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Full text of "L'orfèvrerie française aux XVIIIe et XIXe siècles: 1700-1900"

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Vmm'ù 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/lorfvreriefran12boui 


I  700- 1900 


L'ORFÈVRERIE 
FRANÇAISE 

AUX    XVIII'    &    XIX'    SIÈCLES 


PAR 

HENRI    BOUILHET 

ORFÈVRE 


/iÙ?} }}iii>^/'<       ^J ''^  ^  /Ay" 


EXEMPLAIHE   IMFRIMi: 


6 


M.    ARTHUR  MARTIN 


Il  Tiû'irrTi« 


,Q.h  nx^ 


(  1  70  0- i  9  00) 

L'ORFÈVRERIE  FRANÇAISE 

aux    XVIIP   et    XIX^   siècles 

d'ap/'és   les   documents   réunis 

AU 

MUSÉE    CENTENNAL    DE     1900 


-rî 


A  LA  MI^:i\l()TRE 

DE     ]S10N     ONCLE     BIKN-AIMÉ 

CHARLES   CHRISTOFLE 

OKKÈVUE 


^u-p 


n 


(IT'OO-  1  OOO) 


L'ORFÈVRERIE  FRANÇAISE 


aux  XVIir^  et  XIX''  siècles 


\'\n 


HENRI    BOUTLHET.  i„,  K 


C.  C.   l» 


ORFEVRE 


vi(:k-1'Hk>ii»i:nt  dk  i.  inkin  ckmhai.k  dfs  ahts  dkcouatifs 

PRÉSIDENT     DU     JURY     DE     L'ORFÈVRERIE 
EN     1900 


vwT 


PARIS 

H.  LAURENS,  LIBRAIRE-ÉDITEUR 


(i,     RUE     DE     TOLRNON,    6 


1908 


Tous  droits  de  reproduction  et  de  traduction  réservés. 


\}L. 


IJVIiK   riilvMIKK 
LORFÈVRERIE   FRANÇAISE 

AU 

XVIIP    siècle 

(1700-17?=î9) 


^i<^ 


l.,l    l'rnill  Ti'.    —    (.iMI|ic    lie-    ( '.iilhiiHI--.   .i;:rirnK-,,    |i,ii'   ( '.li  il --1  nllc. 
Un, /,■•;.•   ,/  ■   ./     (:,itll;ill., 


AVANT-PROPOS 


\/'J.rpt)s///()//  (le  lUOU  (tlhtil  jcnitcr  ses  itarlcs,  cl  l/iiail- 
hlidlilc  sjii'chiclc  tfii'c/h'  ara/l  (ilJCil  à  I dd innulhin  du 
iiiiiiidc  ciil/cr  jtcntlmil  si.v  nio/s  (dlail  d/sjixnu/rc,  Inrs- 
(jh  (iii.r  derniers  imirs  du  mois  d'ovUdire  J900,  J/.  *S'/r- 
phiinc  Derrillé,  l'èiiniiei)!  diredeiir  de  la  Serlian  fnui- 
(■((ise,  itdus  lit  (ijijie/er,  }[ .  (lenri/es  linin  et  moi ,  pour 
nous  l'iiire  .sa roi/'  que  le  Conuiihssiiire  f/énéral,  M.  Al- 
jreil  picard ,  arail  réstdu  de  c<aiserrer ,  dans  une  ptihli- 
calmn  illaslrcc,  les  traces  de  l'innnense  ejj'ort  i/ui  arait  été  fait  pour  réunir  toutes 
les  nu'rceilles  ijui  liraient  fait  des  Musées  centenuau.r  un  des  attraits  principaux 
de  l'Kxposi'iiai  de   11)0(1. 

//  ///  appel  à  notre  dévouement  pour  choisir  et  faire  photograpliier,  avant 
leur  dispersion ,  les  pièces  dont  le  souvenir  nous  paraîtrait  dnjne  d'être  conservé, 
soit  à  cause  de  leur  intérêt  /iistori<iue,  soit  à  cause  de  leur  qualité  d'art,  afin 
de  c<  ad  muer  au  delà  de  i*J()()  l'enseignement  utile  qui  était  résulté  de  r  exposition 
de  toutes  ces  œuvres. 

Il  luius  demandait  en  incrnc  temps  de  réunir  les  élénwnls  nécessaires  pjour 
la  réilactiiai  d'un  catalogue  illustré  et  iFiine  étude  sur  le  Musée  centennal  de 
r Orfèvrerie,  et  de  désigner,  parmi  les  membres  du  Comité,  celui  qui  nous 
paraîtrait  le  plus  capable  iTassume]'  la  responsabilité  de  ce  travail. 


VIII   — 


31.  FjL  Carroi/cr  accepUt  cri  le  iit/ss/nn,  nia /s  hi  uni /(((lie  vint  ixirah/scr  s(i 
bonne  valontê,  et  ,sa  mort  obllyea  le  Cuniilé  à  faire  le  e/ioi,r  d'un  mitre  rap- 
porteur. 

M.  G .  Boni  ine  de  nui  ml  a  de  le  rem  placer,  et,  nnih/ré  les  (d)jeçtmns  sér/euses 
que  je  lui  présentids,  je  dus  céder  à  ses  instances  pour  prendre  une  cJuirep'  <jui 
me  paraissait  haïr  de,  et  à  hujuelle  je  n'étais  nullement  préparé  :  F  E.rpositnai  était 
déjà   bien   hdn,   et  les  souvenirs  risquaient  de  me  j'aire  déj'aut. 

Allais-je  nw  borner  à  j'aire  une  manemdature  et  uïw  deserijition  un  jieu 
scelw  des  (dijets  e.rjiosés,  ou  chercher  à  retracer  l'histiare  iTune  industrie  aussi 
j'ranctùse,  qui  pendaid  les  deux  derniers  su''cles  ar(ut  )naintenu,  dans  notre 
paqs,  les  traditi<ais  d'éléipince  et  de  (p)ùt  (pli  siad  les  imiripies  d/stmetires  de 
n(dre  raee't 

l^' étude  préliminaire  à  laquelle  j'ai  déi  nw  lirre/',  les  recJierehes  que  j'étais 
obliijé  de  j'aire  me  parurent  si  attachantes,  et  par-dessus  tout  le  désir  de  conserrer 
les  impressions  et  les  saiieenirs  que  forais  recueillis  pendant  ma  baapic  carrière 
d'or  ferre,  me  jirent  mettre  de  côté  mes  scrupules,  et  je  me  décidai  à  donner  satis- 
fiction  à  mon  e<dlé(pie,  arec  l' espérance  (pt'une  histinre  de  l' orfèrrerie,  éerite  par 
un  praticien,  pourrait  arcdr  quelque  intérêt  pour  ses  emifrères. 

J'espère  que  eeu.r  qui  m'ont  entraîné  à  entreprendre  un  trarail  délicat  et  aussi 
difjicile,  tiendront  compte  de  ma  bianie  r  ohm  té  et  de  mes  ejforts  pour  apporter  une 
dernière  pierre  à  fédijice  de   VMW). 

Certes,  je  n'aurais  jamais  osé  assumer  une  aussi  (p-ande  responsabilité,  si  je 
n'arais  espéré  troarer  près  de  moi  les  renseignements  indispensables  et  l'appui 
qui  m'étaient  nécessaires.  Aussi,  je  reu.r  avant  tiait  remercier  ici  ceux  qui  m'ont 
permis  de  mener  à   bien   le  travail  auquel  (ai  m'avait  c<aœié. 

D'abord,  le  président  du  Comité  d'instaliatiiai,  M .  Georijes  Boin,  dont  h  in- 
sistance amicale  avait  su  vaincre  mes  scrupules,  et  qui  par  sa  connaissance  intime 
des  iiaivres  du  dix-huitième  siècle,  et  la  pr<ttique  d'un  art  dans  lequel  il  excelle, 
devait  m' être  si  utile. 

puis  MM.  dermain  Bajjst,  Paul  Eudel,  Jules  (luijj'req  et  Henrq  Havard, 
dimt  les  lumineuses  publieatiiais  et  les  documents  yraphiques  qu'ils  ont  bien  voulu 
mettre  à  ma  disposition  m'ont  permis  de  réunir  les  gravures  qui  m'ont  servi  à 
illustrer  ce  livre. 

Enjin,  et  surtout  M.  Victor  Clunnpier,  (qui  fut  le  secrétaire  du  Cianité  d'ad- 
mission et  d'installation,  et  qui,  membre  du  Jury  international  de  la  Classe  94, 


I\  — 


iirtiit  irciirilli  ilr  itnni/nru.r  ilnciiiiiriils  sur  Irs  nifriirs  tin  ili.i'iirininiH'  sii'clf. 
Vitnildlruv  ri  ilifrclfii  r  tir  lu  ■>  lu'Xllr  (les  \|ls  (l(''C(  il'.ll  i  l's  -,  il  uruil ,  tiil  rouis 
lie  su  liuu/ur  ri  hrllr  rumrrr  dr  i  rilnjur  iluii,  rruui  ilrs  luilr^  fu'rrirusi's  sur  1rs 
lU'/rrrrs  du  ill.r-liuilirilir  sirrir.  Il  u  lurii  rnulu  uir  1rs  rnmuiuiiuiurr ,  ri  r  i-sl  tir 
rr  runi-iiurs  inrs/ii'-ri'\  stiiis  Irt/urI  /r  //  iiurii/s  rrrirs  ptis  riilri'iu/s  rr  (itinul ,  i/iir  je 
rru.r   Ir   rruirrrirr   ni  inirliriilii'rriiirul . 


l'n(    à   cicinc   de    (:iiri>((.llc. 
^Modèle  (le  Lcrill;iin.) 


—  XII  — 

M""  L.  ARMAIND-CALLIAT.  —  Châsse  en  argent  ciselé,  décorée  d'émanx  et 
statuettes  d'ivoire,  œuvres  d'Armand-Calliat. 

M.  ,1. -Thomas  AliMANI).  —  Chandeliers  en  bronze  doré,  1866,  œuvre  d'Ar- 
niand-CalMat. 

M.  J.  AUTUS.  —  Orfèvrerie  des  épocjucs  Louis  XIV,  Louis  XV,  Louis  XVI  et 
Empire,  six  pièces. 

M E.  AUCOC.  —  Candélabres  Louis  XV  ti-ois  lumières  ;  Candélabi^es  Louis  XVI 

quatre  lumièi-es. 

M.  Louis  AUCOC  père.  —  Service  à  thé  vermeil  Premier  Empire;  Nécessaire  de 
toilette  de  ITmpératrice  Eugénie,  œuvre  de  M.  Louis  Aucoc  père. 

M.  P.  AUMONT.  —  Prix  de  course  :  Colfret,  épocpic  Louis-Philippe. 

M'"^  AuTHLU  BAIGNÈHES.  —  Service  à  llu'  et  saucières  18:50,  anivres  d"0(hol. 

M.  Pail  BAKHIEH.  —  Cachet  et  mé(hiilloii,  ('piMpic  LoMis-Phihppe. 

M"'"  BArOLN.  —  Burettes  cristal  et  argent. 

Al.  le  Baron  IIlgo  DE  BETH.MAXX.  —  Orfèvrerie  de  style  Empire,  travail  de 
Biennais  sur  les  dessins  de  Percier. 

M.  Behnaiu)  FKANtîK.  —  Collection  de  mctntres  épo([ues  Louis  XVI  et  Empire, 
treize  pièces.  Série  de  boites  en  or  avec  sujets  et  émail  Louis  XVI,  quinze  pièces. 
Objets  divers,  étuis,  breloques,  carnets  de  bal,  clefs  de  montre,  cachets,  trente- 
deux  pièces. 

M Ci.  B0L\.  —  Collection  de  boîtes  en  or  ciselé,  émail,  nacre,  écaille  piqué 

d'or,  cristal  de  roche,  jaspe  et  pierres  dures,  époques  Louis  XV  et  Louis  XVI, 
trente-trois  pièces. 

M.  J.  BBATEAU.  —  Frise  en  argent  «  Les  Ivresses»,  sculpture  de  Feuchère, 
exécutée  en  1853  par  Morel  et  Duponchel. 

M'"^'  la  Comtesse  BBEVERN  DE  LA  GAUDIE.  —  Salière  double,  Empire. 

M'""  la  Baronne  iUlO  DE  COMÈHES.  —  Aiguière  en  argent  repoussé,  modèle 
de  Klagmaim,  anivre  de  Morel;  Aiguière  en  argent,  œuvre  de  Wechte;  Bouclier 
en  acier  repoussé,  œuvre  de  Fannière. 

M'""  BUBAT.  —  Importante  collection  d'orfèvrerie  du  dix-huitième  siècle  dans 
les  styles  Régence,  Louis  XV  et  Louis  XVI,  œuvres  de  Joubert  de  Paris,  Samson 
de  Toulouse,  Simon  Bourg-uet,  Thomas  Germain,  Pierre  Germain,  Balzac, 
Roettiers,  etc. 

M.  le  Comte  CAHEX  D'ANVERS.  —  Candélabres  et  jardinière  en  cristal  de  roche 
montc's  en  argent  doré,  œuvre  de  Froment-Meurice  tils,  époque  du  Second  Empire. 

M.  CIIAPPEV.  —  Imj)ortante  collection  de  menus  objets  d'orfèvrerie  et  acces- 
soires de  toilette  en  or,  argent  et  pierres  dures,  comprenant  :  quarante-neuf 


-     \\\\ 


ImiiIcs  cil  (ir  ciscl)',  (■■|>(i(|m'^  l.mii^  \  \'  cl  l.niii-  \  \  I  ;  I  iciilr  ilciiv  /l  ni-  m  or  ci --c li- 
en mil  le,  C|Mii|l|c  j.tilllv  \  \  ;  ciih|  11,111  le  cl  lliv  ur  civclc  cl  ;j  II  il  lue  lie,  rliiHlIK'  jjilll-  \  \  1  : 
(|li;ilrc-\  ilIL'I-IllIli  ImiiIc--  ,1  viijcl  V  ci-eler^  cl  (■  1 1  l.l  i  1 1  ('c^  ;  (|lllll/c  |mi||c>  lll.il  icicv  «lincs 
iii(iiilcc->  cil  (ir;  liiiil  iiKiiiIrcv  en  or,  c|ioi|iie  Loiii--  \\  ,  \iii;_'l  Iroi--  iiioiilrc--  en  or, 
C|ioi|lie  l.oUl^WI;  o|i|cl->  divers,  IK'ccss.-iires,  cisc;iii\,  des,  IhcIoi  |iies.  |ioiiiliie>^ 
de  ciiiiiie:  o|i)e|s  d  oiie\rcric  d'ii>;iL:c.  ;jo|ie|cls,  i  liocol.i  I  icrcs,  !('■;.' limiers,  s.dicpcjs, 
la-^scs  ;i  \in.  cic.,  ilc-.  (''ikhiiics  Louis  \\  ,  Louis  \\  j  cl  Liii|iirc. 

M.   II.  (.11  \SLLS.        SccNJce  a  Hic  cl  a  calV- ('•|MM|iie  l'reinicr  l!iii|iirc. 

MM  ('.lll;lST(U"LI':  cl  C" .  rcsliiiioiiial  olleil  a  M.  IHclz-Mdiiiiiii  :  sciilplnrc  de 
Delà I lia iK  lie  :  le  »  \  a-^e  des  Arts  -  :  sciilpliii-e  de  Can  ier-l>elleiise  ;  ..  Aiii|)liilrile  ■'  ; 
Stalticlle  i\  (lire  cl  or,  seul  |  d  ii  rc  d  A  ni  on  in  Mcrcii'.  inoiih'-c  sur  un  soi  de  en  jaspe  san- 
:;iiiii  cl  iiioiiliircs  d'or  cisidc  :  ser\  ice  a  calV-  (''iiiail  I  raiisliieide,  dessin  d  Lin i le  lîeiLer. 

Prix  (Ii'mhm  lies  dans  les  (liuieoni's  i'('\i;i(inan\,  senl|»liires  de  (inincrv.  (lanllieiin, 
.1.  Loiilan,  hcla|tlaiitdie,  Kolv,  Jac(|iiciiiard.  lioiiillard,  elc.,  cM'cnli'es  par 
MM.  Clirislollc  <'l  C". 

Service  de  iiala  do  lOOcouveiis  de  rLinpereur  Napoléon  lli  :  i)iùeL'  de  milieu, 
deux  pièces  de  boni.  (|iia(r(M'niid('laI)i'es  ;  Ueconstilution  des  débris  retrouvés  dans 
les  rnines  des  Tuilerit's.  Modèles  ori,i:iiiaiix  de  onze  pièces  d'orfèvrerie,  couverts, 
plais,  casseroles,  (do(dies  et  r(''(diauds  exi'cnh's  en  enivre  re|)oiissé  et  argenté,  et 
reconstitués  avec  les  documents  j4alvanoplasti([ues  conservés  dans  les  aridiives  de 
MM.  C.hrislolle  et  ('-"'.  (le!  ensenil)le  appartient  an  Musée  des  Ai-ts  (h'coi'alifs, 
ampiel  il  a  ('dé  olVerl  par  MM.  Cliristolle  el  C'". 

M.  Lnor.viu)  COKIiOVLU.  —  Importante  collection  (Louvrag-es  d'orfèvrerie 
moderne  en  or,  argent,  émail  et  ivoire,  exécutés  sur  la  commande  et  sous  la 
direction  de  M.  E.  Corroyer  par  des  artistes  et  orfèvres  du  dix-neuvième 
siècle  :  Aimé  Millet,  Cordonnier,  Barrias,  Bottt'e,  Delove,  Moreau-Vauthier, 
sculpteurs;  L.  Falize,  G.  Boin,  Boucheron,  Keller.  orfèvres;  Bratean,  Banlt, 
rirandliomme.  Serre,  ciseleurs  et  émaillenrs. 

M""  11.  DEPBET.  —  Collection  de  ([uaraiite  et  une  pièces  d'orfèvrerie  du  dix- 
huitième  siècle  :  soupières,  chocolatières,  cafetières,  salières,  saucières,  huiliers, 
couverts,  etc. 

M""  Lkon  DEPKET.  —  Orfèvrerie  du  dix-liuilième  siècle  ;  légumiers,  plats  et 
couverts. 

M.  A.  DESRl'ES.  —  Sucrier  en  argent,  œuvre  de  Fannière. 

M.  F.  DOISTAU.  —  Orfèvrerie  des  dix-huitième  et  dix-neuvième  siècles  : 
flambeaux,  légumiers,  saucières,  salières,  plats  et  couverts. 

M.  P.  DULTIEB.  —  Nécessaire  de  fumeur  en  vermeil. 

M.  Michel  EPHRUSSL  —  Soupières  et  leurs  plateaux,  époque  Louis  XVI. 


—   XIV   — 

M.  Auguste  FAiNMÈRE.  —  Trirème  en  argent  offerte  par  S.  M.  l'Impératrice 
Eugé)iie  à  M.  F.  de  Lesseps  à  l'inauguration  du  canal  de  Suez  (1869);  garniture  de 
cheminée  en  argent  et  lapis;  service  de  table  composé  de  16  pièces;  (lambeaux; 
œuvres  composées,  sculptées  et  exécutées  parles  frères  Fannière. 

M'"  FllOMENT-MEURlCF  —  Calice  en  or  émaillé,  dessin  de  Cli.  Lamcire, 
exécuté  en  1880  par  Emile  Froment-Meurice. 

M.  Fr.ANcois  FROMENT-MEURICE.  —  Ostensoir  et  cil)oire  offerts  par  S.  A.  W.  la 
Duchesse  de  Paruie  à  Notre-Dame  d'Issoudun  en  1877,  nnivres  d'Emile  Froment- 
Meurice. 

M""'  la  Comtesse  DE  CANAV.  —  Soupière  en  argent  et  son  plateau,  é|)0(|ue 
Louis  XV. 

M.  Cil.  CiAl)ALx\.  —  Orfèvrerie  style  Empire. 

M.COLDSCIIMIDT.  —  Orfèvrei-ie  de  style  Empire  :  corljcille  de  milieu.  Ilam- 
beaux,  seaux  à  thampagne,  soupière  sur  son  plateau,  service  à  café  en  vermeil; 
légumiers  ayant  appartenu  à  M"''  Mars. 

M.  Raoii-  (lERVAlS.  —  Châtelaine,  breloques  et  montre,  boîle  à  mou(die,  ('dui 
en  or  guilloché,  époque  Louis  XVI. 

M.  .1.  COERY  DU  ROSLAN.  —  Collection  de  boîtes  en  or  ciselé  et  émaillé, 
épo(pies  Louis  XV  et  Louis  XVI.  Prix  de  course  :  «le  char  d'Apollon  ».  ayant 
appartenu  au  comte  de  Lagrange. 

M'""  la  Marquise  GUILIIEM  DE  POTIIUAU.  —  Fontaine  à  thé,  (cuvre  de 
Fauconnier;  service  à  thé  en  argent  exécuté  par  M.  André  Aucoc  pour  compléter 
le  service. 

M""'  Ckouces  HACHETTE.  —  Surfont  et  candélajjres,  onivres  de  Fannière  frères. 

Coffret  et  coupe  en  argent  repoussé,  œuvres  de  Diomède;  aiguière,  œuvre  de 
Vernaz-Wechte  ;  statuette  en  argent,  modèle  de  Delaplanche,  exécutée  par  Marioton. 

M.  Jean  HACHETTE.  —  Surtout  «  Enfants  à  la  Chèvre  »  ;  cafetière  et 
coupes  en  argent  incrusté  d'or,  ceuvres  de  Fannière;  «  Racchante  »,  œuvre  de 
Carrier-Relieuse. 

M.  CiEOH(;es  HARTMANN.  —  Dessins  originaux  de  pièces  d'orfèvrerie. 

M""'  Léon  IIELFT.  —  Quarante-trois  pièces  d'orfèvrerie  :  couverts,  tasses  à  vin, 
coupes  de  mariage,  coquetiers,  gobelets,  boîtes  à  épices,  épo({ue  Louis  XV;  cafe- 
tières, tasses  et  théières,  style  Empire. 

M.  E.  IlENRV.  —  Deux  aiguières  Louis  XVI;  flambeaux  et  huiliers  Louis  XV; 
ciboire  et  calice. 

M.  le  Prince  DE  HOHENLOHE.  —  Important  service  en  argent  et  incrustation 
d'or,  exécuté  par  les  frères  Fannière. 


"   XV    — 

M ('..   I,r.r>\l  h\'.  —  |j(''^iiiiiit'r>^,  scrsifc  ii  cilV-,  rdiiLiiiic  ■>l\lc  l'.iii|iiro. 

M la  hll(•ll.•^>^(•   hl!  I.INM'IS.         Siiihml   .|r  l.iMr   du  ili.ilciii  .|r   h,iiii|.icfrc  : 

sc|i|  |iirccs  en  ;iii;c|ll  |r|Hill^sf  (  I  S'il  I- I  S')"»  ,  se  i||  1 1|  me  (|c  .Iciii  l  clirlicrc-, ,  (iiTc- 
Nrciic  (le  IV.iiicDi'^-hi'^irc   rininciil -Mciiricr. 

M.  C.IIMllls  MWMII'.IM.  —  ()ll/c  pièces  «l'oi  l'es  leiie  de  ^Isle  |'i('';jeine  et 
Louis   \\  ;  (|eil\  [lièces  de   s|\|e   r»eii,iissaiiee,  leuM'es  d  (>di()l. 

M.  (.11  \l;l  I  s  Mr,TM  AN.        AiL^iiiere  du  di\  liiiilieiiie  sieele  ;  siierierde  s|\  le  Km|)ir'e, 

Ml  Slll',  d' \l>l»l'.\  IL!,!",.  —  l",|nM'  d'li(tiiiieiir  de  lamiral  (-oiirltel,  (eii\re  d(i 
Miiiile   {''rdiiienl   Meiiiice. 

M.  N(U  KrrK-l)KI.(H\Mlv  —  Qiialre  primes  d'Iiomieiir  des  Coiieoiirs  r(''pii(>iiiiii\, 
(iMlM'es  de  i'i'oineiil-.Meiii'iee  el  de  (llirislolle  el  (',". 

.M.  (Iasion  l'Alun  KZ.  —  Orl'èvi'erie  de  r(''p(K|iie  Louis  X\'l  :  IxjÎIcs  à  ('piccs, 
CMrcliri'i's:  eouverls  a\aiil  apparleiiii  an  roi  Ijoiiis  XVI  ;  llainLeaiix. 

M""'  PKUM^S.  —  Timbales,  carelièrcs,  aiguière,  de  Ic'ixxjiie  Louis  WI. 

M.  IM'.KNhyr.  —  Aii^uière  et  son  |)la(eau.  ('•|)0([ue  liouis  \\  I. 

.M.  l'KUiilN.  —  Flamlieaux  el  huilier,  ('poipie  Louis  WI. 

.\L  le  Uaiou  IMC.IION.  —  L('\uumiei'  eu  ar.^cul,    sucrier  el  plateau   eu  platine. 

.M.  Thomas  IMKrUI.  —  Aiguièi'e  el  sou  plaleau.  (euvre  de  Thomas  (lermain. 

M.  Ki.oiAiU)  IMIILIIMM.  —  Lu  é(lii(piier. 

M""  la  (louilesse  IMLLET-WILL.  —  Sucrier,  cuiller  et  pince  à  sucre  de  style 
Louis  WI. 

M.  le  C-omle  IMLLET-WILL.  —  Deux  groupes  sculpture  chryséléphanliiie  : 
«  Yéinis  et  Triton  »,  «  Bacchante  et  Satyre  »  ;  les  nus  sont  en  ivoire  et  les  drape- 
ries en  argent  repoussé.  Sculpture  de  Feuchère,  orfèvrerie  de  Franeois-Désiré 
Froment-Meurice  (1851),  hauteur  1  mètre. 

M.  Malrici:  POUSSIELGUE-RUSAND.  —  OEuvres  de  son  père,  Placide 
Poussielgue-Kusand,  orfèvrerie  religieuse  :  crosse,  reliquaire  de  la  Vraie  Croix 
de  Notre-Dame  de  Paris,  ciboire,  calice,  d'après  les  dessins  de  Viollet-le-Duc  ; 
calice,  croix  de  procession,  crosse,  burettes  et  plateau,  d'après  les  dessins  du 
R.  P.  Martin. 

M.M.  PRÉVOST  et  CJ^  —  Dessins  appartenant  aux  archives  de  la  maison  Odiot; 
psyché  de  ITmpératrice  Joséphine;  berceau  du  Roi  de  Rome;  encrier  de  l'Impé- 
ratrice Marie-Louise,  etc. 

Huit  pièces  d'orfèvrerie  exécutées  par  les  Odiot  sous  Charles  X,  Louis-Philippe 
et  Napoléon  III. 

MM.  Louis  et  Paul  RADIUS.  —  Boites  en  or,  cafetière,  gobelets  d'émail  trans- 
parent, crosse  d'évèque,  châtelaine,  bracelet,  oeuvres  de  M.  Frédéric  Boucheron. 


—   XYI   — 

M.  Fernand  RIDEL.  —  Châtelaine  Louis  XV  en  or. 

M.  Edmond  ROSENBERG.  —  Enci'ier  en  laque  monté  or,  boîte  en  vernis  Martin 
monté  en  or,  style  Louis  \V;  salière  en  argent  époque  Premier  Empire. 

M.  Guillaume  Sx\BATIER-DESPEVRAN.  —  Seaux  à  rafraîchir  en  argent,  dessins 
de  Liénard,  exécutés  en  184r>  par  François-Désiré  Froment-Meurice. 

M.  René  SAILLARD.  —  Calice,  ciboire,  ostensoir,  croix  d'autel  en  argent, 
œuvres  du  dix-huitième  siècle. 

M.  Ed.  ÏAIGNY.  —  Couj)e  en  vermeil,  décor  «  Plumes  de  paon  »,  œuvre  de 
M.  L.  Falize. 

M.  Léon  THELIER.  —  Service  à  bière  en  argent,  (cuvre  de  Fannière. 

UNION  CENTRALE  DES  ARTS  DÉCORATIFS.  —  Aiguière  et  son  plateau,  œuvre 
de  Vinsac  aîné,  époque  Louis  XVI;  boite  à  épiées  style  Louis  XIV,  œuvre  de  Peu- 
reux; service  à  cale  Louis  XVI,  œuvre  de  Christofle  et  C''^  ;  aiguière  en  argent, 
œuvre  de  Barbedienne;  cafetière  Louis  XIV;  huilier  Louis  XV;  ciboire  Louis  XVI. 

M""  (-MAULES  VERN.\Z-WECHTE.  —  Bouclier  en  argent  damascjuiné  d'or, 
exécuté  par  son  })ère.  Weelile;  deux  modèles  en  cire  de  vases  en  argent  exécutés 
l)ar  Wechte. 

M'""  VIDAL.  —  Cabai'ct  en  argent  avec  cristaux  style  Empire. 

M.  le  Vicomte  Loris  DE  VILLIERS.  —  Sucrier,  salière  doubk^  salières  simples, 
moutardiers  slvie  Louis  XVI. 


Dessin  (le  Borain. 


O 


iihui  iciil  \-.i\r   t\i-  Ai(  ■-  ili-ciiral  il 


INTIinmCTKlN 


CIIAPITUE   I" 

Oi'iiiiiu'  (les  Expositions   rrli^ospcclives. 
I^e  Miisrc  c(Miloniial  «le   lîMM). 


«  rExpositiou  contemporaine  sera  jointe  une  expo- 
»  sition  centennale,  répartie  entre  les  classes,  et 
»  résumant  les  progrès  accomplis,  depuis  1800, 
»  dans  les  diverses  branches  de  production  ». 

C'est  ainsi  que  l'article  3  définissait  l'organi- 
sation des  Musées  centennaux  institués  par  le 
décret  du  4  avril  1894,  portant  le  règlement  gé- 
néral de  l'Exposition  universelle  de  1900. 

Dans  la  circulaire  n"  4,  adressée  aux  membres 
des  Comités  d'admission  par  M.  Stéphane  Dervillé,  directeur  général  adjoint  de 
l'Exposition,  chargé  de  la  Section  française,  il  était  rappelé  que  :  «  Dans  chacun 
»  des  groupes,  et  autant  que  possible  dans  chacune  des  classes,  l'Exposition 
»  contemporaine  sera  voisine  du  Musée  centennal,  de  telle  sorte  que  le  public 
»  trouvera  tout  ensemble,  le  produit,  sa  fabrication  et  son  histoire. 
»  Vn  puissant  intérêt  naîtra  de  ces  juxtapositions.  » 

L'idée  n'était  pas  nouvelle,  et  jamais  une  aussi  belle  occasion  ne  s'était  pré- 
sentée de   faire    l'histoire  de   nos   industries   dans   le   passé,  et  de  montrer  les 


progrès  de  rindustric  française  dans  le  cadre   grandiose  d'une  exposition   uni- 
verselle. 

Mais,  avant  (ont,  il  me  paraît  utile  de  remonter  à  l'origine  des  expositions 
rétrospectives,  et  de  rendre  à  César  ce  qui  appartient  à  César,  en  rappelant  ici, 
que  l'idée  de  réunir  dans  une  exposition  les  vestiges  du  passé  pour  servir  à 
l'enseignement  du  présent,  appartient  à  l'Union  centrale  des  Beaux-Arts  appli- 
qués à  rinduslrie.  C'est,  en  elTet,  le  10  aoùl  18G5  que  fut  ouverte,  par  son  ini- 
tiative, la  première  Exposition  Rétrospective. 

A  côté  de  l'exposition  des  industries  d'art  qui  se  développait  au  rez-de- 
chaussée  du  Palais  de  l'Industrie,  l'Union  Centrale  avait  groupé  au  premier  étage, 
relié  à  la  nef  pour  la  première  fois  par  un  escalier  monumental,  les  richesses  de 
nos  collections  privées,  alni  de  mettre  les  chefs-d'œuvre  les  plus  parfaits  de  l'art 
ancien  sous  les  yeux  du  public.  Elle  avait  en  même  temps  invité  les  écoles  de 
dessin,  de  Paris  et  des  Départements,  à  exposer  le  résultat  de  leur  enseignement; 
elle  voulait  ainsi,  en  mettant  en  présence  le  passé,  le  présent  et  l'avenir,  api)eler 
les  producteurs  contemporains  à  profiter  de  la  leçon  qui  se  dégageait  de  l'obser- 
vation des  chefs-d'œuvre  de  leurs  ancêtres,  et,  en  constatant  l'état  présent  de 
l'enseignement  du  dessin,  permettre  aux  maîtres  illustres  de  l'époque  de  guider 
la  génération  nouvelle  vers  une  concepliiMi  plus  haute  et  plus  pratique  des  arts 
du  dessin. 

L'enseignement  a  porté  ses  fruits,  et  l'Union  Centrale  put  se  féliciter  de  sa 
noble  et  féconde  initiative. 

L'organisation  du  premier  Musée  rétrospectif  avait  été  confiée  à  une  commis- 
sion spéciale,  présidée  par  M.  le  Comte  de  Laborde,  ayant  à  ses  côtés,  comme 
vice-président,  M.  du  Sommei-ard,  et  comme  secrétaire,  M.  Louvrier  de  Lajolais. 

Elle  avait  été  chargée  de  faire  appel  à  tous  les  collectionneurs  et  propriétaires 
des  objets  les  plus  saillants  de  l'Antiquité,  du  Moyen  Age,  de  la  Renaissance  et 
des  siècles  derniers,  pour  les  inviter  à  prendre  part  à  une  exposition  qui  aurait  un 
véritable  intérêt  pour  l'histoire  de  l'art,  et  pouvait  exercer  une  inllueuce  décisive 
sur  les  progrès  de  nos  industries  d'art. 

Le  I"  avi'il  18G5,  elle  adressait  aux  principaux  collectionneurs  d'objets  d'art 
une  circulaire  dans  laquelle  nous  relevons  un  passage  qu'il  nous  sendjle  néces- 
saire de  transcrire  ici  : 

«  Les  Musées  de  l'Etat,  les  grandes  collections  publiques  renferment  d'im- 
»  menses  richesses  mises  à  la  disposition  de  tous  et  dans  lesquelles  l'art  et 
»  l'industrie  modernes  ont  su  puiser,  dans  ces  derniers  temps  surtout,  de  si 
»  précieux  renseignements;  mais  des  trésors  de  tous  genres  sont  accumulés 
»  dans  les  galeries  particulières,  où  peu  d'élus  sont  admis  à  pénétrer:  des  objets 
»  d'un  haut  intérêt  pour  l'histoire  de  l'art  sont  disséminés  de  côté  et  d'autre. 
»  Rassembler  ces  collections  et  ces  objets  précieux,  les  exjjoser  temporairement 


Si    i 

C     :: 


0)      - 


3    ...     .=: 


Musée  rétrospectif  du  Mobilier. 

!'■''    EXPOSITION    DE    I.'rMnN    CENTHAI.E    DES     AlîTS     DÉCi  ll!ATIF^ 

[Cnllerliim    Itich.ird   WnUnce.) 


—  7  - 

»  sous  les  yt'iix  ilii  [uil  iIh  il  iiin'  iii.iiiiiTi'  di-iicrl  ut ilr  pour  I oiis,  l'avurKiT,  p.u" 
»  leur  ri'UUKiu,  I  Cluili'  ilc-^  lrni|>^  .uicu'un  cl  le  (|('-\  cldpiMin.'iil  ilr-  iuiliis||-ics  (|ui 
»  rcIcNtMit  (If  I  ,nl,  li'l  ;i  l'I"  le  ImiI  i|iu'  s'c^t  |iro|MtN(''  Il  niiiu  ( '.cul  r.ilc,  cl  pdiu' 
<>  la  rcuNsilc  (lui|ucl  clic  u  a  recule  ili'xaul  aucuu  saciilicc,  lail  c^vcul  icHcmcul 
»  (lcsiulcrc>S('',  |)uisi|iu'  le  iiniiluil,  ^  il  \  a  lieu,  eu  sera  ap|tli(|U(''  a  I  l'ijucal  iou 
»  (le   iu>s  (Uisriei's,  cl  au  perlecl  iouueuieul  <le  \\n^  prulesNious  iuilu^l  i  jellcs.   » 

IMu>  (le  -l')\)\)  (tlijeK  (I  ail.  apparleuaul  a  .'lll")  auialeiu-s  cl  cdllccl  Idi'rH'iU'^,  (pii 
avaicul  lucu  \(iulu  repdudrc  a  I  appel  de  II  uiou  C.eulralc,  a\aicul  cdu>lilu(''  uu 
tMiscuiltlc  iudiiMlalilc.  liappclci-  ici  Icn  uduis  de  ceux  (pii  s"(!'laiciil  iiiscrils  (1«'S 
la  pi'tMuici'c  liciu'c.  c"esl  dire  Idiil  I  iul(''rcl.  (|U('  |)r(''sculail  la  riMUiiou  des  cdjicc- 
tidiis  apparleuaul  a  MM.  l'dduai'd  Audrr,  —  (loinlc  liasilcwski,  —  Kduioud  liou- 
iiallV',  —   Mar(piis    de  (',heuuc\  ièrcs,   —    Maïu'icc  (lollicr,  —  l*riucc  (l/ai-lor'vski, 

—  Davillici-,  —  hclalicrcdu',  —  Dcslaillcui',  —  L(''dpdld  Doiildc,  —  les  IVcrcs 
hnliiil,  —  Mar(piis  de  (lauay,  —  M"'"  (îraudjcau,  —  Marijuis  (l'IlcrlCoiMj,  —  la 
Vicdiulcssc  de  .lau/.c,  —  M""'  Acliillc  Jubiual,  —  MM.  de  I/iosvillc,  —  Maillet  du 
Boulay,  —  Mauidieiui,  —  Le  Mohilier  de  la  Couronne,  —  Duc  de  Mouchy,  — 
Comte  de  .Nieuwerkerke,  —  de  Nolivos,  —  lîai'on   Pielion,  —  tous  les  Rothschild, 

—  Sauvai^eot,  —  Spiizer,  —  Edmond  Taigny,  —  Uicliaid  Wallace...,  pour  ne 
citei"  (pu'  U's  |dus  iuipcu'tants. 

Cette  première  manifestation  fut  suivie  de  sept  autres  expositions,  qui  pas- 
sèrent en  revue  les  principales  applications  de  Tart  décoratif. 

En  1869,  TExposilion  rétrospective  fut  consacrée  à  l'art  oriental. 

En  1874,  l'Histoire  du  Costume  avait  été  adjointe  à  la  troisième  exposition 
des  industl'ies  d'ai-t. 

En  1876,  l'Histoire  de  la  Tapisserie  avait  réuni  des  séries  remarquables,  com- 
plétées par  une  exposition  de  tapisseries  appartenant  au  Carde-Meuble. 

Enfin,  en  1880,  s'ouvrait  la  série  des  expositions  technologiques,  dont  l'un 
des  membres  les  plus  autorisés  du  Conseil  de  l'Uniou  Centrale,  l'orfèvre  Lucien 
Falize,  avait  tracé  le  programme.  Les  matières  premières  susceptibles  d'être 
transformées  ou  modifiées  par  l'art  et  le  goût  devaient  servir  à  déterminer  le 
l)rincipe  de  la  classification. 

Chacune  de  ces  expositions  présentait  la  matière  à  l'état  primitif,  puis  la 
transformation  qu'elle  subit  avant  d'être  livrée  à  l'industriel  ou  à  l'artiste,  les 
procédés,  les  outils  et  les  appareils  qui  servent  à  la  façonner,  et  enfin  l'œuvre 
créée  ou  embellie  par  l'artiste  ou  par  l'artisan.  A  côté  des  productions  de  l'art 
moderne,  un  Musée  rétrospectif  racontait,  par  des  exemples  choisis  avec  soin, 
l'histoire  des  différentes  industries,  successivement  passées  en  revue. 

C'est  ainsi  que  la  comparaison  entre  le  passé  et  le  présent  s'établissait  d'elle- 
même,  et  que  l'étude  était  devenue  plus  féconde  parce  qu'elle  avait  été  rendue 
plus  complète.  —  Tel  était  dans  ses  grandes  lignes,  formulé  par  M.  Paul  Mantz, 


président  de  la  Commission  consnltalive,  le  programme  que  l'Union  Centrale 
avait  adopté  pour  ses  expositions  technologiques  et  que  l'Exposition  de  1900 
devait  reprendre  sur  une  échelle  grandiose. 

Elle  organisa  successivement  : 

En  1880  :  Première  Exposition.  — Le  McMal  avec  l'exposition  rétrospective  des 
Arts  (In  Métal,  h  laquelle  avait  été  jointe  l'Exposition  de  la  collection  des  bronzes 
rapportés  d'Extrême-Orient,  par  M.  Cernuschi. 

En  1882  :  Deuxième  Exposition.  —  Le  Bois  (mobilier)  et  le  tissu,  avec  l'expo- 
sition rétrospective  des  Arts  du  liois.  Le  Garde-Meuble  national  avait  apporté  un 
contingent  considérable  en  puisant  dans  les  châteaux  de  Versailles,  de  Trianon, 
de  Fonlainebleau  et  de  Conq)iègne,  les  pièces  les  plus  remarquables  de  notre 
mobilier  national. 

En  188 't  :  Troisième  Exposition.  —  La  Pi(M're,  la  Terre,  le  Verre,  avec  adjonc- 
tion de  l'exposition  rétrospective  des  Arts  du  Feu.  La  manufacture  de  Sèvres  y 
figurait  avec  un  magnifique  ensemble. 

En  1887,  était  ouverte  une  exposition  récapilulalive,  et,  en  189^2,  l'Exposition 
moderne  rétrospective  et  internationale  des  A/is  de  ht  Fcmuw  ter;ninait  le  cycle 
connnencé. 

La  leçon  demandée  aux  Mnsées  rétrospectifs  avait  donc  été  largement  donnée 
et  l'idée  de  borner  l'œuvre  de  1900  à  l'exposition  des  progrès  accomplis  pendant 
le  siècle  (|ui  venait  de  finir  élait  excellente  en  soi,  et  devait  présenter  le  plus  magni- 
llqne  ensemble  ((u'il  fut  donm''  au  monde  qui  pense  et  qui  travaille  de  voir  réuni. 

Mais  était-il  possible  de  rendre  ces  ensembles  intéressants  en  limitant  le 
champ  des  découvertes  à  faire  au  dix-neuvième  siècle,  et,  dans  certaines  classes, 
ne  serait-il  pas  nécessaire  de  remonter  au  delà  du  dernier  siècle.  L'événement  l'a 
prouvé,  et  on  ne  saurait  regretter  d'avoir  vu,  dans  certains  cas,  les  Musées  centen- 
naux  se  transformer  en  Musées  rétrospectifs  depuis  les  temps  les  plus  anciens, 
et  en  montrer  les  origines. 

Ils  ont  été  souvent  plus  intéressants  que  ceux  qui  s'étaient  maintenus  dans 
les  limites  fixées  par  les  organisateurs  de  l'Exposition. 

Dans  une  certaine  mesure,  le  Musée  centennal  de  l'Orfèvrerie  n'a  pas  échappé 
à  la  tentation,  et  a  fait  une  incursion  heureuse  chez  les  amateurs  de  l'art  du  dix- 
huitième  siècle.  Les  collections  de  M""  Burat,  de  M'"^  Depret,  de  MM.  Doistau, 
Ephrussi,  G.  Boin,  Chappey,  Bernard  Franck  et  du  Musée  des  Arts  décoratifs,  ont 
ouvert  un  délicieux  horizon  aux  visiteurs,  en  faisant  admirer  les  belles  orfèvreries 
des  Germain,  des  Boettiers,  et  des  autres  maîtres  orfèvres  du  dix-huitième  siècle. 

Le  Musée  centennal  <le  1900  fut  constitué  parla  réunion  de  l  l  iO  objets  d'or- 
fèvrerie prêtés  par  71  collectionneurs  et  par  9  malsons  d'orfèvres  existant 
encore.  Il  conq)renait  des  œuvres  remontant  au  dix-huitième  siècle  et  les  œuvres 


Musée   rétrospectif  du  Costume. 

3''  K.vrosiTioN  Di;  l'imon  cknthale  des  arts  décoratifs,    \S~\. 

Ia"  CiiMinl   Escalit'r.   Paul   I-nrain.  arrliitocte. 


I 


I 


—  i:{  — 

(1(1  (li\-lli'ii\  icilir  siècle  ;iiil  (  riellics  ;i  |S(S!I.  Lii  \iilelir  (|(''cl;i|-(''e  Ji.ir  les  |ir()- 
[">ii('l;iiics  (les  oitjcis  e\|H(ses,  e|  |i<)iir  l('S{|U('ls  r;ii|iiiiiii-l  i;il  ion  ;i\,iit  doiiiie  sa 
j^iiraiil  ie,   (li'p.iNs.iit    |;i    soiiiiiic   de   ."') 'ilKHHIO    IV;iiics. 

L;i  (•(illIllllssKiii  rli;ii>;cf  de  nMlllir  cl  dr  cl.'lsser  les  [(ieees  e\|tOsees  el;iil  |(re- 
sidc'c  |»;ir  M.  <i.  Hoiii,  seidiidc  |);ir  rr\|K'iitiire  el  le  ;j(iùl  de  MM.  Kdiiioini  T;ii;-'iiy, 
Ai'liis  cl  Va\.  ('.onoNcr  Le  plaii  en  a\ail  r\r  dresse''  |iai'  l'an  iiili-dc  de  la  (liasse, 
M.  Paid  Ldiaiii.  cl  la  dt-coralioii  a\ail  r\r  ^■u\\{'\^''^'  ii  M.  Kciiidii,  «|iii  lavail  ((tiieiic 
dans  les  nicmcs  duniK-cs  d('C((rali\cs  i|iic  celles  de  la  (liasse  clle-iiièiiie,  Noiilanl 
ainsi  nidnlrer  (|ne  les  oiïeM'es  nnidernes  ('-laienl  bien  les  conliimalcMirs  lialtiles 
de  cenx  i|ni  les  a\aienl  |ii'eeed(''s. 

Le  Mnsi'c  cenleinial  avait  c{r  adossé  à  la  eloison  (]ni  le  s(''|)aiail  de>  (liasses 
de  la  l)ij(»nlei'ie  el  de  la  ,l(iaiilerie;  ()eeii|)anl,  re\lr(''nnlt''  de  la  ;^alei-ie  dn  re/- 
d('-('liaiiss(''t'  de  rilsplanade  des  Invalides  (|ni  avait  ('•l('-  eonsaciM'-e  au  (ii-oupc  W 
des  indnsli'ics  iliviM'scs,  il  se  développait  dans  toute  sa  lai^MMU'  el  i^araiiélcrnnnt 
à  rexpositioii  ilos  orfèvres  uiodcrucs.  Le  l'oiid  était  meublé  par  des  vitrines 
adossées,  séparées  par  des  soeles  destinés  à  mettre  eu  valeur  les  pièces  isolées; 
des  vitrines  centrales  |)onr  les  nu'uus  objets  précieux,  et  des  tables  à  lair  bbre 
complétaient  raniéna^X'nient  «général. 

Deux  vitrines  étaient  consacrées  au  dix-huitième  siècle.  Les  collections  de 
MM'""^  Hurat,  IL  Depret,  la  comtesse  de  Ganay,  de  MM.  Arlus,  G.  Boin,  Doistau, 
Ephrussi  et  du  Musée  des  Arts  décoratifs  avaient  fourni  les  pièces  les  plus  inté- 
ressantes. 

Deux  autres  contenaient  les  pièces  d'orfèvrerie  appartenant  à  l'épocpie  de  la 
Restauration,  empruntées  aux  collections  de  MM.  Goldschmidt,  Lebaudy,  Artus, 
Rosenberg,  et  de  M""  la  comtesse  Brevern  de  la  Gardie.  Puis  venaient  les  vitrines 
se  rapportant  à  l'époque  de  Louis-Philippe.  Les  collections  Cahen  d'Anvers, 
Pillel-Will,  duchesse  de  Luyncs,  baronne  Bro  de  Comères,  Sabatier  d'Espeyran, 
Froment-Meurice,  Odiot  avaient  apporté  une  large  contribution. 

Le  second  Empire  était  représenté  par  les  œuvres  des  orfèvres  Aucoc, 
Christode,  Fannière,  Froment-Meurice  fils  et  Odiot  fils. 

L'époque  de  la  troisième  République  était  représentée  par  les  œuvres  de  Chris- 
tofle,  de  Fannière,  Froment-Meurice,  A.  Marioton, Boucheron,  etc.  Une  vitrine  était 
consacrée  à  l'orfèvrerie  religieuse  ;  Poussielgue-Rusand  et  Armand-Calliat  y  figu- 
raient avec  honneur,  et  le  Reliquaire  de  la  Vraie  Croix,  œuvre  magistrale  de  Viollet- 
le-Duc,  avait  été  prêté  par  le  Chapitre  de  Notre-Dame  de  Paris.  Enfin  une  vitrine 
contenant  une  collection  d'œuvres  modernes  montrait  ce  que  peuvent  le  goût 
et  l'initiative  d'un  amateur  riche  et  avisé,  qui  pensait  qu'en  provoquant  chez  ses 
contemporains  l'éclosion  d'œuvres  d'orfèvrerie  intéressantes,  on  pouvait  enrichir 
le  cabinet  d'un  amateur  et  se  procurer  plus  de  joie  que  de  fouiller  les  archives  du 
passé.  C'est  à  M.  Corroyer  qu'on  devait  cette  heureuse  tentative  ;  on  a  pu  voir 


k 


—  14  — 

qu'il  avait  roussi  ot  qu'il  avait  été  bien  inspiré  en  s'adressant  à  des  sculpteurs 
comme  Barrias,  Bottée,  Cordonnier,  Delaplaiiche,  Moreau-Vauthier,  etc.,  des  cise- 
leurs comme  Brateau  et  Rault,  des  émailleurs  comme  Grandhomme,  des  orfèvres 
comme  Falize,  Relier,  etc. 

Les  tables-vitrines  contenaient  les  merveilleuses  boites  en  or  ciselé  et  émail 
du  dix-huitième  siècle  provenant  des  collections  Boin-ïaburel,  Bernard-Fianck, 
Chappey  et  Doistau. 

Sur  les  socles  isolés,  des  œuvres  de  Froment-Meurice,  Christolle,  Marioton, 
Boucheron,  et,  sur  une  grande  table  qui  occupait  le  centre  de  l'exposition,  le  sur- 
tout de  Napoléon  III,  arraché  aux  décombres  des  Tuileries  après  les  incendies  de 
1871,  œuvre  de  Charles  Christolle,  reconstitué  par  la  piété  filiale  de  ses  enfants 
pour  être  donné  au  Musée  des  Arts  décoratifs  et  perpétuer  sa  mémoire. 

Tel  était  rensembic  du  Musée  centennal  de  l'orfèvrerie.  Ccîi-tes  on  aurait  pu 
rémiir  un  ensemble  plus  important;  mais  les  auivrcs  en  métal  précieux  sont 
périssables,  le  g-oùt  chang-e,  la  mode  se  ti-ansforme,  et  la  matière  entre  des  mains 
ignoi'antes  est  si  facile  à  réaliser  ou  à  transformer  à  la  mode  du  jour!  Si  l'espace 
concédé  par  l'Administration  était  restreint,  les  organisateurs  ont  su  néanmoins  en 
tirer  un  parti  heureux  pour  mettre  en  valeur  leurs  œuvres  qu'on  lui  avait  confiées, 
et  donner  une  noble  idée  du  bel  art  de  l'orfèvrerie.  Nous  ne  pouvons  que  les 
en  féliciter,  et  nous  réjouir  de  l'occasion  qu'ils  nous  ont  donnée  de  retracer  ici 
le  tableau  de  l'orfèvrerie  française,  aux  dix-huitième  et  dix-neuvième  siècles. 


Gobelet,  émail  de  GrancUiomnie. 
(Collection  Corroyer.) 


i:; 


l 


Musée  centennal  de  1900 

Le  di.\:-liuiLi(.''mc   siècle.   —   [Colleclion   Biirnl.) 


Musée   centennal   de    19C0. 

Llîmiu-e  et  la  Restauration. 


ri 


Musée  centsnnal  de   19G0. 

Kpoquc  I.uiiis  Pliilippc.   —  Oïlinl.  FeucliL-re.  FiMm.'iit -Mfuricc. 


Musée  centennal  de  1900. 

Ei)oqiK-  Xai)nlcon  III.  —  Faniiii'i-e,  Clii'i>l('n.'.  Frnnicnt-Mctiricc  lil 


JPF&'Pn 


Miîse.      entonnai  de  1900. 


2:1 


Musée  centennal  de  1900. 

Orfèvrerie  religieuse.  —  Poussielfiue-Husand,  Armand-Calliat. 


: 


Ai^iiiiiTO  ol  son  Imssiii  on  ar^ionl  rcpini^si'.  (lix-M'ptirnif  Niccic. 


CIIAPÏTIIE   II 

(]4>iip  iWvW  sur  rorfovporio  fi*an(;aiso  dopiiis  les  Moi'oviiiiiions 
jus(|ir;\  la  morl  d(^  Louis  XIV. 


EMONTER  aux  origiiios  (le  l'art  de  l'orfèvre  n'entre 
pas  dans  le  cadre  que  je  me  suis  tracé.  Je  n'irai 
pas  jusqu'à  citer  Homère  ou  la  Bible  pour  en 
fournir  la  preuve,  il  me  suffit  de  rappeler  ici 
que,  si  l'orfèvrerie  a  ses  origines  dans  le  passé 
le  plus  lointain,  c'est  à  la  France  qu'elle  doit 
ses  plus  précieux  monuments. 

Cependant  j'ai  pensé  qu'avant  d'aborder 
l'élude  des  œuvres  d'orfèvrerie  française  ap- 
partenant aux  deux  derniers  siècles,  et  réunies 
au  Musée  centennal,  il  était  nécessaire  de  tracer 
un  tableau  rapide  des  transformations  qui  se  sont  opérées  dans  l'art  de  l'or- 
fèvre depuis  les  origines  de  la  monarchie  française  jusqu'à  la  fin  du  règne  de 
Louis  XIV,  et  de  signaler  brièvement  les  influences  diverses  qui  ont  marqué,  au 
cours  des  siècles,  les  étapes  successives  de  l'art  de  l'orfèvrerie,  se  développant 
avec  la  civilisation,  se  transformant  avec  l'architecture,  reflétant  l'esprit  et  les 
mœurs  du  temps,  et  consacrant  le  goût  d'une  époque  par  la  perfection  de 
ses  œuvres  et  le  génie  de  la  race  française. 

L'orfèvrerie  fut  religieuse,  dans  les  premiers  temps  de  la  monarchie  française, 
alors  que   la  foi  chrétienne    confiait   aux  atehers   des    monastères  le   soin  de 


—  26  — 

conserver  les  traditions  de  l'art  et  du  métier,  en  enrichissant  le  trésor  des  églises 
et  des  abbayes. 

Ce  n'est  pas  sans  raison  que  les  orfèvres  français  avaient  pris  comme  patron 
le  Bienheureux  saint  Éloi,  orfèvre  avant  de  devenir  évoque,  et  ministre  d'un  roi 
de  France  avant  d'être  canonisé. 

Saint  Eloi,  né  dans  le  Limousin,  avait  fait  son  apjMTnlissage  dans  l'atelier  d'un 
orfèvre  monétaire  de  Limoges,  nommé  Abbon.  Désigné  à  la  confiance  du  roi 
Dagobert,  par  le  scrupuleux  emploi  qu'il  avait  fait  du  mêlai  qui  lui  avait  été  confié. 


Fauteuil  de  Dai^obert,  par  saint  Éloi. 


en  exécutant  deux  sièges  au  lieu  d'un  que  lui  avait  connnandé  Dagobert,  il  n'usa 
de  la  faveur  royale  que  pour  le  bien  de  l'Église  et  de  l'Etat.  11  fondait  près  de 
Limoges,  à  Solignac,  une  abbaye  célèbre  par  les  ouvrages  d'or  et  d'argent,  et  les 
vitraux  qui  sortaient  des  mains  des  moines  artistes  qui  l'habitaient. 

Fonder  un  monastère  à  cette  époque,  ce  n'était  pas  seulement  ouvi-ir  im  asile 
au  recueillement  et  à  la  prière  ;  c'était  aussi  travailler  à  reml)eUissement  de  la 
patrie  terrestre  en  favorisant  la  triple  culture  des  champs,  des  lettres  et 
des  arts. 


27  — 


Aicliilcrlc^,   pciiil  li'^,  scilllilclir-^,    ((rlcN  rcs,   mi     \riiirrv,  les    rc|i;.'icii\    >«;i\;iic||| 
l'iiiic    |i;iilc|-    l.i     liliiticic,    cl     N(ill>    lies    illlii;^('S 
Icirc^l  ic^    hil^MT   clil  ic\  (lir   les    |  ic,itil(''>>    l'Irr 
iicllo.     I)('l;;i|^('^    lie    hnitc    |in'(M'i'ii|i.il  imi    de 
l.'i   \ic    iiiali'i'iclli',   lniii   (Ic^  hiiiiU  (lu   (IcIkits, 
(\a\\^     raliiKi^plii'iT     ciliiic     cl     ii'iMicillic     ilii 


Moine  orfèvre. 


(^iiitliai-e  anti<nie  dite  (^nii)e  des  IMoléiiiées. 
[Cul)inct  des  mtulnilh's.) 

niôiiastèrc,  les  moines  artistes,  poursuivant 
Tteuvre  commencée,  n'avaient  d'autre  souci 
(jue  d'élever  leur  àme  et  d'arriver  à  la  per- 
fection. La  foi  chrétienne  les  soutenait,  et  c'est  pour  honoi-er  leur  Dieu  que 
les  moines  créaient  ces  œuvres  magnifujues, 
dont  le  noml)re  fut  considérable,  et  dont  les 
rares  spécimens,  échappés  à  la  fonte  et  aux 
destructions  impies,  nous  laissent  aujoui'- 
d'hui  tant  de  regrets. 

i(  Dès  les  premiers  siècles,  l'art  dans  son 
»  expression  la  plus  élevée,  comme  dans 
»  ses  plus  riches  matériaux,  avait  un  but 
»  moral  par  sa  destination  religieuse;  il  était 
»  accessible  à  l'œil  et  à  la  main  des  foules. 
»  Ces  précieux  joyaux,  aujourd'hui  gardés 
»  sous  triples  verrous,  dans  des  résidences  Caiiee  de  saint  Rémi. 

»  peu  abordables,  récréaient  alors  le  regard  {Trésor  de  la  cnihédmie  de  neims.) 


—  28   — 

»  des   pauvres    comme   celui   des   riches,    dans  des   temples    toujours    ouvei'ts. 
»  Ils    étaient  là  comme  le  trésor  de  ceux  qui  ne  possédaient  pas. 

»  L'art,  dans  ces  époques  naïves,  n'avait  pas  pour  but  de  faire  briller  d'iiu- 
»  maines  vanités,  il  était  avant  tout  populaire  et,  comnie  tel,  destiué  à  agir  sur 
»  rintelligence  et  l'iuiagination  du  peuple.  L'orfèvre  remplissait  cette  mission  à  sa 
»  manière  (I).  » 

L'arcliilcclure   lui  avail    monli'é   le   chemiu  et   les    transformations   de   l'uiu^ 

donnaient  à  l'autre  des  formules  nou- 
velles. Ces  deux  arts  étaient  alors  élroi- 
tement  unis.  Celait  le  même  art  em- 
ployant des  matériaux  et  des  ])rocéd(''s 
dillV'r'ents,  pour  produire  une  semblable 
impression  par  le  déploieuient  d'un  même 
génie. 

Dans  les  décorations  un  peu  rudimen- 
taires  des  pièces  de  la  période  mérovin- 
gienne les  ligues  géométriques  et  simples 
servaient  de  cadre  à  des  ornements  tili- 
granés,  associés  aux  |)icri'es  précieuses. 
La  couronne  du  roi  visigoth  Ivecesvinlhe, 
conservée  au  Musée  de  Cluny,  le  calice 
de  saint  Kemi  qui  ;q)paiiicnt  au  Ti'ésoi' 
de  la  cathédrale  (h'  Heims,  et  la  coupe 
M  des  IHolémées  au  Cabinet  des  Médailles 
nous  font  connaître  l'ornementation  pri- 
mitive, mais  non  sans  cliarme  et  sans 
grandeur,  de  celte  éj^oque. 

Quatre  siècles  plus  tard,  l'impression 
produite  sur  les  esprits  par  l'architecture 
avait  modifié  le  décor:  la  flore,  la  faune,  la  figure  humaine  associées  dans  la 
décoration  des  cathédrales  provoquaient  une  évolution  nouvelle.  Les  figures  des 
saints  meublaient  les  arceaux  d'édicules  robustes  et  simples,  ou  se  transfor- 
maient en  vases  précieux  destinés  à  recevoir  les  reliques  des  saints  présentées  ta 
radoi'alion  des  fidèles.  Les  animaux  agrémentaient  les  vases,  tel  le  reli([uaire  en 
porphyre  à  tète  d'aigle  exécuté  à  la  demande  de  l'abbé  Sugei-,  l'un  des  joyaux 
de  la  Calerie  d'Apollon  au  Louvre. 

Les  ileiu's,  les  feuillages  se  développaient  en  rinceaux  ornemanisés,  et  les 
('•maux,    rem|)lacant    par   leurs    chaudes    colorations    les   rellets    des    pierreries, 


Hcli([iiaire  en  tniiiie  d  aigl 
{Galerie  d'Apollon.) 


(1)  Diclioiiiuiiri'  de  l'orfèrrerie  chrélieiiitc  ilr  l'abbé  'l'exier. 


-  û\) 


Ncii.iifiil  fiirnliir  l("^  |>;iiiim';iii\  dc^  (liasses,  ri  les  tuiiiics  des  vjiscs  sjUM'és. 
A  1,1  Un  (In  (li.ii/iciiic  siècle  r.iii'liileci  un'  s'el.iil  t  r.i  II  vloi-mr-e  de  ii()ii\r;iii; 
aux  Idniics  li;i|iii('>  di's  edilices,  an  pleni  ciiili-e  di'>  i»ii\  cri  iin-s,  elh'  a\ail, 
suiollluc  r(i:^l\c;  Ifs  (•(iliillliel  les  eillhllles  de  |)iliacl('s  deiileles.  |es  reiirllTS 
;ic(a>s|ees  de  (•oui  icr(  irl  s  ajouii's,  les  llecjics  ai;.'ll('s,  les  I  .ali|s|  rades  ('sid/'cs. 
doiiiiaii'iil  aux  cdiliccs  une  svcllcsse  (■h-j^aiil  c  i|iii'  riiilcv  n'i'ir  feliuicu^c  n  cui- 
prcssail    d'ad(t|il('r. 

IMiis  libre  dans  sou  iiil('r|ir('-lal  i(ui  cl  u'axaiil  |M)iiil.  coiiiiiic  rardiilccle.  a 
i'iun|ili'r  a\  ce  les  exiLicurcs  de  la  slal)ilil'-.  l'iU-rcs  rc  a\  ail  huiles  les  aiidarcs  ;  la 
l'ii^idile  du  iiK'Ial.  su  luallt'alu- 
lih',  se  |irèlaieiil  a  loiiles  x's 
l'aulaisies.  La  ti^iire  liuiuaiiie 
rendue  d'une  l'aeou  iiai\c  el 
|)OiUi(|Ui\  la  lleur  el  le  l'euillai^c 
assouplis  en  des  riiieeaux  (Me- 
iiaiils,  iinpi'iuiaieul  à  eos  aMivres 
un  earaiMère  (U'ii;iual  el  eliar- 
inaiil,  el  eel  aii  nouveau,  ro- 
Imsle  eoiniue  l'arbre  de  la  Corel, 
souple  eomnie  la  gramiiiée  des 
prairies,  gracieux  comme  la 
ileur  des  champs,  était  et  devait 
rester  comme  une  des  plus 
belles  iucarnations  du  génie 
français. 

L'orfèvrerie  civile  avait  suivi 
le  mouvement  donné  par  l'or- 
fèvrerie religieuse.  Les  souve- 
rains el  les  princes  s'empres- 
saient de  convertir  en  beaux 
objets  d'or  et  d'argent  les  métaux  précieux  que  les  hasards  de  la  guerre  ou  les 
successions  faisaient  tomber  entre  leurs  mains;  on  ne  comptait  plus  les  hanaps, 
les  coupes,  les  aiguières,  les  drageoirs,  les  écuelles,  les  plats,  les  salières  dont 
ils  enrichissaient   leurs  trésors. 

Tous  ces  beaux  objets  faisaient  partie  du  mobilier  des  cours  et  des  châteaux 
de  la  noblesse.  Les  grandes  réceptions,  les  entrées  solennelles,  les  joutes,  les 
tournois,  étaient  l'occasion  de  montrer  à  la  foule  les  richesses  possédées.  C'était 
la  marque  de  la  fortune.  C'était  aussi  une  réserve  métallique  ;  M.  de  Laborde  a  dit 
avec  beaucoup  de  raison  dans  sa  notice  sur  les  émaux  du  Louvre  :  «  C'était  tout 
»  l'avoir  des  rois,  des  princes  et  des  seigneurs;  ce   que  nous  plaçons  dans  les 


Table  cl  drussoii-  comoils  de  i)ié-cis  irorrèvrcric, 
d  a[ir(Js  une   iiiiiiiatuce. 


—  30  — 

»  fonds  publics,  dans  les  actions  industrielles,  ce  que  nous  possédons  en  argent 
»  comptant,  le  seigneur  du  moyen  âge  l'avait  en  orfèvrerie.  Capital  mort,  sans 
»  doute,  mais  qui  donnait,  au  lieu  d'intérêts,  le  plaisir  fastueux  d'étaler  ses 
»  richesses  sur  des  dressoirs  aux  jours  des  grandes  fêtes  et  des  repas  magni- 
»  fiques.  » 

Mais,  lorsque  les  mauvais  jours  arrivaient,  ces  somptueux  objets  devenaient 
une  ressource  précieuse,  où  l'on  puisait  à  pleines  mains  pour  subvenir  aux  fi'ais 
de  la  guerre,  ou  payer  les  rançons,  ci  les  (cuvres  d'orfèvrerie  disparaissaient  sans 
laisser  de  traces. 


Après  s'être  développé  et  avoir  giandi  au  milieu  des  p(''ripéties  les  plus  terribles 
de  notre  histoire,  et  avoir  éclairé  de  ses  gracieuses  créations  le    monde   féodal, 

l'art  de  l'orfèvrerie  ne  s'exer- 
çait plus  ex(dusivement  dans  les 
abbayes. 

Sous  J'inlUience  des  grands 
seigneurs  et  des  princes,  les  ate- 
liers civils  s'étaient  constitués  et 
donnaient  à  leurs  œuvres  des  raf- 
linements  inconnus.  Ce  fut  l'é- 
poque où  les  artistes  étrangers, 
Flamands  ou  Italiens  appelés,  les 
uns  par  les  ducs  de  Bourgogne, 
les  autres  par  les  rois  de  France 
et  les  seigneurs  qui,  à  leur  suite, 
étaient  revenus  d'Italie  encore 
sous  le  charme  des  merveilles 
qui  les  avaient  séduits,  allaient 
opérer  une  transformation  carac- 
téristique dans  l'art  de  l'orfè- 
vrerie, et  exercer  une  influence 
directe  sur  nos  ateliers.  Certes 
ils  auraient  pu  porter  un  coup 
fatal  à  notre  art  national,  mais 
ni  Charles  VII  qui  les  avait  at- 
tirés, ni  le  cardinal  d'Amboise  qui  les  avait  soutenus  par  ses  commandes,  ni 
même  François  1"  en  jirolégeant  et  en  comljlant  d'honneurs  et  d'argent  l'orfèvre 
florentin  Benvenuto  Cellini,  ne  parvinrent  à  détourner  nos  artistes  et  nos 
orfèvres  de  leur  voie  ataviriue. 

Aussi,  malgré  l'engouement  pour  les  artistes  delà   Bcnaissancc   italienne,   la 


Le  dressoir  du  roi  Louis  XH,  tl'après  une  niinialui-e. 


—  :m  — 


Hi'ii.ii^viiiicc  l'i;iiir,ii-r  .ill.iil  ->';iniiiiii'|-  ;i\it  ikis  .iicIi  il  rd  c-^  I'h'IT"'  LcscoI, 
IMiiIiImmI  hcidlllic  cl  \ihliiiinl  l>ii  ( '.iirr.nix  ;  mon  sc(ll|ilriii-  .Ic'iii  (idilioll  ri. 
(  Icilll.iili  l'iloll,  cl  IKc-  (irrc\l("^  l'.liciiiic  hcl.iiiliic  cl  rr.ilicdi^  r.llDl.  ci  Ic  •^rl\\f  (le 
iidlrc  r;icc.  ;ili-<()ili;iiil  l.i  iikhIc  ikuixcIIc,  I;i  I  i;iii-~rMiiii;iil  \n,\\v  l.i  l'aire  <iciiiic  cl 
riiii|M)Ncr  soiis  une  Inriiic  |icr^(iiiiicllc  ;iii\  .•iiilrcv  |m'II|»Ic-.  (|III  ^  riii|i|-cv-.;iiciil  i|c 
r,i(|()|.|cr.  I/,hIi(.ii  (|iic  r;iil  iill  i;i-iii(iiil;iiii  c\ci-c;i  Mir  l'ni  Icn  rciic  |r;iiic;ii-c  ne 
dura    pas.    cl    nos  aiiislcs  'iNaiciil    intp  (J'IialHlch''  ci    ili.ii.u'iiialih'   iiali\c    |i(mi-   ne 


.W'f  (.Ml  m-  ollVrtc  (tai-  la  \  illi'  de  Hurdoaux 
à  la  roiiu'  l^lcniiore. 


("aiiiiélahre  ofTerL  par  la  xillu  di'  Pari? 
à  la  reine  Eléoinirc. 


pas  se  ressaisi)'  au  contact  des  l'euiines  de  goût,  reines  de  la  main  droite  ou  de 
la  main  gauche,  qui  s'étaient  faites  les  collaboratrices  et  les  inspiratrices  des 
orfèvres. 

Anne  de  Bretagne  avait  un  orfèvre  attitré.  Arnould  de  Viviei's,  et  sa  vaisselle 
d"or  était  somptueuse.  Elle  ne  doit  pas  avoir  été  sans  influence  sur  l'exécution  du 
calice  (jue  possède  une  petite  église  du  Finistère,  Saint-Jean  du  Doigt,  qui  fait 
encore  les  délices  des  archéologues,  et  qui,  suivant  une  tradition  ancienne,  aurait 
été  donné  en  1506  par  Anne  de  Bretagne. 

La  reine  Eléonore  d'Autriche,  seconde  femme  de  François  I",  avait  le  goût 
des  belles  orfèvreries.  Lorsqu'en   1531,  elle  lit  son  entrée  à  Paris,  les  échevins 


—  32  — 

méditaient  de  lui  offrir  un  groupe  allégorique  dans  lequel  le  vaisseau,  emblème  de 
la  ville  de  Lutcce,  aurait  joué  son  rôle  traditionnel.  iMalheureusement  il  se  trouva 
que  la  ville  de  Bordeaux  avait  pris  les  devants  et  oITert  elle  aussi  «  un  navire  d'or, 
»  avec  trois  hunes  fort  beau  et  grand,  plein  d'escus  au  soleil,  couvert  et  équipé 
»  comme  s'il  eust  esté  fait  pour  nager  »  (1).  Il  fallut  donc,  dans  la  crainte  d'un 
double  emploi,  renoncer  au  projet  caressé.  On  se  rejeta  sur  une  paire  de  candé- 
labres de  haute  taille,  accostés  de  figures  portant  des  drageoirs,  des  inscriptions 
et  les  emblèmes  de  la  ville. 


Alelici-  d'oi  rcNrc,  d'a[)rès  Ktienne  Dclaulnc  {■>). 

Un  artiste  de  la  plus  line  race,  Etienne  Delaulne,  donnait  à  cette  époque  des 
modèles  à  l'orfèvrerie  et  exécutait  une  série  de  planches  pleines  de  force  et 
d'élégance,  dont  les  ateliers  d'orfèvre  savaient  tirer  bon  parti.  Le  modèle  du 
briUe-parfums,  dans  lequel  se  trouvent  résumées  les  qualités  de  son  talent,  est 
un  document  précieux  pour  l'art  de  l'orfèvrerie  française  au  seizième  siècle; 
et,  s'il  est  encore  empreint  de  la  donnée  italienne  et  de  l'Ecole  de  Fontainebleau, 
il  affirme  déjà  que  l'art  français  avait  su  s'en  dégager  et  s'alfranchir  enfin  par 
des  créations  originales  (2). 


(1)  Henry  Il.ivard,  Hisloirc  <b'  l'orfèvrerie  fram-ahe,  pai:i'  ;il(i. 

(2!  L'œiiVre  d'Etienne  Delaulne  renferme  une  planche  qui  est  Lien  laite  pour  noui  inlére#,-er.  Elle 
représente  Tintérienr  d'un  atelier  d'orfèvre,  et  nous  la  reproduisons  ici.  Un  jeune  ouvrier,  portant  le 
costume  du  temps  de  Cliar'les  IX,  s'y  inoutre  accompagné  de  ses  aides  et  entouré  de  ses  instruments  de 
ti'avail.  Sans  parler  de  sou  extrèun;  tinesse,  celte  gravure  a  tout  le  prix  d'un  renseignement  biogra- 
j)hi(|ue  sui'  Etienne  Delaulne.  La  vérité  de  l'ameubleuient,  l'exactitude  du  détail  semblent  imliquei"  que 
toid,  dans  ce  laborieux  intérieur,  a  été  étudié  sur  nature,  et  que  l'aulenr  a  vraiment  vécu  dans  un 
atelier  d'orfèvre. 


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\.i^  lli;iiliv^-M'-  ili'  IV. lin  111^  I",  l;i  roiiih's^c  de  ( '.liiil  ciiil  ni.iiM  I  d  l;i  iliiclirsse 
,1  r,|;iiii|.c-^,  <l(iiil  (Ml  -;iil  !(■■>  ihiiicl.'s  ;i\rc  l'.ciiN  niiild,  |iiii-;iiciil  ;i  |.lciiirs  iii;iiiis 
ihiii-.  le  li-cxir  ni\;il  |m.iii-  l'iiiicliir  Iciir^  ccniis  oii  Inir--  drcssoii-s.  (  lai  lirriiir  <lc 
Mclicix  la  r.'iiiiiic  lie  llnin  II.  hiaiic  d.'  l'uilici-.  sa  mail rr^sc,  iiirllainil  m 
li(iiiii('iir  l(">  »'iiiaii\  (le   Li'kikhiI   iaimi'^iii. 


Présent  olïert  par  la  \ille  de  Paris  au  roi  Charles  IX, 
lors  de  son  entrée  solennelle. 


Henri  H  n'était  pas  seiileiiuMit  iiéiiéroux  envers  ses  maîtresses.  Roi  catholique, 
il  donnait  beaucoup  aux  églises,  et  rorlevrerie  religieuse  ne  chômait  pas,  car  il 
fallait  remplacer  par  des  œuvres  nouvelles  celles  qui  disparaissaient  dans  les 
pillages  des  éghses  et  des  abbayes. 

Sous  Charles  I\  et  Henri  Hl,  malgré  les  troubles  que  les  guerres  de   religion 


—  .'{G  — 

ont  dîi  apporter  aux  orfèvres  dans  l'exercice  de  leur  art,  les  entrées  des  rois 
dans  la  ville  de  Paris,  les  mariages  princiers,  étaient  encore  l'occasion  de  cadeaux 
magnifiques. 

Avec  Henri  [V,  les  orfèvres  étaient  assimilés  aux  peintres  ou  sculpteurs,  et 
appelés  à  loger  dans  les  galeries  du  Louvre.  La  reine  Marie  de  Médicis  proté- 
geait les  arts,  et  Gabrielle  d'Estrées  n'avait  pas  manqué  au  rôle  bienfaisant 
que  les  maîtresses  royales  avaient  pi'is  vis-à-vis  des  orfèvj'es;  l'invenlaire  dressé  à 
sa  mort,  en  1599,  dépasse  en  orfèvrerie  somptueuse  tout  ce  que  l'imagination 
peut  rêver  :  c'est  comme  le  procès-verbal  de  la  situation  de  l'orfèvrerie  française 
à  la  lin  de  la  Renaissance. 

D'élégante  et  raffinée  qu'était  l'orfèvrerie  au  seizième  siècle,  elle  allait  ap- 
paraître somptueuse  et  magnifique  au  siècle  suivant.  L'or  et  l'argent  im- 
portés du  Nouveau  Monde  en  Europe  par  les  Hottes  espagnoles  affluaient 
en  telle  abondance,  que  dans  la  Péninsule  on  y  faisait  des  mobiliers  en 
argent. 

Fille  de  Philippe  III,  la  reine  Anne  d'Autriche,  quoique  ayant  franchi 
les  Pyrénées,  avait  gardé  les  goûts  de  son  pays.  L'emploi  du  vermeil  pour 
la  fabrication  de  la  vaisselle  de  table  devenait  plus  fréquent,  comme  il  l'était 
devenu  dans  la  fabrication  de  l'orfèvrerie  d'église.  Le  coffret  que  Kichelieu 
donna  à  Anne  d'Autriche,  et  que  conserve  le  Louvre  daîis  la  galerie  d'Apollon, 
avec  ses  reliefs  d'un  or  supei'be,  se  découpant  en  rinceaux  et  feuillages  élégants, 
peut  être  considéi'é  comme  une  des  meilleures  ouivres  d'orfèvrerie  de  cette  époque. 
Il  est  «  un  des  rares  spécimens  de  cette  ornementation  charmante  oii  les  lleurs 
»  naturelles  jouent  le  rôle  principal,  bien  qu'elles  entrent  dans  un  ensemble  réglé 
»  par  une  composition  préalable  »,  ainsi  (jue  le  constate  M.  Alfred  Darcel  dans  sa 
notice  sur  les  Emaux  du  Louvre. 

Le  Cardinal  Mazarin,  s'il  estimait  par-dessus  tout  les  piei-reries  et  les  diamants, 
dont  les  plus  beaux,  connus  sous  le  nom  des  «  Mazarins  »,  furent  légués  par  lui  à 
Louis  XIV,  et  devaient  faire  partie  plus  tard  des  diamants  de  la  couroime,  avait 
fait  travailler  les  orfèvres  de  son  temps  et  réuni  dans  son  palais  des  œuvres  de 
grand  prix.  Brienne  en  parle  avec  admiration.  «  Que  de  chenets  d'argent!  que  de 
lustres  de  cristal  et  d'orfèvrerie  î  Combien  de  bras  et  de  pla([ues  de  vermeil  ; 
combien  de  miroirs  ou  de  plaques  d'or  et  d'argent  ciselées!  » 

Anne  d'Autriche  transmit  à  son  fils  Louis  XIV  ses  goûts  poui-  l'orfèvrerie. 
Les  premiers  jouets  du  jeune  roi  étaient  en  argent,  et  sa  mère,  ne  voulant  pas  lui 
laisser  entre  les  mains  des  soldats  de  j)lomb,  lui  fit  faire  par  l'orfèvre  Merlin  une 
armée  de  soldats  d'argent  et  une  artillerie  en  or  massif.  Louis  XIV  s'en  souvint  et 
donna  à  Merlin  un  logement  au  Louvre. 

Si  l'influence  de  sa  fennne,  Marie-Thérèse,  n'eut  aucune  action  sur  les  goûts 
de  Louis  XIV,  en  revanche  M""  de  Lavallière  et  M""=  de  Montespan  et,  plus  tard, 


il 

K 


—  a.)  — 

M'"  (I,.  |'(.iil;iii-c^,  |iiiiriil  lin  ;i  rriid.iiil  iii.i  m  |  m  •  -  iir  le  loi  cl  r(' Il  ^sirciil  Ln'ilriiirn  I 
•i  rciilniiiiiT  (liiii--  I;i  xiiic  i|ii('  liii;i\;iil  li;ircc  v.i  nicrc.  Son  ■^t>\\\  |iniir  les  orl'c- 
M'crics  siiiiipl  ih'ii^CN  ne  Linla  \)n<<  ;i  se  iii;iiiiri">h'r  il.iiis  les  IV-Irs  (|u  il  ()r^;iiiiv;i 
cl  (|;ii|s  le  lii\c  csA'^rvr  i|il'll  lilil  ;'l  (ji'corcr  \Crv;iil|cs.  |/illil-.||c  Le  llriiri  lui 
lui  iiii  aille  |ii('eieii\  pmir  icajiser  sc'n  imAcs  de  l'iislc  cl  «le  ;ji';iiiilciir,  I  orle- 
\reiic  iiiiilli|i|ia,  |Miiir  le  valislairc,  huiles  ^es  spleiidciii-s  ;  jamais  on  n"a\ail 
Vil  une  iirolii^ioii  |iarcille,  cl  un  Ici  <'iii|il(ii  du  iiiclal  |ir(''eieii\  dans  le  iiMiInlici- 
d'un  l'alais. 

Mais    \ascs    on    lorclicrcs,    csealtcaiiN    <»ii    liiK-ridoiis,    caisses    d"«)i-aii:.'ccs    on 
Itraiicai'dv  d'ariicnl ,  (|iic  It's  alclicrs  «les  (ioltclins,  diri,L'«'->  par  le  |M'iiilrc  !.«•  r>nin, 


CiillVi'l   à  l)ij(iu\  d'Aiiiu'  d'Aulrii-lic. 
{(îulcric  r/'.\/)o//ofi.) 

cxécutaicnl  pour  les  résidences  royales,  et  les  orfèvreries  plus  importantes, 
mais  non  moins  fastueuses,  que  Louis  XIV  commandait  pour  sa  table,  ses 
appartements  de  Versailles,  ou  pour  ses  églises  préférées,  aux  orfèvres  qu'il 
logeait  au  Louvre,  ne  sont  plus  là  pour  attester  l'habileté  des  orfèvres  ni  la 
somptuosité  du  grand  siècle.  Les  fatales  ordonnances  du  20  février  1687  et 
du  14  novembre  1089,  qui  envoyaient  à  la  Monnaie  les  trésors  de  la  maison 
royale  et  enjoignaient  aux  seigneurs  de  se  conformer  à  l'exemple  donné  par  le 
roi,  devaient  faire  disparaître  les  plus  précieux  ouvrages  du  temps,  «  et,  triste 
»  retour  des  choses  d'iei-bas,  le  Grand  Roi,  qui  logeait  Alexis  Loir  aux  Gobelins 
»  et  donnait  10  millions  pour  exécuter  son  argenterie  de  service,  la  remplaçait 
»  quelque  temps  après  par  la  faïence,  afin  de  pouvoir  envoyer  des  subsides  à 
»  son  armée  épuisée  par  la  guerre  du  Palatinat  (I).  » 


(1    Préface  du  Recueil  de  GO  planches  d'orfèvrerie,  de  Paul  Eudet. 


—  40  — 

Si  quelques  pièces  :  écuelles,  plats  ou  llnmbeaux,  ont  pu  échapper  à  cette 
destruction  inutile  et  impie,  et  nous  donner  l'impression  de  la  belle  tenue  et  de 
l'aspect  décoratif  de  ces  ouvrages,  au  moins  pouvons-nous  retrouver  dans 
les  ta|)isseries  de  Le  Brun,  et  dans  les  superbes  gravures  de  Bérain  et  de  Le- 
pautre,  la  trace  de  ces  magnificences. 

Les  dernières  années  de  Louis  XIY  lurent  attristées  par  ces  inutiles  héca- 
tombes, et  il  nous  faut  attendre  le  dix-linitième  siècle  pour  retrouver  les 
splendeurs  de  rorfèvreric  civile  du  grand  siècle.  Ce  sont  les  mêmes  orfèvres, 
élevés  à  la  fière  école  de  ce  règne,  mais  des  inlluences  nouvelles  vont  profon- 
dément modifier  Toricntation  de  l'orfèvrerie.  Les  formes  solermelles  vont 
dispai'ailre,  cl  rornemenlalion  symr'lri(pu'  cl  pondérée,  ({uc  les  ai'chiicctcs  et  les 
décoratcui's  avaient  doiméc  aux  ceuvres  du  dix-septième  siècle,  va  céder  hi 
place  à  un  ai-l  plus  libre,  mais  (pii  n'en  restera  pas  moins  comme  l'imc  des  plus 
charmanles  li-ansformalions  de  l'arl  de  l'orfèvrerie. 


Dessin  de  Bérain. 


\'asi'  (Icir  ili's  lapissi-iies  dos  Maisniis  l'uxiil 
[Le  ch.îlenu  de  (^liiiiul)()r(l.) 


Le  dix-huitième  siècle 


CIIAPrrilE  PREMIER 

l/OrlV'viMM'ic  à  In  (iii  du  l'ôiinc  <!<'  Louis  \IV.  —  L<vs  A(<'Ii(M*s  des 
(lohclius.  —  La  <l<'s(iMicli«Mi  par  N's  Ldits.  —  Ce  (|u'('II<'  ôlail  à  la  (ahii 

<'l  dans  la  l><uu'::'<M>isi<'. 


VANT  d'aborder  l'étude  des  œuvres  d'orfèvrerie  réunies 
dans  le  Musée  centennal  et  afin  de  dégagei-  les  în- 
lluences  diverses  qu'avait  subies  l'orfèvrerie  au  cours 
des  siècles,  j"ai  cru  devoir  tracer  dans  riiilroduction 
un  tableau  rapide  des  transformations  qui  se  sont 
opérées  dans  l'art  de  l'orfèvre,  depuis  les  origines  de 
la  monarchie  jusqu'à  la  fin  du  règne  de  Louis  XIV; 
mais  l'histoire  de  l'orfèvrerie  au  dix-neuvième  siècle 
ne  peut  être  bien  comprise  qu'à   la  condition  de  faire  un  retour  en  arrière  et 


—  /il  — 

de  se  rappeler  quelles  avaient  été  les  destinées  de  cet  art  dans  la  société 
française,  depuis  la  mort  du  roi  Louis  XIV  jusqu'à  la  Révolution.  C'est,  d'ail- 
leurs, ce  qui  a  été  fort  bien  indiqué  par  les  organisateurs  du  Musée  cen- 
tennal  de  l'Exposition  de  1900  et  c'est  pourquoi  ceux-ci  avaient  réuni,  à 
côté  des  pièces  caractéristiques  de  la  période  moderne  qui  s'étend  de  1789 
à  1889,  des  (ouvres  de  choix  appartenant  aux  époques  de  la  Régence,  de 
Louis  XV  et  de  Louis  XVI.  On  ne  pouvait  adoptei'  une  meilleure  méthode. 
Elle  avait  l'avantage  de  rendre  plus  sensibles,  par  des  comparaisons  néces- 
saires, les  transformations  sui'venues.  Je  ne  saurais  donc  mieux  faire  que  de 
la  suivre. 

En  1715,  au  moment  oii  les  élégances  pimpantes  de  la  Régence  vinrent  arracher 
la  cour  de  Versailles  à  la  torpeur  où  l'avait  plongée  la  vieillesse  assombrie  du 
monarque  défuni,  l'orfèvrerie  achevait  à  peine  de  (raverser  une  des  plus  désas- 
treuses crises  qu'elle  eût  jamais  subies.  Des  édits  prohibitifs,  qui  nous  apparaissent 
aujourd'hui  comme  invraisemblables  et  presque  monstrueux,  avaient  ordonné  la 
destruction,  dans  (ont  le  l'oyaume,  des  chefs-d'œuvre  d'or  et  d'argent,  des  vais- 
selles sonqjtuiMises,  des  mci-veilles  dai't  (|ue  possédaient  les  pai'liculiers  et  les 
églises. 

Certes,  dans  le  passé,  l'orfèvrerie  avait  éprouvé  maintes  fois  des  cataclysmes 
analogues.  Considérés  par  les  princos  et  les  seigneurs  du  Moyen  Age  ou  de  la 
Renaissance,  comme  une  sorte  de  placement  d'argent,  comme  un  trésor  de 
guerre,  une  réserve  qu'on  se  ménageait  pour  les  temps  difficiles,  les  objets  en 
métaux  précieux  n'avaient  pas  souvent  survécu  à  l'époque  de  leur  création.  Voués 
d'avance  au  creuset,  bien  peu  échappaient  au  sort  fatal,  et  ni  leur  prestige 
d'œuvres  d'art,  ni  leur  perfection  ([ui  leur  donnait  une  valeur  très  supérieure  à 
celle  de  la  matière,  ne  les  préservaient  de  cette  lamentable  fin.  On  sait  que  c'est 
Là  le  motif  poui-  lequel  nous  possédons  de  si  rares  spécimens  des  orfèvreries 
anciennes.  L'antiquité  grecque  et  romaine  n'a  pas  été,  en  cela,  plus  conservatrice 
ni  plus  })révoyanle.  C'est  un  malheur  dont  les  archéologues  ont  du  prendre  leur 
parti. 

Mais,  à  aucun  moment,  à  coup  sur,  l'anéantissement  des  objets  d'orfèvrerie 
n'avait  eu  le  caractère  systématique,  brutal,  presque  barbare,  des  dernières 
années  de  Louis  XIV.  Ce  fut  alors  une  hécatombe  générale,  une  Saint-Barthélémy 
inexorable,  et  qui  ne  dura  pas  qu'un  jour,  car  le  Roi-Soleil  s'y  reprit  à  plusieurs 
fois  avec  un  redoublement  de  rigueur.  On  ne  compte  pas,  sous  son  règne,  moins 
de  vingt  ordonnances,  déclarations  ou  édits  somptuaircs  dirigés  contre  l'orfèvrerie. 
Il  est  vrai  qu'au  début  il  ne  s'agissait  que  de  refréner,  d'une  façon  générale, 
parmi  ses  sujets,  le  luxe  dont  lui-même  était  le  premier  à  donner  l'exemple,  mais 
dont  il  prétendait  réserver  à  lui  seul  et  à  ses  courtisans  le  privilège.  C'était  le 
temps  oîi  une  légion  d'orfèvres  illustres,  Claude  Ballin,    Gravet,  Thomas  Merlin, 


45 


Portrait  de  Claude  BALLIN 
{Cahincl  des  estampes  de  la  Bibliothèque  nationale.) 


—   M  — 


({in  ;i\;u('iil  Ifiiis  .ilclicr^  ;iii  |i:il;ii-^  du  l,iMi\rc.  \lr\is  Lmr,  Clainlc  (\r  \  iIImt-  i|ui 
(  i';i\  iiillaii'iil  aii\  (  idlicliiis  s(Mi-<  la  iliirrl  ion  fli'  l,c  Uniii.  saii<  (Miiiiith  r  l'icrrc 
('icniiaill ,  \  laiicdilll  ,  (icraid  hd  m  iiiliaiir,  hii  Tel,  \  cflirck ,  lîciii'  (j)ll-lIH'l, 
IMcrrc  ri  (liiillaiiiiic  Loir  cl  laiil  (laiiIrt'N.  rxiTiilairiil .  |i()iir  \  l'rv.iiUcs,  ce 
mobilier  ras|iicii\  en  ari^ciil  iiia----ir.  ers  lalilr^^,  ers  lia'^^iii^,  rcv  \a^<'<,  ces 
caisses  (lOraiiucrs,  (Imil  les  iii\ciilairc->  (h-  la  (  dnrdiiiic  iiuiis  oui  c()ii<crv(''  les 
('liiicelaiilcs    dcscni  il  idiis   cl    (|iii  chlouireiit    loiii;  I  ciii|)s  rKiir()|ic   loiil    ciilicrc. 

Parmi  les  articles  ijoiil 
lUtlls  venons  de  eitei'  les 
noms,  Claude  haliin  lit^tire 
an  j)remier  vawj:,  et,  dans 
son  [uiissanl  elVort,  rt'- 
snme  les  aspirations  de 
cette  (''|iO(ine.  Ne  à  Paris 
on  Kilît,  il  avait  appris 
les  éléments  dn  dessin  en 
étudiant  les  oHivros  de 
Poussin,  (lliarlos  l'er- 
rault,  (|ui  a  écrit  sa  vie, 
disait  (pie.  «  dès  sa  prc- 
»  niière  jeunesse,  il 
»  avait  un  discernement 
»  exquis  i)our  prendre 
»  ce  (piil  y  a  de  beau 
»  dans  Tantiquité,  et  un 
»  «ioùt  admirable  pour  y 
»  ajouter,  de  son  inven- 
»  lion,  mille  grâces  et 
»  mille  beautés  qu'on 
»  n'avait  pas  encore 
»  vues  ». 

Il  eut  d'ailleurs  tous  les  honneurs  qu'il  méritait.  Plusieurs  fois  Garde  du 
métier  de  1656  à  1667,  il  fut  Consul  en  1672  et  succéda  à  Varin  dans  sa  charge 
de  Directeur  du  balancier  des  médailles,  et  garda  cette  situation  jusqu'à  sa  mort 
en  1678.  Son  portrait  nous  a  été  conservé,  il  est  gravé  par  Saint-Aubin,  et  se 
trouve  au  Cabinet  des  Estampes  de  la  Bibliothèque  nationale. 

Ballin  fit  beaucoup  d'orfèvrerie  d'église,  mais  il  excellait  surtout  dans  cette  or- 
fèvrerie pompeuse  qui  décorait  les  appartements  de  Versailles,  Perrault  qu'il  est 
bon  de  rappeler,  lorsqu'il  nous  parle  de  ces  merveilles,  disait  dans  ses  «  Hommes 
illustres  »  :  Il  y  avait  des  tables  d'une  sculpture  et  d'une  ciselure  si  admirables, 


Vase  à  mettre  les  oraiif^ers.  fait  par  Cl.  Hallin. 


48  ^ 


que  la  matière  toute  d'argent  et  toute  pesante  qu'elle  était  en  faisait  à  peine  la 
dixième  partie  de  la  valeur.  C'étaient  des  torchères  et  des  guéridons  pouvant 
porter  des  llambeaux  et  des  girandoles  de  8  à  9  pieds  de  hauteur,  de  grands 
vases  pour  mettre  des  orangers,  avec  des  brancards  pour  les  porter  où  Ton 
aurait  voulu;  des  cuvettes  et  des  bassins  dont  la  magnificence  et  le  bon  goût 
étaient  peut-être  une  des  choses  du  royaume  qui  domiait  la  plus  juste  idée  de 
la  grandeur  du  prince  qui  les  avait  fait   faire  (i). 

Toutes  ces  pièces,  hélas  !  sont  disparues  ; 
pour  les  faire  connaître  nous  ne  saurions  mieux 
faire  que  d'emprunter  à  riiiventairc  du  mol)i- 
liei"  de  la  (Couronne,  publié  par  M.  Jules  (luilïrey, 
h's  renseignements  autli('iili(jues  (|ui  peuvent 
nous  donner  une  idée  de  ce  (|u"(''tai('ut  ces  nier- 
veilleuses  orfèvreries  (2). 

Mous  citerons  entre  autres  : 

A'inf;t-c|iiahe  f;rancls  bassins  ronds  et  vinj^t-qualro 
vases  pour  servir  les  dits  bassins,  le  tout  dardent  de 
Paris,  sçavoir  : 

55 '1-555.  —  Deux  farauds  bassins  ronds  faits  par 
Hallin,  ciselez  dans  le  fond  de  trois  j^rands  trophées 
d'armes  entre  six  tij^ures  de  Captifs  qui  représentent 
les  vices;  dans  le  milieu  des  armes  du  Rov  et  sur  le 
bord  de  douze  petits  enfants  qui  portent  des  festons 
et  plusieurs  autres  ornements  bordez  de  petits  ^odrons 
lisses,   de   3   pieds   de   diamètre   pesans    i'|0'",   f^",   5*^ 

55(3-557.  —  IJeux  vases  laits  par  liallin  pour  servir 
avec  les  dits  bassins,  ciselez  sur  les  corps  des  armes  et 
des  chiifres  du  Roy,  accompagnez  de  petits  enfants, 
j)ar  le  bas  de  grands  godrons  lisses  et  sur  le  collet  des 
godrons  enfoncez  et  tournans  avec  son  anse  en  forme 
de  consolle  au  hault  du  quel  il  y  a  un  petit  Alcide  qui 
estoufe  deux  serpents,  haults  de  2  pieds  4  pouces, 
pesant  ensemble  i45'",  3",  5*^  (:V,'^»"^i«o). 


Guéridon  à  trois  lit;ures. 


{Dessin  de  Ch.  Le  Brun, 
du  Louvre.) 


Musée 


Les  autres,  aussi  richement  décorés,  étaient 
faits  par  Verbeck,  Du  Tel,  Viaucourt  et  Merlin  (3). 

Quatorze  grands  vases  d'argent  à  mettre  des  orangers,  sçavoir  : 

05o-G53.  —  Deux  grands  vases  d'argent  à  mettre  des  orangers  avec  leurs  pieds  d'estaux 
séparez,  faits  par  Ballin,  les  dits  vases  ciselez  des  deux  costez  des  armes  du  Roy  sont  tenus 
par  deux  Renommées  par  le  hault,  par  le  bas  de  godrons  brunis  rentrans  et  sortans,  haut 


(1)  Paul  Mantz,  Recherches  sur  rorlèvrerie  française,  Gazette  des  Beau.y-Arls. 

(2)  et  (;i    Jules  (iuifîrey,  Inventaire  du  Mobilier  de  la  Couronne,  pages  (19  et  Ij  (2  vol.  in-S".  188.'i). 


—  49  — 

d'iiii  |ih'il  S  |M)iicrs,  -^lll•  .ml, Mil  ili'  ili.iiih  I  n-,  leurs  |iic(U  ;iii>'^\  ci-^cli-/  .iti\  ;ii  nif-  «lu  I'hin  des 
([iKilrc  cii>liv  cl  (le  (|ii;ilrf  ^nll'iiiis  iiii\  (|iiiil  rc  ckius,  Ii;iii1|-  de  di  \  |iiiii(i->,  liir^^cs  d  un  pird 
\  [loncfs  |)cs;iiis  t'iiM'iid)lf  .)(|(i"',  !>"    i!)j'''-',t|(ini. 

Les  ;iiilrf<,  \;iri("^  di'  décor  :  frises  dr  |{,i((di;iii;iles,  Tèles  de  Mediisrs,  de 
Saivre--,  île  haii|diiiis  cl  de  Ser|ieiils,  (daieid  les  irii\ies  des  orl'eMCs  NeidxM  Iv, 
l.iiir.   iMl  Tel.  (  Olisiiiel ,   \  iaiic(iii!-| . 


Vase  à  sujets  tirés  de  rilisloire  du  Uoi/. 
{Dessin  de  Ch.  Le  Brun.) 

Le  Musée  du  Louvre  possède  des  dessins  de  Charles  Le  Brun  qui  sont  vraisem- 
blablement les  projets  des  grandes  orfèvreries  qu'il  faisait  exécuter  dans  les 
ateliers  des  Gobelins.  Le  modèle  du  guéridon  à  trois  figures  que  nous  donnons 
fut  exécuté;  il  est  compris  dans  l'inventaire  de  la  Couronne  sous  les  n"'  1106, 
MOT  et  1108. 

Trois  ^i-ands  ij'uéridons  dont  le  corps  est  de  trois  fig'ures  de  femmes  qui  portent  un 
plateau,  posées  sur  un  pied  à  trois  consoles  terminées  en  patte  de  lion,  et  pesant  ensemble  : 
1263'",  5"  (3i3'^^',l2o).  Ils  furent  ciselés  par  Loir  et  de  ^'illiers  (1^. 


(11  Aux  sieurs  Loiret  de  Viiliers,  orphèvres,  pour  l'entier  et  parfait  paiement  de  50.11i'>^'-,l.")«  à  quoy 
montent  trois  grands  guéridons  dargeut.  la  tige  à  trois  figures  ^^ur  un  pied  en  manière  de  cassolette,  par 
eux  fabriqués.  Compte  de  la  Maison  du  Roi  du  4  décembre  K'.Si.  .\lfred  Darcel.  Monofjraphie  des  tapis- 
series des  Maisons  roj/ales. 


Les  deux  vases  à  sujets  tirés  de  l'histoire  du  Roi,  quoiqu'on  n'eu  trouve  pas 
trace  dans  l'inventaire,  furent  certainement  exécutés,  le  dessin  est  trop  précis 
pour  qu'il  en  soit  autrement.  Il  permettrait  encore  aujourd'hui  d'en  faire  une 
reproduction. 

Les  deux  séries  de  tentures  destinées  à  conserver  le  souvenir  des  lirandes 
époques  du  rè^ne  de  Louis  \IV,  (pii  représenleut,  l'une  «  les  Maisons  royales  », 


Flambeau   à  pied   de   sphinx. 
(Dessin  de  Ch.  Le  Brun.) 


l'autre  «  l'Histoire  du  Roy  »,  sont  précieuses  pour  l'histoire  de  l'orfèvrerie  à  la  fin 
du  dix-septième  siècle.  Elles  donnent,  en  effet,  les  représentations  dans  leurs 
dimensions  réelles  des  orfèvreries  fabriquées  aux  Gobelins.  Ch.  Le  Rrun,  qui 
dirigeait  cet  établissement  célèbre  et  composait  les  cartons  de  ces  admirables 
tapisseries,  avait  eu  le  soin  de  les  introduire  dans  ses  compositions.  Il  nous  a 
ainsi  conservé  le  souvenir  de  ces  vases  d'argent,  de  ces  aiguières,  ces  bassins,  ces 
brancards,  ces  torchères,  dont  les  dimensions  sont  bien  faites  j)Our  nous  étonner 


-  o.-J   - 

cl     ilnlil     l('v     i|i--i   ll|  il  lull-.     (|c-~      III  \  CM  LlllT-^     (|c     |cj((M|l|c     lie     imll^    ■■|lll;ilc|||      iIiiIUk'' 

(in'imc    l.iililc   idée. 

I.;i  l;i|ii'>'>ciic  i|lli  {•C|»r(''>^cii|c  l;i  \i>-ilc  de  Loiliv  \  |  \'  ,|  |;i  M;iiiiil';ic|  illc  (\r^  (ioltc- 
lills  ;i  iiiic  \;ilciii'  (l(iciillli'lll;iirc  |  irccicii^c.  I ,  iii^cil  |  il  k  )!i  li'---cc  ij.iii-  le  e.irli  iinlie 
(le  ^;i  iMinliire  iiilerieiire  ;  ■  l.i-  lim  Ldiii--  \l\  \i<il.iiil  l;i  M;iiiiir;Ml  lire  (les  (iiijie- 
"  lllls  (III  le  sicill-  ('.(illierl,  S|||-||||  cikLiiiI  de  ces  |  i;i  I  iineii  K,  le  (•(iiidiiil  d;iiis  |e> 
"  ;llell('|•>^  |MMii'  lui  l'iiiic  Noir  les  iiiiN  r;ij:cs  (|iii  >'v  loiil  ",  e((iis|;ile  riiii|)()rl;iiiee 
(le>  (iii\  niiics  d'dii'cN  rcric  (|iii  ^e  r;iliiii|ii;iieiil  ;iii\  (  i(ilirliii~>.  Collieil  cl  Le  lîniii  y 
sdiil  re|ire>('iili's,  et  \  i;ii<.einl)lal)lcili('lil  les  pcrsoiiiijij^'cs  en  imIi;iI  (|iii,  ;iii  ^el■(»||d 
|il;iii,  |i(irlciil    un   nji^-c  d'oi-,  dcviiicnl  rire  les  orlV'vrc^  (|iii  les  ('\(''ciil;iicnl. 


VASE     AUX     A  I\  M  E  S     D  f    n  O  I . 
Dessin  do  Charles  Lo  Brun.  (Musée  du  Louvre.)  ' 


Dans  les  UmiIuix's  dos  «  Maisons  royales  »,  Cli.  Le  Brun  avail  iulroduiL,  dans 
sa  eoniposition,  des  vases  d'or  et  d'argent,  urnes,  cassolettes,  aiguières  et  pla- 
teaux accompagnant  les  balustrades  ou  sui'uiontant  les  pilastres  du  premier  plau; 
il  avail  eu  soin  de  ne  pas  les  garnir  de  Heurs  pour  laisser  à  ces  œuvres  toute  leur 
valeur  d'objets  dart. 

11  est  présumable  même  que  les  magnitiques  pièces  d'orfèvrerie  que  l'on  porte 
autour  d'Alexandre  entrant  en  triomphateur  dans  Babylone,  et  figurant  dans  les 
tentures  exécutées  d'après  les  belles  compositions  de  Charles  Le  Brun,  sont 
aussi  des  représentations  de  pièces  fabri(juées  aux  Gobelins  (l). 

Dans  lune  des  tapisseries  que  nous  venons  de  citer,  Le  Brun  avait  reproduit  la 
Nef  en  or  du  roi  Louis  XIV,  dont  l'état  du  mobilier  de  la  Couronne,  dressé  le 
20  février  1673,  nous  a  conservé  la  description.  Elle  était  d'or,  soutenue  par  des 
Tritons  et  des  Sirènes;  le  couvercle,  avec  les  armes  du  Boi  émaillées,  était  sur- 


(1)  Recueil  des  laiiisscries,  par  E.  Guiciiard,  et  Monoyraphie  de  Alf.  Darcel. 


iiionlr    (ruiic   "l'aiidc  couronne   de  d 


(ladiMiiis  (lu  lui. 
[Dessin  de  Uobi'rl  de  Culle. 


^VM^r^'rV(V^il^EM^rg?'?M»^^ 


rotative  royale;  ayant,  la  forme  d'un 
à  épiées,  il  servait  à  mettre  le  pain 
trouvons  dans  l'album  de  Ro- 
bert de  Cotte  le  dessin  du  cade- 
nas qui  servait  au  roi  Louis  XIV, 
nous  trouvons  également  dans 
cet  album  des  documents  pré- 
cieux pour  l'histoire  de  l'orfè- 
vrerie au  dix-septième  siècle  f;2)  : 
une    salière    d'argent   aux   armes 


iamanis  et  de  rubis  portée  par  un  Amour 
accosté  de  deux  Dauphins.  11  y  était  entré 
8000U  livres  d'or  sans  compter  les  pierres 
précieuses.  L'exécution  en  avait  été  confiée 
à  l'orfèvre  Jean  Gravet,  qui  consacra  six 
ans  à  cet  ouvrage  et  reçut  13')00  livres 
l'icn  (|ue  pour  la  façon.  Elle  a  disparu 
comme  a  disparu  celle  dessinée  par  Le 
Brun;  au  moins  avons-nous  encore  le  pro- 
jet de  cette  Nef,  conservé  au  Musée  du 
Louvre,  (pii  donne  Itien  le  caractère  sonq)- 
tueux  des  décors  de  celte  époque. 

La  Nef  était  une  j)i'érogative  royale, 
on  y  mettait  son  Essay  (1),  sa  cuiller,  son 
coulelet,  sa  fourchette  et  ses  épiées.  Non 
seulement  elle  jouait  un  rôle  considérable 
dans  rornemenlation  de  la  table,  mais 
elle  concourait  à  la  séciu'ité  des  princes  en 
éloignant  la  préoccupation  de  l'empoison- 
nement. Son  entrée  dans  la  salle  des  repas 
était  presque  triomphale  :  portée  par  le 
chef  du  gobelet,  elle  était  l'objet  du  respect 
de  tous,  et  le  maître  d'hôtel  passant  devant 
la  nef  lui  faisait  une  révérence,  comme  le 
|)rètre  passant  devant  le  Tabernacle. 

Le  cadenas  était  également  une  pré- 
phiteau  sur  lequel  était  la  salière,  la  boîte 
,   le  couteau  et  la  fourchette  du   roi.    Nous 


Salière  tlu  roi. 
{Dessin  de  Itaherl  de  Colle.) 


(1)  Henry  Uavard,  D.'clionnoire  de  IWmexihlcmenL  au  mot  .VeA  pi'go  082,  el  au  mot  A'.v.sy///.  page    t_8i. 

(2)  Cet  all)um  précieux,  contenaiil  les  dessins  ori^jinaux  de  Roiiert  de  Cotte  on  (les  cror|uis  relevés  par 
eet  artiste  d'après  les  pièces  existantes  encore  de  son  temps,  se  U-ouve  au  Cabinet  des  Estampes,  ù  la 
IJibliuthèque  nationale. 


(lu   r,.i,   lin    iHc^ciilnii    cl    iiii  l'iicnrr  rxcctiN'^   ir.ipic^   un   dc-sin    «le    |{('r;iiii.    <l  un 

|ir;iii  ciiiicliTc  cl  Incii  \':\\\-  |)iiiir 
;iii;:iilciilcr  nos  rc-|-c|s  cm  |icii-;inl 
;i   leur  (li-.|i;iril  iitii. 

I.(irs(|iic  sniin.i   I  Ih'iiic  des  re- 
vers   cl    (|lir    l.-i    (li-rllc    'In    Tn''v(,|- 
lil     ri'IliMliir     Ldiii-     \l\      -ur     les 
(■(iiisi'(|iiciicrs  (|c   SCS   (|(''l)iirii;ililcS 
prodifiiilili's,    il    <'i-iil    m    iMclicIcr 
les   excrs   par  le   s;i(  riliff  de    -on 
ai'^ciileric  |iersonn(dl('  ;  il   pcn-iul 
aussi   de  celle   façon,   •■n   «loiinanl 
r('\('ni|il(',  (h'-eidei-  jilns  racilcincnl 
son  cnloura^»'  cL  le  |iulilic  a  I  lio- 
locausk'  (ju'il    allail    iinposeï-.    Les 
édils  du  :2(;  a\iil   107-2.  des  10  IV- 
vi-ici- cl  16  mai  lOST,  n'curciil  j»onr 
i-ésullal  (juc   d'arrrlcr  le  d(''Veio|i- 
pemcnl  de  rorièvreric;  les  ordon- 
nances du   li  iH>voml)i-e  l()89,  du 
22  mai  1()9I,  de  mars  1700  et  de 
1700  l'urenl  plus  eneclives  et  firent 
disparaître  pour  toujours  ses  i)lus 
belles  productions. 
11  n'y  a  pas  lieu  de  refaire  ici  en  détail  le  récit  bien  connu  de  cette  doulou- 
reuse aventure  qui  déchaîna  en  France,  pendant  plusieurs  années,  de  véritables 

fureurs    d'iconoclastes.    Les    or- 
fèvres du  roi  chassés  des  ateliers 

du  Louvre  et  des  Gobelins,  les 

^raïuis  travaux  arrêtés,  les  pièces 

d'argenterie  dépassant  les  poids 

déterminés  par  les  édits,  saisies, 

mutilées    ou    fondues,   les    per- 

.,,i>i,ions  partout  organisées,  à       ^^MMi^gig|llM 

Pans    et    en    province,    avec    la         ^'i^  v^j/^7- V  • '^|^^ 

dernière  rigueur,  le  zèle  destruc-         

teur  des  commissaires,  l'ardeur  KiKii.r  du  ini. 

des    courtisans    cà    envoyer   leur  Dessin  de  UoIktI  de  Coite.) 

vaisselle  à  la  Monnaie  pour  ga- 

irner  les  bonnes  grâces  du  souverain,  tout  cela  a  été  dit  par  les  écrivains  les 


Pri'senloii'. 
[Dessin  de  Hubert  de  Colle.) 


—  36  — 

plus  autorisés,  et  il  serait  fasiidieux  d'eu  refaire  le  rérit.  On  sait  que  le  grand 
exécuteur  de  ces  barbares  mesures  fut  le  commissaire  Delamarre  auquel  on 
adjoignit  des  collaborateurs;  les  procès-verbaux  conservés  aux  Archives  natio- 
nales, et  publiés  par  M.  Jules  Guiffrey,  fournissent  les  renseignements  les  plus 
précis  sur  la  manière  dont  furent  conduites  les  opérations.  Pas  un  orfèvre  — 
si  bien  en  cour  fùt-il  —  ne  put  se  dérober  aux  visites  inquisitoriales.  A  Paris,  on 
alla  chez  Nicolas  Delaunay,  qui  était  pourtant  directeur  de  la  Monnaie  et  des 
médailles  du  roi;  on  alla  chez  le  fameux  Alexis  Loir,  chez  Thomas  Aubry,  chez 
Philippe  de  Larbre,  chez  Charles  de  la  Fresnaye;  on  alla  chez  Claude  Ballin,  qui 
ne  put  préserver  de  la  saisie  un  magnilique  surtout  de  table  (juil  était  en  train 
d'exécuter  pour  un  souverain  étranger,  qu'en  présentant  une  autorisation  spéciale 
signée  de  Louis  XIV  lui-môme.  On  pénétra  successivement  chez  Thomas  de 
Roussy,  établi  rue  Saint-IIonoré,  à  l'enseigne  des  Bâtons  roi/aux,  chez  Antoine 
Levêque,  en  face  du  Palais-Uoyal,  chez  Honoré  de  Villiers,  rue  des  Lavandières, 
chez  Simon  Le  Bastier,  à  la  Croix  d'or,  chez  Jacques  Dubourg,  à  V Etoile  d'or^ 
chez  Fi'ançois  Simonnin,  IMerre  CoefCé,  François  Barbier  et  Charles  Quévanne, 
rue  de  l'Arbre-Sec,  chez  cent  auti-es,  enlin,  dont  les  boutiques  étaient  installées 
dans  les  environs  de  la  Monnaie,  du  quai  de  la  Mégisserie  et  dans  divers  quartiers 
de  la  capitale.  En  deux  mois  seulement,  on  saisit  ainsi  pour  un  poids  de 
o2l5()  marcs  «  douvrages  défendus,  tant  achevés  qu'imparfaits  et  prêts  à  achever  », 
dont  les  pièces  furent  «  brisées,  rompues  et  défigurées  »  pour  qu'on  ne  put  ni 
les  réparer  ni  les  vendre. 

La  fonte  de  l'argenterie  royale  faite  à  la  Monnaie,  du  9  décembre  1689  au 
19  mai  1()90,  d'après  les  procès-verbaux  qui  en  relatent  les  circonstances  (1),  pro- 
duisit 8:2.'-}:22  marcs  (20086''^),  équivalant  à  2505637  livres  (2)  d'argent  monnayé. 
L'opération  fut  renouvelée  en  1709,  et,  cette  fois,  pour  les  ustensiles  d'or.  Toute 
la  vaisselle  de  la  Couronne  y  passa,  à  bien  peu  de  chose  près.  Il  n'en  resta  plus 
rien.  Dans  la  plupart  des  grandes  familles,  il  en  fut  de  même.  Les  pièces  d'orfè- 
vrerie comprises  dans  les  ventes  par  autorité  de  justice,  ou  trouvées  dans  un 
inventaire  après  décès,  durent  être  saisies  et  transportées  à  l'Hôtel  des  Monnaies 
le  plus  voisin.  Gens  de  noblesse,  magistrats  et  bourgeois,  à  l'exemple  de  la  Cour, 
envoyèrent  au  creuset  celles  qu'ils  possédaient.  Le  Mercure  de  juillet  et  d'août 
1709,  publiant  quelques  listes  des  personnes  qui  ol)éirent  à  l'édit  implacable,  cite 
les  ducs  de  Grammont,  de  La  Rochefoucauld,  de  Beauvilliers,  de  La  Fcuillade.  du 


(1)  Arcliives  nationales,  K.  121,  n  '  i:i. 

(2)  La  valeur  du  mari;  d'arpeiit,  |:oin(;iiii  de  Paris,  élail  à  celle  époque  de  ;!()  livres  ;reKe  du  marc 
d'or,  de  400  livres.  —  On  sait  ((ue  le  poids  <lu  mar(;  éipii valait  à  i\\  grammes  T.\.  Par  conséquent  le  poids 
total  de  l'orfèvrerie  de  Louis  XIV.  qui  était  de  1)1  0;i(i  marcs,  représentait  un  peu  plus  de  i'2l)(MI  kiloi;r.im- 
mns.  —  Quand  le  niai'c  désifinait  li'  poiils  des  ouvi'aires  d'argeni,  il  se  iVael  loniiail  en  M  oiu'es,  ou  (iU  gids 
ou  VM  deniers,  ou  ItiO  esteriius  ou  30(1  mailles,  ou  4101)8  grains. 

Quand  il  s'agissait  des  ouvragt;s  d'or,  les  divisions  du  marc  étaient  autres.  Le  marc  d'or  se  divisait  en 
21  carats,  le  carat  en  .s  deniers,  le  diMiier  en  2i  grains  et  le  grain  en  '-Vi  pritnes. 


—  r)7  — 

lli;inM'|i;il  (le  Hmii  llh  '  i'^ ,  Icijiii'l,  ;iii  i;iiii|i  de  ( '.ompirx  M(' ,  rli  lll'.IS.  ;i\;iil  (•|;i|('  |h)I1|- 
le  S('r\i(  f  (II'  ^;i  lalilc  •■  (|ii;il  if-\  iii-K  (Inii/.iincs  (r;i'--icl  le»  d'iir;.'!'!!! ,  -i\  «loii/.iiiics 
(le  \('riiii'il  ilc^  pliiU  cl  (le--  («hIiciMcs  (|';ir;:ciil  pdiir  l(">  IVniU,  ri  Ir  ic-lc  ;i  |ii<i 
|Mii'|  ion  I  I  .  Il  iiiciiliiiiiiif  ciicdic  le  dur  di'  \ill('iii\,  l;i  iii;in''i'li;dc  di-  Nii;nllc->,  !<■ 
due  lie  l.;iii/iiii ,  cl  |ii-^i|u  ,iii\  ;irliv|c^,  r.iicinl  cclc  (i.ilincl,  le  ^culiilciir  (linirdoii 
cl  le  iiicilcriil  r.iL'nii.  Il  aili;iil  |MI  en  di-si- lier  |ie;iiicnii|i  d  ;illl  re-..  c;ii'  liieii  |ieil 
|i;ir\  iiireiil ,  coiimie  S;iiiil-Siiii(iii,  ,i  -  >-e  iiiellre  ;i  l'iii  riere-;j;irde  .,  pdiir  di--iiiiiiler 
le  plu--  (|iriK  piireiil  de  leur  \;li^selle  d';ir::eiil.  Au  ereif-el,  les  cliîii'-es,  e;diiiieN, 
luireaiiN,  hiilellcs,  t^iiei'idoiis,  clieiiels,  lorelières,  ^^iraiidoles,  \u)[>  a  Heurs  eu 
ar^ciil  iiia>>ir  (|ui  oriiaieiil   les  palais  el  les  cli.àlcaux  !  TraiisroniK's  eu   liii.L^oU.  le- 

scrviet's  de  lable  el  les  Iieaiix   iiieilhles  de  M '  de  Cliailliies  cl  de  Liule,  (|iii  a\aii'iil 

cxcilc  à  un  cciiaiii  ukuuciiI  de  si  \i\('s  adiiiiralioiis  1  l''(uidiis  aussi  les  olij(ds 
sacrc's  des  ('élises,  les  i-('li((nair('s  el  les  oslciisoirs,  les  (diaiideliers  el  les 
('hàss(»s  :  car  le  roi  a\ail  ciijoiiil  aux  pn'lals  «  laiil  dans  les  \illes  (\\i'n  la 
('amj>a^ne  »  de  iic  plus  i^ardcr  (pic  les  oriieiiieiils  les  plus  iiidispcnsablcs  a  la 
crU'bratioM  du  ("uil(\  cl  dCiiNdyci'  le  surplus  «  à  la  Monnaie  la  plus  prociiainc 
ou  dans  les  villes  (pii  avaicul  des  changeurs  ^:2)  ».  Il  seinhlc  pourtant  qu'à  cet 
égard  les  édits  aient  été  a|)pli(pit''s  avec  une  sévérité  très  i-(dalive,  ou  (pie  Ton 
ait  déployé  une  habileté  spéciale  pour  les  transgresser,  car  de  rancicniie  orTc- 
vi'erie  religieuse  il  subsiste,  en  dclinilive,  un  assez  grand  noniljre  de  types 
reniar(piables. 

On  s'explique,  après  cela,  pourquoi  à  l'époque  de  la  Uégence,  les  plus  l'iches 
familles,  même  celles  de  sang  royal,  ne  possédaient  plus  que  très  peu  d'orfè- 
vrerie. Sous  ce  rappoi'l,  les  inventaires  après  décès,  conservés  soit  aux  Archives 
nationales,  soit  dans  les  minutes  des  notaires,  nous  font  coniiaîfi-e  l'exacte  vérité. 
Nombre  de  documents  de  ce  genre  que  nous  avons  consultés  attestent  jusqu'à 
l'évidence  que  les  ordres  de  Louis  XIV  ne  furent  que  trop  scrupuleusement  exé- 
cutés. Par  exemple,  X Inventaire  de  Monsieur,  le  propre  frère  du  l'oi,  dressé  en 
1701,  n'accuse  que  pour  100001)  livres  d'orfèvrerie,  et  l'on  n'y  trouve  aucune 
mention  des  œuvres  capitales  que  ce  prince,  si  engoué  de  luxe,  avait  cominaii- 
dées  quelques  années  auparavant.  Au  Palais-Royal  ou  à  son  château  de  Saint - 
Cloud,  il  avait  eu  une  argenterie  d'une  richesse  presque  égale  à  celle  du  Monarque 
de  Versailles.  Très  souvent  son  frère  lui  en  avait  donné  en  présent,  ainsi  que  le 
prouvent  les  registres  du  mobilier  de  la  Couronne  où  ou  lit  fré(piei;imciil.  en 
regard  de  certains  articles,  cette  annotation  :  «  Deschargé,  donn('  ])ar  le  lloy  à 
Monsieur.  »  Ces  cadeaux  consistaient  non  seulement  en  meubles,  mais  en  objets 
d'art  de   tous  genres,   gondoles  d'argent,   coupes   de  vermeil,   calebasses  d'or, 


(1)  Merrare  (jalant.  septiMiiliro  UiDS. 
(2    Daiiguau.  Jotiriiuf.  t.  II,  pai,H'  01. 


58 


tasses  d'agate,  etc.  (1).  C'est  sur  sa  table  qu'avait  paru,  en  1698,  à  l'occasion 
d'un  festin  offert  à  lord  Portland,  andjassadeur  de  (luillaume  III,  un  des  trois 
premiers  surtouls  rpii  soient  sortis  de  l'atelier  de  Delaunay,  et  cette  pièce 
monumentale,  qui  fut  très  admirée,  inaugurait  une  mode  nouvelle.  Mais,  à  la  mort 
de  Monsieur,  (|u'étaient  devenues  ces  œuvres  opulentes?  L'inventaire  de  ce 
prince  n'en  contient  pas  trace.  Elles  avaient  été  fondues. 

Il  est  vrai  cpTen  contraste  avec  de  tels  exemples,  on  rencontre  des  hivcn- 
tdires  qui  domiei-aient  à  penser  que  les  édits  ne  réussirent  pas  à  faii'c  dis- 
paraître   l'argenterie    aussi    complètement    cpi'on   aurait   pu  le    craindre.   Ainsi, 

celle  que  possédait  An- 
dré Le  Nôtre,  le  célèbre 
jardinier,  ('-tail  prisée  en 
1700,  au  moment  de  sa 
mort,  13  500  livres,  et 
le  maréchal  d'IIumières, 
en  1694,  en  avait  encore 
pour  309i25  livres. 

Retenons  ces  deux 
chilTres.  Ils  déterminent 
avec  assez  d'exactitude 
la  j)art  qu'on  était  ha- 
bitué à  faire  aux  dé- 
penses d'orfèvrerie, 
dans  la  société  française, 
à  la  fm  du  dix-septième 
siècle,  et  montrent  la 
proportion  ordinaire 
(pi'il  y  avait  entre  celle  d'un  grand  seigneur  et  celle  d'un  bourgeois  riche,  d'un 
magistrat  aisé,  ou  même  d'un  gentilhomme  n'ayant  que  modeste  train  de 
maison.  Le  budget  qu'on  y  consacrait  était  alors  sensiblement  plus  élevé  qu'au 
début  du  siècle,  et  inférieur  de  près  d'un  tiers  à  celui  qu'on  y  emploiera  au 
milieu  du  règne  de  Louis  XV.  Les  gens  de  condition  moyenne,  suivant  de  loin 
l'exemple  de  la  Cour,  s'accoutumaient  à  ce  luxe,  mettaient  leur  vanité  à  faire 
parade  de  vaisselle  plate  qui  leur  constituait  d'ailleurs  un  patrimoine  qu'on 
transmettait  |)ar  héritage  à  l'aîné  des  enfants,  et  qui  aidait,  à  l'occasion,  h 
jeter  un  peu  de  poudre  aux  yeux.  Mais  cette  orfèvrerie  familiale,  d'un  bon 
usage  courant,  soi'tait  rarement  des  limites  admises,  gardait  la  juste  mesure 
et  n'arrivait  pas    aux   exagérations  fantastiques  et   ruineuses    qu'il    était  sage, 


Iluilit'p   (lu    Musée    centeniia 
{Colleclion  lie  .1/'-  Biirnt.) 


I 


(1)  Giiiflrey,  Inoenlaire  du  mobilier  de  la  Couronne.  Voyez  iinlauiineiit  le  tome  l"'",  page  73.   page  1!U. 
page  198,  page  223,  page  230.  Les  uotcs  en  petits  caractères  iiidiciueul  les  décharges  par  donatiou. 


r)!> 


-liniinlilc->      de      lc|r 


-;il\  \-i-<. 


Cil  clVcl,  d'ciilrax  cr  :  it  ii'c^l  |),i->  rdli'  l,i  iin'.il  tci;.'iiiri'iil  lr->  Mii|niiii;iincs  i|r 
Louis    \|\. 

C'est  |ii'(i|i,ihlciiii'iil  ;i  ce  iik  il  if  i  |iii'  iiitii-.  (lc\(iii>-  «l'avoir  |iii  I  n  ni\  ci' riiron-  au 
Mus(>('  (•(•iilciiiial  1111  liiiilicr  a|i|iailiiiaiil  a  la  ci  illcdiuii  «le  M'"  Itural.  aiii-i  (|uc 
la  cal'clicrc  i|iic  le  Mll-^cc  ilcs  Aris  di'coral  il'^  a\ail  loiilii'c  ;iii\  (tr;jaiii>-alciirs 
(le  ri',\|i(isi|  KHi.  I,  liuilicr  clail  nxalc,  iriiiic  loniic  vi-xcrc  cl  liicu  assise.  Lck 
|uc(K  >(iiil  Inniio  par  des  eiiroiileiiienl 
la  [laiivc  d(''C(>rce  d  une  Irise  re|)r(''>cii- 
laiil  une  >ccuc  de  (diassc  ciselée  eu  {-(dicl' 
cl  iiilcrr(iiii|iU('  rci^ulièrciiiciil  |iar  des 
uiaxaidiis  ciicailres  d'un  |iaiiiieaii  cisch' 
d'un  (|uadrillt''  sur  luiid  uialis.  Il  c>l 
dune  licllt'  e\cculi(Ui,  el  |i()rl('  bien  rciii- 
preiiile  de  riialulclc  de  rdi'lV'vre  ((iii  rcxi'- 
(■ul;i. 

Il  eu  esl  {\('  mèiiR'  de  la  cafelirro  à 
S  pans  dccoi'i'c  de  niolifs  ciselés  eu  [vnrc 
uiatis,  (|ui  rappclleul  les  oniemeids  des- 
sinés i^ar  Ik'raiu  ;  le  culot,  est  décoré 
d'appliques  en  bas-reliefs  du  même  goût, 
alternées  de  8  faisceaux  de  roseaux  à 
!■)  tiges:  l'anse,  très  élégante,  est  sur- 
montée par  une  tète  de  femme  formant 
poucette,  et  le  bec  s'amortit  sur  la  panse 
par  une  autre  tète  encadrée  de  feuilles. 

Nous  donnons  également  la  reproduc- 
tion, dans  une  même  planche,  de  diverses 
pièces    d'orfèvrerie    exécutées    dans    les 

premières  années  du  dix-huitième  siècle,  ainsi  que  nous  l'apprennent  les  poinçons 
relevés  avec  précision  par  M  Paul  Eudel.  La  destination  utilitaire  de  ces  dilîé- 
renles  pièces  leur  avait  fait  certainement  trouver  grâce  devant  les  Commissaires 
chargés  de  ces  barbares  exécutions. 

Sans  le  zèle  passionné  que  M.  Paul  Eudel  mit  à  collectionner  les  beaux  spé- 
cimens de  la  vieille  argenterie  française  qu'il  rencontrait,  sans  le  soin  qu'il  a 
pris,  avant  la  dispersion  de  sa  collection,  de  faire  graver,  dans  un  Recueil  de 
soixante  planches,  les  meilleures  de  ces  œuvres,  nous  serions  encore  à  les 
ignorer.  «  J'espère,  dit-il,  dans  la  préface  qu'il  a  mise  en  tète  de  ce  recueil, 
»  être  de  quelque  ulilité  non  seulement  à  mes  corehgionnaires  artistiques,  les 
»  collectionneurs,  mais  aussi  aux  argentiers,  mes  contemporains.  Ils  seront  à 
»  même  d'étudier,  dans  ce   livre,  les  formes  remarquables  et  la  pureté  de  style 


Cafetière  du  Musée  ccntennal. 
[Colleclidu  du  Musée  des  Arts  décoriitifs.) 


—  60  — 

»)  des  pièces  ciselées  par  des  maîtres,  comme  Leheiidrick,  François  Joubert  et 
»  François  Thomas  Germain.  Mon  désir  le  plus  sincère  serait  de  voir  ces  mor- 
»  ceaux  d'art  devenus  pour  les  orfèvres  de  véritables  types  dont  ils  s'inspire- 
»  raient  désormais  dans  leurs  nouvelles  productions,  de  manière  à  ramener  le 
»  public,  pour  l'honneur  de  notre  pays,  vers  le  sentiment  des  belles  et  bonnes 
»  choses  (1).  » 

Nous  citerons  en  première  ligne  le  n°  1  :  une  chocolatière  en  or  de  forme 
simple  dont  le  collet  et  la  base  sont  décorés  d'ornements  courants  symétriques 
gravés  et  ramoléyés,  ainsi  que  la  lampe  à  esprit  de  vin  n"  2,  montées  sur  trois 
pieds  recourbés  et  munies  toutes  les  deux  de  manches  droits  à  8  pans  en  jaspe 
sanguin.  Elles  furent  faites  sous  Etienne  Balagny,  en  1703.  Le  poinçon  de 
décharge  est  une  mouche;  le  poinçon  de  maiire  ou  difrérent  est  illisible. 

Le  n"  3  est  une  écuelle  décorée  comme  les  précédentes,  d'oi'nemciits  champ- 
levés  sur  fond  matis  au  pt)intillé.  Les  oreilles  sont  décorées  de  mascaroiis  à  tètes 
de  femmes  d'un  travail  très  tin.  Elle  fut  exécutée  sous  Florent  Sollier  par  Antoine 
de  Saint-Nicolas  en    1716. 

Le  n°  4  est  un  huilier  de  forme  send)labh»  à  celui  exposé  au  Musée  centennal 
par  M""'  Uurat,  mais  décoré  sur  la  panse  d'un  ornement  ditrc-rcnl,  dans  le  goût  de 
Bérain.  Il  fut  exécuté  sous  Etienne  Balagny  par  Grégoire  Masse,  en  1708.  Puis 
deux  flambeaux  dont  l'un,  le  n"  o,  de  petite  taille,  était  décoré  de  cannelures  et 
de  godrons  d'un  excellent  goût  et  lut  exécuté  également  sous  Etienne  Balagny 
par  Louis  Loir,  en  1710;  et  l'autre,  n"  0,  dun  travail  charmant,  fut  exécuté  sous 
Jacques  Gottier,  en  17 U),  par  Antoine  de  Saint-Nicolas.  11  est  à  8  pans,  le  vase 
formé  par  de  petits  caissons  décorés  d'ornements  champlevés  ainsi  que  le  fût  à 
compartiments  est  orné  de  chutes  h  tètes  de  satyres  alternées  avec  des  tètes 
de  femmes. 

Enfin,  deux  cuillers  à  soupe  avec  bouton  de  revers  en  fer  de  lance  d'une 
forme  curieuse.  Le  n"  7.  à  spatule  trilobée  d'après  les  poinçons  relevés,  a  dû  être 
fait  en  1681  sous  Paul  Brière  de  Saussaye.  Le  n"  8  est  gravé  d'un  chiffre  eidacé 
qui  rappelle  les  monogrammes  dessinés  par  Naveief.  et  fut  exécuté  sous  Péi-ine 
en   1701. 


Toutes  ces  pièces,  empreintes  d'un  beau  caractère  et  qui  résument  l'art  des  or- 
fèvres du  dix-septième  siècle,  auraient  pu  figurer  avec  hoimeur  au  Musée  centennal. 
En  conservant  le  souvenir  de  sa  belle  collection  dans  les  publications  qu'il  a  faites 
en  1884,  M.  Paul  Eudel  s'est  accpiis  des  titres  à  la  reconnaissance  des  collectiou- 


'1)   licciii'il    lie   siiixaiittî  pl.iiiclii';;    (rufl'rvrprii!    de    la   (ViUrc/ion  de    l'dul  Etidel    \m>uv   faire    suite    aux 
Eléiiieiils  (rui'i'evrcries    coiupd^és   par    l'.ii'rc    (juriuaiii  iQuaiitiii,  édileiu'). 


01 


.imimMÊjmmm^m, 


Huit   pièces   d'orfèvrerie    Louis   XIV.   cxccutces   de    IG81    à   17 15, 
dessinées  par  Giraldon  d'après  les  orijrinaux. 

^Collection  de  M.  Paul  Eudel.) 


—  o;i  — 

lUMir^  cl  (1('>;  ortV-N  i-fs,  cl  les  >i'r\i(i'N  (ju'il  cx|m't;iiI  rcinlrc.  c|  i|iril  ;i  n'cllcmcril 
rcmlii^  ;i  ^c^  ciiiiiciii  |imi;iiiiv,  mil  du  |c  n'i(iiii|pcii^cr  de  ses  cIloi'K.  |)';iillciir'-,  si 
celle  Cl  illi'i  I  idil  lui  (lls|icr--ee.  iiiiiis  ;i\((iis  eu  l;i  joie  de  re|  idii  \  cr  d.iii--  le  Mii^(''(' 
ceiilciiii;il  |iliisiciirs  [liccc'^  de  liiiiil  lioÙI  i|iii.  piT^lcTs  |i;ir  les  ;iiii,deiirs  i|iii  les 
avaient  aci|iiises,  limiraienl  en  lionne  |il,ice.  I,a  clidcolal  lere  en  nr.  de^^nK'-c 
s(ins  le  11"  I,  appai'l  ieni  an|<iMrdlMn  a  M.  hni^Liu.  ( ',(iii->er\  ('•(■  |i;ir  lui  a\ec  ini 
soin  jalnnx,  elle  lad  ladmiialion  île  cen\  i|iii,  ciannie  mm,  accueillis  par  Ini 
avec  lanl  île  lionne  _^;i'àce,  ont  |iii  a|i|ii-i''cier  le  diaiane  ijin  ^e  dr';-'a,L:e  de  ce  jii\an 
|»i'ecien\  (le  roifcN  relie  du  i^rand  siècle.  Leur  relonr  sons  |e>  yen\  i\{i  |inlilic 
n'a  l'ail  ipie  l'orl  ilier  le  LionI  des  lielles  orleM-eiies  rrancaiscs  dans  res|i|j|  ijes 
anialeurs,  et,  che/  les  lionnnes  de  niidier,  le  seidinieni  delà  iiclle  lenne  d('S 
(l'iiM'cs  des   iiiailres    (|ni   les  (ud    jii-(''C(''(lés. 


Bassin  en  or  des  Tapissei'ies  des  Maisons  nivalos. 
[Chi'tteaii  (le  Fonlninehleau.) 


Dessin   di-    liéruiil. 


CHAPITRE   DEUXIEME 


Lo   rovoil    (lo    la    Roûonoo,    1 715-1 72.*{. 

Ce  qu'était  lo  soi'vico  d'argentorie  dans  les  maisons  princiôros. 

Caractère  des  œuvres  de  cette  époque. 


ORSQiE  fut  proclamée  la  Régence,  les  orfèvres  purenl  croire 
^j£^  que  leurs  ateliers  allaient  reprendre  les  brillants  travaux 
(l'antrefois,  et  que  la  nécessité  pour  la  Cour  de  se  pourvoir 
d'une  nouvelle  argenterie  destinée  à  remplacer  celle  qui 
avait  été  détruite,  ferait  renaître  les  anciennes  folies  de 
prodigalité.  En  effet,  au  premier  moment,  un  véritable 
délire  de  luxe  désordonné  parut  faire  tourner  toutes  les 
tètes.  En  1716,  la  duchesse  de  Monastérol  promenait 
dans    Paris  un  phaéton  monté  sur   ([uatre  pilastres    d'argent,    qui   avait  coûté 


—  H6  — 

40  000  livres.  La  duchesse  de  Berry,  fille  du  duc  d'Orléans,  sortait  dans  des 
carrosses  entièrement  décorés  de  cette  matière.  La  duchesse  du  Maine,  la 
princesse  de  Conti,  la  plupart  des  grandes  dames  de  l'époque  affichaient  nne 
pareille  opulence.  Le  cardinal  Dubois,  voulant  jouer  les  Mazarin,  achetait  des 
antiquités,  et  se  constituait  une  orfèvrerie  qui  lui  absorbait  des  sommes  considé- 
rables. Les  hommes  d'affaires,  les  agioteurs,  les  manieurs  d'argent  que  le  système 
de  Law  mit  alors  en  vedette,  ceux  qui,  grisés  par  la  spéculation,  gagnèrent  en  un 
jour  des  fortunes  qu'ils  devaient  perdre  le  lendemain,  les  gens  de  robe  ou  d'épée, 
affolés  par  l'espoir  des  richesses,  laquais  et  commis  devenus  subitement  million- 
naires, tous  enfin  ne  tardèrent  pas  à  multiplier  les  commandes  de  vaisselle  plate. 

Mais  cette  ivresse  dépensière  provoqua  vite  le  retour  de  mesures  prohibitives. 
Dès  1720,  la  pénurie  du  Trésor  ayant  encore  une  fois  jeté  le  pays  dans  une  crise 
financière  plus  grave  que  jamais,  on  revint  aux  édits  et  aux  pénalités  précédentes 
concernant  les  ouvrages  d'or  et  d'argent,  «  pour  réprimer,  dit  Buvat,  le  luxe 
»  extraordinaire  d'un  très  grand  nombre  de  gens  de  tous  états  et  de  toute  condi- 
»  tion,  principalement  des  agioteurs  qui  s'étaient  enrichis  en  moins  de  sept  ou 
»  huit  mois,  au  commerce  des  actions  et  des  autres  papiers  de  la  rue  Quincam- 
»  poix,  lesquels  s'étaient  pourvus  d'une  quantité  prodigieuse  de  vaisselle  d'argent 
»  de  toute  espèce,  la  mieux  travaillée  et  la  plus  belle  qui  se  soit  jamais  vue  chez 
»  les  princes  et  chez  d'autres  personnages  d'un  rang  distingué  par  leur  noblesse 
»  et  leur  dignité  »  (1). 

Pourtant,  si  l'on  va  au  fond  des  chosv^s,  on  constate  qu'à  partir  de  cette  date 
une  modification  profonde  se  manifeste  dans  les  habitudes,  et  que  si  le  goût  du 
luxe,  au  lieu  de  se  restreindre,  ne  fait  que  se  répandre  davantage  en  s'étendant 
à  de  nouvelles  couches  de  la  nation,  il  change  totalement  de  caractère.  Assuré- 
ment l'orfèvrerie  n'est  pas  moins  en  faveur  que  sous  Louis  XIV,  il  y  en  a  tout 
autant,  mais  elle  se  réduit  à  des  formes  plus  usuelles,  plus  directement  appliquées 
aux  besoins  journaliers.  Elle  cesse  de  produire  des  objets  de  pur  apparat,  tels 
que  meubles,  torchères,  vases  monumentaux.  En  un  mot,  elle  «  se  contente 
d'être  pratique  »,  pour  employer  une  expression  que  l'on  aime  fort  aujourd'hui. 

Nous  serions  bien  embarrassé  de  donner  ici  la  représentation  graphique  de 
quelques-unes  des  pièces  des  premiers  temps  de  la  Régence,  si  nous  n'avions 
trouvé  dans  le  recueil  des  60  planches  d'orfèvrerie  de  la  belle  collection  de 
M.  Paul  Eudel,  dont  nous  avons  parlé  au  chapitre  précédent,  des  pièces  du  plus 
haut  intérêt  dont  les  poinçons,  relevés  avec  soin  par  le  célèbre  collectionneur, 
révèlent  qu'elles  ont  été  fal)riquées  de  1715  à  1725,  c'est-à-dire  sous  la  Régence; 
nous  les  avons  réunies  dans  une  même  planche,  de  manière  à  rendre  plus  frapj)ap.t 
le  caractère  de  l'orfèvrerie  de  cette  époque. 

Ij  Jean  lîuvat,  Jotinial  de  la  l\é<jfnri\  t.    Il,  pafji'  l{2. 


w 


^  1  §  » 


5^ 


40  000  liv. 


Mais 


lait  dap 
!   duclle^se  du   Mai 

iffichaieiiL  une 

v,    .  .    ...,  achetait  des 

hcorbnit  df»s  sommes  considc- 
nt  que  le  systèni* 
cutation,  gagnèrent 
.1,  les  gens  de  robe  ou  d  cpc;  , 
'"'■""    -nbitement  millioit- 
(Ic  vaisselle  plaie 
mesures  prohibitives 
Lé  le  pays  dans  une  crist- 
;iux  pénalités  précédente- 
lit  Buvat,   le  luxe 


11! 


on  constate  qu'à  partir  de  cette  date 

dans  les  habitudes,  et  que  si  le  goût  <\u 

streindrc,  ne  iait  que  se  répandre  davantage  en  s'étendant 


delà  nation,  il  change  tôt;.' 

ri;i<    iMi.iii^    111    fil  \  (■ni-    .iiw     ^. 

•  d<>  pn 
monui 
■  me  expivss 

'"  ionner  i'i  m»  n 
■    s  lt"'iriii<   dp  l.'i 


raractère.  Assuré- 

..i\',  il  y  en  a  tout 

t'rectempnt  appliquées 

apparat,  tcK 

e  contente 

'd'hui. 

le 


^  la  ilegeiiCe  ; 

1  .1  11  V   iivi  r  »r  i:i  I  '  ! 


tn 


Six  pièces  crui-lcvrcrie  llcgcnce,  de  171:)  à  ij-jr».  dessinées  par  GiraUlon  diipix-s  les  originaux. 

iCoUecliun  de   M-  /'•"//  Eiidel.) 


—   ()!)  — 

C'r^l  ,|',i|Minl  ilii.'  iilu'llh'ic  .le  Inniir  ^llll|ili'.  II"  I,  (li'CdnT  ;i  la  |ia-r  cl  Mil 
cillcl  (Ir  li-.'^  Ilii^  oiiicMiiiiK  ilails  le  ,-nùl  de  iW-raiii;  lr  n  m  \  rrrlc  cl  le  |.ii'"l 
..,h||-oiiiiiv  ;  le  lier,  -diilcmi  par  une  Iclc  i\i'  \\-\\\\\\r  coilir'c  de  |)liiiiie>>,  saiiiollil 
.,111-  le  .tiiiis  de  l'ai-iliei'e.  l'aii-e  de  InniU"  Ires  <'l('';.'aille  e->l  suniioill  <•(•  ('•-aje- 
iiii-iil  d'iiiie  ti-iire  <le  reiiiiiie  duiil  le  l.iisie  s'allonge,  cl .  dans  une  -aine  a^M-i'incnl  (! 
ddriieuienl^  eliaiii|)le\  e^.  s'allarlie  -  i-acieiiscmciil  a  la  panse  de  I  ai^iiicrc.  hllc 
lui   l'aile   s(Mis  le  l'erniier  Cordier,  en    i7-J.">,  par  rorleMc   i'ioliei-i   Ma-iiard. 


Dctails  (les  cisolui'es  en  tr.icc  mails  de  la  cal'etièi-e  Régence  n"  i. 
iCollecLion  Paul  Eudel.) 


Puis,  uno  autre  aiguière,  n°  2,  à  côtes  plates  décorées  en  tracé  matis  de 
dau|)liins.  (Talgues  et  de  coquillages  groupés  eu  forme  de  guirlandes  et  de 
chutes  du  plus  charmant  elTet,  les  poinçons  indiquent  qu'elle  fut  exécutée  en 
1727  sous  Jacques  Cottin.  Nous  donnons  ci-dessus  le  détail  de  Tornementation 
ciselé,  et  plus  loin  le  plateau  de  l'aiguière  à  bord  contourné  et  godrunné  dont 
h?  marli  est  ciselé  comme  l'aiguière;  une  saucière,  n"  o,  en  forme  de  bateau,  dé- 
corée aux  deux  extrémités  d'une  tète  de  satyre  en  relief,  dont  l'anse  en  volute  est 
agrafée  à  la  partie  inférieure;  quoique  les  poinçons  soient  un  peu  elïacés,  on  peut 
faire  remonter  sa  fabrication  à  1720;  un  llambeau,  n"  4,  d'un  très  grand  caractère, 
à  3  consoles  engagées,  accostées  de  tètes  de  femmes,  le  pied  mouluré  d'ovcs  et 


—  70  — 

de  baguettes  à  rubans.  Il  est  daté  de  1728.  Puis,  enfin,  deux  poudrières  à  sucre  en 
poudre,  n°  5  et  n°  6,  dont  les  poinçons  usés  ne  permettent  pas  de  fixer  la  date  de 
leur  fabrication,  mais  dont  rornementation,  analogue  aux  précédentes,  et  la  fac- 
ture permettent  de  reconnaître  facilement,  dans  ces  œuvres,  la  main  des  orfèvres 
qui  vivaient  sous  le  règne  précédent,  et  n'avaient  rien  perdu  de  leur  habileté. 
L'homme  qui  i  ègle  la  mode,  et  inspire  les  artistes  à  ce  moment,  c'est  le 
Régent.  La  réelle  culture  de  son  esprit,  la  délicatesse  de  son  goût,  ses  connais- 
sances étendues,  et,  comme  le  remarque  Saint-Simon,  sa  fine  intelligence  de  tout 


^' 


â  ® 


Cuvette  de  raij;iiièrc  n"  i, 
faite  sous  le  fermier  Cordier,  en  172?),  par  l'orfèvre  Robert  Majxnarfl. 

Colh'clion  Paul  Eudel. 


ce  qui  contribue  à  l'agrément  de  la  vie  intérieure,  ses  opinions  très  personnelles  sur 
ce  qui  constitue  le  confort,  suffiraient  à  faire  comprendre  l'influence  qu'il  exerça 
dès  qu'il  eut  en  main  le  pouvoir.  Ce  n'est  pas  qu'il  ait  pensé  une  seule  minute 
à  imprimer  aux  arts  une  direction  quelconque,  ni  à  faire  sentir  autour  de  lui,  à  cet 
égard,  le  poids  de  sa  volonté.  A  l'opposé  en  cela  de  Louis  XIV,  il  était  toute 
tolérance  et  n'avait  qu'une  maxime  :  «  laisser  faire  ».  Mais  le  duc  d'Orléans 
était  le  maître  de  la  France,  le  point  de  mire  sur  qui  tous  les  courtisans  avaient 
les  yeux  fixés.  Qu'il  le  voulùtou  non,  on  suivit  ses  exemples,  on  adopta  ses  goûts, 
on  imita  les  méthodes  qui  lui  firent  transformer  la  décoration  de  ses  apparte- 
ments, on  s'engoua  des  artistes  dont  il  s'entourait.  L'architecte  Oppenord,  encore 
inconnu,  ayant  été  chargé  par  lui  d'orner  au  Palais-l\oyal  la  galerie  neuve  où 
Antoine  Goypel  peignit  les  épisodes  de  la  Vie  d'Enée  ;  voilà  du  coup  Oppenord  à 


—  71    — 


l;i  iiKiilf.  1,1'  |iiiiicc  (lcm;iii(|i'-l  li  ,i  W.iMimn,  iI.iii^  huile  l,i  lliiir  de  ^-oii  |i|-cv|  i;jirii\ 
t.ili'iil.  (I'iIIiinI  rcr  de  •-,•-^  (•\i|iliN(",  l';iiil;iivic->  Ic^  cliiiiiilMcs  i|ii  (li.ilc.iii  (|c  |;i  Miicllcy 
Noici  W  iillciii  Liiici',  cl  '|iii  ne  Niillil  |illlN,  (1rs  Inis,  (|||t';illl  >a  Irop  roiirlr  r\is- 
(l'iicc,  a  s;ilisr,iiic  aii\  i-iiiiiiiiaiiili's  i|iii  lui  \iciiiH'iil  de  louiez  parK.  IMail-il  an 
dur  de  fairr  ^idi^l  il  ncr,  dans  ses  p.il.ii-.,  aiix  \as|('s  (d  -olcniKdlcs  |)ir(cs  du 
((•iii|»s  |t;iss('  (Ml  Miail  I  riiiiui,  des  (diainliiTS  |ilus  [ndilc^  se  |)r(''laiil  a  I  iiiiiiiiili'  des 
(•(•iiNcrsal  idiiN  aiiiialilcs,  des  alcùxcs  laN  nralilo  aux  liU  de  rc|i()s  (hi  aii\  sojdias, 
des  li(iud(iiis  di'lical  riiiciil  m-iiI|iI  ('s ':'  Ton!  le 
iiHHidc  su  il  le  iiioiixciiiciil  cl  se  iiud  a  l'il- 
nissim.  PiuM'crc-l-il  aii\  aidi(|iics  lapi-scrjcs, 
(|iii  alli'islciil  les  iiiiiraillcs  de  leur  xerdiirc 
lf(»[>  soinlire,  les  (dolles  soyeuses  de  l.\(»ii 
de  iiiiaiices  (daires?  (loiiiine  |iar  eiieliaiile- 
menl  les  'rrioniphcx  de  Sr///i(i/>,  les  liiihiillrs 
d' Mcrandrc,  joules  les  lenl lires  de  <j:ran(l 
prix  (pii  (K'corent  (k'|)iiis  doux  siècles  les 
plus  faiiunix  hôtels  de  Paris,  vont  rejoindre 
dans  les  i^i-euiei-s  les  objets  (pii  ont  ecssé 
de  i)laire  et  ne  soiil  plus  au  goùf  du  jour. 
Ténioi^ne-t-il  une  eonliance  toute  amicale  à 
rébéniste  Crescent,  qui  lui  fait  les  meubles 
qu'il  aime,  d'un  profil  savant,  d'une  grâce 
spirituelle  et  délicieuse,  qu'animent  les 
bronzes  dorés  et  les  minois  sédu(dein's  de 
nymphes  soui'iantes,  ciselés  avec  la  der- 
nière perfection?  Crescent  devient  le  four- 
nisseur en  vogue,  et  l'on  ne  veut  plus  (pie 
les  meubles  de  son  style. 

Il  en  fut  de  même  pour  tout  le  reste,  et 
l'on  peut  croire  qu'en  ce  qui  concerne  l'orfèvrerie,  le  Régent  ouvrit  également 
les  voies  nouvelles,  donna  le  ton,  et  que,  sans  qu'il  les  imposât  le  moins  du 
monde,  ce  furent  bien  ses  goûts  personnels  qui  prévalurent.  Chez  lui,  point  de 
meubles  d'argent,  point  de  pièces  à  allure  monumentale,  à  emblèmes  mytholo- 
giques, à  figures  moroses  de  dieux  antiques.  Il  ne  possède  guère  que  de  l'or- 
fèvrerie de  table,  et  encore,  sans  excès;  son  Inventaire  conservé  aux  archives 
nationales  (1),  et  dressé  à  sa  mort  en  17:23,  accuse  un  poids  total  de  4567  marcs 


Klanihoau  Réjience. 
[Musée  cenleniial.) 


(I;  Cet  Inventairi;  est  encore  inédit,  et  il  ferait  vivement  à  souhaiter  qu'il  fut  bientôt  publié.  .M.  Victor 
Chanipier  en  a  donné  des  extraits  dans  son  volume  si  abondamment  documente  de  Vll/sloire  du  l'alais- 
lioijal  i  1900,  1  vol.  in-S"  .  et  nous  tirons  de  cet  ouvrage  les  curieux  renseignements  ([ue  nous  reproduisons 
plus  loin  sur  l'orfèvrerie  du  Itégeut. 


d'objets  de  ce  genre.  Nous  voici  loin  des  quantités  fantastiques  citées  pour 
Louis  XIV.  Dans  ce  chiffre  est  comprise  toute  la  vaisselle  plate  qu'il  avait  dans 
ses  diverses  résidences,  au  Palais-Uoyal,  à  Saint-Cloud,  à  Baj^atelle,  h  Versailles, 
et  môme  la  collection  d'orfèvrerie  du  cardinal  Dubois,  que  lui  avait  léguée 
celui-ci,  et  qui  se  composait  de  85  pièces  d'une  exécution  particulièrement 
soignée  (1).  Le  duc  d'Orléans  l'avait  fait  graver  à  ses  armes  et  l'avait  mise  en 
usage  dans  sa  maison.  Ses  orfèvres  habituels  étaient  Ballin  le  neveu,  et  Thomas 

Germain.  C'est  à  Ballin  qu'il  conmianda 
notannnent  une  splendide  toilette  d'ar- 
gent qu'il  avait  l'intention  d'olVrir  à  sa 
fdlc,  M"''  de  Beaujolais,  quand  fut  agité 
le  projet  d'union  de  celle-ci  avec  l'infant 
d'Espagne  don  Carlos.  Le  mariage  n'eut 
pas  lieu;  mais,  la  toilette  se  trouvant 
terminée,  il  fallut  la  payer;  elle  coûta 
31 007  livres.  Il  lit  d'autres  acquisitions 
importantes  de  1715  à  1723.  Mais  le  gros 
de  sa  dépense  se  porta  sur  les  menus 
objets  d'art,  accessoires  de  bureau,  écri- 
toires,  pendules,  vases  montés,  et  prin- 
cipalement sur  les  boîtes  et  tabatières 
dont  il  forma  une  collection  de  toute 
beauté  estimée  à  son  décès  plus  d'un 
million,  somme  énorme  pour  l'époque,  et 
qui  représenterait  près  de  six  millions  de 
noire  monnaie  actuelle. 

Veut-on  savoir  sur  quel  pied  était  or- 
ganisée, au  dix-huitième  siècle,  dans  la 
haute  noblesse,  le  service  de  l'argenterie? 
On  n'ignore  pas  que  toute  famille  menant  un  certain  train  conservait  encore  à 
cette  date,  pour  l'administration  de  sa  fortune  et  la  tenue  de  ce  qu'on  appelait 
la  «  Maison  »,  des  habitudes  remontant  en  partie  à  la  féodalité,  et  une  réglemen- 
tation uniforme  empruntée  à  celle  qui  était  en  usage  pour  la  «  Maison  du  roi  ». 
La  domesticité  formait  un  petit  gouvernement  où  chacun  avait  son  emploi  et  sa 
responsabilité  fixée  selon  une  étiquette  immuable.  11  y  avait  le  service  des  Menus, 
le  service  de  la  Bouche,  de  la  Panneterie,  de  l'Echansonnerie,  des  Équipages,  des 
Ecuries,  etc.  L'importance  en  était  variable,  comme  on  pense,  suivant  le  rang  et  le 


Flainljeau  Régence. 
(Collection  de  M""  Burnt.  —  Musée  conlenii/tl.) 


(1)  Elle  pesait,  à  elle  soiile,  1  139  marcs.  L(!  duc  «l'Orlt'aiis  accepta  le  Icirs  de  son  aiiciru  prcccplciir, 
mais  voulut  absolument  taire  estimer  la  valeur  de  celte  ari^euterie,  cpii  l'ut  piisée  14'i2()')  livres,  et  en  rem- 
boursa généreusement  le  prix  aux  héritiers  de  Dubois. 


—  73  — 


(Ic^^i'i'-  (le  riclic^'M':   iiiiii^  f'('l;iil   ror-.iiii-.il  imi  l\|.c  <|(iiil    cv-.iN.iil  de  ^r   r;i|i|in  M'hcc 
(|iii('()iii|ii('    |ir('lfiiil;iil    r.iii'i-   li.uiiri'    «Liii-^   \r    iiininlr     ('.(.iiiiiii'   <lil    \r    I;iIhiIi-I<-  . 

Tdiil   |)clil  |iiiii(('  :i  di"-  ;lllll>.■l'•-^.llll•m■s  ; 
l'iiiil   in;ii([ui--  \ciil   .i\(iii'  lie--  |i,i;:i'^. . . 

Clic/  le  r»i''i:fiil ,  le  scrsicc  de  r;ir-('iilri-ir  ('liiil  n-;.''''  ''''  l''  l'i'"ii  -.iii\  ;iiilr. 
(',(>  (|iii  ('l.iil  \;iissc||.'  |>l;ilc,  iii(|('|icii(l;iiiiiii('iil  dc^  ii>lciisilcs  scr\;iiil  <l;iiis  1rs 
l•ll;lnllu•t'^    à    coticlicr    dc^    iH'iiico    cl    ilcs  ^ 

|)riiiccssc^,  ('hiil  rc|>;irli  ciilrc  les  dilVc- 
rciilcs  c;i(('^()rics  des  scr\  i leurs  (| ni  ;i\;iienl 
à  en  lairc  usaf^c  |)(iiir  les  liesoins  de  lein' 
cliar^c  Par  c\em|>le.  \' (ii-ijoiiicr  a\ail  sous 
sa  iiai'de  un  lolal  ^V'  Id'i  pièces  (plais, 
assicKcs,  cloches,  etc.),  destinées  à  pa- 
rnilre  (piolidienneineiit  sur  les  tables  «  des 
niaîlres  cl  du  coinuuiii  ».  Puis,  il  y  avait 
la  vaisselle  relevant  des  Officiera  de  hi 
liniicJir  (inaruiiles,  casseroles,  pois  à  vin, 
compotiers,  essais,  sucriers,  huiliers,  pots 
à  bouillon...)  qui  comprenait  oo  pièces; 
la  vaisselle  (\v\  pâtissier  de  la  Bouche  (com- 
potiers, assiettes,  plats  de  formes  origi- 
nales el  variées,  drageoirs)...,  13  pièces; 
la  vaissellr  du  perdreau  (cuillères  el  four- 
chettes, aiguières,  flambeaux...),  4:2  pièces; 
la  vaisselle  de  Y Echansonnerie  (couverts  du 
vin,  flacons,  gobelets,  etc.),  30  pièces;  la 
vaisselle  de  la  Panneterie  (saucières,  mou- 
tardiers, cadenas,  huiliers,  salières,  poi- 
vriers (soit  en  vermeil,  loO  pièces  pesant  5:24  marcs,  soit  en  argent  blanc, 
178  pièces  pesant  243  marcs);  enfin  les  services  d'apparat  des  princes  et  prin- 
cesses, que  l'on  ne  sortait  que  dans  les  grandes  occasions  (surtouts  de  table, 
assiettes,  plats,  coupes,  flambeaux  qui  étaient  en  or  ou  en  vermeil  et  qui 
comprenaient  119  pièces  pesant  225  marcs).  Outre  cette  argenterie  si  varice 
et  si  abondante,  dont  Taffectation  était  méliculeusement  réglée,  il  y  avait  en- 
core la  grosse  orfèvrerie,  employée  par  le  service  des  cuisines  :  marmites 
el  casseroles  de  toutes  formes,  poêles  à  confitures,  écumoires,  fourchettes 
et  cuillères,  flambeaux.  Celle-là  était  divisée  en  trois  séries  :  vaisselle  blanche, 
vaissefle  godronnée  et  vaisselle  de  vermeil.  De  la  première,  Y  Inventaire, 
dont  sont  extraits  ces  détails  véridiques,  nous  décrit  148  pièces,  de  la  seconde 


Flambeau  Régence. 
[Musée  centennal.) 


106  pièces,  pesant  ensemble  1285  marcs,  el  de  la  troisième  170  pièces  d'un 
poids  de  1 11  marcs. 

Ponr  compléter  ce  tableau,  ([ui  donne  une  idée  précise  des  mceurs  luxueuses 
de  répo(|ue,  il  convient  de  remarquer  que,  dans  cet  état  de  Torfèvrerie  du 
Régent,  la  vaisselle  léguée  par  le  cardinal  Dubois  n'est  pas  comptée,  et  que 
Targenterie  persomielle  de  sa  femme,  aussi  bien  (|ue  celle  des  princesses  ses 
lilles,  qui  vivaient  avec  lui,  forme  un  chapitre  à  part.  11  faudrail  donc  ajouter, 
à  cette  nomenclature  de  952  ustensiles  d'argent  ou  d'or,  un  chillre  presque  égal 
pour  avoir  à  peu  près  le  total  de  l'orfèvrerie  employée  par  le  duc  d'Orléans  et 
les  membres  de  sa  famille  (1). 


ElhicHc  cil   \  cruicil. 
{Collection  de  J/"'"  Biirnt.  —  Musée  crntennul.) 

Le  caractère  général  de  l'orfèvrerie  de  la  Régence  peut-il  être  déterminé 
avec  la  netteté  dune  délinition  positive  et  tranchante?  Evidennneiit  non,  car  ce 
qui  la  distingue  c'est  essentiellement  l'indécision  qui  est  le  signe  habituel  des 
œuvres  de  transition.  Il  faut  se  garder  de  faii'e  remonter  à  cette  période  le 
triomphe  du  style  rococo.  C'est  anticiper  légèrement,  et  cela  tient  sans  doute  à 
ce  fait  que,  les  œuvres  d'orfèvrerie  de  cette  époque  étant  très  rares  aujourd'hui, 
on  s'en  forme  une  opinion  non  pas  sur  l'étude  directe  des  pièces  qui  ont  subsisté, 
mais  d'après  l'examen  de  gravures  anciennes  qui  ne  sont  pas  toujours  véridiques 
(|uant  à  l'année  exacte  de  ce  qu'elles  reproduisent.  Or,  en  ces  matières,  il  faut 
pousser  jusqu'à  l'extrême  le  scrupule  des  dates.  En  réalité,  le  style  rocaille, 
mis  h  la  mode  par  Meissonnier,  n'atteignit  son  épanouissement  que  quelque 
temps  ai»rès  la  mort  du  Régent.  Qu'il  ait  commencé  à  se  manifester  en  1720, 
et  qu'il  ail  trouvé  dans  l'état  d'esprit  de  la  société  d'alors,  dans  le  bouillon- 
nement d'idées  qui  transforma  les  arts  comme  tout  le  reste,   un  terrain   favo- 


(1)  Cf.  Victor  Champier,  Histoire  du  l'alais-Hoycd,  t.  h'',  pages  3U'J  et  suiviiiitos. 


rallie  à  >nii  (Ii'\cIii|i|miii(|iI  ,  ncn  de  |i|iin  rni  .nn .  M,•||-^  ce  n  es!  i^iirrr  i|iM'iilr(' 
!(•-<  .iiiiiccs  17-'»  a  l~i(>,  (|iii'  I  iiii|iiil-h  iii  ddiiiiri'  |iar  \f^  iiii\  alriir^.  |)iii-  lraii>-- 
IIIInc  |i;ii'  une  arillci'  ili'  (Irv-in.ilciii  •-,.  d  aicliil  rcl  c^  d  de  ^ciiliil  ciii-  (|lli  rriic||(''- 
rirciil   viir  |c>  l'iinl.ii^ic-  du  dchiil.  |ii'(H|iiivi|    luiis  -.^'^  rllrU. 

I.c  Mll->ci'  (('illclllial  de  I  <  )rlr\  rciir ,  ;i  1' Ia  po^i  |  mil  dr  llMIO,  a  ruiiiiii  a  rcl  ('ijard 
les  |»lu>  |ir('i'i('ii^c^  cl  lt">  |ilii~^  Iniiiicllcv  indical  imis.  Les  (riiM-cs  de  1  (•|i(»(|iic  de  la 
Im'iiciicc  iiii'oii  adiiiiiail  daiiN  Ic^  ((dli'il  i(  iiis  de  M"'  limai,  de  MM.  I'.diii-'I  alaircl 
cl  j)(tiv|,iii,  iiKHil  raiciil  lo  |dia^cs  >iicc('ssi\ es  de  la  r(''\ dIiiI  ntii  i|iii  s"*,|)('ra  <laiis 
les  l'oriiit'^   et    le-;  oniciiiciil  s  di'->  olijcU  aii^'^ihM   après  la    iikmI    île  L<iiiis   \|\,  cl 


Tliéière  Ué^c>nce. 
(  .1/ ((  s é e    c  e  n  l  e  n  n  ;il.) 


perinellaiciiL  de  suivre,  pour  ainsi  dire,  étape  par  étajie,  le  mouvement  tout 
d'abord  iueerlaiii  et  timide,  puis  de  plus  en  plus  aeeenlué  et  émancipé  dans  le 
sens  du  caprice  à  outrance. 

Les  trois  flambeaux  que  nous  donnons  sont  bien  de  l'époque  de  la  Régence 
comme  leurs  poinçons  nous  raffirment;  le  premier  ipa^/e  71)  a  gardé  du  siècle 
précédent  sa  construction  logique,  le  pied  rond  bien  assis,  décoré  de  coquilles 
encadrées,  le  fût  ferme  et  puissant,  couronné  par  des  niufles  de  lions  et  cannelé 
en  spii-ale;  le  second  p((f/^  ~'2},  appartenant  à  W""  Bui'at,  marque  bien  la 
deuxième  étape,  on  le  croirait  encore,  au  premier  aspect,  dessiné  par  Le  Brun, 
tant  il  a  gardé  la  construction  architecturale  des  belles  années  du  grand  règne, 
la  fermeté  et  la  [nuTté  des  lignes,  la  rigueur  des  proportions.  Déjà,  il  laisse 
apparaître,  dans  les  détails  de  son  décor,  dans  l'expression  de  la  figure  qui 
orne  le  haut  du  balustre,  dans  la  disposition  de  la  base  à  cim)  pans,  un  certain 

6 


—  76 


souci  de  rendi-e  plus  niireable  et  avenante  une  forme  ([ui  était  devenue  clas- 
sique et  presque  banale.  L'œuvre  est  absolument  caractéristique  et  d'une  rareté 
insigne;  elle  doit  dater  des  tout  premiers  moments  de  la  Régence.  C'est  le 
balbutiement  h  peine  formub'  de  l'art  nouveau  qni  va  prendre  son  essor.  Cet 
art,  on  le  voit  dans  un  li'oisième  llambeau  {pafjc  73),  d'allure  encore  un  peu 
gauche,  qui  s'essaye  aux  douceurs  des  courbes,  aux  molles  délicatesses  rem- 
plaçant les  lignes  viriles  de  l'âge  précédent,  aux  combinaisons  hybrides  d'or- 
nements emi)runtés  plus  ou  moins  à  Bérain, 
avec  les  entrelacs  et  les  coquilles,  mais 
sans  originalité  bien  franche.  Le  mélange 
de  deux  intluences  conlradictoires  sendjle 
lui  donner  une  apparence  vieillotte,  l'uis, 
le  voici  dans  l"(''clat  de  sa  gi'àce  jeune  et 
fraiche.  Le  papillon  est 
sorti  de  sa  chrysa- 
lide. Le  style  s'affirme, 
se  précise,  prend  con- 
lépendance,  et   se  dégage 


leuses, 


onsiderez 


<,^ 


Cal'eticrL'   Miiralxmt . 
{Musée  cenleniiitl.) 


is,  rorf('Vi-ei"ie  rejette  les 
des;  mais  elle  garde  en- 
5  audacieuses  nouveautés, 
logi([ue,  des  proj)oi*tions 
lité  toujours  lisible  de  la 
liversité  des  ornements, 
le  de  vermeil  avec  son 
plateau  prêtée  par  M""'  Burat  {pa/je  74); 
c'est  un  des  plus  parfaits  spécimens  de  cet 
art  charmant.  Le  galbe  en  est  d'une  sou- 
plesse exquise;  quant  à  son  exécution,  elle 
révèle  une  habileté  consommée,  avec  son  ornementation  si  sobre  et  si  élégante, 
posée  comme  une  dentelle  snr  le  marli  du  plateau  et  sur  le  couvercle  par  le 
procédé  du  tracé  ciselé,  qui  rappelle  un  peu  les  nielles  de  la  Renaissance  et  qui 
fut  alors  très  en  faveur. 

Une  théière  (page  75)  faisant  partie  de  la  collection  de  M""'  Burat  est  une 
pièce  très  rare,  dont  la  composition  et  l'exécution  sont  également  intéressantes. 
De  forme  ventrue,  au  pied  godronné,  à  la  panse  unie,  la  collerette  est  seule  dé- 
corée au  tracé  ciselé,  dans  le  goût  de  l'écuelle  dont  nous  venons  de  parler,  elle 
est  bien  de  répo([uc  de  la  Régence  où  l'on  n'a  pas  oublié  encore  les  dessins 
de  Bérain;  le  bandeau  (juadrillé  est  égayé  par  quatre  agrafes  à  cofjuille  ciselées 


—  77   — 

;i\cc  iiii  ^(Mil  clKiniiiiiil  ;  li'-^  ili'ii\  idii'li'llc^  --iiiiiilriiiciil  ll)llnH■(■^  M'r\;inl  de  liollcîS 
|>niir  a^ral'rr  l'aiisc  en  fliciic,   ^dliili-  cl    lncii  en    main. 

haiis  (•(•>  (lilVl•|■l■lll(•-^  |ii('ic--  i|iii'  ll(lll■^  a\(iiis  r('|ir(ii|iiil('x,  d  (juj  -oiil  l<'s  iticccs 
Ic^  pin--  I  \  |iii|iif->  i|iii  l'iL'iiiaii'iil  an  Mii-m'c  ri'l  ni^prcl  if  ;i  ri!\|  h  »^i  I  i(  m  de  l'.MKI,  (iii 
Ii-(iii\ail,  l'i'iinic-^  (riiiic  l'artMi  ^ai>iN-~;iiilc.  le--  (|iialil(--  <lr  I  arl  i|i'  la  \\ry('i\<-(' ; 
l'c  liiililac,   I  (t|i|Mi->il  KHI    N.iv.inli'   ilc^  |iarli('^   un  iiiliir('T^  cl   des  (((nloins  airiuidis, 

r;illli;i|ilc     n(di|css,'     i\t'     |;i    col  1 1 1 1(  i  -  i  I  K  H  i     cl     la     >ll|)r(Mllc    i  Ici  ica  I  C- >(•    de    |;i     |';ic  I  ||  rc. 

('(•  sdid  Ilicii  la,  en  sdnnnc,  les  Irails  dislniclifs  dn  s|\|c  de  |;i  lH'';jcncc,  (je  171") 
a  IT'J;!.  Icis  (|n"ils  dianincnl  dans  r.illiinn  i\i'  liolicrl  de  ('.(tllc.  de  nicnic  (|nc  dans 
les  (eit\res  d  ai\i:cnlerie  ipii  onl    snr\ci-n. 

Nons  a\ons  lr(in\e  (\i:alenicnl ,  parmi  les  pièces  e\pos(''es  an  (icnlcnnal.  nue 
carelière  à  c(~iles  li'ès  simples  cl  l'ermes  /i//'/r~{\^  e|  doal  le  lice  a  mascaiam  est 
liien  dans  le  caraclere  de  eelle  l'-poipie  (|n(H(pi"elle  ne  nous  paraisse  pas  de 
raliriralioM  trancaiso;  il  (dail  inli-ressind  de  la  reprddiiire,  loni  an  ni()iM>  poin- 
inonlrer  le  d(\^ré  d'inllnenee  de  noire  arl  naliimal  snr  la  proilnclion  <''li-an;:ère 
de    la   même   éjuxiiie. 


Dessin  de  Boiain. 


mm 


ORNt.Ml-.NS 


Carliiml 


•II,  ScuJf. 


CHAPirUK    l'ROISIÈME 


E|)anoiiiss(Mn<Mil  du  slylo  l'oraillo.  Ses  oxers  cl  sos  chcfs-d'ciMiypc, 
ITîîo  A  1750.  —  Les  orlV'viM's  Mcissonnici*,  Dclaimay  cl  lialliii 
!<'  nov<Mi.  —  (ii'aiiclc  iMMioinméc  de  Thomas  (leriiiaiii.  —  ImIIucikm' 
<le  la   C<Mii*  sui*  le  i»<>n(. 


\y  N  17:23.  lorsf|iio,  nprès  la  mort  du  Pu'^oiit,  Louis  XY  prit  les 
l'eues  du  pouvoii',  il  y  avait  à  Paris  une  douzaine  d'or- 
fèvres de  très  grande  répulation  débordés  par  les  eoni- 
niandes,  e(  ceux-là  mêmes  qui  étaient  le  plus  attachés 
aux  traditions  dui*ent  subir  l'entraînement  général  et 
accepter  souvent  l'intervention  des  arbitres  étrangers  à 
leur  profession  que  la  mode  leur  imposait.  C'est  alors 
que  les  extravagances  du  genre  rocaille  commencèrent  à 
être  <à  la  mode,  et  que  le  style  «  baroque  »  prévalut  définitivement  et  fit  fureur. 
Parmi  les  artistes  qui  travaillèrent  le  plus,  dit  M.  Henry  Havard  (1;,  à  faire 
perdre  à  l'orfèvrerie  française  la  solennité  de  ses  formes  et  la  symétrie  de  sa 
décoration,  il  faut  citer,  en  première  ligne,  Gilles  Oppenord,  le  favori  du  régent, 


^l]  Henry  Ilavanl,  llis/oire  de  l'Orfèrrcric.  page   ÎIIS. 


—  so- 
le décorateur  du  Palais-Royal,  et  Justc-Aurèle  Meissonnier,  dessinateur  ordinaire 
de  la  chambre  du  roi.  L'un  el  l'autre  étaient  étrangers,  cependant  ce  sont  eux  qui 
aidèrent  puissamment  à  créer  en  France  un  des  styles  les  plus  français  que  nous 
ayons  jamais  eus.  Architectes  tous  deux,  ils  introduisirent  dans  nos  arts  décoratifs 
le  mépris  le  plus  absolu  de  l'architecture.  La  conslruction  logique,  la  sage  répar- 
tition des  masses  portantes,  le  respect  dv  l'aplomb,  que  l'on  avait  jusque-là 
observés,  furent  brusquement  répuiliés  par  eux,  et  ce  spectacle  nouveau  j)arut  si 
charmant  que,  —  bon  gi"é,  mal  gré,  —  les  artistes  sp(''ciaux  (hu'cnt  se  confornicr 


à  ces  troublants  exemples...  Mais  cette  dérogation  aux  lois  de  l'exigeante  raison 
n'empêchait  pas  cependant  les  orfèvres  parisiens  de  produire,  dans  ce  genre 
qu'ils  qualiliaient  eux-mêmes  de  baroque,  une  quantité  extraordinaire  d'ceuvres 
charmantes,  d'une  forme  assurément  tourmentée,  aux  contours  tarabiscotés, 
gondolés,  cannelés  et  surchargés  d'ornements,  dont  l'échelle  n'était  pas  toujours 
convenablement  calculée,  mais  si  bien  appropriée  à  leur  usage,  d'un  galbe  si 
souple,  d'une  ampleur  si  gracieuse,  d'une  si  amusante  saveur,  que  l'on  partage, 
malgré  soi,  l'enthousiasme  que  cette  curieuse  production  suscita,  non  seulement 
en  notre  pays,  mais  encore  au  delà  de  nos  frontières  (l).  Il  y  eut  d'ailleurs  des 
degrés  dans  le  genre  rocaille.  Je  veux  dire  que  tandis  que  certains  orfèvres, 
pour  paraître  en  avance  sur  la  mode,  se  laissèrent  aller  aux  pires  extravagances, 
d'autres,  au  contraire,  —  et  ceux-là  travaillaient  en  général  pour  la  Cour,  — 
essayèrent,  sinon  de  réagir,  du  moins  de  conserver  la  mesure  et  le  goût  dans  les 


(1)  Ilcnry  Il.ivai'd,  Histoire  de  l'Orp'vrcrie,  page    iil. 


fïjrrrp 


Portrait   de   J.-A.    MEISSO.XXIEU 


'  fff/uu 


—  HJ 


ni|iu'[i'  au\   ci'i'i'N  issc? 
McissDiuiicr.) 


Ii;inliiv-,c^    (II'    liMiiv    ciiiiiiHivil  idiiN.     \iiis|,    le    \icil\    Niiol.i-    I  >c|;iiiii;i\  ,    ;.'cii(|l<'    i|c 
l'illiislii'   |>;i||iii,   r;iiii'i('ii   oiicNic  (le  l.iiiii^    \l\,   ;i   i|iii    lui    rdinin.iiK |cc  en    \ill  la 

liulrllc     lie     rilllaillr,     ^c     |Tril^,i     JIIS- 

(|u  il  N.i  iiioil,  (Il  1727,  a  ^iiiMc  !<■ 
iiiniiN  filleul .    Il   ic-la    rnlcjc    aux   Ira- 

(liliulls  (le  ^ull  |m';iI|-|htc,  cl  a  l'ai'l 
du  i^raiid  <irc|r.  Mci---i  iiiiiicr  lili- 
llirilic,  rill\('liliiir  <lil  ;^i'iiri'.  ne 
s'ol-il  pas  ;janl(''  ilrs  ('•cai'ts  ridi- 
cules cdiiiiiiis  |iai'  SCS  s()i-dis;iiil  imi- 
lalciirs  dans  les  pièces  d'(»rlc\  rci-ie 
(pi'il   a  dessiii(''es  j)()iii'   Louis  W. 

OppciMii'd  cl  Moissoiiiiier  ciii'ciil 
une  iiilliieiice  liicii  dilTiTciile  sur  l(,'S 
ai"ls  de  leur  lein|)s;  (lilles-Mai'ie 
Oppcuoid  ('lail  siirloiil,  arcliiLcolo 
el  ({('corateiir.  Le  réjieiit  l'avait 
clioisi  l'oinmo  (liroctciii'  iii'iiéral  do  sos  l)àlinu'iils  et  jardins.  L'œuvre  gravée 
({u'il  a  laissi'e  ne  nous  fail  coiiiiallrc  (nrun  très  petit  nombre  d'objets  pouvant 
se  rappoi'lei'  à  l'art  de  l'orfèvre.  Ce  sont  surtoiil  des  mol  ils  «rarcliitecture,  de 
(h'coration  d'ai^parlcment  el  d'objels  moljiliers.  Sa  produelion,  |)lns  sévère  dans 
les  l'ormes  et  les  contours,  earaclériso  la  i^remièrc  jiliase  du  nouveau  style  ai)pelé 
Régence,  et  s'éloigne  sensible- 
ment de  celle  de  son  émule  Juste- 
Aurèle  Mcissonnicr,  qui  inau- 
gura la  denxième  phase  du  slyle 
Louis  XV,  que  l'on  a|>|)ela  le  slyle 
Uocaille  et  phis  tard  Rococo. 

Meissonnier,  qui  était  aussi 
architecte  mais  surtout  décora- 
teur, était  en  réalité  un  orfèvre; 
reçu  maître  en  17:2'),  il  signait  ses 
œuvres  de  ses  poinçons  :  J.  0.  R. 
Il  habita  longtemps  la  rue  Fro- 
menteau,  où  il  avait  bouti([ue.  Il 
a  laissé  un  recueil  de  dessins 
dans  lequel  il  avait  recueilli  les 

modèles  (|u'il  avait  rêvés  ainsi  que  les  dessins  des  pièces  exécutées  sous  sa  di- 
rection ou  dans  ses  ateliers. 

Nous  avons  choisi  dans  ce  livre  les  pièces  qui  pouvaient  le  mieux  nous  édifier 


Soupière  au  fribicr. 
(Meissonnier.) 


-  M  — 

sur  le  caractère  des  œuvres  de  son  invention.  Les  dessins  de  la  soupière  aux 
écrevisses  et  de  celle  an  gibier,  que  nous  donnons,  nous  dispensent  de  toute 
description.  Elles  sont  tourmentées  à  l'excès;  la  rugosité  de  leurs  saillies  est 
inquiétante,  et  on  se  demande  si  elles  n'ont  pas  été  faites  pour  le  dressoir  plutôt 
que  pour  l'usage  de  la  table;  mais  quelle  merveille  de  délicatesse  elles  pouvaient 
devenir  entre  les  mains  d'un  habile  ciseleur. 

Le  surtout  un  peu  encombrant  qui  réunissait  sur  son  plateau  les  dilîérentes 
pièces   du  service  de   tal)le  :    jiot    à   oille  au  sonnnet   encadré  par   des  bras  de 


Ni'f  tlu  roi  par  Mcissoiiiiier. 


lumière,  seaux  à  rafraîcliir;  aux  extrémités,  salières,  huiliers  et  boites  à  épices, 
ne  devait  pas  être  d'un  usage  bien  pratique,  mais  quelle  superbe  décoration 
pour  le  bulTet  d'une  salle  à  manger,  dont  la  boiserie  en  chêne  sculpté  aurait  été 
exécutée  sur  les  dessins  de  Meissonnier. 

D'une  composition  tourmentée  et  de  forme  singulière,  ce  surtout  ne  fut  pro- 
bablement pas  exécuté,  il  devait  être  un  projet  émané  de  sa  verve  facile.  Mais  il 
donne  une  idée  très  nette  du  style  de  Meissonnier,  lorsqu'il  se  laissait  aller  aux 
caprices  d'une  imagination  bizarre  qui  oubliait  quelquefois  la  destination  de  l'ob- 
jet rêvé. 

11  n'en  est  pas  de  même  de  la  nef  d'or  du  roi  Louis  XV;  (pioique  encore  un 
peu  tourmentée,  le  g'albe  est  si  gracieux,  l'ornement  qui  décore  la  nef  est  si 


H5 


SOlIpli-,  cl  rii\cl()|)|M'  --i  liii'ii  la  riilllic  (|lMiii  rniii|Hi'i|i|  la  rr|  ,iil  al  Inii  ■|lir  (•(•«; 
ii'iiM'i'N  a\aiiMil  iiici-ili'c.  \a'  -eau  a  ra  II  a  idii  r,  i|u  il  i'\(''ilila  il  rii  ar;.'riil  |m)I||'  je 
(lue  (le  rHiiiiluiii.  ildil,  (■(iiiiiiH'  la  iii'l',  a|)|iaih'iiir  a  une  «'pdiinr  assafjii',  cl  lncii 
loin  ilii  |cii  (lc>  ('carlN  de  la  ridcaillc,  i|iii  <'iil  lail  accii-ci'  Mci^voimicr  par  l'aiil 
Mail!/,  (l'aNoir  ('•li'  le  t:rainl  c(ii-rii|il ciii'  du  -dùl  de  la  |ii-ciiiicrc  iiioilii-  du  di\- 
liuiliciuc   •^ieele. 

l'a  nui  les  iiiailri's  (uie\  rc>  en  fax  eu  r  de  17  I  ">  a  IT'iU  e|  d(Mil  le>  iiiseiilioii-  oui 
(Ml  ipieli|iie  imporlaiiee  il  ii(tii<  t'aiil  eiler  ( '.laiide  Ualliii  le  iieseii,  ipu  a\ail  a  celle 
('•poipie  une  •-oixaiilaiiie  d  aiiiiees  I)  cl  (pii  c(tiisei-\a  jn'-ipi  ;iii  l'<iii!  une  \<),:jiie  e\- 
Iraonliiiaire  dans  la  clieiilele  la 
plil^  arisl(»('riili([iie  de  la  l'iaiice  ^ 
cl  de  ri'ilIKtpc.  Toill  eu  se  iiioii- 
Iraiil  moins  iulraiisi^caiit  (|ue 
sou  coiilVèi'c  h(daiiiia\  el  en  siii- 
vaiil  assez  doeilemenl  les  idi-es 
nouvelles,  il  ne  ilépassa  pas  les 
limites  raisonnables;  aussi  se 
l;nnen(ail-il  dans  les  derniers 
temps  (le  sa  vie  sur  <(  ce  (prou 
i;àlail  les  Ixdies  l'ormes  eu  sul)- 
stiluanl  aux  sages  ornements 
des  anciens  u  des  escrev/ccs,  vt 
»  des  lapereaux ,  qui  ne  sont 
»  pas  faits  pour  (jarnir  le  dehors 
»  de  vases  d'orfèvrerie  ».  C'est 
Claude  Ballin  ([ui  avait  exécuté 
la  charmante  couronne  du  sacre  de  Louis  le  Bien- Aimé.  En  1726,  il  prouva  qu'il 
n'était  pas  si  rebelle  à  introduire  un  peu  de  pittoresque  dans  l'orfèvrerie  en 
composant  pour  le  maréchal  Denon,  gouverneur  du  Milanais,  un  surtout  de 
table  dont  le  sujet  était  la  fête  de  Cornus.  Un  autre,  qu'il  fit,  en  1742,  pour  le 
roi  d'Espagne,  représentait  des  scènes  de  chasse,  «  des  chasseurs  et  des  chas- 
»  seuses  ^),  des  pièces  de  gibier.  Plus  l'artiste  vieillissait,  plus  il  était  contraint 
de  suivre  le  public  dans  ses  prédilections  grandissantes  pour  les  rocailles,  et 
on  put  le  constater  quand  il  acheva,  en  1751,  le  splendide  service  du  marquis 
de  la  Ensenada,  ambassadeur  d'Espagne,  que  tout  Paris  alla  voir  et  qui  fit 
sensation. 

Barbier,  dans  son  journal,  en  consigna  l'apparition  comme  un  fait  notable,  et 


Seau  à  rafraîcliic. 
(Meissonnier.) 


,1  Claude  Ballin  mourut  le  17  mars  1754,  à  l'âge  de  quatce-vinfrt-treize  ans.  Il  était  né  en  1661,  on  le 
désiiTuait  habituellement  sous  le  nom  de  Claude  II  pour  le  distinguer  de  sou  oncle,  l'illustre  Claude  I*'"' 
Ballin.  l'orlevre  de  Louis  XIV.  mort  en  167S. 


—  86  — 


le  Mercure  [[)  eu  piiljlia  la  description.  La  base  du  surtout  «  contournée  en  une 

baroque  a<iréable  «  siuiulait  une  nier  agitée 
par  les  Ilots  ([ue  doniinail  Neptune,  assis 
dans  une  conque  marine  traînée  j^ar  des 
chevaux,  le  trident  en  mains,  Tair  cour- 
roucé, tandis  qu'autour  de  lui,  nageaient  des 
Naïades  joyeuses  qui  se  jouaieni  au  milieu 
des  roseaux  brisés  par  le  vent,  et  des  en- 
fants occupés  à  prendre  des  poissons.  On 
sait  si,  depuis,  ce  sujet  l'ut  exploité! 


ï/orfèvre  dont  rinlUience  à  cette  époque 
s'exerça  le  |)lus  heiu-eusemenl  et  avec  le 
|)lus  d^'cjal,  lui,  à  coup  *^ùr,  Thomas  Ger- 
main. Initié  à  la  [pratique  de  sa  profession 
dans  l'atelier  de  son  glorieux  père  l^ierre 
(icrmaiii  (^)  qu'il  avait  |)erdu  de  ti'ès  bonne 
heure,  ayant  étudie''  la  peinture  avec  l>on- 
Boulogne,  la  sculptui'e  avec  Legros,  et  l'architecture  (pi'il  connaissait  à  fond,  il 
avait  lermini'  son  ('ducalion   |)ar  un  long  S(''joui'  en  Italie.    Il  s"('tait    trouve''   tout 


]$(iiiill(il  11'  cil  iir  MU-  Sdii  r<''i'li;iU(l 
lie  Mniif  Lec/iiiska,  \y,\v  'riKniia 
(icriiiaiii. 


Jatte  de  Marie  Lec/.inska,  jiar  Thomas  Germain. 


préparé  lors  de  son  retour  à  Paris  en  ITOG,  grâce  à  ses  Ijrillanles  relations,  à  ses 
bonnes  manières  et  à  son  talent,  au  rôle  qu'il  allait  jouer.  On  l'a  vu,  le  Régent 


(1)  Le  Mcrriire,  n"  de  juin  17."il. 

(2)  Il  ne  faut  pas  confondre  ce  Pierre  Germain,  orfèvre  du  roi  Louis  XIV.  père  de  Thomas  (lermain  et 
grand-père  de  Fianeois-Tliomas  Oermaiu,  avec  un  autre  orfèvre  du  dix-huitième  siècle  (fui  porte  égale- 
ment lu  nom  de  Pierre  (îermain.  lequel  est  l'auteur  du  volume  :  les  Eléments  d'orfèrrevie.  publié  en  17'hS. 
11  en  sera  question  plus  loin.  Cette  confusion  qui  a  été  commise  par  des  écrivains  énunents,  tels  (|ue  Paul 
Mantz  et  L.  Courajod,  a  donné  lieu  à  de  fréquentes  eri-eurs. 


--  HT   — 

,-ll    lil    •-(111    (irlV'\  rc  ,ill  ill-c.    Il    lui    \ili'    rii    r;i\rii|-    ;i    |;i    Cdiir    cl    |c~.    |  m  ■  |--(  .||  ii;i- c»    jcs 
plus  en   \(ii'   m-   I  ;in  Inciil    |i,i>   ;i   en    t;iiii'    leur  l'i  iiinii^^ciir  «je   |n-i''<lili'c|  ion . 

S('>^  |M'ciiii('r<'s  (•(iiiiiii.iiMlrs  (iHi(iclli'--  riiiriil  (|('v  (i'ii\rcs  icli;.'i<'ii-c^.  Il  cm'' 
(•iil;i  iinhiiiiiiKMil  |Miiir  1,1  ili,i|ir||c  de  Ti  m  I  ,i  iiii'l  ilci  II  un  (•nccii-iiir  (|iii  lui  \.iliil 
lc>^  (•iif(iiir;iLi'iii('uK  de  l.diii^  \\,  |iui^  c'c-l  ;i  lui  (|iir  lui  roiilii'i'.  en  \ilU. 
rcxccill  idil  (II'  1,1  Idllfllr  (II'  l;i  reine  M;ine  Leiviii-k,i .  |,;i  iMilIllInlIe  en  or  ;i\ee 
son  recli.iUil  i|lli  ;i|i|i;ili  ieill  ;i  M.  ( '.li.ll  Miere-^  \rle--,  el  i|lli  l'hiil  e\|io>«ee  ;ii| 
iN'lil    l'ahlis,    e-^l    un   ili'S   rai'Cs   -^iK-cimen--   de  celle    |ir(''ciellse   orre\reric:    il   reii--il 


ipnr.irm-a' TTTmrninn  rTnm 


,Mi  III  ii    lllITllllIllIlilillilllMl' -'■*'  "■  ^  ■■  •'  I      -  _    ^^_^__^.^^^y 


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k 


Alcliei'  (le  Tli.   (  icM-inain. 
[Hcconsliliilioii  !ii/;inl  liijun'  ii  VE.riiosilion  de  If^SO. 


k 


si  l)i('n  dans  cette  entreprise,  il  sut  mettre  tant  d'ingéniosité  et  de  nouveauté  dans 
la  di'coralion  (h"^  trente-eiiiq  pièces  doni  elle  se  composait:  cuvette,  pot  à  eau, 
miroir,  gobelet,  llacons,  boîtes  à  poudre,  à  pâtes  et  à  mouches,  ilambcaux, 
jattes,  gantières,  coiîre  à  bijoux,  etc.,  que  toutes  les  grandes  dames  voulurent 
en  posséder  de  sa  main.  Il  sembla  un  moment  avoir  la  spécialité  des  ces  riches 
orfèvreries. 

Le  Mercure  de  France  de  septembre  1T:2(),  décrivant  ce  service  à  toilette, 
signale  notamment  les  jattes  qui  en  faisaient  partie;  chaque  jatte  était  faite  en 
forme  de  nacelle  dont  la  poupe  et  la  proue  étaient  ornées  «  d'enfants  occupés  à 
»  liei'  un  dauphin  avec  des  festons,  lesquels  régnaient  sur  tout  le  fond  ». 

Il  en  ht  pour  la  reine  d'Espagne,  pour  une  princesse  du  Brésil,  pour  la  Dau- 
phine,  et  une  quantité  d'autres  femmes  de  qualité.  Sa  production  s'étendit  aux 


-  88  — 

objets  les  plus  variés,  et  sa  verve  féconde  Ht  rcspleiulir  sur  les  tables  de  tout  ce 
qu'il  y  avait  d'illustre  dans  la  société  de  ce  temps,  les  Ix'autés  d'une  orfèvrerie 
infiniment  gracieuse,  mouvementée  et  chatoyante.  Le  duc  de  Luynes  qualifie 
Thomas  Germain  de  «  fameux  orfèvre  en  grande  réputation  dans  toute  l'Eu- 
^•ope  »  (l).  Mariette  déclare  que  «  c'est  le  plus  excellent  orfèvre  que  la  France  ait 
eu  depuis  le  célèbre  Ballin  »  (2). 

Ses  compositions  sont  restées  un  modèle  parfait  de  grâce  et  d'élégance,  le 
type  le  plus  achevé  de  ce  style  si  français,  et  surtout  le  plus  naturel.  Delà  cette 
renommée  si  méritée  qui  lui  valut  d'être  chanté  par  Vollaire,  (pii  dans  l'épitre 
adressée  à  Phyllis  vantait  sa  main  divine  (3). 

Il  n'est  point  de  louanges  qui  ne  lui  soient  décernées  et  partout  on  s'arrache 
ses  oeuvres  qui  passent,  même  de  son  vivant,  |)(>nr  des  merveilles  (pi'on  ne  se 
j)ermet  pas  de  discuter,  pour  des  modèles  d'un  goût  impeccable. 

Son  portrait  peint  par  Largillière,  (|ni  fail  aujourd'hui  partie  de  la  collection 
de  M.  Odiot,  nous  le  montre  dans  son  aleliei'  avec  sa  femnu^  Denise,  lille  de  Gau- 
chelet,  orfèvre. 

Thomas  Germain  fut  essentiellement  l'orfèvre  à  la  mode  :  mieux  rpie  cela,  il 
fut  l'orfèvre  de  savoir  et  de  raison,  le  plus  insiruil  jx'ul-ètre  (pii  ait  jamais  existé, 
l'incarnation  pour  ainsi  dire  de  rorfèvrerie  française.  Son  notn  respecté  continua 
longtemps  après  sa  mort  à  être  invotpié  dans  sa  corporation,  comme  celui  d'un 
maître  sans  égal.  11  domine  le  dix-huitième  siècle  tout  entier,  et  défie  toute  com- 
paraison. Si,  lui  aussi,  ne  put  faire  autrement  (pie  de  sacritier  au  genre  rocaille 
et  à  la  «  Ghinoiserie  »,  il  ne  versa  en  aucune  circonstance  dans  les  cocasseries 
invraisemblables  de  beaucoup  de  ses  confrères.  G'est  ce  que  se  plait  à  faire 
ressortir  Mariette  quand  il  écrit  :  «  Si  M.  Germain  ne  copie  pas  tout  juste  l'antique, 
et  si,  pour  se  prêter  au  goût  régnant,  il  se  livre  à  des  formes  irrégulières,  il  ne 
donne  jamais  dans  des  écarts  blâmables  «  (4). 

Il  est  vrai  d'ajouter  qu'il  s'éloignait  passablement  de  ranti([ue,  plus  que  ne 
semble  le  reconnaître  Mariette,  (pumd  il  imaginait  ses  pots  l\  oille  (.":)],  ces  légu- 


ai) Duc  de  Luynes,  Mémoires,  t.  IX,  page  83. 

(2)  P.-J.  Mariette,  Abécédnrio,  t.  H,  page  298. 

(3)  Voltaire,  XXIll^  Epîtrp.  connue  sous  le  litre  les  Vous  et  les  Tu. 

Phyllis  n'était  autre  (jue  M"e  île  Livri,  jeune  et  jolie  personne  qui  se  destinait  au  théâtre,  reçut  des 
leçons  de  Voltaire  et  devint  sa  maîtresse.  Après  avoir  renoncé  au  théâtre,  elle  épousa  un  riche  gentilhomme, 
M.  de  Gouvernet,  et  mena  un  grand  train  de  maison. 

Non,  .Madame,  tous  ces  tapis  Vos  vases  japonais  et  blancs. 

Qu'a  tissés  la  Savonnerie,  Toutes  ces  fragiles  merveilles, 

Ceux  que  les  Persans  oui  ourdis.  Ces  deux  lustres  de  diamant 

Et  toute  votre  orfèvrerie,  Qui  pendent  à  vos  deux  oreilles, 

Et  ces  plats  si  chers  que  Oermain  Ces  riches  carcans,  ces  colliers, 

A  gravés  de  sa  main  divine,  Et  cette  pompe  enchanteresse, 

Et  ces  cabinets  où  Martin  Ne  valent  pas  nu  des  baisers 

A  surpassé  l'art  de  la  Chine,  Que  tu  donnais  dans  ta  jeunesse. 

(4)  P.-J.  Mariette,  Aôécédario,  t.  Il,  page  298. 

(5)  L'usage  du  pot  à  oille  ou  pot  a  ouille  (du  mot  espagnol  olla  qui  signifie  marmite)  se  développa 
grandement  au  dix-huitième  siècle.  C'était  ce  que  nous  appellerions  aujourd'hui  une  terrine;  on  y  faisait 


iiiliiiimci  Luylu?^ 

'■'     '^  ju   dans  touio   I  r.u- 

\  rc  iriiM  In  Fr;inci>  m'h 

lodèle  [I  grâce  et  d'élégancr 

luuL  le  plus  nai  là  cette 

■;iu    daii- ■■■ 

I    ■  M.:     on  s'arrache 
K  merveilles  qu'on  n 

>in  impeccable. 
I  aujourd'hui  partie  de  la  collecli":! 
•■'  sa  femme  Denise;  fille  '     • 

•llement  l'orlV'VPe  ,^  Iîi  mode  :  mien'^ 
;  1  .  '■  plus  h 

1    a  cire  un  ^ 

Mïe   le    diX-hlln  ■.     h  m      -.-   ■  -mu    ,   ,,,11   1  ,    <   i   u«   ne    hmul-  l  tlili- 

nnt  faire  aulreuïent  que  de  sacrifier  au  genre  rocaille 

M  aucune  circonstance  dans  les  cocasseries 

'  onfrères.   C'est  ce  que  se  plaît  à  faire 

\i.  Germain  ne  copie  pas  tout  juste  l'antique, 

au  t;oui  rejouant,  il  se  livre  à  des  formes  irrëgulières,  il  ne 

;  '-  ''carts  blâmables      '  ' 

Il  c;!  .ju'il  s'éloignait  ment  de  l'antique,  plus  qu(    ii> 

'  •  Mariette,  (juand  ii  lit  ses  pots  c'>  oille  (o),  ces  légu- 


.  t.  IX,  page  N.: 

;.  II,  iK-iL-    •-> 

!j.  Apri.i  -i-.on-  leiiui!  jji-UUlliuuiuit, 

laiii  (le  maison. 

i 
T.. 

Ce. 
■       (Jiii 
Ce--  . 
-  t  liidiu  «Itv.^i  ■  Et  cell> 

!  -  où  Marti ip  Ne  vaie. 

la  Chili'.'.  Que  lu  lioimii-  <i;iiib  /■ 

:ir}n    1.   n 
<    :  >l  alla  qiii 

:.'r:i;i.l     ,  lioiis  ailji' 


R9 


>.^, 


Porlrail    iK"   Tiiumas    GERMAIN    et   de   sa   l'emnie    Dkmsi: 
[Collcclion   Otliol.) 


ÎM   — 


iiiicrs,  (•(••>  >,(»ii|>i('r('N  dmil  le  curp^  cliiil  ml  niiiiiciil  Imiiiic  (hiii'lc»  niriiillciiscs, 
(le  voliilcs  cl  lie  ;jimI|(ii|v  cm  I  i  iHil  h  I  h  uI'- ,  ri  doiil  le  ci  iii\  c|-c|c  cl.iil  -lll'i'|i.ii-;-'('' 
(r;iiiiiii;iii\  ili\civ.  I.'nrlivjc,  iiiiiIl'Ii'  hml ,  -;i\;iil  cn  il  cr  Ic^  i  ni  i'iii|M'r;iii  (■(■•-  de-  Mcis- 


Caiulclalji'c  en  (H-  clo  Louis  XV,  dessin  de  Tli.  (iciniaiii. 
I]()llecliun  de  M.  le  I)aron  l'iclwn.) 


sonnierou  des  autres  fervents  de  la  rocaille,  en  conservant  à  ses  ustensiles  un 


des  fs])ècos  de  pâtés  dans  lesquels  il  entrait  toutes  sortes  de  viandes,  et  surtout  du  gibier:  les  pots  à  cille, 
qui  avaient  nrdinairi'inent  d'assez  irrandes  dimensions,  comprenaient  des  accessoires  variés,  un  bassin  rond, 
une  i,a-ande  cuillère,  le  tout  pesait  de  30  à  60  marcs.  Ils  furent  remplacés  au  siècle  suivant,  sous  la  Restau- 
ration, par  les  soupières. 


—  92  — 

aspect  solide  et  ferme,  une  lii;iie  (loiniiiaute,  une  apparence  eu  rapport  avec  leur 
destination.  Son  éducation  classique  se  reconnaissait  à  ce  respect  des  |>rincipes 
et  à  cette  science  de  composition,  ce  fut  là  le  grand  mérite  de  Thomas  Germain, 
d'autant  plus  remarquable  qu'il  avait  k  résister  à  des  entraînements  qui  auraient 
pu  facilement  le  faire  dévier. 

Une  autre  qualité  qui  lui  fait  homieur,  c'est  la  conscience  qu'il  mil  à  traduire 
les  ornements  empruntés  à  la  nature,  à  donner  l'aspect  de  la  jiKis  jiarfaite  vérité 
aux  perdrix,  poissons,  légumes,  sans  commettre  une  faute  de  goût  dans  l'asso- 
ciation toujours  difficile  du  décor  de  réalité  au  décor  de  convention.  Un  de  ses 
contemporains,  Lempereur,  dans  son  Dictionnaire  des  artistes,  l'apprécie  en  ces 
termes  :  «  Germain  inventait  facilement  et  sans  se  répéter,  il  traitait  les  figures  en 
»  habile  sculpteur;  son  goût  d'ornement  esl  })ur,  sage,  ses  formes  sont  agréables, 
»  riches  et  élégantes  sans  être  tourmentées,  et  son  exécution  est  telle  que  le  tra- 
»  vail  du  ciselé  disparait  et  ne  laisse  apercevoir  cpie  la  nalui'e  et  le  vrai  caraclère 
»  de  l'objet  représenté.  » 

L'architecte  Blondel,  dans  son  ouvrage  sur  rar(dii(eclm*e  fi-ancaise,  déclare 
(pi'il  portait  si  loin  la  perfection  de  son  ai-l,  «  (piil  lui  ('-tait  ari'ivé  ])lus  d'une  fois 
»  de  recommencer  son  ouvrage,  parce  ([ue  les  ouvriers  (pi'il  employait,  (pioiqu'il 
»  choisit  ce  qu'il  y  avait  de  plus  habile,  en  avaient  négligé  une  partie.  Aux  talents 
»  qu'il  avait  reçus  de  la  nature  pour  sa  profession,  Germain  joignait  une  profonde 
»  connaissance  du  dessin,  de  la  sculpture  et  de  l'architecture  » 

Sculpteur,  il  l'était,  les  nombreuses  figures  d'Amours  (pu  décorent  les  services 
du  roi  de  Poi'tugal  en  témoignent.  Elles  sont  si  bien  modelées  (junn  Inographe 
érudit  des  Germam,  M.  G.  Bapst  (i),  bien  au  cour;int  lui-même,  et  par  expérience 
professionnelle,  de  l'aide  que  le  statuaire  de  nos  jours  a])porte  aux  œuvres  d'or- 
fèvrerie, déclare  avoir  été  tenté  de  les  attribuer  à  un  illustre  sculpteur  de  son 
temps.  Il  a  fallu  la  lumière  brutale  de  documents  d'archives  irréfutables  pour 
l'arracdier  à  ce  doute.  La  collection  de  modèles  qu'il  laissa  à  son  fils  François- 
Thomas  Germain,  lei[uel  à  sa  mort  en  1748  prit  la  succession  de  sa  maison  (quoi- 
qu'il n'eût  alors  que  22  ans),  constitua  pour  celui-ci  un  véritable  trésor.  Nous 
verrons  dans  un  chapitre  suivant  que  ce  dernier  ne  se  fit  pas  faute  d'y  puiser, 
et  que  ce  fut  en  grande  partie  avec  les  chefs-d'œuvre  accumulés  parle  père,  ({ue 
le  fils  se  tailla  u!ie  bonne  part  de  sa  réputation. 

Architecte,  il  l'était  aussi,  ses  œuvres  d'orfèvrerie  le  prouvent;  il  avait  reçu 
cette  éducation  (pii  porte  l'artiste  à  respecter  toujours  la  logirpie  et  le  principe 
de  la  construction.  Son  goût  personnel  s'était  épuré  et  formé  par  l'étude  des 
monuments  anti([ues.  Il  avait  môme  fait  œ>uvre  d'architecte  en  construisant  à  la 
demande  des   chanoines  de  Saint-Thomas,  sur  l'emplacement  de  Saint-Thomas 


(1)  G.  Dapst,  les  Oennain,  page  94  ut  suivaules. 


—  î»:j 


,1,1  |.,,ii\ir,  une  l'-li^i'  :i  l;i  |  ihicf  <!•'  ci'llc  i|lll  \rii,iil  de  v'ccim  iillrr.  l'.lniiilrl  iindS 
iiiili,.  ;|  I;,  r(iii->lnhl  KMi  (le  l'c-li^c  cl  ;i  rnii-cr\c  lc->  di's^iii-,  du  rhd  ii|-,  du  pdiliiil 
,.|  ,|,.  |;|  II,  r  ,|uiil  il  doliiir  l;i  dc~-ill|ilM»ii.  ■•  l,;i  (•(.iil|)(c>ili()ll  <'ll  t'A  lurl  lll-iMlirll-c, 
o    dll    il,     d'illl.'     iKildr     -^iliilili 


t— 


»  cilc  cl  -^ii  cttii-~l  nul  mii  d  une 
»  lonuc  idc:^;iulc  l.;i  couunii- 
»  niiulc,  |ti'iiclrcc  de  Idiil  ce 
»  (|nc  (icruiain  ;i\;ul  Iwil  [Hiiir 
»  l;i  iKUiNcllc  c,i:li>c,  i|tril  a  l'ail 
»  cou-^l  ruu'c .  par  sc^  soins, 
»  SCS  lia\au\  pcr^diiucls.  sur 
»  SCS  dc>->iii>  cl  ^c>  ludijcics, 
n  daii^  un  clal  ^\c  |icn'ccl  uni 
»  c\  i\c  hcaulc  i|ui  l'cnd  ccl 
»  ('■(lilicc  nu  des  plus  |ieau\ 
»  i'[  des  plus  parfaits  (juil  y 
»  ail  dans  ce  izciire  à  Paris,  cl 
»  ue  saclianl  (H)niine  elle  |i(iu- 
»  vail  Uii  léiuoiizner  sa  rceou- 
»  naissance,  décida  de  con- 
»  cc(.lcr  à  lui  et  à  ses  dcsceii- 
»  dants  à  pcrpctuili'  la  jouis- 
»  sancc  d'niic  Irihnnc  |)onr 
»  suivre  les  oITices,  ainsi  (pie 
»  le  cavot  le  plus  prochain  du 
»  sanctuaire  pour  servir  de 
»  sépulture  au  sieur  Germain 
»  et  ù  sa  famille.  » 

Lorsqu'il  uKnu'ul.  Thomas 
G.M'inain  était  à  l'apogée  de 
sa  gloire,  les  commandes  af- 
iluaient  et  de  la  cour  et  des 
églises.  La  girandole  d'or, 
qu'il  fit  pour  le  roi  Louis  XV 
et  dont  nous  donnons  le  des- 
sin, fut  son  dernier  ouvrage. 
f-e  ilessin  page  91),  qui  fait  partie  de  la  collection  du  baron  Piclion,  est  de  la 
main  même  de  Germain.  Il  est  tellement  précis,  qu'on  pourrait  s'en  servir  pour 
reconstituer  un  candélabre  i(lenti([ue.  11  laissait  inachevé  un  lanqtadaire  destiné 
à  être  olTert  à  Sainte-Geneviève  par  le  prévôt  et  les  échevins  de  la  Ville  de  Paris 


^^ 


*■ 'r        ^*    r^^^^}^.--^  ■jjif'j^ié^    '^^v-^^/y 


I.auipadairo  de  Saintc-Geiicx  ic\  r.  di-ssin  de  Th.  Germain. 
Collection  de  M.  le  baron  l'ichun. 


—  9i  — 

en  accomplissement  d'un  vœu  adressé  à  sainte  Geneviève,  patronne  de  Paris, 
pour  obtenir  la  cessation  d'un  fléau  qui  décimait  alors  la  population.  La  déli- 
bération du  30  mai  portait  que  cet  ouvrage  d'orfèvrerie  serait  «  travaillé  avec 
»  tout  l'art  dont  notre  siècle  est  capable,  pour  estre  placé  à  perpétuité  dans 
»  le  chœur  de  la  dite  église  devant  l'autel  »  (I).  Ce  fut  son  tils,  François- 
Thomas   Germain,    qui  l'acheva. 

La  réputation  que  lui  avaient  faite  en  France  ses  talents  et  sa  personnalité 
avait  dépassé  les  frontières,  et,  à  sa  mort,  le  roi  de  Portugal,  pour  lequel  il  avait 
produit  tant  de  chefs-d'œuvre,  fil  célébrer  à  ses  frais  dans  la  cathédrale  de 
Lisbonne  un  service  solennel  auquel  assistèrent  tous  les  artistes  de  la  ville. 

Un  ancien  garde  de  l'orfèvrerie  du  nom  de  Lecain,  contenqjorain  de  Ger- 
main, disait  de  lui  qu'il  était  l'homme  le  plus  remarquable  dans  cette  partie,  et 
que  ses  ouvrages  serviront  éternellement  de  modèles  à  tous  ses  successeurs. 
Il  ne  savait  pas  si  bien  dire. 

Ce  grand  artiste  a  dû,  en  elïét,  |)roduire  un  noml)re  considérable  d'ceuvres 
reuiarquables,  et  les  rares  pièces  (|u"il  nous  a  été  donné  de  voir  portent  l'ein- 
preinte  de  son  goût  et  de  sa  puissante  originalité.  D'une  exécution  irréprochable, 
sobre  dans  les  détails,  élégante  dans  la  composition,  toujours  raisonnée,  elles 
nous  font  déplorer  une  fois  de  plus  la  destruction  impie  des  œuvres  de  ce  grand 
artiste. 

M.  G.  Bapst,  ([u'il  faut  toujours  citer  quand  on  parle  des  Germain,  ne  connaît 
de  cet  orfèvre  que  trois  pièces  authentiques  existant  encore  :  Une  écuelle  en 
vermeil  exécutée  en  1733,  sous  Hubert  Louvet;  M.  Paul  Eudel  l'a  publiée  dans 
son  recueil  «  Soixante  Planches  d'orfèvrerie  »,  et  en  attribuîiit  la  paternité  à 
François-Thomas  Germain  et  la  propriété  au  cardinal  Farnèse.  C'est  une  double 
erreur;  né  en  1736,  François-Thomas  Germain  n'avait  que  sept  ans,  il  était  donc 
impossible  qu'il  en  fût  l'auteur.  D'ailleurs,  les  poinçons  relevés  par  M.  Eudel  sur 
la  pièce  qu'il  a  eue  entre  les  mains,  et  que  nous  avons  reproduits  et  commentés 
plus  loin  au  chapitre  IV,  ne  peuvent  laisser  de  doute  à  cet  égard,  et  le  dernier 
des  Farnèse  était  mort  en  1731  (:2). 

Le  corps  de  Fécuelle  est  simple  et  de  la  forme  coutumière;  mais  la  bordure 
à  filets  enrubannés,  accostée  de  deux  oreilles  plates  très  finement  ciselées,  lui 
donne  un  suprême  aspect  de  richesse  et  d'élégance.  Les  oreilles  portent  en 
relief  les  armes  du   cardinal  encadrées  de   rinceaux  Louis  XV.   Le  couvercle. 


(1)  G.  Bnpst,  les  GeDnuin,  page  80  ul  saiviiulés. 

(2)  Uaiis  une  coimnuiiicuUon  faite  récemment  à  la  Société  de  l'iiistoire  île  l'art  français,  M.  J.-J.  Mai"- 
qiicl  (le  Vasselol,  attaché  an  .Musée  du  Louvre,  constate  que  si  l'écuelle  de  (ii'rniain  porte  les  armoiries 
d'un  cardinal,  ce  ne  sont  point  celles  des  Farnèse,  qui  sont  «  d'or  a  six  ileurs  de  lis  d'azur  »,  mais  bien 
celles  du  cardinal  portugais  .loào  da  Motta  e  Silva,  qui  sont  "  de  sinople  à  cinq  (leurs  de  lis  d'or  ». 

La  similitude  des  cmlilénirs  a  pu  ti'omper  .M.  Paul  Eudel.  Mais  l'attrihutiiui  «le  .M.  .Marqnel  de  Vasselot 
est  ccriaiur.  car  Ir  rardinai  da  .Motia  e  Silva  était  ministre  du  l'iii  de  Porliigal,  .lean  V,  à  l'époque  où 
Thomas  (icrmain  tiavaillait  pour  la  Cour;  il  n'est  pas  surprenant  qu'un  minisln;  de  ce  prince  se  soit 
adressé  à  lui. 


—  1).".  — 

(Iccorc  (I  (iilii'iiiciil  >  ;^l';i\t'->  cl  r;iiii()|i\  l'N  cl  ^ur  le  (loiiic  ilc  ciiiiiiix  cfciix  r|| 
s|iir;il('-^,  (">l  siiniiuiilc  il  un  ;ii'l  irli.iiil  IihkIii  cl  civchi  ditiil  I  cm'ciiI  ion  c-.|  |);iili- 
ciilici'ciiiciil  |)ri'cicii^c.  halls  I  iiilcriciir,  on  iclron\c  le  ;-'oùl  rccliriclH'  i\r  I  (»r- 
l'cM-c  i\[\\  en  a  iclcNc  la  nionolonir  par  uni-  ;^ia\uii'  ildiralc.  I.r  jplalcan.  ijr 
l'ornic  ojiloni^nr  fl  a  iiniliinr^,  |M-i'srnlr  lui  iliTor  analo,:.'iii'  a  rrlni  ilr  I  (''riirllr  il 
jxirlc.  i:iM\('('s  an  rcnlir,  Ir^  ainir^  ijn  raidinal.  Lr  ronlonr  r^l  roinn  poiM' 
Cliraill'iT  li'-^  iilTilli'^  (le  I  iTilrlIc,  cl.  lo|v(|nr  rrl|c-ri  r>-l  liosi'c  -~[w  von  Jilalcan. 
IClVrl  (I  rii--i'nililc  r--l  ali^olnnirn!  r\i|ins.  Crllr  l'rnrllr,  |inrr  nH'r\('illr  ilc  ;j(»ril 
et  (rcvccni  ion,   snlUiail  a   innnoriali-^rr  lr  nom  t\r  Th.  (iciinain. 


Kcucllo  en  \ci'nieil,  exi'c-uU'e  par  Thimias  Germain    i). 
((jolleclion   l'nul   lùidel.) 

Un  flambeau  à  tèle  de  bélier,  d'une  construction  si  bien  raisonnée  et  d'une 
ornementation  sobre  et  élégante;  il  lit  partie  de  la  collection  du  baron  Piclion: 
et  enliii  un  llainbeau  d'étude  à  deux  lumières,  sur  un  socle  à  cannelures,  deux 
branches  s'enlacent   pour   maintein'r  une  douille   destinée  à  recevoir  ini    abat- 


1'  Après  avoir  fait  l'ornement  île  collection?  d'amatenrs  célèbres  :  Léopold  Double,  Paul  Eudel, 
prince  DemidotV,  tlle  vient  irètre  aciietée  pai'  irs  Amis  du  Louvre,  et  fera  désormais  partie  de  nos  col- 
lections nationales. 


—  90  — 


jour,   les  JDobèches   sont  des   vases   à   godrons  portés  dans  des  coquilles    qui 

servent  de  bassins.  Les  poinçons  donnent 
la  date  de  1747.  II  fit  é^'^alement  parlie  de 
la  collection  du  baron  Pichon. 

De  tels  exemples  suffisent  pour  donner 
à  penser  que  ce  ne  furent  pas  les  orfèvres 
de  la  Cour  qui  se  livrèrent  aux  excès  du 
genre  baroque  qu'on  a  à  regretter  dans  cer- 
taines œuvres  de  cette  époque.  La  Cour,  en 
définitive,  restait  ce  qu'elle  avait  toujours 
été  depuis  l'origine  de  la  monarchie  fran- 
çaise, le  centre  permanent  de  rélégance  et 
du  goût,  dont  l'influence,  bienfaisante  et 
féconde,  s'exerçait  sur  l'industrie. 

Mais  il  se  produisit  alors,  ce  qui  était 
déjà  arrivé  au  milieu  du  seizième  siècle, 
au  commencement  et  vers  la  fin  du  dix- 
septième  :  l'envahissement  par  les  hommes 
d'argent  de  la  haute  société,  le  luxe  désor- 
donné de  ceux-ci,  l'étalage  frénétique  de 
leurs  richesses,  sans  mesure  et  sans  goût, 
eurent  sur  les  arts  la  répercussion  la  plus 
fcàcheuse.  Dans  ce  moment  critique,  la  Cour 

fut  certainement  le  refuge,   la  planche  de  salut  des  artistes,  la  gardienne  des 

traditions,  ou  plutôt  le  guide,  l'élé- 


ment pondérateur  qui  empêcha  les 
décorateurs  de  tomber  dans  les 
pires  excentricités.  C'est  pour  cette 
classe  des  gens  de  finances,  c'est 
pour  la  tourbe  des  vaniteux  et  des 
parvenus  qui  foisonnaient  alors,  et 
se  poussaient  par  tous  les  moyens, 
que  l'orfèvrerie  se  laissa  aller  à  des 
fantaisies  inacceptables,  à  ces  gros- 
sières erreurs  de  proportions,  à  ce 
déchiquetage  des  formes,  à  ces  com- 
positions échevelées,  ridiculement 
confuses  et  prétentieuses,  dont  les 
contemporains,  dans  les  Mémoires 
et  les  journaux  du  temps,  se  moquaient  si  justement.  En    1754,  le  dessinateur 


Klaniheau   à   lèlcs  de   l)cliL'i-. 
{Dessin  de  Th.  Germnin.) 


Fliiml)t'iui  de  Ijiii't'iui. 
(Dessin  de  Th.  (ierntuin. 


—   !)7  — 

Cocliiii  cumin;!!!   iiii   Mr/(i//r   •~;\   >|  mil  iicllc   si/j)/i//t  ////n/t  iiii  i   iiilmis ,   oii  !l    l'.iilLiil 

s!  \ci'lc!!!C!ll    (•l;!\cr   l.'!!ll    (|r    )!ls|i'Nsc    les  t'\;i;j(''r;!li()ll^  coillllli^^t's.    ■'    \i)!l-    Idii-  ■-<'- 

»  cidii-^  ii!rnii!iic!il  uM!l;('S,  dirait  il,  >"ils  \  ()!ilaiciil   |i!c!i  i!c  yw-  di;!!!;.'!'!-  la  i|c-t!!ia- 

•■  liiiii  l|l■■^  (•|l(l-^(•■^,  cl   ->c  ■>()ll\  ciiii',  |iar  c\c!ii|ilc,  i|ii  iiii  cliai!(lclici-  iloil  clic  di'oil  cl 

"  |ic!"|M'ii(lit!ilaii"c  |i(tiii'   |i()clci'  la  hiiiiicic,  (|ii  iii!c  liolicclic  iloil   clic  c(t!ica\c  |n)ii!- 

»  rt'cc\(iii-  la  lire  (|iii  coule,  cl    imi!  pas  cciixcxc,  |i(i!ii'  la  l'aiic   loiiiltcr  en  iia|i|)c 

»  siii'  le  chaiuli'lier,  cl   (|iiaiitile  d'aiilrcs  a^ri'iiiciiK,   non   moins  di  raisonnahjcs, 


l'"laiul)i.'au  Lnuis  X\'. 
(Collecliiin  de  M""liiir;il.  —  .l/i/sfc  cciitcnnnl. 


l'Iiiiiihean  [^oiiis  X\'. 
{Les  tierimiiit.  pai-  lîapst. 


»  qu'il  serait  trop  long  de  citer.  »  Oiieiques  mois  après  paraissaient  dans  le  même 
journal,  sous  le  titre  de  Conseils  à  un  nrtisle  uouv  faite  oliserver  ccrlaines 
régies  sur  l'art  de  la  décoration^  les  réflexions  suivantes  fjui  ne  sont  pas  moins 
judicieuses  :  «  Sont  priés  les  orfèvres,  lorsf|ue  sur  le  couvercle  d'un  pot  à 
»  ouille,  ou  sur  quelque  autre  pièce  d'orfèvrerie,  ils  exécutent  un  artichaut  ou 
»  un  pied  de  céleri  de  j^randeur  naturelle,  de  vouloir  bien  ne  pas  mettre  à  côté 
»  un  lièvre  jirand  comme  le  doigt,  une  alloueKe  grande  comme  le  naturel  et 
»  un  faisan  du  quart,  ou  du  cinquième  de  sa  grandeur,  des  enfants  de  la  même 
»  taille  qu'une  feuille  de  vigne  :  des  figures  supposées  de  grandeur  naturelle, 
»  sur  une  feuille  d'ornement   qui   pourrait  à  peine  soutenir  sans  plier  un  petit 


—  98  — 

»  oiseau;  des  arbres  dont  le  tronc  n'est  pas  si  gros  qu'une  de  leurs  feuilles, 
»  et  quantité  d'autres  choses  aussi  bien  raisonnées.  »  Ces  critiques  pleines  de 
bon  seus  étaient  sans  doute  très  justifiées.  Mais  encore  une  lois  elles  visaient 
les  orfèvres  d'un  talent  inférieur  bien  plus  que  les  maîtres  de  la  profession. 
Dans  les  collections  du  Musée  centennal,  à  l'Exposition  de  1900,  il  n'y  avait 
qu'un  très  petit  nombre  de  pièces  d'orfèvrerie  appartenant  à  la  première  période 
du  règne  de  Louis  XV.  On  n'en  trouvait  pas  ayant  le  caractère  du  style  baroque, 
avec  les  exagérations  ou  les  erreurs  de  proportion  rpie  signalait  Cochin.  La  seule 
qui  rai)pela  un  peu  le  genre  de  Meissonnier  était  un  flambeau  appartenant  à 
M""'Bural  {/)a(/rS)l).  Encore  témoigne-t-il  d'une  inspiration  singulièrement  assagie: 


Légumier  el   son  plat. 
[CoUeclion  ih>  .1/""'  liiiral.  —  Miisre  centennnl. 


ses  ornements  rocailleux  n'otl'rent  point  d'aspérités  dangereuses  pour  les  doigts, 
et  la  forme,  qui  n'a  rien  de  compliqué,  est  très  raisonnablement  affirmée.  On  en 
peut  dire  autant  de  la  cafetière  si  remaripiable,  évasée  par  le  bas,  et  ressemblant 
à  ces  espèces  de  coquemar  ou  de  bouillotte  qui  firent  leur  apparition  à  cette 
époque,  et  qu'on  désigna  sous  le  nom  de  marahout  [page  99)  :  la  forme  en  était 
empruntée  aux  vases  orientaux  qu'on  importait  alors  en  France  en  grandes  quan- 
tités, et  dont  ralTolaient  les  gens  de  la  haute  société.  Que  ce  soit  une  cafetière 
ou  un  marabout,  l'objet  n'en  était  pas  moins  extrêmement  int(''ressant  en  ce  qu'il 
réunit  au  style  rocaille  très  accusé  un  caractère  de  vigoureuse  et  mâle  simpli- 
cité' qui  constitue  son  originalité.  On  remarquera  avec  quelle  belle  fermeté  sont 
tracés  sur  le  corps  de  cette  pièce  les  godrons  en  creux,  qui  en  sont  pour  ainsi 
dire  le  seul  décor,  et  avec  quelle  franchise  sont  accusés  et  le  bec  et  le  bouton 
qui  doit  servir  à  soulever  le  couvercle.  Peut-être  faut-il  également  attribuer  à 
cette   période,  aux   environs   de   1745,  le  légumier  (jui   figurait  dans  le  Musée 


—  î)«) 


(•,.|l|,.|lli;i|    [n//(/r\)S.    Cclli-    |MC(C    |)i)llli;iil    rire    ■^i;JlM'■(•   île    Tliniii.i--    (  iriiii;iiii ,    hiiil 

la   (•(mi|H)sitinii    a   ilr   m  il  iIcsnc,    lanl    Ic^   oi  iiciiiriil  »,    iloiil    la  <'i^r|iiic    c-l    iparlailc, 

sont  f^lM^st'iiii'iil    cl    iiilclliL'i'iiiiiii'iil   iikmIi'Ii'v.    lin    hnil   (;!•-,   crllc  (i'ii\rc   iipli(|iii'    je 

(•(tiiiiiiciicfiiifiil   (le   la^^iliiilc   ijiii'  mollira   le   jniiilh'    |m)Im-   I  <  niicun'iil  al  khi    rdfaillc 

;i    [lartii-  tir    I  aiiiici'    IT.'iO:    (>ii    on    a\ai!    (liTiilaiiciil    a'--c/   di-^   cxl  ra\  a;jaiirc-^  du 

laralii-^i'olai^c,  (Ic-^  iIi'coI'n  (|i'cliii|ii('l(''<,   des  saillira  rxiilicraidc^.   dc^  iiiol,ir.>  jch'-s 

|)("'l('  iiiidc  ('(Hinm'  un  dcii  au  x'u-^  couiiuini,  d(•^  ligues  r(ui^launucul   ItriscM'S  \>i\v 

lioiiciu'  de    la   sNuiclrir,  des    fciMllaiiO  (|in    ne    rrv^ciuMcn  1    \<:[^   a  d<'«^   rcuiila;j<'S, 

de--    Hols   (|tn    ne    >onl    \>i['<    d("^    llols     cl    de 

loidcs   CCS  i^ciil  illt's   caco|di(UMcs    de   l'oianes 

papillolaiiles    cl     d(''concerlaiiles.     (|u  (tu     ne 

|teul    pas  ({('ci'ii'e.  |uuu'  les(|uelles  il   u"v  a   pas 

de    U(MUs   dans    les   dict  iouuaires,    el    doul    le 

eliaolii|iie  assiMnltlaiic  l'ut    la   parure   du    nio- 

Itilier    français  dans   la    première    moil.i(''    du 

l'èi^ue    de    Louis   W.    La    vo^ue   do    cet   art 

avail  dm-t'  vinjit-('iii<[  ans  à  peu  près.  C'était 

jieaueoup.  Le  f^énie  de  notre  race  comporte 

trop  de  clai-h',  a  trop  le  sens  de  réquilibre. 

pour  (pi'on  ne  s'explifine  jias  facilement  (pi'il 

se  soit  arrêté  juste  à  tenijts  dans  la  voie  oii 

il  s'était  aventuré. 

(iOmment  s'opéra  cette  modillcation?  11 
est  diflicile  de  le  dire  avec  exactitude;  mais 
il  est  curieux  de  remarquer  que,  dès  le  pre- 
mier tiei's  du  dix-huitième  siècle,  les  violences 
décoratives  de  Meissonnier,  et  l'exagération 

des  faiseurs  de  racailles^  avaient  donné  lieu  à  de  timides  protestations.  Les 
connaisseurs  délicats  s'étonnaient  tout  bas  de  ce  style  ex(;essif  et  llamboyant. 
Le  président  de  Brosses  écrivait  vers  1740  :  «  Les  Italiens  nous  reprochent 
))  qu'en  France,  nos  pièces  de  vaisselle  d'argent  sont  contournées  et  recon- 
»  tournées,  comme  si  nous  avions  perdu  l'usage  du  rond  et  du  carré  (l);  que 
»  nos  ornements  sont  du  dernier  baroque  :  cela  est  vrai.  »  Mais  la  plainte  du 
président  de  Brosses  ne  fut  pas  écoutée,  et  il  fallut  attendre  que  Gocliin  prit  la 
parole  et  rappelât  les  orfèvres  à  la  saine  raison  dans  sa  supplication  aux  or- 
fèvres, de  1734,  dont  nous  parlons  plus  haut. 

A  partir  de  I7o0,  insensiblement,  et  sans  qu'on  s'en  rendit  compte,  le  goût 
du  barocpie  s'apaisa,  l'elTervescence  du  premier  moment  se  calma;  les  imagina- 


CatVticre  ^•odruiiiiée  Le  mis  W. 
[Miiaèe  cenlenn.il.) 


[i    Paul  .Maiitz  :  Hechi^rches  ?iir  l'orfrvrerie  IVaii(;ai?e.  Gazette  dfs  Beaii.r-A) (s 


—    10)  — 

lions  en  délire  se  replièrent.  Il  semble  que  les  artistes,  etïrayés  eux-mêmes  par 
la  profondeur  du  gouffre  oii  ils  couraient,  aient  senti  le  besoin  de  se  ressaisir, 
de  mettre  un  frein  à  leurs  fantaisies  par  trop  déraisonnées,  en  un  mot  de  se 
régler.  On  resta  encore  fidèle  au  genre  rocaille,  mais  avec  plus  de  ménagements, 
une  sorte  de  discipline,  de  réflexion  et  de  jugement.  C'est  alors  que  ce  genre  prit 
véritablement  les  allures  d'un  style,  avec  ce  que  le  mot  comporte  de  fixité  dans 
les  principes,  de  choix  raffiné  et  d'épuration  des  éléments  dont  il  est  l'essence. 

Thomas  Germain  n'y  fut  certes  pas  étranger,  et  les  orfèvreries  authentiques, 
dont  nous  avons  reproduit  l'image  fidèle,  contrastaient  avec  celles  exécutées 
sous  l'influence  de  Meissonnier  et  de  ses  élèves. 

Son  goût  et  son  expérience  étaieiil  si  bien  appréciés  de  ses  contemporains, 
(jue  dans  la  description  des  fêtes  données  par  la  Ville  de  Paris  à  l'occasion  du 
mariage  de  Madame  Louise-Elisabeth  de  France  avec  don  Philippe,  infant  et 
grand  amiral  d'Espagne,  les  29  et  31)  août  1739,  nous  trouvons  le  nom  de 
Thomas  Gei^main,  éciiyer,  orfèvre  ordinaire  dn  roi,  associé  à  celui  des  échevins 
qui  procédèrent  à  leur  organisation,  et  vraisemblablement  aussi  à  l'exécution 
de  l'admirable  recueil  qui  nous  a  conservé  le  souvenir  de  ces  fastueuses 
réjouissances. 


■u/^  /L^    Jel 

I^cusson   (le   la    \'ille   iJc    Paris. 

lîj;ui-ant    tlans    le    Recueil    descriplif  des   fêles   du    iih-irinç/e 

dï  Miuhiine  Loiiise-EUs;i])elli  de  Frnnce,  en   l7.i!J. 


l'"raj;iiu'iit  (l\'iu-iHli('iiii'iit   par  I.c   Lurrain,  cxt'cnd''  poiii-  If  iiiiii'iayc  du  l)aii|)liiri 
a\i'i'   la   |)fiiici'>si'   Mai'ic-.Idsrplic  de  Save,    )~'\~- 


CHAPITRE   QUATRIÈME 


La  corporation  (l<»s  oi'fovros  ol  sos  ivglonionts. 

3Iaîlr('s  ('(  apprentis.  —  Conditions  dn  travail. —  Poinçons  de  garantie. 

Oi*(evi*(\s  eonnns  de  1720  à  1750.  Les  «  Eléments  d'orfèvrerie  » 

composés  j)ar  Pierre  Germain  (dit  le  Romain). 

Spécialité    des    boites   et   tahaliéres  à    portraits. 


VANT  de  pousser  plus  loin  notre  étude,  il  convient  de  nous 
arrêter  un  moment  sur  une  question  qui  a  son  intérêt. 
Quelle  était,  au  milieu  du  dix-huitième  siècle,  la  si- 
tuation des  orfèvres  en  France?  Comment  se  trouvait 
organisée  leur  corporation,  et  à  quels  règlements  ad- 
ministratifs devaient-ils  obéir?  Quelles  étaient  les  condi- 
tions du  travail,  les  relations  de  maître  à  compagnons 
et  apprentis,  les  garanties  imposées  pour  l'authenticité  de  la  valeur  des  ou- 
vrages fabriqués?  En  un  mot  de  quelle  manière,  au  double  point  de  vue  éco- 
nomique et  social,  vivaient  les  orfèvres  sous  les  règnes  de  Louis  \V  et  de 
Louis  XVI? 

Il  faut  remarquer  que.  parmi  les  corps  de  métiers,  les  orfèvres  avaient  de  tout 


10:2 


temps  joui  d'un  sort  privilégié. 
Dans  les  cérémonies  publiques, 
les  jours  de  grands  cortèges 
officiels,  ils  marchaient  immédia- 
tement après  les  échevins,  et 
bien  souvent  ils  avaient  été  ad- 
mis à  riionneur  de  porter  le  dais 
royal. 

Les  miniatures  du  quinzième 
et  du  seizième  siècle,  dont  nous 
donnons  les  reproductions,  nous 
ont  conservé  le  souvenir  de 
ces  cortèges.  A  l'entrée  du  roi 
Louis  XII  à  Paris,  les  orfèvres, 
vêtus  de  longues  robes  de  ve- 
lours cramoisi,  portaient  les 
hampes  d'un  «  ciel  de  drap  d'or 
broché,  semé  de  fleurs  de  lys  et 
de  roses  vermeilles  ».  A  Houen, 
à  l'enti'éc^  de  llcm-i  II,  les  or- 
fèvres portaient  sur  leurs  épaules 
les  plus  beaux  produits  de  leur 
art.  Nulle  corporation  ne  fut  plus  en  faveur  auprès  des  souverains,  et  la  pré- 
sence d'un  orfèvre  dans  la  rési- 
dence du  prince  était  envisagée  ^ 
comme  le  signe  caractéristique 
de  son  pouvoir  souverain.  La 
considération  toute  spéciale,  qui 
naissait  de  cette  familiarité,  re- 
jaillissait sur  la  corporation  tout 
entière. 

Non  seulement,  h  Paris,  les 
orfèvres  eurent  l'insigne  hon- 
neur de  figurer  officiellement  dans 
nos  cérémonies  publiques,  mais, 
comme  l'a  fait  observer  Diderot, 
le  corps  de  l'orfèvrerie  a  fré- 
quemment fourni  des  sujets  pour 
les   places    municipales  et  la  ju- 

,  Pièces  d'orrèvrerie  portées  dans  le  corlèf^e,  lors  de  lentrée 

ridiction    consulaire,    et    c  est   le  de  Henri  ii  à  Uouen  (i5.^i). 


Les  orlexi-es   parisiens   portant  le   dais   à  l'entrée   du   roi 
Louis  XII   à  Paris   (iV,)*^;- 


—   KKI  — 

seul  dit'/  I('(|iicl,  (li'|Mii^  mii  iiki'iiI'^  li-oi^  ci-iiN  ;iii^.  on  ;iil  |iriv  un  |in''\()l  des 
lli;ircli;iiiiU.  |',|  iniiic  MmiccI,  le  (clcliic  |in'\ù|,  ir;i|)|  i.i  il  rii.iil  il  |i;i-^  ,i  une  raiiiillc 
(ItirrcN  !•(•-<,  cl  Tlidiiias  (l('nii;iiii,  le  ^imihI  oi  ic\  rc  du  (|i\-huil  icnir  ^icclc,  u'i'hii!  il 
|i;is  ('clics  iii  (le   l;i    \  illc  df   l'iiii^  ? 

I>c|iui-^  If  Mtp\cii  \l:i'.  une  ciiii viiIimmI ion  ('\ii'|il idiiiicllc  s'i''l;iit  ;iM;ic|m'('  ;i  leur 
|)i-(»rt's-,ii)ii,  aii'^'^i  lut'ii  (Ml  l'Vaiii-c  ([u'a  It-I  ranger,  l'iii  Ms|ia;:iir,  l"«'iii|)('r('Ui- (  liiailr-^- 
Qiliiil  leur  a\ail  arciu-di'  le  ijioil  de  s'IialMlIcr  a\rc  des  Nrlciiinils  de  soi*',  |)oiir 
l>i(Mi  niariiut-r  ipiil  les  coiisidi'i-ail  coiiiiih'  cNcrcaiil  non  nii  niidicr,  mais  un  ail 
«1  iioldt'  cl  ilclical  " ,  cl  Icnis  sla- 
I  iils  i|iii,  en  ciVcl ,  les  d(''>ii:ncnl 
coniinc  des  arlisics  cl  non  des 
ai'tisnns  [artifices  ij  no  oficidlcs), 
oontoiiaieiil  celle  (dause  explica- 
tive :  w  Si  (udui  (|ui  exerce  celte 
profession,  n'enlend  Tari  de  la 
géoiiu'lrie  j)our  la  pi'oporlion 
de  la  longLieur  et  de  la  larticnr 
(les  objets  qu'il  crée,  s'il  ne  sait 
Tai't  et  la  science  de  la  perspec- 
tive j)oni'  dessiner  et  tracei"  ce 

qu'il  veut  exécuter il  ne  peut 

être  artiste  ni  orfèvre  »  (1).  Kn 
Italie,  oîi  les  plus  illustres  scul- 
pteurs de  répo([ue  de  la  Renais- 
sance avaient  fait  leur  éducation 
dans  la  boutique  des  orfèvres, 
ces  derniers  étaient  traités  avec 
les  plus  grandes  distinctions  et 
voyaient  s'ouvrir  devant  eux 
toutes  les  portes. 

Les  orfèvres,  comme  pres(|ue  tous  les  corps  de  métiers,  avaient  des  ar- 
moiries et  des  jetons. 

Les  armoiries  reuiontent  à  une  époque  très  ancienne.  Suivant  la  tradition, 
elles  avaient  été  concédées  à  la  corporation,  en  1336,  par  Philippe  de  Valois. 
Elles  étaient  de  gueules  à  une  croix  d'or,  cantonnée,  aux  premier  et  quatrième 
quartiers  d'un  ciboire  d'or,  et  aux  deuxième  et  troisième  quartiers,  d'une  cou- 
ronne aussi  d'or;  le  chef  d'azur  semé  de  fleurs  de  lis  d'or.  La  devise  in  sacra 
inquc  coronas^  qui  accompagne  l'écusson,  s'explique  par  les  attributs  du  blason. 


Armoiries  des  orfèvres  parisiens. 
[Mn sc'e  Ca.  ma  va  lel.' 


l    Baron  Cli.  Davillior,  Recherches  sur  l'orfèvrerie  en  Espaf}ne.  pages  112  et  113. 


lOi 


le  ciboire  pour  l'orfèvrerie  religieuse,  la  couronne  pour  l'orfèvrerie  civile. 
Le  développement  considérable  que  prit,  dès  le  règne  de  Louis  XiV,  la  fa- 
brication des  jetons,  fit  que  les  orfèvres,  voulant  avoir  comme  les  autres  corpo- 
rations des  jetons  à  distribuer  à  leurs  confrères,  firent  graver  un  seul  coin  pour 
le  revers  avec  les  armoiries  et  la  devise  de  la  corporation,  se  contentant  pour  la 
face  de  l'effigie  royale  de  l'année.  Les  jetons  de  1698  et  de  1700  furent  gravés  par 
Joseph  Jioëttiers  et  Thomas  Bernard.  Kn  ITOrJ  on  remarque  une  exception  à  cette 
règle,  et  le  revers  portait  un  type  ([ui  ii'oUVait  aucun  rap|)()rt  avec  le  métier  d'or- 
fèvre: saint  Jacques  portant  la  gourde  du  pèlerin  avec  la  devise,  itqiœ  docetque 
viûm,  ne  saurait  s'appli(iuer  aux  orfèvres  qui  avaient  toujours  connu  le  chemin  de 
la  probité. 


0^î^ 


c.\ 


v-fe.' 


Jetons  ik'  la  t'()r|)oratioii  clos  orfcM'i's  aii.\  div-seplionic  et  di.\-liuilic'iiie  siècles. 

Sous  Louis  XV,  nous  retrouvons  l'effigie  royale,  mais  l'écusson  a  changé  de 
forme.  L'ancien  type  employé  sous  Louis  XIV  a  été  modifié,  il  est  à  la  mode  de 
l'époque,  car  on  l'a  entouré  de  guirlandes  et  de  cornes  d'abondance.  Les  effigies 
royales  changeaient  avec  la  date.  Le  musée  de  l'Hôtel  des  monnaies  en  possède 
un  portant  à  la  face  un  Louis  XV  enfant  couronné  de  lauriers.  LUD.  XV.  D.  G. 
FR.  et  NAV.  REN..  Plus  tard,  l'effigie  du  roi  en  1730,  avec  l'exergue  LUD.  XV. 
REX.  GIIRISTL\N1SS.  Elles  étaient  l'œuvre  du  célèbre  Joseph-Charles  Roëttiers, 
qui  fui  graveur  général  des  monnaies  de  1727  à  1753  (1). 

En  France,  ils  n'étaient  pas  moins  favorisés,  et  la  tradition,  qui,  de  longue 
date,  en  avait  fait  une  classe  à  part  d'artistes  à  la  fois  et  de  marchands,  se  fortifia 
de  tout  le  lustre  dont  le  roi  Louis  XIV  se  plut  à  les  entourer,  soit  au  Louvre,  soit 
aux  Gobelins  où    il  les    logeait,  comme  on  sait,  et  leur  prodiguait  ses  bonnes 


(1)   Rerue  de  la   hijuuteric    Les  jetons  de   la   eor])o['ation   des  oi'fèvres,  par  F.  .Mazreolle,  areliivisle   de 
la  Muiiiiaifi. 


~    10.^   — 

;;rnc('s.  INmi  ;i  |h'ii,  Ic^^  (irlcN  rc^,  ;i  l*;iri-^  smldiil,  ;i\;iiriil  turiiii'  non  -nilniiciil  liiic 
(•()i'|ii)i;it  mil  liihi'  cl  luii'^siiiili',  lic^  |;iI(iiinc  de  ses  |)iTr();j;il  i  \  es  cl  licrc  ;i  Ikmi  ilioil 
(le  ~,;i  \icillc  rc|iiil  ;il  h  m  i\f  |ii(iliilc.  iii;iis  c(iiii!iic  iiiic  ^l'iccl  m  m  cl  une  (''lilc  |i;irl  icii- 
licrcinciil  lioïKii ce  (laii--  l;i  li(Mii\:^('(iisic.  IMii>iciir->  d'ciilrc  cii\  |ios>^(''(|;iiciil  i|c  ^i-jinds 
biens.  Ici  hcl,iiiii;i\ ,  i|ni  iikuiiiiI  en  IT'iT  riclie  ;i  millions.  Cens  iini.  \r.w  |etn'<  rcl;i- 
lioiis  ;i\cc  l;i  ('our.  [Mire ni  ol  il  ciiir  i|iicl<|iic  inlliicncc,  ne  j.irderciil  p.-i-^  ;i  en  prolilei-. 
A  inclure  (|n(iii  ;i\;iiicc  d.nis  le  dix  liiiilieinc  siècle,  on  les  V(til  se  pousser  ;i\;iiil;i- 
_:;(Mi>cniciil  d;iiis  le  monde,  conlracU'C  de  licllcs  alliances,  l'aire  |iai'\enii'  Iciii's  lijs 
a  de  lianis  em|tlois,  cl  même  oMcnir,  comme  Uoelliers.  des  lellres  de  nolilesse. 
An  snr|»liis,  n'ciili'ail  pas  (pii  \oiilail  dans  le  corps  des  or/ôrrcs  jodilUrrs  (\). 
l/acecs  n'en  elail  pas  des  pliis  faciles.  A  Paris,  on  n'en  comjjtîiit  pas  j)liis  de  trois 
cent>  :  c'etail  le  lunnlirc  li\e  ipii  ne  devail  pas  èlre  dépassé,  (d,  anqiicl  on  s'était 
arrèU'  pom-  (''\  iler  ren('ond)remenl .  An  commencenienl  du  dix-septiètne  siècle,  il 
était  de  »:î."')  il  Paris  ;  mais  la  refonte  dos  slatnts  de  la  corpoi'atioii,  en  1079,  ramena 
cette  limite  rigoureuse  ((ue  François  1",  en  loW,  avait  déjà  fixée,  et  qui  subsista 
jnsipi'à  la  Kévolution.  En  réalité  le  métiei'  d'orfèvi'O  était  une  charge  ressemblant 
(iuel([iie  |)eu  à  celle  des  notaires  ou  autres  of'liciers  ministériels,  et  à  laquelle  on 
n'était  nommé  que  sur  la  proposition  de  la  Corporation,  par  un  arrêt  de  la  Cour 
des  iMonnaies,  qui  correspondait  à  peu  |)rès  à  la  Cour  des  Comptes  actuelle. 
«  Ceux  ((ui  postulaient  une  de  ces  charges,  dit  M.  Cermain  Bapst  (2),  devaient 
avoir  l'ait  huit  ans  d'apprentissage  chez  un  maître  déjà  exerçant.  Après  ces  huit 
années,  ils  devaient  présenter  aux  gardes  de  la  Communauté,  qui  en  constituaient 
la  chambre  de  discipline,  un  chef-d'œuvre,  c'est-à-dire  un  objet  exclusivement 
travailh'  par  eux,  et  qui  t;'Mnoignait  de  leurs  connaissances  dans  toutes  les  branches 
de  l'art  ({u'ils  demandaient  à  exercer  publiquement.  Si  les  syndics  de  la  commu- 
nauté trouvaient  l'ouvrage  suffisant,  et  si  la  moralité  de  l'apprenti  était  reconnue, 
il  ('tait  déclaré  apte  à  devenir  orfèvre.  Alors,  comme  font  de  nos  jours  les  princi- 
paux clercs  pour  acquérir  une  étude,  l'apprenti  s'abouchait  avec  un  orfèvre  qui 
désirait  se  retirer  ou  avec  les  héritiers  d'un  maître  qui  venait  de  mourir.  Quand  il 
était  d'accord  avec  les  intéressés  sur  l'achat  du  fonds  de  commerce,  il  adressait 
une  requête  à  la  Cour  des  Monnaies  qui  confirmait  ou  repoussait  le  marché,  et 
qui,  en  cas  d'acceptation,  rendait,  au  nom  du  roi,  un  arrêt  nommant  le  postulant 
maître-orfèvre  à  Paris.  Souvent  des  familles  se  transmettaient  pendant  plusieurs 
siècles  la  même  charge.  Les  familles  des  llaultement,  des  Marcelle,  des  Leron- 
delle,  desToutain,  des  Dujardin,  des  Ballin,  des  Boutroux-Desmarets,  des  Bocker, 


:1  Les  statiils  et  rèirl»iiients  de  la  corporatiou  antérieur?  au  ilix-sepUéiue  siècle  ne  contiennent  pas  ce 
ternie  de  joailliers,  qui  n'apparaît  dune  façon  constante  qu'à  partir  de  1619.  Ce  n'est  d'ailleurs  qu'une 
i|nestion  de  mot  et  d'usage,  car  la  profession  d'orfèvre  comprenait  la  joaillerie  et  la  bijouterie.  Il  est 
assez  curieux  toutefois  de  noter  (|ue  ce  n'est  qu'au  dix-septième  siècle  qu'on  ait  senti  le  besoin  de  préciser 
eu  ajoutant  parfois  le  (|ualificatif  de  joaillier  dans  les  statuts. 

;2  Gerinain  Bapst,  i'Orfècrerie  /'rançaisf>  à  la  Cour  du  l'ortuyal  au  dir-huilièine  siècle  (lf<92.  grand 
in-Soj,  page  31. 


—  106  — 

des  Roëttiers,  conservèrent  ainsi  depuis  le  quinzième  siècle  jusqu'en  1789  des 
charges  que,  dans  chaque  famille,  on  se  passait  pieusement  de  père  en  fils.  » 

Bien  que,  depuis  l'origine  des  corporations  et  l'établissement  du  Livre  dos 
métiers  d'Etienne  Boileau  qui  date  du  treizième  siècle,  les  statuts  des  orfèvres 
aient  donné  lieu  à  une  multitude  inluiie  d'ordonnances  et  à  des  remaniements 
fré([Uonts,  on  doit  reconnaître  qu'au  fond  ils  subirent  très  peu  de  changements. 
Les  côtés  techniques  de  la  profession,  r[ui  y  sont  décrits  parfois  avec  assez  de 
détails,  restent  sous  le  règne  de  Louis  XV  à  peu  de  chose  près  les  mômes  qu'ils 
avaient  été  sous  Philippe-Auguste.  C'est  que  le  travail  des  orfèvres  avait  atteint 
son  perfectionnement  dès  l'origine  et  ne  comportait  pas  plusieurs  manières  de 
procéder.  D'autre  part  ce  sont  toujours,  dans  ces  statuts,  les  mômes  prescriptions 
relatives  ù  la  durée  de  l'apprentissage  cpii  était  de  huit  années,  à  celle  du  com- 
pagnonnage, qui  était  de  deux  années,  et  aux  brevets  de  maîtrise.  Aux  dix- 
septième  et  dix-huitième  siècles,  la  réception  d'un  maître  orfèvre  donnait  lieu  à 
des  réunions  où  le  brevet  signé  du  fermier  et  des  gardes  en  exercice  était  remis 
aux  ayants  droit,  avec  un  cérémonial  déterminé.  Nous  donnons  ici  le  brevet  de 
Simon  Desormeaux,  reçu  maître  en  17^25.  Néanmoins,  au  dix-huitième  siècle,  les 
enfants  de  maîtres  furent  parfois  dispensés  de  l'apprenlissage  et  du  compa- 
gnonnage, voire  môme  du  chef-d'œuvre  quand  ils  avaient  été  formés  par  les 
orfèvres  du  roi  logés  au  Louvi-e,  ou  lors(|u'ils  avaient  travaillé  |)endant  six  ans 
dans  la  manufacture  des  (lobelins.  En  définitive,  la  cause  déterminante  qui  amena 
tant  de  modifications  successives  aux  statuts  fut  la  préoccupation  constamment 
plus  grande  de  forcer  les  orfèvres  à  u'employer  que  des  matières  d'or  et  d'ar- 
gent au  titre  le  plus  élevé,  à  donner  sur  ce  point  les  garanties  les  plus  complètes 
et  à  empocher  les  fraudes  qui  pouvaient  être  commises.  Il  suffit  de  comparer 
les  textes  des  statuts  édictés  aux  différentes  époques  pour  apprécier  la  gradation 
des  mesures  prises  à  cet  égard.  On  en  jugera  parle  résumé  suivant. 

Au  treizième  siècle,  dans  le  Livre  des  métiers  d'Etienne  Boileau,  il  n'est  imposé 
aux  orfèvres  de  la  Ville  de  Paris  d'autres  conditions  que  d'employer  l'or  à  latouclie 
de  Paris,  laquelle  touche  passe  touz  les  ors  de  quoi  en  oerre  en  nide  terre  et  de 
n'ouvrer  d'arcjent  quil  ne  soit  aussi  bon  come  eslelins. 

Les  estelins  ou  eslerlings,  comme  on  disait  communément,  étaient  le  sterling, 
monnaie  d'argent  d'Angleterre  ayant  cours  en  France,  depuis  le  règne  de  Louis 
le  Gros;  elle  était  considérée,  à  l'époque  de  ces  règlements,  comme  l'étalon  d'ar- 
gent le  plus  pur.  «  L'Angleterre  qui  conserve  tout,  a  dit  M.  de  Laborde,  a  conservé 
ses  livres  sterling.  »  Les  orfèvres  exigeaient  qu'on  n'employât  l'argent  qu'au  titre 
du  sterling,  ou  des  esterlins,  principalement  pour  les  bijoux. 

En  135d,  statuts  du  roi  Jean,  et  en  1379,  statuts  de  Charles  V,  qui  sont  un  seul 
et  même  texte.  On  y  retrouve  les  formules  d'Etienne  Boileau  avec  des  règlements 
nouveaux  plus  précis.  Le  type  de  l'argent  admis  est  appelé  «  Argent  le  Boy  »  à 


101 


ARMOIRIES    DU    CORPS    DES    ORFÈVRES. 

Noms  des  six  gardes  en  charge  en  172G. 

(Gravure  exUitile  de  h  Cullectiou  Dulamare.  Uibl.  iial.,  nis,  fr.  21797,  fol.  22i. 


—   Kl!»  — 

oii/c  (Iciiicr^,  il(Mi/c  ^r;iiii'^  If  iiuirf.  Lf^  nilii^,  -rcii;iK,  (•iiicrainlr^,  .iiih'I  li  \ --les, 
(l(ti\ciil  ("'Iri'  ^crli--  sans  l'ciiillc  ilaiis  le  I'uikI,  les  |)crlr>^  d'Oriciil  ne  |icii\i'iil  (■•(rc 
lliclailizccs  a\cr  Ic^  pcrlrs  d' Mci  )ssc.  |iIi|n  ruiii  iikiiic^.  l'tMII'  1rs  |t('rlrv.  coiiiiric  |ti)iir 
I,'  hlic  (le  l'iir,  on  ailiiirl  une  I  nlcraiicr,  (iii,  i'(iinin('  «m  ili^ail  alors,  «  ini  rciiinlc  .. 
an  Mijcl  tIcN  |o\an\  d'cLili^c  (|ni  all('i;^ncnl  •>nii\  cnl  de  ^' ramlrs  dinicn^ion^.  L  ohli- 
i;alii»n  de  scini;  (Ui  [loincon  d(">  orlcx  rcs,  i^i'cscril  |ioiir  la  in-cniicrc  j'ois  en  liT.i, 
l'sl  ('(nilirnu'c.  Ilnlin  radniiiiistralion  de  la  (',oniniiinatd('  passe  de  Irois  a  six  jiin''S, 
IK )ndn'('  (|ni  ne  scia  pins  d(''|>ass(''  (T. 

l'ai  \'t2\  cl  \'rl\),  slatids  cl  arrcl  sonnicllaid  les  oiTc\i-csa  l'irispcdion  des 
inaiircs  j^i'-niM-anx  des  nionnaics,  cl  les  oldif^canl  a  ajonlcr  leur  jioineon  pari  icnlicr 
à  c(dni  (\c  la  Coniiunnaidi'.  C/csl  riiilcr\cnrK»ii  dii'ccjc  de  l'Klal,  ([iii  c()iiiniciicc  ; 
(K'sorniais  les  orl'cN  res  soni  placi's  sons  raidorilc  cl  Icconlrôlc  de  la  juridiclioji 
i\o  la  Cour  des  Monnaies,  (|ni  ne  cessera  plus  do  s'cxcrcci'  sur  eux.  Les  pn-cautions 
se  ninlliplicul  a  leur  l'-ard  pour  roliservalioii  des  lois  conceruani  Tcniploi  des 
nialièi'os  prt'cieuses. 

lai  IoOk  Louis  Xli.poui'  faciliter  la  sui-veillance,  va  jusqu'à  forcer  les  orfèvres 
à  inscrire  sni-  nu  rej^istre  lous  les  objets  qu'ils  vendent,  avec  mention  à  part 
du    prix  du    inc-tal   et    du   j)rix  de    la   façon. 

lai    I'")Mk   François  \"  coidirina  les  statuts  de   LSoo. 

En  l'i'i."),  le  même  roi,  sur  les  remonlranees  faites  aux  maîtres  généraux 
des  momiaies,  promulgue  un  nouveau  texte  de  règlement  pour  rorfèvrcrie  dans 
tout  le  royaume.  Fait  li'ès  particulier  et  ({u'il  faut  noter,  c'est  que  ce  règlement 
a  la  foi'me  impérative  des  édits.  Chaque  article  se  termine  par  les  termes  consa- 
crés :  «  Statuons  et  ordonnons  ».  C'est  le  signe  encore  plus  marqué  de  l'ingé- 
rence directe  de  l'administration  dans  les  affaires  de  la  communauté  de  Saint- 
Eloi.  L'or,  à  :22  carats,  sera  vendu  de  140  à  163  livres  le  marc,  en  comptaid  la 
façon  en  sus.  Tout  or  inféi'ieur  à  ^1  carats  sera  cassé.  L'argent  sera  à  1 1  deniers 
1:2  grains  le  marc,  titre  de  Paris.  Les  maîtres  orfèvres  continueront  à  émailler 
leurs  ouvrages  comme  ils  l'entendront,  et  à  tailler  tous  les  genres  de  pierres  pré- 
cieuses. Entin,  pour  la  délicate  question  des  visites,  la  concession  est  accordée  aux 
orfèvres  qu'elles  pourront  être  faites  par  les  gardes  naturels  de  la  communauté, 
mais  à  la  condition  d'être  contrôlées  par  les  maîtres  généraux  des  monnaies. 

En  1555,  paraît  une  ordonnance  de  Henri  11  qui,  suivie  d'arrêts  et  de  règle- 
ments divers,  destinés  à  procurer  des  ressources  au  Trésor  sous  forme  de  prix 
de  maîtrise,  bouleverse  l'ordre  établi  pour  les  réceptions  et  constitue  une  véri- 
table refonte  des  statuts  anciens.  Les  orfèvres  dans  leurs  luttes  contre  certaines 
corporations  rivales,  telles  ([ue  celles  des  merciers,  des  horlogers,  perdent  sen- 
siblement du  terrain. 

1  li.  lie  Lespinas<e  t't  F.  IJoiiiianldl, /^  Licre  des  mctiera  d'Elieuiie  Boileau.  daus  la  collectiou  île  Vllis- 
loire  fjcni'rale  de  Paris   ISI'J.  iii-4"  .  page  32. 


—  110  — 

En  1679,  Louis  XIV  donne  de  nouveaux  statuts  se  rapprochant  de  ceux  de 
15^5,  et  corrigeant  ceux-ci  en  tenant  compte  de  toutes  les  décisions  survenues 
dans  l'intervalle.  Ils  furent  discutés  par  les  maîtres  orfèvres,  par  la  Cour  des 
Monnaies,  par  le  Conseil  privé.  Ils  ne  touchent  pas  à  tous  les  points  des  règle- 
ments, mais  seulement  à  ceux  qu'on  voulait  perfectionner;  la  marque  de  l'or, 
question  capitale,  est  encore  une  fois  fixée  et  précisée.  Le  contrôle  est  de 
plus  en  plus  obligatoire.  Les  iiistructions  pour  les  marques,  poinçons,  contre- 
marques, etc,...  sont  minutieusement  stipulées,  ainsi  que  l'endroit  de  chaque 
pièce  devant  porter  le  dit  poinçon.  La  liste  exacte  des  maîtres  orfèvres  avec 
leur  demeure  sera  dressée  chaque  année.  Leur  caution  est  élevée  de  20  marcs 
d'argent  à  1000  livres.  Tous  doivent  avoir  l)outi(pie  ouverte,  sinon  rendre  leur 
poinçon.  Dans  cette  boutique,  le  travail  doit  pouvoir  être  vu  facilement  du 
public;  les  forges  et  fourneaux  scellés  en  [)làtrc  à  six  pieds  de  la  rue  sans  (ju'il 
soit  permis  d'en  mettre  ailleurs,  dans  l'arrière-boutique  ou  la  salle  basse,  à  moins 
de  permission  spéciale.  Les  merciers  reçoivent  l'autorisation  de  vendre  des 
pièces  d'orfèvi-erie  fabriquées  à  l'étranger,  mais  à  condition  d'en  faire  la  décla- 
ration au  bureau  des  orfèvres  où  celles-ci  seront  marquées  d'un  poinçon  spécial. 
Les  veuves  des  maîtres  orfèvres  pourront  continuer  le  commerce  des  marchandises 
d'orfèvrerie  et  joaillerie  en  boutiques  «  ouvertes  »,  mais  seront  obligées  de  les 
faire  poinçonner  par  un  maître  exerçant  (|ui  sera  responsable  de  l'aloi  des  ma- 
tières. Les  statuts  de  1079  restèrent  en  vigueur,  presque  sans  moditication,  jusqu'à 
la  Révolution. 

Tels  sont,  succinctement  analysés,  les  règlements  qui  pendant  des  siècles  ont 
régi  la  corporation  des  orfèvres,  et  qui  ont  contribué  assurément,  à  travers  les 
révolutions,  à  maintenir  les  nobles  traditions  de  leur  métier.  Aujourd'hui  encore, 
la  probité  de  l'orfèvre  parisien,  conservée  intacte  au  milieu  de  l'avilissement  de 
toutes  les  marchandises,  lui  permet  de  dire,  comme  au  treizième  siècle,  —  selon 
une  juste  remarque,  —  avec  vérité  et  sans  forfanterie,  que  son  ov  passe  tous  les  ors 
de  la  terre  (1). 

Durant  le  dix-huitième  siècle,  la  corporation  des  orfèvres,  qui  avait  eu  à  sou- 
tenir maintes  fois  dans  les  âges  précédents  des  luttes  souvent  difficiles,  tantôt 
contre  le  pouvoir  pour  défendre  son  indépendance,  et  tantôt  contre  des  commu- 
nautés rivales  qui  prétendaient  empiéter  sur  ses  privilèges,  semble  avoir  vécu 
d'une  existence  assez  paisible.  Les  édits,  ordonnances,  lettres  patentes  ou  arrêts 
qui  la  con<'erncnt,  ne  présentent  pour  cette  époque  qu'un  intérêt  relatif.  Il  faut  noter 
toutefois  les  dernières  phases  de  ses  antiques  démêlés  avec  des  métiers  tels  que 


(1)  René  de  Lespiiiassc  :  U-x  Méliers  et  (.'orporulloiis  du  la  Ville  de  Paris  ilS'J2,  iu-i»),  pages  1-CO.  — C'est 
d'après  les  docinieiils  publiés  dans  ce  savant  ouvrage  que  nous  avons  résumé  les  anciens  règlements  delà 
corporation  des  orl'èvi'es.  Nous  les  avons  d'ailleuis  contrôlés  avec  le  recueil  entrepris  par  la  communauté 
des  Orfi'vi'i's  et  imprimé  en  n.j'J  sous  la  dirfctiuu  di'  Pierre  Leroy:  c'est  un  véritable  code  rédigé  en  14tltres 
et  It.j  articles,  avec  textes  à  l'appui  de  chaque  question. 


J 


—  III  — 

ci'tlX  (les  t/rtircii/s,  des  hipiihitrc-^.  ilfs  l,,illriii\  <l'i>i\  ilc~>  i  mililn  is ,  i\i-^  hiihiiK  ifis, 
(les  riiHlillrnrs,  des  linrhu/ris ,  clc,..,  <|iii,  Iniil  en  ;i\;iiil  <lrs  |i(.iiil-  Ar  (•(.iit.icl  ;i\rc 
celui  (Ic^^  (ii'IcM'c-^,  >^'(■•l;lit•lll  l()ii|(Mir>  cllnrci-s  de  >'rii  divi  in-ncr  d  de  ^;iidri'  Iciir^ 
v|;ilid^  pniprc-,  en  iclii-;!!!!  de  se  l.ii^-^cr  .d.NorlMT.  .\iii--i,  l;i  coriioral  ion  <lcs 
tp'iirru/s  (di|cii;iil  ciicdi'c.  en  JT.'l",  If  rciiinn  cllriiirnl  diiiic  .imirniir  (.rdoniuirirc 
,|iii  ,Mii|tr(li,ul  Ifs  (U-fcNivs  de  ,::r;i\cr  i\<-^  •>(c;m\.  M.iis  (|m'h|ii«'-  ;iiiih''c-  |'Iii^  l:ird, 
en  17.')!,  Ic-^  orlV-vrc--  n'en  |i;ir\  i-iiiiiciil  |»;i--  iiutiiis  à  ;in'aclicr  une  n'jHd  il  k.ii  d  un 
ai'irl  de  KHi-J  'pii  Ir^  laissail  alisoliiiiiciit  lilircs  de  -ravci"  loiil  n-  i\[\"\\>  xoiidraifiil. 


Atelier  trûrte\res,  avec  fenêtres  sur  la  rue,  au  div-huitièine  siècle. 

sur  leurs  œuvres  d'or  et  d'argent.  De  nièiiie  que  les  lapidaires  ((|ui  pourtant  ne 
devaient  guère  porter  ombrage  à  qui  que  ce  fût,  eux  dont  la  profession  était  si 
limitée  et  si  ingrate),  ayant  émis,  en  1740,  la  prétention  de  faire  prendre  à  leurs 
jurés  le  même  titre  de  gardes  ([u'avaient  les  jurés  de  l'orfèvrerie,  se  virent  rude- 
ment refuser  cette  autorisation.  Ils  tinirent,  de  guerre  lasse,  par  se  laisser  incor- 
porer aux  orfèvres  en  1781.  Quant  aux  émailleurs  ou  patenôfricrs  {{),  ils  avaient 
depuis  longtemps  renoncé  à  toute  lutte  avec  les  fiers  disciples  de  saint  Eloi, 
et  dès  1718  leur  fusion  fut  prononcée  avec  les  fabricants  d'orfèvrerie  d'imitation 
ou  orfèvres-faussetiers;  les  batteurs  d'or,  dont  le  métier  consiste  k  convertir  en 


(1  Cl-  m-acie'ix  nom  de  paleiiôfrifTS  clait  emprunté  ilepuis  le  moyeu  âge  au  graiu  du  chapelet  ou  pater 
iiosl'-r.  Les  pateuôtriers.  à  rori;iine.  émaillaieiit  toutes  sortes  d'objets,  comme  liudiquent  leurs  statuts  de 
1309.  .Mai^.  peu  à  peu.  ils  avaient  restreint  leur  travail  aux  substances  communes,  et  aux  objets  bon 
marché,  boucles,  boutons,  chapelets,  etc..  laissant  le  champ  libre  aux  orfèvres  pour  lémaillerie  de  for  et 
de  larireut. 


—  112  — 

feuilles  plus  ou  moins  minces  l'or,  l'argent  ou  le  cuivre  pour  les  difl'érentes 
applications  de  dorure,  se  considéraient  aussi  comme  «  membres  des  orfèvres  » 
tout  en  soutenant  la  spécialité  de  leur  travail  (l)  et  leur  droit  à  une  maîtrise 
distincte.  Leur  communauté  comprenait  vingt-huit  maîtres  au  milieu  du  dix-huitième 
siècle.  Elle  maintint  soi]  autonomie  jusqu'en  1776,  date  à  la((uelle  la  nouvelle 
organisation  par  Turgot  la  lit  défmitivement  confondre  avec  les  orfèvres.  Ces 
derniers  éprouvèi-cnl  j)lus  de  résistance  de  la  part  des  couteliers,  avec  qui,  depuis 
le  seizième  siècle,  ils  n'avaient  guère  cessé  d'être  en  contestation.  Ce  métier, 
d'ailleurs,  prenait  de  plus  en  plus  d'extension.  Durant  la  Renaissance,  le  luxe  des 
armes  dorées  et  damasquinées  avait  fait  naître  les  «  doreurs  sur  métaux  »  qui 
formèrent  une  corporation  spéciale,  reconnue  en  150.').  Au  dix-huitième  siècle, 
les  couteliers,  entraînés  par  le  goût  croissant  des  élégances  qui  amenait  leur 
industrie  à  employer  continuellement  les  métaux  précieux,  furent  plus  d'une  fois 
en  butte  aux  protestations  des  orfèvres  qui  voulurent  les  empêcher  de  fabriquer 
des  ustensiles  d'argent  et  d'or.  Finalement,  en  1756,  les  couteliers,  dont  la  corpora- 
tion ne  comprenait  pas  alors  moins  de  cent  vingt  maîtres,  réussirent  à  faire  rendre 
à  la  Cour  des  Monnaies  un  arrêt  leur  permettant  de  fondre  et  employer  pour  la 
confectioïi  des  instruments  de  chirurgie,  manches  et  lames  de  couteaux,  branches 
de  ciseaux,  et  généralement  de  tous  les  ouvrages  de  leur  art,  les  matières  d'or  et 
d'argent  (2).  C'était  pour  eux,  après  tant  d'années  d'entraves,  une  brillante  victoire 
et  la  liberté  de  l'essor  ! 

11  est  curieux  de  constater  (ju'à  diverses  reprises,  au  dix-huitième  siècle,  les 
orfèvres  durent  eux-mêmes  provoquer  des  mesures  répressives  contre  certains 
de  leurs  confrères  qui,  cédant  à  la  tendance  de  l'époque,  pour  les  matières  en 
simili,  usaient  parfois  de  procédés  suspects.  Un  arrêt  du  Conseil  d'Etat  défendit 
notamment  «  d'employer  aucun  parfum  ou  fumage  pour  donner  à  l'argent  la 
teinture  ou  couleur  d'or  ».  Par  contre,  ils  furent  autorisés  à  exécuter  certains 
«  menus  objets,  comme  étuis,  boutons,  boëtes,  etc.,  au  titre  seulement  de 
20  karats  1/4  au  remède  d'un  (|uart  de  karat  »  (3).  Les  contraventions  de  n'im- 
porte quel  genre  étaient,  il  faut  insister  encore  sur  ce  point,  extrêmement  rares. 
Respectueux  de  la  loi  et  de  leurs  règlements,  connaissant  bien  leurs  devoirs 
envers  l'administration  et  les  respectant,  foncièrement  dévoués  aux  intérêts  cor- 
poratifs, les  maîtres  orfèvres  s'entendaient  admirablementà  conduire  leurs  affaires. 
En  1745,  la  communauté,  qui  était  charitable  et  entretenait  une  quarantaine  de 
confrères  tombés  dans  la  misère,  se  trouva  endettée  par  les  nombreuses  répa- 


(1)  Les  l)attcurs  d'or  élaiciit,  de  même  que  les  fileurs  d'or,  soumis  à  la  corporation  des  orfèvres,  tout  en 
ayant  leur  corporation  distincte,  placés  également  sous  la  juridiction  de  la  Cour  des  .Monnaies.  «  Les  i)at- 
têurs  d'or,  dit  le  Guide  des  marrhands  de  IIOG  (page  1(')3  ,  réduisent  l'or  et  l'argent  en  livrets;  le  livret  est 
de  2."i  t'cinlifs,  et  l'once  d'(ir  battu  donne  1  (ino  feuilles  de  37  lignes  carrées  chac-uiie.  >-  Un  lingot  d'or  de  la 
valeur  de  40  francs  permet  d'obtenir  une  feuille  couvrant  une  surface  de  40  mètres  cari'és. 

(2j  R.  de  Lespinasse,  ouvrage  cité,  page  liO. 

(3j  Déclaration  du  roi  du  23  novembre  1721. 


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7^6 


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Uclevé  des  principaux  poinçons  tloricvres  de  jtjyy  à  J78O. 


r.iliiill^  ilf  ^i'->  ImI  iiihiiK  :  loL'ciliriil  s  des  iii;ii  I  ics  ji;iii\rcs  ri  des  \rii\c>,  du  cli.i- 
I  11' 1,1  III,  du  cIclT  cl  du  Cl  1  mi  cru' I'  ;  l;d  u  )i;d  nin  ■  |  m  iiir  cssjiis  dc^  ou  \  r.i  ;.'(•-  (l'oi',  liUl'i-.iu 
pour  If  ItTiuifr  lie  l;i  iii.in|iii'  d  or,  s.dic  dc^  iis^riiiMi'c--,  t\(\  \.;\  ^oiiiuic  (lue  -c 
uioiihiil  .1  hilHIlHI  li\!i'-.,  [iliiN  nii  riii|ini!il  ciirc^ji^l  n''  de  lOdOIII)  li\ir-~.  l'oiir 
liouidcr  l.i  ^iluiilioii.  ou  cul  I  idée  di'  lan'c  |i;i\i'i'  ;i  loiil  (U'Icntc,  au  iiioiiiciil  <l('  la 
prcvculal  Kui  de  Icui'^  ou\i'aL;('>  a  la  !iiari|iu'  du  |ioiii(oii  de  di'c|iar;.'('.  l'iiK]  -ol<  |iar 
Miai'c  d  ai'i^cid  iiii'>  en  o'iix  l'i'  cl  di\  miU  pai'  oiiic  il  oc,  non  iiii|iiili'-.  •-ii  r  la  mal  icrc, 
iiiai^  iiuii|iiciiiciil  ^ur  la  t'acoii.  cl  sans  ('\i;^(T  ilii  |iuldic  aucune  aii,:j  iiicnlal  i(Mi  -iir 
le  |)ri\  dc■^  oii\  ra;^t's  »  I).  (Iràrc  à  celle  redevance  \oloulairc,  la  dctic  lui  \ilc 
('Ici  nie. 

Lc-^  inaili'cs  ne  (oitTaicnl  pas  |c>  inampienicnis  an\  slalnis  de  la  pari  de  leurs 
appi'tMilis  on  de  leni's  conipa^noiis.  (',en\-ci  navaienl  ]tas  le  droil  de  lra\ailler 
aillenr>  (pie  dans  la  liontiipic  à  laipielle  ils  appai-lenaicnl .  cl  d'fMi'c  pa\(''s  anlro 
niiMil  (pian  mois  on  à  la  semaine,  l  ne  oiNJonnancc  de  police  de  I7.'):2  l'ail  iNdense 
expresse  de  recevoir  salaire  à  la  pièce  on  ;i  la  lâche,  «  de  s'alli'onper  ni  porter 
(les  éjHH's  ».  De  leur  C(M(''.  les  maiires  ne  pouvaient  recevoir  eliez  en.\  anciiii  coin- 
paiiiion  (pie  celni-ci  ne  montrai  le  eoii^é  de  son  précédent  maitre,  et  ne  roiirnil 
\c  molit'  ponr  liMpiel  il  l'avait  (piillé.  I^es  rapports  des  apprentis  et  des  patrons 
étaient  liahilnellement  ail'eclnenx.  On  verra  pins  loin  comliien  Inreiit  rr(''(pient>.  an 
(lix-linitième  siècle,  les  mariages  entre  les  lilles  de  maîtres  et  lenrs  ai)|)renlis. 
M.  Germain  Hapst  a  cité  à  lappiii  de  cette  assertion  le  contrat  d'apprentissage  de 
Pierre  Germain  avec  Nicolas  Ëesiiier,  orfèvre  ordinaire  du  roi  aux  galeries  du 
Louvre  <îl].  Besnier  s'engageait  vis-à-vis  de  son  apprenti  à  «  lui  montrer  et  ensei- 
gner l'art  et  le  m''tier  d'orfèvre  sans  Iny  en  rien  celler  ni  cacher,  et  à  le  traiter 
doucement  comme  il  convient  ».  L'apjtrenti,  de  son  côté,  doit  «  s'entretenir  de 
vestements  honnestes  suivant  son  état,  se  blanchir,  se  nourrir,  se  loger  à  ses 
dépens  ».  Il  promet  de  servir  son  maître  «  fidèlement  et  lui  obéir  en  tout  ce 
qu'il  luy  commandera  de  licite  ».  Il  favorisera  ses  intérêts  et  lui  évitera  tout  dom- 
mage et  «  l'en  avertira  s'il  en  vient  à  sa  connaissance  »,  l'apprenti  promet  de  ne 
pas  s'absenter  pendant  les  huit  années  que  dure  son  apprentissage,  ni  «  aller 
travailler  ailleurs  pendant  le  dit  temps  ».  Enfin,  l'appi'enti  ne  recevait  aucune 
rémunération,  mais  il  n'avait  rien  non  plus  à  payer  pour  son  instruction  (3). 

Il  nous  faut  dire  maintenant  quelques  mots  de  la  question  des  poinçons  qui 
étaient  apposés  sur  les  pièces  d'orfèvrerie.  Elle  a  une  grande  importance  pour 
l'histoire  de  cet  art,  et  offre  un  vif  intérêt  pour  les   collectionneurs.  En  effet, 


(1    Voir  Lespiiiasst^,  ouvrage  cili-,  page  'Jlj. 

(2j  II  s'agit  ici  non  pas  du  fameux  Pierre  Germain,  rori'é\rc  de  Louis  XIV,  père  de  Tlinmas  (icrmaiii. 
dont  il  a  été  question,  mais  d"un  homonyme  avec  lequel  il  est  parfois  confondu  et  qui  est  l'auteur  des  £/(>- 
incnfs  d'orfèvrerie.  11  a  été  plus  communément  désigné  sous  le  nom  de  Piern;  Germain  H  dit  Le  lîomain. 
Le  contrat  d'apprentissage  de  celui-ci  est  un  document  encore  inédit.  11  se  trouve  aux  Archives  nationales, 
Z  1  B  li:i.  f"  274. 

3   (iermain  Bapst,  l'Orfèvrerie  française  à  la  Cour  de  Portugal  au  dix-huili^me  siècle,  page  39. 

8 


—  116  — 

comme  les  pièces  (rargeiitcrie  ancienne  sont  devenues  d'une  insigne  rareté  et  qu'il 
est  extrêmement  difficile  d'en  rencontrer  d'une  authenticilé  indiscutable,  tout  à 
fait  exempte  des  retouches  ou  des  maquillages  que  leur  font  trop  souvent  subir 
les  contrefacteurs  qui  ont  acquis  dans  ce  genre  une  liabileté  extraordinaire,  on 
conçoit  l'utilité  qu'il  y  a  de  pouvoir  reconnaître  à  des  signes  certains  les  œuvres 
vraies  des  fausses,  bien  ou  mal  imitées.  Or,  les  poinçons  peuvent  fournir  cette 
certitude,  et  indiquer  en  même  temps  le  nom  de  l'orfèvre  et  la  date  d'exécution 
de  la  pièce. 

On  a  vu  plus  haut  que,  sous  l'ancien  régime,  et  principalement  au  dix-huitième 
siècle,  toute  pièce  d'orfèvrerie  devrait  obligatoirement  être  marquée  des  (juatre 
poinçons  suivants  : 

Lepoinro)t  de  maître.  Il  ("lait  composé  d'abord  des  initiales  <lu  maili'C  orfèvre, 
ensuite  d'une  devise  à  son  choix,  ou  différent.,  puis  d'une  lleur  de  lis  couronnée, 
QwÇni  de  deux  petits  ronds  ou  points  ressemblant  à  deux  grains  posés  parallèle- 
ment, afin  de  rappeler  continuellement  au  fabricant  ([u'il  n'avait  que  deux  grains 
de  «  remède  »  dans  l'emploi  des  matières  d'argent.  Le  tout  ne  pouvait  dépasser, 
y  conqiris  le  champ,  hi  dimension  de  deux  ligues  de  hauteur  sur  une  ligne  un 
(piart  de  largeur.  (ïhaipu'  maître  orfèvre  était  tenu  de  faire  insculper  sou  j)oinçon 
sur  une  planche  de  cuivre  déposée  au  greffe  de  la  Cour  des  Monnaies  et  sur  une 
autre  déposée  au  bureau  des  orfèvres,  pour  servir  en  cas  de  contravention.  La  de- 
vise ou  différent  était  spéciale  à  chaque  maître.  Par  exemple,  Thomas  Germain 
avait  une  toison;  Etienne  Jannetz,  un  marc;  François  Joubert,  un  cœur;  Robert  Ma- 
gnart,  une  étoile;  Louis  Regnard,  un  renard;  Lehendrick,  une  colonne;  R.-J.  Au- 
guste, une  palme,  etc.. 

Le  poinçon  de  charge.  C'était  celui  qu'apposait  le  fermier  des  droits  du  roi, 
et  (jui  attestait  que  chaque  pièce  avait  bien  été  déclarée  en  son  premier  état 
d'ébauche,  quand  l'orfèvre  venait  acquitter  l'impôt  prélevé  sur  les  matières  d'or  et 
d'argent.  L'usage  de  ce  poinçon  datait  de  l'établissement  de  l'impôt  sur  l'argen- 
terie par  Louis  XIV  en  1672.  Chaque  ville  avait  son  poinçon  spécial,  représentant 
toujours  uuL'  lettre  de  l'alphabet.  Pour  Paris,  c'est  la  lettre  A  couronnée  qui  fut 
adoptée;  le  dessin  en  fut  modifié  à  chaque  mutation  du  fermier.  Tantôt  l'A  traverse 
la  couronne,  tantôt  cette  dernière  se  trouve  au-dessus  ou  au-dessous,  à  droite 
ou  à  gauche  de  la  lettre.  Jus({u'en  173:2,  la  couronne  est  tantôt  fleurdelisée,  tantôt 
ouverte  ou  fermée,  quelquefois  simplement  surmontée  de  quelques  lleurons  ou 
accompagnée  d'oriieinents  divers.  Mais,  à  partir  de  1752.  c'est  toujours  une 
couronne  royale  fermée  qui  surplomble  l'A  du  fermier. 

Poinçon  de  la  maison  commune.  Immédiatement  après  avoir  été  marquée  du 
poinçon  de  charge,  la  pièce  passait  au  bureau  des  orfèvres  où  les  gardes  de  l'or- 
fèvrerie avaient  à  vérifier  si  elle  était  aux  titres  voulus  et  exigés  par  la  loi,  c'esl-à- 
dire  au  titre  de  11  deniers  12  grains  pour  l'ai-gent,  et  de  20  karats  un  (|uart  pour 


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()!■^l•^^l■l■iL•  tloiilist'.   Piori-o  (iciii:aiii   II. 


Orfcvrci'ic  d'cslise.  PiciTC  Germain  II. 


Il■>^  till\  IMU'Cs  d  ()|-  (inllll.llli'^.  \|i|i's  ijlKii  ti'[\\  Il  1,1  |r\  cliiicnl  (|c  leur  |i(iil|rii||  de 
Cdiil  I  ciiMlilllc.  ('.('  pniinuii  cl.iil  cllilli;.'!'  IniiN  les  ;iil'>,  .'l  cIlkiih'  ik  i|||||i;i  I  k  m  "1rs 
liMii\iMii\  ijanli'v.  Il  cl  II  il  l'iirci'liK'  ;i\('c  --;i  iiiiilrirc  i|,iiiv  une  r.i-srljc  duiil  le-  ;.';ir(|cs 
;i\;iH'iil  l;i  i-\r{\  cl  (|lll  cl;iil  clic  lll(~'lll('  |il;n-(''c  (l.iii^  un  ((illrc  ijiic  |c  rcnilicr  j^i'IKTill 
(les  didiK  |i(iii\;mI  --ciil  iiiiviir.  Il  rc|ncsciil;iil  une  dc^  \  iiiu' l-i|ii;il  rc  |c|lr<'<  <|c  I'mI- 
pliahcl.  pour  l'.iii^,  l;i  Icllic  \  i(iiniiicnc;i  ;i  (''li-c  ciiiiildN  ('■(■  en  l'.innf'c  |.")()(i.  cl  jnl 
reprise  Idii^  le-^  \  in;^l-lr(ii'^  ;in^,  ciii-  on  ne  se  sers.iil  ni  i|c  II  m  du  .1  ni  «lu  \\  . 
Kn  I7S."),  huilelnis,  on  ni;u'(|ii.i  ji.ii' excepl  ion  d'un  l  .  (  !e  lui  |;i  scnic  fois.  \  |i,iilir 
(le  ITS't  el  ius(|u'eii  I  (1)7,  sendtle  l-il,  on  ne  ni;ir(|ii:i  |ilns  (|ne  d'ini  I*.  Ce  poinçon 
(le  la  maison  conmmiic,  ainsi  (pie  l'a  1res  clan'cnienl  c\pli(pi(''  M.  le  liaron  l'nlion, 
dans  nue  reniai'(|nalile  ('Inde  sm'  rorlcNreric  i  I  ,  doinie  la  possiltillh'  d  assi-ner  a 
huiles  les  pi('ees  anciennes  une  dale  pr(''cise. 


l'iiiin;iin>  ili'  'l'Ii.  (îi'i'iiiaiii,  iViiiipi's  sur  r(-('iifllc  appai'l  ciniiil   :iu  caivlinal  pnil  iiuais  .luào  (la  Mdlla  c  Silva. 


O) 


l'oiiu.dii 
cK'  c  lia  rue. 


Poim^'dii  (U-  la 
iiiaisiin  l'iinimuiu 


liiu'uu  (le  iiiaili'( 
(iii  (lincr(_'iit . 


l'uiiici  m 
(U''cliar::L'. 


Poi/iroit  (le  (Jéclidrtjt'.  La  pièce  cHaiit  délinilivenieiit  achevée,  roi'l'èvi'e  la  raj)- 
porlail  an  bnreau  tin  fermier  des  droits  du  roi,  payait  les  droits,  acquitlait  la  sou- 
luissioii  (pi'on  lui  rendait  aecjuittée,  et.  eomme  certificat  de  payement  des  dits 
droits,  on  apposait  un  (juatrième  et  dernier  poinçon  nommé,  à  cause  de  cela, 
poinçon  de  décharge.  L'ouvrage,  en  cet  état,  pouvait  être  exposé  en  vente  libre- 
ment et  sans  crainte.  En  résumé,  le  poinçon  de  charge  mettait  l'objet  sous  le  coup 
de  l'impôt,  et  le  poinçon  de  décharge  déclarait  l'impôt  payé.  Le  modèle  de  poinçon 
de  décharge,  particulier  à  chaque  fermier  en  place,  changeait  (diaque  fois  f[u'il  en 
arrivait  un  nouveau.  Dans  le  cours  (hi  dix-huitième  siècle,  il  y  eut  (de  1703  à  1789) 
dix-neuf  fermiers,  d'où  dix-neuf  poinçons  différents.  Tantôt  ce  fut  une  couronne, 
ou  un  trèfle,  un  soleil,  une  tète  d'oiseau;  tantôt  une  tète  de  griffon,  un  caducée, 
une  feuille  de  néflier,  etc. 

Ces  indications  sur  les  poinçons  des  orfèvres  ont  été  très  clairement  données  par 
M.  Paul  Eudel,  le  savant  coUeclionneur,  dans  le  recueil  dont  nous  avons  déjà  parlé 
et  qu'il  a  publié  (|uel(|ne  temps  avant  sa  vente.  Nous  les  lui  avons  empruntées  (2). 


(1)  Baron  Pichoii  :  Catalogue  C^c  vente  île  ju  coUectuin  (l'urtovrerie.  juin  liS'S. 

(2)  Soi.rante  plan:hcs  d'oi/nvrerin  de  la  collection  diî  l'aiil  Eudcl.  ponr  faire  suite  aux  Eléments  d'orfè- 
vrerie composés  par  Pierre  Geriuaiu,  se  vendant  à  Paris  chez  Quautiu,  7,  rue  Saint-Bernard,  mdccclxxxiv. 


—  \2^2  — 

Au-dessous  de  presque  toutes  les  pièces,  il  avait  pris  soin  de  faire  graver  à  une 
échelle  sufiisante  les  difTéreuts  poinçons  apposés  sur  chacune  d'elles.  Nous  avons 
donné  à  la  page  précédenle  les  quatre  poinçons  frappés  sous  l'écuelle  d'un  car- 
dinal Portugais,  exécutée  par  Thomas  (lerniain  en  173^. 

Le  n°  1  est  le  poinçon  de  charge  :  la  lettre  A  surmontée  d'une  couronne  fermée. 
Le  n"  2  est  le  poinçon  de  la  commune,  qui  était  en  1733   un  R,  et  avait  été 
apposé  par  Hubert  Louvet.  (pii  fut  fermier  de  173:2  à  1738. 

Le  n"  3  était  le  poinçon  de  maître  ou  didérent.  Les  deux  lettres  T  et  G  indiquent 
bien  que  Thomas  (lermain  en  est  l'aufeur  et  non  son  fils  Fi-ançois-Thomas,  comme 
on  l'a  dit  par  erreur. 

Le  n"  4  est  le  poinçon  de  décharge;  il  était  variable  et  arbitrairement  choisi 
par  le  fermier. 

Il  serait  à  souhailer  ((u'im  érudil  cnlreprît  de  dresser  une  sorte  de  diction- 
naire des  orfèvres  français,  (oui  au  moins  pour  les  dix-septième  et  dix-huitième 
siècles.  Un  tel  travail,  malgré  les  lacunes  inévitables  qui  ne  pourraient  point  être 
comblées,  rendrait  assurément  les  plus  grands  services.  Le  savant  baron  Pichon 
l'avait  commenc(',  mais  la  làidie  lui  |>arut  héi-issée  de  telles  dirficulb's  qu'il  y  re- 
n()n(;a.  En  tout  cas,  il  esl  mort  sans  l'avitii-  aclie\(''.  Peut-èti-e  rèvait-il  de  troj)  bien 
faire.  N'aurail-on  (prune  liste  chronologique  des  principaux  orfèvres  de  Paris 
reçus  à  la  maîtrise  par  la  (lour  des  Monnaies,  qu'un  document  de  ce  genre  serait 
extrèmenuMit  utile.  Ui'<>'  'P*  ''  *^'^  ^f*'^'  j*^'  ^^^^  bornerai  ici  à  ajouter  aux  noms  de 
(ilaudc  Halliii,  J.-A.  Meissonnier  et  Thomas  Germain  indif[ués  ci-dessus  comme 
les  plus  célèbres  orfèvres  de  la  pi'cmièi'e  moitié  du  dix-huitième  siècle,  (|uelques 
maîti'es  qui  fui'ent  leurs  contemporains  et  jouirent  durant  cette  même  p(''riode 
d'une  certaine  réputation. 

Tout  d'abord,  il  faut  mentionner  Nicolas  Besniei',  un  des  trois  orfèvres  du  roi 
logés  au  Louvre  et  qui  partagea  cet  honneur  avec  Claude  Ballin  et  Thomas  Ger- 
main. Cest  à  lui  que  Louis  XV  fit  exécuter  son  anneau  nuptial  et  commanda 
la  jiUis  grande  partie  de  sa  vaisselle  de  table;  en  1737,  il  lui  en  fit  exécuter 
une  de  vermeil  du  poids  de  1  100  marcs.  Ce  fut  son  dernier  travail  important, 
car,  cette  année  môme,  il  se  retira  des  atîaires,  cédant  la  survivance  de  sa 
charge  à  son  gendre  Jacques  Roëttiers.  A  côté  de  Nicolas  Besnier,  qui  fut  l'un 
des  orfèvres  les  plus  en  vue  de  son  époque  après  ceux  que  j'ai  déjà  mentionnés, 
il  en  existait  l)eaucoup  d'autres  assurément  qui,  dès  les  premières  années  de 
la  Régence  jusqu'au  milieu  du  règne  de  Louis  XY,  eurent  de  la  réputation.  Les 
noms  de  quelques-uns  seulement  sont  parvenus  jusqu'à  nous,  mais  l'on  ne  pos- 
sède sur  eux  que  des  renseignements  la  plupart  du  temps  assez  vagues.  Tels 
sont  :  François  GaucJielet  (reçu  maître  en  1692),  dont  la  fille,  Anne-Denise, 
épousa  l'illustre  Thomas  Germain;  son  portrait  se  trouve  à  côté  de  celui  de  son 
mari  dans  la  toile  de  Largillière,  que  possède  M.  Odiot;  François  Vincent  (reçu 


l.':i 


()i'lc\  i-ci'i^'  fi\il>^'.   l'ici'i-e   Cici'inain   II, 


i 


f 


12:; 


()rfè\  rcric  ci\ilc.   Pierre  (leimaiii  II, 


IJ7   ~ 


iii;iilic  CM  MiSS  ;  T/iinnii'i-Lrinitiril  I .miiiriiu  (l'crii  iii.ijlrc  en  Id'.l'i,  inoil  in  LMl), 
iiKiric  ;i  mil'  lilli'  ili'  l'uTrc  (  liTiiiiiiii ,  cl  <|iii  cul  un  liU,  Lrinuinl  Lniiintiii  (reçu 
niailrccu   \~1'1\,   lc(|ucl  lui    c((u^c(|iU'Uiiucul    nc\  eu  ijc  TIh  ini;i^   (icini.Hu;    l'rniudis 


Igl.'.U.Çfe- 


:S=^ 


I    I 


Huilier  (Ir  J.-Fr.  Ualzac  fi;:).")). 

Kujal  (re(ni  iiiaîliv  on  17^0),  cl  qui  devini  f^raiid-prardo  dos  orfèvres:  .Vo/V  ïy-ounnl 

(reçu  niaîh'o  on  17  I  i*  ;  Hohrrt  Magnart;  Thomas  Cliancclicr,  orfèvre  privilégié  du  roi 

suivant  la  oonr  (ri'ru  mailro  en  173());  Louh  Rcgnard;  Antoine  de  Sa'mt-Nicoltis,  (|ui 

avait   pour  poinçon  une  rose;  ./.-/•".   lialzur,  à  (jiii 

l'on  doit  riuiilior  ot  lo  ilanihoan  datés  do  17.')'),  do 

la  colleclion  Paul   lùidol,  dont  nous  donnons  ici 

la  reproduction;  (ircyoire  Masse,  d'une  époque  un 

peu  antérieure,  à  en  juger  par  certaines    pièces 

marquées  de  son  poinçon  et  qui  portent  la  date 

de   1708;  Antoine  Josseij,  du  monie  temps;  César 

Haudnj ,  l'autour  de  superbes  saucières  (|ui  ont  fait 
partie  aussi  de  la  collection  Paul  Eudol;  J.-F.  Gor- 
get,  Fat/olle,  Hébert^  Herbault,  Vabaijcr,  Allain, 
Devos,  fournisseurs  attitrés  de  la  Cour  entre  les 
années  1730  et  17o0,  etc.,  etc.  Mentionnons  à  part 
trois  élèves  de  Thomas  Germain  :  Jean-Etieiuie  Ba- 
ron (reçu  maître  en  1735),  dont  on  connait  deux 
très  belles  jardinières  qui  se  trouvaient  dans  la 
collection  de  M.  Polowstoff,  et  un  plateau  d'une  ad- 
mirable ciselure  appartenant  au  grand-duc  Alexis; 
Louis-Joseph  LeJiendrick,  excellent  artiste,  d'un 
talent  remarquai)le  qui  devint  un  dos  meilleurs  or- 
fèvres de  la  période  suivante  et  dont  nous  parle- 

Fliuiil)eau  de  J.-Fr.  Halzac  ^17.").")). 

rons  plus  loin;  J.-L.  Tourteau,  qui  se  spécialisa 

dans  le  commerce  des  pierres  et  qui,  associé  avec  Aubert,  le  joaillier  de  la  Cour, 


—  128  — 

sut  a('r[U('i'ir  une  fortune  considérable.  N'oublions  pas  l'élève  de  Besnier,  ce  Pierre 
Germain  (né  en  171G,  reçu  maître  eu  1744,  nioi-t  en  1783)  cjuc  la  similitude  de 
nom  a  fait  confondre  avec  son  célèbre  homonyme,  bien  qu'il  n'eût  avec  lui  aucune 
parenté,  et  ([ui  est  souvent  surnommé  le  Romain.  Pierre  Germain,  dit  le  Ro- 
main, s'il  ne  fut  })as  un  orfèvre  transcendant,  n'en  a  pas  moins  joué  un  certain 
rôle  dans  sa  corporation  (1).  Ses  confrères  l'élurent  f;arde  en  1757  et  lirand- 
garde  en  1773,  ce  qui  prouve  l'estime  en  laquelle  ils  le  tenaient.  Lors  de  sa 
mort,  ce  fut  au  nom  de  M)!,  les  Gardes  de  l'orfèvrerie  de  Paris  que  fut  envoyée 
l'invilaliou  au  service  (pii  fui  célébré  en  l'église  de  Saint-Éloi  (2). 

O  U  S  eus  priés  de  la  pan  de  Mefjlenrs 
ks  Gardes  de  t Orfèvrerie- Joyaillerie  de 
Pans^d'ajjifler  au  Service  qu'ils  feront 
célébrer  pour  le  Repos  de  l Ame  de 
M.  Pierre  GERMAIN  ,  Marchand 
Orfèvre ,  ancien  Grand  Carde  du  Corps  de  l'Orfèvre  rie  y  & 
Grand'Meffager  de  l'Univerfuè  de  Pans ,  qui  fe  dira  Lundi 
g  Février  i  y 8 g,  à  dix  heures  du  matin,  en  l'Eglife  de  Saint 
Eloy,  des  Marchands  Orfèvres- Joyailliers, 

Meffieurs&  Dames  s'y  trouveronts  il  leur  plaît. 

De  profundis. 

Ses  œuvres,  marquées  de  poinçon  P.  G.  et  d'un  germe,  paraissaient  avoir  brillé 
surtout  par  la  conscience  et  la  sagesse  de  l'exécution.  On  ne  connaît  aucune  œuvre 
existante  pouvant  lui  être  attribuée;  ses  travaux,  du  reste,  ont  du  être  peu  nom- 
breux, à  en  juger  par  le  chiffre  de  ses  affaires  qui  ressort  des  chiffres  de  l'impôt 
du  vingtième.  11  payait,  en  177:2,  19  livres  IG  sols;  de  1775  à  1776,  5  livres  8  sols. 

Son  principal  titre  à  la  notoriété,  c'est  la  publication  faite  par  lui  en  1748  d'un 
recueil  bien  connu  qui  est  intitulé  Éléments  d'orfèvrerie,  dans  lequel  se  trouvent 
cent  planches  gravées  représentant  des  pièces  d'argenterie  de  l'époque;  sur  ce 
nombre,  il  y  en  a  93  signées  de  lui  et  7  par  J.-J.  lloëttiers  :  c'est  ce  qui  l'a  sauvé 


(1)  Pierre  Gcriuaiii,  le  Honiaiii.  était  originaire  d'Avignon.  D'après  M.  Germain  Bapst,  il  élail  le  septième 
fils  (l'un  join-nalier  de  celte  ville.  Il  resta  vingt-cinq  ans,  d'abord  counne  apprenti,  puis  ouvrier 
dans  l'aleliei'  de  lîi'snier  et  du  successeur  de  celui-ci,  J.-J.  Hoi-ttiers.  avant  de  recevoir  la  maîtrise;  d'après 
les  listes  de  capilation  de  l'époque,  il  n'occupait  que  le  liy^  rang  dans  la  cor^Joralion  au  point  de  vue  de 
l'imporlance  commerciale. 

(2:  Collection  Henri  Vever. 


120 


OrtY-vn-rie  civile,  Pion'c  Goriimiu  II, 


131 


il  11^ 


^'';^5il^^  ' '' ^^ij^i^^- 


,vr^^ 


Service  lie  tnilctlo.  l'icriv  Geniuiiii  II. 


,1,.  l'oiiMi.  lu'iii  iii.iiliv  «'Il  IT'i'i,  c'i'^l  .|ii,iln'  .111^  <riil.'iii('iil  .ipicv  <|iril  |iii|ili;i  ses 
l\/r//ii  /i/^  (l'oi-fèvrcrif.  I.c^  ln'>  iiil  l'i'c-v.iiiK  ildciiiin  ni-  iin'il  cdiil  H'hI  ih'  |h,ii\  .linil 
(loue  rll'c  l;i  l"{'|)l'()(lmli(iii  de-  (riixi'c-  vdilh's  ^\i'  -mi  iili'lirr.  I.IIcn  -oui  jiliiliil  Ir^ 
(i'il\rc>-  (!<•  ^"'^  (IcN.illciiT-.  ill.ii-  il  r-l  |ilii-  |Miili.ihlc  <|m  ers  dessin^  ^oiil  i|r-  iiiiil- 
|i,iv||ii»il-    ((iinilr-    (1,111-  le    -(Mil    (lll    1(111)1-,    cl    (in'll    ;i    NoIiIii    t'.ii|-c    Mil''    (rllMc  (ImI.ic- 

(i(|ii(>  (•ixiiiiic  il  -ciiililc  I  iiiili(|mT  lin  iin^'inc  l(»i'-(|n'il  ('Tcil  d.in-  I  ;i\i-  iiii|iiinic  «mi 
|(M('  lie  et'  recueil    : 

.>  .respère  (pie  je  ne  >er;iis  p;is  (l(''s;ippi()n\ ('•  d'avoii'  voulu  p:u-  ecl  (iiivi-;iL'e 
»  seconder  le-  lunine-  di-po-ilioiis  de-  jeune-  ,i;('n<,  p(tnr  lexpid-  -eiil-  je  I  ;ii 
»  coinpo-(''.  J.ii  jonil  d'wulre-  dessins  de  M.  Iioeiliers  de  (piehpie-  iii(ii'ce;iii\  d  oi-- 
)'  l'èvi'ei'ie  (|u"il  e\('-cule  aciuellenieiil  |M)iir  Moiiseii^nenr  le  haiipliin.  Ileiu'eii\  si 
»  lues  soins  soûl  ai^riM's  e(  peii\enl  coulriluier  a  la  peiTeclidU  de  ceux  <|ni  \('iileiil 
»   embrasser  le  laleul  de  l'ceuNre  de  rorl'evrerie.    » 

Nous  iToserious  dire  (pie  sou  jiouionyuie  l'i-aucois-Tlioiuas  (leniiaiii,  reeii 
luailre  eu  17  ÎS,  date  do  la  publicaliou  des  Kh'nicnts  (Cor/rrrrric  de  Pierre 
deruiaiii,  \  puisa  des  rensoigiiemeuts  utiles,  les  modèles  laiss(''S  pai'  son  jière  lui 
suflisaienl  :  mais  los  o'uvres  eonuiies  de  l^i'aneois-Tliomas  (lermain  oui  nu  lel 
air  de  ramillo,  (pic  l'on  comprcud  la  conrusioii  (jui  s'est  ('laldie  sur  leur  |)arenl(' 
possible. 

Il  est  certain  ([ue  P.  (lermaiu  lit  un  recueil  précieux  pour  les  orfèvres  de  sou 
temps  eonime  aussi  |)oiir  les  maîtres  qui  devaient  venir  après  lui.  Les  orfèvres 
de  nos  jours  IrouvèreiU  dans  cet  ouvrai;e  des  dociimeuls  aullieuli(pies  (pii  leur 
pennii'enl  de  recommencer  à  la  liu  du  dix-neuvième  siècle  une  lloi-iisoii  nouvcdle 
du  style  Louis  XV,  bien  faite  juMir  plaire  à  la  (dientèle  d'amateurs  de  notre  temps 
mis  en  g-oût  par  les  Expositions  rétrospectives.  Nous  donnons  ici  une  série  de 
pièces  d'orfèvrerie  d'église,  d'orfèvrerie  civile  et  de  décor  qui  nous  ont  paru  les 
plus  typiques  parmi  les  cent  planches  de  cet  ouvrage  qui  nous  édifie  si  bien  sur 
le  goût  qui  régnait  vers  1750.  La  rocaille,  on  le  verra,  a  disparu,  et  le  peu  (piil  en 
reste  est  assagi  par  le  temps. 

Parmi  les  œuvres  d'orfèvrerie  d'église  nous  avons  choisi  un  calice,  deux 
burettes  pour  les  évêques  et  deux  encensoirs. 

Puis,  ilans  une  seconde  planche,  nous  avons  réuni  une  lampe  de  sanctuaire, 
deux  calices,  un  ciboire  et  deux  vases  d'autel.  Parmi  les  œuvres  d'orfèvrerie 
civile,  qui  nous  ont  paru  intéressantes  à  reproduire,  nous  avons  choisi  dans  le 
recueil  de  Pierre  Germain,  une  salière  à  deux  usages,  formée  de  deux  coquilles 
accouplées  et  reliées  par  des  rinceaux  (jui  portent  un  écusson,  puis  une  cafetière, 
une  théière  et  un  drageoir  ovale. 

Dans  la  planche  suivante,  deux  flambeaux,  un  seau  à  rafraîchir,  un  huilier  et 
un  bol  d'accouchée:  et,  dans  une  autre,  une  terrine  couronnée  par  un  bouquet 
de  choux-tleurs,  un  pot  à  oille  à  deux  projets  et  une  casserole  ovale  à  anses; 


—  134  — 

enfin,  nn  service  de  toilette  comprenant  l'aiguière  et  la  cuvette,  des  bols  à  savon 
et  à  bijoux. 

Parmi  les  œuvres  d'orfèvrerie  civile,  nous  avons  reproduit  un  sucrier  à  poudrer 
le  sucre,  deux  tlambeaux,  une  soupière,  un  pot  à  oille,  une  saucière  et  une  salière 
à  deux  usages  ainsi  rpiun  seau  à  rafraîchir  et  une  cuvette  et  un  pot  à  eau. 

Paul  Mantz  donne  ce  recueil  comme  la  fleur  du  panier  des  orfèvreries  de  Pierre 
Germain  I  et  comme  le  testament  de  ce  grand  artiste  mort  en  1748,  l'année  même 
où  paraissait  le  recueil  de  Pierre  Germain  II;  une  similitude  de  nom  l'a  induit  en 
erreur  en  lui  faisant  attribuer  à  Pierre  Germain  I  la  paternité  de  cet  ouvrage.  Les 
recherches  de  M.  Germain  Bapst  ont  étaldi  d'une  manière  indiscutable  que  c'était 
bien  l'(euvre  de  P.  Germain  II  dit  le  Uomain.  Si  Paul  Mantz  s'est  trompé  dans  son 
attestation,  en  revanche  il  a  si  bien  délini,  avec  l'élégance  de  style  dont  il  était 
coutumier,  le  caractère  des  (fiuvres  de  cette  époque  que  je  n'hésite  pas  à  dire  avec 
lui  :  «  Lesai'tistes  du  dix-huitième  siècl<>  n'ont  connu  ni  le  style  qui  divinise  les 
»  (euvres  de  riioinme,  ni  le  sentiment  (pii  les  rend  éternelles,  en  leur  prêtant  une 
»  àme  toujours  éloquente,  un  langage  toujours  entendu.  Mais  encore  assez  bien 
))  pai'tagés  dans  leur  disgrâce,  ils  ont  eu  la  fantaisie,  l'élégance  et  par-dessus  tout 
»  res{)rit;  or,  si  l'esprit  est  inutile,  nuisible  même  dans  la  conception  de  l'art  gran- 
»  diose,  il  est  indispensable  dans  la  j)ratique  des  arts  charmants  (jui,  comme  celui 
»  de  l'orfèvrerie,  doivent  autant  à  la  main  de  l'ouvrier  qui  exécute  qu'au  caprice  de 
»  celui  (jui  invente...  Les  formes  que  les  orfèvres  d'alors  donnèrent  à  leurs  pensées 
»  furent-elles  toujours  intelligentes?  C'est  un  point  à  éclaircir  ou  du  moins  à  dis- 
»  enter;  mais  nous  ne  craignons  i)as  d'aflirmer  d'avance  que  grâce  au  parti  pris  de 
»  l'exécution,  à  la  prestesse  de  la  main,  à  cette  légèreté  d'outil  tel  que  le  graveur 
»  Cochin  la  délinissait  avec  un  rare  bon  sens,  dans  une  lecture  qu'il  lit  un  jour  à 
»  l'Académie  Royale  «  sur  la  légèreté  de  l'outil»,  leurs  œuvres  ont  fait  paraître 
»  un  esprit,  une  élégance,  une  richesse  qui  permirent  de  les  placera  côté  de  ce 
»  que  l'orfèvrerie  franc^aise  en  ses  meilleurs  jours  avait  déjà  pu  nous  montrer  (I).  » 

Dans  cette  énumération  sommaire  des  orfèvres  de  la  première  moitié  du  dix- 
huitième  siècle  ne  figurent  pas  les  bijoutiers  et  les  joailliers.  Ceux-ci  pourtant  ne 
formaient  pas  une  classe  spéciale,  ils  étaient  compris  parmi  les  300  maîtres  de  la 
corporation.  Les  statuts  n'établissent  entre  eux  aucune  distinction,  et  s'appliquent 
à  la  fois  à  ceux-ci  et  à  ceux-là.  Si  les  orfèvres  ne  s'adonnaient  pas  tous  à  la  joail- 
lerie, du  moins  on  ne  pouvait  être  joaillier  qu'à  la  condition  d'avoir  le  brevet  d'or- 
fèvre. La  force  des  choses,  toutefois,  tendait  de  plus  en  plus  à  diviser  la  profession 
en  ces  deux  branches. 


(1)  Paul    .Manlz,   Recherches  sitr   l'orfèvrerie   française,   publiées  dans  l;i  Gazette  des  Beaux-Arts  (t.  XI, 
page  HO;. 


hfx  |;i  lui  (In  icL'iic  (II'  I.IIIII--  \l\  ,  1,1  iikhIc  ;i\;iil  l'.iil  ^iir;_'ir  (|ii;iiil  ili-  d  uUjrls 
(le  liiilcllc,  lie  iiii'iiii->  .icci's^oin's,  de  I  r(  Misses,  de  m'ccssairc^,  <\r  l.ilt.'ilicfos, 
(!,'  liMiilHijiiiicfcs,  clc,  i|ui  (Idiiii.iiciil  lieu  ;i  de  \  ('ril  .il  des  s|)(''ci;ilil  ('s.  IVnini  les 
ciil  cuiiilics  di'  ces  |iili(d(ds  di\c|s,  il  cil  csl  lllic,  cidjc  des  lioilcs,  ijnj  se  r;il|;i(dlf' 
li'dp  cl  niilriiiciil  ;iii  Iim\;iiI  i\i-  IdiTcN  rciic  |(ri)|irciiiciil  dili-,  |t(»Hr  ipic  iioiis  ii  en 
IdlK  liliHls  |i,|s  ici  i|iHdi|ll('s  iihds,  d  .iiil.iiil  |dlls  ijiic  ri'!\|(()>il  ioM  fcillciiiijilc  (j|| 
a\;ul    l'ciiiii   une  cclIrclKui   iiii{i(  n'hiiile  cl    d  un   réel    inlerrl. 

I.'li.iliiludc  de  |iriscr,  (|ui  se  d(''\('l()p|>.i  ;i  l;i  lin  du  rr^^iie  de  Louis  \IV,  di'lcr- 
inin;i  r.ipiilciiicnl  le  ^oùl  des  helirs  liihalirrcs  ;  il  s'ajouta  a  celui  des  |)(dil('s  hoii- 
lionnicics  dr  pm  lie,  cl  des  lioilcs  de  Ions  genres  (|u"on   vil   bicnlôl  s(;  iriiilli|tlif'r. 

Mais  Louis  \l\  n  aiinail  pas  Iclabac;  aussi,  n'a-l-il  jamais  doniu'' «je  lahalirrcs; 
niais  ce  (|ii'il  a  dislrilnn''  de  hoiles  à  |)orlrails  es!  considi'TaJile.  Lilan,  le  joaillief 
du  roi,  l'ut  le  premier  (pii  lit  |h»iu'  Louis  \I\'  ces  liixiienses  hoilcs  (diarf^(''es  d<'  lii'il- 
lanls  scmes  lialiilenuMil  aiiloui'  du  royal  |iorlrai(.  A  sa  mort,  en  1076,  Pierre  le 
Tessiei-  de  Montarsy  lui  succéda  comme  joaillier  de  la  Couronne,  et,  jns(ju'en  1714, 
resia  (diariîé  de  la  fourniture  des  «  Pai'ures  du  Roi  »  (joyaux  et  boîtes  à  portraits; 
olVerls  en  présents  par  Sa  Majesté  aux   divers  membres  du  Corps  diplomatique. 

Pour  ne  |)as  être  pris  au  dépourvu,  Montarsy  devait  alimenter  sans  cesse 
le  l'cMids  des  pi'ésents,  sage  mesure  que  sa  grande  fortuin^  lui  permettait  de 
prendre.  Au  P'  janvier  1096,  Pinventaire  des  bijoux  non  em[)loyés  restant  en 
dépcM  mentionna  (piai-ante-deux  boites  à  portraits  coûtant  314  250  livres  (1  j. 

Philippe  d'Orléans,  le  Kégent,  lut  un  des  premiers  à  en  former  une  collection 
((ui  devint  extrêmement  précieuse.  Il  en  possédait,  entre  autres,  une  série  de 
boîtes  ([ui  ('taient  ornées  à  l'intérieur  de  sujets  grivois  peints  par  Klingstel,  ({u'il 
s'était  attaché  et  qu'on  surnommait  le  «  Raphaël  des  tabatières  ».  Bientôt  la 
mode  vint  de  placer  des  portraits  sur  le  couvercle  :  c'est  le  fermier  général  la 
Popelinière  qui,  dit-on,  eut  l'idée  de  cette  innovation,  laquelle  fit  bientôt  fureur. 
Les  tabatières  à  portraits  devinrent  une  des  folies  du  dix- huitième  siècle.  A  partir 
de  l'année  17:25,  c'est  le  cadeau  par  excellence  qu'on  olîre  en  toute  occasion; 
c'est  l'objet  d'art  exquis  pour  lequel  on  invente  tous  les  raftlnements  du  luxe, 
toutes  les  délicatesses  ingénieuses  de  l'ornementation  la  plus  rare.  Comme  le  dit 
fort  bien  Paul  Mantz  :  «  Les  bonbonnières  et  les  tabatières  furent  pendant  cette 
épo({ue  le  luxe  suprême.  On  faisait  collection  de  ces  menus  ouvrages  du  caprice, 
comme  on  recherchait  les  tableaux  ou  les  médailles  (2).  »  En  1723,  tandis  que  le 
maître  orfèvre  /.  Bourguet  publiait  des  modèles  de  tabatières  de  toutes  sortes, 
le  bijoutier  Devais  exécutait  de  ces  jolies  boîtes  en  perfection,  variant  leurs  formes 
à  l'intini,  les  décorant  d'ornements  et  de  sujets  exécutés  en  «  piqué  »,  en  «  coulé  », 


[i)  Le  Livre  di's  Collectionneurs,  par  Mazé-Seucier  :  les  Boîtes  à  portraits,  page  161. 

(2)  Paul  .Mantz,  Recherches  sur  l'orfèvrerie  française,  Gazette  des  Beaux-Arts,  t.  XIX,  page  44o. 


—  136  — 

en  «  incrusté  »,  ou  en  «  brodé  d'or  ».  Bientôt  on  ne  se  contenta  plus  de  la  richesse 
de  la  matière,  des  décors  gravés,  des  miniatures,  des  colorations  qui  nuançaient 
Tor  et  l'argent  :  on  décora  ces  boites  d'émaux  qui  achevèrent  de  leur  donner  un 
aspect  infiniment  précieux.  Le  joaillier  Ronde  [l),  les  bijoutiers  Jca?i  Moynat,  Jean 
Georges  (qui  donna  son  nom  aux  merveilleuses  boîtes  de  sa  fabrication  appelées 
des  georgettes),  P.-J.  Bollamjé,  Coini/,  Garand,  Ai/g.  Laterrr,  Safjeret,  Drais, 
Hci'bault,  Roucel,  Tiron  de  Nanteuil,  de  la  Fresnaye,  L.-F.  Taimay^  Solk\  Ditcrol- 
lay^  Goiiers,  etc.,  etc.,  livrèrent  à  la  Cour  et  à  la  ville,  de  1740  à  1785,  des  mil- 
liers de  boites  d'orou  d'argent,  chefs-d'œuvre  de  goût  et  d'aimable  fantaisie,  qu'ils 
signaient  souvent  sur  la  gorge  finement  ciselée,  comme  un  peintre  signe  un  tableau. 
Les  bijoutiers  Hamelin  et  Maillé  se  signalèrent,  en  1754,  par  les  peintures  en  ('mail 
dont  ils  les  ornaienl.  Leurs  confrères  Drais  et  Sngcrct  ne  se  laissèrent  pas  dis- 
tancer. Je  ne  parle  pas  des  miniaturistes,  tels  que  Massé,  puis  Lebrun.,  Welper, 
Stcardi  et  tant  d'autres  (2),  ni  des  artistes  qui  comme  Van  Rlaremheryhe  décoraient 
les  boîtes  de  gouaches  qui  soj]t  aujourd'hui  sans  prix.  Il  faudrait  un  volume  rien 
que  pour  esquisser  l'histoire  des  tabatières  et  indiquer  la  technique  si  extra- 
ordinaire, si  minutieuse  de  ces  menues  merveilles  d'orfèvrerie.  L'usage  se  déve- 
loppa si  vite  et  si  bien  de  les  distribuer  en  cadeaux  à  tous  propos,  que  le  roi 
Louis  XV  en  fit,  durant  son  règne,  une  consommation  prodigieuse.  Pour  avoir  une 
idée  de  sa  prodigalité  à  cet  égard,  et  du  rôle  (|ue  jouèrent  alors  les  tabatières,  il 
faut  parcourir  les  comptes  du  service  des  Menus  plaisirs  conservés  aux  Archives 
nationales  (3),  ou  les  soixante  volumes  in-folio  consacrés  à  la  commande  des  «  Pré- 
sents dij)lomatiques  »  qui  se  trouvent  au  Ministère  des  Afffiires  étrangères  (4)  :  on 
y  voit  à  quels  j)rix  élevés  montaient  parfois  ces  petites  boîtes  enrichies  de  dia- 
mants, et  ornées  le  plus  souvent  du  portrait  royal.  La  plus  coûteuse  fut  celle  qui 
fut  donnée  en  1720  au  marquis  de  Scotti,  envoyé  à  Parme  pour  récompenser  on 
ne  sait  quel  mystérieux  service.  Elle  était  ornée  d'un  portrait  du  roi  par  Massé, 
de  quarante-deux  brillants  et  de  quinze  diamants;  elle  ne  coûta  pas  moins  de 
129852  livres.  Ce  prix  n'est-il  pas  fabuleux?  En  1762,  le  roi  en  offrit  une  au  comte 
de  Viri,  ambassadeur  de  Sardaigne,  qui  sortait  des  ateliers  de  l'orfèvre  Jacquemin, 
et  qui  atteignait  56  258  livres.  Les  plus  modestes,  celles  qu'on  donnait  aux  sei- 
gneurs de  moindre  importance,  à  un  courtisan,  à  un  comédien,  à  un  poète,  à  titre 


(1)  Ronde  fut  reçu  maîU'e  orfèvre  du  roi  et  domicilié  au  Louvre  le  4  jaiivifr  n.'îl.  Il  mourut  fu  ll.'iT. 
Il  faisait  des  aflairés  considérables  avec  la  Cour.  C'est  lui  qui  transforma  la  joaillerie  et  lui  donna  celte 
légèreté  qu'on  admire. 

Voir  Germain  Bapst  :  Invenlnire  de  Marie-Josèplie  de  Saxe,  page  lOfi. 

(2)  Vers  1715,  les  miniaturistes  les  plus  connus  pour  les  boîtes  à  portraits  furent  Bourdin.  Duvigeon, 
Melle  Brison,  Château  de  la  Bolssière.  Puis,  après  Massé,  et  à  côté  de  Lebrun,  le  plus  fécond  des  portrai- 
tisles,  vinrent,  de  1730  à  1770;  Vincent,  Penel.  Louis  Charlier,  Prévost,  Cnzaubon,  R.  Bachi,  V.  di'  .Mont- 
petit,  .Musson,  et  les  habiles  peintres  en  émail,  Liotard,  Bouquet,  Durand  et  Bourgoinz.  Sous  Louis  XVI, 
les  petits-maîtres  qui  ont  le  plusrépété  le  portrait  du  roi  sont  :  Welperet  Sicardi.  — Lemeillein'  miniatu- 
riste alors  était  Hall    (voir  .Maze-Sencier,  Le  Livre  des  Coileclhimeurs,  page  IGl). 

(3)  Archives  nationales,  0.  2  985  et  suiv. 

(4)  Voir  Maze-Sencier,  qui  a  donné  un  résumé  de  ces  commandes  de  présents  diplomatiques  dans  son 
ouvrage  cité  ci-dessus,  pages  1G3-184. 


Hoitcs  à  portraits. 

Louis  XIV.  —  Le  Grand  Dauphin.  — ^Louis  W.  —  Le  cardinal  de  IJicliolicu. 

{Collections  Doisdui.  licrnard  Friinch  cl  l-'ilz-I[cnrii.' 


ÇMity  viji»^,  ,t^ .  ^ 


lli'l 


{Collection  Doistau  cl  G.  Jioin.] 


141 


9 


Etuis,  montres  et  canuts. 
{Collection    G  eorij  c  s   Boin  .) 


I 


mMx 


Xocesî-aiiv.  oliiis  e(   iiavollcs. 
Collecliou    a.    lioiii    cl    Duisluti.) 


—  li.*»  — 

lie  iM'iiiiTciciiiciil"^  (III  (rriiriMira^riiiciil ,  \;il;iiciil  <lr  I  SOO  ;i  (iOOO  li\ri'^.  |{r;imi>ii|) 
(raiili-i's  iiiniilaiciil  .1  21)1X11)  cl  ;;()III)U  liMcs.  (ri'Iairiil  IcN  |.lii^  licllc-,  crllcs  (|iic 
|■t•ll;lll•^>^al('lll  I Celai  ilcs  [mci  it^  |ir(''ci('iiscs.  Mlles  (•jaieiil  ediiraiiiiiieiil  ollerlrs  aux 
iiiiiiisires  |i|ciii|Mi|eiiliaireN,  sdil  iiiiiU  \iiis-.,'iit  a  l:i  ('.oiir,  ili;ii-;-'e-  ile  <|iic|(iiie  iiiis- 
■sioii  e\ee|ili(iiiiielle,  sdil  (  |ii  lU  |  uissciil  hnil  Niiii|ileiiieiil  e(tii,:.'e  |iiiiir  reloiiriier  dans 
leur  |';i\s.  I'resi|iic  loiijdiiis  le  poilrail  du  rot  elail  \',\\\  |i;ii'  Leliriiii.  A  hi  eoiir  de 
IVaiiee,  e'elail  deseilll  une  iiiesiire  lelleiilelll  lialtilllelle  (|iie  ces  lioih's  oUrrlcs  cil 
cadeau  ;iu\  auihassadeiirs,  iiu'il  an'i\ail  IVc(|iieiiiiiieiil  ;i  ces  dcniicrs  de  ne  jtas  se 
:;ciicr  jMiiii'  les  ecliaiiLier  iiuiiMMlialenicid  c(uilic  de  Itcaiix  ('eus  soiiiiaiil's  c|ic/.  I  ur- 


Boîte  en  joaillerie. 
{Albiiin  (lu  Musée  des  Arts  ilécoralifs.) 


fèvre  qui  lmi  était  k'  fournisseur.  C'est  ainsi  que  le  bijoutier  Solle,  un  spécialiste 
renommé  pour  ces  sortes  de  travaux,  reprit  jusqu'à  trois  fois  au  comte  de  Yiri, 
l'ambassadeur  de  Sardaigne,  moyennant  la  somme  de  25000  livres  chaque  fois, 
une  superbe  boite  enrichie  de  diamants  que  le  roi,  en  1775,  avait  payée  29340  livres 
pour  l'offrir  à  ce  personnage  et  qui,  rachetée  au  même  prix  à  Solle  par  le  service 
des  Menus,  lui  était  de  nouveau  attribuée  en  présent.  Ne  voilà-t-il  pas  un  trait  bien 
signitlcatif  des  mœurs  du  temps,  et  n'est-ce  pas  une  preuve  de  suprême  élégance 
de  la  part  de  celui  qui  donne,  que  cette  façon  d'avoir  l'air  d'ignorer  que  le  cadeau, 
déguisé  sous  la  forme  délicate  d'un  i»ortrait  peint  sur  une  boîte,  va  être  converti 
brutalement  en  espèces  trébuchantes? 

Le  Musée  centennal  avait  réuni  la  fleur  des  collections  parisiennes. 
MM.  Georges  Boix,  Doistau,  Bernard  Fhanck  et  Chappey  avaient  confié  à  ses 
organisateurs  le  soin  de  mettre  en  lumière  ces  mille  objets  inutiles,  mais  char- 


—  Ii6  — 

mants,  dont  la  composition  spirituelle  et  l'exécution  précieuse  avaient  stimulé  le 
goût  et  montré  l'habileté  des  orfèvres  du  dix-huitième  siècle. 

Le  Musée  de  l'Orfèvrerie  ne  fut  pas  le  seul  où  furent  exposées  ces  merveilles. 
Chappey  en  avait  confié  aux  Classes  de  l'Horlogerie  et  de  la  Parfumerie,  un 
îombre  considérable.  «  A  côté  des  porcelaines  rares,  on  y  trouvait  toute  une 
série  de  boîtes  et  d'étuis  en  or  et  émail,  des  montres  aux  boîtiers  délicieu- 
sement décorés,  une  collection  unique  de  ces  bibelots  précieux,  dans  le 
métal  desquels  la  sentimentalité  du  dix-huitième  siècle  s'était  imprimée  à 
l'aide  de  devises,  aveux  et  serments,  rébus  mystérieux  ou  franchises  in- 
génues, promesses  qui  ne  furent  peut-être  pas  tenues,  souvenirs  qui  ne  furent 
peut-être  pas  gardés,  toute  la  psychologie  d'un  siècle  en  breloques,  toute 
l'âme  d'une  société  livrée  dans  un  sourire,  comme  en  se  jouant,  de  peur  d'y 
laisser  deviner  de  vraies  larmes  dérobées  et  de  vraies  tristesses  sincères. 
Chappey  n'avait  prêté  tant  de  merveilles  que  pour  inciter  le  public  à  les 
comprendre  et  à  les  aimer,  que  pour  forcer  le  goût  de  ses  contcmjiorains  à 
s'y  retremper  (1). 

La  mode  avait  duré  longtemps,  et  pendant  plus  d'un  siècle,  depuis  la  boîte  h 
portraits  et  la  tabatière  données  en  présents  par  les  souverains,  jusqu'aux  menus 
objets  qu'on  trouvait  dans  tous  les  boudoirs  et  dans  toutes  les  mains ,  depuis 
les  flacons  et  les  étuis  que  les  coijuettes  avaient  sur  leur  table,  les  crochets,  les 
châtelaines  et  les  montres  qu'elles  suspendaient  à  leur  ceinture,  jusqu'aux  boîtes 
à  poudre  et  à  mouche  qui  décoraient  leur  toilette;  tous  ces  menus  objets  avaient 
fourni  aux  artistes  l'occasion  de  créer  d'inimitables  merveilles. 

Le  souvenir  de  ces  admirables  collections  méritait  d'être  conservé,  et  nous 
avons  reproduit  dans  quatre  planches  hors  texte  les  pièces  les  plus  intéressantes, 
parmi  celles  que  nous  avons  pu  retrouver  encore.  Car,  il  faut  bien  le  dire,  ces 
témoins  de  nos  arts  précieux  ont  passé  à  l'étranger,  et  les  ventes  qu'en  ont  faites 
les  heureux  possesseurs  d'un  jour  nous  ont  enlevé  la  joie  de  les  contempler 
encore. 

Le  Musée  des  Arts  décoratifs  avait  prêté  au  Centennal  un  document  d'une 
insigne  rareté.  C'était  un  recueil,  en  forme  d'album,  des  compositions  qui  avaient 
servi  à  l'exécution  de  ces  œuvres  charmantes.  Il  devait  appartenir  à  quelque 
orfèvre  en  renom  de  l'époque,  qui  collectionnait,  au  fur  et  à  mesure  de  leur  exé- 
cution, les  dessins  ou  les  esquisses  des  boîtes  qu'il  fabriquait. 

Tous  ces  dessins  ne  sont  pas  de  la  même  main;  le  graveur  avait  donné  un 
détail  exact  de  son  œuvre  ;  le  bijoutier  ou  le  joaiUier  laissait  apercevoir  la 
difficulté  de  ses  recherches,  par  l'indécision  de  l'esquisse;  le  ciseleur  pré- 
cisait avec  netteté,  dans   des  croquis   spirituels,    des  scènes   champêtres,  des 

(1)  Préface  du  catalogue  de  vente  de  la  Collection  Chappey,  après  son  décès,  par  Roger  Miles. 


147 


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Biiitcs  en  or  ciselé.  Scènes  villageoises. 
[Album   du   Musée    des   Arts   décora  l  i  fs.  ) 


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Boites  en  or  ciselé.  Scènes  militaires. 
' Aihum  du  Musée  des  Arls  décoralifs.) 


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snjcls  il<-  filasse  (.11  ilc  ,- iicnf  ;  les  ('•iiiaillciirs  on  les  |.riiilrcs  iT|tn''sciilaniit  des 
scriics  ::alaiil('S  fclc\ccs  de  (|iicl(iiii's  loiiilics  d  a(|iiaii'llf.  Mais  loiis  xuil  inlc- 
rt'ssaiils    cl    nous   iniliciil   aii\    iaHimMiiciil  s    |in'(irii\    de   larl    de   ces   oricsrcs. 

halls  !(■->  ccill  cllKlUailIr  dessins  réunis  ilails  cel  alliillil,  s(,i|e  de  relÏTeiiee 
d'un  alelier  eu  \o-iie,  iioiis  ,i\(iiis  (  lidisi,  |i(>iir  les  re|ir(idiiirc  ici,  «-fiix  '|iii  nous 
(Mil    paru   Ifs   plus    di;^iies    d  èlre    f(iilser\es. 


^.,     .,  .    ..    •  ^.  .  'la 

^f<sV      .    "     --    -'-.'       '     ■-        ^'    -■'■-'     •  ^ 


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Dessin  de  boile. 
{Album  du  Musée  des  Arts  décoratifs.) 


(.lailoiulu-  pai'  lîalnl,  rxiTiiU'  |)(iui'  le  luaria^i'  ilu  Daupliiii     \'^'{H). 


CHAPITRE   CINQUIEME 


Apoiii'M'  (le  roi'iV'vi'tM'ii»  <lu  style  Louis  \\  .  —  Chcfs-d'cpuvre  oxposos 
an  xMusoo  eoiitcMinal.  —  Les  orfèvres  Fraiirois-Thoinas  Germain 
et  Jaeciues  Roëtliei's. 


EPRENONS  au  point  où  nous  l'avons  laissé,  c'est-à-dire 
entre  les  aimées  1750  à  1700,  l'histoire  de  l'orfèvrerie 
durant  le  dix-huitième  siècle.  A  ce  moment,  on  a  défi- 
nitivement renoncé,  sinon  à  la  rocaille,  du  moins  à  ses 
exagérations.  C'est  l'époque  triomphale  de  l'orfèvrerie. 
Pour  ma  part,  c'est  aux  chefs-d'œuvre  de  cette  période 
([ue  j'accorde  ma  plus  complète  admiration.  Sans  doute, 
ce  n'est  pUis  l'art  de  la  Renaissance  et  du  dix-septième  siècle  dérivé  de  l'archi- 
tecture, esclave  de  la  ligne  correcte,  et  tirant  de  celle-ci  toute  sa  signification 
expressive.  Mais  rargenlcrie  du  beau  temps  de  Louis  XV,  tout  imprégnée  qu'elle 
paraisse  d'un  esprit  révolutionnaire,  devait  paraître  aux  contemporains  au  moins 


—   134  — 

aussi  étrange  que  celle  qui,  à  notre  époque,  a  été  qualifiée  (ïm-t  nouveau.  Au  dix- 
huitième  siècle  au  moins  l'orfèvrerie  était  restée  élégante,  et,  si  elle  nous  charme 
encore  par  son  originalité,  c'est  qu'elle  avait  été  conçue  et  exécutée  par  de  véri- 
tables orfèvres,  soucieux  de  maintenir  les  traditions  de  leur  art.  Totalement 
diflérente  de  ce  qu'elle  avait  été,  même  aux  plus  brillantes  phases  de  son  histoire, 
elle  n'en  est  pas  moins  une  des  plus  parfaites  qui  ait  jamais  existé,  et  cela  pour 
plusieurs  motifs.  Le  principal,  celui  auquel  sera  toujours  particulièrement  sen- 
sible un  homme  de  métier,  c'est  qu'à  aucun  moment  ne  fut  mieux  respectée  cette 
règle,  qui  est  une  des  bases  de  l'esthétique  applicable  à  toutes  les  industries, 
et  en  vertu  de  laquelle  une  forme  décorative  est  essentiellement  dépendante  de 
la  matière  dans  laquelle  elle  est  traduite.  Or,  au  dix-huitième  siècle,  l'orfèvrerie 
a  eu  ce  mérite  de  tirer  du  métal,  par  les  moyens  les  plus  simples  et  avec  une 
hal)ileté  supérieure,  tous  les  ettets  dont  celui-ci  est  susceptil)le,  et  de  ne  lui 
demander  que  ceux-là  seuls  qu'il  pouvait  rendre.  Etant  donné  que  le  procédé 
employé,  celui  de  la  rctreinte  au  marteau  sur  l'enclume  ou  la  bigorne,  et  du 
repoussé  à  la  rccingle  et  au  ciselet,  constitue  à  [icu  près  son  unique  moyen 
d'action,  c'est  une  joie  autant  \n)\\v  l'honnne  de  goût  (|ue  j)our  riiomine  de  métier 
de  coustater  avec  quelle  adresse  il  en  use,  comme  il  sait  assouplir  la  plaque 
d'argent,  la  plier  aux  formes  qu'il  lui  plaît,  trouver  les  ornements  qui  conviennent 
le  mieux,  tiintot  en  ménageant  des  surfaces  lisses  sur  lesquelles  resplendit  à 
l'aise  et  frissonne  la  lumière,  tantôt  en  faisant  saillir  des  godrons  délicats  ou 
puissants  qui  opposent  des  ombres  alternatives  aux  clartés  rutilantes  des  reliefs. 
Toute  matière  a  son  langage  propre,  son  caractère  expressif,  ses  qualités  spéci- 
fiques qui  lui  confèrent  une  beauté  intrinsèque.  L'argent  possède  une  éloquence 
spéciale  qu'il  faut  savoir  faire  jaillir,  et  qui  porte  en  lui  des  secrets  qu'il  ne  livre 
qu'à  la  condition  qu'on  les  lui  arrache.  Sa  blancheur  lui  donne  une  certaine  appa- 
rence de  mollesse,  un  aspect  froid  et  comme  pudique.  Mais  que  le  marteau  vienne 
frapper  adroitement  et  modeler  à  petits  coups  la  plaque  de  métal,  vous  voyez 
cette  pâleur  s'animer  et  palpiter,  l'épiderme  d'abord  presque  incolore  s'affermir 
et  vibrer,  une  vie  intense  et  nerveuse  surgir  de  la  torpeur  glacée.  Ce  sont  les 
caresses  de  la  lumière  qui  opèrent  le  prodige,  les  molécules  de  l'argent,  rendues 
plus  denses  et  plus  serrées  par  l'action  de  l'outil,  doivent  offrir  des  parties  tour 
à  tour  planes,  aiguës  ou  arrondies,  des  repos  et  des  mouvements,  des  coins 
d'ombre  et  le  mystère,  propices  aux  effets  des  rayons  lumineux  qu'il  s'agit  de  pro- 
voquer. Forcer  le  métal  à  frémir  sous  les  caresses  du  ciselet  ou  la  morsure  du 
burin,  favoriser  par  des  pleins  et  des  vides,  par  des  reliefs  accentués  ou  des  unis 
adoucis,  habilement  variés  et  maniés,  les  rencontres,  les  chocs  ou  les  moelleux 
enlacements  de  la  lumière,  voilà,  en  définitive,  le  grand  secret,  \v.  but  du  travail  de 
l'orfèvre.  Eh  bien,  il  est  certain  que  jamais  l'art  n'a  fait  mieux  parler  l'argent  qu'au 
dix-huitième  siècle;  jamais  il  ne  lui  a  fait  dire  avec  plus  de  charme,  de  vivacité 


—  155    - 

cl  ^^(•>^|l|•il ,  ilt'>  ctdilidt'iU't's  à  cf  I  loi  lit  >;i\(»iii'('iis('>>  cl  |iii|ii;iiilis  ;  jam.iiv  |r  niilii'i-, 
|ir()|ii('iiii'iil  (lil.  Il  ;it'.'iiiii|ilil  ;i\t'c  iiiii'  |(;iicill<'  \irliiu-s||i'  cl  iiin'  •-i  ii.irl.iilc  iiilrlli 
^(■iicc  (le  sfs  it'ssdiirccs,  ilf^  loiiis  de  lurcf  |)lii->  cxl  i-iHtidiiiiiircN  (|ii('  dans  cL'tli;  oiio 
\  rciif  (Miiliilcii^c,  (•ai('>>aiil('.  hMiiiiiciilcc,  capricieuse,  cl  (Ic-licieiiseiiieiit  oi'igiiiale. 
I,cv  Cl)llcclll)ll•^  du  MiiM'c  ceiilciiiial  c(iiii|»reiiaii'iil  iiii  certain  iioiiibrc  de  pièces 
e\trèiiieiiieiit  i'eiiiai(pial  îles  de  celte  peiiude  nii  j'orlcv  rerie  al  lei;jiiil  --oii  ap();-'(3L'. 
An  premier  raii,::,  il  laiit  ^ii^iialer  ladiiiiralile  ai;:iiièn*,  a|»|)arleiiaiil  a  M.  lîoiii- 
Taluircl,  el  ipii  ptiile  en  lonle--  lettres,  sons  la  cn\ette,  je  iioiii  dn  iiiaitre  (»iTe\re 


Aiguière  et  sa  cuvetle,  orrùvrcrie  du  roi  de  Portugal,  par  Franviii^-Tlioiiias  Germain. 
iColleclion  de  M<»«  Bunil.) 


à  qui  on  eu  est  redevable  :  Franrois-Thonias  Germain ,  orfrvre  du  Roi.  Elle  est  aux 
armes  du  roi  de  Portugal  et  faisait  partie  du  très  important  service  commandé  par 
ce  prince  à  Thomas  Germain,  puis  achevé  par  le  fds  de  celui-ci,  François-Thomas, 
lequel,  en  175:2,  très  justement  fier  de  son  travail,  ne  voulut  pas  le  faire  sortir 
de  France  avant  de  l'avoir  montré  à  Louis  XV  et  à  la  reine  Marie  Leckzinska, 
qui  en  furent  émerveillés. 

A  cette  date,  le  service  formait  vingt-cin<j  pièces,  toutes  fort  coûteuses^ 
puisque  la  façon  seule  comportait,  au  dire  du  duc  de  Luynes,  plus  de  20000  livres. 
Il  y  avait  des  morceaux  de  toute  beauté. 

Rien  que  pour  lapothicairerie  du  roi,  Germain  avait  exécuté  une  cuvette  et  un 
coquemard  dont  la  panse  était  formée  par  une  figure  d'Esculape  coilTée  d'un 
bonnet  qui  faisait  le  couvercle. 

9 


^   1o6  — 

On  admira  notamment  les  quatre  légumiers  exécutés  sur  deux  modèles  à  peu 
près  semblables  et  qui  ne  variaient  que  par  les  figures  servant  de  conronnement 
aux  couvercles.  L'un  d'eux  représentait  un  Amour  avec  un  chien,  et  l'autre  un 
Amour  avec  deux  colombes.  Le  couvercle  était  orné  de  cannelures  se  terminant 
par  une  rocaille,  la  bordure  en  baguettes  réunies  à  des  intervalles  réguliers  par 
des  feuilles  d'acanthe;  aux  deux  extrémités,  des  faunes  agitant  des  banderoles 
formaient  les  anses. 

Fr. -Thomas  Germain  a  travaillé  de  longues  années  pour  compléter  ce 
service,  puisqu'on  le  voit,  en  17()6,  livrer  encore  un  miroir  à  la  princesse  de 
Portugal  (1). 


Siicrioi-  cl    saliéiv^s. 
[Collections  (le  M'"^   liiirat  et  <l:-  M.  Doisinii.) 

Par  quel  heureux  hasard  le  fin  connaisseur  qu'est  M.  Boin  est-il  deveiui  pos- 
sesseur de  l'aiguière  exposée  en  1900,  et  comment  une  pièce  aussi  précieuse 
a-t-clle  pu  sortir  du  trésor  de  la  Cour  de  Portugal,  où  se  trouve  encore  l'ensemble 
du  service  de  Fr.-Thomas  Germain  (2),  et  revenir  en  France? 

Le  hasard  peut  quelquefois  s'appeler  la  Providence,  et  le  fait  mérite  d'être 
rappelé.  L'empereur  du  Brésil,  don  Pedro,  qui  appartenait  à  la  famille  de  Bra- 


(1)  Genuaiii  Bapst,  les  Germain,  orfèvres  et  sculpteurs  du  Roi,  page  140. 

(-2)  Germain  Bapst,  les  Germain,  orfèvres  du  roi/,  et  l'Orfèvrerie  a  la  Cour  de  Portugal.  Plaqiicltc  éilitt''f 
par  la  Société  de  Propagation  des  livres  dart. 


i;)7  — 

;^;ilirc,  ;i\;iil  ciiiimiiIc  iliiii->  -^;i  ikhincIIc  |(,iIiic  iiii  cril  ;iiii  iMuiilur  ilc  picccs  de 
cfllc  ;i(liiiii;i|p|c  (iffcN  iTi'ic  ;  Inr^inic,  ;i|U('n  lii  i'c\  nliil  mu  i|iii  l'iiMul  rlinsM-  i|(; 
SCS  l'',t;iK,  il  t'I.iil  iciilrc  r\\  r,iini|M',  il  ;i\;iil  i;i|i|i(iil('  ;i\(c  lui  snii  ;ir;jrMl<Tic. 
Il  MMiliil  s'en  ilcr.iiic  cl  ili;ii\i;c;i  un  de  ses  l'aiiiilicrs  (rcii  (t|)(''rcr  la  \ciih', 
Mallii'urcii^ruiciil ,  il  v'ai|rc-,s;i  uial,  cl  joules  les  belles  orlex  reries  de  (ieriuaiii, 
(|u  il  a\ail  cdiisciN  ecs  |iiiur  s;i  p.n'l  il  lierila^^c,  l'iireiil  \eii(liies  |i()iir  la  loiile. 
l/ai,;^iiiere,  i|ui  a\ail  eli-  rt''ser\  ('e,  lui  |»i(''^eii((''e  a  M.  Hdiu  i|iii  laeliela,  mui 
pour  sa  \aleur  ml  iiiise(|iie,  lllai^  |iour  s.i  valeur  d  arl  ;  el  doii  l*e(|ro  ra\i,  mais 
(•oiiliis,  jura,  iiiai^  ini   peu  lard,  ipiOii  ne  I  v  prendrail  plus. 


Tliéiérc  Louis  XV. 
'Colleclion    de   ,1/""=    Iiiir:it. 


Le  hasard  avail  donc  bien  fait  les  choses;  grâce  à  lui...  et  à  M.  Boin,  nous 
avons  pu  voir  au  Muscc  centennal  un  des  plus  admirables  spécimens  de  cette 
orfèvrerie  radieuse,  dont  j'essayais  tout  à  l'heure  de  définir  le  caractère.  Tout  y 
est  harmonie  parfaite  des  i)ro|)ortions.  ampleur  des  formes,  à  la  fois  gracieuses  et 
vigoureusement  accusées,  appropriation  merveilleusement  juste  du  décor  qui  est 
d'une  élégance  exquise,  et  dune  exécution  étourdissante.  Plus  on  examine  celte 
œuvre,  et  plus  on  reste  confondu  de  ce  qu'elle  révèle  d'art  accompli,  de  goût 
rare  et  de  souveraine  perfection. 

La  collection  de  M'"*"  Burat  montrait  aussi  quelques  pièces  de  cette  brillante 
période  où  rornementation  rocaille,  de  plus  en  plus  atténuée,  fait  place  à  des 
lignes  de  moins  en  moins  torsionnées. 

Parmi  les  pièces  les  plus  intéressantes  qui  faisaient  partie  de  cette  collection 
incomparable,  dont  l'heureux  propriétaire  avait  bien  voulu  se  séparer  à  la  grande 
joie  des  connaisseurs,  nous  citerons  une  théière  {pa(/e  15"),  qui  est  un  beau  spé- 


—  158  — 

cimeii  de  cette  époque;  décorée  au  moyen  de  la  ciselure  repoussée,  de  canne- 
lures en  spirales  fines  et  souples  encadi*ant  le  motif  centi-al  l'ait  de  roseaux  en 
relief,  avec  son  allure  légèrement  trapue,  son  bec  à  tète  de  jeune  canard  si  fine- 
ment l'eiidu,  ses  anses  alfermies  et  bien  en  main,  elle  peut  être  considérée  en  sa 
simplicité  comme  une  véritable  merveille  de  goût  et  d'esprit;  c'est  l'une  des 
pièces  les  plus  typiques  de  la  belle  orfèvrerie  Louis  XY,  jjarmi  celles  que 
montrait  le  Musée  centennal.  Je  signalerai  encore  les  deux  safières  doubles, 
en  vermeil  [pugo  156),  d'une  construction  ferme  et  pure,  qui  l'appelle  le  style  de 
Thomas  Germain,  ainsi  cpie  le  confilurier,  égalenicnl  en  vermeil,  d'une  époque 


Soupière  et  son  plateau,  sL\le  Louis  W 
[Miiai'c  ((.'nlcnnul .  > 


peut-être  un  peu  postérieure,  (|ui,  avec  son  décor  de  feuilles  de  vigne  et  de 
grappes  de  raisin  jouant  sur  le  cristal  coloré,  avec  son  couvercle  si  mignon  que 
surmonte  un  fruit  adorablement  ciselé,  est  un  exemple  achevé,  et  un  type  de  la 
meilleure  orfèvrerie  de  la  fin  de  Louis  X.V.  Puis  une  soupière  d'une  forme  simple 
et  trapue  [parje  158).  Le  corps  richement  décoré  avec  son  écusson  et  ses  griffes 
bien  assises,  le  couvercle  à  godrons  en  relief  couronné  d'une  grenade  entr'ouverte, 
motif  que  l'on  reproduit  souvent  dans  les  pièces  de  la  même  époque,  et  que  les 
orfèvres  de  notre  temps  ont  si  souvent  rappelé.  Le  plateau  est  ovale  à  volutes 
aux  extrémités  et  décoré  de  cannelures  sur  le  marli.  11  pouvait  être  employé 
comme  plat  à  servir,  ce  qu'indique  sa  forme  concave  enterrant  un  peu  la  sou- 
pière au  lieu  de  la  faire  valoir  en  hauteur,  comme  les  pièces  de  Germain  que 
nous  avons  déjà  reproduites. 

Nous  donnons  également  (pa.(je  159)  un  I1aiul)eau  à  trois  branches  et  quatre 
lumières,    d'une  construction   plus  tapageuse,   (pii   rappellerait   encore  le   style 


lie    ^I(•|s•^()||||l(•|•,   111.11^    I  iiii|ici('  |i;ir  le    irindr   (les  DrlcNrcN  a  (1rs  I\|h's  moins    liioll- 

\  CIIICIlIcs. 

La   (•(•llci'l  ion    ilc    M      r.inl    I'.imIi'I    imhi^    olVrail    nnc    |tircc   i\f    la    nn^ni'   i'iidijik; 


C'-ainli''l:il)rf  à  tn)is  branches, ^sl}  le  Lduis  X\'     ]-7») 
[Musée  centennal.) 


d'une  insigne  rareté.  Les  poinçons  relevés  par  lui  indiquaient  qu'elle  fut  faite 
sous  J.-J.  Prévost,  en  176:2.  par  Antoine-Jean  de  Villeclair.  Elle  tlt  jadis  partie  de 
la  collection  du  baron  Pichon,  qui  avait  remplacé  le  couronnement  fait  d'une 
grenade  entr'ouverte  cachée  sous  des  feuilles  de  laurier,  par  un  chien  avec  des 


—  160  — 

attributs  de  chasse.  Cette  soupière  est  rentrée  dans  la  collection  Endel  avec  son 
couvercle  d'origine.  Le  corps  de  la  soupière  est  monté  avec  des  agrafes  formant 
pieds,  d'une  belle  et  solide  forme,  avec  des  enroulements  d'où  partent  des  guir- 
landes de  lauriers.  Les  anses  sont  simples  et  s'amortissent  snr  la  panse  en 
feuilles  d'acanthe,  qui  indiquent  que  le  style  Lonis  XVI  va  venir;  au  milieu,  un 
écusson  de  la  famille  Demidolï',  avec  une  couronne  de  comte,  ce  qui  seml)lerait 
indiquer  que  ce  n'est  que  postérieuremeni  (lu'cllc  a  apparlcMu  an  |>rince  l)c- 
midoir,  rpii  s'est  contenté  de  modifier  les  armoiries  sans  loucher  ;i  la  couronne. 


Soupièi-e  Louis  XV,  exécutée  par  A.tJ.  de  Villeclair. 
[Collection  Paul  Eudel.) 

Le  plateau  de  la  soupière  est  absolument  remarquable,  d'une  grande  simplicité, 
sans  décor  sur  marli,  il  est  décoré  par  une  moulure  de  joncs  en  faisceaux  sur 
laquelle  court  un  ruban,  et  agrafé  au  centre  et  aux  extrémités  de  feuilles  d'a- 
canthe, qui  s'assortissent  bien  avec  le  décor  des  anses  de  la  soupière.  Les  poin- 
çons le  font  dater  de  1762;  il  fut  fabriqué,  comme  la  soupière,  sous  J.-J.  Prévost, 
par  l'orfèvre  Antoine-Jean  de  Villeclair.  Ce  sont  là  des  œuvres  de  toute  rareté,  in- 
finiment précieuses,  et  qui  redoublent  nos  regrets  lorsqu'on  pense  qu'un  si  petit 
nombre  d'exemplaires  de  cette  orfèvrerie  sans  égale  soit  parvenu  jusqu'à  nous. 
Mais  ce  style,  qui  à  cette  époque  était  en  plein  épanouissement,  n'allait  pas 
tarder  à  se  transformer  sous  l'infUience  d'une  femme  de  goiit,  toute-puissante 
auprès  de  son  royal  amant,  et,  tout  en  conservant  l'élégance  et  le  charme  qu'il 


-     Kil   ^ 

!'^"i'     IIM|'llllir^    ;ill\     .finira    (|m|||     | -^     NriK.lis    i|r    |»;irli'r,    ||     noll^    •■loillir    rwcan- 

|>;ii'   l;i    |iriTci|  nui    lie    l,i    iii.iiii  -dd'ii  \  rr . 

A\;iiil    (le  |ir,'(iv,T    le  ic->iill  ,il  i\i'  I  nul  i.il  i\  .•  i|r  M""    i|r   |*niii|.;ii|(.iir    i\:t\\-.    |'(''\()- 

llllioil  <|iic  (lc\;iil   ; lier  r,i\  niciiicii  I  <iii   slylf   l.oiiis  \\  |,   il    nous  r.ml   (•cpriKl.iiil 

non-;  arrrlcr  un  iiisl.iiil,  piuir  incllrc   en    liiniii'i-r   les  (i-iimcs  des  deux  orlt-Mcs  les 

|i||i<  rclclircs  de  |;i   |iciini|c  (|in  \cii;iil    de  liiiir.  cl  i|iii  r |iiciid   l;i  drrnirrc  (larLie 

du   ic-iic  de   Louis  \\  ,  cl  iiiouli'cr  le   rôle  (|uc   joucrciii  a  celle  ('•|i()(|iie  IVaiieois- 
riioiiias  (Icrniaiii   cl   .lac(|iies   lloelliers. 


«  ¥  41  «» 

IMateaii  cK-  la  ^ioiipiore  ci-contro. 
{Collection  l';iul  Eudel.) 


Tous  deux,  d'un  tempérament  très  opposé,  eurent  une  doctrine  bien  diffé- 
rente; l'un  et  l'autre,  physionomies  curieuses,  égaux  par  la  renommée  et  repré- 
sentant deux  écoles  distinctes,  méritent  une  mention  particulière. 


Franeois-Tliomas  Germain,  né  le  18  avril  17;2G,  était  le  quatrième  fils  du  plus 
éminent  orfèvre  du  dix-huitième  siècle,  Thomas  Germain,  dont  le  rôle  et  l'influence 
ont  été  appréciés  plus  haut. 

Il  entra  dans  la  vie  avec  toutes  les  chances  de  réussite,  et  nul  ne  fut  entouré 


—  162  — 

de  plus  de  faveur  que  lui,  à  ses  débuts.  Bien  qu'à  la  mort  de  son  père,  en  1748,  il 
n'eût  encore  que  vingt-deux  ans,  le  corps  des  orfèvres,  en  considération  du 
maître  illustre  dont  il  était  issu,  et  pour  lui  éviter  une  attente  de  plusieurs 
années  qui  aurait  pu  lui  faire  perdre  les  avantages  de  la  situation  de  celui  dont  il 
était  l'héritier  (logement  au  Louvre,  brevet,  etc....),  consentit  à  faire  une  excep- 
tion en  lui  accordant  la  maîtrise  avant  le  temps  réglementaire;  François-Thomas 
Germain  parut  donc,  très  jeune,  se  trouver  dans  dos  (Méditions  assurées  de  succès 
et  de  fortune. 

Ses  talents  ne  s'étaient  encore  affirmés  par  aucune  œuvre  personnelle;  il 
avait  appris  le  dessin  en  suivant  pendant  plusieurs  années  les  leçons  de  l'Aca- 
démie, oii  il  n'avait  d'ailleurs  obtenu  aucune  l'écompenso;  mais  un  goiit  naturel, 
très  vif,  qui  s'était  développé  dans  la  fré([uenlalion  journalièi'O  de  l'atelier 
paternel,  l'aisance  de  ses  manières,  l'habitude  du  uu)n(le,  un  certain  esprit 
d'entregent  et  d'initiative,  son  abord  engageant  le  rendaient  sympathique. 
Possesseur  d'un  nom  glorieux,  installé  au  palais  du  Louvre,  ayant  pour  clients 
attitrés,  le  Roi,  la  noblesse  de  France  et  toutes  les  cours  étrangères,  il  semblait 
n'avoir  qu'à  se  laisser  vivre.  Dix-sept  ans  plus  tard,  cependant,  nous  le  verrons, 
à  l'âge  de  trente-neuf  ans,  perdu  de  dettes,  chassé  de  son  logement  du  Louvre, 
la  vie  gâchée,  abandonné  de  ses  confrères,  essayer  de  résister  au  sort  contraire, 
et  aller  finir  obscurément  ses  jours,  on  ne  sait  au  juste  dans  quelle  misère. 

Tout  d'abord,  aucun  point  noir  dans  son  horizon.  Les  commandes  s'offraient  à 
lui  en  abondance  et  de  partout.  Aux  divers  objets  d'argenterie  et  aux  services  de 
table  exécutés  pour  le  Roi  ou  pour  les  Enfants  de  France,  pour  le  Dauphin  ou  la 
Dauphine,  pour  le  duc  de  Berry,  les  comtes  de  Provence  et  d'Artois,  etc.,  dont  le 
Journal  du  Garch-Meuble  de  la  Couronne  nous  a  conservé  la  liste  (i),  et  qu'il 
exécuta  à  partir  de  ce  moment,  il  faut  ajouter  les  innombrables  fournitures  qu'il 
eut  à  livrer  à  la  cour  et  à  la  ville,  car  il  se  partageait  avec  Roëttiers,  son  collègue 
au  Louvre  et,  comme  lui,  orfèvre  du  roi.  les  préférences  de  la  société  élégante. 
Parmi  les  assidus  de  son  atelier,  on  voyait  M'""  de  Mortemart,  M'"'  de  Livry,  le  duc 
de  Lavallière,  i\L  de  Beringhem,  le  duc  de  Gesvres,  la  duchesse  de  Lauraguay,  le 
duc  et  la  duchesse  d'Orléans,  la  comtesse  de  Toulouse,  le  duc  de  Chevreuse,  le 
cardinal  de  Luynes,  le  duc  de  Praslins,  le  duc  de  Brancas,  etc.  Que  de  morceaux 
de  prix  exécutés  sous  sa  direction,  pour  ces  amateurs  d'élite,  durant  les  dix-sept 
années  que  dura  sa  faveur  ! 

Il  était  également  le  fournisseur  attitré  des  Cours  étrangères.  Le  roi  de 
Portugal  et  la  Cour  de  Russie  possèdent  les  plus  belles  pièces  sorties  de  ses 
mains.  Son  père,  Thomas  Germain,  avait  formé  cette  noble  et  riche  clientèle, 
et  nous  avons  vu  qu'à  sa  mort,  son   père  laissait  plusieurs  pièces  inachevées 


(Ij  Archives  nationales,  0  33U,  page  112.  du  11  octobre  1748  au  11  avril  1165. 


-  163  — 

(|H  il  |iTiiiiii;i  .1  l<'ii|-  v,il  1^1:1(1  hiii .  Niilir  ,iili-li',  i|iii  iiii'ii.'iil  -r;iiii|  l|-;iiii,  ;i\;iil  le 
^•(Mil  lit'  l;i  il(|Hiixt'  cl  t'iilrcli'ii.iil  di'^  iii.iil  rcsscs,  s'.i|p|ilh|ii;iit  ;i  (li'\r|(i|i|irr  |r 
[ilil-^  |M>vv,iMc  vdii  cliitl'ic  ir.ill.iiii'x  (in'il  ,i\;iil  r.iiiiliil  inii,  t'oiiiiiic  il  !  ;i  l'-cril  lili- 
iiiriiic,  (le  |Mirli'i-  i;i|  m  Iniiciil  ;i  lioi^  iiiiIIidii-.  p.ir  ;iii  I  .  (',  ('--l  |i(iiii'i|ii(ii  il  mil 
son  (i;lllll•^s^lll(•lll  ^iir  (iii  lic^  lt;iiiiI  |iii'iI,  l'I  pril  ;i\cr  lui  un  |MT-niiiii|  ijr 
S(»i\;iiil('    a    i|iiali't'  xiiif^K   (iii\  iicr-^    poin'   airi\(r   a    une    |ir(»ilnr|  ion    coinanlc    <|r 


Siuiout  pur  l'r.-Tli.    Germain. 
{Orfèvrerie  de  la  Cour  de  Porliicjal.) 

plus  en  plus  considérable.  Ce  n'était  plus  le  modeste  atelier  paternel,  avec 
les  trois  ou  quatre  compagnons  indispensables  travaillant  à  côté  du  maître  qui 
composait  lui-même  ses  modèles  et  gardait  pour  lui  la  besogne  difficile. 
François-Thomas  Germain  semble  s'être  essayé  h  un  rôle  qui  était  alors  abso- 
lument nouveau  pour  les  orfèvres,  et  qui  se  raj)prochait  quelque  peu  du  type 
d'entrepreneur,  qui  n'était  point  précisément  du  goût  de  ses  confrères.  A  cause 


1  En  1"50.  Germain  fit  pour  339  934  livres  île  travaux,  ses  bénéfices  turent  de  52  846  livres.  En  1703. 
il  lit  pour  l"i3il';3  livres  datl'aires;  en  1764,  pour  2512360  livres;  du  !<"■  avril  1731  au  l*""  avril  1765.  il 
tit  pour  10  4S9U4I  livres  d'alfaires. 

-Mémoire  adressé  par  J.-ïh.  Germain  au  Commissaire  Graillaud  de  Graville  en  1777.  Voir  G.  Bapst,  les 
Germain,  page  176. 


^  164  — 

de  sa  situation  à  la  cour,  ils  n'osèrent  point  réclamer.  Mais  leur  méconten- 
tement ne  s'en  manifesta  plus  tard  qu'avec  plus  d'aigreur. 

Pour  comprendre  un  tel  sentiment,  il  faut  se  représenter  combien  les  allures 
tapageuses  et,  il  faut  bien  le  dire,  les  procédés  insolites  de  réclame  imaginés  par 
le  jeune  Fr.-Th.  Germain  devaient  paraître  cli()(|uau(s  à  une  corporation  où  l'on 
gardait  par  tradition  Icshounètes  habitudes  de  la  plus  complète  simplicité.  Même 
chez  les  orfèvres  devenus  riches,  on  évitait  le  luxe,  l'apparence,  ce  que  nous 
appellerions  «  la  poudre  aux  yeux  ».  Les  intérieurs  restaient  modestes.  «  Eu 
1754,  dit  M.  Germain  Bapst  (1),  un  de  nos  arrière-grands-pères,  joaillier  privilégié 
du  roi,  ({ui  faisait  les  plus  grosses  affaires  à  la  cour  et  à  la  ville,  habitait  quai  de 
Harlay,  au  troisième  étage,  et  n'avait  pour  son  commerce  et  son  domicile  per- 
sonnel ((ue  trois  pièces  et  unc^  cuisine,  pour  les({uelles  il  pîiyait  un  loyer  annuel 
de  300  livi'cs.  »  Ce  qu'étaient,  au  dix-huitième  siècle,  les  intérieurs  des  orfèvres 
parisiens,  nous  le  savons  par  des  hivoilaircs  des  notaires  ou  les  procès-verbaux 
de  saisies  des  commissaires  du  Cliàlelel.  La  plupart  du  temps,  ce  sont  des  appar- 
tements composés  de  1res  |)(mi  i\{'  pièces,  cl  meublés  avec  mie  sobriété  presque 
austère.  Dans  les  (•liand)res  garnies  de  rideaux  de  (Iraji,  souvent  de  couleur  verte 
avec  bordure  de  galou  jonquille,  comme  nous  les  décrivent  les  inventaires  après 
décès,  se  trouvent  deux  fauteuils,  (piatre  chaises,  une  commode,  une  grande 
armoire  en  bois  ciré;  aux  murs  sont  accrochées  quehjues  gravures.  ()uel({uefois, 
mais  rarement,  on  signale  des  tableaux.  Sur  la  cheujinée,  point  de  pendules  ni  de 
candélabres  ;  la  nudib' complète.  Dans  l'atelier  où  travaillaient  le  maître  et  l'ap- 
j)renti,  on  voit  souveiil  la  femme  du  pati'on  ([ui  l'aide  dans  ses  travaux,  (juand 
elle  ne  vaque  pas  aux  soins  du  ménage  (^).  Le  mobilier  est  également  som- 
maire :  de  rares  sièges,  des  étagères  où  sont  les  modèles  en  cire  et  les  pièces 
en  cours  d'exécution,  un  meuble  ou  deux  contenant  des  cartons  remplis  de  des- 
sins, de  livres  et  de  gravures.  Le  reste,  c'étaient  les  outils  et  instruments  delà 
profession. 

Veut-on  savoir  ce  que  comprenait,  au  dix-huitième  siècle,  l'outillage  d'un 
grand  orfèvre  tel  que  Thomas  Germain  ([ui,  travaillant  pour  le  roi,  avait  le  droit, 
refusé  aux  autres,  d'occuper  exceptionnellement  plus  de  trois  ou  quatre  ou- 
vriers? Son  inventaire  après  décès  nous  donne  ce  renseignement  au  complet,  et 
je  le  transcris  ici  :  «  Cinq  enclumes,  cinq  tas,  dix-sept  bigornes,  six  lingotières, 
huit  piucettes,  deux  soufllets,  la  forge  complète,  une  poêle  à  souder,  cent 
marteaux  tant  grands  que  petits,  dix-sept  boules,  treize  tenailles,  une  fdière 
à  vis,  uue  filière  à  taraud,  cinq  étaux  à  mains,  trois  scies,  cinq  vrilles,  huit 
cizoires,  cinq  établis,  une  forge,  deux  soufflets,  sept  pincettes,  trois  poches  à 


(1)  Germain  Bapsl,  i Orfèvrerie  française  à  la  Cour  du  roi  de  Portugal,  page  42. 

(2)  Germain  Bapsl,  l'Orfèvrerie  française  à  la  Cour  du  roi  de  l'orluffal,  page  43. 


—  1«5  — 

Icii,    une    ;i   IIiiiiImI,    un    Iciiir    ;i    liirr    ;i\cr   tdiilcs   Ses  (|i'|ii'Iii|;iimc-.   i|ii;iln'   rl;iii\ 
à  limer.   >• 

Va   c'csI    l.iiil  '    \(mI;i    ce  (|ir(''(;iil   ;i\;iiil    IT.'iO  un   iilrlirr   (ruiT''\rr    liii'ii   nnnili''  : 
ri'nvt'inMc  \;il;inl,  ;i  diic  (rcxpcrl.   I;i   ^(innnc  de    I  !'SS  li\i-c-~ 

IViinidi^  Tli(ini;i-   (irrni.iin    lil    |'ln--  i|nr   i|iMn|i|rr  ic   ni;ih'iir|  de   -dn    |ii'rc.  I.ii 
(Uilrcil   ne   litiii\;i    \r.\^   suni^;innncnl    ('-Ict:.'!!!!  •'   rin^hill.il  ion   <lc  ^itn    lii^'cnifnl    ;in 
l.iiUNic;    il   \    ;inii'n;i,i;(';i   des  ^aloii-.    s((ni|il  ncn\,  .wrr    nnMihlcs  de    rxnillc,  rlicmi 
\\{'r<  de  ni.irliic  riirc,   orncnicnK  de  |ii(ni/('  don'',  de  II  sf   jM>lili;iil   de  ses  prodi- 
i^alilc"^,  en   di>;nil  :   «   La  .iildirc  du   nom   '|ii('   je   |iorl(',   rcn\i<'  ilr  i'ain'    lionncnr  a 


Soiipiori-  en  argent,  pur  Fr.-Tli.  Germain,  exécutée  pour  la  ('oiir 
(le  Porliisral. 


la  France  par  mes  ouvrages,  la  décence  et  le  respect  dû  aux  grands  que  je 
recevais  chez  moi  par  état,  le  désir  d'être  utile  à  l'étranger,  le  soin  de  l'aHirer 
dans  mon  commerce  et  de  le  frapper  par  un  dehors  séduisant,  font  aujourd'hui 
mou  crime,  puisque  ce  sont  les  seuls  objets  qui  m'ont  entraîné  malgré  moi  dans 
ce  faste  (pi'on  me  reproche  (1).  »  Quoi  ([u'il  en  soit,  et  sans  vouloir  juger  la 
conduite  de  Fr.-Th.  Germain  avec  la  sévérité  de  ses  contemporains,  on  s'explique 
aisément  pourquoi  il  ne  put  soutenir  le  poids  d'une  maison  établie  sur  un  tel 
pied.  Chciipie  année,  le  chill're  de  ses  dettes  s'accroissait,  en  dépit  du  nombre 
grandissant  de  ses  travaux.  Les  30  000  livres  d'argent  comptant  légués  par  son 
père  navaient  été  qu'un  feu  de  paille  bien  vite  consumé.  Comme  il  manquait  du 


J)  Mémoire  de  FraneDis-Thomas  Germain,  au  moment  de  sa  faillite,  en  llBu,  adressé  au  surintendant 
des  Beaux-Arts,  M.  de  Marigny,  afin  d'éviter  d'èlre  expulsé  du  Louvre.  Ce  document  a  été  publié  par  les 
Arc/iivex  de  l'Art  /'rnnçais.  t.  l»"",  p.  •2."2.  11  a  été  reproduit  par  .M.  (iermain  Bapst  dans  sou  ouvrage  sur 
les  Germain,  page  162. 


166  — 


fonds  de  roulement  proportionné  h  l'entreprise  qu'il  rêvait,  il  emprunta  à  des 
taux  usuraires.  En  1764,  il  épousa  une  jeune  fille  de  dix-huit  ans,  Marguerite 
le  Sieurre  Desbri^res,   dont  la  dot  de  80000  livres  fut  aussitôt  engloutie.  Bref, 

il  en  arriva  k  avoir,  en  i765,  le  passif  énorme 
de  2  millions  400  livres.  Pour  essayer  de  se 
tirer  d'affaires,  il  eut  recours  à  un  expédient  qui 
acheva  de  lui  aliéner  sa  corporation  :  il  forma 
une  société  en  commandite  dont  le  siège  fut  rue 
des  Orties,  dans  une  maison  que  son  père  avait 
achetée  en  1743,  et  où  ses  ateliers  fonctionnaient 
depuis  cette  époque.  Elle  ne  vécut  pas  six  mois. 
Le  17  juin  17()5,  Fr.-Th.  (IcM-main  fut  déclaré  en 
faillite.  D'inextricables  procédures  judiciaires  le 
paralysèrent;  on  alla  jusqu'à  lui  imputer  des 
maiKeuvres  frauduleuses.  Par  surcroit,  la  cor- 
poration des  orfèvres  obtint  contre  lui  un  arrêt 
de  la  cour  du  Cliàlelcl,  annulant  la  société  en 
commandite,  déclarant  «  que  le  titre  de  maître- 
orfèvre  était  un  titre  personnel  dont  la  propriété 
ne  pouvait  être  exploitée  par  une  communauté 
d'individus,  dont  plusieurs  étaient  étrangers  à 
la  corporation,  disant  enfin,  qu'on  ne  pouvait 
admettre  qu'un  orfèvre  devînt  un  entrepreneur 
qui,  au  lieu  de  travailler  lui-même  en  artiste, 
faisait  travailler  des  personnes  salariées  (1).  » 
Retenons  celte  dernière  phrase  ;  si  on  la  rap- 
proche d'un  document  en  quelque  sorte  officiel 
([ui,  quelques  années  plus  tard,  en  177(),  fut 
adressé  au  Roi  en  réponse  à  une  supplique  de 
Fr.-Th.  Germain  pour  rentrer  dans  les  bonnes 
grâces  royales,  on  constate  qu'elle  contient  à 
l'égard  de  l'orfèvre  une  accusation  grave.  On  ne 
lui  reprochait  rien  moins  que  de  n'être  pas  le 
réel  auteur  des  ouvrages  qu'il  signait,  en  un  mot 
de  n'avoir  été  qu'un  entrepreneur.  Voici  le  pas- 
sage essentiel  de  ce  mémoire  (2j  étnanant  de  la  surintendance  des  bâtiments  : 
«  Quant  aux  talents  dont  le   sieur  Germain  fait  un  étalage  perpétuel,  je  me  suis 


Deu.v  Indiens  poi-toui's  de  coulTos. 
Salii'i-es  simples  par  Fi-.-Tli.  Germain 


(1)  Germain  Bapst,  l'Orfèvrerie  française  ù  la  Cour  de  Portugal,  page  43. 

(2)  Il  a  été  publié  par  les  Archives  de  l'Art  français,  t.  1er,  pages  235-236. 


-  167  — 

»  iiifiiniK-    (le    |M•^-^lmll(•v    (|iii    iH'    ((Uiifiil     pas    la    iii("'iiii'    cai  ricrc.    s'jK    avairiil 

I)  (jiii'liiiic    rcalilc.   l'.llr-s    III  (iiil    ilil    ijii  iK    rldifiil    (1rs    |i|iis    i m •< | k m  it  s  1,11  ali-olii- 

u  iiiciil    nuls     II    n'a   jamais    -a^iK-    une   >ciilc    |ictiti'    iiicijaillc    |i('iiilaiil    |tliisicMrs 

a  amu'cs  (|n  il  a  siii\i  les  Irions  de   1' Vradi'iiiir.  (loiiiiiiciil   aiiioil-il  a(«|iiis,  Ion!   a 

»  iMni|),  CCS  jalciiis  siililiiiics  (|iii,  siii\aiil  lui,  (tccasidiiiioiciil   la  ialtiiisir  cl  la  j-a^c 

»  (le   ses   eeiiirci-es  ''  jjiliii.    si   le  sieur  <  Icriiiaiii   a\nil   li-s    laleiils  .luil    s'alIriJMie, 

»  rien    ne    rein|iècliei(»il    ireii    laii'c    nsa;:e    an  ittiird'liiii    du    moins    a    la    -olde    r| 

)i  ^(Uls   le    11(1111   de   i|iiel(|iriiii    'le    ses  anciens   ((iiirreres.   Mais    Ion!    ses!   (•(  lipsc'-, 

»  a\ec    le  liean  calniiel    des   nnidelcs   .|ne    son    |iei'e,  lioiiiine   de  laleiil,    lui   a\ail 

»  laisse.   » 


Sali(!;i'c   double  par  Fr.-Tli.   (îormain. 
[  0  r  fè  vrerie   de   lu    Cour  d  e   l'nrl  ii  (j  al.) 


Ce  jugement  est  rude.  Il  renverse  totalement  l'opinion  générale  qu'on  se  fait, 
aujourd'hui  encore,  de  la  valeur  de  Fi'ançois-Tliomas  qui  continue  à  passer  pour 
l'orfèvre  le  plus  brillant  après  son  père,  et  le  plus  habile  du  dix-huitième  siècle. 
Mais  est-il  juste,  et  doit-on  s'y  fier?  N'est-il  pas  entaché  tout  au  moins  d'exagé- 
ration, venant  de  l'administration  des  bâtiments  qui  ne  pardonnait  pas  à  l'artiste 
ses  démêlés  judiciaires,  et  par  là  de  l'avoir  mise  dans  le  cas  de  l'expulser  du 
Louvre?  Ne  doit-on  pas  également  tenir  compte  de  l'humaine  et  misérable  ten- 
dance qui,  trop  souvent,  fait  qu'on  accable  les  gens  tombés  à  terre?  Mais,  d'autre 
part,  il  est  impossible  de  ne  pas  reconnaître  un  certain  fonds  de  vérité  dans 
l'explication  de  l'impuissance  que  montra  Fr.-Th.  Germain  pour  se  relever  après 
sa  débâcle.  Nous  voyons  bien,  en  effet,  que  de  1766  à  1768,  il  fait  un  elfort, 
dans  sou  atelier  de  la  rue  des  Orties  où  il  s'est  réfugié,  pour  ramener  à  lui 


—  168  — 

la  clientèle  qui  Tabandonne,  et  qu'à  plusieurs  reprises  il  remplit  le  Mercure  (1) 
de  réclames  oîi  l'on  retrouve  son  hâblerie,  ne  cessant  de  se  couvrir  de  la  mémoire 
toujours  respectée  de  son  père,  invoquant  la  collection  de  modèles  provenant 
de  celui-ci  et  qu'il  a,  assure-t-il,  conservés,  etc.  Mais  on  ne  trouve  pas  trace 
d'un  jifrand  el  beau  travail  qui  soit  sorti  de  ses  mains  à  partir  de  cette  époque,  si 
ce  n'est  une  toile! le  de  vermeil,  et  quelques  autres  pièces  qu'il  termine  sur 
l'ancienne  commande  de  la  cour  de  Portugal.  Vainement  il  j)ai't  en  Angleterre 
en  1768,  on  ne  sait  trop  dans  quel  but.  Il  revient  bientôt  à  Paris  où  il  continue 
de  végéter,  forcé  de  quitter  la  maison  de  la  rue  des  Orties  pour  un  atelier  loué 
place  du  Carrousel,  |)uis.  de  là,  en  1779,  dans  un  autre,  rue  de  Limoges,  au 
Marais.  A  partii-  de  1780,  on  ne  sait  plus  ce  (pi'il  devient.  Sa  jeune  femme  est 
moi'te,  n'ayant  pu  survivre  à  ses  malheurs.  (^)uant  à  lui,  il  s'éteint  en  1791,  rue 
du  Faubom'g-Mont martre,  et  les  deux  t(''moins  (|ui  signent  son  acte  de  décès  à 
la  paroisse  de  Saint-lMistache  le  connaissent  si  peu,  ([u'ils  ne  savent  n)ème  pas 
indiquer  son  âge  exact  ! 

M.  Germain  Bapst,  le  mieux  intornK-  des  biographes  de  François-Thomas 
Germain,  na  pas  osé  trancher  nettement  le  problème  (pii  se  pose  à  ce  propos. 
Il  reconnaît  ipie  cet  orfèvre  peut,  en  ell'et,  n'avoir  pas  exécuté  lui-même  les 
œuvres  qui  portent  son  nom  ou  son  poinçon  ;  mais  il  estime  (ju'elles  ont  néan- 
moins un  tel  cachet  de  supériorité  et  d'originalité  qu'il  est  impossible  de  lui  en 
dénier  la  paternité.  «  Qu'il  en  ait  été,  dit-il,  véritablement  l'auteur  ou  sinq^lement 
l'inspirateur,  il  n'en  demeurera  pas  moins  acquis  que  c'est  par  son  initiative,  par 
ses  soins,  sous  sa  direction  et  dans  ses  ateliers  que  ces  objets  ont  été  faits,  et 
par  conséquent  c'est  à  lui  (ju'on  les  doit,  et  c'est  à  lui  qu'en  revieid  le  mérite  (2).  » 
Get  avis  paraît,  en  somme,  le  |)lus  équitable.  Il  est  difficile,  au  surplus,  de  ne 
pas  raccepler  quand  on  voit,  comme  les  papiers  de  sa  faillite  l'ont  révélé,  avec 
quel  soin  Fr.-Th.  Germain  cacha  toujours  le  nombre  et  la  qualité  des  collabo- 
rateurs dont  il  sut  s'entourer.  Cependant  on  les  connaît.  Ses  ciseleurs  se 
nommaient  :  Colezon,  Meunier,  Leitz  et  Descour;  ses  graveurs,  Colart,  Olivier 
et  Nicol.  11  avait  pour  |)laneur,  Peletier:  pour  gainier.  Prieur;  pour  perceur, 
Sellier.  L'auteur  de  la  dorure  de  toutes  ses  pièces,  de  cette  dorure  exception- 
nelle et  qu'il  aimait  tant  à  vanter  dans  ses  prospectus,  n'était  autre  que  le  fameux 


(1)  Mercure,  ii»  de  jauvier  et  de  février  HCG  : 

«  Le  !<ieiir  Germain,  sculpteur  du  roi,  et  Goniparrule.  tonjour?  animé  du  désir  de  porter  les  ouvrages 
qu'il  entreprend  à  la  plus  haute  perfection,  prévient  le  puiîlic  que,  le  -l'i  de  ce  mois,  on  vendra  dans  la 
maison  où  sont  ses  ateliers,  rue  des  Orties,  vis-à-vis  le  guichet  Saint-.Michel,  une  collection  de  vases  anti- 
ques, d'une  composition  qui  égale  l'agate  et  les  pierres  les  plus  précieuses,  tous  ornés  de  bronzes  d'un  goût 
exquis  cXAe\n  plus  belle  dorure,  qu'il  a  encore  perfectionnée  depuis  qu'elle  a  été  présentée  an  roi.  Le  sieur 
Germain  se  propose  de  continuer  en  tout  genre  et  de  varier  ingénieusement  les  formes  et  les  ornements 
de  tous  les  oiivrai;es  d  aif^i'i.terie ;  la  quantité  de  modèles  qu'il  a  joints  à  ceux  de  son  père  le  mettent  a 
même,  plus  (|ue  tout  autre  artiste,  de  produire  de  quoi  satisfaire  les  personnes  les  plus  curieuses  d'ouvrages 
recherchés.  Le  sieur  (iermain  continue  d'entreprendre  toutes  sortes  d'ouvrages  à  tels  prix  qu'ils  puissent 
monter  et  il  n'exigera  pas,  comme  il  est  d'usage,  des  avances  pour  matières.  » 

(2)  Germain  Bapst,  Etudes  sur  Vorf'eererie  française  :  les  Germain,  orfèvres-sculpteurs  du  Roy  MS87, 
1  vol.  in-8o).pagc  180. 


—  169  — 

(i!)lltliirr(*.     (Jii.iiil     ;iii\     iiiiulclciir^    ili'^     li;jiin">,     (■'('■l.iiriil ,    in    -ciiriMl,    |r-    |i|iis 
ii'Iiimiiiih's  s(•^ll|ll(•ll|•■^   ilii   li'iii|i--.  On   cnil    i  rcunii.iil  ic   l;i    ni.iin   i|c  l'i^';illr  il;in-   nn 
■-Miidiil    ri'|in'xi'nl,inl    h  U.iccIkiv  ri    1' \  niiuir  - ,  i|iii  ;i|i|i;irhi'nl   ii  l.i  l'oin'  ili'  lin- >ic 
Il   cnI    inliniMii'nl    \  i;ii--cnilil,ililc   i|nr.    vi    ce   n  c^l  ri'Ini-l.i .  d  ;inl  rc^  ;irl  l'-lr-  li.iliilc- 
(iiil  (lu  lin   jiiu'Icr   leur  (•(ilLilionil  kui  . 


Glace  do  toilette  exécutée  en  ijGG 
par  Fr.-Tli.   Geniiaiii,   pour  la    princesse   de   Portngal. 


Poiii'  avoir  une  idée  à  peu  près  exacte  de  ce  que  fut  rorfèvrerie  de  Fr.-Tli. 
Gei'uiaiu,  ce  ue  sout  pas  les  rares  œuvres  plus  ou  moins  complètes  qui  se 
trouvent  aujourd'hui  dans  les  collections  de  quelques  heureux  mais  très  clair- 
semés amateurs,  qu'il  suffit  de  connaître.  C'est  en  Russie,  c'est  surtout  à  la 
cour  de  Lisbonne  que   l'on    peut  admirer  ces   chefs-d'œuvre  authentiques   cou- 


—  170  — 

serves   avec  un  soin   jaloux.    Le   roi   de  Portugal  possède   encore    aujourd'hui 
1274  pièces  d'orfèvrerie  provenant  des  ateliers  de  Fr.-Tli.  Germain. 

iNous  avons  donné,  à  la  page  55,  l'admirable  aiguière  portant  la  signature  de 


(liiH'ix'l   i'i   l)iiiiu\  de   l'i'.-Tli.   (nriiiiiiii. 

Fi'.-Th.  Gerniain  (|iii  ligurait  dans  ji-  .Mus(''('  cenlciinal:  mais,  à  défaut  d'autres 
pièces  authentiques,  nous  avons  pensé  quil  y  avail  un  inlérèl  ii  emprunter 
à  la  luxneuse  monograj)liie  inliluléc  :  l'0r/crn'/7('  franraisc  à  la  Cour  de  Por- 
tugal, que  M.  (1.  Bapst,  si  bien  documenté  sur  tout  ce  qui  concerne  les  Ger- 
main, a  publiée  avec  le  concours  de  la  Société  de  Propagation  pour  les  livres 
d'art,  quelques-unes  des  pièces  les  plus  remarquables  de  cette  collection  unique. 


N"  1.  N»  2. 

Boites  ;i  poudre  de  Fr.-Tli.  Germain. 

N»  1.  [Musi-e  centennnl.)  —  N»  2.  {L'o7-fèirerie  du  l'i  rluçial.) 

Le  morceau  principal  (par/e  IG.'-Jl,  qui  n'est  pas  d'ailleurs  le  mieux  réussi, 
était  un  lourd  surtout,  mesurant  plus  d'un  mètre  de  haut,  qui  représente  un 
ensemble   confus    d'attributs    de   chasse,    lévi'iers,   fusils,   cors,    etc.,    reposant 


^ 


yr 


■fV^¥'''"Hi^f^^*^. 


lliCU     UUL'UU! 


rcniarqi! 


//•    (le    l'or- 
linn  pour  }•■ 


Put  à  oan  cliaiulo  et  samowar  sur  son  réchaud,  c.xécuU-s  par  Fr.-TIi.  (îomuii,! 
pour  la  Cour  de  Portugal. 


Platerio  exécutce  pai-  Fr.-TIi.  Ge 


'•main  pMur  la  Cour  do  Portuiial. 


-   175 


sur  (li'N  lull-^s(l||s  lolllllls,  le  Idill  ,111  (  uii|(;iu' III'  ;i  ilioilr  il  ;i  ;.';il|r|ir  «Ir  (|r|l\ 
IrVIcllrN  rnlirlnr-^  ;m-i|r->sils  dr  |;i  lui^r,  ri  i|lll  -~ii|il  ijliiii'  r\iTiil  n  m  ;i(|- 
llliralili'.  Ci'llr  iiMINic,  i|iii  iir  l'iil  ;ir|ii'\fi'  i|iii'  |ilii>ir|irs  ;illlii'i'->  ;i|)rcs  |;i  l.ul- 
lllr  ili'  liilIrMC,  cl  il.iiiN  l,h|iir||c  iiii  irlliill\r  llli  iili''l;i  ii;.t  <lr  lioillli'-  |i;illir-- 
|il'»i\  cil.ilil  ilr--  iiiKicii--  llllHl^l(■'^  iji'  Tliuiii.is  (lrnii;iiii,  ri  1 1  (  uiiiiiiniK  lii:il  loiii- 
liiih'-^,    ;i    côli'   ircNrcllciils    ili'l;iil->    ilr    sculpl  mr,    roùl.i    un    pri\    roii'^iiiiT.iJpIc. 

l'aciiii  1rs  |iiccrs  iiii|i(ii'l  allll•■^  i|iii  ri)iii|tli'lairiil  i-c  iiia;j  iiirn|iir  l'ii^i'iiiMr,  li;.'ii- 
l'airiil  i|iialr('  sou|iicr(">,  lUi  |i(ils  a  nillc  sur  |i|alcaii\.  Ils  ('■lairiil  rM'ciih's  --iir  ilciix 
iModclcs  a  itcii  |)r('s  scmltjalijcs  cl  i|ui  ne  variaii'iil  i|ii('  |tar  les  li;jiircs  sciNaiil  ijc 
ImuiIoiis  au\  (■ouvci'i'Ics  :  riiii  de  ces  Ixtuloiis  l'cpi'c'sciilail  un  Aiiidiir  axer  un  rliini, 
ri  raiilrr  un  Aiikuii'  a\t'c  deux  coloinltcs.  I.c  couvercle  l'Iail  l'ail  en  rocaille,  ri  la 
lutrdure  lornK'c  par  des  l)ai;uellcs  i-elic'cs  à  des  intervalles  i-('giilic;i*s  par  des 
t'cuillcs  d'acaiillie.  Aux  deux  cxtn'niilc'S,  des  j'auiies  ai:ilaieul  des  haiideroles  vl 
l'orinaienl  les  anses.  Nous  a\ons  reproduK  une  de  ces  suuj)ièrcs  ^ ixnjo.  105). 
rraiiiois-TlKunas  (ici'inaiii  dul  Iravailler  de  longues  anii(''es  pour  conipléler  ce 
service.  |)uis(pi'on  le  voit,  en  ITGO,  livrer  à  la  pi'incesse  de  Porlug^al  un  miroir 
u  surinoidc'  d'ini  Amour  prêt  à  couromier  la  heauli'  »  (ixkjc  1(39). 

Dans  le  nombre,  il  y  a  cerlainemeiil  lieaucoup  de  pièces  qui  semhlent 
avoir  él(''  ("ailes  uniipienienl  sui'  les  modèles  de  son  j)ère,  (Taulres  cpii  sont 
dun  goùl  inférieur,  man(|uant  d'unité  ou  ti'oj)  t'ontournées.  ÙueUjucs-unes  sont  : 
ingénieuse  comnie  le  somowar  dont  la  chaudière  est  formée  par  l'énorme 
l)anse  d'un  Chinois  g:rimacan(,  à  l'air  ébahi:  riche  et  puissante  conime  le  pot  à 
anse  et  couvercle  donl  l'usage  n'est  pas  bien  délhii,  mais  dont  le  galbe  et  le 
décor  sont  également  l'c-ussis; 
amusantes  comme  les  boîtes 
à  é|)ices,  les  poivriers,  les 
salières,  composés  avec  des 
ustensiles  variés  que  portent 
des  Indiens;  ou  encore  les  hui- 
liers, très  divers,  dont  l'un  li- 
gure un  navire  avec  un  màt 
central  séparant  la  co(|ue  en 
deux  pour  doîiner  les  évide- 
ments  destinés  à  mettre  le 
poivre  et  le  sel. 

D'un  service  de  toilette,  deux  pièces  seulement  sul)sislent  encore,  un  coffret 
à  bijuux  et  une  boite  à  poudre  dont  la  forme  moulurée  est  encadrée  dans 
quatre  consoles  à  mufles  de  lion;  on  sait,  par  M.  G.  Bapst,  que  la  majeure  partie 
des  objets  composant  ce  service  ont  été  dispersés  à  dilTérentes  époques,  mais 
n'ont  pas  disparu  puisqu'on  en  retrouve  maintenant  chez  dilTérents  collection 

10 


Tlu'iéro  (le  Fr.-Tli.  ( rcrmain.  cxéruloo  ponr  la  Coiii 
de   Porliii;al. 


—  I7G  — 

neurs  de  France;  le  Musée  ceiiLeiinal  en  possédait  en  effet  un  exemplaire  plus 
simple  de  décor,  mais  dont  la  construction  était  id('nti(iue.  JNous  donnons  côte  à 
côte  {page  170)  les  deux  boites  à  poudre,  et,  certainement,  celle  qui  était 
exposée  au  Musée  centennal  devait  être  une  répétition  sortant  de  l'atelier  de 
Fr.-Tli.  Germain. 

Les  pièces  d'usai^e  courant  d'un  décor  simple  étaient  nondjreuses,  d'une  exé- 
cution souple  et  précieuse  :  la  platerie,  la  lliéière  et  la  cafetière  à  côtes  tour- 
nantes nous  donnent  bien  l'impression  de  celte  oi-fèvrerie  du  dix-huilième  siècle, 
sobre  mais  cependant  savoureuse. 


Théière  cl  calVlii-rc  t'xécuU'-cs  par  Fi'.-Tli.  Ocrniaiii  pour  la  ('.nui'  cU'  Poi'lujial. 

Mais,  si  intéressante,  si  complète  et  si  variée  que  soit  la  collection  de  la  cour 
de  Portugal,  c'est  encore  la  Russie  qui  possède  les  œuvres  les  plus  remarquables 
de  Fr.-Th.  Germain  (1).  En  premier  lieu,  il  faut  citer  les  trois  surtouts  com- 
mandés en  1760  à  l'artiste  par  l'impératrice  Elisabeth  (2),  dont  l'un  mesure  près 
d'un  mètre  de  largeur,  sur  70  centimètres  de  hauteur;  ce  sont  les  pièces  les  plus 
belles  et  les  plus  parfaites  de  toute  l'orfèvrerie  française.  Le  premier  représente 
Bacchus  et  l'Amour  assis  sur  un  rocher;  à  droite  et  à  gauche  se  trouvent  une 
miette  avec  les  attributs  de  la  Folie  et  un  petit  garçon  tenant  deux  tourterelles, 
symbole  de  la  tendresse.  Le  second  représente  un  Amour  jouant  des  castagnettes 
et  du  tambour  de  basque.   Le  troisième,  une   petite  fille  jouant  avec  des  tourte- 


ilj  Celle  coUecUou  fui  exposée  en  1885  à  Sauit-Péler?l)ùui'fr,  un  .Musée  du  barou  Sleifrlitz,  cl  le  cata- 
logue, qui  ne  contient  pas  moins  de  2"Î0  pièces  les  plus  remarquables  de  l'orfèvrerie  fran(;aise,  existe 
dans  la  Bililiothèque  de  1  Union  centrale  des  arts  décoratifs,  au  Pavillon  de  Marsan. 

(2,  Ils  ne  furent  terminés  qu'en  1*66.  Ces  trois  magnifiques  objets  d'arl  passèrent  par  succession  de  la 
famille  Soltikoiru  la  famille  .MallielV.  C'est  de  cette  dernière  que  rempernu- de  Russie  les  acheta,- vers  188"), 
pour  la  somme  de  300  000  roubles  ^liOOOO  francs)  :  ils  se  trouvent  actuellement  au  palais  de  Gatchina,  près 
de  Saint-Pétersbonrg. 


icllc>>.  l'.^l  ce  I'ilmIIi'  Mil  liiiil  ;iiilii'  -ciili  il  iii  r  iiiiimiil  i|iii  ,i  iiiiMlfli'  crv  li^jnrcs 
fll.illll.llllc^  ■''  ('.chi  ^ciiihlc  |>l  nli.ililr  Mciil  iniiiinii^  riicoir  ,111  |);il;iis  dr  l'clcilioll', 
;"l  Sailli  I*(I(I--Imiiiil' ,  un  iiiiinir  m  Idiiiic  d  n-i\i',  vi-m'-  rii  hiiilcs  |(||ic>-  ilf  l'"i;iii- 
cois-TlioiiKis  (IciiiKiiii  ;  lin  ^ciNirc,  ilil  siirncdr  /'r/r/s^  :iii  |';il;i|v  illliNcr,  d'iiii 
Im'I  clVi'l,  iii;ii->    (riiiic  nicdiocic  (incline:    (|cii\    ^iiii|picrcs    ;il)^(diiiiiiiil    )i;ii(illo  ;i 


Ciin(l(''lal)i'i\  ooniposc  et  dessine-  i)ai'  .'.  Hoëtlier^. 

celles  du  i-oi  (le  Porluf:al,  vl  cuim  une  rlégante  loiletle  de  vermeil  appartenant 
au  graud-due  Alexis. 

D"aueun  autre  orfèvre  du  dixdiiiitième  siècle  il  ne  subsiste  un  pareil  ensemble 
d"(euvres  renia r(|uables. 


L'émule,  pour  ne  pas  dire  le  rival,  de  François-Thomas  Germain  fut  Jacques 
Roëttiers.  L'existence  de  celui-ci,  honnête,  droite  et  glorieuse  jusqu'au  bout,  fut 


—  178  — 

aussi  paisible  que  l'autre  fut  troublée.  Entre  ees  deux  hommes,  d'ailleurs  si 
difTérents,  comme  talent  et  caractère,  ]o  contraste  est  frappant.  Si  l'on  doit  i\v- 
plorer  que  le  petit  nombre  d'œuvres  exécutées  par  le  second  et  parvenues  jusqu'à 
nous  ne  pcrmc^ttent  de  porter  sur  son  méi-ite  qu'un  juj;ement  incomplet,  nous 
savons  du  moins  qu'elles  le  plaçaient  au  premier  ran^::,  à  la  cour  et  parmi  les 
artistes  de  son  temps. 

Jacques  lloëttiers  appartenait  à  une  i-iche  famille  d'artistes  d'origine  llamande, 
qui  fournit  à  la  France,  de  IG82  à  177:2,  quatre  graveurs  généraux  des  moiuiaies, 


Surtout  Uaoclius,  conipusé  el  dessiiu'  pai'  .1.  Uocllifr^ 


membres  de  l'Académie  royale  de  peinture  et  de  sculpture.  Son  père,  Robert 
Roëttiers,  après  avoir  été  graveur  général  des  monnaies  en  Angleterre,  était  venu 
se  réfugier  en  France,  à  la  suite  de  la  Révolution  de  1688.  et  y  était  devenu,  en 
170 i,  tailleur  général  des  monnaies.  Jacques  naquit  en  1707  ;  il  était  l'aîné  de 
quatre  enfants.  Le  roi  d'Angleterre,  Jacques  III  en  personne,  le  tint  sur  les  fonts 
baptismaux,  et  la  duchesse  de  Perth  fut  sa  marraine.  On  voit  que  le  futur  orfèvre, 
dès  sa  naissance,  faisait  déjà  figure  dans  le  monde.  Il  n'avait  que  10  ans  quand 
il  perdit  son  père,  âgé  de  71  ans,  lequel  s'était  acquis,  depuis  son  installation  en 
France,  réputation  et  fortune,  et  possédait  des  terres,  des  fermes,  notamment  un 
petit  domaine  à  Ghoisy-le-Roi.  C'est  dans  cette  propriété  que  fut  élevé  le  jeune 
homme,  et  qu'il  se  prépara   à  suivre,  comme  graveur,  la  carrière  où  s'étaient 


171) 

• 

illll^lrcs  Iniis  ses  jiiciix.  Mii--  lu  ii-^(|iiiiiiciil  il  .iIkiiiiIoiiii.i  icllc  \(iic  nu  |i()iirl;iiil 
l.ilil  (le  t'.icililcN  sriiilil.iiciil  s'iUiMir  ilc\;iiil  lui.  ri  oii  ;i  Imil  lini  i|c  -ii|.|)()S('r 
(Hlim  ;;ciilil  roiii.iii  d  .iiiKHir,  cliaiiclic  désirs  |in'iiiiri»'s  ;iiiii<''cs  de  ■^oii  ;id<il('s- 
cciirc,  lui  l;i  ciiiisc  dcl  criililiaill  c  de  m>ii  (•|ian^'(MIM'lll  de  IM-soliiiioli  c\  df  s;i  Vo- 
calitin.  i'.ii  cllfl,  le  ji'iiiic  .lari|iic>  Udclliri's  avait  pour  vdisiii  de  caiiiitai-'iK',  à 
Clioisy,  le  ci'lcltic  (trlcxiT  du  roi,    Nicolas  Ucsiiicr,  doiil  la  lillc,   .Maric-Aiiiit',  dans 


Fût  lie  caiulclal)re.  composé  et  dessinô  ])ai"  J.  Roc-ttiers. 


l'éclat  de  ses  quinze  ans,  exerça  sur  lui,  son  camarade  d'enfance,  une  irrc'sistible 
séduction.  Le  vieux  Besnier  dut  envisager  sans  déplaisir  une  alliance  qui  pouvait 
lui  donner  à  la  fois  un  gendre  très  apparenté,  et  un  successeur  dans  sa  charge 
à  la  cour. 

Jacques  Roëttiers  commença  tout  d'abord  chez  Thomas  Germain,  puis  chez 
son  futur  beau-père,  son  apprentissage  d'orfèvre  et,  dès  le  17  juillet  1733,  il 
était  admis  à  la  maitrise.  Par  grande  faveur  pour  lui,  comme  quinze  ans  plus 


180 


tard  pour  Fr.-Th.  Gt'i-inaiii,  les  formalités  du   stage  furent  sensiblement  abré- 
gées.  Sa  connaissance    du  dessin,    les   succès    précoces   et  sérieux   qu'il  avait 


Soupière  exécutée  pour  le  Dauphin  par  J.  Roi'-Uicrs. 


remportés  à  TAcadémie  de  peinture  et  de  sculpture,  et  surtout  ses  hautes  rela- 
tions, décidèrent  la  Compagnie  des  orfèvres  à  accueillir  avec  empressement  une 
telle  recrue.  L'année  suivante,  le  (ijuin  \'?)i,  Jacques  Roëttiers,  âgé  de  26  ans, 


Deux  projets  de  plateaux  pour  la  soupière  exécutée  pour  le  Dauphin  par  J.  Roëttiers. 

épousait  Marie-Anne  Besnier.  En  même  temps,  il  était  nommé  orfèvre  ordinaire 
du  roi,  et  associé  de  son  beau-père  dont  il  obtenait,  en  1738,  la  survivance  et  le 
logement  du  Louvre. 

C'est  de  cette  époque  que  datent  les  premiers  ouvrages  d'orfèvrerie  de  Roët- 


-       INI 

tiers.  .Iiisi|ircii  ITTJ,  il  ne  ri'ss;i  de  riiiiiiiir  [Miiir  l.i  cdiir  iiiir  i|ii;iiil  ili'  dr  s.iiwcjlc 
|>|•('(•i(•ll-^t•  ;  iii.iis  li'N  |ii(''C('«,  r('iii,iri|ii;ililc'-  iii;in|iii'r-^  ijii  jx  liiicoii  iji-  ^;i  iii;ii^(»n  <|iii 
l'miirc  une  ;j(m|ici  vmiiI  |»(iiii-  .liii'^i  iliii'  iiil  i<  iii\  ,iM("-.  cl  |i,ii';ii->vcii|  ;i\(,ir  r\r  à 
(K'ii    [ires  loiilcs  (Ici  niilcN. 

I',ii  |»;iil;iiil ,  iiii  r|i:i|iilr('  |)i'(''C(''(|('iil ,  dii  Itrrnril  tir  ilrssiii'<  il'oi'fi'vro'it'  de  IMcrr'O 
(icriiiaiii  II,  11(111^  ,■|\(Hl-^  i';i|i|icl(''  (|iii'  ^('|ll  des  |i|;iiicli('>  de  cri  oilM'Ji^c  ;is;iii'iil  l'Ii'' 
i:r;i\  ('('«>  |>;ir  .1 .  Uiifl  I  icrs  cl  (inCllc'^  rc|in'>>cnl;ii('id  •■  (|iic|(nics  inoi-ccaiix  dOrlf- 
»    Nrci'ic  (|ii  M  cxcciilc  art  iicllcmciil    |uiiii'  Mnii<ci;jiiciir  le  haiipliiii  ». 

A  dcrant  de  pièces  aiil lienl  1(11^"-,  nous  avons  |)eiis{''  (|ne  les  dessins  eonvcr\('<; 
dans  eel  on\i"a,u<'  seraieni  nn  docnnieid  d  aniani  |iliis  |ir(''cien\  (|ne  ialle^lalion  <le 
son  coideniporain  alliinie  (|iie  les  pièces  (nrdles  re|)r(''senlenl  avaienl  ('h'  cM'cnh'es 
pour  le  Danpliin.  Leur  d(>slinali(Mi  sérail  au  besoin  ('((nlii'nH'e  |iar  roinenienlalion 
de  ces  ouvra^^c's.  les  end)lènH'S  el  les  ail  ri!  ml  s  (pii  les  di'corenl .  Le  /ml  à  nillr^  dont 
le  couvercle  e>l  sui'iuonh'  par  un  dauphin  doniplt'  par  l'Ainour  ai'nu'  d'une  nia<sue, 
et  \c  platcdii  de  la  soupière  [li(i</c  180),  dont  les  anses  sont  formées  par  la  r(''unioii 
de  diuix  dauphins  allroiUés,  no  peuvent  laisser  aueiin  doute  sur  la  hante  destina- 
lion  (le  ces  |)ièees  d'orfèvrerie.  De  la  mènie  époque  datent  d'autres  pièces  intéres- 
santes (|ue  nous  trouvons  (''fjalenient  dans  le  Recueil  de  Pierre  (lermaiii,  telles 
(jU(>  le  surtout  tout  à  fait  charinant  [puf/c  178)  ([ui  est  une  (euvre  de  sculpture 
pleine  de  mouvement  et  de  vie.  \1\\  groupe  d'enfants,  jouant  avec  des  pampres 
et  un  thyrse,  et  porté  dans  une  coquille  soutenue  par  deux  ligures,  Bacchus  et 
Vénus,  forme  la  pièce  du  milieu.  Le  candélabre  [pat/e  179),  ou  du  moins  le  fût, 
car  les  branches  de  lumière  n'existent  pas  dans  la  gravure,  est  gracieusement 
composé  avec  un  enlacement  de  deux  figures  portant  une  palme,  qui  devait 
servir  de  départ  aux  lumières. 

De  la  même  époque  est  le  tlambeau  {page  182)  que  nous  empruntons  au  même 
Recueil  et  qui  a  bien  la  caractéristique  du  style  Louis  XV  vers  1750,  et  possède 
en  même  temps  le  mérite  de  nous  renseigner  sur  la  manière  de  Jacques  Roëttiers. 
D'un  autre  coté,  aucun  historien  ne  s'est  encore  attaché  à  éclairer  la  biographie 
de  cet  artiste,  et  ce  que  l'on  sait  de  lui  se  borne  à  si  peu  de  chose  qu'il  est  bien 
difficile  de  procéder  par  des  aftlrmations  catégoriques  sur  son  genre  de 
talent  II  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  durant  les  trente-cinq  ans  d'exercice  de 
sa  profession,  de  17o7  à  177:2,  il  paraît  avoir  suivi  les  différentes  fluctuations 
du  goût  et  de  la  mode,  se  lançant  d'abord  avec  une  certaine  exubérance  dans  la 
rocaille,  puis  transformant  sa  manière,  s'assagissant  pour  finir  par  les  plus  déli- 
cates fantaisies  du  style  Louis  XVI.   Au  début,  il  dut,  à  coup  sur,  avoir  à  tenir 


(1^  Les  nieilltMir?  renstMiriicmeiits  bio^niphiques  publiés  jusqu'ici  sur  Roëttiers  se  bornent  à  la  notice 
donnée  par  Jal  ilans  son  Dictionnaire  hislorii/ue,  et  à  rétude  que  M.  Victor  Advielle  a  donnée  sur  Roëttiers 
dans  la  Collection  des  Mémoires  de  la  Réunion  de  la  Société  des  Beaux-Arts  des  départements  XII, 
p.  446-371. 


—   182  — 

compte  du  stock  de  modèles  que  lui  avait  laissés  son  beau-père  et  qui  sans  doute 
étaient  quelque  peu  surannés.  Une  des  premières  œuvres  importantes  où  il  eut 
Toceasion  de  mettre  quelque  chose  de  sa  personnalité  dut  être  la  vaisselle  qu'il 
exécuta  en  1743  pour  la  Dauphine  Maric-Thérèse-Antoinette,  lors  de  son  mariage; 
on  en  parla  avec  éloges  à  la  cour,  elle  lui  fut  payée  300000  livres.  Mais,  à  cette 
date,  Th.   Germain,  dont  la  gloire  éclipsait   tout  autour  de  lui,   vivait  encore. 

Jacques  Roëttiers,  considéré  comme 
un  (lél)utant,  ne  pouvait  aspirer  qu'à 
l'exécution  des  commandes  dédai- 
gnées par  l'illustre  orfèvre,  qui  avait 
été  un  moment  son  maître.  Celui-ci 
mort,  et  le  jeune  François-Thomas 
(lermain  ('tant  devenu  son  voisin  de 
logement  au  Louvre,  .1.  Roëttiers 
prit  plus  d'aj)lomI)  e(  partagea,  avec 
ce  dernier,  l'honneur  tlavoir'  à  livrer 
la  vaisselle  du  Roi.  Le  Journal  du 
Garde-Meuble  de  l'année  1752  nous 
indique  (1)  qu'il  lit  à  cette  époque, 
en  collaboration  avec  son  remuant 
confrère,  le  service  de  campagne  de 
Louis  XV,  comprenant  une  douzaine 
de  pièces.  En  fouillant  les  archives, 
on  trouverait  probablement  la  men- 
tion de  ses  principaux  ouvrages  pour 
la  Cour.  Il  est  à  remarquer  cependant 
que  nous  avons  vainement  cherché 
son  nom  dans  les  Registres  du  Mi- 
nistère des  Affaires  étrangères  parmi 
les  orfèvres  chargés  des  présents  di- 
plomatiques. De  même,  dans  les  Comptes  des  Menus  plaisirs,  il  ne  figure  qu'à  de 
rares  intervalles  :  en  1747,  pour  les  anneaux  d'or  et  d'argent  qu'il  fit  lors  du 
second  mariage  du  Dauphin,  et  pour  une  paire  de  flambeaux  ciselés  avec  les 
armes  et  la  légende,  qu'il  factura  596  livres;  en  1753,  pour  une  boîte  à  éponge, 
un  flacon  et  un  couteau  à  lame  d'argent,  payés  788  livres;  en  1755,  pour  une 
paire  de  flambeaux  dont  la  façon  seule  est  de  200  livres,  etc.  Ce  ne  sont  là  que 
de  menus  ouvrages  sans  importance.  Roëttiers  exécuta  pour  le  Roi,  à  diffé- 
rentes époques,  des  pièces   de  premier  ordre,  comme  les  deux   sucriers  d'or 


"s<^ 


Flambeau  composé  et  dessiné  par  J.  lloëttiei-: 


(1)  Journal  du  Garde-Meuble,  Archives  Nalionales,  0.,  3314,  p.  133. 


IS.l 


Porli-ail  (le  J.vcqlls    llUÈTTIKUS,   i)ar  ^iL•()la^  Cochin. 
(dahiitel  des  eslampes  à  la  Bihliulhcquc  luiliuiutle.) 


IK.'i    — 

ju;;(''S   si    i-ciiKiriiii.ilili'^,    (|m'   ihiii--   la    imccc   mi    lU    liu'iii-aiciil ,    :iii    ital.ii-^   «le    \rr- 

Saillcs.  (III  les  |i|;ii;ill  siiil'^  il(">  NlIniK'^  |iliilc(|  liiTv.  Il  ,i\;iil  .•|ll->^i  |)((Mr  «liciil- 
les  |iriiici|i;iii\  |M'rs(>iliiaL;c-^  de  la  cdiir  fl  (|r-.  ■-(  •ii\  it;iiii'^  ('■(  imii;_'c|-^.  I.a  |ilii- 
f^rainlc  [lailic  de  la  iioMcn'^c  v',ii||-cs^,iiI  a  lin  |i(iiir  Imil  n-  ipu  l'I.iil  oric^ 
\rrric  sdij^iiiM",  cl  siirldiil  jiicii  uraxcc,  car  roi'iVîvrc  giirdail  au  ((ciir  I  .uiKiiir 
lie  Cil  ;iil  (je  la  ma\(irc  aiii|iic|  il  a\ail  ciuisaciv''  sa  jciiiicsx-  cl  ijaii^  lci|iic| 
il  aiiiail  \oiilii  s'illiisl  rcr  cdaiiiic  sc>  aiciix.  Il  v  rcxciiail  -ans  cc-sc,  (|iian<l  le 
sonci  lii"^  alVail•c•^  le  lui  |icnncMail.  C/t'Iail  li'  (h'Iasscnii'iil  ilc  I  arli-lc  rcsh' 
lidclc  a  siMi  |ircnnci'  idcal.  Les  |iicccs  (TorlcN  rci'ic  an\(|nc||cs  il  incllail  la 
main  |Miiicn(  la  niar(|nc  (\r  cr  lalcnl  s|)(''(Mal  du  ;^ra\iMir  en  iin^daillc'^  :  Nd 
es!  le  lican  siM'vice  de  laMc  (|in  se  Iroiive  aciiiellcineni  an  Palais  dlliv(îr, 
à  Sainl-I*(''tei'slu)m'j4,  (li'si^m''  sons  le  noni  île  srrvice  O/Io//,  \ciidn  en  l'uissie 
|iai-  des  (Miiiiii'ôs  tVaiieais.  an  nionienl  de  la  lirvohilioii,  ci  (jne  lloidlicrs 
avait  dn  exi'ciiler  j)()ni'  (|neli|ne  personnage  de  la  conr;  lelle  est  encore  lai- 
iznière  de  l'orme  ovale  et  aplatie  (jue  possédait  le  harini  Pi(dion,  dans  la 
collection  qn'il  vendit  en  hSTS,  et  dont  la  ,L:i-avnre  est  pai'licnlierenietil  remar- 
(piablc. 

Jacipies  Roi'Itiors  fut  très  certaiiioniLMil  mi  lionune  f;ravc  et  silencienx,  «pii 
fuyait  le  brnit  et  aimait  le  calme  de  la  vie  de  famille.  Ce  n'est  pas  lui  qui  am-ait 
l'empli,  comme  son  confrère  Fi'.-Tli.  (lermain,  les  f^azelles  dn  teni[)S  de  !•('•- 
clanu's  dilliyrambi(iues,  ou  organisé  des  expositions  de  son  orfèvrerie,  chaque 
fois  qu'il  venait  de  livrer  une  fourniture  de  quelque  conséquence.  Nicolas  Goehin 
a  fait  de  lui,  en  1770,  un  superbe  portrait  (page  183),  gravé  par  Augustin  de  Saint- 
Aubin,  et  qui  nous  le  montre  en  médaillon,  vu  de  profil,  Il  a  bien  les  traits  que 
fait  supposer  son  caractère. 

Après  la  déconfiture  de  Fi'ani;ois-Thom:is,  il  hérita  d'une  partie  des  tra- 
vaux retirés  désormais  au  malheureux  orfèvre  en  faillite  ;  mais,  à  cette 
époque,  Roëttiers  pensait  déjà  à  se  retirer  des  affaires,  quoi({u'il  n'eût  pas 
encore»  cinquante  ans,  pour  pouvoir  s'adonner  complètement  à  son  art  favori 
de  la  gravure  en  médailles.  Il  était  entouré  de  la  considération  de  toute  sa 
corporation  qui  le  nomma  garde  de  l'Orfèvrerie,  en  1754,  puis  grand  garde  en 
1758  et  1761.  Il  souhaitait  obtenir  ses  lettres  de  noblesse.  Le  roi  les  lui 
accorda  en  177:2,  et  il  prit  dès  lors  le  nom  de  Jacques  Roëttiers  de  Latour; 
mais,  en  enregistrant  ces  lettres  d'anoblissement,  le  Parlement  spécifia  que 
celui  qui  en  était  l'objet  ne  pourrait  plus,  à  l'avenir,  exercer  la  profession 
d'orfèvre,  incompatible  avec  son  nouveau  titre.  Cela  n'était  pas  pour  déplaire 
à  Roëttiers,  qui  s'empressa  de  prendre  sa  retraite  et  de  donner  la  direction 
de  ses  ateliers  à  ses  deux  fils.  L'un,  Alexandre-Louis  Roëttiers,  fort  instruit, 
devint  le  chef  de  la  maison  à  partir  de  1772.  Mais  il  avait  d'autres  ambitions: 
il    abandomia    l'orfèvrerie   le    20    novembre    1775   et    se   fit    nommer   conseiller 


—  186  — 

de  la  Chambre  des  comptes.  Il  devint,  en  1791,  directeui-  de  la  Monnaie  de 
Paris  (l).  L'autre,  Jacques-Nicolas  Roëttiers,  reçu  maître  en  1765,  fut  le  vrai 
et  digne  successeur  de  son  père.  Ce  fut  lui  qui,  pendant  les  dernières  années 
du  dix-huitième  siècle,  fit  le  plus  d'affaires  dans  le  corps  de  l'orfèvrerie,  après 
Lempereur  et  Mercier  (2). 

Quant  au  père,  complètement  repi'is  parla  gravure  en  médailles,  il  fut  nommé 
membre  de  l'Académie  royale  de  peinture  et  de  sculpture,  et  mourut  aux  Galeries 
du  Louvre,  le  17  mai  1784,  à  l'âge  de  77  ans. 

Parmi  les  grands  et  précieux  travaux  de  Jacques  Roëttiers,  nous  ne  devons  pas 
oublier  ceux  qu'il  exécuta  pour  M'""  du  Barry  et  dont  nous  parlerons  au  chapitre 
suivant;  mais,  à  cette  époque,  les  œuvres  de  Roëttiers  allaient  s'imprégner  du 
goût  nouveau  qui  dominait,  et  nous  le  verrons  donner  à  l'orfèvrerie  de  style 
Louis  XVI  qu'il  exécuta  i)our  la  favorite,  le  même  charme  cpi'il  avait  su  im- 
primer au  style  Louis  XV,  dont  les  gravures  (piil  avait  signées  dans  le  Recueil 
de  Pierre  Germain  II,  et  (jue  nous  avons  reproduites  plus  haut,  nous  ont  fait 
apprécier  l'élégance. 

(1)  Il  se  faisait  appeler  Louis  RoëUiers  de  Monlaleut  pour  se  (iistiiif;uer  de  son  frère.  Il  est  mort  seu- 
lement le  27  février  1855,  en  sa  maison  rue  du  Kour-Saint-fiei-maiu,  n»  o3.  —  Voir  l'étude  sur  les  Itoëtliers, 
de  Victor  Advielle,  et  Journal-Dictionnaire  historique. 

(2)  C'est  ce  qui  ressort  des  registres  de  capitation  consultés  par  .M.  Germain  Uapst,  qui  cite  ce  fait  dans 
son  ouvrage.  Inventaire  de  Marie-Josèplic  de  Saxe,  paj^e  90. 


Panier  fleuri  par  Ranson. 


FiapiiuMil  (romNHlrcnu'nl  «le  la   Ucliilinn  (l(  s  Kèles  du  maria(;v  «lu  l)aii|iliin,  ijV.I- 

l)os>iii  (lo   Hlondcl. 


CHAPITRE   SIXIEME 


La  niaivjuiso  do  Pompadour  ot  son  innuenco. 

Tout  à  la  Giuhmjuo.  —  Avonoinoul  du  stylo  Louis  XVL  —  M'"'  du  Barry 

ol   SOS  prodigalilos.  —  Sos  ooinniandos  à   roi'lôvi'o  Hor^tliors. 

Los  boîtos  ot  los  momis  objots  do  styh*  Louis  WL 

La    oatasti'oplio    do     1 750.    —    Conoupronoo    fait<'  à  l'arûontorie 

pai'  la  i)oroolaino.  —  Los  industi'ios  du  siniilor  ot  du  doublo. 

La  poterie  d'olain. 


OLs  arrivons  à  un  moment  où  les  orfèvres  dont  nous 
venons  de  parler,  subissant  les  influences  nouvelles, 
vont  pousser  l'art  dans  des  voies  plus  sages  et,  peu 
à  peu,  changer  Torienlation  de  leur  manière.  C'est 
alors  qu'apparaît  une  femme  de  goût,  d'un  sentiment 
artistique  très  développé,  et  dans  laquelle  s'est  in- 
carné l'art  de  la  seconde  moitié  du  dix-huitième  siècle  : 
—  la  marquise  de  Pompadour:  —  non  pas  que  nous  prétendions  qu'elle  ait  eu 
sur  tout  ce  qui  se  rapporte  à  l'Art  un  système  bien  arrêté,  mais  elle  avait  reçu 
des  dons  précieux,   abondait  en  qualités  charmantes,  et  savait  s'entourer  des 


—  188  — 

artistes  en  vogue,  eoinrne  Boucher,  Van  Loo,  Pigalle  et  Drouais.  Elle  encourageait 
les  délDuts  de  Vien,  tenait  Bouchardon  en  grande  estime,  e(  faisait  de  Guay,  le 
graveur  en  pierres  fines,  son  collaborateur  ordinaii-e. 

jyjnie  jg  Pompadour  a  véritablement  aimé  l'art;  elle  lui  a  donné  le  meilleur  de 
son  temps,  se  passionnant  non  seulement  pour  les  oeuvres  qu'elle  achetait  pour 
emljellir  ses  demeures,  mais  sachant  aussi  provoquer  par  ses  commandes  et  son 
goût  pour  le  luxe  de  l'ameublement,  les  recherches  nouvelles.  Son  souvenir  res- 
tera attaché  à  l'art  de  cette  époque,  dans  tout  ce  que  cet  art  a  eu  d'intime,  de 
familier  dans  cet  ensemble  d'objets  si  divers  cpie  le  dix-huitième  siècle  créa 
à  son  image,  et  de  particulièrement  li(''  à  la  vie  de  riiomnie  pour  entourer  son 
existence,  pour  la  servir  et  la  parer. 

Ce  ne  sera  pas  seulement  l'art  «pie  protégera  la  mai-quise;  ce  sont  aussi  les 
créations  utiles  et  les  uioiiumcnts  que  le  tenq)s  respectera  et  qui  prolongeront 
dans  l'avenir  la  i)0i)ularité  d'une  favorite.  Elle  transporta  la  fabrique  de  porce- 
laines de  Vincennes  à  Sèvres,  et  créa  cette  manufacture  dont  les  produits,  dotant 
l'industrie  française  d'une  porcelaine  d'art,  devaient  enlever  à  la  Saxe  le  tribut 
que  lui  payait  lEurope;  elle  fit  déclarer  Sèvres  manufacture  royale,  comme  la 
Savonnerie  et  les  Gobelins.  Elle  eut  aussi  l'heureuse  pensée  de  compléter  la  noble 
idée  de  Louis  XIV,  en  donuant  un  pendant  aux  Invalides,  par  l'établissement  d'une 
Ecole  militaire,  où  devaient  être  élevés  les  fils  des  soldats  morts  à  l'ennemi  (1). 

Elle  touchait  à  tout,  elle  se  dépensait  avec  une  activité  dévorante,  se  répan- 
dant en  cent  lieux  et  en  mille  choses.  Elle  trouvait  nième  le  temps  de  faire  œuvre 
d'artiste  et,  sous  la  conduite  de  (iuay,  elle  s'essayait  à  l'art  délicat  de  la  gravure 
à  l'eau-forte,  et  reproduisait,  dans  une  suite  de  soixante-neuf  estampes  qu'elle 
faisait  imprimer,  les  pierres  gravées  de  son  maître,  des  cachets,  des  allégories  et 
des  trophées. 

Elle  faisait  de  fréquentes  visites  chez  Lazare  Duvaux.  où  elle  trouvait  à  satis- 
faire son  goût  de  curieuse  et  de  femme.  Mais  ce  n'était  pas  seulement  les  objets 
anciens  qu'elle  achetait  chez  ce  marchand  joaillier  que  Louis  Courajod  nous  a  fait 
connaître  par  la  publication  de  son  Livre-Journal,  en  le  faisant  précéder  d'une 
Introduction  savante  où  il  révèle  l'influence  de  la  marquise,  il  nous  la  montre 
également,  commandant  des  montures  de  vases,  des  bronzes,  des  bijoux,  des 
pièces  d'orfèvrerie  pour  elle  et  pour  le  roi,  que  Lazare  Duvaux  exécutait  lui-même 
ou  faisait  exécuter  par  les  plus  habiles  de  son  temps. 

C'est  une  curieuse  figure  que  ce  Lazare  Duvaux  :  marchand  mercier,  il  com- 
mence par  faire  le  commerce  de  la  curiosité  ;  les  documents  contemporains  le 
qualifient  indilTéremment  de  mercier,  de  bijoutier,  de  joaillier  et  d'orfèvre.  De  son 
métier,  il  était  fondeur,  ciseleur,  monteur  en  bronze,  bijoutier  et  orfèvre  dans  le 

1)  De  GuMCourt,  ,)/""■  île  Pompadour,  page,-^  178  et  suivantes. 


|S!> 


^•'"^    ilcnic    ilii    mol,    <|iiiii(|u  il    II  ;iil     |.iiii;ii,    cii    de    iii;in|iii'    m    ,{,■    poiindii.    Il 

ol'lllll    le   lili\.'l    >\i>\-\i'\ii-  ji, //////!■/■  ,/i/    Uni.   CrvI    |,|i.|.;iMr|iiciil    |  i.ir  -ml  r    «les    |iri\i- 
l(';;('s  ;ill;i(|ii'v   ,1  ce  |i|ic   d    ,1   v['\\\\    de   iniinlutnd  snimiil  In    ('uiii\   iiiir    |)ii\;m\    |'||( 


Fac-similé  de  l'estampe  de  la  Marquise  de  Pompadour 

servant  de  frontispice  à  son  Recueil  d'estampes  gradées  à  Ceau-forte  ■ 

d'après  les  pierres  gravées  de  Guay,  graveur  du  Roi  Louis  XV. 


dispensé  de  prendre  son  brevet  de  maîtrise  parmi  les  orfèvres,  et  alTranchi  vrai- 
semblablement de  l'obligation  d'avoir  un  poinçon. 

La  fréiiuentation   de   nombreux  amateurs,  hommes  de   goût  et  d'éducation 
raffinée  (jui  étaient  ses  clients,  avait  développé  en  lui  l'appréciation  des  belles 


—  190  — 

choses,  et  la  vue  de  ces  (euvres  variées  et  précieuses  qui  meublaient  son  magasin 
lui  avait  appris  les  ressources  du  métier  de  ceux  qui  les  avaient  créées.  Peu  à 
peu,  pour  satisfaire  une  clientèle  qui  avait  confiance  en  lui,  de  marchand,  il  était 
devenu  bronzier,  orfèvre  et  joaillier.  Il  fabriquait  des  bras,  des  girandoles  et  des 
lustres;  il  montait  des  diamants,  composait  des  bagues,  des  tabatières,  des  bon- 
bonnières et  boîtes  de  montres;  il  ciselait  des  pommeaux  de  cannes  ;  il  faisait  de 
la  vaisselle  d'or  et  d'argent  et  l'exécutait  sur  des  modèles  qu'il  demandait  aux 
plus  célèbres  modeleurs  de  l'époque. 

Nombreux  sont  les  objets  décrits  sonnnaircment  dans  son  journal,  qui  témoi- 
gnent de  son  habileté  et  des  ressources  don!  il  disposait. 

Le  n"  2087  signale  une  pièce  d'orfèvrerie  importante,  avec  (piati'c  colonnes  et 
cassolettes  en  argent.  Le  n"  211(5,  une  grille  de  cheminée  conqiosée  d'un  cygne 
dans  des  roseaux  :  «  Modèle  fait  exprès  ».  Quelle  est  sa  pai't  de  travail?  s'est-il 
borné  à  l'inspirer,  l'a-t-il  ciselée  lui-même,  ou,  l'ayant  fondue,  l'a-l-il  conliée  à 
quelque  éminent  artiste,  comme  semble  le  penser  M.  Courajod,  qui,  pour  une  sa- 
lière d'or  retrouvée  dans  un  catalogue  de  vente  de  1780,  indiquée  comme  ayant 
appartenu  à  un  sieur  Collin,  intendant  de  feu  M"""  la  Marquise  de  Pompadour, 
nous  déci'it  :  «  l'ue  salière  d'oi'  exécutée  par  Auguste,  orfèvre  du  lioi,  d'après 
))  les  nu)dèles  de  Falconnet.  La  salière  est  représentée  par  un  matelot  assis  sur 
»  une  roche,  tenant  une  huître:  et  la  poivrière,  un  jeune  garçon  qui  tient  un 
»  sac  sur  lequel  est  représenté  du  poivre  en  grains;  chacun  ayant  cinq  pouces  de 
»  hauteur  (1).  » 

Dans  tous  les  cas,  il  fabriipu-  mènu'  de  l'orfèvrerie  d'usage,  puisqu'on  le  voit 
fournir  à  M'""  de  Pompadour  et  au  Koi  des  nécessaires  «  garnis  d'une  écuelle  avec 
»  son  couvercle  et  son  assiette,  un  gobelet,  un  couvert  et  son  couteau  en  argent 
»  d'Allemagne,  une  lampe  de  nuit  en  argent  de  Paris,  un  marabout,  un  réchaud 
»  à  esprit  de  vin,  une  boîte  à  double  thé  d'argent,  une  théière,  un  sucrier  >>,  et 
à  juger  par  le  nombre  d'ustensijes  en  argent  que  lui  commanda  Louis  XV,  qui 
cependant  avait  des  orfèvres  comme  Ballin,  Roëttiers  et  Besnier,  il  faut  bien 
penser  qu'aujourd'hui  nous  pouvons  le  considérer  comme  l'orfèvre  attitré  de 
jypne  ^^^,  Pompadour  et  même  du  roi  Louis  XV. 

.  L'orfèvrerie  des  dernières  années  du  règne  de  Louis  XV  porte  déjà  l'em- 
preinte et  les  principaux  caractères  de  ce  qu'on  est  convenu  d'appeler  le  style 
Louis  XVI,  ce  qui  fait  quelquefois  confondre  les  œuvres  de  cette  période  de  tran- 
sition. Il  ne  faut  point  ouldier  que,  dès  1760,  la  mar({uise  de  Pompadour,  bien 
loin  de  favoriser,  comme  nous  l'avons  dit  et  comme  on  le  croit  assez  générale- 
ment, les  folies  du  genre  rocaille,  se  montrait  fort  entichée  des  œuvres  d'un  goût 
plus  sur,  et  encourageait  de  tout  son  pouvoir  (qui  était  grand)  et  de  toute  son 

(Ij  Luuit;  Courajod,  Liore  Journal  de  Lazare  Dnvaur,  IiiU'oduclioD,  pages  72  à  7S. 


l'.M    — 

lllllliciicf  i|lll  lui  vi  lirmcil^f  |MHir  I  ;ill  ri-;ilir;ii>  les  I  r|i(liilicr  ^  ;i|(|i  il  ni  milles 
ll(ill\  l'Iicv  \cr^  I  CIikIc  (|c^  llloiiiliiii'ill  ■-  <\r  I  .ilil  li|illl  c.  S.ilis  ilulllr.  s("-  |  tl'i 'l't  •rciKT'S 
|i;ir;ii'^vciil  ;iMiir  de  ImiiI  .nilics  i|iii;iiil  lc->  ili\  |Mfiiiicrcs  .iiiikts  de  v.i  loulr  j»iiis- 
s;iii((',  fl  ('('si  ce  (|iii  |ii(ili,iMciiiciil  ;i  iiidiiil  en  «i  rciir  (|iic|i|iic-  iiii>  de  ses  lii^lo- 
ru'ii'^,  cl  accrcdilc  dc-^  idées  r.iiisses  sur  ^i>\\  mie  ;iu   pdiul  de    \  ne  ;ifl isliqiie. 

A  peiue  ius|;ill(''(>  ;i  l:i  eiiui'  de  \('rs;iilles,  elle  de\iul  ;iussi(("»|  |:i  direciriee  e| 
l'ordduu.il  liée  de-  |)l;ii-irs  ii)\,iii\,  cl  son  ,:j(''iiie  de  r;iiT;iii;jeiiieiil  pour  loni  ee  i|ui 
Idiudie  au  iiiidiilier  s'eiii|il(i\a,  d,iii>  les  ii(iiiilM-eii\  palais  (pi'elle  lil  e(tiis|  riiire, 
dails  les  iiieuliles  ou  dans  les  .iiiieuMeiiieiils  (|u"elle  iiiia^ilia.a  mell  re  eu  \  aleur' 
leshle  exislaill  a  l'Iieiire  de  siui  a\  eiietiieiil .  C'est  ee  ipii  a  lail  dire  aux  (Veres 
de  ("loiieoiirl.  avec  un  |icu  d'e\a,L:(''ral  ioii.  «pie  la  Im'IIc  iiiaiNpiise  «  es!  la  niarraiiic 
du  rococo  »  I  .  A  C('  iiiiMiiciil,  il  esl  très  \  r;ii  (pTelle  l'aisail  une  lar;^<'  |)lace,  datis 
son  délicieux  palais  de  l>elle\ue.  ipie  coiisl  ruisail  l'arcdiileele  Lassiirancc,  aux 
/iirt/ucrirs,  aux  ineuMcs  \eiilnis,  eonlonnu's  cl  d(''(dii(piel(''s,  rpi  elle  l'aisail  venir 
tMi  (pianlilc  de  clic/  La/arc  huvaux  ["l-. 

On  baplisail  de  son  nom  «  à  la  P()ni|iadonr  »,  carrosses,  lits,  soplias,  ineuds 
de  iidians,  toni  ce  (pii  scnildail  èlrc  le  rcllcl  de  son  élégance  et  de  son  prcs- 
{[lic.  Mais,  dix  ans  plus  lai'd,  c'esl  une  com|)lè(e  volte-face,  ainsi  (pie  roui.  jiisLe- 
inciil  reinai'(|U(''  les  ('crivains  (pii,  tels  (|ue  .M.  de  Noliiac  (3y,  ii"aj)plirjuent  pas  à 
l'Iiisloire  des  procédés  de  romanciers,  et  contrôlent  les  fîiits  avec  des  dates  pré- 
cises. Alors  le  caprice  de  M'""  dePompadour  est  entièrement  acquis  à  l'art  antique, 
dont  renlreticnnenl  constamment  les  amis  de  son  entourai^e,  d'abord  son  oncle, 
M.  de  Tourneiiem,  surintendant  des  Beaux-Arts;  ensuite  son  frère,  le  comte  de 
Vandièi'cs,  devenu  depuis,  grâce  à  elle,  marquis  de  Marigny,  qui  j)rit  sa  succes- 
sion et  fut,  connue  son  oncle,  directeur  général  des  Bâtiments  et  des  Beaux-Arts. 
Elle  l'avait  envoyé  en  Italie  étudier  les  chefs-d'œuvre  classiques  avec  l'abbé 
Leblanc  l'archéologue,  et  Cochin  le  graveur,  ce  même  Cochin  qui  avait  lam^é, 
contre  l'orfèvrerie  rocaille,  la  diatribe  citée  plus  haut  et  qui  venait  de  publier  ses 
O/iscrcadons  sur  les  antiquités  d' Herculanum.  Ce  fut  la  marquise  qui,  la  première, 
mit  à  la  mode  les  meubles  à  la  Grecque,  inspirés  de  la  décoration  des  édifices 
anciens,  et  qui  firent  un  moment  fureur.  «  La  manie  du  jour  est  de  tout  faire  à  la 
Grecque  »,  écrivait  Rachaumont,  le  22  avril  1764  (4).  De  son  côté,  Grimm  disait  : 
«  Tout  se  fait  à  la  Grecque,  la  décoration  extérieure  et  intérieure  des  bâtiments, 
»  les  meubles,  les  étoffes...,  les  formes  sont  belles,  nobles,  agréables,  au  lieu 
»  qu'elles  étaient  tout  arbitraires,  bizarres  et  absurdes,  il  y  a  dix  ou  douze 
»  ans  lo».   L'orfèvrerie  ne  manque   pas  de   sacrifier  immédiatement  à  la  fan- 

1)  (joncoiirt.  Madame  de  Vompadow. 

(2    Courajod.  Journal  de  Lazare  Duraiix  (passini'.  Introduction,  page?  3G  à  iO. 
■  3:  P.  de  Noltiac,  Louis  XV  et  .)/'"«  de  l'ompadour,  d'après  des  documents  inédits  ,1904,  1  vol.  in-lS  . 

4   Bachaumont,  Mémoires  secrets.  II.  p.  o3. 

."il  Griuiui,  Correspondance  littéraire  (Paris,  18-2!l,  t.  III.  p.  12*  . 


—   192  — 

taisie  du  iiiomciit,  et  l'on  a,  de  Fr.-Tli.  Germain,  un  j^i'ospeclus  portant  la  date 
du  24  janvier  i7G(),  annonçant  la  vente  d'une  collection  de  vases  antiques  (|ue 
l'artiste  ofï'rait  au  public  et  qu'il  déclarait  «  ornés  de  bronze  d'un  goût  exquis  et 
de  la  plus  belle  dorure  »  (1).  Il  déclarait  en  outre  vouloir  continuer  ce  genre  de 
production  et  «  varier  ingénieusenient  les  formes  et  les  ornements  de  tous  les 
ouvrages  d'argenterie  ». 

Les  gravures  des  chiffres,  devises,  emblèmes  e(  armoiries   donl  les   orfèvres 


FrouLispice  du  Livre  de  cliifj'res.  de  Poucet  fds. 


agrémentaient  leurs  ouvrages,  subissent  les  mêmes  influences.  Un  dessinateur 
du  temps,  Poiiget  fds,  graveur  et  joaillier,  qui  avait  fait  son  apprenlisçàge  chez  le 
joaillier  Lempereur  et  y  avait  appris  «à  connaître  les  ressources  de  son  art,  nous  a 
laissé  un  volume  intéressant  de  modèles  de  chiffres,  emblèmes,  devises  et  armoi- 
ries ([ui  reflètent  le  goût  du  jour. 

Pouget  avait  trouvé  auprès  du  frère  de  M'""  de  Pompadour,  le  marquis  de  Mari- 
gny,  un  protecteur  éclairé  auquel  il  avait  voulu  rendre  hommage,  et  dans  le  fron- 
tispice qu'il  gravait  et  mettait  en  tète  de  son  recueil,  pour  reconnaître  l'appui  et 
les  encouragements  qu'il  lui  avait  toujours  donnés,  il  accompagnait  la  dédicace 


(ly  Mercure,  ii"  de  janvier  11G6. 


l'.l.t 

(riiiic  L'i'iiN  iirr  i|iic  111)11^  rc|ii(M|iii^(iii^  il  (|iii  iiKiiili'i'  lin  jnli  -|m  rnnrn  ilr  -mi  t.iliiit 
cl  iinlii|ih'  I  .11  liiiiiiiMMicjil  Nci'v  cri  ;iil  |ilii-  --iiii|ili\  iiiiiis  nirorc  iii.iiiif'n'',  «iiii 
,|,.\;iil  ,|c\ciiir  le  v|  \  le  |,,,iii-  W  I  (»ii  Ir  Miil,  il  sChiil  dd  m  if,i---('  <  |r  l.'i  |-(ir;illlr; 
il  cl.iil  i'lc:.;;iiil  cl  ;i   l;i  mode,   iii.ii'^  rr  n'cliiil    ciicnrc  ipii'  du  s|\|c  l'diiip.idoiir. 

.NoM^   Ml'    |M»--scd(i||^    lILlIlirlIlCllvcilIfllI     i|lli'     de     ln">     IMIO    |i|r(r-     d  <  ilT<  '  V  rcric 

aiillit'iirh|iic--  ;i\;i!il  ;i|.|Milciiii  ;i  M'"  dr  l'uiii|  i.idoii  r,  cl  c'c-l  ;iii  Mii-i'c  cciil  ciiii.d 
que    iioiis  dc\oiiN  riicurcusc   lorluiic  i\('   les  loiiii.iilic   cl    d;i\iMi'  pu    les   ;i(|uiircr. 


Saucici'i'  (le  la   iiiar(|uiM'  dr   l'niiiiiailinir. 
[Collecllon  lie  .l/""'  liiinil. 

Deux  pièces  aiTacliécs  (pai'iiuel  miracle?)  à  la  destriiclion  de  lTo9  figuraient 
au  Musée  eeiiteniial  dans  la  colleeLion  de  M""'  Bui'at.  Ce  sont  deux  saucières 
dont  lune  a  apparieiui  au  haron  Piclion  et  l'autre  à  M.  Leroux  qui  l'avait  trouvée 
à  Nantes,  en  18U),  avec  son  ècriii  d'origine.  L'une  d'elles  avait  jadis  fait  partie 
de  la  collection  de  M.  Paul  Eudel  qui  en  donne  la  description  suivante  : 

«  Le  pied  est  formé  par  un  cep  portant  le  corps  de  la  saucière  et  venant  dé- 
corer la  panse.  Le  haut  est  divisé  en  compartiments  décorés  aux  extrémités  par 
des  feuilles  de  vigne  et  d'olivier;  au  centre,  un  écussou  supporté  par  des  griffons, 
une  couronne  et  les  armoiries  de  la  marquise.  » 

Les  poinçons  relevés  par  M.  Eudel  indiquent  que  la  pièce  (|u'il  possédait  a  été 
faliri([uée  en  17').'),  sous  J.-J.  Prévost,  par  l'orfèvre  François  Joubert  (h;  cette  date 


(l)  C'est  par  erreur  que  le  Calalo()ue  dfs  Musées  ccntennuux  avait  atlril)ué  la  propriété  de  cette  pièce 
insigne  à  .M™e  iiu  Barry,  puisi|ue  la  marquise  était  alors  toute-pui.-^saule  et  ue  mourut  qu'en  176.). 

11 


—   191 


et  les  armes  de  la  mai'qiiise  ne  laissent  aucun  doute  sur  rattriljutioii  que  nous 
avons  faite,  et  donnent  une  valeur  d'une  insigne  rareté  à  ce  monument  de  l'orfè- 
vrerie française  à  cette  époque;  nous  devons  remercier  M""' Burat,  non  pas  seu- 
lement de  les  avoir  su  réunir,  mais  de  les  avoir  prêtées  aux  organisateurs  du 
Musée  centennal.  On  sait  que  la  marquise  fit  fondre  à  la  Monnaie  son  argentei'ie, 
en  4759;  mais  cela  n'empêcha  pas  qu'elle  en  avait,  à  sa  mort,  pour  087  000  livres, 
dont  507  000  livres  en  vaisselle  d'argent  et  180000  livres  en  vaisselle  d'or,  ce  qui 
j)rouve  à  (piel  jujinl  elle  poussa  l'amour  de  ce  genre  de  luxe.  Que  de  chefs- 
d'œuvre  devaient  se  trouver  dans  une  pareille  collection!  Quand  on  pense  au 
soin  qu'elle  prenait  de  ne  s'entourer  que  des  plus  belles  choses,  que  des  objets  de 
l'art  le  plus  raffiné,  et  (pie,  lorscpTelle  connnandait  aux  artistes  ses  ameuble- 
nuMits,  elle  ne  s'adressait  (pi'aux  plus  habiles,  à  ceux  dont  la  main-d'œuvre  coû- 
tait le  {)luscher,  on  imagine  sans  peine  ce  ([ue  pouvaient  être  les  accessoires  d'or 
et  d'argent  destinés  à  paraître  sur  la  tal)le  où  Louis  le  Bien-Aimé  venait  s'as- 
seoir, dans  l'intimité  des  petits  api)arlements.  Les  fameux  soupers  auxquels  n'as- 
sistaient que  les  familiers,  les  courtisans  admis  par  faveur  toute  spéciale,  ne  com- 
portaient pas  l'argenlerie  monumentale  des  services  d'apparat,  qui  avaient  été 
jus(pie-là  en  usage.  M"""  de  Pompadour  en  imagina  ime  moins  difficile  à  manier, 
et  de  jtroporlions  plus  réduites,  qui  ne  tai'da  j)as  à  servir  de  modèle  à  toute 
la  Cour. 

Ce  fut  à  cette  époque  qu'à  la  demande  de  Louis  W,  on  avait  construit,  pour 
les  soupers  du  roi,  des  tables  mécaniques  qui,  mues  par  un  ressort,  montaient 
d'elles-mêmes  tontes  servies  du  sous-sol  au  salon  et  au  boutloir,  otfrant  les  mets 
et  les  friandises  dont  elles  étaient  couvertes  aux  convives  stupéfaits,  sans  qu'il  y 
eût  besoin  de  valets  pour  l'office. 

Le  fameux  Loriot,  qui  exposa  au  Louvre,  en  1769,  une  table  de  cette  espèce, 
surgissant  du  parquet  au  moindre  signal,  avec  son  service  d'argenterie  (1),  eut 
des  imitateurs;  et  le  buffet  mouvant  d'Arnoult  ou  la  table  à  surprise  de  Guérin, 
n'eurent  rien  à  envier  au  guéridon  volant  installé  par  Loriot. 

Le  Musée  des  Arts  décoratifs  conserve  dans  ses  collections  l'aquarelle  ori- 
ginale de  Guérin  de  Montpellier,  montrant  la  construction  du  buffet  mécanique 
qu'il  avait  inventé,  et  qui,  patronné  par  le  marquis  de  Marigny,  avait  été  installé 
au  château  de  la  Muette;  nous  en  dounons  ici  la  reproduction  {page  195). 

Plus  d'un  grand  seigneur,  dans  ces  Folles  qu'il  était  de  bon  ton  de  se  faire 
construire  aux  environs  de  Paris,  et  où  l'on  invitait  ses  amis  à  faire  bojuie  chère, 
avec  un  laisser-aller  très  souvent  libertin,  possédait  des  tables  mécaniques  dans 
le  genre  de  celles  qui  avaient  été  faites  pour  les  petits  soupers  de  Louis  XV; 
sans  doute,  on  n'aurait  pu  faire  tenir  sur  ces  tables  légères  les  230  pièces  qui 


(1)  Voir  Mercure  de  France.  iuiiU(''r()  de  juillet  17(1'.). 


\'.t:; 


ènartl  A^  CeshitimenS.   Par  Sen.  ti-es  hiunUe  et  très  oiiMsaiu,  ^ermteur   (juerutjiis. 


lUillVt   iiK'Tani([iie  de  (auriii. 
D'uprùs  riuiuiirclle  njipiirlpmtul  aur  riilleclioiis  du  Musée  îles  Arts  (lécor;ili('s.] 


—  197  — 

(•()ll>lllli;iiriil  ciiciin'  ;i  celle  d.ile  un  service  Itieil  c(iiii|(lel  d'iii-erileiie.  iiiîlis  de 
plus  en  plus,  une  smiplicile  rallinee,  p;inni  les  plus  iV-iiis  (iV-lt'-.iiice,  de\en;iil 
un  ^iMii'c  (piiin  iilVecl.iil  de  sui\ie,  ,i  l'nnihdiou  des  princes  el  <les  princesses. 

l'nt'  CdUlunie  de  iille  epiupie  (pie  linils  I  jdilX  (Mis  <|(''crile  dîHIS  une  c|ir(ini(pie 
de  r(H'jl-d('-U(i'Ur  en  est  l.i  preu\  e  l  I  I.  •  h;ills  le  Ite.ill  lIKtllde,  on  soupe  depuis 
»  ipielipies  jours  a  la  (' hic/irtlr^  c'csi-à-dire  (priliic  l'ois  le  service  posi'*  sur  la 
■>  lahie,  les  doiiieslifpies  disparaissaieni  el  al  leiidaieiil ,  pour  reiilrei',  lelinilire 
»   d'iiue  (  loclielte  plac(''e  près  du  inaiire  ou  de  la  inaiiresse  de  la  iiiaisoii.  »» 

l.e  duc  de  (a-oy,  ipii  |»ril  part  dans  sa  jeunesse  a  (pielques-uns  de  ces  sou- 
pers, parle  de  la  iiberlc'  avec  la(|nelle  clia(pie  convive  pouvait  se  sei'vir,  el  <lil 
coninienl  Louis  W  se  servait  Jui-mènie  son  calV'.  -  La  salle  ;i  nianjrer  élail  diar- 
•>  niante  et  le  sonpei'  fort  a,i:r(''al>le,  sans  ^èiie  ;  (Ui  ir(''tail  servi  <pie  par  deux  ou 
"  trois  valets  de  la  i:ai'de-i'ol>e,  ipii  se  reliraient  aj)rès  vous  avoir  <l()nn('' ce  qu'il 
»  l'allait  (pie  chacun  eut  devant  soi  »  (^);  une  gravure  du  temps  :  <(  le  Souper  lin  », 
d'aprt's  .Moreau  le  Jeuiio  [page  lîH)),  nous  montre  ce  (|n'(''taient  l(^s  r(''eeptions 
iVrmées  d'où  les  domesti(jues  (''talent  exclus. 

N'oul)lions  pas  non  |)lus  (jue  ee  n'est  (jue  vers  ee  mAme  temps  que  la  salle  a 
manger  til  son  appaiition  dans  les  appartements:  on  mangeait  dans  n'importe 
cpielh»  pi(^'ee  de  la  maison,  aussi  bien  dans  le  salon,  ou  salle,  (jue  dans  la  cliambre 
à  coucher,  ou  dansla  galerie  comme  à  Versailles.  C'cstde  cette  époque  (''gaiement, 
où  l'on  prit  l'habitude  de  servir  les  mets  sur  les  tables,  que  date  cette  orfèvrerie  in- 
Iniiment  praticjue  et  li^gère,  d'un  usage  facile,  adaptc'e  aux  besoins  du  service  et  que 
les  plus  petites  mains  des  plus  jolies  duchesses  pouvaient  aisément  faire  circuler. 

C'est  alors  aussi  (ju'on  commença  à  mettre  des  manches  de  bois  aux  cafe- 
tières et  théières  d'argent,  et  l'invention  parut  si  agréable  que  tout  le  monde 
voulut  l'appliquer.  Il  est  probable  que  les  manches  de  bois  dont  sont  pourvues  les 
théières  ou  cafetières  des  époques  précédentes,  qui  sont  parvenues  jusqu'à  nous, 
et  ont  été  préservées  de  la  destruction,  ont  été  ajoutés  après  coup.  Le  Journal 
de  Lazare  Duvaux  contient  cette  note  :  «  A  Madame  la  Dauphine,  pour  la  répara- 
»  tien  faite  à  une  cafetière  d'or  qui  était  creuée  et  bossuée  ;  ajouté  une  rosette 
»  d'or  à  l'endroit  du  manche  que  l'on  a  refait  en  ébène;  55  livres.  » 

h' Art  du  coutelier,  de  J.-J.  Perret,  publié  à  Paris,  en  1771,  nous  détaille  les 
substances  diverses  employées  pour  ces  manches,  et  l'on  voit  dans  cet  ouvrage 
à  quels  prix  souvent  très  élevés  montaient  les  fa(;ons  délicates  et  charmantes  de 
ces  travaux.  L'ébène,  les  bois  vernis,  le  bois  de  fer,  qu'on  appelait  alors  bois  de 
Chine,  étaient  de  l'emploi  le  plus  journaher.  La  nacre,  l'ivoire  étaient  rehaussés 
de  cannelures,  d'incrustations,  de  rosettes  et  de  filets  d'or.  On  se  servait  aussi, 


(1    Chronique  de  l'Œil-de-Iiœuf,  t.  III,  p.  216. 

(2)  Le  duc  lie  Croy,  Mémoires,  cités  par  M.  de  Nolhac  :  Louis  XV  et  .V™«  de  Pompadour. 


—  108  — 

surtout  pour  les  couteaux,  de  manches  de  porcelaine.  M""'  de  Pompadour  acheta, 
en  J758,  à  Lazare  Duvaux,  «  24  manches  de  couteaux  de  porcelaine  en  vert,  peints 
en  guirlandes  »,  qui  lui  revinrent  à  TiTC  livres.  Ce  fut  également  la  mode  de  pré- 
parer soi-même  son  café,  et  Ton  vit  de  mignons  moulins  h.  café  faire  leur  appa- 
i-ilion  dans  la  salle  à  manger.  Comme  Louis  XV  raffolait  de  cette  boisson.  M""  de 
Pompadour  en  possédait  bien  entendu  de  toutes  sortes,  et  l'on  en  vit  un,  lors 
de  sa  vente  après  décès,  le  24  janvier  ITO^i,  qui  était  en  or,  ciselé  en  ors  de 
couleur,  représentant  des  branches  de  caféier.  En  un  mot,  l'orfèvrerie  pénétrait 
sous  tontes  les  formes  dans  les  moindres  habitudes  de  la  vie  privée,  elle 
^y/in/iriii/sa/'f,  se  famiiian'saif  si  l'on  |)('ut  dire,  se  prêtait  à  tons  les  besoins, 
en  s"iiitro(hii'^ant   dans  tous  les  ran^s  de  la  société. 


La  mar([uisc  de  Pompadour  disparue,  c'est  la  du  Barry  qui  arrive  et  apporte 
avec  elle  le  rêve  insensé  d'une  femme  galante,  une  folie  de  dépense,  une  extrava- 
gance de  luxe.  T^os  origines  de  M"'*  du  Barry  et  son  éducation  n'avaient  guère  été 
de  nature  à  développer  en  elle  le  goût  des  arts;  si  elle  eût  l'cssend^lé  en  tous  points 
à  ses  pareilles,  elle  aurait  pu  tout  compromettre.  Heureusement  elle  demeura  sans 
influence  réelle  sur  la  marche  des  choses  et  elle  crut  de  son  rôle,  non  de  continuer 
celui  de  la  marquise,  mais  de  laisser  aller  les  flots  selon  la  pente  indiquée  (1). 

Ce  qu'il  lui  faut,  à  elle,  c'est  le  luxe  le  plus  raffiné,  ce  (|ui  coûte  le  plus 
cher,  ce  que  la  main-d'o'uvre  du  temps  a  produit  de  plus  parfait  :  des  robes, 
des  broderies  à  la  main,  des  dentelles,  des  bijoux  commandés  au  joaiUier  Au- 
bert  dont  le  mémoire,  pour  l'année  1772  seule,  monte  à  544  OiO  livres.  Ceux 
livrés  par  Boehmer,  ses  achats  de  porcelaines  à  la  manufacture  de  Sèvres,  ces 
orfèvreries  que  Roéttiers  fournissait,  engloutissaient  des  sommes  considérables. 

Toutes  ces  belles  choses,  ces  rares  objets,  demandaient  un  temple  qui  fût  à 
leur  taille,  un  pavillon  de  fée  qni  fût  dans  sa  grâce,  dans  la  délicatesse  de  sa 
magnificence,  la  digne  demeure  des  arts  mineurs  du  dix-huitième  siècle.  Ce 
temple  sera  «  Lucienne  »  élevé  en  trois  mois  par  l'architecte  Ledoux  (2). 

L'industrie  du  temps  et  les  chefs-d'œuvre  de  la  maîtrise  des  artisans  y  mon- 
treront le  suprême  effort  et  le  raffinement  délicieux  des  élégances  du  dessin  et 
de  l'habileté  des  artistes.  Le  ciseleur  Gouthière  y  travaillera  amoureusement  le 
bronze  comme  l'or  ou  l'argent,  et  les  mémoires  de  ses  fournitures,  dont  la  bi- 
bliothèque de  Versailles  nous  a  conservé  des  détails,  ne  montent  pas  à  moins  de 
134218  livres  (3). 


(1)  Paul  Maiitz,  Recherches  mr  l'orfèvrerie  frnnçaiae.    Gazelle  des  Beaur-Arh.) 

(2)  Eli.  ft  .1.  r.oiicotirt,  La  du  liarri/,  édition  d,-  ISUl  ;  iii-18,  page^  117  a  irtl. 

(3)  Bil)lii)Uit''(iiie  de  Vei'saillcs.  Méiniiire»  iiiamiscrits  de  (îdiithière. 

En  marge  de  son  manuscrit,  Gouthière  reconnaît  avoir  reçu  de  M"'e  du  Barry  la  somme  de  99  298  livres, 
à  laquelle  ont  été  réglés  les  présents  mémoires  par  .M.  lloettiers,  orfèvre  du  roi,  le  ,"51  décembre  1773. 


10'J 


c 


aoi  - 


('.('•>  iih'moii'c-^  piMii-  iiii  Ikhiiuic  de  m. 'lier  sonf  iinr  l'i'vi'l.ilioii  :  iU  (Ioiiik-iiI 
;i\t'i'  lin  lii\i'  (II'  ilcl.iiU  cl  mil'  ini'ci^iiHi  mollir  loutcs  l(■^  pliiist'.s  de  l;i  l'ahri- 
(•;i(iiill,  cl  I  Mil  >>iiil  !';iilis|c,  |i;iN  ,i  |i;i-.,  diiiis 
son  li;i\;iil.  l/cxccniion  dc^  lnoii/c-^  tic  l.'i 
|ioi_::iicc  d'cs|i;iu;iiolcllc  s'idcvc  ;i  -1~H-1  li\rcs. 
Le  hoiiloii  <\i'  l;i  |ioi-|c  n  ;i  |»;c^  conlc  moins  ilc 
t't'l  li\rc->  (I).  l-c  iiiii^ci'  di-s  \r|s  d(''cor;il  ifs 
posscdc  nii  d<'  CCS  lion|on->  iiclich'  ;i  l;i  seule 
<lc  M.  Lcopold  hcnide.  C/esl  un  idiel'-d  (eii\  re 
de  iii,iin-d  (cii\  re,  ciselé  comme  mie  [lièce 
d"oiie\  relie,  moiih'  |ti-(''cieiisemeiil  comme 
un  lujoii;  il  donne  hieii  la  noie  du  lalenl  de 
ce!  artiste  merMMlIciix  (|u'(''tail  (ioiitliiere, 
(jui  s'iiilit niait  ino(lest(Mnont  cisc/ciir  et  <!<)- 
renr  des  n/c/ii/s  p/a/sirs  du  roi^  tjuai  VvU('lic)\ 
à  la  lUniclr  d'Or  (:2V  Mais  (lOiithière  iTexé- 
culait  que  des  bronzes  d'anieublemont,  que 
nous  l'eti-ouvous  et  pouvons  admirer  au- 
jourd'hui au  Musée  du  Louvre,  dans 
rincomparal)le  eoUeetion  de  meubles  du 
dix-septième  et  i\\\  dix -huitième  siècle 
ipii  appartenait  au  Mobilier  de  la  cou- 
ronne, et  qui  fut  li'ansportée  au  Louvre 
en  1903. 

Les  œuvres  (pie  les  orfèvres  exécutaient 
pour  la  favorite  n'étaient  pas  moins  remarquables  comme  perfection  de  niain- 


Boulon  de  porte  de  M""'  du  Hairy. 
Ciselure  de  Goulhièi-e. 


1;  Extrait  des  mémoires  de  Goiithiére. 
Modèle  du  bouton  de  la  croisée  fermant  à  basses-cules  : 

Pour  avoir  tourné  un  bouton  en  bois,  y  avoir  modelé  en  cire  une  cou- 
ronne de  branches  de  myrthe,  décorée  du  chitîre  de  Madame  et  ornée 
d'une  moulure  à  ruban  percée  à  jour,  le  tout  estimé  avec  le  moulaj,'e 
en  «ire  tirée  d'épaisseur  a  la  somme  de 'iS  1. 

Pour  lavoir  moulé  en  sable  et  fondu  en  cuivre  avec  sa  plaque  et  soleil, 
pour  la  ciselure  du  chiffre  de  Madame,  coui'onne  de  myrthe,  moulures 
à  rubans  et  soleils  servant  d'ornement  sur  la  plaque  avec  des  cha- 
pelets, tous  lesdits  ornements  bien  évidés  et  percés  à  jour  de  même 
que  le  fond  de  bouton  qui  est  aussi  ôvidé,  v  compris  le  cuivre  et  cise- 
lure, le  tout  est .' Ifif. 

Poin-  la  tournure,  montage  et  ajustage  celle  de 72 

Pour  la  dorure  en   or  moulu  bien  surdorée,  et  mise  en  louleur  matte, 

celle  de 120 

Plus  pour  un  fort  i>oMton  en  dehors  de  lailite  croisée  estimé,  cuivre,  cize- 

lure,  mniitiH'e  l't  dorure  compris  à 3ii 

Total  du  bouton 442  1. 

2  Malgré  sa  grande  renommée  et  les  importants  travaux  qu  il  fit  pendant  sa  vie,  Gouthiére  est  mort 
dans  la  misère.  Après  l'exécution  de  .M"'o  du  Barry,  il  réclamait  a  sa  succession  une  somme  de  ■/.■;() 000  livres, 
cpi'il  ne  put  obtenir  et  fut  obligé  de  solliciter  une  plaec;  à  l'hôpital  où  il  mom-ut  en  1S06.  Son  fils  ayant 
formé  opposition  sm-  lindenniité  revenant  à  la  succession,  en  vertu  de  la  loi  du  2"î  avril  182,'i.  obtint  un 
arrêt  ([ui  obligea  la  succession  à  lui  payer  32 000  francs. 


_  202  

d'œuvre,  mais  presque  toutes  ont  disparu.  Si  on  veut  retrouver  une  pièce  d'or- 
fèvrerie ayant  appartenu  à  M'""  du  Barry,  c'est  encore  au  Musée  du  Louvre  qu'il 
faut  la  chercher. 

Dans  une  vilrine  placée  au  mihcu  dune  des  salles  où  resplendit  le  inoltilier 
des  dix-septième  et  dix-huitième  siècles,  est  exposée  une  aiguière  et  sa  cuvette 
en  cristal  de  roche  nidiité  en  or.  Elle  jioric  un  [joinçon  d'orfèvre  V].  B.,  avec  une 


Aii;iiiùre  el  sa  ciiveLlu  en  cristal  de  roclie  montées  en  or, 
e.vcculées  pour  M'""  du  Barry. 

croix  de  Malte  comme  dilterent.  Nous  n'avons  pu  identifier  ce  poinçon,  ni  re- 
trouver le  nom  de  l'orfèvre  qui  les  avait  exécutées.  Ce  sont  deux  pièces  d'un 
travail  délicat  et  précieux  :  la  cuvette  est  bordée  d'une  fine  moulure  d'or,  et 
l'anse  de  l'aiguière  est  formée  par  des  filets  rattachés  par  des  algues  dans  les- 
quelles se  jouent  des  co({uillages  rapportés  et  soudés,  d'une  ciselure  particu- 
lièrement savoureuse.  Les  déclarations  faites  par  M"'°  du  Barry  entre  deux 
guichets  de  la  Conciergerie,  après  le  jugement  qui  la  condamnait  à  mort,  indi- 
quaient avec  précision  l'endroit  où  était  caché  ce  petit  chef-d'œuvre.  Retrouvé 
par  les  commissaires  chargés  d'opérer  les  pei'([uisitions  à  Louveciennes,  il  fut 
probablement  distrait  de  la  vente,  et  réuni  aux  objets  désignés  par  eux   pour 


Hoileb  et  Liljalicres. 
[ÇoUeclions  ril-.-lIcnn,.  n.rnucl  l-'n.nh  cl  G.  lUun 


Ihnlc.  moiUrcs  cl  l)r(.-lo([iiet. 
[Colleclion  G.  ISoin. 


«I 


—   ÛOl   — 

rll'c  (•(msc|-\<''^  (liills  les  iiiiisi-cs  ri  |i,il;ii^  de  l.i  ii;ilinii.  De  l;i,  il  dlll  Ji.i^^cr  MU 
(lanlf  Mciihlc,   cl    rlif   lr;iii->|i(irli-  .ni   LmiMc  (Hi   imhi-^  l'iiMiii-  rd  roiu  «•. 

l/drlcN  ic  .l;ii(|iicv  l;(M'|liciN  cl.iil  ^(tii  rdiiiiii-^-riir  ;il  I  il  i'('  dc-^  r.iiim'T  I '(i'.l  ;  ail 
mois  (le  juin  ITT.'.,  il  ImihiuI  ,i  I;i  laNniil.'  |.i.iir  iliIKilli  li\rrs  dr  xai^vrlir  (jnr  <•! 
(l'ar^fiil,  sci-\ifcs  ,!,•  tahir  cl  (!.•  loiirllc.  Les  iiM-iiioircs  de  ce  -raiid  srnl|.lcur 
d'ai-f^ciilcrii'  dccriNcnl  l.ml  ,iii  Ion,::  coiiiiiir  relui  de  (ioiil liicrr  Ifs  (iiTc\ rcrics 
livr('(>s  par  lui  cl  dessin, •ni  |m>iii-  ainsi  dire,  a\ee  les  mois  |e(diiii(|iies.  le  service 
(!(>  M""  du  l>an\  exi'iiite  de  la  /(/<  mi  lu  l'Iiis  fmr  li  ixirlrr  ait  plus  litiiil  (Ictjrr  pinir 
A'  />(>//.  el  SU!'  le(|U(d  les  plus  lialtiles  compagnons  de  l'orlcvrc  |)asNerenl,  pendant 
des  mois  enliers,  la  iikmIic  de  leurs  niiils. 

lu  eiiirelaceiiient  de  m\rllie  cl  de  laurier  esl  la  man|ue  id  connue  la  (l(!vise 
i\v  loiilcs  les  pièc(>s.  Les  llaiulieau\  a  iiirandoh's  avec  leurs  lèles  de  l)('li('rs  et 
leiu's  i^uirlandcs  de  lauriers,  li-iu-cnl  les  (piali'O  ('léuienU  et  l'urcul  pay('S  à 
Koel  tiers  l'2(»l,'>  li\res;  des  pois  a  <iillc  coui'onués  |)ai'  des  jeux  d'ciifants  dans 
des  Iroplu'cs  de  tlècdies  el  de  carfpiois  l'aisaienl  partie  du  service  payé  20o91 
livres.  Le  pol  à  lait  en  oi\  une  vérilahle  mei-veille  d"après  les  deseriplions 
d(uui(''es  dans  les  in\entaires.  coûtait  à  lui  seul  :27;)7  livi-es,  el  l(-s  deux  cuillers  en 
or  à  lusa^e  personnel  de  la  marquise  ^054  livres  (l). 

Bientôt  Targent  n'est  plus  assez  riche  pour  M""'  du  lîarry  ;  il  lui  prend 
Tenvie  d'avoir  un  service  tout  en  or  dont  les  emmanchements  seront  en  «  jaspe 
sanguin  ».  Koëttiers  livre  ses  cuillers  à  sucre  en  or  où  des  Amours  balancent 
des  guirlandes  de  roses,  une  cafetière  d'or  ornée  de  pieds  et  de  rinceaux 
anli(jues,  ini  pot  au  lait  dor  au  bec  creusé  de  canaux  dans  lequel  se  jouent 
les  feuilles  de  myrte,  au  couvercle  à  godrous  saillants,  couronné  d'un  groupe  de 
roses.  Enfin  c'est  toute  une  toilette  en  or  dont  le  dessin  lui  souiit  et  dont  Koët- 
tiers  reçoit  la  commande.  Tout  Paris  en  parle;  on  dit  que  le  Gouvernement  a  fait 
avancer  à  Koëttiers  les  ([uinze  cents  marcs  d'or  qu'il  demande  pour  se  mettre  à 
l'œuvre.  Les  curieux  se  pressent  chez  l'orfèvre,  et  les  plus  favorisés  racontent 
qu'ils  ont  vu  le  miroir  surmonté  de  deux  Amours  tenant  une  couronne. 

Mais  le  scandale  ou  plutôt  la  dépense  arrêtait  le  travail;  et  l'on  trouve  dans  les 
comptes  de  M"'  du  Barry  une  indemnité  à  Boéttiers  pour  une  toilette  d'orcommen- 


\i'\  Comptes  de  .Mqji-  du  Barry.  Itibl.  iiat..  IVnnlb  fr.,  .sKJ.  .MéuiDires  de  .M.M.  Hoëttiers  père  et  tils,  orfèvreà 
ordinaires  du  Roy. 

lie;,'.   Deux  petits  chandeliers   de  t.dletti- :>:j(Ji.lS 

Deux  douzaines  de  couverts  et  quati'e  douzaines  de  ujanclies  lie 

couteau 2.j4:V.2'<,6 

Qujitre  duublefonds  de  tei-rin.'  et  pois  a  oille i;?84'.18 

1*70.   Qu.itre  douz.iines  d'assiettes,  liuit  plats  ovales  et  douze  lland)oanx     :iu:560i 
Ouaire  llaniije.iux  à  girandoles  très  riches  siu-  modèles  nouveaux 
représentant  les  quatre  Eléments,  enrichis  de  lètcs  de  béliers 

et  de  oruirlandes ■ 12  01 5',  11 

17"il.  Un  pot  au  lait  en  or  orné  de  son  chiffre  entouré  de  guirlandes 

de  tleurs 2';37i,7 

Service  de  table.  2  soupières,  plateaux,  plats  ovales  et  ronds. 
Couverts 20j91I.16 


—  208  — 

cée.  «Quel  a  été  le  sort  de  ces  splendides  objets?  La  favorite  n'en  jouit  guère.  A 
peine  étaient-ils  terminés  que  Louis  XV  mourait,  et  qu'éloignée  de  la  cour,  décriée 
par  ceux  qui  la  veille  recherchaient  sa  faveur,  exilée  à  Pont-aux-Dames,  elle  ne  pou- 
vait plus  songer  aux  brillantes  réceptions  de  Louveciennes.  La  belle  argenterie  de 
Roëttiers,  les  somptueux  services  d'or  massif  ne  devaient  plus  sortir  des  coffres  où 
on  les  gardait  enfermés.  Quand,  sous  la  Révolution,  M'"''  du  Rarry  se  vit  menacée, 
elle  lit  cacher  ses  trésors  dans  des  trous  creusés,  çà  et  là,  au  milieu  de  ses  jardins, 
ou  les  confia  à  des  amis  sur  lesquels  elle  croyait  pouvoir  compter.  Mais  le  jour  où 
elle  comparut  devant  le  tribunal  révolutionnaire,  quand  elle  se  vit  condamnée  à 
mort,  à  demi  morte  de  peur  et  à  moite  évanouie,  dans  l'espoir  suprême  de 
faire  changer  l'horrible  sentence,  elle  révéla  à  ses  juges  les  cachettes  où  elle  avait 
mis  son  argenterie  et  ses  bijoux.  Avec  une  précision  remarquable  en  un  pareil  mo- 
ment, avec  une  mémoire  véritablement  surprenante,  elle  énuméra  tout  :  le  néces- 
saire d'or,  comprenant:  plateau,  théière,  bouilloire,  réchaud,  pot  à  lait,  grande 
cafetière  à  chocolat,  petite  cafetière,  écuelle,  son  couvert  et  son  assiette,  passoire, 
cuiller,  le  tout  d'or,  et  d'un  travail  très  précieux,  ajouta-t-elle,  faisant  observer 
que  les  manches  de  ces  objets  étaient  en  jaspe  sanguin.  Elle  donna  la  liste  des 
autres  ouvrages  exécutés  par  Roëttiers  :  le  service  en  or,  comprenant  une  douzaine 
de  couverts  armoriés,  quatre  cuillères  à  sucre,  deux  cuillères  à  olives,  une  cuillère 
à  punch,  douze  cuillères  à  café,  etc.,  etc.  Elle  cita  le  service  de  toilette  en  cristal  de 
roche  garni  d'or,  son  beau  moutardier  d'or  (1),  ses  gobelets,  ses  innombrables  boîtes 
et  bonbonnières,  ses  couteaux  d'or  à  ôter  la  poudre  du  visage,  ornés  de  petits  cercles 
de  diamants.  Elle  indiqua  la  vaisselle  d'argent  enfouie  dans  les  caves  :  dix  dou- 
zaines d'assiettes  (elle  rappelait  même  qu'il  en  manquait  cinq  exactement),  dix-huit 
ilambeaux  dont  trois  à  deux  branches,  une  douzaine  de  casseroles,  une  grande  et 
une  petite  marmite,  dix-neuf  grandes  cloches,  soixante-quatre  plats,  le  tout  en  ar- 
gent... sans  compter  ce  dont  elle  ne  se  souvenait  pas,  finit-elle  par  dire  au  bout  de 
cette  déclaration  in  extremh.  On  fouilla  Louveciennes.  La  Convention  fit  main 
basse  sur  tous  ces  trésors;  on  trouva,  pour  ne  parler  que  de  l'orfèvrerie,  une  quan- 
tité d'objets  estimés  :  ceux  en  or,  60000  livres  (il  y  en  avait  89  marcs  6  onces); 
ceux  d'argent,  65000  livres  (il  y  en  avait  1419  marcs);  ceux  de  vermeil, 
4200  livres  (il  y  en  avait  84  marcs)  (2).  Tout  cela  fut-il  vendu  ou  fondu  à  la  Mon- 
naie ou  mis  en  lieu  sûr?  Nous  l'ignorons.  C'est  un  mystère  que  nos  recherches 
dans  les  Archives  ne  nous  ont  pas  permis  de  percer. 

Faut-il  penser  que,  dans  son  trouble,  la  du  Barry  n'avait  pas  indic{ué  toutes  les 
cachettes  de  son  parc,  non  plus  que  les  dépôts  qu'elle  avait  pu  faire  chez  des  cul- 


(1)  Ce  moutardier,  orné  Je  bas-reliefs  gravés,  avait  été  livré  par  Roëttiers  le  !<='  juillet  i7"3.  11  avait 
coûté  5184  livres.  Ces  divers  renseignements  concernant  l'argenterie  de  .\1™«  du  Barry  sont  extraits  des 
dossiers  manuscrits  de  la  Bibliothèque  Nationale  (Département  des  .Manuscrits,  supplément  français,  8  151 
et  8158)  et  des  Archives  nationales  (Dossiers  Mr  116,  et  Mq  300). 

(2)  De  (Concourt,  M""""  du  Warrij,  appendice,  page  400. 


li\;it(Miix  (prcllc  avait  (i|ilip('s.  M.  Victorien  Saidmi,  a  i|iii  un  Imi-  sZ-joiir  ;i  M;ifly 
a  |M"rnii>  i|c  (lonini'  un  lilnc  niur^  a  -^cs  iiistiml^  ilr  rincicur  de-  anliivc^  du 
pass,'-  d'iiii  j);i\N  (|iri|  allcriiniiiir,  cl  i|Mi  nncn\  (|in'  pci'--iinnc  connail  Ic^  secrets 
du  cli.iliMii  de  M;iil\  l'I  du  l'axdltin  de  I  ,(in\  ccicnnc- ,  n'aihnd  pas  ipu-  loidc  I  or- 
l'cM'cric  i\(-  la  du  \\a\\-\  ail  cic  fiunluc  par  la  ( '.(ni\  cul  ion  cl  croil  (|nc  ni  le  parc  ni 
les    depo-.ilaires   u  inil   ilil    le  dciuicr  niiil. 

han->  les  premier^  Icuip^  de  -.(Ui  -^l'iour  a  .Marl\,  M.  \  .  Sardoii  \i-.ilail,  le>  eii\i- 
rtniN,  aimai!  a  l'aire  parler  le--  \  n'U\  du  pax'-  auMpu-ls  il  arracdiail  irhcurciiscs  coiili- 

^lenee-^.    L'un   (reu\.  «pii   se  sinivcnail    d"a\nir   \M   M du   Karrv  et    il'avdir-  connu 

l'ini  do  dépositaires  de  rar;^t'nlcric  de  la  l'aNorilc,  racoidait  (|ira|)rc-s  la  liiAolnl  ion 
de  ISÎS,  un  de  ses  \oisin>  lui  a\ait  nnuiliH'  (l(3S  j)iî'c('S  d'orfèvrerie  (piil  avail  cspcM-i'- 
\endrc  pins  racilenieni  à  celle  ('■po(pie  troublée  que  sous  les  rè;.'nes  précédents. 
Il  a\ail  lire  loOIIO  francs  dr  son  li-('sor  en  le  vendant  à  un  orfèvre  de  Paris  fjui  s'est 
liien  i;ardt''  de  d(''\(>ilei'  l'orif^iiu'  de  sa  li'on\aille. 

Que  soni  de\eniu's  les  |)ièces  du  sei'vice  de  Uoëttiei'S?  Où  auraient  [)assé  les 
l)(>au\  ustensiles  d'or,  avec  les  Anu)ni's  balançant  des  jiuirlandes  de  roses,  la 
eafelièi'c  ornée  de  rinceaux  anti([ues  et  les  autres  merveilles  décrites  plus  haut? 
Faut-il  espérer  que  nous  veri'ons  sortir  un  jour  de  quelque  collection  inconnue 
ces  spécimens  probablement  ex(piis  de  l'orfèvrerie  de  la  fin  du  règ^ne  de  Louis  XV? 
ou  bien,  doit-on  se  résijiiier  à  ne  plus  jamais  voir  reparaître  ces  ouvrages  qui  au- 
raient i>n  le  mieux  nous  renseigner  sur  le  talent  de  Jacques  Koëttiers  dans  ses 
dei'uières  manifestations  ! 


Nous  avons  déjà  parlé  au  chapitre  précédent  des  boîtes  et  bonbonnières  d'un 
art  parfois  merveilleux,  et  dont  plus  que  jamais  raffolèrent  grands  seigneurs  et 
grandes  dames  de  la  cour;  Marie-.Iosèphe  de  Saxe  s'en  fit  une  collection  admirable 
dont  l'inventaire  a  été  publié  (1). 

Celle  (le  M'"''  de  Pompadour  n'était  pas  estimée  à  moins  de  300000  livres; 
celle  du  prince  de  Conti,  Louis-François  de  Bourbon  (mort  en  1776),  en  comprenait 
près  de  huit  cents.  Tandis  que  certains  grands  seigneurs  recherchaient  les  boîtes 
à  miniatures —  comme  le  duc  de  Choiseul  ou  le  duc  de  Richelieu  qui  en  avaient 
fait,  en  secret,  décorer  de  sujets  qu'ils  n'auraient  pu  montrer  au  grand  jour  — , 
d'autres  préféraient  les  tabatières  somptueuses,  étincelantes  de  diamants.  Cette 
mode  gagnait  les  cours  étrangères,  et  le  Grand  Frédéric  faisait  venir  de  Paris 
toutes  celles  qu'il  se  plaisait  à  ajouter  à  la  collection  importante  dont  il  avait 
hérité  (:2).  Nous  ne  parlerons  pas  des  autres  objets  usuels,  en  dehors  de  l'argen- 
terie de  table,  que  les  orfèvres  s'ingéniaient  à  accommoder  aux  fantaisies  élé- 

{V-  Germain  Bapst,  Inventairn  de  Marie-Josèp/ie  de  >^a.re. 
(■2)  Feuillet  «le  Coiiclies.  Canscries  d'un  ciirieur.  t.  If. 


—  210  — 

gantes  de  leur  aristocratique  clientèle,  et  dont  le  nombre  aug^nientait  sans  cesse. 
Il  y  avait,  par  exemple,  les  nécessaires  de  tous  genres  {[),  ceux  qui  comprenaient 
les  objets  indispensables  pour  faire  un  léger  repas, —  aiguières,  tasses,  cafetières, 
chocolatières,  etc.,  —  ceux  de  la  toilette,  et  ceux  du  bureau,  ceux  des  hommes  et 
ceux  des  femmes.  Il  y  avait  aussi  les  ustensiles  à  ouvrages  de  dames,  les  ciseaux, 
les  navettes,  les  étuis  à  tlacon,  à  cure-dents;  les  étuis  à  aiguilles,  les  porte-crayons 
et  tire-bouchons  en  or,  les  étuis  cylindriques  à  crochets  en  or  ciselé,  en  ivoire,  en 
écaille  incrusté  et  piqué  d'or,  dont  la  collection  de  M.  Bernard  Franck,  exposée  au 
Musée  centennal,  nous  montrait  la  richesse,  la  variété  et  l'élégance.  Dans  le  re- 
gistre des  «  Présents  »  offerts  par  le  Koi  à  de  grandes  dames,  à  l'occasion  de  quelque 
cérémonie  importante,  on  Irouve  très  souvent  des  menlions  telles  que  celles-ci  : 

lue  boîte  d'or  émaillc'  à  doux  tabacs,  i  080  bvros.  —  lue  boite  d'or  à  coc|iiille, 
"C)H  livres.  —  l'iie  boîte  d'or  pour  femme,  "Jiîo  livres.  —  Une  boîte  d'or  émaillée  vert  et  bleu, 
«j()()  livres.  —  lue  iia\etle  d'or  de  couleurs,  \:>.o  livres.  —  l'ii  flacon  d'or,  .'»()<)  livres.  —  In 
étui  d'or  émaillé,  Goo  livres.  —  Un  étui  d'or  de  couleurs,  3G()  livres.  —  L'n  couteau  émaillé, 
3on  livres.  —  l'n  couteau  d'or  de  couleurs,  '.VMJ  livres,  etc.  {Fniirnilures  de  Diicrollnij). 
—  Deux  étuis,  «S'jo  livres.  —  Deux  navettes, tj'jH  Visvci^iFotiriiilures  de  (tnraiid),  etc.,  etc.  {2]. 

bors  du  mariage  du  petit-lils  de  Louis  XV  avec  la  Dauphine  Marie-Antoinette, 
en  1770,  la  liste  des  cadeaux  oiterts  aux  grands-écuyers,  chambellans,  dames 
d'honneur,  donne  le  vertige,  tant  on  y  voit  figurer  d'objets  d'une  magnificence 
féerique  fournis  jiar  les  orfèvres  ou  les  joailliers.  A  lui  seul,  Jacquemin,  joaillier 
de  M™"  de  Pompadour,  en  livre  pour  379374  livres  (3).  Rien  (ju'une  des  boites  d'or 
mises  dans  la  coi'beille  de  l'auguste  mariée,  surmontée  du  portrait  du  dauphin, 
peint  par  Hall  et  entouré  d'un  cercle  de  70  gros  diamants,  coûtait  le  prix  de 
7r)678  livres,  sans  le  portrait,  payé  en  dehors2664  livres.  A  l'occasion  du  mariage 
du  comte  de  Provence,  en  1771,  on  donne  aux  dames  d'atour  des  cadeaux  égale- 
ment somptueux:  le  mémoire  de  Sageret  monte  à  62  476  livres,  pour  37  tabatières, 
13  montres  de  420  à  1500  livres,  15  étuis  à  cure-dents  de  200  à  480  livres,  des 
flacons,  des  porte-crayons,  etc.,  le  tout  en  or  gravé,  ciselé,  émaillé,  ainsi  que  des 
breloquets  (4)  composés  d'une  chaîne  à  sept  branches,  à  trophée  d'or  de  couleur, 
d'un  couteau  à  deux  lames,  d'une  paire  de  ciseaux,  d'un  étui  à  cure-dents,  d'un 
flacon,  d'un  porte-crayon,  d'un  dé  en  or  de  couleur,  dans  des  étuis  d'ivoire  garnis 
d'or,  avec  des  boutons  de  diamant,  valant  chacun  2200  livres.  M""  de  Caumont 
reçoit  pour  sa  part  une  boîte  d'or  à  huit  pans,  de  l  300  livres  ;  M"*  de  Beaumont, 
une  navette  émaillée,  à  fond  de  tableau,  de  900  livres  ;  M""  de  Valentinois,  une 

(1)  Lazare  Duvaux  mentionne  dans  son  journal  une  quantité  de  nécessaires  de  tous  genres  qu'il  ven- 
dait à  ses  riches  clients.  Entre  cent  autres,  citons  celui  que  le  2i  décembre  1752  il  factura  3  966  livres  pour 
le  roi  Louis  XV,  dans  lequel  il  y  avait  »  des  écuelles,  gobelets,  tasses,  sucriers,  garnis  d'or  ». 

(2)  Archives  du  .Ministère  des  A(îair>'S   étrangères  :  Ilcgislres  des  Présents  du  Uoi,   n.'iÔ  à  1757,  n"  437. 

(3)  Archives  du  Ministère  des  All'aires  étrangères  :  Présents  du  Roi,  n»  441. 

(4)  On  voit,  par  cet  exemple,  ce  qu'était  alors  un  breloquet  que  les  femmes  s'attachaient  à  la  cein- 
ture, qui  tombait  sur  le  coté,  et  tous  les  genres  d'ustensiles  variés  qu'il  pouvait  comprendre. 


211 


r:s^^^r.ja^i^^s.  <.l  <jL: 


Collo.clioiis  'le  MM.   a.   Puin  et  Doisiiu  cl  ik-  M Vçrinnnl 


NocessaiiL-  et  cluis  en  or  el  i)ieri-L>  (liircs. 
(CoLlccUoti  Cl.  lloin  et  Doislmi: 


Dessins  pour  l)t>itcs  on  email. 
[Colleclions  du  Musée  des  Arts  décoratifs. 


-ft   -»trr>i,K;:<!S!i5H»X'LT.' 


':'.':^r:~^ 


VV**«.  >-.  «<SE,V- 


31-V-^T^  -' 


A 


r-y-- — 1 


^   'Eil- 


*"^*    —   -    r  ■  t 


Dessins  de  boîtes  en  or  et  cni.nil. 
Collections  (In  Musée  des  Arls  dérarnUfs.) 


219  — 


iinuilrc   fiiMillcc  ilf    1  «DM  lisics,  clc.    |,c>   ii;i\  ri  Ic^,  ce  juli   |ir|il    oiilil    i|iii 

;iu\    ;;r;iiiili's    (l.iiiic^    ;i    l.iiic    <\r<.    iki-ikU    cl     du    lild, 

cl    i|n"il    clait    (le    iikhIc   d'ciiiiMirlci'  ;i\  ce    ^(»i,    i|ii;imiI  on 

.ill.iil   cil  \iNilc  (III   "  |i;irlilci-  ■•    clic/  des  ailliez,  les  iia- 

\cllc>,  (lis(iii>-ii(>iis,  claiciil   |ircs(|ii('  aussi   Iniiiiiiedscs 

(|iic  le-- lalialicrc-^.   l'as  un  (ii-rc\!c  ne  |>(tu\ail  se  jinsser 

d'en   a\(iir   nii    a>s(iiliiiiciil    aussi    riclie   (|iie   \aii(''.   I.e 

dt'ssinalciir  Lahuidc  en  a  coniposc'  de  délicieuses.   Il  y 

en   avail    de   1res    siin|i|es,    en    ivoire,    en    ('■caille,    en 

a,:^ale.    en    nacre  ;   daulres    en    or,    lravinll(''es   a   jour. 

avec  des  allrihiils,   de^  sujels  divers  éniailh'-s   au   ini- 

licu  ;   celle  (|ue   Ka/.are   Duvaux  vendit    |>our  ()!K)  livres 

a  .M""  de  l^oiiipadour  ou  IToo,  était  «  eu  or  éniaillé  à 

ruhaus  ».  L'art  eharinaut,  déployé  dans  les  moindres 

(thjels  tels  (|ue  ceux-ei,  témoigne  de  la  qualité  du  goût 

cl  de  la  vii'tuosité  vraiment  extraordinaire  des  artisans 

du  dix-liuiticMue  siècle.  Les  couteaux  eux-mêmes  ser- 

\ aient  de  |»i'(''le\t(*  à  de  jolis  décors;  nous  donnons  ici 

deux  couteaux  prêtés  par  M.  Doistau,  avec  des  cliilVres 

en  roses  et  des  attributs  en  or  de  couleur  d'un  goût 

charmant. 

Les  collections  de  MM.  G.  Boin,  Cliappey,  Bernard 
Franck  et  Doistau,  exposées  au  Musée  centennal,  nous 
fournissent  des  exemples  remarquables  de  cette  orfè- 
vrerie précieuse,  et  de  la  variété  du  décor  de  ces  mille 
menus  objets  qu'on  trouvait  dans  tous  les  boudoirs  et 
pour  ainsi  dire  dans  toutes  les  maisons.  Nous  avons 
réuni  dans  des  planches  hors  texte  quelques-uns  des 
plus  intéressants  et  nous  avons  emprunté  au  petit 
album  appartenant  aux  collections  du  Musée  des  Arts 
décoratifs,  dont  nous  avons  parlé  au  chapitre  précé- 
dent, quelques-unes  des  plus  charmantes  composi- 
tions de  ces  habiles  orfèvres. 


•ci\ail 


{ 


Une  catastrophe,  pareille  à  celle  qui  avail  déjà 
atteint  cet  art  à  la  fm  du  règne  de  Louis  XIV  et  sous 
la  Régence,  contribua  encore,  en  17o9,  à  faire  dispa- 
raître à  nouveau  les  plus  beaux  spécimens  de  l'argen- 
terie. Les  difficultés  tinancières  dans  lesquelles  eut  à  se  débattre  Louis  XV  don- 


Cliiiitcaiix   en  or  ciselé. 
^Collection  Doislnii. 


220 


lièrent  à  ce  roi  la  maleiiconfrciisc  idée  de  recourir  au  même  expédient  qui  avait 
si  peu  réussi  à  son  aïeul,  et,  comme  sous  Louis  XIV,  l'orfèvrerie  paya  les  frais  de 
la  guerre.  Il  ordonna,  lui  aussi,  la  fonte  des  objets  d'orfèvrerie.  PayanI  d'exemple, 
il  envoya  presque  toute  la  sienne  à  la  Monnaie,  à  peu  près  pour  5400  marcs  d'us- 
lensiles  d'or  et  d'argent,  mais  en  faisant  exception  néanmoins  pour  les  (euvres 
les  plus  belles  qui  furent  épargnées,  telles  que  la  célèbre  toilette  de  la  Daupliine, 
qu'avait  exécutée  Thomas  Germain,  en  1726.  Eu  quelques  jours,  les  princes  du 
sang,  les  seigneurs  de  la  cour,  les  ministres,  le  maréchal  de  Ëelle-lsle,  le  duc 
de  Choiseul,  la  marquise  de  Pompadour  même,  se  conformant  aux  décisions 
royales,  firent  réduire  en  lingots  leur  riche  vaisselle.  Chaque  soir,  raconte  l'avocat 

Barbier  (1),  Louis  XV  se 
faisait  présenter  la  liste  des 
dévoués  sujets  (jui  avaient 
livré  leur  argenterie  pour 
((  prouver  leur  soumission  à 
Sa  Majesté  et  leur  zèle  pour 
le  bien  de  l'État  ».  L'édit 
du  mois  de  novembre  1759 
fut  même  étendu  aux  com- 
muuaulés  religieuses,  le 
Il  mars  1700. 

De  la  fin  d'octobre  1759 
j  u  s  q  u  '  a  u  c  o  m  m  eue  e  ment 
d'août  1700,  la  Monnaie  re- 
çut et  convertit  en  espèces  une  quantité  de  pièces  de  vaisselle  de  toute  sorte. 
On  peut  voir,  dans  le  Mercure  de  cette  époque,  la  liste  des  personnes  qui,  bon 
gré  mal  gré,  firent  à  la  Patrie-  le  sacrifice  (ju'on  leur  demandait.  J'ai  hàle  d'ajouter 
que  le  sacrifice  n'était  pas  purement  gratuit:  les  pièces  étaient  pesées  et  esti- 
mées, le  roi  payait  le  quart  de  la  valeur  en  argent  et  pour  le  reste  il  donnait  «  des 
contrats  sur  les  États  de  Bretagne  et  de  Languedoc,  à  raison  de  six  pour  cent  ». 
Quand  on  portait  son  argenterie  à  la  Monnaie,  on  en  sortait  donc  à  demi 
consolé;  mais  la  vaisselle  n'eu  était  pas  moins  perdue,  et  il  n'est  que  trop  certain 
que,  parmi  les  pièces  qui  furent  ainsi  détruites,  beaucoup  d'œuvres  d'art  ont  dû 
périr;  Barbier,  en  annonçant  ces  mesures  rigoureuses,  croyait  qu'elles  auraient 
pour  résultat  de  «  ruiner  le  corps  des  orfèvres  et  d'ôter  le  pain  à  tous  les  ouvriers 
et  les  artistes  qui  en  dépendent  »  (2). 


Dessin  tle  boito  en  or  à  deux  projcl; 


(1)  Barbier,  Journal  de  la  Régence,  Vil"  série,  pages  200  et  201.  «  CeUe  aventure  va  ruiner  tout  le  corps 
des  orfèvres  et  ôter  le  pain  à  tous  les  ouvriers  et  artistes  qui  en  dépendent  et  en  même  temps  enrichir 
toutes  les  manufactures  de  faïence  et  de  porcelaine.  » 

(2)  Paul  .Maidz.  Itfcherclies  sur  r/iisloire  de  l'Or/'evreric.  —  Gazette  des  Beaux-Arts,  t.  IV,  1861. 


—  ±2[   — 

Il  n'aMiil  |i;i^  loiil  à  lail  Inil  ;  car,  si  au  (•oiniiinicciiiriil  du  sirclc,  une  l'ois  le 
saci-ilirc  (Ir  rar^^fiilcrir  ciuixiiiiiiK',  (tu  ^'c'Iail  icuiis  a\('c  plus  d'culraiii  a  ru 
(•,,iiiiii;iii(|ii-  une  ui'iiM'  au\  ni-|V'vr('>,  ccllr  luis  (lU  \  a|i|n)rla  uioiu--  <li'  (lili;.'cucc. 
(■,"cs|  iiu  luic  uiimIc  ui>u\clli',  ccllt'  de  la  iMtrcclaiuc,  a\ail  l'ail  ^ou  a|i|iai-il  iou ,  cl 
iiuc,  >>(iU'^  rini|iulNi(iu  i\i'  M""  i\('  iNiuipaildur,  (|ui  ra\nii-.ail  ilc  hml  -^nw  |)(iu\<)if 
la  ci-caliiiu  de  la  luauul'acl  lU'c  (\r  Sc\rcs,  clic  s"(''lcudail  a\cc  une  lapidih-  iual- 
Icudu.'.  NiMi  ~-cul<MUciil  la  li(tur;4(Mtisic  cl  les  pclilcs  ^'ciis,  mais  les  plus  riches 
si'i"ueiu-s  de  la  ctuu-  ciueul  des  loi's  uue  \aissellc  de  raïencc  ou  (\i'  |)Oi"cclainc. 
Ce  lui  uu  euu(MieuiiMil.  Il  V  eu  a\ail  de  lous  les  |(ii\.  Ca'Wc  (|ui  (Hail  raltri(|in'(; 
à  Sc\re>,  ou  «jui  proxciiait  de  CJiiuc  ou  de  Saxe,  (piOii  l'aisail  revclir  d  orue- 
uicul>  eu  ln'ou/c  ci'-el(''  par  les  ('.allicri  ou  les  (ioulliicre,  ou  (pTou  a;^r(''uieulair 
de  luoutiu'cs  d'or  cl  d'arf^t'id  les  plus  ra\issaules,  coùlail  des  souiuies  cou-i- 
derahlcs. 

l'iiis  de<  maiiulaclures  sui'i;ir(Mil,  cpii  nîii'cnl  à  la  portée  de  toutes  les  bourses 
luie  Nai-^^ellc  couiuiode,  propre,  prali(pie,  dont  les  modèles  étaient  copiés  servi- 
Icuienl.  MHiuK's  uu^'uic  sur  l(>s  formes  excellentes  créées  par  les  orfèvres.  En  peu 
de  leinp<.  le  succès  en  fut  consacré.  En  province,  dans  les  pays  où  les  matières 
ccramiipics  claicul  eu  alioudauce,  les  fabriques  existantes  suivii-ent  le  inouvc- 
uicul;  à  Paris,  luie  fabrique  fondée  au  faubourg  Saint-Antoine,  par  Honoré  de 
la  Marre  de  Villici's,  puis  transférée  rue  Amelot,  au  Pont-aux-(^houx,  obtint,  en 
l~S(),  le  patronage  de  Louis-Philippe-Joseph,  duc  d'Orléans,  et  fut  autorisée  à 
uiarijucr  ses  produits  des  initiales  du  prince.  Loi'S([u"à  la  U(''volution  ce  patro- 
nage devenait  compi'omettant,  elle  remplaça  les  initiales  par  la  simple  marque 
u  l'abriipie  du  Pont-aux-Choux  »,  Ses  produits  jouissent  encore  aujourd'hui  d'une 
faveur  marquée  auprès  des  collectionneurs.  Les  faïences  blanv^dies  qui  ont  été 
réunies  au  Musée  des  Arts  décoratifs  nous  montrent  ce  qu'étaient  les  formes  et 
le  décor  que  cette  fabrique  avait  empruntés  aux  orfèvres. 

A  titi'c  documentaire,  nous  reproduisons  une  soupière  ovale  et  son  plateau 
en  faïence  l)lanche.  Le  décor  en  relief  sur  la  panse  et  le  couvercle  de  la  sou- 
pière, les  cartouches  à  rocaille  encadrés  de  chêne  et  de  laurier,  sur  le  plateau 
ovale,  la  moulure  à  fdets  rubanés  sont  bien  œuvres  d'orfèvres,  et  le  moulage 
sur  la  pièce  en  métal  donnait  au  céramiste,  en  même  temps  que  la  forme,  une 
décoration  si  l)ien  ajustée,  si  souple  et  si  grasse,  qu'on  aurait  pu  les  croire 
composés  pour  la  nouvelle  matière.  Peut-être  quelque  grand  seigneur,  sou- 
cieux de  conserver  le  souvenir  de  l'œuvre  précieuse  qu'il  allait  porter  à  la  fonte 
pour  obéir  aux  prescriptions  des  édits,  l'avait-il  confiée  au  céramiste  pour  la 
reproduire. 

Une  autre  soupière  avec  son  plateau,  de  forme  ronde,  mais  dont  le  couvercle 
a  disparu,  se  ressent  déjà  dans  sa  composition  de  l'influence  de  M"'  de  Pompa- 
dour.  La  forme  moins  tourmentée,  les  cannelures  larges  et  puissantes  ;  les  mou- 


222  — 


lures  à  rubans  croisés,  le  plateau    à  (|ua(re    motifs    alternés  d'écussons   et   de 


{Musée  des  Arls  décorn  II fs.) 


coquilles  sur  le  niarli,  le  l)OUge  orné  de  eaïuielures,  didcrent  du    précédent  et 
niar(pient  bien  ri'volution  (|ui  se  préj)are  chez  les  artisles. 


Assiettes  en  métal. 
Motlî'U-s  de  itanehiine  de.  Serres  de  Diij)lessis. 


Ces  deux  pièces,  du  plus  haut  intérêt,  appartiennent  au  Mnséc  des  Arts  déco- 
ratifs, qui  a  réuni  une  série  très  suggestive  des  faïences  l)lanches  de  la  fin  du  dix 
huitième  siècle. 


/,  i> 


^  .'^ 


Soupières  en  faïence  du  Ponl-au.\-Clu)u.\. 
{Collcclionx    lin    Musée   des   Arls   (h-cunitifs.] 


.-.Mi 


V 


lluili--.  plat  .1  <-a(Vli^.,.es  en  I-.kmuv  ,1u  l'..nl-au v-C1.„u.. 
Collections  ,iii  Musécjh-s  Arts  dckurutifs. 


-  227 


Siiiu-iri'f  CM  l'aïciu-o. 
(AAlection  ilit  Miiséc  îles  Arls  <l(''cor;ilifs.) 


I.f  |.nllc   Imilirr   .le   roiiiic   n\;ilrr-,|    ;iii--i     lllir    m'UM'c    rli;irili;illl  c   il'dlirN  rrric, 
;iNrf    >a    tIt'fOlMlliMI     llriiiic,     SCS    (|t'll\     ;il|scs    ;i   \r{i'  (  l'ii  1 1  i  1 1  l.'i  I     l.l  II  I  ;isl  i<  |ll(  ' ,   floill.    I('S 

ailrs  s'f|.aii(Uiissciii  sur  |;i  roniic;  son  plalcaii  sii|MTiciir,  |.civ('' di-s  (jualrc  (.iiver- 

I lires  iiiTcssaircs  iioiir  rccf- 
\  oir  l(■^  caraCrs  de  I  liiiilirr  d 
les  Itdiicliolis,  ('s|  ciiradl'i'  «le 
llKillIlllcs  oriM'c^  de  riiicraiix 
a  ii('r\  lires  conlminices.  |,e 
(•('rainiste  ii'aNail  <|u  a  le  iii<»ii- 
1er  pour  en  l'aii'(;  une  (eiiMc 
coinplèlc. 

L"aifiiiièr(;  à  ('(juvercle , 
dont  le  Ijcc  est  décoré  duii 
masque  grotesque,  et  la  pause 
ornée  de  cannelures  creuses 
et  de  godrons  en  l'elief;  l'as- 
sielte  d(uil  la  bordure  à  lobes  est  formée  de  rinceaux  saillants  donnant  naissance 
aux  bi'aiiehes  Heuries  ([ui  di'corent  le  marli,  ne  laisseiil  pas  de  doute  non  [)lus  sur 
l'origine  du  modèle  en  métal. 

Nous  donnons  également  {page  :2'2:2)  une  assiette  en  faïence  à  marli  décoré, 
puis  une  autre  exécutée  en  porcelaine  sur  les  modèles  que  Duplessis  créait  pour 
la  Mauul'aelure  de  Sèvres,  (pii  les  fabrique  encore  aujourdliui  et  leur  a  conservé 
le    nom    de    son   auteur.   Ces 
pièces,    dont    les    céramistes 
empruntaient   la   facture   aux 
orfèvres  de  l'époque,  sont  si 
bien  faites  pour  le  métal,  que 
nous   avons  vu   de   nos  jours 
les    orfèvres     reprendre     les 
modèles   de  Duplessis   et    les 
exécuter  en  métal. 

Enlln,  nous  reproduisons 
une  saucière  en  faïence  à 
panse  lobée,  avec  une  anse 
à  deux  tiges  aplaties  entre- 
croisées et  reliées  au  corps  par  des  feuillages  servant  de  point  d'attache,  dont 
la  forme  pratique  s'accommode  aussi  bien  au  travail  de  l'orfèvre  qu'à  celui  du 
céramiste. 

D'ailleurs,  la  eolleclion  de  Paul  Eudel  nous   a  conservé  le  dessin  d'une  sau- 
cière en  argent,  à  bord  godrons,  dont  l'anse  sortant  d'une  touffe  de  roseaux  s'at- 

12 


Suucicrc  en   opl'è\  rerie. 
{Collection  P.  Eudel.) 


228  — 

tache  à  la  pause  de  la  saucière  de  la  mènie  manière.  Elle  est  gravée  aux  armes 
de  SainL-Lary  et  fut  faite,  en  1745,  par  César  liaudry,   sous  rÉchaudel. 

C'est  bien  là,  le  témoin  palpable  des  échanges  que  se  faisaient  alors  les  deux 
industries.  11  est  indiscutable  qu'au  point  de  vue  social  c'était  un  progrès  re- 
mar(|iudjle,  puisque  le  plus  grand  nomltre  était  appelé  à  bénéficier  des  avan- 
tages de  la  nouvelle  matière  cérami(|ue.  Au  point  de  vue  de  l'art,  les  consé- 
quences ne  furent  pas  moins  curieuses;  et  l'on  n'y  a  peut-être  pas  assez  réfléchi. 
En  eifet,  si  la  vaisselle  de  porcelaine  ou  de  faïence  emprunta  à  ses  débuts  les 
formes  de  l'orfèvrerie,  à  son  tour,  l'orfèvi'crie  ne  fut  pas  sans  subir,  ([uelques 
années  i)lus  tard,  par  réciprocité  )iaturelle,  l'iulluence  de  la  céramique.  Car 
celle-ci,  tout  en  copiant  les  modèles  de  métal,  dut  en  modifier,  en  atténuer  les 
reliefs  excessifs  (|ue  le  moulage  n'aurait  pas  permis,  ou  (pii  se  seraient  brisés  sous 
l'action  du  feu.  De  là  les  formes  nécessairement  mieux  massées,  plus  homogènes, 
moins  iiérissées  de  motifs  ne  faisant  pas  corps  avec  l'ustensile.  Ce  fut  une  leçon 
pour  les  orfèvres  et  ([ui  ne  contribua  pas  peu  à  les  pi'éparer  aux  décors  siniplifiés, 
adhéreuts  étroitement  à  la  foi'ine  gén(''i-ale  des  ol)jets.  qu'on  allait  voir  fleurir 
avec  le  style  Louis  XVI. 

Au  moment  même  où  avait  lieu  l'introduction  de  la  |>orcelaine  dans  nutre 
mobilier,  un  autre  pluMiomène  de  même  ordre  se  produisait,  (jui  devait  aussi 
agir  sensiblement  sur  les  destinées  de  l'orfèvrerie.  Je  veux  jiarler  des  recherches, 
(pii  (lalciit  de  cette  époque,  pour  inventer  ou  perfecfionnei*  certains  alliages  à 
base  de  cuivre,  imitant  l'or  ou  l'argent,  et  destinés  à  fournir  aux  orfèvres  des 
matières  moins  coûteuses  que  les  métaux  précieux,  et  à  permettre  «  aux  gens  du 
commun  »  d'avoir  une  vaisselle  imitant  l'argenterie  des  grands  seigneurs.  Cette 
préoccupation  n'annonce-t-elle  pas  la  révolution  qui  va  s'accomplir  et  qui  absorbera 
presque  tout  l'elYort  du  siècle  qui  suivra.  Faire  du  simili-luxe,  donner  aux  pauvres 
dial)les  l'illusion  de  l'élégance  et  de  la  richesse,  et  en  même  temps  rendre  acces- 
sibles aux  petites  bourses,  par  la  modicité  du  prix  de  la  matière,  les  productions 
de  l'art  qui  jusqu'alors  n'avaient  été  réservées  qu'aux  grosses  fortunes,  voihà  ce  à 
quoi  on  commence  à  penser,  dès  le  milieu  du  dix-huitième  siècle.  C'est  le  symp- 
tôme de  l'avènement  des  nouvelles  couches  sociales.  C'est  l'avertissement,  qui  va 
de  paii"  avec  les  écrits  des  philosophes,  et  arrive  au  moment  précis  où  Diderot 
entreprend  son  Encyclopédie,  qu'un  nouvel  ordre  de  choses  va  surgir  1 

L'industrie  du  similor,  des  pierres  fausses,  des  faux  diamants,  du  strass  {comme 
on  le  baptisa  dès  l'abord,  du  nom  de  l'orfèvre  allemand  qui  le  créa)  (I),  fut  la 
première  manifestation  de  ce  genre  de  recherches.  La  fabrication  des  faux  bijoux 
devint  une  industrie  spéciale,  bientôt  soumise  à  des  règlements  où  l'on  voit  ceux 


(1)  Slrass  (Georges-Fridéiic     lut    reçu   maître-orfèvre-joaillier  privilégié  du  roi,  le   lo  mai  HSi.  11  se 
retira  des  ail'aires  en  1152  et  inoiirut  en  1710. 


\ 


I,  Jb^^'-^  STRAS  ^ 

l\/\a/T^cÂ(uic) Jcn/ctUcr    du    Roy  cLmieu/rant 

a   Ririi      Quay  des    Orfcu^es  ii^  A(jr   <)f  Boicrjojj 

Avertit  Messieurs  lufi^etUurS   en    otu^yre  cU 
iotd.      Payj  ,    Pr-ovi-nces    cL  NcLlu>n  Cfu'd  nosscJe 
datis    la     ôurmc^f  i>erjcclicm   Le    Sccrc-t    <Le     éncfu 
y  faire     Les   FcuiCcci    lyLcuickc^    convine   aussi    cclLcs 
\     3c     loullc!    auJrcs  couUcufj     rCi/ll    louUts  iorLcs 
f^^ôf  P(C/V'CJ  tfc's  avafttaacicscrnr^f  .   èaaJcs    <l-      ^^' 
zlta  d  Orteitl     Ycru)  Jf  (a     PaccJr-e     à  '  Or       ^^ 
rfa-iu 
jou/iaiJcrcz^ 


paria.i.C<:  ,  et  c/ti^crra.   a.   conàUcctta  Quicotuju-c      Ui 
DuLmcinS  (/t  ciuifcj ,  P'Lcrrercc^  y. 


—  â^J9  -- 

(Mil  s'v  liviaii'lil    ticsi-iicv   s(iil>>  If   IKMII    ilr  Injuiiliiis-fiiiisscliirs,   r\    crllr   indu-.!  lie, 
,.,,11,1,,,.  I,.    r,.|ii,ir,|iic  .le    I  .;i->t.'>  l'ir.   -   tniiilia  lolll   dr  --llllc  cillrc  lr^  lli;illl>  (r(ill\  citTS 
si    li;il.ilf>,   .in'cllc  ciil   un   iiioiiinil    de    \.'iil;ihlc   vo-iic-  (II.  Tiv^  prii  d.'    Iriiips 
a|M-i's  rt'dil  de   IT.'iM  .|iii  urdniiii,!  I;i  (onlr  dr  Idi-l'cN  fcric,  ce  lui   a   (|iii,    |ianiii  les 
iiivi'iilfiir^,  propit^cfail  un  iiK-lal  lum  iiiar.lic  (Milic  U-  siimlnr,  il  y  cul  le  InmlHir, 
If  pinr/i/xr,   l'or  de   Maiinliriiii .  il   >  cul    le  nn'hil  l.rlilaiir,   sorte  dallia-c  df  (iHlInir 
jtU(io\  \i\t'.   crlalaiilf,  iiinlaiil   l'or,  doiil   on  lil  dc>  llaiiil.caiix  cl  des  poiiinic-   de 
cjniue,  el  i|ui  l'oiiniil    le  niolif  d'une  savaiile  (•oiiiiiinilicalioli  de  (ieoIVroy  dans  les 
Mthnnires  de  l' .Xcadmin'  '1rs  Scirnrcs  ; 
il   V   eut   /(•  tnrf'i/  '/  lu   li'unc,   allia-c 
d'etam,    d'anliinoiiie   et    de   liisinulli. 
ciuploy(''  pour  t'aire  des  llM'ièi'cs,  des 
eal'elieres,    etc.    Le    très    inti'rcssant 
l-eeiieil    des    A/i/in/ircs,    af/if/irs   rf   di- 
ci't's  avis,  dan>  Icipiel  (Ui  troiiNc  lanl 
(le    (liMHuneiit-    précis     sur     les    in- 
du>tries    de    celte    ('poipu',    sii^iiale 
a    loul    iii--laiit     des    uouvcauU's    de 
l'cllc    natiiie.    Va\    l'Iiii.    c'est    le   l'a- 
jiricaut  de  lampes  M((ssic/\  (\u'\  proue 
s<>ii    uictal    t'ciiuoniiipu' :    en     ITcSl, 
e"esl   le   t'iuuU'ur  Baillot,  qui  «  vend 
toutes  sortes  d'ouvrages  de  sa  coiii- 
posiliou.    imitaiil    l'argent,    savoir: 
chandeliers.    Itongeoirs,     porte-hui- 
liers,   porte -moutardiers,    salières, 
coquetiers,    couverts,    couteaux    de 
table,   sonnettes,    etc.   »  :    en    178:2, 

c'est  le  doreur  sur  métaux  Lafosse  qui  célèbre  les  vertus  du  métal  de  sa  compo- 
sition «  aussi  blanc  que  Targenl,  dans  le(piel  il  n'entre  ni  <'uivre  ni  aucun  alliage 
nuisible  à  la  sanlé  ».  (-elui-là  donne  les  prix  des  objets  qu'il  fabrique  :  le  couvert 
coûte  3  livres  ;  les  cuillers  à  ragoût,  même  prix;  les  cuillers  à  potage,  même 
prix;  les  cuillers  à  café,  lo  sols,  etc.  L'habitude  d'avoir  chez  soi  de  la  vaisselle 
en  ces  sortes  de  métal  commençait  si  bien  à  se  répandre  en  1759,  qu'au  moment 
où  parut  l'ordonnance  de  Louis  XV  sur  l'orfèvrerie,  défense  avait  été  faite  aux 
ofticiers  de  l'armée  de  se  servir  d'autre  chose  que  de  vaisselle  de  «  fer-blanc  ». 
Le  duc  de  Luynes  (:2),  ((ui  nous  donne  ce  détail,  nous  indique,  en  outre,  le  prix 


'yrcciCiuKS  ,     cvz     ûcit-irt'C  ci   tio-rj  d'oeui/rc  citCros'' 


Adresse  de  Strass. 
''l{iI)HnlhL'qiie  de  l'Union  centrale  des  nrls  décoralifs.) 


(1)  F.  de  Lasleyrie.  Ilis/oire  de  l'orfèvrerie    1S17.  1  vol.  in-lS»),  page  28i. 

(2)  Duc  de  Luyues,  Mémoires,  t.  XVJ,  page  i'Ji. 


—  230  — 

que  l'on  payait.  «  Chaque  assiette,  dit-il,  coûte  un  peu  plus  de  3  livres,  et  le 
service  le  plus  complet  revient  à  2001)  livres.  «  Il  faut  ajouter  que  les  métaux 
communs  étaient  traités  assez  généralement  par  les  orfèvres  avec  leur  habileté 
coutumière,  et  qu'ils  en  firent  souvent  de  remarquables  œuvres  d'art.  C'est  ainsi 
(jue,  sur  la  liste  des  cadeaux  offerts  par  Louis  XV  à  l'ambassadeur  turc,  Saïd- 
Méhémet  Pacha,  figuraient  «  deux  grands  brasiers  de  similor  »,  ce  qui  prouvait 
le  cas  que  l'on  faisait  de  cette  matière.  Il  faut  remarquer  aussi  que  c'est  vers 
cette  même  date  —  17G8  —  que  commença  à  s'introduire  en  France  «  le  plaqué 
anglais  »,  c'est-à-dire  la  vaisselle  de  cuivre  revêtue  d'une  mince  couche  d'ar- 
gent qui  avait  l'aspect  de  l'argenterie  vraie,  tout  en  coûtant  cinq  fois  moins  cher. 
Le  procédé  du  plaqué  est  dû  à  Tiiomas  Boslover,  de  Sheffield,  mais  il  semble 
que  cette  industrie,  ((u'oii  a  appelée  aussi  le  «  doublé  »,  avait  pris  naissance  en 
France,  au  début  du  dix-huitième  siècle,  car  le  Régent  prit  soin  de  la  régle- 
menter (1).  Mais,  pour  prendre  racine  dans  notre  pays,  il  fallut  qu'elle  nous  revînt 
d'Angleterre.  En  1770,  une  manufacture  royale  de  vaisselle  de  cuivre  doublé 
d'argent,  par  le  laminage  à  chaud  des  deux  métaux  en  contact,  fut  fondée  à  Paris  à 
l'Hôtel  de  Fère,  rue  Beaubourg,  au  Marais  (2),  puis  transférée  dans  le  quartier  du 
Pont-aux-Choux,  rue  Popincourt  ;  elle  était  dirigée  par  un  certain  Degournay, 
ingénieur  du  roi  et  inventeur  de  cette  fabrication,  qui  prit  rapidement  de  l'extension 
et  ne  fut  détrônée  que  vers  le  milieu  du  dix-neuvième  siècle  par  la  découverte  de 
l'argenture  galvanique. 

Cette  extension  ahinna  même  à  ce  point  les  orfèvres  parisiens  que  plusieurs 
d'entre  eux  —  et  non  des  moindres  —  adressèrent  en  1772,  au  duc  de  la  Vrillière, 
un  mémoire  pour  protester  contre  l'introduction  en  France  de  cette  argenterie  à 
bas  titre. 

Leurs  craintes  n'étaient  pas  vaines,  car  cette  industrie  allait  trouver  dans  les 
faveurs  royales  une  protection  qu'elle  n'osait  pas  espérer. 

Louis  XVI,  qui  charmait  ses  loisirs  par  les  travaux  manuels  et  mettait  son  idéal 
dans  la  serrurerie,  se  préoccupant  du  moyen  de  satisfaire  le  goût  des  classes 
intermédiaires  pour  l'orfèvrerie  à  bon  marché,  avait  cru  devoir  favoriser  la  nou- 
velle industi'ie  en  aidant  de  ses  deniers  personnels  la  création  d'une  fabrique  de 
plaqué  établie  rue  de  la  Verrerie,  à  l'hôtel  de  Pomponne. 

Cette  fabrique,  qui  avait  pour  directeurs  Marie-Joseph  Tugot  et  son  gendre, 
Jacques  Daumy,  fit  de  tels  progrès  que  Louis  XVI  leur  permit  de  prendre  le  titre 
de  Manufacture  royale,  et  lorsque  la  Cour  des  xVIonnaies,  invitée  par  la  corporation 
des  orfèvres,  crut  devoir  prendre  des  mesures  pour  restreindre  l'étendue  du 
privilège  accordé  aux  entrepreneurs,  le  roi  intervint  de  nouveau  et  les  autorisa 


(1)  Voir  Henry  Ilavnrd,  Diclionnaire  de  l'iuncuhlcment,  au  mot  Double. 

(2)  Voir  Mercure  de  France,  avril  mo. 


|t;ir  (Ic-^  lt'llri'->  palfiilc--  du  17  lll,•ll■~^  ITS"  ;i  "  diMililcr  cl  |i|;i<|(ii'i'  |r«,  vases  cl  ii^lni- 
siI^•■^  lie  fiiivri'  cl   de  viiinjoi'  |iiii|tii'^  ;iii\   (•iiiiic--l  iMcs  ... 

j'.l  cciiclld;!!!!  Icv  |il;iiirln  V  de  iiic|;il  iiiivrv  ru  (rll\|i'  d.ili^  l:i  l.'dilM-.il  ioil  dil 
ii|;i(|ii('  III'  ^f  |iii"'l;ii('iil  ;:ii('ic  ;i  l.i  la!  ii'ii;i  Ikhi  d  une  (  irl  l 'N  niii'  lu  xiirii^r,  ijiii  aiii'ail 
jiii  laiit'  <  ciicunciicc  au\  (Il  Icv  l'cs  d'ar^jciil.  Ni  lrlia\ail  dr  nlrniilr  au  iiiariraii, 
ni  la  Idiilc,  ni  la  ciscliiii'  iic  |iiiii\aiciil  ('In-  cuiiiliis  i"-  Il  rallail  <{<•  loiilc  iH''cc>'^il('' 
a\(iir  |•l•^(Ull•>^  aux  |in»C(''d(''s  iii(''caiii(|ii('S  du  lour  cl  >\r  I  c>laiiiiia;jc,  cL  à  la  sou- 
dure dclaiu  |MMir  n'Miiiir  aux  loniics  des  \asc->  ce  i|u du  a|i|iclail  les  ;.'aniitiir'cs, 
c'ol-à-dirc  les  anses,  It's  |»ieds  el    les  ornements  en   reliel'. 


Soupière  en  plaqué  de  Pomponne. 
{Collection  du   Musée   des  Arts  dëconitifs.) 

Los  moyens  restreints  dont  disposait  la  nouvelle  industrie  pour  exécuter  des 
pièces  ayant  un  caractère  d'art  semblaient  donc  devoir  en  retarder  l'expansion,  et 
il  fallut  toute  l'ingéniosité  de  Tugot  et  de  Daumy  pour  produire  des  œuvres  comme 
la  soupière  en  plaqué  qui  sortait  de  leurs  ateliers  et  qui,  ayant  appartenu  à 
M.  Alfred  Darcel,  l'érudit  et  fin  connaisseur  qui  fut  directeur  du  Musée  de  Cluny, 
fait  aujourd'hui  partie  des  collections  du  Musée  des  Arts  décoratifs,  et  témoigne 
de  leur  savoir-faire,  et  de  la  qualité  des  œuvres  qui  sortaient  des  ateliers  de  l'hôtel 
de  Pomponne.  «  Grâce  à  ces  habiles  orfèvres,  bien  des  bourgeois  de  Paris  et  de 

»  province  purent  placer  sur  leur  table  le  luxe  menteur  d'une  argenterie en 

»  cuivre  (1).  » 

Mais  ils  avaient  autour  d'eux   assez  d'artistes  habiles  qui   avaient  jusque-là 


il)  t*.uil  M.iiilz.  Recherches  sur  Vorfei'vrrie  française...  Gazelle  des  Beaiix-Arls.  t.  XI.  page  3j9. 


._  232  — 

drèté  leur  concours  aux  orfèvres,  pour  créer  des  modèles  dont  l'exécution  par 
l'estampage  devenait  facile.  Le  Musée  centennal  nous  offrait  des  pièces  en 
argent,  notamment  un  sucrier  de  l'époque  Louis  XVI,  qui,  exécuté  en  fonte 
et  ciselure,  est  devenu  le  prototype  des  objets  analogues  exécutés  en  plaqué 
par  le  procédé  de  l'estampage,  qui  s'est  continué  de  nos  jours  d'une  façon  dé- 
plorable à  l'époque  de  la  Restauration  et  de  Louis-Philippe,  non  seulement  par 
les  orfèvres  plaqueurs,  mais  aussi  par  la  fabrication  de  l'orfèvrerie  en  argent, 
légère  et  à  bon  marché. 


L'exécution  des  édits  de  KiST,  170:2  et  17a9  qui  avait  par  trois  fois  porté  un 
coup  si  funeste  h  l'industrie  de  l'orfèvrerie,  et  fait  disparaître  la  plupart  des 
belles  œuvres  exécutées  sous  Louis  XIV  et  Louis  XV,  n'avait  pas  eu  seulement 
pour  conséquence  de  donner  un  essor  à  la  fabrication  de  la  faïence  et  de  la 
porcelaine,  mais  avait  également  stimulé  l'ingéniosité  des  inventeurs  pour  la 
recherche  des  alliages  de  métaux  qui  pouvaient  remplacer  l'or  et  l'argent. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  l'invention  du  plaqué  était  venue  à  son  heure 
pour  substituer  à  la  véritable  argenterie  une  nouvelle  vaisselle  ayant  les  mêmes 
usages  et  la  même  apparence.  Il  n'y  aurait  donc  eu  rien  d'étonnant  (ju'à  la 
même  époque,  la  poterie  d'étain  qui  avait  été  depuis  si  longtemps  reléguée  à  la 
cuisine,  dans  la  demeure  des  pauvres  gens  ou  dans  les  cabarets,  ait  fait  de 
nouveau  son  apparition,  pour  prendre,  entre  des  mains  habiles,  un  lustre  nouveau. 
L'étain  était  employé  depuis  longtemps,  non  seulement  en  Allemagne,  en 
Suisse  et  dans  les  Flandres,  mais  encore  en  France,  à  la  confection  d'objets 
d'usage  ou  de  décor. 

Sa  couleur  blanche,  sa  malléabilité,  son  point  de  fusion  peu  élevé  (228"),  son 
prix  modique,  ses  propriétés  sanitaires  dans  les  usages  de  la  cuisine  et  de  la 
table,  en  faisaient  un  métal  précieux. 

Au  Moyen  Age,  il  avait  été  admis  par  tolérance  pour  l'exécution  des  objets 
du  culte  qui  devaient  être  ordinairement  d'or  ou  d'argent.  M.  Germain  Bapst, 
qui  a  fait  une  étude  approfondie  de  ce  métal,  de  ses  usages  et  de  la  fabrication 
des  ustensiles  en  étain  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'au  seizième 
siècle,  cite  le  texte  de  la  délibération  du  Concile  de  Reims  en  813,  sous  le 
pape  Léon  III,  qui  prohibait  toute  espèce  de  matière  pour  la  confection  des 
calices,  autres  que  l'or,  l'argent  et  l'étain;  et  ce  dernier  métal,  autorisé  seu- 
lement pour  les  éghses  pauvres.  D'autres  objets  servant  au  culte,  tels  que  les 
burettes,  plateaux,  crosses  d'évêques,  boites  à  hosties,  bénitiers,  pouvaient  être 
également  fabriqués  en  étain. 

Dans  la  vie  civile,  l'étain  a  joué  trois  rôles  principaux.  Chez  les  paysans  et  dans 
les  cabarets,  il  était  employé. à  la  confection  d'objets  usuels.  Dans  la  bourgeoisie 


—  ^MM 


il  ('•(ail  ili'Nfiiii  Idrli-N  l'i'fir  (le  lii\c,  ri,  cIkv  Ii's  -raiids  scij^MM'iirs,  il  ir<''lail  a<liiii-- 
(\u';\  la  ciii^iiir,  Toii^  lf->  \a'-i'->  a  ImiU'i'  :  lniic^.  (•all(•||(■^,  cliniic^^  ri  [lol-  a  Ihcit, 
c'iaiciil  tail>  cii  flaiii.   Les   plats,  les  asMi'lli"- <'l   l«'^  (■iiicIIcn  r(''lai('iil   <"-ali'iiiciil . 


Ki'iu'iii-  l'ii   l'Iaiii 


(  )i'('ill('  (l'i'curllr  CM  l'I  ;iin 
((jii.ilor/irinc  >irclc  . 

[Ciillrrlioii  ri  ilcssin  lie  Viiilli-I  h-  Une.) 


Viollcl  K"  hue  cilc  ilaiis  son  -  Dictioniiaii'c  du  Moliilicr»  des  ('cuellcs  en  usage 
au  (|iial(Mvi('Miir  siôclc,  cl  doimc  le  dessin  d'une  éeuelle  h  oreilles  en  forme  de 
licllc  dune  forme  simple  el  éléi^anle.  (ïcs  oreilles  étaient  souvent  très  ornées. 
Il  n'i-n  coulait  pas  davanlaiie  de  fondre  dans  des  moules  des  oreilles  délicatement 
ouvrajiées.  In  dessin  de  Viollel  le  Duc  en  reproduit  un  type  avec  une  tète  en  bas- 
rclicfiruii  slyle  cxcellcnl  (pii  moiilrc  (ju'à  cette  époque,  l'ait  appliipic  aux  objets 
iisui'ls  tenait  une  place  aussi  grande  dans  le  mobilier  de  nos  ancêtres  que  dans  l'anti- 
(piitc,  avec  j)lus  de  naïveté  peut-être,  mais  avec  un  égal  souci  de  la  forme  et  de  l'ap- 
pro[)rialion  à  l'usage.  Si  grossière  que  soit  la  ma- 
tière, si  simple  que  soit  l'exécution,  on  sent  que, 
dans  ces  époques  lointaines,  l'art  avait  pénétré 
jusipu'  dans  les  couches  inférieures  de  la  société. 

C'est  surtout  au  seizième  siècle,  avec  Fran- 
çois Briot  en  France  et  Gaspard  Eiderlein  en  Al- 
lemagne, qu'apparaissent  les  pièces  décoratives 
en  étain  qui  ornaient  les  dressoirs  des  grands 
seigneurs.  Le  plat  et  l'aiguière  de  la  Tempérance 
<le  François  loriot,  qui  appartenaient  à  Claude 
Sauvageot  et  font  aujourd'hui  partie  des  collec- 
tions du  Louvre,  étaient  un  merveilleux  spé- 
cimen de  la  nuiitrise  de  leur  auteur. 

François  Briot,  né  à  Montbéliard,  était  gra- 
veur en  médailles,  et  d'après  les  recherches  de 

M.  Castan.  bibliothécaire  de  la  ville  de  Besançon,  il  avait  la  charge,  rémunérée 
par  la    ville,    de   l'essai   au    balancier   de    l'atelier    monétaire.    L'exemplaire    du 


Chope  en  étain    seizième  siècle]. 
[Colleclion  G.  Bapst.) 


—  23-4  — 


m^^M^^^m 


licucUc  on  ctaiii   (dix-scpl  ii'mc  siècle). 
{Collcclldu  If.  i;<)iiilli(-l.) 


Louvre  porte,  au-dessous  de  rombilie,  reffigie  de  l'auteur  avec  ces  mots  : 
<c  Sculpcbat  Franciscus  Briot  ».  Cette  médaille  estime  des  pièces  les  plus  remar- 
quables de  l'époque.  On  a  longtemps  discuté  sur  les  procédés  que  dut  employer 
Briot   pour  l'exécution  de  ce  chef-d'anivre.  M.  Chabouillet  estimait  ({ue  l'original 

avait    dû     être    exécuté    en    ar-^ent 


pour  quel([ue  grand  seigneur,  et 
que  les  épreuves  en  étain  que  nous 
retrouvons  aujourd'hui,  aussi  liien 
en  Frauce  qu'en  AUemag-ne,  n'é- 
taient (jue  les  rcproduclions  pai' 
la  fonte  au  salile  et  la  ciselin'c  de 
la  pièce  en  orfèvrerie;  mais  les 
rcclierclies  faites  par  M.  Bapst  et 
l'opinion  des  artisles  (pi'il  a  cousulb's  sur  le  uuxle  de  fabrication  de  ce  plat  en 
élaiu.  lui  on!    fait  admcKrc   xiwc  loul  aulre  version. 

D'ailleurs  Bi'iot  était  graveur  en  médailles  et  son  nom  n'ajiparail  dans  au- 
cune liste  des  orfèvres  de  l'époque.  Nul  doute  que  le  creux  en  métal  dans  lequel 
il  coulait  les  épreuves  en  étain  avait  été  gravé  par  lui.  L'habile  ciseleur, 
M.  Brateau,  qui  devait,  à  la  lin  du  dix-neuvième  siècle,  donner  un  nouveau  lustre 
à  la  fabrication  des  pièces  d'art  en  étain,  n'adincl  |)as  (pi'un  moule  en  sable 
puisse  donner  une  telle  netteté  dans  les  fonds,  une  telle  linesse  dans  les 
reliefs,  sur  lesquels  il  est  impossible  de  constater  la  retouche  du  ciselet.  Briot 
a  dû  faire  le  moule  en  métal  gravé  en  creux,  à.  la  manière  des  graveurs  en  mv- 
dailles,  dans  lequel  il  coulait  le  métal  en  fusion.  Nous  verrons  |dus  tard,  au  dix- 
neuvième  siècle,  tout  le  parti  que  M.  Brateau  a  su  tirer  d'un  ])rocédé  qu'il  a 
eu  l'habileté  de  retrouver  et  la    maîtrise  de  remettre  en  homieur. 

Les  moules  en  métal,  que  ce  soit  du  l)ronze,  de  la  fonte  de  fer  ou  de  l'acier, 
ont  dû  certainement  être  employés  parce  qu'ils  étaient  les  seuls  jjratiques  pour 
obtenir  les   finesses   aussi   délicates 


que  celles  que  l'on  trouve  dans  le 
plat  de  la  «  Tempérance  »,  et  les 
seuls  qui  puissent  donner  un  nombre 
indéfini  d'exemplaires  identiques  au 
modèle  et  sans  retouche.  C'était 
d'ailleurs  le  procédé  qu'employaient 
couramment  en  France  les  potiers 
d'étain  pour  la  production  des  pièces 
usuelles.  M.  Paul  Eudel,  dans  son  livre  des  Trucs  et.  Tniqueurs,  dit  avoir  ren- 
contré, chez  un  marchand  d'étain  d'une  grande  ville  du  Midi,  des  moules  que 
ce   dernier  avait  trouvés   dans    l'atelier  de    son   arrière-grand-père,  et    qui   lui 


Eciicllc  (di\-liuitiènie  siècle). 
(Colleclion  II.  Bouilhet.) 


L>n; 


OrlcM-ci-ic    d'claiii  ilu  dix  huilirinc  sied 
[Collection    II.    Bouillu't. 


! 


—  HWl  — 


S('i\  aient  a  rclaiic  Ic-^  plal--,  iisv,ic|  |(•-^,  l'oins  lid  h'v,  cinllir-,,  ^jolicIcK  ou  salières 
(lii'il  li\iail  a  sa  clieiil  clc  de  |iasv,ij_.,-  am-i  ijiie  loiis  -es  inciiuv  u^^l  ri|s||rs  (|ii'il 
l(>lirillss;ii|  ;iii\  i';jliscs  (|e\illa;jes:  liiirelles,  ;is- 
pei'soirs,   iia\eltes,  liciiiliers   iMirlalifs,  {'\i- 

M.  I>a|is|,  dans  la  sa\anle  cl  Ires  di  nnnimlee 
in(WM\i:ra|diie  iinil  a  |iidiliee  en  I SS  t  siu'  IClain, 
pense  (|ii('  |f->  n'iisres  dee(H'ati\es  de  lîiidl  r\  de 
ses  e(inle!n|i(irains  ne  Ini-enl  (|n"nn  eelair  i|ni  s"('- 
tcij^iiil  a\ee  en\.  I'",n  IVanee,  rerleN  rei'ie  d'(''lain 
d'-elina  i-a|iide;nenl ,  el.  si  clic  cdiilinna  en  Alle- 
ma^nc  el  en  Suisse  à  |(r(Mlnii'e  (|nel(|nes  (en\res 
avonaldes.  ra|i|)ai'ili(ni  de  la  inircelaine.  i|ni  allait 
remplacer  rari;(Mderie,  tondue  |tar  (HmIi-c  des  rois 
Louis  \1\'  cl  Louis  \\\  i-eh'^uait  ce  nn'lal  a  la 
eui-iue  (Ui  dans  les  eaharels.  M.  JJa[)sl  estime 
(|ue,  îiayaul  plus  de  raison  d'être,  elle  avait  dû 
disparaili'e  de  nos  usages. 

«  Au  premier  abord,  dit  .M.  I)apsl,  (m  eom- 
»   pi'end    peu    la    corrélation  (pii    existe  entre   la 

»  suppression  inoiiîentaiiée  de  l'argenterie  dans  ees  temps  malheureux,  et  la  dis- 
•)   parilioii  de  l'étain.  »  Mais  s'il  est  exact  que  rindustric  de  la  l'aïcnee  à  Nevers 


Pot   à    eau   cliaiHli'    vn    iMaiii. 
[(lolU'rlion   l.il.   (iiK'iin 


Soiipicie  et  son  jjlat  en   otain  (ilix-lmitiènie  siècle;. 
{Collection  II.  Ikniilhet.) 


etr.à  Houon,  en  Lorraine  et  eu  Provence  se  développa  comme  pai-  euchantemenl, 
et  (pie  la  porcelaine  remise  en  liouneur  sm*  nos  tables  princières  remplaça   l'ar- 


—  -23H  — 

genterie,  il  n'en  est  pas  moins  certain  que  l'industrie  de  l'étain  pour  la  production 
des  objets  usuels  n'en  continua  pas  moins,  et  qu'à  Paris  connne  en  province,  les 
potiers  d'étain  subsistaient  encore.  0"^'  '1*  aient  changé  de  clientèle,  c'est  possible, 
mais  il  n'en  esl  pas  moins  vrai  qu'on  retrouve  encore  aujourd'hui  des  soupières, 
écuelles,  cafetières,  théières,  assiettes,  plats,  salières,  etc.,  dont  le  style  et  la 
composition  sont  bien  dus  à  des  artisans  du  dix-huitième  siècle.  Ce  sont  les 
mêmes  formes  que  celles  de  la  véritable  argenterie.  C'est  le  même  aspect  déco- 
ratif, si  ce  n'est  pas  la  même  finesse.  Les  reproductions  que  nous  donnons  dans 
la  planche  de  la  page  Soo  en  sont  la  déinonsti'ation  évidente.  La  sou|)ière  de 
style  Louis  XV  avec  ses  larges  côtes  si  habilement  modelées,  avec  son  écusson  en 
relief  et  ses  bordures  ouvragées,  la  bouillotte  si  fermement  moulurée  {page  237) 
sont  certainement  des  onivres  d'orfèvre  que  les  propriétaires  firent  reproduire  par 
un  potier  d'étain  j)our  remplacer  les  pièces  en  argent  qu'ils  allaient  porter  à  la 
fonte.  Il  en  est  de  même  de  ces  écuelles,  cafetières,  théières  et  flambeaux  qui 
sont  réunis  dans  cette  planche  et  qui  viennent  à  l'appui  de  notre  opinion. 

D'ailleurs,  si  (piehpies-unes  de  ces  pièces  porleut  des  poinçons  étrangers, 
d'autres  proviennent  certainement  d'ateliers  français  puisque  nous  retrouvons, 
dans  les  poinçons  frappés  au  revers  de  ces  pièces,  les  armes  de  nos  villes  de 
province,  Metz,  Rouen,  Dijon,  Montpellier,  Bordeaux,  et  nous  n'avons  certes  pas 
le  droit  aujourd'hui  de  méconnaître  l'habileté  et  le  goût  des  potiers  d'étain  du 
dix-huitième  siècle. 


.5^ 


Corljcille  llcuiic,  pni'  Uauson. 


j^Jt  iV'MVf'    ,.^.i!^,'.^t^£.-. 


Vase  irorlcN  rorio,  pnv  (^.liDtl'arfi. 


CHAPITRE  SEPTIEME 


L'OrlV'vi'oi'io  pondanl  \o  rôano  do  Louis  XVI.  —  Les  phases  de  la 
(panst'oi'inatioii  :  nouveau.v  décors;  ncnivelles  méfhodes.  —  Les 
oriKMiianisles  et  les  décorateurs.  —  Les  ciseleurs  et  les  orfèvres. 
—  Roberl-Joseph  Aueuste,  orfèvre  du  roi.  —  Conséquences  de  la 
Révolution.  —  La  fin  d'un  art. 


ORSQUE  commença  le  gouvernement  de  Louis  XVI,  il  y 
avait  en  réalité  déjà  plusieurs  années  que  s'était  ré- 
pandu et  imposé  ce  qu'on  a  appelé  depuis  le  style 
Louis  XVI.  Aux  formes  contournées  avaient  été  substi- 
tuées, ainsi  que  nous  l'avons  dit,  les  lignes  droites,  les 
décorations  équiliJDrées,  et  maintes  œuvres  architectu- 
rales, comme  les  projets  de  Soufflot  pour  le  Panthéon, 
et  de  gracieux  hôtels  privés  qui  se  construisaient  dans  Paris,  montraient  net- 
tement dans  quel  sens  s'opérait,  chez  les  architectes,  la  réaction  sortie  de  la 


—  240  ~ 

lassitude  des  fadeurs  mythologiques  et  des  bergeries  alambiquées  de  Boucher. 
Le  besoiu  de  réforme,  qui  se  manifestait  en  art  comme  en  politique,  suivait  lo- 
giquement et  graduellement  sa  voie,  pour  ainsi  dire  sans  secousse  ni  brusque 
transition.  Le  Cours  d architecture,  de  J. -François  Blondel,  publié  en  1771,  ne  fit 
que  donner  une  sanction  h  une  révolution  qui  était  déjà  accomplie  à  cette  date 
dans  le  monde  des  ornemanistes  et  des  industries  décoratives.  Depuis  1770, 
il  n'était  plus  permis  de  puiser  les  motifs  ornementaux  ailleurs  que  dans  les 
réminiscences  antiques:  Sphinx,  trépieds,  rinceaux, -têtes  de  béliers,  accom- 
pagnés d'attributs  suggérés  par  la  sentimentalité  particulière  à  cette  époque, 
tels  que  flambeaux  d'hyménée,  cœurs,  arcs  et  carquois,  groupes  d'instru- 
ments de  musique  champêtre,  paniers  fleuris  et  outils  de  jardinage,  colombes 
et  tourterelles,  avec  force  rubans  flottants  dans  les  enroulements  d'un  feuil- 
lage gracieusement  détaillé.  Voilà  les  éléments  que  les  dessinateurs  Salem- 
bier,  Delafosse,  Prieur  ou  Forty  donnent  en  modèle  à  tous  les  ouvriers  de 
l'ameublement.  A  coup  sur,  les  interprétations  étaient  bien  un  peu  puc-riles, 
elles  ne  trahissaient  guère  mieux  une  connaissance  exacte  de  l'antiquité, 
que  les  chaumières  du  petit  Trianon  ne  donnèrent  l'image  de  la  vie  rustique 
que  pensait  évoquer  Marie-Antoinette.  Mais  il  y  avait  dans  ces  artifices,  dans 
cet  art  un  peu  grêle  et  menu,  un  sentiment  si  |)articulier  d'élégance  et  de 
goût,  qu'on  y  sentait  un  nouvel  et  fidèle  reflet  de  la  société  française  et  de 
notre  génie  national.  H  est  impossible  de  pousser  plus  loin  qu'on  ne  le  fit  à 
cette  époque  l'exéculion  précieuse  des  motifs  d'ornements  pour  le  bois  ou  le 
métal. 

Nous  touchons  au  moment  précis  oîi  l'art  des  ciseleurs  a  produit  ses  plus 
fines  merveilles.  Jean-Louis  Prieur,  sculpteur-ciseleur  et  doreur  du  roi,  exécutait 
les  bronzes  dorés  du  carrosse  qui  figurait  au  sacre  de  Louis  XVI;  Gouthière,  qui 
s'était  déjà  fait  remarquer  dans  l'exécution  précieuse  des  serrures  et  des  bronzes 
du  pavillon  que  le  roi  Louis  XV  avait  fait  construire  à  Louveciennes  pour  M""  du 
Barry,  et  qui  devait  plus  tard  exécuter  pour  la  reine  Marie-Antoinette  les  meubles 
qu'elle  commandait  pour  Versailles  et  Trianon,  n'appartenaient,  ni  l'un  ni  l'autre, 
au  corps  de  l'orfèvrerie  de  Paris,  mais  les  bronzes  qu'ils  ont  laissés  sont  achevés 
comme  l'argent,  et  ciselés  à  rendre  jaloux  les  orfèvres  les  plus  habiles. 

Marie-Antoinette,  (pii  fuyait  à  Trianon  les  rigueurs  de  l'étiquette  de  Ver- 
sailles, ne  recherchait  pas  dans  l'orfèvrerie  la  satisfaction  de  ses  élégances.  Le 
mobilier  intime  avait  ses  préférences  et  le  luxe  de  la  table  ne  la  touchait  pas  ; 
aussi  nous  voyons  à  ce  moment  l'orfèvrerie  se  faire  de  plus  en  plus  commode  et 
utilitaire,  appropriée  aux  manières  nouvelles  de  vivre  et  obéissant  aux  caprices 
ou  aux  excentricités  de  la  mode  qui,  pour  le  costume  comme  pour  le  reste, 
cédait  alors  parfois  à  d'étranges  bizarreries.  Bien  entendu,  on  ne  voyait  plus 
sur  les  tables  des  salles  à  manger  les  vastes  et  monumentaux  surtouts  ou  dor- 


—  2M  — 

m;iiiU  I),  ilniil  l'iisnL'c  .iN.iil  ilcciili'iiicnl  (|is|i;ini  M.iis,  |);ii-  conli-c,  mi  pfil  I  li;i 
hillldc  <l«'  (li-^|M)-^cr  ^^||•  Ic^  hihli"^  IimiI  un  iikumIi'  dr  llclirs,  (i  JtrlMlNlrs,  i|r  |m'IiIv 
mu^ificiiN  (Hi  (le  licr^cr^  en  iiiiiiiiiliiic,  ^nil  m  orl'cN  rcric,  soil  en  (•('•r;iiiiii|(if, 
(|iii  loiiii.iiciil  ilf->  ;4r(Mi|M's  |iil  l(ir('S(Hi('s  on  scnl  iiiiciil;iii\,  des  >-ccii('^  dOpcrîi 
all('ii(lfis^;iiil('s,  M'rliKMix's  on  l('l:^l•(•^.  l  ne  des  (•(»in('Mli('s  de  L;i  (  lliaii'-^cc,  /  l-'.mlr 
lies  nKiris  \^1''',  raille  ce  lidicnic  (lan->  l(•>^  Ncrs  snivanis  ; 

Il    l.iiil    cire   sorruM'   [loin'   saxoir  ce  (|ii  «m    inaii^»'; 

(i('s(    ciu'orc   ;ui    dcsscrl    (Ui    |  ai    n    de    |iili(' 

I  )('   lums   \(iir  assoiniiicr  d  un    fatras   de    NciTudlcs, 

(lanu   de    maniioiiscls   cl   d  aihiislcs  coidiis, 

(^hn    l'oiil    un    li<us   ladli<   (ui    lOu    \\v   se    voil    plus... 

iNuir  les  dcsscrls,  on  iniaiiiiia  iiirnic  (ror^aiiiscr,  en  f^uisc  de  sni'loids,  des 
si'iMies  (le  llK'àlro  avec  des  [icrsomiagcs  iniiiuscules  ligui'ant  des  jcnx  de  conK'dic 
coiimis.  (",('  fnt  aussi  lo  Iciiips  de  la  vogue  dos  surlouts  à  fond  do  glace.  l*oiu-  «'pai'- 
gner  les  porcelaines  fragiles,  on  adopta  l'usage,  vers  1775,  de  poser  des  miroirs 
sous  les  pièces  d'orfèvrerie,  les  (ahles  pai'ui'enl  |)lus  rutilantes,  et  les  dames  d'un 
rapide  coup  d'œil  pouvaient  véritîer,  pendant  le  repas,  si  nul  détail  de  leur  ajus- 
tement ne  laissait  rien  à  désirer,  si  la  mouche  assassine  était  bien  à  sa  place,  ou 
s'il  ne  convenait  pas  d'aviver  d'un  peu  de  rouge  les  lèvres  pâlissantes. 

Durant  la  période  qui  va  de  1770  à  1785,  les  occasions  de  commander  de  belles 
pièces  d'orfèvrerie  ne  semblent  pas  avoir  manqué  k  la  cour  de  France.  Après  les 
cérémonies  du  mariage  de  Marie-Antoinette,  qui  donnèrent  lieu  à  des  fêtes 
magnitujues,  où  l'on  put  se  croire  un  moment  revenu  au  temps  des  fabuleuses 
dépenses  de  Louis  XV,  et  pour  lesquelles  les  orfèvres  durent  faire  un  efTort  consi- 
déi-able  de  production,  il  y  eut  un  peu  d'accalmie.  Le  mariage  du  comte  de  Pro- 
vence, en  1771,  celui  du  comte  d'Artois,  en  1773,  furent  pourtant  autant  de  pré- 
textes à  riches  cadeaux.  Ne  fallait-il  pas  ainsi  mettre  au  goût  du  jour  la  vieille 
vaisselle  qui  datait  des  débuts  du  roi  défunt  Louis  le  Bien-Aimé  et  dont  personne 
ne  voulait  plus  ?  Malgré  tout,  le  coup  porté  à  l'orfèvrerie  par  la  porcelaine  et  la 
faïence  se  faisait  de  plus  en  plus  sentir.  xMarie-Antoinette  aimait  le  luxe,  les  bi- 
joux, les  parures;  elle  avait,  pour  sa  table,  des  ustensiles  d'or  et  d'argent  de  l'art 
le  plus  précieux;  mais  elle  n'aimait  pas  moins  que  M"°  de  Pompadour  les  porce- 
laines de  Sèvres  et  encourageait  par  son  exemple  l'emploi  de  la  céramique^  qui 
était  entrée  décidément  dans  les  mœurs,  et  commandait  h.  Sèvres  les  jattes,  les  bols 

(1  On  donnait  au  ilix-huilirnie  siècle  le  nom  de  donnant  a  la  pièce  centrale  du  surtout  de  tal)le  qui. 
dressée  au  commencement  du  dîner,  restait  sans  être  renouvelée  jusqu'au  dessert.  Aux  banquets  officiels, 
tels  que  ceux  qui  étaient  donnés  à  l'Hôtel  di-  Ville  ou  à  Versailles,  et  dont  les  gravures  nous  ont  gardé  le 
souvenir,  on  voyait  de  ces  énormes  dormants.  Lors  du  mariage  du  prince  de  Guéménée  avec  M""  de  Lou- 
bére,  il  y  avait,  dit  le  Mercure  de  février  fîiil,  au  milieu  de  la  table,  un  dormant  de  45  pieds  de  long,  sur 
ti  pieds  'de  large,  qui  représentait  le  temple  de  l'Hymen,  avec  deux  péristyles.  D'un  côté  de  ce  dormant 
était  la  figure  de  Mars,  avec  tous  ses  attributs:  de  l'autre  côté,  celle  de  .Mercure  avec  les  Arts. 

•2    -Vcte  ni,  scène  i. 


-  242  — 

et  les  tasses  en  porcelaine  de  sa  laiterie  de  ïrianon.  En  réalité,  les  orfèvres  français 
étaient  alors  moins  occupés  aux  ustensiles  de  la  table  qu'aux  mille  bagatelles  que 
faisait  naître  la  mode,  aux  nécessaires,  boîtes,  bonbonnières,  bibelots  en  tous 
genres,  exécutés,  il  faut  le  dire,  avec  un  goût  exquis  et  une  perfection  singulière. 

Quand  le  roi  Louis  XVI  commanda,  en  1784,  un  certain  nombre  de  pièces 
d'orfèvrerie,  qui  avaient  été  envoyées  au  Sultan,  en  même  temps  que  d'autres 
cadeaux  splendides,  ce  fut  un  événement.  Tout  Paris  voulut  aller  voir  la  table  en 
argent  doré,  ornée  de  ses  vingt-quatre  plats  accompagnés  de  leurs  cloches,  qui 
faisaient  partie  de  ces  présents.  Ce  n'était  pas  un  chef-d'œuvre,  et  le  tout  ne  valait 
guère  plus  de  GO 000  livres.  Mais  il  y  avait  une  cassolette  d'or,  enrichie  de  dia- 
mants, rubis  et  émeraudes,  avec  son  plateau  et  l'aspersoir,  qu'on  avait  payée  plus 
de  18000  livres.  Il  y  avait  des  buires  avec  leurs  bassins,  des  fusils  et  des  pistolets 
montés  en  or  de  couleur,  etc. 

Cette  année  178i,  la  somme  dépensée  pour  cadeaux  diplomatiques  par  le  mi- 
nistère des  Affaires  étrangères  fut  de  40378:2  livres.  L'année  suivante,  elle  était 
l'éduite  à  23'2848  livres,  et  elle  n'était  plus  rpie  de  loi  702  livres  en  178().  N'y  a-t-il 
pas,  dans  cette  dimiimtion  graduelle  des  présents  faits  par  le  roi,  comme  un  signe 
précui'seur  des  événements  ((ui  vont  surgir.  Le  luxe  se  faisait  timide  aux  approches 
de  1780;  il  ne  s'aftichait  plus  avec  l'ostentation  d'autrefois.  On  mettait  plus  que 
jamais  des  raftlnements  dans  les  objets  servant  aux  usages  de  la  vie  intime,  mais 
on  supprimait  cha({ue  jour  un  peu  plus  ce  (\in  n'y  remplissait  qu'iui  rôle  d'apparat. 
L'orfèvrerie  de  table  cédait  le  pas  à  ce  qu'on  pourrait  appeler  une  orfèvrerie 
d'étagère,  comprenant  tous  les  petits  et  jolis  colifichets  dont  il  était  de  bon  ton 
de  s'entourer,  étuis,  flacons,  navettes  ou  tabatières,  ce  qui  peut  se  mettre  dans 
la  main  ou  se  cacher  dans  la  poche. 

C'est  alors  que  triompha  cet  art  merveilleux  de  la  ciselure  dans  lexécution  de 
ces  menus  objets  qui  servaient  aux  cadeaux  diplomatiques,  et  se  trouvaient  dans 
toutes  les  mains.  Le  l)ijou.  même  inutile,  devint  une  sorte  de  frénésie.  «  Qu'ils 
prisent  ou  non  du  tabac,  les  hommes  avaient,  dit  Mercier,  des  boîtes  pour  chaque 
saison.  »  Il  était  de  bon  goût  d'en  changer  tous  les  jours.  Lorsque  le  prince  de 
Conti  mourut,  en  1778,  il  laissa  près  de  huit  cents  tabatières.  Un  peu  plus  tard,  il 
était  d'une  suprême  élégance  de  porter  deux  montres,  et  le  vieux  maréchal  de 
Richelieu  fut  un  des  premiers  à  adopter  cette  mode.  En  façonnant  les  flacons  pour 
les  eaux  de  senteur,  les  étuis  que  les  coquettes  avaient  sur  leurs  tables,  les  cro- 
chets qu'elles  suspendaient  à  leur  ceinture,  les  boîtes  à  poudre  qui  décoraient 
leurs  toilettes,  les  orfèvres  mélangeaient  volontiers  des  ors  de  couleur  et  tiraient  de 
cette  association  des  effets  harmonieux  et  charmants.  Mercier  va  jusqu'à  prétendre 
que,  pour  venir  à  bout  de  certaines  dames  aux  mœurs  faciles,  «  il  suffit  de  changer 
leur  navette,  leur  étui,  leur  boîte,  parce  que  l'or  n'est  pas  de  plusieurs  couleurs, 
et  qu'il  est  indispensable  à  cet  égard  que  la  mode  soit  constamment  suivie  ». 


—  2i:j  — 

Le  Milscc  (fiili'iiiial  lie  IIKIII,  <|ili  iioii^  .1  luiliiii  r(tcc;isi(»ii  (r;MliiiilTf  1rs  ro|- 
Ifclioiiv  (le  !•(•-.  iiiciiiis  i»|i|i'K,  (iniil  iKiiiN  a\(»ii^  '''',1''  |i''irl''  "l;iii'-  \r  "IliihIit  |>r(''- 
cfili'iil,  iichiil  |i,iN  iii(iiii>>  rirlii'  en  |ll(•(•t■-^  d  orl  l'V  icric  de  sInIc  Loiii-  \\I,  ijiii 
|Miii\ai('iil  iinii^  l'dihcr  mit  la  |mi  Iccl  nui  de  la  main  d(rii\rc  aiii>i  (|ii('  >iir  IV'lô- 
l^aiicc   lin    -In  Ir   de   I  illi'   ciMiiiiic. 

An  nondnr  drs  uii\ii'^  ipii  nurilaicnl  d'allii'cr  le  \A{\<  itarlicnlicrcnicid  l'al- 
liMilKui.  |c  cilcrai  la  lies  IkIIc  s((n|iicrc  ilc  la  collcclioii  l'-phrnssi,  ilalanl  des 
lontcs    prcmirrcN    années    du    iT;^n('.    (•('>l-a-dir('   de    ITTi  à    I7S(I,  cl   ipic    nous 


Suiipicre  sur  son  plati'au.  style  Louis  X\  1. 
[Musée  cenlenn.il.  —  Colleclinn  Michel  Ephrussi.) 


reproduisons  ci-dossus.  ()n  y  (rouvait  iviiuis  tous  les  caractères,  nettement  af- 
fu-niés,  du  style  nouveau.  IMus  !oud>re  de  rocaille  ou  même  de  ces  ornements 
légers,  impi'évus,  et  si  spirituellement  délicats  de  la  fm  de  Louis  XV.  La  sou- 
pière, solidement  assise  sur  son  plateau  très  sobre,  offre  une  énergique  et 
mâle  silhouette,  avec  ses  tètes  de  lieliers  (pii  servent  d'anses  et  la  guirlande 
de  feuilles  de  chêne  qui  reidonre;  lallnre  en  est  grave,  noble,  un  peu  froide, 
la  ciselure  est  très  adroite,  minutieuse,  sans  excès,  bien  calculée  pour  l'effet 
général,  le  dessin  est  magistral;  on  serait  tenté  de  dire  que  c'est  un  dessin 
d'architecte  manquant  un  peu  de  liberté,  de  fantaisie,  et  peut-être  de  charme. 
Mais  c'est  le  propre  des  a'nvrcs  (pii  inan,::nrent  de  nouvelles  formes  d'art  et 
tranchent  avec  d'anciennes  liaMlndes   de  lignes  ou  d'ornements,  d'affecter  ces 


±u  — 


V 


apparences  outraïu-ières,  ces  airs  dogmaticjues  et  sentencieux  qui  ressemblent 
à  une  protestation.  La  soupière  de  M.  Eplu'ussi  est  un  exemplaire  de  toute  rareté 
et  il  serait  intéressant  de  savoir  de  chez  quel  orfèvre  elle  est  sortie.  Malheureuse- 
ment nous  n'avons  pu  vérifier  ses  poinçons.  Elle  a  la  saveur  singulière  des 
œuvres  qui  marquent  une  ère  nouvelle,  la  franchise  d'un  débutant  qui  fait  son 
entrée  dans  le  monde,  sans  gaucherie  ni  iriquiétude.  C'est  une  pièce  de  musée. 
J'aime  beaucoup  aussi  cette  cafetière  qui  appartient  à  M""'  Burat,  et  dont  le  prin- 
cipal mérite  vient  de  sa  simplicité;  n'a-t-elle  pas  appartenu  au  baron  Pichon,  l'un 
des  plus  fins  connaisseurs  en  orfèvrerie  ([u'il  y  ait  eu  de  notre  temps.  Rien  de 
plus  gracieux  que  sa  forme  allongée,  sa  base  doucement  arrondie,  le  bec  à 
cannelures  relié  au  collet  par  une  guirlande,  ses  pieds  si  déliés  qui,  en  se  cam- 
brant, ajoutent  à  sa  légèreté  aimable,  voilà  bien  un  des  types  les  plus  parfaits  du 

style  Louis  XVI,  dont  l'élégance  exquise,  quand 
elle  a  cette  mesure  et  cette  discrétion,  est  d'un 
art  suprême  et  défie  toute 
comparaison.  Plus  riches, 
d'une  composition  plus 
pleine  et  plus  cherchée, 
sont  les  aiguières  avec 
leurs  cuvettes  que  nous 
reproduirons  également  et  qui  appartiennent  à 
la  meilleure  époque  du  style  Louis  XVI,  celle 
du  complet  épanouissement.  La  première  de  ces 
aiguières  fait  partie  des  collections  du  Musée 
des  Arts  décoratifs,  et  l'on  peut  dire  qu'elle  en 
est  l'un  des  plus  charmants  joyaux  (n°  1).  Elle 
est  signée  sur  le  pied,  Vinsac  l'aîné.  Justesse 
et  beauté  des  proportions,  séduction  des  or- 
nements à  la  fois  souples,  variés  et  ingénieux, 
elle  a  vraiment  une  distinction  souveraine,  et 
éveille  l'idée  d'un  ouvrage  antique  qui  joindrait 
à  la  pureté  de  l'inspiration  l'attrait  enchanteur 
de  la  grâce  athénienne.  Comme  dans  beaucoup  de  pièces  d'orfèvrerie  de  cette 
période,  la  panse  est  décorée  d'une  délicieuse  frise  exécutée  au  repoussé  en 
bas-relief,  en  représentant,  à  la  manière  de  Clodion,  des  scènes  mythologiques 
dans  un  paysage  virgilien.  On  abusa  beaucoup,  en  ce  temps,  des  frises,  des 
médaillons  et  des  camées  dans  l'orfèvrerie.  La  reine  Marie-Antoinette  possédait 
un  plateau  en  vermeil  décoré  de  trois  rangs  de  camées  antiques,  figurant  les 
princes  de  la  maison  d'Autriche,  et  formant  autour  du  fond  une  bordure  octo- 
gone. Ce  ne  devait  pas  être  très  réjouissant  à  voir.   L'autre  aiguière  du  Musée 


Cafetière  Louis  XVl. 
(Collection  de  .!/'"■   Hiirul.) 


I 


No  ,      M^moiv  ol  su  cuvcUe,  pni-  Vinsac  laine.  -    Mnst^c  des  ;w/s  drcorntify 
y.,  .,    Ai^uièiv  ol  sa  i-uv,-ltc.  —    Ci-Ucclioii  C.  Iloin. 


'2M 


cfiili'lilial  (^ll"  :i),  |ifii|irii'li'  lie  M.  ImiIm  T.ilinirl  ,  (•■^l  |i|'u|i;i|i|i-|ii('[ll  |iov|('-ririir('  ;i 
ffllc  (|lli'  ji'  \ii'll^  lie  (Ircnic;  l;i  ICiliciclic  i|c  l'i  iii  -  i  11,1 1 1 1 1  '  \  r-\  r\\i\i\\[i- \  r||c 
n';iccii--i'     ^tlllolll     il;ill--     le    i'iMl\  cl  de    ;in^c/     r|i;iiiL.'r    cl     i|lll     Iwil      |icii^iT     .1     ccr- 


l'Iamljcau   à   quiili-i'    biaiii-lio   iL'    >l\l,'    I.<iui.-   XN'l, 
t'Xi'Clili'   par  roi-lovi-»'   liniiillici'. 


laines  orfèvreries  dessinées  penilanl  la  Renaissance  i»ar  Pulydore  de  Caravage. 
L'exécution  d'ailleurs  est  absolunienl  remarquable  et  fait  de  cette  œuvre  —  une 
des  plus  intéressantes  qui  existe  de  l't'pociue  de  Loui>  \\I  —  un  morceau  de 
ju'emier  ordre. 

13 


—  ^48  — 

A  mesure  qu'on  approche  de  la  Révolution,  la  sculpture  décorative,  sans  rien 
perdre  de  sa  finesse  et  de  sa  pureté,  devient  plus  sèche.  La  forme  des  objets 
prend  souvent  de  la  maigreur  dans  relancement  insolite  de  certaines  parties.  C'est 
précisément  ce  qu'on  peut  remarquer  dans  le  candélabre  dont  nous  donnons  ci- 
contre  la  gravure  et  qui  appartient  à  cette  époque  dite  de  Marie-Antoinette 
(1787-1789),  durant  laquelle  la  décoration  de  rorfèvrcric,  tout  en  restant  très 
délicate,  se  fait  un  peu  mièvre.  Ce  candélabre  (page  235),  d'une  exécution  très 
soignée,  est  de  l'orfèvre  Bouillier. 


/ 


Sucrier  Louis  XVI  à  bas-relief. 
{Musée  cenlennal.) 


Très  importantes  aussi  et  par  le  caractère  de  leur  exécution  et  par  leur 
fabrication,  sont  les  six  pièces  dont  nous  donnons  la  gravure  et  qui  montrent  le 
curieux  effort  fait  à  la  fin  du  dix-huitième  siècle  pour  réaliser  la  production  à 
bon  marché  :  cette  préoccupation  hantait  si  bien  l'esprit  des  orfèvres,  que  le 
sucrier,  le  confiturier,  les  bonbonnières  et  les  moutardiers,  quoique  exécutés  en 
argent  fondu  et  ciselé,  étaient  admirablement  composés  pour  être  fabriqués  par 
le  procédé  de  l'estampage,  et  nous  doutons  même  que  les  bas-reliefs  et  les  cou- 
vercles n'aient  pas  été  exécutés  par  ce  moyen. 

Ces  pièces,  qui  marquent  une  époque  de  transition  dans  la  fabrication,  sont 
devenues  le  prototype  des  pièces  similaires  qui  ont  été  exécutées  po^térieurement 
par  l'estampage,  procédé  dont  on  a  usé  et  abusé  au  dix-neuvième  siècle.  Ce  pro- 
cédé, comme  on  le  sait,  permet  d'exécuter  économiquement,  au  moyen  des  matrices 
en  acier  e(  du  mouton,  autant  d'exemplaires  que  l'on  veut  d'un  modèle  établi  chè- 
rement, mais  dont  l'exécution,  rendue  facile  par  l'emploi  des  matrices,  en  abaisse 
le  prix  de  revient.  La  ciselure  est  supprimée,  il  suffit  qu'un  ouvrier  adroit  vienne 


210 


4>;?' 


N"  1 


N"  2 


-No  4 


N»*  1  et  -2.  lionbunniLTC  et  drujreoir.  No  3.  ConliUincr.  X"-  ',  et  T).  Moutardiers. 


—  l>ol   — 

ciiMiilc,   (>;ii-   mil'    r;it:i''''iir('    IimMIc,    corriijcr   \r<    iiiiiici-fcrtidUs,    idiil    m    it^I.ihI 

illl|illl»^;illl      .-1     (lolIlUT     ;i     l'clli'     |i|C(r      l;i     (jUilIlIc     ihcllNlr     (r.iil.      |,c     v|\||.     i||.     ,■,.-. 

llll•lnl■^  (ilijfls  d'orrcN  relie  e•^l  Meii  île  le|i(i,|(ii'  l.diii-,  \\|  d  lU  nul  un  r('-e| 
iiilerèl  euiiiiiie  ^|  lei'iiiu'ii  de  l;i  l',!  I  nicil  ii  m  ;i  l;i  lin  du  di  \dniil  leini'  «^ieelc.  A  ce 
llldiiienl.   l'tiill  ilhiLie   de->    oïl'esres  de  (|iie|(|in'^  llll-^   du    moins,    el    cneore   en   lin 

assez  pelil  nonilire  —  iiehnl  pliis  liuil  ;i  jiiil  celui  (|iie  noiis  asinis  \ii  ;mi  milieu 
(In  di\-lnnlieme  ->iecle,  dans  lalelier  de  Tli(»ma>  (iennaiii.  Il  ve  eoiii|i|i(|ii;nl 
din-^l  riimeiil  N  cl  ddiilils  ayaiil  piiiir  luil  de  l'ahi'i'incr  |iar  des  iii(i\ciis  e\|i(''dil  il»..  ;i 
lin  très  ;^rand  iionihi'e  d"e\ein|ilaii'es,  les  ohjels  (|ni  jadis  n^'laienl  e\('cnl(''->  (|n  im 
à  un  par  r(»ii\i-ier  ()iTè\re.  ('/est  ainsi  (in'im  addpla  remltoiil  i'-sa.Lie  el  reslani- 
pa^c  an  iimnldii  el  au  Imhtnncr.  rem|ilaeaiil  ainsi  le  lonj^  li"a\ail  dn  marlean 
(jni,  peu  a  peu  par  de  petils  eoii]ts  lialiilemeni  in(''iia;^(''S,  donne  a  la  plarpie 
la  l'orme  \oulue.  par  un  appai'eil  (|ni  perniel  de  frapper  celle  plaipie  d'un  seul 
eoiip,  eu  lui  laisaiil  ('pouser  la  lorine  d'une  inalrice  en  creux  aii-desvn>  de 
hupielle  elle  esl  idacc'c.  Ou  ulilisail  (''i;alt'nienl  le  tour,  inslrumeiil  doiil  l'iii- 
veulion  se  perd  dans  la  luiil  des  lemps,  mais  (pii  ne  l'iil  appli(pi(''  d'une  fai-oii 
oouraiito  à  l'exéeuliou  des  ouvraj^c;^  (roi-fèvrerie  ({ue  dans  les  dci'iiièrL'S  aum'-cs 
(lu  dix-liuilièmc  siècle.  Ou  inlroduisit  alors  (["Angleterre  des  tours  au  i)ied, 
qu'on  faisait  mouvoir  au  moyeu  d'une  pédale  mettant  en  action  la  roue  motrice 
^w  tour  comme  la  meule  à  repasser  les  couteaux  des  rémouleurs  ambulants. 
Les  amateurs  pouvaii'ul  eux-mêmes  s'en  servir,  si  l'on  en  croit  cette  annonce 
insérée  dans  le  Journal  des  affiches  du  \"1  août  1779  :  «  A  vendre  un  tour  à  fan- 
glaise  pour  contourner  la  vaiselle  d'argent  ronde  et  ovale...  et  si  doux  qu'un 
enfant  peut  le  faire  aller.  »  C'était  d'ailleurs  une  habitude  assez  bien  portée 
parmi  certains  grands  seigneurs  du  temps,  de  se  livrer  à  ces  sortes  de  travaux 
professioimels.  De  même  que  Louis  XVI  s'adonnait  à  la  serrurerie,  le  comte 
d'Artois  se  mit  à  l'orfèvrerie  et  à  la  bijouterie,  et  l'on  a  la  liste  des  outils  qu'il 
se  procura  dans  ce  but  :  bigornes,  étaux,  archets,  marteaux  à  manches  de  bois 
de  rose  et  virole  de  cuivre,  tours  à  guillocher,  tours  ovales  à  excentrique, 
mandrins,  etc.  Ces  outils  élégants,  montés  sur  des  manches  en  bois  précieux 
et  délicieusement  ornés,  coûtèrent  5930  livres.  On  ne  pourrait  jurer  qu'ils  ser- 
vii'eut  l)eaucoup.  Dans  les  véritables  ateliers  d'orfèvres,  il  est  cei-tain  que  l'ou- 
tillage ayant  pour  but  de  faciliter  la  grande  production  ne  fut  pas  admis  du 
premier  coup  et  sans  difliculté.  Ce  ne  fut  qu'un  tlélnit,  un  point  de  départ, 
un  symptôme  tout  au  plus,  mais  qu'il  importe  de  ne  pas  oublier,  car  il  annonce 
les  transformations  mécaniques  qui  bouleverseront  toute  la  fabrication  au  siècle 
suivant. 

Les  orfèvres  qui  se  partageaient  à  ce  moment  la  faveur  du  public  à  Paris 
étaient  assez  nond)reux.  Ce  n'était  pas  des  étoiles  de  première  grandeur  et  nous 
ne  croyons  pas  utile  d'en  donner  ici  la  liste,  qu'on  trouvera  dans  la  plupart  des 


—    9n9   — 


petits  iilmanaclis  de  répoque(r).  Parmi  eux  il  yen  avait  que  nous  avons  eu  l'occa- 
sion de  menlionner  et  qui,  déjà  en  réputation  durant  le  règne  de  Louis  XV,  conti- 
nuaient Ijrillainnient  ou  modestement  leur  profession.  Tels  étaient  par  exemple 
Roëttiers  lils,  Lehendrick,  l'élève  de  Thomas  Germain,  qui  fut  grand  garde  des 
orfèvres  en  1777.  Il  est  l'auteur  d'œuvres  charmantes  de  style  Louis  XVI,  notam- 
ment d'un  délicieux  service  de  vermeil  qui  fait  partie  des  collections  de  M.  Cha- 
brières-Arlès,  et  qu'on  a  pu  admirer  en  1900  exposé  au  Petit  Palais. 


Cafetière  et  pot  ù  laiL  de  LehendricU. 
Collection   (Jiiihriôrcs-A rlès. 

Lai  cafetière  est  à  trois  griffes.  La  panse  est  ornée  de  vingt  cannelures  creu- 
ses décorées  à  la  base  de  culots  ciselés,  un  écusson  suspendu  par  un  nœud 
de  rubans  à  un  anneau  et  encadré  de  guirlandes  de  lauriers  grassement  ciselés 
porte  un  chiffre  en  relief  d'un  délicieux  eidacement  surmonté  d'une  couronne  de 
roses.  Le  pot  à  lait  à  anse  en  bois  des  îles  est  à  pied  rond  godronné  ;  le  décor 
est  semblable,  mais  l'écusson  au  lieu  de  chiffres  est  orné  d'un  bas-relief  repré- 
sentant un  enfant  jouant  avec  une  chèvre.  L'ensemble  est  des  plus  séduisants.  Les 
proportions  harmonieuses,  le  décor  d'une  élégance  exquise,  l'exécution  étour- 


(1)  Notauiment  dans  VAlmanach  du  Dauphin,  de  1"T7,  lequel,  à  vrai  dire,  est  devenu  assez  rare. 


-  i;^'^    - 


«lissjiiitt'  fttnt,  (If  (M'v  <lt'ii\  |ii'lilN  clicrs-d'd'iiMc,   Ic^  [lifccs  les  |)l(i^  iniMicii^fK  de 

l'orlV'N  l'iTli'  iV.lIlc.li-^r  (|lli'   I   r.\|mvi|  Kiii    i|r    1*11)0  iKills   ;ilir;i   f('' V('|(''<'s . 

l'Ill^  riDidriiii'iil  ciiinil,  iM,il>  lni'li  {'(lilllil  irc,  «'si  le  ll;iiiil  iciii  ;i  |)ici|  (•;i|-ri'  otIk' 
de  Irildlrs  dCill.  I.c  lui  c,!  ii  iirlc  csl  d('(<ii't''  d'iliic  suilc  de  ridoK.  I.r  s|\|('  s';i[)- 
ii;ill\lil  l'I  II  .1  p.'l-^  l;i  ~>(ill|tli's-M'  du  ciiiidcLd  li'C  de  l'xMlillhT,  llLii^  il  c-l  l'iirdrc 
ri';i|i|tf  iill  ,(1111  de  l;i  Im'IIc  cxcciilhni  des  (piivrcs 
(le  la  Iill  du  dix  liiiiliciiic  Niccic. 

Nous  iiiciilioiiiicroii^  ciicdic  les  iiouis  <u\- 
vanls  :  .\i/i///s/r  i  lîidicrl-.ldscidi  > ,  <u'i'r\rt'  du  roi 
ci  I  lin  dt'>  plus  roiisid(''rai»l('>  de  la  sccdiidc 
parlic  du  dix-liiiilicuic  sire  le  ;  lùamnis  Joiihrrt^ 
(|ui  a\ail  |i<uii'  |ioiii('oii  un  ('omu'  cl  don!  |diisi(>urs 
(KiM'aiîCs  MiltsisltMil  t'iicdi'c,  iiotanmicnl  la  sau- 
cière i\i'  M""'  i\v  Ponipadour.  (|no  nous  avons  rc- 
[iroduilc  au  clia|Mlrc  |ir(''c(''d(Mi(  ;  ,I.-T.  Vancoiiver- 
lc)(/hc*i  (poinçon  :  un  lis);  Jacques  du  lioi/s  (poin- 
çon :  une  «(xpiillcl  ;  Michel-Franrois  Monla'ujnc 
(poin(,'on  :  un  landxdi;  Louis  Mermant  (poinçon  : 
un  ai^le);  P.-E.  Marcltaud  (poinçon:  Croix  de 
Malte):  P.-D.  Bullot  (poinçon  :  une  étoile"):  Mathieu 
de  Marcluj  (poinçon  :  une  tulipe)  ;  ïi.-l*.  Février 
(poineon  :  un  co(j);  J.  lioulogne-Pelit  (|)oinçon  :  une 
étoile);  A.  Savart,  G. -F.  Rolland  (poinçon:  une 
boule)  :  Marc-Etienue  Janetij  (poineon  :  un  marc), 
C.-N.  Delaunoïj  (poineon:  un  soleil);  Charles  Spri- 
man  i poineon:  un  Saint-Esprit):  Jean- Baptiste 
Cheret  (poineon  :  une  elef),  qui  avait  succédé 
à  son  père,  Antoine  Chéret,  et  jouissait  d'une 
grande  renommée;  Alexis  de  Roussy  (poineon: 
deux  palmes);  Balduc ,  Bouillier,  fabricant  de 
vaisselle,  fournisseur  ordinaire  du  duc  d'Or- 
léans, qui  paraît  avoir  été  un  infatigable  producteur;  nous  avons  donné  plus 
haid  une  œuvre  remarquable  de  Bouillier,  le  candélabre  à  quatre  branches 
qui  figurait  au  Musée  centennal;  Cousinet,  qui  exécuta  un  service  en  vermeil 
poiu*  la  reine  Marie  Leczinska,  à  l'occasion  de  la  naissance  du  Dauphin;  Vincent 
Bréant,  etc.,  etc.,  qui  tous  vivaient  vers  1780,  et  que  M.  Paul  Eudel  \^\)  cite  comme 
ayant  signé  les  ouvrages  qui  ont  fait  partie  de  sa  collection  d'orfèvrerie.  A  côté 
de  ceux-ci,  il  ne  faut  pas  oublier  les  orfèvres  bijoutiers  ou  joailliers  :  Petitjean, 


W' 


Flambeau  Louis  XM. 
[Musée  cpntennal.) 


J     Paul  Eihlf],  Soixante  planches  d'orfèvrerie,  de  la  collection  de  Poul  Eudel. 


—  254  — 

Jactpiemin,  Tiron  de  Xdnteuil,  liodimer  et  Dossange,  joailliers  ordinaires  de  la  reine 
et  de  la  cour,  dont  les  beaux  magasins  de  la  rue  de  Vendôme  étaient  toujours 
encombrés  de  la  clientèle  la  plus  arisloeratique.  etc.  Enlin,  il  faut  donner  une 
mention  à  part  à  M"""  veuve  Odiot,  rpii  ('lait  établie  niarcliande  au  coin  de  la  rue 
de  l'Echelle  et  de  la  rue  Saint-Honoré.  Elle  ne  fabriquait  pas,  mais  elle  vendait 
abondamment  ce  que  fal)riquaient  deux  très  bons  orfèvres  de  second  rang,  Gi- 
roux  et  Roulangei',  qui  demeuraient  dans  le  quartier  du  Palais  de  Justice.  Sa 
maison,  sous  la  direction  de  son  fils  CJaude  Odiot.  devait  arriver  plu>  tard  à  avoir 
assez  de  puissance  pour  faire  luiller  d'un  ('-clat  inattendu  Tart  de  Torfèvrerie  au 
dix-neuvième  siècle. 

C'est  de  cette  époque  que  nous  voyons  apparaître  les  recherches  d'artistes, 
décorateurs  habiles,  qui  fournissaient  aux  orfèvres  des  modèles  de  leur  invention; 
ils  nous  ont  laissé  des  recueils  de  dessins  qui  montrent  la  fertilité  de  leiii-  iinagi- 
nalion.  Ce  n'c'laienl  point  des  oi-fèvres  ayant  boutiipie  (Hi  atelier  :  leur  rôle  consis- 
tait il  inveiitei'  des  modèles  qui  nous  renseignent  anjoiiririini  sur  les  caractères 
des  œuvres  d'orfèvrerie  et  de  l)ronze  de  cette  épocpie  ;  les  œuvres  disparues, 
nous  avons  plaisir  à  retrouver  dans  les  recueils  qu'ils  ont  publiés  les  dessins  qui 
leur  avaient  souvent  donné  naissance. 

Jcan-Francois  Forhj  avait  débuté  sous  Louis  XV.  Dans  le  répertoire  des  maîtres 
oi-nenianistes  de  Cuilniard.  il  est  qualifié  de  dessinateur,  graveur,  fondeur  et  cise- 
leur. A-t-il  riM'Ilenieiil  |iroduit  des  ouivres  en  mi'tal'Ml  ne  nous  a  pas  été  donné 
de  trouver  une  pièce  exécutée  i)ar  lui.  il  est  surtout  connu  par  les  publications 
(piil  a  laissées.  La  bibliothèque  de  l'Arsenal  possède  plusieurs  suites  de  ses 
œuvres  d'orfèvrerie  à  l'usage  des  églises  :  calices,  ciboires,  ostensoirs  et  chan- 
deliers, puis  de  nombreux  cahiers  de  six  pièces  chacun,  contenant  des  modèles  de 
flambeaux  de  table,  des  girandoles,  des  garnitures  de  toilette,  des  vases  déco- 
ratifs, quelquefois  un  peu  chargés  d'ornements:  mais  tous  témoignent  de  la  facilité 
d'invention  et  de  l'imagination  de  Forty. 

A  côté  de  lui,  Charles  Delafosse,  architecte,  décorateur  et  professeur  de 
dessin,  né  h.  Paris  en  1721,  a  laissé  de  nombreux  recueils.  Le  premier,  sous 
le  num  iXIconologie  Iiistoriqiie,  renferme  cent  huit  planches  représentant  des 
modèles  de  cheminées,  cartels,  écussons,  vases,  frontons,  piédestaux,  socles 
et  monuments  divers.  Le  second  contient  des  sculptures,  bronzes  et  orfè- 
vreries. Les  autres  sont  relatifs  à  l'ameublement  et  à  la  décoration  pour  les 
églises. 

Ces  nombreuses  compositions  tmt  dû  certainement  rendre  de  grands  services 
aux  orfèvres  du  règne  de  Louis  XVI.  Didafosse  touchait  à  toutes  choses:  l'archi- 
tecture, les  décorations  intérieures,  la  sculpture  en  bois,  en  marbre,  en  bronze 
l'avaient  particulièrement  séduit,  et  l'œuvre  qu'il  a  laissée  peut  être  considérée 
comme  un  des  types  les  plus  intéressants  du  style  de  l'époque  Louis  XVI. 


2^àuii6euu.i'  I.Ù  '/a//(' 


■Se  vcTzdtrd  a  JPcj-a  '<J~^    f'^Z(/Sz:r 


r-z^^   de 


J3 aitrt.-Ti.^rroc^  cclk  cta.  Petà-  dzrrvuu      ch£-^     X^'  <ùla.lin.' 


Rzis  de  .R.oTTi^  c/ut^  Jy^  .Fcry. 


irn 


Ca/iier  c^e  j/x^  OirancioleJ   cz  Uclicloc    c:/c<j  Or/eorcj   et   c/cj  -ro7îaeicro 
J)e/^me£<}  par  J^J'y.JForty  et  Oraocco   var  Co/uict  . 


JV» 


X'^  1.  Fi-isc  ck'ooralivo  [)nr  Dclalosso.  —  X'^^  ■.'  ci  ^^.  \'a>t'?  i)ar  Drlaftisso. 
X"  'i.   Krise  Louis  XM.  poste  à  oiiroulcmonts  lubaiinos.  par  Salembier. 


2i;i 


'mmuimiiuiLUiimiaimmuiiiiiiiiiumMUiir 


N'  1 


No  2 


.\"  .; 


N»  1.  Fi'isc  clccorative.  par  l'nrl\ . 
N"  3.  Vase  crorrèvreric,  par  Camcl. 


N"  ■>.  Wisa  crorl'èvrerio.  par  Prieur. 

N"  4-  l"'"ise  décorative,  trophée  d'orlevrerie,  par  Cauvct. 


—  '2m  — 

Il  ,iv;iit  Miii'  iiii;i:jiii;ilirri  IVm'hikIc  cf  s;i  viM'M'  facili'  lui  ;i\;iil   |)ciil-(*'lr<'  i';iif  \-r\cv 

(I  T'Ili'  -Mill-^  l.dlll-^  \\  I  rr  (|iic  Mci-.-~(illllicr  ,l\;iil  r\r  --oiis  l,niiiv  \\  cl  (|<-  lici'-^dll 
ililiiT  le  -^hlr  i-l  rc|»i)i|iii'  un  il  ;i\,iil  m'-cii.  h'.i  iIIciii-,  le  cir.irl  rrc  ijc  ^oii  (i'ii\|-r  ("-I 
Icllcilicill  |M'r^iillll('l  (|lic  le  Ihilll  lie  hchlfusvc  scrl  ;ill|iill|(|  lilll  ,1  (|i''s|;.'||c|-  le  ;-'crirc 
(|;iii>>  l('i|il('l  il  <'\c('ll;nl,  on  les  -lnl•|,•|llll('-^  ilr  cImmic  cl  de  l;iui-H'i-.  li.iliilciiHiil  ili'-h-i- 
litict'N  en  di'^  ;ircliil('cliircs  un  peu  IVoidcs  iii;iis  liicn  |i(inil(''n'i'-,  r;ii';ir|('ii>vcnl  ricl- 
Icincnl,  |Kini-  Ic^  ani.ilcurs.  le  ^lylc  de  Dclidos^c 

h'.inirc--,  coniinc  Salcinlnci-,  Caiivcl  cl  de  Lahnnlr,  arcliilfclcv  cl  dc'co- 
ralciirs  (''L^alcincnl ,  oni  lai^si-  de  noinln-ciix  cahiers  d'orncincnK  (|n'ils  d(''- 
clareill  >*  Cititlfitir  un  </r<in(i  tonnlirc  île  dcssi/is,  rt  i'Irc  utiles  aux  tirlislrs  ri  aux 
»  nrrsinnu's  tpii  rrulcnt  (b'riu'i'V  urrc  ijuùl  les  iiilrrirurs  tir  l'ujijturlcnunt^  h:  uui- 
»  hilicr^  (Me. ..  » 

Les  cahiers  d'oi'fèv  rerie  de  l.aldiide  appai'tieiiiieiiL  a  la  ijoiiiie  éjxxpie  de 
Louis  \VI  et  (huinenl  de  noinlireux  lypt's  de  soupières,  éruelles,  pois  à  ean  cl 
a('('OSS()ir(>s  de  loilelle;  plusieurs  jtoivrières  et.  salières,  qui  cerlaiiieiiient  ont  dû 
être  reproduits  par  les  oi-l'èvres  (Nuileuiporains. 

l/iutroduetiou  de  ees  éléments  nouveaux  dans  l'industrie  est  un  fait  remar- 
(|ual)le  à  eonstater.  Ce  n'est  plus  Torfèvre  eoniplet  qui  compose,  modèle  et  cisèle 
ses  ouvrages  comme  au  commencement  du  siècle,  ce  sont  les  artistes  décora- 
teurs qui  préparent  les  éléments  de  leurs  travaux  et  fournissent  aux  orfèvres  des 
idées  ou  des  modèles.  Ils  sont  les  précui'seurs  de  ce  qu'on  est  convenu  aujoui-frinii 
d'appeler  les  artistes  industriels  qui,  dans  le  siècle  suivant,  seront  les  inspirateurs 
des  industries  d'art  et  faciliteront,  à  ceux  qui  n'auront  d'orfèvres  que  le  nom,  le 
moyen  de  se  faire  valoir  avec  des  œuvres  qu'ils  commanderont  ou  qu'ils  achèteront 
à  ces  artistes. 

Pour  bien  faire  comprendre  l'intérêt  qui  s'attache  à  cette  intervention,  nous 
avons  donné  plus  haut  la  reproduction  de  plusieurs  pièces  empruntées  à  ces 
recueils.  Elles  montrent  la  différence  de  manière  d'un  Forty,  d'un  Delafosse, 
d'un  Cauvet,  d'un  Prieur  ou  d'un  Salembier  et  les  personnifient.  Mais,  quel  que 
soit  le  mode  d'interprétation  de  chacun  d'eux,  on  voit  le  lien  commun  qui  les 
rattache,  et  on  sent  bien  que  toutes  ces  œuvres  d'origines  si  diverses  reflètent 
l'esprit  et  le  goût  d'un  temps,  où  le  symbolisme  de  l'antique  allégorie  allait 
devenir  le  plus  applaudi  des  éléments  décoratifs.  «  Antiquité  et  Pastorales  », 
tel  est  le  mot  d'ordre  adopté  par  les  artistes  de  cette  étrange  époque  où  une 
société  Unissante  jouait  à  l'idylle  —  en  attendant  la  tragédie  —  dans  un  décor 
((n'animaient  les  danseuses  de  Pompéi  alternant  avec  les  bergères  de  Trianon. 
Mais  là  où  triompheront  les  orfèvres,  qui  auront  ainsi  un  lien  commun,  c'est  la 
perfection  de  la  main-d'œuvre.  Ce  sont  les  finesses  exquises  de  la  ciselure,  une 
ornementation  variée  dans  sa  fantaisie  tous  les  jours  plus  sage,  une  sorte  d'élé- 
gance  un   peu   maigre,   mais  si  agréable,   si  satisfaisante  au   regard,   qu'on    ne 


—   26  i   — 

cherche  pUis  la  part  (lui  revient  à  l'artiste,  ou  à  louvrier,  et  qu'on  les  confond 
tous  deux  dans  un  mèine  sentiment  d'admiration. 


En  tête  de  la  nomenclature  des  orfèvres  qui  vivaient  à  cette  époque,  j'ai  cité 
Auguste.  C'est  lui  qui,  à  partir  du  règne  de  Louis  XVI,  prit  de  haute  lutte  ce 
premier  rang  parmi  les  orfèvres.  Robert-Joseph  Auguste,  né  en  17:25,  fut  reçu 
orfèvre  le  15  janvier  1757  et  nommé  orfèvre  du  Roi  le  23  mars  1775.  En  1777,  il 
avait  acquis  de  Jacques  Roëttiers  la  maison  d'orfèvrei'ie  que  ce  dernier  exploitait 
au  coin  de  la  rue  des  Orties  et  de  la  place  du  Carrousel,  et  lui  succéda  dans  le 
logement  des  Caleries  du  Louvre  devenu  vacant  par  suite  du  décès  de  Jacques 
Roëttiers  en  1784.  Son  i)remier  métier  fut  celui  de  ciseleur.  Il  avait  travaillé  le 
bronze  avant  l'argent  et  l'or.  Dès  1757,  il  s'était  déjà  distingué  par  maiids  tra- 
vaux importants,  cl  sa  situation,  qui  s'accrut  rapiih'uuNit  de  17G5  à  1775,  le  mit 
bientôt  en  pleine  lumière.  Il  devint  le  fom-nissciu-  le  ]»liis  achalandé  de  la  cour. 
Sa  réputation  avait  passé  la  frontière,  et  les  cours  de  Portugal  et  de  Russie  lui 
donnaient  fréquemment  l'occasion  d'exécuter  des  œuvres  de  hante  valeur.  Dans 
sa  monographie  sur  l'orfèvrerie  française  à  la  cour  de  Portugal,  M.  C.  Rapst 
constate  qu"x\ugusle,  le  digne  continuateur  de  la  glorieuse  tradition  dont  Cei'main 
avait  été  l'initiatcui-,  fut  l'auteur  de  la  dernièi'c  commande  exécutée  pour  le  Por- 
tugal. Le  seau  à   rafraîchir  dont  il  donne  le  dessin  et    (pic  nous   reproduisons. 


Seau  à  ralVaicliir  de   H.-.I.  Au^uslc. 
[Orfèvrerie    ile    ht    (\)iir  de    l'orlnijal.) 

est  bien  de  l'époque  Louis  XVI.  Il  rapjx'llc  par  sa  d<'coration  le  style  des  inven- 
tions de  Delafosse.  Nous  n'hésitons  pas  avec  M.  Ccrmain  Rapst  à  le  lui  attriltuer. 
A  l'avènement  de  Louis  XVI,  c'est  lui  qui  fut  chargé  de  la  couronne  du  sacre;  il  re- 
çut pour  la  façon  6000  livres.  Associé  pour  ce  travail  au  joaillier  Aubert,  qui  sut 
mettre  en  valeur  le  Régent,  le  Sancy,  et  les  plus  belles  pierreries  appartenant 


—  2fi5  — 

,111  roi,  il  iiiiiiiliM  ll,lll-^  1,1  |i,iilic  ilii  lr;i\;iil  i|iril  s"i-|;iil  n'^crv  ('•(•  un  ;.'(iril  cl  imm- 
li;iliilclc  i|iii  II'  iiiirciil  ;iii  |iiciiiii'r  laii,;:  ilc^  ;iili-(c--  ilr  ^ow  lriii|iv.  ||  |i|  r'^:i\,-- 
iiiciil     lc>    (i|i|('K    (|iif.    (l'iiinc--    I  ii->;i,:j(',    le    roi    ilrs.nl    ollnr    ;i     |,i    cil  Ik'mIimIc    (je 

K(Mlll->  :     1,1    lillllt',     li">    lilliciic'^    (Il    M'illiril    cl     le    (iJinilT    ildr.     |tc    llll    encore    f'iil    |,| 

l'ncoii  lie  lien!  ll;l-^  relie!'-.  re|tre->eiil;iiil  l;i  l*;i<-.ioii  el  i|e  Iroi-;  .inije^  --n|)|)orl;iiil 
la  roil|M'.  \  [lariir  de  celle  .illliee  ITT.i,  Kol  lerl -.l()sr|>li  .\ll|^llNle  c^l  r|ia|-;.'('-  de 
loille  rolTe\rerie  oriicielle.  Il  li\re  .'i  la  eonr  ie<  iJNleil'-ile.,  de  \iii^^e||e  (|ne 
ri'clame  le    ser\it('  du  roi  cl  de  la  reine  i-l   laiL  lous  les  lra\aii\  de  .^a  prole^-^ioii 


Salière  exécutée  ]iar  R.-.I.  Auguste. 
(Colleclion   de    l'emiiereiir   ^le   Biiasif. 

que  les  circonstances  lui  imposent.  Nous  voyons  lijiui'er  sur  une  de  ses  factnres 
de  1787,  les  «tasses  et  flacons  pour  recevoir  le  sang  des  sangliers  à  la  fin  de  la 
chasse  du  roi  »,  en  même  temps  que  la  «  couronne  de  vermeil  avec  les  deux 
plaques  d'inscription  en  argent  pour  le  cercueil  de  M""  Sophie,  fille  du  roi  ».  Que 
ce  soit  pour  Paris  on  pour  les  cours  étrangères,  quand  il  exécute  des  leuvres, 
telles  que  la  belle  toilette  de  vermeil  faite  à  l'occasion  du  mariage  de  l'infante  de 
Portugal  en  178o,  elles  font  sensation  et  tout  le  monde  en  parle.  Dans  les 
gazettes,  son  nom  est  toujours  écrit  avec  cpithète  louangeuse  :  on  est  fier  de 
sa  renommée  et  de  son  talent. 

Après  la  faillite  de  François-Thomas  Germain,  c'est  à  Roëttiers  et  à  Auguste 
que  revint  la  clientèle  des  cours  étrangères.  Auguste  ne  fut  pas  le  moins  bien 
partagé.  On  voit  encore  de  cet  orfèvre,  à  Saint-Pétersbourg,  au  Palais  d'hiver, 
des  seaux  à  rafraîchir,  des  soupières,  des  saucières  dans  le  style  de  Delafosse. 


—  266  — 

La  grande  Catherine  lui  fit  des  commandes  considérables.  C'est  à  lui  qu'elle 
s'adressa  pour  exécuter  la  toilette  qu'elle  offrit  à  la  comtesse  Bobrinsky,  et  qui 
est  restée  dans  cette  famille. 

Une  exposition  temporaire  d'argenterie  du  dix-huitième  siècle,  faite  en  1885 
à  Saint-Pétersbourg,  dans  le  Musée  de  l'Ecole  centrale  de  dessin  du  baron 
Stieglitz,  nous  a  révélé  les  trésors  que  possèdent  l'empereur  de  Russie  et  les 
membres  de  la  famille  impériale;  les  grandes  familles  princières  de  ce  pays,  les 
grands-ducs  Wladimir  et  Alexis,  le  comte  SchouwalolT,  les  familles  Bobrinsky, 
Paskewitsch,  Gagarine,  Narischkine,  Polovtsoff,  avaient  mis  à  la  disposition  des 
organisateurs  de  cette  exposition  plus  de  trois  cents  objets  du  plus  haut  intérêt. 
Un  catalogue  en  avait  été  dressé,  et  la  reproduction  en  gravure  <à  l'eau-forte  faite 
par  les  élèves  de  lEcole  nous  a  conservé  le  souvenir  de  quarante  objets  des  plus 
r('mar([uables.  Malgré  l'infériorité  de  son  interprétation,  ce  catalogue  est  des  plus 
intéressants  pour  nous  par  l'importance  des  pièces  qui  y  sont  représentées;  et  si 
nous  envions  à  la  Bussie  la  possession  de  ces  chefs-d'œuvre,  qui  enrichissent  le 
Trésor  impérial,  nous  ne  saurions  trop  féliciter  la  Cour  d'avoir  su  les  conserver 
mieux  que  nous  n'aurions  pu  le  faire,  et  de  nous  j)ermettre  aujourd'hui  d'en  parler, 
et  de  constater  le  goût  et  l'art  de  nos  orfèvres  parisiens  au  dix-huitième  siècle. 

Les  œuvres  d'Auguste  figuraient  au  nombre  de  sept.  Deux  seulement,  une 
salière  et  une  saucière,  avaient  été  dessinées.  Heureusement,  le  Musée  des  Arts 
décoratifs  du  Pavillon  de  Marsan  possède  une  reproduction  galvanique  de  la  sa- 
lière d'Auguste,  qui  fut  exécutée  par  Elkington  à  la  demande  du  Musée  de  Ken- 
sington.  La  gravure  que  nous  en  donnons  {page  265)  nous  en  fait  apprécier  toute 
la  valeur;  sur  un  socle  oîi  était  gravée  sa  signature:  Auguste^  fecit  à  Paris,  deux 
petits  Amours,  tenant  des  coquilles  qui  servent  de  salière,  supportent  une  coupe 
destinée  à  recevoir  les  épices.  Le  couvercle  est  surmonté  d'un  groupe  d'algues 
et  de  coquillages  qui  en  f(trment  le  couronnement.  L'architecture  en  est  précise, 
la  forme  bien  équilibrée.  Elle  semble  plutôt  l'œuvre  d'un  bronzier,  mais,  à  en 
juger  par  l'exécution,  ciselée  par  un  orfèvre.  On  la  dirait  dessinée  par  Delafosse. 

Tout  autre  est  la  saucière  [page  267)  :  montée  sur  un  plateau  dont  les  extré- 
mités se  recourbent  en  volutes  gracieuses  bordées  d'un  tors  de  lauriers,  la  sau- 
cière est  à  quatre  griffes,  mais  les  anses,  un  peu  maniérées,  sont  formées  par  des 
enfants  dont  les  bras  s'allongent  pour  finir  en  feuilles  d'acanthe  qui  s'attachent 
au  corps  de  la  saucière.  Cette  œuvre  est  vraisemblablement  antérieure  à  l'époque 
où  Auguste  transformait  sa  manière  pour  s'accommoder  au  goût  du  jour. 

La  France  ne  possède  que  peu  de  pièces  de  cet  orfèvre.  Cependant,  dans  la 
contribution  que  le  collectionneur  Henri  Chasles  avait  apportée  à  l'enrichissement 
du  Musée  centennal  de  1900,  nous  avons  été  heureux  de  trouver  un  huilier  en 
vermeil  daté  de  1770  et  deux  cloches  de  177()  portant  le  poinçon  d'Auguste, 
dont  nous  donnons  la  reproiuction  [page  268).  Ce  ne  sont  pas  des  pièces  capi- 


laies,  mais,  dans  rliaciiiic  (rdlfs,  un  iriMiniiail  la  inènn-  Icnilatirc,  !<•  nièrnc 
sdiii'i  (I  a|»|ir.'iial  iiin  ilr  la  fni-inc  a  I  ii-^au'i',  I  i  ni|i|iii  de  dccurv  a~s;ifj|v.  |r  rr-|i('r| 
(If  la  litrnii'  aiiliilfrl  iiimIi'  cl  ilc^  \  ri  itali|i''>  |inni'i|M'>>  de  la  (-(MniMisil  ion .  |,,i  on 
nii  ri'i-oiiiiail  II'  iioiiM-an  ^InIc  ijui  \a  ddiiiiiicr  dans  le  sjcrli'  s|ii\,iiil,  ^^  i-^\  dans 
iHir  aiuiincrc  cl  sa  cii\cllc  a\aiil  a|i|iailciiii  a  M.  I*aiil  Kiidcl  i /l'/'/r  :^(i!l/ :  la  juriin' 
(Ml  fs|  ('li'i^anlc  cl  |iurc.  rdrnciiii'iilal  ion  solirc,  l'anse  itieii  allacli(''e;  cl  I  on  ^ciil 
deja  i|nc  le  ;^(iiil  ilc  l,iiilii{nilc  \a  aincncr  IcsorlcNrcs  a  se  d(''|)aria^-~ci'  de  loiilc 
celle  (naicincnlalKiii  si    i;aic   cl    si  |iini(ianle  du   di\-linil  ienn-   sie(dc,   iionr   -e   le- 


Sauciére  par  R.-J.  Auguste. 
Colleclinn   de  l'cmpercnr  de  Russie.) 


froiilii'  an  contact  des  peintres  comme  David,  et  des  architectes  comme  Percier 
et  Fontaine.  Mais  on  peut  dire,  néanmoins,  qu'Anguste  résume  et  caractérise 
l'orfèvrerie  de  l'époque  Louis  XVI.  Il  en  est,  pour  ainsi  dire,  la  personnification. 
Dans  les  pièces  sorties  de  ses  ateliers,  qui  sont  parvenues  jusqu'à  nous,  on 
reconnaît  les  qualités  générales  et  les  défauts  de  l'exécution  particulière  à  cette 
période  :  précision  extrême  et  fini  de  la  ciselure,  netteté  de  l'ajustage,  polissage 
excessif  et  souvent  trop  uniforme.  Le  beau  travail  du  marteau,  le  procédé  du 
repoussé  commence  à  être  délaissé  et  remplacé  par  celui  de  la  fonte  ciselée, 
('/est  le  moment  de  la  monture  à  froid.  Les  bronziers,  si  admirés  pour  leurs  tours 
de  force,  exercent  alors  une  influence  décisive  sur  les  orfèvres;  mais  n'est-ce  pas 
au  détriment  de  l'art  de  ces  derniers?  Un  homme  qui  au  dix-neuvième  siècle  a 
grandement  fait  honneur  à  notre  profession,  F.-D.  Froment-Meurice,  a  dit  :  «  J'ai 
»  vu  quelques-unes  des  orfèvreries  de  M.  Auguste.  J'ai  vu  surtout  deux  fontaines 
»  à  thé  ou  à  café,  deux  très  grandes  pièces  qui  avaient  survécu  à  la  Révolution, 
>)  et  je  détdare  que  ce  sont  là,  suivant  moi,  de  fort  beaux  ouvrages  dont  on  peut 


268  — 


»  n'aimer  ni  le  style,  ni  le  goût,  mais  qui  se  distinguent  par  d'éminentes  qualités 
»  de  composition  et  de  goût  (1).  » 


Cloche  de   177I').   p.ir   H. -.T.   Aiij;iiste. 
[Cnllprllon   II.   CIiusIps. 

Robert-Joseph  Auguste  eut  un  fils,  lleui-i,  ik'  eu  IT.M),  (|ui,  associé  à  sa  for- 
tune, devait  coutribuer  à  la  grande  prospérité  de  la  maison,  jus([u'à  la  veille  de 
la  Révolution.  En  1788,  R.-.I,  Auguste  et  son  fils  Henri  devinrent  fermiers  des 
affinages  des  matières  d"or  et  d'argent.  Ce  fut  à  cette  entreprise,  ainsi  qu'à  des 
recherches  sur  la  fonte  des  cloches  que  s'employa  leur  activité  pendant  le  repos 


Huilier  en  ^el■meil  de  1770.  pai-  H.-.I.  Aujiusle. 
[CoUecVon  If.  (Jhnsles.) 


forcé  que  la  période  révolutionnaire  allait  imposer  aux  orfèvres.  Ce  fils,  Henri 
Aug-uste,  avait  épousé  en  d782  Madeleine-Julie  Coustou,  nièce  du  célèbre  sculp- 
teur; à  ce  mariage  assistèrent  les  peintres  Yien  et  Pierre,  PVançois  Souffiot, 
frère   de  l'architecte   du  Panthéon,   sans   parler  de   la  famille   des    Coustou   et 


Ij  l'ii.  Hiii'ty,  F.-U.  FromeiU-Mi'urice,  arfjcnlifir  de  la  ville,  1883,  1  vol.  in-8",  pi^g'i  U. 


irailll-f^  ;illl-^lc^  lit'  t;ili'llt  cl  <li'  luiILlIlIr  --il  ll.ll  inli  I  l.c  |riillt'  nclrsif  n'aSllil 
,1(1,.  \iii-l  hdi^  an--  ri  ra\riiir  N(iii\iail  (li'\aiil  lui  Imil  naiil  i\r  |iiiiiiirss('S. . . 
\a<<  (•MiiriiifiiK  lit-  <l('\aiiiil  ,  liclas  !  |>a>  lanlrr  a  llicllir  rii  dciidilc  les  riAcs 
j'oniics  fil  ti'  .|<Mir  (le   li(iiilii'iir. 

l.c  (■()ii|i  (le  IdiiiiciTc  (II'  l:i  lîc\(iliil  ii>ii  lui  |ii)iir  rnrlcx  fcric  le  >-i;_'iial  d  iiti  iiTc- 
iiiciliaMf  (Icva^lif,  il  uni'  niiiic  laiiiciilalilc  ri  (niii|ilclr.  |)a|p(inl  il  \  «iil  I  <  laii 
vciiliiin'iilal    cl    liailil  KHiiicl   ilc    la    rclniilc   a   la    Monnaie.    Ce   liircnl    ilc    modc-lo 


Aiguière  et  sa  cu\etl(.\  par  Il.-.I.  Aii;.;ustc. 
CoUeclion   l'uni   l'mlcl. 

bourgeoises  qui,  le  6  septembre  1789,  portèrent  leurs  pauvres  bijoux  à  la  foute 
pour  soulager  la  misère  du  peuple,  eu  disant  avec  l'emphase  de  l'époque  :  «  Nous 
rougirious  de  les  porter  quand  le  patriotisme  en  commande  le  sacrifice.  »  Puis 
le  mouvement  gagna  l'aristocratie.  Un  décret  de  l'Assemblée  nationale  du 
G  octobre  1789,  sanctionné  le  l!2  du  même  mois  par  le  roi,  ouvrit  toutes  grandes 
les  portes  de  la  Monnaie  aux  pièces  de  l'argenterie  publique  et  privée.  Mais  tandis 
(ju'à  la  cour  de  Louis  X.IV  et  de  Louis  XV  il  avait  fallu  la  menace  des  édits  pour 
forcer  les  grands  seigneurs  à  faire  le  sacritice  exigé,  cette  fois  on  prit  les  devants. 


;1    A.  Jal  :  Dictionnaire  historique,  au  mot  Auguste. 


—  270  — 

En  quelques  mois,  de  tous  les  points  du  pays,  aflluèi'cnt  des  monceaux  de  vaisselle 
d'or  et  d'argent.  Du  22  septembre  1789  au  31  juillet  1790,  la  Monnaie  ne  fondit 
pas  moins  de  219428  marcs  2  onces  15  deniers  d'argent,  et  de  739  marcs  2  onces 
5  deniers  23  gros  d'or,  c'est-à-dire  54857  kilos  d'argent  et  187  kilos  d'or.  Le 
Journal  de  Paris  de  cette  époque"  (supplément  au  n"  293)  publia  la  liste  complète 
des  personnes  qui  envoyèrent  ainsi  leur  vaisselle  à  la  fonte,  et  ce  curieux  docu- 
ment, qui  ne  compte  pas  moins  de  48  pages,  contient  dans  un  singulier  mélange 
les  noms  de  ((uantité  de  gens  appartenant  à  toutes  les  classes  de  la  société.  11  y 
avait  en  première  ligne  le  roi,  et  la  reine  qui  sacrifia  d'un  seul  coup  presque 
toute  sa  belle  vaisselle  d'argent  —  pour  5042  marcs;  puis,  Madame,  belle-sœur 
du  roi,  pour  1315  marcs;  Mesdames,  tantes  du  roi,  pour  855  marcs;  le  duc  et 
la  duchesse  d'Orléans,  la  famille  de  Penthièvre,  le  ministre  Necker,  les  dames  de 
l'entourage  de  la  Ueine;  quiconque  avait  un  rang  à  la  cour,  les  linaiicicrs  et  les 
bourgeois,  les  petits  boutiquiers  de  Paris,  les  plus  humbles  niarchaiuls  suivaient 
le  mouvement.  Sur  cette  liste,  les  noms  des  contrôleurs  et  des  fermiers  généraux, 
des  banquiers  les  plus  connus,  voisinent  avec  ceux  de  la  haute  noblesse  de  France; 
on  y  trouve  côte  à  côte  le  comte  Cassini  de  .l'Observatoire,  la  baronne  d'Holbach, 
la  veuve  du  statuaire  Pajou,  le  peintre  Lagrenée,  Obei-kampf,  les  architectes  Bou- 
cheron, Micliault  et  Yermont,  Torfèvre  Tiron  de  Nanleiiil,  Vilmorin  le  «  grainier 
du  roi  »,  des  tailleurs,  des  épiciers,  des  miroitiers,  et  des  milliers  de  commerçants 
qui  viennent  déposer  sur  l'autel  de  la  j)atrie  leur  demi-douzaine  de  couverts. 

Après  une  pareille  immolation,  qui  lit  perdre  à  la  France  d'incalculables 
trésors,  des  chefs-d'œuvre  infiniment  précieux,  succédèrent  les  ventes  faites  par 
les  émigrés.  Les  objets  d'orfèvrerie  échappés  à  la  fonte  furent  clandestinement 
emportés  à  l'étranger.  Quelques-uns  restent  sans  doute  encore  obscurément 
enfouis  parmi  les  reliques  du  passé.  D'autres  sont  l'orgueil  des  collections 
fameuses;  de  toutes  façons,  ils  sont  perdus  pour  nous. 


Mais  la  Révolution  arrivait,  et  avec  elle  tout  allait  s'ai-rèter,  sinon  disparaître. 
Les  orfèvres  commençaient  à  chômer  dans  leurs  ateliers  silencieux.  Les  (euvres 
de  luxe  avaient  cessé  d'être  à  la  mode,  et  on  vit  les  orfèvres  faire  des  plaques  de 
gibernes  et  des  hausse-cols;  les  plaqueurs  fabriquaient  des  harnais,  et  les  bi- 
joutiers étaient  obligés  de  s'arrêter  devant  les  conseils  de  David  qui,  dans  un 
discours  de  l'an  11,  aux  fêtes  en  l'honneur  de  Viala,  disait  aux  jeunes  répuljli- 
caines  :  «  Méprisez  l'or  et  les  diamants,  soyez  parées  des  vertus  de  votre  sexe  », 
et  ne  retrouvaient  leurs  outils  que  pour  fabriquer  des  bijoux  d'acier,  façonnés  en 
emblèmes  patriotiques. 

En  ces  jours  difficiles,  l'orfèvrei-ie  produisit  cependant  quelques  (Cuvres 
avouables,   sévères  comme  l'époque  qui  les  voyait  naître.  Les  artistes  ([ui   les^ 


-   ^71 


(•\(M'iitaitMit  ol)(''iss;ii('iil  ;iii\  i»r('occii|);ili(iiis  de  r;irili(|iii',  ••!  (Iccoiaiciil  les  iiniics 
(le-,  -i'iifi;iii\  lie  la  U(''|»iil>li(|iir  (l('«^  al  I  iil)iil '^  ciiiiiiaiiih''^  aux  dci  iir.ilioiis  ;.'rcc(|iM'S 
cl  hiliiio.  "  r.icii  ^i»ii\('iil,  iK  ilciii.iiKJaiciil  lies  iiiv|)ii;il  k  ms  ;iii  |iiiiilic  l.diiis 
»  h;i\i(|,  le  ::i';iiii|  iii.iilic  dc^  ccrciiK  iiiic-  de  la  Ut'\  (diil  ion .  (\'r^\  lui  i|iii  dcs- 
»  siiia  le  s;diic  de  |lill;iiii|-\  iirciiiics,  (|ii('  ii()ii>  rc|ii-ndiiis()iis  d'après  une  ;_'ra- 
\>  Mire  du  lriii|is.  Lc^  roildrc--,  le  liisr.iii,  le  liolllicl  |dir\  ;jirii ,  1rs  |i;dllirl  I  es 
»  (iiiiaicnl  le  touircaii  de  (cllc  aniic  plus  s\  iidt(ili(|ii('  (|iic  (h'-coral  i\  c.  (le  sl\lr  ne 
»  df\iid  \(''i'ilaM('iii('nl  a  la  iiuidc  i|ii('  l(ii'S(|ii{',  le  Iciiips  du  hircrluii-c  ('•laiil, 
»  rcNcim,  l*;iris  i-('|ii'il  so  liiiJMludcs  de  luxe  cl  de  iiioiivciiiciil .  I.o  mciihlcs, 
')  les  liijoux,  les  orl'rx  rcrics  allcctcnl  alors  les  l'oriiics  n'-^iilièrcs,  les  prolils  se 
<>  i-('\milaris('Ml,  ri  la  ithiparl  des  oi'Cèvres  (|iii  aNaicnl  gardé  le  culte  des  Cormes 
»  c'oMloiinir't's,  se  (■(tiiverlisseiil  à  la  loi  nouvelle  el  ouhlicnt  l("<  conseils  du  ca- 
»   priée  pour  sui\re  les  lois  rigides  tle  la  géoinéti'ie  1^1;. 

L'orlèvrei-ic  française  avait  eourageusemcnt  traversé  les  orages  de 
ees  UMiips  trouilles,  mais  (die  allail  cire  i)i'oron(l(''ment  allcinle 
|iar  la    suppression    des    corporalions    cd    l'abolition    de  leurs 
privilèges  :  plus  de  maîtrise,  plus  de  long  apprentissage,  plus 
de  ehef-d'œuvre  obligatoire.   Lucien    Pali/.e,    dans  le  rapj)ort 
magistral  qu'il  lit  sm-  l'Exposition  de  18S9,  disait  à  propos  de 
la  suppression  des  coi'|>oralions  :  «  C'était  la  liberté  pour  tous, 
»  le  droil   au  travail  sans   entrave,  sans   contrôle, 
»  mais  l'orfèvre   n'en    deniandail    pas    tant;    cette 
»  liberté  lui  fut  ruineuse,  elle  apporta  le  désordre 
»  dans  son  art  et  le  compromit  à  ce  point,  qu'après 
»  cent  ans  il  se  retrouve  à  peine,  et  n'est  pas  revenu 
y'  à  l'étal  où  la  Révolution  l'a  surpris  et  frappé.  » 
Toutefois,  le  régime  nouveau  n'avait  pas  amoindri 
les  orfèvres,    et,    libres    désormais,  ils    gardaient 
dans    l'industrie    parisienne   la    place 
éminente   qu'ils    avaient   occupée   au 
temps  des  jurandes.    Une  protection 
évidente    fut     constamment     acquise 
aux    praticiens   de  ce    noble    métier. 
«  Le    gouvernement    avait    respecté 
»  dans    ses    règlements    tout   ce    qui 
)>  touchait  à  l'Assistance  mutuelle  et  ^^,,,,.^,  ^,^.  Hiihu.d  Vmennes. 

»    à  la  Société  de  secours.  Les  maisons  .D'après    le  ilessin  de   Davi>l. 


1     Paul   Maiilz.   Uochercheé  sur  loifévrerie  fl■dlJl•ai^c.   Gazelle  des  leaux-avls.   iomo  XIV.  pages   IS.j 
If-li,   187. 


—  272  — 

»  communes  ne  furent  supprimées  que  par  la  loi  du  19  Brumaire,  an  VI,  et  cette 
»  loi  nous  fournit  un  détail  touchant.  A  l'heure  où  elle  est  rendue,  il  y  avait 
»  encore  quatre  invalides  dans  la  iMaison  des  orfèvres  de  Paris.  Le  ministre  de 
»  l'Intérieur  d'alors  fut  chargé  d'en  prendre  soin  et  les  plaça  aux  Incurables  (I).  » 

Mais  l'orfèvrerie  ne  pouvait  vivre  sans  une  réglementation  spéciale  qui  ins- 
pirât la  confiance  au  public.  Ce  fut  la  loi  de  Brumaire  an  VI  qui  se  chargea  de  la 
lui  donner  en  réglant  le  titre  de  l'or  et  de  l'argent,  en  organisant  le  contrôle  et 
les  bureaux  de  gai'antie,  qui  venaient  prendre  la  place  des  jurandes  et  consti- 
tuer la  législation  nouvelle. 

Qu'allait  devenir  l'orfèvrerie  française  avec  ce  régime  nouveau?  Tous  les  ate- 
liers des  orfèvres  à  Paris  et  en  province  fermés,  la  corporation  détruite,  les  ap- 
prentis et  compagnons  enrôlés  dans  l'armée  et  envoyés  aux  frontières;  jamais  la 
ruine  d'un  art  ne  parut  plus  profonde  qu'au  lendemain  de  la  Révolution  de  1789. 

Nous  allons  voir  en  etTet,  dans  la  deuxième  partie  de  cette  étude,  ce  qu'il  a 
fallu,  pendant  le  dix-neuvième  siècle,  d'efforts  persévérants,  de  luttes,  d'entre- 
prises vaines,  avant  de  parvenir  à  le  relever  de  cette  chute  lamentable  ! 


(1     I*aiil   .M.iiilz,   IJi'clicrche?  sur  l'Oi  lèvrciic  li:;ncnis(\  (Uiytle  drs  i<  cnu-arls,  hniii'  Xl\',  [liigus  ISIj 
186.   181 


FIN   DU   LIVRE  PREMIER 


Cartouche  de  Delurosse. 


r"r''X'ï''^'i'V''^'lfitfiiMt";'"ii'liiliil'iiiiUritMiiii'ullfNiiltiaiiiu i'i'"iiiiiMiiir;"iiû'ii[iTii 


TABLE   DES   MATIÈRES 


A\  aiil-propos VII 

Lislo  (les  anialours  cl  des  orlèvrcs  exposants xi 

INTRODUCTION 

t>liaj)ilre  I".  Origine  des  expositions  rétrospectives.  Le  Musée  centennal  de  Kjoo.   .  i 
Chapitre  IL   (^oup  d"(vil  sur  l'Orfèvrerie  française  depuis  les  Mérovinj'iens  jusqu'à 

la  mort  de  Louis  XI \' 2.5 


LIVRE    PREMIER 

LE    DIX-HUITIÈME    SIÈCLE 

CIIAPITIIE  PREMIER.  —  L'Orfèvrerie  à  la  fin  du  règne  de  Louis  XIV.  —  Les 
ateliers  des  Gobelins.  —  La  destruction  par  les  édils.  —  Ce  qu'elle  était  à  la 
Cour  et  dans  la  bourgeoisie 

CHAPITRE  DEUXIÈME.  —  Le  réveil  de  la  Régence,  ijiS-ijaS.  —  Ce  qu'était  le 
service  d'argenterie  dans  les  maisons  princières.  —  Caractère  des  œuvres  de 
cette  époque 

CII.APITRE  TROISIÈME.  —  Epanouissement  du  style  rocaille.  Ses  excès  et  ses 
chefs-d'œuvre,  ijaS  à  ijSo.  —  Les  orfèvres  Meissonnier,  Delaunay  et  Ballin 
le  neveu.  —  Grande  renommée  de  Thomas  Germain.  —  Inlïuence  de  la  Cour 

sur  le  goût 

i4 


'.3 


05 


—  274  — 

CHAPITRE  QUATRIÈME.  —  La  corporation  d'es  orfèvres  et  ses  rè-ilements.  — 
Maîtres  et  apprentis.  —  Conditions  du  travail.  —  Poinçons  de  garantie.  — 
Orfèvres  connus  de  1720  à  ijSo.  —  Les  «  Eléments  d'orfcrrerie  »,  composés 
par  Pierre  Germain  (dit  le  Romain).  —  Spécialité  des  boîtes  et  tabatières  à 
portraits 


101 


CHAPITRE  CINQUIÈME.  —  Apogée  de  l'orfèvrerie  du  style  Louis  XV.  —  Chefs- 
d'œuvre  exposés  au  Musée  centennal.  —  Les  orfèvres  François-Thomas  Ger- 
main et  Jacques  Roëttiers i53 

CIIAPITRl^]  SIXIEME.  —  La  marquise  de  Pompadour  et  son  influence.  —  Tout  à 
la  Grecque.  —  Avènement  du  style  Louis  X\'I.  —  M"'^  du  Barry  et  ses  pro- 
digalités. —  Ses  commandes  à  l'orfèvre  Roëttiers.  —  Les  boîtes  et  les  menus 
objets  de  style  Louis  XVI.  —  La  catastrophe  de  1769.  —  Concurrence  faite 
à  l'argenterie  par  la  porcelaine.  —  Les  industries  du  similor  et  du  doublé. 
—   La  poterie  détain 1S7 

ClIAPITRl^  SI<>PTIÈME.  —  L'orfèvrerie  pendant  le  règne  de  Louis  X\T.  —  Les 
phases  de  la  transformation  :  nouveaux  décors;  nouvelles  méthodes.  —  Les 
ornemanistes  et  les  décorateurs.  —  Les  ciseleurs  et  les  orfèvres.  —  Robert- 
Joseph  .Auguste,  orfèvre  du  roi.  —  (jonsécpicnces  de  la  Révolution.  —  La 
fin  d'un  arl ^33 


Vase  d'orlL-XTei-io,  par  Cauvet. 


AVANT-PROPOS.  —  Tôle  do  page  :  la  Fermière.  Coupe  des  Cuncours  agricoles,  par  Cliristolle. 

(Modèle  de  Coutan. ] .\ m 

Lellrc  ornée  L  :  cafelière,  par  Clirislolle.  \Mudclc  de  Carrier-Bclleusc.) xiii 

Cui-de-laïupe  :  pot  à  crème,  par  Cliristolle.  [Modèle  de  Levillain.) xv 

INTRODUCTION. 

CHAl'lTHE  ^'^  —  Tête  de  page  :  devise  de  l'Union  centrale  des  Arts  décoratifs 1 

Lettre  ornée  A  :  prix  de  Course,  de  Fannière 1 

Musée  rétrospectif  de  1805.  Le  Grand  Escalier 3 

Musée  rétrospectif  de  1861).  {Collection  Richard  Wallace.) 5 

Musée  rétrosj)eclif  de  1874  du  Costume.  Le  Grand  Escalier 1) 

Musée  rétrospectif  de  1874  du  Costume.  [Collection  Achille  Jubinat.) 11 

Gobelet  émail  de  Grand'liomnie.  [Collection  E.  Corroyer.) 14 

Musée  cenlennal  de  lUOO.  Le  dix-huitième  siècle la 

—  —             L'Empire  et  la  Restauration 17 

—  —             Epoque  Louis-Philippe 1<.) 

—  —             Epoque  Napoléon  111 21 

—  —             Orfèvrerie  religieuse 23 

CHAPITRE  11.  —  Tête  de  page  :  aiguière  et  son  bassin,  di.v-seplième  siècle 25 

Lettre  ornée  R  :  reliquaire 25 

Fauteuil  de  Dagobert 26 

Coupe  des  Ptolémées 27 

Moine  orfèvre 27 

Calice  de  saint  Rémi 27 

Reliquaire  en  forme  d'aigle.  [Galerie  d'Apollon.) 28 

Dressoir  d'orfèvrerie,  d'après  une  miniature 29 


—  270  — 

Dressoir  du  rui  Louis  XII,  ir;i[>rôs  une  niiiiiiiliire 30 

Nef  on  or  olïerle  par  la  ville  de  lîordeaux  à  la  reine  Eléonore 31 

Candélabre  oiïert  par  la  ville  de  Paris  à  la  reine  Eléonore 31 

Alolier  d'orfèvre,  d'après  Elienne  Dclaune 32 

Brûle-parfum,  d'après  un  dessin  d'Etienne  Delaune.  [Colleclion  Dérard.) 33 

Présent  oiïert  par  la  ville  de  i'aris  au  roi  Ciiarles  l.\ 3o 

Colïrel  à  bijoux  d'Anne  d'Autriche.  (Galerie  d'Apollon.) 36 

Orfèvreries  Renaissance.  [Galerie  d'Apollon.) 37 

Cul-de-lampe  :  dessin  de  Bérain 40 

LIVRE  1'.  —  Frontispice  :  carlouclie  de  Meissonnier 41 

CHAPITRE  ^'^  —  Tète  de  pa^^e  :  vase  d'or  des  Tapisseries  des  maisons  royales.  {Château 

de  Chamhord.). . 43 

Portrait  de  Claude  Bal  lin.  [Cabinet  des  estampes.) 45 

Vase  à  orangers,  par  Claude  Ballin 47 

Guéridon  à  trois  ligures.  [Dessin  de  Lebrun.  —  Musée  du  Louvre.) 48 

Vase  à  sujets  tirés  de  V Histoire  du  Roy.  [Dessin  de  Lebrun.) 49 

Flambeau  à  pied  de  sphinx.  [Dessin  de  Lebrun.) 50 

Visite  du  roi  Louis  XIV  aux  Gobelins.  [Tapisserie  d'après  les  dessins  de  Lebrun.). .  51 

Vase  aux  armes  du  roi.  (Dessin  de  Lebrun.) 53 

Cadenas  du  roi.  [Dessin  de  Robert  de  Cotte.) 54 

Salière  du  roi.  [Dessin  de  Robert  de  Cotte.) 54 

Présentoir.  [Dessin  de  Robert  de  Cotte.) 55 

Encrier  du  roi.  (Dessin  de  Robert  de  Cotte.) 55 

Huilier  du  Musée  centennal.  [Collection  M"""  Rural.) 58 

Cafetière  du  Musée  centennal.  [Collection  du  Musée  des  Arts  décoratifs.; 50 

Huit  pièces  d'orfèvrerie  Louis  XIV.  [Dessins  de  Giraldon.  —  Collection  Paul  Eudel.       61 

Bassin  on  or  des  Tapisseries  des  maisons  royales.  [Château  de  Fontainebleau.) 63 

CHAPITRE  H.  —  Tète  do  page  :  dessin  de  Bérain 65 

Six  pièces  d'orfèvrerie  Régence.  [Dessins  de  Giraldon.  —  Collection  P.  Eudel.). ...       67 

Délail  des  ciselures  de  la  cafetière  Régence  n"  1.  (Collection  P.  Eudel.) 69 

Cuvette  de  l'aiguière  n°  1,  de  Robert  .Magnarl.  [Collection  P.  Eudel.) 70 

Flambeau  Régence.  (.Musée  centennal.) 71 

Flambeau  Régence.  (Collect'on  M"^"  Rural.). 72 

Flambeau  Régence.  (Musée  centennal.) 73 

Ecuelle  en  vermeil.  (Collection  .l/""»  Rural.) 74 

Théière  Régence.  [Musée  centennal.) 75 

Cafetière  marabout.  [Musée  centennal.) 76 

Cul-de-lampe  :  dessin  de  Bérain 77 

CHAPITRE  III.  —  Tète  de  page  :  carlouclie  par  Meissonnier 79 

Surtout  de  Meissonnier 80 

Portrait  de  J.-A.  Meissonnier 81 

Soupière  aux  écrevisses.  par  Meissonnier 83 

Soupière  au  gibier,  par  Mi_is<;)tinier 83 

Nef  du  roi,  par  Meissonuier 84 

Seau  à  rafraîchir,  par  Meisso.i.iier 85 

Bouillolte  et  son  lecliaud,  de  Marie  Leczinska,  par  Th.  Germain 86 

Jatte  de  Marie  Leczinska,  par  Th.  Germain 86 

Atelier  de  Th.  Germain.  [Reconstitution  à  l'Exposition  de  1889.) 87 

Portraits  de  Th.  Germain  et  de  sa  femme.  [Colleclion  Odiot.) 89 

Candélabre  on  or  de  Louis  XV,  par  Th.  Germain.  (Collection  Pichon.) 91 

Lampadaire  de  Sainte-Geneviève.  [Dessin  de  Th.  Germain.  —  Collection  Pichon.)..       93 
Ecuelle  en  vermeil,  par  Th.  Germain.  [Musée  du  Louvre.) 95 


—  277  — 

I  l.iiiilir.iii  il  lt''li's  ili'  lit'lli-r.  (I)isu'ii  ilf  Th    llirnutin.) «j(J 

l'l;iiiili(MU  <li'  liinr.iil.     Drsun  <!<■  Tli.  Ilrruidin.) 96 

l'hiiiilitMii  l,lMli^  W  .  {Collection  M'""  lliiral.) <,)7 

l'IaiiiltiMii  I  iMiiv  W.  {Hcssin  de  liirniain.) <.»7 

Lt'i^lllllicr  cl  ^^ll  |i|;il.  (l'olttrtio.'i  .1/'""  Itiirut.) 9H 

r.iil't'litTt'  j;(Mlroiiiii''i'  Louis  W.    MitKi't'  rrntfiinnl.) <H) 

(■.iil-tl(>-l;iiii|if  :  l'ciissdii  (II!  lii  ville  de  l'jiris,  pris  il;iii>  je  Itmiril  ifrsrriptif  dis  fi'trs 

du  mariaije  de  Madunir  en  \1'.\'J . |0() 

(  Il  M'1 1  lil'l  IN'.  •--  Tèlc  (If  pM^'i- :  rrii^'iiKMil  ilfiicailrciin'iil  par  l.c  Lorrain,  cxéciilé  pour 

le  mariage  du  haiipiiiu,   Wi', 10| 

Los  (irlt'vrcs  parisiens  à  l'eulrée  du  roi  Louis  Ml  à  Paris 102 

l'ièees  d'orlèvrerie  portées  dans  le  corlèj^'e  à  l'enlrétî  de  Henri  II  à  Koiien 102 

Armoiries  des  orfèvres  parisiens.  (Mitsrr  Caniuvalvl.) lo:i 

Jetons  de  la  corporation  des  orfèvres,  dix-septième  et  dix-iiuitièiuiî  siècles lOi 

lirevet  de  Simon  Desormoaux,  reçu  maître  en  I72.">.  (Collcclion  Delamare.) loT 

Atelier  d'orfèvres  au  dix-huitième  siècle.  {Knnjciopcdie.) 111 

lU'Ievé  (les  puiiK'ons  d'(ufèvres  de  lil'.l'.l  à  l7S(j 1 1:{ 

Orfèvrerie  d'éfiiise,  par  Pierre  (iermain  II 117 

(lrlevri>rio  d'éf^lise,  par  Pierre  (iermain  II 119 

Poinç'ous  do  Th.  Germain  sur  récuolle  du  cardinal  .loao  da  Motta  c  Siiva 121 

Orfèvrerie  civile.  Pierre  (iermain  II 1 2.'{ 

Orfèvrerie  civile.  Pierre  (iermain  II i2.'l 

Huilier  de  J.-Fr.  Hal/.ac 127 

Fhuuheau  do  J.-Pr.  Hal/.ac 127 

Lellrc  de  faire  part  do  Pierre  Germain 128 

Orfèvrerie  civile.  Pierre  Germain  II 120 

Service  de  toilette.  Pierre  Germain  II [.][ 

Boites  à  poriraits.  \Collcction.<!  Doistait,  D.  Franck,  Vitz  Iknry. 137 

Etuis  et  boites.  (Collections  Doislau  et  Bain.) l'Mi 

Etuis,  montres  et  carnets.  [Collection  lioin.) 141 

Nécessaires,  étuis  et  navettes.  {Colleclions  Boin  et  Doistau.  i 143 

Boîte  en  joaillerie.  {Album  du  Musée  des  Arts  décoratifs.) 14.'i 

Boîtes  en  or  ciselé.  Scènes  villageoises.  [Album  du  Musée  des  Arts  décoratifs.).  . .  147 

Boites  en  or  ciselé.  Scènes  militaires.  [Album  du  Musée  des  Arts  décoratifs.) 149 

Cul-de-lampe  :  dessin  de  boîte.  [Album  du  Musée  des  Arts  décoratifs.) l."il 

CHAPITHE  V.  —  Tête  de  paye  :  cartouche  par  Babel lo3 

Aiguière  et  sa  cuvette,  orfèvrerie  du  roi  de  Portugal,  par  rr.-Tli.  Germain.  {Collec- 
tion M"""  liurat.  1 1  .").■'. 

Sucrier  et  salières.  [Collection  M"^"  Durât  et  M.  Doistau.) l.'JO 

Théière  Louis  XV.  {Collection  J/™"  Burat.). 157 

Soupière  et  son  plateau,  style  Louis  XV.  {Musée  centennal.) lo8 

Candélabre  à  trois  branches,  style  Louis  XV.  {Musée  centennal.) 159 

Soupière  Louis  XV,  par  Villeclair.  {Collection  P.  Kudel.) 160 

Plateau  de  soupière  style  Louis  XV,  par  Villeclair.  [Collection  P.  Eudel.) 161 

Surtout  par  Fr.-Th.  Germain.  [Orfèvrerie  de  la  Cour  de  Portugal.) 163 

Soupière  par  Fr.-Th.  Germain,  exécutée  pour  la  Cour  de  Portugal 165 

Salière  simple,  par  Fr.-Th.  Germain.  [Cour  de  Portugal.) 166 

Salière  double,  par  Fr.-Th.  Germain.  [Cour  de  Portugal.) 167 

Glace  de  toilette,  par  Fr.-Th.  Germain.  {Cour  de  Portugal.) 169 

Coffret  à  bijoux  de  Fr.-Th.  Germain 170 

Boîtes  à  poudre  de  Fr.-Th.  Germain.  {Musée  centennal.] 170 

Boîte  à  poudrer  de  F. -Th.  Germain.  [Orfèvrerie  de  la  Cour  de  Portugal.) 170 

Pot  à  eau  chaude  et  samowar  de  Fr.-Th.  Germain.  [Cour  de  Portugal.] 171 

Platerie  de  F^r.-Th.  Germain.  [Cour  de  Portugal.) 173 

14. 


—  278  — 

Tliéière  de  Fr.-Tli.  Germain.  {Cour  de  Portugal.) 173 

Théière  et  cafetière,  par  Fr.-Tli.  Germain.  \Conr  de  Portugal.) 176 

CandtMaljre,  dessin  de  J.  Roëltiers 177 

Surtout  liaeciins,  dessin  de  J.  Hoetliers 17S 

Fût  de  candélabre,  dessin  d»;  J.  Itoi'l tiers 17",» 

Soupière  du  Dauphin,  par  J.  Rot'ttiers 180 

Deux  projets  de  phiteaux  pour  la  soui)ière  du  dau[ihin,  par  J.  Roëttiers 180 

Flambeau  composé  et  dessiné  par  J.  Roëttiers 182 

Portrait  de  Jacques  Roi'Itiers.  {Oahincl  des  estampes.) 183 

Cnl-de-lampe  :  panier  fleuri.  (Dessin  de  Hansoii.) 180 

CHAPITRE  VI.  —  Tête  de  page;  :  fragment  d'encadrement.  {Dessin  de  Blondcl.) 187 

Fac-similc  de  l'estampe  de  la  marquise  de  l'ompadonr 180 

Frontispice  du  Livre  de  chiffres,  de  l'ouget  lils 102 

Saucière  de  la  marquise  de  Pompadour.  {Collection  ;l/™''  P.iirat.) l'.i:{ 

Itulïet  mécanique  de  Guérin.  {CollecUon  du  Musée  des  .\rts  décoratifs.) 10."» 

Le  souper  lin,  d'après  la  gravure  de  Aloreau 109 

lîoulon  de  porte  de  M"''  du  Barry.  {Ciselure  de  Gouthière.) 201 

Aiguière  et  sa  cuvette  en  cristal  de  roche,  de  M""'  du  Rarry 202 

Boiles  et  tabalières.  [Collections  Filz  Ilcnrij,  P.  Franel:  et  G.  Doin.) 20:{ 

Roîtcs,  montres  et  breloques.  {Collection  G.  Poin.) 20o 

Roites  et  carnets  de  souvenirs.  {Collections  Poin,  Doistau  et  .1/'"°  Vernant.) 211 

Nécessaire  et  étuis  en  or.  {Collection  Doin  et  Doistau. ) 213 

Dessin  pour  boîtes  en  émail.   {Collection  du  Musée  des  Arts  décoratifs.) 21"> 

Dessins  de  boîtes  en  or  et  émail.  {Collection  du  Musée  des  Arts  décoratifs.) 217 

Conleaux  en  or  ciselé.  {Collection  Doistau  ) 210 

Dessin  de  boîte  en  or  à  deux  projets.  {Collection  du  Musée  des  Arts  dccoralifs.\ .  .  .  220 

Assiette  en  faïence.  {Musée  des  Arts  décoratifs. ) '.  222 

Assiettes  de  porcelaine  de  Sèvres.  iModèles  de  Duplessis.) 222 

S(>upiôres   en    faïiMice    du    Poiit-aux-Choux.   {CollecUon  du   Musée  des  Arcs  déco- 
ratifs,]    223 

Huilier,  plat  et  cafetière  en  faïenei»  du  P(iiil-au\-Cli(iux.  {Collection  du  Musée  des 

A rts  décoratifs.) 22"» 

Saucière  en  faïence.  {Collection  du  Musée  drs  Arts  décoratifs.). ...  227 

Saucière  en  orfèvrerie.  {Collection  P.  EudcL). 227 

.\dresse  de  Strass.  {Bibliothl'que  de  l'Union  centrale  des  Arts  décoratifs.) 220 

Soupière  en  phupié  de  Pomponne.  {CollecUon  du  Musée  des  Arts  décoratifs.)   231 

Ecuelle  en  étain.  —  Oreille  d'écuelle.  [Dessin  de  Viollet  le  Duc] 233 

Chope  en  étain.  [Collection  flapst.) 233 

Ecuelle  en  élain.  {Collection  //.  Pouilhet.) 234 

Orfèvrerie  d'élain  du  dix-huilième  siècle.  {CollecUon  II.  Pouilhel.) 235 

Pot  à  eau  chaude  (dix-huitième  siècle).  {Collection  Ed.  Guérin.) 237 

Soupière  et  plat  (dix-iiuitième  siècle).  {CollecUon  H.  Pouilhet.) 237 

Cul-de-lampe  :  corbeille  lleurie.  [Dessin  de  P'inson.) 234 

CHAPITRE  VII.  —  Tète  de  page  :  vase,  d'orfèvrerie,  par  Choffard 241 

Soupière  sur  son  plateau  style  Louis  XVI.  {Collection  M.  Ephrussi.) 243 

Cafetière  Louis  XVI.  [Collection  M"""  Purat.) 244 

Aiguière  et  sa  cuvette,  par  Vinsac  l'aîné.  {Musée  des  Arts  décoratifs.) 243 

Aiguière  et  sa  cuvette.  {Collection  G.  Poin.) 24;» 

Flambeau  à  quaire  branches  de  style  Louis  XVI,  par  Rouillier 247 

Sucrier  Louis  XVI  à  bas-relief.  {Musée  ccnlennal.) 248 

Ronbonnière,  drageoir,  confiturier,  moutardier  Louis  XVI 249 

Cafetière  et  pot  à  lait  de  Lehendrick.  {CollecUon  Cliahrit-res- Arles.) 2;)2 

Flambeau  Louis  XVI.  {Musée  ccnlennal.) 2;i3 

Flambeaux  de  table.  [Dessin  de  J.  Vorty.) 235 


—  :i7î» 


tliiaiiiltili'  ili'  liililf.  [Drssiii  (le  ,/.  l'artij.) 
Krisos  cl  vases  l.diiis  W  I,  p;ir  liihilii^sc 
Kriso  hoiiis  W'I,  par  Sal. mliii  r 


Frises  Louis  W  I.  par  l'orly :»6l 

Vaso  Louis  W  I,  jiar  l'rifiir 2(51 

Vaso  i.oiiis  Wl  cl  l^i^c  l.niiis  \VI,  par  (  laiivc! 261 


Scan  à  ralVaicliir  Ac  U.-.L  .\ii;;iislc.    t'niir  de  l'itrlitiial.) ilil- 

Salicrr  cxcfiilcc  par  li.  .1.  Aii^^ii^lc.  [Cidlrclittii  de  l'cinjxrciir  dr  Itttssic.) 

Saiicicrc  par  l!.-,l.  .\ii;:iis|i'.  \('i)llfrliitii  dr  l'ciiipirrur  dr  Itiissic.) 

(  '.lui  In-  ilr    I  :  J'i,   pai-  lî.-.l.  Auj^lislc.  \('idlrclitm  II.  l'Iiuslcs  i 

Ilmlii'i'  (Il  \iTiiii'il  ilr  ITTl».  par  IÎ..I.  Au^^iisli-.  [l'ulliclion  II.  Clmslrs.) 

Ai^iiicrc  cl  sa  ciivctic,  par  U.-.l.  Ati^ii>lc.  \l'tillccli(in  Paul  Kudvl.] 


, .  .  2»»:; 

...  2(i7 

,  .    .  -iVM 

20K 

,  .    .  2(111 

Salirc  lie  l!illaiiil-\'arcniics.  {h'uprrs  le  dessin  de  David.) 271 

Cail-tlc-laiiipc  :  (larhuiclic  par  hclal'ossc r,i 


TABLE  DES  MATIERES.         Tclc  ilc  iia-c  :  .Icssin  d.î  Caiivcl.  .  . 

(  jil-ili'-laiiipc  ;  vase  d'di'rcvi'cric.  [Ilcssin  dr  l'aitvct.j. 


273 
•>74 


TABLE  DES  GRAVURES.         Irlc  de  pa-c  -.  carloiiclic  <lc  llaiison. 


ircplicc  lie  lleius,    par  ILiiisoii 279 


Ti'ophi'e  (le  Heurs,  jiar  Ranson. 


o^  0 


ACIIKVI':   hlMnilMKH 


Trophée  d'orfèvrerie  par  Cauvet. 


SAINT-CLOUD.   —    IMFUIMKUIK    HKLIN    FRERES 


L'ORFÈVRERIE 

AUX    XVIir    &    XIX'    SIÈCLES 


Jln^ 


ï 


#^-;^;  •  \m> 


ORFÈVR 


1  7  n  (  )  -  1  •.»(>(» 

L'ORFÈVRERIE    FRANÇAISE 

aux   XVIII^    et   XIX^   siècles 

f/'ap/'és  les  documents  reunis 

4 
Al 

MUSÉE    CENTENNAL    DE     1900 


1  7  <  >(  )-  1  î  X  )(  > 


L'ORFÈVRERIE  FRANÇAISE 


aux  XVIII"  et  XIX'^  siècles 


\i; 


HENRI     BOUILHET.i'    ^  '   I 


ORFEVRE 


l'l!l»l|ilM     |i|     I    l  MiiN    iKMKM.l     l>IS    Vl;l>    hl,i  n|;  \  I  I IS 


PRESIDENT     DU    JURY     DE     L'ORFEVRERIE 
EN     1900 


PARIS 


H.  LAURENS,  LIBRAIRE-ÉDITEUR 

<>,     i:  I  I      1)1      In  i  i;  M»\  .    (■) 


lî)|0 


T-ii-^  rliciils   .!.•  rr|.i-.i.|ulii>ii  .1  ili,'  Ita.liirlliin  i-.-st 


IJVIIK    liKIXlKMF, 


LORFÈVRERIE    FRANÇAISE 


X  I  X  ••■     siècle 

Première   période 


lU 


IJVKE  DEUXIEME 

ORFÈVREEIE  FEANCMS: 


AU  XIX 

rREMllÈKE 


qIECLE 


gjjMjnjnffljjfflji 


^/rtét»t?   na/-  ^  xi<^<rte/  .' 


Di'coraliniis  iiili'i'iciircs. 
{]•'  ro  II  I  i  sp  i  !■<•    i>:ir    l'i'vr  i  e  r  .\ 


ClLVPnilE    PREMIER 


La  Révolution  et  l'Empire 

*aiiôanliss<MiUMit  de  i'orJV'vrci'ic  sous  la  Tcrronr.  --  l'illages  cl  vciUos. 
—  !.«'  ps<Mi(ln-liix('  <l(i  Dii'cetoii'o.  —  Exposilioii  de  Tau  X  et  de 
ISOr».  —  l/ai'iiciilerie  de  l'Kiii|)ereMr.  ~  l.<'  siMviee  de  vermeil  de 
.\a|i«)l<M>ii  I  .  —  l.e  nouveau  slyle.  —  l>es  ai'cliileetes  l*erei<M*  el 
loMlaiiK'.  —  l.a  loih'tte  de  l'Iuipéi'ali'iee.  —  Le  berceau  du  roi  <le 
Uoiue,  par  Prudlion.  —  Les  (M'ièvres  Auauste,  Odiol,  Biennais. 

OIS  ne  saurions  trop  le  redire,  la  lin  du  dix-huitième 
siècle  fut  lamentable  pour  toutes  les  industries  de 
luxe,  mais,  surtout  pour  l'orfèvrerie,  la  Révolution  fut 
un  cataclysme.  En  un  instant  elle  fit  un  monceau  de 
ruines  des  œuvres  aimables  que  le  génie  français  avait 
mis  des  siècles  à  produire,  les  brisa  et  les  balaya 
comme  une  poussière.  Plus  de  commandes,  plus  d'ate- 
liers, plus  d'orfèvres  I  En  un  clin  d'œil,  sous  le  terrible 
vent  d'orage,  tout  s'évanouit,  se  dispersa,  s'évapora. 
Encore,  si  le  tléau  n  eût  été  que  jiassaprer!  s'il  n'eût  fait  qu'anéantir  les  ouvrages 


—  12  — 

d'or  et  d'argent  qu'on  envoya  alors  fondre  à  la  Monnaie  comme  cela  avait  eu  lieu 
déjà  à  d'autres  époques  difficiles!  le  mal  eût  été  réparable,  et  la  Révolution  por- 
tait dans  ses  flancs  des  germes  trop  puissants  et  de  trop  prodigieuse  conséquence, 
pour  (ju'on  s'arrête  à  déplorer  une  éclipse  de  l'art  et  de  l'élégance,  produite  par 
ses  premiers  bouillonnements,  et  qui  n'aurait  rié  que  momentanée.  Mais,  en  sup- 
primant brusquement  les  corporations,  on  rompit  violemment  la  chaîne  des  tradi- 
tions du  goût  national.  On  livra  sans  contrôle,  à  tous  les  hasards  d'une  produc- 
tion, désormais  déréglée,  la  ])Iupart  des  métiers  qui  exigent  la  perfection  de  la 
main-d'd'uvre  et  le  respect  des  li-aditions,  ces  méliers  délicals  que  l'art  le  plus 
raffiné  inspirait,  qui  n'étaient  auparavant  pratiqués  que  par  des  ouvriers  d'élite 
ayant  fail  leurs  preuves,  et  dont  la  supériorité  avait  contribué  pentlant  tant 
d'années  au  prestige  et  à  la  fortune  de  la  France  ! 

N'eùt-il  pas  été  plus  sage,  de  corriger  simplement  les  abus  qu'on  reprochait 
aux  corporations,  en  substituant,  au  système  de  la  réglementation  du  travail, 
o'iuvi'e  lentement  ('laborée  par  les  siècles  el  (pii  ollVail  de  si  pi-écieuses  garanties, 
un  régime  de  liberté  absolue?  N'allait-on  pas  se  trouver  en  présence  de  nouvelles 
difficultés,  et  cette  liberté  ne  devait-elle  être  (|u'illusion?  L'événement  l'a  prouvé, 
ainsi  que  l'a  fait  si  judicieusement  remarquer  Lucien  Falize  dans  son  /{apport  sur 
l'E./positiott  (le  1889  :  «  Au  lieu  de  la  liberté  promise,  on  la  lui  reprendit,  même  en 
»  partie,  car  la  loi  du  19  Ijruinaii-e  au  VI  remettait  l'orfèvrerie  en  tutelle  et  lui 
»  imposait  une  règle  |)lus  étroite,  une  surveillance  j)lus  jalouse  qu'autrefois.  Ce 
»  n'était  plus  à  ses  experts-jurés  (pi'on  confiait  la  siu'veillance  des  titres,  la  garde 
»  et  l'apposition  des  poinçons  ;  l'État  se  faisait  le  maître  et  le  gardien  de  la 
»  marque,  frappait  un  impôt,  et  soumettait  l'orfèvre  <à  une  réglementation  jalouse, 
»  à  des  visites  domiciliaires  dont  les  formes  vexatoires  sont  encore  en  vigueur.  » 

Le  mal  fut  irrémédiable,  et  son  atteinte  si  prot'onde,  qu'aujourd'hui  encore, 
après  un  siècle  écoulé,  malgré  d'incroyables  efforts  en  tous  sens,  en  dépit  des 
admirables  progrès  de  la  science  qui  ont  amené  des  transformations  si  heureuses, 
nos  industries  artisticjues  continuent  à  en  subir  le  contre-coup.  Il  n'a  pas  fallu  à 
celles-ci,  moins  de  ce  long  temps,  pour  se  relever  de  la  chute  lamentable  où  les 
avait  plongées  la  période  révolutionnaire. 

A  ce  point  de  vue  particulier,  le  dix-neuvième  siècle  n'est  que  l'histoire  dou- 
loureuse, le  martyrologe  de  l'art  décoratif,  lequel,  jeté  tout  à  coup  hors  de 
sa  voie,  n'ayant  plus  de  principes  de  direction,  ballotté  à  tous  les  vents,  jouet 
des  caprices  les  plus  vains  et  souvent  les  plus  ridicules,  tantôt  piétine  sur  place 
en  se  mettant  successivement  à  la  remorque  de  tous  les  styles  passés  dont  il  ne 
sait  plus  donner  que  des  interprétations  confuses,  pour  ne  pas  dire  informes,  tan- 
tôt s'abandonne  éperdùment,  sans  frein,  sans  logique,  sans  goîjt,  à  la  nécessité 
d'une  production  intensive,  rapide,  énorme,  réclamée  parles  besoins  d'une  démo- 
cratie sans  cesse  montante,  éprise  en  même  temps  de  luxe  et  d'art,  mais  d'un 


-  i:i  — 

luxe  ofdiii.iin'iiiciil   In'l.iti',   r[  d'iiii  arl,  ln-las!    (|iii    li-oj)  sonvriil  iiCsl    (|ii('   dkmi- 

U('comiai>>«^uii^  |iiniil:iiil ,  cl  |ir(n-laiii()iis  Iraiiclit'iiirnl  i|iir  ^i,  plus  (|iraii(iirH' 
(le-  antres  iiidiisl  lacs  de  tjdùl,  Idrlcx  n-ric  lui  ('•|»niii\  ('•<■  par  la  loiir-tiiciilc  i|ui 
aiit-aiilil  SCS  (  iicrs-d'uMiNrc,  l'c-vdliilioii  (|ircil('  \a  siiiiir  n'en  csl  pas  moins  siijgu- 
liri'cmciil  allailiaiilc  i.llc  iiiai(li('  (N'^oiMiiais  a  daiilirs  dcsIiiK-cs  ;  (die  ohi'il  à  un 
idt'al  qui  n'fsl  plu^  le  luiiuc.  A  ne  ((tnsidi'rcr  (|uc  ce  (pTon  pcrcl,  on  lisrpie  d'aj)- 
|)i-i'.ifr  loil  (ual  ri'  <pi  on  t^a^uc.  I/hisloirc  de  l'arl  indiislri<d  au  dix-ncuviôrne 
sii'idc  n"a|>paiail  pa^  cucoi-i'  |trul-rlr('  surii^aniriicnl  à  riinii-c  a(du(dl('  dans  sa  V('i"il(; 
syulliclhpic.  jioui-  (pif  nous  puissi(His  nous  llallcr  di'daldir  rti  toulc  ccililudc  le 
liilan  exact  des  perles  ('iirouvéï's  cil  regard  des  eoiiqucHes  réalisées. 

Ne  nous  hâtons  pas  de  iiK'dire  de  iiolre  temps.  Assurément,  il  faut  d(''|)lorer 
ipic,  dans  le  I Mudeversenicnt  des  idées  et  des  eiioses,  l'art  et  les  métiers  aient  été 
\i(deninii'iil  sépares  pai'  un  di\oree  dont  les  ('()iisé(|uences  ont  été  si  fâcheuses. 
Mais  tpiand  »ui  l'ait  la  pari  des  causes  snp(''rieui'es,  et  poui'  ainsi  (lii-e  fatales,  (pji 
ont  amené  la  trans|"oiuiati(Ui  des  conditions  du  travail,  on  comprend  que  des  direc- 
tions nouvtdli's  s'imposaient  à  l'industrie  qui  devait  forcément  changer  de  carac- 
tèi-e  et  d'(d)jeclif  pour  répondre  à  des  nécessités  sociales  complètement  nou- 
velles. 

('omnjent  rtu-fèvierie  j)ai'vint-(dle  à  sortir  du  chaos  où  elle  semblait  devoir 
sombrer  à  jamais  dans  la  di'bàcie  fiénérale  de  nos  arts  du  décor?  Quelles  furent 
ses  premières  tentatives  de  relèvement?  Par  quelles  phases  dut-elle  passer  pour 
s'accommoder  aux  i:onts,  aux  modes,  aux  fluctuants  caprices  d'un  monde  nou- 
veau (pii  ne  savait  plus  rien  des  grâces  exquises  de  l'époque  précédente?  Enfin 
par  (picUe  suite  d'efforts,  les  uns  puérils  et  vains,  les  autres  remarquables,  qui 
oïd  rempli  a  peu  près  le  dix-neuvième  siècle  tout  entier,  l'orfèvrerie  est-elle 
arrivée  à  présent  à  retrouver  presque  l'éclat  de  ses  plus  beaux  jours?  Voilà  ce  que 
j(>  vomirais  sommairement  indiquer  dans  les  pages  qui  vont  suivre. 

.Notcuis  d'abord  ce  fait,  c'est  que  même  dans  la  période  qui  précéda  la  Terreur, 
l'orfèvrerie  avait  déjà,  comme  par  enchantement,  disparu  de  la  circulation. 
Fermées  ou  désertées,  les  boutiques  d'orfèvres  de  la  rue  Saint-Honoré,  du  Palais- 
Royal  et  du  ipiai'tiei'  de  la  Monnaie!  Licenciés,  les  ateliers  où  se  façonnaient  les 
services  de  table,  les  llandjeaux  délicieusement  ciselés,  les  chocolatières,  les  cafe- 
tières finement  ouvragées,  les  coupes,  les  bonbonnières,  les  miroirs  ornés  de 
guirlandes  ajourées,  les  écritoires,  les  nécessaires  à  ouvrages  de  dames!  Pourquoi 
les  marchands  auraient-ils  persisté  à  s'achalander  de  ces  objets  précieux,  puisque 
leurs  plus  lidèles  clients  n'en  voulaient  plus?  On  s'était  engoué  de  simplicité. 
L'austérité  dans  les  habits,  le  «  retour  à  la  nature  »  prêché  déjà  par  Jean-Jacques 
Rousseau  et  dont  la  reine  Marie-Antoinette  avait  fourni  l'exemple  à  Trianon,  une 
sorte  d'afïectation  et  de  comédie  de  rusticité,  voilà  quel  était  le  mot  d'ordre,  et 


—  14  — 

la  manie  du  moment.  Alors  que  beaucoup  de  gens  de  la  noblesse  avaient  émigré 
à  l'étranger,  ou  se  cachaient  en  province,  quelques  salons,  et  des  plus  aristocra- 
tiques, restaient  encore  ouverts  à  Paris,  tels  que  ceux  de  M'""  de  Coigny,  de  M'""  de 
Simiane  et  M'""  de  Vauban,  de  la  princesse  de  Ilolienzollern,  du  duc  de  Bedfoi'd, 
ce  grand  seigneur  anglais  qui  s'amusait  à  regarder  la  Révolulion  et  qui  invitait 
même  des  jacobins  à  ses  fêtes  somptueuses.  Le  prince  de  Lambesc  avait  cessé  de 
donner  ses  grands  dîners  en  179i,  mais  il  y  avait  encore  les  soirées  de  M"""  de 
Montoissieux,  les  soupers  du  maréchal  de  Duras,  et  ceux  de  cette  vaillante  mar- 
quise de  Chambonas  qui  réunissaient  les  rédacteurs  des  Acles  des  Apôtres,  et  où 
se  forgeaient  les  satires  contre-révolutionnaires.  Nulle  part  cependanl  on  ne  voyait 
plus  d'argenterie  :  c'était  un  luxe  proscrit,  dangereux,  condamné  par  la  mode  et 
parles  théories  humanitaires  qui  étaient  en  faveur  jusque  dans  la  haute  société. 
Comment  d'ailleurs  aurait-on  osé  étaler  dans  les  repas  des  ustensiles  d'or  et  d'ar- 
gent, à  l'heure  où  femnies  du  peuple  et  grandes  dames,  gagnées  par  la  contagion 
du  sacrifice,   envoyaient   à  l'Assemblée  nationale,   pour  subvenir  aux  frais  des 
armées,   tout  ce  qu'elles  possédaient  de  bijoux,  de  colliers,  de  médaillons,  de 
boîtes  à  mouche  et  à  rouge,   d'étuis,  de  crayons,  de  myrzas  d'or,  et  jusqu'aux 
boucles  d'argent  de  leurs  souliers?  Le  marquis  de  Villette  ayant  donné  en  bro- 
chette toutes  les  boucles  d'argent  de  sa  maison,  voilà  les  statisticiens  à  évaluer 
les  boucles  d'argent  des  soldats-citoyens  à  000000  livres,  et  à  40  millions  de  livres 
toutes  les  boucles  d'argent  du  royaume.  Les  loueurs  de  carrosses  de  f*ai-is  doinient 
l'argenterie  composant  le  service  de  leur  hôtel;  les  maîtres  d'armes  apportent 
leurs   épées,    et  avec  leur  don,   ce   discours  :   «  Deux   métaux  composent    nos 
épées  :  l'argent  et   le  fer.  Agréez   le   premier  pour  les  besoins  pressants    du 
moment.  Nous  jurons  d'employer  le  second  au  service  de  la  nation,  au  maintien 
de  la  liberté  (1)  ».  Telle  est  l'emphase  du  temps,  tel  est  l'élan  généreux  qui, 
sous  le  vocable  de  «  vertu  civique  »,  règne  à  cette  date  dans  toutes  les  classes 
de  la  nation!   C'était  l'heure  d'enchantement  et  d'ivresse  heureuse  de  la  Ré- 
volution. 

La  Terreur  vint  vite  donner  le  coup  de  grâce  aux  industries  de  luxe.  Aux  théo- 
riciens des  clubs,  aux  économistes  de  carrefour,  aux  philosophes  de  la  Commune, 
il  semblait  que  tous  les  signes  de  la  prospérité  d'un  peuple,  c'est-à-dire  les  arts 
qui  font  le  charme  et  le  confort  de  la  vie,  les  splendeurs  de  la  richesse,  les  séduc- 
tions de  la  demeure  n'étaient  que  des  éléments  funestes  au  principe  de  l'égalité,  et 
ils  ne  voyaient,  dans  les  répartitions  infinies  de  la  main-d'œuvre  nécessaire  à  la 
fabrication  des  objets  de  luxe,  que  ce  qu'ils  appelaient  dans  leur  jargon  du  moment 
«  le  canal  des  larmes  et  du  sang  de  la  famille  des  travailleurs  ».  Parmi  les  décla- 
mations applaudies  dans  les  réunions  publiques,  on  relève  des  phrases  comme 

(1)  J.  cl  Eli.  de  (Joucourt  :  Histoire  de  la  société  française  sous  la  Uécoliition,  p.  G7  et  68. 


—  I.-Î  — 

(•t'llt'>^-ci  :  .(  I;t'^  lu)iili.|ii('s  (les  iii.iicIi.iihK  de  iiimlcs  ^f  traiii^formoront  on  aloliors  ; 
li's  iiiMiiliaiiiU  lit'  cario^^fs  iIcn  iciidritiil  de  Ikmis  clian'ciiis  ,  les  orlV-vrcs  s(!  l'croiit 
scriMIlMci-s  cl  Ini-iiiiiil  tli"^  ;iriiit'N.  Moil  ;i  loiil  ce  (|iii  n'es!  |i;is  de  |)r«'mi('l'(? 
lUM'OSsitc  !    Mnil    ;iii\    niniifi  hhinclirs  !  »   D.ilK  llll    di'  ses  r;i|  i|  m  iil ->,    S;i  i  ii  I -.1  il^t   ilniiiic 

|;i  |'i)i-iiiulr  dii  |ii(i_'i;iiii pic  dc\ai(   siii\r('  le  (•((miiicrcc  :    "  Nous  vous  oll'riines 

le  Ixtiilii'iir  cl  la  \cilii,  celui  <|iii  liait  de  la  jouissance!  sans  le  ^U|)ei-nu  ;  nous  vous 
..t1riiiic->   iMMir  liiiiiliciir  la   haine   de   la    lyrannie.   la   voln[)(r'   (rime  caliaiic  cl   d'un 


Nicolas  BOITET 
Direct  eiir  de  l;i  M  an  u  lac  t  lire  daniics  de  X'ersailles. 


t'iianip  iVrlilo.  cullivé  par  vos  mains,  etc..  »  Et  le  substitut  de  l'accusateur  public 
Fleuriot  précisait  à  sa  façon  la  pensée  de  la  Commune  sur  le  même  sujet,  quand 
il  s'écriail.  parlant  des  artisans  ou  artistes  qui  osaient  encore  vivre  de  leur  métier: 
Cl  Qu'est-ce  que  des  hommes  qui  s'occupent  de  sculpture  pendant  que  leurs  frères 
versent  leur  sanir  pour  la  patrie!...  »  L'Exposition  de  peinture,  en  cette  année 
sauirlante  de  1793,  ouvrit  malgré  tout  ses  portes  au  public  ;  mais  en  tête  du 
calaloiTue  on  crut  devoir  mettre  cette  phrase  significative  :  «  Il  semblera  peut-être 
étrani,^e  à  dauslères  républicains  de  nous  occuper  des  arts  quand  l'Europe 
coalisée  assièpe  le  territoire  de  la  liberté...  »  Ainsi  l'art  s'excusait  de  reparaître 
au  milieu  de  ce  chaos  1 


—  16  — 

L'appel  au  déclassement  des  ouvriers  d'art  que  faisaient  les  rapports  des 
conventionnels,  et  les  clameurs  dont  retentissaient  les  clubs  révolutionnaires, 
allaient-ils  trouver  un  écho  dans  l'esprit  des  orfèvres  sans  conmiandes,  et  leur 
permettre  de  retrouver,  dans  les  ateliers  d'armes  blanches  ou  d'armes  à  feu,  l'oc- 
casion d'exercer  leur  métier? 

On  en  aurait  pu  douter  si,  à  cotte  époque,  un  arquebusier  habile,  Nicolas 
Boutet,  ne  s'était  pas  trouvé  tout  désigné  pour  diriger  une  manufacture  d'armes 
qu'on  allait  créer  à  Versailles. 

(t  Le  12  juillet  1792,  l'Assemblée  législative  avait  proclamé  la  Patrie  en  danger, 
»  et  les  vieilles  manufactures  d'armes  créées  par  la  monarchie  ne  pouvaient  suf- 
»  lire  à  la  fabrication  des  mille  fusils  décrétés  le  24  août.  Le  Comité  du  Salut 
»  public  demande  des  armes  en  réquisition  et  pour  en  fabriquer  de  nouvelles, 
»  fusils,  sabres,  baïonnettes,  et  au  moins  une  pique  pour  chaque  citoyen,  il 
»  fait  appel  à  la  Nation  et  constitue  une  connnission  des  armes  portatives  de  la 
»  République.  A  Paris,  le  travail  est  enfiévré.  Le  3  brumaire  an  II,  les  trois 
»  commissaires  ordonnateurs  se  présentent  à  la  l^arre  de  la  Convention  pour 
»  rendre  compte  de  leur  mission,  et  annoncent  que  cette  fabrication  de  mille 
»  fusils  par  joui',  qui  était  un  beau  roman  pour  le  reste  de  l'Europe,  se  réalise 
»  à  Paris. 

»  A  Versailles,  sous  l'impulsion  du  citoyen  Bénézech,  les  administrateurs 
»  du  district  réquisitionnent  les  armes  du  temps  passé,  créent  des  ateliers 
»  de  réparation,  et  forgent  des  piques,  des  baïonnettes,  des  canons  de  fusils. 
»  La  direction  de  l'atelier  principal,  que  les  administrateurs  inaugurent  dans 
»  le  Grand  Commun  du  château  des  ci-devant  rois,  est  confiée  à  un  homme  du 
»  métier,  un  arquebusier  qui,  de  père  en  fils,  a  fourni  la  maison  de  France, 
»  au  citoyen  Nicolas  Boutet.  Sous  sa  direction,  ce  n'est  plus  un  simple 
»  atelier  national  qui  fonctionne  comme  ceux  qui  parsèment  le  territoire  de 
»  la  République;  c'est  une  manufacture  nationale,  l'égale  des  ci-devant 
»  royales. 

»  Le  12  nivôse  an  11,  le  Comité  du  Salut  public  décrète  qu'il  y  a  lieu  de 
»  fabriquer  des  carabines  pour  donner  aux  défenseurs  de  la  Patrie  des  armes 
»  égales  à  celles  de  leurs  ennemis.  C'est  à  Boutet  que  ce  soin  revient  et,  le 
»  1"  vendémiaire  an  111,  l'atelier  de  Versailles  prend  le  nom  de  Manufacture  de 
»  Carabines. 

»  L'appel  de  la  Convention,  le  zèle  des  administrateurs  de  district  ont  fondé 
»  dans  la  ville  du  grand  roi,  à  l'ombre  môme  du  château,  une  industrie  nouvelle; 
»  mais  déjà  ce  ne  sont  pas  seulement  des  armes  de  troupe  que  forgent  les 
»  ouvriers  de  Boutet;  serruriers,  bijoutiers,  orfèvres,  damasquineurs,  ciseleurs 
»  d'autan,  ornent  désormais  les  sabres  qui  ceignent  les  généraux  victorieux. 
»  C'est  au  Crand   Connnun    que  le    Directeur   va   chercher   les   armes  de   ré- 


Directoire. 


lùiipiro. 


Armes  triionneur  fabriquées   à  Versailles  par  N.  Boulet. 
{CoUeclions  Viclorien  ^.irdoii  el  Berii.ird  Frnncl;.) 


'à 


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n  coiiipciisc    iiiilioiialc      C.'csl    l;i    «iiif    I"'    ririiii<'f    ('.(.iisiil    .•(.iiiiininic    Ir^    ;n-iii('S 
»  (l'IiiiiiiiiMir     1 1.    » 

|{()ii;i|>arl('  a\iiil  ciicoiira;^!''  Uoiili-I  ;  Na- 
iMiIt'oii  lui  |M-(Hliuiia  ^c^  (•(>iiiiiiaii<li'-<  cl 
s(tii  a|)|Mii.  I,('^  |ii(i(liiiK  ilr  ImiiiIcI  axainit 
lliciitc  il  l'Il'c  r<)ii'>l(lcirs  ('oïlillic  Ic^  |>lll^ 
|)faii\  cl  II'--  iiicillciiis  (|iraiciil  jamais 
|ii-(MliiilN  les  an|iic|iiisici's  cl  les  l'oiiriiis- 
scm-s,  C'csl  (iiialors  le  |ii\c  t\c  V;\v[\\c  de 
guerre.  (Idiiiicc  ail  lilrc  (\{'  ri-compciisc 
iialioiialc  aux  ;^('Micraii\  iiisli-iiiiiciils  de  la 
l^loirc  mililaifc  (\c  la  ["raiicc,  allait  |H('ii(lcc 
un  (lc\clo|»|)ciiiciil  coiisidc-raMc.  Le  l)i- 
inioirc,  le  Consulat,  rKni|»ire,  (ievaiciil 
ainsi  faire  <le  la  inaiuil;u'lui'e  de  Versailles 
une  pépinière  d'artistes  destinés  à  eon- 
sorviM'  les  li-adilions  de  rarfjuebuserie  IVan- 
eaiso,  connue  celles  de  Sèvres  et  des 
(lobelins  les  fabrications  de  la  porcelaine 
et  de  la  ta|>isserie. 

Dans  l'esprit  du  IM-einier  Consul,  par 
l'ai'rcté  du  1 1  fructidor  an  Mil  qui  substi- 
tuait à  la  régie  le  régime  de  l'entreprise, 
Versailles  devait  être  une  manufacture 
d'armes  de  luxe,  tandis  que  les  ateliers  de 
Saint-Etienne  restaient  destinés  à  fournir 
le  corps  de  troupe  d'armes  à  feu,  et  ceux 
de  Klingenthal  d'armes  blanches. 

Mais  la  fabrication  des  armes  de  luxe 
ne  devait  pas  être  pour  Boutet  la  source  de 
bénéfices.  Les  comptes  établis  le  10  bru- 
nuiire  an  Vil  constataient  que  le  produit 
des  armes  de  luxe  avait  été  pour  l'année 
de  463644^55  et  la  dépense  de  4693iOS2l, 
soit  0 660^34  de  déficit.  Aussi,  l'arrêté  du 
14  fructidor  lui  réservait-il  la  fabrication 
annuelle  de   1:2000  armes  à  feu  dans  des 


(1)  f.a  Mnim facture  d'armes  de  Yeraail/es.  par  le 
capitaine  .Maurice  HoUet.  In-folio,  chez  J.  Leroy  fils, 
éditeur. 


Epée  d'honneur  du  général  Dorsenne. 
[CoUeclion  Bernard  Franck.) 


—  20  — 

conditions  rémunératrices,  mais  lui  imposait  en  même  temps  l'obligation  de 
former  une  pépinière  d'artistes;  le  Ministre  de  l'Intérieur  se  réservant  le  droit  de 
désigner  les  trente  élèves  qui,  sous  le  nom  d'Eco/edes  enfants  de  la  Pairie,  sui- 
vraient les  travaux  de  la  manufacture,  mais  seraient  tenus  d'apprendre  le  dessin 
sous  la  direction  de  Bontet.  Cette  école  allait  porter  ses  fruits,  et,  Boutet  disparu, 
les  Manceaux,  les  Lepage,  les  Gosset  se  firent  un  nom  dans  l'arquebuserie,  en 
continuant  les  traditions  qu'ils  avaient  recueillies  dans  la  manufacture  de  Ver- 
sailles. 

L'œuvre  de  Boutet  fut  considéi-ahle.  On  la  retrouve  en  partie  dans  les  collec- 
tions publiques,  au  musée  de  l'Artillerie,  au  musée  Carnavalet,  dans  les  collec- 
tions privées  ou   encore   dans  les  familles  qui   ont  conservé  précieusement  les 
témoignages  de  la  reconnaissance  nationale  donnés  à  leurs  ancêtres.  La   col- 
lection de  M.  Bernard  Franck  est  riche  en  (euvres  de  Boutet.  Grâce  à  son  obli- 
geance, nous  avons  j>u  l'eproduiro  trois  pièces  des  plus  intéressantes.   D'abord, 
l'épée  d'honneur  olîer'te   au    général    Dorsenne,  par  les    officiers  du    1"  régi- 
ment des  grenadiers  de  la  garde  inq)ériale,  et.  dans  la  page  hors  texte  (page  17), 
le  sabre   dhonneur  ollert  pai"  le   Dii'ectoire  au  général  Augereau,  (|ui  poi'tc  sur 
la  lame,  en  lettres  incrustées  d'or:  RÉCOiMPENSE  NATIONALE.  Le  sabre  d'hon- 
neur offert  par  l'empereur  Napoléon  au  maréchal  Jourdan  ;    la  lame  en  damas 
est  damasquinée  d'or;  la  garde  est  en  vermeil  ciselé,  et  le  fourreau  est  en  écaille 
avec  ornements  en  relief.   Tous  les   deux  sont  signés  Boutet,   directeur-artiste,  à 
Versailles. 

Nous  donnons  également  dans  la  môme  planche  un  sabre  d'une  composition 
intéressante,  qui  faisait  partie  de  la  collection  de  M.  Victorien  Sardou.  Il  date  des 
premiers  temps  de  la  Convention  et  fut  vraisemblablement  porté  par  un  de  ces 
conventionnels  qui  suivaient  les  armées  de  la  République  opérant  sur  les  fron- 
tières. Il  est  en  bronze  finement  ciselé.  La  poignée  est  faite  d'un  faisceau  de 
licteur  surmonté  d'un  bonnet  phrygien.  La  garde  est  formée  par  une  branche  de 
chêne,  dont  la  composition  et  la  sculpture  rappellent  la  manière  de  procéder,  à 
l'époque  de  Louis  XVI,  des  ouvriers  qui  n'avaient  pas  encore  perdu  les  traditions 
du  métier.  La  coquille  a  la  forme  d'un  livre  ouvert  sur  lequel  est  gravé  l'acte 
constitutionnel  de  la  République  française  et  les  articles  I,  3  et  27  de  la  Dé- 
claration des  Droits  de  l'Homme.  L'œuvre  est  magistrale;  elle  pourrait  être 
attribuée  à  Boutet,  mais  aucun  nom  ne  figure,  ni  sur  la  poignée,  ni  sur  la  lame, 
et  elle  doit  être  antérieure  à  la  prise  de  direction  de  la  manufacture  de  Versailles 
par  Nicolas  Boutet. 

Une  monographie  intéressante  du  capitaine  Maurice  Bottet  a  réuni  sur  l'œuvre 
de  Boutet  et  sa  direction  de  la  manufacture  de  Versailles  des  documents  des  plus 
intéressants.  Les  planches  nombreuses  qui  l'accompagîient  donnent  bien  la  phy- 
sionomie de  son  o'uvre  et  font  revivre  les  travaux  qui  sont  sortis  de  ses  mains. 


—  21   — 


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Si   iJoiilfl   cliiil    un  :iniii('lMi->i('r  Ikhs  li;jiic,   il  ('•l.iil   ('■;.•  .iIi'iihiiI    un    Imliili'  «Icssi- 

n.ilcnr.  A  -^a  lii|ni(lal  ion,  on  MMnlil  <|ii;uanli'  des- 
sins si^nc->  (II-  lui.  Si\  ^nnl  anjoind  lini  iiilrc  l<"> 
mains  (\i'  M.  l'.d.  hchullc,  nn'nilur  <li'  I  In^lilnl. 
(|iii  ;i  liicn  \(inln  nmis  .inliiii-cr  a  Ir^  n|)i<ii|iiir'('. 
I.'iiii  (ICnx.  I-  C^l  I  i|Mni'  iMi  noir  du  -aliii'  |  oilanI 
siu'  rdi'cilluii  nnc  h'Ir  ca-^iini'c  de  .hum-;  I  .iiiln-, 
d  un  t:lai\<'  l\|ic  de  (■elle  ('[m'c  nnni-ln'  lonrnic  a 
lUinaparlc  prcnHcr  (ioiisid  en  I  an  \l.  .1  dunl  Ir 
|.ri\  (dail  de  :2I  1)1)0  IVan.-s. 

hfs^inalcin-,  l'xMild  (dail  an^-i  (''nnncnnncMl 
d(''C()ral(Mii'.  (i'csl  lui  i|n!  a  lonrni  lo  dc^'-iu'^  de 
la  d(''C()iali(»n  de  la  |ii)il('  de  la  nianiH'a(d  nrc  dr 
\('r>aili('s,  l'illc  es!  Iiicn  du  sInIc  des  |)r(jmier?3 
(ia\an\  de  Honicl  (jni  sinspiiaicnl  des  Iradilioiis 
do  Louis  \VI;  cl  la  consIrindioM  de  ce  porlail 
doit,  an  diic  <ln  capitaine  liollcl,  i-cinonicr  aux 
pi'cnncrs  Icnips  (\r  son  cntrc|)risc,  c'esl-ii-difc 
vers  1800.  In  IVonlon.  orné  dinn^  lèle  de  .M(''- 
duse,  est  encudi'é  de  deux  montants  déeorés  de 
trophées  d'armes  qui  sont  bien  de  l'époque;  et 
les  laisceaux  de  li(deurs  sculptés  sur  les  pilastres 
de  la  porte  semblent  assigner  une  date  anlé- 
l'ieure  ;i  rKmi)ii'C. 

Telle  qu'elle  est  établie,  cette  ceuvre  d'andii- 
tecte  n'est  ni  un  pastiche,  ni  une  reconstitution, 
mais  un  ensemble  de  grande  allure  dû  à  la  con- 
servation des  traditions  d'art  que  Boulet  sut  ap- 
pliquer à  tous  ses  travaux. 

La  chute  de  l'Empire  fut  pour  lui  un  désastre. 
Les  Prussiens,  entrant  à  Versailles  le  1"'  juil- 
let 1815,  saccagèrent  la  manufacture,  et  Bliicher 
fit  saisir  tout  le  matériel,  les  armes  de  guerre, 
les  arnies  de  luxe,  les  dessins  et  les  modèles  de 
l'infortuné  directeur-artiste.  Il  en  chargea  trente 
fourgons  qu'il  dirigea  sur  Berlin.  C'était  la  des- 
truction en  règle  d'une  industrie  dans  laquelle 
l'art  français  s'était  imposé  au  monde.  Bliicher 

espérait  peut-être,  en  transportant  ces  modèles  aux  rives  de  la  Sprée,  renouveler 

le  goût  allemand  au  contact  du  goût  français. 


Epiii'cs  de  N.  Boiitel. 
{Collection  Ed.  Deinille.) 


Le  Gouvernement  de  la  Restauration  niarclianda  à  Boutet  la  réparation  qui  lui 
était  due,  et  il  fit  plus  en  lui  refusant,  en  1818,  la  prorogation  de  son  traité  d'ex- 
ploitation de  la  manufacture  de  Versailles,  et  l'obligeant  à  rechercher  dans  l'in- 
dustrie privée  le  moyen  de  j)ayer  des  dettes  contractées  au  service  de  l'Etat.  Le 
luxe  des  armes  de  guerre  était  fini,  et  le  succès  ne  vint  pas. 

A  sa  liquidation,  son  gendre  juillet,  qui  lui  fut  substitué,  s'engagea,  pour 
l'honneur  de  la  famille,  à  payer  ses  créanciers.  Boutet  mourut  pauvre,  mais  avec 
la  satisfaction  d'avoir  bien  rempli  sa  tâche,  et,  en  maintenant  la  réputation  du  goût 
français,  d'avoir  conservé  les  traditions  de  la  belle  main-d'œuvre  des  ouvriers  de 
notre  pays.  S'il  put,  au  commencement  de  son  exploitation,  recueillir,  en  1792, 
quelques  orfèvres  habiles  et  d'autres  ouvriers  d'art,  et  les  préserver  de  la 
déchéance,  nombreux  étaient  ceux  qui  restaient  victimes  des  idées  qui  avaient 
cours  alors  et  ne  trouvaient  plus  à  s'occuper. 

Sous  la  pression  des  déclarations  qui,  dans  le  populaire,  s'accordaient  avec  le 
genre  de  vision  qu'on  avait  d'une  république  égalitaire,  et  de  ce  que  l'on  appelait 
le  «  civisme  »,  on  conçoit  que  le  peu  qui  pouvait  encore  rester  d'orfèvrerie  dans 
certaines  demeures,  tout  ce  qui  n'avait  pas  été  emporté,  enfoui,  caché,  fondu,  tout 
ce  qui  n'avait  pas  été  volé  par  les  bandes  de  pillards  se  disant  «  sans-culottes  », 
tout  ce  qui  n'avait  pas  été  brisé  dans  les  premiers  moments  de  la  fureur  révolu- 
tionnaire, fut  soigneusement  dissimulé  ou  prudemment  anéanti.  En  1793,  «  la 
richesse  est  crime,  la  pauvreté  devoir,  la  misère  prudence  »  (1).  Le  jour  où  une 
voix  cria,  à  l'assemblée  de  la  Commune  :  «  On  doit  rougir  d'avoir  deux  habits 
quand  les  soldats  sont  nus  »,  tous  les  possesseurs  de  deux  habits  commencèrent 
à  trembler.  Quiconque  aurait  été  vu  déjeunant  dans  une  tasse  d'argent,  eut  passé 
pour  suspect,  et  eût  été  dénoncé. 

La  Convention  voulut  empêcher  la  destruction  ou  le  pillage  de  l'orfèvrerie 
comme  des  autres  objets  précieux  et  mobiliers  qu'organisaient  à  Paris  et  en  pro- 
vince, dans  les  châteaux  et  dans  toutes  les  habitations  d'a?'istoc?'ates,  des  bandes 
de  gens  sans  aveu.  Son  arrêté  du  second  mois  de  l'an  II  produisit  quelque  elîet. 
Mais  il  était  bien  tard,  et,  d'ailleurs,  il  ne  réprima  pas  les  actes  de  vandalisme  que 
faisait  commettre  la  peur,  les  autodafés  allumés  par  les  possesseurs  tremblants, 
ou  les  dévastations  des  marchands  eux-mêmes,  effrayés  de  trop  compromettants 
butins  ! 

Quand  la  tempête  fut  calmée,  après  le  9  thermidor,  Paris  et  la  France  entière 
ne  parurent  plus  être  qu'un  immense  bazar  où,  dans  un  inexprimable  désordre, 
dans  un  indescriptible  fouillis,  étaient  mis  à  l'encan  les  défroques  de  l'ancien 
régime,  les  objets  d'art  mutilés,  les  meubles  brisés,  toutes  les  épaves,  en  un  mot, 
du  colossal  naufrage.  Dans  les    rues  de  la  capitale,  ce  n'étaient  que  salles  de 

(1)  J.  et  Ed.  de  Goucourt,  Ibid.,  page  3G0  et  suivantes. 


i:\  — 


Nciilf,  ariiclics  iiiiiKHii'.'iiil  l;i  (liN|irisi((ii  ilc^  clTi'U  iiKiiiilicr-,  (|i's  rond.iiiiiM'S, 
i!cs  (•iiii;;rc>^.  (les  (•(»iili>>i|iic->,  t\f^  niiiirv  ||  ii'\  ;i\iiil  |(,i>  >^riil,iiH'iil  I  IkiIi-I  |{iillioil, 
riif  .lt'aii-.lafnii('>,-|»(iii«,sc;ni,  ciidiiiil  ImIhI  ml  tlo  \i'iil('>>,  i|iii  ic;:(H-;j<'ail  ilc  iiioiidc. 


Forte  du  Grand  Coninuin. 
'Mamifaclnre  d'armes  de  Versuilles.) 


-V  chaque  rue,  où  existait  un  hôtel,  une  église,  on  avait  chance  de  rencontrer, 
traînant  dans  les  ruisseaux,  livrés  à  de  dérisoires  enchères,  quelque  bibelot 
sans  prix  dont  on  n'aurait  plus  su  dire  la  provenance,  un  meuble,  un  bijou,  une 
broderie,  un  bronze,  ou  parfois  quelque  pièce  d'un  service  de  table  dont  le  chiffre 
armorié  était  gratté  et  aux  trois  quarts  efîacé.  Les  couvents  avaient  fourni  une 


^C-=; 


large  part  à  la  curée  de  l'orfèvrerie.  La  Sainte-Chapelle,  découronnée  de  sa 
flèche,  était  devenue  un  magasin  de  papiers  de  justice;  les  reliques  avaient  été 
jetées  au  vent;  l'ostensoir  en  argent  doré  de  quatre  pieds  de  haut,  enrichi 
de  pierreries,  pesant  600  marcs,  avait  été  fondu.  Toutes  les  églises,  celle 
du  Marais  comme  celle  de  l'ile  Saint-Louis,  comme  celles  des  autres  quartiers, 
avaient  été  mises  à  sac,  en  môme  temps  que  les  couvents  :  ainsi  Saint-Louis 
de  la  Culture,  l'opulente  église  des  jésuites  oîi  les  cœurs  de  Louis  XIII  et 
de  Louis  XIV  étaient  soutenus  par  des  anges  d'argent,  ne  contenait  plus  rien. 
Des  rares  trésors  épargnés  on  citait  celui  des  Gélestins  dont  le  Musée  des  Petits- 
Augustins,  grâce  à  Leiioir,  avait  recueilli  le  nîagnifique  héritage.  Le  mobilier  im- 
mense de  la  France,  ces  bois,  ces  marbres, 
cet  or  (|ui  formaient  la  riche  parure  du 
Marais  ou  du  faubourg  Saiiit-Cermain, 
([ui  cmplissaienl  les  garde-meubles  de  la 
couronne  et  les  hôtels 
somptueux,  qui  fai- 
saient de  Paris  un 
musée  sans  pareil  de 
la  curiosité,  tout  cela  était  perdu,  anéanti, 
dispersé.  A  l'encan  permanent  de  ce  (jui 
avait  pu  être  sauvé,  les  brocanteurs  de 
l'Europe  entière  accouraient,  et  l'on  vit 
les  marchands  juifs,  aflluant  de  toutes 
parts,  établir  en  jjlein  centre  de  la  ca- 
jiitale,  au  Café  des  Juifs,  rue  Saint- 
Martin,  la  Bourse  des  dépouilles  de  la 
France  (I). 
Le  Directoire,  en  amenant  un  peu  de  détente  dans  les  esprits,  fit  renaitrC;  au 
milieu  des  contrastes  d'une  société  infiniment  bigarrée,  qui  donnait  à  la  fois  le 
spectacle  des  folles  prodigalités  et  des  plus  dures  misères,  sinon  le  sentiment  de 
l'élégance  et  du  goût,  du  moins  un  furieux  besoin  de  distractions,  de  plaisirs  et 
de  luxe.  Distractions  grossières,  luxe  désordonné  et  sans  grâce,  dont  l'art  était 
banni.  Mais  les  femmes  en  avaient  décidément  assez  des  «  toilettes  patriotiques  », 
des  bijoux  «  à  la  Constitution  »,  des  bagues  faites  avec  des  pierres  de  la  Bastille 
enchâssées  :  la  coquetterie  reprenait  ses  droits.  Par  les  bals  qui  s'organisaient 
un  peu  partout  dans  ce  Paris  délivré  de  l'affreux  cauchemar  de  la  guillotine,  par 
les  thés  dont  la  mode  s'imposa  alors  avec  la  plus  singulière  exagération  dans 
tous  les  milieux  sociaux,  par  les  dîners,   officiels  ou  non,  qui  se  multiplièrent. 


Hc'cliaiul  à  iiinii). 

{Dessin  uri(/i7i;il  de  Snleinhicr. 
lies   l)e;ni.r-;irls.) 


GuzeUe 


(1)  Ed.  et  J.  de  Goncourt,  la  Sociéfé  française  sous  la  Révolution,  page  365. 


—  2.1  — 

avt'f  cciiaiiis  raniiiciiiciiK  de  i  iii^iiic,  cl  il»-^  nrlicn  lie-,  de  (h'Tdiatioiis  lloi-alcs, 
ciiliii  par  (If-  >(.iii|ilii(i->il<s  malIciHliU's,  s'allcslail  (11111»'  laroii  griK-ralc  rmimciisc 
(>n\ic  (le  rciKiiic.T  a  la  iiia^^caraili'  de  ^im|)li<'il<'  a  oui  i-aiicc  (|iii  vciiail  dr  ^c  joiici-. 
On  \(iulail  rire,  on  \oiilail  danger,  on  \(iiil,iit  des  coliCndicN  cl  des  lion--  dniris, 
(Ui  \onlail  \i\rc.  Lc^  cnriflns  de  |;i  jîi's  (.lui  khi,  les  a-iol('in'>,  le-  nia(|ni-nons  des 
liicn--  nalionanx,  lf>  ancien^  |.in^  de  la  Monla-nc,  aussi  Inru  (|nr  les  «  ri-dr\aul  » 
aristocralos  (|in  connucncaicnl  a  rcxt'inr  do  r('nn-ial  ion,  1rs  uuivcailiiiN  «|ui  pro- 
mtMiait'ul  dan>  l*ari>  icnr^  lialnls  do  carnaval,  loni  iv  monde  si  di>|iaialc  ('lail 
aiiiin»'  i\(.'  la  nicnu-  |>cn>cc.  (\v  la  nicun'  ivi'csse  <!('  jouissaïu'e  cl  <l  amuscincuL. 


Soupière. 
(Dessin  de  Sulemhier.) 

A  colle  date,  la  femme  qui  donne  le  ton  à  la  mode  et  dont  l'exemple  fait  autorité 
pour  la  toilette  comme  pour  l'ameublement,  c'est  M'"*Tallien.  On  copie  ses  façons 
de  s'habiller  ou  plutôt  de  se  déshabiller,  comme  on  imite  ses  parures,  ses  bijoux 
à  la  romaine,  à  la  grecque  ou  à  l'étrusque,  et  sa  vaisselle  de  table.  Quand  elle 
préside  les  fêtes  fastueuses  que  donne  Barras,  cet  ex-noble,  «  Louis  XY  de  foire  », 
qui  garde  en  sa  fortune  révolutionnaire  quelque  chose  encore  de  l'ancien  aristo- 
crate, tous  les  ministres  du  Directoire  et  leurs  femmes,  totalement  ignorants  des 
habitudes  de  la  richesse,  regardent  avec  des  yeux  ébahis,  et  s'efforcent  de  retenir 
un  geste,  une  allure,  la  disposition  des  couverts  et  des  plats  sur  la  table  brillam- 
ment servie.  C'est  le  modèle  dont  on  s'inspire,  comme  on  copie  les  carrosses  gris 
de  lin  aux  toits  d'argent,  avec  lesquels  elle  circule  dans  Paris  au  milieu  des  curio- 
sités, et  souvent  des  lazzis  de  la  foule. 

Mais  qu'était  l'orfèvrerie  de  cette  époque  où  la  France  se  reprenait  à  respirer, 
et  où  faire  preuve  de  richesse  n'était  plus  s'exposer  à  l'échafaud?  Les  quelques 


—  20  — 

spécimens  qu'on  en  connaît  n'en  donnent  pas  une  idée  fort  avantageuse.  Les 
cafés,  qui  foisonnaient  dans  la  capitale,  les  restaurants  à  la  mode  qui  étaient 
encombrés  tous  les  jours  d'une  foule  bruyante  et  fringante,  étalaient  sur  leurs 
tables  quantité  d'ustensiles  de  formes  qu'on  prétendait  inspirées  plus  ou  moins 
de  l'antique,  des  couverts  à  l'anglaise,  des  couvre-plats  monumentaux,  des  buires 
aux  lignes  grêles,  ornées  de  palmettes  rigides,  des  pots  à  oille  dépourvus  de 
galbe  et  des  soupières  invraisemblables.  De  quelles  officines  inconnues,  de  quels 
ateliers  barliaros  cette  argenterie  de  quincaillier  émanait-elle?  Mystère!  Quels 
étaient  les  artistes  qui  les  inspiraient?  Mystère  !  Salembier  vivait  encore,  Salembier, 
dont  les  compositions  nous  donnent  une  vision  si  charmante  du  style  Louis  XVI 
dans  les  gravures  qu'il  nous  a  laissées,  essayait  sous  le  Directoire  et  le  Consulat 
de  fournir  des  modèles  aux  orfèvres. 

Mais  allait-il  retrouver  le  charme  et  l'élégance  de  ce  style  dont  il  avait  été  un 
des  plus  habiles  interprètes,  comme  en  témoigne  {paije  24)  un  joli  petit  réchaud 
à  main  qu'on  remarqiuiit  à  l'exposition  des  dessins  d'ornement  (jui  avait  été  or- 
ganisée avec  tant  de  goût  et  de  savoir  par  M.  le  manjuis  de  Chènevières,  avec  le 
concours  de  MM.  Gustave  Dreyfus  et  Charles  Ephrussi,  au  Musée  des  Arts  déco- 
ratifs en  1880. 

Salembier  publiait  à  cette  époque (I)  un  recueil  de  dessins  d'orfèvrerie  dont  les 
planches  ont  été  rééditées  de  nos  jours.  Nous  lui  empruntons  quelques-unes  des 
pièces  les  plus  typiques  de  cette  orfèvrerie  aux  formes  troublantes  et  aux  décors 
grêles  et  mous.  Mais  Salembier,  vieilli,  avait  perdu  le  sentiment  délicat  de  l'art  de 
la  fin  du  dix-huitième  sièclequil'inspirait  jadis,  et  n'olTrait  aux  orfèvres  qu'une  série 
de  compositions  inexécutables,  pastiches  ridicules  de  l'Antique  amaigri.  —  D'ail- 
leurs quels  orfèvres  eussent  été  capables  de  les  comprendre  et  de  les  exécuter,  un 
bien  petit  nombre  étaient  en  état  de  se  réorganiser.  Ceux  du  Palais-Royal  avaient 
été  remplacés  par  des  pâtissiers  et  ceux  de  la  rue  Saint-Honoré  par  des  mar- 
chandes à  la  toilette.  Les  apprentis  et  les  compagnons  de  la  corporation  dissoute, 
après  avoir  été  forcés,  pour  ne  pas  mourir  de  faim,  d'aller  prendre  la  pioche  à 
l'atelier  national  ouvert  en  1790  à  Montmartre,  étaient  partis  aux  armées,  se 
trouvaient  disséminés  un  peu  partout.  Quelques-uns,  les  plus  vieux,  s'étaient 
faits  ouvriers  en  sabre.  Il  y  en  avait  qui,  deci  delà,  tâchaient  de  reprendre  le 
métier,  obtenaient  une  petite  commande  d'un  boutiquier  entreprenant,  à  l'affût 
d'un  client  qu'il  fallait  allécher  par  des  exhibitions  séduisantes.  C'était  le  nouveau 
régime  qui  commençait.  Chose  inouïe  et  qui  apparaît  comme  un  problème,  ces 
artisans  qui,  cinq  ans  auparavant,  étaient  capables  d'exécuter,  sous  la  direction 
d'un  maître,  les  gracieuses  œuvres  de  métal  que  l'on  sait,  les  objets  les  plus 
délicats  et  du  goût  le  plus  fin,  étaient  maintenant  désemparés,  et  avaient  peine 

(1)  llccueil  (l'uifevrcrie  de  Saleinôier,  publié  pur  Foukifd,  éilileur. 


Salières,   sucrier  et  gobelets. 
Dessins  de  Salemhier.) 


—   '2'»  — 

à  russ;iisir  Iciir-^  (HiliU,  ;i  l'iiii-c  sorlir  i\r  |l■|||•-^  ilniu'l--  iiin-  |iiiT(  i\':\y^t'i\\t'\-\ii 
aci'0|>l,ilili'.  ('.eux  i|iii  ;i\;iiciil  ;-Mnl('  uni'  ci-i'l.iiiii'  lialnli'l  r  de  m.iiii  ne  •>;i\  ;iii'iil. 
|l|ll-^  citiiiiiii'iil  lui  ili->cr,  r;iiili'  il  Un  u'imli',  ri  ll;lll-^  I  inml  1 1  inli'  ijii  inuilrli-  .1  m'-cr. 
(Jiioi  iiii:i;iniM'  |miiii'  |ilaii°('  a  ci*  |iiililii'  niiii\  raii ,  I  niniiillniinaiil ,  riiliji',  lini\aiil, 
i|iii  [la^^ail  irinii'  l'anlai'^it'  a  laiilic  a\ri-  iinc  pi'oiiijil  il  inji'  -an>  ('M'inpii',  <|iii  s(j 
la-^•^ail  il'iiMi'  mule  a\anl  ipir  rrllc  ailnpl  r  la  vcillr  ail  m  Ir  Iniips  de  <(■  l'aire 
coiiiiail  rc,  i|iii  ijiiillail  un  (a|iiiri'  |miiii-  un  ani  rc,  ^aii->  niin'  m  i-ai^on,  |H)iir  le 
[)lai-^il•    lin    (•lianuciiii'iil  ,  cl    ■^nrlnnl    sans    s'iii(|ni(''lcr  <!  arl    l'I   ilc  ^.'oùl. 

l/ai'l  !  (Ml  ('la  il  il'.''  One  pi'i  m  Inisail  -iTr*  Lr  ^i-ainl  |)a\  iil,  laliLiin''  iln  \-n\f  <lr  I  ri!  m  11, 

ci  (it'^dùir'  (le  l'iuii'iiir  an\  ciT/'iiKniics  r(''|)iiMiraiiii's  des  inoijcli's  de  chars,  de  cjjs- 

tuiucs    cl   ^\c  corlci^cs,   se  Iciiail   a    iiri'sciil  coiiHih'  dans   son   aleliei'  du  Louvre, 

siMultrc  cl   niuel.  Il  n'y  avait  pas  en  de  salon  de  [leinhiic  en  I7!>«.  Mais  di'S  (jn'niio 

a[)|>ai'eiu'e  de  ?t)('ié(t'  coinnienea  à  oser  se  refoi'nier,  nue  l('\i:ion  de  pcinlres  rcpa- 

riil.  l/l'Aposition   de    ITU.'l  —  e'esl-à-dire  de  lan  IV   —  iH"   eoiniiril    |ias   moins  de; 

eiiiil   ctMil   Irenle-rimi  (ahleanx  el   de  (inali-e-vin^l-nenf  scnlplnres.   Mais   que  de 

panviH's  nioi'ceanx!  (-ell(>  de  IT9(i  lui  moins  maussade,  moins  encomljr('e  d'o'uvres 

consacrées  à  la  reproduction  des  événements  d'iiier,  souvenir  encore  sai^Miant  des 

scènes  douloureuses,  malgré  ce  curieux  apj)el  adressé  aux  artistes  par  le  Ministre 

de  l'Intérieur  :  «  La  Liberté  vous  invite  à  retracer  ses  triomphes;  transmettez  à 

la  postérité  les  actit)ns  ([iii  doivent  lionoi-er  voire  pays.  iVyez  un  caractère  national, 

pciiiiiez  noire  héroïsme,  et  (|ue  les  générations  ([ui  vous  succèdent  ne  puissent 

vous  reprocher  de  n'avoir  pas  paru  Français  dans  l'époque  la  plus  remarquable 

de  notre  histoire  (1).  »  Mais  les  chefs-d'œuvre  ne  s'obtiennent  pas  par  décrets, 

et  les  épisodes  révolutionnaires  n'en  suscitent  guère.  Le  Salon  de  1797  montra 

décidément  un  réveil  de  l'art,  une  floraison  inattendue  de  talents  épanouis  à  côté 

de  résurrection   de  quelques  renommées  endormies.   Prudhon  gagnait  tous  les 

cœurs  avec  ses  nudités  d'une  pudicité  enchanteresse,  évoquant  des  rêves  de  grâce. 

En  même  temps,  Gérard,  Girodet,  Guérin,  le  miniaturiste  Isabey,  Gros,  l'élève 

de  David,  Boilly,  le    peintre  familier  des  mœurs  du  Directoire,  Carie  Vernet  qui 

débutait,  Greuze,  Moreau,  vétérans  des  salons  qui  paraissaient  un  peu  dépaysés 

dans  cette  cohue  déjeunes,  les  sculpteurs  Chaudet  etHoudon,  l'architecte  Peyre, 

dont  l'ambition  présente  était  de  réunir  le  Louvre  aux  Tuileries,  étaient  les  plus 

en  vedette  à  ce  salon. 

Cette  môme  année  1797,  fut  ouverte  au  Chamj)  de  Mars  la  première  Exposition 
publique  des  produits  de  l'industrie  française.  Elle  dura  trois  jours.  On  y  compta 
110  exposants;  mais  point  d'orfèvre,  si  ce  n'est  trois  fabricants  associés  nommés 
Patoulet,  Aubry  et  Lebeau,  qui  avaient  à  Champlan,  près  de  Longjumeau,  une 


(I)  Voir  le  catalogue  tle  l'Expositioii  ouverte  dans  le  grand  salon   du  Musée  eenlral  des  Arts,  sur  l'in- 
vitalloa  du  .Ministre  de  l'Intérieur,  au  mois  de  ven  lémiuirj  au  V  de  la  Uepublinue. 


—   30  — 

usine  où  l'on  plaquait  l'acier,  et  qui  faisaient  des  couverts  plaqués  d'argent. 
C'était  peu  pour  représenter  une  industrie  qui,  dix  ans  auparavant,  était  une  des 
plus  brillantes  de  la  France,  et  le  ministre  d'alors,  François  de  Neufcliàtean,  dans 
un  raj)port  sur  cette  nianifestation,  en  affirmant  que  «  la  liberté  individuelle  est 
préférable  à  l'ancien  système  de  la  maîtrise  et  des  corporations  »,  eût  été  embar- 
rassé de  tirer  de  ce  cas  une  preuve  suffisante. 

C'est  cependant  de  cette  époque,  que,  sur  son  initiative,  «  le  principe  si  fé- 
»  cond  des  Expositions  industrielles  vin(  ouvrir  une  voie  nouvelle  aux  mani- 
»  festations  périodiques  (pii  allaient  pemunlre  aux  orfèvres  de  montrer  toute  la 
)»  valeur  de  leur  imagination  créatrice.  On  sait  condjien  furent  modestes  les 
»  commencements  de  cette  institution.  Les  premières  expositions,  celles  de 
»  l'an  VI,  de  l'an  IX  et  de  l'an  X,  ne  durèrent  que  quelques  jours.  Mais  les  or- 
»  fèvres  se  hâtèrent  d'y  prendre  part,  affirmant  ainsi  que  leur  industrie  avait 
»  survécu  au  naufrage  de  leurs  privilèges,  et  disant  bien  haut  (ju'ils  étaient 
»  prêts  pour  la  lulte  du  lendemain  (1)  ». 

Les  documents  que  nous  ont  laissés  les  rapporteurs  de  ces  premières  Exposi- 
tions sont  trop  concis  pour  que  nous  ayons  pu  nous  faire  une  opinion  sur  le  mou- 
vement déterminé  à  l'origine,  mais  la  voie  était  ouverte,  et  l'histoire  de  l'industrie 
au  dix-neuvième  siècle  tient  tout  entière  dans  les  comptes  rendus  de  ces  mani- 
festations. 

Gela  a  été,  pendant  toute  la  période  dont  nous  cherchons  à  tracer  l'histoire, 
la  mine  inépuisable  qui  nous  permettra  de  suivre  les  évolutions  de  l'art  de  l'or- 
fèvre au  cours  du  dix-neuvième  siècle,  et  de  mener  à  bien  l'œuvre  que  nous 
avons  entreprise.  Nous  signalerons  au  passage  les  travaux  de  tous  ces  rappor- 
teurs éminents,  économistes,  archéologues,  savants,  artistes,  industriels,  hommes 
d'études,  de  science  et  de  goût,  qui  nous  ont  tracé  le  tableau  de  l'activité  indus- 
trielle dont  ils  ont  été  les  témoins  ou  les  auteurs. 

Nous  les  suivrons  dans  leurs  magistrales  études,  si  documentées,  si  remplies 
de  renseignements  précieux,  et  j'espère  ne  pas  faire  une  œuvre  inutile  en  rappe- 
lant des  travaux  oubliés  aujourd'hui,  et  qu'il  est  bon  de  remettre  en  lumière. 

Si  dans  l'Exposition  de  l'an  VI  n'apparait  encore  aucun  nom  de  véritable 
orfèvre,  il  n'en  est  pas  moins  certain  que  plusieurs  œuvres  d'orfèvrerie  devaient 
y  figurer.  L'Exposition  eut  lieu  dans  la  grande  Cour  carrée  du  Louvre,  et  nous 
avons  trouvé  au  Musée  Carnavalet  une  aquarelle  de  Baltard  que  nous  reproduisons 
et  qui  permet  de  se  rendre  compte  de  l'effet  qu'elle  devait  produire  dans  le  cadre 
merveilleux  qu'on  lui  avait  donné.  Nous  relevons  dans  le  catalogue  de  l'Expo- 


(1)  Paul  Maniz,  Redœrchcs  sur!  Ilisloirc  de  VOrfrvrei-ie  française  ;    Gazelle  d  s  Beaux- Arls,  tome  XII, 
page  2iS. 


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—  33  — 

>,ili(iii    (11'    I  :iii    \l   ilT'.lT      l:i    li-li'   ilr^  |in\    ilc-tiiic-^   ;iii\   \  ;iiiH|iiriir-s  d.-ms    1rs    ji'iix 
()l\  iii|iii|iic--,   .'    I;i   tVic   ili'  l;i  ImikLiI  Kiii   ilc  l:i    Ih  i  ml  ilh  |iic ,    1'  \  ciiili'iiii.iii  c  ;iii  \l 

Jt)i/tr.   —    1"    l'ii\.  --  l  II  ^jimimI  \;i--('  d  ;ir;ji'iil  ilc  rmiiic  cl  iii^(|iic  ;i\cc  -on  (((ii- 

Ncrclf   cl    -on  |(l;ilc;iii. 
:2''    Prix.  hcii\  ciilcl  icrcs  (i'.irijcnt  de  loiinc  ;.mc((|iic  ;i\cc  |il,'il(';iii . 

Lutlt'.  —  1''   Prix.  —  (ii;in(l   sucrier  darf^cnl   en  i'oiiiic   de  ^d(»l)('  xtiilcnii  it;ir 

lin    I  r(''|iii'd. 
^1"    Prix  (liMiidc  l'onLiinc   d';ii\i:cnl   ;i\('c  la  IIkmcim- cl    la  lailicrc 

l-a  dcscriplion  -onnnairc  de  ces  pièces  iiioiili'e  suriisaiiiincnl.  (|iiels  ('laicnl  la 
t'onne  et  le  décor  de  ces  oi'lcN  l'cries. 

h'aulres  [nix  pour  les  courses  à  pied  cl  les  courses  à  (dieval  ('(aieiil  exp(»s('S. 
r\''laieii(  :  deux  i  m  m  Ires  à  r(''p(''l  il  ion  de  la  Maiinracliirc  nalioiiale  de  l^csancon  ;  — 
lin  t'iisil  douMc  i;ariii  d'acier  ciscN-  cl  d'or;  —  un  sahi'c  cii  acier  enrichi  d'or  (l(! 
l'apport  de  la  Maïuiraclnre  naluuiale  de  Versailles;  —  puis  des  ^n'0iij)cs  en  hiseuil. 
de  la  Manufacture  de  Sèvres  :  le  «  Sacrifice  (riphigènie  »  et  le  «  Tri()in|)lie  de 
rAinoni"  ». 

On  le  voit,  les  fesiimonials  eu  orfèvrerie  tenaient  déjcà  la  première  place  dans 
les  prix  olVerls  aux  vainqueurs  des  courses  en  môme  temps  que  les  pièces  sorties 
des  Manufactures  nationales  de  Sèvres,  Versailles  et  Besancon. 

Trois  ans  après,  Cliaj)tal  étant  minisire,  une  autre  Exposition  de;  l'industrie, 
celle  de  l'an  I\,  fut  organisée  dans  la  cour  carrée  du  Louvre.  Le  nombre  des 
exposants  était  de  plus  de  i200;  mais  cette  fois  encore,  pas  un  orfèvre!  (^e  n'est 
(pi'en  180ri,  à  l'Exposition  de  Pan  X,  que  l'orfèvrerie  reparaît  avec  un  certain 
éclat,  i^ràce  à  Peffort  de  deux  fabricants,  Auguste  et  Odiot,  qui  obtiennent 
chacun  une  médaille  d'or. 

Le  catalogue  était  sommaire.  Le  rapport  ne  l'était  pas  moins.  Nous  y  relevons 
celle  phrase  :  «  Ces  deux  artistes,  Auguste  et  Odiot,  ont  excité  également  Patten- 
))  lion  du  Jury.  Le  Jury  ne  peut  se  décider  à  faire  un  choix  entre  eux  et  leur 
»  décerne  en  commun  une  médaille  d'or.  »  Et  c'est  tout! 

A  cette  date,  l'Empire  est  proche,  l'ordre  va  régner  et  les  arts  du  décor  rece- 
vront l'impulsion  de  deux  artistes  distingués  :  Percier  et  Fontaine.  L'architecte 
("Jiarles  Percier,  prix  de  Rome  en  1786,  avait  alors  dépassé  la  quarantaine,  et 
conquis  une  certaine  renommée  en  dessinant  pour  les  fabricants  des  modèles 
de  meubles  et  d'ustensiles  de  tous  genres,  dans  lesquels  on  retrouve  les  formes 
préconisées  par  David,  l'espèce  d'amalgame  gréco-romain  qui  continuait  à  être 
à  la  mode,  mais  avec  un  goût  personnel,  une  élégance  châtiée  et  des  principes. 
Son  camarade,  Fontaine,  un  peu  plus  âgé  que  lui,  avait  des  qualités  différentes 
de  précision  et  d'honnne  d'affaires.  —  Ils  s'unirent  dans  une  étroite  collaboration 
qui  ne  fut  jamais  rompue.  Bonaparte,  auquel  ils  plurent,  après  quelques  moments 


—  34  — 


d'hésitation,  leur  confia  la  transformation  de  la  Malmaison,  puis  de  Saint-Cloud, 
la  décoration  de  Fontainebleau  et  de  Compiègne,  la  réfection  des  Tuileries, 

Il  est  intéressant  de  constater  ici  l'influence  qu'allait  exercer  l'architecture 
dans  les  arts  du  décor  et  dans  la  création  d'un  style.  Architectes  tous  deux,  Percier 
et  Fontaine  avaient  puisé  dans  leur  séjour  à  Rome  le  goût  de  l'antiquité  et  des 
belles  ordonnances;  fidèles  aux  lois  et  aux  j)rincipes  de  la  construction,  sans  les- 
quels toute  entreprise  est  vaine,  ils  allaient,  en  apportant  (hms  leurs  créations  une 
maîtrise  que  seules  peuvent  doinu'r  les  fortes  études  et  la  connaissance  intime 

de  leurs  prédécesseurs,  essayer 
de  renouer  les  traditions  du  grand 
siècle.  Percier  et  Fontaine  avaient 
de  plus  l'heureuse  fortune  de 
trouver  dans  un  souverain  fas- 
tueux les  encouragements  néces- 
saires pour  plier  à  leurs  idées  un 
entourage  disposé  à  suivre  le 
mouvement  (pii  leur  veiiait  d'en 
haut. 

En  1812,  Percier  et  Fontaine 
publièrent,  cliez  Didot  l'aîné, 
un  recueil  gravé  des  principaux 
meubles,  Ijronzes,  orfèvreries  et 
décorations  d'intérieur,  qui 
avaient  été  exécutés  sur  leurs 
dessins,  voulant,  disaient-ils, 
«  concourir  à  répandre  et  à  main- 
»  tenir  dans  une  matière  aussi 
»  variable,  aussi  soumise  aux  vicissitudes  de  l'opinion  et  du  caprice,  les  prin- 
»  cipes  de  goût  que  nous  avons  puisés  dans  l'antiquité,  et  que  nous  croyons 
»  liés,  quoique  par  une  chaîne  moins  aperçue,  à  ces  lois  générales  du  vrai, 
»  du  simple,  du  beau,  qui  devi'aient  régir  éternellement  toutes  les  productions 
»  du  règne  de  l'imitation.    . 

»  La  théorie  du  goût  ne  saurait  séparer  de  cet  empire  les  plus  légers  produits 
»  de  l'art,  de  ses  plus  vastes  ouvrages.  Un  nœud  commun  les  rassemble.  Quelle 
»  que  soit  la  manière  d'imiter  et  de  faire  qui  domine  dans  un  temps  ou  dans  un 
»  pays,  l'œil  éclairé  du  connaisseur  en  distingue,  en  suit  les  effets  et  les  consé- 
»  quences,  dans  les  plus  grandes  entreprises  de  l'art  de  peindre,  de  sculpter  et 
»  de  bâtir,  comme  dans  les  moindres  des  arts  industriels,  qui  se  mêlent  à  tous 
»  les  besoins  et  à  toutes  les  jouissances  de  l'état  social. 

»  Qui  est-ce  (jui  ne  distingue  pas  la  direction  de  l'esprit  et  du  goût  de  chaque 


Chaules  PERCIKH.  architecte. 


—  35  — 


H  nt'iModc  |>;ir  li's  di'liiiU  ilc"^  iislriisilcs  <lnmr-l  ii|iirs,  les  olijrls  de  liivc  on  (!(.• 
«  lUTcs^ili'  ;iii\i|iiiU,  iii\  (•li)iil.iii«'iiii'iil ,  I  iiii\iicr  (|(iiiii:i  rciiiprciiilc  ilrv  Imbues, 
»  (les  coiiloiii'-,  ili'^  l>|"'^  ''"  "^•',-''  ''"'  '^""  l"'iii|i"^.  " 

iNlis,  r;i|t|icl;illl  I  llinili'licc  (l(■^  |H'iiil  rcx,  des  sriil|)lc|ir- ,  des  ;i|-(  II!  In  Irv  (|c  |;i 
lu'li;ii^->:illi"i',  cl  les  nliids  r.llchinl  Ir  ^idlll  du  -^ci/iciiir  siècle  i|ile  Ic^  ;iiii;dciirs 
Il  lic^ilciil  |i;iN  il  |i;i\cr  clicrciiiciil  ;iii  j(  mid  iiiii ,  |iiii^  des  [KTindc^,  (|iii  lui  oiJ  -.ne. 
cède,  d;ills  le'^(|iielles  les  Inniies  de  1';!  iiieilMeiiienl  ^e  sdiij  JrdiiM'o  lolljoiirs 
en  p;ii'r,iil  aceord  ,i\ee  le  liciiie  (|iii  |iresidiiil  ;iii  \  iii\eiilioiis  des  ;irc|iil(iC.I(;s, 
des  seul|ileills  el  de--  [leiiilre-^,  ils 
(•(msl;il;iieiil  (|iie  Idrlex  reiii'  du 
siècle  de  l.(t^li-^  \l\  esl  eiii|ireiiile 
(lu  i^OÙI  de  Le  |>i'iiii  ;  (|iie  le  iiio- 
!>ijiei'  (le  l'xMille  ;i  les  eoiildiirs  cl 
les  pi'olils  dessiiK's  par  Maiisard  ; 
(pie  le  di\-liiiilièiii(>  siècle  les 
Iraiisforme  el  l'ail  rccoiiiiailre  son 
i^oùl  dans  les  eonloiii's  de  ses 
iilaees,  li's  dorures  de  ses  hoi- 
siM'ies,  le  (diaiilounK'  dc^s  dessus 
de  portes,  coniine  dans  les  formes 
des  hàl  inieiits  el  le  inaiiicM'c''  des 
coiiiposirunis  de  ses  peintres;  et 
rappelant  (pie  la  lin  du  dix-liui- 
tièiiie  siècle  vit  ce  i^uùl  non  seule- 
ment changer,  mais  passer  brus- 
quement duii  extrême  à  l'autre. 
((  L'andiiteclure,  qui  donne  le  ton 
»  aux  autres  arts,  et  surtout  à  la  décoration  artistique,  fatiguée,  si  Ton  peut  dire, 
»  de  toutes  les  innovations  dans  lesquelles  on  avait  cru  depuis  deux  siècles 
»  étendre  son  empire,  se  trouva  ramenée  à  la  simplicité  du  goût  antique,  et 
»  même  du  plus  antifjue  qui  dominait  (diez  les  Grecs.  » 

C'est  sous  la  direction  de  Percier  et  Fontaine  que  le  mobilier  prenait  alors  les 
allures  d'un  style.  Pour  l'orfèvrerie,  c'était  une  ère  nouvelle  qui  s'ouvrait. 

En  effet,  le  premier  Empire,  très  favorable  en  général  aux  industries  de  luxe, 
donna  à  celles-ci  des  encouragements  particuliers.  Napoléon  aimait  le  faste.  11  y 
voyait  comme  un  moyen  de  gouvernement  et  un  dogme  de  sa  puissance.  Tout 
jeune,  il  en  subissait  déjà  étrangement  la  séduction,  et  l'on  ne  peut  plus  douter, 
après  tout  ce  qui  a  été  écrit,  notamment  par  M.  Frédéric  Masson  sur  les  origines 
de  ses  relations  avec  Joséphine  de  Beauharnais,  du  prestige  qu'eut,  sur  l'imagina- 
tion encore  naïve  du  lieutenant  d'artillerie,  le  cadre  éléi^ant  où  l'aimable  créole  se 


FONTAlNi;,  aicluLccl. 


3G 


phit  à  conquérir  le  futur  maitre  du  monde.  Devenu  premier  Consul,  Bonaparte 
traitait  encore  sa  femme  comme  une  jolie  poupée,  cédant  à  ses  caprices  de  toi- 
lettes, à  ses  dépenses  de  colificliets,  ne  se  lassant  pas  de  payer  ses  dettes  de 


\"  ' 


Pot  à  oillc,  cxccutc  par  Biciinais,  pour  riiiipcratricc  Joséphine. 


couturières  ou  de  bijoutiers,  heureux  de  la  faire  belle.  Tous  les  grands  bijoutiers 
et  orfèvres  de  l'époque,  à  Paris  et  ailleurs,  avaient  Joséphine  pour  cliente  :  «  Bien- 
nais,  Auguste,  Depresle,  Friche,  Marguerite,  Foncier,  Fister,  Nitot,  Tourrier, 
Messin,  les  frères  Marx,  Conrado,  Ilollander,  Lelong,  Mellerio-Meller,  et  les  hor- 
logers Bréguet,   Lépine  et  Mugnier,  et  Capperone  et  Teibaker,  marchands  de 


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or.        <>      •    «T^ 


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,/-<>^%Vi! 


Pièces  c^ol•fè^  rcric  de   Percicr  et   rontaino, 


—  ;jî»  — 

(•illlM'Cs,  cl  ()|i\;i  cl  Si'nihi,  iiMicliaiiiU  ilc  cdiMliX  |i.  (  !c  lui  liiin  ;i(il|-c  chose 
(|ii:iiiil  N;i|Mi|c(iii  ciil  -^iiisi  le  sccphr  imi|m  ii,il!  Mais  alors,  il  ne  lin  ^nllil  jiln^  rpic 
riiiijMTal  lice  soii  sdiii  |il  iiciisciiiciil  |)ai-cc.  Ce  (jn'il  \cnl,  c'c^l  i|n  elle  I  anjc  a  lain- 
par  une  ^|ileii(liMir  de  Imii  aldi,  |iar  nue  e|i'L.'anie  i|i;.'iie  de  celle  de  l'arn-iennc 
(■(Hir,  lin  iiis(  iiiiiiciil  de  l'oiin  eineinenl  .  r.ndic  I  rop  lourde  |nMir  elle  !  A  j  ici  ne  sacr<'' 
ciii|M'rcnr,  il  r(~'\a  de  snr|>asser  Louis  \l\  ,  doiil  les  chroiiii|iies  jin-s  cl  ridiies  (diaii- 
lau'iil  le^  iiiaij  nirh|nc^  a|iollieo'^es.  Si  les  ;jnerres  lui  en  eiis^cnl  laissr-  |c  joi'-ir'.  il 
se  li'il  coii^-lrtiil  lin  \ei--aillesa  lui,  plus  iiia|eslnen\,  |iliis  ininieii^e  i|iic  jaiilrc.,. 
Dans  ct'lle  nia^^nilieencc  du  cadre,  uni  (lis|iar;ite,  rien  (|iii  i-a|)|ielàl  les  liix(;s  iiies- 
(|niiis  des  |iar\enns.  Toul  en  crensaiil  1res  nelle  la  li^^iic  de  (l(''iiiarealioM  rpii  sf'-pa- 
rail  la  lendance  non\(dle  dn  Ion  d  aiipara\aiil.  les  ai'lisics  de  renipereiii'  ;-'ardaienl 
(In  hixe  anh'rieiir  les  amples  cl  ma jesl  neiises  doiiiK'cs...  son  ^('■iiie.  <|iii  pr<''\o\ail 
loul,  i|ni  desceiidail  aii\  pins  inlimes  d(dails  de  la  sic,  ne  s'(''^arail  poiiil  ce|)eiir|anl 
sur  d(>  jianales  idi'os  de  gi'aïKlcur... 

Le  luxe  t'Iail,  à  son  sons  1res  pereaiil,  aiilr(!  chose  qiriine  frivollh''  passaj^a'-re  cl 
in(>s(|nine.  Par  le  Inxe.  rinchislrie  pi'ospère  cl  les  ai'ls  pi'ojri'cssent  ;  il  est  la  \<''ri- 
lalde  ponle  an  pol  doid  parlail  un  peu  llM'ori(pi('ment  llem-i  IV.  L'I'ïinpcreui'  vonliil 
le  r('\i;lemeider.  le  dc-linir  avec  la  pi"(''('isioM  dont  il  disjiosail  ses  ai'm(''es  sur  un 
eliamp  de  li;ilaille.  Alors  il  eoininauda  ipie  les  aeleurs  destiui's  à  ('voluei-  parmi 
les  sonipUiosilés  des  palais  impériaux  se  lissent  dignes  du  eadi-e.  Il  s'adaeha  au 
luxe  extérieur  des  haliils,  des  bijoux,  des  é(juipa<;es,  dans  le  double  bul  détonner, 
de  favoriser  les  ai'ls  et  d'alimenter  les  métiers...  La  maison  impériale  n'avait  rien 
à  envier  à  celle  des  rois  de  France;  elle  en  était  le  calrpie  singulièrement  élargi 
et  augmenté,  les  oITiciers  en  copiaient  les  solennités  obsé(juieuses,  et  la  livrée 
soutenait  le  jiarallèle.  Toutes  les  cérémonies  étaient  marquées  à  ce  signe  un  peu 
puéril,  mais  si  bien  approprié  au  goût  français,  de  raftinements  dans  le  lever  des 
souverains,  dans  le  service  des  tables,  dans  l'étiquette  des  réceptions,  des  chasses 
ou  des  voyages...  Napoléon,  si  simple  d'ordinaire,  si  bien  à  l'aise  dans  sa  veste 
de  grenadier  ou  sur  son  lit  de  camp,  ne  se  contenait  plus  dans  les  représentations. 
Marguerite,  le  joaillier,  le  couvrait  littéralement  de  ])ijoux  rares,  soit  au  chapeau 
de  cérémonie  où  l'on  attachait  une  boucle  de  36:2000  francs,  soit  sur  les  armes 
de  parade  qu'il  portait  dans  les  cérémonies  publiques,  soit  sur  la  poitrine  oîi  les 
insignes  de  la  Légion  d'honneur  représentaient  une  somme  énorme... 

Le  bijoutier  Nitot,  qu'un  accident  arrivé  à  la  voiture  du  Premier  Consul  devant 
sa  boutique  avait  mis  en  faveur  auprès  de  Bonaparte,  devint  l'un  de  ses  fournis- 
seurs préférés.  Il  fut  chargé  d'exécuter  pour  l'empereur,  à  l'occasion  du  sacre, 
l'épée  qui  devait  être  ornée  des  diamants  de  la  Couronne.  C'était  la  première  fois, 
dit  M.  Germain  Bapst,  «  que  le  Régent  quittait  une  parure  de  souveraine,  pour 

1;  Frédéric  Massou.  Joséphine,  impératrice  et  reine,  1899  (vol.  in-S",  p.  u4). 


~  M)  — 


»  venir  ui'iicr  le  sabre  d'iiii  soldai;  mais  ee  soldat  était  le  vaiiii|ueiii'  (rAi'colc  e( 
»  de  Mai-engo,  qui  devail.  (jnelques  années  plus  tai-d,  se  servir  de  son  épée  ornée 
»   du  Jiégent  pour  écrire  sur  les  tables  de  Thistoire  de  France  les  noms  d'Aus- 

»   lerlitz  et  d'iéna  ». 

L'épée  de  INitot,  très  élégante 
de  forme,  (pie  l'Empereur  porta 
le  jour  de  son  saci'e  avec  le  petit 
costume,  ne  lui  pas  celle  (pii  fi- 
i;ui'a  dans  la  ci'rémonie  oflicielle 
oii,  costiuné  en  empereur  romain, 
(•(Hume  David  la  représenté  dans 
son  lableau  c(''lèbre  du  Couronne- 
meiil,  il  avait  à  son  côté  un  j;iaive 
j)lus  en  harmonie  avec  ce  costume 
théâtral. 

.Nond)ren\  sont  les  dessins  de 
glaive  (pii  existent  dans  Tteuvre 
de  Hiennais  e(  foui  aujourd'hui 
partie  des  collections  du  Musée 
des  Aris  décoratifs.  L'un  d'eux, 
dessin(''  par  Percier,  se  Irouve 
également  dans  l'albinn  de  Mien- 
nais.  Nous  en  donnons  ici  la  rr- 
pi'oiliiclion. 

Son  goùl  pour  les  armes  de 
luxe  n'avait  pas  attendu,  pour  se 
donner  un  libre  cours,  qu'il  fut 
monté  sur  le  trône.  Déjà,  sous  le 
Consulal.  Donaparte  avait  fait 
exéculei-  |)ar  l'habile  dii'écteur  de 
la  manufacture  d'armes  de  Ver- 
sailles le  glaive  que  le  Premier 
Consul  devait  porter  dans  les  cé- 
r(''monies  publiques,  et  plus  tard, 
son  orfèvre  j)i'éféré,  Biennais, 
exécutait  une  épée  élégante  en  or 
ciselé  dont  le  fourreau  ('tait  en  écaille  incrustée  d'aigles  et  d'abeilles.  Ces  deux 
pièces,  d'une  exécution  savoureuse,  étaient  exposées  jadis  au  Louvre,  dans  le 
musée  des  souverains.  Elles  sont  aujourd'hui  au  Musée  des  Arts  décoratifs,  avec 
les  costumes  j)ortés  par  l'Emiiereur  en   ISUi^  à  l'occasion  du  saci'c. 


l'i'ojol   ck'  j;lai\(.'  ii\ cr  les  diaiiuiiils  de  la    (^(Hiruiiiic. 
Alliii III  lie  Ilii'ii  nuis.) 


41 


(ilaive  du  I"  Consul. 


Glaive  de  IKnipei-cui 


Armes  d'apparat  de  Xapoléon  I",  exécutées  par  Biennal?. 
Muxée  (les  Arln  décoratifs.) 


I 


rortrait  de  l'oi-l'cv  rc  IIiî.m-.y  AUGUSTE  el  de  sa  raMiille,  |);u'  Frun.;()i>  GJrard. 
{Colleclion  (ir;ivere;ni. 


—  \:\  — 

„  I,,.  |n\i'  ;(i|l|(ilir^,  le  lll\<'  v(,ii\  ciMiii,  iloiiiliiiihiii  ,  (|iii  |i;iss;iil  cil  llliillir,  <|lll 
^■,,,i|,,)^;iil  cl  iiiii.  |iciil -('Ire  liicii,  il;il|s  les  ;iccl;iiii;il  iuiis  i|r  |;i  loiilr,  ;i\;ill  l.i  |ir(!- 
iiiirri'  nhiff  I  I  .  »  1,1'  Ncr\  ii'c  (le  Idi  I'cn  rciic,  ;iii\  Tuileries,  et  diiiis  les  un  Ire  s  paliiis, 
(•ImiI  (llu;llli«^e  eiMiiilie  |;i(lis;il;i  cdlir  n)\;ile;  le  iioiiilire  des  pièces  ('lilil  coijviijc- 
,-;,|,|,.,  |inil\;illl  vei\ir  ;i  i")  nu  .'!()  I  ,il)|e^  |e^  jnlir^  de  -;il,i;  IIImIs  ^-rj'icc  ;i  hlirnc,  |r 
^r:iiid  iii;ii'e('li;d  du  |i;il:ii-^,  {;iiii;iis  |;i  lahle  iiii|i('ri;ile,  loiil  iiic()iii|i;u';il)le  (lu'elle  lui 
,|;ill->  le  di'hlll.  Il  ;il'^(M-|i;i  de  ce^  sdulIllCN  iiiiiiieilses,  diriieileinelll  coiil  rnlcf-.  (|iie 
les  rois  iiiNcri\;iieiil  ;iu  cIkiiuI  ii'  île  leur  iikiI^oii  cJ).  I.;i  liiMe  chiil  loiijourv  ^(uii|»- 
Ilieil>~eiiieill  |i;iree  ;ill\  ,j<Mirs  de  recepi  inii ,  scr\ie  ;i  l;i  rniliejii'^e,  c(iil\erle  de  lijippes 
lirodees,  d';iri;eiilerie  ;iii\  Jiriiies,  île  surliiiils  cl  de  crisliiiix.  de  phiK  inouïes,  cl 
rliarui'i'  il»'  llt'lirs.  Le  ((''remolii.il  ('hiil  le  iiK'iiie  ipie  siiiis  Louis  \j\  ;  ;iii  cenire 
deux  rniileiiils  M'iileiiieiil.  l'un  ;i  droile  pour  ri'jMpereiir,  liinlre  ;i  ^;iuclie  |ionr 
riiiiper;il  rire.  Sur  un  ordre,  le  ^r,iiiil  inariTliiil  du  pnhiis  preiniil  nue  ser\ielli' 
d;nis  l;i  iiel  de  \ernieil  r,'ser\ee  |ioiir  ri'.iiipereur  el  l'ollriiil  ;i  celui-ci:  puis  les 
plais  elaienl  remis  aux  paires  e|  aux  ofliciers  ipii  se  les  pas^aienl  de  mains 
en  mains.  (!"es|  le  m'and  chamUellaii  ipii  remplissail  la  coupe  de  Ncrmcil  on  le 
sonvcrain  Irempail  ses  lèvres,  el  qui  \ersail  le  cale''  leiin  par  nii  jtai^c  sur  nii 
plalcan  dOr. 

Kn  I8l)i-,  an  nimncnl  de  la  c(''r('in(mie  dn  sacre,  les  commandes  de  sei'viccs 
d"oi'rèvrerie  prireni  une  imporlaiice  exiraordinaii-e.  Tons  les  pei'soiinages  de  la 
iioii\elle  cour,  à  liiiilialive  dn  maître,  voninrent  avoir  lenr  arf;enlei'ie.  Napol('Oii 
til  lomller  el  coiisnller  Ions  les  codes  dn  cérémonial  de  l'anci*'!!  régime  pour 
ipion  en  suixil  exaclemenl  les  prescriptions  el  afin  de  ne  rien  onhiier  dans  l'aj)- 
p:u"eil  de  l'asle  doid  il  vonlail  ih'sormais  s'eiiloni'er.  Ce  lut  Aiigiisie,  le  «  ci- 
devanl  orfèvre  de  Lonis  \\T  »,  rpii  lut  cliai'gé  des  |)lns  importanls  ti-avanx  à  ce 
monienl.  Auguste,  (|ui,  pendant  la  Révolution,  avait  fermé  ses  ateliers,  les  ré- 
organisa ra|)idement  sur  le  plus  grand  pied,  et  les  installa  place  du  Carrousel. 
il  était  dans  toute  la  force  de  l'âge,  ayant  atteint  ses  quarante  ans  en  1800; 
un  portrait  d'Henry  Auguste,  peint  pai'  François  Gérard,  existe  à  Versailles,  nous 
en  doinions  la  reproduction  page  43.  Dans  une  touchante  intimité,  la  famille  est 
réunie  autour  dune  table;  appuyé  sur  la  ehaise  de  sa  femme,  Auguste  écoute  la 
leeture  sous  les  regards  attentifs  de  ses  deux  jeunes  fils.  Le  costume,  le  décor  à  la 
mode  du  temps,  l'atmosphère  reposante  de  l'intérieur  l'ont  de  cette  scène  de 
famille  un  document  des  plus  pi'écieux.  Les  modèles  créés  jadis  par  son  père  et 
par  lui-même  ne  pouvaient  plus  guère  lui  servir  ;  mais  avec  son  expérience 
ac(piise,  le  personnel  de  ciseleurs  qu'il  sut  retrouver,  et  l'intelligence  profonde 
(|n"il  avait  de  son  métier,  il  ne  fut  pas  long  à  en  reformer  une  nouvelle  collection 

(1     HtMiri  Umifliot.  Uixloive  du  lu.rc  fram-ais :  i'Kiupirt'.  1  vol.  ^r.  iii-S".  pa<ie.>  12-21. 
2    l.a  ciiUiuo   iiniiériak'  cuùlait  36UO00  l'r.  :   rol'tictî   l.'iOOOO.    la  cave  120000.  rfnircli.'ii  .li-   ra!'i,'..'iilL'- 
rio  20000.  de  la  lujn-elaiiie  20000,  de^  Lrislaux  10000.  —  Vovez  BuiU'hot.  paj^e  2o. 


46  — 


dans  l'esprit  et  le  goût  du  temps.  11  exécuta  pour  l'Empereur  une  énorme  quantité 
de  vaisselle.  C'est  à  lui  aussi  que  s'adressa  la  Ville  de  Paris  pour  l'argenterie  en 
vermeil  devant  figurer  au  banquet  offert  au  souverain  à  l'Hôtel  de  Ville  le 
5  décembre  1804  comme  complément  des  fêtes  du  Sacre  et  qui,  pour  obéir  aux 
traditions  qu'on  avait  consultées,  était  destinée  en  cadeau  à  l'Empereur. 

La  table  était  décorée  d'un  grand  surtout  à  fond  de  glace  sur  lequel  étaient 
posés  des  candélabres  dont  le  bouquet  était  porté  par  des  figures  volantes  aux 
proportions  majestueuses,  les  soupières  et  les  pots  à  oille,  les  jardinières  à 
Heurs  et  les  corbeilles  à  fruits.  La  galerie,  fineuKMit  ciselée,  était  interrompue  à 
intervalles  réguliers  par  des  socles  portant  des  vases  de  forme  Médicis,  et  des 

coupes.  Ces  sur- 
touts  furent  long- 
temps conservés  au 
Carde -Meuble,  et 
servaient  cà  orner 
^^^^  __  c.^^^^  '^^  tables  des  sou- 

'^^.^  ^Êjijfr  'H^^r  verains  jusqu'à  l'é- 

poque du  second 
Empire.  En  1855, 
Napoléon  111  ayant 
demandé  à  l'orfè- 
vre (ihristolle  une 
a )•  g e n t e r i e  nou- 
velle, la  conserva- 
tion du  Carde-Meuble  fut  chargée  d'en  négocier  la  vente  et  les  offrit  en  paiement 
à  l'orfèvre  qui  accepta.  Ces  surlouts  ont  alors  passé  en  Angleterre,  mais  c'est 
à  regret  que  Christofle  s'en  séparait,  et  il  ne  le  fit  (pi'après  avoir  distrait  deux 
vases  et  deux  coupes  dont  la  merveilleuse  exécution  l'avait  séduit. 

Dans  le  service  de  vermeil,  (|ue  la  Ville  <le  Paris  lui  avait  commandé,  Henri 

Auguste,  tout  en  sacrifiant  au  goût  de  l'époque,  n'avait  pas  oublié  les  élégances  du 

style  Louis  XVI,  dont  son  père  R.-J.  Auguste  avait  été  un  des  gracieux  interprètes. 

S'il  fut  guidé  par  les  conseils  d'un  Percier,  son  talent  de  dessinateur  lui  avait 

permis  de  donner  à  ce  grand  ouvrage  un  caractère  bien  personnel  (I). 

Bien  entendu,  il  n'eut  garde  d'oublier  les  pièces  telles  que  le  Cadenas  et  la 
Nef  (\m  de  temps  immémorial  étaient,  pour  ainsi  dire,  représentatives  de  la  souve- 
raineté, dans  les  services  de  table.  Pour  la  nef  de  l'Empereur,  Auguste  avait  adopté 
la  forme  habituelle  d'un  vaisseau  qu'il  fit  supporter  par  deux  figures  de  fleuves. 


Vase  ot  coupe  nrnani   les  |ilaleaii\  des  surlnuls  de 
(Collcrlioil   Chrisinjle.) 


iiia  aux    I  iinei'K 


(1)  Les  archives  de  la  Maison  Odiot  conservent  des  dessins  d'Anfiiistc  qui  ont  été   exposés  au   Musée 
centcnnal  en  11)00,  et  dont  le  goût  et  la  précision  sont  du  plus  grand  intérêt. 


47 


^j/)j/j^'j/jjj//jjyy/ijyfjjj-'fi'* 


w 


Ihiilier.  sniipiéiT.  jardinière  et   seau  à  place. 
Dessins  orij;inau\  de  Henry  Aui;iislc. 

[CoUecllon  (Idiot. 


40  — 


|;i    Si'iiic    li    la    M.inir    a<lnss(''('s,    cl    assises    sur    un    Mtcli'   sdiilcnu    jiar   (|iialrL' 

i;rillc-^    fl    |)iiilaiil    l(■~^    aiiiu's   iiii|iriiali's. 

A    ranicrc,   soiis  la    |m)I1|)i',    doii/c    li;_Mii'('s, 

S('|»ar('i'^    (l('ii\    il    (l('ii\   par    ili"^    l'ai-^rcanv   d  ■ 

lii'lciir^,    |iiT--(iiiiiiliaiciil     Ic^  (Idii/f     iiniiiiri|ia- 

lilcN    |iarisiciiiic-^.    l  ne   li'lc    ilc    loup    uniail    la 

iiMUic  (lu  \aiss('aii  on  •  c  drosail   une  \  icloirc, 

laiidis  (|ir.i  l'arrirrc,  ('laiciit  assises  la   .lii>^lice 

et    la    Priidi'iice    a\ec    leurs    ailriliuls,    lenani 

d'une    uiaiu     le     i^ouNcrnail,    el     souleuaul     de 

l'aulre   la    eoui'onue    iui|M''riale,    au-dessus  diui 

ai,:;le   aux    ailes  (''ployc-es.    Sur   les   lianes  de  la 

md",  deux   has-reli(d's,  Tuu  reprc'seiilaul   le  eou- 

|-(Uiueuieul  :  les  deux  sou\ craius  deliuul  de\aut 

leurs    sièges,    el    à    di'oile   raulel    où     K;    pape 

ol'lieiail  ;  Tau- 
li"e.  le  préfel 
el  les  maires 
<le  Paris,  j)or- 
laut  leurs  ca- 
deaux ii  I'Imu- 
j)ei'eur  dont 
les  pièces, 
nef,  soupic- 
l'cs,  candéla- 
bres, etc.,  étaient  disposées  sur  une  tal)le  sup- 
portée par  des  griffons  ailés. 

La  nef  de  l'Impératrice,  qui  faisait  pendant, 
était  de  môme  forme.  A  l'arrière,  sous  la  poupe, 
le  même  bas-relief  personnifiant  les  douze  mu- 
nicipalités ;  à  l'avant,  une  figure  de  la  Bienfai- 
sance, les  mains  pleines  de  présents.  Un  groupe 
des  trois  Grâces  ornait  la  poupe;  et,  sur  le 
côté,  deux  bas-reliefs  dont  l'un  personnifiait 
l'Impératrice  dans  le  costume  de  la  Minerve 
antique,  accueillant  avec  bienveillance  les  ar- 
tisles  et  les  porteurs  de  pétitions. 

L'autre  bas-relief  représentait  Joséphine  aux 
Tuileries  dans  toute  la  splendeur  et  la  pompe 

d'une   impératrice,  distribuant   des  secours   aux  malheureux  et  soulageant  les 


Ai^uicrc  t-ri  \ci-iiu'il. 

Dessin  original  di'  IlenrN-  Aii^iislc 

{C.oUeclion   ()(}i;)t.) 


Aiiiuièi'o  cil  voriin'il. 

Dessin  ()rit;inal  de  IIeni\\-  Auguste. 

Colletiion   (Idiot.) 


—  50  — 

affligés.    Les    nefs  portaient  g^ravée  sur  les  pieds,  cette  inscription  :   HENRY 
AUGUSTE,  l'an  J"  du  rcr/ne  de  Napoléon. 

Les  cadenas  étaient  constitués  par  deux  plateaux  semés  d'abeilles  ciselées 
dans  des  losanges  en  relief;  au  centre  étaient  les  armoiries  impériales;  en 
bordure  des  couronnes,  des  feuillages  et  des  enseignes  antiques  :  à  l'une  des 
extrémités,  et  en  surélévation,  une  boite  à  trois  compartiments  (pour  le  sel,  le 
poivre,  les  épices)  fermée  par  un  cadenas,  et  ornée  de  bas-reliefs  figurant,  pour 
l'un  des  cadenas  des  Renommées  couronnant  le  cliiflre  de  l'Empereur,  et  pour 
l'autre,  des  Zéphyrs  balançant  l'Amour  sur  une  guirlande  de  Heurs.  Le  couvercle 
portait,  dans  l'un  des  cadenas,  la  couronne  impériale  entre  deux  cascjucs 
antiques;  dans  l'autre,  la  même  couronne  entre  deux  toulfes  de  roses  (I). 


^-^j^>  />  .>Jt^aeJ  ÉEÎ^;^. ,  _j^^ 


Cadenas  cle  l'E.iiporcur  cl  de  l'Inipéi'atiice,  par  IIeiH'\   Auguste. 

Ces  Nefs  et  ces  Cadenas  existaient  encore  sous  le  règne  de  Napoléon  III,  et 
servaient  à  décorer  la  table  du  souverain  lors  des  grands  dîners  diplomatiques, 
dans  lesquels  il  était  d'usage  de  n'employer  que  la  vaisselle  de  vermeil.  Mais  ils 
avaient  deux  fois  changé  de  décor  :  sous  la  Restauration  les  abeilles  avaient  été 
remplacées  par  des  fleurs  de  lis;  Napoléon  111  les  tit  reconstituer  en  1860  par 
l'orfèvre  Christofle  qu'il  avait  chargé  de  compléter  le  service,  et  les  fleurs  de  lis 
disparurent,  pour  faire  de  nouveau  place  aux  abeilles  (2). 

Auguste  exécuta  en  cette  même  année  1804,  conjointement  avec  le  bijoutier 
Nitot,  la  tiare  que  Napoléon  donna  au  Pape  pour  son  sacre  :  elle  était  en  argent, 
ceinte  de  trois  couronnes  d'or  ornées  de  bas-reliefs  et  de  pierreries.  Cette  tiare  se 


(1)  Fréd.  Massôii,  Josép/iiiiP,  impératrice  et  reinr,  P"o6=^  2oS-2o9. 

(2)  Le  service  de  vermeil  faisait  partie  du  mobilier  de  la  Couronne,  et.  confié  à  la  frarde  de  In  couscrvalion 
du  mobilier  national,  il  fut  ainsi  préservé  de  la  fonte  qui  eut  lieu  en  1871.  Aujourd'lnii  il  est  Iransporté  à 
Hueil,  uii  il  est  exposé  dans  la  salle  à  manger  du  diàleau  de  la  IMalmaison,  devenue  propriété  nationale, 
à  lu  suite  du  don  magnitîque  de  .M.  Osiiis. 


SI 


Nef  de  l'Impératrice,  pot  ù  oillc,  jardinière  et  >eau  à  ral'i-aieliii- 
exécutés  en  vermeil,  par  Heni-y  Auguste. 


5:1 


■t.        ~ 

c;       - 

A       4j 


-5    o 


Lo  (îriinil   Cniixiii    aii\   'Inili^ric--.   au    lîaïKiiut   du   Saci-e. 
hnincs  le  ilcssin   ilc  i'.h.  l'crcicr.j 


llMllNc  ciicni'c  ,111  i(Ml|-iriiili  ,111  \,ilii;iii  diiiis  |r  Tr(''<(ir  i|rs  |',i|»c<.  Il  lil  (';.';i Ictiicnl 
If^   cImiuIi'IicI-'  cl    lllic    [iillic  lie  I  ;illli'l    de   S.iilll    hi'lli-^.    M.li>  IdrlrMc,   iii.i  I;.' l'i'  l.'illl 

tic  ti;i\.ni\,  ;iii  lien  i|c  -.'ciiinliir,  cl  i|ii()i(|iic  ^,i  iii.ii-dii  lui  i|c\ciiiic  la  j)liis  ((jihiik; 
,.|  |;i  pliiN  iiii|M)ii;iiilc  lie  ri  .11  i()|ic,  ne  --ni  |i;iN  ini'l  I  ic  ilc  rei|iiililire  daiis  ses  a  lia  ires. 
Sa  l'aillile  lui  (Icclarce  le  |(Mir  iiu'iiic  ou  vnii  liU  l'Iail  e(  Hiininn'  a  I  lii-liliil  eniiiiiic 
itrciiiiei'  i^raiid  \>\\\  de  >>riil|il  iiic.  <Mi|i;i(''  de  ^c  rclircr,  il  \d  \eiidi-e  ^e^  iii<idc|c<,  et 


\cl"  tle  rEn)[)ei'eur,  exccutée  on  vermeil  par  Henry  Auj;iistc. 


ses  outils  à  l'encan;  sa  maison  disparut,  et  il  laissa  le  champ  libre  à  deux  concur- 
rents plus  heureux,  Odiot  et  Biennais. 

Son  dernier  triomphe  fut  à  l'Exposition  de  l'Industrie  de  1800  :  «  il  y  présenta, 
dit  M.  le  duc  de  Luynes,  des  pièces  d'orrèvrerie  remarquables  parleur  beauté  et 
exécutées  par  un  proci'dé  rajeuni,  celui  de  la  retreinte,  et  par  l'application  nou- 
velle de  l'eslanipaiîe.  Le  jury  faisait  valoir  l'économie  de  l'estampage  qui  suppri- 
mait le  moulage  et  la  fonte,  la  ciselure,  et  une  partie  du  poids  du  métal;  mais  il 
oubliait  de  tenir  compte  de  la  fabrication  des  matrices,  de  leur  gravure,  de  leur 
peu  d'emploi  lors(ju'elIes  ne  sont  pas  appliquées  à  de  l'orfèvrerie  courante.  Pour 
ses  produits,  parmi  lesquels  on  remarquait  un  buste  repoussé  et  estampé,  un  beau 
calice  et  une  coupe  destinée  à  {lorter  des  fruits,  Auguste  obtint  un  rappel  de  la 


—  GU  — 

médaille  d'or  (1).  «  On  peut  ajouter  que  c'est  lui  qui,  non  seulement  eut  le  mérite 
d'avoir  fabriqué  les  premières  pièces  qui  signalent  la  résurrection  de  l'orfèvrerie 
sous  le  premier  Empire,  mais  encore  que  c'est  à  son  initiative  qu'est  dû  le  cachet 
spécial  qui  la  caractérise,  et  qui  tient  aux  procédés  d'exécution.  Presque  toutes 
les  œuvres  de  cette  époque,  en  elTet,  sont  remarqualjles  pour  la  façon  dont  les 
ornements  en  relief  jouent  en  mat  sur  le  fond  de  la  pièce  luisant  et  poli  comme 
miroir.  Oii  dirait  des  camées  sertis  dans  le  métal.  Cet  effet  est  très  particulier, 
mais  neprête-t-il  pas  à  la  critique?  Assurément,  d'autant  plus  qu'on  en  abusa  fort. 
Figures  et  bas-reliefs  appliqués  à  froid,  au  moyen  de  vis  et  d'écrous,  semblent  ne 
pas  faire  corps  avec  l'objet,  et  connue  s'ils  étaieiil  d'une  matière  dillérente  :  c'était 
plulùtle  travail  du  bronzier  que  celui  de  l'orfèvre.  Mais(|uelle  lia!)ileté  daîis  la  main- 


Uo>Mii  (le  hoiti-s,  d'apiv-s  un  dessin  original  de  Prndl.im. 

d'œuvre!  Un  pareil  système  nous  parait  aujourd'imi  illogique.  11  fut  généralement 
adopté  néanmoins,  et  pendant  de  longues  années  on  ne  cessa  de  l'employer. 

«  Les  camées,  d'ailleurs,  eurent-ils  jamais  autant  de  vogue  que  sous  le  premier 
Empire?  Et  peut-on  s'étonner  de  leur  influence  sur  l'orfèvrerie?  En  1804,  les  dames 
du  palais  suggérèrent  à  l'impératrice  Joséphine  de  demander  à  se  servir,  pour  ses 
parures,  des  plus  précieux  camées  que  renfermait  notre  cabinet  des  antiques. 
Certes,  ils  fourniraient  à  Nitot,  à  Biennais  ou  à  Marguerite  l'occasion  de  quelques 
chefs-d'œuvre!  L'Empereur  résista  d'abord  à  cette  fantaisie  :  «  C'est  une  insigne 
folie,  disait-il,  mais  il  en  faut  passer  par  ce  que  veulent  les  femmes.  »  Puis  il 
consentit,  et  vingt-quatre  camées  du  Trésor  quittèrent  les  vitrines  et  s'enchâssèrent 
dans  un  diadème,  dans  des  colliers,  des  boucles,  plaques  et  ceintures,  etc.  L'or- 
fèvre Auguste  n'était  plus  là  pour  en  tirer  parti  dans  quelque  vase  de  sa  façon  (:2).  » 

Le  second  mariage  de  l'empereur  avec  l'archiduchesse  Marie-Louise  d'Au- 


(1)  Duc  lie  Luynes,  Rapport  sur  l'induslcir  des  métaux  précieux  à  t'ExposUioii  universelle  de  I80I,  p.  !J5. 

(2)  Voy.  Bouchot,  Histoire  du  turc  sous  l'Empire,  page  20. 


Iijili,.    in;if<|iia    le   ^iu'iiiil   d  iiiic    rciTmlf^^cciici'    d.iii-^    li'^    iii;iiiirr-l;il  imi^    dr   liixr 

,.|  1,.^  i(Miiiii;ill(|('^  d'olIrN  n'Ilc.  N;i  |  k  iI<m  m  mkiIiiI  IiI  I  ii;ilriiiriil  l'iilnllir  l;i  JilllH' 
nriiiffs ,('  |i(iiir  lui  liiiri'  oiihliir  ipi'il  iiVhnl  lui  <|irnii  (.Hicicrdc  rnrliiiir.  cl  lui 
|»nui\fr  (|ir,i  l*;iri'^  cllf  I  I(MI\  cr.iil  iiiic  cinir  |>lii-  Inil  ninc,  cl  d  une  ind^h'^^c  ;iiissi 
alillii'iil  ii|ilt'  (|ilt'  celle  de  \iciiiic.  L.i  C(iiiM'illc  c\  |pt''di(''c  |i;ir  >e-<  ^oms  a  la  (Vdli- 
licic  |»;i^--;iil  |uiiir  une  niei'\eillc  (\r  -onl  cl  de  --|ilende(n-.  Mai--  le  dnd-d  u'nsre.  la 
iMiM-\  cille,  c'cl  ail  la  11  nicll  c  i|ne  la  \  die  de  Paris.  Cl  ni<cdl('e  par  ^<  m  |  ni' Ici .  le  en  in  te 
IVocliiil ,  a\;iil  di'cide  d'ciHrir  a  la  jiMiiie  s.iii\  eraiiic.  I*ai-  toilet  I  c  il  laiil  eiileiidrc  les 
di\crs(«s  [Mcces  de  ninliilier  ni'i'cssaii'cs  a  l;i  < '.liainhre  d'aloiirs,  la  -rande  I*>_\c|ic 
(Ml  l'on  se  \(tit  i\c  la  lèle  aux  |iieiU,  le  lavalm,  le  lalHUircl.  le  collrcl  a  lui(»il\.  le 
l'auleuil  de  ri'pds  e|  la  laMc  ;i  iiiinur  di'a|i('e  de  deiilelle<,  <ine  les  <d(''^^anl.US  les 
plus  notées  ahu-s  pi)s-M'daieiit   timles.  cl   (pTclIcs  (dioi -is<aieiit    |)anni  les  inodv'les 


"^Cr 


Dcliiil  (11111  bras  du  l'aulcuil  di'  loilelle. 
(Dessin  oriçiinnl  île  l'nidhon.) 

coui-ants  de  thuya,  do  palissandre  ou  de  noyer  ornés  de  bronzes  (1);  mais,  dans 
la  circonsUuiee,  le  comte  Frocliot  pensa  qu'on  ne  pouvait  se  contenter  de  bois, 
fusso:it-ils  les  plus  précieux.  Il  fallait  des  meubles  d'argent,  comme  les  aimait 
Louis  XIV,  et  Frochot  estima  que  pour  la  décoration  il  serait  de  bonne  grâce 
d"abandonner  les  tètes  de  Minerves  à  la  mode,  et  de  retourner  aux  allégories 
amoureuses  du  dix-hultiènie  siècle.  Il  proposa  de  confier  au  peintre  Prudhon  les 
motifs  à  déterminer,  et  de  charger  l'orfèvre  Odiot  et  le  ciseleur  bronzier  Thomire 
de  donner  un  corps  aux  inventions  de  Prudhon  préalablement  modelées  par 
Hoguier.  Odiot  lit  exécuter  la  fonte  en  argent  et  la  monture  de  tous  les  meubles 
et  de  leurs  accessoires,  et  Thomire  fut  (  hargé  de  faire  la  ciselure.  On  devait  être 
prêt  pour  le   lo  août,  jour  de  la  fête  de   l'Empereur  (:2). 


1]  Henri  Bmichot.  hi  Toiletl"  à  In  cour  de  Xapoleon.  p.  118. 
("2^  Ilonri  lîmi  'linl.  la  Toih.-tle  ù  la  cour  de  \<iiinlé  m,  p.   119. 


—  6i>  — 

Priidhon  se  mit  au  travail  et  soumit  des  esquisses.  Il  les  accompagnait  d'un 
commentaire  écrit  dans  le  style  académique  du  temps,  bien  peu  propre  à 
traduire  ce  qu'il  avait  si  bien  su  réaliser,  *en  grand  artiste  (|u'il  était.  Voici, 
par  exemple,   comment  il   décrit  la  table  à   miroir  : 

Assise  et  .ippuyéc  surdos  fleurs,  une  jeuuo  I<"lore  reçoit  les  hommages  de  plusieurs  génies 
qui  se  pressent  autour  d'elle.  Le  génie,  cpii  lient  les  cœurs  eu  sa  puissance,  lui  présente 
ceux  de  tous  les  Français  que  rilarmouie  rassemble,  qu'un  même  sentiment  unit.  Zépliyre 
entr'ouvre  de  son  haleine  le  calice  des  fleurs,  il  oITre  à  la  déesse  ce  qu'elles  ont  de  plus  brillant 
et  de  plus  suave.  Le  Goût  dispose  les  métaux  les  plus  précieux  pour  en  parer  sa  personne. 
L'Industrie  et  le  Commerce  lui  portent  à  l'envi  leurs  tributs.  Autour  ilu  miroir,  le  Plaisir 
qui  a  tressé  la  guirlande  de  Heurs  sur  laquelle  posent  tous  ces  génies,  serre  étroitement  le 
nn'ud  qui  en  réunit  les  extrémités  pour  en  former  un  cercle  indissoluble.  De  la  partie  su- 
périeure des  deux  candélabres  lleuris,  supports  du  miroir,  s'élèvent  les  génies  de  la  Poésie, 
des  .Arts  ot  des  Sciences.  Des  groupes  de  petits  .Amours  dispersés  sur  les  coH'res  et  la  toilette 
s'occupent,  les  uns  à  filer  des  jours  d'or  et  de  soie  et  à  dévider  ces  précieux  fils,  les 
autres  à  cultiver  la  Heur  cpii  est  robjel  de  leui-  préilileclion  et  à  en  recueillir  le  fruit. 

Ce  pathos  solennel  ne  donne  guère  l'idée  de  l'œuvre  délicieuse  de  Prudlion, 
et  il  vaut  mieux  passer  la  descriptioji  dans  le  mètne  style  des  autres  meubles,  et 
s'en  rapporter  à  ces  lignes  de  De  Concourt  qui  montrent  mieux  quelle  aimable 
ingéniosité  le  peintre  avait  développé  dans  ses  compositions  d'une  grâce  inef- 
fable :  «  Il  dessinait  (Prudlion)  l'écran  exécutée  en  vermeil  et  en  lapis,  et  ses 
barques  égyptiennes  surmontées  de  figure  d'Iris,  emblème  de  la  Ville,  portant 
les  autels  de  l'hymen  enguirlandés  de  lleurs,  et  ses  colonnes  de  lauriers  et  de 
lierre  enserrant  la  glace,  et  son  entablement  corinthien  oii  deux  Amours  aux 
deux  côtés  de  Mars  et  de  Minerve  rapprochent  l'Aigle  d'Autriche  et  l'Aigle  de 
France.  Il  dessinait  la  table  à  miroir  dont  la  glace  était  encadrée  de  fleurs  liées 
par  le  Plaisir  volant  et  couronné  d'une  Flore  entourée  des  Génies  du  Commerce, 
de  l'Industrie,  du  Goût,  de  l'IIarinonie.  L'allégorie  du  peintre  animait  ainsi  tout 
le  mobilier  par  des  personnifications  et  des  images.  Cette  ingénue  de  la  Fable 
antique  qui  occupa  si  longtemps  sa  pensée,  Psyché,  enchaînait  l'Amour  dans  la 
ligne  ondulante  d'un  bras  de  fauteuil. 

Ce  fut  également  Prudhon  qui  composa  le  Berceau  du  Roi  de  Home,  qui  fut  exé- 
cuté en  vermeil  par  Odiot  et  Thomire.  Sur  le  berceau  impérial,  Prudhon  montrait  la 
Gloire  planant  sur  le  monde  et  soutenant  la  couronne  de  triomphe  et  d'immortalité  ; 
au  milieu  de  cette  couronne  hYiWa'iiV asirc  de  Napoléon,  tandis  qu'au  pied  du  berceau 
un  jeune  aiglon,  prêta  s'envoler,  semblait  essayer  ses  forces  et  aspirera  l'espace  (I). 
La  nacelle  du  Lit  était  ornée  de  balustres  séparés  par  des  cartouches  dont  les 
deux  principaux  portaient  des  bas-reliefs  représentant  la  Seine  d'un  côté  et  de 
l'autre  le  Tibre.  Les  deux  génies  de  la  Force  et  de  la  Justice  étaient  devant  les 
.  pieds  du  Berceau  formé  par  des  cornes  d'abondance.  Cette  pièce  magnifique,  d'une 

1^1)  De  Gûiicourl,  l'Ail  au  dii-huicicme  siède;  Prud/iG»,  1882,  1  vol.  iii-18,  page  41  i. 


i.:| 


CfT' 


m': 


~vn^T  '.-1  .•■;-/'i.-";"i: 


-t  vr';i.'"AN 


■Mss   I ...  r-Trm  rnTTTTiTnrnrrrMTi:  i[' iniinnirTnTihiiimniiîr; hv    mi 


Psyché  de  Marie-Louise, 
exécutée  par  (31.  Ocliot  et  Tliomire.  sur  les  dessins  de  Prudlinn. 


I 


c.% 


07 


iKililc  cl  lichc  [comiumitidu,  scrailj'iicorc  diu'iic  drli-c  *;i(liiiii-r'c  Miiiniii-d'liiii  (Hi  le 
L'tiùl  (IfN  ai'K  (le  ri!iii|iiir  ;i  ici  l'oiiN  c  ilc->  îu  liiiiialrui-^.  l-a  \illi'  de  l'an-  l'ollril  a 
1  liii|ti'ralnc('  le  .'»  iiiars   IS|  I  . 

\a-  d(■-^>^ill  original  df  l'nidlioii,  |iii'ii-ciiiciil  irciicdli  pai'  un  ntllccl  k.iiimiii',  lai- 


Toilelle  do  Marie-Louise,  exécutée  par  Cl.  Odiot  el  Thouiire,  sur  les  dessins  de  Prudhon. 

doxe  Marcille,  nous  donne  bien  l'idée  de  cette  incomparable  merveille  d'orfèvrerie. 
Il  a  été  exposé  en  1880  au  iMusée  des  Arts  décoratifs  par  les  soins  du  marquis  de 
Cliènevière.  C'est  tout  ce  qu'on  en  connaît  en  France  aujourd'hui,  car  le  berceau  de 
Prudhon,  exécuté  par  Odiot,  tel  qu'il  a  été  composé  par  Prudhon,  est  à  Vienne  et 
fait  partie  du  trésor  de  la  cour  d'Autriche.  Il  existe  encore  en  France,  au  château  de 


G8 


Fontainebleau,  le  berceau  d'usage  du  roi  de  Rome;  il  est  de  même  forme,  en  aca- 
jou orné  de  bronzes,  mais  l'aigle  a  disparu  ;  la  figure  de  la  Gloire  a  été  remplacée  par 
une  Renommée  de  moindres  proportions,  servant  d'attache  aux  rideaux  ;  et  les  pieds 
simplifiés  en  forme  d'X  ne  rappellent  en  rien  l'élégante  composilion  de  Pi'udhon. 

Lors(pie  l'impératrice  Marie-Louise,  après  les  événements  de  1814,  retourna 
en  Autriche,  elle  fit  réclamer  la  toilette,  qui,  après  quelques  résistances  du  Gou- 
vernement français,  fut  expédiée  à  Schœnbrun,  sa  nouvelle  résidence.  De  là 
l'ex-souveraine  l'emporta  plus  tard  à  Parme,  non  pas,  on  le  suppose  bien,  par 
admiration  pour  le  génie  de  Prudhon,  et  encore  moins  par  fidélité  au  souvenir  du 

_.  . passé.    Précisément,     h     cause 

de  ce  qu'ils  rappelaient,  ces 
meubles  d'argent  portaient  om- 
brage à  l'entourage  de  Marie- 
Louise.  On  saisit  le  prétexte  du 
choléra  en  183^  et  de  la  né- 
\  cessité  de  secourir  les  hôpitaux 
pour  en  ordonner  la  fonte.  «  Les 
ouvriers  chargés  de  la  besogne 
pleuraient  d'anéantir  des  choses 
magnifiques  dont  ils  devinaient 
rim|»ortance  artistique  et  les 
touchantes  allégories.  »  Ce 
qu'on  tira  de  ce  massacre  fut 
une  somme  insignifiante.  Pour 
l'art  français,  ce  fut  une  perte 
irréparable  (1). 

C'est  dans  les  ateliers  de 
Jean-Baptiste  Claude  Odiot  que  fui  exécutée  cette  œuvre  dont  le  prix  atleignit 
plus  de  800  000  francs  (2). 

Claude  Odiot  appartenait  à  une  famille  d'orfèvres  dont  l'origine  remonte  au 
commencement  du  dix-huitième  siècle. 

Son  grand-père,  Jean-Baptiste  Gaspard  Odiot,  le  premier  orfèvre  de  ce  nom, 
qui  avait  reçu  son  Brevet  de  maîtrise  en  1720,  exerça  la  profession  pendant 
trente-quatre  ans  et  fut  le  fondateur  d'une  maison  qui  devait  fournir  toute  une 
lignée  d'orfèvres  distingués  au  dix-huitième  et  au  dix-neuvième  siècle. 

Dans  le  livre  des  Statuts  et  Privilèges  du  corps  des  marchands  orfèvres-joail- 
liers de  la  ville  de  Paris,  nous  trouvons,  parmi  les  orfèvres  en  exercice,  le  nom  de 


J.-B.  Claude  UDIOT,  en  1800,  d'api-cs  Isalicy. 
[Colleclion  E.  Mathieu.) 


(1)  n.  Bouchot,  la  Toilelle  (h  VImpéralrici',  page  l;j6. 

(2)  Eilouanl  Foucaïul,  les  Avlisans  illustres,  1841,  1  vol.  iu-S»,  page  403. 


m 


lîcri-fim  (lu   Hoi  de   ISoiiic.  ik'S>iii  nriuiiiiil  dr   I'i'ikIIhiii 
('ollcclioii  E.  Maitillc.  ("lazclle  dos  liciiux-Arls.) 


I 


—   71    - 

Jean  ('.lande  nilinl  ipii  recul  son  Itl-cNel  île  iii;iili'|sc  en  JT.'/i  el  iiKiiinil  en  I7.'><i. 
Son  sneceNvcur  lui  l'ieire  Odiol  i|ni  exere.i  |;i  |irnre>--iuii  de  IT.'tC»  .1  ITS'».  |ieii- 
danl  vin^l-neul'  an^.  ^,'e^l  a  relie  e|Mii|iie  i|iie  --un  liU  .1  \\  ('.l.iuile  (Miul,  cclin 
(Mil  ii()ii>>  iM(ii|H'  ici,  lui  sueci'da.  Son  ina;-'a^in  tdail  --ilueau  coin  de  |;i  rue  «le 
ri'!(dielle  el  de  l;i  rue  S.iiiil  lldiiore,  au  n"  I^TII...  Il  a\;iil  ;ici|iiis  ;ilorN  inn'  ii'\- 
t.iiiie    iiolol'ieleel    ri\ali--ail    a\i'c     \uu:u--le.   IdireNre   de    Loiiiv    \\l. 

l'eiidaiil  re|Mii|ue  de  la  Terii'ur,  cuiiiiiie  il  elail  mal  iiuh'  cl  crai;-'nail  di'lre 
sif;nale  coiimie  ->U^|iecl  el  iirr/'le,  il  ^  eiiL'a.Liea ,  el  re|(iiu'llll  les  ;irill(''es  de  |;i 
lU-pulilique  (|iii  o|i(''iaieiil  loin  de  l*aii~>.  Il  es|M''rail  (|ne  >on  eloi;j  lieilienl  de  |,'i 
faitilale  le   l'erail   oiihlier  :   (-"esl   ce  i|ui  ai'ri\a. 

Mai>.  en  parlaiil.  il  lie  l'erniail  |ia^  sa  maison,  en  coiiliail  la  direclioii  à  sa 
fiMunie,  el  uctii  pas  ;'i  M""  \  "' ddiol ,  comme  rallirme  le  duc  de  lai\iies  d;iiis  son 
rap|»ort  di'  ISol .  M.  (iusiave  Odiol ,  «pii  a  hieii  \oulu  ikhis  ren<eii;iier  mm-  ce  poinl . 
possède  dans  ses  arcliivcs  un  ai'le  du  I  '1  sepleinhre  \~\)-l  par  leipiel  (Ihiude  Odiol 
domiail  à  sa  remme  mie  proein'alion  pour  Ions  les  actes  se  i-ap|iorlanl  à  ses 
all'aii'cs.  La  lourmente  passc'e,  Clatnle  Odiol  re\iid  de  TaianiM'  cl  repril  la  direclion 
(!(>  sa  maison  qu'il  IranslV-ra  en  1800  rue  lii'VtMpic,  lUitlc  Sainl-Uocli,  Ti .  A  son 
ivlonr,  il  l'elronva  sa  clii'nlèli'.  que  riialulelé  el  la  pi'ndence  de  sa  femme  lui 
avaicnl  eonservée  (  I  . 

An  moment  do  ravènemont  de  ll^npire,  il  se  tronvait  lonl  pia'paiv-  pour  meltie 
à  prolil  SOS  connaissances  et  son  acIiviU'.  Le  snecès  ne  se  (il  pas  allendi-e. 


Sc;m\  à  ralVaicliir,  pai-  Odit 


L'Exposition  de  1802  le  mit  en  lumière,  et  il  partagea  avec  Auguste  la  plus 
haute  récompeuse.  Le  Rapport  du  Jury  le  signalait  en  ces  termes  :  «  Ces  deux 
»  artistes  (Auguste  et  Odiot)  ont  excité  également  l'attention  du  Jurv.  Le  Jurv 


(1)  Nous  avons  jui  i-flrouviT  un  ixirli-ait  (!.■  Claiiil.'  Odiol    dans  sa  j.-un.'sse,  qtd   nous  a  été  commu- 
uiqué  par  M.  Kmnianuol  .Mathieu,  arrirreitetit-lils  de  rorfèvro. 


—  7i2  — 


»  ne  peut  se  décider  à  faire  un  choix  entre  eux  et  leur  décerne  en  commun  la  mé- 
»  daille  d'or.  » 

Peu  après,  la  mauvaise  fortune  ayant  fait  disparaître  son  concurreut,  posses- 
seur des  modèles  qu'il  avait  rachetés  à  sa  vente,  sa  maison  prit  une  importance 
considérable,  et  sa  grande  intelligence  pratique  des  affaires  le  mit  rapidement 
dans  la  voie  de  la  prospérité  la  plus  méritée. 

Après  la  disparition  d'Auguste,  il  fut  chargé  de  compléter  le  service  de  ver- 
meil qui  avait  été  offert 
par  la  ville  de  Paris  h.  l'oc- 
casion du  sacre  de  Napo- 
l;'on  ["";  puis,  pour  les 
grands  personnages  de 
l'époque,  une  série  des 
pièces  les  plus  remar- 
quables dont  le  souvenir 
nous  est  conservé  dans 
la  collection  des  modèles 
en  bronze  qu'il  avait  don- 
nés au  Musée  du  Luxem- 
bourg en  1823  et  qui  sont 
exposés  aujourd'hui  au 
Musée  des  Arts  décoratifs. 
11  avait  une  aptitude 
particulière  pour  les  ou- 
vrages d'art  et  de  goijt; 
il  savait  discerner  les  bons 
conseils  et  s'entourer  de 
collaborateurs  adroits  et 
d'artistes  émérites.  Pru- 
dhon,  Percier  et  Fontaine 
dessinaient  pour  lui  quan- 
tité de  pièces  d'orfèvre- 
rie, ainsi  que  Moreau,  Laffite,  Cavelier,  etc..  La  liste  de  ses  clients  consti- 
tuerait l'almanach  de  tout  ce  qu'il  y  avait  de  gens  en  place  ou  titrés,  de  per- 
sonnages riches  ou  distingués  en  Europe.  L'aristocratie  qui  s'était  ralliée  à 
Napoléon,  aussi  bien  que  celle  qui  continuait  à  bouder,  et  celle  qui  se  tenait  ren- 
fermée dans  les  hôtels  du  Faubourg  Saint-Germain,  les  bancjuiers,  les  diplomates, 
les  bourgeois  élégants  qui  avaient  appris  les  moeurs  raffinées,  en  un  mot,  tous 
ceux  qui  se  piquaient  de  bon  goût,  et  tenaient  table  ouverte,  demandaient  h  Odiot 
une  orfèvrerie  capable  de  leur  faire  honneur. 


^Iiliell  de  table.  Flore  et  ZépliMe,  par  Utliot. 


—  7.*»  — 


On  floil  If  icroim.iîlrc,  ;"i  ce  niomnit  de  ri'.iii|iii(',  Its  hki-iii-s  av.iiriil  i'('C()n(|iiis 
ralliii'c  cl  le  liiii  de  Imiiiiic  ci  un  |  i,i  u' nie  i|c  I  ;iMcicn  l'c^'inn',  cl  ilc-  in;ii^<»ns  <V'l;iicn( 
l'orniccs  (|ui  ;iin;iicnl  pn,  '^,■ln-^  .incinicnicnl  en  -(Hilliir,  ^n|i|Hiilcr  |;i  c(ini|i;ir;ii- 
soH  (lc~-  niicn\  r'|Milccs  iln  lcni|i^(lc  I.diM'^  \\I.  I,:i  I.iIiIi'  surlnni  ;i\;iil  |pcriln 
(l;in^  ci'^  milieux  n  de  mi  pIcilnH'c  ilcnntciMl  iipic  cl  de  se^  s|i|cndenrs  de  |iar- 
vcmi  ».  On  s'iialiilnad  a  1  idée  (|ne  le  l'hùI  \ienl  iji'  la  nicsnre,  cl  (ju  il  y  a  de  la 
^ràcc  à  ^nli>>l  il  lier  la  <|iialile  a  la  <iiiaiililc.  (li;icc  a  dc^  t''(|iicaleiic-N,  (cjs  i|iie 
'rallcvrainl.  M""  tic  .Moiilcsson  e|  (|iie|(|iics  aiilrc^  |H'rs()nna;jes  <lisl  iii;jn(''v,  on 
(•icnprcnail  (iniin  coiiNcrl,  |M)iir  ("-Ire  an  |M)iiil,  ne  doit.  |ias  s'eniharra^^cr  des 
acrninnlal  imis  hàlardc^  (inOii  a\ail  mics  s"(''lalcr  sous  le  Ihreclojre,  cl  (les 
sol  t  es  ari^cnlci'ics 
([ntui  a\ail  si  fort 
adniiret's  à  rorii^inc. 
Le  lv|>('  conl'oflablc 
dinu'  salU'  à  l'iaii^cr 
d'alors  n'osi  ni  poni- 
pcioiiiic,  ni  (''lrns(|no 
absoluiiKMit,  mais  or- 
née de  si  lies  de  Ions 
reposés  el  limpides, 
sans  troj)  de  meuliles, 
ni  de  niat(''ri(d.  La  la- 
bié est  ronde,  snp- 
portée  par  des  elii- 
mères  ondes  sphinx, 
eouverte  d'nne  nappe 
de  Saxe,  passée  an 
cylindre,  brodée  au 
chiffre  du  maître.  Au 
centre  est  la  jardi- 
nière d'argent,  grande  corbeille  supportée  par  des  cariatides  sévères,  en 
ronde  bosse,  posées  elles-mêmes  sur  un  socle  à  bas-reliefs  carré  ou  octogone, 
et  qui  sort  de  chez  le  bon  faiseur,  c'est-à-dire  de  chez  Odiot.  Elle  est  garnie 
d'hortensias;  puis  voici  les  flambeaux,  dont  les  branches  se  terminent  souvent 
par  des  têtes  égyptiennes,  et  dont  les  pieds  s'appuient  sur  des  grifîes  de  lion. 
Les  seaux  à  rafraîchir,  dont  l'orfèvre  a  fait  reluire  à  tel  point  le  métal  sous 
les  coups  du  brunissoir  que  les  convives  y  peuvent  voir  leur  image  se  refléter, 
sont  disposés  en  bonne  place,  avec  les  assiettes  de  porcelaine  de  Sèvres  qui  ont 
remplacé  celles  d'argent  de  jadis,  car  Napoléon  veut  faire  produire,  w  sa  » 
manufacture.  En  définitive,  toute  maison  «  montée  »  de  cette  époque  doit  pos- 


Siu-ritT  de  lahlo,  par  Odi(it. 


74  — 


séder,  de  par  l'étiquette,  presque  autant  de  vaisselle  que  sous  Louis  XV,  au 
moins  trois  serviees  complets  de  cinquante  personnes,  cent  cinquante  tasses 
et  soucoupes;  deux  laitières;  quatre  surtouts  et  dix  cabarets;  douze  jeux  de 
verre  en  cristaux  de  Bohème  et  cai'afons  assortis.  Les  li''guniiers   sont  d'argent 


Porli-aif  fie  BIENNAIS,  orl'èx  rc  de  l'iùiipereur. 

et  exécutés  par  Odiot  sur  les  dessins  de  Percier.  L'argenterie  se  complète  par 
les  couverts  ordinaires  et  les  couverts  de  dessert,  les  uns  et  les  autres  de  ver- 
meil en  dorure  au  feu,  gobelets  à  liqueurs,  sucriers,  cafetières,  huiliers  et  pots 
à  oille  (l). 

Il  serait    impossible  de   dire  tous    les  grands  ouvrages   d'orfèvrerie   que   fit 
Odiot  entre  les  années  1808  et  181  4.  Il  était  tellement  accablé  de  travaux,  que  son 


(1)  Henri  Doucliot,  le  Luxe  français  sous  CEmpvc,  page  HO. 


y 


—  77 

(viiiilr   l>ic;iii;iis  ciil   assez,  «le  i|ii(ii   Ciiic  a\rc   la    rlinilflc  <|n  il   iir  ^iillil  |»a*%  a  coii- 
Iciilcf. 

l  II  liiiiiiiiii'  in!  l'ii'sv.iiil  (|iif  <•(•  l>iciiiiais  !  "  Il  t''lail  faliricaiil  ili'  in'rcssairrs  cl 
(le  lalilcl  Icnc,  l(ir~>(|ii('  lH)iia|iarlc  |iai'lil  |i(iiif  rr\|MM|il  khi  d  I!;j  \  jitr.  I.c  ;.'i'ilt'l'al  cil 
clicl  ne  |uiii\aiil  |>a\iT  cniiiiil  an!  le  !ll•l•(■-^sail•(•  de  \(i_\a;-'('  i|ii  il  a\ail  ri  iiiiiiiaicl*'  a 
l'wciiiiais,  ccliii  Cl  lui  lil  ci'cilil,  !•!  ce  lut  la  source  de  sa  loi'liuic.  I)iiiia|iai  le,  di\eiiii 
eiii|iereur,  lui  lil  faire  île  i;raiides  roiiriiil  lires  de  inciililes,  de  lalild  lerie  el  de  ik'-- 
cessaires,  non  seiileiiieiil  pnur  lui,  mais  |i(Mir  liuis  les  siens.  Le  succès  j'eiicoiira- 
lîiMiil,  a|>rès  a\(iir  lail  exi'-culer  ses  lra\aii\  clie/.  (c'iiu,  rue  des  l'^ossi-s-Saiiil - 
(ie  ri  lia  il!  1'  \ii\eia'(iis.  il  fiiiida  lui  iiK^'iiie  une  taraude  t'altrii|ue  dOrl'eN  rerie  (  I  ).  -  Le 
duc  de  LiiNiies,  aui|uel  i"eiii|>riiiile  ces  delails,  a|()Ule  i|U  il  r(''Ussi|  ;i  v"y  placer 
presi|ue  au  iiii'iiie  ranu  (|irOdi(il,  el  (|iril  y  |(»i,i:nil  la  In  ji  lulei-ie,  la  |(iaillerie  cl  la 
raln'icali(Ui  des  creix  dcu-dres,  sjnis  aliaiidiniiier  les  indiisl  ries  (|iii  axaient  cinii- 
inenct'  sa  lorluiie.  A  ri'A|)(>sil  idii  de  l(S()(i,  il  iiiontia.  eiili-e  autres  olijets.  une  1res 
l'iclie  s(Mi|nere  dessiin'-e  par  l*ercier  el  JMnitaine  |i()nr  riiup('i'al  l'ice  .los{''p|iiiie  :  h; 
pieil,  en  Inriui'  de  (  liapileaii  cnriiit  lii(ni,  reposait,  -air  un  so(de  ocloi^oiie  oriM-  de 
l'euillaLîfs  el  di'  j^nirlandes  ;  sur  la  panse,  des  l'eninies  ai;('iiouill(''es  soiileiiaient  le 
cliilVre  citiironiit' de  ,los 'pliiiie,  tandis  que  les  anses  (Haieiil  l'oiaïK-es  par  d'autres 
l'eniines  t'ii^ai^c'es  à  ini-i't)rps  dans  des  l'euillai^cs.  L'cxcculioii  de  ceLtc  l)cll('  pièce 
('tait  |*aiTaite.  Nous  en  avons  doniu'  la  reprodiielion  à  la  pa^ic  .')(),  d'après  le 
ilcssin  ori^^'inal  de  IVn-cier. 

Sur  ["oi-fèvia^  Ulennais,  la  HiMiothèipie  de  riiiiion  centrale  des  Arts  décoi-alifs 
possède  un  dm-nnient  assez,  pi'.'cieux  ;  e'esl  un  alhnni  des  dessins  el  cro(piis  d'on- 
vi'ages  laits  on  i^rojetés  par  lui,  la  plupart  destinés  à  Napoléon  «  l'jnpereui'  et 
roi  »  ;  011  y  trouve  Tense-gne  de  sa  maison  que  je  transcris  ici. 

liicmi'i/s,  au  «  Singe  violet  »,  tie)it  fabrique  d"  orfèvre  rie,  ébéuisterie  et  tabletterie, 
rue  Saiiit-IIojioré,  n°  283,  Pots  à  aille,  terrines,  plats ^  assiettes,  casseroles,  salières, 
moutardiers,  sauciè/rs,  huiliers,  boules  à  eau,  seaux,  cloches,  dessous  de  bouteilles, 
étiquettes  à  vin,  argent  et  vermeil,  émail/ées,  porte-liqueur,  grille  à  pain,  porte-rôti 
et  généralement  tout  ce  qui  concerne  le  service  de  table,  tout  en  vermeil,  seringue, 
bassinoire  et  généralement  tout  se  traite  à  l'orfèvrerie,  le  tout  ciselé  d'après  l'antique 
et  aux  ornements  étrusques.   Tabatières  d  or  et  d'argent,  porte-crayon,  etc. 

La  Bil)liothèque  de  l'L'nion  Centrale  possède  également  un  document  précieux. 
C'est  une  facture  originale  de  Biennais  pour  fournitures  faites  à  l'Impératrice 
Joséphine,  l'enseigne  dont  nous  avons   donné  la  reproduction   page  75,  fut  cer- 


(1)  Duc  de  Liiyiie?,  R'tpporf  sur  l'industrie  des  me'iau.r  précieur  à  l'Exposilion  de  ISul,  page  5S. 


—  78  — 

taincmcnt  dessinée  par  Percier,  et  dont  la  composition  ne  manque  pas  de  saveur, 
servait  d'en-tète  à  la  facture  de  Bien  nais. 

Ces  dessins  d'un  fini  et  d'une  précision  remarquables  sont  vraisemblablement 
d'un  architecte,  mais  ne  sont  pas  sip^nés,  et  portent  de  la  main  de  Biennais  cette 
mention  naïve  :  J'appartiens  à  Binmais.  Mais,  s'ils  ne  portent  pas  la  si^niature  de 
Percier  qui  travaillait  pour  Biennais,  ils  ont  été  certainement  dessinés  par  lui  ou 
par  ses  élèves.  Les  pièces  d'orfèvrerie  qu'ils  représentent  ont  été  toutes  ou  presque 
toutes  exécutées. 

Nous  en  avons  reproduit  un  certain  nombre  qui  montrent  bien  le  caractère  et  le 
style  du  Biennais.  Ces  dessins  sont  intéressants  par  les  annotations  qui  les  accom- 


,/!j©-^^5^/?<!:^ 


Ifl'TTTTTl' 


Encrier,  (inni-e  de  Biennais. 


pagnent;  en  voici  un  par  exemple,  qui  est  le  projet  d'une  écritoire  destinée  à  être 
offerte  à  l'Impératrice  Marie-Louise  après  la  naissance  du  roi  de  Rome  :  il  repré- 
sente assise  au-dessus  d'un  soubassement  une  figure  couronnée  à  laquelle  une 
Victoire  offre  des  couronnes.  Sur  le  soubassement  est  un  bas-relief  dont  une  note 
nous  fournit  la  description  :  «  Sa  Majesté  l'Impératrice,  qui  vient  de  mettre  au 
monde  l'auguste  enfant  tant  désiré  par  la  France,  le  regarde  d'un  amour  maternel; 
alors,  toutes  les  douleurs  de  l'enfantement  disparaissent  et  sont  remplacées  par 
les  grâces  qui  se  répandent  sur  son  visage.  La  France,  qui  tient  l'enfant,  le  donne 
à  Esculape,  dieu  de  la  santé;  à  côté  de  ce  dieu  est  Minerve,  déesse  de  la  Sagesse, 
qui  doit  former  son  éducation.  x\  côté  de  Sa  Majesté  est  Lucine,  déesse  qui  préside 
aux  heureux  accouchements,  et,  près  du  piédestal  sur  lequel  est  une  cassolette 
où  brûlent  des  parfums,  est  un  génie  sonnant  de  la  trompette  pour  annoncer  cet 
événement.  »  Et  l'orfèvre,  satisfait  de  ces  lignes  descriptives,  signe  le  projet 
comme  tous  ceux  qui  sont  dans  l'album  :  Biennais,  orfèvre  de  S.  M.  l Empe- 
reur-roi. 

Il  y  a  beaucoup  d'écritoires  dans  cette  curieuse  collection  de  dessins,  et  l'or- 


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N"  1.  Encrier  de  l'iiiipi'-ratrioe  Maric-Leuiso, 
N°  2.  Encrier  de  1  Empereur  Napoléon  !"■. 

{Dessins  de  ralbuni  de  Biennais.) 


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Fontaine  exécutée  pour  Napoléon  I' 
{Dessin  ilc  r.ilhinn  de  Bienniiis.) 


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Salières  et   moutardiers. 
Dessins  <ie  i;)lhiim  de  lUenn.iis.'^ 


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Soupière,  cloehe  et  réeliaud.  ><iUR'ières  et  calelières. 
Dessins  de  Valhum  de  liiennuis.) 


H7  — 

IV-M'C,  t''\i(liMiiiiiciit ,  iliil  en  r,iliiii|iii'i-  (Ic-^  i|ii;iiil  ili'^  |i(iiir  l;i  miir.  In.  ciitic  .'mires, 
(|iii  ('-.I  |i(iiir  I  r.iii|i(i('iii-,  ic|iii'>iiilc  mil'  IciiiiiM'  ili'lioiil  sur  un  |iii-i|c-l;il  cl  Icii.'iiil 
,11  iiiMiii  li'-~  li.ilaiiri'^  (le  la  .lii'-iirc  cl  la  coinc  (je  1' \l loiida iicc  a  SCS  pieds,  deux 
aiili'i's  rciiiiiics  son!  as-,!  se  s  ;  l'iiiic  (''rril  siir  des  lahli'lles  les  la  s  les  ijii  jn-fos,  l'îiiilre 
siMiili'   de    la  I  i-(>iii|icllc.   Sur  le   |iicde^lal  i|iie   suriiK  ml  cul    Icv  jiu^ics   de   j  j|(i|iilal, 


Taille  de  loilelte  et  ses  accessoires 
[Dessin  de  l'iilbum  de  Bicnnnis.) 


di}  Sully,  de  d'Agiiesseau  et  de  Colbert,  est  un  bas-relief  montrant  Napoléon  assis 
ail  milieu  de  personnages  qui  symbolisent,  d'un  côté,  les  travaux  de  la  paix  et  des 
arts,  de  l'aulre  les  nations  de  l'Europe  prosternées  devant  l'Empereur  ou  accou- 
rant pour  lui  rendre  hommage. 

11  faut  citer  encore  comme  pièces  d'orfèvreries  exécutées  ou  non,  et  figurées 
dans  le  même  recueil,  des  modèles  d'un  service  de  table  destiné  à  rimpératrice, 
un  motif  de  milieu,  des  fontaines  à  thé,  en  grand  nombre,  et  quelques-unes  d'un 


-  88  - 

joli  goût,  des  théières  bizarres,  des  cassolettes  à  parfum,  une  salière  double,  re- 
présentant une  Diane  qui  tient  un  arc,  juchée  sur  un  plateau  que  supportent  quatre 
petits  génies,  un  huilier,  orné  de  la  couronne  impériale,  et  qui  figure  une  Cérès 
colossale  autour  de  laquelle  de  petites  figures  en  relief  offrent  des  palmes  :  Quoi 
encore?  des  ustensiles  de  toilette,  des  boîtes  à  pâtes  et  des  boîtes  à  poudres, 
dont  une  est  décorée  d'un  bas-relief  représentant  un  mariage  dans  l'antiquité,  avec 
des  femmes  en  théorie,  qui  apportent  des  parfums  ou  jouent  à  des  instruments... 
toute  la  série  des  emblèmes  en  vogue  y  passe.  Biennais  n'avait  pas  Prudhon  sous 
la  main  pour  vivilier  de  son  souffle  aimable  ce  corlège  olympique,  ces  paraphrases 


Ba>-ic'iii'r  de  Dlipi'é,  u'iuic  tic  liioiiiiaiî^. 
{Collection  lienuird  Franck.) 

ornementales  d'une  anli(iui(é  maussade  Iraduitc  dans  des  modèles  laborieusement 
courus  |)()ui'  plaire  aux  goûts  du  moment. 

Mais  il  ne  faut  pas  un-dire  de  tout  ce  (|ui  est  sorti  des  mains  de  Biennais.  Nous 
avons  exti-ail  de  l'album  du  .Musf'-e  des  Arts  décoratifs  un  certain  nombre  de 
pièces  d'apparat  aux  formes  architectui-ales  et  précises,  telles  que  les  huiliers  et 
les  moutardiers  qui  figuraient  à  cette  époque  sur  les  tables,  plutôt  comme  déco- 
ration (pie  comme  pièces  d'usage,  et  dont  l'exécution  devait  être  particulièrement 
précieuse;  d'antres  plus  simples  représentées  dans  la  planche  n"  80  :  soupières, 
salières,  cafetières  et  réchauds  qu'on  retrouve  encore  aujourd'hui  dans  les  familles 
qui  ont  conservé  avec  soin  les  orfèvreries  de  cette  époque. 

De  son  premier  métier,  Biennais  était  ébéniste  et  tabletier;  il  fabriquait  des 
nécessaires  et  des  objets  de  toilette,  et  nous  n'avons  pas  trouvé  sans  plaisir  le 
dessin  d'une  toilette  en  bois  précieux  munie  de  tous  ses  accessoires  :  aiguière, 
boîte  à  pommade,  boîte  h  mouches,  coffre  à  bijoux,  girandoles,  etc.,  qui  nous  ont 
paru  de  nature  à  donner  la  note  de  la  multiplicité  de  ses  aptitudes. 

Si  l'intéressant  recueil  des  dessins  de  Biennais  que  possède  le  Musée  des  Arts 
décoratifs  reflète  bien  l'esprit  des  orfèvreries  de  Biennais,  les  pièces  exécu- 
tées sont  rares,  et  le  Musée  centennal  ne  nous  a  offert  qu'une  seule  pièce  sortie 
de  ses  ateliers.  Mais  nous  avons  trouvé,  dans  la  collection  si  bien  choisie  et  si 
intéressante  de  M.  Bernard  Franck,  des  pièces  exécutées  par  Biennais,  qui  ont 


89 


Miroir  à  main  de  Josépliinc,  navette  de  Marie-Lo\iise,  œuvres  de  Biennais. 

[Collection  Dernaril  Fnuicli.) 


Glaives  et  épécs  de  liiennais. 
[CoUeclion  du   Musée  des  Artx  dèronitifs. 


Ijliw 


\ff. 


—  03  — 


j^ 


une  \nli'iir  liis|nii(|iii'.  Tel  c^l   le  iinidii'  .1  111:1111  de  .l()-('|i|iiiic.  \.c  (•jhIit  i|r  la  ;.'la('(; 

l'sl  siiniioiilc  (I  un  ;m;:I('  i|Mi  I  icul 

la  loutirc  l'I  le  niauilic  -<(•  I  ci  mine 

par  un  autre  ai;^le  doul    le^  ailes 

(le|il(i\  ces  are()iii|ia,i^iieiil  la  iiioii- 

lure  el    reileaiireilieiil  .   Sui'  le  l'c- 

\  ers,  une  |ilai|iie  riileiiienl  ciselée 

el    rejionssiM'   |t(irle   le  eliilVre  de 

,l(>si''|)liine  en!  oiire  de  ciiriies  d'a- 

lioiidance. 

Telle  encore  est  la  na\el(e 
iWn-  i|ni  l'ail  |>arlii'  d'un  ni'ces- 
saire  de  pel  ils  oui  ils  |)(iiir  le  Ira- 
\ail  ;i  l'ai^nille.  Le  eell'ret  en  hois 
des  îles  esl  (h'cori''  de  |)alnielles 
(rar^cnl  inerush'M's,  el  an  eenlre 
un  lias-relief  de  |)n|n'('-.  Viyj;o  S(S. 

Par  remploi  des  ai'lisles  lia- 
l)iles   lie  son    leiups,    des   seulp- 


Flanibean. 
{Collection  Artiis.) 


Candélabre  à  cinq  lumières. 
[Collection  Bethman.) 

teurs  ou  des  médailleurs  célèbres  comme  Du- 
pré,  Biennais  était  un  précurseur  et  montrait 
tout  l'intérêt  que  pouvait  avoir  la  collaboration 
des  sculpteurs  aux  œuvres  des  orfèvres. 

Telle  encore  est  l'épée  de  gala  en  or  ciselé 
de  l'Empereur  Napoléon,  que  nous  avons  repro- 
duite à  la  page  40  et  que  possède  le  Musée 
des  Arts  décoratifs.  Le  travail  en  est  parfait, 


—  94  — 


l'ajustement  précieux  et  la  ciselure  admirable.  Cette  œuvre  de  haut  goût  nous 
initie  à  la  perfection  de  tout  ce  qui  sortait   de  l'atelier  de  Biennais, 

Dans  ce  môme  album  se  trouvent  plusieurs  projets  d'armes  de  luxe  faites  pour 
l'Empereur  ou  pour  les  membres  de  sa  famille.  Les  dessins  sont  d'une  précision 
remarquable  et  semblent  avoir  été  exécutés  par  Percier  ou  sous  sa  direction. 

Les  vitrines  de  l'Exposition  cen- 
tcnnale  étaient  riches  en  orfèvrerie  de 
ré|)oque  impériale,  on  y  a  pu  voir  des 
pièces  typiques  d'Auguste,  d'Odiot,  de 
Biennais, 

Les  collections  Artus,  baron  de 
Bethman,  comtesse  Bréveau  de  la  Gar- 
die,  Goldschmidt,  Lebaudy,  Odiot,  Pil- 
let-Will,  Roseml)erg,  etc.,  avaient  ap- 
porté une  large  contribution  d'œuvres 
d'orfèvrerie  de  cette  époque,  qui  ont 
permis  à  tous  les  visiteurs  attentifs  de 
se  rendre  compte  avec  exactitude  et 
d'une  manière  assez  complète  de  ce 
que  fut  l'argenterie  au  début  du  dix- 
neuvième  siècle  :  l'Argenterie  de  Napo- 
léon 1". 

Parmi  les  pièces  exposées,  nous 
trouvons  une  soupière  appartenant  à 
M.  le  baron  de  Bethman.  Elle  fut  exé- 
cutée par  Biennais  sur  les  dessins  de 
Percier.  C'est  une  répétition  de  celle 
qu'il  avait  faite  pour  Joséphine,  dont 
nous  avons  donné,  à  la  page  36,  la 
reproduction  d'après  un  dessin  de  Per- 
cier. Celle-ci  est  identique  déforme; 
le  bas-relief  du  corps  de  la  soupière 
est  le  môme;  le  chiffre  de  Joséphine 
a  été  remplacé  par  une  gerbe  d'épis  de  blé,  le  couronnement  est  dilTérent. 
Le  pied  de  la  soupière  est  surélevé  par  une  embase  à  galerie  décorée  de  palmettes, 
et  le  socle  à  huit  pans  décoré  dans  sa  partie  centrale  d'un  fin  bas-relief  repré- 
sentant une  scène  nuptiale.  L'architecture  domine,  c'est  construit,  mais  ce  n'est 
pas  aimable,  et  la  statuaire  froide  et  rigide  du  temps  se  ressent  trop  des  principes 
que  David,  dans  son  ardeur  de  se  débarrasser  de  tout  ce  qui  restait  de  l'ancien 
régime,  avait  mis  à  la  mode. 


Soniau  ar. 
IColleclion  Pillel-Will. 


05  — 


D.iii-,  |;i  lollrclidii  (If  M.  (If  (IdliUcliiiiidl  lions  lr(iii\(uis  un  miliiMi  i|i'  l.ililf 
(•iiiii|Mi>f  ;i\ff  (Ifs  ri;jiirfs  de  rfiiiiiifs  (lr;i|)<''fs  |i()i'l:iiil  une  coilic illc  ;i|(iiirff  cl 
(III  ciihlf  IiiIhc  ;i  iiih|  liiiiiifi-fs  sii|i|i()r(f  «-s  |),'ir  (les  lir.iinlif  ^  -c  ti'iiiiiii.iiil  par  des 
liuiiicN  (If  s|(|iiii\  ailf--,  iiis|)ir(''('s  par  le  soiisfiiir  de  la  faiiipai^iic  d  l,^'\plf.  I)f  la 
iin"'iiif  fpdipif  fsi  le  ll.iiiilifaii  diiiil  If  lui  a  paii>  c-^l  (l(''c()r(''  ail  soiiiiiift  'le  liois 
((''Ifs  t''^\plif iiiifs. 

Tdiilf  >  ces  (f  ii\  l'f  >  Mtiil  aca- 
(liMiiiipifs  fl  sacnlifiil  liifii  plu-- 
à  riinilalKui  d'tiiif  aiiliipiilf  mal 
coinpiasf  (pi'a  la  faiilai'-if  aiiiialilf 
f  I  >(''(liii>,iiitf  (pii  a\ail  fie  peu  - 
(la lit  si  Idiiuif iiips  rii(Hiiifiir  de 
ItH'lV' \  l'f  rif  iVaiicaisf.  Les  ailisifs 
du  dix  -  liiiilif  iiif  si('clf  a\aifiil 
peut-être  e\a;^(''ri''  le  lùle  de  la 
fniilaisie,  mais  ils  eomiM'eiiaieiil 
mieux  les  diH)ils  de  res|»i'il  et  la 
li''i;il imité  du  eaprie(>. 

l*aul  Maiit/.  riiomme  de  poiil, 
l'iM-udit,  K>  lin  lellrc',  (jui  expri- 
mait SCS  idées  avee  un  charme  si 
pcuctrant,  et  cpii,  dans  ses  re- 
ehcrcdics  sur  l'orlevreric  IVaii- 
(;aise.  puhlii'cs  dans  la  (iazctlc  des 
Bcaux-Ar/s,  a  réuni  les  documents 
les  plus  intéressants  sur  cette 
ép()(jue,  s'exprimait  ainsi  : 

«  Que  la  table  où  vous  vous 
»  asseyez  tous  les  jours,  que  le 
»  dressoir  où  brille  dans  sa  pro- 
»  prêté  reluisante  votre  modeste 
»  argenterie,  que  la  salle  où,  les 

»  pieds  sur  les  chenets,  vous  échangez  avec  vos  amis  les  propos  familiers,  que 
»  tout  ce  qui  vous  entoure,  en  un  mot,  vous  tienne  en  joie  le  regard  comme  le 
»  cœur,  en  ajoutant  au  vase  où  vous  buvez,  au  flambeau  qui  vous  éclaire,  à  la 
»  montre  qui  vous  dit  l'heure,  l'indispensable  appoint  de  la' grâce.  Des  géné- 
»  rations  entières  ont  vécu  sur  cette  idée,  elles  lui  ont  du  non  le  bonheur  mais 
»  un  peu  d'oubli.  Les  orfèvres  qui  ont  travaillé  pendant  les  vingt  premières 
»  années  de  ce  siècle  ont  trop  dédaigné  cet  art  qui  consiste  à  charmer,  à  con- 
»  soler  la  vie;  ils  ont  prétendu  mettre  la  majesté  où  elle  n'a  que  faire,  et  dans 


Milieu  de   table. 
^Collection  Gohlschinidt.) 


—  96  — 

»  la  raideur  gourmée  de  leurs  conceptions  solennellement  copiées  d'après  des 
»  modèles  qu'ils  n'ont  pas  compris,  ils  ont  visé  au  style,  et  ils  sont  arrivés  à 
»  l'ennui  (1).  » 

Le  jugement  est  sévère.  Il  n'est  pas  moins  vrai  <iue  les  artistes  qui  ont  pro- 
voqué, entretenu  et  développé  le  goût  du  public  vers  un  retour  aux  formes  et  aux 
décors  de  l'antique,  sont  arrivés  à  créer  un  style  dont  la  sévérité  ne  manque  pas 
de  noblesse,  et  dont  les  spécimens  que  l'on  reirouve  aujourd'hui  ont  le  don  de 
charmer  encore  les  amateurs  contemporains. 

Plaise  au  ciel  que  les  artistes  du  vingtième  siècle  qui  commence  soient  aussi 
heureux  que  ceux  du  dix-neuvième,  pour  rencontrer  avec  cette  unité  de  vue  qui 
fit  jadis  notre  force,  une  volonté  supérieure,  et  des  hommes  assez  bien  inspirés 
pour  donnei"  à  notre  éjxxpie  un  style  qui  soit  capable  de  provoquer  et  de  retenir 
l'admiration  de  nos  an'ière-neveux. 

(1)  Paul  .Mautz,  «  Hccherc'tas  sur  l'Orfèvrerie  française  »,  Gazelle  des  Ikaux-Avls,  tuuie  XII,  page  254. 


Soupière  de   Bieniiais. 
{Collection  BeUiinan.  —  Musée  centennnl.) 


'1\'U'  (If    |. ;(;:>•   .lu    l.iMT    (lu    Sacre  de   Cliarlo  X. 
(<.',i /»//(('/   (/.'.s-  l\sl;iiiiiii'S.) 


CllAriTUE   DEUXIEME 


La  Restauration  (de   1 8 1 5  à   i83o) 


A  la  ('oiir  (!<'  Louis  XVIII  :  ni  IV'Jcs,  ni  art.  —  La  (lii<*h(vss(3  de  Iî<'i*i*y. 
—  L'Oi'l'èviM'rie  aux  cxposilions  (!<'  rindusli'ic,  ISIO  cl  iS2.*{.  — 
Odiol  pèi'c.  —  i^aliici'  cl  Faucoiniior.  —  Sacre  de  Chai'h's  \.  — 
Faux  ii<)llii(|uc  cl  fausse  renaissance.  —  Le  succès  du  «  plaqué  », 
cxposHion  de    1827.  —  Odiol  fils,  et  le  ttoùl   aniilais. 


•.     ■    1 


;t^  Cj:.:   4<jj  r^ 


E  l'oi  Louis  XVill  n'avait  pas  rapporlr  de  It'xil  les 
élégances  de  l'ancienne  cour  de  France.  La  petite 
table  de  bois  blanc  dont  il  s'était  fait  suivre  dans 
ses  pérégrinations,  et  qu'il  s'empressa,  une  fois  in- 
stallé aux  Tuileries,  de  mettre  en  bonne  place  pour  y 
ranger  soigneusement  ses  livres  au  milieu  des  splen- 
deurs du  cabinet  de  travail  de  Napoléon,  montra 
tout  de  suite  à  ses  familiers  quel  dédain  pour  le  luxe 
éprouvait  le  nouveau  monarque  à  l'esprit  philosophe 
et  sceptique.  Pour  lui,  les  objets  d'art  allaient  du  bracelet  en  cheveux  jusqu'au 
globe  recouvrant  des  Heurs  en  papier.  A  coup  sur,  ses  vues  personnelles  ne  le 
disposaient  guère  k  adopter  les  idées  de  son  impérial  prédécesseur  sur  la  néces- 
sité gouvernementale   de  favoriser  les   industries  somptuaires.   D'ailleurs  eùt-il 


'^#îi-;?îhï^¥'-  ;-■ 


—  98  — 

professé  les  mêmes  opinions  qu'il  aurait  été  fort  embarrassé  de  les  mettre  en 
pratique  :  d'abord  les  finances  de  la  France  étaient  trop  appauvries;  ensuite 
c'était  une  règle  pour  le  nouveau  régime  de  prendre  en  toutes  choses  le  contre- 
pied  de  ce  qui  s'était  fait  sous  l'Empire. 

Au  début  du  règne,  cependant,  il  fallut  bien  consentir  à  quelques  dépenses 
de  transformation  dans  le  palais,  gratter  les  emblèmes,  demander  à  Odiot  ou  à 
Biennais  de  remonter  les  tables  royales  de  vaisselle  plate,  et  faire  disparaître 
les  effigies  trop  abondantes  et  les  devises  du  «  général  réjudjUcain,  de  l'usur- 
pateur Bonaparte  »,  qui  apparaissaient  partout,  sur  les  assiettes,  sur  les  surtouts, 
les  écritoires,  les  mille  ustensiles  d'usage  intime  éparpillés  dans  toutes  les 
chambres  des  Tuileries.  On  se  borna  à  l'indispensable,  rafistolant  tant  bien  que 
mal  ce  qui  existait  déjà,  continuant,  quoi  (|u'on  en  eût,  les  formes  empruntées 
aux  architectes  Percier  et  Fontaine,  alourdies  et  dénaturées  par  des  imitateui's 
sans  talent.  Le  dessinateur  Lafilte  suffisait  à  cette  tâche,  et  donnait  de  temps  à 
autre  le  modèle  d'une  aiguière,  le  profil  d'une  buire,  où  l'on  retrouvailles  prin- 
cipes de  l'excellent  enseignement  de  son  maître  Vincent,  et  qui  rappelaient  le 
dessin  correct  et  délicat  de  Percier.  Mais  combien  rares  étaient  les  occasions  pour 
les  orfèvres  de  se  faire  valoir  à  la  cour!  Bien  (|ue  Louis  XVIII  eut  conservé  Pu- 
sage  des  «  graiuls  couverts  »  et  (|ue  des  dîners  d'apparat  fussent  donnés  parfois  au 
palais,  ces  cérémonies  restaient  mornes  et  les  décorateurs  n'étaient  point  conviés 
à  s'efforcer  de  leur  donner  de  l'éclat.  Le  l'oi,  absorbé  par  les  préoccupations  poli- 
tiques, rendu  morose  par  les  infirmités,  évitait  les  occasions  de  se  produire. 
Quant  à  la  noblesse,  composée  d'anciens  émigrés  qui  en  étaient  restés  aux 
colifichets  de  leur  jeunesse,  et  qui  n'admettaient  rien  de  ce  qui  ne  datait  pas  de 
l'ancien  régime,  elle  ne  s'intéressait  pas  à  l'industrie  contemporaine,  et  déni- 
grait tout  ce  qu'elle  ne  pouvait  se  dispenser  d'acheter. 

Par  bonheur,  dans  cette  cour  «  sans  reine,  sans  goût,  sans  grâce,  une  mi- 
gnonne princesse  italienne,  tombée  tout  à  coi^  comme  une  pupille  gâtée  chez  de 
vieilles  gens  »,  vint  apporter  le  rayonnement  de  son  esprit  enjoué,  et  de  ses  goûts 
d'artiste.  Ce  fut  la  duchesse  de  Berry.  Dès  son  arrivée  en  1816,  elle  devint  l'idole 
de  Paris  qui,  suivant  le  mot  du  baron  de  Fremilly,  «  en  fut  aussi  amoureux  que 
son  mari,  ce  qui  n'était  pas  peu  dire  ».  Cette  blonde  Napolitaine,  avec  la  splendeur 
de  son  teint,  ses  cheveux  soyeux,  ses  traits,  point  jolis,  mais  égayés  par  le  sourire 
de  sa  lèvre  presque  toujours  ouverte,  était  la  bonté  et  la  bienveillance  même.  La 
résidence  du  duc  et  de  la  duchesse  de  Berry  était  l'Elysée.  La  jeune  femme  sut 
s'y  créer  une  petite  cour  aussi  aimable  que  l'autre  était  austère  et  chagrine.  Le 
lourd  fardeau  de  l'étiquette  ne  pesait  que  très  peu  sur  eux.  «  Les  deux  époux,  dit 
»  M.  Imbert  de  Saint-Amand,  se  mêlaient  à  tous  les  incidents  agréables  de  la  vie 
»  parisienne,  aux  fêtes,  aux  premières  représentations;  ils  fréquentaient  les 
»  petits  théâtres,  ils  visitaient  les  ateliers  des  principaux  artistes  qui  reconnais- 


—  m  - 


u  siliciil  dans  le  dm'  le  cmii)  il'tiil  (11111  \  l'rilaMc  expert.  La  diicliesso  pei^Miait,  et 
w  Miii  mari  passait  de-^  lieiiic-^  a  priiiilre  a  r('ilt'  d  rllr.  Ccllr  \ic  Irampiille  et  l)ieil 
o  rciiiplic  par  le^arls  cl  la  liieiiraisaiice  les  reiiilait  loiis  driix  p(»|iiilaires  '  I ).  » 
(,Jli  iiid  la  princesse  sorlail  en  \iHliirc,  clic  l'aisail  arrêter  ccllc-ci  a  cliaipic   in^taiiL 


^■^ 


La  Duchesse  DE  15EURY,  en  costume  de  chasse. 
[Miiiiulure  d'Isabey.) 

devant  les  boutiques  où  elle  entrait,  et,  au  retour,  les  laquais  avaient  peine  à  en 
extraire  les  objets  qui  y  avaient  été  entassés.  Ces  sorties  étaient  ce  que  les  douai- 
rières du  faubourg  Saint-Germain  appelaient,  «  les  dissipations  de  Madame  ».  Dans 


(1)  hiibort  de  Saiiil-Amand,  la  Cour  de  Louis  XVIIl,  1891.  1  vol.  in-40,  pnge  406. 


—  100  — 

sa  demeure,  au  palais  de  l'Elysée,  au  pavillon  de  Marsan,  ou  bien  au  château  de 
Rosny,  construit  pour  elle,  les  objets  d'art  du  temps  passé  s'amoncelaient  : 
vieux  meubles,  orfèvreries  anciennes,  boîtes  d'or  venues  de  Louis  XVI,  boîtes  à 
mouches  de  M'"'  de  Pompadour,  que  lui  avait  offerts  le  roi  Louis  XVIII,  tabatières 
peintes  parGreuze,  cassolettes,  nécessaires,  tout  un  assortiment  d'antiquités  véné- 
rables ou  élé{4antes  qui  témoignaient  de  son  goût  très  personnel,  car  le  bric-à-brac 
n'était  pas  encore  inventé  ;  mais,  en  cela,  elle  fut  une  initiatrice.  C'est  elle  d'ailleurs 
qui,  en  toutes  choses,  donnait  le  ton  à  la  mode.  On  vantait  ses  services  de  table, 
«  son  incomparable  vermeil  »  qu'Odiot  avait  exécuté.  Ce  fut  elle  qui,  toujours 
accueillante  pour  les  artistes  et  disposée  à  encourager  l'originalité,  prit  sous  sa 
protection  l'orfèvre  Fauconnier,  et  contribua  à  le  lancer. 


Déieiin.cr  en  vi-rnieil  ollVi-L  par  la  Ville  de  Paris  à  la  cli>cliesse  de  Berry, 
[Dessin  de  Cavelier.  OEiivrc  de  Claude  Odiol.) 


L'inlluence  du  duc  et  de  la  duchesse  de  Berry  aurait  pu  être  heureuse  pour  les 
arts,  si  elle  avait  pu  s'exercer  plus  longtemps  et  plus  largement.  La  cour  ne  don- 
nant l'exemple  ni  des  fêtes  ni  du  luxe,  ce  fut  la  société  de  second  rang,  c'est-à-dire 
des  banquiers,  des  bourgeois  riches,  qui  s'en  chargea.  Lorsque  M.  de  Rothschild 
éblouit  Paris  avec  sa  grande  fête  de  mars  1821,  il  fit  plus  pour  les  arts  et  l'indus- 
trie, en  une  seule  fois,  que  la  maison  royale  en  deux  ans  (1).  «  Quand  on  retrouve 
»  aujourd'hui,  sur  son  chemin,  l'orfèvrerie  de  cette  époque,  on  passe,  dit  le  comte 
»  de  Laborde;  on  ne  peut  s'habituer  à  considérer  comme  des  objets  d'art  cette 


[[]  II.  Bouchot,  le  Luxe  français  sous  la  Restauration,  page  24. 


—  101  — 

"  |(;iii\  ii'l  ('  (II-  ciiiici'i)!  mil,  crllc  ^(■clicccssc  d'n  |ii-l  ciiiciil ,  I/ali^cinc  d'ji  |ir(»|)OS 
»  cl  le  (Icfiiiil  (le  |ini|M)il  II  III'-  (le  Idiilcs  ('('s  jiiiM'es  (ic  ra|)|)(jrl  les  l.iil  jurer  en 
»  scillhic  :  --1  le  (lc--^lli  ilc  l.l  (•nill|Mi--il  ion  ('s|  Imll,  rr\(''C|lli()ll  c^l  l'-'illlixc.  (I|l  seul 
)i  i|il('  lu  \  irillc  nr;:;illl^;il  iiMl  ilc  I  ill(|ll>^l  l'ir  il  csl  |);is  \  cillU'  Mil  ^(•(•((ur^  de  l";irl  (  |  .  » 
l/aixt'iicc  de  diicclioii  i:(iii\  ciiiciiiciil  ;il(',  \(til,i  ce  (|iii,  selon  le  iiHiiic  (''crisaiii,  a 
|icrdii  les  iiidiisl  nés  de  cclli'  i'|ioi|il('.  >■  l.a  lîcsiailial  ion ,  ccril-il  encore,  a  e(Mili<' 
"  la  direclion  des  arls,  |ieiidaiil  (|niii/e  ans,  a  (iiiel(|iies  sei;^neiirs  (|iii  se  j'aisaieiil 
»  pardonner  leur  iiieinii|>i'leiice  pai'  (rexcelleiiles  inaiiières  <'l.  les  nH'illenres  in- 
»  tentions  l'I).  n  Smis  leurs  m-dres,  des  roiicl  ioniiaires  sniiailcnics,  sans  ^'oùt, 
sans  e\|  M  rie  lice,  sans  la  nioindi'c  notion  des  |)riiici|M's  in-cessaires,  crurent  pouvoir", 
avec  des  rci^lenicnts,  dcscnii'  les  inspirateurs  des  ('•l('';^ances  cl  du  |)r();jres.  (hi  a 
payi'  cher  celle  erreur,  l'oiir  remplacer  les  anciennes  coiporatioiis  (pii  foiiclion- 
nait'iit  d"ellcs-iiièines  et  ne  demandaient  (pia  s'amender,  on  a\ait  imaginé  toutes 
sortes  d'institiitioiis  et  de  ronai^cs  adminisiralils,  conseils  de  prnd'liouuiies,  eliau)- 
hrcs  consultatives  des  ai'ts  et  nu'tiers,  sociétés  d'cneourageiuent,  brevets  d'inven- 
tion et  de  |icrt'cctioiincmeiil,  (piaidité  de  corps,  d'assemblées  et  d'élats-niajors, 
pour  ariivci-  à  des  r(''sultals  ne  rappelant  en  rien  l'ancien  éclat  des  industries 
nationaU's.  L'oi't'cvrerie  avait  (''t(''  |)iacée,  j)ar  la  loi  du  H)  l)ruinaire  an  VI  9  no- 
vembi'e  17!)'),  (pii  est  encore  en  viiiiienr  anjourd'iiui,  sous  la  tutelU;  de  l'Etat,  qui 
s'('tait  déclart'  le  maître  et  le  gardien  de  la  marque,  frappant  un  impôt,  et  soumet- 
tant rorfèvre  à  une  réglementation  jalouse,  à  des  visites  domiciliaires  rigoureuses, 
bes  (piatre  poinçons  de  jadis  avaient  été  réduits  à  deux,  celui  de  l'Etat  et  celui  de 
l'orfèvre.  Les  droits  de  garantie  perçus  par  l'Etat  avaient  été  fixés  à  20  francs  par 
hectogramme  d'or  et  à  1  franc  par  hectogramme  d'argent.  En  outre,  le  fabricant 
devait  payer  les  droits  d'essai  à  raison  de  3  francs  pour  les  ouvrages  d'or  ou 
dorés,  et  de  80  centimes  pour  les  ouvrages  d'argent.  Gomme  l'a  dit  le  duc  de 
Luynes  (3),  la  loi  de  brumaire  a  presque  paralysé  certaines  branches  de  l'industrie 
de  l'orievrerie.  ([ui  n'ont  ('(diappé  à  l'anéantissement  que  par  des  prodiges  d'in- 
géniosité. Le  Gouvernement  de  la  Uestauration  ne  songea  pas  même  à  rien  mo- 
ditier.  il  acceptait  le  fait  acfjuis. 

Louis  XVlll  abandonna  donc  à  ses  fonctionnaires  le  soin  de  «  faire  progresser  » 
les  arts  et  l'industrie,  et  pensa  que  rien  ne  valait  mieux,  sous  ce  rapport,  que  de 
se  laisser  conduire.  Ne  donnait-il  pas  suftisamment  la  preuve,  quand  il  le  fallait, 
de  sa  bienveillance  pour  les  artistes?  N'avait-il  pas  mis  la  croix  de  la  Légion 
d'honneur  sur  la  poiti'ine  de  l'orfèvre  Odiot  comme  récompense  d'avoir  valeureu- 


{['  Comte  de  L;ilioi'tlo,  Rapport  sur  les  Beaur-Arls  à  l'Erposition  universelle  de  IS'il.  paffo  200. 

(-2)  Ibhi.,  paire  201. 

(3  Duc  de  Luynes.  Rapport  sur  les  mélaur  précieux  à  l'E.rposition  universelle  de  18."il.  pa^'e  2.i.  «  Il  a 
été  bien  souvent  question  depuis  cent  ans  de  reviser  cette  loi  de  Ijinimaire  et  les  assemblées  législatives 
ont  eu  plus  d'une  fois  a  examiner  ce  problème  qui  est  infiniment  complexe.  Si  cette  loi  a  des  inconvénients, 
elle  a  aussi  ses  avantages,  et  cest  pourquoi  sans  doute  on  a  mis  tant  de  lenteur  à  raméliorer.  » 


—   102  — 

sèment  défendu  Paris  en  1814,  en  qualité  de  colonel  sous  les  ordres  du  général 
Moncey?  N'avait-il  pas  gratifié  les  peintres  Gros  et  Gérard  du  titre  de  baron?  De 
môme,  il  accepta,  sans  résistance  aucune,  de  suivre  la  tradition  inaugurée  par  la 
Révolution  et  continuée  par  l'Empire,  quand  son  ministère  lui  proposa  d'ouvrir  la 
cinquième  Exposition  nationale  de  l'industrie  en  1819. 

Cette  Exposition  eut  lieu  dans  les  salles  et  dans  la  cour  du  Louvre.  On  y 
compta  1662  exposants  (1),  dont  21  orfèvres.  Parmi  ceux-ci  brillaient,  toujours 
au  premier  rang,  Odiot  et  Biennais.  Quant  à  Auguste,  nous  avons  vu  qu'il  avait 
dû  depuis  plusieurs  années  se  retirer  des  affaires.  Deux  ou  trois,  dont  la  réputa- 
tion commençait,  se  signalaient  par  des  œuvres  à  effet.  Cahier,  Fauconnier,  Men- 
tion, etc.  Les  autres  étaient,  pour  la  j)lupart,  des  orfèvres  spécialisés  dans  les 
ouvrages  en  doublé  ou  en  plaqué,  genre  de  fabrication  qui  prenait  alors  une  exten- 
sion considérable,  et  dont  il  sera  question  plus  loin.  Les  principaux  étaient  Levrat 
et  Papinaud,  Christofle  (2),  qui  avait  imaginé  un  système  de  «  doublé  à  froid  » 
que  le  jury  apprécia.  Ils  s'elTorçaient  de  rivaliser  avec  les  plaqués  anglais  par  le 
l)on  marché  d'une  |)r()(lurli()u,  de  ])lus  en  plus  abondante,  obtenue  par  de  nouveaux 
moyens  industriels;  reçurenl  une  médaille  d'argent  :  Levrat  et  Papinaud,  Pillioud 
à  ([ui  fut  décernée  une  médaille  <\c  bronze  pour  ses  soudures  en  argent,  et  le 
«  fini  »  de  ses  œuvres;  Tourrot,  Châtelain  et  C'°,  etc.  (3). 

L'orfèvrerie  d'art  proprement  dite  était  représentée  à  l'Exposition  de  1819  par 
un  ensemble  d'œuvres  plus  importantes  qu'on  aurait  pu  le  croire,  après  ce  que  j'ai 
dit  de  la  pénurie  du  Trésor,  de  l'indifférence  de  la  Cour  pour  le  luxe,  et  de  l'hos- 
tilité de  la  noblesse  pour  les  manifestations  nouvelles  de  l'industrie. 

Parmi  les  pièces  qui  figuraient  à  l'Exposition  de  1819,  Odiot  avait  présenté 
un  grand  service  de  vermeil  du  prix  de  300000  francs,  exécuté  pour  la  prin- 
cesse polonaise  Braniska;  un  déjeuner  qui  fut  trouvé  de  la  plus  délicate  exécu- 
tion, et  dont  la  Ville  de  Paris  fit  l'acquisition  ensuite  pour  l'otlVir  à  la  duchesse 
de  Berry,  à  foccasion  de  la  naissance  du  duc  de  Bordeaux  (4);  un  encrier,  qui 
fut  envoyé  par  Louis  XYllI  au  pape  Pie  Vil;  une  Vierge  d'argent  destinée  à 
Notre-Dame  de  Paris;  une  statue  en  argent  (ï Henri  IV  enfant,  d'après  Bosio; 
un  riche  service  du  prix  de  800000  francs,  appartenant  au  roi  de  Naples,  Fer- 
dinand 1". 

11  avait  également  exposé  une  œuvre  de  grande  allure  exécutée  en  1817. 
C'était  une  châsse  en  argent  du  poids  de  467  marcs,  soit  130  kilos,  destinée 
à  contenir  les   restes  vénérés   de  saint  Vincent  de  Paul  (5).  Puis,    un  encrier 

(1)  Il  y  avait  eu  1  422  exposauls  à  celle  de  1806.  —  Celle  de  l'an  X  n'eu  avait  réuni  que  "JiO. 

(2)  Christofle  (Isidore),  iabricanl  de  boutons  en  doublé,  était  l'oncle  et  le  beau-frère  de  Charles  Chris- 
tofle qui,  en  1842,  par  la  création  de  linduslrie  de  l'orfèvrerie  argentée  par  les  procédés  galvaniques, 
devait  porter  un  coup  si  terrible  à  l'industrie  du  plaqué. 

(3)  Le  Bazar  Vurisien  ou  Annuaire  raisonné  de  rinduslrie  parisienne,  ["^  année,  1821.  1  vol.  in-18. 

(4)  Voir  page  100. 

(5)  La  châsse  de  saint  Vincent  de  Paul  n'est  plus  en  France.  Elle  est  aujourd'hui  en  Angleterre. 


d'AiMilloii  cl  les  \r[\\'  Mil^c^  doiil  rtil-liciiiriilal  ioll  ."ll'cliil  rcl  llialr  ra|i|H'l.iil  le 
st\|f  (le  l'ficici'  :  \|>iil|{iii  ail  cciilic.  cl  en  arrière,  ^iir  un  ^ocle  <|eini-eii-eii- 
laire,  !('><  \c\i\'  Miise^,  cii  lia--  relief  (  I  .  l  ii  secoinl  ra|»|iel  de  nn'daille  d'or 
l't''('(un|iensa  le-,  ell'oiis  de   j'oiieNre. 


Châsse  de  saint  \'incent  de  Paul. 
(OEuvre  de  Cl.  Odiot.) 


Odiot  était  alors  dans  tout  répaiiouisscment  de  sa  maîtrise  et  avait  envoyé 
les  pièces  les  plus  intéressantes  de  sa  fabrication. 

Robert  Lefebvre,  peintre  distingué  de  l'époque,  nous  a  laissé  de  lui  un  por- 
trait daté  de  1822,  que  l'obligeance  de  son  petit-fds,  M.  Gustave  Odiot,  nous  a 
permis  de  reproduire.  L'orfèvre  est  à  sa  table  de  travail  avec  des  dessins  sous  la 
main;  près  de  lui,  figurent  les  pièces  sorties  de  ses  ateliers  qu'il  estimait  le  plus. 
Ce  portrait  était  destiné  dans  sa  pensée  à  faire  pendant  à  celui  de  Thomas  Ger- 
main, dont  Largillière  nous  a  laissé  la  vivante  image  et  qui,  sorti  de  la  collection 
d'Odiot,  a  figuré  dans  ces  derniers  temps  à  l'Exposition  des  Cent  portraits.  En 
même  temps,  M.  G.  Odiot  nous  permettait  de  reproduire  l'atelier  de  son  grand- 


(1    Edouard  Foiicaud,  les  Arlislcs  illustres,  1841.  1  vol.  in-8o,  page  -404. 


—  104  — 

père  dans  la  rue  Lévêque,  où  ses  ouvriers,  appliqués  à  leur  travail,  ont  bien  la 
physionomie  de  leur  temps;  leur  application  au  travail,  l'atmosphère  de  calme  et 
de  sérénité  du  milieu,  la  simplicité  du  matériel  disent  assez  que  c'est  surtout  à 
l'habileté  manuelle  de  l'ouvrier  de  l'époque  que  devait  être  attribuée  la  perfeclion 
des  œuvres  sorties  des  mains  d'Odiot,  et  contrastent  avec  le  matériel  mécanique, 


',£^.,;^^ 


ittfl>gHHIwt^»HtfUIHwi^Jtf-.iVy^i^ttfJ*Ul><HJIIll*t>iW#Jt^VIWnVfflVtfH'UWHailt.^VilfYtJfT7T»Vyf4T1TY 


i 


Encrier.  —  Apollon   ol  les  Muses. 
[OEiivre  de  Cl.  Odlol .) 

le  nK>uvement  et  la  fièvre  de  nos  ateliers  modernes.  Au  plafond  est  suspendue 
la  croix  de  la  Légion  d'honneur;  ses  collaborateurs  avaient  bien  le  droit  de 
s'enorgueillir  de  la  distinction  donnée  à  leur  chef. 

A  l'Exposition  de  1819,  le  Jury  signalait  dans  son  Rapport  que  Claude  Odiot  avait 
exposé  les  modèles  en  bronze  de  différentes  pièces  d'orfèvrerie  qu'il  avait  exécu- 
tées en  argent  sous  l'Empire  et  la  Restauration,  et  dont  il  avait  projeté  de  donner 
la  collection  au  Gouvernement  pour  servir  à  l instruction  des  fabricants  d'orfèvrerie. 

La  collection  complétée  fut  exposée  en  1823;  et  lorsque  peu  de  temps  après, 
cédant  sa  maison  à  son  fils  Charles,  M.  Odiot  quittait  les  affaires,  il  réalisa  son 
projet,  et  écrivit  au  grand  Référendaire  de  la  Chambre  des  pairs  une  lettre  pour 
lui  communiquer  ses  intentions  : 

«  Monsieur, 

»  Je  suis  décidé  à  donner  de  mon  vivant  et  de  suite  au  Musée  des  Arts  mo- 
»  dénies  du  Luxembourg  trente  pièces  en  bronze  exécutées  de  la  môme  manière 


10^ 


ni  rail   i\c  Ci.Arui;  ODIOT,  par  Robert  Lcfèvrc. 
Colleclion   Gustnve  Odiot.) 


107 


» 


i 


Kl'J 


Défense  de  la  Biiniére  de  Clieliy,  en  iSiT..  pui-  Hoiaee  ^'el•nel. 
Cl.  Odiot.  colonel  de  la  Carde  Nationale,  reçcit  les  ordres  du  Maréchal  Moncey, 


w 


III 

»  (|iu'  je  r;il)ri(|iiai^  imm  tnCrviciii',  cl  <|iii  iirruit  v;ilii  la  iiiiMlailIc  «l'or  ;i  toiilrs 
»  1rs  l'Aposilioii^  (|iii  (nil  m  lifii  (l('|iiii-^  leur  (•[•('•al  khi,  ^oii^  le  (lojisulal.  jiis(|ii'aii 
»  I  *>  aoùl  IS:27,  (■[  H  II]  lie  (III  )  ai  ••('ns(''  de  lai  mi  (|  lier,  cl  un  \a-c  d  ar;.'ciil  (|iii  (N'inoiil  Vf 
))  rdlcl  (|iic  |i!(i(liii--ciil  Ic^  (iiiiciiiciiK  adaplo  a\cc  de-,  \iv  non  a|)|tarciilc>  ^nr 
»    iiii   Idiid  liniiii. 

"  l'diir  ( c^  (li\ci's  ()iivra;^('s,  j'ai  ('It''  scc(nid('  pour  les  dessins,  jiai"  MM.  l'ni- 
»  dlioii,  Moicaii,  (laiiieray  cl  (".avelier;  poin-  les  modelages,  par  MM.  les  Ac;  d(''- 
»    iiiicieiis  (lliaiidei,  hiiiiKtiil  el  lldmiicr,  arlisles  de  la  plus  ;jrande  di^iinil  idii . 

»  .le  donne  aussi  a  la  Cialerie  du  Liixeiiilioiir;^  mon  laldeaii  repr(^'>eiilanl,  la 
»  hnrriôrr  <lr  Clitlni  par  M.  Horace  \  cruel,  cl  nu  dessin  encadi'',  le(piel  re|ii^(''- 
"    seule  les  dilVcrcnles  pièces  ipii  ont  ('Ic'  e\(''culecs  dans  iiioii  ('•lalili^seuicnl . 

»   Oserai-jc   vous  prici',  Monsicui'  le   Duc,    de   t'aii'c  |)arl    de  ma  pro|)osilioii  à 

»   MM.  les  l*airs  de  |"'rauce  e(  (rololeiiii'  leur  acceplaLiou? 

»  .l'ai  riionncur  d'cire,  c(c... 

»   Odio'i  pèi-e.    » 

Le  tahlcan  dlloracc  NCriicI  rappelai!  la  |iai-|  acti\c(pie  rorlcNrc  Odiot,  alors 
eliel"  de  halaillon  de  la  i^arde  nalioiiak'.  avail  prise  à  la  dcdense  de  la  hai^ricrc  de 
(llicliy,  coidre  les  Ironpes  alliées,  le  ,'JO  mars  181  i.  Il  est  curieux  de  voir  que,  du 
premier  au  dernier  jour,  les  oi-fèvres  se  sont  Irouvc's  mêlés  à  lous  les  événeinciiLs 
de  noire  Histoire.  Sous  raneieu  régime,  ils  ont  leur  plaee  au  Conseil  des  Finances, 
ils  rendent  la  justice  consulaire,  ils  administrent  la  Ville  de  Paris.  Plus  tard,  ils 
siègent  à  rAssend)lée  Constituante;  eulin,  au  Icmps  de  riiivasion,  ils  font  le  coup 
de  feu  contre  les  Prussiens  (l). 

La  collection  des  pièces  d'orfèvrerie  qu'Odiot  donnait  à  l'Etat  fut  acceptée 
avec  empressement,  et  déposée  au  Musée  du  Luxembourg-  oii  elle  resta  long- 
temps dans  les  galeries  du  Musée  consacrées  à  l'exposition  des  œuvres  des 
artistes  vivants,  jusqu'à  répo(|ue  oii  les  aménagements  des  services  de  la 
Chambre  haute  obligèrent  le  Gouvernement  à  transférer  les  lablea.ux  et  les 
statues  dans  le  nouveau  Musée  édifié  dans  le  jardin  du  Luxembourg,  en  bordure 
de  la  rue  de  Vaugirard.  Mais  les  orfèvreries  d'Odiot  ne  purent  y  trouver  place. 
Elles  furent  alors  transportées  au  Louvre  et  mises  en  dépôt  dans  les  réserves, 
car  les  règlements  en  vigueur  ne  permettaient  pas  d'exposer  au  Louvre  des 
œuvres  dont  les  auteurs  vivaient  encore,  et  les  arts  industriels  n'avaient  pas 
encore  forcé  les  portes  de  notre  grand  Musée  national.  Elles  furent  oubliées  dans 
les  armoires  qui  les  renfermaient,  et  y  seraient  encore,  si  la  création  du  Musée 
des  Arts  décoratifs  et  son  installation  au  Louvre,  dans  les  salles  du  Pavillori  de 
Marsan,  n'avait  fourni  l'occasion  de  les  remettre  en  lumière,  et  de  leur  donner 
leur  véritable  place  pour  remplir  les  intentions  de  leur  généreux  donateur. 

(1)  Paul  Mantz.  Recherches  sur  l'Orfèvrerie  française.  Gazette  des  Bi-'aux-Aris.  tome  II.  page  243. 


—  112  — 

La  Direction  des  Beaux-Arts  les  fit  sortir  des  réserves  où  elles  étaient  reléguées 
depuis  si  longtemps,  et  les  confia  aux  soins  de  l'Union  centrale,  pour  les  exposer 
dans  les  galeries  consacrées  aux  œuvres  du  dix-neuvième  siècle. 

Cette  collection  comprend  trente  pièces  d'orfèvrerie  exécutées  en  bronze,  et 
un  seau  à  rafraîchir  eu  argent,  auquel  Claude  Odiot  attachait  une  grande  im- 
portance, parce  que,  dans  sa  pensée,  cette  pièce,  exécutée  en  métal  précieux, 
en  tout  point  semblable  à  celles  qu'il  faisait  d'ordinaire,  devait  servira  démontrer 
l'effet  que  devaient  produire  les  ornements  adaptés  avec  des  vis  non  apparentes  sur 
des  fonds  brunis .  C'est  la  présence  de  cette  pièce  en  argent  au  milieu  des  autres 
pièces  d'orfèvrerie  exécutées  en  bronze,  qui  fit  prendre  au  Conseil  de  l'Union 
centrale  des  Arts  décoratifs  la  résolution  de  les  recouvrir  de  métal  précieux  pour 
leur  donner  la  même  apparence  et  le  môme  éclat  que  le  seau  à  rafraîchir  que 
Claude  Odiot  avait  donné  comme  spécimen  des  orfèvreries  qu'il  fabriquait  alors. 

C'est  grâce  à  cette  libéralité  qu'il  nous  est  permis  aujourd'hui  de  reproduire  un 
certain  nombre  de  ces  œuvres  et  de  constater  leur  j)erfection  ;  leur  dépôt  dans 
les  salles  du  Musée  des  Arts  décoratifs,  en  les  niellant  à  la  disposition  du  public, 
fournira  à  nos  confrères  l'occasion  d'admirer  la  conscience  ([ui  animait  leurs 
devanciei's. 

Parmi  les  plus  inLéressanls,  nous  avons  choisi,  pour  les  reproduire,  le  grand 
vase  dont  la  panse  est  décorée  d'une  suite  de  danseuses  inspirées  des  vases 
anti(iues;  puis  deux  seaux  à  rafraîciiir,  «loni  l'un,  en  uK'Ial  pi'écieux,  était  celui 
qn'Odiot  signalait  dans  sa  lettre  au  Crand  Référendaire  comme  spécimen  de 
l'elTet  que  produisent  les  ornements  en  mat  sur  le  fond  bruni.  Il  est  accompagné, 
dans  la  planche  de  la  page  1 15,  d'une  jardinière,  d'un  sucrier  à  couvercle  et  de  deux 
salières.  Un  huilier  décoratif  avec  une  figure  de  Léda  caressant  un  cygne  d'une 
main  et  de  l'autre  l'elenant  une  écharpe  volante  qui,  par  un  gracieux  mouve- 
ment, constitue  l'anse  traditionnelle  d'un  huilier  (page  HT);  une  salière  avec  une 
colonne  accostée  de  deux  figures  de  femmes  portant  des  corbeilles  ;  puis  deux 
grandes  soupières  avec  leurs  plateaux,  deux  saucières  également  sur  plateaux,  et 
la  cuiller  à  sauce,  face  et  revers,  dont  le  décor  est  d'une  finesse  extraordinaire, 
et  enfin  un  satyre  monté  sur  un  socle  décoré  de  trois  enfants  musiciens,  en 
bas-relief.  Le  satyre  porte  une  couronne  qui  sert  de  support  h  un  vase  de  cristal 
destiné  à  recevoir  une  veilleuse. 

En  1823,  les  procédés  électro-chimiques  n'existaient  pas,  et  il  est  certain 
qu'Odiot,  s'il  les  avait  connus,  aurait  donné  à  son  œuvre  son  véritable  aspect. 
D'ailleurs,  ses  pièces,  quoique  exécutées  en  bronze,  étaient  fabriquées  de  la  même 
manière  que  les  pièces  d'orfèvrerie  de  l'époque,  avec  le  même  soin  et  la  môme 
perfection;  la  ciselure  en  était  précieuse,  et  la  monture  d'une  précision  extraor- 
dinaire. Il  faut  les  avoir  maniées,  démontées  et  remontées,  comme  nous  avons  eu 
l'occasion  de  le  faire,  pour  leur  donner  leur  parure  nouvelle,  pour  apprécier  l'ha- 


m 


^'asl■   Bai-rliiiiialc.  d'iivrc   d  ()(liii|. 
{CoUcclion  dn  Musée  des  Arts  dccoi\i(ifs.] 

Cette  pièci',  comme  li'n  snicanfra  et  tuntcs  celles  r/iii  son!  sorties  'les  mains  d'Odiot,  fait  partie  des  modèles  appartenait 
d  cette  maison  et  à  ses  successeurs,  qui  s'en  réservent  la  reproduction  exclusiee. 


Deux  seaux  à  silace.  —  Jardinière.  —  Sucrier  à  couvercle.  —  Deux  salière?. 

ÛEuvres  de  CI.  Odiot. 

[Collection  du  Musée  des  Arts  décoratifs 


—  Ml  — 

hilrli'   (les  (iiIV-mc^  (|iii,   sons  l,i  (lirci'tinii  il'Odiol.    nvniriil   cxt'ciih'   (\r<<  (fiivros 
aussi  |>;irr;iili's. 

Mais,  ('(iiiiiiiciil    les  (irlcNrcs  de   l;i    jM-ridilr    iiii|i(iial(',   di'lai-^^aiil   Ic^  |)i'()C(''(|('S 
(Ml    iisaf^c   ail   (li\-s('|i|  ifiiic    cl    au    (li\-liiiiliciiii'    siècle,    a\aiciit-ils    rlr   aiiiciM-s   à 


Huilier  avec  une   fîy;iire  décoralive  de  I^éda,   d-uvre  de  Cl.  Odiot. 
[Collection  du  Musée  des  Arts  décor;ilifs.) 


renoncer  au  travail  du  marteau,  aux  procédés  de  la  retreinte  et  du  repoussé  qui 
avaient  donné  tant  de  souplesse,  de  charme  et  d'élégance  aux  œuvres  de  leurs 
devanciers,  et  à  se  rapprocher  du  travail  des  bronziers  par  l'emploi  de  la  fonte 
ciselée? 

La  Révolution  et  les  guerres  du  premier  Empire  avaient  fait  disparaître  les 
ouvriers  habiles  formés  à  la  grande  école  du  dix-huitième  siècle;  la  suppression 


—  118 


des  corporations,   l'abolition   de  leurs  privilèges,  avaient  détruit  les  traditions. 

Plus  de  maîtrise,  plus  de  long-  apprentissage,  plus  de  chef-d'œuvre  obligatoire. 

Lucien  Falize,  dans  le  Rapport  magistral  qu'il  fit  sur  l'Exposition  de  1889, 

disait  à  propos  de  la  suppression  des  corporations  :  «  C'était  la  liberté  pour  tous. 


Salière  décorative,  œuvre  de  Cl.  Odiol. 
{Colleclion    du    Musée  des   Arls    décor,! l ifs.) 


»  le  droit  au  travail  sans  entrave,  sans  contrôle;  mais  l'orfèvre  n'en  demandait  pas 
»  tant.  Cette  liberté  lui  fut  ruineuse;  elle  apporta  le  désordre  dans  son  art,  et  le 
»  compromit  à  ce  point  qu'après  cent  ans,  il  se  retrouve  à  peine,  et  n'est  pas 
»  revenu  à  l'état  où  la  Révolution  l'avait  surpris  et  frappé.  » 

Lorsque  la  tourmente  s'apaisa,  les  ateliers  des  orfèvres  avaient  été  fermés 
pendant  longtemps;  les  apprentis  et  les  compagnons,  enrôlés  dans  l'armée  ou 
envoyés  aux  frontières,  avaient  oublié  le  métier.  Où  retrouver  les  ouvriers  dis- 


11'" 


I)cu\   soupières   sur   philiNiu.   iriix  ii's  de    CI.   ()fliiit. 
{Cnllccliou  du  Mnsrc  des  Ails  déroriitifs.) 


121 


Deux  saucières  avec  leurs  cuillers,  a-uvres  de  Cl.  Odiot. 
{Colleclion  </»  Musée  des  Arls  décorai  ifs.) 


i->;i 


ncr-^c^':'    ('.oiiiiiiciil     I  ciiiiil.it  11'   {■(•[\\    (|iif    la    iiiorl    a\ail     laiirlu-s -'    |,a    iikhIc  asail 

(■|iaii,L;c.    l/cii-(iiiriiiciil    jmuii'  l'aiil  ii|nil('',  les  cdiisciU  ilii  iiriiilrc   l)a\iil,    1rs  iiiscii- 

lioiis  tics    aicliilcflcs   iN-rcicr   cl    Idiilaiiic    asaiil    coiiNcrh    Ir   |iiililir  aii\    lormcs 

rcf;iilicrcs  cl    ridules,  a\aiiiit  lail   (Hililicr  les  cniiscils  ilii  caïuicc  (jiii  a\ail   l'ail    le 

cliarmc  des  (cii\i-es  du  ili\  liiiilieiiic  sjrclc,   |i()iir  (ilieir  aii\  luis  st'-scrcs  de  la  '^rAj- 

liiclric;    a    «le    miii\cllcs    iiilci|ii'elali(iiis,    d   lallail     de    ii(iii\eaii\    |)i-(M-(''d('-s.   (^est 

r('>|)(H|iie  de  la  iiionliii'C  a  Iroid,  cl    la   iiiaiii 

d'tciiNrc    des    judii/icrs     si     admirée     |miiii' 

Iciii's  Idiii's   de  rorce.   la   ret^iilarile   di'  leurs 

ajusIeiiieMls.    la  |ireeisiiiii   de   leur  eisidure, 

a \  aient  exerce  une  iMlliiciice  dccisi\  c  sur  les 

orl'cM'cs.  On   c(ini|irend  ([u'alors,  |)ri\('s  des 

ouvriers     (|in   ainaienl   conscrM'    les    li-adi- 

lions  du   nielier,   tlouiines  par    le    uofd    (ini 

|>i-e\alait,  les  orTèx  res  aient    sidti  rinlliienee 

(les  liron/.iers  et  reelierehe  d;uis   leur  eolla- 

boi'alion  de  nouveaux  moyens  d'expi-ession. 

D'ailiem-s.  Odiot  s'(''lait  assoei('' avec  Um'Isc- 

leur-bron/ier  Tliomire.  dans  les  (euvres  im- 

portaïUes    ([uil    a\ait    ex(''eutées    avec    son 

concours  j)our  la  eom*  im|)(''riale. 

Si  Odiol  l'ut  inllueiieé  par  son  collalx»- 
raleur,  il  ne  faisait  que  suivre  le  mouve- 
ment commencé  par  Auguste,  l'orfèvre  du 
roi  Louis  \VI,  dont  les  ateliers  avaient  sur- 
vécn  à  la  Uévolution,  vi  ([ui  eut  le  méi'ite 
d'avoir  fal)ri(jué  les  premières  pièces  qui 
signalaient  la  résnrrection  de  l'orfèvrerie 
sous  le  premier  Empire.  C'est  à  son  initia- 
tive qu'est  dû  le  cachet  spécial  qui  la  carac- 
térise et  qui  tenait  aux  procédés  d'exécu- 
tion. Presque  toutes  les  pièces  de  cette 
époque  sont  remarquables  par  la  façon 
dont  les  ornements  en  relief  se  détachent 
en  mat  sur  un  fond  poli  comme  un  miroir. 

Nous  avons  fait  un  choix  des  pièces  les  plus  typiques  qui  attestent  le  talent 
des  artistes  qui  les  composaient.  Leur  froideur,  inaperçue  autrefois  et  qui  nous 
frappe  aujourd'hui,  n'empêche  pas  de  reconnaître  dans  la  fabrication  une  grande 
habileté,  et  dans  les  figures  et  dans  les  ornements  des  qualités  de  conscience  et 
de  perfection  devenues  bien  rares  aujourd'hui. 


Support  de  veilleuse,  œuvre  de  Cl.  Odiul. 
[Musée  des  Arts  (lécorulifs.) 


—  124  — 

A  l'Exposition  de  1819,  son  concurrent.  Biennais,  avait  un  vase  d'argent  de 
forme  Médicis  orné  de  bas-relief  en  vermeil  et  décoré  de  trophées.  C'était  une 
sorte  de  carte  d'adieu  au  public,  car  il  passait  la  main  et  se  retirait  des  affaires. 
Par  contre,  son  successeur.  Cahier,  avait  pour  ses  débuts  voulu  attirer  violemment 
l'attention  par  des  pièces  donnant  du  premier  coup  toute  sa  mesure  et  qui  le  mirent 
d'emblée  en  haute  faveur.  Il  avait  présenté  une  fontaine  monumentale  de  forme 
élégante  ne  mesurant  pas  moins  de  cinq  pieds  six  pouces.  «  L'heureux  rapport 
»  qui  existe  entre  les  différentes  parties  de  son  ensemble,  la  sage  distribution 
»  des  ornements,  la  pose  noble  et  gracieuse  des  figures,  enfin  l'accord  parfait 
»  qui  règne  dans  la  composition,  l'ont  fait  considérer  comme  la  pièce  d'orfèvrerie 
»  la  plus  remarquable  de  l'Exposition  de  1819.  Pour  donner  à  son  auteur  un  témoi- 
»  gnage  de  sa  satisfaction,  le  Jury  lui  a  décerné  la  médaille  d'or.  » 

Cette  pièce  avait  été  exécutée  par  Cahier  sur  les  dessins  de  M.  Lafitte,  dessi- 
nateur du  Cabinet  du  roi,  et  ciselée  par  M.  Buisson. 

La  gravure  ([ue  nous  donnons  ici  la  représente  de  face,  et  montre  les  recherches 
apportées  à  la  composition  et  l'ingéniosité  peut-être  un  [)eu  puérile  de  l'artiste 
pour  trouver  un  motif  de  décor  dans  la  réunion,  sur  le  socle  de  la  fontaine,  de 
deux  sucriers  accostés  de  génies  ailés,  de  deux  plateaux  supportés  par  des  femmes 
pour  mettre  les  théières  à  portée  des  robinets,  et  enfin,  enchâssées  dans  une 
galerie  circulaire,  les  cuillers  rangées  syni(''tri(piem(M)t  et  dont  les  cuillerons  for- 
maient une  mouluration  à  oves  palmés. 

Néamnoins,  c'était  un  gros  effort  ;  on  comprend  l'admiration  du  Jury.  Mais, comme 
toutes  les  pièces  créées  en  vue  d'une  Exposition,  celle-ci  ne  trouva  pas  d'acheteur. 

A  côté  de  cette  pièce  principale,  il  y  avait  d'autres  œuvres  exécutées  égale- 
ment avec  tout  le  soin  possible,  et  qui  attestaient  le  désir  de  l'orfèvre  d'échapper 
au  pastiche  du  style  Empire,  notaniment  une  aiguière  avec  son  plat  d'argent  et 
un  bas-relief  figurant  la  Cène  d'après  la  fresque  de  Léonard  de  Vinci,  dont 
Lafitte  avait  fourni  le  dessin.  Un  ciseleur,  alors  en  grande  réputation,  Soyer, 
s'était  chargé  du  travail.  Cahier  obtint  une  médaille  d'or. 

Enfin,  un  orfèvre  qui  allait  bientôt  monter  au  premier  rang,  Fauconnier,  artiste 
des  plus  intéressants,  et  l'une  des  figures  les  plus  sympathiques  parmi  les  chefs  d'in- 
dustrie de  cette  époque,  indiquait  par  quel  effort  d'originalité  il  prétendait  ouvrir  des 
voies  naturelles  à  la  profession  qu'il  exerçait  avec  une  ardeur  aussi  désintéressée  que 
passionnée.  Fauconnier  était  fils  d'un  pauvre  orfèvre  de  Longwy  en  Lorraine.  Il  était 
venu  fort  jeune  à  Paris  pour  se  perfectionner  dans  son  état,  et  avait  débuté  comme 
ouvrier  chez  Odiot,  où  il  était  devenu  assez  promptement  chef  d'atelier.  Puis,  s'étant 
marié,  il  s'était  établi  grâce  à  l'appui  de  son  patron  qui  l'avait  en  grande  affection  (1). 

(1)  Fauconnier  demeurait  en  1811  rue  du  Bac,  w"  '18,  comme  successeur  de  la  veuve  Gaultier.  En  1813, 
son  adresse  était  rue  Suint-Dominique,  n»  39;  nous  le  retrouvons  cependant  encore  rue  du  Bac,  58,  pas- 
sage Sainte-.Marie,  dans  les  Annuaires  de  l'Industrie  de  1821. 


12S 


("iiMiuli'  l'iininiiu-  dcciirn(i\c  in  ce  5iicrifr>  cl  ciiillers. 
iihiioc  ilr  Cit.  C.ihicr. 


—  \n  — 

llicii  (|iril  ne   lui   ni  (Icssin.ilciir,   m  ^iiil|»lriir,  il  povsi'tl.iil    .m  |»|^|^  r;irt'   (l('f.Ti; 

rilllclliuiciirc  lie  -^iiil  nieller,  el  ellill  olIeNie  |l|s(|n';in  lionl  ije-.  oncles.  I';i'^  lllic 
|iiece  ne  ->iirl,ul  de  ->e->  niiiui-^  (|n  ('Ile  n  eu!  reen  nn  eaehel  |i;irl  irnli<'r  d'eveenl  loii 
cxcelienle.  Il  >;i\;iil  -  liiire  |);nler  le  niehil  .« ,  cl  ce  don,  celle  (|n:dili'  (|n  on  ne  |M)S- 
S(''(l;iil  [tins  j^ncrc  (\i'  son  lenips,  il  scnhiil  c((nriis(''nienl  (|n  il  el.iil  ilillicile  de  les 
l'aire  \aloir  ascc  les  roniies  |tln>  on  nioiiis  n;^idc>  i|iii  t'Iaicnl  a  la  mode,  (l'est 
[touriiiioi  il  lèsail  dune  oi-reNiciie  iiioii\  eineiih-e  cl,  |)il  |()res(|iie.  I.a  |)i'oleclioii  de 
la  dncliesse  de  j'.i'rry  de\ail  lui  |ieiiiiellre  de  r.'aliser  son  rè\e;  celli'  dncjiesse, 
\onlanl  faire  nn  |»re^eiil  an  |ieiiilre  (iiroilel.  (diar;^(Ni  rorlcM-e  d'e\('ciiler  ini  \;ise 
d  argent  >nr  la  paii^e  dii(|nel  il  s  a^^issail  de  re|ii'odnire  en  lias-i'clicl  di\eis  lal»leaii\ 
lie  l'aiiisle,  eClail  la  [U'einiei'e  eoininande  iin|ioi'laiile  laile  a  lele\e  d'()diol.  I.a 
manière  doiil  il  s'en  ac(|nilla  lui  \alnl  Ions  les  siiiri"i;4('s,  el,  jticrdùl  la  (ionr  le 
(diai\m'a  d'execnler  nn  ,i:rand  \ase  d'nn  mcli-e  de  li;nil.  (|ui  devail.  èlre  oll'ci-l  an 
Snllan.  Nous  reli-on\erons  l'anconnicr  a  ri'A|i()sili()ii  d<'  18:2.'),  avec  une  belle 
\ari(''l(''  d'(>l)jels  dans  lesipiels  son  inia,i;inali(m  s'(''lail   doiUK'  canaère. 

l  ne  remar(|ne  (|ni  a  son  inli'rèl  à  |»ro|»os  de  celle  exposilion  de  riMdnslri(; 
de  ISI!),  c'esl  la  préoceupaLioii  du  j^ouveriicuicnL  do  rechercher  cL  de  sigualer  les 
eollalioralenrs  ineoiuius  dos  ouvrages  exposés  par  h^s  fabricants.  Une  circulaire 
du  Minisire  de  l'Inlérieur  appelai!,  eu  cllet,  dans  les  ternies  suivants  l'attention 
des  préfets  sur  les  mérites  des  modestes  artisans  qu'on  risquait  trop  souvent  de 
laisser  dans  fombre  :  «  Faites-vous  i-(Midre  compte  des  découvertes  (pii  poui-raient 
»  avoir  amené,  depuis  dix  ans,  inie  ann-lioration  notable  dans  une  branche  (juel- 
»  conque  de  l'industrie  manufacturière  de  votre  département,  et  signalez-moi  les 
»  savants,  les  artistes,  les  ouvriers  auxquels  on  en  est  redevable.  Un  mécanicien, 
»  un  simple  contremaître,  ou  môme  un  ouvrier  doué  d'un  esprit  observateur,  ont 
»  qiiel({iiel'ois,  i)ar  d'heureuses  découvertes,  élevé  tout  à  coup  des  manufactures 
»  au  |tlus  haut  degré  de  prospérité.  Ces  hommes  industrieux  cherchent  rarement 
»  la  l\)rlune;  ils  s'oublient  eux-mêmes  et  ne  songent  qu'aux  progrès  de  l'industrie. 
»  Le  {)lus  modique  salaire  est,  pour  l'ordinaire,  tout  le  prix  qu'ils  recueillent  de 
»  leurs  importants  travaux.  Ce  sont  ces  artistes,  que  le  roi  a  voulu  honorer  par 
»  son  ordonnance  du  9  avril  dernier...  «  La  date  de  ces  recommandations  et  de 
celte  suUicilude  expli(jue  la  recherche  de  popularité  qui  animait  le  gouvernement 
de  la  l^estauration.  Elles  étaient,  il  est  vrai,  dictées  parles  meilleurs  sentiments 
d'humanité  et  de  justice.  Mais  il  faut  reconnaître  aussi  qu'elles  mirent  dès  lors  les 
jurys  des  Expositions  aux  prises  avec  une  difficulté  qui  parut  jusqu'à  ces  dernières 
années  presque  insoluble,  et  qui  n'est  pas  encore  complètement  tranchée  à  l'heure 
présente,  difticulté  qui  découle  naturellement  des  conditions  nouvelles  faites  à 
l'industrie  depuis  la  Révolution.  L'embarras  du  jury  de  1819  fut  extrême,  et  le 
comte  de  Laborde  en  a  traduit  les  perplexités  avec  sa  verve  habituelle  dans  les 
lignes  suivantes  :   «  Vous  récompensez  les  produits  de  l'établissement  dans  son 


—  128  — 

»  chef;  si  vous  allez  plus  loiu,  si  vous  faites  dans  le  succès  la  part  de  l'artiste,  du 
»  contremaître,  de  l'ouvrier,  qui  empochera  le  souffleur  de  la  forge,  ou  le  portier, 
»  qui  tire  complaisamment  le  cordon,  de  réclamer  leur  part  de  récompense? 
»  Voyez  quel  désordre  dans  la  hiérarchie,  quelle  atteinte  à  la  subordination,  quel 
»  appel  jeté  à  toutes  les  prétentions.  Où  trouver  un  jury  qui  se  croira  assez  éclairé 
»  sur  les  mérites,  en  quelque  sorte  secrets  de  la  fabrication,  pour  procéder  à 
»  cette  répartition?  Vous  en  remettez-vous  au  chef  de  l'établissement?  Dans 
»  quelle  position  le  placerez-vous  vis-à-vis  de  ses  ouvriers?  La  famille  industrielle 
»  est-elle  donc  déjà  si  unie  qu'une  nouvelle  cause  de  discorde,  jetée  au  milieu 
»  d'elle,  soit  bien  utile?  Voilà  tout  ce  qui  se  disait  avec  raison  en  1819,  tout  ce 
»  (ju'on  répéta  moins  bruyannnent  en  1823  et  1827...  Mais  l'intervention  de  l'art 
»  dans  l'industrie  prit,  à  |)artir  de  cette  époque,  une  proportion  telle  (pie  tous  les 
»  esprits  pratiques  convini'ent  que,  dans  une  certaine  mesure  et  dans  des  cas 
»  exceptionnels,  l'artiste  avait  sa  valeur  propre»  et  son  mérite  à  part,  dignes  d'être 
»  récompensés  en  dehors  et  à  côté  du  fabricant  ([ui,  selon  lui,  l'exploitait  (1).  » 
L'orfèvrerie  étant,  de  toutes  les  industries,  celle  (pii  a  le  plus  souvent  recours  au 
talent  des  artistes,  celle  (pii  devait  èlrc  la  j)lus  intc'ressée  dans  ce  problème  qui 
se  posait  déjà  à  ce  moment,  je  n'ai  j)as  à  en  j)arler  davantage  ici,  mais  je  devais 
le  signaler,  car  il  a  eu  sa  répercussion  sur  l'histoire  de  notre  profession  pendant 
tout  un  siècle;  je  me  bornerai  à  une  simple  réflexion  :  l'Etat  avait  su  nettement 
apercevoir  au  début  les  deux  tendances  contraires  (jui  s'aflirmaient  :  d'une  part 
l'arl  porté  par  l'accroissement  des  acquéreurs  d'objets  de  luxe  à  se  faire  indus- 
triel, d'autre  part  l'industrie  poussée  par  les  i)rogrès  de  la  fabrication  et  les  goîits 
du  public  à  se  faire  artiste.  Pourquoi,  alors,  l'Etat  s'opposa-t-il  si  fâcheusement  à 
la  fusion  de  l'art  et  de  l'industrie  qui  devait  fatalement  se  faire  tout  au  moins  dans 
les  expositions?  Aux  artistes,  il  défendit  de  se  faire  industriels,  aux  industriels 
il  ne  sut  aucun  \i:vé  de  se  faire  artistes,  et,  accumulant  les  conti-adictions,  tandis 
que  le  jury  de  l'industrie  marchait  dans  la  voie  du  progrès  en  ouvrant  les  bras 
aux  artistes,  l'Etat  et  le  jury  des  beaux-arts,  son  interprète,  acceptant  les  limites 
créées  par  des  vanités  aveugles,  proscrivaient  impitoyablement  les  artistes  qui 
avaient  eu  le  malheur  de  passer  pour  un  jour,  pour  une  œuvre  seulement,  dans  le 
camp  de  l'industrie.  Une  fois  cette  limite  franchie,  l'artiste  était  marqué  d'une 
tache  indélébile,  c'était  un  artiste  Industriel,  et  l'entrée  du  salon  du  Louvre,  des 
galeries  du  LuN:embourg,  aussi  bien  que  du  bureau  des  commandes  faites  par 
l'Etat,  lui  était  à  tout  jamais  interdite  (2).  Voilà  ce  que  firent  le  gouvernement  de 
la  Restauration  et  tous  ceux  qui  le  suivirent  jusqu'au  seuil  du  vingtième  siècle. 
Si  les  progrès  des  Arts  décoratifs,  et,  en  premier  lieu,  de  l'orfèvrerie,  ont  été 


(1)  Comte  de  Laborde,  liapparl  sur  les  Ijeau.r-arls  en  IS.jl,  pagi»  -l'i-l. 

(2)  Comle  de  Laboi-de,  liapport  sur  les  beau.v-arts  en  IS'il,  pngi;  230. 


—  un  — 

IciiIn,    ;i|»rt"'>^    Ic^    dt-sa^lrcs    cl    l;i    iH-vdldlimi,   l;i    c.-iii'^c    |iiiiiri|i;ilc  en    <'^l    |fi'iil- 

rire  l;i. 

Le  '2'»  ;iiinl  \S2'.\  lui  oiixcilr  iiin'  muiNcllr  rA|i(i>>il  imi  de  1  lii(|ii>~l  rii'  :  ci'lMil  l:i 
(l(Ml\i*'ilir  (lu  icuiic  tlf  l.oiiis  \\  III.  lillc  i(iiii(iirii,iil  I  (i'iN  cxiKivjinl  s,  cl  -riilciiiciil 
7  (iii'c\  rc--  iciniii  lc^(|iicK  oii  ((iiiipl.iil  <>ili(il,  ('.allier,  raucdiiiiicr,  j.rldiiii.  On 
;,,liiiji;i  I  M'a  un  m  I»  iiiu'  |is\  clii'  lie  1 1  ulil  I  <■  i  ii  n\-  r\  en  arijcul  ipiOdidl  a\ail  ral)ri(|Ui'C 
a\fc  If  souci  \i~^ilil('  de  ^oflir  du  ^\\\r  l!iu|iire,  ci  dnul  I  orneuH'nlal  ion  alle-lail 
imc  riMdicrciie  d'elci;auce  |)rcs(|uc  sduiiaulc.  Par  uu  |ii(|uanl  ((iidra^le,  le  uicmc 
orfcNre  uioulra  dc->  c(mi\  rc-plal  <  de  piu-  ^1  \  le  Loui^  \\  .  (|ii  il  a\ail  laiK  d'après  des 
DKulcIcs  ancien^  ptiur  appareiller  ccrlaiiic^  pièces  de  rai-,i:eiilei  ie  du  dur  de  j'eii- 
lliiè\  re. 


T'T'r 


J^^.^ 


Service  du  duc  de  l'eut  liièvi-e. 
Soupièi'c  auv   éei'evisses   l'aile  au  dix-huiLième   siècle. 

tColU'cHon  (le  lu  M;iis()n  OJiol.i 


Nous  avons  retrouvé  dans  les  archives  de  la  maison  Odiot,  qui  a  bien 
voulu  les  lULHtrj  à  notre  disposition,  deux  des  pièces  du  service  du  duc  de  Pen- 
thièvi'c  exécutées  par  Claude  Odiot,  ainsi  qu'un  dessin  d'origine  d'une  pièce 
exécutée  sous  Louis  XV  par  un  des  orfèvres  célèbres  de  cette  époque.  C'était  une 
soupière  à  griffes  d'écrevisses,  avec  un  couvercle  surmonté  d'un  groupe  représen- 
tant un  oiseau  de  proie  tenant  un  perdreau  dans  ses  serres  et  posé  sur  une  ter- 
rasse formée  de  feuilles  de  chêne  et  d'épis  de  blé. 

Le  couvre-plat  d'Odiot  avait  la  forme  d'une  cloche  à  quatre  lobes  encadrant, 
dans  des  rinceaux  Louis  XV,  des  panneaux  en  bas-relief  représentant  des  canards 
et  des  mouettes  péchant  au  bord  de  l'eau.  Le  dôme  est  surmonté  d'un  groupe 
important  de  poissons  d'eau  douce  et  d'eau  de  mer,  avec  des  engins  de  pêche  et 
des  herbes  marines.  Le  grouillement  des  poissons,  les  enlacements  ingénieux  des 
filets  et  des  nasses  en  osier,   en  font  une  œuvre  de  sculpture  plus  qu'un  travail 


130 


d'orfèvre,   mais  quel  effet  amusant  devait  produire  sur  les  convives  une  pièce 
aussi  monumentale. 

La  seconde  pièce  était  un  réchaud  surmonté  d'une  cloche  ronde,  les  griffes 
formées  par  des  pieds  de  céleri  don!  les  branches  s'enlacent  deux  à  deux  pour 


Service  du  duc  de  Penthièvre,  œuvre  de   Cl.  C)diot, 

1.  Cloche  ovale  surmontée  d'un  groupe  de  poissons. 

2.  Cloche  ronde  aA^ec  bas-reliel's  sur  un  réchaud. 

(Collections  de  In  Maison  Ôdiot.) 


( 


former  les  anses.  La  cloche  est  ronde,  ayant  la  même  ordonnance  que  la  cloche 
ovale,  des  panneaux  avec  des  bas-reliefs  de  pèche,  et  le  dôme  orné  d'un  groupe 
de  poissons  et  de  légumes. 

L'interprétation  du  style  du  dix-huitième  siècle  était  parfaite,  et  Odiot,  en 
s'inspirant  des  modèles  de  Penthièvre  qu'il  avait  sous  les  yeux,  avait  trouvé  le 
moyen  de  faire  une  œuvre  personnelle  qu'on  pouvait  confondre  avec  les  ori- 


—  i:n  — 

^iniiiix  II  (iMiiil  Mil  Inii^iriiii'  r;i|i|H'l  i|c  l;i  iin'ilaillc  d'dr.  (  j' fui  l;i  'Irriiirrc  Expo- 
sition un  il  |i;inil,  c.ir  il  ■>(•  nlir.i  îles  ;ill';iircs  ([iiiiln'  ans  a|)i"('s,  en  IH27,  rL  laissa 
sa  inai->(ni  a  son  lil<  ('.llal•l(■'^  Odidl.  Il  \('cmI  cncnii'  de  l<»n;.'ii('s  aiiMt'rs,  jouissant 
(le  sa  iMMMunnnT  nni\  crscllc  cl  d'inic  considiTalidn  i|ni  allail  aniani  a  l'orlV'M'c 
('•nnncnl  (|n  il  a\ail  r\r  qu'a  rii(iiiiiiic  |in\(''  il(Hit  (HI  IniiKirail  le  rararlrr»!  et  les 
vt'i'lns.  Il  iiKMiiiil  en    iS.'ll),   ;i  (  |iia  I  rc-\  iii;^  I  <f|il  ans. 


.  ^^'^u::  ?/.yS3 


Carte  dadix-ssi'  (k-  ("li.  Caliii'i-,  on    iSiy. 
{Collcclion  Henri    Vcrer.) 


Cahier  obtint  lui  aussi  un  rappel  de  médaille  d'or.  Nommé  orfèvre  du  lloi,  il 
avait  exposé  en  1819  des  ouvrages  considérables  parleur  importance  et  leur  tra- 
vail. Une  carte  d'adresse  de  Charles  Cahier,  qui  date  de  cette  époque  et  que 
nous  avons  trouvée  dans  la  collection  de  M.  Henri  Vevcr,  mentionne  son  nouveau 
titre  et  ses  récompenses  à  l'Exposition  de  1819. 

Nous  avons  donné  plus  haut  la  description  d'une  immense  fontaine  à  thé  en 
forme  de  vase  avec  tous  les  accessoires  du  service  portés  sur  des  plateaux  ornés 
de  figures  de  génies  et  de  femmes  ailés,  qui  lui  avaient  valu  la  plus  haute  récom- 
pense. 

Charles  Cahier,  qui  avait  débuté  sous  l'Empire,  avait  exécuté,  en  1806,  un 
grand  reliquaire  en  cuivre  doré  destiné  à  renfermer  la  couronne  dépines  qui 
avait  été  restituée  à  Notre-Dame  de  Paris,  par  ordre  de  Napoléon  1".  Le  Trésor 
de  la  Cathédrale  possédait  également  un  certain  nombre  de  pièces  de  cet  orfèvre, 
telles  qu'un  soleil  d'argent,  un  calice  en  vermeil,  un  ciboire,  deux  burettes,  une 
aiguière  avec  son  bassin,  également  en  vermeil.  Cahier  faisait  avant  tout  de  l'or- 
fèvrerie religieuse;  aussi  devint-il  l'homme  de  la  situation,  l'artiste  le  plus  auto- 

6 


—  132  — 

risé,  auquel  on  allait  confier,  sous  la  Restauration,  le  soin  de  refaire  les  vases 
sacrés  des  églises,  honteuses  de  leur  pauvreté.  Cahier  fit  paraître  alors  beaucoup 
de  zèle  et  d'activité  (1). 

Parmi  de  nombreuses  pièces  d'orfèvrerie  d'usage  qu'il  avait  exposées,  on 
remarquait  également  un  grand  bol  monté  sur  son  plateau  de  forme  ovale. 
Une  tendance  nouvelle  de  décoration  avait  frappé  ses  contemporains,  et  nous  en 
trouvons  la  trace  dans  une  description  de  l'époque  :  «  Cette  pièce  capitale  est 
»  d'un  très  beau  contour;  ses  ornements  bien  disposés  et  d'un  grand  intérêt 
»  ont  le  mérite  rare  d'être  neufs  sans  cesser  d'être  de  bon  goût.  Ils  sont  une 
»  nouvelle  preuve  que  les   artistes  s'abusent,  lorsqu'ils  croient  ne   pouvoir  rien 


Soupière  sur  plaleau. 
(  OE  livre    de    Ch  .     C n  li  i ei- . 


»  trouver  de  mieux  ni  même  de  comparable  aux  motifs  qu'ils  ont  pris  en 
»  affection  et  qu'ils  ne  se  lassent  pas  de  reproduire.  La  Nature  est  une  mine 
»  féconde  qu'ils  n'exploitent  pas  assez;  en  la  consultant  davantage,  ils  éten- 
»  draient  les  limites  dans  lesquelles  ils  se  tiennent  continuellement.  Le  règne 
»  végétal  surtout  leur  offrirait  des  molifs  susceptibles  de  produire  le  plus  grand 
»  effet,  et  qui,  en  les  affranchissant  de  la  routine  qui  les  maîtrise,  donneraient 
»  à  leurs  productions  ce  caractère  d'originalité  qui  leur  manque  trop  sou- 
»  vent.  »  C'étaient  là  de  bons  conseils,  mais  qui  ne  furent  guère  suivis,  et 
nous  attendrons  jusqu'à  la   fin  du  siècle    pour   les  voir  pris   en  considération. 


(1)  Paul  Maulz,  Rec/ictches  sur  l'Orfèvrerie  française,  Gazeltc  des  Beaux-Arts,  touie  XIV,  pa^e  411. 


—    ISA  — 


'•mm 


A  ri'Aposilidii  (le  IS2.'>,  il  cxiMisiiil  des  pirccs  iiii|(orl;iiilrs  :  une  ;ii;.Mii<'i-(î 
pour  If  stM\irc  (le  ri'l^^lisc  cl  iiii  ^iMinl  |il;il  tl'ar^i'iil  oiik'-s  de  has  rclids  lrail('*s 
avec  lin  lalciil  Mi|i(''iiciir,  Lalillc  en  a\ail  loiinii  les  dessins,  d  Sdvcr,  riscjriir 
tn-s  lialiilc,  laNail  aide  de  son  lalcnl;  nmis  dnniioii-^  dans  la  iiHiiir  |ilan(lii'  un 
cliainiclii'i-   daiilcl,    cl    une    ai;;iii('r('    à    lias-rcjn'l' jiT|»r('sc;i|  uni   liM-c-sc  de   .Noi'. 

haiis  la  iilanclic 
[%y)^r|^  ^.  iM.'i.  iKMis  donnons 
(''l^a  Icnirn  I  dnix 
crosses  i|  r\  ci|iies 
cl  niH'  ai;_'incrc  a\('<', 
son  plalcaii,  dcn\ 
hnrcllcs  et  un(; 
sonncllc  c\(''cnl(''es 
sur  les  dessins  de 
(îiiai'lcs  Normand, 
arclii  I  ccl  (' ,  ma  is 
don!  le  caraclèrL' 
ne  sY'loigiie  pas  de 
l'école  de  I*ercier. 
((  Laiiiiée  sui- 
vante, l'artiste  se 
vit  chargé,  en  qua- 
lité d'orfèvre  du 
Roi,  d'un  travail 
dun  genre  particu- 
lier. 

«   L o r s f j u e    le 
Gouvernement     fit 


Ai^iiici'C. 
[OE livre  de  Cli.  G n hier.) 


transférer  à  Saint-Denis  diverses  reliques  royales, 
l'ongle  du  pouce  de  Louis  XIV,  un  ongle  de  pied 
de  Henri  IV,  une  touffe  de  cheveux  de  Marie  de 
Médieis,  ce  fut  Cahier  qui  exécuta  les  trois  coffrets 
en  vermeil  pour  renfermer  ces  restes  vénérés.  Bien- 
tôt après,  Louis  XVIII  étant  mort,  ce  fut  encore 
Cahier  qui  fut  chai'gé  d'exécuter  les  plaques  en 
vermeil  qui  furent  posées  sur  son  cercueil,  de  même 
que  la  boite  où  Ton  avait  placé  le  cœur  et  les  entrailles  du  Roi.  U  eut  à  s'oc- 
cuper ensuite  de  l'exécution  des  vases  qui  servirent  au  Sacre  de  Charles  X.  dont 
il  demanda  les  dessins  à  Laffitt^,  son  inspirateur  ordinaire.  Ces  œuvres  sont 
encore  conservées  dans  la  cathédrale  de  Reims;  nous  en  donnons  la  reproduction 


Cnnclélabi-e  d'au  Ici. 
[OEiivre  de  Cit.  Cahier.) 


—  134  — 

à  la  page  143  :  le  calice,  l'aiguière  et  les  plateaux  des  offrandes,  la  Sainte-Am- 
poule ainsi  que  la  chasse  destinée  à  la  recevoir  (1).  » 

Son  exposition,  très  remarquable,  lui  valut  les  éloges  du  Jury  et  un  rappel  de 
médaille  d'or. 

Cahier  exposa  encore  en  1827,  et  se  tint  toujours  au  premier  rang.  Sa  maison 
était  ancienne.  Il  figurait  déjà  dans  1'  «  Azur  »  de  1811  sous  la  rubrique  d'Eglisier 
et  demeurait  quai  des  Orfèvres,  58.  Nous  avons  dit  plus  haut  qu'il  avait  acheté  en 
1819  le  fonds  de  Biennais  et  continuait  le  genre  de  fabrication  de  son  prédéces- 
seur, s'inspirant  encore  des  imitations  de  l'antique,  mais  cherchant  à  donner  à  ses 
souvenirs  classiques  plus  de  liberté  et  d'originalité.  Dans  cette  voie,  il  était  poussé 
par  son  frère,  le  Père  Cahier,  archéologue  distingué  qui  ne  tarda  pas  à  l'entraîner 
dans  l'étude  des  types  anciens  de  l'orfèvrerie  gothique;  mais,  malgré  ses  efforts, 
il  ne  réussit  pas  à  faire  fortune,  et  il  dut  fermer  ses  ateliers  pour  entrer  dans  la 
maison  alors  toute  nouvelle  de  Poussielgue-Rusand  qui  devait  donner  plus  tard 
une  si  belle  impulsion  à  l'orfèvrerie  religieuse  en  s'entourant  des  hommes  les 
plus  remarcjuables  de  son  époque,  les  architectes  Viollet  le  Duc,  Questel,  Bœes- 
wilwald  père.  Constant  Dufeu,  etc.,  qui  restauraient  les  cathédrales,  et  lui  fai- 
saient exécuter  des  travaux  importants. 

Mais  le  grand  succès  de  l'Exposition  de  1823  fut  pour  Fauconnier  qui,  entre 
autres  pièces  extrêmement  intéressantes,  présenta  une  aiguière  destinée  au  bap- 
tême du  duc  de  Bordeaux  ainsi  que  divers  vases  et  une  fontaine  à  thé. 

Fauconnier,  ((ui  obtint  une  médaille  d'or  en  1823,  ne  reparut  plus  aux  Expo- 
sitions. Ce  n'était  pas  lassitude  de  sa  part  ni  défaut  d'activité.  Bien  au  contraire, 
il  continuait  la  lutte  avec  énergie,  et  produisait  patiemment,  en  artiste  d'une 
conscience  à  toute  épreuve,  des  ouvrages  dont  aucun  motif  mercantile  n'aurait 
pu  lui  faire  hâter  l'exécution  qu'il  voulait  jusqu'au  bout  parachever,  sans  penser 
une  minute  à  établir  la  balance  entre  les  frais  et  le  bénéfice.  Nature  enthousiaste 
et  véritablement  artiste,  dit  M.  Ferd.  de  Lasteyrie  (2),  le  brave  Fauconnier  n'épar- 
gnait rien  pour  la  perfection  de  ses  œuvres.  Malheureusement,  il  était  plus  riche 
de  talent  que  d'argent,  et  c'était  en  outre  un  très  mauvais  calculateur;  si  bien 
qu'il  trouva  moyen  de  perdre  10000  francs  sur  la  commande  d'un  vase  qu'on 
devait  offrir  au  Sultan.  On  chercha  à  l'en  dédommager  par  celle  d'un  service  de 
table  pour  la  famille  royale,  mais  cela  ne  suffit  pas  à  le  remettre  à  flot.  Ses 
affaires,  mal  gérées,  allaient  de  mal  en  pis;  si  bien  que  le  jour  vint  où  le  pauvre 
grand  orfèvre  se  vit  exproprié  de  tout  son  matériel.  Heureusement  qu'alors,  il  y 
avait  encore  en  France  quelques  vrais  grands  seigneurs.  Le  duc  de  Montmorency, 
digne  héritier  d'un  illustre  nom  qui  devait  s'éteindre  avec  lui,  fit  secrètement  ra- 


(1)  Paul  Mantz,  Recherches  sur  iOrfèvrerie  française.  Gazette  des  Beaux-Arts,  tome  XlV.  page  412. 

(2)  Ferdinand  de  Lasteyrie,  Histoire  de  l'Orfèvrerie,  IS"!.  1  vol.  in-i8,  page  303. 


CVi 


m 


m 


Orfèvrerie  (l'c;;li?e.  —  Crosses.  —  Aipuicre.  —  Buroltcs  et  plateau, 
/j^iirres  de  Ch.  Cahier. 


i;<7 


—  i:tî>  — 

cliclcr  le  m.ih'rirl  ncikIii  ;iii\   ciicliric^,  |)(tiii-  le  n-iiiln'  ;i  rcliii  (|iii  m  >«;iv;ii(   f.'iirc 

un    ^1    Im)||    I|n;|j^('. 

Il  cul  pniu'  <'(ill;ilMU'al(MM's  inlcruiillculs  Ir  '^rul|il('ur  (  !ii;i|i()uui('l'r,  uior-l  Irop 
|cuu('.  I  m  ii('ui;iui-^l('  (',li('u;i\  ;inl,  I  imcIiiIccI  r  (  i;iuMcitiu,  cl  T.uui^icr,  un  des  ('isc- 
Icur^  Ic-^  plii-^  ll;lllllc~^  lie  celle  t''|MM|uc  ou  l:i  ciscjin-c  ('■l.nl  encore  si  ui.'il  comprise. 
Le  scul|ileui'  l>;u'\c,  (|ui  culiait  clie/  lui  ;ni  sortir  iju  re;jiuienl  en  iNi^l,  lit  imm; 
S()i\;iul;iiuc  de  uiodelcs  d'aninuiux  (|iril  ue  si;ju;iil  p.i^,  cl  (juc  T;iunsier  ci<c|;nl. 
Fanconincr,  (|ui  les  exposail  eu  IS2."!,  ue  les  si;jna  pas  non  |tlus,  cl  le  ra|)p(ji'L(!iir 
du  .liu'\ .  dans  uu  rappori  eu  ipiali'c  lij^iu's,  lui  dccernail  une  nu'-daille  d Or  (I). 

Il  a\ail  dcuiaiidc  ci^alcnu'id  a  liarye  son  concours  jiour  le  ;_'rauil  vaso  ([u'uii 
dexait  olVrii'  au  Sullan.  dans  la  dccoi-alion  diupKd  eulraieul,  plusieurs  li;:ures  d(! 
littns. 

Il  s'c'tail  adri'sst' à  (lluMiavard  pour  la  coniposiliou  d'iuu'  soiiiiiri-o  (|u"il  dosti- 
uail  à  IJAposiliou.  Le  dessin  nous  (Ml  a  (dé  ('oiiscrvr  (laus  un  recueil  de  décora- 
liiMi  piddie  eu  \KVA.  ('."('dail  déjà  liulluence  du  r(jnuudisuie  ([ui  se  f'aisail.  seulir,  cl 
('licua\ard.  don!  riuia,i;inaliou  exulx'ranle  ue  s'arrèlait,  pas  devaid.  les  ii(''ccssit(;s 
de  la  l'aliiicatiou  ui  le  prix  de  l'exi-culiou,  avait.  eidass(''  dans  cette  composition 
assez  de  ti>;ures  et  assez  d'iu-nemeuls  pour  former  dix  jjroii|)es  et  îudaut  de 
pi('('es  (lilV(''reiiles. 

I.e  duc  de  Luyiies,  dans  son  sid)stauliel  rapport  de  1851,  a  parl(j  de  Fauconnier 
sur  un  ton  en  ([uelquc  sorte  attendri,  et  a  cit(!'  avec  admiration  quelques-unes  de 
ses  pi('ces,  telles  qu'une  fontaine  à  thé,  un  huilier  dans  le  style  de  Percier  et  de 
Fontaine,  qui  malgré  «  leur  peu  d'importance  matérielle  sont  considérées  comme 
ce  que  l'on  a  fait  de  plus  parfait  dans  ce  genre  ».  Il  déclare  que  le  service  qu'il 
Ht  pour  le  duc  d'Angoulènie,  «  simple  d'ornements  et  de  composition,  était  d'une 
exquise  pureté  de  forme  et  de  profds  »  (3). 

Faisons  la  part  des  choses.  Il  est  entendu  que  les  éloges  donnés  par  les  rap- 
porleui's  d'exposition  à  leurs  contemporains  ont  besoin  d'une  mise  au  point 
spéciale  pour  s'accorder  avec  nos  propres  points  de  vue,  après  cent  ans  de 
distance.  Il  n'en,  est  pas  moins  certain  que  Fauconnier,  orfèvre  d'élite  sous  la 
Restauration,  exer(^"a  sur  son  art  une  influence  des  plus  heureuses.  Il  résista  de 
toutes  ses  forces  contre  l'invasion  des  modes  anglaises  qui  sévissaient  alors  en 
France,  et  c'est  lui  ([ui  créa  les  premières  pièces  de  style  Renaissance  que  le 
mouvement  romantique  inspira.  Il  a  tracé  la  voie  où  s'engagèrent  après  lui 
Wagner  et  Froment-Meurice.  Il  avait  formé  d'excellents  ciseleurs,  outre  Tamisier 


\1)  «  M.  Fauconnier,  à  Paris,  rue  du  Bac,  u°  ."JS,  a  exposé  une  l)elle  aiguière  qui  a  servi  pour  le 
baptême  du  duc  de  Bordeaux,  et  trois  vases  dont  un  forme  une  fontaine  à  thé.  (let  artiste  s'occupa  avec 
succès  du  perfectionnement  de  son  art  :  on  lui  doit  une  collection  de  bons  modèles  pour  l'imitation  de 
divers  animaux.  Le  Jury  lui  décerna  une  médaille  d'or.  »  Exposition  de  1823;  Rapporteur  :  V'»  Héricart 
de  Thury. 

^2)  Duc  de  Luynes,  Rapport  sur  les  métaux  précieux  en  1851,  page  Cl. 


~   140  — 

que  nous  avons  cité  plus  haut.  Fauconnier  s'était  adjoint  Mulleret,  puis  Wechte 
qui  devait  devenir  une  des  gloires  de  l'orfèvrerie  française.  Il  eut  pour  élèves  et 
uniques  héritiers,  ses  neveux  Joseph  et  Auguste  Fannière  qui,  durant  cinquante 
ans,  devaient  faire  tant  d'honneur  à  ses  leçons,  et  prendre  rang  parmi  les  premiers 
orfèvres  de  notre  temps.  Les  services  rendus  par  un  tel  homme  à  notre  profession 
ne  doivent  pas  être  oubliés. 

Le  dernier  grand  ouvrage  de  Fauconnier  est  un  vase  monumental,  en  argent 
doré,  haut  de  quatre  pieds,  qui  fut  offert  par  souscription  au  général  La  Fayette. 
La  forme  rappelle  une  amphore  antique  montée  sur  un  piédestal  qui  est  orné  de 
bas-reliefs  figurant  la  Fédération  de  1790,  et  qui  est  flanqué  de  quatre  figures 
allégoriques  :  la  Liberté  et  la  Loi,  la  Force  et  la  Justice.  Sur  la  panse  du  vase, 
une  inscription  votive  «  La  France  à  La  Fayette  »  est  soutenue  par  deux  génies 
ailés;  le  col  est  entouré  d'une  couronne  civique,  et  le  culot  décoré  de  feuilles 
et  de  fleurs  empi-unlées  à  la  flore  du  Nouveau  Monde.  Cette  œuvre  importante 
acheva  (répuiscr  les  ressources  du  malhenreux  orfèvre.  Vainement,  Madame 
Adélaïde,  pour  lui  venir  en  aide,  lui  avait  donné  un  atelier  dans  un  de  ses  hôtels; 
il  mourut  (piétines  années  après  dans  une  telle  indigence  qu'il  ne  laissa  pas, 
a-t-on  (lit,  de  (juoi  payer  ses  funérailles. 

Le  roi  Charles  X,  en  succédant  à  Louis  XVllI  (septembre  1824),  parut  vouloir 
réagir  contre  les  habitudes  inisanlhr()pi(pies  et  l'austérité  muette  de  la  cour.  Il 
aimait  les  fêtes,  le  bruit,  le  clinquant.  Il  ordonna  (pie  la  cérémonie  de  son  sacre 
fut  magnifique,  et,  à  cette  occasion,  les  orfèvres  eurent  à  satisfaire  à  quantité  de 
connnandes.  Ce  fut  Cahier,  fournisseur  attitré  de  la  grande  clientèle  religieuse, 
qui  fut  chargé  d'exécuter,  sur  les  dessins  de  Lafitte,  nous  l'avons  dit  plus  haut,  le 
calice,  les  burettes,  l'aiguière  et  l'ostensoir,  ornés  d'émaux  de  Sèvres,  ainsi  (pie  la 
Sainte-Ampoule  et  son  reliquaire  qui  figurèrent  aux  solennités  de  lieims  (1).  Ces 
objets,  qui  sont  restés  au  Trésor  de  la  Cathédrale,  donnent  mieux  que  n'importe 
quelle  description  l'idée  du  caractère  théâtral  de  ce  genre  d'orfèvrerie  à  cette 
époque. 

Le  héraut  d'armes  qui  figurait  dans  le  cortège,  portant  les  présents  offerts  par 
le  roi,  tenait  une  aiguière  de  vermeil  qui  était  l'duivre  de  Cahier;  nous  donnons 
la  reproduction  d'une  gravure  du  temps  qui  reproduit  cette  aiguière  et  atteste 
en  même  temps  les  splendeurs  de  cette  cérémonie. 

Le  livre  qui  devait  redire  l'extraordinaire  munificence  déployée  par  Ilittorff 


(1)  La  Saillie  Ampoule.  —  Vase  sacré,  contenant  l'huile  qui  servait  au  sacre  des  rois  de  France.  Suivant 
une  tradition,  dont  Hincmar,  archevêque  de  Reims,  parla  le  premier  au  neuvième  siècle,  elle  fut  apportée 
du  ciel  par  luie  colombe,  à  la  prière  de  saint  Rémi,  lors  du  baplêuie  de  Ciovis,  eu  496.  Son  baume  servit 
au  sacre  de  nos  rois  jusqu'à  la  Révolution.  En  1793,  le  représentant  du  peuple,  Rhul,  la  brisa  à  coups  de 
marteau  sur  la  place  ptibliqiu!  de  Reims.  Une  parcelle  du  baume  qu'elle  contenait  avait  été  dérobée  par 
l'abbé  Seraine,  curé  de  Saint-Rémi  :  elle  servit  au  sacre  de  Charles  X,  en  182a,  après  avoir  été  enfermée 
dans  une  nouvelle  ampoule  enrichie  de  pierreries,  que  l'on  conserve  encore  à  Reims.  (A,  Dictionnaire  de 
Larousse.) 


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Éà 


wp^.pnAJïKôuAuoAUA(mmAOAmmwj^iUiiOùm^^ 


Grand  vase  olTcrt  à  La  Kayette. 
(Œuvre  de  Fauconnier.) 


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M. 


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Aijiiui'i'o  el   plateau  pour  les  olVrancles.     ('.liclu'-  \l.  lîotluL'r.i 

Calice  et  châsse  tlile  Saiiite-Aiiipoiile. 

(Sùivivs  (le  Ch.  Cahi.'i-. 


'  7  /•  c  s  o  r  cl  e    l  ;i    ('.  u  l  h  c'  </  r  ;(  le   de    II  c  i  m  s 


I 


—  H.1  — 

(1,111-^  I.mIci'oimI  ion  (le  1,1  cil  ImmIimIc  de  Uciiii-^,  d.iiis  la  salle  <|ii  l)aiii|iicl ,  arcom- 
iiiodi'i'  a  la  ;.'nl  linnii-,  a\cr  ^cs  di  ii-iiicn  ,  m-s  jdsircs,  ^cs  laldcaiix  (\c->  Mois  de 
l'iMiicr,  lie  lui  laiiiiiis  arlicM'.  Cniiiiiiciifc  |iar  llill oill",  ;.'-rav<'  Icrilciin'iil  |t;ir  llcriri- 
i|iii'|  hii|>inil,  (|iii  avail  cil'  cliariji'  de  ce  lra\ail  cl  n'en  a\ail  ;.'r;i\<''  ipir  (|iicli|ii('s 
iilaiiclics,  roiixiaL'i'  n'clail  pa^  tci'iiiiiic  a  la  lic\  oliil  ion  ilr  |S,"!().  l/i'\ciii|)lairr  iiiii- 
l'IicNc  ('\i>li'  au  caliiiicl  des  l!>l aiiipcs.  Il  (•->!  ciiiicuv  a  (■(iiisuKcr.  .Nous  y  asoiis 
liMUM'  la  salle  du  Uaui|U('l ,  rappela  ni  rdninniiaucc  des  }.;raiids  cou  \crls  daiil  rcj'ois. 
Le  |-(»i  cl  les  princes  du  saUL:  sur  une  laide  sium'Icn  l'c  dans  |c  fond  de  la  salle 
l'ai  dessous,  les  cardinaux,  les  c\(~'(pies.  les  re|ir(''senlaul  s  de  rai-ni(''c  cl  de  la  nia- 
:;is|raliu'c  elaicul  assis  sur  des  laMes  en  c{(nlrel)as.  La  ('.oui'  assislail  au  liaii(|ucl 
dans  une  Irilunie.  I,e  nuMuenl  choisi  pai-  l'arlisle  cs|  c(diii  oii  TarclicN  c<pic  de 
lU'iills,  d(di(Mil,  rccile  le  licncilicilc .  La  (aide  csl  dt'cori'e  de  sm'louls  en  c(»loii- 
iiadcs  cl  d'ariienlcric  surauiK'c  ;  mais  le  ci-rf-uioiiial  csl  celui  de  la  (!our  du 
(îrand  lîoi.  Les  ot'licicr-  de  liou(dic  soni  la,  raii^(''s  deiricrc  la  (lour,  celui-ci 
olVraul  uu  plal.  Ici  auli'c  ^(u'ilanl  les  \ins,  Ici  autre  |)as>aid,  le  calV'.  On  avail  iilaisir 
à  rcNcnir  aux  anciens  crrenicids. 

Mais  ce  (pii  doil  èlre  pari iculièi'cnienl  signalé  à  colle  (•('•i-éinoiiic  du  sacre,  cl,  ce 
([ui  inai'(|uc  véi'ilalilcnicnl  une  date  <lans  riiisloire  des  arts  induslriels  de  celte 
périodes  c'est  la  décoration  genre  gotliique  adoptée  par  rarcliitecte  lliltorlT  pour 
rintéri(HU'  de  l'église.  Déjà,  (pielques  mois  auparavant,  à  l'occasion  du  baptême 
du  duc  de  iJordeaux,  cl  dans  le  développemeid  d'allégresse  au([U(d  doinia  lieu  cet 
évéïieuient,  IliltorlV  et  Leconite  avaient  imaginé  d'envelopper  l'église  Notre-Dame 
de  Paris  d'un  vaste  décor  plus  ou  moins  amphigourique,  empruuté  à  uotre  antique 
arcliitecture  nationale,  c'est-à-dire  au  gothique.  C'était  un  gothique  d'image 
d'Epinal,  un  gothi([ue  invraisemblable  et  puérilement  travesti.  L'idée  de  cette 
tente  ogivale  en  avant  du  portail,  les  draperies  lourdes  cachant  les  sveltes  piliers 
de  l'église,  les  lampadaires,  les  écussons,  travestissant  les  nobles  architectures 
de  la  cathédrale,  nous  apparaissent  aujourd'hui  presque  ridicules.  Mais  l'idée 
d'ilittorlîeut  du  succès,  et  dans  l'absence  totale  de  direction  dont  l'art  souffrait 
alors,  dans  l'incertitude  navrante  de  la  voie  à  suivre  où  se  trouvaient  les  décoi*a- 
teurs,  elle  fut  saluée  comme  un  symptôme  et  comme  l'avènement  de  l'orientation 
nouvelle  qui  répondait  à  un  intense  mouvement  d'opinion.  N'était-ce  pas  le 
moment  où  la  lecture  du  Génie  du  Christianisme,  de  Chateaubriand,  avait  remué 
toutes  les  âmes,  où  les  romans  de  Walter  Scott,  les  drames  de  Schiller  et  de 
Gœthe,  les  poésies  de  Byron,  ramenaient  l'attention  passionnée  du  public  sur  le 
moyen  âge,  et  où  commençait  à  s'épanouir  cette  littérature  dite  romantique^  qui 
allait  animer  de  sa  flamme  toute  une  génération  de  puissants  esprits? 

La  Restauration,  par  une  réaction  logique  et  naturelle,  repoussait  l'art  que 
l'Empire  avait  rendu  populaire  sous  l'autorité  d'un  César  qui  disciplinait  si  bien 
son  entourage.  Après  avoir  été  solennel  et  auguste,  on  le  voulait  sentimental  et 


—  146  — 

pittoresque.  Ce  besoin  de  nouveau,  cette  aspiration  vers  la  poésie  eurent  une 
influence  considérable  sur  l'évolution  du  goût  et  firent  rejeter  les  pastiches  de  l'an- 
tiquité dont  on  avait  assez;  on  se  passionna  pour  le  gothique  et  les  monuments  du 
moyen  âge.  Mais  les  novateurs  ne  s'apercevaient  pas  qu'ils  ne  faisaient  que 
substituer  une  convention  à  une  autre,  oubliant  que,  pour  renouveler  un  style,  la 
véritable  source  toujours  inépuisable  où  se  sont  inspirées  les  grandes  époques  de 
l'art  :  c'est  la  nature,  et  non  la  copie  des  Œîuvres  passées  qui  peut  les  conduire 
à  leur  but. 

Au  sacre  de  Reims,  la  décoration  de  Hittorlï'  n'eut  déjà  plus  le  même  attrait 
de  nouveauté.  Victor  Hugo  était  là,  lui,  le  plus  ardent  chef  de  la  jeune  école,  qui 
allait  bientôt  faire  jouer  Hernani;  Lamartine  et  Nodier,  et  Chateaubriand  lui- 
même  s'y  trouvaient  aussi.  Mais,  ils  ne  goûtèrent  qu'à  demi  cette  mascarade 
moyennageuse  (jui,  pour  eux,  ne  traduisait  qu'en  un  décor  trop  grossier  leurs 
rêves  de  poètes. 

«  J'aurais  compris  le  sacre  tout  autrement,  disait  Chateaubriand  à  Victor  Hugo; 
l'église  nue,  le  roi  à  cheval,  deux  livres  ouverts,  la  Charte  et  l'Evangile,  la  Religion 
rattachée  à  la  Liberté  ;  au  lieu  de  cela,  nous  avons  eu  des  tréteaux  et  une 
parade  (1).  » 

La  parade  continua  à  Paris,  où  les  fêtes  succédèrent  aux  fêtes.  A  l'Hôtel  de 
Ville  il  y  eut  bal  et  banquet,  où  figura  le  fameux  service  de  Sèvres  d'un  million. 
Puis,  ce  fut  au  Ministère  de  la  Guerre,  où  le  marquis  de  Clermont-Tonnerre  donna 
une  réjouissance  militaire  d'un  luxe  qui  rappelait  celui  de  l'Empire.  Au  Ministère 
de  l'Intérieur,  l'architecte  Joly  réalisa  des  féeries.  Chez  l'ambassadeur  de  Russie, 
au  Ministère  de  la  Marine,  où  la  duchesse  de  Berry  fit  sensation,  chez  l'ambassa- 
deur d'Angleterre,  le  duc  de  Northumberland,  qui  avait  fait  venir  de  Londres  sa 
vaisselle  d'argent  et  d'or  estimée  plus  de  trois  millions,  toute  l'aristocratie  se  rua, 
rajeunie,  folle  d'enthousiasme  et  ivre  de  plaisirs. 

Dans  ce  débordement  de  fêtes  qui  saluaient  l'avènement  du  nouveau  roi,  les 
orfèvres  eurent  leur  part  d'effort  et  de  profit.  La  mode  voulait  du  style  gothique; 
ils  se  mirent  au  gothique,  au  décor  «  à  la  cathédrale  »,  aux  interprétations  les  plus 
invraisemblables  d'une  époque  et  d'un  art  qu'on  ne  s'était  pas  encore  donné  la 
peine  d'étudier  et  qu'on  croyait  naïvement  faire  revivre  en  les  caricaturant.  L'explo- 
sion fut  trop  exubérante.  «  A  la  simphcité  monotone  de  la  Hgne  droite,  à  l'imita- 
tion un  peu  froide  de  l'antique,  on  substitua  la  ligne  brisée;  à  la  maigreur  des 
ornements,  succédèrent  des  ornements  à  tout  propos...  Cette  initiation  avait  été 
subite,  cet  engoûment  trop  rapide;  le  public  admira  tout  sans  se  rendre  compte 
de  rien  (2).  »  On  fouilla  le  cabinet  des  estampes;  les  artistes  se  hâtèrent  de  copier 


(1)  Victor  Hufjo  raconté  par  un  témoin  de  sa  vie.  (Elit.  Lacroix,  1868,  tome  II,  p. 

(2)  Comte  de  Laborde,  Rapport  sicr  les  beaux-arls  en  1851,  page  206. 


Héraut  portant  des  ollVandcs  au  sacre  do  Cliarles  X. 
{Livre  du  Sacre.  Cabinet  des  Estampes, ) 


•y.    = 
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1»1 


—  iS3  — 

les  proilih  tiiMi-,  des  divers  âges,  l  ii  lilir.iirc  avisé,  DiU'IuîSiic  aiiit',  n'-iiiiil  diiiis  dr 
{jfraiuls  voliiiufN  toiilcs  les  csLiiiiim  ^  i|(ii  as.iiciit  scrxi  aux  lahricanls  drs  sri/iniir, 
dix-scptirilli'  cl  dix-liiiil  iciih'  skmIcs.  Oiilic  les  (imimc^  (•()m|»|rl('>,  dr  Marcd, 
Lcpatil  rc,  llcraiii,  Mci^sonnicr,  il  olVnl  aii\  arlislcs  m'|i|  noIiiiiics  jioiir  lOrlcv  rri-ic, 
si'|tt  |Mitii'  la  lu  jtml  Clic,  lin  |Hiiir  la  |(iaillciic,  de.  (les  .'{()()()  |ilainlic->,  ronlcuaiil, 
environ  hiOOl)  iihulcU"^  saric'^,  dcliaNercnl  les  indiisli-icU  de  iiKideles  e|  d'iiji'es. 
(".'est  a\ee  ces  docnincnls,  <|iii  n  a\aienl  pas  ('■le  coordonnes  par  un  arlisie,  <|iie 
l'on  eonlrt'lK  le  Vieux  à  (orl  e(  ii  travers.  On  amplilia,  on  rc'diiisil.  les  (envres 
aih'ieiHU's  selon  les  nouvelles  applications,  sans  se  rentlre  compte  des  conditions 
priiiiiliscs  des  nioth'lcs;  on  associa  sans  scrnpnle,  on  ap|iliipia  sans  disceriienient . 
et  de  celte  inisc'ralile  cuisine  ne  |)iireiit  soi'tir  «pie  les  nn''lan;jes  du  |»liis  inaïuais 
goùt(l). 

Ij'édueation  n'était  pas  faite.  Les  expositions  rétrospcelivcs  n'avaicnl  pas  été 
inventées,  et  les  artistes  eoninie  les  industriels  n'avaient  pas  suflisainnient  étudié, 
sur  /es pircos  //ir/fics  de  répo(|ue  dont  ils  voulaient  s'inspirer,  le  caractère  ty[)ique 
de  leur  ('ou('epti(Hi  et  les  (pialilés  niaîtresst's  de  la  uiain-d'ieuvre  (pic  nous  eoin- 
preiions  mieux  et  (pu*  nous  admirons  tant  aujourd'hui.  Nos  contemporains,  non 
pas  mieux  doués,  mais  mieux  renseignés,  ont  réussi  à  faire  des  œuvres  modernes 
que  l'on  confond  avec  les  œuvres  anciennes,  tant  elles  ont  la  même  saveur  et  la 
même  maîtrise,  si  bien  que  l'industrie  des  truqueurs  ({ui  font  du  vieux-neuf  a 
trouvé,  dans  cette  éducation  de  l'œil  et  de  la  main  d'ouvriers  habiles,  le  moyen  de 
tromper  l'amateur  le  plus  avisé. 

C'est  le  temps  où  la  duchesse  de  Berry  donnait  son  fameux  bal  travesti  où 
elle  paraissait  en  Marie  Stuart,  et  dont  tous  les  costumes  avaient  été  dessinés  par 
Euj;;ène  Lami,  qui  avait  également  fourni  les  modèles  des  bijoux,  des  dagues  ou 
épées,  et  des  moindres  accessoires.  C'est  alors  aussi  que  les  riches  financiers, 
comme  James  de  Rothschild,  pour  son  hôtel  de  la  rue  d'Artois,  ou  Barillon,  pour 
son  logis  de  la  Chaussée  d'Antin,  commandaient  des  services  de  vermeil,  des 
vases,  des  coupes  en  argent  où,  sous  prétexte  de  ressusciter  l'art  du  passé, 
étaient  accumulées  les  décorations  et  les  figures  d'une  invention  échevelée.  Le 
plus  étrange  —  et  ce  qui  fut  heureux  pour  les  industries  françaises  —  c'est 
que  l'engouement  pour  ce  style  pitoyable  devint  européen,  des  journaux  de 
l'époque  sont  remplis  d'avis  tels  que  celui-ci  que  je  relève  au  hasard,  à  la  date 
de  1829  : 

«  Le  roi  d'Espagne,  à  l'occasion  de  son  mariage,  vient  de  faire  faire  à  Paris 
un  prie-Dieu  de  dix  pieds  de  hauteur,  de  forme  gothique,  en  acajou,  orné  de 
bronze,  d'argent  et  de  peintures  sur  porcelaine  (2)... 


(1)  Comte  lie  Laborde.  Rapport  sur  les  beaux-arts  en  1831,  page  205. 

(2)  Journal  de  la  Mode   Paris,  rue  du  Helder),  livraisons  d'octobre  à  décembre  1829,  page  176. 


lo 


M.  Henri  Bérakli,  dans  son  remarquable  ouvrage  sur  la  liclmre  an  dix-Jieiivième 
siècle  (I),  a  signalé  les  bizarres  reliures  d'orfèvrerie  de  style  cathédrale  faites  à 
cette  époque  pour  complaire  aux  grandes  dames  qui  voulaient  habiller  leurs 
missels  ou  leurs  «  Heures  de  la  Vierge  »  d'un  vêtement  de  métal  conforme  au 

goùf    du    jour,    car   les 
femmes  de  la  Restaura- 
tion   ne   furent  pas  les 
moins    actives    adeptes 
du    mouvement   roman- 
tique. Beaucoup  avaient 
leur    boudoir    ou     leur 
chambre  à  coucher  meu- 
blés avec  cette    recher- 
che    sentimentale      qui 
caractérise   la  tendance 
des  esprits  à  celte  date. 
Ton!   ('tait  mirage  et  il- 
liisiou.  Dans  le  moindre 
ornement,     les     imagi- 
nations    surexcitées 
croyaient    voir    revivre 
les  j)lus  purs  chefs-d'œu- 
vre des   époques    d'en- 
thousiasme. Il  n'y  a  que 
la    foi     qui     sauve,    et, 
comme    la    science   ar- 
chéologique n'était  point 
encore    née,    aucun  cri- 
tique malencontreux  ne 
venait  calmer  ces  admi- 
rations qui   s'exaltaient 
à  faux. 

Certaines  femmes  de 

ce    temps    avaient    sur 

leur  «  commode  »  une  place  réservée,  —  ce  que  la  duchesse  de  Berry  nommait 

son  petit  Dunkerque   (2),  —  oii    s'entassaient,    au   caprice   de   la   journée,   les 


I 


.Ueliiu'c  calliôtlrale. 

Extrait  de  roiivra;^e  de  M.  Henri  BJraldi  siii-  la  Reliure 

iui  clix-neiivièine  siècle. 


(1)  M.  Béraliii  cite  aussi  de  très  int^ressautes  reliures  en  argent  exécutées  vers  1840  par  Rossigneux, 
Liéuard,  Uiester,  puis  en  1875  par  Falize.  Cf.  la  Reliure  au  dix-neuvième  siède  (l^iris,  1S'J(>;  librairie  Con- 
ques), 4  vol.  in-18. 

(2j  Celait  l'enseigne  d'un  bazar  à  la  mode  et  très  achalandé  à  cette  époque. 


l>al>i<>l<'^  <l<'  |ii'i\,  li'^  ciliiiicN  <r(''l)('lM',  1rs  Imilc^  il  |)ij()ii\,  Ic^  lodiris  de 
foiMil,  l('N  cidix  lie  iiaiTc,  clc  I  ne  poc'-sic  de  I.aniarl  me  ^iir  la  i-oiipc  dr  So- 
ciale a\ail  Idiiiiii  aii\  (iiT<'\ics  un  llicinc  de  dccur  |m)III'  les  ii|)|c|s  de  ce  ;jciirr, 
t'I  (•('  lui  a  i|iii  aiiiail  sa  ><  loiipc  »  |iiiiir  s'enivrer  il'idi'al.  Ajoide/.  a  ((da  la 
Inreiir  |HUir  les  lleiir'^  (|iii  coiniiieiieail  a  se  i-i'paiidre,  e|  (|ni  >iiscila  mie  in- 
liiiile  de  jaiiliiiieres,  |  oui  un  assurl  iiiieiil  i|iie  les  orlcN  i'e>  eiireiil  a  eonreci  ioniier. 
('.'es|  ainsi  ([ne  Madame  eiil ,  |Mim'  ses  arr(isa,u:es,  une  idiaiilepleiire  imili'e  de  celle  de 
Naleiiliiie  île  Milan,  îles  h  aiiioms  de  ciseaux  irar;jeiil  ■>  |)iMir  la  laille  des  feuille^, 
et  mie  Ium'Iic  d'ari^enl  punr  ^t^raller  la  Ici  ic  II  l'-lail  inuxeii  à;je  d'adorer  les  Heurs 
sur  |Meil.  Il  ne  laudrail  |ias  m'anniniiis  |ireiidi'e  I  ri)|i  à  la  le  II  re  et  ^l'-iM-rali^er  a  l'exfîès 
les  l'ailleries  prov  iii|uees  |»ar  l'ail  du  ninliilier  sous  la  lieslaural  ion.  I/idi'c  (|u'oM 
esl  |»orle  a  s'en  l'aire  est  sou\eiil  inspin'-e  des  e\em|tles  i|u'oii  Iroiive  dans  les 
recueils  du  lemps  comme  l'ouvrai;!'  ciMidne  de  la  Ah'saugcre,  inliLuh';  Mciihlcs  et 
nhji'ta  dcijoùt.  Or  ces  livres  nous  moiilrenl  priiicipalemeni,  sous  j)i'é(<'xl('  d'élé- 
i^atice  luoiidaiiie,  des  lypes  d"e\ce|»l  ion,  des  lii/arreries  luxueuses,  el  non  j)as  les 
inti'rienrs  si'rienx  des  i^eiis  de  hou  (ou.  T-'esl  à  peu  près  comme  si  nous  ju^Moris 
aeluellemenl  le  i;oùl  de  noire»  ('poque,  (l"a|)rès  les  calaloi^ues  des  grands  ma^iasins 
(pii  vanleni  les  heaud'-s  des  exceulrieiiés  (prils  édilenl. 

Pour  appriM-ior  avec  oxactilude  ce  (jue  pouvait  être  rorfèvrerie  dusa^c  dui-aiiL 
la  Kestauialion,  il  faut  se  représenter  celle  qu'on  employait  couramment  dans  les 
maisons  de  ieiuie  rechei'elu'e,  chez  cerlaines  gens  de  la  liante  noblesse  ou  de  la 
bouri^eoisie  ('U'i^aule  e(  distinguée.  Là,  »)n  doiuiait  à  la  salle  à  mang^er  rimporlance 
capitale  ({ue  celle-ci  avait  au  temps  jadis.  Chez  le  duc  de  Choiseul,  par  exemple, 
c'est  une  grande  pièce  assez  sévère  meublée  tout  juste  des  objets  utiles,  la  table 
en  noyer,  les  chaises  en  lyre,  les  deux  bulfets-dressoirs,  dont  l'un  renferme  les 
cristaux,  et  l'autre  l'argenterie.  Une  minorité  gardait  l'habitude  de  la  vaisselle 
[)latc.  des  surtouts,  des  girandoles;  la  bourgeoisie  préférait  la  porcelaine  dé- 
corée. Le  service  à  la  française,  plus  volontiers  conservé  dans  les  maisons  de 
grande  allure,  avait  ramené  cette  mode  très  gaie  de  réchauds  et  de  cloches 
d'orfèvrerie,  destinées  à  couvrir  les  plats  et  à  les  maintenir  chauds  et  à  décorer 
la  table.  «  Odiot  a  produit  en  ce  genre  des  orfèvreries  tout  à  fait  charmantes. 
Sur  les  couvercles,  des  groupes  d'animaux  cadrant  avec  les  mets  :  un  renard 
qui  s'apprête  à  croquer  une  poule,  un  milan  ou  une  buse  dépeçant  un  lièvre, 
selon  qu'on  servait  une  volaille  ou  un  gibier.  Les  plats  à  poisson  sont  recou- 
verts d'un  brochet  ou  d'une  carpe;  les  écrevisses,  d'un  coquet  buisson  formé 
des  carapaces  et  des  pinces  entrelacées.  Sur  les  casseroles,  des  groupes  de 
légumes,  artichauts  ou  choux-fleurs  ou  carottes.  Les  couronnements  que  nous 
reproduisons  ont  été  faits  par  Odiot  pour  le  service  Penthièvre.  Les  motifs 
usités  pour  l'orfèvrerie  qu'on  fabriquait  ordinairement  étaient  analogues,  mais 
d'une  composition  plus  simple.  »    «  La  figure  est  ce  qui  se  fait  de  mieux,  pour 


—  136  — 

la  vaisselle  plate  ou  les  objets  d'argent  »,  dit  M.  Henri  Bouchot  (1).  Les  fon- 
taines à  thé  ont  des  statuettes  d'ITébé,  des  Hercules  ou  des  Bacchus.  Cahier, 
orfèvre  du  roi,  fabrique,  en  1823,  un  pot  à  oille  dont  le  couvercle  a  pour  poi- 
gnée un  groupe  représentant  un  sacrifice  à  Gérés,  et  plus  tard,  sur  les  dessins  de 
Lafitte,  une  fontaine  dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  où  les  personnifications 
allégoriques  tiennent  la  place  principale...  C'est  de  cette  époque  aussi  que  datent 
les  petites  planchettes  d'acajou,  ornées  de  guirlandes  d'argent,  où  l'on  inscrit 
les  menus.   Quand,  sur  la  table,  les  surtouts  d'argenterie  font  défaut,  on  a  du 


;  -^'^4: 


Couronnements  de  cloches  et  casseroles  de  Charles  Odiot. 

moins  de  ces  friandises  décoratives,  de  ces  pièces  montées  et  sculpturalement 
construites  avec  des  nougats  ou  des  biscuits  et  qui,  aux  environs  de  1830,  repré- 
sentent tantôt  une  ruine  gothique^  une  abbaye  en  ruine,  tantôt  lermitage  sur  un 
rocher,  ou  l'église  de  campagne,  quand  ce  n'est  pas  sa  Majesté  Charles  X  elle- 
même  portraiturée  en  chocolat  et  juchée  sur  une  colonne  de  biscuit  de  Gênes. 

n  faut  bien  tenir  compte,  au  surplus,  des  nécessités  qu'imposait  une  clientèle 
nouvelle  de  plus  en  plus  nombreuse  qui  élargissait  chaque  jour  sa  place  dans  le 
monde,  et  réclamait,  sinon  le  vrai  luxe,  du  moins  l'apparence  de  la  richesse  et  du 
confort.  C'est  pour  donner  satisfaction  à  cette  classe  moyenne  de  la  bourgeoisie  que 


(1)  Henri  Bouchot,  le  Luxe  français  sous  la  Restauration,  page  22i. 


-   157  - 

rorrt'vrcrit'  i\o  /)/<ifjin'  <>{'  dt-vcloppiiit  alors,  m  :illriii|:in(  mir  aiil  n-  iinlii^liif,  «rllr  <\i- 
rai';^'('iiliii'(',  i|iii  n'allail  pas  larder  à  naître. 

.le  n'ai  pas  a  iiilrn-  ni  dans  les  dcLnU  leelniiipies  de  la  lalirical  ion .  ()n  --ail  «pie 
le  pr(ic(''d(''  ipn  ((Uisislc  a  "  pLupier  »  de  mi  m  es  rmillfs  d'ar;.'enl  sur  des  lin;.' ois  on 
des  feinlles  de  enivre,  hien  (pi'il  paraisse  l'orl  amien,  avail  eonipleleineni  disjiaïai, 
lors(|irii  lui  reli(in\e  en  17  'l'I  par  un  ouvrier  aii;^lais  uouium'-  Thomas  lUjJsovcr,  e()U- 
tolier  à  Shctlield,  puis  appliiiin-  a  l'oi-t'èvreiàc  dans  de  jurandes  |)roporli<)ns  par  les 
inaïud'aclm'es  de  r>niiimL;liani ,  ipn  en  hrereni  des  assorlinienls  eomplels  de  \aisN(dle, 
des  vases  d'une  ^l'andenrel  dune  peiTecdion  exli'aordinaires  ;  j'ai  di-ja  mentiomié, 
dans  la  première  par  lie  de  ei'l  le  (d  inle,  les  eUdrl  s  fa  il  s  par  Louis  \  VI  poin-  inl  roduire 
en  l'ranee  celle  indusirie  du  doid)le  on  du  |tlaipie.  hes  I7S."),  le  l'oi  a\ail  alVech'  nue 
somnu'  de  lO(MIIII)  li\  res  a  la  fondaliou  d'une  fahrifpie  (pii  Cul.  iiislalh'e  a  lliôhd 
de  Pomponne,  rue  de  la  \  (M'i'crie.  Apres  la  Hévolulion,  le  procédé,  un  |)en  alian- 
doniK'.  lil  de  nouveaux  progrès,  _ui-àee  aux  cfîbrts  de  la  Société  d'('neom-a;^cnienl 
à  linduslrie  nalionale  (pii  j)i'oposa  un  prix  |)our  son  ain(''lioi"dion.  Le  prix  l'id 
déeiMau'  en  ISII  a  deux  faltrieanls,  Lcvral  (d  Papiiiaud,  Icscpicds  exposèrent,  on 
ISI!).  de  la  vaiss(dle  de  lable,  casseroles,  i)lats,  soupières,  réchauds,  exécutés 
avec  l(^  plus  <;rand  soin,  el  (pii,  i)la([ués  au  20%  ne  se  vendaient  pas  plus  (diei'cpie 
lorscpi'ils  relaient  au  MY.  (iClte  diminution,  due  au  [)rogrès  d'une  fabrication 
écononiiipie,  favoi'isa  grandement,  on  l'imagine,  le  développement  de  l'orfèvrerie 
en  plaipu'  ((ui,  à  l'Exposition  de  182.'],  oitlini  du  jui-y  les  encouragements  et  les 
éloges  les  plus  vifs. 

ATExposilion  de  l'industrie  de  1827  —  la  troisième  qui  ait  eu  lieu  depuis  la 
chute  de  l'Empire  —  l'industrie  de  l'orfèvrerie  en  plaqué  se  montra  d'autant  plus 
florissante  qu'on  avait  commencé  à  remédier  à  quelques-uns  de  ses  inconvénients. 
Plusieurs  fabricants  de  mérite,  Fabre,  successeur  deTourrot,  Levrat,  Gandais,  et 
surtout  Théodore  Parquin,  Charles  Balaine  et  Veyrat,  avaient  appris  à  éviter 
qu'on  put  apercevoir  sur  les  bords  du  métal  l'épaisseur  de  la  feuille  de  cuivre  en 
recouvrant  ceux-ci  d'argent  soudé  à  l'étain.  Ils  savaient  aussi  très  bien  estamper 
leurs  pièces  au  mouton,  avec  une  netteté  remarquable,  absolument  comme  pour 
l'orfèvrerie  d'argent.  Les  vaisselles  de  table,  de  Parquin  et  de  Charles  Balaine, 
furent  appréciées  pour  leur  excellente  exécution.  11  restait  encore  au  plaqué  à 
corriger  un  notable  défaut,  celui  de  laisser  voir,  après  un  court  usage,  l'usure 
des  parties  saillantes  des  ornements,  des  bordures  des  plats,  des  couronne- 
ments des  casseroles  et  des  cloches,  des  anses,  boutons,  etc.,  qui,  sous  l'action 
répétée  de  la  main,  et  par  le  frottement,  perdaient  leur  mince  couche  d'argent  et 
laissaient  apparaître  le  cuivre.  On  y  remédia  en  partie  en  appliquant  à  la  sur- 
face du  plaqué  des  ornements  estampés  en  argent  massif  et  soudés  à  l'étain. 
Mais  le  procédé  était  coûteux. 

Si  l'industrie  du  plaqué  répondait  à  un  besoin  de  la  consommation  —  ce  qui 


—  158  — 

expliquerait  son  succès  —  elle  était  loin  d'employer  les  formes  heureuses  et  les 
décors  charmants  qui  rappelaient  l'art  de  l'orfèvre  au  dix-huitième  siècle,  ni 
môme  le  style  Empire  dont  on  avait  tant  d'exemples  sous  les  yeux.  Les  modèles 
étaient  déplorables.  Les  dessins  que  nous  avons  retrouvés  dans  les  publications 
de  l'époque  et  que  nous  reproduisons,  nous  édifient  suffisamment  sur  ce  point, 
et  cependant,  au  dix-huitième  siècle,  ceux  qui  l'avaient  précédée  et  qui,  soutenus 
par  la  faveur  de  Louis  XVI,  avaient  créé  la  fabrique  de  Pomponne  (1),  rue  de  la 
Verrerie,  avaient  su  donner  à  leur  œuvre  un  caractère  d'art  que  n'auraient  désa- 
voué ni  Germain,  ni  Riettier.  Les  procédés  de  fabrication  du  phujué  ne  s'oppo- 
saient donc  pas  à  donner  aux  pièces  exécutées  un  aspect  agréable.  Mais  ceux  qui 
les  mettaient  en  œuvre  sans  étude  préalable  et  sans  goût  n'étaient  nullement 
préparés  par  leur  origine  ou  leur  métier  à  l'art  de  l'orfèvre,  et  ne  cherchaient 
qu'à  donner  satisfaction  à  leur  clientèle  qui  voulait  du  bon  marché. 

On  verra  plus  loin  comment  le  procédé  du  plaqué  fut  battu  en  brèche  et 
finalement  détrôné  par  celui  de  l'argenture  électro-chimique.  Reprenant  les  pro- 
cédés de  la  fabrication  de  la  véritable  argenterie,  le  repoussé,  la  retreinte,  la  fonte 
et  la  ciselure  sur  la  pièce  en  cuivre  avant  l'argenture,  l'orfèvrerie  argentée  allait 
ramener  l'art  de  l'orfèvre  dans  sa  véritable  voie.  Comme  l'imprimerie  avait  tué  le 
manuscrit,  l'argenture  allait  se  substituer  au  plaqué.  Ceci  tuera  cela. 

L'Exposition  de  1827  amena  quelf{ue  chose  d'inattendu,  une  recrudescence 
de  l'imitation  du  genre  anglais.  Et  ce  fut  Odiot  fils  qui  la  provoqua.  Avant  de  se 
retirer  des  affaires,  son  père  avait  envoyé  le  jeune  homme  achever  son  instruction 
technique  à  Londres  :  il  était  entré  en  qualité  de  sculpteur  dans  la  grande  maison 
d'orfèvrerie  de  Garrard  installée  dans  cette  ville,  et  s'y  était  non  seulement  entiché 
des  formes  à  la  mode  dans  ce  pays,  mais  il  en  avait  rapporté  des  procédés  et  un 
outillage  qui  n'étaient  point  encore  connus  en  France. 

En  faisant  connaître  en  France  l'outillage  qu'il  avait  vu  en  Angleterre  et  dont, 
avec  son  esprit  pratique,  il  avait  apprécié  toute  l'importance,  Odiot  savait  que,  s'il 
allait  être  le  premier  à  en  profiter,  il  rendait  en  même  temps  un  éminent  service 
à  ses  confrères.  L'emploi  du  tour  rond  et  ovale,  des  machines-outils,  des  décou- 
poirs,  des  balanciers,  des  matrices,  qui  devaient  rendre  la  fabrication  plus  éco- 
nomique, se  généralisa  rapidement  et  permit  aux  orfèvres  de  soutenir  la 
concurrence  de  l'étranger.  Mais  cet  outillage  ne  pouvait  pas  s'appliquer  à  l'exé- 
cution de  la  belle  orfèvrerie  d'après  les  modèles  qui  existaient,  et  obligeait  à 
faire  des  modèles  nouveaux  dont  l'exécution  n'était  possible  qu'avec  des  ma- 
trices. Les  formes  s'alourdirent,  les  ornements  perdirent  de  leur  élégance  et 
l'on   dut  forcément  adopter  le  style  que    les  Anglais  avaient  fait  connaître.  Le 


(1)  Voir  le  premier  volume  de  VOrf^o)evie  française  au  div-huitiême  siècle.  Page  231,  lii  Soupière   eu 
plaqué  de  Pomponne,  aujourd'hui  aux  Arls  décoratifs. 


1-.!» 


,3^^ 


.^^mi^s^mm 


Modèles  d'orfévreiùe  en  plaque,  sous  la  Restauration. 


(m 


-   un  — 


Mlisi'c  ifiilciliuil  iiiUis    iiioiilic    (les   pirccs   ral.ii(|iii''i's    |);ii-  Odiul.  <|iii    «>\\\    dcNc- 

iiiics    (les    picrcs    liis((iii(iiic^     tl    i|iii    iiiol  i\  ••nul    le    rcpriKlic    (|ii  un     lui     lil    ^i 

soiiMMil  d'asi.ir  proNoiiiK'  riiiiil;il  imi   du  -ciirc  ;iii;.'l;iis.    I.r  ll;iiiil)c;iii    cvi-osi-  riail 

Clllicicillflll     lail     ;i\cc   (les    mal  rii'f'>,    le    lui     cl    les    I.Dhcrhr-;    rll     .|rii\     (•..i|lllllcs 

S(iii(l(-('s,  le  |.I(mI   ••slampc    a    [.lai.   I /iiilliiciicc  aii-lai^c   ('-lail    hini    |.Iiin    iii;ir«|ii('<; 

encore   dans   la  calrl  mtc  fl  la   llicincdc  luianc   -(nn'dr  allon-i'c;  Ic-^  «nncnn-iils, 

{^l-ilh'S,    Ih'c  t'I   anse,  flai<-nl  con.  lis  piun-  rln-  lad  ^  as  rc  dc^  mal  lircv.  d   la    dcco- 

ralioii   de   l;i   panse,    un   peu    Idin'dc  clail    e>.lani- 

péi'    en    (pialrc    paihes   icunio    par    la    somhire. 

{".'('lail    K'   l\pf  qui  rellclail    le  mieux  le   souvenir 

ipi'Odiol    avait    rapporli-    de    son    S(''jonr    en    An- 

i^leleri'e    et    (pii    fui    adoph'    d'enl  liousiasnie    par 

les    l'aliricanls     de     phupn'.    ipii,    li'onvanl     dans 

ce    i^t'ure    de    di-eor   le    moNcu   de    faeililer    leur 

ralirieaiion,  ne  pou\aienl  se  passer  de  Toidil- 
lai^e  iiulispensaltle  pour  la  l'endre  praliipic  et 
éeonomiipie. 

(ilu)se  l'urieuse!    Le  j^iddic   français,  el    tous 

les  i)ons  orfèvres  de  oe  temps,  à  la  suite  d'Odiot 

fils,  Lelu'im,  Fauconnier  lui-même,  par  uiomeuls 
seulemeid,  sans  parler  des  i>la(pienrs,  se  mirent 
à  (|ui  mieux  mieux  à  faire  du  i^ciii'c  an^^iais. 

On  peul  s"cxpli(|uer  ce  singulier  eufiouement 
de  la  façon  suivante.  En  Angleterre,  où  les  lar- 
gesses d"une  aristocratie  sont  restées  de  tradi- 
tion, la  consommation  que  l'on  fait  de  l'orfèvre- 
rii'  a  toujours  été  énorme.  Mais,  faute  d'inie  in- 
vention persoiuielle,  les  argentiers  anglais  ont 
presque  constamment  copié  le  goût  français.  Or, 
sous  la  Restauration,  ils  en  étaient  encore  au  style 

Louis  XV  qu'ils  imitaient  tant  bien  que  mal,  et  plutôt  mal  que  bien.  Tandis  que 
chez  nous,  depuis  la  réforme  archéologique  de  David,  on  avait  déjà  parcouru  la 
gamme  de  plusieurs  essais  de  style,  s'éprenant  tour  à  tour  de  l'antique,  du 
gothique,  de  la  Renaissance,  à  Londres  on  en  était  resté  exactement  au  point 
où  nous  nous  trouvions  vers  1775.  Si  bien  que  lorsque  les  émigrés  d'abord, 
puis  Odiot  fils,  montrèrent  à  Paris  des  services  d'argenterie  anglaise,  on 
considéra  comme  une  nouveauté  cette  orfèvrerie  venue  de  chez  nous.  «  On 
admira  ses  formes  majestueuses,  amples,  cossues,  qui  étaient  nos  anciennes 
formes  françaises;  ses  moyens  d'exécution  et  ses  conditions  de  bonne  fabri- 
cation   qu'elle    devait    au   maintien   de   ses   vieilles    traditions   qui    étaient    les 


Flaniljeaii  en  ar^i'iit  estanipê. 
[Modèle  de  Cli.irles  Odiot.) 


—  162  — 

nôtres  (1).  w  Le  pis  c'est  qu'on  ne  s'en  tint  pas  là.  Lorsque  les  Anglais,  im- 
puissants de  trouver  en  eux  les  ressources  d'invention,  abandonnèrent  le  style 
Louis  XV  pour  se  lancer  à  leur  tour  dans  le  galimatias  des  imitations  moyen 
âge,  à  la  remorque  de  notre  Ghenavard,  l'orfèvrerie  française  ne  renonça  pas 
encore  à  leur  demander  des  modèles,  et  l'on  vit,  sous  le  règne  de  Louis- 
Philippe....,  mais  n'anticipons  pas. 

L'Exposition  centeunale  était  relativement  pauvre  en  pièces  d'orfèvrerie  datant 
de  l'époque  de  la  Restauration.  Nous  avons  dû  recourir  à  l'album  publié  par  Bance 
qui,  avec  le  concours  de  Normand,  Lafitte  et  Soyer,  avait  donné  des  types  très 
précis  des  pièces  d'orfèvrerie  exposées  en  1819,  1823,  1827  ;  et  nous  avons  pu 
reconstituer  ainsi  la  physionomie  des  pièces  exécutées  à  l'occasion  de  ces  Expo- 
sitions par  Odiot,  Cahier  et  Faucounier. 

Dans  les  vitrines  du  Musée  centennal,  on  ne  trouvait  que  des  pièces  d'usage 


*^2Î^^ 


Salières  [Colleclion  Dreviin  de  la  Garilie) 
{Musée  centenn.il.) 


qui  continuaient  à  emprunter  aux  styles  de  l'Empire  leurs  formes  et  leur  décor. 

Nous  donnons  ici  un  service  à  thé  sur  plateau  à  galerie  ciselée  formant  un 
ensemble  très  complet.  La  fontaine,  en  forme  d'urne,  appartenant  à  la  marquise 
Guilhem  de  Pothuau,  est  cerclée  sur  la  panse  d'un  bandeau  avec  ornements 
ciselés.  Les  anses  s'amortissent  sur  le  corps  par  des  tètes  d'hommes  barbus.  Elle 
est  l'œuvre  de  Fauconnier.  Les  autres  pièces  du  service  ont  un  décor  analogue 
et  ont  été  complétées  de  nos  jours  par  l'orfèvre  André  Aucoc,  qui  a  su  con- 
server le  caractère  de  l'époque. 

Nous  reproduisons,  dans  la  même  planche,  une  théière  dont  le  bec  à  col  de 
cygne  s'ajuste  avec  élégance  sur  un  corps  bien  proportionné.  Nous  reproduisons 
également  deux    aiguières    qui   avaient   été   prêtées   au    Musée   centennal    par 


(1)  Comte  tle  LaborJe,  Rapport  de  1851,  déjà  cité,  page  371. 


(63 


Cafetière,  théière,  siicriei-,  crémier  en   ar;.'eiit. 
[Modèles  lie   ('hurles  Oiliot. 


ic: 


Service  à  thé  sur  plateau.  iColleclion  M.ivquis  Guilhem  de  Polhuau.) 
Tliéièrc  Heo  di'  {>y^ne.  [Musée  centennal.) 


ir,7 


Deux  aiguières  et  ciivellcs. 
Musée  centennaL  —  Collection  Goldschniidt. 


!  \ 


—    Hlit  — 

iM.  (loliUrliiiiiill  .  h;iiis  |;i  |iii'iiiiriT,  la  ciiNflIt',  de  (nfilir  (iMilc,  rsl  ciM'h'c  sur  Il*8 
lionU  (I  iiiic  lii^c  de  |)aliiit'l  I  !•--  alliTiii-o  i|r  rd^caux.  |,'ai;jiiiiT('  c^l  \\riit\-rc  i\o. 
la  iiK'iiii'  iiiaiiicic.  Li-  ciiliil  <•->!  luniic  |»ai'  tic-,  niscaux  en  rflicf,  ri  iiiir  uaïailr  <-ii 
(|il('llt'  (le  |»i»is-,nii  cil  relie  ;;racieil^eiiieiil  le  eullel  a  la  |iaii>e  ijii  \a>-e.  |)aiis  la 
scroinle,  |>lll^  nelie  de  deeor,  la  eii\elle  e;^aleiiieiil  n\ale  e-,|  Ixirdi'e  |iar  un  (iiarli 
decdre  en  relie!  a\ee  de>  It-le^  de  l'einines  rorinanl  |ii»nrelles.  L'aUM"  f"-!  Iwile 
d'une  li-ure  de  reiiniie  (|iii  ^e  reiiNcrNe  td  (|iii  ^'allae||e  au  eid  de  rai;^ili('l'(!  par 
de>  aiK>s  de  liludlnle;  |iuis  deux  lioiiN  de  laMe  don!  l'un  a|t|iarlenaiL  à  M'""  la 
coinU'sst»    llrevern    île    la   (iaidie,   rejiresenlanl    mi    enlanl    ade   don!  lo   (•,01*1)8  est 


C.asscrole  de   M'''  Mars. 
[Musée  centennul.  —  Collec/iun  Goldschntitlt.) 


emprisomu'  dans  une  f>aine  et  qui,  de  ses  deux  bras  élevés,  lient  un  lliyrse  sup- 
portant deux  corbeilles  ajourées  qui  servent  de  salières.  L'autre  est  formé  par 
un  plateau  rectanjiulaire  portant  deux  coupes  de  forme  antique  et  au  centre  une 
sorle  dautel  carré  surmonté  d'un  Bacchus  enfant,  puis  une  pièce  intéressante 
par  sa  simplicité  et  la  notoriété  de  son  premier  possesseur,  M"^  Mars,  c'est  une 
casserole  à  légumes  avec  son  plat.  Le  corps  est  orné  de  deux  tètes  laurées  qui 
servent  d'anses  et  le  couvercle  est  couronné  par  un  cygne.  Le  chiffre  de 
M'"'  Mars,  IL  M.,  est  gravé  en  lettres  enlacées  sur  le  corps  et  le  couvercle. 
Cette  pièce  fait  partie  de  la  collection  Goldschmidt. 

Enfin,  un  sucrier  monté  en  cristal  cerclé  d'une  galerie  disposée  pour  recevoir 
les  cuillers  cà  café,  et  formant  une  décoration  originale. 

Quand  s'eiïondra  le  gouvernement  de  la  Restauration,  nos  arts  du  décor 
étaient  au  plus  aigu  de  la  crise  d'où  ils  semblaient  ne  pouvoir  jamais  se  rele- 
ver. Alors  qu'à  côté  d'eux  tout  semblait  rajeunir,   que  la  poésie  rayonnait,  que 


—  no  — 

la  science  déchirait  des  voiles  jusqu'alors  fermés  sur  des  profondeurs  sans 
limites,  que  la  peinture,  la  musique,  la  critique  historique,  le  théâtre,  le  roman, 
la  tribune  et  la  chaire  ouvraient  à  la  pensée  humaine  des  horizons  d'aube  flam- 
boyante, tandis  que  de  toutes  parts  surgissaient  des  remueurs  d'idées,  seuls 
les  artistes  décorateurs  ne  paraissaient  pas  pouvoir  sortir  des  chaos  où  ils 
étaient  plongés.  Allaient-ils  au  néant  ou  bien  à  la  lumière?  Ni  à  l'un,  ni  à  l'autre. 
Ils  suivaient  simplement  leur  destinée.  Mais  de  1815  à  1830,  une  génération 
s'était  formée  de  sculpteurs,  d'ornemanistes,  de  ciseleurs,  d'orfèvres,  pleine  d'ar- 
deur et  d'élan,  prête  maintenant  à  entrer  en  scène.  Quelle  va  être  son  œuvie? 
l'oint  si  médiocre,  à  coup  sur,  connue  on  l'a  li'op  souvent  dit,  car  c'est  cette 
génération  qui  a  fourni  les  pionniers  enthousiastes  de  la  route  aride,  qu'après 
tant  de  traverses,  il  restait  à  délVicher  encor<'  pour  les  semailles  futures. 


Sucrier  monté  avec  cuillers  en  couronne. 
[Musée   centennal.) 


ouis-Philippe 

848) 


CIIAITIHE    TROISIEME 

L'iiidinMUM'  honi'ii'coisc  de  la  cnui*  cl  des  salons.  —  Lo  l'oinaiilisinc.  — 
(!ollah(M'ali<Hi  (l<»s  scii1|)1<mii*s  :  Jean  l'ciiclières,  Kla^^inaiiii,  Geof- 
froy (!<»  MiaiiiiHs  ('liai'Ics  0(li<U,  h'  (l<'MMH'al<Mir  riiciiavai'd,  le  cis*'- 
IcMii'  Antoiiio  ><H'hl('.  —  I^xposilion  <!<'  l'ln(lustl'i(^  de  IS.'Ji,  IS,*JÎ> 
cl  ISii.  —  Voiiiio  (les  foi'nu's  aiiiilaisos.  —  Les  élèves  (TOdiol  : 
lA^hniii  et  Diii'aïul,  \\  aiinei*  el  ses  nielles.  —  Les  sueeès  de  Fro- 
meiil->Ieiiriee.  —  Déhuls  de  (^hrislofle  el  déead<Miee  du  «  IMafHié  ». 
l  ne   slalisli(nie  des  orfèvres  en   IS^". 


E  fui  pendant  longtemps  la  mode,  et  elle  existe 
encore  aujourd'luii,  d'accabler  de  railleries  les 
arts  industriels  de  l'époque  de  Louis-Philippe.  La 
génération  qui  vint  après  celle  de  la  monarchie  de 
Juillet,  ne  voyant  plus  avec  les  mômes  yeux,  et 
pensant  évidemment  qu'elle  en  était  arrivée  au 
dernier  terme  du  goût  et  de  l'élégance,  n'eut  pas 
assez  d'épigrammes  pour  «  l'art  bourgeois  »  du 
roi  citoyen,  pour  ce  «  mobilier  baroque  et  sans 
grâce  »  qu'on  déclara  n'être  que  le  digne  reflet 
de  «  l'idéal  épais  d'une  société  de  parvenus  ». 
Cette  opinion,  profondément  ancrée  dans  tous  les 
de  Napoléon  III,  est  encore  aujourd'hui   assez  en  faveur 


esprits   sous  le  règne 


—  172  — 

Le  style  Louis-Philippe  (si  tant  est  qu'on  puisse  honorer  du  nom  de  style  qui 
ne  convient  qu'aux  époques  de  beauté,  les  formes  décoratives  quelconques  spé- 
ciales à  une  période)  est  resté  synonyme  de  laideur,  et  continue  à  exciter  bien 
plus  que  celui  de  la  Restauration,  —  probablement  parce  que  le  recul  est 
moindre  —  les  ironies  faciles  du  public  de  nos  jours. 

Sous  Louis-Philippe,  époque  de  transition,  les  artistes  décorateurs  cherchaient 
h  s'affranchir  de  ceux  qui  les  avaient  précédés.  C'est  alors  qu'au  style  de  l'Empire 
qui  dominait  sous  la  Restauration  et  conservait  encore  une  certaine  noblesse,  suc- 
céda un  style  nouveau  n;''  du  romantisme.  C'était  une  adaptation  du  style  j?othique 
au  goût  du  jour,  combinaison  bizarre,  sans  avenir  comme  sans  raison.  Voyant 
l'effondrement  des  styles  classiques  que  Percier  et  Fontaine  n'animaient  plus  de 
leur  expérience  et  de  leur  autorité,  les  jeunes  artistes  essayèrent  de  se  rajeunir 
en  puisant  aux  sources  nationales.  C'était  une  idée  généreuse  autant  que  juste, 
mais  mise  en  œuvre  sans  connaissances  suffisnnies  à  la  fois  des  œuvres  dont  on 
voulait  s'inspirer  et  des  conditions  nécessaii'cs  au  (h'veloppement  d'un  style  nou- 
veau (1). 

En  réalité,  l'arl  de  cette  époque,  si  l'on  veut  être  écpiilable,  ne  doit  pas  être 
jugé  au  point  de  vue  absolu  de  l'esthétique.  11  faut  le  considérer  avec  les  pro- 
cédés de  la  critique  histori((ue,  c'est-à-dire  en  tenant  compte  des  conditions  où 
il  se  trouvait,  et  de  la  fatalité,  en  quelque  sorte,  des  lois  de  l'évolution.  La  question 
n'est  pas  de  savoir  s'il  a  été  réalisé  alors,  dans  le  mobilier,  des  types  de  beauté 
avérée,  indiscutable,  un  tel  |)lK'nom('ne  étant  du  domaine  de  l'impossible,  car  un 
style  parfait  n'éclôt  pas  par  génération  spontanée,  et  il  n'y  avait  véritablement 
aucune  chance  pour  que  pareil  prodige  s'accomplit  spécialement  entre  les  années 
iS'M)  et  1848.  Les  seuls  points  qui  seraient  h  examiner,  ce  sont  les  caractères  des 
arts  décoratifs  dans  leur  mouvement  de  transition  d'une  date  à  l'autre,  les  phases 
par  lesquelles  ils  ont  passé,  les  influences  qu'ils  ont  subies  durant  cette  période, 
entin  s'il  y  a  eu  ou  non  un  progrès  accompli  depuis  la  fin  de  la  Restauration,  et  de 
quelle  nature  fut  ce  progrès. 

Si  on  envisage  ainsi  les  choses,  comme  il  est  juste  de  le  faire,  on  s'aperçoit  que 
l'art  du  règne  de  Louis-Philippe,  continuant,  selon  l'impulsion  donnée,  à  chercher 
sa  voie  dans  l'étude  du  passé,  est  très  loin,  en  d('pit  de  ses  erreurs  qui  choquent 
aujourd'hui  nos  regards  d'une  façon  parfois  si  criante,  de  mériter  les  dédains  dont 
on  l'accable  avec  trop  peu  de  générosité.  Songeons,  en  effet,  que  si  nous  possé- 
dons actuellement  une  connaissance  plus  exacte  des  styles  d'autrefois,  une  notion 
plus  affinée  des  chefs-d'œuvre  de  la  Renaissance,  c'est  grâce  aux  premiers  essais 
de  restitution  entrepris  par  ces  décorateurs  de  1830  qui  ont  apporté  à  leur  tâche 
un  enthousiasme  presque  touchant  à  force  de  naïveté,  et  une  sorte  de  culte  filial 


(l)  Happort  sur  le  iu<)l)ilior  du  .Musée  eeiiteiui.il  (page  30). 


—   MA  — 

jioiir  lc>^  ;jI(iiiTs  (le  raiiciciiiic  l'iMinc,  (|irils  s'iiiia^^iurrciil.  Cili'c  revivre.  Pour  (•cKi' 
('\;ill;il  inii  (le  seul  iiiniil  ,  <|iii  ne  lui  |ia>  sans  iiolije^se,  il  (joil  leur  ètfe  Iteaiiroiip 
pardoiiiie,  (r;iiil,iiil  pliis  i|ii('  les  articles  \eiiiis  apre^  eii\  vniis  .\a|»(t|(''()ii  III.  |t(inc- 
siii\aill  la  ^crie  des  liaslirlies,  jiar  le  Louis  \l\,  le  i.nui-.  \\  cl  le  {.oiii^  \\|,  ne 
i'eu->--ireiil  [ta^  mieux,  el  u'eiui'iil  pa^  l'exeu^-e  de  la  uicuie  lervcur  de  loi. 

Ile>l  eerlaiu  (|ue  le  iikmin  eiueiil  lilleiaiie  cl  ail  i>^l  ii|ue,  i|iii  |la-'^i()l^^'ul  la  jeu- 
nesse de  JS.'IO  cl  (|ui  (•■  I  desi;jiie  soii^  le  iioiii  de  ■■  I'k iiiiaiil isnie  «  ,  a  eu  une  r(''|ier- 
eiissioii  cdiisichMaMe  sur  les  (eu\res  de  l'cUc  e|)(j(|iie  el  n'a  pas  rlr  un  iii(iii\ciiient 
superliiicl. 

u  II  |t|(Hi,L;('ait  se>  racines  dans  le  c(eur  inciiie  de  la  Ixtiiri^coi-ie  IVaiieaise.  La 
»  socii'le  qui.  a_\aiil  laluMirc  le  vieux  sol,  s'(''|)an()niss;iil  el  saxoiirail  la  Idrliine. 
<)  a\ail  à  salisfaii'e  des  aiiiliil  ions,  des  passions,  des  plaisirs  nouxeaux.  S'il  ne  se 
»  propai^ca  pas  an  delà  du  r('\::iiiie  polil  iqiie  tpii  Tavail  vu  lleiirir,  il  a  vc'-cu  assoz 
•■>  pour  iiiodilier  raneienne  doclrine  acadi'Uiiipie  el  a;^raiidir  les  iioi'i/oiis  de  j'arl. 
))  Il  a  (li'uoiK' les  formules;  aujoiinriini,  le  recul  esl  assez  consifh'ialile  pour  (|ue 
»  leeriliipie  puisse  emlirasser  dans  sa  masse  le  gr()U[)e  des  inlelli^^ciices  ardentes 
>  ipii,  avec  une  expansion  plus  ou  moins  fébrile  et  des  moyens  pins  ou  moins 
')  persuasifs,  eurent  pour  Lut  eomiunn  d'émanciper  l'arl  et  la  littérature,  le  théâtre 
»  el  la  musiipie.  de  rompre  avec  la  convention  oflicielle,  de  puiser  aux  sonrees  de 
»  riiisloire  nalionale,  de  reeliercher  la  couleur  et  le  mouvement  (I).  » 

lue  lièvre  i^i'-iK-rale  ai^ilait  le  monde  artistique  et  littéraire,  où,  dans  un 
archaïsnu'  fantaisiste  et  candide,  toutes  les  illusions,  toute  la  grâce  et  toute  l'igno- 
rance du  jeune  et  naïf  romantisme  trouvèrent  leur  expansion. 

Une  remarque  (|ui  s'impose  néanmoins,  c'est  le  contraste  qu'il  y  eut  alors  entre 
l'art  somptuaire  et  les  autres  arts.  Tandis  que  l'intensité  du  mouvement  romantique 
faisait  surgir  quantité  d'hommes  illustres  dans  la  littérature,  la  peinture,  la  scul- 
pture, la  nuisiipie,  un  chef  maufjua  aux  arts  décoratifs,  qui  ait  eu  l'envergui'e  d'un 
Lamartine,  d'un  Victor  Hugo,  d'un  Ingres,  d'un  Delacroix,  d'un  Rude,  d'un  Berlioz, 
et  dont  le  génie  ait  été  capable  de  créer  de  toutes  pièces  un  mobilier  régénéré, 
marqué  du  sceau  supérieur  du  goût  et  de  l'originalité.  Tant  d'éclat  et  de  puissance, 
d'un  côté,  donnent  à  l'autre  une  apparence  de  pauvreté!  Il  semble  qu'une  société, 
({ui  comj)lait  des  esprits  de  premier  ordre,  et  des  ai'tistes  qui  furent  des  novateurs 
en  plus  d'un  genre,  aurait  du  vivre  dans  un  décor  inédit,  en  tout  cas  d'une  inspi- 
ration nKMlleure  que  celle  des  rapsodies  archéologiques  dont  elle  se  contenta. 
Mais  les  arts  du  mobilier,  on  le  sait,  ne  se  transforment  pas  aussi  facilement  que 
la  statuaire  ou  la  peinture,  et  il  ne  suffit  pas  d'un  seul  homme  de  talent  pour  les 
entraîner  dans  une  direction  nouvelle.  Aurait-on  eu  en  1830,  un  Le  Brun,  un  Berain, 
un  Meissonnier,  un  Percier  ou  quelque  autre  décorateur  de  haute  allure,  qu'un  tel 

1   Ph.  Riiiiy.  Monogfiiphie  de  K.-D.  F'roiueut-Meurice. 


174  — 


phénix  n'eût  probablement  rien  changé  aux  choses.  Les  arts  n'étaient  plus  gou- 
vernés alors  par  une  volonté  forte,  comme  celle  d'un  Louis  XIV  ou  même  d'un 
Napoléon  I";  ils  ne  subissaient  plus  l'influence  d'une  cour  élégante  et  d'une  aris- 
tocratie façonnée  de  longue  date  aux  raffinements  du  luxe.  Ils  étaient  tombés  dans 
le  domaine  public,  et  suivaient,  au  hasard  des  circonstances,  le  courant  général 
des  idées  du  temps.  Or,  la  tendance  dominante  était  celle  des  études  historiques. 
La  France  éprouvait  le  besoin  de  se  retremper  dans  le  passé,  de  remonter  à  ses 
origines.  C'est  la  caractéristique  du  dix-neuvième  siècle  que  ce  goût  obstiné  pour 

l'histoire  et  la  critique.  On  fouille  les  ar- 
chives, on  exhume  les  parchemins.  Tous  les 
éléments  des  connaissances  humaines  furent 
soumis  à  de  nouvelles  analyses,  et  successi- 
vement passés  en  revue,  comme  pour  un  im- 
mense inventaire.  L'éducation  du  public,  en 
fait  dail,  ne  s'est  poursuivie  lentement  que 
par  celte  méthode. 

Louis-Philippe  aurait-il  pu,  par  son  in- 
lluence  personnelle,  imprimer  une  autre  di- 
rection aux  goûts  de  la  nation?  Même  s'il 
en  eût  été  capable,  son  action  se  serait  exer- 
cée sans  résultat  appréciable.  Il  aurait  fallu 
une  ambiance  dilférente.  Pas  plus  que  ses 
devanciers,  Louis  XVIII  et  Charles  X,  il 
n'avait  l'amour  aiguisé  de  l'art,  et,  moins 
([u'eux  encore,  il  songeait  à  entourer  la  mo- 
narchie du  prestige  d'un  fastueux  appareil. 
De  même  qu'il  ne  prétendait  être  que  le 
«  premier  citoyen  »  de  France,  de  même  à 
sa  cour  on  ne  cherchait  pas  à  se  distinguer 
par  plus  de  luxe  qu'il  n'y  en  avait  dans  la 
bourgeoisie  aisée.  Donner  l'exemple  de  la 
simplicité,  tel  était  au  fond  la  pensée  du 
souverain.  La  direction  des  arts  resta  donc 
abandonnée,  comme  sous  le  régime  précé- 
dent, k  des  ministres,  à  des  fonctionnaires 
subalternes  qui,  n'ayant  aucune  compétence, 
se  bornèrent  à  faire  des  circulaires.  Restaurer  Versailles  et  en  faire  un  musée 
des  gloires  nationales,  terminer  l'Arc  de  Triomphe,  élever  la  colonne  de  Juillet, 
célébrer  aux  Expositions  de  1834,  de  1839  et  de  1844,  les  progrès  de  l'industrie, 
obéir  en  tout  aux  fluctuations  de  l'opinion  qui,  après  les  pastiches  du  gothique, 


Service  du  sultan  Mahmoud. 

Cloche  et  réchaud  et  seau. 

(Exécutés  par  Ch.  Odiot.) 


17.1  — 


se    j('l;i  cpiTillIllli'Ill    viir  [•(•[\\  i|c    |,i   I5i'liaiss;ilicr,    |»nlll-    s'cnj-'otlri'  cil-^llilc    fl<'    rOMX 
(II-    I.Dlll^    \l\     cl     lie     l,(Hii->    \\     :iiii;il;.';iiii(''S   ^ail^    oImIit,    a\cc     des    (''liMIlcnK   cill 
|iriiiilc->  aii\  (li\civfs  i|Mi(|iic-^,  \(iila  a  [n'ii  près  ;i  i|ii(ii  ^c  inMiia  Ir   rôle  iirolrrlnir 
(lu  icuiiiii'    |MUir   li's   arU  ^(iiii|il  iiairc--.    Viiciiiir   ;.'raiii|i'  rdiiiiiiaiHli'  otlicirllf.  jtoiiil. 
(le  licaiiN    li'a\aii\  il  aicliil  ('(  I  iii'c .   iiiilli'    iiii|iiiUi(iii    ^nii\  l'nii'iiiriil.ih;. 

Il  y  a\ail  (CiiciKlaiil  a  la  cniii'  des  |>('r^niiiia;^rs  en  siliialidii  dr  rdiiriiir  <lC'S 
iii>-|>iral  iiiii'^  aii\  aiclicrs,  ri  di- (loiiiicr  lidaii.  La  |>riiu'('SS('  Marie,  la  |ii(»|ii-i'  lijic 
du  i"t>i,  aiilciir  d  une  slaliie  Jcaiiiir  t/.\/t\,  i|iii  es|  |\|ii(|ii(',  itiodelail  a\er  |)a>>Ni<)ii. 
I,e  due  d'Orléans,  aniatein-  dis! in,i:iii'',  ne  >>e  eonleiilail  |ia^  de  n'-iniir-  des  oljjcts 
d'arl  aneieii,  mais  cii  l'aisail  e\(''eiiler  jutin-  sdii  usa,::*'  a\ee  la  liluTalili'  d  un  Mi'-eèiic, 
et   sa  edllei-lion,    l'ernit'e  an\   Nid^'ari- 


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l(''s.  ri'snniail  en  elle  le  nieillein-  des 
lireduelidii^  de  l'indusli-je  de  l'i'-- 
|)iH|iie.  A  I  (irleM'e  Odiot  il  demanda 
un  maunilique  sei'viee  diuil  les  moin- 
dres pièces  t'ui-enl  ('ludit'es  avrc  le 
plus  grand  soin.  A  Dm-and,  à  Lebrun, 
élèves  d'Otliol,  il  lil  l'aire  nombre  de 
coupes  et  de  vases  offects  comme 
l^rix  de  course;  à  liarve  il  demandait 
un  sui'lout  où  le  c(>lèbrc  statuaire 
avait  domu'  libi'C  cours  à  sa  uierveil- 
leuse  couipi'éhensioii  des  auimaux. 
Tous  les  priucipaux  fabricants  reçu- 
rent de  lui  leur  })ai't  d'eucourage- 
uieut,  à  coninieueer  par  Waguer,  uu 
nouveau  verni,  parmi  les  orfèvres,  et 
(|ui  allait  faii-e  parler  de  lui.  C'était  là 
uu  bon  exemple,  et  qui  porta  ses 
fruits.  Il  fut  imité,  sinon  à  la  Cour 
même,  du  moins  par  certains  grands 
seigneurs  de  France  ou  de  l'étranger,  par  des  financiers,  heureux  d'éblouir 
leurs  contemporains,  enfin  par  quelques  hommes  d'infiniment  d'esprit  et  de  goût, 
comme  le  duc  de  Luynes  qui,  avec  l'intelligence  la  plus  avisée  des  intérêts  de  nos 
industries  d'art,  et  l'initiative  la  plus  généreuse,  exerça  par  ses  commandes,  par 
ses  conseils,  par  son  érudition,  une  influence  considérable  sur  les  ornemanistes 
et  les  décorateurs  de  toute  catégorie.  Mis  ainsi  en  relief,  nos  orfèvres  récol- 
tèrent le  bénéfice  de  cette  heureuse  protection,  et  des  diverses  cours  de  l'Europe 
affluait  une  quantité  de  riches  clients.  C'était  le  temps  où  la  grande-duchesse 
Hélène    de  Russie  faisait  commencer  par  Odiot,    et   achever   par   Lebrun,  son 


Service   du  suUan  Mahmoud. 

Jardinière  et  soupière. 

[E.réciilées  pur  Ch.  (hliol.) 


—    470  — 


grand  service  dans  le  genre  du  dix-huitième  siècle,  qui  coûta  près  de  dix  ans 
de  travail;  où  le  prince  Demidoff  s'offrait  la  fantaisie  d'une  splendide  coupe 
d'or,  dans  le  goût  grec,  qui  représentait  allégoriquement  les  trois  mines  de 
métaux  précieux  qu'il  exploitait;  où  le  baron  de  Mecklembourg  venait  surveiller 
chez  l'orfèvre  Lebrun  les  travaux  ciselés  pour  lui  avec  une  admirable  perfection 
par  les  frères  Faniùère;  où  lord  Seymour  et  beaucoup  d'autres  opulents  lords 


Soupière  pour  le  baron  Salomon  de  Rothschild.  Exécutée  par  Charles  Odiot. 
{Archives  de  la.  Maison  Odinl.) 


anglais  confiaient  aux  artistes  de  Paris  la  fabrication  de  fastueuses  vaisselles 
d'argent,  et  jamais  l'industrie  française,  même  à  l'époque  glorieuse  de  son  histoire, 
quand  elle  produisait  d'indiscutables  chefs-d'œuvre,  sous  Louis  XIV  ou  Louis  XV, 
ne  fut  honorée  de  plus  de  commandes  pour  l'étranger  que  pendant  le  règne  de 
Louis-Philippe. 

Odiot  eut  sa  grande  part  dans  ce  mouvement.  Ses  ateliers  étaient  occupés 
pour  la  plus  riche  clientèle  de  France  et  de  l'étranger.  En  1831,  il  faisait  pour  le 


in 


■i'é  J^^^^ 


Service  du   hai'on   Saliminn  de  Rotlischikl.  Salières,    liiiilier.  plateau  de  carafe. 
Kxécuté  par  Clliarles  ()dit)t. 

(,4/'(7iire.s    de     lu    Maison'^  Odiol.) 


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Soi'xii-o  ilu  hainii  Saliinnm  de  Holliî^cliikl.  Plat  ovale  et  réchaud.  Exécuté   par  Cliarles  Odiot. 

^.Irc/iire.s  ilc    In   Maison   (Jcliol.^ 


I 


—  isi     - 

siillaii  Maliiiininl,  i|ni  vniiLiil  ([nc  son  ar^M'iilci-ic  Cùl  racoiim'c  |»ar  (les  mains  IVari- 
(•ais('->,  lin  iiivciiihlr  (le  |.ii  (  es  <|ni  lircnl  scn^alion  l'Ilcs  ('laicnl  (•\(''cul<'('s  dans 
les  rdniics  aldi-^  en  ii-^a^c  dans  Ir  ^ri-\if«;  di-  la  laide  Si  le  ^^■■.\{^  a  ralrajidiir,  la 
janliiiicrc,  les  (  liudics  ;i\cc  l<'iiis  ici  Ii.mkK  ia|i|iflairiil  Ir  ^l\lr  l',in|iii'<'  par  leur 
oi'dniiiiaiicc,  la  di-cufal  n  m  en  a\ail  |m'|(Iii  la  sa^cssr  cl  l'on  \  rclnaisail  di-'- nriif- 
nitMils  un  |icii  l(iiii(K  (1(1  ni  (  tdinl  a\  a.l  i  a|i|Mirl(''  le  ^(in\  cuir  de  ^oii  -ciimii-  (n  An^df- 

tt'I'ftV 

T(Uil  anirc  (dail  le  scc\  icc  (|ir(Mi(i|  li|  (|iic|(|iics  ;iiin(''c->  pins  lard  |)(ini'  le  lianm 
Salniiioii  de  lîdlli^clidd.  l/ai'cliil cclc  hiilian  a\ail  doniK'  des  dc>«viiis  «pii  riiicnl 
cxccntcs  par  les    plus  lialiilcs  >cnl|il('iii's  de   r(''p()(pi('  :    (•"('■lail   ( '.(tiiilndlc^,  c  l'-lail 


i-1  > 


Saiioicro  pour  le   ser\"it'e  du   prince  DeiiiidolT.  Executive   par  CA\.  Odiot. 
[Arctiivcs  de   /.t  Muison  Odiul.) 


Jeamicst  et  d'autres  encore.  Le  slyle  de  la  Kenaissance  les  avait  inspirés.  Nous 
avons  trouve''  dans  les  archives  de  la  maison  Odiot  la  plupart  des  dessins  de  cette 
orfèvrerie  étourdissante  de  richesse.  On  a  peine  h  croire,  en  les  voyant,  qu'on 
ait  pu  faire  des  plats  et  des  réchauds  aussi  peu  pratiques  pour  l'usagp,  et  mieux 
faits  pour  l'ornement  d'un  dressoir  que  pour  le  service  de  la  table.  Le  plat  ovale 
à  huit  pans  (page  179)  est  encadré  dans  une  bordure  où  les  rinceaux  ajourés  et  les 
figures  de  femmes  en  demi-relief,  font  plutôt  penser  qu'on  a  devant  les  yeux  le 
cadre  d'un  miroir  décoratif  qu'on  accrocherait  au  mur  et  non  un  plat  destiné  à 
présenter  un  rôti  ou  un  poisson.  11  en  est  de  même  du  décor  des  autres  pièces, 
où  les  figures  jouent  un  rôle  important.  L'huilier,  la  salière  et  le  moutardier, 
les  dessous  de  bouteilles  à  rondes  d'enfants,  de  la  page  177,  nous  semblent 
aujourd'luii  la  réalisation  d'une  folie  de  l'ornementation. 

Dans  le  service  qu'Odiot  fit  pour  le  prince  Demidoff,  la  donnée  décorative  est 
tout  autre.  Etait-ce  une  tentative  de  retour  à  l'interprétation  de  la  nature  qui  ne 


—  182  — 

devait  pas  avoir  de  leiidciiiain  ?  Etait-ce  une  fantaisie  d'un  grand  seigneur?  Mais 
on  est  surpris  de  voir  qu'Odiot  ait  accepté  d'entreprendre  l'exécution  de  ce  ser- 
vice sur  une  donnée  aussi  extravagante.  Les  salières  sont  formées  par  des  cam- 
panules qui  se  redressent  et  forment  la  coupe  où  l'on  mettra  le  sel  et  le  poivre. 
L'huilier  est  un  entrelacement  de  branches  de  vigne  qui  font  bon  marché  de 
l'architecture.  Les  couverts  sont  décorés  de  feuillages  un  peu  lourds  et  d'une 
échelle  trop  grande  pour  un  objet  d'usage  qu'on  doit  tenir  à  la  main.  Cet 
ensemble  contraste  complètement  avec  les  œuvres  précédentes.  La  saucière,  plus 
calme,  pourrait  trouver  grâce  devant  la  criti(|ue,  mais  il  est  heureux  que  cet  essai 
n'ait  pas  trouvé  beaucoup  d'imitateurs.  Le  moment  n'était  probablement  pas 
encore  venu,  et  les  artistes  qui  avaient  modelé  ces  pièces  n'avaient  certes  pas 
étudié  la  plante  et  la  ileur  avec  la  sincérité  de  conception  (pie  les  artistes  de  nos 
jours  ont  puisée  dans  les  leçons  de  l'école. 

La  société  parisienne,  animée  par  les  fêtes,  les  l)als,  (pii  se  donnaient  à  chaque 
instant,  ignorante  encore  des  véritables  délicatesses  du  goût,  mais  séduisante 
malgré  tout  par  ses  qualités  aimables,  faisait  petit  à  petit  son  apprentissage  du 
luxe,  par  des  élégances  obtenues  le  plus  souvent  à  peu  de  frais,  mais  que  déve- 
loppaient une  vanité  débordante  et  l'excessif  besoin  de  paraître.  Il  y  avait  alors 
dans  la  capitale  un  grand  nombre  de  salons  qui  donnaient  le  ton  et  qui  étaient 
très  fréquentés.  On  citait,  i)armi  les  salons  politiques,  ceux  de  M""'  de  Boigne  et 
de  M"''' de  Castellane;  parmi  les  salons  diplomatiques,  celui  de  M""'  de  Courbonne. 
D'autres  réunissaient  l'aristocratie,  le  monde  parlementaire,  la  finance  et  le  com- 
merce. Il  y  avait  les  salons  de  M'"'  de  Maillé,  de  M""  de  Chastenay,  de  la  duchesse 
de  Liancourt,  de  la  duchesse  de  Rozan,  de  \d  vicomtesse  de  Noailles,  de  M""'  d'A- 
guesseau,  de  M""'  Philippe  de  Ségur,  de  M""  de  Podenas,  de  M""'  d'Osmond,  de 
M""  de  Rémusat,  de  la  comtesse  Merlin,  et  bien  d'autres  encore.  On  parlait  de  la 
décoration  de  leurs  ameublements,  des  mille  gentillesses  inventées  pour  les  récep- 
tions, des  tables  les  plus  brillantes,  des  thés  les  mieux  servis,  et  cela  mettait  en 
branle  les  imaginations  dans  certains  milieux  bourgeois  où  l'on  s'efforçait  d'étaler 
brutalement  les  richesses  nouvellement  acquises,  ou  de  faire  croire  à  celles  qu'on 
n'avait  pas.  La  manie  de  la  collection  commençait  à  sévir.  C'est  à  qui  à  présent 
aurait  son  petit  Dnnkerque  encombré  des  bibelots  les  plus  disparates,  quelquefois 
sans  valeur  aucune.  Il  fallait  avoir  l'air  de  s'intéresser  aux  «  antiquailles  »,  et,  pour 
être  à  la  mode,  il  arrivait  fréquemment  qu'on  faisait  comme  la  grenouille  de  la 
fable  :  tout  le  monde  ne  pouvant  avoir  la  réalité,  on  se  contentait  d'une  apparence, 
et  du  trompe-l'œil.  Dans  ses  spirituelles  Lettres  parisiennes,  M"^  Emile  de  Girar- 
din  (1)  s'est  moquée  agréablement  de  ce  travers  chez  ses  contemporains  :  «  Nous 

(1  Œuvres  complètes  de  M'^"  de  Girardtn  ;éi.lit.  Pion  :  Paris,  1860,  in-8o),  t.  IV,  p.  33.  —  Ou  a  vu  dans 
le  chapitre  précédenl  ce  qu'on  appelait  les  «  petits  Dunkerque  »,  expression  mise  à  la  nioile  par  la 
duchesse  de  Borrv. 


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Sci'\ict'  flu  i)i-ince  Deiiii(li>lT.  Iluilici-.  saliore  el  Cduvert,  Excciito  par  Cliai-lcs  Odiot. 
Archives  de  lu  Mnisoii  (hliol. 


—    JH.-i   — 

ilVnll>>  Ildlllili'',  tlil-cllc,  1rs  l*rtits  /)i//i/,r/i^i/r  t\{'  M""  de  |{...  on  rlic/M""  de  D... 
(|lli  iuiii|icill  ;i  cllc-^  -.(iilcN  (le  iii.i^' iiilii|lli's  hùlcls,  et  i|iii  prilNciil  iriiiplir  d^dijcls 
d  iiil  il  (le  ciiiKi^ilc  diii\  iiii  ll■l>l-^  cliiiinlin's  s.iii-^  i|ii  il  N  |i;ir;iis^r  :  l;i-d('Ssii'«,,  loid 
de  siiilc,  iKUi-^  ;i\(Mi-^  n'iii|ili  imlic  iiiii(|ii('  s.doii  de  hiulc-^  cIkix's  i|iii  I  «•iii'<>mlM<'nl  : 
les  tables  soiil  cnmriics  di'  piucchiiiic^,  d  iiiiil ililc-,,  \()ii^  iir  savc/  ou  |i()s«'r  un 
livi'c...  "  l'.l  il'  |>h|ii,iMl  ccrisaiu  Icnuini'  iiarci'llc  tiiic  rt'dlcxidn  <|ui  reste  toujours 
jUnIc  :  "  (^)iiaiid  ddiK  d('\  iiicr(iii---ii(iiis  (|iir  ce  i|ui  rv|  une  (|is|  ind  idii  |)()|||-  celui-ci 
u'esl   (lu'iiii   ndirujc  |Miiir  rchii-la  .'    I     ■■ 

L'orl'èN  re|-ie,  an  milieu  de  celle  socit'h'  eu  l'oiuialiou,  de  celle  Ixiiu'j^ooisj*! 
iMiUilaiile  el  iciniiaule,  •^e  uiellail  a  la  i'eui(in|iie  îles  uimles  (•|)li(''Ui<'res,  (d  s'ahaii- 
doiuiad  de  [liiis  en  plus  au  caprice  des  iuia,::iual  ious  luuudlueiises  des  lil  li'ialeufS 
el  des  poêles.  I!lle  recul  à  cel  le  cpoipu'  le  plus  d(''cisil'  (dau,  i,M'àct;  a  la  collahoi'ation 
dtuu'  l'iude  dai-lisles  de  laleul,  de  sculpteurs  (listiiijiU(''S,  fjue  les  orfèvi-es  aj)p(;- 
lereid  à  leur  aide,  ri  ipii  undl i|)lièreul  les  (i^'"uros,  les  all(''};orios.  les  oiTjerneuls 
sur  les  coupes,  les  vas(>s,  les  siu'Iouls  de  lalile,  et  uièuu'  sur  les  uioiuilres  usten- 
siles d'usa^c.  (lelte  part  pr(''|M)ud(''i'aute  de  la  sculplu:'e,  (|ui  cai'acl('iàse  roi-févrcM'i*; 
(h>  ce  temps,  mar(|ue  à  la  l'ois  uii  pro;;rès,  car  elle  pnl  une  aiiiinatioii  siiij,Milière, 
une  vie  (d  un  iiitércM  indéniable  à  cet  ardent  contact  des  artistes,  mais  en  même 
temi)>  nue  liuhlesse,  pai'ce  ([ue  le  rôle  de  rorlevrc  s'en  trouvait  d'autant  diminué, 
el  ((ue  la  l'orme  l'ut  trop  souvent  sacrifiée  à  l'ornement,  le  pi-incipal  à  l'accessoire. 
Charles  Blanc  a  l'ail  à  ce  propos  une  remarque  très  juste  :  «  Est-il  admissible,  dit- 
il.  (pi'uu  sculpteur,  en  voulant  orner  une  aiguière,  en  déforme  le  galbe,  en  altère 
les  proportions,  et  cela  pour  montrer  son  talent  aux  dépens  de  l'orfèvre?  C'est  ce 
qui  est  inévitable,  et  les  œuvres  les  plus  belles  de  la  Renaissance  sont  entachées 
de  ce  défaut.  »  Si  les  orfèvres  de  1830  ne  surent  pas  assez  rester  dans  leurs 
ateliers  les  «  maîtres  de  l'œuvre  »  connne  lavaient  été  leurs  ancêtres  des  anciennes 
corporations,  s'ils  laissèrent  trop  souvent  plus  de  liberté  qu'il  n'aurait  fallu  aux 
sculpteurs  qui  abusaient  de  l'ornement,  c'est  que  beaucoup  n'étaient  alors 
orfèvres  que  de  nom,  ignoraient  le  métier  et  conduisaient  leur  fabrique  comme 
une  boutique.  C'était  la  consé<[uence  de  la  liberté  du  commerce  inaugurée  en 
1789.  Ceux  qui  étaient  en  tête  de  ligne,  les  Odiot,  les  Fauconnier,  gardaient  une 
certaine  autorité,  fondée  sur  l'expérience  et  la  pratique,  sans  toutefois  parvenir  à 
discipliner  suffisamment  l'exubérance  de  leurs  collaborateurs.  Ce  fut  bien  autre 
chose  quand  se  révélèrent,  entre  1830  et  1840,  de  nouveaux  chefs  d'atelier,  tels 
que  Durand,  Lebrun,  et  surtout  Wagner,  Morel,  Duponchel,  Froment-Meurice, 
qui,  remplis  d'entrain  et  d'initiative,  engagés  à  fond  dans  le  mouvement  roman- 
tique, novateurs  par  tempérament  ou  par  calcul,  firent  à  la  sculpture  de  l'orne- 
ment et  de  la  figure  une  place  plus  grande  qu'elle  ne  l'avait  jamais  été. 

^1)  cil.  Blanc.  Grammaire  des  arts  de'corali/s,  chnpitre  de  l'Orfèvrerie. 


—  186  — 

Précisément  à  cette  date  apparut,  comme  par  enchantement,  toute  une  pha- 
lange de  jeunes  artistes,  statuaires,  décorateurs,  ciseleurs,  débordant  d'idéal, 
transportés  d'ardeur,  surexcités  jusqu'au  fond  deTàme  par  la  fièvre  du  romantisme, 
qui  allaient  mettre  au  service  de  l'industrie  ia  fougue  un  peu  iucohérente  de  leurs 
rêves.  D'où  venaient-ils?  Comment  était  né  en  eux  ce  goût  de  l'ornement  qui 
n'existait  plus  dans  l'art  et  qu'on  avait  désappris?  A  quelle  source  avaient-ils 
puisé  ce  sens  du  pittoresque  et  de  l'aiTangement  décoratif  qui  n'était  alors 
enseigné  nulle  part,  et  dont  il  était  si  difficile  de  trouver  des  exemples?  C'est  là 
un  phénomène  qui  n'est  pas  des  moins  curieux  dans  l'histoire  des  arts  du  dix- 
neuvième  siècle. 

Parmi  les  sculpteurs  qui  eurent,  à  cette  date,  la  plus  féconde  influence  sur 
l'industrie  de  l'orfèvrerie,  il  faut  citer  Jean  Feuchères.  Elève  du  sculpteur  Cortot, 
il  avait  étudié  également  le  dessin  avec  un  peintre  nommé  Blondel,  et  après  un 
début  au  Salon  de  1831,  à  l'âge  de  24  ans,  il  se  mit  pr('S(iue  aussitôt  à  dessiner  et 
à  modeler,  pour  des  orfèvres  e(  d'autres  industi'iels,  des  compositions  pleines  de 
charme  et  d'une  réelle  habileté,  dans  lesquelles  étaient  évoquées  les  scènes  et  les 
symboles  chers  à  la  Renaissance.  Il  avait  réuni  sur  cette  époque  une  collection 
importante  de  documents,  d'anciennes  estampes  dont  il  se  nourrit  l'esprit,  et 
comme  il  était  doué  d'une  imagination  inépuisable,  avec  une  adresse  de  main 
merveilleuse,  et  comme  il  s'était  formé  le  goût,  il  se  laissa  aller  aisément,  sans 
abandonner  ses  grands  travaux  de  staluaii-e,  à  prêter  sa  gracieuse  collaboration  à 
l'industrie  qu'il  alimenta  pendant  vingt  ans  de  modèles  de  tous  genres.  Cet 
exemple  d'un  artiste  de  tel  mérite,  qui  ne  dédaignait  pas  de  faire  une  besogne, 
qu'à  cette  époque  aucun  de  ses  confrères  n'aurait  osé  entreprendre  pour  ne  pas 
sembler  déchoir,  eut  les  plus  heureuses  conséquences.  Il  faut  bien  se  rappeler  en 
effet  l'espèce  de  déconsidération  que  les  artistes  avaient  alors  à  braver  quand, 
semblant  sortir  de  leur  profession,  ils  consentaient  à  faire  œuvre  ornementale  (I). 
Dans  les  ateliers,  les  décorateurs-modeleurs,  qui  n'étaient  guère  autrement  traités 
que  comme  des  artisans  manuels,  s'en  sentirent  subitement  rehaussés.  Les 
ciseleurs  se  crurent  tous  des  Cellini,  et  virent  en  Jean  Feuchères  un  des  leurs,  le 
chef  qui  les  représentait,  qu'il  fallait  suivre  désormais.  Ils  parlaient  avec  émotion 
de  son  bas-relief  de  l'Arc-de-Triomphe,  représentant  le  passage  du  pont  d'Ar- 
cole  (1834),  et  ses  statues  exposées  au  Salon  de  1835,  un  Benvenuto  Cellini,  un 
Satan  aux  ailes  repliées,  penseur  lugubre,  un  Raphaël  rêvant,  ainsi  que  de  sa 
charmante  Renaissance  des  arts  et  d'un  gracieux  petit  bas-relief,  la  Peinture  et  la 
Poésie  (Salon  de  1836),  acquis  par  le  baron  de  Rothschild.  Par  la  suite,  Feuchères 


(1)  Un  confrère  de  Jean  Feuchères,  qui  travaillait  aussi  pour  rorlèvrerie,  Henri  de  Triqueli,  ayant 
exposé  au  Salon  de  is:5f)  une  aiffuière  d'argent,  les  journaux  voulurent  Lien  en  parler,  mais  eu  plaidant 
les  circonstances  atténuantes  pour  un  artiste  qui  osait  ainsi  dérogei'.  »  Ses  ouvrages,  dit  la  Mode,  sont  une 
sorte  de  passe-temps  qui  acquerront  de  la  valeur  eu  raison  de  leur  rareté.  » 


ih: 


4 


Bouclier:  Jupiter  fouclroy;mt  le  Titan. 
[Dessin  orlrfin.il  de  J.  Fenchùres.) 


I 


• 


!KÎ>  — 


l'iil  oHi(ifllciii<'iil  cliai-i'  (le  diverse-,  siiil|,|  mes  iii(iniiiiirtil;il('s  :  il  lit  la  llj^urc  do 
Ji'iinili'  d' .\r(  sur  Ir  ln'ii-liri\  ;i  Uoilcil,  cclli'  de  soiutr  Ihni'sr ,  polir  I  (';.diM'  df]  iîl 
Madrlciiic  il   l*;iiis,  ((die    de    Jiussitf/,  pniir  la  loiitaiiH'  di."  la  jjlacc  Saiiil-Sul|)ice, 


Le  Parnasse.  Pcojel  do  sui-Lout. 
[Dexsin   oriijinal    de    J.    Feiiclières.) 


celle  du  cavalier  Arabe,  sur  le  pont  d'iéna,  la  Constitution,  sur  la  place  du  Palais- 
Bourbon,  etc.  C'est  lui  qui  fut  choisi  pour  exécuter  le  char  funèbre  qui  servit  à 
transporter  les  restes  de  Napoléon  1".  Mais  ses  travaux  pour  l'orfèvrerie  et  pour  le 
bronze  étaient  dignes  d'être  plus  appréciés  encore  parles  qualités  techniques  dont 
ils  témoignaient,  par  la  nouveauté  et  la  variété  des  conceptions,  par  le  charme  du 


190 


décor  approprié  —  avec  une  science  bien  faible  encore  et  bien  rare  —  à  la  desti- 
nation des  objets.  Feuchères  composa  notamment  pour  le  célèbre  ciseleur  Vechte, 
dont  il  va  être  bientôt  question,  plusieurs  beaux  vases  et  quelques  boucliers.  11  fit 
pour  Fromeiit-Meurice  une  quantité    de   travaux  des  plus  importants  que  nous 


Le  Travail  des   champs.  Projet  de  surlout. 
[Dessin  origin;il  de  J.  reiiclières.) 


retrouverons  en  parlant  des  expositions  de  l'industrie,  et  commença  la  résurrection 
du  vieil  art  limousin  de  l'émail  en  fournissant  à  cet  orfèvre  des  compositions 
qu'exécutaient  SoUier,  Grisée,  Meyer,  Heine,  etc.  La  maison  Christofle  possède 
de  lui  divers  projets  de  surtouts  qui  montrent  toute  la  souplesse,  toute  la  fertilité 
d'invention  de  cet  artiste,  mort  trop  jeune  (en  1852,  à  quarante-cinq  ans),  et  qui, 
s'il  eût  vécu  à  une  autre  époque,  aurait  pris  rang  parmi  les  plus  grands  décora- 


t!M 


li'tii'-'.    "   S'il  |Mirl;i    sdiiM'iil    |;i    |M'iiic,    ;iiii^i   i|iii'    T.!   r('m;ici|iit'    un    <'rili<|iH'   ;i\i^f, 

M.    IMl.     rtiiii\,    dll    |mMI    (le    llhlIiiMlc   (le    sr->    l'Iinlr-,  |  ilcill  Iclr^   .. ,   ^■^•  lir  illl    |i(iilll    SU 

la  II  te,  |uii'-i|iir,  (le  liMi^  les  ,ii  |  i-|iv  i|i>  v,,ii  lciii|i^.  il  r^l  icliii  (|iii  s';i|i|  tl  i(  |  lia  il  le  plus 
Jl  ri'lij^ir  t'oiilic  IcN  huiiiic-.   i|iii  cM^laiciil   aloi--  dan-  I  CiiM'i;.' nrinrni   iji'v  .ni  ^.  .1  ai 


Esquisse  de  surtout  jiour  le  duc  de  Lu^  nés. 
[Dessin  original  de  J.  Feuchères.i 


SOUS  les  yeux,  en  écrivant  ces  ligues,  le  dessiu  origiual  d'une  de  ces  compositions 
datées  de  1836,  par  conséquent  de  ses  débuts.  C'est  le  projet  d'un  bouclier,  car 
c'est  lui  qui  mit  eu  faveur,  parmi  les  orfèvres,  cette  forme  très  «  romantique  » 
qu'il  trouvait  favorable  pour  faire  valoir  les  motifs  eu  bas-relief.  On  y  rencontre 
déjà  l'habileté  d'un  professionnel  habitué  aux  difficultés  des  travaux  du  métal,  et 
avec  cela  une  vigueur  d'expérience,  une  liberté  d'allure  très  curieuse.  Le  sujet 
représente  Jupiter  foudroyant  les  Titans.  Ou  voit  les  géants,  qui  ont  amoncelé  des 


—  192  — 

blocs  énormes  de  rochers,  monter  jusqu'à  l'Empyrée  pour  y  porter  la  menace  de 
leurs  torches  enflammées,  tandis  que,  soutenu  par  Taigle  qui  plane  d'un  large  vol 
au-dessus  des  assaillants,  Jupiter  brandit  la  foudre,  et  les  accable  de  ses  coups. 
Un  second  dessin,  qui  fait  égaleuient  partie  des  archives  de  la  maison  Chris- 
tofle,  est  un  projet  de  surtout  représentant  le  Parnasse.  Xu  sommet  d'un  rocher 


Saucière. 
{Projet   de  ./.  Feiichcre.s. 


que  domine  une  figure  d'un  beau  mouvement  :  un  Apollon  jouant  de  la  lyre  et 
emporté  par  l'irrésistible  élan  de  Pégase.  Feuchères  avait  dû  penser  au  mot  histo- 
rique de  Napoléon  à  son  peintre  David  et  voulu  que  le  jeune  dieu  fût  «  calme  sur 
un  cheval  fougueux  ».  Autour  de  lui  les  Muses  sont  groupées  avec  leurs  attributs. 
La  partie  inférieure  du  surtout  est  occupée  par  une  figure  de  fleuve  à  barbe 
limoneuse,  accoudée  sur  une  urne  et  tenant  en  main  une  rame,  accompagnée  de 
nymphes  jouant  dans  les  roseaux.  Le  dessin,  poussé  à  l'effet,  est  exécuté  avec  la 
liberté  du  croquis,  mais  conserve  un  bel  aspect  décoratif. 

Un  autre  dessin  de  surtout  est  non  moins  intéressant,  il  est  signé  de  Feu- 
chères,  1847,  et  a  pour  sujet  le  travail  des  champs.  En  forme  pyramidale,  ce  sur- 
tout est  divisé  en  trois  parties  superposées.  Sur  la  base,  à  droite  et  à  gauche, 


I't:i 


La  Métallur;iio. 
[Dessin  orUfinal  de  J.  l'eiiclières. 


-  iî».1 


r.irtish'  il  svmlxili^''  !'•  l'^ii"  ''  '•'  n  in,  îiliiiiciils  cssciiliiU  •!«•  riioiimic,  |),ir  dtMix 
"i-t>ii|»('s  rt'|)r*''S(Mil.iiil  l.i  iimisNoii  il  la  \cimI;iii;.'(' ;  ;iii  cciilir,  soiis  rmcadc  irn'^u- 
lit'rc  (rniic  "roltc,  im  ;jniii|ic  d  ail  I'-.iiin  Inrijc  Ir  ^m-  de  la  iliairm-  qui  ddil  <  riiisci' 
le  sdliiii  ml  ^fiiiifia  Ir  u'iaiii  ,  aii-dr^sns,  jrx  di\iiii|cs  des  caiix  r(''|iaiidriil  ^\w  je 
sol  le  ruiiliiiii  dis  iiiiics  iV'colldcs,  cl,  ail  sniiiiiicl,  iiin'  llairliaiilr  <•!  (!(''rC8 
,|,iiiiiii(-iil    la  r(iiii|i(isili(»ii  de  n'  siirldiil  s(  .m  |  il  iinix  . 

l  II  lidisjciiic  dessin,  <|iii  iMUinail 
liicil  tdic  rillii'  drs  pir!iihl(">  |  m 'il  sec  s 
de  |•■t•llt•||(•^('-^  |i(Hirla  i(mi|M)sil  ion  d  un 
surloiil  i|iii'  le  duc  de  I.U\  lie--  dc\ail 
faire  cxeciilcr  par  IVoiiicnl-Meiiriee. 
IjO  {;r(Ui|ie  central  csl  de  ti-ois  li^i^ii- 
res  :  lîaecluis.  (a'-rès  cl  NCiius,  coiiiine 
daIl>^  l'exeeillioii  d(''Hnilive.  'Yvi's  (de- 
j^anles  (laii>  leur  eiilacemeiil,  (dies 
dillerciil  peu  (\\\  iiuidele  deliililir, 
mais  dans  le  premier  jet  de  l'iMiiste 
pai'aissenl  encore  plus  tiiies  ci  plus 
svtdl<'s.  Le  plateau  coiixcxe  sur  le- 
ijuel  elles  reposent  reinplae(>  la 
sphère  (pu*  ci-iiilure  le  Zodia([ue  dans 
l'oxéeution  délinitive  cd  est  porli'' 
par  (jualro  carialidos  espacées  dont 
l'arlisle  nous  nionlre  les  deux  prin- 
cipales :  la  (diasse  et  la  pêche;  au 
centre',  une  panthère  domptée  par 
un  entant. 

Le  dessin  du  candélabre  qui  de- 
vait raccompagner  est  enlevé  de 
main  de  maître.  Une  corne  d'abon- 
dance, d'où  s'échappent  des  bou- 
quets de  lumières,  est  portée  par 
une  nymphe  qui  chevauche  sur  le  dos 
d'un  faune.  Un  croquis  au  crayon  sur  le  côté  représente  le  groupe  qui  devait 
faire  le  pendant  du  premier. 

Ces  dessins,  dont  l'iiivention  est  charmante,  ne  sont  que  des  esquisses,  mais 
quelle  précision  déjà  et  comme  on  sent  que  l'artiste  sait  bien  qu'il  travaille  pour 
un  orfèvre  et  que  ces  projets  qui  pourront  être  remaniés  et  corrigés  sont  déjà  des 
œuvres  exécutables  en  métal  précieux. 

Le  dernier  dessin  de  Feuchères  présente  une  certaine  ambiguïté  dans  la  forme; 

8 


Candclahi'e  pour  un  siii-loiit. 
[Dessin  original  de  J.  l'eiichères.; 


—  19G  — 

est-ce  un  surLoul,  est-ce  un  drageoir?  Il  semble  ([iie  l'arliste  ait  fait  allusion  à  la 
profession  de  l'orfèvre  :  Vulcaiii  en  est  le  couioniiemenL  et  deux  figures  de 
femmes  symbolisent  le  travail  de  l'orfèvre,  l'une  modèle,  l'autre  travaille  sur  le 
boulet  du  ciseleur  et  le  pjtit  groupe  d'enfants  battant  l'enclume  ne  laissent  pas  de 
douter  sur  les  intentions  de  l'artiste;  l'effet  en  est  somptueux.  Tels  étaient  les 
motifs  dont  on  aimait  alors  à  se  réjouir  les  yeux  :  la  mythologie  entrevue  dans  un 


lîacflianale,  email  en  camaïeu. 
[J.    Feiirhèrcs.] 


décor  pittoresque  et  moyen  âge.  Feuchères  en  eût  fourni  tant  qu'on  en  aurait 
voulu. 

Feuchères  s'était  essayé  dans  l'art  de  l'émailleur.  Il  avait  donné  à  la  Manufac- 
ture de  Sèvres  des  motifs  charmants  qui  y  furent  exécutés.  Des  plaques  d'émail 
en  forme  de  médaillon,  que  nous  possédons,  ont  été  exécutées  dans  le  genre 
des  émaux  de  Limoges  et  portent  sur  le  côté  la  signature  de  Feuchères  tracée 
en  or.  Ce  sont  des  motifs  de  bacchanale  qu'il  alfectionnait.  Une  ba(;chante  en- 
dormie et  lutinée  par  les  amours,  s'abandonnant  aux  bras  d'un  faune,  est  d'un 
dessin  excellent  et  montre  la  ressource  et  la  fécondité  de  l'imagination  de 
Feuchères. 

A  côté  de  cet  artiste,  il  faut  placer  Jules  Klagmann,  qui,  quoique  à   peu  près 


t'.i: 


l"iiiaii\  cil  «.•aniiiïcii.  .1.  ^cllclu•l•o^ 
Ciilli-rlinii  H.   niniilhi-l. 


—   lî>!»  — 

,1,1  iiiriiir  ;~|-,.,  lui,  nii  |Miil  (lue  s, m  (•levé,  rt  i|c\iiil  -nii  l'iiilllc.  CniilliK'  lui,  il 
(|.-lai->>>a  I  iTtilc  ara(lciiih|iii'  |M.iir  Ic^  l•llll|(■>^  iinli|irii(laiilr^,  I  niiiriiiriit ,  ri  Lui 
(le  la  Uciiais^aihi'  l.f^  succc-.  iiii'il  (.liliiil  aii\  Sal(iii->  a\iT  df--  li-iin'-^,  Idlc^ 
.in'llll  Jnl,  •riiii  beau  -.iiliiii.iil  cl  il  illir  Nriilc  lialiulaillc,  II»'  rfliil.rclirrcill  |)a> 
(le  ^ailiiiiiiiT  a  la  (Iccmal  ion 
aniiilciiiiialc  il  aii\  lia\aii\ 
(11-  riiiilii^liii'  Il  f^l  railleur 
(II'  la  roiilaiiii'  ilr  la  plan' 
LuUN(U'-,  cl  r  ('>l  a  lui  i|Ui' 
s';ulri's>-a  la  raiiiilli'  r»(illi>- 
child  pnui'  loiilc  la  |>ai'li(- 
(U'iii'iiiriilalr  îles  ilru\  lin- 
|('1>,  la^luriix  [iiuir  I  cimuiiu', 
i|u'('lli'  lil  cli'M'i'  rue  l.ariillc. 
h'auli'i'^  srulpUuirs  dii- 
ranl  rcl  Ir  pcriinlc  rouniirrul 
le  |tlu^  iililc  roucoiirs  aux 
ui'l'î'vi'i's  ;  j'ai  dcja  parli'  de 
rilhi^lic  r>ar\('.  ijui.  uaxaut 
pas  (tltli'uu  le  prix  de  liouic 
à  rKcoK'  des  Heaux-Ai'ls, 
douiauda  ses  ju'cuurres  res- 
souiH'OS  à  riudusli'ic.  et  li'a- 
vailla  pour  KauconiiicM'.  11 
(>\c''cuta  plus  tard  pour  le 
duc    dOrléaus,    d'après    les 

dessins  de  Chenavard,  un  surtout  de  table  qui  comprenait  neuf  groupes  de  chasse 
dans  les  dilTérentes  j)ar(ies  du  monde,  excellent  thème  qui  permit  à  Barye  de 
mêler  avec  une  furie  pittoresque,  hommes,  lions,  chevaux,  éléphants,  etc.  (l)-.- 

Chenavard  était  un  dessinateur  habile,  jeune  encore,  et  dont  riniluence  était 
très  grande  alors.  Né  à  Lyon  en  1790,  Aimé  Chenavard  était,  en  1830,  le  directeur 
artistique  de  la  Manufacture  de  Sèvres,  fonction  à  laquelle  il  avait  été  appelé  par 
Brongniart  qui,  savant  distingué,  avait  senti  le  Itesoin  de  s'entourer  d'artistes 
capables  de  continuer  les  traditions  de  notre  manufacture  nationale.  Chenavard 
fut  à  cette  époque  —  toutes  proportions  gardées  —  le  «  Percier  et  Fontaine  » 
de  l'époque  romantique. 

Ce  fut  lui  qui  enterra  le  style  du  premier  Empire  et  inaugura  celui  qui  triompha 
sous  le  second,  style —  si  l'on  peut  appeler  cela  un  style  —  qui  vécut  du  mélange 


Poi-ti-ait  de  Aimk    CIIKXAX'AHl). 


(1)  Théophile  Gautier,  Ilisloire  du  liomanlisme,  page  243. 


—  200  — 

de  tous  les  autres.  Amateur  instruit,  bibelotier  avisé,  il  réunit  de  belks  œuvres 
du  quiuzième  et  du  seizième  siècle,  les  copia  souvent,  et  plus  souvent  encore  les 
mélangea  dans  des  œuvres  qu'il  prenait  pour  originales.  Sa  manière  peut  être 
étudiée  dans  son  recueil  de  décorations  intérieures  {tapisseries,  tapis  exécutés 
dans  les  manufactures  royales),  Paris,  1833-1835;  et  dans  son  Album  de  l'Orne- 
maniste, Paris,  1836.  En  1855,  le  comte  de  Laborde,  dans  son  livre  de  l'Union 
de  l'Art  et  de  l'Industrie,  disait  de  lui  :  «  Cet  artiste  avait  l'instinct  du  frelon 
qui  sait  trouver  dans  cliacpie  (leur  le  suc  qu'elle  contient  et  qui  ignore  le  secret 
de  l'abeille  pour  en  faire  le  miel,  l^ureteur  infatigable,  il  avait  feuilleté  les  livres, 
calqué  les  gravures,  copié  les  manuscrits,  dessiné  les  monuments,  et  de  tout 
cela  il  n'avait  pas  su  se  former  une  originalité  propre,  un  style  individuel.  En 
dépit  d'une  exécution  des  plus  habiles,  malgré  des  détails  très  bien  rendus,  on 
aurai!  du  lui  reprocher  l'abus  de  toutes  choses,  la  disproportion  dominant  par- 
tout, l'absence  complète  de  calme,  de  pondération,  de  simplicité.  Chenavard  avait 
séduit  quelques  hommes  de  lettres  qui  faisaient  alors  les  réputations,  et  il  était 
devenu  l'artiste  populaire,  le  prophète  et  l'hommc-dieu  d'une  religion  qu'on 
croyait  nouvelle,  de  l'arl  appliqué  à  l'industrie. 

»  Tout  ce  désordre,  (|ui  ressemblait  fort  à  une  orgie,  mar(|ua  dans  l'art  et  l'in- 
dustrie de  la  France  d'une  manière  déplorabhv  »  Mais  il  n'en  avait  pas  moins  fait 
école,  et  l'on  pourrait  presque  dire  qu'en  1900,  son  intluence  n'est  pas  encore 
tout  à  fait  abolie. 

Le  mouvement  romantique  avait  modifié  sa  manière,  ce  fut  sous  Louis-Philippe 
qu'il  donna  la  mesure  d'un  talent  plus  assagi,  et  conquit  auprès  de  ses  contem- 
porains une  juste  renommée.  Il  mourut  en  1838,  et  ses  amis  lui  élevèrent  au 
Père-Lachaise  un  monument  dont  l'architecture  élégante  contraste  heureusement 
avec  les  tombes  qui  l'entourent.  Sur  une  base  rectangulaire,  six  colonnes  sup- 
portent un  dôme  rappelant  le  temple  de  l'Amour  à  Trianon.  Au  centre  est  un  vase 
de  bronze,  surmoulage  d'une  des  œuvres  les  plus  importantes  de  Chenavard 
représentant  le  Triomphe  des  Arts  du  Décor. 

Parmi  les  sculpteurs  les  plus  en  faveur  à  cette  époque,  on  peut  citer  encore 
Henri  de  Triqueti,  Auguste  Préault,  Pradier,  Caveher,  Geoffroy  de  Chaumes,  au- 
teur de  belles  aiguières  exécutées  par  Wagner.  On  ne  doit  pas  oubher  Carrier- 
Belleuse  alors  à  ses  débuts,  et  que  l'art  du  dix-huitième  siècle  devait  tant  séduire; 
P.  Rouillard,  sculpteur  d'animaux;  Soitoux,  Ambroise  Choiselat  qui  fut  associé 
aux  meilleurs  travaux  de  Klagmann  et  était  un  «  arrangeur  »  d'imagination 
fertile. 

Jeannest,  ami  et  disciple  de  Feuchères,  qui  excellait  dans  les  objets  de  petites 
dimensions,  modela  avec  Combettes  le  magnifique  service  que  fit  Odiot  en  1835 
pour  le  baron  Salomon  de  Rothschild,  ouvrage  «  considéré  »  à  juste  titre,  a 
dit  le  duc  de  Luynes,  comme  le  plus  riche  exemple  d'une  excellente  orfèvre- 


-'III 


N  a-o  diHxuiitir.  liai-  { '.lioiun  an 


—  û^y^ 


rio(l).  M.illii'iii('ii«>fiii('iil ,  .Ic.iiiiM'^l ,  ilniil  le   l.ili'iil  clail  IitnChicI  <riiin' (li>-l  iiicl  ioii 
('Xti'i'^iiir,  iioii^    l'ut     r,i\i   p.ii'  I   \ii,u'l<'l«'n'(',   ,i\i'i'    |i|iisic(irs  ;iiil  rcv    ijin   s'en    .illrrriil 

I  r;i\  ,iill(i-    |iiiiii'    I  !lkiiiu' l(Mi  :    il    \    iiKiiinil    en     IS'>7,    I- l',\|i<i^il  mn    de     iS.'i"»     ikhis 

;i\;ill     iiiolllic      vf^    (lilliicic^    iril\li'v,    cl       l,i     maivull     |]1  Iv  III;.' I  (  ill .     i|lll     |-clll|M)ll;i    la 

j^raihlc  iiii'dailli'  irii(iiiiii  iir,  a\ail  ilù  ses 
sucres  a  la  follaiiiiral  kmi  de  te  dccdralriir 
('•iiiiiiiMil  haii->  (■«•Ile  ii-lc  <|ii('  j"alilT-(',  |M)iir- 
l'aiciii    ('lie    roiiiini-^    ili's     Ikhiiiiics     IcU    (|iic 

II  II  unes  Pnilai,  \iii:ii'-l('  Williii-^,  (|ui  >>iic- 
ft'ila  a  .lcaii!ic--l  rlic/  IJl  iii  - 1  (  m  a  la  imul  «le 
ccliii-ii,  |mi->  ('.(Hi-laiil  Scniii,  ( '.lialiraii,  l"ai- 
j^i'iic  l*ail\,  LifiianI,  clc..  loiis  rcmiilis  de 
talt'iil.  oriiciiiaiiisics  ayaiil  l'ail  eux-mêmes 
Kmii'  ediicaliiiii  im  peu  a  la  diaide.  mais  liieii 
doui's,  el  (|iii  pai'la.ijcaieiil  leur  aci  i\  ih- eiilre 
les  iiidusiries  de   l'cirrèvreiàe,    du  lii'onze   ou 


(les  meuhies. 

La  ciselure,  d'auli'o  {lai-t,  fil  à  ceKo  dalc 
de  surpi-euauls  pi'Oiirès.  Dejiuis  le  pi-euiicr 
Kiupirc  elle  ('(ail  restée  un  iiiélier  morue  et 
lioriu',  Itaiial  el  plat:  ou  se  couteulait  de 
«  U(dloyer  »  les  surfaces  du  mêlai  poui*  don- 
ner aux  pièces  d'orfèvrerie  les  apparences 
duu  achèvement  soigné,  mais  sans  essayer 
de  uuuvpier  d'aucun  accent  la  matière,  ni  de 
souligner  par  des  elTets  variés  les  inteidions 
du  créateur  de  l'o'uvre.  L'épiderme  de  lai'- 
gent,  ou  liieu  (dait  rendu  luisant  comme 
un  miroir  par  l'emploi  du  rifloir  et  l'action 
de  la  gratle-boesse,  ou  bien  prenait,  «  au  moyen  de  quantité  de  petites  molettes 
d'acier  sablé  qu'on  promenait  en  tous  sens  sur  l'ouvrage,  l'épiderme  du  sucre 
blanc  :2)  d'une  monotonie  fade,  que  les  Anglais  ont  durant  assez  longtemps 
grandement  recherché  ».Ce  n'était  plus  du  tout  cet  art  de  la  ciselure,  si  spirituel 
et  délicat,  tel  que  l'avait  pratiqué  au  dix-huitième  siècle  Thomas  Germain,  par 
e\enq)le,  qui  savait  prêter  à  l'argent  un  langage  et  comme  une  âme  par  le  mar- 
telage, les  pointillés,  les  sablés,  tout  un  travail  infiniment  précieux  et  intelligent 
de  l'outil.  Ainsi  que  l'a  dit  un  maître  ({ue  j'aime  à  citer  (3),  le  ciseleur  a  le  devoir 


Aiguière,  par  (".lieiiavard. 


(1)  Duc  de  Liiyn's.  Rapport  sur  l'Orfèvrerie  à  l*ExposUio7i  de  I80I,  page  03. 

(2)  Jean  Garnier,  Manuel  du  ciseleur  (1859,  1  vol.  in-12\  page  60. 

(3    Luciou  Falize,  dans  le  Diclionnairc  de  l'Industrie  de  E.-I.  Lamy,  à  l'article  Cise'ure. 


—  20i  — 

de  faire  dire  au  métal  «  ce  que  le  sculpteur  n'a  pu  lui  donner,  ce  que  ne  livrent 
»  ni  la  terre,  ni  la  cire,  ni  le  bois,  ni  le  marbre  :  cette  fleur  de  l'épiderme,  le 
»  chaire  de  la  peau,  la  maille  du  tissu,  les  nervures  des  feuilles,  le  moiré  des 
»  Heurs,  tout  cet  infmi  délicat,  qui  charme  l'œil  et  donne  la  couleur  et  l'esprit 
»  à  la  matière  ». 

A  partir  de  l'époque  romantique  on  vit  les  ciseleurs  s'appliquer  à  l'étude  de 
ces  petits  problèmes  d'interprétation,  qui  ont  tant  d'importance  en  orfèvrerie  et 
qui  consistent  à  donner  de  la  valeur  à  tel  ou  tel  détail,  à  exalter  ou  à  calmer  le 
métal,  à  savoir,  notamment  dans  une  figure,  quelle  partie  restera  mate,  par  oppo- 
sition à  telle  autre  qui  sera  unie.  Assurément  les  ciseleurs  de  cette  période 
ne  retrouvèrent  pas  d'emblée  la  perfection  des  anciens,  ils  montrèrent  une  ten- 
dance, par  une  réaction  qu'on  s'explique,  à  grandir  leur  rôle,  à  faire  parfois  trop 
chanter  l'outil  au  détriment  de  l'harmonie  générale,  à  trahir  les  intentions  de 
l'auteur  qu'ils  n'avaient  qu'à  docilement  traduire.  Mais  ils  apportèrent  de  la  vie  et 
le  souci  de  la  vérité  dans  \r  rendu,  h'i  où  il  n'y  avait  plus  que  froideur  et  insipidité. 

Les  plus  distingués  ciseleurs  de  cette  époque  furent  Mulleret,  les  deux  frères 
Auguste  et  Joseph  Fannière,  Deurbergues,  Poux,  Dalbergue,  etc.,  et  pour  les 
petites  choses  Douy,  Fauque,  Honoré,  J.  (larnier,  etc.  Celui  qui  les  dépasse  tous, 
car,  en  même  temps  qu'ouvrier  incomparable,  il  fut  artiste  d'imagination,  rénova- 
teur du  repoussé,  c'est  Vechte.  En  orfèvrerie,  «  le  repoussé  est  l'art  sans  limite  », 
a  dit  le  comte  de  Laborde.  On  peut  former  tous  les  jours  d'habiles  ciseleurs  et 
de  bons  fondeurs;  mais  des  artistes  capables  d'interpréter  une  composition  en 
repoussant  simplement  avec  le  marteau  et  le  ciselet  une  plaque  de  métal,  ou 
d'exprimer  par  ce  procédé  ce  qu'ils  ont  conçu  et  ce  qu'ils  conçoivent  dans  la  cha- 
leur même  de  ce  travail,  ces  artistes-là  sont  rares.  Vers  1835  on  vit  paraître,  dans 
les  boutiques  de  marchands  de  curiosités,  des  pièces  d'orfèvrerie  repoussée  qui 
paraissaient  trop  belles  pour  être  modernes,  qui,  comme  oeuvres  de  la  Renais- 
sance, avaient  un  style  si  large,  si  plein,  si  vivant,  qu'il  était  difficile  de  l'attribuer 
à  des  maîtres  coimus;  d'un  autre  côté,  on  ne  s'expliquait  pas  l'apparition  subite  de 
pièces  aussi  importantes,  et  tout  à  fait  ignorées;  il  aurait  fallu  la  découverte  d'un 
Pompéi  du  seizième  siècle  pour  l'expliquer.  L'auteur  mystérieux  de  ces  pièces 
si  remarquables  n'était  autre  que  Vechte.  Il  avait  commencé  par  être  ouvrier  dans 
les  fabriques.  Né  à  Avallon  en  1800,  et  orphelin  à  onze  ans,  il  était  venu  à  Paris, 
était  entré  comme  apprenti  chez  un  vieux  ciseleur,  nommé  Faucin,  puis  chez  un 
fondeur,  Soyer,  celui  qui  devait  exécuter  plus  tard  la  colonne  de  Juillet.  Antoine 
Vechte  apprit,  comme  il  put,  à  modeler.  Il  s'était  marié  et,  pour  faire  vivre  sa 
nombreuse  famille  (onze  enfants  lui  naquirent),  il  se  mit  à  créer  des  modèles  de 
pendules  pour  un  fabricant  de  bronzes  du  nom  de  Vittoz.  Ce  que  pouvaient  être 
ces  modèles,  on  le  devine!  Mais  à  ce  moment  Vechte  se  lia  avec  Feuchères, 
subit  son  influence,  et   fît   son  éducation    d'artiste  :  il  fut  bientôt  à  même    da 


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l'Itis    l:ii(|,    vc  Iinii\,iiil    (Il     \iiu'Ifli'nr,    \i'(|ilc  ni    liciiii- 

coiih,  cil  \  i-~il;iiil  l.i  il  Mil-  I  If  1.1  iii(  Il  es,  (je  l'f  c  (niiunl  ii'  i|ii(l  - 

lUIfs   llilfs     (If    ff->    irilVlis     (le     s;;   jcilllf-sc     i||||      chiicill 

;il  Ifiluif  f  s  .1    tiii    iiKiiIff  iliilifii.    ( ',(■  |if  inl.iiit ,   (If   tins  cdii- 

liaissf  III''-    ilf   l';iiis  ,i\;iiil    |i;iilf  de   s;i    |  irr  si  i;^if  ilsf   li:il)i- 

It'tt'' au  llllf  ilf  i.iiNiifs,  fcliii  Cl  lui  ((iiiimaïKla   vers  \H'Mt 

111    licaii    \a~-f   irai\i;fiil     rf|M)ii'-sc    ddiil    il    lui    iiiili(|iia    le 

snifl.C.i'  lui   la    [ii-f llllf l'f   |iifff  (|Uf  iidlrc  f isclciir  si^îiia 

(II-  son   iioiu     l.llf  rc |»rf sciilail ,  sur  la  |iaii<f.  If  Trioni/ilir 

tir  (îdliilhrr  v\   un  \f|iluiif  il( Hiipl aiil   les  Ihds,  avec  des 

f iiCaiils  cl  (If ^  Il  ildim 
^roiiprs  aiildiir  du 
|tif d  ;  SU!'  If  couve i-flf 
llllf  Sri/lhi,  sur  la  IVisc 
un  fdiiilial  de  iiioiis- 
h'os    marins,     cl    aux 

anses  des  ligures  de  sirènes  cl  (rcnfanls.  "  On 
y  reconnaissait  encore,  a  dit  le  duc  de  Luy- 
nes(l),  les  rfiiiiniscences  de  ces  peintres  ita- 
liens de  la  {^rautie  époque  qu'il  avait  étudiés 
avec  tant  de  constance  et  dalï'ection  ;  cependant 
son  travail  passant  de  la  ronde  bosse  à  des  re- 
liefs à  peine  sensibles,  ses  ornements  distribués 
avec  un  art  merveilleux  sur  des  fonds  unis  ou 
granulés,  les  monstres  fantastiques  entremêlés 
à  ses  tritons  et  à  ses  néréides,  et  bigarrés  de 
détails  gravés  ou  ponctués  avec  un  goût  extrême 
et  une  variété  infinie,  toutes  ces  qualités  nou- 
velles et  tirées  de  son  propre  fonds,  ajoutées  à 
celles  qu'il  avait  reçues  des  anciens  maîtres, 
mettaient  M.  Vechte  hors  de  parallèle  avec  tous 
les  orfèvres,  quelle  que  fût  leur  capacité.  » 

La    seconde  œuvre    de   Vechte,  qui    attira 
décidément    l'attention    vers  lui,   fut   un   bas- 

Flanil)LMu   |)ai'  ("heiunai-d. 

relief  en  or   sur  la  lame   de  l'épée  offerte   au 
comte    de   Paris,  arme   dont   l'exécution    associa  tant  de  talents    et  d'artistes 


(1    Duc  (lo  Luyiies.  Rapport  sur  les  mélauj:  précieux  à  l'Exposition  iiniierselle  de  IS.jl,  page  15. 


—  206  — 

divers  (1).  Puis  il  entreprit  pour  un  armurier,  M.  Lepage,  une  aiguière  de  très 
grande  dimension  dont  le  sujet  était  le  Combat  des  Centaures  et  des  LapiUics^ 
que  nous  avons  reproduit  (2).  Là  encore  on  reconnaissait  l'inspiration  de 
quelque  maître  italien.  Le  dessin  en  était  de  J.  Feuchères.  Mais  ce  que  le 
ciseleur  empruntait  à  autrui  prenait  sous  ses  doigts  une  intensité  de  vie,  un 
cachet  personnel  et  un  caractère  saisissant.  Voici  ce  qu'a  dit  Ch.  Blanc  à  propos 
du  bouclier  qui  était  exposé  au  Musée  centennal  :  «  Les  énergiques  méplats  d'une 
»  figure  en  action,  les  rondeurs  d'un  corps  voluptueux,  les  muscles  ressortis 
»  d'un  cavalier  armé  dont  le  cheval  se  cabre,  les  draperies  remuées,  les  têtes 
»  échevelées  et  les  crinières  flottantes,  enfin  les  armures  historiées  dont  l'ar- 
»  tiste  a  revêtu  les  divers  personnages  de  cette  pièce...,  tout  cela  est  exprimé 
»  (à  ravir  par  le  marteau  du  repousseur  qui,  suivant  les  reliefs  qu'il  voulait  obte- 
»  nir,  a  frappé  avec  résolution  ou  avec  douceur,  en  descendant  par  degré  des 
))  accents  fiers  qui  font  respirer  la  vie  jus(ju'aux  pâles  dépressions  où  vient 
»  expirer  la  forme  (3).  » 

Lancé  définitivement  dans  le  m.onde  des  riches  amateurs,  Vechte  exécuta 
alors,  outre  un  bracelet  j)Our  la  duchesse  de  Cambacérès,  une  coupe  en  argent 
pour  M.  de  Vandœuvi'c,  représentant  un  sujet  inspiré  de  Flaxman,  «  l'Harmonie 
dans  r()lymi)e  »,  (pii  jtarui  à  l'Exposition  de  l'Industrie  de  1849,  et  valut  à  son 
auteur  la  croix  de  la  Légiou  d'honneur,  et  de  plus  nue  commande  officielle, 
que  lui  fit  donner  M.  de  Thiers,  «  le  Vase  du  Scrutin  »,  lequel  ne  fut  achevé 
qu'en  1861,  et  est  devenu  le  Vase  de  la  création  représentant  Adam  et  Eve,  le 
paradis  perdu,  les  passions  vaincues  :  il  est  actuellement  au  Musée  du  Louvre, 
mais  ce  n'est  pas  une  de  ses  œuvres  les  meilleures.  Il  existe  encore  dans  les  ré- 
serves du  Louvre  un  vase  inachevé  qui  a  été  donné  par  sa  fille,  M""  Vernaz-Vechte, 
et  que  nous  avons  pu  représenter  dans  la  même  planche. 

Nous  avons  réuni  aux  œuvres  de  son  père  le  vase  de  M"*  Vernaz,  son  élève, 
d'une  sculpture  plus  mièvre,  d'une  ciselure  un  peu  féminine,  mais  qui  montre 
que,  si  la  fille  avait  hérité  de  quelques-unes  des  qualités  de  son  père,  elle  avait 
exagéré  ses  défauts. 

Vechte  s'était  fait  bâtir  à  Ménilmontant  une  petite  maison  que  fréquentaient 
les  artistes  décorateurs  du  temps,  Feuchères,  Klagmann,  Hugues  Protat  :  c'est 
là  qu'il  travaillait  pour  les  orfèvres  qui  lui  donnaient  à  exécuter  leur  ciselure, 
Wagner  et  Froment-Meurice.  Un  jour  il  reçut  la  visite  de  M""'  Nathaniel  de 
Rothschild,  qui  lui  commanda  sa  statuette  équestre  en  argent  repoussé,  en  cos- 


(1)  La  composition  et  la  sculpture  de  cette  pièce  était  de  Klaffiuanu,  la  ciselure  de  Vechte,  l'orfèvrerie 
de  Morel.  L'exécution  eu  fut  dirigée  d'un  bout  à  l'autre  par  Fossin  (note  de  Fronient-.Meurice  publiée  par 
Ph.  Burty  dans  uu  ouvrage  sur  cet  orfèvre,  page  14).  Frouient-Meurice  était  l'orfèvre  en  nom  qui  avail  èlé 
chargé  de  la  commande  de  cette  épée. 

(2)  Cette  pièce  est  devenue  la  propriété  de  la  fille  de  Lepage,  .■\l"i«  Brot  de  Commère. 

(3)  Ch.  Blanc,  Grammaire  des  Arts  décoratifs,  page  315. 


iéhj^f,    'j 


Ai^iiii-re   on  orlex  l'erio  par  !•'.  Moiirico. 
Modèle  lie  .1.  Keiiclièi-es,  ciselée   par  ^'l'ellt^•. 

Miisi'c  i-cnlpiiiutl.  —  C.nlli'ilidU  ilc  M'"    Hm  ilc  Coiuincn': 


HVJ 


A  Jisc-  en  iv|i()iissc.  .•\cimiI.-  ir.u-   \  l'clil,-. 


—  till  — 

1,1 (r.iiii;i/(.iu'.   I.c     iiiolicîill     si'iliiisil     si     luil    le    |i;il(iii    .l.iliirs    i\r    Itol  li^cliild , 

<|ih'  (cliii  (  1,  .iilliniisiiisiiic,  sourcil  ;i   <li;ii-ri-  l'nrli-lf  ilr  «Inix   Imiils  de  l;il»l(;  (U; 
-i. 111(1. '^  (liiiKiiviMii^,  (lr\;ml  li-iiiTi-  If  .Iniii-  cl  l.i  Niiil.  l-cs  m;ii|iirllrs  l'iiiciil  r.'iiU'S: 

cllf^  .•.luiphiiriil    lin    iiiiiiiliic  !■ iiii'  tic   ii-iircs;  iii;iis    le    iiiojil,    on  iir    -ail    |.(jiii' 

,|,i,.||,.    raii^-f,    ii'i'iii    \>;\-^    'le    siiilr,    cl     Ncchic,    itrolMiniiiiiciil    (li'cil,    ^c    di-cida    a 
ac'citlcr  les  I  in  i|  M  i->il  h  iiis  d'en  LM.^ciiiciil  <|iii'  Ini  a  \  aie  ni  lailcN  1rs  r(''|r|)n's  niirsrcs 


Houclior  "  la  CJRnaiiclii'C  ».  cisL-luro  de  ^'ocllte. 
[Miiiiée  rcnleniiiil.) 


de  Londres,  MM.  lluiit  et  Uoskell,  et  quitta  la  France  en  1849  (1).  Les  œuvres 
exécutées  par  lui  depuis  lors,  et  jusqu'à  sa  mort,  survenue  en  1868,  appartiennent 
à  l'Angleterre.  Nous  aurons  l'occasion  d'en  parler  plus  loin;  mais  ce  qu'il  convient 
de  dire  ici,  c'est  (jue  le  départ  d'un  tel  artiste  fut  extrêmement  regrettable,  car  il 
priva  l'orfèvrerie  française  d'un  de  ses  plus  Ijrillants  auxiliaires.  Ainsi  que  l'a  fait 


I  Ton?  ces  détail*  ?ur  la  vio  de  Vechte  sont  tirés  d'un  ouvi'Ofre  inédit,  les  Aitis(es  décorateurs  ait  cUt- 
neiivième  siècle,  par  Victor  Chauipier.  qui  possède  un  recueil  de  souvenirs  personnels  que  lui  a  transmis 
la  famille  de  l'artiste.  Ce  qui  a  été  dit  ci-dessus  sur  les  artistes  de  l'époque  romantique  est  également 
euq)runté  à  1  ouvrage  de  .M.  Victor  Champiei'. 


—  i>12  — 

remarquer  le  duc  de  Luynes  (1),  Vechte  a  introduit  dans  l'art  du  repoussé  des  per- 
fectionnements précieux,  particulièrement  la  préparation  des  pièces  difficiles  qui, 
au  lieu  d'être  péniblement  ébauchées  et  achevées  sur  le  ciment,  sont  maintenant 
estampées  par  morceaux  dans  des  creux  en  métal,  fonte  ou  bronze,  puis  ensuite 
ajustées,  soudées  et  ciselées.  Il  en  résultait  une  grande  économie  de  travail,  et  le 
métal,  moins  fatigué  par  le  travail  du  marteau,  conservait  plus  d'égalité  dans  son 
épaisseur;  les  trous  et  les  déchirures  étaient  moins  à  craindre.  Son  talent,  en 
plein  épanouissement  quand  nos  voisins  raccaparèrent,  aurait  pris  sans  nul  doute 
un  élan  encore  plus  puissant  dans  sa  patrie.  Il  avait  formé  un  jeune  élève,  Morel- 
Ladeuil,  qui  devint  également  un  maitre  dans  l'art  du  repoussé  :  celui-là  aussi  fut 
enlevé  à  noire  pays  par  l'Angleterre,  où  nous  le  verrons  dans  le  chapitre  suivant 
produire,  à  la  solde  d'Elkington,  d'admirables  ouvrages  de  1852  à  1888. 

Après  cette  nomenclature  des  principaux  cohaborateurs  de  l'orfèvrerie  sous 
le  règne  de  Louis-Philippe,  revenons  aux  fabricants  eux-mêmes,  aux  chefs  des 
maisons  les  j)lus  importantes,  en  conslataiit  leurs  efforts  tels  ([u'ils  se  manifes- 
tèrent aux  diverses  expositions  de  l'indusli'ie  qui  eurent  lieu  à  cette  époque. 

L'Exposition  de  1834,  organisée,  non  plus  au  Louvre  mais  sur  la  place  de  la 
Concorde,  dans  des  baraquements  assez  sommaires,  réunit  lo  orfèvres  sur 
2447  exposants.  C'est  le  baron  Charles  Dupin  qui  fait  le  rapj)ort.  11  exprime  un 
«  sentiment  profond  de  regret  »  à  voir  les  artistes  s'humilier  jus(|u'à  suivre,  à 
copier  une  mode  éphémère  et  bizarre,  pour  adopter  des  formes  anglaises  lourdes, 
prétentieuses  et  sans  grâce.  Il  ajoute  :  «  L'orfèvrerie  anglaise  n'est,  selon  nous, 
»  qu'une  alliance  maladroite  de  la  prodigalité  d'ornements  qu'alfeclait  la  Renais- 
»  sance,  avec  les  tortillements  du  genre  Louis  XV.  Au  lieu  d'accepter  cette  com- 
»  binaison  monstrueuse,  si  l'on  veut  à  toute  force  imiter,  pourquoi  ne  pas 
))  remonter  aux  types  primitifs  (2V?  »  La  réflexion  était  juste.  Elle  s'adressait 
spécialement  à  Odiot  qui,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  avait  été  le  grand  importateur, 
en  France,  de  ce  genre  anglais,  dont  on  commençait  à  Paris  par  comprendre  le 
ridicule,  et  que  les  esprits  avisés  signalaient  comme  un  danger.  Mais  ce  qu'il  faut 
dire,  c'est  que  grâce  à  Odiot  qui  avait  voulu  prendre  surtout  à  nos  voisins  leurs 
machines-outils,  les  tours,  les  matrices  grâce  auxquelles  ils  avaient  conquis  sur 
nous  une  avance  considérable  au  point  de  vue  de  la  fabrication  commerciale,  nous 
pûmes  dès  lors  reprendre  une  avance  que  nous  ne  devions  pas  laisser  échapper. 
A  cet  égard,  le  service  rendu  par  Odiot  à  son  industrie  fut  très  grand;  malheu- 
reusement, en  même  temps  que  les  outils  d'invention  anglaise,  les  modèles  de 
Londres  avaient  pénétré  aussi;  à  l'amalgame  de  la  Renaissance  et  du  Louis  XV, 
on  ajoutait  (car  l'influence  de  Ghenavard  s'étendait  jusqu'à  Londres)  la  nature 


(1)  liappofl  (le  18ul,  p.-ige  17. 

(2)  Rapport  du  jurij  central  sur   les   produits  de  Vindustrie  française  exposes  en    1)^34,  par  le  baron 
Ch.  Dupiu,  Paris,  1830.  3  vol.  in-lS.  (Voy.  chap.  xxiii,  section  11,  page  14i.) 


ulrail  lie  (■iiviu.i:>  C)l)lU'r  et  de  ses  deux  lils,    En^u:^T  et  <m>ïa\i 
JJolU'ctiun  Gtistace  Oïliot.) 


III,, lie.     I;i    iMliirr     \i\:illli'     il     loiil      llll     -fiirc     il'ilii     |  pjl  I  nrc-illlc     «A  I  ni  \  .i;.'.!  lit  .      (Ic 

n'iliiil  iiiif  lurrlN  vici'^t'S  cL  |);iliiii«'rs,  luiis  dr  sapins  <MiUNcrls  de  iiri;.'('  et  lialiilés 
liai-  ilfs  ours,  (liasses  à  rrh'pliaiil  cl  aii\  li;.'r('s,  scènes  «le  criti^-adc^  (iii  de  la  \'\t' 
inaMM'  la   plus  ((nliiiaiii-,  ((iiiiiiic  h'  diif  de  W'idliii^ htii  à  (  lir\al  ijaii^  ^(Ui   |»an-.  ou 

l,l,.|l  loiili-  la  \  r-rl.ilhiii  do  vcilT--  cliaildcs  de  l' Aii-lclnic,  loiil  le  |r;.'iir  aiiiiiial 
,|ii  iiiniidc,  |Minlilriiiiiil  iiiiilr,  d  II  II 'llll' lit  M'iidii  i  I  )  (  »diol  lie  pn'-ciila  |ias,  a  ri'!\p(i- 
siliiiii  de  IS;!'(,  dt'N  d'il  \  rc^  d'un  ^  où!  an--- i  I A  oli.|  lie;  il  a\ai(  |ioiiilaiil  ilcu\  h  i  il  oui  s 


N"  r>.  —  Théière,  i-enaissance  italienne.  Olùivre  d'OdioL. 
{.Miisce  ccnlciinnl.) 


de  table  en  argent  mat,  dont  l'un  offrait  un  amoncellement  d'arbustes  et  de 
plantes,  et  dont  l'autre,  plus  simple,  n'en  étail  pas  moins  une  imitation  des  formes 
anglaises. 

Le  Musée  eentennal  nous  montrait  une  série  d'œuvres  d'Odiot  qui  marquaient 
bien  l'évolution  qui  s'était  faite  dans  sa  fabrication  de  i830  à  1848. 

C'est  pendant  toute  celle  période  que  la  renommée  de  Charles  Odiot,  qui  con- 
tinuait à  s'inspirer  des  traditions  paternelles,  devint  universelle. 

M.  Ciustave  Odiot  nous  a  permis  de  reproduire  un  portrait  de  son  père  qui  date 


(1)  Comte  de  Labonie.  ouvrage  cité,  page  3"2. 


—  210  — 

de  1840,  où  il  est  représenté  avec  ses  deux  jeunes  fils,  Ernest  et  Gustave,  qu'il 
allait  former  à  son  exemple  et  préparer  à  suivre  sa  carrière.  La  réunion  au  Musée 
centennal  des  pièces  que  nous  avons  reproduites  ici  est  particulièrement  sugges- 
tive, et  montre  les  étapes  parcourues  par  Odiot  pendant  le  règne  de  Louis-Philippe. 

L'influence  anglaise  est  bien  marquée  dans  la  cafetière  N"  3  de  forme  gourde 
allongée,  a  panneaux  ciselés  en  relief  et  séparés  par  des  côtes.  L'ornementation 
en  est  exubérante  et  les  scènes  de  jeux  d'enfants  qui  sont  représentées,  se  res- 
sentent du  peu  de  mesure  des  orfèvres  d'outre-Manchc. 

Tout  autre  est  la  théière  N"  4,  dite  de  forme  «  casquette  »  tout  unie.  Elle  est  au 
contraire  pratique  et  simple,  telles  qu'aujourd'hui  encore  sont  les  pièces  de  fabri- 
cation anglaise  les  plus  en  vogue.  Les  deux  cafetières  1  et  2  marquent  le  moment 
où  Charles  Odiot,  retrouvant  dans  nos  traditions  françaises  des  types  d'un  goût 
plus  épuré,  allait  complètement  changer  sa  manière. 

La  théière  N"  5,  de  forme  aplatie  avec  têtes  de  béliers  servant  d'amortisse- 
ment au  bec  et  à  l'anse,  se  ressentait  déjà  du  retour  au  style  de  la  Renaissance 
mis  en  faveur  par  le  Romantisme.  La  sculpture  en  était  puissante,  et  la  frise 
send)lait  imitée  des  marbres  de  la  Henaissance  italienne. 

Mais  là  oii  le  style  romantique  est  plus  visiblement  marqué,  c'est  dans  la  cafe- 
tière N°().  ^)uatre  ligures  assises  sur  une  panse  aplatie  accompagnent  l'anse  et  le 
bec;  une  profusion  d'ornements  couvrent  la  forme  et  compliquent  la  décoration 
sans  laisser  de  parties  unies  et  calmes  où  l'œil  puisse  se  reposer,  ornements  qui 
ne  sont  ni  moyen  âge  ni  renaissance,  mais  s'inspirent  du  mouvement  créé  par  la 
littérature  d'alors  qui  s'accentuera  encore,  en  s'affinant  avec  Froment-Meurice. 

Dans  le  dernier  type  se  retrouvait  également  l'inlluence  anglaise,  mais  avec 
un  goût  plus  épuré.  Le  samovar,  décoré  de  branches  et  de  feuilles  de  thé,  était 
inspiré  des  végétations  tleuries  dont  les  Anglais  abusaient,  mais  auquel  Odiot 
avait  su  donner  un  aspect  pittores({ue  et  agréable. 

Son  iniluence  était  visible  sur  un  orfèvre  de  Strasbourg,  nommé  Kirstein,  qui 
montrait  des  vues  et  des  médaillons  figurant  des  chasses  et  des  combats.  Durand, 
élève  d'Odiot  père,  s'éloignait  complètement,  au  contraire,  du  goût  anglais  pour 
adopter  le  style  Renaissance  à  la  mode,  et  s'attirait  par  cela  même  un  compliment 
du  Jury  qui,  le  félicitant  pour  une  aiguière  d'une  assez  belle  exécution,  assurait 
qu'il  était  fait  pour  comprendre  les  beaux-arts.  De  même  pour  Lebrun,  dont  les 
vases  pour  prix  de  courses  recueillirent  tous  les  suffrages.  Mais  le  grand  succès 
fut  pour  Wagner  qui,  pour  sa  première  exposition,  obtint  d'emblée  une  médaille 
d'or,  avec  un  bijou.  Wagner  était  un  artiste  prussien.  Arrivé  à  Paris  vers  1830, 
il  s'associa  avec  un  lapidaire.  Mention;  il  avait  fait  d'excellentes  études  spéciales, 
a  dit  le  duc  de  Luynes  (1);  son  instruction  dans  les  arts  du  dessin  était  complète, 

vl ,  Duc  (le  I.uynes,  Rapport  sur  1rs  mélaur  précieux  à  l'Exposition  de  1851,  page  68. 


(.al't-tiores.    tluMeres   cxoci.tocs   parOdiot. 
Musée  renlcnn;)!  ) 


2\U  — 


les    |l|■(»(•(■•(|(■••^  ilf    rdl-l'cM-fl  ic,   lie  l.i  lil|(illlci  ir  cl   de  l.l    [(Llillciic   lui  l'hiicilt  l'ii  lli  il  id'S, 
s, ,11  l.ilriil   |.ci--iiiiiii'l  l'I-iil   n'iii;iri|ii;il'lr 

Il  .iiiiiiiiiii    a  iMi'  l;i  r.iInhMl  KHI    ili'^    iiii'llc^  ;i   I  iiiiil  ;il  inii   i|r  itii\    de    j'iii^^ic,  cl 
,l,,\,,,l    |,r,,iii|ilciiiclil     >-i    li.iliilc    (l.iiis    ii-l    ;iil,    (|n  il    l;ii>s;i    m-s    iikxIcIcv    |mi-ii    loin 


Xo  c.  _  QiCclici-e.  sI.vIl'  rninaiitii;ue.  Œuvre  d'Udiot. 
[Musée  rentennul.) 


deri'ièiv  lui.  Encouragé  par  le  duc  d'Orléans  et  par  la  princesse  Marie,  Wagner 
entreprit  de  grands  travaux  et  réussit  dès  son  début.  Il  devint  chef  d'école,  fixa 
l'attention  des  amateurs  et  apporta  sa  science  à  la  place  de  la  routine.  On  vit  en 
lui  se  réaliser  ce  qui  n'était  plus  qu'un  souvenir  depuis  le  dix-septième  siècle  : 
lial»ile  à  dessiner  et  à  modeler  aussi  bien  qu'à  ciseler,  Wagner  fit  revivre  le 
repoussé.  «  Outre  les  qualités  d'art  dont  il  faisait  preuve,  le  jury  de  1834 
remarciua  chez  Wagner  le  souci  de  mettre  ses  travaux  à  la  portée  d'un  grand 
nombre  de  fortunes  par  les  procédés  de  gravure  mécanique,  ce  qui,  affirmait 
le  rapporteur,  «  devait  produire  une  vraie  révolution.  » 

Cinq   ans  après,   c'est-à-dire   à  l'Exposition  de  l'industrie  de   1839,   installée 


—  220 


cette  fois  aux  Champs-Elysées,  sur  le  carré  Marigny,  l'orfèvrerie  était  repré- 
sentée par  22  exposants,  au  nombre  desquels  outre  les  fabricants  cités  ci- 
dessus,  et  qui  restaient  fidèles  à  ces  concours  périodiques,  figuraient  des  noms 

nouveaux,  ceux  de  Froment-Meurice, 
qui  allait  j)reiidre  une  place  éminente 
dans  notre  industrie,  et  de  Cliris- 
tofle  qui  n'exposait  encore  que  des 
bijoux,  mais  qui  ne  devait  pas  tarder, 
avec  les  nouveaux  procédés  de  dorure 
et  d'argenture  électro-chimique,  à  ou- 
vrir des  horizons  grandioses  à  for- 
te vrerie. 

Malgré  le  talent  et  la  réputation  de 
tels  concurrents,  le  jury  se  montra 
froid.  Le  rapporteur,  Sallandrouze, 
constate,  il  est  vrai,  avec  satisfaction 
que  les  formes  anglaises  «  sans  grâce 
et  sans  légèi-eté  »  ont  perdu  de  leur 
vogue,  et  que  «  l'on  commence  à  com- 
prendre (pf  en  orfèvrerie  le  confortable 
n'est  pas  tout,  et  ne  doit  pas  faire 
oublier  la  foi'me  et  le  dessin  »,  mais 
il  se  plaint  de  n'avoir  à  enregistrer 
«  (jue  des  perfectionnements  de  dé- 
tails, des  dispositions  plus  ou  moins 
ingénieuses  d'ajustages,  et  peut-être 
l'usage  plus  modéré  et  mieux  entendu 
des  ornements  du  seizième  siècle  ». 
Sa  mauvaise  humeur  va  jusqu'à  se  tra- 
duire par  cette  phrase  morose  :  «  L'or- 
fèvrerie, nous  le  disons  à  regret,  est 
restée  stationnaire  depuis  1834;  point 
de  procédés  nouveaux  pour  diminuer 
la  main-d'œuvre  ou  l'emploi  de  la  ma- 
tière première;  peu  d'efforts  pour  con- 
server ou  même  inspirer  le  goût  des 
beaux-arts...  »  Conclusion:  aucune  médaille  d'orne  fut  décernée. 

Ce  jugement  paraît  un  peu  sévère  quand  on  pense  à  fensemble  des  œuvres 
exposées.  Il  s'y  trouvait  des  pièces  modelées  par  Klagmann,  Feuchères,et  d'autres 
sculpteurs  renommés,   des   morceaux   de    ciselure  marqués    de  l'empreinte  de 


Fontaine  à  llu-,  style  pittopes.iue.  (Ejvre  dOdiot. 
[MitsL-e  cenle final.) 


\rilili',  ilfs  CKiiiliiisiliDii^  i|ili,  <rnis  le  i;i  |.|  Mirl  il'im  drvsiii  |i|im  iliàl  ii' ,  de  rii|s|)i- 
r.ilKMi  imiiii>>  hiliiiiii  mil'  ri  il  un  iinilliur  .•,|iiilil  ne ,  I  i'iiiiti;-'ii;iM'iil  d'iiii  prit^'lTs 
IrcN  rccl.   hiiiMihl  ;i\.iil  mu'  r<iiil;iiiii'  a   llic  Ii.kiIi'  i| Un  indr'"',  |K's;inl   i^O'l  in.irTs  d 

rsliincc   '.(Mil).)    ^|•;llll•-^.    l!ii   l'on \r    |i\  immipIi-,   rllr   l'I.iii    |M»ili-r    -^wv   un    |il.ilc;in 

iliMil  la  liiirtluri',  tliNi'^'c  \>:w  ilrs  pailirN  nirlli-cs,  in<li'|iiail  la  plarr  di's  ^ri/r 
ta^^(•>^;  aii-dcssus,  >ur  nn  handi-an  ilaïu'i'nl,  se  linnsaiml  liinl  |ilalcan\  iiirj|(''-. 
fi  di»i-('s  avec  al•alll'-^l|U(•-^  l'itmianl  cla::!'!!'  ri  cnnlcnanl  ipialn'  I  lii-im-v,  (pialrc 
sncri('i>,  t|nal  rc  r(iii|ic-^  a  t^;il('an\.  (pialic  |miK  à  cn-nir.  Aiihnir  ilr  la  liiinillnirr 
se  I  itinx.iicn!  ili'-^  nirlic-^  a\('i'  iiLiin'c^  de  ^(•nnn^■^,  >ircni'N,  irihin-^,  allanli'v  niiid(d<'S 
itar  Kla^niann.  ('.c  lfa\ail,  <■  i(Mnaii|iialili'  par  --(iii  ini|»inlani-(',  (lar  la  Itcanlt'  cl 
la  ^iiupluili'  du  ninniai:!'  cl  dc-^  ajii'^li'nicnK  •■ ,  \alnl  a  l'orlrM-c  nn  ra|i|tc|  de 
nii'daillt'  il  ari;iMil  ;  il  iriiarni  a  rrA|uivil  imi  dr  Lundrc^  en  ISM.  nn  il  olilinl  nn 
_:;i'ani  I  ■>iici-t'->     I    , 

l.i'liriMi,  I  ini  ili'>  \fli'ran<.  de  l'oi-j'cx  rcric  IVancai^r,  ('\|iit--ail  ans<i;  soi'li  de 
ralclicr  d'iMiiil  pi'i'i'.  il  a\ail  reçu  id  coiix'i'N  ('  l^>^  Iradilions  dr  rrl  oiIrM-r.  |,es 
^■(Miii>>  dill'rrrn!>  ipi  il  a  sni\  i'^,  nInIc  dr  T  l!ni|»irr.  l'acon  anglaise,  sl.yle  (Je  la  Hmais- 
san  'r  ri  llfojr  niodriair,  lOiil  li'uuvé  iiahilc  a  hicn  coniitrriidi'c  et  à  l)irn  clmisir. 
appitrlanl  iiiic  rarr  itni'rclion  daii*^  ses  moidnrrs,  ini  .i^oùl  el.  une  i-ridicrclir  daii< 
SCS  ajnsIrnirnN.  mir  Itranli'  dans  le  poli,  i|nr  personne  n'a  pu  altciiidi'c  avani  lui. 

Le  .lin'v  siui)  dail  prinidpalcnuMd  un  nia,L;iiirKiui'  service  de  laltle  (d  un  IIk-  coni- 
plel .  don!  les  fonnes  aui^laises  ado]dt'es  dans  ce  ipTidles  avaient  de  louable,  niodi- 
(iées  et  ('puiH'es  pai'  une  heureuse  cond)inaisoii  avec  le  style  lleuaissauce,  avaient 
IVappc  son  alleiilion.  Il  recul  une  médaille  d'argent  (^). 

Ses  Iravaux  allaient  i-eccvoir  la  récompense  suprême,  la  médaille  d"or,  à 
ri'Aposilion  de  18'i-t,  où  il  avait  i)résenté  un  milieu  de  table  de  style  Louis  W, 
l'aisanl  jiarlie  d'un  service  (pii  lui  avait  été  commandé  par  hi  Russie;  un  groupe 
de  Baccluis  e(  d'Ariane,  entourés  d'enfants  grimpant  dans  un  cep  de  vigne,  en 
faisait  le  motif  })rincipal.  La  ciselure  en  avait  été  exécutée  par  Poux,  Dalbergue 
et  Sclu'opp.  Mais  la  pièce  principale,  quoique  de  petite  dimension,  qui  avait  en- 
levé tous  les  suffrages,  était  nne  tasse  en  argent  avec  sa  soucoupe,  dont  les  ar- 
tistes et  le  public  admirèrent  l'étonnante  perfection.  Cette  tasse  était  décorée 
sur  la  p:inse  d'un  motif  représentant  les  armoiries  du  propriétaire,  le  baron  de 
Mecklenibourg,  accompagnées  de  deux  figures  d'un  travail  exquis.  Le  reste  de 
la  lasse  était  uni,  et  l'anse,  dont  le  galbe  emprunté  à  l'architecture  et  à  la 
végétation,  était  aussi  neuve  d'invention  que  parfaite  d'exécution.  La  ciselure 
en  avait  été  confiée  aux  frères  Fannière,  qui  en  avaient  fait  un  chef-d'œuvre. 
«  Quand  on  a  admiré  à  la  loupe  la  perfection  de  ce  travail,  dit  le  rapporteur  du 


(1)  Duc  lie  Liiynes,  Rapport  île  1831,  page  61. 

(2)  llapporl  de  l'E.rposilion  de  1839;  tomo  III.  pages  43- IG. 


Jury,  on  ne  s'étonne  plus  que  cette  tasse,  où  il  entre  pour  ioO  francs  d'argent, 
vaille  iOOOO  francs  (i).  » 

Le  Jury  de  1839  décernait  encore  deux  médailles  d'argent  :  l'une  à  l'orfèvre 
Lenglet,  qui  se  distinguait  de  ses  confrères,  parce  qu'il  exécntc  lui-même  le 
dessin,  la  sculpture  et  la  ciselure  des  pièces  qui  sortent  de  son  atelier. 

11  s'était  fait  représenter  à  l'Exposition  par  trois  pièces  de  grosse  orfèvrerie 
dont  la  plus  importante  était  un  milieu  de  table  avec  une  corbeille  pour  Heurs 
et  fruits,  dont  les  figures.  Bacchantes  et  Enfants  cueillant  du  raisin,  étaient  en 
vermeil,  pièce  d'un  genre  grec  qui  «  a  peut-être  été  étonnée  de  se  trouver  à 
l'Exposition  de  1839  »,  dit  le  Rapport,  car  «  elle  y  semblait  venue  pour  protester 
contre  l'invasion  du  moyen  âge  »  :  et  l'autre,  à  Froment-Meurice,  dont  M.  Héricart 
de  Thury  (;2)  fit  le  plus  vif  éloge,  parlant  de  «  l'illustration  »  et  du  «  haut  rang  » 
qu'il  a  su  donner  à  sa  maison,  et  vantant  «  le  bon  goût,  le  fini,  le  gracieux  des 
formes,  la  modi'ration  des  prix  »  de  ses  bijoux.  Déjà  Froment-Meurice  avait  pour 
lui  les  bonnes  grâces  du  public  et  béiiéliciait  de  la  popularité  que  lui  faisaient  les 
écrivains  romanti(|ues. 

Quant  <à  Charles  Wagner,  il  triomphait  avec  une  foule  d'ouvrages  d'invention 
neuve,  qui  firent  l'admiration  de  tous  les  amateurs.  Jules  Janin,  en  son  style 
lleuri,  traduisit  leurs  impressions  enthousiastes  dans  un  article  vibrant  sur  l'ar- 
tiste (3)  :  «  Ce  Wagner  est  un  des  artistes  les  plus  singuliers  et  les  {)lus  remar- 

»  quables  d'aujourd'hui,  disait-il Les  vases,  les  bijoux,  les  armes,  les  coupes, 

»  les  aiguières,  les  colTrets  de  cet  habile  homme  ne  sont  comparables  à  rien  de 
»  ce  qui  se  fait  aujourd'hui  en  Europe.  Il  est  aussi  amoureux  de  belles  pierres 
»  que  des  fines  ciselures;  il  a  pour  l'aider  dans  cette  recherche  un  savant  lapi- 
»  daire,  nommé  Mention.  Et  ainsi,  que  de  riches  bijoux  ils  ont  tiré  de  l'oubli, 
»  (pie  de  topazes,  d'améthystes,  d'émeraudes  ils  ont  mis  en  œuvre!  Non  moins 
»  hardi  que  Fauconnier,  mais  d'une  volonté  plus  nette  et  plus  ferme,  mais  sou- 
»  tenu  par  des  moyens  d'exécution  qui  manquaient  à  son  malheureux  devancier, 
»  Wagner  ne  recule  jamais  devant  aucune  entreprise  qu'il  croit  belle  et  grande. 
»  Avant  de  commencer  une  oeuvre  nouvelle,  il  ne  se  demande  pas  si  l'Europe 
»  contient  un  homme  assez  riche  pour  l'acheter;  il  la  commence,  il  l'achève,  il  la 
»  polit  avec  amour,  il  l'entoure  de  toutes  les  grâces,  de  toutes  les  déhcatesses 
»  exquises  d'un  homme  qui  aime  son  art;  après  quoi,  l'acheteur  arrive  ou  non; 
»  qu'importe?  l'œuvre  est  accomplie.  »  A  l'Exposition  de  1839,  Wagner  avait 
notamment  une  très  belle  aiguière  d'argent,  composée  et  modelée  par  Geoffroy 
de  Chaumes,  dont  la  panse  était  ornée  d'un  bas-relief  repoussé  représentant  la 
Tempérance  et  Y  Intempérance.  Sur  l'anse  était  couchée  la  Vérité;  autour  du  pied. 


(1)  Rapport  de  VE.iposition  de  1839,  Héricart  de  Tluirv,  tnme  III. 

(2)  Rappoii  de  tExposi/ioii  de  1S41,  Hrricart  de  Thury. 

(3j  Jules  Jauiu,  article  paru  dans  le  journal  l'Artiste,  année  1839,  sur  les  produits  de  l'industrie. 


on  \n\;iil  (11--  |il;iiili'N  ,•(  îles  ;illiili;iii\ .  M;ii-  k'  ilirl'-d'd'ilN  rr  de  rorIVîVn*  «'lait 
lllir  coiiiM'  l.iiitc  iiii'llic,  niiK'i'  i\r  r(i|ll|Hisi|  idiis  |||>>l<iri(|llrs  rL  .•|lli';.'()ri<|lli'S  icla- 
liM'N  ;i  de-,  .irli^li's  .■(•lc|i|-fs,  ciilic  ailiffv  licriiaril  l*ali^^\,  l-r  dcNvin  rii  (-lail  de 
II.  de  Tni|iii'ti.  ('.('Ile  |iii'i'f  iiiii(|iii',  d  iiih'  iiii;.'iiialil  !•  iiiii  \n  di^l  iii;.'iiad  lnlalriiicMl 
de  Idiitc  aiilic,  iiii'iilcrail  iiin-  place  daii'-  un  iiiii-i'c  cnniiin'  un  dnciiinrnl  <ai-afd<''- 
iiv|i(|iii-  de  ri|Mh|iif  l'I  |i;ir.i'  iin'clli'  n'^iiiiir  le  lalfiil  di-  \\a;-'ii('r  daii>  cf  ijn'il 
ciil  \i-aiim'iil  dr  ■>ii|M'i-i<Mir.  (•'(■■^l -a-dirc  les  rin'llc^.  Om-U  i|iii'  ^niciil  -es  hm'iiIcs, 
fil  rllcl,  c'i'-l  p;ir  la  iju  il  s'csl  fait  une  placi'  a  |iarl  cl  jiii'ii  |irr>itniM'llc.  I,  iiii|iiil- 
<{{)\i  iin'ij  iliiiiiia  a  I'hiTcn  iiM'ic  |iar  miii  chinai  (■lirrcln'iir  ri  luiijoiirs  en  i|iii''lc  (|c 
noiivt'aiilc  n'eu  c-^l  pa^  iiKUiis  Irrs  ;:iaiidr.  ■■  (  >ii  lui  doil ,  a  dil  Ir  dur  dr  j  ai  y  ries  i\), 
rabaiidou  du  iicurc  aM^lai>  pour  ini  i^oùl  nicillciir  cl  plu--  en  liarumuic  a\cc  je 
;4(''iiic  iVaiiiai'^.  Le  peu  d'orfcN  rcric  di'  lahlc  sorli  de  ses  alclicr^  <'lail  d  inic  ;ji'andc 
(a»i  la'cl  idU.  Il  a  cnliu  l'aiiiuii'  ii-s  l'aiadlt's;  créai riccs  de  uos  lialiilcs  oiTcm'Cs.  cri 
leur  inoiiliaiil  les  avaiila^cs  diiuc  (a)llalj()i'ali()ii  assidue  avec  diiahiics  seuljjleui'h 
pouf  lous  le^  lia\au\  iiiipoiiaiils.  »  Ajoutons  (jiie  Wagner,  traité  en  clief  d'école 
par  ses  confrères  en\-inèines,  aurait  eertaiiiement  exeiaa-  nue  inlliiciice  Ihcii  |)Ius 
elTicatc  eiKore  sur  l'oi-rèvrerie  s'il  n'avait  été  enlevé  jtar  une  inori  pic'inalnia'e. 

L'I'lxposition  de  iSt'i  fut  la  Iroisicnic  et  dernière  manifestation  de  l'induslrie 
sous  le  rèf^iie  de  Louis-Philippe.  Les  orfèvres  habitués  à  hi-iller  dans  ces  concours 
s'y  retrouvaient  à  j)eu  jx-ès  en  même  nombre.  Iiudolplii  avait  remplacé  son  maître 
Wagner,  ({ui  était  mort;  Morel  [»rei)ait  raiif;  du  premier  coup  i)arini  les  maîtres; 
Aueoc,  relégué  auparavanl  dans  la  pelile  orfèvrerie  du  nécessaire,  affirmait  timi- 
dement encore  des  ambitions  plus  hautes;  Cliristofle  attirait  l'attention  par  ses 
|)remières  applications  des  procédés  de  l'argenture  électro-chimi(|ue  à  la  vaisselle 
courante;  enfin  Froment-Meuricc  dominait  la  phalange  par  l'éclat  et  l'abondance 
de  ses  ouvrages,  pour  lesquels  les  artistes  les  plus  en  renom  lui  avaient  donné 
leur  collaboration. 

Le  Jury  décerna  la  plus  haute  récompense,  une  médaille  d'or,  à  Lebrun,  comme 
un  honunage  à  ce  vétéran  qui,  disait  le  rapporteur  Denière,  par  «  ses  sacrifices 
de  tout  ordre,  le  culte  du  beau  qu'il  a  toujours  apporté  dans  l'exercice  de  sa  pro- 
fession »,  avait  aidé  à  conserver  h  l'orfèvrerie  cette  supériorité  dont  elle  s'honore 
aujourd'hui.  Mais  Lebrun,  c'était  déjà  le  passé,  le  déclin  d'un  genre  qui  tombait, 
l'n  homme  plus  jeune,  Morel,  installé  orfèvre  en  1842  seulement,  se  signalait  par 
des  qualités  exceptionnelles  d'exécution  et  enlevait  aussi  une  médaille  d'or,  aux 
applaudissements  des  meilleurs  juges.  C'était  un  ouvrier  rompu  à  toutes  les  diffi- 
cultés du  métier.  «  Doué  d'un  esprit  aussi  patient  qu'inventif,  a  dit  le  duc  de 
Luynes  (2),  aussi  habile  à  prévoir  les  obstacles  qu'à  les  vaincre,  M.  Morel  s'est 


(1)  Duc  de  Luynes,  rapport,  cilé,  page  49. 
(2    Rapport  de  is;il.  page  70. 


—  224  — 

toujours  montré  maître  dans  son  art,  soit  qu'il  faille  ciseler  des  pièces  fondues, 
soit  qu'il  doive  repousser  l'argent  et  l'or,  creuser  les  pierres  dures  pour  y  incruster 
l'or,  tailler  le  cristal,  rivaliser  avec  les  artistes  de  la  Renaissance  pour  la  beauté 
des  émaux,  sertir  les  pierres  précieuses,  ou  trouver  des  combinaisons  de  monture 
et  d'ajustage  que  nul  ne  saurait  faire  comme  lui.  »  C'est  Morel  qui  avait  exé- 
cuté en  repoussé  les  figures  d'or  en  ronde  bosse  modelées  par  Klagmann 
jui  décorent  la  garde  de  l'épée  du       ^     comte  de  Paris.  Tout  ce  qui  sortait 


I 


Ser\  ice  à  tlii-  cliiiiois,  exécute  par  Morcl. 


de  ses  mains,  morceaux  de  l)ijouterie,  de  joaillerie,  contestables  ou  non  au  point 
de  vue  de  la  composition  marquée  au  goût  du  temps,  étaient  irréprochables  sous 
le  rapport  de  l'exécution  toujours  parfaite.  A  l'Exposition  de  1844,  on  admira  prin- 
cipalement de  lui  un  seau  à  glace,  une  toilette  de  vermeil  dans  le  style  du  dix-hui- 
licme  siècle,  une  lanq^e  en  cristal  avec  des  figures  repoussées  et  des  ornements 
cil  or,  enfin  une  croix  reliquaire  ornée  d'émaux  dans  le  genre  du  seizième  siècle. 
En  orfèvrerie,  il  ne  dédaignait  pas  de  demander  à  l'art  de  l'Extrême-Orient 
les  formes  et  les  décors  de  certaines  pièces  d'usage.  Nous  avons  retrouvé  de  lui 
un  service  à  thé  qui  fut  exécuté  à  cette  époque  et  dut  figurer  à  l'Exposition  de 
1844.  Mais  c'était  à  la  Uenaissance,  telle  qu'on  la  comprenait  alors,  qu'il  deman- 


^' 


Dessins  croi'lï'\i'ci'io  ccwiposés  par  .liilcs  Poniv  et  exéeulés  par  Moi'cl. 


Aii;uiére  eu  orfèvrerie.  Modèle  de  Klaguiami. 
Miisév  venleunul.  —  CoUeilion  de   U""   Bnt  ilr  Coinuicn-. 


22'.) 


l^pi'c  tlii   Coiiilc  de   l*an>. 
MoiIlIlo  par  Klagmann.  —  Ciselée  par  X'cclilc. 

^Or/ër/e/'ie  de  D.  Froment-Meiivice.) 


—  2:n  - 

ilail  sc>,  iis|iii;il  imiN.  Il  ;i\;iil  i'umIi'Iiicii  I  |tii''M'iil  i-  un  rcil.iiii  iiiiiiilirr  Ai-  |iirr('S 
,|',,l  l't'N  Ifl'ic  t\r  liil'li'  ilniil  il  ;i\iiil  (|(iii;iiii|(''  les  mn(|l•ll■>^  ;iii  (Irv-iii.ilrlir  .lllli.'ft 
l'cvrc.  h'iiii  l;ilfiil  lir^  ihlnal,  iii;iiii;iiil  \r  rr;i\(»ii  ;i\rc  une  liiilulrli-  r.irr.  Jules 
l'i'MT  clail  .1  1  rlli'  i|ini|li('  11-  ilcssiiialriir  en  \n;j||r  aili|ili'|  ^'adl'c^-aifiil  1rs  or- 
ft»YI't*s.  Il  avait  lU'iiiii  SCS  |)iiii(i|ialcs  n  iiii|  Mtsil  ioii^.  ilaiis  im  allaiiii  iin'il  avait  lait 
clilcr  itar  riiii|ii  iiiiciir  I  .riiicnicr,  ou  clainil  ir|)ii'-iiilcs  Irs  iiiuijclts  ipi  cxt-nilail 
M(ir,'|  cl   (|iii  iKiiis  ii'iisciLJiiciil   sur  sa  nianirn'. 

Sou  lalciil  l'axail  siL;uali'  au  hucci  cur  <lc  la  .Maniilacl  uic  de  Srvrcs.  d  ce  lui 
lui  i|iu  siiccfda  a  ( '.liciiav  an  I  dans  la  du'ci  1  lou  arlisl  ii|uc  i\i-  la  Mauularl  lur.  Son 
passa;^!'  dans  ri'\  clalilisscuiful  a  Jaissi-  les  Irarcs  de  son  lialidri*'-,  cl,  parun  les 
luttdtdi's  (ju'on  t'xcculc  ('i;|i'<»i't'  au  j(un'd  liin,  son  nom  csl,  i'('s((''  ass(»ci(''  au\  loi  mes 
,|ii'il  a\ail  ci't'i'fs  (d  (|ui  soiil  encore  (l(''si:4n<'t's  sous  le  iioiii  de  •■  l<iriiirs  l'tiin-  ». 
An  Musi'e  Ceiileniial  se  lrou\aieiil  deux  i^randes  aiguières  a|»|»aileiiaiil  ;i 
M"""  r>i'()l  de  (loinmcrcs  doul  ruiieaxail  (de  iliodeh'e  par  l'"etielières  (d  ciselée  jiar 
\\'chli'.  (d  l'aulre  (dail  l'ieiivre  de  Klaf:iiiaiii).  Dans  la  |ire!uiere,  la  jianse  est 
decort'c  d'une  Irise  en  reli(d'  re|>r(''seiitanl  le  conihal  des  Centaures  et  des Lapil lies; 
autour  du  |Med.  une  cliexaucliée  de  jeunes  Centaures  ipii  se  |»oursui\  cul  ;  un 
r>aeclii:s  ivre  suiiiioide  lanse  l'orinée  duii  cep  de;  vigne  où  grimpe  un  enfant  |)()iir 
presser  la  grappe  dans  la  eoui^e  du  liieu  du  vin.  La  coniposilion  est  noJjle  el  l)i<'n 
é(iuilil)i'ét>.  l"\ni(dières  n'est  pas  tombé  dans  rexcès  que  blâme  Charles  Blanc,  el  la 
l'orme  n'est  nullement  altérée  par  le  décor. 

L'aiguière  de  Klagmami  est  moins  simple,  moins  architecturale  dans  la  comi)o- 
sili(>n  du  bas-relief,  lue  jolie  figure  de  Caiiymède  enlevé  par  l'aigle  domine  l'anse 
qui  relie  la  panse  au  col  de  l'aiguière.  (Page  2:27.) 

Ces  deux  pièces  nous  montrent  l'espace  parcouru,  la  transformation  de  lait 
de  lorfèvre  au  temps  de  Louis-Philippe,  et  Tinfluence  des  sculpteurs  sur  la  com- 
position el  l'exécution  des  œuvres  décoratives  en  métal. 

Klaginanu  a  fait  pour  l'orfèvrerie  des  modèles  remarquables,  entre  autres 
celui  de  l'épée  que  la  Ville  de  Paris  olfrit  au  comte  de  Paris  à  l'occasion  de  sa 
naissance.  Froment-Meurice  avait  la  direction  générale  du  travail  que  l'on  avait 
réparti  entre  plusieurs  orfèvres  et  ciseleurs,  au  risque  de  compromettre  l'unité  de 
l'œuvre.  Fossin  avait  été  chargé  de  la  poignée  et  de  la  garde,  mais  en  réalité,  ce  fut 
so!i  chef  d'atelier,  Morcl,  qui  la  fabriqua,  et  qui  en  particulier  repoussa  les  figures 
d'or  en  ronde-bosse  qui  décoraient  la  garde.  Lepage,  armurier  du  roi,  avait  été 
chargé  d'exécuter  la  lame  et  le  fourreau  qui  fut  ciselé  par  Vechte  (1).  Dans  les 
notes  (jue  Froment-Meurice  avait  rédigées  pour  le  duc  de  Luynes  et  que  Ph.  Burty 
a  reproduites  intégralement  dans  sa  monographie  sur  D.-F.  Froment-Meurice, 
publiée  en  i88,'->,  il  disait  :  «  Permettez  seulement  que  je  vous  dise  quelques  mots 

(1    Henri  Vever.  la  liijoulerie  française  au  dir-neuvièm?  siècle,  page  2aG. 


—  232  — 

»  de  l'épée  du  comte  de  Paris.  C'est  l'œuvre  de  Morel,  oui,  mais  c'est  aussi  l'œuvre 
»  de  Fossiu  qui  a  dirigé  l'exécution  d'un  bout  à  l'autre,  je  le  sais.  C'est  la  ciselure 
»  de  Vechte.  Disons  en  toute  justice  la  part  que  cliacun  a  pu  y  prendre,  mais 
»  n'effaçons  pas,  comme  on  a  peut-être  été  trop  porté  à  le  faire,  la  part  de 
»  celui  qui  étant  nominativement  chargé  de  cette  lourde  afiaire,  l'a  effectivement 
»  dirigée,  conduite  et  menée  à  bonne  fin.  »  L'épée  avait  coûté  oO 000  francs,  et 
Vechte  avait  reçu  pour  sa  part  de  ciseleur  la  somme  de  6000  francs  (I).  Froment- 
Meurice  réclamait  sa  part  dans  cette  collaboration,  et  en  avait  bien  le  droit. 

Klagmanii  fut  aussi  un  des  colhiborateurs  attitrés  de  Froment-Meurice  pour 
lequel  il  modela  nombre  de  pièces  de  valeur;  à  toutes  les  expositions,  ses  œuvres 
étaient  [)arini  les  plus  admirées,  et  citées  avec  de  vifs  éloges  parles  rapporteurs 
des  jurys. 

L'honnne  qui,  malgré  tout,  était  le  plus  en  vue,  celui  qui  à  lui  seul  pcrsonni- 
tiait  alors  pour  la  foule  l'orfèvrerie  et  qu'on  surnommait  volontiers  «  Benvenuto 
(!lellini  »,  celui  que  les  poètes  et  les  littérateurs,  les  romanciers  et  les  chroniqueurs 
chantaient  en  j)rose  et  en  vers,  auquel  on  faisait  une  sorte  d'auréole,  qui  jouait 
d'ailleurs  à  ravir  son  rôle  de  ciseleur  de  la  Renaissance,  fêté,  choyé,  recevant 
dans  son  atelier,  artistes  et  grands  seigneurs  avec  le  tablier  de  cuir  de  l'artisan 
d'autrefois,  et  (jui,  unissant  au  savoir-faire  les  qualités  les  plus  solides  d'intelli- 
gence et  d'activité,  accomplissait  ce  tour  de  force  de  surexciter  le  snobisme  des 
bourgeois  de  son  temps  au  point  de  mettre  à  la  mode  toute  l'argenterie,  tous 
les  l»ijoux  (ju'il  lui  plaisait  d'inventer  :  cet  habile  metteur  en  scène,  cet  artiste 
d'imagination  et  de  cceur  qui  savait  enrégimenter  dans  son  orchestre  tout  ce  (|u'il 
y  avait  à  Paris  de  ciseleurs,  d'émailleurs,  de  statuaires,  de  dessinateurs  de  talent, 
ce  virtuose,  en  un  mot,  c'était  Froment-Meurice. 

Né  à  Paris  en  180:2,  François-Désiré  Froment-Meurice  était  fils  d'orfèvre.  Son 
père,  François  Froment,  s'était  établi  en  1792  et  mourut  prématurément.  Sa  mère 
s'était  remariée  avec  un  autre  orfèvre  nommé  Meurice,  et  le  double  nom  devint 
celui  qu'adopta  sa  mère,  et  ([u'il  devait  illustrer. 

Elevé  dans  l'atelier  paternel,  il  s'était  préparé  à  sa  profession  par  un  excel- 
lent apprentissage.  A  seize  ans,  il  quittait  Fatelier  de  son  père  pour  entrer  dans 
celui  du  ciseleur  Langlet,  qui  composait,  modelait  et  ciselait  lui-même  les  pièces 
(|u'il  exécutait.  Ce  fut  dans  ce  milieu  si  favorable  à  son  éducation  professionnelle, 
qu'il  s'assimila  les  procédés  d'exécution  et  de  main-d'œuvre  qui  devaient  le  pré- 
parer à  devenir  l'un  des  maîtres  incontestés  de  l'orfèvrerie. 

C'est  à  l'Exposition  de  1839  que  Froment-Meurice  parut  pour  la  première  fois. 
Le  Rapport  du  Jury  de  cette  épocjue  fit  l'éloge  des  formes  et  loua  le  beau  résultat 
de  sa  faÎM'ication,  et  le  récompensa  en  lui  décernant  une  médaille  d'argent.  En  1844, 

(Ij  MonogiMphie  de  F.-D.  Froment-Meurice,  Ph.  liurtj-. 


2in 


l'.u-ti-ail    do   Dûsiui":    FliOMKXT-MKrUICK 


1 


f 


—  i':{5  — 

il  sc  nr(''S(Mit;i  rivcc  une  cxpovitioii  rciii;iii|ii.il)l('  cl  ^r^  pro^/rr*^  ;i\;ii<'iil  i'-\r  «^i  it- 
lll;n■(|ll;llll(•■^  ipic  li'.liir\,   ic(()|iii,ii-^-';imI  i|in'  rrl  haluli-  /irt/ru(irr  ilr  lu  i  i//r  ilr  l'arts 

s'cnI  |.|;1((''  ,111  |ilflllliT  laii;^  ilr  --nli  ;ill,  lui  iIi'i'iTH.i  iiiir  li|i'(l;i  illr  <  l'or  |HMH  IVll- 
scillMr  (|(•-^  (li'IIX  NhIii^IiIi'v  ilr  l.i  l'.i  JmIiI  i  iic  et  «je  I  (  Irlc  \  |-cni' ,  (|,|||~.  Irxi  |||c||r^  il 
s"(•■^l  f:;;ili'iiiiiil    ili^liiiuiiif. 


"^vTNnvt^i—  V- 


/a    tcUMAi.  oL    jfl  .  Oii.   /ici/j 


La  canne  de    Halzao. 
(D .    /•'  /■  (I  /)(  l'nl  -  M  e  II  r  ice .) 

A  rExpostion  de  18i4.  il  avait  quai-ante-deux  ans.  Depuis  son  premier  suc- 
cès (le  1839,  ses  affaires  avaient  pris  un  grand  développement:  le  nombre  de 
ses  ouvriers,  de  vingt-cinq  était  passé  à  quatre-vingts.  Son  magasin,  «  un  des 
plus  beaux  ornements  de  cette  ville  nouvelle  qui  s'élève  dans  le  quartier  de  la 
Grève  ^1.  disait  Jules  Janin  (1),  était  fréquenté  par  la  société  la  plus  élégante, 


^1    Jules  Janin.  article  de  l'Artisle,  1S3'.}. 


—  23G  — 

les  femmes  du  monde,  les  fashional)les,  les  «  lions  qui  venaient  s'y  approvision- 
ner de  bijoux,  de  bracelets,  d'épingles  de  cravates.  Les  étrcnnes  à  la  mode  sont 
les  bijoux  sculptés,  dit-on  dans  les  lettres  parisiennes  de  M""'  de  Girardin  à  la 
date  du  31  décembre  1841  (I).  M.  Froinent-Meurice  a  refait  un  art  de  l'orfè- 
vrerie :  ses  épingles  sont  des  statuettes  charmantes  que  Pradier  ne  désavouerait 
pas  ;  ses  bracelets  empruntent  aux  gracieuses  fantaisies  de  la  Renaissance 
des  formes  inattendues  et  d'un  ca])rice  exquis.  Il  réduit  les  bas-reliefs  de  Jean 
Goujon  aux  proportions  d'une  agrafe.  Les  naïades  d'argent  ou  d'or,  au  lieu  de 
s'accouder  sur  une  urne,  s'appuient  sur  ini  rul)is,  sur  un  diamant...  Ses  parures 
sont  si  artistement  jolies,  qu'on  ose  les  accepter  comme  si  elles  n'étaient  pas  pré- 
cieuses ».  Kroment-Meurice,  dans  la  pléiade  des  écrivains  romantiques,  où  il  était 
traité  connue  un  frère  d'armes,  passait  si  bien  pour  le  grand  rénovateur  de  l'or- 
fèvrerie, que  Théophile  Gautier  disait  qu'avant  lui,  celle-ci  ressemblait  aux  vers 
de  tragédies,  a  Froide,  luisante,  polie  et  jjanale,  elle  reproduisait  les  vieilles 
formes  pseudo-classiques,  et  les  surtouts  qu'elle  produisait  auraient  pu  servir  à  la 
table  d'Astrée  pour  manger  des  alexandrins  de  Crébillon...  »  Grâce  à  lui,  ajoute- 
t-il,  tout  a  changé  :  «  il  cisèle  l'idée  que  celte  forte  génération  a  chantée,  peinte, 
creusée,  modelée;  il  aj)i)orte  au  trophée  de  l'art  du  dix-neuvième  siècle  une  cou- 
ronne aux  brillantes  feuilles  d'or,  aux  inq)érissables  Heurs  de  diamants...  Pradier, 
David  d'Angers,  Feuchères,  Gavelier,  Préault,  Schcenewerk,  Pascal,  llouillard  ont 
été  traduits  en  or,  en  argent,  en  fer  oxydé  par  Froment-Meurice.  Il  a  réduit  leurs 
statues  en  épingles,  en  pommes  de  cannes,  en  candélabres,  en  pied  de  coupes, 
les  entourant  de  rinceaux  d'émail  et  de  Heurs  de  pierreries,  faisant  tenir  à  la  Vérité 
un  diamant  jtour  miroir,  donnant  des  ailes  de  saphir  aux  anges,  des  grappes  de 
rul)is  aux  Erigones  (2)...  »  Eugène  Sue,  qui  commandait  à  notre  orfèvre  toutes 
sortes  de  gentils  ustensiles  pour  orner  sa  table  qu'il  voulait  magnifique,  ne  l'appe- 
lait jamais  que  «  son  cher  Benvenuto  »  dans  de  charmants  billets  qui  ont  été  pu- 
bliés. Balzac,  pour  qui  il  exécuta  en  1843  des  bagues  et  une  coupe  en  cornaline 
d'une  composition  bien  curieuse  destinée  à  la  princesse  Hanska,  sa  future  femme, 
sans  parler  de  la  fameuse  «  canne  aux  singes  »  modelée  par  Gavelier  et  que  Jules 
Jacquemart  a  gravée,  Balzac,  disons-nous,  le  surnommait  toujours  son  «  cher 
Aurifaber  (3)  ».  Enfin,  suprême  honneur,  Victor  Hugo  (4)  lui  dédiait  celte  ode- 
lette célèbre,  d'une  inspiration  si  délicate  et  si  profonde,  nous  croyons  devoir  la 
reproduire  in-exteiiso  : 


(1)  IM^o  (le  GirarJiu,  Œuvres  complètex,  édil.  1S60,  tome  IV,  page  22. 

(2)  Théophile  GauUer,  Œuvres  complètes,  éd'û.  Charpeulier,  article  sur  Fronieiil-Meurice. 

(3)  Pour  toute  la  correspondauce  échangée  à  celte  époque  entre  Frouieut-.Meurice  et  Balzac  ou  Eugène 
Sue,  consulter  la  très  subi^tanlielle  brochure  de  Philippe  Burty,  T.-D.  Fromenl-Meurice,  argenliev  de  la  Ville 
de  Paris.  (Paris,  1883,  chez  Jouaust,  1  vol.  in-S»,  pages  18-27.) 

(4)  Ea  1841,  dans  les  Conlemplations,  liv.  I^"",  Aurore. 


A'asi"  iillVrt  pap  la  \'illc  do  l'aris  à  l'inizcnicui'  lùiiinci-y 
(Or/ÏTce/'it'  (/('    1).   Froiitcnl-Mciirice.) 


—   i.J!»  — 

Ndil-*  smnmc-^  IVi'-rt's;   la  ll'ur  T. m-,  1.-.  |i(ii-(in>,  -ans  cIjitcIui' 

l'artlfii\  ail-  piiil  'lu-  l.ulf.  «Jiii  liiiil  on  (|iii  cuiiiiiK-iict', 

Ko  |)(»i-lf  c-\  i  isfliMir,  Siiil|ilfiil  l<-  iiiciiu-  loclicr  : 

l.e  cisi'K'iir  i'>l  pui'U'...  <•'•  rocliir,  c'f^l  l'ail  imiiK-nsc. 

l'oMf-  ou  cisclcuis,  MicImI   .\ii-f.  ^laii.l  \i.illar<l. 

l'ar  non-  r(->|ii  il  "'f  n-vcli'.  lai  lar^^cs  Mncs  (|ii  il  im.ii-  jrl  Ir 

Nt.iiN  rciiiloii-  li-<  liiiii-,  iiii'illi'iirs,  la'  l'ail  jaillir  au  lia>.ar(l; 

'lu  iTiiils  la  lnaiilc  plus  licllc.  Mcii\ ciiiili)  iiiiii>  rciiiirllc. 

Sur  mui  liras  ou  -iir  sc.ii  cnii,  l'.l,  dcvaiil   l'ail   iiiliiii 

Tu  rai-<  lie  le»  irv crio.  Dniil    piiiiais  !;i   loi  lie  <liaii;;c, 

Slaliiaii-.'  .lu  liijnii,  l.a  uihllc   <l<-   <  Iriliui 

1  >i'-.  lulais  (le  iiiriiciii'S.  \aiil    \c  hidc  ilu  Miilicl-Au^c. 

Ne  (II-  pa-  :   Mon  ail   n'i'sl  rien...  Tuiil  csl  ;;rai)(l,  sonilirc  nu  vcnucil, 

Soi-  lie  la  roule  liarcc,  Tmil    l'eu  ipii  liiillr  i--l    une  ,'iiiic. 

(»u\riiT  ma,:;ii'it'u.  I/i'-loilc  \aiil  le  -dlcil; 

1-]|  iiu'-lc  à  l'or  la  priisi'c.  Lï-linccllc  \aiil  la  llaiiiiiu!. 

h(*  IS;!*)  a  l(Si(,  j'niiiKMil-Mciiricc  avail  cxc'cuh'  des  (rii\rcs  capilalcs.  \]\\ 
ISjI.  il  a\ail  \\wr  c\\  liiissic.  a  la  coinlessc  Uroliiiis/ka,  iiiic  loilcttc  cii  argent 
ciscU',  coiniuciiaiil  un  -raiid  niii'dic,  une  ^lacc  à  main,  iiiio  aiguièro  et  sa  ciivcUc; 
juiis  à  M"""  Saballicr  irilspcN  raii,  un  seau  à  rafraicliii-,  dans  le  ironl  Louis  W, 
niais  du  jauiis  W  inl t'r|ind(''  par  Li(''nar<l,  et  (|ni  iTaNail  rien  des  jolies  inxciitions 
dn  dix-liuilitMiu^  sirrl(\  puis  une  cafcliri'c  sur  son  plateau,  ('^akMnont  d'aitrès  un 
modèle  composé  par  Liénard,  ({ul  avait  alors  une  jurande  vo<iue  et  li-availlait  |)onr 
les  él)!'nis(es,  les  hronziei's  et  les  orfèvres. 

Fi'onuMil-Meui'iee  avait  exécuté  également,  en  ISi:2,  un  beau  calice,  pour  le 
|iape,  un  de  ses  meilleurs  ouvrages,  sur  le  pied  duquel,  entre  les  groupes  assis 
de  la  Toi,  l'Espérance  el  la  Cdiarité,  se  trouvaient  trois  ("mauN.  peints,  repré- 
siMitanl  des  scènes  de  rAncien  Testament  :  c'était  une  des  premières  reprises 
de  l'emploi  des  émaux  limousins  (lui  avaient  donné  jadis  tant  de  caractère  à 
nuli'c  orfèvrerie  sacrée.  Citons  encore  un  grand  bouclier  donné  en  prix  de  Courses 
el  ([ui  produisit  un  effet  considérable;  les  médaillons,  modelés  par  Feuchères, 
Uouillard,  Scliœnewerk  et  Justin,  étaient  consacrés  à  l'histoire  du  cheval  dans 
les  diverses  civilisations.  Il  est  maintenant  en  Russie.  Un  ostensoir,  exécuté  pour 
la  reine  Amélie  qui  le  donna  au  pape,  lequel  en  a  fait  cadeau  depuis,  au  trésor 
à  la  cathédrale  de  Cologne  et  qui  était  dessiné  par  Liénard,  date  aussi  de  cette 
époque.  Les  émaux  dont  il  est  orné  sont  faits  avec  les  matériaux  ordinaires  de 
commerce  et  on  n'y  trouve  pas  «  l'adresse  et  la  sûreté  de  procédé,  la  qualité 
des  émaux  et  la  transparence  des  blancs  que  nous  admirons  dans  des  œuvres 
plus  récentes  (I)  »,  mais  ils  olTreiit  cependant  de  l'intérêt  pour  l'histoire  de  ce 

^1;  !..  Falize  :  Clandius  l'upelin  et  la  lieiiaissanca  des  éinaiii  peinls,  1  vol.  iu-S».  1893,  page  21. 


—  2'i0  — 

genre  de  travail.  Enfin  Froment-Meurice  venait  d'exécuter  deux  grands  vases 
d'argent  commandés  par  la  Ville  de  Paris  :  l'un  était  destiné  cà  l'ingénieur  des 
eaux  de  la  Ville,  M.  Emery,  et,  pour  ce  motif,  le  sculpteur  Klagmann  avait  placé 
sur  la  panse  deux  femmes  nues  qui  maintenaient  les  anses,  et  qui  se  terminaient 
en  poissons  squameux  ;  l'autre,  destiné  au  général  de  Feuchères,  était  décoré  du 
médaillon  de  ce  dernier  par  Pradier,  il  est  au  Louvre  aujourd'hui  auquel  il  a  été 
légué  par  M""  de  Feuchères. 


Bouclier  par  D.  l'nmieiil-Mouricc. 

Tous  ces  ouvrages  furent  présentés  par  Froment-Meurice  à  l'Exposition  de  1844 
où  ils  firent  grand  effet,  et  valurent  à  leur  auteur  une  médaille  d'or.  Le  rapporteur 
du  Jury  disait  de  lui  :  «  Depuis  1839,  il  a  marché  de  progrès  en  progrès,  secondé 
par  nos  premiers  sculpteurs,  ciseleurs  et  architectes.  »  Il  faisait  remarquer,  en 
outre,  les  soins  minutieux,  la  hardiesse,  la  nouveauté  et  la  variété  qui  distinguaient 
sa  fabrication  et  justifiaient  le  choix  qu'avaient  fait  de  lui  Gatteaux,  Paul  Delaroche 
et  Visconti  pour  surveiller  l'exécution  de  l'épée  offerte  au  comte  de  Paris  (l). 


f. 


(1,  On  a  vu  plus  haut  cpicls  collaborateurs  distiiijLîués,  sous  la  direction  de  Morel  et  de  Fossin,  fiiroiit 
appelés  par  Froment-Meurice  à  mener  à  perfection  cette  œuvre  exceptionnelle,  dont  il  fut  beaucoup  parlé 
à  cette  époque. 


—  liil  — 

Ci'l'St  (■"•alciiii'lil   ^nii      \r    ir-iic  (le  l.nlll''    riilll|i|ii'  «|m'  <• llt'iirr    ;i  ;illi|Tr   1  ;il- 

Icillioii  (lu  piilli  ■  un  nom  .pu  .Icv.iil  dcvuM'  ju^L'un-nl  clclnr  |plu^  l.inl  :  rrliu  «le 
Chrislnll.'. 

Cliiii-lcN  C.lui^li'llr  lS(),"i  iSli.'.i  ;ip|..iilrn,iil  .1  nuf  l.uuillr  l\nnu;u-r  ijui  posKé- 
(l.iil  iiiir  un|Mnl;iiilc  ui.inulai  I  m  <•  de  -nieriez,  ri  lui  ruiui-c  m  la  Miih-  <lr  l'inva-utii 
,1,.  iSl'i.  (,lui-lollc,  cucMic  Ires  jeune,  (lui  Mit  ell()Ui|.ie  les  (•llldes  (ju'il  jin^ail. 
au  eolle-e  S;unl  e-llin'lie  el  ;i|i|)reu(ire  ini  ui.'lier:  c'e^l  aiii^i  (|m'iI  enlra  dans  la 
iii,n->(ni  de  |ti  |.iul  crie  (|ue  ( '..duieli  e.  vi,u  Ite.iu  Ireiv,  a\  ail  loiidi-e  en    |!Sl:>.   ApiTS  y 


Aiguii^-re  et  plateau.  Dessin  de  Liénard. 
{Orfèrrerio  de  Fromeul  Mcnrict'.) 

être  resté  apprenti  pendant  trois  ans,  et  comme  ouvrier  pendant  un  an,  il  devint, 
en  iS^lo,  Tassoeié  de  son  beau-frère;  en  1831,  il  dirigeait  seul  la  maison  avec  un 
succès  qui  lui  valut  la  médaille  d'or  à  l'Exposition  de  1839  comme  fabricant  de 
bijouterie  et  de  joaillerie.  Il  adjoignit  à  la  fabrication  habituelle  de  la  maison 
Calmette  celle  des  Heurs,  papillons,  oiseaux  en  filigrane  d'or  et  d'argent  qui 
eurent  beaucoup  de  succès,  ainsi  que  des  tisssus  métalliques  formant  des  sortes 
de  passementeries  pour  épaulettes,  ceintures  et  ornements  dont  la  plus  grande 
partie  était  destinée  à  l'exportation.  Plus  tard,  sans  renoncer  à  la  bijouterie,  il 
se  mit  à  fabriquer  la  joaillerie,  et  se  présentait  à  l'Exposition  de  1844  avec  une 
importante  contribution  qui  lui  valut  une  médaille  d'or  (1). 


^1]  La  Bijouterie  française  au  dix-neurième  siècle,  par  lleuii  Vevcr,  i).ige  iSli. 


C'est  à  cette  même  époque  que  paraissaient  pour  la  première  fois  des  ouvrages 
de  dorure  et  d'argenture  par  voie  humide,  procédé  qui  attira  la  plus  vive  atten- 
tion du  monde  savant  :  le  rapporteur  du  .liu'v  des  sciences  chimiques,  Jean- 
Baptiste  Dumas,  qui  avait  pressenti  dès  l'origine  l'avenir  immense  qui  attendait 
ce  genre  de  production,  en  faisait  ressortir  les  avantages  et  louait  grandement 
Christofle  pour  les  résullats  obtenus  en  si  peu  de  temps.  «  L'argenture  vollaïque, 


Seau  à  i^lace. 

Miiscc  ("oiilennal,  collection  de  M.  SabaLicr  d'E^spcyran, 

[Orfèvrerie  de  Fromenl-Meiirice.) 


disait-il,  constitue  une  branche  de  l'industrie  nouvelle  qui,  exploitée  déjà  sur  une 
grande  échelle,  prendra,  on  peut  le  dire,  un  rang  très  élevé  dans  la  consomma- 
tion, h  mesure  qu'elle  sera  mieux  connue.  »  Cette  consommation  prit,  de  1844 
à  1849,  des  proportions  extraordinaires;  c'est  dans  cet  intervalle  que  Charles 
Christofle  donna  à  la  manufature  d'orfèvrerie  fondée  par  lui  une  extension  colos- 
sale et  tout  à  fait  imprévue. 

Dans  le  remarquable  rapport  sur  l'attribution  du  prix  Monthyon  que  l'Aca- 
démie des  sciences  allait  décerner  aux  inventeurs  des  procédés  de  dorure  et  d'ar- 
genture électro-chimiques,  l'illustre  chimiste  J.-B.  Dumas  faisait  ressortir  la  révo- 
lution économique  (|ue  ces  procédés  allaient  apporter  dans  l'industrie  : 


—  iiiil  — 

((  l  II  :il'l  iKillNiMil  (II'  l.i  |ilil->  li;illli'  iiil|H)i'l,'iiirr .  cir  il  Icnd  .1  iriiilii'  ;.'i'-||(''ralL'S 
)>  les  jiiiii^^aiici's  (In  Iii\c  le  iniriix  r.iivdiiiic,  \iriil,  ^-iikhi  dr  ii.iilrr  rii  I  raïK'C, 
..    ilil    iil(iill->    il  \    rt'(('\(iir   lie-.    (|r\  i'l(i|i|M'illciil  s    iii.il  IriiiJllS. 

»  (î'csl  r.iil  il  ;i|i|ilii|ii('r  .1  Miliiiili-  les  iiii'-l.iii  \  1rs  |i|iis  ri'sj  v|  jinl  <  on  1rs  |i|iis 
»  l»t';in\,  rii  rnnclii's  niiiiirs  (-111111111'  crllrs  dnii  \rriiis.  on  rii  iiiiiclirs  <''|iaissrs, 
»  à  \(il(»lllr,  siir  (1rs  (»|i|r|s  r.Koiiiirs  ;i\rc  (lanlrrs  iiirl,i(|\  iiinilis  cjirrs  cl  [illlS 
"  (riiaccs  (jnr  crnx ci...  Nmis  (Iriiiainlrioiis  .1  IWcKli'iiiir  la  |priiiii--M»n  dr  I  ai'- 
»  i-('-lrr  (|nrli|nrs  iiiiuiiriils  sur  ww  ;iil  ipii  ;ini'a  |»<)nr  rllrl  |irrs(|n('  rrrlain  dr 
"  drirnirc  huis  1rs  .ilrlirrs  si  dan,::i'rrn\  i\r  ddfnrr  an  iiirniirr.  i|iii  IraiisjMirlrra 
"  insi|iir  dans  |,i  |i|iis  InniiMr  idiaiiniirrr,  j'tisa^a'  afiiasdilr  ri  sjdni.rr  (\f  i'ari-'rn- 
»  Icrir.  ipii  iirniirlli-a  d'a|i|trninrr  Ir  \ci'niril  à  iliir  fonlr  dcdijris  d'n-;i;jr  < diil- 
»    nui  II...    " 

Ca'  lui  a  C.liailrs  Clirislollr  (|ii'(''(lint  rii(tiiiiriii-  île  rc'alisrr  1rs  rspi'raiirrs  du 
rrmiiirnl  acadriiiiririi. 

lue  i^i'andc  i|iirsli()n  luui  scMlriuciil  indnsli'irilr,  mais  riirorr  dliniiiaiiih'',  se 
li'(ui\ail  rc-solnc. 

»  .l'ai  cm.  dit  ('liai'lcs  ('lirislollc,  dans  une  ikiIc  adrcssre  an  .liiiy  de  \'\]\\h>:^\- 
»  lion  de  iS'it.  ([n'il  apparloiiait  à  un  lioiiinic  (|ni  devait  sa  fortune  à  l'industrie, 
»   d'en  a|)|iliiiiirr  une  parlir  à  la   mise  en  onivre  de  ecllc  hrllr  (l(''coiivrrlr.  » 

Devenu  piopric'lairc  des  hrevels  de  Huolz,  puis,  peu  de  temps  après,  de  ceux 
dKIkiniilon.  (pii  était  vriui  rrclamei-  la  ju'iorilé  derinvention,  Chrislofle  dut  payer 
cher  à  ce  dei'uier  le  droit  de  eontinuer  l'exploitation  des  brevets  français,  exploi- 
tation à  laquelle  il  aurait  dû  renoncer  devant  la  menace  d'un  procès  qu'il  sentait 
})iM'du  d'avance,  et  tous  les  sacrifices  déjà  faits  par  lui  allaient  être  compromis. 

L'avenir  assuré  de  ce  côté,  il  fallait  créer  l'industrie,  vaincre  les  répu^iiiances 
des  fabricants  de  bron/e  et  leur  démontrer  la  supériorité  des  nouveaux  jjrocédés 
sur  la  dorure  au  mercure,  convertir  les  orfèvres  et  les  plaqueursàla  nécessité  de 
modiller  leur  fabrication  pour  utiliser  les  procédés  de  l'argenture  éleetrochimique. 

Charles  Clu'istofle  espérait  qu'tà  la  vue  du  succès  obtenu  et  des  avantages  que 
ses  procédés  offraient  à  l'industrie,  les  fabricants  de  Paris  comprendraient  tout  le 
parti  ({u"on  pourrait  tirer  de  ces  nouveaux  procédés.  Il  ne  fut  pas  compris.  Seuls, 
MM.  Odiot  et  Tliomire  se  décidèrent  à  suivre  Christolle  et  à  lui  donner  le  prestige 
de  leur  collaboration. 

«  Permettez-moi,  dit  M.  Chriiitofle  dans  sa  notice  au  jury,  d'oH'rir  à  ces  mes- 
»  sieurs  un  témoignage  public  de  ma  reconnaissance  pour  l'appui  éclairé  qu'ils  ont 
»  bien  voulu  me  domier.  Il  appartenait  à  des  hommes  qui  occupent  la  tète  de  leur 
»  industrie,  de  me  venir  en  aide  dans  la  solution  d'une  question  si  importante.  » 

Mais  les  autres  fabricants  restaient  incrédules  et  ne  voulaient  pas  recon- 
naître les  avantages  qu'ils  auraient  à  suivre  les  idées  de  Christolle,  et,  sous 
peine  de  voir  péricliter  son  œuvre,  Charles  Christolle  dut  joindre  à  son  atelier 


d'argenture  une  fabrique  d'orfèvrerie.  A  fabrication  neuve,  il  fallait  une  nou- 
velle politique.  Cliristolle  la  définit  ainsi  dans  sa  note  au  jury  de  1849,  Exposi- 
tion à  laquelle  il  présentait  les  premiers  objets  sortis  de  ses  nouveaux  ateliers: 
»  Telle  était  notre  situation  en  face  de  toulcs  les  oppositions  conjurées  contre 
»  moi;  les  argenteurs  et  doreurs  à  façon,  n.os  brevets  tombés  dans  le  domaine 
»  publie,  allaient-ils  arpentera  tous  titres;  les  orfèvres  et  plaqueurs  allaient-ils 
»  maintenir  une  fabrication  consciencieuse,  ou  retarder  par  des  produits  à  l)as 
»  titres  la  confiance  du  public  dans  la  nouvelle  industrie?  L'avenir  eût  été  infailli- 
»  blement  compromis  par  une  fabrication  de  mauvais  aloi.  A  quoi  sert,  disait-il, 
»  d'inonder  les  mai'chés  nationaux  et  étrangers  de  mauvais  pi'oduits?  A  faire  la 
)>  fortune  de  quelques  intermédiaires,  à  créer  momentanément  une  immense  pro- 
»  duction,  à  concenti'er  sur  cette  production  exubérante  une  multitude  de  bras  cn- 
))  levés  à  d'autres  travaux,  mais  qui,  bientôt  forcément  inactifs  parla  fermeture  su- 
»  bite  des  dél)0ucb(''s  rpTavail  ouverts  l'appàl  d  un  bon  marclu'  tronq^eur,  occasion- 
»  lieraient  parmi  nous  ces  crises  de  misère  dont  nous  avons  eu  si  souvent  à  gémir! 

»  Aussi,  pénétrés  de  ces  idées  qui  sont  chez  nous  une  religion,  au  ris(|ue  de 
»  retarder  l'essor  que  notre  industrie  eût  infailfiblement  et  immédiatement  pris, 
»  si  nous  avions  marché  dans  la  voie  funeste  de  nos  prédécesseurs;  nous  n'avons 
»  vouhi  rien  faire  sortir  ih'  nos  ateliers  qui  u'eùt  été  faliriqui''  dans  des  conditions 
»  de  solidité  et  (h'  (hirée,  et  à  ral)ri  cie  tout  re[)roi'Iie.  Ainsi,  par  exemple,  quand 
»  dans  le  plaqué,  tous  les  ornements  sont  faits  à  l'estampage  et  rapportés  à  la 
»  soudure  d'étain,  tout  dans  notre  fabrication  est  soudé  à  la  soudure  forte.  C'est  du 
»  Ijon  marché  que  l'on  veut  aujourd'hui;  qu'on'  fait  les  plaqueurs  :  ils  ont  diminué 
»  leur  titre.  Que  fait  à  sou  tour  l'orfèvrerie  d'argent?  Elle  réduit  de  jour  en  jour 
»  le  poids  de  sa  faltricalion.  Elle  fait  du  bon  marché,  sans  doute,  mais,  comme  il 
»  ne  s'obtient  qu'au  (h'-triment  de  la  solidité  du  (iroduit.  elle  ruine  son  avenir.  » 

»  Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  que  nous  n'entendons  point  parler  ici  de 
»  ces  rares  fabricants  qui,  malgré  le  funeste  entraînement  du  jour,  restent  fidèles 
»  aux  saines  traditions  ;  mais  ce  sont  des  exceptions. 

»  Eh  bien!  le  but  dont  nous  poursuivons  la  réalisation,  c'est  que  nos  produits, 
»  fabriqués  par  nous  dans  les  conditions  que  nous  avons  indiquées,  ne  subissent 
»  pas  un  jour  la  ruine  et  le  discrédit  qui  sont  venus  atteindre  les  autres  industries. 
»  Pour  cela,  quelle  ligne  de  conduite  avons-nous  suivie?  Nous  avons  adopté  un 
»  titre  unique  pour  tous  les  objets  similaires.  Les  ditlérences  de  prix  résultent 
»  uniquement  de  la  richesse  plus  ou  moins  grande  de  l'ornementation.  Nous 
»  avons  simplement  garanti  la  charge  d'argent  déposée  sur  nos  produits.  Nous 
»  l'avons  affirmée  par  notre  marque  et  notre  nom  frappés  sur  tous  les  ouvrages 
»  sortis  de  notre  maison.  » 

Si  bien  qu'aujourd'hui  le  nom  de  Christofle  est  devenu,  dans  la  fabrication  de 
l'orfèvrerie  argentée,  synonyme  de  la  qualité  et  de  la  sincérité  du  produit. 


—  ii.1  — 


■d^- 


vSs. 


C,.  ,|,,','.t;,il  c.ll,-  iiiNciirii.ii,  .'i-  i|ii':ilhiil  .'•Ire  -mi  <r'\r|<.|ipriiii'iil ,  ('11:1   n'-\<.lii- 
llnii   iiii'i'llc   ;ip|ii.il;iil    ilaii^  riinlllsl  rie,  on  le  M'ITM  <l;ilis   le  cli.iliil  rr  siii\,iiil. 

l'.ii-  ,1,1  |>|ii'iniiiii'ii<'  lrf>   iMiii|.n-li('iisiltlr,   rorl'cvrt'rii'  l'ii  <lnii|i|i'  cl   en    |.I,h|ii<' 
nui  ri'|i(iii(l;i  il  ;iii  I  m'>-(  hm  i  \r 
luHi  iiiiirclii'  «pii'  iitm-iiMHi-^ 
coii'-lalt''    •>()ii^    l.i    lu'^lail- 
r;,|i(iii     |MTi(lila  --iiildiil   a 

|);il'|||'      (lu       llKMIIi'Ill      (Ml     la 

|^al\aii(ipla--lic    lit    ^(HI   ap 

pari!  nui.  I.i">  proi^i'c^  et  la 

Ikuiiic  l'altrical  ion  réalisée 

pai"  (It's  mais(ni>  Icllc-^  (pic 

(•(•lies  (le  l>alaiiic,   \Cyral, 

(iaiidais,  l.ainlicri ,  dii  r(Ui 

inaiiilciiail     une     cerlaiiie 

('•paisseiii-  an\  l'euilles  (Tar- 

^■eiil  l'eeuiiN  raiil  les  objets 

(le  euivi'e.  les(pielk's  j;ar- 

(laieiil  lelilredii  iO""'.  lili'c 

reconnu    nc'eessaire   pour 

la  solidité    relative  de  eo 

genre    d"onvrai;e  tout   au 

moins  dni'ant  une  |KTiode  de  vingt  à  vingt-cinq  ans,  ne  parvinrent  [las  à  sauver 

cette  industrie  de  la  décadence. 

D'ailleurs,  les  modèles  en  faveur  se  ressentaient  de  l'imilation  des  formes 
anglaises.  A  rEx|iosition  de  184-4,  la  maison  Gandais  avait  eu  un  certain  succès, 
mais  les  onivres  ([u'elle  présentait,  dont  nous  avons  retrouvé  les  dessins  dans 
une  publication  de  Curmer  de  1844.  accusaient  une  lourdeur,  un  mampie  de  goût 
dans  les  ornemenls  qui  n'étaient  pas  faits  pour  relever  le  prestige  d'une  industrie 
qui  allait  disparaître.  La  cloche  et  le  réchaud  à  côtes,  le  plat  à  contours,  la  bouil- 
loire à  bascule  à  côtes  de  melon  dénotaient  une  pauvreté  d'invention  qui  ne  fait 
pas  regretter  aujourd'hui  le  discrédit  oîi  la  fabrication  du  plaqué  allait  tomber. 
Trop  de  fabricants  y  contribuaient  pai'  la  fal)rication  (r(eiivres  de  pacotille, 
destinées  le  plus  souvent  à  Texportatioa,  et  dont  il  était  impossible  d'assigner  le 
titre  qui  descendait  parfois  au-dessous  du  40''.  La  spéculation  et  la  mauvaise  foi 
achevèrent  la  déroute  des  plaqueurs  qui  cherchaient  à  éluder  la  loi  du  19  bru- 
maire an  Yl  :  celle-ci,  en  effet,  imposait  aux  fabricants  l'obligation  d'apposer 
leur  poinçon  sur  les  ouvrages  (pi'ils  livraient  au  commerce  et  d'indiquer  en 
chiffres  le  degré  «  de  fin  de  plaqué  ».  Mais  les  garanties  qui  en  résultaient  pour 
le  public  ('taieut  illusoires,  car,  après  l'emploi  de  la  soudure,  du  mastic  et  des 


Cloclu',    plat  cl    i'i''cliaii(l  m  i)la(|ut'. 


—  2iG  — 

garnitures  intérieures  dissimulées  sur  la  couche  d'argent,  le  titre  n'était  plus  le 
même.  Le  plaqué  était  donc  une  orfèvrerie  mixte,  à  titre  moyen  non  délini,  et  on 
n'avait  pas  d'autre  sécurité  que  Ihonnèteté  souvent  sujette  à  caution  du  fabricant. 

A  la  ihi  du  règne  de  Louis-Philippe  il  y  avait 
encore  à  Paris  55  plaqueurs  jjroduisant,  au 
total,  un  chilïre  d'alTaires  de  633:2600  francs, 
et  employant  71)1  ouvriers.  Mais  cette  indus- 
trie stationnaire  depuis  1839,  commença  à 
décliner  à  partir  de  1844,  au  point  qu'elle 
en  était  arrivée,  poui'  se  soutenir  un  mo- 
ment, à  faire  les  platjues  pour  la  photogra- 
phie après  l'invention  de  Daguerre. 

Pour  compléter  le  tableau  de  la  situation 
de  l'orfèvrerie  sous  la  monarchie  de  Juillet, 
il  faudrait  dire  «pielques  mots  d'une  classe 
d'orfèvres  ((ui  ne  liguraienl  jamais  aux  expo- 
sitions de  l'industrie.  C'étaient  les  représen- 
tants de  ce  que  l'on  nomme  «  la  petite  orfè- 
vrerie ».  Il  y  avait  alors  à  Paris  seulement 
72  industriels  de  cette  catégorie,  et  plusieurs 
d'entre  eux  faisaient  plus  d'un  million  d'affaires 
annuellement.  Ils  n'exposaient  pas,  parce  qu'ils  travaillaient  pour  une  clientèle 
connnerciale  qui  exigeait  d'eux  de  se  tenir  dans  l'ond^re.  Leur  production  consis- 


Bouilloiic  ;i  l)asoiile  en  plaiiiié. 


Thé  .sur  Sua  plateau  en  plaquj 


tait  le  plus  ordinairement  —  et  encore  aujourd'hui  —  en  ustensiles  de  fantaisie 
pour  la  table,  pelles  à  poissons,  à  beurre,  à  fromage;  pinces  à  sucre,  à  asperges, 
tabatières,  hochets,  porte-monnaie,  flacons,  porte-liqueurs,  nécessaires,  etc.  Le 
caprice,  la  recherche  de  la  nouveauté  fugitive  est  la  loi  pour  l'invention  de  ces 


—  LM7  — 

(ilijcis  h'i^crs,  M;iis  le  Imiii  ;-'im"iI  cl  l,i  liMiiiir  cm'tiiI  mn  en  |irii\riil  «-mis  fiiN  <)ri>-cf  |i' 
slircrs.  I'ciiiImiiI  Idllu' I  i'III|in  Ir-^  \iiu'I.il--  ;i\;ili'lll  cil  le  |tri  \  ilc;^r  tir  Iniiniic  ;i  ri!lir<)|H' 
(Ifs  iiricssiiircs  (le  \()\,iu:i'  cl  ilc  loijcllc  hmi  iKniiliic  de  r.ijtrir.'iiil  s  se  iiiiri'iil  ;i 
le  leur  ilis|Milrr.  l'.iiini  criix  (|iii  n'iissin-nl  je  iniriix,  il  fiiiil  iiirnl  lonncr  Amoc, 
(|lli  t'\|Mis;i  siicc('ss|\  ('iiiflil  ili'|illis  |S-2."!,  des  iic<Tss;iilTs,  (les  |)i('ccs  (|  nricN  ••.'cic 
im|Miil;iiil('s,  ;4la(rs,  hiilcl  les,  Jlaiiilic.iiix .  iriiiic  rci-licrclic  ri  d  une  «'Icp-'aiicc 
i'\l  itMiics  II  ir(ucii|t:iil  pas  iiiiiiiis  de  (il)  (  m  \  nefs.  Le  .|iir\  de  I S 'i  i  lui  d(''ceiiia 
une    nietlaille    d  ai'ueiil  . 

Je  delllie  ei-dessons  un  (loeuillelll  (|lli  |ieiiiiel  de  se  ceinlie  nu  e()iii|ile  e\acl 
de  ce  (|u'elail  riiidiisliie  de  rorlevrene  ii  la  lin  de  la  iiKiiiareliie  de  .liiillel.  (/e-l  un 
elal  slalis|ii[U('  du  iioiiihre  des  l'aliricanls  cl  ilcs  oiisncrs  «laiis  les  divei'ses 
liianclu's  f\r  celle  pi^dlcssion  si  c(nn|)le\c.  Ici  iiuil  n'^siillc  (rmie  \a«-le  eiii|nèl(' 
eulreprisc  par  le  muiN  enieineiil   (\r  celle  eptuiiic. 

SITUATION  DE  L'ORFÈVRERIE  EN   1847 

\oiiil>r4'    <li's    riil»i'i<*:iiils  ot    d<*s   <»uvi*ioi*s.  --  l*ro<liic(i<)ii. 

ciiiin-os 

l-'alirii';in(s.         Ouvriers.  irallaii-cs. 

AriiiK'iirs  ilOr  cl  Av  plaliiic .'>  ôo  (jooooo 

Aj)|>rctciirs  cl  lirans  (Toi',  dju-^cnt  cl  de  ciii\re.      .      .  lO  fjj  .'ijHlOO 

HiillciM-s  dOr  cl  (r;ui;cii[ '.i^  ('y.>.j  'i  <.)•">',)• '35 

l''ss;ivcins 5  17  l.'Wooo 

l'eiulcurs  d'ov  et  {lardent l3  /|3  ()0.'V|00 

l.a\cui's  cl  foiulcurs  de  cciulrcs  et  d'orrcvrci-ic.      .      .  iC)  SC)  2<)'>0000 

Planeurs  pour  orl'cvrcric  et  claj;iicrrc()lyi)c ai  (">o  !>'|<j()00 

(  hfcN  roric  cil  ar}^ent  (labricauts  d") 4^  '>7i  i\'-i:>-2200 

l*clilc  orl'cx  rcric  et  bijoulcric  en  ar,i;ciit     rahi-icants).  72  /|t(^|  '|()i3ooo 

(  )i-rcvrcs-c-uillcristcs  cil  ar,i;ciil 18  280  lOfXjOOOO 

Oi-lcvrcric  eu  |)la<pic    t'ahricauls  d" 55  7()l  ()3."i2()00 

Orfèvrerie  en  maillcchort  et  eu  eui\  rc l()  '-'t'Aj  l  "JJo'.ioo 

Orlcvrcs  cuillci'islcs  eu  luaillcciiort iC)  95l  88680O 

(oiseleurs,  i;ravcurs  et  yuilloclieur 162  5l3  11^,1700 

l)orcurs  et  ari;culeurs  pour  orlcvreric  et  bijouterie.  92  G^i'i  '|35527G 

l'.inaillcurs  cl  peintres  sur  émail (19  415  1  8^5900 

I-anaux  cl  pierres  fausses  (fabricants  d' 1 'i  3^  182800 

l'^stanipeurs  et  t;raveurs  de  matrices   pour  orfèvrerie 

et  bijouterie • 59  277  760900 

(iravi  urs  de  camées  et  graveurs  sur  pierres  fines.      .  C)2  2o5  77*^764 

Lamineurs  |)our  l'orfèvrerie  et  la  bijouterie.      ...  il  53  tV(0000 

1-apidaires 9G  iG)  800780 

Kii  résuuK'.  (jiiaiid  on  compare  rorfèvrerie  de  la  Restauration  à  celle  de  la  fin 
de  Louis-Philippe  et  qu'on  mesure  le  chemin  parcouru,  on  peut  constater  ceci  : 
à  la  sobriété  des  lignes,  à  la  pauvreté  de  l'invention  a  succédé  une  ornementation 
comj)lètement  disparate.  Voyez  les  cafetières  des  premières  années  du  régime  de 


—  248  — 

Juillet,  voyez  les  flamijeaux  aux  lignes  désordonnées,  ce  qui  subsistait  de  no- 
blesse et  de  pureté  dans  le  style  du  premier  Empire,  des  formes  étudiées  d'après 
l'antique  avait  disparu.  Puis  considérez  les  mêmes  objets  fabriqués  quinze  ans 
après,  ces  vases,  ces  boucliers,  ces  ciselures  aux  personnages  de  la  fable,  toute 
cette  sentimentale  illustration  en  or  et  en  argent,  des  romans  et  des  poèmes  qui 
étaient  alors  à  la  mode.  La  littérature  a  passé  par  là,  et  a  suscité  cet  étrange 
réveil,  cette  orfèvrerie  fiévreuse,  échevelée.  Nous  sourions  de  ces  naïvetés,  de  ces 
méprises,  de  l'excès  de  ces  décors,  mais,  cependant,  nous  ne  pouvons  pas  nous 
défendre  d'admirer  l'effort  consciencieux  de  cette  pléiade  d'artiste  convaincus, 
remplis  d'enthousiasme  et  de  foi,  qui,  entraînés  par  le  mouvement  romantique 
de  l'époque,  avaient  conçu  et  exécuté  cette  orfèvrerie  nouvelle  qui  tranchait  si 
complètement  avec  celle  de  leurs  prédécesseui's.  Pourtant  nos  pères  l'ont  trouvée 
magnifique,  et  il  y  a  eu  des  écrivains  pour  la  louer  et  la  chanter  qui  se  nommaient 
Victor  Hugo,  Musset,  Balzac,  Jules  Janin,  Théophile  Gautier.  Pourtant  elle  char- 
mait une  société  élégante,  curieuse  de  littérature,  de  musique,  de  peinture,  de 
belles  formes,  une  société  laborieuse,  invcnlive,  amie  des  travailleurs,  qui  faisait 
alors  une  France  admirable  où  venait  éclater  comme  une  surprise  la  Révolution 
de  1848  —  nouvelle  et  courte  pani((ue  pour  l'orfèvrerie  —  puis  le  second  Empire 
arrivait,  qui  allait  discipliner  cette  industrie,  calmer  sa  fougue,  mais  à  quel  prix? 
C'est  ce  (|ue  nous  avons  à  dire  maintenant. 


Cafetière  et  /arfs  arabes. 
{Par  Ch.  Odiol.) 


I''ri>t-   artlrli,iu(    ^\\\l\   I).iiicIimu    Je    rluclir   ilr    -.riv 
\]l,«lrlr  ,lr   l.ilhrrl. 


■I.-    N.M.ul.  un    111. 


(1IA1MTHK   (^IIATKIKMK 


LA  DEUXIÈME  RÉPUBLIQUE  ET  LE  SECOND  EMPIRE 

1"   période    (1848-1860) 


Lo  ('oi)li>r-<MMip  d'iiiu'  i'rvol(ili(»ii  :  Irs  arMsIcs  (Vaiirais  en  Aiii;l<'(ei'i*<». 

—  InniKMKM'  (lu  (lire  «le  Liiyiuvs  sur  roi'lV'viM'pic  CraiH'aiso.  —  l.'llxpo- 
siM«ui  <l«'  IS11>.  —  l.cs  <n'!V'vrrs  l^i'oinciii-^IriiricM'  |M"'r<',  DiipiMirlirl, 
(".h.  <lhri.sl<>l1(^  —  La  preniioi'c  l'.xposilioii  miivcrsrlle  à  Londres, 
CM   I  s."»  I ,  ses  <'<msé(pieiiees. —  L'oi'fèvi'erie  sous  le  seeoii<l  l']inpire. 

—  Les  iioùls  <Ie  Napoléon  III  e(  de  rini|)éi'ali*iee. —  l*aslielies  du 
sl>le  Louis  \>L  —  i/Lxposilion  d<'  IN5.">.  —  l^e  service  des  cent 
couvei'Is  de  \a|)oléon  111.  —  Le  néo-grec.  —  InlhieiK^e  du  |)i'inc(î 
Napoléon.  —  l)évelo|)peni<'nl  de  rocrévrei*ie  ai*ii<Milée  et  de  la  j)i'o- 
duction  des  converls.  —  Les  procédés  niécanicjues. 

PRÈS  1848,  la  Uévolution  de  février  eut  son  contre- 
coup naturel  sur  toutes  nos  industries  de  luxe, 
ef  l'orfèvrerie,  plus  qu'aucune  autre,  en  ressentit 
les  fâcheux  effets.  Un  document  officiel  de  l'époque 
en  constate  dans  les  termes  suivants  les  consé- 
quences :  «  Les  objets  de  luxe,  ceux  qui  mêlent  à 
la  satisfaction  des  besoins  les  jouissances  du  goût, 
demandent  des  temps  calmes  pour  se  multiplier... 
Telle  n'a  pas  été  malheureusement  la  situation 
,    ,    ,  .  ,  de  notre  pays  depuis  dix-huit  mois...  J/Hôtel  de 

Iriiuniont  de  la   Inse  aiiicliaut.  '     "  * 

la  Monnaie   fut  assiégé,   non  point  comme  d'ha- 
bitude par  les  industriels  qui  viennent  mettre  leurs  produits  sous  la  sauvegarde 

IJ 


—  2o0  — 

de  la  marque  publique,  mais  par  des  citoyens  qui  demandaient  à  transformer  en 
pièces  d'or  et  d'argent  les  objets  simples  ou  élégants  qui  étaient  devenus  pour 
eux  une  ressource  précieuse  dans  ces  jours  de  détresse...  L'exportation,  qui  avait 
pris  un  développement  notable  quant  à  notre  belle  fabrique  d'orfèvrerie,  a 
également  souffert.  Partout,  en  Europe,  une  commotion  terrible  s'est  déclarée  à 
la  suite  de  la  Révolution  de  février;  l'inquiétude  s'est  emparée  des  esprits,  en 
faisant  obstacle  au  commerce  des  objets  de  goiit  (1).  )> 

Fait  plus  regrettable  encore  :  à  cette  date  se  produisit  une  véritable  émigration 
de  nos  plus  habiles  ouvriers,  ornemanistes  en  renom,  sculpteurs,  orfèvres,  cise- 
leurs, é;ii;iilleurs,  qui,  ne  trouvant  plus  en  France  l'emploi  de  leur  talent,  passèrent 
en  Angleterre  o;i  les  sollicitaient  des  offres  séduisantes.  C'est  ainsi  que  l'orfèvre 
Morel  quitta  Paris  pour  aller  s'installei'  à  Londres,  entraînant  à  sa  suite  des  colla- 
borateurs de  choix  :  Constant  Sévin,  Willms,  Party,  Auguste  Protat,  d'autres 
encore.  Le  grand  ciseleur  Antoine  Vechte,  désespéré  de  ne  pas  trouver  en  France 
assez  de  travail  pour  élever  sa  nombreuse  famille,  accepta  les  propositions  des 
célèbres  orfèvres  anglais  MM.  Hunt  et  Roskell,  successeurs  du  fameux  Morlimer, 
qui  lui  signèrent  un  engagement  annuel  de  loOOO  francs  et  l'enlevèrent  définitive- 
ment à  notre  pays.  Désormais  Vechte  ne  va  plus  guère  travailler  que  pour  les 
étrangers.  Il  établit  en  plein  Londres,  dans  la  fabri(iue  de  liarrisson  Street,  au 
milieu  des  ouvriers  anglais  qui  épient  tous  ses  procédés,  un  atelier  uniquement 
composé  des  Français  qu'il  a  emmenés  avec  lui,  le  ciseleur  Mulleret,  le  damasqui- 
neur  Roucou,  son  élève  Vernaz,  qui  deviendra  son  gendre,  etc.  Son  autre  élève, 
Morel-Ladeuil,  suivra  bientôt  le  même  chemin.  Ce  n'est  pas  tout.  Prignot  va  aussi 
porter,  dans  les  fabri(jues  d'ameublement  de  Craham,  les  secrets  de  notre  élégance 
et  de  nos  styles;  parti  pour  quelques  mois  à  Londres,  il  y  reste  vingt  ans. 
Carrier-Belleuse  est  accaparé  parle  céramiste  Minton  ;  Didier  parles  fabricants  de 
fonte  de  fer,  qui  ne  lui  rendent  la  liberté  qu'après  sa  fortune  faite.  C'est  un  exode 
général.  Les  ateliers  du  faubourg  Saint-Antoine  semblent  se  vider  au  bénéfice  de 
nos  concurrents.  Parmi  l'élite  de  nos  artisans,  dans  le  désarroi  du  moment  et  au 
milieu  des  incertitudes  que  créent  les  événements  politiques,  c'est  à  qui  recher- 
chera l'espoir  d'un  fructueux  exil. 

Malgré  tant  de  circonstances  défavorables,  l'orfèvrerie  française  n'en  fit  pas 
moins  bonne  figure  à  l'Exposition  de  l'Industrie  qui  eut  lieu  en  1849,  et  qui  fut 
ouverte  le  1"  juin  par  le  prince  Louis-Napoléon,  président  de  la  République,  dans 
des  bâtiments  élevés  sur  le  carré  Marigny,  dans  l'avenue  des  Champs-Elysées. 
C'était  la  onzième  Exposition  nationale  des  produits  de  l'industrie  organisée,  de- 
puis celle  de  l'an  VI  dont  François  de  Neufchàteau  avait  eu  la  première  idée. 
On  s'était  si  bien  habitué,  depuis,  à  la  périodicité  quinquennale  de  ces  manifes- 

(1)  Wolowski,  Rapport  sur  l'orfèvrerie  à  l'ExpositiGii  de  llnduslrie  de  1849,  page  309. 


—  Toi   — 

latioils,  (in'cil  (li'|Mt  (les  ('M'IlcilICIlts  (III  Ile  \niiliil  |);iv  \  iciiniirrl'.  I,c  ;.'()||\cr- 
llCIIlcilt  (le  l'cVilcr  clil  iiiriiii'  un  un  mit'lll  ;i  (Aiiliiilicr  le  |ir(i|cl  d  iiiir  r\|H)sil  ion 
t|ili    ;iiii;iil     de    iiiiii     |i:i^    ■-(■iilrmciil    iidl iniinlf ,    iii.iis    i nlfiiml nninlc    i-l    iinii  ri-sellc. 

I  II  i|c|Mllc.  iiniiiiiii'  TIkiiiicI,  ;i\;iiI  cil  celle  idi'-e,  lii(|iie||e  .ijoi-s  |i;inil  -i  l)i/.arr<' 
ilaii^  N,i  iioiiv  eaiile,  (indu  \\\  doiiiia  |ia--  sinle  (l'es!  ainsi  (|iie  la  ri''ali^ali()n  de  la 
|ireiiiiere  e\|  m  i-^il  K  m  iiiii  \  eivelje,  e(.neiie  |iar  un  IVa  iiiai-^,  de\ail  re\enir  deux  ans 
pliiv   lard   el    (''li-e    (Mi\eile    par   les    An^Iai'^. 

Sur  les  \'V.V1  e\|i(is;inls  de  IS'ill,  il  \  a\ail  |»liis  d'inie  \iii;.'laiiie  d'oi-IV-vi-cs. 
Tdiis  les  t^ciires  elaienl  l'cpn'-senl  es.  lai  |ireiiiiere  li;j|ie,  Inillaienl  l'Vonienl- 
Meiirice,  (|iii  olilinl  une  iidiiNelle  iiK'daille  d'in-.  ainsi  (jik;  lînd()||dn,  Odiol,  l.elMiin 
el  hii|i(ni(  liel  ;  (MIIs  \eiiaienl  Ma\ei',  A.  (iiievloii,  hniaiid,  Alieoe,  l'Va\.  Tiioiilliei-. 
à  (|iii  l'iireill  décernées  des  nie(lailles  d'arf^cnl  on  des  ra|i|iels  de  c(dle  im-coiii jX'iiNe. 

II  l'aul  iiiellre  à  pari  Clirislollc,  i|iii  l'einjiorla  lin  M'rilalde  liioin|)li('  |)oiir  son 
(Mi'e\  ICI  ie  a  ri:» 'Il  I  ce,  el  ({ni  eiil ,  lui  anssi,  encore  une  initia  il  le  ildr  non  seiilenn-nl, 
|ioiir  I  a|>|iliial  ion  de  ses  nouveaux  procédés,  mais  en  outre  jiour  le  (  lioix  parTaiL 
des  modèles  (|u  il  presenlail. 

(-"("st  i^ràce  suihuit  au  .Mt'cèiie  ^(MH'renx  (|n'était  le  due  de  Lnynes  (|ue  les 
orfèvres,  \ ici i mes  des  troubles  de  celle  péi'iode,  avaienl  j)U  ex('culer  leurs  jdns 
beaux  travaux.  Col  ainalcur  éclairé,  qui  connaissail  les  artistes  cl  les  aimait,  lut 
alors  la  providence  des  ateliers.  Il  ne  se  contentait  pas  de  prodiguer  ses  conseils; 
il  i-animait  les  conraiics,  slimulail  les  imaginations,  suscitait  des  projets,  multi- 
pliait les  eommandes  k's  pins  inlelligenles,  foui'uissait  à  la  fois  les  idées  et  l'ai'gent 
(|ui  devait  aider  à  les  réaliser,  alin  ([ue,  dans  la  crise  qu'on  traversait,  une  des 
jilus  Itelles  industries  de  notre  j)ays  ne  périclitât  pas.  L'homme  qui  abandonnait 
à  Ingres  la  décoration  de  Dampierre  avec  une  générosité  et  une  longanimité  dignes 
dini  Médicis,  celui  (jui  achetait  de  Cavelier  sa  Pénélope  pour  arracher  l'artiste  à  la 
désesp('M"aiice,  qui  commandait  à  Siinart  la  Minerve  et  l'aidait  de  sa  science  pour 
reconstituer  TaHivre  de  Phidias,  qui  devinait  Charles  Garnier,  le  fului'  architecte 
de  l'Opéra,  qui  alimentait  de  ses  acquisitions  les  ateliers  des  orfèvres  Froment- 
iMeurice,  Duponchel,  Fannière,  etc.,  celui  qui  s'était  fait  une  cour  d'amis  avec  tous 
les  grands  peintres,  les  grands  sculpteurs,  les  meilleurs  architectes  elles  premiers 
littérateurs  de  son  temps,  celui-là  a  bien  mérité  de  l'art  français  et  sa  mémoire 
mérite  d'être  saluée  d'un  hommage  ému  el  reconnaissant  dans  une  élude  histo- 
rique telle  que  celle  que  nous  écrivons  ici. 

Le  rapporteur  de  l'Exposition  de  1849,  pour  la  section  d'orfèvrerie,  Wolowski, 
constata  la  large  influence  du  duc  de  Luynes,  et  ses  heureux  efforts  pour  empêcher 
les  orfèvres  de  rester  inactifs.  Ce  qui  le  frappa  principalement,  et  d'une  manière 
générale,  parmi  les  œuvres  de  celle  industrie  qu'il  avait  à  apprécier,  c'est  qu'elles 
attestaient  de  plus  en  plus  une  fidélité  scrupuleuse  à  reproduire  les  belles  pièces 
du  passé  «  sans  tomber  dans  le  pastiche  et  sans  confondre  les  genres  ».  L'orfè- 


\rerie,  ajoutnit-il,  «  se  maintient  ainsi  avec  constance  dans  la  voie  que  lui  a 
ouverte  Wagner.  »  La  connaissance  des  procédés  de  métier  lui  semblait  aussi 
plus  approfondie.  Il  louait  les  progrès  de  la  ciselure  et  de  la  fonte,  l'habileté  avec 
laquelle  on  avait  retrouvé  et  appliqué  «  les  grâces  des  nielles,  les  délicatesses 
de  la  gravure,  l'éclat  des  émaux  »,  et  applaudissait  spécialement  à  la  vir- 
tuosité que   l'on  montrait  dans   l'emploi   du  repoussé. 


roiliail    dlIoNoaû  D'ALBERT,  duc  de  Liiyncs, 
Memlire  de  l'Instiliit  (iHoa-iSCj). 


L'orfèvre  qui  obtint  le  plus  d'éloges  fut  Froment-Meurice.  Son  exposition 
comprenait  un  très  grand  nombre  de  pièces,  dont  (pielques-unes  de  premier  ordre. 
Au  milieu  d'une  argenterie  de  table  infiniment  variée,  flambeaux  à  branches  mul- 
tiples, grands  plateaux,  rafraichissoirs,  théières,  cafetières,  aiguières  et  cuvettes, 
€tc.,  à  côté  de  bijoux  de  toutes  sortes,  de  vases,  de  boucliers,  des  poignées 


J..:t 


(r(''|M'M'  (l('>^  ;j(''ii(''r;iii\  C.iN.ii^'iKir  cl  ('.li;iii;.';iniicr,  sr  (|t''lii(li.ii<iil  «les  u'iiM-cs  ijiii 
lii'i'iil  vciisal  imi.  ('.'('Iiiil  ir.'ilinril  un  ^iiihnil  df  l;il>lc  coiiiiii.iriih''  |  :ii°  li-  •liir  <l<' 
l.iiNiics,  en  .iiLtiil  n|iiiii^->c.  civile  ,1  |i;iliii(''.  ic| ii-f'^cii I ;i II I  le  ;.'l(i|ic  Ini-c-lri' 
ciihuiii'  lin  /.(mIi;ii|iii'  cl  |m)||c  |i;ir  i|ii;ilic  |m'|-iiiiii;i;.'cv  ijoiii  Ir  cur'|p^  ('Lui  Iriiniin'' 
cil  iiiiciii'  (le  |i(iiv->(iii  ;  ;iiil  iiiir  lin  :-' In!  ic,  des  fj(''iii('s  ;iili's  i'c|in''-ciil;iiil  lAiiioiircI 
r  \|i(iiii|,iii(  c,  ;i(|iiiilciiiciil  li\i'->  ^iir  l;i  s|(||cr('.  sriiiM.iicni  Icrilciiicr  il.iiis  leur 
\()|;  sur  le  pldlic,  i|ii;ili'('  litjurcs  (IcImuiI  cl  ;i(|(»ss('cs  ■•  coiiiiiiciil.-iicnl  je  \r\<. 
in;ilici('ii\  ilc  Tcrciicc,  s///r  Ct/irr  tir  liiKi/m  / rn/rf  \'riiiis^  ([iic  Jules  .l.iiiiii  lr;i- 
(liiis;ii|  i^ciilniiciil  :  ■■  Siiiis  (".(■rrs  cl  llaccliiis,  ailicii  W-iiiis  ..  (|).  (!(''rrs,  ;i\cc  l.-i 
l'aticillc,  |i(H-|;iil  la  L:crlic  ^(''Ih''- 
rcust'  ;  l'.accliiis  Iciiail  le  lli\  i'^''. 
cl  \'('iiiis  scriMil  son  lils  |M'rthlc 
ciMilrc  s;\  limiiiiic.  l  ne  Irise, 
(joni  II'  lin  l'clicf  conrail  anlour 
(lu  sorle,  niiiiiliMil  les  planlcs 
lies  champs,  les  herbes  des 
l'orèls.  les  llenrs  (h'  nos  jardins, 
inspirées  ilirectoinenl  de  ht  na- 
ture, s'i'panouissaiil  en  un  (huix 
rtdiet'  dini   j^oùl   parl'ail. 

Le  surloul  «'lail  aceonipaj^iK' 
de  (Umix  candt'lahres  à  six  hi- 
uiières  ;  trois  liacchaiiLes  (huis 
l'un,  trois  (hinscuses  (hins 
Tau  Ire.  liéeuraient  le  fût,  et 
des  Génies  soutenaient  les 
branelies  dans  un  mouvement 
graeieux.  Deux  compotiers  en 
métal,  dont  les  vasques  étaient 
portées  par  un  groupe  de  trois 

enfants,  complétaient  merveilleusement  eette  déeoration  somptueuse.  Ce  monu- 
ment dont  l'elTet  devait  être  superbe  au  milieu  dune  table  bien  éclairée,  char- 
gée de  cristaux  et  d'orfèvrerie  brillante,  tendue  de  linge  tin  et  blanc,  dans 
l'atmosphère  vibrante  des  joyeux  propos  d'une  société  élégante,  avait  exigé  trois 
années  de  travail. 

Toute  la  sculpture  était  due  à  Jean  Feuchères  —  mort  très  peu  de  temps 
après  avoir  achevé  cet  important  travail  —  qui,  au  dire  du  duc  de  Luynes  même, 
avait    modelé  l'original  jusqu'au   dernier   degré  d'achèvement  (2). 


Conipotici'  «  Les  Saisons  ». 

Orlèvrerie  de  D.   Fronient-Mcurice. 

[Musée  cenlenn;tl. 


1    Pli.  Burty.  F.-I>.  Fromenl-Meiincp,  argentier  de  la  ville  de  Paris,  1883,  1  vol.  in-S",  page  06. 
(2)  Diii'  lie  Luyoe?,  Rapport  de  18ol,  page  73. 


—  25G  — 

Mais  la  recherche  du  type  définitif  avait  été  h'iborieuse,  et  Feuchères  avait 
mis  toutes  les  ressources  de  son  art  à  l'étude  du  premier  modèle. 

Les  archives  de  la  Maison  ChristoHe  conservent  une  étude  au  lavis  d'une  des 
premières  pensées  de  Feuchères  pour  la  pièce  de  milieu.  La  sphère  est,  comme 
dans  le  modèle  définitif,  accostée  de  génies  aiU''S,  mais,  au  lieu  de  trois  ligures, 


Pi-eniière  esijiiisse  de  Feuclières  de  la  pièce  du  milieu  du  surtout  du  due  de  Luynes. 

{CoUeclion   Chrislolle.) 


n'en  supporte  qu'une  seule,  celle  de  Vénus  et  de  l'Amour.  Le  socle  est  décoré  de 
groupes  de  néréides  et  de  tritons  dont  les  queues  viennent  s'amortir  sur  la  sphère. 
Les  habiles  ciseleurs  Muleret,  A.  Dalbergue,  Poux  et  Fannière,  avaient  exé- 
cuté les  onze  figures  du  surtout  d'après  les  procédés  du  repoussé  remis  en 
honneur  par  Vechte.  Le  succès  de  cette  œuvre  fut  considérable.  En  la  revoyant 
aujourd'hui  (elle  figurait  à  l'Exposition  centennale),  on  conçoit  très  bien  l'admi- 


257 


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Piùce  lie  milieu  ^lu   siutout  du   duc  de  Luynos. 
()i-1"l'\  rciML'  de  1).  Fi'oinent-Meui'ii-e. 

(.l/(;st''e  cenleniiiil.) 


rnlioii  i|irt'llf  (lui  fxrilfi-  clic/,  les  cniilciiiiioraiiis  ;  «-i  ja  sriil|)liii  c  rcllrlcjc  caruc- 
Iri-c  (il-  rc|KHiiic  a\i'c  »,•<  (L'-fanN,  cl  nous  parail  i|iicli|iit'  |>fii  sniaiiiH-c,  r.i'iivrt* 
II',. Il  r,.->iiiiic  |i.i->  iiiDiiis  iiii  cll'orl  iiii'riluiic  |t(iiir  l'tdirx  rrric  a  ce  iiioiiiciil,  et 
lli;i|-,|lir    (iiic  (j.ilc  ilails  riii-^li.iif    (le   iKtIrc   i  IK  Ii|n|  rie. 

haiis  ces  Irois  |)ieces,    les  li-nrcs  t'Iaiciit   en  ai-cn(   re|)iiiis-.i'    an   niaclean    et 


KncriiT  du    pape    Pie    IX. 
{Gnzelte     Ucs     lican  .r-A  rta  .) 

au  oiselet,  à  l'exclLision   de   la  foute  et  de  tout  autre  proeédé  de    fabrication. 

A  l'appui  de  ce  procédé  de  travail,  Fromeut-Meurice  avait  remis  au  jury  une 
note  technique  où  il  expliquait,  en  fort  bons  termes,  les  difficultés  que  présente 
l'emploi  du  repoussé  dans  l'exécution  d'une  pièce  d'orfèvrerie... 

«  L'art  du  ciseleur  repousseur,  disait-il.  a  brillé  surtout  h  l'époque  de  la  Renais- 
»  sance.  Il  ne  s'employait  et  môme  ne  s'emploie  encore  aujourd'hui  que  pour  les 
»  œuvres  d'art  qui  doivent  rester  uniques.  ^) 

La  fonte  était  alors  peu  en  usage  pour  ces  œuvres  exceptionnelles;  les 
orfèvres  de  cette  époque  étaient  en  même  temps  statuaires  et  ciseleurs.  Ils 
emboutissaient  l'argent,  ils  le  retreignaient.  le  pétrissaient,   si  l'on  peut  dire, 


I 


—  260  — 

comme  ils  auraient  pétri  la  cire  ou  la  terre;  la  matière  seule  changeait,  l'art  et  le 
talent  restaient  les  mêmes.  C'est  le  marteau,  c'est  le  bigorne,  c'est  le  ciselet  qui 
sont  les  seuls  outils.  C'est,  dans  l'art,  le  travail  du  chaudronnier  dans  la  manu- 
facture. 

Outre  ce  morceau  capital,  Froment-Meurice  avait  envoyé  deux  pièces  déta- 
chées d'un  ouvrage  encore  inachevé  et  qui  demanda  plus  de  six  ans  de  travail  : 
la  table  et  le  coffre  à  bijoux  de  la  Toi/ettc  de  la  duchesse  de  Parme,  qui  ne  put 
figurer  dans  son  ensemble  qu'à  l'Exposition  de  1851;  un  encrier  en  or,  offert  au 
pape  Pie  IX,  et  ayant  pour  motif  central  deux  anges  soutenant  la  boule  du  monde  H 

surmontée  de  la  Religion,  figurait  également  à  l'Exposition  de  1849  qui  fut  pour 
Froment-Meurice  la  consécration  définitive  de  sa  réputation  et  de  sa  maîtrise. 


Duponchel  n'obtint  guèi'c  moins  de  louanges.  Son  associé  Morcl  était  allé, 
comme  nous  l'avons  dit  |)his  haut,  s'installer  à  Londi'cs.  Lui,  en  honnnc  du  monde 
actif  et  élégant,  plein  de  goût  et  fertile  en  idées,  avait  gardé  seul  la  direction  de 
cette  maison  qui  avait  conquis  si  vite  un  rang  des  ])lus  brillants  dans  l'orfèvrerie. 

Henri  Duponchel,  né  en  1794,  avait  connncncé  par  prendre  des  leçons  de  pein- 
ture avec  Eugène  Delacroix  dans  l'atelier  de  Guérin,  puis  était  entré  à  l'Ecole  des 
Beaux-Arts,  oii  il  avait  suivi  les  cours  d'architecture.  Il  n'était  pas  précisément 
pré|)aré  par  ses  études  et  ses  premiers  travaux  à  devenir  orfèvre.  Il  avait  com- 
mencé par  faire  de  l'architecture  et  de  la  décoration,  mais  il  avait  dû  à  l'étude 
approfondie  de  ces  deux  arts,  la  révélation  du  génie  particulier  qu'il  déploya 
connue  metteur  en  scène  dans  le  cours  de  sa  iu-illante  carrière  artistique.  Aussi, 
])endant  plus  de  trente  ans,  p:it-il  une  part  considérable  à  la  régénération  du 
théâtre  en  France  au  point  de  vue  de  la  vérité  historique  dans  le  costume  et  la 
mise  en  scène.  Avec  les  plus  grands  artistes  du  dix-neuvième  siècle,  avec  nos  pre- 
miers écrivains,  il  a  été  l'un  des  plus  habiles  et  des  plus  heureux  promoteurs 
de  la  révolution  qui  s'est  opérée  dans  les  moyens  matériels  d'interprétation  au 
théâtre. 

C'est  lui  qui  construisit  l'hôtel  du  baron  James  de  Rothschild,  rue  Laffitte,  et 
dessina  les  meubles  et  les  bronzes  de  cette  somptueuse  demeure;  il  construisit 
également  l'hôtel  de  la  famille  Rothschild,  à  Londres.  M.  Henri  Vever,  dans  son 
Histoire  de  la  Bijouterie  au  dix-neiœième  siècle^  si  bien  documenté  sur  les  origines 
des  bijoutiers  et  des  orfèvres  contemporains,  nous  apprend  que  Duponchel,  dans 
un  dîner  chez  les  Rothschild  de  Londres,  où  l'on  regrettait  la  décadence  où  sem- 
blait tomber  l'art  décoratif  de  notre  pays,  s'offrit  à  prouver  le  contraire.  Il  put, 
séance  tenante,  obtenir  la  commande  d'un  service  d'orfèvrerie  qui  devait  dé- 
montrer la  supériorité  de  l'art  industriel  français.  Rentré  à  Paris,  il  en  demanda 
les  dessins  à  Rlagmann,  qui  le  mit  en  rapport  avec  Morel.  Ce  fut  là  l'origine  de 


—  'ilil 

leur  assdciulitiiM  I  ).  ()ii\  lin- |il(iii  ir.idrcsv;*'  cl  d'iiiilulrl.,  Mmcl  rciironli-.til  i|;iii-> 
son  <issi>ci(',  hii|MMi(li(l,  riii-|Mi  ;it  MHi  i|ui  (rt-c,  le  -cslc  (pu  dui-c  cl  je  -uni  i|iii 
(•li(>i->il.  Il  lui  iiidc  |i.ii-  If^  i  :i|hI;iii\  cl  les  ci  m  ii;ii>^;inces  ;irl  islM|iies  de  son  ;isso('i(% 
(lui.  ^ràec  ;i  ses  ||()lnll|•eu-^e-^  cl  I  nilhiiil  c^  i(d;il  lon^,  ;i(i--i  liiiMi  d;iiiv  je  monde 
(luc  clic/  lc-^  nrlisics  cl  les  tJi'.neU  dcciir.ilcins,  Si''(di;in,  h('')ilevc|iiii.  hn  Icrje, 
doni  \\  ;i\;iil  ;i|i|M'cci(''  lc->  lalcnK  |icnd;inl  s;i  dircrlion  de  !'(  Ijn'i;! .  |)ii|miiii||(|  -iiI 
;ini;nienler  (•(iM'^idcr.iidenicnl   Ic^  alViiirc^  de  s,i  iii,ii>.(,ii. 

M;iis  Merci  ne  dc\;iil  |^■|~^  relier  ;i\ce  lui.  pln^  |iurl('  |i;ir  -e-  .-iiil  il  iidcs  pcr^on- 
IM'Ile^  d;ins  les  |  i;i\;iii\  de  l;i|)i- 
(hiirerie,  il  e\ecll;iil  (liui^  l;i  l;nllc 
(In  j;i-.|ie,  du  ci'i>l;d  de  roelic  cl 
;inlre>  nialiei'c^  dni'c>.  r\  (hin^ 
la  d(''(  (M'ai  i(ni  dc^  \a>~c--  (|n  il 
ornait  de  liuni'es  cl  d"oi'iicnienl> 
cniailles.  IMns  lapidaire  (jn'oi- 
iV'M'e,  il  eidiaina  s(ni  associ('' 
dans  r(,>\(''cnli.)n  (['(envres  dif- 
liciles  à  vendre.  Des  disseiili- 
menlselanl  >ni'venns  à  ce  snjel, 
Unii"  assoeialion  r(nnpne,  Morel 
rclonrnail  à  Londres  oîi  nous 
le  l'clronvei'ons  en  ISol.  cl  !>' 
duc  de  Luyncs  eonslalail  dans 
son  rapport  (juc  ses  œuvres  sont 
lonjonrs  fabriquées  et  aclievées 
avec  un  talent  que  personne  ne 
saurait  (K'passer.  Duponchel  se 
présentait  donc  seul  à  l'Expo- 
sition (le  1841).  «  M.  Duponchel,  disait  le  rapporteur  M.  Wolowski  rlj,  donne 
»  seul  Tim pulsion  aux  reniar([uables  artistes  formés  dans  cet  atelier,  bien  connu 
»  de  l'Europe  entière.  Il  continue  à  fabri<[uer  avec  une  égale  distinction  la  haute 
»  orfèvrerie,  la  joaillerie  et  la  bijouterie;  chez  lui,  un  heureux  caprice  rencontre 
»  de  quoi  satisfaire  les  désirs  les  plus  exigeants;  la  forme  est  originale  sans  tom- 
»  ber  dans  le  bizarre,  élégante  sans  toucher  à  raffectation.  »  Une  de  ses  œuvres 
les  plus  caractéristiques,  en  1849,  était  le  fameux  surtout  de  table  commandé  par 
le  prince  Léon  Kadziwill,  dont  la  pièce  de  milieu  représentait  une  chasse  à  l'ours  au 
treizième  siècle,  dans  une  forc^'t  de  Lilhuanie.  Le  thème  donné  à  l'artiste  était  une 
légende  de  famille  que  voici  :  Un  seigneur  russe  ayant  eu,  dans  une  chasse  àl'ours, 


r,>itiail  ck-  DUl'OXCIIKI,,  orrùvi-e. 


(1)  Henri  Vever.  la  Bijouterie  françainn  au  di.r-i}ritvic»ip  siècle,  page  2S0  et  suivantes. 

(2)  Rapport  du  jury  à  l'Exposition  de  1^40.  tome  111.  page  38. 


—  2()2  — 

le  bonheur  de  sauver  la  vie  de  son  souverain,  celui-ci,  pour  lui  témoigner  sa  recon- 
naissance, jura  de  lui  donner  en  toute  propriété  la  contrée  environnante,  aussi  loin 
qu'il  pourrait  faire  entendre  le  son  du  cor,  à  partir  du  point  où  l'accident  était  arri- 
vé. Le  seigneur,  heureusement  pour  lui,  avait  d'excellents  poumons,  de  sorte  que 
la  propriété  fut  immense  (1);  la  donnée  était  originale;  au  centre,  comme  de  juste, 
était  le  héros  de  l'aventure,  sonnant  du  cor  à  pleins  poumons.  Les  incidents  de  la 
chasse  formaient  les  sujets  de  plusieurs  autres  groupes  accompagnant  cette  pièce 
extraordinaire.  Les  candélabres,  de  2  mètres  de  hauteur,  figuraient  deux  sapins 
sur  des  rochers,  avec  k^urs  longues  l)ranchcs  chargées  de  givre  sui'  lesquelles  k'S 
hnnières  scintillaient.  On  n'a  rien  fait  au  delà  dans  le  geni'e  pittoresque,  et  c'est 
l'exemple  le  plus  complet  de  l'alnis  des  scul|)tures  dans  l'orfèvrerie,  que  condamne 
avec  raison  Charles  Blanc  quand  il  dit  :  «  Il  est  clair  que  de  pareils  morceaux  appar- 
))  tienneul  à  la  plastique  bien  plus  qu'à  l'orfèvrerie,  et  que  le  travail  du  marteau, 
»  quelle  qu'en  soit  la  délicatesse,  ne  saurait  suri)asser  en  valeur  les  inventions  in- 
»  génieuses   et  fécondes  du  sculpteur,  qui,  eu  |)0ursuivant  le  luodch'  de  chaque 
»  ligure,  en  y  imprimant,  du  pouce  et  de  rébaucli()ir,les  accents  (|ui  devaient  le  ca- 
»  ractériser,  dit  avec  sentiment  ce  que  l'orfèvre  n'avait  plus  (ju'à  ledire  avec  pré- 
»  cision.  C'est  le  cas  d'aflirmer  avec  force  le  |)i'incipe  que...  toute  industrie,  même 
»  lorsqu'elle  appelle  un  artiste  à  son  aide,  doit  rester  maîtresse  chez  elle.  11  serait 
»  bien  malséant,  en  effet,  (|ue  la  décoration  fil  oublier  la  chose  décorée,  alors  (|ue 
»  le  décorateur  n'a  été  chargé  que  de  la  faire  valoir  (^2).  »  Ajoutons  (|ue  l'abus  de  la 
tigure  humaine  semble  surtout  malséant  dans  les  olqets  destinés  aux  usages  delà 
vie  domesticjue.  Mais  cette  faute,  l'orfèvrerie  de  la  Renaissance  l'a  maintes  fois 
commise,  et,  à  l'épocpie  oîi  vivait  Duponchel,  on  ne  jurait  que  par  la  Renaissance. 
l)u|)onchel  n'avait  pas  pu  monti'cr  à  l'Exposition  de  1849  l'œuvre  ([ui  absor- 
bait tous  ses  soins,  c'est-à-dire  la  Minerve  commandée  |)ar  le  duc  de  Luynes,  et 
dont  Simart  avait  fait  le  modèle.  Commencée  en  184G.  elle  ne  fut  achevée  qu'en 
1851  et  ne  fut  exposée  qu'en  1855;  on  la  retrouvait  dans  la  Section  des  Beaux- 
Arts,  oîi  elle  valut  à  son  auteur  la  médaille  d'honneur.  C'est  le  plus  important 
spécimen  de  la   sculpture  chryséléphantine  actuellement  connu  (puisqu'elle  ne 
mesure  pas  moins  de  3  mètres  de  hauteur),  qui  ait  été  produite  par  un  sculpteur 
français.  Cette  reconstitution,  inspirée  des  descriptions  antiques   de  l'œuvre  si 
célèbre  de  Phidias,  avait  été  suivie  dans  tous  ses  détails  par  le  duc  de  Luynes  au 
point  de  vue  archéologique  et  artistique.  Dans  cette  statue,  comme  dans  celle 
de  Phidias,  les  draperies  étaient  en  métal  précieux,  et  les  parties  nues  en  ivoire. 
Elle  orne  aujourd'hui  la  salle  des  fêtes  du  château  de  Dampierre  où,  posée  sur 
un  socle  en  marbre  de  couleur  et  un  bas-relief  en  marbre  blanc,  elle  se  détache 
sur  un  grand  panneau  qu'Ingres  avait  décoré  d'une  façon  magistrale. 

(1)  Histoire  di:  l'Orfèvrerie,  de  Ferdinand  de  Lasteyrie. 

(2)  Ch.  Blanc,  Grammaire  des  Arts  décoratifs,  pages  291-293. 


2^i.i 


«  LA  MIXEU^'1^  ■'.  inodL'le  de  Siiuai-t.  ()rlï'\  rrric  cIu-n  srk'i)hanliuc 
jiur  Diiponcliel. 


iîor.  — 


Si  elle  II';!  |t!is  nrcil|H''  l:i  |»iciiii(ic  |t!.iii-  (|,|||-^  ri'',\|)iiv||  nui  (|c  rOrIV'Nrcric, 
|illiN(|irc||i-  cliiil  ;iii\  I'mmiix  \il^,  en  li 'X  ,i  iir  lu  • .  I  )il|  h  iin'lii'l  jiiil  iilihiiir  fie  nOS 
nclir-.  cIiciiIn  le  picl  (1111:  rcii.iiii  iKiiiilirc  i|c 
|»i«''ct'><  cxci'iili'i'-^  |i;ir  lui.  Icllc-^  i|iir  :  le  x-rvicc 

;i     llic    (lu    ((uulc     lie     Nc~-^cl  n  nie .     l'I      |ilu>ii'ur^ 

iHiIrcN,  tic  ^^fni't'  iiimIm'.  ui;iuit's(|uc  ou  cliiudis; 
l:i  j^iii'iiilurc  de  l'iilluuu  de  l;i  pliure. ■>(•  ijr 
Molli  pcu^icr.  ;i\i'c  iuc(|,iill(iu^  ilc  luiil  .:jr;iii(ls 
|M'illll■«'>^    lilii'UliMil    ci^cIcN  eu    ,u-:j(UiI    iiwilt'. 

!,(•->  M'u\f(">  lie  hu|iiui(lu'l  s(uil  nues  aii- 
jcun'd  liiii.  \(Ui-^  :i\iui^  pu.  (■(•|i('uil;iiil ,  rd  r(Ui\  (U' 
clic/.  >(iu  liU  un  pl;ilc;iu  iNuil  le  Iniul  c-^l 
^■{•;»\(''  .1  ICiiu  lorh^  (I  ;ir;ili('sipic^  de  s|\|c 
Ii(Ml;iis-^;uii(',  ;nu->i  (piiiiic  Iniiliiiiic  ;i  lin'  d;iiis 
le  i^riiic  (liiiidi--  (|iii  iiKudrc  rccicci  i^iiic  de 
SDii  jioùl  dans  >a  raliricalioii. 

Il  avait  ('\ual('uit'iil  cxpusi"  un  seau  à  ralVaî- 
cliii'  les  \iii>.  d(ud  le  lias-rclicr  |uàii('i|)al  es! 
cxpost'  dans  K'->  \iliiiu'>  du  .Miisc'c  des  Ai'ts 
({(•(•(U'alifs.  Ce  bas-relief  syinliolise  les  ivresses  H..uiiic,ii-c  -cniv  chinois. 

,  I         .     1   1  1       1-  4       •  {Or  ferre  rie    île    Diiiionrhel.) 

du  roele  el  du  Savant,  du  Soldat  et  de  I  Arti- 
san qui,  coucIh''^  sur  le  sol  et  endorniis.  voient  passer  dans  leui'  l'ève  d'élégantes 


Plateau    Uenaissaiice. 
(Orfèvrerie  de  DuponchelA 


figures  de  femmes  ([ui  leur  font  entrevoir  la  réalisation  de  leurs  espérances.  Le 


—  200  — 


chef  des  ateliers  de  dessin  de  la  maison  était  Nevillé,  artiste  doué  d'une  fertilité 
d'invention  remarquable,  et  qui   s'assimilait  avec  une  étonnante   souplesse  tous 

les  styles  passés. 

On  commençait  d'ailleurs,  à  celte  date,  à  ne  pas  s'en  tenir  uniquement  aux 
souvenirs  de  la  Renaissance,  et  plus  d'un  orfèvre  s'essayait  à  de  vagues  pastiches 
du  Louis  XIV,  du  Louis  XV,  voire  même  du  Louis  XVI,  exécutés  avec  des  docu- 
ments par  trop  approximatifs,   et  qui  té- 
moignaient  d'une    étude    plus    qu'incom- 
])lète    de    ces    époques.    C'est   ainsi   que 
(îliarles  Odiot  exi)osait  un  service  de  table 
Ijouis   XVI,   destine''  à  l'Amérique;  Mayer 
avait   des    services  à    llié  Louis  XV;   Le- 
brun   un    beau    mibeu    de    table,    genre 
Louis  XV,  avec  des  groui)es  d'animaux  et 
d'enfants   sculptés   par  Gagne  et    Carrier- 
lielleuse,   ciselés  en  perfection  par  Poux 
et  Dalbergue.  Chez  cet  orfèvre,  d'ailleurs, 
les  moindres  objets   portaient  la  marque 
dune  e\(''cution  impeccable.  C'est  pour  lui 
(pie  les  Fannièi'e  avaient  ciselé  une  tasse 
^f'"^W"^mffrXs,<m7 f^mstm       d'argent   (acquise    par    M.    de    Mecklem- 
V  ^iViw/f  M Js>^/>? m.."..^^ V  JCL       bourgi,  dont  le  public  pouvait  admirer  à 

VT  ""*  <    "^^ifr     •<r^Jis^&¥ r'^i        '*'  '*'"1'*'  '"^^  détails  d'un  fini  merveilleux. 
^ÈiÉ^^^  /^Ë^J i    A^amlÊMSL^'  lUidolphi,   ce    simple    ouvrier    orfèvre 

que  Wagner  avait  su  distingue!'  en  1840 
et  qu'il  avait  associé  à  ses  travaux,  conti- 
nuait à  grandir,  et  les  pièces  qu'il  exposait 
en  1849  ne  démentaient  passa  réputation. 
On  remarqua  notamment  une  toilette 
d'argent  décorée  de  nielles,  de  gravures 
et  d'émaux;  des  plats  d'après  Feuchères 
et  Pascal;  un  coffre  d'argent  sculpté  par  Geolfroy  de  Chaumes,  une  coupe  en 
lapis-lazuli,  d'une  monture  très  simple  et  très  élégante;  d'autres  coupes  en  agate 
orientale  supportées  par  des  groupes  de  Bacchantes,  de  Grâces,  etc. 


Deu\  Ijas-i'cliofs  d'un   soaii  à  glace. 

Sciilpliire  de    Fcviclièi'es. 

(Orfèvrerie   de   l>iij)oncliel.) 


On  a  vu  plus  haut  quel  avait  été  le  succès  de  Christofle,  qui  affirmait  définitive- 
ment, par  une  exposition  imposante,  les  avantages  immenses  de  l'orfèvrerie  en 
cuivre  et  métaux  divers,  dorés  et  argentés  par  les  procédés  électro-chimiques. 
C'était  une  des  plus  magnifiques  démonstrations  de  ce  que  peuvent  les  conquêtes 


lM»7 


(!:•  la  ^l'iciiiM'  stii"  \i'<  \)ri\'^vr<  di-  riihlii^lrir.  CV-lail  l'itrlrvi-rfi»'  iiii-^c  a  la  iiord'-c  des 
iilii--  li'iiiiMc--  rorliiih-,  |Miiii-  le  -raii'l  a\  aiila  ;jr  i|c  I  ail ,  «luiil  un  allail  ii''|iainlr('  à 
(li'N  |in\  111111111'--  trailmiialilc-  iim  |i'lr->,  cl  en  iiii'iiic  liiii|i-.  iikhiI  icr,  an  |inilil  de 
rii\  i^icMi',  |il^i|u'(iii  adail   \r   mail  \  nild-f  des  ir(i\ii's   il  ur  au    iiirrciiri'. 

('.','^1  ni  le  liiii  de  {•a|i|M'lrr  les  orij^illt'--  de  l'i'lo'l  fit  iindalliii-ic  ii|»|»li(|il(M'  ail 
(•iii\ri',  l'I  li'^  lai'iiiiiT^  i'->Nai--  rii!  n'iui^,  de  ISII'i  a  iS'd),  |Miiir  iTiii|diici'i-  la  dorure 
an  mcriMiri-  pai  ri'iii|iliti  dr  I  a  ri  uni  rlcilfo-i  liiini(|ni'.  ri  pniir  nlilt-nir  par  dr>  ron- 
l-aiiK  rlrrlrh|iir>  lin 
dr|H'i|  viilidr  ri  liirl  al- 
lii|nr  ^iif  Ir-^  olijrK  un 
1rs  rrrn\  i  rinlii-'  rmi- 
diirlrnr--.  |ilarr--  an 
|>('»lr  iii'ual  il  dan--  niir 
dissolnl  ion  dr  >iiiral(' 
ilc  rni\  vr .  Api'rs  le-- 
essais  {\c  Urni^iialrlli, 
a|»rrs  les  deron\  erles 
*\c  .larolii  el  les  Ira- 
vaux  i\o  l>rri|iirrrl, 
aprrs  1rs  lenlalixes 
ilr  dorui'e  par  la  |iil(' 
dans  des  solul  ion>  (\r 
rhlorurc  d'oi'  iirnlrr 
par  Ht'  la  Jiivc,  le 
savant  do  Genève, 
une  foule  d"e\p(''- 
rienec^s  avaieid  éti' 
laites  pour  atteindre 
le  rt'sullal  elierclK' 
(jui  ('tait  de  déeoni- 
poser  une  dissolution 
métallique    par    Tac- 

tion  du  courant  galvanique,  et  faire  déposer  avec  adhérence  le  métal  réduit  au  pôle 
négatif.  On  en  arriva  enfin  aux  procédés  qui,  en  substituant  aux  liqueurs  acides  ou 
neutres,  des  liqueurs  alcalines,  allaient  rendre  industriel  le  dépôt  galvanique  des 
métaux  précieux.  En  1840,  Elkington,  et  en  1841,  Ruolz,  prirent  des  brevets  iden- 
ti([ues,  qui  consistaient  à  soumettre  à  l'action  de  la  pile,  des  solutions  de  sels  d"or 
ou  d'argent  dissous  dans  le  cyanure  de  potassium  simple  ou  ferrugineux,  pour 
obtenir  le  dépôt  de  l'or  et  de  l'argent  Ce  sont  ces  brevets  que  Christofle,  avec 
une  énergie  et  une  intelligence  hors  ligne,  allait  mettre  en  valeur:  mais  à  peine 


Chaiu.iîs   CHUISÏOFLE    (i.Suô-iSf)3j. 


—  iiG8 


avait-il  commencé  à  exploiter  le  brevet  français  pris  par  Ruolz,  qu'il  se  vit  l'objet 

d'une  démarche  des  associés  d'El- 
kington  venant  lui  communiquer 
les  brevets  anglais  antérieurs  de 
plusieurs  mois  à  celui  de  Ruolz, 
obtenant  les  mômes  résultats  et 
employant  les  mêmes  solutions 
d'or  et  d'argent.  Devant  l'évi- 
dence, il  n'y  avait  qu'à  s'incliner, 
et,  en  gens  de  bomie  foi,  il  n'y 
avait  qu'à  s'unir;  ce  ne  fut  pas 
sans  un  gros  sacrifice,  car  Ghris- 
tolle  fut  obligé  de  payer  500 000 
francs  le  droit  de  se  servir  des 
brevets,  })our  lesquels  il  avait 
déjà  versé  150000  francs  à  Ruolz. 
Dès  sa  jeunesse  Charles  Chris- 
tofle  avait  été  rompu  au  manie- 
ment des  affaires  industrielles. 
JVous  l'avons  vu  déjà,  chef  à 
vingt-quatre  ans  de  la  plus  grande 
manufacture  de  bijouterie  de  son 
temps;  il  n'était  pas  homme  à 
s'arrêter.  Doué  d'une  énergie  peu 
commune,  d'une  volonté  et  d'une 
persévérance  que  rien  n'arrêtait, 
il  était  de  la  trempe  des  fonda- 
teurs d'empire.  Ce  n'était  pas 
tout  de  créer  une  industrie  nou- 
velle, il  fallait  la  défendre.  Il  se 
trouva  alors  en  butte  aux  diffi- 
cultés les  plus  épineuses,  eut  à 
lutter  contre  une  armée  de  con- 
trefacteurs dont  il  ne  put  venir  à 
bout  qu'après  des  procès  sans 
nombre,  qui  durèrent  presque  au- 
tant que  le  brevet  lui-même.  C'est 
Service  à  tiic  Louis  x\i.  ^^^  milicu  dc  ccs  obstaclcs  qu'en 

(Orfèvrerie  de  Ch.  C/ir/sfo/Ce.) 

quelques  années,  il  parvint  à  orga- 
niser sur  les  bases  les  plus  larges  l'industrie  nouvelle  dont  il  fut  le  créateur  en 


Kraiif»'.  «  l'ii  iSi't,  .||s;iii  M.  W  olow  vki,  l(•^  all'aircs  il-  M.  (llin^lnllc  allci- 
M||;ii,.|i|  ;i  |i('iiic  un  rliillir  (lr  (ilMMMKI  l'iaiiis;  ce  cliillVc  s'cv|  ('•IrM-  en  IH't.'i  à 
!I;{(Iîi:m  riaiirx,  ,11  iSid,  ,1  I.MIIMI:.'.  Iianr^,  .1  m  IS'jT,  a  plu-  <lr  2  iiiillioiis  (I).  » 
\ii  Ikmi  (!.■  r.iliii'iiiri  I  (irlrv  rciic  ((iiiiiiic  (Hi  liivail  lail  |iisi|ii';i|()rs  avec  (1(!S 
|i|;i,|ii,-.  (I  ;ii-i'iil  nii  de  (  iiiNic  l'oii^c  |il,h|ii('  il  ar;jciil,  Clira-^l < illc  se  scrNil  ilii  lailnii 
(|,i:it  l;i  iii;illi';ihililc  ^i'  ii  1 1|  H(  icli;i  1 1  le  |i|ii>  d.-  crllf  i\c  ra|-;jr|||,  cl  allait.  jtciaiM'l  I  l'C 
(II-  le  I  i;i\  ,iill<'r  rdiiiiiic  l(•-^  iiii'l;iii\  |irc(iiMi\.  T/i'Iail  t'airr  n'\i\rT  les  Iraililioiis  de 
|;i  \i'iii;iMc  (H  Irx  iciir  iiia^^iM'  ('.Chili  r('iii|ilni  du  I  ii.u'l  l 'w  II  |pniir  l'i'l  l'ci  iidr'c  les 
toiiiK's,  lie  l;i  tniilc  cl  t\f  l.i  ciselure  |i(iiir  ic|iaici'  les  ;j,i  iii  il  lires,  de  la  ^fiiidiirc 
l'dili'  |Miiii-  Ic^  iciiiiir,  (|iii  allail  rc|i;irail  !•<•  <d  ddiiiiri-  a  crllc  ()rrr\  fci'ii-  iioiincIIc 
loulc  la  sdlidilc,  liiiil  le  liiii  cl  li'  |tn''cicii\  des  oiTcv  rci-ics  des  siècles  |>r<M*(''d(;iils. 
Mai^  il  r.ill.iil  la  ludijuii'c  ('((UKiiiiiiiiiciiifiil  iKiiir  rivaliser- avec  le  pL-ujné.  (llii'islofjf) 
eu!  a  lidiiNcr  (|iiaiitil('  île  iiiacliiiies  imies  pai"  la  vajx'ui',  daiipai'eils,  de  j)i'()C(''(l(''s, 
\aiiaiil  a  riiiliiii,  el  (pii  iK'cessilaieiil  sans  cesse  d(;  nouvelles  iiiiiosalioiis.  «  Il  a 
une  l'onderie  poui'  les  iianiiliiies  riches  ou  sculph'es.  disail  le  duc  de  l.iiyiies,  un 
ajipareil  a  ralirii|iicr  le  ixix/.  Iiydroiièiie  j)ui'  pai-  la  di'coinposilion  de  la  vapeur- 
(Teau  suc  le  cliar-hon  incandescent;  le  gaz,  entourv  d'nn  l'c'-seau  de  platine,  donne 
une  \ive  clar-|(''  :  il  alirneide  les  foni'neaux  à  souder,  à  l'ai'gent  et  au  cuivre,  et  le 
laboratoire  de  chimie  "l).  Des  niacliines  actionnées  par  la  \apeur,  des  tours,  des 
inaudriiis  nuis  pai-  les  mêmes  moyens,  des  laljoratoii'cs,  tonte  mie  cuisine  com- 
pliipu'c  d'cdecti-icité  el  de  chimie...  » 

Que  nous  voilà  loin  des  ateliers  de  nos  anciens  orfèvres  et  quelle  mine  feraient 
les  (iermain.  les  lioettiers,  s'ils  pouvaient  voir  aujourd'hui  ces  engins  monstrueux 
c[ui  ont  i-emjdacé  leur  antique  outillage  si  simple,  dont  ils  savaient  tirer  un  admi- 
rable parti! 

En  résumé  rélectro-métallurgie  comprend  deux  sortes  d'opérations  qui,  bien 
que  faites  dans  les  mêmes  conditions,  et  avec  les  mômes  éléments,  engendrent 
deux  classes  de  produits  bien  distincts.  «  Si  le  but  qu'on  se  propose  est  de  pré- 
cipiter au  moyen  de  la  pile  un  métal  sur  un  objet  conducteur  de  l'électricité,  en 
couches  épaisses,  continues,  7)iais  non  adhérentes,  de  manière  que,  une  fois 
séparées,  la  couche  métallique  obtenue  représente  exactement  tous  les  détails, 
tout  le  lini  de  cet  objet,  l'opération  ainsi  faite  prend  le  nom  de  galvanoplastie.  Si, 
au  contraire,  on  veut  précipiter  le  métal  en  couches  minces,  continues,  ai  adhé- 
rentes, de  manière  à  ne  point  altérer  la  forme  primitive  de  l'objet  soumis  à  l'expé- 
rience, mais  dans  le  but  de  lui  donner  une  apparence  plus  belle,  ou  de  le  préserver 
des  chances  d'altération  auxquelles  il  peut  être  exposé,  c'est  un  dépôt  électro- 
chimique  auquel  on  a  donné  naissance,  et,  suivant  la  nature  du  métal  employé, 


(1)  Rapport  sur  VExposilion  de  1841,  tome  III,  page  339. 

(2)  Duc  (le  Luynes,  Rapport  sur  les  inctdux  précieux  à  l'Exposition  universelle  de  18j1,  page  12."). 


270  — 


c'est  le  cuivrag'e,  l'argenture,  la  dorure,  le  platinage  [\).  »  On  peut  dire  que  cette 
invention,  ({ui  fait  pensera  la  découverte  de  l'imprimerie,  est  le  plus  admirable 
procédé    de    niulti|)licatioii,    d'une    exactitude    rigoureuse,    des   types    uniques 


Fontaine   à  thé  du  st\k'  Louis  X\'I. 
[Orfèrrerie  de  ('J\ .  C.hrislnlle.) 


d'œuvres  d'art,  quel  que  soit  leur  degré  de  perfection.  Depuis  soixante  ans,  elle 
a  singulièrement  accru  son  domaine  et  s'est  largement  développée.  Mais  c'est 
l'honneur  de  Cliristode  d'avoir  compris  du  premier  coup  tous  les  services  qu'elle 
était  appelée  à  rendre  et  de  lui  avoir  imprimé  un  vigoureux  élan.  Tout  le  monde 
remarqua,  en  1849,  les  pièces  d'orfèvrerie  argentées  ou  dorées,   exposées  par 


(1)  Henri  Bouilhut,,  Conféreiice  [aile  en  1806  à  la  Socielr  iVencourarjernenl  pour  Vindusli-'e  ii;ilio7iale  sur 
l'orif/ine  el  les  progrès  de  la  galoanoplaslie  (brochure  iii-18;. 


—  ^J7I 


lui,   ..  (liMI\   -IMIhlc^  Itollillolivs  d'iiii  >\r^^\i\  roriTcl    ri    ;i\i'c  <\r  -  iMiiiMl  \   .  •niriiiruLs 

(les  surloiilsd'mic  ;;r;imlf  iiilii''>-.r.  il.  ••>  laiidi 'l.il.if-,  «  lu  p  rf->  ilC\  rr  II.- ni  s  modclus, 
4l('S  services  à  tiic  de  ^t^lc  Loiii->  \\   «l   l,(.iii-  \\  I,  d(•-^  >>,.|\iri-  d.-  I;d»l<'  (1). 


fontaine  à  thé  du  style  Louis  X\'. 
{Orfèvrerie  de  Ch.  Christofle.) 

L'un  de  ces  services,  réchaud,  cloche  et  casserole,  était  de  style  Louis  XVI.' 
Le  réchaud  avait  la  forme  d'une  corbeille  en  vannerie  ciselée,  dont  les  ajours  qua- 
drillés laissaient  passer  l'air  pour  alimenter  la  flamme  de  la  bougie  et  égayaient 
en  même  temps  la  nappe  de  ses  reflets  lumineux.  Ce  modèle  avait  eu  un  très 
grand  succès,  et  lorsque,  deux  ans  plus  tard,  le  prince-président  installait  au 


^1    Duc  de  Lu  vues.  Rar.porl.  page  "5. 


Jl 


^7i   


palais  de  l'Elysée  Télégante  comtesse  de  Téba,  qui  allait  devenir  l'impératrice 
Eugénie,  ce  fut  ce  service  qui  fut  choisi  pour  meubler  le  palais,  complètement 
dépourvu  alors  de    tout    matériel   d'orfèvrerie. 

Ghristofle,  de  lui-même,  avait  spontanément  indiqué  au  Jury  les  noms  de  ses 
principaux  collaborateurs,  F.-J.  Lebon,  dessinateur,  François  Gilbert,  sculpteur, 


Service  de  table  de  l'Impératrice  Eugénie. 
Orfèvrerie  de  Ch.  Ghristofle.) 


Broeckx,  chef  de  l'atelier   des  orfèvres  :   avec  eux  il  n'allait  pas  tarder  à  rem- 
porter de  nouvelles  victoires. 

Si  nous  nous  sommes  laissé  entraîner  à  parler  avec  quelque  largeur  de  l'Ex- 
position de  1849,  c'est  que  la  plupart  des  orfèvres  qui  y  participèrent  devaient  se 
retrouver  à  la  manifestation  grandiose  de  Londres,  en  1851,  qui  eut,  on  peut  le 
dire,  une  importance  énorme  sur  la  direction  et  les  progrès  de  l'industrie  du 
monde  entier.   C'était  la  première  fois,  en  effet,  que  tous  les  peuples  étaient 


—   21'A  — 

(•(iiivit'-s  ;i  mic  ^iilriiiiil('  de  ce  ^m'Iiit,  cl  (lu'iU  ,i\;iiriil  l'occ-i'-ioii  ilc  iiic-^iii-cr  Nîui'S 
lorccs  sur  If  Iiiimiii  un  lii^l  liil  il  rdiiiiiK'i'ci.il,  de  roiiiicircr  leur  |tro(|iicli<iii  jim-c 
celles  (le  leurs  ri\;iii\,  ilc  ((iiis|;iier  siir  <|iicl<  |M)iiils  ils  ('l.iiciil  en  ;i\;iiic('  on  en 
relaid.  IMus  d  inic  nalittn  (lc\ail  Incr  i\c  pareille  e(iin|iaiaisnn  les  jilns  IV-ecHHls 
enseii:neinen(s. 

l/l''.\|Misi|  KHI  iiilernalidiiale  lie  Londres  nn\  ni  lel"  mai  lS'i|,an  nillien  d'ini 
{^rand  eilal.  l.orieNrerie  a\ail  idc'  (dass{''e  avec  la  liijonlerie  e!  la  joaillerie.  On 
gardai!  aiii-i  les  Iminies  e|  anlii|nes  Iial)ilndes  de  nos  \ieilles  eorporalions ;  ce  ne 
lui  (jne  pliis  lard,  en  ISli",  ipion  enl  l'idi'c  sin^MiliiTc  (Tt-lalilir  des  (l(''niarcalions 
(d  des  S(''|iaral  ions  enire  des  nndiers  i|in  onl  même  ori;_'iin',  mi'ines  init'rrds,  i|ni 
s'excrceid  dans  des  aleliers  \oisins,  a\ec  des  oïdils  sendijaldes,  des  proei'di's 
analopncs  sm- des  matières  ('^alcnn'nl  |ir(''eienses.  Le  .lnr\  delascclion  «'In'  dac- 
(  laniali(Ui  ponr  |ir(''sidenl  le  ilwc  de  Lnynes,  (|ni  acc('|([a  dèlre  en  nn"'nie  lcni|)S  le 
rapporlenr  de  sa  i  lassc  poni'  les  (ravanx  de  la  (l()inniissi(ni  Crancaisc.  (le  lui  jionr 
cel  homme  si  dislini^m''  l'occasion  (['(''ci'irc  niu'  ('Inde  dnn  |inissanl  allrail,  don!  la 
Ici  Ini'c  demonire  comltien  ccnx-là  (|ni,  |iar  Icnr  silnalicni,  semMenl  ('loi;^n(''S  de 
|irendre  |tar[  à  cerlains  inli'-rèls,  sont  pai'l'ois  pins  ajilcs  à  les  (h'dinir  (d  a  les 
(It'fendi'c  ipic  ('(-nx  niènies  (pii  en  vivcnl.  Le  livic  dn  dm-  de  Luviies  u'csL  pas, 
comme  on  le  ponri'ail  croire,  une  (euvre  de  liaul  style  oii  rai-(dHMjlogue,  le  savant, 
le  curieux,  le  voya^ucur  et  Tarlisle  qu'il  était,  faisant  un  aimable  étalage  de  ses 
coMuaissaiiccs  et  de  son  goût  éclairé,  ait  voulu  doiuier  libre  carrière  à  sa  passion, 
et  couduiic  iiar  des  chemins  escarpés  l'ouvrier  et  le  patron  mal  |)réj)ai-és  a  le  suivre 
jusqu'au  sommet  de  l'art  j)ur.  Non,  le  duc  de  Luynes  voulut  faire  œuvre  plus 
utile.  Avec  une  abnégaticm  méritoire,  il  s'appliqua  à  rassembler  des  documents 
précis,  des  détails  sur  la  fabrication,  des  clulfres  de  statistique,  à  faire  d'après 
nature  des  descriptions  criticjues  de  l'orfèvrerie  de  son  temps,  notant  au  courant 
de  la  plume  les  noms  des  artisans  à  coté  des  noms  d'artistes,  et  dressant  un 
tableau  succinct  mais  complet  de  la  situation  des  orfèvres  depuis  le  commence- 
ment du  siècle.  Son  livre  se  trouve  ainsi  le  Rapport  le  plus  exact,  le  plus  tech- 
nique, le  plus  parfait  —  avec  celui  que  rédigea  Lucien  Falize  en  1889 —  qui  ait  été 
écrit  sur  notre  industrie  à  la  suite  des  Expositions,  et  on  le  consultera  toujours 
avec  fruit.  Nous  y  avons  puisé  déjà  plus  d'un  renseignement  pour  les  pages  (jui 
précèdent.  Le  volume  est  devenu  si  rare  qu'il  vaudrait  la  peine  qu'on  le  réim- 
primât, et  c'est  là  un  vœu  que  comprendront,  j'en  suis  sur,  beaucoup  de  mes 
confrères. 

L'orfèvrerie  française  remporta  à  l'Exposition  de  Londres  un  très  grand  succès, 
tous  nos  premiers  coryphées  avaient  répondu  à  l'appel  qui  leur  avait  été  adressé, 
et  n'eurent  pas  lieu  de  s'en  repentir:  Froment-Meurice,  Odiot,  Christofle,  Durand, 
d'autres  encore,  y  obtinrent  les  suffrages  les  plus  flatteurs. 

Mais  Froment-Meurice  avait  la   première  place  et  remportait  la  plus  haute 


récompense,   la  Couneil  Medal,  c'est-à-dire  la  grande  médaille  décernée  par  le 
Conseil  des  Présidents. 

A  cette  Exposition,  il  avait  envoyé  la  toilette  entière  de  la  duchesse  de  Parme, 
qu'il  venait  de  terminer.  Ce  morceau  capital,  dont  deux  pièces  seulement  avaient 
paru  en  1849,  figurait  en  1851  dans  son  ensemble,  et  n'avait  pas  coûté  moins  de 
six  années  de  travail.  Cette  toilette  monumentale  qui  comptait  deux  mètres  qua- 
rante-cinq centimètres  de  hauteur,  et  près  de  deux  mètres  en  largeur,  composée 
par  l'architecte  Duban,  était  ornée  de  trente  et  une  figures  exécutées  d'après  les 
modèles  de  Jean  Feuchères  et  Geoffroy-Dechaume;  les  ornements  étaient  de 
Liénard,  les  émaux  de  Sollier  et  Meyer  ;  sur  la  table,  —  immense  morceau  d'acier, 
d'argent  et  d'or,  formée  d'une  des  plus  grandes  pièces  d'argent  niellé  que  nielleur 
ait  jamais  produite  —  se  dressait,  au  centre,  le  miroir  en  forme  ogivale  pivotant 
sur  ses  supports;  à  droite  et  à  gauche,  on  voyait  deux  coffrets,  par  devant,  l'ai- 
guière :  tel  était  l'aspect  général.  Le  miroir,  avec  son  cadre  ajouré,  émaillé  de 
bleu,  et  des  compartiments  portant  les  écussons  et  armoiries  de  toutes  les  pro- 
vinces de  France,  jouait  cnti'c  deux  supports  formés  de  tiges  de  lis  enlacées  de 
lierres  et  de  roses,  au  pied  desquelles  folàlraient  six  figures  d'amours.  Les  deux 
coffrets  figuraient  des  espèces  d'édillcjs  à  toiture  et  à  pignon  évoquant  la  forme 
des  chasses  du  moyen  âge,  et  les  faces  étaient  divisées  en  compartiments  dans 
lesquels  vingt  grands  émaux  de  douze  ou  treize  centimètres  de  hauteur  se  trou- 
vaient ajustés,  reproduisant  l'image  des  femmes  les  plus  célèbres  de  la  mo- 
narchie française.  Tout  cela,  il  faut  bien  l'avouer,  était  fort  compliqué  et  offrait 
un  mélange  assez  bizarre,  vrai  type  de  l'orfèvrerie  sentimentale  qu'on  admirait 
alors  (1). 

Froment-Meurice  exposait  également  dans  son  ensemble,  avec  les  candélabres 
et  les  pièces  de  bout,  le  surloul  du  duc  de  Luynes  dont  le  milieu  seul  avait  paru 
en  1849.  —  puis  un  calice  en  or  donné  au  pape  par  la  reine  Amélie,  dont  les 
ligures  en  repoussé  étaient  d'une  ciselure  merveilleuse,  —  puis  une  épée  offerte 
au  général  Cavaignac,  dont  le  modèle  avait  été  demandé  au  sculpteur  Cavelier.  La 
Liberté,  l'Égalité  et  la  Fraternité  en  formaient  la  poignée.  Ces  trois  figures 
adossées  soutenaient  un  glol)e  paré  de  lauriers  et  de  chêne,  sur  lequel  se  lisait  le 
mot  «  FRANCE  ».  La  garde  était  formée  par  une  figure  représentant  la  Patrie 
sous  les  traits  de  saint  Michel  qui,  le  bouclier  levé,  terrassait  l'Anarchie.  Ce 
n'était  pas  tout.  En  1851,  figuraient  également  deux  groupes  en  ivoire,  argent  et 
or.  C'est  vraisemblablement  le  duc  de  Luynes  qui  avait  suggéré  à  Froment- 
Meurice  ce  retour  à  la  statuaire  chryséléphantine,  à  l'époque  oîi  il  confiait  à 
Duponchel  la  reconstitution  de  la  statue  de  la  Minerve  du  Parthénon.  Le  premier 

(1)  Une  eau-f<jrtc  reproduisant  cette  toilette  a  été  donnée  dans  une  publication  italienne  portant  le 
titre  suivant  :  Toeletta  in  argento  cd  oio,  abbeliita  di  piètre  preciose,  possedula  da  ^.  A.  li.  Luisa  Maria  di 
burbonn,  ducltesa  di  Parma  ecc.  {A.  Rosseno  die  éd.  iuc,  l'arma.  18a3). 


Epôc  du  j;ôiR'ral  Ca\aiguac. 
(Or/'èvrerie  de  Fromant-Mciirice.) 


M 


I 


277 


LA  BACCHANTE.  »  Orfèvrerie  chryséléphantiue.nle  FronieuL-Mouri<.'L', 
{Modèle  de  Pradier.) 


2T.> 


«  LA  TOILKTTE  DE  ^■K^'US.  .-  Urlèvrcric  cliryscK'i)liuntiiic  de  D.  Fromeiit-Mourice. 

(Modèle  de  Feuchères.) 


—  2HI   — 

(''lail  une  r>;i>'i'|i,iiiti'  rii  iMuir  tlr;i|i(''c  d  ur,  i''i-;ii'laiil  il  iiiii'  iii.iiii  If  faiiiH-  i|ni  iiii|ilo- 
r;iit  siiii  n-^aril,  il  l'aiilri',  ■■  la  Tmlclli'  ili-  \i''iiiis  »  ili-  .Iran  l'i-iicInTr--,  iriiiic 
Im'IIc  allni'i'  iliTiiral  i\  r  ;  iiiif  <lia|p(i  ir ,  irli  iiih'  par  nnr  lniilr  allai'InT  *-nr  l<'S 
rein--  lie  la  diT^vc,  |u'i  iiirl ,  par  un  a  il  i  lin  •  in;-'i'ii  irii  \  ,  ilr  i|i--^inmlrr  la  jniirl  ion  îles 
(|rii\  nioiiraiix  d  iMiii'r.  La  riii|nillr,  |ilanrlii'r  niiiii\anl  -<niis  \t'<  liranv  piciK  de 
ci'lli'  i|iii ,  l'.l  ri  inlli'  ijcihi'al  inr  dr^  ldri">,  --(irl  de  riTiiiiH'  di'  la  iiht,  doiini'  de 
rain{ili'iii'  a  la  ha^r  du  ,tjriiU|M-  ipii  se  t-()iii|)l('li'  par  iiii  Irilmi  lui  nllraiil  uni'  luaiirlii- 
de  corail.  Ci"-  di'u\  t:i"ou|t('v,  ipii  apparl  irniifiil  aiijoiird  liiii  au  roiiilr  de  j'illrl- 
Will,    li^uraiciil  au   Musi'm'  rcnlriiiial,  rr  i|ui  iioiis  a  prriiii^  de  Irv  ri-prodiiiri'  ni. 

(ad  ni^riiilili'  a\ail  allin-  loiiv  Ic^  >ullra,i:i'<,  id   l'orlrvia-rir  rraiirai<('  lrioiii|diail 
à  la  prciuiiMT  l'.\posil  ion  uiii\rr^(dlr  dans  la  pcr^oiiiir  de  IVonirul-.Mruriro. 

Ihipoiirliid  11  a\ail  rii'ii  rii\o\i\  mais  son  ancien  associi-,  Mond.  ipioiipiil  i(\\ 
li\i'  Mil!  iiidu^liac  eu  .\ii,i:l(dcri'c,  n Cn  clail  pas  moins  de  clie/  nous,  e(  c"es|  le 
^oùl  do  nidre  l»;i>"^  ipi'il  l'aidai!  admirer  dans  des  (eiivres  de  lonle  heiiid*'.  "  Ma 
produit  des  ouvrai^cs,  disail  le  Kapporleiir,  qui  doniienl  une  idée  (1(î  IouI  ce 
qu'un  liomme.  aussi  capaMe,  |)eut  accomplir,  lue  slalue  équesiro  de  la  roino 
j'ilisalielli,  en  ariicid  r(q)ouss(''.  (d  don!  la  (èlc  seule  ('dail  fondue,  avail  dû  piw'senler 
d"immeuscs  diriiculir-s  de  Iravail;  mais  le  j)(dil.  nonibro  d"ol»j(ds  d'orfèvrerie 
reunis  aulom-  de  ccdie  pièce  principale  rcniporlaieiil  l)eaueoup  sur  elle  par  la 
perfection  et  la  beauté  de  rexcciition.  Nous  citerons  particulièrement  un  vase 
d"arj2:ent  doré,  ornc'  d'un  bas-relief  d'argent  à  sujet  de  chasse  dans  un  brancliage 
de  chèiie  cl  exécuté  dans  le  style  d'Albert  Durer,  et  un  sucrier  d'argent  doré  à 
couvercdc,  d'une  forme  irréprocdiable,  ciselé  d'ornenieids  en  relief  très  amorti  (I  i.  » 
('e  fut  aussi  à  moitié  sous  le  pavillon  anglais  qu'un  autre  de  nos  compatriotes, 
Antoine  Veclite,  conquit  une  des  plus  hautes  récompenses,  une  médaille  de  pre- 
mière classe  accordée  à  l'ensemble  de  ses  travaux.  Depuis  qu'il  s'était  fixé  à 
Londres  où  il  avait  reçu  le  plus  chaleureux  accueil,  le  célèbre  ciseleur  avait  vu 
venir  à  lui  une  opulente  clientèle  et  ne  pouvait  suffire  aux  commandes  avec  la 
production  forcément  très  lente  qui  lui  était  imposée  par  son  genre  de  travail.  Il 
s'était  disposé  un  agréable  intérieur  dans  une  petite  maison  de  King  Edwards 
Street,  Eslington,  un  des  endroits  les  plus  retirés  de  la  ville  dont  il  ne  sortait 
guère,  uni((uement  absorbé  par  son  art.  C'est  au  point  qu'il  ne  se  donna  jamais 
la  peine  d'apprendre  l'anglais,  ce  qui  étonnait  parfois  ses  aristocratiques  visiteurs, 
connue  la  duchesse  de  Sonimerset  qui  venait  souvent  dans  son  atelier.  Une  de 
ses  filles,  nommée  Emilie,  lui  servait  d'interprète.  Une  autre,  Héloïse,  était  devenue 
son  élève;  elle  se  maria  en  185.S,  avec  Vernaz,  et  tous  deux  collal)orèrent  avec  le 
père  aux  pièces  d'orfèvrerie.  Le  premier  ouvrage  important  exécuté  par  Vechte 
pour  MM.  Ilunt  et  Roskell  fut  un  bouclier  consacré  à  trois  hommes  illustres  de 

(i)  Duc  de  Luyues,  Rapport,  page  [-I'-'k 


282  

l'Angleterre,  Newton,  Milton  et  Shakespeare.  Il  n'était  pas  achevé  en  1851,  mais  il 
figura  néanmoins  à  l'Exposition.  On  y  vit  aussi  le  fameux  Vase  qu'on  avait  admiré 
au  Salon  de  1847,  Combat  des  dieux  contre  les  géants,  un  petit  vase  fait  pour  lord 
Elsener,  r Amour  et  Psijché,  et  quelques  autres  œuvres  qui  achevèrent  de  porter 
au  plus  haut  point  la  réputation  de  l'artiste. 

A  quel  point  en  était  l'orfèvrerie  étrangère  au  moment  de  l'Exposition  univer- 
selle de  Londres,  en  1851?  Bien  que  cette  industrie  fût  loin  d'égaler  celle  de 
France  chez  les  autres  nations,  on  put  constater  de  sérieux  efforts  dans  certains 
pays  oîi  l'art  avait  de  lointaines  traditions.  En  Allemagne,  après  une  éclipse 
presque  totale  pendant  un  siècle,  elle  semblait  renaître.  Tributaire  longtemps 
du  «  genre  baroipie  anglais  »,  elle  commençait  à  subir  l'influence  d'artistes  de 
goût,  tels  que  l'arcliitecte  Schinkel,  ou  de  bons  fabricants  comme  MM.  IIos- 
sauër,  et  Wagner  de  Berlin,  Mayerhofer  de  Vienne.  Wagner,  neveu  de  Charles 
Wagner,  l'orfèvre  parisien,  obtint  du  jury  une  grande  médaille  pour  un  surtout 
de  table  (|ui  «  était  le  morceau  d'orfèvrerie  le  plus  ('minent  envoyé  à  l'Exposition 
de  Londres  par  l'Allemagne  »  (l).  Il  représentait,  en  ti-ois  étages  superposés,  les 
différents  âges  de  la  civilisation,  l'homme  primitif,  avec  les  accessoires  de  la 
chasse  et  de  la  pèclie;  la  vie  pastorale  et  les  scènes  de  la  culture  des  champs;  le 
règne  de  l'industrie,  des  scicMices  et  des  arts  avec  un  génie  de  la  civilisation,  vain- 
(pieur  du  Mal,  caractérisé  par  une  hydre  expirante,  complétait  le  symbole. 

L'Italie,  avec  ses  éternelles  copies  des  chefs-d'oîuvre  anciens,  exécutés  par  les 
Sartori,  les  Ciavoni,  les  Asciéri,  les  Castellani,  ou  avec  les  quelques  ouvrages 
d'artualilé  fournis  à  la  Cour  par  Galli,  n'avait  pas  cru  devoir  aborder  le  concours, 
et  cette  abstention  rappelait  «  péniblement  l'atténuation  de  la  fortune  publique  et 
la  langueur  des  nobles  industries  dans  le  pays  qui  fut  leur  berceau  »  (2).  La 
Russie,  au  contraire,  présentait  les  spécimens  les  plus  originaux  de  son  orfèvrerie 
vraiment  nationale,  décorée  de  nielles,  parée  d'émaux  rutilants,  d'un  caractère 
très  spécial.  Un  orfèvre  de  Saint-Pétersbourg,  M.  Sazikoff,  reçut  du  jury  une 
médaille  de  l"  classe  pour  une  collection  de  coupes,  de  vases,  de  figurines  très 
intéressante,  et  surtout  pour  une  pièce  des  plus  importantes,  un  milieu  de  table 
représentant  le  grand-duc  de  Moscou,  Dimitri  Donskoï,  grièvement  blessé  à  la 
bataille  de  Koulikofl'qui  affranchit  la  Russie  du  joug  des  Tartares.  Pour  l'E.-pagne, 
un  seul  oi'fèvre,  M.  Morella,  qui  avait  exposé  une  œuvre  unique,  un  grand  osten- 
soir de  2  mètres  de  hauteur,  a  digne  sous  beaucoup  de  rapports  de  l'attention 
du  public  »  (3).  Pour  la  Belgique,  la  Hollande,  la  Suisse,  l'Exposition  était  plus 
maigre  encore. 

L'Angleterre,  par  contre,  montrait  non  sans  orgueil  les  richesses  d'une  orfè- 


(1)  Duc  de  Luynes,  Ylapporl^  pî^S^  83. 

(2)  Duc  de  Liiyiies,  Rnpporl,  pnge  ."j'ir. 
(3j  Duc  de  Liiyiies,  Uappoii,  pnge  88. 


—  'Jh:i  — 

MCl-lc   (pii  chiit    fl'iiIllMlil    |iltls  ;i|((»ii(l;ililf  i|iir  tic    lolll    lriii|)s  ccllr   iii-lil^llic  flll  ;ili- 
mnilff  |i;ir  l;i   plii-^  tii^liiciiNr  des  arislot  r;il  ics.   Oïlrs,   il  \  uSiiil,  i)irii  du  iii;iii\  ;ii.s 
goùl   tiaiis  relie  ai-eiilerie  iiia>>>^ive,  dolil   roiiiemeiilali<»ll  jtaraissail   soiiseiil  iiiiii- 
tclli^'ilile,    dans    les  pièces   d'art    oii    les    accessoires,  li|^ures,  aiiiiiiaiix,   M-^'i-laiix, 
etaieiil  dist  liluies  salis    |)()iideralinii   cl    salis  ;^ràc(\   .Mais  <iii   •'■iail    lorci'  de    re(()ii- 
iiailrc   de    iKilaliles  aiiieliiiralhiiis  dans  le  ^(tùl    de   cerlaiiis  l'ai  licaiil  s.    ..    Le  ;.'eiirc 
»    dil  a/it//(iis,  ecri\ail   le  duc  de  laiMlcs  (1),   ii'es|   pas  lilainalili-  en  loiiles  clioses. 
»    Si  son  (iriieiiieiilalioii  es|    mal  concile,  conriise  et  peu   lai-onnee,  la   l'oiiiie  île  la 
»    vaisselle    di'    laide,    coiniiiode   |)oiir   l'iisa^c,  est   hieii    a|i|)io|(rii'-e    aii\    dilli'-renls 
«    liesoins  du  ser\ice.  l'ai  l''i-aiice,  où  le  ;^eiii-e  aiij^ilais  dans  l'oiTcs  rerie  a  |in''\alii  si 
»   lo:ii;leiii|>s,   on   en   a   accep((''   pins  volontiers   les   ridicules  cpie   l(  s   axanlagcs, 
»    Il    serait    a   souhaiter  ipie,  justes   appr(''cialeiirs   du    mérite   d'iiulrui,   les  deux 
)'    peuples  sans   se  dissiinnler  leurs  (|ualilés,    ni   leurs  di-faiils.   s'edorçassent    de 
»    tcuijonrs  l'aire    mieux    et    de    ne    point  se   laisser   dépasser.   .\   rj"!xp()sitioii    d(.' 
»   Liuulres,  il  ("tait  facile  de  reconnaître  los  emprunts  avoués  ou  (lissimnlc's  faits 
"   par  l'orfeM-erie  anglaise  aux  artistes  fi-aiicais;  mais  les  critiques  des  AiifJilais 
»   sur  la  li'^èreté  excessive  de  nos  pièces,  sur  leur  lahrication  négli^^'C  et  leurs 
»  mauvaises  uioutures,  sur  leur  oxydation  d'un  aspect  désa^i'éable  et  déguisant 
»  quelquefois  des  défauts,  toutes  ces  observations  étaient  fondées,  et  ceux  qui 
»   les  ont  écoutées  pour  eu  j)rotiter  oui  fait  i)i'euve  de  safiesse  et  d'intelligence.  » 
Au  premier   rang   des   orfèvi-es   anglais,  figuraient  MM.    Ilunt  et  Uoskell,  R.   et 
S.  (larrai'd,  llancocU,  Klkingtou  et  Mason.  L'exposition  de  MM.  Ilunt  et  lioskell 
comprenait  une  foule  d'objets  dont  quelques-uns  étaient  de  véritables  nioimments 
avec  ligures  ronde-bosse,  bas-relief,  etc.,   des  testimoniaux,  des  coupes  colos- 
sales, un  service  d'argenterie  ollert  au  comte  d'Ellenborougli,  d'une  valeur  de 
150000  francs,  sans  parler  des  pièces  en  repoussé  exécutées  par  Vechte.  En  par- 
lant de  ces  orfèvres,  le  duc  de  Luynes  disait  :   «  Leurs  efï'orts  pour  sortir  d'une 
»  mauvaise  direction  se  reconnaissent  dans  la  disparité  de  leurs  reuvres,   dont 
»  l'origine  est  très  diverse.  »  Chez  MM.  Garrard,  mêmes  tentatives  pour  améliorer 
et  épurer  leur  style,  malgré  trop  de  sacrifices  encore  faits  au  préjugé  invétéré 
d'un  goût  très  équivoque.  M.  Hancock,  qui  montrait,  entre  autres  objets,  un  coffre 
d'ébène  d'après  des  dessins   d'un  peintre  français,   Eugène  Lami,  témoignait, 
d'après  le  rapporteur,  d'une  intelligence  plus  réelle  de  l'orfèvrerie  et  des  res- 
sources que  l'art  peut  apporter  à  cette  industrie.  Quant  à  MM.  Elkington,  qui, 
les  premiers,  introduisirent  en  Angleterre  vers   1840  l'application  de  l'électro- 
chimie  à  la  dorure  et  à  l'argenture,  et  dont  l'établissement  de  Birmingham  avait 
servi  de  type  pour  celui  de  Christotle  dans  notre  pays,  ils  avaient  envoyé  à  l'Expo- 
sition une  magnilique  série  d'œuvres  de  tous  genres,  reproduction  de  ce  que  les 

^1 1  Duc  de  Luynes,  l{ap]>ovl,  page  'JiJ. 


—  284  — 

arts  anciens  et  modernes  ont  inspiré  de  plus  beau,  coupes,  vases,  bassins,  tré- 
pieds, etc.  Parmi  les  objets  de  création  moderne,  on  voyait  un  grand  coffre  à 
bijoux  en  cuivre  émaillé  et  doré,  orné  des  portraits  sur  porcelaine  de  la  reine 
Victoria,  du  prince  Albert  et  de  leur  famille,  avec  des  figures  en  ronde-bosse 
adossées  au  coflre.  Ils  avaient  eu  riieureuse  fortune  de  s'attacher  un  artiste  fran- 
çais d'une  habileté  consommée,  Jeannest,  qui  exécuta  pour  eux  un  certain  nombre 
de  modèles  d'un  goût  très  sûr,  et  dont  l'exécution  très  soignée  n'en  laissait  pas 
moins  paraître  l'origine  française. 

L'Exposition  universelle  de  Londres  de  1851,  et  le  succès  même  qu'y  obtinrent 
les  industries  françaises,  eurent  une  conséquence  immédiate  des  plus  graves,  et 
qu'il  convient  de  rappeler.  «  En  premier  lieu,  on  acquit  généralement  cette  con- 
viction que  les  aris  étaient  désormais  la  plus  puissante  machine  de  l'industrie;  en 
second  lieu,  chaque  nation  prit  la  ferme  résolution  de  conquérir  à  tout  prix  ce 
mobile  de  nos  succès;  en  troisième  lieu,  elles  formèrent  ce  projet  avec  d'autant 
plus  de  confiance  qu'elles  se  dirent  que  les  arts,  comme  les  sciences,  sont  la 
propriété  commune  de  l'humanité,  et  qu'en  les  protégeant  aussi  bien  et  mieux 
que  la  France  on  pouvait  atteindre  aussi  loin  qu'elle,  et  plus  loin  (1).  »  Ces  lignes 
sont  extraites  de  l'ouvrage  admirable  écrit,  précisément  à  l'occasion  de  cette 
Exposition  de  1851,  par  le  comte  de  Laborde,  et  dans  lequel  cet  homme  éminent  a 
fait  ressortir  avec  une  éloquence  prophétique,  avec  une  hauteur  de  vues  et  une 
abondance  d'arguments  que  son  extraordinaire  érudition  lui  dictait,  les  enseigne- 
ments qu'on  pouvait  dégager  pour  notre  pays  de  la  manifestation  qui  venait 
d'avoir  lieu  en  Angleterre.  Il  annonça  avec  une  précision  implacable  la  lutte  qui 
alhiit  immédiatement  s'engager  dans  l'Europe  entière  contre  l'influence  prédo- 
minante du  goût  français,  et,  d'une  plume  infatigable,  dans  un  volume  touffu  qui 
ne  compte  pas  moins  de  1  039  pages,  il  indiqua  les  moyens  qu'il  fallait  employer 
pour  résister,  selon  lui,  à  ce  danger,  et  maintenir,  en  perfectionnant  notre  édu- 
cation arfisti(|ue,  le  prestige  de  nos  industries.  Il  disait  :  «  Notre  succès  de  1851 
serait  le  plus  traître  des  flatteurs,  s'il  nous  avait  fait  illusion  au  point  d'endormir 
notre  intelligence,  d'engourdir  nos  bras,  de  paralyser  notre  ardeur.  De  quelle 
résolution  la  France  a-t-elle  fait  suivre  cette  reconnaissance  générale  de  sa  su- 
périorité? S'est-elle  dit  dans  sa  suffisance  :  nous  serons  toujours  supérieurs  à  nos 
rivaux,  qu'est-il  besoin  d'autres  efforts?  ou  bien,  se  laissant  aller  au  découra- 
gement, s'est-elle  écriée  :  Nous  sommes  perdus,  car  les  étrangers,  connaissant 
désormais  le  secret  de  notre  force,  vont  nous  disputer  nos  succès  en  appelant 
à  eux  nos  ouvriers  les  plus  habiles,  en  imitant  nos  institutions  consacrées  par 
une  longue  expérience?...  J'ignore  ce  que  la  France  décidera.  Suffisance  aveugle 


(1)  Comte  (le  Laborde,  Rapport  sur  les  Beaux-Arts  à  l'Exposition  universelle  de  1851,  page  .383. 


—  285  - 

oti  (l('C()iir:i;j'ciii('ii(  ('iicrv.-ml  soriiiciif  ('^^•lli'ml•lll  riincvics  «l.iiis  I.i  iiusilion  mi  nous 

llnll-^   ll'DtlV  oils   I  I 

l.';i\  tM•li>^>-l•llll•lll  ,11  ii\  ;iil  ,1  I M  II  ni .  il  (Lui  liiiiiiiinix  ,  ('•(;i\  ('■  (|r  jirciis  es,  si;.'ii;il(''  ;i  vcc 
une  111,1  L' l-^l  i.ilf  ,iMi|)l(iir.  ( '.  cl.iil  uni'  dciin  nl-^l  i;il  k  m  (|(''risi\  <•,  alhiil-il  rlrr  (•(iiiiiiris 
[Ml-  II'  ihMiMMii  u'nii\  ciiiciiiciil  i|iii'  1,1  ri:iiii-('  \cii;iil  (|f  ^f  (loiiijcr?  .\;i|.o|(''(in  III 
\cii;mI  (IV'Iit  iKniiiiic  cm  |  icrriir  l.c  ^nii\  rriiiii  ('■(•(iiilcr;iil -il  Irs  convrilv  i|ii  coiulc 
lie  I,;iIhi|(|c'  v('s  iiiiiii^l  ics  v.mioiil -iU  en  <;iisir  |,i  imih'c,  m  cnlciilrr  |;i  iii-dlMii- 
(Iciir,  ^r  liiilcidlll-ils  de  iciillsrr  1rs  i-i'lninifs  donl  rii|-;.'r||(('  rs|  iiiili(|ll<-c  iiScc 
liiiil  (le  jnslcssc  |)rc\  ((\  .iiilc  cl  un  si  iiiiiiiil  icii\  souci  des  iiioiiidn-s  dcl;iiU,  (lUC, 
|ioui'  ;i|i|ili(iiici'  le  |ir()i:i;iiiiuic  (|iii  leur  esl  e\|ms('  ;i\ec  hiiil  d';i-|ti'o|io^,  il  Niiriii-;iil 
d'tui  ;icle  (il-  \oloul  (•'::'  Il  ('la  s  I  le  li\  re  du  coin  le  de  Lajtorile  jiassa  ina|iercii.  el  aucun 
(lèses  a\i-^  si  sat^cs  ne  lui  mis  en  |U'ali(|ue.  Le  ^ouverm'inenl  du  second  l]in|iir(' 
ne  m  lieu  on  à  |mmi  |)r(''s  rien,  durant  les  di\-liuil  ann(''es  (|u'ij  diiia.  de  ce  (jui 
a\;iil  (''(('' iMMdanu'  a\ec  lanl  de  |ial i-ioli(|iie  inslancc  par  le  Ni^'omcnx  ('crivain.  On 
ne  \il  pas  le  p(''ril  (piil  a\ail  devim-  de  Irop  loin.  Hn  s'eiidoi'inil  sui"  les  apparences 
Irompcuscs  d'une  pr()sp(''ril(''  indiislrielle  (pii  ne  sctidilail  (pic  ^i-aiidir.  (jC  n'est 
ipi'au  boni  de  vini;l-('in(|  ans.  sons  la  Iruisièinc  IU''pnbli(pic',  qu'on  devail  s'apci'- 
c('V(Mr  (pic  le  comlc  dr  Laboi'dc  aval!  (Hc  nn  vérilablc  prophcle,  cl  (jue  son 
l\app(»rl  (le  1851  élail  icmpli  de  Icc-ons  merveilleuses  dont  on  n'avait  pas  profité 
en  temps  utile! 

Ce  n'est  j^as  toutefois  que  \aj)ol(''()n  III  ne  se  soit  montre',  dmanl  le  cours  de 
son  l'ègne,  nn  souverain  applique''  à  remplir  son  rôle  de  protecteur  des  arts,  avec 
toute  la  bonne  volonté  (ju'il  y  pouvait  mettre.  Mais  son  tempérament  de  rêveur 
hollandais  le  laissait  sur  ces  choses  sans  idée  personnelle;  ne  s'étant  guère 
occupé  dans  sa  jeunesse  de  se  former  le  goût,  il  restait  indifférent  pour  son 
eouipte  aux  raffinements  du  luxe,  et  laissait  à  son  entourage,  à  ses  ministres,  au 
surintendant  Nieuwerkerke  l'initiative  à  cet  égard  (2).  Favoriser  le  commerce, 
donner  à  la  cour  l'exemple  d'une  certaine  pompe  qui  rappelât  l'éclat  de  l'ancienne 
monarchie,  encourager  cà  et  là  quelques  artistes,  visiter  les  expositions  et  avoir 
l'air  de  s'y  intéresser,  renvoyer  avec  bienveillance  à  l'examen  administratif  des 
ministères  compétents  toute  proposition  qui  aurait  pu  exercer  une  influence  sur 
la  direction  générale  des  arts,  c'était  le  seul  effort  qui  parut  à  l'empereur  répondre, 
et  bien  au  delà,  aux  obligations  de  sa  charge.  Il  ne  songea  donc  jamais  à  faire 
entrer  dans  la  pratique  les  idées  du  comte  de  Laborde.  Cette  passivité  ne  ressem- 
blait guère  à  la  prodigieuse  et  méthodique  volonté  de  Napoléon  I",  qui,  en  dix  ans, 
avait  su  implanter  en  France  un  style  nouveau,  par  des  commandes  incessantes, 
selon  des  programmes  que  lui-même  imposait!  Privées  de  l'orientation  qu'aurait 

(Ij  Coiule  de  Laborde,  Rapport  cité,  page  397. 

(2)  Voyez  à  ce  sujet  les  Souvenirs  d'un  directeur  des  Beaux-Arls,  par  le  marquis  de  Clienueviére  (por- 
trait du  comte  de  Nieuwerkerke. 


—  2<S0  — 

pu  donner  la  Cour,  les  industries  de  luxe  continuèrent  à  flotter  à  la  dérive, 
emportées  dans  le  mouvement  qui  leur  faisait  remonter  le  cours  des  âges  pour 
copier,  pasticher  ou  adapter  les  anciennes  formules  des  décors  de  tous  les  siècles. 
«  Copies,  les  restaurations  de  Pierrefonds  dont  le  talent  et  la  science  de  Viollet- 
le-I)uc  avaient  réussi  à  faire  une  œuvre  remarquable;  copies  les  appartements 
de  rimpératrice,  où  rarcliitecle  Lefuel  avait  retrouvé  les  élégances  du  style 
Louis  XVI;  copies  ou  inspirations,  comme  il  vous  plaira  de  les  appeler,  ces  retours 
aux  coutumes  royales,  poursuivies  dans  l'étiquette,  dans  les  livrées  de  la  Cour, 
dans  les  vêtements  des  femmes,  ou  l'uniforme  officiel!  Que  des  esprits  indépen- 
dants rompent  avec  ces  idées,  on  leur  eu  veut  de  toucher  à  l'harmonie  mouton- 
nière; il  suffit  au  beau  monde  de  se  continuer  sur  le  pied  du  départ  (1)...  » 

Un  moment,  le  goût  des  formes  antiques  semble  renaître,  et  les  décors  néo- 
grecs devinrent  à  la  mode;  une  fantaisie  du  prince  Napoléon,  cousin  de  l'Em- 
pereur, qui  se  fit  construire  et  meubler,  aux  Champs-Elysées,  une  maison  pom- 
péienne, par  les  architectes  Ilittorff,  Normand  et  Hossigneux,  suscita  cet  engoue- 
ment qui  se  traduisit  par  l'introduction  du  style  qu'on  appela  le  néo-grec,  et 
auquel  la  création  du  Musée  Campana  au  Louvre,  consacré  aux  objets  d'art 
étrusques,  vint  offrir  de  nombreux  modèles. 

Parmi  les  objets  mobiliers  que  le  prince  Napoléon  avait  fait  exécuter  pour  sa 
maison  pompéienne,  se  trouvait  un  surtout  antique  dont  il  avait  demandé  à  l'ar- 
chitecte Rossigneux  de  reconstituer  l'ensemble  avec  des  documents  qu'il  avait 
fait  mouler  au  Musée  de  Pompéi,  à  Naples.  Ce  surtout  affectait  la  forme  d'un 
plateau  incrusté  de  damasquines  d'or  et  d'argent  sur  lequel  était  placée  une 
colonne  formant  candélabre,  dont  le  chapiteau  se  terminait  par  quatre  enroule- 
ments auxquels  étaient  suspendues  des  lampes  antiques;  un  autel  rectangulaire, 
et  un  léopard  maîtrisé  par  un  petit  Bacchus,  ornaient  le  plateau. 

En  même  temps,  le  prince  avait  demandé  à  l'architecte  Normand  une  repro- 
duction du  Parthénon  qu'il  avait  placée  dans  l'Atrium  de  sa  maison.  Le  petit 
monument  avait  été  exécuté  en  marbre,  et  les  métopes  qu'il  avait  fait  réduire  et 
restaurer  par  le  sculpteur  Auguste  Barre,  étaient  d'argent  émaillé  en  blanc  et 
polychrome  de  tons  sourds  et  harmonieux.  Le  temple  était  consacré  aux  Muses, 
et,  au  lieu  de  la  Minerve  de  Phidias,  le  sculpteur  avait  placé  deux  grandes  figures, 
Melpomène  et  Thalie,  auxquelles  il  avait  donné  les  traits  de  M"°  Rachel  et  de 
M'""  Arnoult-Plessy.  Les  nus  étaient  en  ivoire  et  les  draperies  en  argent  doré.  Les 
autres  Muses,  de  plus  petites  proportions,  étaient  la  reproduction  de  statuettes  de 
Tanagra  dont  les  attributs  et  les  attitudes  avaient  permis  de  symboliser  les  autres 
Muses.  Comme  pour  les  deux  premières,  les  nus  étaient  en  ivoire,  et  les  draperies 
en  argent  doré.  Ce  sont  ces  statuettes  qui,  dans  les  dîners  que  le  prince  donnait 

(1)  Henri  Bouchot,  les  Elégances  du  second  Emjriirc.  1  vol.  in-18  (librairie  illustrée;,  Préface. 


ss: 


Siirinul  iioinpi'ion  du  priiico  Xai)olcun.  avec  li>s  Musi-; 
(Orfcrn-ric  de  Ch.  Chrislolle.) 


■>H'.> 


Melpomène  et  Thalie.  (Tpandcs  lî^iircs  du  siirtotit  jxtmpt'ii'n  du  Pi-iiicr  Xapoléou. 
Ilrfèvverie  de  C.li.  ('.hriatiijJc. 


—  i29l  — 

(liiiis  sa  maison  |Miiii|,(i,iiiic,  ti^iiraicnl  sur  la  lalilr  aiilniii-  du  -iirlmil  ctToiislitiH' 
|iar  lJ(l■^viu■ll('ll\ . 

I.r  |.iiiiii'  ,i\ail  ('•u'ali'iiiciil  (li'liiaihli'  a  I  )i(ltjrlf,  arl  is|  r  d/roi  al  riir  du  ;j(iul  le 
(iliis  (in,  ,1  .[ni  N.nail  d'i'lir  a|t|Mlc  a  la  hiiTt  lioll  lirlisi  ii|iic  dr  la  Maniiracl  iiic  ili- 
Sc\rfs,  ini  scivicf  de  dcsscil  (ini  lui 
l'xccnic,  foininr  le  siiiliiul,  par  I OrlcNrc 
( '.lirisloHi'.  Il  TiLiurail  a  I  Ia  |m  isil  ion  de 
iS.'l'i.  ('.flic  t'anlai^ic  d  nn  |aini'c  auda- 
cieux (|in  ainiail  la  soch'lc  des  arlisjes, 
el  eliereliail  a  créer  aidoiu'  de  lui  un 
inoiiN  cMieiil  (|ii'il  i-e|irocliail  a  s(»ii  cousin 
de  ne  pas  sa\oir  snsciler,  n'eiil  pas  de 
lenden)aiu.  Ce  ne  fui  ipi'un  ('clair,  nial- 
i:yr  les  rctdienlies  et  les  lra\au\  des 
aridii''o!()j4ues,   cl    des    arlisles    lels  (pic 

hldian.      hue,       l.al>roUSt(\      llupricll-llo-  Sun-irr  du  service  du    l'i-incc  .\;i|)..l.',,n, 

l.erl.  ele.;   les  iniilalions  pouipéieniies,  {Orrèvn-ri,- .h.  ch.  chnsinp,.. 

les  d(''coi'atious  iiéo-^rcc(jucs  (lurèi'cnt  peu,el,  vers  I8G0,  on  se  mil   i(''S()lumenl 

e(    dune  l'acoii  générale   aux  iiiiilatioiis  du  (lix-linitièine  siècle. 

l/impi'ralrice  Kniiéiiio,  qui  avait  uiu'  véi'ital)le  passion  pour  la  figure  histo- 
i-itpu'  de  .Mai'ie-Autoinelle,  et  se  complaisait  à  faire  revivre  les  modes  el  les  élé- 
j^ances  de  celle  reine,  ne  conirihna  pas  médiocremenl  à  la  vogue  des  pasli(dies 
du  slyle  Louis  XVI  (pii  commeuça  aloi's.  Elle,  non  i)lus,  u'avail  pas  de  grandes 
connaissances  sur  les  arls,  et  c'est  tout  juste  si  elle  avait  appris  de  Viollet-le-Duc 
à  discerner  le  roiuau  du  gothique.  Mais,  jolie  femme,  étrangère,  elle  avait  su 
s'emparer  dès  les  premiers  moments  de  son  règne,  avec  une  aisance  el  une  auto- 
rit(''  incontestables,  du  sceptre  de  la  mode;  dans  les  questions  de  toilelle,   elle 

était  vraiment  l'arbitre  de  l'Europe.  On 
"v^     -  ;^      la   suivit    donc   dans  ses    prédilections 

==----  pour  les  grâces  pompadouresques,  pour 

les   meubles  et  les   colifichets   du   dix- 
huitième    siècle   dont  elle    remplit  ses 
/^^^^,  appartements  des  Tuileries,   aussi  bien 

ym%,  (  que  les  résidences  de  Fontainebleau  et 

"^  -^  deCompiègne;  jusqu'à  la  fin  du  règne, 

Compotioi-  du   service  du  Prince  Napoléon.  ce  fut  Ce   gOÙt   qui   domiua   daUS   leS    di- 

A)rfèvrerie  de  Ch.  Christofle.)  ,  ,      ,  •  '.  '      x 

verses  classes  de  la  société  et  que  pro- 
pagèrent à  l'envi  les  ébénistes  ou  tapissiers,  alternant  avec  les  formes  de  plus 
en  plus  épurées  de  la  Renaissance  et  les  grâces  du  dix-huitième  siècle, 
et    arrivant,  après    bien    des  tâtonnements,  à    donner    une    interprétation    de 


r 


—  292  — 


moins  en  moins  grossière  des  finesses  exquises  qu'ils  essayaient  de  traduire. 

L'architecte  Lefuel  avait  refait  les  appartements  privés  des  Tuileries  dans  le 

style  Louis  XVI,  qui  avait  les  préférences  de  l'Impératrice.  Les  sculpteurs  Dous- 

samy  et  Leprêtre,  auxquels  il  avait  donné  asile  dans  les  bâtiments  du  Louvre 


SERRI/RE    DE    LA    PORTE 


La  serrure l'ie  des  Tuileries. 
(Dessins  de  Lefuel,  exécutés  par  Ch.  Chrislofle. 


alors  en  construction,  lui  prêtèrent  un  précieux  concours.  Les  bronzes  des  che- 
minées et  des  meubles,  la  serrurerie  intérieure  dont  il  avait  confié  l'exécution  à 
l'orfèvre  Ghristofle,  étaient  absolument  remarquables,  et  la  ciselure  ne  le  cédait 
en  rien  aux  ciselures  originales  de  Gouthière,  dont  les  spécimens  conservés  au 


iU'i 


i 


."V. 


'i!i 


—  '2!m  -- 

(1  ir.l 'MmIiIc  iiN.iit'iil  ('•It-  i-fjn'()ilnils  par  la  ^•al\all<^Itla^li('  pour  srrNir  de  I\|h'S 
cl  (rcii-M'iL'iiiMiii'iil   aii\  ai'lisicv  aii\i]iii'K  M.  Ij'I'iicI  iiiiiliail  ^cs  li-avaii\  '  I   . 

Oiiclli'  i|iii'  lui  i'i'|M  III  l.iiil  1,1  I  l'inii  <|ii.ilili'  iiiiilaliiiii  iiiii  l'ii  lui  j'ailr,  1rs  ruimais- 
sciirs  (Ml  sa\ai('iil  ifidiniail  ir  Ir^  ililliiciiccs,  cl ,  aii|()iiii|  Imi,  1rs  liiitii/.cs  l'ailNa 
Cfllf  ciimiiic  soiil  laiilfs  a  iccdiiiiail  If  cl  (l(''si;.-ii(''s  dans  la  r.iiiKtsih-  coiiiiiic  du 
u    l.oiiis    \  \  I    I  iiij  HT, il  net'  ». 

Au  milieu  (le  ci's  diNd-scs  (('iidaiiri'<,  r(irlV'vi'('i-i('  rcllMo  k'S  (•îi|)ricf'S  sncccisJsifs 
dr  la  siMii'lc  iiii|Miialc.  I^llc  s'|||>,|iiic  laiilot  de  la  I  Irnaissaiicc,  mais  aNce  plus  de 
iVoldcili'.  cl  iiioiiis  d'iiiiaL^ilial  iiHl  (pi'a  l'c'poipic  >\i'  Louis- j'|iili|ipc,  cl  lanlôl  du 
Louis  \l\  ,  ilii  Louis  \\  cl  du  Loius  \\  1.  Kan-s  soni  les  ;^iaiides  (eu\res  di'-coia- 
li\i's  comiiie  d  _\  eu  a\ail  eu  jadis!  (ia;4n<'<'  p;u-  rc>pril  du  siccdc,  (die  rcslc  de  plus 
en  plus  (diitiiiee  dans  les  I'oik  li(uis  d'ulillh',  dans  son  rôle  pi'alicpic  de  service  d(; 
lalile.  Sur  ce  lerraiii,  elle  piciid,  ,:^ràc('  aux  pi'oc(''d(''s  indiislriels,  lui  inmiensc 
di'\  eloppeiiit'iil .  La  \  aisS(dle  (I  ari;cul  crdc  le  jiasà  la  vaiss(dl<' ar;^ciil(''e,  non  jtas 
sculcnieiil  par  un  souei  d'ccououuc,  mais  par  le  senlimenl,  d(,'  la  (•(iinniodih'  dans 
les  milieux  les  |dus  l'astneux.  Si  clie/  la  princessc  Malhildc  on  pcrsisle  à  manger 
dans  de  la  \ aisselle  plaie  (:2),  en  l'evaiu'hc,  aux  Tuileries,  Lempereur  cL  rim[)éra- 
Irice,  même  pour  les  grandes  réceptions,  se  servaient  ^(''néi'alemeid  de  nudal 
ai'i;(Mili''. 

L'orfèvre  (-hrislofle  avail  été  eliar^é  d'exéeuter  pour  Napol(''on  III  im  surloul. 
(L'  laMe  UKuaunental,  et,  dans  celte  œuvre  extraordinaire,  il  s'était  attaché  à 
dt'iuouli'er  ([ui'  larl  le  plus  achevé  pouvait  se  combiner  avec  l'emploi  des  matières, 
d'extrême  bon  marché,  qm  faisaient  la  base  de  sa  fabrication  obtenue  par  ces 
nouveaux  procédés  éIectro-chimi(jues.  Ce  surtout,  qui,  les  jours  d'apparat,  était 
roi)jel  d'admiration  des  invités  des  Tuileries,  se  composait  de  quinze  pièces  prin- 
cipales. Celle  du  milieu  représentait  la  Fi-ance,  entourée  de  quatre  statues  allé- 
^oricjues,  emblèmes  du  pouvoir,  la  Ueligion  et  la  Justice,  la  Concorde  et  la  Force; 
debout,  les  deux  bras  étendus  et  dominant  le  groupe,  la  France  appuyée  sur  Furne 
du  suH'rage  universel  distribuait  des  couronnes  à  toutes  les  gloires,  à  celles  de  la 
Guerre  représentée  par  un  guerrier  dirigeant  l'ardeur  de  quatre  chevaux  attelés 
à  son  char,  et  à  celles  delà  Paix  symbolisée  par  une  femme  montée  sur  un  char 
traîné  par  ([uatre  bœufs.  Parmi  les  autres  pièces,  il  y  avait  quatre  grandes  coupes 
ornées  de  ligures  allégoricjues  qui  représentaient  le  Nord,  le  Midi,  l'Est  et  l'Ouest 
de  notre  pays;  quatre  candélalires  où  se  groupaient  des  figures  personnifiant  les 
Arts,  les  Sciences,  l'Agriculture  et  l'Industrie;  enfin  la  platerie  proprement  dite, 
les  casseroles,  réchauds,  saucières,  supports  d'assiettes,  compotiers,  cloches,  etc. 
Le  tout,  en  métal  argenté,  était  exécuté  entièrement  en  ciselure  repoussée,  abso- 


(1    Voir  la  nionograpliie  publiée  pnr  L.  Houyer,  inspecteur  des  travaux  des  Tuileries,  sur  les  décorations 
des  appartements  privés  de  l'Impératrice. 
(2)  Voir  Concourt,  Journal,  t.  Il,  passim. 


—  300  — 

lument  selon  les  formules  traditionnelles  de  la  belle  orfèvrerie  du  dix-huitième 
siècle.  Mais,  à  cette  époque,  les  ciseleurs  d'orfèvreries  repoussées  étaient  rares; 
il  fallut  mettre  au  point  les  ciseleurs  de  bronze  qui,  quelque  adroits  qu'ils  fussent, 
n'étaient  pas  suffisamment  entraînés;  mais  sous  l'habile  direction  de  M.  Schropp, 
qui  était  le  chef  des  ateliers  de  ciselure  de  MM.  Christofle,  une  pléiade  d'ouvriers 
fut  bientôt  reconstituée,  secondée  par  des  ciseleurs  émérites  tels  que  les  frères 
Fannières,  Richard  Désandré,  Honoré,  rompus  depuis  longtemps  aux  pratiques  du 
repoussé  dans  les  ateliers  des  orfèvres,  Froment-Meurice,  Odiot  et  Duponchel;  il 
trouva  parmi  les  ciseleurs  qu'employaient  les  bronziers,  Dalbergue,  Oouy,  Deur- 
bergne,  Michaut,  Meissner,  Poux,  etc.,  des  mains  capables,  qui  surent  rapide- 
ment se  mettre  au  courant  des  procédés  du  repoussé.  Les  1200  pièces  qui  com- 
posaient le  service  n'exigèrent  pas  moins  de  trois  années  de  travail  assidu.  Le 
surtout  et  toutes  les  pièces  de  grande  décoration  furent  exécutés  en  bronze 
fondu  et  ciselé.  Les  moulures  unies  avaient  été  tirées  au  liane  dans  du  métal 
laminé,  afm  d'éviter  les  pi(pu'es  qu'aurait  pu  donner  la  fonte  et  altérer  la  finesse 
des  profils.  Quelques  parties  des  ornements  bas-reliefs  avaient  été  obtenues  par 
la  galvanoi)lastie,  mais,  pour  donner  à  la  coquille  galvanoplastique  la  consistance 
n  M'essairc,  l'orfèvre  avait  eu  l'idée  ingénieuse  de  couler  dans  celle-ci  le  bronze 
même  (pi'il  enq^loyait  d'oi-dinaire,  et,  grâce  à  ce  moyen,  il  ('(ait  |)arvenu  à  re- 
j)i'0(luire  à  très  bas  prix  les  ciselures  fouillées  et  si  parfaites  ([u'il  était  impos- 
sible de  distinguer  les  morceaux  façonnés  ainsi,  de  ceux  qui  étaient  venus  de 
fonte  et  ciselés. 

La  sculpture  de  ce  surtout  monumental  était  due  à  Fr<iiii;ois  Gilbert  qui, 
depuis  de  longues  années,  travaillait  aux  modèles  que  Christofle  créait  pour  sa 
nouvelle  orfèvrerie.  Gilbert  était  surtout  un  très  habile  ornemaniste.  Ce  fut  lui  qui 
composa  et  modela  les  moindres  détails  de  rornementation,  et  exécuta  les  figures 
avec  la  collaboration  de  plusieurs  artistes  statuaires  d'un  talent  reconnu,  Briant 
frères,  Daumas,  Demay,  Dieboldt,  Caudron,  Montagny,  Rouillard,  etc..  Peut-être, 
à  l'heure  actuelle,  estimerait-on  ({ue  les  figures,  d'une  facture  un  peu  sévère, 
marquaient  trop  le  symbolique  solennel  et  lourd  qui  était  dans  le  goi^itde  l'époque. 
Mais  l'exécution  en  était  si  précieuse,  la  ciselure  si  délicate,  qu'on  était  étonné, 
en  les  voyant,  de  l'admirable  virtuosité  de  tous  ces  artisans  du  métal.  Toute  la 
partie  ornementale,  inspirée  de  la  plante  avec  un  complet  souci  de  l'exactitude 
et  de  la  vérité,  et  traduite  avec  un  sentiment,  à  la  fois  très  vif  et  très  châtié, 
des  réalités  de  la  nature,  témoignait  des  mêmes  qualités  d'originalité  et  de  sin- 
cérité d'observation  et  devançait  le  mouvement  qui,  par  un  retour  à  l'étude  de  la 
nature  végétale,  allait  provoquer  quarante  ans  plus  tard  les  recherches  décora- 
tives de  la  génération  qui,  aux  approches  de  1900,  s'efforça  avec  tant  d'ardeur 
de  secouer  le  joug  des  anciens  pastiches.  Cette  œuvre  considérable  a  péri  dans 
l'incendie  du  Palais  des  Tuileries,  en  1871.  Lorsque,  après  les  désastres  de  la 


:tiil 


(".lijclie  ronde,  casseroles  d'enti'ée  et  d'entremets  avec  l'échatid.  t'Ioche  osale. 
Modèles  tle  F.  (iilbei't.  Orlèvi-crie  de  Cli.  (".hrislotle. 

(Musée  des  Arts  ilécnratifs. 


—  MÏA  — 

f^iicrrc,  (Ml  Iniiill,!  l(•-^  iiiiiii'->  (les  Tiiilciir--,  M.  I.cIih'I  |iiiI  riMinii-  pn-^  de  ."Jr^OO  Ki- 
lo^'iMiiiiiir^  (If  (Ichiis  nu'il  lit  \(.ii-  ;i  M  M  .  ( '.liri^l  (  illc ,  cl  leur  (Iciiiaiida  ^il  ••lail  |)()s- 
sililc  d'en  lii-cr  |iaili  aiil  iciiiciil  (|iic  par  la  Idiilc  polir  en  rd  rodvcr  \'<>v  cl  I  ai';.'('iil 
par  ralliiia-c  ou  en  lc->  \ciiilaiil  a  (lc-^  l)|■()(•alllcllr-^.  MM.  (  IIiii^-IdIIc  cii  ollrirciil 
1(1  t'ralll•■^  le  kiloL'raiiiiiic.  C.'clail  une  ^(.iiiiiic  de  .■KHIOI)  fraiK ■^  a  di''l)()iir--cr,  mais 
iU  n'Iic-ilcrciil  pa>  a  ai-(pii'-iir  ces  dejtris,  mal^rt'  les  d(''r(iriiial  i(»ii->  (|iic  le  l'eu 
leur  a\ail  l'ail  sujur,  csperaiil  (piil  leur  siTail  po^sdiie  de  i-ec(iii^l  il  uer  un  jour 
(pudipics  unes  de^  pieei's   |e>  plus  iiiip(  irla  ni  es.  cl   de   s;iii\('r  de  IdllMi    une   (eii\rc 


(îrande  cloche  ovale  en  ciselure  rcpoussiie. 

Nîoilclc  (!c    F.    C.ilhei-l.   (  )i-levi-ci-ie   de    Cii.    Clicistolle. 

(Miisce  des  Arls  (lécondifs.) 


i\\\\  avait  ('k'  la  i;Ioii'e  de  leur  père.  Quant  à  l'orfèvrerie  proprement  dite,  il  n'en 
restait  rien.  La  légèreté  de  ces  pièces,  exécutées  au  marteau  et  ciselées  au  re- 
poussé, ne  les  avait  pas  préservées  des  ardeurs  du  feu  et  de  l'cfFondrcment  du 
Palais  (les  Tuileries. 

Heureusement  les  modèles  en  avaient  été  en  partie  conservés,  ce  qui  a  permis 
à  MM.  (Ihristolle  de  reconstituer  quelques-unes  des  pièces  d'orlevrerie  qu'on  a 
pu  joindre  au  surtout  du  milieu,  aux  groupes  des  corbeilles  latérales  et  aux 
candélabres  ([ui,  restaurés  avec  habileté,  ont  figuré  à  l'Exposition  centennale  et 
dont  la  libéralité  de  ses  enfants  a  permis  d'assurer  la  possession  définitive  de 
l'œuvre  maîtresse  de  Charles  Christolle  au  Musée  des  Arts  décoratifs. 

Napoléon  III  s'était  intéressé  d'une  façon  toute  particulière  à  l'exécution  de  ce 
service.  Il  en  avait  vu  les  esi[uisses  dans  l'atelier  de  l'artiste.  Atelier  n'est  pas 
absolument  exact,  car,   où  trouver  un  emplacement  de  50  mètres  de  longueur 


—  304  — 

dans  une  salle  spacieuse  permettant  de  présenter  l'ensemble  de  la  composition. 
Gilbert,  qui  demeurait  dans  la  rue  de  Bellefond,  voisine  de  l'hôpital  Lariboisière 
alors  en  construction,  avait  obtenu  d'utiliser  une  des  salles  de  l'hospice  pour  y 
exposer  son  œuvre,  et  c'est  dans  ce  cadre  iniprévn  que  l'Empereur  put  se  rendre 
compte  de  l'effet  de  cet  important  ouvra^^e. 

11  en  avait  également  suivi  l'exécution  chez  l'orfèvre,  et  se  faisait  présenter, 
soit  aux  Tuileries,  soit  à  Saint-Cloud,  les  pièces  principales  au  fur  et  à  mesure 
de  leur  achèvement.  Ce  qui  lui  plaisait  par-dessus  tout,  c'était  le  contraste  entre 
la  perfection  de  lu  main-d'œuvre  et  le  bas  prix  du  nnUal  employé.  11  y  avait  là 
une  nouveauté  qui  était  en  contradiction  avec  toutes  les  habitudes  séculaires,  et 
avec  les  règles  des  esthétiques  du  passé.  Montrer  que  l'art  doit  à  la  forme  qui 
Texprime  son  prestige  bien  i)lus  quii  la  richesse  des  matières  par  lesquelles  il 
se  manifeste,  et  que  la  beauté  peut  resph^ndir  sous  le  vêtement  le  plus  humble, 
tel  était  le  sens  de  la  démonstration  dont  lEnqxM'eur  prenail  la  responsabilité. 
Celui-ci  comprenait  fort  bien  la  portée  de  l'exemple  (|u'il  (ionnait.  en  admet- 
tant, au  milieu  du  luxe  de  ses  palais,  une  orfèvrerie  en  métal  argenté  ;  il  lui 
souriait  de  penser  (|u'il  contribuait  ainsi  à  déuiocraliscr  le  luxe  d'une  certaine 
manière  et  à  introduire  jusque  dans  les  classes  les  moins  aisées  l'usage  d'une 
argenterie  peu  coûteuse.  prati(|ue.  et  qui  permettrait  la  vulgarisation  de  modèles 
bien  étudiés,  dont  seules,  jns([ii"alors,  [aristocratie  ou  la  riclic  bourgeoisie  avaient 


.lai'cliiiiére  de  rimpL-ralrice  Eiif^c-uie,  anses  cygnes. 
(Orfècrerie  de  Ch.  Chrislofle.) 


pu  se  réserver  le  privilège.  L'Impératrice  elle-même  avait  désiré  un  service' 
personnel,  et  demandé  à  Christofle  un  surtout  et  des  pièces  de  dessert  exécu- 
tés dans  le  style  qu'elle  affectionnait. 

La  corbeille  centrale  était  de  style  Louis  XVI,  et  la  frise  h  enroulements  qui 
décorait  la  panse  n'aurait  pas  été  désavouée  par  Gouthière.  Deux  cygnes  ser- 
vaient d'anses  et  l'écusson  central  était  accompagné  de  petits  génies  soutenant 
la  couronne  impériale. 

Rossigneux  avait  donné  le  modèle  de  la  coupe  à  fruits  dont  la  vasque  était 


en  iiii'hil  ilcfiii'.'  irciii:iii\  iiiriMl-^U'S.  (/('I.iil  iiiir  liiil.ili\<'  un  |hii  I  iiiiidr  .•n.(.ic 
il,-  ra|i|i|i.;ilinii  A,-   rniiiiil  ;iii  >.'r\ifc  dr   l;il.li'.   \.i-^  i-iiiii|inl  hts,  rlaj^erL'S   ri    |.iri|s 

d'as-^U'l  If    ^(l|i|mil;iiciil    ('•i^alriiiciil    ilrs    ((iiiiicv    ,■ dal   diToi'i'    il'i'inMil .     hii   jm-II 

de  lfiii|i><,  htiis  Ifs  (•oiirlisaiis,  Ic^  iiiiiiisi  ro.  lis  aiii;dclli-s  iiH'iiir  1rs  jdlis  |-d  liiics 
xoidiirciit ,  a  I  iiislar  di'  la  rmir,  a\iiii'  ijcs  scrsiccs  cri  orlrN  rrric  ar^fiili'c.  (.Iiii--- 
|,ill,.  lui  (Icjiiiid'  pal'  ii's  coiiiiiiaiidcs.  j'diir  li'  i\{n-  de  \|niii\.  \\  en  lil  un  Innl 
la    nitM'c  de    nnln'ii    ii'|)ii'scnlail    dt'sai;jlrs    son-,    la   inolrcl  imii    drsipKds    jonairnl 


(".mii>i'  à  IViiits  du  service  ilc  11  mpéralrico.  nuulèle  de  Kussiyneiix. 
(Orfèvrerie  de  Cli.  Chrislojle.) 


des  ij;i'oii|)L's  (reniants  (|ni  liiiiiraienl  les  Iravaux  des  Arls,  du  Coinnieree  cl  de 
l'Industrie  répaudanl  rAboudauL-e.  Pour  les  Ministères  des  Finanees.  de  TAgri- 
eulture  et  des  Travaux  i)ul)lies.  pour  le  Ministère  d'Etat,  il  en  exéeula  d'autres 
qui  furent  non  moins  appréeiés.  L'n  service  destiné  aux  paquebots  des  iMes- 
sageries  iinpi'riah  s  eut  le  plus  grand  sucrés,  et  bientôt,  tous  les  bateaux  de 
la  Compagnie,  (pii  allait  faire  ilotter  le  pavillon  français  sur  tous  les  océans 
du  giol>e,  furent  pourvus  de  services  d'argt'nterie  qui  n'ont  |)as  peu  contribué  au 
confort  qu'on  trouvait  à  bord  de  ee.^  l).ileau\,  et  h  leur  succès.  L'orfèvrerie. 
ainsi    engagée  pleinemenl    dans  la    voie    de    l'industrie,    voyait   s'ouvrir    devant 

i-2 


-     306  — 

elle  riiorizctii  sans  limiles  d'une  immense  production,  et  allait  désormais,  par 
voie  de  conséquence,  multiplier  ses  manifestations  sous  les  formes  les  plus 
variées  et  les  plus  imprévues. 

L'Exposition  universelle  de  1855  atteste  l'intensité  naissante  de  ce  mou- 
vement. Ouvei'fe  au  centre  de  l'avenue  des  Champs-Elysées,  dans  le  palais  cons- 
truit à  cet  elTet  et  qui  n'a  disparu  que  pour  faire  place  aux  nouveaux  édifices 
élevés  en  1900,  elle  prouva  que  la  France,  au  milieu  de  la  prospérilé  des  pre- 
tnières  années  de  l'Empire,  avait  commencé  à  profiter  des  leçons  que  nous  avaient 
données  les  Anglais  à  Londres  en  18-)l.  Tandis  que  ceux-ci  avaient  appris  de 
nous,  à  mieux  comprendre  les  arts  décoratifs,  à  mieux  voir,  à  jouir  des  choses 
(|ui  charment  l'œil  et  embellissent  la  vie,  ils  nous  avaient  enseigné,  par  récipro- 
cité, à  produire  mieux  et  à  meilleur  com|)te  tout  ce  qui  en  constitue  le  côté 
j)ratique.  Nous  les  avions  conduits  dans  la  voie  du  beau;  ils  nous  avaient  menés 
vers  rutile,  et  les  autres  nations,  attentives,  suivaient  les  efforts  des  deux  grands 
pays,  en  profitant  à  des  degrés  divers  des  exemples  qui  leur  étaient  offerts. 
Le  nombre  des  orfèvres  qui  prirent  part  à  l'Exposition  de  18o5  fut  plus  élevé 
qu'il  ne  l'avait  jamais  été.  Le  jury,  présidé  par  le  marquis  d'ilertford,  type 
accompli  dn  collectionneur  de  goût  et  de  science,  avait  pour  vice-[)résident  le 
comte  de  Laborde,  et  pour  rapporteur  des  sections  d'orfèvrerie  et  de  bijouterie 
''car  les  d^ux  étaient  réunies),  l'orfèvre-bijoutier  Ledagre,  et  Fo'^sin,  l'ancien 
joaillier  de  la  couronne.  Comme  récompenses,  des  médailles  (riioiuieur  furent 
attribuées  aux  fabricants  français  suivants  :  à  Allard,  pour  les  perfeclionnements 
apportés  par  lui  à  la  falu'ication  des  couverts;  à  Duponchel,  qui  n'avait  pas  encore 
(erminé  l'or.èvrerie  de  la  fameuse  slatue  de  Minerve,  commandée  par  le  duc 
de  Luynes;  au  sculpteur  Simart;  à  Froment-.Vleurice  qui  mourut  subitement  cette 
année  même,  en  plein  succès  de  celte  Exposition  de  1855,  et  dont  les  œuvres,  no- 
tamment son  surtout  pour  le  prince  Demidoff,  Bacchante  et  satyre,  furent  grande- 
ment admirée^;  a  Gueyton  qui,  à  dilférents  travaux  obtenus  par  la  galvanoplastie, 
joignait  des  pièces  d'orfèvrerie  remarquables  par  le  modelé,  le  repoussé  et  la 
ciselure;  à  Gh.  Cliristolle,  qui,  outre  le  grand  service  de  l'Empereur  dont  nous 
avons  parlé,  présentait  quantité  d'autres  pièces  intéressantes  :  services  à  thé, 
c't  dessert,  surtouts  de  table  en  métal  argenté,  ainsi  que  des  applications  curieuses 
de  la  galvano|)'astie  à  la  décoration  du  mol)ilier,  des  vases  de  Sèvres,  etc.  Des 
médailles  de  |)re  nière  clause  lurent  accordé'es  à  Aucoc  et  à  Audot  pour  leurs  char- 
«nants  néce«^saires;  à  Jarry  aine,  bijoutier  autant  qu'orfèvre,  dans  ses  aimables  créa- 
tions de  fantaisie;  à  Henry  llaycl,  ai'tiste  très  habile  qui  excellait  dans  la  compo- 
sition et  le  modelé  des  oriiemenl-^  et  de  sujets  Louis  XV  et  Louis  XVI;  à  Lebrun, 
le  doyen  des  orfèvres  parisiens,  sans  rival  pour  la  perfection  du  travail,  et  à  qui 
les  frères  I^annière,  les  neveux  d  Faucoimier,  avaient  prêté  le  concours  de  leur 
«inagique  ciselet:  à  Ch.  Uossigneux,  l'architecte  du  prince  Napoléon,  dessinateur 


—  ;jo7  — 

llttl--^  lij^llt',  tl  •riiiMlciir  illl-^->i  sii\;iiil  (|H  lll-i'lliflIX  i|lli  riiiiiiiis->;iil  des  iiiodilr-.  ;ill\ 
iii(lu-^lri<'s   l("^  l'Iii--  (li\ri's('s,  cl   i|iii,  iclli'  iiiiiiiT  1,1,  ;i\;iil  m   !<■  ciiiuicr  «1  cxiio-cr 

pour  S((ll  cniiiiilc  une  colIlM'  (r;ir^riil  d'illi  ^'itùl  Itill'l'llil  ;  .1  lîllilMl|)lii.  Ir  ^liccrssclir 
(le  Wagner,  |Miiir  de  ;:i;iiid--  li:i\;iii\  d  i  M  les  mie  ;ii-l  isl  n|iif,  rM'cnh'-^  en  collalid- 
ratioii  a\('f  le  -culitlciir  <  linllni)  dr  (  .liaiiiiics  d  le  cisclciir  l'<tii\;  a  \\'i<--c,  ('Icxc' 
de  ridiiHMil-Mciiiici'  cl  l(iii;^lfiii|is  mhi  r\\c\'  d'alrlicr,  un  t'alnicaii I  des  jdiis  adiftits 
diiii^  IdiilcN  ^i)ili'->  de  |iii'ics  d'iiiic  ((hiiihisi  |  n  m  Irc-^  |)rrsuiiiir||c  ;    a   Poiis^icl^-iu;- 


Gmipotier.  pied  dassiettc  et  étagère  du  service  de  l'Impératrice. 
(Orfèvrerie  de  Cli.  Christofle.) 

Kusand,  qui  coiiiinemjait  à  réaliser  dans  l'orfèvrerie  d'église  une  véritable  révo- 
lution dont  il  va  être  question  plus  loin;  à  Trioullier,  à  Thierry.,  autres  fabricants 
spécialisés  dans  les  objets  du  culte  et  qui  faisaient  un  heureux  emploi  de  l'émail 
pour  les  vases  et  ornemenis  sacrés;  à  Veyrat,  pour  ses  excellents  modèles  d'orfè- 
vrerie en  «  plaqué  »  ;  à  Dotin,  un  éuiailleur  qtii,  des  premiers,  s'essaya  aux  pièces 
d'une  grande  surface  et  qui  excellait  à  l'exécution  des  plats,  des  vases,  et  des 
menus  objets  à  étnaux  sur  paillons  ou  sur  or;  à  Gi\Tnger,  le  metteur  en  œuvre  des 
ornements  de  théâtre,  depuis  l'armure  jusqu'au  bijou,  et  fort  entendu  dans  les 
divers  styles;  à  Guerchet,  l'inventeur  d'un  genre  particulier  d'orfèvrerie  en  argent 
découpé j'abrège  cette  liste  et  j'omets  de  mentionner  les  exposants  récom- 


—  308  — 

pensés  d'une  médaille  de  deuxième  classe,  bien  que,  parmi  ceux-ci,  figurassent 
des  falîricants  réputés,  tels  que  Cardeilhac,  pour  sa  coutellerie  de  luxe,  Debain 
et  Fray,  pour  leur  orfèvrerie  de  table;  Giroux,  pour  objets  de  fantaisie  ciselés 
délicieusement  par  les  frères  Fannière,  etc.  Mais  il  faut  se  borner. 

Les  orfèvres  étrang'ers  à  qui  échurent  des  médailles  d'honneur  furent  les 
mêmes  Anglais  ((ui  avaient  déjà  remporté  un  Ix'aii  ti'iomphe  à  l'Exposition  de  1851, 
c'est-à-dire:  Ilunt  et  lloskcll,  pour  qui  Antoine  Vechte  continuait  à  produire  ses 
magnifiques  ti'avaux  en  repoussé;  Hancock,  Garrard  et  G",  et  Elkinglon  et  Mason, 
dont  la  vaste  manufacture  de  Birmingham  appliquait  siu'  sa  plus  vaste  échelle  les 
procédés  galvaniques.  Deux  maisons  allemandes,  Vollgold  de  Bei-lin,  et  l'Aca- 
démie de  Dusseldorf,  obtiennent  aussi  cette  haute  récompense.  Quant  aux  mé- 
dailles de  première  classe,  elles  furent  partagées  entre  les  exposants  suivants  : 
Cartwright,  Ilirou  et  Woodward.  GoUes  de  Birmingham,  James  Dixon  de  Sheffield, 
Winckelmann  de  Tinna  (Prusse),  Schœller  de  Bcrndorf  (Autriche),  baron  de  Scldik 
de  Gopenhague,  lesquels,  en  vérité,  ne  montrèrent  rien  qui  fût  pour  la  France 
particulièrement  intéressant,  si  ce  n'est  l'extension  industrielle  que  l'orfèvrerie 
prenait  en  certains  pays. 

Ge  fut  d'ailleurs  le  caraclèi'c  généi'al  de  ce  dévelo[)pement  (|ue  le  rap|)(trleur  du 
jui'y  de  18')')  s'appliqua  à  mettre  en  lumière,  insistant,  notamment,  sur  les  ré- 
sultats nouveaux  obtenus  dans  la  fal)rication  par  l'outillage  mécanique  qui  ten- 
dait de  plus  en  plus  à  se  répandre.  «  Il  y  a  ;i  peine  dix  ans,  disait-il,  la  fabri- 
cation des  couverts  qui  est  une  espèce  dans  le  genre,  la  plus  importante  peut- 
être,  en  raison  de  ce  (pTelle  s'adresse  à  la  consoinnudion  générale  et  met  en 
mouvement  un  capital  incomparablement  supérieur,  était  une  industrie  barbare, 
comparativement  à  ce  qu'elle  est  aujourd'hui.  Le  développement  qu'a  pris  cette 
industrie,  le  chill're  de  la  production  considérable  qu'elle  atteint  annuellement, 
l'ingéniosité  des  inventeurs  (|ui  ont  fait  de  cette  fabrication  une  des  applications 
les  plus  intéressantes  de  la  mécanique,  nous  engagent  à  nous  arrêter  un  instant 
sur  cette  partie  de  l'orfèvrei'ie  qui  est  devenue  une  spécialité,  qu'exploite  la  cor- 
poration importante  des  orfèvres  cuilleristes.  » 

Un  couvert  se  compose  de  deux  pièces  essentielles  :  la  cuiller  et  la  fourchette. 
Ge  n'est  qu'au  dix-septième  siècle  que  l'usage  de  la  fourchette  est  devenu  cou- 
rant (\).  Jusque-là,  la  foiu'chette  était  à  deux  dents,  quelquefois  à  trois,  mais 
généralement  fabriquée  en  fer  forgé  et  montée  sur  des  manches  souvent  très 
riches  d'un  travail  précieux,  dans  lesquels  l'orfèvre  trouvait  l'occasion  d'appliquer 
toutes  les  ressources  de  son  art.  Quant  aux  cuillers,  elles  sont  aussi  anciennes 
que  la  soupe,  comme  le  dit  plaisamment  le  comte  de  Laborde. 


(i)  Voir,  sur  l'ailoptiou  des  fourchettes,  le  Diclionnaire  de  l'ameublement,  de  Henri   llavard,  tome  II, 
page  307  et  suivantes. 


—    oOJ    — 

.lll-M|ir,ill    iiiilirii    ilii    (li  \    liiiil  hiiif  >«irclr, 

Ic^      (•(MINClK     il.lll'i'lll      clllhlll       |ii|-^'(''s     ,'l      la 

iiiaiii .  Sur  lin  11, m  i\r  I  >  u  nu-  un  I  iiiicli  I  a  il'i' 
(|ci()ii|>;'  ilaii^  un  liiii'ol  d'aru'i'nl  lainiiM', 
rorlcNic  (l('•;^|•(t>^^ivsall  ^lir  I  (•iirliiiiic  Ic^ 
t'oniK'v  (In  cniiNcil .  I.a  v|iahil('  •>  flar^'i^-ail , 
le  ciiillfroii  N'aiiiin(i--^ail ,  le  uiamlic  n  al- 
lon;4t'ail  '^(Ml^  I Vlloil  I('|mIc  du  inaricail, 
cl,  t;rà(('  a  I  liahiirli'-  de  le  ni\  lier,  dcvciiad 
fil  »  1 1 1 (•  I ( I II (•  -  1 1 1  i 11 n 1 1 •  V  la  > I  II K  n 1 1 ■  1 1  ( •  a  1 1 1 a I  de 
la  iiiillcr  cl  de  la  tonrclicl  le  ;  puis  la  Imui- 
Icrollc  Cl!  acier  ^crxail  a  fiitdiiccr  le  ciilc- 
i-(iii,  le  iiiarlcaii  de  luii-  a  donner  le  caiiilnc. 
La  lime  cl  le  [mli  a(  licNaicnl  le  lia\ail.  si  le 
(•(MiNcrI  d('\ait  r('>lcr  uni  ;  iiiai^.  le  |ilii>  (H*- 
dinairciiKMil ,  ('cllc  tonne  unie  elail  dcsliiK'c 
à  roccvoic  ou  des  lilcls  ou  ilc--  onicuiciits. 
Ii(>s  lilcls  se  i-c|»i'ciiaiciil  au  rilliur,  cl  les 
orucuiciils  s"cstain|iaicul  a  la  masse  daus 
(les  uiali'iees  de  pelile  diiiUMisioii,  les  unes 
poui'  la  spalule,  les  autres  pour  le  boulon, 
couune  celles  (preiuployaicul  les  nioiié- 
laires  pour  la  t'aluicaliou  des  monnaies  et 
des  médailles,  aloi-s  ((u'on  ignorait  encore 
l'emploi  du  balancier. 

Le  Cabiiu't  des  estampes  conserve  un 
petit  voliunc  daté  de  ioT-i,  d'Hartmann 
Sehopper,  ijui  nous  montre  un  monnayeur 
frappant  une  pièce  de  monnaie.  D'une 
main,  il  tient  le  poinçon  portant  à  sa  base 
la  gravure  en  creux  de  l'effigie  à  repro- 
duire: de  lautre,  une  masse  avec  laquelle 
il  frappe  sur  le  coin  qui  va  imprimer  le 
relief  du  llaii  placé  sur  l'enclume. 

C'est  ainsi  que  procédaient  les  orfèvres 
cuilleristes.  C'est  ainsi  qu'ont  dû  être  faites 
les  deux  cuillers  datant  du  milieu  du  dix- 
septième  siècle,  dont  l'une  est  à  spatule 

t  .'i^i.  '        ^*  i  1         j  1  „^       Cuillei's  du  dix-septième  siècle,  laites  à  la  main. 

trilobée,  et  porte  un  bouton  de  revers  en  Cuiiicr  à  pot.,-,  fondue  et  ciselée. 

fer  de  lance  dont  le  caractère  de  simplicité      (Collection  m-nri  loniihei.  Musée ceud-nmii.) 


\\~^ 


^'^itfex^ 


310 


est  d'un  goîit  charmant.  On  retroiivo  ce  motif  dans  un  couvert  très  en  usage 
en  Angleterre,  et  connu  sous  le  nom  d'  «  Old  Englisli  ».  L'autre  est  analogue, 
mais  avec  des  fdets  repris  au  rilloir  il  a  conservé  le  boulon  de  revers  en  fer  de 
lance,  mais  la  spatule  est  décorée  d'ornements  en  ciselure  et  les  fonds  pointillés 
au  perloir. 

Nous  donnons  en  môme  temps  une  cuiller  à  potage,  dont  les  dimensions  et  la 
riche  ornementalion  n'auraient  pas  permis  de  l'exécuter  de  la  même  manière  : 
elle  est  fondue  et  ciselée.  Cette  pièce,  du  dix-huitième  siècle,  est  l'ccuvre  de 

(icrmain,  et  faisait  partie  de  la  collection 
(hi  mai'(|uis  da  Foz.  Elle  fut  vraisendjla- 
blemeid  exécutée  à  l'époque  oii  Germain 
travailhnl  pour  la  Cour  de  Poi'tugal.  Ce 
n'est  qu'au  dix-septième  ï>iècle  que  le  ba- 
lancier, doni  on  lait  i-emonlcr  l'invention  à 
.Nicolas  Ui-i()l,  fut  employé  à  la  frappe  des 
monnaies  et  est  devenu  dej)uis  d'un  usage 
courant  non  seulement  dans  les  luMels  des 
Monnaies,  mais  dans  Tindusti-ie  de  l'orfè- 
vrerie, et  au  dix-huitième  siècle  que  les 
oi'fèvres  employèrent  des  matrices  d'une 
seule  pièce  |)Ouvant  donner  l'empreinte 
comj)lète  de  l'ornementalion  du  couvert. 

In  balancier  se  composait  essentielle- 
ment d'une  cage  plus  ordinairement  en 
fonte  ou  en  bronze,  li'ès  massive  pour  ré- 
sister k  l'elTort  du  travail;  il  était  muni,  à 
sa  partie  supérieure,  d'un  fléau  en  fer  ter- 
miné à  ses  deux  extrémités  par  des  boules  en  plomb  très  pesantes.  C'est  dans 
ces  boules  que  résidait  l'énergie  du  balancier,  et,  par  un  élan  que  les  ouvriers 
donnaient  au  fléau,  ils  pouvaient  modérer  ou  augmenter  la  force  du  coup  qui  sert 
à  imprimer  les  ornements  sur  l'objet  placé  sur  la  matrice  disposée  sur  le  socle 
du  balancier.  Le  fléau  portait  dans  son  axe  une  vis  qui  pouvait  monter  et 
descendre  sous  l'effort  du  lléau,  dans  une  boîte  coulante  qui  guidait  le  marteau 
qui  devait  frapper  le  coup  et  donne  tout  son  elTet  sur  la  matrice  en  acier  gravé. 
Ce  fut  Varin,  directeur  de  la  Monnaie  au  dix-septième  siècle,  (jui  perfectionna 
routillage  et  remplaça  le  travail  à  la  main.  Varin  était  un  graveur  de  talent,  et  en 
même  temps  un  habile  mécanicien  qui,  à  la  fin  du  dix-septième  siècle,  réorga- 
nisa les  ateliers  de  la  Monnaie.  C'est  aussi  vers  celte  époque  que  le  balancier 
pénétra  dans  les  ateliers  des  orfèvres  où  il  est  encore  en  usage  aujourd'hui. 

Sous  l'Empire,  les  canons  pris  à  Austeditz  furent  donnés  par  l'empereur  au 


L'orloNre  inoiiétairc  (lô'jji 
{Ciihinel  des  eshimpea.) 


—  :hi  — 

(lirccliMir  (les  .ililiiTs  (le  la  Mitiiiiaii,  i|iii  irolilinllii  ccs'-ioiMlr  ce  hroii/c  (jii'a  la 
roiKJilioii  iiiic  Ir^  lialaiicici's  scr.i iciit  ((ich-  d'iiii  cullicr  -,iir  |c(|iicl  on  lirait  : 
»  |ln»ii/c  |iii^  a  \ii-lcilil/  Mil-  ri'iiiiiMiii.  i  iliTciiilirc  iSO.").  "  l/iiin-  di-  (M'S  raj((,'K 
cxislc  encore  an  iini'^t''e  de  l'iJiMel  de^  Mniiiiaics. 

I.e    Mii^'-e  eeiileiiii.d    ihill->    a\ad    liinidre    illie|(|nes-iliis    des    l>|ie-    je>  |)l(i-  iille- 
re^saiiU  île  ((tuM'ils   île  celle   i'|iiii|iie.   ihhin  asoiis  dt'ja   dniiin'-  au   la\re   I,  cjui- 

pilic  m,  Ic^  l\|M's  de  Cll|l\e|•|-^  llllis  ,i|  ipJirl  eiiaill  au  di\-M'|)l  ieuie  sjrcle  el  i|ui  mIiI 
r.iil    |i;iiiie   de  la   colleclimi   de   M.    l'aul  laidel. 


Le  l)alancicr  à  liras. 
((iravure  de  l'Hueyclopédie.) 


M.  (lormaiii  Bapst,  dans  sa  monographie  de  l'orfèvrerie  française  à  la  cour  de 
l*ortiii;al,  a  reproduit  le  service  de  couverts  que  l'orfèvre  Fr.  Thomas  Germain 
avait  exécuté  pour  le  roi,  mais  à  une  trop  petite  dimension  pour  les  reproduire  ici. 

Nous  trouvons  également  dans  hi  vitrine  du  Musée  centennal  des  couverts  du 
dix-neuvième  siècle  de  Tépociue  impériale;  l'un  (jui  dut  être  fabriqué  par  Biennnis 
sur  un  dessin  de  Percier  et  dont  les  matrices  existent  encore  chez  un  des  prin- 
cipaux orfèvres  de  Paris,  l'autre  qui  est  de  Biennais  et  que  M.  Bernard  Franck 
avait  exposé,  c'est  le  couvert  qui  a  servi  à  Napoléon  I"  pendant  son  exil  à  Sainte- 
Hélène.  Il  appartenait  à  la  reine  Hortense.  Lors  de  son  départ  pour  l'exil,  l'Em- 
pereur (|uiltait  la  Malmaison  oii  il  avait  passé  ses  dernières  journées,  avec  mi 
bagage  modeste  où  il  avait  à  peine  réuni  les  objets  de  première  nécessité.  Lu 
reine  Hortense  glissa,  au  dernier  moment,  ce  couvert  dans  la  vali-c  de  l'Empereur 


—  312  — 


qui  ne  le  retrouva  que  sur  le  navire  qui  l'emportait  hors  de  France.  Il  le  laissa 

par  testament  au  général  de  Montholon,  et  c'est  de  la 
l'nniillc  de  son  compagnon  d'exil  que  M.  B.  Franck  a  pu, 
à  gi'and'pcine,  olitenii'  cette  relique  qu'il  a  réunie  à  son 
musée  de  l'époque  inq^ériale. 

\a'  Musée  centennal  nous  a  également  permis  de  re- 
présenter un  spécimen  des  couverts  en  argent  qui  avaient 
été  faits  pour  accompagner  le  grand  service  de  gala  de 
Napoléon  III,  et  dont  les  modèles  avaient  été,  comme 
})()ur  tout  l'ensemble,  l'œuvre  de  François  (iilbert.  Ces 
pièces  étaient  uniques;  il  n'en  existe  plus  d'autres  au- 
jourd'hui. Toutes  celles  qui  étaient  restées  aux  Tuileries 
en  1870  avaient  été  envoyées  à  la  Monnaie  par  ordre  du 
gouvernement  de  la  Défense  nationale,  pour  être  fondues. 
Tous  les  couverts  de  cette  é|)oque  étaient  tal)ri{|ués  au 
l)alaiicier  et  au  mouton,  dans  des  matrices  doubles  dont 
la  superposition  et  la  coïncidence  exigeaient  une  pré- 
cision remar(|uable,  et  encastrées  dans  des  boites  en  fer 
forgé.  Les  couverts  étaient 
préparés  comme  |)réc(''d('m- 
ment  à  la   forge,  suivant  un 

(Coiu-viion  licnuini  /•v.n.c/,-.)     Calibre  Spécial,  et  portés  sous 

le  balancier.  Le  flan,  dont  la 

longueur  et  l'épaisseur  étaient  appropriées  à  chaque 

modèle,  était  placé  entre  les  deux  matrices  et  soumis 

à  l'action  puissante  du  balanciei'  qui.  en  achevant  de 

lui  donner  la  forme,  imprimait  les  ornements,  arron- 
dissait les  fourchons  et  emboutissait  les  cuillerons  : 

après  ces  opérations  le  flan   devenu  couvert    n'avait 

plus  qu'à  être  reparé  à  la  lime  et  terminé  par  le  poli. 

Mais  ce  n'était  pas  encore  la  fabrication  rapide  et  éco- 

nomi(iue,    qui   devenait   nécessaire   pour  répondre    à 

raugmentation  de  la  consommation  que  l'application 

du  procédé  d'argenture  allait  déterminer. 

C'est  alors  rju'apparait  le  laminoir  et  le  rouleau  en 

acier  gravé.  Ce  fut  Allard,  le  directeur  de  la  Monnaie 

de  Bruxelles,  qui  mettait  pour  la  première  fois  au  point    Couvert  de  style  Empire,  de  Na- 

la  fabrication  du  couvert  au  laminoir,  et  devait  faciliter 

la  production  rapide  et  à  bon  marché.  Ce  procédé  exi- 
geait un  acier  d'une  qualité  qu'on  ne  rencontrait  que  rarement  à  celte  époque. 


Couvert  de  style  Kuipii-e, 
tra^■ail  de  Bienuais. 


1i'\'^ 


poléon  à  Sainte-Hélène. 
(Collection  Bernnrd  Franck.) 


:ti:i 


Service  do  ouvcrls  do  Napolcn  111.  exOculé  au  l,alancicr  ,.ar  Ch.  Clu-istolle. 
{.Mitséc  'les  Arh  ili'rnnilifs. 


ni 


('ouverts   modernes  exéculés  au   laniiiioi 
[Cullection  Chrislofle.) 


—  ;ji7  — 

l\l'll|i|i.  iImiiI  II-  iiuiil  cvl  ii('\rini  iiiiiiMliiil  ji.'ir  ^llilc  lie  rilll|i()l'l<ltl(-i-  i|M  il  a  i|<illll<-r 
a  lii  l'iiiu  ir.il  KHI  i\r  l'arici'.  ri  -iii'Idiil   |iai    la  rrcilhni,  a  Misscil  (  l*rils>^f),  di-  la  |ilu> 

f(ll(>Ss;ilr    iiviiic    (!,•    ciiiinli-^    i|lll    cvl-lr    ail    llliil|i|r.    ,i\ail    illUi;.' ill<''    lllli'    si'-rir    d'oilliU 

cl   (il-   hiiiiiiKHi-^   |Miiii-  la   laliiii  ;il  itiii   Jii  coiivcil,  r|    iiKiiili-   |  ilii>-icii|-s  Cal  tr;i|ii<  s  ini- 

I  Kill  ,llll('^,  lalll  iii  \  llciiiau^^  ne  i|il(li  \  ni  llilic  Mai-  ijaii-  -mi  \i\t)cri\r ,  roiiillic 
liai!--  I  ijiii  (I  \llanl,  le--  iuiilraii\  ilaiciil  dr  juiil  (|i;i  iiirl  ic,  M  ,i  \1  (l'ii  1 1  ini'i  n;s, 
cl  |c-^  ((niNcrU  |ias--c^  aii\  iiiacliiiic^  a\aiciil  |c  ;/r,i\c  iiicdiis  (''iiicnl  de  -r,ilir  dc^ 
nuilcatu  avec  des  |nii:^iieiii>  inégales.  (',"cv|  ,|  un  IVaiii'ai'-.  M.  II.  l,c\alloi-.  (|iic 
l'on  dnil  la  I  laiisloriiial  itiii  du  laiiiiintii'  a  loiilcaiix  ciniilan'cs  di'  |iclil  diainclrc, 
cil  iiiacliincs  a  Na-cl-\  iciil ,  unies  par  une  ImcIIc  (ipiTaiil  la  lui's^ion  ^m-  des  ma- 
(l"ici's  en  l'orme  d<'  seunieiils  de  cylindres,  nionli'cs  siii'  un  Moc  circulaire  en  l'ouïe 
a\anl  ()",()o  de  diainclrc.  I,.i  |>rcssioii,  s'e\ercaiil  sin'  inic  siirlace  |»|iis  -rande  (|iii 
leiidail  a  se  ra|i|)r(M  lier  de  lliori/oiil  alil  e,  rciiK'diail  aii\  iiicoii\  l'iiiciil  s  des  rou- 
leaux de  pclil  diainclrc  cl  les  coiivcrls  sorlaiciil  en  |ierrcclioii,  de  loii;-'nciir  idcii- 
li(|nc.  (".elle  idt'-e  ini^t'iiicusc  a\ail  itcrinis  de  r(''aliser  hi  |ieire(dioii  du  li-a\ail 
proiliiil  par  le  halaiicier.  mais  avec  mie  rapidih'  de  |irodnclioii  ipii  allai!  en  dimi- 
nuer le  prix  de  rc\ienl.  Celle  l'aliricalioii  l'id  iiislalh'c  ii  l>oriicl,  dans  l'Oise,  par 
riiiNcnlcm'.  MallieiirciiseiucMl  pour  lui,  il  s'i'-lail  adrcssi'  à  des  capilalislcs  (|ui  lui 
a\aieiil  l'ourni  l'ariicnl  rK'cessaire,  mais  ipii,  |)rolilanl  d'une  (dause  résolutoire  de 
son  traile.  I  a\aiciil  coniraini  à  se  rcdii'ci"  au  momcMl  oii  rcxploilalioii  (''lail  en 
pleine  producliiui.  cl  allait  lui  donner  la  rorluiie.  iN'ut-èlre  serait-il  mort,  dans  la 
inisÎM'c.  s'il  n'avait  pas  l'ciicontrc'.  dans  .M.  (Ihristotic,  lliommc  qui  pouNait  le  sauver-. 

II  lui  aj)p()rtail  ses  procédés,  son  e.\|)éi'ieiicc,  et,  c'est  ^ràce  à  lui  (pTil  devait 
monl(>r  la  grande  usine  de  Saint-Denis  où  Ton  fabrirjue  aujourd  liui  des  centaines 
de  douzaines  de  couverts  par  jour. 

Le  rappoi'teur  du  .lurv  de  1855.  en  siiiiialanl  rimpoi'tance  rpTavait  d(''j;i  i)rise  la 
faliricalion  par  routillaii'e  m('M'ani(pie,  ne  faisait  qu'entrevoir  le  développement 
qu'allait  prendi'e  l'industrie  de  l'orfèvrerie  par  l'intervention  simultanée  de  Tar- 
genture  galvaniipie  et  de  la  machinerie  moderne.  En  s'appuyant  sur  les  documents 
les  i)lus  autorisés,  on  constate  aujourd'hui  que  la  quantité  de  couverts  argentés 
fal)ri(|ués  par  jour  s'élève  pour  les  seuls  pays  qui  fabriquent  en  grand  Torfè- 
vrerie  argentée  : 

en  France à  :2  000  douzaines, 

en  Angleterre à  :24-00         — 

en  Allemagne  et  Autriche.  à  3200         — 

en  Améri([ue à  2400         — 

et  que  la  charge  d'arg-ent  déposé,  varie  de  100  grammes  à  25  grammes  par  dou- 
zaine, suivant  la  destination  du  produit.  Il  résulte  de  cela  que,  calculant  sur  un 
poids  moyen  de  50  grammes  par  douzaine,  ces  quatre  pays  produisent  par  jour 


—  318  — 

10000  douzaines  de  couverts  argentés,  soit  3  miilions  de  douzaines  par  an  pour 
300  jours  de  travail.  La  quantité  d'argent  ainsi  employé  et  qui  disparaîtra  par 
l'usure,  s'élève  au  poids  considérable  de  150000  kilos  d'argent,  qui  sont  complè- 
tement enlevés  à  la  circulation  du  mêlai  précieux. 

La  baisse  de  l'argent  n'a  pas  été  un  des  moindres  facteurs  de  raccroissement 
de  la  production  ;  elle  a  également  provoqué  un  mouvement  ascensionnel  corres- 
pondant dans  la  |)roduclion  du  couvert  et  de  l'oiTèvrerie  d'argent,  et  le  poids 
présenté  amuiellement  au  contrôle  de  la  Monnaie  de  Fi'ance,  qui  était  en  1889 
de  71537  kilos,  s'est  élevé  en   1000  à  h208(;0  kilos. 


Laminoir  à  couverts,  de  H.  I,e\alloi 


l'i'ain  (le  liiiiiiiioirs. 


TABLE   DES   MATIÈRES 


LIVRE    DEUXIEME 


LE    DIX-NEUVIEME    SIECLE 
Première  période,  1800  à  X860. 

CHAPITRE  PUKMIEH.  La  Révolution  et  l'Empire  1800  à  1815  .  —  Eanéan- 
tisscment  de  rOi-fèvrerie  sous  la  Terreur.  —  Pillages  el  ventes.  —  Le 
pseudo-luxe  du  Directoire.  —  Exposition  de  l'an  X  et  de  i8oG.  —  L'argen- 
terie de  lEmpereur.  —  Le  service  de  vermeil  de  Napoléon  I'"".  —  Le  nou- 
veau style.  —  Les  architectes  Percier  et  Fontaine.  —  La  toilette  de  Tlnipéra- 
trice.  —  Le  berceau  du  roi  de  Rome,  par  Prudhon.  —  Les  orfèvres  Auj;uste^ 
(^diot.  l^ienuais 


—  320  — 

CHAPITRE  DEUXIÈME.  La  Restauration  de  1815  à  1830).  —  A  hi  Cour  de 
Louis  XMII  :  ni  fêles,  ni  ar[.  —  La  duchesse  de  IJerry.  —  L'Orfèvrerie  aux 
Expositions  de  l'industrie,  1819  et  1828.  —  Odiot  père.  —  Cahier  et  Faucon- 
nier, —  Sacre  de  Charles  X.  —  Faux  gothique  et  fausse  renaissance.  —  Le 
succès  du  «  plaqué  »,  Exposition  de  1827.  —  Odiot  lils  et  le  goût  anglais.    .  ((j 

CILVPrrUE  TROIS!  È.Ml':.  Le  règne  de  Louis -Philippe  (1830-1848!.  —  L'in- 
fluence bourgeoise  de  la  Cour  et  des  salons.  -  Le  romantisme.  —  Collabo- 
ration des  sculpteurs  :  Jean  Feuciières.  Klagmanu,  GeollVoy  de  Chaume, 
Charles  Odiot,  le  décorateur  Chenavard,  le  ciseleur  Antoine  Vechle.  — 
Ivxposilions  de  l'Induslrie  de  lS3^|,  l8')()  et  l8''|'',.  —  Vogue  des  formes  an- 
glaises. —  Les  élèves  d'Odiul  :  Lel)run  et  Durantl,  \\'agner  et  ses  nielles.  — 
Les  succès  de  Fromcnl-Meurice.  —  Débuts  de  Christoile  et  décadence  du 
«  plaqué  ».  —  Une  slalislique  des  orfèvres  en  i8_^i7 171 

CHAPITRE  QrATRIl<]Ml''.  La  deuxième  République  et  le  second  Empire 
(1"'  période,  1848-1860  .  —  Le  contre-coup  d'une  révolution  :  les  artistes 
français  en  Angleterre.  —  lullucnce  du  duc  de  Luynes  sur  l'orfèvrerie  fran- 
çaise. —  L'Exposition  de  i^\[).  —  Les  oi-fèvres  Fiomenl-Meurice  père,  Du- 
ponchel,  Ch.  Christoile.  —  La  première  Exposition  universelle  à  Londres, 
en  i85l,  ses  conséquences.  —  L'orfèvrerie  sous  le  second  l''mpire.  —  Les 
goùls  de  Napoléon  III  et  de  ITmpératrice.   —  Pastiches  du  style  Louis  X\T. 

—  L'Exposition  de   1855.  —  Le  service  des  cent  couverts  de  Napoléon  III. 

—  Le  néo-grec.  —  lullucnce  du  prince  Napoléon.  —  Développement  de  l'or- 
fèxrerie  argentée  et  de  la  |)r(jduction  des  couverts.  —  Les  procédés  méca- 
ni(pies 2'|() 


1 


La  coulée  des  linirots  de  comerls. 


FRONTISPICE. 


Troiiliri'  d'di-ri'vrcric  |i;ir  .Nuriiiaiit 


CIIAIM  ri\l'".  l'"'.  —  Tr-lc  (le  \niu>'  :  d'cm-alioiis  iiilt'riciircs  [Frontispice  par  Perricr  I  ! 

Le  lire  nriu'c  N Il 

l'orlrail  di'  Nicolas  Hniitcl,  ilircciciir  de  la  .Maiiuraciiirc  d'ariiios  de  Vorsaillcs I."! 

AriiK's  d'IioMiiciir  faliriiiiiéo  à  Vfr.-aillcs  par  .N.  l>uiU(!t    CoUiclions  Victorien  Sar- 

ilou  et  llernunl  Franch) 1" 

K[)i''i>  d'IioimtMir  du  générai  Dorsoiino.  (Collcelion  Bernard  Franck.] 1'.» 

Kpiiros  de  N    IJoulct.  (Cullcction  Ed.  DclaiUe.^ '21 

['mil'  du  i^raiid  Coiiiiiuni.  {Manufacture  d'armes  de   Versailles. • 2'.\ 

Iléciiaiid  à  main.    Dessin  original  de  Salenibier.^  Gazelle  des  Beaux-Arts. 24 

Soiipiùro.  [Dessin  de  Salembier.) "i'-'t 

Salières,  sucrier  et  gobelets.     Dessins  de  Salembier 27 

Kx'posiiion  des  proiluils  de  l'induslrie  en  l'an  VI,  dans  la  Cour  du  Louvre.  [Musée 

Carnavalet.) :^1 

l'orlrait  de  Charles  l'ercicr,  arcliilecte M 

l'urlrait  de  ['(Udainc,  aichiteclc 3."» 

Pot  à  oille,  exéculé  [lar  Hiennais  pour  l'Imiiératrice  Josépiiine M) 

Pièce  d'orlèvrerie  de  Percier  et  Fontaine 37 

Projet  de  glaive  avec  les  diamants  de  la  couronne.    Album  de  Biennais.' W 

Armes  d'apparat  de  Napoléon  l*^"",  exécutées  par  Himinais.  [Musée  des  Arts  décoratifs.  >  11 
Portrait  de  l'orfèvre  Henry  Auguste  et  de  sa  famille,  par  François  (jérard.  {ro//cc^'on 

Gravercau.j .  .  i'.\ 

N'ase  et  coupe  ornaiil   les   [ilaleaux    des  surtouls  de  gala  aux  Tuileries.  [Colleclion 

Chnstofle.] ifi 

Huilier,  soupière,  jardinière  et  seau  à  glace,  dessins  originaux  de  Henry  Auguste. 

[Collection  Odiot.) i-7 


—  '62-2  — 

Aiguière  en  vermeil.  Di-s-ia  original  de  Henry  Angiisle.   (CoUerlion  Odiot.) 49 

Aiguière  en  vermeil.  Dessin  original  de  Henry  Auguste.  iÇolUrtion  Odiut.) 49 

Cadeniis  di'  rEminreur  el  de  l'inipéraliiee,  [lar  Henry  Auguste 50 

Nef  de  l'iuiiiéralrice,  pul  à  oille,  jardinière  et  senu  à  rafiaiclur,  exéculés  en  vermeil 

jiar  Henry  Augu>le 51 

Modèles  eu  ciri'  des  bas-reliefs  des  nids  execulées  en  orl'èvri'rii"  |iar  Henry  Angusle. 

[CuUei-t  on  du  prince  d"  la  Muslmwa.} 53 

Modèles  en  c  re  des  bas-relitd"s  des  ncf^  exéculées  en  orl'èvrejie  [i;u' Henry  Auguste. 

[CoUerlion  du  prince  de  la  Moshoira.) 55 

Le  grand  enuverl    aux  Tuileries  au   hani|uel  du    Saci'e    \li'apiès  le  dtssin  de  Lit. 

l'ereier.    57 

Nel"  de  ri']ni|iereur,  l'xécutéc  eu  vermeil  |iar  H.iiry  Angusle 59 

Dessin  de  hdiies,  d'après  nu  dessin  original  de  Priullioii 60 

lU'Iail  d'un  bras  du  raiileuil  de  loilelle.  {Dessin  urii/inal  de  l'rudlion.) 61 

Psycbé  de  Marie  Louise,  exécu.ée  par  C\.   Odiol    et    Tlinmire,  sur  les  dessins  de 

Prudliiui 03 

l-'anlenil,  loilelle  vue  deprulil  el  lavabo  exéculés  par  C\.  Odiol  el  Tliomire.  sur  les 

des-ins  de    l'iudlnui Oo 

Toilette   de    Marie-Louise,  exéculéi'  |iar   t'-i.  Odiol   el   Tlioudre    >uv  les  dessins  de 

Prndbon 07 

Porlrail    de    ,).-!!.    Claude   Odiot,   en    ISOO,    d'après    l>abey.    ll'olliclion    E.   Ma- 

Uiieu  1 08 

Berceau  du  roi  de  Home,  dessin  original  de  Prudlmn.   Volleeiion  E.  Marcille.  Gazelle 

dr.s  Denii.r-Arts.) 00 

Seaux  à  rafraicbir,  par  Odiol 71 

Milieu  de  i;d)le,  Flore  el  Zépbyre,  |iar  Odiol 72 

Sucrier  de  table  par  Odiol 73 

Porlrail  de  {{iennais,  (ul'èvre  de  l'Iùiipereur 74 

linseigm-  di'  la  mai-on  Hiennais 75 

Encrier,  (euvre  de  HH'unnis 78 

Encrier  de  l'hnperalrice  Mari'-Louise.  [Dessin  de  l'alliuin  de  Hiennais.^ 79 

Encrier  de  l'EuipereiM'  .Na|io|eon  I''^  i/^.v.si'n  de  l'album  de  llienn.uis.). 79 

Fmilaine  exécuiée  polir  iN'apoleou  l"^^'.  ^  Dessin  de  l'nWinn  de  Hiennais.] 81 

Salières  el  monlardiers.  [Dessins  de  l'aihiiui  de  llienna  s.) 83 

Soupières,  cloche  el  réchaud,   saucières  el  cafetières.  (Dessins  de  l'album  de  Hien- 
nais.^    85 

Table  de  lodelle  et  ses  acc(\svoires.  [D  ssiiis  de  l'nlb'  m  de  lîiennais  ) 87 

15as-relie|  de  Dupré,  (LMivre  de  Biennais.  [l'ull  don  Hernard  Franck.] 88 

Miroir  à  main  de  Josépliiiu',  navelle  de  Marie-Loui^e,  œuvres  de  lîiennais.  [Collec- 
tion  Hernard  l'ranrh.) 89 

Glaives  el  épées  de  lîiennais.  {CoUeclion  du  Musée  des  .4rls  decoruli/'s.] 91 

Elandtei'.u    \CoHeclion  Arlus  ) 93 

Caiitlélabre  à  ciu(|  lumières.  {CoUcrliim  .Ueiman.). 93 

Saniuwar.    CoUection  l'iUrt-  W'D.] 94 

Milien  de  lable.  [Collccllon  Goldsrluu.  di.j 95 

Soupière  de  lîiennais.   \Collecl  on  .Ui  linan.  .Uusee  ccniennal.] 96 


CHAPITRE  II.  —  Tèle  de  pagi>  :   Tète  de  p;ige  du  livre  du  Sacre  de  Charles  X.  iCubinet 

des  Estampes.  ' 97 

Lelire  ornée  L 97 

INuliail  de  la  duchesse  d(^  I  erry,  en  coslnme  de  ch.isse.  \Miniature  d'hab  y.].  ...  99 
Déjeuner  en  vermeil  oITerl  par  la  ville  de  Paris  à  la  ducln'sse  de  Berry.  (Dessin  de 

Caoelii-r,  œuore  de  Claude  OUol.) 100 

Châsse  de  saiiil  Vincent  de  P.iiil.  lOEucre  d-  Cl.  Odiol.) 103 

Encrier  :  Ajudjon  el  les  Muses.  lOEucre  dr  CL  Odiot) 104 

Portrait  de  Claude  Odiot,  par  Hoberl  Lefèvre.  'Collection  Gustave  Cdiol.) 105 


—  .{l'a  — 

Atclicsr    (rtlilidi   III    I.S-j:',    lui'    l.t'Vi''i|iii',    btilli-    Siiinr  llm  h.      CutUrtion    (iw^tutr 

Oïliot: lo: 

héft'iisc  (If  la  b.iiricri'  ili-  (Hit  li\  i-ii  ISI.i,  |iiir  Huriiri'  \  rnu'l iW 

N'iist'  liai  tli:iiiiil(',  ii'iiMi'  il'Oilinl.     t  iillrrliiiii  (lu  Mu.m''  lits  Ails  (ti'ionilifs  ) Il  H 

Sciiiix  à  f^lan',  janiiiiii'ri',  MirriiT  à  ciiiivciili',  saliiMi'S,  (l'iivn'  il'-il    Oihol.    Cot- 

Inliiin  tlii  Mtist'r  ihs  Arlx  ili''fuiiili/\.   1 1 !* 

lliiiliiT  avrc  mil'  li^iirt'  (l(''C(nati\i'  tli-   l.i'ila,  u'iivri-   de  (.1.   (tilini.   {('(tllicimit  iln 

Miistr  lies  Arls  ilfrornli/s.i 117 

Salii'ir  tlt'foralivt',  (r'iivii'  di'  CI  Oilinl.  iCulln-liiin  du  Musé)!  iltx  Alix  diifoi'ati/x.) .  .  118 
l'('ii\   MiM|ii('ii'^  >\w  |il,ili  ;iii,  irimr  ijr  (!!.   Milioi.     Cullfcliun  du   Musé:  dis  Ails 

(I,  corail  l's 11!» 

jiriiv  saicu'-ri-s  a\iM'  inirs  niillfi-,    n'inn'  île   Cl.  iiilml.    Cullcrliun  du  Miisrc  des 

A  lis  décoratifs 1  :i  I 

Sini|iiU'l  (II-  vcilIciiM'.  u'iivrc  lie  (.1.  (Iiliol.  {Miiscc  des  Aiis  décoratifs  j {SA 

(Iraiiilc  Iniiiiiiiii'  ili'iuralivc  avi'c  siicruT.-;  cl  cmlL'rs.    IlEncrc  de  l'Ii.  l'nliier    I:J.'> 

Sorvirc  du  duc  di'  l'iMilliii'vn'.  Si)i!|iii'ri'  aii\  ('•rii'vi>M's  iailc  an  dix  liiiilit'iin'  .-lùclc 

(Cull  ctiuii  de  la  inaisun  Odiut  ) 12'.' 

Servir»'  du   duc   de   l'i'iitliii'vn-.   u'iivrc  de  CI.  Odinl   :    1"  Cloclii-  ovalf  siiiiiioiilt'c 

d'un  {^roii|pi'  de  lllli^sll|l.^;  —  2"  Cloclic  rmidi'  avec  has-rclicIMir  un  réchaud. 

(Cullectiuii  de  la  inaison  Odiut.) I  ^K» 

Carie  d'adresse  de  Cli.  Cahier,  m    liSl',).  [i  ullectiun  Henri  Vevcr.) Cil 

Soiipièii'  sur  |ilaliMH     (lEuci'e  de  l'Ii.  Cahier.} l'.i* 

Caiidelahre  d'aulel.  [Olùicre  de  l'Ii.  Cahier.) \'X.\ 

Ai;;iii('re.  \OKiivre  de  Ch.  V"hier.) l'.i'.i 

Orlevrerie  d'ej^lise  :  Cnt-sse.  aiguière,  hurelles  cl  |)laleau.  OKucrc  de  Ch.  Cahi  r.  ,  i:ju 
Soupière  décuralive  sur  plaleau.     Cuinpusition  de  Chcnuvurd,  exécutée  par  l'au- 

eonaiir.  ^ 1  ICI 

tlraud  vasi'  ulTerl  à  La  Kayelle.   Olùivre  de  Fauconnier. 141 

Aij^iiièie  et  |)  airaii  |iiuir  les  olVrande  '.  [Cliché  K.  liolhier).  —  Ca.ice  cl  cliiU>e  dilc 

Sainle-.\ni(iuule,  (l'uvres  do  Ci;.  Cahier.  [Trésor  de  la  cathédrale  de  Henns.j...  HA 
Héraul  jiorlaal  des  ulïrandes  au  sacre  de  Ciiarles  X.  [Licre  du  Sacre.  Cubi.net  des 

esluinjies 1  iT 

l>aM.|iiel  du  >acre  dr  Charles  .V.    Licre  du  Sacre.  Cabinet  des  eslanipes. 1  iîl 

l'orlail  de  iNmi'e   lianic.  decoraliuu  d'Hiliorf   [Cabiiui  des  estampes. l.'il 

Reliure  ca.hedrale.  li.xlrail  df  l'ouvra;^!'  de  .\l.  Henri  Beraldi  sur  la  reliure  au  di.\- 

iieuvièuie  siècle i'M 

Courunui'Uieuls  de  cloches  cl  ca>seroles  de  Ch.  Odioi I;j6 

Modelé  d'urlevrerie  eu  [daiiué,  sons  la  lle.xlauraiiou 159 

riauiheau  eu  aryeiil  eslainpe.  (.Uvdèlc  de  Ch   Odiot.) lt)l 

Salières.  [Coll.cciion  tircvan  de  la  G  irdie.  Musée  cenlennat.) 162 

Cal'elière,  Iheière,  sucrier,  crémier  eu  arftriil.  [Modèles  de  Ch.  Ùdiol    I(j3 

Service  a  llie  sur  [ilaleau.  [Co'lcctio:i  .Uurijuis  Guillu'in  de  l'otliuau. 165 

Théière  hec  dr  cyj^ue.    Musée  ccnlennal.  > 16o 

Ueu.N  aiguieri's  ei  ciivelles.   >  .Musée  ccnlennal.  Culleciion  liuldschinidt 167 

Ca>seroli'  de  .M"'  .Mars.    Collceiion  Guldsclimidt.  .Musée  cenlennal.  \ 109 

Sucrier  iimiiie  avec  cuillers  en  counitiiie.  [Maséc  centiimal.) 170 

CHAPITRE  111.  —  Tèle  de  paye  :  la  l)ouli(|ue  d'un  orfèvre  roniauliqiie.    iJessin  d'ujirès  de 

Utauiiioal,    18k'.  171 

Lellre  orner  C 171 

Service  iiu  Snliau  .Mahmoud.  Cloihe  avec  réchaud  el  ^eau.  K.xécule  par  Ch.  Udiol. 

(Archice.-i  dj  la  maison  Udiol. ^ 174 

Servie''  du  Sulian  .Malniuuid  Jard.nière  el  soupière,  lixéculé  par  Ch.  Udiol.    Archives 

de  la  ma  soji  Uliol .  > 175 

Sou[iièi('  pour  le  b.uon  Saluuiou  (!-•  llolhscliild,  exécutée  par  Ch.  Udiot.  [.irchives 

de  la  maison  Ckliul.'i I7G 


-   324  — 

Si'rvice  du  baron  Salomon  de  Rolhscliikl.  Salières,  huilier,  plateau  de  carafe.  Exé- 

culé  par  Cli.  Odiot.  [Archives  de  la  maison  Odiot.) 177 

Service  du  baron  Salomon  de  Fiolliscbild.  Plat  ovale  et  réeiiand.  Exéculé  par  Oh. 

Odiot.  [Arch'vcs  de  la  maison  Odiol.) 170 

Saucière  pour  le  service  du  prince  hcniidon'.  Exécutée  par  Cli.  Odiol.  (Arrhivrs  de 

la  maison  Odiot  ) 181 

Service  du  prince  Deuiidnll'.  Huilier,  talière  et  couverts.   Exécuté  par  Cli.  (Jdiot. 

[Ai'cliivcs  de  ta  maison  Odiot) 18:5 

Bouclier  «  Jupiter  foudroyant  le  Titan  ».  {Dessin  original  de  J.  Fcvchères  ^ |S7 

Le  Parnasse.  Projet  de  surlout.  {Dessin  original  de  J.  Feiiehèrcs.) iS',) 

Le  Travail  des  cliani|is.  Projet  de  surlout.  (Dessin  original  de  J.  Feuchires.; l'.lil 

Esquisse    de     Mirltiiil    pour    le    (h:c    de    I.nyncs.     (Dessin    original  de   J.   Fcii- 

cki^res.) H)l 

Saucière.  [Projet  de  J.  Fenelièj-r.s. i:\-2. 

La  .MélulliirfTie.  [Dessin  original  de  J.  Feuclœres., !'.):{ 

(uindélabre  pour  un  surlouL  [Dessin  original  de  J .  Fe\ieht;res.] I(i;i 

B:jccliaual(',  ('mail  en  camaïeu,  [li'tinr.'s  J.  Friirhi'res.  Collection  II.  Uouilhet.' l'.Ml 

Emaux  en  c-imaiVii.  iD'djirès  J.   Fiuehi-i-es.  Collection  II.  Uouillwt.) 197 

l*orlrail  de  .\imé  Cliciiavanl 199 

Vase  décoialif  par  ClnMiavan 201 

.aiguière,  par  (IhiMiavard 2(i:{ 

Elambeau,  par  (_;lii'Mavard    20."1 

Vase,  par  C.lien.ivard 20o 

Aiguière  en  orlèvreric,  par  F.  .Meurice.  Modèle  de  J.  Eeuclières,  ciselé  par  \eclite. 

[Collection  de  .1/""'  llro  de  Coniinèrrs.  Musée  centennal.) 2(17 

Vases  en  repoussé,  exécutés  par  Vcclilc 20!) 

Bouclier  «  la  Clievaucbée  »,  ciselure  de  Veclitc.  [Musée  centennal. \ 21 1 

Portrait  de  Cliarles  Odiot  et  de  ses  deux  fils  Ernest  et  Gustave.  [Collection  Gustave 

Odi.ol.1 213 

Tiiéière  Ueiiaissance  ilalieiine,  (cuvre   d'Udiol.  [Musén  centennal.^ 2H) 

Cafelières,  théières  exéculées  par  Odiot.  [Musée   centennal.) .  217 

Cafetière  slyle  r(iniaiili(iue,  œuvre  d'Odiol.  [Musée  centennal  ) 219 

Fontaine  à  (lié,  slyle  pittoies(jue,  d'uvn;  d'Otliol.  [Musée  centennal.) ....  220 

Service  a  llié  cliiiiois,  exéculé  par  iMorel 22i 

Dessins  d'()rlevreri(>s  composées  par  Jules  Peyre  et  exéculées  par  Morel 22o 

Aiguière    en   orfèvrerie.     .Modèle  de   Khi;;maun.    [Collection  de   J/"'»  Dro  de  Coin- 
mères.  Musé.'   cenl''nnal.) 227 

l4)ée  du  comte  de  Paris,  modelée  [lar  Klaymann,  ciselée  par  Veclite.  [Or/éinrie 

de  D..  Froment-Meurice.) , 229 

Portrait  de  Désiré  Fromenl-.Meuric   2:{.'{ 

La  cajint!  de  Balzac.  iD.  Froment-Meurice  ) 2:5!» 

Vase  oITert  par  la  villi'  de  Paris  à  l'ingénieur  Emmery.  [Or/èvrerie  de  D.  Froment- 
Meurice.)  ....    237 

Bouclier,  par  D.  Froment-Meurice 240 

.\iguière  et  plateau,  dessin  de  Liénard.  [Orfèvrerie  de  D.  Froim-nl-Meurice.) 241 

Seau  à  glace.  [Collection  de  M.  Sabalicr  d'Espeyran.  Musée  centennal.  Orfèvrerie 

de  Froment-Meurice.  ) 242 

Cloche,  plat  et  réchaud  en  plaf|ue 245 

Bouilloire  à  bascule  en  plaqué 24(i 

Thé  sur  son  plaleavi  en  placjué 246 

Cafetière  et  zarfs  arabes,  par  Cli.  Odiol 2ïH 

CHAPITRE  IV.  —  Tète  de  page  :  Frise  arlicliaut  d'un  handeau  de  cloche  du  service  de 

Napoléon  III.  [Modèle  de  Gilbert-) 249 

Lettre  ornée  A 249 

Portrait  d'Honoré  d'.Vlbert,  duc  de  Luynes,  membre  de  l'Iusiitut  (1802-18(37). .  .  .  2:>2 


''72 
>7"; 


-  aj5  — 

liiix'iiililc  ilii   Mirlixil  ilii  iliic  lie   l.iniifs  :   [lii-ri-  ili-  inilicii,  <  .iinli-l.iltro  cl  cotii- 

jK)(ii'is.  \Urficitrie  de  D.  FiiiiiicntMcuiicf,  Miist^-  ieitliiiiiat.\ 25!l 

(.(mi|i(iliiT  it  l.cs  Siiif-oiis  ».  i(h/'rvrnir Uf  H.  l'nniunt-Mfiirirr.  Must'e  nittrinmt  .  .       'iriS 

l'niiilrlc    l'MiuisM'    (|i>    l-'cliclu-rfs     ilf     la    |iiiTc    i|i'     iniliill    illl    sllllnlll    ilii    illic    (le 

l.iniii's.   U'iillfi-tiiiit  Clin'sd'fli-.) ,    .  ;<;,(•( 

l'iècc  (Ir  iiiilb  II  lin  MirliPiil  ilii  iliic  ilc  |,ll^||l•^.  \()r(itiriir  il(  II.  l'iumnil-Miiiriri', 

Musée  cfiitiiuiil.  I 25* 

lÙK  riiT  (lu  l'ii|M'  l'ic  IX.  ((iuzrtlf  tti's  Itmni-Arls  -i'M 

rnrlliiil   ilr    lMi|Hiiiclicl,    oiiV'Vrt' ■>{,[ 

(«  La  .MiiiiMM'  ".  iiiutlt'ii'  (!'•  Siiiiail,  iirlcviri  ir  (•lirvM'lfj.luiiiini',  par  iMutoiiclii-l . .  .       îiO.» 

IW»iiill'»iri'  ^riiii'  cliiiKiis.  [Orfàvirrir  lir  Ini^Hinrhel  ) 20!» 

l'Iali-aii  lîiMiai>Naiicr.    (h-firrcrir  ih    Dupittirlfl.) 20:i 

l»cii\  li;i--  iiiicl,  iliiii  seau  à  ^iacr.  Sniliiliiri'  ilr  l'i'iicjit'rt's.   Orfiircriidf  llnj/unclul         illti 

l'iirlrail  Ar  Cliarlcs  Clirisloll.'  (isoil-  isfi;»! 2«>7 

Si'ivicc  à  Ihi''  Louis  \VI.  {Orfrrirric  ilr  Chiirlrs  ('hnsli)/l\] -JOH 

Loiilaiiir  a  thr  di'  -|\|,.  Lmiis  Wl.  (Or/rorn-ic  de  Charles  Clirisluflc.) !~u 

l'oiilaiiii"  a  Ihc  ilc  ^l\lr  Lmii^  W.  Orfèvierir  de  l'hnrles  C/irislofle  2',\ 

Si'ivici'  ilr  I  liii|M'iali  ici'  lMi;:i'iiii'  :  t'.ldciic  avi'c  ri'cjiaiiii,  (•a>-('io|i',  saiicit'rf.  salii'-ri-, 

mmitaniiiT  de  styli'   Louis  Wl.    Orfèvrerie  de  Ch.  Cltristo/le 

Kfit'c  (lu  ^t'iH'ral  Cavai^iiac.  \Or/ècrericde  FroineiU-Mciiriee.) 

«    La  Maccliaulo  ».  Orfèvrerie  elirysch'pluDilinr.   de  Froiiieul-.\leiirice,   modèle  de 

l'radier. 2T7 

(i  La  Toili'llc  (lo   Vt-nus  ».   (Orfèvrerie  clinisèlépluinline  de   II.  FrDinent-Meuriee, 

modèle  de  Feuelières.  27'.i 

Surtout   pomiiôiou    du   prince  Napolôoii,    avec    les  .Muscs.   [Orfèvrerie  du  Charles 

Chrislo/Ie.' :i!S7 

.Mcipouiciic  cl  'llialic.  mmis  les  lrail>  de  Haclitd  et  .\riioiild-lMessis.  Orandes  lif^urcs 

du  surtout  pompéien  du  prince  Nii.polôon.  {Orfèvrerie  de  Ch.  Christofle.) 2S(t 

Sucrier  du  service  du  prince  Napoléon.  [Orfi'vreric  de  Ch.  Christofle,  modèle  de 

Diélerle.) 201 

Compotier  du  service  du  prince  Na[ioIéon.    Orfèvrerie  de  Ch.  Chrislofle,  modèle  de 

Itiélerl-.   2!M 

La  serrurerie  des  Tuileries.  [Dessins  de  Le  fuel,  exécutés  par  Charles  Chrislofle,.) . .       2'.i2 
l'ièce  do  milieu  du  grand  surtout  de  Napoléon  III,  modèle  de  F.  Gilliert.  (Orfèvre- 
rie de  Charles  Chrislofle.  Musée  des  Arts  décoratifs.) i'y.\ 

La  Coupe  du  Nord  et  les  Candélabres  des  Sciences  et  des  Arts,  modèles  de  F.  Gil- 

l)ert.  (Orfèvrerie  de  Charles  Chrislofle.  Musée  des  Arts  décoratifs.) 2*.t;i 

La  Coupe  du  .Midi  et  les  Candélabres  «  l'.Agricullure  et  l'Industrie  »,  modèles  dt; 

F,  Gilbert.  ^Orfèvrerie  de  Charles  Chrislofle.  Musée  des  Arls  décoratifs.) 2'.t7 

Clociie  ronde,   casserole   d'entrée   et    d'entremets    avec    récliaud,    cloche    ovale, 

modèles  de  F.liilbert.  [Orfèvrerie  de  Charles  Chrislofle.  Musée  des  Arls  décoratifs.)       .'iOl 
Grande  cloche  ovale  en  ciselure  repoussée,  modèle  de  F.  Gilbert.  [Orfèvrerie  de 

Charles  Chrislofle.  Mitséedes  .irts  décoratifs.) :{0:î 

.Jardinière  de  rini|iéralrice  Eugénie,  anses  Cygne.  (Orfèvrerie  de  Charles   Chris- 
lofle.)        :{0i 

Coupe  à  truils  du  service  de  l'imiiératrice.  modèle  de   Rossigneux.  [Orfèvrerie  de 

Charles  Chrislofle)) ;{0;; 

Compotier,  pied  d'assielle  et  élagère  du  service  de  l'iuipéralrice.   (Orfèvrerie  de 

Charles  Chrislofle.' :{(I7 

Cuillers  du  dix-seplièinc  siècle,  faites  à  la  main,  cuiller  à  polagi;  fondue  et  ciselée. 

Collection  Henri  Doullhet.  Musée  ccnlennal    .iW 

L'Orfèvre  monétaire  (1547).  (Cabinet  des  Estampes. \ MO 

Le  Balancier  à  bras.    Gravure  de  l'Encyclopédie.^ .311 

Couvert  de  style  Empire,  travail  de  Biennais.  [Collectiun  Bernard  Franck.) :U2 

Couvert  <Ie  slyle  Empire  de  Napoléon  à  Sainte-Hélène-  [Collection  Bernard  Franck.        .'U2 

13 


-  326  — 

Service  do  couverts  de  Napoléon  III,exécaLé  au  balancier.  [Musée  des  Arts  décoratifs.)  3i:( 

Couverts  modernes  exécutés  au  latninoir.  (Collection  Ohristofle.) 3i:'. 

Laminoir  à  couverts  de  H.  Lovallois iUK 

TABIJ-   liKS  MArii-:i^KS.  —  Train  de  laminoirs ;} m 

La  coulée  des  lingots  de  couverts 320 

TABLE  DES  GHAVIRES.  —  Tête  de  page  :  Cartouche  de  Ranson 32! 

Trophée  de  Heurs,  par  Ranson 320 


SAIM"  CI.Dll).  IMl'ltlMKltli;   lîi:i.lN    lI'.KliKS 


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