Vmm'ù
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I 700- 1900
L'ORFÈVRERIE
FRANÇAISE
AUX XVIII' & XIX' SIÈCLES
PAR
HENRI BOUILHET
ORFÈVRE
/iÙ?} }}iii>^/'< ^J ''^ ^ /Ay"
EXEMPLAIHE IMFRIMi:
6
M. ARTHUR MARTIN
Il Tiû'irrTi«
,Q.h nx^
( 1 70 0- i 9 00)
L'ORFÈVRERIE FRANÇAISE
aux XVIIP et XIX^ siècles
d'ap/'és les documents réunis
AU
MUSÉE CENTENNAL DE 1900
-rî
A LA MI^:i\l()TRE
DE ]S10N ONCLE BIKN-AIMÉ
CHARLES CHRISTOFLE
OKKÈVUE
^u-p
n
(IT'OO- 1 OOO)
L'ORFÈVRERIE FRANÇAISE
aux XVIir^ et XIX'' siècles
\'\n
HENRI BOUTLHET. i„, K
C. C. l»
ORFEVRE
vi(:k-1'Hk>ii»i:nt dk i. inkin ckmhai.k dfs ahts dkcouatifs
PRÉSIDENT DU JURY DE L'ORFÈVRERIE
EN 1900
vwT
PARIS
H. LAURENS, LIBRAIRE-ÉDITEUR
(i, RUE DE TOLRNON, 6
1908
Tous droits de reproduction et de traduction réservés.
\}L.
IJVIiK riilvMIKK
LORFÈVRERIE FRANÇAISE
AU
XVIIP siècle
(1700-17?=î9)
^i<^
l.,l l'rnill Ti'. — (.iMI|ic lie- ( '.iilhiiHI--. .i;:rirnK-,, |i,ii' ( '.li il --1 nllc.
Un, /,■•;.• ,/ ■ ./ (:,itll;ill.,
AVANT-PROPOS
\/'J.rpt)s///()// (le lUOU (tlhtil jcnitcr ses itarlcs, cl l/iiail-
hlidlilc sjii'chiclc tfii'c/h' ara/l (ilJCil à I dd innulhin du
iiiiiiidc ciil/cr jtcntlmil si.v nio/s (dlail d/sjixnu/rc, Inrs-
(jh (iii.r derniers imirs du mois d'ovUdire J900, J/. *S'/r-
phiinc Derrillé, l'èiiniiei)! diredeiir de la Serlian fnui-
(■((ise, itdus lit (ijijie/er, }[ . (lenri/es linin et moi , pour
nous l'iiire .sa roi/' que le Conuiihssiiire f/énéral, M. Al-
jreil picard , arail réstdu de c<aiserrer , dans une ptihli-
calmn illaslrcc, les traces de l'innnense ejj'ort i/ui arait été fait pour réunir toutes
les nu'rceilles ijui liraient fait des Musées centenuau.r un des attraits principaux
de l'Kxposi'iiai de 11)0(1.
// /// appel à notre dévouement pour choisir et faire photograpliier, avant
leur dispersion , les pièces dont le souvenir nous paraîtrait dnjne d'être conservé,
soit à cause de leur intérêt /iistori<iue, soit à cause de leur qualité d'art, afin
de c< ad muer au delà de i*J()() l'enseignement utile qui était résulté de r exposition
de toutes ces œuvres.
Il luius demandait en incrnc temps de réunir les élénwnls nécessaires pjour
la réilactiiai d'un catalogue illustré et iFiine étude sur le Musée centennal de
r Orfèvrerie, et de désigner, parmi les membres du Comité, celui qui nous
paraîtrait le plus capable iTassume]' la responsabilité de ce travail.
VIII —
31. FjL Carroi/cr accepUt cri le iit/ss/nn, nia /s hi uni /(((lie vint ixirah/scr s(i
bonne valontê, et ,sa mort obllyea le Cuniilé à faire le e/ioi,r d'un mitre rap-
porteur.
M. G . Boni ine de nui ml a de le rem placer, et, nnih/ré les (d)jeçtmns sér/euses
que je lui présentids, je dus céder à ses instances pour prendre une cJuirep' <jui
me paraissait haïr de, et à hujuelle je n'étais nullement préparé : F E.rpositnai était
déjà bien hdn, et les souvenirs risquaient de me j'aire déj'aut.
Allais-je nw borner à j'aire une manemdature et uïw deserijition un jieu
scelw des (dijets e.rjiosés, ou chercher à retracer l'histiare iTune industrie aussi
j'ranctùse, qui pendaid les deux derniers su''cles ar(ut )naintenu, dans notre
paqs, les traditi<ais d'éléipince et de (p)ùt (pli siad les imiripies d/stmetires de
n(dre raee't
l^' étude préliminaire à laquelle j'ai déi nw lirre/', les recJierehes que j'étais
obliijé de j'aire me parurent si attachantes, et par-dessus tout le désir de conserrer
les impressions et les saiieenirs que forais recueillis pendant ma baapic carrière
d'or ferre, me jirent mettre de côté mes scrupules, et je me décidai à donner satis-
fiction à mon e<dlé(pie, arec l' espérance (pt'une histinre de l' orfèrrerie, éerite par
un praticien, pourrait arcdr quelque intérêt pour ses emifrères.
J'espère que eeu.r qui m'ont entraîné à entreprendre un trarail délicat et aussi
difjicile, tiendront compte de ma bianie r ohm té et de mes ejforts pour apporter une
dernière pierre à fédijice de VMW).
Certes, je n'aurais jamais osé assumer une aussi (p-ande responsabilité, si je
n'arais espéré troarer près de moi les renseignements indispensables et l'appui
qui m'étaient nécessaires. Aussi, je reu.r avant tiait remercier ici ceux qui m'ont
permis de mener à bien le travail auquel (ai m'avait c<aœié.
D'abord, le président du Comité d'instaliatiiai, M . Georijes Boin, dont h in-
sistance amicale avait su vaincre mes scrupules, et qui par sa connaissance intime
des iiaivres du dix-huitième siècle, et la pr<ttique d'un art dans lequel il excelle,
devait m' être si utile.
puis MM. dermain Bajjst, Paul Eudel, Jules (luijj'req et Henrq Havard,
dimt les lumineuses publieatiiais et les documents yraphiques qu'ils ont bien voulu
mettre à ma disposition m'ont permis de réunir les gravures qui m'ont servi à
illustrer ce livre.
Enjin, et surtout M. Victor Clunnpier, (qui fut le secrétaire du Cianité d'ad-
mission et d'installation, et qui, membre du Jury international de la Classe 94,
I\ —
iirtiit irciirilli ilr itnni/nru.r ilnciiiiiriils sur Irs nifriirs tin ili.i'iirininiH' sii'clf.
Vitnildlruv ri ilifrclfii r tir lu ■> lu'Xllr (les \|ls (l(''C( il'.ll i l's -, il uruil , tiil rouis
lie su liuu/ur ri hrllr rumrrr dr i rilnjur iluii, rruui ilrs luilr^ fu'rrirusi's sur 1rs
lU'/rrrrs du ill.r-liuilirilir sirrir. Il u lurii rnulu uir 1rs rnmuiuiiuiurr , ri r i-sl tir
rr runi-iiurs inrs/ii'-ri'\ stiiis Irt/urI /r // iiurii/s rrrirs ptis riilri'iu/s rr (itinul , i/iir je
rru.r Ir rruirrrirr ni inirliriilii'rriiirul .
l'n( à cicinc de (:iiri>((.llc.
^Modèle (le Lcrill;iin.)
— XII —
M"" L. ARMAIND-CALLIAT. — Châsse en argent ciselé, décorée d'émanx et
statuettes d'ivoire, œuvres d'Armand-Calliat.
M. ,1. -Thomas AliMANI). — Chandeliers en bronze doré, 1866, œuvre d'Ar-
niand-CalMat.
M. J. AUTUS. — Orfèvrerie des épocjucs Louis XIV, Louis XV, Louis XVI et
Empire, six pièces.
M E. AUCOC. — Candélabres Louis XV ti-ois lumières ; Candélabi^es Louis XVI
quatre lumièi-es.
M. Louis AUCOC père. — Service à thé vermeil Premier Empire; Nécessaire de
toilette de ITmpératrice Eugénie, œuvre de M. Louis Aucoc père.
M. P. AUMONT. — Prix de course : Colfret, épocpic Louis-Philippe.
M'"^ AuTHLU BAIGNÈHES. — Service à llu' et saucières 18:50, anivres d"0(hol.
M. Pail BAKHIEH. — Cachet et mé(hiilloii, ('piMpic LoMis-Phihppe.
M"'" BArOLN. — Burettes cristal et argent.
Al. le Baron IIlgo DE BETH.MAXX. — Orfèvrerie de style Empire, travail de
Biennais sur les dessins de Percier.
M. Behnaiu) FKANtîK. — Collection de mctntres épo([ues Louis XVI et Empire,
treize pièces. Série de boites en or avec sujets et émail Louis XVI, quinze pièces.
Objets divers, étuis, breloques, carnets de bal, clefs de montre, cachets, trente-
deux pièces.
M Ci. B0L\. — Collection de boîtes en or ciselé, émail, nacre, écaille piqué
d'or, cristal de roche, jaspe et pierres dures, époques Louis XV et Louis XVI,
trente-trois pièces.
M. J. BBATEAU. — Frise en argent « Les Ivresses», sculpture de Feuchère,
exécutée en 1853 par Morel et Duponchel.
M'"^' la Comtesse BBEVERN DE LA GAUDIE. — Salière double, Empire.
M'"" la Baronne iUlO DE COMÈHES. — Aiguière en argent repoussé, modèle
de Klagmaim, anivre de Morel; Aiguière en argent, œuvre de Wechte; Bouclier
en acier repoussé, œuvre de Fannière.
M'"" BUBAT. — Importante collection d'orfèvrerie du dix-huitième siècle dans
les styles Régence, Louis XV et Louis XVI, œuvres de Joubert de Paris, Samson
de Toulouse, Simon Bourg-uet, Thomas Germain, Pierre Germain, Balzac,
Roettiers, etc.
M. le Comte CAHEX D'ANVERS. — Candélabres et jardinière en cristal de roche
montc's en argent doré, œuvre de Froment-Meurice tils, époque du Second Empire.
M. CIIAPPEV. — Imj)ortante collection de menus objets d'orfèvrerie et acces-
soires de toilette en or, argent et pierres dures, comprenant : quarante-neuf
- \\\\
ImiiIcs cil (ir ciscl)', (■■|>(i(|m'^ l.mii^ \ \' cl l.niii- \ \ I ; I iciilr ilciiv /l ni- m or ci --c li-
en mil le, C|Mii|l|c j.tilllv \ \ ; ciih| 11,111 le cl lliv ur civclc cl ;j II il lue lie, rliiHlIK' jjilll- \ \ 1 :
(|li;ilrc-\ ilIL'I-IllIli ImiiIc-- ,1 viijcl V ci-eler^ cl (■ 1 1 l.l i 1 1 ('c^ ; (|lllll/c |mi||c> lll.il icicv «lincs
iii(iiilcc-> cil (ir; liiiil iiKiiiIrcv en or, c|ioi|iie Loiii-- \\ , \iii;_'l Iroi-- iiioiilrc-- en or,
C|ioi|lie l.oUl^WI; o|i|cl-> divers, IK'ccss.-iires, cisc;iii\, des, IhcIoi |iies. |ioiiiliie>^
de ciiiiiie: o|i)e|s d oiie\rcric d'ii>;iL:c. ;jo|ie|cls, i liocol.i I icrcs, !('■;.' limiers, s.dicpcjs,
la-^scs ;i \in. cic., ilc-. (''ikhiiics Louis \\ , Louis \\ j cl Liii|iirc.
M. II. (.11 \SLLS. SccNJce a Hic cl a calV- ('•|MM|iie l'reinicr l!iii|iirc.
MM ('.lll;lST(U"LI': cl C" . rcsliiiioiiial olleil a M. IHclz-Mdiiiiiii : sciilplnrc de
Delà I lia iK lie : le » \ a-^e des Arts - : sciilpliii-e de Can ier-l>elleiise ; .. Aiii|)liilrile ■' ;
Stalticlle i\ (lire cl or, seul | d ii rc d A ni on in Mcrcii'. inoiih'-c sur un soi de en jaspe san-
:;iiiii cl iiioiiliircs d'or cisidc : ser\ ice a calV- (''iiiail I raiisliieide, dessin d Lin i le lîeiLer.
Prix (Ii'mhm lies dans les (liuieoni's i'('\i;i(inan\, senl|»liires de (inincrv. (lanllieiin,
.1. Loiilan, hcla|tlaiitdie, Kolv, Jac(|iiciiiard. lioiiillard, elc., cM'cnli'es par
MM. Clirislollc <'l C".
Service de iiala do lOOcouveiis de rLinpereur Napoléon lli : i)iùeL' de milieu,
deux pièces de boni. (|iia(r(M'niid('laI)i'es ; Ueconstilution des débris retrouvés dans
les rnines des Tuilerit's. Modèles ori,i:iiiaiix de onze pièces d'orfèvrerie, couverts,
plais, casseroles, (do(dies et r(''(diauds exi'cnh's en enivre re|)oiissé et argenté, et
reconstitués avec les documents j4alvanoplasti([ues conservés dans les aridiives de
MM. C.hrislolle et ('-"'. (le! ensenil)le appartient an Musée des Ai-ts (h'coi'alifs,
ampiel il a ('dé olVerl par MM. Cliristolle el C'".
M. Lnor.viu) COKIiOVLU. — Importante collection (Louvrag-es d'orfèvrerie
moderne en or, argent, émail et ivoire, exécutés sur la commande et sous la
direction de M. E. Corroyer par des artistes et orfèvres du dix-neuvième
siècle : Aimé Millet, Cordonnier, Barrias, Bottt'e, Delove, Moreau-Vauthier,
sculpteurs; L. Falize, G. Boin, Boucheron, Keller. orfèvres; Bratean, Banlt,
rirandliomme. Serre, ciseleurs et émaillenrs.
M"" 11. DEPBET. — Collection de ([uaraiite et une pièces d'orfèvrerie du dix-
huitième siècle : soupières, chocolatières, cafetières, salières, saucières, huiliers,
couverts, etc.
M"" Lkon DEPKET. — Orfèvrerie du dix-liuilième siècle ; légumiers, plats et
couverts.
M. A. DESRl'ES. — Sucrier en argent, œuvre de Fannière.
M. F. DOISTAU. — Orfèvrerie des dix-huitième et dix-neuvième siècles :
flambeaux, légumiers, saucières, salières, plats et couverts.
M. P. DULTIEB. — Nécessaire de fumeur en vermeil.
M. Michel EPHRUSSL — Soupières et leurs plateaux, époque Louis XVI.
— XIV —
M. Auguste FAiNMÈRE. — Trirème en argent offerte par S. M. l'Impératrice
Eugé)iie à M. F. de Lesseps à l'inauguration du canal de Suez (1869); garniture de
cheminée en argent et lapis; service de table composé de 16 pièces; (lambeaux;
œuvres composées, sculptées et exécutées parles frères Fannière.
M'" FllOMENT-MEURlCF — Calice en or émaillé, dessin de Cli. Lamcire,
exécuté en 1880 par Emile Froment-Meurice.
M. Fr.ANcois FROMENT-MEURICE. — Ostensoir et cil)oire offerts par S. A. W. la
Duchesse de Paruie à Notre-Dame d'Issoudun en 1877, nnivres d'Emile Froment-
Meurice.
M""' la Comtesse DE CANAV. — Soupière en argent et son plateau, é|)0(|ue
Louis XV.
M. Cil. CiAl)ALx\. — Orfèvrerie style Empire.
M.COLDSCIIMIDT. — Orfèvrei-ie de style Empire : corljcille de milieu. Ilam-
beaux, seaux à thampagne, soupière sur son plateau, service à café en vermeil;
légumiers ayant appartenu à M"'' Mars.
M. Raoii- (lERVAlS. — Châtelaine, breloques et montre, boîle à mou(die, ('dui
en or guilloché, époque Louis XVI.
M. .1. COERY DU ROSLAN. — Collection de boîtes en or ciselé et émaillé,
épo(pies Louis XV et Louis XVI. Prix de course : «le char d'Apollon ». ayant
appartenu au comte de Lagrange.
M'"" la Marquise GUILIIEM DE POTIIUAU. — Fontaine à thé, (cuvre de
Fauconnier; service à thé en argent exécuté par M. André Aucoc pour compléter
le service.
M""' Ckouces HACHETTE. — Surfont et candélajjres, onivres de Fannière frères.
Coffret et coupe en argent repoussé, œuvres de Diomède; aiguière, œuvre de
Vernaz-Wechte ; statuette en argent, modèle de Delaplanche, exécutée par Marioton.
M. Jean HACHETTE. — Surtout « Enfants à la Chèvre » ; cafetière et
coupes en argent incrusté d'or, ceuvres de Fannière; « Racchante », œuvre de
Carrier-Relieuse.
M. CiEOH(;es HARTMANN. — Dessins originaux de pièces d'orfèvrerie.
M""' Léon IIELFT. — Quarante-trois pièces d'orfèvrerie : couverts, tasses à vin,
coupes de mariage, coquetiers, gobelets, boîtes à épices, épo({ue Louis XV; cafe-
tières, tasses et théières, style Empire.
M. E. IlENRV. — Deux aiguières Louis XVI; flambeaux et huiliers Louis XV;
ciboire et calice.
M. le Prince DE HOHENLOHE. — Important service en argent et incrustation
d'or, exécuté par les frères Fannière.
" XV —
M ('.. I,r.r>\l h\'. — |j(''^iiiiiit'r>^, scrsifc ii cilV-, rdiiLiiiic ■>l\lc l'.iii|iiro.
M la hll(•ll.•^>^(• hl! I.INM'IS. Siiihml .|r l.iMr du ili.ilciii .|r h,iiii|.icfrc :
sc|i| |iirccs en ;iii;c|ll |r|Hill^sf ( I S'il I- I S')"» , se i|| 1 1| me (|c .Iciii l clirlicrc-, , (iiTc-
Nrciic (le IV.iiicDi'^-hi'^irc rininciil -Mciiricr.
M. C.IIMllls MWMII'.IM. — ()ll/c pièces «l'oi l'es leiie de ^Isle |'i('';jeine et
Louis \\ ; (|eil\ [lièces de s|\|e r»eii,iissaiiee, leuM'es d (>di()l.
M. (.11 \l;l I s Mr,TM AN. AiL^iiiere du di\ liiiilieiiie sieele ; siierierde s|\ le Km|)ir'e,
Ml Slll', d' \l>l»l'.\ IL!,!",. — l",|nM' d'li(tiiiieiir de lamiral (-oiirltel, (eii\re d(i
Miiiile {''rdiiienl Meiiiice.
M. N(U KrrK-l)KI.(H\Mlv — Qiialre primes d'Iiomieiir des Coiieoiirs r(''pii(>iiiiii\,
(iMlM'es de i'i'oineiil-.Meiii'iee el de (llirislolle el (',".
.M. (Iasion l'Alun KZ. — Orl'èvi'erie de r(''p(K|iie Louis X\'l : IxjÎIcs à ('piccs,
CMrcliri'i's: eouverls a\aiil apparleiiii an roi Ijoiiis XVI ; llainLeaiix.
M""' PKUM^S. — Timbales, carelièrcs, aiguière, de Ic'ixxjiie Louis WI.
M. IM'.KNhyr. — Aii^uière et son |)la(eau. ('•|)0([ue liouis \\ I.
.M. l'KUiilN. — Flamlieaux el huilier, ('poipie Louis WI.
.\L le Uaiou IMC.IION. — L('\uumiei' eu ar.^cul, sucrier el plateau eu platine.
.M. Thomas IMKrUI. — Aiguièi'e el sou plaleau. (euvre de Thomas (lermain.
M. Ki.oiAiU) IMIILIIMM. — Lu é(lii(piier.
M"" la (louilesse IMLLET-WILL. — Sucrier, cuiller et pince à sucre de style
Louis WI.
M. le C-omle IMLLET-WILL. — Deux groupes sculpture chryséléphanliiie :
« Yéinis et Triton », « Bacchante et Satyre » ; les nus sont en ivoire et les drape-
ries en argent repoussé. Sculpture de Feuchère, orfèvrerie de Franeois-Désiré
Froment-Meurice (1851), hauteur 1 mètre.
M. Malrici: POUSSIELGUE-RUSAND. — OEuvres de son père, Placide
Poussielgue-Kusand, orfèvrerie religieuse : crosse, reliquaire de la Vraie Croix
de Notre-Dame de Paris, ciboire, calice, d'après les dessins de Viollet-le-Duc ;
calice, croix de procession, crosse, burettes et plateau, d'après les dessins du
R. P. Martin.
M.M. PRÉVOST et CJ^ — Dessins appartenant aux archives de la maison Odiot;
psyché de ITmpératrice Joséphine; berceau du Roi de Rome; encrier de l'Impé-
ratrice Marie-Louise, etc.
Huit pièces d'orfèvrerie exécutées par les Odiot sous Charles X, Louis-Philippe
et Napoléon III.
MM. Louis et Paul RADIUS. — Boites en or, cafetière, gobelets d'émail trans-
parent, crosse d'évèque, châtelaine, bracelet, oeuvres de M. Frédéric Boucheron.
— XYI —
M. Fernand RIDEL. — Châtelaine Louis XV en or.
M. Edmond ROSENBERG. — Enci'ier en laque monté or, boîte en vernis Martin
monté en or, style Louis \V; salière en argent époque Premier Empire.
M. Guillaume Sx\BATIER-DESPEVRAN. — Seaux à rafraîchir en argent, dessins
de Liénard, exécutés en 184r> par François-Désiré Froment-Meurice.
M. René SAILLARD. — Calice, ciboire, ostensoir, croix d'autel en argent,
œuvres du dix-huitième siècle.
M. Ed. ÏAIGNY. — Couj)e en vermeil, décor « Plumes de paon », œuvre de
M. L. Falize.
M. Léon THELIER. — Service à bière en argent, (cuvre de Fannière.
UNION CENTRALE DES ARTS DÉCORATIFS. — Aiguière et son plateau, œuvre
de Vinsac aîné, époque Louis XVI; boite à épiées style Louis XIV, œuvre de Peu-
reux; service à cale Louis XVI, œuvre de Christofle et C''^ ; aiguière en argent,
œuvre de Barbedienne; cafetière Louis XIV; huilier Louis XV; ciboire Louis XVI.
M"" (-MAULES VERN.\Z-WECHTE. — Bouclier en argent damascjuiné d'or,
exécuté par son })ère. Weelile; deux modèles en cire de vases en argent exécutés
l)ar Wechte.
M'"" VIDAL. — Cabai'ct en argent avec cristaux style Empire.
M. le Vicomte Loris DE VILLIERS. — Sucrier, salière doubk^ salières simples,
moutardiers slvie Louis XVI.
Dessin (le Borain.
O
iihui iciil \-.i\r t\i- Ai( ■- ili-ciiral il
INTIinmCTKlN
CIIAPITUE I"
Oi'iiiiiu' (les Expositions rrli^ospcclives.
I^e Miisrc c(Miloniial «le lîMM).
« rExpositiou contemporaine sera jointe une expo-
» sition centennale, répartie entre les classes, et
» résumant les progrès accomplis, depuis 1800,
» dans les diverses branches de production ».
C'est ainsi que l'article 3 définissait l'organi-
sation des Musées centennaux institués par le
décret du 4 avril 1894, portant le règlement gé-
néral de l'Exposition universelle de 1900.
Dans la circulaire n" 4, adressée aux membres
des Comités d'admission par M. Stéphane Dervillé, directeur général adjoint de
l'Exposition, chargé de la Section française, il était rappelé que : « Dans chacun
» des groupes, et autant que possible dans chacune des classes, l'Exposition
» contemporaine sera voisine du Musée centennal, de telle sorte que le public
» trouvera tout ensemble, le produit, sa fabrication et son histoire.
» Vn puissant intérêt naîtra de ces juxtapositions. »
L'idée n'était pas nouvelle, et jamais une aussi belle occasion ne s'était pré-
sentée de faire l'histoire de nos industries dans le passé, et de montrer les
progrès de rindustric française dans le cadre grandiose d'une exposition uni-
verselle.
Mais, avant (ont, il me paraît utile de remonter à l'origine des expositions
rétrospectives, et de rendre à César ce qui appartient à César, en rappelant ici,
que l'idée de réunir dans une exposition les vestiges du passé pour servir à
l'enseignement du présent, appartient à l'Union centrale des Beaux-Arts appli-
qués à rinduslrie. C'est, en elTet, le 10 aoùl 18G5 que fut ouverte, par son ini-
tiative, la première Exposition Rétrospective.
A côté de l'exposition des industries d'art qui se développait au rez-de-
chaussée du Palais de l'Industrie, l'Union Centrale avait groupé au premier étage,
relié à la nef pour la première fois par un escalier monumental, les richesses de
nos collections privées, alni de mettre les chefs-d'œuvre les plus parfaits de l'art
ancien sous les yeux du public. Elle avait en même temps invité les écoles de
dessin, de Paris et des Départements, à exposer le résultat de leur enseignement;
elle voulait ainsi, en mettant en présence le passé, le présent et l'avenir, api)eler
les producteurs contemporains à profiter de la leçon qui se dégageait de l'obser-
vation des chefs-d'œuvre de leurs ancêtres, et, en constatant l'état présent de
l'enseignement du dessin, permettre aux maîtres illustres de l'époque de guider
la génération nouvelle vers une concepliiMi plus haute et plus pratique des arts
du dessin.
L'enseignement a porté ses fruits, et l'Union Centrale put se féliciter de sa
noble et féconde initiative.
L'organisation du premier Musée rétrospectif avait été confiée à une commis-
sion spéciale, présidée par M. le Comte de Laborde, ayant à ses côtés, comme
vice-président, M. du Sommei-ard, et comme secrétaire, M. Louvrier de Lajolais.
Elle avait été chargée de faire appel à tous les collectionneurs et propriétaires
des objets les plus saillants de l'Antiquité, du Moyen Age, de la Renaissance et
des siècles derniers, pour les inviter à prendre part à une exposition qui aurait un
véritable intérêt pour l'histoire de l'art, et pouvait exercer une inllueuce décisive
sur les progrès de nos industries d'art.
Le I" avi'il 18G5, elle adressait aux principaux collectionneurs d'objets d'art
une circulaire dans laquelle nous relevons un passage qu'il nous sendjle néces-
saire de transcrire ici :
« Les Musées de l'Etat, les grandes collections publiques renferment d'im-
» menses richesses mises à la disposition de tous et dans lesquelles l'art et
» l'industrie modernes ont su puiser, dans ces derniers temps surtout, de si
» précieux renseignements; mais des trésors de tous genres sont accumulés
» dans les galeries particulières, où peu d'élus sont admis à pénétrer: des objets
» d'un haut intérêt pour l'histoire de l'art sont disséminés de côté et d'autre.
» Rassembler ces collections et ces objets précieux, les exjjoser temporairement
Si i
C ::
0) -
3 ... .=:
Musée rétrospectif du Mobilier.
!'■'' EXPOSITION DE I.'rMnN CENTHAI.E DES AlîTS DÉCi ll!ATIF^
[Cnllerliim Itich.ird WnUnce.)
— 7 -
» sous les yt'iix ilii [uil iIh il iiin' iii.iiiiiTi' di-iicrl ut ilr pour I oiis, l'avurKiT, p.u"
» leur ri'UUKiu, I Cluili' ilc-^ lrni|>^ .uicu'un cl le (|('-\ cldpiMin.'iil ilr- iuiliis||-ics (|ui
» rcIcNtMit (If I ,nl, li'l ;i l'I" le ImiI i|iu' s'c^t |iro|MtN('' Il niiiu ( '.cul r.ilc, cl pdiu'
<> la rcuNsilc (lui|ucl clic u a recule ili'xaul aucuu saciilicc, lail c^vcul icHcmcul
» (lcsiulcrc>S('', |)uisi|iu' le iiniiluil, ^ il \ a lieu, eu sera ap|tli(|U('' a I l'ijucal iou
» (le iu>s (Uisriei's, cl au perlecl iouueuieul <le \\n^ prulesNious iuilu^l i jellcs. »
IMu> (le -l')\)\) (tlijeK (I ail. apparleuaul a .'lll") auialeiu-s cl cdllccl Idi'rH'iU'^, (pii
avaicul lucu \(iulu repdudrc a I appel de II uiou C.eulralc, a\aicul cdu>lilu('' uu
tMiscuiltlc iudiiMlalilc. liappclci- ici Icn uduis de ceux (pii s"(!'laiciil iiiscrils (1«'S
la pi'tMuici'c liciu'c. c"esl dire Idiil I iul(''rcl. (|U(' |)r(''sculail la riMUiiou des cdjicc-
tidiis apparleuaul a MM. l'dduai'd Audrr, — (loinlc liasilcwski, — Kduioud liou-
iiallV', — Mar(piis de (',heuuc\ ièrcs, — Maïu'icc (lollicr, — l*riucc (l/ai-lor'vski,
— Davillici-, — hclalicrcdu', — Dcslaillcui', — L(''dpdld Doiildc, — les IVcrcs
hnliiil, — Mar(piis de (lauay, — M"'" (îraudjcau, — Marijuis (l'IlcrlCoiMj, — la
Vicdiulcssc de .lau/.c, — M""' Acliillc Jubiual, — MM. de I/iosvillc, — Maillet du
Boulay, — Mauidieiui, — Le Mohilier de la Couronne, — Duc de Mouchy, —
Comte de .Nieuwerkerke, — de Nolivos, — lîai'on Pielion, — tous les Rothschild,
— Sauvai^eot, — Spiizer, — Edmond Taigny, — Uicliaid Wallace..., pour ne
citei" (pu' U's |dus iuipcu'tants.
Cette première manifestation fut suivie de sept autres expositions, qui pas-
sèrent en revue les principales applications de Tart décoratif.
En 1869, TExposilion rétrospective fut consacrée à l'art oriental.
En 1874, l'Histoire du Costume avait été adjointe à la troisième exposition
des industl'ies d'ai-t.
En 1876, l'Histoire de la Tapisserie avait réuni des séries remarquables, com-
plétées par une exposition de tapisseries appartenant au Carde-Meuble.
Enfin, en 1880, s'ouvrait la série des expositions technologiques, dont l'un
des membres les plus autorisés du Conseil de l'Uniou Centrale, l'orfèvre Lucien
Falize, avait tracé le programme. Les matières premières susceptibles d'être
transformées ou modifiées par l'art et le goût devaient servir à déterminer le
l)rincipe de la classification.
Chacune de ces expositions présentait la matière à l'état primitif, puis la
transformation qu'elle subit avant d'être livrée à l'industriel ou à l'artiste, les
procédés, les outils et les appareils qui servent à la façonner, et enfin l'œuvre
créée ou embellie par l'artiste ou par l'artisan. A côté des productions de l'art
moderne, un Musée rétrospectif racontait, par des exemples choisis avec soin,
l'histoire des différentes industries, successivement passées en revue.
C'est ainsi que la comparaison entre le passé et le présent s'établissait d'elle-
même, et que l'étude était devenue plus féconde parce qu'elle avait été rendue
plus complète. — Tel était dans ses grandes lignes, formulé par M. Paul Mantz,
président de la Commission consnltalive, le programme que l'Union Centrale
avait adopté pour ses expositions technologiques et que l'Exposition de 1900
devait reprendre sur une échelle grandiose.
Elle organisa successivement :
En 1880 : Première Exposition. — Le McMal avec l'exposition rétrospective des
Arts (In Métal, h laquelle avait été jointe l'Exposition de la collection des bronzes
rapportés d'Extrême-Orient, par M. Cernuschi.
En 1882 : Deuxième Exposition. — Le Bois (mobilier) et le tissu, avec l'expo-
sition rétrospective des Arts du liois. Le Garde-Meuble national avait apporté un
contingent considérable en puisant dans les châteaux de Versailles, de Trianon,
de Fonlainebleau et de Conq)iègne, les pièces les plus remarquables de notre
mobilier national.
En 188 't : Troisième Exposition. — La Pi(M're, la Terre, le Verre, avec adjonc-
tion de l'exposition rétrospective des Arts du Feu. La manufacture de Sèvres y
figurait avec un magnifique ensemble.
En 1887, était ouverte une exposition récapilulalive, et, en 189^2, l'Exposition
moderne rétrospective et internationale des A/is de ht Fcmuw ter;ninait le cycle
connnencé.
La leçon demandée aux Mnsées rétrospectifs avait donc été largement donnée
et l'idée de borner l'œuvre de 1900 à l'exposition des progrès accomplis pendant
le siècle (|ui venait de finir élait excellente en soi, et devait présenter le plus magni-
llqne ensemble ((u'il fut donm'' au monde qui pense et qui travaille de voir réuni.
Mais était-il possible de rendre ces ensembles intéressants en limitant le
champ des découvertes à faire au dix-neuvième siècle, et, dans certaines classes,
ne serait-il pas nécessaire de remonter au delà du dernier siècle. L'événement l'a
prouvé, et on ne saurait regretter d'avoir vu, dans certains cas, les Musées centen-
naux se transformer en Musées rétrospectifs depuis les temps les plus anciens,
et en montrer les origines.
Ils ont été souvent plus intéressants que ceux qui s'étaient maintenus dans
les limites fixées par les organisateurs de l'Exposition.
Dans une certaine mesure, le Musée centennal de l'Orfèvrerie n'a pas échappé
à la tentation, et a fait une incursion heureuse chez les amateurs de l'art du dix-
huitième siècle. Les collections de M"" Burat, de M'"^ Depret, de MM. Doistau,
Ephrussi, G. Boin, Chappey, Bernard Franck et du Musée des Arts décoratifs, ont
ouvert un délicieux horizon aux visiteurs, en faisant admirer les belles orfèvreries
des Germain, des Boettiers, et des autres maîtres orfèvres du dix-huitième siècle.
Le Musée centennal <le 1900 fut constitué parla réunion de l l iO objets d'or-
fèvrerie prêtés par 71 collectionneurs et par 9 malsons d'orfèvres existant
encore. Il conq)renait des œuvres remontant au dix-huitième siècle et les œuvres
Musée rétrospectif du Costume.
3'' K.vrosiTioN Di; l'imon cknthale des arts décoratifs, \S~\.
Ia" CiiMinl Escalit'r. Paul I-nrain. arrliitocte.
I
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(1(1 (li\-lli'ii\ icilir siècle ;iiil ( riellics ;i |S(S!I. Lii \iilelir (|(''cl;i|-(''e Ji.ir les |ir()-
[">ii('l;iiics (les oitjcis e\|H(ses, e| |i<)iir l('S{|U('ls r;ii|iiiiiii-l i;il ion ;i\,iit doiiiie sa
j^iiraiil ie, (li'p.iNs.iit |;i soiiiiiic de ."') 'ilKHHIO IV;iiics.
L;i (•(illIllllssKiii rli;ii>;cf de nMlllir cl dr cl.'lsser les [(ieees e\|tOsees el;iil |(re-
sidc'c |»;ir M. <i. Hoiii, seidiidc |);ir rr\|K'iitiire el le ;j(iùl de MM. Kdiiioini T;ii;-'iiy,
Ai'liis cl Va\. ('.onoNcr Le plaii en a\ail r\r dresse'' |iai' l'an iiili-dc de la (liasse,
M. Paid Ldiaiii. cl la dt-coralioii a\ail r\r ^■u\\{'\^''^' ii M. Kciiidii, «|iii lavail ((tiieiic
dans les nicmcs duniK-cs d('C((rali\cs i|iic celles de la (liasse clle-iiièiiie, Noiilanl
ainsi nidnlrer (|ne les oiïeM'es nnidernes ('-laienl bien les conliimalcMirs lialtiles
de cenx i|ni les a\aienl |ii'eeed(''s.
Le Mnsi'c cenleinial avait c{r adossé à la eloison (]ni le s(''|)aiail de> (liasses
de la l)ij(»nlei'ie el de la ,l(iaiilerie; ()eeii|)anl, re\lr(''nnlt'' de la ;^alei-ie dn re/-
d('-('liaiiss(''t' de rilsplanade des Invalides (|ni avait ('•l('- eonsaciM'-e au (ii-oupc W
des indnsli'ics iliviM'scs, il se développait dans toute sa lai^MMU' el i^araiiélcrnnnt
à rexpositioii ilos orfèvres uiodcrucs. Le l'oiid était meublé par des vitrines
adossées, séparées par des soeles destinés à mettre eu valeur les pièces isolées;
des vitrines centrales |)onr les nu'uus objets précieux, et des tables à lair bbre
complétaient raniéna^X'nient «général.
Deux vitrines étaient consacrées au dix-huitième siècle. Les collections de
MM'""^ Hurat, IL Depret, la comtesse de Ganay, de MM. Arlus, G. Boin, Doistau,
Ephrussi et du Musée des Arts décoratifs avaient fourni les pièces les plus inté-
ressantes.
Deux autres contenaient les pièces d'orfèvrerie appartenant à l'épocpie de la
Restauration, empruntées aux collections de MM. Goldschmidt, Lebaudy, Artus,
Rosenberg, et de M"" la comtesse Brevern de la Gardie. Puis venaient les vitrines
se rapportant à l'époque de Louis-Philippe. Les collections Cahen d'Anvers,
Pillel-Will, duchesse de Luyncs, baronne Bro de Comères, Sabatier d'Espeyran,
Froment-Meurice, Odiot avaient apporté une large contribution.
Le second Empire était représenté par les œuvres des orfèvres Aucoc,
Christode, Fannière, Froment-Meurice fils et Odiot fils.
L'époque de la troisième République était représentée par les œuvres de Chris-
tofle, de Fannière, Froment-Meurice, A. Marioton, Boucheron, etc. Une vitrine était
consacrée à l'orfèvrerie religieuse ; Poussielgue-Rusand et Armand-Calliat y figu-
raient avec honneur, et le Reliquaire de la Vraie Croix, œuvre magistrale de Viollet-
le-Duc, avait été prêté par le Chapitre de Notre-Dame de Paris. Enfin une vitrine
contenant une collection d'œuvres modernes montrait ce que peuvent le goût
et l'initiative d'un amateur riche et avisé, qui pensait qu'en provoquant chez ses
contemporains l'éclosion d'œuvres d'orfèvrerie intéressantes, on pouvait enrichir
le cabinet d'un amateur et se procurer plus de joie que de fouiller les archives du
passé. C'est à M. Corroyer qu'on devait cette heureuse tentative ; on a pu voir
k
— 14 —
qu'il avait roussi ot qu'il avait été bien inspiré en s'adressant à des sculpteurs
comme Barrias, Bottée, Cordonnier, Delaplaiiche, Moreau-Vauthier, etc., des cise-
leurs comme Brateau et Rault, des émailleurs comme Grandhomme, des orfèvres
comme Falize, Relier, etc.
Les tables-vitrines contenaient les merveilleuses boites en or ciselé et émail
du dix-huitième siècle provenant des collections Boin-ïaburel, Bernard-Fianck,
Chappey et Doistau.
Sur les socles isolés, des œuvres de Froment-Meurice, Christolle, Marioton,
Boucheron, et, sur une grande table qui occupait le centre de l'exposition, le sur-
tout de Napoléon III, arraché aux décombres des Tuileries après les incendies de
1871, œuvre de Charles Christolle, reconstitué par la piété filiale de ses enfants
pour être donné au Musée des Arts décoratifs et perpétuer sa mémoire.
Tel était rensembic du Musée centennal de l'orfèvrerie. Ccîi-tes on aurait pu
rémiir un ensemble plus important; mais les auivrcs en métal précieux sont
périssables, le g-oùt chang-e, la mode se ti-ansforme, et la matière entre des mains
ignoi'antes est si facile à réaliser ou à transformer à la mode du jour! Si l'espace
concédé par l'Administration était restreint, les organisateurs ont su néanmoins en
tirer un parti heureux pour mettre en valeur leurs œuvres qu'on lui avait confiées,
et donner une noble idée du bel art de l'orfèvrerie. Nous ne pouvons que les
en féliciter, et nous réjouir de l'occasion qu'ils nous ont donnée de retracer ici
le tableau de l'orfèvrerie française, aux dix-huitième et dix-neuvième siècles.
Gobelet, émail de GrancUiomnie.
(Collection Corroyer.)
i:;
l
Musée centennal de 1900
Le di.\:-liuiLi(.''mc siècle. — [Colleclion Biirnl.)
Musée centennal de 19C0.
Llîmiu-e et la Restauration.
ri
Musée centsnnal de 19G0.
Kpoquc I.uiiis Pliilippc. — Oïlinl. FeucliL-re. FiMm.'iit -Mfuricc.
Musée centennal de 1900.
Ei)oqiK- Xai)nlcon III. — Faniiii'i-e, Clii'i>l('n.'. Frnnicnt-Mctiricc lil
JPF&'Pn
Miîse. entonnai de 1900.
2:1
Musée centennal de 1900.
Orfèvrerie religieuse. — Poussielfiue-Husand, Armand-Calliat.
:
Ai^iiiiiTO ol son Imssiii on ar^ionl rcpini^si'. (lix-M'ptirnif Niccic.
CIIAPÏTIIE II
(]4>iip iWvW sur rorfovporio fi*an(;aiso dopiiis les Moi'oviiiiiions
jus(|ir;\ la morl d(^ Louis XIV.
EMONTER aux origiiios (le l'art de l'orfèvre n'entre
pas dans le cadre que je me suis tracé. Je n'irai
pas jusqu'à citer Homère ou la Bible pour en
fournir la preuve, il me suffit de rappeler ici
que, si l'orfèvrerie a ses origines dans le passé
le plus lointain, c'est à la France qu'elle doit
ses plus précieux monuments.
Cependant j'ai pensé qu'avant d'aborder
l'élude des œuvres d'orfèvrerie française ap-
partenant aux deux derniers siècles, et réunies
au Musée centennal, il était nécessaire de tracer
un tableau rapide des transformations qui se sont opérées dans l'art de l'or-
fèvre depuis les origines de la monarchie française jusqu'à la fin du règne de
Louis XIV, et de signaler brièvement les influences diverses qui ont marqué, au
cours des siècles, les étapes successives de l'art de l'orfèvrerie, se développant
avec la civilisation, se transformant avec l'architecture, reflétant l'esprit et les
mœurs du temps, et consacrant le goût d'une époque par la perfection de
ses œuvres et le génie de la race française.
L'orfèvrerie fut religieuse, dans les premiers temps de la monarchie française,
alors que la foi chrétienne confiait aux atehers des monastères le soin de
— 26 —
conserver les traditions de l'art et du métier, en enrichissant le trésor des églises
et des abbayes.
Ce n'est pas sans raison que les orfèvres français avaient pris comme patron
le Bienheureux saint Éloi, orfèvre avant de devenir évoque, et ministre d'un roi
de France avant d'être canonisé.
Saint Eloi, né dans le Limousin, avait fait son apjMTnlissage dans l'atelier d'un
orfèvre monétaire de Limoges, nommé Abbon. Désigné à la confiance du roi
Dagobert, par le scrupuleux emploi qu'il avait fait du mêlai qui lui avait été confié.
Fauteuil de Dai^obert, par saint Éloi.
en exécutant deux sièges au lieu d'un que lui avait connnandé Dagobert, il n'usa
de la faveur royale que pour le bien de l'Église et de l'Etat. 11 fondait près de
Limoges, à Solignac, une abbaye célèbre par les ouvrages d'or et d'argent, et les
vitraux qui sortaient des mains des moines artistes qui l'habitaient.
Fonder un monastère à cette époque, ce n'était pas seulement ouvi-ir im asile
au recueillement et à la prière ; c'était aussi travailler à reml)eUissement de la
patrie terrestre en favorisant la triple culture des champs, des lettres et
des arts.
27 —
Aicliilcrlc^, pciiil li'^, scilllilclir-^, ((rlcN rcs, mi \riiirrv, les rc|i;.'icii\ >«;i\;iic|||
l'iiiic |i;iilc|- l.i liliiticic, cl N(ill> lies illlii;^('S
Icirc^l ic^ hil^MT clil ic\ (lir les | ic,itil(''>> l'Irr
iicllo. I)('l;;i|^('^ lie hnitc |in'(M'i'ii|i.il imi de
l.'i \ic iiiali'i'iclli', lniii (Ic^ hiiiiU (lu (IcIkits,
(\a\\^ raliiKi^plii'iT ciliiic cl ii'iMicillic ilii
Moine orfèvre.
(^iiitliai-e anti<nie dite (^nii)e des IMoléiiiées.
[Cul)inct des mtulnilh's.)
niôiiastèrc, les moines artistes, poursuivant
Tteuvre commencée, n'avaient d'autre souci
(jue d'élever leur àme et d'arriver à la per-
fection. La foi chrétienne les soutenait, et c'est pour honoi-er leur Dieu que
les moines créaient ces œuvres magnifujues,
dont le noml)re fut considérable, et dont les
rares spécimens, échappés à la fonte et aux
destructions impies, nous laissent aujoui'-
d'hui tant de regrets.
i( Dès les premiers siècles, l'art dans son
» expression la plus élevée, comme dans
» ses plus riches matériaux, avait un but
» moral par sa destination religieuse; il était
» accessible à l'œil et à la main des foules.
» Ces précieux joyaux, aujourd'hui gardés
» sous triples verrous, dans des résidences Caiiee de saint Rémi.
» peu abordables, récréaient alors le regard {Trésor de la cnihédmie de neims.)
— 28 —
» des pauvres comme celui des riches, dans des temples toujours ouvei'ts.
» Ils étaient là comme le trésor de ceux qui ne possédaient pas.
» L'art, dans ces époques naïves, n'avait pas pour but de faire briller d'iiu-
» maines vanités, il était avant tout populaire et, comnie tel, destiué à agir sur
» rintelligence et l'iuiagination du peuple. L'orfèvre remplissait cette mission à sa
» manière (I). »
L'arcliilcclure lui avail monli'é le chemiu et les transformations de l'uiu^
donnaient à l'autre des formules nou-
velles. Ces deux arts étaient alors élroi-
tement unis. Celait le même art em-
ployant des matériaux et des ])rocéd(''s
dillV'r'ents, pour produire une semblable
impression par le déploieuient d'un même
génie.
Dans les décorations un peu rudimen-
taires des pièces de la période mérovin-
gienne les ligues géométriques et simples
servaient de cadre à des ornements tili-
granés, associés aux |)icri'es précieuses.
La couronne du roi visigoth Ivecesvinlhe,
conservée au Musée de Cluny, le calice
de saint Kemi qui ;q)paiiicnt au Ti'ésoi'
de la cathédrale (h' Heims, et la coupe
M des IHolémées au Cabinet des Médailles
nous font connaître l'ornementation pri-
mitive, mais non sans cliarme et sans
grandeur, de celte éj^oque.
Quatre siècles plus tard, l'impression
produite sur les esprits par l'architecture
avait modifié le décor: la flore, la faune, la figure humaine associées dans la
décoration des cathédrales provoquaient une évolution nouvelle. Les figures des
saints meublaient les arceaux d'édicules robustes et simples, ou se transfor-
maient en vases précieux destinés à recevoir les reliques des saints présentées ta
radoi'alion des fidèles. Les animaux agrémentaient les vases, tel le reli([uaire en
porphyre à tète d'aigle exécuté à la demande de l'abbé Sugei-, l'un des joyaux
de la Calerie d'Apollon au Louvre.
Les ileiu's, les feuillages se développaient en rinceaux ornemanisés, et les
('•maux, rem|)lacant par leurs chaudes colorations les rellets des pierreries,
Hcli([iiaire en tniiiie d aigl
{Galerie d'Apollon.)
(1) Diclioiiiuiiri' de l'orfèrrerie chrélieiiitc ilr l'abbé 'l'exier.
- û\)
Ncii.iifiil fiirnliir l("^ |>;iiiim';iii\ dc^ (liasses, ri les tuiiiics des vjiscs sjUM'és.
A 1,1 Un (In (li.ii/iciiic siècle r.iii'liileci un' s'el.iil t r.i II vloi-mr-e de ii()ii\r;iii;
aux Idniics li;i|iii('> di's edilices, an pleni ciiili-e di'> i»ii\ cri iin-s, elh' a\ail,
suiollluc r(i:^l\c; Ifs (•(iliillliel les eillhllles de |)iliacl('s deiileles. |es reiirllTS
;ic(a>s|ees de (•oui icr( irl s ajouii's, les llecjics ai;.'ll('s, les I .ali|s| rades ('sid/'cs.
doiiiiaii'iil aux cdiliccs une svcllcsse (■h-j^aiil c i|iii' riiilcv n'i'ir feliuicu^c n cui-
prcssail d'ad(t|il('r.
IMiis libre dans sou iiil('r|ir('-lal i(ui cl u'axaiil |M)iiil. coiiiiiic rardiilccle. a
i'iun|ili'r a\ ce les exiLicurcs de la slal)ilil'-. l'iU-rcs rc a\ ail huiles les aiidarcs ; la
l'ii^idile du iiK'Ial. su luallt'alu-
lih', se |irèlaieiil a loiiles x's
l'aulaisies. La ti^iire liuiuaiiie
rendue d'une l'aeou iiai\c el
|)OiUi(|Ui\ la lleur el le l'euillai^c
assouplis en des riiieeaux (Me-
iiaiils, iinpi'iuiaieul à eos aMivres
un earaiMère (U'ii;iual el eliar-
inaiil, el eel aii nouveau, ro-
Imsle eoiniue l'arbre de la Corel,
souple eomnie la gramiiiée des
prairies, gracieux comme la
ileur des champs, était et devait
rester comme une des plus
belles iucarnations du génie
français.
L'orfèvrerie civile avait suivi
le mouvement donné par l'or-
fèvrerie religieuse. Les souve-
rains el les princes s'empres-
saient de convertir en beaux
objets d'or et d'argent les métaux précieux que les hasards de la guerre ou les
successions faisaient tomber entre leurs mains; on ne comptait plus les hanaps,
les coupes, les aiguières, les drageoirs, les écuelles, les plats, les salières dont
ils enrichissaient leurs trésors.
Tous ces beaux objets faisaient partie du mobilier des cours et des châteaux
de la noblesse. Les grandes réceptions, les entrées solennelles, les joutes, les
tournois, étaient l'occasion de montrer à la foule les richesses possédées. C'était
la marque de la fortune. C'était aussi une réserve métallique ; M. de Laborde a dit
avec beaucoup de raison dans sa notice sur les émaux du Louvre : « C'était tout
» l'avoir des rois, des princes et des seigneurs; ce que nous plaçons dans les
Table cl drussoii- comoils de i)ié-cis irorrèvrcric,
d a[ir(Js une iiiiiiiatuce.
— 30 —
» fonds publics, dans les actions industrielles, ce que nous possédons en argent
» comptant, le seigneur du moyen âge l'avait en orfèvrerie. Capital mort, sans
» doute, mais qui donnait, au lieu d'intérêts, le plaisir fastueux d'étaler ses
» richesses sur des dressoirs aux jours des grandes fêtes et des repas magni-
» fiques. »
Mais, lorsque les mauvais jours arrivaient, ces somptueux objets devenaient
une ressource précieuse, où l'on puisait à pleines mains pour subvenir aux fi'ais
de la guerre, ou payer les rançons, ci les (cuvres d'orfèvrerie disparaissaient sans
laisser de traces.
Après s'être développé et avoir giandi au milieu des p(''ripéties les plus terribles
de notre histoire, et avoir éclairé de ses gracieuses créations le monde féodal,
l'art de l'orfèvrerie ne s'exer-
çait plus ex(dusivement dans les
abbayes.
Sous J'inlUience des grands
seigneurs et des princes, les ate-
liers civils s'étaient constitués et
donnaient à leurs œuvres des raf-
linements inconnus. Ce fut l'é-
poque où les artistes étrangers,
Flamands ou Italiens appelés, les
uns par les ducs de Bourgogne,
les autres par les rois de France
et les seigneurs qui, à leur suite,
étaient revenus d'Italie encore
sous le charme des merveilles
qui les avaient séduits, allaient
opérer une transformation carac-
téristique dans l'art de l'orfè-
vrerie, et exercer une influence
directe sur nos ateliers. Certes
ils auraient pu porter un coup
fatal à notre art national, mais
ni Charles VII qui les avait at-
tirés, ni le cardinal d'Amboise qui les avait soutenus par ses commandes, ni
même François 1" en jirolégeant et en comljlant d'honneurs et d'argent l'orfèvre
florentin Benvenuto Cellini, ne parvinrent à détourner nos artistes et nos
orfèvres de leur voie ataviriue.
Aussi, malgré l'engouement pour les artistes delà Bcnaissancc italienne, la
Le dressoir du roi Louis XH, tl'après une niinialui-e.
— :m —
Hi'ii.ii^viiiicc l'i;iiir,ii-r .ill.iil ->';iniiiiii'|- ;i\it ikis .iicIi il rd c-^ I'h'IT"' LcscoI,
IMiiIiImmI hcidlllic cl \ihliiiinl l>ii ( '.iirr.nix ; mon sc(ll|ilriii- .Ic'iii (idilioll ri.
( Icilll.iili l'iloll, cl IKc- (irrc\l("^ l'.liciiiic hcl.iiiliic cl rr.ilicdi^ r.llDl. ci Ic •^rl\\f (le
iidlrc r;icc. ;ili-<()ili;iiil l.i iikhIc ikuixcIIc, I;i I i;iii-~rMiiii;iil \n,\\v l.i l'aire <iciiiic cl
riiii|M)Ncr soiis une Inriiic |icr^(iiiiicllc ;iii\ .•iiilrcv |m'II|»Ic-. (|III ^ riii|i|-cv-.;iiciil i|c
r,i(|()|.|cr. I/,hIi(.ii (|iic r;iil iill i;i-iii(iiil;iiii c\ci-c;i Mir l'ni Icn rciic |r;iiic;ii-c ne
dura pas. cl nos aiiislcs 'iNaiciil intp (J'IialHlch'' ci ili.ii.u'iiialih' iiali\c |i(mi- ne
.W'f (.Ml m- ollVrtc (tai- la \ illi' de Hurdoaux
à la roiiu' l^lcniiore.
("aiiiiélahre ofTerL par la xillu di' Pari?
à la reine Eléoinirc.
pas se ressaisi)' au contact des l'euiines de goût, reines de la main droite ou de
la main gauche, qui s'étaient faites les collaboratrices et les inspiratrices des
orfèvres.
Anne de Bretagne avait un orfèvre attitré. Arnould de Viviei's, et sa vaisselle
d"or était somptueuse. Elle ne doit pas avoir été sans influence sur l'exécution du
calice (jue possède une petite église du Finistère, Saint-Jean du Doigt, qui fait
encore les délices des archéologues, et qui, suivant une tradition ancienne, aurait
été donné en 1506 par Anne de Bretagne.
La reine Eléonore d'Autriche, seconde femme de François I", avait le goût
des belles orfèvreries. Lorsqu'en 1531, elle lit son entrée à Paris, les échevins
— 32 —
méditaient de lui offrir un groupe allégorique dans lequel le vaisseau, emblème de
la ville de Lutcce, aurait joué son rôle traditionnel. iMalheureusement il se trouva
que la ville de Bordeaux avait pris les devants et oITert elle aussi « un navire d'or,
» avec trois hunes fort beau et grand, plein d'escus au soleil, couvert et équipé
» comme s'il eust esté fait pour nager » (1). Il fallut donc, dans la crainte d'un
double emploi, renoncer au projet caressé. On se rejeta sur une paire de candé-
labres de haute taille, accostés de figures portant des drageoirs, des inscriptions
et les emblèmes de la ville.
Alelici- d'oi rcNrc, d'a[)rès Ktienne Dclaulnc {■>).
Un artiste de la plus line race, Etienne Delaulne, donnait à cette époque des
modèles à l'orfèvrerie et exécutait une série de planches pleines de force et
d'élégance, dont les ateliers d'orfèvre savaient tirer bon parti. Le modèle du
briUe-parfums, dans lequel se trouvent résumées les qualités de son talent, est
un document précieux pour l'art de l'orfèvrerie française au seizième siècle;
et, s'il est encore empreint de la donnée italienne et de l'Ecole de Fontainebleau,
il affirme déjà que l'art français avait su s'en dégager et s'alfranchir enfin par
des créations originales (2).
(1) Henry Il.ivard, Hisloirc <b' l'orfèvrerie fram-ahe, pai:i' ;il(i.
(2! L'œiiVre d'Etienne Delaulne renferme une planche qui est Lien laite pour noui inlére#,-er. Elle
représente Tintérienr d'un atelier d'orfèvre, et nous la reproduisons ici. Un jeune ouvrier, portant le
costume du temps de Cliar'les IX, s'y inoutre accompagné de ses aides et entouré de ses instruments de
ti'avail. Sans parler de sou extrèun; tinesse, celte gravure a tout le prix d'un renseignement biogra-
j)hi(|ue sui' Etienne Delaulne. La vérité de l'ameubleuient, l'exactitude du détail semblent imliquei" que
toid, dans ce laborieux intérieur, a été étudié sur nature, et que l'aulenr a vraiment vécu dans un
atelier d'orfèvre.
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\.i^ lli;iiliv^-M'- ili' IV. lin 111^ I", l;i roiiih's^c de ( '.liiil ciiil ni.iiM I d l;i iliiclirsse
,1 r,|;iiii|.c-^, <l(iiil (Ml -;iil !(■■> ihiiicl.'s ;i\rc l'.ciiN niiild, |iiii-;iiciil ;i |.lciiirs iii;iiiis
ihiii-. le li-cxir ni\;il |m.iii- l'iiiicliir Iciir^ ccniis oii Inir-- drcssoii-s. ( lai lirriiir <lc
Mclicix la r.'iiiiiic lie llnin II. hiaiic d.' l'uilici-. sa mail rr^sc, iiirllainil m
li(iiiii('iir l("> »'iiiaii\ (le Li'kikhiI iaimi'^iii.
Présent olïert par la \ille de Paris au roi Charles IX,
lors de son entrée solennelle.
Henri H n'était pas seiileiiuMit iiéiiéroux envers ses maîtresses. Roi catholique,
il donnait beaucoup aux églises, et rorlevrerie religieuse ne chômait pas, car il
fallait remplacer par des œuvres nouvelles celles qui disparaissaient dans les
pillages des éghses et des abbayes.
Sous Charles I\ et Henri Hl, malgré les troubles que les guerres de religion
— .'{G —
ont dîi apporter aux orfèvres dans l'exercice de leur art, les entrées des rois
dans la ville de Paris, les mariages princiers, étaient encore l'occasion de cadeaux
magnifiques.
Avec Henri [V, les orfèvres étaient assimilés aux peintres ou sculpteurs, et
appelés à loger dans les galeries du Louvre. La reine Marie de Médicis proté-
geait les arts, et Gabrielle d'Estrées n'avait pas manqué au rôle bienfaisant
que les maîtresses royales avaient pi'is vis-à-vis des orfèvj'es; l'invenlaire dressé à
sa mort, en 1599, dépasse en orfèvrerie somptueuse tout ce que l'imagination
peut rêver : c'est comme le procès-verbal de la situation de l'orfèvrerie française
à la lin de la Renaissance.
D'élégante et raffinée qu'était l'orfèvrerie au seizième siècle, elle allait ap-
paraître somptueuse et magnifique au siècle suivant. L'or et l'argent im-
portés du Nouveau Monde en Europe par les Hottes espagnoles affluaient
en telle abondance, que dans la Péninsule on y faisait des mobiliers en
argent.
Fille de Philippe III, la reine Anne d'Autriche, quoique ayant franchi
les Pyrénées, avait gardé les goûts de son pays. L'emploi du vermeil pour
la fabrication de la vaisselle de table devenait plus fréquent, comme il l'était
devenu dans la fabrication de l'orfèvrerie d'église. Le coffret que Kichelieu
donna à Anne d'Autriche, et que conserve le Louvre daîis la galerie d'Apollon,
avec ses reliefs d'un or supei'be, se découpant en rinceaux et feuillages élégants,
peut être considéi'é comme une des meilleures ouivres d'orfèvrerie de cette époque.
Il est « un des rares spécimens de cette ornementation charmante oii les lleurs
» naturelles jouent le rôle principal, bien qu'elles entrent dans un ensemble réglé
» par une composition préalable », ainsi (jue le constate M. Alfred Darcel dans sa
notice sur les Emaux du Louvre.
Le Cardinal Mazarin, s'il estimait par-dessus tout les piei-reries et les diamants,
dont les plus beaux, connus sous le nom des « Mazarins », furent légués par lui à
Louis XIV, et devaient faire partie plus tard des diamants de la couroime, avait
fait travailler les orfèvres de son temps et réuni dans son palais des œuvres de
grand prix. Brienne en parle avec admiration. « Que de chenets d'argent! que de
lustres de cristal et d'orfèvrerie î Combien de bras et de pla([ues de vermeil ;
combien de miroirs ou de plaques d'or et d'argent ciselées! »
Anne d'Autriche transmit à son fils Louis XIV ses goûts poui- l'orfèvrerie.
Les premiers jouets du jeune roi étaient en argent, et sa mère, ne voulant pas lui
laisser entre les mains des soldats de j)lomb, lui fit faire par l'orfèvre Merlin une
armée de soldats d'argent et une artillerie en or massif. Louis XIV s'en souvint et
donna à Merlin un logement au Louvre.
Si l'influence de sa fennne, Marie-Thérèse, n'eut aucune action sur les goûts
de Louis XIV, en revanche M"" de Lavallière et M""= de Montespan et, plus tard,
il
K
— a.) —
M'" (I,. |'(.iil;iii-c^, |iiiiriil lin ;i rriid.iiil iii.i m | m • - iir le loi cl r(' Il ^sirciil Ln'ilriiirn I
•i rciilniiiiiT (liiii-- I;i xiiic i|ii(' liii;i\;iil li;ircc v.i nicrc. Son ■^t>\\\ |iniir les orl'c-
M'crics siiiiipl ih'ii^CN ne Linla \)n<< ;i se iii;iiiiri">h'r il.iiis les IV-Irs (|u il ()r^;iiiiv;i
cl (|;ii|s le lii\c csA'^rvr i|il'll lilil ;'l (ji'corcr \Crv;iil|cs. |/illil-.||c Le llriiri lui
lui iiii aille |ii('eieii\ pmir icajiser sc'n imAcs de l'iislc cl «le ;ji';iiiilciir, I orle-
\reiic iiiiilli|i|ia, |Miiir le valislairc, huiles ^es spleiidciii-s ; jamais on n"a\ail
Vil une iirolii^ioii |iarcille, cl un Ici <'iii|il(ii du iiiclal |ir(''eieii\ dans le iiMiInlici-
d'un l'alais.
Mais \ascs on lorclicrcs, csealtcaiiN <»ii liiK-ridoiis, caisses d"«)i-aii:.'ccs on
Itraiicai'dv d'ariicnl , (|iic It's alclicrs «les (ioltclins, diri,L'«'-> par le |M'iiilrc !.«• r>nin,
CiillVi'l à l)ij(iu\ d'Aiiiu' d'Aulrii-lic.
{(îulcric r/'.\/)o//ofi.)
cxécutaicnl pour les résidences royales, et les orfèvreries plus importantes,
mais non moins fastueuses, que Louis XIV commandait pour sa table, ses
appartements de Versailles, ou pour ses églises préférées, aux orfèvres qu'il
logeait au Louvre, ne sont plus là pour attester l'habileté des orfèvres ni la
somptuosité du grand siècle. Les fatales ordonnances du 20 février 1687 et
du 14 novembre 1089, qui envoyaient à la Monnaie les trésors de la maison
royale et enjoignaient aux seigneurs de se conformer à l'exemple donné par le
roi, devaient faire disparaître les plus précieux ouvrages du temps, « et, triste
» retour des choses d'iei-bas, le Grand Roi, qui logeait Alexis Loir aux Gobelins
» et donnait 10 millions pour exécuter son argenterie de service, la remplaçait
» quelque temps après par la faïence, afin de pouvoir envoyer des subsides à
» son armée épuisée par la guerre du Palatinat (I). »
(1 Préface du Recueil de GO planches d'orfèvrerie, de Paul Eudet.
— 40 —
Si quelques pièces : écuelles, plats ou llnmbeaux, ont pu échapper à cette
destruction inutile et impie, et nous donner l'impression de la belle tenue et de
l'aspect décoratif de ces ouvrages, au moins pouvons-nous retrouver dans
les ta|)isseries de Le Brun, et dans les superbes gravures de Bérain et de Le-
pautre, la trace de ces magnificences.
Les dernières années de Louis XIY lurent attristées par ces inutiles héca-
tombes, et il nous faut attendre le dix-linitième siècle pour retrouver les
splendeurs de rorfèvreric civile du grand siècle. Ce sont les mêmes orfèvres,
élevés à la fière école de ce règne, mais des inlluences nouvelles vont profon-
dément modifier Toricntation de l'orfèvrerie. Les formes solermelles vont
dispai'ailre, cl rornemenlalion symr'lri(pu' cl pondérée, ({uc les ai'chiicctcs et les
décoratcui's avaient doiméc aux ceuvres du dix-septième siècle, va céder hi
place à un ai-l plus libre, mais (pii n'en restera pas moins comme l'imc des plus
charmanles li-ansformalions de l'arl de l'orfèvrerie.
Dessin de Bérain.
\'asi' (Icir ili's lapissi-iies dos Maisniis l'uxiil
[Le ch.îlenu de (^liiiiul)()r(l.)
Le dix-huitième siècle
CIIAPrrilE PREMIER
l/OrlV'viMM'ic à In (iii du l'ôiinc <!<' Louis \IV. — L<vs A(<'Ii(M*s des
(lohclius. — La <l<'s(iMicli«Mi par N's Ldits. — Ce (|u'('II<' ôlail à la (ahii
<'l dans la l><uu'::'<M>isi<'.
VANT d'aborder l'étude des œuvres d'orfèvrerie réunies
dans le Musée centennal et afin de dégagei- les în-
lluences diverses qu'avait subies l'orfèvrerie au cours
des siècles, j"ai cru devoir tracer dans riiilroduction
un tableau rapide des transformations qui se sont
opérées dans l'art de l'orfèvre, depuis les origines de
la monarchie jusqu'à la fin du règne de Louis XIV;
mais l'histoire de l'orfèvrerie au dix-neuvième siècle
ne peut être bien comprise qu'à la condition de faire un retour en arrière et
— /il —
de se rappeler quelles avaient été les destinées de cet art dans la société
française, depuis la mort du roi Louis XIV jusqu'à la Révolution. C'est, d'ail-
leurs, ce qui a été fort bien indiqué par les organisateurs du Musée cen-
tennal de l'Exposition de 1900 et c'est pourquoi ceux-ci avaient réuni, à
côté des pièces caractéristiques de la période moderne qui s'étend de 1789
à 1889, des (ouvres de choix appartenant aux époques de la Régence, de
Louis XV et de Louis XVI. On ne pouvait adoptei' une meilleure méthode.
Elle avait l'avantage de rendre plus sensibles, par des comparaisons néces-
saires, les transformations sui'venues. Je ne saurais donc mieux faire que de
la suivre.
En 1715, au moment oii les élégances pimpantes de la Régence vinrent arracher
la cour de Versailles à la torpeur où l'avait plongée la vieillesse assombrie du
monarque défuni, l'orfèvrerie achevait à peine de (raverser une des plus désas-
treuses crises qu'elle eût jamais subies. Des édits prohibitifs, qui nous apparaissent
aujourd'hui comme invraisemblables et presque monstrueux, avaient ordonné la
destruction, dans (ont le l'oyaume, des chefs-d'œuvre d'or et d'argent, des vais-
selles sonqjtuiMises, des mci-veilles dai't (|ue possédaient les pai'liculiers et les
églises.
Certes, dans le passé, l'orfèvrerie avait éprouvé maintes fois des cataclysmes
analogues. Considérés par les princos et les seigneurs du Moyen Age ou de la
Renaissance, comme une sorte de placement d'argent, comme un trésor de
guerre, une réserve qu'on se ménageait pour les temps difficiles, les objets en
métaux précieux n'avaient pas souvent survécu à l'époque de leur création. Voués
d'avance au creuset, bien peu échappaient au sort fatal, et ni leur prestige
d'œuvres d'art, ni leur perfection ([ui leur donnait une valeur très supérieure à
celle de la matière, ne les préservaient de cette lamentable fin. On sait que c'est
Là le motif poui- lequel nous possédons de si rares spécimens des orfèvreries
anciennes. L'antiquité grecque et romaine n'a pas été, en cela, plus conservatrice
ni plus })révoyanle. C'est un malheur dont les archéologues ont du prendre leur
parti.
Mais, à aucun moment, à coup sur, l'anéantissement des objets d'orfèvrerie
n'avait eu le caractère systématique, brutal, presque barbare, des dernières
années de Louis XIV. Ce fut alors une hécatombe générale, une Saint-Barthélémy
inexorable, et qui ne dura pas qu'un jour, car le Roi-Soleil s'y reprit à plusieurs
fois avec un redoublement de rigueur. On ne compte pas, sous son règne, moins
de vingt ordonnances, déclarations ou édits somptuaircs dirigés contre l'orfèvrerie.
Il est vrai qu'au début il ne s'agissait que de refréner, d'une façon générale,
parmi ses sujets, le luxe dont lui-même était le premier à donner l'exemple, mais
dont il prétendait réserver à lui seul et à ses courtisans le privilège. C'était le
temps oîi une légion d'orfèvres illustres, Claude Ballin, Gravet, Thomas Merlin,
45
Portrait de Claude BALLIN
{Cahincl des estampes de la Bibliothèque nationale.)
— M —
({in ;i\;u('iil Ifiiis .ilclicr^ ;iii |i:il;ii-^ du l,iMi\rc. \lr\is Lmr, Clainlc (\r \ iIImt- i|ui
( i';i\ iiillaii'iil aii\ ( idlicliiis s(Mi-< la iliirrl ion fli' l,c Uniii. saii< (Miiiiith r l'icrrc
('icniiaill , \ laiicdilll , (icraid hd m iiiliaiir, hii Tel, \ cflirck , lîciii' (j)ll-lIH'l,
IMcrrc ri (liiillaiiiiic Loir cl laiil (laiiIrt'N. rxiTiilairiil . |i()iir \ l'rv.iiUcs, ce
mobilier ras|iicii\ en ari^ciil iiia----ir. ers lalilr^^, ers lia'^^iii^, rcv \a^<'<, ces
caisses (lOraiiucrs, (Imil les iii\ciilairc-> (h- la ( dnrdiiiic iiuiis oui c()ii<crv('' les
('liiicelaiilcs dcscni il idiis cl (|iii chlouireiit loiii; I ciii|)s rKiir()|ic loiil ciilicrc.
Parmi les articles ijoiil
lUtlls venons de eitei' les
noms, Claude haliin lit^tire
an j)remier vawj:, et, dans
son [uiissanl elVort, rt'-
snme les aspirations de
cette (''|iO(ine. Ne à Paris
on Kilît, il avait appris
les éléments dn dessin en
étudiant les oHivros de
Poussin, (lliarlos l'er-
rault, (|ui a écrit sa vie,
disait (pie. « dès sa prc-
» niière jeunesse, il
» avait un discernement
» exquis i)our prendre
» ce (piil y a de beau
» dans Tantiquité, et un
» «ioùt admirable pour y
» ajouter, de son inven-
» lion, mille grâces et
» mille beautés qu'on
» n'avait pas encore
» vues ».
Il eut d'ailleurs tous les honneurs qu'il méritait. Plusieurs fois Garde du
métier de 1656 à 1667, il fut Consul en 1672 et succéda à Varin dans sa charge
de Directeur du balancier des médailles, et garda cette situation jusqu'à sa mort
en 1678. Son portrait nous a été conservé, il est gravé par Saint-Aubin, et se
trouve au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale.
Ballin fit beaucoup d'orfèvrerie d'église, mais il excellait surtout dans cette or-
fèvrerie pompeuse qui décorait les appartements de Versailles, Perrault qu'il est
bon de rappeler, lorsqu'il nous parle de ces merveilles, disait dans ses « Hommes
illustres » : Il y avait des tables d'une sculpture et d'une ciselure si admirables,
Vase à mettre les oraiif^ers. fait par Cl. Hallin.
48 ^
que la matière toute d'argent et toute pesante qu'elle était en faisait à peine la
dixième partie de la valeur. C'étaient des torchères et des guéridons pouvant
porter des llambeaux et des girandoles de 8 à 9 pieds de hauteur, de grands
vases pour mettre des orangers, avec des brancards pour les porter où Ton
aurait voulu; des cuvettes et des bassins dont la magnificence et le bon goût
étaient peut-être une des choses du royaume qui domiait la plus juste idée de
la grandeur du prince qui les avait fait faire (i).
Toutes ces pièces, hélas ! sont disparues ;
pour les faire connaître nous ne saurions mieux
faire que d'emprunter à riiiventairc du mol)i-
liei" de la (Couronne, publié par M. Jules (luilïrey,
h's renseignements autli('iili(jues (|ui peuvent
nous donner une idée de ce (|u"(''tai('ut ces nier-
veilleuses orfèvreries (2).
Mous citerons entre autres :
A'inf;t-c|iiahe f;rancls bassins ronds et vinj^t-qualro
vases pour servir les dits bassins, le tout dardent de
Paris, sçavoir :
55 '1-555. — Deux farauds bassins ronds faits par
Hallin, ciselez dans le fond de trois j^rands trophées
d'armes entre six tij^ures de Captifs qui représentent
les vices; dans le milieu des armes du Rov et sur le
bord de douze petits enfants qui portent des festons
et plusieurs autres ornements bordez de petits ^odrons
lisses, de 3 pieds de diamètre pesans i'|0'", f^", 5*^
55(3-557. — IJeux vases laits par liallin pour servir
avec les dits bassins, ciselez sur les corps des armes et
des chiifres du Roy, accompagnez de petits enfants,
j)ar le bas de grands godrons lisses et sur le collet des
godrons enfoncez et tournans avec son anse en forme
de consolle au hault du quel il y a un petit Alcide qui
estoufe deux serpents, haults de 2 pieds 4 pouces,
pesant ensemble i45'", 3", 5*^ (:V,'^»"^i«o).
Guéridon à trois lit;ures.
{Dessin de Ch. Le Brun,
du Louvre.)
Musée
Les autres, aussi richement décorés, étaient
faits par Verbeck, Du Tel, Viaucourt et Merlin (3).
Quatorze grands vases d'argent à mettre des orangers, sçavoir :
05o-G53. — Deux grands vases d'argent à mettre des orangers avec leurs pieds d'estaux
séparez, faits par Ballin, les dits vases ciselez des deux costez des armes du Roy sont tenus
par deux Renommées par le hault, par le bas de godrons brunis rentrans et sortans, haut
(1) Paul Mantz, Recherches sur rorlèvrerie française, Gazette des Beau.y-Arls.
(2) et (;i Jules (iuifîrey, Inventaire du Mobilier de la Couronne, pages (19 et Ij (2 vol. in-S". 188.'i).
— 49 —
d'iiii |ih'il S |M)iicrs, -^lll• .ml, Mil ili' ili.iiih I n-, leurs |iic(U ;iii>'^\ ci-^cli-/ .iti\ ;ii nif- «lu I'hin des
([iKilrc cii>liv cl (le (|ii;ilrf ^nll'iiiis iiii\ (|iiiil rc ckius, Ii;iii1|- de di \ |iiiii(i->, liir^^cs d un pird
\ [loncfs |)cs;iiis t'iiM'iid)lf .)(|(i"', !>" i!)j'''-',t|(ini.
Les ;iiilrf<, \;iri("^ di' décor : frises dr |{,i((di;iii;iles, Tèles de Mediisrs, de
Saivre--, île haii|diiiis cl de Ser|ieiils, (daieid les irii\ies des orl'eMCs NeidxM Iv,
l.iiir. iMl Tel. ( Olisiiiel , \ iaiic(iii!-| .
Vase à sujets tirés de rilisloire du Uoi/.
{Dessin de Ch. Le Brun.)
Le Musée du Louvre possède des dessins de Charles Le Brun qui sont vraisem-
blablement les projets des grandes orfèvreries qu'il faisait exécuter dans les
ateliers des Gobelins. Le modèle du guéridon à trois figures que nous donnons
fut exécuté; il est compris dans l'inventaire de la Couronne sous les n"' 1106,
MOT et 1108.
Trois ^i-ands ij'uéridons dont le corps est de trois fig'ures de femmes qui portent un
plateau, posées sur un pied à trois consoles terminées en patte de lion, et pesant ensemble :
1263'", 5" (3i3'^^',l2o). Ils furent ciselés par Loir et de ^'illiers (1^.
(11 Aux sieurs Loiret de Viiliers, orphèvres, pour l'entier et parfait paiement de 50.11i'>^'-,l.")« à quoy
montent trois grands guéridons dargeut. la tige à trois figures ^^ur un pied en manière de cassolette, par
eux fabriqués. Compte de la Maison du Roi du 4 décembre K'.Si. .\lfred Darcel. Monofjraphie des tapis-
series des Maisons roj/ales.
Les deux vases à sujets tirés de l'histoire du Roi, quoiqu'on n'eu trouve pas
trace dans l'inventaire, furent certainement exécutés, le dessin est trop précis
pour qu'il en soit autrement. Il permettrait encore aujourd'hui d'en faire une
reproduction.
Les deux séries de tentures destinées à conserver le souvenir des lirandes
époques du rè^ne de Louis \IV, (pii représenleut, l'une « les Maisons royales »,
Flambeau à pied de sphinx.
(Dessin de Ch. Le Brun.)
l'autre « l'Histoire du Roy », sont précieuses pour l'histoire de l'orfèvrerie à la fin
du dix-septième siècle. Elles donnent, en effet, les représentations dans leurs
dimensions réelles des orfèvreries fabriquées aux Gobelins. Ch. Le Rrun, qui
dirigeait cet établissement célèbre et composait les cartons de ces admirables
tapisseries, avait eu le soin de les introduire dans ses compositions. Il nous a
ainsi conservé le souvenir de ces vases d'argent, de ces aiguières, ces bassins, ces
brancards, ces torchères, dont les dimensions sont bien faites j)Our nous étonner
- o.-J -
cl ilnlil l('v i|i--i ll| il lull-. (|c-~ III \ CM LlllT-^ (|c |cj((M|l|c lie imll^ ■■|lll;ilc||| iIiiIUk''
(in'imc l.iililc idée.
I.;i l;i|ii'>'>ciic i|lli {•C|»r(''>^cii|c l;i \i>-ilc de Loiliv \ | \' ,| |;i M;iiiiil';ic| illc (\r^ (ioltc-
lills ;i iiiic \;ilciii' (l(iciillli'lll;iirc | irccicii^c. I , iii^cil | il k )!i li'---cc ij.iii- le e.irli iinlie
(le ^;i iMinliire iiilerieiire ; ■ l.i- lim Ldiii-- \l\ \i<il.iiil l;i M;iiiiir;Ml lire (les (iiijie-
" lllls (III le sicill- ('.(illierl, S|||-|||| cikLiiiI de ces | i;i I iineii K, le (•(iiidiiil d;iiis |e>
" ;llell('|•>^ |MMii' lui l'iiiic Noir les iiiiN r;ij:cs (|iii >'v loiil ", e((iis|;ile riiii|)()rl;iiiee
(le> (iii\ niiics d'dii'cN rcric (|iii ^e r;iliiii|ii;iieiil ;iii\ ( i(ilirliii~>. Collieil cl Le lîniii y
sdiil re|ire>('iili's, et \ i;ii<.einl)lal)lcili('lil les pcrsoiiiijij^'cs en imIi;iI (|iii, ;iii ^el■(»||d
|il;iii, |i(irlciil un nji^-c d'oi-, dcviiicnl rire les orlV'vrc^ (|iii les ('\(''ciil;iicnl.
VASE AUX A I\ M E S D f n O I .
Dessin do Charles Lo Brun. (Musée du Louvre.) '
Dans les UmiIuix's dos « Maisons royales », Cli. Le Brun avail iulroduiL, dans
sa eoniposition, des vases d'or et d'argent, urnes, cassolettes, aiguières et pla-
teaux accompagnant les balustrades ou sui'uiontant les pilastres du premier plau;
il avail eu soin de ne pas les garnir de Heurs pour laisser à ces œuvres toute leur
valeur d'objets dart.
11 est présumable même que les magnitiques pièces d'orfèvrerie que l'on porte
autour d'Alexandre entrant en triomphateur dans Babylone, et figurant dans les
tentures exécutées d'après les belles compositions de Charles Le Brun, sont
aussi des représentations de pièces fabri(juées aux Gobelins (l).
Dans lune des tapisseries que nous venons de citer, Le Brun avait reproduit la
Nef en or du roi Louis XIV, dont l'état du mobilier de la Couronne, dressé le
20 février 1673, nous a conservé la description. Elle était d'or, soutenue par des
Tritons et des Sirènes; le couvercle, avec les armes du Boi émaillées, était sur-
(1) Recueil des laiiisscries, par E. Guiciiard, et Monoyraphie de Alf. Darcel.
iiionlr (ruiic "l'aiidc couronne de d
(ladiMiiis (lu lui.
[Dessin de Uobi'rl de Culle.
^VM^r^'rV(V^il^EM^rg?'?M»^^
rotative royale; ayant, la forme d'un
à épiées, il servait à mettre le pain
trouvons dans l'album de Ro-
bert de Cotte le dessin du cade-
nas qui servait au roi Louis XIV,
nous trouvons également dans
cet album des documents pré-
cieux pour l'histoire de l'orfè-
vrerie au dix-septième siècle f;2) :
une salière d'argent aux armes
iamanis et de rubis portée par un Amour
accosté de deux Dauphins. 11 y était entré
8000U livres d'or sans compter les pierres
précieuses. L'exécution en avait été confiée
à l'orfèvre Jean Gravet, qui consacra six
ans à cet ouvrage et reçut 13')00 livres
l'icn (|ue pour la façon. Elle a disparu
comme a disparu celle dessinée par Le
Brun; au moins avons-nous encore le pro-
jet de cette Nef, conservé au Musée du
Louvre, (pii donne Itien le caractère sonq)-
tueux des décors de celte époque.
La Nef était une j)i'érogative royale,
on y mettait son Essay (1), sa cuiller, son
coulelet, sa fourchette et ses épiées. Non
seulement elle jouait un rôle considérable
dans rornemenlation de la table, mais
elle concourait à la séciu'ité des princes en
éloignant la préoccupation de l'empoison-
nement. Son entrée dans la salle des repas
était presque triomphale : portée par le
chef du gobelet, elle était l'objet du respect
de tous, et le maître d'hôtel passant devant
la nef lui faisait une révérence, comme le
|)rètre passant devant le Tabernacle.
Le cadenas était également une pré-
phiteau sur lequel était la salière, la boîte
, le couteau et la fourchette du roi. Nous
Salière tlu roi.
{Dessin de Itaherl de Colle.)
(1) Henry Uavard, D.'clionnoire de IWmexihlcmenL au mot .VeA pi'go 082, el au mot A'.v.sy///. page t_8i.
(2) Cet all)um précieux, contenaiil les dessins ori^jinaux de Roiiert de Cotte on (les cror|uis relevés par
eet artiste d'après les pièces existantes encore de son temps, se U-ouve au Cabinet des Estampes, ù la
IJibliuthèque nationale.
(lu r,.i, lin iHc^ciilnii cl iiii l'iicnrr rxcctiN'^ ir.ipic^ un dc-sin «le |{('r;iiii. <l un
|ir;iii ciiiicliTc cl Incii \':\\\- |)iiiir
;iii;:iilciilcr nos rc-|-c|s cm |icii-;inl
;i leur (li-.|i;iril iitii.
I.(irs(|iic sniin.i I Ih'iiic des re-
vers cl (|lir l.-i (li-rllc 'In Tn''v(,|-
lil ri'IliMliir Ldiii- \l\ -ur les
(■(iiisi'(|iiciicrs (|c SCS (|(''l)iirii;ililcS
prodifiiilili's, il <'i-iil m iMclicIcr
les excrs par le s;i( riliff de -on
ai'^ciileric |iersonn(dl(' ; il pcn-iul
aussi de celle façon, •■n «loiinanl
r('\('ni|il(', (h'-eidei- jilns racilcincnl
son cnloura^»' cL le |iulilic a I lio-
locausk' (ju'il allail iinposeï-. Les
édils du :2(; a\iil 107-2. des 10 IV-
vi-ici- cl 16 mai lOST, n'curciil j»onr
i-ésullal (juc d'arrrlcr le d(''Veio|i-
pemcnl de rorièvreric; les ordon-
nances du li iH>voml)i-e l()89, du
22 mai 1()9I, de mars 1700 et de
1700 l'urenl plus eneclives et firent
disparaître pour toujours ses i)lus
belles productions.
11 n'y a pas lieu de refaire ici en détail le récit bien connu de cette doulou-
reuse aventure qui déchaîna en France, pendant plusieurs années, de véritables
fureurs d'iconoclastes. Les or-
fèvres du roi chassés des ateliers
du Louvre et des Gobelins, les
^raïuis travaux arrêtés, les pièces
d'argenterie dépassant les poids
déterminés par les édits, saisies,
mutilées ou fondues, les per-
.,,i>i,ions partout organisées, à ^^MMi^gig|llM
Pans et en province, avec la ^'i^ v^j/^7- V • '^|^^
dernière rigueur, le zèle destruc-
teur des commissaires, l'ardeur KiKii.r du ini.
des courtisans cà envoyer leur Dessin de UoIktI de Coite.)
vaisselle à la Monnaie pour ga-
irner les bonnes grâces du souverain, tout cela a été dit par les écrivains les
Pri'senloii'.
[Dessin de Hubert de Colle.)
— 36 —
plus autorisés, et il serait fasiidieux d'eu refaire le rérit. On sait que le grand
exécuteur de ces barbares mesures fut le commissaire Delamarre auquel on
adjoignit des collaborateurs; les procès-verbaux conservés aux Archives natio-
nales, et publiés par M. Jules Guiffrey, fournissent les renseignements les plus
précis sur la manière dont furent conduites les opérations. Pas un orfèvre —
si bien en cour fùt-il — ne put se dérober aux visites inquisitoriales. A Paris, on
alla chez Nicolas Delaunay, qui était pourtant directeur de la Monnaie et des
médailles du roi; on alla chez le fameux Alexis Loir, chez Thomas Aubry, chez
Philippe de Larbre, chez Charles de la Fresnaye; on alla chez Claude Ballin, qui
ne put préserver de la saisie un magnilique surtout de table (juil était en train
d'exécuter pour un souverain étranger, qu'en présentant une autorisation spéciale
signée de Louis XIV lui-môme. On pénétra successivement chez Thomas de
Roussy, établi rue Saint-IIonoré, à l'enseigne des Bâtons roi/aux, chez Antoine
Levêque, en face du Palais-Uoyal, chez Honoré de Villiers, rue des Lavandières,
chez Simon Le Bastier, à la Croix d'or, chez Jacques Dubourg, à V Etoile d'or^
chez Fi'ançois Simonnin, IMerre CoefCé, François Barbier et Charles Quévanne,
rue de l'Arbre-Sec, chez cent auti-es, enlin, dont les boutiques étaient installées
dans les environs de la Monnaie, du quai de la Mégisserie et dans divers quartiers
de la capitale. En deux mois seulement, on saisit ainsi pour un poids de
o2l5() marcs « douvrages défendus, tant achevés qu'imparfaits et prêts à achever »,
dont les pièces furent « brisées, rompues et défigurées » pour qu'on ne put ni
les réparer ni les vendre.
La fonte de l'argenterie royale faite à la Monnaie, du 9 décembre 1689 au
19 mai 1()90, d'après les procès-verbaux qui en relatent les circonstances (1), pro-
duisit 8:2.'-}:22 marcs (20086''^), équivalant à 2505637 livres (2) d'argent monnayé.
L'opération fut renouvelée en 1709, et, cette fois, pour les ustensiles d'or. Toute
la vaisselle de la Couronne y passa, à bien peu de chose près. Il n'en resta plus
rien. Dans la plupart des grandes familles, il en fut de même. Les pièces d'orfè-
vrerie comprises dans les ventes par autorité de justice, ou trouvées dans un
inventaire après décès, durent être saisies et transportées à l'Hôtel des Monnaies
le plus voisin. Gens de noblesse, magistrats et bourgeois, à l'exemple de la Cour,
envoyèrent au creuset celles qu'ils possédaient. Le Mercure de juillet et d'août
1709, publiant quelques listes des personnes qui ol)éirent à l'édit implacable, cite
les ducs de Grammont, de La Rochefoucauld, de Beauvilliers, de La Fcuillade. du
(1) Arcliives nationales, K. 121, n ' i:i.
(2) La valeur du mari; d'arpeiit, |:oin(;iiii de Paris, élail à celle époque de ;!() livres ;reKe du marc
d'or, de 400 livres. — On sait ((ue le poids <lu mar(; éipii valait à i\\ grammes T.\. Par conséquent le poids
total de l'orfèvrerie de Louis XIV. qui était de 1)1 0;i(i marcs, représentait un peu plus de i'2l)(MI kiloi;r.im-
mns. — Quand le niai'c désifinait li' poiils des ouvi'aires d'argeni, il se iVael loniiail en M oiu'es, ou (iU gids
ou VM deniers, ou ItiO esteriius ou 30(1 mailles, ou 4101)8 grains.
Quand il s'agissait des ouvragt;s d'or, les divisions du marc étaient autres. Le marc d'or se divisait en
21 carats, le carat en .s deniers, le diMiier en 2i grains et le grain en '-Vi pritnes.
— r)7 —
lli;inM'|i;il (le Hmii llh ' i'^ , Icijiii'l, ;iii i;iiii|i de ( '.ompirx M(' , rli lll'.IS. ;i\;iil (•|;i|(' |h)I1|-
le S('r\i( f (II' ^;i lalilc •■ (|ii;il if-\ iii-K (Inii/.iincs (r;i'--icl le» d'iir;.'!'!!! , -i\ «loii/.iiiics
(le \('riiii'il ilc^ pliiU cl (le-- («hIiciMcs (|';ir;:ciil pdiir l("> IVniU, ri Ir ic-lc ;i |ii<i
|Mii'| ion I I . Il iiiciiliiiiiiif ciicdic le dur di' \ill('iii\, l;i iii;in''i'li;dc di- Nii;nllc->, !<■
due lie l.;iii/iiii , cl |ii-^i|u ,iii\ ;irliv|c^, r.iicinl cclc (i.ilincl, le ^culiilciir (linirdoii
cl le iiicilcriil r.iL'nii. Il aili;iil |MI en di-si- lier |ie;iiicnii|i d ;illl re-.. c;ii' liieii |ieil
|i;ir\ iiireiil , coiimie S;iiiil-Siiii(iii, ,i - >-e iiiellre ;i l'iii riere-;j;irde ., pdiir di--iiiiiiler
le plu-- (|iriK piireiil de leur \;li^selle d';ir::eiil. Au ereif-el, les cliîii'-es, e;diiiieN,
luireaiiN, hiilellcs, t^iiei'idoiis, clieiiels, lorelières, ^^iraiidoles, \u)[> a Heurs eu
ar^ciil iiia>>ir (|ui oriiaieiil les palais el les cli.àlcaux ! TraiisroniK's eu liii.L^oU. le-
scrviet's de lable el les Iieaiix iiieilhles de M ' de Cliailliies cl de Liule, (|iii a\aii'iil
cxcilc à un cciiaiii ukuuciiI de si \i\('s adiiiiralioiis 1 l''(uidiis aussi les olij(ds
sacrc's des ('élises, les i-('li((nair('s el les oslciisoirs, les (diaiideliers el les
('hàss(»s : car le roi a\ail ciijoiiil aux pn'lals « laiil dans les \illes (\\i'n la
('amj>a^ne » de iic plus i^ardcr (pic les oriieiiieiils les plus iiidispcnsablcs a la
crU'bratioM du ("uil(\ cl dCiiNdyci' le surplus « à la Monnaie la plus prociiainc
ou dans les villes (pii avaicul des changeurs ^:2) ». Il seinhlc pourtant qu'à cet
égard les édits aient été a|)pli(pit''s avec une sévérité très i-(dalive, ou (pie Ton
ait déployé une habileté spéciale pour les transgresser, car de rancicniie orTc-
vi'erie religieuse il subsiste, en dclinilive, un assez grand noniljre de types
reniar(piables.
On s'explique, après cela, pourquoi à l'époque de la Uégence, les plus l'iches
familles, même celles de sang royal, ne possédaient plus que très peu d'orfè-
vrerie. Sous ce rappoi'l, les inventaires après décès, conservés soit aux Archives
nationales, soit dans les minutes des notaires, nous font coniiaîfi-e l'exacte vérité.
Nombre de documents de ce genre que nous avons consultés attestent jusqu'à
l'évidence que les ordres de Louis XIV ne furent que trop scrupuleusement exé-
cutés. Par exemple, X Inventaire de Monsieur, le propre frère du l'oi, dressé en
1701, n'accuse que pour 100001) livres d'orfèvrerie, et l'on n'y trouve aucune
mention des œuvres capitales que ce prince, si engoué de luxe, avait cominaii-
dées quelques années auparavant. Au Palais-Royal ou à son château de Saint -
Cloud, il avait eu une argenterie d'une richesse presque égale à celle du Monarque
de Versailles. Très souvent son frère lui en avait donné en présent, ainsi que le
prouvent les registres du mobilier de la Couronne où ou lit fré(piei;imciil. en
regard de certains articles, cette annotation : « Deschargé, donn(' ])ar le lloy à
Monsieur. » Ces cadeaux consistaient non seulement en meubles, mais en objets
d'art de tous genres, gondoles d'argent, coupes de vermeil, calebasses d'or,
(1) Merrare (jalant. septiMiiliro UiDS.
(2 Daiiguau. Jotiriiuf. t. II, pai,H' 01.
58
tasses d'agate, etc. (1). C'est sur sa table qu'avait paru, en 1698, à l'occasion
d'un festin offert à lord Portland, andjassadeur de (luillaume III, un des trois
premiers surtouls rpii soient sortis de l'atelier de Delaunay, et cette pièce
monumentale, qui fut très admirée, inaugurait une mode nouvelle. Mais, à la mort
de Monsieur, (|u'étaient devenues ces œuvres opulentes? L'inventaire de ce
prince n'en contient pas trace. Elles avaient été fondues.
Il est vrai cpTen contraste avec de tels exemples, on rencontre des hivcn-
tdires qui domiei-aient à penser que les édits ne réussirent pas à faii'c dis-
paraître l'argenterie aussi complètement cpi'on aurait pu le craindre. Ainsi,
celle que possédait An-
dré Le Nôtre, le célèbre
jardinier, ('-tail prisée en
1700, au moment de sa
mort, 13 500 livres, et
le maréchal d'IIumières,
en 1694, en avait encore
pour 309i25 livres.
Retenons ces deux
chilTres. Ils déterminent
avec assez d'exactitude
la j)art qu'on était ha-
bitué à faire aux dé-
penses d'orfèvrerie,
dans la société française,
à la fm du dix-septième
siècle, et montrent la
proportion ordinaire
(pi'il y avait entre celle d'un grand seigneur et celle d'un bourgeois riche, d'un
magistrat aisé, ou même d'un gentilhomme n'ayant que modeste train de
maison. Le budget qu'on y consacrait était alors sensiblement plus élevé qu'au
début du siècle, et inférieur de près d'un tiers à celui qu'on y emploiera au
milieu du règne de Louis XV. Les gens de condition moyenne, suivant de loin
l'exemple de la Cour, s'accoutumaient à ce luxe, mettaient leur vanité à faire
parade de vaisselle plate qui leur constituait d'ailleurs un patrimoine qu'on
transmettait |)ar héritage à l'aîné des enfants, et qui aidait, à l'occasion, h
jeter un peu de poudre aux yeux. Mais cette orfèvrerie familiale, d'un bon
usage courant, soi'tait rarement des limites admises, gardait la juste mesure
et n'arrivait pas aux exagérations fantastiques et ruineuses qu'il était sage,
Iluilit'p (lu Musée centeniia
{Colleclion lie .1/'- Biirnt.)
I
(1) Giiiflrey, Inoenlaire du mobilier de la Couronne. Voyez iinlauiineiit le tome l"'", page 73. page 1!U.
page 198, page 223, page 230. Les uotcs en petits caractères iiidiciueul les décharges par donatiou.
r)!>
-liniinlilc-> de lc|r
-;il\ \-i-<.
Cil clVcl, d'ciilrax cr : it ii'c^l |),i-> rdli' l,i iin'.il tci;.'iiiri'iil lr-> Mii|niiii;iincs i|r
Louis \|\.
C'est |ii'(i|i,ihlciiii'iil ;i ce iik il if i |iii' iiitii-. (lc\(iii>- «l'avoir |iii I n ni\ ci' riiron- au
Mus(>(' (•(•iilciiiial 1111 liiiilicr a|i|iailiiiaiil a la ci illcdiuii «le M'" Itural. aiii-i (|uc
la cal'clicrc i|iic le Mll-^cc ilcs Aris di'coral il'^ a\ail loiilii'c ;iii\ (tr;jaiii>-alciirs
(le ri',\|i(isi| KHi. I, liuilicr clail nxalc, iriiiic loniic vi-xcrc cl liicu assise. Lck
|uc(K >(iiil Inniio par des eiiroiileiiienl
la [laiivc d(''C(>rce d une Irise re|)r(''>cii-
laiil une >ccuc de (diassc ciselée eu {-(dicl'
cl iiilcrr(iiii|iU(' rci^ulièrciiiciil |iar des
uiaxaidiis ciicailres d'un |iaiiiieaii cisch'
d'un (|uadrillt'' sur luiid uialis. Il c>l
dune licllt' e\cculi(Ui, el |i()rl(' bien rciii-
preiiile de riialulclc de rdi'lV'vre ((iii rcxi'-
(■ul;i.
Il eu esl {\(' mèiiR' de la cafelirro à
S pans dccoi'i'c de niolifs ciselés eu [vnrc
uiatis, (|ui rappclleul les oniemeids des-
sinés i^ar Ik'raiu ; le culot, est décoré
d'appliques en bas-reliefs du même goût,
alternées de 8 faisceaux de roseaux à
!■) tiges: l'anse, très élégante, est sur-
montée par une tète de femme formant
poucette, et le bec s'amortit sur la panse
par une autre tète encadrée de feuilles.
Nous donnons également la reproduc-
tion, dans une même planche, de diverses
pièces d'orfèvrerie exécutées dans les
premières années du dix-huitième siècle, ainsi que nous l'apprennent les poinçons
relevés avec précision par M Paul Eudel. La destination utilitaire de ces dilîé-
renles pièces leur avait fait certainement trouver grâce devant les Commissaires
chargés de ces barbares exécutions.
Sans le zèle passionné que M. Paul Eudel mit à collectionner les beaux spé-
cimens de la vieille argenterie française qu'il rencontrait, sans le soin qu'il a
pris, avant la dispersion de sa collection, de faire graver, dans un Recueil de
soixante planches, les meilleures de ces œuvres, nous serions encore à les
ignorer. « J'espère, dit-il, dans la préface qu'il a mise en tète de ce recueil,
» être de quelque ulilité non seulement à mes corehgionnaires artistiques, les
» collectionneurs, mais aussi aux argentiers, mes contemporains. Ils seront à
» même d'étudier, dans ce livre, les formes remarquables et la pureté de style
Cafetière du Musée ccntennal.
[Colleclidu du Musée des Arts décoriitifs.)
— 60 —
») des pièces ciselées par des maîtres, comme Leheiidrick, François Joubert et
» François Thomas Germain. Mon désir le plus sincère serait de voir ces mor-
» ceaux d'art devenus pour les orfèvres de véritables types dont ils s'inspire-
» raient désormais dans leurs nouvelles productions, de manière à ramener le
» public, pour l'honneur de notre pays, vers le sentiment des belles et bonnes
» choses (1). »
Nous citerons en première ligne le n° 1 : une chocolatière en or de forme
simple dont le collet et la base sont décorés d'ornements courants symétriques
gravés et ramoléyés, ainsi que la lampe à esprit de vin n" 2, montées sur trois
pieds recourbés et munies toutes les deux de manches droits à 8 pans en jaspe
sanguin. Elles furent faites sous Etienne Balagny, en 1703. Le poinçon de
décharge est une mouche; le poinçon de maiire ou difrérent est illisible.
Le n" 3 est une écuelle décorée comme les précédentes, d'oi'nemciits champ-
levés sur fond matis au pt)intillé. Les oreilles sont décorées de mascaroiis à tètes
de femmes d'un travail très tin. Elle fut exécutée sous Florent Sollier par Antoine
de Saint-Nicolas en 1716.
Le n° 4 est un huilier de forme send)labh» à celui exposé au Musée centennal
par M""' Uurat, mais décoré sur la panse d'un ornement ditrc-rcnl, dans le goût de
Bérain. Il fut exécuté sous Etienne Balagny par Grégoire Masse, en 1708. Puis
deux flambeaux dont l'un, le n" o, de petite taille, était décoré de cannelures et
de godrons d'un excellent goût et lut exécuté également sous Etienne Balagny
par Louis Loir, en 1710; et l'autre, n" 0, dun travail charmant, fut exécuté sous
Jacques Gottier, en 17 U), par Antoine de Saint-Nicolas. 11 est à 8 pans, le vase
formé par de petits caissons décorés d'ornements champlevés ainsi que le fût à
compartiments est orné de chutes h tètes de satyres alternées avec des tètes
de femmes.
Enfin, deux cuillers à soupe avec bouton de revers en fer de lance d'une
forme curieuse. Le n" 7. à spatule trilobée d'après les poinçons relevés, a dû être
fait en 1681 sous Paul Brière de Saussaye. Le n" 8 est gravé d'un chiffre eidacé
qui rappelle les monogrammes dessinés par Naveief. et fut exécuté sous Péi-ine
en 1701.
Toutes ces pièces, empreintes d'un beau caractère et qui résument l'art des or-
fèvres du dix-septième siècle, auraient pu figurer avec hoimeur au Musée centennal.
En conservant le souvenir de sa belle collection dans les publications qu'il a faites
en 1884, M. Paul Eudel s'est accpiis des titres à la reconnaissance des collectiou-
'1) licciii'il lie siiixaiittî pl.iiiclii';; (rufl'rvrprii! de la (ViUrc/ion de l'dul Etidel \m>uv faire suite aux
Eléiiieiils (rui'i'evrcries coiupd^és par l'.ii'rc (juriuaiii iQuaiitiii, édileiu').
01
.imimMÊjmmm^m,
Huit pièces d'orfèvrerie Louis XIV. cxccutces de IG81 à 17 15,
dessinées par Giraldon d'après les orijrinaux.
^Collection de M. Paul Eudel.)
— o;i —
lUMir^ cl (1('>; ortV-N i-fs, cl les >i'r\i(i'N (ju'il cx|m't;iiI rcinlrc. c| i|iril ;i n'cllcmcril
rcmlii^ ;i ^c^ ciiiiiciii |imi;iiiiv, mil du |c n'i(iiii|pcii^cr de ses cIloi'K. |)';iillciir'-, si
celle Cl illi'i I idil lui (lls|icr--ee. iiiiiis ;i\((iis eu l;i joie de re| idii \ cr d.iii-- le Mii^(''('
ceiilciiii;il |iliisiciirs [liccc'^ de liiiiil lioÙI i|iii. piT^lcTs |i;ir les ;iiii,deiirs i|iii les
avaient aci|iiises, limiraienl en lionne |il,ice. I,a clidcolal lere en nr. de^^nK'-c
s(ins le 11" I, appai'l ieni an|<iMrdlMn a M. hni^Liu. ( ',(iii->er\ ('•(■ |i;ir lui a\ec ini
soin jalnnx, elle lad ladmiialion île cen\ i|iii, ciannie mm, accueillis par Ini
avec lanl île lionne _^;i'àce, ont |iii a|i|ii-i''cier le diaiane ijin ^e dr';-'a,L:e de ce jii\an
|»i'ecien\ (le roifcN relie du i^rand siècle. Leur relonr sons |e> yen\ i\{i |inlilic
n'a l'ail ipie l'orl ilier le LionI des lielles orleM-eiies rrancaiscs dans res|i|j| ijes
anialeurs, et, che/ les lionnnes de niidier, le seidinieni delà iiclle lenne d('S
(l'iiM'cs des iiiailres (|ni les (ud jii-(''C(''(lés.
Bassin en or des Tapissei'ies des Maisons nivalos.
[Chi'tteaii (le Fonlninehleau.)
Dessin di- liéruiil.
CHAPITRE DEUXIEME
Lo rovoil (lo la Roûonoo, 1 715-1 72.*{.
Ce qu'était lo soi'vico d'argentorie dans les maisons princiôros.
Caractère des œuvres de cette époque.
ORSQiE fut proclamée la Régence, les orfèvres purenl croire
^j£^ que leurs ateliers allaient reprendre les brillants travaux
(l'antrefois, et que la nécessité pour la Cour de se pourvoir
d'une nouvelle argenterie destinée à remplacer celle qui
avait été détruite, ferait renaître les anciennes folies de
prodigalité. En effet, au premier moment, un véritable
délire de luxe désordonné parut faire tourner toutes les
tètes. En 1716, la duchesse de Monastérol promenait
dans Paris un phaéton monté sur ([uatre pilastres d'argent, qui avait coûté
— H6 —
40 000 livres. La duchesse de Berry, fille du duc d'Orléans, sortait dans des
carrosses entièrement décorés de cette matière. La duchesse du Maine, la
princesse de Conti, la plupart des grandes dames de l'époque affichaient nne
pareille opulence. Le cardinal Dubois, voulant jouer les Mazarin, achetait des
antiquités, et se constituait une orfèvrerie qui lui absorbait des sommes considé-
rables. Les hommes d'affaires, les agioteurs, les manieurs d'argent que le système
de Law mit alors en vedette, ceux qui, grisés par la spéculation, gagnèrent en un
jour des fortunes qu'ils devaient perdre le lendemain, les gens de robe ou d'épée,
affolés par l'espoir des richesses, laquais et commis devenus subitement million-
naires, tous enfin ne tardèrent pas à multiplier les commandes de vaisselle plate.
Mais cette ivresse dépensière provoqua vite le retour de mesures prohibitives.
Dès 1720, la pénurie du Trésor ayant encore une fois jeté le pays dans une crise
financière plus grave que jamais, on revint aux édits et aux pénalités précédentes
concernant les ouvrages d'or et d'argent, « pour réprimer, dit Buvat, le luxe
» extraordinaire d'un très grand nombre de gens de tous états et de toute condi-
» tion, principalement des agioteurs qui s'étaient enrichis en moins de sept ou
» huit mois, au commerce des actions et des autres papiers de la rue Quincam-
» poix, lesquels s'étaient pourvus d'une quantité prodigieuse de vaisselle d'argent
» de toute espèce, la mieux travaillée et la plus belle qui se soit jamais vue chez
» les princes et chez d'autres personnages d'un rang distingué par leur noblesse
» et leur dignité » (1).
Pourtant, si l'on va au fond des chosv^s, on constate qu'à partir de cette date
une modification profonde se manifeste dans les habitudes, et que si le goût du
luxe, au lieu de se restreindre, ne fait que se répandre davantage en s'étendant
à de nouvelles couches de la nation, il change totalement de caractère. Assuré-
ment l'orfèvrerie n'est pas moins en faveur que sous Louis XIV, il y en a tout
autant, mais elle se réduit à des formes plus usuelles, plus directement appliquées
aux besoins journaliers. Elle cesse de produire des objets de pur apparat, tels
que meubles, torchères, vases monumentaux. En un mot, elle « se contente
d'être pratique », pour employer une expression que l'on aime fort aujourd'hui.
Nous serions bien embarrassé de donner ici la représentation graphique de
quelques-unes des pièces des premiers temps de la Régence, si nous n'avions
trouvé dans le recueil des 60 planches d'orfèvrerie de la belle collection de
M. Paul Eudel, dont nous avons parlé au chapitre précédent, des pièces du plus
haut intérêt dont les poinçons, relevés avec soin par le célèbre collectionneur,
révèlent qu'elles ont été fal)riquées de 1715 à 1725, c'est-à-dire sous la Régence;
nous les avons réunies dans une même planche, de manière à rendre plus frapj)ap.t
le caractère de l'orfèvrerie de cette époque.
Ij Jean lîuvat, Jotinial de la l\é<jfnri\ t. Il, pafji' l{2.
w
^ 1 § »
5^
40 000 liv.
Mais
lait dap
! duclle^se du Mai
iffichaieiiL une
v, . . ..., achetait des
hcorbnit df»s sommes considc-
nt que le systèni*
cutation, gagnèrent
.1, les gens de robe ou d cpc; ,
'"'■"" -nbitement millioit-
(Ic vaisselle plaie
mesures prohibitives
Lé le pays dans une crist-
;iux pénalités précédente-
lit Buvat, le luxe
11!
on constate qu'à partir de cette date
dans les habitudes, et que si le goût <\u
streindrc, ne iait que se répandre davantage en s'étendant
delà nation, il change tôt;.'
ri;i< iMi.iii^ 111 fil \ (■ni- .iiw ^.
• d<> pn
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..i\', il y en a tout
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1 .1 11 V iivi r »r i:i I ' !
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Six pièces crui-lcvrcrie llcgcnce, de 171:) à ij-jr». dessinées par GiraUlon diipix-s les originaux.
iCoUecliun de M- /'•"// Eiidel.)
— ()!) —
C'r^l ,|',i|Minl ilii.' iilu'llh'ic .le Inniir ^llll|ili'. II" I, (li'CdnT ;i la |ia-r cl Mil
cillcl (Ir li-.'^ Ilii^ oiiicMiiiiK ilails le ,-nùl de iW-raiii; lr n m \ rrrlc cl le |.ii'"l
..,h||-oiiiiiv ; le lier, -diilcmi par une Iclc i\i' \\-\\\\\\r coilir'c de |)liiiiie>>, saiiiollil
.,111- le .tiiiis de l'ai-iliei'e. l'aii-e de InniU" Ires <'l('';.'aille e->l suniioill <•(• ('•-aje-
iiii-iil d'iiiie ti-iire <le reiiiiiie duiil le l.iisie s'allonge, cl . dans une -aine a^M-i'incnl (!
ddriieuienl^ eliaiii|)le\ e^. s'allarlie - i-acieiiscmciil a la panse de I ai^iiicrc. hllc
lui l'aile s(Mis le l'erniier Cordier, en i7-J.">, par rorleMc i'ioliei-i Ma-iiard.
Dctails (les cisolui'es en tr.icc mails de la cal'etièi-e Régence n" i.
iCollecLion Paul Eudel.)
Puis, uno autre aiguière, n° 2, à côtes plates décorées en tracé matis de
dau|)liins. (Talgues et de coquillages groupés eu forme de guirlandes et de
chutes du plus charmant elTet, les poinçons indiquent qu'elle fut exécutée en
1727 sous Jacques Cottin. Nous donnons ci-dessus le détail de Tornementation
ciselé, et plus loin le plateau de l'aiguière à bord contourné et godrunné dont
h? marli est ciselé comme l'aiguière; une saucière, n" o, en forme de bateau, dé-
corée aux deux extrémités d'une tète de satyre en relief, dont l'anse en volute est
agrafée à la partie inférieure; quoique les poinçons soient un peu elïacés, on peut
faire remonter sa fabrication à 1720; un llambeau, n" 4, d'un très grand caractère,
à 3 consoles engagées, accostées de tètes de femmes, le pied mouluré d'ovcs et
— 70 —
de baguettes à rubans. Il est daté de 1728. Puis, enfin, deux poudrières à sucre en
poudre, n° 5 et n° 6, dont les poinçons usés ne permettent pas de fixer la date de
leur fabrication, mais dont rornementation, analogue aux précédentes, et la fac-
ture permettent de reconnaître facilement, dans ces œuvres, la main des orfèvres
qui vivaient sous le règne précédent, et n'avaient rien perdu de leur habileté.
L'homme qui i ègle la mode, et inspire les artistes à ce moment, c'est le
Régent. La réelle culture de son esprit, la délicatesse de son goût, ses connais-
sances étendues, et, comme le remarque Saint-Simon, sa fine intelligence de tout
^'
â ®
Cuvette de raij;iiièrc n" i,
faite sous le fermier Cordier, en 172?), par l'orfèvre Robert Majxnarfl.
Colh'clion Paul Eudel.
ce qui contribue à l'agrément de la vie intérieure, ses opinions très personnelles sur
ce qui constitue le confort, suffiraient à faire comprendre l'influence qu'il exerça
dès qu'il eut en main le pouvoir. Ce n'est pas qu'il ait pensé une seule minute
à imprimer aux arts une direction quelconque, ni à faire sentir autour de lui, à cet
égard, le poids de sa volonté. A l'opposé en cela de Louis XIV, il était toute
tolérance et n'avait qu'une maxime : « laisser faire ». Mais le duc d'Orléans
était le maître de la France, le point de mire sur qui tous les courtisans avaient
les yeux fixés. Qu'il le voulùtou non, on suivit ses exemples, on adopta ses goûts,
on imita les méthodes qui lui firent transformer la décoration de ses apparte-
ments, on s'engoua des artistes dont il s'entourait. L'architecte Oppenord, encore
inconnu, ayant été chargé par lui d'orner au Palais-l\oyal la galerie neuve où
Antoine Goypel peignit les épisodes de la Vie d'Enée ; voilà du coup Oppenord à
— 71 —
l;i iiKiilf. 1,1' |iiiiicc (lcm;iii(|i'-l li ,i W.iMimn, iI.iii^ huile l,i lliiir de ^-oii |i|-cv| i;jirii\
t.ili'iil. (I'iIIiinI rcr de •-,•-^ (•\i|iliN(", l';iiil;iivic-> Ic^ cliiiiiilMcs i|ii (li.ilc.iii (|c |;i Miicllcy
Noici W iillciii Liiici', cl '|iii ne Niillil |illlN, (1rs Inis, (|||t';illl >a Irop roiirlr r\is-
(l'iicc, a s;ilisr,iiic aii\ i-iiiiiiiiaiiili's i|iii lui \iciiiH'iil de louiez parK. IMail-il an
dur de fairr ^idi^l il ncr, dans ses p.il.ii-., aiix \as|('s (d -olcniKdlcs |)ir(cs du
((•iii|»s |t;iss(' (Ml Miail I riiiiui, des (diainliiTS |ilus [ndilc^ se |)r(''laiil a I iiiiiiiiili' des
(•(•iiNcrsal idiiN aiiiialilcs, des alcùxcs laN nralilo aux liU de rc|i()s (hi aii\ sojdias,
des li(iud(iiis di'lical riiiciil m-iiI|iI ('s ':' Ton! le
iiHHidc su il le iiioiixciiiciil cl se iiud a l'il-
nissim. PiuM'crc-l-il aii\ aidi(|iics lapi-scrjcs,
(|iii alli'islciil les iiiiiraillcs de leur xerdiirc
lf(»[> soinlire, les (dolles soyeuses de l.\(»ii
de iiiiaiices (daires? (loiiiine |iar eiieliaiile-
menl les 'rrioniphcx de Sr///i(i/>, les liiihiillrs
d' Mcrandrc, joules les lenl lires de <j:ran(l
prix (pii (K'corent (k'|)iiis doux siècles les
plus faiiunix hôtels de Paris, vont rejoindre
dans les i^i-euiei-s les objets (pii ont ecssé
de i)laire et ne soiil plus au goùf du jour.
Ténioi^ne-t-il une eonliance toute amicale à
rébéniste Crescent, qui lui fait les meubles
qu'il aime, d'un profil savant, d'une grâce
spirituelle et délicieuse, qu'animent les
bronzes dorés et les minois sédu(dein's de
nymphes soui'iantes, ciselés avec la der-
nière perfection? Crescent devient le four-
nisseur en vogue, et l'on ne veut plus (pie
les meubles de son style.
Il en fut de même pour tout le reste, et
l'on peut croire qu'en ce qui concerne l'orfèvrerie, le Régent ouvrit également
les voies nouvelles, donna le ton, et que, sans qu'il les imposât le moins du
monde, ce furent bien ses goûts personnels qui prévalurent. Chez lui, point de
meubles d'argent, point de pièces à allure monumentale, à emblèmes mytholo-
giques, à figures moroses de dieux antiques. Il ne possède guère que de l'or-
fèvrerie de table, et encore, sans excès; son Inventaire conservé aux archives
nationales (1), et dressé à sa mort en 17:23, accuse un poids total de 4567 marcs
Klanihoau Réjience.
[Musée cenleniial.)
(I; Cet Inventairi; est encore inédit, et il ferait vivement à souhaiter qu'il fut bientôt publié. .M. Victor
Chanipier en a donné des extraits dans son volume si abondamment documente de Vll/sloire du l'alais-
lioijal i 1900, 1 vol. in-S" . et nous tirons de cet ouvrage les curieux renseignements ([ue nous reproduisons
plus loin sur l'orfèvrerie du Itégeut.
d'objets de ce genre. Nous voici loin des quantités fantastiques citées pour
Louis XIV. Dans ce chiffre est comprise toute la vaisselle plate qu'il avait dans
ses diverses résidences, au Palais-Uoyal, à Saint-Cloud, à Baj^atelle, h Versailles,
et môme la collection d'orfèvrerie du cardinal Dubois, que lui avait léguée
celui-ci, et qui se composait de 85 pièces d'une exécution particulièrement
soignée (1). Le duc d'Orléans l'avait fait graver à ses armes et l'avait mise en
usage dans sa maison. Ses orfèvres habituels étaient Ballin le neveu, et Thomas
Germain. C'est à Ballin qu'il conmianda
notannnent une splendide toilette d'ar-
gent qu'il avait l'intention d'olVrir à sa
fdlc, M"'' de Beaujolais, quand fut agité
le projet d'union de celle-ci avec l'infant
d'Espagne don Carlos. Le mariage n'eut
pas lieu; mais, la toilette se trouvant
terminée, il fallut la payer; elle coûta
31 007 livres. Il lit d'autres acquisitions
importantes de 1715 à 1723. Mais le gros
de sa dépense se porta sur les menus
objets d'art, accessoires de bureau, écri-
toires, pendules, vases montés, et prin-
cipalement sur les boîtes et tabatières
dont il forma une collection de toute
beauté estimée à son décès plus d'un
million, somme énorme pour l'époque, et
qui représenterait près de six millions de
noire monnaie actuelle.
Veut-on savoir sur quel pied était or-
ganisée, au dix-huitième siècle, dans la
haute noblesse, le service de l'argenterie?
On n'ignore pas que toute famille menant un certain train conservait encore à
cette date, pour l'administration de sa fortune et la tenue de ce qu'on appelait
la « Maison », des habitudes remontant en partie à la féodalité, et une réglemen-
tation uniforme empruntée à celle qui était en usage pour la « Maison du roi ».
La domesticité formait un petit gouvernement où chacun avait son emploi et sa
responsabilité fixée selon une étiquette immuable. 11 y avait le service des Menus,
le service de la Bouche, de la Panneterie, de l'Echansonnerie, des Équipages, des
Ecuries, etc. L'importance en était variable, comme on pense, suivant le rang et le
Flainljeau Régence.
(Collection de M"" Burnt. — Musée conlenii/tl.)
(1) Elle pesait, à elle soiile, 1 139 marcs. L(! duc «l'Orlt'aiis accepta le Icirs de son aiiciru prcccplciir,
mais voulut absolument taire estimer la valeur de celte ari^euterie, cpii l'ut piisée 14'i2()') livres, et en rem-
boursa généreusement le prix aux héritiers de Dubois.
— 73 —
(Ic^^i'i'- (le riclic^'M': iiiiii^ f'('l;iil ror-.iiii-.il imi l\|.c <|(iiil cv-.iN.iil de ^r r;i|i|in M'hcc
(|iii('()iii|ii(' |ir('lfiiil;iil r.iii'i- li.uiiri' «Liii-^ \r iiininlr ('.(.iiiiiii' <lil \r I;iIhiIi-I<- .
Tdiil |)clil |iiiii((' :i di"- ;lllll>.■l'•-^.llll•m■s ;
l'iiiil in;ii([ui-- \ciil .i\(iii' lie-- |i,i;:i'^. . .
Clic/ le r»i''i:fiil , le scrsicc de r;ir-('iilri-ir ('liiil n-;.'''' '''' l'' l'i'"ii -.iii\ ;iiilr.
(',(> (|iii ('l.iil \;iissc||.' |>l;ilc, iii(|('|icii(l;iiiiiii('iil dc^ ii>lciisilcs scr\;iiil <l;iiis 1rs
l•ll;lnllu•t'^ à coticlicr dc^ iH'iiico cl ilcs ^
|)riiiccssc^, ('hiil rc|>;irli ciilrc les dilVc-
rciilcs c;i(('^()rics des scr\ i leurs (| ni ;i\;iienl
à en lairc usaf^c |)(iiir les liesoins de lein'
cliar^c Par c\em|>le. \' (ii-ijoiiicr a\ail sous
sa iiai'de un lolal ^V' Id'i pièces (plais,
assicKcs, cloches, etc.), destinées à pa-
rnilre (piolidienneineiit sur les tables « des
niaîlres cl du coinuuiii ». Puis, il y avait
la vaisselle relevant des Officiera de hi
liniicJir (inaruiiles, casseroles, pois à vin,
compotiers, essais, sucriers, huiliers, pots
à bouillon...) qui comprenait oo pièces;
la vaisselle (\v\ pâtissier de la Bouche (com-
potiers, assiettes, plats de formes origi-
nales el variées, drageoirs)..., 13 pièces;
la vaissellr du perdreau (cuillères el four-
chettes, aiguières, flambeaux...), 4:2 pièces;
la vaisselle de Y Echansonnerie (couverts du
vin, flacons, gobelets, etc.), 30 pièces; la
vaisselle de la Panneterie (saucières, mou-
tardiers, cadenas, huiliers, salières, poi-
vriers (soit en vermeil, loO pièces pesant 5:24 marcs, soit en argent blanc,
178 pièces pesant 243 marcs); enfin les services d'apparat des princes et prin-
cesses, que l'on ne sortait que dans les grandes occasions (surtouts de table,
assiettes, plats, coupes, flambeaux qui étaient en or ou en vermeil et qui
comprenaient 119 pièces pesant 225 marcs). Outre cette argenterie si varice
et si abondante, dont Taffectation était méliculeusement réglée, il y avait en-
core la grosse orfèvrerie, employée par le service des cuisines : marmites
el casseroles de toutes formes, poêles à confitures, écumoires, fourchettes
et cuillères, flambeaux. Celle-là était divisée en trois séries : vaisselle blanche,
vaissefle godronnée et vaisselle de vermeil. De la première, Y Inventaire,
dont sont extraits ces détails véridiques, nous décrit 148 pièces, de la seconde
Flambeau Régence.
[Musée centennal.)
106 pièces, pesant ensemble 1285 marcs, el de la troisième 170 pièces d'un
poids de 1 11 marcs.
Ponr compléter ce tableau, ([ui donne une idée précise des mceurs luxueuses
de répo(|ue, il convient de remarquer que, dans cet état de Torfèvrerie du
Régent, la vaisselle léguée par le cardinal Dubois n'est pas comptée, et que
Targenterie persomielle de sa femme, aussi bien (|ue celle des princesses ses
lilles, qui vivaient avec lui, forme un chapitre à part. 11 faudrail donc ajouter,
à cette nomenclature de 952 ustensiles d'argent ou d'or, un chillre presque égal
pour avoir à peu près le total de l'orfèvrerie employée par le duc d'Orléans et
les membres de sa famille (1).
ElhicHc cil \ cruicil.
{Collection de J/"'" Biirnt. — Musée crntennul.)
Le caractère général de l'orfèvrerie de la Régence peut-il être déterminé
avec la netteté dune délinition positive et tranchante? Evidennneiit non, car ce
qui la distingue c'est essentiellement l'indécision qui est le signe habituel des
œuvres de transition. Il faut se garder de faii'e remonter à cette période le
triomphe du style rococo. C'est anticiper légèrement, et cela tient sans doute à
ce fait que, les œuvres d'orfèvrerie de cette époque étant très rares aujourd'hui,
on s'en forme une opinion non pas sur l'étude directe des pièces qui ont subsisté,
mais d'après l'examen de gravures anciennes qui ne sont pas toujours véridiques
(|uant à l'année exacte de ce qu'elles reproduisent. Or, en ces matières, il faut
pousser jusqu'à l'extrême le scrupule des dates. En réalité, le style rocaille,
mis h la mode par Meissonnier, n'atteignit son épanouissement que quelque
temps ai»rès la mort du Régent. Qu'il ait commencé à se manifester en 1720,
et qu'il ail trouvé dans l'état d'esprit de la société d'alors, dans le bouillon-
nement d'idées qui transforma les arts comme tout le reste, un terrain favo-
(1) Cf. Victor Champier, Histoire du l'alais-Hoycd, t. h'', pages 3U'J et suiviiiitos.
rallie à >nii (Ii'\cIii|i|miii(|iI , ncn de |i|iin rni .nn . M,•||-^ ce n es! i^iirrr i|iM'iilr('
!(•-< .iiiiiccs 17-'» a l~i(>, (|iii' I iiii|iiil-h iii ddiiiiri' |iar \f^ iiii\ alriir^. |)iii- lraii>--
IIIInc |i;ii' une arillci' ili' (Irv-in.ilciii •-,. d aicliil rcl c^ d de ^ciiliil ciii- (|lli rriic||(''-
rirciil viir |c> l'iinl.ii^ic- du dchiil. |ii'(H|iiivi| luiis -.^'^ rllrU.
I.c Mll->ci' (('illclllial de I < )rlr\ rciir , ;i 1' Ia po^i | mil dr llMIO, a ruiiiiii a rcl ('ijard
les |»lu> |ir('i'i('ii^c^ cl lt"> |ilii~^ Iniiiicllcv indical imis. Les (riiM-cs de 1 (•|i(»(|iic de la
Im'iiciicc iiii'oii adiiiiiail daiiN Ic^ ((dli'il i( iiis de M"' limai, de MM. I'.diii-'I alaircl
cl j)(tiv|,iii, iiKHil raiciil lo |dia^cs >iicc('ssi\ es de la r(''\ dIiiI ntii i|iii s"*,|)('ra <laiis
les l'oriiit'^ et le-; oniciiiciil s di'-> olijcU aii^'^ihM après la iikmI île L<iiiis \|\, cl
Tliéière Ué^c>nce.
( .1/ (( s é e c e n l e n n ;il.)
perinellaiciiL de suivre, pour ainsi dire, étape par étajie, le mouvement tout
d'abord iueerlaiii et timide, puis de plus en plus aeeenlué et émancipé dans le
sens du caprice à outrance.
Les trois flambeaux que nous donnons sont bien de l'époque de la Régence
comme leurs poinçons nous raffirment; le premier ipa^/e 71) a gardé du siècle
précédent sa construction logique, le pied rond bien assis, décoré de coquilles
encadrées, le fût ferme et puissant, couronné par des niufles de lions et cannelé
en spii-ale; le second p((f/^ ~'2}, appartenant à W"" Bui'at, marque bien la
deuxième étape, on le croirait encore, au premier aspect, dessiné par Le Brun,
tant il a gardé la construction architecturale des belles années du grand règne,
la fermeté et la [nuTté des lignes, la rigueur des proportions. Déjà, il laisse
apparaître, dans les détails de son décor, dans l'expression de la figure qui
orne le haut du balustre, dans la disposition de la base à cim) pans, un certain
6
— 76
souci de rendi-e plus niireable et avenante une forme ([ui était devenue clas-
sique et presque banale. L'œuvre est absolument caractéristique et d'une rareté
insigne; elle doit dater des tout premiers moments de la Régence. C'est le
balbutiement h peine formub' de l'art nouveau qni va prendre son essor. Cet
art, on le voit dans un li'oisième llambeau {pafjc 73), d'allure encore un peu
gauche, qui s'essaye aux douceurs des courbes, aux molles délicatesses rem-
plaçant les lignes viriles de l'âge précédent, aux combinaisons hybrides d'or-
nements emi)runtés plus ou moins à Bérain,
avec les entrelacs et les coquilles, mais
sans originalité bien franche. Le mélange
de deux intluences conlradictoires sendjle
lui donner une apparence vieillotte, l'uis,
le voici dans l"(''clat de sa gi'àce jeune et
fraiche. Le papillon est
sorti de sa chrysa-
lide. Le style s'affirme,
se précise, prend con-
lépendance, et se dégage
leuses,
onsiderez
<,^
Cal'eticrL' Miiralxmt .
{Musée cenleniiitl.)
is, rorf('Vi-ei"ie rejette les
des; mais elle garde en-
5 audacieuses nouveautés,
logi([ue, des proj)oi*tions
lité toujours lisible de la
liversité des ornements,
le de vermeil avec son
plateau prêtée par M""' Burat {pa/je 74);
c'est un des plus parfaits spécimens de cet
art charmant. Le galbe en est d'une sou-
plesse exquise; quant à son exécution, elle
révèle une habileté consommée, avec son ornementation si sobre et si élégante,
posée comme une dentelle snr le marli du plateau et sur le couvercle par le
procédé du tracé ciselé, qui rappelle un peu les nielles de la Renaissance et qui
fut alors très en faveur.
Une théière (page 75) faisant partie de la collection de M""' Burat est une
pièce très rare, dont la composition et l'exécution sont également intéressantes.
De forme ventrue, au pied godronné, à la panse unie, la collerette est seule dé-
corée au tracé ciselé, dans le goût de l'écuelle dont nous venons de parler, elle
est bien de répo([uc de la Régence où l'on n'a pas oublié encore les dessins
de Bérain; le bandeau (juadrillé est égayé par quatre agrafes à cofjuille ciselées
— 77 —
;i\cc iiii ^(Mil clKiniiiiiil ; li'-^ ili'ii\ idii'li'llc^ --iiiiiilriiiciil ll)llnH■(■^ M'r\;inl de liollcîS
|>niir a^ral'rr l'aiisc en fliciic, ^dliili- cl lncii en main.
haiis (•(•> (lilVl•|■l■lll(•-^ |ii('ic-- i|iii' ll(lll■^ a\(iiis r('|ir(ii|iiil('x, d (juj -oiil l<'s iticccs
Ic^ pin-- I \ |iii|iif-> i|iii l'iL'iiiaii'iil an Mii-m'c ri'l ni^prcl if ;i ri!\| h »^i I i( m de l'.MKI, (iii
Ii-(iii\ail, l'i'iinic-^ (riiiic l'artMi ^ai>iN-~;iiilc. le-- (|iialil(-- <lr I arl i|i' la \\ry('i\<-(' ;
l'c liiililac, I (t|i|Mi->il KHI N.iv.inli' ilc^ |iarli('^ un iiiliir('T^ cl des (((nloins airiuidis,
r;illli;i|ilc n(di|css,' i\t' |;i col 1 1 1 1( i - i I K H i cl la >ll|)r(Mllc i Ici ica I C- >(• de |;i |';ic I || rc.
('(• sdid Ilicii la, en sdnnnc, les Irails dislniclifs dn s|\|c de |;i lH'';jcncc, (je 171")
a IT'J;!. Icis (|n"ils dianincnl dans r.illiinn i\i' liolicrl de ('.(tllc. de nicnic (|nc dans
les (eit\res d ai\i:cnlerie ipii onl snr\ci-n.
Nons a\ons lr(in\e (\i:alenicnl , parmi les pièces e\pos(''es an (icnlcnnal. nue
carelière à c(~iles li'ès simples cl l'ermes /i//'/r~{\^ e| doal le lice a mascaiam est
liien dans le caraclere de eelle l'-poipie (|n(H(pi"elle ne nous paraisse pas de
raliriralioM trancaiso; il (dail inli-ressind de la reprddiiire, loni an ni()iM> poin-
inonlrer le d(\^ré d'inllnenee de noire arl naliimal snr la proilnclion <''li-an;:ère
de la même éjuxiiie.
Dessin de Boiain.
mm
ORNt.Ml-.NS
Carliiml
•II, ScuJf.
CHAPirUK l'ROISIÈME
E|)anoiiiss(Mn<Mil du slylo l'oraillo. Ses oxers cl sos chcfs-d'ciMiypc,
ITîîo A 1750. — Les orlV'viM's Mcissonnici*, Dclaimay cl lialliii
!<' nov<Mi. — (ii'aiiclc iMMioinméc de Thomas (leriiiaiii. — ImIIucikm'
<le la C<Mii* sui* le i»<>n(.
\y N 17:23. lorsf|iio, nprès la mort du Pu'^oiit, Louis XY prit les
l'eues du pouvoii', il y avait à Paris une douzaine d'or-
fèvres de très grande répulation débordés par les eoni-
niandes, e( ceux-là mêmes qui étaient le plus attachés
aux traditions dui*ent subir l'entraînement général et
accepter souvent l'intervention des arbitres étrangers à
leur profession que la mode leur imposait. C'est alors
que les extravagances du genre rocaille commencèrent à
être <à la mode, et que le style « baroque » prévalut définitivement et fit fureur.
Parmi les artistes qui travaillèrent le plus, dit M. Henry Havard (1;, à faire
perdre à l'orfèvrerie française la solennité de ses formes et la symétrie de sa
décoration, il faut citer, en première ligne, Gilles Oppenord, le favori du régent,
^l] Henry Ilavanl, llis/oire de l'Orfèrrcric. page ÎIIS.
— so-
le décorateur du Palais-Royal, et Justc-Aurèle Meissonnier, dessinateur ordinaire
de la chambre du roi. L'un el l'autre étaient étrangers, cependant ce sont eux qui
aidèrent puissamment à créer en France un des styles les plus français que nous
ayons jamais eus. Architectes tous deux, ils introduisirent dans nos arts décoratifs
le mépris le plus absolu de l'architecture. La conslruction logique, la sage répar-
tition des masses portantes, le respect dv l'aplomb, que l'on avait jusque-là
observés, furent brusquement répuiliés par eux, et ce spectacle nouveau j)arut si
charmant que, — bon gi"é, mal gré, — les artistes sp(''ciaux (hu'cnt se confornicr
à ces troublants exemples... Mais cette dérogation aux lois de l'exigeante raison
n'empêchait pas cependant les orfèvres parisiens de produire, dans ce genre
qu'ils qualiliaient eux-mêmes de baroque, une quantité extraordinaire d'ceuvres
charmantes, d'une forme assurément tourmentée, aux contours tarabiscotés,
gondolés, cannelés et surchargés d'ornements, dont l'échelle n'était pas toujours
convenablement calculée, mais si bien appropriée à leur usage, d'un galbe si
souple, d'une ampleur si gracieuse, d'une si amusante saveur, que l'on partage,
malgré soi, l'enthousiasme que cette curieuse production suscita, non seulement
en notre pays, mais encore au delà de nos frontières (l). Il y eut d'ailleurs des
degrés dans le genre rocaille. Je veux dire que tandis que certains orfèvres,
pour paraître en avance sur la mode, se laissèrent aller aux pires extravagances,
d'autres, au contraire, — et ceux-là travaillaient en général pour la Cour, —
essayèrent, sinon de réagir, du moins de conserver la mesure et le goût dans les
(1) Ilcnry Il.ivai'd, Histoire de l'Orp'vrcrie, page iil.
fïjrrrp
Portrait de J.-A. MEISSO.XXIEU
' fff/uu
— HJ
ni|iu'[i' au\ ci'i'i'N issc?
McissDiuiicr.)
Ii;inliiv-,c^ (II' liMiiv ciiiiiiHivil idiiN. \iiis|, le \icil\ Niiol.i- I >c|;iiiii;i\ , ;.'cii(|l<' i|c
l'illiislii' |>;i||iii, r;iiii'i('ii oiicNic (le l.iiiii^ \l\, ;i i|iii lui rdinin.iiK |cc en \ill la
liulrllc lie rilllaillr, ^c |Tril^,i JIIS-
(|u il N.i iiioil, (Il 1727, a ^iiiMc !<■
iiiniiN filleul . Il ic-la rnlcjc aux Ira-
(liliulls (le ^ull |m';iI|-|htc, cl a l'ai'l
du i^raiid <irc|r. Mci---i iiiiiicr lili-
llirilic, rill\('liliiir <lil ;^i'iiri'. ne
s'ol-il pas ;janl('' ilrs ('•cai'ts ridi-
cules cdiiiiiiis |iai' SCS s()i-dis;iiil imi-
lalciirs dans les pièces d'(»rlc\ rci-ie
(pi'il a dessiii(''es j)()iii' Louis W.
OppciMii'd cl Moissoiiiiier ciii'ciil
une iiilliieiice liicii dilTiTciile sur l(,'S
ai"ls de leur lein|)s; (lilles-Mai'ie
Oppcuoid ('lail siirloiil, arcliiLcolo
el ({('corateiir. Le réjieiit l'avait
clioisi l'oinmo (liroctciii' iii'iiéral do sos l)àlinu'iils et jardins. L'œuvre gravée
({u'il a laissi'e ne nous fail coiiiiallrc (nrun très petit nombre d'objets pouvant
se rappoi'lei' à l'art de l'orfèvre. Ce sont surtoiil des mol ils «rarcliitecture, de
(h'coration d'ai^parlcment el d'objels moljiliers. Sa produelion, |)lns sévère dans
les l'ormes et les contours, earaclériso la i^remièrc jiliase du nouveau style ai)pelé
Régence, et s'éloigne sensible-
ment de celle de son émule Juste-
Aurèle Mcissonnicr, qui inau-
gura la denxième phase du slyle
Louis XV, que l'on a|>|)ela le slyle
Uocaille et phis tard Rococo.
Meissonnier, qui était aussi
architecte mais surtout décora-
teur, était en réalité un orfèvre;
reçu maître en 17:2'), il signait ses
œuvres de ses poinçons : J. 0. R.
Il habita longtemps la rue Fro-
menteau, où il avait bouti([ue. Il
a laissé un recueil de dessins
dans lequel il avait recueilli les
modèles (|u'il avait rêvés ainsi que les dessins des pièces exécutées sous sa di-
rection ou dans ses ateliers.
Nous avons choisi dans ce livre les pièces qui pouvaient le mieux nous édifier
Soupière au fribicr.
(Meissonnier.)
- M —
sur le caractère des œuvres de son invention. Les dessins de la soupière aux
écrevisses et de celle an gibier, que nous donnons, nous dispensent de toute
description. Elles sont tourmentées à l'excès; la rugosité de leurs saillies est
inquiétante, et on se demande si elles n'ont pas été faites pour le dressoir plutôt
que pour l'usage de la table; mais quelle merveille de délicatesse elles pouvaient
devenir entre les mains d'un habile ciseleur.
Le surtout un peu encombrant qui réunissait sur son plateau les dilîérentes
pièces du service de tal)le : jiot à oille au sonnnet encadré par des bras de
Ni'f tlu roi par Mcissoiiiiier.
lumière, seaux à rafraîcliir; aux extrémités, salières, huiliers et boites à épices,
ne devait pas être d'un usage bien pratique, mais quelle superbe décoration
pour le bulTet d'une salle à manger, dont la boiserie en chêne sculpté aurait été
exécutée sur les dessins de Meissonnier.
D'une composition tourmentée et de forme singulière, ce surtout ne fut pro-
bablement pas exécuté, il devait être un projet émané de sa verve facile. Mais il
donne une idée très nette du style de Meissonnier, lorsqu'il se laissait aller aux
caprices d'une imagination bizarre qui oubliait quelquefois la destination de l'ob-
jet rêvé.
11 n'en est pas de même de la nef d'or du roi Louis XV; (pioique encore un
peu tourmentée, le g'albe est si gracieux, l'ornement qui décore la nef est si
H5
SOlIpli-, cl rii\cl()|)|M' --i liii'ii la riilllic (|lMiii rniii|Hi'i|i| la rr| ,iil al Inii ■|lir (•(•«;
ii'iiM'i'N a\aiiMil iiici-ili'c. \a' -eau a ra II a idii r, i|u il i'\(''ilila il rii ar;.'riil |m)I||' je
(lue (le rHiiiiluiii. ildil, (■(iiiiiiH' la iii'l', a|)|iaih'iiir a une «'pdiinr assafjii', cl lncii
loin ilii |cii (lc> ('carlN de la ridcaillc, i|iii <'iil lail accii-ci' Mci^voimicr par l'aiil
Mail!/, (l'aNoir ('•li' le t:rainl c(ii-rii|il ciii' du -dùl de la |ii-ciiiicrc iiioilii- du di\-
liuiliciuc •^ieele.
l'a nui les iiiailri's (uie\ rc> en fax eu r de 17 I "> a IT'iU e| d(Mil le> iiiseiilioii- oui
(Ml ipieli|iie imporlaiiee il ii(tii< t'aiil eiler ( '.laiide Ualliii le iieseii, ipu a\ail a celle
('•poipie une •-oixaiilaiiie d aiiiiees I) cl (pii c(tiisei-\a jn'-ipi ;iii l'<iii! une \<),:jiie e\-
Iraonliiiaire dans la clieiilele la
plil^ arisl(»('riili([iie de la l'iaiice ^
cl de ri'ilIKtpc. Toill eu se iiioii-
Iraiil moins iulraiisi^caiit (|ue
sou coiilVèi'c h(daiiiia\ el en siii-
vaiil assez doeilemenl les idi-es
nouvelles, il ne ilépassa pas les
limites raisonnables; aussi se
l;nnen(ail-il dans les derniers
temps (le sa vie sur <( ce (prou
i;àlail les Ixdies l'ormes eu sul)-
stiluanl aux sages ornements
des anciens u des escrev/ccs, vt
» des lapereaux , qui ne sont
» pas faits pour (jarnir le dehors
» de vases d'orfèvrerie ». C'est
Claude Ballin ([ui avait exécuté
la charmante couronne du sacre de Louis le Bien- Aimé. En 1726, il prouva qu'il
n'était pas si rebelle à introduire un peu de pittoresque dans l'orfèvrerie en
composant pour le maréchal Denon, gouverneur du Milanais, un surtout de
table dont le sujet était la fête de Cornus. Un autre, qu'il fit, en 1742, pour le
roi d'Espagne, représentait des scènes de chasse, « des chasseurs et des chas-
» seuses ^), des pièces de gibier. Plus l'artiste vieillissait, plus il était contraint
de suivre le public dans ses prédilections grandissantes pour les rocailles, et
on put le constater quand il acheva, en 1751, le splendide service du marquis
de la Ensenada, ambassadeur d'Espagne, que tout Paris alla voir et qui fit
sensation.
Barbier, dans son journal, en consigna l'apparition comme un fait notable, et
Seau à rafraîcliic.
(Meissonnier.)
,1 Claude Ballin mourut le 17 mars 1754, à l'âge de quatce-vinfrt-treize ans. Il était né en 1661, on le
désiiTuait habituellement sous le nom de Claude II pour le distinguer de sou oncle, l'illustre Claude I*'"'
Ballin. l'orlevre de Louis XIV. mort en 167S.
— 86 —
le Mercure [[) eu piiljlia la description. La base du surtout « contournée en une
baroque a<iréable « siuiulait une nier agitée
par les Ilots ([ue doniinail Neptune, assis
dans une conque marine traînée j^ar des
chevaux, le trident en mains, Tair cour-
roucé, tandis qu'autour de lui, nageaient des
Naïades joyeuses qui se jouaieni au milieu
des roseaux brisés par le vent, et des en-
fants occupés à prendre des poissons. On
sait si, depuis, ce sujet l'ut exploité!
ï/orfèvre dont rinlUience à cette époque
s'exerça le |)lus heiu-eusemenl et avec le
|)lus d^'cjal, lui, à coup *^ùr, Thomas Ger-
main. Initié à la [pratique de sa profession
dans l'atelier de son glorieux père l^ierre
(icrmaiii (^) qu'il avait |)erdu de ti'ès bonne
heure, ayant étudie'' la peinture avec l>on-
Boulogne, la sculptui'e avec Legros, et l'architecture (pi'il connaissait à fond, il
avait lermini' son ('ducalion |)ar un long S(''joui' en Italie. Il s"('tait trouve'' tout
]$(iiiill(il 11' cil iir MU- Sdii r<''i'li;iU(l
lie Mniif Lec/iiiska, \y,\v 'riKniia
(icriiiaiii.
Jatte de Marie Lec/.inska, jiar Thomas Germain.
préparé lors de son retour à Paris en ITOG, grâce à ses Ijrillanles relations, à ses
bonnes manières et à son talent, au rôle qu'il allait jouer. On l'a vu, le Régent
(1) Le Mcrriire, n" de juin 17."il.
(2) Il ne faut pas confondre ce Pierre Germain, orfèvre du roi Louis XIV. père de Thomas (lermain et
grand-père de Fianeois-Tliomas Oermaiu, avec un autre orfèvre du dix-huitième siècle (fui porte égale-
ment lu nom de Pierre (îermain. lequel est l'auteur du volume : les Eléments d'orfèrrevie. publié en 17'hS.
11 en sera question plus loin. Cette confusion qui a été commise par des écrivains énunents, tels (|ue Paul
Mantz et L. Courajod, a donné lieu à de fréquentes eri-eurs.
-- HT —
,-ll lil •-(111 (irlV'\ rc ,ill ill-c. Il lui \ili' rii r;i\rii|- ;i |;i Cdiir cl |c~. | m ■ |--( .|| ii;i- c» jcs
plus en \(ii' m- I ;in Inciil |i,i> ;i en t;iiii' leur l'i iiinii^^ciir «je |n-i''<lili'c| ion .
S('>^ |M'ciiii('r<'s (•(iiiiiii.iiMlrs (iHi(iclli'-- riiiriil (|('v (i'ii\rcs icli;.'i<'ii-c^. Il cm''
(•iil;i iinhiiiiiiKMil |Miiir 1,1 ili,i|ir||c de Ti m I ,i iiii'l ilci II un (•nccii-iiir (|iii lui \.iliil
lc>^ (•iif(iiir;iLi'iii('uK de l.diii^ \\, |iui^ c'c-l ;i lui (|iir lui roiilii'i'. en \ilU.
rcxccill idil (II' 1,1 Idllfllr (II' l;i reine M;ine Leiviii-k,i . |,;i iMilIllInlIe en or ;i\ee
son recli.iUil i|lli ;i|i|i;ili ieill ;i M. ( '.li.ll Miere-^ \rle--, el i|lli l'hiil e\|io>«ee ;ii|
iN'lil l'ahlis, e-^l un ili'S rai'Cs -^iK-cimen-- de celle |ir(''ciellse orre\reric: il reii--il
ipnr.irm-a' TTTmrninn rTnm
,Mi III ii lllITllllIllIlilillilllMl' -'■*' "■ ^ ■■ •' I - _ ^^_^__^.^^^y
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Alcliei' (le Tli. ( icM-inain.
[Hcconsliliilioii !ii/;inl liijun' ii VE.riiosilion de If^SO.
k
si l)i('n dans cette entreprise, il sut mettre tant d'ingéniosité et de nouveauté dans
la di'coralion (h"^ trente-eiiiq pièces doni elle se composait: cuvette, pot à eau,
miroir, gobelet, llacons, boîtes à poudre, à pâtes et à mouches, ilambcaux,
jattes, gantières, coiîre à bijoux, etc., que toutes les grandes dames voulurent
en posséder de sa main. Il sembla un moment avoir la spécialité des ces riches
orfèvreries.
Le Mercure de France de septembre 1T:2(), décrivant ce service à toilette,
signale notamment les jattes qui en faisaient partie; chaque jatte était faite en
forme de nacelle dont la poupe et la proue étaient ornées « d'enfants occupés à
» liei' un dauphin avec des festons, lesquels régnaient sur tout le fond ».
Il en ht pour la reine d'Espagne, pour une princesse du Brésil, pour la Dau-
phine, et une quantité d'autres femmes de qualité. Sa production s'étendit aux
- 88 —
objets les plus variés, et sa verve féconde Ht rcspleiulir sur les tables de tout ce
qu'il y avait d'illustre dans la société de ce temps, les Ix'autés d'une orfèvrerie
infiniment gracieuse, mouvementée et chatoyante. Le duc de Luynes qualifie
Thomas Germain de « fameux orfèvre en grande réputation dans toute l'Eu-
^•ope » (l). Mariette déclare que « c'est le plus excellent orfèvre que la France ait
eu depuis le célèbre Ballin » (2).
Ses compositions sont restées un modèle parfait de grâce et d'élégance, le
type le plus achevé de ce style si français, et surtout le plus naturel. Delà cette
renommée si méritée qui lui valut d'être chanté par Vollaire, (pii dans l'épitre
adressée à Phyllis vantait sa main divine (3).
Il n'est point de louanges qui ne lui soient décernées et partout on s'arrache
ses oeuvres qui passent, même de son vivant, |)(>nr des merveilles (pi'on ne se
j)ermet pas de discuter, pour des modèles d'un goût impeccable.
Son portrait peint par Largillière, (|ni fail aujourd'hui partie de la collection
de M. Odiot, nous le montre dans son aleliei' avec sa femnu^ Denise, lille de Gau-
chelet, orfèvre.
Thomas Germain fut essentiellement l'orfèvre à la mode : mieux rpie cela, il
fut l'orfèvre de savoir et de raison, le plus insiruil jx'ul-ètre (pii ait jamais existé,
l'incarnation pour ainsi dire de rorfèvrerie française. Son notn respecté continua
longtemps après sa mort à être invotpié dans sa corporation, comme celui d'un
maître sans égal. 11 domine le dix-huitième siècle tout entier, et défie toute com-
paraison. Si, lui aussi, ne put faire autrement (pie de sacritier au genre rocaille
et à la « Ghinoiserie », il ne versa en aucune circonstance dans les cocasseries
invraisemblables de beaucoup de ses confrères. G'est ce que se plait à faire
ressortir Mariette quand il écrit : « Si M. Germain ne copie pas tout juste l'antique,
et si, pour se prêter au goût régnant, il se livre à des formes irrégulières, il ne
donne jamais dans des écarts blâmables « (4).
Il est vrai d'ajouter qu'il s'éloignait passablement de ranti([ue, plus que ne
semble le reconnaître Mariette, (pumd il imaginait ses pots l\ oille (.":)], ces légu-
ai) Duc de Luynes, Mémoires, t. IX, page 83.
(2) P.-J. Mariette, Abécédnrio, t. H, page 298.
(3) Voltaire, XXIll^ Epîtrp. connue sous le litre les Vous et les Tu.
Phyllis n'était autre (jue M"e île Livri, jeune et jolie personne qui se destinait au théâtre, reçut des
leçons de Voltaire et devint sa maîtresse. Après avoir renoncé au théâtre, elle épousa un riche gentilhomme,
M. de Gouvernet, et mena un grand train de maison.
Non, .Madame, tous ces tapis Vos vases japonais et blancs.
Qu'a tissés la Savonnerie, Toutes ces fragiles merveilles,
Ceux que les Persans oui ourdis. Ces deux lustres de diamant
Et toute votre orfèvrerie, Qui pendent à vos deux oreilles,
Et ces plats si chers que Oermain Ces riches carcans, ces colliers,
A gravés de sa main divine, Et cette pompe enchanteresse,
Et ces cabinets où Martin Ne valent pas nu des baisers
A surpassé l'art de la Chine, Que tu donnais dans ta jeunesse.
(4) P.-J. Mariette, Aôécédario, t. Il, page 298.
(5) L'usage du pot à oille ou pot a ouille (du mot espagnol olla qui signifie marmite) se développa
grandement au dix-huitième siècle. C'était ce que nous appellerions aujourd'hui une terrine; on y faisait
iiiliiiimci Luylu?^
'■' '^ ju dans touio I r.u-
\ rc iriiM In Fr;inci> m'h
lodèle [I grâce et d'élégancr
luuL le plus nai là cette
■;iu daii- ■■■
I ■ M.: on s'arrache
K merveilles qu'on n
>in impeccable.
I aujourd'hui partie de la collecli":!
•■' sa femme Denise; fille ' •
•llement l'orlV'VPe ,^ Iîi mode : mien'^
; 1 . '■ plus h
1 a cire un ^
Mïe le diX-hlln ■. h m -.- ■ -mu , ,,,11 1 , < i u« ne hmul- l tlili-
nnt faire aulreuïent que de sacrifier au genre rocaille
M aucune circonstance dans les cocasseries
' onfrères. C'est ce que se plaît à faire
\i. Germain ne copie pas tout juste l'antique,
au t;oui rejouant, il se livre à des formes irrëgulières, il ne
; '- ''carts blâmables ' '
Il c;! .ju'il s'éloignait ment de l'antique, plus qu( ii>
' • Mariette, (juand ii lit ses pots c'> oille (o), ces légu-
. t. IX, page N.:
;. II, iK-iL- •->
!j. Apri.i -i-.on- leiiui! jji-UUlliuuiuit,
laiii (le maison.
i
T..
Ce.
■ (Jiii
Ce-- .
- t liidiu «Itv.^i ■ Et cell>
! - où Marti ip Ne vaie.
la Chili'.'. Que lu lioimii- <i;iiib /■
:ir}n 1. n
< : >l alla qiii
:.'r:i;i.l , lioiis ailji'
R9
>.^,
Porlrail iK" Tiiumas GERMAIN et de sa l'emnie Dkmsi:
[Collcclion Otliol.)
ÎM —
iiiicrs, (•(••> >,(»ii|>i('r('N dmil le curp^ cliiil ml niiiiiciil Imiiiic (hiii'lc» niriiillciiscs,
(le voliilcs cl lie ;jimI|(ii|v cm I i iHil h I h uI'- , ri doiil le ci iii\ c|-c|c cl.iil -lll'i'|i.ii-;-'(''
(r;iiiiiii;iii\ ili\civ. I.'nrlivjc, iiiiiIl'Ii' hml , -;i\;iil cn il cr Ic^ i ni i'iii|M'r;iii (■(■•- de- Mcis-
Caiulclalji'c en (H- clo Louis XV, dessin de Tli. (iciniaiii.
I]()llecliun de M. le I)aron l'iclwn.)
sonnierou des autres fervents de la rocaille, en conservant à ses ustensiles un
des fs])ècos de pâtés dans lesquels il entrait toutes sortes de viandes, et surtout du gibier: les pots à cille,
qui avaient nrdinairi'inent d'assez irrandes dimensions, comprenaient des accessoires variés, un bassin rond,
une i,a-ande cuillère, le tout pesait de 30 à 60 marcs. Ils furent remplacés au siècle suivant, sous la Restau-
ration, par les soupières.
— 92 —
aspect solide et ferme, une lii;iie (loiniiiaute, une apparence eu rapport avec leur
destination. Son éducation classique se reconnaissait à ce respect des |>rincipes
et à cette science de composition, ce fut là le grand mérite de Thomas Germain,
d'autant plus remarquable qu'il avait k résister à des entraînements qui auraient
pu facilement le faire dévier.
Une autre qualité qui lui fait homieur, c'est la conscience qu'il mil à traduire
les ornements empruntés à la nature, à donner l'aspect de la jiKis jiarfaite vérité
aux perdrix, poissons, légumes, sans commettre une faute de goût dans l'asso-
ciation toujours difficile du décor de réalité au décor de convention. Un de ses
contemporains, Lempereur, dans son Dictionnaire des artistes, l'apprécie en ces
termes : « Germain inventait facilement et sans se répéter, il traitait les figures en
» habile sculpteur; son goût d'ornement esl })ur, sage, ses formes sont agréables,
» riches et élégantes sans être tourmentées, et son exécution est telle que le tra-
» vail du ciselé disparait et ne laisse apercevoir cpie la nalui'e et le vrai caraclère
» de l'objet représenté. »
L'architecte Blondel, dans son ouvrage sur rar(dii(eclm*e fi-ancaise, déclare
(pi'il portait si loin la perfection de son ai-l, « (piil lui ('-tait ari'ivé ])lus d'une fois
» de recommencer son ouvrage, parce ([ue les ouvriers (pi'il employait, (pioiqu'il
» choisit ce qu'il y avait de plus habile, en avaient négligé une partie. Aux talents
» qu'il avait reçus de la nature pour sa profession, Germain joignait une profonde
» connaissance du dessin, de la sculpture et de l'architecture »
Sculpteur, il l'était, les nombreuses figures d'Amours (pu décorent les services
du roi de Poi'tugal en témoignent. Elles sont si bien modelées (junn Inographe
érudit des Germam, M. G. Bapst (i), bien au cour;int lui-même, et par expérience
professionnelle, de l'aide que le statuaire de nos jours a])porte aux œuvres d'or-
fèvrerie, déclare avoir été tenté de les attribuer à un illustre sculpteur de son
temps. Il a fallu la lumière brutale de documents d'archives irréfutables pour
l'arracdier à ce doute. La collection de modèles qu'il laissa à son fils François-
Thomas Germain, lei[uel à sa mort en 1748 prit la succession de sa maison (quoi-
qu'il n'eût alors que 22 ans), constitua pour celui-ci un véritable trésor. Nous
verrons dans un chapitre suivant que ce dernier ne se fit pas faute d'y puiser,
et que ce fut en grande partie avec les chefs-d'œuvre accumulés parle père, ({ue
le fils se tailla u!ie bonne part de sa réputation.
Architecte, il l'était aussi, ses œuvres d'orfèvrerie le prouvent; il avait reçu
cette éducation (pii porte l'artiste à respecter toujours la logirpie et le principe
de la construction. Son goût personnel s'était épuré et formé par l'étude des
monuments anti([ues. Il avait môme fait œ>uvre d'architecte en construisant à la
demande des chanoines de Saint-Thomas, sur l'emplacement de Saint-Thomas
(1) G. Dapst, les Oennain, page 94 ut suivaules.
— î»:j
,1,1 |.,,ii\ir, une l'-li^i' :i l;i | ihicf <!•' ci'llc i|lll \rii,iil de v'ccim iillrr. l'.lniiilrl iindS
iiiili,. ;| I;, r(iii->lnhl KMi (le l'c-li^c cl ;i rnii-cr\c lc-> di's^iii-, du rhd ii|-, du pdiliiil
,.| ,|,. |;| II, r ,|uiil il doliiir l;i dc~-ill|ilM»ii. ■• l,;i (•(.iil|)(c>ili()ll <'ll t'A lurl lll-iMlirll-c,
o dll il, d'illl.' iKildr -^iliilili
t—
» cilc cl -^ii cttii-~l nul mii d une
» lonuc idc:^;iulc l.;i couunii-
» niiulc, |ti'iiclrcc de Idiil ce
» (|nc (icruiain ;i\;ul Iwil [Hiiir
» l;i iKUiNcllc c,i:li>c, i|tril a l'ail
» cou-^l ruu'c . par sc^ soins,
» SCS lia\au\ pcr^diiucls. sur
» SCS dc>->iii> cl ^c> ludijcics,
n daii^ un clal ^\c |icn'ccl uni
» c\ i\c hcaulc i|ui l'cnd ccl
» ('■(lilicc nu des plus |ieau\
» i'[ des plus parfaits (juil y
» ail dans ce izciire à Paris, cl
» ue saclianl (H)niine elle |i(iu-
» vail Uii léiuoiizner sa rceou-
» naissance, décida de con-
» cc(.lcr à lui et à ses dcsceii-
» dants à pcrpctuili' la jouis-
» sancc d'niic Irihnnc |)onr
» suivre les oITices, ainsi (pie
» le cavot le plus prochain du
» sanctuaire pour servir de
» sépulture au sieur Germain
» et ù sa famille. »
Lorsqu'il uKnu'ul. Thomas
G.M'inain était à l'apogée de
sa gloire, les commandes af-
iluaient et de la cour et des
églises. La girandole d'or,
qu'il fit pour le roi Louis XV
et dont nous donnons le des-
sin, fut son dernier ouvrage.
f-e ilessin page 91), qui fait partie de la collection du baron Piclion, est de la
main même de Germain. Il est tellement précis, qu'on pourrait s'en servir pour
reconstituer un candélabre i(lenti([ue. 11 laissait inachevé un lanqtadaire destiné
à être olTert à Sainte-Geneviève par le prévôt et les échevins de la Ville de Paris
^^
*■ 'r ^* r^^^^}^.--^ ■jjif'j^ié^ '^^v-^^/y
I.auipadairo de Saintc-Geiicx ic\ r. di-ssin de Th. Germain.
Collection de M. le baron l'ichun.
— 9i —
en accomplissement d'un vœu adressé à sainte Geneviève, patronne de Paris,
pour obtenir la cessation d'un fléau qui décimait alors la population. La déli-
bération du 30 mai portait que cet ouvrage d'orfèvrerie serait « travaillé avec
» tout l'art dont notre siècle est capable, pour estre placé à perpétuité dans
» le chœur de la dite église devant l'autel » (I). Ce fut son tils, François-
Thomas Germain, qui l'acheva.
La réputation que lui avaient faite en France ses talents et sa personnalité
avait dépassé les frontières, et, à sa mort, le roi de Portugal, pour lequel il avait
produit tant de chefs-d'œuvre, fil célébrer à ses frais dans la cathédrale de
Lisbonne un service solennel auquel assistèrent tous les artistes de la ville.
Un ancien garde de l'orfèvrerie du nom de Lecain, contenqjorain de Ger-
main, disait de lui qu'il était l'homme le plus remarquable dans cette partie, et
que ses ouvrages serviront éternellement de modèles à tous ses successeurs.
Il ne savait pas si bien dire.
Ce grand artiste a dû, en elïét, |)roduire un noml)re considérable d'ceuvres
reuiarquables, et les rares pièces (|u"il nous a été donné de voir portent l'ein-
preinte de son goût et de sa puissante originalité. D'une exécution irréprochable,
sobre dans les détails, élégante dans la composition, toujours raisonnée, elles
nous font déplorer une fois de plus la destruction impie des œuvres de ce grand
artiste.
M. G. Bapst, ([u'il faut toujours citer quand on parle des Germain, ne connaît
de cet orfèvre que trois pièces authentiques existant encore : Une écuelle en
vermeil exécutée en 1733, sous Hubert Louvet; M. Paul Eudel l'a publiée dans
son recueil « Soixante Planches d'orfèvrerie », et en attribuîiit la paternité à
François-Thomas Germain et la propriété au cardinal Farnèse. C'est une double
erreur; né en 1736, François-Thomas Germain n'avait que sept ans, il était donc
impossible qu'il en fût l'auteur. D'ailleurs, les poinçons relevés par M. Eudel sur
la pièce qu'il a eue entre les mains, et que nous avons reproduits et commentés
plus loin au chapitre IV, ne peuvent laisser de doute à cet égard, et le dernier
des Farnèse était mort en 1731 (:2).
Le corps de Fécuelle est simple et de la forme coutumière; mais la bordure
à filets enrubannés, accostée de deux oreilles plates très finement ciselées, lui
donne un suprême aspect de richesse et d'élégance. Les oreilles portent en
relief les armes du cardinal encadrées de rinceaux Louis XV. Le couvercle.
(1) G. Bnpst, les GeDnuin, page 80 ul saiviiulés.
(2) Uaiis une coimnuiiicuUon faite récemment à la Société de l'iiistoire île l'art français, M. J.-J. Mai"-
qiicl (le Vasselol, attaché an .Musée du Louvre, constate que si l'écuelle de (ii'rniain porte les armoiries
d'un cardinal, ce ne sont point celles des Farnèse, qui sont « d'or a six ileurs de lis d'azur », mais bien
celles du cardinal portugais .loào da Motta e Silva, qui sont " de sinople à cinq (leurs de lis d'or ».
La similitude des cmlilénirs a pu ti'omper .M. Paul Eudel. Mais l'attrihutiiui «le .M. .Marqnel de Vasselot
est ccriaiur. car Ir rardinai da .Motia e Silva était ministre du l'iii de Porliigal, .lean V, à l'époque où
Thomas (icrmain tiavaillait pour la Cour; il n'est pas surprenant qu'un minisln; de ce prince se soit
adressé à lui.
— 1).". —
(Iccorc (I (iilii'iiiciil > ;^l';i\t'-> cl r;iiii()|i\ l'N cl ^ur le (loiiic ilc ciiiiiiix cfciix r||
s|iir;il('-^, (">l siiniiuiilc il un ;ii'l irli.iiil IihkIii cl civchi ditiil I cm'ciiI ion c-.| |);iili-
ciilici'ciiiciil |)ri'cicii^c. halls I iiilcriciir, on iclron\c le ;-'oùl rccliriclH' i\r I (»r-
l'cM-c i\[\\ en a iclcNc la nionolonir par uni- ;^ia\uii' ildiralc. I.r jplalcan. ijr
l'ornic ojiloni^nr fl a iiniliinr^, |M-i'srnlr lui iliTor analo,:.'iii' a rrlni ilr I (''riirllr il
jxirlc. i:iM\('('s an rcnlir, Ir^ ainir^ ijn raidinal. Lr ronlonr r^l roinn poiM'
Cliraill'iT li'-^ iilTilli'^ (le I iTilrlIc, cl. lo|v(|nr rrl|c-ri r>-l liosi'c -~[w von Jilalcan.
IClVrl (I rii--i'nililc r--l ali^olnnirn! r\i|ins. Crllr l'rnrllr, |inrr nH'r\('illr ilc ;j(»ril
et (rcvccni ion, snlUiail a innnoriali-^rr lr nom t\r Th. (iciinain.
Kcucllo en \ci'nieil, exi'c-uU'e par Thimias Germain i).
((jolleclion l'nul lùidel.)
Un flambeau à tèle de bélier, d'une construction si bien raisonnée et d'une
ornementation sobre et élégante; il lit partie de la collection du baron Piclion:
et enliii un llainbeau d'étude à deux lumières, sur un socle à cannelures, deux
branches s'enlacent pour maintein'r une douille destinée à recevoir ini abat-
1' Après avoir fait l'ornement île collection? d'amatenrs célèbres : Léopold Double, Paul Eudel,
prince DemidotV, tlle vient irètre aciietée pai' irs Amis du Louvre, et fera désormais partie de nos col-
lections nationales.
— 90 —
jour, les JDobèches sont des vases à godrons portés dans des coquilles qui
servent de bassins. Les poinçons donnent
la date de 1747. II fit é^'^alement parlie de
la collection du baron Pichon.
De tels exemples suffisent pour donner
à penser que ce ne furent pas les orfèvres
de la Cour qui se livrèrent aux excès du
genre baroque qu'on a à regretter dans cer-
taines œuvres de cette époque. La Cour, en
définitive, restait ce qu'elle avait toujours
été depuis l'origine de la monarchie fran-
çaise, le centre permanent de rélégance et
du goût, dont l'influence, bienfaisante et
féconde, s'exerçait sur l'industrie.
Mais il se produisit alors, ce qui était
déjà arrivé au milieu du seizième siècle,
au commencement et vers la fin du dix-
septième : l'envahissement par les hommes
d'argent de la haute société, le luxe désor-
donné de ceux-ci, l'étalage frénétique de
leurs richesses, sans mesure et sans goût,
eurent sur les arts la répercussion la plus
fcàcheuse. Dans ce moment critique, la Cour
fut certainement le refuge, la planche de salut des artistes, la gardienne des
traditions, ou plutôt le guide, l'élé-
ment pondérateur qui empêcha les
décorateurs de tomber dans les
pires excentricités. C'est pour cette
classe des gens de finances, c'est
pour la tourbe des vaniteux et des
parvenus qui foisonnaient alors, et
se poussaient par tous les moyens,
que l'orfèvrerie se laissa aller à des
fantaisies inacceptables, à ces gros-
sières erreurs de proportions, à ce
déchiquetage des formes, à ces com-
positions échevelées, ridiculement
confuses et prétentieuses, dont les
contemporains, dans les Mémoires
et les journaux du temps, se moquaient si justement. En 1754, le dessinateur
Klaniheau à lèlcs de l)cliL'i-.
{Dessin de Th. Germnin.)
Fliiml)t'iui de Ijiii't'iui.
(Dessin de Th. (ierntuin.
— !)7 —
Cocliiii cumin;!!! iiii Mr/(i//r •~;\ >| mil iicllc si/j)/i//t ////n/t iiii i iiilmis , oii !l l'.iilLiil
s! \ci'lc!!!C!ll (•l;!\cr l.'!!ll (|r )!ls|i'Nsc les t'\;i;j(''r;!li()ll^ coillllli^^t's. ■' \i)!l- Idii- ■-<'-
» cidii-^ ii!rnii!iic!il uM!l;('S, dirait il, >"ils \ ()!ilaiciil |i!c!i i!c yw- di;!!!;.'!'!- la i|c-t!!ia-
•■ liiiii l|l■■^ (•|l(l-^(•■^, cl ->c ■>()ll\ ciiii', |iar c\c!ii|ilc, i|ii iiii cliai!(lclici- iloil clic di'oil cl
" |ic!"|M'ii(lit!ilaii"c |i(tiii' |i()clci' la hiiiiicic, (|ii iii!c liolicclic iloil clic c(t!ica\c |n)ii!-
» rt'cc\(iii- la lire (|iii coule, cl imi! pas cciixcxc, |i(i!ii' la l'aiic loiiiltcr en iia|i|)c
» siii' le chaiuli'lier, cl (|iiaiitile d'aiilrcs a^ri'iiiciiK, non moins di raisonnahjcs,
l'"laiul)i.'au Lnuis X\'.
(Collecliiin de M""liiir;il. — .l/i/sfc cciitcnnnl.
l'Iiiiiihean [^oiiis X\'.
{Les tierimiiit. pai- lîapst.
» qu'il serait trop long de citer. » Oiieiques mois après paraissaient dans le même
journal, sous le titre de Conseils à un nrtisle uouv faite oliserver ccrlaines
régies sur l'art de la décoration^ les réflexions suivantes fjui ne sont pas moins
judicieuses : « Sont priés les orfèvres, lorsf|ue sur le couvercle d'un pot à
» ouille, ou sur quelque autre pièce d'orfèvrerie, ils exécutent un artichaut ou
» un pied de céleri de j^randeur naturelle, de vouloir bien ne pas mettre à côté
» un lièvre jirand comme le doigt, une alloueKe grande comme le naturel et
» un faisan du quart, ou du cinquième de sa grandeur, des enfants de la même
» taille qu'une feuille de vigne : des figures supposées de grandeur naturelle,
» sur une feuille d'ornement qui pourrait à peine soutenir sans plier un petit
— 98 —
» oiseau; des arbres dont le tronc n'est pas si gros qu'une de leurs feuilles,
» et quantité d'autres choses aussi bien raisonnées. » Ces critiques pleines de
bon seus étaient sans doute très justifiées. Mais encore une lois elles visaient
les orfèvres d'un talent inférieur bien plus que les maîtres de la profession.
Dans les collections du Musée centennal, à l'Exposition de 1900, il n'y avait
qu'un très petit nombre de pièces d'orfèvrerie appartenant à la première période
du règne de Louis XV. On n'en trouvait pas ayant le caractère du style baroque,
avec les exagérations ou les erreurs de proportion rpie signalait Cochin. La seule
qui rai)pela un peu le genre de Meissonnier était un flambeau appartenant à
M""'Bural {/)a(/rS)l). Encore témoigne-t-il d'une inspiration singulièrement assagie:
Légumier el son plat.
[CoUeclion ih> .1/""' liiiral. — Miisre centennnl.
ses ornements rocailleux n'otl'rent point d'aspérités dangereuses pour les doigts,
et la forme, qui n'a rien de compliqué, est très raisonnablement affirmée. On en
peut dire autant de la cafetière si remaripiable, évasée par le bas, et ressemblant
à ces espèces de coquemar ou de bouillotte qui firent leur apparition à cette
époque, et qu'on désigna sous le nom de marahout [page 99) : la forme en était
empruntée aux vases orientaux qu'on importait alors en France en grandes quan-
tités, et dont ralTolaient les gens de la haute société. Que ce soit une cafetière
ou un marabout, l'objet n'en était pas moins extrêmement int(''ressant en ce qu'il
réunit au style rocaille très accusé un caractère de vigoureuse et mâle simpli-
cité' qui constitue son originalité. On remarquera avec quelle belle fermeté sont
tracés sur le corps de cette pièce les godrons en creux, qui en sont pour ainsi
dire le seul décor, et avec quelle franchise sont accusés et le bec et le bouton
qui doit servir à soulever le couvercle. Peut-être faut-il également attribuer à
cette période, aux environs de 1745, le légumier (jui figurait dans le Musée
— î)«)
(•,.|l|,.|lli;i| [n//(/r\)S. Cclli- |MC(C |)i)llli;iil rire ■^i;JlM'■(• île Tliniii.i-- ( iriiii;iiii , hiiil
la (•(mi|H)sitinii a ilr m il iIcsnc, lanl Ic^ oi iiciiiriil », iloiil la <'i^r|iiic c-l iparlailc,
sont f^lM^st'iiii'iil cl iiilclliL'i'iiiiiii'iil iikmIi'Ii'v. lin hnil (;!•-, crllc (i'ii\rc iipli(|iii' je
(•(tiiiiiiciicfiiifiil (le la^^iliiilc ijiii' mollira le jniiilh' |m)Im- I < niicun'iil al khi rdfaillc
;i [lartii- tir I aiiiici' IT.'iO: (>ii on a\ai! (liTiilaiiciil a'--c/ di-^ cxl ra\ a;jaiirc-^ du
laralii-^i'olai^c, (Ic-^ iIi'coI'n (|i'cliii|ii('l(''<, des saillira rxiilicraidc^. dc^ iiiol,ir.> jch'-s
|)("'l(' iiiidc ('(Hinm' un dcii au x'u-^ couiiuini, d(•^ ligues r(ui^launucul ItriscM'S \>i\v
lioiiciu' de la sNuiclrir, des fciMllaiiO (|in ne rrv^ciuMcn 1 \<:[^ a d<'«^ rcuiila;j<'S,
de-- Hols (|tn ne >onl \>i['< d("^ llols cl de
loidcs CCS i^ciil illt's caco|di(UMcs de l'oianes
papillolaiiles cl d(''concerlaiiles. (|u (tu ne
|teul pas ({('ci'ii'e. |uuu' les(|uelles il u"v a pas
de U(MUs dans les dict iouuaires, el doul le
eliaolii|iie assiMnltlaiic l'ut la parure du nio-
Itilier français dans la première moil.i('' du
l'èi^ue de Louis W. La vo^ue do cet art
avail dm-t' vinjit-('iii<[ ans à peu près. C'était
jieaueoup. Le f^énie de notre race comporte
trop de clai-h', a trop le sens de réquilibre.
pour (pi'on ne s'explifine jias facilement (pi'il
se soit arrêté juste à tenijts dans la voie oii
il s'était aventuré.
(iOmment s'opéra cette modillcation? 11
est diflicile de le dire avec exactitude; mais
il est curieux de remarquer que, dès le pre-
mier tiei's du dix-huitième siècle, les violences
décoratives de Meissonnier, et l'exagération
des faiseurs de racailles^ avaient donné lieu à de timides protestations. Les
connaisseurs délicats s'étonnaient tout bas de ce style ex(;essif et llamboyant.
Le président de Brosses écrivait vers 1740 : « Les Italiens nous reprochent
)) qu'en France, nos pièces de vaisselle d'argent sont contournées et recon-
» tournées, comme si nous avions perdu l'usage du rond et du carré (l); que
» nos ornements sont du dernier baroque : cela est vrai. » Mais la plainte du
président de Brosses ne fut pas écoutée, et il fallut attendre que Gocliin prit la
parole et rappelât les orfèvres à la saine raison dans sa supplication aux or-
fèvres, de 1734, dont nous parlons plus haut.
A partir de I7o0, insensiblement, et sans qu'on s'en rendit compte, le goût
du barocpie s'apaisa, l'elTervescence du premier moment se calma; les imagina-
CatVticre ^•odruiiiiée Le mis W.
[Miiaèe cenlenn.il.)
[i Paul .Maiitz : Hechi^rches ?iir l'orfrvrerie IVaii(;ai?e. Gazette dfs Beaii.r-A) (s
— 10) —
lions en délire se replièrent. Il semble que les artistes, etïrayés eux-mêmes par
la profondeur du gouffre oii ils couraient, aient senti le besoin de se ressaisir,
de mettre un frein à leurs fantaisies par trop déraisonnées, en un mot de se
régler. On resta encore fidèle au genre rocaille, mais avec plus de ménagements,
une sorte de discipline, de réflexion et de jugement. C'est alors que ce genre prit
véritablement les allures d'un style, avec ce que le mot comporte de fixité dans
les principes, de choix raffiné et d'épuration des éléments dont il est l'essence.
Thomas Germain n'y fut certes pas étranger, et les orfèvreries authentiques,
dont nous avons reproduit l'image fidèle, contrastaient avec celles exécutées
sous l'influence de Meissonnier et de ses élèves.
Son goût et son expérience étaieiil si bien appréciés de ses contemporains,
(jue dans la description des fêtes données par la Ville de Paris à l'occasion du
mariage de Madame Louise-Elisabeth de France avec don Philippe, infant et
grand amiral d'Espagne, les 29 et 31) août 1739, nous trouvons le nom de
Thomas Gei^main, éciiyer, orfèvre ordinaire dn roi, associé à celui des échevins
qui procédèrent à leur organisation, et vraisemblablement aussi à l'exécution
de l'admirable recueil qui nous a conservé le souvenir de ces fastueuses
réjouissances.
■u/^ /L^ Jel
I^cusson (le la \'ille iJc Paris.
lîj;ui-ant tlans le Recueil descriplif des fêles du iih-irinç/e
dï Miuhiine Loiiise-EUs;i])elli de Frnnce, en l7.i!J.
l'"raj;iiu'iit (l\'iu-iHli('iiii'iit par I.c Lurrain, cxt'cnd'' poiii- If iiiiii'iayc du l)aii|)liiri
a\i'i' la |)fiiici'>si' Mai'ic-.Idsrplic de Save, )~'\~-
CHAPITRE QUATRIÈME
La corporation (l<»s oi'fovros ol sos ivglonionts.
3Iaîlr('s ('( apprentis. — Conditions dn travail. — Poinçons de garantie.
Oi*(evi*(\s eonnns de 1720 à 1750. Les « Eléments d'orfèvrerie »
composés j)ar Pierre Germain (dit le Romain).
Spécialité des boites et tahaliéres à portraits.
VANT de pousser plus loin notre étude, il convient de nous
arrêter un moment sur une question qui a son intérêt.
Quelle était, au milieu du dix-huitième siècle, la si-
tuation des orfèvres en France? Comment se trouvait
organisée leur corporation, et à quels règlements ad-
ministratifs devaient-ils obéir? Quelles étaient les condi-
tions du travail, les relations de maître à compagnons
et apprentis, les garanties imposées pour l'authenticité de la valeur des ou-
vrages fabriqués? En un mot de quelle manière, au double point de vue éco-
nomique et social, vivaient les orfèvres sous les règnes de Louis \V et de
Louis XVI?
Il faut remarquer que. parmi les corps de métiers, les orfèvres avaient de tout
10:2
temps joui d'un sort privilégié.
Dans les cérémonies publiques,
les jours de grands cortèges
officiels, ils marchaient immédia-
tement après les échevins, et
bien souvent ils avaient été ad-
mis à riionneur de porter le dais
royal.
Les miniatures du quinzième
et du seizième siècle, dont nous
donnons les reproductions, nous
ont conservé le souvenir de
ces cortèges. A l'entrée du roi
Louis XII à Paris, les orfèvres,
vêtus de longues robes de ve-
lours cramoisi, portaient les
hampes d'un « ciel de drap d'or
broché, semé de fleurs de lys et
de roses vermeilles ». A Houen,
à l'enti'éc^ de llcm-i II, les or-
fèvres portaient sur leurs épaules
les plus beaux produits de leur
art. Nulle corporation ne fut plus en faveur auprès des souverains, et la pré-
sence d'un orfèvre dans la rési-
dence du prince était envisagée ^
comme le signe caractéristique
de son pouvoir souverain. La
considération toute spéciale, qui
naissait de cette familiarité, re-
jaillissait sur la corporation tout
entière.
Non seulement, h Paris, les
orfèvres eurent l'insigne hon-
neur de figurer officiellement dans
nos cérémonies publiques, mais,
comme l'a fait observer Diderot,
le corps de l'orfèvrerie a fré-
quemment fourni des sujets pour
les places municipales et la ju-
, Pièces d'orrèvrerie portées dans le corlèf^e, lors de lentrée
ridiction consulaire, et c est le de Henri ii à Uouen (i5.^i).
Les orlexi-es parisiens portant le dais à l'entrée du roi
Louis XII à Paris (iV,)*^;-
— KKI —
seul dit'/ I('(|iicl, (li'|Mii^ mii iiki'iiI'^ li-oi^ ci-iiN ;iii^. on ;iil |iriv un |in''\()l des
lli;ircli;iiiiU. |',| iniiic MmiccI, le (clcliic |in'\ù|, ir;i|)| i.i il rii.iil il |i;i-^ ,i une raiiiillc
(ItirrcN !•(•-<, cl Tlidiiias (l('nii;iiii, le ^imihI oi ic\ rc du (|i\-huil icnir ^icclc, u'i'hii! il
|i;is ('clics iii (le l;i \ illc df l'iiii^ ?
I>c|iui-^ If Mtp\cii \l:i'. une ciiii viiIimmI ion ('\ii'|il idiiiicllc s'i''l;iit ;iM;ic|m'(' ;i leur
|)i-(»rt's-,ii)ii, aii'^'^i lut'ii (Ml l'Vaiii-c ([u'a It-I ranger, l'iii Ms|ia;:iir, l"«'iii|)('r('Ui- ( liiailr-^-
Qiliiil leur a\ail arciu-di' le ijioil de s'IialMlIcr a\rc des Nrlciiinils de soi*', |)oiir
l>i(Mi niariiut-r ipiil les coiisidi'i-ail coiiiiih' cNcrcaiil non nii niidicr, mais un ail
«1 iioldt' cl ilclical " , cl Icnis sla-
I iils i|iii, en ciVcl , les d(''>ii:ncnl
coniinc des arlisics cl non des
ai'tisnns [artifices ij no oficidlcs),
oontoiiaieiil celle (dause explica-
tive : w Si (udui (|ui exerce celte
profession, n'enlend Tari de la
géoiiu'lrie j)our la pi'oporlion
de la longLieur et de la larticnr
(les objets qu'il crée, s'il ne sait
Tai't et la science de la perspec-
tive j)oni' dessiner et tracei" ce
qu'il veut exécuter il ne peut
être artiste ni orfèvre » (1). Kn
Italie, oîi les plus illustres scul-
pteurs de répo([ue de la Renais-
sance avaient fait leur éducation
dans la boutique des orfèvres,
ces derniers étaient traités avec
les plus grandes distinctions et
voyaient s'ouvrir devant eux
toutes les portes.
Les orfèvres, comme pres(|ue tous les corps de métiers, avaient des ar-
moiries et des jetons.
Les armoiries reuiontent à une époque très ancienne. Suivant la tradition,
elles avaient été concédées à la corporation, en 1336, par Philippe de Valois.
Elles étaient de gueules à une croix d'or, cantonnée, aux premier et quatrième
quartiers d'un ciboire d'or, et aux deuxième et troisième quartiers, d'une cou-
ronne aussi d'or; le chef d'azur semé de fleurs de lis d'or. La devise in sacra
inquc coronas^ qui accompagne l'écusson, s'explique par les attributs du blason.
Armoiries des orfèvres parisiens.
[Mn sc'e Ca. ma va lel.'
l Baron Cli. Davillior, Recherches sur l'orfèvrerie en Espaf}ne. pages 112 et 113.
lOi
le ciboire pour l'orfèvrerie religieuse, la couronne pour l'orfèvrerie civile.
Le développement considérable que prit, dès le règne de Louis XiV, la fa-
brication des jetons, fit que les orfèvres, voulant avoir comme les autres corpo-
rations des jetons à distribuer à leurs confrères, firent graver un seul coin pour
le revers avec les armoiries et la devise de la corporation, se contentant pour la
face de l'effigie royale de l'année. Les jetons de 1698 et de 1700 furent gravés par
Joseph Jioëttiers et Thomas Bernard. Kn ITOrJ on remarque une exception à cette
règle, et le revers portait un type ([ui ii'oUVait aucun rap|)()rt avec le métier d'or-
fèvre: saint Jacques portant la gourde du pèlerin avec la devise, itqiœ docetque
viûm, ne saurait s'appli(iuer aux orfèvres qui avaient toujours connu le chemin de
la probité.
0^î^
c.\
v-fe.'
Jetons ik' la t'()r|)oratioii clos orfcM'i's aii.\ div-seplionic et di.\-liuilic'iiie siècles.
Sous Louis XV, nous retrouvons l'effigie royale, mais l'écusson a changé de
forme. L'ancien type employé sous Louis XIV a été modifié, il est à la mode de
l'époque, car on l'a entouré de guirlandes et de cornes d'abondance. Les effigies
royales changeaient avec la date. Le musée de l'Hôtel des monnaies en possède
un portant à la face un Louis XV enfant couronné de lauriers. LUD. XV. D. G.
FR. et NAV. REN.. Plus tard, l'effigie du roi en 1730, avec l'exergue LUD. XV.
REX. GIIRISTL\N1SS. Elles étaient l'œuvre du célèbre Joseph-Charles Roëttiers,
qui fui graveur général des monnaies de 1727 à 1753 (1).
En France, ils n'étaient pas moins favorisés, et la tradition, qui, de longue
date, en avait fait une classe à part d'artistes à la fois et de marchands, se fortifia
de tout le lustre dont le roi Louis XIV se plut à les entourer, soit au Louvre, soit
aux Gobelins où il les logeait, comme on sait, et leur prodiguait ses bonnes
(1) Rerue de la hijuuteric Les jetons de la eor])o['ation des oi'fèvres, par F. .Mazreolle, areliivisle de
la Muiiiiaifi.
~ 10.^ —
;;rnc('s. INmi ;i |h'ii, Ic^^ (irlcN rc^, ;i l*;iri-^ smldiil, ;i\;iiriil turiiii' non -nilniiciil liiic
(•()i'|ii)i;it mil liihi' cl luii'^siiiili', lic^ |;iI(iiinc de ses |)iTr();j;il i \ es cl licrc ;i Ikmi ilioil
(le ~,;i \icillc rc|iiil ;il h m i\f |ii(iliilc. iii;iis c(iiii!iic iiiic ^l'iccl m m cl une (''lilc |i;irl icii-
licrcinciil lioïKii ce (laii-- l;i li(Mii\:^('(iisic. IMii>iciir-> d'ciilrc cii\ |ios>^(''(|;iiciil i|c ^i-jinds
biens. Ici hcl,iiiii;i\ , i|ni iikuiiiiI en IT'iT riclie ;i millions. Cens iini. \r.w |etn'< rcl;i-
lioiis ;i\cc l;i ('our. [Mire ni ol il ciiir i|iicl<|iic inlliicncc, ne j.irderciil p.-i-^ ;i en prolilei-.
A inclure (|n(iii ;i\;iiicc d.nis le dix liiiilieinc siècle, on les V(til se pousser ;i\;iiil;i-
_:;(Mi>cniciil d;iiis le monde, conlracU'C de licllcs alliances, l'aire |iai'\enii' Iciii's lijs
a de lianis em|tlois, cl même oMcnir, comme Uoelliers. des lellres de nolilesse.
An snr|»liis, n'ciili'ail pas (pii \oiilail dans le corps des or/ôrrcs jodilUrrs (\).
l/acecs n'en elail pas des pliis faciles. A Paris, on n'en comjjtîiit pas j)liis de trois
cent> : c'etail le lunnlirc li\e ipii ne devail pas èlre dépassé, (d, anqiicl on s'était
arrèU' pom- (''\ iler ren('ond)remenl . An commencenienl du dix-septiètne siècle, il
était de »:î."') il Paris ; mais la refonte dos slatnts de la corpoi'atioii, en 1079, ramena
cette limite rigoureuse ((ue François 1", en loW, avait déjà fixée, et qui subsista
jnsipi'à la Kévolution. En réalité le métiei' d'orfèvi'O était une charge ressemblant
(iuel([iie |)eu à celle des notaires ou autres of'liciers ministériels, et à laquelle on
n'était nommé que sur la proposition de la Corporation, par un arrêt de la Cour
des iMonnaies, qui correspondait à peu |)rès à la Cour des Comptes actuelle.
« Ceux ((ui postulaient une de ces charges, dit M. Cermain Bapst (2), devaient
avoir l'ait huit ans d'apprentissage chez un maître déjà exerçant. Après ces huit
années, ils devaient présenter aux gardes de la Communauté, qui en constituaient
la chambre de discipline, un chef-d'œuvre, c'est-à-dire un objet exclusivement
travailh' par eux, et qui t;'Mnoignait de leurs connaissances dans toutes les branches
de l'art ({u'ils demandaient à exercer publiquement. Si les syndics de la commu-
nauté trouvaient l'ouvrage suffisant, et si la moralité de l'apprenti était reconnue,
il ('tait déclaré apte à devenir orfèvre. Alors, comme font de nos jours les princi-
paux clercs pour acquérir une étude, l'apprenti s'abouchait avec un orfèvre qui
désirait se retirer ou avec les héritiers d'un maître qui venait de mourir. Quand il
était d'accord avec les intéressés sur l'achat du fonds de commerce, il adressait
une requête à la Cour des Monnaies qui confirmait ou repoussait le marché, et
qui, en cas d'acceptation, rendait, au nom du roi, un arrêt nommant le postulant
maître-orfèvre à Paris. Souvent des familles se transmettaient pendant plusieurs
siècles la même charge. Les familles des llaultement, des Marcelle, des Leron-
delle, desToutain, des Dujardin, des Ballin, des Boutroux-Desmarets, des Bocker,
:1 Les statiils et rèirl»iiients de la corporatiou antérieur? au ilix-sepUéiue siècle ne contiennent pas ce
ternie de joailliers, qui n'apparaît dune façon constante qu'à partir de 1619. Ce n'est d'ailleurs qu'une
i|nestion de mot et d'usage, car la profession d'orfèvre comprenait la joaillerie et la bijouterie. Il est
assez curieux toutefois de noter (|ue ce n'est qu'au dix-septième siècle qu'on ait senti le besoin de préciser
eu ajoutant parfois le (|ualificatif de joaillier dans les statuts.
;2 Gerinain Bapst, i'Orfècrerie /'rançaisf> à la Cour du l'ortuyal au dir-huilièine siècle (lf<92. grand
in-Soj, page 31.
— 106 —
des Roëttiers, conservèrent ainsi depuis le quinzième siècle jusqu'en 1789 des
charges que, dans chaque famille, on se passait pieusement de père en fils. »
Bien que, depuis l'origine des corporations et l'établissement du Livre dos
métiers d'Etienne Boileau qui date du treizième siècle, les statuts des orfèvres
aient donné lieu à une multitude inluiie d'ordonnances et à des remaniements
fré([Uonts, on doit reconnaître qu'au fond ils subirent très peu de changements.
Les côtés techniques de la profession, r[ui y sont décrits parfois avec assez de
détails, restent sous le règne de Louis XV à peu de chose près les mômes qu'ils
avaient été sous Philippe-Auguste. C'est que le travail des orfèvres avait atteint
son perfectionnement dès l'origine et ne comportait pas plusieurs manières de
procéder. D'autre part ce sont toujours, dans ces statuts, les mômes prescriptions
relatives ù la durée de l'apprentissage cpii était de huit années, à celle du com-
pagnonnage, qui était de deux années, et aux brevets de maîtrise. Aux dix-
septième et dix-huitième siècles, la réception d'un maître orfèvre donnait lieu à
des réunions où le brevet signé du fermier et des gardes en exercice était remis
aux ayants droit, avec un cérémonial déterminé. Nous donnons ici le brevet de
Simon Desormeaux, reçu maître en 17^25. Néanmoins, au dix-huitième siècle, les
enfants de maîtres furent parfois dispensés de l'apprenlissage et du compa-
gnonnage, voire môme du chef-d'œuvre quand ils avaient été formés par les
orfèvres du roi logés au Louvi-e, ou lors(|u'ils avaient travaillé |)endant six ans
dans la manufacture des (lobelins. En définitive, la cause déterminante qui amena
tant de modifications successives aux statuts fut la préoccupation constamment
plus grande de forcer les orfèvres à u'employer que des matières d'or et d'ar-
gent au titre le plus élevé, à donner sur ce point les garanties les plus complètes
et à empocher les fraudes qui pouvaient être commises. Il suffit de comparer
les textes des statuts édictés aux différentes époques pour apprécier la gradation
des mesures prises à cet égard. On en jugera parle résumé suivant.
Au treizième siècle, dans le Livre des métiers d'Etienne Boileau, il n'est imposé
aux orfèvres de la Ville de Paris d'autres conditions que d'employer l'or à latouclie
de Paris, laquelle touche passe touz les ors de quoi en oerre en nide terre et de
n'ouvrer d'arcjent quil ne soit aussi bon come eslelins.
Les estelins ou eslerlings, comme on disait communément, étaient le sterling,
monnaie d'argent d'Angleterre ayant cours en France, depuis le règne de Louis
le Gros; elle était considérée, à l'époque de ces règlements, comme l'étalon d'ar-
gent le plus pur. « L'Angleterre qui conserve tout, a dit M. de Laborde, a conservé
ses livres sterling. » Les orfèvres exigeaient qu'on n'employât l'argent qu'au titre
du sterling, ou des esterlins, principalement pour les bijoux.
En 135d, statuts du roi Jean, et en 1379, statuts de Charles V, qui sont un seul
et même texte. On y retrouve les formules d'Etienne Boileau avec des règlements
nouveaux plus précis. Le type de l'argent admis est appelé « Argent le Boy » à
101
ARMOIRIES DU CORPS DES ORFÈVRES.
Noms des six gardes en charge en 172G.
(Gravure exUitile de h Cullectiou Dulamare. Uibl. iial., nis, fr. 21797, fol. 22i.
— Kl!» —
oii/c (Iciiicr^, il(Mi/c ^r;iiii'^ If iiuirf. Lf^ nilii^, -rcii;iK, (•iiicrainlr^, .iiih'I li \ --les,
(l(ti\ciil ("'Iri' ^crli-- sans l'ciiillc ilaiis le I'uikI, les |)crlr>^ d'Oriciil ne |icii\i'iil (■•(rc
lliclailizccs a\cr Ic^ pcrlrs d' Mci )ssc. |iIi|n ruiii iikiiic^. l'tMII' 1rs |t('rlrv. coiiiiric |ti)iir
I,' hlic (le l'iir, on ailiiirl une I nlcraiicr, (iii, i'(iinin(' «m ili^ail alors, « ini rciiinlc ..
an Mijcl tIcN |o\an\ d'cLili^c (|ni all('i;^ncnl •>nii\ cnl de ^' ramlrs dinicn^ion^. L ohli-
i;alii»n de scini; (Ui [loincon d("> orlcx rcs, i^i'cscril |ioiir la in-cniicrc j'ois en liT.i,
l'sl ('(nilirnu'c. Ilnlin radniiiiistralion de la (',oniniiinatd(' passe de Irois a six jiin''S,
IK )ndn'(' (|ni ne scia pins d(''|>ass('' (T.
l'ai \'t2\ cl \'rl\), slatids cl arrcl sonnicllaid les oiTc\i-csa l'irispcdion des
inaiircs j^i'-niM-anx des nionnaics, cl les oldif^canl a ajonlcr leur jioineon pari icnlicr
à c(dni (\c la Coniiunnaidi'. C/csl riiilcr\cnrK»ii dii'ccjc de l'Klal, ([iii c()iiiniciicc ;
(K'sorniais les orl'cN res soni placi's sons raidorilc cl Icconlrôlc de la juridiclioji
i\o la Cour des Monnaies, (|ni ne cessera plus do s'cxcrcci' sur eux. Les pn-cautions
se ninlliplicul a leur l'-ard pour roliservalioii des lois conceruani Tcniploi des
nialièi'os prt'cieuses.
lai IoOk Louis Xli.poui' faciliter la sui-veillance, va jusqu'à forcer les orfèvres
à inscrire sni- nu rej^istre lous les objets qu'ils vendent, avec mention à part
du prix du inc-tal et du j)rix de la façon.
lai I'")Mk François \" coidirina les statuts de LSoo.
En l'i'i."), le même roi, sur les remonlranees faites aux maîtres généraux
des momiaies, promulgue un nouveau texte de règlement pour rorfèvrcrie dans
tout le royaume. Fait li'ès particulier et ({u'il faut noter, c'est que ce règlement
a la foi'me impérative des édits. Chaque article se termine par les termes consa-
crés : « Statuons et ordonnons ». C'est le signe encore plus marqué de l'ingé-
rence directe de l'administration dans les affaires de la communauté de Saint-
Eloi. L'or, à :22 carats, sera vendu de 140 à 163 livres le marc, en comptaid la
façon en sus. Tout or inféi'ieur à ^1 carats sera cassé. L'argent sera à 1 1 deniers
1:2 grains le marc, titre de Paris. Les maîtres orfèvres continueront à émailler
leurs ouvrages comme ils l'entendront, et à tailler tous les genres de pierres pré-
cieuses. Entin, pour la délicate question des visites, la concession est accordée aux
orfèvres qu'elles pourront être faites par les gardes naturels de la communauté,
mais à la condition d'être contrôlées par les maîtres généraux des monnaies.
En 1555, paraît une ordonnance de Henri 11 qui, suivie d'arrêts et de règle-
ments divers, destinés à procurer des ressources au Trésor sous forme de prix
de maîtrise, bouleverse l'ordre établi pour les réceptions et constitue une véri-
table refonte des statuts anciens. Les orfèvres dans leurs luttes contre certaines
corporations rivales, telles ([ue celles des merciers, des horlogers, perdent sen-
siblement du terrain.
1 li. lie Lespinas<e t't F. IJoiiiianldl, /^ Licre des mctiera d'Elieuiie Boileau. daus la collectiou île Vllis-
loire fjcni'rale de Paris ISI'J. iii-4" . page 32.
— 110 —
En 1679, Louis XIV donne de nouveaux statuts se rapprochant de ceux de
15^5, et corrigeant ceux-ci en tenant compte de toutes les décisions survenues
dans l'intervalle. Ils furent discutés par les maîtres orfèvres, par la Cour des
Monnaies, par le Conseil privé. Ils ne touchent pas à tous les points des règle-
ments, mais seulement à ceux qu'on voulait perfectionner; la marque de l'or,
question capitale, est encore une fois fixée et précisée. Le contrôle est de
plus en plus obligatoire. Les iiistructions pour les marques, poinçons, contre-
marques, etc,... sont minutieusement stipulées, ainsi que l'endroit de chaque
pièce devant porter le dit poinçon. La liste exacte des maîtres orfèvres avec
leur demeure sera dressée chaque année. Leur caution est élevée de 20 marcs
d'argent à 1000 livres. Tous doivent avoir l)outi(pie ouverte, sinon rendre leur
poinçon. Dans cette boutique, le travail doit pouvoir être vu facilement du
public; les forges et fourneaux scellés en [)làtrc à six pieds de la rue sans (ju'il
soit permis d'en mettre ailleurs, dans l'arrière-boutique ou la salle basse, à moins
de permission spéciale. Les merciers reçoivent l'autorisation de vendre des
pièces d'orfèvi-erie fabriquées à l'étranger, mais à condition d'en faire la décla-
ration au bureau des orfèvres où celles-ci seront marquées d'un poinçon spécial.
Les veuves des maîtres orfèvres pourront continuer le commerce des marchandises
d'orfèvrerie et joaillerie en boutiques « ouvertes », mais seront obligées de les
faire poinçonner par un maître exerçant (|ui sera responsable de l'aloi des ma-
tières. Les statuts de 1079 restèrent en vigueur, presque sans moditication, jusqu'à
la Révolution.
Tels sont, succinctement analysés, les règlements qui pendant des siècles ont
régi la corporation des orfèvres, et qui ont contribué assurément, à travers les
révolutions, à maintenir les nobles traditions de leur métier. Aujourd'hui encore,
la probité de l'orfèvre parisien, conservée intacte au milieu de l'avilissement de
toutes les marchandises, lui permet de dire, comme au treizième siècle, — selon
une juste remarque, — avec vérité et sans forfanterie, que son ov passe tous les ors
de la terre (1).
Durant le dix-huitième siècle, la corporation des orfèvres, qui avait eu à sou-
tenir maintes fois dans les âges précédents des luttes souvent difficiles, tantôt
contre le pouvoir pour défendre son indépendance, et tantôt contre des commu-
nautés rivales qui prétendaient empiéter sur ses privilèges, semble avoir vécu
d'une existence assez paisible. Les édits, ordonnances, lettres patentes ou arrêts
qui la con<'erncnt, ne présentent pour cette époque qu'un intérêt relatif. Il faut noter
toutefois les dernières phases de ses antiques démêlés avec des métiers tels que
(1) René de Lespiiiassc : U-x Méliers et (.'orporulloiis du la Ville de Paris ilS'J2, iu-i»), pages 1-CO. — C'est
d'après les docinieiils publiés dans ce savant ouvrage que nous avons résumé les anciens règlements delà
corporation des orl'èvi'es. Nous les avons d'ailleuis contrôlés avec le recueil entrepris par la communauté
des Orfi'vi'i's et imprimé en n.j'J sous la dirfctiuu di' Pierre Leroy: c'est un véritable code rédigé en 14tltres
et It.j articles, avec textes à l'appui de chaque question.
J
— III —
ci'tlX (les t/rtircii/s, des hipiihitrc-^. ilfs l,,illriii\ <l'i>i\ ilc~> i mililn is , i\i-^ hiihiiK ifis,
(les riiHlillrnrs, des linrhu/ris , clc,.., <|iii, Iniil en ;i\;iiil <lrs |i(.iiil- Ar (•(.iit.icl ;i\rc
celui (Ic^^ (ii'IcM'c-^, >^'(■•l;lit•lll l()ii|(Mir> cllnrci-s de >'rii divi in-ncr d de ^;iidri' Iciir^
v|;ilid^ pniprc-, en iclii-;!!!! de se l.ii^-^cr .d.NorlMT. .\iii--i, l;i coriioral ion <lcs
tp'iirru/s (di|cii;iil ciicdi'c. en JT.'l", If rciiinn cllriiirnl diiiic .imirniir (.rdoniuirirc
,|iii ,Mii|tr(li,ul Ifs (U-fcNivs de ,::r;i\cr i\<-^ •>(c;m\. M.iis (|m'h|ii«'- ;iiiih''c- |'Iii^ l:ird,
en 17.')!, Ic-^ orlV-vrc-- n'en |i;ir\ i-iiiiiciil |»;i-- iiutiiis à ;in'aclicr une n'jHd il k.ii d un
ai'irl de KHi-J 'pii Ir^ laissail alisoliiiiiciit lilircs de -ravci" loiil n- i\[\"\\> xoiidraifiil.
Atelier trûrte\res, avec fenêtres sur la rue, au div-huitièine siècle.
sur leurs œuvres d'or et d'argent. De nièiiie que les lapidaires ((|ui pourtant ne
devaient guère porter ombrage à qui que ce fût, eux dont la profession était si
limitée et si ingrate), ayant émis, en 1740, la prétention de faire prendre à leurs
jurés le même titre de gardes ([u'avaient les jurés de l'orfèvrerie, se virent rude-
ment refuser cette autorisation. Ils tinirent, de guerre lasse, par se laisser incor-
porer aux orfèvres en 1781. Quant aux émailleurs ou patenôfricrs {{), ils avaient
depuis longtemps renoncé à toute lutte avec les fiers disciples de saint Eloi,
et dès 1718 leur fusion fut prononcée avec les fabricants d'orfèvrerie d'imitation
ou orfèvres-faussetiers; les batteurs d'or, dont le métier consiste k convertir en
(1 Cl- m-acie'ix nom de paleiiôfrifTS clait emprunté ilepuis le moyeu âge au graiu du chapelet ou pater
iiosl'-r. Les pateuôtriers. à rori;iine. émaillaieiit toutes sortes d'objets, comme liudiquent leurs statuts de
1309. .Mai^. peu à peu. ils avaient restreint leur travail aux substances communes, et aux objets bon
marché, boucles, boutons, chapelets, etc.. laissant le champ libre aux orfèvres pour lémaillerie de for et
de larireut.
— 112 —
feuilles plus ou moins minces l'or, l'argent ou le cuivre pour les difl'érentes
applications de dorure, se considéraient aussi comme « membres des orfèvres »
tout en soutenant la spécialité de leur travail (l) et leur droit à une maîtrise
distincte. Leur communauté comprenait vingt-huit maîtres au milieu du dix-huitième
siècle. Elle maintint soi] autonomie jusqu'en 1776, date à la((uelle la nouvelle
organisation par Turgot la lit défmitivement confondre avec les orfèvres. Ces
derniers éprouvèi-cnl j)lus de résistance de la part des couteliers, avec qui, depuis
le seizième siècle, ils n'avaient guère cessé d'être en contestation. Ce métier,
d'ailleurs, prenait de plus en plus d'extension. Durant la Renaissance, le luxe des
armes dorées et damasquinées avait fait naître les « doreurs sur métaux » qui
formèrent une corporation spéciale, reconnue en 150.'). Au dix-huitième siècle,
les couteliers, entraînés par le goût croissant des élégances qui amenait leur
industrie à employer continuellement les métaux précieux, furent plus d'une fois
en butte aux protestations des orfèvres qui voulurent les empêcher de fabriquer
des ustensiles d'argent et d'or. Finalement, en 1756, les couteliers, dont la corpora-
tion ne comprenait pas alors moins de cent vingt maîtres, réussirent à faire rendre
à la Cour des Monnaies un arrêt leur permettant de fondre et employer pour la
confectioïi des instruments de chirurgie, manches et lames de couteaux, branches
de ciseaux, et généralement de tous les ouvrages de leur art, les matières d'or et
d'argent (2). C'était pour eux, après tant d'années d'entraves, une brillante victoire
et la liberté de l'essor !
11 est curieux de constater (ju'à diverses reprises, au dix-huitième siècle, les
orfèvres durent eux-mêmes provoquer des mesures répressives contre certains
de leurs confrères qui, cédant à la tendance de l'époque, pour les matières en
simili, usaient parfois de procédés suspects. Un arrêt du Conseil d'Etat défendit
notamment « d'employer aucun parfum ou fumage pour donner à l'argent la
teinture ou couleur d'or ». Par contre, ils furent autorisés à exécuter certains
« menus objets, comme étuis, boutons, boëtes, etc., au titre seulement de
20 karats 1/4 au remède d'un (|uart de karat » (3). Les contraventions de n'im-
porte quel genre étaient, il faut insister encore sur ce point, extrêmement rares.
Respectueux de la loi et de leurs règlements, connaissant bien leurs devoirs
envers l'administration et les respectant, foncièrement dévoués aux intérêts cor-
poratifs, les maîtres orfèvres s'entendaient admirablementà conduire leurs affaires.
En 1745, la communauté, qui était charitable et entretenait une quarantaine de
confrères tombés dans la misère, se trouva endettée par les nombreuses répa-
(1) Les l)attcurs d'or élaiciit, de même que les fileurs d'or, soumis à la corporation des orfèvres, tout en
ayant leur corporation distincte, placés également sous la juridiction de la Cour des .Monnaies. « Les i)at-
têurs d'or, dit le Guide des marrhands de IIOG (page 1(')3 , réduisent l'or et l'argent en livrets; le livret est
de 2."i t'cinlifs, et l'once d'(ir battu donne 1 (ino feuilles de 37 lignes carrées chac-uiie. >- Un lingot d'or de la
valeur de 40 francs permet d'obtenir une feuille couvrant une surface de 40 mètres cari'és.
(2j R. de Lespinasse, ouvrage cité, page liO.
(3j Déclaration du roi du 23 novembre 1721.
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7^6
wvt. Ai^vwvt-îJ!-
Uclevé des principaux poinçons tloricvres de jtjyy à J78O.
r.iliiill^ ilf ^i'-> ImI iiihiiK : loL'ciliriil s des iii;ii I ics ji;iii\rcs ri des \rii\c>, du cli.i-
I 11' 1,1 III, du cIclT cl du Cl 1 mi cru' I' ; l;d u )i;d nin ■ | m iiir cssjiis dc^ ou \ r.i ;.'(•- (l'oi', liUl'i-.iu
pour If ItTiuifr lie l;i iii.in|iii' d or, s.dic dc^ iis^riiiMi'c--, t\(\ \.;\ ^oiiiuic (lue -c
uioiihiil .1 hilHIlHI li\!i'-., [iliiN nii riii|ini!il ciirc^ji^l n'' de lOdOIII) li\ir-~. l'oiir
liouidcr l.i ^iluiilioii. ou cul I idée di' lan'c |i;i\i'i' ;i loiil (U'Icntc, au iiioiiiciil <l(' la
prcvculal Kui de Icui'^ ou\i'aL;('> a la !iiari|iu' du |ioiii(oii de di'c|iar;.'('. l'iiK] -ol< |iar
Miai'c d ai'i^cid iiii'> en o'iix l'i' cl di\ miU pai' oiiic il oc, non iiii|iiili'-. •-ii r la mal icrc,
iiiai^ iiuii|iiciiiciil ^ur la t'acoii. cl sans ('\i;^(T ilii |iuldic aucune aii,:j iiicnlal i(Mi -iir
le |)ri\ dc■^ oii\ ra;^t's » I). (Iràrc à celle redevance \oloulairc, la dctic lui \ilc
('Ici nie.
Lc-^ inaili'cs ne (oitTaicnl pas |c> inampienicnis an\ slalnis de la pari de leurs
appi'tMilis on de leni's conipa^noiis. (',en\-ci navaienl ]tas le droil de lra\ailler
aillenr> (pie dans la liontiipic à laipielle ils appai-lenaicnl . cl d'fMi'c pa\(''s anlro
niiMil (pian mois on à la semaine, l ne oiNJonnancc de police de I7.'):2 l'ail iNdense
expresse de recevoir salaire à la pièce on ;i la lâche, « de s'alli'onper ni porter
(les éjHH's ». De leur C(M(''. les maiires ne pouvaient recevoir eliez en.\ anciiii coin-
paiiiion (pie celni-ci ne montrai le eoii^é de son précédent maitre, et ne roiirnil
\c molit' ponr liMpiel il l'avait (piillé. I^es rapports des apprentis et des patrons
étaient liahilnellement ail'eclnenx. On verra pins loin comliien Inreiit rr(''(pient>. an
(lix-linitième siècle, les mariages entre les lilles de maîtres et lenrs ai)|)renlis.
M. Germain Hapst a cité à lappiii de cette assertion le contrat d'apprentissage de
Pierre Germain avec Nicolas Ëesiiier, orfèvre ordinaire du roi aux galeries du
Louvre <îl]. Besnier s'engageait vis-à-vis de son apprenti à « lui montrer et ensei-
gner l'art et le m''tier d'orfèvre sans Iny en rien celler ni cacher, et à le traiter
doucement comme il convient ». L'apjtrenti, de son côté, doit « s'entretenir de
vestements honnestes suivant son état, se blanchir, se nourrir, se loger à ses
dépens ». Il promet de servir son maître « fidèlement et lui obéir en tout ce
qu'il luy commandera de licite ». Il favorisera ses intérêts et lui évitera tout dom-
mage et « l'en avertira s'il en vient à sa connaissance », l'apprenti promet de ne
pas s'absenter pendant les huit années que dure son apprentissage, ni « aller
travailler ailleurs pendant le dit temps ». Enfin, l'appi'enti ne recevait aucune
rémunération, mais il n'avait rien non plus à payer pour son instruction (3).
Il nous faut dire maintenant quelques mots de la question des poinçons qui
étaient apposés sur les pièces d'orfèvrerie. Elle a une grande importance pour
l'histoire de cet art, et offre un vif intérêt pour les collectionneurs. En effet,
(1 Voir Lespiiiasst^, ouvrage cili-, page 'Jlj.
(2j II s'agit ici non pas du fameux Pierre Germain, rori'é\rc de Louis XIV, père de Tlinmas (icrmaiii.
dont il a été question, mais d"un homonyme avec lequel il est parfois confondu et qui est l'auteur des £/(>-
incnfs d'orfèvrerie. 11 a été plus communément désigné sous le nom de Piern; Germain H dit Le lîomain.
Le contrat d'apprentissage de celui-ci est un document encore inédit. 11 se trouve aux Archives nationales,
Z 1 B li:i. f" 274.
3 (iermain Bapst, l'Orfèvrerie française à la Cour de Portugal au dix-huili^me siècle, page 39.
8
— 116 —
comme les pièces (rargeiitcrie ancienne sont devenues d'une insigne rareté et qu'il
est extrêmement difficile d'en rencontrer d'une authenticilé indiscutable, tout à
fait exempte des retouches ou des maquillages que leur font trop souvent subir
les contrefacteurs qui ont acquis dans ce genre une liabileté extraordinaire, on
conçoit l'utilité qu'il y a de pouvoir reconnaître à des signes certains les œuvres
vraies des fausses, bien ou mal imitées. Or, les poinçons peuvent fournir cette
certitude, et indiquer en même temps le nom de l'orfèvre et la date d'exécution
de la pièce.
On a vu plus haut que, sous l'ancien régime, et principalement au dix-huitième
siècle, toute pièce d'orfèvrerie devrait obligatoirement être marquée des (juatre
poinçons suivants :
Lepoinro)t de maître. Il ("lait composé d'abord des initiales <lu maili'C orfèvre,
ensuite d'une devise à son choix, ou différent., puis d'une lleur de lis couronnée,
QwÇni de deux petits ronds ou points ressemblant à deux grains posés parallèle-
ment, afin de rappeler continuellement au fabricant ([u'il n'avait que deux grains
de « remède » dans l'emploi des matières d'argent. Le tout ne pouvait dépasser,
y conqiris le champ, hi dimension de deux ligues de hauteur sur une ligne un
(piart de largeur. (ïhaipu' maître orfèvre était tenu de faire insculper sou j)oinçon
sur une planche de cuivre déposée au greffe de la Cour des Monnaies et sur une
autre déposée au bureau des orfèvres, pour servir en cas de contravention. La de-
vise ou différent était spéciale à chaque maître. Par exemple, Thomas Germain
avait une toison; Etienne Jannetz, un marc; François Joubert, un cœur; Robert Ma-
gnart, une étoile; Louis Regnard, un renard; Lehendrick, une colonne; R.-J. Au-
guste, une palme, etc..
Le poinçon de charge. C'était celui qu'apposait le fermier des droits du roi,
et (jui attestait que chaque pièce avait bien été déclarée en son premier état
d'ébauche, quand l'orfèvre venait acquitter l'impôt prélevé sur les matières d'or et
d'argent. L'usage de ce poinçon datait de l'établissement de l'impôt sur l'argen-
terie par Louis XIV en 1672. Chaque ville avait son poinçon spécial, représentant
toujours uuL' lettre de l'alphabet. Pour Paris, c'est la lettre A couronnée qui fut
adoptée; le dessin en fut modifié à chaque mutation du fermier. Tantôt l'A traverse
la couronne, tantôt cette dernière se trouve au-dessus ou au-dessous, à droite
ou à gauche de la lettre. Jus({u'en 173:2, la couronne est tantôt fleurdelisée, tantôt
ouverte ou fermée, quelquefois simplement surmontée de quelques lleurons ou
accompagnée d'oriieinents divers. Mais, à partir de 1752. c'est toujours une
couronne royale fermée qui surplomble l'A du fermier.
Poinçon de la maison commune. Immédiatement après avoir été marquée du
poinçon de charge, la pièce passait au bureau des orfèvres où les gardes de l'or-
fèvrerie avaient à vérifier si elle était aux titres voulus et exigés par la loi, c'esl-à-
dire au titre de 11 deniers 12 grains pour l'ai-gent, et de 20 karats un (|uart pour
!
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()!■^l•^^l■l■iL• tloiilist'. Piori-o (iciii:aiii II.
Orfcvrci'ic d'cslise. PiciTC Germain II.
Il■>^ till\ IMU'Cs d ()|- (inllll.llli'^. \|i|i's ijlKii ti'[\\ Il 1,1 |r\ cliiicnl (|c leur |i(iil|rii|| de
Cdiil I ciiMlilllc. ('.(' pniinuii cl.iil cllilli;.'!' IniiN les ;iil'>, .'l cIlkiih' ik i|||||i;i I k m "1rs
liMii\iMii\ ijanli'v. Il cl II il l'iirci'liK' ;i\('c --;i iiiiilrirc i|,iiiv une r.i-srljc duiil le- ;.';ir(|cs
;i\;iH'iil l;i i-\r{\ cl (|lll cl;iil clic lll(~'lll(' |il;n-(''c (l.iii^ un ((illrc ijiic |c rcnilicr j^i'IKTill
(les didiK |i(iii\;mI --ciil iiiiviir. Il rc|ncsciil;iil une dc^ \ iiiu' l-i|ii;il rc |c|lr<'< <|c I'mI-
pliahcl. pour l'.iii^, l;i Icllic \ i(iiniiicnc;i ;i (''li-c ciiiiildN ('■(■ en l'.innf'c |.")()(i. cl jnl
reprise Idii^ le-^ \ in;^l-lr(ii'^ ;in^, ciii- on ne se sers.iil ni i|c II m du .1 ni «lu \\ .
Kn I7S."), huilelnis, on ni;u'(|ii.i ji.ii' excepl ion d'un l . ( !e lui |;i scnic fois. \ |i,iilir
(le ITS't el ius(|u'eii I (1)7, sendtle l-il, on ne ni;ir(|ii:i |ilns (|ne d'ini I*. Ce poinçon
(le la maison conmmiic, ainsi (pie l'a 1res clan'cnienl c\pli(pi('' M. le liaron l'nlion,
dans nue reniai'(|nalile ('Inde sm' rorlcNreric i I , doinie la possiltillh' d assi-ner a
huiles les pi('ees anciennes une dale pr(''cise.
l'iiiin;iin> ili' 'l'Ii. (îi'i'iiiaiii, iViiiipi's sur r(-('iifllc appai'l ciniiil :iu caivlinal pnil iiuais .luào (la Mdlla c Silva.
O)
l'oiiu.dii
cK' c lia rue.
Poim^'dii (U- la
iiiaisiin l'iinimuiu
liiu'uu (le iiiaili'(
(iii (lincr(_'iit .
l'uiiici m
(U''cliar::L'.
Poi/iroit (le (Jéclidrtjt'. La pièce cHaiit délinilivenieiit achevée, roi'l'èvi'e la raj)-
porlail an bnreau tin fermier des droits du roi, payait les droits, acquitlait la sou-
luissioii (pi'on lui rendait aecjuittée, et. eomme certificat de payement des dits
droits, on apposait un (juatrième et dernier poinçon nommé, à cause de cela,
poinçon de décharge. L'ouvrage, en cet état, pouvait être exposé en vente libre-
ment et sans crainte. En résumé, le poinçon de charge mettait l'objet sous le coup
de l'impôt, et le poinçon de décharge déclarait l'impôt payé. Le modèle de poinçon
de décharge, particulier à chaque fermier en place, changeait (diaque fois f[u'il en
arrivait un nouveau. Dans le cours (hi dix-huitième siècle, il y eut (de 1703 à 1789)
dix-neuf fermiers, d'où dix-neuf poinçons différents. Tantôt ce fut une couronne,
ou un trèfle, un soleil, une tète d'oiseau; tantôt une tète de griffon, un caducée,
une feuille de néflier, etc.
Ces indications sur les poinçons des orfèvres ont été très clairement données par
M. Paul Eudel, le savant coUeclionneur, dans le recueil dont nous avons déjà parlé
et qu'il a publié (|uel(|ne temps avant sa vente. Nous les lui avons empruntées (2).
(1) Baron Pichoii : Catalogue C^c vente île ju coUectuin (l'urtovrerie. juin liS'S.
(2) Soi.rante plan:hcs d'oi/nvrerin de la collection diî l'aiil Eudcl. ponr faire suite aux Eléments d'orfè-
vrerie composés par Pierre Geriuaiu, se vendant à Paris chez Quautiu, 7, rue Saint-Bernard, mdccclxxxiv.
— \2^2 —
Au-dessous de presque toutes les pièces, il avait pris soin de faire graver à une
échelle sufiisante les difTéreuts poinçons apposés sur chacune d'elles. Nous avons
donné à la page précédenle les quatre poinçons frappés sous l'écuelle d'un car-
dinal Portugais, exécutée par Thomas (lerniain en 173^.
Le n° 1 est le poinçon de charge : la lettre A surmontée d'une couronne fermée.
Le n" 2 est le poinçon de la commune, qui était en 1733 un R, et avait été
apposé par Hubert Louvet. (pii fut fermier de 173:2 à 1738.
Le n" 3 était le poinçon de maître ou didérent. Les deux lettres T et G indiquent
bien que Thomas (lermain en est l'aufeur et non son fils Fi-ançois-Thomas, comme
on l'a dit par erreur.
Le n" 4 est le poinçon de décharge; il était variable et arbitrairement choisi
par le fermier.
Il serait à souhailer ((u'im érudil cnlreprît de dresser une sorte de diction-
naire des orfèvres français, (oui au moins pour les dix-septième et dix-huitième
siècles. Un tel travail, malgré les lacunes inévitables qui ne pourraient point être
comblées, rendrait assurément les plus grands services. Le savant baron Pichon
l'avait commenc(', mais la làidie lui |>arut héi-issée de telles dirficulb's qu'il y re-
n()n(;a. En tout cas, il esl mort sans l'avitii- aclie\(''. Peut-èti-e rèvait-il de troj) bien
faire. N'aurail-on (prune liste chronologique des principaux orfèvres de Paris
reçus à la maîtrise par la (lour des Monnaies, qu'un document de ce genre serait
extrèmenuMit utile. Ui'<>' 'P* '' *^'^ ^f*'^' j*^' ^^^^ bornerai ici à ajouter aux noms de
(ilaudc Halliii, J.-A. Meissonnier et Thomas Germain indif[ués ci-dessus comme
les plus célèbres orfèvres de la pi'cmièi'e moitié du dix-huitième siècle, (|uelques
maîti'es qui fui'ent leurs contemporains et jouirent durant cette même p(''riode
d'une certaine réputation.
Tout d'abord, il faut mentionner Nicolas Besniei', un des trois orfèvres du roi
logés au Louvre et qui partagea cet honneur avec Claude Ballin et Thomas Ger-
main. Cest à lui que Louis XV fit exécuter son anneau nuptial et commanda
la jiUis grande partie de sa vaisselle de table; en 1737, il lui en fit exécuter
une de vermeil du poids de 1 100 marcs. Ce fut son dernier travail important,
car, cette année môme, il se retira des atîaires, cédant la survivance de sa
charge à son gendre Jacques Roëttiers. A côté de Nicolas Besnier, qui fut l'un
des orfèvres les plus en vue de son époque après ceux que j'ai déjà mentionnés,
il en existait l)eaucoup d'autres assurément qui, dès les premières années de
la Régence jusqu'au milieu du règne de Louis XY, eurent de la réputation. Les
noms de quelques-uns seulement sont parvenus jusqu'à nous, mais l'on ne pos-
sède sur eux que des renseignements la plupart du temps assez vagues. Tels
sont : François GaucJielet (reçu maître en 1692), dont la fille, Anne-Denise,
épousa l'illustre Thomas Germain; son portrait se trouve à côté de celui de son
mari dans la toile de Largillière, que possède M. Odiot; François Vincent (reçu
l.':i
()i'lc\ i-ci'i^' fi\il>^'. l'ici'i-e Cici'inain II,
i
f
12:;
()rfè\ rcric ci\ilc. Pierre (leimaiii II,
IJ7 ~
iii;iilic CM MiSS ; T/iinnii'i-Lrinitiril I .miiiriiu (l'crii iii.ijlrc en Id'.l'i, inoil in LMl),
iiKiric ;i mil' lilli' ili' l'uTrc ( liTiiiiiiii , cl <|iii cul un liU, Lrinuinl Lniiintiii (reçu
niailrccu \~1'1\, lc(|ucl lui c((u^c(|iU'Uiiucul nc\ eu ijc TIh ini;i^ (icini.Hu; l'rniudis
Igl.'.U.Çfe-
:S=^
I I
Huilier (Ir J.-Fr. Ualzac fi;:).")).
Kujal (re(ni iiiaîliv on 17^0), cl qui devini f^raiid-prardo dos orfèvres: .Vo/V ïy-ounnl
(reçu niaîh'o on 17 I i* ; Hohrrt Magnart; Thomas Cliancclicr, orfèvre privilégié du roi
suivant la oonr (ri'ru mailro en 173()); Louh Rcgnard; Antoine de Sa'mt-Nicoltis, (|ui
avait pour poinçon une rose; ./.-/•". lialzur, à (jiii
l'on doit riuiilior ot lo ilanihoan datés do 17.')'), do
la colleclion Paul lùidol, dont nous donnons ici
la reproduction; (ircyoire Masse, d'une époque un
peu antérieure, à en juger par certaines pièces
marquées de son poinçon et qui portent la date
de 1708; Antoine Josseij, du monie temps; César
Haudnj , l'autour de superbes saucières (|ui ont fait
partie aussi de la collection Paul Eudol; J.-F. Gor-
get, Fat/olle, Hébert^ Herbault, Vabaijcr, Allain,
Devos, fournisseurs attitrés de la Cour entre les
années 1730 et 17o0, etc., etc. Mentionnons à part
trois élèves de Thomas Germain : Jean-Etieiuie Ba-
ron (reçu maître en 1735), dont on connait deux
très belles jardinières qui se trouvaient dans la
collection de M. Polowstoff, et un plateau d'une ad-
mirable ciselure appartenant au grand-duc Alexis;
Louis-Joseph LeJiendrick, excellent artiste, d'un
talent remarquai)le qui devint un dos meilleurs or-
fèvres de la période suivante et dont nous parle-
Fliuiil)eau de J.-Fr. Halzac ^17.").")).
rons plus loin; J.-L. Tourteau, qui se spécialisa
dans le commerce des pierres et qui, associé avec Aubert, le joaillier de la Cour,
— 128 —
sut a('r[U('i'ir une fortune considérable. N'oublions pas l'élève de Besnier, ce Pierre
Germain (né en 171G, reçu maître eu 1744, nioi-t en 1783) cjuc la similitude de
nom a fait confondre avec son célèbre homonyme, bien qu'il n'eût avec lui aucune
parenté, et ([ui est souvent surnommé le Romain. Pierre Germain, dit le Ro-
main, s'il ne fut })as un orfèvre transcendant, n'en a pas moins joué un certain
rôle dans sa corporation (1). Ses confrères l'élurent f;arde en 1757 et lirand-
garde en 1773, ce qui prouve l'estime en laquelle ils le tenaient. Lors de sa
mort, ce fut au nom de M)!, les Gardes de l'orfèvrerie de Paris que fut envoyée
l'invilaliou au service (pii fui célébré en l'église de Saint-Éloi (2).
O U S eus priés de la pan de Mefjlenrs
ks Gardes de t Orfèvrerie- Joyaillerie de
Pans^d'ajjifler au Service qu'ils feront
célébrer pour le Repos de l Ame de
M. Pierre GERMAIN , Marchand
Orfèvre , ancien Grand Carde du Corps de l'Orfèvre rie y &
Grand'Meffager de l'Univerfuè de Pans , qui fe dira Lundi
g Février i y 8 g, à dix heures du matin, en l'Eglife de Saint
Eloy, des Marchands Orfèvres- Joyailliers,
Meffieurs& Dames s'y trouveronts il leur plaît.
De profundis.
Ses œuvres, marquées de poinçon P. G. et d'un germe, paraissaient avoir brillé
surtout par la conscience et la sagesse de l'exécution. On ne connaît aucune œuvre
existante pouvant lui être attribuée; ses travaux, du reste, ont du être peu nom-
breux, à en juger par le chiffre de ses affaires qui ressort des chiffres de l'impôt
du vingtième. 11 payait, en 177:2, 19 livres IG sols; de 1775 à 1776, 5 livres 8 sols.
Son principal titre à la notoriété, c'est la publication faite par lui en 1748 d'un
recueil bien connu qui est intitulé Éléments d'orfèvrerie, dans lequel se trouvent
cent planches gravées représentant des pièces d'argenterie de l'époque; sur ce
nombre, il y en a 93 signées de lui et 7 par J.-J. lloëttiers : c'est ce qui l'a sauvé
(1) Pierre Gcriuaiii, le Honiaiii. était originaire d'Avignon. D'après M. Germain Bapst, il élail le septième
fils (l'un join-nalier de celte ville. Il resta vingt-cinq ans, d'abord counne apprenti, puis ouvrier
dans l'aleliei' de lîi'snier et du successeur de celui-ci, J.-J. Hoi-ttiers. avant de recevoir la maîtrise; d'après
les listes de capilation de l'époque, il n'occupait que le liy^ rang dans la cor^Joralion au point de vue de
l'imporlance commerciale.
(2: Collection Henri Vever.
120
OrtY-vn-rie civile, Pion'c Goriimiu II,
131
il 11^
^'';^5il^^ ' '' ^^ij^i^^-
,vr^^
Service lie tnilctlo. l'icriv Geniuiiii II.
,1,. l'oiiMi. lu'iii iii.iiliv «'Il IT'i'i, c'i'^l .|ii,iln' .111^ <riil.'iii('iil .ipicv <|iril |iii|ili;i ses
l\/r//ii /i/^ (l'oi-fèvrcrif. I.c^ ln'> iiil l'i'c-v.iiiK ildciiiin ni- iin'il cdiil H'hI ih' |h,ii\ .linil
(loue rll'c l;i l"{'|)l'()(lmli(iii de- (riixi'c- vdilh's ^\i' -mi iili'lirr. I.IIcn -oui jiliiliil Ir^
(i'il\rc>- (!<• ^"'^ (IcN.illciiT-. ill.ii- il r-l |ilii- |Miili.ihlc <|m ers dessin^ ^oiil i|r- iiiiil-
|i,iv||ii»il- ((iinilr- (1,111- le -(Mil (lll 1(111)1-, cl (in'll ;i NoIiIii t'.ii|-c Mil'' (rllMc (ImI.ic-
(i(|ii(> (•ixiiiiic il -ciiililc I iiiili(|mT lin iin^'inc l(»i'-(|n'il ('Tcil d.in- I ;i\i- iiii|iiinic «mi
|(M(' lie et' recueil :
.> .respère (pie je ne >er;iis p;is (l(''s;ippi()n\ ('• d'avoii' voulu p:u- ecl (iiivi-;iL'e
» seconder le- lunine- di-po-ilioiis de- jeune- ,i;('n<, p(tnr lexpid- -eiil- je I ;ii
» coinpo-(''. J.ii jonil d'wulre- dessins de M. Iioeiliers de (piehpie- iii(ii'ce;iii\ d oi--
)' l'èvi'ei'ie (|u"il e\('-cule aciuellenieiil |M)iir Moiiseii^nenr le haiipliin. Ileiu'eii\ si
» lues soins soûl ai^riM's e( peii\enl coulriluier a la peiTeclidU de ceux <|ni \('iileiil
» embrasser le laleul de l'ceuNre de rorl'evrerie. »
Nous iToserious dire (pie sou jiouionyuie l'i-aucois-Tlioiuas (leniiaiii, reeii
luailre eu 17 ÎS, date do la publicaliou des Kh'nicnts (Cor/rrrrric de Pierre
deruiaiii, \ puisa des rensoigiiemeuts utiles, les modèles laiss(''S pai' son jière lui
suflisaienl : mais los o'uvres eonuiies de l^i'aneois-Tliomas (lermain oui nu lel
air de ramillo, (pic l'on comprcud la conrusioii (jui s'est ('laldie sur leur |)arenl('
possible.
Il est certain ([ue P. (lermaiu lit un recueil précieux pour les orfèvres de sou
temps eonime aussi |)oiir les maîtres qui devaient venir après lui. Les orfèvres
de nos jours IrouvèreiU dans cet ouvrai;e des dociimeuls aullieuli(pies (pii leur
pennii'enl de recommencer à la liu du dix-neuvième siècle une lloi-iisoii nouvcdle
du style Louis XV, bien faite juMir plaire à la (dientèle d'amateurs de notre temps
mis en g-oût par les Expositions rétrospectives. Nous donnons ici une série de
pièces d'orfèvrerie d'église, d'orfèvrerie civile et de décor qui nous ont paru les
plus typiques parmi les cent planches de cet ouvrage qui nous édifie si bien sur
le goût qui régnait vers 1750. La rocaille, on le verra, a disparu, et le peu (piil en
reste est assagi par le temps.
Parmi les œuvres d'orfèvrerie d'église nous avons choisi un calice, deux
burettes pour les évêques et deux encensoirs.
Puis, ilans une seconde planche, nous avons réuni une lampe de sanctuaire,
deux calices, un ciboire et deux vases d'autel. Parmi les œuvres d'orfèvrerie
civile, qui nous ont paru intéressantes à reproduire, nous avons choisi dans le
recueil de Pierre Germain, une salière à deux usages, formée de deux coquilles
accouplées et reliées par des rinceaux (jui portent un écusson, puis une cafetière,
une théière et un drageoir ovale.
Dans la planche suivante, deux flambeaux, un seau à rafraîchir, un huilier et
un bol d'accouchée: et, dans une autre, une terrine couronnée par un bouquet
de choux-tleurs, un pot à oille à deux projets et une casserole ovale à anses;
— 134 —
enfin, nn service de toilette comprenant l'aiguière et la cuvette, des bols à savon
et à bijoux.
Parmi les œuvres d'orfèvrerie civile, nous avons reproduit un sucrier à poudrer
le sucre, deux tlambeaux, une soupière, un pot à oille, une saucière et une salière
à deux usages ainsi rpiun seau à rafraîchir et une cuvette et un pot à eau.
Paul Mantz donne ce recueil comme la fleur du panier des orfèvreries de Pierre
Germain I et comme le testament de ce grand artiste mort en 1748, l'année même
où paraissait le recueil de Pierre Germain II; une similitude de nom l'a induit en
erreur en lui faisant attribuer à Pierre Germain I la paternité de cet ouvrage. Les
recherches de M. Germain Bapst ont étaldi d'une manière indiscutable que c'était
bien l'(euvre de P. Germain II dit le Uomain. Si Paul Mantz s'est trompé dans son
attestation, en revanche il a si bien délini, avec l'élégance de style dont il était
coutumier, le caractère des (fiuvres de cette époque que je n'hésite pas à dire avec
lui : « Lesai'tistes du dix-huitième siècl<> n'ont connu ni le style qui divinise les
» (euvres de riioinme, ni le sentiment (pii les rend éternelles, en leur prêtant une
» àme toujours éloquente, un langage toujours entendu. Mais encore assez bien
)) pai'tagés dans leur disgrâce, ils ont eu la fantaisie, l'élégance et par-dessus tout
» res{)rit; or, si l'esprit est inutile, nuisible même dans la conception de l'art gran-
» diose, il est indispensable dans la j)ratique des arts charmants (jui, comme celui
» de l'orfèvrerie, doivent autant à la main de l'ouvrier qui exécute qu'au caprice de
» celui (jui invente... Les formes que les orfèvres d'alors donnèrent à leurs pensées
» furent-elles toujours intelligentes? C'est un point à éclaircir ou du moins à dis-
» enter; mais nous ne craignons i)as d'aflirmer d'avance que grâce au parti pris de
» l'exécution, à la prestesse de la main, à cette légèreté d'outil tel que le graveur
» Cochin la délinissait avec un rare bon sens, dans une lecture qu'il lit un jour à
» l'Académie Royale « sur la légèreté de l'outil», leurs œuvres ont fait paraître
» un esprit, une élégance, une richesse qui permirent de les placera côté de ce
» que l'orfèvrerie franc^aise en ses meilleurs jours avait déjà pu nous montrer (I). »
Dans cette énumération sommaire des orfèvres de la première moitié du dix-
huitième siècle ne figurent pas les bijoutiers et les joailliers. Ceux-ci pourtant ne
formaient pas une classe spéciale, ils étaient compris parmi les 300 maîtres de la
corporation. Les statuts n'établissent entre eux aucune distinction, et s'appliquent
à la fois à ceux-ci et à ceux-là. Si les orfèvres ne s'adonnaient pas tous à la joail-
lerie, du moins on ne pouvait être joaillier qu'à la condition d'avoir le brevet d'or-
fèvre. La force des choses, toutefois, tendait de plus en plus à diviser la profession
en ces deux branches.
(1) Paul .Manlz, Recherches sitr l'orfèvrerie française, publiées dans l;i Gazette des Beaux-Arts (t. XI,
page HO;.
hfx |;i lui (In icL'iic (II' I.IIIII-- \l\ , 1,1 iikhIc ;i\;iil l'.iil ^iir;_'ir (|ii;iiil ili- d uUjrls
(le liiilcllc, lie iiii'iiii-> .icci's^oin's, de I r( Misses, de m'ccssairc^, <\r l.ilt.'ilicfos,
(!,' liMiilHijiiiicfcs, clc, i|ui (Idiiii.iiciil lieu ;i de \ ('ril .il des s|)(''ci;ilil ('s. IVnini les
ciil cuiiilics di' ces |iili(d(ds di\c|s, il cil csl lllic, cidjc des lioilcs, ijnj se r;il|;i(dlf'
li'dp cl niilriiiciil ;iii Iim\;iiI i\i- IdiTcN rciic |(ri)|irciiiciil dili-, |t(»Hr ipic iioiis ii en
IdlK liliHls |i,|s ici i|iHdi|ll('s iihds, d .iiil.iiil |dlls ijiic ri'!\|(()>il ioM fcillciiiijilc (j||
a\;ul l'ciiiii une cclIrclKui iiii{i( n'hiiile cl d un réel inlerrl.
I.'li.iliiludc de |iriscr, (|ui se d(''\('l()p|>.i ;i l;i lin du rr^^iie de Louis \IV, di'lcr-
inin;i r.ipiilciiicnl le ^oùl des helirs liihalirrcs ; il s'ajouta a celui des |)(dil('s hoii-
lionnicics dr pm lie, cl des lioilcs de Ions genres (|u"on vil bicnlôl s(; iriiilli|tlif'r.
Mais Louis \l\ n aiinail pas Iclabac; aussi, n'a-l-il jamais doniu'' «je lahalirrcs;
niais ce (|ii'il a dislrilnn'' de hoiles à |)orlrails es! considi'TaJile. Lilan, le joaillief
du roi, l'ut le premier (pii lit |h»iu' Louis \I\' ces liixiienses hoilcs (diarf^(''es d<' lii'il-
lanls scmes lialiilenuMil aiiloui' du royal |iorlrai(. A sa mort, en 1076, Pierre le
Tessiei- de Montarsy lui succéda comme joaillier de la Couronne, et, jns(ju'en 1714,
resia (diariîé de la fourniture des « Pai'ures du Roi » (joyaux et boîtes à portraits;
olVerls en présents par Sa Majesté aux divers membres du Corps diplomatique.
Pour ne |)as être pris au dépourvu, Montarsy devait alimenter sans cesse
le l'cMids des pi'ésents, sage mesure que sa grande fortuin^ lui permettait de
prendre. Au P' janvier 1096, Pinventaire des bijoux non em[)loyés restant en
dépcM mentionna (piai-ante-deux boites à portraits coûtant 314 250 livres (1 j.
Philippe d'Orléans, le Kégent, lut un des premiers à en former une collection
((ui devint extrêmement précieuse. Il en possédait, entre autres, une série de
boîtes ([ui ('taient ornées à l'intérieur de sujets grivois peints par Klingstel, ({u'il
s'était attaché et qu'on surnommait le « Raphaël des tabatières ». Bientôt la
mode vint de placer des portraits sur le couvercle : c'est le fermier général la
Popelinière qui, dit-on, eut l'idée de cette innovation, laquelle fit bientôt fureur.
Les tabatières à portraits devinrent une des folies du dix- huitième siècle. A partir
de l'année 17:25, c'est le cadeau par excellence qu'on olîre en toute occasion;
c'est l'objet d'art exquis pour lequel on invente tous les raftlnements du luxe,
toutes les délicatesses ingénieuses de l'ornementation la plus rare. Comme le dit
fort bien Paul Mantz : « Les bonbonnières et les tabatières furent pendant cette
épo({ue le luxe suprême. On faisait collection de ces menus ouvrages du caprice,
comme on recherchait les tableaux ou les médailles (2). » En 1723, tandis que le
maître orfèvre /. Bourguet publiait des modèles de tabatières de toutes sortes,
le bijoutier Devais exécutait de ces jolies boîtes en perfection, variant leurs formes
à l'intini, les décorant d'ornements et de sujets exécutés en « piqué », en « coulé »,
[i) Le Livre di's Collectionneurs, par Mazé-Seucier : les Boîtes à portraits, page 161.
(2) Paul .Mantz, Recherches sur l'orfèvrerie française, Gazette des Beaux-Arts, t. XIX, page 44o.
— 136 —
en « incrusté », ou en « brodé d'or ». Bientôt on ne se contenta plus de la richesse
de la matière, des décors gravés, des miniatures, des colorations qui nuançaient
Tor et l'argent : on décora ces boites d'émaux qui achevèrent de leur donner un
aspect infiniment précieux. Le joaillier Ronde [l), les bijoutiers Jca?i Moynat, Jean
Georges (qui donna son nom aux merveilleuses boîtes de sa fabrication appelées
des georgettes), P.-J. Bollamjé, Coini/, Garand, Ai/g. Laterrr, Safjeret, Drais,
Hci'bault, Roucel, Tiron de Nanteuil, de la Fresnaye, L.-F. Taimay^ Solk\ Ditcrol-
lay^ Goiiers, etc., etc., livrèrent à la Cour et à la ville, de 1740 à 1785, des mil-
liers de boites d'orou d'argent, chefs-d'œuvre de goût et d'aimable fantaisie, qu'ils
signaient souvent sur la gorge finement ciselée, comme un peintre signe un tableau.
Les bijoutiers Hamelin et Maillé se signalèrent, en 1754, par les peintures en ('mail
dont ils les ornaienl. Leurs confrères Drais et Sngcrct ne se laissèrent pas dis-
tancer. Je ne parle pas des miniaturistes, tels que Massé, puis Lebrun., Welper,
Stcardi et tant d'autres (2), ni des artistes qui comme Van Rlaremheryhe décoraient
les boîtes de gouaches qui soj]t aujourd'hui sans prix. Il faudrait un volume rien
que pour esquisser l'histoire des tabatières et indiquer la technique si extra-
ordinaire, si minutieuse de ces menues merveilles d'orfèvrerie. L'usage se déve-
loppa si vite et si bien de les distribuer en cadeaux à tous propos, que le roi
Louis XV en fit, durant son règne, une consommation prodigieuse. Pour avoir une
idée de sa prodigalité à cet égard, et du rôle (|ue jouèrent alors les tabatières, il
faut parcourir les comptes du service des Menus plaisirs conservés aux Archives
nationales (3), ou les soixante volumes in-folio consacrés à la commande des « Pré-
sents dij)lomatiques » qui se trouvent au Ministère des Afffiires étrangères (4) : on
y voit à quels j)rix élevés montaient parfois ces petites boîtes enrichies de dia-
mants, et ornées le plus souvent du portrait royal. La plus coûteuse fut celle qui
fut donnée en 1720 au marquis de Scotti, envoyé à Parme pour récompenser on
ne sait quel mystérieux service. Elle était ornée d'un portrait du roi par Massé,
de quarante-deux brillants et de quinze diamants; elle ne coûta pas moins de
129852 livres. Ce prix n'est-il pas fabuleux? En 1762, le roi en offrit une au comte
de Viri, ambassadeur de Sardaigne, qui sortait des ateliers de l'orfèvre Jacquemin,
et qui atteignait 56 258 livres. Les plus modestes, celles qu'on donnait aux sei-
gneurs de moindre importance, à un courtisan, à un comédien, à un poète, à titre
(1) Ronde fut reçu maîU'e orfèvre du roi et domicilié au Louvre le 4 jaiivifr n.'îl. Il mourut fu ll.'iT.
Il faisait des aflairés considérables avec la Cour. C'est lui qui transforma la joaillerie et lui donna celte
légèreté qu'on admire.
Voir Germain Bapst : Invenlnire de Marie-Josèplie de Saxe, page lOfi.
(2) Vers 1715, les miniaturistes les plus connus pour les boîtes à portraits furent Bourdin. Duvigeon,
Melle Brison, Château de la Bolssière. Puis, après Massé, et à côté de Lebrun, le plus fécond des portrai-
tisles, vinrent, de 1730 à 1770; Vincent, Penel. Louis Charlier, Prévost, Cnzaubon, R. Bachi, V. di' .Mont-
petit, .Musson, et les habiles peintres en émail, Liotard, Bouquet, Durand et Bourgoinz. Sous Louis XVI,
les petits-maîtres qui ont le plusrépété le portrait du roi sont : Welperet Sicardi. — Lemeillein' miniatu-
riste alors était Hall (voir .Maze-Sencier, Le Livre des Coileclhimeurs, page IGl).
(3) Archives nationales, 0. 2 985 et suiv.
(4) Voir Maze-Sencier, qui a donné un résumé de ces commandes de présents diplomatiques dans son
ouvrage cité ci-dessus, pages 1G3-184.
Hoitcs à portraits.
Louis XIV. — Le Grand Dauphin. — ^Louis W. — Le cardinal de IJicliolicu.
{Collections Doisdui. licrnard Friinch cl l-'ilz-I[cnrii.'
ÇMity viji»^, ,t^ . ^
lli'l
{Collection Doistau cl G. Jioin.]
141
9
Etuis, montres et canuts.
{Collection G eorij c s Boin .)
I
mMx
Xocesî-aiiv. oliiis e( iiavollcs.
Collecliou a. lioiii cl Duisluti.)
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lie iM'iiiiTciciiiciil"^ (III (rriiriMira^riiiciil , \;il;iiciil <lr I SOO ;i (iOOO li\ri'^. |{r;imi>ii|)
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■sioii e\ee|ili(iiiiielle, sdil ( |ii lU | uissciil hnil Niiii|ileiiieiil e(tii,:.'e |iiiiir reloiiriier dans
leur |';i\s. I'resi|iic loiijdiiis le poilrail du rot elail \',\\\ |i;ii' Leliriiii. A hi eoiir de
IVaiiee, e'elail deseilll une iiiesiire lelleiilelll lialtilllelle (|iie ces lioih's oUrrlcs cil
cadeau ;iu\ auihassadeiirs, iiu'il an'i\ail IVc(|iieiiiiiieiil ;i ces dcniicrs de ne jtas se
:;ciicr jMiiii' les ecliaiiLier iiuiiMMlialenicid c(uilic de Itcaiix ('eus soiiiiaiil's c|ic/. I ur-
Boîte en joaillerie.
{Albiiin (lu Musée des Arts ilécoralifs.)
fèvre qui lmi était k' fournisseur. C'est ainsi que le bijoutier Solle, un spécialiste
renommé pour ces sortes de travaux, reprit jusqu'à trois fois au comte de Yiri,
l'ambassadeur de Sardaigne, moyennant la somme de 25000 livres chaque fois,
une superbe boite enrichie de diamants que le roi, en 1775, avait payée 29340 livres
pour l'offrir à ce personnage et qui, rachetée au même prix à Solle par le service
des Menus, lui était de nouveau attribuée en présent. Ne voilà-t-il pas un trait bien
signitlcatif des mœurs du temps, et n'est-ce pas une preuve de suprême élégance
de la part de celui qui donne, que cette façon d'avoir l'air d'ignorer que le cadeau,
déguisé sous la forme délicate d'un i»ortrait peint sur une boîte, va être converti
brutalement en espèces trébuchantes?
Le Musée centennal avait réuni la fleur des collections parisiennes.
MM. Georges Boix, Doistau, Bernard Fhanck et Chappey avaient confié à ses
organisateurs le soin de mettre en lumière ces mille objets inutiles, mais char-
— Ii6 —
mants, dont la composition spirituelle et l'exécution précieuse avaient stimulé le
goût et montré l'habileté des orfèvres du dix-huitième siècle.
Le Musée de l'Orfèvrerie ne fut pas le seul où furent exposées ces merveilles.
Chappey en avait confié aux Classes de l'Horlogerie et de la Parfumerie, un
îombre considérable. « A côté des porcelaines rares, on y trouvait toute une
série de boîtes et d'étuis en or et émail, des montres aux boîtiers délicieu-
sement décorés, une collection unique de ces bibelots précieux, dans le
métal desquels la sentimentalité du dix-huitième siècle s'était imprimée à
l'aide de devises, aveux et serments, rébus mystérieux ou franchises in-
génues, promesses qui ne furent peut-être pas tenues, souvenirs qui ne furent
peut-être pas gardés, toute la psychologie d'un siècle en breloques, toute
l'âme d'une société livrée dans un sourire, comme en se jouant, de peur d'y
laisser deviner de vraies larmes dérobées et de vraies tristesses sincères.
Chappey n'avait prêté tant de merveilles que pour inciter le public à les
comprendre et à les aimer, que pour forcer le goût de ses contcmjiorains à
s'y retremper (1).
La mode avait duré longtemps, et pendant plus d'un siècle, depuis la boîte h
portraits et la tabatière données en présents par les souverains, jusqu'aux menus
objets qu'on trouvait dans tous les boudoirs et dans toutes les mains , depuis
les flacons et les étuis que les coijuettes avaient sur leur table, les crochets, les
châtelaines et les montres qu'elles suspendaient à leur ceinture, jusqu'aux boîtes
à poudre et à mouche qui décoraient leur toilette; tous ces menus objets avaient
fourni aux artistes l'occasion de créer d'inimitables merveilles.
Le souvenir de ces admirables collections méritait d'être conservé, et nous
avons reproduit dans quatre planches hors texte les pièces les plus intéressantes,
parmi celles que nous avons pu retrouver encore. Car, il faut bien le dire, ces
témoins de nos arts précieux ont passé à l'étranger, et les ventes qu'en ont faites
les heureux possesseurs d'un jour nous ont enlevé la joie de les contempler
encore.
Le Musée des Arts décoratifs avait prêté au Centennal un document d'une
insigne rareté. C'était un recueil, en forme d'album, des compositions qui avaient
servi à l'exécution de ces œuvres charmantes. Il devait appartenir à quelque
orfèvre en renom de l'époque, qui collectionnait, au fur et à mesure de leur exé-
cution, les dessins ou les esquisses des boîtes qu'il fabriquait.
Tous ces dessins ne sont pas de la même main; le graveur avait donné un
détail exact de son œuvre ; le bijoutier ou le joaiUier laissait apercevoir la
difficulté de ses recherches, par l'indécision de l'esquisse; le ciseleur pré-
cisait avec netteté, dans des croquis spirituels, des scènes champêtres, des
(1) Préface du catalogue de vente de la Collection Chappey, après son décès, par Roger Miles.
147
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'i!i^'-^iM
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Biiitcs en or ciselé. Scènes villageoises.
[Album du Musée des Arts décora l i fs. )
11^
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:-ci<i^S^''
Boites en or ciselé. Scènes militaires.
' Aihum du Musée des Arls décoralifs.)
— i:;i —
snjcls il<- filasse (.11 ilc ,- iicnf ; les ('•iiiaillciirs on les |.riiilrcs iT|tn''sciilaniit des
scriics ::alaiil('S fclc\ccs de (|iicl(iiii's loiiilics d a(|iiaii'llf. Mais loiis xuil inlc-
rt'ssaiils cl nous iniliciil aii\ iaHimMiiciil s |in'(irii\ de larl de ces oricsrcs.
halls !(■-> ccill cllKlUailIr dessins réunis ilails cel alliillil, s(,i|e de relÏTeiiee
d'un alelier eu \o-iie, iioiis ,i\(iiis ( lidisi, |i(>iir les re|ir(idiiirc ici, «-fiix '|iii nous
(Mil paru Ifs plus di;^iies d èlre f(iilser\es.
^., ., . .. • ^. . 'la
^f<sV . " -- -'-.' ' ■- ^' -■'■-' • ^
^ Y ?-'» >^ ^te
r.fn^r^'^
Dessin de boile.
{Album du Musée des Arts décoratifs.)
(.lailoiulu- pai' lîalnl, rxiTiiU' |)(iui' le luaria^i' ilu Daupliiii \'^'{H).
CHAPITRE CINQUIEME
Apoiii'M' (le roi'iV'vi'tM'ii» <lu style Louis \\ . — Chcfs-d'cpuvre oxposos
an xMusoo eoiitcMinal. — Les orfèvres Fraiirois-Thoinas Germain
et Jaeciues Roëtliei's.
EPRENONS au point où nous l'avons laissé, c'est-à-dire
entre les aimées 1750 à 1700, l'histoire de l'orfèvrerie
durant le dix-huitième siècle. A ce moment, on a défi-
nitivement renoncé, sinon à la rocaille, du moins à ses
exagérations. C'est l'époque triomphale de l'orfèvrerie.
Pour ma part, c'est aux chefs-d'œuvre de cette période
([ue j'accorde ma plus complète admiration. Sans doute,
ce n'est pUis l'art de la Renaissance et du dix-septième siècle dérivé de l'archi-
tecture, esclave de la ligne correcte, et tirant de celle-ci toute sa signification
expressive. Mais rargenlcrie du beau temps de Louis XV, tout imprégnée qu'elle
paraisse d'un esprit révolutionnaire, devait paraître aux contemporains au moins
— 134 —
aussi étrange que celle qui, à notre époque, a été qualifiée (ïm-t nouveau. Au dix-
huitième siècle au moins l'orfèvrerie était restée élégante, et, si elle nous charme
encore par son originalité, c'est qu'elle avait été conçue et exécutée par de véri-
tables orfèvres, soucieux de maintenir les traditions de leur art. Totalement
diflérente de ce qu'elle avait été, même aux plus brillantes phases de son histoire,
elle n'en est pas moins une des plus parfaites qui ait jamais existé, et cela pour
plusieurs motifs. Le principal, celui auquel sera toujours particulièrement sen-
sible un homme de métier, c'est qu'à aucun moment ne fut mieux respectée cette
règle, qui est une des bases de l'esthétique applicable à toutes les industries,
et en vertu de laquelle une forme décorative est essentiellement dépendante de
la matière dans laquelle elle est traduite. Or, au dix-huitième siècle, l'orfèvrerie
a eu ce mérite de tirer du métal, par les moyens les plus simples et avec une
hal)ileté supérieure, tous les ettets dont celui-ci est susceptil)le, et de ne lui
demander que ceux-là seuls qu'il pouvait rendre. Etant donné que le procédé
employé, celui de la rctreinte au marteau sur l'enclume ou la bigorne, et du
repoussé à la rccingle et au ciselet, constitue à [icu près son unique moyen
d'action, c'est une joie autant \n)\\v l'honnne de goût (|ue j)our riiomine de métier
de coustater avec quelle adresse il en use, comme il sait assouplir la plaque
d'argent, la plier aux formes qu'il lui plaît, trouver les ornements qui conviennent
le mieux, tiintot en ménageant des surfaces lisses sur lesquelles resplendit à
l'aise et frissonne la lumière, tantôt en faisant saillir des godrons délicats ou
puissants qui opposent des ombres alternatives aux clartés rutilantes des reliefs.
Toute matière a son langage propre, son caractère expressif, ses qualités spéci-
fiques qui lui confèrent une beauté intrinsèque. L'argent possède une éloquence
spéciale qu'il faut savoir faire jaillir, et qui porte en lui des secrets qu'il ne livre
qu'à la condition qu'on les lui arrache. Sa blancheur lui donne une certaine appa-
rence de mollesse, un aspect froid et comme pudique. Mais que le marteau vienne
frapper adroitement et modeler à petits coups la plaque de métal, vous voyez
cette pâleur s'animer et palpiter, l'épiderme d'abord presque incolore s'affermir
et vibrer, une vie intense et nerveuse surgir de la torpeur glacée. Ce sont les
caresses de la lumière qui opèrent le prodige, les molécules de l'argent, rendues
plus denses et plus serrées par l'action de l'outil, doivent offrir des parties tour
à tour planes, aiguës ou arrondies, des repos et des mouvements, des coins
d'ombre et le mystère, propices aux effets des rayons lumineux qu'il s'agit de pro-
voquer. Forcer le métal à frémir sous les caresses du ciselet ou la morsure du
burin, favoriser par des pleins et des vides, par des reliefs accentués ou des unis
adoucis, habilement variés et maniés, les rencontres, les chocs ou les moelleux
enlacements de la lumière, voilà, en définitive, le grand secret, \v. but du travail de
l'orfèvre. Eh bien, il est certain que jamais l'art n'a fait mieux parler l'argent qu'au
dix-huitième siècle; jamais il ne lui a fait dire avec plus de charme, de vivacité
— 155 -
cl ^^(•>^|l|•il , ilt'> ctdilidt'iU't's à cf I loi lit >;i\(»iii'('iis('>> cl |iii|ii;iiilis ; jam.iiv |r niilii'i-,
|ir()|ii('iiii'iil (lil. Il ;it'.'iiiii|ilil ;i\t'c iiiii' |(;iicill<' \irliiu-s||i' cl iiin' •-i ii.irl.iilc iiilrlli
^(■iicc (le sfs it'ssdiirccs, ilf^ loiiis de lurcf |)lii-> cxl i-iHtidiiiiiircN (|ii(' dans cL'tli; oiio
\ rciif (Miiliilcii^c, (•ai('>>aiil('. hMiiiiiciilcc, capricieuse, cl (Ic-licieiiseiiieiit oi'igiiiale.
I,cv Cl)llcclll)ll•^ du MiiM'c ceiilciiiial c(iiii|»reiiaii'iil iiii certain iioiiibrc de pièces
e\trèiiieiiieiit i'eiiiai(pial îles de celte peiiude nii j'orlcv rerie al lei;jiiil --oii ap();-'(3L'.
An premier raii,::, il laiit ^ii^iialer ladiiiiralile ai;:iiièn*, a|»|)arleiiaiil a M. lîoiii-
Taluircl, el ipii ptiile en lonle-- lettres, sons la cn\ette, je iioiii dn iiiaitre (»iTe\re
Aiguière et sa cuvetle, orrùvrcrie du roi de Portugal, par Franviii^-Tlioiiias Germain.
iColleclion de M<»« Bunil.)
à qui on eu est redevable : Franrois-Thonias Germain , orfrvre du Roi. Elle est aux
armes du roi de Portugal et faisait partie du très important service commandé par
ce prince à Thomas Germain, puis achevé par le fds de celui-ci, François-Thomas,
lequel, en 175:2, très justement fier de son travail, ne voulut pas le faire sortir
de France avant de l'avoir montré à Louis XV et à la reine Marie Leckzinska,
qui en furent émerveillés.
A cette date, le service formait vingt-cin<j pièces, toutes fort coûteuses^
puisque la façon seule comportait, au dire du duc de Luynes, plus de 20000 livres.
Il y avait des morceaux de toute beauté.
Rien que pour lapothicairerie du roi, Germain avait exécuté une cuvette et un
coquemard dont la panse était formée par une figure d'Esculape coilTée d'un
bonnet qui faisait le couvercle.
9
^ 1o6 —
On admira notamment les quatre légumiers exécutés sur deux modèles à peu
près semblables et qui ne variaient que par les figures servant de conronnement
aux couvercles. L'un d'eux représentait un Amour avec un chien, et l'autre un
Amour avec deux colombes. Le couvercle était orné de cannelures se terminant
par une rocaille, la bordure en baguettes réunies à des intervalles réguliers par
des feuilles d'acanthe; aux deux extrémités, des faunes agitant des banderoles
formaient les anses.
Fr. -Thomas Germain a travaillé de longues années pour compléter ce
service, puisqu'on le voit, en 17()6, livrer encore un miroir à la princesse de
Portugal (1).
Siicrioi- cl saliéiv^s.
[Collections (le M'"^ liiirat et <l:- M. Doisinii.)
Par quel heureux hasard le fin connaisseur qu'est M. Boin est-il deveiui pos-
sesseur de l'aiguière exposée en 1900, et comment une pièce aussi précieuse
a-t-clle pu sortir du trésor de la Cour de Portugal, où se trouve encore l'ensemble
du service de Fr.-Thomas Germain (2), et revenir en France?
Le hasard peut quelquefois s'appeler la Providence, et le fait mérite d'être
rappelé. L'empereur du Brésil, don Pedro, qui appartenait à la famille de Bra-
(1) Genuaiii Bapst, les Germain, orfèvres et sculpteurs du Roi, page 140.
(-2) Germain Bapst, les Germain, orfèvres du roi/, et l'Orfèvrerie a la Cour de Portugal. Plaqiicltc éilitt''f
par la Société de Propagation des livres dart.
i;)7 —
;^;ilirc, ;i\;iil ciiiimiiIc iliiii-> -^;i ikhincIIc |(,iIiic iiii cril ;iiii iMuiilur ilc picccs de
cfllc ;i(liiiii;i|p|c (iffcN iTi'ic ; Inr^inic, ;i|U('n lii i'c\ nliil mu i|iii l'iiMul rlinsM- i|(;
SCS l'',t;iK, il t'I.iil iciilrc r\\ r,iini|M', il ;i\;iil i;i|i|i(iil(' ;i\(c lui snii ;ir;jrMl<Tic.
Il MMiliil s'en ilcr.iiic cl ili;ii\i;c;i un de ses l'aiiiilicrs (rcii (t|)(''rcr la \ciih',
Mallii'urcii^ruiciil , il v'ai|rc-,s;i uial, cl joules les belles orlex reries de (ieriuaiii,
(|u il a\ail cdiisciN ecs |iiiur s;i p.n'l il lierila^^c, l'iireiil \eii(liies |i()iir la loiile.
l/ai,;^iiiere, i|ui a\ail eli- rt''ser\ ('e, lui |»i(''^eii((''e a M. Hdiu i|iii laeliela, mui
pour sa \aleur ml iiiise(|iie, lllai^ |iour s.i valeur d arl ; el doii l*e(|ro ra\i, mais
(•oiiliis, jura, iiiai^ ini peu lard, ipiOii ne I v prendrail plus.
Tliéiérc Louis XV.
'Colleclion de ,1/""= Iiiir:it.
Le hasard avail donc bien fait les choses; grâce à lui... et à M. Boin, nous
avons pu voir au Muscc centennal un des plus admirables spécimens de cette
orfèvrerie radieuse, dont j'essayais tout à l'heure de définir le caractère. Tout y
est harmonie parfaite des i)ro|)ortions. ampleur des formes, à la fois gracieuses et
vigoureusement accusées, appropriation merveilleusement juste du décor qui est
d'une élégance exquise, et dune exécution étourdissante. Plus on examine celte
œuvre, et plus on reste confondu de ce qu'elle révèle d'art accompli, de goût
rare et de souveraine perfection.
La collection de M'"*" Burat montrait aussi quelques pièces de cette brillante
période où rornementation rocaille, de plus en plus atténuée, fait place à des
lignes de moins en moins torsionnées.
Parmi les pièces les plus intéressantes qui faisaient partie de cette collection
incomparable, dont l'heureux propriétaire avait bien voulu se séparer à la grande
joie des connaisseurs, nous citerons une théière {pa(/e 15"), qui est un beau spé-
— 158 —
cimeii de cette époque; décorée au moyen de la ciselure repoussée, de canne-
lures en spirales fines et souples encadi*ant le motif centi-al l'ait de roseaux en
relief, avec son allure légèrement trapue, son bec à tète de jeune canard si fine-
ment l'eiidu, ses anses alfermies et bien en main, elle peut être considérée en sa
simplicité comme une véritable merveille de goût et d'esprit; c'est l'une des
pièces les plus typiques de la belle orfèvrerie Louis XY, jjarmi celles que
montrait le Musée centennal. Je signalerai encore les deux safières doubles,
en vermeil [pugo 156), d'une construction ferme et pure, qui l'appelle le style de
Thomas Germain, ainsi cpie le confilurier, égalenicnl en vermeil, d'une époque
Soupière et son plateau, sL\le Louis W
[Miiai'c ((.'nlcnnul . >
peut-être un peu postérieure, (|ui, avec son décor de feuilles de vigne et de
grappes de raisin jouant sur le cristal coloré, avec son couvercle si mignon que
surmonte un fruit adorablement ciselé, est un exemple achevé, et un type de la
meilleure orfèvrerie de la fin de Louis X.V. Puis une soupière d'une forme simple
et trapue [parje 158). Le corps richement décoré avec son écusson et ses griffes
bien assises, le couvercle à godrons en relief couronné d'une grenade entr'ouverte,
motif que l'on reproduit souvent dans les pièces de la même époque, et que les
orfèvres de notre temps ont si souvent rappelé. Le plateau est ovale à volutes
aux extrémités et décoré de cannelures sur le marli. 11 pouvait être employé
comme plat à servir, ce qu'indique sa forme concave enterrant un peu la sou-
pière au lieu de la faire valoir en hauteur, comme les pièces de Germain que
nous avons déjà reproduites.
Nous donnons également (pa.(je 159) un I1aiul)eau à trois branches et quatre
lumières, d'une construction plus tapageuse, (pii rappellerait encore le style
lie ^I(•|s•^()||||l(•|•, 111.11^ I iiii|ici(' |i;ir le irindr (les DrlcNrcN a (1rs I\|h's moins liioll-
\ CIIICIlIcs.
La (•(•llci'l ion ilc M r.inl I'.imIi'I imhi^ olVrail nnc |tircc i\f la nn^ni' i'iidijik;
C'-ainli''l:il)rf à tn)is branches, ^sl} le Lduis X\' ]-7»)
[Musée centennal.)
d'une insigne rareté. Les poinçons relevés par lui indiquaient qu'elle fut faite
sous J.-J. Prévost, en 176:2. par Antoine-Jean de Villeclair. Elle tlt jadis partie de
la collection du baron Pichon, qui avait remplacé le couronnement fait d'une
grenade entr'ouverte cachée sous des feuilles de laurier, par un chien avec des
— 160 —
attributs de chasse. Cette soupière est rentrée dans la collection Endel avec son
couvercle d'origine. Le corps de la soupière est monté avec des agrafes formant
pieds, d'une belle et solide forme, avec des enroulements d'où partent des guir-
landes de lauriers. Les anses sont simples et s'amortissent snr la panse en
feuilles d'acanthe, qui indiquent que le style Lonis XVI va venir; au milieu, un
écusson de la famille Demidolï', avec une couronne de comte, ce qui seml)lerait
indiquer que ce n'est que postérieuremeni (lu'cllc a apparlcMu an |>rince l)c-
midoir, rpii s'est contenté de modifier les armoiries sans loucher ;i la couronne.
Soupièi-e Louis XV, exécutée par A.tJ. de Villeclair.
[Collection Paul Eudel.)
Le plateau de la soupière est absolument remarquable, d'une grande simplicité,
sans décor sur marli, il est décoré par une moulure de joncs en faisceaux sur
laquelle court un ruban, et agrafé au centre et aux extrémités de feuilles d'a-
canthe, qui s'assortissent bien avec le décor des anses de la soupière. Les poin-
çons le font dater de 1762; il fut fabriqué, comme la soupière, sous J.-J. Prévost,
par l'orfèvre Antoine-Jean de Villeclair. Ce sont là des œuvres de toute rareté, in-
finiment précieuses, et qui redoublent nos regrets lorsqu'on pense qu'un si petit
nombre d'exemplaires de cette orfèvrerie sans égale soit parvenu jusqu'à nous.
Mais ce style, qui à cette époque était en plein épanouissement, n'allait pas
tarder à se transformer sous l'infUience d'une femme de goiit, toute-puissante
auprès de son royal amant, et, tout en conservant l'élégance et le charme qu'il
- Kil ^
!'^"i' IIM|'llllir^ ;ill\ .finira (|m||| | -^ NriK.lis i|r |»;irli'r, || noll^ •■loillir rwcan-
|>;ii' l;i |iriTci| nui lie l,i iii.iiii -dd'ii \ rr .
A\;iiil (le |ir,'(iv,T le ic->iill ,il i\i' I nul i.il i\ .• i|r M"" i|r |*niii|.;ii|(.iir i\:t\\-. |'(''\()-
llllioil <|iic (lc\;iil ; lier r,i\ niciiicii I <iii slylf l.oiiis \\ |, il nous r.ml (•cpriKl.iiil
non-; arrrlcr un iiisl.iiil, piuir incllrc en liiniii'i-r les (i-iimcs des deux orlt-Mcs les
|i||i< rclclircs de |;i |iciini|c (|in \cii;iil de liiiir. cl i|iii r |iiciid l;i drrnirrc (larLie
du ic-iic de Louis \\ , cl iiiouli'cr le rôle (|uc joucrciii a celle ('•|i()(|iie IVaiieois-
riioiiias (Icrniaiii cl .lac(|iies lloelliers.
« ¥ 41 «»
IMateaii cK- la ^ioiipiore ci-contro.
{Collection l';iul Eudel.)
Tous deux, d'un tempérament très opposé, eurent une doctrine bien diffé-
rente; l'un et l'autre, physionomies curieuses, égaux par la renommée et repré-
sentant deux écoles distinctes, méritent une mention particulière.
Franeois-Tliomas Germain, né le 18 avril 17;2G, était le quatrième fils du plus
éminent orfèvre du dix-huitième siècle, Thomas Germain, dont le rôle et l'influence
ont été appréciés plus haut.
Il entra dans la vie avec toutes les chances de réussite, et nul ne fut entouré
— 162 —
de plus de faveur que lui, à ses débuts. Bien qu'à la mort de son père, en 1748, il
n'eût encore que vingt-deux ans, le corps des orfèvres, en considération du
maître illustre dont il était issu, et pour lui éviter une attente de plusieurs
années qui aurait pu lui faire perdre les avantages de la situation de celui dont il
était l'héritier (logement au Louvre, brevet, etc....), consentit à faire une excep-
tion en lui accordant la maîtrise avant le temps réglementaire; François-Thomas
Germain parut donc, très jeune, se trouver dans dos (Méditions assurées de succès
et de fortune.
Ses talents ne s'étaient encore affirmés par aucune œuvre personnelle; il
avait appris le dessin en suivant pendant plusieurs années les leçons de l'Aca-
démie, oii il n'avait d'ailleurs obtenu aucune l'écompenso; mais un goiit naturel,
très vif, qui s'était développé dans la fré([uenlalion journalièi'O de l'atelier
paternel, l'aisance de ses manières, l'habitude du uu)n(le, un certain esprit
d'entregent et d'initiative, son abord engageant le rendaient sympathique.
Possesseur d'un nom glorieux, installé au palais du Louvre, ayant pour clients
attitrés, le Roi, la noblesse de France et toutes les cours étrangères, il semblait
n'avoir qu'à se laisser vivre. Dix-sept ans plus tard, cependant, nous le verrons,
à l'âge de trente-neuf ans, perdu de dettes, chassé de son logement du Louvre,
la vie gâchée, abandonné de ses confrères, essayer de résister au sort contraire,
et aller finir obscurément ses jours, on ne sait au juste dans quelle misère.
Tout d'abord, aucun point noir dans son horizon. Les commandes s'offraient à
lui en abondance et de partout. Aux divers objets d'argenterie et aux services de
table exécutés pour le Roi ou pour les Enfants de France, pour le Dauphin ou la
Dauphine, pour le duc de Berry, les comtes de Provence et d'Artois, etc., dont le
Journal du Garch-Meuble de la Couronne nous a conservé la liste (i), et qu'il
exécuta à partir de ce moment, il faut ajouter les innombrables fournitures qu'il
eut à livrer à la cour et à la ville, car il se partageait avec Roëttiers, son collègue
au Louvre et, comme lui, orfèvre du roi. les préférences de la société élégante.
Parmi les assidus de son atelier, on voyait M'"" de Mortemart, M'"' de Livry, le duc
de Lavallière, i\L de Beringhem, le duc de Gesvres, la duchesse de Lauraguay, le
duc et la duchesse d'Orléans, la comtesse de Toulouse, le duc de Chevreuse, le
cardinal de Luynes, le duc de Praslins, le duc de Brancas, etc. Que de morceaux
de prix exécutés sous sa direction, pour ces amateurs d'élite, durant les dix-sept
années que dura sa faveur !
Il était également le fournisseur attitré des Cours étrangères. Le roi de
Portugal et la Cour de Russie possèdent les plus belles pièces sorties de ses
mains. Son père, Thomas Germain, avait formé cette noble et riche clientèle,
et nous avons vu qu'à sa mort, son père laissait plusieurs pièces inachevées
(Ij Archives nationales, 0 33U, page 112. du 11 octobre 1748 au 11 avril 1165.
- 163 —
(|H il |iTiiiiii;i .1 l<'ii|- v,il 1^1:1(1 hiii . Niilir ,iili-li', i|iii iiii'ii.'iil -r;iiii| l|-;iiii, ;i\;iil le
^•(Mil lit' l;i il(|Hiixt' cl t'iilrcli'ii.iil di'^ iii.iil rcsscs, s'.i|p|ilh|ii;iit ;i (li'\r|(i|i|irr |r
[ilil-^ |M>vv,iMc vdii cliitl'ic ir.ill.iiii'x (in'il ,i\;iil r.iiiiliil inii, t'oiiiiiic il ! ;i l'-cril lili-
iiiriiic, (le |Mirli'i- i;i| m Iniiciil ;i lioi^ iiiiIIidii-. p.ir ;iii I . (', ('--l |i(iiii'i|ii(ii il mil
son (i;lllll•^s^lll(•lll ^iir (iii lic^ lt;iiiiI |iii'iI, l'I pril ;i\cr lui un |MT-niiiii| ijr
S(»i\;iiil(' a i|iiali't' xiiif^K (iii\ iicr-^ poin' airi\(r a une |ir(»ilnr| ion coinanlc <|r
Siuiout pur l'r.-Tli. Germain.
{Orfèvrerie de la Cour de Porliicjal.)
plus en plus considérable. Ce n'était plus le modeste atelier paternel, avec
les trois ou quatre compagnons indispensables travaillant à côté du maître qui
composait lui-même ses modèles et gardait pour lui la besogne difficile.
François-Thomas Germain semble s'être essayé h un rôle qui était alors abso-
lument nouveau pour les orfèvres, et qui se raj)prochait quelque peu du type
d'entrepreneur, qui n'était point précisément du goût de ses confrères. A cause
1 En 1"50. Germain fit pour 339 934 livres île travaux, ses bénéfices turent de 52 846 livres. En 1703.
il lit pour l"i3il';3 livres datl'aires; en 1764, pour 2512360 livres; du !<"■ avril 1731 au l*"" avril 1765. il
tit pour 10 4S9U4I livres d'alfaires.
-Mémoire adressé par J.-ïh. Germain au Commissaire Graillaud de Graville en 1777. Voir G. Bapst, les
Germain, page 176.
^ 164 —
de sa situation à la cour, ils n'osèrent point réclamer. Mais leur méconten-
tement ne s'en manifesta plus tard qu'avec plus d'aigreur.
Pour comprendre un tel sentiment, il faut se représenter combien les allures
tapageuses et, il faut bien le dire, les procédés insolites de réclame imaginés par
le jeune Fr.-Th. Germain devaient paraître cli()(|uau(s à une corporation où l'on
gardait par tradition Icshounètes habitudes de la plus complète simplicité. Même
chez les orfèvres devenus riches, on évitait le luxe, l'apparence, ce que nous
appellerions « la poudre aux yeux ». Les intérieurs restaient modestes. « Eu
1754, dit M. Germain Bapst (1), un de nos arrière-grands-pères, joaillier privilégié
du roi, ({ui faisait les plus grosses affaires à la cour et à la ville, habitait quai de
Harlay, au troisième étage, et n'avait pour son commerce et son domicile per-
sonnel ((ue trois pièces et unc^ cuisine, pour les({uelles il pîiyait un loyer annuel
de 300 livi'cs. » Ce qu'étaient, au dix-huitième siècle, les intérieurs des orfèvres
parisiens, nous le savons par des hivoilaircs des notaires ou les procès-verbaux
de saisies des commissaires du Cliàlelel. La plupart du temps, ce sont des appar-
tements composés de 1res |)(mi i\{' pièces, cl meublés avec mie sobriété presque
austère. Dans les (•liand)res garnies de rideaux de (Iraji, souvent de couleur verte
avec bordure de galou jonquille, comme nous les décrivent les inventaires après
décès, se trouvent deux fauteuils, (piatre chaises, une commode, une grande
armoire en bois ciré; aux murs sont accrochées quehjues gravures. ()uel({uefois,
mais rarement, on signale des tableaux. Sur la cheujinée, point de pendules ni de
candélabres ; la nudib' complète. Dans l'atelier où travaillaient le maître et l'ap-
j)renti, on voit souveiil la femme du pati'on ([ui l'aide dans ses travaux, (juand
elle ne vaque pas aux soins du ménage (^). Le mobilier est également som-
maire : de rares sièges, des étagères où sont les modèles en cire et les pièces
en cours d'exécution, un meuble ou deux contenant des cartons remplis de des-
sins, de livres et de gravures. Le reste, c'étaient les outils et instruments delà
profession.
Veut-on savoir ce que comprenait, au dix-huitième siècle, l'outillage d'un
grand orfèvre tel que Thomas Germain ([ui, travaillant pour le roi, avait le droit,
refusé aux autres, d'occuper exceptionnellement plus de trois ou quatre ou-
vriers? Son inventaire après décès nous donne ce renseignement au complet, et
je le transcris ici : « Cinq enclumes, cinq tas, dix-sept bigornes, six lingotières,
huit piucettes, deux soufllets, la forge complète, une poêle à souder, cent
marteaux tant grands que petits, dix-sept boules, treize tenailles, une fdière
à vis, uue filière à taraud, cinq étaux à mains, trois scies, cinq vrilles, huit
cizoires, cinq établis, une forge, deux soufflets, sept pincettes, trois poches à
(1) Germain Bapsl, i Orfèvrerie française à la Cour du roi de Portugal, page 42.
(2) Germain Bapsl, l'Orfèvrerie française à la Cour du roi de l'orluffal, page 43.
— 1«5 —
Icii, une ;i IIiiiiImI, un Iciiir ;i liirr ;i\cr tdiilcs Ses (|i'|ii'Iii|;iimc-. i|ii;iln' rl;iii\
à limer. >•
Va c'csI l.iiil ' \(mI;i ce (|ir(''(;iil ;i\;iiil IT.'iO un iilrlirr (ruiT''\rr liii'ii nnnili'' :
ri'nvt'inMc \;il;inl, ;i diic (rcxpcrl. I;i ^(innnc de I !'SS li\i-c-~
IViinidi^ Tli(ini;i- (irrni.iin lil |'ln-- i|nr i|iMn|i|rr ic ni;ih'iir| de -dn |ii'rc. I.ii
(Uilrcil ne litiii\;i \r.\^ suni^;innncnl ('-Ict:.'!!!! •' rin^hill.il ion <lc ^itn lii^'cnifnl ;in
l.iiUNic; il \ ;inii'n;i,i;(';i des ^aloii-. s((ni|il ncn\, .wrr nnMihlcs de rxnillc, rlicmi
\\{'r< de ni.irliic riirc, orncnicnK de |ii(ni/(' don'', de II sf jM>lili;iil de ses prodi-
i^alilc"^, en di>;nil : « La .iildirc du nom '|ii(' je |iorl(', rcn\i<' ilr i'ain' lionncnr a
Soiipiori- en argent, pur Fr.-Tli. Germain, exécutée pour la ('oiir
(le Porliisral.
la France par mes ouvrages, la décence et le respect dû aux grands que je
recevais chez moi par état, le désir d'être utile à l'étranger, le soin de l'aHirer
dans mon commerce et de le frapper par un dehors séduisant, font aujourd'hui
mou crime, puisque ce sont les seuls objets qui m'ont entraîné malgré moi dans
ce faste (pi'on me reproche (1). » Quoi ([u'il en soit, et sans vouloir juger la
conduite de Fr.-Th. Germain avec la sévérité de ses contemporains, on s'explique
aisément pourquoi il ne put soutenir le poids d'une maison établie sur un tel
pied. Chciipie année, le chill're de ses dettes s'accroissait, en dépit du nombre
grandissant de ses travaux. Les 30 000 livres d'argent comptant légués par son
père navaient été qu'un feu de paille bien vite consumé. Comme il manquait du
J) Mémoire de FraneDis-Thomas Germain, au moment de sa faillite, en llBu, adressé au surintendant
des Beaux-Arts, M. de Marigny, afin d'éviter d'èlre expulsé du Louvre. Ce document a été publié par les
Arc/iivex de l'Art /'rnnçais. t. l»"", p. •2."2. 11 a été reproduit par .M. (iermain Bapst dans sou ouvrage sur
les Germain, page 162.
166 —
fonds de roulement proportionné h l'entreprise qu'il rêvait, il emprunta à des
taux usuraires. En 1764, il épousa une jeune fille de dix-huit ans, Marguerite
le Sieurre Desbri^res, dont la dot de 80000 livres fut aussitôt engloutie. Bref,
il en arriva k avoir, en i765, le passif énorme
de 2 millions 400 livres. Pour essayer de se
tirer d'affaires, il eut recours à un expédient qui
acheva de lui aliéner sa corporation : il forma
une société en commandite dont le siège fut rue
des Orties, dans une maison que son père avait
achetée en 1743, et où ses ateliers fonctionnaient
depuis cette époque. Elle ne vécut pas six mois.
Le 17 juin 17()5, Fr.-Th. (IcM-main fut déclaré en
faillite. D'inextricables procédures judiciaires le
paralysèrent; on alla jusqu'à lui imputer des
maiKeuvres frauduleuses. Par surcroit, la cor-
poration des orfèvres obtint contre lui un arrêt
de la cour du Cliàlelcl, annulant la société en
commandite, déclarant « que le titre de maître-
orfèvre était un titre personnel dont la propriété
ne pouvait être exploitée par une communauté
d'individus, dont plusieurs étaient étrangers à
la corporation, disant enfin, qu'on ne pouvait
admettre qu'un orfèvre devînt un entrepreneur
qui, au lieu de travailler lui-même en artiste,
faisait travailler des personnes salariées (1). »
Retenons celte dernière phrase ; si on la rap-
proche d'un document en quelque sorte officiel
([ui, quelques années plus tard, en 177(), fut
adressé au Roi en réponse à une supplique de
Fr.-Th. Germain pour rentrer dans les bonnes
grâces royales, on constate qu'elle contient à
l'égard de l'orfèvre une accusation grave. On ne
lui reprochait rien moins que de n'être pas le
réel auteur des ouvrages qu'il signait, en un mot
de n'avoir été qu'un entrepreneur. Voici le pas-
sage essentiel de ce mémoire (2j étnanant de la surintendance des bâtiments :
« Quant aux talents dont le sieur Germain fait un étalage perpétuel, je me suis
Deu.v Indiens poi-toui's de coulTos.
Salii'i-es simples par Fi-.-Tli. Germain
(1) Germain Bapst, l'Orfèvrerie française ù la Cour de Portugal, page 43.
(2) Il a été publié par les Archives de l'Art français, t. 1er, pages 235-236.
- 167 —
» iiifiiniK- (le |M•^-^lmll(•v (|iii iH' ((Uiifiil pas la iii("'iiii' cai ricrc. s'jK avairiil
I) (jiii'liiiic rcalilc. l'.llr-s III (iiil ilil ijii iK rldifiil (1rs |i|iis i m •< | k m it s 1,11 ali-olii-
u iiiciil nuls II n'a jamais -a^iK- une >ciilc |ictiti' iiicijaillc |i('iiilaiil |tliisicMrs
a amu'cs (|n il a siii\i les Irions de 1' Vradi'iiiir. (loiiiiiiciil aiiioil-il a(«|iiis, Ion! a
» iMni|), CCS jalciiis siililiiiics (|iii, siii\aiil lui, (tccasidiiiioiciil la ialtiiisir cl la j-a^c
» (le ses eeiiirci-es '' jjiliii. si le sieur < Icriiiaiii a\nil li-s laleiils .luil s'alIriJMie,
» rien ne rein|iècliei(»il ireii laii'c nsa;:e an ittiird'liiii du moins a la -olde r|
)i ^(Uls le 11(1111 de i|iiel(|iriiii 'le ses anciens ((iiirreres. Mais Ion! ses! (•( lipsc'-,
» a\ec le liean calniiel des nnidelcs .|ne son |iei'e, lioiiiine de laleiil, lui a\ail
» laisse. »
Sali(!;i'c double par Fr.-Tli. (îormain.
[ 0 r fè vrerie de lu Cour d e l'nrl ii (j al.)
Ce jugement est rude. Il renverse totalement l'opinion générale qu'on se fait,
aujourd'hui encore, de la valeur de Fi'ançois-Tliomas qui continue à passer pour
l'orfèvre le plus brillant après son père, et le plus habile du dix-huitième siècle.
Mais est-il juste, et doit-on s'y fier? N'est-il pas entaché tout au moins d'exagé-
ration, venant de l'administration des bâtiments qui ne pardonnait pas à l'artiste
ses démêlés judiciaires, et par là de l'avoir mise dans le cas de l'expulser du
Louvre? Ne doit-on pas également tenir compte de l'humaine et misérable ten-
dance qui, trop souvent, fait qu'on accable les gens tombés à terre? Mais, d'autre
part, il est impossible de ne pas reconnaître un certain fonds de vérité dans
l'explication de l'impuissance que montra Fr.-Th. Germain pour se relever après
sa débâcle. Nous voyons bien, en effet, que de 1766 à 1768, il fait un elfort,
dans sou atelier de la rue des Orties où il s'est réfugié, pour ramener à lui
— 168 —
la clientèle qui Tabandonne, et qu'à plusieurs reprises il remplit le Mercure (1)
de réclames oîi l'on retrouve son hâblerie, ne cessant de se couvrir de la mémoire
toujours respectée de son père, invoquant la collection de modèles provenant
de celui-ci et qu'il a, assure-t-il, conservés, etc. Mais on ne trouve pas trace
d'un jifrand el beau travail qui soit sorti de ses mains à partir de cette époque, si
ce n'est une toile! le de vermeil, et quelques autres pièces qu'il termine sur
l'ancienne commande de la cour de Portugal. Vainement il j)ai't en Angleterre
en 1768, on ne sait trop dans quel but. Il revient bientôt à Paris où il continue
de végéter, forcé de quitter la maison de la rue des Orties pour un atelier loué
place du Carrousel, |)uis. de là, en 1779, dans un autre, rue de Limoges, au
Marais. A partii- de 1780, on ne sait plus ce (pi'il devient. Sa jeune femme est
moi'te, n'ayant pu survivre à ses malheurs. (^)uant à lui, il s'éteint en 1791, rue
du Faubom'g-Mont martre, et les deux t(''moins (|ui signent son acte de décès à
la paroisse de Saint-lMistache le connaissent si peu, ([u'ils ne savent n)ème pas
indiquer son âge exact !
M. Germain Bapst, le mieux intornK- des biographes de François-Thomas
Germain, na pas osé trancher nettement le problème (pii se pose à ce propos.
Il reconnaît ipie cet orfèvre peut, en ell'et, n'avoir pas exécuté lui-même les
œuvres qui portent son nom ou son poinçon ; mais il estime (ju'elles ont néan-
moins un tel cachet de supériorité et d'originalité qu'il est impossible de lui en
dénier la paternité. « Qu'il en ait été, dit-il, véritablement l'auteur ou sinq^lement
l'inspirateur, il n'en demeurera pas moins acquis que c'est par son initiative, par
ses soins, sous sa direction et dans ses ateliers que ces objets ont été faits, et
par conséquent c'est à lui (ju'on les doit, et c'est à lui qu'en revieid le mérite (2). »
Get avis paraît, en somme, le |)lus équitable. Il est difficile, au surplus, de ne
pas raccepler quand on voit, comme les papiers de sa faillite l'ont révélé, avec
quel soin Fr.-Th. Germain cacha toujours le nombre et la qualité des collabo-
rateurs dont il sut s'entourer. Cependant on les connaît. Ses ciseleurs se
nommaient : Colezon, Meunier, Leitz et Descour; ses graveurs, Colart, Olivier
et Nicol. 11 avait pour |)laneur, Peletier: pour gainier. Prieur; pour perceur,
Sellier. L'auteur de la dorure de toutes ses pièces, de cette dorure exception-
nelle et qu'il aimait tant à vanter dans ses prospectus, n'était autre que le fameux
(1) Mercure, ii» de jauvier et de février HCG :
« Le !<ieiir Germain, sculpteur du roi, et Goniparrule. tonjour? animé du désir de porter les ouvrages
qu'il entreprend à la plus haute perfection, prévient le puiîlic que, le -l'i de ce mois, on vendra dans la
maison où sont ses ateliers, rue des Orties, vis-à-vis le guichet Saint-.Michel, une collection de vases anti-
ques, d'une composition qui égale l'agate et les pierres les plus précieuses, tous ornés de bronzes d'un goût
exquis cXAe\n plus belle dorure, qu'il a encore perfectionnée depuis qu'elle a été présentée an roi. Le sieur
Germain se propose de continuer en tout genre et de varier ingénieusement les formes et les ornements
de tous les oiivrai;es d aif^i'i.terie ; la quantité de modèles qu'il a joints à ceux de son père le mettent a
même, plus (|ue tout autre artiste, de produire de quoi satisfaire les personnes les plus curieuses d'ouvrages
recherchés. Le sieur (iermain continue d'entreprendre toutes sortes d'ouvrages à tels prix qu'ils puissent
monter et il n'exigera pas, comme il est d'usage, des avances pour matières. »
(2) Germain Bapst, Etudes sur Vorf'eererie française : les Germain, orfèvres-sculpteurs du Roy MS87,
1 vol. in-8o).pagc 180.
— 169 —
(i!)lltliirr(*. (Jii.iiil ;iii\ iiiiulclciir^ ili'^ li;jiin">, (■'('■l.iiriil , in -ciiriMl, |r- |i|iis
ii'Iiimiiiih's s(•^ll|ll(•ll|•■^ ilii li'iii|i--. On cnil i rcunii.iil ic l;i ni.iin i|c l'i^';illr il;in- nn
■-Miidiil ri'|in'xi'nl,inl h U.iccIkiv ri 1' \ niiuir - , i|iii ;i|i|i;irhi'nl ii l.i l'oin' ili' lin- >ic
Il cnI inliniMii'nl \ i;ii--cnilil,ililc i|nr. vi ce n c^l ri'Ini-l.i . d ;inl rc^ ;irl l'-lr- li.iliilc-
(iiil (lu lin jiiu'Icr leur (•(ilLilionil kui .
Glace do toilette exécutée en ijGG
par Fr.-Tli. Geniiaiii, pour la princesse de Portngal.
Poiii' avoir une idée à peu près exacte de ce que fut rorfèvrerie de Fr.-Tli.
Gei'uiaiu, ce ue sout pas les rares œuvres plus ou moins complètes qui se
trouvent aujourd'hui dans les collections de quelques heureux mais très clair-
semés amateurs, qu'il suffit de connaître. C'est en Russie, c'est surtout à la
cour de Lisbonne que l'on peut admirer ces chefs-d'œuvre authentiques cou-
— 170 —
serves avec un soin jaloux. Le roi de Portugal possède encore aujourd'hui
1274 pièces d'orfèvrerie provenant des ateliers de Fr.-Tli. Germain.
iNous avons donné, à la page 55, l'admirable aiguière portant la signature de
(liiH'ix'l i'i l)iiiiu\ de l'i'.-Tli. (nriiiiiiii.
Fi'.-Th. Gerniain (|iii ligurait dans ji- .Mus(''(' cenlciinal: mais, à défaut d'autres
pièces authentiques, nous avons pensé quil y avail un inlérèl ii emprunter
à la luxneuse monograj)liie inliluléc : l'0r/crn'/7(' franraisc à la Cour de Por-
tugal, que M. (1. Bapst, si bien documenté sur tout ce qui concerne les Ger-
main, a publiée avec le concours de la Société de Propagation pour les livres
d'art, quelques-unes des pièces les plus remarquables de cette collection unique.
N" 1. N» 2.
Boites ;i poudre de Fr.-Tli. Germain.
N» 1. [Musi-e centennnl.) — N» 2. {L'o7-fèirerie du l'i rluçial.)
Le morceau principal (par/e IG.'-Jl, qui n'est pas d'ailleurs le mieux réussi,
était un lourd surtout, mesurant plus d'un mètre de haut, qui représente un
ensemble confus d'attributs de chasse, lévi'iers, fusils, cors, etc., reposant
^
yr
■fV^¥'''"Hi^f^^*^.
lliCU UUL'UU!
rcniarqi!
//• (le l'or-
linn pour }•■
Put à oan cliaiulo et samowar sur son réchaud, c.xécuU-s par Fr.-TIi. (îomuii,!
pour la Cour de Portugal.
Platerio exécutce pai- Fr.-TIi. Ge
'•main pMur la Cour do Portuiial.
- 175
sur (li'N lull-^s(l||s lolllllls, le Idill ,111 ( uii|(;iu' III' ;i ilioilr il ;i ;.';il|r|ir «Ir (|r|l\
IrVIcllrN rnlirlnr-^ ;m-i|r->sils dr |;i lui^r, ri i|lll -~ii|il ijliiii' r\iTiil n m ;i(|-
llliralili'. Ci'llr iiMINic, i|iii iir l'iil ;ir|ii'\fi' i|iii' |ilii>ir|irs ;illlii'i'-> ;i|)rcs |;i l.ul-
lllr ili' liilIrMC, cl il.iiiN l,h|iir||c iiii irlliill\r llli iili''l;i ii;.t <lr lioillli'- |i;illir--
|il'»i\ cil.ilil ilr-- iiiKicii-- llllHl^l(■'^ iji' Tliuiii.is (lrnii;iiii, ri 1 1 ( uiiiiiiniK lii:il loiii-
liiih'-^, ;i côli' ircNrcllciils ili'l;iil-> ilr sculpl mr, roùl.i un pri\ roii'^iiiiT.iJpIc.
l'aciiii 1rs |iiccrs iiii|i(ii'l allll•■^ i|iii ri)iii|tli'lairiil i-c iiia;j iiirn|iir l'ii^i'iiiMr, li;.'ii-
l'airiil i|iialr(' sou|iicr(">, lUi |i(ils a nillc sur |i|alcaii\. Ils ('■lairiil rM'ciih's --iir ilciix
iModclcs a itcii |)r('s scmltjalijcs cl i|ui ne variaii'iil i|ii(' |tar les li;jiircs sciNaiil ijc
ImuiIoiis au\ (■ouvci'i'Ics : riiii de ces Ixtuloiis l'cpi'c'sciilail un Aiiidiir axer un rliini,
ri raiilrr un Aiikuii' a\t'c deux coloinltcs. I.c couvercle l'Iail l'ail en rocaille, ri la
lutrdure lornK'c par des l)ai;uellcs i-elic'cs à des intervalles i-('giilic;i*s par des
t'cuillcs d'acaiillie. Aux deux cxtn'niilc'S, des j'auiies ai:ilaieul des haiideroles vl
l'orinaienl les anses. Nous a\ons reproduK une de ces suuj)ièrcs ^ ixnjo. 105).
rraiiiois-TlKunas (ici'inaiii dul Iravailler de longues anii(''es pour conipléler ce
service. |)uis(pi'on le voit, en ITGO, livrer à la pi'incesse de Porlug^al un miroir
u surinoidc' d'ini Amour prêt à couromier la heauli' » (ixkjc 1(39).
Dans le nombre, il y a cerlainemeiil lieaucoup de pièces qui semhlent
avoir él('' ("ailes uniipienienl sui' les modèles de son j)ère, (Taulres cpii sont
dun goùl inférieur, man(|uant d'unité ou ti'oj) t'ontournées. ÙueUjucs-unes sont :
ingénieuse comnie le somowar dont la chaudière est formée par l'énorme
l)anse d'un Chinois g:rimacan(, à l'air ébahi: riche et puissante conime le pot à
anse et couvercle donl l'usage n'est pas bien délhii, mais dont le galbe et le
décor sont également l'c-ussis;
amusantes comme les boîtes
à é|)ices, les poivriers, les
salières, composés avec des
ustensiles variés que portent
des Indiens; ou encore les hui-
liers, très divers, dont l'un li-
gure un navire avec un màt
central séparant la co(|ue en
deux pour doîiner les évide-
ments destinés à mettre le
poivre et le sel.
D'un service de toilette, deux pièces seulement sul)sislent encore, un coffret
à bijuux et une boite à poudre dont la forme moulurée est encadrée dans
quatre consoles à mufles de lion; on sait, par M. G. Bapst, que la majeure partie
des objets composant ce service ont été dispersés à dilTérentes époques, mais
n'ont pas disparu puisqu'on en retrouve maintenant chez dilTérents collection
10
Tlu'iéro (le Fr.-Tli. ( rcrmain. cxéruloo ponr la Coiii
de Porliii;al.
— I7G —
neurs de France; le Musée ceiiLeiinal en possédait en effet un exemplaire plus
simple de décor, mais dont la construction était id('nti(iue. JNous donnons côte à
côte {page 170) les deux boites à poudre, et, certainement, celle qui était
exposée au Musée centennal devait être une répétition sortant de l'atelier de
Fr.-Tli. Germain.
Les pièces d'usai^e courant d'un décor simple étaient nondjreuses, d'une exé-
cution souple et précieuse : la platerie, la lliéière et la cafetière à côtes tour-
nantes nous donnent bien l'impression de celte oi-fèvrerie du dix-huilième siècle,
sobre mais cependant savoureuse.
Théière cl calVlii-rc t'xécuU'-cs par Fi'.-Tli. Ocrniaiii pour la ('.nui' cU' Poi'lujial.
Mais, si intéressante, si complète et si variée que soit la collection de la cour
de Portugal, c'est encore la Russie qui possède les œuvres les plus remarquables
de Fr.-Th. Germain (1). En premier lieu, il faut citer les trois surtouts com-
mandés en 1760 à l'artiste par l'impératrice Elisabeth (2), dont l'un mesure près
d'un mètre de largeur, sur 70 centimètres de hauteur; ce sont les pièces les plus
belles et les plus parfaites de toute l'orfèvrerie française. Le premier représente
Bacchus et l'Amour assis sur un rocher; à droite et à gauche se trouvent une
miette avec les attributs de la Folie et un petit garçon tenant deux tourterelles,
symbole de la tendresse. Le second représente un Amour jouant des castagnettes
et du tambour de basque. Le troisième, une petite fille jouant avec des tourte-
ilj Celle coUecUou fui exposée en 1885 à Sauit-Péler?l)ùui'fr, un .Musée du barou Sleifrlitz, cl le cata-
logue, qui ne contient pas moins de 2"Î0 pièces les plus remarquables de l'orfèvrerie fran(;aise, existe
dans la Bililiothèque de 1 Union centrale des arts décoratifs, au Pavillon de Marsan.
(2, Ils ne furent terminés qu'en 1*66. Ces trois magnifiques objets d'arl passèrent par succession de la
famille Soltikoiru la famille .MallielV. C'est de cette dernière que rempernu- de Russie les acheta,- vers 188"),
pour la somme de 300 000 roubles ^liOOOO francs) : ils se trouvent actuellement au palais de Gatchina, près
de Saint-Pétersbonrg.
icllc>>. l'.^l ce I'ilmIIi' Mil liiiil ;iiilii' -ciili il iii r iiiiimiil i|iii ,i iiiiMlfli' crv li^jnrcs
fll.illll.llllc^ ■'' ('.chi ^ciiihlc |>l nli.ililr Mciil iniiiinii^ riicoir ,111 |);il;iis dr l'clcilioll',
;"l Sailli I*(I(I--Imiiiil' , un iiiiinir m Idiiiic d n-i\i', vi-m'- rii hiiilcs |(||ic>- ilf l'"i;iii-
cois-TlioiiKis (IciiiKiiii ; lin ^ciNirc, ilil siirncdr /'r/r/s^ :iii |';il;i|v illliNcr, d'iiii
Im'I clVi'l, iii;ii-> (riiiic nicdiocic (incline: (|cii\ ^iiii|picrcs ;il)^(diiiiiiiil )i;ii(illo ;i
Ciin(l(''lal)i'i\ ooniposc et dessine- i)ai' .'. Hoëtlier^.
celles du i-oi (le Porluf:al, vl cuim une rlégante loiletle de vermeil appartenant
au graud-due Alexis.
D"aueun autre orfèvre du dixdiiiitième siècle il ne subsiste un pareil ensemble
d"(euvres renia r(|uables.
L'émule, pour ne pas dire le rival, de François-Thomas Germain fut Jacques
Roëttiers. L'existence de celui-ci, honnête, droite et glorieuse jusqu'au bout, fut
— 178 —
aussi paisible que l'autre fut troublée. Entre ees deux hommes, d'ailleurs si
difTérents, comme talent et caractère, ]o contraste est frappant. Si l'on doit i\v-
plorer que le petit nombre d'œuvres exécutées par le second et parvenues jusqu'à
nous ne pcrmc^ttent de porter sur son méi-ite qu'un juj;ement incomplet, nous
savons du moins qu'elles le plaçaient au premier ran^::, à la cour et parmi les
artistes de son temps.
Jacques lloëttiers appartenait à une i-iche famille d'artistes d'origine llamande,
qui fournit à la France, de IG82 à 177:2, quatre graveurs généraux des moiuiaies,
Surtout Uaoclius, conipusé el dessiiu' pai' .1. Uocllifr^
membres de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Son père, Robert
Roëttiers, après avoir été graveur général des monnaies en Angleterre, était venu
se réfugier en France, à la suite de la Révolution de 1688. et y était devenu, en
170 i, tailleur général des monnaies. Jacques naquit en 1707 ; il était l'aîné de
quatre enfants. Le roi d'Angleterre, Jacques III en personne, le tint sur les fonts
baptismaux, et la duchesse de Perth fut sa marraine. On voit que le futur orfèvre,
dès sa naissance, faisait déjà figure dans le monde. Il n'avait que 10 ans quand
il perdit son père, âgé de 71 ans, lequel s'était acquis, depuis son installation en
France, réputation et fortune, et possédait des terres, des fermes, notamment un
petit domaine à Ghoisy-le-Roi. C'est dans cette propriété que fut élevé le jeune
homme, et qu'il se prépara à suivre, comme graveur, la carrière où s'étaient
171)
•
illll^lrcs Iniis ses jiiciix. Mii-- lu ii-^(|iiiiiiciil il .iIkiiiiIoiiii.i icllc \(iic nu |i()iirl;iiil
l.ilil (le t'.icililcN sriiilil.iiciil s'iUiMir ilc\;iiil lui. ri oii ;i Imil lini i|c -ii|.|)()S('r
(Hlim ;;ciilil roiii.iii d .iiiKHir, cliaiiclic désirs |in'iiiiri»'s ;iiiii<''cs de ■^oii ;id<il('s-
cciirc, lui l;i ciiiisc dcl criililiaill c de m>ii (•|ian^'(MIM'lll de IM-soliiiioli c\ df s;i Vo-
calitin. i'.ii cllfl, le ji'iiiic .lari|iic> Udclliri's avait pour vdisiii de caiiiitai-'iK', à
Clioisy, le ci'lcltic (trlcxiT du roi, Nicolas Ucsiiicr, doiil la lillc, .Maric-Aiiiit', dans
Fût lie caiulclal)re. composé et dessinô ])ai" J. Roc-ttiers.
l'éclat de ses quinze ans, exerça sur lui, son camarade d'enfance, une irrc'sistible
séduction. Le vieux Besnier dut envisager sans déplaisir une alliance qui pouvait
lui donner à la fois un gendre très apparenté, et un successeur dans sa charge
à la cour.
Jacques Roëttiers commença tout d'abord chez Thomas Germain, puis chez
son futur beau-père, son apprentissage d'orfèvre et, dès le 17 juillet 1733, il
était admis à la maitrise. Par grande faveur pour lui, comme quinze ans plus
180
tard pour Fr.-Th. Gt'i-inaiii, les formalités du stage furent sensiblement abré-
gées. Sa connaissance du dessin, les succès précoces et sérieux qu'il avait
Soupière exécutée pour le Dauphin par J. Roi'-Uicrs.
remportés à TAcadémie de peinture et de sculpture, et surtout ses hautes rela-
tions, décidèrent la Compagnie des orfèvres à accueillir avec empressement une
telle recrue. L'année suivante, le (ijuin \'?)i, Jacques Roëttiers, âgé de 26 ans,
Deux projets de plateaux pour la soupière exécutée pour le Dauphin par J. Roëttiers.
épousait Marie-Anne Besnier. En même temps, il était nommé orfèvre ordinaire
du roi, et associé de son beau-père dont il obtenait, en 1738, la survivance et le
logement du Louvre.
C'est de cette époque que datent les premiers ouvrages d'orfèvrerie de Roët-
- INI
tiers. .Iiisi|ircii ITTJ, il ne ri'ss;i de riiiiiiiir [Miiir l.i cdiir iiiir i|ii;iiil ili' dr s.iiwcjlc
|>|•('(•i(•ll-^t• ; iii.iis li'N |ii(''C('«, r('iii,iri|ii;ililc'- iii;in|iii'r-^ ijii jx liiicoii iji- ^;i iii;ii^(»n <|iii
l'miirc une ;j(m|ici vmiiI |»(iiii- .liii'^i iliii' iiil i< iii\ ,iM("-. cl |i,ii';ii->vcii| ;i\(,ir r\r à
(K'ii [ires loiilcs (Ici niilcN.
I',ii |»;iil;iiil , iiii r|i:i|iilr(' |)i'(''C(''(|('iil , dii Itrrnril tir ilrssiii'< il'oi'fi'vro'it' de IMcrr'O
(icriiiaiii II, 11(111^ ,■|\(Hl-^ i';i|i|icl('' (|iii' ^('|ll des |i|;iiicli('> de cri oilM'Ji^c ;is;iii'iil l'Ii''
i:r;i\ ('('«> |>;ir .1 . Uiifl I icrs cl (inCllc'^ rc|in'>>cnl;ii('id •■ (|iic|(nics inoi-ccaiix dOrlf-
» Nrci'ic (|ii M cxcciilc art iicllcmciil |uiiii' Mnii<ci;jiiciir le haiipliiii ».
A dcrant de pièces aiil lienl 1(11^"-, nous avons |)eiis{'' (|ne les dessins eonvcr\('<;
dans eel on\i"a,u<' seraieni nn docnnieid d aniani |iliis |ir(''cien\ (|ne ialle^lalion <le
son coideniporain alliinie (|iie les pièces (nrdles re|)r(''senlenl avaienl ('h' cM'cnh'es
pour le Danpliin. Leur d(>slinali(Mi sérail au besoin ('((nlii'nH'e |iar roinenienlalion
de ces ouvra^^c's. les end)lènH'S el les ail ri! ml s (pii les di'corenl . Le /ml à nillr^ dont
le couvercle e>l sui'iuonh' par un dauphin doniplt' par l'Ainour ai'nu' d'une nia<sue,
et \c platcdii de la soupière [li(i</c 180), dont les anses sont formées par la r(''unioii
de diuix dauphins allroiUés, no peuvent laisser aueiin doute sur la hante destina-
lion (le ces |)ièees d'orfèvrerie. De la mènie époque datent d'autres pièces intéres-
santes (|ue nous trouvons (''fjalenient dans le Recueil de Pierre (lermaiii, telles
(jU(> le surtout tout à fait charinant [puf/c 178) ([ui est une (euvre de sculpture
pleine de mouvement et de vie. \1\\ groupe d'enfants, jouant avec des pampres
et un thyrse, et porté dans une coquille soutenue par deux ligures, Bacchus et
Vénus, forme la pièce du milieu. Le candélabre [pat/e 179), ou du moins le fût,
car les branches de lumière n'existent pas dans la gravure, est gracieusement
composé avec un enlacement de deux figures portant une palme, qui devait
servir de départ aux lumières.
De la même époque est le tlambeau {page 182) que nous empruntons au même
Recueil et qui a bien la caractéristique du style Louis XV vers 1750, et possède
en même temps le mérite de nous renseigner sur la manière de Jacques Roëttiers.
D'un autre coté, aucun historien ne s'est encore attaché à éclairer la biographie
de cet artiste, et ce que l'on sait de lui se borne à si peu de chose qu'il est bien
difficile de procéder par des aftlrmations catégoriques sur son genre de
talent II Ce qui est certain, c'est que durant les trente-cinq ans d'exercice de
sa profession, de 17o7 à 177:2, il paraît avoir suivi les différentes fluctuations
du goût et de la mode, se lançant d'abord avec une certaine exubérance dans la
rocaille, puis transformant sa manière, s'assagissant pour finir par les plus déli-
cates fantaisies du style Louis XVI. Au début, il dut, à coup sur, avoir à tenir
(1^ Les nieilltMir? renstMiriicmeiits bio^niphiques publiés jusqu'ici sur Roëttiers se bornent à la notice
donnée par Jal ilans son Dictionnaire hislorii/ue, et à rétude que M. Victor Advielle a donnée sur Roëttiers
dans la Collection des Mémoires de la Réunion de la Société des Beaux-Arts des départements XII,
p. 446-371.
— 182 —
compte du stock de modèles que lui avait laissés son beau-père et qui sans doute
étaient quelque peu surannés. Une des premières œuvres importantes où il eut
Toceasion de mettre quelque chose de sa personnalité dut être la vaisselle qu'il
exécuta en 1743 pour la Dauphine Maric-Thérèse-Antoinette, lors de son mariage;
on en parla avec éloges à la cour, elle lui fut payée 300000 livres. Mais, à cette
date, Th. Germain, dont la gloire éclipsait tout autour de lui, vivait encore.
Jacques Roëttiers, considéré comme
un (lél)utant, ne pouvait aspirer qu'à
l'exécution des commandes dédai-
gnées par l'illustre orfèvre, qui avait
été un moment son maître. Celui-ci
mort, et le jeune François-Thomas
(lermain ('tant devenu son voisin de
logement au Louvre, .1. Roëttiers
prit plus d'aj)lomI) e( partagea, avec
ce dernier, l'honneur tlavoir' à livrer
la vaisselle du Roi. Le Journal du
Garde-Meuble de l'année 1752 nous
indique (1) qu'il lit à cette époque,
en collaboration avec son remuant
confrère, le service de campagne de
Louis XV, comprenant une douzaine
de pièces. En fouillant les archives,
on trouverait probablement la men-
tion de ses principaux ouvrages pour
la Cour. Il est à remarquer cependant
que nous avons vainement cherché
son nom dans les Registres du Mi-
nistère des Affaires étrangères parmi
les orfèvres chargés des présents di-
plomatiques. De même, dans les Comptes des Menus plaisirs, il ne figure qu'à de
rares intervalles : en 1747, pour les anneaux d'or et d'argent qu'il fit lors du
second mariage du Dauphin, et pour une paire de flambeaux ciselés avec les
armes et la légende, qu'il factura 596 livres; en 1753, pour une boîte à éponge,
un flacon et un couteau à lame d'argent, payés 788 livres; en 1755, pour une
paire de flambeaux dont la façon seule est de 200 livres, etc. Ce ne sont là que
de menus ouvrages sans importance. Roëttiers exécuta pour le Roi, à diffé-
rentes époques, des pièces de premier ordre, comme les deux sucriers d'or
"s<^
Flambeau composé et dessiné par J. lloëttiei-:
(1) Journal du Garde-Meuble, Archives Nalionales, 0., 3314, p. 133.
IS.l
Porli-ail (le J.vcqlls llUÈTTIKUS, i)ar ^iL•()la^ Cochin.
(dahiitel des eslampes à la Bihliulhcquc luiliuiutle.)
IK.'i —
ju;;(''S si i-ciiKiriiii.ilili'^, (|m' ihiii-- la imccc mi lU liu'iii-aiciil , :iii ital.ii-^ «le \rr-
Saillcs. (III les |i|;ii;ill siiil'^ il("> NlIniK'^ |iliilc(| liiTv. Il ,i\;iil .•|ll->^i |)((Mr «liciil-
les |iriiici|i;iii\ |M'rs(>iliiaL;c-^ de la cdiir fl (|r-. ■-( •ii\ it;iiii'^ ('■( imii;_'c|-^. I.a |ilii-
f^rainlc [lailic de la iioMcn'^c v',ii||-cs^,iiI a lin |i(iiir Imil n- ipu l'I.iil oric^
\rrric sdij^iiiM", cl siirldiil jiicii uraxcc, car roi'iVîvrc giirdail au ((ciir I .uiKiiir
lie Cil ;iil (je la ma\(irc aiii|iic| il a\ail ciuisaciv'' sa jciiiicsx- cl ijaii^ lci|iic|
il aiiiail \oiilii s'illiisl rcr cdaiiiic sc> aiciix. Il v rcxciiail -ans cc-sc, (|iian<l le
sonci lii"^ alVail•c•^ le lui |icnncMail. C/t'Iail li' (h'Iasscnii'iil ilc I arli-lc rcsh'
lidclc a siMi |ircnnci' idcal. Les |iicccs (TorlcN rci'ic an\(|nc||cs il incllail la
main |Miiicn( la niar(|nc (\r cr lalcnl s|)(''(Mal du ;^ra\iMir en iin^daillc'^ : Nd
es! le lican siM'vice de laMc (|in se Iroiive aciiiellcineni an Palais dlliv(îr,
à Sainl-I*(''tei'slu)m'j4, (li'si^m'' sons le noni île srrvice O/Io//, \ciidn en l'uissie
|iai- des (Miiiiii'ôs tVaiieais. an nionienl de la lirvohilioii, ci (jne lloidlicrs
avait dn exi'ciiler j)()ni' (|neli|ne personnage de la conr; lelle est encore lai-
iznière de l'orme ovale et aplatie (jue possédait le harini Pi(dion, dans la
collection qn'il vendit en hSTS, et dont la ,L:i-avnre est pai'licnlierenietil remar-
(piablc.
Jacipies Roi'Itiors fut très certaiiioniLMil mi lionune f;ravc et silencienx, «pii
fuyait le brnit et aimait le calme de la vie de famille. Ce n'est pas lui qui am-ait
l'empli, comme son confrère Fi'.-Tli. (lermain, les f^azelles dn teni[)S de !•('•-
clanu's dilliyrambi(iues, ou organisé des expositions de son orfèvrerie, chaque
fois qu'il venait de livrer une fourniture de quelque conséquence. Nicolas Goehin
a fait de lui, en 1770, un superbe portrait (page 183), gravé par Augustin de Saint-
Aubin, et qui nous le montre en médaillon, vu de profil, Il a bien les traits que
fait supposer son caractère.
Après la déconfiture de Fi'ani;ois-Thom:is, il hérita d'une partie des tra-
vaux retirés désormais au malheureux orfèvre en faillite ; mais, à cette
époque, Roëttiers pensait déjà à se retirer des affaires, quoi({u'il n'eût pas
encore» cinquante ans, pour pouvoir s'adonner complètement à son art favori
de la gravure en médailles. Il était entouré de la considération de toute sa
corporation qui le nomma garde de l'Orfèvrerie, en 1754, puis grand garde en
1758 et 1761. Il souhaitait obtenir ses lettres de noblesse. Le roi les lui
accorda en 177:2, et il prit dès lors le nom de Jacques Roëttiers de Latour;
mais, en enregistrant ces lettres d'anoblissement, le Parlement spécifia que
celui qui en était l'objet ne pourrait plus, à l'avenir, exercer la profession
d'orfèvre, incompatible avec son nouveau titre. Cela n'était pas pour déplaire
à Roëttiers, qui s'empressa de prendre sa retraite et de donner la direction
de ses ateliers à ses deux fils. L'un, Alexandre-Louis Roëttiers, fort instruit,
devint le chef de la maison à partir de 1772. Mais il avait d'autres ambitions:
il abandomia l'orfèvrerie le 20 novembre 1775 et se fit nommer conseiller
— 186 —
de la Chambre des comptes. Il devint, en 1791, directeui- de la Monnaie de
Paris (l). L'autre, Jacques-Nicolas Roëttiers, reçu maître en 1765, fut le vrai
et digne successeur de son père. Ce fut lui qui, pendant les dernières années
du dix-huitième siècle, fit le plus d'affaires dans le corps de l'orfèvrerie, après
Lempereur et Mercier (2).
Quant au père, complètement repi'is parla gravure en médailles, il fut nommé
membre de l'Académie royale de peinture et de sculpture, et mourut aux Galeries
du Louvre, le 17 mai 1784, à l'âge de 77 ans.
Parmi les grands et précieux travaux de Jacques Roëttiers, nous ne devons pas
oublier ceux qu'il exécuta pour M'"" du Barry et dont nous parlerons au chapitre
suivant; mais, à cette époque, les œuvres de Roëttiers allaient s'imprégner du
goût nouveau qui dominait, et nous le verrons donner à l'orfèvrerie de style
Louis XVI qu'il exécuta i)our la favorite, le même charme cpi'il avait su im-
primer au style Louis XV, dont les gravures (piil avait signées dans le Recueil
de Pierre Germain II, et (jue nous avons reproduites plus haut, nous ont fait
apprécier l'élégance.
(1) Il se faisait appeler Louis RoëUiers de Monlaleut pour se (iistiiif;uer de son frère. Il est mort seu-
lement le 27 février 1855, en sa maison rue du Kour-Saint-fiei-maiu, n» o3. — Voir l'étude sur les Itoëtliers,
de Victor Advielle, et Journal-Dictionnaire historique.
(2) C'est ce qui ressort des registres de capitation consultés par .M. Germain Uapst, qui cite ce fait dans
son ouvrage. Inventaire de Marie-Josèplic de Saxe, paj^e 90.
Panier fleuri par Ranson.
FiapiiuMil (romNHlrcnu'nl «le la Ucliilinn (l( s Kèles du maria(;v «lu l)aii|iliin, ijV.I-
l)os>iii (lo Hlondcl.
CHAPITRE SIXIEME
La niaivjuiso do Pompadour ot son innuenco.
Tout à la Giuhmjuo. — Avonoinoul du stylo Louis XVL — M'"' du Barry
ol SOS prodigalilos. — Sos ooinniandos à roi'lôvi'o Hor^tliors.
Los boîtos ot los momis objots do styh* Louis WL
La oatasti'oplio do 1 750. — Conoupronoo fait<' à l'arûontorie
pai' la i)oroolaino. — Los industi'ios du siniilor ot du doublo.
La poterie d'olain.
OLs arrivons à un moment où les orfèvres dont nous
venons de parler, subissant les influences nouvelles,
vont pousser l'art dans des voies plus sages et, peu
à peu, changer Torienlation de leur manière. C'est
alors qu'apparaît une femme de goût, d'un sentiment
artistique très développé, et dans laquelle s'est in-
carné l'art de la seconde moitié du dix-huitième siècle :
— la marquise de Pompadour: — non pas que nous prétendions qu'elle ait eu
sur tout ce qui se rapporte à l'Art un système bien arrêté, mais elle avait reçu
des dons précieux, abondait en qualités charmantes, et savait s'entourer des
— 188 —
artistes en vogue, eoinrne Boucher, Van Loo, Pigalle et Drouais. Elle encourageait
les délDuts de Vien, tenait Bouchardon en grande estime, e( faisait de Guay, le
graveur en pierres fines, son collaborateur ordinaii-e.
jyjnie jg Pompadour a véritablement aimé l'art; elle lui a donné le meilleur de
son temps, se passionnant non seulement pour les oeuvres qu'elle achetait pour
emljellir ses demeures, mais sachant aussi provoquer par ses commandes et son
goût pour le luxe de l'ameublement, les recherches nouvelles. Son souvenir res-
tera attaché à l'art de cette époque, dans tout ce que cet art a eu d'intime, de
familier dans cet ensemble d'objets si divers cpie le dix-huitième siècle créa
à son image, et de particulièrement li('' à la vie de riiomnie pour entourer son
existence, pour la servir et la parer.
Ce ne sera pas seulement l'art «pie protégera la mai-quise; ce sont aussi les
créations utiles et les uioiiumcnts que le tenq)s respectera et qui prolongeront
dans l'avenir la i)0i)ularité d'une favorite. Elle transporta la fabrique de porce-
laines de Vincennes à Sèvres, et créa cette manufacture dont les produits, dotant
l'industrie française d'une porcelaine d'art, devaient enlever à la Saxe le tribut
que lui payait lEurope; elle fit déclarer Sèvres manufacture royale, comme la
Savonnerie et les Gobelins. Elle eut aussi l'heureuse pensée de compléter la noble
idée de Louis XIV, en donuant un pendant aux Invalides, par l'établissement d'une
Ecole militaire, où devaient être élevés les fils des soldats morts à l'ennemi (1).
Elle touchait à tout, elle se dépensait avec une activité dévorante, se répan-
dant en cent lieux et en mille choses. Elle trouvait nième le temps de faire œuvre
d'artiste et, sous la conduite de (iuay, elle s'essayait à l'art délicat de la gravure
à l'eau-forte, et reproduisait, dans une suite de soixante-neuf estampes qu'elle
faisait imprimer, les pierres gravées de son maître, des cachets, des allégories et
des trophées.
Elle faisait de fréquentes visites chez Lazare Duvaux. où elle trouvait à satis-
faire son goût de curieuse et de femme. Mais ce n'était pas seulement les objets
anciens qu'elle achetait chez ce marchand joaillier que Louis Courajod nous a fait
connaître par la publication de son Livre-Journal, en le faisant précéder d'une
Introduction savante où il révèle l'influence de la marquise, il nous la montre
également, commandant des montures de vases, des bronzes, des bijoux, des
pièces d'orfèvrerie pour elle et pour le roi, que Lazare Duvaux exécutait lui-même
ou faisait exécuter par les plus habiles de son temps.
C'est une curieuse figure que ce Lazare Duvaux : marchand mercier, il com-
mence par faire le commerce de la curiosité ; les documents contemporains le
qualifient indilTéremment de mercier, de bijoutier, de joaillier et d'orfèvre. De son
métier, il était fondeur, ciseleur, monteur en bronze, bijoutier et orfèvre dans le
1) De GuMCourt, ,)/""■ île Pompadour, page,-^ 178 et suivantes.
|S!>
^•'"^ ilcnic ilii mol, <|iiiii(|u il II ;iil |.iiii;ii, cii de iii;in|iii' m ,{,■ poiindii. Il
ol'lllll le lili\.'l >\i>\-\i'\ii- ji, //////!■/■ ,/i/ Uni. CrvI |,|i.|.;iMr|iiciil | i.ir -ml r «les |iri\i-
l(';;('s ;ill;i(|ii'v ,1 ce |i|ic d ,1 v['\\\\ de iniinlutnd snimiil In ('uiii\ iiiir |)ii\;m\ |'||(
Fac-similé de l'estampe de la Marquise de Pompadour
servant de frontispice à son Recueil d'estampes gradées à Ceau-forte ■
d'après les pierres gravées de Guay, graveur du Roi Louis XV.
dispensé de prendre son brevet de maîtrise parmi les orfèvres, et alTranchi vrai-
semblablement de l'obligation d'avoir un poinçon.
La fréiiuentation de nombreux amateurs, hommes de goût et d'éducation
raffinée (jui étaient ses clients, avait développé en lui l'appréciation des belles
— 190 —
choses, et la vue de ces (euvres variées et précieuses qui meublaient son magasin
lui avait appris les ressources du métier de ceux qui les avaient créées. Peu à
peu, pour satisfaire une clientèle qui avait confiance en lui, de marchand, il était
devenu bronzier, orfèvre et joaillier. Il fabriquait des bras, des girandoles et des
lustres; il montait des diamants, composait des bagues, des tabatières, des bon-
bonnières et boîtes de montres; il ciselait des pommeaux de cannes ; il faisait de
la vaisselle d'or et d'argent et l'exécutait sur des modèles qu'il demandait aux
plus célèbres modeleurs de l'époque.
Nombreux sont les objets décrits sonnnaircment dans son journal, qui témoi-
gnent de son habileté et des ressources don! il disposait.
Le n" 2087 signale une pièce d'orfèvrerie importante, avec (piati'c colonnes et
cassolettes en argent. Le n" 211(5, une grille de cheminée conqiosée d'un cygne
dans des roseaux : « Modèle fait exprès ». Quelle est sa pai't de travail? s'est-il
borné à l'inspirer, l'a-t-il ciselée lui-même, ou, l'ayant fondue, l'a-l-il conliée à
quelque éminent artiste, comme semble le penser M. Courajod, qui, pour une sa-
lière d'or retrouvée dans un catalogue de vente de 1780, indiquée comme ayant
appartenu à un sieur Collin, intendant de feu M""" la Marquise de Pompadour,
nous déci'it : « l'ue salière d'oi' exécutée par Auguste, orfèvre du lioi, d'après
)) les nu)dèles de Falconnet. La salière est représentée par un matelot assis sur
» une roche, tenant une huître: et la poivrière, un jeune garçon qui tient un
» sac sur lequel est représenté du poivre en grains; chacun ayant cinq pouces de
» hauteur (1). »
Dans tous les cas, il fabriipu- mènu' de l'orfèvrerie d'usage, puisqu'on le voit
fournir à M'"" de Pompadour et au Koi des nécessaires « garnis d'une écuelle avec
» son couvercle et son assiette, un gobelet, un couvert et son couteau en argent
» d'Allemagne, une lampe de nuit en argent de Paris, un marabout, un réchaud
» à esprit de vin, une boîte à double thé d'argent, une théière, un sucrier >>, et
à juger par le nombre d'ustensijes en argent que lui commanda Louis XV, qui
cependant avait des orfèvres comme Ballin, Roëttiers et Besnier, il faut bien
penser qu'aujourd'hui nous pouvons le considérer comme l'orfèvre attitré de
jypne ^^^, Pompadour et même du roi Louis XV.
. L'orfèvrerie des dernières années du règne de Louis XV porte déjà l'em-
preinte et les principaux caractères de ce qu'on est convenu d'appeler le style
Louis XVI, ce qui fait quelquefois confondre les œuvres de cette période de tran-
sition. Il ne faut point ouldier que, dès 1760, la mar({uise de Pompadour, bien
loin de favoriser, comme nous l'avons dit et comme on le croit assez générale-
ment, les folies du genre rocaille, se montrait fort entichée des œuvres d'un goût
plus sur, et encourageait de tout son pouvoir (qui était grand) et de toute son
(Ij Luuit; Courajod, Liore Journal de Lazare Dnvaur, IiiU'oduclioD, pages 72 à 7S.
l'.M —
lllllliciicf i|lll lui vi lirmcil^f |MHir I ;ill ri-;ilir;ii> les I r|i(liilicr ^ ;i|(|i il ni milles
ll(ill\ l'Iicv \cr^ I CIikIc (|c^ llloiiiliiii'ill ■- <\r I .ilil li|illl c. S.ilis ilulllr. s("- | tl'i 'l't •rciKT'S
|i;ir;ii'^vciil ;iMiir de ImiiI .nilics i|iii;iiil lc-> ili\ |Mfiiiicrcs .iiiikts de v.i loulr j»iiis-
s;iii((', fl ('('si ce (|iii |ii(ili,iMciiiciil ;i iiidiiil en «i rciir (|iic|i|iic- iiii> de ses lii^lo-
ru'ii'^, cl accrcdilc dc-^ idées r.iiisses sur ^i>\\ mie ;iu pdiul de \ ne ;ifl isliqiie.
A peiue ius|;ill(''(> ;i l:i eiiui' de \('rs;iilles, elle de\iul ;iussi(("»| |:i direciriee e|
l'ordduu.il liée de- |)l;ii-irs ii)\,iii\, cl son ,:j(''iiie de r;iiT;iii;jeiiieiil pour loni ee i|ui
Idiudie au iiiidiilier s'eiii|il(i\a, d,iii> les ii(iiiilM-eii\ palais (pi'elle lil e(tiis| riiire,
dails les iiieuliles ou dans les .iiiieuMeiiieiils (|u"elle iiiia^ilia.a mell re eu \ aleur'
leshle exislaill a l'Iieiire de siui a\ eiietiieiil . C'est ee ipii a lail dire aux (Veres
de ("loiieoiirl. avec un |icu d'e\a,L:(''ral ioii. «pie la Im'IIc iiiaiNpiise « es! la niarraiiic
du rococo » I . A C(' iiiiMiiciil, il esl très \ r;ii (pTelle l'aisail une lar;^<' |)lace, datis
son délicieux palais de l>elle\ue. ipie coiisl ruisail l'arcdiileele Lassiirancc, aux
/iirt/ucrirs, aux ineuMcs \eiilnis, eonlonnu's cl d(''(dii(piel(''s, rpi elle l'aisail venir
tMi (pianlilc de clic/ La/arc huvaux ["l-.
On baplisail de son nom « à la P()ni|iadonr », carrosses, lits, soplias, ineuds
de iidians, toni ce (pii scnildail èlrc le rcllcl de son élégance et de son prcs-
{[lic. Mais, dix ans plus lai'd, c'esl une com|)lè(e volte-face, ainsi (pie roui. jiisLe-
inciil reinai'(|U('' les ('crivains (pii, tels (|ue .M. de Noliiac (3y, ii"aj)plirjuent pas à
l'Iiisloire des procédés de romanciers, et contrôlent les fîiits avec des dates pré-
cises. Alors le caprice de M'"" dePompadour est entièrement acquis à l'art antique,
dont renlreticnnenl constamment les amis de son entourai^e, d'abord son oncle,
M. de Tourneiiem, surintendant des Beaux-Arts; ensuite son frère, le comte de
Vandièi'cs, devenu depuis, grâce à elle, marquis de Marigny, qui j)rit sa succes-
sion et fut, connue son oncle, directeur général des Bâtiments et des Beaux-Arts.
Elle l'avait envoyé en Italie étudier les chefs-d'œuvre classiques avec l'abbé
Leblanc l'archéologue, et Cochin le graveur, ce même Cochin qui avait lam^é,
contre l'orfèvrerie rocaille, la diatribe citée plus haut et qui venait de publier ses
O/iscrcadons sur les antiquités d' Herculanum. Ce fut la marquise qui, la première,
mit à la mode les meubles à la Grecque, inspirés de la décoration des édifices
anciens, et qui firent un moment fureur. « La manie du jour est de tout faire à la
Grecque », écrivait Rachaumont, le 22 avril 1764 (4). De son côté, Grimm disait :
« Tout se fait à la Grecque, la décoration extérieure et intérieure des bâtiments,
» les meubles, les étoffes..., les formes sont belles, nobles, agréables, au lieu
» qu'elles étaient tout arbitraires, bizarres et absurdes, il y a dix ou douze
» ans lo». L'orfèvrerie ne manque pas de sacrifier immédiatement à la fan-
1) (joncoiirt. Madame de Vompadow.
(2 Courajod. Journal de Lazare Duraiix (passini'. Introduction, page? 3G à iO.
■ 3: P. de Noltiac, Louis XV et .)/'"« de l'ompadour, d'après des documents inédits ,1904, 1 vol. in-lS .
4 Bachaumont, Mémoires secrets. II. p. o3.
."il Griuiui, Correspondance littéraire (Paris, 18-2!l, t. III. p. 12* .
— 192 —
taisie du iiiomciit, et l'on a, de Fr.-Tli. Germain, un j^i'ospeclus portant la date
du 24 janvier i7G(), annonçant la vente d'une collection de vases antiques (|ue
l'artiste ofï'rait au public et qu'il déclarait « ornés de bronze d'un goût exquis et
de la plus belle dorure » (1). Il déclarait en outre vouloir continuer ce genre de
production et « varier ingénieusenient les formes et les ornements de tous les
ouvrages d'argenterie ».
Les gravures des chiffres, devises, emblèmes e( armoiries donl les orfèvres
FrouLispice du Livre de cliifj'res. de Poucet fds.
agrémentaient leurs ouvrages, subissent les mêmes influences. Un dessinateur
du temps, Poiiget fds, graveur et joaillier, qui avait fait son apprenlisçàge chez le
joaillier Lempereur et y avait appris «à connaître les ressources de son art, nous a
laissé un volume intéressant de modèles de chiffres, emblèmes, devises et armoi-
ries ([ui reflètent le goût du jour.
Pouget avait trouvé auprès du frère de M'"" de Pompadour, le marquis de Mari-
gny, un protecteur éclairé auquel il avait voulu rendre hommage, et dans le fron-
tispice qu'il gravait et mettait en tète de son recueil, pour reconnaître l'appui et
les encouragements qu'il lui avait toujours donnés, il accompagnait la dédicace
(ly Mercure, ii" de janvier 11G6.
l'.l.t
(riiiic L'i'iiN iirr i|iic 111)11^ rc|ii(M|iii^(iii^ il (|iii iiKiiili'i' lin jnli -|m rnnrn ilr -mi t.iliiit
cl iinlii|ih' I .11 liiiiiiiMMicjil Nci'v cri ;iil |ilii- --iiii|ili\ iiiiiis nirorc iii.iiiif'n'', «iiii
,|,.\;iil ,|c\ciiir le v| \ le |,,,iii- W I (»ii Ir Miil, il sChiil dd m if,i---(' < |r l.'i |-(ir;illlr;
il cl.iil i'lc:.;;iiil cl ;i l;i mode, iii.ii'^ rr n'cliiil ciicnrc ipii' du s|\|c l'diiip.idoiir.
.NoM^ Ml' |M»--scd(i||^ lILlIlirlIlCllvcilIfllI i|lli' de ln"> IMIO |i|r(r- d < ilT< ' V rcric
aiillit'iirh|iic-- ;i\;i!il ;i|.|Milciiii ;i M'" dr l'uiii| i.idoii r, cl c'c-l ;iii Mii-i'c cciil ciiii.d
que iioiis dc\oiiN riicurcusc lorluiic i\(' les loiiii.iilic cl d;i\iMi' pu les ;i(|uiircr.
Saucici'i' (le la iiiar(|uiM' dr l'niiiiiailinir.
[Collecllon lie .l/""' liiinil.
Deux pièces aiTacliécs (pai'iiuel miracle?) à la destriiclion de lTo9 figuraient
au Musée eeiiteniial dans la colleeLion de M""' Bui'at. Ce sont deux saucières
dont lune a apparieiui au haron Piclion et l'autre à M. Leroux qui l'avait trouvée
à Nantes, en 18U), avec son ècriii d'origine. L'une d'elles avait jadis fait partie
de la collection de M. Paul Eudel qui en donne la description suivante :
« Le pied est formé par un cep portant le corps de la saucière et venant dé-
corer la panse. Le haut est divisé en compartiments décorés aux extrémités par
des feuilles de vigne et d'olivier; au centre, un écussou supporté par des griffons,
une couronne et les armoiries de la marquise. »
Les poinçons relevés par M. Eudel indiquent que la pièce (|u'il possédait a été
faliri([uée en 17').'), sous J.-J. Prévost, par l'orfèvre François Joubert (h; cette date
(l) C'est par erreur que le Calalo()ue dfs Musées ccntennuux avait atlril)ué la propriété de cette pièce
insigne à .M™e iiu Barry, puisi|ue la marquise était alors toute-pui.-^saule et ue mourut qu'en 176.).
11
— 191
et les armes de la mai'qiiise ne laissent aucun doute sur rattriljutioii que nous
avons faite, et donnent une valeur d'une insigne rareté à ce monument de l'orfè-
vrerie française à cette époque; nous devons remercier M""' Burat, non pas seu-
lement de les avoir su réunir, mais de les avoir prêtées aux organisateurs du
Musée centennal. On sait que la marquise fit fondre à la Monnaie son argentei'ie,
en 4759; mais cela n'empêcha pas qu'elle en avait, à sa mort, pour 087 000 livres,
dont 507 000 livres en vaisselle d'argent et 180000 livres en vaisselle d'or, ce qui
j)rouve à (piel jujinl elle poussa l'amour de ce genre de luxe. Que de chefs-
d'œuvre devaient se trouver dans une pareille collection! Quand on pense au
soin qu'elle prenait de ne s'entourer que des plus belles choses, que des objets de
l'art le plus raffiné, et (pie, lorscpTelle connnandait aux artistes ses ameuble-
nuMits, elle ne s'adressait (pi'aux plus habiles, à ceux dont la main-d'œuvre coû-
tait le {)luscher, on imagine sans peine ce ([ue pouvaient être les accessoires d'or
et d'argent destinés à paraître sur la tal)le où Louis le Bien-Aimé venait s'as-
seoir, dans l'intimité des petits api)arlements. Les fameux soupers auxquels n'as-
sistaient que les familiers, les courtisans admis par faveur toute spéciale, ne com-
portaient pas l'argenlerie monumentale des services d'apparat, qui avaient été
jus(pie-là en usage. M""" de Pompadour en imagina ime moins difficile à manier,
et de jtroporlions plus réduites, qui ne tai'da j)as à servir de modèle à toute
la Cour.
Ce fut à cette époque qu'à la demande de Louis W, on avait construit, pour
les soupers du roi, des tables mécaniques qui, mues par un ressort, montaient
d'elles-mêmes tontes servies du sous-sol au salon et au boutloir, otfrant les mets
et les friandises dont elles étaient couvertes aux convives stupéfaits, sans qu'il y
eût besoin de valets pour l'office.
Le fameux Loriot, qui exposa au Louvre, en 1769, une table de cette espèce,
surgissant du parquet au moindre signal, avec son service d'argenterie (1), eut
des imitateurs; et le buffet mouvant d'Arnoult ou la table à surprise de Guérin,
n'eurent rien à envier au guéridon volant installé par Loriot.
Le Musée des Arts décoratifs conserve dans ses collections l'aquarelle ori-
ginale de Guérin de Montpellier, montrant la construction du buffet mécanique
qu'il avait inventé, et qui, patronné par le marquis de Marigny, avait été installé
au château de la Muette; nous en dounons ici la reproduction {page 195).
Plus d'un grand seigneur, dans ces Folles qu'il était de bon ton de se faire
construire aux environs de Paris, et où l'on invitait ses amis à faire bojuie chère,
avec un laisser-aller très souvent libertin, possédait des tables mécaniques dans
le genre de celles qui avaient été faites pour les petits soupers de Louis XV;
sans doute, on n'aurait pu faire tenir sur ces tables légères les 230 pièces qui
(1) Voir Mercure de France. iuiiU(''r() de juillet 17(1'.).
\'.t:;
ènartl A^ CeshitimenS. Par Sen. ti-es hiunUe et très oiiMsaiu, ^ermteur (juerutjiis.
lUillVt iiK'Tani([iie de (auriii.
D'uprùs riuiuiirclle njipiirlpmtul aur riilleclioiis du Musée îles Arts (lécor;ili('s.]
— 197 —
(•()ll>lllli;iiriil ciiciin' ;i celle d.ile un service Itieil c(iiii|(lel d'iii-erileiie. iiiîlis de
plus en plus, une smiplicile rallinee, p;inni les plus iV-iiis (iV-lt'-.iiice, de\en;iil
un ^iMii'c (piiin iilVecl.iil de sui\ie, ,i l'nnihdiou des princes el <les princesses.
l'nt' CdUlunie de iille epiupie (pie linils I jdilX (Mis <|(''crile dîHIS une c|ir(ini(pie
de r(H'jl-d('-U(i'Ur en est l.i preu\ e l I I. • h;ills le Ite.ill lIKtllde, on soupe depuis
» ipielipies jours a la (' hic/irtlr^ c'csi-à-dire (priliic l'ois le service posi'* sur la
■> lahie, les doiiieslifpies disparaissaieni el al leiidaieiil , pour reiilrei', lelinilire
» d'iiue ( loclielte plac(''e près du inaiire ou de la inaiiresse de la iiiaisoii. »»
l.e duc de (a-oy, ipii |»ril part dans sa jeunesse a (pielques-uns de ces sou-
pers, parle de la iiberlc' avec la(|nelle clia(pie convive pouvait se sei'vir, el <lil
coninienl Louis W se servait Jui-mènie son calV'. - La salle ;i nianjrer élail diar-
•> niante et le sonpei' fort a,i:r(''al>le, sans ^èiie ; (Ui ir(''tail servi <pie par deux ou
" trois valets de la i:ai'de-i'ol>e, ipii se reliraient aj)rès vous avoir <l()nn('' ce qu'il
» l'allait (pie chacun eut devant soi » (^); une gravure du temps : <( le Souper lin »,
d'aprt's .Moreau le Jeuiio [page lîH)), nous montre ce (|n'(''taient l(^s r(''eeptions
iVrmées d'où les domesti(jues (''talent exclus.
N'oul)lions pas non |)lus (jue ee n'est (jue vers ee mAme temps que la salle a
manger til son appaiition dans les appartements: on mangeait dans n'importe
cpielh» pi(^'ee de la maison, aussi bien dans le salon, ou salle, (jue dans la cliambre
à coucher, ou dansla galerie comme à Versailles. C'cstde cette époque (''gaiement,
où l'on prit l'habitude de servir les mets sur les tables, que date cette orfèvrerie in-
Iniiment praticjue et li^gère, d'un usage facile, adaptc'e aux besoins du service et que
les plus petites mains des plus jolies duchesses pouvaient aisément faire circuler.
C'est alors aussi (ju'on commença à mettre des manches de bois aux cafe-
tières et théières d'argent, et l'invention parut si agréable que tout le monde
voulut l'appliquer. Il est probable que les manches de bois dont sont pourvues les
théières ou cafetières des époques précédentes, qui sont parvenues jusqu'à nous,
et ont été préservées de la destruction, ont été ajoutés après coup. Le Journal
de Lazare Duvaux contient cette note : « A Madame la Dauphine, pour la répara-
» tien faite à une cafetière d'or qui était creuée et bossuée ; ajouté une rosette
» d'or à l'endroit du manche que l'on a refait en ébène; 55 livres. »
h' Art du coutelier, de J.-J. Perret, publié à Paris, en 1771, nous détaille les
substances diverses employées pour ces manches, et l'on voit dans cet ouvrage
à quels prix souvent très élevés montaient les fa(;ons délicates et charmantes de
ces travaux. L'ébène, les bois vernis, le bois de fer, qu'on appelait alors bois de
Chine, étaient de l'emploi le plus journaher. La nacre, l'ivoire étaient rehaussés
de cannelures, d'incrustations, de rosettes et de filets d'or. On se servait aussi,
(1 Chronique de l'Œil-de-Iiœuf, t. III, p. 216.
(2) Le duc lie Croy, Mémoires, cités par M. de Nolhac : Louis XV et .V™« de Pompadour.
— 108 —
surtout pour les couteaux, de manches de porcelaine. M""' de Pompadour acheta,
en J758, à Lazare Duvaux, « 24 manches de couteaux de porcelaine en vert, peints
en guirlandes », qui lui revinrent à TiTC livres. Ce fut également la mode de pré-
parer soi-même son café, et Ton vit de mignons moulins h. café faire leur appa-
i-ilion dans la salle à manger. Comme Louis XV raffolait de cette boisson. M"" de
Pompadour en possédait bien entendu de toutes sortes, et l'on en vit un, lors
de sa vente après décès, le 24 janvier ITO^i, qui était en or, ciselé en ors de
couleur, représentant des branches de caféier. En un mot, l'orfèvrerie pénétrait
sous tontes les formes dans les moindres habitudes de la vie privée, elle
^y/in/iriii/sa/'f, se famiiian'saif si l'on |)('ut dire, se prêtait à tons les besoins,
en s"iiitro(hii'^ant dans tous les ran^s de la société.
La mar([uisc de Pompadour disparue, c'est la du Barry qui arrive et apporte
avec elle le rêve insensé d'une femme galante, une folie de dépense, une extrava-
gance de luxe. T^os origines de M"'* du Barry et son éducation n'avaient guère été
de nature à développer en elle le goût des arts; si elle eût l'cssend^lé en tous points
à ses pareilles, elle aurait pu tout compromettre. Heureusement elle demeura sans
influence réelle sur la marche des choses et elle crut de son rôle, non de continuer
celui de la marquise, mais de laisser aller les flots selon la pente indiquée (1).
Ce qu'il lui faut, à elle, c'est le luxe le plus raffiné, ce (|ui coûte le plus
cher, ce que la main-d'o'uvre du temps a produit de plus parfait : des robes,
des broderies à la main, des dentelles, des bijoux commandés au joaiUier Au-
bert dont le mémoire, pour l'année 1772 seule, monte à 544 OiO livres. Ceux
livrés par Boehmer, ses achats de porcelaines à la manufacture de Sèvres, ces
orfèvreries que Roéttiers fournissait, engloutissaient des sommes considérables.
Toutes ces belles choses, ces rares objets, demandaient un temple qui fût à
leur taille, un pavillon de fée qni fût dans sa grâce, dans la délicatesse de sa
magnificence, la digne demeure des arts mineurs du dix-huitième siècle. Ce
temple sera « Lucienne » élevé en trois mois par l'architecte Ledoux (2).
L'industrie du temps et les chefs-d'œuvre de la maîtrise des artisans y mon-
treront le suprême effort et le raffinement délicieux des élégances du dessin et
de l'habileté des artistes. Le ciseleur Gouthière y travaillera amoureusement le
bronze comme l'or ou l'argent, et les mémoires de ses fournitures, dont la bi-
bliothèque de Versailles nous a conservé des détails, ne montent pas à moins de
134218 livres (3).
(1) Paul Maiitz, Recherches mr l'orfèvrerie frnnçaiae. Gazelle des Beaur-Arh.)
(2) Eli. ft .1. r.oiicotirt, La du liarri/, édition d,- ISUl ; iii-18, page^ 117 a irtl.
(3) Bil)lii)Uit''(iiie de Vei'saillcs. Méiniiire» iiiamiscrits de (îdiithière.
En marge de son manuscrit, Gouthière reconnaît avoir reçu de M"'e du Barry la somme de 99 298 livres,
à laquelle ont été réglés les présents mémoires par .M. lloettiers, orfèvre du roi, le ,"51 décembre 1773.
10'J
c
aoi -
('.('•> iih'moii'c-^ piMii- iiii Ikhiiuic de m. 'lier sonf iinr l'i'vi'l.ilioii : iU (Ioiiik-iiI
;i\t'i' lin lii\i' (II' ilcl.iiU cl mil' ini'ci^iiHi mollir loutcs l(■^ pliiist'.s de l;i l'ahri-
(•;i(iiill, cl I Mil >>iiil !';iilis|c, |i;iN ,i |i;i-., diiiis
son li;i\;iil. l/cxccniion dc^ lnoii/c-^ tic l.'i
|ioi_::iicc d'cs|i;iu;iiolcllc s'idcvc ;i -1~H-1 li\rcs.
Le hoiiloii <\i' l;i |ioi-|c n ;i |»;c^ conlc moins ilc
t't'l li\rc-> (I). l-c iiiii^ci' di-s \r|s d(''cor;il ifs
posscdc nii d<' CCS lion|on-> iiclich' ;i l;i seule
<lc M. Lcopold hcnide. C/esl un idiel'-d (eii\ re
de iii,iin-d (cii\ re, ciselé comme mie [lièce
d"oiie\ relie, moiih' |ti-(''cieiisemeiil comme
un lujoii; il donne hieii la noie du lalenl de
ce! artiste merMMlIciix (|u'(''tail (ioiitliiere,
(jui s'iiilit niait ino(lest(Mnont cisc/ciir et <!<)-
renr des n/c/ii/s p/a/sirs du roi^ tjuai VvU('lic)\
à la lUniclr d'Or (:2V Mais (lOiithière iTexé-
culait que des bronzes d'anieublemont, que
nous l'eti-ouvous et pouvons admirer au-
jourd'hui au Musée du Louvre, dans
rincomparal)le eoUeetion de meubles du
dix-septième et i\\\ dix -huitième siècle
ipii appartenait au Mobilier de la cou-
ronne, et qui fut li'ansportée au Louvre
en 1903.
Les œuvres (pie les orfèvres exécutaient
pour la favorite n'étaient pas moins remarquables comme perfection de niain-
Boulon de porte de M""' du Hairy.
Ciselure de Goulhièi-e.
1; Extrait des mémoires de Goiithiére.
Modèle du bouton de la croisée fermant à basses-cules :
Pour avoir tourné un bouton en bois, y avoir modelé en cire une cou-
ronne de branches de myrthe, décorée du chitîre de Madame et ornée
d'une moulure à ruban percée à jour, le tout estimé avec le moulaj,'e
en «ire tirée d'épaisseur a la somme de 'iS 1.
Pour lavoir moulé en sable et fondu en cuivre avec sa plaque et soleil,
pour la ciselure du chiffre de Madame, coui'onne de myrthe, moulures
à rubans et soleils servant d'ornement sur la plaque avec des cha-
pelets, tous lesdits ornements bien évidés et percés à jour de même
que le fond de bouton qui est aussi ôvidé, v compris le cuivre et cise-
lure, le tout est .' Ifif.
Poin- la tournure, montage et ajustage celle de 72
Pour la dorure en or moulu bien surdorée, et mise en louleur matte,
celle de 120
Plus pour un fort i>oMton en dehors de lailite croisée estimé, cuivre, cize-
lure, mniitiH'e l't dorure compris à 3ii
Total du bouton 442 1.
2 Malgré sa grande renommée et les importants travaux qu il fit pendant sa vie, Gouthiére est mort
dans la misère. Après l'exécution de .M"'o du Barry, il réclamait a sa succession une somme de ■/.■;() 000 livres,
cpi'il ne put obtenir et fut obligé de solliciter une plaec; à l'hôpital où il mom-ut en 1S06. Son fils ayant
formé opposition sm- lindenniité revenant à la succession, en vertu de la loi du 2"î avril 182,'i. obtint un
arrêt ([ui obligea la succession à lui payer 32 000 francs.
_ 202
d'œuvre, mais presque toutes ont disparu. Si on veut retrouver une pièce d'or-
fèvrerie ayant appartenu à M'"" du Barry, c'est encore au Musée du Louvre qu'il
faut la chercher.
Dans une vilrine placée au mihcu dune des salles où resplendit le inoltilier
des dix-septième et dix-huitième siècles, est exposée une aiguière et sa cuvette
en cristal de roche nidiité en or. Elle jioric un [joinçon d'orfèvre V]. B., avec une
Aii;iiiùre el sa ciiveLlu en cristal de roclie montées en or,
e.vcculées pour M'"" du Barry.
croix de Malte comme dilterent. Nous n'avons pu identifier ce poinçon, ni re-
trouver le nom de l'orfèvre qui les avait exécutées. Ce sont deux pièces d'un
travail délicat et précieux : la cuvette est bordée d'une fine moulure d'or, et
l'anse de l'aiguière est formée par des filets rattachés par des algues dans les-
quelles se jouent des co({uillages rapportés et soudés, d'une ciselure particu-
lièrement savoureuse. Les déclarations faites par M"'° du Barry entre deux
guichets de la Conciergerie, après le jugement qui la condamnait à mort, indi-
quaient avec précision l'endroit où était caché ce petit chef-d'œuvre. Retrouvé
par les commissaires chargés d'opérer les pei'([uisitions à Louveciennes, il fut
probablement distrait de la vente, et réuni aux objets désignés par eux pour
Hoileb et Liljalicres.
[ÇoUeclions ril-.-lIcnn,. n.rnucl l-'n.nh cl G. lUun
Ihnlc. moiUrcs cl l)r(.-lo([iiet.
[Colleclion G. ISoin.
«I
— ÛOl —
rll'c (•(msc|-\<''^ (liills les iiiiisi-cs ri |i,il;ii^ de l.i ii;ilinii. De l;i, il dlll Ji.i^^cr MU
(lanlf Mciihlc, cl rlif lr;iii->|i(irli- .ni LmiMc (Hi imhi-^ l'iiMiii- rd roiu «•.
l/drlcN ic .l;ii(|iicv l;(M'|liciN cl.iil ^(tii rdiiiiii-^-riir ;il I il i'(' dc-^ r.iiim'T I '(i'.l ; ail
mois (le juin ITT.'., il ImihiuI ,i I;i laNniil.' |.i.iir iliIKilli li\rrs dr xai^vrlir (jnr <•!
(l'ar^fiil, sci-\ifcs ,!,• tahir cl (!.• loiirllc. Les iiM-iiioircs de ce -raiid srnl|.lcur
d'ai-f^ciilcrii' dccriNcnl l.ml ,iii Ion,:: coiiiiiir relui de (ioiil liicrr Ifs (iiTc\ rcrics
livr('(>s par lui cl dessin, •ni |m>iii- ainsi dire, a\ee les mois |e(diiii(|iies. le service
(!(> M"" du l>an\ exi'iiite de la /(/< mi lu l'Iiis fmr li ixirlrr ait plus litiiil (Ictjrr pinir
A' />(>//. el SU!' le(|U(d les plus lialtiles compagnons de l'orlcvrc |)asNerenl, pendant
des mois enliers, la iikmIic de leurs niiils.
lu eiiirelaceiiient de m\rllie cl de laurier esl la man|ue id connue la (l(!vise
i\v loiilcs les pièc(>s. Les llaiulieau\ a iiirandoh's avec leurs lèles de l)('li('rs et
leiu's i^uirlandcs de lauriers, li-iu-cnl les (piali'O ('léuienU et l'urcul pay('S à
Koel tiers l'2(»l,'> li\res; des pois a <iillc coui'onués |)ai' des jeux d'ciifants dans
des Iroplu'cs de tlècdies el de carfpiois l'aisaienl partie du service payé 20o91
livres. Le pol à lait en oi\ une vérilahle mei-veille d"après les deseriplions
d(uui(''es dans les in\entaires. coûtait à lui seul :27;)7 livi-es, el l(-s deux cuillers en
or à lusa^e personnel de la marquise ^054 livres (l).
Bientôt Targent n'est plus assez riche pour M""' du lîarry ; il lui prend
Tenvie d'avoir un service tout en or dont les emmanchements seront en « jaspe
sanguin ». Koëttiers livre ses cuillers à sucre en or où des Amours balancent
des guirlandes de roses, une cafetière d'or ornée de pieds et de rinceaux
anli(jues, ini pot au lait dor au bec creusé de canaux dans lequel se jouent
les feuilles de myrte, au couvercle à godrous saillants, couronné d'un groupe de
roses. Enfin c'est toute une toilette en or dont le dessin lui souiit et dont Koët-
tiers reçoit la commande. Tout Paris en parle; on dit que le Gouvernement a fait
avancer à Koëttiers les ([uinze cents marcs d'or qu'il demande pour se mettre à
l'œuvre. Les curieux se pressent chez l'orfèvre, et les plus favorisés racontent
qu'ils ont vu le miroir surmonté de deux Amours tenant une couronne.
Mais le scandale ou plutôt la dépense arrêtait le travail; et l'on trouve dans les
comptes de M"' du Barry une indemnité à Boéttiers pour une toilette d'orcommen-
\i'\ Comptes de .Mqji- du Barry. Itibl. iiat.. IVnnlb fr., .sKJ. .MéuiDires de .M.M. Hoëttiers père et tils, orfèvreà
ordinaires du Roy.
lie;,'. Deux petits chandeliers de t.dletti- :>:j(Ji.lS
Deux douzaines de couverts et quati'e douzaines de ujanclies lie
couteau 2.j4:V.2'<,6
Qujitre duublefonds de tei-rin.' et pois a oille i;?84'.18
1*70. Qu.itre douz.iines d'assiettes, liuit plats ovales et douze lland)oanx :iu:560i
Ouaire llaniije.iux à girandoles très riches siu- modèles nouveaux
représentant les quatre Eléments, enrichis de lètcs de béliers
et de oruirlandes ■ 12 01 5', 11
17"il. Un pot au lait en or orné de son chiffre entouré de guirlandes
de tleurs 2';37i,7
Service de table. 2 soupières, plateaux, plats ovales et ronds.
Couverts 20j91I.16
— 208 —
cée. «Quel a été le sort de ces splendides objets? La favorite n'en jouit guère. A
peine étaient-ils terminés que Louis XV mourait, et qu'éloignée de la cour, décriée
par ceux qui la veille recherchaient sa faveur, exilée à Pont-aux-Dames, elle ne pou-
vait plus songer aux brillantes réceptions de Louveciennes. La belle argenterie de
Roëttiers, les somptueux services d'or massif ne devaient plus sortir des coffres où
on les gardait enfermés. Quand, sous la Révolution, M'"'' du Rarry se vit menacée,
elle lit cacher ses trésors dans des trous creusés, çà et là, au milieu de ses jardins,
ou les confia à des amis sur lesquels elle croyait pouvoir compter. Mais le jour où
elle comparut devant le tribunal révolutionnaire, quand elle se vit condamnée à
mort, à demi morte de peur et à moite évanouie, dans l'espoir suprême de
faire changer l'horrible sentence, elle révéla à ses juges les cachettes où elle avait
mis son argenterie et ses bijoux. Avec une précision remarquable en un pareil mo-
ment, avec une mémoire véritablement surprenante, elle énuméra tout : le néces-
saire d'or, comprenant: plateau, théière, bouilloire, réchaud, pot à lait, grande
cafetière à chocolat, petite cafetière, écuelle, son couvert et son assiette, passoire,
cuiller, le tout d'or, et d'un travail très précieux, ajouta-t-elle, faisant observer
que les manches de ces objets étaient en jaspe sanguin. Elle donna la liste des
autres ouvrages exécutés par Roëttiers : le service en or, comprenant une douzaine
de couverts armoriés, quatre cuillères à sucre, deux cuillères à olives, une cuillère
à punch, douze cuillères à café, etc., etc. Elle cita le service de toilette en cristal de
roche garni d'or, son beau moutardier d'or (1), ses gobelets, ses innombrables boîtes
et bonbonnières, ses couteaux d'or à ôter la poudre du visage, ornés de petits cercles
de diamants. Elle indiqua la vaisselle d'argent enfouie dans les caves : dix dou-
zaines d'assiettes (elle rappelait même qu'il en manquait cinq exactement), dix-huit
ilambeaux dont trois à deux branches, une douzaine de casseroles, une grande et
une petite marmite, dix-neuf grandes cloches, soixante-quatre plats, le tout en ar-
gent... sans compter ce dont elle ne se souvenait pas, finit-elle par dire au bout de
cette déclaration in extremh. On fouilla Louveciennes. La Convention fit main
basse sur tous ces trésors; on trouva, pour ne parler que de l'orfèvrerie, une quan-
tité d'objets estimés : ceux en or, 60000 livres (il y en avait 89 marcs 6 onces);
ceux d'argent, 65000 livres (il y en avait 1419 marcs); ceux de vermeil,
4200 livres (il y en avait 84 marcs) (2). Tout cela fut-il vendu ou fondu à la Mon-
naie ou mis en lieu sûr? Nous l'ignorons. C'est un mystère que nos recherches
dans les Archives ne nous ont pas permis de percer.
Faut-il penser que, dans son trouble, la du Barry n'avait pas indic{ué toutes les
cachettes de son parc, non plus que les dépôts qu'elle avait pu faire chez des cul-
(1) Ce moutardier, orné Je bas-reliefs gravés, avait été livré par Roëttiers le !<=' juillet i7"3. 11 avait
coûté 5184 livres. Ces divers renseignements concernant l'argenterie de .\1™« du Barry sont extraits des
dossiers manuscrits de la Bibliothèque Nationale (Département des .Manuscrits, supplément français, 8 151
et 8158) et des Archives nationales (Dossiers Mr 116, et Mq 300).
(2) De (Concourt, M"""" du Warrij, appendice, page 400.
li\;it(Miix (prcllc avait (i|ilip('s. M. Victorien Saidmi, a i|iii un Imi- sZ-joiir ;i M;ifly
a |M"rnii> i|c (lonini' un lilnc niur^ a -^cs iiistiml^ ilr rincicur de- anliivc^ du
pass,'- d'iiii j);i\N (|iri| allcriiniiiir, cl i|Mi nncn\ (|in' pci'--iinnc connail Ic^ secrets
du cli.iliMii de M;iil\ l'I du l'axdltin de I ,(in\ ccicnnc- , n'aihnd pas ipu- loidc I or-
l'cM'cric i\(- la du \\a\\-\ ail cic fiunluc par la ( '.(ni\ cul ion cl croil (|nc ni le parc ni
les depo-.ilaires u inil ilil le dciuicr niiil.
han-> les premier^ Icuip^ de -.(Ui -^l'iour a .Marl\, M. \ . Sardoii \i-.ilail, le> eii\i-
rtniN, aimai! a l'aire parler le-- \ n'U\ du pax'- auMpu-ls il arracdiail irhcurciiscs coiili-
^lenee-^. L'un (reu\. «pii se sinivcnail d"a\nir \M M du Karrv et il'avdir- connu
l'ini do dépositaires de rar;^t'nlcric de la l'aNorilc, racoidait (|ira|)rc-s la liiAolnl ion
de ISÎS, un de ses \oisin> lui a\ait nnuiliH' (l(3S j)iî'c('S d'orfèvrerie (piil avail cspcM-i'-
\endrc pins racilenieni à celle ('■po(pie troublée que sous les rè;.'nes précédents.
Il a\ail lire loOIIO francs dr son li-('sor en le vendant à un orfèvre de Paris fjui s'est
liien i;ardt'' de d(''\(>ilei' l'orif^iiu' de sa li'on\aille.
Que soni de\eniu's les |)ièces du sei'vice de Uoëttiei'S? Où auraient [)assé les
l)(>au\ ustensiles d'or, avec les Anu)ni's balançant des jiuirlandes de roses, la
eafelièi'c ornée de rinceaux anti([ues et les autres merveilles décrites plus haut?
Faut-il espérer que nous veri'ons sortir un jour de quelque collection inconnue
ces spécimens probablement ex(piis de l'orfèvrerie de la fin du règ^ne de Louis XV?
ou bien, doit-on se résijiiier à ne plus jamais voir reparaître ces ouvrages qui au-
raient i>n le mieux nous renseigner sur le talent de Jacques Koëttiers dans ses
dei'uières manifestations !
Nous avons déjà parlé au chapitre précédent des boîtes et bonbonnières d'un
art parfois merveilleux, et dont plus que jamais raffolèrent grands seigneurs et
grandes dames de la cour; Marie-.Iosèphe de Saxe s'en fit une collection admirable
dont l'inventaire a été publié (1).
Celle (le M'"'' de Pompadour n'était pas estimée à moins de 300000 livres;
celle du prince de Conti, Louis-François de Bourbon (mort en 1776), en comprenait
près de huit cents. Tandis que certains grands seigneurs recherchaient les boîtes
à miniatures — comme le duc de Choiseul ou le duc de Richelieu qui en avaient
fait, en secret, décorer de sujets qu'ils n'auraient pu montrer au grand jour — ,
d'autres préféraient les tabatières somptueuses, étincelantes de diamants. Cette
mode gagnait les cours étrangères, et le Grand Frédéric faisait venir de Paris
toutes celles qu'il se plaisait à ajouter à la collection importante dont il avait
hérité (:2). Nous ne parlerons pas des autres objets usuels, en dehors de l'argen-
terie de table, que les orfèvres s'ingéniaient à accommoder aux fantaisies élé-
{V- Germain Bapst, Inventairn de Marie-Josèp/ie de >^a.re.
(■2) Feuillet «le Coiiclies. Canscries d'un ciirieur. t. If.
— 210 —
gantes de leur aristocratique clientèle, et dont le nombre aug^nientait sans cesse.
Il y avait, par exemple, les nécessaires de tous genres {[), ceux qui comprenaient
les objets indispensables pour faire un léger repas, — aiguières, tasses, cafetières,
chocolatières, etc., — ceux de la toilette, et ceux du bureau, ceux des hommes et
ceux des femmes. Il y avait aussi les ustensiles à ouvrages de dames, les ciseaux,
les navettes, les étuis à tlacon, à cure-dents; les étuis à aiguilles, les porte-crayons
et tire-bouchons en or, les étuis cylindriques à crochets en or ciselé, en ivoire, en
écaille incrusté et piqué d'or, dont la collection de M. Bernard Franck, exposée au
Musée centennal, nous montrait la richesse, la variété et l'élégance. Dans le re-
gistre des « Présents » offerts par le Koi à de grandes dames, à l'occasion de quelque
cérémonie importante, on Irouve très souvent des menlions telles que celles-ci :
lue boîte d'or émaillc' à doux tabacs, i 080 bvros. — lue boite d'or à coc|iiille,
"C)H livres. — l'iie boîte d'or pour femme, "Jiîo livres. — Une boîte d'or émaillée vert et bleu,
«j()() livres. — lue iia\etle d'or de couleurs, \:>.o livres. — l'ii flacon d'or, .'»()<) livres. — In
étui d'or émaillé, Goo livres. — Un étui d'or de couleurs, 3G() livres. — L'n couteau émaillé,
3on livres. — l'n couteau d'or de couleurs, '.VMJ livres, etc. {Fniirnilures de Diicrollnij).
— Deux étuis, «S'jo livres. — Deux navettes, tj'jH Visvci^iFotiriiilures de (tnraiid), etc., etc. {2].
bors du mariage du petit-lils de Louis XV avec la Dauphine Marie-Antoinette,
en 1770, la liste des cadeaux oiterts aux grands-écuyers, chambellans, dames
d'honneur, donne le vertige, tant on y voit figurer d'objets d'une magnificence
féerique fournis jiar les orfèvres ou les joailliers. A lui seul, Jacquemin, joaillier
de M™" de Pompadour, en livre pour 379374 livres (3). Rien (ju'une des boites d'or
mises dans la coi'beille de l'auguste mariée, surmontée du portrait du dauphin,
peint par Hall et entouré d'un cercle de 70 gros diamants, coûtait le prix de
7r)678 livres, sans le portrait, payé en dehors2664 livres. A l'occasion du mariage
du comte de Provence, en 1771, on donne aux dames d'atour des cadeaux égale-
ment somptueux: le mémoire de Sageret monte à 62 476 livres, pour 37 tabatières,
13 montres de 420 à 1500 livres, 15 étuis à cure-dents de 200 à 480 livres, des
flacons, des porte-crayons, etc., le tout en or gravé, ciselé, émaillé, ainsi que des
breloquets (4) composés d'une chaîne à sept branches, à trophée d'or de couleur,
d'un couteau à deux lames, d'une paire de ciseaux, d'un étui à cure-dents, d'un
flacon, d'un porte-crayon, d'un dé en or de couleur, dans des étuis d'ivoire garnis
d'or, avec des boutons de diamant, valant chacun 2200 livres. M"" de Caumont
reçoit pour sa part une boîte d'or à huit pans, de l 300 livres ; M"* de Beaumont,
une navette émaillée, à fond de tableau, de 900 livres ; M"" de Valentinois, une
(1) Lazare Duvaux mentionne dans son journal une quantité de nécessaires de tous genres qu'il ven-
dait à ses riches clients. Entre cent autres, citons celui que le 2i décembre 1752 il factura 3 966 livres pour
le roi Louis XV, dans lequel il y avait » des écuelles, gobelets, tasses, sucriers, garnis d'or ».
(2) Archives du .Ministère des A(îair>'S étrangères : Ilcgislres des Présents du Uoi, n.'iÔ à 1757, n" 437.
(3) Archives du Ministère des All'aires étrangères : Présents du Roi, n» 441.
(4) On voit, par cet exemple, ce qu'était alors un breloquet que les femmes s'attachaient à la cein-
ture, qui tombait sur le coté, et tous les genres d'ustensiles variés qu'il pouvait comprendre.
211
r:s^^^r.ja^i^^s. <.l <jL:
Collo.clioiis 'le MM. a. Puin et Doisiiu cl ik- M Vçrinnnl
NocessaiiL- et cluis en or el i)ieri-L> (liircs.
(CoLlccUoti Cl. lloin et Doislmi:
Dessins pour l)t>itcs on email.
[Colleclions du Musée des Arts décoratifs.
-ft -»trr>i,K;:<!S!i5H»X'LT.'
':'.':^r:~^
VV**«. >-. «<SE,V-
31-V-^T^ -'
A
r-y-- — 1
^ 'Eil-
*"^* — - r ■ t
Dessins de boîtes en or et cni.nil.
Collections (In Musée des Arls dérarnUfs.)
219 —
iinuilrc fiiMillcc ilf 1 «DM lisics, clc. |,c> ii;i\ ri Ic^, ce juli |ir|il oiilil i|iii
;iu\ ;;r;iiiili's (l.iiiic^ ;i l.iiic <\r<. iki-ikU cl du lild,
cl i|n"il clait (le iikhIc d'ciiiiMirlci' ;i\ ce ^(»i, i|ii;imiI on
.ill.iil cil \iNilc (III " |i;irlilci- ■• clic/ des ailliez, les iia-
\cllc>, (lis(iii>-ii(>iis, claiciil |ircs(|ii(' aussi Iniiiiiiedscs
(|iic le-- lalialicrc-^. l'as un (ii-rc\!c ne |>(tu\ail se jinsser
d'en a\(iir nii a>s(iiliiiiciil aussi riclie (|iie \aii(''. I.e
dt'ssinalciir Lahuidc en a coniposc' de délicieuses. Il y
en avail de 1res siin|i|es, en ivoire, en ('■caille, en
a,:^ale. en nacre ; daulres en or, lravinll(''es a jour.
avec des allrihiils, de^ sujels divers éniailh'-s au ini-
licu ; celle (|ue Ka/.are Duvaux vendit |>our ()!K) livres
a .M"" de l^oiiipadour ou IToo, était « eu or éniaillé à
ruhaus ». L'art eharinaut, déployé dans les moindres
(thjels tels (|ue ceux-ei, témoigne de la qualité du goût
cl de la vii'tuosité vraiment extraordinaire des artisans
du dix-liuiticMue siècle. Les couteaux eux-mêmes ser-
\ aient de |»i'(''le\t(* à de jolis décors; nous donnons ici
deux couteaux prêtés par M. Doistau, avec des cliilVres
en roses et des attributs en or de couleur d'un goût
charmant.
Les collections de MM. G. Boin, Cliappey, Bernard
Franck et Doistau, exposées au Musée centennal, nous
fournissent des exemples remarquables de cette orfè-
vrerie précieuse, et de la variété du décor de ces mille
menus objets qu'on trouvait dans tous les boudoirs et
pour ainsi dire dans toutes les maisons. Nous avons
réuni dans des planches hors texte quelques-uns des
plus intéressants et nous avons emprunté au petit
album appartenant aux collections du Musée des Arts
décoratifs, dont nous avons parlé au chapitre précé-
dent, quelques-unes des plus charmantes composi-
tions de ces habiles orfèvres.
•ci\ail
{
Une catastrophe, pareille à celle qui avail déjà
atteint cet art à la fm du règne de Louis XIV et sous
la Régence, contribua encore, en 17o9, à faire dispa-
raître à nouveau les plus beaux spécimens de l'argen-
terie. Les difficultés tinancières dans lesquelles eut à se débattre Louis XV don-
Cliiiitcaiix en or ciselé.
^Collection Doislnii.
220
lièrent à ce roi la maleiiconfrciisc idée de recourir au même expédient qui avait
si peu réussi à son aïeul, et, comme sous Louis XIV, l'orfèvrerie paya les frais de
la guerre. Il ordonna, lui aussi, la fonte des objets d'orfèvrerie. PayanI d'exemple,
il envoya presque toute la sienne à la Monnaie, à peu près pour 5400 marcs d'us-
lensiles d'or et d'argent, mais en faisant exception néanmoins pour les (euvres
les plus belles qui furent épargnées, telles que la célèbre toilette de la Daupliine,
qu'avait exécutée Thomas Germain, en 1726. Eu quelques jours, les princes du
sang, les seigneurs de la cour, les ministres, le maréchal de Ëelle-lsle, le duc
de Choiseul, la marquise de Pompadour même, se conformant aux décisions
royales, firent réduire en lingots leur riche vaisselle. Chaque soir, raconte l'avocat
Barbier (1), Louis XV se
faisait présenter la liste des
dévoués sujets (jui avaient
livré leur argenterie pour
(( prouver leur soumission à
Sa Majesté et leur zèle pour
le bien de l'État ». L'édit
du mois de novembre 1759
fut même étendu aux com-
muuaulés religieuses, le
Il mars 1700.
De la fin d'octobre 1759
j u s q u ' a u c o m m eue e ment
d'août 1700, la Monnaie re-
çut et convertit en espèces une quantité de pièces de vaisselle de toute sorte.
On peut voir, dans le Mercure de cette époque, la liste des personnes qui, bon
gré mal gré, firent à la Patrie- le sacrifice (ju'on leur demandait. J'ai hàle d'ajouter
que le sacrifice n'était pas purement gratuit: les pièces étaient pesées et esti-
mées, le roi payait le quart de la valeur en argent et pour le reste il donnait « des
contrats sur les États de Bretagne et de Languedoc, à raison de six pour cent ».
Quand on portait son argenterie à la Monnaie, on en sortait donc à demi
consolé; mais la vaisselle n'eu était pas moins perdue, et il n'est que trop certain
que, parmi les pièces qui furent ainsi détruites, beaucoup d'œuvres d'art ont dû
périr; Barbier, en annonçant ces mesures rigoureuses, croyait qu'elles auraient
pour résultat de « ruiner le corps des orfèvres et d'ôter le pain à tous les ouvriers
et les artistes qui en dépendent » (2).
Dessin tle boito en or à deux projcl;
(1) Barbier, Journal de la Régence, Vil" série, pages 200 et 201. « CeUe aventure va ruiner tout le corps
des orfèvres et ôter le pain à tous les ouvriers et artistes qui en dépendent et en même temps enrichir
toutes les manufactures de faïence et de porcelaine. »
(2) Paul .Maidz. Itfcherclies sur r/iisloire de l'Or/'evreric. — Gazette des Beaux-Arts, t. IV, 1861.
— ±2[ —
Il n'aMiil |i;i^ loiil à lail Inil ; car, si au (•oiniiinicciiiriil du sirclc, une l'ois le
saci-ilirc (Ir rar^^fiilcrir ciuixiiiiiiK', (tu ^'c'Iail icuiis a\('c plus d'culraiii a ru
(•,,iiiiii;iii(|ii- une ui'iiM' au\ ni-|V'vr('>, ccllr luis (lU \ a|i|n)rla uioiu-- <li' (lili;.'cucc.
(■,"cs| iiu luic uiimIc ui>u\clli', ccllt' de la iMtrcclaiuc, a\ail l'ail ^ou a|i|iai-il iou , cl
iiuc, >>(iU'^ rini|iulNi(iu i\i' M"" i\(' iNiuipaildur, (|ui ra\nii-.ail ilc hml -^nw |)(iu\<)if
la ci-caliiiu de la luauul'acl lU'c (\r Sc\rcs, clic s"(''lcudail a\cc une lapidih- iual-
Icudu.'. NiMi ~-cul<MUciil la li(tur;4(Mtisic cl les pclilcs ^'ciis, mais les plus riches
si'i"ueiu-s de la ctuu- ciueul des loi's uue \aissellc de raïencc ou (\i' |)Oi"cclainc.
Ce lui uu euu(MieuiiMil. Il V eu a\ail de lous les |(ii\. Ca'Wc (|ui (Hail raltri(|in'(;
à Sc\re>, ou «jui proxciiait de CJiiuc ou de Saxe, (piOii l'aisail revclir d orue-
uicul> eu ln'ou/c ci'-el('' par les ('.allicri ou les (ioulliicre, ou (pTou a;^r(''uieulair
de luoutiu'cs d'or cl d'arf^t'id les plus ra\issaules, coùlail des souiuies cou-i-
derahlcs.
l'iiis de< maiiulaclures sui'i;ir(Mil, cpii nîii'cnl à la portée de toutes les bourses
luie Nai-^^ellc couiuiode, propre, prali(pie, dont les modèles étaient copiés servi-
Icuienl. MHiuK's uu^'uic sur l(>s formes excellentes créées par les orfèvres. En peu
de leinp<. le succès en fut consacré. En province, dans les pays où les matières
ccramiipics claicul eu alioudauce, les fabriques existantes suivii-ent le inouvc-
uicul; à Paris, luie fabrique fondée au faubourg Saint-Antoine, par Honoré de
la Marre de Villici's, puis transférée rue Amelot, au Pont-aux-(^houx, obtint, en
l~S(), le patronage de Louis-Philippe-Joseph, duc d'Orléans, et fut autorisée à
uiarijucr ses produits des initiales du prince. Loi'S([u"à la U(''volution ce patro-
nage devenait compi'omettant, elle remplaça les initiales par la simple marque
u l'abriipie du Pont-aux-Choux », Ses produits jouissent encore aujourd'hui d'une
faveur marquée auprès des collectionneurs. Les faïences blanv^dies qui ont été
réunies au Musée des Arts décoratifs nous montrent ce qu'étaient les formes et
le décor que cette fabrique avait empruntés aux orfèvres.
A titi'c documentaire, nous reproduisons une soupière ovale et son plateau
en faïence l)lanche. Le décor en relief sur la panse et le couvercle de la sou-
pière, les cartouches à rocaille encadrés de chêne et de laurier, sur le plateau
ovale, la moulure à fdets rubanés sont bien œuvres d'orfèvres, et le moulage
sur la pièce en métal donnait au céramiste, en même temps que la forme, une
décoration si l)ien ajustée, si souple et si grasse, qu'on aurait pu les croire
composés pour la nouvelle matière. Peut-être quelque grand seigneur, sou-
cieux de conserver le souvenir de l'œuvre précieuse qu'il allait porter à la fonte
pour obéir aux prescriptions des édits, l'avait-il confiée au céramiste pour la
reproduire.
Une autre soupière avec son plateau, de forme ronde, mais dont le couvercle
a disparu, se ressent déjà dans sa composition de l'influence de M"' de Pompa-
dour. La forme moins tourmentée, les cannelures larges et puissantes ; les mou-
222 —
lures à rubans croisés, le plateau à (|ua(re motifs alternés d'écussons et de
{Musée des Arls décorn II fs.)
coquilles sur le niarli, le l)OUge orné de eaïuielures, didcrent du précédent et
niar(pient bien ri'volution (|ui se préj)are chez les artisles.
Assiettes en métal.
Motlî'U-s de itanehiine de. Serres de Diij)lessis.
Ces deux pièces, du plus haut intérêt, appartiennent au Mnséc des Arts déco-
ratifs, qui a réuni une série très suggestive des faïences l)lanches de la fin du dix
huitième siècle.
/, i>
^ .'^
Soupières en faïence du Ponl-au.\-Clu)u.\.
{Collcclionx lin Musée des Arls (h-cunitifs.]
.-.Mi
V
lluili--. plat .1 <-a(Vli^.,.es en I-.kmuv ,1u l'..nl-au v-C1.„u..
Collections ,iii Musécjh-s Arts dckurutifs.
- 227
Siiiu-iri'f CM l'aïciu-o.
(AAlection ilit Miiséc îles Arls <l(''cor;ilifs.)
I.f |.nllc Imilirr .le roiiiic n\;ilrr-,| ;iii--i lllir m'UM'c rli;irili;illl c il'dlirN rrric,
;iNrf >a tIt'fOlMlliMI llriiiic, SCS (|t'll\ ;il|scs ;i \r{i' ( l'ii 1 1 i 1 1 l.'i I l.l II I ;isl i< |ll( ' , floill. I('S
ailrs s'f|.aii(Uiissciii sur |;i roniic; son plalcaii sii|MTiciir, |.civ('' di-s (jualrc (.iiver-
I lires iiiTcssaircs iioiir rccf-
\ oir l(■^ caraCrs de I liiiilirr d
les Itdiicliolis, ('s| ciiradl'i' «le
llKillIlllcs oriM'c^ de riiicraiix
a ii('r\ lires conlminices. |,e
(•('rainiste ii'aNail <|u a le iii<»ii-
1er pour en l'aii'(; une (eiiMc
coinplèlc.
L"aifiiiièr(; à ('(juvercle ,
dont le Ijcc est décoré duii
masque grotesque, et la pause
ornée de cannelures creuses
et de godrons en l'elief; l'as-
sielte d(uil la bordure à lobes est formée de rinceaux saillants donnant naissance
aux bi'aiiehes Heuries ([ui di'corent le marli, ne laisseiil pas de doute non [)lus sur
l'origine du modèle en métal.
Nous donnons également {page :2'2:2) une assiette en faïence à marli décoré,
puis une autre exécutée en porcelaine sur les modèles que Duplessis créait pour
la Mauul'aelure de Sèvres, (pii les fabrique encore aujourdliui et leur a conservé
le nom de son auteur. Ces
pièces, dont les céramistes
empruntaient la facture aux
orfèvres de l'époque, sont si
bien faites pour le métal, que
nous avons vu de nos jours
les orfèvres reprendre les
modèles de Duplessis et les
exécuter en métal.
Enlln, nous reproduisons
une saucière en faïence à
panse lobée, avec une anse
à deux tiges aplaties entre-
croisées et reliées au corps par des feuillages servant de point d'attache, dont
la forme pratique s'accommode aussi bien au travail de l'orfèvre qu'à celui du
céramiste.
D'ailleurs, la eolleclion de Paul Eudel nous a conservé le dessin d'une sau-
cière en argent, à bord godrons, dont l'anse sortant d'une touffe de roseaux s'at-
12
Suucicrc en opl'è\ rerie.
{Collection P. Eudel.)
228 —
tache à la pause de la saucière de la mènie manière. Elle est gravée aux armes
de SainL-Lary et fut faite, en 1745, par César liaudry, sous rÉchaudel.
C'est bien là, le témoin palpable des échanges que se faisaient alors les deux
industries. 11 est indiscutable qu'au point de vue social c'était un progrès re-
mar(|iudjle, puisque le plus grand nomltre était appelé à bénéficier des avan-
tages de la nouvelle matière cérami(|ue. Au point de vue de l'art, les consé-
quences ne furent pas moins curieuses; et l'on n'y a peut-être pas assez réfléchi.
En eifet, si la vaisselle de porcelaine ou de faïence emprunta à ses débuts les
formes de l'orfèvrerie, à son tour, l'orfèvi'crie ne fut pas sans subir, ([uelques
années i)lus tard, par réciprocité )iaturelle, l'iulluence de la céramique. Car
celle-ci, tout en copiant les modèles de métal, dut en modifier, en atténuer les
reliefs excessifs (|ue le moulage n'aurait pas permis, ou (pii se seraient brisés sous
l'action du feu. De là les formes nécessairement mieux massées, plus homogènes,
moins iiérissées de motifs ne faisant pas corps avec l'ustensile. Ce fut une leçon
pour les orfèvres et ([ui ne contribua pas peu à les pi'éparer aux décors siniplifiés,
adhéreuts étroitement à la foi'ine gén(''i-ale des ol)jets. qu'on allait voir fleurir
avec le style Louis XVI.
Au moment même où avait lieu l'introduction de la |>orcelaine dans nutre
mobilier, un autre pluMiomène de même ordre se produisait, (jui devait aussi
agir sensiblement sur les destinées de l'orfèvrerie. Je veux jiarler des recherches,
(pii (lalciit de cette époque, pour inventer ou perfecfionnei* certains alliages à
base de cuivre, imitant l'or ou l'argent, et destinés à fournir aux orfèvres des
matières moins coûteuses que les métaux précieux, et à permettre « aux gens du
commun » d'avoir une vaisselle imitant l'argenterie des grands seigneurs. Cette
préoccupation n'annonce-t-elle pas la révolution qui va s'accomplir et qui absorbera
presque tout l'elYort du siècle qui suivra. Faire du simili-luxe, donner aux pauvres
dial)les l'illusion de l'élégance et de la richesse, et en même temps rendre acces-
sibles aux petites bourses, par la modicité du prix de la matière, les productions
de l'art qui jusqu'alors n'avaient été réservées qu'aux grosses fortunes, voihà ce à
quoi on commence à penser, dès le milieu du dix-huitième siècle. C'est le symp-
tôme de l'avènement des nouvelles couches sociales. C'est l'avertissement, qui va
de paii" avec les écrits des philosophes, et arrive au moment précis où Diderot
entreprend son Encyclopédie, qu'un nouvel ordre de choses va surgir 1
L'industrie du similor, des pierres fausses, des faux diamants, du strass {comme
on le baptisa dès l'abord, du nom de l'orfèvre allemand qui le créa) (I), fut la
première manifestation de ce genre de recherches. La fabrication des faux bijoux
devint une industrie spéciale, bientôt soumise à des règlements où l'on voit ceux
(1) Slrass (Georges-Fridéiic lut reçu maître-orfèvre-joaillier privilégié du roi, le lo mai HSi. 11 se
retira des ail'aires en 1152 et inoiirut en 1710.
\
I, Jb^^'-^ STRAS ^
l\/\a/T^cÂ(uic) Jcn/ctUcr du Roy cLmieu/rant
a Ririi Quay des Orfcu^es ii^ A(jr <)f Boicrjojj
Avertit Messieurs lufi^etUurS en otu^yre cU
iotd. Payj , Pr-ovi-nces cL NcLlu>n Cfu'd nosscJe
datis la ôurmc^f i>erjcclicm Le Sccrc-t <Le éncfu
y faire Les FcuiCcci lyLcuickc^ convine aussi cclLcs
\ 3c loullc! auJrcs couUcufj rCi/ll louUts iorLcs
f^^ôf P(C/V'CJ tfc's avafttaacicscrnr^f . èaaJcs <l- ^^'
zlta d Orteitl Ycru) Jf (a PaccJr-e à ' Or ^^
rfa-iu
jou/iaiJcrcz^
paria.i.C<: , et c/ti^crra. a. conàUcctta Quicotuju-c Ui
DuLmcinS (/t ciuifcj , P'Lcrrercc^ y.
— â^J9 --
(Mil s'v liviaii'lil ticsi-iicv s(iil>> If IKMII ilr Injuiiliiis-fiiiisscliirs, r\ crllr indu-.! lie,
,.,,11,1,,,. I,. r,.|ii,ir,|iic .le I .;i->t.'> l'ir. - tniiilia lolll dr --llllc cillrc lr^ lli;illl> (r(ill\ citTS
si li;il.ilf>, .in'cllc ciil un iiioiiinil de \.'iil;ihlc vo-iic- (II. Tiv^ prii d.' Iriiips
a|M-i's rt'dil de IT.'iM .|iii urdniiii,! I;i (onlr dr Idi-l'cN fcric, ce lui a (|iii, |ianiii les
iiivi'iilfiir^, propit^cfail un iiK-lal lum iiiar.lic (Milic U- siimlnr, il y cul le InmlHir,
If pinr/i/xr, l'or de Maiinliriiii . il > cul le nn'hil l.rlilaiir, sorte dallia-c df (iHlInir
jtU(io\ \i\t'. crlalaiilf, iiinlaiil l'or, doiil on lil dc> llaiiil.caiix cl des poiiinic- de
cjniue, el i|ui l'oiiniil le niolif d'une savaiile (•oiiiiiinilicalioli de (ieoIVroy dans les
Mthnnires de l' .Xcadmin' '1rs Scirnrcs ;
il V eut /(• tnrf'i/ '/ lu li'unc, allia-c
d'etam, d'anliinoiiie et de liisinulli.
ciuploy('' pour t'aire des llM'ièi'cs, des
eal'elieres, etc. Le très inti'rcssant
l-eeiieil des A/i/in/ircs, af/if/irs rf di-
ci't's avis, dan> Icipiel (Ui troiiNc lanl
(le (liMHuneiit- précis sur les in-
du>tries de celte ('poipu', sii^iiale
a loul iii--laiit des uouvcauU's de
l'cllc natiiie. Va\ l'Iiii. c'est le l'a-
jiricaut de lampes M((ssic/\ (\u'\ proue
s<>ii uictal t'ciiuoniiipu' : en ITcSl,
e"esl le t'iuuU'ur Baillot, qui « vend
toutes sortes d'ouvrages de sa coiii-
posiliou. imitaiil l'argent, savoir:
chandeliers. Itongeoirs, porte-hui-
liers, porte -moutardiers, salières,
coquetiers, couverts, couteaux de
table, sonnettes, etc. » : en 178:2,
c'est le doreur sur métaux Lafosse qui célèbre les vertus du métal de sa compo-
sition « aussi blanc que Targenl, dans le(piel il n'entre ni <'uivre ni aucun alliage
nuisible à la sanlé ». (-elui-là donne les prix des objets qu'il fabrique : le couvert
coûte 3 livres ; les cuillers à ragoût, même prix; les cuillers à potage, même
prix; les cuillers à café, lo sols, etc. L'habitude d'avoir chez soi de la vaisselle
en ces sortes de métal commençait si bien à se répandre en 1759, qu'au moment
où parut l'ordonnance de Louis XV sur l'orfèvrerie, défense avait été faite aux
ofticiers de l'armée de se servir d'autre chose que de vaisselle de « fer-blanc ».
Le duc de Luynes (:2), ((ui nous donne ce détail, nous indique, en outre, le prix
'yrcciCiuKS , cvz ûcit-irt'C ci tio-rj d'oeui/rc citCros''
Adresse de Strass.
''l{iI)HnlhL'qiie de l'Union centrale des nrls décoralifs.)
(1) F. de Lasleyrie. Ilis/oire de l'orfèvrerie 1S17. 1 vol. in-lS»), page 28i.
(2) Duc de Luyues, Mémoires, t. XVJ, page i'Ji.
— 230 —
que l'on payait. « Chaque assiette, dit-il, coûte un peu plus de 3 livres, et le
service le plus complet revient à 2001) livres. « Il faut ajouter que les métaux
communs étaient traités assez généralement par les orfèvres avec leur habileté
coutumière, et qu'ils en firent souvent de remarquables œuvres d'art. C'est ainsi
(jue, sur la liste des cadeaux offerts par Louis XV à l'ambassadeur turc, Saïd-
Méhémet Pacha, figuraient « deux grands brasiers de similor », ce qui prouvait
le cas que l'on faisait de cette matière. Il faut remarquer aussi que c'est vers
cette même date — 17G8 — que commença à s'introduire en France « le plaqué
anglais », c'est-à-dire la vaisselle de cuivre revêtue d'une mince couche d'ar-
gent qui avait l'aspect de l'argenterie vraie, tout en coûtant cinq fois moins cher.
Le procédé du plaqué est dû à Tiiomas Boslover, de Sheffield, mais il semble
que cette industrie, ((u'oii a appelée aussi le « doublé », avait pris naissance en
France, au début du dix-huitième siècle, car le Régent prit soin de la régle-
menter (1). Mais, pour prendre racine dans notre pays, il fallut qu'elle nous revînt
d'Angleterre. En 1770, une manufacture royale de vaisselle de cuivre doublé
d'argent, par le laminage à chaud des deux métaux en contact, fut fondée à Paris à
l'Hôtel de Fère, rue Beaubourg, au Marais (2), puis transférée dans le quartier du
Pont-aux-Choux, rue Popincourt ; elle était dirigée par un certain Degournay,
ingénieur du roi et inventeur de cette fabrication, qui prit rapidement de l'extension
et ne fut détrônée que vers le milieu du dix-neuvième siècle par la découverte de
l'argenture galvanique.
Cette extension ahinna même à ce point les orfèvres parisiens que plusieurs
d'entre eux — et non des moindres — adressèrent en 1772, au duc de la Vrillière,
un mémoire pour protester contre l'introduction en France de cette argenterie à
bas titre.
Leurs craintes n'étaient pas vaines, car cette industrie allait trouver dans les
faveurs royales une protection qu'elle n'osait pas espérer.
Louis XVI, qui charmait ses loisirs par les travaux manuels et mettait son idéal
dans la serrurerie, se préoccupant du moyen de satisfaire le goût des classes
intermédiaires pour l'orfèvrerie à bon marché, avait cru devoir favoriser la nou-
velle industi'ie en aidant de ses deniers personnels la création d'une fabrique de
plaqué établie rue de la Verrerie, à l'hôtel de Pomponne.
Cette fabrique, qui avait pour directeurs Marie-Joseph Tugot et son gendre,
Jacques Daumy, fit de tels progrès que Louis XVI leur permit de prendre le titre
de Manufacture royale, et lorsque la Cour des xVIonnaies, invitée par la corporation
des orfèvres, crut devoir prendre des mesures pour restreindre l'étendue du
privilège accordé aux entrepreneurs, le roi intervint de nouveau et les autorisa
(1) Voir Henry Ilavnrd, Diclionnaire de l'iuncuhlcment, au mot Double.
(2) Voir Mercure de France, avril mo.
|t;ir (Ic-^ lt'llri'-> palfiilc-- du 17 lll,•ll■~^ ITS" ;i " diMililcr cl |i|;i<|(ii'i' |r«, vases cl ii^lni-
siI^•■^ lie fiiivri' cl de viiinjoi' |iiii|tii'^ ;iii\ (•iiiiic--l iMcs ...
j'.l cciiclld;!!!! Icv |il;iiirln V de iiic|;il iiiivrv ru (rll\|i' d.ili^ l:i l.'dilM-.il ioil dil
ii|;i(|ii(' III' ^f |iii"'l;ii('iil ;:ii('ic ;i l.i la! ii'ii;i Ikhi d une ( irl l 'N niii' lu xiirii^r, ijiii aiii'ail
jiii laiit' < ciicunciicc au\ (Il Icv l'cs d'ar^jciil. Ni lrlia\ail dr nlrniilr au iiiariraii,
ni la Idiilc, ni la ciscliiii' iic |iiiii\aiciil ('In- cuiiiliis i"- Il rallail <{<• loiilc iH''cc>'^il(''
a\(iir |•l•^(Ull•>^ aux |in»C(''d(''s iii(''caiii(|ii('S du lour cl >\r I c>laiiiiia;jc, cL à la sou-
dure dclaiu |MMir n'Miiiir aux loniics des \asc-> ce i|u du a|i|iclail les ;.'aniitiir'cs,
c'ol-à-dirc les anses, It's |»ieds el les ornements en reliel'.
Soupière en plaqué de Pomponne.
{Collection du Musée des Arts dëconitifs.)
Los moyens restreints dont disposait la nouvelle industrie pour exécuter des
pièces ayant un caractère d'art semblaient donc devoir en retarder l'expansion, et
il fallut toute l'ingéniosité de Tugot et de Daumy pour produire des œuvres comme
la soupière en plaqué qui sortait de leurs ateliers et qui, ayant appartenu à
M. Alfred Darcel, l'érudit et fin connaisseur qui fut directeur du Musée de Cluny,
fait aujourd'hui partie des collections du Musée des Arts décoratifs, et témoigne
de leur savoir-faire, et de la qualité des œuvres qui sortaient des ateliers de l'hôtel
de Pomponne. « Grâce à ces habiles orfèvres, bien des bourgeois de Paris et de
» province purent placer sur leur table le luxe menteur d'une argenterie en
» cuivre (1). »
Mais ils avaient autour d'eux assez d'artistes habiles qui avaient jusque-là
il) t*.uil M.iiilz. Recherches sur Vorfei'vrrie française... Gazelle des Beaiix-Arls. t. XI. page 3j9.
._ 232 —
drèté leur concours aux orfèvres, pour créer des modèles dont l'exécution par
l'estampage devenait facile. Le Musée centennal nous offrait des pièces en
argent, notamment un sucrier de l'époque Louis XVI, qui, exécuté en fonte
et ciselure, est devenu le prototype des objets analogues exécutés en plaqué
par le procédé de l'estampage, qui s'est continué de nos jours d'une façon dé-
plorable à l'époque de la Restauration et de Louis-Philippe, non seulement par
les orfèvres plaqueurs, mais aussi par la fabrication de l'orfèvrerie en argent,
légère et à bon marché.
L'exécution des édits de KiST, 170:2 et 17a9 qui avait par trois fois porté un
coup si funeste h l'industrie de l'orfèvrerie, et fait disparaître la plupart des
belles œuvres exécutées sous Louis XIV et Louis XV, n'avait pas eu seulement
pour conséquence de donner un essor à la fabrication de la faïence et de la
porcelaine, mais avait également stimulé l'ingéniosité des inventeurs pour la
recherche des alliages de métaux qui pouvaient remplacer l'or et l'argent.
Nous avons dit plus haut que l'invention du plaqué était venue à son heure
pour substituer à la véritable argenterie une nouvelle vaisselle ayant les mêmes
usages et la même apparence. Il n'y aurait donc eu rien d'étonnant (ju'à la
même époque, la poterie d'étain qui avait été depuis si longtemps reléguée à la
cuisine, dans la demeure des pauvres gens ou dans les cabarets, ait fait de
nouveau son apparition, pour prendre, entre des mains habiles, un lustre nouveau.
L'étain était employé depuis longtemps, non seulement en Allemagne, en
Suisse et dans les Flandres, mais encore en France, à la confection d'objets
d'usage ou de décor.
Sa couleur blanche, sa malléabilité, son point de fusion peu élevé (228"), son
prix modique, ses propriétés sanitaires dans les usages de la cuisine et de la
table, en faisaient un métal précieux.
Au Moyen Age, il avait été admis par tolérance pour l'exécution des objets
du culte qui devaient être ordinairement d'or ou d'argent. M. Germain Bapst,
qui a fait une étude approfondie de ce métal, de ses usages et de la fabrication
des ustensiles en étain depuis les temps les plus reculés jusqu'au seizième
siècle, cite le texte de la délibération du Concile de Reims en 813, sous le
pape Léon III, qui prohibait toute espèce de matière pour la confection des
calices, autres que l'or, l'argent et l'étain; et ce dernier métal, autorisé seu-
lement pour les éghses pauvres. D'autres objets servant au culte, tels que les
burettes, plateaux, crosses d'évêques, boites à hosties, bénitiers, pouvaient être
également fabriqués en étain.
Dans la vie civile, l'étain a joué trois rôles principaux. Chez les paysans et dans
les cabarets, il était employé. à la confection d'objets usuels. Dans la bourgeoisie
— ^MM
il ('•(ail ili'Nfiiii Idrli-N l'i'fir (le lii\c, ri, cIkv Ii's -raiids scij^MM'iirs, il ir<''lail a<liiii--
(\u';\ la ciii^iiir, Toii^ lf-> \a'-i'-> a ImiU'i' : lniic^. (•all(•||(■^, cliniic^^ ri [lol- a Ihcit,
c'iaiciil tail> cii flaiii. Les plats, les asMi'lli"- <'l l«'^ (■iiicIIcn r(''lai('iil <"-ali'iiiciil .
Ki'iu'iii- l'ii l'Iaiii
( )i'('ill(' (l'i'curllr CM l'I ;iin
((jii.ilor/irinc >irclc .
[Ciillrrlioii ri ilcssin lie Viiilli-I h- Une.)
Viollcl K" hue cilc ilaiis son - Dictioniiaii'c du Moliilicr» des ('cuellcs en usage
au (|iial(Mvi('Miir siôclc, cl doimc le dessin d'une éeuelle h oreilles en forme de
licllc dune forme simple el éléi^anle. (ïcs oreilles étaient souvent très ornées.
Il n'i-n coulait pas davanlaiie de fondre dans des moules des oreilles délicatement
ouvrajiées. In dessin de Viollel le Duc en reproduit un type avec une tète en bas-
rclicfiruii slyle cxcellcnl (pii moiilrc (ju'à cette époque, l'ait appliipic aux objets
iisui'ls tenait une place aussi grande dans le mobilier de nos ancêtres que dans l'anti-
(piitc, avec j)lus de naïveté peut-être, mais avec un égal souci de la forme et de l'ap-
pro[)rialion à l'usage. Si grossière que soit la ma-
tière, si simple que soit l'exécution, on sent que,
dans ces époques lointaines, l'art avait pénétré
jusipu' dans les couches inférieures de la société.
C'est surtout au seizième siècle, avec Fran-
çois Briot en France et Gaspard Eiderlein en Al-
lemagne, qu'apparaissent les pièces décoratives
en étain qui ornaient les dressoirs des grands
seigneurs. Le plat et l'aiguière de la Tempérance
<le François loriot, qui appartenaient à Claude
Sauvageot et font aujourd'hui partie des collec-
tions du Louvre, étaient un merveilleux spé-
cimen de la nuiitrise de leur auteur.
François Briot, né à Montbéliard, était gra-
veur en médailles, et d'après les recherches de
M. Castan. bibliothécaire de la ville de Besançon, il avait la charge, rémunérée
par la ville, de l'essai au balancier de l'atelier monétaire. L'exemplaire du
Chope en étain seizième siècle].
[Colleclion G. Bapst.)
— 23-4 —
m^^M^^^m
licucUc on ctaiii (dix-scpl ii'mc siècle).
{Collcclldu If. i;<)iiilli(-l.)
Louvre porte, au-dessous de rombilie, reffigie de l'auteur avec ces mots :
<c Sculpcbat Franciscus Briot ». Cette médaille estime des pièces les plus remar-
quables de l'époque. On a longtemps discuté sur les procédés que dut employer
Briot pour l'exécution de ce chef-d'anivre. M. Chabouillet estimait ({ue l'original
avait dû être exécuté en ar-^ent
pour quel([ue grand seigneur, et
que les épreuves en étain que nous
retrouvons aujourd'hui, aussi liien
en Frauce qu'en AUemag-ne, n'é-
taient (jue les rcproduclions pai'
la fonte au salile et la ciselin'c de
la pièce en orfèvrerie; mais les
rcclierclies faites par M. Bapst et
l'opinion des artisles (pi'il a cousulb's sur le uuxle de fabrication de ce plat en
élaiu. lui on! fait admcKrc xiwc loul aulre version.
D'ailleurs Bi'iot était graveur en médailles et son nom n'ajiparail dans au-
cune liste des orfèvres de l'époque. Nul doute que le creux en métal dans lequel
il coulait les épreuves en étain avait été gravé par lui. L'habile ciseleur,
M. Brateau, qui devait, à la lin du dix-neuvième siècle, donner un nouveau lustre
à la fabrication des pièces d'art en étain, n'adincl |)as (pi'un moule en sable
puisse donner une telle netteté dans les fonds, une telle linesse dans les
reliefs, sur lesquels il est impossible de constater la retouche du ciselet. Briot
a dû faire le moule en métal gravé en creux, à. la manière des graveurs en mv-
dailles, dans lequel il coulait le métal en fusion. Nous verrons |dus tard, au dix-
neuvième siècle, tout le parti que M. Brateau a su tirer d'un ])rocédé qu'il a
eu l'habileté de retrouver et la maîtrise de remettre en homieur.
Les moules en métal, que ce soit du l)ronze, de la fonte de fer ou de l'acier,
ont dû certainement être employés parce qu'ils étaient les seuls jjratiques pour
obtenir les finesses aussi délicates
que celles que l'on trouve dans le
plat de la « Tempérance », et les
seuls qui puissent donner un nombre
indéfini d'exemplaires identiques au
modèle et sans retouche. C'était
d'ailleurs le procédé qu'employaient
couramment en France les potiers
d'étain pour la production des pièces
usuelles. M. Paul Eudel, dans son livre des Trucs et. Tniqueurs, dit avoir ren-
contré, chez un marchand d'étain d'une grande ville du Midi, des moules que
ce dernier avait trouvés dans l'atelier de son arrière-grand-père, et qui lui
Eciicllc (di\-liuitiènie siècle).
(Colleclion II. Bouilhet.)
L>n;
OrlcM-ci-ic d'claiii ilu dix huilirinc sied
[Collection II. Bouillu't.
!
— HWl —
S('i\ aient a rclaiic Ic-^ plal--, iisv,ic| |(•-^, l'oins lid h'v, cinllir-,, ^jolicIcK ou salières
(lii'il li\iail a sa clieiil clc de |iasv,ij_.,- am-i ijiie loiis -es inciiuv u^^l ri|s||rs (|ii'il
l(>lirillss;ii| ;iii\ i';jliscs (|e\illa;jes: liiirelles, ;is-
pei'soirs, iia\eltes, liciiiliers iMirlalifs, {'\i-
M. I>a|is|, dans la sa\anle cl Ires di nnnimlee
in(WM\i:ra|diie iinil a |iidiliee en I SS t siu' IClain,
pense (|ii(' |f-> n'iisres dee(H'ati\es de lîiidl r\ de
ses e(inle!n|i(irains ne Ini-enl (|n"nn eelair i|ni s"('-
tcij^iiil a\ee en\. I'",n IVanee, rerleN rei'ie d'(''lain
d'-elina i-a|iide;nenl , el. si clic cdiilinna en Alle-
ma^nc el en Suisse à |(r(Mlnii'e (|nel(|nes (en\res
avonaldes. ra|i|)ai'ili(ni de la inircelaine. i|ni allait
remplacer rari;(Mderie, tondue |tar (HmIi-c des rois
Louis \1\' cl Louis \\\ i-eh'^uait ce nn'lal a la
eui-iue (Ui dans les eaharels. M. JJa[)sl estime
(|ue, îiayaul plus de raison d'être, elle avait dû
disparaili'e de nos usages.
« Au premier abord, dit .M. I)apsl, (m eom-
» pi'end peu la corrélation (pii existe entre la
» suppression inoiiîentaiiée de l'argenterie dans ees temps malheureux, et la dis-
•) parilioii de l'étain. » Mais s'il est exact que rindustric de la l'aïcnee à Nevers
Pot à eau cliaiHli' vn iMaiii.
[(lolU'rlion l.il. (iiK'iin
Soiipicie et son jjlat en otain (ilix-lmitiènie siècle;.
{Collection II. Ikniilhet.)
etr.à Houon, en Lorraine et eu Provence se développa comme pai- euchantemenl,
et (pie la porcelaine remise en liouneur sm* nos tables princières remplaça l'ar-
— -23H —
genterie, il n'en est pas moins certain que l'industrie de l'étain pour la production
des objets usuels n'en continua pas moins, et qu'à Paris connne en province, les
potiers d'étain subsistaient encore. 0"^' '1* aient changé de clientèle, c'est possible,
mais il n'en esl pas moins vrai qu'on retrouve encore aujourd'hui des soupières,
écuelles, cafetières, théières, assiettes, plats, salières, etc., dont le style et la
composition sont bien dus à des artisans du dix-huitième siècle. Ce sont les
mêmes formes que celles de la véritable argenterie. C'est le même aspect déco-
ratif, si ce n'est pas la même finesse. Les reproductions que nous donnons dans
la planche de la page Soo en sont la déinonsti'ation évidente. La sou|)ière de
style Louis XV avec ses larges côtes si habilement modelées, avec son écusson en
relief et ses bordures ouvragées, la bouillotte si fermement moulurée {page 237)
sont certainement des onivres d'orfèvre que les propriétaires firent reproduire par
un potier d'étain j)our remplacer les pièces en argent qu'ils allaient porter à la
fonte. Il en est de même de ces écuelles, cafetières, théières et flambeaux qui
sont réunis dans cette planche et qui viennent à l'appui de notre opinion.
D'ailleurs, si (piehpies-unes de ces pièces porleut des poinçons étrangers,
d'autres proviennent certainement d'ateliers français puisque nous retrouvons,
dans les poinçons frappés au revers de ces pièces, les armes de nos villes de
province, Metz, Rouen, Dijon, Montpellier, Bordeaux, et nous n'avons certes pas
le droit aujourd'hui de méconnaître l'habileté et le goût des potiers d'étain du
dix-huitième siècle.
.5^
Corljcille llcuiic, pni' Uauson.
j^Jt iV'MVf' ,.^.i!^,'.^t^£.-.
Vase irorlcN rorio, pnv (^.liDtl'arfi.
CHAPITRE SEPTIEME
L'OrlV'vi'oi'io pondanl \o rôano do Louis XVI. — Les phases de la
(panst'oi'inatioii : nouveau.v décors; ncnivelles méfhodes. — Les
oriKMiianisles et les décorateurs. — Les ciseleurs et les orfèvres.
— Roberl-Joseph Aueuste, orfèvre du roi. — Conséquences de la
Révolution. — La fin d'un art.
ORSQUE commença le gouvernement de Louis XVI, il y
avait en réalité déjà plusieurs années que s'était ré-
pandu et imposé ce qu'on a appelé depuis le style
Louis XVI. Aux formes contournées avaient été substi-
tuées, ainsi que nous l'avons dit, les lignes droites, les
décorations équiliJDrées, et maintes œuvres architectu-
rales, comme les projets de Soufflot pour le Panthéon,
et de gracieux hôtels privés qui se construisaient dans Paris, montraient net-
tement dans quel sens s'opérait, chez les architectes, la réaction sortie de la
— 240 ~
lassitude des fadeurs mythologiques et des bergeries alambiquées de Boucher.
Le besoiu de réforme, qui se manifestait en art comme en politique, suivait lo-
giquement et graduellement sa voie, pour ainsi dire sans secousse ni brusque
transition. Le Cours d architecture, de J. -François Blondel, publié en 1771, ne fit
que donner une sanction h une révolution qui était déjà accomplie à cette date
dans le monde des ornemanistes et des industries décoratives. Depuis 1770,
il n'était plus permis de puiser les motifs ornementaux ailleurs que dans les
réminiscences antiques: Sphinx, trépieds, rinceaux, -têtes de béliers, accom-
pagnés d'attributs suggérés par la sentimentalité particulière à cette époque,
tels que flambeaux d'hyménée, cœurs, arcs et carquois, groupes d'instru-
ments de musique champêtre, paniers fleuris et outils de jardinage, colombes
et tourterelles, avec force rubans flottants dans les enroulements d'un feuil-
lage gracieusement détaillé. Voilà les éléments que les dessinateurs Salem-
bier, Delafosse, Prieur ou Forty donnent en modèle à tous les ouvriers de
l'ameublement. A coup sur, les interprétations étaient bien un peu puc-riles,
elles ne trahissaient guère mieux une connaissance exacte de l'antiquité,
que les chaumières du petit Trianon ne donnèrent l'image de la vie rustique
que pensait évoquer Marie-Antoinette. Mais il y avait dans ces artifices, dans
cet art un peu grêle et menu, un sentiment si |)articulier d'élégance et de
goût, qu'on y sentait un nouvel et fidèle reflet de la société française et de
notre génie national. H est impossible de pousser plus loin qu'on ne le fit à
cette époque l'exéculion précieuse des motifs d'ornements pour le bois ou le
métal.
Nous touchons au moment précis oîi l'art des ciseleurs a produit ses plus
fines merveilles. Jean-Louis Prieur, sculpteur-ciseleur et doreur du roi, exécutait
les bronzes dorés du carrosse qui figurait au sacre de Louis XVI; Gouthière, qui
s'était déjà fait remarquer dans l'exécution précieuse des serrures et des bronzes
du pavillon que le roi Louis XV avait fait construire à Louveciennes pour M"" du
Barry, et qui devait plus tard exécuter pour la reine Marie-Antoinette les meubles
qu'elle commandait pour Versailles et Trianon, n'appartenaient, ni l'un ni l'autre,
au corps de l'orfèvrerie de Paris, mais les bronzes qu'ils ont laissés sont achevés
comme l'argent, et ciselés à rendre jaloux les orfèvres les plus habiles.
Marie-Antoinette, (pii fuyait à Trianon les rigueurs de l'étiquette de Ver-
sailles, ne recherchait pas dans l'orfèvrerie la satisfaction de ses élégances. Le
mobilier intime avait ses préférences et le luxe de la table ne la touchait pas ;
aussi nous voyons à ce moment l'orfèvrerie se faire de plus en plus commode et
utilitaire, appropriée aux manières nouvelles de vivre et obéissant aux caprices
ou aux excentricités de la mode qui, pour le costume comme pour le reste,
cédait alors parfois à d'étranges bizarreries. Bien entendu, on ne voyait plus
sur les tables des salles à manger les vastes et monumentaux surtouts ou dor-
— 2M —
m;iiiU I), ilniil l'iisnL'c .iN.iil ilcciili'iiicnl (|is|i;ini M.iis, |);ii- conli-c, mi pfil I li;i
hillldc <l«' (li-^|M)-^cr ^^||• Ic^ hihli"^ IimiI un iikumIi' dr llclirs, (i JtrlMlNlrs, i|r |m'IiIv
mu^ificiiN (Hi (le licr^cr^ en iiiiiiiiiliiic, ^nil m orl'cN rcric, soil en (•('•r;iiiiii|(if,
(|iii loiiii.iiciil ilf-> ;4r(Mi|M's |iil l(ir('S(Hi('s on scnl iiiiciil;iii\, des >-ccii('^ dOpcrîi
all('ii(lfis^;iiil('s, M'rliKMix's on l('l:^l•(•^. l ne des (•(»in('Mli('s de L;i ( lliaii'-^cc, / l-'.mlr
lies nKiris \^1''', raille ce lidicnic (lan-> l(•>^ Ncrs snivanis ;
Il l.iiil cire sorruM' [loin' saxoir ce (|ii «m inaii^»';
(i('s( ciu'orc ;ui dcsscrl (Ui | ai n de |iili('
I )(' lums \(iir assoiniiicr d un fatras de NciTudlcs,
(lanu de maniioiiscls cl d aihiislcs coidiis,
(^hn l'oiil un li<us ladli< (ui lOu \\v se voil plus...
iNuir les dcsscrls, on iniaiiiiia iiirnic (ror^aiiiscr, en f^uisc de sni'loids, des
si'iMies (le llK'àlro avec des [icrsomiagcs iniiiuscules ligui'ant des jcnx de conK'dic
coiimis. (",(' fnt aussi lo Iciiips de la vogue dos surlouts à fond do glace. l*oiu- «'pai'-
gner les porcelaines fragiles, on adopta l'usage, vers 1775, de poser des miroirs
sous les pièces d'orfèvrerie, les (ahles pai'ui'enl |)lus rutilantes, et les dames d'un
rapide coup d'œil pouvaient véritîer, pendant le repas, si nul détail de leur ajus-
tement ne laissait rien à désirer, si la mouche assassine était bien à sa place, ou
s'il ne convenait pas d'aviver d'un peu de rouge les lèvres pâlissantes.
Durant la période qui va de 1770 à 1785, les occasions de commander de belles
pièces d'orfèvrerie ne semblent pas avoir manqué k la cour de France. Après les
cérémonies du mariage de Marie-Antoinette, qui donnèrent lieu à des fêtes
magnitujues, où l'on put se croire un moment revenu au temps des fabuleuses
dépenses de Louis XV, et pour lesquelles les orfèvres durent faire un efTort consi-
déi-able de production, il y eut un peu d'accalmie. Le mariage du comte de Pro-
vence, en 1771, celui du comte d'Artois, en 1773, furent pourtant autant de pré-
textes à riches cadeaux. Ne fallait-il pas ainsi mettre au goût du jour la vieille
vaisselle qui datait des débuts du roi défunt Louis le Bien-Aimé et dont personne
ne voulait plus ? Malgré tout, le coup porté à l'orfèvrerie par la porcelaine et la
faïence se faisait de plus en plus sentir. xMarie-Antoinette aimait le luxe, les bi-
joux, les parures; elle avait, pour sa table, des ustensiles d'or et d'argent de l'art
le plus précieux; mais elle n'aimait pas moins que M"° de Pompadour les porce-
laines de Sèvres et encourageait par son exemple l'emploi de la céramique^ qui
était entrée décidément dans les mœurs, et commandait h. Sèvres les jattes, les bols
(1 On donnait au ilix-huilirnie siècle le nom de donnant a la pièce centrale du surtout de tal)le qui.
dressée au commencement du dîner, restait sans être renouvelée jusqu'au dessert. Aux banquets officiels,
tels que ceux qui étaient donnés à l'Hôtel di- Ville ou à Versailles, et dont les gravures nous ont gardé le
souvenir, on voyait de ces énormes dormants. Lors du mariage du prince de Guéménée avec M"" de Lou-
bére, il y avait, dit le Mercure de février fîiil, au milieu de la table, un dormant de 45 pieds de long, sur
ti pieds 'de large, qui représentait le temple de l'Hymen, avec deux péristyles. D'un côté de ce dormant
était la figure de Mars, avec tous ses attributs: de l'autre côté, celle de .Mercure avec les Arts.
•2 -Vcte ni, scène i.
- 242 —
et les tasses en porcelaine de sa laiterie de ïrianon. En réalité, les orfèvres français
étaient alors moins occupés aux ustensiles de la table qu'aux mille bagatelles que
faisait naître la mode, aux nécessaires, boîtes, bonbonnières, bibelots en tous
genres, exécutés, il faut le dire, avec un goût exquis et une perfection singulière.
Quand le roi Louis XVI commanda, en 1784, un certain nombre de pièces
d'orfèvrerie, qui avaient été envoyées au Sultan, en même temps que d'autres
cadeaux splendides, ce fut un événement. Tout Paris voulut aller voir la table en
argent doré, ornée de ses vingt-quatre plats accompagnés de leurs cloches, qui
faisaient partie de ces présents. Ce n'était pas un chef-d'œuvre, et le tout ne valait
guère plus de GO 000 livres. Mais il y avait une cassolette d'or, enrichie de dia-
mants, rubis et émeraudes, avec son plateau et l'aspersoir, qu'on avait payée plus
de 18000 livres. Il y avait des buires avec leurs bassins, des fusils et des pistolets
montés en or de couleur, etc.
Cette année 178i, la somme dépensée pour cadeaux diplomatiques par le mi-
nistère des Affaires étrangères fut de 40378:2 livres. L'année suivante, elle était
l'éduite à 23'2848 livres, et elle n'était plus rpie de loi 702 livres en 178(). N'y a-t-il
pas, dans cette dimiimtion graduelle des présents faits par le roi, comme un signe
précui'seur des événements ((ui vont surgir. Le luxe se faisait timide aux approches
de 1780; il ne s'aftichait plus avec l'ostentation d'autrefois. On mettait plus que
jamais des raftlnements dans les objets servant aux usages de la vie intime, mais
on supprimait cha({ue jour un peu plus ce (\in n'y remplissait qu'iui rôle d'apparat.
L'orfèvrerie de table cédait le pas à ce qu'on pourrait appeler une orfèvrerie
d'étagère, comprenant tous les petits et jolis colifichets dont il était de bon ton
de s'entourer, étuis, flacons, navettes ou tabatières, ce qui peut se mettre dans
la main ou se cacher dans la poche.
C'est alors que triompha cet art merveilleux de la ciselure dans lexécution de
ces menus objets qui servaient aux cadeaux diplomatiques, et se trouvaient dans
toutes les mains. Le l)ijou. même inutile, devint une sorte de frénésie. « Qu'ils
prisent ou non du tabac, les hommes avaient, dit Mercier, des boîtes pour chaque
saison. » Il était de bon goût d'en changer tous les jours. Lorsque le prince de
Conti mourut, en 1778, il laissa près de huit cents tabatières. Un peu plus tard, il
était d'une suprême élégance de porter deux montres, et le vieux maréchal de
Richelieu fut un des premiers à adopter cette mode. En façonnant les flacons pour
les eaux de senteur, les étuis que les coquettes avaient sur leurs tables, les cro-
chets qu'elles suspendaient à leur ceinture, les boîtes à poudre qui décoraient
leurs toilettes, les orfèvres mélangeaient volontiers des ors de couleur et tiraient de
cette association des effets harmonieux et charmants. Mercier va jusqu'à prétendre
que, pour venir à bout de certaines dames aux mœurs faciles, « il suffit de changer
leur navette, leur étui, leur boîte, parce que l'or n'est pas de plusieurs couleurs,
et qu'il est indispensable à cet égard que la mode soit constamment suivie ».
— 2i:j —
Le Milscc (fiili'iiiial lie IIKIII, <|ili iioii^ .1 luiliiii r(tcc;isi(»ii (r;MliiiilTf 1rs ro|-
Ifclioiiv (le !•(•-. iiiciiiis i»|i|i'K, (iniil iKiiiN a\(»ii^ '''',1'' |i''irl'' "l;iii'- \r "IliihIit |>r(''-
cfili'iil, iichiil |i,iN iii(iiii>> rirlii' en |ll(•(•t■-^ d orl l'V icric de sInIc Loiii- \\I, ijiii
|Miii\ai('iil iinii^ l'dihcr mit la |mi Iccl nui de la main d(rii\rc aiii>i (|ii(' >iir IV'lô-
l^aiicc lin -In Ir de I illi' ciMiiiiic.
An nondnr drs uii\ii'^ ipii nurilaicnl d'allii'cr le \A{\< itarlicnlicrcnicid l'al-
liMilKui. |c cilcrai la lies IkIIc s((n|iicrc ilc la collcclioii l'-phrnssi, ilalanl des
lontcs prcmirrcN années du iT;^n('. (•('>l-a-dir(' de ITTi à I7S(I, cl ipic nous
Suiipicre sur son plati'au. style Louis X\ 1.
[Musée cenlenn.il. — Colleclinn Michel Ephrussi.)
reproduisons ci-dossus. ()n y (rouvait iviiuis tous les caractères, nettement af-
fu-niés, du style nouveau. IMus !oud>re de rocaille ou même de ces ornements
légers, impi'évus, et si spirituellement délicats de la fm de Louis XV. La sou-
pière, solidement assise sur son plateau très sobre, offre une énergique et
mâle silhouette, avec ses tètes de lieliers (pii servent d'anses et la guirlande
de feuilles de chêne qui reidonre; lallnre en est grave, noble, un peu froide,
la ciselure est très adroite, minutieuse, sans excès, bien calculée pour l'effet
général, le dessin est magistral; on serait tenté de dire que c'est un dessin
d'architecte manquant un peu de liberté, de fantaisie, et peut-être de charme.
Mais c'est le propre des a'nvrcs (pii inan,::nrent de nouvelles formes d'art et
tranchent avec d'anciennes liaMlndes de lignes ou d'ornements, d'affecter ces
±u —
V
apparences outraïu-ières, ces airs dogmaticjues et sentencieux qui ressemblent
à une protestation. La soupière de M. Eplu'ussi est un exemplaire de toute rareté
et il serait intéressant de savoir de chez quel orfèvre elle est sortie. Malheureuse-
ment nous n'avons pu vérifier ses poinçons. Elle a la saveur singulière des
œuvres qui marquent une ère nouvelle, la franchise d'un débutant qui fait son
entrée dans le monde, sans gaucherie ni iriquiétude. C'est une pièce de musée.
J'aime beaucoup aussi cette cafetière qui appartient à M""' Burat, et dont le prin-
cipal mérite vient de sa simplicité; n'a-t-elle pas appartenu au baron Pichon, l'un
des plus fins connaisseurs en orfèvrerie ([u'il y ait eu de notre temps. Rien de
plus gracieux que sa forme allongée, sa base doucement arrondie, le bec à
cannelures relié au collet par une guirlande, ses pieds si déliés qui, en se cam-
brant, ajoutent à sa légèreté aimable, voilà bien un des types les plus parfaits du
style Louis XVI, dont l'élégance exquise, quand
elle a cette mesure et cette discrétion, est d'un
art suprême et défie toute
comparaison. Plus riches,
d'une composition plus
pleine et plus cherchée,
sont les aiguières avec
leurs cuvettes que nous
reproduirons également et qui appartiennent à
la meilleure époque du style Louis XVI, celle
du complet épanouissement. La première de ces
aiguières fait partie des collections du Musée
des Arts décoratifs, et l'on peut dire qu'elle en
est l'un des plus charmants joyaux (n° 1). Elle
est signée sur le pied, Vinsac l'aîné. Justesse
et beauté des proportions, séduction des or-
nements à la fois souples, variés et ingénieux,
elle a vraiment une distinction souveraine, et
éveille l'idée d'un ouvrage antique qui joindrait
à la pureté de l'inspiration l'attrait enchanteur
de la grâce athénienne. Comme dans beaucoup de pièces d'orfèvrerie de cette
période, la panse est décorée d'une délicieuse frise exécutée au repoussé en
bas-relief, en représentant, à la manière de Clodion, des scènes mythologiques
dans un paysage virgilien. On abusa beaucoup, en ce temps, des frises, des
médaillons et des camées dans l'orfèvrerie. La reine Marie-Antoinette possédait
un plateau en vermeil décoré de trois rangs de camées antiques, figurant les
princes de la maison d'Autriche, et formant autour du fond une bordure octo-
gone. Ce ne devait pas être très réjouissant à voir. L'autre aiguière du Musée
Cafetière Louis XVl.
(Collection de .!/'"■ Hiirul.)
I
No , M^moiv ol su cuvcUe, pni- Vinsac laine. - Mnst^c des ;w/s drcorntify
y., ., Ai^uièiv ol sa i-uv,-ltc. — Ci-Ucclioii C. Iloin.
'2M
cfiili'lilial (^ll" :i), |ifii|irii'li' lie M. ImiIm T.ilinirl , (•■^l |i|'u|i;i|i|i-|ii('[ll |iov|('-ririir(' ;i
ffllc (|lli' ji' \ii'll^ lie (Ircnic; l;i ICiliciclic i|c l'i iii - i 11,1 1 1 1 1 ' \ r-\ r\\i\i\\[i- \ r||c
n';iccii--i' ^tlllolll il;ill-- le i'iMl\ cl de ;in^c/ r|i;iiiL.'r cl i|lll Iwil |icii^iT .1 ccr-
l'Iamljcau à quiili-i' biaiii-lio iL' >l\l,' I.<iui.- XN'l,
t'Xi'Clili' par roi-lovi-»' liniiillici'.
laines orfèvreries dessinées penilanl la Renaissance i»ar Pulydore de Caravage.
L'exécution d'ailleurs est absolunienl remarquable et fait de cette œuvre — une
des plus intéressantes qui existe de l't'pociue de Loui> \\I — un morceau de
ju'emier ordre.
13
— ^48 —
A mesure qu'on approche de la Révolution, la sculpture décorative, sans rien
perdre de sa finesse et de sa pureté, devient plus sèche. La forme des objets
prend souvent de la maigreur dans relancement insolite de certaines parties. C'est
précisément ce qu'on peut remarquer dans le candélabre dont nous donnons ci-
contre la gravure et qui appartient à cette époque dite de Marie-Antoinette
(1787-1789), durant laquelle la décoration de rorfèvrcric, tout en restant très
délicate, se fait un peu mièvre. Ce candélabre (page 235), d'une exécution très
soignée, est de l'orfèvre Bouillier.
/
Sucrier Louis XVI à bas-relief.
{Musée cenlennal.)
Très importantes aussi et par le caractère de leur exécution et par leur
fabrication, sont les six pièces dont nous donnons la gravure et qui montrent le
curieux effort fait à la fin du dix-huitième siècle pour réaliser la production à
bon marché : cette préoccupation hantait si bien l'esprit des orfèvres, que le
sucrier, le confiturier, les bonbonnières et les moutardiers, quoique exécutés en
argent fondu et ciselé, étaient admirablement composés pour être fabriqués par
le procédé de l'estampage, et nous doutons même que les bas-reliefs et les cou-
vercles n'aient pas été exécutés par ce moyen.
Ces pièces, qui marquent une époque de transition dans la fabrication, sont
devenues le prototype des pièces similaires qui ont été exécutées po^térieurement
par l'estampage, procédé dont on a usé et abusé au dix-neuvième siècle. Ce pro-
cédé, comme on le sait, permet d'exécuter économiquement, au moyen des matrices
en acier e( du mouton, autant d'exemplaires que l'on veut d'un modèle établi chè-
rement, mais dont l'exécution, rendue facile par l'emploi des matrices, en abaisse
le prix de revient. La ciselure est supprimée, il suffit qu'un ouvrier adroit vienne
210
4>;?'
N" 1
N" 2
-No 4
N»* 1 et -2. lionbunniLTC et drujreoir. No 3. ConliUincr. X"- ', et T). Moutardiers.
— l>ol —
ciiMiilc, (>;ii- mil' r;it:i''''iir(' IimMIc, corriijcr \r< iiiiiici-fcrtidUs, idiil m it^I.ihI
illl|illl»^;illl .-1 (lolIlUT ;i l'clli' |i|C(r l;i (jUilIlIc ihcllNlr (r.iil. |,c v|\||. i||. ,■,.-.
llll•lnl■^ (ilijfls d'orrcN relie e•^l Meii île le|i(i,|(ii' l.diii-, \\| d lU nul un r('-e|
iiilerèl euiiiiiie ^| lei'iiiu'ii de l;i l',! I nicil ii m ;i l;i lin du di \dniil leini' «^ieelc. A ce
llldiiienl. l'tiill ilhiLie de-> oïl'esres de (|iie|(|in'^ llll-^ du moins, el cneore en lin
assez pelil nonilire — iiehnl pliis liuil ;i jiiil celui (|iie noiis asinis \ii ;mi milieu
(In di\-lnnlieme ->iecle, dans lalelier de Tli(»ma> (iennaiii. Il ve eoiii|i|i(|ii;nl
din-^l riimeiil N cl ddiilils ayaiil piiiir luil de l'ahi'i'incr |iar des iii(i\ciis e\|i(''dil il».. ;i
lin très ;^rand iionihi'e d"e\ein|ilaii'es, les ohjels (|ni jadis n^'laienl e\('cnl(''-> (|n im
à un par r(»ii\i-ier ()iTè\re. ('/est ainsi (in'im addpla remltoiil i'-sa.Lie el reslani-
pa^c an iimnldii el au Imhtnncr. rem|ilaeaiil ainsi le lonj^ li"a\ail dn marlean
(jni, peu a peu par de petils eoii]ts lialiilemeni in(''iia;^(''S, donne a la plarpie
la l'orme \oulue. par un appai'eil (|ni perniel de frapper celle plaipie d'un seul
eoiip, eu lui laisaiil ('pouser la lorine d'une inalrice en creux aii-desvn> de
hupielle elle esl idacc'c. Ou ulilisail (''i;alt'nienl le tour, inslrumeiil doiil l'iii-
veulion se perd dans la luiil des lemps, mais (pii ne l'iil appli(pi('' d'une fai-oii
oouraiito à l'exéeuliou des ouvraj^c;^ (roi-fèvrerie ({ue dans les dci'iiièrL'S aum'-cs
(lu dix-liuilièmc siècle. Ou inlroduisit alors (["Angleterre des tours au i)ied,
qu'on faisait mouvoir au moyeu d'une pédale mettant en action la roue motrice
^w tour comme la meule à repasser les couteaux des rémouleurs ambulants.
Les amateurs pouvaii'ul eux-mêmes s'en servir, si l'on en croit cette annonce
insérée dans le Journal des affiches du \"1 août 1779 : « A vendre un tour à fan-
glaise pour contourner la vaiselle d'argent ronde et ovale... et si doux qu'un
enfant peut le faire aller. » C'était d'ailleurs une habitude assez bien portée
parmi certains grands seigneurs du temps, de se livrer à ces sortes de travaux
professioimels. De même que Louis XVI s'adonnait à la serrurerie, le comte
d'Artois se mit à l'orfèvrerie et à la bijouterie, et l'on a la liste des outils qu'il
se procura dans ce but : bigornes, étaux, archets, marteaux à manches de bois
de rose et virole de cuivre, tours à guillocher, tours ovales à excentrique,
mandrins, etc. Ces outils élégants, montés sur des manches en bois précieux
et délicieusement ornés, coûtèrent 5930 livres. On ne pourrait jurer qu'ils ser-
vii'eut l)eaucoup. Dans les véritables ateliers d'orfèvres, il est cei-tain que l'ou-
tillage ayant pour but de faciliter la grande production ne fut pas admis du
premier coup et sans difliculté. Ce ne fut qu'un tlélnit, un point de départ,
un symptôme tout au plus, mais qu'il importe de ne pas oublier, car il annonce
les transformations mécaniques qui bouleverseront toute la fabrication au siècle
suivant.
Les orfèvres qui se partageaient à ce moment la faveur du public à Paris
étaient assez nond)reux. Ce n'était pas des étoiles de première grandeur et nous
ne croyons pas utile d'en donner ici la liste, qu'on trouvera dans la plupart des
— 9n9 —
petits iilmanaclis de répoque(r). Parmi eux il yen avait que nous avons eu l'occa-
sion de menlionner et qui, déjà en réputation durant le règne de Louis XV, conti-
nuaient Ijrillainnient ou modestement leur profession. Tels étaient par exemple
Roëttiers lils, Lehendrick, l'élève de Thomas Germain, qui fut grand garde des
orfèvres en 1777. Il est l'auteur d'œuvres charmantes de style Louis XVI, notam-
ment d'un délicieux service de vermeil qui fait partie des collections de M. Cha-
brières-Arlès, et qu'on a pu admirer en 1900 exposé au Petit Palais.
Cafetière et pot ù laiL de LehendricU.
Collection (Jiiihriôrcs-A rlès.
Lai cafetière est à trois griffes. La panse est ornée de vingt cannelures creu-
ses décorées à la base de culots ciselés, un écusson suspendu par un nœud
de rubans à un anneau et encadré de guirlandes de lauriers grassement ciselés
porte un chiffre en relief d'un délicieux eidacement surmonté d'une couronne de
roses. Le pot à lait à anse en bois des îles est à pied rond godronné ; le décor
est semblable, mais l'écusson au lieu de chiffres est orné d'un bas-relief repré-
sentant un enfant jouant avec une chèvre. L'ensemble est des plus séduisants. Les
proportions harmonieuses, le décor d'une élégance exquise, l'exécution étour-
(1) Notauiment dans VAlmanach du Dauphin, de 1"T7, lequel, à vrai dire, est devenu assez rare.
- i;^'^ -
«lissjiiitt' fttnt, (If (M'v <lt'ii\ |ii'lilN clicrs-d'd'iiMc, Ic^ [lifccs les |)l(i^ iniMicii^fK de
l'orlV'N l'iTli' iV.lIlc.li-^r (|lli' I r.\|mvi| Kiii i|r 1*11)0 iKills ;ilir;i f('' V('|(''<'s .
l'Ill^ riDidriiii'iil ciiinil, iM,il> lni'li {'(lilllil irc, «'si le ll;iiiil iciii ;i |)ici| (•;i|-ri' otIk'
de Irildlrs dCill. I.c lui c,! ii iirlc csl d('(<ii't'' d'iliic suilc de ridoK. I.r s|\|(' s';i[)-
ii;ill\lil l'I II .1 p.'l-^ l;i ~>(ill|tli's-M' du ciiiidcLd li'C de l'xMlillhT, llLii^ il c-l l'iirdrc
ri';i|i|tf iill ,(1111 de l;i Im'IIc cxcciilhni des (piivrcs
(le la Iill du dix liiiiliciiic Niccic.
Nous iiiciilioiiiicroii^ ciicdic les iiouis <u\-
vanls : .\i/i///s/r i lîidicrl-.ldscidi > , <u'i'r\rt' du roi
ci I lin dt'> plus roiisid(''rai»l('> de la sccdiidc
parlic du dix-liiiilicuic sire le ; lùamnis Joiihrrt^
(|ui a\ail |i<uii' |ioiii('oii un ('omu' cl don! |diisi(>urs
(KiM'aiîCs MiltsisltMil t'iicdi'c, iiotanmicnl la sau-
cière i\i' M""' i\v Ponipadour. (|no nous avons rc-
[iroduilc au clia|Mlrc |ir(''c(''d(Mi( ; ,I.-T. Vancoiiver-
lc)(/hc*i (poinçon : un lis); Jacques du lioi/s (poin-
çon : une «(xpiillcl ; Michel-Franrois Monla'ujnc
(poin(,'on : un landxdi; Louis Mermant (poinçon :
un ai^le); P.-E. Marcltaud (poinçon: Croix de
Malte): P.-D. Bullot (poinçon : une étoile"): Mathieu
de Marcluj (poinçon : une tulipe) ; ïi.-l*. Février
(poineon : un co(j); J. lioulogne-Pelit (|)oinçon : une
étoile); A. Savart, G. -F. Rolland (poinçon: une
boule) : Marc-Etienue Janetij (poineon : un marc),
C.-N. Delaunoïj (poineon: un soleil); Charles Spri-
man i poineon: un Saint-Esprit): Jean- Baptiste
Cheret (poineon : une elef), qui avait succédé
à son père, Antoine Chéret, et jouissait d'une
grande renommée; Alexis de Roussy (poineon:
deux palmes); Balduc , Bouillier, fabricant de
vaisselle, fournisseur ordinaire du duc d'Or-
léans, qui paraît avoir été un infatigable producteur; nous avons donné plus
haid une œuvre remarquable de Bouillier, le candélabre à quatre branches
qui figurait au Musée centennal; Cousinet, qui exécuta un service en vermeil
poiu* la reine Marie Leczinska, à l'occasion de la naissance du Dauphin; Vincent
Bréant, etc., etc., qui tous vivaient vers 1780, et que M. Paul Eudel \^\) cite comme
ayant signé les ouvrages qui ont fait partie de sa collection d'orfèvrerie. A côté
de ceux-ci, il ne faut pas oublier les orfèvres bijoutiers ou joailliers : Petitjean,
W'
Flambeau Louis XM.
[Musée cpntennal.)
J Paul Eihlf], Soixante planches d'orfèvrerie, de la collection de Poul Eudel.
— 254 —
Jactpiemin, Tiron de Xdnteuil, liodimer et Dossange, joailliers ordinaires de la reine
et de la cour, dont les beaux magasins de la rue de Vendôme étaient toujours
encombrés de la clientèle la plus arisloeratique. etc. Enlin, il faut donner une
mention à part à M""" veuve Odiot, rpii ('lait établie niarcliande au coin de la rue
de l'Echelle et de la rue Saint-Honoré. Elle ne fabriquait pas, mais elle vendait
abondamment ce que fal)riquaient deux très bons orfèvres de second rang, Gi-
roux et Roulangei', qui demeuraient dans le quartier du Palais de Justice. Sa
maison, sous la direction de son fils CJaude Odiot. devait arriver plu> tard à avoir
assez de puissance pour faire luiller d'un ('-clat inattendu Tart de Torfèvrerie au
dix-neuvième siècle.
C'est de cette époque que nous voyons apparaître les recherches d'artistes,
décorateurs habiles, qui fournissaient aux orfèvres des modèles de leur invention;
ils nous ont laissé des recueils de dessins qui montrent la fertilité de leiii- iinagi-
nalion. Ce n'c'laienl point des oi-fèvres ayant boutiipie (Hi atelier : leur rôle consis-
tait il inveiitei' des modèles qui nous renseignent anjoiiririini sur les caractères
des œuvres d'orfèvrerie et de l)ronze de cette épocpie ; les œuvres disparues,
nous avons plaisir à retrouver dans les recueils qu'ils ont publiés les dessins qui
leur avaient souvent donné naissance.
Jcan-Francois Forhj avait débuté sous Louis XV. Dans le répertoire des maîtres
oi-nenianistes de Cuilniard. il est qualifié de dessinateur, graveur, fondeur et cise-
leur. A-t-il riM'Ilenieiil |iroduit des ouivres en mi'tal'Ml ne nous a pas été donné
de trouver une pièce exécutée i)ar lui. il est surtout connu par les publications
(piil a laissées. La bibliothèque de l'Arsenal possède plusieurs suites de ses
œuvres d'orfèvrerie à l'usage des églises : calices, ciboires, ostensoirs et chan-
deliers, puis de nombreux cahiers de six pièces chacun, contenant des modèles de
flambeaux de table, des girandoles, des garnitures de toilette, des vases déco-
ratifs, quelquefois un peu chargés d'ornements: mais tous témoignent de la facilité
d'invention et de l'imagination de Forty.
A côté de lui, Charles Delafosse, architecte, décorateur et professeur de
dessin, né h. Paris en 1721, a laissé de nombreux recueils. Le premier, sous
le num iXIconologie Iiistoriqiie, renferme cent huit planches représentant des
modèles de cheminées, cartels, écussons, vases, frontons, piédestaux, socles
et monuments divers. Le second contient des sculptures, bronzes et orfè-
vreries. Les autres sont relatifs à l'ameublement et à la décoration pour les
églises.
Ces nombreuses compositions tmt dû certainement rendre de grands services
aux orfèvres du règne de Louis XVI. Didafosse touchait à toutes choses: l'archi-
tecture, les décorations intérieures, la sculpture en bois, en marbre, en bronze
l'avaient particulièrement séduit, et l'œuvre qu'il a laissée peut être considérée
comme un des types les plus intéressants du style de l'époque Louis XVI.
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Ca/iier c^e j/x^ OirancioleJ cz Uclicloc c:/c<j Or/eorcj et c/cj -ro7îaeicro
J)e/^me£<} par J^J'y.JForty et Oraocco var Co/uict .
JV»
X'^ 1. Fi-isc ck'ooralivo [)nr Dclalosso. — X'^^ ■.' ci ^^. \'a>t'? i)ar Drlaftisso.
X" 'i. Krise Louis XM. poste à oiiroulcmonts lubaiinos. par Salembier.
2i;i
'mmuimiiuiLUiimiaimmuiiiiiiiiiumMUiir
N' 1
No 2
.\" .;
N» 1. Fi'isc clccorative. par l'nrl\ .
N" 3. Vase crorrèvreric, par Camcl.
N" ■>. Wisa crorl'èvrerio. par Prieur.
N" 4- l"'"ise décorative, trophée d'orlevrerie, par Cauvct.
— '2m —
Il ,iv;iit Miii' iiii;i:jiii;ilirri IVm'hikIc cf s;i viM'M' facili' lui ;i\;iil |)ciil-(*'lr<' i';iif \-r\cv
(I T'Ili' -Mill-^ l.dlll-^ \\ I rr (|iic Mci-.-~(illllicr ,l\;iil r\r --oiis l,niiiv \\ cl (|<- lici'-^dll
ililiiT le -^hlr i-l rc|»i)i|iii' un il ;i\,iil m'-cii. h'.i iIIciii-, le cir.irl rrc ijc ^oii (i'ii\|-r ("-I
Icllcilicill |M'r^iillll('l (|lic le Ihilll lie hchlfusvc scrl ;ill|iill|(| lilll ,1 (|i''s|;.'||c|- le ;-'crirc
(|;iii>> l('i|il('l il <'\c('ll;nl, on les -lnl•|,•|llll('-^ ilr cImmic cl de l;iui-H'i-. li.iliilciiHiil ili'-h-i-
litict'N en di'^ ;ircliil('cliircs un peu IVoidcs iii;iis liicn |i(inil(''n'i'-, r;ii';ir|('ii>vcnl ricl-
Icincnl, |Kini- Ic^ ani.ilcurs. le ^lylc de Dclidos^c
h'.inirc--, coniinc Salcinlnci-, Caiivcl cl de Lahnnlr, arcliilfclcv cl dc'co-
ralciirs (''L^alcincnl , oni lai^si- de noinln-ciix cahiers d'orncincnK (|n'ils d(''-
clareill >* Cititlfitir un </r<in(i tonnlirc île dcssi/is, rt i'Irc utiles aux tirlislrs ri aux
» nrrsinnu's tpii rrulcnt (b'riu'i'V urrc ijuùl les iiilrrirurs tir l'ujijturlcnunt^ h: uui-
» hilicr^ (Me. .. »
Les cahiers d'oi'fèv rerie de l.aldiide appai'tieiiiieiiL a la ijoiiiie éjxxpie de
Louis \VI et (huinenl de noinlireux lypt's de soupières, éruelles, pois à ean cl
a('('OSS()ir(>s de loilelle; plusieurs jtoivrières et. salières, qui cerlaiiieiiient ont dû
être reproduits par les oi-l'èvres (Nuileuiporains.
l/iutroduetiou de ees éléments nouveaux dans l'industrie est un fait remar-
(|ual)le à eonstater. Ce n'est plus Torfèvre eoniplet qui compose, modèle et cisèle
ses ouvrages comme au commencement du siècle, ce sont les artistes décora-
teurs qui préparent les éléments de leurs travaux et fournissent aux orfèvres des
idées ou des modèles. Ils sont les précui'seurs de ce qu'on est convenu aujoui-frinii
d'appeler les artistes industriels qui, dans le siècle suivant, seront les inspirateurs
des industries d'art et faciliteront, à ceux qui n'auront d'orfèvres que le nom, le
moyen de se faire valoir avec des œuvres qu'ils commanderont ou qu'ils achèteront
à ces artistes.
Pour bien faire comprendre l'intérêt qui s'attache à cette intervention, nous
avons donné plus haut la reproduction de plusieurs pièces empruntées à ces
recueils. Elles montrent la différence de manière d'un Forty, d'un Delafosse,
d'un Cauvet, d'un Prieur ou d'un Salembier et les personnifient. Mais, quel que
soit le mode d'interprétation de chacun d'eux, on voit le lien commun qui les
rattache, et on sent bien que toutes ces œuvres d'origines si diverses reflètent
l'esprit et le goût d'un temps, où le symbolisme de l'antique allégorie allait
devenir le plus applaudi des éléments décoratifs. « Antiquité et Pastorales »,
tel est le mot d'ordre adopté par les artistes de cette étrange époque où une
société Unissante jouait à l'idylle — en attendant la tragédie — dans un décor
((n'animaient les danseuses de Pompéi alternant avec les bergères de Trianon.
Mais là où triompheront les orfèvres, qui auront ainsi un lien commun, c'est la
perfection de la main-d'œuvre. Ce sont les finesses exquises de la ciselure, une
ornementation variée dans sa fantaisie tous les jours plus sage, une sorte d'élé-
gance un peu maigre, mais si agréable, si satisfaisante au regard, qu'on ne
— 26 i —
cherche pUis la part (lui revient à l'artiste, ou à louvrier, et qu'on les confond
tous deux dans un mèine sentiment d'admiration.
En tête de la nomenclature des orfèvres qui vivaient à cette époque, j'ai cité
Auguste. C'est lui qui, à partir du règne de Louis XVI, prit de haute lutte ce
premier rang parmi les orfèvres. Robert-Joseph Auguste, né en 17:25, fut reçu
orfèvre le 15 janvier 1757 et nommé orfèvre du Roi le 23 mars 1775. En 1777, il
avait acquis de Jacques Roëttiers la maison d'orfèvrei'ie que ce dernier exploitait
au coin de la rue des Orties et de la place du Carrousel, et lui succéda dans le
logement des Caleries du Louvre devenu vacant par suite du décès de Jacques
Roëttiers en 1784. Son i)remier métier fut celui de ciseleur. Il avait travaillé le
bronze avant l'argent et l'or. Dès 1757, il s'était déjà distingué par maiids tra-
vaux importants, cl sa situation, qui s'accrut rapiih'uuNit de 17G5 à 1775, le mit
bientôt en pleine lumière. Il devint le fom-nissciu- le ]»liis achalandé de la cour.
Sa réputation avait passé la frontière, et les cours de Portugal et de Russie lui
donnaient fréquemment l'occasion d'exécuter des œuvres de hante valeur. Dans
sa monographie sur l'orfèvrerie française à la cour de Portugal, M. C. Rapst
constate qu"x\ugusle, le digne continuateur de la glorieuse tradition dont Cei'main
avait été l'initiatcui-, fut l'auteur de la dernièi'c commande exécutée pour le Por-
tugal. Le seau à rafraîchir dont il donne le dessin et (pic nous reproduisons.
Seau à ralVaicliir de H.-.I. Au^uslc.
[Orfèvrerie ile ht (\)iir de l'orlnijal.)
est bien de l'époque Louis XVI. Il rapjx'llc par sa d<'coration le style des inven-
tions de Delafosse. Nous n'hésitons pas avec M. Ccrmain Rapst à le lui attriltuer.
A l'avènement de Louis XVI, c'est lui qui fut chargé de la couronne du sacre; il re-
çut pour la façon 6000 livres. Associé pour ce travail au joaillier Aubert, qui sut
mettre en valeur le Régent, le Sancy, et les plus belles pierreries appartenant
— 2fi5 —
,111 roi, il iiiiiiiliM ll,lll-^ 1,1 |i,iilic ilii lr;i\;iil i|iril s"i-|;iil n'^crv ('•(• un ;.'(iril cl imm-
li;iliilclc i|iii II' iiiirciil ;iii |iiciiiii'r laii,;: ilc^ ;iili-(c-- ilr ^ow lriii|iv. || |i| r'^:i\,--
iiiciil lc> (i|i|('K (|iif. (l'iiinc-- I ii->;i,:j(', le roi ilrs.nl ollnr ;i |,i cil Ik'mIimIc (je
K(Mlll-> : 1,1 lillllt', li"> lilliciic'^ (Il M'illiril cl le (iJinilT ildr. |tc llll encore f'iil |,|
l'ncoii lie lien! ll;l-^ relie!'-. re|tre->eiil;iiil l;i l*;i<-.ioii el i|e Iroi-; .inije^ --n|)|)orl;iiil
la roil|M'. \ [lariir de celle .illliee ITT.i, Kol lerl -.l()sr|>li .\ll|^llNle c^l r|ia|-;.'('- de
loille rolTe\rerie oriicielle. Il li\re .'i la eonr ie< iJNleil'-ile., de \iii^^e||e (|ne
ri'clame le ser\it(' du roi cl de la reine i-l laiL lous les lra\aii\ de .^a prole^-^ioii
Salière exécutée ]iar R.-.I. Auguste.
(Colleclion de l'emiiereiir ^le Biiasif.
que les circonstances lui imposent. Nous voyons lijiui'er sur une de ses factnres
de 1787, les «tasses et flacons pour recevoir le sang des sangliers à la fin de la
chasse du roi », en même temps que la « couronne de vermeil avec les deux
plaques d'inscription en argent pour le cercueil de M"" Sophie, fille du roi ». Que
ce soit pour Paris on pour les cours étrangères, quand il exécute des leuvres,
telles que la belle toilette de vermeil faite à l'occasion du mariage de l'infante de
Portugal en 178o, elles font sensation et tout le monde en parle. Dans les
gazettes, son nom est toujours écrit avec cpithète louangeuse : on est fier de
sa renommée et de son talent.
Après la faillite de François-Thomas Germain, c'est à Roëttiers et à Auguste
que revint la clientèle des cours étrangères. Auguste ne fut pas le moins bien
partagé. On voit encore de cet orfèvre, à Saint-Pétersbourg, au Palais d'hiver,
des seaux à rafraîchir, des soupières, des saucières dans le style de Delafosse.
— 266 —
La grande Catherine lui fit des commandes considérables. C'est à lui qu'elle
s'adressa pour exécuter la toilette qu'elle offrit à la comtesse Bobrinsky, et qui
est restée dans cette famille.
Une exposition temporaire d'argenterie du dix-huitième siècle, faite en 1885
à Saint-Pétersbourg, dans le Musée de l'Ecole centrale de dessin du baron
Stieglitz, nous a révélé les trésors que possèdent l'empereur de Russie et les
membres de la famille impériale; les grandes familles princières de ce pays, les
grands-ducs Wladimir et Alexis, le comte SchouwalolT, les familles Bobrinsky,
Paskewitsch, Gagarine, Narischkine, Polovtsoff, avaient mis à la disposition des
organisateurs de cette exposition plus de trois cents objets du plus haut intérêt.
Un catalogue en avait été dressé, et la reproduction en gravure <à l'eau-forte faite
par les élèves de lEcole nous a conservé le souvenir de quarante objets des plus
r('mar([uables. Malgré l'infériorité de son interprétation, ce catalogue est des plus
intéressants pour nous par l'importance des pièces qui y sont représentées; et si
nous envions à la Bussie la possession de ces chefs-d'œuvre, qui enrichissent le
Trésor impérial, nous ne saurions trop féliciter la Cour d'avoir su les conserver
mieux que nous n'aurions pu le faire, et de nous j)ermettre aujourd'hui d'en parler,
et de constater le goût et l'art de nos orfèvres parisiens au dix-huitième siècle.
Les œuvres d'Auguste figuraient au nombre de sept. Deux seulement, une
salière et une saucière, avaient été dessinées. Heureusement, le Musée des Arts
décoratifs du Pavillon de Marsan possède une reproduction galvanique de la sa-
lière d'Auguste, qui fut exécutée par Elkington à la demande du Musée de Ken-
sington. La gravure que nous en donnons {page 265) nous en fait apprécier toute
la valeur; sur un socle oîi était gravée sa signature: Auguste^ fecit à Paris, deux
petits Amours, tenant des coquilles qui servent de salière, supportent une coupe
destinée à recevoir les épices. Le couvercle est surmonté d'un groupe d'algues
et de coquillages qui en f(trment le couronnement. L'architecture en est précise,
la forme bien équilibrée. Elle semble plutôt l'œuvre d'un bronzier, mais, à en
juger par l'exécution, ciselée par un orfèvre. On la dirait dessinée par Delafosse.
Tout autre est la saucière [page 267) : montée sur un plateau dont les extré-
mités se recourbent en volutes gracieuses bordées d'un tors de lauriers, la sau-
cière est à quatre griffes, mais les anses, un peu maniérées, sont formées par des
enfants dont les bras s'allongent pour finir en feuilles d'acanthe qui s'attachent
au corps de la saucière. Cette œuvre est vraisemblablement antérieure à l'époque
où Auguste transformait sa manière pour s'accommoder au goût du jour.
La France ne possède que peu de pièces de cet orfèvre. Cependant, dans la
contribution que le collectionneur Henri Chasles avait apportée à l'enrichissement
du Musée centennal de 1900, nous avons été heureux de trouver un huilier en
vermeil daté de 1770 et deux cloches de 177() portant le poinçon d'Auguste,
dont nous donnons la reproiuction [page 268). Ce ne sont pas des pièces capi-
laies, mais, dans rliaciiiic (rdlfs, un iriMiniiail la inènn- Icnilatirc, !<• nièrnc
sdiii'i (I a|»|ir.'iial iiin ilr la fni-inc a I ii-^au'i', I i ni|i|iii de dccurv a~s;ifj|v. |r rr-|i('r|
(If la litrnii' aiiliilfrl iiimIi' cl ilc^ \ ri itali|i''> |inni'i|M'>> de la (-(MniMisil ion . |,,i on
nii ri'i-oiiiiail II' iioiiM-an ^InIc ijui \a ddiiiiiicr dans le sjcrli' s|ii\,iiil, ^^ i-^\ dans
iHir aiuiincrc cl sa cii\cllc a\aiil a|i|iailciiii a M. I*aiil Kiidcl i /l'/'/r :^(i!l/ : la juriin'
(Ml fs| ('li'i^anlc cl |iurc. rdrnciiii'iilal ion solirc, l'anse itieii allacli(''e; cl I on ^ciil
deja i|nc le ;^(iiil ilc l,iiilii{nilc \a aincncr IcsorlcNrcs a se d(''|)aria^-~ci' de loiilc
celle (naicincnlalKiii si i;aic cl si |iini(ianle du di\-linil ienn- sie(dc, iionr -e le-
Sauciére par R.-J. Auguste.
Colleclinn de l'cmpercnr de Russie.)
froiilii' an contact des peintres comme David, et des architectes comme Percier
et Fontaine. Mais on peut dire, néanmoins, qu'Anguste résume et caractérise
l'orfèvrerie de l'époque Louis XVI. Il en est, pour ainsi dire, la personnification.
Dans les pièces sorties de ses ateliers, qui sont parvenues jusqu'à nous, on
reconnaît les qualités générales et les défauts de l'exécution particulière à cette
période : précision extrême et fini de la ciselure, netteté de l'ajustage, polissage
excessif et souvent trop uniforme. Le beau travail du marteau, le procédé du
repoussé commence à être délaissé et remplacé par celui de la fonte ciselée,
('/est le moment de la monture à froid. Les bronziers, si admirés pour leurs tours
de force, exercent alors une influence décisive sur les orfèvres; mais n'est-ce pas
au détriment de l'art de ces derniers? Un homme qui au dix-neuvième siècle a
grandement fait honneur à notre profession, F.-D. Froment-Meurice, a dit : « J'ai
» vu quelques-unes des orfèvreries de M. Auguste. J'ai vu surtout deux fontaines
» à thé ou à café, deux très grandes pièces qui avaient survécu à la Révolution,
>) et je détdare que ce sont là, suivant moi, de fort beaux ouvrages dont on peut
268 —
» n'aimer ni le style, ni le goût, mais qui se distinguent par d'éminentes qualités
» de composition et de goût (1). »
Cloche de 177I'). p.ir H. -.T. Aiij;iiste.
[Cnllprllon II. CIiusIps.
Robert-Joseph Auguste eut un fils, lleui-i, ik' eu IT.M), (|ui, associé à sa for-
tune, devait coutribuer à la grande prospérité de la maison, jus([u'à la veille de
la Révolution. En 1788, R.-.I, Auguste et son fils Henri devinrent fermiers des
affinages des matières d"or et d'argent. Ce fut à cette entreprise, ainsi qu'à des
recherches sur la fonte des cloches que s'employa leur activité pendant le repos
Huilier en ^el■meil de 1770. pai- H.-.I. Aujiusle.
[CoUecVon If. (Jhnsles.)
forcé que la période révolutionnaire allait imposer aux orfèvres. Ce fils, Henri
Aug-uste, avait épousé en d782 Madeleine-Julie Coustou, nièce du célèbre sculp-
teur; à ce mariage assistèrent les peintres Yien et Pierre, PVançois Souffiot,
frère de l'architecte du Panthéon, sans parler de la famille des Coustou et
Ij l'ii. Hiii'ty, F.-U. FromeiU-Mi'urice, arfjcnlifir de la ville, 1883, 1 vol. in-8", pi^g'i U.
irailll-f^ ;illl-^lc^ lit' t;ili'llt cl <li' luiILlIlIr --il ll.ll inli I l.c |riillt' nclrsif n'aSllil
,1(1,. \iii-l hdi^ an-- ri ra\riiir N(iii\iail (li'\aiil lui Imil naiil i\r |iiiiiiirss('S. . .
\a<< (•MiiriiifiiK lit- <l('\aiiiil , liclas ! |>a> lanlrr a llicllir rii dciidilc les riAcs
j'oniics fil ti' .|<Mir (le li(iiilii'iir.
l.c (■()ii|i (le IdiiiiciTc (II' l:i lîc\(iliil ii>ii lui |ii)iir rnrlcx fcric le >-i;_'iial d iiti iiTc-
iiiciliaMf (Icva^lif, il uni' niiiic laiiiciilalilc ri (niii|ilclr. |)a|p(inl il \ «iil I < laii
vciiliiin'iilal cl liailil KHiiicl ilc la rclniilc a la Monnaie. Ce liircnl ilc modc-lo
Aiguière et sa cu\etl(.\ par Il.-.I. Aii;.;ustc.
CoUeclion l'uni l'mlcl.
bourgeoises qui, le 6 septembre 1789, portèrent leurs pauvres bijoux à la foute
pour soulager la misère du peuple, eu disant avec l'emphase de l'époque : « Nous
rougirious de les porter quand le patriotisme en commande le sacrifice. » Puis
le mouvement gagna l'aristocratie. Un décret de l'Assemblée nationale du
G octobre 1789, sanctionné le l!2 du même mois par le roi, ouvrit toutes grandes
les portes de la Monnaie aux pièces de l'argenterie publique et privée. Mais tandis
(ju'à la cour de Louis X.IV et de Louis XV il avait fallu la menace des édits pour
forcer les grands seigneurs à faire le sacritice exigé, cette fois on prit les devants.
;1 A. Jal : Dictionnaire historique, au mot Auguste.
— 270 —
En quelques mois, de tous les points du pays, aflluèi'cnt des monceaux de vaisselle
d'or et d'argent. Du 22 septembre 1789 au 31 juillet 1790, la Monnaie ne fondit
pas moins de 219428 marcs 2 onces 15 deniers d'argent, et de 739 marcs 2 onces
5 deniers 23 gros d'or, c'est-à-dire 54857 kilos d'argent et 187 kilos d'or. Le
Journal de Paris de cette époque" (supplément au n" 293) publia la liste complète
des personnes qui envoyèrent ainsi leur vaisselle à la fonte, et ce curieux docu-
ment, qui ne compte pas moins de 48 pages, contient dans un singulier mélange
les noms de ((uantité de gens appartenant à toutes les classes de la société. 11 y
avait en première ligne le roi, et la reine qui sacrifia d'un seul coup presque
toute sa belle vaisselle d'argent — pour 5042 marcs; puis, Madame, belle-sœur
du roi, pour 1315 marcs; Mesdames, tantes du roi, pour 855 marcs; le duc et
la duchesse d'Orléans, la famille de Penthièvre, le ministre Necker, les dames de
l'entourage de la Ueine; quiconque avait un rang à la cour, les linaiicicrs et les
bourgeois, les petits boutiquiers de Paris, les plus humbles niarchaiuls suivaient
le mouvement. Sur cette liste, les noms des contrôleurs et des fermiers généraux,
des banquiers les plus connus, voisinent avec ceux de la haute noblesse de France;
on y trouve côte à côte le comte Cassini de .l'Observatoire, la baronne d'Holbach,
la veuve du statuaire Pajou, le peintre Lagrenée, Obei-kampf, les architectes Bou-
cheron, Micliault et Yermont, Torfèvre Tiron de Nanleiiil, Vilmorin le « grainier
du roi », des tailleurs, des épiciers, des miroitiers, et des milliers de commerçants
qui viennent déposer sur l'autel de la j)atrie leur demi-douzaine de couverts.
Après une pareille immolation, qui lit perdre à la France d'incalculables
trésors, des chefs-d'œuvre infiniment précieux, succédèrent les ventes faites par
les émigrés. Les objets d'orfèvrerie échappés à la fonte furent clandestinement
emportés à l'étranger. Quelques-uns restent sans doute encore obscurément
enfouis parmi les reliques du passé. D'autres sont l'orgueil des collections
fameuses; de toutes façons, ils sont perdus pour nous.
Mais la Révolution arrivait, et avec elle tout allait s'ai-rèter, sinon disparaître.
Les orfèvres commençaient à chômer dans leurs ateliers silencieux. Les (euvres
de luxe avaient cessé d'être à la mode, et on vit les orfèvres faire des plaques de
gibernes et des hausse-cols; les plaqueurs fabriquaient des harnais, et les bi-
joutiers étaient obligés de s'arrêter devant les conseils de David qui, dans un
discours de l'an 11, aux fêtes en l'honneur de Viala, disait aux jeunes répuljli-
caines : « Méprisez l'or et les diamants, soyez parées des vertus de votre sexe »,
et ne retrouvaient leurs outils que pour fabriquer des bijoux d'acier, façonnés en
emblèmes patriotiques.
En ces jours difficiles, l'orfèvrei-ie produisit cependant quelques (Cuvres
avouables, sévères comme l'époque qui les voyait naître. Les artistes ([ui les^
- ^71
(•\(M'iitaitMit ol)(''iss;ii('iil ;iii\ i»r('occii|);ili(iiis de r;irili(|iii', ••! (Iccoiaiciil les iiniics
(le-, -i'iifi;iii\ lie la U(''|»iil>li(|iir (l('«^ al I iil)iil '^ ciiiiiiaiiih''^ aux dci iir.ilioiis ;.'rcc(|iM'S
cl hiliiio. " r.icii ^i»ii\('iil, iK ilciii.iiKJaiciil lies iiiv|)ii;il k ms ;iii |iiiiilic l.diiis
» h;i\i(|, le ::i';iiii| iii.iilic dc^ ccrciiK iiiic- de la Ut'\ (diil ion . (\'r^\ lui i|iii dcs-
» siiia le s;diic de |lill;iiii|-\ iirciiiics, (|ii(' ii()ii> rc|ii-ndiiis()iis d'après une ;_'ra-
\> Mire du lriii|is. Lc^ roildrc--, le liisr.iii, le liolllicl |dir\ ;jirii , 1rs |i;dllirl I es
» (iiiiaicnl le touircaii de (cllc aniic plus s\ iidt(ili(|ii(' (|iic (h'-coral i\ c. (le sl\lr ne
» df\iid \(''i'ilaM('iii('nl a la iiuidc i|ii(' l(ii'S(|ii{', le Iciiips du hircrluii-c ('•laiil,
» rcNcim, l*;iris i-('|ii'il so liiiJMludcs de luxe cl de iiioiivciiiciil . I.o mciihlcs,
') les liijoux, les orl'rx rcrics allcctcnl alors les l'oriiics n'-^iilièrcs, les prolils se
<> i-('\milaris('Ml, ri la ithiparl des oi'Cèvres (|iii aNaicnl gardé le culte des Cormes
» c'oMloiinir't's, se (■(tiiverlisseiil à la loi nouvelle el ouhlicnt l("< conseils du ca-
» priée pour sui\re les lois rigides tle la géoinéti'ie 1^1;.
L'orlèvrei-ic française avait eourageusemcnt traversé les orages de
ees UMiips trouilles, mais (die allail cire i)i'oron(l(''ment allcinle
|iar la suppression des corporalions cd l'abolition de leurs
privilèges : plus de maîtrise, plus de long apprentissage, plus
de ehef-d'œuvre obligatoire. Lucien Pali/.e, dans le rapj)ort
magistral qu'il lit sm- l'Exposition de 18S9, disait à propos de
la suppression des coi'|>oralions : « C'était la liberté pour tous,
» le droil au travail sans entrave, sans contrôle,
» mais l'orfèvre n'en deniandail pas tant; cette
» liberté lui fut ruineuse, elle apporta le désordre
» dans son art et le compromit à ce point, qu'après
» cent ans il se retrouve à peine, et n'est pas revenu
y' à l'étal où la Révolution l'a surpris et frappé. »
Toutefois, le régime nouveau n'avait pas amoindri
les orfèvres, et, libres désormais, ils gardaient
dans l'industrie parisienne la place
éminente qu'ils avaient occupée au
temps des jurandes. Une protection
évidente fut constamment acquise
aux praticiens de ce noble métier.
« Le gouvernement avait respecté
» dans ses règlements tout ce qui
)> touchait à l'Assistance mutuelle et ^^,,,,.^, ^,^. Hiihu.d Vmennes.
» à la Société de secours. Les maisons .D'après le ilessin de Davi>l.
1 Paul Maiilz. Uochercheé sur loifévrerie fl■dlJl•ai^c. Gazelle des leaux-avls. iomo XIV. pages IS.j
If-li, 187.
— 272 —
» communes ne furent supprimées que par la loi du 19 Brumaire, an VI, et cette
» loi nous fournit un détail touchant. A l'heure où elle est rendue, il y avait
» encore quatre invalides dans la iMaison des orfèvres de Paris. Le ministre de
» l'Intérieur d'alors fut chargé d'en prendre soin et les plaça aux Incurables (I). »
Mais l'orfèvrerie ne pouvait vivre sans une réglementation spéciale qui ins-
pirât la confiance au public. Ce fut la loi de Brumaire an VI qui se chargea de la
lui donner en réglant le titre de l'or et de l'argent, en organisant le contrôle et
les bureaux de gai'antie, qui venaient prendre la place des jurandes et consti-
tuer la législation nouvelle.
Qu'allait devenir l'orfèvrerie française avec ce régime nouveau? Tous les ate-
liers des orfèvres à Paris et en province fermés, la corporation détruite, les ap-
prentis et compagnons enrôlés dans l'armée et envoyés aux frontières; jamais la
ruine d'un art ne parut plus profonde qu'au lendemain de la Révolution de 1789.
Nous allons voir en etTet, dans la deuxième partie de cette étude, ce qu'il a
fallu, pendant le dix-neuvième siècle, d'efforts persévérants, de luttes, d'entre-
prises vaines, avant de parvenir à le relever de cette chute lamentable !
(1 I*aiil .M.iiilz, IJi'clicrche? sur l'Oi lèvrciic li:;ncnis(\ (Uiytle drs i< cnu-arls, hniii' Xl\', [liigus ISIj
186. 181
FIN DU LIVRE PREMIER
Cartouche de Delurosse.
r"r''X'ï''^'i'V''^'lfitfiiMt";'"ii'liiliil'iiiiUritMiiii'ullfNiiltiaiiiu i'i'"iiiiiMiiir;"iiû'ii[iTii
TABLE DES MATIÈRES
A\ aiil-propos VII
Lislo (les anialours cl des orlèvrcs exposants xi
INTRODUCTION
t>liaj)ilre I". Origine des expositions rétrospectives. Le Musée centennal de Kjoo. . i
Chapitre IL (^oup d"(vil sur l'Orfèvrerie française depuis les Mérovinj'iens jusqu'à
la mort de Louis XI \' 2.5
LIVRE PREMIER
LE DIX-HUITIÈME SIÈCLE
CIIAPITIIE PREMIER. — L'Orfèvrerie à la fin du règne de Louis XIV. — Les
ateliers des Gobelins. — La destruction par les édils. — Ce qu'elle était à la
Cour et dans la bourgeoisie
CHAPITRE DEUXIÈME. — Le réveil de la Régence, ijiS-ijaS. — Ce qu'était le
service d'argenterie dans les maisons princières. — Caractère des œuvres de
cette époque
CII.APITRE TROISIÈME. — Epanouissement du style rocaille. Ses excès et ses
chefs-d'œuvre, ijaS à ijSo. — Les orfèvres Meissonnier, Delaunay et Ballin
le neveu. — Grande renommée de Thomas Germain. — Inlïuence de la Cour
sur le goût
i4
'.3
05
— 274 —
CHAPITRE QUATRIÈME. — La corporation d'es orfèvres et ses rè-ilements. —
Maîtres et apprentis. — Conditions du travail. — Poinçons de garantie. —
Orfèvres connus de 1720 à ijSo. — Les « Eléments d'orfcrrerie », composés
par Pierre Germain (dit le Romain). — Spécialité des boîtes et tabatières à
portraits
101
CHAPITRE CINQUIÈME. — Apogée de l'orfèvrerie du style Louis XV. — Chefs-
d'œuvre exposés au Musée centennal. — Les orfèvres François-Thomas Ger-
main et Jacques Roëttiers i53
CIIAPITRl^] SIXIEME. — La marquise de Pompadour et son influence. — Tout à
la Grecque. — Avènement du style Louis X\'I. — M"'^ du Barry et ses pro-
digalités. — Ses commandes à l'orfèvre Roëttiers. — Les boîtes et les menus
objets de style Louis XVI. — La catastrophe de 1769. — Concurrence faite
à l'argenterie par la porcelaine. — Les industries du similor et du doublé.
— La poterie détain 1S7
ClIAPITRl^ SI<>PTIÈME. — L'orfèvrerie pendant le règne de Louis X\T. — Les
phases de la transformation : nouveaux décors; nouvelles méthodes. — Les
ornemanistes et les décorateurs. — Les ciseleurs et les orfèvres. — Robert-
Joseph .Auguste, orfèvre du roi. — (jonsécpicnces de la Révolution. — La
fin d'un arl ^33
Vase d'orlL-XTei-io, par Cauvet.
AVANT-PROPOS. — Tôle do page : la Fermière. Coupe des Cuncours agricoles, par Cliristolle.
(Modèle de Coutan. ] .\ m
Lellrc ornée L : cafelière, par Clirislolle. \Mudclc de Carrier-Bclleusc.) xiii
Cui-de-laïupe : pot à crème, par Cliristolle. [Modèle de Levillain.) xv
INTRODUCTION.
CHAl'lTHE ^'^ — Tête de page : devise de l'Union centrale des Arts décoratifs 1
Lettre ornée A : prix de Course, de Fannière 1
Musée rétrospectif de 1805. Le Grand Escalier 3
Musée rétrospectif de 1861). {Collection Richard Wallace.) 5
Musée rétrosj)eclif de 1874 du Costume. Le Grand Escalier 1)
Musée rétrospectif de 1874 du Costume. [Collection Achille Jubinat.) 11
Gobelet émail de Grand'liomnie. [Collection E. Corroyer.) 14
Musée cenlennal de lUOO. Le dix-huitième siècle la
— — L'Empire et la Restauration 17
— — Epoque Louis-Philippe 1<.)
— — Epoque Napoléon 111 21
— — Orfèvrerie religieuse 23
CHAPITRE 11. — Tête de page : aiguière et son bassin, di.v-seplième siècle 25
Lettre ornée R : reliquaire 25
Fauteuil de Dagobert 26
Coupe des Ptolémées 27
Moine orfèvre 27
Calice de saint Rémi 27
Reliquaire en forme d'aigle. [Galerie d'Apollon.) 28
Dressoir d'orfèvrerie, d'après une miniature 29
— 270 —
Dressoir du rui Louis XII, ir;i[>rôs une niiiiiiiliire 30
Nef on or olïerle par la ville de lîordeaux à la reine Eléonore 31
Candélabre oiïert par la ville de Paris à la reine Eléonore 31
Alolier d'orfèvre, d'après Elienne Dclaune 32
Brûle-parfum, d'après un dessin d'Etienne Delaune. [Colleclion Dérard.) 33
Présent oiïert par la ville de i'aris au roi Ciiarles l.\ 3o
Colïrel à bijoux d'Anne d'Autriche. (Galerie d'Apollon.) 36
Orfèvreries Renaissance. [Galerie d'Apollon.) 37
Cul-de-lampe : dessin de Bérain 40
LIVRE 1'. — Frontispice : carlouclie de Meissonnier 41
CHAPITRE ^'^ — Tète de pa^^e : vase d'or des Tapisseries des maisons royales. {Château
de Chamhord.). . 43
Portrait de Claude Bal lin. [Cabinet des estampes.) 45
Vase à orangers, par Claude Ballin 47
Guéridon à trois ligures. [Dessin de Lebrun. — Musée du Louvre.) 48
Vase à sujets tirés de V Histoire du Roy. [Dessin de Lebrun.) 49
Flambeau à pied de sphinx. [Dessin de Lebrun.) 50
Visite du roi Louis XIV aux Gobelins. [Tapisserie d'après les dessins de Lebrun.). . 51
Vase aux armes du roi. (Dessin de Lebrun.) 53
Cadenas du roi. [Dessin de Robert de Cotte.) 54
Salière du roi. [Dessin de Robert de Cotte.) 54
Présentoir. [Dessin de Robert de Cotte.) 55
Encrier du roi. (Dessin de Robert de Cotte.) 55
Huilier du Musée centennal. [Collection M""" Rural.) 58
Cafetière du Musée centennal. [Collection du Musée des Arts décoratifs.; 50
Huit pièces d'orfèvrerie Louis XIV. [Dessins de Giraldon. — Collection Paul Eudel. 61
Bassin on or des Tapisseries des maisons royales. [Château de Fontainebleau.) 63
CHAPITRE H. — Tète do page : dessin de Bérain 65
Six pièces d'orfèvrerie Régence. [Dessins de Giraldon. — Collection P. Eudel.). ... 67
Délail des ciselures de la cafetière Régence n" 1. (Collection P. Eudel.) 69
Cuvette de l'aiguière n° 1, de Robert .Magnarl. [Collection P. Eudel.) 70
Flambeau Régence. (.Musée centennal.) 71
Flambeau Régence. (Collect'on M"^" Rural.). 72
Flambeau Régence. (Musée centennal.) 73
Ecuelle en vermeil. (Collection .l/""» Rural.) 74
Théière Régence. [Musée centennal.) 75
Cafetière marabout. [Musée centennal.) 76
Cul-de-lampe : dessin de Bérain 77
CHAPITRE III. — Tète de page : carlouclie par Meissonnier 79
Surtout de Meissonnier 80
Portrait de J.-A. Meissonnier 81
Soupière aux écrevisses. par Meissonnier 83
Soupière au gibier, par Mi_is<;)tinier 83
Nef du roi, par Meissonuier 84
Seau à rafraîchir, par Meisso.i.iier 85
Bouillolte et son lecliaud, de Marie Leczinska, par Th. Germain 86
Jatte de Marie Leczinska, par Th. Germain 86
Atelier de Th. Germain. [Reconstitution à l'Exposition de 1889.) 87
Portraits de Th. Germain et de sa femme. [Colleclion Odiot.) 89
Candélabre on or de Louis XV, par Th. Germain. (Collection Pichon.) 91
Lampadaire de Sainte-Geneviève. [Dessin de Th. Germain. — Collection Pichon.).. 93
Ecuelle en vermeil, par Th. Germain. [Musée du Louvre.) 95
— 277 —
I l.iiiilir.iii il lt''li's ili' lit'lli-r. (I)isu'ii ilf Th llirnutin.) «j(J
l'l;iiiili(MU <li' liinr.iil. Drsun <!<■ Tli. Ilrruidin.) 96
l'hiiiilitMii l,lMli^ W . {Collection M'"" lliiral.) <,)7
l'IaiiiltiMii I iMiiv W. {Hcssin de liirniain.) <.»7
Lt'i^lllllicr cl ^^ll |i|;il. (l'olttrtio.'i .1/'"" Itiirut.) 9H
r.iil't'litTt' j;(Mlroiiiii''i' Louis W. MitKi't' rrntfiinnl.) <H)
(■.iil-tl(>-l;iiii|if : l'ciissdii (II! lii ville de l'jiris, pris il;iii> je Itmiril ifrsrriptif dis fi'trs
du mariaije de Madunir en \1'.\'J . |0()
( Il M'1 1 lil'l IN'. •-- Tèlc (If pM^'i- : rrii^'iiKMil ilfiicailrciin'iil par l.c Lorrain, cxéciilé pour
le mariage du haiipiiiu, Wi', 10|
Los (irlt'vrcs parisiens à l'eulrée du roi Louis Ml à Paris 102
l'ièees d'orlèvrerie portées dans le corlèj^'e à l'enlrétî de Henri II à Koiien 102
Armoiries des orfèvres parisiens. (Mitsrr Caniuvalvl.) lo:i
Jetons de la corporation des orfèvres, dix-septième et dix-iiuitièiuiî siècles lOi
lirevet de Simon Desormoaux, reçu maître en I72.">. (Collcclion Delamare.) loT
Atelier d'orfèvres au dix-huitième siècle. {Knnjciopcdie.) 111
lU'Ievé (les puiiK'ons d'(ufèvres de lil'.l'.l à l7S(j 1 1:{
Orfèvrerie d'éfiiise, par Pierre (iermain II 117
(lrlevri>rio d'éf^lise, par Pierre (iermain II 119
Poinç'ous do Th. Germain sur récuolle du cardinal .loao da Motta c Siiva 121
Orfèvrerie civile. Pierre (iermain II 1 2.'{
Orfèvrerie civile. Pierre (iermain II i2.'l
Huilier de J.-Fr. Hal/.ac 127
Fhuuheau do J.-Pr. Hal/.ac 127
Lellrc de faire part do Pierre Germain 128
Orfèvrerie civile. Pierre Germain II 120
Service de toilette. Pierre Germain II [.][
Boites à poriraits. \Collcction.<! Doistait, D. Franck, Vitz Iknry. 137
Etuis et boites. (Collections Doislau et Bain.) l'Mi
Etuis, montres et carnets. [Collection lioin.) 141
Nécessaires, étuis et navettes. {Colleclions Boin et Doistau. i 143
Boîte en joaillerie. {Album du Musée des Arts décoratifs.) 14.'i
Boîtes en or ciselé. Scènes villageoises. [Album du Musée des Arts décoratifs.). . . 147
Boites en or ciselé. Scènes militaires. [Album du Musée des Arts décoratifs.) 149
Cul-de-lampe : dessin de boîte. [Album du Musée des Arts décoratifs.) l."il
CHAPITHE V. — Tête de paye : cartouche par Babel lo3
Aiguière et sa cuvette, orfèvrerie du roi de Portugal, par rr.-Tli. Germain. {Collec-
tion M""" liurat. 1 1 .").■'.
Sucrier et salières. [Collection M"^" Durât et M. Doistau.) l.'JO
Théière Louis XV. {Collection J/™" Burat.). 157
Soupière et son plateau, style Louis XV. {Musée centennal.) lo8
Candélabre à trois branches, style Louis XV. {Musée centennal.) 159
Soupière Louis XV, par Villeclair. {Collection P. Kudel.) 160
Plateau de soupière style Louis XV, par Villeclair. [Collection P. Eudel.) 161
Surtout par Fr.-Th. Germain. [Orfèvrerie de la Cour de Portugal.) 163
Soupière par Fr.-Th. Germain, exécutée pour la Cour de Portugal 165
Salière simple, par Fr.-Th. Germain. [Cour de Portugal.) 166
Salière double, par Fr.-Th. Germain. [Cour de Portugal.) 167
Glace de toilette, par Fr.-Th. Germain. {Cour de Portugal.) 169
Coffret à bijoux de Fr.-Th. Germain 170
Boîtes à poudre de Fr.-Th. Germain. {Musée centennal.] 170
Boîte à poudrer de F. -Th. Germain. [Orfèvrerie de la Cour de Portugal.) 170
Pot à eau chaude et samowar de Fr.-Th. Germain. [Cour de Portugal.] 171
Platerie de F^r.-Th. Germain. [Cour de Portugal.) 173
14.
— 278 —
Tliéière de Fr.-Tli. Germain. {Cour de Portugal.) 173
Théière et cafetière, par Fr.-Tli. Germain. \Conr de Portugal.) 176
CandtMaljre, dessin de J. Roëltiers 177
Surtout liaeciins, dessin de J. Hoetliers 17S
Fût de candélabre, dessin d»; J. Itoi'l tiers 17",»
Soupière du Dauphin, par J. Rot'ttiers 180
Deux projets de phiteaux pour la soui)ière du dau[ihin, par J. Roëttiers 180
Flambeau composé et dessiné par J. Roëttiers 182
Portrait de Jacques Roi'Itiers. {Oahincl des estampes.) 183
Cnl-de-lampe : panier fleuri. (Dessin de Hansoii.) 180
CHAPITRE VI. — Tête de page; : fragment d'encadrement. {Dessin de Blondcl.) 187
Fac-similc de l'estampe de la marquise de l'ompadonr 180
Frontispice du Livre de chiffres, de l'ouget lils 102
Saucière de la marquise de Pompadour. {Collection ;l/™'' P.iirat.) l'.i:{
Itulïet mécanique de Guérin. {CollecUon du Musée des .\rts décoratifs.) 10."»
Le souper lin, d'après la gravure de Aloreau 109
lîoulon de porte de M"'' du Barry. {Ciselure de Gouthière.) 201
Aiguière et sa cuvette en cristal de roche, de M""' du Rarry 202
Boiles et tabalières. [Collections Filz Ilcnrij, P. Franel: et G. Doin.) 20:{
Roîtcs, montres et breloques. {Collection G. Poin.) 20o
Roites et carnets de souvenirs. {Collections Poin, Doistau et .1/'"° Vernant.) 211
Nécessaire et étuis en or. {Collection Doin et Doistau. ) 213
Dessin pour boîtes en émail. {Collection du Musée des Arts décoratifs.) 21">
Dessins de boîtes en or et émail. {Collection du Musée des Arts décoratifs.) 217
Conleaux en or ciselé. {Collection Doistau ) 210
Dessin de boîte en or à deux projets. {Collection du Musée des Arts dccoralifs.\ . . . 220
Assiette en faïence. {Musée des Arts décoratifs. ) '. 222
Assiettes de porcelaine de Sèvres. iModèles de Duplessis.) 222
S(>upiôres en faïiMice du Poiit-aux-Choux. {CollecUon du Musée des Arcs déco-
ratifs,] 223
Huilier, plat et cafetière en faïenei» du P(iiil-au\-Cli(iux. {Collection du Musée des
A rts décoratifs.) 22"»
Saucière en faïence. {Collection du Musée drs Arts décoratifs.). ... 227
Saucière en orfèvrerie. {Collection P. EudcL). 227
.\dresse de Strass. {Bibliothl'que de l'Union centrale des Arts décoratifs.) 220
Soupière en phupié de Pomponne. {CollecUon du Musée des Arts décoratifs.) 231
Ecuelle en étain. — Oreille d'écuelle. [Dessin de Viollet le Duc] 233
Chope en étain. [Collection flapst.) 233
Ecuelle en élain. {Collection //. Pouilhet.) 234
Orfèvrerie d'élain du dix-huilième siècle. {CollecUon II. Pouilhel.) 235
Pot à eau chaude (dix-huitième siècle). {Collection Ed. Guérin.) 237
Soupière et plat (dix-iiuitième siècle). {CollecUon H. Pouilhet.) 237
Cul-de-lampe : corbeille lleurie. [Dessin de P'inson.) 234
CHAPITRE VII. — Tète de page : vase, d'orfèvrerie, par Choffard 241
Soupière sur son plateau style Louis XVI. {Collection M. Ephrussi.) 243
Cafetière Louis XVI. [Collection M""" Purat.) 244
Aiguière et sa cuvette, par Vinsac l'aîné. {Musée des Arts décoratifs.) 243
Aiguière et sa cuvette. {Collection G. Poin.) 24;»
Flambeau à quaire branches de style Louis XVI, par Rouillier 247
Sucrier Louis XVI à bas-relief. {Musée ccnlennal.) 248
Ronbonnière, drageoir, confiturier, moutardier Louis XVI 249
Cafetière et pot à lait de Lehendrick. {CollecUon Cliahrit-res- Arles.) 2;)2
Flambeau Louis XVI. {Musée ccnlennal.) 2;i3
Flambeaux de table. [Dessin de J. Vorty.) 235
— :i7î»
tliiaiiiltili' ili' liililf. [Drssiii (le ,/. l'artij.)
Krisos cl vases l.diiis W I, p;ir liihilii^sc
Kriso hoiiis W'I, par Sal. mliii r
Frises Louis W I. par l'orly :»6l
Vaso Louis W I, jiar l'rifiir 2(51
Vaso i.oiiis Wl cl l^i^c l.niiis \VI, par ( laiivc! 261
Scan à ralVaicliir Ac U.-.L .\ii;;iislc. t'niir de l'itrlitiial.) ilil-
Salicrr cxcfiilcc par li. .1. Aii^^ii^lc. [Cidlrclittii de l'cinjxrciir dr Itttssic.)
Saiicicrc par l!.-,l. .\ii;:iis|i'. \('i)llfrliitii dr l'ciiipirrur dr Itiissic.)
( '.lui In- ilr I : J'i, pai- lî.-.l. Auj^lislc. \('idlrclitm II. l'Iiuslcs i
Ilmlii'i' (Il \iTiiii'il ilr ITTl». par IÎ..I. Au^^iisli-. [l'ulliclion II. Clmslrs.)
Ai^iiicrc cl sa ciivctic, par U.-.l. Ati^ii>lc. \l'tillccli(in Paul Kudvl.]
, . . 2»»:;
... 2(i7
, . . -iVM
20K
, . . 2(111
Salirc lie l!illaiiil-\'arcniics. {h'uprrs le dessin de David.) 271
Cail-tlc-laiiipc : (larhuiclic par hclal'ossc r,i
TABLE DES MATIERES. Tclc ilc iia-c : .Icssin d.î Caiivcl. . .
( jil-ili'-laiiipc ; vase d'di'rcvi'cric. [Ilcssin dr l'aitvct.j.
273
•>74
TABLE DES GRAVURES. Irlc de pa-c -. carloiiclic <lc llaiison.
ircplicc lie lleius, par ILiiisoii 279
Ti'ophi'e (le Heurs, jiar Ranson.
o^ 0
ACIIKVI': hlMnilMKH
Trophée d'orfèvrerie par Cauvet.
SAINT-CLOUD. — IMFUIMKUIK HKLIN FRERES
L'ORFÈVRERIE
AUX XVIir & XIX' SIÈCLES
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ORFÈVR
1 7 n ( ) - 1 •.»(>(»
L'ORFÈVRERIE FRANÇAISE
aux XVIII^ et XIX^ siècles
f/'ap/'és les documents reunis
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MUSÉE CENTENNAL DE 1900
1 7 < >( )- 1 î X )( >
L'ORFÈVRERIE FRANÇAISE
aux XVIII" et XIX'^ siècles
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HENRI BOUILHET.i' ^ ' I
ORFEVRE
l'l!l»l|ilM |i| I l MiiN iKMKM.l l>IS Vl;l> hl,i n|; \ I I IS
PRESIDENT DU JURY DE L'ORFEVRERIE
EN 1900
PARIS
H. LAURENS, LIBRAIRE-ÉDITEUR
<>, i: I I 1)1 In i i; M»\ . (■)
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T-ii-^ rliciils .!.• rr|.i-.i.|ulii>ii .1 ili,' Ita.liirlliin i-.-st
IJVIIK liKIXlKMF,
LORFÈVRERIE FRANÇAISE
X I X ••■ siècle
Première période
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IJVKE DEUXIEME
ORFÈVREEIE FEANCMS:
AU XIX
rREMllÈKE
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gjjMjnjnffljjfflji
^/rtét»t? na/- ^ xi<^<rte/ .'
Di'coraliniis iiili'i'iciircs.
{]•' ro II I i sp i !■<• i>:ir l'i'vr i e r .\
ClLVPnilE PREMIER
La Révolution et l'Empire
*aiiôanliss<MiUMit de i'orJV'vrci'ic sous la Tcrronr. -- l'illages cl vciUos.
— !.«' ps<Mi(ln-liix(' <l(i Dii'cetoii'o. — Exposilioii de Tau X et de
ISOr». — l/ai'iiciilerie de l'Kiii|)ereMr. ~ l.<' siMviee de vermeil de
.\a|i«)l<M>ii I . — l.e nouveau slyle. — l>es ai'cliileetes l*erei<M* el
loMlaiiK'. — l.a loih'tte de l'Iuipéi'ali'iee. — Le berceau du roi <le
Uoiue, par Prudlion. — Les (M'ièvres Auauste, Odiol, Biennais.
OIS ne saurions trop le redire, la lin du dix-huitième
siècle fut lamentable pour toutes les industries de
luxe, mais, surtout pour l'orfèvrerie, la Révolution fut
un cataclysme. En un instant elle fit un monceau de
ruines des œuvres aimables que le génie français avait
mis des siècles à produire, les brisa et les balaya
comme une poussière. Plus de commandes, plus d'ate-
liers, plus d'orfèvres I En un clin d'œil, sous le terrible
vent d'orage, tout s'évanouit, se dispersa, s'évapora.
Encore, si le tléau n eût été que jiassaprer! s'il n'eût fait qu'anéantir les ouvrages
— 12 —
d'or et d'argent qu'on envoya alors fondre à la Monnaie comme cela avait eu lieu
déjà à d'autres époques difficiles! le mal eût été réparable, et la Révolution por-
tait dans ses flancs des germes trop puissants et de trop prodigieuse conséquence,
pour (ju'on s'arrête à déplorer une éclipse de l'art et de l'élégance, produite par
ses premiers bouillonnements, et qui n'aurait rié que momentanée. Mais, en sup-
primant brusquement les corporations, on rompit violemment la chaîne des tradi-
tions du goût national. On livra sans contrôle, à tous les hasards d'une produc-
tion, désormais déréglée, la ])Iupart des métiers qui exigent la perfection de la
main-d'd'uvre et le respect des li-aditions, ces méliers délicals que l'art le plus
raffiné inspirait, qui n'étaient auparavant pratiqués que par des ouvriers d'élite
ayant fail leurs preuves, et dont la supériorité avait contribué pentlant tant
d'années au prestige et à la fortune de la France !
N'eùt-il pas été plus sage, de corriger simplement les abus qu'on reprochait
aux corporations, en substituant, au système de la réglementation du travail,
o'iuvi'e lentement ('laborée par les siècles el (pii ollVail de si pi-écieuses garanties,
un régime de liberté absolue? N'allait-on pas se trouver en présence de nouvelles
difficultés, et cette liberté ne devait-elle être (|u'illusion? L'événement l'a prouvé,
ainsi que l'a fait si judicieusement remarquer Lucien Falize dans son /{apport sur
l'E./positiott (le 1889 : « Au lieu de la liberté promise, on la lui reprendit, même en
» partie, car la loi du 19 Ijruinaii-e au VI remettait l'orfèvrerie en tutelle et lui
» imposait une règle |)lus étroite, une surveillance j)lus jalouse qu'autrefois. Ce
» n'était plus à ses experts-jurés (pi'on confiait la siu'veillance des titres, la garde
» et l'apposition des poinçons ; l'État se faisait le maître et le gardien de la
» marque, frappait un impôt, et soumettait l'orfèvre <à une réglementation jalouse,
» à des visites domiciliaires dont les formes vexatoires sont encore en vigueur. »
Le mal fut irrémédiable, et son atteinte si prot'onde, qu'aujourd'hui encore,
après un siècle écoulé, malgré d'incroyables efforts en tous sens, en dépit des
admirables progrès de la science qui ont amené des transformations si heureuses,
nos industries artisticjues continuent à en subir le contre-coup. Il n'a pas fallu à
celles-ci, moins de ce long temps, pour se relever de la chute lamentable où les
avait plongées la période révolutionnaire.
A ce point de vue particulier, le dix-neuvième siècle n'est que l'histoire dou-
loureuse, le martyrologe de l'art décoratif, lequel, jeté tout à coup hors de
sa voie, n'ayant plus de principes de direction, ballotté à tous les vents, jouet
des caprices les plus vains et souvent les plus ridicules, tantôt piétine sur place
en se mettant successivement à la remorque de tous les styles passés dont il ne
sait plus donner que des interprétations confuses, pour ne pas dire informes, tan-
tôt s'abandonne éperdùment, sans frein, sans logique, sans goîjt, à la nécessité
d'une production intensive, rapide, énorme, réclamée parles besoins d'une démo-
cratie sans cesse montante, éprise en même temps de luxe et d'art, mais d'un
- i:i —
luxe ofdiii.iin'iiiciil In'l.iti', r[ d'iiii arl, ln-las! (|iii li-oj) sonvriil iiCsl (|ii(' dkmi-
U('comiai>>«^uii^ |iiniil:iiil , cl |ir(n-laiii()iis Iraiiclit'iiirnl i|iir ^i, plus (|iraii(iirH'
(le- antres iiidiisl lacs de tjdùl, Idrlcx n-ric lui ('•|»niii\ ('•<■ par la loiir-tiiciilc i|ui
aiit-aiilil SCS ( iicrs-d'uMiNrc, l'c-vdliilioii (|ircil(' \a siiiiir n'en csl pas moins siijgu-
liri'cmciil allailiaiilc i.llc iiiai(li(' (N'^oiMiiais a daiilirs dcsIiiK-cs ; (die ohi'il à un
idt'al qui n'fsl plu^ le luiiuc. A ne ((tnsidi'rcr (|uc ce (pTon pcrcl, on lisrpie d'aj)-
|)i-i'.ifr loil (ual ri' <pi on t^a^uc. I/hisloirc de l'arl indiislri<d au dix-ncuviôrne
sii'idc n"a|>paiail pa^ cucoi-i' |trul-rlr(' surii^aniriicnl à riinii-c a(du(dl(' dans sa V('i"il(;
syulliclhpic. jioui- (pif nous puissi(His nous llallcr di'daldir rti toulc ccililudc le
liilan exact des perles ('iirouvéï's cil regard des eoiiqucHes réalisées.
Ne nous hâtons pas de iiK'dire de iiolre temps. Assurément, il faut d(''|)lorer
ipic, dans le I Mudeversenicnt des idées et des eiioses, l'art et les métiers aient été
\i(deninii'iil sépares pai' un di\oree dont les ('()iisé(|uences ont été si fâcheuses.
Mais tpiand »ui l'ait la pari des causes snp(''rieui'es, et poui' ainsi (lii-e fatales, (pji
ont amené la trans|"oiuiati(Ui des conditions du travail, on comprend que des direc-
tions nouvtdli's s'imposaient à l'industrie qui devait forcément changer de carac-
tèi-e et d'(d)jeclif pour répondre à des nécessités sociales complètement nou-
velles.
('omnjent rtu-fèvierie j)ai'vint-(dle à sortir du chaos où elle semblait devoir
sombrer à jamais dans la di'bàcie fiénérale de nos arts du décor? Quelles furent
ses premières tentatives de relèvement? Par quelles phases dut-elle passer pour
s'accommoder aux i:onts, aux modes, aux fluctuants caprices d'un monde nou-
veau (pii ne savait plus rien des grâces exquises de l'époque précédente? Enfin
par (picUe suite d'efforts, les uns puérils et vains, les autres remarquables, qui
oïd rempli a peu près le dix-neuvième siècle tout entier, l'orfèvrerie est-elle
arrivée à présent à retrouver presque l'éclat de ses plus beaux jours? Voilà ce que
j(> vomirais sommairement indiquer dans les pages qui vont suivre.
.Notcuis d'abord ce fait, c'est que même dans la période qui précéda la Terreur,
l'orfèvrerie avait déjà, comme par enchantement, disparu de la circulation.
Fermées ou désertées, les boutiques d'orfèvres de la rue Saint-Honoré, du Palais-
Royal et du ipiai'tiei' de la Monnaie! Licenciés, les ateliers où se façonnaient les
services de table, les llandjeaux délicieusement ciselés, les chocolatières, les cafe-
tières finement ouvragées, les coupes, les bonbonnières, les miroirs ornés de
guirlandes ajourées, les écritoires, les nécessaires à ouvrages de dames! Pourquoi
les marchands auraient-ils persisté à s'achalander de ces objets précieux, puisque
leurs plus lidèles clients n'en voulaient plus? On s'était engoué de simplicité.
L'austérité dans les habits, le « retour à la nature » prêché déjà par Jean-Jacques
Rousseau et dont la reine Marie-Antoinette avait fourni l'exemple à Trianon, une
sorte d'afïectation et de comédie de rusticité, voilà quel était le mot d'ordre, et
— 14 —
la manie du moment. Alors que beaucoup de gens de la noblesse avaient émigré
à l'étranger, ou se cachaient en province, quelques salons, et des plus aristocra-
tiques, restaient encore ouverts à Paris, tels que ceux de M'"" de Coigny, de M'"" de
Simiane et M'"" de Vauban, de la princesse de Ilolienzollern, du duc de Bedfoi'd,
ce grand seigneur anglais qui s'amusait à regarder la Révolulion et qui invitait
même des jacobins à ses fêtes somptueuses. Le prince de Lambesc avait cessé de
donner ses grands dîners en 179i, mais il y avait encore les soirées de M""" de
Montoissieux, les soupers du maréchal de Duras, et ceux de cette vaillante mar-
quise de Chambonas qui réunissaient les rédacteurs des Acles des Apôtres, et où
se forgeaient les satires contre-révolutionnaires. Nulle part cependanl on ne voyait
plus d'argenterie : c'était un luxe proscrit, dangereux, condamné par la mode et
parles théories humanitaires qui étaient en faveur jusque dans la haute société.
Comment d'ailleurs aurait-on osé étaler dans les repas des ustensiles d'or et d'ar-
gent, à l'heure où femnies du peuple et grandes dames, gagnées par la contagion
du sacrifice, envoyaient à l'Assemblée nationale, pour subvenir aux frais des
armées, tout ce qu'elles possédaient de bijoux, de colliers, de médaillons, de
boîtes à mouche et à rouge, d'étuis, de crayons, de myrzas d'or, et jusqu'aux
boucles d'argent de leurs souliers? Le marquis de Villette ayant donné en bro-
chette toutes les boucles d'argent de sa maison, voilà les statisticiens à évaluer
les boucles d'argent des soldats-citoyens à 000000 livres, et à 40 millions de livres
toutes les boucles d'argent du royaume. Les loueurs de carrosses de f*ai-is doinient
l'argenterie composant le service de leur hôtel; les maîtres d'armes apportent
leurs épées, et avec leur don, ce discours : « Deux métaux composent nos
épées : l'argent et le fer. Agréez le premier pour les besoins pressants du
moment. Nous jurons d'employer le second au service de la nation, au maintien
de la liberté (1) ». Telle est l'emphase du temps, tel est l'élan généreux qui,
sous le vocable de « vertu civique », règne à cette date dans toutes les classes
de la nation! C'était l'heure d'enchantement et d'ivresse heureuse de la Ré-
volution.
La Terreur vint vite donner le coup de grâce aux industries de luxe. Aux théo-
riciens des clubs, aux économistes de carrefour, aux philosophes de la Commune,
il semblait que tous les signes de la prospérité d'un peuple, c'est-à-dire les arts
qui font le charme et le confort de la vie, les splendeurs de la richesse, les séduc-
tions de la demeure n'étaient que des éléments funestes au principe de l'égalité, et
ils ne voyaient, dans les répartitions infinies de la main-d'œuvre nécessaire à la
fabrication des objets de luxe, que ce qu'ils appelaient dans leur jargon du moment
« le canal des larmes et du sang de la famille des travailleurs ». Parmi les décla-
mations applaudies dans les réunions publiques, on relève des phrases comme
(1) J. cl Eli. de (Joucourt : Histoire de la société française sous la Uécoliition, p. G7 et 68.
— I.-Î —
(•t'llt'>^-ci : .( I;t'^ lu)iili.|ii('s (les iii.iicIi.iihK de iiimlcs ^f traiii^formoront on aloliors ;
li's iiiMiiliaiiiU lit' cario^^fs iIcn iciidritiil de Ikmis clian'ciiis , les orlV-vrcs s(! l'croiit
scriMIlMci-s cl Ini-iiiiiil tli"^ ;iriiit'N. Moil ;i loiil ce (|iii n'es! |i;is de |)r«'mi('l'(?
lUM'OSsitc ! Mnil ;iii\ niniifi hhinclirs ! » D.ilK llll di' ses r;i| i| m iil ->, S;i i ii I -.1 il^t ilniiiic
|;i |'i)i-iiiulr dii |ii(i_'i;iiii pic dc\ai( siii\r(' le (•((miiicrcc : " Nous vous oll'riines
le Ixtiilii'iir cl la \cilii, celui <|iii liait de la jouissance! sans le ^U|)ei-nu ; nous vous
..t1riiiic-> iMMir liiiiiliciir la haine de la lyrannie. la voln[)(r' (rime caliaiic cl d'un
Nicolas BOITET
Direct eiir de l;i M an u lac t lire daniics de X'ersailles.
t'iianip iVrlilo. cullivé par vos mains, etc.. » Et le substitut de l'accusateur public
Fleuriot précisait à sa façon la pensée de la Commune sur le même sujet, quand
il s'écriail. parlant des artisans ou artistes qui osaient encore vivre de leur métier:
Cl Qu'est-ce que des hommes qui s'occupent de sculpture pendant que leurs frères
versent leur sanir pour la patrie!... » L'Exposition de peinture, en cette année
sauirlante de 1793, ouvrit malgré tout ses portes au public ; mais en tête du
calaloiTue on crut devoir mettre cette phrase significative : « Il semblera peut-être
étrani,^e à dauslères républicains de nous occuper des arts quand l'Europe
coalisée assièpe le territoire de la liberté... » Ainsi l'art s'excusait de reparaître
au milieu de ce chaos 1
— 16 —
L'appel au déclassement des ouvriers d'art que faisaient les rapports des
conventionnels, et les clameurs dont retentissaient les clubs révolutionnaires,
allaient-ils trouver un écho dans l'esprit des orfèvres sans conmiandes, et leur
permettre de retrouver, dans les ateliers d'armes blanches ou d'armes à feu, l'oc-
casion d'exercer leur métier?
On en aurait pu douter si, à cotte époque, un arquebusier habile, Nicolas
Boutet, ne s'était pas trouvé tout désigné pour diriger une manufacture d'armes
qu'on allait créer à Versailles.
(t Le 12 juillet 1792, l'Assemblée législative avait proclamé la Patrie en danger,
» et les vieilles manufactures d'armes créées par la monarchie ne pouvaient suf-
» lire à la fabrication des mille fusils décrétés le 24 août. Le Comité du Salut
» public demande des armes en réquisition et pour en fabriquer de nouvelles,
» fusils, sabres, baïonnettes, et au moins une pique pour chaque citoyen, il
» fait appel à la Nation et constitue une connnission des armes portatives de la
» République. A Paris, le travail est enfiévré. Le 3 brumaire an II, les trois
» commissaires ordonnateurs se présentent à la l^arre de la Convention pour
» rendre compte de leur mission, et annoncent que cette fabrication de mille
» fusils par joui', qui était un beau roman pour le reste de l'Europe, se réalise
» à Paris.
» A Versailles, sous l'impulsion du citoyen Bénézech, les administrateurs
» du district réquisitionnent les armes du temps passé, créent des ateliers
» de réparation, et forgent des piques, des baïonnettes, des canons de fusils.
» La direction de l'atelier principal, que les administrateurs inaugurent dans
» le Grand Commun du château des ci-devant rois, est confiée à un homme du
» métier, un arquebusier qui, de père en fils, a fourni la maison de France,
» au citoyen Nicolas Boutet. Sous sa direction, ce n'est plus un simple
» atelier national qui fonctionne comme ceux qui parsèment le territoire de
» la République; c'est une manufacture nationale, l'égale des ci-devant
» royales.
» Le 12 nivôse an 11, le Comité du Salut public décrète qu'il y a lieu de
» fabriquer des carabines pour donner aux défenseurs de la Patrie des armes
» égales à celles de leurs ennemis. C'est à Boutet que ce soin revient et, le
» 1" vendémiaire an 111, l'atelier de Versailles prend le nom de Manufacture de
» Carabines.
» L'appel de la Convention, le zèle des administrateurs de district ont fondé
» dans la ville du grand roi, à l'ombre môme du château, une industrie nouvelle;
» mais déjà ce ne sont pas seulement des armes de troupe que forgent les
» ouvriers de Boutet; serruriers, bijoutiers, orfèvres, damasquineurs, ciseleurs
» d'autan, ornent désormais les sabres qui ceignent les généraux victorieux.
» C'est au Crand Connnun que le Directeur va chercher les armes de ré-
Directoire.
lùiipiro.
Armes triionneur fabriquées à Versailles par N. Boulet.
{CoUeclions Viclorien ^.irdoii el Berii.ird Frnncl;.)
'à
#
— iO -
n coiiipciisc iiiilioiialc C.'csl l;i «iiif I"' ririiii<'f ('.(.iisiil .•(.iiiiininic Ir^ ;n-iii('S
» (l'IiiiiiiiiMir 1 1. »
|{()ii;i|>arl(' a\iiil ciicoiira;^!'' Uoiili-I ; Na-
iMiIt'oii lui |M-(Hliuiia ^c^ (•(>iiiiiiaii<li'-< cl
s(tii a|)|Mii. I,('^ |ii(i(liiiK ilr ImiiiIcI axainit
lliciitc il l'Il'c r<)ii'>l(lcirs ('oïlillic Ic^ |>lll^
|)faii\ cl II'-- iiicillciiis (|iraiciil jamais
|ii-(MliiilN les an|iic|iiisici's cl les l'oiiriiis-
scm-s, C'csl (iiialors le |ii\c t\c V;\v[\\c de
guerre. (Idiiiicc ail lilrc (\{' ri-compciisc
iialioiialc aux ;^('Micraii\ iiisli-iiiiiciils de la
l^loirc mililaifc (\c la ["raiicc, allait |H('ii(lcc
un (lc\clo|»|)ciiiciil coiisidc-raMc. Le l)i-
inioirc, le Consulat, rKni|»ire, (ievaiciil
ainsi faire <le la inaiuil;u'lui'e de Versailles
une pépinière d'artistes destinés à eon-
sorviM' les li-adilions de rarfjuebuserie IVan-
eaiso, connue celles de Sèvres et des
(lobelins les fabrications de la porcelaine
et de la ta|>isserie.
Dans l'esprit du IM-einier Consul, par
l'ai'rcté du 1 1 fructidor an Mil qui substi-
tuait à la régie le régime de l'entreprise,
Versailles devait être une manufacture
d'armes de luxe, tandis que les ateliers de
Saint-Etienne restaient destinés à fournir
le corps de troupe d'armes à feu, et ceux
de Klingenthal d'armes blanches.
Mais la fabrication des armes de luxe
ne devait pas être pour Boutet la source de
bénéfices. Les comptes établis le 10 bru-
nuiire an Vil constataient que le produit
des armes de luxe avait été pour l'année
de 463644^55 et la dépense de 4693iOS2l,
soit 0 660^34 de déficit. Aussi, l'arrêté du
14 fructidor lui réservait-il la fabrication
annuelle de 1:2000 armes à feu dans des
(1) f.a Mnim facture d'armes de Yeraail/es. par le
capitaine .Maurice HoUet. In-folio, chez J. Leroy fils,
éditeur.
Epée d'honneur du général Dorsenne.
[CoUeclion Bernard Franck.)
— 20 —
conditions rémunératrices, mais lui imposait en même temps l'obligation de
former une pépinière d'artistes; le Ministre de l'Intérieur se réservant le droit de
désigner les trente élèves qui, sous le nom d'Eco/edes enfants de la Pairie, sui-
vraient les travaux de la manufacture, mais seraient tenus d'apprendre le dessin
sous la direction de Bontet. Cette école allait porter ses fruits, et, Boutet disparu,
les Manceaux, les Lepage, les Gosset se firent un nom dans l'arquebuserie, en
continuant les traditions qu'ils avaient recueillies dans la manufacture de Ver-
sailles.
L'œuvre de Boutet fut considéi-ahle. On la retrouve en partie dans les collec-
tions publiques, au musée de l'Artillerie, au musée Carnavalet, dans les collec-
tions privées ou encore dans les familles qui ont conservé précieusement les
témoignages de la reconnaissance nationale donnés à leurs ancêtres. La col-
lection de M. Bernard Franck est riche en (euvres de Boutet. Grâce à son obli-
geance, nous avons j>u l'eproduiro trois pièces des plus intéressantes. D'abord,
l'épée d'honneur olîer'te au général Dorsenne, par les officiers du 1" régi-
ment des grenadiers de la garde inq)ériale, et. dans la page hors texte (page 17),
le sabre dhonneur ollert pai" le Dii'ectoire au général Augereau, (|ui poi'tc sur
la lame, en lettres incrustées d'or: RÉCOiMPENSE NATIONALE. Le sabre d'hon-
neur offert par l'empereur Napoléon au maréchal Jourdan ; la lame en damas
est damasquinée d'or; la garde est en vermeil ciselé, et le fourreau est en écaille
avec ornements en relief. Tous les deux sont signés Boutet, directeur-artiste, à
Versailles.
Nous donnons également dans la môme planche un sabre d'une composition
intéressante, qui faisait partie de la collection de M. Victorien Sardou. Il date des
premiers temps de la Convention et fut vraisemblablement porté par un de ces
conventionnels qui suivaient les armées de la République opérant sur les fron-
tières. Il est en bronze finement ciselé. La poignée est faite d'un faisceau de
licteur surmonté d'un bonnet phrygien. La garde est formée par une branche de
chêne, dont la composition et la sculpture rappellent la manière de procéder, à
l'époque de Louis XVI, des ouvriers qui n'avaient pas encore perdu les traditions
du métier. La coquille a la forme d'un livre ouvert sur lequel est gravé l'acte
constitutionnel de la République française et les articles I, 3 et 27 de la Dé-
claration des Droits de l'Homme. L'œuvre est magistrale; elle pourrait être
attribuée à Boutet, mais aucun nom ne figure, ni sur la poignée, ni sur la lame,
et elle doit être antérieure à la prise de direction de la manufacture de Versailles
par Nicolas Boutet.
Une monographie intéressante du capitaine Maurice Bottet a réuni sur l'œuvre
de Boutet et sa direction de la manufacture de Versailles des documents des plus
intéressants. Les planches nombreuses qui l'accompagîient donnent bien la phy-
sionomie de son o'uvre et font revivre les travaux qui sont sortis de ses mains.
— 21 —
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Si iJoiilfl cliiil un :iniii('lMi->i('r Ikhs li;jiic, il ('•l.iil ('■;.• .iIi'iihiiI un Imliili' «Icssi-
n.ilcnr. A -^a lii|ni(lal ion, on MMnlil <|ii;uanli' des-
sins si^nc-> (II- lui. Si\ ^nnl anjoind lini iiilrc l<">
mains (\i' M. l'.d. hchullc, nn'nilur <li' I In^lilnl.
(|iii ;i liicn \(inln nmis .inliiii-cr a Ir^ n|)i<ii|iiir'('.
I.'iiii (ICnx. I- C^l I i|Mni' iMi noir du -aliii' | oilanI
siu' rdi'cilluii nnc h'Ir ca-^iini'c de .hum-; I .iiiln-,
d un t:lai\<' l\|ic de (■elle ('[m'c nnni-ln' lonrnic a
lUinaparlc prcnHcr (ioiisid en I an \l. .1 dunl Ir
|.ri\ (dail de :2I 1)1)0 IVan.-s.
hfs^inalcin-, l'xMild (dail an^-i (''nnncnnncMl
d(''C()ral(Mii'. (i'csl lui i|n! a lonrni lo dc^'-iu'^ de
la d(''C()iali(»n de la |ii)il(' de la nianiH'a(d nrc dr
\('r>aili('s, l'illc es! Iiicn du sInIc des |)r(jmier?3
(ia\an\ de Honicl (jni sinspiiaicnl des Iradilioiis
do Louis \VI; cl la consIrindioM de ce porlail
doit, an diic <ln capitaine liollcl, i-cinonicr aux
pi'cnncrs Icnips (\r son cntrc|)risc, c'esl-ii-difc
vers 1800. In IVonlon. orné dinn^ lèle de .M(''-
duse, est encudi'é de deux montants déeorés de
trophées d'armes qui sont bien de l'époque; et
les laisceaux de li(deurs sculptés sur les pilastres
de la porte semblent assigner une date anlé-
l'ieure ;i rKmi)ii'C.
Telle qu'elle est établie, cette ceuvre d'andii-
tecte n'est ni un pastiche, ni une reconstitution,
mais un ensemble de grande allure dû à la con-
servation des traditions d'art que Boulet sut ap-
pliquer à tous ses travaux.
La chute de l'Empire fut pour lui un désastre.
Les Prussiens, entrant à Versailles le 1"' juil-
let 1815, saccagèrent la manufacture, et Bliicher
fit saisir tout le matériel, les armes de guerre,
les arnies de luxe, les dessins et les modèles de
l'infortuné directeur-artiste. Il en chargea trente
fourgons qu'il dirigea sur Berlin. C'était la des-
truction en règle d'une industrie dans laquelle
l'art français s'était imposé au monde. Bliicher
espérait peut-être, en transportant ces modèles aux rives de la Sprée, renouveler
le goût allemand au contact du goût français.
Epiii'cs de N. Boiitel.
{Collection Ed. Deinille.)
Le Gouvernement de la Restauration niarclianda à Boutet la réparation qui lui
était due, et il fit plus en lui refusant, en 1818, la prorogation de son traité d'ex-
ploitation de la manufacture de Versailles, et l'obligeant à rechercher dans l'in-
dustrie privée le moyen de j)ayer des dettes contractées au service de l'Etat. Le
luxe des armes de guerre était fini, et le succès ne vint pas.
A sa liquidation, son gendre juillet, qui lui fut substitué, s'engagea, pour
l'honneur de la famille, à payer ses créanciers. Boutet mourut pauvre, mais avec
la satisfaction d'avoir bien rempli sa tâche, et, en maintenant la réputation du goût
français, d'avoir conservé les traditions de la belle main-d'œuvre des ouvriers de
notre pays. S'il put, au commencement de son exploitation, recueillir, en 1792,
quelques orfèvres habiles et d'autres ouvriers d'art, et les préserver de la
déchéance, nombreux étaient ceux qui restaient victimes des idées qui avaient
cours alors et ne trouvaient plus à s'occuper.
Sous la pression des déclarations qui, dans le populaire, s'accordaient avec le
genre de vision qu'on avait d'une république égalitaire, et de ce que l'on appelait
le « civisme », on conçoit que le peu qui pouvait encore rester d'orfèvrerie dans
certaines demeures, tout ce qui n'avait pas été emporté, enfoui, caché, fondu, tout
ce qui n'avait pas été volé par les bandes de pillards se disant « sans-culottes »,
tout ce qui n'avait pas été brisé dans les premiers moments de la fureur révolu-
tionnaire, fut soigneusement dissimulé ou prudemment anéanti. En 1793, « la
richesse est crime, la pauvreté devoir, la misère prudence » (1). Le jour où une
voix cria, à l'assemblée de la Commune : « On doit rougir d'avoir deux habits
quand les soldats sont nus », tous les possesseurs de deux habits commencèrent
à trembler. Quiconque aurait été vu déjeunant dans une tasse d'argent, eut passé
pour suspect, et eût été dénoncé.
La Convention voulut empêcher la destruction ou le pillage de l'orfèvrerie
comme des autres objets précieux et mobiliers qu'organisaient à Paris et en pro-
vince, dans les châteaux et dans toutes les habitations d'a?'istoc?'ates, des bandes
de gens sans aveu. Son arrêté du second mois de l'an II produisit quelque elîet.
Mais il était bien tard, et, d'ailleurs, il ne réprima pas les actes de vandalisme que
faisait commettre la peur, les autodafés allumés par les possesseurs tremblants,
ou les dévastations des marchands eux-mêmes, effrayés de trop compromettants
butins !
Quand la tempête fut calmée, après le 9 thermidor, Paris et la France entière
ne parurent plus être qu'un immense bazar où, dans un inexprimable désordre,
dans un indescriptible fouillis, étaient mis à l'encan les défroques de l'ancien
régime, les objets d'art mutilés, les meubles brisés, toutes les épaves, en un mot,
du colossal naufrage. Dans les rues de la capitale, ce n'étaient que salles de
(1) J. et Ed. de Goucourt, Ibid., page 3G0 et suivantes.
i:\ —
Nciilf, ariiclics iiiiiKHii'.'iiil l;i (liN|irisi((ii ilc^ clTi'U iiKiiiilicr-, (|i's rond.iiiiiM'S,
i!cs (•iiii;;rc>^. (les (•(»iili>>i|iic->, t\f^ niiiirv || ii'\ ;i\iiil |(,i> >^riil,iiH'iil I IkiIi-I |{iillioil,
riif .lt'aii-.lafnii('>,-|»(iii«,sc;ni, ciidiiiil ImIhI ml tlo \i'iil('>>, i|iii ic;:(H-;j<'ail ilc iiioiidc.
Forte du Grand Coninuin.
'Mamifaclnre d'armes de Versuilles.)
-V chaque rue, où existait un hôtel, une église, on avait chance de rencontrer,
traînant dans les ruisseaux, livrés à de dérisoires enchères, quelque bibelot
sans prix dont on n'aurait plus su dire la provenance, un meuble, un bijou, une
broderie, un bronze, ou parfois quelque pièce d'un service de table dont le chiffre
armorié était gratté et aux trois quarts efîacé. Les couvents avaient fourni une
^C-=;
large part à la curée de l'orfèvrerie. La Sainte-Chapelle, découronnée de sa
flèche, était devenue un magasin de papiers de justice; les reliques avaient été
jetées au vent; l'ostensoir en argent doré de quatre pieds de haut, enrichi
de pierreries, pesant 600 marcs, avait été fondu. Toutes les églises, celle
du Marais comme celle de l'ile Saint-Louis, comme celles des autres quartiers,
avaient été mises à sac, en môme temps que les couvents : ainsi Saint-Louis
de la Culture, l'opulente église des jésuites oîi les cœurs de Louis XIII et
de Louis XIV étaient soutenus par des anges d'argent, ne contenait plus rien.
Des rares trésors épargnés on citait celui des Gélestins dont le Musée des Petits-
Augustins, grâce à Leiioir, avait recueilli le nîagnifique héritage. Le mobilier im-
mense de la France, ces bois, ces marbres,
cet or (|ui formaient la riche parure du
Marais ou du faubourg Saiiit-Cermain,
([ui cmplissaienl les garde-meubles de la
couronne et les hôtels
somptueux, qui fai-
saient de Paris un
musée sans pareil de
la curiosité, tout cela était perdu, anéanti,
dispersé. A l'encan permanent de ce (jui
avait pu être sauvé, les brocanteurs de
l'Europe entière accouraient, et l'on vit
les marchands juifs, aflluant de toutes
parts, établir en jjlein centre de la ca-
jiitale, au Café des Juifs, rue Saint-
Martin, la Bourse des dépouilles de la
France (I).
Le Directoire, en amenant un peu de détente dans les esprits, fit renaitrC; au
milieu des contrastes d'une société infiniment bigarrée, qui donnait à la fois le
spectacle des folles prodigalités et des plus dures misères, sinon le sentiment de
l'élégance et du goût, du moins un furieux besoin de distractions, de plaisirs et
de luxe. Distractions grossières, luxe désordonné et sans grâce, dont l'art était
banni. Mais les femmes en avaient décidément assez des « toilettes patriotiques »,
des bijoux « à la Constitution », des bagues faites avec des pierres de la Bastille
enchâssées : la coquetterie reprenait ses droits. Par les bals qui s'organisaient
un peu partout dans ce Paris délivré de l'affreux cauchemar de la guillotine, par
les thés dont la mode s'imposa alors avec la plus singulière exagération dans
tous les milieux sociaux, par les dîners, officiels ou non, qui se multiplièrent.
Hc'cliaiul à iiinii).
{Dessin uri(/i7i;il de Snleinhicr.
lies l)e;ni.r-;irls.)
GuzeUe
(1) Ed. et J. de Goncourt, la Sociéfé française sous la Révolution, page 365.
— 2.1 —
avt'f cciiaiiis raniiiciiiciiK de i iii^iiic, cl il»-^ nrlicn lie-, de (h'Tdiatioiis lloi-alcs,
ciiliii par (If- >(.iii|ilii(i->il<s malIciHliU's, s'allcslail (11111»' laroii griK-ralc rmimciisc
(>n\ic (le rciKiiic.T a la iiia^^caraili' de ^im|)li<'il<' a oui i-aiicc (|iii vciiail dr ^c joiici-.
On \(iulail rire, on \oiilail danger, on \(iiil,iit des coliCndicN cl des lion-- dniris,
(Ui \onlail \i\rc. Lc^ cnriflns de |;i jîi's (.lui khi, les a-iol('in'>, le- nia(|ni-nons des
liicn-- nalionanx, lf> ancien^ |.in^ de la Monla-nc, aussi Inru (|nr les « ri-dr\aul »
aristocralos (|in connucncaicnl a rcxt'inr do r('nn-ial ion, 1rs uuivcailiiiN «|ui pro-
mtMiait'ul dan> l*ari> icnr^ lialnls do carnaval, loni iv monde si di>|iaialc ('lail
aiiiin»' i\(.' la nicnu- |>cn>cc. (\v la nicun' ivi'csse <!(' jouissaïu'e cl <l amuscincuL.
Soupière.
(Dessin de Sulemhier.)
A colle date, la femme qui donne le ton à la mode et dont l'exemple fait autorité
pour la toilette comme pour l'ameublement, c'est M'"*Tallien. On copie ses façons
de s'habiller ou plutôt de se déshabiller, comme on imite ses parures, ses bijoux
à la romaine, à la grecque ou à l'étrusque, et sa vaisselle de table. Quand elle
préside les fêtes fastueuses que donne Barras, cet ex-noble, « Louis XY de foire »,
qui garde en sa fortune révolutionnaire quelque chose encore de l'ancien aristo-
crate, tous les ministres du Directoire et leurs femmes, totalement ignorants des
habitudes de la richesse, regardent avec des yeux ébahis, et s'efforcent de retenir
un geste, une allure, la disposition des couverts et des plats sur la table brillam-
ment servie. C'est le modèle dont on s'inspire, comme on copie les carrosses gris
de lin aux toits d'argent, avec lesquels elle circule dans Paris au milieu des curio-
sités, et souvent des lazzis de la foule.
Mais qu'était l'orfèvrerie de cette époque où la France se reprenait à respirer,
et où faire preuve de richesse n'était plus s'exposer à l'échafaud? Les quelques
— 20 —
spécimens qu'on en connaît n'en donnent pas une idée fort avantageuse. Les
cafés, qui foisonnaient dans la capitale, les restaurants à la mode qui étaient
encombrés tous les jours d'une foule bruyante et fringante, étalaient sur leurs
tables quantité d'ustensiles de formes qu'on prétendait inspirées plus ou moins
de l'antique, des couverts à l'anglaise, des couvre-plats monumentaux, des buires
aux lignes grêles, ornées de palmettes rigides, des pots à oille dépourvus de
galbe et des soupières invraisemblables. De quelles officines inconnues, de quels
ateliers barliaros cette argenterie de quincaillier émanait-elle? Mystère! Quels
étaient les artistes qui les inspiraient? Mystère ! Salembier vivait encore, Salembier,
dont les compositions nous donnent une vision si charmante du style Louis XVI
dans les gravures qu'il nous a laissées, essayait sous le Directoire et le Consulat
de fournir des modèles aux orfèvres.
Mais allait-il retrouver le charme et l'élégance de ce style dont il avait été un
des plus habiles interprètes, comme en témoigne {paije 24) un joli petit réchaud
à main qu'on remarqiuiit à l'exposition des dessins d'ornement (jui avait été or-
ganisée avec tant de goût et de savoir par M. le manjuis de Chènevières, avec le
concours de MM. Gustave Dreyfus et Charles Ephrussi, au Musée des Arts déco-
ratifs en 1880.
Salembier publiait à cette époque (I) un recueil de dessins d'orfèvrerie dont les
planches ont été rééditées de nos jours. Nous lui empruntons quelques-unes des
pièces les plus typiques de cette orfèvrerie aux formes troublantes et aux décors
grêles et mous. Mais Salembier, vieilli, avait perdu le sentiment délicat de l'art de
la fin du dix-huitième sièclequil'inspirait jadis, et n'olTrait aux orfèvres qu'une série
de compositions inexécutables, pastiches ridicules de l'Antique amaigri. — D'ail-
leurs quels orfèvres eussent été capables de les comprendre et de les exécuter, un
bien petit nombre étaient en état de se réorganiser. Ceux du Palais-Royal avaient
été remplacés par des pâtissiers et ceux de la rue Saint-Honoré par des mar-
chandes à la toilette. Les apprentis et les compagnons de la corporation dissoute,
après avoir été forcés, pour ne pas mourir de faim, d'aller prendre la pioche à
l'atelier national ouvert en 1790 à Montmartre, étaient partis aux armées, se
trouvaient disséminés un peu partout. Quelques-uns, les plus vieux, s'étaient
faits ouvriers en sabre. Il y en avait qui, deci delà, tâchaient de reprendre le
métier, obtenaient une petite commande d'un boutiquier entreprenant, à l'affût
d'un client qu'il fallait allécher par des exhibitions séduisantes. C'était le nouveau
régime qui commençait. Chose inouïe et qui apparaît comme un problème, ces
artisans qui, cinq ans auparavant, étaient capables d'exécuter, sous la direction
d'un maître, les gracieuses œuvres de métal que l'on sait, les objets les plus
délicats et du goût le plus fin, étaient maintenant désemparés, et avaient peine
(1) llccueil (l'uifevrcrie de Saleinôier, publié pur Foukifd, éilileur.
Salières, sucrier et gobelets.
Dessins de Salemhier.)
— '2'» —
à russ;iisir Iciir-^ (HiliU, ;i l'iiii-c sorlir i\r |l■|||•-^ ilniu'l-- iiin- |iiiT( i\':\y^t'i\\t'\-\ii
aci'0|>l,ilili'. ('.eux i|iii ;i\;iiciil ;-Mnl(' uni' ci-i'l.iiiii' lialnli'l r de m.iiii ne •>;i\ ;iii'iil.
|l|ll-^ citiiiiiii'iil lui ili->cr, r;iiili' il Un u'imli', ri ll;lll-^ I inml 1 1 inli' ijii inuilrli- .1 m'-cr.
(Jiioi iiii:i;iniM' |miiii' |ilaii°(' a ci* |iiililii' niiii\ raii , I niniiillniinaiil , riiliji', lini\aiil,
i|iii [la^^ail irinii' l'anlai'^it' a laiilic a\ri- iinc pi'oiiijil il inji' -an> ('M'inpii', <|iii s(j
la-^•^ail il'iiMi' mule a\anl ipir rrllc ailnpl r la vcillr ail m Ir Iniips de <(■ l'aire
coiiiiail rc, i|iii ijiiillail un (a|iiiri' |miiii- un ani rc, ^aii-> niin' m i-ai^on, |H)iir le
[)lai-^il• lin (•lianuciiii'iil , cl ■^nrlnnl sans s'iii(|ni(''lcr <! arl l'I ilc ^.'oùl.
l/ai'l ! (Ml ('la il il'.'' One pi'i m Inisail -iTr* Lr ^i-ainl |)a\ iil, laliLiin'' iln \-n\f <lr I ri! m 11,
ci (it'^dùir' (le l'iuii'iiir an\ ciT/'iiKniics r(''|)iiMiraiiii's des inoijcli's de chars, de cjjs-
tuiucs cl ^\c corlci^cs, se Iciiail a iiri'sciil coiiHih' dans son aleliei' du Louvre,
siMultrc cl niuel. Il n'y avait pas en de salon de [leinhiic en I7!>«. Mais di'S (jn'niio
a[)|>ai'eiu'e de ?t)('ié(t' coinnienea à oser se refoi'nier, nue l('\i:ion de pcinlres rcpa-
riil. l/l'Aposition de ITU.'l — e'esl-à-dire de lan IV — iH" eoiniiril |ias moins de;
eiiiil ctMil Irenle-rimi (ahleanx el de (inali-e-vin^l-nenf scnlplnres. Mais que de
panviH's nioi'ceanx! (-ell(> de IT9(i lui moins maussade, moins encomljr('e d'o'uvres
consacrées à la reproduction des événements d'iiier, souvenir encore sai^Miant des
scènes douloureuses, malgré ce curieux apj)el adressé aux artistes par le Ministre
de l'Intérieur : « La Liberté vous invite à retracer ses triomphes; transmettez à
la postérité les actit)ns ([iii doivent lionoi-er voire pays. iVyez un caractère national,
pciiiiiez noire héroïsme, et (|ue les générations ([ui vous succèdent ne puissent
vous reprocher de n'avoir pas paru Français dans l'époque la plus remarquable
de notre histoire (1). » Mais les chefs-d'œuvre ne s'obtiennent pas par décrets,
et les épisodes révolutionnaires n'en suscitent guère. Le Salon de 1797 montra
décidément un réveil de l'art, une floraison inattendue de talents épanouis à côté
de résurrection de quelques renommées endormies. Prudhon gagnait tous les
cœurs avec ses nudités d'une pudicité enchanteresse, évoquant des rêves de grâce.
En même temps, Gérard, Girodet, Guérin, le miniaturiste Isabey, Gros, l'élève
de David, Boilly, le peintre familier des mœurs du Directoire, Carie Vernet qui
débutait, Greuze, Moreau, vétérans des salons qui paraissaient un peu dépaysés
dans cette cohue déjeunes, les sculpteurs Chaudet etHoudon, l'architecte Peyre,
dont l'ambition présente était de réunir le Louvre aux Tuileries, étaient les plus
en vedette à ce salon.
Cette môme année 1797, fut ouverte au Chamj) de Mars la première Exposition
publique des produits de l'industrie française. Elle dura trois jours. On y compta
110 exposants; mais point d'orfèvre, si ce n'est trois fabricants associés nommés
Patoulet, Aubry et Lebeau, qui avaient à Champlan, près de Longjumeau, une
(I) Voir le catalogue tle l'Expositioii ouverte dans le grand salon du Musée eenlral des Arts, sur l'in-
vitalloa du .Ministre de l'Intérieur, au mois de ven lémiuirj au V de la Uepublinue.
— 30 —
usine où l'on plaquait l'acier, et qui faisaient des couverts plaqués d'argent.
C'était peu pour représenter une industrie qui, dix ans auparavant, était une des
plus brillantes de la France, et le ministre d'alors, François de Neufcliàtean, dans
un raj)port sur cette nianifestation, en affirmant que « la liberté individuelle est
préférable à l'ancien système de la maîtrise et des corporations », eût été embar-
rassé de tirer de ce cas une preuve suffisante.
C'est cependant de cette époque, que, sur son initiative, « le principe si fé-
» cond des Expositions industrielles vin( ouvrir une voie nouvelle aux mani-
» festations périodiques (pii allaient pemunlre aux orfèvres de montrer toute la
)» valeur de leur imagination créatrice. On sait condjien furent modestes les
» commencements de cette institution. Les premières expositions, celles de
» l'an VI, de l'an IX et de l'an X, ne durèrent que quelques jours. Mais les or-
» fèvres se hâtèrent d'y prendre part, affirmant ainsi que leur industrie avait
» survécu au naufrage de leurs privilèges, et disant bien haut (ju'ils étaient
» prêts pour la lulte du lendemain (1) ».
Les documents que nous ont laissés les rapporteurs de ces premières Exposi-
tions sont trop concis pour que nous ayons pu nous faire une opinion sur le mou-
vement déterminé à l'origine, mais la voie était ouverte, et l'histoire de l'industrie
au dix-neuvième siècle tient tout entière dans les comptes rendus de ces mani-
festations.
Gela a été, pendant toute la période dont nous cherchons à tracer l'histoire,
la mine inépuisable qui nous permettra de suivre les évolutions de l'art de l'or-
fèvre au cours du dix-neuvième siècle, et de mener à bien l'œuvre que nous
avons entreprise. Nous signalerons au passage les travaux de tous ces rappor-
teurs éminents, économistes, archéologues, savants, artistes, industriels, hommes
d'études, de science et de goût, qui nous ont tracé le tableau de l'activité indus-
trielle dont ils ont été les témoins ou les auteurs.
Nous les suivrons dans leurs magistrales études, si documentées, si remplies
de renseignements précieux, et j'espère ne pas faire une œuvre inutile en rappe-
lant des travaux oubliés aujourd'hui, et qu'il est bon de remettre en lumière.
Si dans l'Exposition de l'an VI n'apparait encore aucun nom de véritable
orfèvre, il n'en est pas moins certain que plusieurs œuvres d'orfèvrerie devaient
y figurer. L'Exposition eut lieu dans la grande Cour carrée du Louvre, et nous
avons trouvé au Musée Carnavalet une aquarelle de Baltard que nous reproduisons
et qui permet de se rendre compte de l'effet qu'elle devait produire dans le cadre
merveilleux qu'on lui avait donné. Nous relevons dans le catalogue de l'Expo-
(1) Paul Maniz, Redœrchcs sur! Ilisloirc de VOrfrvrei-ie française ; Gazelle d s Beaux- Arls, tome XII,
page 2iS.
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— 33 —
>,ili(iii (11' I :iii \l ilT'.lT l:i li-li' ilr^ |in\ ilc-tiiic-^ ;iii\ \ ;iiiH|iiriir-s d.-ms 1rs ji'iix
()l\ iii|iii|iic--, .' I;i tVic ili' l;i ImikLiI Kiii ilc l:i Ih i ml ilh |iic , 1' \ ciiili'iiii.iii c ;iii \l
Jt)i/tr. — 1" l'ii\. -- l II ^jimimI \;i--(' d ;ir;ji'iil ilc rmiiic cl iii^(|iic ;i\cc -on (((ii-
Ncrclf cl -on |(l;ilc;iii.
:2'' Prix. hcii\ ciilcl icrcs (i'.irijcnt de loiinc ;.mc((|iic ;i\cc |il,'il(';iii .
Lutlt'. — 1'' Prix. — (ii;in(l sucrier darf^cnl en i'oiiiic de ^d(»l)(' xtiilcnii it;ir
lin I r(''|iii'd.
^1" Prix (liMiidc l'onLiinc d';ii\i:cnl ;i\('c la IIkmcim- cl la lailicrc
l-a dcscriplion -onnnairc de ces pièces iiioiili'e suriisaiiiincnl. (|iiels ('laicnl la
t'onne et le décor de ces oi'lcN l'cries.
h'aulres [nix pour les courses à pied cl les courses à (dieval ('(aieiil exp(»s('S.
r\''laieii( : deux i m m Ires à r(''p(''l il ion de la Maiinracliirc nalioiiale de l^csancon ; —
lin t'iisil douMc i;ariii d'acier ciscN- cl d'or; — un sahi'c cii acier enrichi d'or (l(!
l'apport de la Maïuiraclnre naluuiale de Versailles; — puis des ^n'0iij)cs en hiseuil.
de la Manufacture de Sèvres : le « Sacrifice (riphigènie » et le « Tri()in|)lie de
rAinoni" ».
On le voit, les fesiimonials eu orfèvrerie tenaient déjcà la première place dans
les prix olVerls aux vainqueurs des courses en môme temps que les pièces sorties
des Manufactures nationales de Sèvres, Versailles et Besancon.
Trois ans après, Cliaj)tal étant minisire, une autre Exposition de; l'industrie,
celle de l'an I\, fut organisée dans la cour carrée du Louvre. Le nombre des
exposants était de plus de i200; mais cette fois encore, pas un orfèvre! (^e n'est
(pi'en 180ri, à l'Exposition de Pan X, que l'orfèvrerie reparaît avec un certain
éclat, i^ràce à Peffort de deux fabricants, Auguste et Odiot, qui obtiennent
chacun une médaille d'or.
Le catalogue était sommaire. Le rapport ne l'était pas moins. Nous y relevons
celle phrase : « Ces deux artistes, Auguste et Odiot, ont excité également Patten-
)) lion du Jury. Le Jury ne peut se décider à faire un choix entre eux et leur
» décerne en commun une médaille d'or. » Et c'est tout!
A cette date, l'Empire est proche, l'ordre va régner et les arts du décor rece-
vront l'impulsion de deux artistes distingués : Percier et Fontaine. L'architecte
("Jiarles Percier, prix de Rome en 1786, avait alors dépassé la quarantaine, et
conquis une certaine renommée en dessinant pour les fabricants des modèles
de meubles et d'ustensiles de tous genres, dans lesquels on retrouve les formes
préconisées par David, l'espèce d'amalgame gréco-romain qui continuait à être
à la mode, mais avec un goût personnel, une élégance châtiée et des principes.
Son camarade, Fontaine, un peu plus âgé que lui, avait des qualités différentes
de précision et d'honnne d'affaires. — Ils s'unirent dans une étroite collaboration
qui ne fut jamais rompue. Bonaparte, auquel ils plurent, après quelques moments
— 34 —
d'hésitation, leur confia la transformation de la Malmaison, puis de Saint-Cloud,
la décoration de Fontainebleau et de Compiègne, la réfection des Tuileries,
Il est intéressant de constater ici l'influence qu'allait exercer l'architecture
dans les arts du décor et dans la création d'un style. Architectes tous deux, Percier
et Fontaine avaient puisé dans leur séjour à Rome le goût de l'antiquité et des
belles ordonnances; fidèles aux lois et aux j)rincipes de la construction, sans les-
quels toute entreprise est vaine, ils allaient, en apportant (hms leurs créations une
maîtrise que seules peuvent doinu'r les fortes études et la connaissance intime
de leurs prédécesseurs, essayer
de renouer les traditions du grand
siècle. Percier et Fontaine avaient
de plus l'heureuse fortune de
trouver dans un souverain fas-
tueux les encouragements néces-
saires pour plier à leurs idées un
entourage disposé à suivre le
mouvement (pii leur veiiait d'en
haut.
En 1812, Percier et Fontaine
publièrent, cliez Didot l'aîné,
un recueil gravé des principaux
meubles, Ijronzes, orfèvreries et
décorations d'intérieur, qui
avaient été exécutés sur leurs
dessins, voulant, disaient-ils,
« concourir à répandre et à main-
» tenir dans une matière aussi
» variable, aussi soumise aux vicissitudes de l'opinion et du caprice, les prin-
» cipes de goût que nous avons puisés dans l'antiquité, et que nous croyons
» liés, quoique par une chaîne moins aperçue, à ces lois générales du vrai,
» du simple, du beau, qui devi'aient régir éternellement toutes les productions
» du règne de l'imitation. .
» La théorie du goût ne saurait séparer de cet empire les plus légers produits
» de l'art, de ses plus vastes ouvrages. Un nœud commun les rassemble. Quelle
» que soit la manière d'imiter et de faire qui domine dans un temps ou dans un
» pays, l'œil éclairé du connaisseur en distingue, en suit les effets et les consé-
» quences, dans les plus grandes entreprises de l'art de peindre, de sculpter et
» de bâtir, comme dans les moindres des arts industriels, qui se mêlent à tous
» les besoins et à toutes les jouissances de l'état social.
» Qui est-ce (jui ne distingue pas la direction de l'esprit et du goût de chaque
Chaules PERCIKH. architecte.
— 35 —
H nt'iModc |>;ir li's di'liiiU ilc"^ iislriisilcs <lnmr-l ii|iirs, les olijrls de liivc on (!(.•
« lUTcs^ili' ;iii\i|iiiU, iii\ (•li)iil.iii«'iiii'iil , I iiii\iicr (|(iiiii:i rciiiprciiilc ilrv Imbues,
» (les coiiloiii'-, ili'^ l>|"'^ ''" "^•',-'' ''"' '^"" l"'iii|i"^. "
iNlis, r;i|t|icl;illl I llinili'licc (l(■^ |H'iiil rcx, des sriil|)lc|ir- , des ;i|-( II! In Irv (|c |;i
lu'li;ii^->:illi"i', cl les nliids r.llchinl Ir ^idlll du -^ci/iciiir siècle i|ile Ic^ ;iiii;dciirs
Il lic^ilciil |i;iN il |i;i\cr clicrciiiciil ;iii j( mid iiiii , |iiii^ des [KTindc^, (|iii lui oiJ -.ne.
cède, d;ills le'^(|iielles les Inniies de 1';! iiieilMeiiienl ^e sdiij JrdiiM'o lolljoiirs
en p;ii'r,iil aceord ,i\ee le liciiie (|iii |iresidiiil ;iii \ iii\eiilioiis des ;irc|iil(iC.I(;s,
des seul|ileills el de-- [leiiilre-^, ils
(•(msl;il;iieiil (|iie Idrlex reiii' du
siècle de l.(t^li-^ \l\ esl eiii|ireiiile
(lu i^OÙI de Le |>i'iiii ; (|iie le iiio-
!>ijiei' (le l'xMille ;i les eoiildiirs cl
les pi'olils dessiiK's par Maiisard ;
(pie le di\-liiiilièiii(> siècle les
Iraiisforme el l'ail rccoiiiiailre son
i^oùl dans les eonloiii's de ses
iilaees, li's dorures de ses hoi-
siM'ies, le (diaiilounK' dc^s dessus
de portes, coniine dans les formes
des hàl inieiits el le inaiiicM'c'' des
coiiiposirunis de ses peintres; et
rappelant (pie la lin du dix-liui-
tièiiie siècle vit ce i^uùl non seule-
ment changer, mais passer brus-
quement duii extrême à l'autre.
(( L'andiiteclure, qui donne le ton
» aux autres arts, et surtout à la décoration artistique, fatiguée, si Ton peut dire,
» de toutes les innovations dans lesquelles on avait cru depuis deux siècles
» étendre son empire, se trouva ramenée à la simplicité du goût antique, et
» même du plus antifjue qui dominait (diez les Grecs. »
C'est sous la direction de Percier et Fontaine que le mobilier prenait alors les
allures d'un style. Pour l'orfèvrerie, c'était une ère nouvelle qui s'ouvrait.
En effet, le premier Empire, très favorable en général aux industries de luxe,
donna à celles-ci des encouragements particuliers. Napoléon aimait le faste. 11 y
voyait comme un moyen de gouvernement et un dogme de sa puissance. Tout
jeune, il en subissait déjà étrangement la séduction, et l'on ne peut plus douter,
après tout ce qui a été écrit, notamment par M. Frédéric Masson sur les origines
de ses relations avec Joséphine de Beauharnais, du prestige qu'eut, sur l'imagina-
tion encore naïve du lieutenant d'artillerie, le cadre éléi^ant où l'aimable créole se
FONTAlNi;, aicluLccl.
3G
phit à conquérir le futur maitre du monde. Devenu premier Consul, Bonaparte
traitait encore sa femme comme une jolie poupée, cédant à ses caprices de toi-
lettes, à ses dépenses de colificliets, ne se lassant pas de payer ses dettes de
\" '
Pot à oillc, cxccutc par Biciinais, pour riiiipcratricc Joséphine.
couturières ou de bijoutiers, heureux de la faire belle. Tous les grands bijoutiers
et orfèvres de l'époque, à Paris et ailleurs, avaient Joséphine pour cliente : « Bien-
nais, Auguste, Depresle, Friche, Marguerite, Foncier, Fister, Nitot, Tourrier,
Messin, les frères Marx, Conrado, Ilollander, Lelong, Mellerio-Meller, et les hor-
logers Bréguet, Lépine et Mugnier, et Capperone et Teibaker, marchands de
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Pièces c^ol•fè^ rcric de Percicr et rontaino,
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(•illlM'Cs, cl ()|i\;i cl Si'nihi, iiMicliaiiiU ilc cdiMliX |i. ( !c lui liiin ;i(il|-c chose
(|ii:iiiil N;i|Mi|c(iii ciil -^iiisi le sccphr imi|m ii,il! Mais alors, il ne lin ^nllil jiln^ rpic
riiiijMTal lice soii sdiii |il iiciisciiiciil |)ai-cc. Ce (jn'il \cnl, c'c^l i|n elle I anjc a lain-
par une ^|ileii(liMir de Imii aldi, |iar nue e|i'L.'anie i|i;.'iie de celle de l'arn-iennc
(■(Hir, lin iiis( iiiiiiciil de l'oiin eineinenl . r.ndic I rop lourde |nMir elle ! A j ici ne sacr<''
ciii|M'rcnr, il r(~'\a de snr|>asser Louis \l\ , doiil les chroiiii|iies jin-s cl ridiies (diaii-
lau'iil le^ iiiaij nirh|nc^ a|iollieo'^es. Si les ;jnerres lui en eiis^cnl laissr- |c joi'-ir'. il
se li'il coii^-lrtiil lin \ei--aillesa lui, plus iiia|eslnen\, |iliis ininieii^e i|iic jaiilrc.,.
Dans ct'lle nia^^nilieencc du cadre, uni (lis|iar;ite, rien (|iii i-a|)|ielàl les liix(;s iiies-
(|niiis des |iar\enns. Toul en crensaiil 1res nelle la li^^iic de (l(''iiiarealioM rpii sf'-pa-
rail la lendance non\(dle dn Ion d aiipara\aiil. les ai'lisics de renipereiii' ;-'ardaienl
(In hixe anh'rieiir les amples cl ma jesl neiises doiiiK'cs... son ^('■iiie. <|iii pr<''\o\ail
loul, i|ni desceiidail aii\ pins inlimes d(dails de la sic, ne s'(''^arail poiiil ce|)eiir|anl
sur d(> jianales idi'os de gi'aïKlcur...
Le luxe t'Iail, à son sons 1res pereaiil, aiilr(! chose qiriine frivollh'' passaj^a'-re cl
in(>s(|nine. Par le Inxe. rinchislrie pi'ospère cl les ai'ls pi'ojri'cssent ; il est la \<''ri-
lalde ponle an pol doid parlail un peu llM'ori(pi('ment llem-i IV. L'I'ïinpcreui' vonliil
le r('\i;lemeider. le dc-linir avec la pi"(''('isioM dont il disjiosail ses ai'm(''es sur un
eliamp de li;ilaille. Alors il eoininauda ipie les aeleurs destiui's à ('voluei- parmi
les sonipUiosilés des palais impériaux se lissent dignes du eadi-e. Il s'adaeha au
luxe extérieur des haliils, des bijoux, des é(juipa<;es, dans le double bul détonner,
de favoriser les ai'ls et d'alimenter les métiers... La maison impériale n'avait rien
à envier à celle des rois de France; elle en était le calrpie singulièrement élargi
et augmenté, les oITiciers en copiaient les solennités obsé(juieuses, et la livrée
soutenait le jiarallèle. Toutes les cérémonies étaient marquées à ce signe un peu
puéril, mais si bien approprié au goût français, de raftinements dans le lever des
souverains, dans le service des tables, dans l'étiquette des réceptions, des chasses
ou des voyages... Napoléon, si simple d'ordinaire, si bien à l'aise dans sa veste
de grenadier ou sur son lit de camp, ne se contenait plus dans les représentations.
Marguerite, le joaillier, le couvrait littéralement de ])ijoux rares, soit au chapeau
de cérémonie où l'on attachait une boucle de 36:2000 francs, soit sur les armes
de parade qu'il portait dans les cérémonies publiques, soit sur la poitrine oîi les
insignes de la Légion d'honneur représentaient une somme énorme...
Le bijoutier Nitot, qu'un accident arrivé à la voiture du Premier Consul devant
sa boutique avait mis en faveur auprès de Bonaparte, devint l'un de ses fournis-
seurs préférés. Il fut chargé d'exécuter pour l'empereur, à l'occasion du sacre,
l'épée qui devait être ornée des diamants de la Couronne. C'était la première fois,
dit M. Germain Bapst, « que le Régent quittait une parure de souveraine, pour
1; Frédéric Massou. Joséphine, impératrice et reine, 1899 (vol. in-S", p. u4).
~ M) —
» venir ui'iicr le sabre d'iiii soldai; mais ee soldat était le vaiiii|ueiii' (rAi'colc e(
» de Mai-engo, qui devail. (jnelques années plus tai-d, se servir de son épée ornée
» du Jiégent pour écrire sur les tables de Thistoire de France les noms d'Aus-
» lerlitz et d'iéna ».
L'épée de INitot, très élégante
de forme, (pie l'Empereur porta
le jour de son saci'e avec le petit
costume, ne lui pas celle (pii fi-
i;ui'a dans la ci'rémonie oflicielle
oii, costiuné en empereur romain,
(•(Hume David la représenté dans
son lableau c(''lèbre du Couronne-
meiil, il avait à son côté un j;iaive
j)lus en harmonie avec ce costume
théâtral.
.Nond)ren\ sont les dessins de
glaive (pii existent dans Tteuvre
de Hiennais e( foui aujourd'hui
partie des collections du Musée
des Aris décoratifs. L'un d'eux,
dessin('' par Percier, se Irouve
également dans l'albinn de Mien-
nais. Nous en donnons ici la rr-
pi'oiliiclion.
Son goùl pour les armes de
luxe n'avait pas attendu, pour se
donner un libre cours, qu'il fut
monté sur le trône. Déjà, sous le
Consulal. Donaparte avait fait
exéculei- |)ar l'habile dii'écteur de
la manufacture d'armes de Ver-
sailles le glaive que le Premier
Consul devait porter dans les cé-
r(''monies publiques, et plus tard,
son orfèvre j)i'éféré, Biennais,
exécutait une épée élégante en or
ciselé dont le fourreau ('tait en écaille incrustée d'aigles et d'abeilles. Ces deux
pièces, d'une exécution savoureuse, étaient exposées jadis au Louvre, dans le
musée des souverains. Elles sont aujourd'hui au Musée des Arts décoratifs, avec
les costumes j)ortés par l'Emiiereur en ISUi^ à l'occasion du saci'c.
l'i'ojol ck' j;lai\(.' ii\ cr les diaiiuiiils de la (^(Hiruiiiic.
Alliii III lie Ilii'ii nuis.)
41
(ilaive du I" Consul.
Glaive de IKnipei-cui
Armes d'apparat de Xapoléon I", exécutées par Biennal?.
Muxée (les Arln décoratifs.)
I
rortrait de l'oi-l'cv rc IIiî.m-.y AUGUSTE el de sa raMiille, |);u' Frun.;()i> GJrard.
{Colleclion (ir;ivere;ni.
— \:\ —
„ I,,. |n\i' ;(i|l|(ilir^, le lll\<' v(,ii\ ciMiii, iloiiiliiiihiii , (|iii |i;iss;iil cil llliillir, <|lll
^■,,,i|,,)^;iil cl iiiii. |iciil -('Ire liicii, il;il|s les ;iccl;iiii;il iuiis i|r |;i loiilr, ;i\;ill l.i |ir(!-
iiiirri' nhiff I I . » 1,1' Ncr\ ii'c (le Idi I'cn rciic, ;iii\ Tuileries, et diiiis les un Ire s paliiis,
(•ImiI (llu;llli«^e eiMiiilie |;i(lis;il;i cdlir n)\;ile; le iioiiilire des pièces ('lilil coijviijc-
,-;,|,|,., |inil\;illl vei\ir ;i i") nu .'!() I ,il)|e^ |e^ jnlir^ de -;il,i; IIImIs ^-rj'icc ;i hlirnc, |r
^r:iiid iii;ii'e('li;d du |i;il:ii-^, {;iiii;iis |;i lahle iiii|i('ri;ile, loiil iiic()iii|i;u';il)le (lu'elle lui
,|;ill-> le di'hlll. Il ;il'^(M-|i;i de ce^ sdulIllCN iiiiiiieilses, diriieileinelll coiil rnlcf-. (|iie
les rois iiiNcri\;iieiil ;iu cIkiiuI ii' île leur iikiI^oii cJ). I.;i liiMe chiil loiijourv ^(uii|»-
Ilieil>~eiiieill |i;iree ;ill\ ,j<Mirs de recepi inii , scr\ie ;i l;i rniliejii'^e, c(iil\erle de lijippes
lirodees, d';iri;eiilerie ;iii\ Jiriiies, île surliiiils cl de crisliiiix. de phiK inouïes, cl
rliarui'i' il»' llt'lirs. Le ((''remolii.il ('hiil le iiK'iiie ipie siiiis Louis \j\ ; ;iii cenire
deux rniileiiils M'iileiiieiil. l'un ;i droile pour ri'jMpereiir, liinlre ;i ^;iuclie |ionr
riiiiper;il rire. Sur un ordre, le ^r,iiiil inariTliiil du pnhiis preiniil nue ser\ielli'
d;nis l;i iiel de \ernieil r,'ser\ee |ioiir ri'.iiipereur el l'ollriiil ;i celui-ci: puis les
plais elaienl remis aux paires e| aux ofliciers ipii se les pas^aienl de mains
en mains. (!"es| le m'and chamUellaii ipii remplissail la coupe de Ncrmcil on le
sonvcrain Irempail ses lèvres, el qui \ersail le cale'' leiin par nii jtai^c sur nii
plalcan dOr.
Kn I8l)i-, an nimncnl de la c(''r('in(mie dn sacre, les commandes de sei'viccs
d"oi'rèvrerie prireni une imporlaiice exiraordinaii-e. Tons les pei'soiinages de la
iioii\elle cour, à liiiilialive dn maître, voninrent avoir lenr arf;enlei'ie. Napol('Oii
til lomller el coiisnller Ions les codes dn cérémonial de l'anci*'!! régime pour
ipion en suixil exaclemenl les prescriptions el afin de ne rien onhiier dans l'aj)-
p:u"eil de l'asle doid il vonlail ih'sormais s'eiiloni'er. Ce lut Aiigiisie, le « ci-
devanl orfèvre de Lonis \\T », rpii lut cliai'gé des |)lns importanls ti-avanx à ce
monienl. Auguste, (|ui, pendant la Révolution, avait fermé ses ateliers, les ré-
organisa ra|)idement sur le plus grand pied, et les installa place du Carrousel.
il était dans toute la force de l'âge, ayant atteint ses quarante ans en 1800;
un portrait d'Henry Auguste, peint pai' François Gérard, existe à Versailles, nous
en doinions la reproduction page 43. Dans une touchante intimité, la famille est
réunie autour dune table; appuyé sur la ehaise de sa femme, Auguste écoute la
leeture sous les regards attentifs de ses deux jeunes fils. Le costume, le décor à la
mode du temps, l'atmosphère reposante de l'intérieur l'ont de cette scène de
famille un document des plus pi'écieux. Les modèles créés jadis par son père et
par lui-même ne pouvaient plus guère lui servir ; mais avec son expérience
ac(piise, le personnel de ciseleurs qu'il sut retrouver, et l'intelligence profonde
(|n"il avait de son métier, il ne fut pas long à en reformer une nouvelle collection
(1 HtMiri Umifliot. Uixloive du lu.rc fram-ais : i'Kiupirt'. 1 vol. ^r. iii-S". pa<ie.> 12-21.
2 l.a ciiUiuo iiniiériak' cuùlait 36UO00 l'r. : rol'tictî l.'iOOOO. la cave 120000. rfnircli.'ii .li- ra!'i,'..'iilL'-
rio 20000. de la lujn-elaiiie 20000, de^ Lrislaux 10000. — Vovez BuiU'hot. paj^e 2o.
46 —
dans l'esprit et le goût du temps. 11 exécuta pour l'Empereur une énorme quantité
de vaisselle. C'est à lui aussi que s'adressa la Ville de Paris pour l'argenterie en
vermeil devant figurer au banquet offert au souverain à l'Hôtel de Ville le
5 décembre 1804 comme complément des fêtes du Sacre et qui, pour obéir aux
traditions qu'on avait consultées, était destinée en cadeau à l'Empereur.
La table était décorée d'un grand surtout à fond de glace sur lequel étaient
posés des candélabres dont le bouquet était porté par des figures volantes aux
proportions majestueuses, les soupières et les pots à oille, les jardinières à
Heurs et les corbeilles à fruits. La galerie, fineuKMit ciselée, était interrompue à
intervalles réguliers par des socles portant des vases de forme Médicis, et des
coupes. Ces sur-
touts furent long-
temps conservés au
Carde -Meuble, et
servaient cà orner
^^^^ __ c.^^^^ '^^ tables des sou-
'^^.^ ^Êjijfr 'H^^r verains jusqu'à l'é-
poque du second
Empire. En 1855,
Napoléon 111 ayant
demandé à l'orfè-
vre (ihristolle une
a )• g e n t e r i e nou-
velle, la conserva-
tion du Carde-Meuble fut chargée d'en négocier la vente et les offrit en paiement
à l'orfèvre qui accepta. Ces surlouts ont alors passé en Angleterre, mais c'est
à regret que Christofle s'en séparait, et il ne le fit (pi'après avoir distrait deux
vases et deux coupes dont la merveilleuse exécution l'avait séduit.
Dans le service de vermeil, (|ue la Ville <le Paris lui avait commandé, Henri
Auguste, tout en sacrifiant au goût de l'époque, n'avait pas oublié les élégances du
style Louis XVI, dont son père R.-J. Auguste avait été un des gracieux interprètes.
S'il fut guidé par les conseils d'un Percier, son talent de dessinateur lui avait
permis de donner à ce grand ouvrage un caractère bien personnel (I).
Bien entendu, il n'eut garde d'oublier les pièces telles que le Cadenas et la
Nef (\m de temps immémorial étaient, pour ainsi dire, représentatives de la souve-
raineté, dans les services de table. Pour la nef de l'Empereur, Auguste avait adopté
la forme habituelle d'un vaisseau qu'il fit supporter par deux figures de fleuves.
Vase ot coupe nrnani les |ilaleaii\ des surlnuls de
(Collcrlioil Chrisinjle.)
iiia aux I iinei'K
(1) Les archives de la Maison Odiot conservent des dessins d'Anfiiistc qui ont été exposés au Musée
centcnnal en 11)00, et dont le goût et la précision sont du plus grand intérêt.
47
^j/)j/j^'j/jjj//jjyy/ijyfjjj-'fi'*
w
Ihiilier. sniipiéiT. jardinière et seau à place.
Dessins orij;inau\ de Henry Aui;iislc.
[CoUecllon (Idiot.
40 —
|;i Si'iiic li la M.inir a<lnss(''('s, cl assises sur un Mtcli' sdiilcnu jiar (|iialrL'
i;rillc-^ fl |)iiilaiil l(■~^ aiiiu's iiii|iriiali's.
A ranicrc, soiis la |m)I1|)i', doii/c li;_Mii'('s,
S('|»ar('i'^ (l('ii\ il (l('ii\ par ili"^ l'ai-^rcanv d ■
lii'lciir^, |iiT--(iiiiiiliaiciil Ic^ (Idii/f iiniiiiri|ia-
lilcN |iarisiciiiic-^. l ne li'lc ilc loup uniail la
iiMUic (lu \aiss('aii on • c drosail une \ icloirc,
laiidis (|ir.i l'arrirrc, ('laiciit assises la .lii>^lice
et la Priidi'iice a\ec leurs ailriliuls, lenani
d'une uiaiu le i^ouNcrnail, el souleuaul de
l'aulre la eoui'onue iui|M''riale, au-dessus diui
ai,:;le aux ailes (''ployc-es. Sur les lianes de la
md", deux has-reli(d's, Tuu reprc'seiilaul le eou-
|-(Uiueuieul : les deux sou\ craius deliuul de\aut
leurs sièges, el à di'oile raulel où K; pape
ol'lieiail ; Tau-
li"e. le préfel
el les maires
<le Paris, j)or-
laut leurs ca-
deaux ii I'Imu-
j)ei'eur dont
les pièces,
nef, soupic-
l'cs, candéla-
bres, etc., étaient disposées sur une tal)le sup-
portée par des griffons ailés.
La nef de l'Impératrice, qui faisait pendant,
était de môme forme. A l'arrière, sous la poupe,
le même bas-relief personnifiant les douze mu-
nicipalités ; à l'avant, une figure de la Bienfai-
sance, les mains pleines de présents. Un groupe
des trois Grâces ornait la poupe; et, sur le
côté, deux bas-reliefs dont l'un personnifiait
l'Impératrice dans le costume de la Minerve
antique, accueillant avec bienveillance les ar-
tisles et les porteurs de pétitions.
L'autre bas-relief représentait Joséphine aux
Tuileries dans toute la splendeur et la pompe
d'une impératrice, distribuant des secours aux malheureux et soulageant les
Ai^uicrc t-ri \ci-iiu'il.
Dessin original di' IlenrN- Aii^iislc
{C.oUeclion ()(}i;)t.)
Aiiiuièi'o cil voriin'il.
Dessin ()rit;inal de IIeni\\- Auguste.
Colletiion (Idiot.)
— 50 —
affligés. Les nefs portaient g^ravée sur les pieds, cette inscription : HENRY
AUGUSTE, l'an J" du rcr/ne de Napoléon.
Les cadenas étaient constitués par deux plateaux semés d'abeilles ciselées
dans des losanges en relief; au centre étaient les armoiries impériales; en
bordure des couronnes, des feuillages et des enseignes antiques : à l'une des
extrémités, et en surélévation, une boite à trois compartiments (pour le sel, le
poivre, les épices) fermée par un cadenas, et ornée de bas-reliefs figurant, pour
l'un des cadenas des Renommées couronnant le cliiflre de l'Empereur, et pour
l'autre, des Zéphyrs balançant l'Amour sur une guirlande de Heurs. Le couvercle
portait, dans l'un des cadenas, la couronne impériale entre deux cascjucs
antiques; dans l'autre, la même couronne entre deux toulfes de roses (I).
^-^j^> /> .>Jt^aeJ ÉEÎ^;^. , _j^^
Cadenas cle l'E.iiporcur cl de l'Inipéi'atiice, par IIeiH'\ Auguste.
Ces Nefs et ces Cadenas existaient encore sous le règne de Napoléon III, et
servaient à décorer la table du souverain lors des grands dîners diplomatiques,
dans lesquels il était d'usage de n'employer que la vaisselle de vermeil. Mais ils
avaient deux fois changé de décor : sous la Restauration les abeilles avaient été
remplacées par des fleurs de lis; Napoléon 111 les tit reconstituer en 1860 par
l'orfèvre Christofle qu'il avait chargé de compléter le service, et les fleurs de lis
disparurent, pour faire de nouveau place aux abeilles (2).
Auguste exécuta en cette même année 1804, conjointement avec le bijoutier
Nitot, la tiare que Napoléon donna au Pape pour son sacre : elle était en argent,
ceinte de trois couronnes d'or ornées de bas-reliefs et de pierreries. Cette tiare se
(1) Fréd. Massôii, Josép/iiiiP, impératrice et reinr, P"o6=^ 2oS-2o9.
(2) Le service de vermeil faisait partie du mobilier de la Couronne, et. confié à la frarde de In couscrvalion
du mobilier national, il fut ainsi préservé de la fonte qui eut lieu en 1871. Aujourd'lnii il est Iransporté à
Hueil, uii il est exposé dans la salle à manger du diàleau de la IMalmaison, devenue propriété nationale,
à lu suite du don magnitîque de .M. Osiiis.
SI
Nef de l'Impératrice, pot ù oillc, jardinière et >eau à ral'i-aieliii-
exécutés en vermeil, par Heni-y Auguste.
5:1
■t. ~
c; -
A 4j
-5 o
Lo (îriinil Cniixiii aii\ 'Inili^ric--. au lîaïKiiut du Saci-e.
hnincs le ilcssin ilc i'.h. l'crcicr.j
llMllNc ciicni'c ,111 i(Ml|-iriiili ,111 \,ilii;iii diiiis |r Tr(''<(ir i|rs |',i|»c<. Il lil (';.';i Ictiicnl
If^ cImiuIi'IicI-' cl lllic [iillic lie I ;illli'l de S.iilll hi'lli-^. M.li> IdrlrMc, iii.i I;.' l'i' l.'illl
tic ti;i\.ni\, ;iii lien i|c -.'ciiinliir, cl i|ii()i(|iic ^,i iii.ii-dii lui i|c\ciiiic la j)liis ((jihiik;
,.| |;i pliiN iiii|M)ii;iiilc lie ri .11 i()|ic, ne --ni |i;iN ini'l I ic ilc rei|iiililire daiis ses a lia ires.
Sa l'aillile lui (Icclarce le |(Mir iiu'iiic ou vnii liU l'Iail e( Hiininn' a I lii-liliil eniiiiiic
itrciiiiei' i^raiid \>\\\ de >>riil|il iiic. <Mi|i;i('' de ^c rclircr, il \d \eiidi-e ^e^ iii<idc|c<, et
\cl" tle rEn)[)ei'eur, exccutée on vermeil par Henry Auj;iistc.
ses outils à l'encan; sa maison disparut, et il laissa le champ libre à deux concur-
rents plus heureux, Odiot et Biennais.
Son dernier triomphe fut à l'Exposition de l'Industrie de 1800 : « il y présenta,
dit M. le duc de Luynes, des pièces d'orrèvrerie remarquables parleur beauté et
exécutées par un proci'dé rajeuni, celui de la retreinte, et par l'application nou-
velle de l'eslanipaiîe. Le jury faisait valoir l'économie de l'estampage qui suppri-
mait le moulage et la fonte, la ciselure, et une partie du poids du métal; mais il
oubliait de tenir compte de la fabrication des matrices, de leur gravure, de leur
peu d'emploi lors(ju'elIes ne sont pas appliquées à de l'orfèvrerie courante. Pour
ses produits, parmi lesquels on remarquait un buste repoussé et estampé, un beau
calice et une coupe destinée à {lorter des fruits, Auguste obtint un rappel de la
— GU —
médaille d'or (1). « On peut ajouter que c'est lui qui, non seulement eut le mérite
d'avoir fabriqué les premières pièces qui signalent la résurrection de l'orfèvrerie
sous le premier Empire, mais encore que c'est à son initiative qu'est dû le cachet
spécial qui la caractérise, et qui tient aux procédés d'exécution. Presque toutes
les œuvres de cette époque, en elTet, sont remarqualjles pour la façon dont les
ornements en relief jouent en mat sur le fond de la pièce luisant et poli comme
miroir. Oii dirait des camées sertis dans le métal. Cet effet est très particulier,
mais neprête-t-il pas à la critique? Assurément, d'autant plus qu'on en abusa fort.
Figures et bas-reliefs appliqués à froid, au moyen de vis et d'écrous, semblent ne
pas faire corps avec l'objet, et connue s'ils étaieiil d'une matière dillérente : c'était
plulùtle travail du bronzier que celui de l'orfèvre. Mais(|uelle lia!)ileté daîis la main-
Uo>Mii (le hoiti-s, d'apiv-s un dessin original de Prndl.im.
d'œuvre! Un pareil système nous parait aujourd'imi illogique. 11 fut généralement
adopté néanmoins, et pendant de longues années on ne cessa de l'employer.
« Les camées, d'ailleurs, eurent-ils jamais autant de vogue que sous le premier
Empire? Et peut-on s'étonner de leur influence sur l'orfèvrerie? En 1804, les dames
du palais suggérèrent à l'impératrice Joséphine de demander à se servir, pour ses
parures, des plus précieux camées que renfermait notre cabinet des antiques.
Certes, ils fourniraient à Nitot, à Biennais ou à Marguerite l'occasion de quelques
chefs-d'œuvre! L'Empereur résista d'abord à cette fantaisie : « C'est une insigne
folie, disait-il, mais il en faut passer par ce que veulent les femmes. » Puis il
consentit, et vingt-quatre camées du Trésor quittèrent les vitrines et s'enchâssèrent
dans un diadème, dans des colliers, des boucles, plaques et ceintures, etc. L'or-
fèvre Auguste n'était plus là pour en tirer parti dans quelque vase de sa façon (:2). »
Le second mariage de l'empereur avec l'archiduchesse Marie-Louise d'Au-
(1) Duc lie Luynes, Rapport sur l'induslcir des métaux précieux à t'ExposUioii universelle de I80I, p. !J5.
(2) Voy. Bouchot, Histoire du turc sous l'Empire, page 20.
Iijili,. in;if<|iia le ^iu'iiiil d iiiic rciTmlf^^cciici' d.iii-^ li'^ iii;iiiirr-l;il imi^ dr liixr
,.| 1,.^ i(Miiiii;ill(|('^ d'olIrN n'Ilc. N;i | k iI<m m mkiIiiI IiI I ii;ilriiiriil l'iilnllir l;i JilllH'
nriiiffs ,(' |i(iiir lui liiiri' oiihliir ipi'il iiVhnl lui <|irnii (.Hicicrdc rnrliiiir. cl lui
|»nui\fr (|ir,i l*;iri'^ cllf I I(MI\ cr.iil iiiic cinir |>lii- Inil ninc, cl d une ind^h'^^c ;iiissi
alillii'iil ii|ilt' (|ilt' celle de \iciiiic. L.i C(iiiM'illc c\ |pt''di(''c |i;ir >e-< ^oms a la (Vdli-
licic |»;i^--;iil |uiiir une niei'\eillc (\r -onl cl de --|ilende(n-. Mai-- le dnd-d u'nsre. la
iMiM-\ cille, c'cl ail la 11 nicll c i|ne la \ die de Paris. Cl ni<cdl('e par ^< m | ni' Ici . le en in te
IVocliiil , a\;iil di'cide d'ciHrir a la jiMiiie s.iii\ eraiiic. I*ai- toilet I c il laiil eiileiidrc les
di\crs(«s [Mcces de ninliilier ni'i'cssaii'cs a l;i < '.liainhre d'aloiirs, la -rande I*>_\c|ic
(Ml l'on se \(tit i\c la lèle aux |iieiU, le lavalm, le lalHUircl. le collrcl a lui(»il\. le
l'auleuil de ri'pds e| la laMc ;i iiiinur di'a|i('e de deiilelle<, <ine les <d(''^^anl.US les
plus notées ahu-s pi)s-M'daieiit timles. cl (pTclIcs (dioi -is<aieiit |)anni les inodv'les
"^Cr
Dcliiil (11111 bras du l'aulcuil di' loilelle.
(Dessin oriçiinnl île l'nidhon.)
coui-ants de thuya, do palissandre ou de noyer ornés de bronzes (1); mais, dans
la circonsUuiee, le comte Frocliot pensa qu'on ne pouvait se contenter de bois,
fusso:it-ils les plus précieux. Il fallait des meubles d'argent, comme les aimait
Louis XIV, et Frochot estima que pour la décoration il serait de bonne grâce
d"abandonner les tètes de Minerves à la mode, et de retourner aux allégories
amoureuses du dix-hultiènie siècle. Il proposa de confier au peintre Prudhon les
motifs à déterminer, et de charger l'orfèvre Odiot et le ciseleur bronzier Thomire
de donner un corps aux inventions de Prudhon préalablement modelées par
Hoguier. Odiot lit exécuter la fonte en argent et la monture de tous les meubles
et de leurs accessoires, et Thomire fut ( hargé de faire la ciselure. On devait être
prêt pour le lo août, jour de la fête de l'Empereur (:2).
1] Henri Bmichot. hi Toiletl" à In cour de Xapoleon. p. 118.
("2^ Ilonri lîmi 'linl. la Toih.-tle ù la cour de \<iiinlé m, p. 119.
— 6i> —
Priidhon se mit au travail et soumit des esquisses. Il les accompagnait d'un
commentaire écrit dans le style académique du temps, bien peu propre à
traduire ce qu'il avait si bien su réaliser, *en grand artiste (|u'il était. Voici,
par exemple, comment il décrit la table à miroir :
Assise et .ippuyéc surdos fleurs, une jeuuo I<"lore reçoit les hommages de plusieurs génies
qui se pressent autour d'elle. Le génie, cpii lient les cœurs eu sa puissance, lui présente
ceux de tous les Français que rilarmouie rassemble, qu'un même sentiment unit. Zépliyre
entr'ouvre de son haleine le calice des fleurs, il oITre à la déesse ce qu'elles ont de plus brillant
et de plus suave. Le Goût dispose les métaux les plus précieux pour en parer sa personne.
L'Industrie et le Commerce lui portent à l'envi leurs tributs. Autour ilu miroir, le Plaisir
qui a tressé la guirlande de Heurs sur laquelle posent tous ces génies, serre étroitement le
nn'ud qui en réunit les extrémités pour en former un cercle indissoluble. De la partie su-
périeure des deux candélabres lleuris, supports du miroir, s'élèvent les génies de la Poésie,
des .Arts ot des Sciences. Des groupes de petits .Amours dispersés sur les coH'res et la toilette
s'occupent, les uns à filer des jours d'or et de soie et à dévider ces précieux fils, les
autres à cultiver la Heur cpii est robjel de leui- préilileclion et à en recueillir le fruit.
Ce pathos solennel ne donne guère l'idée de l'œuvre délicieuse de Prudlion,
et il vaut mieux passer la descriptioji dans le mètne style des autres meubles, et
s'en rapporter à ces lignes de De Concourt qui montrent mieux quelle aimable
ingéniosité le peintre avait développé dans ses compositions d'une grâce inef-
fable : « Il dessinait (Prudlion) l'écran exécutée en vermeil et en lapis, et ses
barques égyptiennes surmontées de figure d'Iris, emblème de la Ville, portant
les autels de l'hymen enguirlandés de lleurs, et ses colonnes de lauriers et de
lierre enserrant la glace, et son entablement corinthien oii deux Amours aux
deux côtés de Mars et de Minerve rapprochent l'Aigle d'Autriche et l'Aigle de
France. Il dessinait la table à miroir dont la glace était encadrée de fleurs liées
par le Plaisir volant et couronné d'une Flore entourée des Génies du Commerce,
de l'Industrie, du Goût, de l'IIarinonie. L'allégorie du peintre animait ainsi tout
le mobilier par des personnifications et des images. Cette ingénue de la Fable
antique qui occupa si longtemps sa pensée, Psyché, enchaînait l'Amour dans la
ligne ondulante d'un bras de fauteuil.
Ce fut également Prudhon qui composa le Berceau du Roi de Home, qui fut exé-
cuté en vermeil par Odiot et Thomire. Sur le berceau impérial, Prudhon montrait la
Gloire planant sur le monde et soutenant la couronne de triomphe et d'immortalité ;
au milieu de cette couronne hYiWa'iiV asirc de Napoléon, tandis qu'au pied du berceau
un jeune aiglon, prêta s'envoler, semblait essayer ses forces et aspirera l'espace (I).
La nacelle du Lit était ornée de balustres séparés par des cartouches dont les
deux principaux portaient des bas-reliefs représentant la Seine d'un côté et de
l'autre le Tibre. Les deux génies de la Force et de la Justice étaient devant les
. pieds du Berceau formé par des cornes d'abondance. Cette pièce magnifique, d'une
1^1) De Gûiicourl, l'Ail au dii-huicicme siède; Prud/iG», 1882, 1 vol. iii-18, page 41 i.
i.:|
CfT'
m':
~vn^T '.-1 .•■;-/'i.-";"i:
-t vr';i.'"AN
■Mss I ... r-Trm rnTTTTiTnrnrrrMTi: i[' iniinnirTnTihiiimniiîr; hv mi
Psyché de Marie-Louise,
exécutée par (31. Ocliot et Tliomire. sur les dessins de Prudlinn.
I
c.%
07
iKililc cl lichc [comiumitidu, scrailj'iicorc diu'iic drli-c *;i(liiiii-r'c Miiiniii-d'liiii (Hi le
L'tiùl (IfN ai'K (le ri!iii|iiir ;i ici l'oiiN c ilc-> îu liiiiialrui-^. l-a \illi' de l'an- l'ollril a
1 liii|ti'ralnc(' le .'» iiiars IS| I .
\a- d(■-^>^ill original df l'nidlioii, |iii'ii-ciiiciil irciicdli pai' un ntllccl k.iiimiii', lai-
Toilelle do Marie-Louise, exécutée par Cl. Odiot el Thouiire, sur les dessins de Prudhon.
doxe Marcille, nous donne bien l'idée de cette incomparable merveille d'orfèvrerie.
Il a été exposé en 1880 au iMusée des Arts décoratifs par les soins du marquis de
Cliènevière. C'est tout ce qu'on en connaît en France aujourd'hui, car le berceau de
Prudhon, exécuté par Odiot, tel qu'il a été composé par Prudhon, est à Vienne et
fait partie du trésor de la cour d'Autriche. Il existe encore en France, au château de
G8
Fontainebleau, le berceau d'usage du roi de Rome; il est de même forme, en aca-
jou orné de bronzes, mais l'aigle a disparu ; la figure de la Gloire a été remplacée par
une Renommée de moindres proportions, servant d'attache aux rideaux ; et les pieds
simplifiés en forme d'X ne rappellent en rien l'élégante composilion de Pi'udhon.
Lors(pie l'impératrice Marie-Louise, après les événements de 1814, retourna
en Autriche, elle fit réclamer la toilette, qui, après quelques résistances du Gou-
vernement français, fut expédiée à Schœnbrun, sa nouvelle résidence. De là
l'ex-souveraine l'emporta plus tard à Parme, non pas, on le suppose bien, par
admiration pour le génie de Prudhon, et encore moins par fidélité au souvenir du
_. . passé. Précisément, h cause
de ce qu'ils rappelaient, ces
meubles d'argent portaient om-
brage à l'entourage de Marie-
Louise. On saisit le prétexte du
choléra en 183^ et de la né-
\ cessité de secourir les hôpitaux
pour en ordonner la fonte. « Les
ouvriers chargés de la besogne
pleuraient d'anéantir des choses
magnifiques dont ils devinaient
rim|»ortance artistique et les
touchantes allégories. » Ce
qu'on tira de ce massacre fut
une somme insignifiante. Pour
l'art français, ce fut une perte
irréparable (1).
C'est dans les ateliers de
Jean-Baptiste Claude Odiot que fui exécutée cette œuvre dont le prix atleignit
plus de 800 000 francs (2).
Claude Odiot appartenait à une famille d'orfèvres dont l'origine remonte au
commencement du dix-huitième siècle.
Son grand-père, Jean-Baptiste Gaspard Odiot, le premier orfèvre de ce nom,
qui avait reçu son Brevet de maîtrise en 1720, exerça la profession pendant
trente-quatre ans et fut le fondateur d'une maison qui devait fournir toute une
lignée d'orfèvres distingués au dix-huitième et au dix-neuvième siècle.
Dans le livre des Statuts et Privilèges du corps des marchands orfèvres-joail-
liers de la ville de Paris, nous trouvons, parmi les orfèvres en exercice, le nom de
J.-B. Claude UDIOT, en 1800, d'api-cs Isalicy.
[Colleclion E. Mathieu.)
(1) n. Bouchot, la Toilelle (h VImpéralrici', page l;j6.
(2) Eilouanl Foucaïul, les Avlisans illustres, 1841, 1 vol. iu-S», page 403.
m
lîcri-fim (lu Hoi de ISoiiic. ik'S>iii nriuiiiiil dr I'i'ikIIhiii
('ollcclioii E. Maitillc. ("lazclle dos liciiux-Arls.)
I
— 71 -
Jean ('.lande nilinl ipii recul son Itl-cNel île iii;iili'|sc en JT.'/i el iiKiiinil en I7.'><i.
Son sneceNvcur lui l'ieire Odiol i|ni exere.i |;i |irnre>--iuii de IT.'tC» .1 ITS'». |ieii-
danl vin^l-neul' an^. ^,'e^l a relie e|Mii|iie i|iie --un liU .1 \\ ('.l.iuile (Miul, cclin
(Mil ii()ii>> iM(ii|H' ici, lui sueci'da. Son ina;-'a^in tdail --ilueau coin de |;i rue «le
ri'!(dielle el de l;i rue S.iiiil lldiiore, au n" I^TII... Il a\;iil ;ici|iiis ;ilorN inn' ii'\-
t.iiiie iiolol'ieleel ri\ali--ail a\i'c \uu:u--le. IdireNre de Loiiiv \\l.
l'eiidaiil re|Mii|ue de la Terii'ur, cuiiiiiie il elail mal iiuh' cl crai;-'nail di'lre
sif;nale coiimie ->U^|iecl el iirr/'le, il ^ eiiL'a.Liea , el re|(iiu'llll les ;irill(''es de |;i
lU-pulilique (|iii o|i(''iaieiil loin de l*aii~>. Il es|M''rail (|ne >on eloi;j lieilienl de |,'i
faitilale le l'erail oiihlier : (-"esl ce i|ui ai'ri\a.
Mai>. en parlaiil. il lie l'erniail |ia^ sa maison, en coiiliail la direclioii à sa
fiMunie, el uctii pas ;'i M"" \ "' ddiol , comme rallirme le duc de lai\iies d;iiis son
rap|»ort di' ISol . M. (iusiave Odiol , «pii a hieii \oulu ikhis ren<eii;iier mm- ce poinl .
possède dans ses arcliivcs un ai'le du I '1 sepleinhre \~\)-l par leipiel (Ihiude Odiol
domiail à sa remme mie proein'alion pour Ions les actes se i-ap|iorlanl à ses
all'aii'cs. La lourmente passc'e, Clatnle Odiol re\iid de TaianiM' cl repril la direclion
(!(> sa maison qu'il IranslV-ra en 1800 rue lii'VtMpic, lUitlc Sainl-Uocli, Ti . A son
ivlonr, il l'elronva sa clii'nlèli'. que riialulelé el la pi'ndence de sa femme lui
avaicnl eonservée ( I .
An moment do ravènemont de ll^npire, il se tronvait lonl pia'paiv- pour meltie
à prolil SOS connaissances et son acIiviU'. Le snecès ne se (il pas allendi-e.
Sc;m\ à ralVaicliir, pai- Odit
L'Exposition de 1802 le mit en lumière, et il partagea avec Auguste la plus
haute récompeuse. Le Rapport du Jury le signalait en ces termes : « Ces deux
» artistes (Auguste et Odiot) ont excité également l'attention du Jurv. Le Jurv
(1) Nous avons jui i-flrouviT un ixirli-ait (!.■ Claiiil.' Odiol dans sa j.-un.'sse, qtd nous a été commu-
uiqué par M. Kmnianuol .Mathieu, arrirreitetit-lils de rorfèvro.
— 7i2 —
» ne peut se décider à faire un choix entre eux et leur décerne en commun la mé-
» daille d'or. »
Peu après, la mauvaise fortune ayant fait disparaître son concurreut, posses-
seur des modèles qu'il avait rachetés à sa vente, sa maison prit une importance
considérable, et sa grande intelligence pratique des affaires le mit rapidement
dans la voie de la prospérité la plus méritée.
Après la disparition d'Auguste, il fut chargé de compléter le service de ver-
meil qui avait été offert
par la ville de Paris h. l'oc-
casion du sacre de Napo-
l;'on [""; puis, pour les
grands personnages de
l'époque, une série des
pièces les plus remar-
quables dont le souvenir
nous est conservé dans
la collection des modèles
en bronze qu'il avait don-
nés au Musée du Luxem-
bourg en 1823 et qui sont
exposés aujourd'hui au
Musée des Arts décoratifs.
11 avait une aptitude
particulière pour les ou-
vrages d'art et de goijt;
il savait discerner les bons
conseils et s'entourer de
collaborateurs adroits et
d'artistes émérites. Pru-
dhon, Percier et Fontaine
dessinaient pour lui quan-
tité de pièces d'orfèvre-
rie, ainsi que Moreau, Laffite, Cavelier, etc.. La liste de ses clients consti-
tuerait l'almanach de tout ce qu'il y avait de gens en place ou titrés, de per-
sonnages riches ou distingués en Europe. L'aristocratie qui s'était ralliée à
Napoléon, aussi bien que celle qui continuait à bouder, et celle qui se tenait ren-
fermée dans les hôtels du Faubourg Saint-Germain, les bancjuiers, les diplomates,
les bourgeois élégants qui avaient appris les moeurs raffinées, en un mot, tous
ceux qui se piquaient de bon goût, et tenaient table ouverte, demandaient h Odiot
une orfèvrerie capable de leur faire honneur.
^Iiliell de table. Flore et ZépliMe, par Utliot.
— 7.*» —
On floil If icroim.iîlrc, ;"i ce niomnit de ri'.iii|iii(', Its hki-iii-s av.iiriil i'('C()n(|iiis
ralliii'c cl le liiii de Imiiiiic ci un | i,i u' nie i|c I ;iMcicn l'c^'inn', cl ilc- in;ii^<»ns <V'l;iicn(
l'orniccs (|ui ;iin;iicnl pn, '^,■ln-^ .incinicnicnl en -(Hilliir, ^n|i|Hiilcr |;i c(ini|i;ir;ii-
soH (lc~- niicn\ r'|Milccs iln lcni|i^(lc I.diM'^ \\I. I,:i I.iIiIi' surlnni ;i\;iil |pcriln
(l;in^ ci'^ milieux n de mi pIcilnH'c ilcnntciMl iipic cl de se^ s|i|cndenrs de |iar-
vcmi ». On s'iialiilnad a 1 idée (|ne le l'hùI \ienl iji' la nicsnre, cl (ju il y a de la
^ràcc à ^nli>>l il lier la <|iialile a la <iiiaiililc. (li;icc a dc^ t''(|iicaleiic-N, (cjs i|iie
'rallcvrainl. M"" tic .Moiilcsson e| (|iie|(|iics aiilrc^ |H'rs()nna;jes <lisl iii;jn(''v, on
(•icnprcnail (iniin coiiNcrl, |M)iir ("-Ire an |M)iiil, ne doit. |ias s'eniharra^^cr des
acrninnlal imis hàlardc^ (inOii a\ail mics s"(''lalcr sous le Ihreclojre, cl (les
sol t es ari^cnlci'ics
([ntui a\ail si fort
adniiret's à rorii^inc.
Le lv|>(' conl'oflablc
dinu' salU' à l'iaii^cr
d'alors n'osi ni poni-
pcioiiiic, ni (''lrns(|no
absoluiiKMit, mais or-
née de si lies de Ions
reposés el limpides,
sans troj) de meuliles,
ni de niat(''ri(d. La la-
bié est ronde, snp-
portée par des elii-
mères ondes sphinx,
eouverte d'nne nappe
de Saxe, passée an
cylindre, brodée au
chiffre du maître. Au
centre est la jardi-
nière d'argent, grande corbeille supportée par des cariatides sévères, en
ronde bosse, posées elles-mêmes sur un socle à bas-reliefs carré ou octogone,
et qui sort de chez le bon faiseur, c'est-à-dire de chez Odiot. Elle est garnie
d'hortensias; puis voici les flambeaux, dont les branches se terminent souvent
par des têtes égyptiennes, et dont les pieds s'appuient sur des grifîes de lion.
Les seaux à rafraîchir, dont l'orfèvre a fait reluire à tel point le métal sous
les coups du brunissoir que les convives y peuvent voir leur image se refléter,
sont disposés en bonne place, avec les assiettes de porcelaine de Sèvres qui ont
remplacé celles d'argent de jadis, car Napoléon veut faire produire, w sa »
manufacture. En définitive, toute maison « montée » de cette époque doit pos-
Siu-ritT de lahlo, par Odi(it.
74 —
séder, de par l'étiquette, presque autant de vaisselle que sous Louis XV, au
moins trois serviees complets de cinquante personnes, cent cinquante tasses
et soucoupes; deux laitières; quatre surtouts et dix cabarets; douze jeux de
verre en cristaux de Bohème et cai'afons assortis. Les li''guniiers sont d'argent
Porli-aif fie BIENNAIS, orl'èx rc de l'iùiipereur.
et exécutés par Odiot sur les dessins de Percier. L'argenterie se complète par
les couverts ordinaires et les couverts de dessert, les uns et les autres de ver-
meil en dorure au feu, gobelets à liqueurs, sucriers, cafetières, huiliers et pots
à oille (l).
Il serait impossible de dire tous les grands ouvrages d'orfèvrerie que fit
Odiot entre les années 1808 et 181 4. Il était tellement accablé de travaux, que son
(1) Henri Doucliot, le Luxe français sous CEmpvc, page HO.
y
— 77
(viiiilr l>ic;iii;iis ciil assez, «le i|ii(ii Ciiic a\rc la rlinilflc <|n il iir ^iillil |»a*% a coii-
Iciilcf.
l II liiiiiiiiii' in! l'ii'sv.iiil (|iif <•(• l>iciiiiais ! " Il t''lail faliricaiil ili' in'rcssairrs cl
(le lalilcl Icnc, l(ir~>(|ii(' lH)iia|iarlc |iai'lil |i(iiif rr\|MM|il khi d I!;j \ jitr. I.c ;.'i'ilt'l'al cil
clicl ne |uiii\aiil |>a\iT cniiiiil an! le !ll•l•(■-^sail•(• de \(i_\a;-'(' i|ii il a\ail ri iiiiiiiaicl*' a
l'wciiiiais, ccliii Cl lui lil ci'cilil, !•! ce lut la source de sa loi'liuic. I)iiiia|iai le, di\eiiii
eiii|iereur, lui lil faire île i;raiides roiiriiil lires de inciililes, de lalild lerie el de ik'--
cessaires, non seiileiiieiil pnur lui, mais |i(Mir liuis les siens. Le succès j'eiicoiira-
lîiMiil, a|>rès a\(iir lail exi'-culer ses lra\aii\ clie/. (c'iiu, rue des l'^ossi-s-Saiiil -
(ie ri lia il! 1' \ii\eia'(iis. il fiiiida lui iiK^'iiie une taraude t'altrii|ue dOrl'eN rerie ( I ). - Le
duc de LiiNiies, aui|uel i"eiii|>riiiile ces delails, a|()Ule i|U il r(''Ussi| ;i v"y placer
presi|ue au iiii'iiie ranu (|irOdi(il, el (|iril y |(»i,i:nil la In ji lulei-ie, la |(iaillerie cl la
raln'icali(Ui des creix dcu-dres, sjnis aliaiidiniiier les indiisl ries (|iii axaient cinii-
inenct' sa lorluiie. A ri'A|)(>sil idii de l(S()(i, il iiiontia. eiili-e autres olijets. une 1res
l'iclie s(Mi|nere dessiin'-e par l*ercier el JMnitaine |i()nr riiup('i'al l'ice .los{''p|iiiie : h;
pieil, en Inriui' de ( liapileaii cnriiit lii(ni, reposait, -air un so(de ocloi^oiie oriM- de
l'euillaLîfs el di' j^nirlandes ; sur la panse, des l'eninies ai;('iiouill(''es soiileiiaient le
cliilVre citiironiit' de ,los 'pliiiie, tandis que les anses (Haieiil l'oiaïK-es par d'autres
l'eniines t'ii^ai^c'es à ini-i't)rps dans des l'euillai^cs. L'cxcculioii de ceLtc l)cll(' pièce
('tait |*aiTaite. Nous en avons doniu' la reprodiielion à la pa^ic .')(), d'après le
ilcssin ori^^'inal de IVn-cier.
Sur ["oi-fèvia^ Ulennais, la HiMiothèipie de riiiiion centrale des Arts décoi-alifs
possède un dm-nnient assez, pi'.'cieux ; e'esl un alhnni des dessins el cro(piis d'on-
vi'ages laits on i^rojetés par lui, la plupart destinés à Napoléon « l'jnpereui' et
roi » ; 011 y trouve Tense-gne de sa maison que je transcris ici.
liicmi'i/s, au « Singe violet », tie)it fabrique d" orfèvre rie, ébéuisterie et tabletterie,
rue Saiiit-IIojioré, n° 283, Pots à aille, terrines, plats ^ assiettes, casseroles, salières,
moutardiers, sauciè/rs, huiliers, boules à eau, seaux, cloches, dessous de bouteilles,
étiquettes à vin, argent et vermeil, émail/ées, porte-liqueur, grille à pain, porte-rôti
et généralement tout ce qui concerne le service de table, tout en vermeil, seringue,
bassinoire et généralement tout se traite à l'orfèvrerie, le tout ciselé d'après l'antique
et aux ornements étrusques. Tabatières d or et d'argent, porte-crayon, etc.
La Bil)liothèque de l'L'nion Centrale possède également un document précieux.
C'est une facture originale de Biennais pour fournitures faites à l'Impératrice
Joséphine, l'enseigne dont nous avons donné la reproduction page 75, fut cer-
(1) Duc de Liiyiie?, R'tpporf sur l'industrie des me'iau.r précieur à l'Exposilion de ISul, page 5S.
— 78 —
taincmcnt dessinée par Percier, et dont la composition ne manque pas de saveur,
servait d'en-tète à la facture de Bien nais.
Ces dessins d'un fini et d'une précision remarquables sont vraisemblablement
d'un architecte, mais ne sont pas sip^nés, et portent de la main de Biennais cette
mention naïve : J'appartiens à Binmais. Mais, s'ils ne portent pas la si^niature de
Percier qui travaillait pour Biennais, ils ont été certainement dessinés par lui ou
par ses élèves. Les pièces d'orfèvrerie qu'ils représentent ont été toutes ou presque
toutes exécutées.
Nous en avons reproduit un certain nombre qui montrent bien le caractère et le
style du Biennais. Ces dessins sont intéressants par les annotations qui les accom-
,/!j©-^^5^/?<!:^
Ifl'TTTTTl'
Encrier, (inni-e de Biennais.
pagnent; en voici un par exemple, qui est le projet d'une écritoire destinée à être
offerte à l'Impératrice Marie-Louise après la naissance du roi de Rome : il repré-
sente assise au-dessus d'un soubassement une figure couronnée à laquelle une
Victoire offre des couronnes. Sur le soubassement est un bas-relief dont une note
nous fournit la description : « Sa Majesté l'Impératrice, qui vient de mettre au
monde l'auguste enfant tant désiré par la France, le regarde d'un amour maternel;
alors, toutes les douleurs de l'enfantement disparaissent et sont remplacées par
les grâces qui se répandent sur son visage. La France, qui tient l'enfant, le donne
à Esculape, dieu de la santé; à côté de ce dieu est Minerve, déesse de la Sagesse,
qui doit former son éducation. x\ côté de Sa Majesté est Lucine, déesse qui préside
aux heureux accouchements, et, près du piédestal sur lequel est une cassolette
où brûlent des parfums, est un génie sonnant de la trompette pour annoncer cet
événement. » Et l'orfèvre, satisfait de ces lignes descriptives, signe le projet
comme tous ceux qui sont dans l'album : Biennais, orfèvre de S. M. l Empe-
reur-roi.
Il y a beaucoup d'écritoires dans cette curieuse collection de dessins, et l'or-
1"'Ù"^
N ■ I.
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?^»^^.
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X" u.
N" 1. Encrier de l'iiiipi'-ratrioe Maric-Leuiso,
N° 2. Encrier de 1 Empereur Napoléon !"■.
{Dessins de ralbuni de Biennais.)
Kl
Fontaine exécutée pour Napoléon I'
{Dessin ilc r.ilhinn de Bienniiis.)
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Salières et moutardiers.
Dessins <ie i;)lhiim de lUenn.iis.'^
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i:nrrrfvtnv'>w%^'^'.'."t'.
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Soupière, cloehe et réeliaud. ><iUR'ières et calelières.
Dessins de Valhum de liiennuis.)
H7 —
IV-M'C, t''\i(liMiiiiiciit , iliil en r,iliiii|iii'i- (Ic-^ i|ii;iiil ili'^ |i(iiir l;i miir. In. ciitic .'mires,
(|iii ('-.I |i(iiir I r.iii|i(i('iii-, ic|iii'>iiilc mil' IciiiiiM' ili'lioiil sur un |iii-i|c-l;il cl Icii.'iiil
,11 iiiMiii li'-~ li.ilaiiri'^ (le la .lii'-iirc cl la coinc (je 1' \l loiida iicc a SCS pieds, deux
aiili'i's rciiiiiics son! as-,! se s ; l'iiiic (''rril siir des lahli'lles les la s les ijii jn-fos, l'îiiilre
siMiili' de la I i-(>iii|icllc. Sur le |iicde^lal i|iie suriiK ml cul Icv jiu^ics de j j|(i|iilal,
Taille de loilelte et ses accessoires
[Dessin de l'iilbum de Bicnnnis.)
di} Sully, de d'Agiiesseau et de Colbert, est un bas-relief montrant Napoléon assis
ail milieu de personnages qui symbolisent, d'un côté, les travaux de la paix et des
arts, de l'aulre les nations de l'Europe prosternées devant l'Empereur ou accou-
rant pour lui rendre hommage.
11 faut citer encore comme pièces d'orfèvreries exécutées ou non, et figurées
dans le même recueil, des modèles d'un service de table destiné à rimpératrice,
un motif de milieu, des fontaines à thé, en grand nombre, et quelques-unes d'un
- 88 -
joli goût, des théières bizarres, des cassolettes à parfum, une salière double, re-
présentant une Diane qui tient un arc, juchée sur un plateau que supportent quatre
petits génies, un huilier, orné de la couronne impériale, et qui figure une Cérès
colossale autour de laquelle de petites figures en relief offrent des palmes : Quoi
encore? des ustensiles de toilette, des boîtes à pâtes et des boîtes à poudres,
dont une est décorée d'un bas-relief représentant un mariage dans l'antiquité, avec
des femmes en théorie, qui apportent des parfums ou jouent à des instruments...
toute la série des emblèmes en vogue y passe. Biennais n'avait pas Prudhon sous
la main pour vivilier de son souffle aimable ce corlège olympique, ces paraphrases
Ba>-ic'iii'r de Dlipi'é, u'iuic tic liioiiiiaiî^.
{Collection lienuird Franck.)
ornementales d'une anli(iui(é maussade Iraduitc dans des modèles laborieusement
courus |)()ui' plaire aux goûts du moment.
Mais il ne faut pas un-dire de tout ce (|ui est sorti des mains de Biennais. Nous
avons exti-ail de l'album du .Musf'-e des Arts décoratifs un certain nombre de
pièces d'apparat aux formes architectui-ales et précises, telles que les huiliers et
les moutardiers qui figuraient à cette époque sur les tables, plutôt comme déco-
ration (pie comme pièces d'usage, et dont l'exécution devait être particulièrement
précieuse; d'antres plus simples représentées dans la planche n" 80 : soupières,
salières, cafetières et réchauds qu'on retrouve encore aujourd'hui dans les familles
qui ont conservé avec soin les orfèvreries de cette époque.
De son premier métier, Biennais était ébéniste et tabletier; il fabriquait des
nécessaires et des objets de toilette, et nous n'avons pas trouvé sans plaisir le
dessin d'une toilette en bois précieux munie de tous ses accessoires : aiguière,
boîte à pommade, boîte h mouches, coffre à bijoux, girandoles, etc., qui nous ont
paru de nature à donner la note de la multiplicité de ses aptitudes.
Si l'intéressant recueil des dessins de Biennais que possède le Musée des Arts
décoratifs reflète bien l'esprit des orfèvreries de Biennais, les pièces exécu-
tées sont rares, et le Musée centennal ne nous a offert qu'une seule pièce sortie
de ses ateliers. Mais nous avons trouvé, dans la collection si bien choisie et si
intéressante de M. Bernard Franck, des pièces exécutées par Biennais, qui ont
89
Miroir à main de Josépliinc, navette de Marie-Lo\iise, œuvres de Biennais.
[Collection Dernaril Fnuicli.)
Glaives et épécs de liiennais.
[CoUeclion du Musée des Artx dèronitifs.
Ijliw
\ff.
— 03 —
j^
une \nli'iir liis|nii(|iii'. Tel c^l le iinidii' .1 111:1111 de .l()-('|i|iiiic. \.c (•jhIit i|r la ;.'la('(;
l'sl siiniioiilc (I un ;m;:I(' i|Mi I icul
la loutirc l'I le niauilic -<(• I ci mine
par un autre ai;^le doul le^ ailes
(le|il(i\ ces are()iii|ia,i^iieiil la iiioii-
lure el reileaiireilieiil . Sui' le l'c-
\ ers, une |ilai|iie riileiiienl ciselée
el rejionssiM' |t(irle le eliilVre de
,l(>si''|)liine en! oiire de ciiriies d'a-
lioiidance.
Telle encore est la na\el(e
iWn- i|ni l'ail |>arlii' d'un ni'ces-
saire de pel ils oui ils |)(iiir le Ira-
\ail ;i l'ai^nille. Le eell'ret en hois
des îles esl (h'cori'' de |)alnielles
(rar^cnl inerush'M's, el an eenlre
un lias-relief de |)n|n'('-. Viyj;o S(S.
Par remploi des ai'lisles lia-
l)iles lie son leiups, des seulp-
Flanibean.
{Collection Artiis.)
Candélabre à cinq lumières.
[Collection Bethman.)
teurs ou des médailleurs célèbres comme Du-
pré, Biennais était un précurseur et montrait
tout l'intérêt que pouvait avoir la collaboration
des sculpteurs aux œuvres des orfèvres.
Telle encore est l'épée de gala en or ciselé
de l'Empereur Napoléon, que nous avons repro-
duite à la page 40 et que possède le Musée
des Arts décoratifs. Le travail en est parfait,
— 94 —
l'ajustement précieux et la ciselure admirable. Cette œuvre de haut goût nous
initie à la perfection de tout ce qui sortait de l'atelier de Biennais,
Dans ce môme album se trouvent plusieurs projets d'armes de luxe faites pour
l'Empereur ou pour les membres de sa famille. Les dessins sont d'une précision
remarquable et semblent avoir été exécutés par Percier ou sous sa direction.
Les vitrines de l'Exposition cen-
tcnnale étaient riches en orfèvrerie de
ré|)oque impériale, on y a pu voir des
pièces typiques d'Auguste, d'Odiot, de
Biennais,
Les collections Artus, baron de
Bethman, comtesse Bréveau de la Gar-
die, Goldschmidt, Lebaudy, Odiot, Pil-
let-Will, Roseml)erg, etc., avaient ap-
porté une large contribution d'œuvres
d'orfèvrerie de cette époque, qui ont
permis à tous les visiteurs attentifs de
se rendre compte avec exactitude et
d'une manière assez complète de ce
que fut l'argenterie au début du dix-
neuvième siècle : l'Argenterie de Napo-
léon 1".
Parmi les pièces exposées, nous
trouvons une soupière appartenant à
M. le baron de Bethman. Elle fut exé-
cutée par Biennais sur les dessins de
Percier. C'est une répétition de celle
qu'il avait faite pour Joséphine, dont
nous avons donné, à la page 36, la
reproduction d'après un dessin de Per-
cier. Celle-ci est identique déforme;
le bas-relief du corps de la soupière
est le môme; le chiffre de Joséphine
a été remplacé par une gerbe d'épis de blé, le couronnement est dilTérent.
Le pied de la soupière est surélevé par une embase à galerie décorée de palmettes,
et le socle à huit pans décoré dans sa partie centrale d'un fin bas-relief repré-
sentant une scène nuptiale. L'architecture domine, c'est construit, mais ce n'est
pas aimable, et la statuaire froide et rigide du temps se ressent trop des principes
que David, dans son ardeur de se débarrasser de tout ce qui restait de l'ancien
régime, avait mis à la mode.
Soniau ar.
IColleclion Pillel-Will.
05 —
D.iii-, |;i lollrclidii (If M. (If (IdliUcliiiiidl lions lr(iii\(uis un miliiMi i|i' l.ililf
(•iiiii|Mi>f ;i\ff (Ifs ri;jiirfs de rfiiiiiifs (lr;i|)<''fs |i()i'l:iiil une coilic illc ;i|(iiirff cl
(III ciihlf IiiIhc ;i iiih| liiiiiifi-fs sii|i|i()r(f «-s |),'ir (les lir.iinlif ^ -c ti'iiiiiii.iiil par des
liuiiicN (If s|(|iiii\ ailf--, iiis|)ir(''('s par le soiisfiiir de la faiiipai^iic d l,^'\plf. I)f la
iin"'iiif fpdipif fsi le ll.iiiilifaii diiiil If lui a paii> c-^l (l(''c()r('' ail soiiiiiift 'le liois
((''Ifs t''^\plif iiiifs.
Tdiilf > ces (f ii\ l'f > Mtiil aca-
(liMiiiipifs fl sacnlifiil liifii plu--
à riinilalKui d'tiiif aiiliipiilf mal
coinpiasf (pi'a la faiilai'-if aiiiialilf
f I >(''(liii>,iiitf (pii a\ail fie peu -
(la lit si Idiiuif iiips rii(Hiiifiir de
ItH'lV' \ l'f rif iVaiicaisf. Les ailisifs
du dix - liiiilif iiif si('clf a\aifiil
peut-être e\a;^(''ri'' le lùle de la
fniilaisie, mais ils eomiM'eiiaieiil
mieux les diH)ils de res|»i'il et la
li''i;il imité du eaprie(>.
l*aul Maiit/. riiomme de poiil,
l'iM-udit, K> lin lellrc', (jui expri-
mait SCS idées avee un charme si
pcuctrant, et cpii, dans ses re-
ehcrcdics sur l'orlevreric IVaii-
(;aise. puhlii'cs dans la (iazctlc des
Bcaux-Ar/s, a réuni les documents
les plus intéressants sur cette
ép()(jue, s'exprimait ainsi :
« Que la table où vous vous
» asseyez tous les jours, que le
» dressoir où brille dans sa pro-
» prêté reluisante votre modeste
» argenterie, que la salle où, les
» pieds sur les chenets, vous échangez avec vos amis les propos familiers, que
» tout ce qui vous entoure, en un mot, vous tienne en joie le regard comme le
» cœur, en ajoutant au vase où vous buvez, au flambeau qui vous éclaire, à la
» montre qui vous dit l'heure, l'indispensable appoint de la' grâce. Des géné-
» rations entières ont vécu sur cette idée, elles lui ont du non le bonheur mais
» un peu d'oubli. Les orfèvres qui ont travaillé pendant les vingt premières
» années de ce siècle ont trop dédaigné cet art qui consiste à charmer, à con-
» soler la vie; ils ont prétendu mettre la majesté où elle n'a que faire, et dans
Milieu de table.
^Collection Gohlschinidt.)
— 96 —
» la raideur gourmée de leurs conceptions solennellement copiées d'après des
» modèles qu'ils n'ont pas compris, ils ont visé au style, et ils sont arrivés à
» l'ennui (1). »
Le jugement est sévère. Il n'est pas moins vrai <iue les artistes qui ont pro-
voqué, entretenu et développé le goût du public vers un retour aux formes et aux
décors de l'antique, sont arrivés à créer un style dont la sévérité ne manque pas
de noblesse, et dont les spécimens que l'on reirouve aujourd'hui ont le don de
charmer encore les amateurs contemporains.
Plaise au ciel que les artistes du vingtième siècle qui commence soient aussi
heureux que ceux du dix-neuvième, pour rencontrer avec cette unité de vue qui
fit jadis notre force, une volonté supérieure, et des hommes assez bien inspirés
pour donnei" à notre éjxxpie un style qui soit capable de provoquer et de retenir
l'admiration de nos an'ière-neveux.
(1) Paul .Mautz, « Hccherc'tas sur l'Orfèvrerie française », Gazelle des Ikaux-Avls, tuuie XII, page 254.
Soupière de Bieniiais.
{Collection BeUiinan. — Musée centennnl.)
'1\'U' (If |. ;(;:>• .lu l.iMT (lu Sacre de Cliarlo X.
(<.',i /»//(('/ (/.'.s- l\sl;iiiiiii'S.)
CllAriTUE DEUXIEME
La Restauration (de 1 8 1 5 à i83o)
A la ('oiir (!<' Louis XVIII : ni IV'Jcs, ni art. — La (lii<*h(vss(3 de Iî<'i*i*y.
— L'Oi'l'èviM'rie aux cxposilions (!<' rindusli'ic, ISIO cl iS2.*{. —
Odiol pèi'c. — i^aliici' cl Faucoiniior. — Sacre de Chai'h's \. —
Faux ii<)llii(|uc cl fausse renaissance. — Le succès du « plaqué »,
cxposHion de 1827. — Odiol fils, et le ttoùl aniilais.
•. ■ 1
;t^ Cj:.: 4<jj r^
E l'oi Louis XVill n'avait pas rapporlr de It'xil les
élégances de l'ancienne cour de France. La petite
table de bois blanc dont il s'était fait suivre dans
ses pérégrinations, et qu'il s'empressa, une fois in-
stallé aux Tuileries, de mettre en bonne place pour y
ranger soigneusement ses livres au milieu des splen-
deurs du cabinet de travail de Napoléon, montra
tout de suite à ses familiers quel dédain pour le luxe
éprouvait le nouveau monarque à l'esprit philosophe
et sceptique. Pour lui, les objets d'art allaient du bracelet en cheveux jusqu'au
globe recouvrant des Heurs en papier. A coup sur, ses vues personnelles ne le
disposaient guère k adopter les idées de son impérial prédécesseur sur la néces-
sité gouvernementale de favoriser les industries somptuaires. D'ailleurs eùt-il
'^#îi-;?îhï^¥'- ;-■
— 98 —
professé les mêmes opinions qu'il aurait été fort embarrassé de les mettre en
pratique : d'abord les finances de la France étaient trop appauvries; ensuite
c'était une règle pour le nouveau régime de prendre en toutes choses le contre-
pied de ce qui s'était fait sous l'Empire.
Au début du règne, cependant, il fallut bien consentir à quelques dépenses
de transformation dans le palais, gratter les emblèmes, demander à Odiot ou à
Biennais de remonter les tables royales de vaisselle plate, et faire disparaître
les effigies trop abondantes et les devises du « général réjudjUcain, de l'usur-
pateur Bonaparte », qui apparaissaient partout, sur les assiettes, sur les surtouts,
les écritoires, les mille ustensiles d'usage intime éparpillés dans toutes les
chambres des Tuileries. On se borna à l'indispensable, rafistolant tant bien que
mal ce qui existait déjà, continuant, quoi (|u'on en eût, les formes empruntées
aux architectes Percier et Fontaine, alourdies et dénaturées par des imitateui's
sans talent. Le dessinateur Lafilte suffisait à cette tâche, et donnait de temps à
autre le modèle d'une aiguière, le profil d'une buire, où l'on retrouvailles prin-
cipes de l'excellent enseignement de son maître Vincent, et qui rappelaient le
dessin correct et délicat de Percier. Mais combien rares étaient les occasions pour
les orfèvres de se faire valoir à la cour! Bien (|ue Louis XVIII eut conservé Pu-
sage des « graiuls couverts » et (|ue des dîners d'apparat fussent donnés parfois au
palais, ces cérémonies restaient mornes et les décorateurs n'étaient point conviés
à s'efforcer de leur donner de l'éclat. Le l'oi, absorbé par les préoccupations poli-
tiques, rendu morose par les infirmités, évitait les occasions de se produire.
Quant à la noblesse, composée d'anciens émigrés qui en étaient restés aux
colifichets de leur jeunesse, et qui n'admettaient rien de ce qui ne datait pas de
l'ancien régime, elle ne s'intéressait pas à l'industrie contemporaine, et déni-
grait tout ce qu'elle ne pouvait se dispenser d'acheter.
Par bonheur, dans cette cour « sans reine, sans goût, sans grâce, une mi-
gnonne princesse italienne, tombée tout à coi^ comme une pupille gâtée chez de
vieilles gens », vint apporter le rayonnement de son esprit enjoué, et de ses goûts
d'artiste. Ce fut la duchesse de Berry. Dès son arrivée en 1816, elle devint l'idole
de Paris qui, suivant le mot du baron de Fremilly, « en fut aussi amoureux que
son mari, ce qui n'était pas peu dire ». Cette blonde Napolitaine, avec la splendeur
de son teint, ses cheveux soyeux, ses traits, point jolis, mais égayés par le sourire
de sa lèvre presque toujours ouverte, était la bonté et la bienveillance même. La
résidence du duc et de la duchesse de Berry était l'Elysée. La jeune femme sut
s'y créer une petite cour aussi aimable que l'autre était austère et chagrine. Le
lourd fardeau de l'étiquette ne pesait que très peu sur eux. « Les deux époux, dit
» M. Imbert de Saint-Amand, se mêlaient à tous les incidents agréables de la vie
» parisienne, aux fêtes, aux premières représentations; ils fréquentaient les
» petits théâtres, ils visitaient les ateliers des principaux artistes qui reconnais-
— m -
u siliciil dans le dm' le cmii) il'tiil (11111 \ l'rilaMc expert. La diicliesso pei^Miait, et
w Miii mari passait de-^ lieiiic-^ a priiiilre a r('ilt' d rllr. Ccllr \ic Irampiille et l)ieil
o rciiiplic par le^arls cl la liieiiraisaiice les reiiilait loiis driix p(»|iiilaires ' I ). »
(,Jli iiid la princesse sorlail en \iHliirc, clic l'aisail arrêter ccllc-ci a cliaipic in^taiiL
^■^
La Duchesse DE 15EURY, en costume de chasse.
[Miiiiulure d'Isabey.)
devant les boutiques où elle entrait, et, au retour, les laquais avaient peine à en
extraire les objets qui y avaient été entassés. Ces sorties étaient ce que les douai-
rières du faubourg Saint-Germain appelaient, « les dissipations de Madame ». Dans
(1) hiibort de Saiiil-Amand, la Cour de Louis XVIIl, 1891. 1 vol. in-40, pnge 406.
— 100 —
sa demeure, au palais de l'Elysée, au pavillon de Marsan, ou bien au château de
Rosny, construit pour elle, les objets d'art du temps passé s'amoncelaient :
vieux meubles, orfèvreries anciennes, boîtes d'or venues de Louis XVI, boîtes à
mouches de M'"' de Pompadour, que lui avait offerts le roi Louis XVIII, tabatières
peintes parGreuze, cassolettes, nécessaires, tout un assortiment d'antiquités véné-
rables ou élé{4antes qui témoignaient de son goût très personnel, car le bric-à-brac
n'était pas encore inventé ; mais, en cela, elle fut une initiatrice. C'est elle d'ailleurs
qui, en toutes choses, donnait le ton à la mode. On vantait ses services de table,
« son incomparable vermeil » qu'Odiot avait exécuté. Ce fut elle qui, toujours
accueillante pour les artistes et disposée à encourager l'originalité, prit sous sa
protection l'orfèvre Fauconnier, et contribua à le lancer.
Déieiin.cr en vi-rnieil ollVi-L par la Ville de Paris à la cli>cliesse de Berry,
[Dessin de Cavelier. OEiivrc de Claude Odiol.)
L'inlluence du duc et de la duchesse de Berry aurait pu être heureuse pour les
arts, si elle avait pu s'exercer plus longtemps et plus largement. La cour ne don-
nant l'exemple ni des fêtes ni du luxe, ce fut la société de second rang, c'est-à-dire
des banquiers, des bourgeois riches, qui s'en chargea. Lorsque M. de Rothschild
éblouit Paris avec sa grande fête de mars 1821, il fit plus pour les arts et l'indus-
trie, en une seule fois, que la maison royale en deux ans (1). « Quand on retrouve
» aujourd'hui, sur son chemin, l'orfèvrerie de cette époque, on passe, dit le comte
» de Laborde; on ne peut s'habituer à considérer comme des objets d'art cette
[[] II. Bouchot, le Luxe français sous la Restauration, page 24.
— 101 —
" |(;iii\ ii'l (' (II- ciiiici'i)! mil, crllc ^(■clicccssc d'n |ii-l ciiiciil , I/ali^cinc d'ji |ir(»|)OS
» cl le (Icfiiiil (le |ini|M)il II III'- (le Idiilcs ('('s jiiiM'es (ic ra|)|)(jrl les l.iil jurer en
» scillhic : --1 le (lc--^lli ilc l.l (•nill|Mi--il ion ('s| Imll, rr\(''C|lli()ll c^l l'-'illlixc. (I|l seul
)i i|il(' lu \ irillc nr;:;illl^;il iiMl ilc I ill(|ll>^l l'ir il csl |);is \ cillU' Mil ^(•(•((ur^ de l";irl ( | . »
l/aixt'iicc de diicclioii i:(iii\ ciiiciiiciil ;il(', \(til,i ce (|iii, selon le iiHiiic (''crisaiii, a
|icrdii les iiidiisl nés de cclli' i'|ioi|il('. >■ l.a lîcsiailial ion , ccril-il encore, a e(Mili<'
" la direclion des arls, |ieiidaiil (|niii/e ans, a (iiiel(|iies sei;^neiirs (|iii se j'aisaieiil
» pardonner leur iiieinii|>i'leiice pai' (rexcelleiiles inaiiières <'l. les nH'illenres in-
» tentions l'I). n Smis leurs m-dres, des roiicl ioniiaires sniiailcnics, sans ^'oùt,
sans e\| M rie lice, sans la nioindi'c notion des |)riiici|M's in-cessaires, crurent pouvoir",
avec des rci^lenicnts, dcscnii' les inspirateurs des ('•l('';^ances cl du |)r();jres. (hi a
payi' cher celle erreur, l'oiir remplacer les anciennes coiporatioiis (pii foiiclion-
nait'iit d"ellcs-iiièines et ne demandaient (pia s'amender, on a\ait imaginé toutes
sortes d'institiitioiis et de ronai^cs adminisiralils, conseils de prnd'liouuiies, eliau)-
hrcs consultatives des ai'ts et nu'tiers, sociétés d'cneourageiuent, brevets d'inven-
tion et de |icrt'cctioiincmeiil, (piaidité de corps, d'assemblées et d'élats-niajors,
pour ariivci- à des r(''sultals ne rappelant en rien l'ancien éclat des industries
nationaU's. L'oi't'cvrerie avait (''t('' |)iacée, j)ar la loi du H) l)ruinaire an VI 9 no-
vembi'e 17!)'), (pii est encore en viiiiienr anjourd'iiui, sous la tutelU; de l'Etat, qui
s'('tait déclart' le maître et le gardien de la marque, frappant un impôt, et soumet-
tant rorfèvre à une réglementation jalouse, à des visites domiciliaires rigoureuses,
bes (piatre poinçons de jadis avaient été réduits à deux, celui de l'Etat et celui de
l'orfèvre. Les droits de garantie perçus par l'Etat avaient été fixés à 20 francs par
hectogramme d'or et à 1 franc par hectogramme d'argent. En outre, le fabricant
devait payer les droits d'essai à raison de 3 francs pour les ouvrages d'or ou
dorés, et de 80 centimes pour les ouvrages d'argent. Gomme l'a dit le duc de
Luynes (3), la loi de brumaire a presque paralysé certaines branches de l'industrie
de l'orievrerie. ([ui n'ont ('(diappé à l'anéantissement que par des prodiges d'in-
géniosité. Le Gouvernement de la Uestauration ne songea pas même à rien mo-
ditier. il acceptait le fait acfjuis.
Louis XVlll abandonna donc à ses fonctionnaires le soin de « faire progresser »
les arts et l'industrie, et pensa que rien ne valait mieux, sous ce rapport, que de
se laisser conduire. Ne donnait-il pas suftisamment la preuve, quand il le fallait,
de sa bienveillance pour les artistes? N'avait-il pas mis la croix de la Légion
d'honneur sur la poiti'ine de l'orfèvre Odiot comme récompense d'avoir valeureu-
{[' Comte de L;ilioi'tlo, Rapport sur les Beaur-Arls à l'Erposition universelle de IS'il. paffo 200.
(-2) Ibhi., paire 201.
(3 Duc de Luynes. Rapport sur les mélaur précieux à l'E.rposition universelle de 18."il. pa^'e 2.i. « Il a
été bien souvent question depuis cent ans de reviser cette loi de Ijinimaire et les assemblées législatives
ont eu plus d'une fois a examiner ce problème qui est infiniment complexe. Si cette loi a des inconvénients,
elle a aussi ses avantages, et cest pourquoi sans doute on a mis tant de lenteur à raméliorer. »
— 102 —
sèment défendu Paris en 1814, en qualité de colonel sous les ordres du général
Moncey? N'avait-il pas gratifié les peintres Gros et Gérard du titre de baron? De
môme, il accepta, sans résistance aucune, de suivre la tradition inaugurée par la
Révolution et continuée par l'Empire, quand son ministère lui proposa d'ouvrir la
cinquième Exposition nationale de l'industrie en 1819.
Cette Exposition eut lieu dans les salles et dans la cour du Louvre. On y
compta 1662 exposants (1), dont 21 orfèvres. Parmi ceux-ci brillaient, toujours
au premier rang, Odiot et Biennais. Quant à Auguste, nous avons vu qu'il avait
dû depuis plusieurs années se retirer des affaires. Deux ou trois, dont la réputa-
tion commençait, se signalaient par des œuvres à effet. Cahier, Fauconnier, Men-
tion, etc. Les autres étaient, pour la j)lupart, des orfèvres spécialisés dans les
ouvrages en doublé ou en plaqué, genre de fabrication qui prenait alors une exten-
sion considérable, et dont il sera question plus loin. Les principaux étaient Levrat
et Papinaud, Christofle (2), qui avait imaginé un système de « doublé à froid »
que le jury apprécia. Ils s'elTorçaient de rivaliser avec les plaqués anglais par le
l)on marché d'une |)r()(lurli()u, de ])lus en plus abondante, obtenue par de nouveaux
moyens industriels; reçurenl une médaille d'argent : Levrat et Papinaud, Pillioud
à ([ui fut décernée une médaille <\c bronze pour ses soudures en argent, et le
« fini » de ses œuvres; Tourrot, Châtelain et C'°, etc. (3).
L'orfèvrerie d'art proprement dite était représentée à l'Exposition de 1819 par
un ensemble d'œuvres plus importantes qu'on aurait pu le croire, après ce que j'ai
dit de la pénurie du Trésor, de l'indifférence de la Cour pour le luxe, et de l'hos-
tilité de la noblesse pour les manifestations nouvelles de l'industrie.
Parmi les pièces qui figuraient à l'Exposition de 1819, Odiot avait présenté
un grand service de vermeil du prix de 300000 francs, exécuté pour la prin-
cesse polonaise Braniska; un déjeuner qui fut trouvé de la plus délicate exécu-
tion, et dont la Ville de Paris fit l'acquisition ensuite pour l'otlVir à la duchesse
de Berry, à foccasion de la naissance du duc de Bordeaux (4); un encrier, qui
fut envoyé par Louis XYllI au pape Pie Vil; une Vierge d'argent destinée à
Notre-Dame de Paris; une statue en argent (ï Henri IV enfant, d'après Bosio;
un riche service du prix de 800000 francs, appartenant au roi de Naples, Fer-
dinand 1".
11 avait également exposé une œuvre de grande allure exécutée en 1817.
C'était une châsse en argent du poids de 467 marcs, soit 130 kilos, destinée
à contenir les restes vénérés de saint Vincent de Paul (5). Puis, un encrier
(1) Il y avait eu 1 422 exposauls à celle de 1806. — Celle de l'an X n'eu avait réuni que "JiO.
(2) Christofle (Isidore), iabricanl de boutons en doublé, était l'oncle et le beau-frère de Charles Chris-
tofle qui, en 1842, par la création de linduslrie de l'orfèvrerie argentée par les procédés galvaniques,
devait porter un coup si terrible à l'industrie du plaqué.
(3) Le Bazar Vurisien ou Annuaire raisonné de rinduslrie parisienne, ["^ année, 1821. 1 vol. in-18.
(4) Voir page 100.
(5) La châsse de saint Vincent de Paul n'est plus en France. Elle est aujourd'hui en Angleterre.
d'AiMilloii cl les \r[\\' Mil^c^ doiil rtil-liciiiriilal ioll ."ll'cliil rcl llialr ra|i|H'l.iil le
st\|f (le l'ficici' : \|>iil|{iii ail cciilic. cl en arrière, ^iir un ^ocle <|eini-eii-eii-
laire, !('>< \c\i\' Miise^, cii lia-- relief ( I . l ii secoinl ra|»|iel de nn'daille d'or
l't''('(un|iensa le-, ell'oiis de j'oiieNre.
Châsse de saint \'incent de Paul.
(OEuvre de Cl. Odiot.)
Odiot était alors dans tout répaiiouisscment de sa maîtrise et avait envoyé
les pièces les plus intéressantes de sa fabrication.
Robert Lefebvre, peintre distingué de l'époque, nous a laissé de lui un por-
trait daté de 1822, que l'obligeance de son petit-fds, M. Gustave Odiot, nous a
permis de reproduire. L'orfèvre est à sa table de travail avec des dessins sous la
main; près de lui, figurent les pièces sorties de ses ateliers qu'il estimait le plus.
Ce portrait était destiné dans sa pensée à faire pendant à celui de Thomas Ger-
main, dont Largillière nous a laissé la vivante image et qui, sorti de la collection
d'Odiot, a figuré dans ces derniers temps à l'Exposition des Cent portraits. En
même temps, M. G. Odiot nous permettait de reproduire l'atelier de son grand-
(1 Edouard Foiicaud, les Arlislcs illustres, 1841. 1 vol. in-8o, page -404.
— 104 —
père dans la rue Lévêque, où ses ouvriers, appliqués à leur travail, ont bien la
physionomie de leur temps; leur application au travail, l'atmosphère de calme et
de sérénité du milieu, la simplicité du matériel disent assez que c'est surtout à
l'habileté manuelle de l'ouvrier de l'époque que devait être attribuée la perfeclion
des œuvres sorties des mains d'Odiot, et contrastent avec le matériel mécanique,
',£^.,;^^
ittfl>gHHIwt^»HtfUIHwi^Jtf-.iVy^i^ttfJ*Ul><HJIIll*t>iW#Jt^VIWnVfflVtfH'UWHailt.^VilfYtJfT7T»Vyf4T1TY
i
Encrier. — Apollon ol les Muses.
[OEiivre de Cl. Odlol .)
le nK>uvement et la fièvre de nos ateliers modernes. Au plafond est suspendue
la croix de la Légion d'honneur; ses collaborateurs avaient bien le droit de
s'enorgueillir de la distinction donnée à leur chef.
A l'Exposition de 1819, le Jury signalait dans son Rapport que Claude Odiot avait
exposé les modèles en bronze de différentes pièces d'orfèvrerie qu'il avait exécu-
tées en argent sous l'Empire et la Restauration, et dont il avait projeté de donner
la collection au Gouvernement pour servir à l instruction des fabricants d'orfèvrerie.
La collection complétée fut exposée en 1823; et lorsque peu de temps après,
cédant sa maison à son fils Charles, M. Odiot quittait les affaires, il réalisa son
projet, et écrivit au grand Référendaire de la Chambre des pairs une lettre pour
lui communiquer ses intentions :
« Monsieur,
» Je suis décidé à donner de mon vivant et de suite au Musée des Arts mo-
» dénies du Luxembourg trente pièces en bronze exécutées de la môme manière
10^
ni rail i\c Ci.Arui; ODIOT, par Robert Lcfèvrc.
Colleclion Gustnve Odiot.)
107
»
i
Kl'J
Défense de la Biiniére de Clieliy, en iSiT.. pui- Hoiaee ^'el•nel.
Cl. Odiot. colonel de la Carde Nationale, reçcit les ordres du Maréchal Moncey,
w
III
» (|iu' je r;il)ri(|iiai^ imm tnCrviciii', cl <|iii iirruit v;ilii la iiiiMlailIc «l'or ;i toiilrs
» 1rs l'Aposilioii^ (|iii (nil m lifii (l('|iiii-^ leur (•[•('•al khi, ^oii^ le (lojisulal. jiis(|ii'aii
» I *> aoùl IS:27, (■[ H II] lie (III ) ai ••('ns('' de lai mi (| lier, cl un \a-c d ar;.'ciil (|iii (N'inoiil Vf
)) rdlcl (|iic |i!(i(liii--ciil Ic^ (iiiiciiiciiK adaplo a\cc de-, \iv non a|)|tarciilc> ^nr
» iiii Idiid liniiii.
" l'diir ( c^ (li\ci's ()iivra;^('s, j'ai ('It'' scc(nid(' pour les dessins, jiai" MM. l'ni-
» dlioii, Moicaii, (laiiieray cl (".avelier; poin- les modelages, par MM. les Ac; d(''-
» iiiicieiis (lliaiidei, hiiiiKtiil el lldmiicr, arlisles de la plus ;jrande di^iinil idii .
» .le donne aussi a la Cialerie du Liixeiiilioiir;^ mon laldeaii repr(^'>eiilanl, la
» hnrriôrr <lr Clitlni par M. Horace \ cruel, cl nu dessin encadi'', le(piel re|ii^(''-
" seule les dilVcrcnles pièces ipii ont ('Ic' e\(''culecs dans iiioii ('•lalili^seuicnl .
» Oserai-jc vous prici', Monsicui' le Duc, de t'aii'c |)arl de ma pro|)osilioii à
» MM. les l*airs de |"'rauce e( (rololeiiii' leur acceplaLiou?
» .l'ai riionncur d'cire, c(c...
» Odio'i pèi-e. »
Le tahlcan dlloracc NCriicI rappelai! la |iai-| acti\c(pie rorlcNrc Odiot, alors
eliel" de halaillon de la i^arde nalioiiak'. avail prise à la dcdense de la hai^ricrc de
(llicliy, coidre les Ironpes alliées, le ,'JO mars 181 i. Il est curieux de voir que, du
premier au dernier jour, les oi-fèvres se sont Irouvc's mêlés à lous les événeinciiLs
de noire Histoire. Sous raneieu régime, ils ont leur plaee au Conseil des Finances,
ils rendent la justice consulaire, ils administrent la Ville de Paris. Plus tard, ils
siègent à rAssend)lée Constituante; eulin, au Icmps de riiivasion, ils font le coup
de feu contre les Prussiens (l).
La collection des pièces d'orfèvrerie qu'Odiot donnait à l'Etat fut acceptée
avec empressement, et déposée au Musée du Luxembourg- oii elle resta long-
temps dans les galeries du Musée consacrées à l'exposition des œuvres des
artistes vivants, jusqu'à répo(|ue oii les aménagements des services de la
Chambre haute obligèrent le Gouvernement à transférer les lablea.ux et les
statues dans le nouveau Musée édifié dans le jardin du Luxembourg, en bordure
de la rue de Vaugirard. Mais les orfèvreries d'Odiot ne purent y trouver place.
Elles furent alors transportées au Louvre et mises en dépôt dans les réserves,
car les règlements en vigueur ne permettaient pas d'exposer au Louvre des
œuvres dont les auteurs vivaient encore, et les arts industriels n'avaient pas
encore forcé les portes de notre grand Musée national. Elles furent oubliées dans
les armoires qui les renfermaient, et y seraient encore, si la création du Musée
des Arts décoratifs et son installation au Louvre, dans les salles du Pavillori de
Marsan, n'avait fourni l'occasion de les remettre en lumière, et de leur donner
leur véritable place pour remplir les intentions de leur généreux donateur.
(1) Paul Mantz. Recherches sur l'Orfèvrerie française. Gazette des Bi-'aux-Aris. tome II. page 243.
— 112 —
La Direction des Beaux-Arts les fit sortir des réserves où elles étaient reléguées
depuis si longtemps, et les confia aux soins de l'Union centrale, pour les exposer
dans les galeries consacrées aux œuvres du dix-neuvième siècle.
Cette collection comprend trente pièces d'orfèvrerie exécutées en bronze, et
un seau à rafraîchir eu argent, auquel Claude Odiot attachait une grande im-
portance, parce que, dans sa pensée, cette pièce, exécutée en métal précieux,
en tout point semblable à celles qu'il faisait d'ordinaire, devait servira démontrer
l'effet que devaient produire les ornements adaptés avec des vis non apparentes sur
des fonds brunis . C'est la présence de cette pièce en argent au milieu des autres
pièces d'orfèvrerie exécutées en bronze, qui fit prendre au Conseil de l'Union
centrale des Arts décoratifs la résolution de les recouvrir de métal précieux pour
leur donner la même apparence et le môme éclat que le seau à rafraîchir que
Claude Odiot avait donné comme spécimen des orfèvreries qu'il fabriquait alors.
C'est grâce à cette libéralité qu'il nous est permis aujourd'hui de reproduire un
certain nombre de ces œuvres et de constater leur j)erfection ; leur dépôt dans
les salles du Musée des Arts décoratifs, en les niellant à la disposition du public,
fournira à nos confrères l'occasion d'admirer la conscience ([ui animait leurs
devanciei's.
Parmi les plus inLéressanls, nous avons choisi, pour les reproduire, le grand
vase dont la panse est décorée d'une suite de danseuses inspirées des vases
anti(iues; puis deux seaux à rafraîciiir, «loni l'un, en uK'Ial pi'écieux, était celui
qn'Odiot signalait dans sa lettre au Crand Référendaire comme spécimen de
l'elTet que produisent les ornements en mat sur le fond bruni. Il est accompagné,
dans la planche de la page 1 15, d'une jardinière, d'un sucrier à couvercle et de deux
salières. Un huilier décoratif avec une figure de Léda caressant un cygne d'une
main et de l'autre l'elenant une écharpe volante qui, par un gracieux mouve-
ment, constitue l'anse traditionnelle d'un huilier (page HT); une salière avec une
colonne accostée de deux figures de femmes portant des corbeilles ; puis deux
grandes soupières avec leurs plateaux, deux saucières également sur plateaux, et
la cuiller à sauce, face et revers, dont le décor est d'une finesse extraordinaire,
et enfin un satyre monté sur un socle décoré de trois enfants musiciens, en
bas-relief. Le satyre porte une couronne qui sert de support h un vase de cristal
destiné à recevoir une veilleuse.
En 1823, les procédés électro-chimiques n'existaient pas, et il est certain
qu'Odiot, s'il les avait connus, aurait donné à son œuvre son véritable aspect.
D'ailleurs, ses pièces, quoique exécutées en bronze, étaient fabriquées de la même
manière que les pièces d'orfèvrerie de l'époque, avec le même soin et la môme
perfection; la ciselure en était précieuse, et la monture d'une précision extraor-
dinaire. Il faut les avoir maniées, démontées et remontées, comme nous avons eu
l'occasion de le faire, pour leur donner leur parure nouvelle, pour apprécier l'ha-
m
^'asl■ Bai-rliiiiialc. d'iivrc d ()(liii|.
{CoUcclion dn Musée des Arts dccoi\i(ifs.]
Cette pièci', comme li'n snicanfra et tuntcs celles r/iii son! sorties 'les mains d'Odiot, fait partie des modèles appartenait
d cette maison et à ses successeurs, qui s'en réservent la reproduction exclusiee.
Deux seaux à silace. — Jardinière. — Sucrier à couvercle. — Deux salière?.
ÛEuvres de CI. Odiot.
[Collection du Musée des Arts décoratifs
— Ml —
hilrli' (les (iiIV-mc^ (|iii, sons l,i (lirci'tinii il'Odiol. nvniriil cxt'ciih' (\r<< (fiivros
aussi |>;irr;iili's.
Mais, ('(iiiiiiiciil les (irlcNrcs de l;i jM-ridilr iiii|i(iial(', di'lai-^^aiil Ic^ |)i'()C(''(|('S
(Ml iisaf^c ail (li\-s('|i| ifiiic cl au (li\-liiiiliciiii' siècle, a\aiciit-ils rlr aiiiciM-s à
Huilier avec une fîy;iire décoralive de I^éda, d-uvre de Cl. Odiot.
[Collection du Musée des Arts décor;ilifs.)
renoncer au travail du marteau, aux procédés de la retreinte et du repoussé qui
avaient donné tant de souplesse, de charme et d'élégance aux œuvres de leurs
devanciers, et à se rapprocher du travail des bronziers par l'emploi de la fonte
ciselée?
La Révolution et les guerres du premier Empire avaient fait disparaître les
ouvriers habiles formés à la grande école du dix-huitième siècle; la suppression
— 118
des corporations, l'abolition de leurs privilèges, avaient détruit les traditions.
Plus de maîtrise, plus de long- apprentissage, plus de chef-d'œuvre obligatoire.
Lucien Falize, dans le Rapport magistral qu'il fit sur l'Exposition de 1889,
disait à propos de la suppression des corporations : « C'était la liberté pour tous.
Salière décorative, œuvre de Cl. Odiol.
{Colleclion du Musée des Arls décor,! l ifs.)
» le droit au travail sans entrave, sans contrôle; mais l'orfèvre n'en demandait pas
» tant. Cette liberté lui fut ruineuse; elle apporta le désordre dans son art, et le
» compromit à ce point qu'après cent ans, il se retrouve à peine, et n'est pas
» revenu à l'état où la Révolution l'avait surpris et frappé. »
Lorsque la tourmente s'apaisa, les ateliers des orfèvres avaient été fermés
pendant longtemps; les apprentis et les compagnons, enrôlés dans l'armée ou
envoyés aux frontières, avaient oublié le métier. Où retrouver les ouvriers dis-
11'"
I)cu\ soupières sur philiNiu. iriix ii's de CI. ()fliiit.
{Cnllccliou du Mnsrc des Ails déroriitifs.)
121
Deux saucières avec leurs cuillers, a-uvres de Cl. Odiot.
{Colleclion </» Musée des Arls décorai ifs.)
i->;i
ncr-^c^':' ('.oiiiiiiciil I ciiiiil.it 11' {■(•[\\ (|iif la iiiorl a\ail laiirlu-s -' |,a iikhIc asail
(■|iaii,L;c. l/cii-(iiiriiiciil jmuii' l'aiil ii|nil('', les cdiisciU ilii iiriiilrc l)a\iil, 1rs iiiscii-
lioiis tics aicliilcflcs iN-rcicr cl Idiilaiiic asaiil coiiNcrh Ir |iiililir aii\ lormcs
rcf;iilicrcs cl ridules, a\aiiiit lail (Hililicr les cniiscils ilii caïuicc (jiii a\ail l'ail le
cliarmc des (cii\i-es du ili\ liiiilieiiic sjrclc, |i()iir (ilieir aii\ luis st'-scrcs de la '^rAj-
liiclric; a «le miii\cllcs iiilci|ii'elali(iiis, d lallail de ii(iii\eaii\ |)i-(M-(''d('-s. (^est
r('>|)(H|iie de la iiionliii'C a Iroid, cl la iiiaiii
d'tciiNrc des judii/icrs si admirée |miiii'
Iciii's Idiii's de rorce. la ret^iilarile di' leurs
ajusIeiiieMls. la |ireeisiiiii de leur eisidure,
a \ aient exerce une iMlliiciice dccisi\ c sur les
orl'cM'cs. On c(ini|irend ([u'alors, |)ri\('s des
ouvriers (|in ainaienl conscrM' les li-adi-
lions du nielier, tlouiines par le uofd (ini
|>i-e\alait, les orTèx res aient sidti rinlliienee
(les liron/.iers et reelierehe d;uis leur eolla-
boi'alion de nouveaux moyens d'expi-ession.
D'ailiem-s. Odiot s'(''lait assoei('' avec Um'Isc-
leur-bron/ier Tliomire. dans les (euvres im-
portaïUes ([uil a\ait ex(''eutées avec son
concours j)our la eom* im|)(''riale.
Si Odiol l'ut inllueiieé par son collalx»-
raleur, il ne faisait que suivre le mouve-
ment commencé par Auguste, l'orfèvre du
roi Louis \VI, dont les ateliers avaient sur-
vécn à la Uévolution, vi ([ui eut le méi'ite
d'avoir fal)ri(jué les premières pièces qui
signalaient la résnrrection de l'orfèvrerie
sous le premier Empire. C'est à son initia-
tive qu'est dû le cachet spécial qui la carac-
térise et qui tenait aux procédés d'exécu-
tion. Presque toutes les pièces de cette
époque sont remarquables par la façon
dont les ornements en relief se détachent
en mat sur un fond poli comme un miroir.
Nous avons fait un choix des pièces les plus typiques qui attestent le talent
des artistes qui les composaient. Leur froideur, inaperçue autrefois et qui nous
frappe aujourd'hui, n'empêche pas de reconnaître dans la fabrication une grande
habileté, et dans les figures et dans les ornements des qualités de conscience et
de perfection devenues bien rares aujourd'hui.
Support de veilleuse, œuvre de Cl. Odiul.
[Musée des Arts (lécorulifs.)
— 124 —
A l'Exposition de 1819, son concurrent. Biennais, avait un vase d'argent de
forme Médicis orné de bas-relief en vermeil et décoré de trophées. C'était une
sorte de carte d'adieu au public, car il passait la main et se retirait des affaires.
Par contre, son successeur. Cahier, avait pour ses débuts voulu attirer violemment
l'attention par des pièces donnant du premier coup toute sa mesure et qui le mirent
d'emblée en haute faveur. Il avait présenté une fontaine monumentale de forme
élégante ne mesurant pas moins de cinq pieds six pouces. « L'heureux rapport
» qui existe entre les différentes parties de son ensemble, la sage distribution
» des ornements, la pose noble et gracieuse des figures, enfin l'accord parfait
» qui règne dans la composition, l'ont fait considérer comme la pièce d'orfèvrerie
» la plus remarquable de l'Exposition de 1819. Pour donner à son auteur un témoi-
» gnage de sa satisfaction, le Jury lui a décerné la médaille d'or. »
Cette pièce avait été exécutée par Cahier sur les dessins de M. Lafitte, dessi-
nateur du Cabinet du roi, et ciselée par M. Buisson.
La gravure ([ue nous donnons ici la représente de face, et montre les recherches
apportées à la composition et l'ingéniosité peut-être un [)eu puérile de l'artiste
pour trouver un motif de décor dans la réunion, sur le socle de la fontaine, de
deux sucriers accostés de génies ailés, de deux plateaux supportés par des femmes
pour mettre les théières à portée des robinets, et enfin, enchâssées dans une
galerie circulaire, les cuillers rangées syni(''tri(piem(M)t et dont les cuillerons for-
maient une mouluration à oves palmés.
Néamnoins, c'était un gros effort ; on comprend l'admiration du Jury. Mais, comme
toutes les pièces créées en vue d'une Exposition, celle-ci ne trouva pas d'acheteur.
A côté de cette pièce principale, il y avait d'autres œuvres exécutées égale-
ment avec tout le soin possible, et qui attestaient le désir de l'orfèvre d'échapper
au pastiche du style Empire, notaniment une aiguière avec son plat d'argent et
un bas-relief figurant la Cène d'après la fresque de Léonard de Vinci, dont
Lafitte avait fourni le dessin. Un ciseleur, alors en grande réputation, Soyer,
s'était chargé du travail. Cahier obtint une médaille d'or.
Enfin, un orfèvre qui allait bientôt monter au premier rang, Fauconnier, artiste
des plus intéressants, et l'une des figures les plus sympathiques parmi les chefs d'in-
dustrie de cette époque, indiquait par quel effort d'originalité il prétendait ouvrir des
voies naturelles à la profession qu'il exerçait avec une ardeur aussi désintéressée que
passionnée. Fauconnier était fils d'un pauvre orfèvre de Longwy en Lorraine. Il était
venu fort jeune à Paris pour se perfectionner dans son état, et avait débuté comme
ouvrier chez Odiot, où il était devenu assez promptement chef d'atelier. Puis, s'étant
marié, il s'était établi grâce à l'appui de son patron qui l'avait en grande affection (1).
(1) Fauconnier demeurait en 1811 rue du Bac, w" '18, comme successeur de la veuve Gaultier. En 1813,
son adresse était rue Suint-Dominique, n» 39; nous le retrouvons cependant encore rue du Bac, 58, pas-
sage Sainte-.Marie, dans les Annuaires de l'Industrie de 1821.
12S
("iiMiuli' l'iininiiu- dcciirn(i\c in ce 5iicrifr> cl ciiillers.
iihiioc ilr Cit. C.ihicr.
— \n —
llicii (|iril ne lui ni (Icssin.ilciir, m ^iiil|»lriir, il povsi'tl.iil .m |»|^|^ r;irt' (l('f.Ti;
rilllclliuiciirc lie -^iiil nieller, el ellill olIeNie |l|s(|n';in lionl ije-. oncles. I';i'^ lllic
|iiece ne ->iirl,ul de ->e-> niiiui-^ (|n ('Ile n eu! reen nn eaehel |i;irl irnli<'r d'eveenl loii
cxcelienle. Il >;i\;iil - liiire |);nler le niehil .« , cl ce don, celle (|n:dili' (|n on ne |M)S-
S(''(l;iil [tins j^ncrc (\i' son lenips, il scnhiil c((nriis(''nienl (|n il el.iil ilillicile de les
l'aire \aloir ascc les roniies |tln> on nioiiis n;^idc> i|iii t'Iaicnl a la mode, (l'est
[touriiiioi il lèsail dune oi-reNiciie iiioii\ eineiih-e cl, |)il |()res(|iie. I.a |)i'oleclioii de
la dncliesse de j'.i'rry de\ail lui |ieiiiiellre de r.'aliser son rè\e; celli' dncjiesse,
\onlanl faire nn |»re^eiil an |ieiiilre (iiroilel. (diar;^(Ni rorlcM-e d'e\('ciiler ini \;ise
d argent >nr la paii^e dii(|nel il s a^^issail de re|ii'odnire en lias-i'clicl di\eis lal»leaii\
lie l'aiiisle, eClail la [U'einiei'e eoininande iin|ioi'laiile laile a lele\e d'()diol. I.a
manière doiil il s'en ac(|nilla lui \alnl Ions les siiiri"i;4('s, el, jticrdùl la (ionr le
(diai\m'a d'execnler nn ,i:rand \ase d'nn mcli-e de li;nil. (|ui devail. èlre oll'ci-l an
Snllan. Nous reli-on\erons l'anconnicr a ri'A|i()sili()ii d<' 18:2.'), avec une belle
\ari(''l('' d'(>l)jels dans lesipiels son inia,i;inali(m s'(''lail doiUK' canaère.
l ne remar(|ne (|ni a son inli'rèl à |»ro|»os de celle exposilion de riMdnslri(;
de ISI!), c'esl la préoceupaLioii du j^ouveriicuicnL do rechercher cL de sigualer les
eollalioralenrs ineoiuius dos ouvrages exposés par h^s fabricants. Une circulaire
du Minisire de l'Inlérieur appelai!, eu cllet, dans les ternies suivants l'attention
des préfets sur les mérites des modestes artisans qu'on risquait trop souvent de
laisser dans fombre : « Faites-vous i-(Midre compte des découvertes (pii poui-raient
» avoir amené, depuis dix ans, inie ann-lioration notable dans une branche (juel-
» conque de l'industrie manufacturière de votre département, et signalez-moi les
» savants, les artistes, les ouvriers auxquels on en est redevable. Un mécanicien,
» un simple contremaître, ou môme un ouvrier doué d'un esprit observateur, ont
» qiiel({iiel'ois, i)ar d'heureuses découvertes, élevé tout à coup des manufactures
» au |tlus haut degré de prospérité. Ces hommes industrieux cherchent rarement
» la l\)rlune; ils s'oublient eux-mêmes et ne songent qu'aux progrès de l'industrie.
» Le {)lus modique salaire est, pour l'ordinaire, tout le prix qu'ils recueillent de
» leurs importants travaux. Ce sont ces artistes, que le roi a voulu honorer par
» son ordonnance du 9 avril dernier... « La date de ces recommandations et de
celte suUicilude expli(jue la recherche de popularité qui animait le gouvernement
de la l^estauration. Elles étaient, il est vrai, dictées parles meilleurs sentiments
d'humanité et de justice. Mais il faut reconnaître aussi qu'elles mirent dès lors les
jurys des Expositions aux prises avec une difficulté qui parut jusqu'à ces dernières
années presque insoluble, et qui n'est pas encore complètement tranchée à l'heure
présente, difticulté qui découle naturellement des conditions nouvelles faites à
l'industrie depuis la Révolution. L'embarras du jury de 1819 fut extrême, et le
comte de Laborde en a traduit les perplexités avec sa verve habituelle dans les
lignes suivantes : « Vous récompensez les produits de l'établissement dans son
— 128 —
» chef; si vous allez plus loiu, si vous faites dans le succès la part de l'artiste, du
» contremaître, de l'ouvrier, qui empochera le souffleur de la forge, ou le portier,
» qui tire complaisamment le cordon, de réclamer leur part de récompense?
» Voyez quel désordre dans la hiérarchie, quelle atteinte à la subordination, quel
» appel jeté à toutes les prétentions. Où trouver un jury qui se croira assez éclairé
» sur les mérites, en quelque sorte secrets de la fabrication, pour procéder à
» cette répartition? Vous en remettez-vous au chef de l'établissement? Dans
» quelle position le placerez-vous vis-à-vis de ses ouvriers? La famille industrielle
» est-elle donc déjà si unie qu'une nouvelle cause de discorde, jetée au milieu
» d'elle, soit bien utile? Voilà tout ce qui se disait avec raison en 1819, tout ce
» (ju'on répéta moins bruyannnent en 1823 et 1827... Mais l'intervention de l'art
» dans l'industrie prit, à |)artir de cette époque, une proportion telle (pie tous les
» esprits pratiques convini'ent que, dans une certaine mesure et dans des cas
» exceptionnels, l'artiste avait sa valeur propre» et son mérite à part, dignes d'être
» récompensés en dehors et à côté du fabricant ([ui, selon lui, l'exploitait (1). »
L'orfèvrerie étant, de toutes les industries, celle (pii a le plus souvent recours au
talent des artistes, celle (pii devait èlrc la j)lus intc'ressée dans ce problème qui
se posait déjà à ce moment, je n'ai j)as à en j)arler davantage ici, mais je devais
le signaler, car il a eu sa répercussion sur l'histoire de notre profession pendant
tout un siècle; je me bornerai à une simple réflexion : l'Etat avait su nettement
apercevoir au début les deux tendances contraires (jui s'aflirmaient : d'une part
l'arl porté par l'accroissement des acquéreurs d'objets de luxe à se faire indus-
triel, d'autre part l'industrie poussée par les i)rogrès de la fabrication et les goîits
du public à se faire artiste. Pourquoi, alors, l'Etat s'opposa-t-il si fâcheusement à
la fusion de l'art et de l'industrie qui devait fatalement se faire tout au moins dans
les expositions? Aux artistes, il défendit de se faire industriels, aux industriels
il ne sut aucun \i:vé de se faire artistes, et, accumulant les conti-adictions, tandis
que le jury de l'industrie marchait dans la voie du progrès en ouvrant les bras
aux artistes, l'Etat et le jury des beaux-arts, son interprète, acceptant les limites
créées par des vanités aveugles, proscrivaient impitoyablement les artistes qui
avaient eu le malheur de passer pour un jour, pour une œuvre seulement, dans le
camp de l'industrie. Une fois cette limite franchie, l'artiste était marqué d'une
tache indélébile, c'était un artiste Industriel, et l'entrée du salon du Louvre, des
galeries du LuN:embourg, aussi bien que du bureau des commandes faites par
l'Etat, lui était à tout jamais interdite (2). Voilà ce que firent le gouvernement de
la Restauration et tous ceux qui le suivirent jusqu'au seuil du vingtième siècle.
Si les progrès des Arts décoratifs, et, en premier lieu, de l'orfèvrerie, ont été
(1) Comte de Laborde, liapparl sur les Ijeau.r-arls en IS.jl, pagi» -l'i-l.
(2) Comle de Laboi-de, liapport sur les beau.v-arts en IS'il, pngi; 230.
— un —
IciiIn, ;i|»rt"'>^ Ic^ dt-sa^lrcs cl l;i iH-vdldlimi, l;i c.-iii'^c |iiiiiri|i;ilc en <'^l |fi'iil-
rire l;i.
Le '2'» ;iiinl \S2'.\ lui oiixcilr iiin' muiNcllr rA|i(i>>il imi de 1 lii(|ii>~l rii' : ci'lMil l:i
(l(Ml\i*'ilir (lu icuiic tlf l.oiiis \\ III. lillc i(iiii(iirii,iil I (i'iN cxiKivjinl s, cl -riilciiiciil
7 (iii'c\ rc-- iciniii lc^(|iicK oii ((iiiipl.iil <>ili(il, ('.allier, raucdiiiiicr, j.rldiiii. On
;,,liiiji;i I M'a un m I» iiiu' |is\ clii' lie 1 1 ulil I <■ i ii n\- r\ en arijcul ipiOdidl a\ail ral)ri(|Ui'C
a\fc If souci \i~^ilil(' de ^oflir du ^\\\r l!iu|iire, ci dnul I orneuH'nlal ion alle-lail
imc riMdicrciie d'elci;auce |)rcs(|uc sduiiaulc. Par uu |ii(|uanl ((iidra^le, le uicmc
orfcNre uioulra dc-> c(mi\ rc-plal < de piu- ^1 \ le Loui^ \\ . (|ii il a\ail laiK d'après des
DKulcIcs ancien^ ptiur appareiller ccrlaiiic^ pièces de rai-,i:eiilei ie du dur de j'eii-
lliiè\ re.
T'T'r
J^^.^
Service du duc de l'eut liièvi-e.
Soupièi'c auv éei'evisses l'aile au dix-huiLième siècle.
tColU'cHon (le lu M;iis()n OJiol.i
Nous avons retrouvé dans les archives de la maison Odiot, qui a bien
voulu les lULHtrj à notre disposition, deux des pièces du service du duc de Pen-
thièvi'c exécutées par Claude Odiot, ainsi qu'un dessin d'origine d'une pièce
exécutée sous Louis XV par un des orfèvres célèbres de cette époque. C'était une
soupière à griffes d'écrevisses, avec un couvercle surmonté d'un groupe représen-
tant un oiseau de proie tenant un perdreau dans ses serres et posé sur une ter-
rasse formée de feuilles de chêne et d'épis de blé.
Le couvre-plat d'Odiot avait la forme d'une cloche à quatre lobes encadrant,
dans des rinceaux Louis XV, des panneaux en bas-relief représentant des canards
et des mouettes péchant au bord de l'eau. Le dôme est surmonté d'un groupe
important de poissons d'eau douce et d'eau de mer, avec des engins de pêche et
des herbes marines. Le grouillement des poissons, les enlacements ingénieux des
filets et des nasses en osier, en font une œuvre de sculpture plus qu'un travail
130
d'orfèvre, mais quel effet amusant devait produire sur les convives une pièce
aussi monumentale.
La seconde pièce était un réchaud surmonté d'une cloche ronde, les griffes
formées par des pieds de céleri don! les branches s'enlacent deux à deux pour
Service du duc de Penthièvre, œuvre de Cl. C)diot,
1. Cloche ovale surmontée d'un groupe de poissons.
2. Cloche ronde aA^ec bas-reliel's sur un réchaud.
(Collections de In Maison Ôdiot.)
(
former les anses. La cloche est ronde, ayant la même ordonnance que la cloche
ovale, des panneaux avec des bas-reliefs de pèche, et le dôme orné d'un groupe
de poissons et de légumes.
L'interprétation du style du dix-huitième siècle était parfaite, et Odiot, en
s'inspirant des modèles de Penthièvre qu'il avait sous les yeux, avait trouvé le
moyen de faire une œuvre personnelle qu'on pouvait confondre avec les ori-
— i:n —
^iniiiix II (iMiiil Mil Inii^iriiii' r;i|i|H'l i|c l;i iin'ilaillc d'dr. ( j' fui l;i 'Irriiirrc Expo-
sition un il |i;inil, c.ir il ■>(• nlir.i îles ;ill';iircs ([iiiiln' ans a|)i"('s, en IH27, rL laissa
sa inai->(ni a son lil< ('.llal•l(■'^ Odidl. Il \('cmI cncnii' de l<»n;.'ii('s aiiMt'rs, jouissant
(le sa iMMMunnnT nni\ crscllc cl d'inic considiTalidn i|ni allail aniani a l'orlV'M'c
('•nnncnl (|n il a\ail r\r qu'a rii(iiiiiiic |in\('' il(Hit (HI IniiKirail le rararlrr»! et les
vt'i'lns. Il iiKMiiiil en iS.'ll), ;i ( |iia I rc-\ iii;^ I <f|il ans.
. ^^'^u:: ?/.yS3
Carte dadix-ssi' (k- ("li. Caliii'i-, on iSiy.
{Collcclion Henri Vcrer.)
Cahier obtint lui aussi un rappel de médaille d'or. Nommé orfèvre du lloi, il
avait exposé en 1819 des ouvrages considérables parleur importance et leur tra-
vail. Une carte d'adresse de Charles Cahier, qui date de cette époque et que
nous avons trouvée dans la collection de M. Henri Vevcr, mentionne son nouveau
titre et ses récompenses à l'Exposition de 1819.
Nous avons donné plus haut la description d'une immense fontaine à thé en
forme de vase avec tous les accessoires du service portés sur des plateaux ornés
de figures de génies et de femmes ailés, qui lui avaient valu la plus haute récom-
pense.
Charles Cahier, qui avait débuté sous l'Empire, avait exécuté, en 1806, un
grand reliquaire en cuivre doré destiné à renfermer la couronne dépines qui
avait été restituée à Notre-Dame de Paris, par ordre de Napoléon 1". Le Trésor
de la Cathédrale possédait également un certain nombre de pièces de cet orfèvre,
telles qu'un soleil d'argent, un calice en vermeil, un ciboire, deux burettes, une
aiguière avec son bassin, également en vermeil. Cahier faisait avant tout de l'or-
fèvrerie religieuse; aussi devint-il l'homme de la situation, l'artiste le plus auto-
6
— 132 —
risé, auquel on allait confier, sous la Restauration, le soin de refaire les vases
sacrés des églises, honteuses de leur pauvreté. Cahier fit paraître alors beaucoup
de zèle et d'activité (1).
Parmi de nombreuses pièces d'orfèvrerie d'usage qu'il avait exposées, on
remarquait également un grand bol monté sur son plateau de forme ovale.
Une tendance nouvelle de décoration avait frappé ses contemporains, et nous en
trouvons la trace dans une description de l'époque : « Cette pièce capitale est
» d'un très beau contour; ses ornements bien disposés et d'un grand intérêt
» ont le mérite rare d'être neufs sans cesser d'être de bon goût. Ils sont une
» nouvelle preuve que les artistes s'abusent, lorsqu'ils croient ne pouvoir rien
Soupière sur plaleau.
( OE livre de Ch . C n li i ei- .
» trouver de mieux ni même de comparable aux motifs qu'ils ont pris en
» affection et qu'ils ne se lassent pas de reproduire. La Nature est une mine
» féconde qu'ils n'exploitent pas assez; en la consultant davantage, ils éten-
» draient les limites dans lesquelles ils se tiennent continuellement. Le règne
» végétal surtout leur offrirait des molifs susceptibles de produire le plus grand
» effet, et qui, en les affranchissant de la routine qui les maîtrise, donneraient
» à leurs productions ce caractère d'originalité qui leur manque trop sou-
» vent. » C'étaient là de bons conseils, mais qui ne furent guère suivis, et
nous attendrons jusqu'à la fin du siècle pour les voir pris en considération.
(1) Paul Maulz, Rec/ictches sur l'Orfèvrerie française, Gazeltc des Beaux-Arts, touie XIV, pa^e 411.
— ISA —
'•mm
A ri'Aposilidii (le IS2.'>, il cxiMisiiil des pirccs iiii|(orl;iiilrs : une ;ii;.Mii<'i-(î
pour If stM\irc (le ri'l^^lisc cl iiii ^iMinl |il;il tl'ar^i'iil oiik'-s de has rclids lrail('*s
avec lin lalciil Mi|i(''iiciir, Lalillc en a\ail loiinii les dessins, d Sdvcr, riscjriir
tn-s lialiilc, laNail aide de son lalcnl; nmis dnniioii-^ dans la iiHiiir |ilan(lii' un
cliainiclii'i- daiilcl, cl une ai;;iii('r(' à lias-rcjn'l' jiT|»r('sc;i| uni liM-c-sc de .Noi'.
haiis la iilanclic
[%y)^r|^ ^. iM.'i. iKMis donnons
(''l^a Icnirn I dnix
crosses i| r\ ci|iies
cl niH' ai;_'incrc a\('<',
son plalcaii, dcn\
hnrcllcs et un(;
sonncllc c\(''cnl(''es
sur les dessins de
(îiiai'lcs Normand,
arclii I ccl (' , ma is
don! le caraclèrL'
ne sY'loigiie pas de
l'école de I*ercier.
(( Laiiiiée sui-
vante, l'artiste se
vit chargé, en qua-
lité d'orfèvre du
Roi, d'un travail
dun genre particu-
lier.
« L o r s f j u e le
Gouvernement fit
Ai^iiici'C.
[OE livre de Cli. G n hier.)
transférer à Saint-Denis diverses reliques royales,
l'ongle du pouce de Louis XIV, un ongle de pied
de Henri IV, une touffe de cheveux de Marie de
Médieis, ce fut Cahier qui exécuta les trois coffrets
en vermeil pour renfermer ces restes vénérés. Bien-
tôt après, Louis XVIII étant mort, ce fut encore
Cahier qui fut chai'gé d'exécuter les plaques en
vermeil qui furent posées sur son cercueil, de même
que la boite où Ton avait placé le cœur et les entrailles du Roi. U eut à s'oc-
cuper ensuite de l'exécution des vases qui servirent au Sacre de Charles X. dont
il demanda les dessins à Laffitt^, son inspirateur ordinaire. Ces œuvres sont
encore conservées dans la cathédrale de Reims; nous en donnons la reproduction
Cnnclélabi-e d'au Ici.
[OEiivre de Cit. Cahier.)
— 134 —
à la page 143 : le calice, l'aiguière et les plateaux des offrandes, la Sainte-Am-
poule ainsi que la chasse destinée à la recevoir (1). »
Son exposition, très remarquable, lui valut les éloges du Jury et un rappel de
médaille d'or.
Cahier exposa encore en 1827, et se tint toujours au premier rang. Sa maison
était ancienne. Il figurait déjà dans 1' « Azur » de 1811 sous la rubrique d'Eglisier
et demeurait quai des Orfèvres, 58. Nous avons dit plus haut qu'il avait acheté en
1819 le fonds de Biennais et continuait le genre de fabrication de son prédéces-
seur, s'inspirant encore des imitations de l'antique, mais cherchant à donner à ses
souvenirs classiques plus de liberté et d'originalité. Dans cette voie, il était poussé
par son frère, le Père Cahier, archéologue distingué qui ne tarda pas à l'entraîner
dans l'étude des types anciens de l'orfèvrerie gothique; mais, malgré ses efforts,
il ne réussit pas à faire fortune, et il dut fermer ses ateliers pour entrer dans la
maison alors toute nouvelle de Poussielgue-Rusand qui devait donner plus tard
une si belle impulsion à l'orfèvrerie religieuse en s'entourant des hommes les
plus remarcjuables de son époque, les architectes Viollet le Duc, Questel, Bœes-
wilwald père. Constant Dufeu, etc., qui restauraient les cathédrales, et lui fai-
saient exécuter des travaux importants.
Mais le grand succès de l'Exposition de 1823 fut pour Fauconnier qui, entre
autres pièces extrêmement intéressantes, présenta une aiguière destinée au bap-
tême du duc de Bordeaux ainsi que divers vases et une fontaine à thé.
Fauconnier, ((ui obtint une médaille d'or en 1823, ne reparut plus aux Expo-
sitions. Ce n'était pas lassitude de sa part ni défaut d'activité. Bien au contraire,
il continuait la lutte avec énergie, et produisait patiemment, en artiste d'une
conscience à toute épreuve, des ouvrages dont aucun motif mercantile n'aurait
pu lui faire hâter l'exécution qu'il voulait jusqu'au bout parachever, sans penser
une minute à établir la balance entre les frais et le bénéfice. Nature enthousiaste
et véritablement artiste, dit M. Ferd. de Lasteyrie (2), le brave Fauconnier n'épar-
gnait rien pour la perfection de ses œuvres. Malheureusement, il était plus riche
de talent que d'argent, et c'était en outre un très mauvais calculateur; si bien
qu'il trouva moyen de perdre 10000 francs sur la commande d'un vase qu'on
devait offrir au Sultan. On chercha à l'en dédommager par celle d'un service de
table pour la famille royale, mais cela ne suffit pas à le remettre à flot. Ses
affaires, mal gérées, allaient de mal en pis; si bien que le jour vint où le pauvre
grand orfèvre se vit exproprié de tout son matériel. Heureusement qu'alors, il y
avait encore en France quelques vrais grands seigneurs. Le duc de Montmorency,
digne héritier d'un illustre nom qui devait s'éteindre avec lui, fit secrètement ra-
(1) Paul Mantz, Recherches sur iOrfèvrerie française. Gazette des Beaux-Arts, tome XlV. page 412.
(2) Ferdinand de Lasteyrie, Histoire de l'Orfèvrerie, IS"!. 1 vol. in-i8, page 303.
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Orfèvrerie (l'c;;li?e. — Crosses. — Aipuicre. — Buroltcs et plateau,
/j^iirres de Ch. Cahier.
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cliclcr le m.ih'rirl ncikIii ;iii\ ciicliric^, |)(tiii- le n-iiiln' ;i rcliii (|iii m >«;iv;ii( f.'iirc
un ^1 Im)|| I|n;|j^('.
Il cul pniu' <'(ill;ilMU'al(MM's inlcruiillculs Ir '^rul|il('ur ( !ii;i|i()uui('l'r, uior-l Irop
|cuu('. I m ii('ui;iui-^l(' (',li('u;i\ ;inl, I imcIiiIccI r ( i;iuMcitiu, cl T.uui^icr, un des ('isc-
Icur^ Ic-^ plii-^ ll;lllllc~^ lie celle t''|MM|uc ou l:i ciscjin-c ('■l.nl encore si ui.'il comprise.
Le scul|ileui' l>;u'\c, (|ui culiait clie/ lui ;ni sortir iju re;jiuienl en iNi^l, lit imm;
S()i\;iul;iiuc de uiodelcs d'aninuiux (|iril ue si;ju;iil p.i^, cl (juc T;iunsier ci<c|;nl.
Fanconincr, (|ui les exposail eu IS2."!, ue les si;jna pas non |tlus, cl le ra|)p(ji'L(!iir
du .liu'\ . dans uu rappori eu ipiali'c lij^iu's, lui dccernail une nu'-daille d Or (I).
Il a\ail dcuiaiidc ci^alcnu'id a liarye son concours jiour le ;_'rauil vaso ([u'uii
dexait olVrii' au Sullan. dans la dccoi-alion diupKd eulraieul, plusieurs li;:ures d(!
littns.
Il s'c'tail adri'sst' à (lluMiavard pour la coniposiliou d'iuu' soiiiiiri-o (|u"il dosti-
uail à IJAposiliou. Le dessin nous (Ml a (dé ('oiiscrvr (laus un recueil de décora-
liiMi piddie eu \KVA. ('."('dail déjà liulluence du r(jnuudisuie ([ui se f'aisail. seulir, cl
('licua\ard. don! riuia,i;inaliou exulx'ranle ue s'arrèlait, pas devaid. les ii(''ccssit(;s
de la l'aliiicatiou ui le prix de l'exi-culiou, avait. eidass('' dans cette composition
assez de ti>;ures et assez d'iu-nemeuls pour former dix jjroii|)es et îudaut de
pi('('es (lilV(''reiiles.
I.e duc de Luyiies, dans son sid)stauliel rapport de 1851, a parl(j de Fauconnier
sur un ton en ([uelquc sorte attendri, et a cit(!' avec admiration quelques-unes de
ses pi('ces, telles qu'une fontaine à thé, un huilier dans le style de Percier et de
Fontaine, qui malgré « leur peu d'importance matérielle sont considérées comme
ce que l'on a fait de plus parfait dans ce genre ». Il déclare que le service qu'il
Ht pour le duc d'Angoulènie, « simple d'ornements et de composition, était d'une
exquise pureté de forme et de profds » (3).
Faisons la part des choses. Il est entendu que les éloges donnés par les rap-
porleui's d'exposition à leurs contemporains ont besoin d'une mise au point
spéciale pour s'accorder avec nos propres points de vue, après cent ans de
distance. Il n'en, est pas moins certain que Fauconnier, orfèvre d'élite sous la
Restauration, exer(^"a sur son art une influence des plus heureuses. Il résista de
toutes ses forces contre l'invasion des modes anglaises qui sévissaient alors en
France, et c'est lui ([ui créa les premières pièces de style Renaissance que le
mouvement romantique inspira. Il a tracé la voie où s'engagèrent après lui
Wagner et Froment-Meurice. Il avait formé d'excellents ciseleurs, outre Tamisier
\1) « M. Fauconnier, à Paris, rue du Bac, u° ."JS, a exposé une l)elle aiguière qui a servi pour le
baptême du duc de Bordeaux, et trois vases dont un forme une fontaine à thé. (let artiste s'occupa avec
succès du perfectionnement de son art : on lui doit une collection de bons modèles pour l'imitation de
divers animaux. Le Jury lui décerna une médaille d'or. » Exposition de 1823; Rapporteur : V'» Héricart
de Thury.
^2) Duc de Luynes, Rapport sur les métaux précieux en 1851, page Cl.
~ 140 —
que nous avons cité plus haut. Fauconnier s'était adjoint Mulleret, puis Wechte
qui devait devenir une des gloires de l'orfèvrerie française. Il eut pour élèves et
uniques héritiers, ses neveux Joseph et Auguste Fannière qui, durant cinquante
ans, devaient faire tant d'honneur à ses leçons, et prendre rang parmi les premiers
orfèvres de notre temps. Les services rendus par un tel homme à notre profession
ne doivent pas être oubliés.
Le dernier grand ouvrage de Fauconnier est un vase monumental, en argent
doré, haut de quatre pieds, qui fut offert par souscription au général La Fayette.
La forme rappelle une amphore antique montée sur un piédestal qui est orné de
bas-reliefs figurant la Fédération de 1790, et qui est flanqué de quatre figures
allégoriques : la Liberté et la Loi, la Force et la Justice. Sur la panse du vase,
une inscription votive « La France à La Fayette » est soutenue par deux génies
ailés; le col est entouré d'une couronne civique, et le culot décoré de feuilles
et de fleurs empi-unlées à la flore du Nouveau Monde. Cette œuvre importante
acheva (répuiscr les ressources du malhenreux orfèvre. Vainement, Madame
Adélaïde, pour lui venir en aide, lui avait donné un atelier dans un de ses hôtels;
il mourut (piétines années après dans une telle indigence qu'il ne laissa pas,
a-t-on (lit, de (juoi payer ses funérailles.
Le roi Charles X, en succédant à Louis XVllI (septembre 1824), parut vouloir
réagir contre les habitudes inisanlhr()pi(pies et l'austérité muette de la cour. Il
aimait les fêtes, le bruit, le clinquant. Il ordonna (pie la cérémonie de son sacre
fut magnifique, et, à cette occasion, les orfèvres eurent à satisfaire à quantité de
connnandes. Ce fut Cahier, fournisseur attitré de la grande clientèle religieuse,
qui fut chargé d'exécuter, sur les dessins de Lafitte, nous l'avons dit plus haut, le
calice, les burettes, l'aiguière et l'ostensoir, ornés d'émaux de Sèvres, ainsi (pie la
Sainte-Ampoule et son reliquaire qui figurèrent aux solennités de lieims (1). Ces
objets, qui sont restés au Trésor de la Cathédrale, donnent mieux que n'importe
quelle description l'idée du caractère théâtral de ce genre d'orfèvrerie à cette
époque.
Le héraut d'armes qui figurait dans le cortège, portant les présents offerts par
le roi, tenait une aiguière de vermeil qui était l'duivre de Cahier; nous donnons
la reproduction d'une gravure du temps qui reproduit cette aiguière et atteste
en même temps les splendeurs de cette cérémonie.
Le livre qui devait redire l'extraordinaire munificence déployée par Ilittorff
(1) La Saillie Ampoule. — Vase sacré, contenant l'huile qui servait au sacre des rois de France. Suivant
une tradition, dont Hincmar, archevêque de Reims, parla le premier au neuvième siècle, elle fut apportée
du ciel par luie colombe, à la prière de saint Rémi, lors du baplêuie de Ciovis, eu 496. Son baume servit
au sacre de nos rois jusqu'à la Révolution. En 1793, le représentant du peuple, Rhul, la brisa à coups de
marteau sur la place ptibliqiu! de Reims. Une parcelle du baume qu'elle contenait avait été dérobée par
l'abbé Seraine, curé de Saint-Rémi : elle servit au sacre de Charles X, en 182a, après avoir été enfermée
dans une nouvelle ampoule enrichie de pierreries, que l'on conserve encore à Reims. (A, Dictionnaire de
Larousse.)
tu
Éà
wp^.pnAJïKôuAuoAUA(mmAOAmmwj^iUiiOùm^^
Grand vase olTcrt à La Kayette.
(Œuvre de Fauconnier.)
N
w
■V
M.
r
M3
Aijiiui'i'o el plateau pour les olVrancles. ('.liclu'- \l. lîotluL'r.i
Calice et châsse tlile Saiiite-Aiiipoiile.
(Sùivivs (le Ch. Cahi.'i-.
' 7 /• c s o r cl e l ;i ('. u l h c' </ r ;( le de II c i m s
I
— H.1 —
(1,111-^ I.mIci'oimI ion (le 1,1 cil ImmIimIc de Uciiii-^, d.iiis la salle <|ii l)aiii|iicl , arcom-
iiiodi'i' a la ;.'nl linnii-, a\cr ^cs di ii-iiicn , m-s jdsircs, ^cs laldcaiix (\c-> Mois de
l'iMiicr, lie lui laiiiiiis arlicM'. Cniiiiiiciifc |iar llill oill", ;.'-rav<' Icrilciin'iil |t;ir llcriri-
i|iii'| hii|>inil, (|iii avail cil' cliariji' de ce lra\ail cl n'en a\ail ;.'r;i\<'' ipir (|iicli|ii('s
iilaiiclics, roiixiaL'i' n'clail pa^ tci'iiiiiic a la lic\ oliil ion ilr |S,"!(). l/i'\ciii|)lairr iiiii-
l'IicNc ('\i>li' au caliiiicl des l!>l aiiipcs. Il (•->! ciiiicuv a (■(iiisuKcr. .Nous y asoiis
liMUM' la salle du Uaui|U('l , rappela ni rdninniiaucc des }.;raiids cou \crls daiil rcj'ois.
Le |-(»i cl les princes du saUL: sur une laide sium'Icn l'c dans |c fond de la salle
l'ai dessous, les cardinaux, les c\(~'(pies. les re|ir(''senlaul s de rai-ni(''c cl de la nia-
:;is|raliu'c elaicul assis sur des laMes en c{(nlrel)as. La ('.oui' assislail au liaii(|ucl
dans une Irilunie. I,e nuMuenl choisi pai- l'arlisle cs| c(diii oii TarclicN c<pic de
lU'iills, d(di(Mil, rccile le licncilicilc . La (aide csl dt'cori'e de sm'louls en c(»loii-
iiadcs cl d'ariienlcric surauiK'c ; mais le ci-rf-uioiiial csl celui de la (!our du
(îrand lîoi. Les ot'licicr- de liou(dic soni la, raii^(''s deiricrc la (lour, celui-ci
olVraul uu plal. Ici auli'c ^(u'ilanl les \ins, Ici autre |)as>aid, le calV'. On avail iilaisir
à rcNcnir aux anciens crrenicids.
Mais ce (pii doil èlre pari iculièi'cnienl signalé à colle (•('•i-éinoiiic du sacre, cl, ce
([ui inai'(|uc véi'ilalilcnicnl une date <lans riiisloire des arts induslriels de celte
périodes c'est la décoration genre gotliique adoptée par rarcliitecte lliltorlT pour
rintéri(HU' de l'église. Déjà, (pielques mois auparavant, à l'occasion du baptême
du duc de iJordeaux, cl dans le développemeid d'allégresse au([U(d doinia lieu cet
évéïieuient, IliltorlV et Leconite avaient imaginé d'envelopper l'église Notre-Dame
de Paris d'un vaste décor plus ou moins amphigourique, empruuté à uotre antique
arcliitecture nationale, c'est-à-dire au gothique. C'était un gothique d'image
d'Epinal, un gothi([ue invraisemblable et puérilement travesti. L'idée de cette
tente ogivale en avant du portail, les draperies lourdes cachant les sveltes piliers
de l'église, les lampadaires, les écussons, travestissant les nobles architectures
de la cathédrale, nous apparaissent aujourd'hui presque ridicules. Mais l'idée
d'ilittorlîeut du succès, et dans l'absence totale de direction dont l'art souffrait
alors, dans l'incertitude navrante de la voie à suivre où se trouvaient les décoi*a-
teurs, elle fut saluée comme un symptôme et comme l'avènement de l'orientation
nouvelle qui répondait à un intense mouvement d'opinion. N'était-ce pas le
moment où la lecture du Génie du Christianisme, de Chateaubriand, avait remué
toutes les âmes, où les romans de Walter Scott, les drames de Schiller et de
Gœthe, les poésies de Byron, ramenaient l'attention passionnée du public sur le
moyen âge, et où commençait à s'épanouir cette littérature dite romantique^ qui
allait animer de sa flamme toute une génération de puissants esprits?
La Restauration, par une réaction logique et naturelle, repoussait l'art que
l'Empire avait rendu populaire sous l'autorité d'un César qui disciplinait si bien
son entourage. Après avoir été solennel et auguste, on le voulait sentimental et
— 146 —
pittoresque. Ce besoin de nouveau, cette aspiration vers la poésie eurent une
influence considérable sur l'évolution du goût et firent rejeter les pastiches de l'an-
tiquité dont on avait assez; on se passionna pour le gothique et les monuments du
moyen âge. Mais les novateurs ne s'apercevaient pas qu'ils ne faisaient que
substituer une convention à une autre, oubliant que, pour renouveler un style, la
véritable source toujours inépuisable où se sont inspirées les grandes époques de
l'art : c'est la nature, et non la copie des Œîuvres passées qui peut les conduire
à leur but.
Au sacre de Reims, la décoration de Hittorlï' n'eut déjà plus le même attrait
de nouveauté. Victor Hugo était là, lui, le plus ardent chef de la jeune école, qui
allait bientôt faire jouer Hernani; Lamartine et Nodier, et Chateaubriand lui-
même s'y trouvaient aussi. Mais, ils ne goûtèrent qu'à demi cette mascarade
moyennageuse (jui, pour eux, ne traduisait qu'en un décor trop grossier leurs
rêves de poètes.
« J'aurais compris le sacre tout autrement, disait Chateaubriand à Victor Hugo;
l'église nue, le roi à cheval, deux livres ouverts, la Charte et l'Evangile, la Religion
rattachée à la Liberté ; au lieu de cela, nous avons eu des tréteaux et une
parade (1). »
La parade continua à Paris, où les fêtes succédèrent aux fêtes. A l'Hôtel de
Ville il y eut bal et banquet, où figura le fameux service de Sèvres d'un million.
Puis, ce fut au Ministère de la Guerre, où le marquis de Clermont-Tonnerre donna
une réjouissance militaire d'un luxe qui rappelait celui de l'Empire. Au Ministère
de l'Intérieur, l'architecte Joly réalisa des féeries. Chez l'ambassadeur de Russie,
au Ministère de la Marine, où la duchesse de Berry fit sensation, chez l'ambassa-
deur d'Angleterre, le duc de Northumberland, qui avait fait venir de Londres sa
vaisselle d'argent et d'or estimée plus de trois millions, toute l'aristocratie se rua,
rajeunie, folle d'enthousiasme et ivre de plaisirs.
Dans ce débordement de fêtes qui saluaient l'avènement du nouveau roi, les
orfèvres eurent leur part d'effort et de profit. La mode voulait du style gothique;
ils se mirent au gothique, au décor « à la cathédrale », aux interprétations les plus
invraisemblables d'une époque et d'un art qu'on ne s'était pas encore donné la
peine d'étudier et qu'on croyait naïvement faire revivre en les caricaturant. L'explo-
sion fut trop exubérante. « A la simphcité monotone de la Hgne droite, à l'imita-
tion un peu froide de l'antique, on substitua la ligne brisée; à la maigreur des
ornements, succédèrent des ornements à tout propos... Cette initiation avait été
subite, cet engoûment trop rapide; le public admira tout sans se rendre compte
de rien (2). » On fouilla le cabinet des estampes; les artistes se hâtèrent de copier
(1) Victor Hufjo raconté par un témoin de sa vie. (Elit. Lacroix, 1868, tome II, p.
(2) Comte de Laborde, Rapport sicr les beaux-arls en 1851, page 206.
Héraut portant des ollVandcs au sacre do Cliarles X.
{Livre du Sacre. Cabinet des Estampes, )
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les proilih tiiMi-, des divers âges, l ii lilir.iirc avisé, DiU'IuîSiic aiiit', n'-iiiiil diiiis dr
{jfraiuls voliiiufN toiilcs les csLiiiiim ^ i|(ii as.iiciit scrxi aux lahricanls drs sri/iniir,
dix-scptirilli' cl dix-liiiil iciih' skmIcs. Oiilic les (imimc^ (•()m|»|rl('>, dr Marcd,
Lcpatil rc, llcraiii, Mci^sonnicr, il olVnl aii\ arlislcs m'|i| noIiiiiics jioiir lOrlcv rri-ic,
si'|tt |Mitii' la lu jtml Clic, lin |Hiiir la |(iaillciic, de. (les .'{()()() |ilainlic->, ronlcuaiil,
environ hiOOl) iihulcU"^ saric'^, dcliaNercnl les indiisli-icU de iiKideles e| d'iiji'es.
(".'est a\ee ces docnincnls, <|iii n a\aienl pas ('■le coordonnes par un arlisie, <|iie
l'on eonlrt'lK le Vieux à (orl e( ii travers. On amplilia, on rc'diiisil. les (envres
aih'ieiHU's selon les nouvelles applications, sans se rentlre compte des conditions
priiiiiliscs des nioth'lcs; on associa sans scrnpnle, on ap|iliipia sans disceriienient .
et de celte inisc'ralile cuisine ne |)iireiit soi'tir «pie les nn''lan;jes du |»liis inaïuais
goùt(l).
Ij'édueation n'était pas faite. Les expositions rétrospcelivcs n'avaicnl pas été
inventées, et les artistes eoninie les industriels n'avaient pas suflisainnient étudié,
sur /es pircos //ir/fics de répo(|ue dont ils voulaient s'inspirer, le caractère ty[)ique
de leur ('ou('epti(Hi et les (pialilés niaîtresst's de la uiain-d'ieuvre (pic nous eoin-
preiions mieux et (pu* nous admirons tant aujourd'hui. Nos contemporains, non
pas mieux doués, mais mieux renseignés, ont réussi à faire des œuvres modernes
que l'on confond avec les œuvres anciennes, tant elles ont la même saveur et la
même maîtrise, si bien que l'industrie des truqueurs ({ui font du vieux-neuf a
trouvé, dans cette éducation de l'œil et de la main d'ouvriers habiles, le moyen de
tromper l'amateur le plus avisé.
C'est le temps où la duchesse de Berry donnait son fameux bal travesti où
elle paraissait en Marie Stuart, et dont tous les costumes avaient été dessinés par
Euj;;ène Lami, qui avait également fourni les modèles des bijoux, des dagues ou
épées, et des moindres accessoires. C'est alors aussi que les riches financiers,
comme James de Rothschild, pour son hôtel de la rue d'Artois, ou Barillon, pour
son logis de la Chaussée d'Antin, commandaient des services de vermeil, des
vases, des coupes en argent où, sous prétexte de ressusciter l'art du passé,
étaient accumulées les décorations et les figures d'une invention échevelée. Le
plus étrange — et ce qui fut heureux pour les industries françaises — c'est
que l'engouement pour ce style pitoyable devint européen, des journaux de
l'époque sont remplis d'avis tels que celui-ci que je relève au hasard, à la date
de 1829 :
« Le roi d'Espagne, à l'occasion de son mariage, vient de faire faire à Paris
un prie-Dieu de dix pieds de hauteur, de forme gothique, en acajou, orné de
bronze, d'argent et de peintures sur porcelaine (2)...
(1) Comte lie Laborde. Rapport sur les beaux-arts en 1831, page 205.
(2) Journal de la Mode Paris, rue du Helder), livraisons d'octobre à décembre 1829, page 176.
lo
M. Henri Bérakli, dans son remarquable ouvrage sur la liclmre an dix-Jieiivième
siècle (I), a signalé les bizarres reliures d'orfèvrerie de style cathédrale faites à
cette époque pour complaire aux grandes dames qui voulaient habiller leurs
missels ou leurs « Heures de la Vierge » d'un vêtement de métal conforme au
goùf du jour, car les
femmes de la Restaura-
tion ne furent pas les
moins actives adeptes
du mouvement roman-
tique. Beaucoup avaient
leur boudoir ou leur
chambre à coucher meu-
blés avec cette recher-
che sentimentale qui
caractérise la tendance
des esprits à celte date.
Ton! ('tait mirage et il-
liisiou. Dans le moindre
ornement, les imagi-
nations surexcitées
croyaient voir revivre
les j)lus purs chefs-d'œu-
vre des époques d'en-
thousiasme. Il n'y a que
la foi qui sauve, et,
comme la science ar-
chéologique n'était point
encore née, aucun cri-
tique malencontreux ne
venait calmer ces admi-
rations qui s'exaltaient
à faux.
Certaines femmes de
ce temps avaient sur
leur « commode » une place réservée, — ce que la duchesse de Berry nommait
son petit Dunkerque (2), — oii s'entassaient, au caprice de la journée, les
I
.Ueliiu'c calliôtlrale.
Extrait de roiivra;^e de M. Henri BJraldi siii- la Reliure
iui clix-neiivièine siècle.
(1) M. Béraliii cite aussi de très int^ressautes reliures en argent exécutées vers 1840 par Rossigneux,
Liéuard, Uiester, puis en 1875 par Falize. Cf. la Reliure au dix-neuvième siède (l^iris, 1S'J(>; librairie Con-
ques), 4 vol. in-18.
(2j Celait l'enseigne d'un bazar à la mode et très achalandé à cette époque.
l>al>i<>l<'^ <l<' |ii'i\, li'^ ciliiiicN <r(''l)('lM', 1rs Imilc^ il |)ij()ii\, Ic^ lodiris de
foiMil, l('N cidix lie iiaiTc, clc I ne poc'-sic de I.aniarl me ^iir la i-oiipc dr So-
ciale a\ail Idiiiiii aii\ (iiT<'\ics un llicinc de dccur |m)III' les ii|)|c|s de ce ;jciirr,
t'I (•(' lui a i|iii aiiiail sa >< loiipc » |iiiiir s'enivrer il'idi'al. Ajoide/. a ((da la
Inreiir |HUir les lleiir'^ (|iii coiniiieiieail a se i-i'paiidre, e| (|ni >iiscila mie in-
liiiile de jaiiliiiieres, | oui un assurl iiiieiil i|iie les orlcN i'e> eiireiil a eonreci ioniier.
('.'es| ainsi ([ne Madame eiil , |Mim' ses arr(isa,u:es, une idiaiilepleiire imili'e de celle de
Naleiiliiie île Milan, îles h aiiioms de ciseaux irar;jeiil ■> |)iMir la laille des feuille^,
et mie Ium'Iic d'ari^enl punr ^t^raller la Ici ic II l'-lail inuxeii à;je d'adorer les Heurs
sur |Meil. Il ne laudrail |ias m'anniniiis |ireiidi'e I ri)|i à la le II re et ^l'-iM-rali^er a l'exfîès
les l'ailleries prov iii|uees |»ar l'ail du ninliilier sous la lieslaural ion. I/idi'c (|u'oM
esl |»orle a s'en l'aire est sou\eiil inspin'-e des e\em|tles i|u'oii Iroiive dans les
recueils du lemps comme l'ouvrai;!' ciMidne de la Ah'saugcre, inliLuh'; Mciihlcs et
nhji'ta dcijoùt. Or ces livres nous moiilrenl priiicipalemeni, sous j)i'é(<'xl(' d'élé-
i^atice luoiidaiiie, des lypes d"e\ce|»l ion, des lii/arreries luxueuses, el non j)as les
inti'rienrs si'rienx des i^eiis de hou (ou. T-'esl à peu près comme si nous ju^Moris
aeluellemenl le i;oùl de noire» ('poque, (l"a|)rès les calaloi^ues des grands ma^iasins
(pii vanleni les heaud'-s des exceulrieiiés (prils édilenl.
Pour appriM-ior avec oxactilude ce (jue pouvait être rorfèvrerie dusa^c dui-aiiL
la Kestauialion, il faut se représenter celle qu'on employait couramment dans les
maisons de ieiuie rechei'elu'e, chez cerlaines gens de la liante noblesse ou de la
bouri^eoisie ('U'i^aule e( distinguée. Là, »)n doiuiait à la salle à mang^er rimporlance
capitale ({ue celle-ci avait au temps jadis. Chez le duc de Choiseul, par exemple,
c'est une grande pièce assez sévère meublée tout juste des objets utiles, la table
en noyer, les chaises en lyre, les deux bulfets-dressoirs, dont l'un renferme les
cristaux, et l'autre l'argenterie. Une minorité gardait l'habitude de la vaisselle
[)latc. des surtouts, des girandoles; la bourgeoisie préférait la porcelaine dé-
corée. Le service à la française, plus volontiers conservé dans les maisons de
grande allure, avait ramené cette mode très gaie de réchauds et de cloches
d'orfèvrerie, destinées à couvrir les plats et à les maintenir chauds et à décorer
la table. « Odiot a produit en ce genre des orfèvreries tout à fait charmantes.
Sur les couvercles, des groupes d'animaux cadrant avec les mets : un renard
qui s'apprête à croquer une poule, un milan ou une buse dépeçant un lièvre,
selon qu'on servait une volaille ou un gibier. Les plats à poisson sont recou-
verts d'un brochet ou d'une carpe; les écrevisses, d'un coquet buisson formé
des carapaces et des pinces entrelacées. Sur les casseroles, des groupes de
légumes, artichauts ou choux-fleurs ou carottes. Les couronnements que nous
reproduisons ont été faits par Odiot pour le service Penthièvre. Les motifs
usités pour l'orfèvrerie qu'on fabriquait ordinairement étaient analogues, mais
d'une composition plus simple. » « La figure est ce qui se fait de mieux, pour
— 136 —
la vaisselle plate ou les objets d'argent », dit M. Henri Bouchot (1). Les fon-
taines à thé ont des statuettes d'ITébé, des Hercules ou des Bacchus. Cahier,
orfèvre du roi, fabrique, en 1823, un pot à oille dont le couvercle a pour poi-
gnée un groupe représentant un sacrifice à Gérés, et plus tard, sur les dessins de
Lafitte, une fontaine dont nous avons parlé plus haut, où les personnifications
allégoriques tiennent la place principale... C'est de cette époque aussi que datent
les petites planchettes d'acajou, ornées de guirlandes d'argent, où l'on inscrit
les menus. Quand, sur la table, les surtouts d'argenterie font défaut, on a du
; -^'^4:
Couronnements de cloches et casseroles de Charles Odiot.
moins de ces friandises décoratives, de ces pièces montées et sculpturalement
construites avec des nougats ou des biscuits et qui, aux environs de 1830, repré-
sentent tantôt une ruine gothique^ une abbaye en ruine, tantôt lermitage sur un
rocher, ou l'église de campagne, quand ce n'est pas sa Majesté Charles X elle-
même portraiturée en chocolat et juchée sur une colonne de biscuit de Gênes.
n faut bien tenir compte, au surplus, des nécessités qu'imposait une clientèle
nouvelle de plus en plus nombreuse qui élargissait chaque jour sa place dans le
monde, et réclamait, sinon le vrai luxe, du moins l'apparence de la richesse et du
confort. C'est pour donner satisfaction à cette classe moyenne de la bourgeoisie que
(1) Henri Bouchot, le Luxe français sous la Restauration, page 22i.
- 157 -
rorrt'vrcrit' i\o /)/<ifjin' <>{' dt-vcloppiiit alors, m :illriii|:in( mir aiil n- iinlii^liif, «rllr <\i-
rai';^'('iiliii'(', i|iii n'allail pas larder à naître.
.le n'ai pas a iiilrn- ni dans les dcLnU leelniiipies de la lalirical ion . ()n --ail «pie
le pr(ic(''d('' ipn ((Uisislc a " pLupier » de mi m es rmillfs d'ar;.'enl sur des lin;.' ois on
des feinlles de enivre, hien (pi'il paraisse l'orl amien, avail eonipleleineni disjiaïai,
lors(|irii lui reli(in\e en 17 'l'I par un ouvrier aii;^lais uouium'- Thomas lUjJsovcr, e()U-
tolier à Shctlield, puis appliiiin- a l'oi-t'èvreiàc dans de jurandes |)roporli<)ns par les
inaïud'aclm'es de r>niiimL;liani , ipn en hrereni des assorlinienls eomplels de \aisN(dle,
des vases d'une ^l'andenrel dune peiTecdion exli'aordinaires ; j'ai di-ja mentiomié,
dans la première par lie de ei'l le (d inle, les eUdrl s fa il s par Louis \ VI poin- inl roduire
en l'ranee celle indusirie du doid)le on du |tlaipie. hes I7S."), le l'oi a\ail alVech' nue
somnu' de lO(MIIII) li\ res a la fondaliou d'une fahrifpie (pii Cul. iiislalh'e a lliôhd
de Pomponne, rue de la \ (M'i'crie. Apres la Hévolulion, le procédé, un |)en alian-
doniK'. lil de nouveaux progrès, _ui-àee aux cfîbrts de la Société d'('neom-a;^cnienl
à linduslrie nalionale (pii j)i'oposa un prix |)our son ain(''lioi"dion. Le prix l'id
déeiMau' en ISII a deux faltrieanls, Lcvral (d Papiiiaud, Icscpicds exposèrent, on
ISI!). de la vaiss(dle de lable, casseroles, i)lats, soupières, réchauds, exécutés
avec l(^ plus <;rand soin, el (pii, i)la([ués au 20% ne se vendaient pas plus (diei'cpie
lorscpi'ils relaient au MY. (iClte diminution, due au [)rogrès d'une fabrication
écononiiipie, favoi'isa grandement, on l'imagine, le développement de l'orfèvrerie
en plaipu' ((ui, à l'Exposition de 182.'], oitlini du jui-y les encouragements et les
éloges les plus vifs.
ATExposilion de l'industrie de 1827 — la troisième qui ait eu lieu depuis la
chute de l'Empire — l'industrie de l'orfèvrerie en plaqué se montra d'autant plus
florissante qu'on avait commencé à remédier à quelques-uns de ses inconvénients.
Plusieurs fabricants de mérite, Fabre, successeur deTourrot, Levrat, Gandais, et
surtout Théodore Parquin, Charles Balaine et Veyrat, avaient appris à éviter
qu'on put apercevoir sur les bords du métal l'épaisseur de la feuille de cuivre en
recouvrant ceux-ci d'argent soudé à l'étain. Ils savaient aussi très bien estamper
leurs pièces au mouton, avec une netteté remarquable, absolument comme pour
l'orfèvrerie d'argent. Les vaisselles de table, de Parquin et de Charles Balaine,
furent appréciées pour leur excellente exécution. 11 restait encore au plaqué à
corriger un notable défaut, celui de laisser voir, après un court usage, l'usure
des parties saillantes des ornements, des bordures des plats, des couronne-
ments des casseroles et des cloches, des anses, boutons, etc., qui, sous l'action
répétée de la main, et par le frottement, perdaient leur mince couche d'argent et
laissaient apparaître le cuivre. On y remédia en partie en appliquant à la sur-
face du plaqué des ornements estampés en argent massif et soudés à l'étain.
Mais le procédé était coûteux.
Si l'industrie du plaqué répondait à un besoin de la consommation — ce qui
— 158 —
expliquerait son succès — elle était loin d'employer les formes heureuses et les
décors charmants qui rappelaient l'art de l'orfèvre au dix-huitième siècle, ni
môme le style Empire dont on avait tant d'exemples sous les yeux. Les modèles
étaient déplorables. Les dessins que nous avons retrouvés dans les publications
de l'époque et que nous reproduisons, nous édifient suffisamment sur ce point,
et cependant, au dix-huitième siècle, ceux qui l'avaient précédée et qui, soutenus
par la faveur de Louis XVI, avaient créé la fabrique de Pomponne (1), rue de la
Verrerie, avaient su donner à leur œuvre un caractère d'art que n'auraient désa-
voué ni Germain, ni Riettier. Les procédés de fabrication du phujué ne s'oppo-
saient donc pas à donner aux pièces exécutées un aspect agréable. Mais ceux qui
les mettaient en œuvre sans étude préalable et sans goût n'étaient nullement
préparés par leur origine ou leur métier à l'art de l'orfèvre, et ne cherchaient
qu'à donner satisfaction à leur clientèle qui voulait du bon marché.
On verra plus loin comment le procédé du plaqué fut battu en brèche et
finalement détrôné par celui de l'argenture électro-chimique. Reprenant les pro-
cédés de la fabrication de la véritable argenterie, le repoussé, la retreinte, la fonte
et la ciselure sur la pièce en cuivre avant l'argenture, l'orfèvrerie argentée allait
ramener l'art de l'orfèvre dans sa véritable voie. Comme l'imprimerie avait tué le
manuscrit, l'argenture allait se substituer au plaqué. Ceci tuera cela.
L'Exposition de 1827 amena quelf{ue chose d'inattendu, une recrudescence
de l'imitation du genre anglais. Et ce fut Odiot fils qui la provoqua. Avant de se
retirer des affaires, son père avait envoyé le jeune homme achever son instruction
technique à Londres : il était entré en qualité de sculpteur dans la grande maison
d'orfèvrerie de Garrard installée dans cette ville, et s'y était non seulement entiché
des formes à la mode dans ce pays, mais il en avait rapporté des procédés et un
outillage qui n'étaient point encore connus en France.
En faisant connaître en France l'outillage qu'il avait vu en Angleterre et dont,
avec son esprit pratique, il avait apprécié toute l'importance, Odiot savait que, s'il
allait être le premier à en profiter, il rendait en même temps un éminent service
à ses confrères. L'emploi du tour rond et ovale, des machines-outils, des décou-
poirs, des balanciers, des matrices, qui devaient rendre la fabrication plus éco-
nomique, se généralisa rapidement et permit aux orfèvres de soutenir la
concurrence de l'étranger. Mais cet outillage ne pouvait pas s'appliquer à l'exé-
cution de la belle orfèvrerie d'après les modèles qui existaient, et obligeait à
faire des modèles nouveaux dont l'exécution n'était possible qu'avec des ma-
trices. Les formes s'alourdirent, les ornements perdirent de leur élégance et
l'on dut forcément adopter le style que les Anglais avaient fait connaître. Le
(1) Voir le premier volume de VOrf^o)evie française au div-huitiême siècle. Page 231, lii Soupière eu
plaqué de Pomponne, aujourd'hui aux Arls décoratifs.
1-.!»
,3^^
.^^mi^s^mm
Modèles d'orfévreiùe en plaque, sous la Restauration.
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- un —
Mlisi'c ifiilciliuil iiiUis iiioiilic (les pirccs ral.ii(|iii''i's |);ii- Odiul. <|iii «>\\\ dcNc-
iiiics (les picrcs liis((iii(iiic^ tl i|iii iiiol i\ ••nul le rcpriKlic (|ii un lui lil ^i
soiiMMil d'asi.ir proNoiiiK' riiiiil;il imi du -ciirc ;iii;.'l;iis. I.r ll;iiiil)c;iii cvi-osi- riail
Clllicicillflll lail ;i\cc (les mal rii'f'>, le lui cl les I.Dhcrhr-; rll .|rii\ (•..i|lllllcs
S(iii(l(-('s, le |.I(mI ••slampc a [.lai. I /iiilliiciicc aii-lai^c ('-lail hini |.Iiin iii;ir«|ii('<;
encore dans la calrl mtc fl la llicincdc luianc -(nn'dr allon-i'c; Ic-^ «nncnn-iils,
{^l-ilh'S, Ih'c t'I anse, flai<-nl con. lis piun- rln- lad ^ as rc dc^ mal lircv. d la dcco-
ralioii de l;i panse, un peu Idin'dc clail e>.lani-
péi' en (pialrc paihes icunio par la somhire.
{".'('lail K' l\pf qui rellclail le mieux le souvenir
ipi'Odiol avait rapporli- de son S(''jonr en An-
i^leleri'e et (pii fui adoph' d'enl liousiasnie par
les l'aliricanls de phupn'. ipii, li'onvanl dans
ce i^t'ure de di-eor le moNcu de faeililer leur
ralirieaiion, ne pou\aienl se passer de Toidil-
lai^e iiulispensaltle pour la l'endre praliipic et
éeonomiipie.
(ilu)se l'urieuse! Le j^iddic français, el tous
les i)ons orfèvres de oe temps, à la suite d'Odiot
fils, Lelu'im, Fauconnier lui-même, par uiomeuls
seulemeid, sans parler des i>la(pienrs, se mirent
à (|ui mieux mieux à faire du i^ciii'c an^^iais.
On peul s"cxpli(|uer ce singulier eufiouement
de la façon suivante. En Angleterre, où les lar-
gesses d"une aristocratie sont restées de tradi-
tion, la consommation que l'on fait de l'orfèvre-
rii' a toujours été énorme. Mais, faute d'inie in-
vention persoiuielle, les argentiers anglais ont
presque constamment copié le goût français. Or,
sous la Restauration, ils en étaient encore au style
Louis XV qu'ils imitaient tant bien que mal, et plutôt mal que bien. Tandis que
chez nous, depuis la réforme archéologique de David, on avait déjà parcouru la
gamme de plusieurs essais de style, s'éprenant tour à tour de l'antique, du
gothique, de la Renaissance, à Londres on en était resté exactement au point
où nous nous trouvions vers 1775. Si bien que lorsque les émigrés d'abord,
puis Odiot fils, montrèrent à Paris des services d'argenterie anglaise, on
considéra comme une nouveauté cette orfèvrerie venue de chez nous. « On
admira ses formes majestueuses, amples, cossues, qui étaient nos anciennes
formes françaises; ses moyens d'exécution et ses conditions de bonne fabri-
cation qu'elle devait au maintien de ses vieilles traditions qui étaient les
Flaniljeaii en ar^i'iit estanipê.
[Modèle de Cli.irles Odiot.)
— 162 —
nôtres (1). w Le pis c'est qu'on ne s'en tint pas là. Lorsque les Anglais, im-
puissants de trouver en eux les ressources d'invention, abandonnèrent le style
Louis XV pour se lancer à leur tour dans le galimatias des imitations moyen
âge, à la remorque de notre Ghenavard, l'orfèvrerie française ne renonça pas
encore à leur demander des modèles, et l'on vit, sous le règne de Louis-
Philippe...., mais n'anticipons pas.
L'Exposition centeunale était relativement pauvre en pièces d'orfèvrerie datant
de l'époque de la Restauration. Nous avons dû recourir à l'album publié par Bance
qui, avec le concours de Normand, Lafitte et Soyer, avait donné des types très
précis des pièces d'orfèvrerie exposées en 1819, 1823, 1827 ; et nous avons pu
reconstituer ainsi la physionomie des pièces exécutées à l'occasion de ces Expo-
sitions par Odiot, Cahier et Faucounier.
Dans les vitrines du Musée centennal, on ne trouvait que des pièces d'usage
*^2Î^^
Salières [Colleclion Dreviin de la Garilie)
{Musée centenn.il.)
qui continuaient à emprunter aux styles de l'Empire leurs formes et leur décor.
Nous donnons ici un service à thé sur plateau à galerie ciselée formant un
ensemble très complet. La fontaine, en forme d'urne, appartenant à la marquise
Guilhem de Pothuau, est cerclée sur la panse d'un bandeau avec ornements
ciselés. Les anses s'amortissent sur le corps par des tètes d'hommes barbus. Elle
est l'œuvre de Fauconnier. Les autres pièces du service ont un décor analogue
et ont été complétées de nos jours par l'orfèvre André Aucoc, qui a su con-
server le caractère de l'époque.
Nous reproduisons, dans la même planche, une théière dont le bec à col de
cygne s'ajuste avec élégance sur un corps bien proportionné. Nous reproduisons
également deux aiguières qui avaient été prêtées au Musée centennal par
(1) Comte tle LaborJe, Rapport de 1851, déjà cité, page 371.
(63
Cafetière, théière, siicriei-, crémier en ar;.'eiit.
[Modèles lie ('hurles Oiliot.
ic:
Service à thé sur plateau. iColleclion M.ivquis Guilhem de Polhuau.)
Tliéièrc Heo di' {>y^ne. [Musée centennal.)
ir,7
Deux aiguières et ciivellcs.
Musée centennaL — Collection Goldschniidt.
! \
— Hlit —
iM. (loliUrliiiiiill . h;iiis |;i |iii'iiiiriT, la ciiNflIt', de (nfilir (iMilc, rsl ciM'h'c sur Il*8
lionU (I iiiic lii^c de |)aliiit'l I !•-- alliTiii-o i|r rd^caux. |,'ai;jiiiiT(' c^l \\riit\-rc i\o.
la iiK'iiii' iiiaiiicic. Li- ciiliil <•->! luniic |»ai' tic-, niscaux en rflicf, ri iiiir uaïailr <-ii
(|il('llt' (le |»i»is-,nii cil relie ;;racieil^eiiieiil le eullel a la |iaii>e ijii \a>-e. |)aiis la
scroinle, |>lll^ nelie de deeor, la eii\elle e;^aleiiieiil n\ale e-,| Ixirdi'e |iar un (iiarli
decdre en relie! a\ee de> It-le^ de l'einines rorinanl |ii»nrelles. L'aUM" f"-! Iwile
d'une li-ure de reiiniie (|iii ^e reiiNcrNe td (|iii ^'allae||e au eid de rai;^ili('l'(! par
de> aiK>s de liludlnle; |iuis deux lioiiN de laMe don! l'un a|t|iarlenaiL à M'"" la
coinU'sst» llrevern île la (iaidie, rejiresenlanl mi enlanl ade don! lo (•,01*1)8 est
C.asscrole de M''' Mars.
[Musée centennul. — Collec/iun Goldschntitlt.)
emprisomu' dans une f>aine et qui, de ses deux bras élevés, lient un lliyrse sup-
portant deux corbeilles ajourées qui servent de salières. L'autre est formé par
un plateau rectanjiulaire portant deux coupes de forme antique et au centre une
sorle dautel carré surmonté d'un Bacchus enfant, puis une pièce intéressante
par sa simplicité et la notoriété de son premier possesseur, M"^ Mars, c'est une
casserole à légumes avec son plat. Le corps est orné de deux tètes laurées qui
servent d'anses et le couvercle est couronné par un cygne. Le chiffre de
M'"' Mars, IL M., est gravé en lettres enlacées sur le corps et le couvercle.
Cette pièce fait partie de la collection Goldschmidt.
Enfin, un sucrier monté en cristal cerclé d'une galerie disposée pour recevoir
les cuillers cà café, et formant une décoration originale.
Quand s'eiïondra le gouvernement de la Restauration, nos arts du décor
étaient au plus aigu de la crise d'où ils semblaient ne pouvoir jamais se rele-
ver. Alors qu'à côté d'eux tout semblait rajeunir, que la poésie rayonnait, que
— no —
la science déchirait des voiles jusqu'alors fermés sur des profondeurs sans
limites, que la peinture, la musique, la critique historique, le théâtre, le roman,
la tribune et la chaire ouvraient à la pensée humaine des horizons d'aube flam-
boyante, tandis que de toutes parts surgissaient des remueurs d'idées, seuls
les artistes décorateurs ne paraissaient pas pouvoir sortir des chaos où ils
étaient plongés. Allaient-ils au néant ou bien à la lumière? Ni à l'un, ni à l'autre.
Ils suivaient simplement leur destinée. Mais de 1815 à 1830, une génération
s'était formée de sculpteurs, d'ornemanistes, de ciseleurs, d'orfèvres, pleine d'ar-
deur et d'élan, prête maintenant à entrer en scène. Quelle va être son œuvie?
l'oint si médiocre, à coup sur, connue on l'a li'op souvent dit, car c'est cette
génération qui a fourni les pionniers enthousiastes de la route aride, qu'après
tant de traverses, il restait à délVicher encor<' pour les semailles futures.
Sucrier monté avec cuillers en couronne.
[Musée centennal.)
ouis-Philippe
848)
CIIAITIHE TROISIEME
L'iiidinMUM' honi'ii'coisc de la cnui* cl des salons. — Lo l'oinaiilisinc. —
(!ollah(M'ali<Hi (l<»s scii1|)1<mii*s : Jean l'ciiclières, Kla^^inaiiii, Geof-
froy (!<» MiaiiiiHs ('liai'Ics 0(li<U, h' (l<'MMH'al<Mir riiciiavai'd, le cis*'-
IcMii' Antoiiio ><H'hl('. — I^xposilion <!<' l'ln(lustl'i(^ de IS.'Ji, IS,*JÎ>
cl ISii. — Voiiiio (les foi'nu's aiiiilaisos. — Les élèves (TOdiol :
lA^hniii et Diii'aïul, \\ aiinei* el ses nielles. — Les sueeès de Fro-
meiil->Ieiiriee. — Déhuls de (^hrislofle el déead<Miee du « IMafHié ».
l ne slalisli(nie des orfèvres en IS^".
E fui pendant longtemps la mode, et elle existe
encore aujourd'luii, d'accabler de railleries les
arts industriels de l'époque de Louis-Philippe. La
génération qui vint après celle de la monarchie de
Juillet, ne voyant plus avec les mômes yeux, et
pensant évidemment qu'elle en était arrivée au
dernier terme du goût et de l'élégance, n'eut pas
assez d'épigrammes pour « l'art bourgeois » du
roi citoyen, pour ce « mobilier baroque et sans
grâce » qu'on déclara n'être que le digne reflet
de « l'idéal épais d'une société de parvenus ».
Cette opinion, profondément ancrée dans tous les
de Napoléon III, est encore aujourd'hui assez en faveur
esprits sous le règne
— 172 —
Le style Louis-Philippe (si tant est qu'on puisse honorer du nom de style qui
ne convient qu'aux époques de beauté, les formes décoratives quelconques spé-
ciales à une période) est resté synonyme de laideur, et continue à exciter bien
plus que celui de la Restauration, — probablement parce que le recul est
moindre — les ironies faciles du public de nos jours.
Sous Louis-Philippe, époque de transition, les artistes décorateurs cherchaient
h s'affranchir de ceux qui les avaient précédés. C'est alors qu'au style de l'Empire
qui dominait sous la Restauration et conservait encore une certaine noblesse, suc-
céda un style nouveau n;'' du romantisme. C'était une adaptation du style j?othique
au goût du jour, combinaison bizarre, sans avenir comme sans raison. Voyant
l'effondrement des styles classiques que Percier et Fontaine n'animaient plus de
leur expérience et de leur autorité, les jeunes artistes essayèrent de se rajeunir
en puisant aux sources nationales. C'était une idée généreuse autant que juste,
mais mise en œuvre sans connaissances suffisnnies à la fois des œuvres dont on
voulait s'inspirer et des conditions nécessaii'cs au (h'veloppement d'un style nou-
veau (1).
En réalité, l'arl de cette époque, si l'on veut être écpiilable, ne doit pas être
jugé au point de vue absolu de l'esthétique. 11 faut le considérer avec les pro-
cédés de la critique histori((ue, c'est-à-dire en tenant compte des conditions où
il se trouvait, et de la fatalité, en quelque sorte, des lois de l'évolution. La question
n'est pas de savoir s'il a été réalisé alors, dans le mobilier, des types de beauté
avérée, indiscutable, un tel |)lK'nom('ne étant du domaine de l'impossible, car un
style parfait n'éclôt pas par génération spontanée, et il n'y avait véritablement
aucune chance pour que pareil prodige s'accomplit spécialement entre les années
iS'M) et 1848. Les seuls points qui seraient h examiner, ce sont les caractères des
arts décoratifs dans leur mouvement de transition d'une date à l'autre, les phases
par lesquelles ils ont passé, les influences qu'ils ont subies durant cette période,
entin s'il y a eu ou non un progrès accompli depuis la fin de la Restauration, et de
quelle nature fut ce progrès.
Si on envisage ainsi les choses, comme il est juste de le faire, on s'aperçoit que
l'art du règne de Louis-Philippe, continuant, selon l'impulsion donnée, à chercher
sa voie dans l'étude du passé, est très loin, en d('pit de ses erreurs qui choquent
aujourd'hui nos regards d'une façon parfois si criante, de mériter les dédains dont
on l'accable avec trop peu de générosité. Songeons, en effet, que si nous possé-
dons actuellement une connaissance plus exacte des styles d'autrefois, une notion
plus affinée des chefs-d'œuvre de la Renaissance, c'est grâce aux premiers essais
de restitution entrepris par ces décorateurs de 1830 qui ont apporté à leur tâche
un enthousiasme presque touchant à force de naïveté, et une sorte de culte filial
(l) Happort sur le iu<)l)ilior du .Musée eeiiteiui.il (page 30).
— MA —
jioiir lc>^ ;jI(iiiTs (le raiiciciiiic l'iMinc, (|irils s'iiiia^^iurrciil. Cili'c revivre. Pour (•cKi'
('\;ill;il inii (le seul iiiniil , <|iii ne lui |ia> sans iiolije^se, il (joil leur ètfe Iteaiiroiip
pardoiiiie, (r;iiil,iiil pliis i|ii(' les articles \eiiiis apre^ eii\ vniis .\a|»(t|(''()ii III. |t(inc-
siii\aill la ^crie des liaslirlies, jiar le Louis \l\, le i.nui-. \\ cl le {.oiii^ \\|, ne
i'eu->--ireiil [ta^ mieux, el u'eiui'iil pa^ l'exeu^-e de la uicuie lervcur de loi.
Ile>l eerlaiu (|ue le iikmin eiueiil lilleiaiie cl ail i>^l ii|ue, i|iii |la-'^i()l^^'ul la jeu-
nesse de JS.'IO cl (|ui (•■ I desi;jiie soii^ le iioiii de ■■ I'k iiiiaiil isnie « , a eu une r(''|ier-
eiissioii cdiisichMaMe sur les (eu\res de l'cUc e|)(j(|iie el n'a pas rlr un iii(iii\ciiient
superliiicl.
u II |t|(Hi,L;('ait se> racines dans le c(eur inciiie de la Ixtiiri^coi-ie IVaiieaise. La
» socii'le qui. a_\aiil laluMirc le vieux sol, s'(''|)an()niss;iil el saxoiirail la Idrliine.
<) a\ail à salisfaii'e des aiiiliil ions, des passions, des plaisirs nouxeaux. S'il ne se
» propai^ca pas an delà du r('\::iiiie polil iqiie tpii Tavail vu lleiirir, il a vc'-cu assoz
•■> pour iiiodilier raneienne doclrine acadi'Uiiipie el a;^raiidir les iioi'i/oiis de j'arl.
)) Il a (li'uoiK' les formules; aujoiinriini, le recul esl assez consifh'ialile pour (|ue
» leeriliipie puisse emlirasser dans sa masse le gr()U[)e des inlelli^^ciices ardentes
> ipii, avec une expansion plus ou moins fébrile et des moyens pins ou moins
') persuasifs, eurent pour Lut eomiunn d'émanciper l'arl et la littérature, le théâtre
» el la musiipie. de rompre avec la convention oflicielle, de puiser aux sonrees de
» riiisloire nalionale, de reeliercher la couleur et le mouvement (I). »
lue lièvre i^i'-iK-rale ai^ilait le monde artistique et littéraire, où, dans un
archaïsnu' fantaisiste et candide, toutes les illusions, toute la grâce et toute l'igno-
rance du jeune et naïf romantisme trouvèrent leur expansion.
Une remarque (|ui s'impose néanmoins, c'est le contraste qu'il y eut alors entre
l'art somptuaire et les autres arts. Tandis que l'intensité du mouvement romantique
faisait surgir quantité d'hommes illustres dans la littérature, la peinture, la scul-
pture, la nuisiipie, un chef maufjua aux arts décoratifs, qui ait eu l'envergui'e d'un
Lamartine, d'un Victor Hugo, d'un Ingres, d'un Delacroix, d'un Rude, d'un Berlioz,
et dont le génie ait été capable de créer de toutes pièces un mobilier régénéré,
marqué du sceau supérieur du goût et de l'originalité. Tant d'éclat et de puissance,
d'un côté, donnent à l'autre une apparence de pauvreté! Il semble qu'une société,
({ui comj)lait des esprits de premier ordre, et des ai'tistes qui furent des novateurs
en plus d'un genre, aurait du vivre dans un décor inédit, en tout cas d'une inspi-
ration nKMlleure que celle des rapsodies archéologiques dont elle se contenta.
Mais les arts du mobilier, on le sait, ne se transforment pas aussi facilement que
la statuaire ou la peinture, et il ne suffit pas d'un seul homme de talent pour les
entraîner dans une direction nouvelle. Aurait-on eu en 1830, un Le Brun, un Berain,
un Meissonnier, un Percier ou quelque autre décorateur de haute allure, qu'un tel
1 Ph. Riiiiy. Monogfiiphie de K.-D. F'roiueut-Meurice.
174 —
phénix n'eût probablement rien changé aux choses. Les arts n'étaient plus gou-
vernés alors par une volonté forte, comme celle d'un Louis XIV ou même d'un
Napoléon I"; ils ne subissaient plus l'influence d'une cour élégante et d'une aris-
tocratie façonnée de longue date aux raffinements du luxe. Ils étaient tombés dans
le domaine public, et suivaient, au hasard des circonstances, le courant général
des idées du temps. Or, la tendance dominante était celle des études historiques.
La France éprouvait le besoin de se retremper dans le passé, de remonter à ses
origines. C'est la caractéristique du dix-neuvième siècle que ce goût obstiné pour
l'histoire et la critique. On fouille les ar-
chives, on exhume les parchemins. Tous les
éléments des connaissances humaines furent
soumis à de nouvelles analyses, et successi-
vement passés en revue, comme pour un im-
mense inventaire. L'éducation du public, en
fait dail, ne s'est poursuivie lentement que
par celte méthode.
Louis-Philippe aurait-il pu, par son in-
lluence personnelle, imprimer une autre di-
rection aux goûts de la nation? Même s'il
en eût été capable, son action se serait exer-
cée sans résultat appréciable. Il aurait fallu
une ambiance dilférente. Pas plus que ses
devanciers, Louis XVIII et Charles X, il
n'avait l'amour aiguisé de l'art, et, moins
([u'eux encore, il songeait à entourer la mo-
narchie du prestige d'un fastueux appareil.
De même qu'il ne prétendait être que le
« premier citoyen » de France, de même à
sa cour on ne cherchait pas à se distinguer
par plus de luxe qu'il n'y en avait dans la
bourgeoisie aisée. Donner l'exemple de la
simplicité, tel était au fond la pensée du
souverain. La direction des arts resta donc
abandonnée, comme sous le régime précé-
dent, k des ministres, à des fonctionnaires
subalternes qui, n'ayant aucune compétence,
se bornèrent à faire des circulaires. Restaurer Versailles et en faire un musée
des gloires nationales, terminer l'Arc de Triomphe, élever la colonne de Juillet,
célébrer aux Expositions de 1834, de 1839 et de 1844, les progrès de l'industrie,
obéir en tout aux fluctuations de l'opinion qui, après les pastiches du gothique,
Service du sultan Mahmoud.
Cloche et réchaud et seau.
(Exécutés par Ch. Odiot.)
17.1 —
se j('l;i cpiTillIllli'Ill viir [•(•[\\ i|c |,i I5i'liaiss;ilicr, |»nlll- s'cnj-'otlri' cil-^llilc fl<' rOMX
(II- I.Dlll^ \l\ cl lie l,(Hii-> \\ :iiii;il;.';iiii(''S ^ail^ oImIit, a\cc des (''liMIlcnK cill
|iriiiilc-> aii\ (li\civfs i|Mi(|iic-^, \(iila a [n'ii près ;i i|ii(ii ^c inMiia Ir rôle iirolrrlnir
(lu icuiiiii' |MUir li's arU ^(iiii|il iiairc--. Viiciiiir ;.'raiii|i' rdiiiiiiaiHli' otlicirllf. jtoiiil.
(le licaiiN li'a\aii\ il aicliil ('( I iii'c . iiiilli' iiii|iiiUi(iii ^nii\ l'nii'iiiriil.ih;.
Il y a\ail (CiiciKlaiil a la cniii' des |>('r^niiiia;^rs en siliialidii dr rdiiriiir <lC'S
iii>-|>iral iiiii'^ aii\ aiclicrs, ri di- (loiiiicr lidaii. La |>riiu'('SS(' Marie, la |ii(»|ii-i' lijic
du i"t>i, aiilciir d une slaliie Jcaiiiir t/.\/t\, i|iii es| |\|ii(|ii(', itiodelail a\er |)a>>Ni<)ii.
I,e due d'Orléans, aniatein- dis! in,i:iii'', ne >>e eonleiilail |ia^ de n'-iniir- des oljjcts
d'arl aneieii, mais cii l'aisail e\(''eiiler jutin- sdii usa,::*' a\ee la liluTalili' d un Mi'-eèiic,
et sa edllei-lion, l'ernit'e an\ Nid^'ari-
■^ fr
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*^' J^ -^
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^-. ■'^MM:^mâ^:^'ùJ^;-i?M
l(''s. ri'snniail en elle le nieillein- des
lireduelidii^ de l'indusli-je de l'i'--
|)iH|iie. A I (irleM'e Odiot il demanda
un maunilique sei'viee diuil les moin-
dres pièces t'ui-enl ('ludit'es avrc le
plus grand soin. A Dm-and, à Lebrun,
élèves d'Otliol, il lil l'aire nombre de
coupes et de vases offects comme
l^rix de course; à liarve il demandait
un sui'lout où le c(>lèbrc statuaire
avait domu' libi'C cours à sa uierveil-
leuse couipi'éhensioii des auimaux.
Tous les priucipaux fabricants reçu-
rent de lui leur })ai't d'eucourage-
uieut, à coninieueer par Waguer, uu
nouveau verni, parmi les orfèvres, et
(|ui allait faii-e parler de lui. C'était là
uu bon exemple, et qui porta ses
fruits. Il fut imité, sinon à la Cour
même, du moins par certains grands
seigneurs de France ou de l'étranger, par des financiers, heureux d'éblouir
leurs contemporains, enfin par quelques hommes d'infiniment d'esprit et de goût,
comme le duc de Luynes qui, avec l'intelligence la plus avisée des intérêts de nos
industries d'art, et l'initiative la plus généreuse, exerça par ses commandes, par
ses conseils, par son érudition, une influence considérable sur les ornemanistes
et les décorateurs de toute catégorie. Mis ainsi en relief, nos orfèvres récol-
tèrent le bénéfice de cette heureuse protection, et des diverses cours de l'Europe
affluait une quantité de riches clients. C'était le temps où la grande-duchesse
Hélène de Russie faisait commencer par Odiot, et achever par Lebrun, son
Service du suUan Mahmoud.
Jardinière et soupière.
[E.réciilées pur Ch. (hliol.)
— 470 —
grand service dans le genre du dix-huitième siècle, qui coûta près de dix ans
de travail; où le prince Demidoff s'offrait la fantaisie d'une splendide coupe
d'or, dans le goût grec, qui représentait allégoriquement les trois mines de
métaux précieux qu'il exploitait; où le baron de Mecklembourg venait surveiller
chez l'orfèvre Lebrun les travaux ciselés pour lui avec une admirable perfection
par les frères Faniùère; où lord Seymour et beaucoup d'autres opulents lords
Soupière pour le baron Salomon de Rothschild. Exécutée par Charles Odiot.
{Archives de la. Maison Odinl.)
anglais confiaient aux artistes de Paris la fabrication de fastueuses vaisselles
d'argent, et jamais l'industrie française, même à l'époque glorieuse de son histoire,
quand elle produisait d'indiscutables chefs-d'œuvre, sous Louis XIV ou Louis XV,
ne fut honorée de plus de commandes pour l'étranger que pendant le règne de
Louis-Philippe.
Odiot eut sa grande part dans ce mouvement. Ses ateliers étaient occupés
pour la plus riche clientèle de France et de l'étranger. En 1831, il faisait pour le
in
■i'é J^^^^
Service du hai'on Saliminn de Rotlischikl. Salières, liiiilier. plateau de carafe.
Kxécuté par Clliarles ()dit)t.
(,4/'(7iire.s de lu Maison'^ Odiol.)
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Soi'xii-o ilu hainii Saliinnm de Holliî^cliikl. Plat ovale et réchaud. Exécuté par Cliarles Odiot.
^.Irc/iire.s ilc In Maison (Jcliol.^
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— isi -
siillaii Maliiiininl, i|ni vniiLiil ([nc son ar^M'iilci-ic Cùl racoiim'c |»ar (les mains IVari-
(•ais('->, lin iiivciiihlr (le |.ii ( es <|ni lircnl scn^alion l'Ilcs ('laicnl (•\(''cul<'('s dans
les rdniics aldi-^ en ii-^a^c dans Ir ^ri-\if«; di- la laide Si le ^^■■.\{^ a ralrajidiir, la
janliiiicrc, les ( liudics ;i\cc l<'iiis ici Ii.mkK ia|i|iflairiil Ir ^l\lr l',in|iii'<' par leur
oi'dniiiiaiicc, la di-cufal n m en a\ail |m'|(Iii la sa^cssr cl l'on \ rclnaisail di-'- nriif-
nitMils un |icii l(iiii(K (1(1 ni ( tdinl a\ a.l i a|i|Mirl('' le ^(in\ cuir de ^oii -ciimii- (n An^df-
tt'I'ftV
T(Uil anirc (dail le scc\ icc (|ir(Mi(i| li| (|iic|(|iics ;iiin(''c-> pins lard |)(ini' le lianm
Salniiioii de lîdlli^clidd. l/ai'cliil cclc hiilian a\ail doniK' des dc>«viiis «pii riiicnl
cxccntcs par les plus lialiilcs >cnl|il('iii's de r(''p()(pi(' : (•"('■lail ( '.(tiiilndlc^, c l'-lail
i-1 >
Saiioicro pour le ser\"it'e du prince DeiiiidolT. Executive par CA\. Odiot.
[Arctiivcs de /.t Muison Odiul.)
Jeamicst et d'autres encore. Le slyle de la Kenaissance les avait inspirés. Nous
avons trouve'' dans les archives de la maison Odiot la plupart des dessins de cette
orfèvrerie étourdissante de richesse. On a peine h croire, en les voyant, qu'on
ait pu faire des plats et des réchauds aussi peu pratiques pour l'usagp, et mieux
faits pour l'ornement d'un dressoir que pour le service de la table. Le plat ovale
à huit pans (page 179) est encadré dans une bordure où les rinceaux ajourés et les
figures de femmes en demi-relief, font plutôt penser qu'on a devant les yeux le
cadre d'un miroir décoratif qu'on accrocherait au mur et non un plat destiné à
présenter un rôti ou un poisson. 11 en est de même du décor des autres pièces,
où les figures jouent un rôle important. L'huilier, la salière et le moutardier,
les dessous de bouteilles à rondes d'enfants, de la page 177, nous semblent
aujourd'luii la réalisation d'une folie de l'ornementation.
Dans le service qu'Odiot fit pour le prince Demidoff, la donnée décorative est
tout autre. Etait-ce une tentative de retour à l'interprétation de la nature qui ne
— 182 —
devait pas avoir de leiidciiiain ? Etait-ce une fantaisie d'un grand seigneur? Mais
on est surpris de voir qu'Odiot ait accepté d'entreprendre l'exécution de ce ser-
vice sur une donnée aussi extravagante. Les salières sont formées par des cam-
panules qui se redressent et forment la coupe où l'on mettra le sel et le poivre.
L'huilier est un entrelacement de branches de vigne qui font bon marché de
l'architecture. Les couverts sont décorés de feuillages un peu lourds et d'une
échelle trop grande pour un objet d'usage qu'on doit tenir à la main. Cet
ensemble contraste complètement avec les œuvres précédentes. La saucière, plus
calme, pourrait trouver grâce devant la criti(|ue, mais il est heureux que cet essai
n'ait pas trouvé beaucoup d'imitateurs. Le moment n'était probablement pas
encore venu, et les artistes qui avaient modelé ces pièces n'avaient certes pas
étudié la plante et la ileur avec la sincérité de conception (pie les artistes de nos
jours ont puisée dans les leçons de l'école.
La société parisienne, animée par les fêtes, les l)als, (pii se donnaient à chaque
instant, ignorante encore des véritables délicatesses du goût, mais séduisante
malgré tout par ses qualités aimables, faisait petit à petit son apprentissage du
luxe, par des élégances obtenues le plus souvent à peu de frais, mais que déve-
loppaient une vanité débordante et l'excessif besoin de paraître. Il y avait alors
dans la capitale un grand nombre de salons qui donnaient le ton et qui étaient
très fréquentés. On citait, i)armi les salons politiques, ceux de M""' de Boigne et
de M"''' de Castellane; parmi les salons diplomatiques, celui de M""' de Courbonne.
D'autres réunissaient l'aristocratie, le monde parlementaire, la finance et le com-
merce. Il y avait les salons de M'"' de Maillé, de M"" de Chastenay, de la duchesse
de Liancourt, de la duchesse de Rozan, de \d vicomtesse de Noailles, de M""' d'A-
guesseau, de M""' Philippe de Ségur, de M"" de Podenas, de M""' d'Osmond, de
M"" de Rémusat, de la comtesse Merlin, et bien d'autres encore. On parlait de la
décoration de leurs ameublements, des mille gentillesses inventées pour les récep-
tions, des tables les plus brillantes, des thés les mieux servis, et cela mettait en
branle les imaginations dans certains milieux bourgeois où l'on s'efforçait d'étaler
brutalement les richesses nouvellement acquises, ou de faire croire à celles qu'on
n'avait pas. La manie de la collection commençait à sévir. C'est à qui à présent
aurait son petit Dnnkerque encombré des bibelots les plus disparates, quelquefois
sans valeur aucune. Il fallait avoir l'air de s'intéresser aux « antiquailles », et, pour
être à la mode, il arrivait fréquemment qu'on faisait comme la grenouille de la
fable : tout le monde ne pouvant avoir la réalité, on se contentait d'une apparence,
et du trompe-l'œil. Dans ses spirituelles Lettres parisiennes, M"^ Emile de Girar-
din (1) s'est moquée agréablement de ce travers chez ses contemporains : « Nous
(1 Œuvres complètes de M'^" de Girardtn ;éi.lit. Pion : Paris, 1860, in-8o), t. IV, p. 33. — Ou a vu dans
le chapitre précédenl ce qu'on appelait les « petits Dunkerque », expression mise à la nioile par la
duchesse de Borrv.
IK.i
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Sci'\ict' flu i)i-ince Deiiii(li>lT. Iluilici-. saliore el Cduvert, Excciito par Cliai-lcs Odiot.
Archives de lu Mnisoii (hliol.
— JH.-i —
ilVnll>> Ildlllili'', tlil-cllc, 1rs l*rtits /)i//i/,r/i^i/r t\{' M"" de |{... on rlic/M"" de D...
(|lli iuiii|icill ;i cllc-^ -.(iilcN (le iii.i^' iiilii|lli's hùlcls, et i|iii prilNciil iriiiplir d^dijcls
d iiil il (le ciiiKi^ilc diii\ iiii ll■l>l-^ cliiiinlin's s.iii-^ i|ii il N |i;ir;iis^r : l;i-d('Ssii'«,, loid
de siiilc, iKUi-^ ;i\(Mi-^ n'iii|ili imlic iiiii(|ii(' s.doii de hiulc-^ cIkix's i|iii I «•iii'<>mlM<'nl :
les tables soiil cnmriics di' piucchiiiic^, d iiiiil ililc-,, \()ii^ iir savc/ ou |i()s«'r un
livi'c... " l'.l il' |>h|ii,iMl ccrisaiu Icnuini' iiarci'llc tiiic rt'dlcxidn <|ui reste toujours
jUnIc : " (^)iiaiid ddiK d('\ iiicr(iii---ii(iiis (|iir ce i|ui rv| une (|is| ind idii |)()|||- celui-ci
u'esl (lu'iiii ndirujc |Miiir rchii-la .' I ■■
L'orl'èN re|-ie, an milieu de celle socit'h' eu l'oiuialiou, de celle Ixiiu'j^ooisj*!
iMiUilaiile el iciniiaule, •^e uiellail a la i'eui(in|iie îles uimles (•|)li(''Ui<'res, (d s'ahaii-
doiuiad de [liiis en plus au caprice des iuia,::iual ious luuudlueiises des lil li'ialeufS
el des poêles. I!lle recul à cel le cpoipu' le plus d(''cisil' (dau, i,M'àct; a la collahoi'ation
dtuu' l'iude dai-lisles de laleul, de sculpteurs (listiiijiU(''S, fjue les orfèvi-es aj)p(;-
lereid à leur aide, ri ipii undl i|)lièreul les (i^'"uros, les all(''};orios. les oiTjerneuls
sur les coupes, les vas(>s, les siu'Iouls de lalile, et uièuu' sur les uioiuilres usten-
siles d'usa^c. (lelte part pr(''|M)ud(''i'aute de la sculplu:'e, (|ui cai'acl('iàse roi-févrcM'i*;
(h> ce temps, mar(|ue à la l'ois uii pro;;rès, car elle pnl une aiiiinatioii siiij,Milière,
une vie (d un iiitércM indéniable à cet ardent contact des artistes, mais en même
temi)> nue liuhlesse, pai'ce ([ue le rôle de rorlevrc s'en trouvait d'autant diminué,
el ((ue la l'orme l'ut trop souvent sacrifiée à l'ornement, le pi-incipal à l'accessoire.
Charles Blanc a l'ail à ce propos une remarque très juste : « Est-il admissible, dit-
il. (pi'uu sculpteur, en voulant orner une aiguière, en déforme le galbe, en altère
les proportions, et cela pour montrer son talent aux dépens de l'orfèvre? C'est ce
qui est inévitable, et les œuvres les plus belles de la Renaissance sont entachées
de ce défaut. » Si les orfèvres de 1830 ne surent pas assez rester dans leurs
ateliers les « maîtres de l'œuvre » connne lavaient été leurs ancêtres des anciennes
corporations, s'ils laissèrent trop souvent plus de liberté qu'il n'aurait fallu aux
sculpteurs qui abusaient de l'ornement, c'est que beaucoup n'étaient alors
orfèvres que de nom, ignoraient le métier et conduisaient leur fabrique comme
une boutique. C'était la consé<[uence de la liberté du commerce inaugurée en
1789. Ceux qui étaient en tête de ligne, les Odiot, les Fauconnier, gardaient une
certaine autorité, fondée sur l'expérience et la pratique, sans toutefois parvenir à
discipliner suffisamment l'exubérance de leurs collaborateurs. Ce fut bien autre
chose quand se révélèrent, entre 1830 et 1840, de nouveaux chefs d'atelier, tels
que Durand, Lebrun, et surtout Wagner, Morel, Duponchel, Froment-Meurice,
qui, remplis d'entrain et d'initiative, engagés à fond dans le mouvement roman-
tique, novateurs par tempérament ou par calcul, firent à la sculpture de l'orne-
ment et de la figure une place plus grande qu'elle ne l'avait jamais été.
^1) cil. Blanc. Grammaire des arts de'corali/s, chnpitre de l'Orfèvrerie.
— 186 —
Précisément à cette date apparut, comme par enchantement, toute une pha-
lange de jeunes artistes, statuaires, décorateurs, ciseleurs, débordant d'idéal,
transportés d'ardeur, surexcités jusqu'au fond deTàme par la fièvre du romantisme,
qui allaient mettre au service de l'industrie ia fougue un peu iucohérente de leurs
rêves. D'où venaient-ils? Comment était né en eux ce goût de l'ornement qui
n'existait plus dans l'art et qu'on avait désappris? A quelle source avaient-ils
puisé ce sens du pittoresque et de l'aiTangement décoratif qui n'était alors
enseigné nulle part, et dont il était si difficile de trouver des exemples? C'est là
un phénomène qui n'est pas des moins curieux dans l'histoire des arts du dix-
neuvième siècle.
Parmi les sculpteurs qui eurent, à cette date, la plus féconde influence sur
l'industrie de l'orfèvrerie, il faut citer Jean Feuchères. Elève du sculpteur Cortot,
il avait étudié également le dessin avec un peintre nommé Blondel, et après un
début au Salon de 1831, à l'âge de 24 ans, il se mit pr('S(iue aussitôt à dessiner et
à modeler, pour des orfèvres e( d'autres industi'iels, des compositions pleines de
charme et d'une réelle habileté, dans lesquelles étaient évoquées les scènes et les
symboles chers à la Renaissance. Il avait réuni sur cette époque une collection
importante de documents, d'anciennes estampes dont il se nourrit l'esprit, et
comme il était doué d'une imagination inépuisable, avec une adresse de main
merveilleuse, et comme il s'était formé le goût, il se laissa aller aisément, sans
abandonner ses grands travaux de staluaii-e, à prêter sa gracieuse collaboration à
l'industrie qu'il alimenta pendant vingt ans de modèles de tous genres. Cet
exemple d'un artiste de tel mérite, qui ne dédaignait pas de faire une besogne,
qu'à cette époque aucun de ses confrères n'aurait osé entreprendre pour ne pas
sembler déchoir, eut les plus heureuses conséquences. Il faut bien se rappeler en
effet l'espèce de déconsidération que les artistes avaient alors à braver quand,
semblant sortir de leur profession, ils consentaient à faire œuvre ornementale (I).
Dans les ateliers, les décorateurs-modeleurs, qui n'étaient guère autrement traités
que comme des artisans manuels, s'en sentirent subitement rehaussés. Les
ciseleurs se crurent tous des Cellini, et virent en Jean Feuchères un des leurs, le
chef qui les représentait, qu'il fallait suivre désormais. Ils parlaient avec émotion
de son bas-relief de l'Arc-de-Triomphe, représentant le passage du pont d'Ar-
cole (1834), et ses statues exposées au Salon de 1835, un Benvenuto Cellini, un
Satan aux ailes repliées, penseur lugubre, un Raphaël rêvant, ainsi que de sa
charmante Renaissance des arts et d'un gracieux petit bas-relief, la Peinture et la
Poésie (Salon de 1836), acquis par le baron de Rothschild. Par la suite, Feuchères
(1) Un confrère de Jean Feuchères, qui travaillait aussi pour rorlèvrerie, Henri de Triqueli, ayant
exposé au Salon de is:5f) une aiffuière d'argent, les journaux voulurent Lien en parler, mais eu plaidant
les circonstances atténuantes pour un artiste qui osait ainsi dérogei'. » Ses ouvrages, dit la Mode, sont une
sorte de passe-temps qui acquerront de la valeur eu raison de leur rareté. »
ih:
4
Bouclier: Jupiter fouclroy;mt le Titan.
[Dessin orlrfin.il de J. Fenchùres.)
I
•
!KÎ> —
l'iil oHi(ifllciii<'iil cliai-i' (le diverse-, siiil|,| mes iii(iniiiiirtil;il('s : il lit la llj^urc do
Ji'iinili' d' .\r( sur Ir ln'ii-liri\ ;i Uoilcil, cclli' de soiutr Ihni'sr , polir I (';.diM' df] iîl
Madrlciiic il l*;iiis, ((die de Jiussitf/, pniir la loiitaiiH' di." la jjlacc Saiiil-Sul|)ice,
Le Parnasse. Pcojel do sui-Lout.
[Dexsin oriijinal de J. Feiiclières.)
celle du cavalier Arabe, sur le pont d'iéna, la Constitution, sur la place du Palais-
Bourbon, etc. C'est lui qui fut choisi pour exécuter le char funèbre qui servit à
transporter les restes de Napoléon 1". Mais ses travaux pour l'orfèvrerie et pour le
bronze étaient dignes d'être plus appréciés encore parles qualités techniques dont
ils témoignaient, par la nouveauté et la variété des conceptions, par le charme du
190
décor approprié — avec une science bien faible encore et bien rare — à la desti-
nation des objets. Feuchères composa notamment pour le célèbre ciseleur Vechte,
dont il va être bientôt question, plusieurs beaux vases et quelques boucliers. 11 fit
pour Fromeiit-Meurice une quantité de travaux des plus importants que nous
Le Travail des champs. Projet de surlout.
[Dessin origin;il de J. reiiclières.)
retrouverons en parlant des expositions de l'industrie, et commença la résurrection
du vieil art limousin de l'émail en fournissant à cet orfèvre des compositions
qu'exécutaient SoUier, Grisée, Meyer, Heine, etc. La maison Christofle possède
de lui divers projets de surtouts qui montrent toute la souplesse, toute la fertilité
d'invention de cet artiste, mort trop jeune (en 1852, à quarante-cinq ans), et qui,
s'il eût vécu à une autre époque, aurait pris rang parmi les plus grands décora-
t!M
li'tii'-'. " S'il |Mirl;i sdiiM'iil |;i |M'iiic, ;iiii^i i|iii' T.! r('m;ici|iit' un <'rili<|iH' ;i\i^f,
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Jl ri'lij^ir t'oiilic IcN huiiiic-. i|iii cM^laiciil aloi-- dan- I CiiM'i;.' nrinrni iji'v .ni ^. .1 ai
Esquisse de surtout jiour le duc de Lu^ nés.
[Dessin original de J. Feuchères.i
SOUS les yeux, en écrivant ces ligues, le dessiu origiual d'une de ces compositions
datées de 1836, par conséquent de ses débuts. C'est le projet d'un bouclier, car
c'est lui qui mit eu faveur, parmi les orfèvres, cette forme très « romantique »
qu'il trouvait favorable pour faire valoir les motifs eu bas-relief. On y rencontre
déjà l'habileté d'un professionnel habitué aux difficultés des travaux du métal, et
avec cela une vigueur d'expérience, une liberté d'allure très curieuse. Le sujet
représente Jupiter foudroyant les Titans. Ou voit les géants, qui ont amoncelé des
— 192 —
blocs énormes de rochers, monter jusqu'à l'Empyrée pour y porter la menace de
leurs torches enflammées, tandis que, soutenu par Taigle qui plane d'un large vol
au-dessus des assaillants, Jupiter brandit la foudre, et les accable de ses coups.
Un second dessin, qui fait égaleuient partie des archives de la maison Chris-
tofle, est un projet de surtout représentant le Parnasse. Xu sommet d'un rocher
Saucière.
{Projet de ./. Feiichcre.s.
que domine une figure d'un beau mouvement : un Apollon jouant de la lyre et
emporté par l'irrésistible élan de Pégase. Feuchères avait dû penser au mot histo-
rique de Napoléon à son peintre David et voulu que le jeune dieu fût « calme sur
un cheval fougueux ». Autour de lui les Muses sont groupées avec leurs attributs.
La partie inférieure du surtout est occupée par une figure de fleuve à barbe
limoneuse, accoudée sur une urne et tenant en main une rame, accompagnée de
nymphes jouant dans les roseaux. Le dessin, poussé à l'effet, est exécuté avec la
liberté du croquis, mais conserve un bel aspect décoratif.
Un autre dessin de surtout est non moins intéressant, il est signé de Feu-
chères, 1847, et a pour sujet le travail des champs. En forme pyramidale, ce sur-
tout est divisé en trois parties superposées. Sur la base, à droite et à gauche,
I't:i
La Métallur;iio.
[Dessin orUfinal de J. l'eiiclières.
- iî».1
r.irtish' il svmlxili^'' !'• l'^ii" '' '•' n in, îiliiiiciils cssciiliiU •!«• riioiimic, |),ir dtMix
"i-t>ii|»('s rt'|)r*''S(Mil.iiil l.i iimisNoii il la \cimI;iii;.'(' ; ;iii cciilir, soiis rmcadc irn'^u-
lit'rc (rniic "roltc, im ;jniii|ic d ail I'-.iiin Inrijc Ir ^m- de la iliairm- qui ddil < riiisci'
le sdliiii ml ^fiiiifia Ir u'iaiii , aii-dr^sns, jrx di\iiii|cs des caiix r(''|iaiidriil ^\w je
sol le ruiiliiiii dis iiiiics iV'colldcs, cl, ail sniiiiiicl, iiin' llairliaiilr <•! (!(''rC8
,|,iiiiiii(-iil la r(iiii|i(isili(»ii de n' siirldiil s( .m | il iinix .
l II lidisjciiic dessin, <|iii iMUinail
liicil tdic rillii' drs pir!iihl("> | m 'il sec s
de |•■t•llt•||(•^('-^ |i(Hirla i(mi|M)sil ion d un
surloiil i|iii' le duc de I.U\ lie-- dc\ail
faire cxeciilcr par IVoiiicnl-Meiiriee.
IjO {;r(Ui|ie central csl de ti-ois li^i^ii-
res : lîaecluis. (a'-rès cl NCiius, coiiiine
daIl>^ l'exeeillioii d(''Hnilive. 'Yvi's (de-
j^anles (laii> leur eiilacemeiil, (dies
dillerciil peu (\\\ iiuidele deliililir,
mais dans le premier jet de l'iMiiste
pai'aissenl encore plus tiiies ci plus
svtdl<'s. Le plateau coiixcxe sur le-
ijuel elles reposent reinplae(> la
sphère (pu* ci-iiilure le Zodia([ue dans
l'oxéeution délinitive cd est porli''
par (jualro carialidos espacées dont
l'arlisle nous nionlre les deux prin-
cipales : la (diasse et la pêche; au
centre', une panthère domptée par
un entant.
Le dessin du candélabre qui de-
vait raccompagner est enlevé de
main de maître. Une corne d'abon-
dance, d'où s'échappent des bou-
quets de lumières, est portée par
une nymphe qui chevauche sur le dos
d'un faune. Un croquis au crayon sur le côté représente le groupe qui devait
faire le pendant du premier.
Ces dessins, dont l'iiivention est charmante, ne sont que des esquisses, mais
quelle précision déjà et comme on sent que l'artiste sait bien qu'il travaille pour
un orfèvre et que ces projets qui pourront être remaniés et corrigés sont déjà des
œuvres exécutables en métal précieux.
Le dernier dessin de Feuchères présente une certaine ambiguïté dans la forme;
8
Candclahi'e pour un siii-loiit.
[Dessin original de J. l'eiichères.;
— 19G —
est-ce un surLoul, est-ce un drageoir? Il semble ([iie l'arliste ait fait allusion à la
profession de l'orfèvre : Vulcaiii en est le couioniiemenL et deux figures de
femmes symbolisent le travail de l'orfèvre, l'une modèle, l'autre travaille sur le
boulet du ciseleur et le pjtit groupe d'enfants battant l'enclume ne laissent pas de
douter sur les intentions de l'artiste; l'effet en est somptueux. Tels étaient les
motifs dont on aimait alors à se réjouir les yeux : la mythologie entrevue dans un
lîacflianale, email en camaïeu.
[J. Feiirhèrcs.]
décor pittoresque et moyen âge. Feuchères en eût fourni tant qu'on en aurait
voulu.
Feuchères s'était essayé dans l'art de l'émailleur. Il avait donné à la Manufac-
ture de Sèvres des motifs charmants qui y furent exécutés. Des plaques d'émail
en forme de médaillon, que nous possédons, ont été exécutées dans le genre
des émaux de Limoges et portent sur le côté la signature de Feuchères tracée
en or. Ce sont des motifs de bacchanale qu'il alfectionnait. Une ba(;chante en-
dormie et lutinée par les amours, s'abandonnant aux bras d'un faune, est d'un
dessin excellent et montre la ressource et la fécondité de l'imagination de
Feuchères.
A côté de cet artiste, il faut placer Jules Klagmann, qui, quoique à peu près
t'.i:
l"iiiaii\ cil «.•aniiiïcii. .1. ^cllclu•l•o^
Ciilli-rlinii H. niniilhi-l.
— lî>!» —
,1,1 iiiriiir ;~|-,., lui, nii |Miil (lue s, m (•levé, rt i|c\iiil -nii l'iiilllc. CniilliK' lui, il
(|.-lai->>>a I iTtilc ara(lciiih|iii' |M.iir Ic^ l•llll|(■>^ iinli|irii(laiilr^, I niiiriiiriit , ri Lui
(le la Uciiais^aihi' l.f^ succc-. iiii'il (.liliiil aii\ Sal(iii-> a\iT df-- li-iin'-^, Idlc^
.in'llll Jnl, •riiii beau -.iiliiii.iil cl il illir Nriilc lialiulaillc, II»' rfliil.rclirrcill |)a>
(le ^ailiiiiiiiT a la (Iccmal ion
aniiilciiiiialc il aii\ lia\aii\
(11- riiiilii^liii' Il f^l railleur
(II' la roiilaiiii' ilr la plan'
LuUN(U'-, cl r ('>l a lui i|Ui'
s';ulri's>-a la raiiiilli' r»(illi>-
child pnui' loiilc la |>ai'li(-
(U'iii'iiiriilalr îles ilru\ lin-
|('1>, la^luriix [iiuir I cimuiiu',
i|u'('lli' lil cli'M'i' rue l.ariillc.
h'auli'i'^ srulpUuirs dii-
ranl rcl Ir pcriinlc rouniirrul
le |tlu^ iililc roucoiirs aux
ui'l'î'vi'i's ; j'ai dcja parli' de
rilhi^lic r>ar\('. ijui. uaxaut
pas (tltli'uu le prix de liouic
à rKcoK' des Heaux-Ai'ls,
douiauda ses ju'cuurres res-
souiH'OS à riudusli'ic. et li'a-
vailla pour KauconiiicM'. 11
(>\c''cuta plus tard pour le
duc dOrléaus, d'après les
dessins de Chenavard, un surtout de table qui comprenait neuf groupes de chasse
dans les dilTérentes j)ar(ies du monde, excellent thème qui permit à Barye de
mêler avec une furie pittoresque, hommes, lions, chevaux, éléphants, etc. (l)-.-
Chenavard était un dessinateur habile, jeune encore, et dont riniluence était
très grande alors. Né à Lyon en 1790, Aimé Chenavard était, en 1830, le directeur
artistique de la Manufacture de Sèvres, fonction à laquelle il avait été appelé par
Brongniart qui, savant distingué, avait senti le Itesoin de s'entourer d'artistes
capables de continuer les traditions de notre manufacture nationale. Chenavard
fut à cette époque — toutes proportions gardées — le « Percier et Fontaine »
de l'époque romantique.
Ce fut lui qui enterra le style du premier Empire et inaugura celui qui triompha
sous le second, style — si l'on peut appeler cela un style — qui vécut du mélange
Poi-ti-ait de Aimk CIIKXAX'AHl).
(1) Théophile Gautier, Ilisloire du liomanlisme, page 243.
— 200 —
de tous les autres. Amateur instruit, bibelotier avisé, il réunit de belks œuvres
du quiuzième et du seizième siècle, les copia souvent, et plus souvent encore les
mélangea dans des œuvres qu'il prenait pour originales. Sa manière peut être
étudiée dans son recueil de décorations intérieures {tapisseries, tapis exécutés
dans les manufactures royales), Paris, 1833-1835; et dans son Album de l'Orne-
maniste, Paris, 1836. En 1855, le comte de Laborde, dans son livre de l'Union
de l'Art et de l'Industrie, disait de lui : « Cet artiste avait l'instinct du frelon
qui sait trouver dans cliacpie (leur le suc qu'elle contient et qui ignore le secret
de l'abeille pour en faire le miel, l^ureteur infatigable, il avait feuilleté les livres,
calqué les gravures, copié les manuscrits, dessiné les monuments, et de tout
cela il n'avait pas su se former une originalité propre, un style individuel. En
dépit d'une exécution des plus habiles, malgré des détails très bien rendus, on
aurai! du lui reprocher l'abus de toutes choses, la disproportion dominant par-
tout, l'absence complète de calme, de pondération, de simplicité. Chenavard avait
séduit quelques hommes de lettres qui faisaient alors les réputations, et il était
devenu l'artiste populaire, le prophète et l'hommc-dieu d'une religion qu'on
croyait nouvelle, de l'arl appliqué à l'industrie.
» Tout ce désordre, (|ui ressemblait fort à une orgie, mar(|ua dans l'art et l'in-
dustrie de la France d'une manière déplorabhv » Mais il n'en avait pas moins fait
école, et l'on pourrait presque dire qu'en 1900, son intluence n'est pas encore
tout à fait abolie.
Le mouvement romantique avait modifié sa manière, ce fut sous Louis-Philippe
qu'il donna la mesure d'un talent plus assagi, et conquit auprès de ses contem-
porains une juste renommée. Il mourut en 1838, et ses amis lui élevèrent au
Père-Lachaise un monument dont l'architecture élégante contraste heureusement
avec les tombes qui l'entourent. Sur une base rectangulaire, six colonnes sup-
portent un dôme rappelant le temple de l'Amour à Trianon. Au centre est un vase
de bronze, surmoulage d'une des œuvres les plus importantes de Chenavard
représentant le Triomphe des Arts du Décor.
Parmi les sculpteurs les plus en faveur à cette époque, on peut citer encore
Henri de Triqueti, Auguste Préault, Pradier, Caveher, Geoffroy de Chaumes, au-
teur de belles aiguières exécutées par Wagner. On ne doit pas oubher Carrier-
Belleuse alors à ses débuts, et que l'art du dix-huitième siècle devait tant séduire;
P. Rouillard, sculpteur d'animaux; Soitoux, Ambroise Choiselat qui fut associé
aux meilleurs travaux de Klagmann et était un « arrangeur » d'imagination
fertile.
Jeannest, ami et disciple de Feuchères, qui excellait dans les objets de petites
dimensions, modela avec Combettes le magnifique service que fit Odiot en 1835
pour le baron Salomon de Rothschild, ouvrage « considéré » à juste titre, a
dit le duc de Luynes, comme le plus riche exemple d'une excellente orfèvre-
-'III
N a-o diHxuiitir. liai- { '.lioiun an
— û^y^
rio(l). M.illii'iii('ii«>fiii('iil , .Ic.iiiiM'^l , ilniil le l.ili'iil clail IitnChicI <riiin' (li>-l iiicl ioii
('Xti'i'^iiir, iioii^ l'ut r,i\i p.ii' I \ii,u'l<'l«'n'(', ,i\i'i' |i|iisic(irs ;iiil rcv ijin s'en .illrrriil
I r;i\ ,iill(i- |iiiiii' I !lkiiiu' l(Mi : il \ iiKiiinil en IS'>7, I- l',\|i<i^il mn de iS.'i"» ikhis
;i\;ill iiiolllic vf^ (lilliicic^ iril\li'v, cl l,i maivull |]1 Iv III;.' I ( ill . i|lll |-clll|M)ll;i la
j^raihlc iiii'dailli' irii(iiiiii iir, a\ail ilù ses
sucres a la follaiiiiral kmi de te dccdralriir
('•iiiiiiiMil haii-> (■«•Ile ii-lc <|ii(' j"alilT-(', |M)iir-
l'aiciii ('lie roiiiini-^ ili's Ikhiiiiics IcU (|iic
II II unes Pnilai, \iii:ii'-l(' Williii-^, (|ui >>iic-
ft'ila a .lcaii!ic--l rlic/ IJl iii - 1 ( m a la imul «le
ccliii-ii, |mi-> ('.(Hi-laiil Scniii, ( '.lialiraii, l"ai-
j^i'iic l*ail\, LifiianI, clc.. loiis rcmiilis de
talt'iil. oriiciiiaiiisics ayaiil l'ail eux-mêmes
Kmii' ediicaliiiii im peu a la diaide. mais liieii
doui's, el (|iii pai'la.ijcaieiil leur aci i\ ih- eiilre
les iiidusiries de l'cirrèvreiàe, du lii'onze ou
(les meuhies.
La ciselure, d'auli'o {lai-t, fil à ceKo dalc
de surpi-euauls pi'Oiirès. Dejiuis le pi-euiicr
Kiupirc elle ('(ail restée un iiiélier morue et
lioriu', Itaiial el plat: ou se couteulait de
« U(dloyer » les surfaces du mêlai poui* don-
ner aux pièces d'orfèvrerie les apparences
duu achèvement soigné, mais sans essayer
de uuuvpier d'aucun accent la matière, ni de
souligner par des elTets variés les inteidions
du créateur de l'o'uvre. L'épiderme de lai'-
gent, ou liieu (dait rendu luisant comme
un miroir par l'emploi du rifloir et l'action
de la gratle-boesse, ou bien prenait, « au moyen de quantité de petites molettes
d'acier sablé qu'on promenait en tous sens sur l'ouvrage, l'épiderme du sucre
blanc :2) d'une monotonie fade, que les Anglais ont durant assez longtemps
grandement recherché ».Ce n'était plus du tout cet art de la ciselure, si spirituel
et délicat, tel que l'avait pratiqué au dix-huitième siècle Thomas Germain, par
e\enq)le, qui savait prêter à l'argent un langage et comme une âme par le mar-
telage, les pointillés, les sablés, tout un travail infiniment précieux et intelligent
de l'outil. Ainsi que l'a dit un maître ({ue j'aime à citer (3), le ciseleur a le devoir
Aiguière, par (".lieiiavard.
(1) Duc de Liiyn's. Rapport sur l'Orfèvrerie à l*ExposUio7i de I80I, page 03.
(2) Jean Garnier, Manuel du ciseleur (1859, 1 vol. in-12\ page 60.
(3 Luciou Falize, dans le Diclionnairc de l'Industrie de E.-I. Lamy, à l'article Cise'ure.
— 20i —
de faire dire au métal « ce que le sculpteur n'a pu lui donner, ce que ne livrent
» ni la terre, ni la cire, ni le bois, ni le marbre : cette fleur de l'épiderme, le
» chaire de la peau, la maille du tissu, les nervures des feuilles, le moiré des
» Heurs, tout cet infmi délicat, qui charme l'œil et donne la couleur et l'esprit
» à la matière ».
A partir de l'époque romantique on vit les ciseleurs s'appliquer à l'étude de
ces petits problèmes d'interprétation, qui ont tant d'importance en orfèvrerie et
qui consistent à donner de la valeur à tel ou tel détail, à exalter ou à calmer le
métal, à savoir, notamment dans une figure, quelle partie restera mate, par oppo-
sition à telle autre qui sera unie. Assurément les ciseleurs de cette période
ne retrouvèrent pas d'emblée la perfection des anciens, ils montrèrent une ten-
dance, par une réaction qu'on s'explique, à grandir leur rôle, à faire parfois trop
chanter l'outil au détriment de l'harmonie générale, à trahir les intentions de
l'auteur qu'ils n'avaient qu'à docilement traduire. Mais ils apportèrent de la vie et
le souci de la vérité dans \r rendu, h'i où il n'y avait plus que froideur et insipidité.
Les plus distingués ciseleurs de cette époque furent Mulleret, les deux frères
Auguste et Joseph Fannière, Deurbergues, Poux, Dalbergue, etc., et pour les
petites choses Douy, Fauque, Honoré, J. (larnier, etc. Celui qui les dépasse tous,
car, en même temps qu'ouvrier incomparable, il fut artiste d'imagination, rénova-
teur du repoussé, c'est Vechte. En orfèvrerie, « le repoussé est l'art sans limite »,
a dit le comte de Laborde. On peut former tous les jours d'habiles ciseleurs et
de bons fondeurs; mais des artistes capables d'interpréter une composition en
repoussant simplement avec le marteau et le ciselet une plaque de métal, ou
d'exprimer par ce procédé ce qu'ils ont conçu et ce qu'ils conçoivent dans la cha-
leur même de ce travail, ces artistes-là sont rares. Vers 1835 on vit paraître, dans
les boutiques de marchands de curiosités, des pièces d'orfèvrerie repoussée qui
paraissaient trop belles pour être modernes, qui, comme oeuvres de la Renais-
sance, avaient un style si large, si plein, si vivant, qu'il était difficile de l'attribuer
à des maîtres coimus; d'un autre côté, on ne s'expliquait pas l'apparition subite de
pièces aussi importantes, et tout à fait ignorées; il aurait fallu la découverte d'un
Pompéi du seizième siècle pour l'expliquer. L'auteur mystérieux de ces pièces
si remarquables n'était autre que Vechte. Il avait commencé par être ouvrier dans
les fabriques. Né à Avallon en 1800, et orphelin à onze ans, il était venu à Paris,
était entré comme apprenti chez un vieux ciseleur, nommé Faucin, puis chez un
fondeur, Soyer, celui qui devait exécuter plus tard la colonne de Juillet. Antoine
Vechte apprit, comme il put, à modeler. Il s'était marié et, pour faire vivre sa
nombreuse famille (onze enfants lui naquirent), il se mit à créer des modèles de
pendules pour un fabricant de bronzes du nom de Vittoz. Ce que pouvaient être
ces modèles, on le devine! Mais à ce moment Vechte se lia avec Feuchères,
subit son influence, et fît son éducation d'artiste : il fut bientôt à même da
— •il».> -
Hr^:'v^\
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COIIIlXKcr lui llli'IIIC tifs Clsinics, (1rs linllflicls, i|iril (At'Tiil.iil l'ii |C|i(»l|ss(' (■(
illl'llll iii:ii'< li;iii<l llllf \«llil;ill ciiillllic (rii\ rcs ;iii(|ciiiirs.
l'Itis l:ii(|, vc Iinii\,iiil (Il \iiu'Ifli'nr, \i'(|ilc ni liciiii-
coiih, cil \ i-~il;iiil l.i il Mil- I If 1.1 iii( Il es, (je l'f c (niiunl ii' i|ii(l -
lUIfs llilfs (If ff-> irilVlis (le s;; jcilllf-sc i|||| chiicill
;il Ifiluif f s .1 tiii iiKiiIff iliilifii. ( ',(■ |if inl.iiit , (If tins cdii-
liaissf III''- ilf l';iiis ,i\;iiil |i;iilf de s;i | irr si i;^if ilsf li:il)i-
It'tt'' au llllf ilf i.iiNiifs, fcliii Cl lui ((iiiimaïKla vers \H'Mt
111 licaii \a~-f irai\i;fiil rf|M)ii'-sc ddiil il lui iiiili(|iia le
snifl.C.i' lui la [ii-f llllf l'f |iifff (|Uf iidlrc f isclciir si^îiia
(II- son iioiu l.llf rc |»rf sciilail , sur la |iaii<f. If Trioni/ilir
tir (îdliilhrr v\ un \f|iluiif il( Hiipl aiil les Ihds, avec des
f iiCaiils cl (If ^ Il ildim
^roiiprs aiildiir du
|tif d ; SU!' If couve i-flf
llllf Sri/lhi, sur la IVisc
un fdiiilial de iiioiis-
h'os marins, cl aux
anses des ligures de sirènes cl (rcnfanls. " On
y reconnaissait encore, a dit le duc de Luy-
nes(l), les rfiiiiniscences de ces peintres ita-
liens de la {^rautie époque qu'il avait étudiés
avec tant de constance et dalï'ection ; cependant
son travail passant de la ronde bosse à des re-
liefs à peine sensibles, ses ornements distribués
avec un art merveilleux sur des fonds unis ou
granulés, les monstres fantastiques entremêlés
à ses tritons et à ses néréides, et bigarrés de
détails gravés ou ponctués avec un goût extrême
et une variété infinie, toutes ces qualités nou-
velles et tirées de son propre fonds, ajoutées à
celles qu'il avait reçues des anciens maîtres,
mettaient M. Vechte hors de parallèle avec tous
les orfèvres, quelle que fût leur capacité. »
La seconde œuvre de Vechte, qui attira
décidément l'attention vers lui, fut un bas-
Flanil)LMu |)ai' ("heiunai-d.
relief en or sur la lame de l'épée offerte au
comte de Paris, arme dont l'exécution associa tant de talents et d'artistes
(1 Duc (lo Luyiies. Rapport sur les mélauj: précieux à l'Exposition iiniierselle de IS.jl, page 15.
— 206 —
divers (1). Puis il entreprit pour un armurier, M. Lepage, une aiguière de très
grande dimension dont le sujet était le Combat des Centaures et des LapiUics^
que nous avons reproduit (2). Là encore on reconnaissait l'inspiration de
quelque maître italien. Le dessin en était de J. Feuchères. Mais ce que le
ciseleur empruntait à autrui prenait sous ses doigts une intensité de vie, un
cachet personnel et un caractère saisissant. Voici ce qu'a dit Ch. Blanc à propos
du bouclier qui était exposé au Musée centennal : « Les énergiques méplats d'une
» figure en action, les rondeurs d'un corps voluptueux, les muscles ressortis
» d'un cavalier armé dont le cheval se cabre, les draperies remuées, les têtes
» échevelées et les crinières flottantes, enfin les armures historiées dont l'ar-
» tiste a revêtu les divers personnages de cette pièce..., tout cela est exprimé
» (à ravir par le marteau du repousseur qui, suivant les reliefs qu'il voulait obte-
» nir, a frappé avec résolution ou avec douceur, en descendant par degré des
)) accents fiers qui font respirer la vie jus(ju'aux pâles dépressions où vient
» expirer la forme (3). »
Lancé définitivement dans le m.onde des riches amateurs, Vechte exécuta
alors, outre un bracelet j)Our la duchesse de Cambacérès, une coupe en argent
pour M. de Vandœuvi'c, représentant un sujet inspiré de Flaxman, « l'Harmonie
dans r()lymi)e », (pii jtarui à l'Exposition de l'Industrie de 1849, et valut à son
auteur la croix de la Légiou d'honneur, et de plus nue commande officielle,
que lui fit donner M. de Thiers, « le Vase du Scrutin », lequel ne fut achevé
qu'en 1861, et est devenu le Vase de la création représentant Adam et Eve, le
paradis perdu, les passions vaincues : il est actuellement au Musée du Louvre,
mais ce n'est pas une de ses œuvres les meilleures. Il existe encore dans les ré-
serves du Louvre un vase inachevé qui a été donné par sa fille, M"" Vernaz-Vechte,
et que nous avons pu représenter dans la même planche.
Nous avons réuni aux œuvres de son père le vase de M"* Vernaz, son élève,
d'une sculpture plus mièvre, d'une ciselure un peu féminine, mais qui montre
que, si la fille avait hérité de quelques-unes des qualités de son père, elle avait
exagéré ses défauts.
Vechte s'était fait bâtir à Ménilmontant une petite maison que fréquentaient
les artistes décorateurs du temps, Feuchères, Klagmann, Hugues Protat : c'est
là qu'il travaillait pour les orfèvres qui lui donnaient à exécuter leur ciselure,
Wagner et Froment-Meurice. Un jour il reçut la visite de M""' Nathaniel de
Rothschild, qui lui commanda sa statuette équestre en argent repoussé, en cos-
(1) La composition et la sculpture de cette pièce était de Klaffiuanu, la ciselure de Vechte, l'orfèvrerie
de Morel. L'exécution eu fut dirigée d'un bout à l'autre par Fossin (note de Fronient-.Meurice publiée par
Ph. Burty dans uu ouvrage sur cet orfèvre, page 14). Frouient-Meurice était l'orfèvre en nom qui avail èlé
chargé de la commande de cette épée.
(2) Cette pièce est devenue la propriété de la fille de Lepage, .■\l"i« Brot de Commère.
(3) Ch. Blanc, Grammaire des Arts décoratifs, page 315.
iéhj^f, 'j
Ai^iiii-re on orlex l'erio par !•'. Moiirico.
Modèle lie .1. Keiiclièi-es, ciselée par ^'l'ellt^•.
Miisi'c i-cnlpiiiutl. — C.nlli'ilidU ilc M'" Hm ilc Coiuincn':
HVJ
A Jisc- en iv|i()iissc. .•\cimiI.- ir.u- \ l'clil,-.
— till —
1,1 (r.iiii;i/(.iu'. I.c iiiolicîill si'iliiisil si luil le |i;il(iii .l.iliirs i\r Itol li^cliild ,
<|ih' (cliii ( 1, .iilliniisiiisiiic, sourcil ;i <li;ii-ri- l'nrli-lf ilr «Inix Imiils de l;il»l(; (U;
-i. 111(1. '^ (liiiKiiviMii^, (lr\;ml li-iiiTi- If .Iniii- cl l.i Niiil. l-cs m;ii|iirllrs l'iiiciil r.'iiU'S:
cllf^ .•.luiphiiriil lin iiiiiiiliic !■ iiii' tic ii-iircs; iii;iis le iiiojil, on iir -ail |.(jiii'
,|,i,.||,. raii^-f, ii'i'iii \>;\-^ 'le siiilr, cl Ncchic, itrolMiniiiiiciil (li'cil, ^c di-cida a
ac'citlcr les I in i| M i->il h iiis d'en LM.^ciiiciil <|iii' Ini a \ aie ni lailcN 1rs r(''|r|)n's niirsrcs
Houclior " la CJRnaiiclii'C ». cisL-luro de ^'ocllte.
[Miiiiée rcnleniiiil.)
de Londres, MM. lluiit et Uoskell, et quitta la France en 1849 (1). Les œuvres
exécutées par lui depuis lors, et jusqu'à sa mort, survenue en 1868, appartiennent
à l'Angleterre. Nous aurons l'occasion d'en parler plus loin; mais ce qu'il convient
de dire ici, c'est (jue le départ d'un tel artiste fut extrêmement regrettable, car il
priva l'orfèvrerie française d'un de ses plus Ijrillants auxiliaires. Ainsi que l'a fait
I Ton? ces détail* ?ur la vio de Vechte sont tirés d'un ouvi'Ofre inédit, les Aitis(es décorateurs ait cUt-
neiivième siècle, par Victor Chauipier. qui possède un recueil de souvenirs personnels que lui a transmis
la famille de l'artiste. Ce qui a été dit ci-dessus sur les artistes de l'époque romantique est également
euq)runté à 1 ouvrage de .M. Victor Champiei'.
— i>12 —
remarquer le duc de Luynes (1), Vechte a introduit dans l'art du repoussé des per-
fectionnements précieux, particulièrement la préparation des pièces difficiles qui,
au lieu d'être péniblement ébauchées et achevées sur le ciment, sont maintenant
estampées par morceaux dans des creux en métal, fonte ou bronze, puis ensuite
ajustées, soudées et ciselées. Il en résultait une grande économie de travail, et le
métal, moins fatigué par le travail du marteau, conservait plus d'égalité dans son
épaisseur; les trous et les déchirures étaient moins à craindre. Son talent, en
plein épanouissement quand nos voisins raccaparèrent, aurait pris sans nul doute
un élan encore plus puissant dans sa patrie. Il avait formé un jeune élève, Morel-
Ladeuil, qui devint également un maitre dans l'art du repoussé : celui-là aussi fut
enlevé à noire pays par l'Angleterre, où nous le verrons dans le chapitre suivant
produire, à la solde d'Elkington, d'admirables ouvrages de 1852 à 1888.
Après cette nomenclature des principaux cohaborateurs de l'orfèvrerie sous
le règne de Louis-Philippe, revenons aux fabricants eux-mêmes, aux chefs des
maisons les j)lus importantes, en conslataiit leurs efforts tels ([u'ils se manifes-
tèrent aux diverses expositions de l'indusli'ie qui eurent lieu à cette époque.
L'Exposition de 1834, organisée, non plus au Louvre mais sur la place de la
Concorde, dans des baraquements assez sommaires, réunit lo orfèvres sur
2447 exposants. C'est le baron Charles Dupin qui fait le rapj)ort. 11 exprime un
« sentiment profond de regret » à voir les artistes s'humilier jus(|u'à suivre, à
copier une mode éphémère et bizarre, pour adopter des formes anglaises lourdes,
prétentieuses et sans grâce. Il ajoute : « L'orfèvrerie anglaise n'est, selon nous,
» qu'une alliance maladroite de la prodigalité d'ornements qu'alfeclait la Renais-
» sance, avec les tortillements du genre Louis XV. Au lieu d'accepter cette com-
» binaison monstrueuse, si l'on veut à toute force imiter, pourquoi ne pas
)) remonter aux types primitifs (2V? » La réflexion était juste. Elle s'adressait
spécialement à Odiot qui, comme je l'ai déjà dit, avait été le grand importateur,
en France, de ce genre anglais, dont on commençait à Paris par comprendre le
ridicule, et que les esprits avisés signalaient comme un danger. Mais ce qu'il faut
dire, c'est que grâce à Odiot qui avait voulu prendre surtout à nos voisins leurs
machines-outils, les tours, les matrices grâce auxquelles ils avaient conquis sur
nous une avance considérable au point de vue de la fabrication commerciale, nous
pûmes dès lors reprendre une avance que nous ne devions pas laisser échapper.
A cet égard, le service rendu par Odiot à son industrie fut très grand; malheu-
reusement, en même temps que les outils d'invention anglaise, les modèles de
Londres avaient pénétré aussi; à l'amalgame de la Renaissance et du Louis XV,
on ajoutait (car l'influence de Ghenavard s'étendait jusqu'à Londres) la nature
(1) liappofl (le 18ul, p.-ige 17.
(2) Rapport du jurij central sur les produits de Vindustrie française exposes en 1)^34, par le baron
Ch. Dupiu, Paris, 1830. 3 vol. in-lS. (Voy. chap. xxiii, section 11, page 14i.)
ulrail lie (■iiviu.i:> C)l)lU'r et de ses deux lils, En^u:^T et <m>ïa\i
JJolU'ctiun Gtistace Oïliot.)
III,, lie. I;i iMliirr \i\:illli' il loiil llll -fiirc il'ilii | pjl I nrc-illlc «A I ni \ .i;.'.! lit . (Ic
n'iliiil iiiif lurrlN vici'^t'S cL |);iliiii«'rs, luiis dr sapins <MiUNcrls de iiri;.'(' et lialiilés
liai- ilfs ours, (liasses à rrh'pliaiil cl aii\ li;.'r('s, scènes «le criti^-adc^ (iii de la \'\t'
inaMM' la plus ((nliiiaiii-, ((iiiiiiic h' diif de W'idliii^ htii à ( lir\al ijaii^ ^(Ui |»an-. ou
l,l,.|l loiili- la \ r-rl.ilhiii do vcilT-- cliaildcs de l' Aii-lclnic, loiil le |r;.'iir aiiiiiial
,|ii iiiniidc, |Minlilriiiiiil iiiiilr, d II II 'llll' lit M'iidii i I ) ( »diol lie pn'-ciila |ias, a ri'!\p(i-
siliiiii de IS;!'(, dt'N d'il \ rc^ d'un ^ où! an--- i I A oli.| lie; il a\ai( |ioiiilaiil ilcu\ h i il oui s
N" r>. — Théière, i-enaissance italienne. Olùivre d'OdioL.
{.Miisce ccnlciinnl.)
de table en argent mat, dont l'un offrait un amoncellement d'arbustes et de
plantes, et dont l'autre, plus simple, n'en étail pas moins une imitation des formes
anglaises.
Le Musée eentennal nous montrait une série d'œuvres d'Odiot qui marquaient
bien l'évolution qui s'était faite dans sa fabrication de i830 à 1848.
C'est pendant toute celle période que la renommée de Charles Odiot, qui con-
tinuait à s'inspirer des traditions paternelles, devint universelle.
M. Ciustave Odiot nous a permis de reproduire un portrait de son père qui date
(1) Comte de Labonie. ouvrage cité, page 3"2.
— 210 —
de 1840, où il est représenté avec ses deux jeunes fils, Ernest et Gustave, qu'il
allait former à son exemple et préparer à suivre sa carrière. La réunion au Musée
centennal des pièces que nous avons reproduites ici est particulièrement sugges-
tive, et montre les étapes parcourues par Odiot pendant le règne de Louis-Philippe.
L'influence anglaise est bien marquée dans la cafetière N" 3 de forme gourde
allongée, a panneaux ciselés en relief et séparés par des côtes. L'ornementation
en est exubérante et les scènes de jeux d'enfants qui sont représentées, se res-
sentent du peu de mesure des orfèvres d'outre-Manchc.
Tout autre est la théière N" 4, dite de forme « casquette » tout unie. Elle est au
contraire pratique et simple, telles qu'aujourd'hui encore sont les pièces de fabri-
cation anglaise les plus en vogue. Les deux cafetières 1 et 2 marquent le moment
où Charles Odiot, retrouvant dans nos traditions françaises des types d'un goût
plus épuré, allait complètement changer sa manière.
La théière N" 5, de forme aplatie avec têtes de béliers servant d'amortisse-
ment au bec et à l'anse, se ressentait déjà du retour au style de la Renaissance
mis en faveur par le Romantisme. La sculpture en était puissante, et la frise
send)lait imitée des marbres de la Henaissance italienne.
Mais là oii le style romantique est plus visiblement marqué, c'est dans la cafe-
tière N°(). ^)uatre ligures assises sur une panse aplatie accompagnent l'anse et le
bec; une profusion d'ornements couvrent la forme et compliquent la décoration
sans laisser de parties unies et calmes où l'œil puisse se reposer, ornements qui
ne sont ni moyen âge ni renaissance, mais s'inspirent du mouvement créé par la
littérature d'alors qui s'accentuera encore, en s'affinant avec Froment-Meurice.
Dans le dernier type se retrouvait également l'inlluence anglaise, mais avec
un goût plus épuré. Le samovar, décoré de branches et de feuilles de thé, était
inspiré des végétations tleuries dont les Anglais abusaient, mais auquel Odiot
avait su donner un aspect pittores({ue et agréable.
Son iniluence était visible sur un orfèvre de Strasbourg, nommé Kirstein, qui
montrait des vues et des médaillons figurant des chasses et des combats. Durand,
élève d'Odiot père, s'éloignait complètement, au contraire, du goût anglais pour
adopter le style Renaissance à la mode, et s'attirait par cela même un compliment
du Jury qui, le félicitant pour une aiguière d'une assez belle exécution, assurait
qu'il était fait pour comprendre les beaux-arts. De même pour Lebrun, dont les
vases pour prix de courses recueillirent tous les suffrages. Mais le grand succès
fut pour Wagner qui, pour sa première exposition, obtint d'emblée une médaille
d'or, avec un bijou. Wagner était un artiste prussien. Arrivé à Paris vers 1830,
il s'associa avec un lapidaire. Mention; il avait fait d'excellentes études spéciales,
a dit le duc de Luynes (1); son instruction dans les arts du dessin était complète,
vl , Duc (le I.uynes, Rapport sur 1rs mélaur précieux à l'Exposition de 1851, page 68.
(.al't-tiores. tluMeres cxoci.tocs parOdiot.
Musée renlcnn;)! )
2\U —
les |l|■(»(•(■•(|(■••^ ilf rdl-l'cM-fl ic, lie l.i lil|(illlci ir cl de l.l [(Llillciic lui l'hiicilt l'ii lli il id'S,
s, ,11 l.ilriil |.ci--iiiiiii'l l'I-iil n'iii;iri|ii;il'lr
Il .iiiiiiiiiii a iMi' l;i r.iInhMl KHI ili'^ iiii'llc^ ;i I iiiiil ;il inii i|r itii\ de j'iii^^ic, cl
,l,,\,,,l |,r,,iii|ilciiiclil >-i li.iliilc (l.iiis ii-l ;iil, (|n il l;ii>s;i m-s iikxIcIcv |mi-ii loin
Xo c. _ QiCclici-e. sI.vIl' rninaiitii;ue. Œuvre d'Udiot.
[Musée rentennul.)
deri'ièiv lui. Encouragé par le duc d'Orléans et par la princesse Marie, Wagner
entreprit de grands travaux et réussit dès son début. Il devint chef d'école, fixa
l'attention des amateurs et apporta sa science à la place de la routine. On vit en
lui se réaliser ce qui n'était plus qu'un souvenir depuis le dix-septième siècle :
lial»ile à dessiner et à modeler aussi bien qu'à ciseler, Wagner fit revivre le
repoussé. « Outre les qualités d'art dont il faisait preuve, le jury de 1834
remarciua chez Wagner le souci de mettre ses travaux à la portée d'un grand
nombre de fortunes par les procédés de gravure mécanique, ce qui, affirmait
le rapporteur, « devait produire une vraie révolution. »
Cinq ans après, c'est-à-dire à l'Exposition de l'industrie de 1839, installée
— 220
cette fois aux Champs-Elysées, sur le carré Marigny, l'orfèvrerie était repré-
sentée par 22 exposants, au nombre desquels outre les fabricants cités ci-
dessus, et qui restaient fidèles à ces concours périodiques, figuraient des noms
nouveaux, ceux de Froment-Meurice,
qui allait j)reiidre une place éminente
dans notre industrie, et de Cliris-
tofle qui n'exposait encore que des
bijoux, mais qui ne devait pas tarder,
avec les nouveaux procédés de dorure
et d'argenture électro-chimique, à ou-
vrir des horizons grandioses à for-
te vrerie.
Malgré le talent et la réputation de
tels concurrents, le jury se montra
froid. Le rapporteur, Sallandrouze,
constate, il est vrai, avec satisfaction
que les formes anglaises « sans grâce
et sans légèi-eté » ont perdu de leur
vogue, et que « l'on commence à com-
prendre (pf en orfèvrerie le confortable
n'est pas tout, et ne doit pas faire
oublier la foi'me et le dessin », mais
il se plaint de n'avoir à enregistrer
« (jue des perfectionnements de dé-
tails, des dispositions plus ou moins
ingénieuses d'ajustages, et peut-être
l'usage plus modéré et mieux entendu
des ornements du seizième siècle ».
Sa mauvaise humeur va jusqu'à se tra-
duire par cette phrase morose : « L'or-
fèvrerie, nous le disons à regret, est
restée stationnaire depuis 1834; point
de procédés nouveaux pour diminuer
la main-d'œuvre ou l'emploi de la ma-
tière première; peu d'efforts pour con-
server ou même inspirer le goût des
beaux-arts... » Conclusion: aucune médaille d'orne fut décernée.
Ce jugement paraît un peu sévère quand on pense à fensemble des œuvres
exposées. Il s'y trouvait des pièces modelées par Klagmann, Feuchères,et d'autres
sculpteurs renommés, des morceaux de ciselure marqués de l'empreinte de
Fontaine à llu-, style pittopes.iue. (Ejvre dOdiot.
[MitsL-e cenle final.)
\rilili', ilfs CKiiiliiisiliDii^ i|ili, <rnis le i;i |.| Mirl il'im drvsiii |i|im iliàl ii' , de rii|s|)i-
r.ilKMi imiiii>> hiliiiiii mil' ri il un iinilliur .•,|iiilil ne , I i'iiiiti;-'ii;iM'iil d'iiii prit^'lTs
IrcN rccl. hiiiMihl ;i\.iil mu' r<iiil;iiiii' a llic Ii.kiIi' i| Un indr'"', |K's;inl i^O'l in.irTs d
rsliincc '.(Mil).) ^|•;llll•-^. l!ii l'on \r |i\ immipIi-, rllr l'I.iii |M»ili-r -^wv un |il.ilc;in
iliMil la liiirtluri', tliNi'^'c \>:w ilrs pailirN nirlli-cs, in<li'|iiail la plarr di's ^ri/r
ta^^(•>^; aii-dcssus, >ur nn handi-an ilaïu'i'nl, se linnsaiml liinl |ilalcan\ iiirj|(''-.
fi di»i-('s avec al•alll'-^l|U(•-^ l'itmianl cla::!'!!' ri cnnlcnanl ipialn' I lii-im-v, (pialrc
sncri('i>, t|nal rc r(iii|ic-^ a t^;il('an\. (pialic |miK à cn-nir. Aiihnir ilr la liiinillnirr
se I itinx.iicn! ili'-^ nirlic-^ a\('i' iiLiin'c^ de ^(•nnn^■^, >ircni'N, irihin-^, allanli'v niiid(d<'S
itar Kla^niann. ('.c lfa\ail, <■ i(Mnaii|iialili' par --(iii ini|»inlani-(', (lar la Itcanlt' cl
la ^iiupluili' du ninniai:!' cl dc-^ ajii'^li'nicnK •■ , \alnl a l'orlrM-c nn ra|i|tc| de
nii'daillt' il ari;iMil ; il iriiarni a rrA|uivil imi dr Lundrc^ en ISM. nn il olilinl nn
_:;i'ani I ■>iici-t'-> I ,
l.i'liriMi, I ini ili'> \fli'ran<. de l'oi-j'cx rcric IVancai^r, ('\|iit--ail ans<i; soi'li de
ralclicr d'iMiiil pi'i'i'. il a\ail reçu id coiix'i'N (' l^>^ Iradilions dr rrl oiIrM-r. |,es
^■(Miii>> dill'rrrn!> ipi il a sni\ i'^, nInIc dr T l!ni|»irr. l'acon anglaise, sl.yle (Je la Hmais-
san 'r ri llfojr niodriair, lOiil li'uuvé iiahilc a hicn coniitrriidi'c et à l)irn clmisir.
appitrlanl iiiic rarr itni'rclion daii*^ ses moidnrrs, ini .i^oùl el. une i-ridicrclir daii<
SCS ajnsIrnirnN. mir Itranli' dans le poli, i|nr personne n'a pu altciiidi'c avani lui.
Le .lin'v siui) dail prinidpalcnuMd un nia,L;iiirKiui' service de laltle (d un IIk- coni-
plel . don! les fonnes aui^laises ado]dt'es dans ce ipTidles avaient de louable, niodi-
(iées et ('puiH'es pai' une heureuse cond)inaisoii avec le style lleuaissauce, avaient
IVappc son alleiilion. Il recul une médaille d'argent (^).
Ses Iravaux allaient i-eccvoir la récompense suprême, la médaille d"or, à
ri'Aposilion de 18'i-t, où il avait i)résenté un milieu de table de style Louis W,
l'aisanl jiarlie d'un service (pii lui avait été commandé par hi Russie; un groupe
de Baccluis e( d'Ariane, entourés d'enfants grimpant dans un cep de vigne, en
faisait le motif })rincipal. La ciselure en avait été exécutée par Poux, Dalbergue
et Sclu'opp. Mais la pièce principale, quoique de petite dimension, qui avait en-
levé tous les suffrages, était nne tasse en argent avec sa soucoupe, dont les ar-
tistes et le public admirèrent l'étonnante perfection. Cette tasse était décorée
sur la p:inse d'un motif représentant les armoiries du propriétaire, le baron de
Mecklenibourg, accompagnées de deux figures d'un travail exquis. Le reste de
la lasse était uni, et l'anse, dont le galbe emprunté à l'architecture et à la
végétation, était aussi neuve d'invention que parfaite d'exécution. La ciselure
en avait été confiée aux frères Fannière, qui en avaient fait un chef-d'œuvre.
« Quand on a admiré à la loupe la perfection de ce travail, dit le rapporteur du
(1) Duc lie Liiynes, Rapport île 1831, page 61.
(2) llapporl de l'E.rposilion de 1839; tomo III. pages 43- IG.
Jury, on ne s'étonne plus que cette tasse, où il entre pour ioO francs d'argent,
vaille iOOOO francs (i). »
Le Jury de 1839 décernait encore deux médailles d'argent : l'une à l'orfèvre
Lenglet, qui se distinguait de ses confrères, parce qu'il exécntc lui-même le
dessin, la sculpture et la ciselure des pièces qui sortent de son atelier.
11 s'était fait représenter à l'Exposition par trois pièces de grosse orfèvrerie
dont la plus importante était un milieu de table avec une corbeille pour Heurs
et fruits, dont les figures. Bacchantes et Enfants cueillant du raisin, étaient en
vermeil, pièce d'un genre grec qui « a peut-être été étonnée de se trouver à
l'Exposition de 1839 », dit le Rapport, car « elle y semblait venue pour protester
contre l'invasion du moyen âge » : et l'autre, à Froment-Meurice, dont M. Héricart
de Thury (;2) fit le plus vif éloge, parlant de « l'illustration » et du « haut rang »
qu'il a su donner à sa maison, et vantant « le bon goût, le fini, le gracieux des
formes, la modi'ration des prix » de ses bijoux. Déjà Froment-Meurice avait pour
lui les bonnes grâces du public et béiiéliciait de la popularité que lui faisaient les
écrivains romanti(|ues.
Quant <à Charles Wagner, il triomphait avec une foule d'ouvrages d'invention
neuve, qui firent l'admiration de tous les amateurs. Jules Janin, en son style
lleuri, traduisit leurs impressions enthousiastes dans un article vibrant sur l'ar-
tiste (3) : « Ce Wagner est un des artistes les plus singuliers et les {)lus remar-
» quables d'aujourd'hui, disait-il Les vases, les bijoux, les armes, les coupes,
» les aiguières, les colTrets de cet habile homme ne sont comparables à rien de
» ce qui se fait aujourd'hui en Europe. Il est aussi amoureux de belles pierres
» que des fines ciselures; il a pour l'aider dans cette recherche un savant lapi-
» daire, nommé Mention. Et ainsi, que de riches bijoux ils ont tiré de l'oubli,
» (pie de topazes, d'améthystes, d'émeraudes ils ont mis en œuvre! Non moins
» hardi que Fauconnier, mais d'une volonté plus nette et plus ferme, mais sou-
» tenu par des moyens d'exécution qui manquaient à son malheureux devancier,
» Wagner ne recule jamais devant aucune entreprise qu'il croit belle et grande.
» Avant de commencer une oeuvre nouvelle, il ne se demande pas si l'Europe
» contient un homme assez riche pour l'acheter; il la commence, il l'achève, il la
» polit avec amour, il l'entoure de toutes les grâces, de toutes les déhcatesses
» exquises d'un homme qui aime son art; après quoi, l'acheteur arrive ou non;
» qu'importe? l'œuvre est accomplie. » A l'Exposition de 1839, Wagner avait
notamment une très belle aiguière d'argent, composée et modelée par Geoffroy
de Chaumes, dont la panse était ornée d'un bas-relief repoussé représentant la
Tempérance et Y Intempérance. Sur l'anse était couchée la Vérité; autour du pied.
(1) Rapport de VE.iposition de 1839, Héricart de Tluirv, tnme III.
(2) Rappoii de tExposi/ioii de 1S41, Hrricart de Thury.
(3j Jules Jauiu, article paru dans le journal l'Artiste, année 1839, sur les produits de l'industrie.
on \n\;iil (11-- |il;iiili'N ,•( îles ;illiili;iii\ . M;ii- k' ilirl'-d'd'ilN rr de rorIVîVn* «'lait
lllir coiiiM' l.iiitc iiii'llic, niiK'i' i\r r(i|ll|Hisi| idiis |||>>l<iri(|llrs rL .•|lli';.'()ri<|lli'S icla-
liM'N ;i de-, .irli^li's .■(•lc|i|-fs, ciilic ailiffv licriiaril l*ali^^\, l-r dcNvin rii (-lail de
II. de Tni|iii'ti. ('.('Ile |iii'i'f iiiii(|iii', d iiih' iiii;.'iiialil !• iiiii \n di^l iii;.'iiad lnlalriiicMl
de Idiitc aiilic, iiii'iilcrail iiin- place daii'- un iiiii-i'c cnniiin' un dnciiinrnl <ai-afd<''-
iiv|i(|iii- de ri|Mh|iif l'I |i;ir.i' iin'clli' n'^iiiiir le lalfiil di- \\a;-'ii('r daii> cf ijn'il
ciil \i-aiim'iil dr ■>ii|M'i-i<Mir. (•'(■■^l -a-dirc les rin'llc^. Om-U i|iii' ^niciil -es hm'iiIcs,
fil rllcl, c'i'-l p;ir la iju il s'csl fait une placi' a |iarl cl jiii'ii |irr>itniM'llc. I, iiii|iiil-
<{{)\i iin'ij iliiiiiia a I'hiTcn iiM'ic |iar miii chinai (■lirrcln'iir ri luiijoiirs en i|iii''lc (|c
noiivt'aiilc n'eu c-^l pa^ iiKUiis Irrs ;:iaiidr. ■■ ( >ii lui doil , a dil Ir dur dr j ai y ries i\),
rabaiidou du iicurc aM^lai> pour ini i^oùl nicillciir cl plu-- en liarumuic a\cc je
;4(''iiic iVaiiiai'^. Le peu d'orfcN rcric di' lahlc sorli de ses alclicr^ <'lail d inic ;ji'andc
(a»i la'cl idU. Il a cnliu l'aiiiuii' ii-s l'aiadlt's; créai riccs de uos lialiilcs oiTcm'Cs. cri
leur inoiiliaiil les avaiila^cs diiuc (a)llalj()i'ali()ii assidue avec diiahiics seuljjleui'h
pouf lous le^ lia\au\ iiiipoiiaiils. » Ajoutons (jiie Wagner, traité en clief d'école
par ses confrères en\-inèines, aurait eertaiiiement exeiaa- nue inlliiciice Ihcii |)Ius
elTicatc eiKore sur l'oi-rèvrerie s'il n'avait été enlevé jtar une inori pic'inalnia'e.
L'I'lxposition de iSt'i fut la Iroisicnic et dernière manifestation de l'induslrie
sous le rèf^iie de Louis-Philippe. Les orfèvres habitués à hi-iller dans ces concours
s'y retrouvaient à j)eu jx-ès en même nombre. Iiudolplii avait remplacé son maître
Wagner, ({ui était mort; Morel [»rei)ait raiif; du premier coup i)arini les maîtres;
Aueoc, relégué auparavanl dans la pelile orfèvrerie du nécessaire, affirmait timi-
dement encore des ambitions plus hautes; Cliristofle attirait l'attention par ses
|)remières applications des procédés de l'argenture électro-chimi(|ue à la vaisselle
courante; enfin Froment-Meuricc dominait la phalange par l'éclat et l'abondance
de ses ouvrages, pour lesquels les artistes les plus en renom lui avaient donné
leur collaboration.
Le Jury décerna la plus haute récompense, une médaille d'or, à Lebrun, comme
un honunage à ce vétéran qui, disait le rapporteur Denière, par « ses sacrifices
de tout ordre, le culte du beau qu'il a toujours apporté dans l'exercice de sa pro-
fession », avait aidé à conserver h l'orfèvrerie cette supériorité dont elle s'honore
aujourd'hui. Mais Lebrun, c'était déjà le passé, le déclin d'un genre qui tombait,
l'n homme plus jeune, Morel, installé orfèvre en 1842 seulement, se signalait par
des qualités exceptionnelles d'exécution et enlevait aussi une médaille d'or, aux
applaudissements des meilleurs juges. C'était un ouvrier rompu à toutes les diffi-
cultés du métier. « Doué d'un esprit aussi patient qu'inventif, a dit le duc de
Luynes (2), aussi habile à prévoir les obstacles qu'à les vaincre, M. Morel s'est
(1) Duc de Luynes, rapport, cilé, page 49.
(2 Rapport de is;il. page 70.
— 224 —
toujours montré maître dans son art, soit qu'il faille ciseler des pièces fondues,
soit qu'il doive repousser l'argent et l'or, creuser les pierres dures pour y incruster
l'or, tailler le cristal, rivaliser avec les artistes de la Renaissance pour la beauté
des émaux, sertir les pierres précieuses, ou trouver des combinaisons de monture
et d'ajustage que nul ne saurait faire comme lui. » C'est Morel qui avait exé-
cuté en repoussé les figures d'or en ronde bosse modelées par Klagmann
jui décorent la garde de l'épée du ^ comte de Paris. Tout ce qui sortait
I
Ser\ ice à tlii- cliiiiois, exécute par Morcl.
de ses mains, morceaux de l)ijouterie, de joaillerie, contestables ou non au point
de vue de la composition marquée au goût du temps, étaient irréprochables sous
le rapport de l'exécution toujours parfaite. A l'Exposition de 1844, on admira prin-
cipalement de lui un seau à glace, une toilette de vermeil dans le style du dix-hui-
licme siècle, une lanq^e en cristal avec des figures repoussées et des ornements
cil or, enfin une croix reliquaire ornée d'émaux dans le genre du seizième siècle.
En orfèvrerie, il ne dédaignait pas de demander à l'art de l'Extrême-Orient
les formes et les décors de certaines pièces d'usage. Nous avons retrouvé de lui
un service à thé qui fut exécuté à cette époque et dut figurer à l'Exposition de
1844. Mais c'était à la Uenaissance, telle qu'on la comprenait alors, qu'il deman-
^'
Dessins croi'lï'\i'ci'io ccwiposés par .liilcs Poniv et exéeulés par Moi'cl.
Aii;uiére eu orfèvrerie. Modèle de Klaguiami.
Miisév venleunul. — CoUeilion de U"" Bnt ilr Coinuicn-.
22'.)
l^pi'c tlii Coiiilc de l*an>.
MoiIlIlo par Klagmann. — Ciselée par X'cclilc.
^Or/ër/e/'ie de D. Froment-Meiivice.)
— 2:n -
ilail sc>, iis|iii;il imiN. Il ;i\;iil i'umIi'Iiicii I |tii''M'iil i- un rcil.iiii iiiiiiilirr Ai- |iirr('S
,|',,l l't'N Ifl'ic t\r liil'li' ilniil il ;i\iiil (|(iii;iiii|('' les mn(|l•ll■>^ ;iii (Irv-iii.ilrlir .lllli.'ft
l'cvrc. h'iiii l;ilfiil lir^ ihlnal, iii;iiii;iiil \r rr;i\(»ii ;i\rc une liiilulrli- r.irr. Jules
l'i'MT clail .1 1 rlli' i|ini|li(' 11- ilcssiiialriir en \n;j||r aili|ili'| ^'adl'c^-aifiil 1rs or-
ft»YI't*s. Il avait lU'iiiii SCS |)iiii(i|ialcs n iiii| Mtsil ioii^. ilaiis im allaiiii iin'il avait lait
clilcr itar riiii|ii iiiiciir I .riiicnicr, ou clainil ir|)ii'-iiilcs Irs iiiuijclts ipi cxt-nilail
M(ir,'| cl (|iii iKiiis ii'iisciLJiiciil sur sa nianirn'.
Sou lalciil l'axail siL;uali' au hucci cur <lc la .Maniilacl uic de Srvrcs. d ce lui
lui i|iu siiccfda a ( '.liciiav an I dans la du'ci 1 lou arlisl ii|uc i\i- la Mauularl lur. Son
passa;^!' dans ri'\ clalilisscuiful a Jaissi- les Irarcs de son lialidri*'-, cl, parun les
luttdtdi's (ju'on t'xcculc ('i;|i'<»i't' au j(un'd liin, son nom csl, i'('s(('' ass(»ci('' au\ loi mes
,|ii'il a\ail ci't'i'fs (d (|ui soiil encore (l(''si:4n<'t's sous le iioiii de •■ l<iriiirs l'tiin- ».
An Musi'e Ceiileniial se lrou\aieiil deux i^randes aiguières a|»|»aileiiaiil ;i
M""" r>i'()l de (loinmcrcs doul ruiieaxail (de iliodeh'e par l'"etielières (d ciselée jiar
\\'chli'. (d l'aulre (dail l'ieiivre de Klaf:iiiaiii). Dans la |ire!uiere, la jianse est
decort'c d'une Irise en reli(d' re|>r(''seiitanl le conihal des Centaures et des Lapil lies;
autour du |Med. une cliexaucliée de jeunes Centaures ipii se |»oursui\ cul ; un
r>aeclii:s ivre suiiiioide lanse l'orinée duii cep de; vigne où grimpe un enfant |)()iir
presser la grappe dans la eoui^e du liieu du vin. La coniposilion est noJjle el l)i<'n
é(iuilil)i'ét>. l"\ni(dières n'est pas tombé dans rexcès que blâme Charles Blanc, el la
l'orme n'est nullement altérée par le décor.
L'aiguière de Klagmami est moins simple, moins architecturale dans la comi)o-
sili(>n du bas-relief, lue jolie figure de Caiiymède enlevé par l'aigle domine l'anse
qui relie la panse au col de l'aiguière. (Page 2:27.)
Ces deux pièces nous montrent l'espace parcouru, la transformation de lait
de lorfèvre au temps de Louis-Philippe, et Tinfluence des sculpteurs sur la com-
position el l'exécution des œuvres décoratives en métal.
Klaginanu a fait pour l'orfèvrerie des modèles remarquables, entre autres
celui de l'épée que la Ville de Paris olfrit au comte de Paris à l'occasion de sa
naissance. Froment-Meurice avait la direction générale du travail que l'on avait
réparti entre plusieurs orfèvres et ciseleurs, au risque de compromettre l'unité de
l'œuvre. Fossin avait été chargé de la poignée et de la garde, mais en réalité, ce fut
so!i chef d'atelier, Morcl, qui la fabriqua, et qui en particulier repoussa les figures
d'or en ronde-bosse qui décoraient la garde. Lepage, armurier du roi, avait été
chargé d'exécuter la lame et le fourreau qui fut ciselé par Vechte (1). Dans les
notes (jue Froment-Meurice avait rédigées pour le duc de Luynes et que Ph. Burty
a reproduites intégralement dans sa monographie sur D.-F. Froment-Meurice,
publiée en i88,'->, il disait : « Permettez seulement que je vous dise quelques mots
(1 Henri Vever. la liijoulerie française au dir-neuvièm? siècle, page 2aG.
— 232 —
» de l'épée du comte de Paris. C'est l'œuvre de Morel, oui, mais c'est aussi l'œuvre
» de Fossiu qui a dirigé l'exécution d'un bout à l'autre, je le sais. C'est la ciselure
» de Vechte. Disons en toute justice la part que cliacun a pu y prendre, mais
» n'effaçons pas, comme on a peut-être été trop porté à le faire, la part de
» celui qui étant nominativement chargé de cette lourde afiaire, l'a effectivement
» dirigée, conduite et menée à bonne fin. » L'épée avait coûté oO 000 francs, et
Vechte avait reçu pour sa part de ciseleur la somme de 6000 francs (I). Froment-
Meurice réclamait sa part dans cette collaboration, et en avait bien le droit.
Klagmanii fut aussi un des colhiborateurs attitrés de Froment-Meurice pour
lequel il modela nombre de pièces de valeur; à toutes les expositions, ses œuvres
étaient [)arini les plus admirées, et citées avec de vifs éloges parles rapporteurs
des jurys.
L'honnne qui, malgré tout, était le plus en vue, celui qui à lui seul pcrsonni-
tiait alors pour la foule l'orfèvrerie et qu'on surnommait volontiers « Benvenuto
(!lellini », celui que les poètes et les littérateurs, les romanciers et les chroniqueurs
chantaient en j)rose et en vers, auquel on faisait une sorte d'auréole, qui jouait
d'ailleurs à ravir son rôle de ciseleur de la Renaissance, fêté, choyé, recevant
dans son atelier, artistes et grands seigneurs avec le tablier de cuir de l'artisan
d'autrefois, et (jui, unissant au savoir-faire les qualités les plus solides d'intelli-
gence et d'activité, accomplissait ce tour de force de surexciter le snobisme des
bourgeois de son temps au point de mettre à la mode toute l'argenterie, tous
les l»ijoux (ju'il lui plaisait d'inventer : cet habile metteur en scène, cet artiste
d'imagination et de cceur qui savait enrégimenter dans son orchestre tout ce (|u'il
y avait à Paris de ciseleurs, d'émailleurs, de statuaires, de dessinateurs de talent,
ce virtuose, en un mot, c'était Froment-Meurice.
Né à Paris en 180:2, François-Désiré Froment-Meurice était fils d'orfèvre. Son
père, François Froment, s'était établi en 1792 et mourut prématurément. Sa mère
s'était remariée avec un autre orfèvre nommé Meurice, et le double nom devint
celui qu'adopta sa mère, et ([u'il devait illustrer.
Elevé dans l'atelier paternel, il s'était préparé à sa profession par un excel-
lent apprentissage. A seize ans, il quittait Fatelier de son père pour entrer dans
celui du ciseleur Langlet, qui composait, modelait et ciselait lui-même les pièces
(|u'il exécutait. Ce fut dans ce milieu si favorable à son éducation professionnelle,
qu'il s'assimila les procédés d'exécution et de main-d'œuvre qui devaient le pré-
parer à devenir l'un des maîtres incontestés de l'orfèvrerie.
C'est à l'Exposition de 1839 que Froment-Meurice parut pour la première fois.
Le Rapport du Jury de cette épocjue fit l'éloge des formes et loua le beau résultat
de sa faÎM'ication, et le récompensa en lui décernant une médaille d'argent. En 1844,
(Ij MonogiMphie de F.-D. Froment-Meurice, Ph. liurtj-.
2in
l'.u-ti-ail do Dûsiui": FliOMKXT-MKrUICK
1
f
— i':{5 —
il sc nr(''S(Mit;i rivcc une cxpovitioii rciii;iii|ii.il)l(' cl ^r^ pro^/rr*^ ;i\;ii<'iil i'-\r «^i it-
lll;n■(|ll;llll(•■^ ipic li'.liir\, ic(()|iii,ii-^-';imI i|in' rrl haluli- /irt/ru(irr ilr lu i i//r ilr l'arts
s'cnI |.|;1(('' ,111 |ilflllliT laii;^ ilr --nli ;ill, lui iIi'i'iTH.i iiiir li|i'(l;i illr < l'or |HMH IVll-
scillMr (|(•-^ (li'IIX NhIii^IiIi'v ilr l.i l'.i JmIiI i iic et «je I ( Irlc \ |-cni' , (|,|||~. Irxi |||c||r^ il
s"(•■^l f:;;ili'iiiiiil ili^liiiuiiif.
"^vTNnvt^i— V-
/a tcUMAi. oL jfl . Oii. /ici/j
La canne de Halzao.
(D . /•' /■ (I /)( l'nl - M e II r ice .)
A rExpostion de 18i4. il avait quai-ante-deux ans. Depuis son premier suc-
cès (le 1839, ses affaires avaient pris un grand développement: le nombre de
ses ouvriers, de vingt-cinq était passé à quatre-vingts. Son magasin, « un des
plus beaux ornements de cette ville nouvelle qui s'élève dans le quartier de la
Grève ^1. disait Jules Janin (1), était fréquenté par la société la plus élégante,
^1 Jules Janin. article de l'Artisle, 1S3'.}.
— 23G —
les femmes du monde, les fashional)les, les « lions qui venaient s'y approvision-
ner de bijoux, de bracelets, d'épingles de cravates. Les étrcnnes à la mode sont
les bijoux sculptés, dit-on dans les lettres parisiennes de M""' de Girardin à la
date du 31 décembre 1841 (I). M. Froinent-Meurice a refait un art de l'orfè-
vrerie : ses épingles sont des statuettes charmantes que Pradier ne désavouerait
pas ; ses bracelets empruntent aux gracieuses fantaisies de la Renaissance
des formes inattendues et d'un ca])rice exquis. Il réduit les bas-reliefs de Jean
Goujon aux proportions d'une agrafe. Les naïades d'argent ou d'or, au lieu de
s'accouder sur une urne, s'appuient sur ini rul)is, sur un diamant... Ses parures
sont si artistement jolies, qu'on ose les accepter comme si elles n'étaient pas pré-
cieuses ». Kroment-Meurice, dans la pléiade des écrivains romantiques, où il était
traité connue un frère d'armes, passait si bien pour le grand rénovateur de l'or-
fèvrerie, que Théophile Gautier disait qu'avant lui, celle-ci ressemblait aux vers
de tragédies, a Froide, luisante, polie et jjanale, elle reproduisait les vieilles
formes pseudo-classiques, et les surtouts qu'elle produisait auraient pu servir à la
table d'Astrée pour manger des alexandrins de Crébillon... » Grâce à lui, ajoute-
t-il, tout a changé : « il cisèle l'idée que celte forte génération a chantée, peinte,
creusée, modelée; il aj)i)orte au trophée de l'art du dix-neuvième siècle une cou-
ronne aux brillantes feuilles d'or, aux inq)érissables Heurs de diamants... Pradier,
David d'Angers, Feuchères, Gavelier, Préault, Schcenewerk, Pascal, llouillard ont
été traduits en or, en argent, en fer oxydé par Froment-Meurice. Il a réduit leurs
statues en épingles, en pommes de cannes, en candélabres, en pied de coupes,
les entourant de rinceaux d'émail et de Heurs de pierreries, faisant tenir à la Vérité
un diamant jtour miroir, donnant des ailes de saphir aux anges, des grappes de
rul)is aux Erigones (2)... » Eugène Sue, qui commandait à notre orfèvre toutes
sortes de gentils ustensiles pour orner sa table qu'il voulait magnifique, ne l'appe-
lait jamais que « son cher Benvenuto » dans de charmants billets qui ont été pu-
bliés. Balzac, pour qui il exécuta en 1843 des bagues et une coupe en cornaline
d'une composition bien curieuse destinée à la princesse Hanska, sa future femme,
sans parler de la fameuse « canne aux singes » modelée par Gavelier et que Jules
Jacquemart a gravée, Balzac, disons-nous, le surnommait toujours son « cher
Aurifaber (3) ». Enfin, suprême honneur, Victor Hugo (4) lui dédiait celte ode-
lette célèbre, d'une inspiration si délicate et si profonde, nous croyons devoir la
reproduire in-exteiiso :
(1) IM^o (le GirarJiu, Œuvres complètex, édil. 1S60, tome IV, page 22.
(2) Théophile GauUer, Œuvres complètes, éd'û. Charpeulier, article sur Fronieiil-Meurice.
(3) Pour toute la correspondauce échangée à celte époque entre Frouieut-.Meurice et Balzac ou Eugène
Sue, consulter la très subi^tanlielle brochure de Philippe Burty, T.-D. Fromenl-Meurice, argenliev de la Ville
de Paris. (Paris, 1883, chez Jouaust, 1 vol. in-S», pages 18-27.)
(4) Ea 1841, dans les Conlemplations, liv. I^"", Aurore.
A'asi" iillVrt pap la \'illc do l'aris à l'inizcnicui' lùiiinci-y
(Or/ÏTce/'it' (/(' 1). Froiitcnl-Mciirice.)
— i.J!» —
Ndil-* smnmc-^ IVi'-rt's; la ll'ur T. m-, 1.-. |i(ii-(in>, -ans cIjitcIui'
l'artlfii\ ail- piiil 'lu- l.ulf. «Jiii liiiil on (|iii cuiiiiiK-iict',
Ko |)(»i-lf c-\ i isfliMir, Siiil|ilfiil l<- iiiciiu- loclicr :
l.e cisi'K'iir i'>l pui'U'... <•'• rocliir, c'f^l l'ail imiiK-nsc.
l'oMf- ou cisclcuis, MicImI .\ii-f. ^laii.l \i.illar<l.
l'ar non- r(->|ii il "'f n-vcli'. lai lar^^cs Mncs (|ii il im.ii- jrl Ir
Nt.iiN rciiiloii- li-< liiiii-, iiii'illi'iirs, la' l'ail jaillir au lia>.ar(l;
'lu iTiiils la lnaiilc plus licllc. Mcii\ ciiiili) iiiiii> rciiiirllc.
Sur mui liras ou -iir sc.ii cnii, l'.l, dcvaiil l'ail iiiliiii
Tu rai-< lie le» irv crio. Dniil piiiiais !;i loi lie <liaii;;c,
Slaliiaii-.' .lu liijnii, l.a uihllc <l<- < Iriliui
1 >i'-. lulais (le iiiriiciii'S. \aiil \c hidc ilu Miilicl-Au^c.
Ne (II- pa- : Mon ail n'i'sl rien... Tuiil csl ;;rai)(l, sonilirc nu vcnucil,
Soi- lie la roule liarcc, Tmil l'eu ipii liiillr i--l une ,'iiiic.
(»u\riiT ma,:;ii'it'u. I/i'-loilc \aiil le -dlcil;
1-]| iiu'-lc à l'or la priisi'c. Lï-linccllc \aiil la llaiiiiiu!.
h(* IS;!*) a l(Si(, j'niiiKMil-Mciiricc avail cxc'cuh' des (rii\rcs capilalcs. \]\\
ISjI. il a\ail \\wr c\\ liiissic. a la coinlessc Uroliiiis/ka, iiiic loilcttc cii argent
ciscU', coiniuciiaiil un -raiid niii'dic, une ^lacc à main, iiiio aiguièro et sa ciivcUc;
juiis à M""" Saballicr irilspcN raii, un seau à rafraicliii-, dans le ironl Louis W,
niais du jauiis W inl t'r|ind('' par Li(''nar<l, et (|ni iTaNail rien des jolies inxciitions
dn dix-liuilitMiu^ sirrl(\ puis une cafcliri'c sur son plateau, ('^akMnont d'aitrès un
modèle composé par Liénard, ({ul avait alors une jurande vo<iue et li-availlait |)onr
les él)!'nis(es, les hronziei's et les orfèvres.
Fi'onuMil-Meui'iee avait exécuté également, en ISi:2, un beau calice, pour le
|iape, un de ses meilleurs ouvrages, sur le pied duquel, entre les groupes assis
de la Toi, l'Espérance el la Cdiarité, se trouvaient trois ("mauN. peints, repré-
siMitanl des scènes de rAncien Testament : c'était une des premières reprises
de l'emploi des émaux limousins (lui avaient donné jadis tant de caractère à
nuli'c orfèvrerie sacrée. Citons encore un grand bouclier donné en prix de Courses
el ([ui produisit un effet considérable; les médaillons, modelés par Feuchères,
Uouillard, Scliœnewerk et Justin, étaient consacrés à l'histoire du cheval dans
les diverses civilisations. Il est maintenant en Russie. Un ostensoir, exécuté pour
la reine Amélie qui le donna au pape, lequel en a fait cadeau depuis, au trésor
à la cathédrale de Cologne et qui était dessiné par Liénard, date aussi de cette
époque. Les émaux dont il est orné sont faits avec les matériaux ordinaires de
commerce et on n'y trouve pas « l'adresse et la sûreté de procédé, la qualité
des émaux et la transparence des blancs que nous admirons dans des œuvres
plus récentes (I) », mais ils olTreiit cependant de l'intérêt pour l'histoire de ce
^1; !.. Falize : Clandius l'upelin et la lieiiaissanca des éinaiii peinls, 1 vol. iu-S». 1893, page 21.
— 2'i0 —
genre de travail. Enfin Froment-Meurice venait d'exécuter deux grands vases
d'argent commandés par la Ville de Paris : l'un était destiné cà l'ingénieur des
eaux de la Ville, M. Emery, et, pour ce motif, le sculpteur Klagmann avait placé
sur la panse deux femmes nues qui maintenaient les anses, et qui se terminaient
en poissons squameux ; l'autre, destiné au général de Feuchères, était décoré du
médaillon de ce dernier par Pradier, il est au Louvre aujourd'hui auquel il a été
légué par M"" de Feuchères.
Bouclier par D. l'nmieiil-Mouricc.
Tous ces ouvrages furent présentés par Froment-Meurice à l'Exposition de 1844
où ils firent grand effet, et valurent à leur auteur une médaille d'or. Le rapporteur
du Jury disait de lui : « Depuis 1839, il a marché de progrès en progrès, secondé
par nos premiers sculpteurs, ciseleurs et architectes. » Il faisait remarquer, en
outre, les soins minutieux, la hardiesse, la nouveauté et la variété qui distinguaient
sa fabrication et justifiaient le choix qu'avaient fait de lui Gatteaux, Paul Delaroche
et Visconti pour surveiller l'exécution de l'épée offerte au comte de Paris (l).
f.
(1, On a vu plus haut cpicls collaborateurs distiiijLîués, sous la direction de Morel et de Fossin, fiiroiit
appelés par Froment-Meurice à mener à perfection cette œuvre exceptionnelle, dont il fut beaucoup parlé
à cette époque.
— liil —
Ci'l'St (■"•alciiii'lil ^nii \r ir-iic (le l.nlll'' riilll|i|ii' «|m' <• llt'iirr ;i ;illi|Tr 1 ;il-
Icillioii (lu piilli ■ un nom .pu .Icv.iil dcvuM' ju^L'un-nl clclnr |plu^ l.inl : rrliu «le
Chrislnll.'.
Cliiii-lcN C.lui^li'llr lS(),"i iSli.'.i ;ip|..iilrn,iil .1 nuf l.uuillr l\nnu;u-r ijui posKé-
(l.iil iiiir un|Mnl;iiilc ui.inulai I m <• de -nieriez, ri lui ruiui-c m la Miih- <lr l'inva-utii
,1,. iSl'i. (,lui-lollc, cucMic Ires jeune, (lui Mit ell()Ui|.ie les (•llldes (ju'il jin^ail.
au eolle-e S;unl e-llin'lie el ;i|i|)reu(ire ini ui.'lier: c'e^l aiii^i (|m'iI enlra dans la
iii,n->(ni de |ti |.iul crie (|ue ( '..duieli e. vi,u Ite.iu Ireiv, a\ ail loiidi-e en |!Sl:>. ApiTS y
Aiguii^-re et plateau. Dessin de Liénard.
{Orfèrrerio de Fromeul Mcnrict'.)
être resté apprenti pendant trois ans, et comme ouvrier pendant un an, il devint,
en iS^lo, Tassoeié de son beau-frère; en 1831, il dirigeait seul la maison avec un
succès qui lui valut la médaille d'or à l'Exposition de 1839 comme fabricant de
bijouterie et de joaillerie. Il adjoignit à la fabrication habituelle de la maison
Calmette celle des Heurs, papillons, oiseaux en filigrane d'or et d'argent qui
eurent beaucoup de succès, ainsi que des tisssus métalliques formant des sortes
de passementeries pour épaulettes, ceintures et ornements dont la plus grande
partie était destinée à l'exportation. Plus tard, sans renoncer à la bijouterie, il
se mit à fabriquer la joaillerie, et se présentait à l'Exposition de 1844 avec une
importante contribution qui lui valut une médaille d'or (1).
^1] La Bijouterie française au dix-neurième siècle, par lleuii Vevcr, i).ige iSli.
C'est à cette même époque que paraissaient pour la première fois des ouvrages
de dorure et d'argenture par voie humide, procédé qui attira la plus vive atten-
tion du monde savant : le rapporteur du .liu'v des sciences chimiques, Jean-
Baptiste Dumas, qui avait pressenti dès l'origine l'avenir immense qui attendait
ce genre de production, en faisait ressortir les avantages et louait grandement
Christofle pour les résullats obtenus en si peu de temps. « L'argenture vollaïque,
Seau à i^lace.
Miiscc ("oiilennal, collection de M. SabaLicr d'E^spcyran,
[Orfèvrerie de Fromenl-Meiirice.)
disait-il, constitue une branche de l'industrie nouvelle qui, exploitée déjà sur une
grande échelle, prendra, on peut le dire, un rang très élevé dans la consomma-
tion, h mesure qu'elle sera mieux connue. » Cette consommation prit, de 1844
à 1849, des proportions extraordinaires; c'est dans cet intervalle que Charles
Christofle donna à la manufature d'orfèvrerie fondée par lui une extension colos-
sale et tout à fait imprévue.
Dans le remarquable rapport sur l'attribution du prix Monthyon que l'Aca-
démie des sciences allait décerner aux inventeurs des procédés de dorure et d'ar-
genture électro-chimiques, l'illustre chimiste J.-B. Dumas faisait ressortir la révo-
lution économique (|ue ces procédés allaient apporter dans l'industrie :
— iiiil —
(( l II :il'l iKillNiMil (II' l.i |ilil-> li;illli' iiil|H)i'l,'iiirr . cir il Icnd .1 iriiilii' ;.'i'-||(''ralL'S
)> les jiiiii^^aiici's (In Iii\c le iniriix r.iivdiiiic, \iriil, ^-iikhi dr ii.iilrr rii I raïK'C,
.. ilil iil(iill-> il \ rt'(('\(iir lie-. (|r\ i'l(i|i|M'illciil s iii.il IriiiJllS.
» (î'csl r.iil il ;i|i|ilii|ii('r .1 Miliiiili- les iiii'-l.iii \ 1rs |i|iis ri'sj v| jinl < on 1rs |i|iis
» l»t';in\, rii rnnclii's niiiiirs (-111111111' crllrs dnii \rriiis. on rii iiiiiclirs <''|iaissrs,
» à \(il(»lllr, siir (1rs (»|i|r|s r.Koiiiirs ;i\rc (lanlrrs iiirl,i(|\ iiinilis cjirrs cl [illlS
" (riiaccs (jnr crnx ci... Nmis (Iriiiainlrioiis .1 IWcKli'iiiir la |priiiii--M»n dr I ai'-
» i-('-lrr (|nrli|nrs iiiiuiiriils sur ww ;iil ipii ;ini'a |»<)nr rllrl |irrs(|n(' rrrlain dr
" drirnirc huis 1rs .ilrlirrs si dan,::i'rrn\ i\r ddfnrr an iiirniirr. i|iii IraiisjMirlrra
" insi|iir dans |,i |i|iis InniiMr idiaiiniirrr, j'tisa^a' afiiasdilr ri sjdni.rr (\f i'ari-'rn-
» Icrir. ipii iirniirlli-a d'a|i|trninrr Ir \ci'niril à iliir fonlr dcdijris d'n-;i;jr < diil-
» nui II... "
Ca' lui a C.liailrs Clirislollr (|ii'(''(lint rii(tiiiiriii- île rc'alisrr 1rs rspi'raiirrs du
rrmiiirnl acadriiiiririi.
lue i^i'andc i|iirsli()n luui scMlriuciil indnsli'irilr, mais riirorr dliniiiaiiih'', se
li'(ui\ail rc-solnc.
» .l'ai cm. dit ('liai'lcs ('lirislollc, dans une ikiIc adrcssre an .liiiy de \'\]\\h>:^\-
» lion de iS'it. ([n'il apparloiiait à un lioiiinic (|ni devait sa fortune à l'industrie,
» d'en a|)|iliiiiirr une parlir à la mise en onivre de ecllc hrllr (l(''coiivrrlr. »
Devenu piopric'lairc des hrevels de Huolz, puis, peu de temps après, de ceux
dKIkiniilon. (pii était vriui rrclamei- la ju'iorilé derinvention, Chrislofle dut payer
cher à ce dei'uier le droit de eontinuer l'exploitation des brevets français, exploi-
tation à laquelle il aurait dû renoncer devant la menace d'un procès qu'il sentait
})iM'du d'avance, et tous les sacrifices déjà faits par lui allaient être compromis.
L'avenir assuré de ce côté, il fallait créer l'industrie, vaincre les répu^iiiances
des fabricants de bron/e et leur démontrer la supériorité des nouveaux jjrocédés
sur la dorure au mercure, convertir les orfèvres et les plaqueursàla nécessité de
modiller leur fabrication pour utiliser les procédés de l'argenture éleetrochimique.
Charles Clu'istofle espérait qu'tà la vue du succès obtenu et des avantages que
ses procédés offraient à l'industrie, les fabricants de Paris comprendraient tout le
parti ({u"on pourrait tirer de ces nouveaux procédés. Il ne fut pas compris. Seuls,
MM. Odiot et Tliomire se décidèrent à suivre Christolle et à lui donner le prestige
de leur collaboration.
« Permettez-moi, dit M. Chriiitofle dans sa notice au jury, d'oH'rir à ces mes-
» sieurs un témoignage public de ma reconnaissance pour l'appui éclairé qu'ils ont
» bien voulu me domier. Il appartenait à des hommes qui occupent la tète de leur
» industrie, de me venir en aide dans la solution d'une question si importante. »
Mais les autres fabricants restaient incrédules et ne voulaient pas recon-
naître les avantages qu'ils auraient à suivre les idées de Christolle, et, sous
peine de voir péricliter son œuvre, Charles Christolle dut joindre à son atelier
d'argenture une fabrique d'orfèvrerie. A fabrication neuve, il fallait une nou-
velle politique. Cliristolle la définit ainsi dans sa note au jury de 1849, Exposi-
tion à laquelle il présentait les premiers objets sortis de ses nouveaux ateliers:
» Telle était notre situation en face de toulcs les oppositions conjurées contre
» moi; les argenteurs et doreurs à façon, n.os brevets tombés dans le domaine
» publie, allaient-ils arpentera tous titres; les orfèvres et plaqueurs allaient-ils
» maintenir une fabrication consciencieuse, ou retarder par des produits à l)as
» titres la confiance du public dans la nouvelle industrie? L'avenir eût été infailli-
» blement compromis par une fabrication de mauvais aloi. A quoi sert, disait-il,
» d'inonder les mai'chés nationaux et étrangers de mauvais pi'oduits? A faire la
)> fortune de quelques intermédiaires, à créer momentanément une immense pro-
» duction, à concenti'er sur cette production exubérante une multitude de bras cn-
)) levés à d'autres travaux, mais qui, bientôt forcément inactifs parla fermeture su-
» bite des dél)0ucb(''s rpTavail ouverts l'appàl d un bon marclu' tronq^eur, occasion-
» lieraient parmi nous ces crises de misère dont nous avons eu si souvent à gémir!
» Aussi, pénétrés de ces idées qui sont chez nous une religion, au ris(|ue de
» retarder l'essor que notre industrie eût infailfiblement et immédiatement pris,
» si nous avions marché dans la voie funeste de nos prédécesseurs; nous n'avons
» vouhi rien faire sortir ih' nos ateliers qui u'eùt été faliriqui'' dans des conditions
» de solidité et (h' (hirée, et à ral)ri cie tout re[)roi'Iie. Ainsi, par exemple, quand
» dans le plaqué, tous les ornements sont faits à l'estampage et rapportés à la
» soudure d'étain, tout dans notre fabrication est soudé à la soudure forte. C'est du
» Ijon marché que l'on veut aujourd'hui; qu'on' fait les plaqueurs : ils ont diminué
» leur titre. Que fait à sou tour l'orfèvrerie d'argent? Elle réduit de jour en jour
» le poids de sa faltricalion. Elle fait du bon marché, sans doute, mais, comme il
» ne s'obtient qu'au (h'-triment de la solidité du (iroduit. elle ruine son avenir. »
» Nous n'avons pas besoin de dire que nous n'entendons point parler ici de
» ces rares fabricants qui, malgré le funeste entraînement du jour, restent fidèles
» aux saines traditions ; mais ce sont des exceptions.
» Eh bien! le but dont nous poursuivons la réalisation, c'est que nos produits,
» fabriqués par nous dans les conditions que nous avons indiquées, ne subissent
» pas un jour la ruine et le discrédit qui sont venus atteindre les autres industries.
» Pour cela, quelle ligne de conduite avons-nous suivie? Nous avons adopté un
» titre unique pour tous les objets similaires. Les ditlérences de prix résultent
» uniquement de la richesse plus ou moins grande de l'ornementation. Nous
» avons simplement garanti la charge d'argent déposée sur nos produits. Nous
» l'avons affirmée par notre marque et notre nom frappés sur tous les ouvrages
» sortis de notre maison. »
Si bien qu'aujourd'hui le nom de Christofle est devenu, dans la fabrication de
l'orfèvrerie argentée, synonyme de la qualité et de la sincérité du produit.
— ii.1 —
■d^-
vSs.
C,. ,|,,','.t;,il c.ll,- iiiNciirii.ii, .'i- i|ii':ilhiil .'•Ire -mi <r'\r|<.|ipriiii'iil , ('11:1 n'-\<.lii-
llnii iiii'i'llc ;ip|ii.il;iil ilaii^ riinlllsl rie, on le M'ITM <l;ilis le cli.iliil rr siii\,iiil.
l'.ii- ,1,1 |>|ii'iniiiii'ii<' lrf> iMiii|.n-li('iisiltlr, rorl'cvrt'rii' l'ii <lnii|i|i' cl en |.I,h|ii<'
nui ri'|i(iii(l;i il ;iii I m'>-( hm i \r
luHi iiiiirclii' «pii' iitm-iiMHi-^
coii'-lalt'' •>()ii^ l.i lu'^lail-
r;,|i(iii |MTi(lila --iiildiil a
|);il'|||' (lu llKMIIi'Ill (Ml la
|^al\aii(ipla--lic lit ^(HI ap
pari! nui. I.i"> proi^i'c^ et la
Ikuiiic l'altrical ion réalisée
pai" (It's mais(ni> Icllc-^ (pic
(•(•lies (le l>alaiiic, \Cyral,
(iaiidais, l.ainlicri , dii r(Ui
inaiiilciiail une cerlaiiie
('•paisseiii- an\ l'euilles (Tar-
^■eiil l'eeuiiN raiil les objets
(le euivi'e. les(pielk's j;ar-
(laieiil lelilredii iO""'. lili'c
reconnu nc'eessaire pour
la solidité relative de eo
genre d"onvrai;e tout au
moins dni'ant une |KTiode de vingt à vingt-cinq ans, ne parvinrent [las à sauver
cette industrie de la décadence.
D'ailleurs, les modèles en faveur se ressentaient de l'imilation des formes
anglaises. A rEx|iosition de 184-4, la maison Gandais avait eu un certain succès,
mais les onivres ([u'elle présentait, dont nous avons retrouvé les dessins dans
une publication de Curmer de 1844. accusaient une lourdeur, un mampie de goût
dans les ornemenls qui n'étaient pas faits pour relever le prestige d'une industrie
qui allait disparaître. La cloche et le réchaud à côtes, le plat à contours, la bouil-
loire à bascule à côtes de melon dénotaient une pauvreté d'invention qui ne fait
pas regretter aujourd'hui le discrédit oîi la fabrication du plaqué allait tomber.
Trop de fabricants y contribuaient pai' la fal)rication (r(eiivres de pacotille,
destinées le plus souvent à Texportatioa, et dont il était impossible d'assigner le
titre qui descendait parfois au-dessous du 40''. La spéculation et la mauvaise foi
achevèrent la déroute des plaqueurs qui cherchaient à éluder la loi du 19 bru-
maire an Yl : celle-ci, en effet, imposait aux fabricants l'obligation d'apposer
leur poinçon sur les ouvrages (pi'ils livraient au commerce et d'indiquer en
chiffres le degré « de fin de plaqué ». Mais les garanties qui en résultaient pour
le public ('taieut illusoires, car, après l'emploi de la soudure, du mastic et des
Cloclu', plat cl i'i''cliaii(l m i)la(|ut'.
— 2iG —
garnitures intérieures dissimulées sur la couche d'argent, le titre n'était plus le
même. Le plaqué était donc une orfèvrerie mixte, à titre moyen non délini, et on
n'avait pas d'autre sécurité que Ihonnèteté souvent sujette à caution du fabricant.
A la ihi du règne de Louis-Philippe il y avait
encore à Paris 55 plaqueurs jjroduisant, au
total, un chilïre d'alTaires de 633:2600 francs,
et employant 71)1 ouvriers. Mais cette indus-
trie stationnaire depuis 1839, commença à
décliner à partir de 1844, au point qu'elle
en était arrivée, poui' se soutenir un mo-
ment, à faire les platjues pour la photogra-
phie après l'invention de Daguerre.
Pour compléter le tableau de la situation
de l'orfèvrerie sous la monarchie de Juillet,
il faudrait dire «pielques mots d'une classe
d'orfèvres ((ui ne liguraienl jamais aux expo-
sitions de l'industrie. C'étaient les représen-
tants de ce que l'on nomme « la petite orfè-
vrerie ». Il y avait alors à Paris seulement
72 industriels de cette catégorie, et plusieurs
d'entre eux faisaient plus d'un million d'affaires
annuellement. Ils n'exposaient pas, parce qu'ils travaillaient pour une clientèle
connnerciale qui exigeait d'eux de se tenir dans l'ond^re. Leur production consis-
Bouilloiic ;i l)asoiile en plaiiiié.
Thé .sur Sua plateau en plaquj
tait le plus ordinairement — et encore aujourd'hui — en ustensiles de fantaisie
pour la table, pelles à poissons, à beurre, à fromage; pinces à sucre, à asperges,
tabatières, hochets, porte-monnaie, flacons, porte-liqueurs, nécessaires, etc. Le
caprice, la recherche de la nouveauté fugitive est la loi pour l'invention de ces
— LM7 —
(ilijcis h'i^crs, M;iis le Imiii ;-'im"iI cl l,i liMiiiir cm'tiiI mn en |irii\riil «-mis fiiN <)ri>-cf |i'
slircrs. I'ciiiImiiI Idllu' I i'III|in Ir-^ \iiu'I.il-- ;i\;ili'lll cil le |tri \ ilc;^r tir Iniiniic ;i ri!lir<)|H'
(Ifs iiricssiiircs (le \()\,iu:i' cl ilc loijcllc hmi iKniiliic de r.ijtrir.'iiil s se iiiiri'iil ;i
le leur ilis|Milrr. l'.iiini criix (|iii n'iissin-nl je iniriix, il fiiiil iiirnl lonncr Amoc,
(|lli t'\|Mis;i siicc('ss|\ ('iiiflil ili'|illis |S-2."!, des iic<Tss;iilTs, (les |)i('ccs (| nricN ••.'cic
im|Miil;iiil('s, ;4la(rs, hiilcl les, Jlaiiilic.iiix . iriiiic rci-licrclic ri d une «'Icp-'aiicc
i'\l itMiics II ir(ucii|t:iil pas iiiiiiiis de (il) ( m \ nefs. Le .|iir\ de I S 'i i lui d(''ceiiia
une nietlaille d ai'ueiil .
Je delllie ei-dessons un (loeuillelll (|lli |ieiiiiel de se ceinlie nu e()iii|ile e\acl
de ce (|u'elail riiidiisliie de rorlevrene ii la lin de la iiKiiiareliie de .liiillel. (/e-l un
elal slalis|ii[U(' du iioiiihre des l'aliricanls cl ilcs oiisncrs «laiis les divei'ses
liianclu's f\r celle pi^dlcssion si c(nn|)le\c. Ici iiuil n'^siillc (rmie \a«-le eiii|nèl('
eulreprisc par le muiN enieineiil (\r celle eptuiiic.
SITUATION DE L'ORFÈVRERIE EN 1847
\oiiil>r4' <li's riil»i'i<*:iiils ot d<*s <»uvi*ioi*s. -- l*ro<liic(i<)ii.
ciiiin-os
l-'alirii';in(s. Ouvriers. irallaii-cs.
AriiiK'iirs ilOr cl Av plaliiic .'> ôo (jooooo
Aj)|>rctciirs cl lirans (Toi', dju-^cnt cl de ciii\re. . . lO fjj .'ijHlOO
HiillciM-s dOr cl (r;ui;cii[ '.i^ ('y.>.j 'i <.)•">',)• '35
l''ss;ivcins 5 17 l.'Wooo
l'eiulcurs d'ov et {lardent l3 /|3 ()0.'V|00
l.a\cui's cl foiulcurs de cciulrcs et d'orrcvrci-ic. . . iC) SC) 2<)'>0000
Planeurs pour orl'cvrcric et claj;iicrrc()lyi)c ai (">o !>'|<j()00
( hfcN roric cil ar}^ent (labricauts d") 4^ '>7i i\'-i:>-2200
l*clilc orl'cx rcric et bijoulcric en ar,i;ciit rahi-icants). 72 /|t(^| '|()i3ooo
( )i-rcvrcs-c-uillcristcs cil ar,i;ciil 18 280 lOfXjOOOO
Oi-lcvrcric eu |)la<pic t'ahricauls d" 55 7()l ()3."i2()00
Orfèvrerie en maillcchort et eu eui\ rc l() '-'t'Aj l "JJo'.ioo
Orlcvrcs cuillci'islcs eu luaillcciiort iC) 95l 88680O
(oiseleurs, i;ravcurs et yuilloclieur 162 5l3 11^,1700
l)orcurs et ari;culeurs pour orlcvreric et bijouterie. 92 G^i'i '|35527G
l'.inaillcurs cl peintres sur émail (19 415 1 8^5900
I-anaux cl pierres fausses (fabricants d' 1 'i 3^ 182800
l'^stanipeurs et t;raveurs de matrices pour orfèvrerie
et bijouterie • 59 277 760900
(iravi urs de camées et graveurs sur pierres fines. . C)2 2o5 77*^764
Lamineurs |)our l'orfèvrerie et la bijouterie. ... il 53 tV(0000
1-apidaires 9G iG) 800780
Kii résuuK'. (jiiaiid on compare rorfèvrerie de la Restauration à celle de la fin
de Louis-Philippe et qu'on mesure le chemin parcouru, on peut constater ceci :
à la sobriété des lignes, à la pauvreté de l'invention a succédé une ornementation
comj)lètement disparate. Voyez les cafetières des premières années du régime de
— 248 —
Juillet, voyez les flamijeaux aux lignes désordonnées, ce qui subsistait de no-
blesse et de pureté dans le style du premier Empire, des formes étudiées d'après
l'antique avait disparu. Puis considérez les mêmes objets fabriqués quinze ans
après, ces vases, ces boucliers, ces ciselures aux personnages de la fable, toute
cette sentimentale illustration en or et en argent, des romans et des poèmes qui
étaient alors à la mode. La littérature a passé par là, et a suscité cet étrange
réveil, cette orfèvrerie fiévreuse, échevelée. Nous sourions de ces naïvetés, de ces
méprises, de l'excès de ces décors, mais, cependant, nous ne pouvons pas nous
défendre d'admirer l'effort consciencieux de cette pléiade d'artiste convaincus,
remplis d'enthousiasme et de foi, qui, entraînés par le mouvement romantique
de l'époque, avaient conçu et exécuté cette orfèvrerie nouvelle qui tranchait si
complètement avec celle de leurs prédécesseui's. Pourtant nos pères l'ont trouvée
magnifique, et il y a eu des écrivains pour la louer et la chanter qui se nommaient
Victor Hugo, Musset, Balzac, Jules Janin, Théophile Gautier. Pourtant elle char-
mait une société élégante, curieuse de littérature, de musique, de peinture, de
belles formes, une société laborieuse, invcnlive, amie des travailleurs, qui faisait
alors une France admirable où venait éclater comme une surprise la Révolution
de 1848 — nouvelle et courte pani((ue pour l'orfèvrerie — puis le second Empire
arrivait, qui allait discipliner cette industrie, calmer sa fougue, mais à quel prix?
C'est ce (|ue nous avons à dire maintenant.
Cafetière et /arfs arabes.
{Par Ch. Odiol.)
I''ri>t- artlrli,iu( ^\\\l\ I).iiicIimu Je rluclir ilr -.riv
\]l,«lrlr ,lr l.ilhrrl.
■I.- N.M.ul. un 111.
(1IA1MTHK (^IIATKIKMK
LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE ET LE SECOND EMPIRE
1" période (1848-1860)
Lo ('oi)li>r-<MMip d'iiiu' i'rvol(ili(»ii : Irs arMsIcs (Vaiirais en Aiii;l<'(ei'i*<».
— InniKMKM' (lu (lire «le Liiyiuvs sur roi'lV'viM'pic CraiH'aiso. — l.'llxpo-
siM«ui <l«' IS11>. — l.cs <n'!V'vrrs l^i'oinciii-^IriiricM' |M"'r<', DiipiMirlirl,
(".h. <lhri.sl<>l1(^ — La preniioi'c l'.xposilioii miivcrsrlle à Londres,
CM I s."» I , ses <'<msé(pieiiees. — L'oi'fèvi'erie sous le seeoii<l l']inpire.
— Les iioùls <Ie Napoléon III e( de rini|)éi'ali*iee. — l*aslielies du
sl>le Louis \>L — i/Lxposilion d<' IN5.">. — l^e service des cent
couvei'Is de \a|)oléon 111. — Le néo-grec. — InlhieiK^e du |)i'inc(î
Napoléon. — l)évelo|)peni<'nl de rocrévrei*ie ai*ii<Milée et de la j)i'o-
duction des converls. — Les procédés niécanicjues.
PRÈS 1848, la Uévolution de février eut son contre-
coup naturel sur toutes nos industries de luxe,
ef l'orfèvrerie, plus qu'aucune autre, en ressentit
les fâcheux effets. Un document officiel de l'époque
en constate dans les termes suivants les consé-
quences : « Les objets de luxe, ceux qui mêlent à
la satisfaction des besoins les jouissances du goût,
demandent des temps calmes pour se multiplier...
Telle n'a pas été malheureusement la situation
, , , . , de notre pays depuis dix-huit mois... J/Hôtel de
Iriiuniont de la Inse aiiicliaut. ' " *
la Monnaie fut assiégé, non point comme d'ha-
bitude par les industriels qui viennent mettre leurs produits sous la sauvegarde
IJ
— 2o0 —
de la marque publique, mais par des citoyens qui demandaient à transformer en
pièces d'or et d'argent les objets simples ou élégants qui étaient devenus pour
eux une ressource précieuse dans ces jours de détresse... L'exportation, qui avait
pris un développement notable quant à notre belle fabrique d'orfèvrerie, a
également souffert. Partout, en Europe, une commotion terrible s'est déclarée à
la suite de la Révolution de février; l'inquiétude s'est emparée des esprits, en
faisant obstacle au commerce des objets de goiit (1). )>
Fait plus regrettable encore : à cette date se produisit une véritable émigration
de nos plus habiles ouvriers, ornemanistes en renom, sculpteurs, orfèvres, cise-
leurs, é;ii;iilleurs, qui, ne trouvant plus en France l'emploi de leur talent, passèrent
en Angleterre o;i les sollicitaient des offres séduisantes. C'est ainsi que l'orfèvre
Morel quitta Paris pour aller s'installei' à Londres, entraînant à sa suite des colla-
borateurs de choix : Constant Sévin, Willms, Party, Auguste Protat, d'autres
encore. Le grand ciseleur Antoine Vechte, désespéré de ne pas trouver en France
assez de travail pour élever sa nombreuse famille, accepta les propositions des
célèbres orfèvres anglais MM. Hunt et Roskell, successeurs du fameux Morlimer,
qui lui signèrent un engagement annuel de loOOO francs et l'enlevèrent définitive-
ment à notre pays. Désormais Vechte ne va plus guère travailler que pour les
étrangers. Il établit en plein Londres, dans la fabri(iue de liarrisson Street, au
milieu des ouvriers anglais qui épient tous ses procédés, un atelier uniquement
composé des Français qu'il a emmenés avec lui, le ciseleur Mulleret, le damasqui-
neur Roucou, son élève Vernaz, qui deviendra son gendre, etc. Son autre élève,
Morel-Ladeuil, suivra bientôt le même chemin. Ce n'est pas tout. Prignot va aussi
porter, dans les fabri(jues d'ameublement de Craham, les secrets de notre élégance
et de nos styles; parti pour quelques mois à Londres, il y reste vingt ans.
Carrier-Belleuse est accaparé parle céramiste Minton ; Didier parles fabricants de
fonte de fer, qui ne lui rendent la liberté qu'après sa fortune faite. C'est un exode
général. Les ateliers du faubourg Saint-Antoine semblent se vider au bénéfice de
nos concurrents. Parmi l'élite de nos artisans, dans le désarroi du moment et au
milieu des incertitudes que créent les événements politiques, c'est à qui recher-
chera l'espoir d'un fructueux exil.
Malgré tant de circonstances défavorables, l'orfèvrerie française n'en fit pas
moins bonne figure à l'Exposition de l'Industrie qui eut lieu en 1849, et qui fut
ouverte le 1" juin par le prince Louis-Napoléon, président de la République, dans
des bâtiments élevés sur le carré Marigny, dans l'avenue des Champs-Elysées.
C'était la onzième Exposition nationale des produits de l'industrie organisée, de-
puis celle de l'an VI dont François de Neufchàteau avait eu la première idée.
On s'était si bien habitué, depuis, à la périodicité quinquennale de ces manifes-
(1) Wolowski, Rapport sur l'orfèvrerie à l'ExpositiGii de llnduslrie de 1849, page 309.
— Toi —
latioils, (in'cil (li'|Mt (les ('M'IlcilICIlts (III Ile \niiliil |);iv \ iciiniirrl'. I,c ;.'()||\cr-
llCIIlcilt (le l'cVilcr clil iiiriiii' un un mit'lll ;i (Aiiliiilicr le |ir(i|cl d iiiir r\|H)sil ion
t|ili ;iiii;iil de iiiiii |i:i^ ■-(■iilrmciil iidl iniinlf , iii.iis i nlfiiml nninlc i-l iinii ri-sellc.
I II i|c|Mllc. iiniiiiiii' TIkiiiicI, ;i\;iiI cil celle idi'-e, lii(|iie||e .ijoi-s |i;inil -i l)i/.arr<'
ilaii^ N,i iioiiv eaiile, (indu \\\ doiiiia |ia-- sinle (l'es! ainsi (|iie la ri''ali^ali()n de la
|ireiiiiere e\| m i-^il K m iiiii \ eivelje, e(.neiie |iar un IVa iiiai-^, de\ail re\enir deux ans
pliiv lard el (''li-e (Mi\eile par les An^Iai'^.
Sur les \'V.V1 e\|i(is;inls de IS'ill, il \ a\ail |»liis d'inie \iii;.'laiiie d'oi-IV-vi-cs.
Tdiis les t^ciires elaienl l'cpn'-senl es. lai |ireiiiiere li;j|ie, Inillaienl l'Vonienl-
Meiirice, (|iii olilinl une iidiiNelle iiK'daille d'in-. ainsi (jik; lînd()||dn, Odiol, l.elMiin
el hii|i(ni( liel ; (MIIs \eiiaienl Ma\ei', A. (iiievloii, hniaiid, Alieoe, l'Va\. Tiioiilliei-.
à (|iii l'iireill décernées des nie(lailles d'arf^cnl on des ra|i|iels de c(dle im-coiii jX'iiNe.
II l'aul iiiellre à pari Clirislollc, i|iii l'einjiorla lin M'rilalde liioin|)li(' |)oiir son
(Mi'e\ ICI ie a ri:» 'Il I ce, el ({ni eiil , lui anssi, encore une initia il le ildr non seiilenn-nl,
|ioiir I a|>|iliial ion de ses nouveaux procédés, mais en outre jiour le ( lioix parTaiL
des modèles (|u il presenlail.
(-"("st i^ràce suihuit au .Mt'cèiie ^(MH'renx (|n'était le due de Lnynes (|ue les
orfèvres, \ ici i mes des troubles de celle péi'iode, avaienl j)U ex('culer leurs jdns
beaux travaux. Col ainalcur éclairé, qui connaissail les artistes cl les aimait, lut
alors la providence des ateliers. Il ne se contentait pas de prodiguer ses conseils;
il i-animait les conraiics, slimulail les imaginations, suscitait des projets, multi-
pliait les eommandes k's pins inlelligenles, foui'uissait à la fois les idées et l'ai'gent
(|ui devait aider à les réaliser, alin ([ue, dans la crise qu'on traversait, une des
jilus Itelles industries de notre j)ays ne périclitât pas. L'homme qui abandonnait
à Ingres la décoration de Dampierre avec une générosité et une longanimité dignes
dini Médicis, celui (jui achetait de Cavelier sa Pénélope pour arracher l'artiste à la
désesp('M"aiice, qui commandait à Siinart la Minerve et l'aidait de sa science pour
reconstituer TaHivre de Phidias, qui devinait Charles Garnier, le fului' architecte
de l'Opéra, qui alimentait de ses acquisitions les ateliers des orfèvres Froment-
iMeurice, Duponchel, Fannière, etc., celui qui s'était fait une cour d'amis avec tous
les grands peintres, les grands sculpteurs, les meilleurs architectes elles premiers
littérateurs de son temps, celui-là a bien mérité de l'art français et sa mémoire
mérite d'être saluée d'un hommage ému el reconnaissant dans une élude histo-
rique telle que celle que nous écrivons ici.
Le rapporteur de l'Exposition de 1849, pour la section d'orfèvrerie, Wolowski,
constata la large influence du duc de Luynes, et ses heureux efforts pour empêcher
les orfèvres de rester inactifs. Ce qui le frappa principalement, et d'une manière
générale, parmi les œuvres de celle industrie qu'il avait à apprécier, c'est qu'elles
attestaient de plus en plus une fidélité scrupuleuse à reproduire les belles pièces
du passé « sans tomber dans le pastiche et sans confondre les genres ». L'orfè-
\rerie, ajoutnit-il, « se maintient ainsi avec constance dans la voie que lui a
ouverte Wagner. » La connaissance des procédés de métier lui semblait aussi
plus approfondie. Il louait les progrès de la ciselure et de la fonte, l'habileté avec
laquelle on avait retrouvé et appliqué « les grâces des nielles, les délicatesses
de la gravure, l'éclat des émaux », et applaudissait spécialement à la vir-
tuosité que l'on montrait dans l'emploi du repoussé.
roiliail dlIoNoaû D'ALBERT, duc de Liiyncs,
Memlire de l'Instiliit (iHoa-iSCj).
L'orfèvre qui obtint le plus d'éloges fut Froment-Meurice. Son exposition
comprenait un très grand nombre de pièces, dont (pielques-unes de premier ordre.
Au milieu d'une argenterie de table infiniment variée, flambeaux à branches mul-
tiples, grands plateaux, rafraichissoirs, théières, cafetières, aiguières et cuvettes,
€tc., à côté de bijoux de toutes sortes, de vases, de boucliers, des poignées
J..:t
(r(''|M'M' (l('>^ ;j(''ii(''r;iii\ C.iN.ii^'iKir cl ('.li;iii;.';iniicr, sr (|t''lii(li.ii<iil «les u'iiM-cs ijiii
lii'i'iil vciisal imi. ('.'('Iiiil ir.'ilinril un ^iiihnil df l;il>lc coiiiiii.iriih'' | :ii° li- •liir <l<'
l.iiNiics, en .iiLtiil n|iiiii^->c. civile ,1 |i;iliii(''. ic| ii-f'^cii I ;i II I le ;.'l(i|ic Ini-c-lri'
ciihuiii' lin /.(mIi;ii|iii' cl |m)||c |i;ir i|ii;ilic |m'|-iiiiii;i;.'cv ijoiii Ir cur'|p^ ('Lui Iriiniin''
cil iiiiciii' (le |i(iiv->(iii ; ;iiil iiiir lin :-' In! ic, des fj(''iii('s ;iili's i'c|in''-ciil;iiil lAiiioiircI
r \|i(iiii|,iii( c, ;i(|iiiilciiiciil li\i'-> ^iir l;i s|(||cr('. sriiiM.iicni Icrilciiicr il.iiis leur
\()|; sur le pldlic, i|ii;ili'(' litjurcs (IcImuiI cl ;i(|(»ss('cs ■• coiiiiiiciil.-iicnl je \r\<.
in;ilici('ii\ ilc Tcrciicc, s///r Ct/irr tir liiKi/m / rn/rf \'riiiis^ ([iic Jules .l.iiiiii lr;i-
(liiis;ii| i^ciilniiciil : ■■ Siiiis (".(■rrs cl llaccliiis, ailicii W-iiiis .. (|). (!(''rrs, ;i\cc l.-i
l'aticillc, |i(H-|;iil la L:crlic ^(''Ih''-
rcust' ; l'.accliiis Iciiail le lli\ i'^''.
cl \'('iiiis scriMil son lils |M'rthlc
ciMilrc s;\ limiiiiic. l ne Irise,
(joni II' lin l'clicf conrail anlour
(lu sorle, niiiiiliMil les planlcs
lies champs, les herbes des
l'orèls. les llenrs (h' nos jardins,
inspirées ilirectoinenl de ht na-
ture, s'i'panouissaiil en un (huix
rtdiet' dini j^oùl parl'ail.
Le surloul «'lail aceonipaj^iK'
de (Umix candt'lahres à six hi-
uiières ; trois liacchaiiLes (huis
l'un, trois (hinscuses (hins
Tau Ire. liéeuraient le fût, et
des Génies soutenaient les
branelies dans un mouvement
graeieux. Deux compotiers en
métal, dont les vasques étaient
portées par un groupe de trois
enfants, complétaient merveilleusement eette déeoration somptueuse. Ce monu-
ment dont l'elTet devait être superbe au milieu dune table bien éclairée, char-
gée de cristaux et d'orfèvrerie brillante, tendue de linge tin et blanc, dans
l'atmosphère vibrante des joyeux propos d'une société élégante, avait exigé trois
années de travail.
Toute la sculpture était due à Jean Feuchères — mort très peu de temps
après avoir achevé cet important travail — qui, au dire du duc de Luynes même,
avait modelé l'original jusqu'au dernier degré d'achèvement (2).
Conipotici' « Les Saisons ».
Orlèvrerie de D. Fronient-Mcurice.
[Musée cenlenn;tl.
1 Pli. Burty. F.-I>. Fromenl-Meiincp, argentier de la ville de Paris, 1883, 1 vol. in-S", page 06.
(2) Diii' lie Luyoe?, Rapport de 18ol, page 73.
— 25G —
Mais la recherche du type définitif avait été h'iborieuse, et Feuchères avait
mis toutes les ressources de son art à l'étude du premier modèle.
Les archives de la Maison ChristoHe conservent une étude au lavis d'une des
premières pensées de Feuchères pour la pièce de milieu. La sphère est, comme
dans le modèle définitif, accostée de génies aiU''S, mais, au lieu de trois ligures,
Pi-eniière esijiiisse de Feuclières de la pièce du milieu du surtout du due de Luynes.
{CoUeclion Chrislolle.)
n'en supporte qu'une seule, celle de Vénus et de l'Amour. Le socle est décoré de
groupes de néréides et de tritons dont les queues viennent s'amortir sur la sphère.
Les habiles ciseleurs Muleret, A. Dalbergue, Poux et Fannière, avaient exé-
cuté les onze figures du surtout d'après les procédés du repoussé remis en
honneur par Vechte. Le succès de cette œuvre fut considérable. En la revoyant
aujourd'hui (elle figurait à l'Exposition centennale), on conçoit très bien l'admi-
257
^^4
j;;vr^t^
J^^ù
'^'^'C ^ ,,
Piùce lie milieu ^lu siutout du duc de Luynos.
()i-1"l'\ rciML' de 1). Fi'oinent-Meui'ii-e.
(.l/(;st''e cenleniiiil.)
rnlioii i|irt'llf (lui fxrilfi- clic/, les cniilciiiiioraiiis ; «-i ja sriil|)liii c rcllrlcjc caruc-
Iri-c (il- rc|KHiiic a\i'c »,•< (L'-fanN, cl nous parail i|iicli|iit' |>fii sniaiiiH-c, r.i'iivrt*
II',. Il r,.->iiiiic |i.i-> iiiDiiis iiii cll'orl iiii'riluiic |t(iiir l'tdirx rrric a ce iiioiiiciil, et
lli;i|-,|lir (iiic (j.ilc ilails riii-^li.iif (le iKtIrc i IK Ii|n| rie.
haiis ces Irois |)ieces, les li-nrcs t'Iaiciit en ai-cn( re|)iiiis-.i' an niaclean et
KncriiT du pape Pie IX.
{Gnzelte Ucs lican .r-A rta .)
au oiselet, à l'exclLision de la foute et de tout autre proeédé de fabrication.
A l'appui de ce procédé de travail, Fromeut-Meurice avait remis au jury une
note technique où il expliquait, en fort bons termes, les difficultés que présente
l'emploi du repoussé dans l'exécution d'une pièce d'orfèvrerie...
« L'art du ciseleur repousseur, disait-il. a brillé surtout h l'époque de la Renais-
» sance. Il ne s'employait et môme ne s'emploie encore aujourd'hui que pour les
» œuvres d'art qui doivent rester uniques. ^)
La fonte était alors peu en usage pour ces œuvres exceptionnelles; les
orfèvres de cette époque étaient en même temps statuaires et ciseleurs. Ils
emboutissaient l'argent, ils le retreignaient. le pétrissaient, si l'on peut dire,
I
— 260 —
comme ils auraient pétri la cire ou la terre; la matière seule changeait, l'art et le
talent restaient les mêmes. C'est le marteau, c'est le bigorne, c'est le ciselet qui
sont les seuls outils. C'est, dans l'art, le travail du chaudronnier dans la manu-
facture.
Outre ce morceau capital, Froment-Meurice avait envoyé deux pièces déta-
chées d'un ouvrage encore inachevé et qui demanda plus de six ans de travail :
la table et le coffre à bijoux de la Toi/ettc de la duchesse de Parme, qui ne put
figurer dans son ensemble qu'à l'Exposition de 1851; un encrier en or, offert au
pape Pie IX, et ayant pour motif central deux anges soutenant la boule du monde H
surmontée de la Religion, figurait également à l'Exposition de 1849 qui fut pour
Froment-Meurice la consécration définitive de sa réputation et de sa maîtrise.
Duponchel n'obtint guèi'c moins de louanges. Son associé Morcl était allé,
comme nous l'avons dit |)his haut, s'installer à Londi'cs. Lui, en honnnc du monde
actif et élégant, plein de goût et fertile en idées, avait gardé seul la direction de
cette maison qui avait conquis si vite un rang des ])lus brillants dans l'orfèvrerie.
Henri Duponchel, né en 1794, avait connncncé par prendre des leçons de pein-
ture avec Eugène Delacroix dans l'atelier de Guérin, puis était entré à l'Ecole des
Beaux-Arts, oii il avait suivi les cours d'architecture. Il n'était pas précisément
pré|)aré par ses études et ses premiers travaux à devenir orfèvre. Il avait com-
mencé par faire de l'architecture et de la décoration, mais il avait dû à l'étude
approfondie de ces deux arts, la révélation du génie particulier qu'il déploya
connue metteur en scène dans le cours de sa iu-illante carrière artistique. Aussi,
])endant plus de trente ans, p:it-il une part considérable à la régénération du
théâtre en France au point de vue de la vérité historique dans le costume et la
mise en scène. Avec les plus grands artistes du dix-neuvième siècle, avec nos pre-
miers écrivains, il a été l'un des plus habiles et des plus heureux promoteurs
de la révolution qui s'est opérée dans les moyens matériels d'interprétation au
théâtre.
C'est lui qui construisit l'hôtel du baron James de Rothschild, rue Laffitte, et
dessina les meubles et les bronzes de cette somptueuse demeure; il construisit
également l'hôtel de la famille Rothschild, à Londres. M. Henri Vever, dans son
Histoire de la Bijouterie au dix-neiœième siècle^ si bien documenté sur les origines
des bijoutiers et des orfèvres contemporains, nous apprend que Duponchel, dans
un dîner chez les Rothschild de Londres, où l'on regrettait la décadence où sem-
blait tomber l'art décoratif de notre pays, s'offrit à prouver le contraire. Il put,
séance tenante, obtenir la commande d'un service d'orfèvrerie qui devait dé-
montrer la supériorité de l'art industriel français. Rentré à Paris, il en demanda
les dessins à Rlagmann, qui le mit en rapport avec Morel. Ce fut là l'origine de
— 'ilil
leur assdciulitiiM I ). ()ii\ lin- |il(iii ir.idrcsv;*' cl d'iiiilulrl., Mmcl rciironli-.til i|;iii->
son <issi>ci(', hii|MMi(li(l, riii-|Mi ;it MHi i|ui (rt-c, le -cslc (pu dui-c cl je -uni i|iii
(•li(>i->il. Il lui iiidc |i.ii- If^ i :i|hI;iii\ cl les ci m ii;ii>^;inces ;irl islM|iies de son ;isso('i(%
(lui. ^ràec ;i ses ||()lnll|•eu-^e-^ cl I nilhiiil c^ i(d;il lon^, ;i(i--i liiiMi d;iiiv je monde
(luc clic/ lc-^ nrlisics cl les tJi'.neU dcciir.ilcins, Si''(di;in, h('')ilevc|iiii. hn Icrje,
doni \\ ;i\;iil ;i|i|M'cci('' lc-> lalcnK |icnd;inl s;i dircrlion de !'( Ijn'i;! . |)ii|miiii||(| -iiI
;ini;nienler (•(iM'^idcr.iidenicnl Ic^ alViiirc^ de s,i iii,ii>.(,ii.
M;iis Merci ne dc\;iil |^■|~^ relier ;i\ce lui. pln^ |iurl(' |i;ir -e- .-iiil il iidcs pcr^on-
IM'Ile^ d;ins les | i;i\;iii\ de l;i|)i-
(hiirerie, il e\ecll;iil (liui^ l;i l;nllc
(In j;i-.|ie, du ci'i>l;d de roelic cl
;inlre> nialiei'c^ dni'c>. r\ (hin^
la d(''( (M'ai i(ni dc^ \a>~c-- (|n il
ornait de liuni'es cl d"oi'iicnienl>
cniailles. IMns lapidaire (jn'oi-
iV'M'e, il eidiaina s(ni associ(''
dans r(,>\(''cnli.)n (['(envres dif-
liciles à vendre. Des disseiili-
menlselanl >ni'venns à ce snjel,
Unii" assoeialion r(nnpne, Morel
rclonrnail à Londres oîi nous
le l'clronvei'ons en ISol. cl !>'
duc de Luyncs eonslalail dans
son rapport (juc ses œuvres sont
lonjonrs fabriquées et aclievées
avec un talent que personne ne
saurait (K'passer. Duponchel se
présentait donc seul à l'Expo-
sition (le 1841). « M. Duponchel, disait le rapporteur M. Wolowski rlj, donne
» seul Tim pulsion aux reniar([uables artistes formés dans cet atelier, bien connu
» de l'Europe entière. Il continue à fabri<[uer avec une égale distinction la haute
» orfèvrerie, la joaillerie et la bijouterie; chez lui, un heureux caprice rencontre
» de quoi satisfaire les désirs les plus exigeants; la forme est originale sans tom-
» ber dans le bizarre, élégante sans toucher à raffectation. » Une de ses œuvres
les plus caractéristiques, en 1849, était le fameux surtout de table commandé par
le prince Léon Kadziwill, dont la pièce de milieu représentait une chasse à l'ours au
treizième siècle, dans une forc^'t de Lilhuanie. Le thème donné à l'artiste était une
légende de famille que voici : Un seigneur russe ayant eu, dans une chasse àl'ours,
r,>itiail ck- DUl'OXCIIKI,, orrùvi-e.
(1) Henri Vever. la Bijouterie françainn au di.r-i}ritvic»ip siècle, page 2S0 et suivantes.
(2) Rapport du jury à l'Exposition de 1^40. tome 111. page 38.
— 2()2 —
le bonheur de sauver la vie de son souverain, celui-ci, pour lui témoigner sa recon-
naissance, jura de lui donner en toute propriété la contrée environnante, aussi loin
qu'il pourrait faire entendre le son du cor, à partir du point où l'accident était arri-
vé. Le seigneur, heureusement pour lui, avait d'excellents poumons, de sorte que
la propriété fut immense (1); la donnée était originale; au centre, comme de juste,
était le héros de l'aventure, sonnant du cor à pleins poumons. Les incidents de la
chasse formaient les sujets de plusieurs autres groupes accompagnant cette pièce
extraordinaire. Les candélabres, de 2 mètres de hauteur, figuraient deux sapins
sur des rochers, avec k^urs longues l)ranchcs chargées de givre sui' lesquelles k'S
hnnières scintillaient. On n'a rien fait au delà dans le geni'e pittoresque, et c'est
l'exemple le plus complet de l'alnis des scul|)tures dans l'orfèvrerie, que condamne
avec raison Charles Blanc quand il dit : « Il est clair que de pareils morceaux appar-
)) tienneul à la plastique bien plus qu'à l'orfèvrerie, et que le travail du marteau,
» quelle qu'en soit la délicatesse, ne saurait suri)asser en valeur les inventions in-
» génieuses et fécondes du sculpteur, qui, eu |)0ursuivant le luodch' de chaque
» ligure, en y imprimant, du pouce et de rébaucli()ir,les accents (|ui devaient le ca-
» ractériser, dit avec sentiment ce que l'orfèvre n'avait plus (ju'à ledire avec pré-
» cision. C'est le cas d'aflirmer avec force le |)i'incipe que... toute industrie, même
» lorsqu'elle appelle un artiste à son aide, doit rester maîtresse chez elle. 11 serait
» bien malséant, en effet, (|ue la décoration fil oublier la chose décorée, alors (|ue
» le décorateur n'a été chargé que de la faire valoir (^2). » Ajoutons (|ue l'abus de la
tigure humaine semble surtout malséant dans les olqets destinés aux usages delà
vie domesticjue. Mais cette faute, l'orfèvrerie de la Renaissance l'a maintes fois
commise, et, à l'épocpie oîi vivait Duponchel, on ne jurait que par la Renaissance.
l)u|)onchel n'avait pas pu monti'cr à l'Exposition de 1849 l'œuvre ([ui absor-
bait tous ses soins, c'est-à-dire la Minerve commandée |)ar le duc de Luynes, et
dont Simart avait fait le modèle. Commencée en 184G. elle ne fut achevée qu'en
1851 et ne fut exposée qu'en 1855; on la retrouvait dans la Section des Beaux-
Arts, oîi elle valut à son auteur la médaille d'honneur. C'est le plus important
spécimen de la sculpture chryséléphantine actuellement connu (puisqu'elle ne
mesure pas moins de 3 mètres de hauteur), qui ait été produite par un sculpteur
français. Cette reconstitution, inspirée des descriptions antiques de l'œuvre si
célèbre de Phidias, avait été suivie dans tous ses détails par le duc de Luynes au
point de vue archéologique et artistique. Dans cette statue, comme dans celle
de Phidias, les draperies étaient en métal précieux, et les parties nues en ivoire.
Elle orne aujourd'hui la salle des fêtes du château de Dampierre où, posée sur
un socle en marbre de couleur et un bas-relief en marbre blanc, elle se détache
sur un grand panneau qu'Ingres avait décoré d'une façon magistrale.
(1) Histoire di: l'Orfèvrerie, de Ferdinand de Lasteyrie.
(2) Ch. Blanc, Grammaire des Arts décoratifs, pages 291-293.
2^i.i
« LA MIXEU^'1^ ■'. inodL'le de Siiuai-t. ()rlï'\ rrric cIu-n srk'i)hanliuc
jiur Diiponcliel.
iîor. —
Si elle II';! |t!is nrcil|H'' l:i |»iciiii(ic |t!.iii- (|,|||-^ ri'',\|)iiv|| nui (|c rOrIV'Nrcric,
|illiN(|irc||i- cliiil ;iii\ I'mmiix \il^, en li 'X ,i iir lu • . I )il| h iin'lii'l jiiil iilihiiir fie nOS
nclir-. cIiciiIn le picl (1111: rcii.iiii iKiiiilirc i|c
|»i«''ct'>< cxci'iili'i'-^ |i;ir lui. Icllc-^ i|iir : le x-rvicc
;i llic (lu ((uulc lie Nc~-^cl n nie . l'I |ilu>ii'ur^
iHiIrcN, tic ^^fni't' iiimIm'. ui;iuit's(|uc ou cliiudis;
l:i j^iii'iiilurc de l'iilluuu de l;i pliure. ■>(• ijr
Molli pcu^icr. ;i\i'c iuc(|,iill(iu^ ilc luiil .:jr;iii(ls
|M'illll■«'>^ lilii'UliMil ci^cIcN eu ,u-:j(UiI iiwilt'.
!,(•-> M'u\f("> lie hu|iiui(lu'l s(uil nues aii-
jcun'd liiii. \(Ui-^ :i\iui^ pu. (■(•|i('uil;iiil , rd r(Ui\ (U'
clic/. >(iu liU un pl;ilc;iu iNuil le Iniul c-^l
^■{•;»\('' .1 ICiiu lorh^ (I ;ir;ili('sipic^ de s|\|c
Ii(Ml;iis-^;uii(', ;nu->i (piiiiic Iniiliiiiic ;i lin' d;iiis
le i^riiic (liiiidi-- (|iii iiKudrc rccicci i^iiic de
SDii jioùl dans >a raliricalioii.
Il avait ('\ual('uit'iil cxpusi" un seau à ralVaî-
cliii' les \iii>. d(ud le lias-rclicr |uàii('i|)al es!
cxpost' dans K'-> \iliiiu'> du .Miisc'c des Ai'ts
({(•(•(U'alifs. Ce bas-relief syinliolise les ivresses H..uiiic,ii-c -cniv chinois.
, I . 1 1 1 1- 4 • {Or ferre rie île Diiiionrhel.)
du roele el du Savant, du Soldat et de I Arti-
san qui, coucIh''^ sur le sol et endorniis. voient passer dans leui' l'ève d'élégantes
Plateau Uenaissaiice.
(Orfèvrerie de DuponchelA
figures de femmes ([ui leur font entrevoir la réalisation de leurs espérances. Le
— 200 —
chef des ateliers de dessin de la maison était Nevillé, artiste doué d'une fertilité
d'invention remarquable, et qui s'assimilait avec une étonnante souplesse tous
les styles passés.
On commençait d'ailleurs, à celte date, à ne pas s'en tenir uniquement aux
souvenirs de la Renaissance, et plus d'un orfèvre s'essayait à de vagues pastiches
du Louis XIV, du Louis XV, voire même du Louis XVI, exécutés avec des docu-
ments par trop approximatifs, et qui té-
moignaient d'une étude plus qu'incom-
])lète de ces époques. C'est ainsi que
(îliarles Odiot exi)osait un service de table
Ijouis XVI, destine'' à l'Amérique; Mayer
avait des services à llié Louis XV; Le-
brun un beau mibeu de table, genre
Louis XV, avec des groui)es d'animaux et
d'enfants sculptés par Gagne et Carrier-
lielleuse, ciselés en perfection par Poux
et Dalbergue. Chez cet orfèvre, d'ailleurs,
les moindres objets portaient la marque
dune e\(''cution impeccable. C'est pour lui
(pie les Fannièi'e avaient ciselé une tasse
^f'"^W"^mffrXs,<m7 f^mstm d'argent (acquise par M. de Mecklem-
V ^iViw/f M Js>^/>? m.."..^^ V JCL bourgi, dont le public pouvait admirer à
VT ""* < "^^ifr •<r^Jis^&¥ r'^i '*' '*'"1'*' '"^^ détails d'un fini merveilleux.
^ÈiÉ^^^ /^Ë^J i A^amlÊMSL^' lUidolphi, ce simple ouvrier orfèvre
que Wagner avait su distingue!' en 1840
et qu'il avait associé à ses travaux, conti-
nuait à grandir, et les pièces qu'il exposait
en 1849 ne démentaient passa réputation.
On remarqua notamment une toilette
d'argent décorée de nielles, de gravures
et d'émaux; des plats d'après Feuchères
et Pascal; un coffre d'argent sculpté par Geolfroy de Chaumes, une coupe en
lapis-lazuli, d'une monture très simple et très élégante; d'autres coupes en agate
orientale supportées par des groupes de Bacchantes, de Grâces, etc.
Deu\ Ijas-i'cliofs d'un soaii à glace.
Sciilpliire de Fcviclièi'es.
(Orfèvrerie de l>iij)oncliel.)
On a vu plus haut quel avait été le succès de Christofle, qui affirmait définitive-
ment, par une exposition imposante, les avantages immenses de l'orfèvrerie en
cuivre et métaux divers, dorés et argentés par les procédés électro-chimiques.
C'était une des plus magnifiques démonstrations de ce que peuvent les conquêtes
lM»7
(!:• la ^l'iciiiM' stii" \i'< \)ri\'^vr< di- riihlii^lrir. CV-lail l'itrlrvi-rfi»' iiii-^c a la iiord'-c des
iilii-- li'iiiiMc-- rorliiih-, |Miiii- le -raii'l a\ aiila ;jr i|c I ail , «luiil un allail ii''|iainlr(' à
(li'N |in\ 111111111'-- trailmiialilc- iim |i'lr->, cl en iiii'iiic liiii|i-. iikhiI icr, an |inilil de
rii\ i^icMi', |il^i|u'(iii adail \r mail \ nild-f des ir(i\ii's il ur au iiirrciiri'.
('.','^1 ni le liiii de {•a|i|M'lrr les orij^illt'-- de l'i'lo'l fit iindalliii-ic ii|»|»li(|il(M' ail
(•iii\ri', l'I li'^ lai'iiiiiT^ i'->Nai-- rii! n'iui^, de ISII'i a iS'd), |Miiir iTiii|diici'i- la dorure
an mcriMiri- pai ri'iii|iliti dr I a ri uni rlcilfo-i liiini(|ni'. ri pniir nlilt-nir par dr> ron-
l-aiiK rlrrlrh|iir> lin
dr|H'i| viilidr ri liirl al-
lii|nr ^iif Ir-^ olijrK un
1rs rrrn\ i rinlii-' rmi-
diirlrnr--. |ilarr-- an
|>('»lr iii'ual il dan-- niir
dissolnl ion dr >iiiral('
ilc rni\ vr . Api'rs le--
essais {\c Urni^iialrlli,
a|»rrs les deron\ erles
*\c .larolii el les Ira-
vaux i\o l>rri|iirrrl,
aprrs 1rs lenlalixes
ilr dorui'e par la |iil('
dans des solul ion> (\r
rhlorurc d'oi' iirnlrr
par Ht' la Jiivc, le
savant do Genève,
une foule d"e\p(''-
rienec^s avaieid éti'
laites pour atteindre
le rt'sullal elierclK'
(jui ('tait de déeoni-
poser une dissolution
métallique par Tac-
tion du courant galvanique, et faire déposer avec adhérence le métal réduit au pôle
négatif. On en arriva enfin aux procédés qui, en substituant aux liqueurs acides ou
neutres, des liqueurs alcalines, allaient rendre industriel le dépôt galvanique des
métaux précieux. En 1840, Elkington, et en 1841, Ruolz, prirent des brevets iden-
ti([ues, qui consistaient à soumettre à l'action de la pile, des solutions de sels d"or
ou d'argent dissous dans le cyanure de potassium simple ou ferrugineux, pour
obtenir le dépôt de l'or et de l'argent Ce sont ces brevets que Christofle, avec
une énergie et une intelligence hors ligne, allait mettre en valeur: mais à peine
Chaiu.iîs CHUISÏOFLE (i.Suô-iSf)3j.
— iiG8
avait-il commencé à exploiter le brevet français pris par Ruolz, qu'il se vit l'objet
d'une démarche des associés d'El-
kington venant lui communiquer
les brevets anglais antérieurs de
plusieurs mois à celui de Ruolz,
obtenant les mômes résultats et
employant les mêmes solutions
d'or et d'argent. Devant l'évi-
dence, il n'y avait qu'à s'incliner,
et, en gens de bomie foi, il n'y
avait qu'à s'unir; ce ne fut pas
sans un gros sacrifice, car Ghris-
tolle fut obligé de payer 500 000
francs le droit de se servir des
brevets, })our lesquels il avait
déjà versé 150000 francs à Ruolz.
Dès sa jeunesse Charles Chris-
tofle avait été rompu au manie-
ment des affaires industrielles.
JVous l'avons vu déjà, chef à
vingt-quatre ans de la plus grande
manufacture de bijouterie de son
temps; il n'était pas homme à
s'arrêter. Doué d'une énergie peu
commune, d'une volonté et d'une
persévérance que rien n'arrêtait,
il était de la trempe des fonda-
teurs d'empire. Ce n'était pas
tout de créer une industrie nou-
velle, il fallait la défendre. Il se
trouva alors en butte aux diffi-
cultés les plus épineuses, eut à
lutter contre une armée de con-
trefacteurs dont il ne put venir à
bout qu'après des procès sans
nombre, qui durèrent presque au-
tant que le brevet lui-même. C'est
Service à tiic Louis x\i. ^^^ milicu dc ccs obstaclcs qu'en
(Orfèvrerie de Ch. C/ir/sfo/Ce.)
quelques années, il parvint à orga-
niser sur les bases les plus larges l'industrie nouvelle dont il fut le créateur en
Kraiif»'. « l'ii iSi't, .||s;iii M. W olow vki, l(•^ all'aircs il- M. (llin^lnllc allci-
M||;ii,.|i| ;i |i('iiic un rliillir (lr (ilMMMKI l'iaiiis; ce cliillVc s'cv| ('•IrM- en IH't.'i à
!I;{(Iîi:m riaiirx, ,11 iSid, ,1 I.MIIMI:.'. Iianr^, .1 m IS'jT, a plu- <lr 2 iiiillioiis (I). »
\ii Ikmi (!.■ r.iliii'iiiri I (irlrv rciic ((iiiiiiic (Hi liivail lail |iisi|ii';i|()rs avec (1(!S
|i|;i,|ii,-. (I ;ii-i'iil nii de ( iiiNic l'oii^c |il,h|ii(' il ar;jciil, Clira-^l < illc se scrNil ilii lailnii
(|,i:it l;i iii;illi';ihililc ^i' ii 1 1| H( icli;i 1 1 le |i|ii> d.- crllf i\c ra|-;jr|||, cl allait. jtciaiM'l I l'C
(II- le I i;i\ ,iill<'r rdiiiiiic l(•-^ iiii'l;iii\ |irc(iiMi\. T/i'Iail t'airr n'\i\rT les Iraililioiis de
|;i \i'iii;iMc (H Irx iciir iiia^^iM' ('.Chili r('iii|ilni du I ii.u'l l 'w II |pniir l'i'l l'ci iidr'c les
toiiiK's, lie l;i tniilc cl t\f l.i ciselure |i(iiir ic|iaici' les ;j,i iii il lires, de la ^fiiidiirc
l'dili' |Miiii- Ic^ iciiiiir, (|iii allail rc|i;irail !•<• <d ddiiiiri- a crllc ()rrr\ fci'ii- iioiincIIc
loulc la sdlidilc, liiiil le liiii cl li' |tn''cicii\ des oiTcv rci-ics des siècles |>r<M*(''d(;iils.
Mai^ il r.ill.iil la ludijuii'c ('((UKiiiiiiiiiciiifiil iKiiir rivaliser- avec le pL-ujné. (llii'islofjf)
eu! a lidiiNcr (|iiaiitil(' île iiiacliiiies imies pai" la vajx'ui', daiipai'eils, de j)i'()C(''(l(''s,
\aiiaiil a riiiliiii, el (pii iK'cessilaieiil sans cesse d(; nouvelles iiiiiosalioiis. « Il a
une l'onderie poui' les iianiiliiies riches ou sculph'es. disail le duc de l.iiyiies, un
ajipareil a ralirii|iicr le ixix/. Iiydroiièiie j)ui' pai- la di'coinposilion de la vapeur-
(Teau suc le cliar-hon incandescent; le gaz, entourv d'nn l'c'-seau de platine, donne
une \ive clar-|('' : il alirneide les foni'neaux à souder, à l'ai'gent et au cuivre, et le
laboratoire de chimie "l). Des niacliines actionnées par la \apeur, des tours, des
inaudriiis nuis pai- les mêmes moyens, des laljoratoii'cs, tonte mie cuisine com-
pliipu'c d'cdecti-icité el de chimie... »
Que nous voilà loin des ateliers de nos anciens orfèvres et quelle mine feraient
les (iermain. les lioettiers, s'ils pouvaient voir aujourd'hui ces engins monstrueux
c[ui ont i-emjdacé leur antique outillage si simple, dont ils savaient tirer un admi-
rable parti!
En résumé rélectro-métallurgie comprend deux sortes d'opérations qui, bien
que faites dans les mêmes conditions, et avec les mômes éléments, engendrent
deux classes de produits bien distincts. « Si le but qu'on se propose est de pré-
cipiter au moyen de la pile un métal sur un objet conducteur de l'électricité, en
couches épaisses, continues, 7)iais non adhérentes, de manière que, une fois
séparées, la couche métallique obtenue représente exactement tous les détails,
tout le lini de cet objet, l'opération ainsi faite prend le nom de galvanoplastie. Si,
au contraire, on veut précipiter le métal en couches minces, continues, ai adhé-
rentes, de manière à ne point altérer la forme primitive de l'objet soumis à l'expé-
rience, mais dans le but de lui donner une apparence plus belle, ou de le préserver
des chances d'altération auxquelles il peut être exposé, c'est un dépôt électro-
chimique auquel on a donné naissance, et, suivant la nature du métal employé,
(1) Rapport sur VExposilion de 1841, tome III, page 339.
(2) Duc (le Luynes, Rapport sur les inctdux précieux à l'Exposition universelle de 18j1, page 12.").
270 —
c'est le cuivrag'e, l'argenture, la dorure, le platinage [\). » On peut dire que cette
invention, ({ui fait pensera la découverte de l'imprimerie, est le plus admirable
procédé de niulti|)licatioii, d'une exactitude rigoureuse, des types uniques
Fontaine à thé du st\k' Louis X\'I.
[Orfèrrerie de ('J\ . C.hrislnlle.)
d'œuvres d'art, quel que soit leur degré de perfection. Depuis soixante ans, elle
a singulièrement accru son domaine et s'est largement développée. Mais c'est
l'honneur de Cliristode d'avoir compris du premier coup tous les services qu'elle
était appelée à rendre et de lui avoir imprimé un vigoureux élan. Tout le monde
remarqua, en 1849, les pièces d'orfèvrerie argentées ou dorées, exposées par
(1) Henri Bouilhut,, Conféreiice [aile en 1806 à la Socielr iVencourarjernenl pour Vindusli-'e ii;ilio7iale sur
l'orif/ine el les progrès de la galoanoplaslie (brochure iii-18;.
— ^J7I
lui, .. (liMI\ -IMIhlc^ Itollillolivs d'iiii >\r^^\i\ roriTcl ri ;i\i'c <\r - iMiiiMl \ . •niriiiruLs
(les surloiilsd'mic ;;r;imlf iiilii''>-.r. il. ••> laiidi 'l.il.if-, « lu p rf-> ilC\ rr II.- ni s modclus,
4l('S services à tiic de ^t^lc Loiii-> \\ «l l,(.iii- \\ I, d(•-^ >>,.|\iri- d.- I;d»l<' (1).
fontaine à thé du style Louis X\'.
{Orfèvrerie de Ch. Christofle.)
L'un de ces services, réchaud, cloche et casserole, était de style Louis XVI.'
Le réchaud avait la forme d'une corbeille en vannerie ciselée, dont les ajours qua-
drillés laissaient passer l'air pour alimenter la flamme de la bougie et égayaient
en même temps la nappe de ses reflets lumineux. Ce modèle avait eu un très
grand succès, et lorsque, deux ans plus tard, le prince-président installait au
^1 Duc de Lu vues. Rar.porl. page "5.
Jl
^7i
palais de l'Elysée Télégante comtesse de Téba, qui allait devenir l'impératrice
Eugénie, ce fut ce service qui fut choisi pour meubler le palais, complètement
dépourvu alors de tout matériel d'orfèvrerie.
Ghristofle, de lui-même, avait spontanément indiqué au Jury les noms de ses
principaux collaborateurs, F.-J. Lebon, dessinateur, François Gilbert, sculpteur,
Service de table de l'Impératrice Eugénie.
Orfèvrerie de Ch. Ghristofle.)
Broeckx, chef de l'atelier des orfèvres : avec eux il n'allait pas tarder à rem-
porter de nouvelles victoires.
Si nous nous sommes laissé entraîner à parler avec quelque largeur de l'Ex-
position de 1849, c'est que la plupart des orfèvres qui y participèrent devaient se
retrouver à la manifestation grandiose de Londres, en 1851, qui eut, on peut le
dire, une importance énorme sur la direction et les progrès de l'industrie du
monde entier. C'était la première fois, en effet, que tous les peuples étaient
— 21'A —
(•(iiivit'-s ;i mic ^iilriiiiil(' de ce ^m'Iiit, cl (lu'iU ,i\;iiriil l'occ-i'-ioii ilc iiic-^iii-cr Nîui'S
lorccs sur If Iiiimiii un lii^l liil il rdiiiiiK'i'ci.il, de roiiiicircr leur |tro(|iicli<iii jim-c
celles (le leurs ri\;iii\, ilc ((iiis|;iier siir <|iicl< |M)iiils ils ('l.iiciil en ;i\;iiic(' on en
relaid. IMus d inic nalittn (lc\ail Incr i\c pareille e(iin|iaiaisnn les jilns IV-ecHHls
enseii:neinen(s.
l/l''.\|Misi| KHI iiilernalidiiale lie Londres nn\ ni lel" mai lS'i|,an nillien d'ini
{^rand eilal. l.orieNrerie a\ail idc' (dass{''e avec la liijonlerie e! la joaillerie. On
gardai! aiii-i les Iminies e| anlii|nes Iial)ilndes de nos \ieilles eorporalions ; ce ne
lui (jne pliis lard, en ISli", ipion enl l'idi'c sin^MiliiTc (Tt-lalilir des (l(''niarcalions
(d des S(''|iaral ions enire des nndiers i|in onl même ori;_'iin', mi'ines init'rrds, i|ni
s'excrceid dans des aleliers \oisins, a\ec des oïdils sendijaldes, des proei'di's
analopncs sm- des matières ('^alcnn'nl |ir(''eienses. Le .lnr\ delascclion «'In' dac-
( laniali(Ui ponr |ir(''sidenl le ilwc de Lnynes, (|ni acc('|([a dèlre en nn"'nie lcni|)S le
rapporlenr de sa i lassc poni' les (ravanx de la (l()inniissi(ni Crancaisc. (le lui jionr
cel homme si dislini^m'' l'occasion (['(''ci'irc niu' ('Inde dnn |inissanl allrail, don! la
Ici Ini'c demonire comltien ccnx-là (|ni, |iar Icnr silnalicni, semMenl ('loi;^n(''S de
|irendre |tar[ à cerlains inli'-rèls, sont pai'l'ois pins ajilcs à les (h'dinir (d a les
(It'fendi'c ipic ('(-nx niènies (pii en vivcnl. Le livic dn dm- de Luviies u'csL pas,
comme on le ponri'ail croire, une (euvre de liaul style oii rai-(dHMjlogue, le savant,
le curieux, le voya^ucur et Tarlisle qu'il était, faisant un aimable étalage de ses
coMuaissaiiccs et de son goût éclairé, ait voulu doiuier libre carrière à sa passion,
et couduiic iiar des chemins escarpés l'ouvrier et le patron mal |)réj)ai-és a le suivre
jusqu'au sommet de l'art j)ur. Non, le duc de Luynes voulut faire œuvre plus
utile. Avec une abnégaticm méritoire, il s'appliqua à rassembler des documents
précis, des détails sur la fabrication, des clulfres de statistique, à faire d'après
nature des descriptions criticjues de l'orfèvrerie de son temps, notant au courant
de la plume les noms des artisans à coté des noms d'artistes, et dressant un
tableau succinct mais complet de la situation des orfèvres depuis le commence-
ment du siècle. Son livre se trouve ainsi le Rapport le plus exact, le plus tech-
nique, le plus parfait — avec celui que rédigea Lucien Falize en 1889 — qui ait été
écrit sur notre industrie à la suite des Expositions, et on le consultera toujours
avec fruit. Nous y avons puisé déjà plus d'un renseignement pour les pages (jui
précèdent. Le volume est devenu si rare qu'il vaudrait la peine qu'on le réim-
primât, et c'est là un vœu que comprendront, j'en suis sur, beaucoup de mes
confrères.
L'orfèvrerie française remporta à l'Exposition de Londres un très grand succès,
tous nos premiers coryphées avaient répondu à l'appel qui leur avait été adressé,
et n'eurent pas lieu de s'en repentir: Froment-Meurice, Odiot, Christofle, Durand,
d'autres encore, y obtinrent les suffrages les plus flatteurs.
Mais Froment-Meurice avait la première place et remportait la plus haute
récompense, la Couneil Medal, c'est-à-dire la grande médaille décernée par le
Conseil des Présidents.
A cette Exposition, il avait envoyé la toilette entière de la duchesse de Parme,
qu'il venait de terminer. Ce morceau capital, dont deux pièces seulement avaient
paru en 1849, figurait en 1851 dans son ensemble, et n'avait pas coûté moins de
six années de travail. Cette toilette monumentale qui comptait deux mètres qua-
rante-cinq centimètres de hauteur, et près de deux mètres en largeur, composée
par l'architecte Duban, était ornée de trente et une figures exécutées d'après les
modèles de Jean Feuchères et Geoffroy-Dechaume; les ornements étaient de
Liénard, les émaux de Sollier et Meyer ; sur la table, — immense morceau d'acier,
d'argent et d'or, formée d'une des plus grandes pièces d'argent niellé que nielleur
ait jamais produite — se dressait, au centre, le miroir en forme ogivale pivotant
sur ses supports; à droite et à gauche, on voyait deux coffrets, par devant, l'ai-
guière : tel était l'aspect général. Le miroir, avec son cadre ajouré, émaillé de
bleu, et des compartiments portant les écussons et armoiries de toutes les pro-
vinces de France, jouait cnti'c deux supports formés de tiges de lis enlacées de
lierres et de roses, au pied desquelles folàlraient six figures d'amours. Les deux
coffrets figuraient des espèces d'édillcjs à toiture et à pignon évoquant la forme
des chasses du moyen âge, et les faces étaient divisées en compartiments dans
lesquels vingt grands émaux de douze ou treize centimètres de hauteur se trou-
vaient ajustés, reproduisant l'image des femmes les plus célèbres de la mo-
narchie française. Tout cela, il faut bien l'avouer, était fort compliqué et offrait
un mélange assez bizarre, vrai type de l'orfèvrerie sentimentale qu'on admirait
alors (1).
Froment-Meurice exposait également dans son ensemble, avec les candélabres
et les pièces de bout, le surloul du duc de Luynes dont le milieu seul avait paru
en 1849. — puis un calice en or donné au pape par la reine Amélie, dont les
ligures en repoussé étaient d'une ciselure merveilleuse, — puis une épée offerte
au général Cavaignac, dont le modèle avait été demandé au sculpteur Cavelier. La
Liberté, l'Égalité et la Fraternité en formaient la poignée. Ces trois figures
adossées soutenaient un glol)e paré de lauriers et de chêne, sur lequel se lisait le
mot « FRANCE ». La garde était formée par une figure représentant la Patrie
sous les traits de saint Michel qui, le bouclier levé, terrassait l'Anarchie. Ce
n'était pas tout. En 1851, figuraient également deux groupes en ivoire, argent et
or. C'est vraisemblablement le duc de Luynes qui avait suggéré à Froment-
Meurice ce retour à la statuaire chryséléphantine, à l'époque oîi il confiait à
Duponchel la reconstitution de la statue de la Minerve du Parthénon. Le premier
(1) Une eau-f<jrtc reproduisant cette toilette a été donnée dans une publication italienne portant le
titre suivant : Toeletta in argento cd oio, abbeliita di piètre preciose, possedula da ^. A. li. Luisa Maria di
burbonn, ducltesa di Parma ecc. {A. Rosseno die éd. iuc, l'arma. 18a3).
Epôc du j;ôiR'ral Ca\aiguac.
(Or/'èvrerie de Fromant-Mciirice.)
M
I
277
LA BACCHANTE. » Orfèvrerie chryséléphantiue.nle FronieuL-Mouri<.'L',
{Modèle de Pradier.)
2T.>
« LA TOILKTTE DE ^■K^'US. .- Urlèvrcric cliryscK'i)liuntiiic de D. Fromeiit-Mourice.
(Modèle de Feuchères.)
— 2HI —
(''lail une r>;i>'i'|i,iiiti' rii iMuir tlr;i|i(''c d ur, i''i-;ii'laiil il iiiii' iii.iiii If faiiiH- i|ni iiii|ilo-
r;iit siiii n-^aril, il l'aiilri', ■■ la Tmlclli' ili- \i''iiiis » ili- .Iran l'i-iicInTr--, iriiiic
Im'IIc allni'i' iliTiiral i\ r ; iiiif <lia|p(i ir , irli iiih' par nnr lniilr allai'InT *-nr l<'S
rein-- lie la diT^vc, |u'i iiirl , par un a il i lin • in;-'i'ii irii \ , ilr i|i--^inmlrr la jniirl ion îles
(|rii\ nioiiraiix d iMiii'r. La riii|nillr, |ilanrlii'r niiiii\anl -<niis \t'< liranv piciK de
ci'lli' i|iii , l'.l ri inlli' ijcihi'al inr dr^ ldri">, --(irl de riTiiiiH' di' la iiht, doiini' de
rain{ili'iii' a la ha^r du ,tjriiU|M- ipii se t-()iii|)l('li' par iiii Irilmi lui nllraiil uni' luaiirlii-
de corail. Ci"- di'u\ t:i"ou|t('v, ipii apparl irniifiil aiijoiird liiii au roiiilr de j'illrl-
Will, li^uraiciil au Musi'm' rcnlriiiial, rr i|ui iioiis a prriiii^ de Irv ri-prodiiiri' ni.
(ad ni^riiilili' a\ail allin- loiiv Ic^ >ullra,i:i'<, id l'orlrvia-rir rraiirai<(' lrioiii|diail
à la prciuiiMT l'.\posil ion uiii\rr^(dlr dans la pcr^oiiiir de IVonirul-.Mruriro.
Ihipoiirliid 11 a\ail rii'ii rii\o\i\ mais son ancien associi-, Mond. ipioiipiil i(\\
li\i' Mil! iiidu^liac eu .\ii,i:l(dcri'c, n Cn clail pas moins de clie/ nous, e( c"es| le
^oùl do nidre l»;i>"^ ipi'il l'aidai! admirer dans des (eiivres de lonle heiiid*'. " Ma
produit des ouvrai^cs, disail le Kapporleiir, qui doniienl une idée (1(î IouI ce
qu'un liomme. aussi capaMe, |)eut accomplir, lue slalue équesiro de la roino
j'ilisalielli, en ariicid r(q)ouss(''. (d don! la (èlc seule ('dail fondue, avail dû piw'senler
d"immeuscs diriiculir-s de Iravail; mais le j)(dil. nonibro d"ol»j(ds d'orfèvrerie
reunis aulom- de ccdie pièce principale rcniporlaieiil l)eaueoup sur elle par la
perfection et la beauté de rexcciition. Nous citerons particulièrement un vase
d"arj2:ent doré, ornc' d'un bas-relief d'argent à sujet de chasse dans un brancliage
de chèiie cl exécuté dans le style d'Albert Durer, et un sucrier d'argent doré à
couvercdc, d'une forme irréprocdiable, ciselé d'ornenieids en relief très amorti (I i. »
('e fut aussi à moitié sous le pavillon anglais qu'un autre de nos compatriotes,
Antoine Veclite, conquit une des plus hautes récompenses, une médaille de pre-
mière classe accordée à l'ensemble de ses travaux. Depuis qu'il s'était fixé à
Londres où il avait reçu le plus chaleureux accueil, le célèbre ciseleur avait vu
venir à lui une opulente clientèle et ne pouvait suffire aux commandes avec la
production forcément très lente qui lui était imposée par son genre de travail. Il
s'était disposé un agréable intérieur dans une petite maison de King Edwards
Street, Eslington, un des endroits les plus retirés de la ville dont il ne sortait
guère, uni((uement absorbé par son art. C'est au point qu'il ne se donna jamais
la peine d'apprendre l'anglais, ce qui étonnait parfois ses aristocratiques visiteurs,
connue la duchesse de Sonimerset qui venait souvent dans son atelier. Une de
ses filles, nommée Emilie, lui servait d'interprète. Une autre, Héloïse, était devenue
son élève; elle se maria en 185.S, avec Vernaz, et tous deux collal)orèrent avec le
père aux pièces d'orfèvrerie. Le premier ouvrage important exécuté par Vechte
pour MM. Ilunt et Roskell fut un bouclier consacré à trois hommes illustres de
(i) Duc de Luyues, Rapport, page [-I'-'k
282
l'Angleterre, Newton, Milton et Shakespeare. Il n'était pas achevé en 1851, mais il
figura néanmoins à l'Exposition. On y vit aussi le fameux Vase qu'on avait admiré
au Salon de 1847, Combat des dieux contre les géants, un petit vase fait pour lord
Elsener, r Amour et Psijché, et quelques autres œuvres qui achevèrent de porter
au plus haut point la réputation de l'artiste.
A quel point en était l'orfèvrerie étrangère au moment de l'Exposition univer-
selle de Londres, en 1851? Bien que cette industrie fût loin d'égaler celle de
France chez les autres nations, on put constater de sérieux efforts dans certains
pays oîi l'art avait de lointaines traditions. En Allemagne, après une éclipse
presque totale pendant un siècle, elle semblait renaître. Tributaire longtemps
du « genre baroipie anglais », elle commençait à subir l'influence d'artistes de
goût, tels que l'arcliitecte Schinkel, ou de bons fabricants comme MM. IIos-
sauër, et Wagner de Berlin, Mayerhofer de Vienne. Wagner, neveu de Charles
Wagner, l'orfèvre parisien, obtint du jury une grande médaille pour un surtout
de table (|ui « était le morceau d'orfèvrerie le plus ('minent envoyé à l'Exposition
de Londres par l'Allemagne » (l). Il représentait, en ti-ois étages superposés, les
différents âges de la civilisation, l'homme primitif, avec les accessoires de la
chasse et de la pèclie; la vie pastorale et les scènes de la culture des champs; le
règne de l'industrie, des scicMices et des arts avec un génie de la civilisation, vain-
(pieur du Mal, caractérisé par une hydre expirante, complétait le symbole.
L'Italie, avec ses éternelles copies des chefs-d'oîuvre anciens, exécutés par les
Sartori, les Ciavoni, les Asciéri, les Castellani, ou avec les quelques ouvrages
d'artualilé fournis à la Cour par Galli, n'avait pas cru devoir aborder le concours,
et cette abstention rappelait « péniblement l'atténuation de la fortune publique et
la langueur des nobles industries dans le pays qui fut leur berceau » (2). La
Russie, au contraire, présentait les spécimens les plus originaux de son orfèvrerie
vraiment nationale, décorée de nielles, parée d'émaux rutilants, d'un caractère
très spécial. Un orfèvre de Saint-Pétersbourg, M. Sazikoff, reçut du jury une
médaille de l" classe pour une collection de coupes, de vases, de figurines très
intéressante, et surtout pour une pièce des plus importantes, un milieu de table
représentant le grand-duc de Moscou, Dimitri Donskoï, grièvement blessé à la
bataille de Koulikofl'qui affranchit la Russie du joug des Tartares. Pour l'E.-pagne,
un seul oi'fèvre, M. Morella, qui avait exposé une œuvre unique, un grand osten-
soir de 2 mètres de hauteur, a digne sous beaucoup de rapports de l'attention
du public » (3). Pour la Belgique, la Hollande, la Suisse, l'Exposition était plus
maigre encore.
L'Angleterre, par contre, montrait non sans orgueil les richesses d'une orfè-
(1) Duc de Luynes, Ylapporl^ pî^S^ 83.
(2) Duc de Liiyiies, Rnpporl, pnge ."j'ir.
(3j Duc de Liiyiies, Uappoii, pnge 88.
— 'Jh:i —
MCl-lc (pii chiit fl'iiIllMlil |iltls ;i|((»ii(l;ililf i|iir tic lolll lriii|)s ccllr iii-lil^llic flll ;ili-
mnilff |i;ir l;i plii-^ tii^liiciiNr des arislot r;il ics. Oïlrs, il \ uSiiil, i)irii du iii;iii\ ;ii.s
goùl tiaiis relie ai-eiilerie iiia>>>^ive, dolil roiiiemeiilali<»ll jtaraissail soiiseiil iiiiii-
tclli^'ilile, dans les pièces d'art oii les accessoires, li|^ures, aiiiiiiaiix, M-^'i-laiix,
etaieiil dist liluies salis |)()iideralinii cl salis ;^ràc(\ .Mais <iii •'■iail lorci' de re(()ii-
iiailrc de iKilaliles aiiieliiiralhiiis dans le ^(tùl de cerlaiiis l'ai licaiil s. .. Le ;.'eiirc
» dil a/it//(iis, ecri\ail le duc de laiMlcs (1), ii'es| pas lilainalili- en loiiles clioses.
» Si son (iriieiiieiilalioii es| mal concile, conriise et peu lai-onnee, la l'oiiiie île la
» vaisselle di' laide, coiniiiode |)oiir l'iisa^c, est hieii a|i|)io|(rii'-e aii\ dilli'-renls
« liesoins du ser\ice. l'ai l''i-aiice, où le ;^eiii-e aiij^ilais dans l'oiTcs rerie a |in''\alii si
» lo:ii;leiii|>s, on en a accep(('' pins volontiers les ridicules cpie l( s axanlagcs,
» Il serait a souhaiter ipie, justes appr(''cialeiirs du mérite d'iiulrui, les deux
)' peuples sans se dissiinnler leurs (|ualilés, ni leurs di-faiils. s'edorçassent de
» tcuijonrs l'aire mieux et de ne point se laisser dépasser. .\ rj"!xp()sitioii d(.'
» Liuulres, il ("tait facile de reconnaître los emprunts avoués ou (lissimnlc's faits
" par l'orfeM-erie anglaise aux artistes fi-aiicais; mais les critiques des AiifJilais
» sur la li'^èreté excessive de nos pièces, sur leur lahrication négli^^'C et leurs
» mauvaises uioutures, sur leur oxydation d'un aspect désa^i'éable et déguisant
» quelquefois des défauts, toutes ces observations étaient fondées, et ceux qui
» les ont écoutées pour eu j)rotiter oui fait i)i'euve de safiesse et d'intelligence. »
Au premier rang des orfèvi-es anglais, figuraient MM. Ilunt et Uoskell, R. et
S. (larrai'd, llancocU, Klkingtou et Mason. L'exposition de MM. Ilunt et lioskell
comprenait une foule d'objets dont quelques-uns étaient de véritables nioimments
avec ligures ronde-bosse, bas-relief, etc., des testimoniaux, des coupes colos-
sales, un service d'argenterie ollert au comte d'Ellenborougli, d'une valeur de
150000 francs, sans parler des pièces en repoussé exécutées par Vechte. En par-
lant de ces orfèvres, le duc de Luynes disait : « Leurs efï'orts pour sortir d'une
» mauvaise direction se reconnaissent dans la disparité de leurs reuvres, dont
» l'origine est très diverse. » Chez MM. Garrard, mêmes tentatives pour améliorer
et épurer leur style, malgré trop de sacrifices encore faits au préjugé invétéré
d'un goût très équivoque. M. Hancock, qui montrait, entre autres objets, un coffre
d'ébène d'après des dessins d'un peintre français, Eugène Lami, témoignait,
d'après le rapporteur, d'une intelligence plus réelle de l'orfèvrerie et des res-
sources que l'art peut apporter à cette industrie. Quant à MM. Elkington, qui,
les premiers, introduisirent en Angleterre vers 1840 l'application de l'électro-
chimie à la dorure et à l'argenture, et dont l'établissement de Birmingham avait
servi de type pour celui de Christotle dans notre pays, ils avaient envoyé à l'Expo-
sition une magnilique série d'œuvres de tous genres, reproduction de ce que les
^1 1 Duc de Luynes, l{ap]>ovl, page 'JiJ.
— 284 —
arts anciens et modernes ont inspiré de plus beau, coupes, vases, bassins, tré-
pieds, etc. Parmi les objets de création moderne, on voyait un grand coffre à
bijoux en cuivre émaillé et doré, orné des portraits sur porcelaine de la reine
Victoria, du prince Albert et de leur famille, avec des figures en ronde-bosse
adossées au coflre. Ils avaient eu riieureuse fortune de s'attacher un artiste fran-
çais d'une habileté consommée, Jeannest, qui exécuta pour eux un certain nombre
de modèles d'un goût très sûr, et dont l'exécution très soignée n'en laissait pas
moins paraître l'origine française.
L'Exposition universelle de Londres de 1851, et le succès même qu'y obtinrent
les industries françaises, eurent une conséquence immédiate des plus graves, et
qu'il convient de rappeler. « En premier lieu, on acquit généralement cette con-
viction que les aris étaient désormais la plus puissante machine de l'industrie; en
second lieu, chaque nation prit la ferme résolution de conquérir à tout prix ce
mobile de nos succès; en troisième lieu, elles formèrent ce projet avec d'autant
plus de confiance qu'elles se dirent que les arts, comme les sciences, sont la
propriété commune de l'humanité, et qu'en les protégeant aussi bien et mieux
que la France on pouvait atteindre aussi loin qu'elle, et plus loin (1). » Ces lignes
sont extraites de l'ouvrage admirable écrit, précisément à l'occasion de cette
Exposition de 1851, par le comte de Laborde, et dans lequel cet homme éminent a
fait ressortir avec une éloquence prophétique, avec une hauteur de vues et une
abondance d'arguments que son extraordinaire érudition lui dictait, les enseigne-
ments qu'on pouvait dégager pour notre pays de la manifestation qui venait
d'avoir lieu en Angleterre. Il annonça avec une précision implacable la lutte qui
alhiit immédiatement s'engager dans l'Europe entière contre l'influence prédo-
minante du goût français, et, d'une plume infatigable, dans un volume touffu qui
ne compte pas moins de 1 039 pages, il indiqua les moyens qu'il fallait employer
pour résister, selon lui, à ce danger, et maintenir, en perfectionnant notre édu-
cation arfisti(|ue, le prestige de nos industries. Il disait : « Notre succès de 1851
serait le plus traître des flatteurs, s'il nous avait fait illusion au point d'endormir
notre intelligence, d'engourdir nos bras, de paralyser notre ardeur. De quelle
résolution la France a-t-elle fait suivre cette reconnaissance générale de sa su-
périorité? S'est-elle dit dans sa suffisance : nous serons toujours supérieurs à nos
rivaux, qu'est-il besoin d'autres efforts? ou bien, se laissant aller au découra-
gement, s'est-elle écriée : Nous sommes perdus, car les étrangers, connaissant
désormais le secret de notre force, vont nous disputer nos succès en appelant
à eux nos ouvriers les plus habiles, en imitant nos institutions consacrées par
une longue expérience?... J'ignore ce que la France décidera. Suffisance aveugle
(1) Comte (le Laborde, Rapport sur les Beaux-Arts à l'Exposition universelle de 1851, page .383.
— 285 -
oti (l('C()iir:i;j'ciii('ii( ('iicrv.-ml soriiiciif ('^^•lli'ml•lll riincvics «l.iiis I.i iiusilion mi nous
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l.';i\ tM•li>^>-l•llll•lll ,11 ii\ ;iil ,1 I M II ni . il (Lui liiiiiiiinix , ('•(;i\ ('■ (|r jirciis es, si;.'ii;il('' ;i vcc
une 111,1 L' l-^l i.ilf ,iMi|)l(iir. ( '. cl.iil uni' dciin nl-^l i;il k m (|(''risi\ <•, alhiil-il rlrr (•(iiiiiiris
[Ml- II' ihMiMMii u'nii\ ciiiciiiciil i|iii' 1,1 ri:iiii-(' \cii;iil (|f ^f (loiiijcr? .\;i|.o|(''(in III
\cii;mI (IV'Iit iKniiiiic cm | icrriir l.c ^nii\ rriiiii ('■(•(iiilcr;iil -il Irs convrilv i|ii coiulc
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(Iciir, ^r liiilcidlll-ils de iciillsrr 1rs i-i'lninifs donl rii|-;.'r||((' rs| iiiili(|ll<-c iiScc
liiiil (le jnslcssc |)rc\ ((\ .iiilc cl un si iiiiiiiil icii\ souci des iiioiiidn-s dcl;iiU, (lUC,
|ioui' ;i|i|ili(iiici' le |ir()i:i;iiiiuic (|iii leur esl e\|ms(' ;i\ec hiiil d';i-|ti'o|io^, il Niiriii-;iil
d'tui ;icle (il- \oloul (•'::' Il ('la s I le li\ re du coin le de Lajtorile jiassa ina|iercii. el aucun
(lèses a\i-^ si sat^cs ne lui mis en |U'ali(|ue. Le ^ouverm'inenl du second l]in|iir('
ne m lieu on à |mmi |)r(''s rien, durant les di\-liuil ann(''es (|u'ij diiia. de ce (jui
a\;iil (''(('' iMMdanu' a\ec lanl de |ial i-ioli(|iie inslancc par le Ni^'omcnx ('crivain. On
ne \il pas le p(''ril (piil a\ail devim- de Irop loin. Hn s'eiidoi'inil sui" les apparences
Irompcuscs d'une pr()sp(''ril('' indiislrielle (pii ne sctidilail (pic ^i-aiidir. (jC n'est
ipi'au boni de vini;l-('in(| ans. sons la Iruisièinc IU''pnbli(pic', qu'on devail s'apci'-
c('V(Mr (pic le comlc dr Laboi'dc aval! (Hc nn vérilablc prophcle, cl (jue son
l\app(»rl (le 1851 élail icmpli de Icc-ons merveilleuses dont on n'avait pas profité
en temps utile!
Ce n'est j^as toutefois que \aj)ol(''()n III ne se soit montre', dmanl le cours de
son l'ègne, nn souverain applique'' à remplir son rôle de protecteur des arts, avec
toute la bonne volonté (ju'il y pouvait mettre. Mais son tempérament de rêveur
hollandais le laissait sur ces choses sans idée personnelle; ne s'étant guère
occupé dans sa jeunesse de se former le goût, il restait indifférent pour son
eouipte aux raffinements du luxe, et laissait à son entourage, à ses ministres, au
surintendant Nieuwerkerke l'initiative à cet égard (2). Favoriser le commerce,
donner à la cour l'exemple d'une certaine pompe qui rappelât l'éclat de l'ancienne
monarchie, encourager cà et là quelques artistes, visiter les expositions et avoir
l'air de s'y intéresser, renvoyer avec bienveillance à l'examen administratif des
ministères compétents toute proposition qui aurait pu exercer une influence sur
la direction générale des arts, c'était le seul effort qui parut à l'empereur répondre,
et bien au delà, aux obligations de sa charge. Il ne songea donc jamais à faire
entrer dans la pratique les idées du comte de Laborde. Cette passivité ne ressem-
blait guère à la prodigieuse et méthodique volonté de Napoléon I", qui, en dix ans,
avait su implanter en France un style nouveau, par des commandes incessantes,
selon des programmes que lui-même imposait! Privées de l'orientation qu'aurait
(Ij Coiule de Laborde, Rapport cité, page 397.
(2) Voyez à ce sujet les Souvenirs d'un directeur des Beaux-Arls, par le marquis de Clienueviére (por-
trait du comte de Nieuwerkerke.
— 2<S0 —
pu donner la Cour, les industries de luxe continuèrent à flotter à la dérive,
emportées dans le mouvement qui leur faisait remonter le cours des âges pour
copier, pasticher ou adapter les anciennes formules des décors de tous les siècles.
« Copies, les restaurations de Pierrefonds dont le talent et la science de Viollet-
le-I)uc avaient réussi à faire une œuvre remarquable; copies les appartements
de rimpératrice, où rarcliitecle Lefuel avait retrouvé les élégances du style
Louis XVI; copies ou inspirations, comme il vous plaira de les appeler, ces retours
aux coutumes royales, poursuivies dans l'étiquette, dans les livrées de la Cour,
dans les vêtements des femmes, ou l'uniforme officiel! Que des esprits indépen-
dants rompent avec ces idées, on leur eu veut de toucher à l'harmonie mouton-
nière; il suffit au beau monde de se continuer sur le pied du départ (1)... »
Un moment, le goût des formes antiques semble renaître, et les décors néo-
grecs devinrent à la mode; une fantaisie du prince Napoléon, cousin de l'Em-
pereur, qui se fit construire et meubler, aux Champs-Elysées, une maison pom-
péienne, par les architectes Ilittorff, Normand et Hossigneux, suscita cet engoue-
ment qui se traduisit par l'introduction du style qu'on appela le néo-grec, et
auquel la création du Musée Campana au Louvre, consacré aux objets d'art
étrusques, vint offrir de nombreux modèles.
Parmi les objets mobiliers que le prince Napoléon avait fait exécuter pour sa
maison pompéienne, se trouvait un surtout antique dont il avait demandé à l'ar-
chitecte Rossigneux de reconstituer l'ensemble avec des documents qu'il avait
fait mouler au Musée de Pompéi, à Naples. Ce surtout affectait la forme d'un
plateau incrusté de damasquines d'or et d'argent sur lequel était placée une
colonne formant candélabre, dont le chapiteau se terminait par quatre enroule-
ments auxquels étaient suspendues des lampes antiques; un autel rectangulaire,
et un léopard maîtrisé par un petit Bacchus, ornaient le plateau.
En même temps, le prince avait demandé à l'architecte Normand une repro-
duction du Parthénon qu'il avait placée dans l'Atrium de sa maison. Le petit
monument avait été exécuté en marbre, et les métopes qu'il avait fait réduire et
restaurer par le sculpteur Auguste Barre, étaient d'argent émaillé en blanc et
polychrome de tons sourds et harmonieux. Le temple était consacré aux Muses,
et, au lieu de la Minerve de Phidias, le sculpteur avait placé deux grandes figures,
Melpomène et Thalie, auxquelles il avait donné les traits de M"° Rachel et de
M'"" Arnoult-Plessy. Les nus étaient en ivoire et les draperies en argent doré. Les
autres Muses, de plus petites proportions, étaient la reproduction de statuettes de
Tanagra dont les attributs et les attitudes avaient permis de symboliser les autres
Muses. Comme pour les deux premières, les nus étaient en ivoire, et les draperies
en argent doré. Ce sont ces statuettes qui, dans les dîners que le prince donnait
(1) Henri Bouchot, les Elégances du second Emjriirc. 1 vol. in-18 (librairie illustrée;, Préface.
ss:
Siirinul iioinpi'ion du priiico Xai)olcun. avec li>s Musi-;
(Orfcrn-ric de Ch. Chrislolle.)
■>H'.>
Melpomène et Thalie. (Tpandcs lî^iircs du siirtotit jxtmpt'ii'n du Pi-iiicr Xapoléou.
Ilrfèvverie de C.li. ('.hriatiijJc.
— i29l —
(liiiis sa maison |Miiii|,(i,iiiic, ti^iiraicnl sur la lalilr aiilniii- du -iirlmil ctToiislitiH'
|iar lJ(l■^viu■ll('ll\ .
I.r |.iiiiii' ,i\ail ('•u'ali'iiiciil (li'liiaihli' a I )i(ltjrlf, arl is| r d/roi al riir du ;j(iul le
(iliis (in, ,1 .[ni N.nail d'i'lir a|t|Mlc a la hiiTt lioll lirlisi ii|iic dr la Maniiracl iiic ili-
Sc\rfs, ini scivicf de dcsscil (ini lui
l'xccnic, foininr le siiiliiul, par I OrlcNrc
( '.lirisloHi'. Il TiLiurail a I Ia |m isil ion de
iS.'l'i. ('.flic t'anlai^ic d nn |aini'c auda-
cieux (|in ainiail la soch'lc des arlisjes,
el eliereliail a créer aidoiu' de lui un
inoiiN cMieiil (|ii'il i-e|irocliail a s(»ii cousin
de ne pas sa\oir snsciler, n'eiil pas de
lenden)aiu. Ce ne fui ipi'un ('clair, nial-
i:yr les rctdienlies et les lra\au\ des
aridii''o!()j4ues, cl des arlisles lels (pic
hldian. hue, l.al>roUSt(\ llupricll-llo- Sun-irr du service du l'i-incc .\;i|)..l.',,n,
l.erl. ele.; les iniilalions pouipéieniies, {Orrèvn-ri,- .h. ch. chnsinp,..
les d(''coi'atious iiéo-^rcc(jucs (lurèi'cnt peu,el, vers I8G0, on se mil i(''S()lumenl
e( dune l'acoii générale aux iiiiilatioiis du (lix-linitièine siècle.
l/impi'ralrice Kniiéiiio, qui avait uiu' véi'ital)le passion pour la figure histo-
i-itpu' de .Mai'ie-Autoinelle, et se complaisait à faire revivre les modes el les élé-
j^ances de celle reine, ne conirihna pas médiocremenl à la vogue des pasli(dies
du slyle Louis XVI (pii commeuça aloi's. Elle, non i)lus, u'avail pas de grandes
connaissances sur les arls, et c'est tout juste si elle avait appris de Viollet-le-Duc
à discerner le roiuau du gothique. Mais, jolie femme, étrangère, elle avait su
s'emparer dès les premiers moments de son règne, avec une aisance el une auto-
rit('' incontestables, du sceptre de la mode; dans les questions de toilelle, elle
était vraiment l'arbitre de l'Europe. On
"v^ - ;^ la suivit donc dans ses prédilections
==---- pour les grâces pompadouresques, pour
les meubles et les colifichets du dix-
huitième siècle dont elle remplit ses
/^^^^, appartements des Tuileries, aussi bien
ym%, ( que les résidences de Fontainebleau et
"^ -^ deCompiègne; jusqu'à la fin du règne,
Compotioi- du service du Prince Napoléon. ce fut Ce gOÙt qui domiua daUS leS di-
A)rfèvrerie de Ch. Christofle.) , , , • '. ' x
verses classes de la société et que pro-
pagèrent à l'envi les ébénistes ou tapissiers, alternant avec les formes de plus
en plus épurées de la Renaissance et les grâces du dix-huitième siècle,
et arrivant, après bien des tâtonnements, à donner une interprétation de
r
— 292 —
moins en moins grossière des finesses exquises qu'ils essayaient de traduire.
L'architecte Lefuel avait refait les appartements privés des Tuileries dans le
style Louis XVI, qui avait les préférences de l'Impératrice. Les sculpteurs Dous-
samy et Leprêtre, auxquels il avait donné asile dans les bâtiments du Louvre
SERRI/RE DE LA PORTE
La serrure l'ie des Tuileries.
(Dessins de Lefuel, exécutés par Ch. Chrislofle.
alors en construction, lui prêtèrent un précieux concours. Les bronzes des che-
minées et des meubles, la serrurerie intérieure dont il avait confié l'exécution à
l'orfèvre Ghristofle, étaient absolument remarquables, et la ciselure ne le cédait
en rien aux ciselures originales de Gouthière, dont les spécimens conservés au
iU'i
i
."V.
'i!i
— '2!m --
(1 ir.l 'MmIiIc iiN.iit'iil ('•It- i-fjn'()ilnils par la ^•al\all<^Itla^li(' pour srrNir de I\|h'S
cl (rcii-M'iL'iiiMiii'iil aii\ ai'lisicv aii\i]iii'K M. Ij'I'iicI iiiiiliail ^cs li-avaii\ ' I .
Oiiclli' i|iii' lui i'i'|M III l.iiil 1,1 I l'inii <|ii.ilili' iiiiilaliiiii iiiii l'ii lui j'ailr, 1rs ruimais-
sciirs (Ml sa\ai('iil ifidiniail ir Ir^ ililliiciiccs, cl , aii|()iiii| Imi, 1rs liiitii/.cs l'ailNa
Cfllf ciimiiic soiil laiilfs a iccdiiiiail If cl (l(''si;.-ii(''s dans la r.iiiKtsih- coiiiiiic du
u l.oiiis \ \ I I iiij HT, il net' ».
Au milieu (le ci's diNd-scs (('iidaiiri'<, r(irlV'vi'('i-i(' rcllMo k'S (•îi|)ricf'S sncccisJsifs
dr la siMii'lc iiii|Miialc. I^llc s'|||>,|iiic laiilot de la I Irnaissaiicc, mais aNce plus de
iVoldcili'. cl iiioiiis d'iiiiaL^ilial iiHl (pi'a l'c'poipic >\i' Louis- j'|iili|ipc, cl lanlôl du
Louis \l\ , ilii Louis \\ cl du Loius \\ 1. Kan-s soni les ;^iaiides (eu\res di'-coia-
li\i's comiiie d _\ eu a\ail eu jadis! (ia;4n<'<' p;u- rc>pril du siccdc, (die rcslc de plus
en plus (diitiiiee dans les I'oik li(uis d'ulillh', dans son rôle pi'alicpic de service d(;
lalile. Sur ce lerraiii, elle piciid, ,:^ràc(' aux pi'oc(''d(''s indiislriels, lui inmiensc
di'\ eloppeiiit'iil . La \ aisS(dle (I ari;cul crdc le jiasà la vaiss(dl<' ar;^ciil(''e, non jtas
sculcnieiil par un souei d'ccououuc, mais par le senlimenl, d(,' la (•(iinniodih' dans
les milieux les |dus l'astneux. Si clie/ la princessc Malhildc on pcrsisle à manger
dans de la \ aisselle plaie (:2), en l'evaiu'hc, aux Tuileries, Lempereur cL rim[)éra-
Irice, même pour les grandes réceptions, se servaient ^(''néi'alemeid de nudal
ai'i;(Mili''.
L'orfèvre (-hrislofle avail été eliar^é d'exéeuter pour Napol(''on III im surloul.
(L' laMe UKuaunental, et, dans celte œuvre extraordinaire, il s'était attaché à
dt'iuouli'er ([ui' larl le plus achevé pouvait se combiner avec l'emploi des matières,
d'extrême bon marché, qm faisaient la base de sa fabrication obtenue par ces
nouveaux procédés éIectro-chimi(jues. Ce surtout, qui, les jours d'apparat, était
roi)jel d'admiration des invités des Tuileries, se composait de quinze pièces prin-
cipales. Celle du milieu représentait la Fi-ance, entourée de quatre statues allé-
^oricjues, emblèmes du pouvoir, la Ueligion et la Justice, la Concorde et la Force;
debout, les deux bras étendus et dominant le groupe, la France appuyée sur Furne
du suH'rage universel distribuait des couronnes à toutes les gloires, à celles de la
Guerre représentée par un guerrier dirigeant l'ardeur de quatre chevaux attelés
à son char, et à celles delà Paix symbolisée par une femme montée sur un char
traîné par ([uatre bœufs. Parmi les autres pièces, il y avait quatre grandes coupes
ornées de ligures allégoricjues qui représentaient le Nord, le Midi, l'Est et l'Ouest
de notre pays; quatre candélalires où se groupaient des figures personnifiant les
Arts, les Sciences, l'Agriculture et l'Industrie; enfin la platerie proprement dite,
les casseroles, réchauds, saucières, supports d'assiettes, compotiers, cloches, etc.
Le tout, en métal argenté, était exécuté entièrement en ciselure repoussée, abso-
(1 Voir la nionograpliie publiée pnr L. Houyer, inspecteur des travaux des Tuileries, sur les décorations
des appartements privés de l'Impératrice.
(2) Voir Concourt, Journal, t. Il, passim.
— 300 —
lument selon les formules traditionnelles de la belle orfèvrerie du dix-huitième
siècle. Mais, à cette époque, les ciseleurs d'orfèvreries repoussées étaient rares;
il fallut mettre au point les ciseleurs de bronze qui, quelque adroits qu'ils fussent,
n'étaient pas suffisamment entraînés; mais sous l'habile direction de M. Schropp,
qui était le chef des ateliers de ciselure de MM. Christofle, une pléiade d'ouvriers
fut bientôt reconstituée, secondée par des ciseleurs émérites tels que les frères
Fannières, Richard Désandré, Honoré, rompus depuis longtemps aux pratiques du
repoussé dans les ateliers des orfèvres, Froment-Meurice, Odiot et Duponchel; il
trouva parmi les ciseleurs qu'employaient les bronziers, Dalbergue, Oouy, Deur-
bergne, Michaut, Meissner, Poux, etc., des mains capables, qui surent rapide-
ment se mettre au courant des procédés du repoussé. Les 1200 pièces qui com-
posaient le service n'exigèrent pas moins de trois années de travail assidu. Le
surtout et toutes les pièces de grande décoration furent exécutés en bronze
fondu et ciselé. Les moulures unies avaient été tirées au liane dans du métal
laminé, afm d'éviter les pi(pu'es qu'aurait pu donner la fonte et altérer la finesse
des profils. Quelques parties des ornements bas-reliefs avaient été obtenues par
la galvanoi)lastie, mais, pour donner à la coquille galvanoplastique la consistance
n M'essairc, l'orfèvre avait eu l'idée ingénieuse de couler dans celle-ci le bronze
même (pi'il enq^loyait d'oi-dinaire, et, grâce à ce moyen, il ('(ait |)arvenu à re-
j)i'0(luire à très bas prix les ciselures fouillées et si parfaites ([u'il était impos-
sible de distinguer les morceaux façonnés ainsi, de ceux qui étaient venus de
fonte et ciselés.
La sculpture de ce surtout monumental était due à Fr<iiii;ois Gilbert qui,
depuis de longues années, travaillait aux modèles que Christofle créait pour sa
nouvelle orfèvrerie. Gilbert était surtout un très habile ornemaniste. Ce fut lui qui
composa et modela les moindres détails de rornementation, et exécuta les figures
avec la collaboration de plusieurs artistes statuaires d'un talent reconnu, Briant
frères, Daumas, Demay, Dieboldt, Caudron, Montagny, Rouillard, etc.. Peut-être,
à l'heure actuelle, estimerait-on ({ue les figures, d'une facture un peu sévère,
marquaient trop le symbolique solennel et lourd qui était dans le goi^itde l'époque.
Mais l'exécution en était si précieuse, la ciselure si délicate, qu'on était étonné,
en les voyant, de l'admirable virtuosité de tous ces artisans du métal. Toute la
partie ornementale, inspirée de la plante avec un complet souci de l'exactitude
et de la vérité, et traduite avec un sentiment, à la fois très vif et très châtié,
des réalités de la nature, témoignait des mêmes qualités d'originalité et de sin-
cérité d'observation et devançait le mouvement qui, par un retour à l'étude de la
nature végétale, allait provoquer quarante ans plus tard les recherches décora-
tives de la génération qui, aux approches de 1900, s'efforça avec tant d'ardeur
de secouer le joug des anciens pastiches. Cette œuvre considérable a péri dans
l'incendie du Palais des Tuileries, en 1871. Lorsque, après les désastres de la
:tiil
(".lijclie ronde, casseroles d'enti'ée et d'entremets avec l'échatid. t'Ioche osale.
Modèles tle F. (iilbei't. Orlèvi-crie de Cli. (".hrislotle.
(Musée des Arts ilécnratifs.
— MÏA —
f^iicrrc, (Ml Iniiill,! l(•-^ iiiiiii'-> (les Tiiilciir--, M. I.cIih'I |iiiI riMinii- pn-^ de ."Jr^OO Ki-
lo^'iMiiiiiir^ (If (Ichiis nu'il lit \(.ii- ;i M M . ( '.liri^l ( illc , cl leur (Iciiiaiida ^il ••lail |)()s-
sililc d'en lii-cr |iaili aiil iciiiciil (|iic par la Idiilc polir en rd rodvcr \'<>v cl I ai';.'('iil
par ralliiia-c ou en lc-> \ciiilaiil a (lc-^ l)|■()(•alllcllr-^. MM. ( IIiii^-IdIIc cii ollrirciil
1(1 t'ralll•■^ le kiloL'raiiiiiic. C.'clail une ^(.iiiiiic de .■KHIOI) fraiK ■^ a di''l)()iir--cr, mais
iU n'Iic-ilcrciil pa> a ai-(pii'-iir ces dejtris, mal^rt' les d(''r(iriiial i(»ii-> (|iic le l'eu
leur a\ail l'ail sujur, csperaiil (piil leur siTail po^sdiie de i-ec(iii^l il uer un jour
(pudipics unes de^ pieei's |e> plus iiiip( irla ni es. cl de s;iii\('r de IdllMi une (eii\rc
(îrande cloche ovale en ciselure rcpoussiie.
Nîoilclc (!c F. C.ilhei-l. ( )i-levi-ci-ie de Cii. Clicistolle.
(Miisce des Arls (lécondifs.)
i\\\\ avait ('k' la i;Ioii'e de leur père. Quant à l'orfèvrerie proprement dite, il n'en
restait rien. La légèreté de ces pièces, exécutées au marteau et ciselées au re-
poussé, ne les avait pas préservées des ardeurs du feu et de l'cfFondrcment du
Palais (les Tuileries.
Heureusement les modèles en avaient été en partie conservés, ce qui a permis
à MM. (Ihristolle de reconstituer quelques-unes des pièces d'orlevrerie qu'on a
pu joindre au surtout du milieu, aux groupes des corbeilles latérales et aux
candélabres ([ui, restaurés avec habileté, ont figuré à l'Exposition centennale et
dont la libéralité de ses enfants a permis d'assurer la possession définitive de
l'œuvre maîtresse de Charles Christolle au Musée des Arts décoratifs.
Napoléon III s'était intéressé d'une façon toute particulière à l'exécution de ce
service. Il en avait vu les esi[uisses dans l'atelier de l'artiste. Atelier n'est pas
absolument exact, car, où trouver un emplacement de 50 mètres de longueur
— 304 —
dans une salle spacieuse permettant de présenter l'ensemble de la composition.
Gilbert, qui demeurait dans la rue de Bellefond, voisine de l'hôpital Lariboisière
alors en construction, avait obtenu d'utiliser une des salles de l'hospice pour y
exposer son œuvre, et c'est dans ce cadre iniprévn que l'Empereur put se rendre
compte de l'effet de cet important ouvra^^e.
11 en avait également suivi l'exécution chez l'orfèvre, et se faisait présenter,
soit aux Tuileries, soit à Saint-Cloud, les pièces principales au fur et à mesure
de leur achèvement. Ce qui lui plaisait par-dessus tout, c'était le contraste entre
la perfection de lu main-d'œuvre et le bas prix du nnUal employé. 11 y avait là
une nouveauté qui était en contradiction avec toutes les habitudes séculaires, et
avec les règles des esthétiques du passé. Montrer que l'art doit à la forme qui
Texprime son prestige bien i)lus quii la richesse des matières par lesquelles il
se manifeste, et que la beauté peut resph^ndir sous le vêtement le plus humble,
tel était le sens de la démonstration dont lEnqxM'eur prenail la responsabilité.
Celui-ci comprenait fort bien la portée de l'exemple (|u'il (ionnait. en admet-
tant, au milieu du luxe de ses palais, une orfèvrerie en métal argenté ; il lui
souriait de penser (|u'il contribuait ainsi à déuiocraliscr le luxe d'une certaine
manière et à introduire jusque dans les classes les moins aisées l'usage d'une
argenterie peu coûteuse. prati(|ue. et qui permettrait la vulgarisation de modèles
bien étudiés, dont seules, jns([ii"alors, [aristocratie ou la riclic bourgeoisie avaient
.lai'cliiiiére de rimpL-ralrice Eiif^c-uie, anses cygnes.
(Orfècrerie de Ch. Chrislofle.)
pu se réserver le privilège. L'Impératrice elle-même avait désiré un service'
personnel, et demandé à Christofle un surtout et des pièces de dessert exécu-
tés dans le style qu'elle affectionnait.
La corbeille centrale était de style Louis XVI, et la frise h enroulements qui
décorait la panse n'aurait pas été désavouée par Gouthière. Deux cygnes ser-
vaient d'anses et l'écusson central était accompagné de petits génies soutenant
la couronne impériale.
Rossigneux avait donné le modèle de la coupe à fruits dont la vasque était
en iiii'hil ilcfiii'.' irciii:iii\ iiiriMl-^U'S. (/('I.iil iiiir liiil.ili\<' un |hii I iiiiidr .•n.(.ic
il,- ra|i|i|i.;ilinii A,- rniiiiil ;iii >.'r\ifc dr l;il.li'. \.i-^ i-iiiii|inl hts, rlaj^erL'S ri |.iri|s
d'as-^U'l If ^(l|i|mil;iiciil ('•i^alriiiciil ilrs ((iiiiicv ,■ dal diToi'i' il'i'inMil . hii jm-II
de lfiii|i><, htiis Ifs (•oiirlisaiis, Ic^ iiiiiiisi ro. lis aiii;dclli-s iiH'iiir 1rs jdlis |-d liiics
xoidiirciit , a I iiislar di' la rmir, a\iiii' ijcs scrsiccs cri orlrN rrric ar^fiili'c. (.Iiii---
|,ill,. lui (Icjiiiid' pal' ii's coiiiiiiaiidcs. j'diir li' i\{n- de \|niii\. \\ en lil un Innl
la nitM'c de nnln'ii ii'|)ii'scnlail dt'sai;jlrs son-, la inolrcl imii drsipKds jonairnl
(".mii>i' à IViiits du service ilc 11 mpéralrico. nuulèle de Kussiyneiix.
(Orfèvrerie de Cli. Chrislojle.)
des ij;i'oii|)L's (reniants (|ni liiiiiraienl les Iravaux des Arls, du Coinnieree cl de
l'Industrie répaudanl rAboudauL-e. Pour les Ministères des Finanees. de TAgri-
eulture et des Travaux i)ul)lies. pour le Ministère d'Etat, il en exéeula d'autres
qui furent non moins appréeiés. L'n service destiné aux paquebots des iMes-
sageries iinpi'riah s eut le plus grand sucrés, et bientôt, tous les bateaux de
la Compagnie, (pii allait faire ilotter le pavillon français sur tous les océans
du giol>e, furent pourvus de services d'argt'nterie qui n'ont |)as peu contribué au
confort qu'on trouvait à bord de ee.^ l).ileau\, et h leur succès. L'orfèvrerie.
ainsi engagée pleinemenl dans la voie de l'industrie, voyait s'ouvrir devant
i-2
- 306 —
elle riiorizctii sans limiles d'une immense production, et allait désormais, par
voie de conséquence, multiplier ses manifestations sous les formes les plus
variées et les plus imprévues.
L'Exposition universelle de 1855 atteste l'intensité naissante de ce mou-
vement. Ouvei'fe au centre de l'avenue des Champs-Elysées, dans le palais cons-
truit à cet elTet et qui n'a disparu que pour faire place aux nouveaux édifices
élevés en 1900, elle prouva que la France, au milieu de la prospérilé des pre-
tnières années de l'Empire, avait commencé à profiter des leçons que nous avaient
données les Anglais à Londres en 18-)l. Tandis que ceux-ci avaient appris de
nous, à mieux comprendre les arts décoratifs, à mieux voir, à jouir des choses
(|ui charment l'œil et embellissent la vie, ils nous avaient enseigné, par récipro-
cité, à produire mieux et à meilleur com|)te tout ce qui en constitue le côté
j)ratique. Nous les avions conduits dans la voie du beau; ils nous avaient menés
vers rutile, et les autres nations, attentives, suivaient les efforts des deux grands
pays, en profitant à des degrés divers des exemples qui leur étaient offerts.
Le nombre des orfèvres qui prirent part à l'Exposition de 18o5 fut plus élevé
qu'il ne l'avait jamais été. Le jury, présidé par le marquis d'ilertford, type
accompli dn collectionneur de goût et de science, avait pour vice-[)résident le
comte de Laborde, et pour rapporteur des sections d'orfèvrerie et de bijouterie
''car les d^ux étaient réunies), l'orfèvre-bijoutier Ledagre, et Fo'^sin, l'ancien
joaillier de la couronne. Comme récompenses, des médailles (riioiuieur furent
attribuées aux fabricants français suivants : à Allard, pour les perfeclionnements
apportés par lui à la falu'ication des couverts; à Duponchel, qui n'avait pas encore
(erminé l'or.èvrerie de la fameuse slatue de Minerve, commandée par le duc
de Luynes; au sculpteur Simart; à Froment-.Vleurice qui mourut subitement cette
année même, en plein succès de celte Exposition de 1855, et dont les œuvres, no-
tamment son surtout pour le prince Demidoff, Bacchante et satyre, furent grande-
ment admirée^; a Gueyton qui, à dilférents travaux obtenus par la galvanoplastie,
joignait des pièces d'orfèvrerie remarquables par le modelé, le repoussé et la
ciselure; à Gh. Cliristolle, qui, outre le grand service de l'Empereur dont nous
avons parlé, présentait quantité d'autres pièces intéressantes : services à thé,
c't dessert, surtouts de table en métal argenté, ainsi que des applications curieuses
de la galvano|)'astie à la décoration du mol)ilier, des vases de Sèvres, etc. Des
médailles de |)re nière clause lurent accordé'es à Aucoc et à Audot pour leurs char-
«nants néce«^saires; à Jarry aine, bijoutier autant qu'orfèvre, dans ses aimables créa-
tions de fantaisie; à Henry llaycl, ai'tiste très habile qui excellait dans la compo-
sition et le modelé des oriiemenl-^ et de sujets Louis XV et Louis XVI; à Lebrun,
le doyen des orfèvres parisiens, sans rival pour la perfection du travail, et à qui
les frères I^annière, les neveux d Faucoimier, avaient prêté le concours de leur
«inagique ciselet: à Ch. Uossigneux, l'architecte du prince Napoléon, dessinateur
— ;jo7 —
llttl--^ lij^llt', tl •riiiMlciir illl-^->i sii\;iiil (|H lll-i'lliflIX i|lli riiiiiiiis->;iil des iiiodilr-. ;ill\
iii(lu-^lri<'s l("^ l'Iii-- (li\ri's('s, cl i|iii, iclli' iiiiiiiT 1,1, ;i\;iil m !<■ ciiiuicr «1 cxiio-cr
pour S((ll cniiiiilc une colIlM' (r;ir^riil d'illi ^'itùl Itill'l'llil ; .1 lîllilMl|)lii. Ir ^liccrssclir
(le Wagner, |Miiir de ;:i;iiid-- li:i\;iii\ d i M les mie ;ii-l isl n|iif, rM'cnh'-^ en collalid-
ratioii a\('f le -culitlciir < linllni) dr ( .liaiiiiics d le cisclciir l'<tii\; a \\'i<--c, ('Icxc'
de ridiiHMil-Mciiiici' cl l(iii;^lfiii|is mhi r\\c\' d'alrlicr, un t'alnicaii I des jdiis adiftits
diiii^ IdiilcN ^i)ili'-> de |iii'ics d'iiiic ((hiiihisi | n m Irc-^ |)rrsuiiiir||c ; a Poiis^icl^-iu;-
Gmipotier. pied dassiettc et étagère du service de l'Impératrice.
(Orfèvrerie de Cli. Christofle.)
Kusand, qui coiiiinemjait à réaliser dans l'orfèvrerie d'église une véritable révo-
lution dont il va être question plus loin; à Trioullier, à Thierry., autres fabricants
spécialisés dans les objets du culte et qui faisaient un heureux emploi de l'émail
pour les vases et ornemenis sacrés; à Veyrat, pour ses excellents modèles d'orfè-
vrerie en « plaqué » ; à Dotin, un éuiailleur qtii, des premiers, s'essaya aux pièces
d'une grande surface et qui excellait à l'exécution des plats, des vases, et des
menus objets à étnaux sur paillons ou sur or; à Gi\Tnger, le metteur en œuvre des
ornements de théâtre, depuis l'armure jusqu'au bijou, et fort entendu dans les
divers styles; à Guerchet, l'inventeur d'un genre particulier d'orfèvrerie en argent
découpé j'abrège cette liste et j'omets de mentionner les exposants récom-
— 308 —
pensés d'une médaille de deuxième classe, bien que, parmi ceux-ci, figurassent
des falîricants réputés, tels que Cardeilhac, pour sa coutellerie de luxe, Debain
et Fray, pour leur orfèvrerie de table; Giroux, pour objets de fantaisie ciselés
délicieusement par les frères Fannière, etc. Mais il faut se borner.
Les orfèvres étrang'ers à qui échurent des médailles d'honneur furent les
mêmes Anglais ((ui avaient déjà remporté un Ix'aii ti'iomphe à l'Exposition de 1851,
c'est-à-dire: Ilunt et lloskcll, pour qui Antoine Vechte continuait à produire ses
magnifiques ti'avaux en repoussé; Hancock, Garrard et G", et Elkinglon et Mason,
dont la vaste manufacture de Birmingham appliquait siu' sa plus vaste échelle les
procédés galvaniques. Deux maisons allemandes, Vollgold de Bei-lin, et l'Aca-
démie de Dusseldorf, obtiennent aussi cette haute récompense. Quant aux mé-
dailles de première classe, elles furent partagées entre les exposants suivants :
Cartwright, Ilirou et Woodward. GoUes de Birmingham, James Dixon de Sheffield,
Winckelmann de Tinna (Prusse), Schœller de Bcrndorf (Autriche), baron de Scldik
de Gopenhague, lesquels, en vérité, ne montrèrent rien qui fût pour la France
particulièrement intéressant, si ce n'est l'extension industrielle que l'orfèvrerie
prenait en certains pays.
Ge fut d'ailleurs le caraclèi'c généi'al de ce dévelo[)pement (|ue le rap|)(trleur du
jui'y de 18')') s'appliqua à mettre en lumière, insistant, notamment, sur les ré-
sultats nouveaux obtenus dans la fal)rication par l'outillage mécanique qui ten-
dait de plus en plus à se répandre. « Il y a ;i peine dix ans, disait-il, la fabri-
cation des couverts qui est une espèce dans le genre, la plus importante peut-
être, en raison de ce (pTelle s'adresse à la consoinnudion générale et met en
mouvement un capital incomparablement supérieur, était une industrie barbare,
comparativement à ce qu'elle est aujourd'hui. Le développement qu'a pris cette
industrie, le chill're de la production considérable qu'elle atteint annuellement,
l'ingéniosité des inventeurs (|ui ont fait de cette fabrication une des applications
les plus intéressantes de la mécanique, nous engagent à nous arrêter un instant
sur cette partie de l'orfèvrei'ie qui est devenue une spécialité, qu'exploite la cor-
poration importante des orfèvres cuilleristes. »
Un couvert se compose de deux pièces essentielles : la cuiller et la fourchette.
Ge n'est qu'au dix-septième siècle que l'usage de la fourchette est devenu cou-
rant (\). Jusque-là, la foiu'chette était à deux dents, quelquefois à trois, mais
généralement fabriquée en fer forgé et montée sur des manches souvent très
riches d'un travail précieux, dans lesquels l'orfèvre trouvait l'occasion d'appliquer
toutes les ressources de son art. Quant aux cuillers, elles sont aussi anciennes
que la soupe, comme le dit plaisamment le comte de Laborde.
(i) Voir, sur l'ailoptiou des fourchettes, le Diclionnaire de l'ameublement, de Henri llavard, tome II,
page 307 et suivantes.
— oOJ —
.lll-M|ir,ill iiiilirii ilii (li \ liiiil hiiif >«irclr,
Ic^ (•(MINClK il.lll'i'lll clllhlll |ii|-^'(''s ,'l la
iiiaiii . Sur lin 11, m i\r I > u nu- un I iiiicli I a il'i'
(|ci()ii|>;' ilaii^ un liiii'ol d'aru'i'nl lainiiM',
rorlcNic (l('•;^|•(t>^^ivsall ^lir I (•iirliiiiic Ic^
t'oniK'v (In cniiNcil . I.a v|iahil(' •> flar^'i^-ail ,
le ciiillfroii N'aiiiin(i--^ail , le uiamlic n al-
lon;4t'ail '^(Ml^ I Vlloil I('|mIc du inaricail,
cl, t;rà((' a I liahiirli'- de le ni\ lier, dcvciiad
fil » 1 1 1 (• I ( I II (• - 1 1 1 i 11 n 1 1 • V la > I II K n 1 1 ■ 1 1 ( • a 1 1 1 a I de
la iiiillcr cl de la tonrclicl le ; puis la Imui-
Icrollc Cl! acier ^crxail a fiitdiiccr le ciilc-
i-(iii, le iiiarlcaii de luii- a donner le caiiilnc.
La lime cl le [mli a( licNaicnl le lia\ail. si le
(•(MiNcrI d('\ait r('>lcr uni ; iiiai^. le |ilii> (H*-
dinairciiKMil , ('cllc tonne unie elail dcsliiK'c
à roccvoic ou des lilcls ou ilc-- onicuiciits.
Ii(>s lilcls se i-c|»i'ciiaiciil au rilliur, cl les
orucuiciils s"cstain|iaicul a la masse daus
(les uiali'iees de pelile diiiUMisioii, les unes
poui' la spalule, les autres pour le boulon,
couune celles (preiuployaicul les nioiié-
laires pour la t'aluicaliou des monnaies et
des médailles, aloi-s ((u'on ignorait encore
l'emploi du balancier.
Le Cabiiu't des estampes conserve un
petit voliunc daté de ioT-i, d'Hartmann
Sehopper, ijui nous montre un monnayeur
frappant une pièce de monnaie. D'une
main, il tient le poinçon portant à sa base
la gravure en creux de l'effigie à repro-
duire: de lautre, une masse avec laquelle
il frappe sur le coin qui va imprimer le
relief du llaii placé sur l'enclume.
C'est ainsi que procédaient les orfèvres
cuilleristes. C'est ainsi qu'ont dû être faites
les deux cuillers datant du milieu du dix-
septième siècle, dont l'une est à spatule
t .'i^i. ' ^* i 1 j 1 „^ Cuillei's du dix-septième siècle, laites à la main.
trilobée, et porte un bouton de revers en Cuiiicr à pot.,-, fondue et ciselée.
fer de lance dont le caractère de simplicité (Collection m-nri loniihei. Musée ceud-nmii.)
\\~^
^'^itfex^
310
est d'un goîit charmant. On retroiivo ce motif dans un couvert très en usage
en Angleterre, et connu sous le nom d' « Old Englisli ». L'autre est analogue,
mais avec des fdets repris au rilloir il a conservé le boulon de revers en fer de
lance, mais la spatule est décorée d'ornements en ciselure et les fonds pointillés
au perloir.
Nous donnons en môme temps une cuiller à potage, dont les dimensions et la
riche ornementalion n'auraient pas permis de l'exécuter de la même manière :
elle est fondue et ciselée. Cette pièce, du dix-huitième siècle, est l'ccuvre de
(icrmain, et faisait partie de la collection
(hi mai'(|uis da Foz. Elle fut vraisendjla-
blemeid exécutée à l'époque oii Germain
travailhnl pour la Cour de Poi'tugal. Ce
n'est qu'au dix-septième ï>iècle que le ba-
lancier, doni on lait i-emonlcr l'invention à
.Nicolas Ui-i()l, fut employé à la frappe des
monnaies et est devenu dej)uis d'un usage
courant non seulement dans les luMels des
Monnaies, mais dans Tindusti-ie de l'orfè-
vrerie, et au dix-huitième siècle que les
oi'fèvres employèrent des matrices d'une
seule pièce |)Ouvant donner l'empreinte
comj)lète de l'ornementalion du couvert.
In balancier se composait essentielle-
ment d'une cage plus ordinairement en
fonte ou en bronze, li'ès massive pour ré-
sister k l'elTort du travail; il était muni, à
sa partie supérieure, d'un fléau en fer ter-
miné à ses deux extrémités par des boules en plomb très pesantes. C'est dans
ces boules que résidait l'énergie du balancier, et, par un élan que les ouvriers
donnaient au fléau, ils pouvaient modérer ou augmenter la force du coup qui sert
à imprimer les ornements sur l'objet placé sur la matrice disposée sur le socle
du balancier. Le fléau portait dans son axe une vis qui pouvait monter et
descendre sous l'effort du lléau, dans une boîte coulante qui guidait le marteau
qui devait frapper le coup et donne tout son elTet sur la matrice en acier gravé.
Ce fut Varin, directeur de la Monnaie au dix-septième siècle, (jui perfectionna
routillage et remplaça le travail à la main. Varin était un graveur de talent, et en
même temps un habile mécanicien qui, à la fin du dix-septième siècle, réorga-
nisa les ateliers de la Monnaie. C'est aussi vers celte époque que le balancier
pénétra dans les ateliers des orfèvres où il est encore en usage aujourd'hui.
Sous l'Empire, les canons pris à Austeditz furent donnés par l'empereur au
L'orloNre inoiiétairc (lô'jji
{Ciihinel des eshimpea.)
— :hi —
(lirccliMir (les .ililiiTs (le la Mitiiiiaii, i|iii irolilinllii ccs'-ioiMlr ce hroii/c (jii'a la
roiKJilioii iiiic Ir^ lialaiicici's scr.i iciit ((ich- d'iiii cullicr -,iir |c(|iicl on lirait :
» |ln»ii/c |iii^ a \ii-lcilil/ Mil- ri'iiiiiMiii. i iliTciiilirc iSO."). " l/iiin- di- (M'S raj((,'K
cxislc encore an iini'^t''e de l'iJiMel de^ Mniiiiaics.
I.e Mii^'-e eeiileiiii.d ihill-> a\ad liinidre illie|(|nes-iliis des l>|ie- je> |)l(i- iille-
re^saiiU île ((tuM'ils île celle i'|iiii|iie. ihhin asoiis dt'ja dniiin'- au la\re I, cjui-
pilic m, Ic^ l\|M's de Cll|l\e|•|-^ llllis ,i| ipJirl eiiaill au di\-M'|)l ieuie sjrcle el i|ui mIiI
r.iil |i;iiiie de la colleclimi de M. l'aul laidel.
Le l)alancicr à liras.
((iravure de l'Hueyclopédie.)
M. (lormaiii Bapst, dans sa monographie de l'orfèvrerie française à la cour de
l*ortiii;al, a reproduit le service de couverts que l'orfèvre Fr. Thomas Germain
avait exécuté pour le roi, mais à une trop petite dimension pour les reproduire ici.
Nous trouvons également dans hi vitrine du Musée centennal des couverts du
dix-neuvième siècle de Tépociue impériale; l'un (jui dut être fabriqué par Biennnis
sur un dessin de Percier et dont les matrices existent encore chez un des prin-
cipaux orfèvres de Paris, l'autre qui est de Biennais et que M. Bernard Franck
avait exposé, c'est le couvert qui a servi à Napoléon I" pendant son exil à Sainte-
Hélène. Il appartenait à la reine Hortense. Lors de son départ pour l'exil, l'Em-
pereur (|uiltait la Malmaison oii il avait passé ses dernières journées, avec mi
bagage modeste où il avait à peine réuni les objets de première nécessité. Lu
reine Hortense glissa, au dernier moment, ce couvert dans la vali-c de l'Empereur
— 312 —
qui ne le retrouva que sur le navire qui l'emportait hors de France. Il le laissa
par testament au général de Montholon, et c'est de la
l'nniillc de son compagnon d'exil que M. B. Franck a pu,
à gi'and'pcine, olitenii' cette relique qu'il a réunie à son
musée de l'époque inq^ériale.
\a' Musée centennal nous a également permis de re-
présenter un spécimen des couverts en argent qui avaient
été faits pour accompagner le grand service de gala de
Napoléon III, et dont les modèles avaient été, comme
})()ur tout l'ensemble, l'œuvre de François (iilbert. Ces
pièces étaient uniques; il n'en existe plus d'autres au-
jourd'hui. Toutes celles qui étaient restées aux Tuileries
en 1870 avaient été envoyées à la Monnaie par ordre du
gouvernement de la Défense nationale, pour être fondues.
Tous les couverts de cette é|)oque étaient tal)ri{|ués au
l)alaiicier et au mouton, dans des matrices doubles dont
la superposition et la coïncidence exigeaient une pré-
cision remar(|uable, et encastrées dans des boites en fer
forgé. Les couverts étaient
préparés comme |)réc(''d('m-
ment à la forge, suivant un
(Coiu-viion licnuini /•v.n.c/,-.) Calibre Spécial, et portés sous
le balancier. Le flan, dont la
longueur et l'épaisseur étaient appropriées à chaque
modèle, était placé entre les deux matrices et soumis
à l'action puissante du balanciei' qui. en achevant de
lui donner la forme, imprimait les ornements, arron-
dissait les fourchons et emboutissait les cuillerons :
après ces opérations le flan devenu couvert n'avait
plus qu'à être reparé à la lime et terminé par le poli.
Mais ce n'était pas encore la fabrication rapide et éco-
nomi(iue, qui devenait nécessaire pour répondre à
raugmentation de la consommation que l'application
du procédé d'argenture allait déterminer.
C'est alors rju'apparait le laminoir et le rouleau en
acier gravé. Ce fut Allard, le directeur de la Monnaie
de Bruxelles, qui mettait pour la première fois au point Couvert de style Empire, de Na-
la fabrication du couvert au laminoir, et devait faciliter
la production rapide et à bon marché. Ce procédé exi-
geait un acier d'une qualité qu'on ne rencontrait que rarement à celte époque.
Couvert de style Kuipii-e,
tra^■ail de Bienuais.
1i'\'^
poléon à Sainte-Hélène.
(Collection Bernnrd Franck.)
:ti:i
Service do ouvcrls do Napolcn 111. exOculé au l,alancicr ,.ar Ch. Clu-istolle.
{.Mitséc 'les Arh ili'rnnilifs.
ni
('ouverts modernes exéculés au laniiiioi
[Cullection Chrislofle.)
— ;ji7 —
l\l'll|i|i. iImiiI II- iiuiil cvl ii('\rini iiiiiiMliiil ji.'ir ^llilc lie rilll|i()l'l<ltl(-i- i|M il a i|<illll<-r
a lii l'iiiu ir.il KHI i\r l'arici'. ri -iii'Idiil |iai la rrcilhni, a Misscil ( l*rils>^f), di- la |ilu>
f(ll(>Ss;ilr iiviiic (!,• ciiiinli-^ i|lll cvl-lr ail llliil|i|r. ,i\ail illUi;.' ill<'' lllli' si'-rir d'oilliU
cl (il- hiiiiiiKHi-^ |Miiii- la laliiii ;il itiii Jii coiivcil, r| iiKiiili- | ilii>-icii|-s Cal tr;i|ii< s ini-
I Kill ,llll('^, lalll iii \ llciiiau^^ ne i|il(li \ ni llilic Mai- ijaii- -mi \i\t)cri\r , roiiillic
liai!-- I ijiii (I \llanl, le-- iuiilraii\ ilaiciil dr juiil (|i;i iiirl ic, M ,i \1 (l'ii 1 1 ini'i n;s,
cl |c-^ ((niNcrU |ias--c^ aii\ iiiacliiiic^ a\aiciil |c ;/r,i\c iiicdiis (''iiicnl de -r,ilir dc^
nuilcatu avec des |nii:^iieiii> inégales. (',"cv| ,| un IVaiii'ai'-. M. II. l,c\alloi-. (|iic
l'on dnil la I laiisloriiial itiii du laiiiiintii' a loiilcaiix ciniilan'cs di' |iclil diainclrc,
cil iiiacliincs a Na-cl-\ iciil , unies par une ImcIIc (ipiTaiil la lui's^ion ^m- des ma-
(l"ici's en l'orme d<' seunieiils de cylindres, nionli'cs siii' un Moc circulaire en l'ouïe
a\anl ()",()o de diainclrc. I,.i |>rcssioii, s'e\ercaiil sin' inic siirlace |»|iis -rande (|iii
leiidail a se ra|i|)r(M lier de lliori/oiil alil e, rciiK'diail aii\ iiicoii\ l'iiiciil s des rou-
leaux de pclil diainclrc cl les coiivcrls sorlaiciil en |ierrcclioii, de loii;-'nciir idcii-
li(|nc. (".elle idt'-e ini^t'iiicusc a\ail itcrinis de r(''aliser hi |ieire(dioii du li-a\ail
proiliiil par le halaiicier. mais avec mie rapidih' de |irodnclioii ipii allai! en dimi-
nuer le prix de rc\ienl. Celle l'aliricalioii l'id iiislalh'c ii l>oriicl, dans l'Oise, par
riiiNcnlcm'. MallieiirciiseiucMl pour lui, il s'i'-lail adrcssi' à des capilalislcs (|ui lui
a\aieiil l'ourni l'ariicnl rK'cessaire, mais ipii, |)rolilanl d'une (dause résolutoire de
son traile. I a\aiciil coniraini à se rcdii'ci" au momcMl oii rcxploilalioii (''lail en
pleine producliiui. cl allait lui donner la rorluiie. iN'ut-èlre serait-il mort, dans la
inisÎM'c. s'il n'avait pas l'ciicontrc'. dans .M. (Ihristotic, lliommc qui pouNait le sauver-.
II lui aj)p()rtail ses procédés, son e.\|)éi'ieiicc, et, c'est ^ràce à lui (pTil devait
monl(>r la grande usine de Saint-Denis où Ton fabrirjue aujourd liui des centaines
de douzaines de couverts par jour.
Le rappoi'teur du .lurv de 1855. en siiiiialanl rimpoi'tance rpTavait d(''j;i i)rise la
faliricalion par routillaii'e m('M'ani(pie, ne faisait qu'entrevoir le développement
qu'allait prendi'e l'industrie de l'orfèvrerie par l'intervention simultanée de Tar-
genture galvaniipie et de la machinerie moderne. En s'appuyant sur les documents
les i)lus autorisés, on constate aujourd'hui que la quantité de couverts argentés
fal)ri(|ués par jour s'élève pour les seuls pays qui fabriquent en grand Torfè-
vrerie argentée :
en France à :2 000 douzaines,
en Angleterre à :24-00 —
en Allemagne et Autriche. à 3200 —
en Améri([ue à 2400 —
et que la charge d'arg-ent déposé, varie de 100 grammes à 25 grammes par dou-
zaine, suivant la destination du produit. Il résulte de cela que, calculant sur un
poids moyen de 50 grammes par douzaine, ces quatre pays produisent par jour
— 318 —
10000 douzaines de couverts argentés, soit 3 miilions de douzaines par an pour
300 jours de travail. La quantité d'argent ainsi employé et qui disparaîtra par
l'usure, s'élève au poids considérable de 150000 kilos d'argent, qui sont complè-
tement enlevés à la circulation du mêlai précieux.
La baisse de l'argent n'a pas été un des moindres facteurs de raccroissement
de la production ; elle a également provoqué un mouvement ascensionnel corres-
pondant dans la |)roduclion du couvert et de l'oiTèvrerie d'argent, et le poids
présenté amuiellement au contrôle de la Monnaie de Fi'ance, qui était en 1889
de 71537 kilos, s'est élevé en 1000 à h208(;0 kilos.
Laminoir à couverts, de H. I,e\alloi
l'i'ain (le liiiiiiiioirs.
TABLE DES MATIÈRES
LIVRE DEUXIEME
LE DIX-NEUVIEME SIECLE
Première période, 1800 à X860.
CHAPITRE PUKMIEH. La Révolution et l'Empire 1800 à 1815 . — Eanéan-
tisscment de rOi-fèvrerie sous la Terreur. — Pillages el ventes. — Le
pseudo-luxe du Directoire. — Exposition de l'an X et de i8oG. — L'argen-
terie de lEmpereur. — Le service de vermeil de Napoléon I'"". — Le nou-
veau style. — Les architectes Percier et Fontaine. — La toilette de Tlnipéra-
trice. — Le berceau du roi de Rome, par Prudhon. — Les orfèvres Auj;uste^
(^diot. l^ienuais
— 320 —
CHAPITRE DEUXIÈME. La Restauration de 1815 à 1830). — A hi Cour de
Louis XMII : ni fêles, ni ar[. — La duchesse de IJerry. — L'Orfèvrerie aux
Expositions de l'industrie, 1819 et 1828. — Odiot père. — Cahier et Faucon-
nier, — Sacre de Charles X. — Faux gothique et fausse renaissance. — Le
succès du « plaqué », Exposition de 1827. — Odiot lils et le goût anglais. . ((j
CILVPrrUE TROIS! È.Ml':. Le règne de Louis -Philippe (1830-1848!. — L'in-
fluence bourgeoise de la Cour et des salons. - Le romantisme. — Collabo-
ration des sculpteurs : Jean Feuciières. Klagmanu, GeollVoy de Chaume,
Charles Odiot, le décorateur Chenavard, le ciseleur Antoine Vechle. —
Ivxposilions de l'Induslrie de lS3^|, l8')() et l8''|'',. — Vogue des formes an-
glaises. — Les élèves d'Odiul : Lel)run et Durantl, \\'agner et ses nielles. —
Les succès de Fromcnl-Meurice. — Débuts de Christoile et décadence du
« plaqué ». — Une slalislique des orfèvres en i8_^i7 171
CHAPITRE QrATRIl<]Ml''. La deuxième République et le second Empire
(1"' période, 1848-1860 . — Le contre-coup d'une révolution : les artistes
français en Angleterre. — lullucnce du duc de Luynes sur l'orfèvrerie fran-
çaise. — L'Exposition de i^\[). — Les oi-fèvres Fiomenl-Meurice père, Du-
ponchel, Ch. Christoile. — La première Exposition universelle à Londres,
en i85l, ses conséquences. — L'orfèvrerie sous le second l''mpire. — Les
goùls de Napoléon III et de ITmpératrice. — Pastiches du style Louis X\T.
— L'Exposition de 1855. — Le service des cent couverts de Napoléon III.
— Le néo-grec. — lullucnce du prince Napoléon. — Développement de l'or-
fèxrerie argentée et de la |)r(jduction des couverts. — Les procédés méca-
ni(pies 2'|()
1
La coulée des linirots de comerls.
FRONTISPICE.
Troiiliri' d'di-ri'vrcric |i;ir .Nuriiiaiit
CIIAIM ri\l'". l'"'. — Tr-lc (le \niu>' : d'cm-alioiis iiilt'riciircs [Frontispice par Perricr I !
Le lire nriu'c N Il
l'orlrail di' Nicolas Hniitcl, ilircciciir de la .Maiiuraciiirc d'ariiios de Vorsaillcs I."!
AriiK's d'IioMiiciir faliriiiiiéo à Vfr.-aillcs par .N. l>uiU(!t CoUiclions Victorien Sar-
ilou et llernunl Franch) 1"
K[)i''i> d'IioimtMir du générai Dorsoiino. (Collcelion Bernard Franck.] 1'.»
Kpiiros de N IJoulct. (Cullcction Ed. DclaiUe.^ '21
['mil' du i^raiid Coiiiiiuni. {Manufacture d'armes de Versailles. • 2'.\
Iléciiaiid à main. Dessin original de Salenibier.^ Gazelle des Beaux-Arts. 24
Soiipiùro. [Dessin de Salembier.) "i'-'t
Salières, sucrier et gobelets. Dessins de Salembier 27
Kx'posiiion des proiluils de l'induslrie en l'an VI, dans la Cour du Louvre. [Musée
Carnavalet.) :^1
l'orlrait de Charles l'ercicr, arcliilecte M
l'urlrait de ['(Udainc, aichiteclc 3."»
Pot à oille, exéculé [lar Hiennais pour l'Imiiératrice Josépiiine M)
Pièce d'orlèvrerie de Percier et Fontaine 37
Projet de glaive avec les diamants de la couronne. Album de Biennais.' W
Armes d'apparat de Napoléon l*^"", exécutées par Himinais. [Musée des Arts décoratifs. > 11
Portrait de l'orfèvre Henry Auguste et de sa famille, par François (jérard. {ro//cc^'on
Gravercau.j . . i'.\
N'ase et coupe ornaiil les [ilaleaux des surtouls de gala aux Tuileries. [Colleclion
Chnstofle.] ifi
Huilier, soupière, jardinière et seau à glace, dessins originaux de Henry Auguste.
[Collection Odiot.) i-7
— '62-2 —
Aiguière en vermeil. Di-s-ia original de Henry Angiisle. (CoUerlion Odiot.) 49
Aiguière en vermeil. Dessin original de Henry Auguste. iÇolUrtion Odiut.) 49
Cadeniis di' rEminreur el de l'inipéraliiee, [lar Henry Auguste 50
Nef de l'iuiiiéralrice, pul à oille, jardinière et senu à rafiaiclur, exéculés en vermeil
jiar Henry Augu>le 51
Modèles eu ciri' des bas-reliefs des nids execulées en orl'èvri'rii" |iar Henry Angusle.
[CuUei-t on du prince d" la Muslmwa.} 53
Modèles en c re des bas-relitd"s des ncf^ exéculées en orl'èvrejie [i;u' Henry Auguste.
[CoUerlion du prince de la Moshoira.) 55
Le grand enuverl aux Tuileries au hani|uel du Saci'e \li'apiès le dtssin de Lit.
l'ereier. 57
Nel" de ri']ni|iereur, l'xécutéc eu vermeil |iar H.iiry Angusle 59
Dessin de hdiies, d'après nu dessin original de Priullioii 60
lU'Iail d'un bras du raiileuil de loilelle. {Dessin urii/inal de l'rudlion.) 61
Psycbé de Marie Louise, exécu.ée par C\. Odiol et Tlinmire, sur les dessins de
Prudliiui 03
l-'anlenil, loilelle vue deprulil el lavabo exéculés par C\. Odiol el Tliomire. sur les
des-ins de l'iudlnui Oo
Toilette de Marie-Louise, exéculéi' |iar t'-i. Odiol el Tlioudre >uv les dessins de
Prndbon 07
Porlrail de ,).-!!. Claude Odiot, en ISOO, d'après l>abey. ll'olliclion E. Ma-
Uiieu 1 08
Berceau du roi de Home, dessin original de Prudlmn. Volleeiion E. Marcille. Gazelle
dr.s Denii.r-Arts.) 00
Seaux à rafraicbir, par Odiol 71
Milieu de i;d)le, Flore el Zépbyre, |iar Odiol 72
Sucrier de table par Odiol 73
Porlrail de {{iennais, (ul'èvre de l'Iùiipereur 74
linseigm- di' la mai-on Hiennais 75
Encrier, (euvre de HH'unnis 78
Encrier de l'hnperalrice Mari'-Louise. [Dessin de l'alliuin de Hiennais.^ 79
Encrier de l'EuipereiM' .Na|io|eon I''^ i/^.v.si'n de l'album de llienn.uis.). 79
Fmilaine exécuiée polir iN'apoleou l"^^'. ^ Dessin de l'nWinn de Hiennais.] 81
Salières el monlardiers. [Dessins de l'aihiiui de llienna s.) 83
Soupières, cloche el réchaud, saucières el cafetières. (Dessins de l'album de Hien-
nais.^ 85
Table de lodelle et ses acc(\svoires. [D ssiiis de l'nlb' m de lîiennais ) 87
15as-relie| de Dupré, (LMivre de Biennais. [l'ull don Hernard Franck.] 88
Miroir à main de Josépliiiu', navelle de Marie-Loui^e, œuvres de lîiennais. [Collec-
tion Hernard l'ranrh.) 89
Glaives el épées de lîiennais. {CoUeclion du Musée des .4rls decoruli/'s.] 91
Elandtei'.u \CoHeclion Arlus ) 93
Caiitlélabre à ciu(| lumières. {CoUcrliim .Ueiman.). 93
Saniuwar. CoUection l'iUrt- W'D.] 94
Milien de lable. [Collccllon Goldsrluu. di.j 95
Soupière de lîiennais. \Collecl on .Ui linan. .Uusee ccniennal.] 96
CHAPITRE II. — Tèle de pagi> : Tète de p;ige du livre du Sacre de Charles X. iCubinet
des Estampes. ' 97
Lelire ornée L 97
INuliail de la duchesse d(^ I erry, en coslnme de ch.isse. \Miniature d'hab y.]. ... 99
Déjeuner en vermeil oITerl par la ville de Paris à la ducln'sse de Berry. (Dessin de
Caoelii-r, œuore de Claude OUol.) 100
Châsse de saiiil Vincent de P.iiil. lOEucre d- Cl. Odiol.) 103
Encrier : Ajudjon el les Muses. lOEucre dr CL Odiot) 104
Portrait de Claude Odiot, par Hoberl Lefèvre. 'Collection Gustave Cdiol.) 105
— .{l'a —
Atclicsr (rtlilidi III I.S-j:', lui' l.t'Vi''i|iii', btilli- Siiinr llm h. CutUrtion (iw^tutr
Oïliot: lo:
héft'iisc (If la b.iiricri' ili- (Hit li\ i-ii ISI.i, |iiir Huriiri' \ rnu'l iW
N'iist' liai tli:iiiiil(', ii'iiMi' il'Oilinl. t iillrrliiiii (lu Mu.m'' lits Ails (ti'ionilifs ) Il H
Sciiiix à f^lan', janiiiiii'ri', MirriiT à ciiiivciili', saliiMi'S, (l'iivn' il'-il Oihol. Cot-
Inliiin tlii Mtist'r ihs Arlx ili''fuiiili/\. 1 1 !*
lliiiliiT avrc mil' li^iirt' (l(''C(nati\i' tli- l.i'ila, u'iivri- de (.1. (tilini. {('(tllicimit iln
Miistr lies Arls ilfrornli/s.i 117
Salii'ir tlt'foralivt', (r'iivii' di' CI Oilinl. iCulln-liiin du Musé)! iltx Alix diifoi'ati/x.) . . 118
l'('ii\ MiM|ii('ii'^ >\w |il,ili ;iii, irimr ijr (!!. Milioi. Cullfcliun du Musé: dis Ails
(I, corail l's 11!»
jiriiv saicu'-ri-s a\iM' inirs niillfi-, n'inn' île Cl. iiilml. Cullcrliun du Miisrc des
A lis décoratifs 1 :i I
Sini|iiU'l (II- vcilIciiM'. u'iivrc lie (.1. (Iiliol. {Miiscc des Aiis décoratifs j {SA
(Iraiiilc Iniiiiiiiii' ili'iuralivc avi'c siicruT.-; cl cmlL'rs. IlEncrc de l'Ii. l'nliier I:J.'>
Sorvirc du duc di' l'iMilliii'vn'. Si)i!|iii'ri' aii\ ('•rii'vi>M's iailc an dix liiiilit'iin' .-lùclc
(Cull ctiuii de la inaisun Odiut ) 12'.'
Servir»' du duc de l'i'iitliii'vn-. u'iivrc de CI. Odinl : 1" Cloclii- ovalf siiiiiioiilt'c
d'un {^roii|pi' de lllli^sll|l.^; — 2" Cloclic rmidi' avec has-rclicIMir un réchaud.
(Cullectiuii de la inaison Odiut.) I ^K»
Carie d'adresse de Cli. Cahier, m liSl',). [i ullectiun Henri Vevcr.) Cil
Soiipièii' sur |ilaliMH (lEuci'e de l'Ii. Cahier.} l'.i*
Caiidelahre d'aulel. [Olùicre de l'Ii. Cahier.) \'X.\
Ai;;iii('re. \OKiivre de Ch. V"hier.) l'.i'.i
Orlevrerie d'ej^lise : Cnt-sse. aiguière, hurelles cl |)laleau. OKucrc de Ch. Cahi r. , i:ju
Soupière décuralive sur plaleau. Cuinpusition de Chcnuvurd, exécutée par l'au-
eonaiir. ^ 1 ICI
tlraud vasi' ulTerl à La Kayelle. Olùivre de Fauconnier. 141
Aij^iiièie et |) airaii |iiuir les olVrande '. [Cliché K. liolhier). — Ca.ice cl cliiU>e dilc
Sainle-.\ni(iuule, (l'uvres do Ci;. Cahier. [Trésor de la cathédrale de Henns.j... HA
Héraul jiorlaal des ulïrandes au sacre de Ciiarles X. [Licre du Sacre. Cubi.net des
esluinjies 1 iT
l>aM.|iiel du >acre dr Charles .V. Licre du Sacre. Cabinet des eslanipes. 1 iîl
l'orlail de iNmi'e lianic. decoraliuu d'Hiliorf [Cabiiui des estampes. l.'il
Reliure ca.hedrale. li.xlrail df l'ouvra;^!' de .\l. Henri Beraldi sur la reliure au di.\-
iieuvièuie siècle i'M
Courunui'Uieuls de cloches cl ca>seroles de Ch. Odioi I;j6
Modelé d'urlevrerie eu [daiiué, sons la lle.xlauraiiou 159
riauiheau eu aryeiil eslainpe. (.Uvdèlc de Ch Odiot.) lt)l
Salières. [Coll.cciion tircvan de la G irdie. Musée cenlennat.) 162
Cal'elière, Iheière, sucrier, crémier eu arftriil. [Modèles de Ch. Ùdiol I(j3
Service a llie sur [ilaleau. [Co'lcctio:i .Uurijuis Guillu'in de l'otliuau. 165
Théière hec dr cyj^ue. Musée ccnlennal. > 16o
Ueu.N aiguieri's ei ciivelles. > .Musée ccnlennal. Culleciion liuldschinidt 167
Ca>seroli' de .M"' .Mars. Collceiion Guldsclimidt. .Musée cenlennal. \ 109
Sucrier iimiiie avec cuillers en counitiiie. [Maséc centiimal.) 170
CHAPITRE 111. — Tèle de paye : la l)ouli(|ue d'un orfèvre roniauliqiie. iJessin d'ujirès de
Utauiiioal, 18k'. 171
Lellre orner C 171
Service iiu Snliau .Mahmoud. Cloihe avec réchaud el ^eau. K.xécule par Ch. Udiol.
(Archice.-i dj la maison Udiol. ^ 174
Servie'' du Sulian .Malniuuid Jard.nière el soupière, lixéculé par Ch. Udiol. Archives
de la ma soji Uliol . > 175
Sou[iièi(' pour le b.uon Saluuiou (!-• llolhscliild, exécutée par Ch. Udiot. [.irchives
de la maison Ckliul.'i I7G
- 324 —
Si'rvice du baron Salomon de Rolhscliikl. Salières, huilier, plateau de carafe. Exé-
culé par Cli. Odiot. [Archives de la maison Odiot.) 177
Service du baron Salomon de Fiolliscbild. Plat ovale et réeiiand. Exéculé par Oh.
Odiot. [Arch'vcs de la maison Odiol.) 170
Saucière pour le service du prince hcniidon'. Exécutée par Cli. Odiol. (Arrhivrs de
la maison Odiot ) 181
Service du prince Deuiidnll'. Huilier, talière et couverts. Exécuté par Cli. (Jdiot.
[Ai'cliivcs de ta maison Odiot) 18:5
Bouclier « Jupiter foudroyant le Titan ». {Dessin original de J. Fcvchères ^ |S7
Le Parnasse. Projet de surlout. {Dessin original de J. Feiiehèrcs.) iS',)
Le Travail des cliani|is. Projet de surlout. (Dessin original de J. Feuchires.; l'.lil
Esquisse de Mirltiiil pour le (h:c de I.nyncs. (Dessin original de J. Fcii-
cki^res.) H)l
Saucière. [Projet de J. Fenelièj-r.s. i:\-2.
La .MélulliirfTie. [Dessin original de J. Feuclœres., !'.):{
(uindélabre pour un surlouL [Dessin original de J . Fe\ieht;res.] I(i;i
B:jccliaual(', ('mail en camaïeu, [li'tinr.'s J. Friirhi'res. Collection II. Uouilhet.' l'.Ml
Emaux en c-imaiVii. iD'djirès J. Fiuehi-i-es. Collection II. Uouillwt.) 197
l*orlrail de .\imé Cliciiavanl 199
Vase décoialif par ClnMiavan 201
.aiguière, par (IhiMiavard 2(i:{
Elambeau, par (_;lii'Mavard 20."1
Vase, par C.lien.ivard 20o
Aiguière en orlèvreric, par F. .Meurice. Modèle de J. Eeuclières, ciselé par \eclite.
[Collection de .1/""' llro de Coniinèrrs. Musée centennal.) 2(17
Vases en repoussé, exécutés par Vcclilc 20!)
Bouclier « la Clievaucbée », ciselure de Veclitc. [Musée centennal. \ 21 1
Portrait de Cliarles Odiot et de ses deux fils Ernest et Gustave. [Collection Gustave
Odi.ol.1 213
Tiiéière Ueiiaissance ilalieiine, (cuvre d'Udiol. [Musén centennal.^ 2H)
Cafelières, théières exéculées par Odiot. [Musée centennal.) . 217
Cafetière slyle r(iniaiili(iue, œuvre d'Odiol. [Musée centennal ) 219
Fontaine à (lié, slyle pittoies(jue, d'uvn; d'Otliol. [Musée centennal.) .... 220
Service a llié cliiiiois, exéculé par iMorel 22i
Dessins d'()rlevreri(>s composées par Jules Peyre et exéculées par Morel 22o
Aiguière en orfèvrerie. .Modèle de Khi;;maun. [Collection de J/"'» Dro de Coin-
mères. Musé.' cenl''nnal.) 227
l4)ée du comte de Paris, modelée [lar Klaymann, ciselée par Veclite. [Or/éinrie
de D.. Froment-Meurice.) , 229
Portrait de Désiré Fromenl-.Meuric 2:{.'{
La cajint! de Balzac. iD. Froment-Meurice ) 2:5!»
Vase oITert par la villi' de Paris à l'ingénieur Emmery. [Or/èvrerie de D. Froment-
Meurice.) .... 237
Bouclier, par D. Froment-Meurice 240
.\iguière et plateau, dessin de Liénard. [Orfèvrerie de D. Froim-nl-Meurice.) 241
Seau à glace. [Collection de M. Sabalicr d'Espeyran. Musée centennal. Orfèvrerie
de Froment-Meurice. ) 242
Cloche, plat et réchaud en plaf|ue 245
Bouilloire à bascule en plaqué 24(i
Thé sur son plaleavi en placjué 246
Cafetière et zarfs arabes, par Cli. Odiol 2ïH
CHAPITRE IV. — Tète de page : Frise arlicliaut d'un handeau de cloche du service de
Napoléon III. [Modèle de Gilbert-) 249
Lettre ornée A 249
Portrait d'Honoré d'.Vlbert, duc de Luynes, membre de l'Iusiitut (1802-18(37). . . . 2:>2
''72
>7";
- aj5 —
liiix'iiililc ilii Mirlixil ilii iliic lie l.iniifs : [lii-ri- ili- inilicii, < .iinli-l.iltro cl cotii-
jK)(ii'is. \Urficitrie de D. FiiiiiicntMcuiicf, Miist^- ieitliiiiiat.\ 25!l
(.(mi|i(iliiT it l.cs Siiif-oiis ». i(h/'rvrnir Uf H. l'nniunt-Mfiirirr. Must'e nittrinmt . . 'iriS
l'niiilrlc l'MiuisM' (|i> l-'cliclu-rfs ilf la |iiiTc i|i' iniliill illl sllllnlll ilii illic (le
l.iniii's. U'iillfi-tiiiit Clin'sd'fli-.) , . ;<;,(•(
l'iècc (Ir iiiilb II lin MirliPiil ilii iliic ilc |,ll^||l•^. \()r(itiriir il( II. l'iumnil-Miiiriri',
Musée cfiitiiuiil. I 25*
lÙK riiT (lu l'ii|M' l'ic IX. ((iuzrtlf tti's Itmni-Arls -i'M
rnrlliiil ilr lMi|Hiiiclicl, oiiV'Vrt' ■>{,[
(« La .MiiiiMM' ". iiiutlt'ii' (!'• Siiiiail, iirlcviri ir (•lirvM'lfj.luiiiini', par iMutoiiclii-l . . . îiO.»
IW»iiill'»iri' ^riiii' cliiiKiis. [Orfàvirrir lir Ini^Hinrhel ) 20!»
l'Iali-aii lîiMiai>Naiicr. (h-firrcrir ih Dupittirlfl.) 20:i
l»cii\ li;i-- iiiicl, iliiii seau à ^iacr. Sniliiliiri' ilr l'i'iicjit'rt's. Orfiircriidf llnj/unclul illti
l'iirlrail Ar Cliarlcs Clirisloll.' (isoil- isfi;»! 2«>7
Si'ivicc à Ihi'' Louis \VI. {Orfrrirric ilr Chiirlrs ('hnsli)/l\] -JOH
Loiilaiiir a thr di' -|\|,. Lmiis Wl. (Or/rorn-ic de Charles Clirisluflc.) !~u
l'oiilaiiii" a Ihc ilc ^l\lr Lmii^ W. Orfèvierir de l'hnrles C/irislofle 2',\
Si'ivici' ilr I liii|M'iali ici' lMi;:i'iiii' : t'.ldciic avi'c ri'cjiaiiii, (•a>-('io|i', saiicit'rf. salii'-ri-,
mmitaniiiT de styli' Louis Wl. Orfèvrerie de Ch. Cltristo/le
Kfit'c (lu ^t'iH'ral Cavai^iiac. \Or/ècrericde FroineiU-Mciiriee.)
« La Maccliaulo ». Orfèvrerie elirysch'pluDilinr. de Froiiieul-.\leiirice, modèle de
l'radier. 2T7
(i La Toili'llc (lo Vt-nus ». (Orfèvrerie clinisèlépluinline de II. FrDinent-Meuriee,
modèle de Feuelières. 27'.i
Surtout pomiiôiou du prince Napolôoii, avec les .Muscs. [Orfèvrerie du Charles
Chrislo/Ie.' :i!S7
.Mcipouiciic cl 'llialic. mmis les lrail> de Haclitd et .\riioiild-lMessis. Orandes lif^urcs
du surtout pompéien du prince Nii.polôon. {Orfèvrerie de Ch. Christofle.) 2S(t
Sucrier du service du prince Napoléon. [Orfi'vreric de Ch. Christofle, modèle de
Diélerle.) 201
Compotier du service du prince Na[ioIéon. Orfèvrerie de Ch. Chrislofle, modèle de
Itiélerl-. 2!M
La serrurerie des Tuileries. [Dessins de Le fuel, exécutés par Charles Chrislofle,.) . . 2'.i2
l'ièce do milieu du grand surtout de Napoléon III, modèle de F. Gilliert. (Orfèvre-
rie de Charles Chrislofle. Musée des Arts décoratifs.) i'y.\
La Coupe du Nord et les Candélabres des Sciences et des Arts, modèles de F. Gil-
l)ert. (Orfèvrerie de Charles Chrislofle. Musée des Arts décoratifs.) 2*.t;i
La Coupe du .Midi et les Candélabres « l'.Agricullure et l'Industrie », modèles dt;
F, Gilbert. ^Orfèvrerie de Charles Chrislofle. Musée des Arls décoratifs.) 2'.t7
Clociie ronde, casserole d'entrée et d'entremets avec récliaud, cloche ovale,
modèles de F.liilbert. [Orfèvrerie de Charles Chrislofle. Musée des Arls décoratifs.) .'iOl
Grande cloche ovale en ciselure repoussée, modèle de F. Gilbert. [Orfèvrerie de
Charles Chrislofle. Mitséedes .irts décoratifs.) :{0:î
.Jardinière de rini|iéralrice Eugénie, anses Cygne. (Orfèvrerie de Charles Chris-
lofle.) :{0i
Coupe à truils du service de l'imiiératrice. modèle de Rossigneux. [Orfèvrerie de
Charles Chrislofle)) ;{0;;
Compotier, pied d'assielle et élagère du service de l'iuipéralrice. (Orfèvrerie de
Charles Chrislofle.' :{(I7
Cuillers du dix-seplièinc siècle, faites à la main, cuiller à polagi; fondue et ciselée.
Collection Henri Doullhet. Musée ccnlennal .iW
L'Orfèvre monétaire (1547). (Cabinet des Estampes. \ MO
Le Balancier à bras. Gravure de l'Encyclopédie.^ .311
Couvert de style Empire, travail de Biennais. [Collectiun Bernard Franck.) :U2
Couvert <Ie slyle Empire de Napoléon à Sainte-Hélène- [Collection Bernard Franck. .'U2
13
- 326 —
Service do couverts de Napoléon III,exécaLé au balancier. [Musée des Arts décoratifs.) 3i:(
Couverts modernes exécutés au latninoir. (Collection Ohristofle.) 3i:'.
Laminoir à couverts de H. Lovallois iUK
TABIJ- liKS MArii-:i^KS. — Train de laminoirs ;} m
La coulée des lingots de couverts 320
TABLE DES GHAVIRES. — Tête de page : Cartouche de Ranson 32!
Trophée de Heurs, par Ranson 320
SAIM" CI.Dll). IMl'ltlMKltli; lîi:i.lN lI'.KliKS
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