l'abbaye 
de  Micy  {Miciacus),  ainsi  que  d'une  autre  forêt  qui  en  était 
voisine  et  qui  prenait  son  nom  du  village  de  Cersy  {Cer- 
cincum).  Celle-ci  est  simplement  désignée  sous  le  nom  de 
la  Foi'-êt;  elle  s'étendait,  ainsi  que  le  bois  de  Saint-Agile 
{/iosciis  S.Agill)  sur  la  rive  gauche  de  la  Loire  (2).  Au 

(1)  Yoy.  Fonlanon,  Les  Edils  el  Ordonnances  des  rois  de  France, 
2«  (■■dit.  t.  II,  p.  259. 

(2)  Voy.  les  Micincensis  monaslrrii  possrssiones.  dans  lo?  Historiens- 
de  France,  l.  X,  \>.  COIJ. 


210    UiS  FOHÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

nord-est  de  Uomorantin  subsistent  encore  les  restes  de  h 
forêt  de  Bruadan,  qui  gardait  quelque  importance  ai 
siècle  dernier.  Cassini  marque  au  nord  de  cette  forêt  des 
localités  du  nom  de  Bois-Guilloji^  Bois^Gautier,  Jiois-Azi- 
bert,  Corhois;  il  est  donc  probable  que  la  forêt  de  Bruadan 
s'étendait  dans  cette  direction  jusqu'aux  bords  du  Beu- 
vron,  là  où  sont  les  Hautes- Brosses,  en  face  de  LamoLte- 
Beuvron.  En  l'an  1153,  il  est  question  des  bois  de  Cliau- 
mont  près  Mindré  i|2),  qui  déjà  lort  éclaircis,  présentaient 
cependant  d'épais  taillis  «près  de  ce  village.  Le  défriche- 
ment d'une  partie  de  cette  forêt  de  la  Sologne  avait  donné 
naissance  à  un  petit  pays  appelé  le  Gault,  comme  la  forêt 
du  Dunois  (3),  et  qui  a  laissé  son  nom  à  Marcilly-en-Gault. 
Le  Berry,  comme  la  Sologne,  n'offrait  qu'un  assez  petit 
nombre  de  forêts  dont  la  majorité  a  disparu.  Dans  la  par- 
tie centrale  de  cette  province,  il  ne  semble  pas  qu'il  ait 
jamais  existé  de  forêts  d'une  bien  notable  importance  ; 
toutefois  on  trouve  citées  dans  les  Comptes  de  saint  Louis 
la  forêt  d'Aubigny-sur-Nère,  qui  se  trouvait  aux  environs 
de  Sancerre,  et  une  forêt  désignée  sous  le  nom  de  forêt  du 
Berry  (Foresta  Bittiricemis)  (4),  et  dont  l'emplacement 
n'est  pas  exactement  déterminé.  Peut-être  cette  forêt  du 
Berry  n'était-elle  autre  que  celle  qui  existe  encore  au 


(1)  ««  Juxta  Monticios  Beuvronem  fluvium,  transmcantes  nemorisque 
Calvinionlis  raritalein  considérantes  atque  spissiludinem  sepium  Min- 
driei  vitanlcs,  Incuni  lolum  transeunt.  »  Ex  r/cslis  Ambasiensis  ilomitio- 
rum,  dans  les  Uistorinu  Oc  France^  t.  XII,  p.  515. 

(2)  Ce  mot  Guxdt^  dérivé  de  U'a/f/,  rappelle  la  forme  Gautier,  qu'a 
prise  en  français  le  nom  germanique  de  W'aidrr,  Waller,  «  forestier,  »  et 
se  rencontre  fréquemment  en  Normandie,  où  l'on  trouve  Bois-dti-Gault. 
Mesnil-Gault;  il  s'est  altéré  ailleurs  en  Goull  (Lande-de-Goultj.  Voy. 
E.  Lehéricher,  Philologie  lopoyrwph.  de  la  Normandie,  dans  les  Mém.  de 
la  société  des  anliquair.  de  Normandie,  t,  XXV,  p.  239.  Gf.  ce  qui  a  été 
dit  p.  2,220,  203. 

(.3)  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  239. 

(4)  Historiens  di  Fnoicc,  I.  XXI,  |).  253,  l.  XXII.  p.  575. 


GHAI^ITRE   Wir.  271 

nord  (leVieizoïi,  nuqiiel  elle  emprunte  son  nom.  Cette 
forêt  de  Vierzon  a  conservé  quelque  importance;  elle  était 
séparée  par  la  petite  rivière  de  Barangeon  des  forêts  de 
Hmite-briine  et  cf  Allogny  situées  plus  à  l'est.  De  ce  côté  du 
•Berry,  en  efïet,  les  forêts  commencent  à  se  montrer  moins 
rares.  Le  duché  de  Cliàteauroux  passait  même  pour  assez 
boisé.  Les  bois  en  couvraient  encore,  il  y  a  soixante  ans, 
une  notable  superficie,  ainsi  qu'on  en  peut  juger  par  la 
carte  de  Legendre  (2). 

On  trouve,  au  moyen  âge,  mentionnée  la  forêt  de  Chèvre 
peu  éloignée  d'Issoudun  et  que  Eudes,  seigneur  de  cette 
ville,  concéda  aux  religieux  du  prieuré  de  Saint-Mar- 
tin (3).  Une  charte  de  1323,  émanée  du  roi  Charles  le  Bel, 
accorde  dans  la  même  forêt  des  droits  d'usage  (4). 

Entre  la  petite  et  la  grande  Saudre,  il  dut  jadis  exister 
une  forêt  assez  étendue,  qui  a  laissé  comme  débris  de 
nombreux  bouquets  et  la  petite  forêt  d'Yvoi.  La  fondation 
de  l'abbaye  de  Loroy  {Locus  ret/ius),  qui  s'éleva  dans  un 
essart  d'un  grand  bois  situé  de  l'autre  côté  de  la  petite 
Saudre,  a  certainement  contribué  à  faire  disparaître  les 
arbres  dans  cette  région.  Il  est  d'autant  plus  naturel  d'ad- 
mettre que  le  Berry  dans  sa  partie  occidentale  fut  jadis 
très-boisé,  que  par  ce  côté  il  touchait  à  la  Touraine,  con- 
trée qui  l'était  également.  La  grande  forêt  de  Brione 
{Briona  sijlim)  formait  jadis  une  marche  entre  le  terri- 
toire des  Bitiiriges  et  celui  des  Tiirones ;  ]  en  reparlerai 
plus  loin.  Une  autre  forêt,  celle  de  Berohart  ou  Brouart, 
qui  faisait  suite  à  la  forêt  de  la  Tonne,  marquait  sur  un 


(1)  Cette  carte  a  été  copiée  par  Fricalet,  voy.  Monteil,  Traité  des  via- 
iériaux  manuscrits,  t.  I,  p.  17. 

(2)  Voy.  Thaumasde  la  Thaumassière,  Histoire  du  Berry,  p.  357. 

(3)  Thaumas  de  la  Thaumassière,  ouv.  cit.  p.  3GG. 

(4)  H.  Valpsius,  Notitia  Galliarum,v-  283. 


:272  i.i;s  ror.îrrs  df:  la  (.ali.f  et  de  l'ancienne  euance. 

;ui(rc  point  la  sépara  lion  do  la  ïouraine  ot  «lu  Berry  (ij 
Elle  a  laissé  son  nom  à  la  lîrcnnc  ,  contrée  maintenai 
déboisée,  qui  s'étend  entre  la  Creuse  et  l'Indre,  dai 
l'ouest  du  départenrient  qui  porte  le  nom  de  cette  rivière? 
L'abbaye  de  Landais  près  Levroux,  de  l'ordre  de  Cîtcaux, 
fut  fondée  en  H15  dans  cette  grande  contrée  forestière 
(lui  unissait  la  Touraine  au  Berry,  et  voilà  pourquoi 
saint  Sylvain  y  fut  l'objet  d'un  culte  tout  particulier  (2). 
D'autres  abbayes  s'élevèrent  également  dans  cette  région 
du  Berry;  celle  de  IMiserai  (S.  Nicolaus  de  Miseraïo),  sise 
à  l'O.  de  celle  de  Landais,  commença  par  être  un  simpl< 
oratoire  bâti  en  1089,  dans  une  forêt  appelée  Sijlva  Oijncn- 
sis  (forêt  d'IIcugnes)  qui  comprenait  celles  de  Saint-Paul  el 
deCarsenland  (3)  encore  existante,  et  dut  ensuite  à  son 
vaste  défrichement  opéré  surtout  dans  la  direction  du 
sud,  le  nom  de  forêt  de  Gàtines  ;  elle  n'était  séparéeque  par 
le  Nalion  des  forêts  de  Vernusse  et  de  Vatan. 

Cette  forêt  de  Gàtine,  qui  se  trouvait  à  l'ouest  et  au  nord- 
ouest  de  Valençay,  dut  s'avancer  dans  le  principe  au  sud 
jus(|ue  vers  Argy;   les  bois  qui  prennent  leur  nom  de 
cette  dernière  localité,  en  sont,  selon  toute  vraisemblance 
le  tronçon  le  i)lus  éloigné  dans  la  direciion  méridional» 

La  partie  du  Berry  qui  s'étend  à  l'ouest  et  au  sud  de 
Chàteauroux,  présentait  une  succession  de  forêts  et  d'é- 
tangs. La  partie  la  plus  septentrionale  de  cette  zone  fores- 

(1)  E.  Mabille,  Nolice  sur  les  divisions  Icrriloriales  de  Vancierni 
Touraine,  p.  154. 

{2)  Yoy.  sur  saint  Sylvain,  confondu  ])arfois  avec  saint  Sylvesli- 
lioliand.  Acla  Sonetor.  xxii  septemb.  p.  404.  Ce  suint,  dont  la  légend 
est  en  i)artie  fabuleuse,  fut  regardé  comme  idi'nliiiuc  au  Zacliée  de  l'K- 
vangile.  Yoy.  Gallia  clirisiiana,  t.  II,  col.  '200,  licchs.  liiluric.  Cf.  sm 
l'abbaye  de  Landais,  Cliam]joliion-Figeac,  Documents  hislori(jues  incdi! 
lires  delà  BiUiolkeqxir  roytUe,  t.  I,  p.  220. 

(^)\oY.  Gallia  chrisliana,  t.  Il,  col.  188.  Ecoles.  Itilurie.  La  fonH  <l 
Saint-Paul,  sise  au  nord  de  Levroux,  est  entourée,   sur  la  carti^  de  Ca 
sini,  de  cinq  bois  qui  s'en  sont  jadis  détach«''S, 


CHAPITRE   XVII.  273 

tière  était  représentée  parla  forêt  du  Berger  ;  à  son  centre 
répond  la  forêt  Thibault  ;  les  bois  d'Epinay,  de  Merssan, 
de  Lorez  peuvent  en  être  regardés  comme  des  démembre- 
ments. La  Bouzanne  séparait  cette  forêt  de  la  forêt  d'Ar- 
genton,  vraisemblablement  la  foresta  Arge?itonu  men- 
tionnée dans  le  registre  des  Olim  (1),  et  qui  n'est  plus 
figurée  sur  la  carte  deCassini  que  par  les  grands  bois  des 
Salerons  et  de  la  Chaize,  maintenant  aux  trois  quarts  dé- 
frichés. Les  noms  de  Bouesse,  de  Bouqueteau,  du  Breuil, 
de  Vavre,  prouvent  que  les  bois  s'étendaient  à  l'est  et  re- 
montaient jusque  sur  les  bords  delà  Bouzanne. 

A  l'ouest  d'Argenton,  le  Bois-Ruban  semble  être  le  reste 
d'une  forêt  qui,  à  l'époque  gallo-romaine  et  au  commen- 
cement du  moyen  âge,  dut  rejoindre  au  sud  la  forêt  de 
Fousseaux,  et  ombrager  tout  le  pays  que  coupent  la  Sosne 
et  l'Abloux,  en  s'avançant  jusqu'à  St-Benoist-du-Sault. 
La  petite  ville  de  ce  nom,  d'abord  appelée  Salis,  s'éleva 
au  centre  d'une  forêt  dite  Caput  Cervinwn  ou  de  Sa- 
cerge  (2),  et  que  traversait  la  voie  romaine  d'Avaricuni 
(Bourges)  à  Augustoritimi  (Limoges).  Elle  échangea  cette 
dénomination  contre  celle  de  St-Benoist-du-Sault  qui  rap- 
pelait sa  position  au  centre  d'un  saltus,  quand  une  colonie 
de  moines  venus  de  S.-Benoist-sur-Loire  y  eut  fondé  un 
monastère  (3).  La  Sylva  Caput  cervinum  servait,  dans  le 
principe,  de  marche  aux  Pictaves  et  aux  Biluriges.  Le 
bois  de  Chinon  est  un  autre  reste  de  cette  forêt  frontière 
que  rappellent  dans  ce  canton  quelques  lieux-dits  (4). 

(Il  Olim,  éd.  Beugnol,  t.  I,  p.  585  (an,  12641.  Argenton,  ville  gau- 
iuise,  s'appelait  Argenlomagus,  comme  le  prouvent  les  itinéraires  an- 
i"ns;  mais  au  moyen  àgo  ce  nom  fut  altéré  en  Argenlonium. 

(2;  Salis,  d'où  le  nom  ûeSalense  Cœnohium.  —  Aimoin,  De  Gest.  Fran- 
rnr.,  II,  7,  15.  —  Ilisloricns  de  France,  t.  VIII,  p.  544,  t.  IX,  p.  141. 

:^)  Voy.  E.  de  Beaufort,  RecJierckes  archéologiques  dans  les  environs 
'le  Saint-Denoit-du-Sault,  dans  les  Mémoires  de  la  Société  des  Anii- 
■piaires  de  l'Ouest,  ann.  18G0-GI,  p.  270. 

;  4)  Le  Breuil,  Petit-Bosc,  les  Bois,  Forest-Bate,  etc. 
1      ^  18 


274   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

CHAPITRE  XVIII. 

ANCIENNES  FORÊTS  DE  LA  TOLRAINE,  HU  MAINE    ET  DE  l'aNJOU. 

Le  grand  développement  que  prit  de  bonne  heure  la 
culture  sur  les  bords  de  la  Loire  n'eut  pas  cependant  pour 
effet  de  faire  disparaître  les  vastes  forets  qui  recouvraient, 
à  l'époque  gauloise,  le  territoire  des  Turones.  Sans  doute 
leur  lisière  s'écarta  de  plus  en  plus  des  rives  du  fleuve, 
mais  elles  conservèrent,  pendant  longtemps,  une  extension 
remarquable,  et  au  siècle  dernier  plusieurs  des  forêts  de 
la  Touraine  figuraient  encore  au  nombre  des  grandes 
forêts  de  la  France.  Nous  devons  une  énumération  des 
vieilles  forêts  tourangelles  à  l'excellente  AWz'ce  de  M.  Emile 
i\Iabille  sur  les  divisions  territoriales  et  la  topotiraphie  de 
^ancienne  province  de  Touraine  (1);  aussi  dans  ce  qui  va 
suivre  la  prendrons-nous  souvent  pour  guide. 

La  forêt  de  Chinon  {Sijlva  Caynonis,  foresta  de  Chino?i) 
est  mentionnée  dans  les  Coiyiptes  de  saint  Louis  (2).  Au 
xv^  siècle,  suivantM.E.Mabille,  elle  commençait  àl'ouest 
entre  la  Loire  et  la  Vienne,  depuis  Huismes  jusqu'à  Chi- 
non, et  s'étendait  à  l'est  jusqu'à  Thilouze,  Ville-Perdue  et 
Ste-Gatherine-de-Fierbois,  L'ancienne  route  de  Tours  à 
Chinon  et  la  vallée  de  l'Indre  lui  servaient  de  limites  au 
nord.  L'inspection  de  la  carte  de  Cassini  montre  qu'elle  a 
dû  anciennement  s'avancer  jusqu'aux  bords  de  l'Indre, 
embrasser  Azay-le  Rideau  et  rejoindre  Montbazon.  Comme 


(1)  Paris,  18GC,  in-8". 

(2)  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  2ô8.  C'est  à  tort  que  M.  E.  Ma- 
bille  dit  que  le  nom  de  forêt  de  Chinon  n'apparail  que  vers  la  lin  .lu 
XIV*  siècle. 


CHAPITRE   XVIII.  275 

ces  deux  villes  ne  paraissent  pas  remonter  au  delà  du  x" 
ou  xi'siècle,  il  est  probable  qu'elles  furent  bâties  dans  des 
clairières  de  la  forêt  (1).  Quelques  bouquets,  tels  que  le 
bois  de  Montison,  celui  des  Etangs,  en  doivent  être  des  par- 
celles détachées.  Dans  le  principe,  la  forêt  de  Chinon  ne 
faisait  vraisemblablement  qu'un  avec  celle  de  Crissay  dont 
le  nom  rappelle  le  celtique  Cotia ;  en  effet,  elle  n'en  était 
séparée,  au  siècle  dernier,  que  par  les  landes  et  les  bruyè- 
res de  Ruchard  {Nemiis  de  Ruchart),  qui  ont  pris,  il  y  a 
(juatre  ou  cinq  siècles,  la  place  de  l'ancienne  forêt  de  Bel- 
levau  {Nemus  de  Bella  Valle)  dont  le  nom  ne  subsiste  plus 
que  dans  celui  d'une  petite  habitation  isolée(2).  Vers  cette 
époque,  la  contenance  de  la  forêt  de  Chinon  était  évaluée  à 
6369  arpents  (3).  Entre  cette  forêt  et  l'Indre  existent  des 
localités  dont  les  noms  rappellent  la  présence  des  bois, 
telles  sont  :  Bois-Saint-Martin,  VEssart,  la  Frenaye,   la 
Brosse,  les  Brosses,  la   Chenuaise,  Ste-Catherine-de-Fier- 
Bois  et  un  hameau  appelé  la  Forêt,  au  sud  de  Villeperdue. 
Ces  deux  dernières  occupent  l'emplacement  de  la  partie 
de  la  forêt  dont  le  bois  Saint-Maurice  est  certainement  un 
débris.  Dès  le  xi^  ou  xif  siècle,  diverses  autres  forêts  s'é- 
taient détachées  de  l'épaisse  nappe  d'ombre  dont  la  forêt 
de  Chinon  a  constitué  jusqu'à  nos  jours  le  reste  le  plus 
important.  La  forêt  de  Teillier  ou  Teillay  {Tilliacum  ne- 
mus) englobait  dans  sa  primitive  étendue  la  forêt  de  Chi- 
non et  plusieurs  bois,  tels  que  le  bois  Chétif  et  le  bois  da 
Bouchet. 
Amboisc  donne  son  nom  à  une  forêt  encore  aujour- 

(1)  Azay-le-Rideau  et  Montljazon  n'apparaissent  dans  notre  histoire 
qu'au  XIV*  siècle. 

(2)  E.Mabille,  ouv.  cit.  p.  153,  IGl. 

3}  Voy.  les  procès-verbaux  de  visite  de  la  forêt  de  Chinon,  dressés  à 
i  occasion  de  la  ri^'forniation  des  eaux  et  forêts,  par  M.  Voisin  de  La  Noi- 
raye,  en  1CC9.  Bibliolh.  impér.  mss.  supplcm.  franc.  n°  3540  (2). 


il 


270    LES  FOUETS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

d'hui  très-importante  (1).  L'ancienne  Foresta  Amhasiœ 
s'étendait  entre  la  Loire  et  le  Clier,  depuis  cette  ville  jus- 
qu'à Bouré  et  St-Martin-le-Bcau.  Elle  s'avançait  jusqu'à 
Rochepinard  et  se  liait  conséquemment  à  la  forêt  de  Chi- 
noii.  Le  bois  appelé  Braiiim  nemus  (Bois-de-Braie),  où  fut 
vaincu  Eudes  II,  comte  de  Touraine,  et  où  fut  pris,  en 
i402,  par  le  comte  d'Anjou  Geoffroy  Martel,  le  comte  de  é\ 
Touraine  et  de  Blois,  Thibault,  en  a  été  un  des  premiers 
démembrements.  Divers  noms  de  lieux  qu'on  rencontre 
en  celte  région  :  Chissay,  C/tisseaii,  Sotœifjmj,  rappellent 
la  présence  des  bois  aux  époques  celtique  et  gallo-ro- 
maine. Les  bois  de  Chaumont,  la  forêt  de  Choussy,  située 
plus  à  l'est,  celle  de  Gros-Bois,  qui  s'y  rattachait  peut- 
être  au  sud,  paraissent  être  autant  de  démembrements  de 
la  grande  forêt  d'Amboise  ;  leur  distribution  topogra- 
phique ainsi  que  celle  d'un  certain  nombre  de  bou- 
quets font  même  supposer  que  la  forêt  de  Montrichard 
n'en  était  pas,  dans  le  principe,  distincte.  Celle-ci,  en 
effet,  était  liée  originairement  à  la  forêt  de  Ghaumont,i 
prolongement  de  la  5///m /or?//«  (2)  qui  s'étendait  le  long 
de  la  Loire  et  dont  parlent  les  chroniqueurs  angevins. 
La  forêt  d'Aigues-Vives(/4|7?/«'  viva'Sf/lvfnpresque  contiguë 
à  celle  de  Montrichard,  s'avançait  jadis  au  nord  et  à 
l'ouest,  jusque  dans  les  environs  d'Epeigné.  Ainsi  tout  le 
pays  a  été  boisé  entre  la  Loire  et  le  Cher.  L'établissement 
de  l'abbé  Geoffroy  dans  cette  forêt  en  avait  amené  de  bonne 
heure  le  défrichement  partiel  (3).  Les  noms  des  lieux  qui 
séparent  ces  forêts  démontrent  l'existence  ancienne  d'une 


(1)  Cette  forêt  contenait,  au  xviie  siècle,  3,633  arpents.  Les  buissons 
des  Uayes  d'Amboise  en  renfermaient  104,  ceux  de  Courgerayes  23,  et 
ceux  de  Mortesoif  9  arp.  90  ch.   Voy.  Voisin  de  La  Noiraye,  mss.  cilé.) 

(2)  Voy.  ce  qui  a  été  dit  plus  haut  de  la  foret  deMarchenoir,  p.  203. 

(3)  André  Salmon,  necveil  des  clu'oniqxtcs  de  Touraine,  p.  264. 


CHAPITRE   XVIII.  277 

série  de  bouquets  et  de  bocages,  de  plantations  d'arbres 
qui  doivent  avoir  été  les  débris  d'une  véritable  forêt  (1). 

Sur  la  rive  gauche  de  la  Loire,  plusieurs  autres  forêts 
avaient  encore,  au  moyen  âge,  une  vaste  contenance,  à 
savoir:  La  forêt  de  Ghedon  {Capduana sylmi,  sylvade  Chep- 
doné)y  qui  longeait  le  Cher  et  s'étendait  sur  les  paroisses 
de  Ghedon,  Faveroles,  Ange  et  Poillé;  la  forêt  d'Aigues- 
vives  pourrait  bien  n'en  avoir  été  dans  le  principe  qu'un 
lambeau;  la  forêt  de  Bréchenay  ou  Brussenay  {Brusse- 
r/neium  nemus,  Brunissiacmn  nemus),  dite  encore  forêt  des 
Pelouses,  sise  entre  l'Indre  et  le  Gher,  allant  de  Gourçay, 
Athée  et  Azay-sur-Gher  d'un  côté,  jusqu'à  Balan  et  Miré 
de  l'autre  ;  au  xiii'=  siècle,  cette  forêt  était  déjà  divisée  en 
plusieurs  parties  (2)  désignées  chacune  par  un  nom  pro- 
pre (3)  ;  les  bois  actuels  de  Balan  en  sont  de  faibles  dé- 
bris; le  bois  de  rile-Bouchard  [Nemus  imidanense) ,  dont 
il  ne  subsiste  plus  de  trace,  joignait  la  forêt  de  Bellevau 
et  s'étendait  vraisemblablement  sur  une  partie  des  pa- 
roisses de  Panzoult  et  d'Avon  sur  la  rive  gauche  de  l'Indre, 
depuis  Perrusson  jusqu'à  Gornillé,  elle  allait  à  l'ouest 
jusque  vers  Doulus  et  La  Joncheray;  la  forêt  de  Bois-Oger 
{Boscus  Ogerii),  dont  la  partie  centrale  a  depuis  longtemps 
été  défrichée  ;  le  bois  de  Châtres,  situé  sur  la  commune  de 
Ghambourg,  le  bois  de  l'Epinois  en  ont  été  des  démem- 

(1)  Tels  sont  les  bois  de  Cornilli,  le  Breuil,  Gormeray,  Aulnière,  le 
Bois,  les  Grandes-Touches,  la  Touche,  la  Goudraie,  le  Grand-Bois-Mar- 
tin, le  Chène-au-Loup,  Vert-Bois,  le  Petit-Boulay. 

(2)  Mabille,  ouv.  cit.  p.  157. 

(3)  L'une  s'appelait  le  Bois-Martin  (^Nemus  S.  Marlini)  ;  une  seconde 
Landa  MUihim  ;  une  troisième  Hasla  Comitis;  une  quatrième  le  bois  de 
l'Archevêque  ;  une  cinquième  le  bois  du  Ghantre  {Nemiis  Canloris);  une 
sixième  le  bois  du  Brandon.  Le  lieu  nommé  Bois-Rahier,  qui  fut  donné 
aux  religieux  de  Grammont  pour  y  fonder  un  prieuré,  était  également 
une  dépendance  de  la  forêt  de  Bréchenay  ou  de  la  forêt  de  Bray,  à  la- 
quelle elle  confinait  en  cet  endroit:  le  canton  de  la  forêt  dont  il  faisait 
partie  est  désigné  sous  le  nom  de  Albereia 


^78   LES  FORÊTS  DE  LA.  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

brements;  la  forêt  de  Plante  {Foresta  Splenta,  Splendida, 
Ëxplenta  nemus),  dont  il  subsistait  encore  un  assez  large 
reste  au  xvir  siècle,  recouvrait  l'extrémité  de  l'île  de  Ber- 
tlienay  qu'elle  enveloppa  dans  le  principe  tout  entière 
depuis  le  Cher  jusqu'à  la  Loire.  Un  de  ses  cantons  {C/- 
metum),  planté  en  ormes  au  xi'=  siècle,  fut  désigné  sous  le 
nom  de  VEpilois  ou  YEsplante.  Enfin  nous  citerons  plus 
au  sud,  entre  la  Creuse  et  la  Glaise,  sur  les  paroisses  d'A- 
billy,  du  Grand-Pressigny,  de  la  Guierche  et  de  Barrou, 
l'ancienne  forêt  de  VEpi?iaf,  qui  donna  son  nom  à  une 
commanderie  de  Saint-Jean-de-^érusalem. 

La  forêt  de  Loches  {Xemus  Lochiœ)  est  mentionnée  dans 
les  titres  des  xii*  et  xiii*^  siècles.  Elle  s'avançait  autrefois 
beaucoup  plus  à  l'est  qu'elle  ne  le  fait  aujourd'hui  ;  toute- 
fois elle  était  encore,  il  y  a  deux  siècles,  une  des  plus  im- 
portantes de  la  Touraine  (1);  elle  a  dû  comprendre,  à  une 
époque  peu  éloignée,  le  bois  de  Beaugerais,  situé  au  sud, 
et  peut-être  même  celui  de  Ghampdoiseau,  placé  plus  à 
l'est.  Le  bois  de  La  Fontaine-Milon,  situé  sur  la  rive 
droite  de  l'Indre,  près  de  Cornillé,  en  était  un  quartier  ; 
peut-être  même  s'est-elle  dans  le  principe  rattachée  aux 
forêts  du  Berry,  à  la  forêt  de  Vatan,  ville  dont  le  nom 
(  Vastinium)  indique  par  son  étymologie  un  ancien  essart 
ou  gàtine,  à  celles  de  Brouard,  de  Vernusse,  de  La  Tonne, 
de  Saint-Paul  et  de  Gàtine,  dont  j'ai  déjà  parlé  plus  haut. 

(1;  Au  xviic  siècle,  la  forêt  de  Loches  présentait  une  superficio  (Je 
4,850  arpents.  l'Voy.  Voisin  de  La  Noiraye,  mss.  cité.)  D'après  le  mcsu- 
rage  de  Jacques  Le  Loyer,  elle  était  alors  bornée  et  confinée  par  les 
l)aroisses  de  Saint-Quentin,  Genillé  et  Aubigny,  au  Nord;  Ferrière-sur- 
Boaulieu  et  Senevières,  au  Midi;  de  Chenille,  à  l'Est;  de  Chedigné, 
il  l'Ouest.  Elle  se  divisait  en  cinq  gardes  ou  triages  :  de  Mareschal,  de 
Mi^(non,  de  Poussechat,  de  Bataillé  et  de  Migeon,  renfermant  1 ,577,  545, 
1,048,  718  et  702  arpents,  y  compris  deux  étangs  enclavés,  aboutissant 
l'un  à  l'autre,  et  d'une  superficie,  l'un  do  il,  et  l'autre  de  6  arpents 
30  ch.  (Voy.  liibl.  imp.  mss.  SuppL  fr.  n"  3510.) 


CHAPITRE   XVIII.  279 

S'il  en  fut  ainsi,  la  forêt  de  Loches  constitua  le  prolonge- 
ment de  la  grande  marche  forestière  qui  s'élevait  entre 
les  Bituriges  et  les  Turones.  L'Indre  séparait  cette  grande 
forêt  de  celles  qui  allaient  rejoindre  les  forêts  des  Pictaves, 
et  entre  lesquelles  il  faut  citer  la  forêt  de  Preuilly,  au- 
jourd'hui très-réduite,  mais  qui  s'est  jadis  avancée  jus- 
qu'aux portes  de  Châtillon-sur-Indre.  Cette  forêt  n'est 
qu'un  démembrement  de  l'ancienne  forêt  de  Brenne 
{Brionna  sylva,  sylva  Brenniœ),  citée  dès  le  vu*'  siècle  et 
qui  ombrageait  les  territoires  de  Preuilly,  Bossay  et  Tour- 
non  (1)  ;  elle  en  représente  la  partie  tourangelle  ;  elle  a 
été  aussi  désignée  sous  le  nom  de  Foret  de  Saint-Michel. 
Tout  le  canton  qui  sépare  Châtillon-sur-Indre  de  la  forêt 
de  Preuilly,  est  encore  semé  de  noms  très-significatifs  : 
Cléré-du-Bois,  La  Forêt,  Bois-le-Roy  ^  le  Breuil-Manmn,  les 
Brosses,  la  Petite-Boissiére,  etc.  La  forêt  dite  de  Beaumont, 
qui  s'étendait  à  l'est  de  celle  de  Loches,  n'était  déjà  plus, 
au  siècle  dernier,  qu'un  petit  bois  situé  au  nord  de  Mon- 
trésor.  A  l'époque  où  ce  bois  constituait  réellement  une 
forêt,  il  devait  se  rattacher  à  celui  de  Brouard.  Une  loca- 
lité du  nom  de  La  Forêt  subsiste  en  effet  dans  les  envi- 
rons. De  l'Indre  au  Cher  et  à  l'Arnon,  on  retrouve  égale- 
ment des  lieux  appelés  La  Forêt  et  des  noms  qui  nous 
révèlent  l'antique  présence  des  arbres. 

Un«peu  moins  au  sud,  en  tirant  vers  l'est  et  s'appro- 
chant  des  frontières  du  Berry,  existait  aux  xfet  xir  siècles 
une  autre  forêt  qui  a  pareillement  disparu,  celle  de  Che- 
nevose  [Canevosa  sylva),  que  bornait  au  midi  la  vallée  de 
rindroye,  et  qui  s'étendait  sur  les  paroisses  de  Saint-Quen- 
tin, de  Chedigny,  de  Braye.  L'établissement  du  prieuré 
de  Brenezay  en  amena  la  destruction  (2). 

(t)  Mabille,  ouv.  cil.  p.  154.  Voy.  ce  que  j'ai  dil  de  celte  forêt,  p.  271. 
(2)  Mabille,  ouv-  cil.  p.  157. 


280   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE   FRANCE. 

Au  sud-ouest,  la  frontière  de  la  Touraine  et  du  Poitou 
était  tracée  par  la  foret  de  Bort  {Foresta  de  liort,  Foresta 
Hormis),  qui  s'étendait  sur  les  paroisses  de  Tizay,  Cou- 
ziers,  Lerné,  Cinais,  Candes  en  Touraine,  Boifféen  Poitou, 
Champigny-le-Sec^  et  où  fut  fondée  la  célèbre  abbaye  de 
Fontevrault  à  la  fin  du  xf  siècle. 

Sur  la  rive  droite  de  la  Loire,  au  nord  de  la  Touraine, 
existaient  plusieurs  forêts  importantes  :  celle  deBourgueil 
{Foresta  Burgulii),  depuis  longtemps  disparue,  et  qui  om- 
brageait la  vallée  de  Bourgueil,  en  face  de  Candes  et  de 
Montsoreau;  en  1488,  une  partie  de  cette  forêt  existait 
encore  sous  le  nom  de  Bois  du  Port  d'Ablevoie  (1);  la  forêt 
de  Château-la-Vallière  {IS'emus  de  Castellis),  qui  s'étendait 
sur  les  frontières  de  la  Touraine  et  de  l'Anjou.  La  forêt  de 
Château-Renault  dut,  dans  le  principe,  englober  les  bois 
de  Couard  situés  plus  au  sud,  et  celui  de  la  Chaîne  ;  c'est 
un  reste  de  la  marche  forestière  qui  séparait  la  Touraine 
du  Vendomois,  marche  qui, en  se  continuant  plus  au  sud, 
allait  rejoindre  celle  qui  confinait  à  la  première  de  ces 
provinces  et  au  Blésois.  Nous  avons  dans  cette  région  à 
signaler  une  forêt  importante  : 

La  forêt  de  Bimars  ou  Blimard  (Foresta  Blimardi,  lUi- 
marcium  nc7nus,  Blemardisylva),  située  sur  les  territoires 
de  St-Ouen-du-Bois,  de  Cangy,  de  Fleur-Aylée,  d'Autres- 
ches,  de  Dame-Marie-du-Bois,  de  Moran,  de  St-Nicolas- 
des-Motets,  de  St-Etienne-des-Guérets,  dit  jadis  St-Etienne- 
de-Blémard,  séparait  la  Touraine  du  Blésois,  et  c'est  à 
cette  circonstance  qu'elle  a  dû  son  nom,  corruption  de 
lilesis  Marca  (2).  Cette  vaste  forêt  était  déjà  fort  entamée 
au  xu^  siècle.  La  fondation  de  l'abbaye  de  Fontaines-les- 


(1)  Mabille,  oui\  cit.  p.  156. 

(2)  André  Salmon,  Recueil  des  ch)'oniqu('s  de  Touraine,  p.  "28Î  a 
suiv.  293. 


CHAPITRE    XVIII.  281 

Blanches  {Fontanœ  albœ)  dans  un  de  ses  quartiers  les  plus 
reculés  et  les  plus  inaccessibles,  devenu  un  repaire  de 
brigands,  y  fit  pénétrer  comme  un  germe  de  destruction 
qui  se  développa  rapidement  (1).  En  1130,  des  ermites 
se  mirent  à  défricher  les  bois  de  la  Ghapelle-Ste-Marie- 
Madeleine,  et  dix  années  après,  en  1140,  ayant  obtenu 
de  Raymond  de  Château-Renault,  seigneur  du  pays,  le 
droit  d'afîouage  et  d'usage,  ils  portèrent  hardiment  la 
cognée  en  divers  points  de  la  forêt  de  Bimars.  On  voit 
par  la  chronique  de  l'abbaye  de  Marmoutier,  écrite  au 
commencement  du  xvii'  siècle,  qu'à  cette  époque  la  forêt 
de  Bimars  se  réduisait  à  des  bouquets,  des  haies  dites 
Haies  de  Sai?2t-Cyr  [Hmjœ  Sancti-Cyrici)  (2). 

L'inspection  de  la  carte  de  Gassini  nous  fait  voir  que 
toute  la  contrée  qui  s'étend  sur  la  rive  droite  de  la  Loire, 
depuis  la  forêt  de  Blois  jusqu'au  cours  du  Doit,  avait  été, 
dans  le  principe,  fort  boisée  ;  la  forêt  de  Bimars  devait 
recouvrir  l'espèce  d'île  comprise  entre  la  Loire  et  la 
Branle.  Un  lieu  de  cette  forêt,  qui  est  désigné,  en  1286, 
sous  le  nom  de  Puzei,  se  retrouve  dans  la  métairie  dePuzé, 
dépendant  de  la  commune  de  Monteaux  (3) .  Cette  commune 
devait  donc  être  occupée  par  la  forêt,  et,  en  effet,  il  existe 
sur  son  territoire  et  sur  celui  des  communes  voisines, 
diverses  localités  dont  les  noms  rappellent  la  présence  de 
bois  à  cette  heure  totalement  détruits  ;  telles  sont  Gros- 
Hois,  le  Bois-Huart,  la  Boiderie,  leBois-Guicher,  lesHayes^ 
Cotereanœ,  etc.  Les  bois  encore  subsistants,  mais  très- 
réduits,  de  Corneau,  de  la  Chaîne,  des  Dames,  de  la 
Couarde,  sont  certainement  des  démembrements  de  cette 
grande  forêt  ;   le  nom  de  Forêt  de  Chancay,  donné  à  un 


(1^  A.  Salmon,  oxa\  cil.  p.  lxxxvi. 

(2)  Jbid.  p.  295. 

(3)  Ibid.  p.  289. 


:282   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

bouquet  fort  éclairci,  qu'on  aperçoit  sur  la  rive  gauche] 
de  la  Branle,  accuse  l'existence  d'une  forêt  qui  a  disparu 
depuis  plus  de  deux  siècles,  et  qui,  comprise  entre  Ver-, 
nou  et  Xazelles,  avoisinait  au  nord  Montreuil.  Il  est 
vraisemblable  que  cette  forêt  n'était  en  réalité  qu'un 
quartier  de  la  forêt  de  Bimars  ;  on  la  trouve  désignée  au 
moyen  âge  sous  le  nom  de  Nemiis  Aquilonarium ;  la  forêt 
de  Chancay  doit  en  être  un  reste  (i). 

Les  forêts  de  la  Touraine  se  rattachaient  par  leurs  pro- 
longements à  celles  de  l'Anjou  et  du  Plaine.  Faisons  con- 
naître l'état  forestier  de  ces  deux  provinces,  il  y  a  cincj 
à  six  siècles 

On  a  vu  qu'au  commencement  duxii"  siècle,  les  moines 
qui  suivaient  la  discipline  de  Robert  d'Arbrissel  avaient 
fixé  leur  retraite  dans  les  forêts  du  Maine  et  de  l'Anjou, 
et  donné  le  signal  du  défrichement  qui  s'est  continué  jus- 
qu'à nos  jours.  Déjà  au  chapitre  viii  j'ai  indiqué  quelques- 
uns  des  changements  qui  se  sont  opérés  dans  l'état  fores- 
tier de  cette  partie  de  la  France  et  déterminé  pour  plu- 
sieurs forétsTétendue  des  défrichements.  Mais cesdeux  pro- 
vinces possédaient  de  trop  riches  et  de  trop  épais  ombrages 
pour  que  la  bêche  ou  la  cognée  des  moines  et  des  serfs 
pussent  rapidement  les  éclaircir.  Si  les  arbres  perdirent 
une  fraction  considérable  de  leur  domaine,  ils  continuè- 
rent sur  bien  des  points  à  former  d'aussi  majestueuses 
futaies,  d'aussi  épais  fourrés  que  par  le  passé.  Le  Maine 
renfermait  originairement  plusieurs  forêts  qui  pouvaient 
le  disputer  en  importance  à  celles  de  la  Touraine,  mais 
qui  de  bonne  heure  furent  éclaircies  et  partiellement 
abattues.  Il  n'y  avait  pas  d'ailleurs  que  les  disciples  de 
Robert  d'Arbrissel  qui,  dans  cette  province,  eussent  déclaré 

(1;  Mabille,  oxa\  cil.  \<.  Iô3. 


CHAPITRE   XVlIt.  283 

la  j; Lierre  à  la  végétation  arborescente.  Le  grand  nombre 
de  maisons  religieuses  fondées  au  milieu  des  bois  est  la 
pleuve  que  les  moines  se  plaisaient  dans  les  solitudes  om- 
bragées dont  ils  ne  tardaient  pas  à  agrandir  la  clairière 
oii  ils  avaient  bâti  leurs  cellules.  Cauvin,  dans  sa  Géogra- 
phie ancienne  du  diocèse  duMans'iï),  rappelle  les  noms  des 
abbayes  de  Bois-Renou,  depuis  le  Paray-Neuf,  de  Saint- 
George  s-du-B  ois,  de  Sainte-Marie-dii-Bois  ou  de  la  Boë, 
dont  j'ai  déjà  parlé  plus  haut  (2),  des  prieurés  de  Saint- 
■han-du-Bois  et  de  Saint-Léonard-du-Bois ;  il  ne  relève  pas 
moins  de  trente  paroisses  du  même  diocèse  dans  le  nom 
desquelles  entre  le  mot  bois. 

Une  des  contrées  du  Maine  qui  fut  dépouillée  le  plus 
tôt  de  son  manteau  forestier  est  le  pays  inégal  et  cou- 
vert de  rochers,  qui  porte  le  nom  de  Charnie  {Carnicensis 
pagiis).  Ce  pagifs,  mentionné  dès  l'an  838,  occupait  le  do- 
maine d'une  vaste  forêt  appelée  Carneta  sylva  ou  sylva 
Carnida,  ou  simplement  Carnea.  Une  foule  de  villages 
se  construisirent  sur  son  emplacement.  Cauvinen  compte 
vingt-trois,  et  plusieurs  sont  encore  qualifiés  par  l'épi thète 
en-Charnie  (3),  qui  montre  que  leur  sol  était  une  con- 
quête opérée  sur  la  forêt.  Au  xvii''  siècle,  ce  qui  restait 
de  la  forêt  de  Charnie  était  entouré  de  vastes  landes  qui 
avaient  pris  naissance  au  détriment  de  la  forêt  primitive. 
Celle-ci  a  dû,  dans  le  principe,  ne  faire  qu'un  avec  celle 
de  Lavardin,  qui  touchait  Savigné.  Tout  le  pays  jusqu'à 
l'Huisne  n'offrait  guère  qu'une  succession  de  bois.  C'était 
dans  cette  région  qu'existait  la  forêt  du  Mans,  célèbre 
dans  les  traditions  du  moyen  âge  et  où  se  passa  l'aventure 

(1)  P.'  07. 

(2)  Voy.  p.  120. 

(3)  Tels  sont  Livel-en- Charnie,  Sainl-Léger-en-Charnie,  EHval-en- 
Chorm'e,  Viviers-cn-Charnie,  etc.  Voy.  Cauvin,  Gcographic  ancienne 
du  (Hoche  du  Mans,  p.  lit. 


284   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  L'ANCIENNE  FRANCE. 

qui  fit  éclater  la  folie  de  l'infortuné  Charles  VI  (1).  Il  n'ej 
reste  plus  maintenant  que  des  bouquets  (2).  Cette  for^ 
se  confondait  avec  la  forêt  de  Longaunai  {Longus  Alneti 
qu'on  trouve  mentionnée  dès  le  xi'^  siècle,  et  qui  occupai 
les  territoires  de  Mézeré,  Courcelles,  Ligron,  La  Foi 
taine-Saint-Martin,  Cerans,  Saint-Jean-du-Bois,  La  Suz( 
Roézé,  et  s'étendait  jusqu'à  Alonne  (3). 

La  forêt  de  Longaunai  subit  des  défrichements  for 
étendus  et  n'occupait  plus  au  siècle  dernier  qu'une  supei 
ficie  de  500  arpents,  auxquels  on  peut  rattacher  128  ar- 
pents de  la  Forêt  le  Viconite,  qui  n'en  était  qu'un  dé- 
membrement, et  100  arpents  du  Bois-des-Pàtis  (4). 

La  forêt  de  Bersay  [Bursemm],  située  dans  le  départe- 
ment de  la  Sarthe,  au  sud  de  Lucé  et  de  Pruillé,  sur  la 
rive  droite  de  l'Etangsort,  a  été  plus  respectée  ;  elle  pré- 
sentait, il  y  a  un  demi-siècle,  une  superficie  de  8,309  ar- 
pents (5).  Cette  foret,  qui  appartenait  à  la  couronne  et  qui 
s'avance  jusqu'aux  environs  de  Ghàteau-du-Loir,  est  men- 
tionnée dès  l'an  1196  ;  on  y  trouvait  un  manoir  féodal  où 
fut  établi  un  monastère  de  l'ordre  de  Grand-Mont. 

La  forêt  de  Vibraye,  située  à  l'est  du  Mans  et  au  nord 
de  Saint-Galais,  dans  la  partie  orientale  du  Maine,  et  qui 


(l)  Froissart,  Chroniques,  liv.  IV,  c.  xxix,  p.  88,  89,  éd.  Buchon. 
(5)  Il  est  question  de  celte  forêt  dans  le  roman  de  Derte  aux  grans  pies 
(éd.  Paulin  Paris,  p.  34).  Voici  le  passage  : 

Bien  cinq  grandes  journées,  i  voudront  détrier 

Tant  qu'en  un  bois  s'en  vindrent  haut  et  grand  ot  plainicr, 

C'est  la  foret  du  Mans,  ce  oy  tesmoigner, 

Lors  se  sont  arrestées  desous  un  olivier. 

(3)  Cauvin,  ouv.  cit.  p.  376.  Le  bois  de  Chalonge  {Boscus  de  Caluvi- 
nia),  qui  devait  occuper  l'emplacement  du  bordage  de  Chalonge,  au  sud 
de  Roézé,  est  mentionné  en  1050  comme  un  ancien  écart  de  cette  fonM. 
Voy.  Cauvin,  ouv.  cit.  p.  67. 

(4)  Cauvin,  ibid.  p.  377. 

(5)  Cauvin,  ibid.  p.  80,  ôOb. 


CHAPITRE   XVIII. 

contient  encore  aujourd'hui  2,800  arpents,  s'étendait  jadis 
plus  à  l'ouest  et  au  nord-ouest,  et  englobait  dès  lors  les 
boië  de  Saint-Pi er?'e  ei  des  Loges;  elle  devait  aller  jusqu'au 
ruisseau  de  la  Tortue;  car  on  trouve  dans  cette  direction 
divers  hameaux  portant  des  noms  qui  rappellent  la  pré- 
sence des  arbres,  tels  que  Haute-Brosse,  Basse-Brosse,  La 
Brosse,  les  Essarts,  Bois-Guinant,  etc.  Au  vf  siècle,  la  ville 
de  Vibraye  n'existait  point  encore  ;  elle  eut  pour  origine 
un  oratoire  fondé  en  l'honneur  de  saint  Pierre,  sans  doute 
au  voisinage  de  la  forêt,  près  d'un  gué  que  présentait  la 
petite  rivière  de  Brave,  d'où  la  ville  qui  succéda  à  l'ora- 
toire tire  son  nom  (Vadum  Brigia>,  Vibrœitan)  (1). 

Dans  le  nord-est  du  Maine,  là  oi^i  cette  province  con- 
fine au  Perche  et  à  la  Normandie,  existaient  d'autres 
forêts,  qui  comme  celles  de  Vibraye  et  de  Bersay,  conti- 
nuaient celles  du  Perche  et  du  pays  des  Carnutes  ;  telle 
était  la  grande  forêt  de  Perseigne,  située  au  nord-ouest 
de  Mamers,  et  qui  s'étendait  sans  doute  originairement 
jusqu'à  cette  ville  ;  elle  dut  recouvrir  en  partie  le  Sonnois 
dont  Mamers,  déjà  existant  au  xi'  siècle,  devint  la  capi- 
tale. Plus  au  sud,  elle  se  rattacha  peut-être  originaire- 
ment à  la  forêt  de  Bonnétable,  autrefois  Malestable,  qui 
est  antérieure  au  xii^  siècle  (2).  Cette  forêt  de  Perseigne, 
(jui  a  perdu  beaucoup  de  son  importance,  faisait  partie 
du  domaine  de  la  couronne.  On  la  trouve  désignée  au 
moyen  âge  sous  les  noms  de  Perseingna,  Persenia.  En  4 145, 
une  abbaye  de  l'ordre  de  Gîteaux  y  fut  construite  et 
contribua  sans  doute  beaucoup  à  son  défrichement.  La 
concession  faite  aux  moines  par  Guillaume,  comte  d'A- 
lençon,  et  renouvelée  par  ses  successeurs,  donna  lieu  à 


(1)  Cauvin,  oui',  ril.  p.  548.  Vibraye  a  été  aussi  appelé  Viens  Brigix. 
(?)  Cauvin,  ibid.  p.  391 .  La  forêt  de  Bonnétable  a  pu  se  rattacher  elle- 
même  à  celle  de  Ilallais,  située  plus  au  nord. 


286   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

de  graves  abus  (1)  auxquels  on  dut  remédier   par  ui 
règlement  en  1668  (2). 

En  avançant  plus  à  l'ouest,  sur  les  frontières  du  Maini 
et  de  la  Normandie,  se  trouvait  une  autre  région  égalemeiil 
boisée  qui  avait  formé  dans  le  principe  la  marche  sepleu-» 
trionale  du  pays  des  Diablintes.  C'était  le  Passais,  pays 
qui  s'étendait  depuis  Domfront,  au  nord,  jusqu'au  delà 
Sillé-le-Guillaume  au  sud.  Le  nom  latin  de  cette  dernière 
ville,  Silviacus  (3),  dont  la  fondation  date  au  moins  <lu 
iv''  siècle  (4),  montre  qu'elle  s'était  élevée  sur  un  sol  jadis 
occupé  par  une  forêt.  La  forêt  de  Sillé,  sise  au  nord,  est  mi 
des  plus  importants  vestiges  de  cette  vaste  sylva.  D'autre^ 
lambeaux  nous  sont  offerts  par  les  forêts  d'Andaine,  d*- 
Pail  et  de  Monnaie. 

La  forêt  d'Andaine  M»f/<?;2r/)  (5),  contenue  aussi  dans  \c 
Passais,  est^entionnée  avec  une  autre  sous  le  nom  d( 
Silvedine,  dans  un  acte  de  l'an  1026.  Elle  allait  de  Dom- 
front à  la  Vée.  Elle  n'est  plus  représentée  de  nos  jours  que 
par  une  étroite  bande  semée  de  nombreuses  éclaircies  o\ 


{{)  Cauvin,  oui.  cil.  p.  456. 

(2)  Voy.  Voisin  de  la  Noirayc,  Procès-verbaux  de  la  réformalion  des 
eaux  et  forêts  de  la  Perseigne.  Bibl.  impér.  mss.  franc.  suii|ilém. 
n"  3540  (5). 

(3)-  Il  existe  en  France  un  assez  grand  nombre  de  localités  perlant 
le  nom  de  Sillé  ou  Silly  ;  la  plupart  doivent  ce  nom  à  des  forêts.  Nous 
citerons  comme  renfermant  des  villages  ou  bourgs  de  ce  nom  les  dé- 
partements de  l'Oise,  l'Aisne,  la  Moselle,  la  Vienne.  Dans  le  même 
département  de  la  Sarthe,  il  existe  une  autre  ville  du  nom  de  Sillé,  Sill'- 
le-Pliilippe. 

(4)  Cauvin,  p.  10.  Ilélie,  comte  du  Maine  et  seigneur  de  Domfront,  mort 
en  1110,  avait  accordé  aux  curés  du  Passais  le  droit  de  faire  paître  ]o\\r< 
porcs  dans  cette  foret  et  dans  toutes  celles  du  même  pagus.  Voy.  Cauvin. 
p.  506. 

(5)  Cauvin,  p.  449.  M.  E.  Lehericher  regarde  ce  nom  d'Andaine  comme 
une  forme  altérée  de  celui  d'Ardenne  ;  et  il  rattache  à  la  même  étynio- 
logie  ceux  d'ilardincourt,  d'Ilardinvast,  Ilardonville.  Voy.  Mémoires  (h 
In  sociélc  des  Antiquaires  de  Normandie,  t.  XXV,  p.  227, 


CHAPITRE   XVIII.  287 

que  traverse  la  route  de  Domfront  à  Bagnoles.  Jusqu'au 
moyen  âge,  elle  devait  border  la  route  qui  conduit  de  la 
première  de  ces  villes  à  Alençon,  entre  Juvigny  et  Cou- 
terne  ;  car  on  rencontre  dans  cette  région  une  foule  de 
noms  où  entre  le  mot  de  bois.  La  forêt  d'Andaine  a  du  con- 
stituer à  l'origine  la  marche  qui  séparait  le  Maine  de  la 
Normandie,  ou  plutôt  le  pays  des  Essui  de  celui  des  Dia- 
blintes.  Il  en  faut  dire  autant  de  la  forêt  de  Pail  {Pal, 
Pallhan),  qui  courait  de  la  Mayenne  au  Merdereau.  Elle 
dut  jadis  englober  le  boisdeChemasson.  Son  défrichement 
partiel  donna  naissance  à  un  pagus  qui  en  prit  le  nom  et 
dont  le  souvenir  se  conserve  dans  l'épithète  donnée  à  plu- 
sieurs des  villages  qui  s'y  élevèrent,  à  savoir  :  Prez-en- 
Pail,  maintenant  séparé  de  ce  qui  subsiste  de  la  forêt, 
par  un  espace  de  plus  de  6  kilomètres  ;  dans  la  direction 
du  sud,  Saint-Cyr-en-Pail,  Ville-pail  (1). 

Peut-être  faut-il  chercher  l'étymologie  de  ce  nom  de 
Pallum,  Pail,  dans  le  caractère  originairement  maréca- 
geux de  la  forêt.  Car  la  racine  de  ce  nom  trouve  une 
explication  naturelle  dans  le  celtique  j^yrm'/,  marécage,  qui 
a  donné  naissance  au  nom  de  Pallu,  Pallue,  et  aux  noms 
de  Pouilly,  Pavilly,  La  Bouille  et  Pauliac  (2). 

En  s' avançant  toujours  dans  la  même  direction,  on  ren- 
contre une  partie  jadis  boisée,  mais  où  la  végétation  arbo- 
rescente ne  semble  pas  avoir  été  jamais  bien  active,  et  qui 
sous  le  nom  de  Désert  constitua  aussi  un  pagus  dans  le- 
quel furent  établis  divers  villages  {Saint-Maurice  du  Désert, 
Saint-Calais  du  Désert,  Saint-Mars  du  Désert,  etc.)  (3),  et 
qui  s'étendait  au  nord,  au  sud  et  à  l'est  de  la  Vée  et  de 
l'Aisne. 


(l)Gauvin,  p.  449. 

(2)  Voy.  sur  ces  noms  Revue  archéologique ,  nouv.  série,  t.  II,  p.  93. 

(3)  Cauvin,  ]..  296. 


Jl 


288   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE, 

Au  nord  de  Prez-en-Pait  se  trouve  la  petite  forêt  de 
Monnaie  (3/o;<e/r/)  (i),  qui  a  pu  se  rattacher  dans  le  prin- 
cipe à  la  forêt  de  Pail  aussi  bien  que  le  bois  de  Moultonne; 
elle  est,  de  même  que  celles  de  Douvereau  et  de  Pincé,  le 
maigre  vestige  de  forêts  beaucoup  plus  étendues. 

L'Anjou  offre  toute  l'apparence  d'un  ancien  boise- 
ment; une  foule  de  localités  rappellent  par  leur  nom, 
spécialement  dans  le  canton  avoisinant  Saint-Léger-des- 
Bois,  l'existence  de  forêts  ou  de  bois  actuellement  dé- 
truits. La  forêt  de  Becori  est  un  débris  de  ce  vaste  man 
teau  arborescent  qui  couvrait  le  pays  des  Andecavi.  Au 
sud  les  forêts  de  Chollet,  de  Longeron,  au  nord-est  celle 
de  Chambiers  et  de  Baugé  en  sont  d'autres  lambeaux. 
J'ai  parlé  déjà  de  la  forêt  de  IVidoiseau  ou  Nyoiseau  qui 
s'étendait  non  loin  de  l'Oudon,  et  se  liait  à  celle  de  Craon. 
Elle  n'a  laissé  de  nos  jours  que  de  faibles  restes  (2), 

La  belle  forêt  de  Beaufort  {Nemus  Belli  Foi-tis),  qui  s'é- 
teudait,  au  xi'  siècle,  sur  les  bords  de  l'Authion,  et 
touchait  presque  Mazé,  n'existe  plus;  il  n'en  subsiste  pas 
même  un  arbre  (3);  sa  surface  était  de  7497  hectares  (4), 
En  1148,  Geoffroy  le  Bel,  comte  d'Anjou,  en  donna  291  à 
Othon,  seigneur  du  Lac.  En  1356,  elle  n'occupait  plus  que 
2178  hectares.  En  1567,  ie  souvenir  de  son  ancienne  con- 
tenance se  conservait  encore  par  tradition,  et  on  estimait 
alors  sa  superficie  de  1200  à  1300  arpents,  sans  y  com- 
prendre le  buisson  de  Ghaanne,  qu'on  évaluait  de  30  à 
40  arpents.  Mais  son  étendue  s'était  augmentée,  ou  cette 

(1)  Cauvin,  p.  421. 

(2)  Belleforesi,  Cosmographie  universelle,  de  la  Gaule  cellique,  p.  70. 

(3)  Desvaux,  Slatislique  de  Maine-el-Loire,  part.  1,  p.  113,  lli.  Voy. 
ce  que  j'ai  dit  sur  la  foret  de  l'Anjou,  p.  131  et  suiv. 

(4)  Dès  le  XI*  siècle,  on  voit  les  magistrats  de  Beaufort  s'ciïorcer  vai- 
nement d'enlever  aux  moines  de  Saint-Maur  les  droits  d'usage  que  leur 
avait  accordés,  dans  la  forêt,  Geoffroy  Martel  l'Ancien,  et  dont  ils  abu- 
saient. (Voy.  Marchogay,  Archivai  d'Anjou,  p.  33i.) 


CHAPITRE   XYIII.  289 

évaluation  était  fautive,  puisque,  lors  du  mesurage  effec- 
tué cette  année-là,  on  trouve  1762  arpents  et  demi  (1).  De 
1790  à  1795,  le  reste  fut  détruit  (2).  Cette  forêt  allait  se 
rattacher  aux  forêts,  maintenant  très-réduites,  d'Ombrée 
et  de  Chandelais(3). 

La  forêt  de  Belle-Poule,  jadis  si  étendue,  et  qui  rejoi- 
gnait l'espèce  de  ligne  de  circonvallrtion  forestière  dont 
Angers  était  entouré,  n'offrait  plus,  en  1575,  que  des  bois 
de  peu  d'étendue  (4),  et,  au  temps  de  Charles  Colbert, 
elle  était  défrichée  aux  deux  tiers  (5).  Au  xvii"  siècle,  la 
forêt  de  Durtal  avait  encore  une  réelle  importance.  Elle 
séparait  l'Anjou  du  Maine,  et  n'a  laissé  pour  vestige  que 
la  forêt  de  Malpayre  (6). 

Du  xin''  auxv*^  siècle,  les  provinces  de  Maine  et  d'Anjou, 
dont  je  viens  d'indiquer  l'ancien  état  forestier,  fournis- 
saient à  nos  rois  et  aux  seigneurs  du  pays  des  chasses 
magnifiques  et  fort  recherchées.  Hardouin  de  la  Fontaine- 
Guérin  au  commencement  de  son  Trésor  de  la  Vénerie, 
composé  dans  les  dernières  années  du  xiv°  siècle,  signale 
les  plus  importantes  de  ces  forêts,  et  nous  retrouvons  dans 
ses  vers  plusieurs  de  celles  qui  viennent  d'être  passées  en 
revue  : 

(1)  Le  même  mesurage  donne  37  arpents  et  demi  pour  le  Ijuisson  de 
Chaanne,  et  pour  le  buisson  de  Beaufort  112  arpents  et  demi.  (Voy.  le 
procès-verbal  de  reconnaissance  de  visite  générale,  faite  par  le  sieur 
Férou,  des  forêts  de  Beaufort  et  de  Ghaasnes,  dans  les  procès-verbaux 
de  la  réformation  des  eaux  et  forêts,  dans  les  forêts  de  Beaufort,  Beaugé, 
Perseigne,  par  Voisin  de  la  Noiraye,  au  16G7-16G9.  Bibl.  imp.  mss. 
Suppl.  franc,  n»  3540  (5).) 

(2)  Des  vaux,  ouv.  cil. 

(3)  La  forêt  de  Chandelais  contenait  encore,  en  1668,  6,435  arpents, 
dont  3,870  en  vieilles  futaies.  Voy.  Voisin  de  la  Noiraye,  mss.  ciic 
n°  3540  (9). 

(4)  Voy.  J'édil  de  Henri  III  sur  les  eaux  et  forêts,  dans  Fontanon,  Oi-- 
ilonnances,  t.  II,  p.  267. 

(5)  Marchegay,  Archives  d'Anjou,  p.  145. 

(6)  C'est  la  seule  que  Robert  de  Salnoue  donne  pour  l'Anjou,  dans  son 
dénombrement.  Voy.  la  Vénerie  royale,  p.  417.  (Paris,  1605.) 

10 


290   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  1  RANGE. 

Des  plesans  lieux  et  li  remebre 
Du  très-douls  lieu  plain  d'esbanoy 
De  la  fùrest  de  Lonc  aunoy 
El  une  autre  qui  est  moult  belle 
De  Bersay  se  nomme  et  appelle 
La  forest  de  Monnoys  nous  nomme 
Où  déduit  prennent  maint  noble  homme 
La  forest  de  Bauge  après 
E\.  Chandelais  qui  en  est  près 
Qui  pour  un  roy  est  belle  et  gente 
La  treuve  ou  de  maint  cerfs  la  sente 
Et  le  grand  boysson  de  Bondré 
Où  maint  noble  a,  tout  à  son  gré 
Pouvant  grant  venoison  trouvée 
Et  Belle  Poule  l'esprouvée 
D'élre  de  maint  cerfs  bien  garnie 
Et  les  YUes  sans  viconnie 
Qui  du  pont  de  Cée  se  sournoment 
Et  un  boysson  que  de  la  noment 
Et  appellent  le  breuil  de  Fains 
Dont  yssent  maint  grands  cerfs  au  plins. 

Avant  de  terminer  cet  aperçu  des  forêts  de  l'ancicii  An- 
jou, mentionnons  une  forêt  qui  avait  disparu  antéiieure- 
met  à  quelques-unes  de  celles  qui  viennent  d'être  rap- 
pelées, la  Brisiaci  sylva  (1),  ou  forêt  de  Brissac  ;  il  en  est 
parlé  dans  un  document  du  ix^  siècle  (2);  il  y  faut  vrai- 
semblablement reconnaître  non  une  forêt  de  la  Bretagne, 
comme  plusieurs  lont  cru,  mais  la  forêt  qui  s'étendait  sur 
la  rive  gauche  de  la  Loire,  au  sud  de  Brissac,  et  dont  se 
voient  encore  de  faibles  vestiges  sur  la  carte  de  Cassini.  La 
forêt  de  Beaulicu-des-Marchais,  située  plus  à  l'ouest,  doit 
en  être  un  démembrement.  Les  lieux-dits  de  cette  partie 
de  l'Anjou  accusent  en  effet  l'ancienne  présence  des  bois. 


(!)  Voy.  Dihliolh.  impér.  mss.  coUecl.  Mouchel  {Shasse,  l.  II,  p.  507). 
(î;  Voy.  Uisioriens  deFronre,  l.  YI,  p.  513,  note. 


CHAPITRE   XIX.  291 


CHAPITRE  XIX. 

ANCIEN    ÉTAT    FORESTIER  DE   LA   NORMANDIE    ET    DU    l'ERCIIE. 

La  Normandie  est  signalée,  au  temps  de  Charles  V,  poui 
l'abondance  de  ses  forêts.  Une  ordonnance  de  ce  prince, 
rendue  à  Melun  en  1372,  porte  :  «  Au  pays  du  duché  de 
Normandie,  qui  est  peuplé  de  forests,  buissons  et  brosses 
plus  qu'aucunes  autres  parties  de  nostre  royaume  (1).  » 
Et,  cependant,  c'est  au  règne  de  saint  Louis  que  se  rap- 
portent les  principaux  défrichements  effectués  dans  le? 
forêts  de  la  Normandie  (2);  ce  qui  montre  à  quel  point  cette 
province  avait  été  boisée  dans  le  principe. 

Le  grand  nombre  d'abbayes  et  d'établissements  monas- 
tiques fondés  sur  le  territoire  normand  hâta  singuliè- 
rement la  transformation  du  sol.  Les  forêts  élaient  de- 
meurées en  dehors  de  la  circonscription  paroissiale;  elles 
passaient  donc  plus  facilement  dans  le  domaine  des  com- 
munautés religieuses,  ou,  tout  au  moins,  des  dîmes  et  des 
servitudes  usagères  étaient  concédées  à  celles-ci  sans 
beaucoup  d'opposition  (3).  Les  servitudes  accordées  soit 
à  des  monastères,  soit  à  des  paroisses,  soit  à  des  seigneurs, 
étaient  arrivées  à  être  si  nombreuses  au  xiv'  siècle,  qu'on 


^1)  Saint-Yon,  Les  Eclits  el  Ordonnances  des  eaues  et  forêls,  p.  55, 
(los  forêts  étaient  si  étendues  que  les  voyageurs  s'y  perdaient  souvent. 
D'après  VOrdinalio  forest.v  de  13.06,  tout  étranger  trouvé  dans  la  forêt, 
liors  du  chemin  ordinaire  et  public,  pouvait,  après  avoir  prêté  serment 
sur  les  armes  qu'il  s'était  égaré,  et  que  le  vrai  chemin  lui  était  inconnu, 
obliger  le  forestier  à  lui  indiquer  la  route  convenable  pour  parvenir 
au  lieu  de  sa  destination.  {Leges  forestarise,  c.  xi,  dans  Houard,  t.  II, 
}).  309.) 

(2)  Voy.  L.  Dclisle,  Études  sur  la  condilion  de  la  classe  agricole  en 
Normandie  au  moyen  âge,  p.  390. 

:3)  Ibid.  p.  392'et  suiv. 


292   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  L'ANCIENNE  FRANCE. 

dut  rédiger  à  cette  époque,  sous  le  nom  de  Coutumier 
des  forêts  de  Normandie,  un  code  spécial  qui  en  fixait  la 
nature  et  l'étendue.  Ces  droits  d'usage  amenèrent  des 
éclaircies  au  milieu  desquelles  des  hameaux,  des  villages 
turent  bâtis.  D'un  autre  côtelés  religieux  usagers  élevaient 
dans  la  forêt  des  granges  (i)qui  devenaient  le  centre  d'au- 
tres hameaux  d'où  partait  une  véritable  déclaration  de 
guerre  à  la  forêt.  Les  grandes  forêts  de  la  Normandie  qui 
se  trouvent  avoir  subi  le  plus  de  défrichements  sont  pré- 
cisément celles  où  nous  voyons  de  bonne  heure  se  fonder 
des  abbayes. 

Dans  la  forêt  de  Gouffer  ou  Gouffern  {Golfcrni  Sylco) 
futétabhe,  dès  le  viii'=  siècle,  l'abbaye  d'Almenèches  {Al- 
maniscanan)  (2).  Non  loin  de  là  existait  un  autre  monas- 
tère de  femmes  souvent  confondu  avec  cette  abbaye  et  qui 
était  gouverné  par  sainte  Opportune  (3).  Quatre  siècles 
environ  plus  tard,  s'élevèrent  les  abbayes  de  Saiiit-André- 
de-Goufifern  (4)  et  de  Sainte-Marie  à  Silly  de  Gouffern  (o). 
Des  témoignages  historiques  démontrent  qu'une  autre 
abbaye  de  fdles  existait  dc^'à  dans  un  canton  de  la  forêt 
appelée  Vignaz  {Vinacium],  Sainte-^Iarguerite-de-Vignaz 
ou  de  Gouffern  (6).  Une  charte  constate  que  les  moines 
de  Saint-André  avaient,  à  la  fin  du  même  siècle,  opéré  le 
défrichement  d'une  partie  de  la  forêt  (7).  A  cette  époque 


(1)  Voyez  les  détails  donnés  à  ce  sujet  par  L.  Delislo,  ouv.  cil.  p.  31)"). 
396. 

(2)  Gallia  chrisliana,  t.  XI,  col.  736,  Eccles.  Sngicnsis.  —  Orderii- 
Vital,  X,  18,  p.  104,  éd.  Le  Prévost. 

(3)  Gallia  chrisliana,  ibid. 

(4)  Gallia  chrisliana,  t.  XI,  col,  744,  Eccles.  Sagiens. 

{")]  Ibid.  col.  758.  Cette  abbaye,  de  l'ordre  de  Prémontré,  lut  fondéi' 
en  1 150  par  l'impératrice  Mathilde.  Silly  a  conservé  le  nom  de  Silly-tu- 
Govfl'ern. 

(0)  ]bid.  col.  740. 

(7;  Voy.  Léchaudé,  Exlrait  des  charlcs  de  Normandie,  t.  I,  p.  'i'î\  ■ 


CHAPITRE   XIX.  293 

fut  conclu  un  accord  entre  le  prieur  de  Sainte-Barbe  et 
l'abbé  de  Silly,  au  sujet  de  la  dîme  de  l'essart,  sis  entre 
ïerde  et  Saint-Benoît,  que  le  roi  Jean  avait  donnée  à 
Robert  de  Tournay,  et  au  sujet  d'un  droit  appelé  perro- 
sac/ium,  «  sur  les  ménages  qu'on  pourrait  établir  dans  cet 
essart  (1).  » 

Ces  faits  trouvent  leur  confirmation  dans  l'inspection 
de  la  carte.  D'abord,  tout  le  territoire  occupé  par  les  ab- 
bayes de  Saint-André,  d'Almenèches,  de  Sainte-Marie,  de 
Sainte-Marguerite-de-Vignaz  est  complètement  déboisé(2). 
La  forêt  semble  s'être  fractionnée  d'abord  en  deux  par- 
ties  :  la  plus  septentrionale,  la  seule  qui  ait  subsisté  jus- 
qu'à nos  jours,  s'avançait  au  nord  aux  environs  de 
Falaise,  ville  fort  ancienne^  qui  nous  en  marque  de  ce 
côté  la  limite  extrême.  La  partie  méridionale  descendait 
jusqu'aux  environs  de  Séez,  qui  nous  fournit  par  son  em- 
placement la  limite  ancienne  la  plus  extrême  au  sud.  Car 
Séez,  la  civitas  des  Sagii,  date  de  l'époque  romaine.  La 
forêt  de  Gouffern  a  certainement  englobé  d'abord  celle  de 
Saint-Évroult,  qui,  sur  la  carte  de  Cassini,  en  est  séparée 
à  l'est  par  un  espace  de  plusieurs  kilomètres.  Elle  a  du  se 
rattacher  originairement  à  celle  de  Pail,  dont  j'ai  parlé  au 
chapitre  précédent,  et  à  celle  de  Sillé,  que  j'ai  également 
mentionnée. 

En  général,  cette  partie  de  la  Normandie  qui  occupe 
l'ancien  territoire  des  Essui  et  peut-être  aussi  une  partie 
de  celui  des  Abrincatui,  ne  présentait  qu'une  suite  quasi 
non  interrompue  de  forêts.  De  là  l'aspect  de  bocage  que 

(1)  Voyez  le  passage  de  la  charte  donnée  p^r  L.  Delisle,  ouv.  cil. 
p.  415,  note. 

(2)  Voyez,  sur  la  forci  de  Gouffer  ou  Gouffern,  Orderic  Vital,  liv.  X, 
ann.  1110  et  1102,  éd.  Le  Prévost,  p.  104. Rob.  de  Mont.  Appendix  ad 
Sigebertum,  dans  [qs  Historiens  de  France,  t.  Xïll,  p.  311.  Cf.  t.  XII, 
p.  G81,  686. 


:294   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

conserve  encore  de  nos  jours  cette  région,  circonstance 
qui  a  valu  son  nom  au  ])ays  dont  Vire  était  la  capi 
taie,  et  à  une  partie  du  Perche  (le  Bocage  percheron). 
Même  dans  l'état  de  déboisement  qu'elle  offre  mainte- 
nant, cette  contrée  de  la  France  rappelle  beaucoup  par 
sa  physionomie  l'ancien  aspect  forestier  de  la  Neustrie. 
Plusieurs  forêts  du  département  actuel  de  l'Orne  se  re- 
connaissent aisément  comme  autant  de  lambeaux  du 
grand  manteau  forestier  qui  recouvrait  tout  le  pays  d'Hyes- 
mois  et  le  Bocage  normand.  Nous  citerons  d'abord  la  forèl 
de  Bourse,  à  trois  lieues  au  nord-est  d'Alençon,  dans  le 
canton  de  Le  Mesle-sur-Sarthe  ;  elle  fut  essartée  de  bonne 
heure;  aussi  est-elle  simplement  mentionnée  dans  les 
Comptes  de  saint  Louis  sous  le  nom  de  Bersœ  Vendu.  En 
12-46,  les  moines  de  l'abbaye  de  Perseigne  avaient  sur  ses 
essarts  des  droits  qui  tenaient  sans  doute  à  l'union  ori- 
ginelle des  deux  forêts  (1).  Celle  de  Bourse,  qui  n'apparaît 
sur  la  carte  de  Cassini  que  comme  un  bois,  malgré  le  nom 
de  forêt  qu'elle  garde  encore,  n'est  en  réalité  qu'un  écart 
un  peu  éloigné  au  nord,  de  la  forêt  de  Perseigne,  dont  elle 
dut  au  reste  toujours  se  distinguer,  puisqu'elle  en  est  sé- 
parée par  la  Sarthe.  Une  forêt  plus  importante  étail 
celle  d'Ouche,  l'ancienne  l'ticcnsis  Sylva,  où  fut,  dès  le 
vi'  siècle,  fondée  une  abbaye  (2).  Elle  recouvrait  la  ma- 
jeure partie  de  l'Hyesmois,  regorgeait  de  bêtes  fauves  et 
était  infestée  de  brigands,  quand  vers  562,  sous  le  règne 
de  Clotaire  I"  (3),  saint  Évroult  {sanctus  Ebndfus)  vint  s'y 


(1)  Voy.  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  256.  —  Seuslria  pio. 
]..  819.  " 

(2)  Gallia  Christian,  t.  XI.  col.  813.  Eccles.  Lexoviens. 

(3)  Orderic.  Vital,  III,  i,  p.  5,  éd.  Le  Prévost.  «  Bajocensis  Ebriill'u> 
in  Uticensi  saltu,  angelica  demonstratione  doctus,  monasterium  instau- 
ravit  et  agrestes  incolas  qui  rapinis  et  lalrociniis  ante  deservicrant.  coi- 
rexil.  »  Surius,  1(7.  Sonctor.  XXIX  decemb.  p.  303. 


CHAPITRE    XIX.  295 

établir.  La  tbndation  de  l'abbaye  n'entraîna  pas  immé- 
diatement des  défrichements  étendus.  Le  monastère  ayant 
été  presque  entièrement  détruit  dans  la  suite,  c'est  seule- 
ment au  XI''  siècle  qu'il  fut  rétabli  par  Guillaume,  sei- 
gneur d'Eschaufour  (i).  Les  bois  purent  donc,  pendant 
quelques  siècles,  reprendre  leur  empire;  mais  à  partir 
de  la  réédifîcation  de  l'abbaye,  la  guerre  aux  arbres  re- 
commença. La  forêt  a  dû  s'étendre  jadis  dans  la  direction 
du  nord,  depuis  les  Bois,  localité  située  au  septentrion  de 
Noyer-Ménard,  jusqu'au  bord  de  la  Rille,  au  delà  de 
L'Aigle,  en  remontant  vers  les  bois  de  Broglie  (2),  qui  pa- 
raissent en  être  des  débris.  Les  lieux-dits  qu'on  rencontre 
entre  la  forêt  actuelle  d'Ouche  et  le  Noyer-Ménard,  d'une 
part,  et  de  l'autre  entre  cette  forêt  et  la  Rille,  le  prouvent 
clairement  (3).  Sur  le  territoire  de  la  commune  de  Notre- 
Dame-du-Hamel  (canton  de  Broglie)  se  trouve  la  gàtine 
de  Pont-Éehanfré  mentionnée  dès  le  xni°  siècle  et  qui  rap- 
pelle un  défrichement  de  la  forêt  plus  ancien  (4). 

(1)  Mabillon,  Acta  SS.  Bencdict.  Sxc.  I,  p.  354.  Orderic  Vital,  V, 
p.  576  et  suiv.  Orderic  Vital  était  moine  de  l'abbaye  d'Ouche.  Cf.  Andiii 
Duchesne,  H islor.  Norman,  scripior.,  p.  279,  460,  575.  Cf.  VU.  Orderic 
Vital,  t.  V,  p.  5G. 

(2)  Citons,  dans  la  première  de  ces  directions,  La  Gdline,  Le  Dois- 
Ilué,  Le  Buisson,  Cisay  (altération  du  nom  de  Coiiacum),  Les  Bois  ;  dang 
ia  seconde,  Bois-Normand,  La  Boissière,  Bois-Derlre,  Bois-au-Père, 
La  Gdline,  La  Chenaye,  Bois-Nouvel,  Bosc-Boberl,  Bois-Baril,  Bois- 
Mahiard,  Bois-André,  Bois-Truel,  Bois-Penlhon,  Bois-B ranger,  Boiil- 
(lu-Bois,  Bois-Goul,  Bois-Duclos,  etc. 

(3)  Le  nom  de  Broglie  n'indique  pas  ici  la  présence  d'un  bois  ;  il  a  été 
donné,  en  1742,  au  village  de  Chambrais,  quand  la  baronnie  de  Ferrières, 
dont  il  dépendait,  fut  érigée  en  duché-pairie  pour  le  maréchal  de  Broglii;. 
Le  nom  de  Broglie  (italien,  Broglio),  comme  notre  français  Breiiil  ou 
Breul,  est  dérivé  du  mot  brogilum,  brogilus,  par  syncope  broilum,  d'o- 
rigine lombarde,  et  qui,  signifiant  d'abord  un  parc,  un  lieu  fermé,  a 
lini  par  s'appliquer  à  un  petit  bois-taillis  ou  à  un  bois  clos  de  murs  ou 
<le  fossés.  Voy.  Aug.  Le  Prévost,  Mémoires  et  notes  pour  servir  à  Hiis- 
loire  du  déparlemenl  de  l'Eure,  t.  I,  part,  ii,  p.  43G. 

(4)  A.  Le  Prévost,  Mémoires  el  noies  pour  servir  à  Vhisloire  du  dé- 
parlement  de  l'Eure,  t.  II,  part,  u,  p.  499,  500. 


:296   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

La  forêt  de  L'Aigle,  située  à  l'est  de  la  ville  de  ce  nom, 
est  un  des  plus  importants  lambeaux  de  ce  vêtement  fores- 
tier, que  le  temps  a  percé  à  jour.  Les  noms  d'un  grand 
nombre  de  localités  sises  entre  la  forêt  et  la  ville  montrent 
que  dans  le  principe  elles  étaient  contiguës.  Nous  cite- 
rons: Saint-Michel-de-la-Forèty  le  Bois-au-Lard,  Bois- 
Hamery,  le  Bois-Heux,  Bois-Rohert,  Chaillouet^  les  Bois- 
dc-l<i-Pierre,  les  Bois-de-la-Pichotière.  La  forêt  s'avançait 
conséquemment  jusque  sur  les  bords  de  la  Rille,  et  si  l'on 
en  croit  une  tradition  qu'Orderic  Vital  nous  a  conservée, 
un  nid  d'aigle  trouvé  sur  un  des  chênes  de  la  partie  dé- 
truite de  la  forêt,  valut  son  nom  au  castnim,  d'où  la  ville 
de  L'Aigle  tire  son  origine. 

C'est  également  le  relevé  des  noms  de  lieux,  dans  la  ré- 
gion comprise  entre  la  forêt  de  Gouffern  et  la  Dive,  qui 
nous  fournit  la  preuve  de  l'extension  qu'a  eue  là  naguère 
la  zone  forestière.  Citons  les  noms  suivants:  Frmay,  Lr 
Cheney,  Bierres,  qui  rappelle  l'ancien  nom  de  la  forêt  de 
Fontainebleau,  et  dont  le  sens  doit  impliquer  l'idée  de 
forêt,  La  Londe  (1),  qui  rappelle  par  son-  étymologie  le 
nom  ancien  de  la  capitale  de  l'Angleterre,  Londoniwn, 
ville  qui  s'élevait  dans  l'origine  au  milieu  d'une  fo- 
rêt (2). 

L'espèce  de  presqu'île  comprise  entre  la  Dive  et  l'Orne 
était  certainement  fort  boisée;  les  noms  de  lieux  l'in- 
diquent encore  (3).  La  forêt  devait  s'étendre  jusqu'au 


(1)  Voy.  ce  qui  est  dit  dans  Vinlrodiiction,  p.  25.  Une  forêt  de  la  Nor- 
mandie, dont  il  sera  parlé  plus  loin,  porte  le  nom  de  La  Londe. 

(2)  Citons  les  noms  de  Londinières  (Seine-Inférieure).  La  Londe,  portr 
l)ar  deux  localités  de  l'Eure  et  une  do  la  Seine-Inférieure,  Londemarr 
'Eure,  commune  de  Crcstot). 

'^3)  On  peut  citer  les  noms  Frênay-le-Buffard ,  Les  Bois.  Dois-Aumont. 
IMs-de-Serrom,  Courbois,  Les  Brousses,  Le  Buisson,  etc. 


CHAPITRE   XIX.  297 

bord  de  la  seconde  de  ces  rivières,  au  sud  de  Montabard, 
et  englober  un  bois  que  Gassini  y  indique. 

Les  forêts  de  l'Est  du  département  del'Orne  constituaient 
donc  une  marche  mitoyenne,  confinante  la  fois  aux  Baio- 
casses,  aux  Unelles,  aux  Lexoviens,  aux  Ehurovices,  aux 
Cenomans  et  aux  Carnutes.  La  partie  orientale  de  cette 
grande  bande  sylvestre  formait  la  sylva  Pertica,  autre- 
ment dit  le  saltus  Perticus,  mentionné  dès  l'époque  carlo- 
vingienne  (1).  Défrichée  sur  une  assez  grande  surface, 
elle  donna  naissance,  comme  bien  d'autres  forêts,  à  un 
pa(/i(s,  qui  en  prit  le  nom,  le  Perche  (2).  La  profondeur  de 
la  sylva  Pertica  (3)  offrait  à  ceux  qui  voulaient  se  retirer 
de  la  société,  de  commodes  retraites.  Les  moines  y  affluè- 
rent. C'est  là  que  s'élevèrent  au  x*"  siècle,  le  monastère  de 
Saint-Laumer  {Santiis-Launomanis){^,  au  xii^  siècle,  celui 
de  La  Trappe  (5),  et  en  1323,  l'abbaye  du  Chêne-Galon 
[Quercus-Galonis],  de  l'ordre  de  Grandmont  (6). 

Le  plus  important  débris  de  la  grande  forêt  du  Perche 
est  la  forêt  de  Bellesme,  qui  dut  jadis  ne  faire  qu'un  avec 


1)  Voy.  Nithard,  Hislor.  Caroli  Marjni.  dans  les  Hisloriens  de  France, 
t.  III,  p.  26. 

(î)  11  est  à  noter  que  le  Pagns  perticus,  d'une  formation  plus  récente 
que  les  Pagi  voisins,  a  pris  une  partie  de  leur  territoire,  en  sorte  que 
les  limites  du  Pagus  embrassent  un  espace  plus  étendu  que  la  Sylva  Per- 
Hra.  Voy.  Merlet,  Dictionnaire  lopographique  du  départem.  d'Eure-et- 
Loir,  Introduct.  p.  xi. 

(3)  Aimoin  dit  à  son  sujet  :  «  Post  eum  existât  Liger,  qui  terram  illam, 
qure  intcr  ilium  et  Sequanam  jacet,  pêne  insulam  efficit  ;  sylva3  multœ,  sed 
'•mincnliorcfeteris  Perticus.  »  {Prxfal.  in  Gest.  Francorum  ap.  D.  Bou- 
quet, Historiens  de  France,  t.  III,  p.  25.  Cf.  Excerpl.  ex  Vit.  S.  Belha- 
ni,  de  Clotario  II,  ap.  D.  Bouquet,  t.  III,  p.  489,  etc.,  et  Lasicotière, 
Sur  le  Perche,  dans  l'Annuaire  des  cinq  départements  de  l'ancienne 
Xormandie,  1838,  4®  année,  p.  26i,  262.  Cf.  Guérard,  Polyptiqiie  de 
l'abbé  Inninon,  p.  75,  proleg.) 

(4)  Gall.  clirislian.  t.  VIII,  col.  1350.  Eccles.  Blés. 

(5)  Gall.  Christian,  t.  XI,  col.  747.  Eccles.  Sagiens. 
(0)  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  502. 


298   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

la  forêt  de  Reno,  située  au  nord-est,  et  qui  n'en  est  séparée 
que  par  l'IIuisne.  Cette  forêt  dut  aussi  englober  deux 
bois  qui  n'en  sont  réellement  que  des  écarts,  ceux  dr 
Dambray  et  de  Sablonne.  Elle  est  mentionnée  sous  le  nom 
de  Foresta  Balismi  dans  les  Comptes  de  S.  Louis  en  1238. 
La  forêt  de  Bellesmc  se  lia  originairement  à  celle  de  Per- 
seigne,  dont  il  a  déjà  été  question  au  chapitre  précédenl. 
En  effet,  si  on  tire  une  ligne  de  Bourg-le-Roy,  au  delà  de 
Bellesme,  jusqu'à  Origny,  en  la  faisant  passer  par  Saint- 
Aubin-des-Croix  et  Chemilly  ;  si  on  en  trace  une  autre  à 
partir  de  Lignières  et  gagnant  les  rives  de  l'Huisne,  prè- 
du  Petit-Bois  et  du  Breuil,  en  face  de  Mauves,  on  dessine 
à  peu  près  le  pourtour  de  la  partie  encore  boisée  au  moyen 
âge.  Les  noms  d'une  foule  de  lieux  rappellent  dans  cet 
espace  la  présence  des  arbres  (1).  L'éclaircissement  de 
cette  forêt  a  commencé  dès  l'époque  mérovingienne  (2). 
La  Sarthe  sépare  la  forêt  de  Perseigne  de  celle  d'Ecou- 
ves  (3),  qui  dut  jadis  s'avancer  dans  la  direction  du  sud 
jusqu'à  Cuissey  {Cotiacum),  et  demeure  aujourd'hui  une 
des  plus  importantes  du  département  de  l'Orne.  On  y 
reconnaît  un  débris  de  la  partie  la  plus  occidentale  do 
l'ancienne  Sijka  Pertica.  Alençon,  situé  au  sud  de  la  iorèt 


(1)  Tels  sont  :  Le  Moulin-du-Dois,  Lignères,  Les  Aulneoux,  etc. 
Entre  les  forêts  de  Perseigne  et  d'Écouves,  on  rencontre  Bois-Giurin. 
Haul-Bois,  Dois-Jouin,  Sftint-IIilaire-de-Soisay  [Soisa y  ou  Soisij,  foi  me 
altérée  de  Choisi/).  Haut- Bouc  âge,  Bois- Hébert,  Les  Brosses,  La  Brosse. 
Bois-Semélé,  Gué-des-Bois,  La  Gdiine,  Les  Bois,  etc. 

(2)  Bellesme  est  antérieur  au  x^  siècle  ;  ce  n'était  d'abord  qu'un  châ- 
teau fort.  A  l'époque  de  sa  construction,  le  Icrritoirc  ([u'il  occupait  de- 
vait être  déjà  défriché.  Cette  observation  est  applicable  à  Mortagne,  d'' 
date  un  peu  moins  ancienne.  L'espace  qui  séparait  Mortagne  de  Hollesm>' 
n'était  conséquemment  plus  recouvert  par  la  Sylva  Pertica  aux  xi*  <t 
xii«  siècles,  bien  que  le  pays  gardât  l'aspect  d'un  bocage. 

(3)  M.  E.  Lehéricher  croit  que  cette  forêt  a  dû  son  nom,  dérivé  du 
latin  Scopa,  Scopw,  h  ce  qu'elle  était  originairement  remplie  de  génois. 
\oy.  Mémoir.  de  la  société  des  Aniiq.  de  Normandie,  t.  XXV,  p.  253. 


CHAPITRE    XIX.  299 

d'Ecouves,  date  au  moins  du  iv"  siècle,  circonstance  qui 
prouve  que,  dès  le  commencement  de  notre  ère,  un  vaste 
essart  séparait  cette  forêt  de  la  forêt  de  Perseigne. 

La  forêt  du  Perche,  représentée  dans  Gassini  par  une 
forêt  assez  éloignée  de  l'Iton,  doit  jadis  avoir  eu  ce  cours 
d'eau  pour  limite  au  nord  ;  divers  noms  de  lieux  {Le  Buis- 
son, Bois  de  la  Hais,  Les  Bois,  Gâtine,  Randonnai) ,  indi- 
quant dans  cette  direction  la  présence  originelle  de  bois. 
Elle,  s'étendait  naguère  jusqu'aux  bords  du  Loir  et  de 
TEure,  car  cette  région  était  encore  une  forêt  au  xii"  siècle. 
Une  charte  passée  en  1134  au  Temple,  près  Mondoubleau, 
est  datée  de  la  maison  des  chevaliers  du  Temple,  dans  la 
forêt  du  Perche.  Or,  ce  lieu  se  trouve  dans  l'arrondisse- 
ment actuel  de  Vendôme,  en  un  canton  déboisé,  mais 
qui  garde  de  nombreux  vestiges  de  son  ancien  état  fo- 
restier^ et  où  la  population  demeure  très-clairsemée  (i). 
En  plusieurs  communes,  les  défrichements  ne  remontent 
pas  plus  haut  que  le  règne  de  Henri  IV,  qui  aliéna  dans 
cette  région  de  vastes  étendues  de  bois  domaniaux,  et 
les  livra  à  la  culture  (2). 

Un  autre  tronçon  de  la  grande  forêt  du  Perche  est  celle 
qui  s'étend  au  sud-est  de  La  Loupe,  et  que  l'inspection  de 
la  carte  nous  montre  s'être  étendue  à  l'orient  jusque 
vers  Bois-Saint-Père,  Fruncéet  le  Bois-Hénou.  La  gâtine, 
(jui  a  laissé  son  nom  à  Ghamprond-en-Gàtine,  la  partagea 
en  deux.  Bordée  au  nord  par  l'Eure,  cette  forêt  faisait  face 
à  deux  forêts  maintenant  fort  réduites  et  situées  sur  l'au- 
tre rive  de  la  rivière.  La  forêt  de  Senonches  s'étendait  au 
nord  de  Saint- Aubin-des-Bois,  de  Dangers  à  Fontaine-le- 
Guyon.   Gc  sont  autant  de  restes  de  l'ancienne  forêt  des 

(1)  Voy.  .1.  (le  Pétigny,  Histoire  archéologique  du  VejuJnmois,  Part.  I, 
jj.  21,  22;  Mcrlet,  Dictionn.  cité,  p.  xi. 

(2)  J,  (le  Pétigny,  ouv.  cit. 


300    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE 

Carnutes  et  de  la  marche  arborescente  placée  entre  ce 
peuple  et  les  Eburovices.  Au  xi'  siècle,  existait  près  cl 
Gardais,  dans  le  canton  de  Nogent-le-Rotrou,  une  forêl, 
celle  de  Thiron  (1),  dont  de  nombreux  lieux-dits  rap- 
pellent la  présence  (2),  et  où  Bernard,  abbé  de  Saint- 
Gyprien,  fonda  un  monastère  sous  le  vocable  de  Saint- 
Sauveur  (3). 

Gitons  encore  dans  le  département  de  l'Orne,  aux  porte> 
d'Alençon,  la  forêt  de  Malèfre  {Malafia  sylva),  dont  parle 
Orderic  Vital  (2),  et  où  fut  tué  en  1136  le  chambellan  de 
Geoffroy,  comte  d'Anjou.  Cette  forêt  a  totalement  disparu, 
et  son  existence  n'est  rappelée  que  par  quelques  noms  de 
lieux  des  environs  de  Malèfre-aiix-Moines  :  Bois-Loiivet, 
Bois-Margot,  La  Garenne,  Lignerottes,  etc. 

Si  nous  quittons  maintenant  la  partie  méridionale  de 
la  Normandie  et  nous  nous  avançons  dans  l'Avranchin, 
nous  rencontrons  de  nouvelles  preuves  d'un  boisement 
beaucoup  plus  considérable  qu'on  ne  l'observe  aujour- 
d'hui. Les  forêts  ont  commencé  surtout  à  s'y  éclaircir  à 
dater  du  xiv*"  siècle.  Au  milieu  de  la  forêt  de  Lande- 
Pourrie,  les  essarts  devinrent  alors  si  nombreux  qu'ils 
formèrent  un  territoire  suffisant  à  l'établissement  de  deux 
nouvelles  paroisses. 

(1)  Les  lieux-dits,  tels  que  le  Bois-Massé,  Grand-Bois-Ragam,  Bois- 
Brûlé,  Bois-aux-CIayes,  Le  Plessis,  Les  Brosses,  indiquent  que  la  forèl 
(le  Thiron,  qui  n'est  plus  représentée  que  par  de  faibles  bouquets,  s'é- 
tendait de  MaroUes,  au  nord,  jusqu'à  la  Croix-du-Perche,  au  sud,  et 
s'avançait  ù  l'ouest  jusqu'aux  abords  de  Nogent-le-Rotrou. 

(2)  Orderic  Vital,  liv.  XIII,  p.  74,  éd.  Le  Prévost. 

(3)  Nous  citons  ici  le  curieux  passage  d'Orderic  Vital  (VIII,  27,  p.  448. 
éd.  Le  Prévost)  :  «  Denique  post  plures  circuitus,  ad  venerabilem  epi?- 
copum  Ivonem  divertit,  et  ab  eo  benigniter  susceptus,  in  prœdio  Carno- 
tensis  ecclesiae  cum  fratribus  quibusdam  constitit  et  in  loco  silvestri,  qui 
Tiron  dicitur,  cœnobium  in  honore  S.  Salvatoris  construxit.  lUuc  multi- 
tudine  fidelium  utriusquo  ordinis  abundo  confluxit  et  prœdictus  pater 
omnos  ad  conversionein  properantes,  charitativo  amplexu  suscepit,  et 
singulis  artes  quas  noverant,  légitimas  in  raonastcrio  exercerc  prœcepil. 


36    I 


CHAPITRE    XIX.  301 

Cette  forêt  de  Lande-Pourrie  se  rattachait,  dans  l'ori- 
gine, à  d'autres  bois  qui  en  étaient  des  annexes,  notam- 
ment à  celui  dont  Nicolas-des-Bois  occupait  le  centre  et 
qui  s'étendait,  au  nord-est,  jusqu'à  Saint-]\Iaur-du-Bois 
et  dont  la  forêt  de  Saint-Se\er  est  le  dernier  reste  (1). 
C'est  près  de  ce  bois  que  fut  fondée,  en  1143,  l'abbaye  de 
la  Luzerne.  La  charte  de  fondation  de  cette  abbaye,  en 
partie  reproduite  dans  la  chronique  de  l'abbaye  d'Ar- 
denne  en  Normandie  (2),  indique  que  la  partie  comprise 
entre  Menidre,  la  Tanaise,  et  le  Thar,  était  boisée  (3). 

En  remontant  plus  au  nord,  dans  la  presqu'île  de  Co- 
tentin,  on  retrouve  sans  doute  aussi  des  traces  de  forets, 
mais  moins  étendues.  La  forêt  de  la  Lande-cV Airou  ou 
d'Hérould,  qui  s'étendait  près  de  Villedieu,  n'a  laissé  que 
d'insignifiants  \estiges.  Elle  a  valu  son  nom  à  la  chapelle 
dite  Sainl-Lconard-des-Boù .  En  revanche,  la  forêt  de  Beau- 
quenay,  que  la  Saudre  sépare  de  celle  de  Samt-Sauveiir- 
le-Vicomte,  semble  n'avoir  perdu  que  peu  de  son  an- 
ricjine  extension.  A  l'extrémité  septentrionale  du  dépar- 


Unde  libcnter  convenerunt  ad  eum  fabri,  tam  lignarii,  quam  ferrai-ii, 
sculptures  et  aurifabri,  pictores  et  ceementarii,  vinitores  et  agricola",  mul- 
tori'irque  officiorum  artifices  peritissimi.  Sollicite,  quod  eis  jussio  seiiio- 
ris  injungebat,  operabuntur  et  communem  conferebant  ad  utilitatem 
qiuc  lucrabantur.  Sic  ergo,  ubi  paulo  anle  in  horribili  saltu  latrunculi 
solobant  latitare,  et  incautos  viatores  repentino  incursu  trucidare,  adju- 
vante Deo,  in  brevi  consurrexit  monasterium  nobile.  »  Tiron  n'est  plus 
aujourd'hui  qu'un  hameau  de  la  commune  des  Gardais  (Eure-et-Loii-j. 

(1)  Voy.  L.  Dclisle,  Etudes  sur  la  condilion  de  la  classe  agricole  en 
Normandie,  p.  416. 

(2)  Cette  charte  et  la  Chronique  de  l'abbaye  d'Ardenne  parlent  d'un 
bois  situé  près  de  la  rivière  de  Thar,  et  qui  s'appelait  Molendinum.  i^Voy. 
Neuslria  Pia,  p.  793,  «t  la  Chronique  manuscrife  de  Vabhaye  dAr- 
dennc,  que  possède  la  Bibliothèque  impériale,  <>t  que  m'a  signalée  mon 
obligeant  et  savant  confrère  M..L.  Delisle.) 

(3)  Le  nom  de  Sartilly,  que  porte  une  localité  au  sud  de  la  Luzerne, 
parait  indiquer  un  ancien  essart.  Au  nord  de  cette  abl.iayc,  La  Cour  du 
Dois  rappelle  l'emplacement  de  la  tète  du  bois. 


^02   LES  FORÊTS  DE  L\  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

lement  de  la  Manche,  une  autre  forêt,  celle  de  Brix  (1), 
située  près  de  Cherbourg,  a  été  atteinte  par  le  défriche- 
ment sur  toute  la  lisière  et  réduite  graduellement  à  l'état 
de  simple  bois  (2).  Jusqu'au  siècle  dernier,  elle  occupa  un 
espace  assez  considérable. 

Dans  l'ancien  territoire  des  Baïocasses,  plusieurs  forêts 
très-importantes  ont  disparu.  Ce  sont  celles  de  Mauper- 
tuis,  TortevaljdeFoulogne,  duQuênay,dontGuillaume-le- 
Conquérant  avait  fait  concession  aux  religieux  de  l'abbaye 
de  Saint-Etienne-de-Caen;,  sous  la  condition  de  ne  poinl 
la  défricher  et  de  n'en  pas  détruire  le  gibier  (3).  Il  n'j 
a  plus  de  traces  de  bois  aux  environs  des  trois  dernières 
localités  (4),  et  près  de  Maupertuis,  dans  l'arrondissemenl 
de  Saint-Lô  (canton  de  Percy),  on  ne  trouve  plus  que  le 
chétif  bois  de  Mo  von,  sis  au  nord  de  ce  village.  La  forêt  de 
Cérisy,  qui  s'étend  au  sud-ouest  de  Bayeux,  paraît  avoii 
aussi  subi  de  notables  défrichements. 

La  partie  de  la  Normandie  qui  répond  aux  arrondisse- 
ments de  Caen,  de  Pont-L'Évcque,  dans  le  déparlemenl 
du  Calvados,  et  qui  embrasse  la  plus  grande  partie  du 
territoire  des  deux  peuples  gaulois  appelés  les  Viducasse; 
et  les  Lexoviens,  ne  semble  pas  avoir  offert  dans  l'anti 
quité  cette  même  abondance  de  bois  qui  caractérisai 


(1)  Elle  est  mentionnée  dans  les  Comptes  de  saint  Louis  sous  le  non 
'le  Venda  de  Bniies.  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  257. 

(2)  Voy.  les  passages  dos  cartulairos  de  Coutances,  cités  par  L.  De 
lisle,  ouv.  cil.  p.  416,  417. 

(3)  La  donation  rappelée  par  le  registre  des  Olim  jtour  1268  (t.  I. 
p.  747,  éd.  Beugnot)  porte  :  «  Silvam  de  Malo-Pertuso,  et  de  Torta-Valle. 
«t  de  Folonia,  et  de  Casneto  cum  aquis  et  terris  seu  omnibus  ad  eas  per- 
tinentibus  hac  conditione  servata  uL  monachi  ipsius  cœnobii  ipsas  silva? 
nulle  terapore  destruant  vcl  destrui  jubeant  propter  ipsani  terram  colen- 
dam  sive  inhabitandam,  retenti*  in  suo  dominio  cervis,.caprcolis  et  apris 
silvestribus.  » 

(4)  Le  bois  du  Vernay,  au  nord  de  Foulogne,  peut  élrt  toutefois  k 
reste  d'une  de  ces  forêts. 


CHAPITRE   XIX.  303 

d'autres  cantons  de  la  Normandie  ;  il  n'y  faut  donc  pas 
aller  chercher  les  vestiges  d'autant  de  forêts.  A  une  lieue 
au  nord  de  Gaen,  fut  fondée  cependant,  au  xii*"  siècle,  une 
abbaye  dont  le  nom  indique  la  présence  d'une  forêt  im- 
portante, nom  que  nous  avons  vu  plus  haut  appliqué 
à  l'une  des  plus  grandes  forêts  de  la  Gaule  :  c'est  l'abbaye 
d'Ardenne  (1),  qui  joue  dans  l'histoire  de  la  province  un 
certain  rôle. 

La  forêt  de  Bur  a  jadis  présenté  une  superficie  bien  su- 
périeure à  celle  qu'elle  avait  au  xvii''  siècle.  Elle  est  men- 
tionnée dans  les  Comptes  de  saint  Louis  {]^e?ida  ou  Foresta 
de  Bîir)  ;  c'estle  principal  reste  de  la  grande  forêtdu  Bocage 
normand  (2).  Sous  Philippe-le-Bel,  les  bois  de  Foulogne 
s'en  détachèrent.  La  carte  de  Cassini  nous  montre  égale- 
ment qu'une  bonne  partie  de  la  forêt  de  Touques,  située 
à  quatre  lieues  de  Pont-L'Evêque,  avait  disparu  au  siècle 
dernier,  car  les  noms  de  lieux  annoncent  un  ancien  boise- 
ment entre  l'Orne  et  la  Touques.  La  forêt  qui  emprunte 
son  nom  à  cette  rivière,  et  qui  est  située  au  nord  de 
Pont-L'Evêque,  a  dû  s'avancer  dans  le  principe  jus- 
qu'aux abords  d'IIonfleur.  Saint-Quentin-des-Bois  marque 
un  des  essarts  qui  y  furent  ouverts  au  moyen  âge.  Elle 
<'onstitua  sans  doute  la  marche  qui  séparait  les  Lexoviens 
'les  Vi  du  casses. 

Les  forêts  redeviennent  très-nombreuses,  quand  on 
s'approche  de  la  haute  Normandie  ;  elles  l'étaient  encore 
davantage  au  moyen  âge.  Les  départements  de  l'Eure  et 
(le  la  Seine-Inférieure  conservent  les  débris  de  plusieurs 
des  plys  magnifiques  forêts  de  la  France.  Nous  sommes  ici 
sur  l'ancien  territoire  des  Eburovices,  des  Lexoviens,  des 
Véliocasses  ci  des  Calètes. 


(I)  Gallia  chrislian.  t.  XI,  col.  /iàO.  EccUs.  Bajocem. 

(■2)  lUsloriau  dr  Fronce,  l.  XXI,  \).  258.  C(?lte  forêt  de  Bur  recouvrait 


304   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

A  une  époque  qui  n'est  pas  fort  reculée,  la  contrée  qu'a- 
vait occupée  cette  grande  fraction  des  Aalerques,  dont  le 
nom  se  conserve  dans  celui  du  chef-lieu  du  départemeni 
de  l'Eure,  était  couverte  par  plusieurs  forêts  très-étendues. 

Au  centre  et  dans  le  voisinage  immédiat  de  l'ancien 
MediolamimAulcrcorum,  s'élevait  la  forêt  d'Evreux(/v><r^.v/</ 
Ebroicensis),  plusieurs  fois  mentionnée  par  les  Comj)le.s 
de  saint  Louis  (1).  Ce  monarque  en  poussa  activement  le 
défrichement  et  y  établit  de  nombreux  colons;  chacun 
d'eux  reçut  quelques  acres  de  terre  moyennant  redevance. 

La  forêt  d'Evreux  doit  avoir  subi  un  commencement  de 
défrichement  à  l'époque  gallo-romaine,  sans  doute  à  l;i 
suite  de  l'ouverture  de  la  voie  romaine,  dont  un  tron- 
çon subsiste  sous  le  nom  de  Clicinin-Chaussée,  et  qui  allai  I 
d'Evreux  à  Condé-sur-Iton  ;  car  on  a  découvert  sur  son 
sol,  dans  la  commune  des  Ventes,  près  du  hameau  de  la 
Trigale,  des  débris  de  murailles  portant  des  traces  d'en- 
duit et  autres  vestiges  de  constructions  romaines  (2). 
Cette  forêt  ne  forme  plus  aujourd'hui  qu'une  bande  légè- 
rement contournée  et  s'étendant  au  sud  du  chef-lieu  dr 
l'Eure.  Elle  n'était  séparée,  il  y  a  deux  ou  trois  siècles, 
de  la  forêt  de  Couches  que  par  la  vaste  clairière  du  Cliam/) 
Dolent;  ce  qui  fait  croire  qu'elle  en  a  dépendu  origi- 
nairement. Le  nom  de  Champ  Dolent  dénote  l'exislencc 
d'un  ancien  heu  de  sépulture  (3). 

une  partie  du  canton  do  Bcssy-Bocage  (arrond.  do  Vire)-  Cf.  0  im.  t.  Il 
ji.  378,'cilés  par  M.  Dclisle,  oui',  vil.  p.  47G. 

(1)  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  259,  2G7,  278.  CT.  Delislo,  Hliuh 
citée,  p.  409  et  410.  —  On  la  trouve  aussi  mentionnée  sous  le  nom  <li 
Foresta  Ebroucensis  dans  le  reiristre  <les  Olim  ])our  1309.  C^y-  i'''l. 
Beugnot,  t.  III,  p.  496.) 

(2)  Aug!  Le  Prévost,  Mémoires  el  notes  j)our  servir  à  l'itistoire  du  di- 
parlement  de  VEure,  pu))l.  par  L.  Delisle  et  L.  Passy,  i.  I,  Paii.  i. 
p.  32. 

(3)  Ce  nom  paraît,  en  effet,  avoir  été  imposé  à  des  lieux  où  se  trou- 
vaient des  tombes  à  l'époque  gallo-romaine  ou  franquo.  On  jiout  encore 


CHAPITRE   XIX.  o05 

Malgré  les  défrichements  opérés  sous  saint  Louis,  la  foret 
d'Evreux  demeurait  encore  vaste  en  1298.  Sa  garenne,  son 
panage,  ses  ventes  et  ses  amendes  firent  partie  de  V^\:a- 
nage  donné  par  Philippe-le-Bel  à  son  frère  Louis,  comte 
d'Evreux  (1).  Le  nom  de  Grandis  sylva,  qu'a  jadis  porté  le 
village  ou  plutôt  le  château  de  Grossœuvre  (2),  sis  au  sud 
d'Evreux,  atteste  son  antique  importance.  Elle  était  plan- 
tée des  essences  les  plus  variées,  chênes,  hêtres,  érables, 
trembles,  genévriers,  saules,  merisiers,  coudriers,  etc., 
ainsi  que  nous  l'apprend  le  Coutumier  des  forêts  de  Xor- 
mandie  (3),  qui  traite  des  droits  d'usage  dont  y  jouissaient 
les  habitants  de  Bérengeville  et  de  Meileville. 

Tout  le  canton  actuel  de  Saint-André^  c'est-à-dire  la 
partie  de  l'ancien  comté  d'Evreux  comprise  entre  l'Iton 
et  l'Eure,  fut  jadis  recouverte  de  bois  qui  s'étaient  successi- 
vement détachés  de  la  forêt  d'Evreux.  Un  de  ces  bois,  de- 
meuré assez  étendu  pour  être  qualifié  de  foret,  fut  donné 
au  xV  siècle  par  Hugues,  fds  d'Hubald  de  Pacy,  à  l'ab- 
baye de  Saint-Taurin  ;  le  village  de  Paintourville  en  prit 
le  nom,  à  dater  du  xni"  siècle,  et  s'appela  La  Forêt  du 
Parc  (4), 

On  trouve  dans  une  pièce  concernant  les  droits  d'un 
seigneur  de  Garencières,  conservée  aux  archives  de  l'Em- 

supposer  qu'il  fait  allusion  à  quelque  événement  sanglant,  par  cxoniiile, 
aune  bataille.  Voy.  Le  Prévost,  }lém.  et  noies  cités,  t.  I,  Part,  ii,  p.  484, 
et  Orderic  Vital,  XIII,  10,  p.  20,  note,  éd.  Le  Prévost.  Toutefois  M.  Le- 
héricher,  qui  a  relevé  plusieurs  localités  de  ce  nom  en  Normandie  et  en 
Bretagne,  le  fait  dériver  du  celte  ial,  dol.  «  élevé,  »  et  trouve  dans  cette 
étymologie  l'explication  de  Mont-Dol,  Chènedollé,  Canidol,  Yoy.  Mrmoircs 
de  la  socirlé  des  AiUiq.  de  Xonnondie,  t.  XXV,  p.  232. 

(i)  Le  Brasseur,  Preuves  de  V Histoire  du  eomlé  d'Evreux,  p.  24. 

(2)  Orderic  Vital,  XIII,  p.  89.  Cf.  A.  Le  Prévost,  Dklionmnre  des 
anciens  noms  de  lieux  du  dcparlem.  de  l'Eure,  p.  140. 

(3)  A.  Le  Prévost,  Mémoires  et  notes  cités,  tom.  I,  part,  i,  p.  202  ; 
t.  II,  part,  ir,  p.  393,  547, 

^4)  Le  Prévost,  ibid.  t.  II,  part,  i,  p.  121.  On  dilil'abûrd  Notre-Dame- 
dc-PaintourvilIe,  puis  Notre-Dame-de-la-Forèt,  puis  simplement  La  Foret. 

20 


306  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

pire  et  datant  de  la  fin  du  xiv^  siècle,  un  tableau  curieux 
de  la  contenance  d'un  grand  nombre  de  bois,  la  plupart 
situés  dans  le  même  canton  (1).  Nous  citerons  quelques- 
uns  des  chiffres  : 

«  Les  bois  de  la  Queue  contenant  environ  IIII^''  et 

XVI  arpents  ;  les  bois  du  Rouvray  XIIII  arpents  ;  les  bois 
du  Buisson  XIIII  arpents;  les  bois  de  la  Chaste-Houlle II 
arpents  ;  les  bois  de  Grantseuvre  appelez  Descouardes 
XLVIII  arpents  ;  les  bois  du  Plesseiz-IIébert  XXX  arpents; 
les  bois  de  la  Neufville-des-Vaulx,  le  bois  de  Trasselangue 
IIII^'^  arpents  ;  les  bois  de  la  IMaire-Rogier  X  arpents  ; 
les  bois  Grespin  jouxte  la  forest  de  IMéré,  qui  sont  bois 
coustumiers,  et  n'y  peut-on  faire  vente,  contenant  GL  ar- 
pents ;  les  bois  de  Bacquet  contenant  environ  IIII  CXXVII 
arpents  et  trente  perches  ;  les  bois  de  Tronqueux  conte- 
nant environ  IIII '^^^  VI  arpents  ;  les  bois  Ferreux  contenant 
environ  XXXVII  arpents  XII  perches  ;  les  bois  du  Lonp^ 
contenant  environ  LXVI  arpents  XLIIII  perches  ;  les  haies 
de  Fourges  contenant  environ  III  arpents  et  demi  ;  tous 
lesdits  bois  sans  tiers  et  dangier,  avecques  tous  autres 
bois,  prez,  terres  et  revenues  et  toutes  les  autres  apparte- 
nances et  appendances  des  dites  villes.  » 

Une  des  forêts  mentionnées  dans  le  document  précédent, 
celle  de  ]\Iéré  offrait  une  étendue  assez  considérable.  Au 
xv'^  siècle,  elle  appartenait  au  roi,  mais  plusieurs  seigneurs 
y  avaient  obtenu  le  droit  de  franc  usage.  Quelques  villages 
y  étaient  aussi  usagers.  Toutefois  à  cette  époque  elle  avait 
certainement  été  réduite,  et  on  la  regardait  comme  une 
simple  dépendance  de  celle  de  Pacy.  Sur  la  carte  de  Gas- 
sini,  elle  n'est  plus  indiquée  que  comme  recouvrant  un 
étroit  canton  au  midi  d'Evreux.  Elle  s'avançait  dans  le 

(1)  A.  Le  Prévost,  Mémoires  et  noies  cités  t.  II,  part,  i,  p.  159. 


CHAPITRE    XIX.  307 

principe  davantage  au  sud  où  les  noms  de  la  Boissière, 
Sérez-le-Bois,  la  Haye,  rappellent  la  présence  des  arbres  ; 
elle  n'occupe  maintenant  qu'une  faible  portion  du  canton 
de  Saint-André.  Cette  forêt  était,  au  xi\^  siècle,  plantée 
de  chênes  et  de  hêtres  (1).  Au  siècle  suivant,  les  seigneurs 
d'Ivry  s'en  réservaient  la  jouissance  exclusive  pour  la 
chasse,  aussi  bien  que  de  celle  de  Roseux  (partie  méri- 
dionale de  la  forêt  d'Ivry),  qui  en  était  peu  éloignée  (2). 

On  doit  citer  entre  les  forêts  de  cette  partie  de  la  Nor- 
mandie qui  subirent  de  notables  réductions,  celle  de 
Pacy  et  celle  d'Anet  {for esta  de  Âiiet),  mentionnée  dans 
les  Comptes  de  saint  Louis  (3).  Celle  d'Ivry  ne  s'étendit 
certainement  jamais  plus  au  sud  qu'elle  ne  le  fait  de  nos 
jours  ;  elle  n'a  dès  lors  pu  faire  corps  avec  la  forêt  de 
Dreux,  car  elle  en  est  séparée  par  l'Eure  ;  mais  elle  s'é- 
tendait originairement  fort  au  nord  et  allait  vraisembla- 
blement rejoindre  la  forêt  d'Evreux.  -En  effet,  la  région 
intermédiaire  est  toute  semée  de  noms  de  lieux  annonçant 
d'anciennes  forêts  ou  d'anciens  bois  {le  Bois-Hébert,  le 
Bois-Périer,  la   Ville-aii-Bois,  la  Brosse,  la  For  est). 

Une  forêt  qui  se  rattachait  à  celle  d'Ivry  et  qui  a  dis- 
paru, ne  laissant  guère  de  vestige  que  le  bois  de  Roseux 
ou  Roze,  dans  lequel  se  reconnaît  un  prolongement  méri- 
dional de  la  même  forêt,  est  celle  de  Crotli  ou  Croteis  {fo- 
resta  de  Croteis),  plusieurs  fois  citée  dans  les  chartes  du 
xii^  siècle  en  faveur  des  religieux  de  l'Estrée (4).  Cette  forêt. 


(1)  Le  Prévost,  ouv.  cit.  t.  II,  part,  ii,  p.  332,  622.  Voy.  l'indication 
des  droits  d'usage  qu'avaient  dans  cette  forêt,  d'après  le  Goutumier  des 
forêts  de  Normandie,  les  habitants  de  Bretagnolles.  Le  Prévost,  ouv.  cil. 
t.  I,part.  II,  p.  413. 

(2)  Voy.  l'aveu  de  la  seigneurie  d'Ivry  donné  dans  Le  Prévost,  ouv. 
eil.  t.  II,  Part,  i,  p.  289. 

(3)  Foresla  de  Anet,  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  253. 

(4)  Voy.  Le  Prévost,  ouv.  cit.  1. 1,  part,  ii,  p.  673. 


308   LES  FORÊTS   DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

qui  tire  son  nom  d'un  mot  saxon  {Crost  ou  Craft,  enclos), 
était  déjà  assez  notablement  défrichée  au  xi«  siècle,  puis- 
que le  village  qui  lui  valut  cette  dénomination  avait  alors 
quelque  importance.  En  1258,  320  arpents  en  étaient  de- 
puis peu  essartés  (1).  Elle  a  dû  s'étendre  dans  le  principe 
assez  à  l'ouest  pour  embrasser  les  territoires  de  Saint- 
Laurent-des-Bois,  de  Lignerolles  et  deGrateuil,  et  absor- 
ber le  bois  situé  plus  au  sud  le  loug  du  cours  d'eau  appelé 
la  Coudane,  et  pénétrer  jusque  dans  le  Drouais,  comme 
il  a  déjà  été  dit  à  l'article  de  cepagns.  La  forêt  de  Croth 
se  scindait,  deux  siècles  plus  tard,  en  plusieurs  parties  ; 
l'une  gardait  le  nom  de  l'ancienne  forêt,  et  s'appelait 
Magna  foresta  de  Croteis  ;  les  autres  formèrent  de  petits 
bois,  dont  l'un  est  nommé  Venda  de  Crot  dans  les  Comptes 
de  saint  Louis  (2).  Les  seigneurs  d'Ivry  avaient,  au  xv"  siè- 
cle, droit  (le  chasser  une  fois  l'an  dans  la  forêt  de  Croth  (3), 
droit  fort  recherché  alors,  car  le  gibier  y  abondait.  Entre 
les  causes  qui  ont  amené  la  disparition  de  la  forêt  de  Croth, 
il  faut  placer  en  première  ligne  la  fondation  de  l'abbaye  de 
Breuil-Benoît,  qui  y  posséda  des  droits  d'usage  étendus. 

Au  nord  et  au  nord-est  d'Evreux,  j'ai  aussi  à  signaler 
quelques  forêts  importantes.  La  Chapelle  du  Bois-des-Faux 
[Capclla  des  Bosco  Farjoriim)  dut  son  nom  à  un  bois  de 
hêtres  dont  l'établissement  de  la  voie  romaine  de  Rouen  à 
Ciiartres  qui  la  traversait,  dut  amener  de  bonne  heure  la 
destruction.  Cette  chapelle,  dédiée  à  saint  Nicolas,  a  été 
l'origine  d'une  paroisse  qui  existait  déjà  au  xni*'  siècle  (4). 

(1)  Voy.  Olim,  éd.  Beugnot,  t.  I,  p.  70'  (An.  1258.) 

(2)  llisloriens  de  France,  t.  XXI,  p.  253,  277.  Le  Prévost,  ouv.  cilc. 
Elle  est  appelée  simplement  Uois-de-Crolois  dans  une  jjièce  de  1282,  où 
est  mentionné  l'élablissemenl,  par  Robert,  comte  de  Dreux,  de  sept  cha- 
noines de  Notre-Dame-dc-Braisne  en  l'église  de  Fermecourt. 

(3)  Le  Prévost,  ouv.  cil.  t.  II,  part,  i,  p.  289. 

(4)  Le  Prévost,  ibid.  t.  I,  part,  ii,  p.  488. 


CHAPITRE    XIX,  309 

La  forêt  de  Yernon  {foresta  Vernonis)  (1),  mentionnée 
dans  les  Comjjtes  de  saint  Louis  (2),  avait  dû  originaire- 
ment comprendre  le  territoire  de  Bois-Gérôme-Saint-Ouen, 
anciennement  Bois-Gireaume,  village  datant  au  moins  du 
xif  siècle,  et  dont  les  habitants,  deux  siècles  plus  tard, 
continuaient  à  jouir  dans  la  forêt  de  droits  fort  éten- 
dus (3).  Un  canton  de  cette  forêt,  désigné  dans  les  Comptes 
de  saint  Louis  (4)  sous  le  nom  de  Vcnda  de  Boutevant,  était 
situé  près  du  château  de  ce  nom. 

Un  bourg  dit  La  Forest,  situé  à  14  kilomètres  environ 
de  la  forêt  de  Vernon,  montre  que  celle-ci  s'avançait  jadis 
dans  la  direction  nord-est  et  englobait  les  bois  qui  avoi- 
sinent  Arquency.  La  réduction  de  la  superficie  de  cette  forêt 
s'opéra  assez  rapidement  du  xiii''  au  xvii^  siècle.  Sur  la 
carte  de  Cassini,  la  forêt  de  Vernon  n'est  plus  qu'une  lon- 
gue bande  qu'on  prendrait  pour  un  écart  de  la  forêt  d'An- 
dely  {foresta  Andeliaci)  qui,  quoique  peu  éloignée  au  nord, 
constituait  cependant  dès  le  moyen  âge  une  forêt  dis- 
tincte, et  est  également  mentionnée  dans  les  Comptes  de 
saint  Loîiis  (5).  L^  deux  forêts  étaient  sans  doute  unies 
dans  le  principe,  mais  elles  durent  se  détacher  à  la 
suite  du  percement  de  la  route  de  Vernon  à  Gisors. 
Les  villages  de  Bouafles  [Boalfa)  (6)  et  de  Fours,  qui 
avaient  conservé  des  droits  d'usage  dans  la  forêt  d'An- 
dely  (7),  s'élevèrent  certainement,  ainsi  que  celui  de  Forêt- 

(I)  Ilisloriens  de  France,  t.  XXI,  p.  25Î. 

(Tj  On  trouve  aussi  dans  ces  Comptes  la  forêt  mentionnée  sous  le  nom 
de  Venda  de  Verno7i. 

(3j  Le  Prévost,  oui',  cil.  t.  part,  ii,  p.  353. 

(4)  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  558. 

(5)  Historiens  de  France,  l.  XXI,  p.  278.  On  la  trouve  mentionnée 
dans  divers  actes  du  xiv*  siècle,  sous  le  nom  de  foresta  de  Andeliaco.  Le 
Prévost,  ouv.  cil.  t.  II,  part,  ii,  p.  319. 

(6)  Ce  nom  de  Boalfa,  d'origine  nordique,  signifie  :  Je  domaine  de  Bo 
ou  de  But.  Voy.  Le  Prévost,  oiiv.  cit.  t.  L  part,  ii,  p.  384. 

(7)  Le  Prévost,  ouv.  cit.  t.  II,  part,  i,  p.  133. 


310    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

la-Folie  (1)  dans  des  essarts  qu'on  y  avait  opérés  avant  le 
xii^  siècle.  Au  xr\^*,  au  temps  de  la  rédaction  du  Coutu- 
mior  des  forets  de  Normandie,  le  hêtre  en  était  l'essence 
dominante  (2). 

Au  sud-ouest  d'Évreux  existe  encore  une  des  forêts  cou- 
tumières  qui  fut  une  des  plus  célèbres  de  la  province,  à 
raison  du  grand  nombre  de  villages  qui  y  avaient  des 
droits  d'usage  (3)  :  c'est  celle  deConches.  Elle  est  désignée 
sous  le  nom  qu'elle  porte  encore  aujourd'hui,  dès  le 
xif  siècle  iforesta  Concliarum)  (4).  Riche  des  essences  les 
plus  variées,  chênes,  hêtres,  bouleaux,  trembles,  charmes, 
saules,  etc.  (5),  les  cerfs  et  les  sangliers  y  pullulaient.  La 
multitude  des  francs-usagiers  y  causa  de  bonne  heure  des 
dégâts  qui  ouvrirent  la  porte  aux  défrichements.  En  1452, 
on  distinguait  la  honte  forêt  de  Couches,  c'est-à-dire  le 
canton  où  les  grands  arbres  avaient  été  respectés,  de  celui 
où  n'existaient  plus  que  des  bois  taillis  (6).  Les  moines  de 
l'abbaye  fondée  (7)  en  1035  à  Conçues,  et  ceux  d'abbayes 
voisines,  ont  beaucoup  contribué  à  cette  destruction  par- 
tielle d'un  des  principaux  lambeaux  de  la  marche  fores- 
tière des  Éburovices, 

Les  religieux  de  l'abbaye  de  Bernay  tenaient  des  sei- 
gneurs c}e  Couches  dans  la  même  forêt  des  droits  d'usage 
fort  étendus  que  reconnut  Charles  VI,  en  1392.  La  forêt 
étant  devenue  propriété  de  la  couronne  (8),  quelques 

(1)  Le  Prévost,  ouv.  cil.  t.  II,  part,  i,  p.  122. 

(2)  Voy.  le  passage  du  Coutumier  des  forêts  de  Normandie,  cité  par  Le 
Prévost,  t.  I,  part,  ii,  p.  384. 

(3j  Le  Prévost,  ouv.  cit.  t.  I,  part,  ii,  p.  290,  517,  o3I. 

(4)  Le  Prévost,  ouv.  cit.  t.  I,  part,  ii,  p.  531. 

(5)  Le  Prévost,  ouv.  cit.  t.  I,  part,  n,  p.  517,  531. 

(6)  Le  Prévost,  ouv.  cil.  t.  II,  part,  i,  p.  77,  533. 

(7)  Celte  abbaye  se  trouvait  ii  l'ouest  de  la  ville,  sur  la  route  de  Cou- 
ches à  Evreux.  Gallia  clirisliuna,  i.  XI,  col.  637.  EccU'S.  Ebroicens. 

(8)  Le  Prévost,  oui',  cil.  t.  II,  part,  a,  p.  "200. 


CHAPITRE   XIX.  311 

communes,  telles  que  celle  de  Louversei,  y  jouirent  aussi 
de  droits  analogues  (1).  En  1234,  Robert  de  Courtenay 
donna  aux  moines  de  Conches  la  dîme  de  toutes  les  terres 
de  la  forêt  nouvellement  défrichées  ou  qui  seraient  défri- 
chées dans  la  suite  (2),  et,  afin  d'augmenter  leur  revenu,  les 
moines  travaillèrent  activement  à  son  éclaircissement. 

Dans  le  principe,  la  forêt  de  Couches  allait  se  joindre  à 
celle  de  Brcteuil,  dont  elle  n'est  séparée  que  par  une  vaste 
clairière  dans  laquelle  on  rencontre  des  noms  de  localités 
tels  que  ceux-ci  :  la  Coupe-Bois,  le  Friche,  la  Rue-du-Bois, 
les  Baux-de-Breteuil  (3).  Garnanville  (4)  occupe  le  centre 
de  cette  clairière  (o).  La  forêt  poussait  ses  lignes  ombra- 
gées jusqu'à  riton;  car  la  région  qui  s'étend  entre  elle 
et  cette  rivière  est  semée  de  petits  bouquets  (6)  et  de  loca- 
lités dont  les  noms  rappellent  d'anciens  bois  (7). 

La  forêt  de  Brefeuil  {BritoUi  ou  Bretolii  for  esta,  ou 
foresta  de  Britholio  (8)  est  mentionnée  dans  les  Comptes 

(1)  Le  Prévost,  ouv.  cit.  t.  II.  part,  ii,  p.  334, 

(2)  Gallia  christ,  t.  XI,  instrum.  c.  cl. 

(3)  Le  village  de  Saint-Christophe-des-Baux-de-Breteuil  fut  fondé  sur 
l'emplacement  que  le  roi  avait  concédé,  en  1246,  aux  moines  de  Lire. 
Voy.  les  chartes  mentionnées  par  M.  L.  Delisle,  ouv.  cit.  p.  412,  413. 

(4)  Ou  Guernanville  Yors  1246  saint  Louis  céda  un  morceau  de  la 
forêt  de  Breteuil,  du  côté  de  Guernanville,  aux  înoines  de  Royaumont, 
qui,  selon  leur  habitude,  partagèrent  ce  terrain  entre  des  cultivateurs 
chargés  de  leur  payer  un  cens  annuel.  (Martène,  Thésaurus  anecdo- 
lorum.  t.  III,  col.  1434.) 

(5)  Voy.  la  carte  de  Cassini. 

(6)  Tels  sont  le  bois  Morin,  qui  s'étend  de  Nogent-le-Sec  à  Saint- 
Biaise,  celui  de  Boshion,  et  le  bois  plus  étendu,  au  nord,  dit  de  la 
Haye. 

(7)  Tels  sont  :  Le  Buisson-Ruet,  Boisset,  le  Bois-Morin,  La  Brosse,  le 
Buisson-Ardouin,  Le  Faye,  le  Chêne,  les  Essarts,  Le  Coudray,  laCroix- 
du-Frichc,  la  Rue-du-Long  Essart,  le  Cornut-du-Bois,  les  Boulets,  le 
Bouquelard,  Buisson- Verne,  le  Frénc,  le  Bois-Richard,  la  Brosse  deux 
localités  de  ce  nom),  le  Tronchet. 

(8)  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  256,  248.  Cf.  Le  Prévost,  Mé- 
moires et  notes,  t.  I,  part,  ii,  p.  259.  —  Olim,  éd.  Beugnot,  t.  II,  p.  1 53 
(an.  1275). 


312    LKS  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIEX.NE  l-RANCE. 

de  saint  Louis,  avec  celle  de  Bort,  il  faut  croire  qu'au 
xiii""  siècle,  les  deux  forêts  que  l'Iton  sépare  formaient 
(\ci  parties  distinctes.  La  foret  de  Bi-etcuil  était  alors  une 
des  plus  considérables  de  la  Normandie.  Saint  Louis  y 
établit  des  colons  pour  en  faire  opérer  en  partie  le  défri- 
chement (1).  Déjà  à  celte  époque,  ce  qui  se  répéta  depuis, 
un  grand  nombre  d'ermitages  y  avaient  été  fondés  (2), 
tous  placés  sous  le  patronage  des  moines  de  Lire;  ce  qui 
donna  naissance  à  divers  essarts.  Les  territoires  de  Vieille 
et  de  Nouvelle-Lire  furent  deux  conquêtes  faites  sur  la 
forêt  de  Couches  f3),  laquelle  s'avançait  dans  le  principe 
jusqu'à  la  Rillc. 

L'état  de  la  forêt  de  Breleuil,  au  commencement  du 
xiii"  siècle^  nous  est  révélé  par  une  enquête  qu'ordonna 
Philippe-Auguste  et  qu'a  publiée  M.  Lechaudéd'Anisy  (4). 
Il  ressort  de  cette  pièce  curieuse  que  la  partie  avoisi- 
nant  Ambenay  (5)  formait  au  xiiic  siècle  un  quartier 
distinct,  ou  haie  {Iiala),  que  le  territoire  de  Bordigny, 
village  situé  au  nord  de  Breteuil,  n'était  pas  encore  défri- 
ché, dçfrichement  qu'indique  Cassini.  D'où  il  suit  que  la 
forêt  a  subi  de  bonne  heure  des  abalis  dans  sa  région 
orientale. 

La  grande  clairière  dans  laquelle  se  sont  élevés  les  liaux 
de  lircteiiil,  Garnanvillc,  Sainte-Marguerite,  existait  déjà 


(1)  Voy.  Di.'lislc,  ouv.  cil.  p.  'il 4. 

(2)  Voy.  les  carlulaires  cités  par  L.  Dclisie,  ouv.  vit.  p.  412,  et  Le 
Prévost,  OUI',  cil.  t.  1,  part,  ii,  p.  41  fi. 

(3)  L'abbaye  de  Lire  date  du  milieu  du  xi'  siècle,  et  avait  remplacé  une 
chapelle  de  Saint-Clirisloiihe  déjà  existante  en  ce  lieu.  Voy.  Gollia  vliris- 
tiuna.t.  XI,  col.  G44.  Eccles.  Ebroivens. 

(4)  Voy.  Le  Prévost,  Mémoires  el  noies  cités,  t.  l.  part,  ii,  p.  424  et 
suiv. 

(5)  Ambenay  est  situé  au  nord-est  de  Rugles,  prés  la  rive  gauche  de  hi 
Rille.  Le  nom  de  Bois-Arnault.  que  porte  un  village  voisin,  montre  que 
ce  colé  avait  été  boisé,  et  rai)pelle  celui  d'unxlcs  écarts  cité  ici. 


CHAPITRE    XIX.  313 

alors,  en  partie  dix  moins,  et  était  occupée  par  ce  qu'on 
appelait  la  Belle-Lande  [Bella-Landa),  qui  séparait  cette 
foret  de  celle  de  Gonches,  de  même  que  le  canton  dont  Les 
is.s.swY5  indique  à  peu  près  le  centre,  la  séparait  de  la  foret 
d'Évreux,  qui  avait  dû  faire  corps  avec  elle,  au  temps  où 
elle  se  liait  encore  au  sud  à  la  forêt  de  l'Aigle,  dont  il  a  été 
question  plus  haut. 

Le  texte  de  Fenquéte  ordonnée  par  Philippe-Auguste 
prouve  qu'un  assez  grand  nombre  de  petits  bois  ou  parcs 
{nemora)  s'étaient  détachés  de  la  forêt  principale  (Sa/tus), 
parcs  dont  la  jouissance  était  réservée  à  certaines  per- 
sonnes ou  à  certains  établissements.  Tels  étaient  le  Bois- 
Ariiaud  Qi  le  Parc-de-Breteuil  (parcus  Britolli). 

Les  moines  de  l'abbaye  de  Lire,  les  habitants  de  Vieille 
et  Nouvelle-Lire  avaient  dans  la  forêt  de  Breteuil  des  droits 
d'usage  importants  (1),  ainsi  que  les  ermites  du  Désert  ou 
Ermitage  du  Lerme,  et  divers  paroisses  et  seigneurs  (2) 
du  voisinage.  La  liste  des  usagers  était  sans  fin,  et  cette 
prodigalité  des  droits  d'affouage,  de  paisson,  de  panage, 
de  récolte  du  bois  mort  et  du  mort-bois,  amena  forcé- 
ment de  graves  abus  dont  la  forêt  eut  grandement  à  souf- 
rir.  Celle-ci  renfermait  en  outre  de  nombreux  herbages 
d'<jù  les  arbres  avaient  disparu  et  que  s'efforçaient  d'a- 
grandir par  des  abatis  faits  à  la  dérobée  ceux  qui  en 
avaient  la  jouissance. 

J'ai  parlé  tout  à  l'heure  de  la  forêt  de  Bort  ou  Bourth, 
dite  aussi  de  Borz,  comme  étant  dès  le  xii'^  siècle  distraite 
de  celle  de  Breteuil.  Elle  paraît  avoir  occupé  à  cette  épo- 
que une  portion  notable  du  canton  actuel  de  Yerneuil. 
Elle  répondait  à  la  section  la  plus  méridionale  de  la  grande 


(t)  Le  Prévost,  ouv.  cil.  t.  II,  pari,  ir,  p.  iG8. 
(2)  Voy.  Le  Prévost,  ouv.  cit.  t.  II,  part,  ii,  p.  303. 


314   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Sylva  Eburovicwn,  dont  les  forêts  d'Évreux  et  de  Conciles 
occupent  le  centre.  Elle  est  souvent  mentionnée  dans  le 
cartulaire  de  l'abbaye  de  Bon-Port  avec  celle  d'Eavi  {de 
.4</^/o.s7'.s),  dont  je  reparlerai  plus  loin  (1).  Au  commence- 
ment du  règne  de  saint  Louis,  Gautier,  châtelain  de  Vau- 
dreuil,  abandonna  diverses  portions  de  cette  forêt  à  des 
particuliers,  sous  condition  de  les  défricher  héréditaire- 
ment, moyennant  des  rentes  de  4,  5  ou  6  sous  par  an.  Les 
défrichements  prirent  assez  d'extension  pour  l'obliger  à 
indemniser  des  graves  préjudices  qu'éprouvaient  )< 
moines  de  l'abbaye  de  Bon-Port,  auxquels  Bichard  Cœur- 
de-Lion  avait  fait  de  larges  concessions  dans  la  forêt  (2). 
En  1246,  saint  Louis  accorda  aux  moines  de  cette  abbaye 
cent  acres  de  terre  dans  la  forêt  (3),  et  en  1256  et  1280  ils 
obtenaient  des  droits  d'usage  étendus  ;  mais  ces  conces- 
sionsconduisirent  parfois  lesmoinesà  dépasser  leursdroits, 
et  ces  usurpations  ont  dû  ouvrir  la  porte  à  des  dégâts  qui 
amenèrent  de  nouveaux  défrichements.  Ainsi  nous  voyons 
Charles  VI  faire  remise  à  ces  religieux  d'une  amende  do 
30  francs  qu'ils  avaient  encourue  pour  bois  indûment  j)ris 
dans  la  forêt  (4.  Souvent  mentionnée  au  xiii"  siècle,  la 
forêt  de  Bort  perdit  peu  à  peu  son  importance.  Le  can- 
ton actuel  de  Bugles,  sur  lequel  elle  s'étendait  dans  li 
principe,  fut  graduellement  déboisé,  mais  l'existence  do 


(1)  Andrieux,  Carlulaire  de  Vahbmjc  royale  de  Notre-Damc-de-Bo)i - 
port,  de  l'ordre  de  Clleaux  au  diocèse  d'Eireux,  p.  159,  331.  (Evreu 
1861.)  La  forêt  de  Bort  est  mentionnée  dans  les  Comptes  de  saint  Loin 
sous  les  noms  de  foresta  ou  venda  dejiorl.  Voy.  Historiens  de  Frum 
t.  XXI,  p.  253,  255. 

(2)  Gallia  chrisliana,  t.  XI,  inslmm.  c.  cxxxvii.  —  Xcuslria  Pin. 
p.  197. 

(3)  Andrieux,  Carlul.  de  l'abbaye  de  Donporl,  p.  159.  Une  conces- 
sion de  droits  d'usage  dans  la  morne  forêt  fut  encore  accordée  à  celle 
abbaye  par  saint  Louis  en  1250.  — Voy.  Andrieux,  ouv,  cil.  p.  215. 

(/j)  Andrieux,  oiiv.  cit.  p.  318,  372,  403. 


CHAPITRE    XIX.  315 

bois  détruits  nous  est  encore  attestée  par  les  noms  de  di- 
verses communes  {Bois-Gautier,  La  Haie^  Silvestre,  le 
Bout-dn-Bois^  Bois-Béranger,  etc.)  (1). 

Les  forêts  de  Neubourg  et  de  Beaumont-le-Roger  re- 
présentent les  quartiers  nord-ouest  et  ouest  de  l'ancienne 
forêt  des  Eburovices.  Celle-ci  dut  recouvrir  les  deux  rives 
de  la  Rille,  car  tout  le  plateau  du  canton  de  Beaumesnil, 
qui  longe  la  valide  de  cette  rivière,  était,  aux  x°  et  xi*  siè- 
cleS;,  couvert  de  bois^,  ainsi  que  le  rappelle  le  grand  nom- 
bre de  paroisses  dans  le  nom  desquelles  entre  le  mot  bois 
ou  bosc  {Bosc-Renoîdt ,  Bois-Aitzerai,  Bois-Nouvel ,  Bois- 
Pantou ,  Bois-Normand,  Bois-Mahiara)  (2). 

La  forêt  de  Neubourg  {Xoi-iburgi  foresta),  sise  au  nord 
de  cette  petite  ville,  dut  s'étendre  anciennement  beau 
coup  plus  dans  le  sens  septentrional  et  comprendre  6'rtm;^- 
Mélin-du-Bosc  et  Saint-Nicolds-du-Bosc ;  elle  a  pu  faire 
originairement  corps  avec  la  forêt  de  la  Londe,  qui  se 
trouve  au  nord  d'Elbeuf,  sur  la  rive  gauche  de  la  Seine, 
et  dont  il  sera  parlé  plus  loin  ;  car  l'espace  qui  les  sépare 
est  semé  d'une  foule  de  localités  accusant  par  leur  nom 
l'existence  antérieure  de  bois.  En  1281,  la  forêt  de  Neu- 
bourg présentait  déjà  de  vastes  espaces  cultivés  (3),  et  en 
1281,  on  dut  fixer  les  limites  de  la  paroisse  de  Sainte-Ca- 
therine nouvellement  fondée  sur  son  territoire  (4). 

La  forêt  de  Beaumont-le-Roger  ne  prit  guère  ce  nom 
qu'au  xiv"  siècle;  elle  le  dut  à  la  ville  qui  Favoisine,  ville 
qui  reçut  l'épithète  de  Roger,  en  mémoire  du  seigneur 


(1)  Le  Prévost,  Mémoires  et  noies,  t.  I,  part,  i,  p.  2G0  ;  t.  II,  part,  i, 
p.  237. 

(2)  Le  Prévost,  Mémoires  el  notes,  t.  I,  part.  ii.  p.  373. 

(3)  Voy.    le  Cartulaire   du   chapitre   d'Evreux   cité  par  L.  Delislo, 
OUI»,  cit.  p.  408. 

(i)  Delisle,  1.  c. 


316   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

de  PonL-Audemer,  dont  la  piété  dola  richement,  au  xi*"  siè- 
cle, sa  collégiale  (1).  Dans  le  principe,  la  forêt  portait  le 
nom  de  forêt  d'Ouche  {Occa  sylva).  Elle  ne  faisait  d'abord 
qu'un  avec  la  forêt  de  Barc  [forcsta  Barchi)  qui  s'en  était 
détachée  dès  le  xi^  siècle  (2).  La  petite  forêt  de  Plasnes 
{Platanensis  sylva)  avait  dû  subir,  par  suite  de  la  fonda-  [ 
tion  du  village  de  ce  nom  (canton  de  Bernay),  un  défri- 
chement dès  l'époque  mérovingienne.  Au  xv*"  siècle,  elle 
ne  recevait  plus  que  la  qualification  de Pwc  (3). 

Ens'avançant  au  nord  de  la  forêt  de  Neubourg,  on  ren- 
contre les  deux  forêts  de  la  Londe  et  de  Montfort,  qu'on 
peut,  ainsi  que  celle  de  Rouvray,  regarder  comme  les  dé- 
bris de  la  partie  la  plus  septentrionale  de  la  forêt  des 
Eburovices.  Ces  trois  forêts  recouvraient  toute  la  rive  gau- 
che de  la  Seine  entre  Saint-Sever  et  Vieux-Port. 

La  forêt  de  la  Londe,  qui  ouibrage  encore  aujourd'hui 
une  partie  du  canton  de  Bourg-Théroulde,  et  s'avançait 
au  siècle  dernier  jusqu'aux  portes  d'Elbeuf,  est  plusieurs 
fois  meivlionnée  dans  les  documents  des  xif  et  xiif  siècles, 
époque  à  laquelle  elle  fut  singulièrement  éclaircie.  Cet!' 
circonstance  lui  valut  le  surnom  de  foret  des  Essaris  (4). 

il  n'est  pas  impossible  qu'elle  se  soit  rattachée,  dans 
les  temps  primitifs,  à  la  forêt  de  Pont-de-l' Arche ,  qui 
allait  autrefois  de  cettt  ville  aux  abords  de  Louviers. 
On  sait  en  effet  que  les  environs  de  cette  dernière  ville 
furent  naguère  beaucoup  plus  boisés  qu'ils  ne  le  sont  de 


(1)  Le  Prévost,  Mnnoircs  el  noies,  t.  1,  [lart.  i,  p.  202  et  suiv. ,  22  i. 
Roger,  lils  d'Onfroy,  accorda  de  grandes  donations  à  la  collégiale,  depui> 
prieuré  de  la  Trinité  de  Bcaumont,  notamment  des  dîmes  sur  les  forèls 
d'Ouche  et  de  Barc. 

(2)  Le  Prévost,  t.  I,  ]).  98  et  14G. 

(3)  Le  Prévost,  ouv.  cil.  t.  II,  part.  ii,p.  SU. 

(4)  Voy.  Rôles  de  V Echiquier,  1. 1,  p.  08  et  14G. 


CHAPITRE    XIX.  317 

nos  jours  (1).  Dans  les  Comptes  de  saint  Louis,  la  forêt  de 
la  Londe  n'est  mentionnée  que  sous  le  nom  de  venda 
Londœ  (2).  En  1218,  le  bois  de  Rispeville  qui  s'en  était 
détaché,  commençait  à  être  mis  en  culture.  A  cette  date, 
un  seigneur,  du  nom  de  Jean  Gommin,  dans  une  charte 
relative  au  bois  ainsi  appelé  (3),  et  au  manoir  de  Beaure- 
paire,  prévoit  le  cas  où  le  grand  nombre  de  défrichements 
et  l'établissement  de  nouvelles  habitations  dans  ledit  bois 
nécessiteraient  la  construction  d'une  église  (4). 

La  forêt  de  la  Londe  s'était,  sans  doute,  d'abord  confondue 
avec  laforêtde  Beaulieu  qui,  depuis,  pritle  nom  àe  forêt  de 
Maumj.  En  1225,  on  voit  les  moines  du  Bec  se  réserver  les 
deux  tiers  des  dîmes  des  essarts  dans  la  forêt  de  Beaulieu  et 
laisser  le  reste  à  l'église  de  Mauny  (5).  En  1266,  les  défri- 
chements exécutés  dans  les  vingt  dernières  années  obligè- 
rent Eudes  Rigaud  à  fixer  les  limites  de  la  paroisse  d'Iville. 
Cinq  ans  plus  tard,  il  dut  ériger  la  chapelle  de  Mauny  en 
église  paroissiale  (6).  Le  village  de  Bosnormand,  qui  est 
antérieur  au  xiif  sièclCj  occupe  un  territoire  conquis  sur 
la  forêt  de  la  Londe  (7).  Au  y.is"  siècle,  cette  forêt  était 


i\)  Une  partie  des  bois  de  ce  canton  lurent  essartés  par  les  moines  de 
l'abbaye  du  Bec.  Voy.  Le  Prévost,  ouv.  cit.  t.  II,  part,  i,  p.  231. 

(2)  Uisloriens  de  France,  t.  XXI,  p.  255. 

(3)  C'est  le  hois  ou  hosc  Bénard-Commin  qui  a  laissé  son  nom  ,i  un 
village  du  canton  de  Bourg-Théroulde,  et  qui  fut  partagé  en  deux  au 
xii«  siècle  ;  le  hosc  Bénard-Commin  et  le  hosc  Bénard  de  Cressi.  (Voy.  Le 
Prévost,  Mémoires  et  noies,  t.  I,  part,  ii,  p,  3G9,  370.)  Ces  deux  bois 
devaient  être  d'anciens  écarts  de  la  forêt  de  la  Londe. 

(49  Carlul.  de  Saint-Georges,  dans  Delisle,  p.  407. 
(r>)  Carlulairc  de  5ai«/-/mer,  dans  Delisle,  p.  407. 

(6)  Cartidaire  deSaint-Imcr^l.  c. 

(7)  La  forêt  de  Monlfort  {foresla  Mentis  Forlh]  est  mentionnée  dans  les 
pièces  du  parlement  de  1256  et  1258.  Olim,  éd.  Beugnot,  t.  I,  p.  û 
et  69.  Le  bois  qu'on  coupait  alors  dans  cette  forêt  était  amené  par  eau  à 
Pont-Audemer. 


318  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

plantée  en  grande  partie  de  hêtres,  comme  cela  ressort 
de  ce  qui  en  est  dit  dans  le  Coutumier  des  forêts  de  Nor- 
mandie. 

La  forêt  de  Montfort,  qui  s'étend  au  nord  de  Glos-sur- 
Rille,  constituait  déjà  une  forêt  séparée  au  xi'  siècle, 
époque  à  laquelle  quelques  essarts  y  avaient  été  ou- 
Terts.  C'était  une  propriété  des  comtes  de  Montfort  (1)  ; 
les  habitants  de  la  ville  et  de  divers  villages  voisins  y 
avaient  des  droits  étendus,  ainsi  qu'en  témoigne  le  Coutu- 
mier des  forêts  de   Norjnandie  (2).  Peuplée  d'essenci 
variées,  chênes,  hêtres, bouleaux,  frênes, trembles, etc.  (3), 
cette  forêt  devait  s'être  détachée,  quelques  siècles  aupara- 
vant, de  la  forêt  de  Brotoune.  On  peut  donc  la  considérer 
comme  en  ayant  formé  à  l'origine  la  partie  méridionale. 
Elle  n'en  était,  au  siècle  dernier,  séparée  que  par  le  vaste 
essart  dans  lequel  s'élevèrent  les  paroisses  de  Rougemon- 
tier  et  d'Eturqueraie,  et  où  une  foule  de  lieux-dits  rap- 
pellent l'ancienne  présence  des  bois.  | 

La  forêt  de  Bretonne  {Brotona,  Britonîs  ou  Brothon't" 
5y/tY/)(4)  apparaît  déjà  sous  ce  nom  dès  les  viii'' et  ix' siècle-, 
on  la  trouve  notamment  ainsi  désignée  dans  Orderi( 
Vital  (5).  Elle  le  dut,  suivant  l'opinion  commune,  au  Bre- 
ton saint  Condé,  auquel  Thierry  III  avait  donné  la  partie  de 
cette  forêt  que  posséda  plus  tard  l'abbaye  de  Saint-Wan- 
drille.  Elle  portait  antérieurement  le  nom  de  Arelaunum 


(t)  Le  Prévost,  Mémoires  et  noies,  1. 1,  part,  ii,  p.  369  et  suiv. 

(2)  Le  Prévost,  Mémoires  et  notes,  t.  I,  part,  ii,  p.  412;  t.  II,  part,  i, 
p.  109,  187.  Ces  droits  ont  été  parfois  l'objet  de  procès  qui  furent  portés 
au  Parlement.  Voy.  Ûlim,  t.  I,  p.  0. 

(3)  Le  Prévost,  ouv.  cit.  t.  I,  Part,  ii,  p.- 412,  t.  II,  Part,  ii,  p.  118. 

(4)  Abbé  Cochet,   La  Seine-Inférieure  historique  et  archéologiqu 
époque  gauloise,  romaine  et  franque,  p.  315. 

(5)  Orderic  Vital,  lib.  XI,  39,  p.  456,  éd.  Le  Prévost. 


CHAPITRE    XIX.  319 

sijlva  ou  de  Salhis  Arelaimensis,  lequel  est  mentionné  par 
l'auteur  des  Gesta  reginn  qui  l'identifie  avec  la  forêt  où, 
selon  Grégoire  de  Tours  (1),  se  réfugia  en  537,  Glotaire  I", 
roi  de  Soissons,  poursuivi  par  son  frère  Childebert  I°%  roi 
de  Paris,  et  son  neveu  ThéodebertP%  roi  de  Metz. 

Jusqu'au  xv''  siècle,  les  rois  de  France  continuèrent  à 
aller  chasser  dans  la  forêt  de  Brotonne,  qui  était  alors  par- 
tagée entre  les  communes  de  Vatteville-Ja-Rue  et  deGuer- 
baville-la-Mailleraye. 

Quoique  très-importante  sous  nos  premiers  rois,  cette 
forêt  avait  pourtant  déjà  subi,  à  l'époque  romaine,  de 
notables  défrichements.  A  son  voisinage  s'élevait  une 
villa  romaine  qui  devint  sous  les  Mérovingiens  une.  villa 
royale.  On  a  trouvé  dans  la  forêt  de  Brotonne  des  anti- 
quités romaines  (2)  ;  on  y  a  même  observé  des  fosses  de  4 
à  5  mètres  de  profondeur  et  de  10  à  12  de  diamètre,  qui 
semblent  remonter  à  l'époque  celtique  et  que  l'on  nomme 
Puits  du  trésor  (3) . 

Cette  forêt  n'échappa  pas  plus  à  la  cognée  que  les  au- 
tres forêts  de  la  Normandie.  Une  curieuse  charte,  éma- 
née de  Renaud,  abbé  de  Saint-Wandrille,  et  qui  porte  la 
date  de  1202,  y  mentionne  des  défrichements  considéra- 
bles (4).  Mais,  quelque  étendue  qu'ait  été  avant  cette  épo- 
que sa  superficie,  quoique  elle  ait  dû  s'avancer  au  sud  au 
delà  de  Routot,  elle  n'a  jamais  pu  dépasser  à  l'ouest  le 
Vieux-Port.  Au  reste,  la  physionomie  de  cette  belle  forêt 


(1)  Grégoire  de  Tours,  Ilisior.  eccïes.  Francor.  III,  c.  xxviii.  Voy.  ce 
qui  a  été  dit  p.  259,  note  5. 

(2)  Gocliet,  1.  c.  CL  AvcJiives  de  r Empire,  Trésor  des  cliarles,  P.  277, 
n°  241.  —  Dibliolhèque  de  l'Ecole  des  cliarles,  t.  IV,  p.  587. 

(3)  Cochet,  oui\  cil.  p.  311. 

(4}  Voy,  Cariulaire  de  Saint-Wandrillc,  cité  par  Delisle,  ouv.  cit. 
p.  40G. 


320    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

doit  avoir  peu  changé,  et  au  xiv=  siècle,  elle  était  plantée 
comme  aujourd'hui  de  chêiies  et  de  hêtres  (1). 

La  forêt  de  Rouvray  dont  le  nom,  Roveretwn,  rappelle 
l'essence  (/?o6wr)  qui  y  dominait,  doit  avoir  primitive- 
ment recouvert  toute  l'espèce  d'île  ou  de  presqu'île  que 
dessine  la  sinuosité  de  la  Seine,  d'Elbeuf  à  La  Bouille. 
Le  nom  de  Saint-Élienne-du-Rouvray  indique  qu'elle  s'est 
prolongée  autrefois  jusque  sur  le  territoire  de  ce  village. 
Un  grand  nombre  de  noms  de  lieux  rappelant  la  présence 
des  bois  (2)  donne  à  penser  que  naguère  cette  foret  s'avan- 
ça beaucoup  plus  dans  la  direction  de  l'ouest  et  du  sud- 
ouest.  Elle  ne  faisait  en  réalité  qu'un  avec  la  forêt  de  la 
Londe,  dont  elle  n'est  encore  séparée,  sur  certains  points, 
que  par  un  espace  assez  étroit. 

Les  chartes  parlent  peu  de  la  forêt  de  Rouvray.  Il  est 
question  de  trois  cents  acres  de  landes  qu'accorda  avec 
droit  d'usage  le  roi  d'Angleterre,  Henri  II,  en  des  bois 
qui  paraissent  en  avoir  dépendu,  aux  hôtes  établis  par 
Martin  de  la  Heuse  (3).  On  sait  d'autre  part  que  ce  fut 
dans  cette  forêt,  où  il  était  allé  chasser,  que  Guillaume 
le  Bâtard,  dit  depuis  le  Conquérant,  apprit  qu'Harold 
s'était  fait  proclamer  roi  d'Angleterre  (4). 

Aux  environs  de  Rouen  existait  une  autre  forêt  qui  n'a 
laissé  que  d'insignifiants  vestiges.  C'est  celle  de  Silvei- 
son,  qu'à  partir  du  xv*"  siècle,  on  commença  à  désigner 
le  plus  ordinairement  sous  le  nom  de  Foret-  Verte.  Aux  xu* 
et  xiii'"  siècles,  les  moines  de  St-Oucn  qui  l'avaient  reçue 
en  donation  de  Robert  le  Magnifique,  y  établirent  des  co- 

(1)  Le  Prévost,  Mémoires  et  7Wlcs,  t.  I,  pari,  ii,  p.  379. 
('2)  "Voy.  la  carte  de  Cassini. 

(3)  Cniiulaire  de  Sainl-hnri\  dans  Delislo,  oiii\  cil.  p.  408,  OUm,  t.  I, 
p.  50'2. 

(4)  Edlrail  de  la  Chronique  de  Sormandic,  dans  les  IJislorirns  de 
France,  t.  XIII,  p.  TH. 


CHAPITRE   XIX.  321 

Ions;  ce  qui  fut  l'origine  des  \illages  d'Isneau ville  et  de 
Quinquempoist  (1).  Une  charte  de  Renaud  du  Bois,  de  l'an 
i212,  nous  apprend  que  les  religieux,  à  cette  époque, 
essartaient  un  canton  de  la  forêt  yerte  dit  :  la  Housscuje- 
crisneauville.  Des  chartes  d'une  date  antérieure  mention- 
nent d'autres  défrichements  opérés  par  les  moines  dans 
les  forêts  aujourd'hui  presque  totalement  détruites  de 
Préaux  et  de  Cailli  (2). 

La  forêt  deRoumare  {Romariœ  for  esta,  Rotmarcmis  sfjlva) 
citée  dans  les  Comptes  de  saint  Louis  (3),  tapisse  les  abords 
de  la  Seine  au  voisinage  de  Ducler  (4)  et  fait  face  à  celles  de 
Rouvray  et  de  La  Londe  sises  sur  la  rive  opposée.  Forcé- 
ment limitée  par  l'isthme  de  la  Seine  où  elle  se  trouve, 
elle  n'a  jamais  pu  occuper  un  espace  plus  étendu  que  cet 
isthme  même.  C'est  au  règne  d'Henri  II,  roi  d'Angleterre, 
que  remontent  les  premiers  défrichements  importants 
qui  y  furent  exécutés.  Les  abbayes  de  Bondeville  et  Saint- 
Georges  enlevèrent  des  pai  ties  considérables  de  cette  forêt 
pour  les  livrer  à  la  culture  (5). 

La  forêt  de  Maulevrier,  qui  se  confondait  dans  le  prin- 
cipe avec  celle  du  Trait,  située  au  S.-E.  de  Caudebec,  doit 
être  également  signalée  comme  l'une  des  plus  impor- 
tantes de  cette  région  de  la  haute  Normandie.  Elle 
subit  de  bonne  heure  de  grandes  réductions,  par  suite 
des  travaux  de  défrichements  dus  aux  moines  de  Rovau- 


(1)  Voy.  Delisle,  ouv.  cil.  p.  402. 

(2)  Voy.  les  passages  donnés  dans  Delisle,  p.  403. 

(3)  Venda  Romariic.  -~  Ilisioriens  de  France,  t.  XXI,  p.  255. 

(4)  liomara  sylva.  Orderic  Vital,  éd.  Le  Prévost,  t.  V,  p.  125.  On 
retrouve  dans  ce  nom  de  Rotmara  la  racine  Rot,  qui  entre  dans  Ro- 
luvtagus,  et  qui  appartenait  sans  doute  au  nom  celtique  du  Rou- 
mois. 

(5)  Delisle,  ouv.  cit.  j).  403.  CarUduire  de  Bondeville  et  des  Em- 
murées. 

21 


322!    LES  FORÊTS  DELA  GAULE  ET    DE  l'ANCIENNE  FRANCE. 

mont  (1).  Le  bois  de  Beauvoir  en  avait  probablement 
dépendu  à  l'origine,  et,  au  commencement  du  xnf  siè- 
cle, Richard  d'Yvetot  fit  dans  cette  forêt  des  essarts 
considérables  où  il  bâtit  une  chapelle  à  saint  Mi- 
chel (2j. 

Les  ducs  de  la  maison  d'Anjou  furent  les  auteurs  de 
vastes  défrichements  dans  la  foret  de  Lillcbonne  (3),  où 
s'ouvrirent  de  telles  éclaircies,  qu'elle  n'a  pas  tardé  à  dis- 
paraître complètement.  Le  rôle  de  l'échiquier  de  1180 
parle  des  nouveaux  villages  établis  dans  cette  forêt,  villa- 
ges dont  la  liste  nous  est  exactement  fournie  par  l'accord 
conclu,  la  môme  année,  entre  les  abbayes  de  Yallemont, 
de  Moutivillicrs  et  de  St-Georges,  au  sujet  des  églises  et  des 
dîmes  de  la  forôt.  L'abbaye  de  Vallemont  obtint  les  églises 
de  Saint-Gilles,  de  Saint-Thomas  et  de  Saint-Blaise-du- 
Parc;  les  abbayes  de  Saint-Georges  et  de  I^Iontivilliers 
eurent  les  deux  tiers  des  gerbes  de  Saint-Jean-de-la-Neu- 
ville et  de  Notre-Dame-du-Herteley  (4).  Le  village  de  la 
Remuée  est  d'une  origine  un  peu  plus  récente:  il  eut  pour 
fondateur  Renaud,  comte  de  Boulogne  (5).  Le  nom  de  St- 
Antoinc-dc-la-Forct  nous  indique  jusqu'où  s'avançait  la 
forôt;  il  en  est  de  môme  du  nom  de  St-Jean-des-Essarts, 
village  situé  en  aval  de  Lillebonne.  Le  petit  bois  de  Tau- 
carville,  sis  plus  au  sud,  était,  au  siècle  dernier,  avec 
quelques  autres  bouquets  plus  voisins  de  l'antique  Julia- 
hûna,  le  seul  vestige  de  cette  large  bande  arborescente. 
L'inspection  de  la  carte  suffit  pour  faire  reconnaître  que 
tout  le  pays  dut  ôtrc  originairement  boisé  jusqu'à Bolbec. 

(1)  Delisle,  ouv.  cit.  p.  404. 

(2)  Voy.  le  grand  Carlul-aire  de  Jumiéges.  n»  380. 

(3)  Voy.  les  Rôles  de  l'Ecltiquier,  i.  1,  p.  90,  et  les  Rôles  nornuinds, 
«)t<^s  par  M.  Delisle,  p.  405. 

(4)  Olim,  t.  I,  p.  733,  cités  par  M.  Delisle. 

(5j  Carluluire  de  CrrariV/c,  cité  jtar  M.  Delisle,  p.  405. 


CHAPITRE    XIX.  323 

La  foret  de  Fécamp  {Fiscanne.nsis  sylva  on  solfiai)  est  une 
de  celles  que  la  hache  du  paysan  normand  a  le  pluséclair- 
cie.  Elle  recouvrait,  au  temps  des  rois  francs  et  même 
sous  les  premiers  ducs  de  Normandie,  toute  cette  contrée 
maritime  qui  s'étend  depais  les  Dalles  jusqu'au  delà  d'E- 
tretat,  et  ses  seigneurs  s'y  donnaient  souvent  les  plaisirs 
de  la  chasse  (1).  Aux  xi*"  et  xii*"  siècles,  Fécamp  était  en- 
core enveloppée  de  forêts  ;  telle  Baudry,  archevêque  de 
Dole,  nous  dépeint  cette  ville  (2).  Le  démembrement  de 
la  Fiscannensis  sylva  a  été  surtout  le  résidtat  de  la  fonda- 
tion, sur  son  domaine,  d'un  grand  nombre  d'églises,  de 
prieurés,  de  chapelles.  Divers  seigneurs  s'en  partr gèrent 
les  tronçons.  L'abbé  de  Fécamp  se  réserva  les  bois  de 
Hogues  {sylva  de  Hoyis)  (3)  déjà  cités  dans  la  Chroni- 
que de  Normandie  (4)  ;  la  conservation  de  ceux  des  Loges 
est  due  aux  Etoutteville,  châtelains  de  Valmont,  qui  les 
possédaient  depuis  des  siècles.  Le  bois  de  Bocquelon  est 
un  autre  débris  de  cette  grande  couche  forestière  dont  le 
souvenir  subsiste  encore  au  nord  et  à  l'ouest  de  Fécamp, 
dans  des  lieux-dits  tels  que  les  Plantis,  la  Rue-sous- 
Bofs(^),  etc. 

La  forêt  d'Eu  subit,  du  xi"  au  xir  siècle,  des  défriche- 
ments qui  eurent  pour  effet  de  la  scinder  en  deux  forêts 
distinctes:  la  haute  et  la  basse  foret  d'Eu.  La  partie  située 
à  l'est  de  Foucarmont   fut  mise,  alors,  en  culture  par 

(1)  Ansegise,  Lothaire  cl  Waninge  chassèrent  dans  cette  forêt.  Xcus- 
■  Iria  iiia,  p.  196,  198,  199. 

(2)  «  Al)  hinc  sylvulâ  pralissimà  circumsoptus.  »  Neustria  pia, 
p.  Û8. 

(3)  L.  Dclisle,  ouv.  cit.  p.  400. 

(4)  Historiens  de  France,  t.  XIII,  p.  251,  b.  Cf.  Robert,  abb.  de 
Monte,  Appendix  ad  Sicjeherhnn,  ibid.  ]).  30G. 

(5)  Cochet,  La  Seine-Infcrieure  hislorique  et  archéologique,  époques 
gauloise,  romaine  el  franque,  p.  200,  238.  —  La  Xormandie  souter- 
raine, ch.  VII,  p.  70. 


324    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

les  moines  de  l'abbaye  fondée  dans  cette  localité.  Henri  ÏI, 
roi  d'Angleterre,  confiima  la  possession  qui  leur  avait  été 
accordée  du  lieu  appelé  Beloi  et  celle  du  canton  de  la  forêt 
qui  l'avoisine  et  qu'ils  devaient  défricher  (1).  Ces  religieux 
mirent  également  en  rapport  le  quartier  de  la  forêt  d'Eu 
situé  du  côté  d'Onnemesnil,  et  sur  lequel  ils  conservè- 
rent le  droit  de  lever  la  dîme  (2).  Sous  le  règne  de  saint 
Louis,  les  paroisses  de  Réalcamp  et  d'Aubignemont  furent 
fondées  dans  la  même  forêt  par  la  comtesse  d'Eu  (3),  et 
voilà  comment  prit  naissance  la  vaste  clairière  qui  sépare 
les  deux  forêts  d'Eu.  A  l'origine,  la  gronde  forêt  de  ce  nom 
dut  aller  jusqu'à  la  Bresle;  celle-ci  la  séparait  d'autres  fo- 
rêts, qui  peuvent  aussi  être  regardées  comme  en  étant  d'an- 
tiques démembrements;  telle  est  notamment  celle  d'Ar- 
gueil  située  près  d'Aumale.  Les  noms  de  plusieurs  localités 
sises  entre  ces  deux  forêts,  Saint-Lé(jer-au-Hois,  le  Buis- 
son, la  Hoitssaye,  Saint-Mariin-fiu-ïïois,  prouvent  l'exten- 
sion originelle  de  la  végétation  arborescente  dans  cette 
direction. 

La  forêt  d'Arqués,  qui  avait  encore,  au  siècle  dernier, 
une  certaine  importance,  et  qui  s'étend  au  sud-est  ^de 
Dieppe,  formait  originairement  une  bande  de  plus  de  30 
kilomètres;  car  trois  autres  forêts,  presque  contiguës, 
n'en  sont  que  d'anciennes  subdivisions.  La  première  de 
ces  trois  forêts  est  désignée  dans  Cassini  sous  le  nom  de 
forH  des  Ventes;  elle  s'avançait  à  l'ouest  jusqu'à  la  rive 
droite  de  la  rivière  d'Arqués  ;  vient  ensuite  la  forêt  d'Eavi, 
dont  j'ai  d('^à  parlé  plus  haut  (4)  et  qui  fut  un  des  théâtres 


(1)  Voy.  Carhilnirc  de  Foucarmont.  cité  par  Delisle,  oiiv.  cil.  p.  398, 
noie. 

(2)  Ibid.  Delisle,  p.  ^96. 

(3)  Carlulaire  de  Pliil.  dWlcnçon,  cil'i  par  Delisle,  p.  399,  noie. 

(4)  Voy.  ci-dessus,  p.  31  i. 


I 


CHAPITRE   XIX. 

de  l'activité  des  religieux  de  Royaumont.  Elle  présentait 
déjà  des  essarts  considérables  au  temps  de  Guillaume  le 
■Conquérant  (1).  La  rivière  d'Arqués  en  formait,  comme 
pour  la  précédente,  la  frontière  occidenlale.  Sa  plus  grande 
extension  au  sud  nous  est  indiquée  par  une  foule  de 
noms  de  lieux  rappelant  la  présence  des  bois  :  Bosc- 
Mcmil,  Neufbosc,  Bosc-Bordel,  BoHC-Kdeline,  Rourraij, 
Bois(ji(ilbert,  Bosc-Asselln,  Bois-Hcroult,  etc.  Un  ])etit  bois 
marqué  encore  dans  Cassini  au  nord-ouest  de  Sigy,  sem- 
ble être  le  dernier  vestige  de  la  partie  orientale  de  l'an- 
cienne forêt  d'Eavi.  La  foret  d'Alihermont,  quand  elle  fut 
abandonnée  par  Richard  Cœur-de-Lion  à  Gautier  de  Cou- 
tances,  se  confondait  presque  avec  La  Haye  d'Arqués  (2). 
En  1217,  l'archevêque  de  Rouen  transigea  avec  Robert  de 
Saint-Valery  et  ses  hommes  de  Saint-Aubin  relativement 
au  nouveau  village  fondé  par  le  prélat  entre  cette  localité 
et  Envermeu  (3).  Un  autre  accord,  conclu  en  1255,  prouve 
qu'à  cette  époque  la  foret  était  déjà  fort  démantelée. 

La  forêt  de  Bray  peut  être  regardée  comme  l'extrémité 
la  plus  méridionale  de  la  bande  forestière  dont  la  forêt 
d'Arqués  représentait  la  tête  du  côté  de  la  Manche  ;  car 
au  siècle  dernier,  elle  se  continuait  encore  à  l'ouest  et  au 
nord-ouest,  sauf  quelques  étroites  interruptions,  jusqu'à 
la  forêt  d'Eavi.  L'ancien  pays  de  Bray  {patjus  Ih-acim)  avait 
été  à  l'origine  très-boisé  (4);  ce  n'était  en  réalité  qu'une 

(1)  Voy.  Garlulairede  Sainl-Amand,  cité  par  M.  Delisle,  p.  401,  note. 

(2)  Roluli  Norman,  cités  par  M.  Delisle,  ouv.  cilé  p.  400.  note.  Cf.  Le 
Prévost,  Mémoires  et  noies  sur  le  déparlcment  de  rEure,  t.  1,  Part,  i, 
p.  104. 

(3)  Carlul.  de  PIùl.  d'Alençon,  cité  par  Delisle,  p.  400,  note. 

(4)  Ce  nom,  identique  à  celui  de  Brie,  signifiait  fangeux.  Il  a  servi  à 
former  un  grand  nombre  de  dénominations  de  lieux  :  Folembray,  Osem- 
bray,  Tinchebray,  Vibraye,  etc.  Voy.  Lehéricher,  Pliilologie  de  la  Nor- 
mandie, dans  les  Mémoires  de  la  Société  des  Anliq.  de  Normandie, 
t.  XXV,  p.  î-29.  Saulx-Tavanncs,  dans  ses  Mémoires  (t.  II,  p.    380, 


32(5   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

forêt  ;  son  défrichement  amena,  ainsi  que  nous  avons  vu 
que  cela  était  arrivé  pour  d'autres,  la  création  d'un  pays, 
celui  de  Bray  ;  de  là  l'épithète  de  en  Jhrnj,  donnée  à  quel- 
ques localités  {Eibeuf-en-Braij,  Mortemer-en-Brcnj). 

Cette  forêt  formait  vraisemblablement  avec  celle  de 
Lyons  ou  Léon»  la  marche  qui  séparait  le  pays  des  Velio- 
casses  de  celui  des  Bellovaques.  La  forêt  de  Lyons  est  fré- 
quemment mentionnée  au  moyen  âge  sous  le  nom  de 
Leonis  ou  Leonum  sylva  (1).  Mais  ce  nom  de  Lyons  est  une 
corruption  du  vieux  français  :  Li-IIons  ou  Li-Homs,  c'est- 
à-dire  «  les  hameaux.  »  La  forêt  avait  été  ainsi  appelée  à 
raison  du  grand  nombre  de  petites  habitations  qui  s'y 
élevèrent,  après  que  le  défrichement  en  eut  été  commencé. 
Les  premiers  défrichements  doivent  remonter  à  l'époque 
gallo-romaine,  car  on  trouve  sur  le  territoire  de  la  forêt 
de  Lyons  des  restes  de  construction  datant  de  cet  âge  (2). 
De  là  les  noms  de  Beauvoir-en-Lijons,  La  Ilaye-en-Lyonsi^). 

C'est  dans  la  forêt  de  Lyons  que  fut  fondée,  au  xii^  siècle, 
la  célèbre  abbaye  deMortemer  (•4)  dont  les  moines  établirent 
de  nombreuses  gronges  en  différents  points  de  la  Leonis 
sylva  où  ils  jouissaient  de  droits  étendus  (5).  A  la  fin  du 
xiii"  siècle,  la  paroisse  de  Beauficel  (6)  s'éleva  sur  une 


éd.  Petitot),  appelle  le  pays  de  Bray,  un  pays  plein  de  bois,  marais, 
fanges  el  broussailles.  (Voy.  sur  ce  pays  A.  Passy,  Description  géolo- 
gique du  déparlement  de  lu  Seine-hiférieitre,  t.  1,  p.  196. 

(1)  Orderic  Vital,  éd.  Le  Prévost,  t.  IV,  p.  35o,  t.  Y,  p.  179,  Voy. 
II.  Valesius,  Notilia  Galliaruvi,  p.  271. 

(1)  Voy.  A.  Le  Prévost,  Mémor.  el  notes,  t.  Il,  Part,  ii,  p.  313. 

(3)  Voy.  Noël,  Essais  sur  le  département  de  la  Scine-fnférieurc.  t.  I. 
p.  31.  (Rouen,  1795.) 

(4)  Gallia  chrislian.  t.  XI,  col.  307.  Ecoles.  Bolomag. 

(5)  Voy.  Delisle,  ouvr.  cil.  p.  395.  A.  Le  Prévost,  oui'.  fi7.  p.'3l9, 
relate  ces  droits.  Les  abbés  de  Morteiner  avaient  aussi  des  droits  dans 
les  forêts  do  Baqueville,  d'Andely  et  de  Portniort. 

(G)  CaHuluir.  de  Pliil.  d'Alençon,  cité  par  M.  Delisle,  p.  401. 


CHAPITRE   XIX.  327 

partie  défrichée  de  ce  canton.  A  partir  de  la  fin  du  xt'  siè- 
cle, g-râce  à  la  facilité  de  transport  que  présentait  l'An- 
delle,  les  bois  de  la  forêt  de  Lyons  furent  largement 
coupés  et  transportés  à  Paris  (1).  Aux  xii*"  et  xiii^  siècles, 
il  existait  déjà  dans  la  forêt  de  Lyons  de  vastes  landes 
d'où  les  arbres  avaient  disparu.  Telles  étaient  la  lande 
de  Mate?'  ou  Amara  Herba,  «  l'herbe  amère  »  (2),  celle  de 
Corcel,  dont  parle  Robert  Wace  (3). 

A  la  fin  du  xiv^  siècle,  les  rois  possédaient  en  cette  forêt 
une  maison  de  plaisance^,  Folleye  ou  Fouillée,  construite 
dans  l'un  des  nombreux  essarts  qu'elle  présentait  dès 
cette  époque  (4).  Bézu -la-Forêt  s'éleva  pareillement  dans 
une  des  clairières  de  la  forêt  de  Lyons  ;  les  habitants  de  ce 
bourg  y  avaient,  au  xiv^  siècle,  conjointement  avec  ceux 
de  Fleury-sur-AndellC;,  de  Lisors,  de  La  Haye-en-Lyons, 
de  Lilly,  de  iMorguy,  de  ]\îartigny,  des  droits  d'usage  qui 
provenaient  de  ce  que  ces  diverses  localités  appartenaient 
dans  le  principe  au  territoire  occupé  par  la  forêt  (5). 

Au  siècle  dernier,  la  forêt  de  Lyons  n'était  plus  qu'un 
assemblage  de  lambeaux  disjoints  portant  de  nombreu- 
ses traces  de  dévastation  (6).  Toutefois  les  débris  qui  en 
subsistent  encore  ne  sont  pas  sans  magnificence.  La  po- 
pulation sylvaine  qui  l'habite,  et  qui  y  vit  de  l'industrie 
de  la  saboterie,  y  a  conservé  en  partie  la  simplicité  et  la 
rudesse  des  mœurs  de  nos  ancêtres. 


(1)  Voy.  Baudrillart,  Diclionnairc  gênerai  des  Eaux  et  Forcis,  art. 
Flottage. 

(2)  Delisle,  ouïr.  cit.  p.  370. 

(3)  Roman  de  Rou,  v.  5GG68.  —  En  mai  1305,  Enguerrand  de  Mari- 
gny  reçut  do  Philippe  le  Bel  les  landes  de  la  forêt  de  Lyons,  situées  près 
Longchamp.  Le  Prévost,  ouv.  cil.  p.  361. 

(4)  Du  Gange,  Glossarium,  éd.  Henschel,  t.  V,  p.  21. 

(5,'  Voy.  Le  Prévost,  Mémoires  et  notes,  t.  I,  Part,  ii,  p.  339;  t.  II, 
Part.  Il,  p.  313,  314,  356. 
(6)  Voy.  la  carie  de  Cassini. 


328   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

La  foret  dite  des  Sept-  Villes  a  dû  originairement  ne  faire 
qu'un  avec  la  forêt  ou  buisson  de  Bleu,  qui  en  est  distante 
d'un  kilomètre  seulement,  et  constituait  dans  le  principe 
un  simple  canton  de  celle  de  Gi;ors,  mentionnée  dans  le 
Coutumier  des  forets  de  Normandie,  et  où  le  prieur  de  l'hô- 
pital df  Néaufle-St-Martin  jouissait  des  droits  d'usage. 
Les  trois  noms  finirent  par  se  confondre.  On  appela  forêt 
de  Bleu  celle  qui  s'étendait  sur  les  sept  communes  de 
Mainneville,  Ilébécourt,  Tierceville,  St-Denis-le-Ferment, 
Sancourt,  Heudicourt  et  Amécourt,  voisines  de  Gisors, 
communes  désignées  sous  le  nom  des  Sept-Villes'de-Bleu. 
Cette  forêt,  dont  les  lial^itants  desdites  communes  étaient 
usagers,  parait  avoir  été  en  grande  partie  déracinée  par 
un  ouragan  en  1519.  Le  terrain  de  la  forêt  des  sept 
communes  de  Bleu  devint  alors  un  objet  continuel  de 
contestation,  et  le  défrichement  s'en  opéra  graduelle- 
ment (1). 

La  forêt  de  Long-Boël,  qui  s'étendait  jusque  sur  la  rive 
droite  de  la  Seine,  presque  en  face  de  la  forêt  de  Pont-de- 
l'Arche,  ombrageant  la  rive  opposée,  a  dû  toujours  avoir 
pour  limite  ce  fleuve  et  la  petite  rivière  d'Andolle  ;  mais 
elle  remontait  jadis  beaucoup  plus  au  nord.  Comme  celle 
d'Eavi,  elle  dut  aux  moines  de  l'abbaye  de  Royaumont 
ses  principaux  défrichements  (2),  et,  selon  toute  appa- 
rence, la  paroisse  de  la  Neuville-Champ-d'Oiicl  fut  prise 
sur  le  territoire  déboisé  de  cette  forêt  (3). 

La  forêt  de  Long-Boël  est  déjà  mentionnée  sous  ce  nom 
dans  les  Comptes  de  saint  Louis  (4)  (l'e/ula  lonr/i  Boelli) ; 


(1)  Le  Prévost,  ouv.  cil.  t.  II,  Part,  ii,  p.  36i,  'i45. 

(2)  Voy.  Delisle,  ouv.  ct7.  p.  396. 

(3)  Ld  commune  de  Boos  doit  aussi  être  une  conquête  faite  sur  la 
Forêt. 

(4;  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  271. 


CHAPITRE   XIX.  329 

elle  le  dut  aux  Bock  ou  masures  qu'y  avaient  construites 
les  colons  qui  la  défrichèrent  en  divers  points. 

Cette  forêt  est  un  des  principaux  tronçons  de  la  grande 
zone  forestière  qui  commençant  aux  environs  d'Eu  se  con- 
tinuait, par  le  comtéd'Evreux,  jusqu'auPerche,  et  dont  je 
viens  de  passer  en  revue  les  nombreux  segments. 


330    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  Eï  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 


CHAPITRE  XX. 

KTAT  FORESTIER  DE  LA  BRETAGNE  AL*  MOYEN  AGE. 

L'Armorique,  par  la  naiiire  de  son  sol,  ne  se  prêtait 
pas,  à  beaucoup  près,  autant  que  la  Normandie  au  déve- 
loppement des  forêts.  Les  landes,  où  l'ajonc  et  le  genêt 
chassent  presque  toute  autre  végétation,  y  ont  toujours 
occupé  des  espaces  considérables,  surtout  dans  l'ancienne 
Domnonée.  Toutefois,  il  n'y  a  pas  encore  bien  longtemps 
que  plusieurs  des  cimes  de  l' Arrhes  se  dérobaient  sous 
un  manteau  arborescent,  dont  les  progrès  de  l'agriculture 
et  le  besoin  de  combustible  ont  fini  par  les  dépouiller. 

Dans  la  partie  de  la  Bretagne  confinant  à  l'Anjou,  au 
Maine,  à  la  Normandie,  les  forêts  prenaient  plus  d'éten- 
due et  de  profondeur,  et  au  siècle  dernier,  il  subsistait  de 
nombreux  débris  de  la  grande  marche  forestière  qui  sé- 
parait les  territoires  des  Abrmcatui,  des  Diqblintes,  des 
Andecavi^  de  ceux  des  Nannetes  et  des  Bédanes.  En  effet, 
quand  on  s'avance  du  bord  de  l'Erdre  vers  lés  sources  de 
la  Vilaine,  on  rencontre  sur  une  zone  de  peu  de  largeur, 
les  forêts  de  Juigné,  d'Araise,  d'Ombrée  et  Graon,  et  à 
l'ouest  celle  de  la  Guerche,  celle  de  Pertre,  faisant  corps 
peut-être  dans  le  principe,  par  les  bois  de  Pars,  avec  la  fo- 
rôl  de  Concise  dont  j'ai  déjà  parlé.  Ges  diverses  forêts  qui 
occupent  sur  la  carte  de  Cassini  une  superficie  notable, 
sont  aujourd'hui  bien  réduites. 

Entre  toutes  les  forêts  de  l'Armorique,  celle  qui  a  vu  lo 
plus  se  rétrécir  son  domaine,  et  qui  jouissait  au  moyen 
âge  du  plus  de  célébrité,  est  celle  de  Quintin,  connue 


CHAPITRE    XX,  331 

jadis  sous  les  noms  de  Brocélian,  Brocéliande,  Brrchéliant, 
Brécilien,  Bréchilien,  de  forêt  de  Barenton,  et  surnommée 
la  forêt  de  la  retraite  montagneuse  (1).  Elle  divisait  jadis 
en  deux  parties,  Tune  septentrionale,  l'autre  méridionale, 
la  presqu'île  armoricaine.  Quand  les  traditions  galloises 
eurent  pénétré  en  Bretagne,  on  la  confondit  avec  la  forêt  de 
Calidon,  où  Geoffroy  de  Monmoutli  (2)  raconte  que  IMerlin 
s'était  retiré.  La  légende  d'outremer  se  localisa  dans  la 
forêt  bretonne,  et  on  la  représenta  en  conséquence  comme 
la  demeure  du  fameux  magicien  (3).  Elle  s'offrit  dès  lors 
à  la  croyance  populaire,  comme  un  lieu  d'enchaiiLements. 
Le  trouvère  Robert  Wace  y  alla  vainement  chercher  les 
fées  qui,  au  dire. des  Bretons  de  son  temps,  y  faisaient 
leur  séjour;  il  s'en  revint,  sans  avoir  rien  pu  voir,  s'écriant 
avec  un  accent  d'incrédulité  :  Fol  y  allais^  fol  ni  en  re- 
vins. 

A  la  fin  du  xif  siècle,  Chrétien  de  Troyes,  plus  enthou- 
siaste, chanta  les  merveilles  de  la  forêt  armoricaine.  Dans 
lepoëme  qu'il  a  composé  sous  le  titre  du  Chevalier  au  lion, 
Yvain  le  héros  se  rend  à  la  fontaine  de  Baranton,  située 
au  milieu  de  la  forêt  de  Brécilient  et  dont  Calogrenaut  lui 
a  vanté  les  prodiges.  Il  y  rencontre  un  géant  auquel  obéis- 
sent les  bêtes  du  bois.  L'eau  qu'il  puise  dans  la  fontaine 
à  l'aide  d'un  bassin  d'or,  et  qu'il  répand,  excite  une 
épouvantable  tempête  qui  fait  accourir  le  seigneur  du 
lieu  ;  Yvain  le  combat,  le  blesse  mortellement,  le  poursuit, 
entre  avec  lui  dans  son  château,  maisy  est  retenu  pi-ison- 

(1)  Tel  est  le  sens  du  mot  Brécilicn  ou  Brêxilie7i;  car  ce  mot  signifie 
proprement  :  les  asiles  de  la  monlagnc  de  Bré.  Le  mot  A'/Z,  Kill  (pluriel, 
Killicn)  se  retrouve  dans  le  nom  d'I-Colm-Kill,  dont  le  sens  est  :  Brlrailc 
de  Sainl-Colm  (Columban),  du7is  FUe  d'I. 

(2)  Voy.  Galfrid.  de  Monemuta,  Vila  MerUni,  édit.  Fr.  Michel,  v.  132, 
23'J  et  suiv.  p.  10. 

(3)  Voy.  Th.  de  la  Villemarqué,  L'Enchanteur  Merlin  {Myrdhinn), 
son  histoire,  ses  œuvres,  son  influence,  p.  71.  (PariS;  1862.) 


332   LES  FORÊTS  DE  LA.  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

nier.  Il  est  délivré  par  une  demoiselle  nommée  Lunette,  àj 
laquelle  il  a  eu  le  bonheur  d'être  utile.  Celle-ci  le  rend] 
invisible  au  moyen  d'un  anneau  magique  (i). 

Chrétien  de  Troyes,  guidé  par  Robert  Wace,  nous  a 
donné  une  description  un  peu  fantastique  de  cette  forêt  (2). 
Elle  a  été  copiée  au  siècle  suivant  par  lluon  dcMéry  dans 
son  Tournoiement  de  l'Antéchrist  (3j,  et  cent  ans  plus  tard, 
par  l'auteur  de  l' Image  du  monde  (4). 

Ces  fables  dont  la  forêt  de  Bréchéliant  élait  deve- 
nue le  sujet,  semblent  avoir  inspiré  l'auteur  du  roman 
de  Iluon  de  Bordeaux  dans  ce  qu'il  rapporte  de  la  fo- 
rêt enchantée  où  habitait,  avec  ses  chevaliers  fées,  le  nain 
Obcron  qui,  comme  le  seigneur  mystérieux  de  la  forêt 
bretonne,  commandait  aux  bêtes  fauves,  et  au  son  de 
son  cor,  provoquait  les  tempêtes.  Oberon  donné  comme 
le  fils  de  la  fée  Morgane  est  une  imitation  affaiblie  de 
Merlin  (5). 

On  trouve,  dans  un  curieux  documentdu  milieu  du  xv"^ 
siècle,  mais  qui  relate  des  usages  et  des  données  d'une 
date  bien  plus  reculée  (6),  une  description  de  la  forêt  de 
Bréchéliant.  En  voici  quelques  passages: 

«Ladicteforestestdegrant  et  spacieuse  estandue,  appe- 


(1)  Voy.  Th.  de  la  Villemaniué,  les  Homans  de  la  Table  ronde,  y  Cd. 
p.  87  et  suiv. 

(2)  Voy.  ce  morceau  donne  à  la  suite  du  Tournoiement  de  l'Antc- 
chrisl,  éd.  P.  Tarbé,  ]>.  I J  4  et  suiv.  Cf.  Leroux  de  Lincy,  le  Livre  des 
Légendes,  introduction,  p.  97,  et  l'appendice  n°  1. 

(3)  Voy.  le  Tournoiement  de  rAntcchrisl,  par  lluon  de  Méry,  éd. 
Tarbé,  p.  125. 

(4)  La  Villemarriué,  les  Romans  de  la  Table  ronde,  p.  231. 

(5)  Voy.  ce  qui  est  dit  dans  l'introduction  de  lluon  de  Bordeaus, 
chanson  de  geste,  publiée  par  F.  Guessard  et  G.  Grandmaison,  p.  xxn, 
XXXI.  (Paris,  18G0.) 

(6)  Voy.  Aurcl.  de  Gourson,  Carlulaire  de  l'abbaye  de  Redon,  Éclair- 
cissements, p.  cccLxxxvi.  Les  usements  et  couslumes  de  la  foresl  de  BvC- 
rilien. 


CHAPITRE    XX.  333 

lëe  mère  forest,  contenant  sept  lieulx  de  long  et  de  lèse 
deux  et  plus,  habitée  d'abbayes,  prieurez  de  religieulx, 
et  dames  en  grand  nombre,  ainsi  qu'est  décléré  cy  davant 
ou  chappitre  des  usagiers,  touz  fondez  de  la  seigneurie  de 
Montfort  et  de  Lolieac,  qui  leur  ont  donné  le  droiz  et  pri- 
vilé^ez  dont  davant  est  fait  mencion. 

Item,  en  ladicte  forest  y  a 'quatre  chasteaulx  et  mesons 
fortes,  grant  nombre  de  beaulx  estangs,  et  des  plus  bel- 
les chassez  que  on  pourrait  aultre  part  trouvez. 

Item,  en  la  dicte  forest  y  a  deux  cens  brieuc  de  boays, 
chacun  portant  son  nom  différent  de  l'autre,  et  ainsi  que 
on  dit,  autant  de  fontaynes  chacime  portant  son  nom. 

Item,  entre  aultres  desbrieuc  da  la  dicte  forest,  y  a  un 
breil  nommé  le  breil  au  seigneur  auquel  james  n'abite  ne 
ne  peult  abiter  aucune  beste  venymeuse  ne  portante  ve- 
nin, ne  nulles  mouches,  et  quant  on  y  apporterait  au  dit 
breil  aucune  beste  venymeuse,  tantost  est  morte  et  n'y 
peult  avoir  vie, et  quand  les  bestes  pasturantes,  en  ladicte 
forest  sont  couvertes  de  mouches,  et  en  mouchant  elle 
peut  recouvrez  le  dit  breil,  soudaynémentles  dictes  mou- 
ches se  départent  et  vont  hors  d'icelui  breil. 

Item,  auprès  du  dict  breil,  y  a  ung  aultre  breil  nommé 
le  breil  de  Bellenton,  et  auprès  d'icelui  y  a  une  fontayne 
nommée  la  fontayne  de  Bellenton,  auprès  de  laquelle  fon- 
tayne, le  bon  chevalier  Pontusfist  ses  armes,  ainsi  que  on 
peult  voir  par  le  livre  qui  de  ce  fut  composé. 

Item,  joignant  la  dicte  fontayne,  y  a  une  grosse  pierre 
que  on  nomme  le  perron  de  Bellenton  ,  et  toutes  les 
foiz  que  le  seigneur  de  Monfort  vient  à  la  dicte  fontayne, 
et  de  l'eau  d'icelle  arouse  et  mouUe  le  dit  perron,  quelque 
challeur  temps  assuré  de  pluye,  quelque  part  que  soit  le 
vent,  et  que  chacun  pourrait  dire  que  le  temps  ne  serait 
aucunement  disposé  à  pluye  ;  tantost  et  en  peu  d'espace 


334  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

aucunes  foiz  plus  tost  que  le  dit  seigneur  ne  aura  peu  re*' 
coupvrez  son  chasteau  dcGomper,  aulters  foiz  plus  tart, 
et  qui  que  soit  aiiis  que  soit  la  fin  d'icelui  jour,  pleut  ou 
pays  si  liabnndamment  que  la  terre  et  les  biens  estans  en 
ycelle  en  sont  arousez  et  moult  leur  proufite.  » 

Telle  était  l'étendue  de  cctle  forêt,  qui  allait  des  envi- 
rons de  ^lontfort-sur-Meu  aux  portes  de  Corlay  (Côtes-du- 
Nord),  que  dans  Tenceinte  qu'elle  présentait  encore  au 
moyen  âge,  s'élevaient  cinq  abbayes  :  l'abbaye  de  Saint- 
Méen  (\),  fondée  au  vii^  siècle,  détruite  au  viii%  rétablie 
sous  Cliarlemagne,  et  enfin  détruite  de  fond  en  comble  au 
x^  siècle  par  les  ^'ormands  ;  l'abbaye  de  Plélan  (2),  fondée 
au  IX*  siècle  par  Salomon,  roi  des  Bretons;  l'abbaye  de 
Gaël  (3),  détruite  au  x''  siècle  par  les  pirates  du  nord  ;  l'ab- 
baye de  Montfort  (4),  fondée  en  1152  par  Guillaume  P', 
seigneur  de  Montfort-la-Canne  et  de  Gaël,  et,  enfin  l'ab- 
baye de  Painpont  (o;,  originairement  prieuré  dépendant 
de  Saint-Méen  et  érigé  en  abbaye  de  chanoines  réguliers 
dans  la  dernière  moitié  du  xii^  siècle  (6).  Il  faut  encore  y 
joindre  l'abbaye  de  Bosquien,  fondée  en  1137  par  Olivier 
de  Dinan,  à  l'angle  nord  d'un  bois  de  ce  nom  qui  est  un 
démembrement  de  la  forêt.  Il  existait  en  outre  au  xi''  siè- 
cle, en  la  forêt  de  Brécilien,  de  nombreux  hennitages  (7). 

La  forêt  de  Catelun,  qui  n'est  plus  représentée  que 


(1)  Lobineau,  7/isL  de  Bretagne,  l,  II,  col.  31,  33,58,  \\0,1S0  ;  j^rcu- 
vei,  col.  312. 

(2)  Plebtlanum  ou  Salomonis  monaxlerium.  vLobinoau,  1. 1,  j>.  G3.) 

(3)  Gaelum.  CeUe  abbaye,  fondée  dans  la  seconde  moitié  du  vi'  siècle, 
a  été  ensuite  confondue  avec  celle  de  Sainl-Méen,  sous  le  nom  de  Saint- 
Méen  ou  Sainl-Mciaine-de-Ghé  ou  de  Gacl.  (Lobineau,  t.  I,  p.  2'i.) 

(4J  Monsforlis.  MonIfort-la-Canne.  (Voy.  Lobineau,  preuves,  col.  301.) 

(5)  L'abbaye  de  Saint-Judicael-de-Painpont.  (Lobineau,  t.  I,  p.  22.) 

(6)  Voy.  A.  de  (^ourson,  oui',  cil. 

(7)  On  lit  dans  la  Cfironifjue  de  Bretagne  :  «  El  ali?c  multae  hercmi- 
tarum  mansiones  in  BiX)choliam   (B<Trolion)  et  aliis  foreslis  a  quodam 


CHAPITRE  XX.  335 

par  un  petit  bois  au  nord  de  Merdignac,  celle  de  Paim- 
pont,  déjà  fort  démantelée  au  siècle  dernier,  celles  de 
Coulon,  Saint-Méen,  Coet-Lorges,  Loudéac,  qui  se  sont 
formées  du  démembrement  de  cette  Ardenne  armoricaine 
ont  elles-mêmes  singulièrement  perdu  de  leur  impor- 
tance. La  forêt  de  Loudéac,  qui  n'offre  plus  à  cette  heure 
qu'une  superficie  de  2,573  hectares,  en  enibrassait,  en 
1460,  une  de  plus  de  20,000  (1).  Au  siècle  dernier,  ehe 
n'était  séparée  de  la  forêt  de  Quintin,  appelée  depuis  forêt 
de  Loroux,  que  par  la  large  lande  de  Trêve.  Cette  dernière 
forêt  constituait  alors  une  longue  bande  commençant  au 
nord  non  loin  de  Plaintel,  ayant  l'Hermitage  à  son  centre 
et  Graces-Trève  au  sud. 

Entre  Lanmor  et  Lambaîîe  s'étendait  une  belle  forêt 
qui  est  peut-être  le  plus  ancien  démembrement  de  celle 
de  Brécilien;  elle  a  donné  naissance  à  un  certain  nombre 
de  forêts  distinctes,  celles  de  la  lïunaudaye,  appelée  aussi 
la  forêt  Noire,  et  qîi  fut  fondée  en  1137  l'abbaye  de 
Saint-Aubin-des-Bois  (2)  ;  celle  de  Lanmor  qui,  au  xvr  siè- 
cle, ne  faisait  qu'un  avec  elle  (3)  ;  enfin  celle  de  Lam- 
balle  (3).  La  forêt  de  Brécilien  était  séparée  par  la  ri- 
vière d'Arguenon  de  celle  de  Faigne,  dont  l'emplace- 


hccrelico  ipsas  fo restas  cum  multis  sequacibus  habitante  quem  taiitum 
sequebatur.  (An.  1145.)  Chronic.  Brit.  dans  les  Historiens  de  France, 
t.  XII,  p.  558. 

(1)  Habasque,  Notions  historiques  sur  les  Cûles-du-Nord,  t.  III, 
append.  p.  55. 

(2)  On  lit  dans  les  Contes  d'Eutrapel  (de  la  Moquerie,  p.  191  r",  éd.  de 
Rennes)  :  «  Ce  que  le  grand  roy  François  souffrit  être  fait  en  sa  jieraonne 
par  les  sergents  et  forestiers  de  la  forest  Noire,  depuis  appelée  Lanmur, 
aujourd'hui  de  la  Hunaudaye.  » 

(3)  Gott.  cltristian.  t.  XIY,  col.  1115.  Ecctes.  Briocens.  Lobineaa, 
Histoire  de  Bretagne^  1. 1,  p.  55. 

(4)  Habasque,  Notions  historiques  sur  les  Cùtes-du-Nord^  t.  111, 
p.  41. 


336   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

ment  est  aujourd'hui  occupé  par  la  ville  de  Dinan  (1). 

Il  existait  dans  la  foret  de  Brécilien  une  population  fo- 
restière analogue  à  celle  que  nous  rencontrons  en  diverses 
forêts  de  la  Normandie  et  de  l'Anjou,  et  qu'avaient  attirée 
les  privilèges  dont  jouissaient  les  usagers.  «  En  la  dicte 
forest,  lit-on  dans  le  document  que  j'ai  déjà  cité  (2),  il  y  a 
un  grand  nombre  de  gens  mencionniers  el  habitants 
d'icelle,  comme  dit  est;  lesquels,  pour  quelque  marchan- 
die,  manœupvre  ne  quelque  aultre  chose  ou  mestier  dont 
ils  s'entremeptent,  ne  sont  subjetz  ne  contributifs  en  la- 
dicte  forest  à  aucun  subside  de  ne  debvoir  quelconque, 
et  sont  de  longtemps  en  possession  de  franchise  par  toute 
la  dicte  forest.  » 

Citons  encore  dans  cette  même  partie  de  la  Bretagne  le 
Coet-Maloen ,  qui  gardait  quelque  importance  au  siècle 
dernier,  et  près  duquel  lut  fondée  en  1142,  par  le  comte 
Alain  le  Noir,  l'abbaye  de  Sancta-Maria-Mellonis .  A  cette 
époque,  le  territoire  voisin  de  Saint-Gillcs-Pligeau  (canton 
de  Bothoa)  était  en  grande  partie  boisé  (3). 

Dans  le  département  du  Morbihan,  la  foi^êt  de  Camors 
(canton  de  IMuvigner)  s'étendait  jadis  beaucoup  plusà  l'est 
et  ne  faisait  originairement  qu'un  avec  celle  do  Louvaux, 
fort  éclaircie  depuis  deux  siècles.  Au  nord-est  de  ce  canton 
et  au  nord  de  Josselin,  la  foret  de  La  Nouée  paraît  avoir 
eu  dans  le  principe  plus  d'étendue  vers  le  sud. 

Les  environs  de  Rennes,  qui  présentent  encore  aujour- 
d'hui un  si  grand  nombre  de  petits  bois  et  quelques  fo- 
rets, ont  été,  à  la  même  époque  que  le  centre  de  la  Bre- 
tagne, occupés  par  d'épais  ombrages.  Les  forêts  de  Fou- 

(1)  Ogée,  Dklionnaire  historiq.  el  géographiq.  de  la  Bretagne,  sous 
ce  nom.' 

(2)  A.  deCourson,  ovv.  cit.  Eclaircissements,  p.  ccclxxxvi. 

(3)  Gallia  chiistiai}.  t.  XIV,  col.  907.  Kcdcs.  Corisopolitan.  Le  bois 
dit  Coetmaloen  était  situé  au  nord  et  à  l'ouest  de  l'abbave. 


I 


CHAPITRE   XX.  337 

gères  et  du  Teil  allaient  rejoindre  celles  qui  bordent 
l'Anjou  (1),  et  les  traditions  d'origine  païenne  qui  s'y 
rattachent  font  supposer  que  ces  forêts  ont  été  un  des 
principaux  sièges  du  culte  gaulois  (2).  Deux  monuments 
vraisemblablement  consacrés  par  les  Celtes,  le  Monument 
et  la  Pierre  du  Trésor,  y  ont  attiré  l'attention  des  anti- 
quaires. Les  forêts  de  Rennes  et  de  Lififré,  jadis  réunies  en 
une  seule,  sont  actuellement  séparées  par  une  lande  do- 
maniale de  500  hectares  (3). 

La  forêt  de  Ville- Gardier,  débris  de  la  marche  qui  sé- 
parait le  territoire  des  Redones  de  celui  des  Ahrincatui, 
ne  doit  guère  avoir  occupé  au  moyen  âge  un  espace  plus 
étendu  qu'au  siècle  dernier.  Le  nom  de  Pleinefougères 
donné  à  un  bourg  situé  très  au  nord  de  la  forêt  actuelle, 
montre  que  les  arbres  avaient  déjà  disparu  de  son  empla- 
cement au  XII*  ou  xiii'  siècle,  époque  de  laquelle  date  sa 
construction.  Entrain  sis  à  l'est  de  la  forêt,  Bazouges 
placé  au  sud,  indiquent  des  limites  que  n'a  jamais  fran- 
chies son  territoire.  Tout  au  plus  peut-on  admettre  que 
cette  forêt  s'avança  naguère  un  peu  plus  au  sud-ouest,  si 
l'on  tient  compte  de  lieux-dits,  tels  que  Bois-Férans,  les 
Gaudinès,  le  Groschêne,  qui  se  rencontrent  dans  cette  di- 
rection. 

La  forêt  nantaise  s'étendait  de  Nantes  à  Glisson,  Mache- 
coul  et  Prince  (4).  Une  charte  de  1123  constate  l'existence 
d'une  forêt  de  Gastine,  près  d'Issé,  au  nord  de  Nantes, 

(1)  Voy.  ce  qui  a  été  dit,  au  chapitre  viii,  p.  129  et  suiv.,  des  forèls 
dans  lesquelles  se  retirèrent  les  disciples  de  Robert  d'Arbrissel. 

(2)  Voy.  Mémoires  de  l'Académ.  celtique,  t.  V,  p.  381;  Mémoires  de 
la  Société  des  Antiquaires  de  France.,  1. 1,  p.  396. 

(3)  Voy.  le  mémoire  de  M.  Vigan  dans  les  Annales  forestières,  t.  IV, 
p.  100.  Il  est  fait  mention  de  la  forêt  de  Liffré  dans  les  Contes  d'Eutrapel 
(ch.  intitulé  :  Musique  d'Eutrapel,  p.  100  v»,  éd.  de  Rennes,  1585), 

(4)  Travers,  Histoire  de  Nantes,  p.  216;  Cf.  J.  B.  H.  Rechercha 
écoîiom.  et  statisl.  sur  le  départ,  de  la  Loire-Inférieure  (an  xii,  Nantes), 
p.  86. 

22 


338   LrS  FORÊTS  Dïï  LA  GAULH  ET  DK  LANCIENNE  FRANCE. 

sjr  Jes  l.orJs  du  Don  (l).  Vers  les  frontières  de  l'xVnjou, 
]n  forêt  (!e  Puzarlès,  Putcus  Arlcsii,  mentionnée  dans  des 
fliartes  du  xii"  siècle,  n'a  laissé  que  quelques  vestiges  au 
milieu  desquels  s'éleva  la  Madeleine-en-Bois  (2). 

La  forêt  de  Saffré,  assez  étendue  encore  aujourd'hui, 
était  évidemment,  comme  l'a  remarqué  M.  Bizeul  (2),  la 
prolongation  des  forêts  de  l'Arche,  de  Vioreau  et  d'An- 
cenis  ;  elle  a  dû  occuper  tout  ce  côté  élevé  où  se  trouvent 
le  moulin  à  vent  de  la  Praye  et  les  mines  de  Lan-Guen. 
De  là  jusqu'à  l'ancienne  forêt  de  Héric,  il  ne  restait  plus  à 
)  arcourir  que  quelques  centaines  de  mètres.  On  peut 
même  croire  que  la  lande  des  Jarriais,  où  se  trouve  le 
point  de  partage  entre  les  eaux  de  l'Erdre  et  de  l'Isar 
j)our  le  canal  de  Nantes  à  Brest;,  fit  partie  de  l'une  ou 
l'autre  forêt,  et  que,  comme  tant  d'autres  landes,  elle  a 
éprouvé  un  déboisement  comj)let. 

La  forêt  de  Héric,  mentionnée  dans  des  actes  du  xiv*" 
siècle  (3),  observe  le  même  auteur,  n'existe  plus  ;  car  on 
ne  saurait  compter  comme  telle  quelques  hectares  de 
taillis  de  chêne,  morcelés  et  semés  çà  et  là  sur  son  an- 
cien emplacement;  mais  le  nom  a  persisté.  Cette  forêt 
s'étendait  sur  tout  l'espace  compris  entre  les  bourgs  de 
Cirand-Champ,  de  Héric,  de  Casson,  et  aboutissait,  au 
nord-est,  à  la  lande  des  Jarriais,  près  d'un  village  encore 
appelé  Le  Pas-de-Hc'ric,  au  nord-ouest  à  la  vieille  hôtellerie 
du  Bout-de-Bois,  qui  marque  le  point  où  la  forêt  (4)  finis- 

(1)  Jsiacum  cu7n  Gastina  sylva,  dit  une  charte  citée  par  M.  Bizctil. 
dans  sa  Notice  sur  les  Xannèles  mix  époques  celtique  et  romaine  {Hc- 
xitP  des  provinces  de  l'Ouest,  juin  1854,  y.  392). 

(2)  Lobincau.  Uist.  de  Bretagne,  t  I,  col.  513,  523. 

(3)  Voy.  Bizeul,  article  cité. 

(4)  Ogée,  Diiiionn.  de  Bnlcujne,  Unie.  On  trouvait  dans  cette  forél  le 
]>rieuré  de  Sle-Honorinc. 

(5)  Voy.  les  intéressants  détails  donnés,  sur  cette  forél,  par  M.  Bizeul, 
qui  cile  la  charte  d(  vim. 


Il 


CHAPITRE   XX.  339 

sait.  C'est  au  xvir  siècle  que  cette  forêt  fut  définitivement 
abattue.  Vers  1651,  Marguerite  de  Rohan  fit  raser  la 
futaie  et  effroger  le  sol  qui  demeura  plus  d'un  siècle  à 
l'état  de  broussailles  et  de  vaine  pâture. 

Des  vestiges  de  bois,  encore  apparents,  chênaies, 
broussailles,  taillis  aménagés,  des  noms  de  localités,  des 
traditions,  prouvent  qu'en  suivant  la  chaîne  de  collines 
serpentant  du  moulin  à  vent  de  la  Bosse-des-Landes,  près 
du  bourg  de  Héric,  vers  la  Praquelage,  la  forêt  de  Héric 
allait  se  réunir  entre  Vignieux  et  Toulières,  à  la  forêt  de 
Sautron  (1).  Celle-ci  a  subi  le  sort  de  sa  voisine.  En  1734, 
elle  ne  contenait  plus  que  30  arpents  en  futaies  et  80  ar- 
pents en  bois  taillis.  Ogée  lui  donne  encore  200  arpents  (2). 
Cette  forêt  paraît  s'êlre  étendue  jadis  jusqu'aux  portes  de 
Nantes.  Les  bois  de  Launay  et  des  Dervalières  en  sont 
des  restes,  et  sa  présence  est  rappelée  par  les  noms  de 
diverses  localités  sises  entre  Nantes  et  Sautron  (3). 

La  forêt  de  Gavre,  qui  est,  comme  celle  de  Prince,  un 
débris  de  la  grande  forêt  nantaise,  avait  déjà  subi  de 
notables  réductions  en  1544,  lors  de  la  réformation  des 
eaux  et  forêts  de  Bretagne  (4).  Les  abus  auxquels  se  lais- 
saient aller  les  usagers  éveillèrent  l'attention  royale,  et, 
en  1545,  François  F  interdisait  la  vaine  pâture  dans  cette 
forêt  (5),  qui  avait  eu  particulièrement  à  souffrir  des 

(1)  C'est  dans  ce  parcours  qu'on  trouve  les  noms  significatifs  de  Laforest 
Rivaud,  la  Foresterie,  le  Haiil-Fay,  le  Breil,  le  Dreil-Renaud,  Breil-Vain. 
Près  de  ce  dernier  village,  un  tronçon  de  la  voie  romaine  de  Blain  à 
Nantes  porte,  pendant  une  lieue,  du  Breil-de-Loup  à  l'Epine-de-Fay,  le 
nom  de  Cliaussée-de-  Vieille -For est.  En  1618,  la  Vieille-Forest  consti- 
tuait encore  quelques  brosses  et  ragosses.  (Voy.Bizeul,  art.  cité,  p.  396.) 

(2)  Diclionn.  de  Bretagne,  art.  Sautron. 

(3)  Voy.  la  discussion  intéressante  à  laquelle  M.  Bizeul  s'est  livré  sur 
celte  question,  p.  397  et  suiv. 

(4)  Voy.  Fontanon,  Ordonnances,  t.  II,  p.  239. 

(5)  Saint-Yon,  Ordonnances,  p.  407.  La  forêt  de  Gavre  ne  couvre  pas 
aujourd'hui  moins  de  5,000  hectares.  Divers  bois  qui  n'en  sont  qu'une 


0-40  LFs  FoniVrs  de  la  r.AULïï  i:t  de  l'ancienne  France. 

ftoisiers  dont  elle  dtnit  peuplée.  Une  antre  forêt  voisine  de 
Nantes, celle  de  Torfou,  est  mentionnée  dans  l'ëdit  de  1544, 
qui  avait  également  pour  objet  de  porter  remède  aux  dé- 
vastations dont  se  rendaient  coupables  les  usagers  (1). 

Le  déboisement  du  pays  nantais  ne  fut  pas  seulement 
le  résultat  de  l'imprévoyance,  de  l'avidité  de  ceux  qui 
avaient  la  jouissance  de  ses  forêts^  il  a  été  aussi  Vœuvre 
des  religieux.  J'ai  cité  plus  haut  un  grand  nombre  d'ab- 
bayes élevées  sur  le  sol  des  forêts  bretonnes.  Je  dois 
encore  mentionner  l'abbaye  de  Saint-Gilda?-des-Bois,  qui 
fut  fondée  en  i026,  au  cœur  même  du  pays  nantais,  par 
Simon  de  la  Roche-Bernard  (2). 

Si  maintenant  nous  nous  approchons  du  littoral  méri- 
dional de  l'Armorique,  nous  y  trouvons  des  preuves  de  la 
disparition  de  plusieurs  forêts  importantes.  Une  forêt 
existait  entre  Goncarneau  et  Fouesnant,  qui  a  valu  son 
nom  à  la  haie  de  la  Forêt.  A  l'est  la  forêt  de  Carnoet,  placée 
sur  la  rive  droite  du  Quimperlé,  a  dû  s'avancer  un  peu  au 
sud,  là  où  fut  fondée,  vers  1170,  l'abbaye  de  Saint- 
Maurice. 

Aux  environs  de  Vannes,  on  chercherait  vainement  de 
nos  jours  la  forêt  de  Goetloux,  ou  Goitlou,  au  milieu  de 
laquelle  s'élevait  le  château  dans  lequel  se  tint  en  848  un 
concile  qui  déposa  quatre  évêques  bretons  (3).  Le  radical 

oonlinuation,  et  qui  s'étendent  sur  la  chaîne  de  collines  entre  le  Don  rt 
l'Isar,  subsistent  encore  aujourd'hui.  (Voy.  l'article  de  M.  Bizcul,  Sur 
les  Nannètes  aux  époques  celtique  et  romaine,  dans  la  Revue  des  prov. 
de  l'Ouest  (juin  1854),  p.  393.) 

(1)  Fontanon,  lac.  cil. 

(î)  Voy.  Lohinoau,  Preuves  de  l'Histoire  de  Bretagne,  liv.  TV, 
col.  161.  Le  surnom  de  Saint-Giidas-des-Hois,  Sanctus  Gildasius  de 
Nemore,  distingue  cette  abbaye,  de  celle  de  Saint-Gildas-de-Hhuis.  Le 
Cool-Sé  ou  Couossé,  petit  bois  qui  existait,  il  y  a  deux  siècles,  dans  cette 
localité,  a  été  le  dernier  vestige  de  la  forêt  de  ce  canton.  (Bizeul,  art.  cité, 
p.  40.=^.1 

(3)  LobineaU;   Ilislcirc  de  Brelofjne,  t.l,   ]>.  40,  et  Preuves,  col.  5B. 


CHÂÎITRE    XX..  341 

coet  OU  coat,  qui  entre  dans  le  nom  de  Goetloux  et  dans 
celui  de  COijtmaloën  rappelé  ci-dessus  1),  entre  dans  des 
noms  de  localités  de  la  Bretagne  situées  dans  des  districts 
actuellement  tout  à  fait  découverts,  Aux  environs  du 
Faou  (Finistère),  les  noms  de  Goatmenec,  Coatmeur,  Goa- 
trian,  Goatnan,  Penarcoat  accusent  l'existence  originelle 
d'une  grande  forêt  dont  la  forêt  du  Grannou,  sise  à  l'est 
du  Faou,  et  le  bois  de  Gars  sont  les  débris  (2).  Gelte  foret 
subsistait  en  partie  au  xvii^  siècle;  elle  s'étendait  vraisem- 
blablement au  nord  du  Faou  et  tapissait  le  bassin  com- 
pris entre  l'Aulne  et  FElorn.  La  partie  supérieure  de  l'es- 
pèce d'isthme  que  forme  l'Elez  réunie  à  l'Hière  et  où  se 
trouvent  les  deux  exploitations  plombifères  de  Huelgoat 
et  de  PouUaouen,  devait  être  enveloppée  par  une  autre 
lorét  qui  a  laissé  de  nombreux  vestiges,  notamment  les 
bois,  encore  importants  au  siècle  dernier,  de  la  Garenne 
et  de  Fréau.  Le  nom  de  Coatqueau,  donné  à  une  localité 
sise  entre  le  premier  de  ces  bois  et  i'Aulne,  atteste  égale- 
ment la  présence  originelle  d'une  épaisse  agrégation  d'ar- 
bres dans  cette  région. 

En  Bretagne,  l'incurie  des  habitants,  l'absence  de  ca- 
pitaux chez  le  propriétaire  ont  été  cause  que  le  déboise- 
ment s'est  continué  activement  jusque  de  nos  jours.  Une 
circonstance  le  démontre,  c'est  que  dans  les  départements 
de  la  Loire-Inférieure,  du  Morbihan  et  de  l'IUe-et-Vilaine, 


(1)  J'ai  montionné  ci-dessus  l'al>baye  de  Coetmalopn,  qui  s'Hlevaif  au 
diocèse  de  Quimper,  à  trois  lieues  sud  de  Guingamj),  dans  un  bois  au- 
jourd'hui presque  entièrement  détruit.  Les  noms  de  localités  situées  fort 
au  nord  de  ce  bois,  Coatpeul,  les  Bois-de-Fau,  Couadout.  Coetando,  elc  , 
suffiraient  à  établir  que,  dans  le  principe,  il  exista  là  une  forêt.  Les 
débris  de  celle-ci  sont  les  bois  des  montagnes  de  Fromontel,  qui  so  rat- 
tachaient sans  doute  à  la  fonH  de  Quintin  ou  Brechelien.  (Voy.  Lobi- 
ni'au,  Hisloire  de  Bretagne,  preu.ves,  col.   1G45.,, 

(2)  Voy.  ce  (|ui  est  dit  dans  la  suite  de  cet  ouvrage  !;ur'  les  mesures 
pio[iùsées  par  Colbert  rclalivemL-ut  à  !a  l'or't  du  l'aou. 


342    LES   FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

la  plupart  des  propriétés  rurales,  éloignées  des  centres  de 
])opulation,  comprennent,  suivant  leur  désignation  ca- 
dastrale, àes  landes  autrefois  en  bois.  La  disparition  de  ces 
bois,  sur  divers  points,  remonte  à  peine  à  cent  ans  (1). 


(1)  A.  Isabcau,  les  Forêts  du  Globe,  t.  XIII  (1854),  p.  299.  Voy.  no- 
tamment ce  que  dit  cet  auteur  de  la  lorct  de  Pont,  dans  l'arrondisse- 
ment de  Chateaubriand. 


CUM'ITRE    XXI, 


CHAPITRE  XXr. 

FOUtl;;   ne    l'UlTUL'.   LA  GATINE  ET  LE  UOCAGE. 

Lorsqu'on  jette  les  yeux  sur  la  carte  de  l'ancieune  pro- 
vince du  Poitou,  on  y  voit  figurer  une  foule  de  localités 
dont  les  noms  et  remplacement  annoncent  des  établisse- 
ments faits  sur  des  novaies,  dans  des  essarts,  au  milieu  d'î 
clairières.  Ces  appellations  réveillent  le  souvenir  des  in- 
dustries qui  se  développèrent  au  voisinage  des  bois,  ou  des 
manoirs  édifiés  à  la  liàte  sur  le  sol  éclairci.  M.  Redet  (1)  a 
compté  dans  le  seul  département  de  la  Vienne  21  lieux 
habités  s'appelant  la  Forêt,  9  le  Foidllou  (lieu  planté  de 
liêtres),  8  la  Garenne^  26  la  Varenne,  42  le  Breidl,  39  la 
iirousse,  47  la  Touche  iîl).  Ce  fait  montre  combien  le  pays 
fut  jadis  boisé. 

Le  nord  du  Poitou  s'est  rapidement  dégarni  des  forèls 
qui  l'ombrageaient.  L'une  d'elles,  la  forêt  de  Gliàtelle- 
rauU,  n'a  pas  toutefois  diminué  notablement  de  super- 
ficie. Resserrée  entre  la  Lauvigne,  le  G'ain  et  la  Vienne, 
elle  n'a  pu  franchir  les  limites  que  lui  a.signe  Gassini  ; 
c'est  seulement  au  sud-ouest  qu'elle  a  dû  se  raccourcir  ; 
elle  s'avançait  vraisemblablement  jusqu'à  Ouzilly,  près 
duquel  existe  un  lieu  appelé  les  Essarts. 

A  l'est  de  Poitiers,  près  de  Ghauvigny,  dans  l'arrondis- 


(1)  Rodet,  Observations  sur  les  noms  de  lieux  dans  le  départcmenl  de 
la  Vienne,  dans  Ic^  Mémoires  de  la  Société  des  Anliquaires  deiOuat, 
an  I84G,  p.  343. 

(2)  La  Touche;  ce  nom  signilio  un  bouquet  d<!  futaies  ;  en  Normandie, 
il  dérive  queUiuelbis,  suivant  M.  Lehéricher,  de  tocu,  qui  auiait  eu  le 
sens  (le  limi:c  de  pininiélé.  Aniiq.  de  yormandie,  t.  XXV,  p.   25 i. 


344    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULlî  ET  DE  l' ANCIENNE   FUANCE, 

sèment  actuel  de  Montmoiillon,  se  trouve  une  Ibrèl  que 
le  temps  a  fort  réduite  au  contraire  et  qui  était  connue 
au  moyen  âge  sous  le  nom  de  forêt  de  Mareuil  ou  de 
Marealhe  (1).  Elle  commençait  à  5  kilomètres  environ  au 
couchant  de  Chauvigny,  au  nord-est  des  Eglises.  Jadis 
propriété  des  sires  de  Gouzon,  à  qui  appartenait  le  châ- 
teau de  cette  ville,  elle  fut  acquise  plus  tard  en  partie  par 
les  évéques  de  Poitiers,  qui,  par  suite  d'une  cession, 
étaient  devenus,  en  1356,  propriétaires  de  toute  sa  con- 
tenance. Plantée  de  chênes,  elle  occupe  encore  une  su- 
perficie de  620  hectares.  La  route  de  St-Savin,  percée  en 
1834,  la  traverse  dans  son  étendue  la  plus  méridionale. 
Une  des  forêts  du  Poitou  portait,  comme  une  de  celles 
du  Yendomois,  le  nom  de  Gàtines  (2),  qui  désignait  la 
contrée  que  son  défrichement  rendit  habitable.  Elle  est 
aujourd'hui  fort  réduite.  Au  xvn^  siècle,  une  partie  de 
la  baronnie  de  Parthenay  et  de  la  Gâlhie  était  encore 
richement  boisée  (3).  Les  forêts  de  Chantemerle,  de 
Montcoutant,  d'Aubigny,  de  La  Perrière,  ont  dû  s'en  dé- 
tacher à  une  époque  déjà  reculée. 


(1)  Voy.  sur  ceUe  forêt,  dite  aussi  de  Chauvigny,  Auber,  Recherches 
archéologiques  sur  Saint-Pkrre-les-Eglises,  dans  les  Mémoires  de  la 
Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest,  an  1851,  p.  331.  Cet  auteur  pro- 
pose du  nom  de  Mareuil,  que  jjorlait  cette  foret,  une  étymologie  inac- 
ceptable {Mar-Ruil,  grand  bois). 

(2;  Voyez,  sur  la  Gûline  du  Poitou,  le  travail  de  M.  Dupin,  dans  les 
Mémoires  de  la  Soc.  des  Antiquaires  de  France,  l.  111,  p.  276,  277. 
C'est  dans  la  forêt  de  Gàtine  (in  nemore  Gaslinensi),  à  5  lieues  sud-ouest 
de  Poitiers,  que  fut  fondée,  en  1120,  l'abbaye  de  Sainl-Benoit-du-Pin, 
dont  les  moines  contribuèrent  à  son  défrichement.  {Chronic.  Malleac. 
ap.  llist.  de  France,  t.  XII,  p.  407.)  La  môme  année,  une  seconde  abbaye 
s'éleva  dans  la  forêt  de  Bonnevaux  {Bona  Vallis).  {Chroti.  Mail,  ib.) 
Dans  une  autre  partie  de  la  Gâtine  du  Poitou,  aux  environs  de  Par- 
tlienay,  fut  fondée,  en  1220,  l'abbaye  d'Absie-en-Gàtine.  {GuUia  christ. 
t.  II,  col.  1380.  Eccles.  Malleac.) 

(3j  Voyez,  sur  les  forêts  du  Poitou,  Estais  des  forests  et  boys  du  roy 
de  lajirociîice  du  Poictou  (Poiliertj  IGG7.  in-f").  p.  201  cl  biii\ . 


CHAPITRE  xxr.  345 

La  forêt  des  Meulières,  située  non  loin  de  Poitiers,  est 
mentionnée  dans  les  Comptes  de  saiiH  Louis  sous  le  nom 
de  foresta  de  Molliere  (1)  ;  il  en  est  souvent  question  dans 
les  anciennes  chartes  ;  celles  de  Dine  et  de  Brosse  avaient 
été  naguère  fort  importantes  ;  elles  étaient  déjà  extrême- 
ment réduites  au  xv!!**  siècle. 

La  partie  du  Poitou  jadis  désignée  sous  le  nom  de  Bo- 
cage et  que  comprend  le  département  de  la  Vendée,  ren- 
fermait les  forêts  les  plus  épaisses  et  les  plus  serrées.  Les 
nombreux  bocages  qui  la  coupent  en  tous  sens  en  sont 
certainement  des  débris.  La  forêt  de  Vouvant  ou  Mere- 
vant,  dont  la  superficie  égale  2,982  hectares  (2),  offrait, 
il  y  a  p3u  d'années,  de  superbes  futaies  de  chênes  et  de 
châtaigniers.  Le  gibier  abondait  dans  ces  retraites,  et 
du  Fouilloux,  dans  La  Vénerie  (3).  à  propos  de  la  forêt 
de  Merevant,  parle  de  ses  cerfs  remarquables,  à  la  tête 
petite  et  noire,  qui  se  distinguaient  de  ceux  des  autres 
forêts  de  la  province,  et  notamment  de  ceux  de  la  forêt 
de  Chisay  (Chizé)  (4). 

Au  commencement  du  xi'^  siècle,  Guillaume  III,  duc 
d'Aquitaine,  comte  de  Poitiers,  seigneur  de  Talmont,  fit 
donation,  pour  la  construction  d'une  abbaye,  d'un  terrain 
très-vaste  situé  au  sud  des  Sables-d'Olonne,  et  qui  était  en 
partie  occupé  par  la  forêt  d'Orbestier  i^sijka  Orbisterii)  (5). 

(t)  Historiens  de  France,  t.  XXI,  p.  258. 

(2)  Voy.  Cavoleau,  Statistique  de  la  Vendée,  p.  335.- 

(3)  Voy.  la  Vénerie  de  Jacques  du  Fouilloux,  ch.  xix,  p.  18,  v». 

(4)  Voy.  les  preuves  de  Vllist.  du  Poitou,  par  J.  Besly. 

(5)  Voy.  la  charte  de  donation  dans  les  i)reuves  de  VHist.  du  Poitou, 
p.  351.  Guillaume  VI  accorda  aux  moines  le  droit  de  couper  du  bois  vert 
et  du  bois  sec  pour  tous  leurs  besoins,  «  de  viridi  et  de  sicco  ad  omnia 
necessaria  olTiciorum.  »  Il  leur  permet,  ou,  pour  mieux  dire,  il  leur  con- 
lirme,  en  même  temps  que  ce  droit  d'usage,  le  droit  de  paisson  et  de  pa- 
cage pour  leurs  porcs,  leurs  bœufs,  leurs  vaches  et  leurs  juments,  tant 
en  été  qu'en  hiver.  Leurs  porcs  ))ouvaient  paître  partout  où  bon  leur 
seaiblail,  etc.,  etc.  (Voy.  lus  li'rmes  morne  de  la  charte  dans  Besly,  p.  320.) 


346    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

Un  peu  plus  lard,  vers  le  milieu  du  xi*  siècle,  Pierre- 
Guillaume  VI,  dit  le  Hardi,  duc  d'Aquitaine,  comte  de 
Poitiers,  accorda  aux  moines  de  Sainte-Groix-de-Talmont 
des  droits  d'usage  étendus  dans  la  même  forcH  (I),  droits 
qui  ne  contribuèrent  pas  peu  à  iiàter  sa  dévastation. 

La  forêt  d'Orbestier  n'est  plus  aujourd'hui  représentée 
que  par  un  bois  assez  maigre.  Elle  s'étendait,  à  l'origine, 
au  sud  de  Saint-Hilaire-de-la-Forèt,  jusqu'au  bois  desMal- 
tières,  que  l'on  rencontre  au  sud-est  de  la  Mothe-Achard. 
Dans  une  charte  du  milieu  du  xi'' siècle(d),  il  estfait  mention 
de  Saint-Hilaire-de-la-Forêt  {Sanctus  Hilarius  de  Foresta) 
et  de  Gros-Breuil  (Gros-B/'o/),  d'où  il  suit  que  déjà,  à 
cette  époque,  cette  partie  de  la  forêt  d'Orbestier  avait  été 
défrichée.  Il  ressort,  d'ailleurs,  de  la  charte  de  donation, 
de  l'an  1007,  aux  moines  de  l'abbaye  d'Orbestier  {Orbis- 
teriuni)  (2),  que  la  forêt  était  alors  limitée,  d'un  côté,  par 
la  route  des  Sables-d'Olonne  à  Talmont,  et,  de  l'autre,  par 
un  torrent,  celui  d'Illicon,  qui  se  jette  dans  la  mer  à  la 
baie  de  Doet  {gula  de  Doetis)  (3). 

Les  noms  des  localités  qui  environnent  Saint-Hilaire-de- 
la-Forêt,  fournissent  des  indications  certaines  d'un  boise- 
ment antérieur  au  xi*  siècle;  tels  sont  outre  plusieurs  vil- 
lages du  nom  de  Bois,  La  Forêt,  Le  Bois-Renard,  Buis- 
Sarrazin,  Bois-Grolland  (4),  dont  le  territoire  fut  sans 
doute  pris  sur  un  bois  qui  a  laissé  ses  débris  sur  la  rive 


(1)  Voy.  la  note  5,  à  la  page  précédente. 

(2)  Cette  abbaye  était  de  l'ordre  de  saint  Benoit,  et  bâtie  h  qupli|uc 
distance  de  l'Océan,  entre  la  ville  de  Talmont  et  celle  des  Sables-d'O- 
lonne. 

(3)  La  charte  de  1007  donne  avec  détail  la  circonscription  des  lic-ux, 
dont  une  partie  se  retrouve  encore  sur  la  carte  de  Cassini. 

(4)  C'est  à  liois-GroUand  (Drolium  OoUandi)  que  fut  londée,  en  IIO'J, 
l'abbaye  de  ce  nom,  «médium  inler  sylvas  et  sabulosa  locaautmjricisrt 
suiiielis  oljsila,  »  (Gnllia  cliridiunu,  l.  II,  col.  1437);  ce  ipii  monlre  iju'à 
celle  époque  il  existait  déjà  une  lande  en  cette  partie  du  la  lurJt. 


CHAPITUIE    XXI.  347 

droite  de  la  rivière  Troussepoil,  entre  la  Freiiaudière  et 
les  Petites-Brosses.  Le  bois  de  la  Garde,  à  l'est  de 
Saint-Avaugourd-des-Landes,  est  un  reste  de  la  même 
forêt. 

Dans  cette  partie  du  Poitou  existait  encore  la  forêt  de  La 
{iarnachelGuanapu  foresta),  qui  empruntait  son  nom  à  une 
petite  ville  du  canton  de  Ghallans  (Vendée)  appelée  dans  les 
chartes  Gatiapia.  Elle  est  mentionnée  dans  un  diplôme  de 
l'an  838,  émanée  de  Pépin  I",  roi  d'Aquitaine;  il  n'en  sub- 
siste plus-de  trace  (d). 

Le  pays  compris  entre  Talmont  et  Aizenay  offrait  jadis 
une  succession  de  forêts  ou  de  bois  dont  la  forêt  d'Aizenay 
est  le  principal  vestige.  Des  bords  du  Lay  jusqu'à  la  mer, 
les  bois  continuent  à  se  succéder  à  de  courts  espaces.  La 
forêt  d'Aizenay  semble  s'être  rattachée  à  celle  de  laCtiaize 
par  les  Essarts-Gouin,  Saint-Florent-des-Bois,  laGrange- 
du-Bois,  le  Bois-au-Boin,  le  village  du  Bois. 

Le  bois  de  l'Étang-Neuf  est  un  démembrement  de  cette 
dernière  forêt,  dont  il  n'est  séparé  que  par  quelques  kilo- 
mètres ;  et  au  sud-ouest  de  la  forêt  de  la  Chaize  on  ren  • 
contre  une  localité  qui  a  gardé  le  nom  des  Bois-de-Mal~ 
traite,  quoique  en  un  pays  qui  n'offre  plus  d'arbres. 

L'inspection  des  lieux  donne  également  à  penser  que  do 
l'embouchure  du  Pairay,  où  subsiste  le  bois  de  Veillon,  à 
la  rivière  de  Vie,  s'étendait  une  forêt  ou  une  succession  de 
bois  qui  faisait  pendant  à  la  forêt  d'Aizenay:  Le  pays 
toutefois  n'a  pu  être  habité  sans  que  les  essarts  aient 
de  bonne  heure  étendu  leur  domaine,  et  la  charte  de  Guil- 
laume III,  que  nous  avons  citée,  mentionne,  au  voisinage 


(l)  Je  dois  cette  indication  au  savant  M.  Lacahane.  Cet  habile  paléo- 
graphe a  fait  voir  qu'on  devait  chercher  celte  forêt  dans  le  Bas-Poitou, 
en  suivant  ritinérairc  de  Pépin  1,  à  Viiidc  des  diplômes  publiés  dans  lu, 
tome  YI  des  Histuritms  de  France. 


348   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE   FRANCE. 

de  la  forêt  d'Orbestier,  des  prés,  des  vignes,  des  champs 
qui,  dans  la  suite,  n'ont  cessé  de  s'étendre. 

C'est  à  l'est  de  l'ancien  Bocnge  poitevin,  que  le  sol  a 
le  plus  gardé  son  antique  aspect  forestier  ;  l'arrondisse- 
ment de  Bressuire  compte  encore  plusieurs  forêts  impor- 
tantes: celles  d'Elusson,  de  La  Fougereuse,  d'Oiron  et  de 
Saint-Porchaire. 

Sur  les  confins  du  Poitou  et  de  l'Angoumois,  la  forêt  de 
Tusson  (Tiitio)  a  dû  être  notablement  défrichée  dans  sa 
partie  septentrionale;  tout  donne  à  penser  qu'elle  s'a- 
vançait originairement  au  sud  et  à  l'est  jusqu'à  la  Clia- 
nnte.  Un  lieu  nommé  la  Farêt,  maintenant  à  la  distance 
de  plusieurs  kilomètres  de  cette  forêt,  se  trouve  en  un 
canton  tout  découvert.  Le  territoire  de  l'abbayede  Tusson, 
fondée  en  1420,  fut  pris  sur  la  forêt,  et  il  se  trouve  ac- 
tuellement au  nord  de  celle-^i.  On  doit  donc  attribuera 
la  création  du  monastère  la  cause  principale  du  déboise- 
ment de  ce  district. 

La  partie  du  Poitou,  qui  répond  au  sud  du  départe- 
ment des  Deux-Sèvres,  a  pareillement  subi  de  larges  de- 
frichements  qui  ont  partagé  en  lambeaux  l'ancienne 
marche  arborescente  des  Pictaves  et  des  Santons,  lam- 
beaux qui  ont  donné  naissance  à  la  fo7rt  de  ffJcrmitain, 
à  celle  de  Chef-'Boutonney  aux  buis  de  Melle^  Celles  et 
Saint-Lé<jcr. 

Nous  citerons  dans  la  même  région  mérithonale  du 
Poitou,  la  forêt  d'Aulnay,  qui  avait  au  commencement  de 
ce  siècle  une  superficie  de  2,278  hectares  (1),  celle  de 


(l)  Voy.  sur  la  forêt  d'Aulnay,  qui  a  été  l'objet  de  règlements  spé- 
ciaux en  1001  et  1602,  Saint-Yon,  Ordonnances,  p.  Il  13.  Au  xvii'  siè- 
cle, cette  forêt  contenait  4,000  arpents.  Voy.  Estai  des  foresls  et  boys  du 
roy  de  ta  province  de  Voiclou,  k  la  suite  de  la  Réfonnalion  yénérule  de^ 
foresls  et  boys  de  Su  Mujcslc  de  la  pruiinct  de  Poictou,  y.  26  i  Poitiers, 
1667,  la-lyl.j. 


CHAPITRE   XXI.  349 

CIlizé,  qui  en  renfermait  3,974  et  dont  s'est  détachée  celle 
d'Etampes  ou  Petile-Forêl-de-Chizé,  d'une  superficie  de 
714  hectares.  Dans  l'une  et  l'autre,  le  chêne  atteint  une 
grande  longévité  (i). 

ri)  Voy.  Dupin,  Slaiist.  du  d(' parlement  des  Deux-Sèvres,  mss.  de  la 
Biblioth.  de  l'Institut,  p.  556. 


3oO  r.Ks  FOnfiTs  di:  la  gaui.c  et  de  l'ancienne  frange.         'il 


CHAPITRE  XXII. 

FOnilTS    DU    CENTRE  DE  LA  FRANCE.    SÉPARATION  DES    DEUX  GRANDES    ZONES 
FORESTIÈRES  DE  CE  l'AYS,    VÉGÉTATION  DU  CHATAIGNIER.    LES   ANCIENNÎ 
FORÊTS  DU    LYONNAIS,    DE  l'aUVERGNE,  DU  LIMOUSIN,  DU  BOURBONNAIS, 
DE  LA  MARCIÎE. 

Une  chaîne  de  montagnes,  les  unes  granitiques,  les 
autres  d'origine  volcanique,  traverse  la  France  par  son 
milieu  et  la  divise  en  deux  parties  presque  égales.  Elle 
constitue  une  véritable  frontière  naturelle  entre  les  pays 
de  langue  d'oc  et  ceux  de  langue  d'oïl.  La  végétation  fo- 
restière n'est  ni  très-riche  ni  très-vigoureuse  sur  le  chaînon 
purement  granitique  de  ces  montagnes;  mais  l'abondance 
du  châtaignier  lui  imprime  une  physionomie  propre; 
l'apparition  de  ces  arbres  annonce  au  voyageur  venu  du 
nord  qu'il  entre  dans  une  nouvelle  zone.  Le  Vélay,  l'Au- 
vergne, le  Limousin  présentaient,  dès  le  xii"  siècle,  de 
vastes  châtaigneraies  qui  ont  aujourd'hui  en  partie  dis- 
paru, dans  les  deux  premières  de  ces  provinces  sur- 
tout (1).  Vers  l'ouest,  d'épaisses  lignes  de  bois  conti- 
nuaient jadis  la  marche  arborescente  formée  par  les  mon- 
tagnes dont  il  vient  d'être  parlé.  A  l'est,  cette  frontière 


(1)  Yoy.  Duribier  du  Chatelct,  Dcscriplicm  stalislique  de  la  Jlaule- 
Loire,  p.  101.  Le  chàtaif^nier  otail  autrefois  plus  commun  dans  les  Cé- 
venncs  qu'il  ne  l'est  aujoind'hui.  Le  nombre  ilc  ces  arbres  parait  avoir 
beaucouj)  décru  depuis  le  froid  rigoureux  de  l'an  1709  et  les  grands 
hivers  antérieurs  Le  châtaignier  se  rencontrait  aussi  avec  abondance, 
au  XVI*  siècle,  dans  les  Vosges  de  l'Alsace,  à  ce  que  nous  apprend  Fr, 
de  Helleforest  {Cosmographie,  t.  II,  col.  1139.  Paris,  1575,  in-fol.); 
mais  il  est  actuellement  devenu  assez  rare.  (Voy.  D'IIombres  Firmas, 
mém.  cilr,  p.  510.) 


CHAPITRE    XXII.  351 

sylvestre  se  terminait  au  Rhône.  Car  entre  la  Bresse  et  le 
Dauphiné,  aucune  séparation  tranchée  n'apparaît  dans  la 
végétation  arborescente;  il  faut  s'avancer  beaucoup  plus 
au  sud  pour  rencontrer  les  signes  indiquant  une  nouvelle 
région  végétale. 

Ces  conditions  n'ont  pas^  varié  depuis  bien  des  siècles, 
et  quoique  les  forêts  n'offrent  plus  d'ombrages  aussi 
épais  que  par  le  passé,  le  contraste  de  leur  physionomie 
demeure  ce  qu'il  était  au  moyen  âge.  La  prédominance 
de  certaines  essences  avertit  encore  le  voyageur  qu'il  a 
quitté  la  zone  du  nord. 

Lyon,  placé  au  confluent  de  deux  grands  cours  d'eau, 
est  dominé  par  de  nombreux  coteaux  que  recouvraient 
naguère  des  bois  dont  la  destruction  n'est  pas  très-an- 
cienne. On  a,  suivant  AUéon  Dulac  (1),  les  preuves  les 
plus  authentiques  que  les  coteaux  de  Fontanières  et 
de  Sainte-Foix,  qui  sont  aux  portes  de  l'ancien  Lugdu- 
num,  étaient  très-boisés;  les  Bénédictins  en  ont  opéré  le 
défrichement.  Le  micocoulier  {celtis  aiistralis),  qui  croit 
encore  spontanément  sur  les  rochers  des  environs  de  cette 
ville,  peuplait  vraisemblablement  tous  ces  coteaux. 

On  voit  donc  que  le  Lyonnais,  aussi  bien  par  son  dia- 
lecte et  sa  population  que  par  la  nature  de  sa  végétation 
arborescente,  représentait  l'extrémité  orientale  de  la 
grande  lande  montagneuse  et  forestière  qui  scindait  en 
deux  parties  la  Gaule  et  l'ancienne  France. 

Cette  province,  quoique  offrant  encore  quelques  bois, 
a  considérablement  perdu  de  ses  ombrages;  et  quand  on 
compulse  les  vieux  titres,  on  y  trouve  mentionnés  une 
foule  de  bois  dont  il  ne  subsiste  plus  de  trace. 


(1}  Mémoires  pour  servir  à  riiisloire  valureUc  du  Lyonnais,  Forez  et 
Beaujolais,  t.  1.  )>.  l>0. 


352   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

En  1131^  lorsque  fut  fondée  dons  le  diocèse  de  Lyon 
l'abbaye  du  Miroir  {Miratorimn)^  il  existait  au  voisinage 
du  lieu  où  s'éleva  le  monastère»  une  forêt  que  les  chartes 
du  temps  appellent  Nemus  Bikhnn  (1),  et  qui  n'est  plus 
représentée  que  par  quelques  bouquets  placés  du  côté  de 
Saint-Amour.  Tout  le  pays  jusqu'à  Saint-Trivier,  à  en 
juger  par  les  lieux-dits  (2),  était  boisé. 

Le  Beaujolais  ne  paraît  pas  avoir  possédé,  depuis 
une  époque  très-ancienne,  de  forêts  d'une  étendue  bien 
vaste;  mais  il  était  incontestablement,  il  y  a  sept  ou 
huit  siècles,  beaucoup  plus  boisé  qu'il  ne  l'est  aujourd'hui . 
Les  dévastations  commises  dans  ses  bois  durant  le  xiv^ 
siècle  ressortent  des  mesures  que  prit  en  1407  Louis  H, 
duc  de  Bourbonnais  et  seigneur  deBeaujeu,  pour  porter 
un  remède  au  mal  (3).  L'étude  de  la  carte  nous  montre, 
en  effet,  que  des  forêts  ont  dû  exister  là  où  il  n'y  en  a 
plus  guère  de  trace.  C'est  ainsi  que  le  bois  de  Place- 
Blanche,  qui  n'est  déjà  plus  marqué  dans  Gassini  que 
comme  occupant  une  centaine  d'hectares,  parait  être  le 
reste  d'une  forêt  assez  considérable  qui  s'étendait  entre 
la  Vauzonne  et  le  Morgon,  deux  affluents  du  Rhône 
dont  le  cours  est  à  peu  près  parallèle.  Cette  forêt  pouvait 
même  remonter  jusqu'au  delà  de  la  Vauzonne,  dans  les 
environs  de  Belleville,  car  on  trouve  près  de  ce  bourg 
les  bois  de  Manœuvre,  qui  doivent  être  un  démembre- 
ment d'un  bois  plus  considérable.  Quelques  noms  du  voi- 
sinage rappellent  aussi  la  présence  des  arbres  ;  mais  ces 


(1)  Gallia  christ,  t.  IV,  col.  296.  Eccles.  Lugdun.  —  Historiens  (h 
France,  t.  XIV,  p.  402. 

(2)  Citons  les  noms  de  Varenne,  La  Forest,  Les  Vernels,  Dois-Bou- 
vier, La  Varenne,  Tremblay  et  un  autre  La  Forest  au  nord  de  Cour- 
toux. 

(3)  Voy.  F.  de  La  Roche  la  Carelle,  Histoire  du  Beaujolais  et  des  sirfs 
de  Beuujeu  (1853),  t.  I,  p.  362. 


CHAPITRE    XXII.  353 

nomsdeviennent  surtout  plus  nombreux  entre  la  Vauzonne 
et  le  Morgon,  Sans  parler  des  hameaux  de  Bois-Robin,  de 
la  Varenne,  de  Clieissy,  de  Boisfranc,  certains  fiefs  encore 
mentionnés  dans  les  vieux  actes  portent  des  noms  très- 
significatifs.  Un  des  fiefs  de  Gogny  s'appelait  Epeisses-le- 
Bois  (4).  Saint-Georges  de  Reneins  ou  de  Rogneins,  cons- 
truit aux  bords  de  la  Vauzonne,  sur  la  route  de  Lyon  à 
Mâcon,  avait  entre  autres  fiefs  Bmsy,  Laye,  Boistrait  (2). 
L'emplacement  de  cette  localité  a  donc  dû  être  originaire- 
ment fort  boisé.  Vraisemblablement  on  doit  attribuer  la 
destruction  des  derniers  débris  de  cette  antique  forêt  aux 
moines  du  prieuré  de  Salles,  de  l'ordre  de  Gluny,  et  dont 
la  fondation  est  très-ancienne. 

Dans  la  partie  occidentale  du  Beaujolais,  là  où  le  sol  de- 
vient plus  montagneux,  les  forêts  étaient  certainement 
abondantes.  On  trouve  encore  en  effet,  dans  la  partie 
septentrionale  de  cette  région,  des  bois  a-ssez  importants, 
comme  ceux  d'Aigueperse  et  d'Aujoux,  et  plus  à  l'est,  tels 
que  les  bois  de  Pramenou  et  de  Molières;  mais  au  sud  de 
Roanne,  dans  la  partie  qu'arrose  le  Reins  ou  Rhin,  devait 
exister  une  forêt  assez  vaste  qui  n'est  plus  représentée 
que  par  le  bois  de  Fêchier.  Son  nom  est  rappelé  par 
celui  de  Lay  que  portait  une  ancienne  chàlellenie  et 
qu'emprunta  le  village  de  Saint-Symphorien,  construit 
plus  tard  à  quelque  distance  et  qui  finit  par  devenir  le 
chef-lieu  de  la  paroisse.  Tout  ce  pays  est  actuellement 
déboisé,  et  cependant  outre  le  nom  très-siguificatif  de 
Lay  (3),  nous  trouvons  parmi  les  anciens  fiefs  de  la  chà- 
tellenie  un  lieu  appelé  LaForest.  A  quelque  distance,  une 

(1)  Voy.  de  La  Roche  la  Garelle,  out\  c'ilà^  t.  II,  p.  84. 

(2)  Voy.  de  La  Roche  la  Garelle,  oiiv.  cilé,  t.  Il,  p.  108. 

(3)  Voy.  ce  qui  a  été  dit  au  sujet  de  la  forêt  de  Saint-Giîrmain-en- 
Xaye,  p.  149. 

23 


354   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

autre  localité  ScippeUe  Jiafm-du-Bois.  Les  sires  de  Beaujeu 
devaient  aller  chasser  dans  cette  antique  forêt,  maintenant 
effacée  de  la  carte,  car  ils  avaient  encore  au  xiii*  siècle  une 
maison  dechasscàPesselay, autre  fief  de  Lay(l).Toutdonne 
donc  à  croire  que  la  foret  s'étendait  du  Reins  à  un  autre 
petit  cours  d'eau  appelé  le  Gand.  Les  montagnes  du  Fo- 
rez qui  présentaient  encore  au  temps  d'Anne  d'Urfé  (2) 
d'épaisses  forêts  de  sapins  et  de  hêtres,  sont  aujourd'hui  à 
peu  près  dégarnies. 

Plus  au  nord  s'annoncent  aussi  des  indices  de  déboise- 
ment assez  notables.  La  célèbre  abbaye  de  Souvigny, 
dans  la  province  de  Bourbonnais;,  s'éleva,  à  trois  lieues 
de  Moulins,  sur  l'emplacement  d'un  courtil  {no'fis  Silvi- 
maci)  (3)  dont  le  nom  rappelait  l'existence  antérieure 
d'une  forêt  qui  devait  avoir  disparu  bien  avant  lex*  siècle, 
puisque  l'abbaye  date  de  cette  époque. 

Dans  l'Auvergne,  le  Vélay  et  le  Yivarais,  une  multitude 
de  forêts  qui  garnissaient  le  flanc  des  montagnes  ont  fait 
place  à  des  cultures.  Les  roches  volcaniques,  qui  y  consti- 
tuent le  fond  du  sol,  étaient  éminemment  propres,  par  leur 
décomposition  sous  l'influence  des  agents  atmosphériques, 
à  la  végétation  arborescente  (-4).  Nous  ne  pouvons  citer  le 
nom  et  l'emplacement  de  tous  ces  ombrages;  nous  nous 
bornerons  à  en  signaler  quelques-uns. 

Entre  Pionçat  et  Menât,  sur  les  bords  de  la  petite  rivière 
deBauble,  s'étendait,  au  tempsde  Grégoire  de  Tours,  une 


(1)  De  La  Roche  la  Carelle,  oitv.  citc^  l.  II,  p.  143. 

(2)  Aug.  Bernard,  Les  d'Urfé.  p.  444. 

(3)  Gallia  chmlian.  t.  II,  col.  377.  Le  nom  de  Silviniacus  (Souvigny) 
fut  donné  à  diverses  ccllw  établies  dans  des  forêts.  Voy.  H.  de  Valois, 
NotUia  GaUiantm,  p.  526. 

(4)  C'est  co  qu'on  peut  observer  au  mont  Elna,  à  la  région  dite  Nemo- 
rosa.  Voy.  les  observations  de  M,  Élio  de  Beaumont  dans  le  Journal  des 
Savants,  octolire  1839. 


Jl 


CHAPITRE   XXII.  355 

forêt  que  cet  écrivain  appelle  Ponticiacensis  sylva  et  dans 
la  profondeur  de  laquelle  saint  Émilien  et  saint  Bravi  al- 
lèrent placer  leur  ermitage  (i).  Au  siècle  dernier,  il  ne 
subsistait  plus  de  cette  forêt  que  les  bois  de  Pionçat  et  de 
Pierrebrune.  Peut-être  celui  de  Montaigu,  situé  plus  au 
nord,  en  est-il  aussi  un  vestige.  En  descendant  plus  au 
sud,  nous  rencontrons  dans  les  montagnes  d'autres  indi- 
ces de  la  disparition  des  arbres.  Les  belles  sapinières  du 
Mont  Dore,  encore  si  touffues  en  1669,  se  sont  depuis  bien 
éclaircies  (2). 

Les  progrès  de  l'agriculture  ont  aussi  amené  la  des- 
truction des  forêts  dont  était  semée  la  contrée  comprise 
entre  le  Tanargue  et  le  Mézenc.  La  fertilité  du  sol,  d'ori- 
gine volcanique,  y  appelait  naturellement  le  colon,  et,  de 
cette  vaste  masse  némorale,  refuge  de  tant  de  bétes  fauves, 
il  ne  reste  plus  que  40,000  hectares  environ. 

Dans  le  pays  qui  répond  aux  départements  de  la  Haute- 
Loire  et  du  Cantal,  le  domaine  de  presque  toutes  les  an- 
ciennes forêts  s'est  graduellement  rétréci.  Dans  le  premier 
de  ces  départements,  la  forêt  de  Geyroux,  jadis  une  des 
plus  belles  possessions  de  la  maison  de  Penthièvre,  occu- 
pait encore  au  siècle  dernier  une  superficie  de  350  hec- 
tares ;  elle  n'est  plus  à  cette  heure  qu'un  amas  de  taillis  de 
hêtres  et  de  chênes  (3).  Elle  dut  naguère  ne  faire  qu'un 
avec  le  bois  de  Montdésir  et  constituer  la  marche  qui  sépa- 
rait les  Arvernes  des  Vellaves. 


(1)  Voy.  le  DicUonn.  géographique  placé  par  M.  Alfred  Jacobs  à  la 
suite  de  la  nouvelle  édition  de  la  traduct.  de  Grégoire  de  Tours  par 
M.  Guizot,  t.  II,  p.  386..  Pionçat  ou  Pionsat  est  situé  au  nord-ouest  de 
Riom.  On  y  a  trouvé  un  grand  nombre  de  monnaies  gauloises. 

(2)  Voy.  Depping,  Correspond,  adminislralive  sous  Louis  XIV ,  t.  III, 
p.  704. 

(3)  Voy.  Deribier  du  Chatelet,  Description  statisUq.  de  la  Ilaule- Loire, 
p.  101.  Cf.  ce  qui  a  été  dit  p.  133  de  Sauve-Uenile. 


3o6    LES  FORÊTS  DE  LA  GALLE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Dans  le  Cantal,  les  forêts  se  sont  sans  doute  moins 
éclaircies,  elles  ont  pourtant  cédé  en  bien  des  points  la 
place  aux  cultures.  L'ancien  vicomte  de  Murât  comprenait 
les  bois  de  Murât,  d'Albepierre,  deMallet,  deChàteauneuf, 
d'Anglards,  les  forets  de  Vigouroux  et  de  Ciniq  vraisem- 
blablement unies  à  l'origine.  Les  nombreux  droits  d'usage 
accordés  aux  habitants  des  villages  limitrophes  amenèrent 
le  démembrement  de  cette  dernière,  qui  fut  dans  le  prin- 
cipe l'une  des  plus  importantes  de  l'Auvergne  et  se  lia 
aux  forets  de  Brezons  et  de  Malbo. 

Tous  ces  bois  de  la  vicomte  de  Murât  n'occupaient  pas, 
il  y  a  deux  siècles,  une  superficie  de  moins  de  i5,090  ar- 
pents. Le  sapin  en  constitua  toujours  l'essence  dominante; 
il  s'y  trouve  associé  à  quelques  hêtres.  Les  magnifiques 
ombrages  des  pentes  du  Cantal  avaient  subi,  lors  de  l'or- 
donnance de  1GT8,  de  graves  dommages  auxquels  elle 
eut  pour  objet  de  porter  remède  (i). 

Le  plateau  de  la  Margeride,  qui  sépare  la  vallée  de  l'Allier 
de  celle  de  la  Truyère,  était,  il  y  a  moins  de  deux  siècles, 
ainsi  que  les  pentes  du  Cantal,  occupé  par  de  vastes  forêts 
de  sapins,  admirables  de  vigueur  et  d'énergie.  Aucune 
route  ne  traversait  alors  cette  région,  le  transport  du  bois 
étaitconséquemmentdifficile,  cequi  fitquelesforêlséchap- 
pèrent  à  l'avidité  des  exploitants.  Les  habiiants  de  Saint- 
Flour  se  contentaient  d'aller  chercher  sur  leur  lisière  un 
mauvais  charbon  et  quelques  provisions  pour  lechauflage 
et  les  usages  domestiques.  Aussi,  malgré  les  droits  d'usage 
concédésparlesanciensseigneurs,  la  partie  centraledecette 
masse  forestière  demeura-t-elle  fort  longtemps  intacte  (2). 

(1)  Dcribierdu  Chatelet,  Dictionnaire  hisloriq.  et  slatisliq.  du  Caninl, 
t.  IV,  p.  92,  503. 

(2)  Ibid.  t.  IV,  p.  129.  Entre  antres  forêts  «le  cotte  partie  de  la  France, 
ayant  gardé  de  l'importance,  il  faut  citer  celle  de  Mercoire,  où  l'Allier 
prend  sa  sourcp. 


I 


CHAPITRE    XXII.  357 

A  côté  de  ces  forêts,  maintenant  plus  ou  moins  réduites, 
il  en  faut  citer  d'autres  ayant  totalement  ou  presque  tota- 
lement disparu.  Près  de  Mauriac,  il  en  existait,  au  moyen 
âge,  une  qui  était  le  repaire  de  nombreuses  bêtes  fauves  (1). 
Une  charte  de  l'année  1119  renferme  la  donation  faite 
par  Odon,  comte  de  La  Marche,  au  monastère  de  Rocama- 
dour,  de  la  forêt  appelée  Motis  Salviiei  de  toutes  les  terres 
cultivées  et  incultes  qui  l'avoisinent  (2).  Cette  charte 
marque  d'une  manière  précise  la  poiition  de  la  forêt  (3), 
qu'il  est  possible  de  reconnaître  sur  la  carte.  Montsalvy  est 
aujourd'hui  non  plus  une  forêt,  mais  un  bourg,  et  les 
arbres  ont  presque  complètement  disparu  de  ses  environs. 
Les  noms  du  Fau,  du  Bousquet,  de  CJioisy,  indiquent  leur 
ancienne  présence.  Une  localité  appelée  Arses,  fait  vrai- 
semblablement, par  son  nom,  allusion  à  quelque  dé- 
frichement opéré  par  l'incendie.  Le  petit  bois  désigné 
dans  la  charte  sous  le  nom  de  Costa  CJiapsis,  dut  oc- 
cuper les  environs  de  l'endroit  appelé  encore  aujour- 
d'hui la  Coste.  Mais  il  est  impossible  de  retrouver  la  posi- 
tion du  bois  de  Bézeus,  dont  le  nom  rappelle  la  présence 
d'une  forêt  (4);  ce  bois  était  situé  à  l'autre  côté  du  grand 
chemin,  a  parte  stratœ  puhlico'^  qui  ne  saurait  être  que  la 
route  d'Aurillac  à  Montsalvy. 

Le  Limousin  a  vu  les  flancs  de  ses  montagnes  se  dégar- 
nir avec  le  temps  ;  ses  forêts  se  sont  éclaircies  par  suite 

(I)  Voy.  la  chronique  citée  par  le  P.Dominique  de  Jésus,  dans  sa  Vie 
de  saint  Marins.  Deribier  du  Ghatelet,  Diciionn.  historiq.  et  slaiist.  du 
Cantal,  t.  IV,  p.  210. 

(2)Baluze,  llistoria  Tutelensis,  lib.  III,  p.  138. 

(3)  «  Ilanc  autem  sylvam  sciant  qui  scire  voluerint  sitam  esse  inter 
Nemus  Bastutorum ,  ex  altéra  parte  inter  ipsum  qui  dicitur  Nemus 
Omorum,  ex  altéra  sibi  adjacente  nemus  qui  dicitur  Nemus  de  Bezeus 
a  parte  stratœ  publier»,  ex  altéra  vero  nemus  qui  dicitur  Costachapsis.  » 

(4)  En  efTot,  il  existe  en  France  plusieurs  localités  du  nom  de  BézUy 
qui  sont  toutes  au  voisinage  de  bois  ou  de  forets.  Nous  citerons  notam- 
ment, dans  le  département  do  l'Eure.  Bézu-la-Forèt.  Voy.  p.  327. 


358   LES  FORÊTS  DK  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

des  progrès  de  la  culture.  Au  moyen  âge,  celles-ci 
avaient  déjà  été  largement  défrichées,  car  les  pièces  que 
nous  a  conservées  Baluze  attestent  l'existence  dans  la  pro- 
vince de  nombreuses  terres  labourables,  de  vastes  prai- 
ries et  de  champs  multipliés  (1).  Toutefois  jusque  vers  la 
fin  du  moyen  âge  subsistèrent  quelques  grandes  forêts 
qui  depuis  ont  disparu  en  tout  ou  en  partie. 

La  forêt  dont  l'abbaye  d'Obasine,  fondée  au  xiii^  siècle, 
occupa  une  clairière  (2),  n'a  laissé  aucune  trace;  la  com- 
mune de  ce  nom  où  s'élevait  la  forêt  donnée  à  saint 
Etienne  par  le  vicomte  Archambault,  n'offre  pas  même 
un  bouquet.  Au  sud  d'Uzerchcs,  sur  la  rive  gauche  de  la 
Vézère,  le  déboisement  date  seulement  d'un  ou  deux  siè- 
cles (3).  C'est  là  que  se  trouvait  la  forêt  d'Espartignac, 
mentionnée  dans  une  charte  de  l'an  îOOi  (4).  Une  autre 
charte  quelque  peu  postérieure  (de  l'an  1 036)  contient  une 
donation  faite  par  Guy,  vicomte  de  Limoges,  aux  moines 
de  la  ville  d'Uzerches.  Et  il  y  est  parlé  de  l'église  de  La 
Fage  {ecdesiam  quœ  vocatitr  a  La  Fayd)  (5),  placée  dans  la 
forêt  de  Celom  {quœ  posita  est  in  sylva  quœ  dicitur  Celoiii). 
Or,  le  village  de  La  Fage  est  peu  distant  d'Espartignac,  et 
au  sud-est  se  rencontre  une  localité  du  nom  de  Bois  la 
Fage,  mais  où  ne  se  montre  aucune  trace  de  forêt.  Ce 

(1)  La  Gorrèze  n'offre  aujourd'hui  que  peu  de  forêts,  si  ce  n'est  dans" 
l'ancien  duché  de  Ventadour,  près  Eglelon  et  aux  confins  de  la  Haute- 
Vienne  où  sont  les  forêts  de  Montar  et  de  Poudras.  "Voy.  A.  Firmigier, 
Essai  de  siaiisliq.  de  la  Corrèze,  p.  9  (1802). 

(2)  L'abbaye  d'Obasine  fut  fondée  en  1152,  sur  l'emplacement  d'une 
forêt  à  deux  lieues  noi"d-est  de  Brives.  Voy.  Gallia  cJwisl.  t.  II,  col.  G35. 
Eccles.  Lemov. 

(3)  Le  déboisement  ne  s'est  pas  autant  étendu  dans  la  Haute-Vienne, 
où  plusieurs  forêts,  telles  que  celles  de  Rançon,  Coutumes,  Lastours, 
présentent  encore  sensiblement  la  même  étendue  qu'au  moyen  âge.  Voy. 
'Texier-Olivier,  Slalistiq.de  la  Haule-Vienne.Y-  53,  54. 

(4)  Baluzo,  Ilisl.  TuUi.  col.  404. 

(5)  Baluzi',  ouv.  cil.  col.  808. 


CHAPITRE   XXII.  359 

point  marque  évidemment  l'emplacement  de  l'ancienne 
forêt  de  Gélom,  et  effectivement,  dans  les  environs,  sont 
des  lieux  qui  gardent  les  noms  de  la  Farjearderie,  la 
Page,  le  Bosc,  le  Bos-Pcirat.  Le  bois  de  la  Fage  était 
donc  une  dépendance  de  la  forêt  d'Espartignac,  et  tous 
deux  ont  été  défrichés  depuis  le  xf  siècle.  Une  charte  du 
X'  siècle  nous  donne  le  nom  d'autres  forêts,  celles  de  Mom- 
bresme  et  Malevalle,  appartenant  à  la  même  contrée  et 
qui  n'ont  pareillement  laissé  aucun  vestige  (i). 

M.  Max  DelochC;,  en  publiant  le  cartulaire  de  l'abbaye 
de  Beauheu  (2),  a  relevé  le  nom  de  plusieurs  forêts  du 
Limousin  méridional,  mentionnées  dans  des  documents 
du  ix*"  au  XII''  siècle,  et  qui  ont  été  totalement  ou  presque 
totalement  défrichées.  Nous  citerons  notamment  la  forêt  sei- 
gneuriale de  Caumont,  dans  l'ancienne  vicairie  de  Bri- 
ves,  celles  de  Mollis  Caparia^  de  Palson  {syka  de  Palsonis), 
de  Surdoire  {Siirdoira),  dans  l'ancienne  vicairie  de  Puy- 
d'Arnac  (3).  Cette  dernière  forêt  tirait  sans  doute  son  nom 
de  la  petite  rivière  qui  la  traversait  ;  elle  dut  originaire- 
ment s'étendre  à  l'est  et  au  sud  de  Meissac.  Quoique  la 
contrée  sise  au  midi  et  à  l'ouest  de  Puy-d'Arnac,  soit  ac- 
tuellement découverte,  nombre  de  localités  rappellent  par 
leur  appellation  l'ancienne  présence  des  arbres  [la  Brousse^ 
le  Bois,  le  Bois-Cailleau).  Au  nord-ouest  du  même  bourg 
se  trouve  un  endroit  appelé  le  Bos.  D'autres  forêts,  telles 
que  celle  du  Doignon,  située  au  nord-est  de  Limoges,  sur 
la  rive  gauche  du  Thorion,  ne  sont  plus  représentées  dans 
Cassini  que  par  une  très-petite  bande  (3).  Au  sud-est  de 

(1)  Baluzc,  OUI',  cil.  col.  337. 

(2)  Max.  Deloche,  Cartulaire  de  l'ahbaye  de  Beaulieii,  en  Limousin, 
p.  cv,  cvi.  (Paris,  1859,  in-4''.) 

(3)  Ce  nom  du  Dognoii  ou  Doignon  parait  avoir  impliqué  le  sens  de 
forêt.  Toute  la  contrée  désignée  sous  le  nom  de  Dognon  ou  Doignon,  ef 
qui  s'étend  au  sud  de  la  rivière  du  Thorion,  contenait  des  bois  épais.  Di^ 


360   LES  FORÊTS  DE  LA.  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE   FRANCE. 

Limoges,  la  forêt  de  Châteauneuf,  qui  ne  constitue  déjà 
plus  sur  la  carte  de  Cassini  qu'une  étroite  zone  longitu- 
dinale, semble  s'être,  dans  le  principe,  étendue  de  Châ- 
teauneuf jusque  près  de  Ghambéret  (1). 

Au  sud-ouest  de  Limoges,  la  forêt  des  Gars,  sise  à  l'est 
deChalus,  doit  avoir  fait  corps,  il  yn  quelques  siècles,  avec 
la  forêt  de  Fiavignac  qui  en  est  voisine.  Entre  la  Vienne 
et  la  Grande-Briance,  la  contrée  a  été  jadis  manifeste- 
ment boisée.  La  forêt  d'Aigueperse  est  un  autre  vestige 
du  grand  manteau  forestier  dont  s'enveloppait  le  Limou- 
sin et  que  le  temps  a  percé  à  jour. 

J'ai  déjà  rappelé  l'existence  d'une  forêt  du  Bourbonnais 
à  propos  de  la  fondation  de  l'abbaye  de  Souvigny  ;  je  dois 
revenir  sur  l'ancien  état  forestier  de  cette  province  dont 
je  n'ai  dit  qu'un  mot.  Le  recueil  des  cartes  et  plans  des 
forêts  du  Bourbonnais  que  possède  la  Bibliothèque  impé- 
riale (2),  peut  donner  une  idée  de  l'extension  qu'avait 
dans  le  principe  le  sol  forestier  de  cette  province.  Entre 
les  forêts  bourbonnaises  qui  sont  mentionnées  au  xvn*"  siè- 
cle, il  faut  d'abord  citer  celle  de  Molladier,  d'une  conte- 
nance de  i,i52  arpents  et  qui  ombrageait  la  rive  gauche 
de  l'Allier.  Elle  se  terminait  au  nord  aux  bois  taillis  de 
Boze  et  des  Billotz,  et  à  l'ouest  à  d'autres  bois  également 
peu  étendus,  dits  Ixns  Ponmicrets,  bois  des  Fours.  Sur  la 
lisière  occidentale  s'élevaient  les  hameaux  de  i\Iontaret,  la 
Goutte  elSanrondin.  Au  midi,  la  forêt  était  séparée  par 

verses  localités  éloignées  de  la  région  qui  porte  plus  spécialement  ce 
nom  sont  aussi  appelées  Doignon  :  Chatenct-en-Doignon,  dans  la  com- 
mune de  Saint-Léonard  (Ilaule-Yienne),  Puy-de-Doignon,  étaient  égale- 
ment entourées  do  forols. 

(1)  Voy.  Deloche,  Éludes  sur  la  géographie  hislorique  de  la  Gaule,  cl 
spècialemenl  sur  les  divisions  Icrriloriales  du  Limousin  au  moyen  âge, 
p.  195  ot  190.  (Paris,  1861.) 

(2)  Mss.  fonds  Saint-Germain,  n"  33.  Ce  curieux  manuscrit  renferme 
une  belle  collection  de  planches  sur  parchemin. 


CHAPITRE   XXII.  361 

quelques  bois  taillis  des  hameauxde  laRoche  et  des  Thierry. 
Le  village  des  Ra.millons  marquait  la  lisière  orientale  et 
le  lieu-dit  les  Jean-Denis,  sa  frontière  sud-est.  C'est  sur 
cette  forêt  que  fut  pris  tout  le  territoire  du  prieuré  qui 
porta  son  nom,  le  prieuré  de  MoUadier. 

Une  seconde  forêt,  sise  à  l'est  et  au  nord-ouest  de  celle- 
ci,  la  forêt  de  Messarge,  devait  à  l'origine  n'en  être  pas 
séparée;  elle  contenait  1,165  arpents  plantés  en  chêne, 
et  c'est  à  cette  même  zone  sylvestre  qu'il  faut  rattacher  la 
forêt  qui  valut  son  nom  à  l'abbaye  de  Souvigny. 

La  forêt  de  Bagnollet,  sise  au  nord  de  la  forêt  de  JMolla- 
dier,  et  sur  la  même  rive  de  l'Allier,  renfermait  1,600  ar- 
pents. Les  cartes  citées  ci-dessus  montrent  qu'elle  s'éten- 
dait depuis  la  Justice-de-l'Espine,  à  l'occident,  jusqu'aux 
étangs  et  au  village  de  la  Terrasse,  à  l'est,  depuis  Channe, 
et  les  Gilletz  au  sud,  jusqu'à  une  petite  distance  de  l'Al- 
lier, au  nord,  présentant  son  plus  grand  allongement  dans 
la  direction  sud-nord.  Les  alentours  de  Langeron  étaient 
déjà  déboisés.  La  forêt  de  Givrais,  à  l'ouest  de  celle  de  Ba- 
gnollet, contenait  1,926  arpents. 

La  forêt  de  Tronçais,  à  l'ouest  de  celle  de  Givrais,  ren- 
fermait 18^,300  arpents.  G'était  la  plus  vaste  du  Bourbon- 
nais; elle  s'étendait  depuis  le  village  de  Breton,  au  sud, 
jusqu'à  l'étang  près  duquel  s'élevait  la  tuilerie  de  Ganot 
au  nord,  depuis  les  hameaux  de  Barrière  etdeSalle-Guérin 
à  l'est,  jusqu'à  ceux  de  Douignost  et  de  Vaux  à  l'ouest. 
Déjà,  au  xvir  siècle,  elle  avait  subi  de  larges  défriche- 
ments ;  la  partie  comprise  entre  les  localités  des  Nigaidts, 
les  Lo(/es,  Chez-Cepij,  le  Montest,  Bretoirc,  et  entre  la  Ver- 
natte^  le  Metz  et  la  Villette,  était  transformée  en  clai- 
rière. A  l'ouest,  la  forêt  était  limitée  par  le  Gher  qui  la 
longeait  pendant  plusieurs  kilomètres,  et  par  un  ruisseau 
que  reçoit   cette  rivière   près  du  moulin  de  Vernil  ;  à 


362   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Meaulne,  en  allant  vers  le  sud,  la  forêt  reculait  à  l'est  et 
avait  pour  lisière  le  cours  d'eau  que  reçoit  le  Cher  et  sui 
lequel  étaient  construits  le  moulin  d'Aglandebeuf  et  le  vilJ 
lage  du  Creux.  Il  semble  qu'au  sud-est  le  village  de  la  Rif- 
faudière  ait  formé  l'angle  originaire  de  la  forêt,  laquelle, 
au  nord-est,  s'avançait  jusqu'à  l'étang  de  Couillcuvre  et 
s'élevait  au  nord,  jusque  près  de  Valigny,  d'où  elle  re- 
montait jusqu'au  château  de  Chandon  et  allait  rejoindre 
la  tuilerie  de  Jaccotz.  Enfin,  vers  l'ouest,  la  forêt  re- 
descendait au  village  de  Braize  et  à  celui  de  la  Pacau- 
dière,  qui  était  presque  enclavé  dans  la  forêt,  dont  il  oc- 
cupait une  clairière.  La  forêt  prenait  alors  pour  lisière  le 
cours  d'eau  joignant  deux  étangs,  sur  lequel  était  cons- 
truit le  moulin  du  Ris  et  qui  se  jette,  à  l'ouest,  dans  le 
Cher. 

Les  forêts  de  Grosbois  et  de  Dreuille,  au  sud  de  celle  de 
Tronçais,  contenaient,  la  première,  2930  arpents,  et  la 
seconde,  1917  arpents  un  quart,  La  forêt  de  Grosbois  s'é- 
tendait à  l'est  depuis  la  tête  de  l'étang  de  Barachis  et  la 
Croix-de-Barachis  jusqu'à  Fonteneau  à  l'est;  au  sud,  les 
bruyères  des  Touraults,  les  bois  taillis  de  Saint-Pierre  et 
de  lïeregnières.  L'inspection  de  la  carte  manuscrite  dres- 
sée au  xvip  siècle  et  citée  précédemment,  montre  (|ue  la 
forêt  allait  jusqu'à  la  Menigodière;  la  Croix-des-Touraults 
occupait  le  centre  du  canton  méridional  de  cette  forêt,  qui 
s'allongeait,  dans  la  direction  du  sud-est,  jusqu'à  Gipsi. 
Au  nord,  le  ruisseau  qui  sort  de  l'étang  de  Collombière 
devait  en  former  depuis  longtemps  la  frontière,  comme 
le  figure  la  carte.  Du  reste,  la  présence  du  prieuré  de 
Grosbois,  presque  au  centre  de  la  forêt,  dut  en  amener 
promptement  sinon  la  dévastation,  au  moins  le  défriche- 
ment partiel.  Au  delà  du  ruisseau  septentrional,  les  noms 
de  Bois  et  de  Forêt-du-Prieiir,de  Bois-des-Jeunes-PalliangeSf 


CHAPITRE   XXIII.  363 

rappellent  que  la  forêt  dépassait,  originairement,  le  cours 
d'eau. 

Au  nord-est,  une  partie  de  la  forêt  dépendait  du 
prieuré  de  Souvigny,  qui  dut  aussi  en  hâter  l'essartement 
et  la  mise  en  culture.  De  toutes  les  forêts  du  Bourbonnais^ 
celle  de  Grosbois,  plantée  en  chênes  et  hêtres,  présente 
les  traces  les  plus  visibles  d'un  défrichement  graduel. 
L'espace  compris  entre  la  route  de  Cosne  à  Moulins  et  le 
village  de  Mérolles  paraît  avoir  été  déboisé,  quelques 
siècles  seulement  avant  la  réformation  des  forêts  de  la 
province.  Les  forêts  deBort,  de  Maulnay  et  de  Laide  durent 
dans  le  principe  former  une  seule  bande  à  l'Est  de  Moulins. 

La  forêt  de  Dreuille  affectait  originairement  la  forme 
d'un  triangle  dont  les  sommets  s'appuyaient  :  1°  sur  le  ruis- 
seau au  bord  opposé  duquel  est  bâti  le  village  de  Perchatz; 
2°  à  l'angle  compris  entre  le  Magnou  et  les  Regnaux,  et 
qui  dépasse  de  500  mètres  environ  la  ligne  joignant  ces 
paroisses;  3°  à  Pilotas,  vers  l'occident.  Au  sud,  Malicorne 
et  Tortezay  durent,  dès  le  moyen  âge,  se  trouver  en  dehors 
de  la  ligne  de  pourtour  de  la  forêt.  Même  observation  pour 
Bedun  à  l'ouest.  Dans  la  direction  Est  sa  ligne  dépassait 
Perrière. 

La  forêt  de  Lespinasse,  que  la  petite  tivière  d'Œil 
sépare  de  la  forêt  de  Dreuille,  contenait,  il  y  a  un  siècle, 
1,733  arpents.  Elle  se  terminait  à  l'est  un  peu  en  avant  de 
la  Forge  et  de  la  Varenne  ;  elle  était  bornée  au  sud  par  le 
cours  d'eau  sur  lequel  est  bâti  le  hameau  d'Ieu.  Ce  cours 
d'eau  en  suivait  la  lisière  jusqu'à  la  route  de  Parrouy-au- 
Mont,  hameau  placé  à  l'occident,  en  avant  de  la  forêt.  Au 
Qord,les  villages  de  Jobergère,  Givrais,  desPoyars  traçaient 
son  pourtour;  Parsay  le  dépassait  un  peu. 

La  forêt  de  Marsenac  contenait  jadis,  avec  ses  annexes, 
1,147  arpents.  Elle  était  comprise  entre  Lonzat,  Saint- 


364   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

Didier  et  Villaine;  s'avançant  au  sud  de  la  première  loc 
lité,  elle  avait  été  réunie  originairement  au  bois  des" 
Granges,  dont  la  séparait  le  chemin  des  Baux  à  Lonzat. 
Le  chemin  du  Pont-dc-Vichy  à  Saint-Remy  formait  la  fron- 
tière méridionale.  Au  nord,  le  hameau  d'Afière  n'en  était 
séparé  que  par  un  petit  chaume,  et  Martillière  touchait 
presque  à  sa  lisière.  Le  nom  de  Champ-de-la-Petite-Forèt^ 
donné  à  une  clairière,  située  à  l'est,  entre  deux  cours 
d'eau,  et  d'une  étendue  de  16  arpents  et  demi,  représen- 
tait un  écart  de  la  foret  de  Marsenac.  Un  village,  qui  porte 
aussi  le  nom  de  la  Petitc-Forèt,  le  rappelle  également  ; 
c'est  évidemment  de  cette  Petite-Forêt  qu'avait  dépendu 
la  partie  encore  subsistante  au  delà  du  confluent  des  deux 
ruisseaux  qui  se  trouve  au  sud  du  Champ-de-la-Petite- 
Forêt. 

La  partie  méridionale  du  Bourbonnais  qui  touche  à 
l'Auvergne  et  au  Lyonnais,  offre  encore  diverses  forêts  de 
quelque  importance  qui  sont  visiblement  les  restes  d'une 
zone  forestière  par  laquelle  était  traversé  l'ancien  pays 
des  Arvernes. 

La  forêt  de  Marsenac,  qui  s'étend  sur  la  rive  gauche  de 
l'Allier,  en  face  de  Vichy,  n'est  que  le  prolongement  sep- 
tentrional d'une  zone  plus  allongée  qui  boisait  autrefois 
toute  cette  rive  et  pénétrait  jusque  dans  l'Auvergne.  Les 
bois  de  Randan  et  de  Montpensier  en  sont  des  débris,  et 
le  village  de  Saint-Sylvestre  doit  sans  doute  son  nom  à  s^ 
position  au  centre  de  ce  canton  forestier. 

Plus  au  nord,  sur  la  rive  droite  de  l'Allier,  quand  on  se 
dirige  de  Varennes  et  de  Vouroux,  l'ancien  Vorofjium^ 
vers  le  Bèbre,  on  rencontre  la  forêt  de  Voudelle,  située  au 
nord  de  Saint-Géraud,  et  qui  était  limitée  à  l'orient  par 
cette  petite  rivière,  ainsi  qu'une  succession  d'autres  bois 
(bois  de  Brosses,  bois  du  Moutier,  etc.).  En  remontant  le 


CHAPITRE    XXIII.  36S 

cours  de  la  Bèbre,  au  sud  de  La  Palisse,  se  trouvait  un 
canton  que  l'inspection  de  la  carte  nous  montre  avoir  été 
occupé  naguère  par  des  bois  nombreux,  maintenant  défri- 
chés pour  la  plupart,  et  dontle  bois  de  Champagne  est  le 
seul  reste  de  quelque  importance. 

L'ancienne  Marche  dont  le  territoire  répond  en  grande 
partie  au  département  actuel  de  la  Creuse,  était  loin  de 
présenter  des  forêts  aussi  épaisses  et  aussi  nombreuses. 
Voilà  pourquoi  au  siècle  dernier  on  n'y  rencontrait  déjà 
plus  qu'un  très-petit  nombre  de  bois.  C'est  la  région  qui 
s'étend  à  l'ouest  de  Guéret,  vers  le  nord  du  département 
de  la  Haute-Vienne,  et  s'avance  vers  les  anciens  confins 
du  Berry,  qui  a  toujours  présenté  l'aspect  le  plus  boisé. 
Le  village  de  la  Forest,  situé  à  l'ouest  de  Bourganeuf,  dé- 
note l'ancienne  existence  d'une  forêt  qui  n'a  laissé  presque 
aucun  vestige.  Plus  au  nord,  sur  les  bords  de  la  rivière  de 
Gartempe,  au  sud  de  Saint-Vaulry,  existait  encore,  il  y  a 
un  siècle,  un  canton  très-boisédontlapetiteforêtdeSainte- 
Berthe  représente  le  débris  principal,  et  dont  le  centre 
était  occupé  par  le  village  de  Saint-Silvain,  qui  doit  sans 
doute  son  nom  à  cette  circonstance.  La  forêt  de  Cervelle,  si- 
tuée au  norddeDuu-Pailetcau,  est,  sans  contredit,  le  reste 
le  plus  important  de  l'ancienne  marche  forestière  qui  sé- 
parait les  Bituriges  des  Arvernes;  elle  a  dû  s'étendre  dans 
le  principe  à  l'est  jusqu'à  la  Creuse,  et  elle  n'était  séparée 
de  la  petite  forêt  de  Saint-Germain,  autre  débris  de  la 
même  marche,  que  par  un  faible  cours  d'eau.  De  ce  côté, 
au  delà  de  la  Creuse,  on  entrait  dans  le  Berry,  et  les  fo- 
rêts de  Murât  et  du  Temple  annonçaient  une  zone  plus 
boisée.  En  redescendant  plus  au  sud,  on  trouve  encore 
des  bois  qui  peuvent  être  les  débris  d'une  forêt  de  quel- 
que importance,  tels  sont  ceux  du  Grand-Chapitre  si- 


366  I-ES  FORÊTS  DE  L\  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

tués  au  sud  de  Guéret  et  ceux  de  Pognat  qui  s'y  rattaj 
chaient  vraisemblablement.  Certains  noms  de  lieux  moi 
trent  que  dans  le  principe  les  bois  se  continuaient  jusqu' 
la  Creuse. 


CHAPITRE   XXIII.  367 


CHAPITRE  XXIII. 

ANCIENNES  FORÊTS  DE  l'aNGOUMOIS,  DE  LA  SAINTONOE  ET  DE  l'aUNIS. 

Lorsque  le  voyageur  quitte  le  Limousin  et  s'ayance  vers 
l'ouest,  il  voit  le  pays  s'abaisser  et  la  végétation  arbores- 
cente se  rapprocher  davantage  du  caractère  qu'elle  pré- 
sente plus  au  nord. 

L' Angoumois,  célèbre  par  ses  belles  forets  de  chênes ,  avait 
conservé,  jusqu'au  milieu  du  siècle  dernier,  d'épais  ombra- 
ges. La  raison  en  est  que  dans  cette  province  le  sol  forestier 
n'avait  point  été  morcelé  entre  les  communes.  Il  n'y  exis- 
tait que  des  forêts  royales  ou  seigneuriales.  Toutefois  ces 
forêts,  mal  tenues  et  mal  exploitées,  ne  demeurèrent  pas 
tout  à  fait  ce  qu'elles  avaient  été  au  vieux  temps  (1).  L'édit 
de  mars  1514  (2),  relatif  à  la  forêt  d'Angoulême,  nous 
montre  que  cette  forêt  avait  encore  à  cette  époque  une 
grande  importance.  Un  peu  plus  tard,  en  1580,  la  forêt  de 
la  Braconne,  qui  se  trouve  au  nord-est  de  cette  ville,  est  re- 
présentée comme  une  des  plus  vastes  de  l'Angoumois.  Sa 
superficie  était  alors  évaluée  à  14,500  journaux  de 
terre  (3).  En  1778;,  elle  contenait  10,300  arpents  (à  la 
perche  de  22  pieds).  Mais,  à  cette  époque,  les  besoins  de  la 
marine  et  de  la  forge  de  Ruelle  y  firent  faire  des  coupes 
inconsidérées. 

(1)  Voy.  ce  que  dit  l'ingénieur  Munier  dans  son  ouvrage  intitulé  :  Essai 
d'une  mélhocle  générale  pour  étendre  la  connaissance  des  voyageurs, 
t.  I,  p.  280,  4G9.  (Paris,  1779  ) 

(2)  Voy.  Isambert,  Recueil  général  des  anciennes  lois  françaises, 
t.  XII,  p.  30. 

(3)  Desvues,  Ajitiquilés  de  la  France,  'Z^  édition,  p.  39'j,  et  Munier, 
Notice  sur  la  forêt  de  Braconne,  dans  l'ouvrage  cité  t.  Il,  p.  435. 


368   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

On  aurait,  suivant  un  statisticien  (1),  une  idée  assez 
juste  de  l'état  forestier  de  cette  province,  avant  l'époque 
des  armes  à  feu,  en  se  la  représentant  comme  un  archipel 
de  forêts;  ces  forêts  étaient  la  propriété  d'une  trentaine 
de  châtelains  qui  relevaient  des  comtes  d'Angoulême;  là 
vivait  toute  une  population  sylvaine  qui  les  défricha  peu 
à  peu  et  les  sema  en  froment.  Ces  défrichements  se  mul- 
tiplièrent surtout  aux  xn"  et  xv*  siècles,  et  la  découvert 
de  l'Amérique  ayant  donné  une  grande  activité  aux  poi  i 
de  l'Aunis,  du  Médoc  et  de  la  Saintonge,  de  nombreux 
navires  y  furent  construits  aux  dépens  des  forêts  angou- 
moises.  L'histoire  de  quelques-unes  des  anciennes  forêts  do 
cette  partie  de  la  France  peut  encore  être  établie. 

A  quatre  lieues  au  sud  d'Angoulême,  s'étendait,  à  la  iin 
du  xii"  siècle,  une  forêt  dite  Gros-Bois,  qui  valut  son  nom 
à  l'abbaye  qu'on  y  fonda  à  cette  époque  {Sancla  B.  Marin 
de  Grosso-Bosco)  (2).  En  moins  de  deux  siècles,  ce  Gros- 
Bois  ou,  comme  on  disait  dans  le  dialecte  de  la  province, 
ce  Gros-Bas,  avait  été  tellement  défriché  qu'il  se  trouvait 
fractionné  en  cinq  forêts  ou  bois,  à  savoir  :  la  fo7'(H  de 
Horte,  celle  de  Dirac,  celle  de  Bois-Blanc,  les  bois  de  Venil 
et  de  Torsac.  Divers  noms  de  lieux  indiquent  que  ces  fo- 
rêts, maintenant  fort  réduites,  présentaient  originaire- 
ment une  beaucoup  plus  grande  superficie  (3).  La  forêt 
de  Horte  notamment  a  dû  s'étendre  jusqu'au  bord  de  la 
Hvière  de  Bandiat  (4). 


(1)  Quenot,  Slnlislique  de  la  Charente,  p.  375. 

(2)  Gallia  christ,  t.  II,  coL  1048.  Eccles.  Engol. 

(3)  Ainsi,  au  nord  du  territoire  de  l'ancienne  abbaye,  on  trouve  un 
lieu  nommé  les  Essarls.  Au  sud  de  la  foret  de  Horte,  dans  une  partie 
toute  déboisée,  sont  deux  localités  appelées  Dois-Verdun  et  la  Forii-de- 
Laurière.  Entre  celte  même  forêt  et  celle  de  Dirac,  est  un  village  nommé 
Bouex. 

(4)  Entre  la  forêt  de  Ilorlo  et  la  rivière  Handiat,  on  rencontre,  au  sud 


CHAPITRE   XXIII.  369 

Il  est  à  supposer  que  dans  le  principe  cette  grande  forêt 
allait  se  rattacher  à  celle  de  la  Braconne,  située  plus  au 
nord  et  qui,  comme  je  viens  de  le  dire,  demeura  longtemps 
l'une  des  plus  importantes  de  l'Angoumois.  L'inspection 
de  la  carte  donne  à  penser  qu'elle  était  originairement 
bornée  à  l'est  par  la  Tardoire,  car  divers  noms  de  lieux 
qu'on  rencontre  dans  cette  direction,  rappellent  la  pré- 
sence d'anciens  bois. 

Au  nord  de  La  Rochefoucauld  jusqu'à  la  Sonnette  et  au 
cours  supérieur  delà  Charente,  se  présentent  une  succes- 
sion de  petites  forêts,  débris  de  la  marche  forestière  qui 
servait  de  limite  méridionale  au  pays  des  Pictaves.  On 
y  distingue  les  forêts  de  Quatrevaux  et  de  Belair,  que 
sépare  la  Dronne. 

D'autre  part,  l'ancien  pays  des  Petrocorii  était  séparé  de 
l'Angoumois  par  une  grande  marche  forestière,  mainte- 
nant déchiquetée  en  une  foule  de  tronçons,  à  savoir  :  les 
grands  bois  de  la  Roche-Beaucourt,  déjà  très-éclaircis  au 
siècle  dernier,  et  qui  devaient  englober  dans  le  principe 
les  bois  de  Beaussat  et  de  Rudeau,  de  façon  à  former  une 
forêt  continue  qui  s'avançait  jusqu'à  la  rivière  de  Bandiat  ; 
les  petites  forêts  de  Saint-James  et  de  Paussac,  situées  au 
nord-est  de  Bourdeilles,  et  celle  de  Mareuil  qu'on  trouve 
plus  au  nord. 

Dans  la  Saintonge  existaient  également  quelques  larges 
lambeaux  de  l'antique  manteau  forestier  qui  le  recouvrait 
au  temps  des  Gaulois. 

La  forêt  de  Saintes  {Santonœ  sylva)  était  très-impor- 
tante au  xii'  siècle;  une  charte  curieuse  de  l'an  1129  nous 
fait  connaître  en  partie  les  limites  du  territoire  qu'elle  oc- 

Souffraignac,  une  localité  nommée  la  Grande-Forêt,  et  des  lieux  portant 
les  noms  de  Grand-Breuil,  Pelil-Dreuil,  Breuil,  etc. 

24 


370    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

cupait  alors  (1).  Par  cette  charte,  Guillaume  VIII,  comte 
de  Poitiers  et  duc  d'Aquitaine,  abandonne  aux  moines  du 
nouveau  monastère  de  Poitiers  tout  ce  qu'ils  réclamaient 
dans  la  forêt  de  Saintes  (2).  Le  canton  revendiqué  par  les 
religieux  commençait  à  la  Groix-de-Tirmorins  en  sui- 
vant Pont-l'Abbé  {Ponte  Labium);  il  allait  de  la  source  de 
la  Groix-aux-Seguins  par  la  carrière  jusqu'au  Palet  {Pale- 
twn)  ;  longeait  les  terres  cultivées  et  le  chemin  qui  con- 
duisait à  Maleville  {Malavilla)  jusqu'aux  confins  de  la 
Fraignée,  et  à  la  paroisse  de  Saint-Georges-aux-  Gousteaux, 
près  des  fiefs  de  la  Loubatre  et  de  la  Béraudière,  s'avan- 
çant  jusqu'à  un  endroit  désigné  sous  le  nom  d'Enseigne- 
Biancheou  de  Marque-Blanche,  puis  revenait  au  fief  Bau- 
douin, auquel  est  assignée  une  étendue  de  30  journaux  de 
terre,  pour  atteindre  ensuite  la  route  de  Saintes  à  Pont- 
l'Abbé.  Ledit  canton  forestier  longeait  cette  route  jusqu'à 
la  fontaine  Boudard  et  à  Boutiraud  (3),  d'où  elle  allait  re- 
joindre la  Groix-de-Tirmorins. 

Lorsqu'on  suit  sur  la  carte  cette  description  topogra- 
])hique  si  minutieuse,  on  voit  que  la  forêt  s'étendait  sur- 
tout à  la  droite  de  la  route  de  Saintes  à  Rochefort.  Toute 
la  partie  comprise  entre  Pont-l'Abbé,  Saint-Georges-aux- 
Gousteaux  (aujourd'hui  Saint-Georges-des-Goteaux)  et 
Saintes,  n'offre  d'autre  trace  de  bois  que  de  très-maigres 
bouquets  d'arbres.  Des  localités  du  nom  des  Essarts,  de 
Grand-Breuil,  de  Petit-Breuil,  de  la  Forest,  du  Chail  (ou 
Ghaillot,  c'est-à-dire  «  bois  tombé  »),  du  Gros-Chêne  et  de 


(1)  Cette  charte  est  donnée  dans  Çhampollion-Figeac,  Documents  Ms- 
loriqups  inédits,  tires  de  la  Bibliolltèque  royale  et  des  archives  et  biblio- 
thèques des  déparlements,  t.  II,  partie  II,  p.  12. 

(2)  Documents  cités. 

(3)  Dutiraldus.  Nous  avons  traduit  ici  en  français  quelques-uns  des 
noms  meniionnés.  tels  que  Ponlelabium,  etc. 


CHAPITRK   XXIII.  371 

Freuche  (c'est-à-dire,  «  lieu  défriché»),  annoncent  encore 
l'emplacement  de  bois  qui  ne  sont  plus. 

Les  indications  contenues  dans  la  charte  de  Guil- 
laume VIII  permettent  de  rétablir  avec  une  assez  grande 
approximation  la  li^ne  de  pourtour  de  la  forêt;  car  on 
y  trouve  mentionnés  divers  lieux-dits  ayant  conservé 
jusqu'à  ce  jour  leur  nom,  sauf  de  légères  altérations.  La 
Groix-aux-Séguins  doit  être  la  localité  située  au  sud-est 
de  Saint-Michel-de-la-Nuelle,  qui  porte  actuellement  le 
nom  de  La  Croix.  En  effet,  on  rencontre  à  son  voisii\age 
un  endroit  appelé  La-Séguinière,  nom  qui  indique  qu'on 
est  là  sur  l'ancien  domaine  des  Séguins.  Palet  a  gardé  son 
nom  ainsi  que  La  Fraignée.  Les  fiefs  de  la  Loubatre  et  de 
la  Béraudière  doivent  être  incontestablement  identifiés  aux 
lieux  dits  dans  Gassini,  la  Loubatière,  situé  au  nord- 
ouest  de  Saint-Porcliaire,  et  /«^roc/zère.Boutiraud,  qu'on 
écrit  aussi  Boutireau,  n'a  pas  changé  d'appellation.  La 
Croix-de-Tirmorins  est  vraisemblablement  l'autre  localité 
du  nom  de  La  Groix,  sise  à  l'est  et  tout  près  de  Saint- 
Porchaire. 

Gette  forêt  de  Saintes,  ainsi  limitée  au  nord,  devait 
renfermer,  au  sud,  la  forêt  actuelle  de  Corme-Royal,  qui 
dut  elle-même  s'avancer  anciennement  jusqu'au  lieu  ap- 
pelé la  Forest,  entre  Gorme-Royal  et  la  Glyce,  et  se  ratta- 
cher aux  débris  de  bois  qu'on  voit  au  nord  de  Nancras. 
Saint-Thomas-du-Bois  marque  un  autre  point  septen- 
trional jusqu'où  s'élevait  la  forêt  de  Saintes  dont  le  bois 
de  Sainte-Radegonde  est  sans  doute  un  débris.  Il  est 
probable  que  cette  forêt  allait  rejoindre,  dans  le  prin- 
cipe, celle  de  Mortagne,  par  le  bois  de  Ghatenay  encore 
subsistant. 

Nous  trouvons  en  Saintonge,  mentionné,  au  xii^  siècle, 
un  autre  bois,  celui  de  Sanzel  [boscus  de  Sanzelia),  qui 


372   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

fut  un  objet  de  contestation  entre  le  sénéchal  Rodolphe  et 
l'abbé  d'Oléron  fl).  Ce  bois  n'existe  plus  aujourd'hui. 

L'Aunis  dont  le  territoire  fait  maintenant  partie  du  dé- 
partement de  la  Charente-Inférieure  renfermait,  à  la  fin  du 
xvi^  siècle,  quelques  forêts  importantes,  entre  lesquelles  il 
faut  citer  celle  d'Aulnay,  dont  j'ai  déjà  parlé  ci-dessus  (2). 
Dans  l'arrondissement  de  La,  Rochelle,  la  forêt  de  Benon 
est  le  seul  débris  de  l'ancien  yêtement  forestier  de  la  pro- 
vince. De  vastes  clairières  dénotent  l'extrême  étendue 
qu'elle  a  jadis  occupée  (3).  Une  portion  de  la  forêt  qui 
entourait  le  bourg  de  Benon,  fut  donnée,  en  1135,  à 
Bernard,  abbé  de  Glairvaux,  pour  y  fonder  un  monastère 
qui  reçut  le  nom  de  la  Gràce-de-Dieu  ou  la  Grâce- 
Dieu  (4).  Une  charte  de  1189  désigne  comme  appartenant 
à  la  forêt  de  Benon  le  canton  compris  entre  le  chemin  de 
Mauzé  à  Gramahé  et  celui  de  Lalaigne  à  Benon  (5),  lieu 
maintenant  tout  à  fait  défriché,  et  qu'occupait,  en  1839, 
une  sucrerie  (6). 

Les  forêts  de  la  Saintonge  et  de  l'Aunis  durent  se  lier 
naguère  aux  forêts  de  l'Angoumois,  notamment  à  celles 
de  Cognac  et  des  Ombrets.  La  forêt  de  Cognac,  mainte-^ 
nant  réduite  à  un  faible  bois  fort  démantelé,  formait, 
dans  le  principe,  l'une  des  parties  méridionales  de  la 
forêt  de  Jarnac,  distante  de  la  ville  qui  lui  donne  son 

(1)  Voy.  Jlisloriem  de  France,  t.  XII,  p.  488. 

(2)  Voy.  ce  qui  a  été  dit  p.  347. 

(3)  Voy.  A.  Gautier,  Stalislique  du  départemenl  de  la  Charenk- 
Inférieure,  part.  I,  p.  27  et  303.  Celte  forêt  est  célèbre  par  ses  charbon- 
nages. 

(4)  Gallia  chrislian.  t.  II,  col.  1397.  Cette  forêt  ou  plutôt  ce  bois 
s'appelait  alors  Bois-l'Abbé.  Voy.  Gallia  clirislian.  t.  II,  inslrum. 
col.   387. 

(5)  Gall.  christ,  t.  II,  inslrum.  col.  387.  La  forêt  est  désignée  sous  le 
nom  de  Foresla  de  Ariansum.  C'est  celle  qui  prit  plus  lard  le  nom  de 
Bois-rAbbé. 

(G)  Gautier,  Slaiist.  de  la  Cliarente-Jnfïr.  p.  40. 


CHAPITRE   XXIIl.  373 

nom,  de  plusieurs  lieues  (1).  Il  y  a  là  un  indice  que  la 
forêt  s'avança  primitivement  jusqu'au  voisinage  de 
Jarnac.  Et  en  effet,  l'inspection  de  la  carte  fait  voir  que 
cette  forêt  a  été  naguère  très-étendue  (2).  Elle  descendait 
jusqu'à  la  Charente,  entre  Jarnac  et  Cognac,  allait  se 
rattacher,  à  l'est,  à  la  forêt  de  Marange  (3),  et,  à  l'ouest, 
à  un  bois  ou  une  forêt  qui  ombrageait  le  canton  situé 
entre  l'Auteine  et  la  Charente  (4). 

(1)  On  trouve,  entre  la  forêt  actuelle  de  Jarnac  et  la  Charente,  des 
localités  toutes  découvertes,  appelées  cependant  Bois-Clair,  la  Grange- 
du-Bois,  le  Buisson,  Taveau-des-Bois,  etc. 

(2)  La  forêt  devait  s'étendre  à  plusieurs  kilomètres  au  sud  de  Ségon- 
zac,  ainsi  que  le  démontre  une  foule  de  noms  de  lieux  qui  annoncent 
tous  des  bois  :  le  Bois-de-Pressac,  Bois-Blanc,  Bois-Bajaux,  le  Maine- 
Bois,  Bois-Clavaux,  le  Bois,  Bois-Charente^  la  Brousse  (la  Brosse),  Gri- 
iinoux  (la  Gàtine),  les  Bois,  h  Court,  le  Breuil,  le  Bois  d'Angeac,  etc. 
C'est  au  centre  de  cette  partie  de  la  forêt  que  fut  fondée,  au  milieu  du 
XII*  siècle,  l'abbaye  de  la  Frenade,  dont  l'établissement  contribua  cer- 
tainement à  son  défrichement. 

(3)  On  rencontre,  en  effet,  entre  ces  deux  forêts,  des  localités  dont  les 
noms  sont  la  trace  du  cordon  d'arbres  qui  les  unissaient  autrefois;  ci- 
tons :  le  Bois,  Bois-Noble,  Maine-Bois,  la  Brousse,  les  Brandes  (lieux 

^  défrichés  par  le  feu},  etc. 

(4)  Tout  le  pays  au  sud  d'Escoveux,  jusqu'à  la  route  de  Saintes,  est 
semé  de  petits  bouquets  d'arbres  ou  de  remises,  et  dans  les  intervalles 
découverts,  on  rencontre  des  lieux  appelés  :  Villars-les-Bois,  Sainl-Brice' 
des-Bois,  La  Forest,  Bichou-des-Bois,  La  Brousse,  Petit-Bois,  Le  Plessis- 
Gdtineau,  etc. 


374   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 


CHAPITRE  XXIV. 

FORÊTS  DU  DAUPHINÉ.    —    LA    GRAXDE-CHARTRELSE.    —    DÉBOISEMENT  DEi' 

ALPES. 

Le  Graisivaudan,  le  Valentinois,  le  Briançoniiais  gardè- 
rent plus  longtemps  que  l'Auvergne  et  le  Lyonnais,  leur 
épaisse  enveloppe  forestière.  Des  forêts  de  pins  laricio,  de 
hêtres,  de  châtaigniers,  disposées  chacune  à  des  étages 
différents,  comme  on  l'observe  aujourd'hui,  unissaient  le 
Dauphiné  au  Piémont  et  à  la  Savoie.  Le  dauphin  Hum- 
bert  ayant  observé  qu'elles  arrêtaient  les  avalanches 
veilla  par  une  ordonnance  à  leur  conservation  (i).  Mais  ce 
n'était  pas  seulement  la  chaîne  des  Alpes  qui  se  dérobait 
alors  tout  entière  sous  un  épais  manteau  d'arbres;  les 
parties  moins  élevées  de  la  province  étaient  également 
occupées  par  de  belles  forêts.  En  il93,  celle  de  Baratier 
couvrait  tout  le  territoire  des  Orres,  de  Baratier  et  d'Em- 
brun. Parmi  les  anciennes  forêts  du  Dauphiné,  celles  do 
Lens  et  de  Vergues  sont  les  plus  connues.  Il  en  est  fait 
mention  dès  877,  dans  une  ordonnance  de  Charles-le- 
Ghauve  (2).  Vienne  était  alors  toute  environnée  de  bois  (3), 
les  forêts  de  Limon,  deSeptême,  de  Saint-Georges,  deFala- 
vier  et  d'Eyrieu  étaient  à  la  même  époque  réunies.  Sur  les 
éminences  qui  entourent  le  vieux  château  de  Pipet  se  dé- 

(  1)  Voy.  Ladoucette,  Histoire  topographique  des  Haules-Alpes,  3^  édit. 
p.  766. 

(2)  Voy.  ce  que  rapporte  à  ce  sujet  Chorier,  Histoire  générale  du 
Dauphiné,  i.  I,  liv.  i,  p.  60. 

(3)  Voy.  l'extrait  du  Cartulaire  de  Saint-Pierre  de  Vienne,  cité  pai 
Chorier,  1.  c. 


i 
I 


CHAPITRE    XXIV.  375 

ployait  la  forêt  de  Moiii\éa.ns{VancienMonsLugdimum),qm, 
*sous  les  Carlovingiens,  appartenait  au  roi,  comme  l'in- 
dique le  nom  de  Beureyel  (hoh  royal)  qu'une  partie  de  son 
territoire  aconserYé.Elleestappelée,dansGirard  devienne, 
forêt  de  Clermont  (1).  On  rapporte  dans  ce  roman  que  Vienne 
étant  assiégée  depuis  sept  années,  par  l'empereur  Charles- 
Je-Ghauve,  Girard  le  surprit  dans  la  forêt,  ayant  été  averti, 
le  jour  d'auparavant,  que  ce  monarque  devait  y  chasser  : 

Demain  ira  l'erripere  chasser 

Dedans  Clarmont,  vostre  grand  bois  plener. 

Au  dire  du  poëte,  on  pouvait  alors  se  rendre,  sans  être 
aperçu,  de  la  ville  dans  la  forêt  par  une  grotte  ou  galerie 
souterraine  que  traversa  Girard. 

Dans  la  partie  du  Dauphiné  qui  confine  au  Lyonnais, 
les  bois  s'étaient  éclaircis  depuis  la  plus  haute  antiquité  ; 
peut-être  même  n'y  ont-ils  jamais  été  abondants.  Mais  au 
sud  de  la  Galaure,  rivière  qui  tombe  dans  le  Rhône  près 
de  Saint-Vallier,  existait  jadis  une  grande  forêt,  dont  il 
ne  subsistait,  il  y  a  deux  cents  ans,  que  d'étroits  lambeaux  ; 
elledutoccuper  la  presque  totalité  du  territoire  de  Roybon 
et  s'avancer  plus  au  sud,  dans  la  direction  de  Romans 
(Drôme).  Cette  forêt  est  mentionnée  dans  une  charte  de 
1062,  sous  le  nom  de  sijlva  de  Cambaran;  un  débris  s'en 
voyait  encore  au  commencement  du  xviif  siècle  dans  le 
bois  de  Chamberan,  maintenant  presque  entièrement  dé- 
friché. La  lisière  de  cette  forêL  longeait,  selon  toute  appa- 
rence, la  grande  plaine  de  la  Côte  Saint-André.  L'ancien 
bois  du  Vers  et  le  hameau  appelé  Bois- Blanchard  attestent 
son  extension  primitive  en  dehors  des  limites  données  dans 
la  carte  de  Gassini  au  bois  de  Chamberan.  A  l'ouest  de  ce 

(1)  Cborier,  1.  c. 


^76   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

bois,  un  autre  bois,  dilde  Montailles,  semble  être  aussi  un 
démembrement  de  la  sylva  de  Cambaran.  • 

Sur  la  rive  gauche  de  la  Galaure,  le  déboisement  a  éga- 
lement laissé  des  traces.  La  petite  forêt  de  Thivole  présen- 
tait naguère  une  superficie  beaucoup  plus  grande  que 
n'en  accusent  nos  anciennes  cartes.  La  fondation  de  l'ab- 
baye de  Saint-Antoine  dans  un  essart  de  cette  forêt  eut 
pour  effet  de  la  scinder  en  deux  parties;  l'une,  celle  qui 
est  dirigée  vers  l'Orient,  se  rétrécit  graduellement  de  façon 
à  ne  plus  former  qu'une  simple  bande  longitudinale.  La 
charte  citée  ci-dessus  prouve  qu'au  xf  siècle  la  forêt  de 
Thivole  devait  être  bordée  par  le  ruisseau  appelé  le  Vaillet, 
et  que  l'espèce  de  delta  compris  entre  ce  ruisseau  et  le  Mé- 
darel  était  déjà  déboisé.  En  effet,  c'est  là  que  s'élève  le 
village  de  Bessin  dont  parle  la  charte  en  question  et  au 
territoire  duquel  appartenait  la  forêt  de  Chamberan. 

Ainsi  toute  la  partie  du  Dauphiné  que  traverse  la  Ga- 
laure, entre  Bessin  et  la  plaine  de  la  Côte  Saint-André, 
n'avait  encore  au  xi'^  siècle,  aucun  centre  de  population, 
nouvel  indice  qu'elle  était  complètement  boisée  (1). 

Dans  la  partie  orientale  et  haute  du  Dauphiné,  les  forêts 
demeuraient,  à  la  même  époque,  singulièrement  épaisses. 
Le  mont  Durbon  en  était  tout  recouvert. 'Les  chartreux, 
auxquels  les  seigneurs  du  pays  avaient  abandonné  ces  pro- 
fondes solitudes,  en  défrichèrent  une  vaste  étendue  et  y 
fondèrent  un  monastère  qui  devint  un  digne  pendant  de 
celui  de  la  Grande-Chartreuse,  dont  il  sera  question 
plus  loin  (2).  La  forêt  de  Durbon  offre  encore  vingt-neuf 


(1)  Voy.  le  Cartulaire  de  Romans,  n°  41,  dans  Giraud,  Essai  histo- 
rique sur  l'abbaye  de  Sainl-Dernurd  el  sur  la  ville  de  Romans,  t.  II, 
p.  91. 

(2)  Ladoucette,  Hisloire  topographique  des  Hautes- Alpes,  3*  édition, 
p. 1348. 


CHAPITRE   XXIV.  377 

kilomètres  de  tour;  mais  ses  futaies  de  hêtres  et  de  sapins 
ne  donnent  qu'une  faible  idée  de  ce  qu'étaient  naguère  ses 
majestueux  massifs.  Une  des  essences  les  plus  élégantes 
qu'on  y  voyait  autrefois,  le  mélèze,  a  presque  totalement 
disparu  de  cette  montagne  et  des  cimes  environnantes  (1). 
Il  en  est  de  même  de  l'arolC:  arbre  plus  modeste,  mais  qui 
a  aussi  son  pittoresque  ^â). 

La  Grande-Chartreuse  {Carthnsia  ou  Catorissium) ,  dont 
le  nom  rappelle  la  présence  des  bois  à  l'époque  cel- 
tique, est  trop  connue  pour  qu'il  soit  besoin  de  rappeler 
qu'elle  fut  fondée  en  1084,  dans  une  des  retraites  les 
plus  inaccessibles  des  Alpes  dauphinoises  (3).  Ce  mo- 
nastère est  devenu  le  centre  d'un  déboisement  qui  n'a 
heureusement,  jamais,  pris  de  bien  grandes  proportions. 
Ses  alentours  sont  encore  garnis  d'admirables  futaies 
de  hêtres  croissant  à  une  altitude  de  1013  mètres  et  aux- 
quels succèdent  plus  haut  des  buissons  de  la  même  es- 
sence qui  se  mêlent  à  des  érables,  des  sapins  et  des  épi- 
céas (4).  Ce  magnifique  manteau  arborescent  peut  donner 


(1)  D'^après  la  tradition,  le  mélèze  recouvrait  jadis  les  montagnes  de 
Chaillût  et  de  Saint-Bonnet  ;  on  ne  le  trouve  plus  guère  qu'au  plateau 
d'Aureas,  dans  la  forêt  sise  au  nord-ouest  du  col  de  la  Postérie,  un  peu 
plus  haut  que  le  Puy-Saint-Vincent,  en  Vallouise.  (Voy.  Ladoucette, 
ouv.  cit.  p.  765.) 

(2)  Il  y  avait  autrefois  des  aroles  dans  les  montagnes  du  Dau- 
phiné,  de  la  Provence  ;  on  ne  les  trouve  plus  guère  actuellement  qu'en 
Suisse,  par  petits  groupes,  à  une  assez  grande  hauteur.  (Voy.  Ra?,thofer, 
Le  Guide  dans  les  forcis,  trad.  par  Monney,  t.  I,  p.  205  ;  Porentruy, 
1838,in-8o.) 

(3)  Voy.  B.  Tromby,  Sloria  crilico-cronologica  diplomatica  del  pa- 
Iriarca  S.  Brunone  e  del  suo  ordine,  t.  II,  p.  43. 

(4)  Martins,  Géographie  botanique  de  la  France,  dans  Patrîa,  t.  I, 
p.  433.  Les  hêtres  commencent  sur  le  versant  septentrional,  au-dessus 
de  Saint-Laurent-du-Pont,  près  du  Martinet  de  Fourvoirie,  à  454  mètres 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  et  la  forêt  règne  sans  interruption  jus- 
qu'à la  Grande-Chartreuse,  c'est-à-dire  à  une  hauteur  de  1,013  mètres. 
Les  hêtres  cessent,  en  se  rabougrissant,  à  1,465  mètres.  Les  sapins  et 


378   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENNE  FRANCE. 

une  idée  de  ce  qu'étaient  à  l'origine  les  forêts  du  Dau- 
phiné. 

La  région  située  au  nord  et  à  l'est  de  Grenoble,  entre 
l'Isère  et  la  Romanche,  offre  des  vestiges  manifestes  de 
forêts.  C'est  dans  ce  canton  tout  couvert  d'arbres  que  fut 
fondée  l'abbaye  de  Domène.  L'une  des  forêts  voisines  est 
désignée  dans  une  charte  du  xi*  ou  xii*  siècle  sous  le  nom 
àesylva  Rotunda  (i).  La  forêt  d'Uriage  est  le  plus  large 
lambeau  de  ce  lacis  arborescent  oti  les  Romains  qui  exploi- 
taient les  eaux  minérales  d'Uriage  et  lui  donnèrent  son 
nom  {Auriacum),  avaient  déjà  opéré  de  larges  trouées. 

Quand  on  parcourt  les  vallées  des  Alpes  françaises,  on 
rencontre  à  chaque  pas  des  restes  des  forêts  qui  les  en- 
veloppaient dans  le  principe  jusqu'au  voisinage  de  la 
région  des  neiges.  Des  successions  de  pins  et  de  hêtres, 
dont  la  croissance  alterne  souvent,  ont  laissé  leurs  em- 
preintes dans  le  sol.  Ainsi  dans  le  canton  de  La  Grave,  sur 
les  bords  de  la  Romanche,  de  larges  ravins  gardent  enfouis 
des  conifères  qui  ont  cessé  d'y  croître.  Des  pièces  de  bois, 
déposées  au  fond  des  lacs,  des  cols,  comme  au  col  de  Cris- 
taon,  à  celui  de  Galibier,  à  celui  de  la  Croix-de-Queyras, 
sont,  en  quelque  sorte,  des  ossements  fossiles  de  ces  an- 
tiques habitants  du  sol  (2). 

Dans  la  vallée  de  Dévoluy,  à  l'ouest  du  département  des 
Hautes-Alpes,  non-seulement  on  déterre  dans  les  tour- 
bières les  troncs  des  arbres  qui  garnissaient  les  flancs  de 
la  montagne,  aujourd'hui  arides  et  désolés,  mais  on  ren- 
ies érables  ne  dépassent  pas  le  Chalet-de-Bouvines  (1,031  mètres).  Ar- 
rivé à  celte  hauteur,  l'érable  se  rabougrit  et  disparaît  à  1,G80  mètres. 

(1)  L'éditeur  du  Cartulaire  de  Domène  croit  que  cette  forêt  se  trouvait 
sur  le  territoire  de  Saint-Martin-de-Miséré,  commune  de  Montbonnot. 
Voy.  Cartulare  monaslerii  beatorum  Pétri  et  Pauli  de  Domina,  p.  4S 
(Lyon,    1859). 

(2)  Ladoucette,  ouv.  cit.  p.  428. 


CHAPITRE   XXIV.  379 

contre  dans  les  charpentes  des  vieilles  habitations, 
d'énormes  pièces  de  bois  que  ne  pourrait  actuellement 
fournir  la  contrée. 

Dans  le  département  des  Hautes- Alpes,  plusieurs  quar- 
tiers, maintenant  exposés  aux  ardeurs  du  soleil,  portent 
encore  le  nom  de  bois,  bien  qu'on  y  cherche  vainement 
des  futaies  ou  des  taillis.  Tel  est  le  quartier  du  bois  de 
Laye.  Un  vallon  voisin,  celui  d'Agnères,  est  désigné  dans 
les  anciens  titres  sous  le  nom  de  Comha  Nigra,  à  raison 
des  obscures  forêts  qui  tapissaient  autrefois  ses  flancs  (1). 

Les  archives  des  bénédictins  de  Boscodon,  conservées 
dans  l'église  de  Notre-Dame-d'Embrun,  renferment  un 
grand  nombre  de  contestations  relatives  à  des  dépréda- 
tions forestières  qui  s'exercèrent  pendant  près  de  cinq 
siècles  (2).  Le  bois  au  milieu  duquel  fut  construit  cette 
abbaye,  et  qui  lui  a  valu  son  nom  (3),  existait  encore,  en 
partie,  au  siècle  dernier;  mais  il  est  maintenant  presque 
détruit.  La  forêt  de  Boscodon  se  rattachait  à  celle  delNIor- 
gon,  et,  plus  anciennement,  elle  remontait  jusqu'au  pont 
Meale,  comme  l'indique  une  localité  du  nom  de  Laforest, 
qu'on  rencontre  au  nord  du  bois  de  la  Ville. 

Il  est  certain  qu'une  bonne  partie  des  Alpes  était  déjà 
déboisée,  quand  parut,  en  1669,  l'ordonnance  de  Colbert, 
qui  régla  les  eaux  et  forêts  et  interdit  le  défrichement  aux 
communautés  (4).  Pendant  tout  le  cours  du  xvii«  au 
xvin°  siècle,  l'autorité  judiciaire  lutta  contre  le  déboi- 
sement des  montagnes  (5). 

(1)  Voy.  A.  Surell,  Etude  sur  les  torrents  des  Hautes-Alpes,  p.  152. 

(2)  A.  Surell,  Etude,  note  \b. 

(3)  Yoy.  Gallia  christ,  t.  III,  col.  1103,  Ecoles.  Ebrodun. 

(4)  Voy.  Surell,  Etude,  note  15. 

(5)  Aliard  {Dictionnaire  du  Dauphiné,  art.  Dois)  cite  plusieurs  arrêts 
du  parlement  de  Grenoble  de  1651,  1655  et  de  1672,  qui  interdisaient 
de  couper,  défricher,  dégrader  et  essarter  les  bois  des  montagnes.  Cf. 
les  arrêts  du  conseil  de  1729,  173b,  1749,  1753  et  1780. 


380   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Dans  toutes  les  Hautes-Alpes,  lé  déboisement  a  com- 
mencé par  le  flanc  des  montagnes:  il  est  descendu  peu 
à  peu  au  fond  des  vallées,  puis  a  remonté  ensuite  jus- 
qu'aux cimes  qu'il  avait  d'abord  respectées.  La  natur< 
des  essences  dont  les  forêts  alpestres  sont  peuplées  a  aidi' 
à  ce  déboisement.  Les  arbres  résineux  qui  y  prédominent, 
ne  repoussant  pas  de  souche,  et  le  gazon  étouffant  ]> 
semis  naturels,  on  ne  saurait  les  exploiter  par  coup' 
réglées,  ou,  pour  employer  l'expression  consacrée,  à  bla?v 
estoc;  il  faut  les  abattre  çà  et  là  dans  les  parties  les  plu- 
fourrées  où  de  jeunes  arbrisseaux  sont  prêts  à  les  rem- 
placer. Ce  mode  d'exploitation,  qu'on   appelle  jaivUner. 
ne  peut  s'effectuer,  sans  briser,  sans  mutiler  beaucouf- 
déjeunes  arbres  (1). 

Cependant,  en  dépit  du  déboisement  général  des  Alpes, 
quelques  bois  ont  été  épargnés,  entre  lesquels  nous  cite- 
rons celui  qui  occupe  le  versant  du  torrent  de  Gloizette, 
à  l'est  de  Vey nés.  Le  respect  qu'il  inspire,  les  tradition? 
qui  s'y  rattachent,  l'ont  protégé  contre  l'ardeur  de  des- 
truction des  habitants  (2). 

La  partie  du  Dauphiné  qui  répond  au  département 
actuel  de  la  Drôme,  moins  montagneux  que  celle  qu'oc-^ 
cupent  les  Alpes,  n'offrait  pas  au  moyen  âge  d'aussi  vastes 
nappes  de  forêts;  elle  en  renfermait  pourtant  quelques- 
unes  assez  importantes.  Au  temps  des  Mérovingiens,  une 
grande  forêt  s'étendait  entre  Grenoble  et  Valence.  Les 

(1)  Surell,  Elude  citée,  p.  141. 

(2)  Ce  Lois  était  vraisemblablement  un  lucus  gaulois.  Les  jurats  fai- 
saient jadis  serment,  à  leur  entrée  en  fonctions,  de  le  respecter.  Veynes 
(Hautes-Alpes)  paraît  être  le  Davianum  de  l'Itinéraire  de  Bordeaux  à 
Jérusalem,  le  Venelum  du  moyen  âge.  Cf.  Ladoucette,out;.  cit.  p.  324.  Un 
autre  lucus,  qui  avait  été  consacré  à  Auguste  {Lucus  Auguslî),  existait 
dans  le  pays  des  Voconces,  et  a  donné  naissance  à  un  municipe  romain 
mentionné  par  Tacite  (//i5/.  I,  66),  quia  été  l'origine  du  bourg  actuel  do 
I-uc  (DrOme,  arrond.  de  Die). 


CHAPITRE   XXIV.  381 

Lombards  la  trayersèrent  sous  la  conduite  de  Rhodan, 
lorsqu'ayant  été  défaits  par  Mummole,  ils  allèrent  re- 
joindre Zaban  qui  assiégeait  Valence  (1).  Il  y  a  un  siècle 
et  demi,  le  mamelon  prolongé  d'une  montagne  parallèle 
au  Rhône  et  située  à  un  myriamètre  de  ce  fleuve,  était 
ombragée  par  une  forêt  qui  n'occupait  pas  une  superficie 
moindre  de  ^0,000  arpents.  Cinquante  ans  plus  tard,  il 
ne  subsistait  plus  de  ce  vert  tapis,  appelé  forêt  de  Mar- 
sanne,  que  des  halliers,  des  broussailles,  et  la  roche  cal- 
caire se  montrait  à  nu  sur  tout  le  reste  de  son  ancien  do- 
maine (2). 

Dans  l'ancien  diocèse  de  Saint-Paul-Trois-Ghâteaux,  une 
forêt,  dont  on  cherche  aujourd'hui  vainement  les  traces, 
ombrageait,  antérieurement  au  xii"  siècle,  le  canton  de 
Pierrelatte,  au  voisinage  du  village  de  Saint-Restitut  (3). 

Tout  le  pays  sis  au  sud  du  Roubion  jusqu'au  Lez  (arron- 
dissement de  Montélimart),  paraît  avoir  été  jadis  boisé. 
Les  forêts  de  Gharanibert  et  de  Taulignan^  les  bois  de 
Luba,  situés  plus  à  l'est,  ceux  de  Montjoyer,  à  l'ouest, 
ceux  de  Salles,  au  sud,  sont  des  vestiges  de  cet  immense 
rideau  forestier. 

L'arrondissement  actuel  de  Die  garde  également  des 
traces  assez  apparentes  de  son  ancien  état  forestier.  La  pe- 
tite chaîne  du  Vercors  ou  Vécors  était  au  siècle  passé  en- 
veloppée par  une  forêt  qui  a  été  depuis,  toujours  en  s'é- 
claircissant,  et  ne  tardera  pas  à  disparaître  complètement 
par  suite  du  percement  de  la  nouvelle  route  qui  traverse 
cette  région  du  Dauphiné  (4). 

(1)  Grégoire  de  Tours,  Ilistor.  eccles.  Francor.  IV,  45. 

(i)  Colin,  Observalions  sur  la  situation  du  dq^arlement  de  laDrôme. 

(3)  C'est  là  que  fut  élevée  l'abbaye  du  Bosquet  (Doschetum).  Voy. 
Gallia  chrislian.  t.  I,  col.  739,  Eccles.  Tricast. 

(4)  Celte  route  a  été  ouverte,  il  y  a  quelques  années,  par  M.  de  Mont- 
richer. 


382   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

CHAPITRE  XXV. 

ANCIENNES  FORÊTS  DE  LA  PROVENCE.  —   FORÊTS   DE  LA   CORSE. 

La  Provence,  pays  ouvert  et  brûlé,  non  plus  que  les  au- 
tres régions  du  littoral  méditerranéen,  n'a  jamais  présenté 
les  retraites  ténébreuses  si  multipliées  dans  la  France 
moyenne  et  septentrionale.  Au  siècle  dernier,  le  Parlement 
d'Aix,  dans  ses  remontrances  au  roi  sur  l'édit  des  eaux  et 
forêts  de  1773  (1),  faisait  remarquer  que  le  sol  aride  de  cette 
province  se  refuse  à  produire  des  arbres  de  haute  futaie  ; 
que  des  racines  sarmenteuses,  des  bois  en  petit  nombre  e( 
résineux  sont  tout  ce  que  son  sol  végétatif  peut  alimenter. 
Cependant,  si  au  moyen  âge,  pas  plus  que  de  nos  jours,  l'an- 
cienne Province  romaine  n'a  offert  une  végétation  arbo- 
rescente bien  riche,  elle  était  moins  dépouillée  qu'aujour- 
d'hui. Les  parties  nord  et  est  furent  naguère  ombragées 
par  quelques  forêts  qui  s'étendaient  sur  le  flanc  des 
montagnes,  mais  dont  onn'aperçoit  plus  maintenant  que 
des  lambeaux.  Ainsi  dans  le  département  des  Basses-Al- 
pes, aux  environs  de  Sisteron,  on  donne  le  nom  de  La  Forêt 
à  une  contrée  qui  environne  Aubignosc,  et  n'a  plus  un 
bouquet  (2).  Une  inscription  latine  que  l'on  y  a  décou- 

(1)  Cet  édit  supprimait  la  chambre  des  eaux  et  forêts  du  parlement 
d'Aix,  et  enlevait  la  Provence  au  grand-maitre  des  eaux  et  forêts  du 
Lyonnais,  pour  en  faire  un  département  particulier.  Voy.  abbé  de  Corio- 
lis.  Traité  sur  l'administration  du  comté  de  Provence,  t.  III,  p.  106 
(Aix,  1788). 

(2)  Laplane,  Histoire  de  5/i/fron,  t.  I,  p.  31.  Il  a  dans  le  canton  de 
Sisleron  deux  villages  de  ce  nom.  Le  second  n'est  plus  aujourd'hui 
qu'un  hameau  dépendant  de  la  commune  de  Saint-Génies.  Voy.  Achard, 
Dictionn.  géograpliiq.  de  la  Provence  et  dit  Comtal  vefiaissin  (Aix, 
1777),  art.  Laforêt. 


CHAPITRE   XXV.  383 

verte  (1)  et  qui  sert  maintenant  de  support  au  bénitier  de 
l'église,  nous  apprend  que  la  grande  divinité  des  bois,  Syl- 
vain, y  était  l'objet  d'une  dévotion  particulière.  Le  récit 
de  Pétrarque  nous  fait  soupçonner  et  la  tradition  nous 
rapporte  que  jadis  le  mont  Venteux  était  couvert  de  bois. 
La  violence  des  vents  a  achevé  l'œuvre  de  destruction 
commencée  par  l'homme  (2). 

Lorsque  au  milieu  du  xi*  siècle  fut  fondée,  dans  le  dio- 
cèse d'Aix,  l'abbaye  de  Sauve-Cane  [Sylva  Cand)  (3),  des 
massifs  de  peupliers  argentés,  d'oliviers  tapissaient  le  lieu 
choisi  pour  son  emplacement,  et  au  siècle  dernier,  le  nom 
de  cette  forêt  blanche  transporté  au  monastère  était  la 
seule  trace  de  son  existence. 

Au  diocèse  d'Arles,  une  autre  forêt,  encore  en  grande 
partie  subsistante,  occupait  une  vaste  superficie;  c'était 
celle  que  l'on  appelait  la  forêt  Roijale  ou  Sylva  Real  {sylva 
regalis),  et  qui  est  dite  encore  foret  d' Al  baron.  En  \  194,  Al- 
phonse II,  roi  d'Aragon,  en  fit  cession  à  l'abbé  Etienne  (4). 
Le  nom  d'Eaumet  {Ulmetum),  que  prit  une  abbaye  bâtie 
sur  son  territoire,  annonce  qu'elle  était  partout  plantée 
d'ormes.  Actuellement  la  forêt  de  Silvéréal  recouvre  dans 
la  petite  Camargue  une  superficie  nominale  de  5000  hec- 
tares, mais  les  quatre  cinquièmes  sont  occupés  par  des 

(1)  SILVANO  II  G.  IVL  ||  F.  HALLVS  [1  EX  VOTO. 

(2)  Voy.  Ch.  Marlins,  Du  Spilzberg  au  Sahara,  étapes  cVun  nalura- 
liste,  p.  409. 

(3)  Voy.  Manrique,  Aimai,  cistercienses,  t.  II,  p.  91,  t.  III,  p.  87.  Cf. 
Gallia  christiana,  t.  I,  p.  310. 

(4)  Cotte  foret  était  placée  au  sud  de  Saint-Gilles.  Voy.  GaUia  chris- 
liana,  t.  I,  instrumenta,  p.  105.  —  La  charte  de  donation  concède 
à  Etienne  la  forêt  d'Albaron,  franche  et  hbre  de  tous  droits  (francam, 
liberam  et  iinmnnem),  avec  les  pâturages,  cours  d'eau,  chasses  qui  en 
dépendent,  et  toutes  les  essences  {omnibus  arboribiis  diversi  gencris) 
dont  les  moines  peuvent  avoir  besoin.  On  comprend  qu'une  concession 
aussi  large  ait  ouvert  la  porte  à  des  abus  qui  portèrent  la  dévastation 
dans  la  forêt. 


384  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

marais,  des  étangs,  des  landes.  L'orme  en  a  disparu  et  le 
pin  est  actuellement  à  peu  près  la  seule  essence  qu'on  y 
rencontre  (1).  De  là  le  nom  de  Pinède-des-Saintes-Marie< 
qui  lui  est  souvent  donné  (2). 

En  général  le  pin  tend,  en  Provence,  à  chasser  les  autres 
essences  forestières.  Les  différentes  espèces  de  pin  ont  en- 
vahi toute  la  région  littorale  jusqu'à  la  partie  inférieure 
et  méridionale  de  la  Durance  (3).  Au  contraire,  le  hêtre  et 
rif  disparaissent,  et  le  comte  de  Villeneuve  écrivait,  en 
1824,  qu'on  ne  rencontrait  plus  ces  arbres  qu'à  Cuges  et 
à  la  Sainte-Baume  (4).  Les  chênes  ont  certainement  cons- 
titué naguère  des  forêts  dans  des  plaines  où  ne  se  voient 
plus  maintenant  que  quelques  individus  isolés  (5). 

On  évaluait,  il  y  a  quarante  ans,  encore  à  155,000  hec- 
tares l'étendue  du  sol  forestier  du  département  des  Bou- 
ches-du-Rhône,  mais  on  comprenait  dans  cette  évaluation 
tout  le  sol  boisé, et  les  forêts  proprement  dites  y  figuraient 
pour  une  faible  fraction.  Entre  ces  forêts,  outre  la  Silve- 
real,  celles  de  Suez  et  de  la  Taillade,  aux  environs  de 
Lambesc,  plantés  de  pins,  de  Cadarache,  dans  le  canton 
dePeyroles,  sur  le  territoire  de  Saint-Paul-lez-Durance, 
de  la  Palière,  qui  ne  faisait  jadis  qu'un  avec  celle  de  Pa- 
leirotte,  aux  environs  de  Puy-Loubier,  dans  le  canton  de 
Tretz,  toutes  plantées  de  chênes  verts,  sont  les  plus  con- 
sidérables. Mais  leur  étendue  est  relativement  médiocre 
et  l'État  ne  possède  dans  le  département  aucune  de  ces 
forêts  domaniales  dont  les  majestueux  ombrages  embel- 


(1)  Voy.  comte  de  Villeneuve,  Slatisiique  du  département  des  liou- 
ches-du-Rlume,  t.  H,  p.  730,  731,  t.  IV,  p.  105. 

(2)  Les  habitants  de  cette  commune  avaient  dans  la  forôt  des  droits 
étendus. 

{?,)  Villeneuve,  Statistique  des  Bouches-du- Rhône,  t,  IV,  p.  103 

(4)  Villeneuve,  ibid. 

(5)  Villeneuve,  ibid. 


I 


CHAPITRE   XXV.  385 

lissent  tant  l'aspect  du  pays.  Il  y  a  cinq  ou  six  siècles,  les 
pinèdes  et  les  clienaies  étaient  beaucoup  multipliées.  La 
commune  des  Pennes,  dans  le  canton  de  Gardanne,  tire 
son  nom  des  hautes  forêts  de  pins  qui  l'entouraient.  Un 
monument,  découvert  sur  le  territoire  de  cette  commune, 
paraît  indiquer  que  les  forêts  de  Pennes  avaient  été  consa- 
crées à  la  déesse  Gybèle,  dans  le  culte  de  laquelle  ce  coni 
fère  jouait  un  grand  rôle  (i). 

La  partie  de  la  Provence  qui  répond  aux  départements 
actuels  du  Varet  des  Alpes-Maritimes,  a  subi,  en  beaucoup 
de  points,  un  déboisement  aussi  étendu  et  aussi  impi- 
toyable que  celui  dont  a  souffert  le  département  des 
Bouches-du-Rhône  ;  mais  dans  sa  zone  montagneuse, 
l'état  forestier  est  resté  à  peu  près  ce  qu'il  devait  être  en 
Provence  au  moyen  âge.  Les  hauteurs  de  l'Esterel  sont 
couvertes  de  chênes  blancs,  d'yeuses,  de  pins  et  de  hêtres. 
Le  mélèze  et  le  sapin  y  ont  jadis  été  abondants,  mais  ces 
deux  essences  reculent  de  plus  en  plus  vers  le  nord  (2),  et 
on  ne  les  rencontre  plus  guère  dans  l'ancienne  Basse-Pro- 
vence. 

La  forêt  de  la  Sainte-Baume  a  conservé,  à  quelques 
égards,  l'aspect  que  devait  offrir,  il  y  a  cinq  ou  six 
siècles,  le  sol  forestier  de  cette  région  de  la  France. 
Les  traditions  qui  se  rattachent  en  grand  nombre  à  cette 
localité  (3),  nous  la  représentent  comme  ayant  jadis  été 
enveloppée  de  futaies  d'érables,  de  hêtres,  d'ifs,  de  tilleuls, 
qui  ont  disparu ,  ainsi  que  vingt  autres  forêts  de  cette  même 
partie  de  la  Provence,  dont  on  a  conservé  les  noms  (4); 

(1)  Villeneuve,  ouv.  cit.  p.  105.  — Orelli,  Inscripl.  lai.  n»  1896. 
(2J  Villeneuve,  ibid.  t.  IV,  p.  103. 

(3)  Saint  Honorât,  avant  de  se  fixer  dans  l'île  de  Lerins,  s'était  retiré 
à  la  Sainte-Baume.  Bolland.  Act.  Sanclor.  xvi  Januar.  p.  19.  Cf.  Bail- 
let,  Vies  des  Saints,  t.  II,  p.  207. 
.  (4)  Noyon,  Statistique  du  Var,  p.  7C. 

25 


386   LES  FORÊTS  DE   LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

la  plus  importante  s'étendait  de  la  Sainte-Baume  à  Tou- 
lon. De  celles  qui  restent,  l'incendie  a  anéanti  ou  au 
moins  fort  réduit  plusieurs.  La  plupart  des  essences  qui 
les  peuplaient  ont  ainsi  été  expulsées  du  sol  ;  le  chêne- 
liége,  sur  lequel  la  flamme  est  impuissante,  quand  il  a  dé- 
passé un  certain  âge,  a  seul  résisté  au  feu  (1).  Mais  une 
autre  cause  de  destruction  le  menace.  Le  démasclage  (2), 
qui  constitue  dans  le  pays  une  industrie  fort  ancienne, 
a  fait  périr  des  milliers  d'individus  privés  trop  jeunes  de 
leur  écorce,  et  actuellement  des  incendies  consument  les 
derniers  débris  de  cette  antique  parure  des  montagnes  de 
la  contrée  (3).  Mais,  si  la  main  de  l'homme  a  produit  tant 
de  dévastations,  elle  a,  d'un  autre  côté,  réparé  le  dom- 
mage causé  par  son  imprévoyance.  Plusieurs  essences  in- 
connues à  nos  pères  remplacent  maintenant  les  arbres 
détruits;  l'arbousier,  qui  peuple  aujourd'hui  lesforêlsdcs 
Maures,  l'oranger,  le  myrte,  le  laurier-rose,  le  pin  d'Alep, 
acclimaté  par  les  Arabes,  le  pistachier-lentisque  ont  doté 
la  Provence  d'une  végétation  pluschétive,  il  est  vrai,  que 
l'ancienne,  mais  plus  gracieuse  et  plus  odorante  (4),  à  la- 
quelle se  marie  de  plus  en  plus  l'olivier,  indigène  en  Pro- 
vence, ou  du  moins  apporté  par  les  Grecs  dès  une  haute 
antiquité  (5),  et  que  la  culture  a  été  propageant  sans  cesse. 
Théophraste,  Polybe,  Diodore  de  Sicile,  Denys  le  Périé- 
gète  (6)  parlent  des  magnifiques  forêts  qui  couvraient  les 

(tj  Voy.  l'arlicle  de  M.  Ysabeau,  sur  les  forcis  du  Globe,  dans  les 
Annales  foreslières,  t.  XIII,  p.  301. 

(2)  Jbid.  p.  620. 

(3)  Voy.,  sur  les  incendies  de  ces  forêts,  l'article  de  M.  Ysabeau,  dans 
les  Anncdes  foreslières,  t.  III,  p.  439  et  suiv.  Comparez  ce  que  M.  Al- 
bert de  la  Marmora  dit  des  incendies  des  forets  de  la  Sardaigne,  dans 
son  Voyage,  2*  édit.  t.  I,  p.  426. 

(4;  Darluc,  Hisloire  nalurelle  de  la  Provence,  t.  III,  p.  309. 

(5)  Cf.  Am.  Thierry,  Hisloire  des  Gaulois,  3"=  édit.  t.  Il,  p.  5. 

(6)  Dionys.  Perieg.  V,  4G0.  Diodor.  Sic.  V,  13.  (Cf.  Mannert,  Géogra- 
phie der  Griechen  und  Rœmer,  part.  IX,  t.  II,  p.  506  et  suiv.) 


CHAPITRE   XXV.  387 

montagnes  de  la  Corse.  Ces  forêts  ont  été,  comme  celles 
de  la  Sardaigne,  détruites  en  grande  partie  par  les  dé- 
frichements et  les  incendies.  Un  petit  nombre  seulement 
rappelle  la  magnificence  de  la  parure  forestière  de  l'an- 
tique Cyrnos.  Ces  forêts  sont,  en  majorité,  formées  de  pins 
laricio,  ou  pins  de  Corse  ;  il  n'y  a  guère  d'autres  espèces 
que  les  conifères.  Aussi,  depuis  la  réunion  de  l'ile  à  la 
France,  ses  forêts  fournissent-elles  de  précieux  bois  de 
construction.  Les  plus  belles  tiges  se  rencontrent  dans 
les  forêts  de  Parma,  Loma,  Tretore,  Libio,  Aitone  et 
Pietro-Piano.  D'énormes  pins  faisaient  l'admiration  du 
voyageur  dans  la  forêt  de  Vizzavona,  avant  le  terrible 
incendie  qui  vient  de  la  consumer  (septembre  4866). 
Quelques  forêts  de  la  Corse  sont  encore  tout  à  fait 
vierges  et  n'ont  même  point  été  exploitées;  telles  sont 
celles  de  Valdoniello,  qui  présente  des  pins  de  propor- 
tions colossales  (1),  de  Rospa,  dont  l'exploitation  avait 
été  décidée,  de  l'Indinosa,  qui  n'est  qu'une  branche  de 
la  forêt  d'Aitone  (2).  Ailleurs,  de  vastes  défrichements  ont. 
commencé  à  être  opérés.  La  vallée  de  Cruzini,  située  sur 
la  côte  occidentale  de  l'île,  et  qui  s'étend  de  Boccia- 
d'Oreccia  à  Uti,  où  elle  confine  à  la  mer,  n'était  an- 
ciennement qu'une  vaste  forêt  dont  la  destruction  a  été 
presque  achevée  dans  le  xv^i*"  siècle  (3).  Filippini,  dans 
son  Histoire  de  la  Corse,  écrite  au  xvr  siècle,  dit  que  la 
chaîne  principale,  qui  traversel'îlediagonalementjdunord- 
ouest  au  sud-est,  et  à  laquelle  il  assigne  une  étendue  de  70 
milles,  formait  une  suite  de  montagnes  couvertesde  forêts. 

(1)  On  voyait,  il  y  a  quelques  années,  dans  celte  forêt,  un  pin  de 
)i"',20  de  circonférence,  qui  était  connu  dans  le  pays  sous  le  nom  du  Roi 
drs  arbres.  (Voy.  Robiquet,  Rech.  Idsl.  etsiat.  sur  la  Corse,  p.  529.) 

(2)  Robiquet,  oui',  cil-  p.  524  et  suiv. 

(3)  H.  J.  Michiel  von  Kessenich,  Manuscrit  inédit  sur  les  bois  et  les 
forêts,  publié  par  son  lils,  p.  50,  51. 


388   LES  FORÊTS  DELA  GAULE  ET   DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

A  côté  de  ces  forêts  séculaires  croissent  des  forêts 
naines,  vrais  carrascos  de  l'île,  les  maquis,  qui  sont  pour 
Ja  Corse  ce  que  les  jungles  sont  pour  l'Inde,  vastes  éten- 
dues de  broussailles  que  le  feu  dévore  en  vain  et  qui 
repoussent  sans  cesse  sur  le  sol  cent  fois  dévasté  i^ar  l'in- 
cendie (1). 

(1)  Voy.  De  Beaumont,  Observations  sw  la  Corse,  2^édit.  p.  11.  Cl', 
l'article  de  M.  Ysabeau  intitulé  -.  La  Corse  et  ses  forêts.  Annales  fores- 
tières, t.  XIII,  p.  249etsuiv. 


I 


CHAPITRE   XXVI.  389 


CHAPITRE  XXVI. 

l'ORÈTS  DU  LANGUEDOC  ET  DE  LA  GUYEXNE  AU  MOYEN  AGE.  —  FORÊTS  DES 
PYRÉNÉES,  DU,  COUSERANS.  —  FORÊTS  DU  ROUSSILLON,  DE  l'aLBIGEOIS 
ET  DU  ROUERGUE.  —  LES  SAUBES.  —  FORÊTS  DU  BÉARN  ET  DU  PAYS 
BASQUE.  —  ANCIENNES  FORÊTS  DU  QUERCY  ET  DU  PÉRIGORD. 

La  chaîne  des  Corbières,  qui  traverse  le  Bas-Languedoc, 
était,  dans  le  principe,  fort  boisée;  on  n'y  rencontre  plus 
maintenant  que  de  rares  taillis.  Ce  déboisement  a  com- 
mencé sans  doute,  il  y  a  bien  des  siècles,  mais  il  s'est  con- 
tinué jusqu'à  notre  époque,  et  les  vieillards  du  pays  se 
rappellent  encore  avoir  vu  très-ombragées  certaines  mon- 
tagnes qui  ne  sont  plus  à  cette  heure  recouvertes  que  de 
mousse.  Là  où  subsiste  une  végétation  plus  élevée,  on 
n'aperçoit  guère  que  des  arbrisseaux,  des  arbustes,  tels 
que  des  genêts,  des  romarins,  des  bruyères  auxquels 
s'associent  sur  quelques  points  des  arbres  rabougris,  et 
que  dévaste  la  dent  des  moutons  et  des  chèvres  (1). 

Dans  les  Montagnes-Noires,  la  végétation  arborescente 
étant  restée  plus  énergique,  les  dégâts  dus  à  l'impré- 
voyance ou  à  la  cupidité  sont  vite  réparés.  Toutefois,  la 
sécheresse  cause  au  bois  de  graves  préjudices,  et  partout 
où  il  n'est  pas  abrité  contre  les  ardeurs  du  soleil,  il  se 
dessèche  et  languit. 

Nous  possédons  divers  documents  qui  témoignent  de 
l'existence  ancienne,  dans  le  Bas-Languedoc,  de  forêts 
aujourd'hui  totalement  disparues. 

Dans  un  diplôme  de  l'an  864,  daté  de  Compiègne,  et 
contenant  une  donation  faite  par  l'empereur  Charles  le 

(1)  Voy.  Duhamel,  Notice  sur  l'état  des  bois  et  des  furets  en  France, 
dans  le  Journal  des  Mines,  n"  21,  p.  49  (prairial,  an  iv). 


390   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Chauve  à  un  nommé  Adroarius  (1),  il  est  question  de  deux 
forets,  l'une  appelée  Sylva  Monîederna  ou  simplement 
Montedernus,  et  l'autre  Sylva  Bitoranda^  qui  ont  été  depuis 
si  longtemps  défrichées  qu'il  est  difficile  d'en  retrouver 
la  position  précise.  Le  texte  de  la  charte  porte:  <c  Et  cum 
ipsa  Sylva  Monîederna  et  ipso  monte  quem  vocant  Monas- 
teriolum  cum  sylva  Bitoranda  usque  ad  Riotaraciaco  et 
usque  ad  Petraficta  inter  Redense  et  Narbonnense.  » 
D'où  il  suit  que  les  deux  forêts  s'étendaient  entre  le  Nar- 
bonnais  et  le  Rasez,  non  loin  d'un  village  appelé  Petra- 
ficta (en  français  Pierrefitte ,  en  dialecte  languedocien 
Peyrefite).  Or  il  n'y  a,  dans  cette  partie  du  Languedoc, 
que  deux  Peijrefite  :  l'un  dit  Peyrefite  du  Razès  (Aude, 
canton  de  Chalabre),  Tautre  dit  Peyrefite-mr-VEers  (can- 
ton de  Belpech).  La  topographie  des  environs  du  pre- 
mier village  ne  s'adapte  pas  aux  indications  du  diplôme. 
Au  nord  de  Peyrefite-sur-l'Hers  existait  au  contraire, 
au  siècle  dernier,  un  petit  bois  qui  était  désigné  sous 
le  nom  de  bois  de  Montauriol,  et  devait  être  le  dernier 
vestige  de  la  Sylva  Montederna  ;  car  celle-ci  était  placée, 
d'après  la  charte,  près  du  Mons  Mojiasteriolum,  dont 
l'appellation  se  retrouve  altérée  dans  celle  de  Montauriol. 
Au  sud  du  bois  de  ce  nom,  Cassini  en  marque  un  autre 
dit  de  la  Selve,  nom  où  se  reconnaît  une  forme  languedo- 
cienne du  latin  sylva.  Ce  bois  ne  peut  être  que  le  reste  de 
la  forêt  Bitoranda.  Ainsi  les  deux  forêts,  importantes  au 
IX''  siècle,  n'étaient  plus  représentées  au  siècle  dernier  que 
par  deux  maigres  bois.  Nul  doute  qu'au  temps  de  Charles 
le  Chauve,  l'une  de  ces  forêts  ne  s'étendît  jusqu'au  cours 
d'eau  appelé  Lers-Morte,  et  l'autre  jusqu'à  la  Vixiège. 
Dans  les  environs,  le  nom  de  Gaston  (Gâtine),  donné  à 

(I)  Voy.  Hisloriem  de  France,  t.  VIII.  p.  592. 


CHAPITRE    XXVI.  391 

un  hameau,  rappelle  les  défrichements  qui  y  furent  jadis 
opérés. 

Une  forêt  non  moins  importante,  à  en  juger  par  le  nom 
de  Grandis  Sylva  qu'elle  portait  au  xif  siècle  (1),  fut 
celle  de  Fontfroide,  également  située  dans  le  Narbonnais. 
L'examen  de  la  carte  montre  qu'elle  dut  originairement 
s'avancer  beaucoup  plus  au  nord  que  ne  fait  aujourd'hui 
le  bois  auquel  elle  est  réduite.  Dans  cette  direction  se 
trouvait  en  effet  l'abbaye  qui  lui  valut  son  nom,  abbaye 
dont  les  moines  hâtèrent  son  défrichement,  La  dénomi- 
nation de  Grandis  Sylva  ne  pouvant  plus  convenir  aux 
étroites  proportions  dans  lesquelles  la  forêt  s'était  res- 
serrée, tomba  peu  à  peu  en  désuétude. 

La  montagne  de  Cette  s'est  dépouillée  depuis  1622  des 
pins  qui  l'ombrageaient,  et  dont  parle  déjà  Festus  Avie- 
nus  {Setius  inde  nions  tumet.  —  Procerus  arcem  ac  pini- 
fer){% 

Gervais  de  Tilbury  (3)  rapporte  qu'il  avait  existé,  aux 
environs  de  Montpellier,  une  forêt  qui  fut  détruite  par  la 
hache  et  le  feu  {succisa  atque  combusta),  puis  défrichée 
{aratro  scissa).  Une  vigne  y  poussa  sans  avoir  été  plantée, 
et  fournit  pendant  trois  ans  de  très-bon  vin. 

Les  nombreux  étangs  distribués  le  long  de  la  côte  du 
'  bas  Languedoc,  les  alluvions  qui  s'y  accumulent,  ont  dû 
de  tout  temps  s'opposer  à  ce  que  la  végétation  forestière 
y  prît  autant  d'extension  que  dans  la  montagne.  Un  docu- 
ment du  V'' siècle  nous  fournit  la  preuve  que,  sur  certains 
points  de  cette  contrée  littorale,  la  distribution  des  arbres 
n'a  guère  changé.  Un  diplôme  de  l'an  844  renferme  la 


ri)  Gallia  chrisliana,  t.  VI,  col.  199.  Eccles.  Narbon. 
12}  Voy.  ce  que  dit  P.  do  Marca  cité  par  M.   de  Saulcy  [Revue  ar- 
chéolog.,  1867,  p.  88). 

(3)  Olia  impeiialia,  t.  III,  c.  xxxvi,  p.  973,  éd.  Leibnitz. 


392  LES  FORÊTS  DE  LA.  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

concession  d'un  droit  d'usage  et  de  paisson  au  monastère 
de  Psalmody,  dans  une  forêt  voisine,  désignée  sous  le  nom 
de  Pineta  (1).  C'est  celle  qui  subsiste  encore  sous  le  nom 
de  Pinède-de-fAbbé,  près  de  l'emplacement  de  l'ancien 
monastère,  au  nord-est  d'Aigues-Mortes.  Or,  la  dispo- 
sition des  lieux,  coupés  de  marais  et  de  cours  d'eau, 
écarte  l'idée  que  cette  forêt  de  pins  se  soit  jadis  plus 
étendue  qu'elle  ne  fait  aujourd'hui  (2). 

Toute  la  chaîne  des  Pyrénées  a  vu  s'éclaircir  graduelle- 
ment l'épais  manteau  forestier  dont  elle  était  d'abord  en- 
veloppée. Dans  les  Pyrénées  orientales,  le  déboisement  n'a 
pris  des  proportions  considérables  que  depuis  deux  siècles 
environ.  Il  y  a  deux  cents  ans,  de  larges  sapinières  éten- 
daient encore  leur  voile  vert  foncé  sur  la  croupe  de  Ca- 
nigou  (3).  Le  touriste  qui  visite  les  frontières  du  la 
France  et  de  la  Catalogne  aperçoit  de  tout  côté  des  vestiges 
manifestes  de  l'ancienne  richesse  forestière  de  la  région 
orientale  des  Pyrénées.  Aux  bords  des  torrents  s'offrent 
presque  à  chaque  pas  des  ruines  de  forges  que  le  manque 
de  bois  a  obligé  à  éteindre,  mais  dont  l'ancienne  activité 
€st  attestée  par  les  tas  de  scories  çà  et  là  répandues  (4).  Le 
comté  de  Foix  eut  aussi  beaucoup  à  souffrir  de  la  dévas- 

(1)  Voy.  Historiens  de  France,  t.  VIII,  p.  467;  Diplom.  (,Cf.  Gallia 
chrisliana,  t.  VI,  col.  471  ;  Ecoles.  Nemaus.) 

(2)  Dans  la  même  partie  du  Languedoc,  on  trouve,  à  la  fin  du  xii*  siè- 
cle (1174),  mention  d'une  forêt,  dite  forêt  Gothique  ou  Godesque  [Sylva 
Godesca),  sise  près  de  l'abbaye  de  Franquevaux,  dont  le  reste  parait 
être  le  bois  qu'on  rencontre  sur  les  collines,  au  nord  de  Franquevaux, 
dans  la  direction  de  Génêrac.  Brémond,  seigneur  d'Uzès,  y  avait  accordé 
aux  moines  de  l'abbaye  droit  de  paisson  (D.  Vaissete,  Histoire  du  Lan- 
guedoc, t.  III,  preuves,  col.  135),  mais  il  fit  réser\-e  pour  le  droit  d'af- 
fouage et  droits  analogues;  ce  qui  explique  comment  la  forêt  Godesque 
n'a  pas  été  totalement  détruite. 

(3)  P.  de  Marca  (Marca  liispanica,  col.  9),  dit  à  propos  du  mont  Ca- 
nigou  :  Abietum  laudabili  sylva  comalus. 

(4)  Voy.  J.  J.  Baude,  Les  cotes  du  Roussillon,  dans  la  Revue  des  deux 
mondes,  année  1849,  t.  III,  p.  33,  34. 


CHAPITRE   XXVI.  393 

tation  des  forêts  (1).  Le  Couserans  (2)  a  seul  dans  cette  ré- 
gion du  Midi  échappé  à  un  si  déplorable  appauvrisse- 
ment. Ses  belles  forêts  fournissent  encore  de  quoi  alimen- 
ter des  mines  de  fer  dont  l'exploitation  remonte  au  temps 
des  Ibères  et  qui  étaient  si  multipliées  à  la  fin  du  xv^ 
siècle,  que  les  ouvriers  du  pays  ne  suffisaient  plus  et  qu'on 
était  obligé  d'en  faire  venir  d'Allemagne  (3), 

En  avançant  plus  à  l'ouest,  les  traces  du  déboisement 
sont  plus  apparentes,  les  pentes  se  dégarnissent.  C'est  là 
un  jait  déjà  fort  ancien  ;  Strabon  (4)  remarquait  que  le 
versant  septentrional  des  Pyrénées  était  nu,  comparé  au 
versant  méridional,  ombragé  par  les  essences  les  plus 
variées.  Toutefois  il  ne  faut  pas  s'exagérer  l'étendue  du 
déboisement  ;  nous  avons  des  preuves  que  bien  des  parties 
du  département  actuel  des  Basses-Pyrénées  étaient  encore 
très-boisées,  il  y  a  plusieurs  siècles.  Froissart  nous  parle 
du  Béarn  comme  d'un  pays  riche  en  bois.  C'est  dans  un 
de  ces  bois,  aujourd'hui  détruit,  que  s'éleva  naguère  la 
chapelle  qui  devint  plus  tard  la  cathédrale  de  Lescar  (5). 
Au  VIII''  siècle,  une  immense  forêt  de  hêtres  s'étendait  sur 

(1)  Voy.  ce  qu'écrivait  en  1801  le  préfet  Brun  (Ebauche  d'une  cles- 
cripl.  du  dépl.  de  VAriége,  p.  9). 

(2)  Le  Couserans  ou  Conserans  et  le  pays  de  Comminges  sont  très- 
montagneux  et  encore  assez  boisés.  Une  bulle  du  pape  Alexandre  III, 
en  faveur  de  l'abbaye  de  Bonnefont,  en  Comminges,  mentionne  des 
localités  de  ce  pays  appelées  Silva,  Silveyra.  [Gall.  christ.  1. 1,  Instrum., 
p.  180.) 

(3)  Voy.  la  déclaration  de  Beaugency,  de  novembre  1483,  dans'Isam- 
bert,  Recueil  général  des  anciennes  lois  françaises,  t.  XI,  p.  xii.  Cf.  Cor- 
respondcmce  administrative  sous  le  règne  de  Louis  XIV,  publ.  par  Dep- 
ping,  t,  III,  p.  876,  t.  IV,  p.  .52.  Il  se  pourrait  toutefois,  qu'ainsi  que  cela 
se  passa  sous  le  ministère  de  Colbert,  l'introduction  des  ouvriers  alle- 
mands ait  eu  pour  véritable  motif  leur  habileté  dans  la  métallurgie. 

(4)  Strabon,  III,  p.  161. 

(5)  La  charte  do  fondation  de  Lescar,  ville  bâtie  en  1084  par  Lopofort, 
porte  qu'en  ce  lieu  niliil  invenit  prœter  sijlvani  et  ecclesiolam  B.  Joannis 
Daptislw.  (Voy.  Marca,  ouv.  cit.  p.  212,  etPalassou,  Mémoires  pour  ser- 
vir à  l'histoire  naturelle  des  Pyrénées,  p.  190  et  suiv.  (,Pau,  1815.) 


394  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  L  ANCIENNE  FRANCE. 

tout  le  défilé  de  Roncevaux.  «  Est  enim  locus  ex  opacitate 
sylvarum,  quarurn  ibi  maxima  est  copia,  insidiis  ponendis 
opportunus,  »  dit  Eginhaid  (1). 

Le  département  des  Basses-Pyrénées  ne  présente  plus 
de  nos  jours  qu'un  fort  petit  nombre  de  forets  de  quelque 
importance;  ce  sont  celle  de  Gabas,  commune  de  La- 
runs,  arrondissement  d'Oléron,  et  celle  d'Iraty,  qui  s'étend 
sur  les  deux  cantons  de  Tardets  et  de  Saint-Jean-Pied-de- 
Port  ;  mais  antérieurement  leur  nombre  était  beaucoup 
plus  considérable.  Dans  la  vallée  de  Soûle,  la  forêt  d'Ar- 
bailles  ou  d'Arbalhe  recouvrait  une  partie  des  communes 
de  Gamou-Gihigue,  Aussurucq,  Ordiarp,Musculdy;Saint- 
Just-Ibarre  et  Behorleguy  (2). 

Le  nom  de  Saube  ou  Seubeque  portent  encore  plusieurs 
localités  de  ce  dép.artement,  est  dérivé  du  latin  sijlva  ou 
silvœ,  ainsi  que  les  chartes  en  font  foi  (3)  ;  mais  les  forêts 
qui  leur  valurent  ce  nom  ont  disparu.  Ainsi  le  village  de 
La  Seube  occupe  l'emplacement  de  l'ancienne  forêt  d'Es- 
cout(4).  Au  diocèse  d'Oléron  existait  une  abbaye,  celle  de 
Saudebonne-de-Luc,  appelée  antérieurement  Sauvebone- 
de-Luc,  et  dont  le  nom  latin  était  Sanctus  Vincentius  de 
saltu  bono  ou  de  luco,  en  mémoire  de  la  forêt  au  milieu  de 
laquelle  elle  fut  élevée  (5).  J'ai  déjà  parlé  de  l'abbaye  de 
Sauveiade  {Sylva  Lato),  dans  le  diocèse  de  Lescar,  qui  s'é- 
leva, en  1127  (6),  au  milieu  d'une  forêt  de  hêtres,  dite 

(1)  Yila  Karoli  Magni,  9,  p.  32,  éd.  Teulet. 

(2)  Paul  Raymond,  Dictionnaire  lopoQraphique  des  Basses-Pyrénées. 
p.  8. 

(3)  Ibidem,  p.  96.  — Lasseube  (arrondissement  d'Oléron)  est  désignée 
sous  le  nom  de  Sylvse,  dans  une  charte  de  1305. 

(4)  Palassou,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  naturelle  des  Py- 
rénées, p.  173,  190  et  suiv.  (Pau,  1815.) 

(5)  Gallia  chrisliana,  t.  I,  col.  1281,  Eccles.  Olor. 

(6)  Idem,  t.  I,  col.  1305;  Eccles.  Lascar.  —  L'abbaye  de  Sauveiade, 
de  l'ordre  de  Cîteaux,  désignée  aussi  sous  le  nom  de  Seublade  ou  Ceu- 
blade,  donna  naissance  à  un  village  compris  aujourd'hui  dans  le  canton 


CHAPITRE   XXVI.  395 

pour  cette  raison,  la  forêt  du  Faget  (Fagus)  (i);  il  ne 
reste  plus  aujourd'hui  de  cette  forêt  que  d'insignifiants 
vestiges,  quoique  Tépithète  de  LaU(  dénotât  que  dans  le 
principe  elle  était  très- vaste.  Il  ne  serait  guère  possible 
aujourd'hui,  tant  Sauvelade  a  été  défrichée,  d'en  recons- 
truire sur  la  carte  les  limites  précises.  Cap  del  bosc,  loca- 
lité sise  à  l'ouest,  à  plus  de  deux  kilomètres  au  delà  du 
territoire  de  l'abbaye,  et  Moulin-du-Bosc,  autre  localité 
déboisée  que  l'on  rencontre  à  plus  d'une  lieue  au  sud-est, 
indiquent  certainement  d'anciens  cantons  de  la  forêt,  qui 
dut  comprendre  le  bois  d'Abos,  placé  au  sud-est. 

L'abbaye  de  la  Reule  fut  fondée  en  un  canton  appelé 
Sauvestre(5'?//De5/?'/5),  à  raison  de  son  aspect  forestier  (2). 
Ce  pays  de  Sauvestre  s'étendait  le  long  du  Gave  de  Pau 
jusqu'à  Haget-Aubin  et  Sault-de-Navailles.  Ce  dernier 
nom,  dérivé  du  latin  saltiis,  et  celui  de  Castillon-en-Sau- 
vestre  attestent  l'existence  ancienne  de  forêts  là  oîi  ne 
s'élèvent  plus  que  de  minces  bouquets. 

Le  versant  méridional  des  Pyrénées  occidentales  est  le 
seul  qui  puisse  encore  donner  quelque  idée  de  l'aspect 
qu'offraient  jadis  un  grand  nombre  de  régions  du  Béarn 
et  de  la  Navarre  française.  Aux  montagnes  d'Iropil  et  vers 
les  gorges  d'Iral,  les  hêtres  forment  un  épais  rideau  sur 
lequel  les  gaves  se  dessinent  comme  des  fils  d'argent  ;  leurs 
eaux  bouillonnantes  roulent  souvent  les  troncs  fracassés  par 
les  avalanches.  De  la  crête  des  monts  jusqu'au  bas  de  la 


de  Lagor,  et  qui  comptait  déjè,    en   1385,  dix-sept  feux.  (Voy.  P.  Ray- 
mond, ouv.  cil.,  p.  158  et  ce  qui  a  été  dit  p.  133.) 

(1)  «  In  Sylva  quse  vocatur  Fajet,  in  loco  qui  dicitur  sylca  lata,  »  lit-on 
dans  la  charte  de  donation  de  Gaston,  vicomte  de  Bearn. 

(2)  La  Reule  ou  La  Réole,  à  trois  lieues  nord-ouest  de  Lescar,  fondée 
au  X*  siècle,  sous  le  nom  de  Sandus  Petrus  de  Régula,  dans  le  pays  de 
Sauvestre.  «  Monaslerium  situm  in  pago  Vasconia?  qui  Sylvestrensis 
dicitur.  »  {Gall.  clirisliana,  t.  I,  col.  1303.  Eccirs.  Lascar.) 


396  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

vallée,  les  forêts  d'Iraty,  d'Aran,d'Artigues-Teline,  d'Ordc- 
sa,du  Val  de  Lastos,  de  Bielsa,  promènent  leurs  lignes  té- 
nébreuses. La  pente  moins  rapide  du  versant  sud  donn( 
plus  rarement  naissance  à  des  avalanches,  et  cette  causi 
jointe  au  peu  de  développement  de  l'industrie,  a  préser\ 
jusqu'à  présent  ce  côté  des  Pyrénées  de  la  perte  de  sa  pa- 
rure (1). 

Le  Haut-Armagnac,  maintenant  si  découvert,  renfermait 
encore  au  moyen  âge  uneforêt  d'assez  notable  importance; 
c'était  celle  de  Bouconne  ou  de  Baconne,  qui  conserva  pen- 
dant longtemps  la  physionomie  des  antiques  et  téné- 
breuses forêts  de  la  Gaule.  «  La  grande  et  profonde  forêt 
de  la  Baconne,  écrit  Fr.  de  BelleCorest  (2),  pour  laquelle  il 
y  a  de  grands  procès  entre  les  comtes  d'Isle  et  de  Tolose, 
à  cause  des  limites,  je  l'ai  vue  si  épaisse,  qu'on  n'y  eût 
sceu  choisir  un  homme  à  quatre  pas  là  où  maintenant  il 
y  fait  beau  et  large,  tant  l'on  l'a  éclaircie,  je  pense,  pour 
en  chasser  les  voleurs  qui  y  repairaient  ordinairement.  » 

Toutefois,  malgré  la  présence  de  ce  débris  important  des 
grandes  forêts  de  la  Gaule,  la  Gascogne,  dont  les  plaines 
riches  et  riantes  appellent  la  culture,  était,  selon  toute 
vraisemblance,  déjà  largement  défrichée  à  l'époque  qui 
nous  occupe.  Dans  les  pièces  nombreuses  que  D.  Clément 
de  Brugèles  a  recueillies  à  la  suite  de  ses  Clironiques  ecclé- 
siastiques du  diocèse  cl'Auch  (3),  on  ne  rencontre  que  fort 
peu  de  mentions  de  bois  et  de  forêts.  Il  y  est  sans  cesse 
parlé  de  prairies,  de  champs  de  blé,  de  vignobles,  de  jar- 
dins potagers.  Quand  les  bois  sont  nommés,  ils  n'appa- 
raissent que  comme  des  accessoires.  Évidemment,  au 


(1)  Voy.  Arbanère,  Tableau  des  Pyrénées  françaises,  t.  II,  p.  ^7;i 

(2)  Cosmographie,  1. 1,  col.  372.  (Paris,  1575.) 

(3)  Voy.  Chroniques  ecclésiastiques   du  diocèse  d'Auch.  Toulous- 
17iG,  in-4°. 


CHAPITRE  XXVI.  397 

moyen  âge,  les  grandes  forêts  avaient  depuis  longtemps 
.  disparu  de  la  province.  Au  xii*  siècle,  lorsque  fut  fondée 
i  l'abbaye  de  Gimont,  son  territoire  était  encore  occupé  par 
un  bois  (jiemus)  qui  gardait  le  nom  de  Plana sijlva  (1),  rap- 
pelant son  importance  primitive;  Depuis  le  xif  siècle, 
cette  forêt  n'a  cessé  d'être  défrichée  ;  elle  n'est  plus  re- 
présentée de  nos  jours  que  par  quelques  maigres  bou- 
quets. Au  nord  de  l'emplacement  qu'occupait  l'abbaye  de 
Gimont,  l'ancienne  présence  des  bois  est  accusée  par  plu- 
sieurs lieux-dits  :  Le  Bosc^  Saint-Pé-du-Bosc,  le  Brouil, 
Embouas,  etc. 

L'abbaye  du  Haut-Faget  {Altum  Fagetum),  antérieure 
au  IX''  siècle  (2)^  atteste  par  son  nom  qu'il  existait  dans 
son  voisinage,  à  cette  époque,  une  forêt  de  hêtres  qui 
a  été  depuis  longtemps  abattue.  Pareillement  les  noms 
de  Haget-Aubin  (Basses-Pyrénées),  Hagetmau  (Landes) 
tirent  leur  origine  d'anciennes  forêts  de  hêtres  et  de  peu- 
pliers blancs  qui  occupaient  le  territoire  de  ces  petites 
villes  (3).  A  la  fin  du  xi=  siècle,  on  trouvait  à  une  faible 
distance  d'Auch,  la  forêt  de  Nigra  Yallis,  qui  s'étendait 
aux  environs  de  Montant  (4),  dans  un  pays  qui,  de  nos 
jours,  est  totalement  découvert  (5).  La  Medkma  sglva, 
forêt  non  moins  importante,  ombrageait  les  environs  de 


(1)  Gall.  chrislian.  t.  I,  col.  1026.  Ecoles.  Ausc. 

(2)  Voy.  Gallia  cJiristiana,  1. 1,  col.  1009.  Ecd.  Aiisc. 

(3)  C'est  ce  que  nous  apprend  Palassou,  loc.  cit.  —  Toutefois  l'éléva- 
tion de  la  Chalosse,  qui  ne  dépasse  guère  130  mètres,  paraît  peu  favo- 
lable  à  la  végétation  du  hêtre,  qui,  dans  le  Limousin,  ne  descend  pas 
au-dessous  de  5  à  GOO  mètres,  et,  dans  les  Pyrénées,  de  700. 

(4)  Voy.  Gallia  chrisliana,  t.  I,  p.  100,  insirumenta  ;  cf.  D.  Clément 
de  Brugèles,  Chroniques  ceci,  du  diocèse  d'Auch,  preuves,  p.  58. 

(5)  Peut-être  la  localité  appelée  Lasseiihe,  au  sud  d'Auch,  et  Masseube 
occupent-ils  l'emplacement  d'une  partie  de  cette  forêt  de  la  Vallée- 
Noire,  dont  le  nom  contraste  avec  l'aspect  actuel  du  jiays.  Le  petit  bois 
de  Saintc-Dode  peut  en  être  un  reste. 


\ 


398    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Madéran,  au  diocèse  de  Tarbes  (1).  Il  semble  que  cet! 
forêt  s'étendit  au  sud  de  Gastelnau-Rivière-Basse,  cui 
divers  noms  de  lieux  y  rappellent  la  présence  des  bois.  Du 
reste,  le  pays  de  Bigorre  est  encore  assez  riche  en  forêts, 
et  le  déboisement  n'y  a  pas  pris  d'aussi  grandes  propor- 
tions que  dans  l'Agénois  et  la  Gascogne  propre. 

Les  bords  de  la  Garonne,  depuis  Toulouse  jusqu'au  delà 
deMontauban,  offraient  une  succession  de  forêts  étendues 
dont  les  vestiges  sont  encore  nombreux.  L'examen  de  la 
carte  permet  de  renouer  la  ligne  des  localités  boisées  qui 
leur  servait  comme  de  soudure  et  que  le  temps  a  disjointe. 
Sur  la  rive  gauche  de  ce  fleuve  régnait,  au  commence- 
ment du  xii*  siècle,  une  forêt  qui,  dans  le  pays,  était  ap- 
pelée la  Gra?uIe-Fo?'êt  (Grandis  sijka),  nom  qui,  dans  le 
dialecte  du  pays,  est  devenu  la  Gi^and Selve  (2).  C'est  au 
sein  de  cette  forêt  que  s'éleva  en  l'honneur  de  la  Vierge 
un  monastère  célèbre  de  l'ordre  de  Saint-Benoît  (3).  La 
Grand'Selve  fut  peu  à  peu  envahie  par  les  moines  et  ré- 
duite aux  conditions  d'un  simple  bois. 

Cette  grande  bande  forestière,  coupée  par  la  Garonne, 
était  traversée  par  la  Daire,  dont  les  eaux  conduisaient  au 
fleuve  les  troncs  qui  tombaient  sous  la  hache  des  gens  de 
l'abbaye.  A  la  suite  de  nombreux  essartements,  laGrand'- 


(1)  Voy.  Ex  iniliis  Madirensis  monasterii,  dans  les  Ilistorkns  de 
France,  t.  XI,  p.  Hô. 

(2)  «  In  territorio  Tolosse  est  iinum  cœnobium  in  honore  Sanctie 
Mariae  quod  vocatur  Major  Sylva,  ubi  primus  abbas  fuit  Stephanus.  » 
Chronic.  Malleacens.  cité  par  J.  Besly,  Histoire  du  Poitou,  preuves, 
p.   450. 

(3)  Voy.  Notilia  de  fundatione  monasterii  Sylvx  majoris,  dans  les 
Historiens  de  France,  t.  XI,  p.  312  et  407,  t.  XIV^  p.  45,  —  Gallia 
christiana,  t.  XIII,  col.  127.  Eccles.  Tolos.  —  Chronic.  Malleac.  ad 
an.  1120,  dans  les  Historie7}s  de  France,  t.  XII,  p.  407.  Voy.  aussi  Ju- 
glar.  Monographie  de  l'abhaye  de  Grandselve,  dans  les  Mémoires  de  la 
Société  archéolog.  du  midi  de  la  France,  1857. 


CHAPITRE   XXVI.  399- 

Selve  finit  par  se  scinder  en  deux  parties  que  séparait 
la  rivière,  et  celle  qui  était  placée  au  delà  de  la  Daire, 
prit  le  nom  de  forêt  de  Verdun,  de  la  ville  au  sud  de 
laquelle  elle  est  située. 

La  partie  orientale  et  nord-est  du  département  actuel 
de  Tarn-et-Garonne,  formée  d'une  fraction  du  Languedoc 
et  de  la  Basse-Marche  du  Rouergue,  présentait  une  suc- 
cession de  forêts  qui  servaient  de  limites  communes  aux 
Tolosates,  et  aux  Rutènes,  aux  Cadurques. 

Les  forêts  du  Rouergue  et  de  l'Albigeois  ont  été  incon- 
testablement plus  étendues  qu'elles  ne  le  sont  aujourd'hui, 
et  comme  celles  des  Pyrénées,  elles  doivent  avoir  eu  à 
souffrir  de  la  dévastation  et  de  l'imprévoyance. 

Des  bois  de  chênes  recouvraient  jadis  les  collines  cal- 
caires du  Rouergue  (1)  ;  ils  ont  disparu.  La  forêt  de  Pa- 
lance,  située  à  l'est  de  Rodez,  s'étendait  vraisemblablement 
à  l'origine  de  l'Aveyron  au  N.  jusqu'à  la  Viaur  au  S.  Mais 
les  territoires  de  St-Martin-des-Cormières,  de  Vibal  et 
d'Argués  furent  pris  sur  la  forêt  dans  la  région  qui  aA'oi- 
sine  la  Viaur,  et  déjà,  au  siècle  dernier,  le  grand  essart  de 
Malvertie,  ouvert  au  centre  de  la  partie  la.  plus  boisée, 
frappa  comme  au  cœur  l'existence  de  cet  épais  groupe 
d'arbres.  Vers  la  frontière  du  Rouergue  et  du  Languedoc 
proprement  dit,  un  autre  débris  important  des  anciennes 
forêts  de  cette  partie  de  la  France,  est  la  belle  forêt  de 
Guillaumard,  sise  au  S.  de  Cornus,  et  qui  est  comprise 
entre  la  Pesade  au  N.  et  l'Orb  au  S.  On  est  ici  dans  la  ré- 
gion des  Cévennes,  dont  les  montagnes  sont  en  grande 
partie  dépouillées  de  leur  manteau  forestier.  En  s'avançant 
plus  au  N.,  les  pentes  du  mont  Largoust,  dont  la  cime 
s'élève  au  N.-O.  de  Valleraugue  (Gard),  gardent,  dans  la 

(1)  Bosc,  Mémoires  pour  servir  à  Vhisloire  naturelle  du  Rouergue, 
t.    I,   p.  29,  69. 


400   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

forêt  des  Goilles  ou  de  Galcadis,  un  lambeau  de  ce  vête- 
ment arborescent. 

Dans  l'Albigeois,  le  défrichement  semble  avoir  été 
moins  prononcé  que  dans  le  Rouergue.  Plusieurs  forêts 
assez  vastes  s'y  voient  encore.  Telle  est  d'abord  celle  de 
Grésigne,  qui  recouvre  un  sol  de  grès  bigarré,  d'argile  et 
de  marne,  dans  le  canton  deCastelnau-de-Montmirail,  sur 
les  frontières  du  bas  Quercy  ;  au  x^  siècle,  elle  apparte- 
nait au  comte  de  Toulouse  ;  elle  fut  partagée,  au  xiir, 
entre  plusieurs  propriétaires,  et  offrait  encore,  au  xvii*  siè- 
cle, une  superficie  de  7,150  arpents  ;  elle  en  a  aujour- 
d'hui une  de  3,264  hectares.  Au  moyen  âge,  une  foule  de 
communes  y  jouissaient  de  droits  d'usage,  notamment 
celle  de  Gaillac,  qui  y  avait  droit  de  fjaudence,  c'est-à-dire 
droit  de  prendre  chaque  année  pour  faire  merrain  150 
pieds  d'arbres,  en  payant  un  prix  déterminé.  Les  rois  de 
France  s'efforcèrent  de  limiter  ces  privilèges,  souvent 
abusifs  ;  une  lutte  s'engagea  entre  la  royauté  et  les  usa- 
gers, qui  ne  finit  qu'à  la  Révolution.  Gaillac  se  désista  de 
son  droit  en  1637  (1). 

Au  nord  de  la  forêt  de  Grésigne,  dans  le  canton  de 
Vaour,  s'étendaient  sur  la  commune  de  Montricoux,  des 
bois  considérables  où  les  communes  avaient  également 
des  droits  d'usage  ;  ils  leur,furent  accordés  par  les  Tem- 
pliers, possesseurs  d'une  commanderie  dans  le  canton, 
lesquels  n'avaient  fait  de  réserves  que  pour  les  forêts  de 
Breton  et  de  Castres  (2). 

Citons  encore,  comme  ayant  une  notable  importance, 
les  forêts  de  la  Narbonnaise,  de  la  Cabarède,  de  Girous- 
sens  et  de  Vialavert.  Ces  deux  dernières  ont  été  toutefois 


(1)  Voy.  les  détails  donnés  dans  A.  Rossignol,  Monographies  commu- 
nales du  dcparlemenl  du  Tarn,  Part,  ii,  t.  III.  p.  298. 

(2)  Voy.  A.  Rossignol,  ouv.  cit.  Part,  ii,  t.  III,  p.  218. 


CHAPITRE  xxvr.  401 

partiellement  démantelées.  La  forêt  d'Angles,  jadis  l'or- 
nement de  l'Albigeois,  n'est  plus  représentée  que  par  le 
bois  assez  maigre  de  Salabert,  d'où  ont  disparu  les  gi- 
gantesques sapins  qui  firent  jadis  la  renommée  de  la 
forêt  (1).  Un  bois,  dont  l'abbaye  de  Candeil  a  perpétué  le 
nom,  doit  être  compté  également  parmi  les  pertes  qu'a 
faites  la  végétation  sylvestre  en  cette  province  (2).  La  fon- 
dation de  ce  monastère,  vers  1150,  fut  une  des  causes 
principales  de  la  destruction  du  bois;  les  religieux,  après 
en  avoir  abattu  une  partie,  accordèrent  libéralement  des 
droits  d'usage  aux  communes  environnantes. 

L'Agénois  paraît  avoir  été  déboisé  depuis  une  époque 
fort  ancienne  et  couvert  de  nombreuses  cultures,  dès  le 
temps  des  Romains.  La  carte  ne  nous  offre  plus  aujour- 
d'hui le  moindre  vestige  de  forêt,  et  les  noms  de  localités 
rappelant  la  présence  d'arbres  ou  de  bouquets  y  sont 
rares. 

Le  Quercy  était  beaucoup  plus  boisé.  Bien  des  forêts 
importantes  en  ont  disparu.  Citons  d'abord  la  forêt  de 
Trégazou  {Tresgonus),  située  aux  environs  de  Saint-Céré 

(1)  Massol,  Descrijytion  du  déparlem.  du  Tarn,  p.  186,  187.  (Alby,. 
1818,  in-8°.) 

(2)  Voy.  A.  Rossignol,  ouv.  cil.  Part.  I,  t.  I,  p.  104.  184.  Ce  bois  de 
Candeil  {Boscus  de  Candelio)  était  situé  au  sud  de  Gaillac,  dans  le  canton 
de  Cadalen.  Giraud  Bec  et  Guillaume  de  Grave  y  cédèrent,*  vers  1150,  à 
Alexandre,  abbé  de  Grand'Selve,  un  territoire  où  fut  élevée  l'abbaye  qui 
prit  le  nom  de  Candeil.  (D.  Vaissette,  Histoire  du  Languedoc,  t.  II, 
preuves,  col.  528.)  Les  termes  mornes  de  la  charte  de  concession  nous 
montrent  qu'à  cette  époque  il  y  avait  dans  le  bois  de  Candeil  une  partie 
défrichée  {cullum  el  incullum, d'ii  la  charte).  De  faibles  vestiges  de  bois 
se  voient  encore  près  l'emplacement  de  l'ancienne  abbaye.  A  l'ouest, 
il  devait  s'étendre  au  moins  jusqu'à  Saint-Laurent-du-Bosc-Gros,et  à  l'est, 
il  se  prolongeait  beaucoup  plus  loin,  jusqu'à  Saint-Salvi-de-Foresestes 
et  à  Notre-Dame-de-Salviniame,  dont  les  noms  sont  suffisamment  signi- 
ficatifs. Dans  l'intervalle  de  plus  de  10  kilomètres  qui  sépare  de  Candeil 
ces  deux  localités,  on  rencontre  d'autres  lieux-dits  dont  la  signification 
nous  reporte  également  à  l'existence  d'anciens  bois,  tels  sont  :  le  Bouis- 
son,  la  Bouisse,  La  Foresl.  Bousquet.  Ardenne.  etc. 

20 


402   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

(Lot),  et  que  donna,  en  878,  à  l'abbaye  de  Beaulieu,  le  fils 
de  Godefroy,  vicomte  de  Turenne  (1). 

Cette  forêt  pourrait  bien  être  la  même  que  celle  qu'on 
trouve  plus  tard  appelée  forêt  de  Saint-Céré  et  qui  occu- 
pait l'emplacement  de  la  ville  de  ce  nom,  quand,  antérieu- 
rement au  xiii^  siècle,  fut  élevée  la  chapelle  de  Sainte- 
Spérie,  à  laquelle  Saint-Céré  doit  son  origine  (2).  Figeac, 
à  l'arrondissement  duquel  Saint-Céré  appartient  était 
encore,  aux  yiii°  et  ix°  siècles,  environné  de  vastes 
forêts  (3). 

La  tradition  populaire  veut  que  la  région  orientale  du 
Haut-Quercy,  qui  s'étend  depuis  Figeac  jusqu'à  la  frontière 
de  l'Auvergne,  et  où  se  rencontrent  Sainte-Colombe  et 
Prendeignes,  ait  été  jadis  occupée  par  une  vaste  forêt 
dans  laquelle  croissaient  le  chêne,  le  bouleau  et  surtout 
le  châtaignier  qui  domine  encore  aujourd'hui  en  cette  ré- 
gion. Un  diplôme  de  Pépin  I,  roi  d'Aquitaine,  du  23  sep- 
tembre 838,  par  lequel  ce  prince  confirme  diverses  pos- 
sessions et  accorde  divers  privilèges  à  la  célèbre  abbaye 
de  Conques,  en  Rouergue,  vient  à  l'appui  de  cette  tradi- 
tion. Car,  parmi  ces  possessions,  Pépin  comprend  sa  forêt 
de  Prendeignes  ou,  comme  on  disait  alors,  de  Premleremies 
[Foresta  nostra  quœ  nominatur  Panderemia),  et  la  phrase 
qui  précède  montre  que  la  forêt  était  voisine  de  Sainte- 
Colombe  [Sancta  Columha)  (4). 

Au  sud-est  de  Caussade,  sur  la  frontière  du  Quercy  et 
du  Languedoc,  la  petite  forêt  de  La  Vaur  a  dû  se  ratta- 
cher anciennement  à  celle  de  La  Garrigue,  située  plus  à 

(1)  M.  Deloche,  Carlulaire  de  l'abbaye  de  Beaulieu,  n°  xi.vi,  p.  83. 

(2)  Delpon,  Staiisiique  du  département  du  Lot,  t.  I,  p.  451,  t.  II. 
p.  15. 

(3)  Delpon,  ibid.  1. 1,  p.  445. 

(4)  Je  dois  ce  i)récieux  renseignement  au  fravant  M.  Lacabane,  si 
vorsé  dans  l'histoire  du  Quercy. 


CHAPITRE   XXVI.  403 

l'est,  car  entre  ces  deux  forêts,  des  lieux-dits  [Bousquet^ 
Bart,  Albenque,  etc.)  rappellent  la  présence  des  bois.  Elle 
a  pu  également  faire  corps  avec  la  forêt  de  Breton,  sise 
plus  au  nord. 

LeVivarais,  pays  montagneux  et  inégal,  n'a  jamais 
offert  ces  vastes  tapis  de  forêts  qu'on  trouve  dans  la 
France  septentrionale,  mais  ses  hauteurs  étaient  naguère 
plus  ombragées  que  de  nos  jours.  Il  en  était  de  même  de 
Gévaudan.  En  s'avançant  de  Villen^uve-de-Berg  jusqu'à 
Bagnols  et  aux  bords  de  la  Gèze,  on  rencontre  une  succes- 
sion de  bois  (Bois  de  Valbonne,  Montclus,  Bonze,  Malbose, 
Leaux,  Saint-Maurice,  Arus)  qui  semblent  être  les  débris 
des  forêts  qui  occupaient  à  l'origine  la  plus  grande  partie 
du  territoire  des  Helviens. 

En  s'approchant  du  Vélay,  dont  j'ai  déjà  parlé  au 
chap.  XXII,  de  véritables  forêts  reparaissent.  Au  nord  de 
Montpézat  s'étend  la  forêt  de  Dauzon  à  laquelle  la  Loire, 
encore  très-voisine  de  ses  sources,  sert  depuis  longtemps 
de  limite.  Elle  dut  dans  le  principe  être  unie  à  la  forêt 
de  Bauzon,  située  au  sud-ouest,  déjàtrès-réduiteau  siècle 
dernier,  et  dont  le  défrichement  fut  hâté  par  la  fondation 
de  l'abbaye  de  Mazan. 

Le  Périgord  offre  aussi  de  nombreux  vestiges  de  bois; 
leur  étendue  originelle  nous  est  indiquée  par  des  noms 
de  localités.  L'espèce  de  presqu'île  que  forme  en  se  con- 
tournant le  cours  de  la  Dronne  et  qui  est  situé  au  sud  de 
la  Roche-Chalais,  en  est  surtout  riche  (1).  De  Ci  vrac  à  Ber- 
gerac, le  pays  paraît  avoir  jadis  présenté  une  succession 
de  landes  et  de  bois.  C'est  là  qu'on  trouve  :  Saint-HUaire- 
du-Bois,  Sai?it-Marti7i-de-L€rme,  dont  le  surnom  est  em- 


(1)   On  y  trouve,   par  exemple,    Grand-Bois-Vert,   Petil-Bois-VerL 
Bois-Martin. 


404   LES  FORÊTS  DE  LV  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

prunté  à  une  lande  ou  désert  (Eretum),  Soubie-Ie-BoiSr 
La  Forest,  près  Sainte-Innocence,  Les  Forests,  entre  Cu- 
nèges  et  Thenac,  le  Bosc. 

L'une  des  plus  importantes  forêts  du  Périgord  était 
celle  de  Ver,  qui  paraît  devoir  être  identifiée  avec  la  sij/vo 
Eclobola,  dont  parle  le  continuateur  de  Frédégaire  (1). 
Cette  forêt  avait  du  reste  été  ouverte  avant  l'époque  fran- 
que,  puisqu'elle  était  traversée  par  la  voie  romaine  de 
Périgueux  à  Gahors,  dont  on  voit  encore  un  tronçon 
près  Rossignol. 

La  Guienne  proprement  dite  n'a  dû  jamais  présenter 
les  grandes  étendues  de  forêts  que  Ton  trouve  dans  le 
midi  de  la  France  en  se  rapprochant  de  la  partie  mon- 
tagneuse. 

La  marche  qui  séparait  dans  le  principe  le  territoire 
de  Petrocorii  de  ceux  des  Cadurci  et  des  Lemovices,  était 
toute  semée  de  forêts  et  de  bois,  entre  lesquels  il  faut 
citer  la  forêt  de  Goly  qui  s'étendait,  il  y  a  plusieurs  siècles, 
des  bords  de  la  Vezère  aux  frontières  du  Limousin,  ainsi 
que  cela  se  reconnaît  à  la  suite  de  bouquets  qui  sont 
marqués  sur  la  carte  de  Gassini.  Un  autre  vestige  de 
cette  marche  sylvestre  est  la  forêt  de  BourzoUes  qui  s'a- 
vançait jusqu'à  la  rive  droite  de  la  Dordogne  et  n'était 
elle-même,  au  moyen  âge,  que  la  partie  orientale  de  la  forêt 
de  Salagnac,  sise  au  sud  de  celle  de  Goly  et  au  nord- 
ouest  de  Souillac. 

J'ai  déjà  parlé  ci-dessus  de  la  forêt  de  Saint-James  qui 
était  située  au  nord-ouest  de  Bourdeilles  ;  elle  paraît  être 


(1)  Voy.  Chronic.  Frcdcgar.  continuât.  Pars  IV  auctor.  anonj-m. 
c.  134,  dans  les  Ilisloriciis  de  France,  t.  V,  p.  8.  Le  chroniqueur 
(lit  que  cette  forêt  était  dans  le  pagus  Petrocorrccvs.  C'est  dans  cett.; 
forêt  que  se  réfugia,  en  768,  Waifre,  duc  d'Aquitaine,  poursuivi  par  Pi- 
pin-le-Bref. 


CHAPITRE   XXVI.  405 

le  reste  de  la  bande  forestière  qui  s'étendait  dans  le  prin- 
cipe entre  le  Périgord  et  l'Angoumois. 

L'extension  des  vignobles  a  peu  à  peu  chassé  les  forêts 
du  Médoc  et  du  Bazadois.  En  d078,  à  six  lieues  au  sud  de 
Bordeaux,  existait  une  forêt  épaisse,  remplie  de  buissons 
et  de  ronces;  les  habitants  du  pays  l'appelaient  la  Grande- 
Forêt,  Saulve-Majour  {Sylva  Major).  C'est  là  que  saint  Gé- 
raud  ou  Gérard,  qui  avait  obtenu  de  Guillaume  VII,  comte 
de  Poitiers  et  duc  d'Aquitaine,  la  concession  de  ce  dé- 
sert (1),  construisit  un  monastère.  Aujourd'hui  l'emplace- 
ment de  l'abbaye  de  la  Saulve-Majour,  dont  le  nom  s'est 
altéré  en  celui  de  La  Séoube,  se  trouve  dans  un  canton 
complètement  défriché  et  n'offrant  presque  aucune  trace 
d'arbres  ;  mais  les  noms  de  Gùtineau,  de  Hautbois^  de 
Bois-du-Roi,  de  la  Forêt,  de  Bois-des-Filles,  de  Bois-des- 
Moulins,  de  Breuil,  etc.,  sont  autant  d'indices  de  l'exis- 
tence antérieure  d'une  grande  forêt.  La  Saulve-Majour 
devait  s'étendre  de  Crognon-aux-Loupes  à  la  Trène;  sa 
lisière  allait  vraisemblablement  rejoindre,  par  Mainac, 
l'emplacement  qu'occupent  Haux  et  Targon,  d'où  elle  re- 
venait à  Grognon,  en  passant  par  une  localité  du  nom  de 
La  Forêt.  La  Saulve-Majour  n'est  pas  la  seule  forêt  dans 
cette  province  de  la  France  dont  on  puisse  constater  la 
disparition.  On  sait  d'autre  part  que  de  hautes  futaies 
ombrageaient  la  Benauge  (2),  l'Entre-deux-Mers,  les  deux 
rives  de  la  Dordogne  et  de  la  Garonne.  Les  noms  de  Bous- 
cat  (Boscus),  de  Bois-Majou  (Boscus  Major),  de  la  Barthe 

(1)  «  Et  ad  locuni  qui  Sylva  Major  inter  duo   maria  nuncupatur, 

adduxit sylva  autem  in  circuitu  tani   densa  vepribus   et  sentibus 

creverat,  quod  nullus  ad  ecclesiam  appropinquare  poterat,  nisi  gladio 
aut  alio  feramento  prius  iter  fecisset.  »  (Boll.  ActaSS.  v.  April,  p.  419  ; 
(S.  Hugon,  Florac,  De  modernis  Francorum  regibus,  dans  les  Hisloriei^s 
(le  France,  t.  XII,  \).  797.) 

(2)  Le  chêne  blanc  constituait  l'essence  principale  des  forêts  do  l'an- 
cienne Benauge. 


406   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

{Bartha)  et  une  foule  d'autres  y  rappellent  encore  l'exis- 
tence de  forêts  dont  il  ne  reste  plus  d'autre  souvenir  (1). 
Le  canton  confinant  à  la  Guyenne  et  à  la  Saintonge 
était  jadis  occupé  par  une  vaste  forêt,  qu'on  peut  re- 
garder comme  ayant  été  le  prolongement  de  la  ligne  fores- 
tière qui  partageait  en  deux  la  France,  el  marquait  sa 
région  centrale.  Cette  forêt  était  celle  de  Pleine-Selve  ou 
Plane-Selve  {Plana-Sylva),  dans  laquelle  fut,  en  1148, 
fondée  l'abbaye  qui  en  prit  le  nom  (3),  et  qui  s'est  aussi 
appelée  Saint-Géniez-de-la-Plaine.  L'étendue  de  cette 
forêt,  que  traversait  la  route  de  Blaye  à  Mirambeau, 
à  l'estimer  par  l'aire  où  sont  répandus"  les  noms  de  lieux 
qui  en  rappellent  l'existence  (4),  était,  de  l'est  à  l'ouest, 
de  près  de  trois  lieues.  Elle  comprenait  au  sud  une  lande, 
dans  laquelle  fut  construit  le  village  de  Saint-Giers  (Saint- 
Ciers-1  a-Lande).  Sans  doute  qu'à  l'origine  la  Plcine-Selvc 
se  rattachait  à  la  forêt  de  Saintes,  dont  il  a  été  parlé  plus 
haut  (5). 

(1)  Jouannet,  Statistique  du  département  de  la  Gironde,  t.  II,  Part,  t, 
p.  28. 

(2)  Voy.  ce  qui  a  été  dit  au  sujet  d'une  forêt  de  même  nom,  p.  397. 

(3)  Gallia  christiana,  t.  II,  col.  892  ;  Eccles.  Burdigal. 

(4)  Ainsi,  à  l'ouest  de  la  roule,  on  rencontre  le  Petit-Bois,  et  au  sud- 
est  Boisredon,  Bois-Menu,  le  Bosquet,  Bois-Sec,  Bois-Renau,  Sauvêtre, 
Drouillard-des-Bois,  etc. 

(5)  Yoy.  p.  371. 


CHAPITRE   XXVII.  407 


CHAPITRE  XXVII. 

ARBRES  CÉLÈBRES  PAR  LEUR  VÉTUSTÉ  ET  LEURS  GRANDES  DIMENSIONS.  — 
DERNIERS  HABITANTS  DES  ANCIENNES  FORÊTS. 

Non -seulement  les  anciennes  forêts  de  la  France  ont 
laissé  de  leur  importance  passée  et  de  leur  extension  pri- 
mitive, des  traces  que  fait  découvrir  l'inspection  de  la 
carte,  mais  quelques-uns  des  arbres  qui  les  habitaient,  il 
y  a  quatre  ou  cinq  siècles,  ont  vécu  jusque  de  nos  jours. 
Entourés  d'une  végétation  plus  jeune  de  dix  ou  douze 
générations,  ils  peuvent  être  regardés  comme  les  pa- 
triarches de  nos  bois,  et  une  sorte  de  vénération  les  a 
défendus  contre  la  hache  qui  n'a  point  respecté  d'autres 
vieux  baliveaux  (1). 

On  sait  que,  placés  dans  un  terrain  et  à  une  exposition 
très- favorables,  les  arbres  prolongent  parfois  leur  exis- 
tence durant  des' siècles.  On  a  pu  apprécier  l'étonnante 
antiquité  de. plusieurs,  par  le  nombre  de  couches  concen- 
triques dont  se  compose  leur  tronc  (2).  Le  chêne  de  La 

(1)  Une  des  principales  raisons  delà  rareté  des  vieux  arbres  dans  nos 
forêts,  c'est  que  la  loi  permettait,  avant  la  révolution,  aux  gens  de  main- 
morte, d'abattre  une  partie  des  baliveaux,  dits  anciens  baliveaux,  c'est- 
à-dire  âgés  de  100  à  120  ans,  à  condition  de  commencer  par  ceux 
qui  donnaient  les  signes  les  plus  évidents  de  vétusté  et  de  dépérissement. 
Voy.  Duhamel  du  Monceau,  De  V Exploilalion  des  Bois,  p.  139. 

(2)  Cette  manière  d'apprécier  l'âge  des  arbres  n'est  applicable  qu'aux 
climats  tempérés.  Dans  les  contrées  tropicales,  telles  que  le  Mexique,  où 
la  végétation  est  si  active  qu'en  trois  ans  un  arbre  a  atteint  la  grosseur 
pour  laquelle  il  faudrait  en  Europe  douze  à  quinze  ans,  en  une  seule 
année  il  se  forme  souvent  de  trois  à  six  de  ces  cercles,  et  l'ignorance  de 
ce  fait  a  conduit  parfois  à  prêter  aux  végétaux  de  l'Amérique  et  de  l'A- 
frique une  antiquité  exagérée.  Voy.  l'excellent  ouvrage  de  M.  le  baron 
J.-W.  deMiilIcr,  Reisen  in  den  Vereinigten  Slaaten,  Canada,  und Mexico^ 
t.  I,  p.  232. 


408   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Mothe,  dans  l'arrondissement  de  Neufchâteau,  a  7  mètres 
de  circonférence,  et,  à  en  juger  par  son  diamètre,  doit 
dater  du  xii"  siècle.  On  abattit  en  1825,  près  de  Treignac 
(Corrèze),  un  chêne  d'une  grosseur  plus  considérable  en- 
core, car  il  ombrageait  une  surface  de  plus  de  dix  ares; 
son  tronc  mesurait  18  mètres  en  circonférence,  et  il  en 
naissait  quatre  branches  principales  ayant  chacune 
1  m.  20  de  diamètre;  ce  qui  dénote  un  âge  non  moins 
avancé  que  celui  du  chêne  de  La  Mothe.  C'est  aussi  au  xir 
siècle,  qu'il  faut  faire  remonter  la  naissance  de  deux  ifs  de 
La  Haie  de  Roulot,  arrondissement  de  Pont-Audemer  {\). 
Le  genévrier  qui  s'élève  à  l'extrémité  de  la  maison  de  cam- 
pagne de  Gresset,  près  d'Amiens,  l'emporterait  encore 
en  antiquité  sur  ces  respectables  vétérans  delà  végétation 
sylvestre,  si  l'on  en  croit  la  tradition  populaire,  car  elle 
veut  que  ce  conifère  ait  été  planté  par  saint  Firmin, 
premier  évêque  de  la  ville.  On  pourrait  douter  de  la 
réalité  de  cette  date,  si  dans  d'autres  parties  du  monde 
on  n'avait  pas  signalé  des  conifères  d'une  aussi  haute 
antiquité.  En  Californie,  par  exemple,  se  rencontrent  cer- 
taines variétés  de  pins  qui  atteignent  jusqu'à  100  mètres 
de  haut  et  6  de  diamètres  et  dont  les  cônes  ont  jusqu'à 
0m.40  de  long;  leur  naissance  date  de  plusieurs  siècles (2). 
Bien  d'autres  localités  de  la  France  possèdent  des  arbres 


(1)  Voy.  A.  Le  Prévost,  Mémoires  cl  notes  sur  le  déparlement  di 
l'Eure,  t.  II,  part,  i,  p.  236. 

(2)  Voy.  DuhaïU-Cilly,  Voyage  autour  du  monde,  1835,  t.  II.  p.  225. 
— Duflot  de  Mofras,  Exploration  de  VOrègon,  1. 1,  p.  478;  t.  II,  p.  403. 
Toutefois  il  faut  rabattre  beaucoup  de  l'antiquité  qu'on  a  attribuée  à  ces 
arbres,  par  ce  qui  vient  d'être  dit  ci-contre  ;  le  baron  J.-W.  de  Millier 
estimeque  sous  les  tropiques  les  arbres  vivent  rarement  plus  80  à  100  ans. 
Dans  les  forets  de  l'Amérique  du  Nord,  on  voit  peu  de  très- vieux  arbres, 
parce  que  la  décomposition  est  hùtée  par  les  alternatives  de  pluie  et  de 
soleil.  Voy.  Ch.  Lyell,  Travels  in  Xorth  America,  t.  I,  p.  60  (Londres. 
1845J. 


CHAPITRE   XXVII.  409 

d'une  prodigieuse  vétusté.  Dans  le  département  de  la 
Haute-Saône,  on  en  cite  notamment  plusieurs  :  Il  y  a  un 
chêne  au  bois  de  la  Malachère  dont  le  tronc  unique  se 
divise,  au  sortir  de  terre,  en  dix  tiges  élancées  ayant  cha- 
cune près  de  0  m.  40  centimètres  de  diamètre.  Que  d'an- 
nées n'a-t-il  pas  fallu  pour  que  cet  arbre  atteignît  de  telles 
dimensions!  Le  tilleul  qui  s'élève  au  milieu  du  village 
d'Oricourt,  a  près  de  7  mètres  de  circonférence  ;  ses  bran- 
ches prennent  toutes  naissance  à  deux  mètres  du  sol  et 
forment  un  massif  d'ombre  et  de  verdure  dont  la  circon- 
férence est  de  près  de  30  mètres.  A  Fresne-Saint-Mamès, 
deux  autres  tilleuls  remontent,  suivant  la  tradition,  à 
l'année  1340. 

Dans  la  plupart  des  grandes  forêts  de  la  couronne,  les 
paysans  montraient  encore,  il  y  a  cinquante  ans,  certains 
chênes  royaux  auxquels  se  rattachaient  des  souvenirs 
historiques,  et  dont  les  dimensions  et  l'aspect  attes- 
taient la  vétusté  (1). 

L'habitude  de  ne  couper  les  futaies  qu'à  un  âge  très- 
avancé,  favorisait  la  multiplication  de  ces  arbres  de  fort 
brin  qui  pullulaient  dans  les  anciennes  forêts  doma- 
niales (2).  Ils  servaient  à  marquer,  dans  les  chasses,  les 
quêtes  et  les  relais  (3).  En  la  forêt  de  Vincennes,  existait 
naguère  un  chêne  sous  lequel  on  assurait  que  saint  Louis 
avait  rendu  la  justice.  Dans  celle  de  Compiègne,  le  chêne- 
rouvre,  dit  de  Saint-Jean,  si  remarquable  par  sa  confor- 
mation bizarre,  paraît  remonter  à  une  assez  haute  anti- 

(1)  J'ai  lieu  de  croire,  écrit  P.  de  Candolle,  qu'il  existe  encore  dans 
nos  pays  des  chênes  de  quinze  à,  seize  siècles-,  mais  il  serait  utile  de  con- 
stater ces  dates  par  des  travaux  plus  soignés.  [De  la  longévité  des  arbres, 
dans  la  Bihliollièque  universelle  de  Genève,  1831,  t.  XLVII,  p.  64.) 

2)  Cf.  Draiet,  Traité  de  Vaménagemenl  des  bois  et  forcis,  p.  29.  Ces 
forêts  étaient  généralement  aménagées  à  cent  cinquante  ans. 

(3)  Voy.  Rob.  de  Salnoue,  la  Vénerie  royale,  p.  341  et  suiv. 


410   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

quité(l).  Près  de  Châtillon-sur-Seine,  à  la  colline  Sainte- 
Anne,  s'élève  un  chêne  qui  compte,  dit-on,  près  de  huit 
cents  ans;  car  on  assure  qu'il  fut  planté,  en  1070,  sous  les 
premiers  comtes  de  Champagne  (2).  Le  chêne  surnommé 
le  Charlemagne  qui  n'avait  pas  moins  de  20  pieds  de  cir- 
conférence (3),  les  chênes  dits  de  Clovis,  de  la  reine  Blan- 
che,  de  Henri  IV,  de  Sully,  les  futaies  rfi<  Gros-Fouteau, 
de  la  Tillaie  (4)  de  la  forêt  de  Fontainebleau,  sont  plusieurs 
fois  centenaires.  Voici  encore  d'autres  exemples  d'arbres 
d'une  extrême  longévité  et  les  noms  de  plusieurs  vétérans 
de  nos  forêts:  Le  chêne  de  Henri  IV,  dans  la  forêt  de 
Roumare  en  Normandie  ;  celui  d^ Allouville  {^)  près  d'Yve- 
tot,  qui  a  près  de  12  mètres  de  circonférence  et  dont  on 
évalue  l'âge  à  900  ans;  le  chêne  des  Vendeurs  de  la  forêt  de 
Montfort  dont  la  circonférence  mesure  plus  de  13  mètres 
et  dont  la  hauteur  est  proportionnelle  ;  le  chêne  gigan- 
tesque de  la  forêt  de  Brotonne  que  ses  prodigieuses  di- 
mensions ont  fait  appeler  la  Cuve;  un  autre  chêne  très- 
ancien  de  la  forêt  de  Trouhart  (Calvados)  ;  le  chêne 
Salle  ou  Soret  de  la  forêt  de  Bellesme,  dont  on  estime  l'âge 
à  800  ans  (6);  le  chêne  dit  des  Sept-Frères  de  la  forêt  com- 

(1)  Voyez,  sur  ce  chêne,  la  notice  de  M.  Poirson,  Annales  foresticres, 
t.  I,  p.  719.  Il  est  probable  que  la  dénomination  de  chênes  de  Saint-Jean, 
appliquée  à  certains  chênes  de  nos  forêts,  remonte  aux  cérémonies  drui- 
diques qui  se  célébraient  sous  les  chênes  sacrés,  à  l'époque  du  solstice 
d'été. 

Ci)  Voyez,   sur  ce  chêne,  les  détails  donnés  dans  l'Allgemeine  Forst-  ' 
vnd  Jagd-Zeitiing,  mars  1834,  p.  152. 

(3)  Cf.  Dennecourt,  Guide  dans  la  forêt  de  Fontainebleau,  p.  23. 

(4)  Dejinecourt,  ouv.  cil.,  p.  112.  La  futaie  de  la  grande  Tillaie  est 
une  des  plus  belles  de  la  forêt  de  Fontainebleau,  si  riche  en  arbres  gi- 
gantesques; on  y  remarque  ceux  qui  sont  désignés  sous  les  noms  dii 
Goliath,  du  Pharamond,  du  Majestueux. 

(5)  Voy.  sur  ce  chêne  de  Jouy,  L'Ermite  en  province,  dans  ses  OEuvres, 
t.  Vil,  337.  Une  chapelle  a  été  établie  dans  l'intérieur  de  ce  chêne. 

(6)  Voy.  sur  le  chêne  de  la  forêt  de  Montfort,  J.-B.  Thomas,  Traité 
général  de  statistique,  culture  et  exploitation  des  bois,  t.  I,  p.  37G;  sur 


CHAPITRE   XXVII.  411 

munale  de  Charmes  (Vosges),  doit  son  nom  aux  sept  puis- 
santes tiges  nées  de  sa  souche  ;  il  s'élève  près  de  la  fon- 
taine Gauffy.  Au  même  département^  dans  la  forêt  de 
Saint-Ouen-lez-Parez_,  le  chêne  des  Partisans  fut  ainsi  ap- 
pelé parce  qu'au  commencement  du  xvi^  siècle,  il  servit 
de  point  de  réunion  aux  partisans  Lorrains  qui  dévas- 
taient alors  les  forêts  et  désolaient  les  villages  de  la  fron- 
tière française (i);  le  chêne d' Au trage  (Haut-Rhin)  abattu, 
il  y  a  quelques  années  (2),  avait  14  m.  de  tour  à  sa  base; 
plusieurs  rameaux  mesuraient  en  circonférences  à  4  m.  ; 
le  chêne  à  la  IS'otre-Dame,  dans  l'arrondissement  de  Po- 
ligny,  entre  Villers-les-Bois  et  le  Petit-Villey  demeura 
jusqu'au  moment  de  sa  destruction  l'objet  d'un  pieux 
pèlerinage  (3)  ;  le  chêne  dit  du  comte  Thibaud,  dans  la 
forêt  de  Marchenoir  ;  le  chêne  Rognon  àiidu  Druide,  dans 
la  forêt  de  la  Pommeraye  (Maine-et-Loire)  ;  le  chêne  au 
Duc,  dans  la  forêt  de  Gavre  près  Blain  (Loire-Inférieure)  ; 
le  tilleul  du  château  de  Chaillé  (Deux-Sèvres)  ;  le  Chêne  de 
la  chair  au  Point  dans  la  forêt  de  Saint-Benoit-du-Sault 
(Indre)  offrait  plus  de  17  m.  de  circonférence  à  3  m.  au- 
dessus  du  sol,  et  son  tronc  creux  servit  aux  jeunes  filles  de 
salle  de  danse  (4). 


le  chêne  dit  la  Cuve,  Cochet,  La  Seine-Inférieure  historique  et  archéo- 
logique, p.  316.  Ce  chêne  est  sur  la  lisière  de  la  forêt  près  le  Lendin. 

(1)  Voy.  H.  Lepage  et  Charton,  le  département  des  Vosges,  t.  II,  p.  104, 
470,  47). 

(2)  Cet  arbre,  au  débit,  a  donné  environ  170  stères  de  bois.  La  cavité 
de  son  tronc  avait  2  mètres. 

(3)  Rousset,  Didionn.  géograph.  des  communes  du  dépari,  du  Jura, 
t.  VI,  p.  239.  Des  pèlerins  avaient  pratiqué  dans  la  tige  de  cet  arbre  une 
niche  où  fut  yilacée  une  madone  qui  valut  son  nom  au  chêne.  Suivant  la 
croyance  populaire,  le  diable,  sous  la  forme  d'un  lièvre  boiteux,  allait 
chaque  dimanche  au-devant  des  fidèles  qui  se  rendaient  h  l'église  de  Se- 
iigney,ct  il  se  faisait  poursuivre  par  eux,  de  manière  à  ne  les  laisser  ar- 
river que  quand  la  messe  était  achevée. 

(4)  Voy.  sur  cet  arbre  les  détails  donnés  par  le  D''  E.  de  Beauforl. 


412  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Tous  ces  arbres,  auxquels  se  rattachent  des  «traditions 
historiques  (1),  ont  vécu  dans  les  forêts  du  moyen  âge. 
D'autres,  non  moins  anciens  peut-être,  n'ont  pas  autant 
attiré  l'attention  ;  tels  sont  les  magnifiques  baliveaux 
qu'on  rencontre  dans  la  forêt  de  Nouvion  (Aisne)  et  dans 
celle  de  Der  (Haute-Marne,  canton  de  Brancourl)(2). 

Combien  de  ces  patriarches  de  nos  bois  ont  disparu, 
après  avoir  fait,  durant  des  siècles,  l'admiration  de  ceux 
auxquels  ils  distribuaient  libéralement  leur  ombrage  ! 
L'homme,  en  les  voyant  périr,  ne  peut  se  défendre  d'un 
sentiment  de  regret,  ainsi  que  l'a  heureusement  exprime 
Guillaume  le  Breton,  dans  sa  PJnlippide,  en  parlant  la 
destruction  de  l'orme  de  Gisors,  un  des  derniers  survi- 
vants, au  xii'  siècle,  des  forêts  druidiques.  La  description 
qu'il  en  donne  pourrait  s'appliquer  à  la  plupart  des 
baliveaux  dont  nous  venons  de  rappeler  les  noms  : 

dans  ses  Recherches  archéologiques  sur  les  environs  de  Sainl-BenoU-du- 
SauU,  dans  les  Mémoires  de  la  Société  des  antiq.  de  l'Ouest,  an.  1800-61, 
]).  271.  —  A  5  m.  au-dessus  du  sol,  cet  arbre  se  divisait  en  4  branches  qui 
auraient  pu  fournir  une  poutre  de  20  m.  de  lonj:ueur.  Trois  chevaux  char- 
gés pouvaient  se  tenir  ù  l'abri  dans  son  tronc.  Ce  chêne,  qui  se  trouvait  à 
J'entrée  du  bois,  a  disparu,  il  y  a  30  ans  environ. 

(1)  Ces  vieux  chênes  rai)pellent  celui  (ju'on  voyait,  au  temps  dePlutar- 
que,  près  du  Céphise,  et  qui  ijortail  le  nom  d'Alexandre,  en  mémoire  de 
ce  que  le  grand  conquérant  avait  dressé  dessous  sa  lente  (17/.  Alcxand., 
g  9,  p.  22,  éd.  Reiske). 

(2)  Thomas,  ouv.  cit.  On  pourrait  encore  citer  des  arbres  fort  anciens, 
quoique  n'appartenant  pas  tous  à  la  période  qui  nous  occupe,  et  qui  sont 
aujourd'hui  les  derniers  représentants  d'un  état  forestier  qui  a  disparu; 
tels  sont  :  l'arbre  des  Sept-Frères,  de  la  forêt  de  Villers-Cotterets,  le 
hêtre  des  Beauremonts,  de  la  forêt  de  Compiègne,  le  Châtaignier  brôlé^ 
de  la  forêt  de  Montmorency.  Il  y  a  quelques  années,  nous  eussions  pu  join- 
dre à  cette  liste  les  magnifiques  futaies  de  la  mare  d'Auleuil  et  le  hêtre 
pleureur  de  la  forêt  de  Troarn,  près  Caen.  (Voy.  Philippar,  Etudes  sylvi- 
roles,  dans  les  Annales  de  l'agriculture  française,  4*  série,  t.  "VI,  p.  305, 
30G.  De  Candolle,  Mém.  cil.  dans  \a.  Bibliothèque  universelle  de  Genève.) 
Nous  rappellerons  aussi  l'oranger  surnommé /f  Grand-Bourbon,  qui  fui 
planté  en  1411,  par  une  des  aïeules  de  Jeanne  d'Albret.  (Voy.  Bévue 
britannique,  5«  série,  t.  VIII,  p.  297  ;  on  donne  dans  cet  article  de  cu- 
rieux détails  sur  ces  orangers.) 


CHAPITRE    XXV)  I.  413 

Haîid  procul  a  mûris  Gisorti  qua  via  plures 
Se  secat  in  partes,  prœgrandi  robore  quéedam 
Ulmus  erat  visu  gratissima,  gratior  usu 
Ramis  ad  terram  redeuntibus,  arte  juvante 
Naturam,  foliis  uberrima  ;  roboris  imi 
Tanta  mole  tumens,  quod  vix  bis  quatuor  illud 
Protensis  digitis  circumdent  bracchia  totum  ; 
Sola  nemus  faciens,  tôt  obumbrans  jugera  terne 
Milibus  utmultis  solatia  mille  ministret  (1). 

Plus  les  exigences  de  l'industrie  se  multiplieront,  plus 
les  vieux  arbres  deviendront  rares  dans  les  forêts  ;  car 
celles-ci  tendent  à  passer  des  mains  de  l'État  dans  celles 
des  particuliers  qui  ne  les  exploitent  pas  à  de  si  longues 
révolutions.  En  France, l'État,  sur  les  9  millions  d'hectares 
boisés,  n'en  possède  que  100, 000,  représentant  un  revenu  de 
30  à  35  millions  de  francs  ;  les  essences  résineuses  tendent 
en  même  temps  à  remplacer  les  amentacées,  les  cupuli- 
fères,  qui  nous  fournissent  la  plupart  de  ces  majestueux 
vétérans  delà  végétation  des  temps  passés. 

(t'  Liv.  III,  V.  102  et  suiv.  Hisloriens  de  France,  t.  XYIII,  p.  148. 
Le  poète  dit  plus  loin  qu'après  que  l'arbre  eut  été  abattu  parles  Français, 
une  nouvelle  génération  de  rejetons  sortit  du  sein  de  la  terre  et  donna 
naissance  à  une  forêt  : 

Nam  nova  progenies  fructicum  succrevit  ad  ii^siar 

A  terra  sensim  steterat  qua  nobile  lignum  ; 

Quœ  numerum  vincens,  sylvam  facit  ordine  pulchro. 


414  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  L* ANCIENNE  FRANCE. 


CHAPITRE  XXVIII. 

ANIMAUX  QUI  HANTAIENT  LES  ANCIENNES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  J  —  PLALNTES 
AUXQUELLES  ILS  DONNENT  LIEU.  —  POPULATION  DES  FORÊTS.  —  ASSO- 
CIATIONS PARMI  LES  HABITANTS  DES  FORÊTS. 

On  ne  saurait  douter  qu'au  temps  où  la  Gaule  était  cou- 
verte de  forêts,  les  bêtes  fauves,  les  animaux  sauvages  n'y 
fussent  singulièrement  multipliés.  L'urus  {Bos  primige- 
iiius)  hantait  encore  la  forêt  Hercynienne,  au  temps  de 
César  (1),  et  les  Germains  excellaient  à  lui  dresser  des  piè- 
ges. Pline  donne  à  entendre  qu'il  avait  habité  la  Gaule  (2). 
Répandu  d'abord  dans  toute  l'Europe  occidentale  et  cen- 
trale, cet  animal  disparut  peu  à  peu  de  nos  forêls.  Sous 
les  Mérovingiens,  il  était  devenu  assez  rare  pour  que  ces 
rois  s'en  réservassent  la  chasse  (3).  Le  poëme  de  Niehe- 
lungen,  rédigé  au  xii^  siècle  sur  des  traditions  beaucoup 
plus  anciennes,  mentionne  le  Bos  'primigenins  au  nombre 
des  animaux  qu'on  chasse  dans  l'Odenwald,  non  loin  de 
Worms  (4).  Avec  lui  avait  vécu  l'aurochs,  que  César  n'a 
point  mentionne,  mais  qui  est  évidemment  le  bison,  dont 
parlent  Pline  et  Sénèque  (5),  car  la  chronique  de  Saint- 
Gall,  rédigée  au  xif  siècle,  le  désigne  sous  le  nom  de 
Veson  omnipoteiis,  et  nous  apprend  que  les  moines  en 

(1)  Caesar,  De  bell.  g  ail.,  VI,  28. 

(2)  Pline  en  parle  comme  d'un  animal  de  la  Germanie.  Hist.  nat., 
VIII,  15,  16,  81,  éd.  Sillig.  «  Uri  enim  gallica  vox  est,  qua  feri  boves 
signiflcantur,  »  dit  Macrobe  {Saturn.,  VI,  4). 

(3j  Voy.  Legrand  d'Aussy,  Vie  privée  des  Français,  t.  I,  p.  371. 

(4)Voy.  les  Niehelungen,  16*  aventure,  trad.  par  M™"  Moreaux  de  la 
MeUière,"  t.  I,  p.  288,  291,    371. 

(5)  Pline  [Ilist.  nal.,  VIII,  17,  p.  81,  éd.  Sillig)  en  parle  comme  d'un 
animal  de  la  Germanie. 


CHAPITRE   XXVIII.  415 

faisaient  servir  la  viande  dans  leurs  repas  (1).  Au  xiii« 
siècle,  l'aurochs  ne  se  rencontrait  plus  qu'en  Bohême  et 
en  Carinthie  (2),  et  de  nos  jours  sa  descendance  se  réduit 
à  quelques  individus  parqués  dans  la  forêt  de  Biéloviecza, 
en  Lithuanie  (3).  Plus  redoutable  pour  le  chasseur  était  le 
chama,  appelé  aussi  par  les  Gallo-Romains  rufius,  et  qu'à 
la  description  que  nous  en  donne  Pline  (4),  nous  recon- 
naissons pour  être  notre  lynx  ou  loup-cervier.  Au  xv"  siècle, 
on  le  chassait  dans  les  forêts  des  Pyrénées  (5),  et  quel- 
ques individus  ont  encore  été  tués  de  nos  jours  sur  les 
hauteurs  ombragées  des  Alpes  (6).  L'ours,  qui  continue  à 
hanter  les  vallées  les  plus  sauvages  des  Pyrénées  (7),  était 
jadis  très-commun  et  se  trouvait  dans  des  cantons  d'où 
il  a  complètement  disparu.  Si  l'on  en  croit  la  légende  de 
saint  Vaast  ou  Védast,  ce  carnassier  habitait,  aux  v""  et 
vr  siècles,  les  forêts  de  TArtois  (8).  Les  loups  pullulaient, 
et  au  moyen  âge,  leurs  troupes  affamées  accouraient  de 


(1)  Voy.  ce  que  dit,  sur  cet  animal.  M.  Ed.  Lartet,  dans  sa  dissertation 
intitulée  :  Nouvelles  recherches  sur  la  coexistence  de  Vhomme  et  des 
grands  mammifères  fossiles  réputée  caractéristique  de  la  dernière  pé- 
riode géologique ,  dans  les  Annales  des  sciences  naturelles,  iv"  série,  par- 
tie zoologique,  t.  XV,  p.  230. 

(2)  Voy.  les  fragments  d'un  géographe  latin  du  xviir  siècle,  publiés 
par  M.  Wackernagel,  dans  la  ZeitschiHft  fiir  deutsches  AlteiHhum,  de 
Haupt,  t.  IV,  p.  487,  483,  c.  xc,  xxx.  Toutefois,  un  siècle  auparavant,  on 
voit  par  ce  que  dit  Fitz-Stephen,  que  l'immense  forêt  de  Middlesex  abon- 
dait encore  en  taureaux  sauvages,  qui  devaient  être  des  aurochs  (Cf.  Sam. 
Pegge,  On  the  hunting  ofthe  ancient  inJiahitants  of  our  Island,  Britons 
and  Saxons,  dans  l'Archœologia,  t.  X,  p.  163  (1792). 

(3)  Voyez,  sur  cette  ancienne  forêt,  le  Mémoire  de  Brinken,  publié  en 
1825,  à  Varsovie,  et  analysé  dans  les  Nouvelles  annales  des  voyages, 
2«  série,  t.  III,  xxxni,  p.  277. 

(4)  Hisl.  nat.,  VIII,  xix,  28,  p.  90,  éd.  Sillig. 

(5)  C'est  ce  ipi'oa  voit  par  l'ouvrage  de  Gaston  Phœbus. 

(6)  Cet  animal  se  trouve  encore  dans  le  Hartz. 

(7)  On  le  rencontre  notamment  dans  la  vallée  d'Ossau,  circonstance  qui 
valut,  au  moyen  âge,  à  cette  vallée  le  nom  d'Ursuni  Saltus. 

(8)  Un  ours  sortit  des  forêts  qui  s'étendaient  au  delà  du  Crinchon, 


416  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

très-loin  dans  nos  forêts  et  jusque  dans  les  villes,  pour 
dévorer  les  cadavres  abandonnés  à  la  suite  de  ces  com- 
bats incessants,  triste  fruit  des  guerres  civiles  et  des 
luttes  des  seigneurs  (1).  Les  pores  sauvages,  les  san- 
gliers, erraient  par  troupes  nombreuses  dans  les  forêts 
de  la  Gaule,  où  les  glands  leur  fournissaient  une  abon- 
dante nourriture  (2),  et  leur  multiplication  les  rendait 
aussi  dangereux  que  les  carnassiers  (3).  Les  renards,  les 
cerfs  n'étaient  pas  moins  répandus.  Peut-être,  à  l'arrivée 
des  premiers  Celtes  en  Gaule,  continuaient  à  vivre  dans 
nos  bois  quelques-uns  de  ces  ruminants  qui  ont  laissé 
leurs  débris  dans  les  dépôts  quartenaires,  associés  à  des 
ouvrages  de  main  d'homme  :  Le  renne  qui,  à  une  épo- 
que très-ancienne,  vécut  dans  les  Pyrénées  ;  le  grand 
cerf  d'Irlande  {Megaceros  Hibeniicus),  dont  les  restes 
se  sont  rencontrés  à  la  fois  dans  le  nord  de  la  France 
et  jusqu'au  pied  des  Pyrénées,  qui  habitait  les  Iles  Bri- 
tanniques, à  une  époque  à  peine  éloignée  de  quelques 
siècles  des  temps  de  la  conquête  romaine  (4),  l'élan. 


nous  dit  la  vie  de  ce  saint  (F.  Alcuini,  V'da  S.  Vedasti  dans  les  Œuvres 
d'Alcuin,  t.  II,  vol.  2,  p.  1G8,  éd.  Froben). 

(1)  Il  est  dit  à  ce  sujet,  dans  les  additions  à  la  Vénerie^  de  du  Fouil- 
lou.v,  fol.  112  :  «  Ainsi  les  tient-on  (les  loups)  pour  Lestes  de  passage 
et  qui  viennent  de  bien  loin,  comme  des  Ardennes  et  autres  grandes  fo- 
rests.  Ce  qui  attire  aussi  une  quantité  de  loups  en  un  pays,  ce  sont  les 
guerres,  car  les  loups  suivent  toujours  un  camp,  etc. 

(2)  Strabon,  IV,  p.  197. 

(3)Sigel>ert,  roi  des  Anglo-Saxons,  périt  déchiré  par  un  troupeau  de  ces 
animaux  qui  vaguait  dans  la  foret  d'Andred  (Sussex),  où  il  s'était  ré- 
fugié après  avoir  perdu  sa  couronne.  Voy.  Camden,  Drilannia,  éd.  Gib 
son,  3*  édit.,  col.  151. 

(4)  Voy.l^artet,  Dissertation  citée,  passim.  Il  faut  toutefois  faire  remar- 
quer que  dans  l'opinion  dequehjues  naturalistes,  et  notamment  du  célèbre 
paléontologiste  Owen,  le  Megaceros  hibeniicus  appartiendrait  à  l'époqife 
antérieure  aux  tourbières  d'Irlande,  et  que  ses  os  proviendraient  de  la 
marne  coquiliière  qui  leur  sort  de  base.  Voy.  les  mémoires  de  M.  Lubbock, 
Ajinales  dcsscintces  valurelles,  5*  série,  t.  2,  ji.  3o8,  part,  zoolog.  (1864}. 


CHAPITRE  XXVIU.  417 

que  César  trouva  encore  dans  la  forêt  Hercynienne  (1). 
Pendant  bien  des  années,  l'homme  dut  faire  une  guerre 
incessante  à  ces  bêtes  fauves  qui  lui  disputaient  la  jouis- 
sance des  forêts  et  en  rendaient  l'accès  dangereux  ;  sans 
doute  il  porta  parfois  la  flamme  pour  les  contraindre  à 
sortir  de  leurs  repaires.  Si  quelques  espèces  disparurent 
dès  les  temps  anciens,  les  autres,  plus  multipliées  ou  plus 
vivaces,  s'y  maintinrent  durant  tout  le  cours  du  moyen 
âge.  Le  chasseur  tenait  d'ailleurs  à  ne  pas  détruire  en- 
tièrement des  animaux  qui  étaient  la  source  de  ses  plaisirs, 
et  nous  avons  vu  que,  seuls  en  possession  du  droit  de 
chasse,  les  rois  et  les  barons  étendaient  sans  cesse  leurs 
garennes  pour  s'assurer  des  chasses  plus  belles  et  plus 
variées.  Le  droit  de  garenne,  en  multipliant  le  gibier  ou, 
comme  on  disait  alors,  la.  sauvagine,  entraînait  pour  l'agri- 
culture de  graves  préjudices.  Le  gros  et  le  menu  gibier  oc- 
casionnaient dans  les  champs  des  pauvres  paysans  des 
dégâts  considérables  (2).  Qu'on  lise  pour  s'en  convaincre 
ce  passage  d'une  lettre  du  grand  sénéchal  de  Sisteron, 
datée  du  28  septembre  d377  :  «  Invalescunt  assidue  cervi, 
y  est-il  dit,  apri  et  alise  bestiae,  ferae  in  districtibus  dicto- 
rum  et  locorum,  quod  in  vineis,  bladis  et  possessionibus 
aliis  fructus  edunt,  dissipant  inextimabiliter  et  consu- 


Quant  au  renne,  il  a  non-seulement  habité  les  Pyrénées,  mais  les  Alpes, 
et  l'on  a  retrouvé  ses  ossements  associés  à  des  silex  travaillés  de  main 
d'homme  et  à  des  cendres  dans  la  caverne  de  l'Échelle,  entre  le  grand 
etle  petit  Salève,  près  Genève  (Lubbock,  ouv.  cit.,  p.  360). 

(1)  Cccsar,  De  hdl.  galL,  VI,  27,  Plin.,  Ilist.  nat.,  VIII,  17,  p.  81,  éd., 
Sillig  en  parle  seulement  comme  d'un  animal  du  Nord  de  l'Europe. 

(2)  Dans  les  chartes  qui  accordent  le  droit  de  chasse  dans  les  forêts 
royales,  on  distingua  généralement,  les  salvalicx  beslix  et  les  sangliers 
{tt'pn),  des  animaux  ([ui  se  prennent  aux  rets  {ramerii,  ramcria). 
Voy.  notamment  une  charte  du  xiv^  siècle,  citée  par  Beihomme,  Nolice 
historique  sitr  le  lieu  cVOrfons,  dans  les  Mémoires  de  la  société  or- 
chéolog.  du  Midi  de  la  France,  t.  V,  p.  263. 

27 


418   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

munt  (1).  »  En  1364,  les  consuls,  syndics  et  conseiller? 
de  Revel  en  Lauraguais,  se  plaignaient  amèrement  des 
dégâts  causés  dans  la  grande  forêt  de  Vaur  {alla  et  lata 
foresta)  par  les  bêtes  fauves,  qui  infestaient  la  banlieue 
de  cette  \ille.  «  In  quibus,  écrivent-ils  à  propos  de  la 
forêt.,  multitudoluporumrapacium,  aprorum,  cervorum, 
caproUorum  et  aliarum  diversarum  ferarum  cohabitant, 
permanent  et  nutriuntur,  quae  ipsis  habitatoribus  de  Re^ 
vello  et  aliis  locis  circumvicinis  magna  et  inextimabilia 
damna  afferunt  (2).  » 

Pour  parer  à  ces  inconvénients  graves,  le  roi  Jean  or- 
donna la  suppression  des  nouvelles  garennes  (3);  mai- 
ses  bonnes  intentions  furent  paralysées  dans  l'exécution, 
et  Charles  VI  dut  renouveler  l'interdiction  d'une  manière 
toute  spéciale.  Dans  son  édit,  ce  roi  reproche  aux  sei- 
gneurs d'abuser  de  leur  puissance  et  de  la  faiblesse  dt 
leurs  tenanciers,  pour  leur  imposer  de  nouvelles  garen- 
nes, ce  qui  a  pour  résultat  de  dépeupler  d'habitants  le  pays 
voisin  et  de  le  peupler  de  bêtes  sauvages;  «  ce  pourquoi 
les  labourages  et  vignes  des  pauvres  gens  étaient  telle- 
ment endommagés  que  les  malheureux  n'avaient  plus  de 
quoi  vivre  et  s'étaient  vus  forcés  d'abandonner  leur  de- 
meure (4).  »  En  Angleterre,  des  plaintes  analogues  se  fai- 
saient entendre  (5).  De  pareils  abus,  faiblement  réprimé:^. 


(1)  Laplane,  Histoire  de  Sisleron,  1. 1,  p.  524,  pièces  justificatives. 

(2)  Ordonnances  des  rois  de  France,  t.  IV,  p.  448. 

(3)  Jbid.,  t.  11.  p.  395,  507,  530.  568. 

(4)  Ibid.,  t.  XVIII,  préface,  p.  25. 

(5)  La  réserve  du  droit  de  chasse  aux  seigneurs,  a  de  même  multipli 
extraordinairement  les  bêtes  fauves  dans  la  Grande-Bretagne.  En  Ecosse, 
les  cerfs  et  les  daims  se  sont  ainsi  accrus  d'une  manière  prodigieuse-,  par 
exemple,  la  forêt  d'Atholl,  située  dans  le  Perthshire,  entre  les  comtés- 
d'Aberdecn  et  d'Inverness,  qui  a  quarante  milles  de  long  sur  environ 
dix-huit  de  large,  ne  comptait  guère,  en  1770,  qu'une  centaine  de  cerf-, 
tandis  qu'elle  en  renferme  aujourd'hui  cinq  à  six  mille.  La  forêt  de  D 


CHAPITRE    XXVIII.  419 

se  perpétuèrent  jusqu'aux  deux  derniers  siècles.  Le  8  juin 
1607,  les  habitants  de  Gérardmer  adressèrent  au  duc  de 
Lorraine  une  requête  pour  lui  remontrer  que  ce  lieu  étant 
limitrophe  de  l'Allemagne  et  de  la  Bourgogne,  couvert  de 
forêts  et  environné  de  hautes  montagnes,  leurs  bestiaux 
étaient  en  danger  d'être  mangés  par  les  loups,  ours  et 
autres  bêtes  sauvages  ;  pour  ce  motif,  ils  demandaient 
qu,'il  leur  fût  permis  de  continuer  à  chasser  sans  payer 
aucun  tribut  au  receveur  d'Arches  (1).  Le  droit  que  ré- 
clamaient les  habitants  d'une  ville  de  Lorraine,  les  bour- 
geois de  Dole  en  Franche-Comté,  sans  doute  pour  le  motif 
qui  vient  d'être  énoncé,  en  jouirent  en  tout  temps;  il 
leur  avait  été  concédé  non-seulement  dans  tout  le  finage 
et  le  territoire  de  leur  cité,  mais  encore  dans  la  giboyeuse 
forêt  de  Chaux,  où  ils  pouvaient  chasser  à  la  grosse  et  à 
la  petite  bête.  Les  règlements  sur  la  chasse  étaient  faits 
par  le  mayeur,  et  les  chasseurs  étaient  organisés  en  une 
confrérie  qui  portait  le  nom  de  Saint-Hubert  (2).  Mais 
on  accordait  rarement  ces  privilèges  aux  bourgeois,  et 
dans  la  majorité  des  cantons  de  la  France,  la  réserve  du 
droit  de  chasse  au  seigneur  continua  à  favoriser  la  propa- 
gation des  bêtes  nuisibles.  «  Le  fléau  le  plus  redoutable 
pour  l'agriculture,  disait  le  tiers-état  de  Paris  en  1789, 


rimore,  dans  le  comté  de  Sutherland,  en  Ecosse,  est  célèbre  par  l'abon- 
dance étonnante  de  son  gros  gibier,  et  notamment  de  ses  cerfs  à  queue 
fourchue.  (Voy.  à  ce  sujet,  James  Wilson,  A  voyage  round  the  coasls  of 
Scolland,  1. 1,  345,  Edinbufgh,  1842.)  Les  forêts  de  Mar,  de  Sutherland, 
de  Corrichibah,  de  Glenartney,  en  nourrissent  également  un  nombre  con- 
sidérable. (Voyez,  à  ce  sujet,  un  article  de  VEdinburgh  Rcview,  publié 
dans  la. Revue  bn'lcmnique,  4^  série,  t.  XXVIII,  p.  39  et  suiv.)  Déjà,  de 
son  temps,  Gervais  de  Tilbury  signale  la  multitude  de  cerfs  que  l'on  ren- 
contrait dans  la  forêt  de  Caerléon.  (Voy.  Otia  imperiolia^  III,  c.  i.xxi, 
p.  984.) 

(1)  Voy.  Leiiage  et  Charton,  le  déparlement  des  Vosges,  t.  II,  p.  235. 

(2)  Rousset,  Dictionnaire  géographique  des  communes  du  Jura,  t.  II, 
,p.  459. 


420    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

dans  ses  cahiers,  c'est  l'excès  du  gibier  résultant  du  pri- 
vilège de  la  chasse  ;  de  là  les  campagnes  dépouillées, 
les  forêts  dévastées,  les  vignes  rongées  jusqu'aux  raci- 
nes, etc.  Aussi  vit-on,  jusqu'au  xviii'  siècle,  des  ordon- 
nances spéciales  prescrire  la  destruction  des  animaux  nui- 
sibles. C'est  ce  que  fit  notamment  Louis  XIV  par  lettres- 
patentes  du  2  mars  1671,  pour  les  bètes  fauves,  dont  l'abon- 
dance s'opposait  au  récépage  des  forêts  du  duché  de  la  Val- 
lière,  et  portait  préjudice  aux  cultures  avoisinantcs  (1).  » 

Qui  aurait  pu  prévoir  alors  que,  soixante  ans  plus  tard, 
le  gibier  deviendrait  assez  rare  pour  qu'on  dût  s'occuper 
de  veiller  à  sa  conservation?  Qui  aurait  pensé  que  ces 
mêmes  paysans,  traités  avec  tant  de  rigueur  et  d'injustice 
lorsqu'il  leur  arrivait  d'enfreindre  la  prohibition  de  chasser 
qui  leur  était  faite  (2),  deviendraient,  à  une  autre  épo- 
que, d'incorrigibles  braconniers,  qui,  d'un  coup  de  filet, 
anéantissent  tout  le  gibier  d'une  propriété  particulière,  et 
tirent  même  parfois,  sans  scrupule,  sur  un  garde  prêt  à  les 
surprendre. 

Au  milieu  des  forêts,  vivait  au  moyen  âge  une  popula- 
tion sylvestre,  livrée  exclusivement  aux  industries  qui 
naissent  de  l'exploitation  des  bois  :  les  charbonniers,  les 
cercliers,  les  cendriers,  les  tourneurs,  les  briqueticrs,  les 
tuiliers,  les  fourniers,  les  forgerons,  les  potiers,  les  van- 
niers, les  verriers,  tous  gens  qui,  sans  mener  une  vie  aussi 
sauvage  que  les  Wood-cutters  (3)  de  l'Amérique  du  Nord, 

(1)  Voy.  Correspondance  administralive  sous  le  rbgne  de  Louis  XIV, 
puiîl.  par  Depping,  l.  IV,  p.  706. 

(2)  Les  coutumes  du  Nivernais,  de  Vitry  et  d'Orléans,  déclarent  pu- 
nissables comme  larrons  ceux  qui  sont  trouvés  chassant  en  garennes 
ou  connilières.  (Voyez  les  lois  de  chasse.  Isambert,  Recueil,  vol.  XII, 
p.  381.) 

(3)  Voy.  le  curieux  ouvrage  de  M.  John  Springer,  sur  la  vie  des  cou- 
peurs de  bois  dans  les  forêts  du  Maine,  Forest  life  and  forcst  tnes 
(London,  1851,  in-8°).  Ces  Woodnun  établissent  leur  camp  el  leur  hovel 


CHAPITRE    XXVIII.  421 

constituaient  cependant  une  classe  d'hommes  plus  rus- 
tiques que  les  habitants  des  bourgs  et  des  villages. 

Dans  la  Franche-Comté,  toute  une  population  vivait 
dans  les  bois  pour  extraire  des  pesses  ou  épicéas  la  résine 
connue  sous  le  nom  de  poix  de  Bourgogne,  et  les  fours  où 
elle  la  faisait  cuire  devenaient  le  point  de  départ  des  vil- 
lages dont  le  territoire  se  formait  aux  dépens  de  la  fo- 
rêt (1). 

En  certains  lieux,  ces  artisans  s'étaient  constitués  en  des 
associations  qui  prirent  quelquefois  un  caractère  politique 
ou  religieux,  et  offraient  quelque  analogie  avec  nos  mo- 
dernes compagnonnages.  Tels  étaient,  dans  l'Artois,  les 
bons-coiisins  des  bois  et  les  fendeurs-charbonniers.  Cette 
confrérie,  composée  de  charbonniers,  de  coupeurs,  de 
scieurs  et  de  fendeurs  de  bois,  s'était  placée  sous  le  patro- 
nage de  saint  Thibaud,  solitaire  de  Provins,  que  la  légende 
représentait  comme  ayant  d'abord  exercé,  en  Souabe,  la 
profession  de  charbonnier.  Plus  tard,  des  gentilshommes 
verriers,  des  marchands  de  fer  et  quelques  autres  corps 
d'état  s'agrégèrent  à  cette  compagnie  (2). 

Dans  les  montagnes  de  la  Franche-Comté  et  les  Alpes, 
existaient  des  corporations  analogues,  où  l'on  n'était  ad- 
mis qu'après  une  sorte  d'initiation.  Dans  le  Jura,  ceux  qui 
en  faisaient  partie  portaient  le  sobriquet  de  cousins-char- 
bonniers (3). 

dans  la  clairière  qu'a  faite  leur  cognée  ;  c'est  là  qu'ils  bâtissent  leurs- 
log-Iiouses  destinés  à  les  loger  eux  et  leurs  bestiaux.  Cf.  sur  la  vie  des 
forêts  du  Nouveau  Monde,  Abr.  Gesner,  New-Brunsivick  (London,  1847). 
(t)  Voy.  Tissot,  Les  Fourgs  ou  un  village  de  la  Haute-Comté,  dans  les 
Mémoires  lus  à  la  Sorbonne  dans  la  séance  extraordinaire  du  comilr 
impérial  des  travaux  historiques  en  1863,  p.  220  et  suiv.  (Paris,  1864). 

(2)  Voy.  Cauchard  d'ilermilly,  des  Carbonari  et  des  fendeurs-char- 
bonniers. Paris,  1822,  in-S". 

(3)  Voy.  GiUias  de  Marchand,  Réflexions  sur  les  sociétés  secrètes  et  les 
usurpations,  t.  II,  p.  248  et  19.  Arbois,  1813  2  vol,  in-8°. 


422  I-ES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Il  est  à  noter  qu'à  toutes  les  époques,  ceux  que  leur  pro- 
fession retient  au  milieu  des  bois,  ont  constitué  des 
associations  particulières,  et  leur  séparation  des  corpora- 
tions d'artisans  des  villes  leur  a  donné  quelque  peu  le 
caractère  de  sociétés  secrètes.  En  Gaule  et  en  Italie, 
les  dendrophores^  ouvriers  occupés  à  transporter  le 
merrain  nécessaire  pour  les  constructions,  le  bois  à  brû- 
ler, le  charbon  et  les  planches,  formaient  déjà  de  vérita- 
bles confréries  {collegia)  (1),  qui  nous  ont  laissé  çà  et  là  des 
traces  de  leur  existence  (2).  Dans  les  Pyrénées,  les  cagots, 
race  méprisée  et  regardée  par  les  montagnards  comme 
d'origine  païenne,  presque  exclusivement  livrée  au  moyen 
âge  aux  professions  sylvestres,  et  habitant  au  voisinage 
des  forêts,  formaient  une  société  à  part  (3). 

Une  classe  qui  contribua  l)eaucoup  au  défrichement  des 
forêts  eut  sa  bonne  part  dans  leur  dévastation,  et  ce  furent 
les  hôtes  {hospites)  (4).  On  appelait  ainsi  ceux  qui  rece- 
vaient du  seigneur,  sur  son  domaine,  une  masure,  une  ca- 
bane, quelques  acres  ou  journaux  de  terre  pour  les  la- 
bourer ou  y  établir  un  courtil  (5).  Fréquemment  ces  hôtes 
étaient  établis  par  le  seigneur  sur  la  lisière  ou  dans  l'inté- 
rieur d'une  forêt  qu'il  voulait  faire  défricher  (6),  et  pour 


(t)  Orelli,  Inscripl.  lalin.  selecL,  n°*  2177,  2322,  4082,  4160,  5113, 
6031. 

(2)  Voy.  Rabanis,  Recherches  sur  les  dendrophores  {BoTdea.ux,  1841), 
p.  25. 

(3)  Voy.  Francisque  Michel,  Ilisloire  des  races  maudiles  de  la  France 
(;l  de  l'Espagne,  1. 1,  p.  81  et  suiv.     \ 

(4)  "Voy.  sur  les  hôtes  Guérard,  Pohjplique  de  l'abbé  Jrminon,  Pro- 
légom.,  p.  424.  —  L.  Delisle,  Eludes  sur  la  cnndilion  de  la  classe  agri- 
cole en  Normandie,  p.  8  et  suiv. 

(5)  L.  Delisle,  1.  c.  —  Lehuerou,  Inslilulions  carolingiennes,  t.  1,  p. 
179,  180. 

(G)  Et  ubicunique  invenient  utiles  vilos  homines,  detur  illis  sylva  ad 
stirpandum  ut  nostrum  servitium  imiuelioretur.  Koroli  Magni  Capilul. 
Aguisgran.  an.  813. 


CHAPITRE   XXYIII.  423 

compenser  ce  qui  manquait  aux  faibles  produits  de  leur 
tènement,  ces  colons  entamaient  souvent  les  parties  de  la 
forêt  qu'il  leur  était  enjoint  de  respecter.  Loin  de  la  sur- 
veillance des  officiers  seigneuriaux,  il  leur  était  facile  de 
prendre  en  plus  grande  abondance  qu'on  ne  leur  avait  con- 
cédé le  bois  placé  à  leur  portée. 

En  certaines  provinces,  les  hôtes  se  multiplièrent  sin- 
gulièrement, et,  de  la  réunion  de  leurs  masures  dans  les 
clairières  des  forêts,  naquirent  des  villages  qui  finirent  par 
chasser  tout  à  fait  les  arbres.  En  Franche-Comté,  bien  des 
défrichements  forestiers  ont  eu  ces  colons  pour  auteurs. 
Dans  l'arrondissement  de  Lons-le-Saulnier,  la  forêt  du  Ver- 
nois,  appelée  sans  doute  ainsi  à  raison  de  l'abondance  des 
aunes  ou  vernes,  fut  démantelée  au  xv*"  siècle  par  les  hôtes 
qu'avaient  appelés  les  seigneurs  du  pays.  Ceux-ci  avaient 
reçu  dans  cette  forêt,  des  ducs  de  Bourgogne,  comme  une 
annexe  de  leur  fief,  une  superficie  de  deux  cents  arpents 
qu'ils  firent  défricher  par  des  hôtes  (1).  Leur  but  était  aussi 
vraisemblablement,  en  y  amenant  une  population  agri- 
cole, de  faire  disparaître  les  bêtes  fauves  qui  désolaient  le 
canton  (2),  Dans  le  même  arrondissement  de  Lons-le-Saul- 
nier, le  hameau  du  Bois-du-Ban,  qui  n'existait  pas  avant 
la  fin  du  xvii"  siècle,  doit  son  origine  à  une  agglomération 
de  cabanes  sous  lesquelles  vivaient  les  hôtes  établis  par  le 
seigneur  de  Loisia.  D'après  le  contrat  passé  en  1691 ,  ce  bois, 
tenu  en  ban,  devait  êire  défriché  par  huit  individus  aux- 
quels cent  journaux  de  terre  étaient  concédés,  le  seigneur 
ne  se  réservait  que  les  chênes  des  hautes  futaies  (3).  Dans 


(1)  Roussel,  ouv.  cit.,  t.  VI,  p.  176. 

(2)  Un  village  qui  touchait  la  forêt  domaniale  du  Yernois,  dut  à  la 
présence  des  loups  le  nom  de  Louverot.  Rousset,  ouv.  cit.,  t.  IV,  p.  30. 

(3)  Cette  donation  fut  faite  à  la  fille  du  célèbre  Bussy  de  Rabutin.Voy. 
Rousset,  owi\  cit.,  L.  III,  p.  451. 


424   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'aNCIENiNE  FRANCE. 

l'arrondissement  de  Poligny,  au  bord  du  bois  de  Fraisse, 
Tundes  plus  beaux  assemblages  de  sapins  qu'offre  le  Jura, 
les  seigneurs  de  Vers  avaient  accordé,  dans  le  cours  du  xiii« 
siècle,  de  nombreux  droits  d'usage  aux  colons,  ce  qui  eut 
pour  effet  de  réduire  singulièrement  la  forêt  et  l'amena 
peu  à  peu  aux  proportions  de  bois  qu'elle  offre  aujour- 
d'hui (1).  Même  fait  se  passa  au  village  de  Bouchaud,  qui 
prit  naissance  au  milieu  d'une  vaste  forêt  où  les  colons 
étaient  accourus  de  toutes  parts  (2).  Dans  l'arrondissement 
de  Saint-Claude,  à  la  fm  du  xii''  et  au  commencement  du 
xnp  siècle,  les  seigneurs  de  Saint-Sorlin  divisèrent  par  lots 
le  territoire  actuel  du  village  d'Uxel,  et  le  concédèrent  à  des 
colons  appelés  de  diverses  contrées,  et  dont  l'industrie  se 
rattachait  pour  la  plupart  à  l'exploitation  des  bois  (3).  Le 
petit  village  de  Recanoz,  dans  l'arrondissement  de  Dôle, 
eut  pour  premiers  fondateurs  deux  familles  de  charbon- 
niers qui  s'établirent,  en  1510,  dans  les  vastes  forêts  de 
la  baronnie  d'Arlay  (4).  Le  village  de  Bois-de-Gand  doit 
pareillement  son  origine  à  des  charbonniers  et  à  des  cou- 
peurs de  bois,  venus  au  xiv*"  siècle  pour  exploiter  la  forêt 
qui  ombrageait  son  territoire  (5). 

Dans  les  Vosges,  les  choses  se  sont  passées  souvent  de 
même;  par  exemple,  le  village  d'Auzainvilliers  a  eu  pour 
point  de  départ  les  cabanes  construites  par  les  sabotiers 
et  les  charbonniers  qui  vinrent  se  fixer  dans  la  forêt  dont 
ce  village  occupe  l'emplacement  (6).  Gérardmer  s'élève 
dans  un  canton  jadis  tout  couvert  de  bois  de  haute  futaie, 


(IJ  Roussel,  oiiv.  cil.  t.  III,  p.  3G7. 

(2)  Roussel,  t.  I,  p.  283. 

(3)  Roussel,  t.  I,  p.  100. 

(4)  Roussel,  l.  V,  p.  418. 

(5)  Roussel,  l,  1,  271. 

(6)  H.  Le  page  ctCharlon,  le  drparlemenl  ihs  Vosges,  t.  II,  p 


CHAPITRE   XXVIII.  425 

et  qui  fut  défriché  par  une  population  de  sabotiers,  de 
cuveliers,  de  boisseliers,  de  marcaires  et  de  fromagers  (1). 
Les  cabanes  faites  a\ec  l'écorce  qu'ils  enlevaient  aux  ar- 
bres, s'avancèrent  peu  à  peu  sur  la  rive  orientale  du  lac 
et  dans  les  clairières  qu'ils  avaient  ouvertes  (2). 

Cette  population  que  renfermaient  nos  forêts  au  moyen 
âge,  remplaçait  sans  doute  avantageusement  les  animaux 
qui  les  hantaient,  mais  elle  était  pour.la  végétation  sylves- 
tre une  cause  plus  grandededévastation.  Elles'accrutd'ail- 
leurs  non  moins  rapidement  que  ne  l'avaient  fait  les  bêtes 
fauves,  quelques  siècles  auparavant.  A  partir  du  règne  de 
François  P"",  les  liùtea  des  bois  avaient  tellement  grossi  en 
nombre,  que  l'autorité  dut  songer  à  en  arrêter  les  progrès. 
Elle  renouvela,  en  les  spécifiant  davantage,  les  disposi- 
tions déjà  consignées  dans  les  ordonnances  de  juillet  1370, 
mars  1388,  septembre  1402^  qui  défendaient  de  souffrir 
ailleurs  que  dans  les  \entes  ordinaires,  aucuns  attelages  de 
tuiliers,  briquetiers,  potiers,  verriers,  forgerons,  tonne- 
liers, charpentiers,  boisseliers,  cercleurs,  jattiers,  pelle- 
ronniers,  cuilleronniers,  tourneurs  et  autres  sembla- 
bles (3j.  Mais  de  nouvelles  professions  que  les  ordonnances 
n'avaient  pas  mentionnées,  vinrent  s'abattre  sur  les  bois: 
les  teinturiers,  les  chaufourniers,  les  plâtriers  prirent  dans 
les  forêts  la  matière  première  nécessaire  à  leurs  outils  et 
leurs  établissements.  Les  arrêts  du  parlement  secondèrent 
l'action  de  l'autorité. 

Ce  n'était  pas  toutefois  au  mépris  des  lois  que  cette  po- 
pulation d'artisans  s'était  établie  à  l'intérieur  ou  sur  la  li- 
sière des  forêts.  Bon  nombre  avaient  obtenu  à  cet  égard 


(1^'  Lepage  et  Cliarton,  ouv.  cil. 

(2)  Voy.  Annalf's  foresticres,  1848,  p.  190. 

(3)  Conférence  de  l'ordonnance  de  Louis  XIV  de  I6G9  sur  le  fail  des 
eaux  el  forêls,  t.  II,  p.  455. 


426  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

des  concessions.  On  chercha  à  mettre  un  terme  à  ces  actes 
d'une  libéralité  imprévoyante;  une  ordonnance  de  janvier 
1518  défendit  aux  maîtres  gruyers,  verdiers,  maîtres  des 
gardes  ou  maîtres  sergents,  et  tous  autres  officiers  des  fo- 
rêts, de  bailler  congé  et  permission  d'attelages  (ateliers)  à 
tuiliers,  potiers,  verriers,  forgerons,  cercleurs,  tourneurs, 
sabotiers,  cendriers  et  autres,  et  de  prendre  terre-mine  en 
lesdites  forêts  (1).  En  1536  cette  défense  fut  renouvelée,  et 
le  roi  interdit  spécialement  aux  cendriers  de  faire  cen- 
dres dans  les  forêts  royales,  sous  peine  d'amende  arbitraire 
et  confiscation  des  outils  et  ouvrages  (2).  En  1584  et  en 
1597,  des  ordonnances  royales  interdisent,  pour  les  forêts 
de  Normandie  et  pour  celle  de  Villers-Gottercts,  l'établis- 
sement des  industries  dont  nous  venons  de  parler  (3).  En- 
fin, comme  ces  défenses  n'atteignaient  pas  leur  but,  l'or- 
donnance de  1669  interdit,  sous  peine  de  100  livres  d'a- 
mende, à  tous  ces  artisans,  d'établir  leurs  ateliers  à  moins 
d'une  demi-lieue  de  la  forêt,  en  même  temps  qu'elle  pro- 
hibait formellement  le  transport  du  feu  et  l'établissement 
de  cendreries  dans  les  mêmes  forêts. 

Les  mesures  de  précaution  pour  empêcher  le  détourne- 
ment du  bois  dans  les  forêts  royales,  allèrent  si  loin  que  l'or- 
donnance de  1669  défendit  à  ceux  qui  demeuraient  dans  les 
forêts  ou  sur  leur  lisière,  d'avoir  plus  de  bois  qu'il  n'était 
nécessaire  pour  leur  chauffage,  à  peine  de  confiscation, 
d'amende  arbitraire  et  de  démolition  de  leurs  maisons, 
disposition  déjà  prise  dès  1563  à  l'égard  de  la  forêt  de  Guise. 
Défense  fut  faite  aux  sergents  et  autres  gardes  des  forêts 
de  tenir  taverne,  ni  d'exercer  aucun  métier  où  l'on  emploie 


(i)  Voy.  Saint-Yon,  Ordonnances  des  eaues  cl  forets,  p.  408. 

(2)  Fontaaon,  Ordonnances,  t.  II,  p.  223. 

(3)  Saint-Yon,  p.  1110  et  1111. 


CHAPITRE    XXVllI.  427 

le  bois;  disposition  qui  ne  faisait  au  reste  que  généraliser 
(les  mesures  datant  de  saint  Louis  (1),  et  qui  a  été  repro- 
duite dans  l'ordonnance  du  1"  août  1827  pour  l'exécution 
du  Code  forestier  (art.  31). 

11  n'y  avait  pas,  du  reste,  que  ces  professions  sylvestres 
(|ui  portassent  dans  nos  forêts  leurs  dégâts  journaliers. 
Dans  certaines  villes,  chaque  corps  d'état  avait  le  droit 
d'aller  chercher  au  bois  la  matière  première  dont  il 
avait  besoin.  Les  ferrons,  les  tourneurs,  les  charrons,  les 
huchiers,  les  charpentiers  abattaient  les  troncs  nécessaires 
pour  fabriquer  des  solives  ou  des  moyeux,  des  brancards 
ou  des  planches  (2).  Les  tanneurs  prétendaient,  en  certains 
lieux,  pouvoir  s'approprier  l'écorce  de  tous  les  arbres 
abattus.  En  Normandie,  nous  voyons  les  bouchers  s'empa- 
rer dans  les  forêts,  du  bois  qui  devait  servira  la  confection 
des  crochets  pour  pendre  la  viande  ;  les  boulangers  allaient 
chercher  de  quoi  faire  les  fourgons  pour  enfourner  le  pain; 
les  tisserands  abattaient  des  hêtres  pour  établir  leurs  mé- 
tiers; les  forgerons  ramassaient  ou  coupaient  les  grosses 
branches  pour  façonner  les  manches  de  leurs  marteaux  etle 
tronc  de  leurs  enclumes  (3).  On  a  déjà  vu  plus  haut  que  cer- 
taines forêts,  par  exemple  celle  de  Lyons  en  Normandie, 
étaient  occupées  par  toute  une  population  sylvestre  dont  la 
présence  a  singulièrement  hâté  leur  déboisement.  Jusque 
dans  ces  derniers  temps,  en  Bretagne,  dans  la  partie  ré- 
pondant au  département  du  Morbihan,  les  bois  de  châtai- 
gniers ont  été  singulièrement  réduits  par  l'exploitation  à 
vide  des  tonneliers  qui  s'y  venaient  établir  pour  y  faire 
des  cerceaux  qu'ils  expédiaient  au  loin. 


(1)  Conférence  de  Vordonnance  de  Louis  XIV  de  16G9.  t.  II,  p.  466, 
407. 
(î)  Delisle,  Eludes  citées  p.  377. 
(3)  Delisle,  JFiudeA- cit.  p.  377. 


428   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

Moins  dangereux  pour  les  forêts  que  \e&  hôtes,  mais  beau- 
coujD  plus  pour  ceux  qui  les  traversaient,  étaient  les  lar- 
rons qui  y  fixaient  leur  repaire,  y  construisaient  quelque- 
fois de  véritables  forteresses.  C'est  ce  qui  a  suggéré  à 
l'auteur  du  roman  de  Gaufrey  l'idée  de  ce  château  périlleux 
où  s'engage  l'intrépide  Robastre,  qui  le  prenant  pour  la 
demeure  de  quelque  forestier ,  envoie  son  infortuné 
écuyer  Aleaume  demander  pour  lui  un  gîte.  Trente  lar- 
rons en  sortent  à  l'improviste  après  avoir  tué  l'imprudent, 
mais  Rabastre  les  met  en  pièces  et  s'établit  dans  cette  de- 
meure, où  son  père,  le  lutin  Malabron,  met  encore  à  l'é- 
preuve son  courage  (1).  Ces  brigands  attaquaient  les 
gens  isolés  ou  ne  voyageant  qu'avec  une  très-faible 
escorte.  A  la  suite  des  guerres  civiles  et  intérieures  qui  dé- 
solèrent la  France  aux  xiif ,  xiv  et  xv*"  siècles,  des  parti- 
sans se  cantonnèrent  dans  bon  nombre  de  ces  forêts,  qui 
pour  la  plupart  étaient  coupées  de  grands  chemins.  C- 
furent  notamment  les  Jacques,  les  Grandes  Compagnies, 
les  Pastoureaux.  Les  soldats  débandés  (2),  jusqu'alors  dé- 
signés sous  le  nom  de  brigands,  devinrent  si  habituelle- 
ment des  voleurs,  que  leur  nom  passa  aux  larrons,  tout 
comme  en  Italie  et  en  Corse  l'épithète  de  bandit  [han- 
clitio,  c'est-à-dire  banni),  en  Angleterre  celle  d'outlaw. 
est  passée  aux  voleurs  de  grandes  routes.  Plusieurs  forêts 
devaient  aux  brigands  dont  elles  foisonnaient  une  véri- 
table célébrité  :  telles  étaient  celles  d'Amboise,  de  Cer- 
cotte,  de  Gouffern,  de  Baconne.  Telle  fut  à  une  époque 
moins  ancienne  celle  de  Bondy.  Sous  Louis  XIII,  plusieurs 

(1)  Voy.  sur  ce  roman  du  xiii»  siècle,  Gaufrey,  chanson  de  geste,  pu- 
blié par  F.  Guessard  et  Chabaille,  p.  xxxix  et  1G4  (Paris,  1859). 

(2)  Voy.  S.  Luce,  Histoire  de  la  Jacquerie,  p.  8. 

(3)  Voy.  ce  qui  est  rapporté  dans   les  Mémoires  de  Pontis,  livre  II. 
p.  254,  éd.  Petitot,  et  ce  que  j'ai  dit  dans  l'introduction,  p.  3. 


CHAPITRE   XXVIII.  429 

des  forêts  traversées  même  par  des  routes  très-fréquen- 
tées  (3),  étaient  infestées  de  ces  dangereux  larrons,  et 
jusqu'aux  abords  de  la  capitale,  dans  le  bois,  aujourd'hui 
transformé  en  parc,  de  Boulogne,  les  arrestations  à  main 
armée  n'étaient  pas  rares  (1).  La  fréquence  de  ces  attaques 
dans  les  forêts  fut  le  principal  motif  qui  dicta  la  disposi- 
tion de  l'ordonnance  des  eaux  et  forêts  de  1669  (tit.  28, 
art.  3),  imposant  une  largeur  de  soixante  pieds  aux 
•grands  chemins  là  où  ils  traversent  une  forêt. 

(l)  Voy.  le  curieux  Journal  cViui  voyage  de  deux  Hollandais  à  Paris, 
en  1657,  publié  par  P.  Faugère,  p.  38  4. 


430  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 


CHAPITRE  XXIX. 


i 


INFLUENCE  DU  DROIT  d'uSAGE  SUR  LA  DIMINUTION  ET  l'eXTENSION  DES 
FORÊTS  A  DATER  DU  XV'=  SIÈCLE.  LÉGISLATION  DE  FRANÇOIS  l^'  ET  DE  SES 
SUCCESSEURS. 

Les  chartes  et  documents  du  moyen  âge  nous  offrent, 
sans  cesse  le  tableau  de  la  lutte  des  milites,  des  armigeriy 
des  baillivi,  des  servientes  reyis,  contre  les  paysans.  Ceux- 
ci  se  vengeaient  des  violences  des  nobles,  en  dévastant  les 
forêts,  objet  de  contestations  et  source  de  vexations  fis- 
cales. Ils  enlevaient  sans  scrupule  le  plus  de  bois  possible 
et  se  mettaient  peu  en  peine  de  respecter  les  baliveaux. 
A  partir  du  xii'^  siècle,  un  grand  nombre  de  villages  nou- 
veaux furent  élevés^  et  comme  le  bois  entrait  alors  pour 
une  bien  plus  grande  proportion  qu'aujourd'hui  dans  les 
constructions,  comme  la  plupart  des  maisons,  même  des 
villes,  étaient  en  bois,  cette  matière  prenait  une  impor- 
tance et  une  valeur  croissantes.  Les  fréquents  incendies 
qui  désolaient  les  villages,  les  dévastations  de  la  guerre, 
amenaient  sans  cesse  des  reconstructions. 

Toutefois  cette  cause  de  destruction  des  forêts  était 
contrebalancée  par  la  persistance  du  droit  de  garenne. 
Bien  que  la  reconnaissance  et  le  maintien  de  ce  droit 
fussent  soumis  à  la  condition  d'une  possession  immémo- 
riale (1),  des  usurpations  se  produisaient  tous  les  jours, 
et  les  seigneurs  continuaient  à  donner  comme  des  con- 
cessions, des  droits  qui,  ainsi  qu'il  a  été  remarqué  plus 
haut,  n'étaient,  au  contraire,  que  les  derniers  vestiges 
d'une  propriété  commune. 

(1)  Voy.  Championnière,  De  la  propriété  des  eaux  courantes,  i\.  77. 


CHAPITRE    XXIX.  ^^31 

Mais  l'abaissement  graduel  de  la  noblesse,  la  substitu- 
tion du  pouvoir  royal,  c'est-à-dire  d'un  régime  plus  éclairé 
et  plus  paternel,  au  pouvoir  seigneurial,  l'adoucissement 
des  mœurs,  l'énergie  croissante  des  communes  affranchies, 
I  mirent  fin  à  cet  ordre  de  choses  et  en  firent  naître  un  nou- 
veau. Les  deffens  perdirent  de  leur  rigueur.  Les  solitudes 
que  la  guerre  avait  faites  étant  devenues  pour  les  no- 
bles de  stériles  domaines,  ils  furent  contraints  de  pro- 
voquer le  retour  de  la  culture;  de  là  l'établissement  des 
hôtes  dont  il  a  été  question  au  chapitre  précédent.  Au 
xv""  siècle,  une  multitude  d'actes  ont  pour  objet  d'offrir  à 
ceux  qui  voudraient  s'établir  dans  une  seigneurie  autant 
de  terres  qu'ils  en  pourraient  cultiver,  le  pâturage  libre 
pour  les  bestiaux,  et  tout  le  bois  nécessaire  soit  au  chauf- 
fage, soit  à  la  construction  et  à  l'entretien  des  mai- 
sons (1).  «  De  grande  ancienneté,  dit  Guy  Coquille  (2),  les 
seigneurs,  voyant  leurs  territoires  déserts  ou  inhabités, 
concédèrent  des  usages  à  œux  qui  voudraient  les  habiter, 
moyennant  quelque  légère  prestation,  plutôt  en  recon- 
naissance de  supériorité  qu'en  profits  pécuniaires  (3).  » 
Le  droit  de  prendre  du  bois  dans  les  forêts  fut  accordé 
de  bonne  heure  par  les  seigneurs  en  échange  de  certains 
services  que  leurs  sujets  s'engageaient  à  leur  rendre  (4). 

En  plusieurs  parties  de  la  France,  le  droit  d'usage  dans 

(1)  Championnière,  Be  la  propiiclé  des  eaux  courantes,  p.  341. 

(2)  Coulume  du  Nivernois,  quost.  303. 

(3)  Cf.  Honrion  de  Pansey,  Des  biens  communaux,  p.  72;  du  même, 
Bisseriations  féodales,  v°  Communauté.  Salvaing,  rsacjc  des  fiefs. 
chap.  xcvi.  Boiitiior,  Ohscrvalions  sur  la  coutume  de  Bourges,  cli.  lxii. 
n°  30. 

(4)  Pour  en  citer  un  exemple,  nous  voyons,  en  1378,  Gaston  Phébus, 
comte  de  Foix,  concéder  aux  cagots  le  droit  de  forêtage  dans  tous  ses 
bois,  pour  prix  de  l'engagement  qu'ils  prennent  d'exécuter  tous  les  ou- 
vrages de  charpente  nécessaires  au  château  de  Montaner.  (Toy.  Francis- 
que Michel;  Histoire  des  races  maudites,  t.  I,  p.  179.) 


432    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

les  forêts  put  être  acquis  sans  titre  et  uniquement  par 
l'effet  d'une  longue  possession  (1). 

Ce  droit  fut  inégalement  étendu  suivant  les  lieux.  En 
Alsace,  en  Franche-Comté  surtout,  ainsi  qu'on  l'a  vu  plus 
haut,làoù  lesforêts  abondaient,  les  seigneursse  montrèrent 
à  cet  égard  fort  libéraux.  Dans  la  seconde  de  ces  provinces, 
le  droit  de  bouchoyage  dégénéra  en  une  insupportable  li- 
cence, et  eut  pour  l'existence  des  bois  des  conséquences 
désastreuses.  Suivant  Droz  (2),  ce  droit  conférait  à  ceux  qui* 
l'avaient  obtenu,  la  faculté  de  couper  les  bois  et  les  brous- 
sailles crus  sur  les  prés  des  particuliers,  en  sorte  que  ceux 
qui  voulaient  laisser  croître  du  bois  sur  leurs  héritages, 
étaient  obligés  de  recourir  à  l'autorité  des  magistrats 
municipaux  pour  les  banaliser  ou  mettre  en  défem.  Les 
hôtes  qui  venaient  s'établir  dans  les  clairières  ou  sur 
la  lisière  des  bois,  n'étaient  pas  seulement  autorisés 
à  couper  et  à  ramasser  pour  le  chauffage,  ils  pouvaient 
aussi  prendre  du  bois  pour  bâtir  (3),  et,  en  certains  cas, 
pour  vendre  (4).  Aussi  quand  ces  droits  d'usage  vinrent  à 

(1)  Voy.  h  ce  sujet,  le  savant  ouvrage  de  M.  Meaume,  intitulé  :  Des 
droits  d'usage  dans  les  forêts,  t.  I,  p.  19  et  25. 

(2)  Droz,  Histoire  de  Pontarlier,  p.  279.  Voy.  ce  qui  a  été  dit,  p.  253. 

(3)  Au  village  des  Bouchoux,  arrondissement  de  Saint-Claude,  les  ha- 
bitants pouvaient  couper  du  bois  dans  une  partie  de  la  forêt  de  Cerne- 
trou,  pour  les  besoins  du  chauffage  -,  dans  l'autre  ils  pouvaient,  avec  l'au- 
torisation des  échevins  et  messiers,  prendre  du  bois  pour  bâtir.  (Voy. 
Rousset,  Dict.  géographique  des  communes  du  Jura,  1. 1,  p.  290.) 

(4)  Les  habitants  du  Latet,  village  de  larrondissement  de  Poligny, 
avaient  obtenu  du  seigneur  de  Vers  le  droit  de  couper  dans  la"  foret  de 
Fraisse  du  bois  pour  leur  usage  et  môme  pour  en  vendre  aux  sauneries  de 
Salins  ;  il  n'y  avait  d'exception  que  i)our  les  arbres  forestiers,  restriction 
qui  rappelle  celle  de  la  loi  des  Bavarois  {Lex  Dajuvariot^m,  VII,  21). 
Voy.  Rousset,  ouv.  cit.  t.  III,  p.  380.  A  Champagnole,  ville  de  l'ar- 
rondissement de  Poligny,  les  habitants  avaient  non-seulement,  dans  le 
bois  de  Taravant,  le  droit  de  prendre  du  bois  de  chauffage  et  de  cons- 
truction, ainsi  que  la  glandée,  mais  ils  pouvaient  encore  couper  du  bois 
pour  vendre  dans  les  Joux  qui  dépendaient  de  la  seigneurie  de  Montrivel, 
moyennant  un  droit  de  4  deniers  par  charretée  de  bois  vendu.  (Rousset, 


CHAPITRE   XXIX.  433 

être  restreints,  des  villages  qui  trouvaient  là  toutes  leurs 
ressources,  tombèrent-ils  dans  la  misère^,  et  les  cabanes 
perdirent-elles  leurs  habitants  (1). 

Une  fois  cette  extension  des  droits  d'usage  autorisée  par 
les  seigneurs,  ce  ne  fut  plus  l'envahissement  des  forêts 
qu'on  eut  à  déplorer,  mais  leur  diminution  trop  rapide. 
Une  guerre  sourde  et  continue  fut  dféclarée  à  la  végétation 
forestière;  le  besoin  croissant  de  combustible  et  de  ma- 
*tières  premières  pour  les  industries  qui  emploient  le  bois, 
fit  abattre  les  arbr*es  à  profusion,  et  la  France  perdit  peu 
à  peu  ses  innombrables  ombrages. 

Tant  que  le  combustible  demeurait  assez  abondant  pour 
que  le  gaspillage  du  bois  ne  produisît  pas  un  renchérisse- 
ment marqué,  une  disette  véritable,  on  s'occupa  plus, 
quand  on  cherchait  à  y  porter  remède,  des  droits  des  pro- 
priétaires que  de  l'intérêt  des  consommateurs,  c'est-à-dire 
du  public.  Cette  abondance  était  parfois  telle  que  l'on  ne 
payait  pas  la  matière  première  plus  cher  que  le  trans- 
port (2). 

Il  n'y  avait  qu'un  remède  à  ces  dévastations  croissantes, 
c'était  la  concentration  de  l'autorité  forestière  en  une 
seule  main,  l'établissement  d'une  administration,  une  et 

ouv.  cil.  t.  I,  p.  420.)  —  Dans  la  forêt  de  Saint-Aubin  (arrondissement 
de  Dôle),  en  vertu  de  droits  conférés  par  Jean  de  Neuchàtel,  les  habi- 
tants du  bourg  du  même  nom  jouissaient  non-seulement  de  la  faculté  de 
prendre  pour  leur  chauffage  et  leurs  clôtures,  mais  quand  ils  voulaient 
bâtir,  ils  n'avaient  qu'à  en  faire  la  déclaration  pour  recevoir  tout  le  bois 
qui  leur  était  nécessaire.  (Voy.  Rousset,  ouv.  cit.  t.  I,  p.  106.) 

(1)  Ainsi  la  restriction  apportée  par  Louis  XIV  aux  droits  qu'avaient 
les  habitants  d'Aumur,  dans  l'arrondissement  de  Dôle,  et  qu'ils  tenaient 
depuis  1390  de  leurs  seigneurs,  d'un  usage  étendu  dans  les  vastes  forêts 
dites  les  Noues  et  les  Grands  Bois,  amena  la  décadence  de  ce  village. 
(Voy.  Rousset,  o.  c.  1. 1,  p.  126.) 

(2)  Encore  au  xviii'  siècle,  dans  une  partie  du  Bourbonnais  la  corde 
de  bois  de  chauffage  coûtait  trois  livres  prise  dans  la  forêt,  et  six  rendue 

1  en  ville.  (Voy.  Allier,  Histoire  du  Bourbonnais,  p.  284.  Cf.  Dareste  de 
laChavanne,  Histoire  des  classes  agricoles  en  France,  2  édit.,  p.  458.) 

28 


434   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

simple,  qui  pût  veiller  également  à  la  protection  de  toutes 
les  forêts  du  royaume,  et  eût  assez  de  force  pour  que  cette 
protection  fût  efficace.  Ou  a  vu  que  cette  administration 
n'avait  d'abord  embrassé  que  le  domaine  royal;  c'était,  eu 
effet,  dans  les  forets  appartenant  au  roi,  que  s'étaient  le 
plus  multipliées  les  droits  d'usage,  et  que  les  inconvénients 
qu'entraînait  cette  multiplication  s'étaient  fait  le  plus 
tôt  sentir.  Écoutons  Pecquet,  dans  ses  Lois  forestières  : 
«  Les  droits  de  pâturage  dans  les  forets  du  roi  sont,  dit-il, 
une  des  parties  sur  lesquelles  les  temps  reculés  nous  pré- 
sentent le  plus  d'abus  préjudiciables  à  Sa  Majesté.  On  peut 
dire  qu'elles  en  étaient  inondées  ;  il  a'y  avait  personne  un 
peu  voisin  des  forêts  qui  n'y  fût  usager.  Et  cela  ne  pou- 
vait être  autrement,  puisque  cela  avait  été  originairement 
an  des  avantages  accordés  libéralement  pour  attirer  des 
habitants  dans  les  environs.  L'on  ne  prévoyait  pas  alors 
que  les  bois  deviendraient  d'une  valeur  considérable,  et 
que  ces  espèces  de  colons,  qu'on  cherchait  à  multiplier, 
seraient  un  jour  fort  à  charge  aux  forêts  par  les  facilités 
que  l'ouverture  de  celles-ci  donnait  pour  commettre  les 
délits.  Les  communautés  ecclésiastiques  fondées  par  la 
piété  de  nos  rois,  y  possédaient  des  droits  excessifs.  Il  y 
en  avait  qui  avaient  droit  de  paisson,  avec  feu  et  loge, 
comme  le  couvent  de  Saint-Valery,  en  la  forêt  de  Retz,  re- 
connu par  arrêt  des  juges,  en  dernier  ressort,  du  17  no- 
vembre 1537  ;  les  chartreux  de  Bourg-Fontaine,  reconnus 
par  arrêt  du  même  tribunal,  du  2  septembre  1549;  le 
couvent  de  Saint- Jean-du-Moncel,  en  la  forêt  de  Cuise, 
reconnu  par  arrêt  des  mêmes  juges,  du  26  octobre  de  la 
même  année  (1).  » 

(1)  L'usage  d'accordor  le  droit  de  glandée  et  de  paisson  dans  les  bois, 
comme  récompense  de  services  rendus,  existait  déjà  dans  l'antiquité. 
Cela  ressort  d'une  inscriiition  découverte  en  Arcadie,  où  ce  droit  est  dé- 


CHAPITRE   XXIX.  435 

L'autorité  royale^  en  matière  de  forêts  comme  dans  les 
autres  branches  de  l'administration,  tendit  à  devenir  de 
plus  en  plus  générale.  Effrayés  de  cette  extension  du  pou- 
voir monarchique  et  craignant  de  voir  soustraites  à  leur 
juridiction  patrimoniale  les  forêts  particulières,  les  sei- 
gneurs se  la  firent  confirmer  par  lettres  spéciales  en  1355. 
Certaines  villes,  telles  que  Montauban,  obtinrent  la  recon- 
naissance du  privilège  qui  leur  attribuait  une  juridiction 
forestière  indépendante  (1)  ;  mais  ces  concessions  ne  firent 
que  retarder  de  quelques  années  une  révolution  devenue 
inévitable.  Les  règlements  faits  aux  xiv"  et  xv*"  siècles  fu- 
rent repris,  étendus,  promulgués  de  nouveau  par  Fran- 
çois P^  Une  ordonnance  de  mars  1515,  rendue  à  Lyon, 
reproduisit  en  partie  celle  de  1376;  elle  prescrivit  aux 
agents  forestiers  une  inspection  fréquente  et  régulière  des 
forêts;  elle  réglementa  leur  aménagement,  leur  mode  de 
conservation  et  de  vente;  institua  et  définit  les  fonctions 
de  maîtres,  verdiers,  gruyers  et  sergents.  On  y  trouve  une 
disposition  spéciale  (art.  60)  interdisant  aux  maîtres  de 
vendre  ni  bailler  aucunes  rentes  des  forêts  à  aucun  de  son 
lignage,  ni  à  gentilhomme  ou  officier,  ni  à  clerc  béné- 
ficier (2). 

L'ordonnance  dejanvier  1518,  intitulée  :  Edit  sur  la  con- 
servation des  forêts  {^),  signale  la  ruine  et  le  dépeuplement 
non- seulement  des  forêts  de  la  couronne,  mais  encore  des 


signé  par  les  mots  rb  iTzvrJ\i.wi  /m  fj'iXi'iwi  6psa[j.ocTtûv.  (Voy.  Ph.  Le  Bas, 
Inscr.  grecq.  et  M.  de  Morce,  col.  I,  p.  46.) 

(1)  En  1367,  les  seigneurs  stipulèrent  que  les  maîtres  des  eaux  et  fo- 
rêts ne  pourraient  poursuivre  les  délits  de  pèche,  sans  l'assistance  des 
justices  locales.  Voy.  C.  Dareste  de  la  Chavanne,  Histoire  de  V adminis- 
tration en  France,  t.  II,  p.  18. 

(2)  Fontanon,  Ordonnances,  t.  11,  p.  259;  Isambert,  Recueil,  t.  XII, 
p.  49  et  suiv. 

(3)  Voy.  Fontanon,  Ordonnances,  t.  II.  p.  271;  Isambert, /}ecwei7, 
t.  XII,  p.  16. 


436   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

autres.  Pour  remédier  à  cet  état  de  choses,  des  peines  pé- 
cuniaires fixes  et  certaines  y  sont  établies  conlre  les  au- 
teurs des  délits  forestiers. 

L'article  24  interdit  le  défrichement  des  forêts  royales 
et  de  celles  où  le  roi  avait  droit  de  gruerie,  de  tiers  et 
danger.  Ce  dernier  droit,  qui  avait  pris  naissance  en  Nor- 
mandie, sous  le  gouvernement  des  ducs,  autorisait  à  pré- 
lever le  tiers  et  le  dixième  du  produit  des  bois  (1).  Quant 
au  défrichement  des  bois  appartenant  à  des  particuliers, 
l'ordonnance  ne  prit  encore  aucune  mesure  (2). 

L'édit  de  Foniainebleau  du  17  juin  1537,  s'immisça 
plus  directement  dans  l'administration  des  forêts  particu- 
lières. Il  défendit  aux  évoques  et  archevêques  de  couper 
les  bois  de  haute  futaie  dépendant  de  leurs  bénéfices  (3). 

Une  déclaration  de  1543  étend  la  compétence  des  tri- 
bunaux de  maîtrise  à  toutes  les  forêts,  sans  distinction  en- 
tre le  domaine  de  la  couronne  et  celui  des  princes,  prélats 
et  communautés.  La  même  règle  fut  établie  en  1545  dans 
la  Bretagne. 

Déjà,  en  1533,  afin  de  mettre  un  terme  à  l'extension 
des  droits  des  usagers,  François  L"^  avait  fixé  par  un  édit 
la  signification  des  mots  bois-mort  et  mort-bois  (4). 

(1)  Voy.  le  traité  de  Christofle  Bérault,  avocat  au  parlement  de  Rouen, 
intitulé  :  Des  droits  de  tiers  et  danger,  grurie  et  grairie  ;  Rouen,  1625, 
in-8.  Le  mot  «  danger  «  signifie,  comme  l'a  fait  voir  M.  L,  Delisle,  «  sei- 
gneurie. »  Ce  droit  n'était  général  qu'en  Normandie  ;  il  existait  partielle- 
ment dans  l'Orléanais,  la  Beauce,  le  Hurepoix  et  le  Valois.  (Voyez  Massé, 
Dictioniwire  des  eaux  et  forêts,  art.  Gruerie)  et  était  placé  sous  la  sur- 
veillance des  sergents  dits  dangereux.  (Voyez  Conférences  de  l'ordon- 
nance de  Louis  XIV,  t.  I,  p.  601.) 

(2)  Ordonnances  citées. 

(3)  Voy.  Isambert,  Becueil,  t.  XII,  p.  540. 

(4)  Le  mort-bois  était  «  le  bois  de  saux,  le  mort-saux,  esi)ines,  prui- 
nes,  seur,  aulne,  genêts  et  genesvre  et  non  autres.  »  Le  bois  mort  est 
défini  :  «  bois  sec  en  estant  ou  gisant.  »  (Fontanon,  t.  II,  p.  270;  Isam- 
bert, t.  XII,  p.  383.) 


I 


I 
I 


CHAPITRE   XXIX.  437 

L'établissement  des  forges  était  devenu  une  des  causes 
principales  des  dégâts  dans  les  forêts;  la  déclaration  de 
Saint-Germain-en-Laye,  du  18  mai  1543,  porta  règlement 
pour  les  mines  de  fer  du  royaume,  afin  d'apporter  des  en- 
través à  l'établissement  trop  facile  des  usines  (1).  Fran- 
çois !*"■  encouragea  aussi  la"  plantation  des  bois  tendres, 
tels  que  peupliers,  saules,  marceaux,  dans  le  but  d'empê- 
cher les  nombreux  artisans  qui  faisaient  usage  de  ces  bois, 
d'aller  les  couper  dans  les  forêts.  L'ordonnance  de  Fontai- 
nebleau, citée  ci-dessus,  défendit,  pour  la  même  raison, 
d'employer  le  bois  de  chêne  à  faire  les  échalas  des  vi- 
gnes (2). 

Indépendamment  de  la  juridiction  des  maîtrises,  le  fait 
des  eaux  et  forêts,  pour  nous  servir  de  l'expression  jadis 
consacrée,  ressortissait  à  la  Table  de  marbre,  dont  le  siège 
était  à  Paris.  On  ignore  l'origine  de  celte  juridiction,  qui 
s'étendit  delà  capitale  dans  les  provinces,  et  apparaît  déjà 
au  commencement  du  xvr  siècle.  Louis  XII  en  créa  une  au 
parlement  deRouenenl508.  Henri  II  en  institua,  en  1554, 
dans  ceux  de  Toulouse,  Bordeaux,  Aix,  Dijon,  Grenoble  et 
Rennes.  Gettejuridiction  eut  pour  effet  décentraliser  tout 
ce  qui  touchait  à  la  police  forestière,  car  ce  fut  de  la  Table 
de  marbre  que  découla  toute  l'organisation  judiciaire  des 
eaux  et  forêts.  A  sa  tête  était  le  grand-maître,  au  nom  du- 
quel les  sentences  étaient  rendues  et  dont  les  officiers  des 
maîtrises  recevaient  leur  institution. 

La  Table  de  marbre  jugeait  sans  appel  les  causes  ordi- 
naires et  en  première  instance  celles  qui  as^aient  plus  d'im- 
portance. Ce  fut  l'édit  du  mois  de  mars  4558  qui  établit 


(1)  Voy.  ce  que  nous  disons  au  chapitre  suivant. 

(2)  Voy.  ce  qui  est  dit  plus  loin  de  l'ordonnance  de  février  1554. 

(3)  L'ordonnance  qui  leur  attribue  cette  extension  est  du  22  mai  1539. 
(Voy.  Fonlanon.  t.  I,  p.  979.  Isamberl,  t.  XII,  p.  559.) 


438   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

des  juges  en  dernier  ressort  au  siège  de  la  Table  de  mar- 
bre à  Paris,  édit  confirmé  par  lettres  d'attache  du  roi  Fran- 
çois II,  du  17  juillet  de  l'année  suivante.  Le  parlement  ne 
voulait  pas  se  dessaisir  de  toute  compétence  dans  cette 
matière,  et  les  lettres  de  François  II  font  réserve  de  tout  ce 
qui  louchait  aux  procès  portant  sur  le  fonds  domanial,  sur 
les  droits  de  grurie,  grairie  et  segrairie  ;  elles  n'attribuaient 
à  la  Table  de  marbre  que  la  connaissance  des  affaires  tou- 
chant aux  usages,  délits,  abus  et  malversations  commis 
dans  les  eaux  et  forêts.  Le  parlement  tenait  à  se  réserver 
l'appel  de  la  Table  de  marbre,  et  voilà  pourquoi  l'ordon- 
nance de  Henri  II,  qui  attribuait  cet  appel  à  une  chambre 
mi-partie  composée  d'un  président  du  parlement  et  d'un 
maître  des  requêtes,  et  de  dix  juges,  ne  put  recevoir  son 
application.  L'édit  ne  fut  enregistré  sous  le  règne  suivant 
qu'avec  des  modifications  qui  empêchaient  la  nouvelle  ju- 
ridiction de  se  constituer  d'une-  manière  indépendante. 
Ces  résistances  de  la  cour  souveraine  nuisaient,  il  faut  le 
dire,  à  la  bonne  administration  des  forêts,  en  enlevant  au 
conseil  supérieur  une  partie  de  l'autorité  dont  il  avait  be- 
soin pour  faire  exécuter  des  règlements  toujours  trans- 
gressés. L'édit  de  décembre  1543,  qui  constitua  définiti- 
vement les  Tables  de  marbre  et  fixa  leur  juridiction, 
montre  qu'à  cette  époque  les  officiers  des  forêts  ne  pou- 
vaient prendre  connaissance  des  affaires  concernantles  bois 
des  gens  de  mainmorte  et  des  particuliers,]  qu'en  vertu 
de  commissions  spéciales  données  par  le  roi.  Ainsi,  l'au- 
torité royale  n'avait  agi  qu'exceptionnellement,  par  me- 
sure de  règlement,  sur  les  forêts  placées  en  dehors  du  do- 
maine, et  c'est  de  François  l"  que  date  véritablement 
l'établissement  d'une  jui'idiction  émanant  du  roi,  appli- 
cable à  tout  le  royaume.  Les  ordonnances  de  1513, 1518, 
et  l'édit  de  1543,  manifestent  tous  une  tendance  de  plus 


CHAPITRE   XXIX.  439 

en  plus  marquée  à  réglementer  d'une  manière  générale 
les  forêts,  quel  qu'en  soit  le  propriétaire.  En  voici 
notamment  une  preuve  :  Quoique  les  ordonnances  anté- 
rieures à  i543  n'eussent  investi  les  officiers  des  forêts  que 
d'attributions  relatives  aux  bois  royaux,  le  préambule  de 
•cette  ordonnance  montre  que  les  lettres  de  provision  des 
forestiers  étendaient  leur  surveillance  et  leur  juridiction  à 
toutes  les  autres  propriétés  boisées.  Le  principe  de  l'ins- 
pection par  les  agents  royaux,  des  bois  privés,  que  recon- 
naît et  sanctionne  l'ordonnance  de  1515,  que  confirme 
redit  de  1543,  demeura  depuis  la  base  de  la  législation 
forestière.  Les  édits  postérieurs  à  1543  étendirent  la  ju- 
ridiction des  forêts,  en  la  distinguant  nettement  de  la  ju- 
ridiction ordinaire.  Charles  IX  continua,  par  ses  ordon- 
nances, l'établissement  des  mesures  protectrices  dont 
François  P""  avait  eu  l'idée.  Un  édit  de  septembre  1563 
interdit  à  tout  particulier  de  couper  les  taillis  avant  l'âge 
de  dix  ans.  En  cas  de  contravention^  les  bois  coupés  in- 
dûment étaient  confisqués  et  le  propriétaire  puni  d'a- 
mendes arbitraires.  De  plus,  à  l'égard  des  taillis  exploités 
après  l'âge  de  dix  ans,  il  était  enjoint  de  laisser  un  cer- 
tain nombre  de  baliveaux  par  arpent.  Déjà,  fort  anté- 
rieurement, les  ducs  de  Normandie  avaient  donné  dans 
leurs  p]taLs  l'exemple  de  cette  sage  précaution  et  inlerdit 
de  défricher  les  taillis  (1).  Ces  dispositions  étaient  ailleurs 
traditionnellement  consacrées;  mais  on  les  éludait  trop 
souvent. 

Toutes  ces  mesures  demeuraient  cependant  encore  in- 
sufïisantes,  aucune  règle  n'étant  prescrite  pour  l'exploita- 
tion des  futaies.  La  coupe  à  blanc  estoc,  que  nous  avons  déjà 
signalée  dans  les  Alpes  comme  si  funeste,  était  d'un  usage 

(1)  Voy.  C.  Dareste  de  la  Ghavanne,  Ilisloire  des  classes  agricoles  en 
France,  2«  édil.,  p.  'i59. 


440    LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

général,  en  sorte  que  les  futaies  se  trouvaient  bien  vite 
réduites  à  de  simples  taillis.  Ce  mode  d'exploitation  in- 
considéré était  même  employé  dans  les  forêts  du  domaine 
royal.  Le  bois  se  vendant  alors  beaucoup  plus  en  fagots 
qu'en  bûches  (1),  on  trouvait  un  avantage  momentané  à 
multiplier  les  taillis.  Une  ordonnance  de  Charles  IX,  de 
156J ,  prescrit  de  mettre  en  réserve,  pour  les  faire  croître 
en  futaies,  le  tiers  des  bois  taillis  dépendant  du  domaine. 
La  même  disposition  fut  étendue  aux  bois  des  gens  de 
mainmorte,  bénéficiers  et  communautés,  tant  ecclésias- 
tiques que  laïques  (2).  Les  officiers  des  maîtrises  étaient 
chargés  de  veiller  à  l'exécution  de  cette  ordonnance  sous 
peine  de  privation  de  leur  office. 

Douze  ans  plus  tard,  en  lo73,  soit  qu'on  eût  trouvé  cette 
mesure  trop  rigoureuse  pour  les  propriétaires  de  bois,  soit 
que  le  besoin  de  combustible  et  de  matière  première  se 
fît  plus  fortement  sentir,  on  réduisit  au  quart  l'étendue 
des  bois  à  réserver  pour  croître  en  futaies  ;  mais  il  fut  en- 
joint de  choisir  ce  quart  dans  l'endroit  où  le  fonds  se  trou- 
verait le  meilleur  et  le  plus  propre  à  la  croissance  des 
arbres.  Telle  est  l'origine  des  quarts  en  rcsei^ve  existant 
encore  aujourd'hui  dans  les  bois  des  communes  et  deséta- 

(1)  On  trouve  dans  les  mémoires  de  Claude  Haton  (éd.  Bourquelot, 
1. 1,  p.  IG,  1857)  écrits,  au  milieu  du  xvi"  siècle,  quelques  indications  cu- 
rieuses sur  le  prix  du  bois  à  Provins  en  1555.  On  y  voit  notamment  que 
le  cent  des  meilleurs  fagots  valait  de  "25  ù  30  sous,  et  le  cent  des  moyens 
de  18  à  20.  Quatre  années  plus  tard,  en  1559,  le  cent  des  meilleurs  fa- 
gots dits  de  houp])icr,  de  3  pieds  et  demi  de  long  et  autant  de  grosseur. 
SG  vendait  de  30  à  35  sous  ;  le  millier  d'échalas  de  chêne  valait  50  sous . 
la  jjlanche  do  chêne  d'une  toise  de  long  et  d'un  pied  de  large,  5  sous; 
la  paire  de  roues  d'orme,  25  sous,  et  de  lièlre,  20  sous.  On  ]»eut  consulter 
sur  le  prix  du  bois  en  Normandie  au  moyen  âge,  deRobillarlde  Beaure- 
])aire,  ISolrs  et  dorxnnenls  conccrnnnl  l'îlnt  des  camjiaanes  de  la  hauh 
Normandie  dans  les  derniers  temps  du  moyen  âge,  p.  263,  2G5.  (Evrc-ux. 
1865.) 

(2)  Voy.  VOrdonnancc  de  Louis  XIV  pour  les  eaux  et  forêts  :  Des  boi> 
appartenant  aux  ecclésiastiques,  art.  II,  p.  114,  éd.  1673. 


CHAPITRE    XXIX.  441 

blissements  publics  (1).  L'ordonnance  de  1573  établit,  par 
son  article  4,  que  les  bois  taillis  se  couperaient  de  dix  en 
dix  ans,  mais  par  dixièmes,  de  manière  à  avoir  chaque 
année  une  vente  ordinaire.  Les  ordonnances  de  1539 
et  lo66,  renouvelées  en  1597,  avaient  établi  que  les  ventes 
extraordinaires^  c'est-à-dire  des  bois  de  haute  futaie,  ne 
pouvaient  être  aliénées  que  dans  des  cas  de  grande  néces- 
sité, par  exemple  pour  l'apanage  d'un  fils  de  France.  L'é- 
tablissement des  gardes-marteaux  par  Henri  III,  en  l'année 
1583,  assura  l'exécution  de  ces  mesures  conservatoires; 
les  arbres  destinés  à  la  réserve  eurent  leur  marque  cer- 
taine. 

L'institution  de  ces  agents  se  rattache,  au  reste,  aux 
changements  qui  ne  cessèrent  de  s'opérer  dans  la  distri- 
bution des  officiers  des  eaux  et  forêts  depuis  François  P"" 
jusqu'à  la  fin  du  xvf  siècle.  Le  règlement  de  février  1554 
avait  créé  en  titre  d'office  toutes  les  charges  des  eaux 
et  forêts  et  supprimé  les  commissions  précédemment 
données.  L'article  2  établit  dans  chacun  des  palais  des  par- 
lements de  Toulouse,  Bordeaux,  Dijon,  Provence,  Dau- 
phiné  et  Bretagne,  un  siège  de  grand  maître  et  réforma- 
teur général  des  eaux  et  forêts.  Chacun  de  ces  sièges  devait 
être  occupé  par  un  lieutenant  avec  quatre  conseillers  ou 
avocats  et  un  procureur  du  roi.  La  Table  de  marbre  de 
Rouen,  créée  en  1508,  fut  augmentée  de  quatre  conseillers. 

Henri  III  supprima,  en  1575,  l'office  unique  de  grand 
maître  enquêteur  et  réformateur  général,  pour  le  partager 
entre  six  personnes.  Les  six  offices  ainsi  créés  subsistè- 
rent, malgré  leur  suppression  nominale  en  1579,  et  furent 
même  rendus  alternatifs,  en  1586,  ce  qui  porta  leur  nom- 
bre à  douze.  Par  ces  créations  de  nouveaux  offices,  on  se 

(1)  C'osl  ce  qu'observe  M.  Meaume  dans  son  IntroducUoji  au  droii 
forestier. 


442   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

proposait  plutôt  de  faire  de  l'argent  que  d'arriver  à  une 
meilleure  administration  des  forêts.  Si  même  on  crut  aussi 
atteindre  ce  dernier  but,  on  alla  droit  à  l'encontre.  La 
plupart  des  nouveaux  officiers  ayant  acheté  cher  leur 
charge,  s'indemnisèrent  par  le  pillage;  ce  qui  donna  lieu  à 
de  nombreuses  réclamations. 

Les  heureuses  réformes  introduites  par  Charles  IX  res- 
tèrent ainsi  sans  effet.  Les  guerres  de  religion,  les  discordes 
civiles,  frappèrent  de  stérilité  la  belle  législation  de  Fran- 
çois I".  Les  abus  reprirent  comme  par  le  passé.  L'État, 
dont  les  finances  étaient  obérées,  concédait  facilement  dans 
les  forêts  des  droits  d'usage,  parce  que  ces  concessions 
étaient  un  moyen  d'accroître  sqs  ressources  pécuniaires; 
aussi,  quand  Henri  IV  monta  sur  le  trône,  le  désordre 
était-il  arrivé  à  son  comble  (1). 


(d)  Les  arbres  furent  abattus,  dans  les  temps  de  guerres  civiles,  par 
les  mêmes  motifs  qu'ils  avaient  été  détruits  lors  de  l'établissement  de  la 
domination  romaine  :  «  Asseientium  quod  ex  multitudine  salicum  et 
»  aliarum  diversarum  arborum...  locus  predictus  est  adeo  absconditus  et 
»  cohopertus  quod  hostes  qui  presentem  patriam  et  alias  circumvicinas 
»  discurrunl  et  discurrere  et  equilare  nituntur,  inter  dictas  arbores  abs- 
»  condi  possunt  et  se  plures  abscondere  ceperunt  de  die  et  de  nocte,  etc.  » 
est-il  dit,  à  propos  des  habitants  de  Lates,  près  Montpellier,  dans  la 
permission  que  leur  donne,  en  13G3,  le  maréchal  d'Audenehan,  de  cou- 
per les  arbres  qui  couvraient  les  chemins.  (Voy.  Ménard,  Histoire  de 
Kismes.  preuves,  t.  II,  p.  271.)  Les  bois  servaient  constamment  de  re- 
traite aux  partisans  dans  les  guerres  civiles.  Divers  mots  français  rap- 
pellent encore,  par  leur  étymologie,  le  rôle  qu'ils  jouaient  alors;  tels  sont 
les  mots,  embusque!',  débusquer,  embûche,  où  entre  le  radical  fcu.sc,  bois. 
(Voy.  L.  Delatre,  La  langue  française  dans  ses  rapports  avec  le  samcrit, 
p.  1C9  et  ce  qui  a  été  dit  p.  428. j 


CHAPITRE    XXIX.  443 


CHAPITRE  XXX. 

INÉGALITÉ    DANS    LA    MARCHE    DU  DÉBOISEMENT  EN    FRANCE.     —     EFFET  DU 
DÉBOISEMENT  SUR  LE  RÉGIME  DES  EAUX  ET  SUR  LE  SOL;     —    PLAINTES  A 

CE  SUJET.    COUP  d'œIL    RÉTROSPECTIF    SUR  LE  RÉGIME    DES    EAUX    AU 

MOYEN  AGE. 

Ce  qui  a  été  dit  dans  les  pages  précédentes  montre  que, 
du  xYi''  siècle  au  xvin%  la  dévastation  des  forêts  marcha 
avec  une  extrême  rapidité.  La  terre  prenant  chaque  jour 
plus  de  valeur  par  l'accroissement  de  la  population ,  le 
profit  qu'on  avait  à  la  mettre  en  culture  augmentait.  Les 
seigneurs  voyant  qu'ils  pouvaient  retirer  des  sols  cultivés 
en  céréales  de  plus  fortes  redevances  que  des  sols  boisés, 
prêtaient  eux-mêmes  les  mains  à  la  destruction  des  forêts. 
Gollut  se  plaint  de  ce  qu'ils  «  font  raser  leurs  bois,  par 
trop  grande  cupidité,  pour  avoir  des  subjets  ou  des  cens, 
ou  fournir  leurs  forges  à  fer  (1).  )) 

Durant  les  siècles  antérieurs,  le  ramage,  lepanage  et  la 
glandée,  donnaient  un  prix  particulier  aux  terrains  plan- 
tés de  bois;  mais,  plus  tard,  les  procédés  d'élève  des  bes- 
tiaux changèrent,  on  nourrit  moins  de  porcs,  et  la  glandée 
fut  de  moindre  profit.  On  préféra  les  prairies  ouvertes  aux 
forêts,  qui  avaient  l'inconvénient  d'entretenir  dans  le  voi- 
sinage un  froid  dont  la  cherté  croissante  du  bois  rendait 
plus  difficile  de  se  garantir.  L'industrie  métallurgique 
se  développait  et  devenait  une  autre  cause  de  déboisement, 
car  une  quantité  croissante  de  bois  était  nécessitée  pour 

(1)  Mémoires  liistorifjucs  de  la  république  Séquanoise^  p.  84.  Les 
forges  et  les  verreries  l'uront  les  premières  usines  établies  à  la  naissance 
(les  arts  industriels. 


444   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE.  i 

alimenter  les  usines.  Des  forges,  qui  s'établirent  de  bonne! 
heure  dans  les  forêts  des  pays  riches  en  fer  (1),  ont  été  pour 
celles-ci  une  des  causes  les  plus  actives  de  destrifction.; 
La  législation  ne  prit  pas  malheureusement  en  France,  : 
comme  elle  l'a  fait  en  Suède  depuis  une  époque  fort  an-! 
cienne(2),  le  soin  de  lier  par  un  système  solidaire  de  con-j 
servation,  la  propriété  forestière  et  l'industrie  des  mines  1 
et  des  usines  métallurgiques.  | 

En  Bourgogne  et  dans  le  Nivernais,  les  forges  à  bras  da- 1 
tent  d'un  âge  reculé.  De  ces  forges  existaient  très-ancien- 
nement au  voisinage  de  la  belle  forêt  de  Narcy,  dans  le 
canton  de  La  Charité  ;  ainsi  que  cela  est  attesté  par  les 
nombreux  dépôts  de  laitiers  qu'on  rencontre  dans  les 
communes  de  Narcy  et  de  Marlin,  dépôts  qui  sont  deve- 
nus par  leur  décomposition  très-propres  à  la  culture  (3). 


(1)  C'est  ce  qui  a  eu  lieu  notamment  en  Alsace  dans  les  forêts  du 
Bienwald  et  de  Haguenau.  Ces  forêts  s'élèvent  surunsable  marécageux-, 
le  minerai  de  fer,  précipité  par  les  eaux  dont  le  sol  est  arrosé,  s'infiltre 
graduellement  dans  les  sables  ;  il  se  réunit  à  l'oxyde  de  fer  qui  y  a  été 
amené  de  la  même  manière,  et  contribue  à  la  formation  de  concrétions 
ferrugineuses,  qui  ont  été  exploitées  à  l'aide  du  bois  qui  pousse  sur  les 
lieux.  (Voy.  le  mémoire  de  M.  Daubrée,  dans  les  Annales  des  mines, 
4«  série,  t.  X,  p.  45  etsuiv.) 

(2)  Cette  législation  conservatrice  a  créé  ce  qu'on  nomme  les  Bergslags, 
c'est-à-dire  des  circonscriptions  tracées  autour  des  grands  gîtes  minéraux 
de  la  Suède.  On  a  compris,  en  général,  dans  chacune  d'elles  toutes  les 
forêts  dont  les  produits  peuvent  servir  à  l'exploitation  d'un  groupe  de 
gîtes  et  au  traitement  métallurgique  de  leurs  minerais.  (Voy.  sur  les 
Brrgslags,  F.  Le  Play,  Les  ouvriers  de  l Europe,  y>-  97.  Paris,  Impri- 
merie impér.)  En  d'autres  contrées  de  l'Europe,  comme  en  certains  lieux 
des  Alpes  et  de  la  Carinthie,  des  conventions  entre  les  propriétaires  de 
forges  produisent  ù  peu  près  le  même  effet.  (Voy.  Le  Play,  onr.  eil.  p.  1 32.) 

(3)  Voy.  Née  de  la  Rochelle,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  du  dé- 
parlemenl  de  la  Nièvre,  t.  I,  p.  355,  356.  Cette  forêt  est  mentionnée  dans 
l'histoire  du  Nivernais  ù  une  époque  déjà  reculée.  Elle  appartenait,  ainsi 
que  celle  de  la  Bertrange,  à  Ermcngarde,  femme  de  Hugues  Dulys;  la 
plus  grande  partie  de  l'une  et  l'autre  fut  donnée,  en  ll'Zl,  aux  religieux 
de  La  Charité  qui  possédaient  aussi  la  forêt  d'Artonne,  dont  Marguerite  do 
Fontenay,  dame  de  Champlemy,  leur  avait  fait  donation. 


CHAPITRE   XXX.  445 

Ou  a  vu  par  ce  qui  a  été  dit  plus  haut,  que  presque  par- 
tout en  France,  au  xvi®  siècle,  les  usagers  à  divers  titres 
,se  multiplièrent,  que  bon  nombre  abusèrent  de  leurs 
droits.  La  mauvaise  constitution  du  régime  de  la  propriété 
contribuait  encore  à  ce  fâcheux  état  de  choses.  On  avait 
sans  doute  édicté,  sous  François  P"",  des  peines  sévères 
contre  les  délits  dont  les  usagers  se  rendaient  coupables; 
mais  ces  peines  étaient  éludées,  à  raison  même  de  leur 
rigueur.  Les  lois  répressives  demeuraient  inefficaces,  et 
les  provinces  où  il  eût  le  plus  importé  qu'elles  fussent 
appliquées^  étaient  précisément  celles  où  elles  l'étaient 
le  moins.  Au  contraire,  en  Franche-Comté,  en  Lorraine  et 
en  Alsace,  où  le  régime  forestier  était  plus  doux,  les  forêts 
eurent  moins  à  souffrir  des  déprédations  (1). 

Ces  diverses  circonstances  expliquent  pourquoi  la  des- 
truction des  forêts  ne  marcha  point,  dans  toute  la  France, 
du  même  pas.  Au  nord,  les  forêts  restèrent  plus  longtemps 
environnées  du  respect  des  populations.  Au  midi,  au  con- 
traire, le  besoin  de  pâturages  fît  déclarer  aux  arbres  une 
guerre  acharnée  (2).  Dans  les  Basses-Alpes,  le  déboisement 
a  été  directement  contre  le  but  que  l'on  voulait  atteindre. 
Les  pâturages  n'ont  pas  lardé  à  être  entièrement  détruits 
par  les  torrents  que  la  disparition  des  arbres  avait  fait 
grossir,  comme  l'a  observé  un  habile  administrateur, 
M.  Dugied  (3). 

(1)  Yoy.  le  mémoire  de  M.  Noirot,  dans  les  Annales  foreslières,  t.  IV, 
p.  199  et  suiv. 

(2)  C'est  l'usage  de  la  Mesta  qui  a  amené  en  Espagne  la  destruction  de 
presque  toutes  les  forêts,  et  qui  tend  à  faire  disparaître  celles  de  l'Amé- 
rique du  Sud.L"oisif  colon  espagnol  préfère  le  soin  facile  des  bestiaux  à  la 
culture  pénible  des  terres,  et  conduit  par  son  aphorisme  favori  :  Crianza 
quita  Idbrunza  (l'élève  des  bestiaux  dispense  de  toute  autre  occupation), 
il  incendie  les  forêts  vierges  et  prive  ses  descendants  de  ce  qui  eût  fait 
leur  richesse. 

(3)  Dugied,  Projet  de  reboisemenl  des  Basses-Alpes. 


446   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE   FRANCE.      MU 

Dans  les  forêts  des  Pyrénées,  on  comptait  encore,  au 
xvii^  siècle,  les  sapins  par  centaines  de  mille,  et  il  a  fallu 
toute  l'énergie  de  la  végétation  du  sol  pour  résister  quel- 
que peu  à  la  fureur  destructive  des  habitants  (i). 

A  ces  causes,  qui  établissent,  sous  le  rapport  des  vicissi- 
tudes forestières,  une  distinction  marquée  entre  les  pro- 
vinces du  midi  et  celles  du  nord,  il  faut  en  joindre  une 
autre.  Les  provinces  méridionales  n'ayantjamaisreconnula 
maxime:  «NuUeterre  sans  seigneur;  »  les  nobles  nepurent,  i 
dans  cette  partie  de  la  France,  envahir,  comme  ils  le  firent 
dans  le  nord,  les  communaux,  sous  prétexte  qu'ils  étaient 
sans  propriétaires,  et  convertir  en  forêts  destinées  à  leurs 
plaisirs  les  biens  qui  servaient  aux  usages  communs  des 
habitants.  Dans  l'est  de  la  France,  l'emploi  des  coupes  som- 
bres ou  système  allemand  fit  conserver  les  grands  arbres, 
à  l'ombre  desquels  on  plantait,  et  dont  les  rameaux  rap- 
prochés protégeaient  les  jeunes  plants  délicats.  Dans  le 
midi,  au  contraire,  la  prédominance  des  coupes  blanches, 
des  défrichements  à  blanc  estoc,  anéantit  les  baliveaux  ré- 
générateurs des  forets.  Les  réserves,  trop  vite  éclaircies, 
finirent  par  disparaître, et  le  sous-bois  ne  rencontrant  plus 
l'abri  nécessaire,  le  sol  se  dépouilla  complètement.  Enfin, 

(1)  Ainsi  qu'il  a  été  observé  p.  393,  les  forêts  des  Pyrénées  paraissent 
avoir  été  mieux  respectées  du  côté  de  l'Espagne  que  du  côté  de  la 
France;  de  celui-ci,  elles  ont  perdu,  par  les  incendies,  les  défrichements, 
les  abus  de  pâturages  et  le  pillage,  dans  l'espace  de  cent  quai'anle  ans, 
les  deux  tiers  de  leur  contenance.  Si  elles  continuaient,  écrivait  un  ins- 
pecteur forestier,  M.  Dralet,  à  être  livrées  ù  la  dévastation,  dans  cent 
vingt  ans,  il  n'en  existerait  plus.  Depuis  que  ces  réflexions  ont  été  publiées, 
des  bandes  de  pillards  ont,  à  la  suite  de  la  révolution  de  février  1848, 
(le  nouveau  porté  la  destruction  dans  les  faibles  restes  de  ces  magnifi- 
ques forêts.  En  certains  cantons  des  Basses-Pyrénées,  l'on  a  tant  défri- 
ché, tant  extirpé,  tant  incendié  et  dilapidé,  que  les  communes  ne  trou- 
vent même  plus  le  combustible  ligneux  le  plus  indisi)ensabte,  le  simple 
nécessaire.  Quantité  de  hameaux  ont  été  abandonnés  par  les  habitants, 
faute  de  bois.  D'autres  villages  sont  obligés  de  l'aller  chercher  dans  les 
forêts  éloignées,  et  jusqu'en  Espagne. 


CHAPITRE   XXX.  447 

une  dernière  cause  qui  hâta,  dans  le  midi,  la  dévastation 
des  forêts,  c'est  que  l'usage  des  constructions  en  bois  s'y 
continua  plus  longtemps  qu'au  nord  et  au  centre  de  la 
France,  où  la  pierre  calcaire  abondait  (l).Danslescontrées 
de  sol  granitique,  de  landes  et  d'alluvions,  la  rareté  des 
pierres  à  bâtir  nécessitait  l'usage  du  bois  et  faisait  abattre 
un  grand  nombre  d'arbres.  Ainsi,  dans  le  Bordelais,  pres- 
que toutes  les  maisons  étaient  en  bois  ou  en  torchis,  comme 
les  habitations  des  anciens  Gaulois  (2),  et  du  mortier  ne 
réunissait  pas  même  les  poutres.  Les  fenêtres  et  les  portes 
étaient  pratiquées  à  coups  de  hache  dans  les  murs  formés 
de  solives  superposées  (3). 

La  destruction  des  forêts  a  exercé  en  France,  comme 
ailleurs,  une  influence  notable  sur  le  régimedes  eaux.  Pour 
les  rivières  qui,  comme  le  Mississipi,  en  Amérique (4),  pren- 
nent leur  source  dans  des  forêts,  dans  des  cantons  fort 
boisés,  conséquemment  là  où  le  sol  humide  amasse  lente- 
ment les  réservoirs  qui  les  alimentent  (5),  le  volume  moyen 


(1)  On  continua  longlemps,  cependant,  dans  certaines  villes  du  Nord, 
à  construire  les  maisons  en  bois.  A  la  fin  du  xiv*  siècle,  la  ville  de 
Gand  n'offrait  que  des  maisons  de  cette  matière,  plâtrées  d'argile  et  cou- 
vertes en  paille.  (Diericx,  Mém.  sur  Ga?id,  t.  II,  p.  10.)  A  Rouen,  les 
maisons  en  bois  n'ont  complètement  disparu  que  dejouis  trente  ans  en- 
viron. (Voy.  Behlen,  Lehrh.  clev  deuischen  Forst-Geschichle,  p.  35.) 

(2)  CsRsar,  de  bell.  GalL,  Vil,  "23.  Yoy.  ce  que  dit  Vitruve  desêBdificia 
des  Gaulois. 

(3)*  Jouannet,  Slcdisliq.  de  la  Gironde,  t.  I,  part,  ii,  p.  284. 

(4)  Le  lac  Ilasca,  où  le  Mississipi  prend  sa  source,  est  entouré  de  hau- 
teurs couvertes  de  conifères  et  dites  haideurs  des  terres;  ces  hautq^irs, 
où  se  tamise  l'eau  des  pluies  qui  alimente  le  lac,  s'étendent  à  une 
grande  dislance  et  jjrésentent  i)lusieurs  branches  dont  la  principale  est  dite 
Coteau  du  fjrand  bois.  Voy.  Nicollct,  Beporl  on  the  hydrographical  ba- 
sin  of  the  upper  Mississij)i  river.,  p.  238.  (Washington,  1843,  in-8.) 

(5)  Nous  citerons,  comme  étant  de  ce  nombre,  l'Aff  qui  prend  sa  source 
dans  la  forél  de  Paimponl  (lile-et-Viiaine),  la  Brevonne  qui  prend  la 
sienne  dans  la  forêt  d'Orient  (Aube),  l'Allier  qui  prend  sa  source  dans  la 
foret  de  Mercoire  (Lozère),  l'Huisne  qui  prend  la  sienne  dans.la  forêt  de 
Bellesme  (Orne),  le  Vrin  qui  sort  de  la  forêt  de  Bontin  (Yonne). 


448   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

des  eaux  a  diminué;  en  revanche,  sur  les  montagnes  dé- 
boisées, l'eau  n'étant  plus  lentement  tamisée,  les  torrents 
sont  devenus  plus  impétueux  et  plus  irréguliers.  Il  ne  faut 
sans  doute  pas  trop  généraliser  ce  fait.  Les  forêts  ne  sont 
pas  la  source  unique,  ni  même  principale  des  rivières. 
Ainsi  que  l'a  remarqué  un  ingénieur  auquel  on  doit  des 
recherches  approfondies  sur  les  inondations,  M.Vallès,  les 
sources  qui  se  produisent  aux  environs  des  forêts  sont  gé- 
néralement d'un  débit  peu  important;  c'est  aux  sources 
profondes  que  les  grands  cours  d'eau  empruntent  leur  ali- 
mentation; et  les  sources  résultent  des  infiltrations  sou- 
terraines qui  amènent  les  eaux  pluviales  tombées  sur  une 
vaste  surface  en  un  point  où  l'inclinaison  et  l'imperméa- 
bilité d'une  couche  géologique  les  oblige  à  se  créer  une 
issue  (1).  Cette  réserve  faite,  on  doit  admettre,  avec  Alex, 
de  Humboldt,  que  l'absence  de  sources  permanentes,  la 
destruction  des  forêts  et  l'existence  des  déserts  sont  trois 
phénomènes  étroitement  liés  (2).   Les  anciens   avaient 
déjà  été  frappés  de  l'influence  des  bois  sur  le  régime  des 
eaux  (3). 

Le  déboisement  d'un  canton  a  parfois  suffi  pour  amener 
le  dessèchement  d'un  torrent  (4).  Un  grand  nombre  de  ri- 
vières autrefois  navigables  ne  le  sont  plus  actuellement,  à 

(1)  Voy.  à  ce  sujet  dans  la  Revue  contemporaine  (30  avril  1866) 
l'article  de  M.  E.  Tisserand,  sur  la  question  des  forêts,  p.  599. 

(2)  Voy.  sur  les  effets  du  déboisement  Revue  britannique,  5'  série, 
t.  VJII,  p.  391.  —  Boussingault,  Mémoire  sur  Vinfuence  des  défriche- 
ments dans  la  diminution  des  cours  d'eau,  dans  le  tome  LXIV  des  An- 
nalesde  physique  et  de  chimie  (1837).  —  W.  H.  Parish,  On  tlie  influence 
of  forests  on  climate  dans  le  Journal  of  the  asiaiic  society  of  Dengal, 
t.  XVIII,  p.  791  et  suiv.,  enlin  le  curieux  chapitre  de  l'ouvrage  do 
Schacht,  sur  les  arbres,  intitulé  .  La  forêt  et  sa  vie,  trad.  Morron,  p.  380 
et  suiv.,  et  surtout  le  chapitre  suivant  intitulé:  La  forci  el  son  vn- 
portance,  p.  410  et  suiv. 

(3)  Pline,  Hist.  nat.  XXXI,  4. 

(4)  A.  Surell,  FAude  sur  les  torrents  des  Hautes-Alpes,  p.  134. 


CHAPITRE    XXX.  449 

cause  de  leurs  bas-fonds.  Ceux-ci  sont  déterminés  par  le 
sédiment  qui  se  dépose  dans  leur  lit  et  que  les  eaux  ont 
charrié  avec  d'autant  plus  de  facilité,  que  le  sol  était 
moins  consolidé  sur  les  rives  par  la  végétation  (i). 

Au  temps  des  Romains,  sur  la  partie  la  plus  haute  de  la 
Durance,  il  existait  une  corporation  de  bateliers  et  de  flot- 
teurs, tandis  qu'aujourd'hui  la  pénurie  des  eaux  s'oppose 
à  ce  que  le  flottage  s'y  puisse  effectuer;  c'est  là  un  des 
effets  du  déboisement  qui  s'est  principalement  opéré  sur 
la  rive  gauche  de  cette  rivière  torrentielle  depuis  Savines 
jusqu'à  rUbaye  (2).  De  semblables  corporations  de  nautœ 
existaient  aussi  dans  l'antiquité  sur  le  Rhône,  le  Rhin,  la 
Saône  et  la  Seine.  Il  dut  vraisemblablement  y  en  avoir 
sur  d'autres  rivières  de  la  Gaule,  et  elles  subsistèrent 
jusqu'à  l'établissement  des  barbares  (3).  Ces  collèges  de 
bateliers  et  de  flotteurs  ont  eu  leur  part  dans  l'œuvre  du 
déboisement,  en  facilitant  et  accélérant  l'expédition  des 
bois  coupés,  absolument  comme  depuis  deux  siècles,  les 

(1)  Surell,  OUI',  cil.  p.  125,  note  17. 

(2)  Voy.  Orelli,  Inscription,  latin,  sélect.,  n°1993,  4077,  4243,  4244, 
4245,  6950,  7007,  7254,  7256,  7257.  Cf.  dans  le  Messager  des  sciences 
historiques  de  Belgique,  an.  1842,  une  notice  de  M.  de  Ring  sur  les  Nau- 
tol  du  Rhin  et  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut,  p.  79. 

(3)  «  On  voit  dans  les  Gaules  des  corporations  multipliées  de  bateliers 
pour  transporter  les  marchandises  et  pour  faciliter  le  passage  des  rivières. 
Une  inscription,  trouvée  sous  le  chœur  do  Notre-Dame  de  Paris,  parle 
des  nantie  Parisiaci.  La  notice  des  dignités  de  l'empire,  le  recueil  des  • 
historiens  de  Franco,  par  D.  Bouquet,  offrent  la  preuve  qu'il  existait  de 
ces  corporations  pour  la  Seine,  la  Sambre,  la  Loire,  la  Saône,  le  Rhône, 
la  Durance,  etc.,  et  que  chacune  avait  un  préfet  ou  patron.  Toute 
cette  organisation  disparut  pendant  l'invasion  des  barbares  et  l'anarchie 
qui  lui  succéda.  Mais  on  ne  peut  douter  que,  lorsque  les  voies  de  terre 
furent  devenues  impraticables,  faute  de  police  et  d'entretien,  les  rivières 
présentant  des  chemins  tout  faits  qui  pouvaient  à  la  rigueur  se  passer  de 
la  main  des  hommes,  servirent  au  transport  des  matériaux,  des  produits 
du  sol  et  des  autres  objets  de  première  nécessité,  dont  le  commerce  ne 
peut  être  absolument  anéanti,  même  dans  l'état  social  le  plus  barbare.  » 
(Vignon,  Etudes  historiques  sur  l'administration  des  voies  publiques  en 
France,  t.  I,  p.  30.) 

29 


450  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

trains  qui  descendent  l'Yonne  et  la  Marne,  dépeuplent  les 
forêts  du  Morvand,  de  l'Auxcrrois  et  du  Bassigny  (1).  La 
disparition  des  essences  forestières  dont  étaient  couvertes 
les  chaînes  de  montagnes  qui  longent  le  Rhône,  depuis 
Tournon  jusqu'au  delà  de  Bourg-Saint-Andéol,  a  gra- 
duellement grossi  les  torrents  qui  versent  leurs  eaux  dans 
ce  fleuve.  Ceux-ci  ont  raviné  les  pentes  des  Gévennes, 
occasionné  d'incessants  éboulemenis,  et,  avec  le  temps, 
la  terre  qui  garnissait  le  versant  tourné  vers  le  Rhône,  a 
été  précipitée  dans  son  lit  et  charriée,  par  ses  flots  rapides, 
jusqu'à  son  embouchure,  où  elle  élève  les  bords,  môme  le 
fond,  et  détermine  la  formation  des  canaux  latéraux  (2). 

Ces  attérissements  continuels  ont  apporté  des  modifica- 
tions sensibles  dans  le  delta  du  Rhône  ;  ses  bras  se  sont 
notablement  restreints.  C'est  ainsi  que  Saint-Gilles,  qui 
était,  au  xi"  et  au  xii*  siècle,  un  port  important,  ne  peul 
plus  actuellement  recevoir  de  navires,  qu'Aigues-Mortt 
n'offre  plus,  depuis  plusieurs  siècles,  un  chenal  assez  large 
pour  donner  accès  à  des  vaisseaux  tels  que  ceux  qui  ser- 
virent à  l'embarquement  de  saint  Louis,  à  l'époque  des 
croisades  (3). 

Si  le  déboisement  exerça  sur  le  régime  des  eaux  une  fâ- 
cheuse influence,  le  mauvais  état  de  ce  régime  réagit  à 
son  tour  sur  la  végétation  ;  il  multiplia  les  étangs,  les  eaux 
stagnantes,  et  convertit  en  c'ontrées  malsaines  des  lieux 
qui  avaient  été  précédemment  boisés.  Le  séjour  des  eaux 
amenait  rapidement  la  destruction  des  arbres  (4)  et  chas- 


(1)  Voy.  à  ce  sujet  Deiaraaro,  Traité  delà  Police,  t.  III,  p.  475. 

(2)  Elle  de  Beaumont,  Leçons  de  (jéolocjie  pratique,  t.  I,  p.  373. 

(3)  Ibid.,  p.  384. 

(4)  Voy.  ce  que  dit  M.  Isabeau  de  la  forêt  de  Pont  (Loire-Inférieure 
où  depuis  un  siècle  des  centaines  d'hectares  de  bois  ont  été  détruii 
par  l'accumulation  des  eaux  stagnantes:  Annales  forestières,  t.  XII. 

p.  no. 


f 


CHAPITRE   XXX.  451 

sait  la  végétation.  Dans  des  intérêts  de  fiscalité,  dans  le 
but  de  multiplier  les  moulins  ou  de  grossir  les  produits 
de  la  pêche,  les  seigneurs  retenaient  les  eaux  par  des  per- 
tuis  ou  des  barrages,  plantaient  au  milieu  des  rivières  des 
pieux,  ou  y  élevaient  des  digues  qui  nuisaient  à  leur  cours; 
et,  afin  de  lever  péage  plus  fréquemment,  rapprochaient 
les  écluses.  Ces  usurpations  se  rattachaient  à  toute  une 
invasion  d'abus  de  la  ])uissance  seigneuriale  contre  les- 
quels Richelieu  et  Golbert  luttèrent  plus  tard  énergique- 
ment(l).  Au  commencement  du  xvi'^  siècle,  ces  abus  étaient 
arrivés  au  dernier  degré,  et  ils  furent,  de  la  part  des  habi- 
tants, lésés  dans  leurs  intérêts  légitimes,  l'objet  de  vives 
réclamations,  auxquelles  fit  droit  l'ordonnance  du  29  mars 
1515  (2).  C'était  surtout  dans  le  nord  de  la  France  qu'une 
suite  d'usurpations  persévérantes  avait  donné  aux  sei- 
gneurs plus  de  facilité  pour  s'approprier  les  rivières. 
L'abondance  des  eaux  fit  dans  le  principe  attacher  peu 
d'importance  au  détournement  ou  à  l'obstruction  de  quel- 
ques cours  d'eau.  En  certaines  provinces  même,  toute  li- 
berté était  accordée  aux  justiciers  d'établir  des  étangs  et 
de  retenir  les  eaux  des  rivières.  Ailleurs,  on  allait  plus  loin. 
D'après  les  coutumes  de  Tours,  du  Maine,  de  l'Anjou,  du 
Perche  (3),  le  seigneur  bas-justicier  pouvait,  à  sa  conve- 
nance, établir  moulins  et  barrer  les  rivières.  Cette  faculté 
abusive  laissée  aux  seigneurs  portait  la  désolation  dans 
les  propriétés  riveraines,  sans  cesse  exposées  à  être  sub- 
mergées. Dans  le  Vendômois  et  le  Blésois,  on  constate  en- 
core aujourd'hui  les  conséquences  de  ce  déplorable  sys- 
tème.   Des  étangs  occupent    l'emplacement  sur  lequel 

(1)  Voy.  à  ce  sujet  J.  Caillet,  U administration  en  France,  sous  le 
ministère  du  cardinal  de  Richelieu,  2e  édit.,  t.  II,  p.  11  et  suiv.  H.  Do- 
niol,  Histoire  des  classes  rurales  en  France,  2"  édit.,  p.  404  et  suiv. 

(2)  Fontanon,  t.  II,  p.  622.  Isambcrt,  necueil,  t.  XII,  p.  43. 

(3)  Voy.  Saint-Yon.  ]).  444,  448. 


452   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l'ANCIENNE  FRANCE.  j 

s'élevaient  jadis  des  villages  (1).  La  multiplicité  de  ces 
abus  éveilla  pourtant  la  sollicitude  des  villes.  Les  cou- 
tumes de  Montargis  et  de  Blois  renferment  des  dispositions 
destinées  à  empêcher  qu'en  retenant  l'eau  des  moulins,  on  » 
ne  submerge  les  terres  d'autrui  (2).  On  mit  certaines  res- 
trictions aux  privilèges  qui  tout  d'abord  avaient  été  in- 
considérément concédés  aux  nobles  (3).  Dans  certaines 
coutumes,  le  droit  d'établir  un  moulin  à  étang  ne  peut  être 
accordé  à  tout  autre  que  celui  auquel  il  appartient,  sans 
un  congé  exprès  du  seigneur  (4).  La  coutume  de  Norman- 
die dénote  plus  de  prévoyance  encore,  et  l'on  reconnaît 
aux  mesures  qu'elle  prescrit,  un  pays  où  l'agriculture,  à  ■ 
raison  même  de  ses  progrès,  attirait  davantage  la  sollici- 
tude de  l'autorité.  Cette  coutume  défend  formellement  do 
retenir  les  eaux  des  rivières  pour  en  faire  des  étangs  (5).  En 
revanche,  d'autres  coutumes,  celle  du  Nivernais  par  exem- 
ple, accuse  à  cet  égard  une  négligence  complète,  et  dé- 
clare qu'il  est  loisible  à  chacun  de  faire  étang  dans  son 
domaine  et  d'y  asseoir  bonde  ou  pilon  (6;. 

Dans  le  midi  de  la  France,  le  régime  des  eaux  était 
beaucoup  plus  avancé.  Les  traditions  de  l'administration 
romaine,  si  vigilante  à  ce  sujet,  comme  le  montre  le  cé- 
lèbre traité  de  Frontin  sur  les  aqueducs,  ne  s'étaient  pas 
complètement  perdues.  Aussi  tandis  que  dans  les  pro- 
\inces  de  droit  coutumier,  tout  était  livré,  en  matière  do 
régime  des  eaux,  à  l'arbitraire  du  seigneur,  qui  se  mon- 

(1)  Je  dois  la  connaissance  de  ce  fait  à  feu  mon  confrère  J.  de  Pé- 
tigny. 

(2)  Saint-Yon,  p.  444. 

(3)  Le  principe  que  le  droit  d'établir  moulin  ot  étang  appartient  exclu- 
sivement au  seigneur,  est  posé  par  la  coutume  de  Bretagne. 

(4)  C'est  ce  qui  est  formellement  dit  dans  la  Coutume  de  La  Ferté-Im- 
baut  (c.  V,  art.  10). 

(5)  Saint-Yon,  p.  452. 
(0)  Saint-Yon,  y.  449. 


CHAPITRE   XXX.  453 

trait  moins  préoccupé  des  intérêts  de  la  navigation  et  de 
la  culture,  que  de  se  créer  des  fiefs  productifs,  dans  la 
partie  du  royaume  qui  gardait  le  droit  romain,  le  prin- 
cipe de  cette  législation  «  aqua  publica  nullo  modo  reti- 
neri  potest,  »  continua  à  être  en  vigueur.  D'ailleurs  la 
nécessité  des  canaux  d'irrigation  pour  l'agriculture,  dans 
un  pays  où  le  sol  est  plus  sec  et  la  température  plus 
chaude,  avait  appris  à  régler  de  bonne  heure  l'usage  des 
eaux.  L'établissement  d'un  grand  nombre  de  canaux  par 
les  Visigoths  et  les  Arabes,  canaux  qu'alimentaient  des 
torrents  (1),  obligeait  à  veiller  plus  attentivement  à  ce  que 
rien  n'arrêtât  ou  ne  diminuât,  dans  leur  volume,  les  eaux 
destinées  à  fertiliser  les  champs.  On  peut  citer  divers  can- 
tons de  la  France  comme  ayant  subi,  sur  une  assez  vaste 
échelle,  la  fâcheuse  influence  de  cette  extension  démesurée 
des  étangs  et  du  barrage  inconsidéré  des  cours  d'eau. 
Dans  la  Brenne,  jadis  couverte  de  forêts,  des  étangs  pri- 
rent la  place  des  arbres,  et  les  poissons  celle  du  gibier. 
Cette  révolution,  opérée  surtout  à  la  fin  du  xv®  et  au  mi- 
lieu du  xvi"  siècle,  se  continua  dans  le  siècle  suivant.  La 
multiplication  des  eaux  stagnantes  finit  par  être  portée 
à  un  tel  pomt,  qu'en  1714  la  seule  terre  du  Bouchet,  en 
Brenne,  comptait  trois  cent  neuf  étangs  (2). 

La  Dombes,  naguère  pays  riche  et  peuplé^  fut  aussi,  à 
partir  du  xv"  siècle,  si  encombrée  d'étangs  que  des  vil- 
lages entiers  disparurent.  L'insalubrité  chassa  ceux  des 
habitants  qui  n'avaient  point  été  déjà  expulsés  par  l'in- 
vasion des  eaux.  La  pêche  devint  presque  l'unique  res^ 

(1)  Tels  sont  le  canal  d'Alaric,  qui  est  dérivé  de  la  rive  droite  de  l'A- 
dour,  ceux  du  Yernet,  d'Els,  Molis,  dans  les  Pyrénées-Orientales,  etc. 

(2)  Piganiol  de  la  Force,  Descript.  de  la  France,  t.  XIII,  Cf.  Raynal, 
Hisl.  du  Berry,  t.  I,  p.  xii.  Ces  marais  abondent  surtout  dans  la  partie 
de  la  Brenne  qui  reçoit  le  surnom  de  Désolée,  laquelle  s'étend  entre  Nou- 
ziers  et  Vendœuvre. 


454   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

source  du  pays.  Tous  les  cliamps  qui  présentaient  quel- 
que humidité  naturelle  furent  graduellement  transformés 
en  étangs.  Lorsqu'on  parcourt  la  Bombes,  on  est  surpris 
du  peu  d'importance  des  villages,  eu  égard  à  l'étendue  et 
à  la  grandeur  de  leurs  églises(l).  Cette  circonstance  prouve 
que  la  population  a  notablement  diminué,  et  la  cause  en 
est  à  l'établissement  des  étangs. 

Les  rois  de  France  cherchèrent  à  porter  remède  à  cette 
extension  déplorable  des  eaux  dormantes  et  à  la  multipli- 
cation fâcheuse  des  barrages  et  des  mouhns.  Dans  le  man- 
dement déclaratif  de  l'édit  de  1544,  sur  la  réformation  des 
eaux  et  forêts  en  Bretagne  (2),  on  ordonne  la  destruction 
des  écluses  qui  arrêtent  l'écoulement  des  eaux  et  la  navi- 
gation. L'ordonnance  de  Charles  IX,  de  1570,  interdit  les 
écluses,  pêcheries,  nasseries,  moulins,  plantations  d'ar- 
bres, de  paux  et  de  pieux,  et  autres  choses  étant  dans  les 
rivières  et  les  fleuves,  qui  empêchent  leur  navigation  (3). 

Ces  défenses  soulevèrent  beaucoup  de  réclamations.  En 
diverses  provinces,  dans  le  Midi  surtout,  les  intérêts  des 
propriétaires  se  coalisèrent  pour  faire  obstacle  aux  plans 
de  Colbert  qui  s'efforçait  d'augmenter  le  nombre  des  ri- 
vières navigal)les  et  flottables  (4).  Dans  l'ouest,  les  inter- 
dictions ne  semblent  pas  avoir  eu  grand  efiet,  puisque 
l'abus  s'était  perpétué  jusqu'au  commencement  de  la  ré- 
volution française.  Il  faut  le  dire  aussi,  l'arrêt  des  eaux 


(1)  Ainsi,  les  églises  de  Versailleux,  Marlieiix,  Saint-Paul,  Houli- 
gneux,  le  Montellier,  contiendraient  une  population  triple  do  celle  qui  se 
trouve  aujourd'hui  dans  ces  localités.  (Voy.  Becquerel,  Des  climats  el  cU 
l'influence  qiCexercenl  les  sols  boisés  et  non  boisés,  p.  277.) 

(2)  Fontanon,  t.  II,  p.  268. 

(3)  Fontanon,  t.  II,  p.  421. 

(4)  Voy.  à  ce  sujet  la  Correspondance  administrative  sous  le  règne 
de  Louis  X/V  publ.  par  Dcpping,  passim  et  notamment  T.  111.  p.  70'j, 
T.  IV,  ]).  75,  el  Vignon.  Etudes  historiques  sur  l'administration  des  voies 
publiques  en  France.  T.  L  p.  97  et  suiv. 


I 


CHAPITRE    XXX.  455 

avait  parfois  son  avantage  ;  il  produisait  une  sorte  de  col- 
matage; car  le  limon  charrié  par  la  rivière  était  forcé  de 
se  déposer,  quand  les  eaux  étaient  retenues,  et  le  sol  ga- 
gnait alors  en  fertilité.  C'est  ce  qui  s'est  produit  surtout 
dans  le  midi  de  la  France;  l'établissement  du  barrage  ne 
s'y  faisait  plus  dans  l'intérêt  tout  personnel  du  seigneur, 
c'était  un  avantage  concédé  à  tous  les  agriculteurs.  Les 
statuts  des  comtes  de  Provence  et  de  Forcalquier  per- 
mettent «  à  chacun,  ayant  droit  et  faculté  de  moulin  et 
engin,  de  conduire  les  eaux,  faire  fosse,  levée  et  écluse 
par  les  propriétés  de  ses  voisins,  là  où  il  lui  sera  conve- 
nable, moyennant  indemnité  (!).  »  Les  chartes  de  la  Pro- 
vence et  du  Languedoc  nous  fournissent  des  exemples  de 
transactions  qui  intervenaient  entre  les  usagers  dans  le 
but  d'assurer  aux  terres  de  chacun  l'irrigation  et  le  col- 
matage. Telle  est  la  transaction  passée,  en  1204,  entre  les 
usagers  des  eaux  de  Vaucluse,  et  qui  réglait  le  partage  et 
la  proportion  dans  laquelle  chacun  devait  subvenir  à 
l'entretien  et  aux  réparations  (2).  Telle  est  encore  la  coa- 
cession  faite,  en  1235,  par  Tévéque  de  Cavaillon,  aux  habi- 
tants de  cette  ville,  de  se  servir  des  eaux  de  la  Durance 
qui  étaient  dérivées  par  le  canal  Saint-Julien  (3). 

L'établissement  des  étangs  et  le  mauvais  régime  des 
eaux  conspirèrent  donc  avec  les  dévastations  des  forêts 
pour  amener  le  déboisement  de  notre  patrie.  Le  danger 
était  déjà  visible  au  xvi"  siècle,  pour  des  yeux  clair- 
voyants, puisque  Bernard  Palissy  écrivait,  dans  son 
style  naïf  :  «  Et  quand  je  considère  la  valeur  des  plus 
moindres  gittes  des  arbres  ou  espèces,  je  suis  tout  émer- 


(1)  Saint  Yon.p.  449. 

(2)  Nadault  de  BulTon,  Traite  lliéoriquc  et  prcdique  des  irrigations, 
t.  I,  p.  163. 

(3)  Ibid.  p.  177. 


4o6   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

veillé  de  la  grande  ignorance  des  hommes,  lesquels  il 
semble  qu'aujourd'hui  ils  ne  s'estudient  qu'à  rompre, 
couper  et  déchirer  les  belles  forêts  que  leurs  prédéces- 
seurs avaient  si  précieusement  gardées.  Je  ne  trouveray 
pas  mauvais  qu'ils  coupassent  les  forests,  pourvu  qu'ils 
en  plantassent  après  quelque  partie  ;  mais  ils  ne  se  sou- 
cient nullement  du  temps  à  venir,  ne  considérant  point  le 
grand  dommage  qu'ils  font  à  leurs  enfants  à  l'advenir.  Je 
ne  pu ys  assez  détester  une  telle  chose  et  ne  la  puys  appeler 
faute,  mais  une  malédiction  et  un  malheur  à  toute  la 
France,  parce  qu'après  que  tous  les  bois  seront  coupez  il 
faut  que  tous  les  arts  cessent,  et  que  les  artizans  s'en 
aillent  paistre  l'herbe,  comme  fit  Nabuehodonosor  (1).  » 
Sous  Henri  IV  et  sous  Louis  XIII,  on  commença  pourtant  à 
s'occuper  du  dessèchement  des  étangs,  en  vue  de  rendre  à 
la  culture  des  terres  en  grande  partie  improductives  (2), 
et  les  champs  remplacèrent  sur  divers  points  les  eaux 
stagnantes  qui  avaient  auparavant  pris  la  place  des 
arbres. 


(1)  Recepl  vériluble  pour  multiplier  les  thrésors  dans  les  OEuvres  de 
n.  Palissy.  éd.  Cap,  p.  88,  89. 

(2)  Voy.  à  ce  sujet  J.  Caillet,  rAdminislraiion  en  France  sousle  mi- 
nistère du  cardinal  de  Richelieu.  2*édit..  t.  Il,  p.  12. 


CHAPITRE    XXXI.  457 


CHAPITRE  XXXI. 

LÉGISLATION    FORESTIÈRE    SOUS  HENRI  IV  ET  LOUIS  XIV.   ABOLITION     HE 

l'ancienne  LÉGISLATION  FORESTIÈRE  A  LA  RÉVOLUTION   FRANÇAISE. 

Lexvir  siècle  fut,  pour  les  forets  de  la  France,  une  ère 
de  réparation.  Sully  était  aussi  occupé  que  Bernard  Pa- 
lissy  du  danger  que  faisait  courir  au  pays  leur  disparition, 
alors  qu'il  annonçait  que  la  France  périrait  faute  de  bois. 
Henri  IV,  qui  subissait  l'influence  des  idées  de  son  mi- 
nistre et  en  concevait  lui-même  souvent  de  plus  élevées  et 
de  plus  étendues,  comprit  l'insuffisance  des  mesures  jus- 
qu'alors adoptées;  et  par  une  réglementation  plus  sévère, 
plus  prévoyante,  il  s'efforça  sur  ce  point,  comme  sur 
bien  d'autres,  de  cicatriser  les  plaies  faites  par  les  guerres 
civiles.  On  peut  dire  que,  pendant  plus  d'un  quart  de 
siècle,  les  forêts  avaient  été  livrées  à  la  dévastation  et 
au  pillage.  Les  unes  avaient  été  incendiées  par  les  parti- 
sans; dans  les  autres,  on  avait  inconsidérément  et  au  dé- 
triment des  futaies  et  des  taillis  les  plus  nécessaires  à 
conserver,  ouvert  des  chemins  et  des  sentiers  qui  devin- 
rent à  leur  tour  le  point  de  départ  de  nouveaux  abattis  (1). 
Le  besoin  d'argent  avait  multiplié  les  ventes,  et  beaucoup 
avaient  été  opérées  dans  les  forêts  domaniales  au  préju- 
dice du  trésor  royal.  A  la  faveur  de  ce  désordre,  les  usagers 
usurpèrent  des  droits  nouveaux.  En  un  mot,  les  mêmes 
motifs  qui  appelaient,  plus  d'un    demi-siècle   aupara- 

(1)  "Voy.  ce  qui  est  dit,  dans  le  règlement  de  Chàtellerault,  du  1"'  dé- 
cembre 1601,  pour  les  forêts  de  Chizé  et  d'Aulnay  .  «Aussi  tantà  cause 
(les  guerres  que  du  grand  désordre  qu'il  y  a  eu  par  ci-devant  es  dites  fo- 
rests,  chacun  s'élant  licencié  de  faire  des  chemins  et  sentiers  nouveaux 
partout  OÙ  hon  leur  a  semblé,  elc.«  Saint- Yon,  p.  1112. 


458   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

vant,  la  sollicitude  de  François  1"  pour  la  conservation 
des  forêts,  se  représentaient  avec  plus  de  force  que  jamais. 
L'administration  était  à  régénérer  et  des  mesures  conser- 
vatrices devaient  être  prises  avec  vigueur. 

Un  édit,  donné  à  Rouen  par  Henri  IV,  interdit  toute 
coupe  extraordinaire  et  révoqua  les  droits  d'usage,  con- 
cédés à  titre  gratuit  depuis  François  I",  prescrivant  en 
même  temps  la  révision  et  le  rachat  des  droits  con€édé>  i 
titre  onéreux.  En  tête  de  l'édit  de  Rouen  se  trouvent  ces 
paroles  remarquables  : 

«  Considérant  que  les  grands  dégâts  et  ruines  des  fon  i  - 
de  notre  royaume,  tant  de  celles  de  notre  domaine  et  au- 
tres baillées  en  douaire^,  usufruit  et  engagement,  que  de 
celles  des  ecclésiastiques,  commanderies  et  communautés, 
procèdent  principalement  des  ventes  extraordinaires  qui 
se  font  contre  les  règlements  et  ordonnances  de  nos  pré- 
décesseurs et  de  nous;  du  grand  et  excessif  nombre  d'offi- 
ciers, grands  et  petits,  qui  prennent  gages  et  taxations, 
chauffage  et  autres  droits  es  dites  forêts,  que  de  l'extrême 
quantité  d'usages  et  chauffages  qu'il  y  a  en  icelles,  et  des 
délits,  abus  et  malversations  qui  s'y  commettent  ;  et  dé- 
sirant, à  l'exemple  des  rois  nos  prédécesseurs,  Philippe  et 
Charles,  très-amateurs  de  forêts,  remédier  à  la  ruine  évi- 
dente de  nos  dites  forêts  et  conserver  ce  qui  y  este et 

les  traverses  d'aucuns  de  nos  dits  officiers  ayant  causé  une 
licence  si  effrénée  à  tous  débordements  es  dites  forêts  qu'il 
semble  qu'on  en  ait  conjuré  l'entière  ruine  et  dépopula- 
tion... ne  pouvant  plus  tolérer  ni  laisser  aller  le  mal  plu? 
longtemps...,  etc.  » 

Les  charges  d'officiers  des  eaux  et  forêts,  créées  depuis 
la  mort  de  Charles  IX,  furent  supprimées,  afin  de  rendre 
l'unité  à  la  direction.  Mais,  à  cette  époque,  la  vénalité  des 
offices  opposait  de  graves  obstacles  aux  réformes  adminis- 


CHAPITRE   XXXI.  459 

Iratives.  On  se  heurtait  sans  cesse  contre  le  droit  de  pro- 
ipriété,  qui  était  regardé  comme  sacré.  L'édit  de  Rouen 
dut  garantir  aux  possesseurs  des  offices  supprimés  le 
remboursement  de  la  somme  qu'ils  avaient  payée  pour  se 
les  faire  conférer;  toutefois  l'état  des  finances  ne  permit  le 
remboursement  que  des  deux  grandes  maîtrises  de  l'Ile- 
de-France  et  de  Normandie.  Quoique  on  n'eût  pas  toujours 
iautant  de  respect  pour  la  possession  du  droit  d'usage  dans 
les  forêts,  on  craignait  cependant  d'y  porter  atteinte, 
quand  il  appartenait  à  des  nobles,  à  l'Église,  et  on  n'avait 
pas  encore  imaginé^,  en  vue  d'affranchir  de  ce  droit  les 
forêts  de  la  couronne,  de  recourir  au  cantonnement, 
comme  le  fit  le  code  forestier  (tit.  3,  art.  63). 

La  même  année,  1597,  qui  venait  d'être  inaugurée  par 
l'édit  de  Rouen,  vit  paraître  un  règlement  général  des 
eaux  et  forêts,  oîi  sont  contenues  un  grand  nombre  de 
dispositions  sur  les  officiers,  sur  les  coupes  et  les  ventes 
ordinaires.  L'article  premier  est  ainsi  conçu  :  «  Voulons 

que sur  l'avis  qui  nous  en  sera  donné  par  nos  officiers 

es  sièges  des  tables  de  marbre,  être  par  eux  commis  et 

pris  arpenteurs  jurés  pour faire  borner  de  hautes  et 

apparentes  bornes  le  circuit  et  reins  desdites  forêts et 

par  peintres  être  faites  cartes  et  figures  desdites  forêts,  oîi 
seront  dénotées  lesdites  bornes.  » 

La  mention  d'arpenteurs  des  forêts  n'est  point  ici  nou- 
velle. La  nécessité  d'évaluer  rigoureusement  leur  conte- 
nance et  d'établir  l'assiette  des  coupes,  avait  déjà  obligé 
de  recourir  à  des  arpenteurs  ;  mais  leurs  plans  ou  cartes 
étaient  fort  grossiers.  Il  y  eut  longtemps,  en  titre  d'office, 
un  grand  arpenteur  ordinaire,  pour  arpenter  tous  bois, 
buissons,  forêts,  garennes,  terres,  eaux,  îles,  pàtis,  com- 
munes, prés,  ventes,  asseoir  bornes,  faire  partages  et  di- 
visions, et  rapports  de  toutes  choses,  circonstances  et  dé- 


460   LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

peiidances  desdites  mesures,  soit  qu'elles  fussent  du  do- 
mai  ne  du  roi  ou  des  princes,  potentats,  gens  d'église,  com- 
munautés, seigneurs  et  autres  sujets  du  royaume  (1). 

Henri  II  avait  porté  à  six  le  nombre  des  arpenteurs  placés 
sous  la  direction  du  grand  arpenteur  et  mesureur  général 
du  pays.  En  juin  1575,  Henri  III  arrêta  pour  chaque  juri- 
diction le  chiffre  de  quatre  arpenteurs-mesureurs  et  pri- 
seurs-jurés.  Le  personnel  du  cadastre  forestier  ne  se 
trouva  donc  pas,  sous  Henri  IV,  en  rapport  avec  l'étendue 
des  travaux  qui  leur  étaient  imposés.  Aussi  son  projet  de 
faire  exécuter  la  topographie  complète  de  nos  forêts  ne 
reçut-il  qu'une  exécution  très-imparfaite.  Déjà,  en  1571, 
la  formation  d'un  terrier  des  eaux  et  forêts  avait  été  inu- 
tilement décrétée. 

C'était  à  Louis  XIV  qu'il  était  réservé  de  reconstituer 
sur  des  bases  meilleures  la  propriété  forestière  dans  notre 
pays.  L'ordonnance  d'août  1669,  qui  est  à  elle  seule  tout 
un  code  forestier,  demeurera  un  des  plus  beaux  monu- 
ments législatifs  de  son  règne.  Le  préambule  de  cette  or- 
donnance nous  apprend  que  le  désordre  qui  s'était  glissé 
dans  les  eaux  et  forêts  du  royaume,  était  si  universel,  si 
invétéré  que  le  remède  semblait  presque  impossible. 
Aussi  Louis  XIV  ne  négligea-t-il  aucunsoinpour  arriver  à 
guérir  tant  de  plaies;  il  se  fit  représenter  les  ordonnances 
de  ses  prédécesseurs,  qui  s'étaient  plaints  à  diverses  épo- 
ques de  la  désolation  et  de  la  ruine  des  forêts  ;  il  fit  exa- 
miner dans  son  conseil  les  procès-verbaux  de  vingt  et  un 
commissaires  qui  avaient  été  envoyés  dans  les  provinces, 
et  qui,  durant  huit  ans,  en  avaient  visité  les  forêts  (2). 

(1)  Yoy.  P.  Neol  Duval,  siourde  laLissandrière,  Traité  universel  des 
eaux  et  forêts  de  France,  Paris,  1G99. 

(2)  Voy.  Conférence  de  l'ordonnance  de  Louis  XI  V  du  mois  d'août 
1669  sur  le  fait  des  eaux  et  forêts,  Nouvelle  édition.  Préface  (Paris, 
1752,  t.  Ij. 


CHAPITRE    XXXI.  461 

Cotte  idée  avait  été  suggérée  à  Louis  XIV  par  Colbert, 
qu'on  peut  regarder  comme  le  véritable  promoteur  de 
l'ordonnance  d'août  1669.  Golbert,  frappé  comme  Sully  de 
l'importance  de  la  surveillance  des  forêts  et  de  leur  bon 
aménagement,  en  même  temps  qu'il  prenait  des  mesures 
générales,  apportait  dans  le  détail  de  l'administration 
des  soins  tout  particuliers  pour  arrêter  le  déboisement. 
On  trouve  dans  la  CoiTesjJondance  administrative  sous 
Louis  A'/r,  des  instructions  précises  adressées  par  lui  à 
'  Froidour,  qui  avait  été  chargé  de  la  réformation  des  forêts 
dans  les  Pyrénées  (1).  Golbert  voulait  aussi  qu'on  lui  si- 
gnalât les  forêts  dont  l'État  pouvait  utilement  faire  l'ac- 
I  quisition.  C'est  ce  qui  ressort  d'une  lettre  qui  lui  est 
i  adressée  par  Colbert  de  Terron,  où  celui-ci  appelle  son 
attention  sur  l'utilité  qu'il  y  aurait  à  faire  acheter  par  le 
roi  la  forêt  du  Faou,  en  Basse-Bretagne,  forêt  toute  peu- 
plée de  chênes  et  qui  avait  alors  une  lieue  de  long  sur  en- 
viron trois  quarts  de  lieue  de  large,  et  qui,  comme  il  a  été 
dit  plus  haut,  devait  offrir  antérieurement  une  plus  vaste 
étendue.  La  forêt  du  Faou  était,  il  y  a  deux  siècles,  la  seule 
qui  existât  dans  les  environs  de  Châleaulin  ;  car  la  plus 
grande  partie  des  bois  qui  avoisinaient  Brest,  avaient  été 
coupés  depuis  peu  pour  les  besoins  de  la  marine  (2).  Les 
progrès  de  toute  nature  faits  par  le  commerce  et  l'in- 
dustrie, l'accroissement  de  la  population  avaient  doublé, 
triplé  la  consommation  du  bois,  et  le  développement  pro- 
digieux que  Louis  XIV  donnait  à  ses  flottes,  en  rendait 
le  besoin  plus  impérieux. 

(1)  Voy.  Correspondance  adminislralive  sous  Lotus  XIV,  recueillie 
et  mise  en  ordre  par  G.-B.  Dopping,  t.  IV,  p.  75. 

(2)  Ibid.,  t.  IV,  p.  13.  Le  nom  de  plusieurs  localités  des  environs  de 
Brest,  rappelle  encore  la  présence  de  forêts  qui  ont  disparu-,  on  peut 
citer  notamment  l'endroit  api)elé  La  Forest,  non  loin  de  Landerneau. 
(Voy.  au  reste  ce  qui  a  été  dit  au  sujet  des  forêts  de  la  Bretagne,  p.  341.) 


462    LES  FORÊTS  DE  LA.  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

L'ordonnance  de  Louis  XIV  introduisit  dans  la  législa- 
tion forestière  la  même  unité  que  ce  souverain  s'attachait 
à  faire  régner  dans  toute  l'organisation  du  royaume  ; 
elle  mit  un  terme  aux  aliénations  du  domaine,  objet  de 
vives  réclamations  aux  états  de  1614.  Je  viens  de  remar- 
quer que  le  désordre  était  arrivé  à  son  comble  dans  cette 
branche  de  l'administration.  «  Depuis  que  nous  avons 
pris  nous-même  la  conduite  et  direction  de  nos  princi- 
pales affaires  de  finances,  dit  le  monarque  dans  son  édit 
du  1"  mars  1663,  nous  n'en  avons  trouvé  aucune  où  les 
désordres  du  temps  passé  nous  aient  paru  plus  considé- 
rables que  dans  l'état  des  forêts  à  nous  appartenant.  >> 
Dans  l'exposé  des  motifs  qui  avaient  nécessité  la  réforma- 
tion des  forêts  de  Champagne,  on  lit  ce  passage  caracté- 
ristique :  «  Et  parce  que  le  mauvais  état  des  forêts  tant 
du  domaine  royal,  que  des  ecclésiastiques  et  commu- 
nautés, a  principalement  été  causé  par  là  mauvaise  admi- 
nistration des  grands  maîtres  et  des  officiers  es  maîtrises 
particulières  qui,  non  contents  de  les  dégrader  eux-mê- 
mes par  des  coupes  forcées  et  par  l'emploi  de  leurs  plus 
beaux  arbres  à  leurs  maisons  et  bâtiments,  ont  traité  avec 
les  riverains,  usagers,  rentiers,  liénéficiers,  syndics  et 
principaux  habitants  des  lieux,  pour  permettre  et  souffrir 
les  abus,  moyennant  sommes  notables  et  pensions  an- 
nuelles, qu'ils  ont  exigées  par  composition,  outre  les 
droits  inclus,  exorbitants,  qui  ont  souvent  absorbé  le  prix 
des  ventes  et  l'application  des  amendes  à  leur  profit  par- 
ticulier, en  sorte  que  ceux  qui  étaient  prépesés  pour  la 
garde  et  la  conservation  des  forêts  ont  été  les  véritables 
auteurs  de  la  ruine  où  elles  se  trouvent  (1).  » 

Le  régime  forestier  sortit  du  chaos  dans  lequel  il  était 

(1)  Voy.  Réformaliondcs  forctsde  Champa(jne,ïnzs.  Bibl.  impr.  foiKlf 
fr.  n°  16686,  f.  14. 


CHAPITRE    XXXI.  463 

plongé.  Un  système  à  peu  près  uniforme  d'aménagement 
et  de  pénalité  fut  adopté  pour  toutes  les  provinces.  L'or- 
donnance de  1669  prescrivit  la  constatation  rigoureuse 
de  la  contenance  et  de  la  superficie  des  principales 
lorêts;  elle  détermina  leur  mode  de  conservation  et  d'a- 
inénagement,  ainsi  que  les  précautions  et  les  formalités 
relatives  aux  coupes  et  à  la  vente  de  leurs  produits. 

Les  règlements  de  1561,  1573  et  1579  avaient  pour  but 
d'empêcher  l'exploitation  trop  précoce  du  sous-bois  et  de 
faire  établir  des  réserves  en  bois  de  fortes  dimensions. 
Dans  ces  ordonnances,  il  était  prescrit  de  mettre  en  dé- 
fends certaines  parties  des  forêts  pour  la  production  des 
arbres  de  gros  brin,  et  il  était  interdit  d'exploiter  en 
taillis  les  peuplements  ainsi  réservés.  L'ordonnance  de 
1669  fut  plus  explicite;  elle  défendit  d'exploiter  des  taillis 
âgés  de  moins  de  25  ans,  limite  inférieure  qui  fut  même 
fixée  à  35  pour  les  forêts  dont  la  superficie  dépasserait 
50  arpents  et  dont  le  bois  pouvait  être  livré  à  la  consom- 
mation de  Paris  (1).  On  enjoignit  aussi  de  laisser  des  ba- 
liveaux en  nombre  déterminé  dans  les  cantons  où  se  fe- 
raient des  abattis,  ces  étalons  servant  à  repeupler  par  le 
gland  les  parties  dégarnies  (2). 

La  nouvelle  législation  s'appliquait  non-seulement  aux 
bois  de  l'État,  elle  devait  aussi  régir  les  bois  des  com- 
munautés et  des  établissements  publics;  elle  reproduisit 
sur  les  bois  des  particuliers  certaines  dispositions  des  or- 
donnances antérieures  :  «  Les  règles  qu'elle  trace  pour 


(1)  Voy.  Duhamel  du  Monceau,  De  r exploitation  des  bois,  p.  139. 

(2)  En  Allemagne,  il  y  avait  un  siècle  qu'on  avait  déjà  pris  pareille 
mesure.  En  1568,  le  duc  Louis  de  Wurtemberg  prescrivait  la  réserve 
d'un  nombre  suffisant  de  baliveaux,  et  en  1585,  la  célèbre  ordonnance  fo- 
restière de  Mansfeld  renouvelait  les  mêmes  injonctions.  Voy.  l'analyse  de 
la  Théorie  de  l'aménagement  des  taillis  sous  futaie,  parPfeil,  dans  les 
Annales  forestières,  t.  XIII,  p.  155. 


4(54    LES  FORÊTS  DE  LX  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

l'assiette,  le  balivage,  le  martelage  et  la  vente  des  bois,  les 
recolements,  et,  en  général,  les  conditions  de  l'exploita- 
tion, écrit  l'éminent  jurisconsulte  DujDin  (1),  sont  digni 
de  servir  de  modèle  à  l'administration  du  père  de  familli 
le  plus  éclairé  sur  ses  intérêts  particuliers.  » 

Cette  réforme  administrative  fut  annoncée,  dès  1667, 
par  la  réorganisation  du  personnel  des  eaux  et  forêts,  la 
réduction  du  nombre  des  officiers  en  chaque  maîtrise,  la 
mise  sous  l'inspection  d'un  gruyer  spécial,  des  forêts,  qui 
par  leur  position  écartée  pouvaient  échapper  à  la  sur- 
veillance. Une  réforme  si  radicale  blessait  trop  d'intérêts 
privés,  elle  portait  remède  à  trop  d'abus  dont  profitaient 
des  gens  puissants,  pour  ne  pas  provoquer  des  résistances. 
Elle  fut  repoussée  par  quelques  parlements,  et  notamment 
par  le  parlement  de  Paris,  dont  l'opposition  intempestive 
et  inintelligente  s'est  manifestée  en  tant  d'occasions.  Cette 
cour  ne  l'enregistra  le  13  août,  qu'en  vertu  de  lettres  de 
jussion,  le  roi  séant  à  son  lit  de  justice. 

Les  usurpations  auxquelles  la  nouvelle  législation  pro- 
mettait de  mettre  un  terme,  étaient  si  anciennes  et 
devenues  si  tenaces,  qu'elles  se  présentaient  à  beaucoup 
d'esprits,  surtout  aux  intéressés,  avec  le  caractère  de  vé- 
ritables droits  ;  les  usagers,  les  seigneurs,  propriétaires 
de  bois  se  prétendaient  injustement  dépouillés.  Dans 
beaucoup  de  coutumes  avait  passé  une  doctrine  favorisant 
singulièrement  les  usurpations;  elle  admettait  que  la  pos- 
session immémoriale  en  matière  de  servitude  discontinue 
peut  tenir  lieu  de  titre.  Les  chartes  de  propriétés  et  le 
payement  d'une  redevance  étaient  placés  sur  la  même 
ligne,  en  dépit  de  la  règle  :  Ntdlc  servitude  sans  titre.  On 
comprend  qu'il  était  facile,  en  l'absence  de  pièces  écrites, 

(I)  Lois  forestières,  p.  0. 


CHAPITRE   XXXI.  465 

et  une  foule  de  ces  pièces  avaient  été  détruites  pendant 
les  guerres  (1),  de  prétendre  à  une  longue  possession.  Les 
coutumes  deChaumont  (art.  102),  de  Nivernais  (titre  des 
Bois,  chap.  9  et  10),  de  St-Miliiel  (titre  xiii,  art.  9),  de 
.  Meaux  (art.  76),  d'Auxerre  (art.  271),  de  Sens  (art.  147), 
consacraient  ainsi  la  substitution  d'une  jouissance  immé- 
moriale à  un  titre  véritable. 

Les  usages  en  matière  de  forêts  sont  si  divers  et  si  mul- 
tipliés, que,  pour  empêcher  les  abus  auxquels  ils  ouvrent 
la  porte,  une  surveillance  de  tous  les  instants  était  néces- 
saire. La  nouvelle  législation  le  comprit.  De  là  le  soin 
qu'eut  le  monarque  de  n'en  confier  la  préparation  qu'à 
des  hommes  possédant  une  parfaite  connaissance  de  la  ma- 
tière. Les  règlements  exigeaient  d'autant  plus  d'attention 
que  le  sens  des  mots,  la  valeur  précise  des  termes  variaient 
suivant  les  provinces.  Par  exemple,  le  mot  affouage  était 
entendu  tantôt  de  l'usage  du  bois  destiné  au  chauffage 
[ad  focum)  (2),  tantôt  de  la  portion  afférente  à  chaque  ha- 
bitant dans  le  partage  du  produit  en  bois  de  chauffage  des 
forêts  concédées  à  plusieurs  communes  ;  cette  dernière 
acception  est  celle  qui  a  été  adoptée  dans  notre  Gode  fo- 
restier; d'autres  fois,  le  droit  à' affouage  s'entendait  aussi 
du  droit  de  couper  du  bois  pour  les  usages  domestiques  : 
Jus  cœdendœ  sylvœ  domesticos  in  usus,  dit  Du  Gange  ;  ce  qui 


(1)  Il  est  dit  dans  des  lettres  patentes  de  Louis  XII,  conllrniant  à 
Jacques  de  Ghambray  ses  droits  dans  les  forêts  de  Eeaumont-lo-Roger, 
de  Conches  et  de  Breteuil  :  «  Mais,  pour  ce  que,  durant  les  guerres  des 
Anglois  et  autres  divisions  qui,  par  cy-devant,  ont  eu  cours  en  nostre 
royaume,  les  prédécesseurs  de  nostre  dit  chambellan,  tenant  le  party  des 
François,  ont  perdu  plusieurs  Chartres,  lettres,  papiers  et  écritures  fai- 
sant mention  des  droitures  de  sadite  terre  de  Thevray  et  en  spéciale  celle 
des  franchises  desdites  forets,  etc.»  (Le  Brasseur,  Ilist.  civile  et  ecclé- 
siastique du  comté  (VEvreux,  preuves,  p.  126.) 

(2)  Voy.  Du  Gange,  Gloss.  V  Affuagium  :  u.  Jus  excidendi  ligni  in  ne- 
more  ad  focura  suum.  » 

30 


466  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

conduisait  à  confondre  l'affouage  avec  l'usage  au  hois 
d'œuvre,  qu'on  appelait  en  Lorraine  maronafje,  et  en  Al- 
sace tnarnarje  (1).  Gomment  pouvait-on  distinguer,  en 
effet,  entre  le  bois  propre  aux  ouvrages  de  petite  char- 
pente, par  exemple,  celui  qui  devait  servir  à  réparer  un 
petit  appentis,  de  celui  qui  était  employé  pour  des  besoins 
domestiques?  Et  alors  se  posait  la  question  de  savoir  si  le 
bois  pris  pour  façonner  quelques  ustensiles  domesti- 
ques (2),  était  de  la  classe  de  celui  que  l'usager,  ou,  comme 
on  disait  aussi,  le  réager  avait  le  droit  de  ramasser  ou  de 
couper. 

La  législation  de  Louis  XFV  fit  disparaître,  en  grande 
partie,  l'incertitude  et  la  confusion  qui  régnaient  en  cette 
matière  difficile. 

Les  embarras  d'argent  où  se  trouvait  le  gouvernement 
menacèrent,  sous  les  successeurs  de  Colbert,  la  réforme 
opérée  par  cet  homme  illustre  dans  l'organisation  du  per- 
sonnel. Le  nombre  des  grandes  maîtrises  fut  porté  à 
seize,  en  1689,  et  à  dix-huit,  en  1720.  En  1691 ,  on  créa 
des  receveurs  particuliers  près  des  tables  de  marbre. 
Un  édit  royal  de  1704  enleva  à  ces  tables  le  droit  de  juger 
en  dernier  ressort,  jusqu'à  concurrence  d'une  certaine 
somme.  Une  chambre  des  eaux  et  forêts  fut  instituée  dans 
chaque  parlement,  pour  statuer  en  dernier  ressort  sur  les 
contestations  forestières.  Mais  cet  édit  ne  reçut  qu'une 
incomplète  exécution.  Les  parlements  de  Besançon  et  de 

(t)  Toutefois,  CCS  expressions  ne  s'appliquaient,  dans  les  doux  provin- 
ces, qu'aux  bois  de  service  destinés  aux  constructions.  Le  maronage  se 
distingue  du  droit  au  bois  de  travail  ou  d'ouvrage  et  droit  au  bois  de  fonte. 

(2)  Aussi  Fournel,  dans  son  Trailé  du  voisinage  (4'  édition,  t.  II,  p. 
530),  a-t-il  soin  de  distinguer  l'usage  aux  bois  d'étais ,  c'est-à-dire  le 
droit  de  prendre  les  branches  pour  clôture  ou  pour  ramer  les  légumes,  de 
l'affouage.  J'ai  déjà  parlé  plus  haut  du  ramage,  qui  entre  dans  cette  ca. 
tégorie  et  que  certaines  ordonnances  s'attachent  à  distinguer  de  tous  les 
autres  droits  usagers. 


r 


CHAPITRE   XXXI.  467 

Douai  furent  les  seuls  auprès  desquels  les  nouvelles  cham- 
bres fonctionnèrent  ;  ceux  de  Rennes  et  de  Toulouse  se 
bornèrent  à  augmenter  le  nombre  de  leurs  conseillers  aux 
chambres  des  requêtes.  Les  tables  de  marbre  de  Paris  et 
de  Bordeaux  furent  rétablies  dans  leurs  droits  en  1704  et 
1705  ;  celles  des  autres  villes  ne  cessèrent  jamais  de  les 
exercer. 

Le  règne  de  Louis  XV  n'apporta  aucun  changement  sé- 
rieux au  système  inauguré  paj"  son  prédécesseur. 

Louis  XVI  s'efforça  de  suivre  les  principes  qu'avait  con- 
sacrés son  ancêtre.  Une  déclaration  du  14  décembre  1777 
organisa  une  nouvelle  régie  des  domaines  et  bois.  La 
science,  qui  avait  jadis  réclamé  contre  la  destruction  des 
forêts,  par  la  bouche  dePalissy,  réclamait  de  nouveau,  et 
avec  plus  d'autorité,  par  celles  de  Réaumur  et  de  Buffon. 
Turgot  écouta  les  avis  éloquents  de  ce  dernier  et  voulut 
marcher  sur  les  traces  de  Golbert.  Il  prépara  un  arrêt  du 
conseil  obligeant  les  propriétaires  à  planter  un  vingtième 
de  leurs  biens,  sous  peine  d'une  surtaxe  d'imposition. 
Mais  ce  projet  partagea  le  sort  de  son  auteur. 

La  révolution,  en  renversant  tout  l'ancien  édifice  social, 
abaissa  les  barrières  que  l'autorité  opposait  à  la  destruc- 
tion des  forêts. 

Si  le  décret  du  15-29  septembre  1791  soumit  au  régime 
forestier,  non- seulement  les  bois  des  communes  et  des  sec- 
tions de  communes,  des  établissements  publics^  mais  en- 
core ceux  dans  lesquels  l'Etat,  la  couronne,  les  communes 
ou  les  établissements  publics  avaient  des  droits  de  pro- 
priété indivis  avec  les  particuliers,  en  retour  il  émancipa 
la  propriété  forestière  privée.  Tandis  que  l'ordonnance 
d'aoûtl669  avait  astreintau  régime  forestier,  outre  les  bois 
royaux,  ceux  qui  étaient  tenus  en  gruerie,  grairie,  ségrai- 
rie,  tiers  et  danger,  apanage,  engagements  par  indivis, 


468   LES  FORÊTS  DELA  GAULE  ET   DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

les  bois  appartenant  aux  ecclésiastiques  et  gens  de  main- 
morte, ceux  appartenant  aux  communautés  et  habitants 
des  paroisses,  le  décret  de  septembre  1791  déclara  que  les 
bois  appartenant  aux  particuliers  cesseraient  d'y  être 
soumis,  et  que  chaque  propriétaire  serait  libre  de  les 
administrer  et  d'en  disposer  à  l'avenir  comme  bon  lui 
semblerait. 

On  reconnut  plus  tard  le  péril  de  cette  soudaine  éman- 
cipation, et  l'on  revint  à  u*i  système  qui  apportait  dans 
l'intérêt  général  quelque  restriction  à  la  libre  disposition 
individuelle.  La  loi  du  9  floréal  an  xi  (29  avril  1803)  sou- 
mit les  bois  des  particuliers  à  un  régime  spécial  et  prohiba 
tout  défrichement  sans  autorisation. 

Par  la  proclamation  de  Louis  XVI  du  3  novembre  1791, 
les  bois  avaient  été  placés  sous  la  protection  des  munici- 
palités. C'était,  il  faut  le  dire,  livrer  les  forêts,  dans  les 
communes  rurales,   précisément  à  ceux  qui  les  dévas- 
taient. Déclarer  la  nation,  les  assemblées  administratives, 
les  municipalités,  les  communes  et  les  gardes  nationales, 
gardiennes  des  forêts,  comme  l'avait  fait  auparavant  le 
décret  du  11  décembre  1789,  c'était  placer  sous  une  au- 
torité impuissante  et  entre  les  mains  d'un  dépositaire 
mal  défini,   un  de  nos  plus  précieux  trésors.  L'abolition 
des  maîtrises  fut  une  calamité  publique,  et,  bien  que 
protégées  par  le  principe  de  l'inaliénabilité  que  proclama 
l'Assemblée  nationale,  les  forêts  domaniales  éprouvèrent, 
à  cette  époque,  les  plus  fâcheuses  dévastations.  Les  villa- 
geois, et  surtout  les  montagnards,  profitaient  de  l'anarchie 
pour  se  ruer  sur  les  arbres  ;   on  les  brûla,  on  les  abattit 
inconsidérément.  La  haine  pour  les  seigneurs  fit  porter 
la  hache  dans  les  bois  qui  avaient  été  leur  richesse  ou  le 
théâtre  de  leurs  plaisirs.  Les  arbres  disparurent  de  tous 
côtés.  En  un  siècle,  la  France  perdit  la  moitié  de   ses 


CHAPITRE  XXXI.  469 

forêts;  car  le  marquis  de  Mirabeau,  dans  sa  Théorie  de 
l'impôt  (1),  évalue  à  trente-quatre  millions  d'arpents  les 
forêts  qui  couvraient  la  surface  de  la  France,  et  aujour- 
d'hui elle  ne  présente  que  huit  millions  et  demi  d'hec- 
tares boisés  (2).  Au  reste,  il  ne  faut  pas  s'effrayer  outre 
mesure  de  ce  mal  ;  la  plus-value  d'une  matière  première 
d'une  indispensable  utilité  ramènera  le  bois  là  où  le 
sol  n'est  pas  propre  à  donner  des  produits  plus  avanta- 
geux, et  un  temps  viendra  où  s'établira  de  soi-même 
l'équilibre  entre  la  culture  et  les  boisements,  sans  que  le 
gouvernement  ait  besoin  de  continuer  un  système  de  pro- 
tection, utile  en  des  âges  d'imprévoyance  et  d'inégalité, 
dangereux,  impuissant  pour  des  peuples  libres  et  juges 
éclairés  de  leurs  intérêts  (3). 

La  végétation  forestière  tend,  sans  doute,  chaque  jour 
à  perdre  de  son  domaine,  mais  elle  ne  saurait  être  expul- 
sée complètement  sans  de  graves  dangers,  sans  de  funestes 
conséquences;  elle  est  le  symbole  de  ces  instincts  puis- 
sants et  de  ces  sentiments  naïfs  qui  prédominent  dans  les 
sociétés  primitives,  s'affaiblissent  avec  le  temps,  mais  ne 
peuvent  être  complètement  détruits  au  sein  des  sociétés 
civilisées,  sans  tarir  chez  celles-ci  les  sources  les  plus  fé- 
condes de  l'activité  et  de  la  vie.  Dépouillé  totalement  de 
ses  épais  ombrages,  le  sol,  quelque  cultivé  qu'il  fût  par  la 
main  des  hommes,  souffrirait  d'une  désolante  sécheresse 
ou  serait  exposé  à  des  inondations  terribles.  De  même  chez 

(1)  Ed.   1760,  p.  211. 

(2)  Suivant  les  dernières  statistiques,  8,900,000  h.,  c'est  environ  1/6 
de  la  superficie  de  la  France. Les  forêts  produisent  annuellement  35  mil- 
lions de  stères  de  bois  de  construction  et  de  chauffage,  valant  près  de 
4,000,000  fr.,  chiffre  insuffisant  pour  nos  besoins,  puisqu'on  importe  en 
France  une  grande  quantité  de  bois. 

(3)  Voy.  à  ce  sujet  le  savant  et  curieux  article  de  M.  Eugène  Tisse- 
rand, intitulé  la  Quesiion  des  forêts,  dans  la  Revue  contemporaine  du 
30  avril  1866. 


470  LES  FORÊTS  DE  LA  GAULE  ET  DE  l' ANCIENNE  FRANCE. 

les  nations  dans  le  cœur  desquelles  les  instincts  sponta-  ■ 
nés  et  la  naïveté  des  premiers  âges  n'auraient  plus  laissé 
aucune  trace,  rien  ne  saurait  tempérer,  arrêter  la  tyran- 
nie des  intérêts  matériels  qui  dessèche  les  âmes,  ou  le  re-  "^ 
tour  périodique  des  révolutions  politiques  qui  les  boule- 
versent et  les  énervent. 


TABLE  DES  CHAPITRES, 


papps. 

Préface v 

Introduction 1 

Chapitre  l*=f.  —  Etat  forestier  primitif  de  la  Gaule 41 

Chapitre  II.  —  Etat  forestier  du  nord  de  la  Gaule. — Forêt  char- 
bonnière.— Pays  de  Thiérache. — État  forestier  ancien  de  la  Bel- 
gique.— Forêt  des  Ardennes.  —  Traditions  et  souvenirs  qui  s'y 
rattachent 52 

Chapitre  III.  —  Etat  forestier  du  Jura  et  du  pays  des  Helvètes. 
— Forêts  de  la  Germanie.  —  Grandes  forêts  de  l'Allemagne.  — 
Causes  du  déboisement  dans  ce  pays 67 

Chapitre  IV.  —  Essences  forestières  de  la  Gaule. — Aménagement 
et  entretien  des  forêts  du  temps  des  Romains.  —  Premier  déboi- 
sement  82 

Chapitre  V.  — Législation  forestière  des  populations  germaniques-, 
influence  des  idées  qui  ont  inspiré  cette  législation  sur  l'état  des 
forêts  en  Gaule,  aprèsl'établissement  des  Goths,  des  Francs  et  des 
Burgondes 89 

Chapitre  VI.  —  Législation  forestière  et  des  grandes  forêts  de 
la  France  au  temps  des  Carlovingiens •       97 

Chapitre  VII.  —  Retour  partiel  de  la  France  à  son  ancien  état  fo- 
restier.—Du  droit  de  garenne 114 

Chapitre  VIII.  —  Influence  des  moines  sur  le  défrichement  des 
forêts. — Envahissement  des  forêts  parles  monastères.  — Robert 
d'Arbrissel  et  l'ordre  de  Citeaux 127 

Chapitre  IX.  —  Droits  d'usage  dans  les  forêts  sous  le  régime  féo- 
dal.— Règlements  de  police  établis  par  les  rois  et  les  seigneurs 
au  temps  des  Capétiens.  —  Législation  de  saint  Louis  et  de  ses 
successeurs  en  matière  de  forêts 136 

Chapitre  X.  —  Etat  forestier  de  la  France  du  xii^  au  xvi®  siècle. 

—  Forêts  de  l'Ile-de-France.  — Forêts  de  Sarris,  de  Rouvray,  de 
Laye,  Yveline. — Le  Gàtinais,  forêt  de  Fontainebleau.  —  Forêts 
de  Livry,  de  Bondy,  de  Vincermes— Forêts  de  la  Brie,  du  Valois 

et  du  Beauvaisis 1 46 

Chapitre  XI.  — Forêts  de  la  Picardie,  de  l'Artois,  de  la  Flandre 

etduHainaut 173 

Chapitre  XII.  —  Forêt  des  Ardennes,  — l'Argonne.  —  Forêts  du 

BarroiSj  de  la  Lorraine 192 

Chaphre  XIII.  —Ancien  état  forestier  des  Vosges  et  de  l'Alsace. 

—  Districts  forestiers  de  la  Souabe 205 

Chapitre  XIV. — Forêts  de  la  Champagne 214 


472  TABLE   DES   CHAPITRES. 

pages. 

Chapitre  XV.  — Forêts  de  la  Bourgogne  et  du  Nivernais.  —  Etat 
forestier  du  Morvand  et  de  la  Bresse 228 

Chapitre  XVI.  —  Forêts  de  la  Franche-Comté.  — Le  Jura.  —Le  pays 
de  Vaud. — Anciennes  forêts  de  la  Savoie.  —  Les  Waidstetten. — 
Influence  des  Burgondes. — Défrichements  opérés  dans  l'Hel- 
vétie 230 

Chapitre  XVII.  —  Etat  forestier  de  l'Orléanais.  —  Forêts  d'Or- 
léans et  de  Montargis.— Le  Gâtinais. — Forêts  du  paysChartrain, 
du  Blésois  et  du  Vendomois.  —  La  Sologne.  —  Forêts  du  Berry.     255 

Chapitre  XVIII.  —  Anciennes  forêts  de  la  Touraine,  du  Maine  et 
de  l'Anjou 274 

Chapitre  XIX. — Ancien  état  forestier  de  la  Normandie  et  du 
Perche 291 

Chapitre  XX.  —  Etat  forestier  de  la  Bretagne  au  moyen  âge.      .     330 

Chapitre  XXI.  —  Forêts  du  Poitou. — La  Gàtine  et  le  Bocage.     .     343 

Chapitre  XXII.  —  Forêts  du  centre  de  la  France.  —  Séparation 
des  deux  grandes  zones  forestières  de  ce  pays.  Végétation  du 
châtaignier.  —  Les  anciennes  forêts  du  Lyonnais,  du  Bourbon- 
nais, de  la  Marche 350 

Chapitre  XXIII.  —  Anciennes  forêts  de  l'Angoumois,  de  la  Sain- 
tonge  et  de  l'Aunis 367 

Chapitre  XXIV.  —  Forêts  du  Dauphiné.  —  La  grande  Chartreuse. 
Déboisement  des  Alpes.    .     .     .  ■ 374 

Chapitre  XXV.  —  Anciennes  forêts  de  la  Provence.  —  Forêts  de 
la  Corse 382 

Chapitre  XXVI.  —  Forêts  du  Languedoc  et  de  la  Guyenne  au 
moyen  âge.  —  Forêts  des  Pyrénées,  du  Couserans.  —  Forêts  du 
Roussillon,  de  l'Albigeois  et  du  Rouergue.  —  Les  Landes. — 
Forêts  du  Béarn  et  du  pays  Basque. — Anciennes  forêts  du 
Quercy  et  du  Périgord 389 

Chapitre  XXVII.  —  Arbres  célèbres  par  leur  vétusté  et  leurs 
grandes  dimensions.  —  Derniers  habitants  des  anciennes  forêts.     407 

Chapitre  XXVIII.  —  Animaux  qui  habitaient  les  anciennes  forêts 
de  la  Gaule. — Plaintes  auxquelles  ils  donnent  lieu. — Population 
des  forêts.  —  Associations  parmi  les  habitants  des  forêts.     .     .     414 

Chapitre  XXIX.  —  Influence  du  droit  d'usage  sur  la  diminution 
et  l'extension  des  forêts,  à  dater  du  xv*  siècle.  Législation  de 
François  P"'  et  do  ses  successeurs 431 

Chapitre  XXX.  —  Inégalité  dans  la  marche  du  déboisement  en 
France.  —  Efl'et  du  déboisement  sur  le  régime  des  eaux  et  du 
sol. — Plaintesà  ce  sujet. —  Coup  d'œil  rétrospectif  sur  le  régime 
des  eaux  au  moyen  âge 443 

Chapitre  XXXI.  —  Législation  forestière  sous  Henri  IV  et 
Louis  XIV.  —  Abolition  de  l'ancienne  législation  forestière  à  la 
révolution  française 457 


TABLE  GENERALE 


DES  FORÊTS  ET  DES  BOIS  PRINCIPAUX  DE  LA  FRANCE 

ANCIENNE    ET    MODERNE    ET    DES  AUTRES  FORÊTS   CITÉES 

DANS  CET  OUVRAGE. 


N.-B.  —  Les  numéros  qui  suivent  le  nom  de  chaque  forêt  renvoient  aux  pages  ou  il  en 
est  parlé.  La  lettre  n  indique  que  la  citation  se  trouve  dans  une  note.  Les  noms  de  forêts 
qui  n'ont  pas  été  mentionnées  dans  l'ouvrage  ne  sont  suivis  d'aucun  numéro. 


AbrescMviller  (Bois   d')  (Meurthe, 

arr.  de  Sarrebourg). 
Acmanli  sylva,  155, 
Ageville  (F.  d'|  (Haute-Marne,  arr. 

de  Chaumont). 
Ageux  (Forêt  d')  (Oise,  arr.  de  Sen- 

lis),  167. 
Aigueperse  (F.  d')   (Haute-Vienne, 

arr.  de  Limoges),  360. 
Aigueperse  (B.  d')  (Rhône,  arr.  de 

Villefranche),  353. 
Aigues-Vives  (F.  d')  (Loir-et-Cher, 

arr.  de  Blois),  276,  277. 
Aisances  (F.  des)  (Saône-et-Loire). 
Aitone  (F.  d")  (Corse),  387.. 
Aix-la-Chapelle  (F.  d')  (Prusse  Rhé- 
nane), 111  (?i). 
Aixe  (F.  d')  (Haute-Vienne,  arr.  de 

Limoges). 
Aizenay   (F.   d')    (Vendée,   arr.   de 

Napoléon-Vendée),  347. 
Ahitlia  stjlva,  168. 
Albepierre  (B.  d')  (Cantal,  arr.  de 

Murât),  356. 
Albis  (F.  de  1')  (Suisse),   249  {n). 
Aliermont  (F.  d')  (Seine-Inférieure, 

arr.  de  Dieppe),  325. 
Alix  (B.  d')  (Rhône,  canton  du  Bois- 

d'Oingt^. 
Aile  (B.  d')  ^Côte-d'Or\  232. 
AUiers(B.des)(Côle-d''Or),  232. 
Allmend(F.  de  1')  (Haut-Rhin,  arr. 

de  Colmar),  207  (n),  212. 
Allogny    (F.   d")    (Cher,    arr.    de 

Bourges),  271. 


Alluets  (F.  des)  (Seine-et-Oise,  arr. 

de  Versailles), 
Alneto  (Boscus  de),  158  (n). 
AUa  sylva,  133. 

Aitholt  (F.  d')  (Allemagne),  80. 
Amboise  (F.  d')  (Indre-et-Loire,  arr. 

de  Tours),  275,  276,  428. 
Ameillon  (F.  d')  (Deux-Sèvres). 
Amont  (F.  d')  (Jura,  arr.  de  Lons- 

le-Saulnier). 
Ancenis  (F.  d')  (Loire-Inférieure, 

arr.  d'Ancenis),  338. 
Ancerville  (F.  d')  (Meuse,'  arr.  de 

Bar-Ie-Duc),  216. 
Andaine  (F.  d')  (Orne,  arr.  de  Dom- 

front),  286,  287. 
Andeliaci  foresla,  309. 
Andely  (F.  d')  (Eure,  arr.  d'Andely) , 

309,  326  (n). 
Andena  sylva.  286. 
Andernay  (F.  ou  B.  d')  (Meuse,  arr. 

de  Bar-le-Duc),  216. 
Andigny  (B.  d')  (Aisne,  arr.  de  Ver- 
vins),  182,  180. 
Andlau  (F.  d')  (Bas-Rhin,  arr.  de 

Schélestadt). 
Andred  (F.  d')  (Angleterre,  Sussex), 

416  (n). 
Anet  (F.  d')  (Eure-et-Loir,  arr.  de 

Dreux),  158  (71),  307. 
Anglards  (B.  d')  (Cantal),  356. 
Angles  (F.  d")  (Tarn,    arr.   de  Cas- 
tres), 401. 
Angoulême  (F.  d')  (Charente,  arr. 

d'Angoulème),  367. 
Angoutte   (B.  d')  (Aisne,  arr.    de 

Laon),  189. 


474 


TABLE  GÉNÉRALE. 


Anost  'F.  d";  (Saône-et-Loire,  arr. 
d'Autun). 

Auguien  (F.  d')  (Marne,  arr.  d'E- 
pernay),  vov.  Enguien. 

Antoniboul  (F"  d')  (Tarn). 

Anlremonl  {F.  d")  (Meurthe,  arr.  de 
Nancy,  canton  de  Nomeny). 

Anville  (F.  d')  (Charente,  arr. 
d'Angouléme). 

Any  (B.  d')  (Orne,  arr.  de  Dom- 
frontj. 

Apollon  daphnéenfBois  sacré  d'),  86. 

AquUina  sylva,  150,  151,  152,154. 

Aquilonarium  nemus,  282. 

Aquisgranensis  foresla,  111  (n). 

Aquosis  {foresla  de),  314. 

Aralse  ou  Arraize  (F.  d")  (Loire- 
Inférieure,  arr.  deChateaubriant;, 
130,  330. 

Aran  (F.  d")  (Basses -Pyrénées), 
396. 

Arbailles  ou  Arbalhe  (F.  d')  (Basses- 
Pyrénées),  394. 

Arbois  (F.  d')  (Jura,  arr.  de  Poli- 
gny). 

Arc  (F,  d')  (Doubs). 

Arc-en-Barrois  (F.  d')  (H. -Marne, 
arr.  de  Chaumoni  et  Aube,  arr. 
de  Bar- sur- Aube). 

Arche  (F.  de  1").  Yoy.  L'Arche. 

Archevêque  (B.  de  1')  (Indre-et- 
Loire;,  277  (n). 

Ardenna  sylva,  60  (n),  111  (n). 

Ardennes  (F.  des)  (Ardennes),  23, 
52,  59.  61,64,  111  (n),  127  (n), 
179,189,  191,  192,193,194,195, 

197,  198,209,  416 (n). 

Ai'claunum  sallus,  260,  319. 

Arelaunum  sylva,  318. 

Argenton-le-Château  (F.  à' i  (Deux- 
Sèvres,  arr.  de  Bressuire),  273. 

Argenlonii  foresla,  273. 
Argonne  (F.   d')   (Meuse,    arr.  de 
Montmédy  et  de   Verdun),  192, 

198,  199,  200,  2)8. 
Argoulais  (F.  d')  (Nièvre,  cant.  de 

Montsauche). 
Argueil  ou  Arguel  (F.  d')  (Somme, 

arr.  d'Abbeville),  177,  324. 
Aricie  (Bocage  d')  (Italie),  18  {n). 
Arida  Gainanlia  sylva,  56. 
Arislallinn  foreste^  111. 


Armainvilliers  (F.  d")  (Seine-et- 
Marne,  arr.  de  Melun),  163. 

Armes  (B.  des)  (Lozère,  arr.  de 
Florac,  canton  de  Monlverl). 

Arnaud  (Bois)  (Eure),  31 3. 

Arne  (F.  d')  (Jura,  arr.  de  Dole). 

Arouaise  ou  Arrouaise  (F.  d')  (Aisne, 
arr.  de  Yervins  et  St-Quentin), 
56,  57,  182,  185,  186. 

Arques  (F.  ou  B.  d'J  (Seine-Infé- 
rieure, arr.  de  Dieppe),  324,  32ô. 

Arrablav  (B.  d')  (Loiret,  arr.  de 
Gien);^  259.  ^ 

Arlaing  (la  Haie  d')  (Aisne),  190. 

Artigues-Telline  (F.  d')  (Basses- 
Pyrénées),  396. 

Artonne  (F.  d")  (Nièvre),  444  (n). 

Arus  (B.  d'J  (Ardèche),  403. 

Arviail  (F.  d')  (Yonne),  228. 

Aspruch  (F.  d")  (Bas  Rhin,  arr.  de 
Wissembourg),  207,  208. 

Astenay  (F.  d'J  (Meuse,  arr.  de 
Montmédy).  Vov.  Stenay,  112. 

Asie nidum  for esle,  112. 

Atholl  (F.  d')  (Ecosse),  418  (n). 

Altigny(F.  d')  (Ardennes),  111. 

AlUniacum  foresle,  lit. 

Aubenton  (la  Haie  d')  (Aisne,  arr. 
de  Yervins),  189. 

Aubignosc  (F.  d")  (Basses-Alpes,  arr. 
de  Sisteron),  382  (n). 

Aubigny  (F.  d')  (Cher,  arr.  de  San- 
cerre). 

Aubigny  (F.  d')  (Deux-Sèvres,  arr. 
de  Parthenay),  344. 

Aubrac  (F.  d")  (Aveyron,  arr.  d'Es- 
palion  et  Lozère). 

Aubusson  (F.  d')  (Puy-de-Dôme, 
arr.  de  Thiers). 

Audriaca  sylva,  112. 

Aujoux  (B.  d")  (Rhône,  arr.  de  Vil- 
lefranche),  353. 

Aulnay  (F.  d")  (Deux-Sèvres,  arr.  de 
MelïeetCharente-Infér.,  arr.  deSt- 
Jean-d'Angély),  3 18,  370, 457  (n). 

Aumône  (B.  d')  (Nord,  arr .  d'Aves- 
nes),  184. 

Aumont  (F.  d")  (Aube,  arr.  de 
Troyes),  43,  224. 

Autrey  (F.  d')  (Hauie-Saône,  arr. 
de  Gray). 

Autun  ou  Autin  (F.  d")  (Deux- 
Sèvres,  arr.  de  Parthenay). 


TABLE    GENERALE. 


475 


Availles  (F.  d')  (Deux-Sèvres). 
Avesnes  (la  Haie  d').  Voy.  La  Haie 

d'Avesnes. 
Avignon  (F.  d')   (Jura,  arr.  de  St- 

Ciaude). 
Avaize  (F.  d')  (Saône-et-Loire,  arr. 

de  CharoUesJ. 
Avours  (B.   des)    (Aisne,    arr.    de 

Laon),  179. 


Bacenis  sylva,  75. 
Baconne.  Yoy.  Bouconne. 
Bacquet  (B.  de)  (Eure),  306. 
Baduhennœ  lucus,  75. 
Bagnoliet  (F.  de)  (Allier,    arr.    de 

Moulins),  361. 
Bailleul  (B.  de)  (Nord,  arr.  d'Haze- 

brouk),  56. 
Balan    (B.    de)     (Indre-et-Loire), 

277. 
Balismi  foresta,  298. 
Balnot  (F.  de)  (Aube,  arr.  de  Bar- 
sur-Seine),  224. 
Ban  (F.  de)  (Jura),  239. 
Ban  de  la  Roche  (F.   du)  (Vosges, 

arr.  de  Saint-Dié),  210. 
Baornx  Vendu  in  Cuisia,  108  (n). 
Baqueville  (B.  de)  (Eure,  arr.  dAn- 

dely),  326  (n). 
Bar  (F.  de)  (Yonne,  arr.  d'Auxerre), 

228,  229. 
Baratier   (F.    de)    (Hautes-Alpes), 

374. 
Barbançon  (F.  de)  (Nord,  arr.  d'A- 
vesnes). 
Barc(F.  de)  (Eure),  316. 
Barenton  (F.  de)  (Côtes-du-Nord, 

arr.  de  Saint-Brieuc  et  Loudéac), 

331. 
Baronnies  (Bois  des)  (Meurthe,  arr. 

deSarrebourg). 
Barr  (F.    de)  (Bas-Rhin,    arr.    de 

Schélestadt). 
Barrade  (F.)  (Dordogne,  arr.  de  Pé- 

rigueux). 
Barriis  sylva,  228,  229. 
Bas  (F.  de)  (Loire,  arr.  de  Roanne). 
Bas-Orbois  (B.  du)  (Vosges,  arr.  de 

Saint-Dié),  210. 
Basqui    (F.    du)  (Ariége,    arr.    de 

Foix). 


Basse  (F.)  (Aisne),  179. 
Bassine  (F.  de  la)  (Tarn). 
Baslulorum  nemus,  357  (n). 
Baugé  F.  de)  (Maine-et-Loire),  288, 

289  [n],  290. 
Bauzon  (F.  de)  (Ardèche,   arr.    de 

Largentière,  cantons  de  Montpe- 

zat,  Concouron,  Saint-Etienne  de 

Lugdares),  403. 
Bazoge  (B.  de  la)  (Sarthe,  arr.  du 

Mans). 
Beaufort  (F.    de)  (Maine-et-Loire, 

288,  289  (n). 
Beaufort  (B.  de)  (Nord,  arr.  d'A- 
vesnes), 184. 
Beaugerais  (B.  de)  (Indre-et-Loire, 

arr.  de  Loches),  278. 
Beaulieu  (F.  de)  (Deux-Sèvres,  arr. 

de  Bressuire). 
Beaulieu  (F.    de)  (Seine-Inférieure, 

arr.  de  Rouen),  317. 
Beaulieu    des    Marchais     (F.     de) 

(Maine-et-Loire,  arr.  d'Angers), 

290. 
Beaulieu   (B.   de)    (Loire^    arr.    de 

Roanne). 
Beaumont  (F.  de)  (Indre-et-Loire, 

arr.  de  Tours),  279. 
Beaumont  (F.  de)  (Marne). 
Beaumont  la  Ronce  (F.  de)  (Indre- 
et-Loire),  265. 
Beaumont  le  Roger  (F.  de)  (Eure, 

arr.  deBernay),  116,  315,  465  (?i). 
Beaumont-sur-Oise  (F.   de)  (Seine- 

et-Oise,  arr.  de  Pontoise;,  170. 
Beaupré  (F.  de)  (Oise,  arr.  de  Beau- 

vais). 
Beauquênay  (F.  de)  (Manche,  arr. 

de  Valognes),  301. 
Beauregard  (F.  de)  (Saône-et-Loire, 

arr.  de  Châlon),'  233. 
Beaurevoir  (F.  de)  (Aisne,   arr.  de 

Saint-Quentin),  182. 
Beaussac  (B.   de)  (Dordogne,  arr. 

de  Nontron),  369. 
Beauvoir  (B.  de)  (Seine-Inférieure), 

322. 
Bécon  (F.  de)  (Maine-et-Loire,  arr. 

d'Angers),  288. 
Beffou  (F.  de)  (Côtes-du-Nord,  arr. 

de  Guingamp) . 
Belair   (F.  de)   (Charente,   arr.  de 

Confolens),  369.  , 


476 


TABLE   GÉNÉRALE. 


Belchamp  (F.  de  fHaut-Rhin). 

Belenot  [Sijlva  de),  224  (n). 

Belesta  (F.  de)  (Aude,  arr.  de  Cas- 
tel  naudary). 

Bella  valle  [nemusde),  275. 

Bellechassagne  (F.  de)  (Corrèze; 
arr.  d'Ussel). 

Belle-Perche  (F.  de)  (Haute-Vienne, 
arr.  de  Bellac). 

Belle-Poule  (F.  de)  (Maine-et- 
Loire),  289,  290. 

Bellesme  (F.  de)  (Orne,  arr.  de 
Mortagne),  297,  288.  410,  447  (?i). 

Bellevaivre  (F.  de)  (Haute-Saône, 
arr.  de  Gray). 

BcUevau  (F.  de)  (Indre-et-Loire), 
275,  277. 

Belli-Forlis  (nemus),  288. 

Belli-mo7itis  bosciis,  170. 

Beloi  (F.  de)  (Charente,  arr.  de 
Confolens). 

Benard-Commin  (Bosc)  (Eure),  317 
(n). 

Benard  de  Cressi  'Bosc)  (Eure),  317 
(n). 

Benedicla  sylva,  133. 

Bénite  (Sylve),  133  [n). 

Benney  (F.  de)  (Meurthe,  arr.  de 
Lunéville,  canton  d'Haroué). 

Benon  (F.  de)  (Basses-Pyrénées). 

Benon  (F.  de)  (Charente-Inférieure, 
arr.  de  Rochefort  et  de  La  Ro- 
chelle), 370. 

Bercarrie  (Bois)  (Haute-Loire,  arr. 
d'Yssingoaux),  133  («). 

Berger  (F.  du)  (Indre,  arr.  du 
Blanc),  273. 

Berohart  (F.  de)  (Indre-et-Loire). 
Voy.  Brouart. 

Bersay  (F.  de)  (Sarthe,  arr.  de 
Saint-Calais),  284,  285,  290. 

Bersx  {vpixda),  294. 

Bersch  (F.  de)  (Bas-Rhin,  arr.  de 
Schélestadt). 

Beureycl  (F.  de) (Isère),  375. 

Beverhout  (F.  de)  (Flandres,  Bel- 
gique), 59. 

Beyla  (B.  de)  (Nord),  56. 

Bezeus  {nnnus  de),  357  (n). 

Bezeus  (B.  de)  (Cantal,  arr.  d'Au- 
riilac),  357. 

Bibiche  (F.  de)  (Moselle,  arr.  de 
,  Thionville). 


Bielsa  (F.  de)  (Basses-Pyrénées), 
396. 

Bienwald  (F.  de)  (Bas-Rhin,  arr. 
de  Wissembourg),  209. 

Biera  sylva,  154,  156. 

Bière  (F.  de)  rSeine-et-Mai"no,  arr. 
de  Fontainebleau),  154,  155,  156. 
157,  261. 

Bilcium  nemus,  352. 

Blllotz  (B.   des)  (Allier),  360. 

Bimars  ou  Blémars  (F.  de)  (Indre- 
et-Loire),  265,  280,  281,282. 

Bioncourt  (F  de)  (Meurthe,  arr.  de 
Château-Salins). 

Biloranda  sylvn,  390. 

Biluricensis  foresla,  270. 

Bizy  (le  Parc  de)  (Eure,  arr.  d'An- 
dely). 

Blanf/inrus  Sylva.  187. 

Blangv  (F.  dn)  (Nord,  ou  Pas-de- 
Calàis),  187. 

Blanzy  (B.  de)  (Aisne,  arr.  de  Sois- 
sons),   106. 

Blasset(B.)  (Somme),  174  (n). 

Biémras  (F.  de).  Voy.  Bimars. 

Blénod  (B.  de)  (Meurthe,  arr.  de 
Toul),  203. 

Bliffaix(F.  de)  (Aube),  43. 

Bleu  (F.  de^  Œurc),  328. 

Blimardi  sylva,  280. 

Blimarcium  nemus,  280. 

Blois  (F.  de)  ('Loir-et-Cher,  arr.  de 
Blois),  268,^269,  281. 

Bocquelon  (B.  de)  (Seiue -Infé- 
rieure), 323. 

BœJimenvald,  73. 

Boemica  sylva,  73. 

Bohain  (F.  de)  (Aisne,  arr.  de  Saint- 
Quentin),  182. 

Boichat  (F.  de)  (Jura),  241. 

Bois-Blanc  (F.  de)  (Charente), 
368. 

Bois  -  Couronné  (F.  du)  (Jura), 
241. 

Bois-Fromont  (F.  du)  (Jura),  2 il. 

Bois-l'Abbessc  (F.  de)  fSaône-et- 
Loire,  canton  de  Saint-Léger  sous 
Beuvray). 

Bois-Oger  (F.  de)  (Indre-et-Loire). 
277. 

Bois-royal  (Loir-et-Cher,  arr.  de 
Blois). 


TABLE   GÉNÉRALE. 


47Y 


Ijoisseaux  (F.  de)  (Indre\ 

Boland  (F.  de)  (Belgique),  59. 

Bommiers  (F.  de)  (Indre,  arr.  d'Is- 
soudun). 

Bondré  (Buisson  de)  (Maine-et- 
Loire),  290. 

Bondy  (F.  de)  (Seine-et-Oise,  arr. 
dePontoise),  146,  158,  171,  172, 
428. 

Bonne  (F.  de)  (Aisne,  arr.  de  Chà- 
toau-Tliierry). 

Bonnétable  (F.  de)  (Sarthe,  arr.  de 
M  amers),  285. 

Bonnevaux(F.  de)  (Vienne),  344  (n). 

Bonnevaux  (B.  de)  (Isère,  arr.  de 
Yienne). 

Bonoil  {nemits  de),  181  (n). 

Bontin(F   de)  (Yonne),  447  (n). 

Bocjuien  (F.  de)  près  de  Gollinée 
(Gôtes-du-Nord,  arr.  de  Lou- 
déac). 

Bord  (F.  de)  (Allier,  arr.  de  Mou- 
lins, cant.  de  Neuillv  le  Real), 
303. 

Borey  (B.  de)  (Haute-Saône,  arr.  de 
Yesoul). 

Bornacq  (F.  de)  (Cher,  arr.  de  Saint- 
Amand). 

Borne  (F.  de)  (Cote-d'Or,  arr.  de 
Beaune),  233. 

Bornus  foresla,  280. 

Bort  (F.  de)  (Indre-et-Loire  et 
Vienne),  280. 

Bort  (F.  de)  (Allier?),  363. 

Bort  ou  Borz  (F.  de)  (Eure),  312. 
313,  314  n). 

Boscodon  (F.  de)  (Hautes- Alpes", 
379. 

Boshion(B.  de)  (Eure),  311  (n). 

Bossican  (F.  de)  (Aube,  arr.  de  Bar- 
sur-Seine  et  Bar-sur-Aube),  231. 

Boucharde  (F.)  (Allier,  arr.  de  Can- 
nât, et  Puy-de-Dôme,  arr.  de 
Riom). 

Bouche-Clause  (B.  de)  Hautes- 
Alpes). 

Bouchot  (B.  du)  (Indre-et-Loire;  275. 
Boucheville  (F.  de)  (Aude,  arr.  de 

Limoux). 
BouclansouChauley  (F.  de)(Doubs, 

arr.  de  Baume-les-Dames). 
Bouconne  (F    de)  (Haute-Garonne, 
arr.  de  Toulouse,  canton  de  Le- 


gnevin,  au  N.  de  Legnevin),  39G, 

428. 
Bougival    (B.   de)    (Seine-et-Oise), 

150  (?!)• 
Bouhey  (F.  de)  (Côte-d'Or.  arr.  de 

Beaune). 
Boulay  (B.  du)  (Haute-Marne,  arr. 

de  Vassy;,  217. 
Boulemer  (B.    de)    (Loir-et-Cher\ 

269. 
Boulogne  (F.  de)  (Loir-et-Cher,  arr. 

de  Blois),  268. 
Boulogne  (F.   de)  (Pas-de-Calais), 

177. 
Boulogne  (B.  de)  (Seine),  149,  429. 
Bouloij  {nemiis  de),  225. 
Bourcier  (F.  de)  (Saône-et-Loirc). 
Bourdonnais  (F.  de  la)  (Morbihan, 

arr.  de  Ploermel,  cant.  de  Guer). 
Bourgon  (F.  de)  (Mayenne,  arr.  de 

Mayenne). 
Bourgueil   (F.    de)  (Indre-et-Loire, 

arr.  de  Chinon),  280. 
Boursault  (F.  de)  (Marne,  arr.  d'E- 

pernay"). 
Bourse  (F.  de)  (Orne),  294. 
Bourth  (F.  de).  Vov.  Bort  ou  Borz 

(F.  de). 
BourzoUes  (F.  de)  (Dordogne,  arr. 

de  Sarlat,  sur  la  frontière  du  Lot- 
et-Garonne),  404. 
Boittivant  {venda  de),  309. 
Bouveresse    ou    Boveresse  (F.   de) 

(Oise,  arr.  de  Compiègne,  front. 

de  la  Somme),  180,  181,  182. 
Boverie  'B.  de  la)  (Sarthe,  arr.  de 

La  Flèche),  131. 
Braconne    (F.   de)   (Charente,    arr. 

d'Angouléme),  367,  369. 
Bragny  (Grandj  (F.  du)  (Saône-et- 

Loire).  Voy.  Grand-Bragny. 
Bragny-la-Ferté  (F.  de)  (Saùne-et- 

Loire). 
Braie  (B.  de)  (Indre-et-Loire),  276. 
Braigne  (F.   de)    (Saône-et-Loire\ 

232. 
Braigneaul  (nemiis  de),  232. 
Braium  nemiis,  276. 
Brandon  'B.   du)  'Indre-et-Loire), 

277  (n).' 
Brassac  (F.    de)  (Ariége.   arr.    de 

Foix). 
Bray  (F.  de)  (Seine-Inférieure,  arr. 


478 


TABLE  GÉNÉRALE. 


de    Neufchâtel),     277    (n),    325, 

326. 
Brécélien  (Voy.  Brécheliant). 
Brécheliant  T.  de)  (Côtes-du-Nord), 

65,  330,331,332,  334,  335,  336, 

341  (n). 
Brecheuav  (F.  de)  (Indre-et-Loire), 

277. 
Brenne  (F.  de)  (Indre-et-Loire),  279. 
Bretèche  (F.  de  la)  (Loire-Inférieure, 

arr.  de  Savenay). 
Bretons  (B.  des)  (Loir-et-Cher),  264. 
Bretonne  (F.  de)  Voy.  Bretonne. 
Breton  (F.  de)  (Tarn),  400,  403. 
Brextil  {nemus  le),  180. 
Brezons   (F.   de)    (Cantal),   28  (?;), 

356. 
Bride  et  Queken  (F.  de)  (Meurthe, 

arr.  de  Château-Salins). 
Brie  (F.   de  la)   (Seine-et-Marne), 

128,  146,  161,  162,  163. 
Brieulle(F.  de)  (Meuse),  199. 
Brigueil  (F.  de)  (Charente,  arr.  de 

Confolens). 
Brigia  sylva  ou  Brigiensis  sallus, 

161,  162  (n)  163. 
Brione  (F.  de)  (Indre),  271. 
Brionna  sylva,  279. 
Brion  (F.  de)  (Belgique),  59. 
Briquebec  (F.  de)  (Manche,  arr.  de 

Valognes). 
Brisiaci  sylva,  290. 
Brissac    (F.    de)    (Maine-et-Loire, 

arr.  d'Angers),  290. 
Britolii  parcus,  313. 
Briionis  sylva,  318. 
Brix  (F.  de;  (Manche),  1 37  (n),  302. 
Brixhis  sallus,  238. 
Brocéliande  (F.   de).  Voy.  Bréche- 
liant. 
Broësse  (B.  de)  rCôte-d'Or),  232. 
Broglie  (B.  de)  (Eure),  295. 
Brossay    (F.    de)    (Maine-et-Loire, 

arr.  de  Saumur). 
Brose  (F.  de)  (Tarn). 
Brosse  (F.  de)  (Indre),  345. 
Brosses  (B.  de)  (Allier),  304. 
Brothonix  sijlva,  318. 
Brotonne  (F.  de)  (Eure)  (Seino-In- 

férieurei,    116,    260,    318,    319, 

410. 
Brouart  ou  Berohart  (F.  de)  (Indre- 
et-Loire,  arr.  de  Loches,  et  Indre, 


arr.  de  Châteauroux),  271,  27- 

279. 
Brouis  (F.  du),  sur  le  mont  Broui 

au-dessus  de  La  Martre  (Vâr). 
Bruadan  (F.  de)  (Loir-et-Cher,  an . 

de  Romorantin),  270. 
Brueix  (  Venda  de),  302  (/()• 
Brugny  (F.  de)  (Marne,  arr.  d'E- 

Ijernay). 
Brullé    (B.)   (Saône-et-Loire),  233 

in). 
Bmmath   (F.   de)  (Bas- Rhin),    38, 

207  (?i). 
Bruni ssiacum  nemus,  277. 
Brussenay  (F.  de).  Voy.  Bréchenay. 
Buisson  (B.  du)  (Eure),  306. 
Bungiacensis  sxjlva,  158. 
Bur   (F.   de)  (Calvados),    144   (n)j 

303. 
Burgudii  foresla,  280. 
Burseiwn  sylva,  284. 
Bussy  (F.  de)  'Loir-et-Cher,  arr.  d« 

Blois),  268.  ■ 


Cabarède  (F.  de  la)  (Tarn,  arr.  de 

Castres)^  400. 
Cadarache    (B.   de)    (Bouches-du- 

Rhône,  arr.  d'Aix,  canton  de  Pey- 

rolles),  384. 
Caerléon  (F.  de)  (Angleterre),  27, 

419  (n). 
Cailli    (F.    de)    (Seine-Inférieure); 

321. 

Calcadis  (F.  de).  Voy.  Goille  (F.  de). 
Galdenoven  ou  Cailenhoven  (F.  de 

(Moselle,  arr.  de  Thionville),  60, 

197. 
Calidon  (F.  de)  (Ecosse),  331. 
Callibus  {foresla  de),  235. 
Cahnnnia  [Boscus  de),  84. 
Calz  (F.  de)  (Nièvre),  235. 
Camors  (F.  de)  (Morbihan,  arr.  de. 

Lorient),  336. 
Cambaran  (sylva  de),  375. 
Campuzan  (F.   de)    (Hautes-Pyré- 
nées, arr.  de  Bagnères). 
Candeil  (B.  de)  (Tarn),  401. 
Canevosa  sylva,  279. 
Canlollii  venda,  259. 
Cantoris  nemus,  277  (n). 
Cap  de  la  Bielle  (F.  de)  (Basses-Py- 


TABLE    GÉNÉRALE. 


479 


rénées,  canton  de  la  Barthe  de 
Neste). 

Capduana  sylva,  277. 

Captionne  nemus,  238. 

Caput  cct^'inum  sylva,  273. 

Carbonaria  sylva,  53,  183. 

Carbonnière  ou  Charbonnière  (F.) 
52,  53,  54,  59,  177,  183,  184, 
187,  188,  189,  190,  195. 

Carneta  sylva,  283, 

Oarnida  sylva,  283. 

Carnetin  (B.  de)  (Seine-et-Marne, 
arr.  de  Meaux),  159. 

Garnoët  (F.  de)  (Finistère,  arr.  de 
Quimperlé),  37,  340. 

Carnutes  (F.  des)  (Eure-et-Loir, 
Loiret)  37,  262,  267,  268,  285, 
300. 

Gars  (F.  des)  (Haute-Tienne,  arr. 
de  Saint- Yrieix},  3G0. 

Cosnelo  {sylva  de),  302  (n). 

Castcllis  (nemus  de),  280. 

Catelaine  (Laliave)  (Nord),  186. 

Castres  [F.  de)  (Tarn),  400. 

Caslum  Jiemiis,  22. 

Catelun  (F.  de)  (C6tes-du-Nord, 
arr.  de  Loudéac^,  334. 

Caucia  sylva,  106. 

Caumont  (F.  de)  (Corrèze),  359. 

Caux  (F.  de)  (Seine-Inférieure). 

Caynonis  sylva,  274. 

Celle-lez-Bordes  T.  de)  (Seine-et- 
Oise),  153. 

Celles  (F.  de)  (Deux-Sèvres),  348. 

Cellier  (F.  de)  (Loire-Inférieure, 
arr.  J'Ancenis). 

Cleom  (sylva  de),  358.  359. 

Cercottes  (F.  de)  partie  de  la  forêt 
d'Orléans  (Loiret^,  248. 

Cerisy  (F.  de)  (Calvados\  arr.  de 
Vire),  302. 

Cernetrou  (F,  de)  (Jura,  arr.  de  Po- 
ligny),  432  (n). 

Cersy  (F.  de)  (Loir-et-Cher),  209. 

Cette  (F.  de  la  montagne  de)  ^Hé- 
rault}, 391. 

Cevennes  (F.  des),  3. 

Ceyroux  (F.  de)  (Haute-Loire,  can- 
ton de  la  Voûte),  355. 

Chaanne  ou  Chasnes  (Buisson  de) 
(Maine-et-Loire),  288,  289  («). 

Chabet  (F.  de)  (Nièvre,  arr.  de  Ne- 
vers). 


Chagny  ,F.  de)  Saône-et-Loirè,  arr. 

de  Châlon). 
Chailluz     F.  de)   (Doubs,    arr.    do 

Besançon),  239. 
Chaîne   (B.  de  la)  (Indre-et-Loire, 

arr.  de  Tours\  280,  281. 
Chaise  ou  Chaize  (F.  de  la)  fVendée, 

arr.  de  Napoléon- Vendée),   347. 
Chaize  (B.  de  la)  (Indre),  273. 
Chalonge  (B.  de)  (Sarthe),  284  (n). 
Chambaran  (B.  de)  (Drôme),  375.' 
Chamberceau  (F.  de)  (Haute-Marne, 

arr.  de  Langres,  canton  de  Prau- 

thoy). 
Ghambiers  ou  Chambières  (F.   de) 

(Maine-et-Loire,  arr.  de  Baugé"», 

288. 
Chambon  (B.  de)  (Loir-et-Cher),  269. 
Chambres  (B.  des)  (Marne),  218. 
Champ  d'oiseau  (B.  de)  (Indre-et- 
Loire),  278. 
Champfromier  (F.  de)  (Ain,  arr.  de 

Nantrou). 
Champlive  (F.  de)  (Yonne,  arr.  d'A- 

vallon). 
Champlatreux  (B.  de)  (Seine-et-Oise, 

arr.  de  Pontoiseï,  169. 
Champlitte  (B.    de)    (Haute-Saône, 

arr.  de  Grayj. 
Champs  rouges  (F.  des) ''Jura),  241. 
Chancay  (F.    de)  (Indre-et-Loire), 

28 î,  282. 
Chandelais  (F.   de)  (Maine-et-Loire, 

arr.  de  Beaugé),  289,  290. 
Chantaloue  (B.  de)  (Loiret),  259. 
Chantemerle  (F.  de)  (Deux-Sèvres, 

arr.  de  Parthenay>,  344. 
Chantillv  (F.  de)  (Oise,  arr.  de  Sen- 

lis),  52,  169. 
Chantre  (B.    du)    (Indre-et-Loire), 

277  (n). 
Chanveaux     (F.    de)    (Loire-Infé- 
rieure). 
Chaource(F.  de)  (Aube,  arr.  de  Bar- 
sur-Seine),  43,^222,  225. 
Chaource  (la  Haie  de)  Aisne),  190. 
Chapaize     F.  de)  (Saone-et-Loire, 

arr.  de  Mâcon),  232. 
Chapelle    Sainte-Marie   Magdelaine 

iB.  delà)  (Indre-et-Loire\   281. 
Chappes  (F.  ou  B.  de)  (Aube),  43, 

224. 
Chapuis  {boscus),\b(i,  157. 


480 


TABLE   GÉNÉRALE. 


Charbonnière  (F.}.  Yoy.  Carbon- 
nière. 

Cliardin  (F.  de)  (Charente,  arr. 
d'Angoulème). 

Charmes  (F.  de)  (Vosges,  arr.  de 
Mirecourtj,  204,  411. 

Charnay  (B.  de)  (Rhône,  arr.  de 
Yillefranche). 

Cliarnie  (F.  de)  (Sarlhe^  arr.  du 
Mans),  122,  283. 

Charnouveau  (F.  de)  (Nièvre,  arr. 
de  Cosnc). 

Charolles  (F.  de)  (Saône-et-Loire, 
arr.  de  Charollesj,  233  (?i>. 

(Chartreuse  (la  Grande)  (F.  de  la) 
(Isère),  377. 

Chaste-lloulle  (B.  de  la)  fEurc), 
306. 

Chateaulin  (F.  de)  (Finistère). 

Château  la  A'allière  (F.  de)  (Indre- 
et-Loire,  arr.  de  Chinon),  280. 

Châteauncuf  (F.  de)  (Haute-Vienne, 
arr.  de  Limoges),  3G0. 

Châteauncuf  (B.  de)  (Cantal),  356. 

Châteauneuf  en  Thimerais  (F.  de) 
(Eure-et-Loir,  arr.  de  Dreux), 
2G6. 

Château-Renault  (F.  de)  (Indre-et- 
Loire),  280. 

Châteauroux  (F.  de)  (Indre). 

Château-Salins  (F.  de)  (Meurthe). 

Châteauvert  (F.  de;  (Creuse,  arr. 
d'Aubusson). 

Château-Villain  (F.  de)  (Haute- 
Marne,  arr.  de  Chaumont). 

Chatellerault  (F.  dej  (Vienne'),  343. 

Chatelneuf  (F.  de)  (Jura),  70.' 

Ghatenay  (B.  de)  (Charente-Infé- 
rieure), 37i. 

Chatillon  (F.  de)  (Loiret),  262. 

Chalillon-sur-Seine  (F.  de)  (Côte- 
d'Or,  arr.  de  Chàtillon-sur-Seine), 
234. 

Chatillon  en  Bazois  (F.  de)  (Nièvre, 
arr.  de  Château- Chinon). 

Châtres  (B.  de)  (Indre-et-Loire). 
277. 

Chaume-Gennigny  (F.  de)  (Saône- 
et-Loire). 

Chaumont  (F.  de)  (Loir-et-Cher), 
270,  276. 

Chausse-Moreau  (F.  de)  (Jura,  arr. 
dq  Dôle),    sur    la    frontière    du 


département   de  Saône-et-Loi 
Chaussère  ou  de  Leppo  (F.  de  II 

(Maine-et-Loire),  132. 
Chauvigny    (F.   de)    (Vienne),    3^ 

(?i). 
Chaux  (F.  de)  (Jura,  arr.  de  Dôlc),| 

69,239,419. 
Chazetle  (F.  de)  (Haute-Loire,  can- 
ton de  Saugues). 
Chedon    (F.    de)    (Indre-et-Loirf  . 

277. 
Clief-Boutonne    (F.   de)    (Deux.-S  - 

vres,  arr.  de  Molle),  348. 
Chelles   (F.    de)   (Seine-et-Marne 

163. 
Chemasson  (B.  de)  (Mayenne),  287. 
Cheminon  (B.  de)   (Marne,   arr.   il  • 

Vitrv),  216. 
Chenevole  (F.  de)  (Indre),  279. 
Chenue    (F.)    (Nièvre,    canton    do 

Montsauche). 
Clœpdone  sylva,  277. 
Cherbourg  (F.  de)  (Manche). 
Chérimont   (F.    du)    (Haule-Saôn 

arr.  de  Lùre). 
Chesnaix  vendu,  1 68  (n). 
Chessy    (B.    de)    (Seine-et-Marne, 

arr.  de  Meaux),  162. 
Chétif  (B.)  (Ain),  238. 
Chétif  (B.)  (Indie-et-Loire),  275. 
Chèvre  (F.  delà)  (Indre),  271. 
Chevreuse  (F.  de)   (Seine-et-Oisc  . 

150. 
Chinon  (F.  de)  (Indre-et-Loire\  27?, 

274,  275,  276. 
Chizay  ou  Chizé  (F.  de)  (Deux-Sè- 
vres, arr.  de  Niort  et  de  Melle), 

345,  349,  457  (n). 
Chœurs  (F.  de)  (Cher,  arr.  de  Saint- 

Amand). 
Choisy  (F.  de)  (Oise),  107. 
Chollet    (F.    de)    (Maine-et-Loire), 

288. 
Chomontesio  (Vcnda  de),  258. 
Choussy(F.  de)  (Loir-et-Cher),  276. 
Cinglais  (F.  de)  (Calvados,  arr.  de 

Lisieux). 
Ciniq  (F.  de)  (Cantal),  356. 
Ciny  (B.  de)  (Aisne),  190. 
Cipeleis  sylva,  195. 
Cirey  (B.  de)  (Meurthe),  203. 
Cîteaux  (B.  de)  (Côte-d'Or,  arr.  de 

Beaune  et  Dijon),  221. 


TABLK   GÉNÉRALE. 


481 


Civens  (F.  de)  \,Tarn). 
Givrais  (F.  de)  (Allier),  361. 
Clairmarais  (F.  de)  (Pas-de-Calais, 

arr.  de  Saint-Omer). 
Clairvaux   (F.    de)   (Aube,   arr.  de 

Bar-sur-Seine  et  Bar-sur- Aube) , 

221,  224. 
Clarascencis  sylva,  224. 
Clay  (F.  de)  (Isère). 
Clermont  (F.  de)  (Isère),  373. 
Cluny  (B.  de)  (Saône-et-Loire),  232. 
Coard  ou  CouartfB.  de)  (Oise),  169. 
Coat-an-noz  et  Coat-an-nay  (F.  de) 

(Côtes-du-Nord,   arr.    de    Guin- 

gamp). 
Cœsia  sylva,  76. 
Goet-Lorges  (F.  de)  (Gôtes-du-Nord, 

arr.  de  Saint-Brieuc),  335. 
Goet-Loux  (F.  de)  (Morbihan),  340. 
Goet-Maloen  (B.  de)  (Côtes-du-Nord, 

arr.  de  Guingamp),  336. 
Golettes   (F.   des)   (Allier,   arr.    de 

Gannat). 
Colombaria  sylva,  178. 
Colombe  (F.  de)  (Aube). 
Colombiers  (F.  de)  (Vienne  ou  Deux- 
Sèvres).  65. 
Colonne  (F.  de)  (Jura).  69. 
Coly  ou  Labal   (F.    de)   (Dordogae, 

arr.  de  Sarlat),  404. 
Comhanigra  [sylva),  379. 
Commercy  (F.  de)  (Meuse),  201. 
Gompiègne  ou  Guise  (F.  de)  (Oise), 

52,  106,  107,  108  {il),  164,  168, 

409.  Voy.  Cuise  (F.  de). 
Goncarneau  (F.  de)  (Finistère),  340. 
Concharum  foresta,  310. 
Couches  (F.  de)  (Eure),   304,  310, 

311,  312,  313,  314. 
Conchis  S.Clemenlis  [nermis]  180  (n) . 
Conchis  de  Cavaignes  [nemus)  180 

(n). 
Concise  (F.  de)  (Mayenne,   arr.  de 

Laval),  132,  330.  ' 
Gondé  (F.  de)  (Nord),  186. 
Gootsé  (B.)  (Loire-Inférieure),  340 

(n). 
Gorbeny    (F.    de)    (Aisne,    arr.    de 

Laon). 
Corbières  (Forêts  des),  389. 
Corgebin    (F.    de)    (Haute-Marne, 

arr.  de  Chaumont). 


Cormaranche  (F.  de)   (Ain,  arr.  de 

Belley). 
Corme  Royal  (F.  de)  (Charente-In- 
férieure), 371. 
Corneau    (B.    de)    (Saône-et-Loire), 

281. 
Corneau  (B.  de)  (Indre-et-Loire,  arr. 

de  Tours). 
Cosdrena  sylva,  269. 
Costa  Chapsis  (Boscus),  257. 
Colia  sylva,  106,  108,  109,  111. 
Couarde  (B.  de  la)  (Indre-et-Loire ">, 

281. 
Couard  (B.  de),  voy.  Coard. 
Couassé  (B.   de)  (Loire-Inférieure), 

340  (/?). 
Goucy  (F.  de)  (Aisne,  arr.  de  Laon), 

52,  109,  165,  178. 
Coudane  (B.  de  la)  (Eure  et  Eure- 
et-Loir),  308. 
Gouisans  (B.  de)  (Nord),  184. 
Coulommiers  (F.  de)  (Aisne),  179. 
Coulon  (F.  de)  (Côtes-du-Nord),  335. 
Courheron  (Boscus  de]  158  (n). 
Coutumes  (F.  de)    (Haute-Vienne), 

358  {n). 
Gouvaux  (F.  de)  (Morbihan,  arr.  de 

Napoléonville). 
Coye  {Boscus  de),  164. 
Coyœ  {Venda),  164  (n). 
Graine  (B.  de)  (Oise),  166. 
Crannou  (F.  de)  (Finistère),  341. 
Craon    (F.   de)   (Mayenne,    arr.    de 

Ghâteau-Gontier),"'l29,  130,  132, 

288,  330. 
Creciaco  {for esta  de),  161  (n). 
Crécy  (F.  de)  (Seine-et-Marne,  arr. 

de  Meaux  et  Coulommiers),    161, 

162,  168,  171. 
Créqui  (B.  de)  (Pas-de-Calais,  arr. 

de  Montreuil),  177. 
Cresiacum  foreste,  112,  173. 
Crespin  (B.)  (Eure),  306. 
Gressy  (F.  de)  (Somme,  arr.  d'Ab- 

beville),  112,  132,  173,  174. 
Crissay  (F.  de)  (Indre-et-Loire,  arr. 

de  Chinon),  275. 
Croc  (F.  du)  (Seine-Infér.,  arr.  de 

Dieppe). 
Croiz-le-Frison  (B.)  (Aisne),  166. 
Gronilhac  (F.  de)  (Haute-Loire,  com- 
mune   de    Tence,    arr.    d'Yssin- 

geaux). 

31 


482 


TABLE   GÉNÉRALE. 


Croie  (Veyula  de),  308. 
Croteis  {foresla  de),  307,  308. 
Croth  ou  Crot  (F.  de)  (Eure),  268, 

307,  308. 
Crolois  (B.  de).  308  (n). 
Crolois,  voy.  Croth  (F.  de). 
Crous  de  Boveresche  (nemus),  180 

(n). 
Crov(F.  de)  (Somme),  176  (/î). 
Cuise  (F.  de)  (Oise).  106,  107.  108, 

109,    164,    165.    107,    168,    169, 

434.  Voy.  Compiègne  (F.  de). 
Cw'siasylva,  164. 
Cunexv  (F.  de)   (Moselle,   arr,  de 

Metz). 
Ciiria  Dei  (Dosais),  258. 
Cussangy   (B.   de)   (Aube,  arr.  de 

Bar-sur-Seine),  225. 
Cussey-les-Forges    (F.    de)   (Côte- 

d'Or,  arr.  de  Dijon). 


Dambach  'F.  de)  (Bas-Rhin,  arr.  de 
Schélestadt). 

Dambray  (B.  de)  (Orne),  298. 

Dames  (B.  des)  (Indre-et-Loire), 
281. 

Dam-Ravnaud  (F.  de)  (Jura),  241. 

Danville^F.  de)  (Meurthe),  116. 

Dauzon  (F.  de)  (Ardèche,  arr.  de 
Largenlière),  403. 

Dementart  (F.  de)  (Aisne),  166. 

Denervense  salins,  216  (n). 

Der,  Ders  ou  Derve  (F.  de)  (Haute- 
Marne,  arr.  de  Yassy),  43,  216, 
217,  412. 

Dervalières  (B.  des)  (Loire-Infé- 
rieure), S  39. 

Descouardes  (B.  de)  (Eure),  306. 

Désuresmes  ou  de  Desvres  (F.  de) 
(Pas-de-Calais,  arr.  de  Boulogne;, 
177. 

Devons  (F.  de)  (Jura),  241,  248. 

Devez  (F.  de)  (Haute-Loire,  canton 
de  Saugues). 

Desvres  (F.  de).  Voy.  Desuresnes, 
arr.  de  Boulogne). 

Dian  ou  Dians  (F.  de)  (Seine-et- 
Marne),  156. 

Dianx  sijlva,  51,  156. 

Dieuiit  (F.  de)  (Orne,  arr.  de  Dom- 
front). 


Dieulet  (F.  de)  (Meuse,  arr.  de  Mont- 

médv),  199. 
Dinan  (B.  de)  (Côtes-du-Nord),  334. 
Dine  (F.  de)  (Vienne),  345. 
Dirac  (F.  de)  (Charente,  arr.  d'An- 

gouléme),  368. 
Dirimore  (F.  de)  (Angleterre),  419 

(n). 
Dissey  (F.  de)  (Saône-et-Loire,  arr. 

de  Louhans). 
Doignon  (F  de)  (Haute-Vienne,  arr. 

de  Limoges),  359. 
Dola  sylva,  i  66. 

Dole  (F.   de)  (Aisne,  arr.  de  Châ- 
teau-Thierry), 166. 
Domenéche  ou  Domnaiche   (P.  de) 

(Loire-Inférieure,   arr.    de   Châ- 

teaubriant). 
Dormont  (B.   de)    (Aisne,   arr.    de 

Chî'iteau-Thierry). 
Dorso  asini  (nemiis  de),  225. 
Dourdan  (F,  de)  (Seine-et-Oise,  arr. 

de  Rambouillet),  151. 
Douvereau  (F.  de)  (Mayenne),  288. 
Dreuille    (F.   de)    (Allier,    arr.    de 

Montluçon),  362,  363. 
Dreux  (F°  de)  (Eure-et-Loir),  266, 

267,  268,  307. 
Dromling  (F.  de)  (Allemagne),  252. 
Drouille  (F.  de)  (Creuse,  arr.  d'Au- 

busson). 
Duault  (F.  de)  (Côtes-du-Nord,  arr. 

de  Guingamp),  37. 
Duc  (F.  au)  ou  Bois  du  Roi  (Yonne, 

arr.  d'Avallon,  canton  de  Quarré- 

les-Tombes),  235. 
Ducis  sijlva,  78. 
Durbont  (F.  du  Mont),  376. 
Durtal  (F.  de)  (Maine-et-Loire,  arr. 

de  Baugé),  289. 


E 


Eaumet  (F.  d')  CBouches-du-Rhône), 

383. 
Eavi  (F.  d')  (Seine-Inférieure,  arr. 

de  Dieppe  et  Neufchàlel),    314, 

324,  32o,  328. 
Ehroicensis  foresla,  304. 
Eburovices  (F.  des)  314,  315,  316. 
Echallon  (F.  d')  (Ain,  arr.  de  Nan- 

tuaj. 


TABLE  GÉNÉRALE. 


483 


E couves  (F.  d')  (Orne,  arr.  d'Argen- 
tan), 298, 299. 
Edohola  sylva,  404. 
Eglises  (B.  des)  (Aisne),  166. 
Emans    (F.    d")    (Seine-et-Marne), 

155. 
Embeyre  (F,    d')  (Ariége,   arr.   de 

Foix). 
Enfers  (B.  des)  (Var,  arr.  de  Dra- 

guignan). 
Enghien   ou  Anguien   (Marne,  arr. 

d'Epernay),  219. 
Engoudsent  (F.  d')  (Pas-de-Calais, 

arr.  de  Moritreuil). 
Ensigné  (F.  d')  (Deux-Sèvres),  arr. 

de  Melle). 
Ensisheim  (F.  ouB.  d')  (Haut-Rhin), 

2Û7  (n),  212. 
Epernav  (F.  d')  (Marne),  219. 
Epinal  (F.  d")  (Vosges),  204  (n). 
Epinat  (F.  de  1')    (Indre-et-Loire), 

278. 
Epinay  (B.  d')  (Indre),  273. 
Epinoy  (B.  de  1')  (Indre-et-Loire), 

277. 
Epoisses  (B.  des)   (Doubs,   arr.   de 

Besançon). 
Epping  (F.  d')  (Angleterre),  54  (n). 
Equilina  foresla^  150  in). 
Ennandia  regia  foresla,  201  (n). 
Ermenonville  (F.  d')  (Oise),  169. 
Erviel  (F.  d')  (Yonne),  228. 
Escout  (F.   d')   (Basses-Pyrénées), 

394. 
Esga  sylva,  166. 
Esmans    (F.  d')   (Seine-et-Marne), 

155. 
Espartignac  (F.  de)  (Gorrèze),  358, 

359. 
Epinasse  (F.  de  1')  (Allier,  arr.  de 

Montluçon),  363. 
Essarts  (F.  des)  (Eure  et  Seine-In- 
férieure), 316. 
Essarts  (F.  des)   (Vendée,  arr.  de 

Napoléon- Vendée) . 
Estrapes  (Bois  des)  (Aube),  224  {n). 
Etampes  (F.  d')  (Deux-Sèvres j,  349. 
Etang-Neuf  (B.    de    1')    (Vendée), 

347. 
Etangs    (B.   des)   (Indre-et-Loire), 

275. 
,  Etoile  (F.  de  1')  (Haute-Marne,  arr. 

de  Chaumont). 


Etusson  (F.  d')  (Deux-Sèvres,  arr. 

de  Bressuire),  348. 
Eu  (F.  d')  (Seine-Inférieure),  323, 

324. 
Evêque  (Bois  de  1')  (Nord),  185. 
Everla  {Haiade),  151  (n). 
Evreux    (F.  d')   (Eure),    304,    305, 

307,  313,  314. 
Evroux,  voy.  S.  Evroux  (B.  de). 
Evuriii  {S.)  (Boscus),  257. 
Explenta  {nemiis),  278. 
Eyrieu  (F.  d')  (Isère),  374. 


Fage  (B.  de  la)  (Gorrèze),  359. 
Faget  (B.  du)  (Gôte-d'Or),  224  (n). 
Fagina  sylva,  195  (n). 
Fagne  ou  La  Fagne  (F.  de)  (Nord  et 

Ardennes),    54,    184,    189,    190, 

195. 
Fagne  de  Sains  (B.  de  la)  (Aisne, 

arr.  de  Vervins),  195  {n). 
Fagne  de  Trélon  (B.  de  la)  (Nord,  arr. 

d'Avesnes),  195  (n). 
Fa  igné  (B.  de  la)  (Gôtes-du-Nord), 

335. 
Fains  (Buisson  du  Breuil  de)  (Maine- 
et-Loire),  290. 
Fajel  (sylva  de),  395  (n). 
Falavier  (F.  de)  (Isère),  374. 
Falise  (B.  de)  (Nord),  184. 
Falempin  (B.  de)  (Nord),  186  (?i). 
Fannia  sylva,  54  (n). 
Faou  (F.  du)  (Finistère),  341,  461. 
Farschwiller  (F.  de)  (Moselle,  arr. 

de  Sarreguemines). 
Fauge  (F.  de)  (Aude). 
Fautoye  (B.  de  la)  (Aisne),  160. 
Faux  (F.   de)   (Gôte-d'Or,   arr.   de 

Beaune). 
Faye  (F.  de  la)  (Jura,  arr,  de  Poli- 

gny). 

Faye  de  Valempoulière  (F.  de  la) 

(Jura.  arr.  de  Poligny). 
Febeton  (F.  de)  (Suisse),  254. 
Ft'camp  (F.  de)  (Seine-Inférieure), 

37,  323. 
Féchier    (B,    de)    (Loire,    arr.    de 

Roanne),  353. 
Fère  en  Tardenois  (F.  de)  (Aisne, 

arr.  de  Ghiteau-Thierry),    109, 

166. 


484 


TABLE   GÉNÉRALE. 


Perrière  (F,  delà)  (Seine-et-Marne^, 
163. 

Ferrière  (F.  de  là)  (Deux-Sè\Tes, 
arr.  de  Bressuire),  344. 

Fertans  (F.  de)  (Doubs,  arr.  de  Be- 
sançon). 

Ferté  (F.  de  la)  (Indre-el-Loire). 
Voy.  Bragny  (F.  de). 

Ferté-Vidame  (F.  de  la)  (Eure-et- 
Loir,  arr.  de  Dreux). 

Feytaud  (F.  de)  (Dordogne,  arr.  de 
Périgueux). 

Fiscannensis  sylva,  323. 

Flavignac  (F.  de)  (Haute-"Vienne), 
360. 

Fléteau  (B.  de)  (Indre-et-Loire,  arr. 
de  Tours). 

Flines  (F.  de)  (Nord,  arr.  de  Douai). 

Foilloiis  {nemus  de),  153. 

Folembray(F.  de)  (Aisne),  178. 

Folin  (F.  de)  (Saône-et-Loire). 

Follosii  sylva,  153. 

Folonia  sylva,  302  (?i). 

Fûkrenioald,  213. 

Fontainebleau  ou  de  Bière  (F.  de) 
(Seine-et-Marne),  27  (n),  46,  50, 
146,154,  155,  156,  157,171,201, 
296,  410.  Yoy.  Bière  (F.  de). 

Fontaine-Française  (F.  de)  (Côte- 
d'Or,  arr.  de  Dijon). 

Fontainé-Milon  (B.  de  la)  (Maine- 
et-Loire,  arr.  de  Baugé),  278. 

Fontevrault  (F.  de)  (Maine-et-Loire, 
arr.  de  Saumur). 

Fondfroide  (F.  de)  (Aude),  391. 

Fontpéron  (F.  de)  (Deux-Sèvres). 

Forahwn  sylva,  213. 

Forbach  ^F.  de)  (Moselle,  arr.  de 
Sarreguemines). 

Forêt  Noire  (Allemagne),  30  (n),  72, 
206,211,250. 

Foret  Noire.  Voy.  Hunaudaye  (F. 
de  la). 

Forestel  (F.  du)  (Somme),  177. 

Forestelle  (B.  dej  (Aisne),  178. 

Fossart  (F.  de)  (Vosges,  arr.  de  Re- 
miremont). 

Foucaudière  (F.  de  la)  (Maine-et- 
Loire,  arr.  de  Chollet). 

Fuugaron  (F.  du)  (Haute-Garonne, 
arr.  de  Saint-Gaudcns). 

Fougères  (F.  de)  (lile-et-Vilaine), 
130,  132. 


Fougereuse  (F.  de  la)  (Deux-Sèvres, 

arr.  de  Bressuire),  348. 
Fougues  ou  Foug  (B.  de)  (Meurthe, 

arr.  de  Toul),  201,  203. 
Foulleuse  (B.   de)  (Seine-et-Olse), 

153. 
Fouiognes  (B.  et  F,  de"  (Calvados, 

arr.  de  Bayeux),  302,  303. 
Fourges  (B.  de)  (Eure),  306. 
Fours  (B.  de)  (Nièvre,  arr.  de  ISe- 

vers),  360. 
Fourmies  (La  Haye  de).  Voy.  Haie 

de  Fourmies. 
Fousseaux  (F.  de)  (Indre),  273. 
Fraise  (B.  de)  (Vosges;,  204. 
Fréau  (B.  de)  (Finistère),  341. 
Fresne  (F.  de)  (Meurthe,  arr.  de 

Chàteau-Salins). 
Fresse  ou  La  Presse  (P.  de)  (Jura, 

arr.  de  Poligny),  424,  432  {n\ 
Fretieum  sylva,  229. 
Freley  ou  Fretoy  (F.  de)  (Yonne, 

arr.  d'Auxerre),  229. 
Fretoy  [nemus  de),  180  [n). 
Fretteval  (F.  de)  (Loir-et-Cher,  arr. 

de  Vendôme),  263,  264. 
Freyenwald,  30  (n). 
Fricourt  (F.  de)   (Somme,  arr.  de 

Péronne). 
Frisia  foreslensis,  Ib. 
Froidmont  (F.  de)  (Ardennes,  arr. 

de  Mézières). 
Fromontel  (B.   des  Montagnes  de) 

'Côtes-de-Nord),  34  (n). 
Fruges  (B.  de)  (Pas-de-Calais),  177. 
Fuluhant(F.  de),  25  (n). 
Fursl  (B.  de)  (Moselle,  arr.  de  Sar- 
reguemines). 

G 

Gabas  (F.    de)    (Basses-Pyrénées, 

arr.  d'Oloron),  394. 
Gahrela  sylva,  72,  73. 
Gajon  (P.  de)  (Gers,  arr.  de  Lec- 

toure). 
Gampen(F.  de)  (Allemagne),  35  (n). 
Ganac  (P.  de,  (Ariégc,  arr.  de  Foix). 
Garde  (B.  de  la;  (Vendée),  347. 
Garenne  (B.  de  la)  (Finistère),  341. 
Garrigue   (F.  de   la)  (Tarn-et-Ga- 

ronne,  arr.  de  Montauban),  402. 
Garnache  (F.  de  la)  (Vendée),  347. 


TABLE  GÉNÉRALE. 


485 


Gars  (B.  de)  (Finistère),  341. 
Gars  (F.  du)  (Haute-Garonne,  arr, 

deSaint-Gaudens). 
Garsenland  (F.  de)  (Indre),  272. 
Gartempe  (F.  de)  ^Creuse,  arr.  de 

Guéret),  38  (n). 
Gastines  ou  Gâtines  (F.  de)  (Loir- 
et-Cher),  264,  2G5. 
Gatey  (F.  de)  (Jura,  arr.  de  Dôle). 
Gâtine  (F.  dej  (Indre),  272,  278. 
■Gâtine  (F.  de)  (Vienne),  344. 
Gats  (F.  des)  (Vendée,  arr.  de  Na- 
poléon-Vendée). 
Gault  (¥.  de)  (Marne,  arr.   d'Eper- 

nav),  220. 
•Gault  (F.  de)   (Eure-et-Loir),   263. 
Gavre     (F.    de)    (Loire -Inférieure, 

arr.  de  Savenay) ,  339,  411. 
Gehan  (F.  du)  (Vosges,  arr.  de  Re- 

miremont). 
Gennes  (B.  de)  (Doubs,  arr.  de  Be- 
sançon). 
Gergy  (F.  de)  (Saône-et-Loire,  arr. 

de  Chalon). 
Gervelle  (F.  de)  (Creuse),  365. 
Gesse  (F.  de)  (Aude). 
Gétel  (F.  de)  (Orne,  arr.  de  Dom- 

front). 
Giroussens   (F.  de)    (Tarn,    arr.  de 

Lavaur),  400. 
Gisors_(F.  de)  (Eure),  328. 
Givereio  (for esta  de),  232. 
Givreium  [foresta  de  rupins),  233. 
Givry    (B.   de)  (Saône-et-Loire,  arr. 

de  Chalon),. 233. 
Gnadenwtdd  (Tyrol),  35  (?i). 
Godesque  (Forêt),  392  (?i). 
Goille  ou  des  Goilles  (F.  de)  ou  de  Cal- 

cadis  (Gard,  arr.  du  Vigan),  400. 
Golferni  sylva,  292. 
Gomet  {Venda  de),  258. 
Gondrecourt  (F.  de)    (Meuse,   arr. 

de  Commercy). 
Gorze   (B.    de)    (Moselle,    arr.   de 

Metz). 
Gouffer  ou  Gouffern  (F.  de)  (Orne, 

arr.  d'Argentan),  292,  293,  296, 

428. 
Gouggisberg  (F.  du)  (Suisse),  245. 
Gouline  (F.  de)  (Saône-et-Loire,  arr. 

de  Mâcon). 
Gralas  (F.   de)    (Vendée,    arr.    de 

Napoléon- Vendée). 


Grand  (F.  de)  (Vosges,  arr.  de 
Neufchâteau) ,  116. 

Grand-Bragny  (F.  du)  (Saône-et- 
Loire),  1 32.  Voy.  Bragny. 

Grand-Bois  (B.    lïu)  (Marne),  217. 

Grand-Chaiily  (F.  du)  (CùLe-d'Or, 
arr.  de  Chatillon-sur-Seine). 

Grand-Chapitre  (B.  du)  (Creuse), 
365. 

Grandes  Vendres  (F.  de)  (Hé- 
rault). 

Grandis  sylva,  305,  391. 

Grand  Lande  (F.  de)  (Vendée,  arr. 
des  Sables  d'OIonne). 

Grand-Fayet  (B.  du)  (Côte-d'Or), 
224. 

Grande -Vèvre  (B.  de)  (Haute - 
Saône,  arr.  de  Vesoul). 

Grand  Selve  (F.  de)  (Haute-Ga- 
ronne), 398. 

Grandvaux  (B.  de)  (Saône-et-Loire, 
arr.  de  CharoUes). 

Grange  (B.  de  la)  (Seine-et-Marne, 
arr.  de  Coulommiers',  163. 

Granges  (B.  de)  (Allier),  364. 

Grange  (F.  de)  (Haute-Saône,  arr. 
de  Lure). 

Grantsœuvre  (B.  de)  (Eure),  306. 

Grata  (F.  de)  (Vendée). 

Graloil  {nemus  de],  180  (n). 

Gratuel  (B.  de)  (Seine-et-Marne), 
159. 

Gravelle  (F.  de  la)  (Nièvre,  arr.  de 
Château- Chinon),  234. 

Gravelle  (B.  de  la)  (Isère,  arr.  de 
Grenoble). 

Grésigne  (F.  de)  (Tarn),  400. 

Grosbois  (F.  de)  (Charente),  368. 

Grosbois  (F.  de)  (Indre-et-Loire), 
276. 

Grosbois  (F.  de)  (Allier,  arr.  de 
Moulins),  362,  363. 

Grosme  (B.  de)  (Saône-et-Loire,  arr. 
d'Autun). 

Croulais  ou  La  Croulais  (F.  de) 
(Loire-Inférieure,  arr.  de  Save- 
nay), 330. 

Gitanapii  foresla,  347. 

Guasiinensis  sylva,  265. 

Guerche  (F.  de  la)  (Ille-et-Vilaine, 
arr.  de  Vitré),  129,  130. 

Guerche  (F.  de  la)  (Vienne,  arr.  de 
Chatellerault). 


486 


TABLE    GÉNÉRALE. 


Gueslanter  (F.  de)  (Moselle),  197. 
Guinegault  (B.  de)  (Mayenne,  arr. 

de  Laval). 
Guillaumard  (F.  de)  (Aveyron,  arr. 

de  Sainte-AfTriquej,  399. 
Guines  (F.  de)  (Pas-de-Calais,  arr. 

de  Boulogne),  177. 
Guirbaden  (F.  de)  (Bas-Rhin,  arr. 

de  Schélestadt). 
Guisancourt;B.  de)  (Aisne  ou  Nord), 

182. 
Guise    (Haie    de)  (Aisne,    arr.  de 

Vervins),  190. 
Guyon(B.)  (Eure-et-Loir),  2C8. 


H 


Haartwald  (F.  de)  (Bas-Rhin,  arr. 

de  Wissembourg). 
Ilaguenau  (F.    d')  (Bas-Rhin,  arr. 

de  Strasbourg),    128,   207,   209, 

210,  212. 
Hainaut  (F.  du),  173,  184  (n). 
Haira  (F.  de)  (Basses-Pyrénées). 
Ilaîachhis  lucus,  168  (n). 
Halacla  sylva,  168. 
Hallais  (F.  de)  (Sarthe),  285  (n). 
Ilallatte  (F.  de)  (Oise),  108  (n),  168, 

169. 
Hallois  (nemiis  de),  181  (n). 
Halouze  (F.  d')  (Orne,  arr.  de  Dom- 

front). 
Ilanau  (F.  de)  (Bas-Rhin),  207. 
Handeck  (F.  de  la)  (Suisse),  249. 
Hardelot  (F.  de)  (Pas-de-Calais,  arr. 

de  Boulogne),  177. 
Harlala  s'jlva,  168. 
Hartt  ou  Harth  (F.  de  la)  (Haut- 

Riiin,  arr.  de  Mulhouse  et  Col- 

mar),  207,  209,  210,  212. 
Harz(F.  du) (Allemagne),  77,78,79. 
Haseii  (Venda)  in  Cuisia,  108  (n). 
Hasta  comilis  {nemus),  211  (n). 
Hatten  (F.  de)  (Bas-Rhin,  arr.  de 

Wissembourg),  138,  207  (?i). 
Ilaulles  (B.  des)  fSeine-Inférieure), 

37. 
llaule-Brune  (F.  de)  (Cher),  271. 
Haute  Forêt  (F.  de  la^  (Côte-d'Or, 

an-,  de  Beaune,  canton  de  Nuits 

et  de  Seurre). 
Jlautes-Joux  (F.  des)  (Jura),  241. 


Haute-Seille  (B.  de  la)  (Meurlhe\ 
203  («). 

Haute-Sel ve  (P.  de)  (Ille-et-Vilainc, 
arr.  do  Rennes  et  de  Fougères). 

Haye  (F.  de)  (Meurthe,  arr.  de 
Nancy),  203. 

HayefB. delà)  (Eure-et-Loir),  3 11(«). 

Haye  des  Fées  (B.  de  la)  (lUe-et- 
Vilainc),  66. 

Haye  de  Fourni  les  (la)  (Nord,  arr. 
d'Avesnes),  183. 

IIayed'Avesnes(la)(Nord),  184,  188. 

Ilecium  sylva,  167. 

Heilige-Forsl,  128,  212. 

Heilly  (F.  d')  (Somme,  arr.  d'A- 
miens). 

Heinart-Trist  (F.  de),  58. 

Hellet  (F.  du)  (Seine-Infér.,  arr. 
de  Neufchatel). 

Hennechies  (B.  d')  (Nord,  arr.  de 
Cambray),  182. 

Herbeys  (F.  des)  (Isère  et  Hautes- 
Alpes). 

Herchieu{nemusde),  181  {n). 

Hercynia  sylva,  22,73,  74,  75(n), 
77,  212,  416. 

Héregnières  (B.  d')  (Allier),  302. 

Héric(F.  d")  (Loire-Inférieure),  338, 
339. 

Hénstal(F.  d'),  115. 

Hérival  (F.  d')  (Vosges,  arr.  de  Re- 
miremonl). 

Hermitain  (F.  de  1')  (Deux-Sèvres,  c. 
de  Souvigné,  arr.  de  Niort),  348. 

Hervaux  (F.  d')  (Yonne,  arr.  d'A- 
vallonj,  228. 

Hervaux  fB.  d')  (Oise),  169. 

Hesdin  (F.  d')  (Pas-de-Calais),  177. 

Hespyonia  foresla,  169. 

Hesse  (F.  de)  (Meuse,  arr.  de  "Ver- 
dun), 199. 

Heugnes  (F.  d')  (Indre),  272. 

Hez  (F.  de)  (Oise),  167. 

Hildenhusen  (F.  d')  (Haut-Rhin), 
207,  208. 

Hildonis  syFva,  220. 

Ilircauus  sallus,  75. 

Hœwald  (F.  d")  (Bas-Rhin). 

I/ogis  {sylva  de),  323. 

Hogue  (B.  de)  (Seine-Inférieure), 
323. 

Holmes  (F.  de)  (Somme),  175. 

Honduin(B.  de)  (Aisne),  190. 


TABLE  GÉNÉRALE. 


487 


Hôpital  (F.  de  1')  (Côte-d'Or,    arr. 

de  Chatillon-sur-Seine). 
Horte  (F.  de)  (Charente,  arr.  d'An- 

goulème),  368. 
Houssière  (F.  de)  (Nièvre,  canton  de 

Montsauche). 
Houvre  (F.  de  la)  (Moselle,  arr.  de 

Thionville). 
Hubelwaeldele  (B.  de)  (Haut- Rhin), 

212. 
Hunaudaye    (F!    de  la)  ou  Forêt 

Noire  (I Ile-et-Vilaine),  335. 


He-Bouchard  (B.  de  1")  (Indre-et- 
Loire),  277. 

Indinosa  (F.  de  1')  (Corse),  387. 

Insulanus  nemus,  111 . 

Iratv  (F.  d')  (Basses-Pyrénées),  394, 
396. 

Isneauville  (La  Haie  d')  (Seine- 
Inférieure),  321. 

Isseaux  (F.  d')  (Basses-Pyrénées, 
arr.  d'Oloron). 

Issoudun  (F.  d')  (Indre). 

Iveline  (F.  d').  Voy.  Yveline  (F). 

Ivry  (F.  d')  (Eure),  307. 


Jailly  (F.  de)  (Côte-d'Or,   arr.  de 

Chatillon). 
Jarnac  (F.   de)  (Charente,  arr.  de 

Cognac),  370. 
Javernandus  sylva,  124. 
Jeumont   ^B.  de)  (Nord,  arr.  d'A- 

vesnes),  184. 
Jeune  (F.)  (Dordogne,  arr.  de  Non- 

tron). 
Jocourt  (B.  de)  (Aube),  221. 
Jodrensis  saillis,  161. 
Jonchère  (F.  de)  (Saône-et-Loire). 
Joranus  snllus,  128,  160,  161. 
Jorat  {nemits  de),  252. 
Jouarre  (F.  de)   (Seine-et-Marne), 

128,  160, 161. 
Joux  (F.  de  la  Haute-)  (Jura,  arr. 

de  Poligny). 
Joux  (F.  de)  (Jura,  arr.  de  Saint- 
Claude),  240. 
Jouy  (F.  de)  (Seine-et-Marne,  arr. 

de  Provins),  171,  221. 


Jugny  (F.  de)   (Côte-d'Or,   arr.   de 

Dijon). 
Juigné    (F.    de)    (Loire-Inférieure, 

arr.  de  Châteaubriant),  130,  330. 
Jura  (F.  royale  de)  (Doubs,  arr.  de 

Ponlarlier). 
Jura  (Forêts  du),  70,  239. 
Juranus  sidlus,  244. 
Juris  sylva,  244. 


K 


Karisiacum  foresle  ,111. 

Kasten  (F.  de)  (Haut-Rhin,  arr.  de 

Colmar),  209. 
Katzenwald  (F.  de)  (Bas-Rhin,  arr. 

de  Wissembourg). 
Kiersy.  Voy.  Quiersy,  111. 
Kilescort  {nemus  de),  186  (n). 
Kintzheimer  (F.  de)  (Bas-Rhin,  arr. 

de  Schélestadt). 


Labal  (F.  de).  Voy.  Coly. 
L'Absie  (F.  de)  (Deux-Sèvres,  arr. 

de  Parthenay). 
Lagii  foresla,  255,  257,  258. 
Laide  (F.  de)  (Allier,  arr.  de  Mou- 
lins), 363. 
L'Aigle  (F.  de)  (Orne,  arr.  de  Mor- 

tagne).  296,  313. 
L'Aigle  ^F.'  de).  Voy.  Laigue. 
Laigue  (F.  de)  (Oise),  52,  107,  166, 

167. 
Laigue  (F.  de)  (Isère). 
Laie  [sylva),  149. 
Lalonde  (F.  de)  fSeine-Inférieure\ 

296  (?î),  315,  316,  317,  320,  32h 
I;amandes  (F.    de)    (Haute-Loire, 

caut.  de  la  Chaise-Dieu). 
Lamarche  (B.    de)  (Saône-et-Loire, 

arr.  de  Louhans),  238. 
Lamarche  (B.  de    (Meurlhe),  201. 
Lamballe  (F.  de) '(Côtes  du  Nord), 

335. 
Lambert   (B.    de)  (Vaucluse,    arr. 

d'Apt). 
Lanceia  sylva,  223. 
Lancy  (F.  de)  (Yonne,  canton   de 

Villeneuve-l'Archevôque),  223. 
Lande-d'Airou  (F.  de  la)  (Manche), 

301. 


488 


TABLE  GÉNÉRALE. 


Lande-Pourrie  (F.  de)  (Manche, 
arr.  de  Mortain),  300,  301. 

Landes-Ruchart  F.  de)  (Indre-et- 
Loire,  arr.  de  Ghinon),  275.  Voy. 
Ruchart. 

Langeais  (B.  de)  Indre-et-Loire, 
arr.  de  Ghinon). 

Lanière  (B.  de  ia)  (Nord,  arr.  d"A- 
vesnes). 

Lanmur  ou  Lanmor  (F.  de)  (Gôtes- 
du-Nord),  335. 

Lanoé  ou  Lanouée  (F.  de)  (Mor- 
bihan, arr.  de  Ploermei),  336. 

Larçay  (F.  de)  (Indre-et-Loire,  arr. 
de  Tours). 

Larche  (F.  de)  (Loire-Inférieure, 
arr.  d'Ancenis),  338. 

Laruns  (F.  de)  (Basses-Pyrénées, 
arr.  d'OIoron),  396. 

Lastol  (F.  du  Val  de)  (Basses-Pyré- 
nées). 

Laubrière  (B.  de)  (Loir-el-Gher,  arr. 
deBlois),  130. 

Laiichonia  sylvo,  158. 

Launay  (B.  de)  (Loire-Inférieure), 
339. 

Lavardin  (F.  de)  (Sarthe,  arr.  du 
Mans),  283. 

Lmj3e  vendu,  149. 

Laye  (F.  de)  ou  de  Saint-Germain 
en  Lave  (Seine-et-Oise,  arr.  de 
Versailles),   50,    146,   149,   150, 

151,  m. 

Laye  (B.  de)  (Hautes-Alpes),  379. 
Lea  ou  Lia  sylva,  149. 
Léaux  (B.  de)  (Ardèche),  403. 
Lens  (F.  de)   (Pas-de-Calais,    arr. 

de  Béthune),  112. 
Leodegarii  {sylva  S.),  56  (n). 
Leodia  sylva,  326. 
Léon  (F.  de)  (Finistère),  65. 
Léons  (F.  de).  Voy.  Lyons. 
Leppo  (F.  de)  (Maine-et-Loire,  arr. 

de  GhoUet).  Voy.  Ghaussère  (La). 
Lescar  (B.    de)  (Basses-Pvrénées), 

393. 
Lésine  (F.  de)  (Jura,  arr.   de  Po- 

ligny). 
Lezin  (F.  de)  (Loire-Inférieure,  arr. 

de  Savenay). 
Liberiacensis  sylva,  158. 
Libio  (F.  de)  (Corse),  387. 


Licques  (F.  de)  (Pcs-de-Calais,  arr. 

de  Saint-Omer). 
Lida  sylva,  149. 
Liessies  (B.  de)  (Nord,  arr.  d'Aves- 

uesj,  142. 
Liffré   (F.   de)  (Ille-et-Vilaine,  arr. 

de  Rennes),  337. 
Ligny  (F.  de)  (Meuse,  arr.  de  Bar- 

le-Duc),  202. 
Liheu  ou  Lihus  (B.  de)  (Oise,  arr. 

de  Clermont  et  Gompiègne). 
L'Ile- Adam  (F.  de)  (Seine-ct-Oise, 

arr.  de  Pontoise). 
Lillebonne  fF.  de)  (Seine-Inférieure, 

arr.  du  Havre),  332. 
Limon  i  F.  de)  (Dauphiné),  374. 
Lisganaw  (F.  de)  (Belgique),  59. 
Lisgua  sijlva,  166. 
Lisica  sylva,  107,  166. 
Liriaco  (Doscus  de),  158  («)• 
Livry  (F.   de)   (Seine-et-Oise,  arr. 

de  Pontoise),  146,  158,  159. 
Lochère  (F.  de  la)  (Gôte-d'Or,  arr. 

de  Dijon). 
Loches  (F.  Ae)  (Indre-et-Loire),  278, 

279. 
Lochets  (F.  des)  (Vosges, -commune 

de  Sauville,  arr.  de  Neufchâteau). 
Lochix  nemus,  278. 
Lodes  (B.  de)  (Haute-Garonne,  arr. 

de  Saint-Gaudcns). 
Loges  (B.  des)  (Sarthe).  285. 
Loges  (B.  des)  (Seine-Inférieure),  37, 

323. 
Loma(F.  de)  (Corse),  387. 
Lomont  (F.  de)  (Doubs),  239. 
Londse  venda,  317. 
Long  (B.  du)  (Eure),  306. 
Lonrja  sijlvu,  264,  276. 
Longaunay  (F.  de)  (Maine-et-Loire), 

284,290. 
Long-Boël  (F.  de)  (Eure),  328. 
Longegoulte  (F.  de)  (Vosges,  arr. 

de  Remiremont). 
Longeron  (F.  de)  (Maine-et-Loire, 

arr.  de  Chollel).  288. 
Longeville  (F.  de)  (Moselle,  arr.  de 

Sarreguemines). 
Longue  roye  (B.  de)  (Aisne),  106. 
Longus-Alnetus  [sylva),  284. 
Lonia  sylva,  264. 
Lorez(B.  de)  (Indre),  273. 
Lorges  (F.  de)  (Eure-ot-Loir),  207. 


TABLE   GÉNÉRALE. 


489 


Lorges  (F.  de)  (Gôies-du-Nord,  arr. 

de  Saint-Brieuc  et  Loudéac).  Voy, 

Coet-Lorges. 
Lornie  (F.  de)  (Nièvre,  arr.  de  Cla- 

mecy). 
Loroux  (F.  de)(Côtes-du-Nord),  235. 
LoubiUé  (F.  de)  (Deux-Sèvres,  arr. 

do  Melle). 
Loudéac  (F.   de)  (Gôtes-du-Nord), 

335. 
Louisian  (B.)  (Aisne),  166. 
LûLille  (F.  de)  (Jura,  arr.  de  Poli- 

gny),  70. 
Lourzé  (F.  de)  (Maine-et-Loire,  arr. 

do  Segré),  130. 
Louvaux  (F.  de)  (Morbihan),  336. 
Louvre  (Garenne  du)  (Seine-et-Oise), 

157. 
Lulia  (B.  de)  (Vaucluse,  arr.  d'Aptl, 

381. 
Luljoton  (F.   de)  (Seine-et-Marne), 

ICI,  162. 
Luclieux  (B.  de)  (Pas-de-Calais),  56. 
Lumigny  (B.  de)  (Seine-et-Marne), 

IGl. 
Luna  sylva,  73. 
Lure  (B.  de)  (Basses-Alpes,  arr.  de 

Forcalquier  et  Sisteron) . 
Lussac    (F.   de)   (Vienne,    arr.    de 

Montmorillon). 
Lyons  (F.  de)  (Eure  et  Seine-Infé- 
rieure), 137  (îi).  326,  327. 
Lys  (F.  du)  (Oise,  arr.  de  Senlis). 

M 

Maalel  fovesla,  224. 
Mably  (B.  de)  (Loire,  arr.  de  Roan- 
ne). 
Machecoul(F.  de)  (Loire-Inférieure, 

arr.  de  Nantes). 
Macretet  (F.  de)  (Ain,  arr.  de  Nan- 

tua). 
Magdelaine  (B.  de  la)  (Allier,  arr. 

de  La  Palisse). 
Magnac  (F.  de).  Voy.  Meuzac  (F.  de). 
Magnat  (F.  de)  (Creuse,  arr.  d'Àu- 

bussdn). 
Magot  (B.  de)  (Deux-Sèvres,  arr.  de 

Parthenay) 
Maham  (F.   de)    (Seine-et-Marne), 

160  (n). 
Mairc-Rogier(B.  de  la)  (Eure),  306. 


Maisonrouge  (B.  de)  (Ardennes,  arr- 

de  Vouziers). 
Major  {sylva),  218. 
Malachère  (B.  de  la)  (Haule-Saône), 

409. 
Malapa  sylva,  300. 
Mdlay-le-Roy(F.  de)  (Yonne),  224. 
Maibo  (F.  de)  (Cantal,  arr.  de  Saint- 

Flour),  356. 
Malbosc  (B.  de)  (Ardèche,  arr.  de 

Privas),  403. 
Maldabide  (B.  de)  (Basses-Pyrénées, 

arr.  de  Bayonne). 
Malefre  (F.  do)  (Orne),  300. 
Malestable  (F.  de)  (Sarlhe),  2S5. 
Malevalle  (F.  de)    (Haute-Vienne), 
•     359. 
Malissard   (F.   de)  (Isère,   arr.   de 

Grenoble). 
Malleroye  (F.  de)  ^Saône-et-Loire, 

arr.  de  Ghalon),  233. 
Mallet(B.  de)  (Cantal),  356. 
Malmaison  (B.  de  la)   (Aisne,  arr. 

de  Laon),  189. 
Malnoue    (B.    de)    (Jura,    arr.    de 

Dôle). 
Malo  Perluso  {sylva  de),  302  {n). 
Malpayre  (F.  de)  (Sarthe,  arr.  de  La 

Flèche),  289. 
Manières  (B.  des)  (Vendée),  346. 
Malvèvre  (F.    de)   (Saône-et-Loire, 

arr.  de  Louhans),  238. 
Mangette  (F.  de  la)  (Jura),  241. 
Mangienne  (F.  de)  (Meuse,  arr.  de 

Montmédy),  197. 
Manœuvre  (B.  de)  (Loire  et  Rhône), 

352. 
Mans  (F.  du)  (Sarthe),  283  {n),  284. 
Mans    ou  Mant  (F.    du)    Seine-et- 
Marne),  128,  132fn),  160. 
Ma  range    (F.    de)    (Charente,    arr. 

d'Angouléme). 
Maquis  de  la  Corse,  388. 
Marchenoir  (F.    de)  (Loir-et-Cher, 

arr.  de  Vendôme),  263,  264,  276 

(n),  411. 
Marciana  sylva,  72,  74,  211. 
Maréchats  ou  du  Marchât  (F.   de) 

(Haute-Marne,    arr.     de    Chau- 

mont),  112  (??). 
Mareuil  ouMarealhe  (F.  de) (Vienne, 

arr.  de  Montmorillon),  344. 
Mareuil  (F.  de)  (Dordogne),  369. 


490 


TABLE    GÉNÉRALE. 


Mariage  (F.  de)  (Belgique),  59. 

Marmiesse  (F.  de)  (Cantal,  arr. 
d'Aurillac). 

Marly  (F.  de)  (Seine-el-Oise),  151. 

Marloux  (F.  de)  (Saûne-et-Loire,  arr. 
de  Chalon). 

Marsenac  ou  Marcenat  (F.  de) 
(Allier,  arr.  de  Gannat),  363, 
364. 

Martigny-les-Lamarche  (B.  de) 
(Vosges,  arr.  de  Neufchâteau) , 
38  (n). 

Marsois  (F.  de)  (Haute-Marne,  arr. 
de  Chaumont). 

Martin  (B.)  (Indre-et-Loire),  277(n). 

Martinville  (F.  de)  (Vosges,  arr.  de 
Mirecourt». 

Mary  (F.  de)  (Cantal,  arr.  de  Mau- 
riac), 170  (n). 

Mas  d'Agenais  et  de  Senestis  (F.  de) 
(Lot-et-Garonne,  arr.  de  Mar- 
mande). 

Matte  (F,  de  la)  (Pyrénées-Orienta- 
les, arr.  de  Prades). 

Mauboussin  (F.  de)  (Haute-Ga- 
ronne, arr.  de  Saint-Gaudens). 

Maulevrier  (F.  de)  (Seine-Infé- 
rieure), 321. 

Maulnay  (F.  de)  (Allier),  363. 

Maulne  et  Grailly  (F.  de)  (Cher, 
arr.  de  Saint-Amand). 

Maulnes  (F.  de)  (Yonne,  arr.  de 
Tonnerre). 

Maumusson  (F.  de)  (Loire-Infé- 
rieure, arr.  d'Ancenis). 

Mauny  (F.  de)  (Seine-Inférieure, 
canton  de  Ducler),  317. 

Maupertuis  (F.  de)  j Manche,  arr. 
de  Saint-Lô),  302. 

Maures  (F.  des)  (Var,  arr.  de  Dra- 
guignan),  386. 

Mauzé  (F.  de)  (Deux-Sèvres). 

Mayenne  (F.  de)  (Mayenne,  arr.  de 
Laval  et  Mayenne). 

Mazarin  (F.  de)  (Ardennes,  arr.  de 
Mézières),  195. 

Meaux  (B.  de)  (Seine-et-Marne), 
128,  160. 

Mediana  sylva,  397. 

Meilleraic  (F.  de  la)  (Deux-Sèvres, 
arr.  de  Parthenay). 

Mélinais  (F.  de)  (Sarlhe,  arr.  de  La 
Flèche),  131. 


Melle  (B.  de)  (Deux-Sèvres),  34 
Mellerii  venda.  259. 
Melleroy  (B.  de)  (Loiret),  259. 
Mercoire  (F.   de)  (Lozère,  arr 

Mende,  cant.  de  Langogne),  35i 

(»),  447  (n). 
Mercoires    (F.    de)   (Basses-Alpes, 

arr.  de  Sisteron  et  Forcalquier). 
Méré  (F.  de)  (Eure),  306. 
Merevant  (F.  de)  (Vendée),  345. 
Merssan  (B.  de)  (Indre),  273. 
Mescleuve  (F.  de)  (Moselle,  arr.  de 

Metz). 
Messarges  (F.  de)  (Allier,  arr.  de 

Moulins\  361. 
Meudon  (F.  de)  (Seine-et-Oise),  177. 
Meuzac  ou  Magnac  (F.  de)  (Haute- 
Vienne,  arr.  de  Saint- Yrieix). 
Meynac  (F.  de)  (Haute-Vienne,  arr. 

de  Bellac). 
Miderche  (F.  de)  ou  Muyderswald 

(Meurthe,  canton  de  Fenestrange). 
Milihtm  landa,  277  (n). 
MiramJDel  (F.    de)    (Corrèze,    arr. 

d'Ussel). 
Mirebeau  (F.  de)  (Côte-d'Or,  arr.  de 

Dijon). 
Misedon  (B.  de)  (Mayenne,  arr.  de 

Laval). 
Moidons-Viblanche  et  des  Moidons- 

Papillard  (F.  des)  (Jura,  arr.  de 

Poligny) . 
Moines  iB.  aux)  (Mayenne,  arr.  de 

Lavai). 
Moines  (B.  aux)  (Loir-et-Cher,  arr. 

de  Romorantin),  et  Loiret  (arr. 

d'Orléans). 
Moiadier  ou  Molladier  (F.  de)  (Al- 
lier, arr.  de  Moulins),  360,  361. 
Molendmwn  boscus,  301  (n). 
Molières(F.  de).  Voy.  Meulières. 
Molières  (B.  de)  (Loire),  353. 
Mollencori  îiemus,  180  (n). 
Mollis  caparia  (sylva),  359. 
Mombresme  (F.  de)  (Corrèze),  359. 
Mondon  (F.  de)  (Meurthe,   arr.  de 

Lunéville). 
Mondragon  (B.  de)  (Côte-d'Or,  arr. 

de  Dijon). 
Moiiela  sylva,  288. 
Monc'loau    (B.    de)    (Yonne,    arr. 

d'Au.\erre),  228. 


1 


TABLE    GÉNÉRALE. 


491 


Monnaie  (F.  de)  (Maine-et-Loire, 
arr.  de  Baiigé),  286,  288,  290. 

Nlùnpeje  (F.  de)  (Indre). 

Mon  que  (F.  de)  (Côte-d'Or,  arr.  de 
(Ihatillon-sur-Seine). 

Mont  (F.  du)  (Jura,   arr.  de  Poli- 

gny)- 

Montaigu    (B.   de)   (Puy-de-Dôme, 

arr.  de  Riom),  355. 
Montagne  (F.  delà)  (Saône-et-Loire, 

arr.  d'Autun),  234. 
Montagne    de    Reims    (B.    de  la) 

(Marne),  219. 
Montailles  (B.  de)  (Drôme,  arr.  de 

Valence),  376. 
A[ontar  (F.  de)  (Gorrèze),  358  (n). 
.Mintargis  (F.  de)  (Loiret),  46,  50, 

154,255,256,257,258,261,262. 
Montauriol  (B.  de)  (Aube),  390. 
Montbessy  (F.  de)  (Saône-et-Loire\ 
Montclus  (B.  de)  (Ardèche,  arr.  de 

Largentière). 
Montcoutant  (F.  de)  (Deux-Sèvres, 

arr.  de  Parthenay),  344. 
]Montdésir  (B.  do)  (Haute-Loire,  arr. 

ilo  Brioude,  cant.  de  La  Voute\ 

355. 
MonLech  (F.  de)  (Tarn-ot-Garonne, 

arr.  de  Castel-Sarrazin). 
Mnntederna  sylva,  390. 
Montfermeil  (F.  de)  (Seine-et-Oise), 

159. 
Montferrat  (B.    de)   (Var,   arr.   de 

Draguignan). 
Muntfort  (F.  de)  (Eure),  316,   317 

:«),  318,  410. 
Monlgé  (B.  de)  (Seine-et-Marne,  arr. 

de  Meaux),  159. 
Mont  de  Hère  (B.  de)  (Orne,  arr.  de 

Domfront). 
Montiers(B.  de)  (Yonne),  230. 
Montier-sur-Seaux  (F.  de)  (Meuse, 

arr.  de  Bar-le-Duc),  217. 
Montignon  (F.  de)  (Saône-et-Loire). 
Montigny  (B.  de)  (Aisne,    arr.   de 

Château-Thierry),  au  S.   de  La- 

ferté-Milon. 
Montigny  (B.  de)  (Meuse,  arr.  de 

Montmédy),  199. 
Monlis  foriis  foresta,  3 17  (n). 
Montis  Gaii  nemus,  159. 
Monlis  Odilonis  srjlva,  241. 


Monlis  Salvii  foresla,  357. 

Montison  (B.  de)  (Indre-et-Loire), 
275. 

Montjoyer  (B.  du)  (Drôme,  arr.  de 
Montelimart),  381. 

Mont-Julier  (F.  du)   (Suisse),  253. 

Montléans  (F.  de)  (Isère),  375. 

Montmajour  (B.  de)  (Var,  arr.  de 
BrignoUes). 

Montmeillant  (F.  de)  (Ardennes, 
arr.  de  Réthel). 

Montmirad  (F.  de)  (Sarthe,  arr.  de 
Mamers). 

Montmorency  (F.  de)  (Seine-et-Oise, 
arr.  de  Pontoise),  164,  2l7. 

Montmorency  (F.  de)  (Aube,  arr. 
d' A  rcis-sur-Aube) . 

Mont-Oidelon  ^F.  du)  (Jura),  241. 

Montoulieu  (F.  de)  (Ariége,  arr.  de 
Foix). 

Montpellier  (F.  de)  (Hérault),  391 

Montpensier  (B.  de)  (Puy-de-Dôme 
arr.  de  Riom),  364. 

Montpmçon  (F.  de)  (Calvados,  arr 
de  Lisieux). 

Montrauves  (F.  de)  (Haute-Garonne 
arr.  de  Saint-Gaudens). 

Montréal  (F.  de)  (Ain,  arr.  de  Nan 
tua). 

Montrichard  (F.  de)  (Loir-et-Cher) 
276. 

Monts  (B.  des)  (Pas-de-Calais),  177 

Morgon  (F.  de)  (Hautes-Alpes),  379 

Morin  (B.)  (Eure),  311  {?i). 

Morley  (F.  de)  (Meuse,  arr.  de  Bar- 
le-Duc). 

Mormal  (F.  de)  (Nord,  arr.  d'Àves 
nés),  54,  184,  185,  187. 

Mortagne  (F.  de)  (Belgique),  195. 

Mortagne  (F.  de)  (Charente-Infé- 
rieure), 371. 

Mortain  (F.  de)  (Manche). 

Mosne  (F.  de)  (Aube,  arr.  de  Bar- 
sur-Seine  ;  Yonne,  arr.  de  Ton- 
nerre), 224  (n),  225. 

Motte  (B.  de  la)  (Indre-et-Loire,  arr. 
de  Tours). 

Mouère  (F.  de)  (Indre). 

Meulières  ou  Mollières  (F.  de) 
(Vienne,  arr.   de  Poitiers),  345. 

Moulins  (F.  de)  (Orne,  arr.  d'Ar- 
gentan). 


492 


TABLE   GÉNÉRALE. 


Moultonne  ou   Mullonne    (B.    de) 

(Mayenne,  arr.  de  Mayenne),  288. 

Moussières  (F.  des)    (Ain,  arr.  de 

Nantua). 
Moutier(B.  du)  (Allier),  364. 
Moyeuvre  (F.  de;  (Moselle,  arr.  de 

Thionville). 
Movon   (B.   de)   (Manche,  arr.   de 

Saint-Lô),  .302. 
Mozun  (F.  de)  ''Haute-Loire,  arr.  de 

Brioude,  cant.  de  La  Chaise-Dieu). 
Mundat  (F.  de)  (Bas-Rhin,  arr.    de 

Wissembourg). 
Munet  [F.  de)  (Allier,  arr.  de  Mou- 
lins). 
Munière  (B.   de)    (Aisne,    arr.   de 

Château -Thierry),  166. 
Murât  (F.  de)  (Indre,   arr.   de  La 

Châtre),  365. 
Murât  (B.  de)  (Cantal),  356. 
Murs  (F.  de)  (Vaucluse,  au  S.-O.  de 

Vénasque). 
Myonne  (F.  de)  (Haute-Loire,'  arr. 

du  Puy,  canton  de  Vorey). 


N 


Naharvales  (Bois  sacré  des)  (Germa- 
tia),  76. 

Nainglet(F.  de)  (Saône-et-Loire). 

Nant  (B.  de)  (Haute-Saône,  arr.  de 
Lure) . 

Nantaise  (F.)  (Loire-Tnférioure), 
337,  339. 

Nappes  (F.  des)  (Seine-Infér.  arr.  de 
Dieppe). 

Narbonnaise  (F.  de  la)  (Aude),  400. 

Nassau  (F,  du  Prince  de)  (Bas- 
Rhin),  197. 

Neauphle  (B.  de)  (Seine-et-Oise), 
150  (n). 

Nesle  (F.  de)  (Côte-d'Or,  arr.  de 
Dijon). 

Neubourg(F.  de)  (Eure),  315,  316. 

Neuf-Cantons  (F.  des)  (Saône-et- 
Loire),  306. 

Neuve  (F.)  (Loire-Inférieure). 

Neuville  (F.  de  la)  (Oise),  168  (n). 

New  forest  (Angleterre),  124. 

Nidoiseau  (F.  de).  Vov.  Ny-Oiseau. 

Niedernai(B.  de)  (Bas-Rhin),  33. 

Niederwald,  246. 


Nieppe  (F.  de)  (Nord,  arr,  d'Ha 
brouck). 

Nielfa  (flaia  de),  150  (n). 

Nigrx  vallis  sijlva,  397. 

Nimègue  (F.  de)  (Pays-Bas),  76. 

Nogent-l'Arlault  (Aisne,  arr.  de 
Château -Thierry,  et  Seine-et- 
Marne,  arr.  de  Meaux), 

Noirs  (Les  B.)  (Loire,  arr.  de  Roan- 
ne). 

Noire  (F.).  Voy.  Forët-Noire. 

Noire-Bouze  (F.  de)  (Doubs,  arr.  de 
Baume-les-Daraes,  canton  de  Rou- 
gemont). 

Nossoncourt  (F.  de)  (Vosges,  arr. 
d'Epinal). 

Nouart  (B.  de)  (Ardennes,  arr.  de 
Vouziers) . 

Noues  (F.  des)  (Jura),  433  {n). 

Nouvion  (F.  de)  (Aisne,  arr.  de  V'T- 
vins,\  185,  186,  188,  190,  412. 

Xoviburgi  foresla,  315. 

Xoviomagensis  sylva^  76. 

Nuremberg  iF.  de)  (Allemagne),  80. 

Ny-Oiseau  où  Nidoiseau  (Maine-et- 
Loire,  arr.  de  Segré),  132,  288. 


Obemheim  ou  Obernay  (F.  d")  (Bas- 
Rhin,  arr.   de  Schélestadt),  210. 

Occa  Sylva,  3 16. 

Occidenlalis  sylva,  77. 

Ochey  (B.  d")  (Meuse),  201. 

Ode7iwald,Z0  (n),  37,  211  (?i),  212. 

Odriaca  sylva,  112. 

Odemvald  (F.  d")  (Bas-Rhin,  arr. 
de  Strasbourg). 

Ogerii  boscus,  277. 

Ognensù  sylva,  272. 

Ombrée  (F.  d')  (Maine-et-Loire,  arr. 
de  Segré),  130,  132,  289,  330. 

Ombrets  (F.  des)  (Charente),  370. 

Omont  (B.  d')  (Ardennes,  arr.  do 
Vouziers). 

OmorUm  nemus,  357. 

Onglières(F.  d')  (Jura),  241. 

Orbestier  (F.  d")  (Vendée),  345,  346, 
348. 

Orcynia  sylva,  73. 

Ordesa  (F.  d')  (Basses-Pyrénées), 
396. 


TABLE    GÉNÉRALE. 


m 


(irient  (F.  d')  (Aube,  arr.  de  Troyes 
et  de  Bar-sur- Aube),  43,  221, 
447  (n). 

Oiig7iiaci  sylva,  190. 

Oi'i^iTly  (F.  d')  (Aisne,  arr.  de  Ver- 
vins),  190. 

Orléans  (F.  d')  (Loiret),  50,  154, 
255,  25G,  257,  258,  259,  260, 
201,  262,  268. 

Ormont  (B.  d')  (; Aisne),  166. 

Orville  (F.  d')  (Somme,  arr.  de  Doul- 
lens),  112. 

OUa  sylva,  222. 

niluv  venda,  223. 

Ollionia  sylva,  213. 

Othe  (F.  d')  (Aube,  arr.  de  Troyes, 
et  Yonne,  arr.  de  Joigny),  43,  61, 
155,  222,  223. 

Ouche  CF.  d')  (Orne),  294,  295. 

r)uche  (F.  d')  (Eure),  314. 

Ourscamps  (F.  d')  (Oise),  167  (n). 

Outre-Bois  (F.  d')  (Jura),  241. 


Paciolus  sylva,  229. 

Pact  (F.  du)  (Basses-Pvrénées). 

iMcy  (F.  de)  (Eure),  306,  307. 

l'iigani  boscus,  258. 

l'aganorum  sylva,  73  (n). 

Pail  (F.  de)   (Mayenne,    canton  de 

Yillaine),  286,  287,  288,  293. 
Paimpont  (F.   de)  (Morbihan,    arr. 

de   Ploërmel,    et   Ille-et-Vilaine, 

canton  de  Plélan),  335,  447  (n). 
Paisson    (F.  de)    (Yonne,    arr.    de 

Tonnerre),  224  (n). 
Pal  {Sylva  de),  287.     . 
Palaiseau  (F.   de)    (Seine-et-Oise), 

151. 
Palanges  (F.  des)    (Aveyron,  arr. 

de  Rhodez). 
Palbion  (F.  de)  (Yonne). 
Palecel{Venda  de),  151. 
Paleirotte  (F.  de)  (Bouches-du-Rhù- 

ne),  224  (n),  384. 
Palière  (F.  de)  (Bouchos-du-Rhônb), 

384. 
Pallium  sylva,  287. 
Palson  (F.  de)  (Corrèze),  350. 
Panderemia  sylva,  402. 
Parc  (F.  du)  (Maine-et-Loire,  arr. 

de  Chollet). 


Parc-Chàlon  (F.  du)  (Deux-Sèvres)* 

Parc-Soubise  (F.  du)  (Vendée,  arr* 
de  Napoléon-Vendée). 

Pargues  (F.  de)  (Aube,  arr.  de  Bar- 
sur-Seine),  224  (n). 

Parma  (F.  de)  (Corse),  387. 

Pars  (B.  du)  (Mavenne,  arr.  de  La- 
val), 320. 

Passavant  (F.  de)  (Vosges,  arr.  de 
Mirecourt),  226,  227  {n). 

Pâtis  (B.  des)  (Sarthe),   284. 

Paucourt  (F.  de)  (Loiret),  262. 

Paussac  ou  Peaussac  (F.  de)  (Dor- 
dogne,  arr.  de  Riberac),  369. 

Pavée  (F.)  (Loire-Inférieure). 

Pavillon  (F.  du)  (Haute-Marne,  arr. 
de  Vassy). 

Pelouses  (F.  des)  (Indre-et-Loire), 
277. 

Pennes  (F.  de)  (Bouches-du-Rhône), 
285. 

Perche  (F.  du)  (Orne,  arr.  de  Mor- 
tagne),  283',  297,  299. 

Perray  (F.  du)  (Nièvre,  arr.  de  Ne- 
vers). 

Perreux  (B.)  (Eure),  306. 

Perseigne  (F.  de)  (Sarthe,  arr,  de 
Mamers),  285,  289  (n),  294  298, 
299. 

Pcrseigna  sylva,  285. 

Periica  sylva,  297,  298. 

PerUcits  sallus,  297. 

Perthes  (F.  de)  (Oise),  169. 

Perthes  (F.  de)  (Haute-Marne),  215, 
216,  218. 

Pertre  (F.  de)  (Ille-et-Vilaine,  arr. 
de  Vitré),  330. 

Pinède  de  l'Abbé  (Gard),  392. 

Pierrebrune  (B.  de)  (Puv-de-Dôme), 
355. 

Pietro-Piano  (F.  de)  (Corse),  287. 

Pionsat  (B.  de)  (Puy-de-Dôme,  arr. 
de  Riom),  355. 

Pireta  sylva,  238. 

Place-Blanche  (B.  de)  (Rhône),  352. 

Plana  sylva,  397,  406. 

Planèse  ou  Planoise  (F.  de)  (Saône- 
et-Loire,  arr.  d'Autun),  233, 
234. 

Plante  (F.  de)  (Indre-et-Loire),  278. 

Plasnes  (F.  de)  (Eure),  316. 

Plalanensis  sylva,  316. 

Pleine-Selve  (Gironde,   arrond.  de 


494 


TABLE    GÉNÉRALE. 


Blaye,  et  Charente-Infér.,  arr.  de 
Jonzac),  406. 
Pleisseiz-Hébert  (B.    du}    (Eure), 
^    306. 
Pleumartin  (F.  de)  (Vienne,  arr.  de 

Châtellerault). 
Pognat  (B.  de)  (Creuse),  366. 
Poiseux  (F.  de)  (Nièvre,  arr.  de  Ne- 
vers)  . 
Poligny  (F.  de)  (Jura). 
Pologne  (B.  de)  (Marne),  218. 
Pommeraie  (F.  delà)  (Aisne),  171. 
Pommeraie    (F.    de  la)  (Maine-et- 
Loire),  411. 
Pommerets(B.)  (Ailier),  360. 
Poni  (F.  de)  (Loire-Inférieure,  arr. 

de  Chàteaubrianl),  342  (n). 
Pont-à-Mousson  (F.  de)  (Meurthe, 

arr.  de  Nancy),  203. 
Pontarmé  (F.  de)  (Oise),  169. 
Pontcallec  (F.  de)   (Morbihan,  arr. 

de  Lorient). 
Pont-de-l'Arche  (F.  de) (Eure),  316, 

328. 
Pont-l'Evêque  (F.   de)   (Calvados). 
Ponliciacensis  sylva,  355. 
Pontoise  (F.  de)  (Seine-et-Oise). 
Port  d'Ablevoie  (B.  du)  (Indre-et- 
Loire),  280. 
Portmort  (F.  de)  (Seine-Inférieure), 

326  (n). 
Pouecouri  (Vendu  de),  262. 
Poudras  (F.  de)  (Corrèze),  358  (n). 
Pourîans  (F.  de)  (Saône-et-Loire,  arr. 

de  Châlon). 
Pramenou  (B.  de)  (Rhône,  arr.  de 

Yillefranchc),  353. 
Pravols  (F.  de)    (Ariége,   arr.   de 

Foix). 
Préaux    (F.    de)    (Seine-Inférieure, 

arr.  de  Rouen),  321. 
Prondeignes  (F.  de)  (Lot,   arr.  de 

Figeac),  402. 
Preuilly    (F.    de)    (Indre-et-Loire, 

arr.  de  Loches),  279. 
Prieur  (F.  du)  (Seine-et-Oise),  152. 
Prieuré  (F,  du)  [Allier,  arr.  de  Mou- 
lins;. 
Prince  (F.  de)  (Loire-Inférieure,  arr. 

de  PaimbeuO,  339. 
Puleus  Arlesii  (sylva),  338. 
Puzarlès  (F.  de)  (Bretagne),  338. 


Quatrevaux  (F.  de)  (Charente,  ai 

de  Confolens),  369. 
QuayaB  boscus,  164. 
Quaye  (B.  de)  (Oise),  164. 
Quesnays  {nemus  les),  181  (n). 
Quênay  (F.  du)  (Calvados),  302. 
Quènet  (B.  du)  (Pas-de-Calais  ,  17' 
Quenecan  (F.  de)  (Morbihan,   ai 

de  Pontivy). 
Queue  (la)  de  Buchy  [Cauda  de  Dit- 

chy  nemus),  180  (n). 
Queue  (B.  de  la)  (Eure),  306. 
Quierzy  (F.  de)  (Aisne,  arr.  de  Laon), 

167  (n).  Voy.  Kiersy. 
Quimperlé  (F.  de)  (Finistère). 
Quintin    (F.    de)    (Côtes-du-Nord), 

330,  335,  341  (n). 
Quirin   (B.  de)    (Meurthe,  arr.  de 

Sarrebourg). 

R 

liabiosa  sylva ,  223. 
Bableise  boscus,  259. 
Rab ourdi  nemus,  180  («). 
Raches(B.  de)  (Nord),  188. 
Raçeon  (B.  de)  (Loir-et-Cher),  269. 
Rahon  (F.  de)  (Jura,  arr.  de  Dôle). 
Rainaldi  boscus,  179. 
Raismes  (F.  de)  (Nord,  arr.  de  Va- 

lenciennes). 
Rajeuse  (F.  de''  (Aube,  canton  d'Ar- 

ces),  223. 
Rambouillet  (F.  de)  (Seine-et-Oisu), 

50,  153. 
Ramiex  (F.  de)  (Gers). 
Ramodeins  (F.  de)  (Aude,  arr.  de 

Carcassonne). 
Rançon  (F.  dej  (Loir-et-Cher,  arr. 

de  Blois). 
Rançon  (F.  de)  (Haute-Vienne,  arr. 

de  Bellac). 
Randan  (B.  de)  (Puy-de-Dôme,  arr. 

de  Riom),  364. 
Ranegros  (B.  de)  (Lozère,   arr.  de 

Mende). 
Rascuine  (B.  de)  (Drôme,  canton  de 

Rémuzat). 
Regnaval  (F.  de),  voy.  Renneval. 
Reine   (B.  de  la)   (Meuse,  arr.  de 

Commercy),  201. 


TABLE    GÉNÉRALE. 


495 


U(3lanvaux  (F.    de)    (Haute-Marne, 

arr.  de  Chaumont),  112  [n). 
Remberviller   (F.  de)  (Vosges,  arr. 

d'Epinal). 
Remich  (F.  de)   (Moselle,    arr.  de 

Metz) . 
liomiliy   (F.  de)  (Moselle,    arr.   de 

Metz),  197. 
Renay  (B.  de)  (Loir-et-Cher),  264. 
Renève  (B.  de)  (Côte-d'Or,  arr.  de 

Dijon). 
Rennes    (F.    de)    (Ille-et-Vilaine), 

131,  337. 
Renneval     ou    Regnaval     (F.     de) 

Aisne,  arr.  de  Laon),  186,  190. 
Reno  (F.  de)  (Orne.  arr.  de  Morta- 

gne),  298. 
Rt'tz  ou  Rest  (F.  de)  (Aisne),   140, 

165,  166.  434. 
Reunchy    (B.   de)   (Saône-et-Loire), 

233. 
Ilheinwald,  251. 
liieuines  (F.   de)   (Haute-Garonne, 

arr.  de  Muret). 
Richelius  saUus,  219. 
Rigambat   (F.   de)    (Aveyron,    arr. 

d'Espalion),  au  N.  de  celle  d'Au- 

brac. 
Rigeihis  7}emiis,  219. 
Ris  (F.  de)  (Aisne,  arr.  de  Cliàteau- 

Thierry),  109. 
Risou  (F.  de)  (Suisse),  254. 
Rispeviile  (B.  de)  (Eure  ou  Seine - 

Inférieure),  317. 
Rixlieim  (F.  de)  (Haut-Rliin),   38, 

207  (n) 
Roche  (F.  de  la)  (Puy-de-Dôme,  arr. 

de  Clermont). 
Roche  (F.  de)  (Puy-de-Dôme,   arr. 

de  Riom). 
Roclie  Boaucourt  (B.  de  la)  (Dordo- 

gne).  369. 
Roche-Bernard  (F.  de  la)  (Loire-In- 
férieure et  MorlMhan). 
Rochechouart     (F.      de)      (Haute- 
Vienne). 
Rochefort  (B.   de)   (Seine-et-Oise), 

151. 
Roche-Servière  (F.  de)  (Loire-Infé- 
rieure, ai'r.  de  Nantesi,  264. 
Roclieval(B.  de)  (Loir-et  Cher),  264. 
Roc  ou  Rouée  (F.  de  la)  (Mayenne, 

arr.  de  Chàteau-Gontier),  130. 


Roi  (B.  du)  (Nord),  187. 

Roi  (B.  du)  (Meuse),  202. 

Roi  (B.  du).  Voy.  Duc  (F.  au). 

Romainville  (B.  de)  (Seine). 

Romara  sylva,  321. 

Roniarixvenda,  321  (n). 

Romilly  (F.   de)   (Moselle,  arr.  de 

Metz). 
Romont  (F.  de)  (Vosges,   arr.  d'E- 
pinal), 204. 
Roorlii  vencla,  258. 
Roseux  (F.  dej  (Eure),  307. 
Rosheim  (F.  de;  (Bas-Rhin,  arr.  de 

Schélestadt). 
Rosny  (B.   de)  (Seine-et-Oise,  arr. 

de  Mantes). 
Rospa  (F.  de.,  (Corse),  287. 
Rotmariensis  sylva,  321 . 
Rolunda  syhm.,  378. 
Rouffach    (F.     de)     (Haut-Rhin), 

212. 
Rougeaux   (F.   de)    (Seine-et-Oise, 

arr.  de  Corbeil),  157. 
Rougey  (B  de)  (Loir-et-Cher),  269. 
Roumare  ou  Romare  (F.  de)  (Seine- 
Inférieure),  143,  321,  410. 
Route  (F.  de)  (Marne),  219. 
Routot  (La  Haie  de)  (Eure),  408. 
Rouvray  (F.  de)  (Seine-Inférieure), 

144  (n),  306,  320. 
Rouvray    (F.    de)    (Seine-et-Oise), 

146,  149. 
Rouvray  (B.  de)  (Meuse,    arr.   de 

Montmédy) . 
RoverUum  sylva,  149,  320. 
Rovroy  {nemus  de),  180  (n). 
Roze  (B.  de).  Voy.  Roseux,  360. 
Roze(B.  de)  (Allier). 
Ruban  (B.)  (Indre),  273. 
Rubra  {sylva},  221. 
Hucharl  [nemus  de),  275. 
Ruchart  (Voy.  Lande  Ruchart). 
Rudeau  (B.  de)  (Dordogne),  369. 
Ruffec  (F.  de)  (Charente). 
Ruflin  (B.)  (Loir-et-Cher),  263. 
Rumcira  sylva,  188  [n). 
Rumetre    (F.   de)   (Belgique),     188 

(n). 
Rumilly  (F.  de)  (Aube),    43,   222, 

224. 
Rupt  (B.  de)  (Haute-Marne,  arr.  de 

Vassy),  216. 


496 


TABLE    GÉNÉRALE. 


S 


Sablonne  (B.  de)  (Orne),  298. 
Sacerge  (F.  de)  ^Indre),  273. 
Sacrée  (F.)  (Allemagne),  211  (/i). 
Safré  ou  Saffré  (F.  de)  (Loire-Infé- 
rieure,   arr.    de    Châteaubrianl), 

338. 
Saignelte  (F.  de)  (Haute-Loire,  cant. 

de  Pinols, . 
Saint-Agile  (B.  de)  (Loir-et-Cher), 

269. 
Saint- Amand  ;F.  de)  (Nord),  54  (?;), 

186,  197. 
Saint-Amand    de    Bouex    (F.    de) 

(Charente,  arr.  d'Angoulême). 
Saint- Arnoult  (F.  de)  (Seine-Infér., 

arr.  d'Yvetot). 
Saint-Aubin  (F.  de)  (Jura,  arr.  de 

Dole),  433  (n). 
Saint-Aubin  de  Beaubigné  (F.  de) 

(Deux-Sèvres,  arr.  de  Bressuire). 
Saint- Aubin  du    Cormier    (Ille-et- 

Vilaine,  arr.  de  Rennes  et  Fou- 
gères). 
Sainl-Avold  (F.  de)   (Moselle,  arr. 

de  Sarreguemines),  197. 
Saint-Benoit  (F.  de)  (Vosges,  arr. 

d'Epinal). 
Saint-Benoît  du  Sault  (F.  de)  (Indre, 

arr.  du  Blanc),  411. 
Saint-Céré  (F.    de)    (Lot,    arr.   de 

Figeac),  402. 
Saint-Christophe  (F.  de).  Yoy.  Sen- 

lis(F.  de)  (Oise),  168. 
Saint-Claude  (B.  de)  (Loir-et-Cher), 

264. 
Saint-Cloud  (B.  de)  (Seine-et-Oise), 

149. 
Saint-Cyr  (Haie  de)  (Indre-et-Loire) . 

281. 
Saint-Dagobert  (F.  de)  (Meuse,  arr. 

de  Monlmédy). 
Saint-Denis  (F.    de)   (Seine),    147, 

148,  162. 
Saint  Eloy  (B.  de)  (Pas-de-Calais). 
Saint-Engrace    (F.    de)    (Basses- 
Pyrénées,  arr.  de  Mauléon). 
Saint-Etienne  (F.  de)  (Meurthe),  202. 
Saint-Etienne  (B.  de)  (Yonne),  229. 
Saint-Euverte  (B.  de)  (Loiret),  257. 
Saint-Evrc  (F.  de)  (Meurthe),  202. 


Saint-Evroult  (F.  de)  (Orne),  293. 
Saint-Evurte(B.  de)  (Loiret).  257. 
Saint-Gemme  (F.  de)  (Vendée,  ari'. 

de  Fontenay),  près  Luçon. 
Saint-Georges  (F.  de)  (Isère),  374. 
Saint-Georges  (F.  de)  (Haute-Saône). 
Saint-Germain   (F.  de)  (Côte-d'Or, 

arr.  de  Beaune,   cant.  de  Lier- 

nais\  234. 
Saint-Germain  (F.  de)  (Creuse,  arr. 

de  Guéret),  365. 
Saint-Germain  en  Laye  (F.  de).  Voy. 

Laye  (F.  de). 
Saint-Germier  (F.  de)  (Deux-Sèvre^ 
Saint-Gobain  (F.  de;  (Aisne,  arr.  i. 

Laon),  178. 
Saint-James  (F.  de)  (Dordogne,  ai  r. 

deNontron),  369,  404. 
Sainl-Jean-Fontaine  (F.  de)  (Meur- 
the, arr.  de  Chàteau-Salins). 
Saint-Laurent  (F.  de)  Vov.  Vierzon 

(F.  de). 

Saint-Léger  (F.  de)  (Deux -Sèvres). 
Saint-Léger  (B.  de)  (Seine-et-Oise,^ 

arr.  de  Rambouillet). 
Saint-Loup  (F.  de)  (Aube,  canton 

de  Brienne),  223. 
Saint-Lyé  (B.  de)  (Loiret),  258. 
Saint-Mars  (F.  de)  (Loire-Inférieure, 

arr.    d'Ancenis;  Maine-et-Loire^ 

arr.  de  Segré),  411. 
Saint-Martin    (F.   de)    (Ardennes, 

arr.  de  Mézières). 
Saint-Martin  du  Fouilloux  (F.  de) 

(Deux-Sèvres,  arr.  de  Parthenay), 
Saint-Maurice    (B.    de)    (Ardèche, 

arr.  de  Privas),  403. 
Saint-Maurice    (B.   de)    (Indre-et- 
Loire),  275. 
Saint-Méen  (F.  de)  (lUe-et-Vilaine, 

arr.  de  Montfort\  335. 
Saint-Michel  (B.  de';  (Yonne).  225. 
Saint-Michel  (F.  de)  (Indre  et  Indre- 
et-Loire),  279. 
Saint-Michel  (F.  de)  (Aisne,  arr.  de 

Vervins),  183,  190. 
Saint-Ouen-les-Parey  (F.  de)  (Vosges, 

arr.  de  Neufchàteau),  411. 
Saint-Palais  (F.  de)  iCher,  arr.  de 

Sancerre). 
Saint-Paul  (F.  de)(Indre\  272,  278. 
Saint-Pierre  (B.  de)  (Allier),  362. 
Saint-Pierre  (B.  de)  (Sarlhe),  285. 


TABLE    GÉNÉRALE. 


49V 


Saint-Pierre  (F.  de)  (Oise),  167. 
Sdint-Porchaire    (F.    de)    (Deux- 
Sèvres,  arr.  de   Bressuire  ,   348. 
Saint-Remy  (B.  de)  (Aube),  214 (n). 
Saint-Reslitut  (F.  de)  (Drùme,  arr. 

de  Montolimart),  381. 
Saint-Saens    (F.  de)   (Seine-lnfér., 

arr.  de  Neufchalel). 
Saint-Saturnin  (F.  de)    (Saône-et- 

Loire\ 
Saint-Sauveur  (F.  de  (Deux-Sèvres, 

arr.  de  Bressuire). 
Saint-Sauveur  (F.  de)  (Manche,  arr. 

de  Valognes),  301. 
Saint-Sever  (F.  de)  (Calvados,  arr. 

de  Vire),  301. 
Saint -Sulpice    (F.     de)    (  111e -et - 

"Vilaine,  arr.  de  Rennes),  131. 
ëaint-Waast  (F.  dei.  Yov.  Waasl 

(F.  de  S.-). 
Sainte  (F.)  ou  de  Ilaguenau  (Bas- 
Rhin),  212. 
Sainte-Apolline    (B.  de)  (Seiue-ct- 

Oise),  150  (?j),  152. 
Sainte-Baume  (F.  de  la)  (Var),  385, 

3.(3. 
Sainte-Berthc  (F.  de)  (Creuse),  365. 
Sainte-Dode  (B.  de)  (Gers,  arr.  do 

Mirande). 
Sainte- Geneviève  (F.    de)   (Meuse, 

arr.  de  Bar-le-Due). 
Sainte-Menehould  (F.  de)  (Marne), 

201. 
Sainte-Radegonde  (B.  de)  (Charente- 
Inférieure),  371. 
Saintes  F. de) (Charente-Inférieure), 

309,370,371. 
Salabert  (B.  de)  (Tarn),  401. 
Salagiiac(F.  de)  (Dordogne,  arr.  de 

Périgueux),  404. 
Salerons  (B.  des)  (Indre),  273. 
Salmotiacvm  foresle,  110. 
Salmoucy  fF.   de)    (Aisne,  arr.  de 

Laon),  110,  179. 
Sancla  foresla,  211  (n;. 
Sancti  Apri  sylca,  202. 
S.  Lœii  hoscus,  258. 
S.  Liipi  nemus,  223. 
Sanlonx  sijlva,  3G9. 
Sanzel  (B.  de)  (Charente-Inférieure), 

371. 
Saon  (F.  de,  (Drùme). 


Sapet  (F.  de)  (Haute-Loire,  an-,  du 

Puy,  canton  d'Allègre). 
Sarris  (F.    de]   (Seine  et  Seine-et- 

Oise),  146,  147,  148,  150. 
Salanacum  foresle,  112. 
Saulnot  (B.  de)  (Haute-Saône,  arr. 

de  Lure). 
Saul  foresl  (Hindoustan),  15. 
Sault   de  Grillet  (F.  du)  (Vendée, 

arr.  de  Fontenay). 
Saulcy  (F.  de)  (Meuse,  arr.  de  Com- 

mercy],  202. 
Saulve-Slajour,  404. 
Saurais  (F.  de)  (Deux-Sèvres,   arr. 

de  Parthenay). 
Saussey  (F.  de)  (Côte-d'Or,  arr.  de 

Beaune). 
Sautron  (F.  de)  (Loire-Inférieure), 

339. 
Sauve-Cane    (F.    de)   (Bouches-du- 

Rhône),  383. 
Sauvestre  (F.  de)  (Basses-Pyrénées). 

305. 
Savigneio  {foresla  de),  131  {n). 
Savigny  (B.    de)  (Saùne-et-Loire), 

238. 
Savigny  le  Yieux  (F.  de)  (Manche, 

arr.  de  Mortain),  130,  131. 
Savoie  (Forêts  de  li),  245,  246. 
Scay  (F.  du)  (Doubs,  arr.  de  Pon- 

tarlier). 
Scévolle    (F.  de)    (Vienne,   arr.  de 

Loudun). 
Schélesladt     (F.     de)     (Bas -Rhin), 

207  [n). 
Schirrheim  (F.  de)  i  Bas-Rhin,  arr. 

de  Strasbourg),  38,  207  (n). 
Schwarzwald,  72. 
Scissy  (F.  de)  (Gaules),  40. 
Secondigné  (F.    de)  (Deu.x-Sèvres, 

arr.  de  Melle). 
Seillon  (F.  de)  (Ain,  près  Bourg). 
Seltz   (F.    de)    (Bas-Rhin,   arr.    de 

Wissembourg),  207  in). 
Selve  (F.  de^,  (Gaule  Belgique),  110. 
S:-lve(B.  de'la)  (Aude),  390. 
Scmblancay  (F.  de)  (Indre-et-Loire, 

arr.  de  Tours),  265. 
Semnons  (F.  des)  (Germanie),  7G. 
Sempliaco  {foresla  de),  265. 
Senart(F.  de)  (Seine-ct-Oise\  157, 

171,  172. 
Senlis(F.  de)  (Oise),  168,  169. 

32 


498 


TABLE   GÉNÉRALE. 


Senonches   (F.  de)    (Eure-et-Loir, 

arr.  de  Nogent  le  Rotrou),  299. 
Seppez  (B.  de;   Suisse),  254. 
*  Sept-Cantons    (F.    des)   (Saône-et- 

Loire). 
Sept-Viiles  (F.  des)  (Eure),  328. 
So]Jtême    (F.    de)    (Isère,   arr.    de 

Vienne),'  374. 
Sequanm saillis,  60,  239,  240,  243. 
Sermaize  (B.  de), 'Marne,  arr.   de 

Vitryle  Français),  216. 
Servais  (F.  de^   (Oise  et  Seine-et- 
.    Oise),  165. 
Serveirin  (F.  de)  (Isère). 
Sessiaciim  sylva.  49. 
Signy-le-Grand  (F.  de)  (Ardennes, 

arr.  de  Mezières),  195, 
Signy-le-Pelit  (F.    de)    (Ardennes, 

arr.  de  Rocroyj. 
Silié  (F.  de)  iSarthe.  arr.  du  Mans), 

286,  293. 
Silvacum  ou  Silviacum  foresla,  52, 

110. 
Silve  (B.  de  la)  (Hautes-Alpes). 
Silveison  (F.  de)  (Eure),  320. 
Silveline    (F.    de).    Vov.    Andaine 

(F.  d'),  286. 
Silveréal    (F.    de)    (Bouches  -  du  - 

Rhùne),  383,  384. 
Simiane  (B.  de)  (Basses-Alpe?,  arr. 

de  Forcalquier,  cant.  de  Banon). 
Sirault  ou  Tirault(F.  de)  (Belgique), 

54. 
Sonnenvald.  196. 
Soignes  (F.  de)  (Belgique),  54,  64. 
Soniaca  sylva,  54. 
Sorans  (F.  de)  ,'Haute-Saône,  arr. 

de  Vesoul,  canton  de  Rioz),  239. 
Sorans-les-Cordiers  (B.  de)  (Haute- 
Saône,  arr.  de  Vesoul). 
Sorcy  (B.  de)   (Ardennes,   arr.  de 

Réthel). 
Soudrin   (F.    de )   ( Cher,    arr.  de 

Bourges). 
Souillv  (F.  de)  (Meuse,  arr.  de  Ver- 
dun), 199. 
Soulaines   (F.   de)   (Aube,   arr.    de 

Bar-sur- Aube),  43. 
Sourdun  (F.  de)  (Seine-et-Marne, 

arr.  de  Provins),  171,  220. 
Souiz-sous-Foréts  (F.  de)  (Bas-Rhin, 

arr.  de  Wissembourg),  209  («). 
Spesshart,  77. 


Spîendida  foresla,  278. 

Splenla  foresla,  278. 

Stenay   (F.    de)  (Meuse,  arr.    do 

Montmédy),  111. 
Strasbourg  (B.  de)  (Bas-Rhin),  207. 
Suez  (F.  de)  (Bouches-du-Rhône), 

384. 
Surdoira  sylva,  359. 
Surdoire  (F.  de)  (Corrèze),  350. 
Sutherland  (F.  de)  iEcosse),  419  (n). 
Si/lcacana,  383. 
Sylva  Ma,  133,  394,  395. 
Sylva  regalis,  383. 
Sylva  major,  404. 
Svlvanecles  (F.  des),  53,  105,  106, 

109,    110.    111,    159,    164,    165, 

1G8,  177,  170,  182. 
Sylveslris  pagus,  395. 


Tancarville  (B.  de)  (Seine-Infé- 
rieure, arr.  du  Havrel,  322. 

Tahy  iF.  de)  (Haut-Rhin). 

Taillade  (B.  de  la). (Hérault,  arr.  de 
Montpellier). 

Taillade  i^F.  de)  (Bouches-du-Rhône) , 
384. 

Tanoise  (F.  de)  (Gôte-d'Or.  arr.  de 
Beaune,  canton  de  Liernais). 

Taulignan  (F.  de)  (Drùme.  arr.  de 
Montelimart,  au  N  -0.  de  la  ville 
de  ce  nom). 

Teil  (F.  du)  (Ille-et-Vilaine,  arr.  de 
Vitré).  66. 

Teiilay  ou  Tellier  (F.  du)  (Indre-et- 
Loire\  275. 

Teille  F.  de)  (Loire-Inférieure,  arr. 
de  Châteaubriant  et  Ille-et-Vi- 
laine, arr.  de  Redon). 

Temple  (F.  du)  (Indre),  365. 

Teoracia  sylva,  56,  183  (n),  189. 

Ternoise  (B.  de  la)  (Pas-de-Calais), 
177. 

Toutoburg  (F.  de)  (Germanie).  76. 

Tharlet  (  B.  de)  (Ain,  arr.  de 
Bourg) . 

Thel  (F.  du)  (Oise). 

Thibaut  ou  Thibault  (F.  de)  ^ndre), 
273. 

Thiérache  fF.  de)  (Aisne  et  Somme], 
56,  57  (n),  61,  183,  186,  189, 
190,  195. 


TABLE   GENERALE. 


499 


Thigahitsca  si/lva,  129. 

Thimerais    (F.    de)   (Eure-et-Loir, 

arr.  de  Dreux),  268. 
Thionville  (B.  de)  (Moselle),  197. 
Thiron  (F.  de)  (Eure-et-Loir),  300. 
Thivole    (F.    de)    (Drôme,   arr.    de 

Valence],  376. 
Thoraldi  syiva,  59. 
Thuringenrald,  72,  73,  77. 
Tiberge  (F.  de)  (Isère). 
Tilleul  (B.  du)  (Aisne),  178. 
Tilliacum  nemus,  275. 
Tillots  (F.  des)  (Moselle,    arr.    de 

Briey). 
Tiloit  (B.  de)  (Nord),  184. 
Timariensis  sylva,  268. 
Tirant  (F.  de\  Voy.  Siraut  (F.  de), 

54. 
Tirincouit  (F.  de) (Somme),  176(??). 
Toilloux  (B.  du)  (Aisne  ou  Nord), 

185. 
Tombe  (F.  du  Mont)  (Manche,  Ille- 

et-Vilaine),  50. 
Tonne  (F.    de   la)  (Indre,   arr.    de 

Châteauroux,    et   Indre-et-Loire, 

arr.  de  Loches),  271,  278. 
Torfou    (F.    de)    (Loire-Inférieure), 

340. 
Torsac  (B.  de)  (Charente,  arr.  d'An- 

goulême),  368. 
ToriavaUe  sylva,  302  (?!)• 
Torteval  (F.  dej  (Calvados,  arr.  de 

Bayeux),  302. 
Tolehèle  ou  Tothil  (F.  de)  (Angle- 
terre), 25  (n). 
Touques    F.  de)  (Calvados,  arr.  de 

Pont-l'Evêque),  303. 
Tournehem    (F.  de)  (Pas-de-Calais, 

arr.  de  Saint-Omer). 
Tournelles  (B.  des)  (Aisne,  arr.  de 

Château-Thierry). 
Touvois   (F.   de)   (Loire-Inférieure, 

arr.  de  Nantes). 
Traconne   (F.    de   la)  (Marne,  arr. 

d'Epernay),  220. 
Trait  (F.  du)  (Seine-Inférieure,  près 

Gaudebec),  321. 
Tranlois  (B.  de)  (Aisne),  178. 
Transylvanie  (F.  de),  73  (n). 
Trappes  (B.  de)  (Seine-et-Oise),  150 

•(n),  152. 
Trasselangue  (B.  de)  (Eure),  306. 
Tregarou  (F.  de)  (Lot),  401. 


Trélon  (La  Haie  ou  F.   de)  (Nord, 

arr.  d'Avesnos). 
Trémonts  (F.  des)   (Ardennes,  arr. 

de  Réthel). 
Tremblay  (B.    du)  (Seine-et-Oise\ 

169. 
Tresgonus  sylva,  40 1 . 
Tretore  (F.  de)  (Corse),  387. 
Trisliacensis  sylva,  56. 
Trode  (B.  de)  (Aube),  221. 
Trois-Fontaines    (B.    ou    F.    des) 

(Haute-Marne,   arr.    de    Vassy), 

216. 
Tronçais   (F.    de)    (Allier,    arr.   de 

Montluçon),  361,  362. 
Troncay  iF.   de)    (Nièvre,   arr.   de 

Clamecy    et   de  Nevers,    canton 

de  Saint-Saulge). 
Tronquel  (B.    de)    (Aisne,   arr.   de 

Château-Thierry). 
Tronqueux  (B.  de)  (Eure),  306. 
Trouhart(F.  de)  (Calvados),  410 
Truche  (F.  de  la)  (Haut-Rhin). 
Truchy  (F.  de)  (Saône-et- Loire,  àrr. 

de  Louhans). 
Tul  ou  Tuleau  (B.  de)  (Yonne),  230. 
Tupigny  (F.    de)    (Aisne,   arr.    de 

Vervins),  182. 
Tusson  (F.  de)  (Charente,   arr.    de 

Ruffec),  348. 


U 


Uchon  (F.  d')  (Saône-et-Loire,  arr. 
d'Autun). 

Uechtland  (F.  de  1')  (Allemagne), 
252. 

Ugny  (B.  d')  (Meuse,  arr.  de  Com- 
mercyl,  201. 

Uriage(F.  d')  (Isère,  arr.  de  Gre- 
noble), 378. 

Usia  sylva,  222. 

Ulicensis  sylia,  294. 


Vaast  (F.  de)  (Somme).  Voy.  Saint- 
Vaast. 

Vacquies  (F.  de)  (Haute-Garonne, 
arr.  de  Toulouse,  canton  de  Le- 
gnevin,  au  N.  de  Legnevin). 

Vaindrin  (F.  de)  (Seine-et-Oise),  152. 


500 


Vaivre  (F.  de)  'Jura,   arr.  de  Po- 

ligny)- 
Val  (F.  du)  (Haute-Marnp,   arr.  de 

Va?sy),  218. 
Valbonne  (B.  de)  (Ardèche\  403. 
Val.loniello  (F.  de)  (Corse),  387. 
Valençay  (F.  de)  (Indre). 
Valence  (F.  de)  (Tarn). 
Valence  F.  de)  (Seine-et-Marne). 
Valencuurt  B.  de)  (Ardennes),  190. 
Vallée-Noire  (F.  delà)   Gers),  397. 
Vallès  (F.  de)  (.Mayenne,  canton  de 

Ghâteau-Gontier). 
Valeres  [nemiis  de),  12b. 
Valois, F.  de),  146. 
Vaour,  Vaur  ou  La  Vaur  F.  del, 
(Tarn,  arr.  de  Gailiac),  402,  41.8. 
Vassy  (F.  de)  (Haute-Marne),  219. 
Vaslus  saillis,  56,  58. 
Valin  F.  de)  (Indre),  272,  278. 
Vauclairon    (F.   de)  (Cùte-d'Or  ou 

Nièvre),  224  (n). 
Vaucouléurs  (F.   de)  (Meuse,   arr. 

de  Commercy). 
Vaucré  B.)  ^\in  ou  Saône-et-Loire), 

238. 
Vautel.is  F.  de)  (Deux-Sèvres,  arr. 

de  Parlhenay). 
Vaux   ou    de   Vaudeville    (F.    du) 

(Meuse,  arr.  de  Commercy). 
Vavra  srjlva,  111,  200. 
Vedogiensis  ou   Vedogia  sylva,  110 

{n\  178. 
Veillon  (B.  de)  (Vendée>,  347. 
Velour  (F.  de)  (Côte-d'Or,  arr.  de 

Dijon,  au  N.  de  Bèze). 
Veluze  (F.  de)   (Côte-d'Or,  canton 

Sombernon). 
Vendogia  sylva,  178. 
Vendôme  (F.  de)  (Loir-et-Cher). 
Ventes  (F.  des)  (Seine-Inférieure), 

324. 
Venil  (B.  dej  [Charente),  368. 
Vèpre    (F.    de)    (Meuse,    arr.    de 

Montmédv). 
Ver  (F.  (\o\  108,  109  (n),  110  (»). 
Ver  (F.  de)  (Dordogne),  404. 
Vercors  (F.  ou  B.  du)  ^Drùme,  arr. 

de  Die),  381. 
Verdun-sur-Garonne  (F.  de)  (Tarn- 
et-Garonne,  arr.    doCastei-Sar- 
razin),  399. 
Vcrgnes  (F.  de)  -Isère),  374. 


TABLE   GÉNÉRALE. 


Verneuil  (F.  de)  (Eure),  108. 
Vernon  (F.  d.-)  (Eure),  309. 
Vcrnensis  sylva,  108. 
Vernusse(F.  de)  (Indre),  272. 
Véron  (F.  de)  (Somme). 
Verrières  (B.  de)  (Seine  et  Seine-et- 

Oise). 
Verrières  (F.  de)  (Vienne,  arr.  de 

Poitir^rs  et  Montmoriilon). 
Vers  (B.  du)  (Drùme),  275. 
Veriign  sylva,  109. 
Verzec  i,F.  de)  (Maine-et-Loire,  arr. 

de  Se  gré). 
Vesvre   F.  de)  'Saùne-et-Loire). 
Vevncs  (B.  de)  (Haulcs-Alpcs,  arr. 

de  Gap),  378. 
Veyrac   F.  de)  (Haute-Vienne,  arr. 

de  Limoges). 
Vialavert  (F.  de)  (Tarn\  400. 
Viautreau  |F.  de)  (Loire-Inférieuro, 

arr.  d'Ancenis). 
Vibraye    (F.  de)  (Sarlhe,  arr.   de 

Saint-Calais). 
Vico  (F.  do)  (Corse,  arr.  d'Ajaccio). 
Vicogne  (F.  de)  (Nord),    54,    188. 

Voy.  Raismes  (F.  de). 
Vieillecour  (F.  de)  (Haute-Vienne, 

arr.  de  Saint-Yrieix). 
Vienne  (F.  de)  (Isère),  374. 
Vierzon  et  de  Saint-Laurent  F.  de) 

(Cher,  arr.  de  Bourges),  371. 
Vigneux  (Haie  de)  ;Aisne),  191. 
Vilcenna  sylva,  158. 
Villandry  (F.  de)  (Indre-et-Loire). 
Villard  (F.  du)  (Ain,  arr.  de  Bourg). 
Vil'.e  (B.  de  la)  Hautes-Alpes). 
Villecartier  ou  Villegardier  (F.  de) 
(Ille-et-Vilaine,  arr.  de  Fougères 
et  Saint-Malo). 
Villefermoy  ;F,  de)  (Seine-et-Marne). 
Villemur  (F.   de)   (Haute-Garonne, 

arr.  de  Toulouse). 
Villeneuve-le-Roi  (F.  de)  (Yonne). 
Villers   (F.  de)    (Moselle,    arr.  de 

Metz). 
Villers-Cotterets  eu  de  Retz  (F.  de) 
(Aisne,  arr.  de  ChàteuU-Thierry\ 
108,  420.  Voy.  Retz. 
Vincence  (F.  de)  (Nièvre,  arr.  de 

Chùteau-Chinon). 
Vincennes  (F.  de)  (Seine),  158,  40i). 
Vitrcmont  (F.  de)    (Meurthe,   arr. 
de  Lunévillo). 


TABLE   GENERALE. 


501 


Vi/.7,avone  (F.  de)  (Corse),  387. 
Vue?,  Voëse  ou  Voas  ^F.  de)  (Aisne\ 

110,  178. 
Voevre  ou  Voivre  (F.  de)  (Meuse), 

■2G0. 
Voilep  (B.   de)  (Ardennes,  arr.  de 

Rélhel),  190. 
Vonc   (B.    de)    (Ardennes,  arr.  de 

Youziers). 
Vnsagus  sylva,  1 10,  178. 
Yusège  (F.  de)  (Aisne).  Voy.  Vocs 

F.  de). 
Vtisi  (/lis  salins,  110  (n). 
Youdelle  (F.  de)  (Allier,  arr.  de  La 

Palisse),  364. 
VoulUé    (F.    de)  (Vienne,  arr.   de 

Poitiers). 
Vouvant  ou  Merevant  (F.  de)  (Ven- 
dée, arr.  de  Fontenay),  345. 

ViT 

Waes  (F.  de)  (Belgique),  59. 
Waldeck   (F.  de)  (Moselle,  arr.  de 

Sarreguemines). 
Wara  sylva,  111,  200. 
Warèse  ^F.  de)   (Moselle,  arr.   de 

Metz). 
Wasda  sylva,  59, 
Wasiinensis  sylva,  265.     ' 


"Wastines  ou  Gastines  (F.  de)  (Loir- 
et-Cher).  Voy.  Gastines,  204. 

Watten  (B.  de)  (Pas-de-Calais,  arr. 
de  Saint-Omer). 

Wattigny  (F.  de)  (Nord),  190. 

Westminster  (F.  de)  (Angleterre), 
25  («). 

Westenvald,  77. 

Wimy  {F.  de)  (Aisne,  arr.  de  Ver- 
vins),  183. 

Windsor  (F.  de)  (Angleterre),  27, 
123  («). 


Ylles  (F.  des)  (Maine-et-Loire),  290. 
Yon  (B.)  (Eure    et   Eure-et-Loir\ 

267,  268. 
Yveline  ou  des  Yvelines  (F.)(Seine- 

et-Oise),  146,  147  {n\  150,  151, 

152,  154,  267. 
Yvettes  (B.  d')  (Seine-et-Oise),  151 

(n). 
Yvoy  (F.  d')  (Cher),  271. 


Zang  (F.  de)  (Moselle,  arr.  de  Sar- 
reguemines) . 
Zeitelmoos  (F.  de)  (Allemagne),  79. 


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Somincil.  —  Du  principe  {,'énèral  du  inouvenient  dans  les  animaux.  —  De  la  lon- 
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CE  se   0193 

•MAe  1867 

COO   NAUPY,  LGUIS  LES 

ACC#  12^6861 


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