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Full text of "Monuments de l'antiquité dans l'Europe barbare suivis d'une statistique des antiquités de la Suisse occidentale et d'une notice sur les antiquités du canton de Vaud"

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MÉMOIRES 


ET  DOCUMENTS 


PUBLIES 


r  r 


PAR  LA  SOCIETE  D'HISTOIRE 


DE  LA  SUISSE  ROMANDE 


TOME  XXV 


AUTRES  OUVRAGES  DE  M.  FRÉD.  TROYON 


Description  des  tombeaux  de  Bel-Air,  près  Cheseaux.  —  In-4  de 
18  pages,  avec  7  planches  gravées.  1841. 

Habitations  lacustres  des  temps  anciens  et  modernes.  —  1  vol. 
grand  in-8  de  494  pages,  avec  17  planches,  1860. 

De  l'unité  de  l'espèce  humaine.  —  Broch.  in-8, 1863. 

L'homme  fossile  ou  résumé  des  études  sur  les  plus  anciennes 
traces  de  l'existence  de  l'homme.—  1  v.  in-8  de  182  pages,  1867. 

Cours  de  mythologie,  ou  les  religions  païennes^  au  point  de  vue 
de  la  révélation.  —  1  vol.  in-12  de  124  pages,  1867. 


MONUMENTS 


DE 


L'ANTIQUITÉ 


DANS  L'EUROPE  BARBARE 

snvis  d'une 
STATISTIQUE  DES  ANTIQUITÉS  DE  LA  SUISSE  OCCIDENTALE 

et  d'one  uotice  sur  les  aotiquités  du  canton  de  Vaud 

PAR 

FRÉDÉRIC  pOTON 

Consérratear  des  antiquité*  aa  Musée  cantonal  ;  nienil>T«  de  la  Société  dliiatoire 

de  la  SuisM  romande,  de  la  Société  générale  d'histoire  suisse,  de  la  Société 

helrétique  des  sciences  naturelles  ;  membre  honoraire  de  la  Société  des  antiquaires  de  Londres 

et  de  la  Société  archéologique  du  grand-duché  de  Luxembourg  ;  correspondant  de 

l'Institut  archéologique  de  Rome ,  de  la  Société  des  antiquaires  de  France, 

de  la  Société  des  antiquaires  de  Normandie  ,  de  l'Académie  royale  des  belles-lettres  ,  de  l'histoire 

et  des  antiquités  de  Stockholm,  de»  Sociélto  archéologiques  de  Vilna, 

de  la  Poméranie,  de  Berlin,  de  Schwérin,  de  la  Thuringe,  de  Hayenee,  de  Sinsheim, 

de  Zurich,  de  la  Société  neuchâteloise  d'utilité  publique,  de  la  Société 

d'histoire  et  d'archéologie  de  GeoèTe,  de  la  Classe  des  beaux-arts, 

de  la  Société  des  art»  de  Génère  et  de  l'Association  florimontane  d'Annecy  ; 

membre  correspondant  de  la  Société  des  antiquaires  d'Abbeville  et  d'Edimbourg  ; 

membre  de  la  Société  phil-américaine  de  Philadelphie  ;  membre  honoraire 

de  la  Société  savoisienne  d'histoire  et  d'archéologie ,  de  l'Institut  archéologique  de  Liège, 

correspondant  de  la  Société  des  sciences  naturelles  de  Neuchâtel, 

du  musée  Blakmore  à  Salisbury,  etc. 


LAUSANNE 

GEORGES    BRIDEL    ÉDITEUR 

1868 


3)Q 

I 

/.as 


PRÉFACE 


Les  amis  de  Frédéric  Troyon  désiraient  vivement 
que  l'on  pût  conserver  une  partie  au  moins  de  ses  nom- 
breux écrits ,  et  celle  mission  revenait  tout  naturelle- 
ment à  la  Société  d'histoire  de  la  Suisse  romande,  dont 
Troyon  avait  été  l'un  des  membres  les  plus  actifs  et 
les  plus  distingués.  Pour  satisfaire  à  ce  désir,  sa  veuve 
a  publié,  elle-même,  V Homme  fossile^  dernier  ouvrage 
de  notre  regrettable  collègue,  et  le  Cours  de  mytholo- 
f/iey  après  quoi  elle  a  bien  voulu  confier  les  autres  ma- 
nuscrits laissés  par  son  mari  à  notre  comité  de  publi- 
cation, lequel  en  a  pris  connaissance.  La  plupart  con- 
sistent en  notes  étendues,  faites  au  jour  le  jour.  Une 
foule  d'observations  et  de  réflexions  fort  intéressantes 
s'y  trouvent  consignées;  il  y  a  là  une  mine  féconde 
pour  l'amateur  d'archéologie.  Mais  pour  faire  de  ces 
notes  l'objet  d'une  publication,  il  faudrait  nécessaire- 
ment opérer  sur  elles  un  travail  d^épurement,  de  clas- 


VI  PREFACE. 


sification  et  de  remaniement  que  le  comité  ne  s'est  pas 
jugé  autorisé  à  entreprendre.  Il  est  rare  que  l'on  puisse 
sans  inconvénient  substituer  sa  propre  intelligence,  sa 
propre  pensée,  à  celle  d'un  autre.  Cela  devenait  im- 
possible, alors  qu'une  telle  substitution  eût  dû  se  faire 
dans  le  domaine  d'une  science  nouvelle,  dans  laquelle, 
parmi  nous  du  moins,  il  occupait  le  premier  rang.  Nous 
sommes  heureux  de  dire  que  ces  manuscrits  précieux, 
s'ils  ne  sont  pas  publiés,  demeureront  néanmoins  d'un 
facile  accès,  puisqu'ils  doivent  être  placés  dans  la  partie 
du  Musée  d'antiquités  de  Lausanne  où  se  trouve  aussi  la 
riche  collection  que  Troyon  s'était  composée. 

Doué  d'un  remarquable  talent  d'exposition  orale, 
notre  collègue  avait  plus  professé  que  publié.  11  se  ré- 
servait pour  un  ouvrage  d'ensemble ,  que  chaque  dé- 
couverte obligeait  à  recommencer,  et  pour  lequel  il 
continua  toute  sa  vie  à  recueillir  des  matériaux. 

Parmi  les  travaux  variés  que  nous  avons  eu  mission 
d'examiner,  quelques-uns  cependant  portaient  un  ca- 
ractère d'achèvement  assez  avancé  pour  qu'on  ait  pu 
songer  à  les  imprimer  tels,  à  fort  peu  de  chose  près, 
que  leur  auteur  les  avait  lui-même  conçus.  Ceux-ci 
sont,  à  la  vérité,  déjà  assez  anciens.  C'est  un  inconvé- 
nient, lorsqu'il  s'agit  d'une  science  qui  avance  si  rapi- 
dement. Toutefois,  nous  osons  le  dire,  le  présent  vo- 
lume, œuvre  de  la  jeunesse  de  notre  excellent  ami,  n'a 


PREFACE.  Vil 


pas  moins  d'importance  scientifique  que  les  écrits  com- 
posés et  publiés  plus  lard  ;  eu  outre,  il  servira  à  placer 
ceux-ci  dans  leur  vrai  point  de  vue. 

C'est  un  recensement  des  antiquités  de  l'Europe  bar- 
bare, ou,  en  d'autres  termes,  des  antiquités  non  classi- 
ques. Troyon,  qui  voulait  tout  voir  par  lui-même,  fit  de 
longs  voyages  pour  étudier  soit  les  musées  publics,  soit 
les  principales  collections  privées,  en  Allemagne,  en 
France,  en  Angleterre  et  dans  le  Nord.  Déjà  connu  à 
cette  époque  par  la  découverte  des  tombeaux  de  Bel- 
Air,  il  reçut  partout  de  la  part  des  hommes  spéciaux, 
l'accueil  le  plus  sympathique.  Il  leur  apportait,  comme 
il  recevait  d'eux. 

Aujourd'hui  un  travail  du  genre  de  celui-ci  ne  serait 
peut-être  plus  possible  ;  la  moisson  est  devenue-  trop 
vaste  ;  au  moment  où  Troyon  l'entreprit  il  était  déjà  bien 
considérable.  Le  lecteur  aura  lieu  de  s'en  assurer. 

Ce  volume  est  tiré  des  notes,  suffisamment  rédigées, 
d'après  lesquelles  furent  donnés  différents  cours  pu- 
blics à  Lausanne,  Morges,  Vevey,  Genève  et  autres 
lieux,  dans  les  années  1849  à  1854. 

La  rédaction  dont  on  s'est  servi  comprenait  deux 
cours  ayant  également  pour  objet  les  antiquités  de 
l'Europe  barbare.  Le  second  faisait  suite  au  premier, 
mais  n'a  pas  été  terminé  selon  le  plan  de  l'auteur,  du 
moins  dans  les  manuscrits  que  nous  avons  utilisés.  Les 


VIII  PREFACR. 

noies  excessivement  concises  qui  servirent  pour  les  ré- 
pétitions de  ces  cours  se  référaient  à  sa  première  ré- 
daction et  n'ont  pu  nous  servir  à  la  compléter. 

La  fin  de  l'âge  du  fer,  comprenant  les  premiers  siè- 
cles de  notre  ère,  ne  paraît,  dès  lors,  pas  être  traitée 
avec  toute  l'extension  qu'elle  avait  dans  la  pensée  de 
l'auteur,  et  qu'elle  a  reçu  peut-être  en  dernier  lieu, 
dans  des  expositions  orales.  Cette  circonstance  devait 
être  notée  afin  de  laisser  à  chacun  sa  responsabilité.  11 
est  plus  que  probable  que  l'auteur,  s'il  eût  vécu,  n'au- 
rait pas  fait  imprimer  son  ouvrage  dans  la  forme  où 
nous  le  donnons  maintenant;  mais,  n'ayant  que  le 
choix  entre  la  publication  actuelle  ou  le  défaut  de  pu- 
blication ,  nous  nous  serions  mal  aisément  décidés  pour 
la  dernière  alternative. 

Les  deux  morceaux  accessoires  placés  à  la  fin  du 
cours  sur  les  antiquités  de  l'Europe  barbare  sont  rela- 
tifs à  la  Suisse  romande.  Le  premier  est  un  recueil 
d'articles  insérés,  sous  le  titre  de  Statistique  des  anti- 
quités  de  la  Suisse  occidentale,  dans  V Indicateur  d'his- 
toire et  d'antiquités  de  Zurich;  ces  articles  furent  com- 
posés de  1855  à  1858,  alors  que  les  antiquités  lacustres 
devenaient  déjà  le  but  de  nombreuses  recherches. 

Le  second  opuscule,  intitulé  Notice  sur  les  antiquités 
romaines  du  canton  de  Vaud^  ne  porte  pas  de  date, 
mais  paraît  avoir  été  composé  peu  après  le  morceau 


PREFACE.  IX 

principal  du  volume,  ou  vers  le  même  temps.  Gomme 
conservateur  des  musées  d'antiquités,  Troyon  était  ap- 
pelé à  s'occuper  activement  de  nos  antiquités  romaines, 
ridée  qu'il  s'en  faisait  est  exprimée  succintement  dans 
cet  écrit. 

Pris  dans  leur  ensemble,  ces  derniers  morceaux 
comblent,  pour  ce  qui  concerne  la  Suisse  romande,  la 
lacune  signalée  plus  haut  dans  le  traité  général  sur 
les  antiquités  de  l'Europe  barbare. 

La  difficulté  du  manuscrit  dans  certains  passages, 
jointe  à  une  indisposition  du  membre  du  comité  chargé 
de  surveiller  la  composition ,  ont  entraîné  des  fautes 
d'impression  dont  une  certaine  quantité  sont  corrigées 
dans  Verrata.  Nous  sollicitons  l'indulgence  pour  celles 
qui  subsisteraient  encore. 

Nous  n'avons  pas  l'intention  d'exprimer  ici  un  juge- 
ment sur  le* mérite  du  présent  écrit;  qu'il  nous  soit 
seulement  permis  de  faire  observer  qu'à  notre  con- 
naissance tous  les  travaux  de  ce  genre  publiés  jusqu'ici 
sont  des  travaux  particuliers,  relatifs  à  tel  pays,  à  telle 
localité  ou  à  telle  question.  Ce  qui  caractérise  celui-ci 
c'est  en  premier  lieu  d'être  un  traité  général,  et  en  se- 
cond lieu  d'être  essentiellement  descriptif.  Il  aura  par 
là  une  utilité  durable,  quelles  que  soient  les  découvertes 
faites  dans  la  suite  et  les  conséquences  que  l'on  en  dé- 
duira. Il  n'est  pas  donné  à  chacun  de  parcourir  l'Europe 


PREFACE. 


pour  son  instruction,  mais  grâces  à  l'exactitude  d'ob- 
servation et  au  talent  de  description  de  notre  collègue, 
chacun  saura  aisément,  lorsqu'un  objet  d'antiquité  lui 
sera  présenté,  dans  quelles  circonstances  des  objets 
analogues  ont  été  trouvf^s,  et  où  Ton  les  voit.  Nous 
avons  ici  comme  le  premier  catalogue  d'une  vaste  bi- 
bliothèque, auquel  il  n'y  aura  plus  qu'à  ajouter  de 
temps  en  temps  des  suppléments. 

L'auteur  se  montre  sobre  d'inductions  et  de  conclu- 
sions générales;  celles  qu'il  énonce  découlent  natu- 
rellement des  faits;  quelques-unes  cependant  seraient  à 
réformer  aujourd'hui.  Dans  ses  derniers  écrits  Frédé- 
ric Troyon  avait  déjà  commencé  à  faire  lui-même  ce 
travail  de  révision  ;  sa  fin  prématurée  l'a  empêché  de 
le  poursuivre.  Pendant  le  cours  de  sa  carrière  scienti- 
fique, l'archéologie  avait  passé  par  trois  phases  dis- 
tinctes. Dans  la  première,  celle  durant  laquelle  les 
études  dont  ce  Hvre  est  le  résultat  ont  été  faites,  on 
trouvait  surtout  les  débris  du  passé  sur  le  sol  et  dans 
le  sol  ;  on  classait  les  restes  de  constructions ,  les  ins- 
truments et  les  tombeaux. 

Un  peu  plus  tard  les  habitations  lacustres  devinrent 
une  source  abondante,  presque  inépuisable  de  décou- 
vertes nouvelles.  Le  XVII®  volume  de  nos  mémoires  en 
a  fourni  un  compte-rendu  remarqué. 

Enfin,  dans  ces  dernières  années  seulement,  des  tra- 


PREFACE.  M 


ces  de  l'existence  de  rhotnrae  sur  la  lerre  à  une  époque 
beaucoup  plus  reculée  qu'on  ne  le  croyait  précédem- 
ment étant  apparues,  la  spéculation  scientifique  s'est 
portée  avec  une  sorte  de  passion  vers  les  grandes  pers- 
pectives que  ce  fait  venait  lui  ouvrir.  Troyon  a  pu 
exprimer  encore  ses  vues  sur  celte  nouvelle  phase  de 
la  science  à  laquelle  il  s'était  consacré;  il  l'a  fait  sans 
parti  pris,  comme  il  convient  au  savant  véritable. 

On  trouve  donc  trois  moments  dans  les  ouvrages  de 
Frédéric  Troyon ,  correspondant  chacun  à  J'une  des 
phases  que  la  science  a  parcourues  depuis  trente  ans  : 
Les  Monuments  de  l'antiquité  dans  l'Europe  barbare 
sont  le  premier  moment;  les  Habitations  lacustres,  le 
second,  et  l'Homme  fossile,  le  troisième. 


Septembre  1868. 


EDOUARD  SECRET  AN,  professeur. 


INTRODUCTION. 


Toute  élude  dont  on  fait  son  champ  d^activité,  ne  tarde 
pas  à  s'agrandir,  à  étendre  son  horizon  et  à  devenir  un 
monde  si  vaste  qu'on  est  obligé  de  se  limiter  à  quelqu'une 
de  ses  parties,  si  l'on  veut  en  faire  le  sujet  de  recherches 
approfondies.  Cette  observation,  qu'on  peut  appliquer  à 
la  plupart  des  sciences,  est  jraie  aussi  quand  il  s'agit  des 
monuments  de  Vaniiquiié  dont  nous  avons  à  nous  occuper. 
Afin  de  nous  entendre  dès  le  point  du  départ,  et  pour  ne 
pas  nous  méprendre  sur  la  valeur  des  mots,  nous  dirons 
que  par  Vaniiquiié  nous  comprenons  tous  les  siècles  qui 
se  sont  écoulés  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'à 
l'introduction  générale  du  christianisme  en  Europe.  L'ex- 
pression de  monument  a,  dans  Varchéologie,  c'est-à-dire 
dans  l'étude  de  ce  qui  est  ancien,  un  sens  plus  étendu  que 
dans  le  langage  ordinaire.  Cette  expression  ne  s'applique 
pas  seulement  à  l'architecture,  mais  à  tout  ce  qui  est  écrit, 
à  tout  ce  qui  est  le  produit  de  l'art  et  de  l'industrie.  Ainsi, 
ouvrages  de  science,  d'histoire  et  de  littérature,  édifices 
religieux  et  publics,  constructions  particulières,  œuvres 

MÉM.  ET  DOCUM.  XXY.  1 


2  INTRODUCTION. 

d'art,  statuaire,  sculpture,  gravure,  peinture,  armures  du 
guerrier,  vêtements,  ornements,  meubles,  ustensiles  et  ob- 
jets divers,  en  un  mot,  tout  ce  qui  nous  révèle  la  vie  des 
anciens  peuples,  rentre  dans  le  vaste  champ  de  l'archéo- 
logie. —  Nous  commencerons  par  en  éliminer  les  ouvrages 
écrits  qui  appartiennent  plus  spécialement  à  la  philologie, 
dont  le  but  est  d'interpréter  ou  faire  connaître  les  auteurs 
anciens.  Toutefois,  nous  recourrons  à  ceux-ci  chaque  fois 
qu'ils  pourront  jeter  quelque  lumière  sur  notre  sujet. 
L'histoire,  entr'autres,  est  un  guide  pour  cette  élude,  qui 
devient  à  son  tour  un  complément  des  sciences  histo- 
riques. 

Après  cette  élimination,  il  reste  encore  à  examiner  les 
monuments  de  l'art,  les  ouvrages  matériels  sortis  de  la 
main  des  hommes,  et  à  déterminer  leur  destination  et 
l'époque  à  laquelle  ils  appartiennent,  dans  chacun  des 
pa'ys  où  ils  se  retrouvent.  Ce  vaste  champ  n'a  encore  été 
exploré  que  partiellement.  Quand  on  jette  un  coup  d'œil 
d'ensemble  sur  les  peuples  de  l'antiquité,  on  se  trouve 
transporté  dans  un  monde  où  apparaissent  quelques  points 
lumineux,  au  milieu  de  l'obscurité.  Les  parties  les  mieux 
éclairées  ne  laissent  pas  de  projeter  leurs  ombres  au  loin. 
Au  delà,  quelques  lueurs  nous  permettent  d'entrevoir  des 
populations  nombreuses,  qui  se  meuvent  et  se  heurtent  au 
fond  de  la  scène,  apparaissent  un  moment,  et  se  replon- 
gent dans  l'obscurité. 

VEgypte  est  un  de  ces  pays  qui  attire  tout  d'abord 
notre  attention  par  la  haute  antiquité  de  sa  civilisation.  La 
Grèce,  Vllalie,  offrent  un  sol  riche  en  monuments,  em- 
preints de  grandeur  et  de  l'art  le  plus  avancé.  Quelques 
mots  sur  ce  qui  nous  reste  des  peuples  qui  ont  illustré 


EGYPTE. 


ces  contrées,  serviront  à  nous  inlrodaire  au  sujet  qui  doit 
nous  occuper  plus  tard. 


EGYPTE. 

VEgypte\  dont  tel  de  ses  monuments  a  près  de 4000 
ans  d'antiquité,  conserve  les  témoignages  d'un  dévelop- 
pement avancé,  dès  les  âges  les  plus  reculés.  Une  longue 
durée  a  été  assurée  à  ses  édifices  par  la  construction  de 
ses  murs  de  briques  ou  de  pierres  de  taille,  liées  par  des 
armatures  en  bois,  et  dont  la  largeur  va  en  diminuant  de 
la  base  à  la  partie  la  plus  élevée.  Temples,  palais,  pyra- 
mides, obélisques,  sont  encore  debout. 

L'enceinte  du  palais  de  Louqsor,  à  Thèbes,  renferme  les 
ruines  d'un  temple  dont  la  description  donnera  une  idée 
sufiisante  de  ce  genre  de  constructions  chez  les  Egyptiens. 
Une  porte  flanquée  de  deux  espèces  de  tours  carrées  donne 
entrée  dans  une  cour  en  carré  long,  ornée  de  portiques, 
dont  le  plafond  repose  sur  des  piliers  cariatides.  Au  fond 
de  la  cour  une  porte  conduit  à  un  second  portique  sou- 
tenu par  deux  rangées  de  colonnes  surmontées  de  chapi- 
teaux ayant  la  forme  d'un  bouton  de  lotus.  La  lumière  y 
pénètre  par  des  jours  pratiqués  au  plafond.  Enfin,  de  ce 
second  portique  on  passe  dans  le  sanctuaire,  de  forme  car- 
rée, habité  par  le  Dieu»  ou  l'animal  sacré,  son  symbole 
vivant.  Le  temple  a  dans  son  ensemble  160  pieds  de  lon- 
gueur sur  76  de  largeur.  Les  colonnes,  généralement  sans 

*  La  plupart  des  détails  suivants  sont  extraits  de  Yarchéologie  ou  Traité  de$ 
antiquités,  pur  Champollion  Figeac. 


k  INTRODUCTION. 

base,  de  forme  cylindrique,  sont  d'un  très  grand  diamètre 
par  rapport  à  leur  grandeur.  Des  sculptures  et  des  inscrip- 
tions les  recouvrent,  ainsi  que  les  parois  et  le  plafond  du 
temple. 

A  l'entrée  des  édifices,  on  élevait  parfois  des  obélisques. 
Ce  sont  de  grands  monolithes  de  granit  rose,  taillés  à  4- 
faces,  dont  l'épaisseur  diminue  de  la  base  au  sommet  ter- 
miné en  pyramide.  Ils  reposent  sur  un  piédestal  carré,  de 
la  forme  d'un  dé,  et  ont  parfois  plus  de  100  pieds  de  haut. 
Les  faces,  polies  avec  un  grand  soin,  sont  légèrement 
convexes  pour  éviter  qu'à  l'œil  elles  ne  paraissent  con- 
caves. Des  hiéroglyphes  sont  sculptés  sur  les  quatre  faces 
avec  la  plus  grande  pureté  de  dessin,  et  indiquent  le  motif 
de  la  fondation  de  l'édifice  devant  lequel  on  a  élevé  ces 
obélisques.  —  Celui  de  Louqsor,  transporté  à  Paris,  est 
haut  de  70  pieds,  et  pèse  44-57  quintaux. 

Les  monuments  les  plus  gigantesques  de  l'Egypte  sont 
les  pyramides,  La  plus  remarquable  se  trouve  dans  les 
environs  de  Memphis,  sur  une  roche  élevée  d'une  centaine 
de  pieds  au-dessus  du  niveau  du  Nil.  Sa  base,  de  forme 
carrée,  mesure  716  7i  pi^ds  de  long  sur  chacun  de  ses 
côtés,  et  sa  hauteur  verticale  428  pieds.  La  première  as- 
sise posée  sur  le  roc  porte  202  autres  assises  placées  en 
retraite  de  manière  à  former  un  nombre  égal  de  degrés 
ou  gradins,  en  sorte  que  le  monument  s'élève  en  se  rétré- 
cissant et  se  termine  à  peu  près  en  pointe  à  son  sommet. 

On  a  calculé  qu'avec  les  matériaux  employés  à  cette 
construction,  on  pourrait  entourer  l'Espagne  d'un  mur  de 
6  pieds  de  haut.  A  la  face  nord  de  la  plus  grande  pyra- 
mide, au  niveau  de  la  15«  assise  (environ  45  pieds  au-des- 
sus du  sol)  on  a  découvert  l'entrée  d'un  couloir  auquel 


EGYPTE. 


correspondent  d'à ulres  galeries  qui  conduisent  a  deux  salles 
de  différentes  grandeurs.  Dans  la  plus  spacieuse  était  un 
sarcophage  de  granit.  Un  puits  taillé  à  l'intérieur  descend 
à  une  grande  profondeur  au-dessous  du  niveau  du  Nil. 
—  A  quelque  distance  de  ce  monument  est  un  sphinx  co- 
lossal, devant  lequel  est  ménagé  une  entrée  qui  commu- 
nique aussi  par  des  galeries  souterraines  à  celles  dont  je 
viens  de  parler.  L'antiquité  de  xette  pyramide,  qui  doit 
être  envisagée  comme  un  tombeau,  remonte  au  temps  re- 
culé où  les  Egyptiens  ne  connaissaient  pas  encore  l'écri- 
ture, car  il  ne  s'y  rencontre,  nulle  part,  une  trace  d'ins- 
cription, tandis  que  les  autres  monuments  de  l'Egypte  en 
sont  toujours  couverts. 

Les  autres  pyramides,  d'âge  postérieur  et  de  gran- 
deurs diverses,  ne  laissent  aucun  doute  sur  leur  destina- 
tion, elles  servaient  aux  rois  et  aux  grands  personnages 
de  lieux  de  sépulture. 

Dans  la  Haute-Egypte,  d'immenses  excavations  dans  les 
montagnes  de  la  Thébaïde,  ornées  avec  une  rare  magni- 
ficence, étaient  destinées  au  même  usage.  Voici  la  descrip- 
tion qu'en  donne  Champollion  *  :  «  Un  grand  nombre  de 
couloirs  conduisaient,  par  des  issues  souvent  déguisées,  à 
la  grande  chambre  où  était  le  cercueil,  ordinairement  de 
granit,  de  basalte  ou  d*albâtre.  Les  parois  de  l'excavation 
entière,  ainsi  que  le  plafond,  étaient  couvertes  de  sculp- 
tures coloriées  et  d'inscriptions  hiéroglyphiques  où  le  nom 
du  roi  défunt  était  souvent  répété.  On  y  figurait  ordinaire- 
ment toutes  les  cérémonies  funéraires,  la  pompe  même 
de  l'inhumation,  la  visite  de  l'âme  du  mort  aux  divinités 

*  Archéol.  pag.  29. 


6  INTRODUCTION . 

principales,  ses  offrandes  à  chacune  d'elles,  enfin  sa  pré- 
sentation par  le  dieu  qui  le  protégeait  au  dieu  suprême 
de  YAmenihi,  ou  enfer  égyptien,  et  son  apothéose.  Rien 
n'égale  la  grandeur  de  ces  ouvrages,  la  richesse  et  la  va- 
riété de  ces  ornements.  Les  figures,  quoiqu'en  très  grand 
nombre,  sont  parfois  de  grandeur  colossale  ;  souvent  aussi 
les  scènes  de  la  vie  civile  se  mêlent  aux  représentations 
funéraires  :  on  y  voit  les  travaux  de  Tagriculture,  les 
occupations  domestiques,  des  musiciens,  des  danseurs  et 
des  meubles  d'une  richesse,  d'une  élégance  admirables; 
au  plafond  sont  ordinairement  des  sujets  astronomiques  ou 
astrologiques.  » 

Il  faut  chercher  dans  la  foi  des  Egyptiens  la  cause  du 
soin  qu'ils  apportèrent  aux  sépultures,  ils  croyaient  que 
le  bonheur  de  l'âme  était  inhérent  à  l'état  de  conser- 
vation du  corps.  Aussi  toutes  les  classes  de  la  société  fai- 
saient-elles embaumer  leurs  morts,  toutefois  l'embaume- 
ment variait  suivant  la  position  que  le  défunt  avait  occupée 
dans  la  société.  Les  momies  étaient  parfois  recouvertes  de 
fines  lamelles  en  or  et  ornées  drf  bracelets  et  de  colliers 
du  même  métal.  Elles  renferment  souvent  des  amulettes 
et  des  papyrus  portant  les  prières  que  l'âme  adresse  à 
chaque  dieu,  et  la  peinture  de  la  scène  du  jugement.  Il 
est  curieux  de  rencontrer  encore  de  nos  jours  un  usage 
qui  répond  à  ce  dernier  trait.  Les  Russes  déposent  aussi 
dans  la  tombe  de  leurs  morts  une  feuille  remise  par  le 
prêtre,  et  qui  contient  également  des  prières  à  Dieu  et 
aux  saints. 

Les  Egyptiens  ont  laissé  plusieurs  statues,  dont  quelques- 
unes«  colossales,  ont  jusqu'à  40  pieds  de  hauteur.  Dans  la 


EGYPTE.  7 

représentation  de  leurs  divinités,  ils  ont  reproduit  la  forme 
humaine  pure,  ou  bien  le  corps  humain  surmonté  de  la 
tête  de  l'animal  consacré  à  la  divinité,  ou  enfin  Tanimal 
entier  avec  les  attributs  du  dieu.  Les  matières  les  plus 
diverses  ont  été  employées.  La  forme  et  les  détails  con- 
stamment les  mêmes,  pour  le  même  sujet,  étaient  réglés 
par  le  culte.  Même  régularité  sur  les  bas-reliefs,  taillés 
dans  le  creux,  de  manière  à  ne  pas  faire  saillie  hors  du 
plan. 

Dans  le  style  égyptien,  les  lignes  droites  ou  peu  courbées 
dominent  dans  le  contour  général  de  la  tête.  Ronde  par 
derrière,  elle  a  les  traits  de  la  physionomie  très  saillants; 
les  oreilles  s'élèvent  au-dessus  des  yeux,  ceux-ci  sont  très 
fendus  et  les  lèvres  saillantes.  Les  membres  sont  en  géné- 
ral d'une  longueur  outrée. 

L^peinture  fut  aussi  cultivée  dès  la  plus  haute  antiquité; 
temples,  tombeaux,  momies,  manuscrits  en  rendent  témoi- 
gnage. Des  paletteset  des  coquillages  contenant  des  couleurs 
ont  été  découverts  par  M.  Passalaqua  et  déposés  dans  les 
riches  collections  de  Berlin.  L'éclat  primitif  que  ces  cou- 
leurs ont  conservé  malgré  leur  emploi  sur  les  matières  les 
plus  diverses,  laisse  juger  de  l'habileté  des  procédés  em- 
ployés. Les  observations  sur  le  style  égyptien  s'appliquent 
aussi  à  la  peinture.  L'art  des  ombres,  de  la  perspective, 
n'est  pas  très  avancé,  mais  en  revanche  l'imitation  des  cou- 
leurs des  êtres  naturels  est  parfaite.  L'étude  des  sujets  est 
une  source  féconde  de  renseignements  sur  les  usages, 
les  mœurs  et  les  costumes  de  cette  époque. 

La  mosaïque,  qui  est  aussi  une  sorte  de  peinture  exécutée 
par  l'assemblage  de  petits  dés  en  pierre  ou  en  émail,  a 


8  INTRODUCTION. 

été  connue  des  Egyptiens,  comme  le  prouve  un  fragment 
de  cercueil  de  momie,  conservé  dans  la  collection  de 
Turin. 

Les  pierres  gravées  ou  camées  forment  à  elles  seules  une 
science  ;  la  glyptique.  Les  sujets  reproduits  peuvent  être 
divisés  en  trois  classes  :  sujets  mythologiques,  historiques 
et  chimériques. 

C'est  dans  la  collection  égyptienne  de  Berlin  qu'il  faut 
entr'autres  étudier  tout  ce  qui  a  rapport  aux  ornements  et 
ustensiles  de  la  vie  privée  ;  formée  par  les  recherches  de 
M.  Passalaqua  et  de  M.  le  général  de  Minutoli ,  elle  a  été 
dernièrement  enrichie  par  le  récent  voyage  de  M.  le  pro- 
fesseur Lepsius. 


GRÈCE. 

Après  cette  indication  rapide  des  antiquités  de  TEgypte, 
passons  sur  le  sol  de  l'ancienne  Grèce,  patrie  des  arts  les 
plus  avancés. 

Les  constructions  les  plus  anciennes  de  la  Grèce,  et  qui 
remontent  au  temps  des  Pélasges,  sont  des  murs  sans  mor- 
tier formés  de  pierres  colossales  et  brutes,  dont  la  super- 
position laisse  des  interstices  qui  ont  été  garnis  avec  soin 
de  petites  pierres.  Parfois  ces  blocs  immenses  forment  des 
polygones  irréguliers  sans  interstice,  comme  on  en  voit 
à  Corinthe  et  dans  l'ile  d'Eubée.  Plus  tard  vinrent  les  assi- 
ses régulières,  et  les  parements  en  pierre  de  taille. 

Chez  les  Grecs  les  maisons  des  riches  étaient  partagées 
en  deux  appartements,  celui  des  hommes  et  celui  des  fem- 
mes, qui  occupaient  la  partie  la  plus  reculée  de  la  maison. 


GRÈCE.  9 

OÙ,  d'après  les  mœurs  grecques,  elles  restaient  sédentai 
res,  occupées  avec  les  esclaves  des  travaux  domestiques. 
Il  parait  que  les  maisons  grecques  n'avaient  qu'un  seul 
étage.  Le  toit  était  une  plate-forme  entourée  de  balus- 
trades, où  les  jours  étaient  pris  plutôt  que  sur  les  côtés 
du  bâtiment. 

Les  temples  étaient  fort  nombreux,  dans  les  villes  et 
dans  les  campagnes.  Ils  avaient  ordinairement  la  forme 
d'un  carré  long;  quelquefois  une  cour  entourée  d'un 
portique  ou  d'une  colonnade  le  précédait.  Un  portique  en- 
tourait aussi  l'édifice.  C'est  là  que  le  peuple  s'assemblait, 
les  prêtres  seuls  ayant  le  droit  d'entrer  dans  le  temple  où 
était  la  statue  du  dieu,  œuvre  des  meilleurs  artistes.  L'au- 
tel dédié  à  la  divinité  était  placé  devant  elle.  Des  peintures 
recouvraient  les  murs  intérieurs  et  représentaient  le  mythe 
du  dieu.  Aux  deux  extrémités  extérieures  du  temple  s'éle- 
vait, au-dessus  de  l'entablement  des  colonnes,  un  fronton 
en  triangle  obtus,  orné  de  statues  ou  de  bas-reliefs.  Des 
règles  précises  fixaient  la  proportion  des  dimensions.  Plu- 
sieurs de  ces  monuments  présentent  les  plus  beaux  modè- 
les de  l'architecture  antique.  D'après  les  divers  ordres  em- 
ployés, ils  sont  empreints  d'une  beauté  mâle  et  sévère,  ou 
bien  pleins  d'élégance  et  de  magnificence. 

Ce  n*était  pas  dans  les  temples  seulement  qu'on  élevait 
des  autels.  D'abord  de  bois,  on  les  fit  ensuite  de  pierre  et 
quelquefois  en  métal.  En  général  un  goût  remarquable 
a  présidé  à  leur  exécution  -.  carrés,  ronds  ou  triangulaires, 
ils  étaient  couverts  d'inscriptions  et  de  divers  ornements 
allégoriques. 

Les  Grecs,  à  qui  Ton  doit  l'invention  du  drame,  con- 
struisirent aussi  les  premiers  théâtres,  qui,  très  modestes 


40  INTRODUCTION. 

dans  les  premiers  temps,  devinreot  bientôt  des  édifices 
remarquables  par  leur  grandeur  et  leur  magnificence.  La 
forme  était  celle  d'un  demi  cercle  fermé  par  un  bâtiment 
transversal.  Là  était  la  scène  proprement  dite.  L'orches- 
tre était  placé  entr'elle  et  les  gradins,  qui  s'élevaient  l'un 
derrière  l'autre  en  demi-cercles  concentriques.  Deux  en- 
trées latérales  conduisaient  à  Torchestre  où  aboutissaient 
les  escaliers  des  gradins.  Chaque  étage  de  ces  gradins 
avait  aussi  quelquefois  des  entrées  particulières.  Les  siè- 
ges étaient  assignés  d'après  des  règles  particulières,  et 
selon  les  classes  diverses  des  citoyens.  Comme  les  théâtres 
n'étaient  pas  couverts,  on  étendait  au-dessus  une  grande 
toile  teinte  de  couleur  pourpre,  et  quelquefois  très  ornée, 
fixée  d'un  côté  aux  murs,  et  de  l'autre  à  des  mâts  placés 
dans  l'orchestre.  Le  goût  des  anciens  pour  le  théâtre  les 
engagea  à  ne  rien  négliger  pour  le  perfectionnement  de 
ces  constructions. 

Les  sépiiUures  dans  les  temps  les  plus  anciens  de  la  Grèce 
consistaient  en  tumuli  ou  collines  de  terre  élevées  sur  la 
tombe  du  défunt.  Du  temps  de  la  guerre  de  Troie  ce 
genre  de  monuments  était  encore  en  usage,  ainsi  que 
nous  l'apprend  Homère.  Plus  tard,  le  mort  fut  brûlé,  ses 
cendres  placées  dans  une  urne  déposée  en  terre  ;  au-des- 
sus on  élevait  une  colonne  brisée  ou  une  simple  pierre 
de  la  forme  d'un  autel  isolé,  sur  laquelle  on  gravait  une 
inscription  à  la  mémoire  du  défunt.  Le  luxe  se  mêla  aussi 
à  ces  commémorations,  et  il  reste  encore  des  monuments 
funéraires  où  l'architecture  et  la  sculpture  ont  déployé  de 
grandes  perfections. 

Le  style  grec  eut  aussi  plusieurs  époques.  La  première 
époque  a  quelque  chose  de  raide  et  de  dur  comme  chez 


GRÈCE.  H 

tous  les  peuples  qui  débutent  dans  Timitation  de  la  na- 
ture. Les  têtes  de  ce  premier  style  sont  remarquables  par 
la  ligne  inclinée,  sans  bosse  ni  enfoncement,  qui  forme 
à  la  fois  le  front  et  le  nez.  Les  yeux  presque  de  face  sur 
les  figures  de  profil,  sont  grands  et  enfoncés;  la  bouche 
formée  par  des  lèvres  saillantes  et  relevées  ;  le  menton 
droit  et  pointu  ;  les  cheveux  volumineux  et  tressés,  mais 
sans  que  rien  fasse  discerner  une  tête  d'homme  d'une  tête 
de  femme.  Lignes  droites,  raideur  et  maigreur  caractéri- 
sent ces  premiers  essais,  ainsi  qu'exagération  sans  grâce, 
ni  beauté  ;  mais  cette  sorte  de  véhémence  prépara  aussi 
les  progrès  de  l'art  vers  le  sublime. 

Le  second  style  se  distingue  par  une  parfaite  correction 
dans  le  dessin  et  de  plus  justes  proportions  dans  les  par- 
ties. L'expression  est  plus  modérée.  Les  contours  rem- 
placent les  lignes  droites.  Phidias,  Miron  et  Polyclèle  opé- 
rèrent cette  réforme  toutefois  sans  proscrire  toute  rai- 
deur, tout  angle  saillant  dans  les  contours,  le  sublime 
se  montrait  sur  les  figures,  mais  avec  une  certaine  ru- 
desse, dénuée  de  ces  contours  moelleux  et  coulants,  de 
cette  grâce  qui  caractérise  les  ouvrages  du  troisième 
style  dont  Lysippe  et  Praxitèle  furent  les  créateurs,  et  qui 
se  distingue  par  l'abandon  de  tous  les  traits  anguleux. 
Enfin  l'esprit  d'imitation  marqua  la  décadence  de  l'art.  A 
force  de  rondeur,  de  mollesse,  on  détruisit  la  noblesse  et 
la  dignité  de  l'expression. 

Outre  les  dieux  et  les  héros,  les  Grecs  figurèrent  aussi 
des  hommes.  Ce  que  nous  avons  dit  de  leur  style  s'ap- 
plique aux  bas-reliefs  qui  ornaient  les  autels,  la  base  des 
statues  et  surtout  les  tombeaux. 

C'est  dans  les  salles  sépulcrales  de  la  Grande  Grèce, 


12  INTRODUCTION. 

en  Italie,  qu'on  trouve  surtout  ces  nombreux  vases  peints 
dont  l'étude  constitue  à  elle  seule,  toute  une  science.  Leurs 
formes  dérivent,  en  général,  de  celle  de  Toeuf  ou  d'une 
cloche  renversée  ;  il  en  est  qui  présentent  la  figure  d'une 
corne,  d'autres,  les  patères,  celle  d'un  disque  élevé  sur 
un  pied  élégant.  Ils  sont  de  grandeur  très  variées,  hauts 
d'un  pouce,  à  4  et  5  pieds.  En  général,  les  formes  sont 
belles  et  gracieuses,  le  col  évasé,  lorsqu'il  n'est  pas  à  col 
de  cygne,  et  les  anses  ajoutées  avec  beaucoup  de  goût. 
Ce  qui  fait  surtout  le  prix  de  ces  vases,  ce  sont  les  figures 
qui  les  recouvrent.  Sur  les  uns,  dont  le  fond  est  jaune  ou 
rouge,  les  figures  sont  tracées  en  noir,  comme  une  es- 
pèce de  silhouette.  Ils  sont  en  général  du  premier  style, 
et  leurs  sujets  appartiennent  aux  plus  anciennes  tradi- 
tions mythologiques.  Les  vêlements,  les  harnais  des  che- 
vaux et  les  roues  des  chars  sont  retouchés  de  blanc.  On 
couvrait  ensuite  le  vase  de  la  même  couleur  noire  en 
épargnant  seulement  la  place  et  la  forme  des  figures. 
Plus  lard,  les  figures  ressorlent  en  jaune  sur  un  fond 
noir.  Le  pied  porte  des  ornements  en  labyrinthe,  en  méan- 
dres, en  palmelles  ;  une  couronne  orne  le  col,  ou  bien 
une  tête  de  femme  sortant  d'une  fleur.  Ces  peintures  ap- 
partiennent aussi  à  divers  âges,  mais  la  plupart  se  dis- 
tinguent davantage  par  la  hardiesse  de  leur  contour  que 
par  leur  fini.  La  terre  absorbant  très  vite  les  couleurs 
elles  ne  pouvaient  être  exécuiées  qu'avec  la  plus  grande 
célérité.  Des  inscriptions  ajoutent  au  prix  de  ces  vases,  le 
plus  souvent  elles  indiquent  le  nom  des  personnages. 

Ces  vases,  outre  leur  destination  pour  la  vie  privée  et  le 
culte  servaient  aussi  d'ornements  ou  étaient  délivrés 
comme  prix  dans  les  jeux  publics.  Aussi  des  collections 


GRÈCE.  43 

imporlaDtes  de  ce  genre  d'antiquités  existent-elles  dans 
les  principales  villes  de  l'Europe  *.  D'entre  celles  que  j'ai 
Tîsitées,  les  plus  renjarqnables  se  trouvent  à  Munich,  à 
Berlin,  et  dans  le  cabinet  particulier  du  roi  de  Dane- 
mark. 

Les  Grecs  portèrent  la  peinture  au  plus  haut  degré  de 
perfection.  Leurs  premiers  essais  furent  très  postérieurs 
à  ceux  des  Egyptiens.  Ils  ne  datent  pas  même  de  l'époque 
du  siège  de  Troie.  Ils  cultivèrent  toujours  la  sculpture 
de  préférence.  On  indique  cependant  de  grands  tableaux, 
tels  que  la  bataille  des  Magnésiens  en  Lydie,  comme 
peinte  environ  sept  siècles  avant  Jésus-Christ.  La  Grèce 
eut  depuis  de  nombreux  peintres  qui  traitèrent  tous  les 
genres  :  architecture  ,  paysage,  histoire  ,  fleurs  ,  fruits , 
portraits ,  allégorie ,  burlesque ,  caricature.  Il  paraît 
aussi  que  Parrhasius  peignit  la  miniature.  Les  Grecs 
employèrent  la  peinture  à  décorer  les  temples  et  les  ha- 
bitations. Souvent  ils  ajoutaient  le  nom,  à  la  figure  des 
personnages  représentés.  Ils  se  distinguaient  surtout  par 
la  correction  du  dessin,  le  sentiment,  l'expression,  la  pose 
des  figures  et  l'idéal  dont  ils  les  animaient.  L'histoire 
nous  donne  du  reste  une  opinion  plus  avantageuse  de  la 
peinture  grecque  que  les  travaux  qui  nous  en  sont  par- 
venus. 

Les  Grecs  excellèrent  dans  l'art  de  la  mosaïque.  Ils 
surent  ménager  les  nuances  avec  tant  d'habileté,  et  don- 
ner aux  figures  une  si  grande  harmonie  dans  ces  com- 

*  On  tire  ces  vases  en  grand  nombre  de  l'ancienne  grande  Grèce,  de  Nota,  de 
Copof/e,  Napkê,  Pcutum,  et  aussi  de  la  Sicile.  Cependant  ils  se  retrouvent 
aussi  à  Athènes,  Mégare,  Milo,  en  Aulide,  en  Tauride,  à  Corfou  et  aux  îles 
de  la  Grèce. 


ÉTRURIE.  {5 

bats  plus  nombreux,  un  roi  qui  survient  dans  la  mêlée, 
des  danseuses,  et  d'autres  sujets. 

Les  caractères  principaux  du  style  étrusque  sont  d'après 
les  plus  anciens  monuments  de  ce  peuple ,  les  lignes 
droites,  l'attitude  raide,  les  défauts  de  proportion  dans 
les  membres.  La  forme  des  tètes  est  un  ovale  rétréci  vers 
le  menton  qui  se  termine  en  pointe.  Les  bras  des  figu^ 
fines  sont  pendants,  les  pieds  parallèles,  les  plis  des 
draperies  marqués  avec  un  simple  trait.  Le  second  style 
se  reconnaît  à  quelques  perfectionnements  sans  que  la 
raideur  et  la  gène  de  la  pose  aient  disparu.  Apollon  est 
fait  comme  un  Hercule.  Le  troisième  style  est  dû  à  l'in- 
fluence des  Grecs  et  se  confond  avec  eux  en  une  seule 
école  pour  la  peinture  sur  vase. 

Aux  caractères  généraux  du  style  étrusque  on  ne  con- 
fondra pas  les  monuments  de  leur  sculpture  2i\ec  ceuj.  des 
Egyptiens,  quoique  l'exécution  générale  ait  quelque  chose 
d'analogue.  Les  Etrusques  n'ont  pas  fait  de  figures  en 
gaine  ou  à  tête  d'animal  sur  un  corps  humain.  Leurs 
bas-reliefs  les  plus  anciens  sont  en  terre  cuite  et  peints, 
c'est  ce  style  raide,  sec  et  maigre  que  les  Romains  nom- 
maient tuscanien.  Peu  après  se  dévoile  déjà  l'influence 
des  Grecs  sur  les  arts  de  la  vieille  Italie.  Les  Etrusques 
figurèrent  aussi  des  animaux,  des  monstres  et  des  chi- 
mères, qui  répondaient  sans  doute  à  des  croyances  po- 
pulaires ou  religieuses. 

Les  Etrusques  cultivèrent  la  peinture  avant  les  Grecs. 
Pline  leur  attribue  un  certain  degré  de  perfection,  déjà 
avant  que  les  Grecs  eussent  échappé  à  l'enfance  de  l'art. 
De  très  anciennes  peintures  à  Ardée  en  Etrurie ,  et  à 
Lavinium,  avaient  encore  du  temps  de  Pline  toute  leur 


16  INTRODUCTION. 

fraîcheur  primitive.  Cet  auteur  ajoute  qu'on  voyait  aussi 
des  peintures  plus  anciennes  à  Cœres,  autre  ville  de  l'E- 
trurie,  desquelles  il  fait  encore  l'éloge. 

Les  vo^e^  des  Etrusques,  souvent  confondus  avec  ceux 
des  Grecs  à  cause  de  leur  analogie,  sont  cependant  plus 
anciens  que  ceux-ci.  On  ne  peut  contester  l'origine  de 
ceux  qui  ont  été  découverts  dans  l'ancienne  Etrurie.  Les 
figures  sont  généralement  dessinées  en  noir  sur  un  fond 
jaune  pâle  ou  rougeâtre,  et  portent  le  costume  particulier 
à  la  vieille  Italie.  Les  hommes  et  les  héros  ont  une  barbe 
et  une  chevelure  volumineuses.  Les  dieux  et  les  génies 
des  grandes  ailes.  Quand  les  inscriptions  portent  des 
caractères  de  l'alphabet  étrusque,  différents  de  l'alphabet 
grec,  alors  il  ne  peut  y  avoir  aucun  doute. 

D'entre  les  antiquités  étrusques  il  faut  encore  citer  des 
plaques  métalliques  rondes  ou  elliptiques,  munies  d'une 
poignée,  plaques  dont  une  des  faces  est  polie,  tandis  que 
l'autre  porte  des  sujets  mythologiques  ou  historiques  gra- 
vés au  trait.  Ces  pièces,  qu*on  a  pris  quelquefois  pour  des 
patères,  n'étaient  autres  que  des  miroirs.  M.  Gerhardt, 
professeur  à  Berlin,  a  fait  de  ce  genre  de  pièces  une  étude 
toute  particulière,  riche  en  résultats  importants  relative- 
ment à  la  mythologie  des  Etrusques.  Il  n'est  pas  sans 
intérêt  qu'un  de  ces  miroirs  ait  été  découvert  dans  les 
ruines  romaines  d'Avenches.  Le  sujet  qu'il  porte  est 
celui  d  Hélène.  Cette  pièce  a  été  déposée  dans  le  musée 
de  Lausanne. 


ROME.  17 


ROME. 

Avant  que  Rome  fût  fondée,  des  peuples  étaient  nés, 
avaient  grandi  et  vieilli  sur  le  sol  antique  de  l'Italie.  La 
grandeur  d'un  nouveau  peuple  éclipsa  des  gloires  plus 
anciennes  et  répandit  au  loin  ses  monuments,  comme  pour 
assurer  le  souvenir  de  sa  puissance.  Pour  un  œil  tant  soit 
peu  exercé  il  n'est  pas  difficile  de  reconnaître  les  cons- 
tructions romaines  aux  assises  régulières  de  leurs  murs, 
ou  à  la  disposition  des  pierres,  dont  les  joints  présentent 
l'aspect  d'un  réseau. 

La  distribution  des  maisons  des  Romains  diffère  de 
celle  des  Grecs  par  le  fait  que  les  premiers  vivaient  avec 
leurs  femmes  dans  un  appartement  commun.  Bien  qu'il 
y  eût  des  règles  observées  assez  généralement,  il  va  sans 
dire  que  souvent  on  s'en  écartait.  Dans  la  maison  du  riche, 
les  salles  à  manger,  à  recevoir  les  visites,  la  bibliothèque, 
la  galerie  des  tableaux  et  les  bains  étaient  particulière- 
ment ornés.  C'était  surtout  dans  les  maisons  de  campagne 
qu'on  déployait  un  luxe  sans  bornes. 

Ce  que  nous  avons  dit  des  temples  et  des  autels  grecs 
s'applique,  en  général,  à  ceux  du  peuple  qui  nous  occupe, 
sauf  quelques  différences  dans  les  proportions. 

Les  Romains  élevèrent  quelquefois  des  colonnes  monu- 
mentales  de  grandes  proportions,  en  l'honneur  d'un  prince 
ou  d'un  chef  militaire.  La  colonne  Trajane  et  la  colonne 
Antonine,  revêtues  de  bas-reliefs  historiques,  et  munies 
d'un  escalier  à  l'intérieur,  ont  servi  de  modèle  à  la  colonne 
française  de  la  place  Yendôme, 

MÉM.   ET   DOCUM.   XXV.  2 


48  INTRODUCTION. 

Les  théâtres  diffèrent  peu  de  ceux  des  Grecs  ;  seulement 
les  Romains  ont  surpassé  les  Grées  en  grandeur  et  en  ma- 
gnificence. On  construisis  des  théâtres  dans  presque  tou- 
tes les  villes  et  dans  les  provinces  conquises.  A  Augst 
près  deBâIe,  les  ruines  du  théâtre  sont  encore  imposantes. 
A  Avenches,  les  parties  qui  en  ont  été  découvertes  ces 
dernières  années  par  les  soins  de  M.  d'Oleyres,  font  vive- 
ment regretter  qu'on  n'ait  pas  apporté  plus  de  soin  à  la 
conservation  d'un  pareil  monument. 

Les  amphithéâtres  furent  particuliers  aux  Romains. 
C'étaient  d'abord  deux  théâtres  réunis,  dont  les  gradins 
formaient  ainsi  un  cercle.  Plus  tard,  la  forme  elliptique 
fut  généralement  adoptée.  Le  sol  se  nommait  Varène^ 
parce  qu'il  était  couvert  de  sable  ;  des  gradins  s'élevaient 
alentour;  ils  pouvaient  contenir  jusqu'à  80000  specta- 
teurs. C'étaient  là  que  se  donnaient  les  combats  des  gla- 
diateurs et  des  bêtes  féroces  qu'on  gardait  enfermées 
dans  des  loges  au  niveau  de  l'arène.  A  l'extérieur,  les 
amphithéâtres  étaient  divisés  en  plusieurs  étages  ornés 
d'arcades,  de  colonnes  et  de  pilastres.  En  France  l'am- 
phithéâtre de  Nîmes  est  célèbre  ;  il  ne  reste  plus  de  celui 
A'Avenches  que  quelques  murs  extérieurs  et  un  enfonce- 
ment dans  un  verger. 

Les  cirques  étaient  essentiellement  destinés  aux  courses 
de  chevaux  ou  de  chars,  aux  combats  de  gladiateurs  et 
aux  combats  simulés.  Trois  portiques  fermaient  sur  trois 
côtés  l'enceinte  générale  du  grand  cirque  de  Rome.  A  une 
extrémité  était  la  borne  autour  de  laquelle  les  concurrents 
devaient  passer  sept  fois. 

Les  Romains  apportèrent,  ainsi  que  les  Grecs,  un  grand 
soin  à  la  construction  de  leurs  bains,  dont  ils  faisaient  un 


HOMR.  10 

1res  fréquent  usage.  Ces  bains  étaient  ornés  de  peintures, 
de  bas  reliefs  et  de  statues.  Outre  les  bains  destinés  au 
public  il  en  existait  dans  beaucoup  de  maisons  particu- 
lières. Il  n'est  pas  rare  d'en  retrouver  des  ruines  dans  le 
canton  deVaud. 

Les  arcs  de  iriomphe  consistaient  en  de  grands  porti- 
ques élevés  à  I  entrée  des  villes,  sur  des  rues,  des  ponts 
ou  des  chemins  publics,  à  la  gloire  d'un  vainqueur  ou  en 
mémoire  d*un  grand  événement.  Il  en  est  d'une,  deux, 
ei  trois  arcades.  Parfois  ils  portaient  des  statues  éques- 
tres ou  des  chars  de  triomphe.  Des  bas-reliefs  représen- 
taient les  armes  des  ennemis  vaincus,  des  trophées  de 
tout  genre  et  même  les  monuments  des  arts  qui  avaient 
orné  la  marche  du  triomphateur.  Plusieurs  de  ces  por- 
tiques ont  été  gravés  sur  les  revers  des  médailles  ro 
maines. 

Les  tombeaux  les  plus  communs  sont  un  cippe  en 
pierre  plus  ou  moins  considérable,  plus  ou  moins  orné, 
ordinairement  de  forme  quadrangulaire,  et  portant  sur 
sa  face  principale  Tinscription  latine  qui  rappelle  les 
noms,  les  titres  et  la  filiation  du  défunt.  Les  cendres 
du  mort  étaient  enfermées  dans  des  urnes  composées 
(le  diverses  matières  et  de  formes  variées,  avec  ou  sans 
iDsrription.  Les  urnes  de  la  même  famille  étaient  quel- 
quefois déposées  dans  un  local  préparé  à  cet  effet.  Les 
murs  intérieurs  étaient  percés  de  plusieurs  étages  de  pe- 
tites niches  cintrées,  et  dans  chacune  desquelles  on  pla- 
çait une  ou  plusieurs  urnes.  Des  inscriptions  indiquaient 
les  noms  et  les  titres  des  membres  de  la  famille.  C'est 
ce  que  les  Itomains  appelaient  columbarium,  à  cause  de 
U  similitude  des  niches  avec  les  cases  où  les  pigeons 


!20  INTRODUCTION. 

roDt  leurs  nids.  Quand,  à  la  suite  d'une  guerre  ou  d'un 
naufrage,  le  mort  avait  été  privé  des  honneurs  de  la 
sépulture,  on  lui  élevait  un  cénotaphe,  tombeau  vide  qui 
portait  les  mêmes  ornements  que  les  tombeaux  ordinai- 
res. —  Il  n'est  pas  rare  de  retrouver  chez  nous  des  tom- 
beaux de  l'époque  de  la  domination  romaine.  Un  assez 
grand  nombre  d'inscriptions  funéraires  ont  été  recueillies 
k  Nyon  et  à  Avcnches,  Un  colombarium  a  même  été  dé- 
couvert il  y  a  plusieurs  années  dans  un  champ  aux  envi- 
rons de  La  Sarraz,  Grand  fut  l'étonnement  de  l'agricul- 
teur en  pénétrant  dans  cette  petite  salle  souterraine.  A 
voir  les  murs  ainsi  garnis  de  vases,  il  ne  douta  pas  que  ce 
ne  fût  une  pharmacie;  mais  ce  qui  le  surprit  fort,  c'est 
que  toutes  les  drogues  étaient  réduites  en  cendres  ;  aussi 
après  s'être  bien  assuré  qu'il  n'y  avait  plus  rien  d'utile, 
tout  fut  soigneusement  détruit. 

Les  tombeaux  étaient  ordinairement  déposés  le  long 
des  rou/65.  Aucun  peuple  de  l'antiquité  n'égala  les  Ro- 
mains dans  la  construction  des  voies  publiques.  Non-seu- 
lement l'Italie  en  fut  sillonnée,  mais  aussi  les  pays  con- 
quis. Les  deux  voies  principales  qui  traversaient  notre 
pays  longeaient,  l'une  les  bords  du  lac,  l'autre  le  pied  du 
Jura. 

Les  aqueducs,  destinés  à  conduire  les  eaux,  étaient  sou- 
vent des  constructions  considérables.  Pour  vaincre  les  iné- 
galités du  sol  on  élevait  des  arcades,  espèces  de  ponts, 
d'un,  de  deux  ou  de  trois  étages.  Au-dessus  était  le  canal 
enduit  d'un  ciment  très  dur.  D'autres  fois  c'étaient  des  ca- 
naux souterrains  d*une  grande  étendue  comme  on  en 
trouve  encore  près  de  Nyon,  de  Cheseaux,  A'Ursins  et 
(ÏAveiKhes,  On  employait  aussi  des  tuyaux  en  argile  ou 


HOME.  H 

en  plomb   marqués  du  nom  du  potier  ou  du  nom  des 
consuls. 

Quant  au  style  romain,  tous  les  ouvrages  des  premiers 
temps  Turent  exécutés  par  des  artistes  étrusques.  Les  plus 
anciens  monuments  furent  donc  conformes  au  style  con- 
temporain de  Tart  étrusque.  Il  y  a  parité  dans  les  figures, 
les  attributs  seuls  peuvent  les  faire  distinguer.  —  Dès  la 
seconde  guerre  punique  les  artistes  grecs  remplacèrent 
les  artistes  étrusques  à  Rome.  La  prise  de  Syracuse  fit 
connaître  aux  Romains  les  beaux  ouvrages  de  la  Grèce,  et 
ils  tournèrent  bientôt  en  ridicule  leurs  anciennes  statues 
d*argile.  L'histoire  de  Tart  romain  se  confond  dès  lors 
avec  celle  des  vicissitudes  de  Tari  grec.  On  peut  remar 
qoer  seulement,  comme  une  généralité,  que  les  figures 
romaines  sont  plus  ramassées,  moins  sveltes,  plus  gra- 
fes  et  d*une  expression  moins  idéale  que  les  figures 
grecques. 

Les  Romains  ne  firent  pas  école.  On  retrouve  dans  les 
ouvrages  exécutés  sous  les  premiers  emjïereurs  toutes  les 
pratiques  de  Tart  grec,  une  touche  ferme  et  sans  recher- 
che, pas  de  finesse  dans  les  cheveux,  mais  beaucoup  de 
fierté  dans  les  masses.  Sous  Adrien,  le  style  se  montre 
plus  fini,  les  cheveux  sont  plus  travaillés,  plus  unis,  plus 
détachés  ;  mais  en  même  temps,  le  style  perd  du  grandiose 
de  la  belle  époque  grecque.  Depuis  Alexandre  Sévère,  le 
style  tomba  dans  une  imitation  grossière  ;  on  la  reconnaît 
aux  sillons  profonds  tracés  sur  le  front,  aux  cheveux  à 
longues  lignes,  aux  contours  dessinés  avec  plus  de  force 
que  de  savoir,  à  l'incertitude  des  physionomies,  à  la  ri- 
chesse générale  de  la  composition. 

Ce  fut  surtout  après  les  premiers  empereurs  que  les 


22  INTRODUCTION. 

Romains  exécutèrent  des  has-reliefs.  On  les  employa  par- 
ticulièrement à  l'ornement  des  arcs  de  triomphe,  des  co- 
lonnes triomphales  et  des  sarcophages.  , 

Les  Etrusques  enseignèrent  aussi  la  peinture  aux  Ro- 
mains, ils  en  ornèrent  leurs  premiers  temples.  Fabhis  pei- 
gnit le  temple  de  la  déesse  Salies,  et  reçut  de  là  le  surnom 
ùePiclor.  Sous  Auguste,  Marcus  Ludius  peignit  des  ma- 
rines et  le  paysage  historique  comme  décoration  des  mai- 
sons de  campagne.  Dans  cette  partie  les  Grées  furent  en- 
core les  maîtres  des  artistes  romains,  dont  le  nombre  fut 
du  reste  petit.  Les  victoires  des  consuls  et  les  rapines  des 
préteurs  suffirent  pour  orner  Rome  de  tous  les  chefs- 
d'œuvre  de  la  Grèce. 

Les  Romains  perfectionnèrent  l'art  de  faire  les  mosaï- 
ques, non  sous  le  rapport  du  goût  et  de  la  composition, 
mais  en  ajoutant  des  matières  nouvelles  à  celles  que  les 
Grecs  avaient  employées.  Sylla  fit  exécuter  la  première^ 
mosaïque  dans  le  temple  de  la  Fortune  à  Palestrine;  elle 
y  subsiste  encore  en  grande  partie.  Elles  devinrent  ensuite 
d'un  usage  général,  et  l'on  en  fabriquait  de  portatives 
pour  les  tentes  des  généraux  en  campagne.  César  en  faisait 
porter  une  dans  ses  expéditions  militaires.  Au  temps 
d'Auguste  on  employait  surtout  le  verre  colorié,  et  sous 
Claude  on  réussit  à  teindre  le  marbre  et  même  à  le  tache- 
ter. Sous  le  Das-Em|Jire,  on  vit  à  Constantinople  des  mo- 
saïques en  perles  et  en  pierres  précieuses.  La  richesse  de 
la  matière  était  ainsi  substituée  aux  beautés  de  l'art,  qui 
avait  fort  dégénéré. 

Le  nombre  des  mosaïques  qui  nous  sont  parvenues  est 
assez  considérable.  On  en  a  retrouvé  à  Nyon,  Saint-Prex, 
Vullierens,  Cheseaux,  Baugy  prèsVevey  ;  trois  à  Orbe,  dont 


\ 


ROME.  23 


Tune  est  conservée.  Deux  autres,  découvertes  par  M.  de 
BoDStetten,  ont  été  détruites  par  malveillance  ;  des  dessins 
en  ont  heureusement  pu  être  conservés.  Celles  d'Y verdon, 
d'Yvonand  et  de  Cheyres  ont  été  aussi  détruites  en  partie. 
Les  mosaïques  d'Avenches  offraient  une  grande  diversité 
de  sujets;  des  danses,  des  chasses  ou  des  sujets  mytho- 
logiques. 

Pour  juger  de  la  grandeur  des  monuments  romains 
c'est  dans  le  midi  de  la  France  et  en  Italie  qu'il  faut  en  vi- 
siter les  ruines  imposantes.  Nulle  part  on  n'est  plus  trans- 
porté dans  ces  temps  anciens  qu'en  parcourant  la  ville  de 
Pompéi,  devenue  colonie  romaine  sous  la  dictature  de 
Sylla,  et  recouverte  de  la  lave  du  Vésuve  l'an  79  de  notre 
ère.  Depuis  80  ans  qu'on  travaille  à  la  déblayer  on  n'est 
pas  encore  arrivé  à  la  moitié  de  l'œuvre.  Cependant  on 
peut  y  parcourir  plus  de  20  rues,  visiter  en  détail  de  nom- 
breuses maisons  dont  plusieurs  sont  ornées  de  riches  pein- 
tures à  fresque.  On  y  a  découvert  deux  forum,  deux 
théâtres,  un  amphithéâtre  et  neuf  temples.  L'enceinte  dé- 
couverte a  environ  deux  milles  de  tour.  A  une  porte  était 
encore  une  sentinelle  dont  on  a  retrouvé  les  restes  avec 
ses  armes.  — Herculanum,  qui  avait  subi  le  sort  de  Pom- 
péi  fut  découverte  un  peu  avant  cette  dernière  en  creu- 
sant un  puits.  On  y  a  trouvé  des  statues  en  grand  nom- 
bre, des  inscriptions  sur  marbres  précieux,  des  colonnes 
d'albâtre,  temples,  théâtres,  palais,  portiques,  fresques 
admirablement  conservées,  mosaïques,  en  un  mot,  tout  ce 
qui  pouvait  faire  l'ornement  d'une  cité,  ainsi  qu'une  foule 
d'objets  divers,  et  même  du  pain,  du  grain  et  différentes 
provision  de  ménage. 

C'est  dans  les  collections  publiques  ou  particulières 


24  INTRODUCTION. 

qu'il  faut  chercher  ce  qui  reste  encore  de  vases,  de  sta- 
tuettes de  bronze,  d'armes,  d'ornements,  d'ustensiles,  de 
monnaies ,  répandu  dans  tous  les  pays  qui  tombèrent 
sous  la  domination  romaine.  Bien  au  delà  encore,  on  re- 
trouve de  ces  objets  qui  y  ont  été  transportés,  soit  par  le 
commerce,  soit  comme  butin  provenant  du  pillage. 


LES  BARBARES. 

Pendant  que  les  Grecs  grandissaient  dans  les  arts,  et 
tandis  que  Rome  méditait  la  conquête  du  monde,  que  se 
passait-il  dans  le  reste  de  l'Europe?  —  Nous  voyons  de 
temps  à  autre  des  bandes  de  peuples  dévastateurs  Taire 
une  descente  dans  le  midi,  menacer  Rome  à  son  berceau, 
piller  les  trésors  de  la  Grèce,  et  se  retirer,  chargés  de 
butin,  dans  des  contrées  peu  connues.  Ces  hardis  aventu- 
riers n'ont  pas  eu  d'historiens.  Les  auteurs  qui  nous  en 
ont  parlé  étaient  leurs  ennemis,  et,  à  part  un  bien  petit 
nombre,  on  peut  s'assurer  qu'ils  manquaient  de  rensei- 
gnements suffisants. 

A  côté  de  ces  traits  épars  de  l'histoire,  nous  devons, 
pour  en  connaître  davantage,  recourir  à  l'archéologie. 
Mais  l'attention,  captivée  par  les  monuments  du  midi,  s'est 
peu  tournée  vers  le  nord.  Pendant  que  l'antiquité  grecque 
et  romaine  a  été  explorée  avec  un  soin  digne  d'éloges,  on 
a  comparativement  peu  fait  pour  le  reste  de  l'Europe.  H 
faut  le  dire,  les  antiquités  des  peuples  barbares  ont  trouvé 
de  la  défaveur.  Dans  la  préoccupation  où  l'on  était  des 
monuments  de  l'art,  on  a  repoussé  ce  qui  au  premier 


LES    BARBARES.  25 

coup  (l'œil  ne  présentait  pas  le  même  attrait.  D'autre  part 
des  travaux  écrits  dans  un  point  de  vue  trop  exclusif  ou 
avec  un  système  préconçu,  auquel  on  cherchait  à  ployer 
tous  les  faits,  ont  servi  à  discréditer  l'étude  de  l'archéolo- 
gie barbare  et  l'ont  enopêchée  de  prendre  dans  la  science 
le  rang  qu'elle  mérite.  —  En  restreignant  le  champ  de  l'ar- 
chéologie au  point  de  vue  artistique,  on  a  exclu  un  grand 
nombre  de  monuments;  si  l'on  eût  envisagé  l'archéologie 
au  point  de  vue  historique,  il  y  aurait  eu  place  pour  tout. 
Nous  chercherons  à  saisir  le  fait  archéologique  en  lui- 
même,  dans  sa  liaison  avec  d'autres  faits,  dans  sa  signi- 
fication relativement  au  peuple  et  au  temps  auquel  il  ap- 
partient. 

Nous  avons  dit  qu'en  comparaison  des  antiquités  grec- 
ques et  romaines  on  s'était  peu  occupé  des  antiquités  des 
peuples  barbares.  Ce  n'est  pas  qu'on  n'ait  beaucoup  écrit 
sur  ce  sujet.  Déjà  dans  les  siècles  passés  on  s  est  passionné 
pour  les  Celtes.  Depuis  un  certain  nombre  d'années  de 
nombreuses  sociétés  archéologiques  se  sont  formées  en 
Suisse,  en  France,  en  Angleterre,  en  Allemagne,  dans  le 
Nord,  et  en  Russie,  publiant  chacune  des  mémoires  ou 
des  rapports  annuels  sur  leurs  travaux.  Des  écrits  nom- 
breux ont  été  publiés,  mais  en  général  ces  publications 
traitent  de  découvertes  plus  ou  moins  isolées,  et  dans  les 
jugements  portés  il  est  facile  dé  se  convaincre  que  les  au- 
teurs manquent  souvent  d'une  connaissance  générale  et 
approfondie  du  genre  de  monuments  dont  ils  traitent.  On 
possède  cependant  sur  les  sépultures  nationales  de  France 
l'ouvrage  de  Le  Grand  d'Aussi;  sur  les  antiquités  de  la 
Normandiele  premier  volume  du  cours  d'antiquités  monu- 
mentales de  Caumont,  Schœpflin  sur  TAIsace,  de  Frémin- 


26  INTUODUCTION. 

ville  sur  la  Bretagne  française,  les  tumuli  de  TAnglelerre 
par  sir  Hoare  el  le  D»*  Stukely,  les  monuments  antiques  de 
la  Grande-Bretagne  par  Kvig,  les  antiquités  du  Mecklem- 
bourg  par  le  D^  Lisch,  celles  de  TAllemagne  par  Wagener, 
le  D^  Klemme  et  Keferstein,  celles  de  Suède  par  Sjôborg  et 
Nilsson,  el  celles  de  la  Livonie  par  Kruse.  Ces  ouvrages  de 
mérites  divers,  sont  les  parties  plus  ou  naoins  incohéren- 
tes d'un  tout  sur  lequel  il  n*a  pas  encore  paru  de  travail 
étendu.  Chaque  publication  a  cependant  sa  valeur,  en  tant 
qu'elle  renferoie  des  faits.  A  cet  égard,  Téiude  des  collec- 
tions est  indispensable.  Il  en  existe  dans  un  grand  nom- 
bre de  localités;  les  plus  remarquables  sont  celles  de  i)u- 
blin,  de  Schwerin,  de  Copenhague  et  de  Dorpat.  Enfin  les 
fouilles  que  l'on  pratique  dans  le  sol  sont  la  source  la  plus 
instructive  pour  Tarcbéologue.  Si  le  travail  n'avait  pas  été 
trop  exclusivement  celui  du  cabinet,  si  les  découvertes 
avaient  été  observées  de  plus  près  on  aurait  bien  souvent 
évité  des  méprises  qui  ne  font  que  retarder  les  progrès 
de  l'étude. 


D'après  ce  qui  précède  nous  laisserons  de  côté  l'Afri- 
que, VAsieei  \  Amérique,  sauf  à  y  faire  quelques  excur- 
sions lorsque  notre  sujet  le  comportera.  Plus  d'une  fois 
les  peuples  sauvages  nous  fourniront  aussi  quelques 
éclaircissements  sur  l'usage  d'objets  divers  qui  leur  sont 
communs  avec  les  peuples  de  l'antiquité. 

Le  but  que  nous  nous  proposons  dans  ce  cours,  est  de 
traiter  dans  leur  ensemble  les  monuments  de  Vancienne 
Europe  étrangers  à  la  culture  classique,  de  préî^enleren  un 


PLAN    DU    COURS.  27 

mot  la  contre-partie  des  antiquités  de  la  Grèce  et  de  l'Ita- 
lie ;  mais  souvent  nous  aurons  à  revenir  sur  ^celles-ci 
comme  points  de  rapprochement,  à  aller  du  connu  à  l'in- 
connu pour  tâcher  d'obtenir  des  résultats  satisfaisants. 

Nous  ne  nous  dissimulons  pas  qu'un  travail  de  cette 
nature  présente  de  grandes  difficultés.  Nous  savons  com- 
bien il  nous  manque  de  connaissances  qui  seraient  né- 
cessaires à  notre  but.  D'autre  part,  le  défaut  de  recher- 
ches dans  bien  des  contrées  rend  impossible  d'accorder 
à  chaque  pays  les  mêmes  développements. 

Quoi  qu'il  en  soit,  après  avoir  recueilli  depuis  plusieurs 
années  un  grand  nombre  de  faits,  après  avoir  parcouru 
une  partie  des  contrées  les  moins  connues,  nous  essaye- 
rons de  présenter  un  ensemble,  qui,  nous  l'espérons,  ne 
sera  pas  sans  quelque  intérêt. 

Notre  plan  sera  une  simple  classification  des  monu- 
ments analogues  qui  se  retrouvent  en  Europe  ;  notre  point 
de  départ,  l'arrivée  des  premiers  habitants  dans  l'occi- 
dent, dont  nous  suivrons  la  marche  et  le  développement 
jusqu'à  l'établissement  général  du  christianisme.  Encein- 
tes sacrées,  autels,  habitations,  retranchements,  sépultu- 
res, armes,  ornements,  ustensiles,  traditions,  supersti- 
tions, nous  occuperont  tour  à  tour  d'après  leur  impor- 
tance. Nous  espérons,  en  un  mot,  présenter  les  faits  de 
manière  à  ce  que  chacun  puisse  aussi  bien  que  nous  être 
juge  des  conclusions  que  l'on  doit  en  tirer. 

Nous  n'aurons  pas  sans  doute  à  donner  beaucoup  de 
dates  précises,  de  noms  propres  ou  de  descriptions  de 
batailles,  mais  nous  pourrons  plus  d'une  fois  nous  rendre 
compte  du  genre  de  vie  et  de  culture  de  peuples  encore 
bien  peu  connus.  Bien  moins  civilisés  que  les  peuples  du 


28  INTRODUCTION. 

midi,  ils  sont  aussi  moins  corrompus.  Hardis,  entrepre- 
nants, pleins  de  force  et  d'énergie,  il  y  a  chez  eux  de  la 
vitalité,  de  l'avenir.  Les  hommes  du  Nord,  du  moins  pour 
autant  que  nous  pouvons  les  apercevoir  sous  leur  ciel 
brumeux,  et  à  en  juger  par  les  sagas,  présentent  déjà 
une  vie  toute  chevaleresque,  mais  de  la  chevalerie  moins 
le  christianisme.  —  Solitaires  et  silencieux,  leurs  monu- 
ments ne  frappent  pas  tout  à  coup,  comme  ceux  de  la 
Grèce  et  de  Rome,  mais,  dans  leur  genre,  ils  ne  sont  pas 
moins  surprenants  par  leur  masses  imposantes;  demeu- 
res des  fées,  des  nains  et  des  esprits  follets,  l'agriculteur 
vénère  encore  ces  monuments  pleins  de  mystère. 


MONUMENTS 


DE  L'ANTIQUITÉ 


DANS  L'EUROPE  BARBARE 


Le  champ  ouvert  devant  nous  est  Vancienne  Europe 
barbare.  L'espace  à  parcourir  comprend  bien  au  delà  de 
deux  mille  ans.  Ce  fut  environ  300  ans  avant  l'ère  chré- 
tienne que  Pylhéas,  se  trouvant  dans  la  Grande-Bretagne, 
entendit  parler  de  Thulé,  c'est-à-dire  de  4a  Scandinavie, 
comme  de  la  plus  reculée  des  contrées  septentrionales, 
dont  les  habitants  n'étaient  pas  tout  à  fait  étrangers  à  la 
civilisation  et  à  l'agriculture.  Les  premières  données  his- 
toriques ne  remplacent  guère  les  traditions  fabuleuses  que 
600  ans  avant  notre  ère,  et  laissent  ainsi  dans  l'obscurité 
plus  d'un  millier  d'années  à  partir  de  l'époque  où  l'Occi- 
dent aurait  reçu  ses  premiers  habitants  ^ 

Les  monuments  de  ces  siècles  nombreux  ne  portent  ni 
date  ni  inscription.  Ceux  qui  sont  extérieurs  au  sol  cod- 

*  Les  découvertes  récenles  modifient  considérablement  cette  donnée.  Voy. 
L'homme  fossile,  par  Fréd.  Troyon.  Lausanne,  1867.  (Note  de  réditeur.) 


30  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ 

sislenten  des  blocs  de  rochers  plus  ou  moins  considéra 
bles,  dont  la  position  seule  indique  qu'ils  ont  eu  dans  le 
passé  une  signiflcation  généralement  méconnue  de  nos 
jours.  Ou  bien  ce  sont  des  collines  qui  recouvrent  la  cen- 
dre des  morts  et  dont  l'aspect  rappelle  parfois  la  grandeur 
des  pyramides  d'Egypte.  Ce  qui  reste  des  habitations  ne 
présente  plus  que  quelques  excavations  dans  le  sol  ou  dans 
les  rochers,  et  l'on  y  chercherait  en  vain  les  riches  pein- 
tures des  grottes  de  la  Thébaïdo  ou  des  salles  souterraines 
de  l'Etrurie  et  de  la  Grande-Grèce.  Tout,  au  premier  as- 
pect, paraît  un  chaos  ténébreux,  d'où  l'on  n'entrevoit 
guère  la  possibilité  de  faire  sortir  un  monde.  Cependant, 
en  examinant  de  plus  près  ces  débris  du  passé,  chacun 
d'eux  devient  l'expression  d'une  manière  d'être  ou  de 
faire  ;  et  pour  être  moins  prompts  à  nous  révéler  leur  se- 
cret, ils  n'en  piquent  pas  moins  notre  curiosité. 

Pour  que  ces  monuments  reçoivent  toute  la  valeur 
qu'ils  sont  susceptibles  d'acquérir,  on  ne  doit  point  s'ar- 
rêter aux  frontières  politiques  d'un  pays.  Il  faut  les  voir 
dans  leur  ensemble,  répandus  en  Europe  sur  les  rives  des 
mers  ou  des  fleuves,  ou  groupés  dans  l'intérieur  des 
terres,  tels  qu'ils  ont  été  déposés  par  les  peuples  dont  ils 
sont  les  derniers  vestiges. 

Dans  la  même  localité,  ils  appartiennent  souvent  à  des 
âges  très  divers.  Pour  distinguer  ceux-ci,  il  faut  grouper 
les  faits  analogues,  et  les  classer  d'après  leur  ordre  d'an- 
cienneté. 

Les  monuments  les  plus  propres  à  répandre  quelque 
lumière  sur  cette  classification  ne  sont  point  ceux  qui  ont 
été  consacrés  au  culte  ou  à  la  vie  civile,  mais  bien  les  sé- 
pultures enrichies  dans  la  vue  d'un  monde  à  venir,  et  des- 


DANS    l'eUROPB    BARBARE.  31 

linées  à  révéler  à  d'autres  générations  l'existence  de  ces 
anciens  peuples.  La  solennité  de  l'entrée  dans  le  Valhalla 
dépendait  de  la  pompe  des  funérailles.  Le  guerrier  devait 
être  revêtu  de  ses  plus  belles  armes,  accompagné  de  ses 
serviteurs  et  de  tout  ce  en  quoi  il  faisait  consister  sa  gran- 
deur. Le  pauvre  emportait  l'instrument  de  sa  profession, 
la  femme  ses  ornements  et  Tenfant  ses  joujoux.  Hérodote* 
nous  parle  déjà  de  ces  coutumes  chez  les  Scythes.  «  Le 
roi,  dit-il,  après  avoir  été  embaumé,  était  couché  dans 
une  grande  fosse  carrée,  sur  un  lit  de  verdure.  On  for- 
mait autour  de  lui,  avec  des  piques,  une  petite  enceinte 
qu'on  recouvrait  ensuite  de  pièces  de  bois  et  de  branches 
de  saule.  Dans  l'espace  vide  étaietit  déposées'  des  coupes 
en  or  et  d'autres  choses  précieuses  qui  avaient  été  à  son 
usage.  On  y  plaçait  une  de  ses  femmes,  son  ministre,  son 
écuyer,  son  échanson,  son  cuisinier  et  des  chevaux.  Cela 
fait,  on  remplissait  la  fosse  de  terre,  et  tous  travaillaient 
àl'envi  l'un  de  l'autre  à  élever  un  grand  tertre  sur  le 
lieu  de  la  sépulture.  L'année  suivante,  on  immolait  en- 
core sur  cette  colline  cinquante  serviteurs  et  autant  de 
chevaux*.  » 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  sur  ces  sacrifices  san- 
glants, mais  nous  recueillerons  avec  soin. les  objets  dé- 
posés dans  la  tombe,  car  tous  nous  indiquent  le  genre 
de  développement  propre  à  l'époque  à  laquelle  ils  appar- 
tiennent '. 

*  Voir  dans  Hérodote  IV,  71,  597,  plus  de  détails.  Il  prétend  que  les  Scy- 
thes ne  connaissent  ni  l'argent  ni  le  cuivre  ;  il  dit  ailleurs,  IV,  62,  qu'ils 
avaient  des  cimeterres  en  fer. 

*  Ce  genre  de  sacrifice  explique  la  présence  d'autels  sur  les  grands  tumuli. 
>  C'est  par  l'étude  et  la  classification  de  ces  objets  qu'on  peut  arriver  à 

des  distinctions  d'âges  et  de  peuples.  Bien  que  les  armes  ou  les  ornements 


32  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ 

Si  l'on  pénètre  dans  ces  anciens  tombeaux,  on  verra 
qu'il  en  est  un  certain  nombre  qui  ne  renferment  que  des 
poteries  grossières  avec  divers  instruments  en  pierre  ou 
en  os,  tels  que  haches,  poignards,  pointes  de  traits.  Aucune 
trace  de  métal  ne  peut  faire  supposer  qu'il  ait  été  connu  à 
cette  époque.  —  Un  autre  genre  de  collines  contient  des 
armes  mieux  travaillées.  Le  cuivre  ou  le  bronze  sont  em- 
ployés pour  les  ornements  et  pour  tous  les  instruments 
tranchants.  L'or  et  l'argent  remplacent  t]uelquefois  le 
bronze  pour  les  bracelets  et  les  colliers,  mais  le  fer  ne  s'y 
retrouve  pas  encore.  — Enfin,  dans  une  troisième  classe 
de  tombes,  on  retrouve  tous  les  métaux  que  je  viens  d'in- 
diquer ;  seulement  le  fer  est  toujours  employé  à  l'exclu- 
sion du  bronze  pour  la  fabrication  des  instruments  tran- 
chants, tels  que  haches,  épées  et  fers  de  lance.  Quelques 
faits  rares,  qui  réunissent  les  caractères  propres  aux  deux 
genres,  trouveront  plus  tard  leur  place  et  leur  explication, 
La  suite  justifiera  aussi  ce  que  nous  nous  bornons  à  affir- 
mer pour  le  moment,  c'est  que  ces  divers  genres  appar- 
tiennent  à  des  époques  différentes  et  non  simultanées, 
ainsi  qu'à  des  constructions  de  tombeaux  ou  modes  de 
sépultures  particuliersV 


doivent  varier  d'après  la  position  que  le  défunt  occupait  dans  la  société,  on 
parvient  à  distinguer  avec  assez  de  facilité  la  manière  de  faire  propre  à  cha- 
que  époque.  Des  distinctions  moins  faciles  sont  celles  de  peuples  à  peuples. 
Souvent  on  a  cherché  à  classer  ces  monuments  d'après  leur  forme  extérieure, 
mais  à  part  quelques  caractères  généraux,  il  est  impossible  d'obtenir  des 
règles  tant  soit  peu  certaines;  il  faut  aller  plus  avant  et  ne  rien  négliger  dans 
ce  travail  d'exploration. 

*  Après  être  arrivé  à  cette  classification  par  le  contenu  des  tombeaux,  on 
pourrait,  dans  un  travail  plus  complet,  et  afin  de  mieux  relier  le  midi  au 
nord,  prendre  ponr  point  de  départ  les  constructions  cyclopéennes.  Au  midi. 


DANS  L  EUROPE  BARBARE.  53 

Plusieurs  archéologues  se  sont  élevés  contre  Tordre  de 
classification  que  je  viens  de  présenter.  Ils  sont  bien  d'ac- 
cord sur  ce  fait  que  l'emploi  général  du  fer  est  postérieur 
à  celui  du  bronze.  Mais  il  en  est  qui  pensent  que  ce  der- 
nier métal  a  été  employé  avant  la  pierre,  apportée  par  des 
invasions  de  barbares.  Il  faut  dire  qu'en  général  ils  cher- 
chent à  prouver  l'existence  d'une  race  autochtone  en  Eu- 
rope, et  qu'ils  font  de  ceux  qui  employaient  la  pierre  une 
espèce  humaine  d'une  intelligence  peu  développée,  venue 
de  TAsie,  vaincue  en  Europe  et  réduite  à  l'état  d'escla- 
vage *.  —  La  question  qui  se  présente  ici  est  donc,  rela- 
tivement à  l'espèce  humaine,  une  question  d'unité  ou  de 
pluralité.  Dans  ce  dernier  cas,  l'occident  devient  aussi  bien 
un  centre  et  un  point  de  départ  que  l'orient.  Telle  est  l'o- 
pinion de  M.  le  Dr  Schreiber,  de  Fribourg  en  Brisgau.  Il 
regarde  le  Celte  comme  l'espèce  autochtone.  Il  en  fait  un 
peuple  artistique  répandu  sur  la  plus  grande  partie  de 
l'Europe,  tandis  que  le  Germain  et  le  Slave  ont  une  infé- 
riorité bien  marquée.  Je  dois  cependant  ajouter  qu'à  ses 
yeux  il  ne  reste  plus  en  Allemagne  du  Germain  que  le 

elles  répondent  aux  grands  tombeaux  du  nord,  mais  les  Pélasges  ont  dû  con- 
naître le  bronze.  Cette  priorité  de  la  connaissance  du  métal  au  midi  est  un 
fait  naturel.  Peut-être,  pour  une  étude  d'ensemble,  ne  faut-il  pas  caractériser 
la  période  primitive  par  les  instruments  tranchants  en  pierre  qui  paraissent 

■ 

avoir  eu  peu  de  durée  au  midi.  Le  bronze  répond  déjà  mieux  aux  monu- 
ments de  la  seconde  période.  Si  les  observations  de  DuBois  de  Montpéreux 
sont  assez  complètes,  les  tumuli  en  Grimée  viendraient  de  colonies  mile- 
siennes  et  les  Kimmériens  n'en  auraient  pas  élevé,  mais  auraient  inhumé 
sous  les  pierres  levées. 

*  U  faut  observer  qu'on  a  pu  prendre  le  change  par  ce  fait  que  la  race 
primitive  fut  asservie  sur  plusieurs  points  et  put  conserver,  dans  son  abais- 
sement à  côté  du  vainqueur,  ses  anciens  instruments,  mais  alors  ses  tom- 
beaux ne  sont  plus  les  constructions  gigantesques  du  premier  âge. 

MÉM.  ET  DOCUM.  XXV.  3 


34  MONUMENTS  DB  l' ANTIQUITÉ 

nom:  M.  le  D^  Klemme  de  Dresde,  divise  aussi  l'humanité 
en  deux  espèces  principales,  souvent  rapprochées  dans  la 
même  pays  :  Tune,  active,  c'est-à-dire  conquérante,  in- 
telligente, appelée  à  dominer;  l'autre,  pa^^ti;^,  sans  éner- 
gie, incapable  d'une  haute  culture  et  destinée  à  l'escla- 
vage ou  à  la  soumission.  —  Si  je  mentionne  ces  opinions, 
c'est  qu'elles  ont  réuni  un  assez  grand  nombre  d'adhé- 
rents. 

Quant  au  point  par  lequel  elles  touchent  à  notre  sujet, 
il  est  facile  de  montrer  que  l'emploi  de  la  pierre  pour  les 
instruments  tranchants  a  été  antérieur  à  celui  du  métal. 
Et  nous  verrons  en  outre  que  les  plus  anciens  monuments 
se  retrouvent  en  Europe  sur  deux  grandes  voies  qui  se  di- 
rigent vers  l'orient  et  nous  indiquent  le  point  de  départ  des 
premières  populations. 

Il  suffit  de  citer  quelques  faits  relativement  à  la  priorité 
(le  la  pierre.  Dans  quelques  parties  de  l'Allemagne,  près 
de  Lubeck  entr'autres,  on  a  fouillé  de  grandes  collines 
recouvrant  des  salles  sépulcrales  dans  lesquelles  ne  se 
trouvaient  que  des  ustensiles  en  pierre.  Au-dessus  de  ces 
salles,  dans  la  terre  dont  on  les  avait  recouvertes,  étaient 
d'autres  tombeaux ,  d'une  époque  nécessairement  posté- 
rieure^ renfermant  des  objets  en  bronze.  Dans  les  salles, 
le  mort  avait  été  inhumé  sans  être  brûlé  ;  au-dessus , 
il  avait  été  brûlé,  et  les  cendres  déposées  dan's  une  urne  ' . 
Si  Ton  a  égard  au  respect  des  anciens  peuples  pour  leurs 
tombeaux,  à  leurs  soins  pour  qu'ils  fussent  conservés  in- 
tacts, il  doit  s'être  écoulé  un  temps  assez  long  avant  que 
cette  colline  abandonnée  ait  été  utilisée  de  nouveau  pour 

*  Fait  pareil  sur  les  tumuli  de  la  Saale,  Keferstein.  Keltische  Alterthumer, 
pag.  61  sqq.  ;  id.  HaWerstadtj  Kefentein,  pag.  109. 


DANS    L*BUBOPB    BANBARB.  3S 

nn  aatre  mode  de  sèpalture.  Ce  fait,  loin  d'être  isolé,  se 
reproduit  souvent  dans  le  Jutland ,  le  Seeland  et  la  Scanie, 
tandis  que  je  n'ai  vu  nulle  part  une  tombe  avec  des  ins- 
trumeots  en  pierre  déposée  au-dessus  d'objets  en  bronze. 
—  En  outre ,  les  formes  des  instruments  en  pierre  les 
mieux  travaillés  sont  celles  des  instruments  en  bronze  les 
plus  imparfaits ,  ce  qui  montre  encore  la  priorité  de  la 
pierre  sur  le  bronze. 

Bien  que  le  fer  ait  été  connu  très  anciennement  par  plu- 
sieurs peuples,  il  a  cependant  été  travaillé  postérieurement 
au  bronze.  Préférable  à  celui-ci  pour  le  tranchant,  quoi 
qu'on  ait  dit  à  cet  égard  ^  on  ne  comprendrait  pas  pour 
quelle  raison  on  lui  aurait  préféré  un  métal  moins  dur. 
Chacun  sait  que  chez  les  Grecs  et  les  Romains  le  bronze 
fut  employé  avant  le  fer.  Il  en  a  été  de  même  dans  la  plu- 
part des  autres  pays  de  l'iilurope.  Il  devait  en  être  ainsi 
d'après  la  nature  même  de  es  métaux  et  la  manière  dont 
les  anciens  les  travaillaient  L'observation  des  antiquités 
en  Europe  fait  voir,  sans  laisser  aucun  doute  à  cet  égard, 
qu*on  a  moulé  les  métaux  bien  longtemps  avant  de  savoir 
les  marteler.  Le  moule  ne  pouvait  être  appliqué  au  fer, 
surtout  quand  il  s'agit  d'instruments  tranchants.  Il  devait 
être  martelé,  ce  qui  exige  un  développement  de  l'art  mé- 

*  On  a  tu  en  effet  donner  une  atseï  grande  dureté  au  bronze  par  l'alliafe 
'»••  pmr  la  trempe  einniiie  on  dit  souvent),  mais  ça  n'empêche  pat  que  dès 
fw  k  tn^ail  du  fer  est  connu  dans  un  payt.  celui-ci  ne  Urde  pas  à  rem- 
fkacer  k  bronze  pour  let  instruments  tranchants.  Quini  aux  quelques  int- 
tnuBCfits  en  fer  qu'on  trouve  à  la  fln  de  la  période  de  la  pierre,  il  vaudrait 
b  pctoe  d'examiner  si  ces  bits  rares  ne  proviennent  pas  de  nouvelles  popu* 
liAiotts  venoct  d'0rient«  qui.  frAce  à  des  voies  frayées,  auraient  apporté  jus- 
qa'aax  eitréailés  de  l'Occident  des  instruments  fabriqués  en  Asie,  mais 
qu'elles  cttSieBt  été  impuissantes  à  remplacer,  au  milieu  de  populations  qui 
Texploitatioa  et  le  travail  de  ce  métal. 


36  MONUMENTS  DE  l'aNTIQUITÉ. 

tallurgique  qu*on  ne  pouvait  rencontrer  à  son  origine.  La 
grande  intensité  de  chaleur  qu'il  exige  pour  entrer  en  fu- 
sion était  aussi  un  obstacle.  Pansanias  nous  dit  la  grande 
difficulté  qu'avaient  les  Grecs  à  travailler  le  fer,  bien  qu'ils 
l'aient  connu  fort  anciennement. 

Nous  nous  croyons  donc  autorisés  à  maintenir  notre 
première  classification  qui  constitue  ainsi  trois  grandes 
périodes  d'après  les  différentes  matières  employées  pour 
les  instruments  tranchants. 


1 


PÉRIODE  DES  INSTRUMENTS  TRANCHANTS  EN  PIERRE 


ou  AGE  DE  LA  PIERRE. 


Les  traditions,  l'observation  des  faits  et  l'histoire  font 
de  l'Asie  le  berceau  des  peuples,  qui  se  répandirent  de  là 
sur  la  terre.  Si  nous  suivons  un  moment  la  marche  des 
populations  qui  se  dirigèrent  vers  l'Europe  à  travers  des 
contrées  désertes,  elles  nous  offrent  l'aspect  de  nomades 
cheminant  lentement  avec  les  troupeaux  qui  servent  à  leur 
entretien,  et  ayant  à  lutter  contre  des  obstacles  de  tout 
genre.  Plus  d'une  génération  a  dû  passer  avant  que  ce 
premier  flot  de  peuples  ait  rencontré  l'Océan  pour  li- 
mite. Dans  de  telles  conditions,  on  comprend  que  les 
hommes  qui  auraient  connu  le  travail  des  métaux  avant 
d'entreprendre  cette  vie  nomade  se  seraient  trouvés  dans 
l'impossibilité  d'appliquer  leurs  connaissances  à  l'exploi- 


AGE    DE    LA    PIERRE.  37 

talion  des  mines,  aussi  ionglemps  qu'ils  n'avaient  pas  de 
demeures  fixes.  Les  connaissances  sans  application,  ne 
tardent  pas  à  se  perdre.  Les  matières  qui  étaient  à  la 
portée  de  chacun,  la  pierre,  le  bois  et  Tos,  tinrent  lieu  de 
métal.  Il  parait  même  que  tous  les  peuples  qui  ont  été 
chercher  une  patrie  dans  des  terres  incultes  ou  inhabitées 
ont  débuté  par  là,  à  en  juger  par  la  présence  de  ces  ins- 
truments en  Amérique  et  dans  certaines  contrées  de  l'A- 
frique. Ce  qui  est  certain,  c'est  que  ce  fait  est  commun 
au  midi  et  au  nord  de  l'Europe. 

Antiquité  de  la  première  période. 

Avant  de  passer  à  la  description  des  objets  qui  caracté- 
risent cette  période,  nous  devons  dire  un  mot  de  quelques 
découvertes  propres  à  jeter  du  jour  sur  la  haute  antiquité 
à  laquelle  ils  remontent. 

A  quelques  lieues  au  sud  de  Rome,  dans  le  Latium,  res> 
tent  encore  des  ruines  d'Albe  la  longue  ;  mêlées  à  une  cou- 
che de  terre  végétale,  elles  reposent  au-dessus  d'une  cou- 
che volcanique  qui  a  dû  son  origine  à  l'existence  d'un  vol- 
can voisin,  mais  dont  les  traditions  historiques  n'ont  con- 
servé aucun  souvenir.  Jusqu'ici  rien  que  de  très  ordinaire. 
Ce  qui  l'est  moins,  c'est  d'avoir  découvert  sous  cette  cou- 
che volcanique  des  urnes  cinéraires  toutes  pareilles  à 
celles  du  nord,  avec  divers  objets  en  bronze  analogues  à 
ceux  qu'on  voit  dans  le  musée  de  Copenhague;  au-dessus, 
les  cendres  durcies  du  volcan  ne  permettent  pas  de  sup- 
poser que  ce  dépôt  leur  soit  postérieur.  Plusieurs  de  ces 
pièces  précieuses  ont  été  achetées  par  M.  de  Bonstetten  et 


38  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

seront  décrites  dans  notre  seconde  période.  Ce  que  nous 
voulons  faire  observer  pour  le  moment  c'est  qu'Albe  la 
longue,  détruite  l'an  665  avant  l'ère  chrétienne,  était  re- 
gardée à  cette  époque  comme  l'une  des  plus  anciennes 
villes  de  l'Italie.  Sa  fondation,  qui  se  perd  dans  une  haute 
antiquité  est  cependant  postérieure  à  la  couche  volcanique 
sur  laquelle  elle  repose,  tandis  que  les  urnes  sont  non- 
seulement  antérieures  à  Albe  la  longue,  mais  encore  au 
volcan  antéhistorique  qui  a  recouvert  cette  contrée  d'un 
lit  de  cendres  et  de  lave.  Bien  plus,  les  objets  en  bronze 
découverts,  remontent  seulement  à  la  ^^^  période ,  car 
les  habitants  de  l'Italie,  débutèrent,  eux  aussi,  par  le  tra- 
vail des  instruments  en  pierre.  On  peut  juger  par  là  de 
l'âge  reculé  auquel  remontent  les  premières  migrations 
de  peuples  dans  le  midi  de  l'Europe.  Les  objets  en  pier- 
res quoique  rares  en  Italie,  ont  cependant  été  retrouvés 
en  divers  lieux.  Je  puis  citer  entr'autres  quatre  pièces 
découvertes  à  quelque  distance  d'Albano,  parfaitement 
pareilles  à  celles  dn  nord.  Ce  sont  trois  pointes  de  flèches 
en  silex  et  une  hache  d'une  espèce  de  serpentine. 

Indépendamment  des  faits  que  nous  venons  de  citer,  les 
données  historiques  que  nous  possédons  sur  le  midi  de 
TEurope  ne  laissent  aucun  doute  sur  l'âge  reculé  auquel  y 
pénétrèrent  ses  premiers  habitants.  Ces  données  nous 
manquent  pour  apprécier  avec  la  même  netteté  l'antiquité 
du  mouvement  du  nord,  dont  les  peuples  sont  mentionnés 
pour  la  première  fois  environ  300  ans  avant  notre  ère. 
L'histoire  nous  faisant  défaut,  nous  chercherons  à  y  sup- 
pléer à  l'aide  des  sciences  naturelles. 

La  Scandinavie ,  entourée  en  grande  partie  par  les 
mers,  ne  parait  pas  avoir  présenté  dès  les  premiers  âges, 


AGE   DE   LA    PIERRE.  39 

l'aspect  que  dous  lui  connaissous.  Le  Jutland,  le  Seelaud, 
le  midi  de  la  Suède,  les  promontoires  et  les  îles  de  la 
Baltique  formaient  une  même  contrée,  attenante  au  nord 
de  l'Allemagne.  De  même  que  la  Grande-Bretagne  a  dû 
être  unie  au  continent,  le  sol  Scandinave  faisait  corps  avec 
la  Germanie  à  une  époque  reculée.  Notre  sujet  ne  permet 
pas  que  par  une  digression  trop  étendue  nous  entrions 
dans  la  discussion  des  faits.  Cependant  nous  citerons  quel- 
ques observations  à  cet  égard.  Il  n'est  pas  rare  de  re- 
trouver dans  les  tourbières  du  midi  de  la  Suède  les  restes 
non  fossiles  d'animaux  divers,  étrangers  à  cette  région, 
d'où  ils  ont  tout  à  fait  disparu.  Les  mêmes  espèces  exis- 
tent cependant  encore  en  Allemagne.  Alors  qu'il  y  avait 
continuité  de  terrain,  ces  animaux  s'avançaient  donc  dans 
le  nord,  durant  la  belle  saison,  et  retournaient  passer 
l'hiver  plus  au  midi.  Mais  après  la  rupture  du  sol,  ceux 
qui  ne  périrent  pas  dans  cette  catastrophe,  eurent  la  re- 
traite coupée,  et  ne  tardèrent  pas  à  succomber  sous  les 
rigueurs  d'un  climat  pour  lequel  ils  n'avaient  pas  été 
créés  ^  Quelque  ancienne  que  soit  cette  catastrophe,  les 
naturalistes  l'envisagent  comme  postérieure  au  déluge, 
et  nous  allons  voir  que  ces  contrées  étaient  déjà  habitées 
par  l'homme  en  ce  temps-là. 

Le  sol  Scandinave  présente  une  direction  ascendante  du 
midi  au  nord,  mais  en  même  temps  un  mouvement  de 
bascule  encore  sensible  de  nos  jours,  de  telle  sorte  que 
d'après  les  observations  scientifiques  des  derniers  siècles, 

*  Ces  animaux  du  midi  isolés  dans  le  nord  par  la  rupture  du  sol,  permet- 
tent de  conclure  que  la  catastrophe  a  eu  lieu  vers  la  fin  de  l'été,  après  leur 
arrivée  dans  le^nord  et  avant  leur  retour  au  midi  où  ils  allaient  pour  la  mau- 
vaise saison. 


40  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

le  nord  tend  à  s'élever  insensiblement  tandis  que  le 
midi  s'abaisse  peu  à  peu  dans  la  mer.  Cette  action,  peu 
sensible  d'un  siècle  à  l'autre,  ne  laisse  pas  de  produire 
de  grands  effets  à  travers  des  milliers  d'années  *.  La  rup- 
ture du  sol  ne  doit  cependant  pas  être  attribuée  unique- 
ment h  ce  mouvement  graduel.  Il  existe  en  divers  lieux  les 
traces  d'un  mouvement  violent  qui  parait  produit  par  un 
soulèvement  brusque  d'une  part,  et  un  abaissement  subil 
de  l'autre.  Une  grande  inondation  a  jeté  sur  le  midi  de  la 
Scanie  des  digues  de  sables  et  de  gravier  hautes  de  40 
à  60  pieds.  Ces  digues  présentent  ceci  d'intéressant  pour 
l'archéologue,  c'est  qu'elles  recouvrent  parfois  d'ancien- 
nes tourbières,  au  fond  desquelles  on  trouve  des  instru- 
ments en  silex,  produit  incontestable  du  travail  de  l'homme, 
des  écailles  de  tortues  d'eau  douce ,  étrangères  à  la 
Suède ,  mais  communes  dans  le  nord  de  l'Allemagne  ;  des 
petits  bois  de  cerfs,  certaine  espèce  d'ours,  et  entr'autres 
l'urus,  espèce  de  bœuf  sauvage,  qui  au  temps  de  César 
existait  encore  en  Germanie,  mais  qu'on  regarde  comme 
ayant  disparu  dans  le  nord,  avant  l'arrivée  de  l'homme. 
M.  le  professeur  Niisson  a  cependant  retrouvé  dans  une 
de  ces  tourbières,  le  squelette  complet  d'un  de  ces  urus 
qu'il  a  fait  remonter  dans  les  collections  de  l'université  de 
Lund.  Ce  qui  rend  cette  pièce  particulièrement  précieuse, 
c'est  la  marque  d'une  blessure  profonde  qui  a  traversé 
deux  vertèbres.  La  suppuration  a  un  peu  arrondi  l'ouver- 
ture de  la  blessure,  mais  la  suite  ne  laisse  aucun  doute 
qu'elle  n'ait  été  faite  par  un  large  fer  de  flèche.  Bien  plus, 
l'obliquité  est  telle  que  l'animal  a  dû  être  frappé  par  der- 

'  Desor,  Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France,  2"«  série,  de  1846  à 
1847,  pag.  18t. 


GRÈGE.  H 

tous  les  peuples  qui  débutent  dans  Timitation  de  la  na- 
ture. Les  têtes  de  ce  premier  style  sont  remarquables  par 
la  ligne  inclinée,  sans  bosse  ni  enfoncement,  qui  forme 
à  la  fois  le  front  et  le  nez.  Les  yeux  presque  de  face  sur 
les  figures  de  profil,  sont  grands  et  enfoncés;  la  bouche 
formée  par  des  lèvres  saillantes  et  relevées  ;  le  menton 
droit  et  pointu  ;  les  cheveux  volumineux  et  tressés,  mais 
sans  que  rien  fasse  discerner  une  tête  d'homme  d'une  tête 
de  femme.  Lignes  droites,  raideur  et  maigreur  caractéri- 
sent ces  premiers  essais,  ainsi  qu'exagération  sans  grâce, 
ni  beauté  ;  mais  cette  sorte  de  véhémence  prépara  aussi 
les  progrés  de  l'art  vers  le  sublime. 

Le  second  style  se  distingue  par  une  parfaite  correction 
dans  le  dessin  et  de  plus  justes  proportions  dans  les  par- 
ties. L'expression  est  plus  modérée.  Les  contours  rem- 
placent les  lignes  droites.  Phidias,  Miron  et  Polyclète  opé- 
rèrent cette  réforme  toutefois  sans  proscrire  toute  rai- 
deur, tout  angle  saillant  dans  les  contours,  le  sublime 
se  montrait  sur  les  figures,  mais  avec  une  certaine  ru- 
desse, dénuée  de  ces  contours  moelleux  et  coulants,  de 
cette  grâce  qui  caractérise  les  ouvrages  du  troisième 
style  dont  Lysippe  et  Praxitèle  furent  les  créateurs,  et  qui 
se  distingue  par  l'abandon  de  tous  les  traits  anguleux. 
Enfin  l'esprit  d'imitation  marqua  la  décadence  de  l'art.  A 
force  de  rondeur,  de  mollesse,  on  détruisit  la  noblesse  et 
la  dignité  de  l'expression. 

Outre  les  dieux  et  les  héros,  les  Grecs  figurèrent  aussi 
des  hommes.  Ce  que  nous  avons  dit  de  leur  style  s'ap- 
plique aux  bas-reliefs  qui  ornaient  les  autels,  la  base  des 
statues  et  surtout  les  tombeaux. 

C'est  dans  les  salles  sépulcrales  de  la  Grande  Grèce, 


42  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

dans  le  Bohuslân,  et  a  rapport  au  mouvement  d'asceDsion 
mentionné  plus  haut.  Le  professeur  Nilsson  faisant  un 
voyage  dans  cette  province,  vint  à  s'arrêter  vers  des  tail- 
leurs de  pierre  qui  extrayaient  des  matières  d'un  mont, 
près  des  bords  de  la  mer,  A  peine  est-il  là  que  son  œil 
investigateur  s'arrêta  sur  des  ossements  humains.  Il  re- 
garda de  plus  près,  c'était  un  squelette  pris  dans  un  banc 
de  coquillage  ;  ce  qui  était  surprenant  c'est  que  cette  es- 
pèce de  roche  n'avait  point  été  creusée  pour  y  placer  un 
mort,  mais  celui-ci  avait  été  recouvert  de  couches  natu- 
rellement superposées.  A  ce  fait,  il  n'est  qu'une  explica- 
tion. Ce  corps  ne  peut  avoir  été  déposé  là  et  recouvert 
par  l'accroissement  naturel  du  lit  de  coquillages,  qu'alors 
que  le  banc  était  en  état  de  formation,  c'est-à-dire  baigné 
par  les  eaux  de  la  mer.  Un  homme  avait  donc  disparu 
dans  les  flots  à  une  époque  où  ce  banc,  loin  d'être  à  la  hau- 
teur actuelle,  reposait  encore  au  fond  des  eaux.  Il  dut  se 
passer  un  certain  temps  avant  que  ce  corps  fût  recouvert 
d'un  nouveau  lit  de  coquillages  épais  de  quelques  pieds. 
Enfin  un  soulèvement  produit  par  quelque  catastrophe  de 
la  nature  l'éleva  à  la  place  qu'il  occupe  aujourd'hui,  et 
cela  dans  un  temps  où  ce  pays  était  déjà  habité  ^ 

Ces  divers  faits  rapprochés  paraissent  appartenir  au 
même  événement.  S'ils  ne  nous  donnent  pas  la  date  pré- 
cise d'un  siècle,  ils  n'en  sont  pas  moins  le  témoignage 
irrécusable  de  l'antiquité  reculée  à  laquelle  remonte  l'ori- 
gine des  premiers  habitants  dans  le  nord. 

*  Plusieurs  ossements  de  squelettes  conservés  dans  les  collections  de  Lund, 
témoignent  d'une  stature  assez  grande,  mais  qui  n^offrirait  pourtant  rien 
de  surprenant  de  nos  jours.  Je  retrouve  maintes  fois  à  Bel-Air  des  fémurs  qui 
ne  cèdent  en  rien  à  ceux  recueillis  dans  ce  banc  du  Bohiislan. 


AGB    DE    LA    PIERRE.  43 


Durée  de  la  première  période. 

La  période  qui  nous  occupe  ne  présente  donc  pas  une 
moins  haute  antiquité  dans  le  nord,  qu'au  midi  de  l'Eu- 
rope. Volcans  et  catastrophes  antéhistoriques  recouvrent 
également  les  débris  de  générations  plus  anciennes.  Que 
les  peuples  primitifs  aient  eu  des  rapports  en  Orient  avant 
de  suivre  des  routes  si  diverses,  ce  n'est  pas  sans  vraisem- 
blance ;  mais  la  différence  de  climat  et  la  proximité  d'au- 
tres populations  durent  imprimer  des  directions  différen- 
tes. Au  midi,  la  période  qui  nous  occupe  fut  de  bien  moins 
longue  durée  que  dans  le  nord.  Le  petit  nombre  d'instru- 
ments en  pierre  qu'on  retrouve  soit  en  Italie,  soit  en 
Grèce  indique  que  l'emploi  du  métal  ne  se  fit  pas  long- 
temps attendre,  tandis  que  ces  instruments  répandus  en 
grand  nombre  sur  les  rives  de  la  Baltique  ne  sauraient 
provenir  d'une  population  plus  considérable  que  dans  le 
midi,  mais  bien  d'un  développement  moins  rapide  '. 


*  H.  Nilsson  possède  une  pièce  en  silex  chargée  d'une  oxidation,  ou  calcina- 
tion  qui  ne  peut  être  que  l'effet  d'un  très  long  espace  de  temps.  Cette  pièce  a 
dû  être  perdue  dans  un  temps  très  reculé  et  abandonnée  sur  le  sol  pendant 
bien  des  siècles  pour  qu'une  calcination  de  ce  genre  ait  pu  se  produire.  Le 
point  important  est  celui-ci  ;  c'est  qu'elle  a  pourtant  été  retrouvée  et  utilisée 
de  nouveau  à  une  époque  où  on  se  servait  toujours  de  la  pierre.  Ce  qui  le 
prouve,  c'est  qu'elle  a  été  retaillée  sur  les  bords,  de  telle  sorte  que  la  cal- 
cination ne  paraît  plus  qu'au  centre  qui  porte  lui-même  les  traces  d'un  tra- 
vail fort  antérieur.  Berzelius,  consulté  sur  le  fait  de  la  calcination  du  silex, 
dit  qu^elle  ne  peut  être  le  produit  des  intempéries  de  Tair  que  par  l'action 
de  siècles  nombreux.  —  M.  Nilsson  possède  une  autre  pointe  de  trait  telle- 
ment calcinée  qu'elle  ressemble  à  une  empreinte  en  gyps.  Celle-ci  n'a  pas  été 
retaillée. 


hk  MONUMENTS    DE    L*ANTIQU1TÉ. 


Formes  principales  des  instruments. 

La  forme  de  ces  iDStruments  en  pierre  est  plus  variée 
qu'on  ne  le  supposerait,  eu  égard  à  la  matière  employée. 
Nous  allons  en  indiquer  les  principales,  qui  se  retrouvent 
à  peu  près  les  mêmes  dans  tous  les  pays  où  existent  des 
débris  de  Tâge  primitif. 

Le  coin  est  une  espèce  de  hache  à  un  tranchant,  sans 
trou,  long  de  3  à  15  pouces,  de  la  même  largeur  aux 
deux  extrémités,  ou  plus  évasé  vers  le  tranchant.  Celui-ci 
est  en  arc  de  cercle,  ou  oblique  ;  dans  ce  dernier  cas,  l'un 
des  côtés  du  coin  est  plus  court  que  l'autre.  Lorsque  le 
tranchant  de  ces  pièces  était  endommagé,  on  le  réparait 
en  les  aiguisant  de  nouveau.  La  coupe  de  l'extrémité  op- 
posée au  tranchant  présente  parfois  un  carré  long;  dans 
ce  cas  le  coin  était  fixé  à  la  hampe  au  moyen  de  ligatures 
sur  un  embranchement  à  angle  droit,  à  moins  que  la 
hampe  ne  fût  recourbée.  D'autres  fois  cette  même  extré- 
mité entrait  dans  une  hampe  fendue  ou  entaillée  dont  la 
pesanteur  suppléait  à  celle  de  l'instrument,  souvent  fort 
léger.  Ces  hampes  en  bois  ont  naturellement  disparu  par 
l'action  des  siècles  *,  mais  la  manière  dont  plusieurs  peu- 
ples sauvages  assujettissent  des  instruments  tout  pareils 
nous  donne  une  explication  plausible  de  ce  qui  a  dû  être 
fait  dans  l'anquité.  La  Nouvelle  Zélande  et  la  Terre  de  Feu 
permettent  entr'autres  de  faire  plusieurs  de  ces  rappro- 

*  On  a  retrouvé  au  sud  de  Mersebourg  une  salle  sépulcrale  dont  les  parois 
portaient  des  sculptures  en  grès  représentant  entr'autres  un  marteau  de  com- 
bat de  8  pouces  de  long  avec  une  hampe  de  18  pouces. 


AGS   DE   LA    PIERRS.  45 

chemeots.  —  Quant  à  l'usage  de  ces  pièces,  ainsi  que  de 
plusieurs  autres,  chez  les  anciens,  on  est  souvent  tombé 
dans  Terreur  en  donnant  à  chacune  d'elles  une  destination 
toute  spéciale.  A  l'enfance  des  sociétés  il  ne  faut  pas  cher- 
cher d'un  côté,  des  ustensiles  de  la  vie  domestique,  et  de 
l'autre,  les  armes  exclusivement  destinées  à  la  guerre.  La 
cognée  devenait  hache  d*armes,  et  le  couteau,  poignard. 
La  flèche  ou  le  javelot  atteignaient  également  l'ennemi, 
qu'il  fût  homme  ou  béte  féroce.  L'instrument  qui  nous 
occupe  est  encore  employé  par  quelques  peuples  sauvages 
à  creuser  des  canois.  Après  avoir  abattu  l'arbre  et  l'avoir 
dépouillé  de  ses  rameaux  au  moyen  du  feu,  ils  carbo- 
nisent la  partie  qu'ils  veulent  creuser,  et  à  l'aide  de  la 
pierre,  du  feu  et  d'une  grande  patience,  ils  obtiennent  le 
résultat  désiré.  On  a  retrouvé  dans  des  marécages  du  nord 
des  troncs  d'arbre  qui  portaient  des  traces  du  feu  et  d*un 
genre  de  travail  tout  pareil.  Ces  coins,  même  ceux  des  plus 
petites  dimensions  servaient  aussi  au  combat,  ainsi  qu'on 
a  pu  s'en  assurer  par  quelques  découvertes  en  Allemagne. 
A  peu  de  distance  de  Magdebourg,  on  a  trouvé  un  crâne 
auquel  était  encore  fixé  l'arme  qui  avait  donné  la  mort. 
C'était  un  coin  en  silex,  long  de  2  7t  pouces  et  large  de  1  7t 
sur  le  tranchant,  attenant  au  crâne  avec  une  masse  d'argile 
calcaire.  Un  fait  analogue  a  été  observé  dans  la  contrée 
de  Quenstadt  *.  Dans  le  nord  de  l'Allemagne,  l'agricul- 
teur, en  labourant  ses  champs,  trouve  parfois  des  pièces 
dont  la  provenance  lui  est  inconnue  ;  il  les  croit  tombées 
du  ciel  et  les  appelle  coins  du  tonnerre  ou  pierres  d'arc- 
en-cieL  Elles  ont  à  ses  yeux  une  valeur  médicale.  En 

*  Neue  Mittheilungen  von  Halle,  erster  Band,  zweites  Heft,  1884  pag.  98  à 
400. 


46  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

Suède,  le  paysan  s'en  sert  dans  la  magie.  Après  avoir 
tra^é  un  cercle  sur  l'animal  malade,  il  bat  feu  au-dessus 
à  l'aide  du  briquet,  et  suspend  ensuite  la  pièce  au  cou  de 
ranimai  dont  il  veut  obtenir  la  guérison. 

La  youge  est  un  instrument  pareil  au  précédent  avec 
cette  différence  que  le  tranchant  en  arc  de  cercle  est  con- 
cave d'un  côté  et  convexe  de  l'autre.  Son  emploi  a  dû  être 
réservé  presque  exclusivement  au  travail  sur  bois. 

Le  ciseau  de  la  forme  et  de  la  grandeur  du  ciseau  du 
maçon  est  presque  toujours  en  silex.  Quelquefois  son 
tranchant  est  taillé  à  la  manière  de  celui  des  gouges. 

Le  marteau  a  des  formes  très  variées,  sans  doute  sui- 
vant sa  destination.  Il  était  une  pièce  importante  dans  la 
fabrication  des  autres  instruments.  Parfois,  c'était  une 
pierre  de  la  forme  d'un  œuf,  avec  une  petite  concavité  de 
deux  côtés  opposés,  pour  que  la  pièce  tenue  entre  le 
pouce  et  l'index,  échappât  moins  facilement.  Ces  concavités 
sont  aussi  au  nombre  de  3,  de  4  ou  de  5,  disposées  de  ma- 
nière à  correspondre  parfaitement  aux  extrémités  de  cha- 
que doigt.  On  classe  souvent  avec  les  marteaux  une  pièce 
qui  n'est  pas  sans  quelque  rapport  avec  la  navette  du  tis- 
serand, mais  qui  me  paraît  avoir  été  une  pierre  à  aiguiser 
pour  rafraîchir  la  pointe  de  certains  instruments.  Elle 
porte  d'ailleurs  toujours,  sur  l'un  de  ses  côtés,  une  raie 
oblique  qui  ne  laisse  guère  de  doute  sur  son  usage.  Sa 
matière  est  ordinairement  un  grès  ou  une  composition  qui 
la  rendait  propre  à  cet  usage. 

La  forme  des  haches  est  extrêmement  variée.  Les  plus 
simples  sont  taillées  à  l'extrémité  opposée  au  tranchant 
de  manière  à  pouvoir  être  fixées  dans  une  hampe  fendue 
ou  bien  une  rainure  vers  le  milieu  de  la  pièce  répondait 


AGE   DE    LA    PIERRE.  47 

au  même  but.  On  a  trouvé  à  La  Côte  dans  le  canton  de 
Yaud  une  hache  de  ce  genre.  D'autres  fois  c'est  unfi  pierre 
à  peine  dégrossie,  percée  d'un  trou  pour  recevoir  la  hampe. 
La  hache  à  deux  tranchants  est  plus  rare,  on  en  a  cepen- 
dant découvert  une  au-dessus  d'Orbe,  près  A'Agiez.  Sou- 
vent la  pièce  se  brisait  à  l'ouverture  destinée  à  la  hampe 
et  elle  était  jetée  au  rebut,  à  moins  qu'un  des  fragments 
ne  fût  encore  assez  grand  pour  être  percé  de  nouveau. 

Quelques-unes  de  ces  pièces  étaient  à  la  fois  hache  et 
marteau  ;  d'autres,  par  leur  fini  et  leurs  formes  allongées, 
donnent  à  penser  qu'elles  ont  dû  être  des  haches  de  com- 
mandement; enfin  il  en  est  dont  le  travail  trahit  déjà 
tellement  d'habileté  qu'elles  font  l'étonnement  de  tous 
ceux  qui  cherchent  à  se  rendre  compte  de  leur  fabrica- 
tion *.  La  matière  employée  est  ordinairement  le  grès,  la 
serpentine,  le  basait,  le  jade  ou  quelque  roche  compacte, 
suivant  les  pays  où  on  les  retrouve. 

Les  fers  ou  pointes  de  lance  sont  des  lames  de  silex, 
longues  parfois  de  12  pouces  sur  1  7t  de  large,  qui  en- 
traient dans  une  hampe  fendue.  Ces  pièces  assez  rares  se 
trouvent  essentiellement  dans  le  Danemark. 

Les  pointes  de  javelot  sont  à  peu  près  de  la  même 
forme,  mais  de  dimensions  moindres. 

Les  pointes  de  flèches  sont  parfois  triangulaires  ou  à 
trois  arêtes,  ou  bien  ce  sont  de  très  petites  pièces  de  la 
forme  d'un  cœur  allongé,  d'un  travail  souvent  délicat  et 


*  Nous  verrons  plus  tard  qu'à  la  fin  de  cette  période  le  métal  vient  en  aide 
à  leur  confection,  et  il  me  parait  vraisemblable  que  le  grand  perfectionnement 
des  formes  eut  lieu  dans  l'intérêt  du  culte,  les  prêtres  conservant  dans  les 
sacrifices  la  matière  première,  qui  demeura  comme  matière  sacrée.  La  suite 
justifiera  cette  assertion. 


48  INTRODUCTION. 

Les  théâtres  diffèrent  peu  de  ceux  des  Grecs  ;  seulement 
les  Romains  ont  surpassé  les  Grées  en  grandeur  et  en  ma- 
gnificence. On  construisit  des  théâtres  dans  presque  tou- 
tes les  villes  et  dans  les  provinces  conquises.  A  Augst 
près  de  Bâle,  les  ruines  du  théâtre  sont  encore  imposantes. 
A  Avenches,  les  parties  qui  en  ont  été  découvertes  ces 
dernières  années  par  les  soins  de  M.  d'Oleyres,  font  vive- 
ment regretter  qu'on  n'ait  pas  apporté  plus  de  soin  à  la 
conservation  d'un  pareil  monument. 

Les  amphithéâtres  furent  particuliers  aux  Romains. 
C'étaient  d'abord  deux  théâtres  réunis,  dont  les  gradins 
formaient  ainsi  un  cercle.  Plus  tard,  la  forme  elliptique 
fut  généralement  adoptée.  Le  sol  se  nommait  Varène, 
parce  qu'il  était  couvert  de  sable;  des  gradins  s'élevaient 
alentour;  ils  pouvaient  contenir  jusqu'à  80000  specta- 
teurs. C'étaient  là  que  se  donnaient  les  combats  des  gla- 
diateurs et  des  bêtes  féroces  qu'on  gardait  enfermées 
dans  des  loges  au  niveau  de  l'arène.  A  l'extérieur,  les 
amphithéâtres  étaient  divisés  en  plusieurs  étages  ornés 
d'arcades,  de  colonnes  et  de  pilastres.  En  France  l'am- 
phithéâtre de  Nîmes  est  célèbre  ;  il  ne  reste  plus  de  celui 
à'Ave7iches  que  quelques  murs  extérieurs  et  un  enfonce- 
ment dans  un  verger. 

Les  cirques  étaient  essentiellement  destinés  aux  courses 
de  chevaux  ou  de  chars,  aux  combats  de  gladiateurs  et 
aux  combats  simulés.  Trois  portiques  fermaient  sur  trois 
côtés  l'enceinte  générale  du  grand  cirque  de  Rome.  A  une 
extrémité  était  la  borne  autour  de  laquelle  les  concurrents 
devaient  passer  sept  fois. 

Les  Romains  apportèrent,  ainsi  que  les  Grecs,  un  grand 
soin  à  la  construction  de  leurs  bains,  dont  ils  faisaient  un 


AGE    DE   LA    PIERRE.  49 

On  possède  aussi  des  scies  en  silex.  Les  unes,  les  plus 
rares,  sont  une  lame  droite,  dentelée  des  deux  côtés.  Les 
autres  ont  la  forme  d'un  croissant,  dentelé  seulement  sur 
la  ligne  concave.  Ces  scies  ont  ceci  de  défectueux,  c'est 
que  la  lame,  plus  épaisse  que  les  dents,  ne  pouvait  pas 
entrer  dans  le  chemin  pratiqué  par  celle-ci.  Leurs  dimen- 
sions montrent,  du  reste,  qu'on  n'a  pu  s'en  servir  que 
sur  des  pièces  de  bois  peu  épaisses  comme  les  hampes 
des  flèches  et  des  traits.  11  est  curieux  de  retrouver  sur  les 
plus  anciennes  scies  en  bronze  les  mêmes  formes  et  les 
mêmes  défauts.  Une  scie  en  bronze  de  la  Sibérie,  conser- 
vée à  Saint-Pétersbourg  dans  la  collection  du  prince  Ga- 
garin,  indique  qu'on  a  cependant  su  obvier  à  ces  incon- 
vénients avant  la  découverte  du  fer.  Toutefois,  en  Nor. 
wége,  les4)lus  anciennes  scies  en  fer  ont  encore  la  forme 
du  croissant  et  de  la  faucille. 

Des  hameçons  également  en  silex,  et  de  la  forme  des 
nôtres,  quoique  très  informes,  ont  été  retrouvés  en  Scanie, 
au  nombre  de  deux  ou  trois  seulement  ^ 

Des  ancres  de  bateau  en  pierre  sont  conservées  à  Copen- 
hague et  à  Lund. 

Les  instruments  en  os  consistent  essentiellement  en  mar- 
teaux, débris  de  cerf  ou  d'élan,  en  ciseaux,  en  harpons, 
hameçons,  en  pointes  de  traits,  en  poinçons  et  en  aiguilles. 
Une  découverte  curieuse  dans  ce  genre  a  été  faite  près  de 
Genève,  dans  une  caverne  à  ossements  au  pied  'ûo  petit 
Salève. 

Uambre  est  déjà  employé  pour  ornements.  Ce  sont 
de  gros  morceaux  généralement  bruts,  percés  d'un  trou 

*  Nilsson  et  DànemarWs  Vor%eit  de  Worsœas,  pag.  15. 

MÉM.  ET  DOCUM.  XXV.  i 


50  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

pour  être  réunis  en  colliers.  Parfois  on  tes  retrouve 
réunis  en  grand  nombre.  Des  dents  d'ours  et  de  sangliers, 
également  percées  d'un  trou,  étaient  aussi  suspendues  au 
collier.  Enfin,  quelques  unes  de  ces  perles  grossières  sont 
en  pierre  ou  en  os. 

Une  partie  des  vases  de  cette  période  décèle  l'enfance 
de  l'art  du  potier.  L'argile  dont  ils  sont  formés  contient 
souvent  de  petites  pierres  siliceuses.  Plusieurs,  faits  à  la 
main,  portent  encore  l'empreinte  des  doigts  de  l'ouvrier. 
Souvent  ils  ont  été  à  peine  cuits  au  feu.  Leur  couleur  est 
généralement  noire  ou  brun  foncé.  Les  formes  offrent  une 
assez  grande  variété,  et  quelques-unes  ne  permettent  pas 
de  douter  que  ce  genre  d'art  n'ait  été  perfectionné  très 
anciennement.  Il  en  est  qui  manquent  de  pied  et  sont  mu- 
nis sur  les  côtés  d'oreilles  percées  d'un  ou  deux  trous, 
par  où  l'on  passait  les  cordons  destinés  à  les  suspendre  ou 
à  les  rendre  plus  portatifs.  Ceux-ci  ont  généralement  des 
couvercles.  D'autres  ont  la  forme  d'une  sphère  un  peu 
applatie,  surmontée  d'un  col  étroit  et  allongé,  forme  que 
les  Romains  affectionnèrent  bien  des  siècles  plus  tard.  Le 
goût  d'ornementation  parait  déjà  sur  une  partie  de  ces 
vases.  Les  dessins  sont  exécutés  en  creux  à  l'aide  d'un 
poinçon  :  ce  sont  des  lignes  parallèles,  des  chevrons  et  des 
pointillages  qui  ont  dû  être  exécutés  sur  l'argile  avant  de 
la  soumettre  à  l'action  du  feu. 

Ce  sont  là  les  vestiges  qui  nous  restent  de  l'industrie 
des  premiers  habitants  de  l'Europe.  Ils  nous  permettent 
de  voir  ce  qu'un  peuple  privé  de  la  connaissance  des  mé- 
taux est  capable  de  produire  ;  mais  pour  juger  ces  pro- 
ductions, nous  devons  nous  placer  dans  le  milieu  qui 
était  celui  de  ces  peuples.  De  nos  jours,  enrichis  par  l'ex- 


AGI    Dl    LA    PlimiB.  54 

périence  et  les  décou?ertes  de  siècles  nombreax,  nous 
possédons,  pour  arriver  à  des  découvertes  nouvelles,  des 
moyens  que  ceux  qui  nous  ont  précédé  ont  dû  inventer 
QD  à  un.  Les  corps  ont  été  étudiés,  analysés,  réduits  à  leur 
état  simple  ;  on  cherche  la  raison  d*étre  de  toutes  choses  ; 
rintelligence  s'est  repliée  sur  elle-même  ;  la  civilisation  a 
été  conquise.  Telle  n'est  point  l'humanité  à  son  origine; 
telles  ne  peuvent  être  les  générations  nomades  qui  s'a- 
vancent à  pas  lents  dans  des  contrées  désertes.  Les  pre- 
miers soins  de  chaque  individu  sont  de  pourvoir  à  son 
existence  personnelle,  ou  à  celle  de  sa  famille.  Tout  est  à 
vaincre  ;  tout  est  à  découvrir.  En  nous  plaçant  dans  ce 
point  de  vue,  aucun  des  débris  qui  nous  attestent  les  pre- 
miers efforts  de  l'homme  vers  le  progrès  ne  sera  indigne 
de  notre  attention.  Nous  ne  demanderons  pas  d'eux  qu'ils 
satisfassent  aux  exigences  d'un  art  avancé,  mais  qu'ils 
nous  révèlent  les  divers  degrés  de  l'esprit  humain  dans 
son  développement.  Afin  de  nous  rendre  plus  exactement 
compte  de  cette  culture  primitive,  nous  devons  encore 
chercher  les  moyens  employés  pour  la  fabrication  des 
instruments  dont  nous  avons  examiné  les  principales 
formes. 

Lieux  de  fabrication. 

Dans  quelques  pays  on  a  trouvé,  réunis  dans  un  même 
lieu,  un  nombre  plus  ou  moins  considérable  d'instru- 
ments ébauchés,  inachevés,  ayant  parfois  une  face  dé- 
grossie et  l'autre  polie,  ou  bien  percés  seulement  à  moitié, 
le  tout  au  milieu  d'éclats  de  silex  et  de  pierres  de  natures 
diverses.  Ce  sont  là  les  débris  d'anciennes  fabriques.  Plu- 


m  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÈ. 

sieurs  de  ces  lieux  ont  été  découverts  eu  Danemark,  L'un, 
au  nord  de  la  Poméranie,  sur  l'ile  de  Jasmund,  près  de 
Semper,  était  destiné  à  une  fabrique  d'instruments  de  si- 
lex, dont  plusieurs  étaient  inachevés.  D'autres  existent  au 
nord  de  TAIIemagne  :  dans  le  Mecklemburg,  dans  la  con- 
trée de  Salzwedelf  près  de  Magdebourg,  et  aussi  en  Lusace, 
vers  Golssen,  A  demi-lieue,  au  nord  de  cette  dernière  ville, 
est  une  plaine  de  sable  mouvant  sur  laquelle  s'élève  un 
retranchement  circulaire,  recouvert  en  partie  par  les  sa- 
bles. A  l'intérieur,  dans  une  couche  compacte  de  cendres 
et  de  fins  charbons,  M.  Schumann  a  trouvé,  l'année  der- 
nière, de  nombreux  silex  travaillés:  coins,  couteaux, 
pointes  de  traits,  inachevés  ou  brisés,  et  de  grandes  pièces  * 
de  silex  qui  servaient  de  matériaux  '.  —  En  France,  on  a 
aussi  découvert  un  de  ces  lieux  de  fabrique  à  Ecomehœuf, 
près  Périgueux  V 

Ces  découvertes  permettent  de  juger  avec  certitude  des 
moyens  employés  pour  la  fabrication.  Le  silex  étant  la  ma- 


*  Neuer  Mitth.  von  Halle,  8«  Band,2«  Heft,  1848,  pag.  21-25.—  Dans  ce  re- 
tranchement étaient  aussi  du  bronze  et  du  fer  ;  nous  en  verrons  plus  tard 
l'explication. 

*  Ces  divers  lieux  de  fabrique  suffisent  pour  établir  que  l'analogie  des  for- 
mes ne  provient  pas  d'une  seule  fabrique,  comme  on  Ta  avancé  quelquefois. 
Une  autre  induction  peut  être  tirée  de  la  minéralogie  de  ces  armes,  quand 
elles  sont  un  |>eu  nombreuses  ;  ainsi,  dans  les  collections  que  j'ai  visitées, 
j'ai  trouvé  le  silex  fréquent  à  Rûgen,  au  midi  de  la  Suéde  ;  en  Danemark,  à 
Kiel,  à  Lubeck,  un  peu  moins  à  Schwerin,  moins  encore  à  Halberstadt,  rare 
en  TbOringe,  très  rare  en  Saxe,  tout  à  fait  étranger  à  la  Bohème,  où  domine 
le  tMsalt.  Ces  collections  représentent  en  général  la  minéralogie  du  'pays  au- 
quel elles  appartiennent,  d'où  il  s'en  suit  que  chaque  population  a  dû  fabri- 
quer elle-même  ses  armes.  Ce  fait  établi,  il  doit  en  avoir  été  de  même  pour 
l'époque  des  métaux,  pour  autant  du  moins  que  les  mines  s'y  prêtaient.  La 
découverte  des  moules  et  cretisels  indique  plus  nettement  le  fait. 


AGE    DB    LA    PIERRB.  S3 

tière  la  plus  dure  et  la  plus  difficile,  semble-t-il,  à  travailler 
sans  le  secours  du  métal,  était  cependant  employé  de  pré- 
férence, dans  toutes  les  contrées  où  il  est  naturel  au  sol. 
Après  avoir  choisi  la  pièce  brute  destinée  au  but  qu'on  se 
proposait,  on  commençait  à  la  dégrossir  à  Taide  d'un 
des  marteaux  en  pierre  que  nous  avons  décrits.  L'art  de 
l'ouvrier  consistait  à  connaître  les  veines  du  silex,  de  telle 
sorte  que  chaque  coup  enlevât  un  éclat  proportionné  au 
bat.  Quand  on  prend  quelqu'une  de  ces  pièces  inachevées, 
on  peut  compter  tous  les  coups  donnés  par  l'ouvrier  et 
suivre  les  différentes  manières  dont  il  tournait  et  retour- 
nait, dans  la  main  gauche,  l'instrument  qu'il  confection- 
nait. Parfois  un  coup  malheureux  brisait  l'instrument, 
qu'on  devait  jeter  au  rebut.  C'était  surtout  pour  les  petites 
pièces,  comme  les  pointes  de  flèches ,  qu'il  fallait  user 
d'un  ménagement  extrême.  Sur  une  pointe  de  6  lignes  de 
long,  on  peut  compter  au  delà  de  deux  cents  de  ces  éclats 
ou  petites  écailles  enlevées  à  l'aide  du  marteau  ;  et  cepen- 
dant on  n'a  là  que  la  dernière  trace  du  fini.  On  peut  juger 
aussi  des  soins  qu'exigeait  ce  travail  quand  il  s'agissait  de 
denteler  une  lame  pour  en  obtenir  une  scie,  ou  de  confec- 
tionner un  hameçon  dont  les  contours  étaient  si  difficiles  à 
ménager.  Il  est,  en  revanche,  certaines  espèces  de  couteaux 
dont  la  fabrication  a  été  fort  simple,  et  qui  se  détachaient 
d'un  seul  coup  donné  sur  la  pointe  de  l'espèce  de  noyau 
d'où  on  les  enlevait.  On  a  retrouvé  en  Danemark  un  de  ces 
noyaux  an  milieu  des  nombreuses  lamelles  qui  en  avaient 
été  détachées.  Avec  un  peu  de  patience  on  est  parvenu  à 
les  rajuster  autour  du  noyau  sans  laisser  le  moindre  in- 
terstice. Ces  lamelles  ou  copeaux  en  silex  étaient  utilisées 
comme  couteaux,  ou  taillées  de  nouveau  pour  en  former 


5^  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

des  pointes  de  trait  ^  Quant  aux  instruments,  comme  les 
bâches,  les  coins  et  les  ciseaux,  on  les  achevait  en  les  li- 
mant avec  un  sable  siliceux  sur  une  pierre  de  grès,  qui 
faisait  ainsi  l'office  d'une  meule,  mais  d'une  meule  im- 
mobile. On  voit  dans  le  musée  de  Copenhague  de  ces 
meules,  pierres  plus  ou  moins  informes,  creusées  au  mi- 
lieu par  un  long  usage,  sur  lesquelles  on  a  retrouvé  des 
coins  polis  d'un  côté  et  inachevés  de  l'autre,  qui  ne  lais- 
sent aucun  doute  sur  ce  genre  de  fabrication.  Plusieurs 
échantillons  montrent  aussi  que  lorsque  le  tranchant  était 
émoussé,  on  l'aiguisait  de  nouveau  sur  la  meule.  Le  pro- 
cédé par  lequel  on  obtenait  le  tranchant  ou  arc  de  cercle 
des  gouges,  est  aussi  simple  qu'ingénieux.  On  choisissait 
à  cet  effet  une  pierre  de  grès  d'une  forme  allongée,  sur  la 
longueur  de  laquelle  on  taillait  une  espèce  de  bourrelet 
arrondi,  et  parallèlement  à  celui-ci,  une  rainure  ou  ché- 
neau,  de  telle  sorte  que  la  coupe  de  la  pierre  présente  dans 
sa  partie  supérieure  la  forme  d'un  S  renversée.  L'ouvrier, 
après  avoir  dégrossi  le  silex  dont  il  voulait  faire  une 
gouge,  limait  l'extrémité  de  son  instrument  sur  le  bour- 
relet convexe  afin  d'obtenir  un  tranchant  concave,  puis  il 
retournait  sa  pièce  sur  la  chéneau  concave  à  l'aide  de  la- 
quelle se  formait  le  côté  convexe  du  tranchant  *.  —  La 
meule  n'a  souvent  été  employée  que  dans  le  but  de  don- 
ner au  tranchant  plus  de  mordant,  mais  souvent  elle  a  été 
utilisée  pour  polir  l'instrument  dans  son  entier.  —  Les 
haches  percées  ont  été  l'objet  de  nombreuses  discussions, 
dans  lesquelles  on  cherche  à  expliquer  comment  on  est 

*  Leitfaden  fur  nord  Alierth.,  pag.  37. 

*  On  voit  de  ces  meules  dans  le  musée  de  Copenhague,  qui  ont  un  peu 
la  forme  d'un  tibia. 


AGE   DE    LA    PIERRE.  5S 

parvenu  à  percer  la  pierre.  Les  nombreux  originaux  que 
l'on  possède  permettent  de  juger  des  tâtonnements  des 
anciens  pour  arriver  à  résoudre  cette  difficulté.  Sur  quel- 
ques-unes de  ces  bâches  on  voit  des  commencements  de 
trous  imparfaits,  entrepris  sur  les  deux  côtés  opposés, 
puis  abandonnés  ;  les  uns,  pointillés,  montrent  qu'on  se 
servait  de  pointes  en  silex,  avec  lesquelles  on  cherchait  à 
détacher  parcelle  après  parcelle  ;  d'autres,  plus  unis,  se 
faisaient  au  moyen  de  petits  cylindres,  du  sable  et  de  l'eau. 
On  comprend  tout  ce  que  ces  procédés  avaient  de  défec- 
tueux, le  temps  et  la  patience  qu'ils  exigeaient.  Plus  tard, 
un  autre  procédé  fut  découvert,  mais  comme  il  appartient 
à  une  époque  un  peu  postérieure,  nous  en  donnerons  la 
description  en  tête  de  notre  seconde  période. 

Ces  premières  difficultés  vaincues,  il  n'est  pas  néces- 
saire de  montrer  comment  l'os  put  être  travaillé.  Quant  à 
l'art  du  potier,  nous  avons  vu  qu'il  consista  d'abord  à  fa- 
çonner l'argile  avec  la  main  ;  cependant  un  grand  nombre 
de  vases  de  cette  période  démontrent  d'une  manière  in- 
contestable qu'ils  ont  été  confectionnés  à  l'aide  du  tour. 
Celui-ci,  une  fois  découvert,  permit  de  varier  les  formes 
à  l'infini.  Enfin,  il  est  probable  que,  déjà  à  l'époque  qui 
nous  occupe,  la  corne  et  le  crâne  de  l'animal,  dont  on 
employait  les  os  à  divers  usages,  servirent  de  vases  et  de 
coupes. 

Ces  débris  que  nous  venons  de  décrire  sont  les  mêmes 
en  Europe  dans  toutes  les  contrées  où  ils  se  retrouvent. 
Rares  en  Grèce  et  en  Italie,  ils  le  sont  beaucoup  moins  sur 
les  côtes  occidentales  de  la  France  et  dans  la  Grande- 
Bretagne.  On  les  retrouve  en  Hollande,  dans  le  Hanovre, 
sur  les  bords  de  la  Baltique,  où  ils  sont  répandus  en  grand 


56  MONUMENTS    DE    L*ANTIQU1TÉ. 

nombre,  et  parsemés  çà  et  là  dans  le  nord  de  la  Russie  et 
de  la  Sibérie,  perdus  dans  la  chasse  ou  de  quelqu'autre 
manière,  l'agriculteur  les  découvre  souvent  en  labou- 
rant la  terre.  Mais  là  où  ils  sont  surtout  nombreux  et 
bien  conservés,  c'est  dans  les  sépultures,  où  leur  présence 
indique  un  but  religieux.  —  L'idée  d'une  vie  à  venir  préoc- 
cupe les  peuples  de  tous  les  temps.  Leur  paradis,  qu'il  se 
nomme  Champs  Elysées,  Valhalla  ou  Prairies  bienheu- 
reuses,est  la  réalisation  d'un  idéal,  reflet  des  goûts  et  des 
mœurs  de  cette  vie.  La  tombe  est  l'intermédiaire  de  deux 
mondes.  Elle  reçoit  tout  ce  qui  doit  accompagner  l'ombre 
de  celui  qu'on  y  dépose. 

Tumuli  du  premier  âge. 

Nous  allons  pénétrer  dans  quelques-unes  de  ces  salles 
funéraires,  fermées  depuis  plus  de  3000  ans,  et  leur  de- 
mander la  révélation  des  mystères  qu'elles  renferment. 

Ce  qui  caractérise  les  tombeaux  de  cette  période,  c'est 
la  construction  des  salles  plus  ou  moins  spacieuses  S  re- 
couvertes de  terre  de  manière  à  former  des  collines  par- 
fois très  élevées.  Après  avoir  choisi  le  lieu  de  la  sépulture, 
on  dressait  sur  la  surface  du  sol,  dans  une  plaine  ou  sur  une 
hauteur,  des  blocs  ou  de  grandes  dalles  disposés  de  manière 
à  former  une  enceinte  circulaire  ou  carrée  à  l'intérieur.  Des 
pierres  plates,  parfois  colossales,  recouvraient  l'enceinte 
dans  laquelle  on  plaçait  le  mort  ;  puis  on  répandait  de  la 

*  C«s  sallei  sont  en  murt  secs,  recouvertes  de  dalles  sur  toute  la  longueur, 
ou  des  blocs  faisant  saillie,  disposés  par  assises  proéminentes,  comme  en 
Angleterre,  en  France  et  en  Crimée. 


AGE   DE    LA    PIERRE.  57 

terre  alentour,  et  on  l'entassait  jusqu'à  ce  que  la  colline 
eût  atteint  la  hauteur  de  30,  60  et  même  100  pieds.  A  la 
base  de  la  colline,  à  mi-hauteur  et  à  son  sommet,  on  dres- 
sait parfois  de  grands  blocs  qui  s'élevaient  ainsi  en  arches 
concentriques  sur  le  tertre  tumulaire.  Au  sommet  était 
un  autel  souvent  colossal.  Ces  collines  ont  généralement 
la  forme  conique;  qu'elles  recouvrent  ou  non  une  salle,  et 
quelle  que  soit  leur  élévation,  on  les  appelle  tumuli. 


Nord  de  l'Asie. 

Les  tumuli  sont  répandus  à  l'infini  en  Europe,  en  Asie 
et  même  en  Amérique.  Les  plateaux  de  la  Scythie  asiati- 
que jusqu'à  l'Océan ,  en  sont  particulièrement  couverts. 
Hs  se  trouvent  le  long  de  TAsie  du  nord,  surtout  sur  V Altaï, 
et  s'étendent  du  fleuve  Irtysch  ou  fleuve  Jeinissei,  souvent 
en  nombre  si  compact,  qu'on  peut  conclure  avec  sûreté  à 
une  grande  population.  Les  plus  riches  sont  sur  le  Volga^ 
le  Tobol,  VIrlyschj  et  VOb;  moins  riches  dans  les  steppes 
sur  le  Jenissei,  ils  paraissent  plus  pauvres  encore  au  delà 
du  Baikal.  Les  plus  grands  tumuli  de  ces  contrées  por- 
tent le  nom  de  Kourganes^  Ils  renferment,  sous  une 

*  Dans  la  plaine  immense,  légèrement  ondulée  par  des  ravins,  comprise 
entre  le  Dnieper  d*un  côté,  le  Terech  et  TOural  de  Tautre,  au  nord  de  la  mer 
Noire  et  de  la  mer  d'Azof,  on  voit  une  multitude  prodigieuse  de  kourganes, 
mentionnées  déjà  au  XV I«  siècle  par  Ruysbock  (Rubruquis),  extrait  dans  le 
Magasin  pittoresque  (1884,  pag.  42,  66, 126).  Dans  ces  vastes  plaines,  sans 
vestiges  d'habitation,  les  kourganes  suivent  une  ligne  qui  est  celle  du  par- 
tage des  eaux  entre  les  deux  vallées.  —  Au  lieu  des  trésors  de  la  tradition, 
on  y  trouve  des  pierres  en  /orme  d'œuf,  forées  suivant  l'axe  comme  un  grain 
de  collier,  et  d'autres  ornements  aussi  grossiers,  des  statues  informes,  etc.  Ils 


K8  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

haute  colline  de  terre,  une  salle  construite  d'immenses 
dalles,  destinée  à  la  sépulture  d'un  ou  de  plusieurs  hom- 
mes. On  trouve  auprès  des  squelettes  des  vases  de  terre, 
la  plupart  vides,  et  des  ornements  en  métaux  précieux, 
des  bracelets,  des  colliers,  des  boucles  d'oreilles  et  des 
armes.  Comme  dans  les  tombeaux  égyptiens,  le  squelette 
est  quelquefois  enveloppé  d'une  fine  lamelle  en  or.  Il  reste 
du  cheval  déposé  dans  la  tombe  de  son  maître  tout  son 
harnachement:  mors,  étriers,  boucles  et  garnitures.  La 
colline  est  en  outre  surmontée  de  cercles  de  grands  blocs 
ou  piliers  bruts  *. 

Lors  même  que,  par  leur  contenu,  les  tumuli  dont  nous 
venons  de  parler  diffèrent  de  ceux  que  nous  allons  exa- 
miner en  Europe,  ils  n'en  doivent  pas  moins  être  remar- 
qués, à  cause  de  la  sinrilitude  parfaite  de  leur  construction. 
Il  faut  dire  aussi  que  les  fouilles  beaucoup  trop  rares  en- 
treprises dans  la  Haute-Asie,  ont  eu  bien  plus  essentiel- 
lement pour  but  de  chercher  l'or  et  l'argent,  que  la  solu- 
tion des  questions  historiques.  Un  examen  plus  attentif 
donnerait  sans  doute  d'autres  résultats  ;  tout  comme  il  est 
possible,  et  même  probable,  que  les  peuples  de  la  Haute- 
Asie  aient  possédé,  dès  les  temps  les  plus  reculés,  la  con- 
naissance de  ces  métaux  que  fabriquait  déjà  Tubal-Caïn, 
d'après  le  rapport  de  la  Genèse.  Nous  avons  du  reste  mon- 
tré que  cette  connaissance  des  métaux  n'a  pu  empêcher 


ont  de  3  à  10  mètres  de  hauteur.  Au  nord  de  la  mer  d'Azof,  dans  la  partie 
la  plus  déserte  de  Marioupol,  au  nord  et  à  l'est  du  village  grec  de  Stilha,  des 
espaces  d'une  lieue  carrée  sont  entièrement  recouverts  de  petites  élévations 
coniques  hautes  de  50  centimètres  à  1  ou  2  mètres,  à  des  distances  variables 
de  10  à  50  mètres. 
*  Keferstein,  Kelt,  Alterth.,  pag.  236. 


AGE   DE   LA    PIERRE.  59 

les  émigrants  nomades  de  retomber  dans  l'ignorance  à  cet 
égard;  et  l'on  ne  peut  contester  le  fait  que,  durant  de  lon- 
gues années,  le  travail  des  métaux  fut  étranger  aux  pre- 
miers habitants  de  l'Europe.  Il  parait  en  avoir  été  de 
même  dans  le  nord  de  la  Sibérie,  car  j'ai  vu  des  haches 
en  pierre  provenant  de  ces  contrées.  Les  circonstances  qui 
firent  perdre  la  connaissance  du  travail  des  mines  n'em- 
pochèrent  pas,  cependant,  la  connaissance  de  tout  ce  qui 
était  relatif  aux  usages  de  la  sépulture.  Ces  usages,  inhé- 
rents au  culte,  ne  devaient  et  ne  purent  pas  se  perdre. 
L'intérieur  de  la  tombe  fut  moins  orné,  mais  on  n'en  éleva 
pas  moins  les  grandes  salles  et  les  hautes  collines. 


Russie. 

Du  nord  de  l'Asie,  et  depuis  les  monts  Ourals,  ces  grands 
tumuli  se  dirigent  vers  les  provinces  russes,  baignées  par 
le  golfe  de  Finlande  et  la  Baltique.  Ils  se  groupent  parti- 
culièrement le  long  des  fleuves  et  des  mers.  Ce  n'est  pas 
qu'ils  soient  tous  du  même  âge,  mais  plusieurs  contien- 
nent aussi  de  grandes  salles  sépulcrales,  dont  quelques- 
unes  ont  jusqu'à  20  pas  de  diamètre  :  ainsi  sur  les  rives 
de  VAa,  en  Livonie  et  en  Courlande.  Le  manque  de  fouilles 
bien  dirigées  ne  permet  malheureusement  pas  de  donner 
à  ces  vastes  contrées  la  place  qu'elles  réclameraient  dans 
notre  sujet.  Les  monuments  de  la  Russie,  par  leur  position 
entre  l'orient  et  l'occident,  conduiront  à  la  solution  de 
bien  des  questions  pendantes,  dès  qu'ils  seront  étudiés 
avec  l'intelligence  qu'ils  réclament.  Les  faits  sont  les  an- 
neaux d'une  longue  chaîne,  dont  la  direction  n'est  pas 


60  MONUMENTS    DE    L* ANTIQUITÉ. 

toujours  facile  à  suivre,  aussi  faut-il  s'estimer  heureux 
lorsque  quelque  chaînon  nous  indique  la  voie  ^ 


Suéde. 

En  Suède,  les  tumuli  de  l'âge  primitif  se  trouvent  surtout 
en  Scanie,  déposés  la  plupart  sur  les  bords  de  la  mer,  dont 
ils  suivent  les  rives  jusque  dans  la  Westrogothie  et  le  Bohûs 
lân.  Les  collines  sont  élevées  et  souvent  entourées  de 
plusieurs  cercles  de  grands  piliers  bruts  ;  sur  le  sommet 
est  parfois  un  autel  formé  d'une  pierre  colossale  qui  repose 
sur  trois,  ou  un  plus  grand  nombre  de  supports.  Sur  l'un 
des  côtés  de  la  colline,  ordinairement  à  l'est,  est  l'entrée 
d'une  galerie  construite  en  grandes  dalles  et  fermée  par 
une  plaque;  le  tout  soigneusement  recouvert  de  terre,  de 
manière  à  ce  que  rien  ne  soit  apparent  à  l'extérieur.  Après 
avoir  découvert  et  enlevé  la  plaque  qui  ferme  l'entrée,  on 
pénètre  dans  un  couloir  obscur,  d'environ  20  pieds  de 
long,  où  Ton  peut  à  peine  marcher  debout  ;  après  quel- 
ques pas,  on  se  trouve  dans  une  salle  spacieuse,  ronde, 
ovale  ou  carrée.  A  la  clarté  du  flambeau,  on  s'étonne  de 
la  grandeur  des  blocs  dont  sont  formés  les  parois  et  le 
plafond  de  ces  tombeaux  antiques.  Les  interstices,  garnis 
avec  soin  de  caillous  brisés,  ont  empêché  la  terre  de  pé- 
nétrer. Quand  on  regarde  à  ses  pieds,  on  distingue  le  long 
des  parois  de  petits  amas  d'ossements  humains,  qui,  au 

*  Tumuli  abondants  en  Turquie,  en  Macédoine,  partout  dans  les  plaines  et 
les  irallées  larges,  mais  pas  sur  les  hautes  montagnes.  Dans  la  plaine  de  Sofie 
en  grand  nombre.  —  Boue.  Turquie  d'Europe,  H,  848. 


AGE   DE    LA    PIERRE.  61 

premier  coup  d'oeil,  paraissent  avoir  été  rejetés  sur  les 
côtés  de  la  salle;  mais  en  y  regardant  de  plus  près,  il  est 
facile  de  s'assurer  que  la  position  est  naturelle,  seulement 
il  est  évident  que  ceux  qui  ont  été  placés  là  n'ont  pas  été 
étendus  sur  le  sol.  Les  os  des  jambes  sont  retombés,  les 
genoux  en  avant,  ou  croisés  sur  les  avant-bras.  La  colonne 
vertébrale  et  les  côtes  se  sont  affaissées  sur  elles-mêmes, 
et  le  crâne  repose  au-dessus,  à  moins  qu'il  n'ait  roulé  à 
côté.  On  a  cru  que  le  mort  avait  été  assis,  mais  cette  ex- 
plication, comme  nous  le  verrons  pins  tard,  n'a  aucun  fon- 
dement. Auprès  de  ces  ossements,  dont  la  friabilité  est 
extrême,  reposent  des  armes  en  pierre  et  en  os,  des  col- 
liers d'ambre,  et  des  vases  qui  avaient  contenu  quelque 
nourriture  ou  boisson,  mais  dans  lesquels  on  ne  retrouve 
plus  rien.  C'est  à  peu  près  là  tout  ce  qui  reste  de  ces  an- 
ciennes générations,  mais  ces  débris  muets  de  la  tombe 
sont  encore  féconds  en  révélations  pour  qui  veut  les  in- 
terroger. 

En  1805,  en  découvrit  en  Westrogothie,  à  Axevallas, 
une  salle  pareille  à  celle  que  je  viens  de  décrire.  La  ga- 
lerie, de  14  pieds  de  long  sur  4  de  large,  conduisait  à  une 
salle,  longue  de  24  pieds,  large  de  8  et  haute  de  9.  Sur 
l'une  des  parois  étaient  quelques  gravures  indéchiffrables. 
Les  morts,  au  nombre  de  19,  déposés  aussi  le  long  des 
parois,  avaient  été  placés  dans  des  caisses  en  pierre  de 
forme  cubique,  n'ayant  pas  au  delà  de  deux  pieds  carrés. 
Peu  d'objets  ont  été  recueillis  :  quelques  pointes  de  flèches 
triangulaires,  des  couteaux  de  silex  dont  l'un  était  arqué, 
une  perle  d'ambre  et  un  petit  marteau  de  la  même  ma- 
tière '.  Je  dois  ajouter  que  ces  petits  cercueils  de  forme 

*  Sjoborg,  tom.  1,  pag.  98,  pi.  7,  fîg.  20. 


62  MONUMENTS    DE    l'ANTIQUITÉ. 

cubique,  qui  contenaient  des  squelettes  d'homme,  ont  été 
observés  plus  d'une  fois  dans  les  tombeaux  de  ce  genre. 
Il  parait  même  que  là  où  on  ne  les  trouve  plus,  la  pierre 
avait  été  remplacée  par  le  bois  '. 

Les  monuments  de  cette  période,  dans  le  Boshûslàn,  pré- 
sentent quelques  variations:  ainsi  les  instruments  en  pierre 
sont  plus  souvent  avec  des  urnes  cinéraires  qu'avec  des 
squelettes  ;  ou  bien  les  tumuli  sont  remplacés  par  des 
cercueils  de  grandes  pierres,  déposés  à  peu  de  profon- 
deur en  terre,  longs  de  12  pieds,  larges  de  4,  et  qui  con- 
tiennent également  des  objets  en  silex  *.  Ces  longs  cer- 
cueils existent  aussi  dans  le  Wermland,  où  le  paysan  les 
appelle  :  tombeaux  des  géants.  Ces  faits  s'expliquent  par  la 
position  septentrionale  de  ces  provinces,  habitées  de  moins 
bonne  heure  que  les  provinces  situées  plus  au  midi.  Sur 
la  fin  de  cette  période,  le  mode  d'inhumation  reçoit  plu- 
sieurs changements.  Le  bûcher  est  introduit  ;  l'urne  ci- 
néraire déposée  dans  des  collines  moins  grandes;  et  le 
bronze  commence  à  paraître.  La  population  accrue,  pé- 
nètre davantage  dans  l'intérieur  des  terres;  à  cette  épo- 
que seulement,  les  contrées  de  la  Suède,  au  nord  de 
celles  que  nous  avons  mentionnées,  reçoivent  leurs  pre- 
miers habitants.  On  y  chercherait  en  vain  des  tombeaux 
du  premier  âge,  ainsi  que  dans  toute  la  Norwége. 


*  Communication  de  M.  Sortrup,  de  Copenhague. 

*  Communication  de  M.  de  Gotteuburg. 


AGE   DE    LA    PIERRE.  63 


Danemark. 

Il  est  pea  de  pays  aussi  riches  que  le  Danemark  *  en 
monuments  de  l'antiquité,  le  nombre  s'en  élève  à  environ 
23000.  Les  tumuli  de  l'âge  primitif  sont  généralement 
les  plus  grands  et  les  plus  ornés  à  l'extérieur  de  cercles 
de  piliers  ou  de  grands  autels.  Ils  recouvrent  les  mêmes 
galeries  ^t  les  mêmes  salles  qu'en  Suède.  Le  peuple  les 
appelle  aussi  Jetten-Stuben,  c'est-à-dire  tombeaux  des 
géants.  Quelquefois  la  même  colline  renferme  deux  salles, 
ayant  chacune  leur  entrée.  On  en  voit  de  ce  genre  au  See- 
land,  dans  le  comté  de  Fredericksborg,  à  Smidstrup,  et 
sur  l'île  de  Mœn.  D'autres,  à  une  salle,  ont  été  ouverts  à 
Joegerspris  *,  à  Udleire  et  à  Oehm  '.  —  Dans  le  Jutland, 
comté  de  Thisted,  il  existe  près  â'Ullerup  *  un  tumulus 
dont  les  particularités  méritent  d'être  mentionnées.  La 
galerie  conduit  à  une  salle  de  24  pieds  de  long,  sur  5  de 
large  et  5  de  haut.  Sur  le  côté  opposé  au  couloir,  et  vis- 
à-vis  de  celui-ci,  est  une  petite  salle  circulaire  de  6  pieds 
de  diamètre  et  de  4  pieds  de  haut.  Les  dalles,  placées  à 
l'entrée  de  la  seconde  salle,  sont  chargées  de  figures  sculp- 
tées, mais  dont  il  est  difficile  de  saisir  la  signification. 
Des  figures  pareilles  ont  été  sculptées  dans  un  tumulus 

*  Voir  sur  les  tombeaux  et  antiquités  danoises  et  Scandinaves,  Kruse  Deut. 
AlUrth,  tom.  III,  cah.  1  et  2,  pag.  41-56,  pi.  III. 

*  Près  Oppestmdbyey  dans  le  Seeland. 

*  Dans  le  voisinage  de  Roeskild. 

*  Paroisse  ô*Heltborg, 


6^  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

A'Herrestrup  *,  dans  le  SeelandV  Les  morts,  bien  rare 
ment  étendus  sur  le  sol,  sont  généralement  accroupis  le 
long  des  parois  \  Quelquefois  ils  sont  dans  des  caisses 
cubiques,  ou  bien  simplement  séparés  les  uns  des  autres 
par  une  pierre.  Le  silex,  l'os,  l'ambre  et  les  poteries  les 
accompagnent  également.  Des  squelettes  d'hommes,  de 
femmes,  d'enfants,  font  supposer,  avec  assez  de  vraisem- 
blance, que  ces  salles  étaient  des  tombeaux  de  famille 
Comme  en  Suède,  les  tumuli  s'avancent  peu  dans  l'inté- 
rieur des  terres.  Soit  dans  les  iles,  soit  dans  le  Jutland, 
ils  se  groupent  sur  le  rivage  des  mers  ^.  On  est  surpris  de 
la  grandeur  des  matériaux  employés  à  ces  constructions  ; 
et  ce  qui  n'est  pas  moins  remarquable,  c'est  que  le  côté 
des  dalles  tourné  à  l'intérieur  doit  avoir  été  taillé,  pour 
présenter  une  surface  si  régulièrement  unie.  Cependant, 
dans  tous  ceux  que  j'ai  visités,  je  n'ai  pu  remarquer  au- 
cunes traces  de  coups  de  ciseau  de  l'ouvrier.  Il  me  parait 
probable  que  le  procédé  encore  employé  de  nos  jours  pour 
faire  sauter  le  silex  a  été  connu  de  ces  anciens  peuples. 
11  consiste  à  tailler  de  loin  en  loin  des  trous  sur  le  banc 
dont  on  veut  détacher  une  plaque.  Ce  premier  travail  exé- 
cuté, on  introduit  dans  ces  trous,  à  coup  de  marteau,  des 
coins  de  sapin  bien  secs,  sur  lesquels  on  répand  ensuite 


«  Sur  VOdtharde. 

*  De  même  à  Axevalla,  Westrogothie. 

*  Des  morts  ont  été  parfois  aussi  déposés  dans  les  galeries. 

*  Surtout  au  nord  et  à  Torient  du  Jutland,  et  au  nord  et  à  l'occident  du 
Seeland.  On  trouve  des  salles  rondes  de  5-8  mètres  de  diamètre  et  même 
hauteur,  galerie  de  16-20  mètre»  de  long.  Les  plus  grandes  salles  sont  de 
16-24  mètres  de  long,  6-8  mètres  de  large,  avec  une  galerie  de  20  mètres. 
Le  squelette  repose  sur  le  sol  ou  parfois  sur  un  pavé.  —  Voir  Worsaeœ,  Dà' 
ntïïMrks  Voneitt  pag.  70. 


AGE   DE    LA    PIERRE.  6S 

de  l*eau  bouillante.  En  se  dilatant  par  l'action  de  l'eau,  les 
coins  font  sauter  la  plaque  qu'on  cherche  à  enlever.  Que 
ce  procédé  ait  été  employé  pour  obtenir  ces  immenses 
dalles,  je  n'oserais  Taffirmer;  mais  ce  qui  est  bien  cer- 
tain, c'est  qu'ils  ont  connu  un  moyen  pour  les  détacher, 
car  leurs  surfaces  unies  n'ont  rien  de  naturel.  Quant  à  la 
taille  des  trous,  elle  ne  présentait  pas  autant  de  difficultés 
que  sur  les  haches  en  pierre,  qui  demandaient  bien  plus 
de  ménagements. 


Allemagne. 

Après  avoir  parcouru  la  Haute-Asie,  le  nord  de  la  Russie, 
la  Suède  et  le  Danemark,  nous  allons  passer  en  Allemagne 
et  suivre  la  direction  de  rorient  à  l'occident.  — Au  sud  de 
Danzig,  dans  le  district  de  Mariemveder,  entre  autres  au- 
près de  Schokau  et  de  Bergelau,  sont  des  tumuli  dont 
l'un  recouvrait  une  grande  salle  de  30  pieds  de  long.  Les 
tumuli  des  environs  de  Cufm  (plus  au  sud),  pareils  à  l'ex- 
térieur, n'ont  pas  encore  été  fouillés.  A  l'ouest  de  Danzig, 
surtout  sur  la  frontière  de  la  Poméranie  S  dans  le  district 
de  Marienweder  ■,  et  dans  le  grand  duché  de  Posen,  parti- 
culièrement le  long  de  la  Warta  %  il  existe  de  grandes 
collines  artificielles,  entourées  de  cercles  de  piliers,  ils  ren- 
ferment des  squelettes,  des  vases  et  des  ustensiles  en 
pierre.  Quelques-unes  de  ces  collines  offrent  une  variété 


*  Vers  Kltin-Kati,  Buhkow,  Stolpe,  RunoWt  Gro$S'Nos8in  et  Lupow, 

*  Près  Birenwald,  Domslau,  Drausmt%,  etc. 

*  Près  de  PromniU. 

MÉM.  ET  DOCUM.   XXV.  5 


()6  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

de  consiruction  que  nous  aurons  à  faire  observer  plus 
d'une  fois  par  la  suite.  Après  avoir  élevé  les  dalles  du 
caveau  sépulcral,  il  a  été  recouvert  de  cailloux  ou  pierres 
dont  la  colline  est  entièrement  formée,  à  l'exclusion  de  la 
terre.  Afin  de  désigner  ce  genre  de  tumuli  par  un  seul 
mot,  nous  emprunterons  la  dénomination  qu'ils  ont  reçue 
des  habitants  de  la  Bretagne  française  :  c'est  celle  de  caim, 
qui  désigne  donc  une  colline  construite  uniquement  de 
pierres. 

L'île  de  Rûgen  à  elle  seule  possède  environ  1900  tumuli, 
dont  plusieurs  de  l'âge  primitif  sont  entourés  de  cercles 
ou  couronnes  de  pierres.  Une  colline  prés  de  Putbusren 
fermait  un  caveau  de  15  pieds  de  long,  divisé  en  huit  com- 
partiments, dont  presque  chacun,  vu  ses  étroites  dimen- 
sions, contenait  seulement  un  squelette  accroupi ,  avec 
des  vases  et  des  objets  d'ambre  et  de  pierre  *. 

Mêmes  tumuli  avec  cercles  de  piliers,  caveaux,  sque- 
lettes, au  nord  de  Stettin  *,  à  l'orient,  dans  le  cercle  de 
Dramburg,  et  au  sud,  dans  les  districts  de  Polsdam  *,  et 


*  Keferstein  prétend  qu'il  y  avait  aussi  du  bronze  (pag.  81);  mais,  d'après 
sa  onfusion  d'idées  sur  l'ordre  de  succession,  il  est  impossible  d'accorder 
crédit  à  ses  simples  assertions  sur  ce  sujet.  Cependant,  si  le  fait  est  réel,  il 
faudrait  transporter  cette  tombe  à  l'âge  de  transition.  Huit  compartiments 
sur  la  longueur  de  15  pieds  ne  permettent  pas  d'asseoir  le  squellette  les 
jambes  étendues,  comme  l'a  fait  M.  de  Minutoli.  (Voir  détails  plus  précis 
dans  Wagener.)  Il  y  a  des  monuments  pareils  sur  les  tles  de  Jasmund  et  de 
WolHn^  et  dans  le  cercle  de  Greifiweld\  idem  dans  le  cercle  de  Demmm 
près  Gent%,  Tellin,  Verchen  et  Fouquelten:  le  pourtour  extérieur  a  souvent 
la  forme  d'un  triangle. 

*  Vers  Pochow,  WoUersdorf,  Dabo,  Belkow,  etc. 

*  Dans  le  district  de  Potndam,  dans  la  moyenne  Preignii*  et  Uckermarch^ 
sont  de  nombreux  tumuli,  quelques-uns  en  grands  groupes  :  ainsi  50  près 
Havelberg  (entre  Magabourg,  Schwerin  et  Berlin)  ;  plus  encore  près  de  Ru^ 


AGE   DE    LA   PIERRE.  67 

de  Francfort  sur  TOder  *.  De  VOder  à  YElbe  on  les  trouve 
parsemés  çà  et  là. 

Au  nord  de  la  ville  de  Cœthen,  s'étend  une  vaste  plaine 
dans  la  direction  de  Grimsieben.  Quand  on  est  au  centre, 
de  quelque  côté  qu'on  porte  ses  regards,  on  voit  à  l'horizon 
des  collines  tumulaires  ou  des  blocs  de  granit  gigantes- 
ques. Vus  de  plus  près,  ce  sont  des  salles  en  plein  air, 
dégarnies  de  la  terre  qui  les  recouvrait.  Il  en  est  de  30 
pieds  de  long  sur  1 1  de  large.  Cette  demi  destruction  per- 
met de  juger  de  la  grandeur  des  matériaux  employés. 
Tous  sont  des  dalles  carrées  de  dimensions  diverses  ;  j'en 
ai  mesuré  de  15  pieds  de  long  sur  12  de  large  et  2  d'épais- 
seur *.  Ces  matériaux  viennent  de  Bemburg,  où  sont  aussi 
des  constructions  du  même  genre.  Toute  la  contrée  bai- 
gnée par  la  Saale  et  ses  ramifications  est  riche  en  tom- 
beaux de  l'âge  primitif.  On  les  retrouve  de  Bernburg  aux 

thenow ,  Bandenberg ,   Spandau ,   Cremen,   Grois-Buren ,  Charlottenburg^ 
Straussberg,  etc.  ;  15  près  Retùg^  souvent  accompagnés  de  cercles  de  pierres 
de  caveaux  et  de  squelettes,  la  plupart  avec  urnes  seulement.  Les  grands 
turouli  sont  surtout  nombreux  le  long  ôeVElbe  et  dans  la  contrée  de  Wittem- 
berg,  Schmiderberg,  près  Torgau  et  Riesa,  vers  la  Saxe.  —  Keferst.,  pag.  112. 

*  Surtout  vers  Angermunde,  Oderberh,  Francfort,  Guben,  etc.  De  là,  ils 
s'étendent  sur  la  Lusace  et  la  SiUsie.  Détails  dans  Keferstein. 

*  Vers  Grimsieben,  est  le  tumulus  nommé  Iringsberg,  décrit  dans  Abel, 
Sàchsiscften  Alterlhûmern,  pag.  172,  488.  Il  a  270  pas  de  pourtour,  32  pieds 
de  haut.  La  salle  de  pierre  repose  à  surrace  du  sol.  L'intérieur  est  un  espace 
pavé  de  29  pieds  de  long.  Ces  grandes  plaques  sont  de  grès  travaillé  à  l'inté- 
rieur. La  pierre  d'entrée  de  la  salle  montre  quelques  trous  taillés.  On  n'y 
trouva  qu'une  urne  brisée.  Autour  sont  plusieurs  petits  tumuli  avec  urnes  ci- 
néraires. A  quart  de  lieue  de  Grimsieben  est  un  tumulus  dont  la  salle  consiste 
en  vingt  énormes  plaques.  Elle  a  30  pieds  de  long,  8  de  large,  10  de  haut. 
Chacune  des  quatre  pierres  du  couvercle  a  10  pieds  de  long,  8  de  large  et  2 
d'épaisseur.  Ces  pierres,  ainsi  que  les  autres,  viennent  de  la  contrée  de 
Bernburg. 


68  MONUMENTS    DE    L*ANTIQUITÉ. 

environs  de  Halle;  plus  au  sud,  vers  Wettin,  Lependorf, 
Trebenitz^;  près  de  Merseburg,  dont  un  tumulus  a  conservé 
sur  les  parois  de  son  caveau  des  sculptures  représentant 
des  haches  d'armes,  des  arcs,  des  carquois  et  des  lignes 
symétriques  pareilles  à  celles  qui  font  l'ornement  des 
vases.  Friedeburg,  Brachwitz,  Rossleben,  ne  sont  pas  moins 
riches.  Mêmes  tombeaux  jusqu'auprès  i'Altenburg  et  de 
Saxe-Weimar.  Cercles  de  pierres  au  pied  des  collines; 
grands  piliers  dressés  à  leur  sommet  ;  salles  spacieuses 
ou  petits  compartiments  communiquant  les  uns  aux  autres 
par  des  ouvertures  taillées  sur  les  dalles  de  séparation  '; 
collines  allongées  recouvrant  des  galeries  de  plusieurs 
centaines  de  pieds  de  longueur;  squelettes  accroupis, 
instruments  en  pierre,  colliers  d'ambre,  dents  de  chien  ou 
de  cochon  percées  d'un  trou,  vases  noirs  ornés  de  lignes 
en  creux  incrustées  d'une  matière  blanche,  sont  les  traits 
caractéristiques  de  ces  monuments  de  l'âge  primitif  ^ 
C'est  surtout  dans  les  antiquités  celtiques  de  Keferstein, 
et  dans  les  mémoires  de  la  société  archéologique  de  Halle, 
publiés  par  les  D"  Kruse  et  Fœrstmann,  qu'il  faut  cher- 
cher les  descriptions  des  nombreuses  découvertes  que 
nous  voudrions  avoir  le  temps  de  reproduire  ici  en  détail. 
Dans  le  duché  de  Brunswik,  ces  tumuli  paraissent  être 


*  A  Grimrit%,  entre  Halle  et  Wettin. 

*  Ces  ouvertures  sont  des  trous  ronds  comme  un  œil  de  bœuf,  taillés  dans 
lu  pierre. 

*  Le  tumulus  de  Niedeleberit  près  de  Halle,  contenait  une  salle  avec  une 
division  de  1  pied  de  hauteur.  Longue  de  13  pieds,  elle  renfermait  un  siège 
en  bois,  une  table,  deux  squelettes  accroupis  aux  angles,  divers  instruments 
en  pierre,  des  objets  percés  et  un  petit  marteau  en  ambre,  des  dents  percées, 
des  vases  remarquables  par  leurs  dessins,  dont  la  description  et  les  dessins 
complets  sont  dans  Kruse,  Deutsch.  AUer.^  tom.  II,  cah.  2,  pag.  102,  pi.  IV. 


AGE    DE    LA    PIERRE.  69 

peu  nombreux.  Il  n'eu  est  pas  de  même  plus  au  uord, 
eutre  autres  dans  les  duchés  de  Mecklemburg,  où  l'on  trouve 
des  collines  hautes  de  60  pieds,  surmontées  d'un  autel 
eotouré  de  deux  cercles  de  pierres.  Â  l'intérieur,  sont  des 
salles  parfois  voûtées,  les  squelettes,  les  vases  et  les  objets 
propres  à  cette  époque  *.  Même  richesse  dans  les  environs 
de  Hamburg  ".  —  Le  Hanovre,  très  peuplé  plus  tard,  con- 
serve moins  detumuli  gigantesques  de  l'âge  primitif ,  si 
Ton  en  excepte  ceux  de  la  juridiction  de  Lûneburg^.  — 
Sur  le  stérile  Sennerheide,  dans  la  principauté  de  Lippe, 
sont  de  grandes  collines  tumulaires  sur  le  contenu  des- 
quels on  manque  de  renseignements. 

  Rossleben,  district  de  Merseburg,  sur  la  Saale,  était 
une  colline  sans  cercle  de  pierres,  qui  renfermait  une 
construction  en  dalles  dans  laquelle  se  trouvait  un  sque- 
lette couché  sur  le  côté  droit.  Vers  la  tête  étaient  les  frag- 
ments d'un  vase  orné  de  lignes  et  muni  de  deux  anses. 
Un  second  squelette  était  accompagné  d'une  petite  hache 
en  pierre  noire  ;  un  autre  squelette  avait  un  coin  en  pierre. 
On  trouva  neuf  squelettes,  mais  seulement  deux  vases 
entiers,  et  deux  dents  de  sanglier,  dont  l'une  était  percée. 
D'autres  tumuli  contenaient,  entre  leurs  dalles,  des  sque- 
lettes reployés  avec  un  couteau  en  silex,  sans  aucune  trace 
de  métal.  —  Dans  la  même  contrée  entre  BoUendorf  et 
Nébra,  sont  plusieurs  tumuli,  peu  grands,  avec  construc- 
tions en  pierre  et  squelettes  reployés.  On  y  a  trouvé  des 
coins  en  pieire,  un  couteau  en  silex  et  une  gouge  en 

*  Près  KauWogen^  Prosecken,  Lahenz,  Gomow,  Eichelberg,  Eickhof,  etc. 

*  D'après  Keferstein,  pag.  92. 

'  Idem,  pag.  133.  Voir  en  outre  d'Ertorf. 

*  Idem,  pag.  140. 


70  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITB. 

pierre.  Au  milieu  du  caveau  d'une  colline  étaient  une 
grande  tête  de  cerf  encore  munie  de  son  bois,  quelques 
traces  d'ossements  humains,  plus  un  coin  en  silex  gros- 
sièrement travaillé  '. 

Une  colline  élevée  des  environs  de  Trebenilz  (district  de 
Merseburg)  renfermait  un  caveau  en  pierre  avec  squelette. 
Dans  chaque  tombe  étaient  plusieurs  œufs  de  poule  qui 
tombaient  au  contact  de  l'air,  et  auprès  des  instruments 
en  silex.  (Keferstein,  pag.  10.)  Chez  les  Juifs,  le  premier 
repas  après  l'inhumation  n*est  composé  que  de  sel  et 
d'oeufs,  qui  sont  regardés  comme  un  symbole  de  l'éternité; 
le  sel  figure  dans  toutes  les  cérémonies  religieuses  des 
Juifs,  d'après  le  Lév.  II,  12:  «  Dans  toutes  les  oblations, 
tu  offriras  du  sel.  » 

Non  loin  de  Halle,  près  de  Dœlau  sur  la  Saaie,  un  grand 
tumulus  recouvrait  une  salle  de  plaque  de  grès,  longue 
de  13  pieds,  large  de  7,  avec  des  vases  et  des  instruments 
en  pierre.  (Keferstein,  pag.  24.) 

Dans  la  contrée  de  Mehldorf,  un  grand  caveau  funé- 
raire d'environ  20  pieds  de  haut,  contenait  des  ossements 
humains,  plusieurs  vases,  un  marteau  de  grès  et  un 
petit  marteau  en  silex  '. 

A  Niedleben,  près  de  Halle,  était  une  colline  détruite  en 
partie,  mais  ayant  encore,  en  1826,  53  pas  de  long, 
34  de  large  et  10  pieds  de  haut.  Elle  avait  été  dépri- 
mée par  la  culture.  A  1  Vt  P^^d  du  sommet  était  la  cou- 


*  Kruse,  Deutsch,  AU. y  tom.  I,  cah.  2.  pag.  20  et  suiv.  Voir  aussi  dans  Kruse 
le  tombeau  de  Nietlehen^  vers  Querfurt.  Salle  de  13  pieds  de  longueur,  avec 
siège  de  chêne,  dents  de  chien  ,  perles  d'ambre,  couteau  de  silex.  Tom.  Il 
cab.  2,  pi.  IV. 

'  /Veue  Mith.  von  Halle,  vol.  11*,  premier  cahier,  pag.  140. 


AGE   DE    LA    PIERRE.  71 

verte.  Deux  arnes,  reposaient  à  l'entrée.  Dans  la  première 
partie  de  la  tombe  étaient  des  cendres,  des  fragments 
d'ossements,  des  dents  de  chiens  et  quelques  petits  cou- 
teaux en  silex.  La  deuxième  partie,  plus  vaste  et  renfer- 
mant des  urnes,  était  séparée  de  la  première  par  une 
plaque  de  1  pied  de  haut.  Elle  contenait,  outre  les  urnes, 
une  table  en  plateau,  un  siège  de  chône,  quelques  couteaux 
en  silex,  un  coin  en  pierre,  des  dents  de  chien  percées, 
quelques  fragments  d'ambre,  un  morceau  d'ambre  percé, 
de  la  forme  d'un  marteau  S  peu  de  métal,  et  au  coin  de  la 
salle  deux  squelettes  affaissés  sur  eux-mêmes.  Ici,  mal- 
gré le  siège,  les  deux  squelettes  ont  la  position  de  l'am- 
bryon,  tandis  que  plus  tard,  dans  le  tombeau  de  Ruchow, 
en  Mecklemburg,  le  mort  est  assis  sur  un  siège. 

La  Westphalie,  pauvre  en  monuments,  possède  cepen- 
dant, près  de  Beckum,  une  allée  de  pierres  longue  de  80 
pieds,  sur  12  de  large,  dans  laquelle  on  trouve  de  nom- 
breux squelettes  avec  des  urnes,  des  dents  d'animaux 
percées  et  divers  objets.  On  ignore  si  cette  allée,  mainte- 
nant en  plein  air,  était  autrefois  couverte  de  terre,  comme 
les  salles  dégarnies  de  Kœthen. 

Dans  plusieurs  parties  de  la  Hollande,  les  tumuli  sont 
très  nombreux.  Plusieurs  contiennent  des  vases  et  des 
instruments  en  pierre  qui  ne  permettent  pas  de  douter  de 
leur  antiquité  ;  mais  on  manque  des  renseignements  sur 
leur  construction  *. 

En  Belgique,  beaucoup  de  ces  collines  ont  30  pieds  de 
haut  et  3  à  600  pieds  de  tour  >.  On  cite  un  tumulus  du 

*  Wagener,  pag.  578,  Kruse,  tome  II,  deuxième  cahier,  pag.  102,  pi.  IV. 
'  Keferstein,  pag.  153. 

*  Keferstein,  pag.  158.  Ils  sont  plus  souvent  placés  sur  les  points  élevés.  U 


72  MONUMENTS   DE   l'aNTIQUITÉ. 

Brabant,  rasé  en  1507,  dont  la  hauteur  était  de  55  pieds 
sur  380  de  circonférence,  et  qui  recouvrait  une  salle 
sépulcrale  ^ 


Grande-Bretagne . 

Les  antiquaires  anglais  se  sont  beaucoup  occupés  des 
monuments  de  la  Grande-Bretagne,  mais  dans  leur  clas- 
sification, ils  se  sont  généralement  arrêtés  aux  formes 
extérieures  qu'ils  ont  classées  en  forme  de  boule,  épatée, 
elliptique,  triangulaire,  conique  ou  cloche.  Assigner  des 
â^es  divers  d'après  ces  variétés  extérieures  est  difficile. 
Heureusement  que  les  descriptions  qu'on  possède  sont 
assez  exactes  et  nombreuses  pour  se  diriger  au  milieu 
de  ce  labyrinthe.  Dans  toute  la  Grande-Bretagne,  on  trouve 
parsemés  les  cairns  ou  les  tumuli  avec  salles  et  galeries 
de  constructions  diverses,  contenant  des  vases  et  des  ins- 
truments en  pierre. 

Les  antiquaires  de  ce  pays  ont  remarqué  que  lorsque  le 
squelette  est  étendu  de  toute  sa  longueur,  la  colline  est 
ordinairement  moins  élevée  et  renferme  des  objets  en  fer; 
tandis  que  dans  les  grandes  salles,  les  jambes  et  les  ge- 
noux du  mort  sont  reployés  sur  le  corps,  auprès  duquel 
on  ne  retrouve  pas  d'ustensiles  ou  d'ornements  en  métal. 

Dans  le  comté  de  Sommerset,  près  de  Wellow  Stoney 
Litleion,  est  un  cairn  long  de  107  pieds,  large  de  54,  et 

y  en  a  20  dans  la  contrée  de  Liittick,  22  dans  la  contrée  de  la  grande  et  petite 
Geate.  On  ne  les  a  pas  remarqués  sur  la  montagne  des  Ardennes. 
*  Mémoires  de  rAeadémie  de  Bruxelles,  tom.  IV,  pag.  459. 


A6B   DE    LA    PIERRE.  73 

haut  seulement  de  13.  L'entrée  n'a  que  14  pieds  de  haut 
et  conduit  à  une  galerie  de  47  pieds  de  long  sur  3  à  4  de 
large.  Elle  est  divisée  en  trois  parties  par  trois  transeps 
ou  espèces  d'alcôves.  On  y  a  retrouvé  beaucoup  d'osse- 
ments, et  entre  autres  deux  crânes  dont  les  fronts  présen- 
tent fort  peu  de  développement.  Un  fait  rare  dans  un  tom- 
beau, c'est  que  quelques  os  carbonisés  avaient  dû  passer 
par  le  feu.  Ce  cairn,  à  côté  de  l'inhumation  qui  y  prédo- 
mine, témoigne  donc  de  l'introduction  du  bûcher,  nouveau 
mode  de  sépulture  qui  ne  tardera  pas  à  se  répandre  d'une 
manière  générale.  —  Près  de  Bath  (ville  du  comté  de  Som- 
merset)  est  aussi  un  cairn  de  forme  ovale,  long  de  150 
pieds  et  large  de  75.  Il  recouvrait  plusieurs  caveaux  sé- 
parés, avec  des  squelettes  humains  et  des  ossements  de 
quadrupède.  On  trouve  des  tumuli  pareils  dans  le  pays  de 
Galles,  dans  l'ile  i'Anglesey,  en  Irlande,  en  Ecosse  et  dans 
les  îles  Orcades. 

Sur  la  côte  occidentale  d'Irlande,  près  de  la  ville  de 
Higo,  on  voit  encore  autour  d'un  cairn  60  grands  tumuli 
entourés  de  cercles  de  pierres  *.  A  4  milles  de  Drogheda  * 
est  un  cairn  de  320  pieds  de  diamètre,  haut  de  60  pieds. 
Sa  base  est  entourée  de  piliers  dressés.  Une  galerie  lon- 
gue d'environ  61  pieds  '  conduit  à  un  caveau,  octogone 
irrégulier  de  9  pieds  de  diamètre.  Son  toit,  haut  de  20 

*  La  plupart  contiennent  des  squelettes. 

*  En  Irlande,  comté  de  Meath,  près  New-Gran^. 

*  L'ouverture  de  la  galerie  est  à  iO  pieds  de  la  base,  elle  a  i  pieds  de  large, 
i  7i  ^®  h&ui.  £Ile  est  formée  de  dalles  dressées  et  couverte  de  dalles.  A  18 
pieds  de  l'entrée,  la  galerie  présente  un  étranglement  n'ayant  plus  que  S 
pieds  d'ouverture  au  lieu  de  4,  puis  elle  s'élève  progressivement  jusqu'à  8  ou 
9  pieds.  L'une  des  alcôves  a  i  pieds  d'ouverture,  6  de  largeur  et  8  de  pro- 
fondeur. 


74  MONUMENTS   DE   l'aNTIQUITÉ. 

pieds,  est  ud  dôme  conique  grossièrement  formé  par  la 
projection  des  pierres  du  mur.  Trois  niches  ou  alcôves 
sont  attenantes  au  caveau,  à  l'intérieur  duquel  on  remar- 
que quelques  sculptures.  On  n'y  a  trouvé  que  deux  sque- 
lettes et  un  vase  en  pierres.  —  Dans  le  comté  d'Armagh, 
près  de  KistUvi^  un  cairn  recouvre  une  grande  salle  di- 
visée en  plusieurs  compartiments.  —  On  trouve  aussi  en 
Irlande  des  cercueils  formés  de  six  pierres,  ou  de  petits 
espaces  carrés,  grossièrement  voûtés,  au-dessous  de  la 
surface  du  sol,  et  recouverts  d'une  colline  peu  élevée.  Près 
des  squelettes  sont  des  pointes  de  trait  et  des  couteaux  en 
silex,  des  colliers  et  autres  ornements  en  coquillage,- des 
vases  d*argile  contiennent  parfois  des  os  carbonisés. 

Après  ces  descriptions  de  cairns,  il  n'est  pas  inutile 
d'insister  sur  ce  fait  :  c'est  que  toute  la  Grande-Bretagne 
possède  aussi  les  tumuli  en  terre,  dont  plusieurs  ont  100 
pieds  de  haut  et  recouvrent  des  salles  toutes  pareilles  à 
celles  de  la  Scandinavie.  —  En  Ecosse,  il  est  encore  en 
usage  de  dire  de  nos  jours  :  «  Je  veux  jeter  une  pierre  sur 
ton  cairn;  i  ce  qui  signifie:  c  Je  veux  encore  t'honorer 
dans  la  tombe.  On  rapporte  que  les  Scythes  jetaient  tour 
à  tour  des  pierres  sur  le  mort  dont  ils  voulaient  hono- 
rer la  sépulture.  L*usage  a  passé  en  Europe.  Il  existe 
encore  aujourd'hui.  Parfois  dans  les  ensevelissements  mi- 
litaires, les  soldats  jettent  chacun  une  pelée  de  terre  sur 
le  cercueil.  J'ai  Vu  aussi  en  Allemagne  des  femmes  pren- 
dre une  poignée  de  sable  et  la  répandre  également  sur  le 
cercueil  de  celui  qu'elles  venaient  de  perdre  *. 

*  Irlande,  N.-E. 

*  C'était  dans  le  Wurtemberg,  à  Wioterbach. 


AGE    DE    LA    PIERRE.  75 


France. 

La  partie  la  plus  riche  de  la  France  en  monuments  des 
temps  primitifs,  est  Tancienne  Armorique  ou  Bretagne, 
Sur  les  côtes  de  l'Océan  et  un  peu  plus  en  avant  dans  les 
terres  on  retrouve  les  cairns  et  les  grands  tumuli  entourés 
de  cercles  de  piliers.  Â  l'intérieur,  ce  sont  encore  les  allées 
couvertes,  les  salles  spacieuses  ^  L'inhumation  prédo- 
mine, et  la  présence  des  instruments  en  pierre  et  en  os 
révèle  l'ignorance  des  métaux.  —  Non  loin  de  Nantes,  vers 
Procheville,  on  a  fouillé,  en  1835,  une  colline  dont  la  salle 
renfermait  50  squelettes,  avec  des  vases  et  des  haches  en 
pierre.  —  Dans  le  déparlement  des  Deux-Sèvres,  un  tu- 
mulus  des  environs  de  Bongon  recouvrait  une  grande  salle. 
La  galerie  qui  y  conduisait  était  formée  de  neuf  pierres, 
couvertes  d'une  seule  plaque  de  26  pieds  de  long.  L'in- 
térieur de  la  salle  était  plein  de  squelettes.  On  prétend 
que  les  vases  qui  reposaient  auprès  étaient  remplis  de  noi- 
settes et  de  glands.  On  y  a  trouvé  des  haches,  des  cou-  ' 
teaux  et  divers  instruments  tranchants  en  pierre,  un  col- 
lier en  terre  cuite,  un  autre  de  coquillages,  des  dents 
d'ours  et  les  os  d'un  chien.  —  Sur  le  golfe  de  Morbihan, 
dans  l'ile  de  Gavreunez,  s'élève  un  cairn  sur  une  allée  de 
18  supports  et  10  énormes  couverts;  l'allée,  étroite  à  son 
entrée,  va  en  s'élargissant,  et  présente  sur  ses  parois  des 
sculptures  de  lignes  serpententes  et  entrelacées,  des- 
sins tout  pareils  à  ceux  qui  ornent  la  poterie  *.  — Le  grand 

*  On  trouve  aussi  les  salles  de  grandes  plaques  avec  squelettes  sous  la 
surface  du  sol,  couvertes,  non  d'une  colline,  mais  d'une  grande  pierre. 

*  Mémoirei  de  la  Société  des  antiquaires^  1838,  pi.  I. 


70  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

tumulus  de  Fordenay-le-Marmion,  près  de  Caen,  esl  un 
cairD,  autrefois  entouré  d'un  cercle  de  pierres.  Depuis 
nombre  d'années  on  le  dépouille  de  ses  matériaux  pour 
des  constructions  diverses,  en  sorte  qu'il  n'a  plus  qu'une 
vingtaine  de  pieds  de  haut  sur  150  de  diamètre.  Il  ren- 
ferme 12  caveaux  grossièrement  arrondis,  formés  de 
pierres  plates  et  brutes  superposées,  qui  s'élèvent  en  fai- 
sant saillie  à  l'intérieur,  de  manière  que  les  voûtes,  au- 
jourd'hui plus  ou  moins  tronquées,  devaient  être  à  peu 
près  coniques.  Le  plus  grand  caveau  a  15  pieds  à  sa  base 
et  14  7i  dans  son  état  actuel  ;  le  plus  petit  n'a  que  3  pieds 
de  moins.  Ces  caveaux,  indépendants  les  uns  des  autres, 
ont  chacun  leur  galerie  tournée  vers  la  circonférence  du 
tumulus.  Au  centre,  six  d'entre  eux  sont  rangés  sur  deux 
lignes  parallèles,  du  nord  au  sud,  avec  un  intervalle  de  14 
pieds  entre  chacun  d'eux.  Les  six  autres  caveaux  forment 
deux  lignes  transversales  aux  extrémités  des  rangées  pré- 
cédentes. Au  fond  de  cc)ë  salles  circulaires,  le  sol  consiste . 
en  une  couche  d'argile  qui  contient  des  ossements  humains 
brisés»  dont  quelques-uns  conservent  des  traces  de  l'ac- 
tion du  feu.  Les  seuls  objets  qu'on  ait  trouvés,  sont  une 
petite-hache  en  pierre  verte  et  deux  vases  de  terre  noire, 
formés  à  la  main,  hauts  de  4  à  5  pouces  '. 

En  France,  l'agriculteur  est  souvent  détourné  de  la 
destruction  de  ces  monuments  par  les  superstitions  qu'il 
y  rattache.  Dans  la  Bretagne,  le  paysan  les  appelle  Ti- 
Choriguet,  c'est-à-dire  la  demeure  des  nains  ou  des  esprits 
follets.  En  Suède,  des  paysans  racontent  qu'après  avoir 

*  Voir  la  descriplion  complète  dans  le  6«  vol.  des  Annales  de  la  Sodélé 
des  antiquaires  de  Normandie. 
Voir  les  caveaux  du  tumuli  de  Kertche. 


AGE    DE    LA    PIERRE.  77 

placé  dans  leurs  maisons  des  blocs  qui  avaient  servi  à  la 
construction  d'anciens  tombeaux,  ils  étaient  agités  toute 
la  nuit  par  des  bruits  surnaturels  ou  l'apparition  de  spec- 
tres. Le  bétail  finissant  par  devenir  malade,  ils  furent 
obligés  de  rendre  ces  blocs  à  leur  destination  primitive  ; 
aussitôt,  tout  rentra  dans  l'ordre. 

Nous  n'avons  aucun  doute  que  V Espagne  ne  prit  une 
large  place  dans  notre  travail,  si  elle  avait  été  tant  soit  peu 
explorée.  Jusques  à  présent,  la  Société  archéologique  de 
Madrid  ne  s'est  guère  occupée  que  des  monuments  ro- 
mains et  arabes,  en  sorte  qu'on  possède  fort  peu  de  chose 
sur  les  temps  celtibériens.  Les  seuls  tumuli  que  je  puisse 
indiquer  ici,  sont  de  grandes  collines,  entourées  de  cer- 
cles de  pierres,  sur  l'Ile  de  Minorca. 

Partis  de  la  Haute-Asie,  nous  sommes  arrivés  à  l'ex- 
trémité occidentale  de  l'Europe.  En  dehors  des  contrées 
parcourues,  nous  ne  trouvons,  ni  dans  l'Allemagne  cen- 
trale, ni  au  sud  de  ce  pays,  pas  plus  qu'à  l'orient  de  la 
France,  des  tumuli  que  nous  puissions  rattacher  à  l'épo- 
que qui  nous  occupe.  Vers  le  midi,  des  monuments  ana- 
logues nous  apparaissent  çà  et  là;  nous  allons  les  exa- 
miner et  chercher,  en  en  suivant  les  traces,  à  remonter 
vers  leur  point  de  départ. 


Canton  de  Vaud. 

A  l'entrée  de  cette  nouvelle  voie,  nous  nous  trouvons 
transporté  dans  le  canton  de  Vaud,  qui  se  rattache  par  le 
Rhône  aux  côtes  de  la  Méditerranée.  —  En  Suisse,  je  ne 
connais  jusqu'à  présent  qu'une  seule  localité  dont  les  tom- 


78  MONUMENTS    DB    L*ANTIQII1TC. 

beaux  puisse  se  rattacher  avec  certitude  à  ceux  qui  nous 
occupent:  c'sst  la  hauteur  de  Pierra-Poriay,  près  de  Lau- 
sanne '.  Il  n'y  a  pas  de  tumulus  et  de  grande  salle,  mais 
bien  ce  qui  caractérise  tes  sépultures  les  plus  anciennes. 
Ces  tombeaux,  découverts  en  1825,  ont  été  décrits  dans  la 
Feuille  du  canton  de  Vaud,  par  M.  le  pasteur  de  Montet. 
Déposés  à  3  pieds  au-dessous  de  la  surface  du  sol,  ils 
étaient  construits  de  dalles  brutes,  formant  de  petits  es 
paces  de  15  à  20  pouces  de  large,  sur  une  longueur  de  25 
pouces  à  A  pieds.  La  profondeur  du  vide  était  de  15  à  20 
pouces.  L'un,  le  plus  petit,  n'avait  que  1  pied  carré  de 
vide.  Cependant  ces  tombes,  au  nombre  de  45,  renfer- 
maient chacune  1,  2  ou  même  A  squelettes  qui  avaient  été 
repliés  ou  accroupis  dans  cet  espace  étroit.  On  n'y  a  dé- 
couvert aucun  objet  en  métal,  mais  bien  un  couteau  en 
silex  et  un  fragment  de  stéatite  aiguisé  sur  les  bords.  Ces 
tombes  sont  la  reproduction  de  ces  cercueils  en  pierre, 
à  peu  près  carrés,  qui  remplissaient  la  salle  du  tumulus 


*  Je  retrouve  dans  mes  notes  une  communication  de  M.  le  colonel  de  Dom- 
pierre,  qui  dit  qu'on  a  trouvé  au  Châtelard^  à  Lavaux,  des  tombeaux  qui 
contenaient  deux  fers  de  lance  en  agathe,  longs  de  4  pouces,  et  deux  boules 
grenues  ou  pierres  rondes,  percées  au  milieu,  ayant  environ  4  pouces  de 
diamètre,  et  du  poids  de  deux  à  trois  livres  chacune. 

Sur  la  campagne  du  Belvédère,  près  de  Lausanne,  ont  été  déposées  deux 
couches  de  tombeaux.  La  couche  supérieure,  d'après  les  monnaies  que  M.  le 
pasteur  Gindroz  y  a  découvertes,  datait  des  derniers  temps  du  catholicisme 
dans  le  pays.  La  couche  inférieure,  très  profonde,  rappelait  par  la  cons- 
truction les  tombes  de  Pierra-Portay.  On  n'y  a  malheureusement  découvert 
aucun  objet  qui  puisse  permettre  de  la  classer  avec  quelque  certitude.  Sur 
les  côtes  de  la  Bordonette,  on  a  aussi  trouvé  quelques  cercueils  en  pierre 
de  fort  petites  dimensions,  mais  sur  lesquels  je  manque  de  détails  suffi- 
sante. Quoi  qu'il  en  soit,  la  découverte  de  Pierra-Portay  rend  vraisemblable, 
dans  le  pays,  tout  autre  découverte  du  même  genre. 


AGE   DE    LA    PIERRE.  79 

A*Axevalla,  en  Westrogothie,  et  od  en  retrouve  de  tout 
pareils  dans  le  pays  de  Galles  '  et  en  divers  lieux  de  l'/r- 
lande. 


Savoie. 

La  Savoie  est  encore  un  de  ces  pays  qui  manquent 
d'explorateur  V  Cependant,  à  en  juger  par  la  partie  qui 
touche  au  canton  de  Genève,  elle  doit  être  riche  en  monu- 
ments de  l'antiquité.  —  Â  un  quart  de  lieue  du  village  de 
Régnyy  non  loin  du  Salève,  on  voit  au  milieu  du  bois,  dans 
une  vaste  clairière,  une  espèce  de  cellule  dont  l'aspect  est 
reproduit  dans  le  3«  volume  de  VAlbum  de  la  Suisse  ro- 
mande, M.  Blavignac,  à  qui  j'emprunte  ces  détails,  en  a 
donné  un  plan  géométrique  dans  sa  Description  de  quel- 
ques monuments  celtiques.  Cette  cellule,  formée  par  la  réu- 
nion de  grands  blocs,  a  environ  9  pieds  de  long,  sur  8 
de  large.  Sa  hauteur  intérieure  ne  dépasse  pas  A  */•  pieds. 
Le  plafond  est  un  seul  bloc  de  15  pieds  de  long,  sur  12  de 
large.  Les  dalles  sont  attenantes  les  unes  aux  autres,  au 
moyen  de  saillies  et  de  rainures  correspondantes.  Un  pé- 
ribole,  ou  enceinte,  est  formé  sur  l'un  des  côtés  par  neuf 
pierres  plantées  en  terre.  Cet  assemblage  porte  le  nom  de 
pierres  des  fées.  —  Sur  le  flanc  occidental  des  Voirons, 
près  du  torrent  de  la  Chandouze,  est  la  maison  ou  Cave  des 


*  Gambden  décrit  un  kist-vean  ou  coffre  en  pierre  trouvé  dans  le  Carding- 
Sbire,  pays  de  Galles.  «  Il  avait,  dit-il,  4  pieds  de  long  et  3  de  large.  l\ 
était  composé  de  4  pierres,  dont  il  y  en  avait  une  à  cbaque  extrémité  et  une 
à  chaque  côté.  • 

*  Elle  eo  a  trouvé  depuis.  {Note  de  rédUeur,) 


80  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITE. 

fées,  qui  a  environ  10  pieds  de  long,  8  de  large  et  6  7t 
de  haut  dans  le  vide.  Elle  est  construite  de  8  dalles  de 
granit  de  2  pieds  d'épaisseur  S  et  engagée  en  partie  dans 
la  terre.  Les  interstices  sont  garnis  de  tnenus  cailloux. 
Suivant  la  tradition,  cette  salle  a  été  construite  par  les 
fées,  qui  apportèrent  chacune  sur  leur  tête  Tune  des 
pierres  qui  la  composent.  Quant  à  la  grotte  de  Régny, 
une  fée  apporta  tous  les  blocs  à  la  fois  :  la  couverte  sur  sa 
tête,  une  pierre  sous  chaque  bras,  et  la  dernière  dans  son 
tablier.  —  M.  Blavignac  voit  dans  ces  grottes  des  autels 
druidiques  destinés  aux  sacrifices.  Nous  examinerons  dans 
la  suite  ce  genre  de  monuments,  qui  diffère  sensiblement 
de  ceux-ci.  Mais  si  nous  les  rapprochons  des  salles  sépul- 
crales du  nord  dépouillées  de  la  terre  qui  les  recouvrait, 
comme  on  en  voit  en  divers  lieux,  leur  identité  ne  per- 
mettra pas  de  douter  que  les  cellules  de  Régny  et  des 
Voirons  ne  soient  les  caveaux  de  tnmuli  détruits  en  partie. 
Sans  accorder  trop  de  valeur  aux  traditions  nombreuses 
qui  se  rattachent  à  ces  débris  divers,  je  puis  ajouter  que 
les  pierres  des  fées  de  Régny  portent  aussi  le  nom  de 
Pierre  des  morts  • . 

*  Les  deux  dalles  du  couvert  ont  3  pieds  d'épaisseur  et  mesurent  ensemble 
17  pieds  sur  10. 

*  Une  observation  qui  a  plus  de  valeur,  c'est  que  dans  ce  genre  de  cons- 
tructions je  n'ai  jamais  observé  ce  soin  à  garnir  les  interstices,  sinon  lorsqu'il 
s'agissait  d'éviter  que  la  terre  ne  pénétrât  à  l'intérieur.  Les  autels,  loin  de 
présenter  ce  caractère,  reposent  la  plupart  du  temps  sur  des  supports  plus 
ou  moins  espacés.  —  Les  pierres  levées  autour  du  Caucase  désignées  par 
Dubois  de  Montpéreux,  comme  tombeaux  fàmmérienSt  ont  cette  construction. 


AGE    DE    LA    PIERRE.  81 


Italie. 

Avant  d'examiner  les  collines  artificielles  qui  se  relrou- 
Yent  en  Italie,  il  est  bon  de  rappeler  qu'on  ne  connaît  de 
tumuli' élevés  par  les  Romains  qu'après  de  grandes  ba- 
tailles, ainsi  celui  que  Germanicus  fit  construire  six  ans 
après  la  défaite  des  trois  légions  de  Varus  ^  Virgile  ',  il 
est  vrai,  parle  d'un  tertre  élevé  sur  les  cendres  de  Pallas; 
mais  c'est  une  réminiscence  des  tombeaux  décrits  par 
Homère  '  et  la  reproduction  d'usages  antérieurs  à  la  fon- 
dation de  Rome.  Chez  les  Romains»  les  monuments  tumu- 
laires  consistaient  en  plaques  de  marbre  plus  ou  moins 
ornées  et  couvertes  d'inscriptions  ;  en  caveaux  garnis  de 
niches  pour  y  déposer  les  urnes  cinéraires,  ou  en  cons- 
tructions architecturales  qui  n'ont  rien  de  commun  avec 
l'âge  qui  nous  occirpe. 

En  Etrurie  et  dans  le  Laiium,  on  voit  encore  plusieurs 
tnmuli  et  cairns  tout  pareils  à  ceux  du  nord,  antérieurs 
aux  monuments  étrusques  et  contemporains  des  murs  cy- 
clopéens.  Ils  renferment  une  salle  de  grandes  dalles  brutes 
avec  des  squelettes,  des  vases  et  divers  objets  *.  A  l'inté- 
rieur, ces  tumuli  sont  parfois  ornés  à  leur  sommet  d'un 
cercle  de  blocs,  ou  entourés  à  leur  base  d'un  fossé  garni 
de  pierres.  A  22  milles  de  Rome,  sur  la  route  de  Civita- 
Vecchia,  la  contrée  de  l'ancien  Alsium  en  possède  de  pa- 

*  Tadte  annal.,  liv.  I,  c.  62. 

*  Enéide,  XI,  v.  207. 

'  Entr'autres,  celui  de  Palrocle. 

*  Keferstein  dit  que  ces  objets  sont  de  bronze. 

MÉM.   ET  DOCUM.   XXV.  6 


82  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUItA. 

reils.  Un  tumulus  de  650  pieds  de  tour  et  45  de  haut, 
ayant  une  double  couronne  de  pierres,  a  été  ouvert  il 
y  a  peu  d'années.  Il  renfermait  une  salle  construite  de 
grandes  dalles,  dans  laquelle  on  pénètre  par  une  galerie 
de  35  pieds  de  long.  —  Près  de  San  Marinella,  un  tumulus  * 
de  même  construction  contenait  des  squelettes  d'hommes. 
Un  autre  tumulus,  de  855  pieds  de  tour,  des  environs  de 
Chiusi,  recouvrait  plusieurs  salles.  On  montre  dans  le 
Latium,  non  loin  de  Pratina,  emplacement  de  l'ancien 
Lavinium,  une  grande  colline  qui  porte  le  nom  de  tom- 
beau d'Enée  '.  Plus  tard,  ces  tombeaux  deviennent  les 
célèbres  tombeaux  étrusques,  dans  lesquels  les  anciennes 
formes  prennent  un  caractère  un  peu  différent.  Le  tumulus, 
construit  en  maçonnerie,  renferme  des  salles  ornées  de 
colonnes  et  de  peintures.  Là,  apparaissent  les  vases  cou- 
verts de  la  représentation  des  dieux,  les  urnes  d'albâtre 
élégamment  travaillées,  l'or,  l'argent,  le  bronze,  et  tout 
cela  avant  la  fondation  de  Rome.  Vitulonia,  capitale  de 
TEtrurie,  détruite  avant  les  temps  romains,  eut  des  colo- 
nies près  de  Noia  et  Capoue,  à  peu  près  à  l'époque  de 
Troie.  Et  cependant,  toute  cette  civilisation  est  fort  posté- 
rieure à  l'âge  qui  nous  occupe.  —  Dans  la  basse  Italie  ', 
les  vases  campaniens,  entièrement  pareils  aux  vases  étrus- 
'  ques,  se  trouvent  à  côté  des  squelettes  dans  des  salles 
construites  avec  de  grandes  plaques,  qui  reposent  dans 
une  couche  volcanique  de  pierre  ponce.  Au-dessus  est  une 


*  Nommé  Poggia  Gajella. 

*  On  trouve  d'autres  renseignements  dans  l'ouvrage  d'Abeken  :  MUUl-lla" 
lien  vor  derZeit  derromischen  Herrschaft  nach  seinen  Denkmalen  dargestellt^ 
pag.  242.  La  page  236  et  la  planche  i  décrivent  des  cairns. 

*  Surtout  prés  de  Naples. 


AGE    DE    LA   PIERRE.  83 

excellente  terre  végétale  ;  plus  haut,  une  couche  de  sable 
et  de  coquillage  ;  et  enfin,  par  dessus  ses  différentes  cou- 
ches, la  terre  du  sol  actuel.  On  le  voit,  durant  un  certain 
temps,  ces  plaines  furent  inondées  par  les  eaux  de  la  mer. 
L'ancien  temple  de  Puzzole,  près  de  Baies,  attribué  à  Ju- 
piter Sérapis,  et  les  temples  de  Pœstum,  témoignent  par 
les  térébratules  dont  ils  sont  chargés  qu'ils  demeurèrent 
partiellement  sous  les  eaux.  On  ne  peut  dire  au  juste  à 
quelle  époque  remontent  ces  tombes  campaniennes,  cer- 
tainement postérieures  aux  tumuli  de  l'âge  primitif,  ainsi 
que  les  tombeaux  étrusques  que  les  Romains  appelaient 
déjà  sepulcra  vctustissima. 

Les  tumuli  ont  été  observés  sur  quelques  îles  de  la  Mé- 
diterranée; sur  celles  de  Minorque,  de  Malte  et  de  Gozza. 
On  les  retrouve  en  Grèce  avec  les  cercles  de  pierres  et  les 
grandes  salles  qui  contiennent  des  squelettes  d'hommes 
et  d'animaux  *. 

Dans  VAsie-Mineure  sont  aussi  des  tumuli  de  ce  genre. 

Des  constructions  pareilles  existent  en  Crimée,  sur  les 
bords  de  la  mer  Noire,  mais  je  dois  ajouter  que  leur  con- 
tenu révèle  déjà  la  connaissance  des  métaux,  de  même  que 
dans  l'Asie  du  nord. 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  retrouver  dans  Vlndcmstan 
de  nombreux  tumuli,  ayant  souvent  100  pieds  de  dia- 
mètre et  au  sommet  un  cercle  de  grands  piliers  bruts, 
dont  plusieurs  ont  jusqu'à  16  pieds  de  haut*.  Â  l'inté- 

*  On  dit  qu'il  s'y  trouve  déjà  des  casques  en  bronze,  détail  donné  par 
M.  de  Bonstetten.  La  preuve  de  ce  fait  n'ôtera  du  reste  rien  à  l'analogie  de 
construction  avec  le  nord.  —  On  a  recueilli  dans  le  tumulus  de  Marathon, 
construit  tout  en  terre,  des  pointes  de  flèche  en  silex,  qu'on  attribue  aux 
Ethiopiens  qui  étaient  au  service  de  Darius  et  combattaient  avec  les  Perses. 

*  Dans  les  districts  sud  de  la  presqu'île  indienne,  surtout  dans  la  pro- 
vince de  Coimbalator.  Archeologia  hritannica,  XXI,  1826. 


84  MONUMENTS   DE    L*ANT]QIJITÉ. 

rieur,  une  salle  de  grandes  pierres  est  ordinairement  di- 
visée en  quatre  compartiments,  qui  renferment  des  corps, 
des  vases,  des  épées  et  des  pointes  de  lance  en  métal,  du 
fer  tout  oxidé  et  des  objets  en  argent.  Les  habitants,  qui 
ont  une  grande  vénération  pour  ces  tombeaux,  les  attri- 
buent aux  Pygmées  ;  de  même  que  les  Bretons,  ils  en  font 
la  demeure  des  nains,  tandis  que  les  peuples  du  nord  y 
voient  l'œuvre  des  géants. 

Enfin,  dans  le  nord  de  Y  Amérique  \  on  trouve  des  tu- 
muli  avec  des  salles  de  grandes  dalles  contenant  souvent 
des  squelettes,  des  haches  et  des  coins  en  pierre  tout  pa- 
reils à  ceux  du  nord  de  l'Europe.  Les  Péruviens  ont  aussi 
élevé  des  collines  de  ce  genre,  de  dimensions  gigantes- 
ques, mais  dont  le  contenu  révèle  un  âge  postérieur. 

Conclusions  sur  la  première  période. 

Nous  avons  maintenant  à  rechercher  les  résultats  que 
l'histoire  peut  retirer  de  l'examen  des  faits  présentés  jus- 
qu'à ce  moment.  La  haute  antiquité  de  cette  période  ne 
nous  permet  pas  de  donner  des  dates  précises.  Cependant, 
en  restant  dans  des  limites  très  modestes,  nous  pouvons 
dire  que  le  nord  et  l'occident  de  l'Europe  reçurent  leurs 
premiers  habitants,  au  moins  1600  ans  avant  l'ère  chré- 
tienne. Cette  date  n'est  pas  assez  reculée  pour  le  midi,  si 
nous  tenons  compte  de  l'ancienne  civilisation  de  l'Etrurie, 

*  Mémoires  de  la  Société  deCopenhague,  1840-1844,  pag.  120,  pi.  V,  (ig.  10, 
où  se  voit  une  inscription  curieuse  indéchiffrable.  —  On  trouve  surtout  les 
tumuli  dans  les  Etats  de  Massachusets,  Ohio,  New-York,  Pensylvanie,  ainsi 
que  des  places  retranchées. 


AGE    DE    LA    PIEHRE.  85 

qoi  avait  déjà  ses  colonies  au  temps  de  la  guerre  de  Troie 
(eoviroD  1200  ans  avant  Jésus-Christ).  Les  chronologistes 
mentionnent  une  colonie  de  Pélasges  établis  en  Italie  envi- 
ron 1650  ans  avant  notre  ère,  et  font  remonter  la  fondation 
de  Sycione,  la  plus  ancienne  ville  de  la  Grèce,  à  dix-neuf 
siècles  avant  Tère  chrétienne.  Enfin»  Champollion  attribue 
aux  plus  anciens  monuments  de  l'Egypte  au  delà  de  4000 
ans  d'antiquité  *. 

Nous  croyons  avoir  déterminé  suffisamment  les  monu- 
ments de  l'Europe  qui  remontent  à  ces  temps  primitifs. 
Les  gigantesques  constructions  tumulaires  dont  le  con- 
tenu révèle  l'ignorance  des  métaux  indiquent  assez  net- 
tement les  contrées  de  l'occident  qui  furent  peuplées  les 
premières.  Après  avoir  donné  la  statistique  de  ces  tom- 
beaux, il  ne  sera  pas  hors  de  propos  de  jeter  un  coup 
d'œil  d'ensemble  sur  leur  disposition  géographique.  A 
défaut  des  ruines  de  bourgs  ou  de  cités,  nous  pouvons  être 
assurés  que  les  lieux  de  sépultures  ne  sont  pas  éloignés 
des  lieux  d'habitation.  Si  nous  prenons  une  carte,  et  si 
nous  indiquons  par  un  signe  les  différentes  localités  où 
nous  nous  sommes  arrêtés,  nous  verrons  en  Europe  tous 
les  monuments  primitifs  se  grouper  sur  les  rives  des  mers 
et  des  fleuves,  et  se  diriger  vers  l'orient  par  deux  voies 
différentes.  L'orient  devient  donc  le  point  de  départ.  Nous 
avons  vu,  dans  les  vastes  plaines  de  la  Daurie  et  sur  toute 


'  Il  faudra  encore  tenir  compte,  en  lisant  ceci,  des  découvertes  posté- 
rieures à  l'épuque  où  ce  cours  a  été  composé.  L'Europe  occidentale  était  ha- 
bitée déjà,  lorsque  les  Ariens  de  la  branche  celtique  y  ont  pénétré  pour  la 
première  fois.  Les  égyptologues  actuels,  Bruggsch,  Lepsius,  Mariette,  etc., 
accordent  aux  plus  anciens  monuments  égyptiens  connus  tout  prés  de  iOOO 
ans  avant  l'ère  chrétiennne.  {îiote  de  Véâiteur,) 


86  MONUMENTS    DK    l'aNTIQUITÉ. 

l'Asie  du  nord,  les  salles  sépulcrales  formées  de  dalles 
immenses,  recouvertes  de  grandes  collines  de  terre,  et 
ornées  à  l'extérieur  de  cercles  de  piliers  élevés.  Ces  tumuli, 
nombreux  dans  le  nord  de  la  Sibérie,  passent  au  delà  des 
monts  Durais,  et  se  répandent  dans  les  provinces  russes, 
sur  les  bords  du  golfe  de  Finlande  et  de  la  mer  Baltique. 
—  En  Suèdey  ils  ne  se  retrouvent  que  dans  les  provinces 
méridionales  ;  nombreux  en  Scanie,  rares  déjà  dans  le 
Bobuslàn,  ils  ont  à  peu  près  pour  limite  le  canal  de  Gotha, 
qui  va  de  Gottenbourg  à  Stockholm.  Les  îles  du  lac  Mé- 
lar,  riches  en  monuments  d'âges  postérieurs,  n*en  possè- 
dent aucun,  que  je  sache,  de  Tâge  primitif. — Le  Danemark 
fut  habité  dès  les  temps  les  plus  reculés  ;  même  sur  des 
iles  de  peu  d'étendue,  les  grands  tumuli  pénètrent  peu  à 
l'intérieur;  déposés  sur  les  rives  de  la  mer,  dans  des  con- 
trées parfois  sans  culture,  au  milieu  des  forêts  ou  au- 
dessus  des  marécages,  au  fond  des  golfes  ou  sur  des  caps, 
on  se  trouve  transporté  dans  un  autre  âge,  et  cet  aspect 
étrange  ne  frappe  pas  moins  que  les  ruines  d  une  ancienne 
cité.  —  Nous  retrouvons  les  tumuli  dans  le  nord  de  V Alle- 
magne, répandus  autour  de  Danzig,  d'où  ils  pénètrent 
dans  l'intérieur  des  terres,  en  suivant  les  bords  de  la  Vis- 
tule,  jusqu'à  Culm  et  Bromberg.  De  Danzig,  ils  s'étendent 
le  long  de  la  Baltique,  sur  les  côtes  de  Poméranie  et  sur 
l'ile  de  Riigen.  De  là  ils  remontent  les  rives  de  l'Oder 
jusqu'à  Frankfort,  et  se  dirigent  vers  la  Waria,  dans  le 
grand-duché  de  Posen.  —  Les  duchés  de  Mecklenburg, 
surtout  celui  de  Schwerin,  et  les  environs  de  Hamburg 
en  possèdent  plusieurs.  Ici  encore,  ils  remontent  l'Elbe 
jusqu'au  sud  de  la  Prusse  et  se  répandent  dans  les  contrées 
baignées  par  la  Saale  et  ses  ramifications,  mais  on  les 


AGE   DE   LA    PIERRE.  87 

chercherait  en  vain  au  sud  d'Altenburg  et  de  Saxe-Weimar, 
à  eo  juger  du  moins  d'après  les  faits  connus.  —  Clairse- 
més dans  le  royaume  du  Hanovre,  on  les  retrouve  en  Hol- 
lande, en  Belgique  et  au  nord  de  la  France. 

Bien  que  je  n'aie  pu  obtenir  encore  une  statistique  com- 
plète des  monuments  de  la  Grande-Bretagne,  les  tumuli 
primitifs  dont  je  possède  la  description  pénètrent  peu  dans 
rintérieur  des  terres,  à  moins  qu'ils  ne  se  rattachent  à 
quelque  grand  cours  d'eau.  On  les  retrouve  dans  les  Cor- 
Douailles,  dans  l'île  d'Anglesey,  en  Ecosse,  sur  les  îles 
Orcades  et  sur  les  côtes  de  l'Irlande. 

Nous  les  avons  vus  au  nord  de  la  France,  nombreux 
dans  la  Bretagne  et  sur  les  côtes  occidentales,  ou  remon- 
tant le  cours  des  fleuves. 

C'est  ainsi  qu'en  suivant  ces  monuments,  on  rencontre 
l'Océan  pour  limite.  Leur  continuité  sur  les  bords  des 
grandes  eaux,  et  leur  direction  du  golfe  de  Finlande  au 
nord  de  la  Sibérie  et  dans  l'Asie  du  nord,  nous  permettent 
de  retracer  avec  assez  de  certitude  la  première  voie  par- 
courue d'orient  à  occident,  dans  les  régions  septentrio- 
nales. 

Le  midi  de  l'Europe  conserve  encore  assez  de  ces  mo- 
numents, quoiqu'ils  soient  moins  nombreux  que  dans  le 
nord,  pour  reconstruire  la  voie  parcourue  par  une  autre 
invasion  de  peuples.  Nous  retrouvons  ces  tumuli  sur  les 
bords  de  la  mer  Noire,  en  Grèce,  en  Italie,  entre  autres 
dans  le  Latium  et  l'Etrurie,  et  sur  les  fies  de  Halte,  de 
Gozza  et  de  Hinorque.  — Enfin  les  tombeaux  de  Régny  et 
des  Voirons,  en  Savoie,  ainsi  que  ceux  de  Pierra-Portay, 
dans  le  canton  de  Yaud,  me  paraissent  se  rattacher,  par  le 
Rhône  et  le  Léman,  aux  rives  de  la  Méditerranée  et  aux 


88  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

premières  popolations  qui  pénétrèrent  en  Europe  par  le 
midi. 

Il  est  un  point  facile  à  déterminer.  D'où  venaient  ces 
premières  populations  du  midi,  dont  nous  suivons  les  sé- 
pultures jusques  sur  les  bords  de  la  mer  Noire  dans  la 
direction  du  Caucase?  Ici,  deux  nouvelles  routes,  dont  les 
jalons  sont  toujours  les  tombeaux  primitifs,  s'ouvrent  de- 
vant nous.  L'une,  par  le  nord  de  la  mer  Caspienne  se 
dirige  vers  les  monts  Ourals  et  nous  conduit  de  nouveau 
dans  la  Haute-Asie.  L'autre,  par  l'Âsie-Mineure  disparaît 
dans  la  Perse  et  se  montre  de  nouveau  dans  les  Indes,  où 
elle  rencontre  la  mer  pour  limite.  Laquelle  de  ces  deux 
voies  fut  suivie  par  les  premiers  émigrants  ?  Je  l'ignore. 
Je  ne  doute  pas  qu'une  connaissance  plus  approfondie  de 
l'orient  n'indiquât  de  nouvelles  voies.  Peut-être  les  ver- 
rions-nous converger  vers  un  point  central,  berceau  de 
l'humanité.  Bien  d'autres  questions  encore  nous  reporte- 
ront vers  cet  Orient,  vaste  labyrinthe  où  l'on  se  perd  faute 
d'un  Ql  conducteur.  Si  ces  immenses  contrées  ont  un  jour 
leurs  explorateurs,  elles  permettront  sans  doute  de  voir 
nettement  là  où  nous  distinguons  à  peine  au  milieu  de 
Tobscurité. 

Je  tiens  à  rappeler  encore  un  fait.  C'est  que  plusieurs 
Etats  du  nord  de  lAmérique  possèdent  des  tumuli  tout 
pareils  à  ceux  de  la  Scandinavie,  avec  salles  et  instruments 
en  pierre,  sans  trace  de  métal. 

Lorsque  nous  aurons  vu.  dans  les  périodes  suivantes, 
coipbien  les  modes  de  sépultures  diffèrent  de  celui  que 
nous  avons  examiné  jusqu'à  présent,  on  pourra  mieux 
apprécier  la  valeur  des  faits  analogues  sur  lesquels  nous 
insistons.  Afin  de  bien  préciser  ces  tumuli  primitifs,  nous 


A6B   DB    LA    PIKHRE.  89 

rappellerons  qu'en  Orient,  sur  les  bords  du  Jenissei  et 
dans  les  Indes,  ils  renferment  des  objets  en  métal  ;  tandis 
qu'en  Europe  et  dans  le  nord  de  l'Amérique,  ils  ne  con- 
tiennent que  des  instruments  en  os  et  en  pierre  '.  Peut-être 
que  des  recherches  moins  superficielles  en  Asie  montre- 
raient qu'il  fut  aussi  un  âge  où  l'art  des  mines  était  in- 
connu; cependant,  je  ne  sais  rien  jusqu'à  présent  qui 
puisse  justifier  cette  supposition.  Je  crois,  du  reste,  avoir 
expliqué  suffisamment  comment  cette  connaissance  dut  se 
perdre  par  la  vie  nomade  des  premiers  émigrants  dans 
des  contrées  inexplorées. 

Il  nous  parait  donc  ressortir  clairement,  de  tout  ce  qui 
précède,  que  les  bords  des  grandes  eaux  furent  les  voies 
suivies  par  les  premières  populations  qui  pénétrèrent  en 
Europe,  les  unes  par  le  midi  en  suivant  les  côtes  de  la  mer 
Noire  et  de  la  Méditerranée  ;  les  autres  par  le  nord,  le  long 
de  la  Baltique  et  de  l'Océan.  —  D'autre  part,  le  nord  de 
l'Amérique  parait  avoir  également  son  point  de  départ 
dans  le  nord  de  l'Asie  par  le  détroit  de  Behring. 

Dans  toutes  les  localités  où  l'on  retrouve  dans  les  tumuli 
les  salles  sépulcrales,  on  est  frappé  de  la  grandeur  des 
matériaux  employés.  Il  n'est  pas  rare  de  mesurer  des 
dalles  de  15  pieds  de  long  sur  12  de  large,  et  2  à  â  d'é- 
paisseur. La  couverte  d'une  galerie  souterraine,  près  de 
Bonyon,  en  France,  n'avait  pas  moins  de  26  pieds  de  long. 
L'élévation  des  collines,  qui  parfois  dépasse  100  pieds,  les 
dimensions  des  piliers  disposés  en  cercle  à  la  base,  sur 
les  flancs  ou  sur  le  sommet  du  tumulus,  dominé  par  un 
autel  gigantesque,  rappellent  un  âge  d'enfance,  où  la  gran- 

*  Nous  verrons  plus  tard  que  les  exceptions  appartiennent  à  l'âge  de  tran- 
sition. 


90  MONUMBNTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

deur  consiste  dans  la  force  du  bras.  Nous  avons  vu  que 
la  construction  intérieure  du  tumulus  est  assez  variée. 
Les  salles,  plus  ou  moins  spacieuses,  sont  carrées,  ovales 
ou  rondes,  recouvertes  de  grandes  plaques  ou  d'une  es- 
péce  de  dôme.  Parfois  un  tumulus  n'en  renferme  qu'une 
seule,  d'autrefois  il  en  contient  jusqu'à  douze.  Ces  variétés 
ne  permettent  cependant  pas  de  distinguer  des  popula- 
tions différentes,  car  elles  se  retrouvent  dans  chaque  pays, 
souvent  rapprochées  les  unes  des  autres.  Peut  être  sont- 
elles  le  résultat  d'époques  diverses  durant  le  premier  âge, 
tout  comme  elles  peuvent  répondre  au  rang  différent 
qu'occupait  le  défunt  ou  sa  famille  au  milieu  de  ces  peu- 
plades. On  en  peut  dire  autant  des  piliers  plus  on  moins 
nombreux  autour  de  la  colline.  Nous  en  verrons  plus  tard 
la  signibcation  religieuse.  Quant  aux  autels  qui  dominent 
parfois  les  tumuli,  nous  ne  pouvons  douter,  d'après  les 
usages  rapportés  par  Hérodote,  qu'ils  n'aient  servi  à  des 
sacrifices  à  la  mémoire  du  défunt. 

Une  autre  variété  consiste  dans  la  formation  des  collines 
au  moyen  de  la  terre  ou  des  cailloux  roulés.  On  ne  peut 
l'attribuer  à  la  nature  du  sol  sur  lequel  on  élevait  ces  mo- 
numents. Les  cairns  me  paraissent  avoir  été  destinés  aux 
plus  grands  personnages.  Souvent  les  collines  en  terre  se 
groupent  alentour.  Ainsi  en  Irlande,  près  de  lligo,  60  col- 
lines entourent  un  cairn  qui  a  l'air  de  les  dominer.  Les 
pyramides  d'Egypte,  ainsi  que  les  tombeaux  étrusques 
construits  en  maçonnerie,  sont  les  cairns  des  peuples  civi- 
lisés. 

Un  fait  commun  à  tous  ces  tombeaux,  est  celui  des  ga- 
leries dont  l'issue  à  l'extérieur  est  toujours  soigneusement 
dissimulée.  Le  but  évident  de  ces  galeries  était  de  pouvoir 


AGE    DC    LA    PIBMC.  91 

pénétrer  de  nouveau  sans  trop  de  difBculiés  dans  les  salles 
sépulcrales.  On  trouve  en  effet  dans  celles  ci  des  sque- 
lettes d*hommes,  de  femmes  et  d'enfants.  Ils  ne  sont  ce- 
pendant pas  assez  nombreux  pour  être  ceux  d'une  tribu 
entière.  Us  doivent  avoir  appartenu  à  la  même  famille. 
Quelquefois,  la  salle  étant  pleine,  les  morts  furent  déposés 
jusque  dans  la  galerie.  Ces  tombeaux  étaient  donc  des  tom- 
beaux de  famille,  et  ils  nous  révèlent  ceci  d'important, 
c'est  que  plusieurs  de  ces  peuplades  s'établirent  dans  des 
contrées  de  leur  choix ,  et  que  plusieurs  renoncèrent  de 
bonne  heure  à  la  vie  nomade,  qui  ne  permet  pas  d*élever 
des  tombeaux  de  familles. 

Nous  avons  constaté,  dans  la  plupart  des  tombeaux 
primitifs,  l'attitude  étrange  donnée  aux  morts  en  les  dé- 
posant dans  la  tombe.  Le  long  des  parois  des  salles  sé- 
pulcrales, nous  avons  vu  que  les  membres  ont  été  re- 
ployés  de  telle  sorte  que  les  jambes  sont  retombées,  les 
genoux  en  avant,  par-dessus  les  avant-bras,  tandis  que  la 
colonne  vertébrale  et  les  cAtes  se  sont  affaissées  sur  elles- 
mêmes.  Les  antiquaires  anglais  disent  que  les  jambes  sont 
reployées  sur  la  poitrine.  —  Des  cercueils  cubiques  en 
pierre,  comme  ceux  de  PierraPortay,  dans  le  canton  de 
Va*jd  ;  d  Irlande,  du  pays  de  Galles  et  d'Axevalla,  en 
Suéde,  n'ayant  environ  que  deux  pieds  carrés  de  vide, 
contenaient  des  squelettes  d'hommes  et  de  femmes,  en- 
tiers mais  reployés.  En  outre,  Diodore  de  Sicile  rapporte 
que  les  Troglodytes ,  peuple  pasteur  d'Ethiopie ,  pas- 
saient la  tête  de  leurs  morts  entre  les  jambes,  et  les  liaient 
dans  celte  posture  avec  des  branches  d'aubépine,  qu'en- 
suite ils  leur  jetaient  des  pierres  en  riant  jusqu'à  ce  qu'ils 


92  MONUMENTS    DE    L*ANTlQtlTÉ. 

en  fussent  entièrement  couverts  *.  (Nous  devons  expliquer 
en  passant  que  ces  rires  dans  la  sépulture,  communs  à 
plusieurs  peuples  de  l'antiquité,  étaient  l'expression  de 
leur  foi.  Ils  pleuraient  à  la  naissance  des  enfants,  en  pen- 
sant aux  maux  qui  les  attendaient  dans  ce  monde:  ils  se 
réjouissaient  à  leur  mort,  parce  qu'ils  envisageaient  la 
tombe  comme  le  terme  de  leurs  souffrances  et  le  commen- 
cement d'une  vie  meilleure.)  Enfin,  on  rapporte  que  les 
Guanches,  anciens  habitants  des  îles  Canaries,  donnent  la 
même  position  à  leurs  morts. 

Cette  attitude  ne  peut  provenir  d'un  simple  caprice.  On 
a  voulu  y  voir  l'attitude  du  repos,  la  position  assise; 
mais  un  vide  de  deux  pieds  carrés  ne  permet  pas  de  répon- 
dre à  ce  but.  On  a  dit  aussi  que  c'était  afin  de  pouvoir 
réunir  un  plus  grand  nombre  de  cercueils  dans  un  es- 
pace resserré,  mais  comment  expliquer  cette  position  lors- 
que deux  ou  trois  morts  occupent  seuls  une  salle  spa- 
cieuse? —  Un  fait  de  même  nature,  propre  à  un  autre 
pays  et  à  un  autre  âge,  nous  permettra  de  donner  une 
explication  qui  me  parait  plus  satisfaisante.  J'examinais 
un  jour  différents  objets  que  notre  compatriote,  M.  le  D^* 
Tscbudi  de  Claris  a  rapportés  du  Pérou.  De  ce  nombre, 
étaient  quelques  momies  qu'il  avait  lui-même  découvertes. 
Grande  fut  ma  surprise  de  retrouver  la  même  attitude, 
et  beaucoup  plus  nettement  dessinée.  Les  corps,  dessé- 

*  Lib.  IV,  chap.  3,  édition  de  Lyon,  1599. 

Génie  du  christianUme,  liv.  VI,  chap.  i.  Idées  sur  une  autre  vie.  •  Les 
mères,  chez  certains  Indiens,  sont  asseï  insensées  pour  épancher  leur  lait 
sur  un  tombeau,  et  elles  donnent  à  l'homme,  dans  la  sépulture,  la  même 
attitude  qu'il  avait  dans  le  sein  maternel.  • 

Hérodote,  liv.  IV,  chap.  190.  D'entre  les  Libyens  nomades,  les  Nasamons 
enterrent  leurF  morts  assis. 


AGE    DE    LA    PIERRE.  93 

chés  dans  le  sable,  étaient  encore  recoQ?erts  de  la  peau 
et  d'une  partie  des  vêtements.  Les  jambes  étaient  re- 
ployées  sur  la  poitrine,  et  les  mains  ramenées  entre  les 
genoux  et  le  menton ,  ou  croisées  sur  les  jambes.  Sur 
quelques  momies  on  voyait  encore  les  cordes  dont  on 
avait  fait  usage  pour  maintenir  les  morts  dans  cette  posi- 
tion. Ha  surprise  s'accrut  encore  quand  j'aperçus  la  mo- 
mie d'un  perroquet  *  provenant  aussi  de  ces  tombeaux 
péruviens.  Au  lieu  d'être  étendu  comme  les  oiseaux  dans 
les  tombeaux  égyptiens,  il  avait  les  pattes  reployées  sur 
le  thorax,  et  la  tête  ramenée  vers  l'aile  gauche.  Cette  po- 
sition était  évidemment  celle  du  petit  oiseau  dans  la  co- 
quille. D'autre  part  l'attitude  donnée  à  ces  momies,  n'était 
autre  que  celle  du  fœtus  dans  le  sein  de  sa  mère.  Le 
même  fait  reproduit  en  des  lieux  si  divers  devait  avoir 
une  même  signification.  Maintenant,  si  nous  consultons 
les  mythologies  des  anciens  peuples,  nous  voyons  que  la 
terre  est  généralement  envisagée  comme  la  mère  univer- 


*  Le  missionnaire  La  Croix  se  trouvant  un  jour  au  bord  du  fleuve  sacré 
(Le  Gange),  son  attention  fut  attirée  par  un  homme  qui,  après  avoir  fait  ses 
ablutions,  s'occupa  à  plonger  deux  perroquets  dans  l'eau.  —  Quel  but  vous 
proposez- vous ,  lui  demanda  notre  missionnaire,  en  forçant  ces  oiseaux  à 
prendre  un  bain  qui  leur  répugne  si  fort  ?  —  Celui  de  leur  faire  du  bien, 
répondit  l'Hindou.  —  Et  quel  bien,  je  vous  prie?  —  Si,  en  me  plongeant 
dans  cette  rivière,  je  contribue  à  assurer  le  salut  de  mon  &me,  comment 
cela  ne  ferait-il  pas  aussi  du  bien  à  ces  pauvres  bétes?  Le  corps  de  ces  oi- 
seaux est  sans  doute  habité  par  une  âme  humaine,  condamnée  par  les  dieux 
à  y  vivre  à  cause  des  péchés  qu'elle  a  commis  dans  une  existence  antérieure; 
n'ont-ils  pas  besoin  dès  lors  d'être  purifiés  pour  échapper  le  plus  tôt  possible 
à  la  servitude  à  laquelle  ils  ont  été  assujettis?  Or,  pourrait-il  y  avoir  dans  ce 
but  quelque  chose  de  plus  avantageux  que  le  bain  que  je  leur  fais  prendre. 

(  Les  Missions  évangéliques  au  XIX^  siècle.  —  Neuchâlel ,  1864 ,  février , 
pag.  35.) 


9^  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

selle  du  genre  humain.  Ce  que  nous  connaissons  de  la  foi 
des  plus  anciens  habitants  de  la  Gaule,  de  la  Germanie  et 
de  la  Scandinavie,  nous  apprend  qu'ils  croyaient  à  une 
vie  à  venir.  Après  leur  mort  les  Péruviens  allaient  rejoin- 
dre l'invisible  Pachacamac,  les  Incas,  leurs  rois  retour- 
naient auprès  du  soleil  leur  père  '.  —  L'homme,  à  sa  mort, 
au  moment  de  rentrer  dans  le  sein  de  la  mère  du  genre 
humain,  recevait  l'attitude  de  l'embryon,  comme  devant 
renaître  pour  une  vie  nouvelle.  Cette  attitude  me  parait 
donc  être  le  symbole  de  la  foi  à  une  vie  à  venir,  à  une 
naissance  nouvelle,  je  dirai  même  à  une  résurrection  des 
corps.  Cette  dernière  idée  paraîtra  peut-être  moins  hasar- 
dée, si  l'on  se  rappelle  que  plusieurs  peuples  sauvages 
de  l'Amérique,  entièrement  étrangers  à  la  religion  révé- 
lée, croient  à  la  résurrection  des  corps.  Il  n'est  pas  sans 
intérêt  de  rapprocher  de  cette  explication  le  passage  d'un 
auteur  ancien  *  d'après  lequel,  Cécrops,  qui  vivait  environ 
1500  ans  avant  l'ère  chrétienne  \  ordonna  à  ses  sujets  de 


*  Voir  entr'autres  d'Orbigny,  Voyage  dans  F  Amérique  méridionale  Partie 
historique.  Les  Péruviens  savaient  marteler  le  métal.  Dans  les  tombeaux,  les 
vases  contenaient  des  boissons,  des  sacs  d'étoffe,  du  maïs.  Les  Incas  allaient 
près  de  leur  père  le  soleil;  leurs  vassaux  les  y  servaient.  D'autres  peuptet 
retrouvaient  la  chasse  dans  un  autre, monde.  Le  ciel  est  la  reproduction  des 
goûts  de  chaque  peuple.  Les  Quichas  avaient  Pachacamac,  dieu  invisible, 
créateur  de  toutes  choses,  commandant  au  soleil,  ayant  la  lune  pour  femme. 
Il  était  adoré  sans  forme,  en  plein  air.  Le  soleil  avait  des  temples  spacieux  et 
riches.  Des  vierges  lui  étaient  consacrées.  Les  Incas  étaient  ses  prêtres.  Oo 
lui  sacrifiait  des  fruits  et  des  lamas.  —  Le  mort  emporte  dans  la  tombe  ses 
meilleurs  habits,  ses  armes  et  des  vivres  pour  faire  le  voyage. 
f    *  Cicéron,  lib.  2,  chap.  25,  tom.  3,  pag.  156,  de  legib.  11. 

'  Le  Manuel  chronologique  d'Humbert  dit  que  Cécrops  fonda  Athènes  l'an 
1580  avant  Jésus-Christ,  et  le  dictionnaire  des  auteurs  classiques  dit  qu'il  con- 
duisit  une  colonie  dans  l'Attique  environ  1586  ans  avant  Jésus-Christ. 


AGE   DE    LA    PIERRE.  9S 

déposer  leurs  morts  dans  le  sein  de  la  mère  universelle. 
Quant  à  l'objection  qu'on  pourrait  tirer  de  l'ignorance 
des  peuples  primitifs  relativement  à  l'anatomie ,  elle  ne 
nous  arrêtera  pas  longtemps  si  nous  nous  rappelons 
leurs  sacrifices  sanglants,  et  l'étude  que  les  aruspices 
faisaient  des  entrailles  de  leurs  victimes  afin  d'en  tirer 
des  présages  *. 

On  peut  se  faire  une  idée  du  genre  de  vie  et  du  degré 
de  culture  de  ces  peuplades  primitives  par  les  instruments 
dont  nous  avons  examiné  les  formes.  Les  haches  et  les 
coins  eurent  des  usages  divers.  Ils  servirent  également 
aux  travaux  domestiques,  à  la  chasse,  aux  combats.  Il 
n'en  est  pas  de  même  du  ciseau,  de  la  gouge,  de  la  scie 
et  du  percet,  destinés  à  tailler  le  bois.  Il  est  des  couteaux 
qui  ont  été  des  instruments  domestiques,  tandis  que  d'au- 
tres sont  de  véritables  poignards.  Les  pointes  de  flèche, 
de  javelot,  de  lance,  ne  laissent  pas  de  doute  sur  leur 
destination.  C'étaient  des  armes  offensives  dirigées  contre 
des  hommes  '  ou  des  bêtes  féroces.  Dans  un  âge  où  on 
ne  portait  pas  d'armure,  la  fragilité  de  ces  instruments 
n'empêchait  pas  de  porter  des  coups  mortels.  L'ancre  té- 
moigne de  la  navigation.  Les  troncs  d'arbres  creusés  et 
carbonisés  à  l'intérieur,  trouvés  dans  des  tourbières  du 
Danemark,  étaient  les  bateaux  de  ces  anciens  lacs;  et  rap- 
pellent la  manière  dont  quelques  peuples  sauvages  creu- 
sent leurs  canots  au  moyen  de  la  pierre  et  du  feu.  La  dé- 

<  Voir  $ur  Vart  des  Aru9pice$,  Greuzer,  tom.  I,II,  liv.  V,  chap.  IV,  pag.  467, 
note  3. 

■  Si  l'on  pouvait  douter  des  combats  entre  les  hommes,  il  suffirait  de  rap- 
peler les  crânes  de  la  Thuringe  dans  lesquels  étaient  enfoncés  des  coins  ou 
haches  en  pierre. 


96  MONUMENTS    DE    L  ANTIQUITÉ. 

couverte  de  quelques  hameçons  ne  pernnet  pas  de  douter 
que  la  pêche  n'ait  été  un  moyen  d'existence. 

On  comprendra  par  la  suite  les  raisons  qui  nous  font 
renvoyer  à  une  autre  partie  de  notre  cours  l'étude  des 
monuments  relatifs  au  culte.  Cependant  une  question  se 
présente  naturellement  ici,  c'est  de  savoir  quels  étaient 
les  instruments  dont  les  prêtres  frappaient  les  victimes.  Tout 
ce  qu'on  a  avancé  à  cet  égard  de  conjectures  sans  fonde- 
ment, m'oblige  à  user  de  la  plus  grande  circonspection 
Aux  yeux  de  quelques-uns,  une  pièce  semble  n'avoir  de 
valeur  qu'en  tant  qu'elle  a  été  trempée  dans  le  sang 
humain,  ou  tout  au  moins  destinée  au  culte.  Veut-on  en 
connaître  la  raison  ?  on  vous  fait  observer  quelque  parti- 
cularité dans  la  forme,  qui  constitue  une  variété,  mais 
rien  de  plus.  On  a  retrouvé  quelquefois  sous  les  autels 
et  dans  les  enceintes  destinées  au  culte,  des  couteaux,  des 
poignards  et  des  haches  en  pierre;  mais  rien  dans  leur 
forme  ne  les  distingue  des  mêmes  pièces  déposées  dans 
les  tombeaux.  En  conséquence,  nous  pensons  que  la  des- 
tination seule  était  distincte,  tandis  que  la  forme  était 
commune.  Les  âges  suivants  nous  présenteront  à  cet  égard 
des  renseignements  plus  satisfaisants. 

Lorsque  les  coins  que  nous  avons  examinés  sont  de 
grandes  dimensions,  quelques  antiquaires  du  nord  en  font 
des  pioches  destinées  à  la  culture  des  terres.  La  conclu- 
sion immédiate,  qui  ressortirait  de  cette  destination,  se- 
rait la  connaissance  de  l'agriculture  de  la  part  des  peuples 
primitifs.  Pour  conclure  à  un  tel  résultat,  il  faut  un  point 
de  départ  plus  positif,  aussi  nous  garderons-nous  de  rien 
aflirraer  à  cet  égard.  D'entre  les  instruments  arrivés  jus 
qu'à  nous,  nous  n'en  trouvons  pas  qui  répondent  à  ce  but 


4GR    DE    LA    PIERRE.  97 

d'une  manière  satisfaisante.  Cependant  l'absence  de  ces  piè- 
ces ne  nous  permet  pas  de  rejeter  d'une  manière  absolue  la 
possibilité  de  ce  fait.  Dans  ces  appréciations  nous  devons 
nous  entourer  de  tout  ce  qui  est  propre  à  jeter  quelque 
lumière,  et  bien  que  nous  comprenions  di£Bcilement  la 
culture  des  terres,  vu  TinsufBsance  des  ustensiles  à  nous 
connus,  nous  sommes  cependant  obligés  de  reconnaître 
qu'ils  ont  nécessairement  possédé  des  instruments  propres 
à  cet  usage.  Cette  affirmation  deviendra  évidente  pour 
chacun,  si  nous  reportons  nos  regards  sur  ces  coUines 
gigantesques  élevées  au-dessus  des  salles  sépulcrales. 
L'absence  d'excavation  ou  de  creux  sur  le  sol  environnant 
montre  que  la. terre  a  été  apportée  de  loin  ou  que  le  sol 
a  été  nivelé.  D'une  part,^les  instruments  nous  permettent 
de  conclure  à  ce  qui  a  dû  être  fait  avec  leur  secours,  et 
nous  font  aller  du  moyen  au  but.  J)'autre  part,  les  cons- 
tructions nombreuses  que  nous  avons  décrites  reportent 
notre  attention  sur  la  nature  des  r.oyens  employés.  Nous 
disons  donc  que  l'érection  de  ces  collines  exigea  l'emploi 
d'instruments  propres  à  cet  usage.  La  pioche  et  la  pelle 
furent  indispensables.  La  pioche  put  être  armée   d'un 
tranchant  en  silex.  La  pelle  était  sans  doute  en  bois.  On 
en  voit  encore  de  pareilles  entre  les  mains  des  agriculteurs 
de  la  Suède.  L'extrémité  de  la  partie  destinée  à  entrer  dans 
le  sol,  est  seulement  garnie  d'une  bande  en  fer.  La  pioche 
et  la  pelle  ne  purent  cependant  suffire,  à  elles  seules,  pour 
entasser  les  terres  jusqu'à  100  pieds  au-dessus  du  sol.  Il  fal- 
lut, sinon  des  chariots,  du  moins  des  espèces  de  brancards. 
On  le  voit,  les  instruments  indispensables  aux  premiers 
travaux  de  l'agriculture  ne  manquèrent  point.  —  Dans  le 
midi,  Cécrops  consacra  une  partie  du  moins  de  ses  soins 

HÉH.  ET  DOCUM.  XXV.  7 


98  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

à  la  culture  de  la  terre  ^  ;  dans  le  nord,  l'agriculture  fut- 
elle  introduite  aussi  anciennement?  Le  fait  n'est  pas  im- 
possible, mais  nous  ne  pouvons  cependant  l'affirmer. 

Ce  qui  nous  reste  des  populations  primitives  de  l'Eu- 
rope ne  nous  permet  pas  de  porter  à  leur  égard  un  juge- 
ment complet.  Elles  ont  eu  des  connaissances  dont  nous 
avons  peine  à  nous  rendre  compte.  La  dynamique,  réduite 
à  l'état  de  science,  n'a  pas  encore  atteint  les  résultats  ob- 
tenus dans  les  premiers  âges.  Nous  verrons  dans  la  suite 
combien  les  plus  grands  blocs  soulevés  de  nos  jours  sont 
peu  de  chose  à  côté  des  roches  énormes  transportées  en 
ces  temps  là  à  de  grandes  distances,  et  élevées  à  plusieurs 
pieds  au-dessus  du  sol.  Nous  ne  devrons  pas  oublier  que 
malgré  nos  efforts  pour  reconstruire  le  passé,  nous  ne 
saisissons  que  des  lambeaux,  dignes  d'étude  sans  doute, 
mais  mutilés  et  incomplets;  nous  avons  une  partie  des 
instruments,  mais  non  les  œuvres  exécutées;  nous  avons 
les  monuments  de  la  sépulture,  mais  non  ceux  de  la  vie. 

Un  trait  qui  caractérise  les  populations  à  leur  berceau 
c'est  la  préoccupation  de  l'utile.  Lorsque  le  sentiment  du 
beau  se  réveille  et  demande  à  être  satisfait,  les  premières 
difficultés  ont  été  vaincues,  les  conditions  de  l'existence 
se  sont  adoucies.  L'inexpérience  préside  nécessairement 
à  de  premiers  essais.  Cependant  ils  n'en  sont  pas  moins 
curieux  à  constater  dans  la  période  qui  nous  occupe.  Dans 
ce  nombre  nous  placerons  d'abord  les  colliers  d'ambre, 
d'os  ou  de  coquillages  qu'on  retrouve  dans  quelques  tom- 
beaux. Les  vases,  confectionnés  tout  d'abord  dans  un 
but  d'utilité,  ne  tardent  pas  à  se  recouvrir  d'ornements  en 

*  Cicéron,  tom.  III,  pag.  158,  livre  H,  chap.  25. 


AGE    DE    LA    PIERRE.  99 

creux,  qui  consistent  surtout  en  pointillages  ou  en  lignes 
droites  brisées,  obliques  ou  parallèles.  Les  vases  décou- 
verts dans  les  contrées  de  la  Saaie  présentent  un  perfec- 
tionnement. L'artiste  a  incrusté  dans  le  creux  de  la  gra- 
vure une  matière  blanchâtre  qui  ressort  sur  le  fond  noir 
du  vase.  Nous  avons  mentionné  les  premiers  essais  de  la 
gravure  sur  pierre  en  Suède  S  dans  le  Jutland  et  le  See- 
land  ',  en  Allemagne  %  en  France  *  et  en  Irlande  ^  Ce 
sont  des  dessins  pareils  à  ceux  des  vases,  mais  qui,  à 
Merseburg,  représentent  aussi  des  armes.  Je  n'ai  du  reste 
observé  nulle  part  la  reproduction  des  figures  humaines. 

Si  Ton  eût  apporté  plus  d'attention  aux  découvertes,  et 
qu'on  eût  déterminé  avec  soin  chaque  ossement,  nous  pour- 
rions sans  doute  donner  une  liste  plus  complète  des  ani- 
maux que  l'homme  avait  réduits  à  la  domesticité.  De  ce 
nombre  nous  pouvons  indiquer  la  poule  *,  le  cochon,  le 
chien  et  le  cheval.  Je  ne  trouve  dans  ces  découvertes  au- 
cune indication  de  la  vache.  Il  me  paraîtrait  cependant 
étonnant  qu'un  animal  de  cette  utilité  fût  resté  inconnu. 

Nous  avons  indiqué  la  présence,  en  divers  lieux,  d'ate- 
liers ou  anciennes  fabriques  d'instruments  en  pierre.  Ce 
fait  à  lui  seul  constitue  un  état  de  la  société  qui  permet  à 
l'individu  d'embrasser  une  profession.  Dès  que  les  vases 
ne  furent  plus  formés  à  la  main,  mais  au  moyen  du  tour, 

*  Axevalla. 

*  Ullerup  et  Herrstnip. 
'  Mersburg. 

*  \\e  de  Gavreunaz  dans  le  golfe  de  Morbihan. 
'  Drogheda. 

*  Voir  pag.  88  a.  Trebnilz  et  Keferstein,  pag.  10. 

La  poule  ne  se  comprend  pas  avec  la  vie  nomade.  Elle  ne  peut  suivre  la 
marche  d'une  tribu  ;  transportée,  elle  devient  inutile. 


400  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

cet  instrument  ne  pouvant  être  la  propriété  de  chacun,  Tart 
du  potier  constitua  de  son  côté  une  nouvelle  profession. 
Ces  faits  témoignent,  ainsi  que  les  tombeaux  de  familles, 
de  populations  assises,  condition  nécessaire  à  l'exercice  des 
professions.  Et  dès  que  les  professions  sont  établies,  il  en 
résulte  nécessairement  l'échange,  en  d'autres  termes  :  le 
commerce. 

D'après  ce  qui  précède,  les  premiers  habitants  de  l'Eu- 
rope s'avancent  au  nord  et  au  sud,  le  long  des  grandes 
eaux,  s'établissent  sur  les  bords  des  mers  et  des  fleuves, 
et  s'adonnent  à  la  pêche  et  à  la  chasse.  Ils  s'essaient  dans 
la  navigation  ;  travaillent  le  bois,  l'or  et  la  pierre.  Ils  sa- 
vent détacher  des  bancs  de  rochers  des  blocs  immenses, 
qu'ils  transportent  à  des  distances  considérables.  Le  po- 
tier perfectionne  son  art  à  l'aide  du  tour.  La  fabrication 
des  instruments  devient  une  profession.  L'échange  s'établit 
et  avec  lui  le  commerce.  L'art  commence  à  s'exprimer  par 
des  rayures  diverses,  par  l'incrustation  et  par  la  gravure 
sur  pierre.  Les  autels  nous  font  voir  qu'il  est  des  dieux 
dont  il  faut  rechercher  la  faveur  ou  apaiser  la  colère  par 
des  offrandes  ou  des  sacrifices.  L'exercice  de  professions 
et  les  tombeaux  de  familles  ne  peuvent  provenir  que  de 
populations  qui  ont  renoncé  à  la  vie  nomade.  L'élévation 
des  monuments  et  les  dimensions  des  matériaux  employés 
sont  d'un  âge  où  la  grandeur  consiste  dans  la  force  du  bras. 
Enfin  la  dépouille  mortelle  de  l'homme,  déposé  dans  le 
sein  de  la  mère  universelle  du  genre  humain  dans  l'attitude 
de  l'embryon,  nous  paraît  révéler  la  foi  à  une  vie  à  venir 
et  même  à  la  résurrection  des  corps.  Tels  sont  les  résul- 
tats que  l'étude  des  antiquités  permet  d'offrir  à  l'histoire 
sur  un  âge  qui  semblait  n'ouvrir  de  champ  qu'aux  conjec- 
tures. 


AOB   DE    LA    PI  BURE.  101 

On  a  pu  juger  de  l'analogie  frappante  que  présenleni 
tous  ces  débris  de  l'âge  primitif,  soit  en  Europe,  soit  dans 
le  nord  de  TAmérique.  Conclurons-nous  qu'ils  provien- 
nent du  même  peuple?  Cette  identité  sera-t-elle  suffisante 
pour  proufer  que  tons  ont  puisé  au  même  point  et  i  la 
même  source?  La  reproduction  de  certains  faits  parait  ré- 
véler une  origine  commune,  mais  il  en  est  d'autres  dont 
la  parité  tient  à  une  autre  raison.  Les  habitants  du  nord 
de  TEurope  et  du  nord  de  l'Amérique  doivent  avoir  eu  le 
même  point  de  départ,  l'Asie.  Ceux  du  midi  de  l'Europe 
sont  déjà  moins  faciles  à  déterminer  et  ne  lardent  pas  à 
subir  l'influence  de  l'Asie  mineure  et  de  l'Egypte.  Si  l'on 
connaissait  mieux  les  temps  primitifs  de  l'Egypte,  je  n'ai 
aucun  doute  qu'on  ne  trouvât  des  rapports  surprenants 
avec  le  nord.  Les  pyramides  ne  sont  qu'une  modification 
des  cairns.  Parfois  les  momies  sont  recouvertes  de  feuilles 
en  or,  comme  les  squelettes  des  tomt)eaux  de  la  Haute- Asie. 
Le  papyrus,  déposé  dans  le  sarcophage,  est  encore  repro- 
duit de  nos  jours,  en  Russie,  par  le  passe-port  des  morts. 
Le  prêtre  égyptien,  de  même  que  le  peuple  juif  dans  cer- 
tains usages  du  culte*,  se  servait  de  couteaux  eu  silex  de  la 
forme  de  ceux  du  nord.  S'il  était  possible  de  faire  une 
étude  complète  des  commencements  des  divers  peuples 
qui  se  sont  répandus  sur  la  terre,  on  verrait  que  ce  qu'on 
prend  souvent  pour  les  traits  caractéristiques  d'un  seul 

*  Jmuc.  ch.  Y,  V.  t,  S.  Les  Iraducliont  françaitat  disent:  couteaux  treo- 
chaoïA  au  lieu  de  couteaux  de  pierre.  Il  y  a  Q^'IjC  P^S'^H  (ebarevolh 
lMiriiD)cbarevoih,  plunel  de  3"^n  f-  f»*diua,  et  Uênm,  plur.  de  "^ISf 
laptt.  filex  (  au  plur.  mpet,  roebert).  Les  Septante  ont  tradnit  pftx*"^ 
rtr^rmi-  ■  >k»te  de  M.  L^uia  Monatlier.) 


102  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

peuple,  ou  pour  uDe  influeDce  immédiate,  est  propre  à 
toute  l'humanité  à  son  berceau.  Nous  avons  dit  qu'il  est 
certains  faits  qui  révèlent  l'emprunt  à  une  source  com- 
mune. Dans  ce  nombre  nous  placerons  plusieurs  particula- 
rités relatives  à  la  sépulture:  l'attitude  de  l'embryon,  la 
forme  analogue  des  salles  et  les  mêmes  arrangements  des 
piliers  à  l'extérieur  du  tumulus.  Ces  usages  se  répandent 
dans  des  directions  diverses,  et,  selon  les  circonstances, 
survivent  plus  ou  moins  longtemps.  Mais  pour  ce  qui  est 
de  la  forme  des  instruments,  produits  de  la  nécessité,  Ta- 
nalogie  tient  à  une  raison  dont  l'explication  demande 
quelques  développements. 

Des  antiquaires  ont  avancé  que  l'identité  des  formes  dé- 
signe un  même  peuple  ou  l'emprunt  à  une  source  com- 
mune. Il  nous  suffira  de  présenter  quelques  faits  pour  ré- 
futer cette  manière  de  voir.  Les  pointes  de  flèches  en  pierre 
de  Ja  forme  d'un  triangle  ou  d'un  cœur  allongé  sont  les 
mêmes,  non-seulement  dans  les  anciens  tombeaux  de  l'Eu- 
rope et  du  nord  de  l'Amérique,  mais  encore  dans  le  Japon 
et  chez  les  peuples  modernes  de  la  nouvelle  Zélande.  Les 
mêmes  pièces  munies  d'une  pointe  destinée  à  entrer  dans 
la  hampe,  se  retrouvent  en  Europe,  dans  le  Japon  et  dans 
le  Mexique.  Une  forme  plus  compliquée,  échancrée  sur  les 
bords  pour  donner  à  la  ligature  plus  de  solidité,  est  com- 
mune à  la  Suède,  au  Mexique  et  à  la  Californie.  Les  coins 
ou  haches  en  pierre  sont  encore  identiques  en  Europe, 
dans  le  Mexique,  dans  la  terre  de  Feu  et  dans  les  iles  de  la 
mer  du  Sud. 

Il  serait  facile  de  multiplier  ces  rapprochements,  mais 
ceux-ci  suffisent  pour  prouver  que  celte  analogie  de  for- 
mes chez  des  peuples  si  éloignés  les  uns  des  autres,  soit 


AGE    DE    LA    PIERRE.  iOo 

par  l'espace,  soit  par  le  temps,  ne  peut  provenir  ni  d'une 
même  population,  ni  d'un  emprunta  une  source  commune. 
Il  n'est  pas  moins  intéressant  de  rechercher  les  premiers 
essais  de  l'art  chez  les  peuples  de  l'antiquité  et  de  les 
rapprocher  des  productions  des  sauvages.  L'idée  du  beau, 
chez  les  uns  et  chez  les  autres,  s'exprime  par  des  orne- 
ments tout  pareils.  Au  début,  on  retrouve  constamment  la 
ligne  droite  ou  brisée,  les  hachures,  le  pointillage,  sur  tou- 
tes les  matières  qui  se  prêtent  à  ce  genre  de  gravure.  Peu 
après,  la  main  plus  flexible,  s'essaie  à  reproduire  des 
lignes  ondulées  et  des  disques.  Les  entrelacs  viennent  plus 
tard,  et  il  se  passe  un  temps  assez  long  avant  que  l'artiste 
tente  de  reproduire  la  nature  animée.  Le  beau  consiste 
d'abord  dans  l'ornementation  de  détail,  et  lorsqu'il  s'élève 
à  l'ensemble  des  formes,  aux  contours  ondulés  avec  grâce 
ou  noblesse,  le  peuple  qui  l'aura  conçu  de  cette  manière 
n'est  plus  un  peuple  barbare. 

Après  les  faits  que  nous  venons  de  présenter,  nous  ne 
pouvons  expliquer  ces  rapports  que  par  l'unité  de  l'esprit 
humaiik  C'est  pour  avoir  négligé  l'étude  de  l'ensemble 
qu'on  établit  trop  souvent  entre  deux  points  isolés,  déta- 
chés du  tout,  des  rapports  immédiats  de  parenté  ou  d'in- 
fluence. Les  faits  prennent  une  autre  signification  quand 
on  généralise  ces  recherches  et  qu'on  tend  vers  le  point  de 
départ.  Dès  que  les  peuples,  dans  leur  état  d'enfance,  in- 
dépendamment des  lieux  et  des  temps,  présentent  la  même 
manière  de  faire,  nous  devons  reconnaître  qu'il  y  a  chez 
eux  unité  d'esprit,  communauté  d'origine,  en  un  mot:  un 
seul  Adam,  une  seule  espèce. 

En  jetant  un  dernier  coup  d'oeil  sur  cette  période,  les 
différentes  voies  parcourues  nous  reportent  toutes  dans 


404  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITB. 

l'iDiérieur  de  l'Asie.  De  là.  des  familles  s'acheminent  dans 
des  directions  opposées.  Elles  conservent  du  lieu  de  leur 
départ  des  pratiques  religieuses,  qui,  introduites  par 
l'homme,  doivent  être  aussi  modifiées  par  les  hommes.  Les 
besoins,  à  peu  près  les  mêmes,  sont  satisfaits  de  la  même 
manière.  Arrivées  en  des  lieux  divers,  ces  familles  devien- 
nent peuples.  Ces  peuples  s'isolent  ou  subissent  des  in- 
fluences réciproques  qui  bâtent  leur  développement.  Ils 
grandissent  et  s'individualisent.  Le  genre  de  vie  et  l'in- 
fluence des  climats  réagissent  sur  eux.  Les  races  se  for- 
ment ;  les  unes  dégénèrent  ;  mais  toutes  portent  l'em- 
preinte d'une  origine  commune. 


II 

AGE    DE  TRANSITION 

DK  LA  PREMIÈRE  A  LA  SECONDE  PÉRIODE. 


Il  est  des  découvertes  destinées  à  agir  puissamment  sur 
l'humanité.  L'histoire  moderne  nous  en  offre  plus  d'un 
exemple.  L'époque  à  laquelle  nous  sommes  arrivés  pré- 
sente aussi  une  grande  et  importante  découverte  pour 
les  anciens  peuples  de  l'Europe,  nous  voulons  parler  de 
celle  du  métal.  Au  lieu  de  la  pierre  qui  ne  pouvait  être 
travaillée  que  par  la  pierre,  ils  se  virent  enrichis  d'une 
matière  nouvelle,  qui  leur  permit  de  se  procurer  de  nou- 
veaux instruments,  à  Faide  desquels  ils  purent  faire  plus 
et  mieux,  satisfaire  à  de  nouveaux  besoins,  et  se  créer  un 


AGC    DK   TRANSITION.  lOK 

nouveau  genre  de  vie.  Si  Ton  se  rappelle  le  temps  et  la 
patience  qu*exigeait  la  fabrication  des  instruments  en 
pierre,  et  combien  ils  étaient  défectueux  pour  tout  travail 
un  peu  considérable,  on  ne  peut  douter  du  prix  du  métal 
qui  présenta  un  tranchant  plus  vif  et  moins  fragile,  dés 
qu*on  parvint  à  connaître  la  trempe  et  Talliage. 

Quant  i  la  manière  dont  le  métal  fut  introduit,  nous 
devrons  encore  laisser  parler  les  faits,  seules  données  que 
nous  possédions  à  cet  égard.  Leur  observation  nous  sera 
surtout  importante  pour  apprécier  les  jugements  de  la  plu- 
part des  archéologues  du  nord  de  TÂIIemagne.  Ils  affirment 
généralement  que  le  bronze,  introduit  exclusivement  par  un 
nouveau  flot  de  peuples,  devint,  pour  ainsi  dire,  instantané- 
ment d'un  usage  général.  La  population  primitive,  détruite 
ou  soumise  à  Tétat  d'esclavage,  disparaît  ou  reçoit  le  mé- 
tal. Quelques-uns  vont  même  jusqu'à  nier  la  possibilité 
de  trouver  réunis  dans  la  même  tombe  la  pierre  et  le 
bronze,  qui  n'auraient  ainsi  jamais  été  employés  en  même 
temps,  dans  le  même  pays.  En  un  mot,  ils  tracent  une 
profonde  ligne  de  démarcation  ;  ils  arrivent  à  une  véri- 
table fin  de  chapitre,  comme  on  en  trouve  souvent  dans  les 
livres,  mais  bien  rarement  dans  Thistoire. 

Au  premier  coup  d  œil,  cette  opinion  n'est  cependant 
pas  sans  quelque  vraisemblance,  car  il  est  en  effet  uu  grand 
nombre  de  tombeaux  dans  lesquels  on  ne  trouve  que  la 
pierre  ou  le  bronze  seulement,  mais  en  examinant  de  plus 
prés,  on  finit  par  trouver  un  âge  de  transition  qui  passe 
ordinairement  inaperçu.  Une  grande  révolution  parait 
s*être  opéré«5  à  cette  époque,  surtout  dans  le  nord  de 
l'Europe.  De  nouveaux  peuples  ont  fait  invasion.  Une  lutte 
s*engage.  Les  vaincus  sont  repoussés  dans  l'intérieur  des 


106  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

terres.  Plus  la  scène  se  remplit  et  s'agite,  plus  nous  de- 
vons chercher  à  nous  entourer  de  données  certaines  :  dans 
ce  but,  nous  allons  recueillir  des  faits  dont  nous  aurons 
plus  tard  à  rechercher  la  signification. 

Les  mines  de  la  Sibérie,  si  riches  de  nos  jours,  ont  été 
explorées  dès  la  plus  haute  antiquité.  Les  emplacements 
de  plusieurs,  abandonnés  très  anciennement,  sont  encore 
reconnaissables  par  les  scories  répandues  sur  le  sol,  et 
sont  souvent  exploités  de  nouveau.  Il  n'est  pas  rare  d'y 
retrouver  les  instruments  des  anciens  mineurs.  Dans  une 
de  ces  mines  abandonnées,  étaient  des  coins  grossiers  et 
une  espèce  de  hache  en  roche  serpentineuse,  conservés 
dans  la  bibliothèque  impériale  de  Saint-Pétersbourg.  Em- 
ployés à  détacher  le  minerai,  ces  instruments  appartien- 
nent à  un  âge  où  le  métal,  encore  rare,  n'avait  pas  rem- 
placé d'une  manière  générale  la  matière  première.  Ce  fait 
nous  apprend,  en  outre,  que  la  Sibérie  fut  l'une  des  con- 
trées d'où  l'on  tira  d'abord  le  métal  *. 

M.  Niisson  a  découvert  en  Scanie,  dans  le  midi  de  la 
Suède,  une  trentaine  de  tombes,  formées  de  cercueils  en 
pierre,  déposés  dans  la  terre  comme  dans  un  cimetière. 
Je  ne  puis  dire  si  les  morts  avaient  été  étendus  ou  accrou- 
pis, mais  ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  les  armes  étaient 
en  silex  et  en  os.  Un  crâne  était  traversé  d'une  pointe  en 
os  ',  encore  attenante,  des  bracelets  en  bronze  ornaient 
les  avant-bras  de  ces  mêmes  squelettes. 

Dans  la  collection  publique  de  Greifeswald  est  un  coin 

*  On  ne  comprendrait  pas  la  présence  de  ces  instruments  à  une  grande 
profondeur  dans  la  terre,  laissés  ou  perdus  là  lors  de  l'exploration  des  filons, 
sans  une  destination  de  cette  nature. 

*  Cette  pointe  avait  été  formée  d'une  pointe  d'un  bois  de  cerf. 


AGf.    DB   TRANSITION.  407 

en  pierre  entouré  en  partie  d*une  spirale  en  bronze  qoi 
avait  évidemment  servi  de  ligalare  pour  le  fixer  à  la  hampe. 
—  En  Poméranie,  on  a  quelquefois  recueilli  dans  les 
grandes  salles  de  l'âge  primitif  des  restes  de  fer  à  côté 
d*instruments  en  pierre  '.  Le  même  fait  a  été  observé  dans 
le  dnrhé  de  Mecklembofirg-Schwerin,  où  M.  le  IK  Lisch 
a  aussi  retrouvé,  à  côté  de  la  pierre,  quelques  rares  objets 
en  cuivre,  qui,  soumis  à  Tanalyse  chimique,  donnent  le 
cuivre  pur  sans  aucun  alliage. 

Les  environs  de  Halle  et  les  bords  de  la  Saaie  possèdent 
plusieurs  tombeaux  de  cet 'âge  de  transition.  Près  d'Osen- 
darf,  à  une  lieue  de  Halle,  est  un  terrain  sablonneux,  dans 
lequel  on  trouve  beaucoup  de  squelettes,  la  plupart  re- 
ployés,  avec  des  vases  d'argile,  des  instruments  en  pierre, 
des  broches  et  des  spirales  en  métal  '.  Sur  le  mont  de 
BoUendorf  (près  de  Querfurt,  district  de  Mersburg)  les 
plus  grands  tumuli  ont  reçu  plusieurs  morts  dont  les  sque 
lettes,  étendus  sur  le  dos.  reposent  dans  des  espèces  de 
caveaux.  Ils  étaient  accompagnés  de  vases  noirs,  rougeâ- 
très  ou  hruns,  plus  ou  moins  ornés,  de  couteaux  en  silex, 
de  deux  haches  en  pierre  percées,  de  quelques  bagues  en 
cuivre  et  d'un  bracelet  du  même  métal,  entrouvert  et  orné 
de  lignes  gravées. 

Dans  un  tombeau  de  Damsiedl  *  (bailliage  de  Schraplau. 
district  de  Merseburg)  était  un  grand  squelette  avec  des 


*  r.Mfiinuniration  de  M.  le  profenêeur  I..  ffietebrecht,  à  Stetiin. 

*  kefenlein  «lit  d'arf^nt.  te  fait  e«t  4  contUler,  tu  qoe  Tarfent  n'a  pas 
*l*  remarque,  que  je  «ache,  à  celle  époque 

*  O  lombean  était  couvert  de  dalles  lonfuea  de  S  pied»,  larfet  de  S.  et 
épaisae*  tle  1  pied.  Il  éuit  formé  de  plutieurt  dalle»  baulet  de  4  péeda  et 
foriei  de  4  piiucet.  Sme  Mittk.  von  Hêlk,  t*  vol.,  t«  cah..  paf .  116. 


108  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITE. 

vases,  un  beau  couteau  en  silex  de  6  pouces  de  long,  une 
hache,  un  coin  en  pierre  verte,  et  un  bracelet  en  bronze. 
Au  fond  de  la  tombe  reposait  la  tête  d'un  petit  chien,  entre 
deux  pierres  plates. 

Un  tumulus  de  Weissenfels,  près  de  Mersebourg,  re- 
couvrait une  salle  plus  étroite  à  une  extrémité  qu'à  l'autre. 
Vers  la  partie  la  moins  large,  était  une  espèce  d'anticham- 
br<^  triangulaire.  Ce  tombeau  contenait  des  vases  d'argile, 
un  couteau  et  une  pointe  de  trait  en  silex,  des  os  de  sou- 
ris et  une  épingle  en  cuivre  *. 

Sur  le  chemin  de  Halle  à  Dœlau  on  a  ouvert  un  caveau 
long  de  7  pieds,  large  de  quatre,  dans  lequel  se  trouvaient 
des  vases  dont  les  lignes  en  creux  étaient  remplies  de  ma- 
tière blanche,  un  couteau  en  silex  et  une  bouteille  en 
verre  dont  la  forme  était  celle  d'une  petite  citrouille  *.  — 
Dans  une  colline,  près  de  Rossleben,  un  tombeau  de  5 
pieds  de  long  sur  2  de  large,  contenait  des  ossements,  des 
tubes  brun-foncé  en  verre  en  décomposition,  et  une  grande 
coquille:  la  conque  de  Vénus  ou  Margaritifera  '.  —  Encore 
dans  les  environs  de  Halle,  sur  le  versant  méridional  du 
mont  de  Petersberg,  on  voit  plusieurs  tumuli  peu  élevés. 
L'un  recouvrait  une  caisse  en  dalles,  longue  de  3  pieds  et 
demi,  large  et  profonde  d'un  pied  et  trois  quart  seule- 
ment. Auprès  du  squelette  reployé,  étaient  répandus  au 
delà  de  250  petits  disques  en  nacre.  La  plupart  n'avaient 
que  3  à  4  lignes  de  diamètre,  et  quelques-uns  près  d'un 
pouce.  Trois  étaient  percés  d'un  trou  au  milieu,  20  pièces 
de  nacre,  également  percées,  étaient  taillées  en  forme  de 

*  Dictionnaire  de  Wagener. 

*  Keferstein  pag.  24. 

'  Kruse,  Deutsch-AH.  tom.  I,  cah.  S,  pag.  87  et  suiv. 


AGK    DE   TRANSITION.  409 

deoU,  et  accompagnées  de  30  dents  de  cochon.  Une  pe- 
tite pierre  percée  parait  avoir  servi  d*amulette.  ainsi  que 
les  pièces  précédentes.  Enfin,  des  grains  de  colliers  étaient 
formés  de  lamelles  de  enivre  enroulées  en  spirale  '. 

Diaprés  le  npport  de  de  Caumont,  des  objets  en  cuivre 
se  sont  aussi  trouvés  plus  d*une  fois  avec  les  instruments 
en  pierre  des  anciens  tumuli  de  la  France. 

Les  tombeaux  que  nous  venons  d'examiner  présentent 
l'introduction  de  quelques  matières  étrangères  à  la  pre- 
mière période  ;  mais  ces  débris,  en  métal  ou  en  verre,  se 
montrent  là  comme  une  exception  à  la  manière  de  faire 
générale.  Nous  allons  voir  qu'à  mesure  que  le  métal  s'in- 
troduit, la  pierre  devient  à  son  tour  l'exception,  et  ne 
parait  plus  que  comme  la  survivance  d'anciens  usages*. 

Dans  le  midi  de  la  Suède,  surtout  en  Scanie,  on  trouve 
fréquemment  avec  les  armes  en  bronze,  des  pointes  en 
silex  Uni'  découverte  de  ce  genre  faite  à  deux  lieues  de 
CitfH^ihatjue  \  il  N  a  environ  trois  ans,  mérite  d  être  men- 
tionnée. La  colline  recouvrait  un  cercueil  en  dalles,  long 

*  Kru««.  UtutKk'AU.  tom.  Il,  cab.  6,  ptf .  97,  pi.  III.  Bien  qu'il  n*y  ail  p<a 
4'io«truinenU  eo  pierre,  oi  d'arinei,  daiu  ce  tombeau,  iJ  ne  le  rallacbe  pat 
moins  3k\x\  temps  priiiiilift  par  la  po«itioo  des  squelettes,  qui  est  celle  de  l'eiu- 
briun.  (Uni  ce  cercueil  de  3  piedi  et  demi  de  long,  comme  ceus  de  Pierre-â- 
Portai  Quant  à  la  position  donnée  par  les  arcbéolofuea  allemands  à  cet  sque- 
lelt«4.  elle  est  entièrement  d'imafi nation,  vu  qu'il  est  imposaible  qu'ils  aient 
retrouve  let  squelettes  dans  l'attitude  qu'ils  leur  donnent.  Ils  ont  retrouvé 
un  amas  d'ossements,  ils  les  ont  rajustés  à  plaisir 

—  Voir  la  decou%erte  d«*  MeUen  sur  le  lac  de  Zuricb,  en  1854. 

*  Voir  la  décou«erte  à'Ehenberg  de  1851,  publiée  en  185idaos  le  tom.  VI' 
des  yttlh  ron  lunrh  Deut  petit»  coins  en  serpentine,  une  pointe  en  ot,  un 
croissant  en  pierre,  avec  un  couteau  et  des  épingles  en  bronae,  de  nombreu- 
ses poteries    Absence  «le  fer 

*  lijn«  un  chaïup  de  Hvideyarden,  prés  de  Lyngby 


110  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

de  6  pieds  sur  2  de  large.  Dans  rîDtérieur  se  trouvait  une 
peau  de  cerf,  sur  laquelle  reposait  un  drap  eu  laine  qui 
enveloppait  les  os  du  mort,  calcinés  par  le  feu,  et  les  objets 
dont  on  l'avait  accompagné.  De  ce  nombre  était  une  épée 
en  bronze  avec  un  fourreau  de  cuir,  une  broche  et  une 
espèce  de  trousse  en  cuir,  qui  conlenait  deux  couteaux  en 
bronze,  des  pincettes  du  même  métal,  une  pointe  en  silex, 
une  queue  de  lézard,  une  griffe  de  faucon  et  une  tête  de 
souris.  On  ne  peut  admettre  que  ces  derniers  ossements 
aient  été  déposés  là  sans  qu'il  s'y  rattachât  quelque  idée 
superstitieuse  ^  De  nos  jours  encore,  dans  le  Jura  neu- 
cbàtelois,  on  voit  parfois  des  paysans  courir  dans  les 
champs  pour  chercher  une  souris,  qu'il  faut  saisir  vivante. 
Après  la  capture,  ils  coupent  avec  les  dents  la  tête  de  la 
souris,  qu'ils  placent  dans  un  petit  sac,  et  portent  suspen- 
due sur  la  poitrine,  dans  le  but  de  se  préserver  du  rhu- 
matisme. L'antiquité  et  les  temps  modernes  sont  pleins  de 
superstitions  qui  se  reproduisent  les  mêmes,  indépendam- 
ment des  temps  et  des  lieux. 

Un  pointe  de  lance  en  silex  a  été  trouvée  dans  les  envi- 
rons de  Stettin,  avec  un  collier  en  bronze  dont  le  travail 
appartient  à  un  âge  qui  possédait  des  connaissances  mé- 
tallurgiques. 

Dans  le  cercle  de  Salzwedel,  entre  Thûritz  et  Zethlingen, 
sont  plusieurs  tumuli,  dont  l'un,  haut  de  10  pieds,  repo- 


*  Cette  découverte  appartient  évidemment  en  plein  à  la  période  du  bronze, 
mais  je  la  mentionne  ici  comme  une  preuve  de  la  survivance  de  la  pierre  à 
un  âge  où  l'usage  n'en  est  plus  général.  La  pierre,  et  même  les  haches  per- 
cées, dit  Sortenip,  ne  sont  pas  rares  en  Danemark  avec  les  armes  en  bronze, 
on  les  trouve  même  avec  le  fer,  tandis  que  d'après  Nilsson,  cela  n'a  pas  lieu 
en  Scanie. 


A6K    DE   TRANSITION.  144 

sait  sur  un  ca?eau  long  de  7,  large  de  A  et  haut  de  A.  Une 
dalle  de  granit  divisait  Tintérieuren  deux  parties  inégales. 
Les  compartiments  contenaient  14  ?ases  en  argile,  dont 
trois  seulement  étaient  des  nrnes  remplies  de  cendres  hu- 
maines, au  milieu  desquelles  se  trouvaient  A  anneaux  de 
cuif  re,  des  plaques  et  fragments  du  même  métal,  une  ai- 
guille en  os  longue  de  A  pouces,  et  un  marteau  de  grès 
feuilleté  percé  d'un  trou'. 

On  a  découvert  dans  la  contrée  de  Mehldorf*  avec  des 
vases  des  épées,  des  pointes  de  lance  et  des  traits  en 
bronze,  des  marteaux  de  grés,  des  coins,  des  poignards, 
des  couteaux  et  des  pointes  de  lance  en  silex  :  quelques- 
uns  de  ces  objets  sont  polis. 

Dans  plusieurs  retranchements  en  terre,  que  nous  au- 
rons à  étudier  dans  la  suite,  on  trouve  réunis  des  instru- 
ments en  pierre,  en  bronze  et  même  en  fer:  Ainsi  à  GoU- 
sen  ^  en  Lusace,  et  à  Grimsleben*  d^ns  le  duché  de  Côthen. 

En  Bohême,  près  de  la  ville  de  Schlan,  est  un  cimetière 
de  l'âge  païen,  d'une  étendue  considérable.  Dans  une  de 
ses  tombes  on  trouva  plusieurs  vases  en  argile,  un  coin  et 
un  marteau  en  pierre,  une  pointe  de  trait  en  métal  ',  des 
os  dhommes  et  d'animaux,  et  un  bois  de  cerf*. 

Non  loin  de  Sûisheim  dans  le  Grand-duché  de  Baden, 
des  instruments  en  pierre  accompagnent  aussi  des  armes 
en  métaP. 

«  Se  têt  Mtith.  von  Halle,  t*  vol.  S*  et  4*  Câh.  ptf .  S4i->SS4. 

*  .»yf  l/illA.  von  Halle,  1*  vol.  1'  cab.  ptf .  149. 

*  Seue  l/M/A.  ton  Halle.  8*  vol.  t*  cah.  paf .  ti-tS. 

*  Keferttein,  paf .  4. 

'  La  noijce  ne  dit  pas  quel  métal. 

*  Seué  Hilth   Tun  Halle,  tom.  VI.  cmh.  I,  paf.  IM. 
^  Comnunication  de  M.  Wilholiiii. 


m  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

Ces  faits  suffisent  pour  constater  dans  le  nord  la  fusion 
du  i^^  âge  dans  la  2«  période.  Dans  le  midi,  le  manque  d'ex- 
plorations  ne  permet  pas  de  saisir  tous  ces  degrés  de  déve- 
loppement, cependant  il  est  curieux  de  retrouver  chez  les 
anciens  Egyptiens  des  flèches  et  javelines  en  bois,  armées 
de  pointes  en  bronze,  avec  des  traits  armés  en  os  ou  en  si- 
lex*. Le  même  fait  se  reproduit  en  Amérique,  où  les  Péru- 
viens,  après  avoir  atteint  un  haut  degré  de  culture,  conti- 
nuent à  déposer  dans  leurs  tombes  des  marteaux  en  pierre 
au  milieu  d'objets  en  métal,  d'étoffes  et  de  quipos. 

Nous  voyons  d'après  ce  qui  précède  qu'il  est  un  moment 
où  le  métal,  rare  d'abord,  parait  à  côté  des  instruments 
primitifs,  puis  ceux-ci  deviennent  l'exception  au  milieu 
d'objets  en  bronze. 


Introduction  du  métal. 

Une  question  se  présente  ici  :  c'est  de  savoir  de  quelle 
manière  le  métal  fut  introduit.  Les  anciens  habitants  de 
l'Europe  peuvent  avoir  découvert  les  moyens  de  tirer  parti 
des  mines  du  nord,  soit  fortuitement,  ce  qui  est  le  cas  de 
plus  d  une  grande  découverte,  soit  en  cherchant  à  s'ap- 
proprier pour  leurs  instruments  une  matière  préférable  à 
l'os  et  à  la  pierre.  Cependant,  à  en  juger  par  les  faits,  il 
est  plus  vraisemblable  que  l'art  des  mines  leur  fut  com- 
muniqué par  de  nouvelles  familles  venues  d'Orient.  Â 
l'époque  à  laquelle  nous  sommes  arrivés,  le  passage  d'o- 
rient à  occident  ne  présente  plus  les  difficultés  des  pre- 

I  Egypte  ancienne^  par  GhainpoIlion-Fi|^ac  (Collecl.  de  V Univers)^  pag.  167. 


AGK   DK   TRANSITION.  413 

miers  voyages  d'exploration.  Le  loDg  des  fleuves  et  des 
mers,  les  voyageurs  reDCOOtrent  des  habitauts  dout  Thos- 
piialité  ne  peut  être  mise  eu  doute»  aussi  longtemps  que 
rétranger  ne  se  présente  pas  en  ennemi  ou  en  conquérant. 
Les  ornements  et  les  armes  apportés  de  Torient  durent 
frapper  ceux  qui  en  ignoraient  la  matière.  Ils  s'enquirent 
des  moyens  de  se  les  procurer  et  tentèrent  l'exploitation  des 
mines.  Ce  que  nous  avançons,  loin  d*étre  une  pure  con- 
jecture, ressort  des  découvertes  que  nous  avons  décrites. 
Les  rares  objets  en  fer  trouvés  dans  les  tombeaux  primi- 
tifs ne  peuvent  être  envisagés  que  comme  une  importa- 
tion. S*ils  étaient  un  produit  de  l'occident,  nous  ne  tarde- 
rions pas  à  les  retrouver  plus  nombreux  ;  mais  loin  de  là, 
ils  disparaissent  entièrement  durant  plusieurs  siècles.  La 
même  observation  doit  être  faite  k  propos  des  tubes  et  de 
la  petite  bouteille  en  verre  dont  nous  avons  parlé,  et  qu'on 
ne  peut  envisager  comme  un  produit  de  l'art  indigène. 
D'autre  part,  on  ne  peut  mettre  en  doute  que  le  verre  n'ait 
été  connu  en  orient  à  l'âge  qui  nous  occupe,  si  l'on  se 
rappelle  qu'il  se  retrouve  dans  les  plus  anciens  tombeaux 
égyptiens.  Comme  le  fer,  le  verre  reste  longtemps  avant 
de  reparaître  dans  le  nord  de  l'Europe,  ou  il  est  apporté 
de  nouveau  par  le  commerce.  Cette  importation  devient 
encore  plus  frappante  par  la  découverte  de  la  coquille 
Margaritifera.  à  Rossieben,  et  des  disques  en  nacre  de 
Petersberg.  Le  coquillage  dont  on  tire  les  perles  se  trouve, 
il  est  vrai,  dans  plusieurs  mers;  cependant  les  bancs  les 
plus  riches  sont  dans  la  mer  des  Indes  et,  dés  la  plus 
haute  antiquité,  les  Orientaux  s'en  firent  un  objet  de  pa- 
rure, tandis  que  nous  ne  connaissons  rien  de  pareil  dans 
Tancienne  Europe.  Quant  à  la  nacre,  elle  se  tire  de  mol- 

mtm.  KT  »ocni.  xit.  • 


iili  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

lusques,  doDt  les  espèces  principales  existent  surtout  sur 
les  côtes  de  l'Amérique  du  Nord,  dans  la  mer  des  Indes, 
dans  le  golfe  Persique  et  dans  la  mer  Rouge.  S'il  est  dif- 
ficile d'indiquer  avec  précision  le  point  d&  départ,  il  n'en 
est  pas  moins  évident  que  l'importation  a  eu  lieu  d'orient 
en  occident.  —  Nous  avons  dit  que  les  indigènes,  à  la  vue 
des  objets  importés,  tentèrent  l'exploitation  des  mines. 
Sans  nous  arrêter  à  la  découverte  mentionnée  d'instru- 
ments en  pierre  dans  une  ancienne  mine  de  la  Sibérie, 
nous  ferons  observer  que  les  objets  en  cuivre  déposés 
dans  les  tombeaux  primitifs,  dans  les  salles  spacieuses  ou 
dans  les  cercueils  cubiques,  présentent  tous  les  caractères 
d'un  premier  essai  de  l'art  métallurgique.  Ce  sont  des 
épingles  massives,  des  anneaux  divers  ou  des  spirales. 
Le  cuivre  n'est  à  peu  près  employé  que  pour  les  orne- 
ments. Soumis  à  Tanalyse  chimique,  il  ne  présente  aucun 
atome  d'un  alliage  artificiel  *.  Quant  aux  pièces  en  bronze 
qui  purent  être  importées  d'Asie,  il  est  difficile  de  les  dis- 
tinguer de  celles  de  l'âge  suivant,  mais  on  ne  peut  attribuer 
à  l'Orient  ces  premiers  essais,  qui,  du  reste,  ne  tardent 
pas  à  se  perfectionner.  Le  mineur  parait  ainsi  être  resté 
en  Orient,  tandis  que  l'aventurier  apporte  le  métal  en  Eu- 
rope. Il  possède  les  instruments,  mais  il  ignore  les  procédés 
employés  à  leur  confection.  On  trouve  le  minerai  du  cuivre, 
mais  il  y  a  encore  à  découvrir  la  trempe  et  l'alliage,  seuls 
capables  de  donner  le  tranchant. 

On  se  demande  comment  il  arrive  que  le  bronze  ait  été 
préféré  au  fer,  métal  dont  les  anciens  ont  reconnu  la  su- 
périorité pour  les  instruments  tranchants.  Cette  préémi- 

*  Du  moins  d'après  les  relations  que  je  possède  à  cet  égard. 


AGe    DK   TRANSITION.  4t5 

neoce  du  bronze  est  ce|>endant  un  fait  constaté  dans  la 
plupart  des  pays  *.  On  ne  peut  en  révoquer  Tauthenticité, 
mais  il  faut  en  rechercher  la  raison.  Un  des  premiers  obs- 
tacles qui  dut  arrêter  dans  le  travail  du  fer,  est  la  dira- 
culté  d^obtenir  une  intensité  de  chaleur  suffisante  pour 
faire  entrer  le  minerai  en  fusion  '.  La  construction  des 
hauts  fourneaux  exige  des  connaissances  qui  manquaient 
sans  doute  à  c«tte  époque.  La  fusion  du  cuivre  ne  présente 
pas  les  mêmes  difficultés,  ce  métal  dut  être  exploré  le 
premier  \  D'autre  part,  les  anciens  ayant  commencé  par 
mouler  les  métaux,  bien  longtemps  avant  de  savoir  les 
marteler,  la  préférence  devait  être  donnée  au  cuivre,  qui 
se  prête  parfaitement  à  ce  procédé,  même  pour  des  ins- 
truments dune  très  grande  ténacité,  tandis  que  le  mou- 
lage ne  peut  être  appliqué  au  fer  que  pour  des  objets  d'un 

*  Il  efl  curieux  de  trouver  encore  au  pied  du  Caucase  un  peuple  dans  des 
cirrontUncet  pareilles.  Du  Boit,  dam  ion  Voyage  autour  du  CaueoMe^  tom.  Hl, 
paf .  16.  dit,  en  parlant  du  Souanetk  (au  nord  de  la  Minfrélie,  à  reti  de  la 
nurr  gloire)  :  •  Il  parait  qu'il  renferme  des  minet  de  plomb  et  de  cuiTre,  qut 
If^  Sooanet  tavent  fondre,  tandit  qu'ilt  tfnorent,  dit-on,  l'art  de  traiter  It 
fer  O^ant  à  Tor,  qui  de  tout  tempt  a  embelli  let  mytbet  de  la  Colchide,  et 
q«e  I  on  recueillait  alort  chet  let  Souanet,  il  parait  que  tout  cela  n'est  qna 
pore  Action,  (^en.  Il,  11.  le  Phiton,  c'ett  le  Pbaae.  • 

*  M.  Pache,  infénieur  des  minet,  me  dit  que  la  ftitioo  du  fer  t'obtieat 
antti  facilement  que  celle  de  cuivre  dant  let  timplet  foumeaui  placés  aa 
terre  ;  mais  ce  qui  ett  difficile,  c'ett  la  ftition  pour  séparer  let  alliafas  sa- 
tareb,  qui,  antti  lonftempt  qu'ilt  rattent  unit  aa  cuivra  oa  au  far,  an  res- 
dent  le  martelafe  impossible.  Da  U  la  priorité  du  moula  tar  la  martalafa  al 
la  priorité  du  cuivre  tur  le  fer,  parce  que  ce  damier  ne  sa  prête  pat  pour  da 
petit*  iottmmentt  et  qu'il  rette  toujours  trèt  cattant 

*  On  peut  objecter  que  le  bronie  et  la  fer  étaient  connut  an  Orient,  ea 
dernier  devrait  donc  avoir  été  importé  en  même  temps.  Malfré  l'objeetian, 
le  fait  de  la  priorité  du  bronxa  en  occident  n'en  subsista  pas  moins.  Dans 
lent  les  cas,  ce  n'est  pas  das  centres  de  dvilisation  qua  partant  las  mifra- 
tient,  qu'il  ne  Ikut  pat  canfondra  avae  las  ealanias. 


116  MONUMENTS    DE   l'aNTIQUITÉI. 

certain  volume  et  nullement  pour  des  lames  tranchantes. 
Le  fer  exige  le  martelage,  qui,  comme  nous  le  verrons, 
est  un  art  plus  avancé  que  celui  du  mouleur.  Bien  que  le 
fer  ait  été  connu  très  anciennement,  il  ne  fut  qu'assez  tard 
d'un  usage  général  en  Europe.  Pausanias  parle  de  la 
grande  difficulté  qu'avaient  les  Grecs  à  employer  ce  mé- 
tal S  et  Homère,  qui  décrit  les  armes  en  bronze  des  Grecs, 
mentionne  déjà  le  fer  comme  une  matière  d'une  très 
grande  dureté. 

Avant  que  l'usage  du  cuivre  soit  devenu  général,  il  a 
dû  servir  à  perfectionner  la  fabrication  des  instruments 
en  pierre.  Cette  idée,  repoussée  par  plusieurs  archéo- 
logues, prend  cependant  le  caractère  de  la  certitude  si  l'on 
tient  compte  des  faits.  Dans  le  lieu  de  fabrique  d'instru- 
ments en  pierre,  à  Golssen  se  trouvaient  déjà  plusieurs 
instruments  en  métal.  —  Â  Pragtie,  on  voit  dans  les  col- 
lections du  musée  national  et  de  M.  le  baron  de  Neuberg 
des  haches  en  basait  et  en  serpentine  qui  ont  été  décou- 
vertes avec  de  petits  cylindres  de  la  même  matière.  En 
examinant  ces  pièces  de  plus  près,  il  est  facile  de  se  con- 
vaincre que  ces  cylindres  ont  été  enlevés  des  haches  qui 
les  accompagnaient.  En  les  replaçant  dans  les  trous  des- 
tinés à  la  hampe,  ils  présentent  la  continuation  des  veines 
de  la  pierre;  leur  longueur,  à  moins  qu'ils  n'aient  été 
cassés,  donne  la  mesure  exacte  de  l'épaisseur  de  la  hache; 
et  leur  diamètre  est  un  peu  moins  grand  que  celui  de 

*  Dans  le  liv.  III,  chap.  iS,  sur  la  fin,  Pauaanias  dit  que  Théodore  de  Sa- 
moa, qai  vivait  700  ans  avant  JésuB-Christ,  trouva  le  premier  Tart  de  fondre 
le  fer  et  d'en  faire  des  statues.  Tocvnjv  rnv  IxioSa  Bml^pcnj  roO  Zopioii  fttaa 
u»9u  maifta^  ôç  ir^ûroç  ^;irf0tt  ot^n/Bov  cv/m  x«i  àyôù^iiora  &fr*  ocùreG 
irXào'oc. 


AGB   DK   TlUNSITlon.  117 

Touverture.  —  Dans  les  collections  de  Berlin,  de  Schwerin, 
de  Copenhague  et  de  Stockholm^  on  coDsenre  des  bâches  en 
pierre  inachevées,  percées  à  moitié,  de  telle  sorte  que  le 
noyau  ou  cylindre  dont  nous  avons  parlé  n'est  détaché 
de  la  hache  que  sur  les  côtés,  par*  une  ligne  creuse  ou  rai- 
nure circulaire  qui  pénétre  plus  ou  moins  avant  dans  la 
pierre  '.  La  taille  de  ces  rainures,  dont  les  parois  sont  d'un 
grand  poli,  n'a  pu  être  faite  qu'à  l'aide  du  métal.  L'ouver- 
ture,  parfaitement  circulaire,  indique  l'emploi  d'un  ins* 
trument  qui  permettait  de  donner  à  ce  travail  plus  de 
précision  qu'avec  la  main.  La  manière  dont  on  confectionne 
de  nos  jours  certains  vases  en  pierre,  m'a  donné  l'explica- 
tion du  point  qui  nous  occupe.  Non  loin  de  Chiavennaz, 
on  travaille  encore  aujourd'hui  la  pierre  ollaire  d'après  on 
procédé  dont  la  simplicité  garantit  l'antiquité.  On  fixe  à 
l'axe  d'un  tour  le  bloc  qui  doit  être  creusé.  Une  fois  mis 
en  rotation,  il  tourne  en  présence  d'une  pointe  fixe  qui 
pratique  insensiblement  une  rainure  circulaire,  l'action  de  la 
pointe  est  facilitée  à  Taidede  l'eau  et  d'un  sable  siliceux.  De 
même  que  les  lames  de  nos  scieries  de  marbre,  ces  pointes 
doivent  être,  non  en  acier,  mais  d'un  fer  doux,  qui  peut 
sans  inconvénient  être  remplacé  par  le  cuivre.  Après  avoir 
obtenu  le  premier  vase,  on  en  fait  un  second  avec  le  noyau 
qui  vient  d*être  détaché,  puis  un  troisième,  et  ainsi  de 
suite,  autant  que  la  pierre  le  permet.  La  description  que 
Scheuchzer  donnait  de  ce  procédé  en  1708  répond  parfai- 
tement à  ce  qu'il  est  encore  aujourd'hui  *.  Nous  aurons  à 

*  Af«ei  ftouvent  le  noyau  Ml  caaaé  à  l'intémttr  du  Uoa.  Catt  probftbl*- 
ment  U  raifon  qui  a  oblifé  d*alMiiidotia«r  U  pièce,  par  la  dilBcullè  de  la  fliar 
aux  àxet  (lettinét  à  lui  donner  le  aHmvemeBt  de  rotation. 

•  /linrro  AlpéM,  tmel^e  Seketiikurû,  V  édition.  Londres,  ITft.  Tab.  II. 


448  MONUMENTS  DE  l' ANTIQUITÉ. 

ajouter  quelques  mots  sur  ce  sujet  à  propos  des  vases  en 
pierre  oUaire  qu'on  retrouve  dans  des  tombeaux  des  pre- 
miers siècles  de  notre  ère.  Ce  qui  précède  est  suffisant 
pour  montrer  comment  on  a  dû  percer  les  haches  en  pierre, 
de  manière  à  détacher  du  trou  les  petits  cylindres  décou- 
verts en  Bohème.  Deux  choses  étaient  donc  nécessaires  à 
la  taille  des  rainures  circulaires  :  le  métal  et  le  tour.  Le 
cuivre,  une  fois  connu,  a  été  employé  pour  la  pointe,  qui 
de  nos  jours  est  en  fer  doux.  Quant  au  tour,  nous  ne  devons 
pas  oublier  qu'étant  déjà  connu  du  potier,  il  a  pu  être 
facilement  utilisé  à  l'usage  que  nous  venons  de  lui  assi- 
gner. 

Un  fait  qui  vient  à  l'appui  de  notre  manière  de  voir, 
c'est  qu'on  n'a  pas  encore  découvert,  que  je  sache,  de 
haches  en  pierre  percées  dans  les  tombeaux  qui  portent 
le  caractère  de  la  plus  haute  antiquité,  tandis  qu'elles  se 
retrouvent  dans  l'âge  de  transition,  non-seulement  dans 
les  contrées  habitées  le  plus  anciennement,  mais  encore 
dans  celles  où  l'on  n'a  observé  jusqu'à  présent  aucun  tu- 
mulus  de  l'&ge  primitif.  —  Nous  avons  déjà  vu  que  des 
instruments  en  pierre  ont  été  découverts  avec  des  objets 
en  métal,  en  Bohême  et  dans  le  grand-duché  de  Baden. 
En  parcourant  les  collections  du  centre  et  du  midi  de 
TAIlemagne,  il  en  est  peu  qui  ne  possèdent  quelqu'un  de 
ces  instruments,  mais  ces  pièces  sont  essentiellement  le 
coin  ou  la  hache  percée.  L'absence  des  instruments  tels 
que  la  scie,  le  ciseau  et  même  le  poignard,  indique  qu'une 
autre  matière  était  employée  à  leur  confection.  L'absence 
des  plus  anciens  tumuli  témoigne  d'un  autre  âge.  D'autre 
part,  la  présence  de  ces  haches  dans  l'intérieur  des  terres, 
loin  des  grandes  eaux,  montre  qu*à  Tâge  de  transition  les 


AGK    DK   TRANSITION  U9 

populations  se  soDi  accrues  et  qu'elles  ont  pénétré  dans 
des  contrées  inexplorées  jusqu'à  ce  moment.  La  suite  nous 
dira  si  elles  ont  recherché  d'elles-mêmes  un  nouveau  sol, 
ou  si  elles  y  furent  repoussées  à  la  suite  d'une  lutte. 

Pour  constater  qu'une  contrée  a  été  habitée  dès  les 
temps  primitifs,  il  ne  suffli  donc  point  d'y  retrouver  des 
instruments  en  pierre.  Il  faut  tout  d'abord  s'assurer  s'ils 
proviennent  de  tombeaux  pareils  à  ceux  que  nous  avons 
décrits.  Ainsi,  pour  qu'une  découverte  ait  toute  sa  valeur, 
il  est  indispensable  de  n'en  négliger  aucun  détail.  En  vain 
aurait-on  découvert  dans  notre  canton  des  haches  en  pierre 
à  Bex.  à  Yevey,  à  Chexbres,  à  la  Côte,  à  Agiez,  à  Yverdon 
et  à  Payerne,  on  ne  pourrait  lui  donner  une  place  dans  la 
carte  géographique  du  premier  âge,  si  les  tombeaux  de 
F^ierra-Portay  n'étaient  venu  confirmer  la  haute  antiquité 
de  ses  premiers  habitants. 

En  résumé,  une  fois  que  le  cuivre  fut  introduit,  il  servit 
d'abord  à  quelques  ornements  et  à  perfectionner  le  tra- 
vail de  la  matière  première.  Lorsque,  à  l'aide  de  la  trempe 
et  de  Talliage,  il  reçut  plus  de  dureté,  il  fut  employé  pour 
les  armes.  Rare  et  précieux,  il  passa  d'abord  dans  la  main 
du  riche  et  du  puissant.  Le  pauvre  garda  longtemps  la 
pierre.  Dans  quelques  localités,  loin  d'avoir  jamais  été 
entièrement  abandonnée  durant  l'âge  païen,  elle  a  même 
été  encore  employée  comme  arme  plusieurs  siècles  après 
notre  ère.  Au  Xl«  siècle,  à  la  bataille  A'Hastings,  elle  se 
trouvait  entre  les  mains  de  plusieurs  Normands  ;  et  Olaus 
Magnus  raconte  que,  de  son  temps,  les  Fmnoû  se  servaient 
encore  de  pierres  sphériques,  percées  d'un  trou  et  fixées 
à  Textrémité  d'une  corde,  qu'ils  lançaient  contre  les  jambes 
de  Tennemi,  de  manière  à  l'envelopper  et  à  déterminer  si 


120  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

chute.  —  Il  en  fut  de  la  découverte  du  métal  comme  de  la 
plupart  des  grandes  découvertes.  La  vapeur  est  connue 
depuis  plusieurs  années,  et  la  mer  est  encore  couverte  de 
vaisseaux  voiliers. 

Indépendamment  de  la  survivance  des  anciens  usages, 
le  prêtre  conserva  longtemps  dans  sa  main  la  hache  et  le 
couteau  en  silex.  La  matière  employée  dans  le  culte  de- 
vient matière  sacrée  et  change  difficilement.  S'il  pouvait  y 
avoir  quelque  doute  à  cet  égard,  il  suffirait  de  rappeler  le 
passage  d'Hérodote  S  qui  rapporte  que  de  son  temps  les 
personnes  chargées  des  embaumements  chez  les  Egyp- 
tiens faisaient  une  incision  sur  le  flanc  du  mort  avec  une 
pierre  d'Ethiopie  tranchante.  M.  Passalaqua  a  découvert 
en  Egypte  les  instruments  employés  à  l'embaumement. 
Déposés  au  musée  de  Berlin,  on  voit  dans  le  nombre  un 
couteau  en  silex  blond,  tout  pareil  pour  la  forme  et  la 
matière  aux  couteaux  du  nord.  —  Les  Juifs  eux-mêmes 
employaient  aussi  le  couteau  en  pierre  dans  certaines 
cérémonies  du  culte.  Il  est  mentionné  dans  les  versets 
2  et  3  du  chapitre  V  de  Josué.  Les  versions  françaises 
traduisent  ordinairement  par  couteau  tranchant;  mais  l'ex- 
pression hébraïque  signifie  en  pierre,  et  la  version  des 
Septante  traduit  par  couteau  en  pierre.  De  nos  jours,  les 
sectes  les  plus  orthodoxes  des  Juifs  se  servent  encore 
pour  le  même  usage  du  couteau  en  silex. 

Enfin,  il  se  rattache  à  la  matière  première  des  idées 
superstitieuses  ;  on  la  porte  sous  ses  vêtements  et  on  la 
dépose  dans  la  tombe  comme  une  amulette.  J*ai  trouvé 
plus  d'une  fois  le  silex  à  côté  d'armes  en  fer  dans  des 

*  Liv.  II,  chap.  S6. 


AGE    Dt     BIIO?iZe.  H1 

tombeaux  postérieurs  à  rintroduction  du  christianisme. 
Pline  raconte  dans  son  histoire  naturelle'  qu*nn  regarde 
ragnthe  d  une  seule  couleur  comme  rendant  invincibles 
(eux  qui  la  portent  sur  eux.  Encore  de  nos  jours  I  agricul- 
teur du  nord  accorde  une  valeur  médicale  à  ces  débris 
des  premiers  temps. 

{>  sont  là  les  dernières  traces  que  je  retrouve  des  Ins- 
truments qui  nous  ont  occupés  jusqu*à  présent.  Généra- 
lement abandonnés  dés  une  haute  antiquité,  plusieurs 
traversèrent  cependant  les  siècles,  à  Taide  du  culte  et  des 
>uperstitions. 


111 


PERIODE  DES  INSTRUMENTS  TRANCHANTS  EN  BRONZE 

Oi:    Af.E   l>l'    BRONZK. 

l/introduction  du  cuivre  en  Europe  n*eut  pas  lieu  à  la 
même  époque  dans  le  midi  et  dans  le  nord.  Au  midi,  la 
[lèriode  de  la  pierre  a  été  de  peu  de  durée,  à  en  juger  par 
le  petit  nombre  de  tumuli  et  d'instruments  de  Tâge  pri- 
mitif qu'on  y  rencontre.  Lors  môme  que  les  recherches 
sur  ce  point  sont  enrx)re  insuffisantes,  on  peut  dire  que 
ces  monuments  n'existent  pas  en  groupes  nombreux  sur 
les  bords  de  la  Méditerranée,  comme  sur  les  rives  de 
rocéanel  de  la  Baltique;  et  Ton  ne  peut  admettre,  loule- 

•  Li%    WWII.  ch«p.  «• 


iti  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

fois,  que  le  midi  ait  été  moins  peuplé  que  le  nord.  Les 
communications  faciles  entre  l'Europe  méridionale  et 
TÂsie  durent  permettre  une  importation  assez  rapide  des 
connaissances  de  TOrient.  L'Egypte  eut  des  rapports  très 
anciens  avec  la  Grèce.  Les  récits  d'Homère,  même  en  fai- 
sant la  part  du  poète,  nous  montrent  que  les  armes  en 
bronze  des  Grecs,  environ  douze  siècles  avant  notre  ère, 
n'étaient  point  le  produit  des  premiers  essais  d'un  peuple 
dans  l'art  de  travailler  les  métaux.  L'époque  reculée  à 
laquelle  pénètre  la  civilisation  dans  le  midi  fait  remonter 
très  haut  les  monuments  de  l'âge  barbare.  —  Quant  au 
nord,  si  l'on  tient  compte  de  l'antiquité  de  son  commerce, 
antiquité  constatée  parla  présence,  à  un  âge  très  reculé, 
de  l'ambre  et  de  l'étain*  en  Grèce  et  en  Italie,  si  l'on  me- 
sure la  durée  de  la  période  du  bronze  limitée  par  l'intro- 
duction du  fer,  dont  nous  aurons  à  rechercher  la  date  plus 
tard,  on  peut  fixer  à  peu  près  à  1000  ans  avant  notre  ère 
le  point  de  départ  de  la  période  dont  nous  allons  nous 
occuper. 

Avant  de  passera  la  description  des  tombeaux  de  cette 
période,  il  ne  sera  pas  inutile  de  commencer  par  prendre 
connaissance  des  formes  principales  des  armes,  des  ins- 
truments et  des  ornements  qui  la  caractérisent.  Nous  re- 
chercherons aussi  les  lieux  de  la  fabrication,  les  procédés 
employés  à  cet  effet,  et  les  contrées  d'où  Ton  lin  le  mé- 
tal. Nous  verrons  qu'avec  l'introduction  du  bronze,  et 
avant  le  travail  du  fer,  d'autres  métaux  et  d'autres  ma- 
tières furent  utilisés  dans  des  buts  divers.  Une  statistique 

*  Ainbr(>,  avec  les  urnes  d'Albano.  Elain,  dans  la  fabrication  du  bouclier 
d*Achille,  dont  deux  lames  étaient  en  bronze,  deux  en  étain  et  une  en  or. 
Iliade^  XX.  i71.  Tx;  5vo  /(ôxiia^y  8vo  3  fy3o6i  ruTtrizépoio. 


AGE    DU    BRONZE.  423 

rapide  des  tombeaux  de  cet  âge  nous  permettra  de  juger 
de  raccroissemeni  de  la  population  et  des  contrées  habi- 
tées. D'après  les  rapport  et  les  dissemblances,  nous  es- 
saierons de  tracer  les  traits  communs  ou  particuliers  aux 
peuples  dont  nous  allons  examiner  les  débris.  Nous  ajou- 
terons encore  qu*au  nord  des  Alpes  et  des  Pyrénées,  la 
période  qui  nous  occupe  s'étend  à  peu  prés  jusqu'à  Tére 
chrétienne  \  et  parcourt  ainsi  un  espace  d'environ  mille 
ans. 

Armes,  instruments  et  ornements  de  Tàge  du 

bronxe. 

Celi.  Une  pièce,  particulièrement  propre  à  l'âge  du 
bronze,  reproduit  par  sa  forme  le  coin  de  silex  à  tranchant 
évasé.  Observée  d'abord  en  Angleterre  et  en  France,  elle 
a  reçu  le  nom  de  Celi,  ou  de  hache  gauloise,  c'est-à-dire 
le  nom  du  peuple  auquel  on  l'attribuait.  Bien  qu'elle  se 
retrouve  dans  tous  les  pays  de  l'Europe  et  qu'elle  ait  été 
le  sujet  de  dissertations  nombreuses,  on  est  encore  très 
partagé  sur  son  origine  et  sa  destination.  Les  bords  des 
dpux  faces  du  ceit  sont  généralement  relevés  de  manière 
^  recouvrir  en  partie  l'extrémité  de  la  hampe  fendue  à 
laquelle  on  l'assujettissait.  En  réunissant  un  certain  nom- 
bre de  ces  instruments  on  peut  en  suivre  tous  les  degrés 
de  perfectionnement.  Les  rebords  faisant  saillie  sont  d'a- 
bord peu  prononcés  *  ;  bientôt  ils  se  dessinent  plus  forte- 

*  C«tt«  déliiuiutioo  est  une  moyenne,  car,  dans  le*  Gaulet,  le  fer  futcooaa 
pluf  t(>t  ;  Undit  que  dans  le  nord  de  la  Germanie  il  parait  un  peu  plut  lard. 
Le%  Orniaint  de  Tacite  n'ont  pat  une  arme,  ni  un  initruroent  en  fer,  rien 
que  l'anoeau  de«  Cattet 

"  Il  en  «M  même  quelquMHiM  qui  a'eo  ont  patda  tout  et  forment  le  coin, 
ainsi  une  de  Bei. 


124  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

ment.  Le  celt  se  rétrécit  aa  milieu,  pais  il  présente  un 
point  d'arrêt  pour  éviter  qa'en  frappant  la  fente  de  la 
hampe  ne  s'agrandisse.  Quelquefois  un  des  côtés  est  muni 
d'une  oreillette  par  où  passait  peut-être  un  lien.  Enfin  on 
a  ménagé  une  douille  à  l'extrémité  opposée  au  tranchant, 
exactement  comme  à  un  fer  de  lance,  aussi  fallait-il  re- 
courber la  hampe  quand  on  voulait  se  servir  de  cet  ins- 
trument comme  d'une  hache.  La  longueur  des  celts 
mesure  de  2  à  8  pouces.  Leur  tranchant,  plus  ou  moins 
arqué,  varie  de  largeur.  Ils  ont  tous  été  coulés  dans  des 
moules,  et  il  n'est  pas  rare  de  les  retrouver  en  grand 
nombre  avec  des  masses  de  cuivre  fondu.  Un  celt  décou- 
vert dans  une  tourbière  de  la  Suède  porte  encore  sur  son 
tranchant  l'empreinte  de  racines  fort  petites,  mélangées  à 
la  matière  du  moule.  Il  est  rare  qu'ils  aient  été  ornés  de 
dessins.  Cependant,  un  celt  des  environs  à' Athènes  et  deux 
A' Italie  ^  portent  les  mêmes  lignes.  M.  le  D^  Eckmann,  à 
Calmar,  en  Suède,  en  possède  un  sur  lequel  sont  gravées 
de  fines  spirales  *  ;  et  dans  les  musées  de  Copenhague  et 
de  Schwerin  *  sont  quelques-unes  de  ces  rares  pièces 
gravées  ^.  —  En  Italie,  surtout  dans  la  Pouille,  on  trouve 
des  celts  parfaitement  pareils  à  ceux  du  nord.  —  En 
France^  et  en  Angleterre^  il  n'est  guère  de  cabinet  qui 
n'en  possède  quelqu'exemplaire.  —  Au  musée  de  Genève 
on  conserve  ceux  qui  ont  été  découverts  au  pied  de  la 
pierre  à  Nitton,  à  Collonge,  près  du  fort  de  l'Ecluse,  à 

*  Antiguarium  de  Berlin. 

*  M.  Eckmann  possède  d'autres  celts  munis  d'un  trou. 
»  LUth,  Frid.  Fr.,  pi.  XIII,  4. 

*  Dûn.  Vùntit,  pag.  22;  Uitfaden,  pag.  54. 

*  De  Caumont,  pi.  VIII,  ûg.  8-9. 


AGB   DU    BRONZB.  12S 

ThonoD,  el  en  quelques  autres  lieux  de  la  Savoie. —  Dans 
le  canlOD  de  Vaud  on  a  trouvé  des  celts  sous  de  grands 
blocs  de  granit  à  Charpigny  et  à  Lamothe  ;  en  terre  libre 
on  dans  des  tombes,  à  Bex»  à  Ollon,  à  Yvorne,  à  Ville- 
neuve, près  de  Montreux,  de  Vevey,  de  Chardonne,  de 
Palézieux,  du  Cbalet  à-Gobet  et  à  la  Côte  *.  On  les  retrouve 
en  Suisse  dans  les  cantons  de  Neuchâiel,  de  Berne  *,  de 
BâU  et  de  Zurich  *.  —  Ils  ne  sont  pas  moins  nombreux 
en  Allemagne  :  à  Darmsiadl  *,  à  Frankfort,  à  Mayenu  * 
et  à  Bonn*,  sur  les  bords  du  Rhin.  On  les  trouve  en 
divers  lieux  de  la  Bavière  \  en  Autriche  prés  de  Vtemt^*, 
en  Bohême  •,  dans  la  Silésie  ••,  en  Saxe  **,  dans  la  Thu* 
rifige  *\  dans  le  duché  de  Cœthen,  où  50  ont  été  décou- 
verts ensemble  *\  à  Magdeburg^*,  à  Halbersiadt  '%  dans  le 

*  Muié«  de  LauMone,  coUeeiion  Troyon. 

*  Près  de  Tkun,  voir  Zeiiêekrifft  um  Zurich,  cah.  II,  pi.  II.  CaUlofve  da 
mu%ét  de  Berne,  un  de  Glertue  et  un  de  VEmmenthûL 

*  Mittheiltmgen,  poêthm.  —  A  Vf'ttlfing,  à  4  lieues  de  Zurich,  était  une  fon- 
derie de  ceits. 

*  15  celts,  dont  I  avec  trou. 

*  Quelques-uns  sont  sans  trou. 

*  Ils  «ont  surtout  sans  trou. 

*  l'on  Rëtaer  Fumé  rom  Ekimçen^  pi.  t,  flf .  S,  4.  Aniipiërium  de  Mu- 
nich. 

*  J'en  ai  vu  un  entre  las  mains  de  M.  Thomson,  de  Copenhafue. 

*  Musée  de  Prafue,  15,  dont  4  avec  trou. 
**  Avec  et  sans  trou. 

*'  Collections  du  IK  Klemm,  à  Dresde,  et  de  M.  de  Prnaker,  à  Gotsenhajm- 
entre  Dresde  et  Letpsif .  Près  de  Stopau,  non  loin  de  Halle,  tt#  étaient  dis- 
posés en  cercle.  Kefersiein,  paf .  tt4. 

*•  Collection  de  Halle.  —  Entre  Frihourf  et  Nebra.  on  en  a  trouvé  plvaienn 
sous  une  frande  pierre. 

**  Collection  du  duc- 

•«  CollecUon  de  MM.  Wiffort  et  de  Wtrder. 
Collection  de  M.  lepnitenr  Anfwlin. 


•ft 


126  MONUMENTS   DE    l' ANTIQUITÉ. 

royaume  de  Hatuntve  •,  dans  les  duchés  de  MecklerUmrg  * , 
dans  le  Brandenburg  *,  en  Poméranie,  où  9i  celts  étaieut 
réunis  dans  le  même  lieu  ^,  dans  l'île  de  Rvgen^  et  dans 
la  Poméranie.  —  Ils  sont  particulièrement  nombreux  dans 
la  riche  collection  de  Copenhague  ®.  —  Les  cabinets  de 
Lund  \  de  Colmar,  de  Wùby  et  de  Stockholm  en  possè- 
dent plusieurs.  —  Un  seul  a  été  découvert  en  Norwège.  — 
En  Russie,  malgré  le  manque  d'explorations,  on  en  a 
trouvé  dans  la  Courlande  •  et  en  Sibérie. 

Après  cette  énumération,  il  est  plus  facile  d'apprécier 
l'opinion  des  savants  qui  prétendent  que  C€tte  pièce  a 
appartenu  exclusivement  aux  populations  celtiques.  Telle 
est  la  manière  de  voir  de  Keferstein  et  du  D^*  Schreiber  de 
Fribourg  en  Brisgau.  Disciples  de  Pelloutier,  les  popu- 
lations celtiques  ont  à  leurs  yeux  recouvert  toute  l'an- 
cienne Europe.  Le  D'  Schreiber  a  publié  un  travail  étendu 
sur  les  pièces  qui  nous  occupent,  travail  dans  lequel  il 
avance  que  ces  instruments  en  bronze  sont  toujours  com- 
posés de  cuivre  et  d'étain,  genre  d'alliage  propre  aux  peu- 
ples celtiques  ^.  Cet  ouvrage  a  soulevé  des  contradictions 

^  A  Hanovre,  avec  et  sans  trou  ;  à  Uueizen,  idem.  Voir  l'ouvrage  du  baron 
d'Estorf. 

*  Collection  de  Schwerin  et  publications  du  Dr  Lisch,  passim. 

*  Beckmann. 

*  A  Plestlin,  gouvernement  de  Stettin,  58  sans  trou,  8S  avec  trou,  avec 
deux  masses  de  cuivre  fondu  déposés  au  musée  de  Berlin.  —  Catalogue  de 
Ledebur.  —  Dans  la  collection  de  Stettin,  il  en  est  des  deux  genres. 

*  Putbus,  collection  du  prince.  —  Bergen,  collection  du  rittmeister. 

*  Worioea,  etc. 

^  A  l'université  de  Lund»  85,  dont  18  sans  trou.  —  A  Wisby,  un  petit  uns 
trou  et  un  très  petit  avec  trou. 
"  Necroliwmiea  de  Kruse,  pi.  IX,  i. 

*  Die  ehemen  StreUkeile,  von  Dr  Scbeiber.  Freiburg,  1842. 


ikU  MONUMENTS    DE   l'aNTIQUITÉ. 

armes.  A  l'époque  où  les  RomaîDs  s'établirent  sur  les 
bords  du  Rhin,  le  Germain  avait  encore  des  armes  en 
bronze  qu'on  retrouve  parfois  à  côté  des  instruments  en 
fer  du  vainqueur.  Cette  différence  dans  les  matières  em- 
ployées à  la  même  époque  prouve  sufiQsamment  qu'il  faut 
chercher  ailleurs  qu'à  Rome,  l'atelier  des  armes  du  nord. 
—  Un  dernier  trait  ajoutera  encore  quelque  lumière  à  ce 
sujet.  Depuis  peu,  on  a  soumis  à  l'analyse  chimique  les 
anciens  bronzes  de  divers  pays.  Ceux  du  nord,  avant  l'in- 
troduction du  fer,  donnent  constamment  l'alliage  du  cui- 
vre et  de  l'étain,  tandis  que  les  bronzes  romains  présen- 
tent l'alliage  du  cuivre  et  du  zinc.  Cette  différence  repose 
sur  un  fait  dont  nous  donnerons  la  raison  plus  tard  ;  pour 
le  moment,  il  suffit  de  la  constater,  ce  simple  résultat,  à 
lui  seul,  ne  permet  pas  d'envisager,  comme  un  produit  ro- 
main, l'épée  en  bronze  qu'on  découvre  au  nord  des  Alpes 
et  des  Pyrénées.  —  Quant  à  l'identité  de  formes  que  nous 
avons  mentionnée,  nous  admettons  qu'elle  doit  provenir 
d'une  origine  commune.  Il  est  trop  de  particularités  d'une 
analogie  frappante  pour  que  nous  puissions  les  expli- 
quer toutes  comme  un  produit  de  l'unité  de  l'esprit  hu- 
main. L'analogie  des  formes  dans  la  Macédoine,  la  Grèce, 
l'Etrurie ,  avec  celles  des  pays  baignés  par  la  Baltique, 
pourrait  se  rattacher  à  ces  deux  voies  qui  plongent  dans 
l'orient  et  dont  on  a  parlé  plus  haut.  Je  n'ai  pu,  pour  ce 
genre  d'épées,  comme  pour  les  celts,  m'assurer  de  leur 
existence  en  Asie,  mais  il  parait  que  c'est  encore  là  qu'il 
faut  chercher  Tidée  commune  qui  pénètre  en  occident  par 
des  voies  diverses,  et  survit  plus  ou  moins  longtemps 
dans  un  pays  ou  dans  un  autre,  suivant  la  marche  du  dé- 
veloppement des  peuples.  Du  reste,  si  l'analogie  des  for- 


AGE    DU    BRONZE.  14S 

mes  est  frappante,  elle  n'empêche  pas  que  dans  Torne- 
menlalion,  on  ne  puisse  saisir  des  trails  caractéristiques 
€l  divers. 

Armes  et  instruments  en  miniature. 

Jusqu'à  ce  moment,  je  ne  connais  en  Europe  que  trois 
pays  dans  lesquels  on  ait  retrouvé  des  armes  et  instru- 
ments de  dimensions  si  petites  qu'on  les  prendrait  pour 
^es  jouets  d'enfants.  Ce  sont  des  épées  ou  des  pointes 
de  traits  de  2  à  5  pouces  de  long,  des  lances  en  minia- 
ture  avec  leur  hampe  en  bronze,  de  petits  couteaux,  de 
formes  gracieuses^  munis  d'une  poignée  longue  d'un 
pouce.  Ces  petites  épées  reproduisent  dans  leurs  contours 
une  partie  des  variétés  que  nous  avons  mentionnées. 
Quelques-uns  de  ces  instruments  ont  été  découverts  sous 
tes  couches  volcaniques  à'Albano,  dans  le  Latium  ;  les 
autres  sont  du  Mecklembourg-Schwérin*  et  du  Danemark, 
Dans  ces  trois  contrées  on  les  a  trouvés  dans  des  cornes, 
mêlées  aux  cendres  humaines.  Leur  antiquité,  constatée  en 
Italie  par  la  découverte  d'Albano,  permet  de  supposer 
qu*ils  sont  aussi  fort  anciens  dans  le  nord.  Rien  n'indique 
que  les  tombeaux  auxquels  ils  appartiennent  aient  été  des 
sépulcres  d'enfants,  et  pourtant  ils  ne  sont  jamais  accom- 
pagnés de  grandes  armes.  Ils  doivent  ainsi  remonter  à 
une  époque  où  le  guerrier  en  descendant  dans  la  tombe 
ne  recevait  que  le  simulacre  de  ses  propres  armes.  On  a 
supposé  que  ces  épées  en  miniature  avaient  été  des  dé- 
corations, mais,  dans  ce  cas,  le  défunt  n'aurait  pas  été 
privé  de  sa  lance  ou  de  sa  bonne  épée. 

•  Liftch,  pi.  XVl,  fig.  1,  2,  7. 

mtm.  ET  DOCUH.  UT.  !• 


146  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 


Armes  défensives. 

Les  armes  défensives  ont  été  employées  très  ancienne- 
ment dans  le  midi.  Dans  le  nord,  si  l'on  en  excepte  I& 
bouclier,  elles  ont  été  beaucoup  plus  rares  ^  La  descrip- 
tion de  l'armure  grecque  et  romaine  ne  rentre  dans 
notre  sujet  qu'en  tant  qu'elle  nous  offre  des  points  da 
rapprochement. 

Le  musée  de  Lausanne  possède  des  plaques  en  bronze 
arquées  et  ornées  de  fines  gravures  qui  proviennent  des 
tombeaux  de  Verchiez,  entre  Aigle  et  OUon.  Ce  sont  de 
véritables  brassards,  les  seuls  de  ce  genre  que  je  con- 
naisse, ils  rappellent  un  passage  de  Xénophon  qui  dit  qua 
les  Grecs  se  recouvraient  le  bras  droit  de  brassards  en 
cuivre*.  Quand  nous  parlerons  des  bracelets  nous  ver- 
rons que  plusieurs  d'entr'eux,  par  leurs  grandes  dimen- 
sions, ont  dû  servir  au  même  usage,  tout  en  satisfaisant 
le  goût  de  la  parure. 

Tacite  rapporte  que  le  casque  était  très  rare  chez  les 
Germains  ^,  et  Diodore  de  Sicile  raconte  que,  dans  les 
combats ,  les  Celtes  rejetaient  leurs  cheveux  en  arrière 

*  Tacite  dit,  Germ.  VI.  Paucis  Loricœ  :  Vix  uni  alterive  cassis  aut  Galea. 
Des  Belges  avaient  des  cuirasses  de  petites  chaînes  ou  mailles.  Polybe,  lib. 
II,  cap.  VI. 

*  De  rt  eqwstr.  pag.  952.  On  a  trouvé  ces  brassards  en  Franche-Comté^ 
mais  avec  des  objets  qui  doivent  leur  assigner  un  ftge  postérieur.  —  Les^ 
brassards  d'Ànetb  découverts  par  M.  de  Bonstetten  sont  aussi  d'un  âge  moinft 
ancien. 

>  Germania,  VI,  VII. 


AGB   DU    BRONZB.  147 

comme  une  crinière  de  cheval  '.  Il  n'est  donc  pas  éton- 
nant de  retrouver  très  rarement  cette  partie  de  Tarmure. 
A  Copenhague,  est  une  seule  pièce  en  bronze,  ornée  d'une 
lamelle  en  or,  qui  parait  avoir  été  une  mentonnière. 
En  1847,  le  D**  Klenim  a  découvert  dans  une  tourbière 
de  la  Basse  Lusace  un  casque  en  bronze  avec  des  épées 
et  des  bracelets  *.  En  Grèce  on  les  retrouve  déjà  dans 
les  tumuli  avec  des  ossements  d'hommes  et  d'animaux  '. 
Bien  que  le  bouclier  ait  rarement  été  conservé  jusqu'à 
nos  jours,  il  était  cependant  d'un  usage  très  général  dans 
l'antiquité.  De  forme  carré  long,  ovale  ou  circulaire,  la 
plupart  du  temps  d'osier  tressé  ou  d'ais  en  bois  garnis 
de  cuir  \  on  le  recouvrait  de  couleurs  vives  et  de  signes 
magiques  destinés  à  porter  la  terreur  dans  les  rangs  de 
l'ennemi  '.  Chez  les  Barbares  comme  chez  les  Grecs  et 
les  Romains  le  déshonneur  était  attaché  à  la  perte  du 
bouclier  sur  le  champ  de  bataille  et  non  à  celle  de  l'épée 


*  Diod.  Sicile,  liv.  V,  cap.  20.  On  sait  que  le  casqiie  gaulois  est  surmonté 
de  hauts  panaches,  de  cornes  d'animaux,  de  tètes  d'oiseaux  ou  d'autres  ani- 
maux. —  L'usage  du  moyen  ftge,  d'inhumer  le  dernier  rejeton  d'une  fa- 
mille noble  avec  ses  armes  et  le  casque  en  tète,  serait-il  plus  ancien  et 
serait-ce  l'une  des  raisons  de  l'extrême  rareté  de  ces  découvertes  ? 

*  Lettre  du  D^  Klemm.  Voir  Leips.  illustrirten  Zeitung.  Abbildung  und 
Besnhreibung. 

'  Communication  de  M.  de  Bonstetten. 

*  Pline,  VI,  40. 

"  Tacite,  Germ.  VI.  «  Scuta  tantum  lectissimis  coloribus  distinguunt 

Scutum  reliquisse,  pnecipuum  flagitium  :  nec  aut  sacris  adesse,  aut  consi- 
lium  inire,  ignominioso  fas.  >  Diod.  de  Sicil.  V.  Silius  Italicus  IV.  —  Le  bou- 
clier d*Ajax  était  fait  de  7  cuirs  de  bœuf  couverts  d'une  lame  de  brome. 
Iliade^  H.  222.  —  Celui  d'Achille  formé  de  plusieurs  cuirs  était  fortifié  de 
deux  lames  d'airain,  de  deux  lames  d'étain ,  et  d'une  cinquième  en  or. 
//iarf«,r.  270. 


148  MONUMENTS    DE    L*ANT1QUITÉ. 

et  des  autres  armes  offensives'.  Plutarque*  prétend 
qu'on  voulait  montrer  par  là  que  la  guerre  doit  être  plutôt 
un  état  de  défense  que  d'attaque.  Parfois  le  milieu  du  bou- 
clier était  garni  d'un  umbo^,  plaque  relevée  en  bosse  ou 
munie  d'une  pointe  *,  Quelquefois,  mais  bien  plus  rare- 
ment, le  bouclier  entier  était  en  bronze.  Ces  dernières 
pièces,  qui  sont  d'un  grand  prix,  ont  été  retrouvées  en 
Ecosse;  dans  le  Mecklembourg  et  en  Danemark  ils  sont 
ronds  ^  convexes,  ornés  de  disques  en  relief  ou  de  lignes 
serpentantes,  et  rappellent  la  description  que  Tacite  donne 
de  ces  armes  chez  les  peuples  des  bords  de  la  Baltique. 
—  Dans  le  mmeum  Eiruscum  •  on  trouve  la  représentation 
de  boucliers  pareils.  —  On  voit  aussi  à  Copenhague  des 
umbones  en  bronze,  armés  d'une  pointe  et  ornés  de  dou- 
bles spirales  gravées  \ 

<  Pitîscus  dit  cependant  que  la  perte  de  l'épée  est  une  honte. 

*  In  Pélop.f  tom,  I,  pag.  278. 

"  L*umbo  fut  de  bronze,  de  fer,  d'argent  ou  d'or  ;  Enéide  X,  271.  «  Va- 
stos  umbo  vomit  aureus  ignés.  » 

*  Les  plus  anciens  boucliers,  par  exemple  ceux  des  Etrusques,  étaient 
suspendus  au  cou  par  une  courroie;  plus  tard  ils  eurent  deux  anses  dans  la 
concavité  par  où  Ton  passait  le  bras. 

"  Keferstein,  pag.  324  et  199.  Hs  répondent  à  la  description  de  Tacite,  cap. 
43  un. 

*  Voy.  l'esquisse  d'une  de  ces  pièces  dans  Worsaœ  Dan.  Voneit, 

A  Copenhagen  sont  trois  boucliers  de  bronze  repoussé.  Un  parfaitement 
rond  à  16  '  de  diamètre.  Les  deux  autres  légèrement  ovales,  22  7t  '  sur  20  ' . 

"*  Varro,  I,  IV.  Pellas,  I,  33,  sur  armes  défensives  et  offensives  des  Gaulois. 

Les  boucliers  gaulois  étaient  longs  et  plats  ;  Tite-Live,  décad .  IV,  Ht. 
VIII  et  Strabon,  liv.  lY.  Ils  étaient  ornés  de  figures  d'animaux  sculptés  en 
relief  et  en  bronze  ;  la  forme  était  ovale  ou  octangulaire,  comme  on  le  voit 
sur  les  bas-reliefs  découverts  dans  la  cathédrale  de  Paris.  {Mém,  de  VAcad» 
des  Inscrip.  et  Bell.  Lelt.,  tom.  Il,  fol.  870.) 


AGE   DU    BRONZR.  449 


Instruments  de  musique. 

Il  nous  reste  peu  de  chose  des  instruments  de  musique 
des  Barbares.  Il  est  à  présumer  qu'ils  étaient  peu  nom- 
breux, et  quant  aux  instruments  à  cordes,  ils  auront  tous 
été  détruits  par  l'action  des  siècles. 

On  a  cependant  retrouvé  dans  les  tombeaux  de  Char- 
pig^y»  près  d'Aigle,  et  à  Darsekau,  dans  l'ancienne  mar- 
che, des  tubes  en  bronze  d'un  à  2  7i  pouces  de  long,  qui 
paraissent  avoir  appartenu  à  des  chalumeaux.  Cet  instru- 
ment, très  généralement  connu  dans  l'antiquité,  se  trouve 
non-seulement  chez  les  Romains  et  les  Grecs,  mais  aussi 
chez  les  Egyptiens  et  chez  les  anciens  Mexicains. 

Dans  le  musée  de  Prague  est  un  fort  petit  instrument  en 
bronze  formé  de  deux  branches  parallèles  qui  s'écartent 
en  arc  de  cercle  dont  les  extrémités  se  réunissent.  A  leur 
point  de  jonction  est  une  languette  brisée  qui  parcourait 
l'écartement  des  branches.  Cet  instrument  se  place  entre 
les  lèvres  et  d'un  doigt  on  fait  frémir  la  languette  dont  les 
vibrations  imitent  celles  d'une  corde.  On  chante  un  air,  en 
même  temps  qu'on  fait  résonner  cet  instrument,  bien 
connu  des  enfants,  qui  n'est  autre  que  la  guimbarde. 

Les  peuples  du  nord  employèrent  fort  anciennement 
les  cornes  pour  s'animer  au  combat.  La  mythologie  de 
TEdda  parle  du  cor  d'Odin  dont  le  son  jetait  la  terreur 
et  la  consternation  dans  le  cœur  de  ses  ennemis.  Le  ter- 
rible cor  d'Ossian  n'était  pas  moins  redouté.  Un  récit  de 
la  vie  deCharlemagne  dit  que,  dans  un  combat,  les  païens 
firent  retentir  mille  cors.  On  peut  juger  du  prix  que  les 


450  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

anciens  peuples  attachaient  à  ces  instruments  par  la  dou- 
leur qu'éprouvèrent  les  habitants  du  canton  d'Uri  après 
la  perle  de  leurs  cors,  à  la  bataille  de  Wilmergen*.  — 
Deux  cors  en  bronze  ont  été  découverts  dans  le  duché  de 
Mecklemburg  Schwerin*;  Tun  entouré  de  gravures  pareilles 
à  celles  que  nous  avons  déjà  fait  observer  ;  tous  deux  af- 
fectant la  forme  d'une  corne  de  bœuf.  —  Une  pièce  du  môme 
genre,  mais  plus  grande  et  plus  recourbée,  a  été  trouvée 
en  Suède*.  —  Les  cors  les  plus  remarquables,  appelés 
loures  par  les  Danois,  sont  conservés  au  nombre  de  sept^, 
dans  le  musée  de  Copenhague.  Ils  ne  mesurent  pas  moins 
de  6  pieds,  A  pouces  de  long'.  Ornés  d'anneaux  de  dis- 
tance en  distance,  et  de  pendants  vers  l'embouchure,  ils 
sont  munis  à  l'autre  extrémité  d'une  plaque  circulaire  et 
bosselée.  Ces  cors  sont  recourbés  de  manière  à  donner  le 
tour  et  reposer  sur  l'épaule  droite  de  celui  qui  les  em- 
bouche; ils  sont  encore  assez  conservés  pour  pouvoir  en 
tirer  des  sons  qui  ne  ressemblent  pas  mal  au  beugle- 
ment du  taureau. 

Instruments  domestiques. 

D'entre  les  instruments  de  la  vie  domestique,  le  couteau 
est  un  de  ceux  dont  l'usage  est  le  plus  général.  La  lame 
à  un  tranchant  présente  une  forme  particulière  qui,  mal- 

*  Hisi.  de  la  Confédération  Suisse  par  Vulliemin,  tom.  XHI,  pag.  533.  Ce 
sont  deux  cornes  de  bœuf,  garnies  d'argent,  qu'ils  disaient  un  don  de  Char- 
lemagne. 

*  Lisch,  pi.  IX,  8. 

>  Sjoborg,  tom  III,  pi.  28,  flg.  83. 

*  Une  de  ces  pièces  a  été  donnée  à  l'empereur  de  Russie  et  déposée  dans 
l'arsenal  de  Tzarskoé-Sélo. 

"  Le  diamètre  est  de  4'  8".  Voir  Dànem.  Vor%eit,  pag.  27. 


AGI   DU    lIROlfZI.  181 

gré  ses  variétés,  se  ratlacbe  au  même  type  dans  le  Dord  et 
dans  le  midi.  A  partir  du  manche  la  lame  décrit  un  léger 
arc  de  cercle,  concave  sur  le  tranchant  et  convexe  sur  le 
dos  ;  dans  le  prolongement  la  courbure  est  en  sens  in- 
verse, la  pointe  se  relève  et  se  termine  à  peu  prés  comme 
celle  du  sabre.  Le  manche  est  aussi  varié  que  la  poignée 
de  répée,  dont  il  reproduit  souvent  la  forme.  Lies  dimen- 
sions du  couteau  sont  généralement  fort  petites,  quelque- 
fois il  est  orné  de  jolies  gravures*.  Il  en  est  quelques- 
uns,  ainsi  deux  trouvés  en  Sibérie*,  dont  la  lame  est  légè- 
rement arquée  en  faucille.  —  Le$  couteaux  ont  été  dé- 
couverts en  Italie^,  en  France,  en  Angleterre,  à  Genève 
au  pied  de  la  pierre  à  Niton  \  au  Luissel  près  de  Bex  ', 
dans  le  canton  de  Berne*,  sur  divers  points  de  VAIU^ 
magne\  en  Danemark*,  en  Suède  *et  en  Russie  '*. 
On  voit  à  Schwerin^\  à  Bergen,  dans  Tlle  de  Rûgen,  et 


«  Ainsi  celui  de  Bmasdorf,  prêt  CôUieo  al  an  de  la  PcNiille  ;  ea  dernier 
porte  des  doubles  spirales  pareilles  à  celles  du  nord,  tea  dUneoaiona  sont 
aaiei  frandes. 

«  L'un  Tient  de  Samtousk,  l'aolre  d*on  tvmalas  de  TekkiçUt.  Un  antre 
manche  en  bronae  se  Iroure  dans  la  eolleeUon  Gagarin. 

*  Albaoo. 

*  Genève. 

*  Musée  de  Lausanne. 

*  CmUIoç  dummêée,  pi.  IV,  flf.  7. 

*  Fnbourg  en  Bn»g€u.  Coll.  Sehreiber.—  DmrwuUH.'^Sêm.  GroeaenlMi|n 
et  Hamlb  Klemm.  pi.  1,  I.  Leipêkk,  BencbtlSM.  pi.  IV,  7;  tStS,  pi.  I,  U. 
—  Coiken.  —  ieUen,  un  couteau  avec  rimafe  dn  vaisseau.  —  IfedUefn^tiff, 
Lisrh.  \VI.  1,  7. 10, 19.->  Brmuàemhmrg,  Bedunann,  paf.  41t,  pi.  IX.  Berlin, 
collect.  d'antiquités.  Sii^fie,  Wihiav,  Bnsebinf ,  pi.  Vil,  flf  it. 

*  Dans  le  musée  de  Copenhafue. 

*  A  iMtid,  pcuis  couteauK. 

«•  Biblioib.  impér.  et  collect.  Gnfnrtn,  à  8t.  PélertbQWf. 
Liscb.  FrwI.  Fran.  XVII,  it. 


«< 


mi  MONUMENTS    DE    L*ANTIQUITÉ. 

surtout  à  Copenhague  des  instruments  dont  la  forme  est 
celle  du  tranchet  du  bourrelier,  et  qui  paraissent  avoir 
servi  à  couper  le  cuir.  Des  pièces  pareilles  ont  été  décou- 
vertes en  Italie  dans  les  environs  de  Pœstum,  pièces 
réellement  romaines  mais  du  plus  ancien  style  grec. 

Un  autre  instrument  qui,  jusqu'à  présent,  me  parail 
propre  au  nord  de  l'Allemagne^  et  à  la  Scandinavie^ 
consiste  en  une  lame,  dont  la  forme  n'est  pas  sans  quel- 
que rapport  avec  celle  du  rasoir,  ])\en  qu'il  soit  douteux 
que  sa  destination  ait  été  la  même.  La  plupart  de  ces 
lames  portent  des  gravures  qui  représentent  l'ancien 
vaisseau  des  mers  du  nord. 

La  faucille  est  une  faux  en  raccourci  dont  l'arc  de  cer- 
cle est  généralement  assez  prononcé*.  Pline  dit  que  les 
Druides  se  servaient  de  cet  instrument  pour  couper  le  gui 
.sacré  du  chêne  et,  bien  qu'il  ajoute  que  cette  faucille  était 
en  or,  on  a  longtemps  envisagé  comme  destinées  au  culte 
celles  de  bronze,  qui  ont  été  découvertes  en  France.  On 
sait  cependant  que  les  Romains  s'en  servaient  dans  l'agri- 
culture et  le  grand  nombre  de  celles  qu'on  a  trouvées  ces 
derniers  temps  ne  permet  plus  de  leur  assigner  un  autre 
usage.  Plusieurs,  des  environs  de  Thonon,  sont  conser- 
vées à  Genève.  Il  y  en  a  deux  dans  le  musée  de  Lausanne, 
qui  viennent  des  monts  de  Chardonne,  On  en  a  retrouvé 
dans  les  cantons  de  Neuchâtel  et  de  Beme^,  et  dans  la 


•  «  Hanovre yi\\e,Uel%en,  d'Eftorf.— J|f«fA/emfrttrgf,  Liwh.  PI.  XVIII,  Hg.  5, S. 
Berlin  collect.  d'ant.  nat.,  une  vingtaine,  dont  plusieurs  viennent  de  Dict^ 
marsen, 

■  Odyssée  XVIII,  368,  faucille  saltem  curvam. 

'  Vers  Rutienberg  près  de  Bienne,  trouvée  sous  un  bloc  de  granit  avec  na 
vase  et  les  fragments  d'une  idole  de  bronze. 


AGB    DU    BRONZB.  4S5 

plupart  des  pays  de  VAllemagne^.  La  collection  du  duc 
de  Cotten  en  renferme  50,  et  celle  des  antiquités  nationales 
de  Berlin b\.  En  Danemark*  et  surtout  en  Suède^,  elles 
sont  moins  nombreuses. 

Dans  le  musée  de  StuUgard  est  une  belle  serpe  en  bronze, 
trouvée  dans  les  environs  de  Cronstadt,  la  seule  pièce  de 
ce  genre  que  je  connaisse. 

Il  est  une  forme  particulière  de  ciseaux,  employée  encore 
chez  nous  pour  tondre  les  moutons.  Les  branches  tran- 
chantes en  dedans,  tiennent  à  deux  tiges  parallèles  dont 
l'extrémité  se  réunit  en  arc  de  cercle.  Une  paire  de  ci- 
seaux de  ce  genre,  conservée  dans  le  musée  de  Copenha- 
gue, appartient  déjà  à  l'âge  qui  nous  occupe^. 

Nous  avons  vu  ce  qu'étaient  les  ^ae^dans  Tâge  des  ins- 
truments en  pierre.  En  Danemark  et  en  Suède^,  on  en 
retrouve  en  bronze  du  même  genre,  arquées,  longues  de 
4  à  6  pouces.  D'abord  trop  épaisses  pour  pouvoir  che- 
miner dans  le  bois,  la  scie  lame  s*amincit,  mais  reste 
encore  en  arc  de  cercle.  Enfin,  une  scie,  trouvée  dans  un 
tumulus  de  la  Sibérie^,  présente  un  perfectionnement; 
sa  lame  droite  et  longue  est  dentelée  sur  ses  deux  bords\ 

*  Darmstadt  8  —  Frankfort  sur  le  Mein^  Mayenee,  Berne,  —  StuUgard  5, 
Auggbourg  1,  —  Bohême^  8  belles  avec  marques  du  moule  bien  prononcées. 
Silésie^  —  Dresde,  Klemm.  —  Grosienhayn^  —  Leiptick,  —  Halle ^  —  Hal^ 
berstadt,  plusieurs.  —  Côthen,  50.  —  Magdebourg,  de  Werder,  —  Hanov^e^ 
5. —  Uel%en, — Schwerin,  —  Brandenburg,  —  Berlin,  51.  Aucune  de  la  gran- 
deur de  celle  de  Prague,  plusieurs  très  petites.  —  Slettin,  petites. 

*  Copenhague,  de  grandeurs  diverses. 
"  Calmar. 

*  Une  paire  de  Nœs  ôure  Romerike,  district  de  Drontheim. 
■  Collect.  de  Tuniv.  de  Lund.  Scie  courbe  et  épaisse. 

*  Collect.  du  prince  Gagarin. 
'  Odyssée  V,  «30. 


itik  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

Une  pièce  de  l'antiquarium  de  Munich,  rappelle  tout 
à  fait  le  ciseau  du  charpentier.  On  ne  peut  douter  que  le 
ceit  n'ait  souvent  été  employé  au  même  usage.  Deux  ont 
été  trouvés  avec  leur  hampe,  dans  le  Jutland;  Tune  avait 
8  pouces  de  long  S  et  Tautre  seulement  2  pouces  et 
demi. 

Les  poinçons  paraissent  avoir  été  fort  en  usage  chez  les 
Scandinaves.  On  en  voit  plus  d'une  centaine  à  Copenhague*. 
Quelques-uns  ont  une  petite  poignée  en  os  ou  même  en 
ambre  ;  tous  sont  en  bronze,  à  l'exception  d*un  seul  qui 
est  en  or.  —  Les  aiguilles,  moins  nombreuses,  sont  per- 
cées d'un  trou  à  Tune  des  extrémités  ou  sur  le  milieu  de 
leur  longueur.  Elles  ne  permettent  pas  de  penser  qu'on 
ait  pu  exécuter  à  leur  aide  des  travaux  délicats. 

Parfois  on  trouve  dans  les  urnes  cinéraires  de  la  Bo- 
hême, de  la  Silésie  ',  du  Hanovre  et  des  bords  de  la  Bal- 
tique *,  de  petites  pincettes,  longues  d'environ  2  pouces, 
larges  et  ornées  de  gravures.  Les  paysans  portent  encore 
dans  quelques  provinces  de  la  Suéde  un  instrument  du 
même  genre,  passé  à  un  cordon  qui  donne  le  tour  du  cou, 
et  qui  sert  à  retenir  sur  la  poitrine  la  partie  supérieure 
du  tablier.  Le  tailleur  lie  cette  pincette  vers  le  genou  et 
y  fixe  la  pièce  d'étoffe  qu'il  veut  coudre.' 

On  voit  dans  quelques  collections  de  V Allemagne*  des 
espèces  de  perles  en  argile  de  la  grosseur  d'une  noix, 


*  Worsaae  Dan,  Vor%eU,  pa^.  2Î. 

*  L'université  de  Lund  a  des  poinçons  en  bronze. 
"  Busching,  pi.  XI,  9,  près  de  Petichkendorf. 

*  Mecklembourg,  Lisch,  XIX,  7.  Bran4enburg^  Beckmann,  pi.  XIX. —Lu 
bech,  Berlin^  38  pincettes.  —  Stettin,  —  Copenhague,  Lund, 

*  Ainsi  à  Grossenhayn^  en  Saxe,  et  à  UeUen. 


AGE    DU    BRONZR  455 

trouvées  seules  dans  les  tombeaux,  c'est-^-dire  sans  trace 
de  colliers.  —  Dans  les  contrées  où  Ton  se  sert  encore 
du  fuseau,  le  fil  passe  à  travers  une  pièce  pareille,  qui  a 
reçu  de  là  le  nom  de  perle  à  filer.  Longtemps  cette  expli- 
cation m*a  paru  très  insufDsante  ;  cependant,  j'ai  flni  par 
m*y  ranger  après  avoir  fait  une  découverte  qui  me  parait 
justifier  cette  manière  de  voir  Un  sarcophage  en  pierre 
contenant  un  squelette  de  femme  assez  bien  conservé,  au- 
près duquel  était,  pour  tout  ornement,  une  seule  de  ces 
perles  qui  reposait  vers  la  main  droite.  En  examinant  cette 
pièce  de  près  j'ai  vu  que  son  ouverture  était  usée  de 
telle  sorte  que  le  fil  seul  peut  avoir  produit  des  raies,  té- 
moins de  l'activité  de  la  fileuse  \ 

M.  le  pasteur  Augustin  conserve  à  Halberstadt  un  ha- 
meçon en  bronze  suspendu  à  une  petite  chaîne  du  même 
métal.  —  On  trouve  parfois  sur  les  bords  des  eaux  et 
dans  des  tourbières  des  poids  en  terre  cuite  percés  d'un 
trou,  qu'on  prétend  avoir  été  destinés  à  retenir  les  filets 
du  pêcheur  au  fond  de  l'eau.  —  Des  objets  assez  pareils 
mêlés  aux  ruines  romaines  de  notre  pays,  également  en 
terre  cuite,  n'étaient  que  des  poids  à  peser. 

Ornements. 

Le  goût  de  la  parure  est  inhérent  à  l'homme.  Nous 
l'avons  remarqué  dès  Tftge  primitif;  et  quand  le  métal  fut 
connu  celui-ci  fut  employé  à  satisfaire  les  exigences  du 
luxe  aussi  bien  que  celles  de  l'utilité. Il  est  souvent  diffi- 
cile de  distinguer  les  ornements  des  hommes  de  ceux  des 

'  Tombes  de  Bel-Air. 


4S6  MONIJMBMTS    DB    l'aNTIQUITÉ. 

femmes  ;  anneanx ,  colliers ,  bracelets  et  broches  leur 
étaient  pareillement  propres.  —  On  retrouve  quelquefois 
sur  la  tête  ou  dans  l'urne  cinéraire  un  anneau  simple  ou 
à  torsade,  entr'ouvert  ou  fermé.  Les  tombeaux  de  Char- 
pigny,  près  d'Aigle,  en  renfermaient  quelques-uns  du 
genre  le  plus  simple.  D'autrefois  les  extrémités  de  l'an- 
neau s'élargissent  en  plaques  ornées  de  gravures  ou  sur- 
montées de  voluies  élégantes;  ou  bien  des  feuilles  métal- 
liques, cannelées  horizontalement,  s'élèvent  en  s'évasant. 
On  donne  généralement  à  ces  divers  tours  de  tète  le  nom 
de  diadème  ;  mais  ce  n'est  pas  à  dire  qu'ils  doivent  tous 
être  envisagés  comme  des  insignes  de  la  royauté.  Ces  or- 
nements sont  surtout  propres  au  royaume  de  Hanovre  \ 
aux  duchés  de  Mecklembourg,  à  la  Paméranie  *,  au  Dane- 
mark et  à  la  Suède  *.  —  Dans  la  collection  de  M.  de 
Werder,  à  Magdebourg,  sont  six  cercles  concentriques  et 
à  torsade  qui  paraissent  avoir  eu  le  même  usage.  Dans  le 
cabinet  de  M.  de  Preusker,  à  Grossenhayn,  en  Saxe,  est 
une  couronne  en  bronze  de  feuilles  de  laurier  détachées 
les  unes  des  autres  et  dont  le  travail  délicat  me  paraît 
accuser  Tindustrie  d'un  peuple  étranger  à  la  Germanie. 
On  conserve  à  Copenhayiie  une  lamelle  ou  bandelette  en 
or,  et  à  Stetlin  un  diadème  semi  circulaire,  du  même  mé- 
tal ^,  dont  l'exécution  révèle  un  grand  développement  de 
Tart.  En  Russie,  les  torques  ou  anneaux  tressés,  en  argent 
ou  en  fils  de  bronze,  se  retrouvent  souvent. 


*  (/e/sen,  6  à  7  diadèmes  en  brome;  d'EstoriT. 
'  Un  à  Greifeswald. 

*  Il  y  en  a  à  Lund  avec  plaques  et  volutes. 

*  Voir  Sech»  GeflUse,  von  Giesebrecht,  pi.  I,  flg.  9.  Ce  diadème  a  ètè  trouvé 
dans  un  de  ces  vases  en  bronze. 


AQK   DU    BRONZK.  457 

Des  Joignes  en  bronze  d  un  âge  reculé  affectent  déjà  nos 
formes  les  plus  communes.  L'un,  des  environs  de  Greifes- 
HHtId,  était  séparé  du  crâne  par  une  spirale  en  bronze  en 
tire-bouchon,  dans  laquelle  avaient  passé  les  cheveux  '. 
Un  autre  a  été  trouvé  à  Cbarpigny. 

Les  épingles,  destinées  à  la  chevelure  ou  aux  vêtements, 
varient  beaucoup  de  forme  et  de  longueur.  Longues  de  4  à 
15  pouces,  elles  se  terminent  par  une  tête  ronde  ou  apla- 
tie, gravée  ou  incrustée  d*une  lamelle  en  or.  La  tétc  est 
quelquefois  remplacée  par  un  disque  à  jour  en  forme  de 
roue,  ou  par  une  plaque  très  mince,  circulaire,  ovale,  en 
losange  ou  découpée.  D'autres  fois  la  tige  de  Tépingle 
s'enroule  de  manière  à  former  quatre  spirales.  —  Des 
épingles  de  formes  très  originales  ont  été  trouvées  dans 
le  canton  de  Vaud ,  à  Vcrchiez,  à  Bex  et  à  Charpigny. 
Les  épingles  se  trouvent  partout*,  mais  sont  particulié 
rement  nombreuses  et  variées  dans  le  musée  de  Copen^ 
hagne  *. 

Le  coHier  le  plus  usité  durant  celle  période  et  porté 
essentiellement  par  les  hommes  de  guerre,  était  un  cercle 
de  métal  d*une  seule  pièce  et  parfois  d*une  assez  grande 
pesanteur.  Tite-Live  nous  apprend  que  Manlius  reçut  le 
surnom  de  Torqualus,  pour  avoir  enlevé  le  collier  d*un 
Gaulois  géant,  qu*il  avait  tué  en  combat  singulier.  Les 

*  On  «oit  à  Copenbafue  quelques  |)4'ignet  en  brome  de  U  même  forme. 

*  l}ûrmU4îdl.  ~  SlMlIçardt,  forme  de  roue.  —  Humèek.  —  Bamberg.  — 
Oreêée  —  Crwêenkayn.  —  Uiptkk.  Bertcht  von  ISIS,  pi.  I,  flf.  19.—  Halk. 
Deuuch.  Alierth.,lom.  Ml.cah.  I  et  4,  pi.  II.—  Ue^êlm,  d'EttoHT.—  Greifeê" 
wèd,  «pirale  pUte.  —  Berlin.  Catalofue  de  Ledebur.  —  Silàie.  Slabelwiti 
(Ettichinf  p!.  Vil.  S.  —  Polfreu,  VU,  t.  —  Gtméwt.  —  Beme.  Musée,  ca- 
taiof.  Tkoune. 

*  CsfeiiAAfM.  —  SlMàAotei. 


4S8  MONUMBNTS    DE    l'aNTIQUItA. 

colliers  appelés  torques,  étaient  chez  les  Romains  la  ré- 
compense et  le  signe  de  la  valeur.  Les  exploits  du  triban 
militaire  Sidnius  Dentatus  furent  récompensés  par  83 
colliers  d'or  et  60  bracelets  *.  —  Si  les  usages  des  bar- 
bares avaient  été  mieux  connus  nous  pourrions  voir  des 
diversités  de  destination  là  où  nous  ne  voyons  que  des 
différences  de  Torme.  Ces  colliers  sont  ordinairement 
ronds,  entr'ouverts  ou  Termes,  ornés  de  rayures  ou  de 
torsades.  Une  statue  en  marbre  du  musée  Capitolin  *  re- 
présente un  Gaulois  expirant  qui  porte  le  collier  à  tor- 
sade qu'on  retrouve  souvent  dans  les  tombeaux.  Les  col- 
lection de  Hanovre,  de  Halle,  de  Slettin,  de  Copenhague, 
de  Stockholm  et  de  Norwège,  renferment  des  colliers  des- 
quels il  se  détache  sur  leur  largeur  quatre  feuilles  ou 
lamelles  de  bronze,  contournées  et  ondulées  de  manière  à 
reproduire  à  peu  près  les  plis  d'une  fraise.  Â  Copenhague 
et  à  Lund,  sont  aussi  des  colliers  en  bronze  à  trois  rangs  qui 
retombaient  sur  la  poitrine  '.  — On  a  retrouvé  dans  quel- 

*  Il  reçut  en  outre,  durant  ses  40  hrs  de  service,  14  couronnes  civiques,  8 
murales, 8  couronnes  d'or,  18  lances  et  23  chevaux  avec  leurs  harnais;  il  fut 
assassiné  l'an  405  avant  Jésus-Christ.  Val.  Max.  111,  2.  Silius  Italicus  dit: 

Colla  viri  fuWo  radiabant  lactaa  orquo, 
Auto  virgit»  veales,  maniccque  rifebant. 
Ex  auro,  et  simili  vibnJ>at  crista  métallo. 

Comparez  Genèse  XLI.  42.  Alors  Pharaon  ôta  son  anneau  de  sa  main  et  le 
mit  à  celle  de  Joseph,  et  le  flt  vêtir  d'habits  de  fln  lin,  et  lui  mit  un  collier 
d'or  au  cou. 

*  Ollfr.  MuUer,  Denkm.  der  AU.  Kunst,  i  Band,  2  Heft,  pi.  XLVIll,  217. 

*  Colliers  en  bronze  à  Siruheim.  —  Damutadty  2  grands  unis,  torsade.  — 
Bonn,  torsades  et  ronds.  —  Mayence,  ronds  et  unis.  —  Heste  rhénane, 
gravés,  torsades.  —  Stuttgardt.  —  Munich.  —  Prague^  10  colliers  minces 
ou  tordus,  de  Hinetz.  —  Silésie^  Busching.  —  Dresde,  torsades,  Klemm 
Handbueh.  —  Leip%ick.  — HaUe,  colliers  à  torsades  et  à  fraise.  —  Cëthen.  — 
Magdebimrg,  de  Werder.  ~  Halbentadt.  —  Hanovre  ville,  à  fraise.  —  Uel- 


A6B   DU    BRONZE.  159 

qaes  localités  les  colliers  en  or  dont  parlent  les  auteurs 
anciens  '.  L*un,  de  Saint- Gérand-^e-Vatix,  dans  le  Bour- 
bonnais, d'une  valeur  d'environ  1000  fr.,  est  composé 
d*un  cercle  ouvert  dont  les  extrémités  se  terminent  par 
des  boutons  concaves  '.  —  Les  musées  du  nord  possèdent 
dans  ce  genre  de  grandes  richesses,  mais  la  plupart  de 
ces  pièces  me  paraissent  d*une  époque  un  peu  postérieure. 

—  Nous  mentionnerons  encore  des  plaques  en  or  très 
minces,  de  la  forme  d*un  croissant,  qui  ne  sont  pas  sans 
quelques  rapports  avec  les  hausse-cols  des  ofDciers.  Les 
gravures  dont  elles  sont  ornées  sont  tout  à  fait  de  l'âge 
du  bronze.  Trois  ont  été  découvertes  en  France  '  sur  la 
presqu*{le  de  Cotentin,  et  plusieurs  autres  en  Irlande  *. 

—  Strabon'  dit  que  les  Bretons  portaient  des  colliers 
d'ivoire  (sans  doute  d'os). 

Des  colliers  plus  portatifs,  mais  plus  rares  à  cette  épo- 
que, consistaient  en  perles  ou  grains  d'ambre  *,  de  verre 
de  toutes  couleurs,  d'émaux  et  de  terre  cuite,  passés  à  un 

MM,  rajfét  et  tortades.  —  Hambaurç,  fraf  menU  de  tonadei.  —  Sckwerm,  — 
Sieittn,  à  fraite.  —  Copenhague,  de  tout  fenret.  —  Limd,  idem. —  Calmar. 
colliert  ttmples.  —  Stockholm.  —  Sirabon  III,  dit  que  les  Etpcjnol»  portaieat 
4et  colliert  de  fer. 

•  Pline  XXXfll,  I. 

*  Trouvé!  a«ec  150  médaillet  en  or  ayant  sur  ravert  la  tète  d'Apollon,  et 
%mr  le  revert  un  char  attelé  de  deui  chevaui  que  dirife  an  eoelier.  Amnale$ 
arrk.  de  Didron,  l**  toI.,  paf.  87. 

*  Court  de  de  Caumont,  pi.  X,  flf.  4  ;  X,  I. 

*  Quelque»- unt  ton!  tout  unit  ou  peu  omet.  Ut  ne  pètent  fuère  que  deux 
encei  chacun.  L'EncyelopéSe,  tom.  Il,  paf.  llt-ltl,  dit  que  quelques  tor- 
qnet  lont  Urget  comme  det  hautse-colt.  On  a  retrouvé  quelques  chaînes  ea 
bronie  pour  colliert,  ainti  h  Gempnach,  prés  Morat. 

•  iV.  M. 

•  Oéfttée,  XV,  4S7.  On  Ptiéoieien  voulait  vendre  va  bM«  eoOier  d'or  av«c 
de  benox  grains  d'amkre. 


460  MONUMENTS    DE    L'ANTIQUITi. 

fil  de  bronze*.  La  présence  de  Tambre  dans  les  anciens 
tombeaux  A'Albano,  révèle  la  haute  antiquité  des  rapports 
commerciaux  entre  le  midi  et  le  nord.  On  attribua  de 
bonne  heure  à  cette  substance  des  propriétés  particulières. 
Pline  *  rapporte  qu*on  faisait  porter  aux  petits  enfants  des 
colliers  d'ambre  pour  les  préserver  des  charmes  et  des 
sorcelleries.  Il  ajoute  que  de  son  temps  les  jeunes  filles  de 
l'Italie  transpadane  en  portaient  aussi  comme  préservatif 
contre  le  goitre  et  les  maux  de  gorge  '.  Quant  aux  grains 
de  verre  colorié  et  d'émaux,  ils  présentent  partout  en 
Europe  une  identité  surprenante,  et,  mêlés  à  ceux  qui 
proviennent  des  tombeaux  égyptiens,  il  serait  difficile  de 
les  en  distinguer.  Cette  analogie  nous  indique  qu'ils  doi- 
vent avoir  été  répandus  par  le  commerce  chez  les  pays  du 
nord. 

L'absence  d'un  ornement  fort  en  usage  plus  tard  mérite 
d'être  mentionnée  ;  je  veux  parler  des  boucles  d'oreille, 
dont  aucune  à  ma  connaissance  n'a  accompagné  les  objets 
qui  nous  occupent.  En  revanche  les  bracelets  étaient  très 
répandus^.  Les  dames  grecques  les  portaient  souvent  au- 

*  On  en  a  trouvé  en  Montagny,  près  d'Yverdon,  de  même  à  Stetlin,  avec 
grains  d'ambre,  de  verre  el  d'émaux  à  mosaïque.  Un  01  de  bronze  d*Uelten 
portail  des  perles  de  bronze.  —  Le  D^  Lisch  m'écrit  que  les  grains  de  verre 
bleu  se  retrouvent  quelquefois  dans  le  Mtcklemhourg  avec  les  objets  de  l'âge 
de  bronze.  —  De  même  en  Crimée. 

«  XXXVIl,  3. 

'  Dans  l'anliquarium  de  Munich  est  un  magnifique  collier  composé  en- 
tièrement de  perles  d'ambre  rouge,  dont  la  grosseur  va  en  diminuant  à  chaque 
extrémité  du  collier.  La  pièce  du  milieu,  un  peu  aplatie,  est  d'une  grandeur 
étonnante. 

*  Eurydamas  apporte  à  Pénélope  des  pendants  d'oreille  à  trois  pendeloques, 
d'un  travail  exquis. —  Eurymaque  lui  apporte  des  bracelets  d'or  et  d'ambre. 
Odyssée,  XVIII,  290  et  laiv. 


AGI   DU    BRONZK.  161 

dessus  du  coude,  et  quelquefois  aussi  au-dessus  du  poi- 
gnet. On  ne  connaît  rien  de  précis  à  cet  égard  chez  les 
barbares,  cependant  un  passage  de  Dîodore  de  Sicile  semble 
indiquer  que  ces  deux  manières  étaient  usitées  chez  les 
Gaulois.  En  parlant  de  l'or  abondant  qu'ils  trouvaient  dans 
les  rivières ,  il  dit  qu'on  l'employait  à  la  parure  des  fem- 
mes et  même  à  celle  des  hommes.  Les  Gaulois,  ajoute-t-il, 
en  font  non-seulement  des  anneaux,  ou  plutôt  des  cercles 
qu'ils  portent  aux  deux  bras  et  aux  poignets,  mais  encore 
des  colliers  entièrement  massifs' .  La  distinction  de  Diodore 
entre  les  ornements  des  bras  et  des  poignets  paraît  faire 
allusion  à  l'usage  adopté  dans  le  midi.  —  Nous  ne  pou- 
vons dire  si,  de  même  que  chez  les  Romains,  le  bracelet 
fut  aussi  une  récompense  de  la  valeur,  vu  le  manque  de 
renseignements  à  cet  égard*.  Les  bracelets,  de  beaucoup 
les  plus  nombreux,  sont  en  bronze.  Leurs  formes  n'offrent 
pas  moins  de  variétés  que  celles  des  colliers.  Ils  sont  ronds 
ou  ovales,  unis  ou  gravés,  fermés  ou  entr'ouverts,  avec 
ou  sans  boutons  aux  extrémités.  Parfois  c'était  une  feuille 
ou  bandelette  qui  donnait  le  tour  du  bras.  D'autres  fois, 
la  pièce  plus  massive  est  concave  à  l'intérieur  et  convexe 
en  dehors.  La  plupart  sont  coulés.  Quelques-uns  ont  été 
évidés  à  l'aide  d'un  noyau  en  argile  ou  fourrés  d'une  ma- 
tière étrangère  à  l'enveloppe.  Ce  sont  aussi  de  simples 
joncs  ou  des  fils  métalliques  plus  ou  moins  épais,  dont  les 
extrémités  sont  quelquefois  nouées.  Il  en  est  à  torsade» 
et  d'autres  perlés  comme  les  grains  d'un  collier.  C'est 

'  Uv.  V.  paf .  Ul,  m.  TradiicUon  de  Tabbé  TerrasMa. 

*  On  voit  de  cet  braceleU  enir'oavertf  reprétentét  sur  U  poitrÙM  de  •!»- 
UMt  ea  marbre  de  ceaUinoot  à  Boaa  el  à  Mayenee.  Dans  les  deraien  aie  • 
clea  paieat,  lea  cbeCi  porUieat  doac  dea  bracaiata  aa  or. 

Bta.  rr  aocoa  iiy.  H 


462  MONUMBNTS    DE   l'aNTIQUITÊ. 

surtout  sur  le  bracelet  que  le  graveur  a  déployé  toutes  les 
ressources  de  sou  art.  Hachures,  cbevrous,  lignes  obli- 
ques, perpeudiculaires  ou  parallèles,  disques,  cercles  con- 
centriques et  pointillages,  ont  souvent  été  disposés  avec 
goût  '.  Une  forme  particulière  de  bracelets  reproduit  l'en- 
roulement d'un  serpent  autour  du  bras.  La  tète  du  rep- 
tile, fréquemment  indiquée  chez  les  Grecs,  Test  plus  ra- 
rement dans  le  nord.  Les  tombeaux  de  Charpigny  ren- 
fermaient un  de  ces  anneaux  en  spirale,  encore  attenant  à 
l'avant-bras  du  squelette.  Ils  ne  sont  pas  rares  en  France 
et  en  Allemagne.  On  les  retrouve  même  dans  les  tombeaux 
de  la  Sibérie,  en  or  massif  et  d'une  grandeur  étonnante. 
Ce  genre  de  bracelet  a  eu  des  destinations  diverses.  Ils 


*  Genève.  —  Marges.  —  Charpigny  —  Bex.  —  EduiUent,  Montagny  près 
Yverdon.  —  Trey  près  Payerne.  —  Musée  de  Lausanne.  —  Agie*.  —  Gemp- 
nœk  près  Morat,  bracelets  en  bronze  avec  d'autres  de  verre.  —  Berne,  cata- 
logue du  musée.  —  Zurich.  —  Fribourg  en  Brisgau.  —  Hrilbronn  (Wurtem- 
berg), perlé.  —  Sinsheim,  tire-bouchons  ronds,  unis.  —  Darmstadi^  92  petits 
sans  raie,  fermés  ou  entr'ouverts  ;  S  à  torsade  avec  S  fils,  2  à  tire-bouchon, 
il  unis  comme  à  Bonn.  —  Francfort.  —  Mayence,  tire-bouchons,  perlés,  con- 
caves à  raies  droites,  ronds  et  sans  ornement,  comme  ceux  de  Sinsheim,  de 
Trey  et  des  Cafres  en  Afrique.  —  Heste-Rhènane,  beaux  rayés.  —  Stuttgard, 
perlés.  —  Augtbourg,  Fund  von  Ehingen.  —  Munich,  antiquarium,  à  tire- 
bouchons,  gravés,  très  variés.  —  Bamberg,  petits,  rayés.  —  Prague,  une 
vingtaine.  —  Silétie,  Biisching,  XI,  2,  8.  Dresde,  Klemm.—  Grossenhayn.  — 
Leipûck.  —  Halle.  —  Coihen,  belles  rayures.  —  Magdebourg,  de  Werder. 
—  Halbersiadl^  tire-bouchons  et  autren.  —  Hanovre,  idem.  Uel%en,  idem. 
Schwerin,  idem.  —  Hambourg.  —  BerUn,  bombés,  rayés  et  autres.  Stettin, 
tire-bouchons  et  autres,  Putbus. 

Copenhague,  de  tous  genres. 

Lund,  2  lire-bouchons. 

Stockholm,  Upsal. 

Caucase. 

France,  collection  de  la  More,  département  de  la  Drdme. 

/{natte,  Uikuanie,  torsades. 


AGE    DU    BROmt.  463 

serraient  d'ornements,  mais  aussi  d*armQres  on  de  bras- 
sards pour  protéger  l*a?ant-bras  contre  les  coups  de  l'en- 
nemi. Nous  verrons  aussi  dans  la  suit^  qu'on  en  détachait 
parfois  une  partie  plus  ou  moins  considérable,  suivant  la 
valeur  du  métal  dont  ils  étaient  composés,  et  que  ces  an- 
neaux, dont  parlent  les  auteurs  anciens,  servaient,  à  la  place 
de  monnaies,  pour  les  échanges  et  le  commerce.  —  On  a 
découvert,  dans  les  pays  baignés  par  la  mer  Baltique', 
des  bracelets  formés  d'un  fil  de  bronze  d'une  épaisseur 
d'environ  3  lignes.  Le  fil  métallique  a  d'abord  été  roulé  en 
spirale  plate  et  serrée,  d'un  diamètre  de  3  à  4  pouces, 
puis  reployé  de  manière  à  former  un  anneau,  dans  lequel 
on  peut  passer  l'avant-bras.  Avec  le  prolongement  du  fil, 
on  a  fait  une  seconde  spirale  pareille  à  la  précédente,  en 
sorte  que  la  pièce,  dans  son  ensemble,  présente  l'aspect 
de  deux  disques  fixés  à  un  anneau  '.  Comme  les  bracelets 
précédents,  ceux-ci  ont  aussi  rempli  le  double  oflice  d'or- 
nements et  de  brassards.  Je  dois  ajouter  qu'ils  sont  tou- 
jours en  bronze.  Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  retrouver  la 
reproduction  de  quelques-unes  de  ces  formes  de  bracelets 
de  l'ancienne  Europe  chez  les  Ethiopiens  actuels  du  pays  de 
Bahr.  vers  les  sources  du  Nil  \  et  chez  les  Cafres  ^  de  l'in- 

*  On  voit  de  cm  l»receleU  à  double  tpirile  dans  la  eoUecUon  dn  Louvre  et 
dant  le  muiée  brilanaiqae. 

'  A  Sckwtrim,  —  BramJehtmrg,  BeekfliaaB.  —  Btrtm,  de  Ledebur,  pi.  II. 
>»•  11.  ne.  —  SUttm,  trots  frauda.  —  Captmkmqm.  -  A  D^rwMmÙ  eal  an 
de  cet  bracelets,  doot  les  s|Mrales  n'ont  qii*«o  poneeet  dami  de  diamètre.  Las 
flb  de  ces  spirales,  toujoart  élastiques ,  ont  été  quaiqnafois  travaillés  de 
telle  sorte  qa'ils  ne  peuvent  pas  céder  aa  dedaaa,  c'esl-è-dira  sur  le  bras 
taadi*  qu'on  peni  les  repoosser  en  cône  aa  debora.  C'est  aAn  de  nievi  pro- 
léfor  k  bras  eontra  les  conps. 

*  Cet  bracelets  sont  en  far. 

*  Lenn  colliers  et  aaaeaoi  de  jaaibe  soal  aa  brooit.  drcalairea,  a«ai 


468  MONUMENTS   DE   l'aNTIQUITÉ. 

quelles  soDt  suspendues  des  plaques  triangulaires,  ornées 
de  gravures.  On  a  découvert  prés  de  Creil  sur  l'Oise  un 
grand  cercle  d'or  en  torsade  qui  parait  avoir  en  la  même 
destination.  Une  ceinture  en  bronze  de  Stockholm  est  un 
simple  anneau  à  torsade  assez  grand  pour  donner  le  tour 
de  la  taille.  On  en  a  trouvé  une  autre  d'or  massif  en  Si-- 
bérie  qui  donne  six  fois  le  tour  du  corps  et  dont  les  ex- 
trémités représentent  des  têtes  de  serpenta  La  plupart 
des  ceintures  ayant  été  en  cuir  on  comprend  qu'elles 
n'aient  pu  parvenir  jusqu'à  nous.  —  Chez  les  anciens 
peuples  celtiques,  une  ceinture  d'une  dimension  déter- 
minée était  déposée  chez  le  magistrat  et  ceux  d'entre 
les  guerriers  qui,  en  raison  de  leur  embonpoint,  ne  pou- 
vaient l'agrafer,  étaient  condamnés  à  payer  une  amende. 

Fibules. 

Les  fibules  répondent,  soit  par  leur  forme,  soit  par 
leur  destination,  à  l'ornement  connu  de  nos  jours  sous  le 
nom  de  broche.  C'est  d'abord  une  épingle  recourbée  en 
arc  de  cercle,  dont  la  pointe,  élastique  ou  mobile,  décrit 
la  corde  et  se  fixe  à  un  crochet,  après  avoir  pris  l'ampleur 
du  vêtement.  La  tige,  ainsi  reployée,  reproduit  autant  de 
figures  diverses  que  l'imagmation  de  l'artiste  en  a  pu 
créer.  Ce  sont  des  enroulements  variés,  des  spirales  dou- 
bles ou  simples,  des  lamelles  découpées  ou  reployées, 
munies  d'une  aiguille*.  La  longueur  des  fibules  ordinaires 

*  Déposée  dans  la  collection  de  Tacadémie  des  sciences,  à  Saint-Péters- 
bourg. 

*  Zurich.  Mitîheilungen. 

Darmttadt.  —  Stuttgard.  —  Bohême,  brisées,  une  double  spirale  mais 


AGt   DU    BKONXt.  469 

est  d'eD?iron  deux  pouces.  Od  les  retrouve  eo  Italie, 
dans  les  tombeaux  A*Albano,  et  dans  tous  les  pays  de  l'Eu- 
rope habités  ayant  l'ère  chrétienne.  Le  nord  a  cependant 
quelques  formes  qui  lui  sont  propres  et  qui  se  distin- 
guent par  leurs  grandes  dimensions.  Quelques  fibules» 
longues  de  5  pouces,  propres  au  Danemark,  à  la  Suède, 
el  au  Hanovre,  sont  composées  de  deux  parties  ovales, 
convexes  et  bosselées,  réunies  par  un  arc  de  cercle. 
D*autres,  non  moins  volumineuses,  ont  la  forme  d'un  en- 
tonnoir, surmonté  d'un  bouton,  et  portent  des  gravures 
de  serpents  ou  dragons,  dont  les  ondulations  ont  été  tra- 
cées avec  habileté*.  —  Une  fibule  en  bronze,  trouvée  en 
Silésie,  près  de  SchweidniU,  ne  mesure  pas  moins  de 
AS  pouces  de  longueur,  et  pèse  prés  de  trois  livres'; elle 
est  composée  de  deux  grands  disques  en  spirale  réunis 
Tun  à  l'autre  par  une  plaque  ovale  et  gravée.  La  grandeur 
de  cette  pièce,  placée  sur  la  poitrine,  permet  de  supposer 
qu'elle  était  à  la  fois  ornement  et  armure. 


Débris,  symboles. 

On  découvre  souvent  divers  débris  en  métal  qui  ont 
été  la  garniture  d*objets  dont  les  formes  ne  sont  pas  ar- 

MiM  éf»iaf W.  —  Drtade,  Klemm.  —  Gn^uêmkéifn.  —  Uiptkk,  —  UaiU^  Kime. 
«•I.  III,  cah  t  el  i,  pi.  11.  —  Hathentadi.  —  JUagéthourg.  --àteekkmkamrf. 
—  Brûméenbourg,  Bcckmann.  —  Vel%en^  d'CstoriT.  —  Hanopre,  Slettim,  flbolê 
k  éeut  frandet  »pîralet.  —  Berlin,  lii  Ûlrale*.  Ledebur.  Siliêie,  Byscliinf . 
tMB.  XI.  flf.  Set  II,  I. 

Lmmd,  Stoeàhoim, 

*  Lmné,  t  fibulet  entonnoirt.  Sioekkoim. 

'  iiMchmf,  pi.  Il,  t. 


i78  MONUMENTS   DB    l'aNTIQUITÉ. 

canton  de  Vaud  où  Ton  ait  recueilli  des  vases  de  cette 
époque.  Ils  ont  été  péchés  dans  le  lac,  à  peu  de  distance 
de  Concise,  a?ec  les  deux  épées  en  bronze  que  nous  avons 
mentionnées.  Des  fragments  de  ces  vases,  conservés  dans 
la  bibliothèque  d'Yverdon,  sont  d'une  argile  grossière, 
entremêlée  de  petites  pierres,  et  sans  trace  d'ornements. 
Nous  verrons,  en  parlant  du  mode  d'inhumation,  la  raison 
pour  laquelle  ces  vases  sont  si  rares  chez  nous,  tandis 
qu'ils  se  retrouvent  en  assez  grand  nombre  dans  la  plu- 
part des  autres  pays  '. 

Dans  le  nord  de  l'Allemagne  *,  en  Danemark  '  et  en 
Suède*,  on  en  a  découvert  quelquefois  dans  le  sol,  mais 
généralement  sans  que  rien  indique  la  présence  de  tom- 
beaux, des  vases  en  bronze  et  en  or  d'une  forme  parti- 
culière, qui  sont  généralement  envisagés  comme  ayant 
servi  au  culte.  Peu  élevés  et  arrondis  dans  la  partie  infé- 


*  Dans  la  Suisse  allemande  moins  rares.  Mitth.  von  Zurich^  passim.  —  J'ai 
retrouvé  ces  vases  à  Borm,  Heilbronn  —  Augibourg.  —  Munich,  collection 
de  la  société  d'histoire,  un  à  flgure  humaine,  mais  peut-être  d'un  âf^e  pos- 
térieur. —  Prague.  —  SUéne,  Busching.  —Dresde,  Klemme,  XII.  —  Groi- 
senhayn,  très  grands.  —  Leipiiek.  —  Halle,  id.  —  Cothen,  cornes.  —  Mag- 
debourg,  Wiggert  et  de  Werder.  —  Halberstadt ,  Angusiin.—  Hanovre,  (ville). 
—  Uelien.  —  Hambourg,  rayons  peu  nombreux.  —  Schwerin,  Lisch.  —  5«/»- 
wedel.  —  Berlin,  de  Ledebur.  —  Grdfenwald.  —  Stettin,  grands.  —  Pul- 
bus.  —  Copenhague,  Sorterup.  —  Lund.  —  Stockholm. 

*  Halberstadt,  Augustin,  pi.  XVII,  1  br.  —  Magdebourg,  de  Werder,  1  en 
bronze.  —  Hanovre,  bronze.  —  Uel%en,  3  br.  avec  une  faucille  de  bronze, 
aussi  Mecklembourg-Streliti,  5  br.  —  Darsekau,  {Knc.  MarCh  versSalzwedel) 
1  br.  avec  une  faucille,  javelot,  bracelets,  tubes.  —  Stetlin,  1  br.  avec  bra- 
celet et  diadème  er.  or. 

'  Musée  de  Copenhague,  armoire  53,  15  vases  en  bronze,  6  en  or  de  3  à  4" 
de  diamètre.  2  en  or  de  6  à  7  "  de  diamètre. 

*  7  Lund,  3  en  bronze,  Stockholm. 


AGE    DU    BRONZE.  J79 

rieure,  ils  étaient  destinés,  n'ayant  pas  de  pieds,  à  être 
suspendus.  A  partir  de  son  plus  grand  diamètre,  le  vase 
se  rétrécit  brusquement  et  se  termine  par  un  col  bas  et 
cylindrique  surmonté  de  deux  petites  anses  '.  Leurs  orne- 
ments diffèrent  sensiblement  du  genre  de  gravure  observé 
jusqu'à  présent,  ce  ne  sont  plus  les  lignes  droites  ou  bri- 
sées, mais  des  serpentages,  des  espèces  d'entrelacs,  des 
ondulations  d'où  s'échappent  des  tètes  de  dragons,  des 
torsades,  des  cercles  concentriques,  des  ornements  divers 
disposés  avec  goût.  Quelques-uns  en  relief  ont  été  pro- 
duits parle  moule,  d'autres  sont  finement  gravés^  le  plus 
petit  nombre  présente  une  incrustation  d'émail  sur  le 
bronze.  Sur  les  vases  en  or  les  ornements  sont  reproduits 
par  le  bosselage.  Au  premier  coup  d'œil  on  se  demande 
si  le  fini  du  travail  n'appartient  pas  à  un  autre  âge  ou  à 
un  art  étranger.  Quant  au  premier  point,  quelques-uns 
de  ces  vases  ont  élé  retrouvés  avec  des  bracelets,  des 
pointes  de  javelot  et  des  faucilles  en  bronze,  c'est-à-dire 
avec  les  instruments  caractéristiques  de  cette  période. 
D'autre  part,  s'ils  provenaient  de  l'étranger,  il  serait  sur- 
prenant qu'on  ne  les  découvrit  que  dans  les  pays  voisins 
de  la  mer  Baltique  ;  mais  il  y  a  plus,  on  peut  se  convaincre 
qu'ils  ont  été  fabriqués  dans  le  nord,  par  la  découverte 
de  Tun  d'eux  en  Danemark,  pris  encore  dans  le  moule 
dans  lequel  il  avait  été  coulé.  Le  vase  et  le  moule  étant 
Tun  et  l'autre  endommagés,  il  parait  que  l'ouvrier  les 
avait  abandonnés  comme  une  épreuve  malheureuse.  Quoi- 
que rares,  le  musée  de  Copenhague  en  possède  15  en 


*  En  voir  les  dessins  dans  la  brochure  de  Giesebrecht  et  dans  l'ouvrage  de 
d'Estorff. 


4  80  MONtMENTS    DE    L^ANTIQUITÉ. 

bronze  et  8  en  or  de  3  à  7  pouces  de  diamètre.  M.  le  pro- 
fessear  Giesebrecht,  de  Stettin,  a  publié  un  mémoire  sur 
six  de  ces  vases,  et,  d'après  les  ornements,  il  cherche  à 
montrer  que  les  uns  étaient  employés  au  culte  du  feu,  et 
les  autres  au  culte  de  Teau  *  ;  mais  les  points  sur  lesquels 
il  s'appuie  sont  sujets  à  contestation.  Quoiqu'il  en  soit, 
leur  forme  et  leurs  ornements  diffèrent  tellement  de  la 
poterie  ordinaire,  qu'ils  doivent  avoir  eu  une  destination 
particulière,  et,  nous  le  croyons,  une  destination  reli- 
gieuse *. 

On  peut  faire  rentrer  dans  cette  catégorie  quelques  va- 
ses en  argile,  percés  tout  alentour  de  trous  nombreux, 
qu'on  croit  avoir  été  employés  pour  brûler  l'encens'.  Que 
les  anciens  peuples  aient  connu  ce  genre  de  parfum,  il 
n'est  pas  permis  d'en  douter.  On  conserve  dans  quelques 
collections  du  nord^  des  espèces  de  pains  d'encens,  d'une 
couleur  brunâtre,  recueillis  dans  des  tombeaux.  Quand  on 
approche  cette  matière  du  feu,  il  s'en  dégage  une  fumée 
abondante  qui  répand  encore  un  parfum  agréable,  non 
sans  rapport  avec  l'encens  employé  de  nos  jours. 

Anneaux  monnaies. 

Si  dès  les  âges  les  plus  anciens,  l'établissement  des 
professions  introduisit  l'échange,  premier  élément  du  com- 

*  Sechs  Gefâsse  von  Ludwig  Giesebrecht,  Stetlin  1845. 

*  Je  connais  un  9eul  vase  de  cette  forme  en  argile  noire  dans  la  collection 
attenante  à  la  bibliothèque  de  Hambourg,  mais  il  n'est  couvert  d'aucun  orne- 
ment. 

>  Sorterup,  pi.  III.  87,  40;  pi.  1,  18. 

*  Ainsi  à  Copenhague  et  à  \lagdehourg.  M.  de  Werder  m'en  a  remis  deux 
morceaux  déposés  dans  ma  collection. 


AGE    DU    BHONZB.  181 

merce,  on  comprendra  que  ce  moyen  d'acquérir  ait  dû  su- 
bir quelques  -développements  dans  la  seconde  période  ; 
mais  avant  d'arriver  à  posséder  la  monnaie,  signe  repré- 
sentatif et  conventionnel  des  marchandises,  il  y  a  plus  d'un 
degré  à  parcourir.  La  monnaie  n'était  pas  encore  en  usage 
chez  les  Grecs  du  temps  de  la  guerre  de  Troie,  du  moins 
à  en  juger  par  le  silence  d'Homère  à  cet  égard  \  On  appré- 
ciait les  richesses  d'après  le  nombre  des  troupeaux.  Pau- 
sanias  dit  qu'anciennement  on  payait  les  achats  avec  des 
bœufs,  des  esclaves,  ou  de  l'or  et  de  l'argent  non  façon- 
nés'. Longtemps,  les  peuples  du  nord  eurent  recours  aux 
mêmes  moyens  d'échange,  car  Targent  monnayé  n'y  péné- 
tra que  fort  tard'.  L'introduction  du  métal  employé  dans 
les  échanges  est  déjà  un  progrès  qui  tend  à  faciliter  le 
commerce^.  Avant  d'arriver  à  lui  imprimer  une  empreinte 
on  s'en  sert  d'après  un  poids  déterminé.  Dans  leurs  tran- 
sactions les  anciens  Egifptiens  emploient  des  anneaux  d'or 
ou  d'argent,  d'un  poids  et  d'un  diamètre  réglés  par  l'au- 
torité publique  \  César  rapporte  que  les  Bretons  se  ser- 
vaient d'anneaux  de  fer^.  Les  anneaux  avaient  aussi   le 

*  11  parle  d'échanges:  Itiade  il,  U9;  V],  236;  V]l,  474;  —  de  commerce, 
Odys.  XIII,  285;  voir  aussi  Strabon,  pag.  144  et  757.  Sur  le  commerce  phé- 
nicien :  Esa.  XXUl;  Ezéch.  XXVII,  XXVill. 

*  Lib.  III.  cap.  12.  L'auteur  ajoute  que  ceux  qui  naviguent  aux  Indes  di- 
sent que  les  Indiens  donnent  des  marchandises  en  échange  de  celles  qu'on 
leur  apporte  de  la  Grèce,  mais  qu'ils  ne  connaissent  point  les  monnaies, 
quoiqu'il  y  ait  une  quantité  prodigieuse  d'or  et  d'argent  dans  leur  pays. 

'  Par  les  premiers  missionnaires  chrétiens. 

*Gen.  XXIII,  16.  Abraham  paya  400  sicles  d'argent  ayant  cours  entre  les 
marchands.  XLII,  25,  35;  XLIII,  21,  notez  même,  argent  selon  son  poids.  Le 
poids  indique  la  balance. 

*  Egypte  anc,  par  Ghampoillon  Figeac.  (Collection  de  V  Univers),  pag.  288. 

*  Lib.  V,  cap.  14.  —  Les  Carthaginois  se  servaient  de  monnaies  de  cuir. 
Sénèque,  des  bienfaits.  L.  V,  cap.  14. 


18:2  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

môme  usage  dans  le  nord,  ainsi  qu'on  peut  s'en  convain- 
cre par  quelques  découvertes  un  peu  postérieures  à  l'âge 
qui  nous  occupe.  On  a  retrouvé  en  plus  d'un  lieu,  sur  les 
côtes  orientales  de  la  Suède,  des  trésors  enfouis  à  peu  de 
profondeur  dans  le  sol.  Ils  consistent  en  monnaies  étran- 
gères morcelées,  en  fragments  plus  ou  moins  grands 
d'anneaux  d'or  et  d'argent,  tous  coupés,  ainsi  que  les 
monnaies,  avec  un  instrument  tranchant.  Les  fragments 
d'anneaux  ont  appartenu  à  ces  bracelets  en  spirale  qui 
donnaient  plusieurs  fois  le  tour  du  bras.  Quelques  uns  de 
ceux-ci  ont  fait  partie  de  ces  trésors.  D'autres,  recueillis 
ailleurs,  ne  sont  plus  complets.  La  coupe  de  l'une  des  ex- 
trémités montre  qu'on  en  avait  détaché  quelques  tours  pour 
un  usage  qui  ne  peut  laisser  de  doute.  On  le  voit,  le  bra- 
celet à  spirale  était  non-seulement  un  ornement,  mais 
aussi  un  moyen  d'acquérir.  L'argent,  soigneusement  caché 
de  nos  jours,  se  portait  alors  autour  du  bras,  et  sans 
doute  avec  ostentation.  Je  dois  encore  ajouter  que  si  les 
découvertes  mentionnées  sont  un  peu  postérieures  à  la 
seconde  période,  les  bracelets  qu'elles  renferment  sont  la 
reproduction  parfaite  de  ceux  en  or  et  en  bronze  que  nous 
avons  déjà  décrits,  et,  l'on  n'en  peut  douter,  ils  s'em- 
ployaient au  même  usage. 

Monnaies. 

On  a  retrouvé  quelquefois  en  Allemagne  d'anciennes 
monnaies  grecques,  apportées  par  le  commerce.  Trente- 
neuf  pièces,  de  5  à  6  siècles  avant  noire  ère,  étaient  en- 
fouies près  de  Nakel,  district  de  Bromberg,  dans  le  grand- 
duché  de  Posen.  On  croit  que,  déjà  à  cette  époque,  les  mar- 


AGE    DU    BRONZE.  183 

chands  grecs  qui  faisaient  le  commerce  de  Tambre  s'é- 
taient ouvert  à  travers  les  terres  une  voie  plus  directe 
que  celle  des  navigateurs,  qui,  pour  arriver  à  la  Baltique, 
avaient  à  doubler  tout  le  continent. 

D'entre  les  peuples  qui  nous  occupent  les  Gaulois  furent 
les  premiers  qui  frappèrent  des  monnaies.  Leur  proximité 
de  l'Italie  et  surtout  leurs  rapports  avec  la  Grèce  et 
l'Asie  mineure  par  l'intermédiaire  de  Marseille  leur  appri- 
rent à  régulariser  les  moyens  d'échange.  Les  plus  ancien- 
nes monnaies  celtiques  sont  sans  tète  et  sans  inscription. 
Concaves  d'un  côté  et  convexes  de  l'autre,  elles  portent 
une  empreinte  sur  le  côté  creux,  qui  consiste  dans  la  re- 
présentation d'anneaux,  du  soleil,  de  la  lune  et  des  étoiles, 
et  aussi  d'une  espèce  de  cheval.  On  les  retrouve  en  France, 
dans  la  Grande-Bretagne,  dans  le  nord  de  V Allemagne  et 
en  Hongrie.  En  1771,  on  découvrit  en  Bohême,  près  de 
Podmokel  un  enfouissement  de  monnaies  en  or,  d'un 
travail  très  imparfait,  et  d'une  valeur  d'environ  70000  flo- 
rins ^  En  1751,  un  de  ces  dépôts  de  1400  monnaies  en  or 
et  en  argent  fut  découvert  près  de  Friedberg,  en  Bavière.— 
Les  monnaies  celtiques  de  la  seconde  époque  sont  encore 
concaves  et  essentiellement  de  bronze.  Chargées  de  signes 
symboliques,  elles  représentent  aussi  une  tète,  le  cheval 
et  le  sanglier,  ou  bien  les  traits  de  la  figure  pris  séparé- 
ment :  comme  les  oreilles,  les  yeux,  le  nez  et  la  langue,  ou 
enfin,  un  cheval  en  trois  parties.  On  ne  les  trouve  guères 
qu'en  France*  et  en  Angleterre.  —  Dans  la  troisième  épo- 
que elles  sont  en  or,  en  argent  et  en  bronze  ;  elles  por- 

*  Quelques  auteurs  disent  57  000  florins,  d'autres  75  000,  d'autres  80  000. 
J'ai  pris  la  moyenne. 

*  En  1820,  on  en  trouva  environ  1000  en  bronze  à  111e  de  Jersey. 


184  MONUMENTS  DE  l'aNTIQUITB. 

teDt  des  empreintes  de  deux  côtés,  souvent  accompagnées 
d'inscriptions,  ce  sont  encore  les  signes  symboliques,  les 
tôtes,  le  cheval  et  le  sanglier.  L'inscription  indique  le  nom 
d'une  peuplade,  d'une  ville  ou  d'un  chef.  Bien  que  le  tra- 
vail soit  celtique,  les  figures  rappellent  la  manière  de  faire 
des  Grecs.  Ces  monnaies  ne  furent  plus  frappées  depuis 
l'an  39  de  notre  ère  ^  Celles  de  la  dernière  époque,  pro- 
pres surtout  à  la  France  et  à  V Angleterre,  se  retrouvent 
aussi  en  Suisse  ',  cependant  je  ne  connais  aucune  pièce  de 
ce  genre  dans  le  canton  de  Vaud,  sauf  celle  mentionnée 
dans  le  dictionnaire  du  !>  Levade  à  Tarticle  Avenches,  at- 
tribuée au  roi  des  Huns,  Aiiila  \  Il  est  actuellement  cons- 
taté qu'Attila  n'a  jamais  fait  frapper  de  monnaies  et  que 
les  pièces  qui  portent  ce  nom  désignent  un  ancien  chef 
gaulois. 

Mines. 

Avant  la  découverte  des  métaux,  chacun  trouvait  sous 
sa  main  le  bois,  Tos  et  la  pierre  dont  on  se  servait  pour 
la  fabrication  des  instruments.  Pour  que  le  métal  devint 
d'un  usage  général,  il  fallut  rechercher  les  localités  d*ou 
l'on  pouvait  le  tirer,  apprendre  à  creuser  les  mines  et  à 


*  Keferetein.  KeltiscKe  Alterth.  pag.  888  iqq. 

*  Mitlh.  von  Zurich.  Voir  les  découvertes  de  Horgen  de  S  à  4  siècles  avant 
Jésus-Christ.  Près  de  Halle  entre  Gohren  et  Barby,  Kruse,  Deutsch.  AU.  tom. 
m,  cah.  2,  pag.  96.  A  Halle,  Kruse,  id.  II,  9.  —  Une  monnaie  celtique  de 
mauvais  argent  représentant  un  cheval  a  été  trouvée  près  de  Gôdnitz  sur  l*Elbe 
(Anhalt-Dessau).  Kruse,  vol.  III,  cah.  3  et  4,  pag.  96,  pi.  Il,  flg.  a. 

*  Levade  parle  aussi  d'une  pièce  d*Orgétoriz,  mais  ça  demande  conflrroar 
lion. 


AGI    DU    BROnZB.  485 

purifier  le  minerai  *.  Les  Grecs^  d'après  le  rapport  de  Pline", 
paraissent  avoir  d'abord  lire  le  cuifre  de  Tfle  de  Chypre, 
pais  de  VEuhie^  Ils  explorèrent  aussi  VEtpagne  fort  an- 
ciennemenl.  Il  est  à  remarquer  que  les  expressions  de  Fart 
des  mines  dans  ce  pays,  et  déjà  dp  temps  des  Romains, 
sont  empruntées  à  la  langue  grecque.  Le  minerai  de  cuivre 
de  VAndaloxme  et  particulièrement  celui  de  Cordoue  était 
fort  réputé.  Les  Romains  le  tirèrent  aussi  de  la  Tarenlaise 
el  de  Bergame*.  Au  rapport  de  César*  et  de  Pline',  il  fol 
également  exploité  dans  les  Gaules  et  dans  la  Germanie, 
sur  le  bord  du  Rhin.  Des  mines  furent  encore  ouvertes 
dans  le  Danemark  et  dans  la  Suède,  el  l'on  exploita  fort  an- 
ciennement le  cuivre  de  la  Sibérie''. 

Dés  les  temps  les  plus  reculés,  les  Phéniciens  allaient 
chercher  Véiain  dans  les  iles  CassUériies,  aujourd'hui  de 
Sorlingen,  au  sud  de  la  Grande-Bretagne.  Le  commerce  de 
rélain,  déjà  mentionné  par  Hérodote*,  est  aussi  ancien 
que  celui  de  Tambre.  Homère  parle  de  ce  métal  qui  était 
connu  de  son  temps*.  Les  Romains  le  nomment  plumbum 


•  Job  IIVIll.  indoitrte  àm  hominei. 

•  XXXIV.  1. 

•  Sinboa,  lib.  V.  cap.  Il  ;  X. 

•  PUiie  XXXIV,  1,  40.  4fer  berfaoMMiUatittB. 
'  ni,  11.  ttnrim  Mctnn  tant. 

•  U,  1. 

•  On  eo  peut  jofer  par  les  bachat  eo  pierre  reCreuTeea  daM  lee  mines.  V. 
Kcfertiein. 

•  Voir  autai  Strabon,  lib.  Hl. 

•  De  noa  Jonrt  rélain  est  encore  eiploité,  en  Ckm»  dans  la  proTÎnee  4e 
Petschili  el  en  Atmihpm.  Le  neillenr  esl  celai  de  Chine  ;  ceini  des  Ues  Ser- 
liafiMs  vient  ensnile  ponr  la  qualité.  Il  n'est  pas  probable  qne  les  Grecs  et 
les  rhéaiciem  raient  iamais  tiré  de  la  Cbioe  ;  ainsi  les  mines  d'Anfletorre 
aoraient  éié  explorées  déjà  à  Tépoque  de  la  fnerre  de  Troie.  Ce  ùUl  reenle 


486  MONUMENTS  DE  l'aNTIQUITÉ. 

aUmm  pour  le  distinguer  du  plumbum  nigrum,  expression 
par  laquelle  ils  désignaient  le  plomb,  qu'ils  tiraient  de  VEs- 
pagne^,  tandis  que  le  moi  slamim  était  la  dénomination 
du  zinc. 

Les  Grecs  découvraient  Vargent^  dans  VAttique,  mais 
les  mines  d*or  les  plus  voisines  étaient  celles  de  la  Macé- 
doine et  de  la  Thrace^,  Quand  les  Phéniciens,  il  y  a  plus  de 
3000  ans,  pénétrèrent  en  Espagne,  ils  trouvèrent  des  mi- 
nes d'or  et  d'argent  abondantes.  Les  Carthaginois,  maî- 
tres de  ce  pays,  en  tiraient  de  grandes  richesses,  jusqu'au 
moment  où  les  Romains  s'en  emparèrent.  Polybe  raconte 
qu'il  n'y  avait  pas  moins  de  40000  ouvriers,  exclusivement 
occupés  aux  mines  de  Carthagène*.  L'or  était  recueilli 

encore  la  connaissance  des  métaux  dans  le  nord.  —  Grande-Bretagne,  César 
V,  3.  Nascitur  ibi  plumbun»  album  in  mediterraneis  regionibus,  in  maritiiùis 
ferrum,  sed  ejus  exigua  est  copia,  œre  utuntur  importato. 

*  Strabon  III. 

*  Pline  XXIV,  47-49. 
»  Hérodote,  VU. 

Entr*autres  dans  le  Souaneth  ou  Svaneih  (au  nord  de  la  Mingrélie),  Stra- 
bon qui  connaissait  si  bien  la  Colchide  dit  que  chez  les  Souanes  et  leurs  voi- 
sins, on  recueillait  Vor  des  rivières  sur  des  planches  creuses  percées  de  trous 
ou  sur  des  peaux  couvertes  de  leurs  toisons.  «  Âppien  en  fait  le  même  rapport. 
Le  mythe  de  la  toison  d'or  est  sorti  de  là.  De  tout  temps  la  Tskhénitskali,  on 
dit  aussi  TÂbakha,  ont  charrié  des  paillettes  d'or,  et  il  n'y  a  pas  50  à  60  ans 
que  les  ruis  d'Imireth  affermaient  encore  le  droit  de  recueillir  ces  paillettes. 
Les  Souanes  occupant  la  haute  vallée  de  la  Tskhénitskali,  il  serait  facile  de 
s'expliquer  comment  c'est  chez  eux  qu'on  a  reporté  la  source  de  ces  riches- 
ses. »  —  La  Genèse  II,  11,  cite  déjà  le  Phison,  notre  Phase,  qui  passe  en  tour- 
noyant à  travers  le  pays  d'Havila,  où  se  trouve  de  l'or.  —  Les  mines  de  cuivre 
et  d'or  de  Procope  sont  à  Goumichekané,  dans  le  voisinage  de  Trébizonde. 
L'or  n'est  mentionné  chez  les  Souanes  que  sous  la  forme  de  paillettes.  Ce- 
pendant les  roches  porphyriques  qui  percent  le  sol  peuvent  aussi  renfermer 
des  métaux.  Du  Bois  de  Montpéreux,  Voyage  autour  du  Caucase,  UI,  17. 

*  Ils  exploitaient  par  jour  28  000  drachmes,  soit  800  000  thalers,  environ 
4,000,000  fr. 


AGE    DU    BRONZE.  487 

par  le  lavage  dans  VEstramadure,  VAsturie  et  la  Gallicie*. 
Plusieurs  auteurs  anciens  parlent  des  masses  d'or  que  les 
Romains  tirèrent  des  Gaules*,  D'après  Strabon  '  ce  métal 
n'était  pas  rare  dans  la  Bretagne.  On  Texploitait  aussi  dans 
la  haute  Italie,  dans  les  Alpes  piémontaises^  et  près  de 
Salzbourg  ».  Keferstein  prétend  que  le  lavage  était  em- 
ployé en  Silésie  et  en  Bohême^.  L'analyse  chimique  des 
objets  en  or  de  la  Scandinavie  donne  l'alliage  naturel  de 
quelques  mines  des  monts  Ourals. 

Tandis  que  les  peuples  du  nord  n*ont  employé  l'argent 
que  longtemps  après  l'or,  sans  doute  parce  qu'il  demande 
un  art  plus  avancé  pour  être  extrait  des  mines,  ces  deux 
métaux  paraissent  avoir  été  exploités  en  même  temps  dans 
le  midi.  Pline  dit  que  VIllyrie  envoyait  à  Rome  beaucoup 
d'argent  \  Strabon  parle  de  l'abondance  de  ce  métal  en 
Espagne^.  Un  aïeul  d'Annibal,  Barca,  tira  tant  d'argent 
de  V Andalousie  qu'il  en  fit  faire  des  crèches  et  des  sceaux 
pour  son  bétail.  Tite-Live  donne  une  idée  de  tout  l'argent 
qui  fut  transporté  d'Espagne  en  Italie*.  Les  Gaulois  Ak- 

*  II  produisait  annuellement  aux  Romains  20  000  pondus  d'or.  —  On  trouve 
dans  les  Pyrénées  des  traces  de  ces  mines. 

*  Strabon,  César,  Tite-Live,  Justin.  —  Strabon  IV,  2,  dit  que  Lucra,  roi 
des  Avernes,  qui  vivait  il  y  a  plus  de  2000  ans,  jetait  au  peuple  chaque  fois 
qu'il  paraissait  en  public  des  monnaies  d'or  et  d'argent. 

»  IV,  200. 

«  Surtout  à  KaMnftoxca.— strabon  IV,  207  parle  d'or  près  Aquil^a.  Pline, 
XXX 111,  4  dit  qu'on  fît  une  loi  pour  empêcher  d'employer  plus  de  5000  ou- 
vriers aux  mines  de  Verceil  entre  Turin  et  Novarrc. 

*  strabon  V.  Norcia  est  locus  ad  purgandum  aurum  natura  idoneus  nec 
minus  ad  ferri  fabricas. 

•  KelL  Alterth:  pag.  438,  el  suiv. 
'  Ktlt.  Alterth.  XXXUI,  18. 

•  III,  16. 

•  XXVI,  47;  XXXIV,  10,  46,  par  Scipion,  Marins,  Helvius,  Minucius,  Ca- 

ton  et  d'autres. 


188  MONUMENTS    DE   l'aNTIQUIT^. 

ployaient  un  grand  luxe  dans  leurs  ustensiles  et  les  har- 
nais de  leurs  chevaux.  Les  Germains  exploitaient  aussi  ce 
métal  dans  les  contrées  du  Rhin,  d'après  le  rapport  de 
Pline,  et  tout  récemment  on  a  découvert  dans  les  mines 
d'argent  A'Overath,  près  à'Elberfeld,  des  instruments  en 
bronze  perdus  par  les  mineurs  à  un  âge  où  le  fer  n'était 
pas  encore  employé  ^  C'est  la  reproduction,  pour  la  se- 
conde période,  des  instruments  en  pierre  retrouvés  dans 
les  anciennes  mines  de  la  Sibérie'. 

D'après  ce  qui  précède,  et  môme  en  admettant  que  les 
rapports  des  auteurs  anciens  ne  soient  pas  exempts  d'exa- 
gération, on  peut  se  faire  une  idée  de  la  richesse  des  mi- 
nes exploitées  et  l'on  comprend  que  l'or  ait  pu  être  em- 
ployé avec  tant  de  profusion  pour  satisfaire  au  goût  du 
luxe. 

Fonderies. 

Nous  avons  déjà  fait  observer  que  l'art  de  mouler  les 
métaux  précéda  celui  du  martelage.  Dans  le  Calvados,  en 
France,  vers  les  rochers  de  quartz  qui  dominent  le  lit  de 
la  Vire  à  Campaux,  on  a  trouvé  beaucoup  d'instruments  en 
bronze,  ainsi  que  leurs  moules  et  les  vestiges  du  fourneau 
où  l'on  fondait  le  métal  \  A  Ecornebœuf  près  de  Péri- 
gueux,  dans  le  département  de  la  Manche*,  étaient  aussi 

*  Keferstein,  la  découverte  de  1845. 

*  Les  Cyclopes  seraient-ils  des  mineurs,  et  leur  œil  unique,  la  lampe  du 
mineur?  —  Voir  Diction,  Encyclop.  mot  Gûule^  pag.  17. 

*  Moule  de  celt,  trouvé  en  1806  prés  de  Saint-Martin  (Calvados)  avec  un 
fourneau  rempli  de  cendres  et  de  charbons. 

*  Prés  d'Anneville.  Fonderie  avec  plusieurs  objets,  une  cuillère  de  fer  con> 
tenant  un  culot  de  bronse  du  poids  de  S  livres. 


AGE    Dt    RKONIK.  489 

(lanriennes  TondAries.  Il  y  en  avait  en  Angleterre  dans  les 
romlés  de  Comouaillei*.  d'Essex  et  ailleors.  En  Norman- 
die H  en  Awjleterre  on  a  retronvé  des  mooles  de  cells  for 
mes  de  deux  pièces  creuses  qui  ont  été  publiés  par  M.  de 
Caumoniv  —  Une  fonderie  de  celts  a  été  constatée  en 
Suisse  prés  de  Wulfling,  à  4  lieues  de  Zurich.  —  Ces  lieux 
de  rahri(|ue  sont  très  nombreux  en  Allemagne.  Près  de 
(ktmbach,  district  de  Coblenz,  étaient  les  restes  d'une  an- 
cienne fonderie,  n?ec  moules,  creusets  et  plus  de  100  livres 
de  bronze \  —  A  Lan*lshut,  sur  Tlsar,  en  Bavière,  roé- 
iiit's  (iéhris,  avec  couteaux  en  bronze  et  pointes  de  traits 
prises  enrore  dans  le  moule.  —  En  Bohême,  près  de 
Freistadt,  c'étaient  des  faucilles  inachevées  k  cAté  des 
niasses  en  bronze  fondu.  —  On  a  retrouvé  des  moules  ou 
des  creusets  à  Gross-Jena  dans  la  Thuringe,  à  BrtmenfeU, 
<lans  la  liesse*,  et  i^  Netisfadl-Ebersivald*.  —  A  PlesiUn* 
vi  30  sud  de  Greifeswald,  entre  Loitz  et  Demmin,  étaient 
des  relis  nombrt^ux,  à  côté  de  masses  fondues.  Un  fait  a 
sonveiu  causé  la  surprise  de  ceux  qui  l'ont  observé,  c'est 
<|ne  ces  celts.  quelque  pareils  et  nombreux  qu'ils  soient, 
présentent  toujours  des  variétés  qui  roonireni  qu'ils  n'ont 
pas  été  coulés  dans  le  même  moule  II  parait  que  pendant 
longtemps  on  n'a  pas  su  fabriquer  des  moules  dont  les  par- 
ties de  rapport  pussent  se  rejoindre  et  se  séparer  aisément. 
1^  pièce  une  fois  coulée,  on  en  brisait  l'enveloppe,  ainsi 
qu'on  le  voit  sur  quelques  instruments  pris  au  milieu  de 

*  FamitM  d^  Lanau. 

'  Court  Wanii^   nslton.  P\.  IX,  t.  6. 

*  iHcUonnëirr  tl«*  Waf  «ner 

*  krf«rfttein. 

*  Urux  rreu««Udanfl  ma  collectioa. 

*  Collection  d'antiquilé*  BationalM  d«  iorliti,  de  Udebttr,  9*  II,  It7. 


190  MONUMENTS   DE    L*ANTIQUITÉ. 

I*argile  cuite.  Il  fallait  ainsi,  pour  chaque  objet,  construire 
un  moule  nouveau  qui  différait  toujours  en  quelques  par- 
ties du  moule  précédent.  Cependant  on  obvia  plus  tard  à 
cet  inconvénient,  comme  le  montrent  les  moules  découverts 
dans  le Brisgau*,  en  France  et  en  Angleterre.  —  Dans  les 
collections  de  Genève,  de  Hambourg  et  de  Copenhague  sont 
les  fragments  concassés  d'armes  et  d'ornements  divers, 
qui,  étant  hors  d'usage,  avaient  été  remis  au  fondeur, 
sans  doute  pour  la  valeur  du  métal.  Dans  le  nord,  on  re- 
trouve parfois  ces  fragments  dans  les  creusets,  destinés 
évidemment  à  être  fondus  de  nouveau. 

Si  nous  insistons  sur  la  reproduction  de  faits  analogues, 
c'est  qu'ils  sont  la  meilleure  réponse  qui  puisse  être  adres- 
sée à  ceux  qui  prétendent  que  les  armes  et  ornements  en 
bronze  qu'on  retrouve  dans  les  tombeaux  du  nord  ont 
été  apportés  d'Italie.  Dans  la  période  suivante  nous 
trouverons,  mélangées  aux  antiquités  barbares,  des  anti- 
quités romaines  importées  par  le  commerce  ou  par  le  pil- 
lage; et  leur  rapprochement,  en  témoignant  d'une  diffé- 
rence d'art  prononcée,  permettra  d'établir  un  parallélisme 
entre  ces  produits  de  cultures  opposées.  Le  nord  eut  en 
outre  ses  mines  d'or  et  de  cuivre  qui  ne  furent  jamais  ou- 
vertes aux  Romains,  et  l'on  ne  comprendrait  pas  pourquoi 
ceux  qui  étaient  capables  de  les  exploiter,  n'auraient  pas 
su  en  travailler  le  métal.  Trop  souvent,  ces  peuples  aux- 
quels s'attache  l'épithète  de  barbares  ont  été  regardés 
comme  incapables  de  produire,  et  comme  étant  unique- 
ment adonnés  à  la  destruction. 

•  D'  Schreiber  Streitmeissel. 


AGB    DU    BRONZE.  491 


Travail  des  métaux. 

Après  avoir  examiDé  les  principaux  objets  qai  caracté- 
risent cette  période,  quelques  mots  sur  leur  fabrication 
rendront  plus  sensible  le  degré  de  développement  propre 
à  cet  âge.  Nous  avons  déjà  fait  observer,  à  plus  d'une  re- 
prise, que  le  travail  des  métaux  consista  d'abord  dans  la 
fonte  et  le  moulage  ;  cependant  Tart  du  martelage  pénétra 
fort  anciennement  dans  le  midi  ^  Homère  nous  donne  à 
cet  égard  des  renseignements  précieux.  Si  la  poésie  idéa- 
lise ou  ennoblit,  elle  n'en  est  pas  moins  la  peinture  de  la 
vie,  des  mœurs,  des  usages  des  peuples.  Lorsque  Vul- 
cain,  à  la  prière  de  Thétis,  forge  des  armes  pour  Achille, 
il  met  vingt  soufflets  en  jeu  sur  ses  fourneaux  et  jette  dans 
le  feu  du  cuivre,  de  l'étain,  de  For  et  de  l'argent.  Ensuite 
il  place  une  grande  enclume  sur  le  billot,  saisit  d'une 
main  un  lourd  marteau  et  de  l'autre  des  tenailles,  puis 
il  fabrique  un  bouclier  grand  et  fort,  qu'il  entoure  d'un 
cercle  resplendissant  V  En  quelques  vers,  le  poète  nous 

*  Les  plus  anciens  bronzes  d'Egypte  sont  moulés. 

On  moulait  les  petits  objets,  on  martelait  les  grands  vases,  les  cuirasses,  etc. 

*  Iliade  XVIII,  468  et  suiv.  Homère  ajoute  [Iliade  XX,  270)  que  ce  bou- 
clier était  formé  de  plusieurs  cuirs,  de  deux  lames  d'airain,  de  deux  d'étain 
et  d'une  en  or.  —  Quant  à  ce  cercle  resplendissant,  il  est  curieux  de  re- 
trouver une  composition  pareille  sur  l'un  des  boucliers  de  Copenhague 
{Dan.  Vor%eit,  pag.  26),  dont  l'un  des  bords,  un  peu  endommagé,  montre 
un  fil  ou  cercle  pris  dans  le  pourtour,  il  vaudrait  la  peine  d'étudier  si  dans 
les  représentations  de  ce  bouclier  l'artiste  n'a  pas  voulu  reproduire  des 
constellations. 

Vuicain  adapte  au  bouclier  une  courroie  en  argent.  Voir  encore  Odyssée 
IH,  430  et  suiv.,  le  sacrifice  d'une  génisse  à  Minerve,  dont  Nestor  fait  dorer 
les  cornes  :  «  Le  doreur  vint  portant  avec  lui  les  instruments  de  son  art,  l'en- 


19:2  MONUMENTS    DE    L*ANTIQUITÉ. 

fait  toute  la  description  de  la  forge  du  maréchal  :  four- 
neaux, soufflets,  enclume,  tenailles  et  marteau  ;  rien  ne 
manque  à  Tatelier  du  forgeron.  On  sent  que  le  poëte  re- 
produit ce  qui  existait  de  son  temps.  Mais  ceci  n'est  qu'une 
faible  partie  du  travail  :  Bien  plus  surprenants  sont  les 
détails  de  la  composition  des  sujets  dont  Vulcain  orne  le 
bouclier  d'Achille,  quand  il  représente,  au  moyen  de  Tor, 
de  l'argent  et  de  l'étain.  la  terre,  le  ciel  et  la  mer,  —  le 
soleil,  la  lune,  les  constellations  et  les  astres,  —  le  joyeux 
cortège  d'une  noce  au  milieu  d'une  ville,  —  un  jugement 
devant  l'assemblée  d'un  peuple  tumultueux,  —  l'attaque 
et  la  défense  d'une  ville  assiégée,  —  les  travaux  des  champs 
et  de  la  vigne,  —  des  bergers  excitant  vainement  leurs 
chiens  contre  des  lions  qui  déchirent  des  taureaux,  —  et 
enfin  les  réjouissances  de  vierges  et  de  jeunes  guerriers  '. 
—  Dans  chacun  de  ces  tableaux  est  une  animation  qui 
n'appartient  qu'à  l'artiste  ;  mais  la  conception  d'une  œuvre 
de  ce  genre  ne  peut  être  purement  imaginaire;  il  fallait 
que  du  temps  d'Homère  on  fût  capable  d'exécuter  des  su- 
jets analogues,  sinon  avec  la  perfection  du  poëte,  du 
moins  avec  assez  d'habileté  pour  justifier  la  vraisemblance 
de  cette  peinture.  —  A  l'arrivée  de  Thétis,  Vulcain  se  rend 
en  boitant  au  devant  de  la  déesse,  appuyé  sur  les  images 

dume^  le  marteau  et  les  tenailles  doni  il  se  servait  pour  travailler  l'or  ...  Nes- 
tor fournit  l'or  au  doreur,  qui,  le  réduisant  en  Teuilies,  en  revêtit  les  cornes 
de  la  génisse.  »  Ici  l'or  est  martelé,  non  laminé,  non  soudé. 

Voir  aussi  le  siège  de  Pénélope  tout  entier  d'ivoire  et  d'argent,  ouvrage 
de  Sémalius  (faber).  Odys.  XIX,  55  et  suiv.  ~  Une  clef  en  bronte  avec  un 
manche  d'ivoire.  Odys.  XXI,  6.  —  Le  lit  dTlysse  en  olivier,  oiné  d'or,  d'ar- 
gent et  d'ivoire,  avec  des  bandes  de  cuir  teintes  en  pourpre  pour  sangles. 
Odyi.  XXIII,  184,  et  suiv. 

*  II.  XVIII,  484-607. 


AGE    DU    BRONZE.  195 

en  or  d'esclaves  qui  marchent  d'un  pas  ferme,  et  sont 
semblables  à  de  jeunes  filles  vivantes ,  douées  d'intelli- 
gence \  Ici  le  poëte  entre  en  plein  dans  le  merveilleux, 
mais  il  n'en  est  pas  moins  étonnant  de  retrouver  la  des- 
cription de  véritables  automates.  —  Ces  détails  suffisent 
pour  donner  une  idée  de  la  perfection  à  laquelle  arriva  le 
travail  des  métaux  dans  le  midi  au  moins  1000  ans  avant 
notre  ère.  On  peut  tirer  une  autre  conclusion  de  cette  fa- 
brication  des  armes  par  le  dieu  du  feu,  c'est  que  la  pro- 
fession de  forgeron  était  honorée  et  n'avait  par  conséquent 
pas  encore  passé  chez  les  esclaves.  Les  Cyclopes,  ces  an- 
ciens explorateurs  des  mines,  qui  travaillaient  dans  les 
forges  de  Vulcain,  furent  mis  au  rang  des  dieux  et  eurent 
un  temple  à  Corinthe,  où  on  leur  offrait  des  sacrifices.  — 
Les  traditions  conservées  par  les  sages  expriment  bien 
nettement  la  considération  dont  jouissaient,  chez  les  peu- 
ples du  nord,  ceux  qui  travaillaient  les  métaux  quand 
elles  mentionnent  le  fils  d'un  roi  finnois  comme  le  plus 
célèbre  des  forgerons  '.  Ce  fait  est  important,  en  ce  qu'il 
ne  permet  donc  pas  d'admettre,  comme  plusieurs  l'ont 
avancé,  que  les  armes  du  nord  étaient  fabriquées  par  des 
esclaves  empruntés  à  l'étranger  et  particulièrement  à 
l'Italie. 

Si  le  nord  resta  fort  en  arrière  dans  l'art  métallurgique 
comparativement  au  midi,  si  le  moule  fut  longtemps  pré* 
féré  à  l'enclume,  nous  devons  cependant  reconnaître  que 

•  II.  XVIII,  417. 

*  Geijer,  Histoire  de  Suède,  pajç.  il.  Le  mot  forgeron,  chez  les  Finnois,  em- 
brasse tous  les  métiers.  On  pourrait  objecter  que  cette  considération  pour 
l'art  du  forgeron  est  particulière  à  ce  peuple. 

MÉM.  ET  DOCUM.  XXV.  13 


I9k  MONUMENTS    DE    L*ANTIQUITi. 

lé  martelage  est  fort  ancien.  Il  n'y  a  pour  s'en  convaincre 
qu'à  examiner  de  près  les  bracelets  et  les  Qbules  à  spi- 
rales doubles  et  plates  que  nous  possédons  '.  Un  seul  âl 
de  bronze  continu,  un  peu  aplati  et  d'une  largeur  de  2 
à  3  lignes,  a  suffi  pour  la  confection  de  toute  la  pièce.  Le 
fil,  à  l'une  des  extrémités,  s'enroule  en  spirale,  de  ma- 
nière à  former  un  disque  d'une  grandeur  déterminée,  puis 
il  s'élargit  en  plaque  ou  en  anneau,  suivant  la  destina- 
tion de  la  pièce,  après  quoi  il  reprend  son  diamètre  pré- 
cédent et  décrit  de  nouveau  une  spirale  pareille  à  la  pre- 
mière. Cette  plaque  ou  cet  anneau,  formé  d'une  lamelle 
mince  sur  le  milieu  de  la  longueur  du  fil,  ne  peut  avoir 
été  produite  que  par  le  martelage.  Le  EK  Scbreiber  m'a  dit 
avoir  aussi  observé  quelques  instruments  dont  le  tran- 
chant avait  été  rendu  plus  vif  à  l'aide  du  marteau,  c'est-à- 
dire  battu  comme  les  agriculteurs  battent  encore  leurs 
faux,  d'autres  sont  aiguisés  sur  la  meule.  Malgré  ces  faits, 
il  n'en  reste  pas  moins  certain  que  les  instruments  tran- 
chants ont  été  coulés  et  non  forgés,  en  sorte  que  le  mar- 
telage, demeuré  exceptionnel,  est  plutôt  employé  pour 
achever  quelques  objets  d'ornements,  sans  constituer  en- 
core Fart  du  forgeron.  Il  est  adopté  pour  étendre  le  métal, 
le  réduire  en  feuilles,  pour  réparer  le  tranchant,  mais  non 
pour  forger  les  armes.  Quand  nous  disons  que  les  feuilles 
de  bronze,  employées  à  divers  usages,  trop  minces  pour 
être  sorties  du  moule,  ont  été  martelées,  c'est  que  nous 
hésitons  à  les  envisager  comme  un  produit  du  laminoir. 
Les  hommes  les  plus  versés  dans  la  connaissance  de  l'an- 
tiquité ont  en  effet  refusé,  même  aux  Grecs  et  aux  Ro- 

*  Voyez  aussi  les  diadèmes  à  torsade  dont  les  extrémités  se  terminent  en 
plaques. 


AGE    DU    BRONZE.  195 

mains,  la  découverte  de  cet  instrument.  Nous  pouvons 
cependant  constater  leur  erreur  sur  ce  point,  grâces  à 
l'observation  judicieuse  d'un  de  nos  compatriotes.  M.  Pic- 
card,  chargé  par  l'empereur  de  Russie  de  dessiner  les 
antiquités  de  la  Crimée  réunies  à  Saint-Pétersbourg,  me 
Taisait  remarquer  une  lamelle  en  or  assez  étendue,  sur 
laquelle  se  reproduit  de  distance  en  distance  un  défaut 
toujours  parfaitement  le  même.  L'intervalle  entre  chacun 
de  ces  défauts  répond  exactement  à  la  même  ouverture  du 
compas.  Qu'en  conclure,  sinon  que  la  feuille  a  été  lami- 
née et  a  reçu  l'empreinte  d'une  paille  de  l'un  des  cylin- 
dres ?  Et  même  riep  de  plus  simple  que  de  retrouver  le 
diamètre  des  cylindres,  en  prenant  pour  leur  circonférence 
rintervalle  entre  les  accidents.  Les  tombeaux  de  Kertsch, 
d'où  proviennent  cette  lamelle  et  bien  d'autres  trésors, 
renferment  un  grand  nombre  d'objets  d'art  grec,  dont 
plusieurs  remontent  au  IV®  siècle  avant  notre  ère.  Il  est 
diflScile  de  dire  à  quel  peuple  appartient  l'invention  du 
laminoir,  mais  ce  qui  nous  importe,  c'est  de  constater  son 
existence  dans  l'antiquité.  Il  est  probable  qu'une  fois 
connu,  l'usage  ne  tarda  pas  à  se  répandre.  Ceci  nous  ex- 
plique comment  on  a  pu  obtenir  ces  fines  lamelles  en  or, 
fixées  ou  incrustées  sur  les  bronzes  Scandinaves,  de  ma- 
nière à  produire  l'effet  de  la  dorure. 

Les  vases  en  or  consacrés  au  culte,  et  quelques  objets 
en  bronze  de  la  seconde  période,  présentent  divers  orne- 
ments repoussés  avec  le  poinçon  ou  d'autres  instruments 
qui  montrent  que  le  bosselage  a  été  connu  aussi  à  une 
haute  antiquité. 

On  trouve  des  fils  en  cuivre  et  en  or  d'une  assez  grande 
ténuité,  qui  ne  peuvent  avoir  été  obtenus  qu'à  l'aide  de  la 


496  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

filière.  Employés  à  des  bagues  ou  à  des  bracelets,  ils 
conservent  encore  toute  leur  élasticité.  Ainsi  la  tréfilerie, 
dans  ses  éléments  du  moins,  appartient  déjà  à  Tâge  qui 
nous  occupe. 

Nous  avons  mentionné  plus  d'une  fois  les  divers  orne- 
ments qui  recouvrent  le  métal.  Quelques-uns,  en  creux 
ou  en  bosse,  ont  été  produits  immédiatement  par  le  moule. 
D'autres,  de  beaucoup  les  plus  nombreux,  consistent  en 
lignes  gravées.  Après  avoir  sorti  la  pièce  du  moule,  on 
la  réparait  soigneusement  ;  puis,  à  l'aide  du  poinçon  on 
du  burin,  on  achevait  le  travail  à  la  main,  à  moins  toute- 
fois qu'on  n'ait  eu  quelque  procédé  mécanique  pour  ce 
dernier  travail,  supposition  qui  prend  quelque  vraisem- 
blance quand  on  remarque  la  rondeur  parfaite  des  dis- 
ques, la  régularité  des  spirales  et  la  reproduction  iden- 
tique des  mêmes  ornements. 

Un  petit  nombre  d'objets  porte  des  traces  d'incrustation. 
La  pièce  de  l'art  le  plus  primitif  dans  ce  genre  est  une 
petite  pierre  quartzeuse,  conservée  dans  le  musée  de  Co- 
penhague, sur  laquelle  sont  incrustées,  sans  symétrie  et 
sans  art,  d'étroites  lamelles  de  cuivre.  L'incrustation  de 
feuilles  en  or  orne  parfois  des  pommeaux  d'épées,  des 
têtes  d'épingles  et  quelques  autres  objets.  Sur  quelques 
vases  du  culte  les  ornements  ciselés  en  creux  ont  été 
remplis  d'une  espèce  d'émail  ou  d'une  matière  étrangère 

0 

à  celle  du  vase.  Quant  à  la  poterie  noire  incrustée  en 
blanc  elle  n'apparaît  guèresqu'à  l'âge  de  transition,  dans 
les  contrées  de  la  Saaie. 

Les  Gaulois  acquirent  fort  anciennement  une  assez 
grande  habileté  dans  l'art  de  travailler  les  métaux.  Pline 
leur  attribue  l'invention  de  Vétamage  du  cuivre  avec  du 


AGE    DU    BBONZB.  19  7 

plomb  blanc  fondu,  étaoïage  qu'il  élait  difficile  de  distiu- 
guer  de  l'argent  même.  Ils  portèrent  la  perfection ^de  cet 
art  jusqu'à  vernisser  avec  de  l'argent  les  harnais  des  che- 
vaux et  l'attelage  des  chars  ^  Philostrate  dit  aussi  que  les 
barbares  qui  habitaient  l'Océan  enduisaient  fort  délica- 
tement d'or,  d'argent  et  d'autres  couleurs,  le  cuivre  sor- 
tant rouge  du  feu,  en  sorte  que  tout  ne  faisait  qu'un  seul 
corps  solide  et  un  mélange  d'émaux  excellents  *. 

Une  question  dont  on  s'est  beaucoup  préoccupé,  est 
celle  de  la  trempe  ou  de  l'alliage  par  lequel  les  anciens 
sont  parvenus  à  donner  au  cuivre,  métal  naturellement 
doux,  la  dureté  et  l'élasticité  de  l'acier.  Les  recherches 
les  plus  approfondies  sur  ce  sujet  ont  été  dirigées  par  le 
comte  de  Caylus,  à  qui  nous  empruntons  les  détails  sui- 
vants ^  Philon,  en  parlant  d'une  machine  qui  servait  à 
lancer  les  traits,  formée  de  deux  lames  courbes  qui  avaient 
du  ressort,  dit  que  ces  lames  étaient  faites  d'un  cuivre 
rouge,  purifié  et  recuit  plusieurs  fois.  On  mêle,  ajoute-t-il, 
à  une  mine  pesant  de  cuivre,  trois  drachmes  d'étain  bien 
purifié  ;  et  après  avoir  fondu  le  tout  ensemble,  on  en  forme 
des  lames,  on  leur  donne  une  courbe  légère,  et  lors- 

*  Album  incoqiiitur  œreis  operibus  Galliarum  invento,  ita  ut  vix  discerni 
possii  ab  argento,  eaque  incoclilia  vocant.  Deinde  et  argentum  incoquere 
simili  modo  cœpere,  equorum  maximi  ornamentis,  juraentonim  jufps  in 
Alexia  oppido...  »  Alise  en  Auxois.  —  p'après  le  comte  de  Caylus,  les  usten- 
siles de  bronze  des  anciens  n'ont  pas  conservé  la  moindre  trace  d'étamage. 
Il  ne  connaît  que  les  objets  tirés  d'Herculanum  qui  sont  recouverts  d'ar- 
gent mais  non  point  d'étain.  Il  cite  cependant  ce  passage  de  Pline  XXXIV, 
12,  où  il  est  dit  que  Tétain  appliqué  sur  les  vases  de  cuivre  donne  un  goût 
plus  agréable  et  empêche  le  vert  de  gris  «  Stanum  illitum  œneis  vasis,  saporem 
gratiorem  facit  et  corupescit  œruginis  virus.  > 

*  Martin,  Religion  des  Gaulois,  tom.  II,  liv.  IV,  pag.  6. 

*  Recueil  (Tantiq.,  tom.  I,  pag.  239. 


498  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

qu'elles  soQt  bien  froides,  on  les  bat  pendant  longtemps. 
—  Différentes  expériences  faites  d'après  ces  données 
produisirent  un  alliage  qui  n'avait  ni  le  grain  ni  la  dureté 
des  armes  des  anciens.  —  Dans  un  autre  essai,  on  parvint 
à  allier  par  la  fonte  une  faible  quantité  de  fer  avec  le  cuivre 
rouge,  puis,  jetés  en  moule,  on  obtint  une  épée,  qu'il  n'y 
eut  plus  qu'à  réparer  et  affiler  sur  la  meule.  Par  ce  pro- 
cédé on  obtint  la  dureté  et  le  tranchant  du  bronze  antique, 
mais  moins  d'élasticité  et  un  peu  plus  de  cassant.  Du  reste, 
les  anciens  ont  pu  arriver  à  ce  résultat  d'une  manière 
fortuite,  vu  qu'il  existe  beaucoup  de  mines  de  cuivre  fer 
rugineuses,  dont  le  métal,  en  s'évitant  la  peine  de  le  raf- 
finer, possédait  la  dureté  voulue.  L'analyse  montre  en 
effet,  dans  quelques-uns,  la  présence  d'un  peu  de  fer  avec 
le  cuivre;  ainsi,  nous  avons  probablement  là  l'un  des 
moyens  employés,  car  ils  purent  varier  beaucoup.  La  voie 
de  la  trempe,  essayée  par  un  simple  fondeur,  sur  la  de- 
mande du  comte  de  Caylus,  a  réussi  d'une  manière  tout  à 
fait  satisfaisante.  Ses  ouvrages  n'étaient  que  de  cuivre 
jaune  pur,  et  consistaient  en  lames  d'épées,  en  coins,  en 
couteaux  et  même  en  rasoirs.  Après  les  avoir  fondus,  tra- 
vaillés et  terminés,  il  les  mit  au  feu  et  les  trempa  tout  sim- 
plement dans  une  eau  de  boue,  mêlée  de  suie,  de  sel  et 
d'ail.  Il  obtint  de  cette  manière  un  bronze  qui  avait  toutes 
les  propriétés  que  la  trempe  donne  à  Tacier.  Après  ce 
résultat,  acquis  par  un  homme  sans  étude,  on  s'étonnera 
moins  que  les  anciens  aient  pu  se  passer,  pour  y  arriver, 
des  secours  offerts  par  la  science. 

Vanalyse  chimique  des  anciens  bronzes  montre  que  les 
alliages  étaient  assez  divers  et  que  plusieurs  ne  sont  pas 
le  produit  de  l'art,  mais  bien  celui  des  mines.  On  ne  se 


A6R    DU    BRONZE.  499 

donnait  pas  toujours  la  peine  d'aflSner  suffisamment  le 
cuivre,  en  sorte  qu'il  conserve  parfois  des  traces  de  plomb, 
de  zinc,  de  fer,  de  bismuth  et  d'arsenic.  Cependant  le 
cuivre  pur  se  trouve  souvent  allié  à  un  ou  deux  autres 
métaux  dont  les  proportions  sont  évidemment  artificielles. 
Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  rapprocher  les  résultats  de 
l'analyse  d'anciens  bronzes  de  différents  pays.  Quelques 
monnaies  chinoises  présentaient  10  à  20  parties  d'étain  et 
80  ou  90  de  cuivre.  Des  bronzes  de  VInde,  de  V Egypte, 
et  du  midi  de  la  Russie  offraient  des  proportions  analo- 
gues, et  quelquefois  3  parcelles  de  fer  sur  100  de  cuivre. 
Les  bronzes  ^rec^ne  renferment  jamais  le  zinc,  mais  tou- 
jours rétain  dans  des  proportions  très  différentes,  accom- 
pagné parfois  de  traces  de  plomb  plus  ou  moins  fortes. 
Il  en  est  de  même  pour  les  anciens  bronzes  de  Vltalie; 
mais  plus  tard,  sur  100  parties  d'alliage,  on  en  trouve  15 
à  20  de  zinc,  1  à  10  de  plomb  et  1  à  3  d'étain.  Les  ana- 
lyses en  France  et  en  Angleterre  donnent  12  parties  de 
plomb  ou  d'étain  et  ^8  de  cuivre.  Parfois  l'étain  varie  de 
4  à  15.  Pline  dit  que  les  Gaulois  mêlaient  7»  d'étain  avec 
le  cuivre,  or  les  12  parties  indiquées  forment  le  '/s  de  96; 
il  ne  reste  donc  qu'une  fraction  qui  a  pu  être  négligée 
par  Pline.  En  Allemagne,  les  bronzes  romains  présentent 
presque  toujours  l'alliage  du  zinc,  tandis  que  ceux  qui  ont 
été  découverts  dans  les  tumuli  de  la  ^^^  période  se  dis- 
tinguent par  l'absence  de  ce  métal.  Ils  contiennent  ordi- 
nairement 10  à  20  parties  d'étain  et  aussi  des  traces  de 
plomb  et  d'argent.  Cette  observation  convient  également 
aux  bronzes  des  bords  de  la  Baltique  et  à  ceux  des  tom- 
beaux Tschudes,  vers  V Altaï,  avee  cette  différence  que  les 
parties  d'étain  varient  de  6  à  9  sur  100.  —  Le  D»*  Kruse, 


200  MONUMENTS    DE    l'aNTIQDITÉ. 

professeur  à  Dorpath,  a  fail  analyser  plusieurs  bronzes 
de  la  Livonie  et  de  la  Gourlande  qui  dooneot  en  moyenne 
sur  100  parties  d'alliages  79  de  cuivre,  16  de  zinc,  3  d'é- 
tain  et  2  de  plomb.  Mais  nous  devons  nous  hâter  dajou- 
ter  que  ces  bronzes  sont  d'une  époque  postérieure  à  celle 
qui  nous  occupe,  en  sorte  qu'ils  ne  peuvent  entrer  en  ligne 
de  compte  dans  les  conclusions  à  tirer  de  ces  faits.  Les  noms 
de  d'Ârset,  Clarke,  Klaproth,  Rose  et  Berzelius  nous  ga- 
rantissent l'exactitude  de  ces  analyses.  Nous  voyons  par  là 
que  l'emploi  du  zinc  est  propre  aux  Romains,  mais  non  dès 
les  premiers  temps,  tandis  que  l'étain  est  universellement 
répandu.  Les  mines  de  ce  dernier  métal  sont  cependant 
beaucoup  plus  rares  que  celles  de  zinc,  qui  se  trouvent  dans 
beaucoup  de  pays.  Si  le  zinc  est  resté  longtemps  sans  être 
employé,  il  faut  en  chercher  l'explication  dans  les  difiScultés 
que  sa  fusion  présente.  Il  fallut  sans  doute  bien  des  essais 
avant  d'arriver  à  savoir  le  fondre  dans  des  vases  bien  clos. 
Autrement,  il  s'oxide  rapidement  au  contact  de  l'air,  se  vo- 
latilise et  se  répand  en  flocons.  L'alliage  du  cuivre  avec  le 
zinc  étant  ainsi  le  résultat  d'un  art  plus  avancé  que  l'al- 
liage javec  l'étain,  il  n'est  pas  étonnant  qu'il  n'appartienne 
d'abord  qu'aux  Romains.  Mais  le  travail  du  zinc,  une  fois 
connu,  se  répand  de  proche  en  proche  et  devient  général 
dès  la  chute  de  Rome. 

Modes  divers  de  sépultures. 

Après  nous  être  rendu  compte  de  la  nature  des  objets 
propres  à  la  seconde  période,  ainsi  que  des  procédés  mé- 
tallurgiques employés  à  leur  fabrication,  nous  devons  re- 
chercher à  quel  mode  de  sépulture  ils  appartiennent. 


AGE    DU    BRONZR.  Wl 

Les  tombeaux  de  l'âge  du  bronze  sont  encore  essentiel- 
lement les  tumuli.  Bien  que  leur  grandeur  varie  beau- 
coup ils  sont  cependant,  en  général,  moins  élevés  que  ceux 
de  la  première  période.  Les  piliers  en  pierres  dressés  à 
leur  base,  sur  leur  flanc  on  sur  le  sommet,  loin  d'être 
la  règle  générale,  sont  tout  à  fait  exceptionnels  et  ap- 
paraissent comme  la  survivance  d'anciens  usages.  La 
construction  intérieure  présente  de  grandes  variétés. 
Dans  les  contrées  habitées  dès  les  premiers  temps,  on 
retrouve  quelquefois  les  salles  spacieuses  avec  les  restes 
d'un  squelette  assis,  mais  non  dans  l'attitude  de  l'em- 
bryon *  ;  ou  bien  ce  sont  des  urnes  d'argile  renfermant 
la  cendre  des  morts.  La  position  reployée  des  squelet- 
tes ne  tarde  pas  à  disparaître  généralement.  Les  morts 
sont  couchés  sur  le  dos,  les  bras  étendus  le  long  des  côtés. 
On  en  a  trouvé  plusieurs  réunis  sous  la  même  colline, 
et  dont  la  position  sur  le  sol  répondait  à  celle  des  rayons 
d'un  cercle  ou  d'une  roue.  Rarement  ils  sont  étages  dans 
le  tumulus.  Quelquefois,  au-dessus  d'un  sarcophage 
en  pierre  contenant  un  squelette ,  est  une  petite  ca- 
vité destinée  à  recevoir  une  urne  cinéraire.  Cependant 
l'inhumation  n*est  pas  généralement  répandue.  L'usage 
de  brûler  les  morts  l'emporte  de  beaucoup  dans  la  plu- 
part des  pays.  Les  cendres  humaines,  renfermées  dans 
une  urne  d'argile ,  sont  parfois  déposées  sur  les  tu- 
muli de  l'âge  primitif  au-dessus  des  salles  sépulcrales. 
Placées  sur  le  sol,  on  se  borne  souvent  à  les  recouvrir 
d'une  colline  de  terres  rapportées.  Parfois  l'urne  repose 
sur  un  pavé,  d'autres  fois  on  l'entoure  d'un  cercle  de  pier- 
res, ou  bien  elle  est  renfermée  dans  une  petite  caisse  ou 

*  En  excepter  Verchiez  près  d'Aigle  qui  présente  la  survivance  de  cet  usage. 


i03  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITE. 

niche  coostraite  avec  des  plaques.  Ces  niches  sont  aussi 
recouvertes  de  cailloux  roulés,  amoncelés  en  grand  nom- 
bre et  au  dessus  desquels  on  a  répandu  une  couche  de 
terre  plus  ou  moins  épaisse,  en  sorte  que  ces  tombeaux 
peuvent  être  appelés  des  demi-cairns.  Il  en  est  d'autres, 
appartenant  à  cette  époque,  qui  sont  aussi  de  véritables 
cairns  ^  Ces  tumuli  divers  ont  été  élevés  pour  un  ou  plu- 
sieurs morts.  A  côté  des  urnes,  on  trouve  aussi  des  vases 
nombreux,  quelquefois  des  squelettes  humains  et  des  os- 
sements d'animaux,  ainsi  les  deux  modes  de  sépulture 
réunis  ;  celui  de  l'inhumation  et  celui  du  bûcher.  Dans 
quelques  cas,  le  squelette  inhumé  est  entouré  d'armes  et 
d'ornements  qui  témoignent  de  la  considération  dont  jouis- 
sait le  défunt,  tandis  que  l'urne  cinéraire  ne  contient 
autre  chose  que  des  cendres.  D'autres  fois,  les  débris  de 
la  parure  sont  mêlés  aux  cendres  de  l'urne,  qui  contient 
aussi  les  tronçons  des  armes,  à  moins  que  l'épée  et  la 
lance,  laissés  intacts,  ne  reposent  auprès  ;  à  côté  de  ces 
restes  honorés,  sera  étendu  un  squelette  sans  aucun  or- 
nement ^  Ces  quelques  mots  suflSsent  pour  montrer  que 
les  usages  n'offrent  plus  l'unité  des  premiers  temps.  En 
donnant  une  statistique  rapide  de  ces  tombeaux,  nous  en 
retrouverons  plus  d'une  fois  les  divers  modes  réunis 
dans  la  même  localité  ^ 

*  Les  tombeaux  (kimmériens  d'après  Dubois  de  Montpéreux),  construits  de 
dalles  comme  des  cellules  extérieures  au  sol,  doivent-ils  rentrer  dans  cette 
époque  ? 

*  M.  Ferd.  Keller  a  aussi  retrouvé  Tustion  et  Tinhumation  dans  la  même 
colline,  également  riches  et  ornés  d'objets  identiques. 

'  Il  faut  ajouter  qu'à  cette  époque  le  cimetière  proprement  dit  est  déjà 
usité  ;  il  se  retrouve  dans  le  canton  de  Vaud ,  dans  plusieurs  contrées  de 
France  et  d'Angleterre,  avec  tumuli  ou  même  absence  de  tumuli.  Dans  les 


AGE    DU    BRONZE.  "203 

Les  tumuli  que  nous  venons  de  décrire  sont  répandus 
dans  un  grand  nombre  de  pays  de  VAsie.  L'usage  de 
l'urne  cinéraire  se  retrouve  dans  d'anciens  tombeaux  du 
Bengale  et  des  Indes.  Dans  les  contrées  du  nord  de  VAsie 
où  nous  avons  rencontré  les  tumuli  de  l'âge  primitif,  sont 
aussi  de  nombreuses  collines  qui  recouvrent  des  niches 
ou  caisses  de  pierres,  dans  lesquelles  sont  déposés  l'urne 
cinéraire  et  des  objets  de  bronze  coulés,  comme  cou- 
teaux, épées,  marteaux,  vases»  bracelets,  statuettes,  mi- 
roirs métalliques  et  ornements  de  harnais.  On  y  retrouve 
également  les  cairns  dont  les  pierres  recouvrent  parfois 
des  pointes  de  lance  en  bronze.  Comme  en  Europe,  ces 
tumuli  varient  beaucoup  entr'eux  par  leurs  dimensions  et 
leur  contenu.  Nombreux  aussi  dans  VAsie  mineure,  ils  se 
reproduisent  dans  la  Grèce. 

Homère  nous  apprend  qu'au  temps  de  la  guerre  de 
Troie,  les  Grecs  avaient  l'habitude  de  brûler  leurs  morts  *. 
Il  existe  encore  en  Grèce  des  tumuli  qui  contiennent  une 
urne  protégée  par  une  niche  de  pierres.  —  Plutarque  pré- 
tend qu'on  avait  retrouvé  la  tombe  de  Thésée,  et  qu'elle 
renfermait  la  lance  et  l'épée  du  héros. 

cimetières  de  cet  âge  on  trouve  aussi  ustion  et  inhumation  sans  différence 
d'ornements,  ainsi  à  Hallstadt  près  Salzbourg.  L'absence  de  vases  est  com- 
mune à  plusieurs  contrées. 

'  Odyisée  XI,  69  et  suiv.  L'ombre  d'Elpénor  dit  à  Ulysse:  «  ....  Ne  partez 
point,  je  vous  prie,  sans  m'a  voir  rendu  les  derniers  devoirs,  de  peur  que  je 
n'attire  suc  votre  tété  la  colère  des  dieux.  Brûlez  mon  corps  sur  un  bûcher 
avee  toutes  mes  armes,  et  élevez-moi  un  tombeau  sur  le  bord  de  la  mer, 
afin  que  ceux  qui  passeront  sur  cette  rive  apprennent  mon  malheureux  sort. 
N'oubliez  pas  de  mettre  sur  mon  tombeau  ma  rame,  pour  marquer  ma  pro- 
fession et  le  service  que  je  vous  ai  rendu  pendant  ma  vie....  >  Plus  loin, 
l'ombre  de  la  mère  d'Ulysse  dit  à  son  fils  :  «  Tout  ce  qui  ne  compose  que  le 
corps  matériel  est  la  pâture  des  vers  dès  que  l'esprit  l'a  quitté,  et  l'âme, 
corps  délié  et  subtil,  s'envole  de  son  côté  comme  un  songe.  > 


204  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

# 

Ed  Italie,  en  Sardaigne  et  en  Espagne,  il  est  des  tumuli 
pareils  à  ceax  de  la  Grèce,  avec  urnes  cinéraires  et  instru- 
ments en  bronze,  mais  nous  manquons  de  descriptions 
assez  détaillées  pour  donnera  ces  anciennes  sépultures  la 
place  qu'elles  réclameraient  dans  ce  travail.  Grâces  à  Car- 
nevali,  nous  connaissons  mieux  les  tombeaux  à*Albano, 
provenant  d'une  population  qui  avait  l'habitude  de  brûler 
ses  morts  et  d'en  déposer  les  cendres  dans  la  terre  sans 
élever,  à  ce  qu'il  parait,  de  collines  au-dessus.  Nous  ne  re- 
viendrons pas  sur  tous  les  détails  de  cette  découverte  ; 
toutefois,  nous  rappellerons  qu'un  vase  de  grande  dimen 
sion  contenait,  urnes,  cendres  et  ossements  calcinés,  va- 
ses de  la  vie  domestique,  armes  en  miniature,  fibules^ 
épingles,  anneaux,  petites  roues  en  bronze,  ambre,  petite 
idole  en  argile  du  travail  le  plus  primitif,  et  un  objet  de 
même  matière  représentant  l'oreille  de  sycomore  des 
Egyptiens.  —  La  même  population  parait  avoir  occupé 
la  Campanie  dont  les  couches  volcaniques  recouvrent 
aussi  de  ces  urnes  qui,  d'après  Raoul  Rochette,  repré- 
sentent les  demeures  des  Aborigènes.  Ce  que  nous  avons 
dit  des  tombeaux  étrusques  et  de  ceux  de  la  Grande  Grèce 
montre  que  l'usage  du  bûcher  ne  passa  pâs  chez  ces 
peuples,  qui  continuent  à  déposer  leurs  morts  dans  des 
salles,  à  l'ornementation  desquelles  ils  emploient  toutes 
les  ressources  de  l'art  qui  leur  était  propre.  —  Le  bûcher 
et  l'inhumation  furent  employés  simultanément .  par  les 
Romains.  Pline  dit  que  les  premiers  Romains  ne  brûlaient 
pas  les  cadavres,  mais  qu'ils  les  enterraient  S  cependant 


*  vu,  Si.  Ip9um  cremare  apud  Romaiios  non  fuit  veteris  instituti  :  terra 
condebantur. 


AGE    DU    BRONZE.  lH^fi 

il  écrit  ailleurs  ^  que  le  roi  Numa  défendit  d'arroser  les 
bûchers  avec  du  vin,  et  le  raéme  Numa,  dans  son  testa- 
ment, défendit  de  brûler  son  corps  %  ce  qui  indique  que 
c'était  alors  Tusage  le  plus  répandu.  Les  deux  usages  se 
conservèrent.  Une  loi  des  12  tables  défendait  de  brûler 
ou  d'enterrer  dans  les  villes.  Quelques  familles,  d'après 
Cicéron%  entr'autres  la  famille  Cornélia,  inhumèrent  tou- 
jours leurs  morts  *.  Pline  *  assure  qu'on  ne  brûlait  les 
corps  humains  qu'après  qu'ils  avaient  acquis  des  dents. 
De  là  vient  que  Juvénal  désigne  un  enfant  par  ces  mots  : 
trop  jeune  pour  être  brûlé  ^.  En  résumé  l'inhumation 
fut  cependant  l'exception  chez  les  Romains,  jusqu'à  l'in- 
troduction du  christianisme  \ 

En  France,  sont  un  certain  nombre  de  collines  artifi- 
cielles qu'on  appelle  improprement  tombelles,  vu  qu'elles 
ne  renferment  aucune  trace  de  sépulture.  Elles  sont  la 
reproduction  de  ces  collines  répandues  dans  Içs  plaines 
de  la  Russie,  qui,  sans  être  des  tombeaux,  en  ont  cepen- 
dant toute  l'apparence  à  l'extérieur.  On  sait  que  dans  la 
guerre  les  Russes  allumaient  souvent  de  grands  feux  à 

'  XII],  12.  Rogum  vino  aspergi. 

*  Plutarque.  Vie  de  Numa. 

»  De  Leyel  II,  2i  Pline;  III,  2. 

*  Jusqu'au  dictateur  Sylla  (L.  Cornélius),  qui  ordonna  en  mourant  de  brû- 
ler le  sien,  de  peur  qu'on  ne  le  déterr&t  pour  le  jeter  dans  le  Tibre,  ainsi 
qu'il  avait  fait  pour  les  restes  de  Marius. 

*  VII,  16.  Non  hominem  prius  quain  genito  dente  cremari. 

*  Sat.  XV.  Minor  igné  rogi. 

^  Cette  inliumaiion.  propre  à  certaines  familles,  ces  modes  parallèles, 
paraissent  provenir  de  la  manière  dont  la  ville  fut  peuplée.  Ramassis  de 
familles  diverses  et  de  peuplades  différentes,  chacun  conserva  sans  doute  la 
liberté  de  suivre  ses  usages  de  sépulture.  Ce  souvenir  s'effaça  plus  ou  moins 
et,  suivant  les  circonstunces,  on  passait  de  Tun  à  l'autre  mode. 


"ion  MUiNUMBNTS    DE    I.'aNTIQUITÉ. 

leur  sommet,  en  sorte  qu'elles  paraissent  avoir  servi  de 
signaux.  Les  tumuli  proprement  4its  se  retrouvent  dans 
tous  les  départements  de  la  France.  Les  plus  anciens  de  la 
seconde  période  sont  la  continuation  du  premier  mode  de 
sépulture.  Un  grand  cairn,  ouvert  en  1832  près  de  Ville- 
plaine  (département  de  l'Aveyron),  renfermait  une  salle 
construite  de  grandes  plaques,  dans  laquelle  reposaient 
deux  squelettes,  dont  l'un  portait  12  anneaux  et  était  en- 
touré de  plusieurs  autres.  Les  tumuli  de  cette  période 
sont  moins  grands  que  ceux  de  l'âge  précédent,  et  mon- 
trent que  l'usage  du  bûcher  devint  général.  L'urne  ciné- 
raire n'est  plus  déposée  dans  des  salles,  mais  simplement 
entourée  de  terre  ou  de  pierres  plus  ou  moins  nombreuses. 
César'  nous  apprend  que,  de  son  temps,  les  Gaulois  avaient 
l'habitude  de  brûler  leurs  morts. 

Ces  tumuli  ne  sont  pas  moins  nombreux  dans  la  Grande- 
Bretagne.  La  cendre  des  morts  fut  d*abord  déposée  dans 
un  petit  creux  au  milieu  de  l'aire  du  tumulus,  puis  dans 
un  vase  de  poterie  grossière;  l'ouverture  de  l'urne  est 
souvent  tournée  en  dessous.  Quelquefois  le  même  tumu- 
lus recouvre  l'urne  et  le  squelette,  réunissant  ainsi  les 
deux  modes  de  sépulture. 

En  Suisse,  le  canton  de  Vaud  est  un  de  ceux  où  les  tu 
muli  ont  été  le  moins  observés,  vu  le  peu  de  soins  apportés 
à  l'ouverture  de  ceux  que  le  défrichement  du  sol  a  fait 
disparaître.  Il  reste  cependant  encore  un  certain  nombre 
de  ces  collines  coniques,  mais  plusieurs  pouvant  être  des 
moraines,  il  est  nécessaire  de  se  convaincre,  par  une 
tranchée,  si  la  superposition  des  couches  est  naturelle, 

«  Lib.  VI. 


AGE   DU    BRONZE.  207 

OU  si  la  terFe  a  été  rapportée  par  la  main  de  rhomme.  — 
Sur  QD  plateau  élevé,  prés  de  Sermuz,  sont  deux  monti- 
cules séparés  par  un  étroit  passage.  L'un  a  la  forme  d'un 
mamelon  ;  l'autre,  allongé,  se  termine  par  une  terrasse 
en  avenue,  à  laquelle  on  arrive  par  les  versants  rapides 
de  la  colline.  On  les  nomme  9  les  buttes  de  Sermuz.  » 
M.  le  Dr  Brière  a  entrepris  la  fouille  du  mamelon.  Les 
recherches  n'ayant  rien  produit,  il  parait  qu'il  rentre  dans 
la  classe  des  tombelles  que  nous  avons  mentionnées.  Ce- 
pendant on  ne  peut  douter  que  plusieurs  de  ces  collines 
ne  soient  de  véritables  tumuli.  Un  monticule,  voisin  de 
Chavannes''Sur''le''Veyrony  arrondi  et  haut  de  15  pieds, 
détruit  il  y  a  quelques  années,  contenait  des  cendres,  des 
charbons  et  des  ossements  \  Plusieurs  ont  été  rasés  au 
nord  et  à  l'occident  du  village  de  Granges.  Ils  recouvraient 
de  nombreux  ossements.  Dans  l'un  était  une  grande  boucle 
en  bronze;  un  autre  renfermait  un  squelette  recouvert 
d'une  couche  de  charbons,  sur  laquelle  reposait  une  ma- 
tière blanchâtre,  puis  venait  un  lit  de  cailloux  et  enfin  la 
terre  végétale.  —  Au-dessus  de  Granges,  Villarzel  occupe 
une  des  sommités  du  Jorat.  Cette  commune,  plus  étendue 
dans  le  moyen  âge  que  de  nos  jours,  possède  encore  les 
ruines  d'un  château  des  évêques  de  Lausanne.  Il  en  reste 
dans  un  lieu  retiré,  une  grande  tour,  des  terrasses,  de 
vieux  murs  et  une  chapelle;  alentour  sont  des  fossés  à 
demi-comblés;  mais  au  delà,  d'autres  bien  plus  considé- 
rables sont  creusés  par  la  nature.  C'est  là,  sur  le  bord 
du  rocher  qui  domine  le  val  étroit  et  profond,  qu'a  été 


*  Ce  monticule,  dont  il  reste  encore  une  bonne  partie,  appartient,  d'après 
les  fouilles  que  j'y  ai  faites  (1849)  aux  collines  de  sacrifice. 


208  MONUMENTS   DE    L*ANT1QU1TÉ. 

déposée  une  colline  élevée;  parfaitement  arrondie  de  ia 
base  au  sommet,  elle  se  termine  par  une  terrasse  qui  lui 
donne  l'aspect  d'un  côn(3  tronqué  ;  mal  située  pour  servir 
de  signal,  nous  partageons  Topinion  populaire  qui  en  fait 
un  tombeau.  Du  côté  de  Mont-la-VHle,  à  5  ou  600  pas  du 
passage  de  Peirafelix,  on  voit  dans  un  petit  vallon  plu- 
sieurs monticules  de  dimensions  différentes,  dans  lesquels 
on  assure  avoir  trouvé  des  armes.  La  tradition,  habile  à 
enrichir  les  faits  les  plus  saillants  de  l'histoire,  les  attribue 
à  des  soldats  romains  qui  auraient  campé  dans  ce  lieu, 
bien  que  le  tumulus  n'ait  pas  été  en  usage  chez  les  Ro- 
mains ;  d'autre  part  elle  raconte  que  les  tertres  de  Genol- 
lier  et  du  Bois-du-Chêne  sont  des  tombeaux  élevés  après 
une  grande  bataille,  livrée,  dans  des  temps  très  reculés» 
entre  les  Helvétiens  et  une  nation  qui  voulait  envahir  le 
pays.  On  voit  de  ces  mamelons  ou  collines  coniques  près 
de  Gingins,  Mont-le-Grand,  Laingny,  Chigny,  Crissier, 
Gollion,  Suchy,  entre  Grandson  et  le  Jura  sur  les  bords  de 
VAmon,  vers  La  Lance,  Valeyres-sous-Ursins,  Combre- 
mofU'leGrand,  Maracon  et  les  Planches \ 

Le  Mont  Riond,  au  midi  de  Lausanne,  est  remarquable 
par  la  régularité  de  ses  contours  et  ses  formes  arrondies; 
mais  si  l'on  a  égard  à  sa  grandeur  et  au  travail  qu'aurait 
exigé  le  transport  de  toutes  ces  terres,  il  parait  peu  pro- 
bable qu'il  ait  été  élevé  par  la  main  de  l'homme.  Les  plus 
grands  tumuli  du  nord  sont  fort  au-dessous  de  ses  di- 
mensions; cependant  il  serait  possible  que  la  partie  supé- 
rieure du  Mont-Riond  eût  été  utilisée  pour  des  sépultures, 


*  A  mesure  que  j'examine,  les  unes  après  les  autres,  ces  collines  du  canton 
de  Vaudje  m'aperçois  qu'on  a  souvent  pris  des  moi-aines  pour  des  tumuli. 


AGE   DU    BRONZE.  209 

d'après  l'usage  adopté  de  les  déposer  sur  des  lieux  éle- 
vés. Dans  les  pays  du  nord,  la  tradition  raconte  que  plus 
d'une  élévation  de  ce  genre  est  l'œuvre  des  géants.  On 
montre  en  Scanie  un  lac  creusé  par  un  géant,  qui,  ayant 
des  parents  en  Danemark,  prenait  là  de  la  terre,  afin  de 
créer  dans  le  détroit  un  ilôt  où  poser  le  pied.  A  cet  effet, 
il  remplit  un  sac  qui  se  creva  jusqu'à  trois  fois.  La  terre 
répandue  sur  le  sol  forma  les  collines  qu'on  voit  encore 
à  quelque  distance  du  lac.  D'après  la  tradition,  le  Mont- 
Riond  doit  avoir  eu  une  origine  pareille.  Gargantua, 
l'Hercule  populaire,  occupé  à  transporter  des  terres  dans 
une  botte,  s'achoppa  à  la  tour  de  Gourze,  fit  quelques  pas 
et  tomba  tout  étendu  sur  les  bords  du  Léman,  en  répan- 
dant par-dessus  sa  tête  la  terre  de  sa  botte.  La  formation 
du  Montet  près  de  Bex  a  la  même  origine,  Gargantua 
s'était  cette  fois  acboppé  à  la  tour  de  Saint-Tripbon. 

Les  tombeaux  de  la  seconde  période,  les  plus  ricbes 
dans  ie  canton  de  Yaud,  diffèrent  sensiblement,  non  par 
leur  contenu,  mais  par  leur  construction,  des  monuments 
correspondants  observés  dans  les  autres  pays.  Non-seu- 
lement les  corps  n*ont  pas  été  brûlés,  mais  ils  n'ont  pas 
même  été  recouverts  de  collines.  On  les  a  déposés  dans 
des  cercueils  en  dalles  brutes,  à  une  certaine  profondeur 
dans  le  sol,  à  peu  près  comme  dans  les  cimetières  mo- 
dernes, et  sans  signe  apparent  à  l'extérieur.  Je  ne  pense 
pas  que  ce  genre  de  tombeaux  soit  uniquement  propre  ao 
canton,  mais  on  l'a  sans  doute  peu  remarqué  à  l'étranger 
parce  qu'il  ne  frappe  pas  les  regards  comme  les  collines 
tumulaires.  Non  loin  d'Aigle,  est  un  plateau  de  la  mon- 
tagne, adossé  contre  un  rocher  à  pic,  et  qui  élevait  ses 
broussailles  plus  haut  que  les  châtaigniers  de  Verchiez. 

MÉM.  ET  DOCUM.   XXY.  li 


210  MONUMENTS   DE   l' ANTIQUITÉ. 

Défriché  en  1835,  od  déconvrit  une  centaine  de  tombeaux 
construits  en  dalles  brutes,  comme  ceux  dePierra-Portay, 
c'est-à-dire  trop  courts  pour  avoir  permis  d'y  étendre  le 
mort.  Avec  les  squelettes,  se  trouvaient  des  brassards 
ornés  de  gravures,  des  bracelets  ronds  ou  en  spirale 
et  de  grandes  épingles  en  bronze.  —  Deux  ans  plus  tard, 
des  monuments  pareils  furent  découverts  à  peu  de  dis- 
tance de  là,  sur  le  versant  méridional  de  Charpigny, 
attenant  au  mont  de  Saint-Tripbon,  mais  les  squelettes 
étaient  étendus  et  non  plus  dans  Tattitude  embryonnaire. 
Plusieurs  objets  furent  recueillis  par  les  soins  de  M.  le 
pasteur  Buttin.  Les  bracelets  se  font  remarquer  par  la 
variété  de  leurs  formes.  Le  plus  grand  est  un  fil  de  cui- 
vre, aplati  et  large  de  4  lignes,  qui  donne  dix  fois  le  tour 
dé  l'avant-bras.  D'autres  sont  des  anneaux  gravés,  ronds 
ou  ovales,  fermés  ou  entr'ouverts.  Deux,  en  argent  fin, 
pèsent  chacun  4  onces,  et  représentent  des  têtes  de  ser- 
pent à  leurs  extrémités.  Outre  les  bracelets,  on  trouva 
trois  celts,  la  lame  d'un  petit  poignard  en  bronze,  deux 
grandes  épingles,  une  bague,  une  chaîne  de  six  anneaux 
ronds  réunis  par  5  petits  liens  plats,  quatre  tours  de  tête 
en  bronze,  des  tubes  du  môme  métal,  diverses  pièces  diffi- 
ciles à  déterminer,  et  les  fragments  d'un  petit  vase  en 
terre  brune.  —  Les  tombeaux  de  Trey,  près  Payerne, 
renfermaient  des  bracelets  et  un  collier  en  bronze.  — 
Dans  beaucoup  d'autres  localités  du  canton,  on  a  décou- 
vert des  antiquités  du  même  genre,  mais  on  ne  sait  pas 
toujours  si  elles  reposaient  en  terre  libre  ou  dans  des 
tombeaux. 

Sur  plusieurs  points  du  canton  de  Berne,  M.  de  Bon- 
stetten  a  ouvert  des  tumuli,  dont  plusieurs  paraissent 


AGE   DU    BRONZE.  211 

appartenir  à  cette  période.  Le  tombeau  de  Horgen,  dont 
nous  avons  parié,  était,  comme  ceux  de  la  vallée  du 
Rhône,  déposé  dans  le  sol,  sans  colline  au-dessus.  Les 
tumuli  du  canton  de  Zurich,  riches  en  objets  divers,  le 
sont  aussi  en  poterie.  On  retrouve  les  mêmes  monuments 
dans  les  environs  de  Constance,  La  Haute-Engadine,  dans 
les  Grisons,  possède  plusieurs  tumuli,  qui,  manque  de 
recherches,  ne  peuvent  encore  être  déterminés.  Quant 
aux  vallées  élevées  des  Alpes,  on  y  chercherait  en  vain 
des  monuments  de  cette  époque. 

Les  sépultures  n'offrent  pas  moins  de  diversité  en  Alle- 
magne que  dans  les  autres  pays.  Le  mode  primitif  d'inhu- 
mation ne  tarde  pas  à  disparaître.  Les  instruments  en 
bronze  ne  se  retrouvent  que  rarement  dans  les  salles 
sépulcrales  des  tumuli,  et  encore  ceux-ci  n'existent-ils 
que  dans  les  contrées  habitées  durant  la  i^^  période; 
aussi  doit-on  les  envisager  comme  appartenant  à  l'âge 
de  transition.  Non  loin  de  Farrenstàdt,  à  quelque  distance 
de  Quarfort  *,  on  a  ouvert  les  caveaux  de  quelques  col- 
lines qui  renfermaient  des  poteries  et  des  traces  de 
bronze'.  L'un  de  ces  caveaux  avait  16*/»  pieds  de  long, 
sur  77»  de  large  et  S*/»  de  haut.  Les  dalles  des  parois 
entraient  dans  des  rainures  pratiquées  sur  les  couvertes 
qui  forment  le  plafond  '.  Au-dessus  de  celui-ci,  étaient 
entassés  des  blocs  de  grandeurs  diverses,  recouverts  à 
leur  tour  d'une  couche  de  terre.  Au  milieu  du  caveau. 


*  A  Niederweeden.  Voir  Deuts.  AU.  von  Kruse,  tom.  1,  cah.  6,  pi.  I. 

*  C'étaient  les  fragments  de  bracelets  en  spirales  formés  d'un  petit  fll  de 
bronze. 

'  Rapprocher  ce  fait  de  celui  de  la  salle  de  Regny  décrite  par  M.  Bla- 
vignac. 


m  MONUMENTS   DE   l' ANTIQUITÉ. 

reposaient  les  restes  d'an  squelette,  autour  duquel  se 
trouvaient  une  trentaine  de  vases,  dont  plusieurs  étaient 
munis  de  couvercles.  On  y  recueillit  deux  pincettes  en 
bronze  et  de  petits  anneaux  du  môme  métal  de  2  à  3 
lignes  de  diamètre*. 

En  1841 9  on  trouva  dans  la  Rodehùgel*,  à  un  quart 
de  lieue  A'Ober  -  Farrenstâdt,  un  tombeau  construit  en 
dalles,  mesurant  14  pieds  de  long,  4  de  haut  et  5  pieds 

3  pouces  de  large.  A  l'intérieur,  il  était  divisé  en  deux 
compartiments  inégaux  par  une  dalle  sur  laquelle  od 
avait  pratiqué  une  ouverture  d'environ  2  pieds  de  dia- 
mètre. Dans  le  plus  grand  compartiment  étaient  les 
restes  très  décomposés  d'un  squelette,  sans  traces  de 
charbons  ou  de  cendres,  une  pointe  de  lance  et  un 
poignard  en  bronze  dont  la  lame,  large  de  9  pouces, 
avait  été  fixée  à  la  poignée  par  5  clous  rivés.  L'autre 
compartiment  ne  renfermait  que  les  fragments  ornés 
de  rayures  d'une  urne  en  belle  terre  noire,  munie  de 

4  anses.  D'un  côté  se  trouvaient  donc  l'inhumation  et 
les  armes;  de  l'autre,  les  cendres  sans  aucun  ornement; 
peut-être,  le  chef  et  son  serviteur.  L'ouverture  prati- 
quée sur  la  dalle  de  séparation  parait  indiquer  qu'on 
croyait  à  la  communication  des  mânes'.  —  Il  existe 
encore  entre  Weissenfels  et  Naumbourg,  dans  la  contrée 
de  la  Saale,  70  tumuli,  dont  quelques-uns  ont  été  fouil- 
lés. Ils  recouvraient  des  salles,  dans  lesquelles  les  sque- 

*  Ces  divers  objets  sont  dessinés  dans  Kruse. 

*  Neue  Mitth.  von  Halle,  tom.  VI,  cab.  4,  1843,  pag.  151-153. 

*  A  Dieskau,  entre  Halle  et  Leipsick,  on  trouva,  sous  une  voûte  grossière 
faite  de  grandes  pierres,  hacbe  et  marteau  de  bronze  avec  quelques  objets  en 
or.  Keferstein,  pag.  19. 


AOB   DU    BRONXB.  243 

lettes  avaient  l'attitude  de  Fembryon,  aaprés  d'eux  étaient 
des  ?ases,  des  anneaux,  des  haches,  des  pointes  de  traits 
en  bronze  et  des  dents  d'animaux  ' . 

En  pénétrant  davantage  dans  l'intérieur  des  terres,  les 
anciennes  populations  ne  construisirent  plus  ces  salles 
spacieuses.  Les  morts  inhumés,  et  plus  souvent  brûlés, 
sont  disposés  sur  le  sol  ou  sur  un  pavé,  entourés  de  quel- 
ques pierres  et  recouverts  d'une  colline,  qui  n'a  souvent 
que  quelques  pieds  de  haut.  A  moins  d*avoir  parcouru 
les  contrées  où  se  trouvent  ces  tumuli,  on  se  fait  diffici- 
lement une  idée  de  leur  nombre.  Quelques-uns  ont  été 
fouillés,  mais  le  plus  grand  nombre  est  encore  intact,  en 
sorle  qu'il  n'est  pas  toujours  facile  d'apporter  dans  leur 
classification  toute  la  précision  désirable.  Plusieurs  sont 
d'une  époque  un  peu  postérieure  à  celle  qui  nous  occupe, 
mais  à  en  juger  par  les  fouilles,  beaucoup  aussi  appartien- 
nent à  la  seconde  période.  A  l'occident  de  l'Allemagne,  on 
les  Irouve  répandus  sur  les  bords  du  Neckar  *  et  du  Main. 
Dans  la  vallée  de  Regnitz  on  en  a  compté  plus  de  2000. 
Ceux  qui  ont  été  ouverts  montrent  que  le  bûcher  a  été 
plus  fréquemment  employé  que  l'inhumation.  Mêmes  to- 
rouli  sur  les  bords  du  Rhin,  dans  les  provinces  rhénanes, 
en  Belgique  et  en  Hollande,  Ils  se  retrouvent  pareillemenl 
en  Wurtemberg,  en  Bavière  et  dans  le  centre  de  l'Alle- 
magne. Séparés  parfois  par  le  mur  romain,  ils  ne  différent 
ni  de  construction,  ni  de  contenu.  En  Bohême  et  en  Mo^ 
ravi<\  les  tumuli  qui  renferment  les  instruments  en  bronze 
sont  généralement  peu  élevés  et  recouvrent  ordinairement 

'  Keferttein,  paf   St. 

*  lit  loDt  irèt  nombreai  dans  U  vmllée  du  fhtàar,  entre  Rraakfort  ti 
Wurthour^,  etc. 


214  MONUMENTS   DE    l' ANTIQUITÉ. 

des  urnes  cinéraires  ^  —  Nombreux  dans  la  basse  Silésie, 
ils  se  répandent  dans  les  plaines  ou  les  vallées  de  la  Saxe^ 
parfois  sous  la  forme  de  cairns*.  Tout  le  nord  de  FAUe- 
magne  possède  la  même  diversité  de  constructions  sépul- 
crales propres  à  Tâge  du  bronze  'Dans  le  Hanovre,  elles 
varient  beaucoup  de  grandeur  et  sont  souvent  entourées 
de  cercles  de  pierres  *.  On  en  compte  plus  d'un  millier 
dans  le  bailliage  de  Wimen,  juridiction  de  Lûnebourg,  dont 
le  sommet  porte  quelquefois  une  grande  pierre  ou  un 
autel  '.  —  Particulièrement  riches  sont  les  duchés  de 
Mecklembourg .  A  Rtichow  était  une  colline  de  20  pieds  de 
haut  et  de  200  pieds  de  circonférence  à  sa  base,  sans 
aucun  ornement  extérieur.  Elle  portait  le  nom  de  Kônigs- 
berg  (colline  du  roi).  On  y  découvrit  d'abord  une  espèce 
de  caveau  voûté,  ayant  14  pieds  de  long.  Dans  la  direction 
de  l'est  à  Touest,  reposait  sur  pavé,  un  chône  long 
de  12  pieds  et  large  de  6,  creusé  en  forme  de  bassin, 
dans  lequel  était  étendu,  les  bras  sur  les  côtés,  un  sque- 
lette humain  assez  bien  conservé,  mesurant  7  pieds  de 
long.  Il  avait  à  sa  gauche  les  fragments  d'une  épée  de 
bronze  déjà  brisée  quand  on  la  plaça  dans  le  cercueil  ^  ; 
et  à  sa  droite  une  espèce  de  poignée  carrée,  plus  un  petit 
couteau  ^  en  bronze.  Chaque  main  portait  une  bague  d'un 

*  Aussi  des  squelettes  inhumés  sous  des  voûtes  peu  élevées. 

*  Ainsi  près  de  Zwickau,  au  sud  de  Leipsick,  avec  armes  el  objets  de 
bronze  et  urnes. 

'  Oldenbourg  et  Lippe.  Nombreux  tumuli  avec  urnes. 

*  Beaucoup  d'urnes. 

*  Avec  caisses  de  pierre.  —  Brunswick,  squelettes  et  urnes.  Hesse-Cassel^ 
plutôt  urnes  que  squelettes.  —  DessaUt  40  tumuli  nommés  collines  des  nains. 

*  Y  compris  la  poignée  de  3  pouces  de  long,  elle  mesure  %  pieds  4  pouces 
'  On  dit  rasoir.  (?) 


AGE     DU    BRONZE.  21 S 

double  fil  en  or.  Une  fibule  formée  de  deux  disques  en 
spirale  reposait  sur  la  poitrine.  Enfin,  aux  pieds  du  sque- 
lette se  trouvaient  deux  vases  d'une  argile  fine.  —  A  côté 
de  ce  caveau,  on  en  découvrit  un  second  de  10  pieds  de 
diamètre,  pavé,  mais  sans  cercueil.  Il  n'y  avait  plus  traces 
de  squelette,  mais  sur  un  petit  espace  se  trouvaient  réu- 
nis :  deux  bagues  d'un  double  fil  en  or  reployé  en  spirale 
cylindrique,  deux  colliers  en  torsade,  deux  paires  de  bra- 
celets massifs,  deux  épingles,  un  couteau  arqué,  une  urne 
et  une  espèce  de  boite  ronde  en  bronze,  munie  d'une 
anse.  —  A  l'orient,  un  troisième  arrangement  de  pierres 
recouvrait  quatre  urnes  brisées,  des  os  d'enfant  à  moitié 
brûlés,  une  petite  bague  de  fil  de  bronze  et  des  fragments 
de  collier.  A  gauche  de  cette  plaque  se  trouvait  encore» 
entre  des  pierres,  une  urne  qui  contenait  une  bague  en 
or,  un  double  bouton  de  bronze  et  quelques  autres  objets. 
On  a  vu  là  le  tombeau  d'une  famille  princière ,  et  le  Dr 
Liscb  attribue  à  ces  inhumations  successives  la  forme  al- 
longée de  la  colline  ^  —  Un  tombeau  d'un  genre  assez 
pareil,  mais  sans  cercueil  de  chêne,  a  été  reconstruit  dans 
le  musée  de  Schwerin.  Il  réunit  pareillement  les  bagues 
en  or  et  les  armes  de  bronze,  l'inhumation  et  les  traces 
du  bûcher.  Je  dois  cependant  ajouter  que  ces  construc- 
tions sont  ex<;eptionnelles,  bien  qu'elles  se  rattachent  aux 
modes  les  plus  usités. 

Dans  les  contrées  de  la  Saale,  l'urne  cinéraire  a  été 
quelquefois  déposée  au-dessus  des  caveaux  des  tombeaux 
primitifs,  plus  souvent  sur  le  sol  ou  dans  un  cairn  recou- 
vert d'une  petite  colline;  d'autrefois  le  mort  a  été  in- 

*  Voir  Ruchow,  dans  le  dictionnaire  de  Wagener. 


216  MONUMENTS   DE    L* ANTIQUITE. 

hnmé.  Ces  tamuli  ne  sont  pas  moins  nombreux  que  ceux 
do  premier  âge.  L'un  vers  Schkopau,  près  de  Mersebourg, 
entouré  d'un  cercle  de  pierres,  contenait  des  fibules,  des 
épingles,  des  urnes  en  bronze  et  une  centaine  de  celts  ^ 
Dans  d'autres,  c'étaient  des  urnes,  des  épées  de  bronze  ' 
et  des  ornements  de  harnais  '.  Parfois  en  Allemagne»  ainsi 
près  de  Halberstadt,  on  a  trouvé  des  urnes  qui  renfer* 
maient  les  os  non  brûlés  de  petits  enfants  ;  peut-être  ce 
fait  doit-il  être  rapproché  de  l'usage  des  Romains  qui  ne 
livraient  pas  aux  flammes  les  corps  des  enfants  avant  qu'ils 
n'eussent  mis  les  dents.  —  Entre  WUtenberg  et  Torgau, 
on  voit  des  groupes  de  50,  300  et  même  400  tumoli.  Ré- 
pandus sur  les  rives  de  VOder,  on  les  retrouve  çà  et  là 
parsemés  jusqu'à  Kœnigsberg.  Si  plusieurs  diffèrent  de 
la  description  de  Tacite,  il  en  est  cependant  un  grand 
nombre  qui  répondent  aux  paroles  de  l'historien,  quand 
il  dit  que  «  chez  les  Germains  les  funérailles  étaient  sim- 
ples, et  que  toute  la  distinction  accordée  aux  personnages 
illustres  était  d'être  brûlés  avec  certain  bois.  On  ne 
jetait  sur  le  bûcher,  ajoute-t-il,  ni  habits,  ni  parfums, 
mais  les  armes  du  mort  et  quelquefois  son  cheval  ;  puis 
on  élevait  une  colline  sur  les  cendres  du  défunt.  «  Sepul- 
crum  cespes  erigiti^  (le  tombeau  est  de  simple  gazon)  *. 

On  a  retrouvé  quelquefois  en  Danemark,  sous  les  pierres 
dites  de  sacrifices,  une  niche  en  dalles  renfermant  l'urne 
cinéraire.  D'autres  fois,  plusieurs  caisses  carrées  sont  re- 
couvertes par  la  môme  colline.  Le  plus  souvent  il  n'y  en 
a  qu'une  sur  laquelle  on  a  arrangé  des  pierres  en  forme 

*  Keferstein,  pag.  22. 

*  Lobejiin  près  Halle,  Keferst.  pag.  13. 

*  Weinberg  près  Halle,  Keferst.,  pag.  7. 

*  Germania,  cap.  XXVII. 


AGE   DU    BRONZE.  217 

de  voûte,  d'autres  pierres  ont  été  rejetées  sans  ordre  par- 
dessus, et  enfin  la  terre  du  sol.  Dans  l'urne  sont  déposés 
les  petits  objets,  tels  que  les  ornements  et  les  fragments 
des  armes,  si  elles  ont  été  brisées  ;  sinon,  on  les  plaçait 
à  côté  de  l'urne,  ou  bien  au-dessus  de  la  caisse.  Dans 
quelques  tumuli  sont  des  cercueils  en  pierre  assez  grands 
pour  y  étendre  un  mort,  et  destinés  cependant  à  recevoir 
les  cendres  du  bûcher.  L'urne  est  parfois  aussi  déposée 
sur  le  sommet  ou  sur  les  flancs  des  tumuli  primitifs. 

Les  mêmes  faits  se  reproduisent  en  Stièdey  où  l'on  re- 
trouve aussi  sous  la  même  colline  un  cercueil  avec  sque- 
lette, entouré  d'urnes  cinéraires.  Il  est  à  remarquer  que, 
dans  ce  pays,  les  monuments  de  l'âge  de  bronze  ne  s'éten* 
dent  guère  plus  au  nord  que  ceux  de  la  période  précédente. 

Pendant  que  l'intérieur  de  l'Europe  recevait  de  nom- 
breux habitants,  la  Norwége  n'était  encore  parcourue  que 
par  un  petit  nombre  d'aventuriers.  Jusques  à  présent 
on  n'y  a  retrouvé  que  quatre  tumuli  de  la  seconde  pé- 
riode, près  de  Stavanger,  au  midi  de  Bergen.  Les  morts 
n'auraient  pas  été  brûlés,  mais  placés  avec  leurs  armes 
dans  des  cercueils  en  pierre,  entourés  de  la  terre  du  tu- 
mulus.  Quelques  pointes  de  lance  en  bronze  ont  été  dé- 
couvertes à  Walders,  au  centre  de  la  Norwége  et  dans  le 
district  de  Drontheim,  sans  trace  de  tombeaux.  La  rareté 
de  ces  pièces  indique  assez  nettement  que  ce  pays  ne  fut 
que  parcouru,  mais  non  point  habité  à  cette  époque  ;  en 
revanche,  les  tumuli  de  l'âge  suivant  y  sont  déposés  en 
grand  nombre.  Les  fouilles  qui  y  ont  été  dirigées  avec 
intelligence,  les  collections  parfaitement  classées  qu'on  y 
a  formées,  permettent  de  tirer  des  conclusions  que  nous 
ne  hasarderions  point  sur  un  pays  inexploré. 


^18  MONUMENTS   DE    L* ANTIQUITÉ. 

Dans  les  provinces  russes  do  bord  de  la  Baltique  et  du 
golfe  de  Finlande,  sont  de  nombreux  tumuli  renfermant 
des  corps  inhumés  ou  des  urnes  cinéraires,  mais  beau- 
coup remontent  seulement  aux  derniers  âges  du  paga- 
nisme dans  ces  pays.  Du  nord  au  midi  de  ce  vaste  empire 
on  rencontre  un  nombre  infini  de  ces  collines  coniques 
ou  demi-spbériques  élevées  par  la  main  de  l'homme.  Toutes 
n'ont  cependant  pas  été  des  tombeaux.  Du  Bois  de  Mont- 
péreux  a  montré,  dans  un  travail  fort  intéressant',  que 
plusieurs  ont  servi  de  limites  territoriales;  d'autres,  qu'il 
appelle  tumuli  télégraphes,  étaient  de  véritables  signaux 
sur  lesquels  on  allumait  des  feux  pour  annoncer  l'approche 
ou  la  retraite  de  l'ennemi.  Sur  les  iumuW  pyrées,  consacrés 
au  culte,  on  entretenait  le  feu  sacré.  Des  tumuli  trophées 
ont  été  élevés  en  mémoire  d'un  événement  dont  on  vou- 
lait perpétuer  le  souvenir  dans  la  postérité,  souvenir  la 
plupart  du  temps  effacé  ou  confus.  Le  manque  de  fouilles, 
dirigées  avec  ensemble  dans  un  but  scientifique,  ne  per- 
met pas  de  tirer  de  ces  divers  monuments  les  renseigne- 
ments que  l'histoire  serait  en  droit  d'en  attendre.  Espé- 
rons que  ces  travaux  seront  entrepris  pendant  qu'il  en 
est  encore  temps. 

De  la  Russie,  comme  nous  l'avons  vu,  ces  tumuli  à 
urnes  cinéraires  passent  en  Orient,  et  ils  se  retrouvent 
dans  l'Asie  du  nord  avec  toutes  les  variétés  observées  en 
Europe. —  Il  nous  reste  maintenant  à  entrer  dans  quelques 
considérations  générales  sur  la  période  dont  nous  venons 
d'étudier  les  monuments. 

*  Annuaire  des  voyages  et  de  la  géographie,  2«,  3«  el  4*  années,  1845-1847. 
I>es  tumulus,  des  forts  el  des  remparts  de  la  Russie  occidentale. 


AGE    DU    BRONZE.  219 


Considérations  générales  sur  la  seconde 

période. 

La  statistique  des  tamuli  da  second  âge  nous  reporte 
de  nouveau  en  Asie,  comme  au  point  de  départ.  De  là  ces 
tombeaux  se  répandent  en  Europe,  non-seulement  sur  les 
bords  des  grandes  eaux,  mais  aussi  dans  l'intérieur  des 
terres.  De  nouvelles  familles  humaines,  issues  de  la  popu- 
lation primitive  ou  venues  de  l'étranger,  se  sont  établies 
dans  la  plupart  des  pays.  Il  n*est  guères  de  plaines  ou  de 
vallées  un  peu  étendues  qui  n'en  conservent  quelques 
vestiges.  Cependant,  les  montagnes  ou  les  contrées  rude- 
ment accidentées  restent  généralement  inhabitées.  C'est  à 
peine  si  la  Norwége  et  le  nord  de  la  Suède  sont  parcourus 
par  quelques  explorateurs.  D'après  les  rapports  des  au- 
teurs anciens,  les  contrées  habitées  différaient  sensible- 
ment de  ce  qu'elles  sont  de  nos  jours.  Le  sol  était  recou- 
vert de  forêts  plus  vastes  et  plus  nombreuses.  Des  maré- 
cages occupaient  la  plupart  des  lieux  bas  et  les  vapeurs 
qui  s'en  élevaient  donnaient  à  l'atmosphère  une  plus 
grande  crudité. 

Les  monuments  de  la  seconde  période,  pris  dans  leur 
ensemble,  présentent  un  caractère  bien  distinct  de  ceux 
que  nous  avons  examinés  auparavant  ;  non-seulement  le 
métal  a  été  découvert,  mais  le  mode  de  sépulture  est  tout 
autre.  Les  grandes  salles  sépulcrales  ne  tardent  pas  à  être 
abandonnées.  Au  lieu  de  collines  gigantesques  et  des  cer- 
cles de  piliers  élevés,  c'est  tout  simplement  un  petit  tertre 
qui  recouvre  les  ossements  ou  les  cendres  du  mort.  Si» 


220  MONUMENTS   DB    L'aNTIQUITÈ. 

comme  nous  le  pensons,  l'attitude  reployée  des  squelettes 
eût  un  sens  profondément  religieux,  rintroduction  du 
bûcher  ou  l'usage  de  brûler  les  morts  doit  répondre  à  une 
foi  nouvelle,  à  une  autre  croyance  et. probablement  à  un 
autre  peuple.  Hérodote  dit  que  les  Perses  ne  brûlaient 
pas  les  corps  parce  qu'ils  regardaient  le  feu  comme  une 
divinité.  Les  Egyptiens  s'abstenaient  aussi  du  bâcher, 
parce  que,  ne  croyant  pas  permis  de  livrer  le  corps  aox 
animaux,  ils  envisageaient  le  feu  comme  une  béte  inani- 
mée. D'autre  part,  les  philosophes  indiens,  tels  que  Ca- 
lanus,  du  temps  d'Alexandre,  terminaient  leur  vie  par  le 
feu  lorsqu'elle  leur  devenait  à  charge.  Les  Grecs  croyaient 
que  le  feu  consumait  tout  ce  qu'il  y  avait  d'impur  dans  le 
corps  humain.  Euripide  dit  de  Clytemnestre  que  son  corps 
fut  purifié  par  le  feu  ^  Heraclite,  qui  regardait  le  feu 
comme  le  principe  universel,  voulait  qu'on  brûlât  les  corps» 
afin  qu'ils  rentrassent  plus  vite  dans  leur  élément  primi- 
tif. Nous  avons  là  des  points  de  vue  opposés  qui  nous 
assurent  qu'à  leur  origine,  ces  deux  modes  répondaient 
à  des  idées  différentes  sur  le  culte  et  la  divinité,  et  par 
conséquent  à  des  peuples  différents. 

Cette  conclusion  doit  paraître  en  contradiction  avec  l'his- 
toire et  les  faits  observés,  mais  il  importe  de  ne  pas  ou- 
blier qu'il  s'agit  ici  du  point  de  départ,  c'est-à-dire  de  ces 
modes  à  leur  origine.  —  On  nous  opposera  que  quelques 
peuples,  les  Romains  entr'aulres,  brûlèrent  ou  inhumèrent 
indifféremment  leurs  morts,  et  qu'ainsi  la  différence  de 
sépulture  ne  conduit  pas  à  une  différence  de  peuple.  Nous 
ferons  observer  que  Rome,  ainsi  que  beaucoup  d'autres 

*  Oreste,  40.  Tnjpi  TMtBrtytarou  Scpoç. 


AGE   DU    BRONZE.  221 

cités,  fut  d'abord  un  asile  ouvert  à  tous  les  vagabonds, 
et  composée  d'éléments  très  divers  auxquels  on  donna 
pour  unité  et  pour  but  l'affermissement  de  l'état  à  l'inté- 
rieur et  son  agrandissement  au  dehors.  Quand  on  régla 
ce  qui  avait  rapport  au  culte,  on  dut  tenir  compte  de  cette 
formation  et  laisser  juxtaposés  les  usages  qui  ne  pou- 
vaient être  fondus.  C'est  par  ces  circonstances  que  nous 
nous  expliquons  remploi  des  deux  modes  de  sépulture 
chez  les  Romains.  Cette  explication  prend  encore  plus  de 
poids  si  nous  nous  rappelons  que  Cicéron  et  Pline  disent 
que  quelques  familles  avaient  l'habitude  d'inhumer,  tan- 
dis qu'on  brûlait  généralement  les  morts.  On  le  voit,  dans 
les  premiers  temps  de  Rome  du  moins,  on  ne  passait  pas 
indifféremment  d'un  mode  à  l'autre.  Quelques-unes  des 
familles  qui  s'abstenaient  du  bûcher  venaient  sans  doute 
de  TEtrurie;  d'autres  de  la  grande  Grèce  ou  de  peuplades 
primitives.  Numa,  Sabin  d'origine,  ordonna  qu'on  l'in- 
humât. Quelques  auteurs  font  descendre  les  Sabins  d'une 
colonie  lacédémonienne  qqi  s'établit  en  Italie,  et  les  ha- 
bitants de  Lacédémone  avaient,  à  l'inverse  des  autres 
Grecs,  l'habitude  d'enterrer  leurs  morts  ^  L'usage  du 
bûcher  étant  le  plus  répandu,  il  en  résulterait  que  la  plu- 
part des  familles  de  Rome  descendaient  d'autres  peu- 
plades, qui  envisageaient  sans  doute  aussi  le  feu  comme 
un  moyen  de  purification.  Il  serait  curieux  de  rechercher 
si  l'usage  de  ne  pas  livrer  aux  flammes  les  corps  des 
jeunes  enfants  ne  provient  pas  de  l'état  d'innocence  accordé 
à  cet  âge,  et  qui  aurait  ainsi  rendu  superflue  la  purifl- 


*  L'existence  de  Numa  est  douteuse,  et  les  Sabins  n'ont  pas  de  rapports 
avec  Sparte. 


222  MONUMENTS   DE    l' ANTIQUITÉ. 

cation  par  le  feu.  Quoiqu'il  eu  soit,  l'idée  primitive  atta- 
chée à  ces  différents  modes  se  perd  durant  le  cours  des 
siècles,  et  l'on  voit  le  dictateur  Sylla,  contre  l'usage  de  sa 
famille  (Cornelia),  ordonner  qu'on  brûlât  son  corps,  dans 
la  crainte  qu'on  ne  le  déterrât  pour  le  jeter  dans  le  Tibre, 
comme  il  l'avait  fait  des  restes  de  Marins,  son  redoutable 
adversaire.  —  Ce  qui  s'est  passé  à  Rome,  ou  dans  d'autres 
contrées,  n'empêche  donc  point  d'admettre  qu'à  leur  ori- 
gine ces  modes  appartenaient  à  des  cultes' et  des  peuples 
différents,  et  si  nos  observations  sont  fondées,  on  peut 
conclure  à  une  juxtaposition  partout  où  on  les  trouve 
réunis.  Depuis  que  cette  question  s'est  présentée  à  nous, 
nous  n'avons  pas  eu  le  temps  de  l'étudier  sufSsamment 
pour  pouvoir  recueillir  sur  l'orient  les  renseignements 
qu'il  est  possible  d'obtenir.  Ce  que  nous  savons,  c'est  que 
l'usage  du  bûcher  y  est  fort  ancien,  et  que  l'urne  ciné- 
raire s'y  retrouve  dans  un  grand  nombre  de  tombeaux  ^ 
—  Maintenant,  avec  ces  données,  si  nous  portons  nos  re- 
gards sur  les  sépultures  de  l'âge  primitif  en  Europe,  et 
que  nous  examinions  ensuite  celles  de  la  seconde  période, 
nous  reconnaîtrons  qu'une  grande  révolution  s'est  opérée 
dans  des  âges  antéhistoriques.  Quand  on  s'est  rendu 
compte  du  sens  profond  attaché  aux  sépultures  les  plus 
anciennes,  et  qu'on  rencontre  un  autre  mode  emportant 
avec  lui  d'autres  idées,  d'autres  dogmes  sur  la  mort  et  la 
vie  à  venir,  on  ne  peut  comprendre  le  simple  passage  d'une 
foi  à  l'autre  chez  un  peuple  resté  le  même.  Nous  ne  tar- 

*  Cn  autre  fait  relatif  au  mode  de  sépulture  résulte  de  Tusage  de  popula- 
tions parfois  voisines  d'élever  ou  non  des  tumuli.  Sur  les  bords  de  la  mer 
Noire,  les  colonies  de  Doriens  ne  sont  pas  accompagnées  de  tumuli,  mais 
bien  celles  des  Ioniens,  des  Milésiens,  par  exemple. 


AGE   DU    BRONZE.  223 

derons  pas  à  voir  que  l'orient  répandit  en  effet,  avec  la 
connaissance  des  métaux,  de  nouveaux  flots  de  peuples 
sur  l'Europe.  Lorsqu'une  foi  disparait  et  ne  laisse  plus 
que  quelques  vestiges  au  milieu  d'une  croyance  nouvelle, 
comme  les  bris  du  vaisseau  surnageant  après  la  tempête, 
nous  pouvons  être  assurés  qu'une  société  a  été  brisée  par 
une  lutte  profonde.  —  En  partant  de  ce  point  de  vue  et 
en  faisant  un  nouvel  examen  des  monuments  tumulaires 
qui,  par  leur  construction  ou  par  leur  contenu,  se  rap- 
prochent le  plus  du  moment  de  la  lutte,  on  pourra  même 
juger  des  succès  et  des  revers  du  peuple  envahisseur.  La 
prédominance  de  l'urne  cinéraire  nous  montre  qu'il  fut 
généralement  vainqueur.  Cependant,  là  où  nous  retrou- 
vons l'inhumation  honorée  par  le  dépôt  d'armes  ou  d'or- 
nements, on  doit  y  voir  la  population  primitive  victorieuse 
ou  retirée.  Mais  il  y  a  plus,  des  familles  de  l'un  et  l'autre 
camp  paraissent  avoir  été  réduites  arrêtât  d'esclavage. 
Quand  nous  trouvons  le  squelette  étendu  sans  aucun  or- 
nement à  côté  de  l'urne  cinéraire  qui  renferme  les  der- 
niers témoignages  de  la  considération  des  hommes,  nous 
avons  là  l'esclave  de  la  race  primitive,  sacrifié  à  la  mort 
de  son  maître.  Mais  si  le  squelette,  déposé  dans  un  sar- 
cophage, est  entouré  d'urnes  grossières  ne  contenant  que 
la  cendre  des  morts,  les  positions  sont  interverties  *.  Voilà 

*  M.  Vulliemin  m*a  fait  observer  que  Tesclave  n'était  pas  mêlé  à  la  famille 
du  maître  et  qu'il  est  peu  probable  qu'il  ait  été  brûlé  sur  son  tombeau  ou 
inhumé  à  côté  de  l'urne;  mais  il  admet  que,  par  union,  la  même  famille 
peut  avoir  été  composée  d'individus  de  peuples  différents,  en  sorte  qu'au 
fond  le  fait  reste  à  peu  près  le  même.  On  voit  cependant  des  esclaves  immo- 
lés sur  la  tombe  du  maître. 

Quelques-uns  prétendent  que  l'ustion  était  plus  en  honneur  que  l'inhuma- 
tion. Le  fait  s'expliquerait  par  la  prédominance  du  peuple  envahisseur. 


224  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

ce  qui  se  présente  à  ooas  pour  les  temps  les  plus  rap- 
prochés de  la  lutte.  Dans  la  suite,  ce  qui  se  passa  à  Rome 
dut  être  commun  à  beaucoup  d'autres  peuples.  Par  le 
cours  des  siècles  et  la  mixtion  des  éléments,  les  souve- 
nirs s'effacent;  il  ne  reste  que  des  faits  dépouillés  de  leur 
signification,  et  qui,  perdant  leur  valeur,  sont  modifiés 
ou  abandonnés  par  simple  convenance  ^  Si  l'on  possède 
un  jour  des  statistiques  détaillées  de  tous  ces  monuments, 
il  sera  curieux  de  rechercher  à  quels  peuples  de  l'orient 
appartient  le  bâcher  ou  l'inhumation,  et  d'arriver  à  dé- 
terminer les  points  de  départ  des  invasions,  en  suivant 
leur  marche  vers  l'occident.  Ce  que  nous  pouvons  dire, 
quant  au  point  qui  nous  occupe,  c'est  que  l'introduction 
du  bûcher  en  Europe  remonte  au  commencement  de  notre 
seconde  période.  Sa  haute  antiquité  est  constatée  dans  le 
midi  par  les  récits  d'Homère,  et  entre  autres  par  la  dé- 
couverte d'Albano.  Dans  le  nord,  l'ustion  apparaît  aussi 
anciennement  que  le  métal.  Les  deux  voies  primitives  fu- 
rent parcourues  de  nouveau ,  d'autres  furent  peut-être 
ouvertes  dans  le  centre  de  l'Europe.  —  Nous  avons  dit 
que  la  race  primitive  conserva  ses  demeures  en  plus  d'un 
lieu  ;  tel  parait  avoir  été  le  cas  des  Aborigènes  dans  l'Hel- 
vétie  occidentale.  Les  tombeaux  de  Pierra-Portay  nous  ont 
révélé  leur  présence  sur  les  bords  du  Léman.  Ceux  de 
Verchiez  avaient  la  même  construction,  tandis  que  leur 
contenu  les  classe  dans  la  seconde  période.  Retirés  ou 


*  On  trouve  dans  Michaud,  3*  vol.,  pag.  642,  des  détails  sur  les  cérémo- 
nies funèbres  des  Prussiens,  qui  montrent  que  chez  eux  les  nobles  étaient 
,  consumés  et  les  pauvres  enterrés.   Les  pauvres  étaient-ils  enterrés   parce 
que  l'ustion  était  plus  coûteuse  ?  N'est-ce  pas  plutôt  qu'ils  étaient  une  race 
asservie  ? 


AGE    DU    BRONZR.  2*25 

refoulés  dans  cette  vallée  des  Alpes,  les  habitants  purent 
pendant  longtemps  échapper  ou  s'opposer  à  la  conquête 
des  envahisseurs.  Cependant  cette  population,  dont  nous 
ignorons  le  nom,  ne  peut  être  celle  des  Helvéliens  qui, 
après  avoir  séjourné  sur  les  bords  du  Rhin,  dans  le  grand- 
duché  de  Baden  ',  pénétra  plus  tard  dans  le  pays  au- 
quel elle  a  laissé  son  nom.  C'est  sans  doiite  aux  Helvétiens 
que  nous  devons  les  tumuli  qui,  comme  celui  de  Cha- 
vannes-sur-le-Veyron,  renferment  des  cendres  humaines  •. 
—  Dans  plus  d'un  lieu  les  premiers  habitants  durent 
céder  la  terre  qu'ils  habitaient  pour  aller  chercher  une 
nouvelle  patrie.  Les  Etrusques,  dont  les  tombeaux  con- 
firment si  bien  leur  ancienne  origine,  paraissent  avoir 
été  dans  ce  cas.  Avant  d'arriver  en  Italie,  on  croît  qu'ils 
ont  séjourné  dans  les  Grisons,  où  les  noms  de  plusieurs 
localités  sont  tout  étrusques.  Il  est  difiScile  de  dire  de 
quelle  contrée  ils  arrivaient  et  combien  de  temps  ils  s'y 
sont  arrêtés  '. 

Nous  devons  ajouter  que  si  dans  l'origine  ces  deux 
modes  de  sépulture  indiquent  des  peuples  différents,  on 
ne  peut  envisager  comme  un  même  peuple  tous  ceux  qui 
participaient  à  l'un  ou  à  l'autre  usage.  Le  point  de  départ 
fut  sans  doute  commun,  mais  ils  s'établirent  en  Europe 
sous  des  noms  très  divers.  D'un  autre  côté,  si  nous  avons 
signalé  deux  moments  d'invasion,  nous  ne  voulons  point 
limiter  à  ces  époques  seulement  l'introduction  en  occi- 


*  Voir  sur  ce  fait  les  Mém.  de  Loys  de  Bochat,  tom.  I,  pag.  28  à  99. 

*  Celte  colline,  d'après  les  fouilles  que  je  viens  d'y  faire,  n'est  pa^  un  tu- 
mulus,  mais  bien  un  lieu  de  sacrifices. 

*  Une  opinion,  plus  accréditée  que  celle-ci,  est  que  les  Etrusques  n'ont  été 
dans  la  Rhétie  qu'après  la  chute  de  leur  puissance  en  Italie. 

MÉM.  ET  DOCUM.  XXV.  15 


226  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

deot  des  peuples  de  l*Asie.  Une  fois  les  voies  ouvertes, 
elles  furent  souvent  parcourues.  Cependant  il  ne  serait 
pas  sans  intérêt  de  pouvoir  constater  le  moment  où  de 
nouvelles  populations  se  répandirent  en  Europe  ;  c'est  à 
ces  derniers  flots  que  me  paraissent  appartenir  la  plupart 
des  noms  connus  dans  l'histoire.  On  peut  en  excepter  les 
Pélasges  en  Grèce,  les  Aborigènes  en  Italie,  et  peut-être 
les  Ibères  en  Espagne.  Il  serait  difiScile  de  dire  comment 
s'appelaient  les  premières  populations  fixées  sur  les  côtes 
de  rOcéan  et  des  mers  du  nord.  Leurs  noms  ne  sont  pas 
arrivés  jusqu'à  nous.  Fort  anciennement  les  Scythes  oc- 
cupèrent une  grande  partie  de  la  Russie  ;  les  peuples  des 
pays  dli  nord  compris  sous  le  nom  collectif  de  Scandi- 
naves n'appartenaient  pas  tous  à  la  même  famille  ;  les 
Germains  occupaient  l'Allemagne,  et  les  Celtes  l'Angle- 
terre et  la  France  *,  d'où  ils  se  répandirent  en  Espagne 
et  prirent  le  nom  de  Celtibères.  Nous  aurons  à  apprécier 
les  jugements  portés  sur  les  Celtes  :  Pour  le  moment, 
nous  ajouterons  seulement  que  les  Scandinaves,  les  Ger- 
mains et  les  Celtes  avaient  Thabitude,  au  temps  de  César 
et  de  Tacite,  de  brûler  leurs  morts,  ce  qui  les  distingue 
ainsi  des  populations  primitives. 

Pour  en  finir  avec  la  question  des  sépultures,  nous  re- 
cueillerons encore  les  traits  qui  nous  ont  été  conservés 
par  les  auteurs  anciens  sur  les  cérémonies  funèbres  des 
Gaulois.  Le  mort,  couvert  de  grands  linceuls  flottants,  était 
suivi  d'un  convoi  dont  le  nombre  des  assistants  répondait 
à  la  considération  du  personnage.  Le  corps  déposé  sur  le 

'  Et  au  midi  de  l'Allemagne  jusqu'au  Noricum.  On  veut  souvent  les  voir 
sur  les  bords  de  la  Baltique,  ce  point  est  contestable  sans  être  toutefois  in- 
vraisemblable. 


AGe  nu  BRONZB.  m 

bâcher,  on  jetait  dans  les  flammes  tout  ce  que  le  défunt 
avait  eu  de  plus  cher*.  Des  esclaves  étaient  égorgés*; 
des  parents  se  donnaient  même  la  mort  dans  Tespoir  de 
passer  au  nombre  des  divinités.  On  prétait  au  défunt  des 
sommes  d*argentqu*il  aurait  à  rendre  dans  l'autre  monde\' 
on  livrait  même  aux  flammes  un  compte  exact  de  ses  af- 
faires et  des  lettres  qui  lui  étaient  adressées,  ne  doutant 
pas  de  rintérét  qu'il  aurait  à  les  lire  dans  la  vie  à  venir, 
durant  ses  heures  de  loisir  \  Il  était  dangereux  de  ne  pas 
sacrifier  beaucoup  aux  mânes  des  hommes  vaillants, 
comme  on  peut  s  en  assurer  par  les  paroles  des  Druides  : 
t  Tant  quune  lumière  brûle  et  qu'elle  est  allumée,  di- 
saient-ils, elle  n'incommode  personne,  mais  aussitôt 
qu'elle  est  éteinle,  outre  les  ténèbres  qui  succèdent  tou- 
jours, elle  jette  une  odeur  forte  qui  est  nuisible;  de  même 
les  grands  hommes,  pendant  leur  vie,  sont  comme  des 
flambeaux  dont  la  lumière  a  quelque  chose  d'agréable,  qui 
ne  fait  soufl^rir  personne,  tandis  que,  venant  à  mourir  et  \ 
s'éleindre,  ils  excitent  souvent  des  tempêtes  et  corrompent 
l'air.  »  Ceci  montre  suffisamment  combien  on  devait  mettre 
d'importance  à  célébrer  avec  une  grande  pompe  les  céré- 
monies funêt^res  des  chefs,  afin  de  se  prémunir  contre  le 
pouvoir  de  nuire  qu'on  leur  attribuait.  Ces  cérémonies 

'  Pour  k«  ftépuliur^f  cbei  les  anciens  Greci  voir  04^t.  XXIV,  6t.  Afa* 
memnon  rjcont«  à  Achille,  djini  les  enfert,  let  honneurs  funèbres  dont  on 
rent.Mira:  Uinture  de*  cheveui,  lamenUiliont  pendant  17  jours,  le  18"*  jour 
tistion  «ur  le  bûcher,  sacriAcet  de  moulons  et  bsufs,  vases  d'huile,  de  miel, 
procestion  autour  du  bûcher,  cendres  recueillies  dans  une  urne  d*or,  et  mê- 
lées avec  cell«*«  de  Patrocle.  érection  d'un  tombeau,  jeux  et  combats. 

•C^^r  VI.   \1I. 

'  \a\.  Max.  11.  «. 

«  Pomp.  Nelj,  Itt  iitu  orbu,  11.  Diodor.  de  Sicil.  lib.  V,  9,  S  M- 


2^8  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

se  terminaient  par  des  libations  et  des  repas  en  Thonneur 
du  défunt*.  Après  avoir  éteint  le  bûcher,  on  recueillait 
les  cendres  du  mort,  qu'on  plaçait  dans  une  urne,  qui  était 
ensuite  recouverte  des  pierres  et  de  la  terre  du  tumulus. 
On  a  souvent  prétendu  que  le  corps  était  enveloppé  d'une 
toile  d'amiante  qui,  ayant  la  propriété  de  résister  à  l'ac- 
tion du  feu,  permettait  de  séparer  les  cendres  du  mort  de 
celles  du  bûcher.  Pline  qui  mentionne  cet  usage  S  dit 
qu'il  était  employé  pour  les  personnages  les  plus  distin- 
gués. Il  ne  fut  introduit  qu'assez  tard  et,  dans  tous  les 
cas,  ne  devint  jamais  général.  Achille,  rendant  les  der 
niers  devoirs  à  Patrocle,  ordonne  d'éteindre  le  feu,  puis 
il  ajoute  :  «  Nous  recueillerons  les  os  de  Patrocle  sans  les 
confondre,  ils  seront  très  reconnaissables,  car  il  était  au 
milieu  du  bûcher.  »  Les  Romains  opéraient  aussi  ce 
triage  avec  un  grand  soin,  ce  qui  n'empêche  pas  que  les 
charbons  du  bûcher  ne  soient  souvent  mêlés  aux  cendres 
de  l'urne. 

Les  divers  objets  dont  nous  avons  étudié  les  formes  et 
le  travail,  nous  donnent  une  idée  du  degré  de  culture  au- 
quel arrivèrent  les  barbares  pendant  cette  seconde  pé- 
riode. Les  débris  de  cuir  qui  ont  été  conservés  permettent 
de  s'assurer  que  la  peau  ders  animaux  n'était  pas  simple- 
ment desséchée,  mais  qu'elle  subissait  une  préparation 
qui  devait  avoir  assez  de  rapports  avec  celle  de  nos  tan- 
neries. L'art  du  tissu  leur  était  familier ,  les  lambeaux 
d'étoffes  arrivés  jusqu'à  nous  étant  de  laine,  il  en  résulte 

*  Ajoutez  à  ces  détails  ceux  qui  ont  été    recueillis  par  Pelloutier,  Histoire 
des  Celtes f  tom.  VI,  pag.  162. 

•  Pline  XIX,  1,  fait  venir  l'amiante  des  déserts  brûlants  des  Indes.  On  la 
trouve  cependant  dans  l'Eubée,  d'après  Strabon,  lib.  X,  pag.  i46. 


AGE    DU    BRONZB.  229 

qu'ils  connaissaient  les  motUons,  qui  servaient  ainsi  au  vê- 
tement et  à  la  nourriture.  Les  perles  à  filer  nous  appren- 
nent qu'on  filait  au  moyen  du  fuseau\  L'aiguille  et  les  ci- 
seaux étaient  employés  à  la  confection  du  vêtement,  de 
même  que  le  poinçon  et  le  trancbet  au  travail  du  cuir.  — 
L'exploitation  des  mines  entraine  avec  elle  une  certaine 
organisation  sociale,  chacun  ne  peut  y  travailler  pour  son 
compte  ;  il  faut  une  association  ou,  tout  au  moins,  le  com- 
mandement du  maitre,  qui  suppose  la  propriété  établie 
sur  des  règles  déterminées.  Le  cuivre,  l'or,  l'argent, 
rétain  et  le  plomb  sont  tirés  du  sein  de  la  terre;  si  le  fer 
n'a  pas  été  absolument  inconnu,  du  moins  on  n'a  pas  sur- 
monté les  difficultés  qu'il  fallait  vaincre  pour  qu'il  pût  de 
venir  d'usage  général.  Homère  nous  a  appris  à  quel  degré 
de  perfection  arriva  le  travail  des  métaux  dans  les  contrées 
du  midi.  Au  nord  des  Alpes,  on  accorde  la  préférence  au 
creuset  et  au  moule.  Nous  avons  vu  que  le  martelage,  la 
tréfilerie,  le  bosselage,  la  gravure,  l'incrustation  sur  pierre 
et  sur  bronze  étaient  aussi  connus.  On  arriva  au  moyen  de 
l'alliage  et  de  la  trempe  à  donner  au  cuivre  la  dureté  et 
l'élasticité  de  l'acier.  L'analyse  des  métaux  nous  a  montré 
les  rapports  de  l'alliage,  dans  lequel  l'étain  jouait  le  rôle 
principal,  tandis  que  le  zinc  ne  parait  d'abord  que  dans 
les  bronzes  romains.  Les  Gaulois  inventèrent  rétamage  du 
cuivre,  et  les  barbares  établis  sur  les  bords  de  l'Océan  su- 
rent enduire  de  divers  métaux  le  cuivre  sortant  rouge  du 
feu.  —  Uari  du  potier  acquit  aussi  un  grand  développe- 
ment; il  est  même  des  urnes  qui ,  malgré  l'action  de  plus 
de  20  siècles,  ont  conservé  tout  le  poli  et  l'éclat  que  donne 

*  Nous  verrons,  en  parlant  des  costumes,  qu'ils  savaient  teindre  les  étoffes 
avec  les  couleurs  les  plus  vives. 


230  MONUMENTS    DE    L*ANTIQUITÊ. 

le  vernis.  —  Marseille  apprit  fort  anciennement  anx  Gau- 
lois Varl  de  fondre  le  verre.  Pline  *  nous  dit  que  de  son 
temps  ils  avaient  acquis  une  certaine  habileté  dans  ce  tra- 
vail. 11  n'est  cependant  pas  probable  qu'il  se  soit  répandu 
dans  les  pays  du  nord  durant  cette  période. 

Nous  n'avons  retrouvé  en  fait  d'instrument  de  musique 
que  le  chalumeau  et  la  guimbarde,  ainsi  que  le  cor  des- 
tiné aux  combats.  Nous  savons  cependant  que  les  Celtes 
avaient  des  bardes  *  qui  s'accompagnaient  dans  leurs  chants 
d'un  instrument  à  cordes  assez  semblable  à  la  lyre.  Les 
bardes  composaient  des  vers  sur  les  actions  glorieuses 
des  héros,  et  leur  autorité,  quoiqu'inférieure  à  celle  des 
Druides,  était  si  respectée  qu'on  les  vit  faire  poser  les 
armes  à  des  armées  prêtes  à  en  venir  aux  mains.  Malgré 
la  rudesse  des  mœurs,  le  langage  du  poète  n'en  était  pas 
moins  celui  des  dieux.  Les  Germains  avaient  aussi  leurs 
chants  et  leurs  poèmes  historiques  ;  les  scaldes  des  Scan- 
dinaves n'étaient  autres  que  les  Bardes  des  Celtes.  Bien 
qu'on  ait  contesté  l'authenticité  des  poèmes  d'Ossian,  ils 
peuvent  nous  donner  une  idée  de  ce  qu'était  la  poésie  chez 
les  peuples  du  nord  ;  il  reste  encore  plusieurs  chants  des 
Scandinaves,  dont  nous  pourrons  faire  quelques  citations, 
quand  nous  serons  arrivés  à  Tépoque  à  laquelle  ils  appar- 
tiennent. —  Il  est  à  regretter  qu'aucune  poésie  de  ces 
âges  reculés  ne  soit  arrivée  jusqu'à  nous,  mais  on  com- 
prend que,  se  transmettant  oralement,  elles  aient  dû  se 
perdre,  car  ce  n'est  que  beaucoup  plus  tard  que  les  runes 
furent  disposés  en  alphabet.  Avant  la  conquête  des  Gaules 
par  les  Romains  Vccrittire  était  cependant  connue  par 

<  XXXVI,  66. 

*  Lucain  a  parlé  des  Bardes  dans  sa  Pharsaie. 


AGE    DU    BRONZE.  ^251 

quelques-unes  des  populations  établies  au  nord  des  Alpes  *. 
César  rapporte  qu'après  la  bataille  de  Bibracte  on  trouva 
dans  le  camp  des  Helvétiens  des  tabelles  écrites  en  lettres 
grecques  qui  indiquaient  le  nombre  des  hommes  en  état  de 
porter  les  armes,  ainsi  que  celui  des  vieillards,  des  fem- 
mes et  des  enfants*.  —  Sur  une  pierre  de  Saulieu,  en 
Bourgogne,  sont  gravés  des  caractères  qu'on  croit  appar- 
tenir aux  Gaulois  '. 

La  liste  des  ornements  que  nous  avons  donnée  témoi- 
gne d'un  grand  goût  pour  le  luxe^:  Diadèmes,  colliers, 
bracelets,  bagues,  épingles,  fibules,  ceintures  et  anneaux 
de  jambes  étaient  une  parure  propre  aux  hommes  et  aux 
femmes;  l'or,  employé  avec  prodigalité,  montre  que  Tart 
du  clinquant  n'était  pas  encore  connu.  Ces  pièces  en  gé- 
néral n'ont  rien  de  distingué  par  leurs  formes,  mais  en  re- 
vanche elles  sont  chargées  d'ornements  de  détails,  de  dis- 
ques et  de  lignes  symboliques;  on  peut  être  surpris  du 
soin  et  de  la  précision  qui  ont  présidé  à  l'exécution  de 
tous  ces  traits  ;  cependant  l'idée  du  beau  fut  peu  dévelop- 
pée chez  ces  peuples  ;  elle  ne  s'exprima  jamais  par  la  sim- 
plicité du  fond,  rimitation  de  la  nature  animée,  la  grâce 

*  Sur  l'antiquité  de  récriture  chez  les  Grecs,  je  trouve  dans  VOdyiséef 
(VIIl,  158-599)  Euryale,  fils  d'Alcinous,  voulant  provoquer  Ulysse,  lui  dit , 
<  Vous  ressemblez  bien  mieux  à  quelque  patron  de  navire....  ou  même  à 
quelque  écrivain  de  vaisseau  qui  tient  registre  des  provisions  et  des  prises...  » 

*  De  Bel.  Gai.  I,  29. 

>  Hs  sont  représentés  dans  le  6»*  volume  de  l'histoire  de  Bourgogne  par 
Tabbé  Courtépée. 

*  Odynée  XVIII,  290.  sqq.  Antinous  apporU  à  Pénélope  un  manteau  ma- 
gnifique qui  avait  12  agrafes  d'or.  //.  XIX,  227,  sqq.  Vêtement  d'Ulysse,  ample 
manteau  de  pourpre  avec  double  agrafe  d'or,  au  bas  broderie  en  or  d'un 
chien  de  chasse  tenant  un  faon  de  biche  tout  palpitant . . .  tunique  admira- 
blement brodée. 


232  MONUMBNTS    DE    L*ANT1QU1TÉ. 

des  contours,  la  beauté  des  formes  et  de  l'ensemble.  Le 
beau  consistait  pour  eux  dans  Tornementation  des  détails, 
la  vivacité  des  couleurs  et  la  reproduction  de  l'extraordi- 
naire*. Il  est  curieux  de  voir  ces  traces  de  Tart  que  le 
bronze  nous  a  conservées,  reproduites  sur  l'ancien  sagum, 
d'étoffe  rayée*  ou  chargée  de  fleurs,  de  disques,  de  fi- 
gures de  toute  espèce.  Les  Galls  se  paraient  par  le  tatouage 
de  signes  symboliques.  Les  Bretons  se  teignaient  le  corps 
avec  une  substance  verdâtre  extraite  de  la  feuille  du 
pastel  \  On  peut  se  représenter  le  Gaulois,  ami  de  la  pa- 
rure, revêtu  de  braies,  d'une  chemise  à  manches  et  du  sa- 
gum à  carreaux  éclatants.  Ces  guerriers  robustes,  de 
haute  stature,  au  teint  naturellement  blanc,  aux  yeux 
bleus,  aimaient  à  donner  à  leurs  cheveux  blonds* ou  châ- 
tains une  couleur  rouge  ardente  ^  au  moyen  de  l'eau  de 
chaux  ou  d'une  pommade  caustique,  puis,  à  moins  de  les 


*  Ainsi  les  casques  des  Gaulois. 

*  A  lignes  droites.  Enéide,  liv.  VIII,  660,  ou  à  losanges  comme  ou  le  voit 
sur  quelques  monuments  du  bas  empire.  Encycl.,  mot  Gaulois,  et  aussi  Sa- 
gum. 

*  Pline,  XXII,  1.  Des  nations  étrangères  ont  habitué,  de  toute  antiquité,  de 
se  farder  du  jus  de  certaines  herbes  et  de  se  charger  le  corps  de  caractères 
gravés  sur  la  peau.  En  Bretagne  les  femmes  mariées  et  les  brus  se  teignent 
tout  le  corps  de  jus  de  pastel. 

*  Tite-Live,  Decad  IV,  liv.  vm.  —  Cet  historien  dit  (Decad  III,  liv.  II.) 
qu'à  la  bataille  de  Cannes,  plusieurs  étaient  nus  de  la  ceinture  à  la  tète. 

Les  bas-reliefs  découverts  dans  la  cathédrale  de  Paris  représentent  des  Gau- 
lois avec  bonnet  plat  et  chaussure  recouvrant  tout  le  pied.  —  Grivaud  de  la 
Vincelle. 

C'est  Diodore  de  Sicile,  liv.  V.  pag.  218  A,  qui  parle  de  cette  bigarrure  de 
couleurs  et  d'ornements  sur  le  sagum,  il  dit  qu'on  l'attachait  avec  des  fl- 
bules* 

*  Même  fait  chez  les  Grecs,  Anacharsis,  tom.  II,  c.  XX,  pag.  358.  Schol. 
Theocr.  in  Idyii  II,  v.  88.  Hesychii  lexicon  in  Thapsin  salm  in  Pline,  pag.  1163. 


AGE    DU    BRONZE.  :233 

laisser  flotter  sur  les  épaules,  ils  les  relevaient  en  touffe 
au  sommet  de  la  tête  \  Le  peuple  portait  la  barbe  longue, 
les  nobles  ne  conservaient  que  d'épaisses  moustaches.  Le 
pauvre  et  le  riche,  comme  toujours,  différaient  beaucoup 
de  parure.  Aussi  quand  l'usage  des  armes  défensives  fut 
introduit,  la  foule  ne  connut  guère  le  casque,  la  cuirasse 
et  le  bouclier*. 

Appien  dit  que  les  Espagnols  portaient  des  manteaux 
épais  et  repliés  comme  les  chiamides,  attachés  avec  des 
agrafes  et  qu'ils  les  appelaient  sagum. 

Les  Germains  portaient  aussi  le  sagum,  attaché  au  moyen 

*  Population  de  Vlméreth.  «  Le  bonheur  tel  que  le  recherchent  ces  peuples 
est  encore  fort  matériel.  Avoir  beaucoup  de  serfs,  parader  suivi  d'une  foule 
de  vassaux  dans  de  beaux  habits  chamarrés  de  galons  d'argent,  avoir  une 
belle  moustache  qu'on  teint  en  rouge  quand  elle  grisonne,  et  trouver  partout 
un  banc  (table)  bien  garni,  constitue  celui  des  seigneurs,  qui  ne  tiennent 
outre  cela  qu'à  leurs  chevaux,  à  leurs  armes,  à  leurs  faucons  et  éperviers  et 
koupchines  (jarres  de  vin).  Le  luxe  des  maisons  n'existe  pas  chez  eux; 
rarement  de  fenêtres,  deux  portes  suffisent  pour  le  jour  et  la  fumée.  Deux  ou 
trois  bancs  un  peu  creux  au  milieu  avec  un  bloc  de  bois  pour  oreiller,  quel- 
ques tapis,  de  longs  bancs  pour  tables,  un  coffre  bien  brillant,  et  vous  savez 
tout  ce  qu'une  maison  en  général  renferme  et  ce  dont  se  contente  un  noble 
et  même  un  prince  Iméritien.  Une  petite  chapelle  et  un  pope,  qu'on  traite 
comme  un  paysan,  sont  de  rigueur  chez  ceux  qui  veulent  soutenir  leur  di- 
gnité. »  Voyage  autour  du  Caucau,  par  Du  Bois  de  Montpéreux,  tom.  III, 
p.  135-136. — Itinéraire  de  Routais  à  Tiflis.  <  Il  n'y  a  pas  de  pays  où  les  dames 
poussent  plus  loin  la  coquetterie,  quoiqu'elles  ne  se  voient  qu'entre  elles.  On 
n'en  verra  aucune  aussi  qui  n'ait  les  cils,  ou  sourcils,  peints  en  noir  ;  quand 
les  sourcils  sont  trop  larges,  on  les  rase  pour  leur  donner  l'air  d'arcs.  Une 
femme  non  fardée,  quel  crime  de  lèse-politesse  si  elle  osait  se  présenter 
ainsi  !  Cela  va  sans  dire  qu'on  ne  manque  jamais  non  plus  de  se  teindre  les 
ongles  en  rouge  avec  du  henné;  les  femmes  ftgécs  qui  ont  des  prétentions 
s'en  peignent  les  cheveux.  >  Id.  id.  p.  174.  Les  personnes  ftgées  chez  les 
Taures  de  la  Crimée  se  teignent  encore  les  cheveux  en  rouge. 

*  Voir  plus  de  détails  dans  Chisioire  des  Gaulois  d'Amédée  Thierry,  tom. 
Il,  pag.  43. 


234  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

d'une  fibule,  et  à  son  défaut  d'une  épine  \  Les  plus  riches 
se  distinguaient  par  un  ?étement,  non  flottant  comme  celui 
des  Sarmates  et  des  Partbes,mais  étroit,  de  manière  à  des- 
siner les  formes  du  corps.  Ils  se  couvraient  aussi  de  la 
peau  des  bêtes  féroces,  les  uns  négligemment,  d'autres 
avec  recherche.  Le  vêtement  des  femmes  était  semblable  à 
celui  des  hommes,  si  ce  n*est  qu'elles  portaient  plus  ordi- 
nairement des  toiles  de  lin  ornées  de  pourpre  et  qu'elles 
laissaient  la  poitrine  et  les  bras  découverts*.  —  Chez  les 
Barbares  les  femmes  paraissent,  en  général,  n'avoir  pas  été 
vêtues  bien  autrement  que  les  hommes;  le  même  fait  se 
reproduit  encore  de  nos  jours  chez  les  Lapons,  recouverts 
indistinctement  d'une  espèce  de  robe  et  d'un  bonnet  de 
fourrure.  —  En  parcourant  le  nord  de  la  Russie,  on  re- 
trouve dans  les  campagnes  un  costume  qui  n'est  pas  sans 
rapport  avec  ceux  dont  les  auteurs  anciens  nous  ont  laissé 
la  description.  La  chaussure  est  parfois  une  bottine  d'écorce 
de  bouleau,  tressée  ei^natte.  Le  pantalon,  plus  ou  moins  am- 
ple, n'est  autre  que  la  braie  des  Gaulois.  Enfin  une  blouse  de 
couleurs  vives,  floitanteou  serrée  par  une  ceinture,  com- 
pose le  reste  du  vêtement ,  et  rappelle  le  sagum  dont  elle 
reproduit  la  forme.  Une  robe  est  souvent  l'unique  pièce 
de  vêtement  des  femmes.  En  hiver,  la  peau  de  mouton  sert 
à  se  préserver  du  froid.  —  Les  auteurs  latins  nous  repré- 
sentent à  peu  près  demi-nus  plus  d'un  habitant  des  pays 

*  Spina,  on  devrait  peut-être  le  traduire  par  épingle. 

•  Tacite,  Germ.  lib.  XVII. 

Strabon  donne  aux  Gaulois  Belges  (liv.  IV,)  chevelure  longue,  caleçon  et 
sagum  ;  pompeux  dans  leurs  habillements  ils  portaient  colliers,  bracelets  aux 
bras  et  poignets,  habits  teints,  ornés  ou  brodés  d'or. 

Dion  dit  que  les  habitants  de  l'Ecosse,  Calédoniens,  Pietés,  etc.,  étaient  nus 
ou  vêtus  de  la  ceinture  en  bas,  et  se  peignaient  de  différentes  couleurs. 


AGE    DU    BKONZE.  235 

du  nord,  ce  qui  parait  au  premier  abord  invraisemblable. 
Ce  que  nous  venons  de  dire  des  serfs  de  la  Russie  septen- 
trionale fait  comprendre  que  ces  descriptions  ont  dû  être 
écrites  d'après  les  rapports  de  voyageurs  qui  avaient  visité 
ces  contrées  dans  les  mois  où  le  soleil,  disparaissant  i 
peine  à  l'horizon,  répand  une  chaleur  qui  n'éprouve  pas 
moins  que  les  rigueurs  des  longs  hivers.  —  Un  vase  dé- 
couvert dans  les  tombeaux  de  la  Crimée  représente  avec 
une  grande  exactitude  le  costume  des  anciens  guerriers 
bcythes*.  Ils  portent  la  barbe  longue;  les  cheveux  flot- 
tants sont  rejetés  en  arrière  ;  un  bonnet  pointu  prend  toute 
la  tête,  ne  laissant  que  la  flgure  à  découvert;  le  sagum  est 
resserré  autour  de  la  taille  par  une  ceinture  étroite  ;  le 
pantalon,  pris  dans  les  tiges  des  bottines,  complète  le  vête- 
ment ;  les  armes  sont  la  lance,  l'arc,  le  carquois  et  le  bou- 
clier long,arrondi  à  ses  extrémités. — Desflgures  reprodui- 
tes par  le  bosselage  sur  un  vase  en  or,  d*un  beau  travail 
grec,  représentent  des  guerriers  à  la  suite  d'une  bataille, 
dont  les  uns,  blessés,  sont  pansés  par  le  chirurgien,  tandis 
que  d'autres  bandent  de  nouveau  leurs  arcs  ou  paraissent 
s'entretenir  du  résultat  de  la  journée*. 

De  tout  temps,  la  pêche  et  la  chasse  furent  pour  ces  peu- 
ples un  moyen  d'existence.  La  plupart  des  animaux  do- 
mestiques leur  furent  connus  et  dans  quelques  contrées 
la  cuUiire  du  sol  prit  un  développement  dont  on  ne  se  fait 
pas  toujours  une  idée  exacte.  Pytbias  %  qui  vivait  trois  sié- 

*  On  le  «oit  dant  le  paUii  de  l'EnniUfe  à  Sainl-Hélenbourf • 

*  La  colonne  Trajaoe  élevée  l'an  114  de  Jéfu»*Chrttl  représente  les  ceêlu- 
met  de  plusieur»  peuples  tartMret ,  peut-être  un  peu  roodiflét  de  ce  qu'ils 
étaient  dans  notre  seconde  période. 

*  Ptiiloiophe  de  Marseille,  contemporain  d'Arittote.  Sirabon  II  ;  FliiM 
XXXVll. 


236  iio!(L'iiEirrs  de  L^AifTiQCirÉ. 

des  avant  notre  ère,  rapporte  que  les  babitaots  de  Thalé» 
c'est-â-dire  les  Scandinaves^  n'étaient  pas  étrangers  à  l'a- 
gricoltore.  Les  Germains  calti?aient  le  lin  '  et  réduisaieot 
leors  blés  dans  des  demeores  creuses  ou  sonterraioeft 
qu'ils  babitaient  pendant  Tbiver.  Pline*  raconte  que  l'Hel- 
vétien  Hélicon,  citoyen  des  Gaules,  après  avoir  travaillé 
quelque  temps  à  Rome  de  sa  profession  de  charpentier  oo 
de  marécbal,  en  rapporta,  à  son  retour  dans  sa  patrie,  des 
figues,  de  l'buile  et  du  vin,  ce  qui  détermina  les  Gaulois  à 
passer  les  Alpes.  Lorsque  les  Helvétiens  se  décidèrent  à 
quitter  leur  pays  ils  ensemencèrent  le  sol  de  manière  à 
pouvoir  prendre  sur  les  récoltes  de  2  ans  des  blés  en  suffi- 
sance pour  l'entretien  de  368  000  personnes  pendant  3  mois 
de  campagne'. — On  ne  peut  douter  que  Tagriculture  ne  fut 
en  honneur  chez  les  Gaulois  longtemps  avant  l'arrivée  des 
Romains.  Athénée^  nous  apprend  que  lorsque  Euxenus» 
chef  des  Phocéens,  s'unit  à  Petta,  fille  de  Nannus,  roi  des 
Saliens,  celle-ci  présenta  à  son  époux  selon  Tusage  du  pays 
une  coupe  pleine  d'eau  et  de  vin.  Les  Phocéens,  qui  appor- 
tèrent avec  eux  des  plants  de  vignes  et  d'oliviers,  trou- 
vèrent déjà  le  raisin  dans  les  Gaules  avant  la  fondation  de 
Marseille  (an  530)  \  Dès  le  temps  de  Caton  l'ancien  on 


*  Ce  qui  résulte  de«  vêtements  de  lin  dont  parle  Tacite  XVII. 

*  Lib.  Xil.  cap.  1.  Produnt  AJpibus  coercitas  et  tum  inexsuperabili  muni- 
mento  Gallias,  hanc  primum  habuisse  causam  superfundendi  se  Italiae,  quod 
Helico  ex  Helveliis,  ci  vis  earum,  fabrilem  ob  artem  Romœ  commoralu»,  fi- 
cum  sicam,  et  uvam,  olei  ac  vini  prsmissa,  secum  tulisset.  Quapropter  hœc 
belle  qusesisse  venia  sit.  —  Helico  vivait  dans  le  second  siècle  de  Rome,  dit 
Loys  de  Bochat. 

*  César  1,  8. 

*  Lib.  XIII.  Les  Saliens  habitaient  les  côtes  de  Provence. 
"  Fondée  580  ans  avant  Jésus-Christ. 


AGE    Dt    lIROiNZE.  i37 

transportait  dans  l'Italie  des  plants  de  vigne  des  Gaules  et 
entr'aulres  de  Berri  (Bitu^ica)^  —  Varron*  mentionne 
dans  ce  pays  des  contrées  voisines  dn  Rhin  où  la  vigne, 
l'olivier  et  les  autres  fruits  ne  viennent  pas,  à  moins  qu'on 
n'ait  fertilisé  la  terre  avec  une  craie  blanche.  Pline  loue  les 
vins  de  Berri  et  de  l'Auvergne.  L'invention  des  tonneaux 
en  bois  est  attribuée  aux  Ganlois.  Le  musée  d'Âvenches 
conserve  une  statuette  en  argile  qui  tient  sous  son  bras 
un  vase  dont  la  forme  est  exactement  celle  de  nos  ton- 
neaux, les  douves  et  les  cercles  sont  nettement  indiqués, 
ainsi  que  le  renflement  du  vase  sur  le  milieu  de  sa  lon- 
gueur'. Les  Nerviens  de  la  Gaule  (peuples  du  Hainaut) 
de  même  que  les  Suèves  de  la  Germanie,  ne  permettaient 
pas  l'importation  du  vin  au  milieu  d'eux,  parce  qu'ils 
croyaient  que  celte  liqueur  rend  les  hommes  mous,  effé- 
minés et  peu  propres  à  supporter  les  fatigues^.  Ceux  qui, 
d'après  Vopiscus  et  Ehisèbe,  attribuent  à  Probus  l'intro- 
duction de  la  vigne  dans  les  Gaules,  sont  évidemment  dans 
l'erreur.  —  La  culture  des  grains  ne  fut  pas  moins  avan 
cée  que  celle  de  la  vigne;  Strabon  parle  des  abondantes 
productions  de  froment  et  de  millet,  et  dit  que  le  nord  de 
ce  pays  produit  les  mêmes  fruits  que  le  midi,  à  l'exception 
des  olives,  des  figues  et  du  raisin.  Du  temps  de  Cicéron 
les  Romains  importaient  déjà  considérablement  de  blé 
depuis  la  Gaule ^  Riche  en  foin^  elle  nourrissait  de  nom- 

*  Les  Auctores  rei  rusttcœ  apprécient  beaucoup  ce  plant  robuste  et  fécond. 

*  De  re  rust. 

'  Pline  XIV,  21,  dit  que  les  Piémontais  mettent  leurs  vins  dans  des  ton- 
neaux de  bois,  bien  liés  de  cercles. 

*  César  IV. 

*  Cicéron,  Oratio  pro  M.  Fonteio.  César  et  Dion,  lib  39. 

*  Pomponius  Mêla  dit  que  la  Gaule  est  riche  en  froment,  en  foin,  etc. 


238  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

breux  troupeaux  de  toute  espèce  ^  César  dit  que  la  Séqua 
nie  était  la  contrée  la  plus  fertile*.  La  culture  du  lin  était 
très  soignée,  de  même  qu'en  Belgique;  on  en  faisait  non- 
seulement  des  vêtements,  mais  encore  des  voiles  de  na- 
vire ^  Le  citronnier  était  aussi  connu,  puisque  César  en 
décora  son  triomphe*.  Enfin  les  porcs,  qu'on  trouve  si 
souvent  représentés  sur  les  monnaies  celtiques,  étaient  re- 
marquables par  leur  taille,  leur  force  et  leur  légèreté  à 
courir  ^  La  Gaule  avait  la  réputation  de  faire  les  meilleurs 
jambons%  aussi,  après  la  conquête,  les  Romains  s'y  appro- 
visionnaient- ils  de  jambons,  de  saucisses  et  de  cervelas  \ — 
Ces  détails,  tirés  essentiellement  des  auteurs  les  plus  rap- 
prochés du  temps  de  l'indépendance  des  Gaules,  permettent 
déjuger  combien  les  tombeaux  de  la  seconde  période  ren- 
ferment peu  d'instruments  de  la  vie  domestique.  D'autre 
part  il  est  curieux  de  voir  l'habileté  des  Romains  à  puiser, 
même  chez  les  Barbares,  tout  ce  qui  pouvait  contribuer  à 
leur  développement,  comme  on  peut  s'en  assurer  par  ce 
passage  de  Pline  dans  lequel  il  donne  la  description  des 
charrues.  Il  faut  en  Italie,  dit-il,  huit  bœufs  pour  tirer  les 
socs  gros  et  pesants.  Les  contres  servent  à  ouvrir  le  sol  et  à 
montrer  le  chemin  au  soc  qui  vient  entamer  la  terre  hori- 
zontalement. Une  pièce  de  fer,  contournée  en  bec  à  sa  pointe. 


'  Strabon. 

*  Ager  sequanicus  totius  Galliae  optimus. 


'  César.  —  Pline  XIX.  —  Les  voiles  étaient  quelquefois  de  peau. 

*  Yelleius  Paterculus. 
"  Strabon. 

•  Athénée. 

'  Varron.  De  re  rust,  II,  4. 

Voir  en  outre  le  Dictionnaire  de  TEncyclopédie  aux  mots  Agriculture  et 
Gaules. 


AGE    DU    BRONZE.  ^9 

tient  lieu  de  soc  en  quelques  endroits.  Quand  la  terre  est 
légère,  on  remplace  celle  pièce  par  une  barre  de  fer  légè- 
rement courbe  et  pointue  à  l'extrémité.  Il  est  des  charrues 
qui  n'ont  que  le  soc  appointé,  large  au  milieu  et  tran- 
chant; ce  dernier  genre,  introduit  depuis  peu,  vient  du 
pays  des  Rhétiens.  Les  Gaulois  ont  imaginé  de  faire  porter 
leur  charrue  sur  de  petites  roues.  Leur  soc,  plat  comme 
une  pelle,  tourne  très  bien  les  mottes  de  terre.  Une  paire 
de  bœufs  suffit  à  ce  travail.  Après  avoir  semé,  ils  hersent 
avec  une  espèce  de  claie,  ferrée  et  dentelée,  qu'ils  traînent 
par  dessus  le  labour*.  Pline  ajoute  qu'il  est  deux  sortes 
de  faux  :  celles  d'Italie,  courtes  et  faciles  à  manier,  même 
parmi  les  buissons  et  les  haies,  en  sorte  qu'on  fauche  à  une 
seule  main.  En  Gaule,  où  il  y  a  de  grandes  prairies,  les 
faux  sont  plus  longues,  et  on  ne  coupe  pas  le  foin  aussi 
près  de  la  terre*.  (Les  faucilles  en  bronze,  découvertes  en 
grand  nombre,  ont  sans  doute,  pour  la  plupart,  servi  aux 
travaux  de  l'agriculture.  Dans  quelques  pays  on  a  retrouvé 
de  petites  roues  en  bronze,  de  quelques  pouces  de  dia- 
mètre, munies  d'un  moyeu  et  de  rayons  tout  pareils  à  ce 
que  nous  possédons  de  nos  jours.)  Les  Gaulois  avaient 
aussi  des  charriots  à  quatre  roues,  pareils  à  celui  dont  on 
voit  le  dessin  sur  la  mosaïque  de  Bosséaz,  près  d'Orbe. 

Dans  son  histoire  des  Gaulois,  Âmédée  Thierry  donne, 
d'après  Posidonius  %  la  description  suivante  :  c  Autour 
d'une  table  fort  basse  on  trouve,  déposées  par  ordre,  des 
bottes  de  foin  et  de  paille  :  Ce  sont  les  sièges  des  convives. 
Les  mets  consistent  d'habitude  en  un  peu  de  pain  et  beau- 

*  XVIII,  17. 
«  XVIII,  28. 
'  Apud,  Ath.  liv.  IV,  chap.  13. 


240  MONLMRNTS  DE  L^ANTIQi  ITÉ. 

coup  de  viande  bouillie,  grillée  ou  rôlie  à  la  broche  ;  le 
loul  servi  proprement  dans  des  plais,  de  terre  ou  de  bois 
chez  les  pauvres,  d'argent  ou  de  cuivre  chez  les  riches. 
Quand  le  service  est  prêt,  chacun  fait  choix  de  quelque 
membre  entier  d'animal,  le  saisit  à  deux  mains  et  mange 
en  mordant;  on  dirait  un  repas  de  lions.  Si  le  morceau 
est  trop  dur,  on  le  dépèce  avec  un  petit  couteau  dont  la 
gaine  est  attachée  au  fourreau  de  l'épée.  On  boit  à  la  ronde 
dans  un  seul  vase  de  terre  et  de  métal  que  les  serviteurs 
font  circuler;  on  boit  peu  à  la  fois,  mais  en  y  revenant  fré- 
quemment. > 

On  a  peu  de  détails  sur  le  commerce  des  peuples  du  nord. 
On  sait  seulement  que  dès  les  temps  les  plus  anciens,  l'am- 
bre fut  recherché  avec  avidité.  Pline*  dit  qu'on  le  tirait  de 
la  Grande-Bretagne,  de  quelques  îles  de  l'océan  septentrio- 
nal, des  côtes  de  la  Germanie  et  de  la  Livonie.  Les  an- 
ciennes monnaies  grecques  découvertes  près  de  Bromberg 
doivent  provenir  de  ce  commerce,  ainsi  que  plusieurs  ver- 
roteries. Pendant  longtemps  les  Phéniciens  surent  s'ap- 
proprier le  commerce  de  l'étain  qu'on  trouvait  dans  la 
Grande-Bretagne  et  surtout  aux  îles  Sorlingues,  aux- 
quelles ils  donnaient  le  nom  d'îles  Cassitérides. 

Nous  avons  vu  que  les  premiers  habitants  de  l'Europe 
construisaient  déjà  des  canots,  à  la  manière  des  peuples 
sauvages.  Les  auteurs  anciens,  qui  donnent  des  détails 
nombreux  sur  la  navigation  dans  le  midi,  parlent  peu  de 
celle  du  nord*.  Cependant  les  peuples  riverains  des  gran- 
des eaux,  connurent  l'art  de  construire  les  vaisseaux.  Dans 
les  tombeaux  des  bords  de  la  Baltique  on  voit  fréquem- 

*  XXXVII,  2  et  3. 

«  Tacite,  Germ.  XLIV. 


AGE    DU    BUONZE.  24i 

ment  l'image  du  vaisseau  gravée  sur  des  instruments  en 
bronze,  souvent  aussi  on  la  trouve  sculptée  sur  les  rochers 
de  la  Suède.  La  proue  et  la  poupe  étaient  également  re- 
levées. Un  trait  au  milieu  indique  le  mât  et  d'autres  sur 
les  flancs,  les  rameurs.  Tacite  rapporte  que  les  Germains 
conservaient  une  image  du  vaisseau,  symbole  de  leurs 
premiers  voyages.  De  nos  jours  on  en  voit  encore  dans  les 
temples  sur  les  côtes  de  la  mer,  ils  sont  destinés  à  recom- 
mander les  navigateurs  aux  prières  des  fidèles.  Les  sages 
parlent  d'un  dieu  qui  possédait  un  vaisseau  construit  avec 
tant  d'art  qu'on  pouvait  le  démonter  et  le  réduire  en  un 
volume  si  petit  et  si  léger,  qu'il  n'incommodait  nullement 
dans  la  marche.  Une  mer  se  présentait-elle  devant  les  pas 
du  dieu,  il  reconstruisait  aussitôt  son  navire  et  sillonnait 
les  eaux  avec  la  rapidité  du  vent.  S'il  faut  en  croire  la  tra- 
dition, les  Scandinaves  transportaient  parfois  dans  leurs 
expéditions  des  bateaux,  au  moyen  desquels  ils  traver- 
saient les  eaux  qui  s'opposaient  à  leur  marche.  Les  La- 
pons se  servent  encore  de  canots  extrêmement  légers  d'un 
genre  de  construction  sans  doute  fort  ancien.  Longs  et 
étroits,  terminés  aux  deux  extrémités  en  pointes  relevées, 
la  carcasse  est  entièrement  recouverte  de  peaux  bien  ten- 
dues qui  ne  laissent  sur  le  milieu  de  la  longueur  qu'une 
ouverture  circulaire,  juste  assez  grande  pour  permettre  à 
un  homme  d'y  passer  le  corps.  Assis  dans  le  canot,  on  s'en- 
toure encore  la  taille  d'un  linge,  de  manière  que  l'ouver- 
ture soit  hermétiquement  fermée.  A  l'aide  de  deux  rames, 
le  bateau  glisse  légèrement  au  milieu  des  écu,eils,  et  s'il 
vient  à  être  pris  de  flanc  et  recouvert  par  les  vagues,  il  ne 
larde  pas  à  reparaître  à  la  surface  et  à  affronter  de  nou- 
veaux périls.  Les  mais  et  les  bancs  de  rameurs  propres  à 

MÉSl.  ET   DOCUM.   XXV.  16 


242  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

ces  vaisseaux  Scandinaves  qu'on  trouve  gravés  sur  le 
bronze  ou  la  pierre  indiquaient  de  la  part  de  ces  peuples 
des  connaissances  avancées.  D'après  les  dessins,  on  peut 
s'assurer  que  quelques-uns  portaient  déjà  deux  rangs  de 
rameurs,  et  que  le  nombre  de  ceux-ci  s'élevaient  jusqu'à 
quarante.  Il  est  vraisemblable  que  les  vaisseaux  phéniciens 
qu'ils  virent  arriver  sur  leurs  côtes,  leur  donnèrent  l'idée 
de  perfectionner  leurs  constructions,  mais  de  telles  con- 
structions n'en  sont  pas  moins  la  preuve  d'un  développe- 
ment d'industrie  qui  surprend  dans  ces  temps  reculés. 

Si  la  profession  de  l'artisan  était  honorée  chez  les  Bar- 
bares, celle  des  armes  l'était  bien  davantage  encore. 
Dans  les  assemblées  du  printemps,  on  sacrifiait  aux  dieux, 
afin  de  les  rendre  propices  ;  puis  on  décidait  de  quel 
côté  on  porterait  ses  armes,  à  moins  qu'on  ne  fût  déjà  en- 
gagé dans  une  lutte.  Le  casque,  la  cuirasse,  les  brassards 
étaient  rares,  l'arme  défensive  la  plus  usitée  était  le  bou- 
clier. Plusieurs  affectaient  de  se  présenter  à  l'ennemi  le 
corp3  à  demi  découvert.  Les  armes  offensives  consistaient 
surtout  dans  la  hache,  la  lance,  le  javelot*,  l'arc  et  la 
fronde.  Le  poignard  et  l'épée  paraissent  avoir  appartenu 
plus  essentiellement  aux  chefs  *.  —  En  décrivant  ces  dif- 
férentes pièces  du  nord  et  du  midi,  nous  avons  déjà  fait 
observer  l'analogie  frappante  de  leurs  formes  et  même 
de  leur  ornementation.  C'est  le  moment  de  résumer  ce 
qui  a  été  dit  à  ce  sujet  et  d'en  tirer  les  déductions  qui  se 
rattachent  à  Thistoire. 

Plusieurs,  frappés  de  cette  identité,, n'ont  pas  hésité  à 

*  Le  gœsiim  étail  une  espèce  d'épieu  ou  de  javelot. 

*  Strabon,  liv.  IV,  dit  que  les  Gaulois  attachaient  les  têtes  de  leurs  enne- 
mis au  cou  de  leurs  chevaux  et  au-dessus  des  portes  de  leurs  maisons. 


AGE    DU    BRONZE.  Hù 

conclure  que  les  Barbares  ont  reçu  ces  armes  des  Ro- 
mains, mais  nous  avons  vu  qu'avant  que  Rome  pût  faire 
ce  commerce,  le  nord  les  possédait  déjà  ;  et  plus  tard,  le 
fer  était  travaillé  dans  le  midi,  tandis  que  les  autres  pays  se 
servaient  encore  du  bronze  pour  la  fabrication  des  instru- 
ments tranchants.  Sans  revenir  sur  toutes  les  hypothèses 
avancées  en  faveur  de  Torigine  romaine  de  ces  pièces  , 
nous  rappellerons  seulement  que  la  présence  dans  le 
nord,  des  fonderies,  des  creusets  et  des  moules,  constate 
un  travail  indigène.  D'autre  part,  la  considération  attachée 
à  la  profession  de  forgeron  ne  permet  pas  d'admettre 
qu'on  ait  employé  comme  artisans  des  esclaves  étrangers. 
Enfin,  à  côté  des  formes  analogues,  nous  verrons  qu'il  en 
est  d'autres,  propres  à  certaines  contrées,  et  qui  confir- 
ment de  nouveau  l'extension  générale  des  connaissances 
métallurgiques.  Ce  fait  établi,  comment  expliquer  l'iden- 
tité des  formes  sur  des  points  si  opposés?  L'épée,  le  poi- 
gnard et  le  couteau  présentent  partout  les  mêmes  particu- 
larités dans  la  fabrication.  L'espèce  de  hache  appelée  ceit, 
est  la  mêrQe  dans  l'ancienne  Grèce,  l'Italie,  et  les  autres 
pays  de  l'Europe.  Cependant,  les  contours  de  ces  instru- 
ments ne  peuvent  être  attribués  comme  dans  la  première 
période  à  l'unité  de  l'esprit  humain.  Ce  ne  sont  plus 
les  formes  simples  et  primitives;  une  idée  mère  a  pré- 
sidé à  leur  confection.  — C'est  ce  type  dont  nous  devons 
chercher  l'origine  :  Le  ceit,  avons-nous  vu,  est  propre 
non-seulement  à  l'ancienne  Europe,  mais  aussi  à  quel- 
ques peuples  de  l'Asie,  entr'autres  aux  Mongols  et  aux 
Chinois;  ainsi  l'orient  nous  apparaît  une  seconde  fois 
comme  l'origine  et  le  point  de  départ  de  ce  nouveau  dé- 
veloppement. L'âge  de  transition  nous  a  montré  en  effet 


*2^4  MONUMKNTS  DE  i/aNTIQUHÉ. 

que  divers  objets  furent  importés  d'Asie  fort  ancienne- 
ment. On  retrouve  même  dans  des  tombeaux  des  coquil- 
lages de  la  mer  des  Indes  qui  laissent  peu  de  doute  sur 
celte  marche  d'orient  à  occident.  En  renonçant  à  attri- 
buer à  quelqu'un  des  peuples  de  l'Europe  l'invention 
des  formes  qui  nous  occupent,  les  questions  se  simplifient 
et  tout  s'explique  naturellement.  Des  populations  partici- 
pant à  la  même  culture  parcourent  de  nouveau  les  an- 
ciennes voies  du  nord  et  du  midi,  pénétrent  dans  l'inté- 
rieur des  terres  ou  y  repoussent  les  habitants  primitifs. 
Des  luttes  incessantes  contribuent  à  opérer  une  fusion, 
résultat  de  tous  ces  croisements,  mais  aussi  à  créer  des 
peuplades  dont  chacune  cherche  à  s'assurer,  si  non  la  pré- 
pondérance, du  moins  l'indépendance.  Ces  flots  se  répan- 
dirent sans  doute  à  des  moments  divers,  et  subirent  aussi 
des  influences  différentes.  Dans  le  midi,  les  rapports  avec 
des  peuples  avancés  ne  tardèrent  pas  à  introduire  des  élé- 
ments civilisateurs  ;  dans  le  nord,  l'ancien  genre  de  vie 
se  poursuit  à  travers  des  siècles  plus  nombreux.  —  C'est 
donc  en  Asie  que  nous  croyons  devoir  rechercher  ces 
formes  types  qui,  de  là,  se  répandent  en  Europe  par 
des  voies  diverses  et  servent  plus  ou  moins  longtemps 
dans  une  contrée  ou  dans  une  autre,  suivant  les  circons- 
tances dans  lesquelles  les  populations  se  trouvent  placées. 
Les  formes  dont  on  attribue  l'invention  aux  Romains 
sont  de  beaucoup  antérieures  à  l'existence  de  ce  peuple. 
Ceux  qui  en  font  la  propriété  exclusive  des  Celtes  sont 
obligés,  pour  être  consé(|uents,  de  faire  rentrer  dans  la 
famille  celtique,  non  seulement  les  Pélasgos  et  les  habi- 
tants primitifs  de  lltalie»  mais  encore  les  Germains.  La 
confusion  dans  la(|uelle  on  tombe  me  paraît  provenir  de 


AGE     DU    BBONZE.  31 S 

double  fil  en  or.  Une  fibule  formée  de  deux  disques  en 
spirale  reposait  sur  la  poitrine.  Enfio,  aux  pieds  du  sque- 
lette se  trouvaient  deux  vases  d'une  argile  fine.  —  A  côté 
de  ce  caveau,  on  en  découvrit  un  second  de  10  pieds  de 
diamètre,  pavé,  mais  sans  cercueil.  Il  n'y  avait  plus  traces 
de  squelette,  mais  sur  un  petit  espace  se  trouvaient  réu- 
nis :  deux  bagues  d'un  double  fil  en  or  reployé  en  spirale 
cylindrique,  deux  colliers  en  torsade,  deux  paires  de  bra- 
celets massifs,  deux  épingles,  un  couteau  arqué,  une  urne 
et  une  espèce  de  boite  ronde  en  bronze,  munie  d'une 
anse.  —  A  l'orient,  un  troisième  arrangement  de  pierres 
recouvrait  quatre  urnes  brisées,  des  os  d'enfant  à  moitié 
brûlés,  une  petite  bague  de  fil  de  bronze  et  des  fragments 
de  collier.  A  gauche  de  cette  plaque  se  trouvait  encore, 
entre  des  pierres,  une  urne  qui  contenait  une  bague  en 
or,  un  double  bouton  de  bronze  et  quelques  autres  objets. 
On  a  vu  là  le  tombeau  d'une  famille  princière ,  et  le  D^ 
Liscb  attribue  à  ces  inhumations  successives  la  forme  al- 
longée de  la  colline  *.  —  Un  tombeau  d'un  genre  assez 
pareil,  mais  sans  cercueil  de  chêne,  a  été  reconstruit  dans 
le  musée  de  Schwerin.  Il  réunit  pareillement  les  bagues 
en  or  et  les  armes  de  bronze,  l'inhumation  et  les  traces 
du  bûcher.  Je  dois  cependant  ajouter  que  ces  construc- 
tions sont  exceptionnelles,  bien  qu'elles  se  rattachent  aux 
modes  les  plus  usités. 

Dans  les  contrées  de  la  Saale,  l'urne  cinéraire  a  été 
quelquefois  déposée  au-dessus  des  caveaux  des  tombeaux 
primitifs,  plus  souvent  sur  le  sol  ou  dans  un  cairn  recou- 
vert d'une  petite  colline;  d'autrefois  le  mort  a  été  in- 

*  Voir  Ruchow,  dans  le  dictionnaire  de  Wagener. 


246  MONUMENTS   DE    L^ANTIQUITE. 

l'inhumâtioD  a  prédominé.  Les  bracelets  granulés  sont 
surtout  propres  aux  bords  du  Rhin  ;  les  vases  chargés  de 
rayures,  au  centre  de  TAIIemagne.  La  forme  particulière 
des  vases  en  métal  destinés  au  culte  appartient  aux  côtes 
de  la  Baltique,  ainsi  que  la  gravure  fréquente  du  vaisseau, 
les  grands  cors  de  guerre,  les  haches  de  commandement, 
les  bracelets  et  les  fibules  à  grandes  spirales  plates  ^ 
L'Irlande  et  le  Danemarck  se  distinguent  par  la  richesse  de 
leurs  bronzes.  Toutefois,  on  ne  possède  pas  encore  des 
collections  assez  complètes  pour  établir  des  distinctions 
de  peuple  à  peuple.  Il  est  moins  facile  qu'on  ne  Ta  cru  de 
distinguer  les  monuments  des  Celtes  de  ceux  des  Ger- 
mains et  des  Scandinaves  ;  ce  n'est  pas  tant  l'invention  des 
formes  que  leur  modification  qui  peut  les  faire  reconnaî- 
tre. Et  d'ailleurs  si  nous  nous  reportons  dans  ces  temps 
reculés,  la  mobilité  de  ces  peuples,  leurs  invasions  inces- 
santes, les  flots  poussant  d'autres  flots,  se  brisant  et  se 
mélangeant,  les  rapports  continuels  d'amitié  et  de  guerre 
qui  sont  les  uns  et  les  autres  des  moyens  d'échanger  les 
idées,  tout  montre  qu'on  doit  retrouver  au  nord  des  Py- 
rénées et  des  Alpes  un  genre  de  vie  riche  en  faits  analo- 
gues. 

Si  nous  résumons  les  traits  caractéristiques  de  cette  pé- 
riode, nous  voyons  que  l'exploitation  des  mines  et  le  tra- 
vail des  métaux  acquièrent  un  grand  développement.  L'art 
du  potier  se  perfectionne,  ceux  du  tisserand,  du  teinturier 
et  du  tanneur  se  retrouvent  en  tout  lieu.  La  culture  des 
blés  et  les  soins  des  troupeaux  paraissent  généralement 


*  Ces  fibules  se  retrouvent  dans  le  lac  de  Constance  (collection  de  Bonstet- 
ten)  et  dans  les  tombeaux  de  Hallstadt  décrits  par  Gaisberg^er. 


AGE    DU    BKONZE.  247 

répandus.  La  charrue  et  la  herse  sont  employées  au 
labour.  Dans  les  contrées  les  mieux  exposées  on  possède 
l'olivier,  le  figuier  et  le  citronnier.  La  vigne  est  déjà 
connue  dans  les  Gaules  5  à  6  siècles  avant  noire  ère.  Le 
vin  est  resserré  dans  des  tonneaux  en  bois  tout  pareils  aux 
nôtres.  Des  vaisseaux,  conduits  par  des  voiles  ou  de  nom- 
breux rameurs,  sillonnent  les  mers  du  nord.  Le  cor  excite 
les  guerriers  au  combat.  La  lyre  des  bardes  et  des  Scaldes 
célèbre  les  hauts  faits;  la  voix  du  poète  est  respectée. 
Les  Helvétiens  connaissent  l'écriture.  Enfin  partout,  le 
goût  du  luxe  préside  à  la  parure. 

Après  l'examen  de  ces  faits,  dont  chacun  est  constaté, 
on  se  demande  si  l'on  est  bien  en  droit  û'appe\er  Barbares 
les  peuples  qui  possédèrent  toutes  ces  connaissances.  La 
question  peut  être  posée,  mais  avant  tout  il  faut  s'entendre 
sur  la  valeur  de  cette  expression.  Si  par  Barbares  on  en- 
tend des  peuples  essentiellement  rudes,  grossiers  et  igno- 
rants, nous  croyons  que  la  plupart  de  ceux  qui  nous  ont 
occupé  ne  méritent  que  bien  incomplètement  l'emploi  de 
cette  épithète.  Le  sens  primitif  du  mot  barbare  n'était  autre 
que  celui  d'étranger;  employé  d'abord  parles  Grecs,  puis 
adopté  par  les  Romains,  il  s'y  attachait  une  idée  de  défa- 
veur. Sans  suivre  les  différentes  idées  qui  se  rattachèrent 
à  cette  expression  après  les  déprédations  des  peuples  du 
nord,  nous  dirons  que  les  Barbares  sont  à  nos  yeux,  les 
peuples  ou  les  hommes  étrangers  à  la  civilisation.  Les  con- 
naissances industrielles  et  agricoles,  la  valeur  dans  les 
combats  ne  constituent  pas  à  elles  seules  l'élément  civili- 
sateur; pour  le  compléter,  il  faut  que  la  culture  intellec- 
tuelle soit  en  honneur,  que  les  lettres  et  les  beaux  arts 
viennent  ennoblir  l'esprit  des  hommes  en  leur  révélant  le 


248  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

culte  du  beau  et  du  grand.  Nous  ne  pouvons  parler  de 
réiément  religieux  ou  chrétien  qu'il  n'était  pas  encore 
donné  de  posséder  ;  mais  toujours  est-il  qu'à  cette  époque 
reculée  les  peuples  qui  nous  occupent  ne  connaissaient 
qu'une'demi-civilisation,  que  les  beaux  arts  leur  étaient 
étrangers,  que  leurs  ébauches  littéraires  n'ont  pu  les  sau- 
ver de  l'oubli  et  qu'ils  ont  par  la  rudesse  de  leurs  mœurs 
mérité  le  nom  de  Barbares.  Il  en  est  de  même  de  tous 
ceux  qui  ne  font  du  beau  qu'un  objet  de  parure  ou  de 
vanité,  qui  placent  la  matière  au-dessus  de  l'esprit  et 
honorent  le  bras  plus  que  l'intelligence. 


IV 


TROISIÈME   PÉRIODE 

ou  AGE  DU  FER. 

Nous  sommes  arrivés  à  la  fin  de  notre  deuxième  pé- 
riode après  avoir  parcouru  les  siècles  nombreux  qui  se 
sont  écoulés  depuis  l'introduction  des  premiers  habitants 
en  Europe  jusqu'aux  temps  voisins  de  la  naissance  du 
Christ.  La  découverte  de  matières  nouvelles,  contribuant 
puissamment  au  développement  des  peuples,  nous  a  per- 
mis, malgré  l'obscurité  de  ces  âges,  de  distinguer  des 
moments  divers  par  la  classification  des  monuments  ana- 
logues. Une  fois  qu'on  fut  arrivé  par  l'alliage  et  par  la 
trempe  à  donner  au  cuivre  des  propriétés  diverses,  on  se 
préoccupa  moins  de  vaincre  les  difficultés  que  présente  le 


AGE    DU    FEB.  ^49 

travail  du  fer.  Longtemps  il  fut  envisagé  comme  un  métal 
récalcitrant  et  aussi  comme  un  métal  de  prix.  Les  Bretons 
remployèrent  d'abord  pour  les  anneaux  qui  servaient 
de  monnaie'.  Homère  en  parle  comme  de  la  matière  la 
plus  dure*.  Les  habitants  de  Tyr  firent  présent  à  un  rot 
d'une  masse  ou  d'un  lingot  de  ce  métal  comme  d'une 
chose  rare.  Hérodote  et  d'autres  auteurs  mentionnent 
comme  Tune  des  merveilles  de  Delphes  l'offrande  d'Alyat- 
tès,  roi  de  Lydie,  qui  consistait  en  un  grand  cratère  d'ar- 
gent, dont  la  base,  en  forme  de  tour  un  peu  conique,  était 
en  fer.  Travaillé  à  jour,  on  y  voyait  plusieurs  petits  ani- 
maux se  jouer  à  travers  les  feuillages  qui  l'ornaient;  ces 
différentes  pièces  n'étaient  point  unies  par  des  clous,  mais 
au  moyen  de  la  soudure.  Ce  travail  était  attribué  à  Glau- 
cus  de  Scio  qui  le  premier  trouva  l'art  de  souder  le  fer'. 
César  trouva  le  fer  en  usage  chez  les  Gaulois  et  les  Bel- 
ges^  Tacite,  en  revanche,  dit  que  de  son  temps  il  était 
rare  chez  certains  peuples  du  nord*.  Ces  détails  suffisent 
pour  montrer  que  l'usage  du  fer  fut  généralement  ré- 
pandu dès  le  commencement  de  notre  ère.  Les  métaux 
connus  auparavant  continuèrent  à  être  employés  pour  des 
objets  divers,  les  instruments  tranchants  sont  désormais 
en  fer. 
Avec  l'introduction  générale  de  ce  métal  s'ouvre  une 

'  César  dit  que  les  Belges  portaient  des  ornements  de  ter.  Les  habitants 
de  TEcosse  fabriquaient  des  colliers  et  des  ceintures  de  fer. 

*  II  dit  :  Un  cœur  plus  dur  que  le  fer. 

'  Hérodote,  I,  2ô.  Pausanias,  lib.  X,  cap.  16,  pag.  834.  Plut,  deorac.  T.  II, 
pag.  436.  Hagesand,  Ap.Athen.jUb.  V,  pag.  210.  Alyattis,  S"*"  de  nom,  père 
de  Crésus,  régna  57  ans,  de  l'an  616  à  559  ou  610  à  553. 

*  De  Bel.  Gai  passim,  III,  13  ;  V,  12;  V,  30;  V,  42  ;  VII,  22  ;  VII,  73. 

*  Germ.  45. 


250  MONUMENTS    DE    L*ANTIQUITÉ. 

nouvelle  période,  mais  elle  est,  comme  la  période  précé- 
dente, anie  à  celle-ci  par  un  âge  de  transition  durant  le- 
quel le  fer,  encore  rare,  est  envisagé  comme  plus  précieux 
qne  le  bronze.  Ce  moment  répond  aux  derniers  siècles 
avant  Père  moderne.  A  mesure  qu*on  approche  des  temps 
historiques,  relativement  aux  peuples  du  nord,  la  scène 
s'agrandit,  les  faits  se  multiplient,  les  individualités  se 
dessinent  plus  fortement,  et  Tétude  des  monuments,  fé- 
conde en  résultats  pour  l'histoire,  se  poursuit  à  peu  près 
jusqu'au  X^  siècle  de  notre  ère.  Ce  sujet  étant  beau- 
coup trop  vaste  pour  pouvoir  être  traité  dans  ce  cours, 
nous  nous  bornerons  à  en  tracer  une  esquisse  rapide  qui 
permette  de  donner  une  idée  du  champ  à  parcourir. 

Dans  les  périodes  précédentes  nous  avons  retrouvé  la 
même  manière  de  faire,  propre  à  des  pays  très  divers. 
Dans  celle-ci  on  ne  rencontre  plus  cette  unité. — De 
vastes  contrées  sont  tombées  sous  la  domination  romaine. 
Le  vaincu,  en  subissant  la  loi  du  maître,  conserve  cepen- 
dant encore  quelques-uns  des  traits  qui  lui  sont  propres. 
De  nombreux  monuments  d'architecture  s'élèvent  dans 
les  provinces  conquises,  mais  les  inspirations  n'en  sont 
pas  celles  d'un  peuple  libre.—  De  nouveaux. peuples  des- 
cendent du  nord,  attirés  par  la  douceur  du  climat  et  par 
la  haine  du  nom  romain;  la  désolation  accompagne  leur 
marche.  —  Rome  tombe  à  son  tour,  et  ses  provinces  pas- 
sent sous  d'autres  maîtres. 

D'autre  part,  les  peuples  qui  conservent  leur  indépen- 
dance présentent  le  développement  de  l'ancien  genre  de 
vie.  Les  compagnons  d'Odin  s'établirent  sur  les  bords  du 
lac  Mélar,  se  répandent  dans  l'mtérieur  de  la  Suède  et  ne 
tardent  pas  à  recouvrer  la  Norwège.  Les  Wendes  occu- 


AGE    DU    FEB.  251 

pent  l'orient  et  le  nord  de  la  Germanie.  Des  peuples  divers 
se  croisent  et  se  heurtent,  mais  ils  n'en  continuent  pas 
moins  à  élever  les  tumuli  sur  la  cendre  des  morts  et  à 
sacrifier  les  animaux  domestiques.  Dans  leurs  tombeaux 
on  retrouve  les  témoignages  de  leurs  lointaines  expédi- 
tions. Les  objets  d'art  Scandinave  sont  souvent  accompa- 
gnés de  bronzes  romains.  Les  Yaraigres  rapportent  de 
Byzance  les  monnaies  du  bas  empire  et  les  fibules  à  fili- 
grane. Les  monnaies  cufiques  ou  arabes  sont  déposées 
par  milliers  sur  les  rives  de  la  Baltique  et  sur  les  îles 
d'Oeland  et  de  Gotlland. Ces  hardis  aventuriers,  déposaient 
souvent  dans  le  sol  des  trésors  qu'ils  ne  pouvaient  confier 
à  des  demeures  mal  fermées.  Courant  à  de  nouveaux  pé- 
rils, tous  ne  revoyaient  pas  leur  patrie.  De  nos  jours  il  n'est 
pas  rare  de  retrouver  à  peu  de  profondeur  dans  le  sol 
ces  enfouissements  précieux  pour  l'histoire,  et  d'une  va- 
leur intrinsèque  souvent  considérable.  Un  fait  peut  donner 
une  idée  de  ces  pillages.  Les  monnaies  anglo-saxonnes, 
clair-seméès  çà  et  ^à  en  Angleterre,  sont  extrêmement 
nombreuses  en  Suède.  Telles  pièces,  très  rares  dans  les 
collections  de  Londres,  se  retrouvent  par  centaines  dans 
celles  de  Stockholm.  On  peut  juger  par  là,  combien  furent 
grandes  les  dévastations  des  Scandinaves  en  Angleterre. 
Au  commencement  du  IX^  siècle,  Anschaire  arriva  sur  les 
bords  du  Mélar  ou  il  annonça  l'Evangile  aux  païens. 
D'autres  missionnaires  furent  reçus  et  écoutés.  Les  runes, 
employés  essentiellement  comme  caractères  magiques, 
furent  réunis  en  alphabet;  les  temples  païens,  renversés, 
et  les  dieux  détrônés.  Cependant,  ils  sont  encore  vivants 
dans  les  souvenirs  du  peuple.  Les  symboles  païens  pas- 
sent dans  le  nouveau  culte.  Des  traditions  nombreuses 


252  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

montrent  te  passage  de  l'ancienne  foi,  à  la  foi  nouvelle. 
En  résumé,  ce  n'est  pas  exagéré  de  dire  qu'il  y  eut  fusion 
autant  que  conversion. 

Pendant  que  le  nord  poursuit  son  ancien  genre  de  vie 
agité  et  tumultueux,  mais  pourtant  continu,  jusqu'au 
Xe  siècle  de  notre  ère,  nous  avons  vu  que  les  peuples  qui 
étaient  tombés  sous  la  domination  romaine  prennent  une 
autre  direction.  A  la  chute  de  Rome,  des  populations 
étrangères  s'asseyent  sur  les  ruines  d'un  ancien  monde. 
Elles  s'en  approprient  plus  d'un  débris  pour  la  construc- 
tion d'une  société  nouvelle,  dont  le  christianisme  est  l'élé- 
ment dominant.  Sous  l'influence  de  la  foi,  les  sépultures 
se  groupent  en  cimetières.  Plus  de  tumuli,  plus  de  sacri- 
fices sanglants.  La  rupture  d'avec  les  anciennes  mœurs 
ne  peut  cependant  être  complète.  Le  guerrier  emporte 
encore  ses  armes  dans  la  tombe,  l'artisan,  les  instruments 
de  sa  profession,  le  magistrat,  les  symboles  de  sa  charge, 
la  femme,  ses  ornements,  et  l'enfant,  ses  joujoux. 

C'est  à  cette  époque  qu'appartiennent  les  tombeaux  de 
Bel-Air.  Les  Helvéto  Burgondes  qui  occupaient  alors 
THelvétie  occidentale  inhumèrent  pendant  plusieurs  siè- 
cles leurs  morts  sur  cette  colline.  Bien  que  les  fouilles 
ne  soient  pas  achevées,  271  tombeaux  ont  déjà  été  décou- 
verts. Plus  de  vingt  localités  dans  le  canton  de  Vaud  pré- 
sentent des  sépultures  semblables.  On  les  retrouve  dans 
plusieurs  départements  de  la  France,  sur  les  bords  du 
Rhin  et  dans  le  midi  de  l'Allemagne.  Les  objets  divers 
qu'elles  renferment  sont  d'une  assez  grande  analogie  et 
appartiennent  évidemment  à  des  peuples  parents,  placés 
dans  des  circonstances  analogues.  Cependant  en  examinant 
ces  débris  de  plus  près,  il  est  aussi  des  traits  de  distinc- 


AGE    DC    FER.  255 

lion  :  Ainsi  dans  les  tombeaux  des  Francs  dominent  la 
hache  d  armes  et  les  objets  en  verroterie;  dans  ceux  des 
Allemani,  ce  sont  les  longues  épées,  les  colliers  et  les 
ornements  en  or  ;  la  damasquinure  est  plus  riche  chez  les 
Burgondes,  ainsi  que  les  sujets  symboliques  gravés  sur 
des  plaques  de  bronze. 

Ces  derniers  temps  on  a  découvert  à  Echallens,  sur  la 
propriété  de  M.  Gotlofrey,  ancien  juge  dappel,  divers 
objets  qui,  appartenant  à  cette  époque,  méritent  d'être 
mentionnés.  A  peu  de  profondeur  dans  le  sol  sont  dépo- 
sés, sans  ordre  apparent,  des  squelettes  d'hommes  et 
d'animaux.  M.  le  professeur  Auguste  Ghavannes  ayant  eu 
l'obligeance  de  déterminer  ces  ossements,  on  a  pu  cons- 
tater la  présence  du  cheval,  de  la  vache,  du  mouton,  du 
cochon  et  du  chien.  D'entre  les  ossements  humains,  deux 
mâchoires  ont  appartenu  à  des  individus  de  l'âge  le  plus 
avancé.  Les  fragments  d'un  vase  d'une  poterie  grossière, 
une  petite  bague  en  argent,  une  fibule  circulaire,  une 
agrafe  damasquinée  et  un  couteau  en  fer,  ne  laissent  pas 
de  doute  sur  Tâge  de  ces  débris,  qui  remontent  à  l'époque 
mérovingienne.  Précédemment  des  coutelas  ont  été  trou- 
vés sur  la  même  colline.  Que  conclure  de  cette  réunion 
d'êtres  si  divers?  La  présence  d'hommes  âgés  et  de  la 
plupart  des  animaux  domestiques  ne  permet  pas  de  voir 
là  un  champ  de  bataille.  En  attendant  que  de  nouvelles 
découvertes  viennent  éclairer  cette  question,  je  ne  trouve 
d'explication  plausible  qu'en  admettant  la  marche  ou  la 
fuite  d'une  population  qui  emmène  avec  elle  tout  ce  qu'elle 
peut  sauver.  Surprises  dans  un  campement,  hommes  et 
bêtes  peuvent  avoir  été  frappés  indistinctement  et  inhu- 
més dans  le  lieu  où  ils  étaient  tombés.  Un  fait  peut  don- 


!284  MONUMENTS   DE    l'aNTIQLITÈ. 

ner  quelque  consistance  à  cette  manière  de  voir.  Après 
rétablissement  des  Burgondes  dans  le  pays,  les  Allemani 
firent  une  nouvelle  invasion,  souvent  confondue  avec  les 
précédentes,  et  achevèrent  d'anéantir  ce  que  les  Burgon- 
des avaient  épargné  de  la  grandeur  de  Rome.  Le  moment 
de  cette  destruction  répond  à  celui  des  inhumations 
d'Echallens,  qui  peuvent  ainsi  se  rattacher  à  ces  dévasta- 
tions. 

Telles  sont  les  scènes  que  nous  révèlent  les  monuments 
tumulaires  de  l'antiquité.  Mais  afin  de  compléter  ces  ta- 
bleaux, nous  consacrerons  encore  quelques  leçons  aux 
monuments  du  culte,  et  à  ceux  de  la  vie  civile  ou  privée, 
en  cherchant  à  jeter  quelque  jour  sur  ce  sujet  obscur, 
par  les  traditions  et  les  superstitions,  reflets  de  Tancienne 
vie  païenne. 

Monuments  du  culte  et  de  la  vie  civile, 
militaire  et  privée. 

L'architecture  fut  étrangère  aux  peuples  dont  nous 
nous  sommes  occupés.  Ils  apportèrent  beaucoup  plus  de 
soins  à  la  construction  des  tombeaux  qu'à  celle  de  leurs 
demeures,  qui  n'étaient  que  de  simples  abris.  Leurs  divi- 
nités, trop  grandes  pour  être  contenues  dans  des  temples, 
étaient  adorées  dans  des  lieux  consacrés,  mais  décou- 
verts. L'enceinte  de  ces  lieux  était  déterminée  par  de 
grands  blocs  de  rochers,  dont  l'arrangement  témoigne 
d'un  but  particulier.  Des  pierres  dressées  eurent  une  si- 
gnification religieuse,  et  les  autels  ne  laissent  pas  de 
doute  sur  cette  destination.  Les  monuments  du  culte 
appartiennent  à  l'âge  durant  lequel  le  paganisme  fut  en 


AGE    DU    FKR.  ^55 

vigueur;  c'est  dire  qu'ils  apparaissent  dès  les  temps  les 
plus  reculés  jusqu'à  Tinlroduction  du  christianisme.  Il 
est  souvent  difficile  de  distinguer  leur  antiquité  relative, 
cependant  on  peut  envisager  ceux  de  ces  monuments  qui 
sont  les  plus  gigantesques  comme  remontant  à  la  pre- 
mière période  dont  ils  rappellent  les  constructions  colos- 
sales. 

Men-hirs. 

On  voit  dans  un  grand  nombre  de  contrées  des  pierres 
brutes  en  forme  de  piliers,  hautes  de  5  à  18  pieds,  dressés 
sur  le  sol  et  isolés  dans  les  campagnes  ou  sur  les  hauteurs. 
Dans  rage  primitif  ils  s'élèvent  parfois  au-dessus  des  tom- 
beaux. On  les  désigne  généralement  sous  le  nom  de  men- 
hir, expression  populaire  de  la  Bretagne  française,  qui 
signifie  «  pierre  dressée.  »  En  plusieurs  lieux  le  peuple 
vénère  encore  ces  pierres.  Elles  paraissent  n'avoir  pas 
été  sans  rapport  avec  les  Hermès  des  Grecs*,  statues  anti- 
ques de  Mercure,  sans  bras  et  sans  pieds,  qui  consistaient 
en  un  pilier  carré  surmonté  de  la  tête  du  dieu  et  quel- 
quefois aussi  de  la  tête  d'hommes  illustres.  Les  Romains 
empruntèrent  des  Grecs  l'usage  des  Hermès  qu'ils  nommè- 
rent Termes.  Ils  les  placèrent  dans  les  carrefours  ou  croi- 
sées des  routes.  C'étaient  les  gardiens  et  les  protecteurs 
des  chemins*.  Le  dieu  terme  présidait  surtout  aux  bornes 

*  Les  Hermès  avec  les  Phallus  étaient  adorés  seulement  par  les  femmes 
stériles.  Les  premiers  chrétiens  parlent  des  menhirs  avec  horreur.  Le  Dr 
Schreiber  croit  qu'ils  représentaient  le  Phallus. 

*  Les  Lares  violes.  Us  étaient  de  bois  ou  de  pierres,  grossièrement  taillés. 
Virgile  dit  :«  Uli  falce  deus  coliiur,  non  artepolitus.  >  Les  passants  portaient 
des  pierres  au  pied  de  ces  pilastres  pour  en  obtenir  la  protection  dans  leurs 
voyages. 


256  MONUMENTS    DK    l'aNTIQLITÉ. 

des  champs  et  punissait  les  usurpations.  Chaque  année 
les  habitant^  de  la  campagne  le  couronnaient  de  guirlan- 
des, lui  offraient  des  libations  de  lait  et  lui  immolaient 
un  agneau  en  arrosant  de  son  sang  les  bornes  de  leurs 
champs.  Sur  la  roche  tarpéienne  s'élevait  un  pilier  autour 
duquel  les  premiers  rois  romains  célébraient  les  termina- 
lia^.  Quand  Tarquin  le  superbe  choisit  ce  lieu  pour  élever 
un  temple  a  Jupiter  capitolin,  les  divers  dieux  qui  s'y 
trouvaient  consentirent  à  se  retirer,  mais  le  dieu  terme 
résista  à  tous  les  efforts  qu'on  fit  pour  l'enlever  et  resta 
dans  le  temple  qu'on  construisait  dans  cet  endroit*.  Les 
men-hirs  des  barbares  n'ont  cependant  pas  été,  comme 
chez  les  Grecs  et  les  Romains,  consacrés  surtout  à  Mer- 
cure et  au  dieu  Terme.  Grimm  nous  apprend  dans  sa 
mythologie  allemande  que  les  dieux  germains  étaient  sou- 
vent représentés  par  des  piliers  bruts  %  et  plusieurs  au- 
teurs anciens  disent  que  les  habitants  de  Samos  adorèrent 
d'abord  les  dieux  sous  la  forme  de  soliveaux,  de  troncs 
d'arbre,  de  pierres  carrées  ou  coniques*.  A  Pharae,  en 
Achaïe,  30  pierres  carrées  placées  sur  la  place  publique 
étaient  honorées  comme  autant  de  dieux. 
On  retrouve  les  men-hirs  dans  l'île  de  Corse^  et  dans 


*  Plutarque,  Vie  de  Numa. 

*  Dionys.,  lU,  pag.  «02;  Liv.  V,  54.  Flor.  I,  7-8.  Lactance,  i,  20. 

'  Tacite,  Hist.  II,  2-3,  dit  que  Vespasien  (70  ans  après  J.-C.)  alla  consul- 
ter la  Vénus  dePaphos.  L'image  de  la  déesse  était  une  grossière  pyramide  de 
pierres. 

De  Caumont  croit  que  les  men-hirs  ont  été  quelquefois  élevés  en  mémoire 
d'un  événement. 

*  Cnilim.  ap.  Eusèbe  prcep.  Evang.^  Lib.  III,  cap.  8.  —  Clem.  Alex.,  Co/ior/. 
ad  oent.^  pag.  40.  —  Tacit.,  Hist.,  II,  3.  —  Pausanias,  Lib.  VIÏ,  cap.  22. 

»  Mém.  de  VAcad.  celtiq.,  Tom.  VI,  pag.  78. 


AGE    DU    FER.  257 

plusieurs  contrées  de  VEspagne  entr'aulres  près  de  Gre^ 
nade.  —  En  France,  ils  sont  le  plus  souvent  carrés,  d'au- 
trefois, plus  gros  au  miliea  qu'aux  extrémités,  ils  portent 
le  nom  de  a  quenouille  à  la  bonne  femme.  >  Quand  ils  se 
terminent  en  pointe,  on  les  appelle  petilvans,  ce  qui  si- 
gnifie figure  de  traits  {peiil  trait,  van  figure).  Quelques- 
uns,  plantés  en  terre  par  la  pointe,  s'élèvent  en  forme  de 
massue.  Dans  le  département  du  Finistère,  le  men-hir 
de  Plovan  n'a  pas  moins  de  50  pieds  de  haut.  Le  men-hir 
le  plus  élevé  qu'on  connaisse  est  celui  de  Lockmariaker 
dont  la  grandeur  égale  celle  de  l'obélisque  de  Luxor*.  Il 
reste  de  ces  piliers  dans  presque  tous  les  départements 
de  l'ouest  et  du  nord  de  la  France*  ;  répandus  le  long  de 
la  Loire,  ils  sont  particulièrement  nombreux  dans  la  Bre- 
tagne', la  partie  supérieure  porte  parfois  des  rainures, 
taillées  à  une  certaine  distance  les  unes  des  autres.  Il  s'y 
rattache  encore  plus  d'une  pratique  superstitieuse;  dans 
quelques  localités  on  a  la  coutume  de  les  oindre  d'huile 
et  de  les  couronner  de  guirlandes  de  fleurs*.  —  Nom- 
breux aussi  dans  la  grande  Bretagne^,  on  les  appelle  pier- 
res des  géants  et  pierres  des  oracles.  Les  Ecossais  leur 

*  l\  est  brisé  en  trois  pierres.  Rev.  archéol.  I,  1844,  pag.  201. 

'  Dans  plusieurs  localités  du  département  de  la  Manche,  dans  le  Calvados, 
dans  le  Maine,  l'Anjou,  la  Touraine,  le  Poitou  et  la  Saintonge. 

'  Ils  sont  parsemés  entre  Blaison  et  Saumur,  départ,  de  Maine  et  Loire 
en  Bretagne,  62  sur  le  Toulinquet,  très  nombreux  près  de  Moëlan,  Clochar- 
•Garnoet,  etc.  Us  ont  de  10  à  20  pieds  de  haut. 

*  Dans  la  contrée  de  Quercy,  à  la  An  du  XVII^  siècle. 

*  Archéol.  brilan.,  Tom.  XXV,  pag.  52, 1833.  Entre  Honmouth  etClepstow, 
trois  en  ligne  droite,  de  9  à  11  pieds  de  hauteur;  trois  autres  à  Penriath  en 
Gumberland  ;  deux  à  Rudston  (York)  ;  trois  près  de  Staaton-Mora  (Derby).  — 
Pierres  d'oracles  près  d'Oborough  ;  —  sur  Tile  de  Man,  près  Gastelow,  pierres 
des  géants.  —  Iles  Orcades. 

V£V.  ET  DOCUM.  XXY.  17 


258  MONUMENTS   DE    L*ANTIQUITÉ. 

accordent  surtout  une  grande  vénération.  —  En  Suisse^ 
la  culture  du  sol  a  fait  disparaître  plusieurs  de  ces  monu- 
ments. Tel  a  été  le  sort  de  ceux  qu'on  voyait  autrefois 
près  de  Palézieux^.  Il  en  existe  cependant  encore  quel- 
ques-uns au  pied  du  Jura.  En  enlevant,  il  y  a  quelques 
années,  un  de  ces  piliers  bruts  près  de  La  Molhe,  entre 
Yverdon  et  la  montagne,  on  découvrit  deux  celts  en 
bronze,  sur  lesquels  reposait  la  pierre  qu'on  venait  de 
briser.  Non  loin  de  Champagne,  au  Clos  de  la  pierre^ 
existait  un  bloc  pareil.  A  Champagne  même,  un  immense 
pilier  granitique  a  été  enlevé  il  y  a  une  quinzaine  d'an- 
nées. On  en  voit  encore  un  à  Bonvillars  d'une  forme  élan- 
cée et  de  10  pieds  de  haut.  Entre  Corcelles  et  la  montagne, 
4f  men-hirs  sont  disposés  en  carré  long.  Au-dessus  de 
Concise,  en  aval  de  la  route,  un  de  ces  blocs,  enfoui  en 
partie  par  des  terres  de  remblai,  sert  de  borne  sans  avoir 
été  déplacé.  La  tradition  rapporte  que  ces  pierres  de  Con- 
cise et  de  Bonvillars  furent  élevés  en  mémoire  de  la  vic- 
toire des  Suisses  à  Grandson,  mais  les  instruments  en> 
bronze  qu'elles  recouvrent  et  leur  présence  en  des  lieux 
étrangers  au  champ  de  bataille  disent  assez  qu'elles  da- 
tent d'une  autre  époque.  On  retrouve  le  men-hir  dans  le 
canton  de  Neuchfttel  et  le  long  du  Jura  bernois;  deux 
faucilles  en  bronze  ont  été  découvertes  sous  l'un  d'eux, 
près  de  Bienne.  Entre  Courgenay  et  Porreniruy  est  une 
immense  pierre  plate,  plantée  en  terre  par  son  extrémité 
la  plus  large;  sa  hauteur  est  de  10  pieds  au-dessus  du 
sol,  sa  largeur  de  5  pieds,  et  son  épaisseur  de  13  pouces; 
au  milieu,  a  été  pratiquée  une  ouverture  circulaire  de 

*  A  quelque  distance  de  CoUonges  sous  Salève,  en  Savoie,  était  il  y  a  peu 
d'années  un  men-hir  de  25  pieds  de  haut. 


AGE    DU    FER.  259 

15  pouces  de  diamètre.  L'abbé  Serassel*  raconte  que  dans  - 
le  siècle  passé  on  creusa  au  pied  de  celle  dalle  et  qu'on 
trouva  à  5  pieds  de  profondeur  une  autre  pierre  de  même 
grandeur,  couchée  horizontalement,  dans  laquelle  la  pre- 
mière était  fortement  enchâssée  et  tenue  avec  des  barres 
de  cuivre,  ce  qui  indiquerait  qu'elle  fut  élevée  dans  la 
seconde  période.  Des  documents  attestent  que  dans  le 
moyen  âge  des  plaids  se  tenaient  tous  les  ans  auprès  de 
la  Pierre-percée.  —  En  Allemagne^ ,  les  men-hirs  sont 
appelés  pierres  des  payens,  pierres  des  Huns,  pierres  du 
soleil.  On  les  retrouve  dans  le  midi  et  le  centre  de  l'Alle- 
magne. Rares  sur  les  bords  du  Rhin,  de  Manheim  à  Colo- 
gne, ils  sont  répandus  en  grand  nombre  dans  le  Hanovre, 
les  duchés  de  Mecklembourg,  et  sur  les  bords  de  l'Elbe 
et  de  l'Oder.  A  quelque  distance  de  Halle,  près  de  Dôlau, 
on  voit  dans  un  champ  un  pilier  de  grès  dont  la  hauteur, 
y  compris  la  partie  plantée  en  terre  (c.  a.  d.  7  */«  pieds, 
est  de  25  pieds).  Jusqu'à  ces  derniers  temps,  les  pasteurs 

*  L'Abeille  du  Jura^  Tom.  I,  pag.  72  et  sqq. 

*  On  en  trouve  dans  le  Brisgau. — Près  Dûrkheim  sur  le  Hardt,  dans  la  Ba- 
vière rhénane,  —  entre  Mayence  et  Alzey.  —  Peu  sur  le  moyen-Rhin,  un  ce- 
pendant près  Blieskastel,  —  à  Dôbnitz,  au  sud  de  Weimar,  un  de  16  pieds  de 
hauteur,  6  pieds  de  largeur,  i  pieds  d'épaisseur.  —  A  Test  de  Halle,  deux 
carrés  de  porphyre  de  8  pieds  de  hauteur.  —  Dans  le  duché  de  Côthen,  plu- 
sieurs grands  nommés  Rugensteine.  —  Près  Aschenleben,  district  de  Magde- 
bourg,  un  énorme  nommé  Specknitz  ;  —  à  Halberstadt,  —  en  Turinge,  plu- 
sieurs; —  Ancienne  Marche,  ils  y  sont  quelquefois  entourés  d'un  cercle  de 
blocs,  près  Dalirendorf,  à  l'occident  de  Salzwedel.  —  Hanovre,  le  Sonnen- 
stein,  dans  le  bailliage  d'Osnabruk,  est  élevé  de  13  pieds.  Le  Brautstein,  sur  le 
chemin  de  Gohlau  à  Mûtzingen  a  des  trous  taillés  et  des  rainures;  près  de 
Deinstedt,  un  pilier  isolé;  près  de  Bysum  et  Anderiingen  plusieurs  pierres 
isolées,  bailliage  Wolpke,  idem  ;  près  de  Werde,  juridiction  d'Osnabriick,  pi- 
lier pyramidal  de  13  pieds  de  hauteur,  consistant  en  deux  piliers  superposés. 
—  Keferstein,  passim. 


260  MONUMENTS    DE    L*ANTIQUITÉ. 

des  trois  paroisses  voisines  se  réunissaient  une  fois  cha- 
que année  auprès  de  ce  bloc,  et  faisaient  chacun  un  dis- 
cours à  la  multitude  qui  les  entourait.  Près  de  Sanger- 
hausen,  dans  la  Thuringe,  et,  à  3  lieues  de  Sonderhausen, 
sont  deux  blocs  percés  chacun  d'un  trou.  Dans  certaines 
localités  de  l'Angleterre,  des  personnes  de  tout  âge  pas- 
sent par  un  pareil  trou  afin  de  se  préserver  des  douleurs; 
on  y  fait  aussi  passer  les  enfants  pour  les  empêcher  de 
devenir  rachiliques.  —  Ces  pierres  percées  se  trouvent 
aussi  en  France  et  en  Suisse,  on  connaît  celle  du.  Por- 
reniruy.  Quelques  ,men-hirs  portent  aussi  des  entailles 
et  des  rainures,  de  même  qu'en  France.  —  Ces  piliers 
isolés,  rares  en  Danemark,  se  retrouvent  dans  la  Nonvège 
et  sont  très  nombreux  en  Suède  où  ils  recouvrent  ordi- 
nairement des  tombeaux.  Parfois,  plantés  sans  ordre,  ils 
occupent  de  grands  espaces  de  terrain,  ils  sont  regardés 
comme  indiquant  un  champ  de  bataille.  Si  le  voyageur 
demande  aux  paysans  ce  que  signifient  ces  piliers,  on  lui 
répond  constamment  qu'ils  ont  été  élevés  sur  la  tombe 
d'un  chef;  les  fouilles  confirment  la  tradition.  Plusieurs 
de  ces  blocs,  datant  des  premiers  temps  chrétiens,  portent 
des  inscriptions  runiquesqui  rappellent  simplement  le  nom 
et  la  filiation  du  défunt.  Souvent  le  signe  de  la  croix,  uni 
à  des  sujets  fantastiques,  a  été  gravé  sur  la  pierre. 

Pierres  mouvantes. 

Pline*  et  Ptolémée*  font  mention  de  pierres  énormes 
qu'on  mettait  facilement  en  mouvement,  mais  qu'aucune 

*  Liv.  II,  sec.  98. 
'  Lib.  III.  cap.  8. 


AGE    DU    FER.  261 

force  ne  pouvait  déplacer.  Cette  description  convient  par- 
*  faitement  aux  pierres  mouvantes  qui  existent  encore  dans 
plusieurs  localités.  Ce  sont  des  roches  arrondies  à  leur 
base,  et  parfois  de  la  forme  d'un  ballon,  posées  sur  une 
espèce  de  piédestal  en  pierre,  souvent  conique,  et  cela 
avec  un  équilibre  tel  que  la  moindre  impulsion  les  fait 
vaciller.  La  grandeur  de  plusieurs  de  ces  blocs  est  si  con- 
sidérable qu'on  est  tenté  d'y  voir  un  caprice  de  la  nature. 
Cependant  il  est  incontestable  que  les  bases  coniques  ont 
été  taillées  par  la  main  de  l'homme  de  manière  que  leur 
pointe  correspondît  au  centre  de  gravité  du  bloc  qui  re- 
pose au-dessus.  Plusieurs  superstitions  se  rattachent  à 
ces  pierres.  Au  coup  de  minuit  elles  font  un  tour  sur 
elles-mêmes^  Le  diable  les  met  parfois  en  mouvement, 
surtout  la  veille  de  Noël.  On  montre  dans  le  canton  de 
Vaud  plus  d'un  bloc  de  granit  qui,  sans  être  déposé  de 
la  même  manière,  reçoit  les  mêmes  impulsions.  L'opinion 
la  plus  vraisemblable  est  celle  qui  prétend  qu'on  tirait 
différents  présages  de  l'oscillation  de  ces  pierres. 

En  France  il  en  existe  encore  plusieurs.  La  pierre 
branlante  de  chez  Barrât,  près  de  Rochefort,  a  22  pieds 
de  long,  8  d'épaisseur,  et  16  de  haut  ;  taillée  en  forme  de 
ballon,  elle  se  balance  sur  une  base  conique*.  Près  de 
Thiers  est  \2i pierre  de  danse^,  près  de  Clermont,  la  roche 
branlaire  (20  pieds  de  long).  Celle  de  Livernon,  sur  la 
rive  du  Lot,  dans  la  province  de  Quercy,  mesure  35  pieds 
de  long,  20  de  large  et  2  d'épaisseur.  Elles  se  retrouvent 

*  On  les  appelle  :  pierres  de  minuit,  ou  bien  encore  la  croix  qui  vire,  sub- 
stitution aux  pierres  mouvantes. 

*  Mém.  de  la  soc.  des  antiq.j  tom.  XII,  pi.  6. 

'  Départ,  du  Puy  de  Dôme,  il  y  en  a  plusieurs. 


26â  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

dans  plusieurs  départements^  et  entr'autres  dans  la  Bre- 
tagne. —  Ce  genre  de  monument  n'est  pas  rare  en  Angle- 
terre et  en  Ecosse.  On  en  voit  dans  les  contrées  de  Cor- 
nouailles',  de  York'  et  de  Derby*  ;  Tune,  dans  le  Sussex, 
pèse  9700  quintaux'.  —  Les  pierres  mouvantes  sont  peu 
nombreuses  en  Allemagne.  Celle  du  bailliage  banovrien 
de  Copenbrûgge  pèse  12672  quintaux*;  une  autre  dans 
la  Lippe,  est  tellement  mobile  que  les  coups  de  vent 
suffisent  pour  la  mettre  en  mouvement.  Le  peuple  prétend 
aussi  en  Allemagne  que  ces  pierres  tournent  sur  elles- 
mêmes  au  coup  de  minuit.  —  On  en  compte  trois  sur  File 
de  Bornholm,  et  plusieurs  en  Norwége,  une  entr'autres  à 
Stavanger,  —  U Amérique  eu  possède  plusieurs.  «  Le  ca- 
pitaine Dupaix,  qui  de  1803  à  4807  fit  trois  expéditions 
dans  rintérieur  du  Mexique,  dans  le  but  d'en  explorer 
les  nombreuses  antiquités,  rapporte  qu'il  rencontra,  au 
sud-est  de  Cordova,  et  au  milieu  d'une  savane  immense, 
une  grande  rocbe  de  figure  sphérique,  ayant  22  pieds  de 

*  Dans  les  Pyrénées,  —  dans  le  départ,  de  la  Lozère  près  Menée, —  deux 
près  Monlfaucouy  départ,  de  Maine  et  Loire.  —  Départ,  de  la  Manche,  dans  la 
forêt  de  Limoges,  une  de  22  Vt  V^eûi  de  longueur,  12  pieds  de  largeur.  — 
Départ,  de  Loir  et  Cher,  plusieurs  près  de  Blois.  —  Départ,  de  la  Manche, 
une  à  Liihaire,  —  Deux  détruits  dans  l'arrondissement  de  Cherbourg.  — Sur 
le  cap  Finistère,  vers  la  chapelle  de  Notre  Dame  de  la  Barque,  une  énorme 
pierre  mouvante. 

*  Près  de  Pensans  doit  être  le  plus  grand. 

*  Près  de  Halifax.  Voir  la  butte  Golcar.  De  Caumont,  pi.  III,  fig.  4. 

^  Plusieurs  dans  le  canton  Stanton-Moor,  l'une  de  45  pieds  de  tour  et  24 
de  haut.  —  Près  de  Warion-Cray,  dans  le  Lancashire,  trois  sur  une  ligne 
droite. 

*  Près  de  West-Hoadley,  elle  a  68  pieds  de  tour. 

*  Juridiction  de  Hanovre.  Cette  pierre  calcaire  a  22  pieds,  de  longueur,  16 
de  largeur  et  2  d'épaisseur.  D'après  ces  chiffres,  Keferstein  compte  4224  pieds 
cubes  à  300  livres  le  pied  cube. 


AGE   DU   PEU.  263 

circonférence.  Elle  est  mise  en  équilibre  sur  son  axe,  de 
telle  sorte  qu'on  peut  la  faire  vibrer  en  la  touchant  seu- 
lement du  petit  doigt.  A  deui  lieues  plus  loin,  on  en  ren- 
contre une  à  peu  prés  semblable.  Du  reste  il  parait  que 
ces  pierres  sont  assez  nombreuses  aui  Etats-Unis.  Dans 
TEtat  de  Massachussets,  il  existe  une  pierre  branlante 
d'environ  24000  livres,  posée  par  trois  points  sur  un  au- 
tre roc;  il  suffit  d'un  léger  effort  pour  la  mettre  en  mou- 
vement. » 


Autels,  trilithes,  dolmens. 

Il  nous  reste  encore  un  grand  nombre  à'auteb  des  peu- 
ples barbares,  isolés  dans  les  plaines  et  sur  les  hauteurs 
ou  réunis  &  d'autres  monuments.  Plusieurs  sont  de  sim 
pies  blocs  de  granit  dont  on  ne  peut  reconnaître  la  desti- 
nation que  par  les  rainures,  les  creux  circulaires  et  certains 
signes  taillés  sur  la  pierre.  Au-dessous,  on  trouve  par- 
fois des  celts  et  d'autres  instruments  en  pierre  et  en 
bronze  qui  paraissent  avoir  appartenu  au  culte.  Il  n'en 
est  qu'un  petit  nombre,  dont  on  puisse  dire  avec  certi- 
tude leur  destination  pour  les  sacrifices  sanglants  *  ;  il  n'est 
du  reste  pas  toujours  facile  de  les  distinguer  de  ceux 
sur  lesquels  on  ne  faisait  que  déposer  les  offrandes.  Quel- 
quefois, ces  blocs  reposent  sur  trois  pierres  ou  supports, 
disposés  à  angle  droit,  mais  peu  élevés  au-dessus  du  sol; 
d'autrefois  leurs  supports  sont  assez  hauts  pour  pouvoir 
pénétrer  sous  la  table  de  l'autel,  comme  dans  une  cellule, 
ce  qui  a  fait  donner  en  Allemagne,  le  nom  A^auteU-grot'- 

*  Ainsi  c«ltti  d«  rBerthabourf  de  RttfM. 


264  monumCnts  db  l'antiquité. 

tes  à  ces  monuments.  Les  Français  les  appellent  dolmens 
(tables  de  pierre)  lorsque  la  table  est  horizontale,  et  demi- 
dolmens  si  elle  est  inclinée  de  manière  qu'une  des  extré- 
mités repose  sur  le  sol.  —  On  désigne  aussi  par  les  noms 
de  dolmens,  lécavènes^  on  trilithes  deux  piliers,  parfois  très 
élevés,  surmontés  d'une  table  en  forme  d'architrave  •.  La 
réunion  de  plusieurs  de  ces  monuments  rapprochés  les 
uns  des  autres  sur  la  même  ligne,  forme  les  autels  pro- 
longés de  l'Allemagne,  appelés  en  F rsince  allées  couvertes^, 
La  différence  d'élévation  de  ces  divers  autels  a  lieu  de 
surprendre  ;  cependant  un  fait  propre  au  culte  des  anciens^ 
Grecs  donne  une  explication  satisfaisante  de  cette  variété 
de  construction  ;  les  autels  que  les  Grecs  élevèrent  en 
l'honneur  des  dieux  du  ciel  furent  parfois  très  grands  ; 
l'un  dédié  à  Jupiter  Olympien  n'avait  pas  moins  de  2^ 
pieds  de  haut*.  Ceux  des  dieux  terrestres  étaient  peu  éle- 
vés, tandis  que  pour  les  divinités  infernales,  on  creusait 
souvent  des  fosses  dans  le  sol. 
Ephorus  *,  né  vers  l'an  352  avant  notre  ère,  remarque 

*  Legrand  d'Auni  distingue  les  dolmens  des  lécavènes  en  ce  que  les  dol- 
mens ont  pour  supports  deux  ou  plusieurs  grandes  pierres  plates  posées  de 
champ  et  parallèles,  tandis  que  les  pieds  des  lécavènes  sont  deux  piliers 
plantés  debout.  Cette  distinction  n'a  pas  prévalu. 

'  Les  uns  sont  élevés  de  20  à  25  pieds,  comme  une  grande  porte;  les  au- 
tres de  3  à  4  pieds,  comme  une  table. 

*  Sous  ces  autels  prolongés  du  Danemark  et  de  la  France  on  a  trouvé  des 
ossements  humains  et  des  urnes  cinéraires,  cela  peut  être  l'inhumation  dans 
les  lieux  sacrés  ;  cependant  les  Romains  et  les  Grecs  éloignaient  soigneuse- 
ment les  sépultures  des  temples  et  des  habitations.  Les  grands  autels  sur  les 
tombeaux  n'indiquent-ils  pas  d'autres  usages  ? 

*  Odyssée,  fln  du  chant  X  et  commencement  du  XI. 

*  Son  histoire  des  guerres  des  Grecs  contre  les  Barbares  est  perdue.  Quin- 
tilien,  X,  cap.  1. 


AGE    DU    FER.  265 

qu'on  ne  trouve  pas  de  temples  en  Ibérie,  mais  à  la  place, 
de  grandes  pierres  réunies  au  nombre  de  3  à  4,  ce  qui 
répond  bien  aux  autels  que  nous  venons  de  décrire.  En 
Portugal  \  près  de  Monte-Moro,  est  un  autel  dont  la  base, 
formée  pard*énormes  pierres  qui  se  rétrécissent  peu  à  peu 
▼ers  le  haut,  supporte  une  autre  pierre  également  gigan- 
tesque, mais  plate  et  inclinée  vers  le  midi.  Trois  ou  qua- 
tre hommes  peuvent  s'abriter  dans  l'intérieur  «le  ce  mo- 
nument. On  en  voit  encore  quelques-uns  dans  Tile  de 
Corse,  —  Nombreux  en  Fratice*,  ils  portent  parfois  le  nom 

*  Btbk  en  Etpagne,  par  Borrow,  tom.  I,  pag.  5S.  Entre  Monte-Morro  et 
Arrojfilos;  il  est  de  forme  circulaire;  les  supports  sont  terminés  par  une 
frottière  sculpture  imitant  une  coquille  (?).  Vers  le  midi  se  trouvait  une  petite 
porte. 

■  Voir  les  détails  statistiques  sur  les  Liis  des  Hunt,  L'opinion  la  plus  ré- 
pandue, dit  le  Magasin  pittoresque^  1885,  pag.  293,  est  que  les  dolmens  ont 
senri  de  sépulture.  Quelquefois  de  petites  rigoles  sont  creusées  sur  la  surface 
cstérieure  du  couvert  et  conduisent  à  des  espèces  de  cuvettes  au  fond  des- 
quelles on  trouve  même,  mais  asseï  rarement,  une  perforation.  Le  sang  des 
victimes  aurait  coulé  par  ces  trous  à  la  manière  des  taurobolisations.  A  Loc- 
imanaquer  les  dolmens  sont  très  t>as  ;  on  y  voit  aussi  sur  les  pierres  de  re- 
couvrement des  rigoles  et  cuvettes,  mais  si  peu  marquées  qu'elles  sont  la 
plupart  du  temps  presque  imperceptibles.  Il  en  exista  d'une  autre  espèce  sur 
BU  dolmen  situé  près  d'Arras,  qu'on  nomme  la  ■  cuisine  des  sorciers,  »  où  les 
raveites  tont  comme  des  godets  creusés  obliquement  dans  la  pierre.  —  Voir 
les  dessins  du  dolmen  de  Crach.  —  L'allée  couverte  de  Hle  de  Gatrinit,  se 
compose  1*  d'une  galerie  longue  de  11  mètres  75  sur  1  ■  80  de  large  et  1  ■ 
M  de  haut,  dont  les  parois  sont  formées  de  13  pierres  debout,  juxtaposées, 
savoir  11  au  sud  et  IS  au  nord  ;  —  i*^  d'une  chambre  ou  ctlla,  de  3*  S5  de 
profondeur  sur  2*70  environ  de  largeur  ;  sa  hauteur  est  de  1  *  80,  à  gale- 
rie, recouverte  par  9  pierres,  une  seule  formant  le  toit  de  la  chambre  est 
dallée  asaex  inégalement  pour  former  des  espèces  de  degrés  et  parait  parta- 
gée en  deux  parties  par  un  seuil.  Ce  dolmen  se  distingue  des  autres  par  ses 
pierres  insculptées  au  nombre  de  19  sur  29.  Ces  glyphes,  taillés  grossière- 
ment k  la  pointe  sur  des  surfaces  brutes,  offrent  des  vermiculatîonfl  à  peu 
près  concentriques,  des  itg-iags,  des  lignes  brisées  parallèles,  le  tout,  tan- 


266  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

de  pierres  des  fées  ou  des  Fades,  qu'on  croit  dériver  de 
vates  c'est-à-dire  devin.  Souvent  ils  sont  déposés  en  grou- 
pes. Dans  un  petit  district  du  département  de  VArdèche, 
on  en  compte  environ  80.  Sur  les  tables,  quelquefois  per- 
cées de  part  en  part,  sont  souvent  taillés  des  creux  et  des 
rainures.  Encore  de  nos  jours,  les  jeunes  filles  qui  dési- 
rent se  marier  dans  Tannée  montent  sur  ces  blocs,  y  dé- 
posent une  monnaie  et  sautent  du  haut  en  bas,  ou  bien 
elles  placent,  en  guise  d'offrande,  dans  les  interstices  des 
pierres,  des  flocons  de  laine  couleur  de  rose  liés  avec  du 
clinquant.  La  table  de  l'autel  de  Limalonge,  dans  le  dé- 
partement des  Deux-Sèvres,  n'a  pas  moins  de  22  Vt  pieds 
delong,42  de  large  et  4  d'épaisseur.  Les  allées  couvertes, 
qui  ne  sont  autres  que  des  dolmens  prolongés,  présentent 
l'aspect  de  galeries  ou  de  corridors  fermés  à  l'une  des 
extrémités,  quelquefois  divisés  à  l'intérieur  en  2  ou  3  par- 
ties et  terminés  par  un  appartement  carré  ou  arrondi. 
L'allée  de  Bagneux  est  remarquable  par  la  grandeur  des 

tôt  couvrant  entièrement  la  surface,  tantôt  paraissant  former  des  séries  ou 
des  divisions  plutôt  capricieuses  que  combinées.  Six  de  ces  pierres  méritent 
une  attention  particulière.  Sur  la  base  de  Tune  on  voit  des  serpents  accom- 
pagnés de  flores  en  forme  de  coins  qu'on  prend  pour  des  celts  (fig.  II,  2]. 
Sur  une  autre  pierre  on  pourrait  voir  un  trophée  de  six  boucliers,  sur  d*au> 
très  ce  sont  deicelU,  Une  pierre  du  fond  de  la  cella  (flg.  II.  4]  semble  offrir 
les  traits  informes  d'un  vieillard.  Enfin  une  autre  pierre  présente  une  ca- 
vité transversale,  faite  de  main  d'homme,  creusée  à  0  ">  15  de  profondeur, 
sur  0  m  58  de  longueur,  et  0  "^  10  de  hauteur,  divisée  en  trois  parties  de  for- 
mes diverses  par  deux  bandes  verticales  de  0  m  5  chacune,  ménagées  dans  la 
surface  de  la  pierre  et  refouillées  pour  former  des  espèces  d'anses  ou  d'atta- 
ches.—  Une  autre  grotte  du  Locmariakerj  d'environ  20  mètres  de  longueur, 
a  aussi  une  cella  marquée  simplement  par  une  «pierre  placée  en  travers.  Les 
côtés  ne  sont  formés  que  de  13  pierres,  une  seule  suffît  pour  fermer  le  fond 
et  14  pour  couvrir  le  tout.  Cinq  des  pierres  verticales  offrent  des  surfaces  in- 
sculptées. Les  figures  sont  plus  régulières  que  celles  de  Gavrinis. 


AGB    DU    FER.  !267 

matériaux  employés  ;  longue  de  60'  large  de  20  et  haute  de 
9^  quatre  énormes  dalles  de  grès  posées  sur  champ,  fer- 
ment chacun  des  deux  côtés.  Il  n'y  a  que  4  couvertes,  dont 
Tune  mesure  22  */«'  de  long  sur  21  de  large.  L'entrée  est 
rétrécie  par  une  plaque  et  l'autre  extrémité  est  fermée  par 
une  seule  dalle.  —  V Angleterre  possède  la  même  variété 
d'autels  que  la  France,  ainsi  que  des  allées  couvertes  de 
grandes  dimensions.  —  Bien  que  la  plupart  de  ces  monu- 
ments aient  dû  disparaître  dans  notre  pays  avec  les  blocs 
erratiques,  on  en  trouve  encore  çà  et  là  des  vestiges.  Près 
de  Genève,  on  voit  dans  le  lac,  à  peu  de  distance  du  bord, 
les  pierres  à  Niton  ou  Neyton,  qui  ont  pu  servir  d'autel  au 
Neith  des  Gaulois.  Il  y  a  environ  deux  siècles  qu'on 
trouva  au  pied  de  la  plus  grande  des  celts  et  un  couteau 
en  bronze.  Le  mot  niton,  étant  aussi  l'un  des  noms  du 
démon,  la  dénomination  de  ce  bloc  équivaut  à  celle  de 
Pierre  du  diable,  nom  qui  fut  fréquemment  donné  à  ces 
monuments  lors  de  l'introduction  du  christianisme  ^  Sur 
le  mont  ie  Charpigny,  attenant  à  celui  de  Saint  Triphon, 
sont  plusieurs  blocs  erratiques,  dont  l'un  recouvrait  des 
celts,  des  amneaux  de  serment  et  un  fer  de  lance  en  bronze 
déposés  en  cercle  dans  la  terre.  Une  découverte  analogue 
a  eu  lieu  à  Juriens  près  de  Romainmôtiers  ;  mais  il  est 
difficile  de  conclure  uniquement  de  ces  faits  à  la  destina- 
tion religieuse  de  ces  blocs.  Sur  une  ancienne  carte  du 
bailliage  i'Oron  est  indiqué  par  ces  mots  :  €  trois  pierres, 
une  sur  les  deux  »  un  dolmen  ou  trilithe  entre  Maracon 
et  la  Rogive.  Près  de  la  Mothe  sur  les  bords  de  l'Arnon, 
un  bloc  d'une  dixaine  de  pieds  de  haut  sur  7  à  8  de  large 

'  Blavignac,  Mon.  ceU.,  pag.  21. 


268  MONUMENTS   DE   l'aNTIQUITÉ. 

reposait  sur  trois  pierres  où  il  avait  été  évidemment  placé 
par  la  main  de  l'homme.  Dans  la  Haute-Engadine,  près  de 
Sins,  on  voit  aussi  des  autels  isolés,  entr'autres  la  pierre 
fitte  qui  a  18  pieds  de  haut  sur  28  de  tour  ^  On  ne  re- 
trouve du  reste  en  Suisse  aucune  allée  couverte,  ni  au- 
cun de  ces  monuments  gigantesques  propres  à  d'autres 
pays. 

Les  autels,  rares  dans  le  midi  de  V Allemagne  et  sur  les 
bords  du  Rhin,  sont  surtout  répandus  au  nord,  dans  les 
contrées  habitées  le  plus  anciennement.  Ils  portent  les 
noms  de  pierres  du  diable,  du  mensonge,  des  druide,  d'é- 
preuve ou  de  châtiment,  et  aussi  de  la  fiancée.  Les  trilithes, 
nombreux  en  France  et  en  Angleterre,  n'ont  guère  été 
observés  qu'au  sud  de  Weimar,  où  ils  sont  appelés  portes 
du  diable.  Les  blocs,  sans  support,  sont  surtout  chargés 
de  rainures,  de  petits  creux  circulaires,  quelquefois  de 
rempreinte  de  mains  ou  de  pieds.  D'autres  fois,  l'autel  re- 
pose sur  trois  pierres  ou  sur  un  plus  grand  nombre,  dis- 
posées de  manière  à  former  une  espèce  de  grotte.  Entre 
Halle  et  Cœthen,  au  milieu  du  village  de  Werben,  est  un 
autel  autour  duquel  la  commune  a  l'habitude  de  s'assem- 

*  Gemàlde  der  Schweii%.  Der  Kanton  Graubunden,  erste  Abtheilung,  seit. 
94.  II  y  est  parlé  de  deux  piliers  «  auf  der  Scheîdecke  des  Julierpasses.  »  Des 
lettres  de  l'an  1396  parlent  déjà  de  la  <  Marmelstein  auf  dem  Julien.  »  Tschudi,  en 
1588,  mentionne  ce  pilier  comme  gisant  sur  le  sol  et  brisé.  Gampell,  en  1571, 
dit  pareillement  que  deux  fragments  gisent  sur  le  sol.  Sprecher,  dans  saPa{~ 
las  rhœt.,  mentionne  trois  fragments.  On  a  parlé,  mais  sans  preuve,  d'inscrip- 
tions de  Jules-César,  non  plus  ultra  et  omitto  vos  Rhœtos  indomitos.  Au- 
jourd'hui sont  encore  debout  deux  piliers  des  deux  côtés  de  la  Julierstrasse, 
grossièrement  travaillés,  de  la  pierre  de  la  montagne,  mesurant  chacun 
4  7i  pieds  de  haut,  sans  aucune  inscription  et  avec  une  cavité  conique  au- 
dessus.  Ces  colonnes  n'ont  point  la  forme  de  miliaires  romains  et  ne  ré- 
pondent point  mal  aux  monuments  celtiques. 


AGE    DU    FBR.  269 

bler.  A  rinlérieur  de  la  ville  de  Halberstadt,  sur  la  place  du 
dôme,  on  voit  encore  la  pierre  de  mensonge  qui  a  été  jus- 
ques  à  la  Réformation  l'objet  de  la  cérémonie  suivante  : 
Chaque  année,  le  peuple  se  portait  en  foule  autour  de 
Tautel,  sur  lequel  on  plaçait  une  image,  représentation 
du  dieu  auquel  il  était  consacré  ;  puis  on  entonnait  cer- 
tains cantiques  et  un  chanoine  abattait  d'un  coup  de  bâ- 
ton la  fausse  divinité.  La  tradition,  moins  fidèle  sur  ce 
point,  raconte  que  les  habitants  de  Halberstadt,  embar- 
rassés dans  la  construction  de  leur  temple,  obtinrent  du 
diable  qu'il  se  chargeât  de  ce  travail,  en  lui  persuadant 
que  ce  bâtiment  était  destiné  à  devenir  une  auberge.  L'é- 
difice était  à  peu  près  achevé  quand  Thabile  ouvrier  s'a- 
perçut qu'il  avait  été  trompé.  Irrité,  il  disparait,  et  revient 
un  peu  après  avec  un  bloc  énorme  pour  détruire  son  œu- 
vre. On  parvint  cependant,  après  beaucoup  d'efforts,  à 
calmer  son  courroux  au  moyen  d'un  compromis.  Il  fut 
convenu  qu'on  élèverait  une  auberge  auprès  du  temple, 
et  le  diable  déposa  sur  la  place  le  bloc  qu'il  avait  apporté, 
menaçant  les  habitants  de  la  ville  d'en  faire  usage  s*ils 
venaient  à  manquer  à  leur  parole.  Ceux-ci  ayant  été  fidè- 
les à  leur  promesse,  le  bloc  n'a  dès  lors  pas  été  remué. — 
La  hauteur  moyenne  des  autels  est  de  5  à  7  pieds.  Celui 
de  Tripiowy  le  plus  grand  de  la  Poméranie,  mesure  19  000 
pieds  cubes.  —  Sur  l'île  de  Rùgen,  non  loin  du  village  de 
Quoltitz,  est  une  colline  d'un  aspect  sauvage,  couverte  en 
partie  de  blocs  erratiques,  dont  le  plus  grand  a  été  choisi 
pour  un  autel.  Long  de  15  pieds,  large  de  12  et  haut  de 
5,  il  est  entouré  de  rainures  ou  petites  rigoles  qui  pa- 
raissent destinées  à  donner  un  cours  déterminé  au  sang 
des  victimes.  Un  bassin  circulaire  a  été  taillé  sur  sa 


270  MONUMENTS    DE    L*ANTIQUITÉ. 

surface,  avec  plusieurs  petits  trous  peu  profonds.  Un  autre 
autel  de  l'île  de  Rûgen  appartient  à  un  ensemble  de 
monuments  dont  il  ne  doit  pas  être  séparé.  La  partie 
nord-est  de  Tîle  est  recouverte  d'une  grande  forêt  de  hê- 
tres qui  s'étend  jusque  sur  les  rochers  de  craie  de  la  rive, 
élevés  d'environ  400  pieds  au-dessus  de  la  mer.  Non  loin  de 
ces  bords  escarpés,  une  dépression  du  plateau  forme  un 
vallon  plein  de  mystères.  C'est  là  que  les  hêtres  touffus 
et  serrés  projettent  leurs  ombres  sur  les  eaux  noires  d'un 
petit  lac,  entouré  en  partie  de  roseaux.  On  l'appelle  le  lac 
d'Hertha.  Sur  la  rive  occidentale,  s'élève  un  retranche- 
ment en  terre,  haut  de  80  à  100  pieds,  ménageant  au  nord 
un  étroit  passage  par  lequel  on  pénètre  dans  ce  sanctuaire 
de  forme  ovale,  découvert  du  côté  du  lac.  Ce  retranche- 
ment qui  a  environ  400  pas  de  tour  et  200  pieds  dans  son 
plus  grand  diamètre  porte  le  nom  de  Herlhabourg.  Au 
nord  de  l'enceinte  est  un  autel  de  granit  peu  élevé,  terminé 
en  arête,  d'où  descendent  deux  faces  inclinées  et  légè- 
rement concaves.  Au  pied  du  bloc,  sur  le  milieu  de  sa 
longueur  repose  un  bassin  en  granit  qui  parait  avoir  été 
destiné  à  recevoir  le  sang  des  victimes.  Auprès  de  l'autel 
une  pierre  peu  élevée  présente  une  surface  plate  sur  la- 
quelle sont  sculptées  les  marques  de  pieds  humains.  La  tra- 
dition raconte  qu'une  druidesse  ayant  des  rapports  avec 
un  jeune  homme  du  collège  des  druides ,  les  prêtres 
inexorables  eurent  recours  aux  mystères  de  leur  culte 
pour  découvrir  la  coupable.  A  cet  effet,  ils  firent  passer 
toutes  les  druidesses  sur  la  pierre  d'épreuve.  Lorsque 
la  prétresse  coupable  d'amour  monta  sur  le  bloc,  elle  y 
laissa  l'empreinte  de  ses  pieds.  Convaincue  par  là  de  son 
crime,  elle  fut  précipitée  dans  la  mer  du  haut  des  ro- 


A6B   DU    FBR.  274 

chers  voisins.  Tacite  *  parle  d'une  île  au  nord  de  la  Ger- 
manie, qu'on  croit  être  celle  de  Rûgen,  où  se  trouvait  une 
forêt,  au  milieu  de  laquelle  était  un  char  consacré  à  la 
déesse  Hertha.  Il  n'était  permis  qu'au  prêtre  seul  de  tou- 
cher à  ce  char  parce  qu'il  savait  à  quel  moment  arrivait 
dans  ce  lieu  la  déesse  qu'on  y  adorait.  Quand  il  sentait  la 
présence  de  cette  divinité,  il  attelait  des  buffles  au  chariot  et 
le  suivait  avec  une  grande  vénération.  Tout  le  temps  que 
durait  cette  cérémonie,  étaient  des  jours  de  fête,  et  partout 
où  le  char  allait  on  le  recevait  avec  beaucoup  de  solennité. 
Chacun  déposait  les  armes,  on  ne  respirait  que  la  paix  et 
le  repos  jusqu'à  ce  que  le  prêtre  eût  reconduit  dans  son 
sanctuaire  la  déesse  rassasiée  de  la  conversation  des 
hommes.  Alors  on  lavait  le  char  dans  un  lieu  secret,  ainsi 
que  les  étoffes  qui  le  couvraient,  et  la  déesse  elle-même  ; 
on  se  servait  pour  cela  d'esclaves  qui  étaient  aussitôt  après 
jetés  et  engloutis  dans  un  lac  voisin.  —  On  sait  que  l'île 
de  Rûgen  était  en  grande  vénération  chez  les  Germains 
pour  les  mystères  du  culte  qu'on  y  célébrait,  et  la  descrip- 
tion de  rhistorien  ne  permet  guères  de  douter  que  la  loca- 
lité dont  nous  venons  de  voir  les  monuments  ne  soit 
celle  où  se  pratiquait  la  cérémonie  du  char  de  la  déesse 
Hertha.  —  Les  autels  prolongés  ou  allées  couvertes,  rares 
dans  les  contrées  de  la  Saale,  sont  nombreux  dans  le  nord 
de  l'Allemagne.  Le  Hanovre  en  possède  plusieurs  de 
grandes  dimensions.  Dans  le  bailliage  d'Haspsted,  on  en 
voit  deux  près  de  Reckum,  dont  l'un  a  7!2  pieds  de  long 
sur  18  de  large. 
Dans  le  Mecklembourg,  l'allée  de  Granzin  est  formée 

*  De  Germ.j  cap.  XL.  l\  l'appelle  Hertus. 


272  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

de  plaques  de  granit  de  10  pieds  de  large,  et  porte  le  nom 
de  four  du  diable.  Deux  allées  près  de  Bergedorf  ont 
chacune  50  pas  de  long.  La  Hollande  possède  aussi  plu- 
sieurs autels,  surtout  dans  la  province  A'Over-Yssel,  habi- 
tée par  les  Frises.  Keissler  mentionne  54  autels  et  allées 
couvertes  dans  la  seigneurie  de  Drenthe.  Les  allées  ont  de 
30  à  76'  de  long  sur  7  à  12  de  large,  et  sont  aussi  for- 
mées de  dalles  gigantesques.  On  a  retrouvé  auprès,  des 
fragments  de  poterie  et  quelques  instruments  en  pierre. 
Nous  nous  bornerons  à  constater  la  même  richesse  de 
monuments  en  Danemark,  en  Nonvège  et  en  Suède,  tout 
en  faisant  observer  que  les  trilithes  ou  dolmens  isolés,  en 
forme  de  porte,  ne  s'y  rencontrent  guères.  Les  habitants 
de  la  Suède  rendent  encore,  en  plus  d'un  lieu,  un  véritable 
culte  à  ces  autels  de  l'âge  païen.  Leurs  pratiques  supers- 
titieuses étant  une  survivance  de  l'ancienne  foi,  méritent 
d'être  recueillies.  Près  de  Linie,  en  Westmanie  est  la 
pierre  des  Elfes  y  bloc  isolé  sur  lequel  sont  taillés  plusieurs 
de  ces  petits  creux  de  2  pouces  de  diamètre  qu'on  a  ob- 
servés sur  un  grand  nombre  d'autels,  sans  pouvoir  en  sai- 
sir la  destination.  Lorsque  les  habitants  de  la  contrée  ont 
un  enfant  malade,  ils  se  rendent  auprès  de  Taulel,  rem- 
plissent un  de  ces  petits  creux  d'une  matière  grasse,  de 
beurre  ou  de  suif  et  y  déposent  une  petite  poupée,  simula- 
cre grossier  de  l'enfant  malade,  afln  de  se  rendre  propices 
les  elfes,  esprits  malins  ou  protecteurs  qui  veillent  sur  la 
santé  de  la  famille.  Sacrilège  est  la  main  qui  enlève  ces 
ex-voto  de  l'autel  où  ils  ont  été  déposés*,  —  Dans  les 
provinces  russes,  vers  la  Baltique,  sont  aussi,  en  plusieurs 

*  La  Klauenstein,  sur  la  Duna  et  les  Perkunsteine  près  de  Liebau. 


AGE   DU    FRR.  273 

lieux,  des  pierres  et  des  arbres  sacrés  sur  lesquels  on 
dépose,  comme  offrandes,  de  petites  monuaies.  Sur  quel- 
ques blocs,  OD  montre  les  traces  des  pieds  des  géants.  Il 
n'est  pas  sans  intérêt  de  retrouver  dans  le  Brésil  des  au- 
tels de  pierres  tout  pareils  à  ceux  de  l'ancienne  Europe  ^ 


Pierres  taillées  ou  sculptées. 

Aussi  longtemps  que  les  peuples  qui  nous  occupent  ne 
possédèrent  que  des  instruments  imparfaits^  on  comprend 
que  l'art  de  la  sculpture  ait  dû  leur  être  étranger.  Si 
dans  la  suite  les  monuments  du  culte  restent  des  piliers 
bruts,  il  faut  que  le  développement  de  l'art  ait  été  arrêté 
par  des  idées  religieuses.  Il  est  en  effet  extrêmement  rare 
de  retrouver  la  représentation  de  quelque  figure  hu- 
maine. Nous  pouvons  cependant  citer  un  petit  nombre  de 
monuments  de  ce  genre  qui  sont  arrivés  jusqu'à  nous. 

Non  loin  du  mont  Salève,  entre  les  villages  de  Troinei 
et  de  Bossey,  s'élève  la  Pierre  aux  Dames,  un  bloc  cu- 
rieux par  son  travail,  dont  nous  empruntons  la  descrip- 
tion au  mémoire  sur  quelques  monuments  celtiques  de 
M.  Blavignac.  €  La  pierre  qui  porte  cette  sculpture,  dit-il, 
est  un  bloc  de  10  pieds  de  longueur,  4  de  largeur  et  envi- 
ron 5  de  hauteur;  ce  bloc  est  placé  au  sommet  d'un  mon- 
ticule de  forme  conique,  ayant  à  sa  base  plus  de  100  pieds 

*  Keferstein,  pag.  244  ou  suivantes. 

On  lit  dans  le  Magasin  pittoresque  de  1859,  pag.  387  :  «  Dans  l'Etat  de 
New-York  il  existe  un  véritable  cromlech  (autre  emploi  de  cette  expression) 
de  15  pieds  sur  10,  et  posé  sur  7  petits  blocs  formant  colonnes  pour  le  sou- 
tenir. 

UtM,  ET  DOCUM.  XXV.  18 


274  MONUMENTS   DE   L*ANT1QUITÉ. 

de  diamètre  sur  près  de  18  de  hauteur.  La  sculpture 
occupe  rextrémité  orientale  de  la  face  de  la  pierre  tournée 
vers  le  sud  ;  elle  représente  4  femmes  ayant  une  taille  de 
pygmée,  car,  bien  que  leurs  têtes  soient  de  grosseur  na- 
turelle, leur  hauteur  totale  ne  dépasse  pas  deux  pieds. 
ToDtes  ces  figures,  autant  du  moins  qu'on  peut  en  juger 
sur  un  ouvrage  aussi  imparfait,  ont  la  tète  nue;  elles 
sont  revêtues  d'une  sorte  de  tunique,  et  tiennent  dans 
leurs  mains,  ramenées  au  milieu  de  la  poitrine,  un  objet 
semblable  à  une  bourse.  Cet  ouvrage  curieux  ne  peut 
être  attribué  qu'aux  peuples  qui  habitèrent  nos  con- 
trées antérieurement  à  la  domination  romaine.  Le  genre 
de  travail,  l'exacte  orientation  du  bloc,  dont  l'axe  est 
dans  la  direction  du  nord-ouest  au  sud-est,  le  ruisseau 
qui  coule  encore  au  pied  de  la  colline,  les  noms  de 
crito  et  de  Pierre-aux-Dames  ou  aux  Demoiselles,  don- 
nés de  temps  immémorial  au  monticule  et  au  monu- 
ment qui  s'y  trouve,  tout  concourt  à  nous  démontrer  que 
sa  consécration  a  eu  lieu  sous  l'influence  du  culte  druidi- 
que. —  Mais  pour  quels  motifs  et  à  quelles  fins  eut  lieu 
cette  consécration  ?  Des  difficultés  sans  nombre  s'opposent 
à  la  solution  complète  de  ce  problème.  Près  de  la  pierre 
on  voit  d'autres  fragments  granitiques.  M.  Salverte  se 
basant  sur  l'ensemble  de  ces  l)locs  et  sur  une  tradition 
locale,  a  cru  trouver  dans  la  Pierre-aux-Dames  un  monu- 
ment astronomique.  »  Voici  ce  qu'il  dit  à  cet  égard  : 
c  La  tradition  s'exprime  uniformément  sur  l'antiquité 
immémoriale  de  la  Pierre-aux  Dames;  le  bloc,  ajoute-t- 
il,  couvre  la  sépulture  de  quatre,  amantes  infortunées» 
qui,  éprises  du  même  amant,  en  furent  tour  à  tour  chéries 
et  délaissées,  et  l'une  après  l'autre  expirèrent  consumées 


âge:  du  fer.  27S 

de  regrets.  Suivant  quelques  récits,  Tamant  perfide  repose 
lui-même  à  côté  de  ses  victimes  ;  la  place  de  son  tom- 
beau est  marquée  par  le  second  bloc  de  pierre,  dont  la 
destination  se  rattache  à  celle  du  premier.  Que  le  monti- 
cule couvre  un  sépulcre,  cela  n'a  rien  d'impossible,  mais 
on  n'admettra  pas  aussi  facilement,  au  moins  dans  le  sens 
littéral,  le  reste  de  la  légende  Si,  au  contraire,  on  veut 
le  considérer  comme  une  allégorie  ;  si  l'on  songe  à  la  po- 
sition orientée  de  la  principale  pierre,  à  la  possibilité 
apparente  que  la  seconde  ait  été  une  pierre  droite,  un  mo- 
nument solaire;  si  l'on  se  rappelle  que,  chez  presque  tou- 
tes les  nations,  le  soleil,  sous  différents  noms,  a  eu  tantôt 
des  tombeaux,  tantôt  des  cénotaphes,  représentation  mys- 
térieuse de  la  fin  et  de  la  renaissance  de  l'année,  qui  se- 
ront les  quatre  amantes  tour  à  tour  chéries  et  délaissées  ? 
Les  quatre  saisons  qui,  aux  termes  fixés  par  la  nature,  se 
ravivent  tour  à  tour,  et  se  lèguent,  en  expirant,  les  fa- 
veurs  du  dieu  de  la  lumière.  Et  près  de  leurs  emblèmes, 
dirigé  vers  le  point  du  ciel  d'où  part  sa  chaleur  la  plus 
féconde,  le  dieu  lui-même  aura  trouvé  un  emblème  dans 
cette  pierre  droite,  dont  l'ombre  indiquait  aux  regards 
la  marche  du  jour,  et  les  diverses  époques  de  l'année.  » — 
M.  Blavignac  n'admet  pas  cette  interprétation  qui  s'appuie 
sur  une  tradition  qu'il  croit  peu  ancienne.  Les  fouilles 
qu'il  a  dirigées  sur  cette  colline  ont  eu  pour  résultat  de 
constater  sa  formation  naturelle,  et  il  croit  que  ce  monu- 
ment consacré  aux  dames  ou  fées,  dont  il  porte  la  repré- 
sentation, était  l'objet  d'un  culte  de  la  part  des  habitants 
de  la  contrée. 

M.  de  Bonstetten  verrait  là  un  monument  gallo-romain. 
Il  prétend  qu'on  a  trouvé  au  dessous  des  tuiles  romaines. 


276  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

Le  fait  serait  intéressant  à  constater.  Si  les  Huns,  comme 
on  le  dit,  ont  eu  des  monuments  pareils,  ou  môme 
d'autres  peuples  du  temps  des  invasions,  les  sculptures, 
sans  rien  avoir  de  gallo-romain,  peuvent  être  de  cet  âge 
ou  même  postérieures.  On  mentionne  chez  les  Kourganes 
entre  le  Dnieper,  le  Tereck  et  l'Oural  des  statues  gros- 
sières qui  s'étendent  jusque  dans  le  Caucase  et  principale- 
ment aux  environs  de  Bakhmout.  Voici  ce  qu'en  disait 
Ruysbock  au  XIII®  siècle,  a  Pour  les  Comans,  ils  ont  cou- 
tume d'élever  un  tertre  sur  la  sépulture  du  mort,  et  lui 
dressent  une  statue,  la  face  tournée  vers  l'orient,  et  tenant 
une  tasse  à  la  main  vers  le  nombril.  Aux  riches  et  grands 
ils  dressent  des  pyramides  ou  petites  maisons  pointues  ; 
et  j'ai  vu  en  des  endroits  de  grandes  tours  de  briques,  et 
en  d'autres  des  maisons  bâties  en  pierre,  encore  qu'en 
ces  quartiers-là  on  n'y  en  trouve  point.  J'ai  vu  aussi  une 
sépulture  où  ils  avaient  suspendu  seize  peaux  de  cheval 
sur  de  grandes  perches,  quatre  à  chaque  face  du  monde  ; 
puis  ils  y  avaient  laissé  du  cosmos  (liqueur  distillée  du 
lait  de  jument  fermenté)  pour  boire,  et  de  la  chair  pour 
oranger.  Cependant  ils  disaient  que  ce  mort  avait  été  baptisé  * . 
J'y  ai  remarqué  d'autres  sépultures  vers  l'orient:  c'étaient 
de  grands  carrés  de  pierres,  les  unes  rondes,  les  autres 
carrées  ;  puis  quatre  pierres  longues  aux  quatre  coins  à 
Tentour  de  cet  espace  *.  »  Le  costume  et  les  traits,  dit 
Pallas,  indiquent  pour  ces  statues  une  origine  mongole. 
Toutes  ont  le  visage  tourné  vers  l'orient  et  sont  placées 
sur  des  tombes  de  moyenne  grandeur.  Il  est  probable 
qu'elles  sont  l'ouvrage  d'un  peuple  beaucoup  plus  ancien 

*  Traduct.  de  Bergeron,  p.  19. 


AGE    DU    FER.  377 

que  les  Comans,  el  les  tombeaux  dont  parle  Ruysbock 
doiveut  être  attribués  à  diverses  nations.  Dans  les  con- 
trées les  plus  orientales,  toutes  ces  figures  grossièrement 
taillées  n'offrent  le  plus  souvent  qu'une  simple  marque  ; 
mais  dans  les  plaines  qui  bordent  la  mer  d'Azof,  et  surtout 
dans  celles  du  nord,  elles  sont  déjà  sculptées  avec  assez 
d'art  pour  qu'on  y  puisse  reconnaître  le  type  de  la  face, 
les  proportions  des  membres,  une  partie  du  costume,  et 
les  ornements  des  deux  sexes  ;  elles  y  sont  assez  multi- 
pliées pour  faire  présumer  que  la  nation  qui  les  y  a  pla- 
cées a  dû  faire  un  long  séjour  dans  ces  lieux  ;  les  images 
des  hommes  sont  toutes  coiffées  d'un  petit  bonnet  rond 
qui  couvre  le  sommet  de  la  tête,  semblable  à  celui  que 
les  Mongols  portent  encore  aujourd'hui  ;  le  contour  de  la 
tête  est  rasé;  les  cheveux  du  sommet  forment  trois  tresses 
qui  se  réunissent  et  tombent  sur  le  dos  ;  l'habit  court, 
les  courroies  passées  par-dessus  l'épaule  et  les  bottes 
n'ont  cependant  pas  les  formes  usitées  aujourd'hui  chez 
les  Mongols.  Les  figures  des  femmes  ont  des  bonnets  qui  ne 
ressemblent  en  rien  à  ceux  du  peuple  du  nord  de  l'Asie; 
mais  les  colliers  de  coraux  et  les  tresses  de  cheveux  appar- 
tiennent aux  Mongols.  Les  statues  des  deux  sexes  ont 
aussi,  comme  ces  peuples  eux-mêmes,  des  figures  larges 
et  plates.  Toutes  ces  statues  tiennent  des  deux  mains,  sur 
le  ventre,  une  tasse  ou  petit  vase,  comme  on  représente 
certaines  idoles  du  Thibet,  et  il  serait  très  difficile  d'en 
donner  au  juste  l'explication.  Si  l'on  en  juge  par  les  traits 
caractéristiques  de  ces  figures,  elles  doivent  provenir 
d'une  nation  mongole ,  et  si  les  Huns  ont  fait  partie  de  la 
même  race,  comme  l'analogie  de  quelques  mots  de  leur 
langue  avec  celle  des  Mongols  et  la  description  de  leurs 


278  MONUMENTS   DE    l'âNTIQUITÉ. 

caractères  physiques  par  les  écrivains  grecs,  semblent 
rindiquer,  on  pourrait  à  juste  titre  leur  attribuer  ces  mo- 
numents. Peut-être  même  pourrait-on  désigner  en  parti- 
culier la  tribu  des  Oelets,  qqi  doit  s'être  retirée  ancienne- 
ment à  l'ouest  suivant  la  tradition  des  Kalmouks.  Ammien 
Marcellin  fait  déjà  mention  de  ces  statues  sur  les  bords  du 
Pont-Euxin,  et  compare  la  forme  de  leur  visage  à  celle  des 
Huns.  Elles  ne  portent  jamais  d'inscription.  On  peut  les 
attribuer  aux  anciens  Huns  avec  d'autant  plus  de  vraisem- 
blance qu'elles  remontent  au  temps  où  le  christianisme 
florissait  parmi  les  peuples  du  Caucase,  ceux-ci  au  lieu 
de  statues  élevaient  des  croix  de  pierre,  encore  clair-se- 
mées  dans  ces  contrées. 

Il  est  rare  aujourd'hui  de  trouver  à  l'ouest  du  Don,  des 
figures  de  ce  genre  sur  la  place  même  où  elles  ont  été  éri- 
gées, ajoute  Pallas.  La  plupart  ont  été  enlevées,  et  gisaient 
à  la  surface  du  sol  ou  au  bord  des  routes,  jusqu'à  ce  que 
le  gouvernement  russe  eût  donné  l'ordre  de  réunir  les  plus 
remarquables  dans  un  musée  qu'il  se  propose  de  former 
à  Ekathérinoslaf.  Cependant  nous  en  avons  encore  ren- 
contré un  certain  nombre  aux  environs  de  Bakhmouth,  en 
1837;  quelques-uns  se  trouvent  au  milieu  des  bourgades. 
A  Petropavlofka,  entre  Ekathérinoslaf  et  Bakhmouth,  elles 
étaient  fichées  en  terre  en  face  de  la  maison  de  poste.  On 
pouvait  y  reconnaître  la  plupart  des  caractères  mentionnés 
dans  la  description  qui  précède,  moins  les  vêtements  et 
les  courroies  dont  il  n'y  a  pas  trace.  Mais  de  plus  on  y 
remarquera  une  certaine  obésité  qui  caractérise  plusieurs 
nations  d'origine  mongole. 

Que  la  pierre  aux^Dames  de  Genève  soit  antérieure  ou 
postérieure  à  l'ère  chrétienne,  c'est  de  ce  genre  de  statues 


AGB    DU    FER.  279 

qu'elle  semble  se  rapprocher.  C'est  encore  vers  cette  pierre 
que  le  soir  des  brandons  on  allume  lé  premier  feu,  chef  de 
file  de  ceux  de  la  contrée.  Elle  porte  sur  sa  surface  un 
petit  bassin  allongé  mais  qui  n'a  cependant  pas  le  carac- 
tère de  ceux  du  pied  du  Jura.  Il  faudrait  s'assurer  si  ceux 
que  porte  la  pierre  à  Niton  ont  été  taillés,  comme  le  sup- 
pose Blavignac,  en  vue  de  l'érection  d'une  croix  lors  de 
l'introduction  du  christianisme. 

D'après  M.  Blavignac,  l'objet  cylindrique  qu'on  voit  à 
la  main  des  figures  de  la  pierre  aux  Dames  est  une  bourse 
qui  indiquerait  que  le  monument  a  été  dédié  aux  fées 
gardiennes  des  trésors  de  la  terre.  Sans  nous  arrêter  à 
cette  dernière  idée,  qui  nous  parait  peu  fondée,  nous  nous 
bornerons  à  rapprocher  ces  sculptures  de  la  pierre  aux 
Dames  de  figures  pareilles  provenant  de  contrées  fort 
éloignées.  En  Rmsie  on  a  trouvé  dans  un  tumulus  du 
gouvernement  d'Orenbourg  une  coupe  en  billon  qui  porte 
une  figure  dont  l'attitude,  le  vêtement  et  l'objet  mysté- 
rieux entre  les  mains  sont  parfaitement  pareils  aux  sculp- 
tures de  la  pierre  aux  Dames.  On  conserve  dans  le  bâti- 
ment de  l'université  de  Moscou  trois  statues  en  grès,  d'un 
travail  grossier,  qui  présentent  plus  d'un  trait  analogue. 
M.  Du  Bois  de  Montpéreux  dit  que  dans  une  assez  grande 
étendue  du  midi  de  la  Russie,  on  trouve  des  tumuli  cou- 
ronnés *de  statues  plus  ou  moins  informes,  que  le  peuple 
appelle  baba\  Un  passage  d'Âmmien  Marcellin  mentionne 
déjà  ces  statues  auxquelles  il  compare  les  Huns.  Ces  sta- 

*  Annuaires  de$  voyages,  1846,  pag.  41.  —  Dubois,  4*  série,  pi.  XXXI,  6, 
dessins  de  14  baba  ou  statues  différentes. 

Les  prêtres  d'Ifa,  déesse  des  palmiers,  chez  les  Yorubas,  en  Afrique,  por- 
tent le  nom  de  Babbalao.  Il  serait  curieux  de  savoir  ce  que  signifie  ce  lao. 


280  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITB. 

tnes  portent  évidemment  sur  leur  figure  le  type  mongol, 
saillant  surtout  dans  l'expression  des  yeux.  La  plupart 
tiennent  des  deux  mains  sur  le  ventre  une  espèce  de  go- 
belet, que  M.  Du  Bois  a  cru  reconnaître  pour  celui  qui 
était  employé  dans  les  cérémonies  des  Parsis,  disciples  de 
Zoroastre.  Mais  il  ajoute  que  tout  le  monde  n'est  pas 
d'accord  à  ce  sujet  et  qu'on  a  voulu  voir  dans  cet  objet 
cylindrique  un  livre  roulé  plutôt  qu'une  coupe.  Il  est  à 
observer  que  bon  nombre  de  ces  tumuli  à  statues  se  trou- 
vent dans  le  pays  de  Gherrus  où,  d'après  Hérodote,  les 
Scythes  inhumaient  leurs  rois*.  Aucune  fouille  régulière 
n'a  encore  fait  connaître  l'intérieur  de  ces  collines  en 
sorte  qu'on  ne  peut  dire  si  ce  sont  des  tombeaux  ou 
des  constructions  religieuses.  Ce  n'est  pas  seulement  dans 
le  midi  de  la  Russie  qu'on  trouve  les  baba.  Pallas  en  a  vu 
beaucoup  sur  les  bords  du  Yéniseï,  en  Sibérie,  et  quel- 
ques-unes clair-semées  près  de  l'Irtisch  et  du  Samara. 
Plus  on  va  vers  l'orient,  plus  ces  statues  sont  grossiè- 
rement taillées  ;  ce  sont  des  figures  qui  n'offrent  qu'un 
simple  masque,  tandis  que  sur  les  rives  de  la  mer  d'Âsof, 
elles  sont  sculptées  avec  assez  d'art  pour  qu'on  puisse  y 
reconnaître  le  caractère  national  des  figures  *.  Il  est 
curieux  de  retrouver  au  pied  de  Salève  la  représentation 
de  figures  analogues,  et  cela,  comme  dans  le  midi  de  la 
Russie  et  l'Asie  du  Nord,  sur  une  colline  de  forme  tumu- 
laire.  Ce  qui  n'est  pas  moins  surprenant,  c'est  que  la 

*  Il  est  situé  à  l'est  du  Dnieper,  sur  le  plateau  des  sources  du  Khouskii- 
Vodi  (Danticapès)  et  du  Tokmak  (le  Gherrus).  Du  Bois,  Atlas,  lr«  série,  pi.  IX. 

*  Au-dessus  du  Caucase,  les  haha  ne  commencent  qu'au  nord  du  Stauropol, 
situé  au  sud  de  la  province  russe  du  Caucase,  au-dessus  de  la  rive  droite 
du  Kouban. 


AGB   DU    FBR.  281 

pierre  aox  Dames  soit  le  seul  rnoonment  de  ce  genre  ob- 
servé en  occident,  do  moins  à  notre  connaissance.  Il  existe 
bien  dans  les  collections  de  Stottgardt  une  statue  en  grès 
de  grandeur  surnaturelle,  découverte,  il  y  a  deux  siècles, 
en  Wurtemberg.  La  raideur  de  l'attitude  ne  permet  pas 
d'en  faire  un  travail  romain.  Elle  représente  une  femme 
vêtue  d'une  robe  sans  ampleur  qui  retombe  jusque  sur 
les  pieds  ;  les  bras  pendants  sont  ramenés  sur  le  devant 
du  corps;  la  tête  est  nue,  et  de  grandes  tresses  pendent 
le  long  du  dos,  de  la  même  manière  que  chez  les  paysan- 
nes wurtembergeoises.  Cette  statue  n'a  donc  ni  le  cos- 
tume, ni  l'objet  cylindrique  qui  distinguent  les  baba.  Ces 
grossiers  essais  sont  les  seuls  que  nous  connaissions  de 
Tart  du  statuaire  chez  les  Barbares.  On  voit  cependant 
dans  différentes  collections  les  images  informes  d'hommes 
ou  d'animaux  en  bronze  et  même  en  fer,  mais  elles  ap- 
partiennent en  général  aux  premiers  temps  chrétiens. 

Il  existe  en  France  un  grand  nombre  de  blocs  creusés*, 
dont  la  destination  est  douteuse,  bien  qu'ils  ne  soient  pas 
tumulaires,  on  a  trouvé  sous  l'un  d'eux,  à  Louviers  en 
Normandie,  des  squelettes  disposés  dans  le  sol  comme 
les  rayons  d'un  cercle.  A  Saint- Sulpice  sur  Rille,  près  de 
V Aigle,  un  support  de  dolmen  porte  trois  petits  croissants 
gravés  en  croix  et  disposés  en  triangle*.  Près  de  Locfe- 
Maria-Ker  est  un  autre  dolmen  dont  un  support  est 


*  On  voit  sur  quelques  dolmens  des  bassins  dont  les  plus  grands  ont  de  2 
à  4  pieds  de  diamètre,  et  jusqu'à  quatre  bassins  dans  la  même  pierre.  Le 
même  fait  est  propre  à  l'Angleterre.  Voir  la  note  1  de  la  page  305. 

•  Près  de  Lock-Maria-Ker,  dolmen  dont  la  table  est  couverte  au-dessous 
d'excavations  rondes  d'un  pouce  et  demi  de  largeur,  disposées  symétriquement 
en  cercles,  ce  qui  donne  au  tout  l'apparence  de  la  surface  d'un  crible. 


282  MONUMENTS    DE    L*ANT1QU1TÉ. 

chargé  de  moulures  verticales,  arquées  par  le  haut,  et 
rangées  par  ligne  les  unes  au-dessus  des  autres.  Les 
sculptures  les  plus  compliquées  trouvées  en  Bretagne 
sont  à  l'intérieur  de  la  cellule  placée  à  l'extrémité  de  l'allée 
couverte  près  du  golfe  de  Morbihan.  Ce  sont  des  cercles, 
des  croissants  et  d'autres  figures  dans  des  encadrements 
divers*. 

En  Angleterre  on  voit  près  de  Salisbury  un  rocher  qui 
a  été  taillé  de  manière  à  pouvoir  reconnaître  la  forme  du 
cheval.  Ailleurs  ce  sont  des  bassins,  des  vases  géants,  des 
grottes,  des  sièges  ou  des  sortes  de  trônes'.—  Dans  la 
Loppa  sont  des  rochers  de  grès  de  plus  de  100  pieds  de 
haut,  sur  lesquels  on  a  taillé  des  degrés  et  des  cellules, 
mais  les  sujets  chrétiens  qu'on  voit  auprès,  et  la  retraite 
qu'en  firent  des  ermites  dans  le  XIII^  siècle  permettent 
de  douter  que  ces  rochers  aient  été  taillés  avant  Tintro- 
duction  du  christianisme.  On  montre  de  même,  dans  la 
Suisse  saxonne  et  dans  la  contrée  de  VOder  près  de  la 
Bohême ,  des  piliers  naturels  d'une  grande  élévation 
qui  présentent  des  figures  diverses  et  qu'on  croit  avoir 
été  taillés  par  la  main  de  l'homme,  cependant,  malgré 
leurs  formes  pittoresques  ou  originales,  je  n'ai  pu  y  voir 
que  le  produit  d'un  simple  caprice  de  la  nature.  —  Quant 
à  la  sculpture  Scandinave,  je  ne  puis  mentionner  que  les 
images  des  vaisseaux  gravés  sur  les  rochers.  Les  figures 
fantastiques,  qui  recouvrent  plusieurs  pierres  tumulaires, 
sont  toujours  accompagnées  d'inscriptions  runiques,  qui 
datent  d'une  époque  postérieure  à  celle  qui  nous  occupe. 

*  De  Cauraont,  Cours  d'antiquité,  tora.  I,  pag.  115  et  suiv..  —  Société  des 
antiquaires  de  France,  VUi«  vol.  —  Magasin  pittoresquCy  1845,  pag.  292  el 
note  1,  pag.  305. 

*  sSurtout  dans  le  Derbyshire  et  le  Yorkshire. 


AGE    DU    FBR.  283 


Cromlecks,  lits  des  Huns,  alignements, 
groupes  de  pierres. 

Les  monumeDts  du  culte,  que  nous  venons  de  décrire» 
sont  des  blocs  de  formes  et  de  destinations  diverses,  isolés 
ou  groupés  sans  ordre.  Il  est  un  grand  nombre  de  blocs 
pareils  déposés  ou  dressés  sur  le  sol  de  manière  à  en- 
tourer un  espace  déterminé  ou  à  former  des  figures  di- 
verses. Nous  avons  déjà  vu  des  cercles  de  piliers  encein- 
dre  ou  couronner  les  tumuli  de  Tâge  primitif.  Ces  mêmes 
cercles  ont  souvent  été  formés  sur  les  plaines,  avec  un 
autel  ou  un  grand  menhir  au  centre,  mais  sans  aucune 
trace  de  sépulture.  Ces  arrangements  figurent  aussi  des 
demi-cercles,  des  ellipses,  des  carrés,  des  triangles,  des 
alignements  droits  ou  sinueux.  C*est  par  l'examen  de  ces 
monuments  que  nous  pourrons  nous  faire  une  idée  de 
leur  destination  chez  les  Barbares. 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  retrouver  dans  l'ancienne 
Grèce  les  vestiges  d'arrangements  pareils  et  de  pouvoir 
connaître  les  idées  qui  se  rattachaient  à  ces  blocs.  Pausa- 
nias  raconte  que  dans  la  ville  de  Phares,  en  Achaïe,  on 
voyait  un  marbre  de  forme  carrée,  surmonté  de  la  tête  de 
Mercure  ;  auprès  du  Dieu  était  un  oracle  et  au-devant  une 
table  de  marbre,  à  laquelle  étaient  fixées  des  lampes;  il 
y  avait  en  outre  une  trentaine  de  pierres  carrées  qui  por- 
taient toutes  le  nom  de  quelque  divinité  et  auxquelles 
les  Pharéens  rendaient  un  culte.  Dans  les  temps  les  plus 
reculés,  tous  les  Grecs  en  général  rendaient  de  môme  les 
honneurs  divins  à  des  pierres  brutes  qui  leur  tenaient  lieu 


284  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

de  statues.  «  Celui  qui  veut  consulter  Mercure,  ajoute 
Pausauias,  vient  vers  le  soir,  brûle  de  l'encens  sur  la 
table,  remplit  les  lampes  d'huile  et  les  allume,  met  sur 
l'autel,  à  droite  de  la  statue,  une  pièce  de  monnaie  du 
pays  et  demande  ensuite  à  l'oreille  du  dieu  ce  qu'il  veut 
savoir.  La  question  faite,  il  s'en  va  de  la  place  publique  en 
se  bouchant  les  oreilles  ;  lorsqu'il  en  est  dehors,  il  les 
débouche  en  retirant  les  mains  et  prend  pour  la  réponse 
de  l'oracle  la  première  parole  qu'il  entend  ^  >  Ce  passage 
montre  clairement  que  dans  les  temps  les  plus  reculés» 
des  pierres  brutes  étaient  vénérées  par  les  Grecs  comme 
des  dieux  et  que  ces  images  informes  n'étaient  pas  seu- 
lement isolées,  mais  réunies  en  groupes,  à  l'intérieur  des- 
quels se  trouvait  un  autel  placé  devant  l'image  d'un  oracle 
et  du  dieu  principal,  dont  on  obtenait  des  révélations  au 
moyen  de  certaines  offrandes.  Non-seulement  on  retrouve 
chez  les  Barbares  le  même  arrangement  de  blocs,  mais  la 
tradition  leur  donne  en  outre  des  dénominations  qui  ren- 
dent ces  rapports  encore  plus  frappants.  Nous  avons  vu 
que  quelques  tumuli  de  Vllalie  sont  aussi  entourés  de 
pierres  disposées  en  cercle.  —  Sur  les  îles  de  Malte,  de 
Gozzo*,  de  Majorque  ei  de  Minorque,  on  voit  plusieurs  de 
ces  monuments  de  pierre.  —  En  Espagne,  près  de  Garda^ 
d'Anto  et  de  Penalva,  de  grands  autels  sont  souvent  entou- 


*  Pausanias,  édition  de  Clayier,  lib.  VU,  cap.  22. 

Odyssée  III,  i06.  Nestor  va  s'asseoir  entouré  de  ses  fils,  le  sceptre  en 
main,  sur  les  pierres  blanches  et  polies  qui  étaient  à  l'entrée  de  son  palais, 
et  sur  lesquelles  son  père  Nélée  avait  coutume  de  s'asseoir. 

Odyssée  VIII.  Âlcinous,  dans  Ttle  de  Phéacée  ou  de  Corfou,  tient  une  as- 
semblée, et  l'on  est  assis  sur  des  pierres  polies. 

*  Archéol.  britan.  XXII,  pi.  16-18, 1828.  —  Nouvelles  annales  de  l'Institut 
archéolog.  II. 


AGE   DU    FER.  38S 

Fés  de  piliers.  Eotre  Oporto  et  Almeida,  dans  le  Portugal, 
est  un  cercle  de  9  men-hirs  de  8  pieds  de  haut*.  —  En 
France,  l'arrangement  des  pierres  figure  des  carrés,  des 
ellipses,  des  cercles,  ayant  un  ou  deux  rangs,  avec  ou 
sans  fond  à  l'extérieur.  Quelquefois  une  entrée,  à  laquelle 
on  arrive  par  un  double  alignement  de  blocs,  a  été  ména- 
gée à  chaque  point  cardinal.  Les  cercles  portent  le  nom  de 
cromlechs  {crom  courbe,  i^cA  pierre)  ou  de  cercles  druidi- 
ques ;\q  peuple  les  appelle  Dam^^*  ou  woce  des  fées.  Les 
allées  ou  alignements  sont  formés  de  pierres  disposées 
parallèlement,  sur  deux  ou  un  plus  grand  nombre  de 
rangs,  en  ligne  droite  ou  sinueuse.  Ces  diverses  figures, 
isolées  ou  combinées,  renferment  parfois  plusieurs  men- 
hirs et  autels  simples  ou  prolongés.  —  Les  parties  les 
plus  riches  de  la  France  sont  la  Bretagne*,  le  Poitou,  TAn- 
jou  et  le  Vivarais.  — A  Gillainville,  près  de  Chartres,  est 
une  ellipse  de  60  pieds  de  long'.  Dans  le  pays  chartrain, 
on  voit  encore  un  grand  carré  long  et  dans  Vile  aux  Moines 
sur  le  golfe  de  Morbihan,  un  cromleck  elliptique  de  300 
pieds  de  long  sur  200  de  large.  —  Le  sanctuaire  de  Bon- 
neval*  est  formé  de  100  blocs  énormes,  qui  recouvrent 
un  espace  long  de  500  pieds  et  large  de  200.  Sur  la  rive 
gauche  dn  Rhin  est  le  jardin  des  fées,  près  de  Lutzelhau- 
sen,  dans  les  Vosges.  On  y  voit  un  beau  cromleck  de  100 
pieds  de  diamètre,  dont  une  partie  est  formée  de  grands 


*  Voyage  en  Etpagne,  de  Twis,  de  1772-1773. 

*  Près  Keransker,  Quimperlé,  Heonebond,  Ladevan,  Moeltan. 

'  De  douze  blocs  de  grès  brut  ;  un  pareil,  mais  plus  grand,  dans  la  pres- 
qu'île de  Kermevan,  à  5  lieues  de  Brest.  Un  grand  carré  dans  le  même  dé- 
partement. —  Mémoires  de  la  Soc.  des  antiq.  II,  pi.  I. 

*  Eure  et  Loire. 


286  MONUMENTS    DB   l'aNTIQUITÉ. 

blocs  et  l'autre  d'un  mur  cyclopéen  ;  à  l'intérieur  sont 
d'immenses  pierres,  débris  d'anciens  autels.  Quelques 
lieues  plus  loin,  dans  la  contrée  de  Dabo,  on  montre  une 
construction  analogue,  nommée  le  château  égyptien^.  — 
D'entre  les  alignements,  le  monument  le  plus  célèbre  est 
celui  de  Carnac*,  dans  le  Morbihan.  Onze  files  parallèles, 
dirigées  du  S.  E.  au  N.  0.  occupent  un  espace  de  763 
toises  de  long  sur  47  de  large.  A  l'extrémité  N.  0.,  toutes 
ces  files  partent  d'un  grand  demi-cercle,  nommé  Ti-cho- 
riguety  c'est-à-dire  demeure  des  nains.  La  plupart  de  ces 
pierres,  toutes  en  granit,  sont  des  men-hirs  dont  les  plus 
grands  ont  18  à  20  pieds  de  haut.  Plusieurs  ont  été 
plantés  la  pointe  en  bas  ;  d'autres  blocs  pèsent  de  7  à  8000 
livres.  Dans  le  siècle  passé,  on  comptait  encore  environ 
4000  de  ces  piliers  ;  lorsque  l'alignement  était  complet,  il 
devait  en  avoir  près  de  10000.  Le  peuple  y  voit  une  armée 
de  géants  pétrifiés.  Sur  les  côtés  de  ce  monument,  sont 
de  grands  carrés^  des  cromlecks,  des  autels,  deux  men- 
hirs énormes  de  35  et  63  pieds  de  haut,  et  de  grandes 
collines  artificielles.  Cette  armée  de  rochers  informes,  au 
milieu  de  bruyères,  avec  un  horizon  bordé  de  sapins,  nous 
reporte  à  ces  Ages  reculés  où  les  processions  s'avançaient 
le  long  des  piliers  sacrés  jusque  vers  les  enceintes  où  les 
Druides  accomplissaient  les  mystères  de  leur  culte.  — Les 
alignements  d'Ardowen,  disposés  sur  9  files  parallèles  (du 
N.  au  S.),  d'une  demi-lieue  d'étendue,  se  replient  un  peu 
vers  l'ouest  et  se  terminent  vers  un  de  ces  petits  lacs 
consacrés  à  quelque  divinité.  Au  point  de  départ,  est  une 

*  Keferstein. 

*  Cette  expression  doit-elle  être  rapprochée  du  karnac  égyptien  ? 


AGE    DU    FBR.  287 

ligne  droite  diagonale,  formée  de  blocs,  et  munie  d'un 
grand  menhir  à  chaque  extrémité. 

VAngteterre  est  encore  plus  riche  que  la  France  en 
monuments  du  culte.  Ce  sont  des  cromlecks  autour  d'un 
men-hir  géant,  des  cercles  simples  ou  concentriques  ren- 
fermant un  autel  et  un  men-hir,  auxquels  on  arrive  parfois 
par  des  allées  sinueuses;  d'autrefois,  plusieurs  cromlecks 
sont  disposés  de  manière  à  former  un  grand  triangle. 
Sur  l'île  seule  de  Jersey  on  comptait  dans  le  XVII®  siècle 
plus  de  50  de  ces  arrangements.  Dans  quelques  localités 
on  les  appelle  Parcs  d'Arthur  et  aussi  temples  des  Druides. 
Nous  nous  bornerons  à  la  description  des  deux  monu- 
ments les  plus  remarquables.  —  Au  commencement  du 
siècle  Ipassé  on  a  détruit  en  partie  le  grand  cromleck 
ù'Aveburg,  dans  le  comté  de  Wilts.  Placé  sur  un  plateau 
d'où  le  terrain  s'abaisse  de  tous  côtés,  il  se  composait  d'au 
moins  660  pierres,  dont  plusieurs  pèsent  1400  quintaux. 
Le  grand  cercle,  de  140  toises  de  diamètre,  était  formé  de 
100  piliers,  hauts  de  15  à  46  pieds  et  placés  à  27  pieds 
les  uns  des  autres;  à  l'entour,  un  fossé  circulaire,  avec  une 
levée  de  terre  à  l'extérieur,  présentait  comme  les  gradins 
d'un  amphithéâtre.  Le  grand  cercle  renfermait  deux  crom- 
lecks doubles*,  dpnt  l'un  entourait  un  men-hir  de  20 
pieds  de  haut,,  et  l'autre  un  autel  ou  vaste  dolmen.  A  par- 
tir du  cercle  extérieur,  deux  grandes  avenues,  formées 
chacune  de  200  piliers,  se  prolongeaient  au  loin  en  ser- 
pentant et  se  terminaient  par  un  ovale,  figurant  la  tête 
d'un  serpent.  Entre  les  deux  ovales  s'élève  la  colline  de 


<  Le  plus  grand  cercle  des  cromlecks  intérieurs,  formé  de  30  pierres,  avait 
^66  pieds  de  diamètre,  et  l'autre  de  12  pierres,  186  pieds. 


288  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

Silbury,  tumulus  gigantesque  de  2000  pieds  de  pourtour 
et  121  de  baut^  Ces  avenues  en  forme  de  dragon  ne  sont 
pas  rares  en  Angleterre.  —  Près  de  Dartmoor  dans  le 
comté  de  Devon,  une  allée  droite  de  1443  pieds  de  lon- 
gueur, s'élargit  au  milieu  en  ovale,  et  se  termine  aux  ex- 
trémités par  un  cercle,  du  milieu  duquel  s'élève  un  grand 
men-hir.  —  A  6  milles  de  Salisbury,  est  le  Sioiie-henge, 
l'un  des  cromlecks  les  plus  remarquables,  connu  sous  le 
nom  de  danse  des  géants.  Ses  ruines  imposantes  gisent 
sur  une  colline  de  formation  naturelle  dans  une  grande 
plaine.  Il  était  composé  de  4  cercles  concentriques,  dont 
le  plus  grand,  de  100  pieds  de  diamètre,  compte  30  piliers, 
hauts  de  15  à  18  pieds.  Ces  piliers  supportent  un  nombre 
égal  de  grandes  pierres  horizontales  qui  se  joignent  par 
leurs  extrémités  et  forment  une  espèce  d'architrave  con- 
tinue et  circulaire.  L'extrémité  supérieure  du  pilier  a  été 
taillée  de  manière  à  présenter  des  saillies  qui  s'emboitent 
dans  les  trous  pratiqués  sur  les  pierres  horizontales.  Le 
second  cercle,  à  9  pieds  du  précédent,  était  formé  de  29 
men-hirs  de  7  pieds  de  haut.  Le  troisième  cercle,  à  13 
pieds  du  second,  légèrement  elliptique  ainsi  que  le  qua- 
trième, consistait  en  dolmens  ou  trilithes  en  forme  de  por- 
tes, dont  la  hauteur  s'élevait  graduellement  jusqu'à  25 
pieds  du  côté  du  nord-ouest*.  Le  cercle  central  se  com- 
posait de  20  menhirs,  hauts  d'environ  6  pieds.  A  l'inté- 


'  D'après  de  Caumont  une  des  allées  se  dirigeait  vers  un  cercle  double 
composé  de  deux  rangs  de  pierres  hautes  de  5  pieds.  Le  cercle  extérieur 
avait  48  pierres  et  120  pieds  de  diamètre;  le  cercle  intérieur  18  pierres  et 
45  pieds  de  diamètre ,  à  l'extrémité  de  l'autre  avenue  était  une  grande 
pierre  isolée. 

■  Il  était  composé  de  10  des  plus  grands  piliers,  et  ainsi  de  5  trilithes. 


A6B    DU   FBR.  289 

rieur  sont  des  débris  d'un  autel  gigantesque.  Un  fossé  de 
30  pieds  de  large,  entre  deux  levées  de  terre,  formait  une 
cinquième  enceinte  circulaire  d'environ  300  pieds  de  dia- 
mètre*. Toutes  ces  pierres  doivent  avoir  été  apportées  de 
Marlborougb,  à  une  distance  d'environ  16  milles.  De  grands 
tumuli,  au  nombre  d'environ  120,  ont  été  élevés  autour  de 
ce  monument.  On  croit  que  c'est  à  cette  construction  que 
se  rapporte  un  passage  de  Diodore  de  Sicile,  qui  raconte, 
d'après  Hécatée%  qu'il  y  a  dans  l'océan,  vis-à-vis  du  pays 
des  Celtes,  une  !le  beaucoup  plus  grande  que  la  Sicile,  dont 
les  babitants  portent  le  nom  d'Hyperboréens.  Ils  préten- 
dent que  Latone  est  née  cbez  eux  et  adorent  Apollon  au- 
dessus  de  tous  les  dieux,  aussi  lui  ont-ils  élevé  un  grand 
temple  de  forme  circulaire. 

VIrlande  possède  plusieurs  cromlecks,  parfois  concen- 
triques, et  renfermant  souvent  des  autels,  des  men-birs 
ou  un  cairn.  On  les  retrouve  aussi  en  ^co^^e,  mais  quel- 
ques cercles,  au  lieu  de  piliers,  sont  formés  de  blocs  peu 
élevés  qui  entourent  un  autel.  Ces  lieux  étaient  consacrés 
au  culte  et  à  la  vie  civile.  Dans  les  iles  Orcades,  la  justice 
se  rendait  autrefois  dans  des  enceintes  pareilles.  Les  nobles 
s'y  réunissaient  aussi  pour  élire  leurs  princes,  jusqu'au 
temps  de  la  Bulle  d'or,  donnée  par  l'empereur  Charles  IV, 
en  1356.  —  L'usage,  longtemps  conservé  dans  la  Grande- 
Bretagne,  de  danser  en  rond  autour  des  cromlecks,  est 
propre  à  la  plupart  des  autres  pays. 

*  Des  monuments  pareils  se  trouvent  dans  le  comté  de  Wilts  et  dans  celui 
de  Cornouailles.  Le  Brym  Gwyn,  sur  Ille  de  Maitland,  doit  être  pareil. 

'  II,  47.  Hécatée  dont  parle  Diodore  est  sans  doute  celui  qui  vivait  sous 
Alexandre.  Un  autre  Hécatée  dont  parle  Diodore,  aussi  historien  et  géographe 
était  né  vers  Tan  550  avant  Jésus-Christ. 

V&M.  ET  DOCUM.  XXY.  19 


290  MONUMENTS   DE   l'aNTIQUITÉ. 

Il  existe  plusieurs  cercles  druidiques  eu  Savoie,  Vun 
entr'autres  sur  la  route  de  Dovaine  à  Tlwnon  au  milieu 
duquel  sout  deux  blocs  de  grandes  dimensions.  —  ius- 
qu*à  présent  les  cromlecks  n'ont  pas  été  observés  dans  la 
Suisse. 

Les  bords  du  Rhin,  le  midi  et  Torient  de  l'Allemagne^ 
jusqu'à  la  Saxe,  la  Bohême  et  la  Moravie,  ne  possèdent, 
pas  de  ces  monuments,  tandis  qu'on  «n  trouve  un  grand 
nombre  dans  le  nord  et  les  contrées  habitées  durant  la 
Y^  période.  La  forme  prédominante  n'est  pas  celle  du 
cromleck  appelé  aussi  danse  des  pierres.  Le  plus  souvent, 
l'enceinte  embrasse  un  espace  plus  ou  moins  grand,  de 
forme  elliptique  ou  carré  long;  à  l'intérieur,  le  sol  est 
parfois  un  peu  élevé  et  recouvert  de  petites  pierres,  comme 
seraient  celles  d'un  pavé,  il  porte  souvent  des  piliers  nom- 
breux, des  autels-grottes  et  des  autels  simples,  jusqu'au 
nombre  de  16.  Le  peuple  appelle  ceux-ci  les  lits  des  Huns. 
Ils  occupent  quelques  parties  de  la  Hollande.  Le  duché 
A*Oldenburg  en  possède  plusieurs  ;  l'un,  près  à'Engel-- 
manns-Beeke,  aune  longueur  de 333  pieds  sur  22  de  lar- 
geur; il  est  formé  de  400  piliers  de  granit  de  10  pieds  de 
haut,  dont  plusieurs  sont  taillés  comme  des  sièges  à  dos- 
sier; il  renferme  un  autel-grotte  quia  pour  tables  5  gran- 
des plaques.  Bien  qu'on  ait  détruit  beaucoup  de  lits  des 
Huns  dans  le  Hanovre,  il  en  reste  encore  plus  de  2000. 
Quelques-uns,  longs  de  2  à  AOO  pieds  peuvent  être  pris 
pour  des  allées.  Dans  la  contrée  d'f/eken,  le  baron  d'Er- 
storff  en  a  compté  290.  Nombreux  dans  les  duchés  de  Meck- 
lembourg,  leur  longueur  varie  de  40  à  150  pieds.  De  là  ils 
se  répandent  dans  Vancienne  Marche  et  la  Thuringe.  On 
en  voit  plusieurs  dans  le  Brandenbourg  et  le  nord  de  la 


AGE    DU   FBR.  391 

Prusse  ^  Dans  les  environs  de  Stettin,  ils  soDt  mélangés  à 
des  cromlecks.  —  Les  cercles  entourant  de  grands  men- 
hirs ne  sont  pas  xares,  près  àeDantzig  et  ieKœnigsberg*. 
Il  est  à  remarquer  que  les  lits  de  Huns  répandus  dans 
plusieurs  parties  du  Danemark*,  sont  le  plus  souvent 
groupés  sur  les  côtes  et  pénètrent  peu  dans  Tintérieur  des 
terres.  Dans  la  paroisse  de  Rachlmv,  on  en  compte  une 
centaine.  Ils  présentent  souvent  une  grande  variété  de 
forme  et  de  grandeur.  —  Il  est  difficile,  à  moins  de  les  avoir 
visités,  de  se  faire  une  idée  du  nombre  de  ces  monuments 
en  Stœde.  Outre  les  formes  mentionnées  jusqu'ici,  il  en 
est  qui  sont  propres  à  ce  pays,  ainsi  des  carrés  vides  ou 
pavés  ayant  à  chaque  coin  un  menhir  de  20  à  36  pieds  de 
haut,  des  triangles  pareillement  vides  ou  pavés,  avec  les 
côtés  droits  ou  rentrants,  dominés  par  trois  grands  piliers 
aux  angles  et  un  quatrième  au  centre;  le  sol  est  quelque- 
fois couvert  de  cailloux  ou  pierres  roulées,  rapprochées 
en  grossières  mosaïques  de  manière  à  former  certains 
signes.  La  forme  de  vaisseaux  longs  de  120  à  140  pieds 
avec  les  mâts  et  les  bans  de  rameurs,  est  souvent  repro- 
duite à  l'aide  de  piliers.  On  voit  encore,  prèsd'f/jp5aî,le  cer- 
cle qui  entoure  la  grande  pierre  sur  laquelle  Eric,  d'après 
un  ancien  usage,  fut  proclamé  roi  de  Suède.  La  réunion 
de  ces  monuments  divers  sur  les  presqu'îles  et  sur  les 
iles,  présente  un  aspect  étrange.  La  superstition,  bien 
plus  encore  que  la  stérilité  du  soL  empêche  qu'on  ne  les 

*  A  Barby,  vers  la  Saale,  un  de  152  pieds  de  long,  14  de  large,  sans  autel. 
—  Un  près  de  Saxe-Weimar. 

*  A  rorient  de  Mersebourg  est  un  cercle  de  piliers,  plusieurs  près  de  Salz- 
wedel  entourent  un  grand  men-hir. 

'  Dànemarks  Voneit,  pag.  63. 


29â  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

détruise  '.  Tel  de  ces  blocs  apporté  dans  la  construction 
d'un  bâtiment  a  été  suivi  d'esprits  surnaturels  qui  fai- 
saient entendre  pendant  la  nuit  des  bruits  mystérieux  ou 
des  gémissements,  et  troublaient  le  repos  à  la  chambre  et 
à  retable,  jusqu'à  ce  qu'on  eût  remis  à  sa  place  le  bloc 
enlevé  par  une  main  profane.  —  La  Norwége  possède  à 
peu  près  les  mêmes  formes  que  la  Suède.  Le  cercle  de 
Stavanyer  mérite  d'être  mentionné,  soit  par  sa  construc- 
tion, soit  surtout  par  les  idées  qui  s'y  rattachent.  Vingt- 
quatre  pierres  carrées  et  oblongues  ayant  chacune  4  pieds 
de  hauteur  forment  un  cercle  de  200  pieds  de  circonfé- 
rence ;  entre  chacune  d'elles  reposent  trois  pierres  blan- 
ches, rondes  et  beaucoup  moins  grandes;  au  milieu,  se 
trouve  une  grande  table  carrée,  et  sur  l'un  des  côtés, 
deux  pierres  blanches  ;  l'intérieur  est  divisé  en  huit  par- 
ties égales  par  autant  de  rayons  ou  lignes  de  petites  pier- 
res allant  de  la  table  à  la  circonférence.  On  prétend  que  ce 
cercle  était  destiné  aux  Things,  ou  assemblées  du  peuple, 
et  que  le  puissant  Jarl  Erling  Skaigson  y  réunissait  ses 
sujets  au  X^  et  XI^  siècle  de  notre  ère.  Dans  ces  enceintes 
on  jugeait  les  procès,  on  célébrait  les  mariages  et  on  pra- 
tiquait les  cérémonies  du  culte  ^ 

*  La  tradition  suivante  montre  qu'on  ne  doit  pas  user  indistinctement  de 
toute  pierre  :  Un  paysan  ayant  trouvé  sur  la  montagne  voisine  de  sa  demeure 
une  assez  grande  pierre  ronde  et  polie,  l'apporta  devant  sa  maison  afin  que 
sa  femme  pût  s'en  servir  le  dimanche,  quand  elle  montait  à  cheval  pour  se 
rendre  à  Téglise.  Mais,  dès  la  première  fois  qu'elle  y  posa  le  pied,  elle  fut 
atteinte  d'une  phthysie  terrible  qui  augmenta  de  jour  en  jour,  au  point  que 
la  pauvre  femme  fut  obligée  de  s'aliter.  Une  nuit,  le  paysan  occupé  à  la  pèche, 
entendit  une  grande  voix  qui  disait:  «  Rends-moi  ma  pierre.  >  l\  se  hâta 
d'obéir  à  cet  ordre,  aussitôt  la  femme  commença  à  se  remettre. 

*  Pierre  Victor.  Coup  d'œil  sur  les  antiquités  Scandinaves. 

— Pausanias,  lib.  I,  cap.  28,  rapporte  que,  dans  TAréopage,  les  deux  pierres 


AGK    DU    PEU.  ^93 

Il  nVst  pas  sans  intérêt  de  pouvoir  constater  la  présence 
lies  (Tomlecks  dans  VAsic  du  nord,  sur  la  presqu'île  in- 
//fV/im*  et  dans  le  Bewjale.  sur  les  montagnes  de  Pundua, 
où  il  existe  des  constructions  en  architraves,  pareilles  à 
celles  de  l'Angleterre  Dans  le  Brrsil  on  trouve  aussi  des 
autels  et  des  arrangements  semblables  aux  lits  de  Huns, 
auprès  desquels  on  a  découvert  divers  objets  en  bronze. 

Parfois,  dans  les  enceintes  de  Tancienne  Europe,  on 
retrouve  des  squelettes  humains  ou  des  urnes  cinéraires 
aver  des  instruments  en  pierre  ou  en  bronze.  D*après  ce 
fail,  quelques  archéologues  ont  prétendu  que  ces  cons- 
tructions étaient  des  monuments  funéraires.  S'il  en  était 
ainsi,  on  ne  comprendrait  pas  pourquoi,  dans  le  plus  grand 
nombre,  on  ne  découvre  aucune  trace  de  sépultures.  Assez 
(le  faits  témoignent  qu'ils  étaient  essentiellement  consacrés 
au  iMilte  et  à  la  vie  civile  ;  malgré  cette  consécration,  on 
romprend  que  dans  certains  cas.  le  prêtre  ou  même  le  chef 
n'aient  pu  être  inhumés  dans  ces  enceintes.  La  sépulture 
dans  ces  lieux  me  parait  correspondre  entièrement  à  l'in- 
humation dans  les  temples  chrétiens. 

Murs  cyclopéens  et  retranchements  en  pierres. 

In  genre  de  construction,  qui  caractérise  l'époque  pé- 
lasgH|ue,  (Hirte  le  nom  de  murs  cyclopéens;  ils  sont  for 

bruti^  *ur  Ir9.)u«»ite«  *e  tiennent  l'accusateur  et  Taccuté,  sont  nommées: 
l'une,  la  pierre  «le  l'impudence ,  l'autre,  la  pierre  de  Tintulte.  Fait  à  rap- 
priK'h^'r  ileé  «leux  pierre«  prêt  de  Tautel  de  Stavanfer. 

Ver«  \e%  turouli  d'I'piuil  eti  une  frande  colline  tronquée,  appelée  la  collina 
•lu  juffement,  «ur  laquelle  le  rendait  la  ju*tke. 

-  Voir  le«  7  pierres  représentant  les  7  pays  de  la  LiUiuanie. 


294  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

mes  d'éDormes  rochers  bruts,  posés  les  uns  sur  les  autres 
et  garnis  de  petites  pierres  dans  leurs  interstices,  mais 
sans  aucune  trace  de  ciment  ou  de  mortier;  tels  étaient 
les  remparts  de  Mycènes  et  de  Tyrinthe\  Peu  après  les 
blocs  furent  taillés  en  polygones  irréguliers  de  manière 
à  éviter  les  interstices.  La  Grèce*  et  surtout  VEtrurie  en 
conservent  des  restes  importants.  On  les  retrouve  dans 
Vllalie  moyenne  et  inférieure.  Souvent  ils  occupent  des 
hauteurs  et  affectent  la  forme  circulaire;  plus  d'une  fois 
on  a  élevé  des  temples  dans  ces  enceintes  ou  des  rem- 
parts sur  ces  anciennes  constructions  '.  —  Dans  la  Sar- 
daigne  et  les  îles  Baléares,  on  trouve  de  grandes  tours 
rondes  et  coniques,  formées  de  pierres  colossales,  juxta- 
posées sans  ciment,  et  qu'on  prend  quelquefois  pour  des 
tombeaux  *,  Ces  murs  gigantesques  n'appartiennent  pas 
seulement  aux  contrées  habitées  par  des  Pélasges,  comme 
on  le  croit  généralement  ;  on  les  retrouve  encore  dans 
plusieurs  pays  au  nord  des  Alpes  et  des  Pyrénées  '.  La 
Bretagne  française  possède  quelques  retranchements  de 
cette  nature  %  mais  les  plus  remarquables  appartiennent 

*  Pausanias  II,  16,  25.  Deux  mulets  attelés  n'avaient  pas  ébranlé  la  plus 
petite  pierre  des  murs  de  Tirynthe. 

■  On  en  voit  près  de  Chéronée,  de  Gortys,  de  Thorikos.  —  Odyssée  XIV, 
les  premiers  vers.  Ulysse  à  Ithaque  trouve  Eumée  sous  Un  des  portiques 
qui  entouraient  une  belle  maison  bâtie  de  grosses  pierres,  dans  un  lieu  dé- 
couvert. Voir  aussi  la  description  des  étables. 

'  II  en  reste  près  de  Noila  et  Bignia,  dans  le  Latium,  près  Kora,  Ferenti- 
num,  Préneste,  Falère,  Volaterra,  etc.  Sur  les  îles  de  Malte  et  de  Gozzo. 

*  On  les  croit  d'origine  phénicienne.  —  Archéol.  britan.  XXII,  1828,  pi. 
16-18.  —  Nouv.  annales  de  l'inst.  archéol.  II. 

*  Voir  la  description  du  château  de  verre  de  Sainte-Suzanne,  dans  le  dé- 
partement de  la  Mayenne. 

*  Ils  sont  appelés  Lès  ou  cours.  Entre  Vannes  et  Lockmariaker,  on  pénètre 


AGB    DU    FER.  !29S 

aux  contrées  montagneuses  de  l'orient  et  du  nord  de  la 
France.  Près  cC Amiens,  est  le  camp  de  l'étoile.  Nous  avons 
déjà  mentionné  le  jardin  des  fées  et  le  château  égyptien. 
Le  mur  des  païens ,  voisin  de  Strasbourg,  a  beaucoup 
de  rapports  avec  ceux  de  l'Etrurie.  Haut  de  10  à  15  pieds 
et  formé  d'énormes  blocs  grossièrement  taillés  en  poly- 
gones S  il  entoure  sur  une  longueur  de  plus  d'une  lieue 
les  sommets  des  trois  monts  voisins  et  mesure  10  502  mè- 
tres de  tour.  On  y  arrive  par  un  chemin  large  de  12  pieds, 
long  d'une  demi-lieue,  et  couvert  de  pierres  plates  qui  repo- 
sent sur  une  couche  de  gravier  au-dessous  de  laquelle  est  un 
lit  de  cailloux  brisés.  Il  est  difQcile  de  pénétrer  le  but  d'une 
construction  de  ce  genre  dont  on  a  fait  tantôt  une  enceinte 
sacrée  et  tantôt  un  retranchement  celtique  que  les  Ro- 
mains auraient  utilisé.  Un  mur  pareil  dans  le  voisinage, 
appelé  le  château  des  païens,  renferme  un  grand  autel  de 

dans  un  de  ces  bourgs  par  un  souterrain  formé  de  supports,  sur  lequel  re- 
pose un  énorme  couvert.  —  Une  partie  des  murs  d'enceinte  de  Sainte-Su- 
sanne  (département  de  Mayenne ,  au  centre)  rappelle  les  retranchements 
vitrifiés  de  l'Ecosse.  {Mém,  des  ant.  X,  1829,  pag.  858.) 

'  On  m'a  dit  que  ces  blocs  portaient  des  entaillées  destinées  à  les  lier  les 
uns  aux  autres  au  moyen  de  queues  d'aigle  en  bois.  —  (Le  mont  s'appelle 
Odilienberg  ou  de  Sainte-Odèle.)  Du  Bois  de  Montpéreux,  dans  son  Voyage 
autour  du  Caucase  (tom.  VI,  pag.  184,  Atlas,  IV*  série,  pi.  16  b)  décrit  les 
anciennes  campagnes  de  la  Ghersonèse  en  Grimée  :  «  Les  plus  considérables 
ont  toutes  pour  principal  bâtiment  une  construction  cyclopienne  carrée  de  85 
à  40  pieds  de  face;  je  l'ai  appelée  donjon.  Elle  est  solidement  murée  de 
grandes  pierres  de  taille  de  3  pieds  de  longueur  sur  6  de  largeur  et  sur  %  à 
4  de  hauteur.  Les  murailles  ont  de  à  à  5  pieds  d'épaisseur.  Les  pierres  sont 
liées  deux  à  deux  par  des  joints  en  bois  pratiqués  dans  des  rainures  comme 
des  crampons.  On  se  servait  très  rarement  de  mortier  à  chaux  ;  on  le  rem- 
plaçait par  de  l'argile.  »  ....  La  destruction  a  dû  avoir  lieu  par  le  feu  dont  les 
pierres  portent  la  marque.  Ces  ruines  sont  très  nombreuses,  et  quelques-unes 
sont  bien  conservées.  On  couvrait  les  toits  à  la  romaine  ou  à  la  grecque  de 
larges  tuiles  i  rebords  et  créneaux. 


296  MONUMENTS    DE    L*ANTIQUITÊ. 

pierre.  On  en  voit  plusieurs  dans  les  Vosges,  entourant 
des  espaces  plus  ou  moins  grands,  ou  suivant  une  ligne 
sinueuse  de  même  qu'un  mur  frontière'. 

En  Angleterrey  ces  murs  épais  entourent,  des  espaces 
ronds  ou  carrés,  de  dimensions  souvent  si  petites  qu'ils 
n'ont  pu  servir  à  la  guerre;  ils  renferment  parfois  des  au- 
tels, des  tumuli,  et  des  cairns  dans  le  pays  de  Galles. 
Ceux  des  comtés  de  Derby  et  de  Cornouailles  ont  de  32  à 
243  pieds  de  diamètre  ;  parfois  les  enceintes  sont  doubles 
et  entourées  d'un  fossé.  Ces  retranchements  sont  nom- 
breux guirlande.  A  l'intérieur  de  l'un,  on  a  découvert  sous 
le  sol  plusieurs  caveaux  circulaires  de  6  pieds  de  diamètre, 
entièrement  vides  et  communiquant  lesiins  aux  autres  *. 

En  Ecosse,  ils  sont  souvent  entourés  de  men-hirs  et 
d'autels.  L'un  de  ces  retranchements  est  regardé  comme 
le  tombeau  d'Ossian;  un  autre,  dans  le  comté  d'Argyle, 
couronne  d'un  cercle  le  sommet  d'une  colline  et  ren- 
ferme  deux  petits  cercles  pareils,  à  côté  l'un  de  l'autre, 
de  la  même  manière  que  le  cromleck  d'Avebury  \  On 
trouve  aussi  des  cercles  concentriques  au  nombre  de  deux 
et  même  de  cinq,  ayant  chacun  10  pieds  d'épaisseur.  Il  est 
en  Ecosse  de  ces  murs  excessivement  larges,  qui  portent  le 
nom  de  retranchements  vitrifiés*;  formés  de  blocs  sili- 
ceux,   un  commencement  de  fusion  a  été  opéré  par  le 

*  }fém.  de  l'Acad.  des  antiq.,  V,  pag.  106,  1833. 

*  Archéol.  bHt.  XXllI,  1830. 

>  Le  grand  cercle  a  50  pas  de  diamètre,  les  petits  ont  chacun  une  seule 
entrée.  Arch.  brit.  XXV,  pag.  615,  1833. 

*  En  1778,  John  Williams  écrivit  un  mémoire  sur  les  châteaux  de  verre 
qu'on  trouve  dans  les  montagnes  d'Ecosse,  nommées  Highlands.  Ces  forts 
occupent  les  sommités  des  monts  dominant  de  toutes  parts  le  terrain  envi- 
ronnant. La  plate-forme  de  ces  sommités,  d'une  forme  ovale  plus  ou  moins 


AGE    DU    FER.  §97 

feu  ;  on  croit  que  c'était  dans  ces  enceintes  qu'on  entrete- 
nait le  feu  sacré;  l'une  est  appelée  demeure  ou  château 


allongée,  est  entourée  par  une  muraille  de  verre.  Des  murs  du  même  genre 
fortifient  les  parties  accessibles  de  la  colline.  En  dedans,  et  près  du  mur 
d'enceinte,  on  trouve  d'autres  constructions  qui  paraissent  avoir  fait  partie 
d'anciens  bâtiments;  enfin,  sur  le  centre  de  la  plate-forme,  on  observe  cons- 
tamment deux  points.  En  dehors,  et  à  quelque  distance  de  l'enceinte,  on 
trouve,  tantôt  en  verre,  tantôt  en  pierres  sèches,  les  vestiges  d'un  mur  beau- 
coup moins  considérable,  destiné,  croit-on,  à  mettre  les  troupeaux  à  l'abri  de 
l'ennemi.  —  Le  plus  remarquable  de  ces  forts  occupe  le  sommet  de  la  mon- 
tagne de  Knock^Farril,  dans  le  Ross-Shire.  Il  est  situé  sur  une  hauteur  d'en- 
viron 300  mètres  au-dessus  de  la  vallée  et  occupe,  indépendamment  des 
ouvrages  détachés  du  même  genre  qui  le  flanquaient  à  l'est  et  à  l'ouest, 
une  étendue  de  120  pieds  de  longueur  sur  40  de  large.  Dans  ces  ruines, 
maintenant  à  peu  près  ensevelies,  M.  Williams  ne  trouva  d'abord  qu'une 
terre  noire  mêlée  de  grosses  pierres  et  de  matières  vitrifiées.  Parvenu 
à  la  muraille,  quoiqu'elle  se  fut  renversée  en  dehors  et  brisée  dans  sa 
chute,  les  fragments  en  étaient  si  gros  et  si  parfaitement  vitrifiés,  que 
l'on  ne  pouvait  se  faire  jour  au  travers.  En  précipitant  de  ces  blocs  dans  la 
plaine,  leur  cassure  fraîche  permit  d'étudier  la  structure  de  ces  singulières 
murailles.  C'est  un  verre  de  couleur  foncée,  parfaitement  compact,  offrant 
çà  et  là  quelques  fragments  mal  fondus,  mais  noyés  cependant  dans  la  masse 
générale  et  vitrifiés  aussi.  La  muraille  n'était  pas  calcinée  et  vitrifiée  à  sa 
surface ,  ni  même  liée  par  un  ciment  de  verre ,  c'était  positivement  une 
muraille  de  verre.  Du  côté  du  nord,  la  muraille,  entièrement  recouverte 
d'herbes  et  de  bruyères,  avait  une  élévation  verticale  de  10  à  12  pieds.  — 
  deux  lieues  d'Inverness,  on  trouve  un  autre  fort  du  même  genre  sur  ja 
montagne  de  Craigh-Phadrick.  11  est  plus  petit  que  le  précédent,  mais  il  a 
double  enceinte.  Â  six  ou  huit  pas  au  delà  de  l'enceinte  principale  on 
en  trouve  une  seconde  qui  est  en  verre  également,  mais  qui  étant  moins 
élevée  et  bâtie  sur  le  roc,  a  mieux  résisté  aux  attaques  du  temps.  Quelques 
parties  ont  encore  leur  aplomb  et  leur  hauteur  primitive.  Les  environs 
d'Invemess  possédaient  deux  autres  forts  de  verre,  le  Castle-Finlay  et  le 
Dun-EvaUf  mais  ceux-ci  sont  beaucoup  plus  ruinés  que  le  précédent.  M.  Wil- 
liams en  cite  encore  deux  autres,  l'un  dans  le  Lochaberf  l'autre  à  une  lieue 
du  fort  Augustin.  Ce  genre  de  forts  était  d'usage  non-seulement  dans  cette 
partie  de  l'Ecosse,  mais  encore  plus  à  l'ouest,  jusque  dans  les  monts  Gram- 
pians.  M.  Williams  en  découvrit,  dans  le  comté  (VAngus,  un  des  plus  grands 


298  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÊ. 

de  Fingal;  elle  est  placée  sur  un  mont  escarpé  près  de 
Dingwall,  comté  de  Ross. 


qu'il  eût  observés  ;  la  plate-forme  intérieure  de  ce  château,  nommé  Castle^ 
mil  ofFinaven^  avait  plus  de  150  pas  djs  longueur.  Ce  qui  rend  ces  ch&teaux 
de  verre  difficiles  à  reconnaître,  c'est  la  végétation  qui  recouvre  les  débris  de 
leurs  murs,  le  plus  souvent  couchés  à  teiTe.  Souvent  le  verre  s'est  en  partie 
décomposé,  et  comme  il  fournit,  dans  cet  état,  un  excellent  terreau  pour  les 
plantes,  celles-ci  se  sont  développées  d'autant  mieux  ;  aussi  ces  ruines  n'ap- 
paraissent-elles souvent  que  sous  la  forme  de  clôtures  de  terre  en  partie  obli- 
térées. —  Ces  constructions  étaient  des  places  de  refuge,  et  dans  les  enceintes 
à  troupeau,  on  trouve  encore  sous  le  mur  une  couche  épaisse  de  litière  et 
de  fumier.  —  La  tradition  populaire  en  rapporte  l'origine  aux  races  galli- 
ques  qui  ont  autrefois  occupés  ces  régions.  Le  premier  château  que  nous 
avons  mentionné  est  appelé  dans  le  pays  Knock-Farril  Naphian,  ce  qui 
signifie  demeure  de  Fingal  à  Knock-Fartil,  Le  peuple  assure  qu'il  fut  habité 
par  des  géants  dont  le  chef  se  nommait /{ee-P/iian,  Mac-Coul,  c'est-à-dire 
le  roi  Fingal,  fils  de  Coul.  —  En  y  réfléchissant,  on  trouve  ce  genre  de 
construction  plus  simple  que  celui  de  la  pierre  et  de  la  chaux.  On  dut  recon- 
naître fort  anciennement  que  les  pierres  de  ces  contrées  étaient  vitriflables. 
Williams  donne  une  explication  de  ces  constructions  qui  a  été  approuvée  par 
les  chimistes  d'Edimbourg.  Il  suffit  d*élever  des  murs  de  terre  dont  l'inter- 
valle et  la  hauteur  doivent  donner  les  dimensions  de  la  muraille  vitrifiée.  En 
allumant  un  grand  feu  au  fond  de  ces  fosses  et  en  jetant  dessus  les  pierres 
vitriûables,  leur  fusion  donne  un  verre  qui  tombe  peu  à  peu  dans  la  fosse, 
le  bois,  plus  léger,  surnage,  et  ainsi  le  mur  s'élève  jusqu'à  la  hauteur  voulue, 
après  quoi  on  enlève  les  terrassements.  L'auteur  d'un  article  publié  par  le 
Magasin  pittoresque  (année  1845,  pag.  10)  tient  pour  plus  probable  qu'on  éle- 
vait des  fourneaux  de  distance  en  distance  sur  le  terrassement,  d'où  le  verre 
coulait  dans  ces  moules.  ~-  Il  faut  observer  que  ces  murs  se  sont  toujours 
renversés  à  l'extérieur. 

Château  de  verre  de  Sainte- Su%anne,  à  4  lieues  de  Laval  dans  le  département 

de  la  Mayenne, 

La  petite  ville  de  Sainte-Suzanne  est  dominée  par  un  vieux  château  situé 
sur  un  monticule  terminé  de  tous  côtés,  excepté  vers  le  couchant,  par  des 
escarpements  fort  raides,  où  ils  descendent  vers  l'Erve,  qui  en  contourne  la 


AGE   DU    FER.  299 

Ed  Allemagne,  ces  coDStractioDS  de  la  forme  d'uD  trian- 
gle, d'UD  carré,  d'UD  polygone  ou  d'un  cercle,  occupent  éga- 


base.  Le  château  a  été  bâti  à  l'extrémité  de  la  plate- forme  et  domine  une 
portion  de  la  vallée,  autrefois  marécageuse  ;  il  n'en  reste  que  des  ruines.  Ces 
ruines  reposent  sur  des  murailles  plus  anciennes,  dont  la  construction  est 
précisément  celle  des  châteaux  vitrifiés  d'Ecosse.  Outre  plusieurs  débris,  on 
trouve  un  pan  de  mur  tout  entier  de  plus  de  10  mètres  de  long  sur  environ 
2  mètres  de  hauteur,  et  comme  il  finit  par  s'enfoncer  sous  les  décombres,  on 
peut  conjecturer  qu'il  s'étend  encore  plus  loin.  La  masse  de  la  muraille  con- 
siste en  une  agglomération  de  pierres  irrégulières  et  inégales,  liées  par  une 
pâte  vitreuse,  noire,  tantôt  pure,  tantôt  remplie  de  grains  de  sable.  La  cas- 
sure de  ce  ciment  est  brillante,  anguleuse,  lisse  ;  en  un  mot,  semblable  à  un 
verre  rempli  de  bulles.  Le  grès  domine  parmi  les  pierres  qui  sont  ainsi 
empâtées,  et  comme  il  a  résisté  à  la  fusion,  il  est  ordinairement  facile  de 
le  détacher  par  petits  fragments  plus  ou  moins  sableux.  Les  morceaux  qui 
sont  demeurés  le  plus  longtemps  à  l'action  de  l'air  s'étant  ternis,  sont  de- 
meurés tout  à  fait  semblables  à  certains  échantillons  de  roches  volcaniques. 
Il  est  évident  qu'après  avoir  produit  un  bain  de  scories  en  fusion,  on  y  jetait 
pèle-mêle  toutes  sortes  de  pierres  qui  s'y  enchâssaient  et  s'y  vitrifiaient  quel- 
quefois en  partie.  On  trouve  même  quelquefois  que  le  ciment  vitreux,  trop 
refroidi,  ne  s'est  introduit  dans  les  intervalles  qu'avec  peine  et  y  a  laissé  des 
vides  dans  lesquels  il  pend  sous  la  forme  de  stalactites.  —  Même  particu- 
larité dans  un  monticule  détaché.  Les  débris  de  vitrification  qui  se  rencon- 
trent dans  le3  murs  d'enceinte  de  la  ville  semblent  même  autoriser  à  penser 
qu'il  y  avait,  comme  en  Ecosse,  au  devant  du  château,  situé  à  l'extrémité  de 
la  plate-forme,  une  première  enceinte  destinée  à  servir  de  refuge  aux  trou- 
peaux. Comme  en  Ecosse,  il  y  a  également  deux  puits,  et  les  murailles  pa- 
raissent avoir  été  renversées  pareillement  de  dedans  en  dehors.  La  décou- 
verte de  cette  muraille  de  Sainte-Suzanne  a  été  faite,  il  y  a  près  de  40  ans, 
par  M.  de  la  Pilaye,  qui  en  tira  le  sujet  d'un  mémoire  inséré  dans  le  recueil 
de  la  Société  des  antiquaires. 

—  Encyclopédie,  art.  feu.  «  Il  y  avait  en  Perse  des  enclos  fermés  de  mu- 
railles et  sans  toit,  où  l'on  faisait  assidûment  du  feu  et  où  le  peuple  venait  à 
certaines  heures  pour  prier.  Les  personnes  qualifiées  se  ruinaient  en  y  jetant 
avec  profusion  des  essences  précieuses  et  des  fleurs  odoriférantes  ....  Ces  en- 
clos ont  été  connus  des  Grecs  sous  le  nom  de  pyréïa....  A  la  mort  des  rois 
perses  on  éteignait  le  feu.  > 


300  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

lemenl(ieshauleurs,elparfoisselrouventdanscleslieuxlels, 
qu'elles  n'ont  pu  avoiraucune  utilité  pourla  défense,  malgré 
leurs  deux  ou  trois  rangs  de  murs.  ATintérieur  sont  des 
men-hirs,  des  autels  et  des  tombeaux  ;  d'autres  ont  été  pris 
dans  le  retranchement  que  les  Romains  élevèrent,  du  duché 
de  Hesse  à  la  Bavière,  ce  qui  ne  permet  pas  de  douter  qu'ils 
ne  soient  antérieurs  à  notre  ère.  Celui  de  Honberg,  dans 
le  nord  de  la  Franconie,  élevé  de  12  à  15  pieds  n'a  pas 
moins  de  6  000  pieds  de  tour  ;  large  de  60  pieds  à  sa  base, 
il  n'en  mesure  que  10  à  15  à  son  sommet.  Les  sommités 
du  Taunus  en  ont  plusieurs.  Du  pied  de  ce  mont  on  peut 
les  suivre  sur  une  ligne  qui  se  dirige  vers  la  Bohème;  il 
en  est  qui  n'ont  pas  moins  de  30  à  40  pieds  de  haut.  Dans 
la  principauté  de  la  Lippe-Detmold,  est  un  mont  entouré 
à  sa  base,  au  milieu  de  sa  hauteur  et  à  son  sommet,  de 
murs  de  20  pieds  d'élévation,  construits  avec  des  blocs 
de  la  hauteur  d'un  homme.  A  quelque  distance  de  Schwe- 
fin,  un  de  ces  murs,  de  1000  pieds  de  longueur,  20  de 
large  et  12  de  haut  est  rempli  de  terre  à  l'intérieur. 
Un  autre,  non  loin  de  Neu-Sirelitz,  entoure  un  champ  de 
quelques  milliers  d'arpents  sur  lequel  sont  plusieurs  cen- 
taines de  cairns.  — Dans  la  forôt  de  Blumenihal,  au  nord- 
est  de  Berlin,  et  plus  loin,  prèsd'Oderfccrgf,  ces  retranche- 
ments décrivent  de  grands  carrés  irréguliers,  divisés  en 
plusieurs  compartiments.  —  Dans  la  Lusace,  sur  les  con- 
fins de  la  Saxe  et  de  la  Silésie,  ces  constructions,  parfois 
triangulaires,  sont  gigantesques;  quelques-unes  portent 
les  mêmes  traces  de  feu  qu'en  Ecosse.  Les  murs  cyclo- 
péens  de  la  Bohême  et  de  la  Moravie  affectent  en  plus  d'un 
lieu  la  forme  du  polygone  *. 

*  Ehrlich.  In  der  Hôbe  des  Pfenningberges  ist  eine  Art  Wall  an  der  nord- 


AGE    DU    FER.  301 

On  retrouve  aussi  en  Suède  des  murs  de  l'âge  païen, 
mais  ils  diffèrent  sensiblement  de  ceux  des  autres  pays. 
Si  les  grands  blocs  ont  été  quelquefois  employés  à  leur 
construction ,  plus  souvent  on  s'est  servi  de  pierres 
d'un  petit  volume,  mais  juxtaposées  sans  aucun  ciment. 
Plusieurs  hauteurs  dans  la  Westmanie  sont  couron- 
nées de  murs  irréguliers  qui  suivent  sur  deux  ou  trois 
rangs  les  accidents  du  terrain,  et  ont  l'aspect  de  vérita- 
bles forts.  On  voit  dans  l'île  à*Oeland  urre  construction 
d'un  genre  unique  appelé  le  fort  d'Ismantorp.  Elle  con- 
siste  en  un  mur  circulaire  épais  de  10  pieds,  renfermant 
un  espace  de  460  '  de  diamètre.  On  peut  pénétrer  à  l'in- 
térieur par  quatre  entrées  différentes.  Des  avenues  res- 
semblant aux  rues  irrégulières  d'une  ancienne  ville,  per- 
mettent de  communiquer  à  nouante -trois  divisions  ou 
compartiments,  dont  il  est  difQcile  de  comprendre  l'usage, 
vu  leurs  petites  dimensions  ^  Quelques-uns  ont  prétendu 
qu'on  avait  voulu  figurer  en  ce  lieu  le  plan  d'une  ville 
étrangère,  ce  qui  est  peu  vraisemblable.  —  Les  murs  des 
provinces  russes  de  la  Baltique  renferment  des  cairns,  et 
ressemblent  à  ceux  de  l'Allemagne  V 


westlichen  und  sudôsUichen  Seite  des  Berges  in  einer  halbrunden  Form  beide 
Kuppen  verbindend.  Es  durfle  eine  Art  Steinburg  sein,  dem  schwerlich  diirften 
die  zusammengelegten  Steine  obne  zuthun  der  Menschen  in  dièse  Lage  ge- 
kommen  sein. 

'  Sjôberg,  tom.  I,  pag.  128,  fig.  90. 

*  On  trouve  des  tumuli  et  des  murs  d'un  travail  cyclopéen  en  Crimée.  Voyage 
autour  du  Caucase^  par  Du  Bois  de  Montpéreux,  V,  427.  «  Dans  la  ligne  de  l'an- 
gle du  Tchatyrdah  ou  Kantchardagh  ou  Sinabdagh  (sud  de  la  Crimée),  j'ai  vu 
les  restes  d'une  muraille  qui  fermait  le  passage  de  ce  côlé-Ià,  commençant  au 
bord  du  précipice  et  s'appuyant  contre  l'escarpement  impraticable  du  Tcha- 
tyrdagh  :  elle  est  composée,  comme  les  murs  cyclopéens,  d'énormes  blocs  de 


302  MONUMENTS   DE   l'aNTIQUITÉ. 

Nous  avons  déjà  fait  observer  que  remplacement  de 
plusieurs  de  ces  constructions  était  peu  propre  à  la  dé- 
fense en  cas  de  guerre.  Un  séjour  un  peu  prolongé  y  eût 
été  impossible,  par  Téloignement  où  ils  se  trouvent  sou- 
vent de  toute  source  d'eau.  Si  quelques-uns  présentent 
de  grandes  dimensions,  plusieurs  embrassent  un  espace 
trop  étroit  pour  permettre  à  une  bande  armée,  même  peu 
nombreuse,  de  s'y  retrancher.  D'autre  part  l'analogie  de 
leurs  formes  avec  les  cromlecks,  et  la  présence  d'au- 
tels et  de  menhirs  à  l'intérieur  de  ces  murs ,  portent  à 
croire  que  la  plupart  d'entr'eux  ont  été  élevés  dans  un 
but  religieux.  Généralement  rares,  en  France  et  en  Alle- 
magne, dans  les  lieux  où  se  groupent  les  cromlecks  et 
les  lits  de  Huns,  c'est-à-dire,  dans  les  lieux  habités  le 
plus  anciennement,  ils  se  répandent  davantage  sur  les 
hauteurs,  à  l'intérieur  des  terres,  et  occupent  surtout  les 
Vosges,  le  Taunus,  le  centre  de  l'Allemagne,  la  Bohême 
et  la  Moravie.  Les  tumuli  qu'on  trouve  parfois  à  l'intérieur 
recouvrent  l'urne  cinéraire  et  les  objets  propres  à  la  se- 


pierres  couverts  de  mousse  ;  nulle  trace  de  ciments.  C'est  un  des  démickapou 
(portes  de  fer)  de  la  chaîne  taurique.  » 

Voyez  Caucasty  id.,  tom.  VI,  pag.  23.  Crimée  sud. —  Au-dessus  de  Parthé- 
nith  «  on  trouve  les  ruines  d'un  vieux  château,  dont  les  murs  sont  composés 
de  grandes  pierres  brutes,  sans  ciment.  L'ensemble  des  fortifications  forme 
un  demi-cercle,  dont  le  mur,  qui  en  est  la  corde,  a  728  pieds  de  longueur , 
leur  épaisseur  n'est  pas  de  moins  de  4  Vt  pieds,  et  la  hauteur  où  la  muraille 
est  encore  visible  ne  dépasse  pas  une  toise.  Le  côté  du  mur  semi-circulaire, 
dont  le  pied  était  abordable  à  l'extérieur,  était  défendu  intérieurement  par 
13  tours  placées  à  17  ou  18  pas  l'une  de  l'autre.  Elles  couvrent  16  VtPi^^^^  ^^ 
front  et  9  pieds  de  côté.  L'épaisseur  de  ces  murs  intérieurs  ne  dépasse  pas 
2  pieds.  L'autre  mur  placé  au  bord  du  précipice  était  sans  tour.  >  Cela  rap- 
pelle les  murs  cyclopéens;  ces  constructions  pourraient  provenir  des  Taures 
ou  Tauro-Scythes. 


AGE   DU   FER.  303 

coode  période.  Appartiendraient-ils  à  la  seconde  invasion 
d'orient  en  occident,  dont  nous  avons  parlé  ? 


Retranchements  et  constructions  en  terre. 

Il  existe  dans  quelques  pays  de  l'Europe  des  retran- 
chements et  constructions  en  terre,  élevés  durant  l'âge 
païen  dans  des  buts  divers.  Une  partie  consiste  en  des 
levées  de  terre  formant  des  espèces  de  remparts  ou  re- 
tranchements circulaires,  hauts  de  AO  et  même  100  pieds. 
L'espace  circonscrit  est  généralement  élevé  de  quelques 
pieds  au-dessus  du  sol,  et  présente,  quand  on  le  fouille, 
une  couche  épaisse  de  cendres  et  de  charbons,  auxquels 
sont  mêlés  du  blé  carbonisé,  des  débris  d'ossements,  de 
poterie  et  d'instruments  divers,  en  fer  ou  en  bronze.  Si 
le  pays  où  on  les  trouve  a  des  contrées  marécageuses, 
c'est  dans  ces  lieux  bas,  et  au  milieu  des  eaux,  qu'ils 
ont  été  élevés  de  préférence.  Ils  sont  particulièrement 
nombreux  en  Russie;  l'archéologue  Dolega  Chodanowsky 
les  a  observés  de  la  Cama  à  la  Vistule,  et  de  la  Dwina 
aux  monts  Balkan  et  à  la  mer  Adriatique  ;  il  en  a  compté 
presqu'autant  que  de  milles  carrés  occupés  par  les  Slaves  ^ 

*  Le  géographe  Ritter  (tom.  VII,  pag.  304)  mentionne  aussi  leur  existence 
dans  le  nord  de  VAsU^  où  ils  affectent  plus  ordinairement  la  forme  carrée  et 
n'ont  qu'une  entrée  étroite,  à  laquelle  répond  un  second  retranchement.  Ce 
témoignage  est  confirmé  par  Du  Ébis  de  Montpéreux.  Voyage  autour  du 
Caucase,  tom.  IV,  pag.  417.  «  J'ai  visité  toutes  les  silcha  (sièges)  des  Cosa- 
ques, de  la  plus  ancienne  à  la  plus  récente.  Les  anciennes  sitcha  sont  des 
forts  qui  rappellent  les  gard,  gorod,  grod  de  Rugen  et  de  la  Scanie.  Les  rem- 
parts sont  élevés  en  terre,  et  les  tombeaux  sont  des  tumulus  dans  lesquels  on 
trouve  des  haches  d'armes  en  silex,  en  serpentine,  en  cuivre,  comme  dans  les 


304  MONUMENTS  DE  l'aNTIQUITÉ. 

Les  chants  populaires,  recueillis  entre  le  Dnieper  et  le 
Don,  parlent  de  ces  retranchements  comme  des  lieux 
sacrés  où  les  Slaves  avaient  l'habitude  de  faire  leurs  sa- 
crifices et  de  célébrer  les  fiançailles.  Dans  les  provinces 
russes  voisines  de  la  Baltique,  ils  occupent  aussi  les  ma- 
récages. En  Liihuanie,  ce  sont  de  préférence  des  collines 
artificielles  hautes  de  100  à  160  pieds,  terminées  en  ter- 
rasse comme  un  cône  tronqué,  et  présentant  à  leur  som- 
met des  traces  de  feu  et  de  sacrifices  ^  Moins  hautes  en 
Esthonie,  ces  collines  sont  entourées  de  retranchements 
circulaires  de  20  à  40  pieds  de  hauteur.  On  les  retrouve 

tombes  des  Varègues  du  nord.  Plusieurs  noms  sont  varègues,  et  le  plus  an- 
cien siège  de  la  république  varègue,  avec  sa  sitcha,  est  à  l'ouest  du  Dnieper, 
entre  la  Ross  au  sud  et  la  Russawa  (petite  Ross)  au  nord.  J'ai  visité  cet  es- 
pace de  terrain  avec  le  plus  grand  soin,  et  j'en  ai  dressé  une  carte  où  la  plu- 
part des  monuments,  remparts,  forts,  tumulus,  etc.,  se  retrouvent  marqués, 
et  j'ai  au  moins  30  à  40  plans  spéciaux  de  ces  monuments.  » 

— Id.  tom.  IV,  pag.  503.  Sur  la  plus  haute  dune  de  gravier,  à  la  droite  de 
Podkoumok  (non  loin  de  Petigorsk,  au  nord  du  Caucase)  est  un  rempart  pa- 
reil à  ceux  des  anciens  lithuaniens.  «  On  a  isolé  la  sommité  la  plus  élevée  par 
le  moyen  d'un  fossé  qui  fait  le  tour.  Sa  forme  est  elliptique  et,  aux  extrémités 
deux  espèces  de  tumulus  ont  sans  doute  servi  d'observatoires  pour  dominer  les 
alentours.  Aujourd'hui  ces  tumulus  sont  très  effacés.  Je  ne  doute  pas  que  ce 
retranchement  ne  se  rattache  au  vallum  dont  je  retrouvai  plus  tard  les  traces 
au  haut  de  la  vallée  du  Podkoumouk.  » 

—  Id.  tom.  V,  34.  Ile  kimmérienne  ou  de  Fontan  (entre  la  mer  Noire  et  la  mer 
d'Âzof,  à  l'embouchure  du  Kouban)  vallum  en  terre  de  10  pieds  de  hauteur, 
long  d'une  centaine  de  pas.  Le  vallum  et  le  bas-fond  paraissent  être  le  retran- 
chement et  le  fossé  des  Kimmériens  dont  parle  Strabon.  Lib.  XI,  4,  où  il  dit  : 
<  Une  cité  située  dans  une  Chersonèse  dont  Tisthme  était  fermé  par  un 
fossé  et  un  rempart  en  terre.  » 

*  Feu.  «  Chaque  année,  le  1*^  mai,  sur  la  cime  la  plus  élevée  du  Ben-Ledi, 
accourent  les  populations  circonvoisines ;  on  allume  en  Thonneur  du  soleil 
un  grand  feu  qu'on  appelle  le  feu  de  Béai.  (L'Ecosse,  Callander,  Courrier 
suisse^  N®  19,  1852.)  —  On  a  vu  que  vers  la  pierre  aux  dames  de  Genève  s'al- 
lume, le  soir  des  Brandons,  le  premier  feu  de  la  contrée. 


AGE   Dt    FKR.  305 

dans  une  grande  partie  de  la  Pologne.  En  plus  d'un  lieu» 
dans  les  âges  suivants,  le  chevalier  a  élevé  au-dessus  son 
Tort  ou  son  château.  Ces  constructions  présentent  en 
Allemagne  les  mêmes  caractères  qu'en  Russie;  elles  s'élè- 
venl  sur  les  marécages  et  renferment  une  couche  épaisse 
de  cendres  et  de  charbons.  Mais  on  ne  les  retrouve  que 
dans  les  contrées  habitées  par  les  Wcndes,  membres  de  la 
Tamille  slave.  Au  11I<^  siècle  de  notre  ère  ces  peuples 
arrivèrent  sur  les  bords  de  TOder,  et  à  la  fin  du  V« 
siècle  ils  s  étendaient  jusqu'à  l'Elbe,  même  au-delà  de 
Lunebourg;  ils  occupèrent  Torient  de  TAIIemagne  au- 
dessus  du  Danube,  la  Franconie,  jusqu'à  Bamberg,  Wurz- 
lK)urg  et  Fulda,  les  contrées  de  la  Saaie  et  l'ancienne 
Marche.  Quelques  colonies  wendes  allèrent  même  jus- 
qu'en Hollande  dans  la  province  d'Utrecht  et  jusqu*en 
Angleterre  dans  le  comté  de  Wilts.  Leur  culte  ne  fut  rem- 
placé par  le  christianisme  que  du  IX^  au  Xll^  siècle.  Ces 
monuments  slaves  de  l'Allemagne  présentent  quelques 
variétés  de  construction.  Les  uns  sont  des  retranchements 
simples,  doubles  ou  triples,  larges  et  hauts  de  60  à  70 
pieds,  de  forme  triangulaire,  carrée  et  plus  souvent  cir- 
culaire ;  l'aire  intérieure  contient  de  fortes  traces  de  feu  *. 
D'autres  sont  des  collines  arrondies,  terminées  en  ter- 
rasse et  ordinairement  entourées  à  leur  base  d'un  fossé 
plein  d'eau.  C'était  sur  des  hauteurs  pareilles  que  les 
Slaves  avaient  Ihabitude  de  construire  leurs  temples  en 
bois  ;  ils  ont  été  remplacés  plus  d'une  fois  par  des  églises 
chrétiennes.  Ces  monuments  sont  souvent  accompagnés 
de  cimetières  slaves,  qui  consistent  en  de  légères  éléva- 

'  Quand  l'aire  e«t  élevé  audestu»  du  %o\\  tioon,  elle  t$i  le  plus  souvent 
recouverte  par  les  eaui. 

■ta.  ET  MCUa.  UT.  tt 


306  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÊ. 

lions  du  sol  où  se  trouvent  des  centaines  d'urnes  ciné* 
raires,  toutes  rapprochées  les  unes  des  autres  et  conte* 
nant  divers  objets  en  fer.  Ces  monuments  sont  nombreux 
en  Silésie,  dans  les  environs  de  Kœnigsberg,  de  Dantzig^ 
dans  la  Poméranie,  le  Brandebourg,  les  duchés  de  Mec- 
klembourg  où  on  en  compte  plus  de  50,  et  dans  le  royaume 
de  Hanovre,  dont  l'un,  du  bailliage  de  Lingen,  entouré 
de  trois  retranchements,  n'a  que  30  pas  de  diamètre.  Le 
duché  ù' Oldenbourg  en  possède  plusieurs  auxquels  se 
relient  des  lignes  de  retranchements  fort  étendus  et  qui 
diffèrent  un  peu  des  précédents.  Celui  de  Damme,  long 
de  480  pieds,  est  un  heptagone  allongé  uni  à  un  retran- 
chement qui  décrit  un  arc  de  cercle.  On  ne  peut  douter 
que  chez  les  Slaves  la  plupart  de  ces  places  n'aient  été 
consacrées  au  culte,  d'après  les  traditions  nombreuses 
qui  s'y  rattachent  ;  cependant  plusieurs  peuvent  avoir 
servi  de  forts  ou  de  retraites.  On  sait  que  les  barbares 
échappaient  souvent  aux  légions  romaines  en  se  retirant 
dans  leurs  marécages,  où  il  était  difficile  de  les  suivre. 
L'aire  élevée  permettait  à  ces  populations  de  séjourner 
quelque  temps  au  milieu  des  eaux.  Les  traces  de  feu  et  les 
restes  de  blé  calciné,  d'ossements  et  d'ustensiles,  indi- 
quent aussi  leurs  moyens  de  subsistance.  —  On  retrouve 
encore  les  constructions  slaves  dans  Vancienne  Marche, 
près  de  Magdebourg,  dans  le  duché  de  Cœthen  et  aux  en- 
virons de  Halle,  à  l'orient  de  la  Saale,  dans  le  duché  de 
Saûce-Weimar,  le  nord  de  la  Bavière  et  le  royaume  de 
Saxe.  En  Bohême  et  en  Moravie,  contre  l'usage  général, 
ce^  constructions  dominent  les  hauteurs  dont  le  sommet 
a  été  aplani  avec  soin  et  entouré  de  retranchements;  la 
couche  caractéristique  de  cendres  est  épaisse  de  plusieurs 


AGE    DU    FER.  307 

pieds  et  contient  beaucoup  de  matières  organiques.  Non 
content  d'utiliser  les  monts  naturels,  on  a  souvent  encore 
élevé  des  collines  artificielles. 

La  France  ne  possède  pas  de  monuments  tels  que  ceux 
que  nous  venons  de  décrire.  Cependant  on  voit  dans  la 
Bretagne  de  petits  remparts  en  terre  mêlés  de  cailloux, 
renfermant  parfois  des  dolmens  ou  des  menhirs  sur  un  sol 
inégal  et  trop  étroit  pour  avoir  servi  de  camp.  Les  formes 
sont  carrées,  ovales,  rondes  ou  semi-circulaires  ;  d'autre- 
fois ce  sont  des  lignes  simples,  doubles  ou  triples,  avec 
ou  sans  fossé,  imitant  les  alignements  de  pierre.  Jusqu'à 
présent  on  n'a  pas  observé  les  couches  de  cendres  et  de 
charbons  *.  —  En  Angleterre,  un  petit  nombre  de  retran- 
chements rappellent  ceux  des  Slaves  et  sont  généralement 
attribués  aux  Saxons  *. 


Remparts  et  retranchements  militaires. 

Bien  que  certains  des  murs  des  païens  et  des  retran- 
chements  en  terre  dont  il  a  été  question  aient  été  destinés 
au  culte,  beaucoup  ont  pu  cependant  être  employés  à  la 
défense.  Pendant  longtemps  les  barbares  regardèrent 
comme  un  déshonneur  de  placer  un  mur  entre  eux  et 
l'ennemi,  aussi  mettaient-ils  leur  gloire  dans  la  force  du 
bras.  Le  courage  personnel  et  la  ruse  suppléaient  à  l'art 
des  combats.  Ils  songeaient  bien  plus  à  l'attaque  qu'à  la 

*  De  Caumont,  1"  vol.,  pag.  88,  104. 

*  Comparer  à  ceci  les  constructions  en  terre  de  Gollion  dans  le  canton  de 
Vaud. 


308  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

défense.  Plus  tard,  ils  apportèrent  plus  de  réflexion  dans 
la  lutte  et  apprirent  à  élever  des  remparts.  Les  renseigne- 
ments que  nous  possédons  à  ce  sujet  se  bornent  à  peu 
près  à  ceux  que  César  nous  donne  dans  ses  commentaires  ; 
ils  témoignent  de  l'héroïque  défense  des  Gaulois.  Voici 
sa  description  de  leurs  remparts  et  abris  :  «  Les  Gau- 
lois *  se  servent  assez  souvent  pour  élever  leurs  murailles 
de  longues  pièces  de  bois  qu'ils  couchent  à  terre  paral- 
lèlement; ils  les  placent  à  une  distance  de  deux  pieds 
l'une  de  l'autre,  les  fixent  intérieurement  par  des  tra- 
verses et  remplissent  de  beaucoup  de  terre  l'intervalle 
qui  les  sépare.  Ils  posent  ensuite  un  rang  de  grosses 
pierres  ou  de  fragments  de  rochers,  et,  lorsqu'ils  ont 
placé  et  rassemblé  convenablement  ces  pièces,  ils  établis- 
sent dessus  un  nouveau  rang  de  poutres,  disposées  comme 
les  premières,  en  conservant  entr'elles  un  semblable  in- 
tervalle ;  de  telle  sorte  que  les  rangs  de  pièces  de  bois  ne 
se  touchent  pas  et  ne  portent  que  sur  des  fragments  de 
rochers  interposés.  L'ouvrage  est  ainsi  continué  jusqu'à 
la  hauteur  convenable.  Cette  construction  et  la  variété  de 
ses  matériaux  n'est  pas  désagréable  à  la  vue.  Ces  mu- 
railles sont  d'une  grande  commodité  pour  le  service  et  la 
défense  des  places,  car  les  pierres  qui  les  composent  ré- 
sistent aux  incendies,  et  les  pièces  de  bois  aux  efforts  du 
bélier.  » 

Les  remparts  n'étaient  cependant  pas  tous  construits 
de  la  même  manière;  plusieurs  consistaient  en  des  le- 
vées de  terre  pure  ou  mêlée  de  pierres.  Les  Gaulois  avaient 
deux  sortes  de  forts  ou  A'oppida ,  les  uns  étaient  des  ha- 

*  Lib.  VII,  cap.  23. 


AGE   DU    FER.  309 

bitations  dans  des  espèces  de  camps  retranchés  qui  res- 
semblaient à  des  villes  fortes  :  ainsi  Avaricum  chez  les 
peuples  du  Berry,  Alesia  chez  les  Mandubii,  Gergovie  chez 
les  Arvernes  et  Lutetia  chez  les  Parisii;  les  autres  oppida 
étaient  des  retranchements  où  l'on  se  retirait  en  temps  de 
guerre;  il  en  existait  dans  VArmoriqtce,  chez  les  Belges  et 
les  Venètes,  ils  étaient  situés  sur  les  monts  ou  sur  des 
ilôts  dans  les  marécages.  Les  Yenètes  plaçaient  leurs  op- 
pida sur  des  promontoires  voisins  de  la  mer,  transformés 
en  îles  par  le  flux,  et  rendus  inabordables  ;  s'ils  étaient 
pris,  ils  se  sauvaient  par  mer  dans  des  oppida  voisins  ^ 
Strabon  dit  des  Bretons  *  que  les  forêts  leur  tenaient  lieu 
de  forteresses,  qu'ils  coupaient  un  grand  nombre  d'ar- 
bres et  formaient  de  ces  abattis  de  vastes  enceintes 
dans  lesquelles  ils  établissaient  des  cabanes  pour  eux  et 
des  élables  pour  leurs  troupeaux.  César'  raconte  que 
leurs  enceintes  étaient  au  milieu  des  bois,  défendues  par 
un  retranchement  et  un  fossé.  Il  en  reste  beaucoup  dans 
le  pays  de  Galles,  dans  les  comtés  de  Cornouailles,  de 
Lancastre,  de  Shrop,  de  Cambridge,  de  Herfort,  à*Essex 
et  ailleurs.  Plusieurs  renferment  des  traces  circulaires  et 
ovales  d'habitations.  Sur  les  hauteurs  sont  des  enceintes 
irrégulières,  entourées  d'un  fossé  et  d'un  rempart  en 
terre  mêlée  de  cailloux,  et  sur  la  pente  s'élevaient  d'autres 
remparts.  On  voit  aussi  quelques-uns  de  ces  travaux 
en  France.  Le  camp  de  Sandouville  est  sur  une  émi- 
nence  presque  carrée,  défendue  au  nord  par  un  escar- 


'  César,  lib.  Ill,  cap.  4. 
*  strabon,  Géogr.,  lib.  II. 
'  César,  lib.  V,  cap.  25. 


310  MONUMKNTS   DB    l'aNTIQUITE. 

pemeni  de  300  pieds  sur  la  Se'me,  à  Test  et  à  Tooest, 
par  une  inclinaisoD  surmontée  d'un  rempart  haut  de  8  à 
10  pieds.  Le  nord,  de  niveau  avec  la  campagne,  a  été 
garni  d*un  rempart  long  de  400  toises,  élevé  de  40  à  50 
pieds  et  bordé  d*nn  fossé  de  30  pieds  de  largeur.  A  l'in- 
térieur était  une  seconde  enceinte,  et  une  entrée  avait  été 
ménagée  à  chaque  extrémité  de  la  première  ligne  de  défense . 
Le  camp  de  Boudeville  est  sur  un  cap  formé  par  la  Seine, 
et  divisé  en  trois  parties  par  trois  remparts  parallèles. 
Dans  l'enceinte  la  plus  étroite  est  la  pierre-gente.  Vers  la 
pointe  du  promontoire  on  remarque  trois  chemins  creax 
qui,  partant  du  même  point,  descendent  en  divergeant 
comme  les  branches  d'un  éventail  la  côte  escarpée,  jus- 
qu'au fond  de  la  vallée,  ce  qui  permettait  d'évacuer  le 
camp  à  couvert  jusqu'au  port  de  Tancarville  '.  —  Ces  di- 
vers faits,  observés  en  France  par  H.  de  Caumont,  nous 
permettent  déjuger  des  moyens  de  défense  employés  par 
les  autres  peuples. 


Habitations. 

Les  barbares,  qui  consacrèrent  au  culte  de  leurs  dieux 
et  à  la  sépulture  de  leurs  morts  des  monuments  dont 
l'érection  dut  demander  des  eiïorls  inouïs,  apportèrent 
fort  peu  de  soins  à  la  construction  de  leurs  habitations. 
Slrabon  •  nous  apprend  que  les  maisons  des  Gaulois  étaient 

*  De  Caumont,  Cours,  tom.  I. 

*  Lib.  IV,  cap.  V.   Les  Gaulois  plaçaient  leurs  habitations  dans  les  bois- 
César  VI,  30. 


AGI  DU  rit.  311 

rondes  '.  Ils  les  coDsiroisaieot  ayec  des  poteaux  et  des 
claies,  les  garnissaient  intérieurement  de  cloisons  en  terre 
et  couvraient  le  toit  de  bardeaux  en  cbéne  et  de  paille 
hachée,  mêlée  d'argile  V  Vitruve  donne  la  même  des- 
cription des  habitations  de  Tlbérie  *  et  ajoute  que,  sous 
Auguste,  Marseille  n'était  pas  encore  couverte  de  tuiles. 
D'après  César  et  Tacite  %  les  demeures  des  Bretons  et  des 
(lermains  étaient  pareilles  à  celles  des  Gaulois.  Les  Ger- 
mains avaient  aussi  des  demeures  souterraines  dans  les- 
quelles ils  réduisaient  leurs  récoltes  et  se  retiraient  eux- 
mêmes  pendant  l'hiver  V  On  voit  encore  dans  le  Harz  des 
cabanes  de  bûcherons  qui  ne  sont  pas  sans  rapports 
avec  celle  des  anciens  ;  rondes  et  construites  de  pieux, 
leurs  toits  coniques  sont  ouverts  à  leur  sommet  pour  lais- 
ser échapper  la  fumée  du  Teu  allumé  au  milieu  de  la  de- 


*  L^9  maisons  fauloisef  fuient  pour  la  plupart  rofulet  ci  fonnén  de  tronet 
«l'arbrcf  réunît  au  •ommet,  à  la  manière  d«t  buUet  actuellei  d«  not  char- 
bonnirrt.  Charton,  Vo^geun  andems  I,  197.  Les  maiion t  des  Bretons  étaient 
prrtu]uo  pamllcs.  M    paf .  tSO. 

*  Dr  même  en  Bretagne   César.  V.  It 

Strabon  IV.  Les  nuisons  des  Belgn  étaient  spacietaaet,  faites  de  boia  et 
ile  cUies.  recouTertes  de  joacs  ;  les  toits  s'élevaient  en  forme  de  dôme. 

*  Lib.  II.  cap.  1. 

*  Grrm  \\\.  Hérodien.  Vilû  Mëximiëmi  imperûtom.  lib.  Vil.  VI,  S.  — 
Pokbe  11.  17.  —  Hérodien  dit  que  les  maitoot  des  Germains  étaient  froesié 
rem^nt  cooslruiies,  séparées  les  unes  des  antres,  et  ordinairement  failetde 
^os  pieux  joints  ensemble,  ne  formant  ni  villes,  ni  bourgades.  Ils  ne  se  ler- 
^airnt  ni  de  tuiles,  ni  de  riment,  mais  quelques-uns  recouvraient  les  mars 
d'une  terre  pure  et  luisante,  qui  imitait  les  eovienrs  des  peintures.  Ils 
avaient  aussi  des  demeures  souterraiaes  pour  l'biter  et  poar  serrer  le  blé. 

*  On  peut  voir  la  sunrivance  d'une  coutume  plus  antique,  dans  une  aé- 
rienne loi  de  la  Frise  qui  défendait  de  construire  des  oiaisons  en  pierre,  à 
l'eiceplion  des  éflises  et  des  cloîtres,  et  de  les  élerer  plus  baul  de  it  pieds 
•oos  le  toit. 


312  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

meure.  Les  observations  sur  le  sol  ont  montré  qoe  si  la 
forme  circulaire  est  prédominante,  les  formes  ovales  et 
rectangulaires  étaient  aussi  employées.  Ce  qui  reste  de 
ces  cbétives  constructions  consiste  en  fondements  de 
pierres  sèches  et  en  dépressions  elliptiques  et  circulaires 
plus  ou  moins  profondes  appelées  margelles,  dans  les- 
quelles on  trouve  des  charbons,  des  ustensiles  et  divers 
témoignages  d'habitations.  Quant  aux  demeures  souter- 
raines, plusieurs  sont  encore  assez  intactes.  Les  margelles 
sont  nombreuses  en  France,  surtout  dans  le  Berry  et  la 
Normandie.  Elles  ont  de  20  à  100  pieds  de  diamètre,  sur 
6  à  18  pieds  àp  profondeur,  et  sont  construites  de  ma- 
nière que  Teau  ne  s'y  arrête  pas;  on  y  trouve  des  char- 
bons, des  instruments  de  cuivre,  des  fragments  de  po- 
terie, de  nombreuses  écailles  d'huitre  et  des  ossements 
d'animaux.  Il  existe  des  deux  côtés  de  la  Somme  des  ga- 
leries souterraines  de  7  à  8  pieds  de  large  et  de  même 
hauteur,  auxquelles  communiquent  à  droite  et  à  gauche 
des  cellules  creusées  dans  la  roche,  au  nombre  de  25  à  40. 
On  croit  qu'elles  ont  encore  été  utilisées  aux  W  et  X^  siè- 
cle pour  se  mettre  à  couvert  des  Normands  *.  On  voit  des 
cavités  pareilles  dans  le  département  de  la  Sarthe,  dans 
le  pays  Charirain  et  dans  la  Champagne.  —  Les  margelles 
sont  fréquentes  en  Angleterre,  surtout  dans  le  comté  de 
Berk,  où  273  sont  réunies.  Dans  le  comté  de  Derby,  53 
sont  déposées  sur  deux  lignes.  Les  comtés  û'Hertford, 
de  Ke7it  et  d'autres  possèdent  des  salles  souterraines 
et  des  galeries  comme  celles  de  la  Picardie.  En  Eœsse 
(comté  à'Aberdeen),  sur  un  espace  d'un  à  deux  milles, 

*  Acad.  royale  des  inscrip.  et  bel,  let.  tom.  27,  pag.  183. 


AGE    DU    FER.  313 

on  a  découvert  une  soixantaine  de  chambres  souter- 
raines construites  en  pierres  brutes.  —  En  Suisse,  des 
margelles  ont  été  observées  dans  une  forêt  de  Bâle-Cam' 
pagne  '  et  dans  la  HaxUe-Engaiine  *.  —  On  retrouve  les 
margelles  dans  le  midi  de  V Allemagne,  dans  le  duché  de 
Saxe-Weimar,  en  Lmace,  dans  le  duché  de  Cœthen,  en 
Poméranie,  sur  les  lacs  du  Lunebourg  et  dans  le  duché 
de  Brunswick,  où  elles  sont  disposées  deux  à  deux  et 
munies  de  forts  murs  de  300  pieds  de  tour  '.  Elles  con- 
tiennent, de  même  qu'en  France,  divers  débris  dont  on 
ne  peut  se  rendre  compte  qu'en  admettant  des  habita- 
tions dans  ces  lieux  ^. 


Considérations  générales. 

Quand  on  visite  ces  arrangements  de  pierres,  on  est 
frappé  tout  d'abord  de  la  grandeur  des  matériaux  em- 

*  Communication  de  M.  Fischer,  professeur.  Au  fond  se  trouvaient  divers 
débris  indiquant  un  enfoncement  artificiel,  ou  du  moins  utilisé. 

*  M.  de  Bonstetten,  après  avoir  visité  TEngadine,  m'écrit  que  ces  creux 
sont  naturels;  il  en  a  vu  un  qui,  par  un  affaissement  du  terrain,  a  rompu  un 
chemin. 

'  Keferstein,  passim. 

*  Voyage  autour  du  Caucase,  tom.  III,  pag.  181.  Itinéraire  de  Koutaïs  à 
Tiflis.  Trajet  de  Satchekhéri  à  Gori  (Géorgie).  •  Rien  ne  m'étonna  comme  la 
vue  du  village  de  Tihegauli,  et  je  ne  pouvais,  en  voyant  ces  tas  de  terre  dis- 
séminés çà  et  là,  me  croire  au  milieu  d'habitations  humaines;  car  les  maisons, 
vues  de  près,  n'ont  pas  meilleure  apparence,  et  il  est  impossible  de  supposer 
qu'il  y  ait  des  gens  qui  demeurent  sous  ces  taupinières.  Cependant,  quand  on 
a  descendu  une  douzaine  de  marches  grossières,  on  est  surpris  en  y  entrant 
de  trouver  de  vastes  souterrains  semblables  à  ceux  de  la  caverne  de  Gilblas  ; 
on  y  voit  nombre  de  compartiments,  pour  les  vaches,  pour  les  chevaux  et. 


314  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

ployés.  On  a  vainement  recherché  par  quels  moyens  ce» 
anciens  peuples  sont  arrivés  à  dresser  des  monolithes  de 


dans  un  coin  séparé  par  une  balustrade  ^ossière,  un  petit  réduit  pour  les 
hommes  avec  une  cheminée  au  fond  :  c'est  le  seul  trou  qui  donne  la  lumière 
pendant  le  jour.  La  nuit,  le  feu  de  grosses  bûches  ne  laisse  pas  manquer  de 
cette  lumière  grotesque  qui  éclaire  tous  ces  groupes  confus  ;  depuis  ces  Géor- 
giens qui  mangent  leur  tchourék  (pain  plat  cuit  dans  des  creux  ronds  qui 
tiennent  lieu  de  four),  jusqu'à  la  dernière  génisse  et  au  dernier  mouton  se 
repaissant  de  leur  foin  dans  un  coin.  Les  têtes  curieuses  des  vaches  et  des 
chevaux  abandonnent  quelquefois  leur  râtelier  pour  s'avancer  par-dessus  la 
balustrade  et  voir  ce  que  nous  faisons.  » 

A  quelque  distance  de  Gori,  en  Géorgie,  à  Ouplostsikki,  est  encore  une  pe- 
tite ville  taillée  dans  d'immenses  blocs  de  molasse.  On  y  retrouve,  mais 
déserts,  ses  rues,  ses  maisons,  ses  magasins,  ses  lieux  sacrés  et  ses  palais. 
On  y  arrive,  d'un  côté,  par  un  sentier  escarpé;  de  l'autre,  par  un  long 
chemin  taillé  dans  la  paroi  du  rocher.  Il  n'est  qu'un  seul  édifice  hors 
de  terre,  au  sommet  du  rocher,  c'est  une  église  en  brique,  postérieure  aux 
autres  constructions,  qui  sont  des  excavations  groupées  et  terrassées  les  unes 
sur  les  autres  et  taillées  dans  des  massifs  isolés.  Les  couches  de  roches,  pla- 
cées comme  les  assises  d'une  pyramide,  forment  un  grand  nombre  de  degrés 
jusqu'au  sommet  le  plus  élevé.  Les  grottes  ou  maisons  sont  entassées  les  unes 
sur  les  autres.  Les  plus  simples  consistent  en  une  première  grotte  taillée  en 
plein-cintre,  sans  ornement,  avec  de  plus  petites  grottes  taillées  dans  le  fond 
ou  sur  les  côtés.  Les  plus  riches  conservent  les  ornements  d'une  architecture 
recherchée,  qu'on  peut  diviser  en  deux  classes.  Dans  la  première  sont  de 
grands  salons  composés  d'un  ou  de  plusieurs  dômes,  de  façon  gothique;  dans 
ce  dernier  cas,  ces  dômes  reposent  sur  des  piliers  ménagés  dans  la  masse  du 
rocher.  Dans  l'un,  quatre  pilastres,  de  façon  géorgienne  ou  gothique,  suppor- 
tant quatre  arceaux  légèrement  rentrants,  qui  portent  à  leur  tour  une  cou- 
pole en  plein-cintre.  De  la  rosette  ornée  d'un  double  triangle  enchevêtré  qui 
formait  la  clef,  partent  des  côtés  comme  des  rayons  pour  aller  s'appuyer  sur 
les  arceaux,  ainsi  qu'on  en  voit  beaucoup  d'exemples  dans  les  voûtes  gothi- 
ques. Seulement  dans  ces  dômes  toutes  les  lignes  approchent  du  plein-cintre 
et  nullement  de  l'ogive.  Dans  un  coin  se  trouve  le  tronc  à  faire  le  feu  ou  à 
poser  le  brasier  ;  la  fenêtre,  avec  une  grande  embrasure  et  deux  sièges  de 
chaque  côté,  était  tournée  au  levant.  —  Le  second  style,  le  plus  commun, 
diffère  totalement  du  premier.  La  roche  compacte  imite  tous  les  ornements 
d'une  boiserie  soignée.  On  y  voit  corniches,  petites  poutres,  grandes  poutres 


AOe   DU    PRK.  315 

50  et  GO  pieds  de  haut,  ou  à  élever  au-dessus  du  sol 
des   pierres  d*nne   excessîTe  pesanteur.  Dans  le  XVII^ 


ira%rr«icrf»,  commp  «tant  un^  maifton  de  boit.  Quand  rappartetner.t  ettfrand, 
la  f  rande  poutre  travenière  qui  «upporte  let  autres  est  soutenue  par  des  pi- 
liers qu'on  a  mf nafés  au  milieu  de  Tappartement.  Un  de  ces  salons,  de  17 
piedf  de  roi  de  longueur,  sur  autant  de  larfe,  était  percé  au  fond  de  trois 
grandes  .irca'ies  qui  donnaient  sur  un  corridor  communiquant  avec  d'autres 
pi^ce*.  —  Des  plafonds  plats  M>nt  aussi  ornés  de  caissons  carrés.  —  Le  devant 
du  rocher  d'un  de  res  appartements  était  taillé  en  forme  de  fronton  donnant 
•ur  un  portique,  à  voûte  pleine,  ornée  de  caissons  du  meilleur  foût.  polis 
autant  que  la  pierre  le  permettait.  ~  On  n'avait  oublié  nulle  part  de  se  mé- 
n4|rer  des  nirhes,  des  srmoires,  et4*.  Les  chemins  et  les  rues  étaient  taillés 
dan»  le  roc,  ainti  que  des  canaui  pour  recevoir  les  eaux  de  pluie.  I^s  frottes 
d<*  Voitif  la  sont  bien  inférieures  à  celles-ci.  L'absence  de  chapelle  chrétienne 
imlique  déji  l'antiquité.  La  chronique  mentionne  Oaplostsikki  parmi  les 
%illes  qu'Aleiandre-le-r»rand  prit  en  Géorfie.  Elle  fut  afrandie  par  le  roi 
%rrh.i;.  qui  commença  à  réfner  M  ans  avant  Jésus-€hrist.  La  population, 
qui  ''•t  arménienne,  demeure  dans  de  chétives  huttes  de  terre,  à  cété  de  ces 
paUit    Voyage  nulomr  du  Caue^»e,  tom   III,  paf .  194«S10. 

—  Id  tom.  V,  paf.  969.  De  Soudak  à  Cski-Krim,  sur  la  cAte  snd-est  de  la 
r.nrn*^.  «ont  des  cryptes  de  15  à  M  pieds  de  hauteur,  profondes  d'une  qua- 
ranUin#*  de  pieds  ;  l'une  a  le  double  en  largeur .  On  les  a  taillées  dans  la  partie 
•uprrieure  de  la  craie,  de  manière  q«ie  le  calcaire,  qui  est  beaucoup  plus 
compacte,  tient  lieu  de  plafond.  Rlles  servent  aujourd'hui  de  retraite  an 
brebH  —  L'on  trouve  de  ces  cryptes,  plus  ou  moins  bien  conservées,  dans 
les  riM>her»  au  »ud  de  la  route  de  Tbéodosie  et  du  villafe  de  Mélek. 

—  M  tom.  V,  paf.  4tA  L'Européen  du  nord,  après  avoir  traversé  la  steppe 
et  k  vrrtant  septentrional  de  la  chaîne  taorique  (en  Crimée),  descend  en  aspi- 
rant avec  volupté  l'air  chaud  de  la  cAte L.es  habitants,  pour  se  défendre 

de  la  chaleur  «e  font  construits  des  cavernes,  c'est  presque  le  terme  :  les  mal- 
«on«,  pre«)ue  toujours  adossées  par  un  côté  au  rocher  ou  aux  pentes  rapides 
de  la  cMe,  «ont  à  moitié  dans  la  terre.  L'on  ne  voit  qu'une  partie  des  murs 
construit»  en  pierres  brutes,  liées  avec  de  Is  terre  flaise  ;  la  façade,  tournée 
entre  le  levant  et  le  couchant,  consiste  en  trois  ou  quatre  frandes  poutres 
froMtérement  équarries,  tenant  lieu  de  colonnes,  elles  supportent  l'arclli- 
trave  d'un  portique  qui  prend  tout  le  large  de  la  maison;  c'est  celui  du 
héros  dHomére.  Là,  le  Tartare  reçoit  les  étranfers  et  leur  fait  bonumir, 
abrité  contre  les  rayons  ardents  du  soleil,  tandis  qne  sa  feame,  dans  dts 


316  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÊ. 

siècle,  l'architecte  Perrault  tira  gloire  d'avoir  posé  sur  le 
fronton  de  la  colonnade  du  Louvre,  deux  pierres,  pesant 


appartements  intérieurs,  qui  n'ont  souvent  de  jours  que  par  la  cheminée, 
mène  une  vie  retirée,  et  prépare  tout  ce  qu'exigent  les  besoins  de  la  maison. 
Des  toits  plats,  en  terre,  couronnent  le  sommet  de  l'édiflce,  servant  de  ter- 
rasse pour  y  prendre  le  frais  le  soir.  »  —  «  Au  premier  sentiment  de  cu- 
rieuse surprise  se  joignit  un  grand  étonnement,  quand  je  retrouvai  plus  tard 
cette  architecture  généralement  adoptée  dans  plusieurs  parties  de  l'Asie  que 
j'ai  visitées  :  cette  similitude  de  mœurs  à  de  si  grandes  distances  et  chez  des 
peuples  si  divers,  prouve  que  cette  architecture  est  plus  ancienne  que  les 
Tartares  et  qu'elle  fut  adoptée  déjà  par  les  Taures  et  les  Grecs  de  l'anti- 
quité. » 

—  Id.  tom.  VI,  pag.  216  et  suiv.  Du  Bois,  arrivé  au  versant  septentrional  de 
la  chaîne  taurique,  vers  Simféropol  (en  Crimée),  parle  de  la  succession  des 
Taures,  des  Tauro- Scythes,  des  Alains  et  des  Goths,  et  montrent  que  les 
grottes  ou  demeures  troglodytiques  de  ces  contrées  ne  peuvent  appartenir 
qu'aux  Taures,  bien  qu'elles  aient  pu  être  utilisées  plus  tard  par  d'autres. 
En  voici  la  description,  pag.  242.  Près  de  la  baie  de  Sévastopol  est  une  crypte 
avec  chapelle  dans  le  rocher.  C'est  moderne.  A  peu  de  distance,  des  cryptes 
antiques  ont  été  détruites  par  l'exploitation  de  la  roche.  Un  de  ces  temples 
cryptes  est  de  style  byzantin  entouré  de  cellules,  réfectoires.  Il  y  avait  place 
pour  une  vingtaine  de  moines.  Ce  n'est  pas  le  seul  de  ce  genre. 

—  Pag.  250.  Les  Taures  avaient  déjà  percé  des  cryptes  dans  le  rocher  dVn- 
kerman,  promontoire  qui  domine  le  fond  de  la  baie  de  Sévastopol.  D'une  de 
ces  cryptes  avec  temples,  galeries,  cellules,  on  arrive,  par  un  escalier  taillé 
dans  le  roc,  au  sommet  de  la  montagne  au  milieu  des  ruines  d*un  château 
fort  ancien  qui  couronnait  ainsi  Inkerman.  Les  travaux  des  Taures,  ceux  qui 
sont  antérieurs  à  la  fondation  du  château,  sont  dans  la  façade  du  rocher  qui 
regarde  le  midi,  exposition  presque  toujours  choisie  et  préférée  par  eux. 
Pag.  260.  <  Par  plusieurs  issues  depuis  l'intérieur  du  château,  et  entr'autres 
par  un  corridor  spacieux  muni  de  degrés,  je  pus  descendre  dans  des  enfilades 
innombrables  de  cryptes  formant  six  à  sept  étages  les  uns  sur  les  autres. 
Plusieurs  de  ces  grottes  forment  une  habitation  complète,  où  Ton  reconnaît 
un  âtre  ou  trou  pour  faire  le  feu  et  cuire  le  pain,  des  niches  à  déposer  les 
effets,  des  caves  ou  silos  creusés  sous  le  sol  de  la  cuisine,  des  chamffres  à 
coucher  avec  des  niches  simulant  des  /i/s,  le  tout  taillé  dans  le  roc  vif.  Les 
plus  simples  de  ces  cryptes  ne  se  composent  que  d'une  pièce  unique  dans  la- 
quelle tout  est  compris  avec  la  niche  pour  le  lit.  D'autres  se  composent  de 


AGE    Dt    FEU.  3f7 

chacune  4000  quintaux,  et  cependant  les  barbares,  qui  ne 
connaissaient  pas  la  dynamique  réduite  à  Tétat  de  science. 


quelques  pièces.  Nulle  |Mirt  d'inicription.  de  peinture,  de  •culpiure,  tout  est 
Uillé  a  la  pomte.  Pat  de  poltMure  tur  les  paroit  ou  les  voûtet.  Le  temps  a 
produit  drs  i*t>oulements,  des  Assures,  bouché  des  escaliers  entre  les  étafes  ; 
beaucoup  S4>nt  inalwrdables.  Len  esploitations  qu'on  fait  dans  ce  lieu  mena- 
cent d«*  détruire  ce  qui  reste  de  ces  cryptes,  dont  on  a  déjà  fait  sauter  une 
frande  partie  —  P«f .  i75.  A  Mêngoup  on  ne  voit  plus  que  deux  ou  trois 
étairet  il(»  cryptes.  Paf .  tItO.  Otte  localité,  dont  les  ruines  sont  encore  im- 
poi^antes,  a  eu  sa  ville  crypte,  où  l'on  arrive  par  defrés  qui  conduisent  sur 
lies  terrasses  ou  faleries  taillées  en  retrait  sur  Tablme  qu'elles  surploml>ent  ; 
les  portes  rt  feiiAires  s'ouvrent  dessus,  comme  dans  la  façade  d'une  maison. 
On  %  «Oit  peu  de  hl-nirhet,  plus  de  recherches,  plus  de  dépendances  indiquant 
un  Xçr  moins  ancien.  Les  cryptes  qui  terminent  le  promontoire  de  l'Acropole 
peuvent  être  attribuées  à  un  chef  ou  roi  des  Taures.  Des  marches  le  lon^  de 
la  |Mroi  e&terieure  conduisent  d'abord  à  une  grande  salle  avec  balcon  sur  la 
siilli<>  extérieure  du  promontoire.  L'escalier,  toujours  au  dehors,  se  ramifie 
en  df ut,  l'un  conduisant  à  une  terrasse  excavée  à  grands  frais ,  l'autre  dans 
les  cryptes.  On  y  voit  une  pièce  de  8  à  9  pieds  de  hauteur,  longue  de  plus 
de  iQ  pieds.  a%ec  une  voûte  plate  soutenue  par  un  seul  pilier.  Huit  portes 
donnaient  sur  cette  pièce,  cinq  de  cabineti,  deux  donnant  dans  une  autre 
piTe .  un  grand  divan  éclairé  par  une  fenêtre,  et  la  huitième  donne  sur  une 
terrasse.  — >  Pag.  t90.  A  Tekerkeu^Kermsm^  excavation  d'une  ville  troglody- 
tique  à  plusieurs  étages.  —  Pag.  MU.  La  ville  crypte  de  Këtchikmléme  est 
l'une  des  plus  intéressantes  de  la  Crimée.  Ces  cryptes  sont  plus  simples  que 
collet  du  %oi*inage  de  ilangomp  ou  de  Tépékermao,  et  forment  à  peu  prés 
quintr  étages  Ordinairement  c'est  une  simple  cavité  enrichie  quelquefois 
d'une  niche  ou  d'un  banc.  Des  saillies  ménagées  sor  les  dillérentet  assises 
du  rocher  servaient  de  nies  ;  des  degrés  taillés  dans  le  roc  menaient  d'une 
rue  ou  d'un  étage  à  Tautre.  On  reoHinalt  des  pressoirs  et  des  greniers  dans 
les  liages  supérieurs.  Ce  sont  les  mêmes  pressoirs  que  ceux  de  la  Chersonése, 
de  d'Imèreth,  de  Vardrie  sur  le  Kour,  etc.  Les  greniers  renferment  encore  du 
grâin  friable  et  noirci  par  le  temps.  L.a  chapelle  est  postérieure  à  ces  cryptas, 
qui  ont  encore  été  habitées  très  tard  sous  la  domination  bytantine.  —  Pag. 
SOS .  Dans  le  voisinage  est  f  ipeiermcn,  rocher  isolé  tout  entier,  excavé  et  percé 
de  jours  tout  autour,  comme  un  colombier,  tandis  que  les  antres  sont  des  Ci- 
çades  de  roche.  C'est  un  edne  tronqué  de  7  à  M#  pieds  au-dessus  de  sa  base. 
11  y  a  jusqu'à  dix  étages  au  midi.  J'escaladai  le  rocher  par  une  nielle  taillée 


318  MONUMENTS    DB    l' ANTIQUITÉ. 

ODt  élevé  des  blocs  du  poids  de  9000  et  12000  qainiauxi 
L'histoire  de  rarcbitecture  dans  le  moyen  âge  nous  mon- 


en  partie  dans  le  roc  vif,  et  j'arrivai  sur  la  plate-forme  un  peu  irr^gulière. 
Toute  sa  surface  est  percée  de  puits  peu  profonds,  par  lesquels  des  marcbet 
mènent  dans  Tintérieur  des  cryptes.  Des  escaliers  extérieurs  ou  inténean 
menaient  à  chaque  logement,  composé  presque  toujours  de  plusieurs  pièoM 
recevant  le  jour  par  la  façade  extérieure  du  rocher,  et  présentant  les  de- 
meures les  plus  simples  et  les  plus  confortables,  de  la  grotte  informe  aux  plus 
commodes.  Du  reste,  peu  d'architecture,  de  symélrie,  de  peinture  ou  d'orne- 
ment. Ainsi  il  est  de  fait  qu'une  grande  partie  des  populations  de  l'Asie,  en 
devenant  stables,  ont  commencé  à  créer  des  demeures  dans  des  cavernes. 
D'autres  grottes  devinrent  leurs  temples  et  leurs  tombeanx.  On  sait  quels 
magnifiques  travaux  l'Inde  a  su  exécuter  dans  ce  genre.  La  Perse  a  aussi 
ses  tombeaux  et  ses  villes  cryptes.  L'Egypte,  la  Nubie  et  l'Abyssinle  oot 
commencé  par  la  crypte.  Qui  énumérera  les  temples,  les  nécropoles  et  les 
palais  dont  la  patience  des  anciens  peuples  a  su  remplir  les  rochers?  Les 
rochers  de  la  Sicile  sont  percés  de  villes  cryptes  du  travail  le  plus  in- 
génieux. La  grande  Grèce  et  les  Etrusques  se  sont  signalés  par  leurs  tom- 
beaux taillés  en  cryptes,  et  le  labyrinthe  de  Crète  a  été  le  thé&tre  des  pre- 
miers mythes  de  la  Grèce.  On  connaît  les  belles  cryptes  de  l'Asie-Mineure  et 
de  la  Thrace.  Partout  on  cherche  l'origine  de  ces  travaux  innombrables  qu'a 
produits  Tart  humain,  partout  l'histoire  se  tait,  et  partout  les  monuments 
sont  plus  vieux  qu'elle.  L'histoire  faisant  venir  des  cdtes  méridionales  de  la 
mer  Rouge  les  Kaptoriens  ou  Phéniciens^  pour  les  faire  débarquer  au  fond 
de  la  mer  Rouge,  à  Aiion-Grahtr^  sous  la  conduite  d'Edom,  sera-t-on  étonné 
que  les  Iduméens  ou  Edomites,  descendants  des  colons  troglodytes  soient 
restés  anthcoles,  comme  le  dit  le  traducteur  de  Strabon?  Les  antiques  villes 
de  l'Idumée  étaient  des  cryptes  et  remplissaient  l'Arabie  Pétrée,  principale- 
ment VOuadi-el'Arabu  et  \'Ouûdi~el-Gor^  dans  le  prolongement  de  la  vallée 
du  Jourdain  et  de  la  mer  Morte.  >  —  <  Les  Edomites  et  les  Phéniciens 
jouaient  un  grand  réle,  déjà  avant  l'arrivée  des  Hébreux  de  l'Egypte,  et  leur 
commerce  embrassait  la  mer  Rouge  et  le  golfe  Persique;  pour  étendre  leurs 
relations  mercantiles  jusque  sur  la  Méditerranée,  ils  fondèrent  5Mofi,  Tyr: 
mais  ils  portèrent  en  même  temps  jusqu*aux  pieds  du  Liban  leur  industrie 
trogloditique.  La  vallée  septentrionale  du  Jourdain,  le  Hard-El-Uule,  fut 
percée  de  villes  cryptes,  parmi  lesquelles  se  distinguèrent  Halser  et  Botlrm. 
Leurs  habitants  étaient  fiers  de  leurs  demeures  dans  les  rochers,  qu'ils  envi> 
sageaient  comme  inexpugnables;  c'est  pourquoi  Jérémie  a  dit:  «La  fierté  et 


AGE    DD    FEB.  319 

tre  comment  un  peuple  animé  par  la  foi  est  capable 
d'employer  ses  forces  et  ses  ressources  pour  élever  au 
dieu  qu'il  adore  un  temple  qu'il  croit  lui  être  agréable.  On 
a  vu  nobles  et  prélats  se  mêler  à  la  foule  et  traîner  eux- 
mêmes  les  matériaux  qui  devaient  servir  à  la  construc- 
tion des  édifices  religieux.  Un  entraînement  pareil  a  dû 
présider  à  l'érection  de  ces  blocs,   dont  les  dimensions 


la  présomption  de  ton  cœur  t'ont  séduit,  Edom,  toi  qui  habites  les  creux  des 
rochers,  et  qui  occupes  la  hauteur  des  coteaux:  quand  tu  auras  élevé  ton  nid 
comme  l'aigle,  je  t'en  ferai  descendre,  a  dit  rEternel.  >  —  «  L'orgueil  de  ton 
cœur,  répète  aussi  Abdias  (vers.  3],  t'a  séduit,  Edom,  toi  qui  habites  dans  les 
fentes  des  rochers,  qui  sont  ta  haute  demeure,  et  qui  dis  en  ton  cœur  :  Qui 
me  renversera  par  terre  ?»  —  Quant  à  Hastor,  Jérémie,  continuant  sa  pro- 
phétie ajoute:  «  Fuyez,  éloignez-vous  tant  que  vous  pourrez,  vous  habitants 
de  Hastor,  qui  avez  creusé  des  cryptes  pour  y  habiter....  Nébucadnézar,  roi 
de  Babylone,  pense  à  mal  contre  vous,  et  Hastor  deviendra  le  repaire  des 
dragons  du  désert.  «  —  «Les  contrées  de  Dédan  et  de  Betanœa,  aujourd'hui 
Bolhin,  furent  aussi  presque  troglodytes.  Dans  le  pays  de  Thohtl  ou  Tuhal 
(la  Géorgie),  les  plus  anciennes  capitales  du  pays,  selon  les  chroniques  géor- 
giennes, ont  été  des  villes  cryptes  :  telles  étaient  Ouplistsikhi^  Armarij  etc. 
L'art  de  la  crypte  a  été  de  tout  temps  en  faveur  en  Arménie,  où  sont  les 
cryptes  innombrables  de  Strachegaport^  et  les  monastères  d'Airivank,  de 
Kiegariy  etc.  L'on  voit  sur  les  rives  du  haut  Cyrus,  les  villes  cryptes  de  Var- 
die,  de  Zéda-Tmogri,  et  tant  d'autres  reconnaissables  à  Tépithète  de  kvabi 
(caverne)  qui  compose  leur  nom  :  Arbchiis- Kvabi,  Vams-Kvabi,  Kithis-Kvabi. 
En  Colchide,  dans  la  partie  supérieure  du  cours  du  Phase  des  anciens  (la 
Kvirila  d'aujourd'hui),  j'ai  signalé  le  nombre  infini  de  grottes  abandonnées 
qui  se  concentrent  autour  de  Gvimé.  Sémokvahana  (les  hautes  demeures) 
est  le  nom  de  ce  district.  —  J'ai  indiqué  les  cryptes  de  la  vallée  de  Kévi, 
dans  le  centre  du  Caucase,  sur  le  versant  septentrional,  sont  les  troglodytes 
de  Strabon,  logés  dans  les  hypogées  qui  entourent  Kislavodsk,  à  peu  de 
distance  du  Béchetan.  —  On  voit  de  quelle  importance  est  la  crypte  dans 
l'histoire  de  l'homme,  et  quelle  place  considérable  elle  a  occupé  dans  son 
industrie.  Il  m*a  paru  qu'on  n'avait  pas  attaché  assez  de  valeur  à  cette  bran- 
che d*élude,  qui,  si  éloignée  de  nos  mœurs,  peut  nous  donner  la  solution  de 
nombreux  faits  et  de  coutumes  sur  lesquels  nous  sommes  restés  dans  une 
ignorance  complète. 


3^0  MONUMENTS   DB    l'aNTIQUITÉ. 

gigantesques  ne  peuvent  être  considérées  sans  un  profond 
étonnement. 

La  destination  des  divers  monuments  que  nous  venons 
d'examiner  ressort  plus  nettement  si  l'on  rapproche  les 
dénominations  populaires  et  les  données  que  nous  four- 
nissent les  auteurs  anciens  sur  ce  sujet.  Non-seulement 
les  Grecs  adorèrent  d'abord  leurs  dieux  sous  la  forme  de 
piliers  bruts,  mais  cet  usage  survécut  encore  en  quelques 
lieux  de  la  Grèce  jusqu'à  l'introduction  du  christianisme*. 
Pausanias  dit  que,  suivant  Vancien  mage,  la  statue  d'Her- 
cule, à  Hyette  en  Béotie,  était  une  pierre  toute  brute'.  Les 
Tbespiens,  qui  vénéraient  l'Amour  par-dessus  tous  les 
dieux,  en  avaient  une  statue  fort  ancienne,  qui  n'était 
autre  qu'une  pierre  brute ^  Lorsque  Vespasien  alla  con- 
sulter Vénus  à  Paphos,  l'image  de  la  déesse  était  une 
grossière  pyramide  de  pierre^.  Les  habitants  de  Delphes 
avaient  l'habitude  d'oindre  une  pierre  d'huile  et  d'y  dépo- 
ser de  la  laine  non  lavée*.  C'était  d'une  pierre,  que  la 
Sibylle  de  Cumes  tirait  ses  oracles*',  et  les  Romains  cou- 
ronnaient le  dieu  Terme  de  fleurs.  En  Grèce,  ces  pierres 
étaient  ordinairement  des  piliers  carrés,  et  en  France  la 
plupart  des  men-hirs  ont  la  même  forme.  Encore  de  nos 
jours',  on  les  oint  d'huile,  on  les  pare  de  guirlandes  de 

*  A  Trézène,  devant  le  temple  de  Diane  Lycœa,  est  la  pierre  sacrée  sur 
laquelle  neuf  Trézéuieiis  purifièrent  jadis  Oreste  du  meurtre  de  sa  mère. 
Pausan.  H,  3. 

•  Lib.  IX,  cap.  2i. 

*  Pausan.  IX,  27. 

*  Tacite.  Histor.  II,  2,  3. 

•  Pausan.  X,  2i.  —  Voir  la  pierre  de  Jacob,  Gen.  Il,  8,  el  la  pierre  noire 
des  Arabes,  que  Mahomet  plaça  dans  le  lieu  saint. 

•  Keferstein. 

^  Sakhichévan  (en  Arménie),  où  Ton  montre  le  tombeau  de  Noé.  «  Nous  par- 


AGE    DU    PEU.  Zil 

flpurs  :  vénérés  dans  la  plupart  des  pays,  on  les  appelle 
fiit^rcs  du  soleil,  pierres  d'oracle.^.  Les  sagas  do  nord  di- 
<5f*nl  que  des  esprits  protecteurs  demeurent  dans  ces 
pierres  :  le  peuple  y  voit  des  spectres  pendant  la  nuit  et  y 
pntend  des  bruits  mystérieux'.  L'évêque  Isidore  de  Séville 
nomme  les  men-hirs.  pierres  de  Mercure  (lapides  Mer- 
curii),  c'est  dire  qu'ils  étaient  à  ses  yeux  de  véritables 
Hermès.  Dans  les  anciennes  chroniques,  il  est  souvent 
question  des  Hermès,  surtout  en  Allemagne.  Lorsque 
rjiarlemagne  eut  défait  les  Saxons,  il  détruisit,  près 
d'Heresbourg.  en  Westphalie,  leur  idole  qu'ils  appelaient 
Irfftefi^iil,  et  emporta  l'or  et  l'argent  qu'il  trouva  dans  ce 
lien.  r,rimm  Tait  voir  dans  sa  mythologie  allemande  que 
cp  mol  désigne  la  colonne  ou  le  pilier  d'Hermès*.  Les 
«îerm.iins  adoraient  un  Ermis  ou  Hermès*.  Sa  statue  était 
un  pilier  de  bois  ou  dp  pierre,  c'est-à-dire  un  men-hir. 
r.o  pilier  est  aussi  appelé  colonne  universelle,  comme 
soulpnanl  toutes  choses.  L'or  el  l'argent  désignent  les 
offrandes  h  Hermès.  —  Ce  dieu  n'était  cependant  pas 
le  seul  auquel  on  élevait  des  piliers.  En  Suéde,  on  a  le 
Thifrsmulen  c'est-à-dire  le  pilier  de  Thor*.  D'après  ces 
divers  Taits  on  ne  peut  douter  que  le  men-hir  n'ait  été 

ttmrii  p«iur  l4»4  rapi*l<^  de  l'Araxe.  En  (oiMint  par  U  ville,  on  me  roonin  à  côU 
du  rhemin  un^  pierre  noire,  polie  par  le«  baiters  et  letfenouxde  nombreuY 
dfvot»  ;  elle  «erl  aux  prières  ferventes  des  habitants  de  ?Cakhlchévan  :  c'est 

p^ut-^tre  un  aérolithe Elle  est  arrondie  comme  un  caillou  et   a   */• 

pied  de  liMif ueur  »ur  I  pied  de  larfe  et  6  ou  7  pouces  d'ép^iiMur.  •  Voy*^ 
autour  du  t'auc^ie,  tom.  IV,  paf .  19. 

*  Dan«  la  Bretafne  française  et  l'ancienne  Marche. 

*  l^tutwhe  anthologie,  paf.  lOi  et  suiv.. 

*  Id.  paf.  101.  10S6,  MO,  SOI. 

*  Tacite.  (Urm,  li.mentionnedanste  pays  des  Frises  les  rûtummœ  HeremUê. 

■ta.  ET  MCUM.  lUT.  tl 


3%S  MONUBIRNTS   DE   L*ANTIQUITÉ. 

la  représentation  de  la  divinité.  Seulement,  poor  rester 
autant  quMl  est  possible  dans  les  limites  du  vrai,  doq& 
ferons  observer  que  toute  pierre  dressée  n'a  pas  eo  né- 
cessairement la  même  destination.  Quelques-unes  peu- 
vent avoir  été  simplement  commémoratives  ou  élevées 
dans  le  but  de  conserver  le  souvenir  d'un  événement. 
D'autres,  lorsqu'elles  reposent  sur  une  tombe,  sont  de 
véritables  cippes  ou  pierres  tumulaires,  mais  il  n'en  est 
pas  moins  certain  que  le  menhir  fut  aussi  l'image  de  la 
divinité. 

Dans  les  cultes  qui  nous  sont  mieux  connus  que  ceux 
du  nord,  les  autels  étaient  d'espèces  ou  de  consécrations 
diverses,  selon  qu'ils  étaient  destinés  aux  oblations  ou 
aux  sacrifices,  et  suivant  les  divinités  en  l'honneur  des- 
quelles ils  étaient  élevés.  La  variété  de  leur  construction 
indique  qu'il  dut  en  être  de  même  chez  les  barbares,  et 
les  différences  de  dénomination  le  confirment.  Plusieurs 
sont  appelés  autels  ou  pierres  des  fées.  Nous  avons  vu  en 
Suède  la  pierre  des  Elfes,  sur  laquelle  on  dépose  encore 
des  offrandes  pour  se  concilier  la  protection  de  ces  esprits; 
une  étude  plus  complète  montrera  peut-être  que  les 
mêmes  formes  répondent  aux  mêmes  noms.  Les  flocons 
de  laine,  déposés  sur  les  dolmens  de  la  France,  rappel- 
lent l'usage  des  habitants  de  Delphes.  Les  offrandes  de 
petites  monnaies,  en  France  et  en  Russie,  avaient  déjà 
lieu  en  Grèce  sur  l'autel  de  Phares*.  Le  nom  de  pierre 
d'épreuve,  donné  à  quelques  blocs,  reçoit  son  explication 
par  la  tradition  de  Rûgen  qui  nous  apprend  comment  fut 
découverte  la  druidesse  qui  entretenait  des  rapports  avec 

*  La  coutume  d'allumer  des  lampes  sur  cet  autel  était  très  répandue  chez 
les  barbares. 


AQB    DU    FER.  323 

UD  jeune  homme  du  collège  des  druides.  Souvent  aussi 
ces  blocs  sont  appelés  :  pierres  du  mensonge  ou  du  diable. 
Les  pierres  mouvantes  sont  mues  par  le  diable.  Lorsque 
les  missionnaires  annoncèrent  le  christianisme  aux  bar- 
bares, il  parait  qu'en  général,  ils  ne  nièrent  pas  l'existence 
des  fsiux  dieux;  soit  par  crainte,  soit,  peut-être,  que  telle 
fut  leur  conviction,  ils  se  bornèrent  à  les  faire  envisager 
comme  des  dieux  mauvais,  émanant  du  principe  du  mal  ; 
ils  les  détrônèrent  du  ciel,  d'où  ces  dieux  se  réfugièrent 
sur  la  terre,  dans  les  forêts,  dans  les  rochers,  dans  les 
Pieux  marécageux  ;  leur  culte,  déclaré  abominable,  de- 
meura secret,  et  ce  sont  ceux  qui  vivent  encore  dans  les 
superstitions  populaires  sous  des  noms  divers  et  des  for- 
mes surnaturelles.  Plus  d'un  monument,  consacré  aux 
anciens  dieux,  prit  dès  lors  le  nom  du  prince  des  ténè- 
bres ;  le  fidèle  s'en  éloigna,  mais  il  n'en  crut  pas  moins  à 
ces  puissances  inférieures,  vaincues,  mais  non  détruites  '. 
Les  pierres  auxquelles  se  rattachent  le  nom  du  diable, 
témoignent  ainsi  de  leur  ancienne  destination  religieuse. 


*  Durs  le  roman  allemand  de  Saint-Georf^s,  écrit  au  commencement  da 
XIII*  siècle,  par  Reinbot  de  Dorn,  d'après  un  ancien  poëme  que  lui  confla 
Otiion  !•',  duc  de  Bavière,  le  saint  ordonne  à  la  statue  d'Apollon  de  compa- 
raître devant  lui.  Le  faux  dieu,  qui  prévoyait  la  défaite,  flt  quelque  façon 
pour  obéir,  et  sortit  de  son  temple  d'un  pas  lent  et  irrésolu.  «  Apollon,  lui 
dit  Georges  en  jetant  sur  lui  un  regard  sévère,  je  te  somme  au  nom  de  Chriat 
de  déclarer  ici,  en  présence  du  prince,  qui  tu  es  et  d'où  tu  viens.  —  Sei- 
gneur, Seigneur!  i'écria  aussitôt  la  stalue,  pourquoi  m'as-tu  chassé  du  pa- 
radis ?  J'élais  un  ange,  et  je  ne  suis  plus  maintenant  qu'un  démon.  Je  souffire 
dans  l'enfer  de  cruels  supplices,  et  mon  empire  ici-bas  serait  détruit  sans  le 
secours  de  dame  Superbia  :  mais,  grftce  à  cette  Adèle  alliée,  j'ai  encore  de 
nombreux  sujets  parmi  les  rois,  les  barons  et  les  prélats.  »  Après  ce  triste 
aveu,  l'idole  pousse  un  profond  soupir  et  se  brise  en  pièces.  —  Romans  et 
épopées  chevaleresquesy  par  G.  de  Bonstetten,  pag.  860. 


324  MONUMENTS    DB    L*ANTIQUITB. 

Les  détails  curieux  conservés  sur  rHermès  et  les  piliers 
bruts  de  Phares,  offrent  des  rapports  non  moins  étonnants 
avec  les  cromlecks  et  les  lits  de  Huns,  dans  lesquels  on 
voit  aussi,  en  plus  d'un  lieu,  l'autel  et  le  men-bir,  ou  l'i- 
mage du  dieu  principal  entouré  d'autres  dieux.  Hécatée 
parlait  déjà  d'un  temple  circulaire  de  la  Grande-Bretagne. 
Le  peuple  appelle  les  cromlecks  :  temples  des  druides,  de-- 
meures  des  nains,  jardin  des  fées,  ou  bien  danse  des  pierres, 
danse  des  fées.  L'usage  de  danser  à  Tentour  s'est  conservé. 
Ces  danses  primitives  étaient  des  rondes;  elles  faisaient 
partie  des  cérémonies  du  culte,  ainsi  que  les  processions  le 
long  des  avenues  de  piliers.  Les  rondes  se  sont  conservées, 
les  unes,  comme  expression  de  la  gatté  du  peuple,  les  au- 
tres comme  danses  des  sorcières  et  des  esprits  malfaisants. 
On  saii  combien  dans  le  siècle  passé  les  rondes  étaient  en 
honneur  dans  notre  pays.  Le  paysan  russe  s'y  livre  encore 
avec  abandon,  et  j'ai  vu  de  ces  rondes,  à  l'intérieur  de 
Moscou,  sous  les  remparts  du  Kremlin.  Si  elles  excitent 
en  général  à  une  douce  gaité,  il  est  des  moments  où  l'on 
doit  savoir  s'en  abstenir,  de  peur  de  tomber  sous  l'in- 
fluence d'esprits  malins,  ainsi  que  le  démontre  une  tra- 
dition suédoise.  La  jeunesse  d'un  village,  en  Jemttland, 
s'était  réunie  à  l'auberge  pour  danser.  C'était  un  samedi 
soir.  On  n'avait  cependant  pas  la  coutume  de  se  livrer  à 
des  amusements  sur  la  Qn  de  ce  jour,  car  depuis  un 
temps  immémorial,  ce  moment  avait  été  scrupuleusement 
solennisé  dans  ces  contrées.  Aussitôt  que  vint  à  sonner  la 
cloche  du  soir,  tout  travail  cessa,  le  laboureur  quitta  ses 
champs  et  se  prépara  à  célébrer  dignement  le  jour  du 
repos.  Mais  la  jeunesse  paraissait  avoir  tout  oublié  pour  le 
plaisir.  Plus  la  soirée  avançait,  plus  la  danse  s'animait; 


AGE    DU    FBR.  327 

on  jour  de  quelques  laboureurs,  se  mit  à  rassembler  dans 
son  tablier,  hommes,  bétail  et  charrues,  qu'elle  porta  à  son 
mari  dans  la  montagne.  Celui-ci  s'en  fâcha  et  lui  dit:  Tu 
n'avais  pas  à  les  toucher,  car  ils  doivent  nous  succéder  un 
jour.  Dans  le  nord,  les  géants  sont  envisagés  comme  des 
êtres  malfaisants,  émanant  du  mauvais  principe.  On  dé- 
signe aussi  par  ce  nom  les  païens  avant  leur  conversion  au 
christianisme,  et  on  les  représente  comme  ennemis  de  la 
foi  nouvelle.  Dans  ce  cas,  les  pierres  des  géants  sont  sim- 
plement celles  qui  ont  été  élevées  par  les  païens  ou  pour 
un  culte  païen. 

S'il  pouvait  rester^  quelque  doute  sur  la  destination  re- 
ligieuse des  blocs  dont  nous  venons  de  parler,  il  suffirait 
de  consulter  les  canons  des  anciens  conciles.  Un  concile  de 
Tolède^,  de  l'an  681,  condamne  les  adorateurs  des  pier^ 
res.  —  Celui  à' Arles*,  de  Tan  452,  déclare  que  si  des  infi- 
dèles allument  des  flambeaux  ou  vénèrent  des  arbres,  des 
pierres  ou  fontaines  et  que  Tévêque  néglige  d'abolir  cet 
usage  dans  son  diocèse,  il  doit  savoir  qu'il  est  coupable 
de  sacrilège.  —  Le  XXII^  canon  du  concile  de  Tours^,  de 

*  Apud  Baluze,  tom.  V,  pag.  863.  Concilium  Toletanum  XII,  anoo  681, 

«an.  11....  cultores  idolorum,  veneratoru  IapuItfm....adinonemai ti  XVI 

ad.  a.  693,  Ut.  2,  tom.  IV.  Labb.  pag.  1337. 

*  Concilium  Arelatense  II,  ad.  ann.  452,  can.  23.  —  Si  in  alicujus  epiBooj^ 
territorio  infidèles  aut  faculas  accendunt,  aut  arbores,  fontes  yel  taxa  rene- 
rentur,  si  hoc  eruere  neglexeril,  sacrilegii  reum  se  esse  cognoscat.  —  Phil., 
Labbei  et  Gabr.  Gossartii  S.  J.  Presbyt.  collect.  conc.  Paris  167S,  tom.  IV. 
pag.  1018. 

>  Apud  Baluze,  tom.  1,  pag.  518.  Concilium  Turonense,  .  Contes- 

tamur  illam  sollicitudinem  tam  pastores  quam  presbytères  {         s,  ut  qu< 
«unque  iu  bac  fatuitate  persistere  viderint,  vel  ad  nescio  <  Mt 

arbores,  aut  fontes,  designata  loca  gentilium,  perpetrare  <        ad  Boei 
rationem  non  pertinent,  eos  ab  ecclesia  sancta  auctoritate 


326  MONUMENTS    DE    L^ANTIQUITÉ. 

comme  la  danse  d'êtres  malfaisants.  Si  le  peuple  aperçoit 
quelque  part,  dans  les  plaines  ou  dans  les  clairières  des 
forêts,  un  cercle  de  gazon  desséché,  il  ne  doute  pas  que 
la  chette,  présidée  par  le  grand  bouc,  n'ait  été  tenue  en  ce 
lieu. 

Dans  la  plupart  des  pays,  les  divers  monuments  du  culte 
sont  souvent  appelés  pierres  des  géants.  On  comprend  que 
la  grandeur  de  ces  blocs  ait  pu  faire  croire  à  l'existence 
d'une  race  d'hommes  dont  la  taille  et  la  force  étaient  fort 
au-dessus  de  celles  de  nos  jours.  Un  examen  attentif  des 
restes  humains  conservés  par  les  tombeaux  des  époques 
les  plus  diverses,  ne  confirme  nulle  part  cette  illusion  de 
tous  les  temps.  Si  les  Romains  parlent  souvent  de  la  taille 
élevée  du  Gaulois  ou  du  Germain,  c'est  que  les  habitants 
de  l'Italie  étaient  généralement  en  dessous  de  la  grandeur 
moyenne.  Lorsque  les  Grecs  voulaient  représenter  sur  leur 
théâtre  Hercule  ou  les  premiers  héros,  ils  donnaient  à  leurs 
acteurs  une  taille  de  4  coadées\  c'est-à-dire  de  5  pieds  et 
8  pouces  de  France,  ce  qui  nous  permet  de  juger  de  la 
taille  de  ce  peuple.  Il  ne  parait  donc  pas  que  Thumanité 
ait  dégénéré  à  cet  égard.  —  Dans  quelques  localités,  le 
nom  de  géant  semble  avoir  été  donné  au  peuple  victorieux  ; 
cependant  on  les  regarde  généralement  comme  la  race 
primitive.  C'est  ainsi  que  les  envisagent  les  Suédois  lors- 
qu'ils racontent  qu'une   femme   de  géant,  s'approchant 


«  Arisloph.  in  Ran.  V,  1046.  —  Athen.  iib  5,  cap  7.  Appolodore  lib.  Il, 
cap.  3,  §  9.  —  Philostratorum  opéra  omnia,  lib.  11,  cap.  21  ;  lib  IV,  cap.  16. 
Auli  GellH  nocles  atticœ,  lib.  111,  cap.  10.  Dans  la  partie  orientale  de  Rhodes 
habitaient  autrefois  des  géants.  Diodorc  de  Sicile,  lib.  V,  pag.  327.  —  On  y 
a  découvert  des  os  d'une  grandeur  énorme.  Phlegon  Trullianus,  De  reb.  mirab. 
cap.  16. 


AOB  01  rsn.  327 

un  jour  de  quelques  laboureurs,  se  mit  à  rassembler  dans 
son  tablier,  hommes,  bétail  et  charrues,  qu*elle  porta  à  son 
mari  dans  la  montagne.  Celui-ci  s'en  fâcha  et  lui  dit:  Tu 
n*aTais  pas  à  les  toucher,  car  ils  doifent  nous  succéder  un 
jour.  Dans  le  nord,  les  géants  sont  envisagés  comme  des 
êtres  malfaisants,  émanant  du  maufais  principe.  On  dé- 
signe aussi  par  ce  nom  les  païens  avant  leur  conversion  au 
christianisme,  et  on  les  représente  comme  ennemis  de  la 
foi  nouvelle.  Dans  ce  cas,  les  pierres  des  géants  sont  sim- 
plement celles  qui  ont  été  élevées  par  les  païens  ou  pour 
un  culte  païen. 

S'il  pouvait  rester,  quelque  doute  sur  la  destination  re* 
ligiruse  des  blocs  dont  nous  venons  de  parler,  il  suffirait 
de  consulter  les  canons  des  anciens  conciles.  Un  concile  de 
Tnlt'de\  de  Tan  681,  condamne  les  adorateurs  des  jner^ 
rf.t.  —  Celui  d'Arles*,  de  Tan  452,  déclare  que  si  des  infi- 
il(*les  allument  des  flambeaux  ou  vénèrent  des  arbres,  des 
pierres  ou  fontaines  et  que  Tévéque  néglige  d'abolir  cet 
usage  dans  son  diocèse,  il  doit  savoir  qu'il  est  coupable 
de  sacrilège.  —  Le  XX!!«  canon  du  concile  de  Toiirt*.  de 

*  Apud  Baluie,  tom.  V,  paf.  tél.  CoDcilimn  ToleUnum  III,  juiiio  611, 

caa   H  .  .  cultorw  Molorun,  wernermiart»  lëpiéum ....  admontniit et  ITl 

Ml.  4.  691,  Ut.  i,  tom.  IV.  Ubb.  paf.  IM7. 

*  Conciliun  AreUteme  II,  ad.  aan.  Ut.  can.  U.  —  SI  in  aliciiiua epiaeepé 
t^rritoriu  in6«lele«  aut  facula»  acceodoat,  aut  arborca,  tonin  val  Mxa  ▼•••- 
rrntur,  »i  hoc  eniera  nafleieril,  Mcrtiefti  ream  te  aata  eofsoacat.  —  FhiL, 
Labbai  et  Galir.  CoMartii  S.  J.  Freabyt.  coUact.  cooc  Farii  167t,  ton.  IT. 
p«f.  tOtl. 

*  Apud  BaJuie,  tom.  I,  paf .  SIS.  Coociliva  ToroiiaMa,  aoiio  5ê7.  Conta»- 
tan  .r  lUam  •olliciiodineai  lam  paatoret  qaain  presbyieroa  garere,  ut  quMi- 
cttiique  iii  bac  fatuitata  partbiare  iridanot,  vel  ad  aaacio  quaa  prfraf,  Mrt 
arborea,  aat  fonlea,  daaifoata  toca  feotiUitai«  parpetrare  que  ad  ifclari» 
ratiuoain  non  partioeni,  aot  ab  acclaaii  tancta  anctoritata  rtpelliuil. 


3*28  MONUMENTS    DE    L* ANTIQUITÉ. 

567,  ordonne  de  chasser  de  l'Eglise  tous  ceux  qui  persis- 
teront à  faire  des  cérémonies  qui  n'ont  pas  de  rapport  à 
celles  de  l'Eglise,  devant  des  arbres,  des  sources  et  cer- 
taines pierres.  —  Le  concile  de  Nantes*,  dans  le  VII^ siècle, 
ordonne  aussi  d'enlever  et  de  jeter  en  des  lieux  où  l'on  ne 
puisse  les  retrouver  les  pierres  vénérées  dans  des  forêts 
ou  des  lieux  en  ruines,  objets  des  tromperies  des  dé- 
mons, et  sur  lesquelles  on  dépose  des  ex  voto,  des  chan- 
delles allumées  et  d'autres  offrandes.  —  Un  concile  de 
Rouen*  défend  de  brûler  les  cierges  ailleurs  que  dans  les 
églises,  et  parle  de  ces  pierres  comme  d'autels  auxquels 
le  peuple  rattache  l'existence  de  certaines  divinités  capa- 
bles de  faire  le  bien  ou  le  mal.  —  Les  capitulaires  de 
Charlemagrie^  reproduirent  les  mêmes  défenses,  et  une 

'  Teste  concilio  Nannetense  apud  Labbeum,  tom.  IX,  pag.  474  sqq.  can.  20. 

Summo  decertare  debent  studio  episcopi  et  eorum  ministri,  ut lapider 

quoque,  quos  in  ruinosis  locis  et  silvestribus  dœmonum  ludificalionibus  de- 
cepti  venerantur,  etubi  vota  vovent  et  deferunt,  funditus  eflbdianlur  atque  in 

tali  loco  projiciantur,  ubi  nunquam  a  culloribus  suis  inveniri  possint 

Omnibus  interdicatur,  ut  nuUus  votum  faciat,  aut  candelam  vel  aliquod 
munus  pro  salute  sua  rogaturus  alibi  déférât,  nisi  ad  ecclesiam  Domino  Deo 
suo  Labbeus,  tom.  IX,  pag.  474. 

'  Concilium  Rotomagense  apud  Reginonem  de  Discip.  Ecoles,  edit.  Steph. 
Balus,  lib.  II,  pag.  210.  Si  aliquis  vota  ad  arbores,  vel  ad  fontes,  vel  ad  lapi- 
des quosdam  quasi  ad  altaria  faciat,  aut  ibi  candelam  seu  quodlibet  munus 
déférât,  velut  ibi  quoddam  numen  sit,  quod  bonum  aut  malum  possit  inferre. 
Gonf.  D.  Burchardi  Wormaciencis  EcclesisB  Episcopi  decretorum,  lib.  X,  cap. 
29,  et  apud  Burchard,  X,  21. 

'  «  A  regard  des  arbres,  des  pierres  ou  des  fontaines,  où  quelques  insensés 
vont  allumer  des  chandelles  et  pratiquer  d'autres  superstitions,  nous  ordon- 
nons que  cet  usage  soit  aboli  ;  que  celui  qui  suffisamment  averti  ne  ferait  pas 
disparaître  de  son  champ  les  simulacres  qui  y  sont  dressés  ou  qui  s'oppose- 
rait à  ceux  qui  ont  reçu  Tordre  de  les  détruire,  soit  traité  comme  sacrilège.  » 
De  Gaumont.  —  Garoli  M.  capitulare  Aquisgranense,  anno  789,  cap.  63.  — 
Baluz,  tom.  I,  pag.  235.  —  Labb.  tom.  VU,  pag.  984  ;  tom.  IX,  pag.  683.— 


AGE    DU    FER.  3*29 

loi  de  Canut* ,  roi  d'Angleterre  et  de  Danemark  exige 
qu'on  cesse  de  mettre  sa  confiance  en  des  bocages  et 
en  des  pierres,  ou  d'observer  des  superstitions  tradition- 
nelles; il  déclare  barbare  Tadoration  d'idoles  réputées  di- 
vines, du  soleil,  de  la  lune,  du  feu,  des  eaux  courantes,  des 
sources  et  des  pierres.  Ces  divers  passages  montrent  com- 
bien i'anciennejoi  comptait  d'adhérents  au  milieu  de  po- 
pulations réputées  chrétiennes;  ils  nous  donnent  aussi  plus 
d'un  renseignement  sur  les  pratiques  du  paganisme,  qui 
sont  encore  la  base  de  nos  superstitions.  D'autres  croyan- 
ces furent  adroitement  substituées  aux  anciennes;  telle 
source  fut  placée  sous  l'invocation  d'un  saint  ;  telle  pierre 
fut  surmontée  de  la  croix  ;  on  éleva  en  bien  des  lieux,  ob- 
jets d'une  ancienne  vénération,  des  chapelles  ou  des  tem- 
ples chrétiens;  plus  d'une  cérémonie  païenne  fut  introduite 
dans  l'église,  en  en  détournant  la  signification  primitive. 
L'ancien  symbolisme  passa  dans  le  nouveau  culte;  il  y  eut 
substitution  et  accommodement. 
Les  pratiques  du  culte,  arrivées  à  notre  connaissance. 


Baluze,  capitul.,  tom.  I,  pag.  95.  Uti  sacerdotes  admoneant  aut  viros  et  mu- 
lieres,  ut  ad  basilicas  luminaria  et  incensum  et  buccellas  et  primitias  affe- 
rant. 

*  Leges  Canuti  régis  Daniœ  et  Angliœ.  Adoralionem  barbaram  plurissima 
vetamus.  Barbara  est  autem  adoratio,  sive  quis  idola  (puta  gentium  divos) 
Solem,  Lunam,  Ignem,  Profluentem,  Fontes,  Saxa,  cujuscumque  generis  ar- 
boris  lignave  coluerit  :  sive  sagarum  superstitiones  observaverit,  sive  magnam 
alicui  cladem,  ductis  forlibus,  ardentibus  ve  tœdis  attulerit.  —  Leges  Suevo- 
rum  et  Gothorum  per  Joh.  Mersenium  editœ.  Holiniœ  1614,  lib.  I,  cap.  i. 

De  his  quœ  faciunt  supra  petras.  Herm.  Conringius  in  tertia  editione  libri  de 
Orig.  Juris  Germ.,  pag.  439.  —  Steph.  Baluzius  item  capitular.  Regum  Fran- 
corum.  Paris  1677,  f.,  tom.  1,  pag.  151.  —  Labbeus  Concil.  tom.  VI,  pag. 
1541,  I  cap.,  pag.  1539.  —  Mabillon,  De  re  diplom.,  lib.  IV,  pag.  293. 


330  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

présentent  de  grands  rapports  dans  TEarope  barbare  ;  mais 
si  nous  avons  retrouvé  dans  la  plupart  des  pays  des  au- 
tels et  des  men-birs  de  même  genre,  les  enceintes  sacrées 
présentent  des  variétés  de  constructions  propres  à  certai- 
nes contrées.  Nous  voulons  parler  des  cromlecks  ou  lits 
des  Huns,  des  murs  cyclopéens  et  des  retranchements  en 
terre.  Nous  avons  déjà  fait  observer  que  les  premiers  sont 
répandus  dans  les  contrées  babitées  le  plus  ancienne- 
ment. En  Danemark,  ils  se  groupent  essentiellement  sur 
les  côtes  de  la  mer.  En  Allemagne,  ils  sont  surtout  répan- 
dus dans  les  plaines  au  nord  de  Cologne,  de  Cassel,  de 
Magdebourg  et  de  Bromberg,  là  où  domine  le  plat-teutsch. 
En  dessous  de  cette  ligne,  les  murs  cyclopéens  occupent 
les  bauteurs  et  pénètrent  dans  les  lieux  babités  pendant  la 
seconde  période.  Cette  différence  de  population  de  la 
haute  et  de  la  basse  Allemagne  est  fort  ancienne.  Pline 
parle  de  deux  grandes  nations  en  Germanie,  dont  chacune 
se  divise  en  beaucoup  de  peuplades;  au  nord  étaient  les 
Ingœvones,  au  sud,  les  Hermiones.  —  En  France,  les  crom- 
lecks de  TÂrmorique  s'étendent  le  long  des  fleuves  et  les 
murs  des  païens  de  Test  se  relient  à  ceux  de  l'Allemagne, 
et  sont  déposées  sur  des  hauteurs,  de  môme  qu'en  Angle- 
terre et  en  Ecosse.  — Les  retranchements  entourant  une 
épaisse  couche  de  cendres,  et  célébrés  par  les  chants  po- 
pulaires de  la  Russie  comme  des  lieux  sacrés,  ne  se  re- 
trouvent en  Allemagne  que  dans  les  lieux  occupés  par  les 
Slaves,  et  sont  postérieurs  aux  monuments  précédents. — 
Les  cromlecks  observés  dans  l'Asie  du  nord,  dans  les  In- 
des et  dans  le  Bengale  paraissent  pénétrer  en  Europe  avec 
les  familles  primitives  qui  élevèrent  leurs  tumuli  gigantes- 
ques sur  les  bords  des  grands  eaux.  Nous  avons  indiqué 


A6B    DU    FER.  334 

l'existence  de  monuments  pareils  dans  le  nord  de  TAmé- 
rique,  et  il  n'est  pas  sans  intérêt  de  retrouver  dans  le  Bré- 
sil les  autels  bruts  et  les  cromlecks.  —  D'autre  part,  les 
murs  des  païens  se  groupent  dans  l'intérieur  des  terres, 
auprès  des  tumuli  appartenant  à  l'âge  de  l'ustion,  et  da 
tent  de  la  seconde  période,  âge  qui  nous  parait  répondre 
à  une  nouvelle  invasion  d'orient  à  l'occident;  mais  ces  en- 
ceintes renferment  encore  l'autel  et  le  men-hir.  —  Enfin 
les  enceintes  en  terre,  qui  remontent  à  l'invasion  des  Sla- 
ves, datent  de  la  troisième  période,  et  ne  se  rattachent  plus 
au  culte  des  piliers  bruts  ou  des  Hermès,  commun  aux 
âges  précédents. 

Nous  venons  de  voir  les  Barbares  vénérer  les  arbres  et 
les  pierres,  habités  par  des  génies  ou  des  êtres  surnatu- 
rels ;  ils  rendaient  aussi  un  culte  à  l'eau,  au  feu  et  aux 
astres.  Teitt  ou  Teutatès,  dieu  des  Celtes  et  des  Germains, 
présidait,  suivant  les  uns,  aux  batailles  ;  selon  les  autres 
au  commerce,  à  l'intelligence  et  à  la  parole.  C'est  de  Teut 
que  César  a  voulu  parler  quand  il  dit  que  les  Gaulois  ado- 
rent par-dessus  tout  le  dieu  Mercure.  On  croit  qu^Abelion 
était  le  même  que  Belemis,  envisagé  généralement  comme 
Apollon  ou  le  soleil.  —  Esur  était  Mars,  le  dieu  de  la 
guerre,  auquel  on  immolait  les  captifs,  et  quelquefois  ses 
propres  enfants.  Les  noms  de  plusieurs  autres  dieux  ont 
été  conservés  par  des  inscriptions  latines,  mais  leurs  at- 
tributions sont  généralement  peu  connues.  Tous  les  Gau- 
lois, dit  César,  se  vantent  de  descendre  de  Pluton  ;  c'est 
pour  cela  qu'ils  comptent  les  espaces  du  temps,  non  parles 
jours,  mais  par  les  nuits.  Ils  croient  qu'Apollon  chasse  les 
maladies,  que  Minerve  a  donné  les  commencements  aux 
manufactures  et  aux  arts,  et  que  Jupiter  a  pour  son  par- 


332  MONUMENTS    DE    L*ANTIQUlTfe. 

tage  l'empire  du  ciel.  La  nation  gauloise,  ajoute-t-il,  est 
fort  superstitieuse.  Ceux  qui  sont  dangereusement  mala- 
des, ou  qui  se  trouvent  en  péril,  promettent  d'immoler  des 
victimes  humaines  et  se  servent  pour  cela  du  ministère  des 
druides.  Us  croient  qu'on  ne  peut  obtenir  des  dieux  la  vie 
d'un  homme,  qu'en  sacrifiant  un  autre  homme  à  sa  place. 
Ils  font  des  figures  d'homme,  d'une  grandeur  énorme,  avec 
de  l'osier,  dont  ils  remplissent  tout  le  vide  d'hommes  vi- 
vants ;  ils  y  mettent  ensuite  le  feu  et  font  périr  tous  ceux 
qui  sont  dedans.  D'après  eux  les  supplices  des  voleurs,  des 
brigands  et  des  autres  scélérats  sont  fort  agréables  aux 
dieux  ;  mais  quand  ils  en  manquent,  ils  prennent  aussi  des 
innocents*.  —  On  s'est  souvent  récrié  contre  cette  barba- 
rie. Nous  n'essaierons  pas  de  la  justifier  en  disant  que  les 
Egyptiens,  les  Grecs  et  les  Romains  immolèrent  aussi  plus 
d'une  fois  des  victimes  humaines,  mais  nous  devons  re- 
chercher l'idée  qui  ressort  de  ce  genre  de  sacrifice.  La  va- 
leur de  Toffrande  me  parait  exprimer  la  mesure  d'amour 
ou  de  crainte  qu'inspire  la  divinité.  Le  dieu,  dont  on 
apaise  le  courroux  avec  un  peu  d'encens  ou  de  farine,  est  un 
dieu  moins  redoutable  qui  celui  qui  exige  des  sacrifices 
d'un  plus  grand  prix.  Si  le  sang  humain  doit  être  répandu, 
c'est  qu'on  se  fait  du  dieu  une  idée  plus  sévère.  On  peut 
même  dire  que  le  besoin  de  réconciliation,  et  par  consé- 
quent que  le  sentiment  du  péché  est  proportionné  à  la  gran- 


*  Hs  regardent  le  sang  humain  comme  le  plus  agréable  aux  dieux.  César 
de  B,  G.j  I,  6.  —  Diodore,  lib.  V,  dit  qu'ils  immolaient  un  homme,  en  lui 
perçant  le  corps  au-dessus  du  diaphragme  :  l'homme  tombé,  ils  établissaient 
leur  divination  sur  sa  chute,  sur  sa  palpitation,  sur  le  sang  qui  coulait,  et 
sur  les  mouvements  qu'il  faisait,  ayant,  disaient-ils,  des  expériences  sûres 
pour  cela. 


AGE    DU    FER.  333 

deor  de  l'offrande.  Il  ressort  donc  de  ces  faits  que  les  bar- 
bares avaient  de  la  divinité  une  idée  plus  grande  et  plus 
sévère  que  les  peuples  du  midi.  Ils  croyaient,  dit  César» 
qu'on  ne  pouvait  obtenir  des  dieux  la  vie  d'un  homme 
qu'en  sacrifiant  un  autre  homme  à  sa  place.  Cette  foi  ren- 
ferme en  elle  un  pressentiment  vague  sans  doute,  mais 
pourtant  un  pressentiment  de  ce  que  devrait  être  un  sacri- 
fice capable  de  racheter  l'humanité  ou  de  la  réconcilier 
avec  son  dieu.  Si  la  vie  d'un  homme  ne  pouvait  être  sau- 
vée que  par  la  vie  d'un  autre  homme,  il  eu  ressort  claire- 
ment la  conséquence,  que  pour  apaiser  la  colère  de  la  di- 
vinité contre  les  hommes,  il  fallait  une  victime  surhumaine. 
Ainsi,  ces  sacrifices  peuvent  en  quelque  sorte  être  envisa- 
gés comme  une  préparation  au  dogme  principal  du  chris- 
tianisme. Là  où  l'idée  de  Dieu  était  plus  austère  et  le  sen- 
timent du  péché  plus  profond,  la  doctrine  de  réconcilia- 
tion devait  avoir  plus  d'accès  ;  mais  les  voies  d'accommo- 
dément  et  de  substitution,  qui  furent  souvent  employées, 
durent  nécessairement  apporter  des  obstacles  à  TintelU- 
gence  de  la  foi  nouvelle  et  à  son  adoption.     . 

Il  ne  nous  est  parvenu  de  la  théologie  des  Gaulois  et  des 
Germains  que  des  idées  incomplètes.  Les  prêtres  en  fai- 
saient l'objet  d'une  science  secrète,  qu'il  était  défendu  d'é- 
crire, et  qui  se  transmettait  oralement  aux  initiés  ;  cepen- 
dant d'après  les  rapports  des  auteurs  anciens,  nous  savons 
qu'ils  croyaient  à  la  métempsychose  et  à  l'immortalité  de 
l'âme.  H  parait  d'après  un  passage  de  Plutarque  S  que  les 
Celtes  plaçaient  leur  paradis  dans  la  Grande-Bretagne.  Dé- 

*  Voy.  Histoire  des  Celtes,  de  Pelloutier,  tom.  VI,  pag.  181  et  Plutarc.  De 
oracul.  Defect.,  lom.  II,  pag.  419,  et  ex  illo  Euseb.  prœpar.  Evang,  lib.  V, 
cap.  17,  pag.  207. 


334  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

métriiis  raconte  qu'il  y  a  près  de  la  Grande-Bretagne  quel- 
ques !les  désertes,  qu'on  appelle  les  iles  des  Génies  et  des 
Héros.  Il  suivit  un  jour,  par  curiosité,  un  roi  qui  s'embar- 
quait pour  la  plus  voisine  de  ces  iles  ;  ils  n'y  trouvèrent 
qu'un  petii  nombre  d'habitants  qui  vivaient  dans  une 
pleine  sécurité  parce  que  les  Bretons  les  tenaient  pour  sa- 
crés. Aussitôt  qu'ils  eurent  mis  le  pied  sur  l'île,  il  s'é- 
leva une  violente  tempête ,  accompagnée  de  différents 
prodiges,  de  coups  de  vent  et  de  tourbillons  de  feu.  Après 
que  la  tempête  fut  apaisée,  on  leur  apprit  qu'il  venait  de 
mourir  quelque  grand  personnage ....  On  leur  raconta 
aussi  qu'il  y  avait  dans  ces  contrées  une  île  où  le  géant 
Briareus  gardait  Saturne,  qu'il  tenait  enchaîné  et  endormi. 
Ce  sommeil  était  un  nouveau  charme,  que  l'on  avait  in- 
venté afin  de  le  lier,  et  il  avait  autour  de  lui  plusieurs 
génies  pour  le  servir.  —  Le  passage  suivant  de  Procope  * 
est  encore  plus  précis.  On  prétend  que  les  âmes  des  morts 
sont  portées  dans  la  Grande-Bretagne.  Je  vais,  dit-il,  rap- 
porter la  chose  comme  les  gens  du  pays  me  l'ont  racontée 
souvent  et  avec  beaucoup  de  sérieux,  bien  que  je  sois  fort 
porté  à  croire  qu'elle  ne  se  passe  qu'en  rêve.  Le  long  de 
la  côte  opposée  à  cette  île  se  trouvent  plusieurs  villages  oc- 
cupés par  des  pêcheurs,  des  laboureurs  et  des  marchands 
qui  vont  trafiquer  dans  la  Bretagne.  Sujets  des  Francs,  on 
ne  leur  a  jamais  imposé  aucune  tribut;  ils  prétendent  en 
avoir  été  déchargés,  parce  qu'ils  sont  obligés  de  conduire 
tour  à  tour  les  âmes.  Ceux  qui  doivent  faire  le  service  de 
la  nuit  suivante  se  retirent  dans  leur  maison  dès  l'approche 
de  la  nuit,  et  se  couchent  tranquillement  en  attendant  les 

*  Procop.  Goth.  lib.  IV,  cap.  20,  pag.  624,  et  ex  illo  T%eties  ad  Lycoph,^ 
pag.  123-4. 


AGE    DU    FEl.  33S 

ordres  de  celui  qui  a  la  direction  du  trajet.  Vers  minuit,  ils 
entendent  quelqu'un  heurter  à  leur  porte  et  les  appeler  à 
voix  basse  ;  sur-le-cbamp,  ils  se  jettent  à  bas  de  leur  lit, 
et  courent  à  la  côte,  sans  savoir  quelle  est  la  cause  secrète 
qui  les  y  entraine.  Là,  ils  trouvent  des  barques  vides,  et  ce- 
pendant si  chargées  qu'elles  s'élèvent  à  peine  au-dessus 
de  l'eau  d'un  travers  d'un  doigt.  En  moins  d'une  heure,  ils 
conduisent  ces  barques  vers  la  Bretagne,  tandis  que  le  tra- 
jet est  ordinairement  de  24  heures  pour  un  vaisseau  qui 
avance  à  force  de  rames.  Arrivés  à  Tile^  ils  se  retirent  dès 
que  les  âmes  sont  descendues  de  la  barque,  qui  devient 
alors  si  légère  qu'elle  effleure  à  peine  l'eau.  Ils  ne  voient 
personne,  ni  pendant  le  trajet,  ni  dans  le  débarquement, 
mais  ils  entendent,  à  ce  qu'ils  disent,  une  voix  qui  articule 
à  ceux  qui  reçoivent  les  âmes,  le  nom  des  personnages  qui 
étaient  sur  la  barque  avec  celui  de  leur  père  et  des  char- 
ges dont  elles  étaient  revêtues.  Si  dans  ce  nombre  ils  se 
trouve  des  femmes,  la  voix  indique  le  nom  des  maris  qu'el- 
les ont  eu. 

Chez  les  peuples  celtiques,  les  principaux  ministres  de 
la  religion  portaient  le  nom  des  druides;  ils  avaient  sous 
eux  des  ministres  subalternes  :  les  Evbages,  devins  et  sa- 
crificateurs, et  les  bardes  qui  chantaient  les  hymnes  di- 
vins et  les  exploits  des  héros.  Les  druides,  philosophes, 
astronomes,  médecins  et  interprêtes  des  lois,  étaient  les» 
dépositaires  de  la  doctrine  et  les  oracles  des  dieux  ;  étran- 
gers à  la  guerre,  ils  ne  payaient  aucun  tribut  ;  revêtus  dans 
l'origine  du  pouvoir  suprême,  ils  le  cédèrent  dans  la  suite 
aux  brenns  ou  chefs  des  guerriers.  Leur  théologie  reposait 
sur  la  métempsy chose  et  l'immortalité  de  l'âme  ',  mais  ils 

•  César,  I,  6. 


336  MONUMENTS    DE    L*ANTIQUITÉ. 

avaient  soin  de  la  rendre  secrète  en  ne  permettant  pas 
qu'elle  fût  écrite.  L'éducation  des  initiés  ne  durait  pas 
moins  de  20  ans,  pendant  lesquels  on  leur  faisait  appren- 
dre un  nombre  prodigieux  de  vers  obscurs  qui  contenaient 
la  doctrine.  Les  druides  menaient  une  vie  fort  retirée;  ca- 
chés dans  le  fond  des  forêts,  ils  n'en  sortaient  que  rare- 
ment, et  c'était  là  que  toute  la  nation  allait  les  consulter. 
Ils  avaient  plusieurs  collèges,  dont  le  plus  considérable 
était  dans  le  pays  chartrain*,  où  résidait  leur  chef  su- 
prême*. Ils  présidaient  aux  états,  disposaient  de  la  guerre 
et  de  la  paix,  et  déposaient  les  magistrats  et  même  les  rois, 
s'ils  venaient  à  violer  les  lois  du  pays.  La  justice  ne  se 
rendait  que  par  leur  ministère';  et  ceux  qui  refusaient 
d'obéir  à  leurs  décisions  étaient  frappés  d'anathème.  Ils 
s'adonnaient  à  la  magie  et  attachaient  des  vertus  mysté- 
rieuses à  certaines  plantes.  La  sélage  s'arrachait  de  la  main 
gauche  ;  la  verocine,  propre  à  guérir  toutes  les  maladies, 
se  cueillait  avant  le  lever  du  soleil,  le  premier  jour  de  la 
canicule,  après  avoir  offert  à  la  terre  un  sacrifice  d'expia- 
tion^. Un  des  actes  les  plus  solennels  était  celui  de  cueil- 
lir le  gui  de  chêne.  Pline  nous  a  conservé  la  description 
de  cette  cérémonie  :  «  Les  druides  n'ont  rien  de  plus  sacré, 
dit-il,  que  le  gui  et  le  chêne  qui  le  produit;  ils  choisissent 
des  bois  sacrés  qui  soient  de  chêne,  et  ne  font  aucune 


*  Lucain,  lib.  3,  v.  399,  donne  une  description  remarquable  du  collège  de 
Marseille  détruit  par  César. 

*  Elu  par  le  suflfragfe  de  tous  les  druides,  César  I,  6. 

'  Ce  qui  explique  les  traditions  sur  les  cromlecks,  qui  en  font  des  lieux 
consacrés  au  culte  et  aux  jugements. 

*  Le  samolus  cueilli  à  jeun  et  de  la  main  gauche  sans  le  regarder  avait 
des  vertus  contre  les  maladies  des  animaux.  Pline  XXIV,  11. 


AOB    DU    FER.  337 

cérémonie  sans  être  ornés  des  feuilles  de  cet  arbre ...  Ils 
-croient  que  tout  ce  qu'il  porte  est  envoyé  du  ciel,  et  que 
K^'est  une  marque  qu'il  a  été  choisi  du  diçu.  On  ne  trouve 
le  gui  que  rarement,  et  quand  on  l'a  trouvé,  on  va  le  cber- 
<^ber  en  grande  cérémonie  :  On  observe  sur  toutes  cboses, 
que  ce  soit  (au  mois  de  décembre)  au  sixième  jour  de  la 
lune,  par  lequel  ils  commencent  leurs  mois,  leurs  années 
et  leurs  siècles,  longs  de  30  ans  seulement  ;  parce  que  la 
lune  commence  au  sixième  jour  d'être  dans  sa  force,  sans 
qu'elle  soit  pourtant  arrivée  au  milieu  de  son  accroisse- 
ment. Le  gui  reçoit  un  nom  qui  indique  sa  propriété  de 
guérir  tous  les  maux.  Après  avoir  préparé  le  sacrifice  et 
le  repas,  qui  se  font  sous  un  arbre,  ils  amènent  deux  tau- 
reaux blancs,  auxquels  on  lie  les  cornes  pour  la  première 
fois.  Le  prêtre,  vêtu  de  blanc,  monte  sur  l'arbre,  coupe  le 
gui  avec  une  faucille  en  or,  et  le  reçoit  dans  son  vêtement 
blanc,  après  quoi  il  immole  les  victimes  et  prie  les  dieux 
4e  rendre  ce  présent  favorable  ^  j>  au  premier  jour  del'an 
-on  distribuait  ce  gui  comme  une  chose  sainte,  et  c'est  de 
là  qu'est  venu,  l'ancien  dicton  français  :  au  gui,  Van  neuf. 
—  On  peut  se  représenter  les  druides,  couronnés  de  feuil- 
les de  chêne,  portant  un  collier  en  or',  vêtus  d'une  lon- 
gue robe  blanche''  et  marchant  les  pieds  dus.  Leurs  fem- 
mes partageaient  la  considération  qu'on  avait  pour  leurs 
maris  et  habitaient  des  sanctuaires  interdits  aux  hommes. 
Plos  d'un  empereur  romain  vint  les  consulter.  D'à u<^es 

'  Ils  croient  que  les  animaux  stériles  deviennent  féconds  en  buvant  de 
l'eau  de  gui,  et  que  c'est  une  préservation  contre  toutes  sortes  de  poisons, 
^oir  aussi  V Abeille  du  Jura,  tom.  I,  pag.  20. 

•  Strabon  IV. 

»  PUneXVI,.i8. 

MÉM.  ET  DOCUM.  XXV.  22 


338  MONUMENTS    DE    l'aNTIQLITÉ. 

druidesses  vivaient  dans  le  célibat,  c'étaient  les  vestales 
des  Gaules  ;  elles  portaient  des  vêtements  blancs  avec  nne 
ceinture  en  bronze,  et  tiraient  entr'autres  leurs  présages 
du  tournoiement  et  du  murmure  de  Teau.  Le  druidisme, 
souvent  persécuté  par  les  Romains,  ne  disparut  d'une  ma- 
nière générale  que  vers  le  VI^  siècle  de  notre  ère. 

César  dit  que  les  Germains  ne  reconnaissent  d'autres 
dieux  que  ceux  qu'ils  voient,  et  dont  ils  reçoivent  quel- 
ques bienfaits,  tels  que  le  Soleil,  Vulcain,  c'est-à-dire  le 
feu  et  la  Lune.  Tacite,  mieux  instruit,  nomme  plusieurs 
autres  dieux.  Mars  et  Mercure  auxquels  ils  immolaient 
des  victimes  humaines.  Hercule  dont  ils  chantaient  les 
louanges  en  allant  au  combat,  Hertha  qui  visitait  la  terre 
certains  jours  de  Tannée,  Isis,  adorée  par  les  Suèves,  sous 
la  forme  d'un  vaisseau.  Ils  rendaient  aussi  un  culte  à 
quelques  divinités  Scandinaves,  telles  que  Wodan  et  Freija. 
f  Les  Germains,  pénétrés  de  la  grandeur  des  choses  cé- 
lestes, dit  Tacite,  croient  qu'il  ne  faut  point  renfermer 
les  dieux« entre  les  murailles  d'un  temple,  ni  leur  donner 
une  figure  humaine.  Ils  consacrent  des  bois  et  des  forêts, 
et  donnent  les  noms  des  dieux  à  ces  lieux  secrets  et  re- 
culés, qu'ils  n'osent  regarder  à  cause  de  la  vénération 
qu'ils  leur  portent.  Ils  observent,  plus  que  toute  autre 
nation,  le  vol  des  oiseaux,  et  se  servent  des  sorts  auxquels 
ils  ont  beaucoup  de  foi....  Ils  tirent  aussi  des  présages  des 
chevaux  qu'ils  nourrissent  à  frais  communs  dans  ces  bois 
sacrés,  et  il  n'en  est  point  qui  aient  une  plus  grande  va- 
leur aux  yeux  de  la  nation.  »  Les  devineresses  germaines 
n'étaient  pas  moins  honorées  que  les  druidesses  des  Gau- 
lois. 

Les  Scandinaves  plaçaient  à  la  tête  de  leurs  divinités 


AGE    DU    FER.  339 

Odin,  le  dieu  terrible  et  sévère,  créateur  du  ciel  et  de  Pair, 
Thor,  dieu  du  tonnerre  et  des  ouragans,  dont  le  cbar  était 
traîné  par  deux  boucs,  et  Frey,  le  plus  doux  de  tous  les 
dieux,  qui  gouvernait  la  pluie  et  le  soleil,  et  tout  ce  qui 
naît  sur  la  terre.  Frigga,  la  Vénus  du  nord,  accompa- 
gnait son  mari  Odin  à  la  guerre  et  partageait  avec  lui  les 
armes  de  ceux  qui  avaient  été  tués.  Balder,  fils  d'Odin, 
avait  en  partage  la  sagesse,  l'éloquence  et  une  si  grande 
majesté  que  ses  yeux  en  étaient  resplendissants.  Hoder, 
dieu  aveugle,  était  doué  d'une  grande  force.  Tous  ceux  qui 
dans  leurs  procès  prenaient  Forsite,  fils  de  Balder,  pour 
leur  juge,  s'en  retournaient  réconiiiiliés.  Outre  les  trois 
divinités  principales,  et  les  ases  au  nombre  de  12,  il  exis- 
tait des  nains  et  des  génies  en  grand  nombre.  Les  Elfes 
habitaient  les  eaux  paisibles,  et  les  Jetten  les  grandes  chu- 
tes d'eau  et  les  rochers.  Loke  était  le  principe  du  mal,  le 
calomniateur  des  dieux,  le  grand  artisan  des  tromperies  ; 
beau  de  figure  et  fécond  en  perfidies.  11  eut  de  la  géante 
Angerbode,  messagère  de  malheurs,  trois  enfants:  le  loup 
Fenris,  le  grand  serpent  de  Mygdar  et  Hela  ou  la  mort.  Le 
père  universel  précipita  le  serpent  dans  la  mer,  mais  il  s'y 
accrut  si  fort  qu'il  ceignit  la  terre  entière  et  put  encore  se 
mordre  l'extrémité  de  la  queue.  Hela  fut  précipitée  dans 
les  enfers  où  elle  distribue  des  logements  à  ceux  qui  meu- 
rent de  maladie  ou  de  vieillesse.  Sa  salle  est  la  douleur, 
sa  table  la  famine,  son  couteau  la  faim,  son  valet  le  re- 
tard, sa  servante  la  lenteur,  sa  porte  le  précipice,  son 
vestibule  la  langueur,  son  lit  la  maigreur  et  la  maladie, 
sa  tente  la  malédiction.  Les  dieux  élevèrent  le  loup  Fenris 
qui  rompit  deux  fois  les  chaînes  énormes  dont  on  l'avait 
lié.  On  réussit  à  l'enchaîner  à  l'aide  d'un  simple  cordon 


3A0  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

fabriqué  par  un  nain,  mais  il  est  dit  qu'à  ia  fin  du  moiiAe 
ce  monstre  rompra  ses  chaînes.  Loke,  retenu  dans  une 
caverne,  produit  les  tremblements  de  terre  en  s'agilant, 
et  sera  tué  par  Heimdal,  l'huissier  des  dieux.  —  La  cour 
des  dieux  se  tient  sous  un  frêne  dont  les  branches  cou- 
vrent la  surface  du  monde.  Un  aigle,  dont  l'œil  perçaot 
découvre  tout,  repose  sur  ses  branches.  Un  écureuil  y 
monte  et  en  descend  sans  cesse  pour  faire  ses  rapports. 
Des  serpents  attachés  à  son  tronc  s'efforcent  de  le  dé- 
truire. Sous  une  racine  coule  une  fontaine  où  la  sagesse 
est  cachée.  Dans  une  source  voisine,  qui  est  la  fontaine  des 
choses  passées,  trois  vierges  puisent  l'eau  dont  elles  arro- 
sent le  frêne,  elles  disposent  les  jours  des  hommes  et  se 
nomment  le  passé,  \e  présent  et  Vavenir. 

La  cosmogonie  des  Scandinaves  présente  deux  priocipes: 
rame  créatrice  et  l'élément  congelant  ou  la  matière,  la  lu- 
mière et  la  nuit,  le  chaud  et  le  froid,  le  créant  et  le  dé- 
truisant, du  combat  desquels  sort  la  vie.  «  Dans  l'aurore 
des  siècles,  dit  une  poésie,  il  n'y  avait  ni  mer,  ni  rivages...; 
on  ne  voyait  point  de  terre  en  bas,  ni  de  ciel  en  haut; 
tout  n'était  qu'un  vaste  abîme,  sans  herbes  ni  semences. 
Le  soleil  n'avait  point  de  palais,  les  étoiles  ne  connais- 
saient pas  leurs  demeures,  la  lune  ignorait  son  pouvoir.— 
Alors  il  y  avait  un  monde  lumineux  enflammé  du  côté  du 
midi,  et  de  ce  monde  s'écoulaient  sans  cesse  dans  la  lune, 
qui  était  au  nord,  des  torrents  de  feu  étincelants,  qui, 
s'éloignant  de  leurs  sources,  se  congelaient  en  tombant 
dans  l'abîme.  L'abîme  se  combla  peu  à  peu,  jusqu'à  ce 
qu'un  souffle  de  chaleur,  venu  du  midi,  fondit  les  vapeurs 
qui  s'en  exhalaient  et  en  forma  des  gouttes  vivantes  d'où 
naquit  le  géant  Yme.  De  lui  descendent  les  géants,  race 


AGE    DU    FER.  3il 

rondes  ^  Ils  les  construisaient  avec  des  poteaux  et  des 
daies,  les  garnissaient  intérieurement  de  cloisons  en  terre 
et  couvraient  le  toit  de  bardeaux  en  cbéne  et  de  paille 
hachée,  mêlée  d'argile  *.  Vitruve  donne  la  même  des- 
<;ription  des  habitations  de  l'Ibérie  '  et  ajoute  que,  sous 
Auguste,  Marseille  n'était  pas  encore  couverte  de  tuiles. 
D'après  César  et  Tacite  *,  les  demeures  des  Bretons  et  des 
Germains  étaient  pareilles  à  celles  des  Gaulois.  Les  Ger- 
mains avaient  aussi  des  demeures  souterraines  dans  les- 
quelles ils  réduisaient  leurs  récoltes  et  se  retiraient  eux- 
mêmes  pendant  l'hiver  '.  On  voit  encore  dans  le  Harz  des 
cabanes  de  bûcherons  qui  ne  sont  pas  sans  rapports 
avec  celle  des  anciens  ;  rondes  et  construites  de  pieux, 
leurs  toits  coniques  sont  ouverts  à  leur  sommet  pour  lais- 
ser échapper  la  fumée  du  feu  allumé  au  milieu  de  la  de- 


<  Les  maisons  gauloises  étaient  pour  la  plupart  rondes  et  formées  de  troncs 
d'arbres  réunis  au  sommet,  à  la  manière  des  huttes  actuelles  de  nos  char- 
bonniers. Charton,  Voyageurs  anciens  I,  197.  Les  maisons  des  Bretons  étaient 
presque  pareilles.  Id.  pag.  230. 

*  De  môme  en  Bretagne.  César,  V,  12. 

Strabon  IV.  Les  maisons  des  Belges  étaient  spacieuses,  faites  de  bois  et 
xle  claies,  recouvertes  de  joncs  ;  les  toits  s'élevaient  en  forme  de  dôme. 
'  Lib.  II,  cap.  1. 

*  Germ.  XVI.  Hérodien.  Vita  Maxlmiani  imperatoris,  lib.  VII.  VI,  8.  — 
Polybe  II,  17.  —  Hérodien  dit  que  les  maisons  des  Germains  étaient  grossiè- 
rement construites,  séparées  les  unes  des  autres,  et  ordinairement  faites  de 
gros  pieux  joints  ensemble,  ne  formant  ni  villes,  ni  bourgades.  Ils  ne  se  ser- 
vaient ni  de  tuiles,  ni  de'  ciment,  mais  quelques-uns  recouvraient  les  murs 
d*une  terre  pure  et  luisante,  qui  imitait  les  couleurs  des  peintures.  Ils 
avaient  aussi  des  demeures  souterraines  pour  l'hiver  et  pour  serrer  le  blé. 

'  On  peut  voir  la  survivance  d'une  coutume  plus  antique,  dans  une  an- 
cienne loi  de  la  Frise  qui  défendait  de  construire  des  maisons  en  pierre,  à 
Texception  des  églises  et  des  cloîtres,  et  de  les  élever  plus  haut  de  12  pieds 
«ous  le  toit. 


312  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÈ. 

meure.  Les  observations  sur  le  sol  ont  montré  que  si  la 
forme  circulaire  est  prédominante,  les  formes  ovales  et 
rectangulaires  étaient  aussi  employées.  Ce  qui  reste  de 
ces  chétives  constructions  consiste  en  fondements  de 
pierres  sèches  et  en  dépressions  elliptiques  et  circulaires 
plus  ou  moins  profondes  appelées  margelles,  dans  les- 
quelles on  trouve  des  charbons,  des  ustensiles  et  divers 
témoignages  d'habitations.  Quant  aux  demeures  souter- 
raines, plusieurs  sont  encore  assez  intactes.  Les  margelles 
sont  nombreuses  en  France,  surtout  dans  le  Berry  et  la 
Normandie.  Elles  ont  de  20  à  100  pieds  de  diamètre,  sur 
6  à  18  pieds  àp  profondeur,  et  sont  construites  de  ma- 
nière  que  Teau  ne  s'y  arrête  pas  ;  on  y  trouve  des  char- 
bons, des  instruments  de  cuivre,  des  fragments  de  po- 
terie, de  nombreuses  écailles  d'huître  et  des  ossements 
d'animaux.  Il  existe  des  deux  côtés  de  la  Somme  des  ga- 
leries souterraines  de  7  à  8  pieds  de  large  et  de  même 
hauteur,  auxquelles  communiquent  à  droite  et  à  gauche 
des  cellules  creusées  dans  la  roche,  au  nombre  de  25  à  40. 
On  croit  qu'elles  ont  encore  été  utilisées  aux  IX^  et  X®  siè- 
cle pour  se  mettre  à  couvert  des  Normands  *.  On  voit  des 
cavités  pareilles  dans  le  département  de  la  Sarthe,  dans 
le  pays  Chartrain  et  dans  la  Champagne.  —  Les  margelles 
sont  fréquentes  en  Angleterre,  surtout  dans  le  comté  de 
Berk,  où  273  sont  réunies.  Dans  le  comté  de  Derby,  53 
sont  déposées  sur  deux  lignes.  Les  comtés  A'Hertford, 
de  Kent  et  d'autres  possèdent  des  salles  souterraines 
et  des  galeries  comme  celles  de  la  Picardie.  En  Ecosse 
(comté  à'Aberdeen),  sur  un  espace  d'un  à  deux  milles, 

*  Acad.  royale  des  inscrip.  et  bel,  let.  tom.  27,  pag.  183. 


AGE    DU    FER.  343 

teqabbar,  loin  d'être  toujours  hostiles,  remplissent  le  gre- 
nier de  celui  qui  a  su  se  ménager  leurs  faveurs.  Ces  lutins 
sont  souvent  serviables,  et  quelquefois  aussi  vaniteux. 
Une  ménagère  occupée  à  tamiser  de  la  farine  dans  son 
garde-manger  fut  obligée  de  remettre  son  travail  au  len- 
demain. Quelle  fut  sa  surprise  en  retournant  dans  le  garde- 
manger,  dont  elle  avait  toujours  la  clef  sur  elle,  de  trou- 
ver Touvrage  fait.  Dès  ce  jour,  toutes  les  fois  qu'elle  vou- 
lait de  la  farine  tamisée  elle  n'avait  qu'à  l'arranger  le  soir 
avec  le  tamis,  et  le  matin  l'ouvrage  était  fait.  Ayant  grande 
envie  de  voir  le  tamiseur  inconnu,  elle  ne  put  s'empêcher 
une  nuit  de  regarder  par  le  trou  de  la  serrure.  Elle  vit  un 
petit  lutin  en  guenilles  qui  tamisait  de  toutes  ses  forces. 
Voulant  le  récompenser,  elle  fit  un  joli  petit  habit  qu'elle 
plaça  dans  le  garde-manger.  L'habit  disparut,  mais  la 
prochaine  fois  où  elle  arrangea  de  la  farine,  l'ouvrage  ne 
fut  pas  fait.  Alors  elle  se  mit  au  guet  et  ne  tarda  pas  à 
voir  le  lutin  qui  se  promenait  en  long  et  en  large;  les 
mains  dans  les  poches,  et  charmé  de  sa  nouvelle  parure, 
il  fredonnait  <r  Monsieur  est  élégant,  il  ne  tamise  plus.  » 
—  Il  est  quelques  traditions  suédoises  qui  présentent  un 
mélange  curieux  des  idées  païennes  et  chrétiennes.  L'une 
raconte  qu'un  prêtre  entendit  un  soir  une  musique  déli- 
cieuse, au  moment  où  il  traversait  un  pont  jeté  sur  un 
torrent.  Il  vit  un  jeune  homme  découvert  jusqu'à  la  cein- 
ture, assis  sur  les  eaux,  et  portant  un  bonnet  rouge  sur 
une  chevelure  blonde  et  bouclée  qui  retombait  sur  ses 
épaules.  Il  tenait  dans  sa  main  une  harpe  d'or,  d'où  il  ti- 
rait les  sons  les  plus  ravissants.  Le  prêtre  reconnut 
Necken,  l'esprit  des  eaux,  et  dans  un  zèle  exagéré  il  lui 
dit:  D'où  viens  que  tu  joues  si  gaiment  I  tu  sais  pourtant 


344  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

que  tu  ne  seras  jamais  sauvé,  car  ce  vieux  bâton  dessé- 
ché que  je  tiens  dans  ma  main  portera  des  feuilles  et  des^ 
fleurs  avant  que  tu  n'obtiennes  ta  rédemption  I  Le  mal- 
heureux joueur  de  harpe  jeta  son  instrument  à  Teau  et 
pleura  amèrement.  Le  prêtre  continua  sa  route  ;  mais  quel 
ne  fut  pas  son  étonnement,  en  voyant  éclore  sur  son  bâ- 
ton des  feuilles  et  des  fleurs!  Il  vit  dans  ce  prodige  une^ 
révélation  du  ciel  et  un  reproche  de  ce  qu'il  prêchait  si 
mal  la  doctrine  consolatrice  qu'il  était  appelé  à  enseigner. 
Il  retourna  en  hâte  sur  le  pont  et  trouva  le  pauvre  Neckea 
qui  fondait  toujours  en  larmes.  Vois-tu,  lui  cria-t-il,  mou 
vieux  bâton  porte  déjà  des  feuilles  et  des  fleurs  ;  de  même 
l'espérance  peut  fleurir  dans  le  cœur  de  tout  être,  dans 
la  certitude  que  son  Sauveur  existe  :  Necken,  heureux  et 
consolé,  reprit  sa  harpe  et  le  rivage  retentit  toute  la  nuit 
des  sons  joyeux  qu'il  en  tira. 

Quand  on  rapproche  les  superstitions  de  contrées  éloi- 
gnées les  unes  des  autres,  on  est  souvent  surpris  des 
rapports  qu'elles  présentent.  Le  culte,  rendu  aux  génies, 
bons  ou  mauvais,  occupe  partout  une  grande  place.  On 
leur  attribue  les  maladies,  et  on  les  apaise  par  des  moyens 
pareils.  L'esprit  humain,  toujours  curieux  d'anticiper  sur 
les  temps,  cherche  à  dévoiler  l'avenir  et  a  recours  à  maint 
présage  ou  moyens  de  divination  ;  les  miroirs  magiques 
sont  encore  consultés,  non-seulement  en  Europe,  mais 
aussi  en  Afrique  et  en  Asie.  Il  reste  au  milieu  de  nous 
plus  de  traces,  qu'on  ne  le  suppose,  de  ces  âges  reculés, 
qui  nous  apparaissent  au  premier  coup  d'oeil  entourés 
d'épaisses  ténèbres  :  après  des  recherches  plus  complètes, 
nos  petits  neveux  liront  sans  doute  couramment  là  où 
nous  n'épelons  qu'avec  peine. 


AGE    DU    FEU.  345 

NOTK 
Du  cult«  des  esprits. 

Dratjom.  —  Kn  Franche-Coinlè,  un  Raimond  «Je  Saint-Sulpici*,  que  Siiiner 
fait  \i\r<*  bien  fraluilenient  au  Xlll*  siècle  «  aurait  lerrAtsé  cette  espèce 
<l'hy<lrf ,  il  aurait  mérite*,  pour  prix  ifun  service  si  éclatant,  que  toute  ta  pos- 
térité fût  f  lemple  du  paiement  de  l'impôt.  Semblable  à  celle  de  TApoca- 
lyps«,  celle  béte  n'av.iit  pas  moins  de  sept  tètes,  et  elle  ravageait  tout.  Le 
conducteur  le  la  diligence  de  NeuchAtel  h  Pontarlier  me  disait  à  ce  sujet,  le 
^  juin  lSi6.  que*  le  dragon  aurait  avalé  ses  deux  chevaux  en  travers  sans  tes 
inAt  her.  M.  IVe p pi i ig  (£^  hausse,  tom.  III,  pag.  179,  édition  de  tSii)  rapporte, 
d'jprrs  Busingrr  ft  /t*lger,  une  p.ireille  fable  sur  l'nderwald.  M.  Raoul  Ro- 
(hftt'*  l.ettrrt  iur  la  Suitse^  loni.  III,  pag.  Ml  et  suiv.)  en  rép4*te  aus^i  de 
»cniblibl«*«  *ur  le  Urachenried  ti  le  Urathenloch.  Lu  Gargouille  de  Rouen  et 
laiil  d'autres  ne  «ont  p.is  plus  historiques.  Tous  ces  contes  de  dragons  sont 
rrnou^rlrs  de  Tlnde  et  de  l.i  Chine.  Monnin,  Du  culte  des  etpriU  dans  la 
V^u.iriK,  note  8  ri  noie  31.  Du  Cangc.  lMloi$anum  ad  uript.  mtdiœ^et  infim. 
liitinit.  .  Kffiépet  draconit  quir  rum  rfjni/it,  ineceleiia»ticit  proce»tionibut  de- 
(rm  %olfi,  quà  vfl  Ihat/olut  ipêe^  rel  hœrent  dtsitjnalur^  de  quibuâ  triomphal 
HcfUnta  Ihabolui  enim,  ut  ait  S.  Au^ustinut  (Hom.  36),  m  ichpturù  sanclis, 
leo  ft  ttraco  m/,  leo  prupter  impftum,  drato  propter  intûUat.  •  —  En  Egypte, 
uti  diM]u'*.  arrompagné  de  la  figure  du  si^rpent  et  de  deux  ailes,  désigne 
l'clrmité.  la  %ie  et  la  sublimité.  St.  Clément,  savant  d'Alexandrie,  fait  obter- 
«rr  <|ue  chei  le*  Juif*  U  >ie  et  le  serpent  se  rendent  parle  même  mot  hevah, 
haïah.  Htn*ah.  [Kxhort.  ad  génie».)  Le  serpent  d'airain  est  l'image  de  la  vie 
et  du  »alut  Nomb.  \\1,  S;  Math  III,  14,  15.)  Le  serpent  chei  les  Romains 
rrprr^iile  la  \\e  et  la  santé,  talulit  draco ,  il  t'entortille  aux  autels  du  dieu 
\4i/ui  ~  Sur  la  C()te  du  Malabar,  le  serpent  à  chaperon,  nommé  SaUa-Pamba, 
r*ï  r<d»jet  d'un  culte  particulier.  —  Fo-hé  ou  Fé,  né  dans  les  Indes  environ 
\Oii  ani  a«ant  Jè^us-Christ,  fondateur  de  la  monarchie  actuelle  des  Chi- 
nom,  u«urp.it<»ur  des  attributs  du  Tout-Puis%arit,  e«t  représenté  *ous  U  forme 
d'un  «rr|>eiii  .nié,  rt  désigné  sous  le  nom  de  dragon.  —  Les  Celles  adoraieni 
ufi  être  invisible,  Teut,  qu'ils  représentent  par  un  animal  dont  le  nom  cbei 
eux  désignait  aussi  U  vie.  Sur  la  tète  du  serpent,  un  glol>e  lumineux  annonce 
ta  gloire  rt  son  rteriiité.  il  a\ait  des  ailes  rt  un  corps  embrasé  ;  telle  est  la 
Vouirre  de  la  Néquanie,  dont  le  nom  tignifie  vivre,  comme  celui  â'kévak.  Il  a 
au«»i  drs  yeux  d'escarboucle.  —  Au  deli  de  l'Indus,  le  18  juillet,  a  lien  U 
fêle  des  .Saga  ou  dieux  ««rpen ta,  tribu  de  divinités  souterraines  qui  gardent 


346  MONUMENTS    DE    L*ANTIQU]TÉ. 

d'immenses  trésors,  où  l'éclat  des  diamants  supplée  à  l'absence  des  rayons 
du  soleil.  On  leur  offre  un  peu  de  lait  et  de  beurre  fondu.  (Un  serpent  gar- 
dait le  trésor  de  Bel-Âir,  ainsi  ailleurs.  J'ai  entendu  parler  plus  d'une  fois 
de  serpents  portant  une  pierre  de  grand  prix  sur  la  tète.)  On  les  représente 
sous  forme  humaine  de  la  tête  au  nombril,  et  sous  la  forme  du  serpent 
pour  le  reste  du  corps.  Les  mâles  y  sont  armés  de  cimeterres  et  protégés 
de  boucliers.  Les  filles  de  Naya  sont  comme  les  fées  et  les  nymphes  des  Mille 
et  une  nuiti.  —  Notre  fée  Mélusine  est  moitié  femme,  moitié  couleuvre,  le 
dragon  s'éclaire  d'un  disque  de  diamants,  il  est  gardien  des  trésors,  les  fées 
se  plaisent  dans  les  grottes,  avec  un  peu  de  beurre  on  apaise  l'esprit  sau- 
vage; c'est  aussi  du  beurre  qu'on  met  dans  les  bassins  des  autels  du  nord. 

Mélusine  ou  Mère  Lusine,  joue  un  grand  rôle  dans  l'ouest  de  la  France, 
elle  apparaît  dans  l'air  sous  la  forme  d'un  serpent  de  feu.  Les  Lusignan 
portaient  pour  cimier  une  Mélusine.  «  En  terme  de  blason,  c'est  une  figure 
échevelée,  demi-femme,  demi-serpent,  qui  se  baigne  dans  une  cuve  où  elle 
se  mire  et  se  coiffe.  »  Elle  apparaît  souvent  aussi  comme  poisson,  et  souvent 
se  baignant,  elle  préside  à  l'élément  de  l'eau. 

Règne  de  la  terre.  —  Beaucoup  de  vallées  de  l'Alsace  et  de  l'Allemagne 
ont  leur  chasseur  sauvage.  Â  la  montagne  bleue  de  Montbeillard,  un  génie 
crie  ou  chante  pendant  la  nuit  des  paroles  lamentables.  On  s'en  préserve  en 
portant  sur  soi  du  beurre  et  du  sel.  C'est  avec  du  beurre  fondu  et  du  lait 
que  les  Hindous  se  rendent  propices  leurs  Dévata  et  autres  dieux.  Vhomme 
mystérieux  du  Bugey  vit  en  vrai  sauvage  sur  les  montagnes  et  reçoit  du  lait 
en  offrande.  Sur  d'autres  monts,  c'est  un  magnifique  seigneur  botté,  armé, 
casqué,  chevauchant  dans  les  airs  sur  son  blanc  palefroi.  On  a  vu  son  coursier 
attaché  en  dehors  d'une  roche  escarpée,  impatient  du  retour  de  son  maître. 
Des  contrebandiers,  munis  d'un  secret,  ont  été  reçus  en  croupe^  et  ont  ainsi 
fait  leur  fortune.  N'est-ce  pas  là  le  White-horse  des  Anglo-Saxons,  qui  a 
donné  son  nom  à  la  colline  du  Cheval-Blanc,  dans  une  vallée  du  Berkshire? 
{Mémoires  de  la  Société  royale  des  antiquaires,  tom.  V,  pag.  217.  De  la  tradi- 
tion populaire  sur  l'armurier  ou  forgeron  Vêlant^  par  M.  Depping,  qui  trouve 
dans  le  fond  de  l'Inde  l'origine  de  cette  fable.)  —  L'antique  seigneur  des 
ruines  du  château  ô*Holiferne,  qui  dominait  sur  les  vallées  de  l'Ain,  de  l'An- 
chéronne  et  de  la  Velome,  fait  retentir  les  monts  du  son  des  cors,  des  voix 
humaines  et  des  aboiements  prolongés,  au  milieu  desquels  il  se  plait.  On 
entend  ailleurs  les  chasses  miraculeuses  du  bon  roi  Arthus  {Holoferne,  signifie 
en  hébreu  vaillant  capitaine).  Un  garde-forestier  les  a  vus  dans  une  clairière, 
c'étaient  une  foule  de  grands  seigneurs,  dé  belles  dames,  de  piqueurs,  les  uns 
mangeant  sur  le  gazon,  les  autres  gardaient  les  chevaux  ou  donnaient  la  curée 
à  de  nombreux  limiers.  Ces  chasseurs,  c'est  V Arthus  que  les  Bretons  ne  croient 
pas  mort,  c'est  l'Aratus  des  bois  de  l'Angleterre,  et  peut-être  l'Herthus  ou 


AGE    DU    FER.  347 

Hertha  du  nord.  C'est  ainsi  que  dans  les  Gattes  du  Malabar,  Parasurama,  ce 
héros  au  teint  vert^  court  encore,  une  arme  à  la  main,  à  travers  les  forêts  de 
palmiers.  —  Près  de  Maizières,  sur  les  bords  de  la  Loue,  la  dame  verte  présage 
des  malheurs.  La  dame  verte  de  Clément,  après  avoir  fatigué  sa  meute,  con- 
viait à  un  repas  frugal  auprès  d'une  source,  le  comte  de  Montbeillard.  Elle 
préside  et  surpasse  de  la  tète  de  jeunes  dames,  aussi  espiègles  que  jolies, 
qui  se  plaisent  à  lutiner  les  jeunes  garçons  égarés.  Entre  les  villages  de  Neu- 
châtel  et  Remondans,  est  la  Hoche  de  la  dame  verte.  Les  Mœsiens  d'Asie 
adoraient  un  soleil  vert,  dit  l'Apollon  Gryneus.  —  Vert  peut  venir  de  Herta, 
la  terre.  Le  Verdier  était  l'ancien  garde  général  forestier.  Verdage,  l'ancien 
gardien  du  bétail  dans  les  bois  ;  ils  étaient  vêtus  de  vert.  Le  printemps,  à 
cause  de  sa  verdure,  s'appelait  Er  chez  les  Grecs,  Ver  chez  les  Latins.  Le  dieu 
étrusque  et  romain  des  vergers  s'appelait  Vertumne.  —  Les  Indiens  de  la 
côte  de  Coromandel  peignent  en  vert  Wishnou  dans  sa  septième  et  huitième 
incarnation.  —  Les  habitants  de  Pékin  couvrent  de  tuiles  vertes  le  temple  de 
la  terre  de  Ti-Tang.  et  de  tuiles  bleues  la  pagode  du  ciel.  —  La  dame  verte 
est  la  déesse  de  la  terre  et  du  bois,  comme  la  Diane  d'Ephèse,  ainsi  que  la 
diane  An7ta,  près  de.  Borne.—  Haarets  o»  erets  en  hébreu,  arifta  en  caldéen, 
signifient  la  terre.  Hareth,  chez  l^s  anciens  Perdes,  était  l'ange  que  le  Créa- 
teur avait  préposé,  dès  le  principe  des  choses,  à  la  garde  du  globe  terrestre. 
Airta  et  arte  en  gothique;  arda  dans  le  runique,  ertha  dans  la  langue  des 
Francs,  earth  en  anglais,  aert  en  flammand,  erd  en  tudesque,  signifie  terre, 
et  ce  mot  terra  n'est  qu'une  inversion  d'are^  sur  lequel  se  sont  modelés  tous 
ceux  que  nous  citons  ici.  —  VHerthus  ou  V Hertha  des  Germains  est  le  dieu 
persan  Hareth,  dont  le  culte  apporté  par  les  Kimris  et  les  Suèves  a  conser>'é 
le  nom  de  Herte,  Eaithy  dont  l'aspiration  adoucie  a  fait  Verte  et  Berthe.  Au 
nom  de  Berthe  se  sont  ralliés  des  souvenirs  fabuleux.  (Même  fait  pour  Berthe 
de  Bourgogne.)  C'est  un  nom  de  femme  très  connu  dans  le  nord. 

Les  Suèves  adoraient  Isis  sous  la  forme  d'un  vaisseau.  {Germ.  40.)  L'oie, 
animal  amphibie,  exprimant  le  règne  de  la  terre  et  de  l'eau,  fut  consacrée  à 
Isis,  elle  est  placée  aux  pieds  d'Herthe.  la  même  qu'isis  (?).  Ensuite,  au  lieu 
de  l'oie  entière,  on  tailla  un  pied  de  l'idole  en  patte  d'oie  (?).  De  là,  la  reine 
Pédauque  (?).  De  là  l'enfantement  d'un  monstre  à  tête  de  canard  par  Berthe, 
épouse  du  roi  Robert.  Berthe  au  long  pied  vient  peut-être  d'Isis,  qui  avait 
un  pied  dans  une  barque,  son  symbole  est  pris  de  sa  chaussure.  Isis  prési- 
dait à  la  culture  du  lin,  de  là  la  quenouille  aux  mains  de  la  déesse.  On  jure 
par  la  quenouille  de  la  reine  Pédauque.  Des  fées  de  la  Normandie  furent 
changées  en  oies.  L'oie  est  la  monture  de  Brahma  dans  l'Inde  et  le  symbole 
delà  vigilance.  Elle  est  dédiée  à  Sarassouadi,  l'une  des  huit  mères  de  la 
terre,  qu'on  compare  à  Isis.  —  Nos  dryades  rieuses,  folâtres,  voluptueuses, 
égarant  les  jeunes  garçons  dans  les  bois,  ne  sont  pas  méchantes  comme  leurs 


348  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

8<Bur8  d'Asie,  qui  enlèvent,  à  Test  de  la  mer  Morte  et  dans  le  nord  de  TAra- 
bie,  les  voyageurs,  afin  de  jouir  de  leurs  embrassements  pour  les  conduire 
ensuite  dans  les  précipices. 

La  tante  Arie^  Airie  dans  la  campagne.  Junon  Aeria,  reine  de  l'air,  génie 
bienfaisant  du  pays  d'Ajoie,  descend  de  l'air  pour  récompenser  la  jeunesse 
studieuse  et  docile,  mêler  la  filasse  suspendue  à  la  quenouille  au  jour  du 
carnaval  ;  elle  file  elle-même,  fête  les  enfants  à  Noël,  ceux-ci  la  reconnais- 
seat  au  bruit  de  la  sonnette  de  l'âne  sur  lequel  arrive  la  tante  Aérienne.  — 
Dans  une  caverne  près  du  château  de  Milandre,  entre  Délie  et  Montbeillard, 
une  fée  garde  un  trésor,  assise  vers  son  coffre-fort  dont  elle  tient  les  deux 
clefs  toutes  rouges  de  feu  entre  ses  dents  transparentes.  \3n  grimoire  ma- 
nuscrit indique  le  secret  pour  saisir,  sans  se  brûler,  les  clefs  de  cet  esprit 
qui  préside  à  l'élément  du  feu.  —  Dans  les  ruines  du  château  de  Maiche 
(arrondissement  de  Montbéliard) ,  un  cochon  noir  couvre  un  trésor;  c'est 
Tesprit  d'un  ancien  seigneur  avare,  qui,  une  fois  tous  les  cent  ans,  rdde  au- 
tour de  la  bourgade,  une  clef  toute  rouge  à  la  gueule  et  cherche  un  homme 
assez  hardi  pour  la  lui  prendre  et  le  délivrer  par  là  de  sa  transformation.  Un 
soir  d'hiver  il  apparut  â  un  homme  sous  une  forme  humaine,  qu'il  lui  est 
permis  de  reprendre,  sans  doute  pour  ne  pas  effrayer  les  gens,  et  le  pria  de 
l'attendre  â  minuit  précis  dans  un  souterrain  du  château.  Le  bonhomme 
promet,  s'y  rend,  le  porc  noir  lui  apparaît,  la  gueule  enflammée  et  tenant  la 
clef  entre  ses  dents  ;  à  cette  vue,  le  malheureux  s'enfuit,  et  l'âme  désolée 
disparait  en  poussant  des  cris  lamentables.  Il  y  a  là  certains  rapports  avec  la 
religion  de  Bouddha  :  là  où  l'on  trouve  la  métempsycose  en  Orient,  sont  des 
dieux  à  tête  de  cochon,  et  qui  souvent  ont  des  clefs  à  la  main.  Les  dieux 
porcs  de  l'Asie  s'appellent  Warraha,  Wara.  —  Verrat  en  français,  varrai  en 
patois,  signifie  pourceau  mâle,  comme  dans  l'Hindoustan ,  de  même  que 
Verres  en  latin.  Le  culte  dominant  des  Celtes  était  celui  de  la  terre,  et  par- 
tout elle  fut  divinisée  sous  des  noms  différents  ;  elle  était  représentée  par 
l'animal  qu'on  lui  sacrifiait.  Les  Suèves  Estyens  se  faisaient  honneur  du  sym- 
bole (Germ,  cap.  45,  formas  aprorum  gestans),  et  leurs  descendants  des  bords 
du  Rhin,  dans  la  Souabe  et  à  Bâle,  ont  maint  hétel  sous  les  auspices  du  co- 
chon noir  ou  du  sanglier.  —  On  voyait,  en  1824,  sur  une  porte  de  Porren- 
truy,  un  cochon  et  une  truie  sculptés  en  bas-relief,  ce  sont  les  armoiries 
d'Autun  (siège  d'un  collège  de  Druides),  et  la  ville  avait  un  cochon  sculpté 
sur  une  de  ses  portes.  Près  de  Porren/rwi  est  Courtemanfreii,  —  rapport  entre 
truie  et  druide  (?).  —  Le  sanglier  était  les  armes  parlantes  d'Ephèse.  (phi- 
soUf  sanglier  d'Apii  ou  de  la  terre,  dit  Pelloutier.  h'Opis  les  Latins  ont  fait 
ops,  opes,  richesses,  —  de  là  le  trésor  et  le  cochon  noir,  —  de  sou  vient 
sus,  sues.  Dans  le  patois  de  la  Franche-Comté,  la  sou  est  la  loge  des  poui^ 
ceaux.   Les  médailles  romaines  rappelant  la  fondation   à*Alba  Troia  offrent 


AGE    DU    FEft.  3&9 

une  laie  avec  ses  marcassins.  —  Une  autre  appellation  des  prêtres  gau- 
lois est  celle  de  gore.  Les  gores  des  Bretons  sont  les  lutins  des  monuments 
druidiques.  En  ancien  français  et  en  patois  normand,  gore  signifie  truie, 
gorin^  gorely  goury^  petit  cochon.  La  truie  qui  file,  de  la  cathédrale  de 
SaiNt-Pol-de-Léon,  est  une  druidesse  ou  une  idole  de  la  terre.  Depuis  le  X* 
siècle  ce  mot  est  devenu  un  outrage  ;  gôr,  dans  la  Bresse,  est  l'outrage  le  plus 
sanglant.  Les  mahométans  désignent  sous  le  nom  de  gaures  les  infidèles. 
Kourin^  chez  les  Arméniens,  désigne  un  homme  instruit  dans  les  choses 
secrètes.  Chez  les  Syriens,  khoury,  désigne  un  porc  ;  gourou  est  un  brah- 
mane chez  les  Indiens.  Ces  noms  sont  restés  dans  la  terre  où  l'on  place  le 
berceau  des  nations  ;  la  province  de  Gouria,  dans  la  Golchide  où  l'antique 
Dioscuria^  existe  sous  le  nom  d*!sgaury  la  ville  de  Gory  sur  le  Kur  de  l'Ibérie, 
la  Coriace  des  sources  de  TEuphrate,  la  Corduène  des  anciens  dans  les  monts 
Gordiens,  où  sont  encore  les  enfants  des  Curdes,  le  désert  des  Pétigores 
du  nord  du  Caucase  au  Tanaïs  des  Amazones.  Ainsi  les  mots  asiatiques  de 
waroy  gor,  sou,  troïa,  sont  restés  dans  notre  dialecte.  Les  Varasques  ou  Wa- 
rais  ne  rendaient-ils  pas  un  culte  tout  particulier  au  cochon  noir  ou  à  la  terre. 

A  Bonlieu,  un  esprit  servant  soigne  pendant  la  nuit  le  bétail,  de  temps 
immémorial.  C'est  un  squelette  n'ayant  conservé  que  les  yeux,  fort  beaux, 
il  est  vrai  ;  son  crâne  est  couvert  d'un  bonnet  rouge  et  pointu  (coiffure  du 
Turntegubbar  suédois),  aussi  l'appelle-t-on  carabin.  La  plaisanterie  ne  doit 
pourtant  pas  aller  trop  lorn.  Un  jour,  apostrophé  par  un  batteur  de  grange, 
celui-ci  fut  enlevé  par  les  cheveux  sous  la  charpente  et  remis  en  place,  sans 
mal,  mais  corrigé.  D'autres  lutins  font  le  travail  des  domestiques  somnam- 
bules. —  On  voit  dans  la  plupart  des  pays  de  l'Europe  des  femmes  jeter  à 
terre,  en  commençant  le  repas,  une  cuillerée  de  lait  ou  de  bouillon,  sans 
qu'elles  sachent  pourquoi.  Ce  même  usage  existe  dans  la  Tartarie  en  faveur 
des  Pénates. 

La  dame  du  lac  Narlay  est  une  vieille  femme  habitant  une  grotte  qui  a 
donné  aux  eaux  du  lac  la  propriété  de  blanchir  le  linge  sans  lessive  et  sans 
savon.  «  Or  la  tradition  veut  que  par  l'effet  d'un  châtiment  céleste,  un  vil- 
lage ait  été  englouti  à  l'endroit  même  où  s'est  creusé  le  bassin  du  lac.  Une 
mendiante  s'était  présentée  à  toutes  les  portes,  et  n'ayant  pu  trouver  un  asile 
pour  la  nuit,  si  ce  n'est  sous  le  toit  d'un  pauvre  vieillard ,  Dieu,  pour  venger 
la  suppliante,  aurait  noyé  le  village  entier,  et  n'aurait  excepté  de  ce  terrible 

exemple  que  la  maison  hospitalière  située  à  l'extrémité A  minuit  de 

Noël,  tous  les  ans,  on  entend  au  fond  du  lac  chanter  le  coq  du  village  sous-marin. 

Maires^  génies  d'origine  céleste.  —  Mara,  démon  femelle  des  Suédois,  qui 
les  oppresse  durant  le  sommeil  ;  Macre,  spectre  nocturne  des  Allemands  ; 
MeHar^  vierges  dont  les  femme»  Scandinaves  obtiennent  une  heureuse  déli- 
vrance, remplissant  aussi  les  fonctions  des  Parques  ou  M&rm  des  Grecs.  — 


3K0  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

Maire,  en  franc-comtois,  sufTocation,  cauchemar.  Dans  le  Bugey  et  la  Bresse 
voisine  de  Lyon,  est  la  Chauchevieille^  ailleurs  la  Chaussepaille.  C'est  la  vieille 
et  pâle  Fouleuse.  —  Chaucher,  c'est  tomber  avec  force. 

Les  meiiar  sont  les  vierges,  les  rnair  les  mères.  11  est  curieux  de  voir  les 
vierges  présider  aux  enfantements.  Vesta  était  au  rang  des  déesses-mères. 
La  chaste  sœur  d'Apollon  et  Junon  répondaient  aux  vœux  des  mères  de  famille. 

La  fête  du  mois  de  mai  célèbre  le  mariage  du  dieu  avec  la  terre.  Le  soleil 
arrivant  à  l'étoile  de  Mata^  et  renouvellant  avec  la  belle  nymphe  l'union 
d'où  naquit  Mercure  {De  bel  Gallico^  VI,  27),  c'est-à-dire  commençant  à  fé- 
conder la  terre  chargée  de  fleurs.  On  a  fait  de  Maïa  un  surnom  de  Cybèle. 

La  belle  de  mai,  nommée  Mairioite,  est  la  petite  maire  ou  mariée.  Pour- 
quoi le  même  honneur  à  des  magistrats  et  des  vierges?  Serait-ce  que  le  gou- 
vernement primitif  des  peuples  appartenait  à  des  vierges  consacrées,  à  des 
druidesses?  N'est-ce  pas  parce  que  Meïar  signifie  vierges  qu'on  appelait 
vierg  ou  vergobret  les  maires  de  la  Gaule  ?  En  plusieurs  lieux  de  la  France, 
on  choisit  la  plus  jolie  petite  fîlle  pour  être  l'image  vivante,  la  nymphe  de  la 
divinité,  on  la  pare  ou  la  porte  en  triomphe  de  maison  en  maison,  collectant 
comestibles  et  vin.  Dans  la  Bresse,  la  reine  ou  jeune  mariée,  ornée  de  fleurs, 
rubans,  bijoux,  ouvre  la  marche  conduite  par  un  jouvenceau.  Si  l'époux  ne 
paraît  pas,  c'est  que  les  Celtes  ne  souffraient  pas  le  simulacre  de  l'Etre  su- 
prême. —  Des  auteurs  du  XVI*  siècle  disent  qu'au  chef-lieu  du  Val-de-Miége, 
à  la  fête  de  St.  Antoine,  d'après  un  usage  antiqoe  et  païen,  se  rendait  une 
foule  d*hommes  et  de  jeunes  filles  passant  la  journée  dans  les  ris,  les  jeux, 
la  danse  et  les  festins.  C'est  à  notre  dame  de  Miége  que  s'adressent  la  jeune 
fille  pour  avoir  un  mari,  et  l'épouse  pour  avoir  des  enfants.  Dans  quelques 
localités,  les  jeunes  filles  vont  certain  jour  de  l'année  s'exposer  sur  le  mar- 
ché, là  où  autrefois  leurs  pères  les  vendaient.  (Même  usage  chez  les  Arabes 
et  dans  quelques  parties  de  la  Chine.)  (Foire  des  domestiques  à  Moudon.) 

On  a  la  croix  qui  vire  (substitution  de  la  pierre  branlante),  près  du  ruis- 
seau de  la  fileine. 

Pour  se  guérir  de  la  fièvre,  on  forme  avec  de  la  paille  une  étoile  à  six 
rayons,  on  la  porte  sur  une  éminence,  on  s'agenouille  devant  le  soleil  le- 
vant, on  récite  des  prières,  ensuite  on  gagne  la  rivière  la  plus  proche,  on  y 
jette  le  soleil  de  paille,  on  en  détourne  aussitôt  la  vue,  et  l'on  s'en  va  sans 
regarder  en  arrière.  —  Les  Hindous  font  des  ablutions  accompagnées  de 
prières  qu'on  récite  à  voix  basse,  elles  consistent  à  se  baigner  dans  le  Gange 
en  tenant  respectueusement  à  la  main  deux  ou  trois  brins  de  paille,  que  de 
vieux  brahmanes  vous  offrent  à  cet  effet. 

Du  milieu  de  l'étang  de  la  Roussière  et  de  Sure,  que  traverse  le  chemin  de 
Lyon  à  Villars,  s'élèvent  deux  grands  mamelons  de  terre  rapportée,  appelés 
poipes.  L'un  était  un  autel,  l'autre  la  demeure  du  ministre  du  dieu.  La  colline 


AGE    DU    FEB.  3S1 

est  entourée  d'un  fossé  circulaire,  un  autre  effleure  le  premier,  renferme  d'un 
grand  ovale  et  laisse  dans  l'intermédiaire  deux  parties  de  terrain,  places  en 
forme  de  croissants.  Le  château  delà  Pape,  près  de  Lyon,  doit  son  nom  à  une 
poipe  sur  laquelle  il  a  été  construit.  D'après  Hérodote,  les  Scythes  adoraient 
Jupiter  sous  le  nom  de  Papeus.  Les  Russes  donnent  aux  prêtres  le  nom  de 
popes,  les  Moriaques  celui  de  papas.  En  Italie  le  pape  est  papa.  Le  mon- 
ticule présente  un  cône  tronqué  de  50  pieds  environ  de  haut,  boisé  sur  ses 
flancs,  contourné  par  un  sentier  et  surmonté  des  fondations  d'une  tour  en 
brique.  Si  elle  est  gauloise  (?),  elle  a  dû  être  octogonale  (d'après  J.  Picot, 
Histoire  des  Gaules,  tom.  III,  pag.  60),  forme  observée  au  Tubet,  à  la  Chine 
et  au  Japon.  La  résidence  du  souverain  pontife  du  Tubet  à  H'iassa  est  un 
pavillon  octogone  dans  un  bosquet  toufi'u  sur  une  île,  au  milieu  d'un  étang 
sur  le  mont  Pakmou-ri.  Au  plus  grand  étage  de  cette  tour,  le  grand  Lama  se 
rend  presque  inaccessible  à  la  vue  des  humains.  Veleda  apparaissait  au  haut 
de  la  tour  qu'elle  habitait  chez  les  Bructères.  (Tac.  Hist.  liv.  IV,  cap.  45.)  Sur 
la  poipe  de  Saint- And  ré,  la  fée  de  Riotier  se  montre  quelquefois  sans  aucun 
vêtement.  Rapports  des  déesses-mères  et  prêtresses  gauloises,  également  nues 
ou  vêtues.  Les  femmes  au  sein  découvert,  voilées,  assises,  tenant  un  enfant 
ou  une  patère  à  rosace,  rappellent  la  déesse  chinoise  Quania  ou  Quonia. 

A  Moutier-en-Bresse,  on  pratique  des  superstitions  sur  la  pierre  de  St.  Vit. 
(Description  du  duché  de  Bourgogne,  par  Courtépée,  tom.  IV,  pag.  249-250.)— 
Helmodus,  au  XII«  siècle,  signale  une  même  dévotion  à  St.  Vit,  dans  l'île  de 
Riigen. 

£n  Séquanie  comme  ailleurs,  on  a  des  fées,  dames,  demoiselles.  Près  de 
Simandre  et  de  Ghavennes,  la  pierre  fiche  est  regardée  comme  la  quenouille 
d'une  fau.  Elles  enseignent  aux  bergères  dans  les  glottes  l'art  de  filer  et  de 
coudre.  Les  Romains,  comme  nous,  tenaient  la  quenouille  d'Asie,  et  la  don- 
nèrent aux  trois  Parques  filandières.  On  a  les  trois  dames  blanches  qui  dan- 
sent. Il  y  a  Vherbe  qui  égare,  celle  qui  arrache  les  fers  des  chevaux ,  la 
fleur  miraculeuse  qui  fait  aimer  des  plus  rebelles.  (Même  plante  en  deçà  du 
Jura.)  Au  Mont  un  paysan  avait  tamponné  avec  un  bouchon  de  bois  l'ouver- 
ture d'un  nid  de  pies  dans  un  arbre.  Le  père  était  dehors,  trouvant  l'issue 
fermée,  il  revint  avec  une  herbe  dans  son  bec,  qu'il  posa  sur  le  tampon  et  le 
fit  ainsi  sauter  hors  du  trou.  —  Un  voleur  avait  une  herbe  à  laquelle  ne  résis- 
talent  les  serrures  d'aucune  prison. 

Sur  le  château  de  Montaigne,  près  de  Vesoul,  apparaît  tous  les  ans  la  reine 
blanche,  sans  tête,  qui  en  fait  le  tour  â  minuit.  —  Pourquoi  ces  dames  sont- 
elles  fr/anc/ics  ?  c'est  â  cause  du  vêtement  blanc  des  druidesses.  Les  images 
des  démons  étaient  couvertes  de  blanc  quand  les  Gaulois  les  promenaient  au 
IV»  siècle.  (Voir  la  vie  de  St.  Martin.  Histoire  des  Gaulois,  de  Picot,  tom.  III). 


352  MONUMENTS   DE    L  ANTKHJITÉ 

Croyances  populaires  de  l'Ecosse. 

VElf  ou  VElftn  est  Tesprit  le  plus  populaire  des  basses  terres  de  TEcosse. 
—  Le  Rei-Capy  gardien  des  ruines,  se  tient  assis  sur  on  pan  dé  mur,  le 
frunt  dans  les  deux  mains.  —  Le  Brownmann  of  the  muirs^  vêtu  de  mousses 
et  de  lichens  sombres,  habite  les  bruyères.  Les  légendes  représentent  des 
esprits  des  eaux  cuirassés  d'écailTes.  —  Le  Shellycoat  fascine  le  voyageur, 
qu'il  égare  de  sa  voix  aiguë  et  du  cliquetis  de  son  armure  d'écailles.  —  Le 
Brou'nie,  esprit  du  foyer,  crie  à  ceux  qui  prolongent  la  veille  :  «  Allez  vous 
coucher,  gentlemen,  et  laissez-moi  ma  braise  de  minuit.  »  —  Les  JÇ//V»,  vifs, 
agiles,  capricieux,  sont  utiles  quand  on  les  traite  bien,  nuisibles  quand  on 
les  irrite.  Ils  sortent  des  montagnes  à  la  nuit,  dansent  dans  les  prés  au  cTsir 
de  la  lune,  où  ils  laissent  des  cercles  de  verdure  ;  ils  donnent  la  crampe  aux 
bestiaux,  que  le  pâtre  ne  peut  guérir  qu'en  les  frottant  de  son  bonnet  de 
laine  bleue.  Ils  se  vengent  des  insultes  avec  les  cailloux  triangulaires  des 
ruisseaux,  nommés  têtes  de  flèche  de  fées.  —  Un  soir,  sir  Godfrey  Mac-CuUoch, 
dans  le  Galloway,  se  promenant  à  cheval,  fut  accosté  par  un  petit  vieillard 
habillé  de  vert  et  monté  sur  un  beau  cheval  blanc.  Celui-ci  dit  qu'il  était 
l'hôte  du  senîl  de  sa  porte  et  qu'il  avait  à  se  plaindre  de  ce  que  le  tuyau 
d'une  gouttière  se  vidait  au-dessus  de  sa  retraite.  Godfrey,  bien  que  surpris, 
l'assura  que  la  gouttière  serait  changée  de  place,  ce  qui  eut  lieu.  Bien  des 
années  après,  sir  Godfrey  eut  le  malheur  de  tuer  dans  une  querelle  un  gen- 
tilhomme du  voisinage.  Il  fut  condamné  à  mort,  à  Edimbourg.  Arrivé  à  l'en- 
droit fatal,  le  petit  vieillard  fend  la  foule  avec  la  rapidité  de  l'éclair,  monté 
sur  son  beau  cheval  blanc ,  emporte  sir  Godfrey  en  croupe,  franchit  mu- 
railles et  fossés,  et  dès  lors  on  ne  revit  jamais  ni  vieillard,  ni  criminel.  —  On 
a  beaucoup  d'égard  pour  l'Elf  ;  dans  l'île  de  Man,  par  exemple,  on  ne  se  met 
jamais  au  lit  sans  avoir  rempli  d'eau  fraîche  un  roseau  ou  un  tuyau  de  paille, 
où  les  Elfes  viennent  se  baigner  dès  que  tout  le  monde  a  fermé  l'œil.  Quand 
ces  rapports  d'amitié  existent,  on  les  appelle  bons  voisins^  les  bonnes  gem, 
comme  d'ans  les  Highlands  on  appelle  le  diable,  le  bonhomme  (goodman). 
Les  Elfes  aiment  surtout  les  nuits  sereines,  les  beaux  cours  d'eau,  dont  les 
galets  aplatis  et  les  cailloux  creusés  sont  les  plats  et  les  coupes  de  leurs  fes- 
tins. Dans  les  jours  sereins,  ils  traversent  les  airs  en  longue  cavalcade,  et 
souvent  on  entend  le  bruit  de  leurs  fouets  et  de  lenrs  brides  pendant  leufs 
courses  aériennes.  Tous  les  moyens  leur  sont  bons  pour  se  procurer  des  che- 
vaux. Ce  sont  eux  qui  fatiguent  la  nuit  ces  chevaux,  qu'on  trouve  le  matin  hale- 
tant dans  leurs  étables.  Ils  prennent  les  plus  grands  et  les  plus  beaux  chevafoic. 
Plus  rarement  ils  les  achètent,  témoin  ce  paysan  qui  vit  disparaître  dans  la 
terre,  avec  son  cavalier,  le  cheval  qu'il  venait  de  lui  vendre.  Parfois  ce  sont 
des  chasses  bruyantes  avec  le  son  lointain  d'un  cor. 


AGE    DU     FER.  353 

Partout  les  Elfes  ont  le  pouvoir  de  guérir,  et  font  part  quelquefois  de  ce 
<lon  aux  humains.  Une  jeune  fille  nommée  Anne  Jefferies,  étant  dans  un  jar- 
<lin,  vit  tout  à  coup  six  petits  êtres  vêtus  de  vert  franchir,  d'un  saut,  le  mur 
d'enceinte.  Longtemps  elle  fut  malade  de  sa  frayeur.  Sa  maîtresse  étant 
sortie  un  jour  se  blessa  à  la  jambe  ;  à  son  retour  la  jeune  fille  la  guérit  par 
le  simple  attouchement  de  sa  main,  et  assura  que  les  Elfes  qui  avaient  fait  le 
mal  l'en  avaient  prévenue  aussitôt.  Dès  lors  elle  fit  de  nombreuses  cures, 
mais  sans  vouloir  jamais  rien  accepter.  De  la  moisson  à  Noël  elle  fut  nourrie 
par  les  fées  et  ne  mangea  que  de  leur  pain,  gâteau  délicieux.  Elle  en  recevait 
onguents  et  drogues  ;  l'argent  paraissait  ne  pas  lui  manquer.  Souvent  on  la 
voyait  danser  toute  seule  sous  les  arbres  du  verger,  elle  assurait  qu'elle  dan- 
sait avec  les  fées.  Les  prêtres  et  les  magistrats  la  firent  enfermer  dans  les 
prisons  de  Bodwin,  où  elle  passa  trois  mois  sans  manger  et  en  sortit  vivante. 
En  1696  elle  vivait  encore,  mais  on  n'a  pas  su  la  cause  qui  avait  éloigné 
•d'elle  les  fées. 

En  Géorgie,  à  quelque  distance  de  Gori,  l'église  abandonnée  de  Saint- 
Georges  était  entourée  d'un  fil  de  coton  qui  en  faisait  deux  ou  trois  fois  le 
tour.  «  Je  distinguai  plusieurs  de  ces  fils,  ainsi  que  des  niches,  des  échevaux 
•de  coton,  des  boucles  de  cire,  et  même  des  monnaies  déposées  sur  le  seuil 
des  portes.  Je  vis  aussi  une  main  de  fer  et  des  fers  de  chevaux  cloués  sur  la 
porte  principale  ;  d'autres  de  chevaux,  d'ânes  ou  de  mulets  décoraient  la 
porte  de  la  tour  d'entrée.  »  (Voyage  autour  du  Caucase,  Du  Bois  de  Montpé- 
reux,  tom.  III,  pag.  t%i.) 

Vierge  et  trésor. 

En  Crimée,  la  veille  de  St.  Jean,  une  vierge  apparaît  sur  le  sommet  du  fa- 
meux tumulus  du  mont  d'or,  attendant  l'amant  avec  lequel  elle  partagera  ses 
trésors.  Sur  la  cime  du  Ghélinkata,  elle  apparaît  aux  passants,  leur  sert  à 
boire.  A  Rugen,  elle  s'est  réfugiée  sur  le  Waschstein  de  Stubbenkammer, 
gros  bloc  erratique  qui  s'élève  au-dessus  du  rivage  ;  à  Polaroid  en  Lithuanie, 
-elle  se  poste  sur  un  petit  tertre,  au  milieu  d'une  prairie  baignée  par  le  Kroi. 
«  C'est  la  déesse  Ligho  ou  Lido  des  Lithuaniens,  leur  Vénus,  révérée  encore 
aujourd'hui  dans  leurs  chants,  et  dont  la  fête  se  célèbre  chaque  année  la 
veille  de  la  St.  Jean.  Les  femmes,  en  chantant,  courent  dans  les  bois,  chercher 
des  fleurs  auxquelles  elles  attribuent  de  grandes  vertus;  les  hommes  allument 
de  grands  feux  au  milieu  des  champs,  ou  mettent  le  feu  à  une  tonne  de  gou- 
-dron  suspendue  à  une  haute  perche  et  dansent  autour  avec  des  flambeaux  : 
puis  ils  font  des  processions  autour  de  leurs  maisons  et  de  leurs  pro- 
priétés. » 


MÉM.  BT  DOCUM.  XXT.  S8 


SUITE  DE  L'AGE  DU  FER 


(Extrait  d*aii  second  cours.) 


AVANT-PROPOS. 

Le  cours  qui  précède  traitait  esssentiellement  des  mo- 
numents des  peuples  barbares,  depuis  les  temps  les  plus 
reculés  jusqu'au  l^^  ou  II©  siècle  avant  l'ère  chrétienne. 
La  méthode  suivie  a  été  une  simple  classification,  consis- 
tant à  grouper  les  faits  analogues.  Après  avoir  déterminé 
Tordre  de  succession  de  ces  divers  groupes,  nous  les  avons 
examinés  séparément,  cherchant  à  déduire  les  conclusions 
qui  nous  ont  paru  ressortir  nécessairement  de  l'obser- 
vation des  faits.  La  matière  que  nous  nous  proposons 
de  traiter  cette  fois  étant  la  suite  de  ces  recherches,  notre 
méthode  sera  la  même.  Nous  aurons  à  étudier  les  débris 
qu'on  retrouve  cà  et  là  en  Europe,  et  qui  y  ont  été  dépo- 
sés par  les  barbares  durant  un  millier  d'années  environ. 
Au  lieu  de  pouvoir,  comme  précédemment,  suivre  un  dé- 
veloppement harmonique  de  période  en  période,  nous  au- 
rons à  constater  des  individualités  et  des  développements 
divers.  La  scène  change  ;  de  vastes  contrées  tombent  sous 
la  domination  romaine.  Des  peuples  nombreux  sillonnent 
TEurope.  Le  christianisme  se  répand.;  Rome  succombe; 
un  monde  nouveau  est  en  formation.  Mais  avant  d'étudier 


356  INTRODUCTION. 

les  débris  qui  se  rattacheDt  à  ces  divers  moments  il  ne 
sera  pas  hors  de  propos  de  récapituler  rapidement  les  ré- 
sultats auxquels  nous  sommes  parvenus.  Ce  résumé  nous 
servira  d'introduction. 

Les  peuples  chez  lesquels  il  n'y  eut  pas  d'architecture 
proprement  dite  n'ont  guère  laissé  de  leur  passage  que 
des  tombeaux  et  des  monuments  du  culte,  parfois  gigan- 
tesques, le  plus  souvent  informes.  L'usage  d'inhumer  les 
morts  avec  leurs  ornements ,  leurs  armes  et  les  instru- 
ments de  leur  profession  permet  de  se  faire  une  idée  du 
degré  de  culture  de  ces  anciennes  sociétés.  —  Il  est  des 
tombeaux  nombreux  dans  lesquels  on  ne  retrouve  que 
des  instruments  en  pierre ,  sans  trace  de  métal,  d'autres 
qui  renferment  essentiellement  des  objets  et  des  instru- 
ments en  bronze,  à  l'exclusion  du  fer,  d'autres  enfin  dans 
lesquels  le  fer  est  employé  à  divers  usages.  A  ces  trois 
classes  répondent  des  modes  de  sépultures  et  des  moments 
distincts  dans  le  développement  de  la  culture  humaine. 


MONUMENTS  DE  L  ANTIQUITÉ 


AGE  OU  FER 


Première  période. 

Ce  fat  durant  l'âge  le  plos  reculé  que  la  pierre  tint  lieu 
du  métal,  dont  le  travail  était  encore  inconnu  aux  popula- 
tions primitives.  Ces  peuples,  allant  à  la  découverte  d'un 
monde  inhabité,  nomades  ou  changeant  souvent  de  con- 
trée,, ne  pouvaient  explorer  les  mines,  construire  et  entre- 
tenir des  établissements  qui  demandent  déjà  toute  une  or- 
ganisation sociale.  La  matière,  qui  se  rencontrait  sous  la 
main,  était  façonnée  pour  les  besoins  les  plus  pressants. 
Cette  condition  devint  loi  pendant  plusieurs  siècles,  et  l'on 
est  souvent  surpris  du  parti  qui  fut  tiré  de  moyens  si  res- 
treints. Ces  débris  nous  reportent  à  un  âge  anté  historique, 
difficile  à  déterminer  par  des  chiffres,  mais  qui  s'étend 
au  moins  de  Tan  2000  à  l'an  1200  avant  l'ère  chrétienne. 
Les  instruments  en  pierre  et  en  os ,  dont  plusieurs  sont 
parfois  d'une  époque  très  postérieure ,  ne  caractérisent 
pas  à  eux  seuls  cette  période  reculée.  Ils  doivent  être 
rapprochés  du  lieu  de  leur  découverte,  de  ces  tumuli  éle- 
vés qui  recouvrent  les  grandes  salles  sépulcrales;  ils  doi- 
vent accompagner  ces  sarcophages  à  peu  près  cubiques 
dans  lesquels  le  mort  reployé  présente  l'attitude  de  l'em- 
bryon. Ces  constructions  tumulaires,  répandues  dans  le 
nord  de  TEurope,  sur  les  côtes  de  l'Océan  et  de  la  Baltique, 


3S8  MONUMRNTS   DE   L*ANT1QUITÉ. 

se  dirigent  au-delà  des  MoDts^Ourals ,  dans  TÂsie  du 
Dord  et  vers  la  Mongolie.  D*autres,  plus  rares,  permettent 
cependant  de  reconstruire  une  voie,  au  midi  de  l'Europe, 
sur  les  bords  de  la  Méditerranée,  de  la  mer  Adriatique,  de 
TArchipel  et  de  la  mer  Noire.  De  là ,  elle  traverse  le  Cau- 
case, et  pénètre  en  Asie.  L'existence  de  ces  monuments 
est  même  constatée  dans  la  direction  du  détroit  de  Behring 
et  dans  l'Amérique  du  Nord ,  tandis  que  les  tronçons 
d'une  autre  voie  reparaissent  dans  les  Indes.  L'absence  de 
ce  genre  de  tumuli  dans  le  centre  de  l'Europe,  la  direction 
de  ces  diverses  voies  convergeant  en  Asie,  nous  repor- 
te vers  le  berceau  de  l'humanité,  d'où  se  détachent  ces 
premières  familles  qui  pénètrent  en  Europe  le  long  des 
grandes  eaux,  et  dans  le  nord  de  l'Amérique  par  le  dé- 
troit de  Behring. 

Dans  les  âges  où  l'on  élevait  ces  immenses  tumuli,  sou- 
vent entourés  de  piliers  bruts  et  surmontés  de  grands  au- 
tels, les  instruments  en  pierre  déposés  dans  les  tombes 
présentent  des  formes  variées  :  ce  sont  des  haches,  des 
coins,  des  gouges,  des  ciseaux  pareils  à  ceux  des  maçons 
ou  des  charpentiers,  des  marteaux,  des  pointes  de  lance, 
de  javelot  et  de  flèche,  des  poignards ,  des  couteaux,  et 
même  des  scies  en  silex ,  ainsi  que  des  hameçons  et  des 
ancres  de  bateau.  L'ambre,  des  coquillages  et  des  dents 
d'animaux,  percées  d'un  trou,  servaient  de  colliers  ou  d'a- 
mulettes. Des  vases  d'argile  grossière  commencent  à  se 
recouvrir  de  quelques  ornements.  L'étude  de  ces  pièces 
nous  a  fait  voir  qu'elles  avaient  été  fabriquées  par  des 
procédés  aussi  simples  qu'ingénieux.  —  Il  résulte  aussi 
des  faits  observés  que  ces  peuples  s'adonnaient  entr'au- 
tres  à  la  pêche  et  à  la  chasse,  sans  qu'on  puisse  affirmer 


AGE    DU    FER.  3S9 

qu'ils  aient  été  entièrement  étrangers  à  l'agriculture.  Ils 
connurent  la  navigation,  du  moins  dans  ses  premiers  élé- 
ments. Le  travail  de  l'os  et  de  la  pierre  présente  parfois 
un  fini  surprenant.  Ils  surent  détacher  des  rochers  des 
blocs  immenses,  qu'ils  ont  souvent  transportés  à  des  dis- 
tances considérables.  On  est  à  se  demander  de  nos  jours 
par  quel  déploiement  inconcevable  de  force  et  de  dexté- 
rité on  est  parvenu  à  soulever  les  blocs  destinés  au  culte 
ou  à  la  construction  des  salles  sépulcrales.  On  retrouve 
déjà  les  premiers  essais  de  l'art,  exprimés  par  des  poin- 
tillages,  des  rayures  diverses,  par  l'incrustation  et  par  la 
gravure  sur  pierre.  L'imperfection  du  dessin  n'en  montre 
pas  moins  une  population  chez  laquelle  la  préoccupation 
de  l'utile  commence  à  faire  place  au  sentiment  du  beau. 
Plusieurs  animaux,  entre  autres  le  cheval,  le  chien,  le  co- 
chon et  la  poule  étaient  réduits  à  l'état  de  domesticité.  La 
découverte  des  lieux  de  fabrique  nous  a  révélé,  non-seu- 
lement les  moyens  employés  à  la  confection  des  instru- 
ments, mais  encore  l'établissement  de  professions.  Avec 
celles-ci  l'échange  devient  nécessaire,  et  le  commerce 
prend  naissance.  L'existence  de  tombeaux  de  famille  ou 
de  tribu  ne  peut  provenir  que  de  populations  qui  ont  re- 
noncé à  la  vie  nomade,  peu  propre  à  l'exercice  de  profes- 
sions et  à  rétablissement  de  lieux  de  fabrique.  Les  autels 
nous  font  voir  qu'il  était  des  dieux  dont  il  fallait  recher- 
cher la  faveur  ou  apaiser  la  colère  par  des  offrandes  ou 
des  sacrifices,  et  la  dépouille  mortelle  de  l'homme,  dépo- 
sée dans  le  sein  de  la  mère  universelle  du  genre  humain, 
avec  l'attitude  de  l'embryon ,  nous  parait  révéler  la  foi  à 
une  vie  à  venir,  et  même  à  la  résurrection  des  corps. 
Les  constructions  et  les  instruments  de  cette  période 


360  MONUMENTS   DE    L*ÂNTIQU1TÉ. 

reculée  oot  tous  un  aspect  frappant  de  parenté.  Il  faut  ce- 
pendant distinguer  à  cet  égard  les  traits  qui  proviennent 
d'un  emprunt  à  une  source  commune,  de  ceux  qui ,  étant 
propres  à  l'enfance  des  sociétés,  sont  plus  particulière* 
ment  l'expression  de  l'unité  de  l'esprit  humain. 


Age  de  transition  de  la  première  à  la  seconde 

période. 

Nous  avons  dit  qu'il  est  une  classe  de  tombeaux  d'après 
lesquels  on  voit  que  le  bronze  a  été  d'un  usage  général, 
même  pour  les  instruments  tranchants.  Toutefois,  l'intro- 
duction de  ce  métal  n'a  pu  être  instantanée.  L'observation 
des  faits,  quoique  très  incomplète,  indique  un  âge  de  tran- 
sition  pendant  lequel  le  métal  apparaît  çà  et  là,  comme  une 
rareté,  au  milieu  d'instruments  en  pierre,  tandis  qu'un 
peu  plus  tard,  c'est  la  pierre  qui  devient  l'exception.  I! 
dut  en  être  ainsi.  Le  prix  attaché  à  la  matière  nouvelle  en 
fit  tout  d*abord  la  propriété  du  riche  et  du  puissant.  Elle 
servit  aussi  à  perfectionner  les  instruments  primitifs  et  à 
percer  les  haches  d'un  trou  pour  y  introduire  la  hampe. 
Là  découverte  de  lourds  marteaux  en  pierre  dans  des  mi- 
nes de  cuivre  de  l'Autriche  et  de  la  Sibérie  témoigne  de  la 
rareté  du  métal.  Une  fois  qu'il  fut  généralement  répandu, 
la  pierre  resta  encore  entre  les  mains  du  prêtre,  comme 
matière  sacrée,  et  pendant  bien  des  siècles,  le  peuple  lui 
accorda  la  valeur  d'amulette.  —  En  même  temps  que  le 
métal,  de  nouveaux  modes  de  sépulture  sont  introduits,  et 
les  tombeaux  pénètrent  déjà  plus  avant  dans  l'intérieur 
des  terres. 


AGE   DU    FEa.  361 


Seconde  période. 

LMDtroductioD  du  métal  en  Europe  parait  avoir  été  plus 
ancienne  dans  le  midi  que  dans  le  nord  ;  cependant  il  a  dû 
être  connu  dans  le  nord  plus  d'un  millier  d'années  avant 
rère  chrétienne,  et  il  s'est  écoulé  environ  800  ans  avant 
que  le  fer  ait  été  d'un  usage  général.  La  connaissance  de 
l'étain,  du  plomb ,  de  l'or  et  de  l'argent  suivit  de  près 
celle  du  cuivre,  bien  que  dans  certaines  contrées*,  l'ar- 
gent ne  paraisse  guères  qu'avec  le  fer.  La  conquête  de  ces 
nouvelles  matières  eut  une  puissante  action  sur  le  déve- 
loppement des  sociétés  durant  cette  période,  ce  dont  on 
peut  se  faire  une  idée  en  examinant  les  débris  qui  sont 
arrivés  jusqu'à  nous.  Les  armes  offensives  sont  des  ha- 
ches de  formes  variées,  dont  quelques-unes  ont  été  des 
insignes  de  commandement,  des  épées,  souvent  d'un  beau 
travail,  munies  de  poignées  courtes  et  ornées,  des  poi- 
gnards de  même  genre,  mais  avec  des  lames  plus  longues 
et  moins  larges,  et  des  pointes  de  lance,  de  javelot  et  de 
flèche,  simples  ou  chargées  de  gravures.  Les  armes  dé- 
fensives sont  plus  rares,  on  a  cependant  retrouvé  des 
brassards,  un  casque  et  des  boucliers  entièrement  en 
bronze.  Les  loures  ou  cors  gigantesques  du  Danemark 
complètent  cet  appareil  guerrier.  —  D'entre  les  instru- 
ments domestiques,  on  possède  entre  autres  des  serpes, 
des  faucilles,  des  couteaux ,  des  scies,  des  ciseaux ,  des 
poinçons,  des  aiguilles,  des  perles  à  filer,  des  hameçons 

*  Entr'autres  le  Mecklembourg,  le  Danemark  et  la  Suède. 


362  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

et  des  poids  de  filet.  —  Les  orDements  présentent  une 
grande  variété  de  formes  et  de  gravures  :  ce  sont  des  dia- 
dèmes, des  peignes,  des  épingles  et  des  colliers,  des  bra- 
celets, des  bagues,  des  anneaux  de  jambe,  des  ceintures 
et  des  broches.  Quelques  parties  d'étoflfes  et  de  cuir,  res- 
tes de  vêtement ,  ont  été  conservées,  ainsi  qu'un  grand 
nombre  de  vases  d'argile  et  d'urnes  cinéraires.  Les  vases 
du  culte  sont  ordinairement  en  bronze  et  quelquefois  en 
or.  —  Quelques  passages  d'auteurs  anciens  et  la  décou- 
verte de  mines  anciennement  exploitées,  dans  lesquelles 
se  trouvaient  des  instruments  de  cette  période,  montrent 
que  le  métal  fut  déjà  exploité  alors  dans  les  iles  de  Chypre 
et  d'Eubée,  en  Espagne,  dans  les  Gaules,  dans  la  Grande- 
Bretagne,  chez  les  Germains  et  les  Scandinaves,  et  même 
en  Sibérie.  Dans  plusieurs  lieux  des  fouilles  ont  révélé 
l'existence  de  fonderies  dont  l'antiquité  est  constatée  par 
la  présence  et  la  nature  de  divers  objets  ébauchés  ou  pris 
en  partie  dans  les  moules.  L'art  du  mouleur  précéda  celui 
du  forgeron,  cependant  on  connut  fort  anciennement  l'en- 
clume, le  laminoir,  la  tréfilerie,  le  bosselage,  la  gravure 
et  l'incrustation  sur  métaL  La  trempe  et  l'alliage  donnè- 
rent au  cuivre  le  tranchant  et  l'élasticité  de  l'acier.  Au 
moyen  de  l'analyse  chimique  on  est  arrivé  à  des  résul- 
tats intéressants  en  déterminant  les  proportions  suivies 
dans  l'alliage  et  en  constatant  que  l'emploi  du  zinc  est 
beaucoup  moins  ancien  que  celui  de  l'étain. 

Les  tombeaux  qui  renferment  ces  divers  objets  diffèrent 
sensiblement  des  grandes  salles  sépulcrales  et  des  tumuli 
élevés  de  l'âge  primitif.  L'attitude  de  l'embryon  disparaît; 
les  corps,  étendus  sur  le  dos,  reposent  dans  un  cercueil 
en  dalles  brutes,  ou  simplement  sur  un  pavé,  ou  même  en 


AGE    DU    FER.  363 

terre  libre.  Le  plus  souvent  le  mort  a  été  brûlé.  L'urne, 
qui  renferme  les  cendres,  contient  aussi  des  débris  d'or- 
nements et  des  armes  brisées.  Les  vases  sont  quelquefois 
déposés  dans  une  niche,  d'autres  fois  entourés  de  cailloux 
roulés  et  parfois  placés  dans  la  terre  sans  aucun  entou- 
rage. Les  collines  qui  recouvrent  ces  sépultures  sont  gé- 
néralement moins  grandes  que  dans  la  période  précé- 
dente '  :  elles  ne  portent  plus,  ni  autels.,  ni  couronnes  de 
piliers'.  Dans  quelques  contrées,  les  tombes  sont  déjà 
déposées  par  alignement  dans  la  terre,  sans  qu'aucun 
ornementa  l'intérieur  du  sol  indique  leur  existence. 

La  statistique  des  divers  modes  de  sépulture  nous  re- 
porte en  Orient,  comme  à  leur  point  de  départ  ;  de  là  ils 
se  répandent  en  Europe  et  pénètrent  dans  la  plupart  des 
pays.  Quand  on  les  rapproche  de  ce  que  l'inhumation  fut 
primitivement,  et  si  l'on  tient  compte  qu'à  leur  origine  ils 
provenaient  de  croyances  diverses  et  de  peuples  divers, 
on  ne  peut  douter  qu'une  grande  révolution  ne  se  soit 
accomplie  et  que  d'autres  populations  n'aient  fait  invasion. 
Une  lutte  violente  s'est  engagée.  Les  habitants  primitifs, 
vainqueurs  sur  quelques  points,  ont  été  vaincus  sur  les 
autres,  soumis  ou  refoulés  dans  l'intérieur  des  terres.  Une 
fusion  s'est  opérée  sous  une  influence  nouvelle.  D'entre 
ces  populations  qui  nous  apparaissent  comme  un  tout  ho- 
mogène, plusieurs  se  sont  formées  d'éléments  différents, 
qui  s'harmonisent  en  se  développant,  mais  non  sans  con- 
server quelques  caractères  de  leur  diversité  d'origine. 

*  H  faut  excepter  le  Necklembourg,  où  les  collines  du  premier  âge  sont 
ordinairement  moins  élevées  que  celles  de  l'âge  du  bronze. 

*  Cette  affirmation  ne  doit  pas  être  trop  absolue.  Je  ne  me  remets  pas 
d'exemple  d'autels  et  de  couronnes,  mais  bien  de  cercles  de  piliers  à  la  base^ 
ce  qui  se  reproduit  quelquefois  encore  après  Tintroduction  du  fer. 


364  MONUMENTS    DE    L*ANTIQ|IITB. 

On  voit  les  connaissances  humaines  s'agrandir  et  se 
multiplier  durant  cette  période.  L'exploitation  des  mines 
et  le  travail  des  métaux  acquièrent  un  développement  qui 
entraîne  avec  lui  toute  une  organisation  sociale.  L'art  du 
potier  se  perfectionne,  ceux  du  tisserand,  du  teinturier  et 
du  tanneur  se  retrouvent  partout.  La  braie  et  le  sagum 
aux  carreaux  éclatants,  vêtements  des  anciens  Gaulois, 
sont  aussi  propres  à  d'autres  peuples.  Le  sol  est  livré  à 
la  culture,  on  possède  la  herse ,  des  charrues  de  formes 
variées,  des  chariots  à  quatre  roues.  Le  blé,  le  milliet  et 
le  Un  sont  cultivés,  ainsi  que  l'olivier,  le  citronnier  et  le 
figuier  dans  les  contrées  les  mieux  exposées.  Le  midi  des 
Gaules  connaît  déjà  la  vigne  5  à  6  siècles  avant  notre  ère, 
et  le  vin  est  resserré  dans  des  tonneaux  en  bois,  pareils  à 
ceux  dont  nous  nous  servons  de  nos  jours.  Les  blés  et  les 
troupeaux  d'animaux  domestiques  deviennent  un  article 
important  de  commerce  entre  la  Gaule  et  Tltalie,  de  même 
que  l'étain  et  l'ambre,  dans  la  Grande-Bretagne  et  sur  les 
bords  de  la  Baltique.  Des  vaisseaux  à  doubles  rangs  de 
rameurs  ou  conduits  par  des  voiles  de  cuir  ou  d'étoffe  de 
lin  sillonnent  les  mers  du  Nord*.  Le  grand  cor  excite  les 
guerriers  aux  combats  et  la  lyre  des  bardes  et  des  scaldes 
célèbre  les  hauts  faits.  L'art,  encore  imparfait,  s'exprime 
par  un  goût  excessif  de  la  parure,  des  couleurs  éclatantes 
et  des  ornements  de  détail,  sans  savoir  s'élever  à  la  pureté 
des  contours,  h  la  simplicité  du  fond  et  à  l'imitation  de 
la  nature  animée*. 

*  La  construction  de  bâtiments  qui  portaient  jusqu'à  quarante  rameurs  ne 
peut  provenir  que  d'une  industrie  avancée. 

*  Il  faut  en  excepter  les  représentations  informes  des  monnaies  celtiques  et 
la  rare  gravure  de  quelques  têles  de  dragons. 


AGE   DU    FER.  36S 

Un  fait  remarquable  est  l'identité  des  formes  dans  les 
contrées  les  plus  diverses.  On  a  vu  là  l'extension  de  l'in- 
dustrie du  midi  répandant  ses  produits  jusqu'au  nord, 
mais  un  examen  attentif  nous  conduit  à  chercher  de  nou- 
veau en  Orient  l'idée  première  qui  préside  à  ce  grand 
développement.  L'ensemble  de  ces  monuments  nous  frappe 
davantage  par  de  nombreux  traits  d'analogie  que  par  les 
caractères  distinctifs  d'un  peuple  à  un  autre  peuple.  On  a 
tracé  de  profondes  lignes  de  démarcation  qui  s'effacent 
peu  à  peu  devant  une  étude  générale,  aussi  ne  sera-ce 
qu'après  avoir  beaucoup  recueilli  et  comparé  qu'on  par- 
viendra à  saisir  des  traits  caractéristiques,  que  nous  ne 
croyons  pas  encore  suffisamment  déterminés. 

Arrivés  au  terme  de  cette  période,  nous  nous  sommes 
bornés  à  tracer  une  esquisse  rapide  de  la  période  sui- 
vante, sur  laquelle  nous  avons  à  revenir  maintenant;  mais 
afin  de  compléter  ce  tableau  quelques  moments  ont  été  con- 
sacrés aux  monuments  du  culte  * .  Des  découvertes  récen- 
tes, dans  le  pays,  se  rattachant  à  ce  sujet,  il  ne  sera  pas 
hors  de  propos  de  résumer  aussi  fort  brièvement  ce  que 
nous  avons  dit  à  cet  égard. 


Monuments  du  culte. 


Les  Barbares  n'élevèrent  pas  de  temples  proprement 
dits.  Ils  adoraient  leurs  divinités  dans  des  lieux  consacrés 


*  La  place  la  plus  naturelle  pour  la  tractation  de  ce  sujet  serait  à  la  suite 
de  la  troisième  période,  c'est-à-dire  après  l'étude  des  monuiBents  tumiiladres. 


366  MONUMENTS    DR    L^ANTIQUITt. 

dont  l'enceinte  était  seulement  déterminée  par  des  blocs 
de  grandeurs  diverses.  Les  cérémonies  du  culte  se  pra- 
tiquaient aussi  sur  les  lieux  hauts,  auprès  des  eaux  cou- 
rantes et  dans  les  forêts  de  chêne;  le  plus  souvent  pen- 
dant la  nuit,  de  préférence  à  la  clarté  du  jour.  La  connais- 
sance des  présages  constituait  à  elle  seule  toute  une  étude. 
Si  les  auteurs  anciens  ne  nous  ont  laissé  que  des  ren- 
seignements très  incomplets  sur  ces  croyances,  nous  en 
retrouvons  des  traces  nombreuses  dans  les  traditions  po- 
pulaires et  dans  ces  superstitions  de  tout  genre  qui  ont 
encore  cours  au  milieu  de  nous.  Un  grand  nombre  de 
contrées  conservent  aussi  des  blocs  informes,  objets 
d'une  ancienne  vénération,  dont  nous  avons  eu  à  retracer 
les  genres  principaux. 

La  plus  ancienne  représentation  des  dieux  de  la  Grèce 
consistait  en  des  pierres  brutes  affectant  la  forme  carrée 
ou  conique  ;  plus  tard  la  partie  supérieure  de  ces  blocs 
représenta  une  tête  humaine,  et  ils  reçurent  le  nom  d'Her- 
mès :  tels  étaient  les  dieux  Termes  des  Romains  ;  dans  les 
fêtes  qui  leur  étaient  consacrées  on  les  oignait  d'huile  et 
on  les  couronnait  de  guirlande  de  fleurs.  Ces  piliers  bruts 
et  sans  tête,  appelés  en  France  Men-hirs,  se  retrouvent 
en  Asie  et  dans  la  plupart  des  pays  de  l'Europe,  où  l'on 
a  encore  dans  quelques  localités  l'habitude  de  les  oindre 
d'huile  et  de  les  couronner  de  fleurs.  En  Espagne  les  pre- 
miers chrétiens  les  désignaient  comme  les  pierres  de  Mer- 
cure. Chez  les  anciens  Germains  ils  portaient  le  nom  de 
colonnes  d'Hermès  et  chez  les  Scandinaves,  celui  de  co- 
lonnes de  Thor  ;  on  les  appelle  encore  de  nos  jours,  pier- 
res des  oracles  et  pierres  du  soleil  ;  la  hauteur  de  ces 
monolithes  est  en  moyenne  de  8  à  10  pieds;  les  plus 


AGE    DU    FER.  367 

considérables  que  l'on  connaisse  mesurent  50  et  63  pieds 
d'élévation. 

Bien  plus  rares  sont  les  pierres  mouvantes,  blocs  gigan- 
tesques du  poids  de  9  à  12000  quintaux  placés  en  équili- 
bre sur  un  piédestal  terminé  en  pointe,  de  manière  que 
la  plus  légère  impulsion  les  fait  vaciller,  tandis  qu'ils  ne 
pourraient  être  déplacés  sans  un  grand  déploiement  de 
force.  On  tirait  autrefois  différents  présages  de  l'oscillation 
de  ces  pierres.  Au  coup  de  minuit,  elles  font  encore  un 
tour  sur  elles-mêmes,  et  des  esprits  malins  s'amusent 
souvent  à  les  mettre  en  mouvement.  On  montre  dans  le 
canton  plus  d'un  bloc  de  granit,  qui,  sans  être  déposé  de 
la  même  manière,  reçoit  les  mêmes  impulsions. 

Il  reste  encore  un  grand  nombre  A'autels  des  peuples 
barbares  isolés  dans  les  plaines  et  sur  les  hauteurs  ou 
réunis  à  d'autres  monuments.  Plusieurs  sont  de  simples 
blocs  de  granit  dont  on  reconnaît  la  destination  par  les 
rainures,  les  creux  circulaires  et  certains  signes  taillés 
sur  la  pierre.  Au-dessous  on  trouve  parfois  des  haches  et 
d'autres  instruments  en  pierre  et  en  bronze  qui  paraissent 
avoir  appartenu  au  culte.  Il  n'est  pas  toujours  facile  de 
distinguer  ceux  sur  lesquels  on  ne  faisait  que  déposer  les 
offrandes  de  ceux  qui  étaient  destinés  aux  sacrifices  san- 
glants. Quelquefois  la  table  de  l'autel,  peu  élevée  au-des- 
sus du  sol,  repose  sur  trois  supports  disposés  à  angle  droit; 
d'autres  fois,  ces  supports  sont  assez  hauts  pour  former 
une  espèce  de  cellule,  ce  qui  leur  a  fait  donner  le  nom  A^au- 
tels-groties.  Les  Français  les  appellent  dolmens  lorsque  la 
table  est  horizontale,  et  demi-dolmens  quand  elle  est  incli- 
née de  manière  que  l'une  des  extrémités  repose  sur  le 
sol.  On  désigne  aussi  par  les  noms  de  dolmens,  lécavènes 


368  MONUMENTS    DE    l'âNTIQUITÂ. 

OU  trilithes,  deux  piliers,  parfois  très  élevés,  surmontés 
d'une  dalle  en  forme  d'architrave.  La  réunion  de  plusieurs 
de  ces  monuments,  rapprochés  les  uns  des  autres  sur  la 
même  ligne,  forme  les  autels  prolongés  de  l'Allemagne, 
appelés  en  France  allées  couvertes.  Cette  variété  de  cons- 
tructions tient  sans  doute  à  la  diversité  des  dieux,  des 
sacrifices  et  des  offrandes.  C'est  ainsi  que  chez  les  Grecs, 
les  autels  des  dieux  du  ciel  étaient  plus  élevés  que  ceux 
des  dieux  de  la  terre,  tandis  que  pour  les  divinités  infer* 
nales  on  creusait  souvent  des  fosses  dans  le  sol.  Les  dé- 
nominations populaires  rattachées  aux  traditions  jettent 
parfois  quelque  jour  à  cet  égard.  Le  peuple  donne  en  plus 
d'un  lieu  à  ces  autels  les  noms  de  pierres  des  druides, 
des  fées  ou  des  elfes,  pierres  d'épreuves,  pierres  de  châti- 
ment ou  pierres  de  la  fiancée.  Après  l'introduclion  du 
christianisme,  ils  reçurent  ceux  de  pierres  du  nhensonge  ou 
pierres  du  diable. 

Les  premiers  conciles  condamnent  sévèrement  les  céré- 
monies qui  se  pratiquaient  encore  pendant  la  nuit  auprès 
de  ces  autels  ;  ils  ne  nient  point  l'existence  des  faux  dieux 
qu'on  y  adorait,  mais  ils  en  font  des  dieux  mauvais,  des 
dieux  vaincus,  qui  ne  pouvaient  résister  au  vrai  Dieu.  Il 
n'est  pas  sans  intérêt  de  retrouver  ces  idées  exprimées 
par  quelques  épopées  chevaleresques  du  moyen  âge. 

Si  la  sculpture  proprement  dite  ou  la  représentation  d& 
figures  humaines  parait  très  rarement  sur  les  monuments 
du  culte,  c'est  que  le  développement  de  cet  art  a  dû  être 
arrêté  par  des  idées  religieuses.  L'un  de  ces  blocs  excep- 
tionnels est  la  pierre  aux  dames  de  Genève,  qui  repré- 
sente, en  demi  bosse,  les  figures  de  quatre  femmes,  dont 
les  proporlions,  Tatlitude,  et  le  vêtement  offrent  un  rap- 


AGE    DU    FBR.  ^  369 

port  surprenant  avec  les  baba  du  midi  de  la  Russie  et 
du  nord  de  TAsie.  On  peut  encore  citer  comme  essai  de 
l'art  du  statuaire  chez  les  Barbares,  la  statue  de  femme, 
de  grandeur  plus  que  naturelle,  découverte  dans  le  Wur- 
temberg. En  France,  on  voit  sur  quelques  blocs,  des 
moulures,  des  croissants  et  des  encadrements  divers. 
En  Angleterre,  des  rochers  ont  été  taillés  en  forme  de 
bassins,  de  vases  gigantesques  et  de  sièges.  Quant  à  la 
sculpture  Scandinave  on  ne  peut  mentionnner  que  les 
images  de  vaisseaux  gravées  sur  les  rochers.  Les  figures 
fantastiques  qui  recouvrent  plusieurs  pierres  tumulaires 
sont  accompagnées  d'inscriptions  runiques  qui  datent 
d'une  époque  postérieure  à  celle  qui  nous  occupe. 

Les  divers  monuments  dont  nous  venons  de  parler  sont 
des  blocs  de  formes  et  de  destinations  diverses  isolés  ou 
groupés  sans  ordre.  Un  grand  nombre  de  blocs  pareils 
sont  déposés  ou  dressés  sur  le  sol  à  peu  de  distance  les 
uns  des  autres,  de  manière  à  entourer  un  espace  déter- 
miné, et  à  figurer  des  cercles,  des  ellipses,  des  carrés, 
des  triangles  et  des  alignements  droits  ou  sinueux.  Un 
autel  et  un  grand  men-hir  occupent  souvent  le  centre  ou 
les  extrémités  de  ces  figures  appelées  Cromlechs  en 
Frauce  et  lits  des  Huns  en  Allemagne.  La  ville  de  Phares,  en 
Achaïe,  possédait  un  de  ces  arrangements  ;  chaque  pierre 
portait  le  nom  d'un  dieu  et  recevait  les  honneurs  divins. 
Auprès  de  Tautel  était  un  Hermès  dont  on  obtenait  des 
révélations  au  moyen  de  certaines  offrandes,  et  en  allu- 
mant des  lampes  sur  la  table.  Non  seulement  on  retrouve 
chez  les  Barbares  le  même  arrangement  de  blocs,  mais  la 
tradition  leur  donne  des  dénominations  qui  rendent  ces 
rapports  encore  plus  frappants.  Ce  sont  les  cercles  druidi- 

MÉM.  ET  DOCUM.   XXV.  %k 


370  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

ques,  les  temples  des  druides,  les  jardins,  les  dames  oo 
les  noces  des  fées.  Dans  quelques  contrées,  le  peuple  exé- 
cute encore  ses  rondes  alentour  ;  ailleurs  ce  sont  les  es- 
prits malfaisants  qui  y  tiennent  la  riola  ou  la  chette,  pré- 
sidée par  le  grand  bouc  ;  pendant  la  nuit  des  bruits  mys- 
térieux ou  des  apparitions  témoignent  de  la  présence  des 
êtres  surnaturels  auxquels  étaient  consacrés  ces  monu- 
ments. 

On  se  fait  difficilement  une  idée  du  nombre  et  de  la 
grandeur  des  matériaux  employés.  Lorsque  les  aligne- 
ments de  Carnac  étaient  complets  on  y  comptait  environ 
10000  piliers. 

La  France  occidentale,  TAngleterre,  le  nord  de  l'Alle- 
magne et  la  Suède  possèdent  un  grand  nombre  de  ces 
enceintes.  On  les  retrouve  aussi  dans  le  midi  de  l'Europe, 
dans  le  nord  de  l'Asie,  dans  les  Indes,  dans  le  Bengale, 
même  dans  le  Brésil. 

Un  genre  de  construction  qu'on  croit  généralement 
propre  à  la  Grèce  et  à  l'Ilalie  porte  le  nom  de  murs  cy- 
clopéem.  La  Sardaigneel  les  iles  Baléares  possèdent  de  ces 
constructions  ainsi  que  plusieurs  contrées  au  nord  des 
Alpes.  En  Angleterre,  en  Irlande  et  en  Ecosse  ces  murs 
entourent  des  espaces  plus  ou  moins  grands,  ronds  ou 
carrés.  Sur  les  bords  du  Rhin  ils  portent  le  nom  de  murs 
on  château  des  païens.  Du  centre  de  l'Allemagne  ils  pas- 
sent en  Bohême  et  en  Moravie.  En  Suède  ils  affectent  des 
formes  particulières,  tandis  que  dans  les  provinces  rus- 
ses de  la  Baltique  ils  ressemblent  à  ceux  de  l'Allemagne. 
A  l'intérieur,  la  présence  d'autels  et  de  men-hirs  indique 
leur  destination  religieuse,  et  la  découverte  d'urnes  ciné- 
raires semble  les  faire  remonter  à  la  seconde  période. 


AGE    DU    FER.  37 i 

Un  autre  genre  de  murs  ou  de  constructions  des  temps 
païens  consiste  eu  des  levées  de  terre,  hautes  de  10  à 
100  pieds,  et  de  forme  circulaire,  ovale,  carrée  ou  trian- 
gulaire. L'espace  circonscrit  est  généralement  plus  élevé 
que  le  sol  environnant  et  présente,  quand  on  le  fouille, 
une  couche  épaisse  de  cendres  et  de  charbons,  auxquels 
sont  mêlés  des  débris  d'ossements,  dfi  poterie  et  d'instru- 
ments divers  en  fer  ou  en  bronze.  Ces  constructions  occu- 
pent également  les  lieux  élevés  et  les  marécages.  Particu- 
lièrement nombreux  en  Russie,  les  chants  populaires  les 
célèbrent  comme  des  lieux  sacrés  destinés  au  culte.  En 
Litbuanie,  ce  sont  de  préférence  de  grandes  collines  arti- 
ficielles terminées  en  terrasse,  comme  un  cône  tronqué, 
et  présentant  aussi  à  leur  sommet  des  traces  de  feu  et  de 
sacrifices.  On  les  retrouve  en  Allemagne  dans  toutes  les 
contrées  habitées  par  les  Wendes.  Le  manque  de  fouilles, 
en  France  et  en  Angleterre,  ne  permet  pas  de  dire  au 
juste  si  ces  espèces  de  retranchements  ont  été  consacrés 
au  culte  ou  à  la  défense  en  temps  de  guerre. 

Les  monuments  du  culte  présentent  de  grands  rapports 
dans  l'Europe  barbare,  mais  si  nous  avons  retrouvé  dans 
la  plupart  des  pays  des  autels  et  des  men-hirs  de  même 
genre,  les  enceintes  sacrées  présentent  cependant  des  va- 
riétés de  constructions  propres  à  certaines  contrées.  Nous 
voulons  parler  des  cromlecks  ou  arrangements  de  blocs, 
des  murs  cyclopéens  et  des  retranchements  en  terre.  Les 
premiers  sont  surtout  répandus  dans  les  contrées  habitées 
le  plus  anciennement.  Du  nord  de  l'Asie,  nous  les  voyons 
pénétrer  en  Europe  le  long  des  grandes  eaux  avec  les  fa- 
milles primitives  ;  on  les  retrouve  aussi  dans  les  Indes,  et 
même  dans  le  nord  et  le  midi  de  l'Amérique,  sur  les  bords 


372  MONUMENTS   DB    l'aNTIQUITÉ. 

de  rObio,  et  dans  le  Brésil.  —  D'autre  part,  les  mors  des 
païens  se  groupent  davantage  dans  l'intérieur  des  terres, 
auprès  des  tumuli  appartenant  à  l'âge  de  l'astion.  Au 
nord  des  Alpes,  ils  nous  paraissent  appartenir  à  la  se- 
conde grande  invasion  d'orient  en  occident,  bien  qu'ils 
renferment  encore  Tautel  en  pierre  et  le  men-hir.  Enfin, 
les  enceintes  en  terre,  propres  surtout  au  nord  de  l'Asie, 
à  la  Russie  et  à  l'Allemagne,  datent  de  la  troisième  période, 
et  ne  se  rattachent  plus  au  culte  des  piliers  bruts  ou  des 
Hermès,  comme  cela  avait  lieu  aux  âges  précédents. 


Découvertes  faites  en  1849  dans  le  canton 

de  Vaud. 

f 

Nous  aurions  maintenant  à  parler  de  quelques  monu- 
ments du  culte  découverts  récemment  dans  le  canton  de 
Vaud  et  qui  répondent  à  un  ensemble  de  monuments 
dont  la  reproduction  en  Suisse  est  propre  à  jeter  quelque 
jour  sur  le  passé  obscur  de  l'ancienne  Helvétie. 

Au  pied  du  Jura,  entre  les  communes  de  Mont-la- Ville 
et  de  Lapraz,  le  bois  des  Queues  descend  de  la  montagne 
sur  un  terrain  livré  à  la  culture.  Ce  bois,  ainsi  que  les 
forêts  voisines,  contient  plusieurs  blocs  erratiques,  dont 
quelques-uns  sont  d'une  grandeur  étonnante,  ce  qui 
n'empêche  pas  l'un  d'entre  eux  de  faire  un  tour  sur 
lui-même  au  coup  de  minuit.  Le  plus  remarquable  est 
cependant  bien  loin  d'avoir  ces  dimensions  colossales 
qui  attirent  les  regards  du  passant.  Long  de  10  7t  pieds 
sur  4  à  5  de  largeur,  il  présente  une  surface  en  triangle 


A6B    DU    FER.  373 

allongé ,  à  peu  près  isocèle  ,  dont  le  sommet  ne  s'élève 
qu'à  un  pied  et  demi  au-dessus  du  sol,  tandis  que  la  base 
du  triangle  est  presque  à  fleur  de  terre.  Le  bloc  est  exac- 
tement orienté  du  levant  au  couchant  ' ,  et  ses  côtés  des- 
cendent  verticalement  dans  le  sol.  Les  habitants  de  la  con- 
trée l'appellent  la  pierre  des  Ectielles  parce  qu'elle  porte 
sur  sa  surface  des  bassins  taillés  dans  le  granit.  Ces  bas- 
sins sont  au  nombre  de  25.  Deux  sont  ovales,  et  les  23 
autres  ont  la  forme  d'une  demi  sphère  concave.  Le  plus 
grand  mesure  9  pouces  de  diamètre  sur  4  Vt  de  profondeur 
et  les  plus  petits  ont  à  peine  2  pouces  d'ouverture;  quel- 
ques rainures  peu  nettes  courent  en  sens  divers  et  aucun 
ordre  apparent  n'a  présidé  à  la  disposition  des  bassins. — 
Un  examen  attentif  ne  permet  en  aucune  manière  de  voir 
là  des  accidents  produits  par  la  nature.  D'autre  part ,  la 
dureté  du  granit  et  la  régularité  des  contours  ont  exigé 
une  main  ferme  et  exercée  ;  mais  dans  quel  but  a-t-on  pu 
creuser  ces  curieuses  entailles?  Faites  dans  les  temps  mo- 
dernes, elles  seraient  un  jeu  dont  on  ne  pourrait  com- 
prendre la  raison'  ;  pratiquées  dans  l'antiquité,  elles  s'ex- 
pliquent facilement.  Nous  trouvons  en  effet  cette  explica- 
tion en  rapprochant  ce  bloc  des  blocs  analogues  conser- 
vés dans  l'occident  de  la  France  et  dans  les  pays  du  nord, 
où  l'on  voit  des  pierres  de  dimensions  très  diverses,  cou- 
vertes des  mêmes  bassins  et  des  mêmes  rainures,  isolées 


*  L'orientation  peut  être  naturelle. 

*  Une  mousse  épaisse  recouvrait  plusieurs  bassins,  ce  qui  reculerait  déjà 
assez  loin  ce  travail  pour  ne  pouvoir  supposer  Tœuvre  d'un  plaisant.  Le 
dernier  dessin  que  j'ai  pris  indique  plusieurs  rigoles  qui  m'avaient  échappé 
la  première  fois. 


374  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

OU  placées  au  ceutre  des  cercles  druidiques.  L'agriculteur 
et  Tantiquaire  y  reconnaissaient  les  autels  du  culte  païen. 
Beaucoup  d'opinions  ont  été  émises  sur  la  destination  de 
ces  petits  bassins  ;  celle  à  laquelle  nous  donnons  la  préfé- 
rence nous  a  été  suggérée  par  les  superstitions  qui  se 
pratiquent  encore  de  nos  jours  en  Suéde,  dans  la  province 
de  Westmanie.  Près  de  Linde,  esih  pierre  des  Elfes,  objet 
d'un  culte  superstitieux.  Quelqu'enfant  devient-il  malade, 
les  parents  vont  pendant  la  nuit  auprès  de  l'autel  et,  afin 
de  se  rendre  favorables  les  Elfes,  protecteurs  de  la  famille, 
ils  remplissent  l'un  des  bassins  d'une  substance  grasse  au 
milieu  de  laquelle  ils  placent  une  petite  poupée  informe, 
image  de  l'enfant  malade  ;  parfois,  ils  allument  aussi,  dans 
le  même  but,  une  lumière  sur  l'autel  ^  Ces  traits  sont 
d'une  grande  analogie  avec  les  céré(nonies  qui  se  prati- 
tiquaient  sur  l'autel  de  Phares,  en  Acbaïe,  et  nousne  pou- 
vons douter  que  ces  usages  n'aient  été  répandus  dans  la 
plupart  des  pays  de  l'ancienne  Europe  quand  nous  lisons 
dans  les  canons  des  conciles  du  IV^au  IX^  siècle  les  anathè- 
mes  prononcés  contre  tes  adorateurs  des  pierres,  accusés 
de  déposer  pendant  la  nuit  des  ex-voto  sur  certains  blocs, 
dans  certaines  forêts,  d'y  allumer  des  cierges,  d'y  invo- 
quer des  esprits  malfaisants  et  d'y  pratiquer  les  cérémo- 
nies de  l'ancien  culte.  Peu  à  peu,  ces  cierges  et  ces  ex- 
voto  furent  admis  sur  des  autels  chrétiens.  On  retrouve 
encore  dans  le  Wurtemberg,  et  plus  particulièrement  dans 
la  Bavière,  des  images  informes  de  vaches  et  de  chevaux* 


*  Voir  dans  Encyclop.  le  mot  Bougie. 

*  Et  (le  petits  hommes  en  fer  du  travail  le  plus  grossier  ;  on  prétend  qu'ils 
y  ont  été  déposés  du  quatorzième  au  seizième  siècle. 


AGE    DU    FBR.  375 

qui  ont  été  déposées  dans  Tintérieur  des  temples,  afin 
d'obtenir  la  santé  du  bétail  malade.  Ainsi  se  perpétuent 
à  travers  les  siècles  les  pratiques *du  culte  qu'on  rendait 
aux  faux  dieux.  La  survivance  de  ces  anciens  usages  et 
Tanalogie  des  blocs  auxquels  ils  se  rapportent  suffisent 
pour  indiquer  la  destination  de  la  pierre  aux  écuelles  de 
Mont-la-Ville*. 

Sur  le  sol  fortement  ondulé  qu'occupe  la  commune  de 
Burtigny,  s'élève,  au  nord-est  de  ce  village,  la  haute  col- 
line de  Prévond  ctAvaud  que  couronne  le  bois  des  Tattes. 
Les  vieillards  de  la  localité  se  souviennent  d'avoir  vu  à 
la  place  de  ce  jeune  bois  de  sapins  un  pâturage  couvert 
de  blocs  de  granit.  La  plupart  de  ceux-ci  existent  encore, 
mais  parfois  ils  se  cachent  dans  des  fourrés  qui  en  rendent 
l'abord  difficile.  Tel  est  le  cas  de  la  Pierre  Féboux ,  bloc 
erratique  qui  mesure  4  7t  pi^ds  de  hauteur  sur  39  de 
pourtour.  Sa  surface  affecte  la  forme  d'un  heptagone  irré- 
gulier, dont  les  côtés  descendent  en  plans  inclinés  qui 
avancent  sur  le  sol  ou  rentrent  sous  la  pierre.  Ce  bloc  ne 
porte  pas  moins  de  104  bassins  circulaires  ou  ovales,  et 
groupés  sans  aucun  ordre  ;  les  plus  grands  ne  mesurent 
que  5  pouces  de  diamètre  à  leur  ouverture  ;  quelquefois, 
deux  bassins  sont  unis  l'un  à  l'autre  par  une  rainure  en 
ligne  droite,  d'autrefois,  les  rainures  descendent  en  ondu- 
lant sur  les  côtés  du  bloc.  On  le  voit,  la  Pierre  Fébaux  ap- 
partient encore  à  la  classe  des  autels  dont  nous  venons  de 

*  Voyage  autour  du  Caucase,  tom.  IV,  pag.  72.  Du  Bois  de  Montpéreux 
parle  d'un  temple  dans  la  province  de  Karabakh,  à  Torient  de  l'Arménie, 
dont  l'intérieur  était  paré  d'offrandes,  sous  forme  de  bœufs  ou  de  chevaux  en 
terre  cuite  chargés  de  lampes  ou  candélabres  de  la  môme  matière,  tous 
travaillés  par  un  ouvrier  du  pays. 


376  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITE. 

parler.  Non  loin  de  là,  une  pierre,  longue  de  5  '/s  pieds  sur 
2  7,  de  largeur,  est  arrondie  en  arc  de  cercle  dans  sa  par- 
tie supérieure  ;  le  long  de  cet  arc  sont  taillés  7  bassins 
de  grandeur  pareille,  déposés  sur  la  même  ligne  à  des  dis- 
tances égales.  —  Une  autre  pierre,  à  peu  de  distance  de 
la  forêt  porte  aussi  7  petits  creux  disposés  de  la  même  ma- 
nière.—  Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  retrouver  cette  même 
disposition,  au  nord  de  rAllemagne,  sur  un  autel  du 
Brandenbourg ^  Enfin,  à  l'entrée  du  bois  desTattes,  est 
un  bloc  colossal,  qui  mesure  70  pieds  de  tour  sur  lO'/t  de 
hauteur.  On  l'appelle  la  Pierre  à  Roland;  elle  est  le 
rendez-vous  des  jeunes  bergers,  qui  aiment  à  danser 
sur  sa  plateforme  inclinée.  Un  autre  bloc,  un  peu 
moins  grand,  n'est  éloigné  du  précédent  que  de  47 
pieds.  La  tradition  raconte  que  Goliath,  étant  sur  la 
Dôle,  s*amusait  à  jouer  au  palet.  Ifjette  une  pierre  pour 
but  qui  va  tomber  à  A  lieues  de  distance  sur  le  Prévond' 
d'Avaud;  le  second  bloc,  le  plus  grand,  qu'il  lance  d'une 
main  ferme,  dépasse  le  but  ;  irrité  de  l'avoir  manqué,  Go- 
liath arrive  en  quelques  pas,  et  de  sa  bonne  lame,  partage 
en  deux  pièces  le  gigantesque  palet.  L'agriculteur  du  voi- 
sinage montre  en  effet  une  fissure  verticale  de  7  pouces 
de  large,  qui  divise  le  bloc  en  deux  parts  ;  il  fait  observer 
avec  soin  que  ces  deux  fragments  ne  peuvent  appartenir 
qu'à  la  même  pierre,  et  il  ne  conçoit  pas  qu'une  autre 
force  que  celle  d'un  géant  ait  pu  opérer  cette  rupture,  mais 
il  n'explique  pas  comment  il  arrive  que  le  palet  de  Go- 

*  Pierre  de  KUmpin^  avec  dix  entailles,  carré  long,  Beckmann,  T.  III, 
pag.  3AS.  Des  autels  pareils  existent  en  Mecklembourg.  Pierres  de  Boitin, 
l'une  avec  7  entailles  en  ligne  droite,  une  autre  avec  12,  aussi  en  ligne  droite, 
Lisch,  planche  XXXVII. 


AGE   DU    FER.  377 

liath  s'appelle  la  pierre  à  Roland';  il  montre  en  outre 
l'empreinte  du  pouce  de  Goliath ,  empreinte  indiquée 
par  une  ouverture  si  petite  qu'elle  fait  honneur  à  la 
main  du  géant.  Un  géologue  verrait  sans  doute  dans 
cette  rupture  du  bloc  le  témoignage  d'une  chute  vio- 
lente, déterminée  par  le  travail  d'un  glacier;  l'antiquaire 
y  cherche  moins  le  travail  de  la  nature  que  celui  de  la 
main  de  l'homme,  qui  a  aussi  laissé  ses  traces  sur  la 
pierre  à  Roland.  On  y  voit  en  effet  les  restes  d'un  grand 
bassin  circulaire  de  17  pieds  de  diamètre  sur  3  pieds  de 
profondeur;  on  y  distingue  encore  les  empreintes  un  peu 
effacées  d'un  pied  humain  et  de  pieds  de  chevaux.  Ce  bloc 
porte  ainsi  les  caractères  de  ces  pierres  d'épreuve  sur  les- 
quelles on  faisait  monter  les  accusés  ;  l'innocent  passait 
impunément,  mais,  d'après  la  tradition,  le  coupable  y  lais- 
sait Tempreinte  de  ses  pas,  et,  convaincu  de  crime ,  il  ne 
tardait  pas  à  en  subir  le  châtiment*. 

Ces  monuments  du  culte,  pareils  à  ceux  du  Nord  jusque 
dans  les  plus  petits  détails,  révèlent  une  foi  qui  devait 
avoir  beaucoup  de  points  communs.  Leur  situation  indi- 
que l'existence  d'une  population  répandue  dans  le  pays 
jusqu'au  pied  du  Jura,  et  cependant  ces  blocs  étaient  uti- 
lisés comme  des  autels,  non-seulement  avant  l'introduc- 

*  En  Allemagne  les  statues  et  colonnes  de  Roland  président  à  la  jus- 
tice. Chaque  année  on  exécutait  devant  elles  une  danse  publique.  Voir  là- 
dessus  Wagener,  Deuitch  AlUrthùm\  S.  568,  mot  Roland.  La  pierre 
d'épreuve  de  Burtigny,  portant  le  nom  de  Pierre-à-Roland,  indiquerait  ainsi 
la  pierre  du  jugement.  Les  danses  des  enfants  sur  ce  bloc  serait-elle  le  sou- 
venir d'un  usage  plus  ancien  ? 

*  Ainsi  à  Riigen,  Suède,  blocs  avec  bassins  et  quatre  pieds  humains.  Mo- 
nuro.  du  Bohëstan,  Gôthiska  Monumenta,  pi.  VI,  fig.  2.  Id.  Sjôborg,  tom. 
Il,  pi.  14,  fig.  28.  —  Mecklembourg. 


378  MONUMENTS    DK    l'aNTIQUITÉ. 

tion  du  cbristiaDisme ,  mais  encore  avant  la  domiDation 
romaine  en  Helvétie.  On  peut  se  représenter  à  cette  épo- 
que le  pays  couvert  de  forêts  et  de  marécages  nombreux  ; 
les  demeures  circulaires,  chétives,  construites  de  claies, 
d'argile  et  de  chaume  ;  répandues  ou  groupées  dans  les  cam- 
pagnes et  sur  les  bords  du  lac  elles  n'étaient  point  alignées 
à  la  manière  de  nos  villes  ;  la  richesse  des  habitants  con- 
sistait en  esclaves  et  en  troupeaux,  ils  mettaient  leur  or- 
gueil dans  leurs  armes,  dans  leurs  ornements  et  dans  la 
force  de  leurs  bras.  Les  autels  de  cet  â^e  reculé  rappellent 
les  cérémonies  nocturnes  du  culte ,  les  offrandes,  les  lu- 
mières allumées  dans  l'obscurité  des  bois  et  les  épreuves 
entourées  de  mystère  ;  d'autres  découvertes  vont  nous  ré- 
véler les  sacrifices  et  les  sanctuaires  des  prêtres. 

A  l'extrémité  du  plateau  du  Châtelard,  qui  s'étend  au 
couchant  de  Chavannes  sur  le  Veyron,  s'élève  une  colline  ou 
mamelon  en  forme  de  cône  tronqué,  haute  de  22  pieds  sur 
114  de  diamètre  à  sa  base.  Ce  monticule  est  posé  sur 
le  bord  d'un  précipice,  au  fond  duquel  le  Veyron  roule  ses 
eaux  dans  un  lit  accidenté  et  resserré  par  de  hautes  parois 
degrés  molasse.  Du  côté  du  plateau,  deux  fossés,  pro- 
fonds chacun  d'environ  10  pieds,  ceignaient  la  base  de  la 
colline  en  arc  de  cercle,  dont  les  extrémités  restaient  ou- 
vertes sur  le  ravin.  Le  propriétaire  du  sol  vient  de  com- 
bler en  partie  ces  fossés  avec  divers  débris  enlevés  à  la 
colline ,  et  la  tranchée ,  opérée  à  cet  effet ,  ,a  permis  de 
constater  la  curieuse  construction  de  ce  monticule.  A  la 
base  est  une  couche  étendue  de  cendres  et  de  charbons, 
épaisse  d'environ  un  pied,  sur  laquelle  repose  un  lit  de 
cailloux  roulés  et  de  la  terre  argileuse.  Au-dessus  vien- 
nent de  nouvelles  couches  de  cendres  et  de  charbons. 


AGB   DU    FBB.  379 

de  pierres  et  de  terre,  qui  se  succèdent  ainsi  alternative- 
ment jusqu'au  sommet  de  la  colline,  dont  la  dernière  cou- 
che de  terre  a  environ  2  pieds  d'épaisseur.  Les  couches 
sont  interrompues  çà  et  là  par  des  excavations  ou  des  vi- 
des d'autant  plus  surprenants  que  la  terre  qui  en  forme 
les  parois  n'est  soutenue  par  aucun  corps  solide;  il  faut 
sans  doute  qu'une  matière  dècomposable  ait  permis  la  for- 
mation de  ces  cavités,  qu'il  est  du  reste  difficile  d'expli- 
quer d'une  manière  satisfaisante.  Cette  construction  par 
couches  successives  diffère  dé|à  de  celle  des  tumuli  dans 
lesquels  on  retrouve  l'usage  de  l'ustion,  mais  la  différence 
du  contenu  est  encore  plus  prononcée  :  De  nombreux  dé- 
bris d'ossements  et  d'objets  divers  sont  mêlés  aux  couches 
de  cendres  et  de  charbons  ;  d'entre  les  ossements,  les  uns 
sont  à  moitié  carbonisés,  les  autres,  sans  marque  de  feu, 
ont  été  plus  ou  moins  concassés,  et  portent  parfois  des  en- 
tailles, évidemment  faites  avec  des  instruments  tranchants, 
tous  ont  été  dispersés  de  telle  sorte  qu'il  ne  reste  nulle 
part  l'assemblage  d'aucun  squelette;  ce  sont  de  nombreux 
restes  du  cheval,  de  la  vache  et  du  cochon  ;  un  os  d'oiseau 
bien  conservé,  parait  être  l'Aumerus  d'un  faucon,  d'autres 
ossements,  non  encore  suffisamment  déterminés,  paraissent 
appartenir  à  des  animaux  sauvages  ;  mais  un  fait  dont  il 
faut  prendre  note ,  est  l'absence  totale  d'ossements  hu- 
mains. On  a  découvert  en  outre  des  fragments  de  verre  et 
de  poterie  grossière ,  une  masse  de  fer  carrée ,  du  poids 
de  8  Va  liv.',  un  ciseau  en  fer,  des  fers  de  flèches  ou  de 
traits,  dont  la  pointe  est  en  carreau  allongé,  un  éperon 


*  Ce  fer  a  été  forgé  et  employé  à  la  fabrication  d'une  pioche  à  deux  bouts, 
qui  s'est  bientôt  cassée  ;  le  grain  en  est  grossier. 


380  MONUMENTS   DB    l' ANTIQUITÉ. 

sans  molette  muni  d'ane  longue  pointe  terminée  par  4 
pans,  on  mors  de  cheval  ou  grand  bridon  ,  formé  de  4 
branches  on  barres  unies  par  des  anneaux  S  et  on  frag* 
ment  de  coquillage  marin.  Cet  assemblage  d'objets  divers 
et  d'ossements  d'animaux ,  sans  traces  de  sépultures  ou 
d'urnes  cinéraires ,  ne  permet  pas  de  voir  un  tomolos 
dans  le  monticule  artificiel  de  Chavannes  et  reporte  notre 
attention  sur  les  sacrifices  et  les  cérémonies  qui  les  accom- 
pagnent. Mais  avant  d'entrer  dans  ce  point  de  vue,  nous 
devons  rechercher  si  l'antiquité  présente  des  faits  analo- 
gues qui  puissent  jeter  quelque  jour  sur  la  découverte  qui 
nous  occupe. 

Pausanias'  dit  qu'un  autel  de  Jupiter  Olympien  était 
formé  des  cendres  des  victimes  brûlées  en  l'honneur  du 
dieu  et  qu'il  s'élevait  à  la  hauteur  de  22  pieds.  ApolloD 
possédait  un  autel  pareil  à  Thèbes,  ainsi  que  Junon  à  Sa- 
mos.  Il  est  à  regretter  qu'on  n'ait  pas  de  description  plus 
détaillée  de  ces  monuments,  cependant  il  est  certain  que 
ces  cendres  ne  purent  être  amoncelées  à  la  hauteur  de  22 
pieds  qu'à  la  suite  de  nombreux  sacrifices,  et  il  est  permis 
de  douter  qu'elles  aient  été  complètement  séparées  des 
charbons  et  des  cendres  du  bûcher.  Quoiqu'il  en  soit,  nous 
voyons  ici  des  autels  en  forme  de  monticule  s'élever 
graduellement  par  des  sacrifices  successifs,  et  l'on  envi- 
sage ces  constructions  comme  étant  antérieures  à  la  mi- 
gration des  Doriens  dans  le  Péloponèse  ',  migration  fixée 
à  l'an  1190  avant  notre  ère.  Ce  genre  d'autels,  tout  à  fait 
étranger  aux  beaux  temps  de  la  Grèce,  ne  se  retrouve 

*  La  partie  du  mors  qui  entre  dans  la  bouche  du  cheval  est  une  torsade. 

•  Liv.  Y,  chap.  13. 

'  Lettre  du  prof.  Am.  Studer,  du  14  septembre  1849. 


AGE    DU    FRR.  381 

nulle  part  chez  les  Romains.  En  revanche,  nous  avons  vu 
que  les  contrées ,  occupées  parles  Slaves,  cx)nâervent  de 
nombreuses  enceintes  consistant  en  levées  de  terre,  à  l'in- 
térieur desquelles  le  sol  est  exhaussé  par  d'épaisses  cou- 
ches de  cendres  et  de  charbons,  débris  de  nombreux  sa- 
crifices; et  il  existe  encore  dans  les  cercles  de  Rakonitz^ 
et  Bunziau,  en  Bohême,  des  monticules  artificiels,  dont  la 
terre  est  mêlée  de  cendres,  d'ossements  et  de  fragments  de 
poterie,  de  même  qu'à  Chavannes.  Dans  les  provinces  rus- 
ses de  la  Baltique,  sont  aussi  plusieurs  collines,  parfois 
très  élevées,  qui  ont  laissé  le  souvenir  d'une  destination 
sacrée  et  qui  portent  des  traces  de  feu  sur  leur  sommet. 
Il  est  à  regretter  que  le  manque  de  fouilles  ne  permette  pas 
de  juger  de  leur  construction  intérieure.  —  Prés  de  Scho- 
chwitz,  dans  la  contrée  arrosée  par  la  Saaie,  une  colline 
ne  renfermait  que  des  ossements  d'animaux,  et  dans  les 
environs  de  Bayreuth%  deux  monticules  de  16  pieds  de 
haut  recouvraient  chacun  une  couche  de  terre  brûlée  de 
8  pieds  d'épaisseur  sans  traces  d'ossements  humains.  Ce 
*qui  distingue  surtout  ces  collines  des  tumuli,  c'est  l'ab- 
sence de  sépulture.  Les  sacrifices  à  la  mémoire  des  morts 
étaient  parfois  extrêmement  sanglants,  et  nous  aurons  à 
en  citer  un  exemple  frappant  emprunté  à  l'Irlande,  mais 
là  où  il  n'existe  pas  de  traces  de  tombeaux,  on  est  obligé 
de  reconnaître  que  c'étaient  des  lieux  destinés  aux  sacri- 
fices en  l'honneur  des  divinités'. 


*  Près  de  Teirowitz. 

*  Keferstein,  Kelt,  Altt.,  Seit.  165. 

*  Sacrifices  Homériquet.  —  Odyssée,  chant  III,  Nestor  sacrifie  à  Neptune. 
—  III,  430,  et  offre  une  {[énisse  aux  cornes  dorées  à  Minerve. 

Odys.,  tiii  du  chant  X.  Quand  Circé  envoie  Ulysse  consulter  Tàme  de  Tire- 


38i  MOIHJIIBNTS  DB   l'aHTIQUITA* 

Pour  rechercher  la  maaière  dont  se  célébraient  ces  sa- 
crifices sur  les  bords  du  Veyron,  il  n'y  a  qu'à  se  rendre 
compte  dies  faits  observés.  Une  enceinte  circulaire  tracée 
sur  le  bord  du  précipice  était  entourée  d'un  double  rang 
de  fossés  destinés  à  marquer  les  limites  et  sans  doute 
aussi  à  écarter  la  foule.  Sur  Taire  consacrée,  s'élevait  le 
bûcher,  ce  dont  on  peut  se  convaincre  par  l'action  du  feu 
sur  la  terre  rougie.  Les  os  à  demi-brûlés  et  ceux  qui  ne 
portent  pas  de  trace  de  feu  rappellent  l'usage  de  réserver 
une  partie  de  la  victime  pour  le  repas  sacré,  tandis  que  le 
reste  était  livré  aux  flammes.  Les  entailles  faites  sur  les 
os  avec  des  instruments  tranchants  témoignent ,  soit  de 
l'immolation,  soit  du  morcellement  des  victimes  De  nou- 
velles fouilles  nous  permettront  de  compléter  la  liste  des 
animaux  offerts  en  sacrifice.. Nous  avons  déjà  indiqué  les 
principaux  animaui^  domestiques  et  le  faucon,  cher  aux 
chasseurs.  A  la  mort  des  anciens  héros  du  nord  de  la  Ger- 
manie on  les  représentait  déjà  s'avançant  vers  un  autre 
monde  avec  un  faucon  dans  la  main  gauche  et  tous  les 
insignes  de  la  puissance.  —  L'offrande  s'unissait  au  sa- 
crifice. On  sait  qu'on  jetait  dans  des  lacs'mystérieux  con- 
sacrés aux  divinités,  des  trésors,  des  armes  et  divers  ob- 
jets auxquels  on  attachait  du  prix;  dans  les  cérémonies  fu- 
nèbres on  accompagnait  aussi  le  défunt  de  tout  ce  qui  lui 
avait  été  le  plus  cher,  et  ici,  nous  retrouvons  les  mêmes 
dons  offerts  aux  dieux;  l'artisan  consacre  les  instruments 
de  sa  profession,  le  guerrier  ses  armes  et  son  cheval,  de 

sias,  elle  lui  dit  :  «  Là,  creusez  une  fosse  d'une  coudée  en  carré.  Versez  dans 
cette  fosse  pour  tous  les  morts  trois  sortes  d'effusion  ;  la  première  de  lait  et 
de  miel,  la  seconde  de  vin  pur  et  la  troisième  d'eau  où  vous  aurez  détrempé 
de  la  farine,  etc.  —  Ody«.  XIV,  418,  sacrifice  d'Eumée  pour  le  retour  d'Ulysse. 


AGE    DU    FER.  383 

même  que  le  chasseur  son  faucon.  —  Ajoutons,  en  pas- 
sant ,  que  le  mors  de  cheval  découvert  permet  de  cod- 
dure  d'après  ses  dimensions  à  l'introduction  dans  le  pays 
d'une  race  de  taille  élevée ,  ce  que  d'autres  découvertes 
ont  du  reste  déjà  constaté  V  D'entre  ces  débris,  le  frag- 
ment de  coquillage  marin  ;  que  nous  n'avons  pu  encore 
faire  déterminer,  acquerra  de  la  valeur  s'il  appartient  à 
l'une  de  ces  espèces  propres  seulement  à  certains  para- 
ges. Dans  ce  cas,  il  pourrait  révéler  le  point  de  départ 
d'une  tribu  ou  tout  au  moins  la  direction  de  relations 
commerciales.  —  Après  ces  sacrifices  et  ces  offrandes, 
après  le  repas  et  l'extinction  du  bûcher,  tout  ce  qui  n'avait 
pas  été  consumé  était  répandu  sur  l'aire  consacrée  avec 
les  cendres  et  les  charbons,  ensuite  une  couche  de  pierres 
et  de  terre  déposée  au-dessus  empêchait  que  ce  qui  avait 
été  offert  aux  dieux  ne  fût  profané  ou  dispersé.  —  Ainsi 
se  forma  la  base  de  la  colline  ;  puis  de  nouveaux  sacrifi- 
ces et  de  nouvelles  couches,  rélevèrent  peu  à  peu  jusqu'à 
la  hauteur  de  22  pieds.  Si  ce  tableau  est  encore  trop 
chargé  d'ombres,  nous  laissons  à  l'imagination  le  soin  de 
représenter  tout  un  peuple  accouru  à  ces  fêtes,  et  se  pres- 
sant autour  de  l'enceinte  occupée  par  les  prêtres  et  les 
victimes.  Les  lustrations,  les  prières  aux  dieux,  l'immo- 
lation, les  révélations  sur  l'avenir  par  l'étude  des  entrail- 
les, la  flamme  du  bûcher  s'élevant  dans  les  airs,  les  cé- 
rémonies du  repas  sacré,  les  libations,  la  voix  du  prêtre 
annonçant  la  faveur  ou  le  courroux  des  dieux,  les  trans- 
ports de  joie  ou  l'abattement  du  peuple,  ce  sont  là  tout 
autant  de  traits  qu'il  appartient  à  la  poésie  d'animer,  mais 

'  11  est  cependant  à  observer  que  les  Arabes  emploient  avec  des  chevaux 
de  petite  taille  des  mors  de  grande  dimension. 


584  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÂ. 

que  l'histoire  doit  se  borner  à  mentionner»  ne  pouvant  les 
peindre  avec  la  précision  qu'on  est  en  droit  d'exiger 
d'elle. 

Il  reste  encore  une  question  à  traiter  :  celle  de  savoir  à 
quelle  époque  et  à  quel  peuple  remonte  ce  lieu  de  sacri- 
fices. —  Lors  même  que  dans  les  premiers  temps  du  chris- 
tianisme beaucoup  d'usages  païens  s'étaient  conservés, 
on  ne  saurait  comprendre  que  des  cérémonies  de  ce  genre 
eussent  été  possibles  et  eussent  pu  échappera  la  surveil- 
lance sévère  des  ministres  de  la  religion  ;  en  outre,  les 
objets  découverts  ne  sont  point  ceux  qui  caractérisent 
cette  période  helvéto-burgonde.  — Sous  la  domination  ro- 
maine, nous  ne  retrouvons  pas  d'usages  pareils,  et  si  les 
dieux  des  vaincus  sont  associés  à  ceux  des  vainqueurs,  les 
druides  n'en  sont  pas  moins  poursuivis,  massacrés  ou  ré- 
duits à  se  cacher  ;  ceux-ci  ne  pouvant  plus  présider  à  ces  sa- 
crifices publics,  on  ne  comprendrait  pas  que  les  prêtres 
romains  les  eussent  remplacés  dans  des  cérémonies  qui 
leur  étaient  étrangères.  —  Nous  devons  ainsi  remonter 
aux  âges  antérieurs  à  la  conquête  des  Gaules  ;  ce- 
pendant la  présence  du  fer^  et  l'absence  d'armes  en  bronze 
ne  nous  permettent  pas  de  nous  éloigner  beaucoup  du 
temps  de  l'émigration  des  Helvétiens,  auxquels  il  faut 
donc  attribuer  ce  lieu  de  sacrifices  ^  On  est  toutefois  en 
droit  de  se  demander  si  les  Helvétiens  connaissaient  déjà 
les  éperons,  car  les  auteurs  anciens  n'en  font  aucune  men- 
tion en  parlant  des  barbares  ;  on  a  même  contesté  quel- 
quefois remploi  de  l'éperon  chez  les  Grecs  et  les  Romains, 

'  César  inenlionne  en  plus  d'un  lieu  l'emploi  du  fer  chez  les  Gaulois. 
-  On  ne  peut  dire  que  ces  constructions  soient  exclusivement  slaves,  puis- 
qu'on les  retrouve  dans  la  Grèce. 


AOR  DU  nu.  385 

préteodaDt  que  TeipressioD  eaUar  signifiait  od  simple  ai- 
guilloD,  mais  qd  eiameo  plas  attentif  ne  laisse  pas  de  dou- 
tes i  cet  égard'  ;  ainsi  Virgile*  et  Silias  Italiens  parlent 
du  talon  armé  de  fer,  ferrala  cake,  Columelle  compare 
Tergot  du  coq  i  un  éperon,  et  des  découfertes  dans  des 
ruines  romaines  ont  mis  au  jour  des  éperons  en  fer  dont 
quelques-uns  sont  même  munis  d'une  molette  '.  —  Une 
aulre  circonstance  peut  encore  surprendre,  c'est  la  forme 
des  pointes  de  traits  et  d*éperon,  qui  rappelle,  au  premier 
coup  d*œil,  les  carreaux  des  arbalètes  du  moyen  âge, 
mais  d'un  autre  côté,  cette  forme  i  quatre  pans  est  déji 
propre  aux  pointes  de  lance  représentées  sur  les  anciens 
vases  grecs  et  siciliens^,  et  la  réminiscence  de  cette  forme 
au  moyen  âge  n'a  pas  lieu  de  surprendre,  quand  on  voit 
les  monnaies  mérovingiennes  reproduire  les  types  et  les 
signes  des  anciennes  monnaies  celtiques ,  que  le  dévelop- 


•  Xéooph.,  De  rt  eftic»!.,  p»§.  §44.  «SI,  dit  qve  las  jambat  et  kt  pieds  d« 
caTalier  tont  farmntit  par  det  bottes  de  cair  ai—èai  à^éperûtu.  —  Cicéroii 
pAri«  d'èperoB»,  AU.  VI,  t.  Qrmi.,  III,  t.  stvr^  cbes  les  Grées. 

•  .f.a/i^..  XI.  714  :  Quadrapaden  eitmi  farraU  cake  Catifat. 
Id    VU.  696    Perrata  calce,  alque  effasA  larfus  habenA 

Cunctantem  impellebal  eqvam. 

Voir  le  patsafe  à  propos  des  combats  de  coqs  en  BéoUe.  De  re  nuiieë^ 
lib.  VIII.  cap.  t.  Ils  prnissaient  leurs  erfots  de  pointes  d*airain,  Ari$topk, 
la  A¥  .  V.  766.  Sekùi..  ibid.  H  v.  1166. 

Tite-Uve  II,  6  :  •  Concitat  calcartbus  eqvam.  •  L'éperon  ne  soulevait  pas 
de  doalfl  dam  l'esprit  de  Tite-Uve,  puitqa'il  l'attriboe  déjA  aui  caTaJiers  da 
rsti  507  avant  JHus^hrirt.  Voir  en  outre  IV.  If,  SS. 

•  Dans  les  i aines  romaines  d'Attfst,  près  de  Bâle,  collect.  de  M.  Schaiidt. 
l'n  éperon  temblable  à  relui  de  t^avannes,  trouvé  en  Bavière  avec  des 

armes  en  bronte. 

•  Oitf  Nùller,  Oenkmêler  4er  ûlten  Kmmêl,  Eaad  I,  HeA  t.  pi  XIX,  flf .  67, 
combat  d'Acbille  et  d'Hector. 

■ta  rr  mciu.  &&v.  IS 


386  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

peinent  de  l'art  romain  dans  les  Gaules  semblait  avoir 
fait  oublier.  D'après  ce  qui  précède,  nous  croyons  pouvoir 
dire  que  ce  sont  les  Helvétiens  qui  élevèrent  cette  colline, 
par  des  sacrifices  successifs,  peu  de  temps  avant  leur  émi- 
gration. 

Un  autre  genre  de  monuments  existe*  encore  dans  les 
bois  de  la  commune  de  Gollion,  entre  Morges  et  Cosso- 
nay.  Au  nord  de  ce  village  est  la  colline  de  Bricby,  grande 
élévation  naturelles  surmontée  d'un  bouquet  de  sapins. 
Un  monticule,  au  milieu  de  ce  petit  bois,  porte  le  nom 
de  Fort  de  Brichy,  C'est  un  tertre  de  la  forme  d'un  cône 
tronqué,  entouré  d'un  fossé  circulaire  de  15  pieds  d'ou- 
verture sur  5  de  profondeur;  depuis  le  fond  du  fossé 
le  tertre  mesure  14  à  15  pieds  d'élévation  ,  120  pieds  de 
diamètre  à  sa  base  et  75  au  sommet;  la  plate-forme  par 
laquelle  il  se  termine  est  creusée  en  bassin  concave  de  4 
pieds  de  profondeur*.  — A  quelque  distance  de  Brichy, 
dans  le  bois  du  Châielard,  au  sud-est  de  Gollion,  on  voit 
vers  le  bord  d'un  ravin  au  fond  duquel  coule  la  Venoge, 
une  grande  colline  arrondie,  de  23  pieds  de  hauteur  sur 
1200  de  pourtour,  surmontée  d'une  grande  plate-forme 
ou  surface  plane  '.  A  sa  base,  elle  est  entourée  du  côté 

*  Longue  de  liO  toises  sur  20  de  largeur;  cette  mesure,  prise  d'après  le 
plan  communal,  mesure  le  sommet  de  la  colline,  bien  autrement  large  à  sa 
base. 

*  L'arrête  du  monticule  qui  borde  le  bassin  est  de  6  pieds  de  large,  ce  qui 
laisse  pour  le  diamètre  du  bassin  la  mesure  de  63  pieds.  Au  nord  cette  ar- 
rête est  déprimée  en  un  arc  de  cercle  de  46  pieds  de  long,  dépression  de  i 
pieds  de  profondeur  sur  le  milieu  de  cet  arc.  Sur  Tarrête  au  sud,  dépression 
moins  forle  sur  un  arc  de  cercle  de  12  pieds  de  longueur.  Vers  ces  dépres- 
sions le  fossé  est  en  partie  comblé. 

'  Quelques  inégalités  de  cette  plate-forme  sont  dues  à  des  sondes  pour 
chercher  du  gravier. 


A6B    DU    FBR.  387 

opposé  ao  ravin  par  an  fossé  de  34  pieds  d'ouvertore 
SQr  7  de  profondeur.  Depuis  quelques  années  on  extrait 
de  ce  mont  du  sable  et  du  gravier,  et  les  excavations  pra- 
tiquées dans  ce  but  ne  laissent  pas  de  doute  sur  sa  forma- 
tion naturelle,  seulement  il  est  évident  que  les  contours 
réguliers  de  ce  mont,  son  terrassement  et  le  fossé  creusé 
à  sa  base^  sont  le  travail  de  la  main  de  Thomme.  —  Sur 
un  troisième  point  au  levant  de  la  même  commune,  le 
plateau  de  Bovex  se  termine  brusquement  par  un  précipice, 
au  fond  duquel  est  le  lit  souvent  desséché  d'un  petit  tor- 
rent. Au  milieu  des  broussailles  qui  recouvrent  la  lisière 
du  plateau  s'élève  un  mur  ou  retranchement  en  terre, 
qui  décrit  un  demi-ovale,  et  dont  les  extrémités  reposent 
sur  le  bord  du  ravin;  ce  mur,  long  de  222  pieds,  a  10  pieds 
d'élévation  et  3  de  largeur  à  son  sommet  ;  l'enceinte  qu'il 
entoure  ainsi  à  moitié  est  une  terrasse  ovale,  ouverte 
sur  le  précipice,  et  longue  de  135  pieds  sur  84  de  lar- 
geur. Le  niveau  de  cette  terrasse  est  de  2  ou  3  pieds  plus 
élevé  que  le  plateau  dont  elle  est  séparée  par  le  retranche- 
ment. Attenante  à  un  sol  cultivé,  c'est  aux  broussailles  qui 
la  recouvrent  qu'on  doit  la  conservation  de  cette  enceinte. 
D'après  les  dénominations  populaires  de  forts  et  de  Châ- 
telard,  on  devrait  envisager  ces  constructions  comme  des 
points  de  défense,  mais  il  ne  faut  pas  accorder  trop  de 
valeur  à  ces  dénominations,  surtout  si  nous  nous  rappe- 
lons que  la  colline  de  sacrifices  de  Chavannes  porte  aussi 
le  nom  de  Chfttelard  ;  il  est  d'ailleurs  difQcile  de  compren- 
dre comment  on  aurait  pu  utiliser  pour  la  défense  des  es- 
paces aussi  circonscrits  que  ceux  de  Bovex  et  de  Brichy. 
D'autre  part,  ces  constructions  n'offrent  pas  de  rapports 
avec  ce  que  nous  connaissons  des  camps  romains  et  des 


388  MONUMENTS   DE   l' ANTIQUITE. 

retraDchemeots  gaulois.  En  revanche  le  fort  de  Bricby  est 
une  reproduction  de  VErdburg,  du  nord  de  T Allemagne, 
dont  la  destination  religieuse  est  généralement  reconnue. 
LeChfttelard  rappelle  aussi  ces  hauts-lieux  cousdiGrés  au 
culte,  entourés  d'un  fossé ,  sur  lesquels  on  vit  en  plus 
d'une  contrée  les  Slaves  élever  leurs  temples  en  bois»  les 
chrétiens  leurs  églises  et  les  chevaliers  leurs  châteaux. 
Enfin  le  retranchement  de  Bovex,  quoique  dans  des  di- 
mensions moins  considérables,  ne  présente  pas  moins  de 
rapports  avec  le  fameux  sanctuaire  de  l'ile  de  Rugen, 
connu  sous  le  nom  d*Herthabourg;  ce  dernier  est  ouvert 
sur  le  lac  d'Hertha  de  la  même  manière  que  la  terrasse 
de  Bovex  sur  le  précipice  qu'elle  domine.  —  Si  nous  ne 
sommes  pas  dans  l'erreur  en  attribuant  une  destination 
religieuse  aux  constructions  en  terre  de  Gollion,  elles  ne 
peuvent  provenir  que  de  la  période  helvétienne  avant  la 
conquête  des  Gaules  par  César  ou  d'une  occupation  de 
ces  contrées  par  les  Wendes. 

Les  découvertes  récentes  dont  nous  venons  de  donner 
la  description,  sont,  croyons-nous,  les  premières  de  ce 
genre  qui  aient  été  observées  en  Suisse,  et  se  relient  à  un 
ensemble  de  monuments  qui  constatent  des  rapports  de  foi 
surprenants  entre  les  populations  primitives  de  l'Europe. 


\près  avoir  assisté  à  l'établissement  des  premiers  ha- 
bitants en  Europe,  à  la  marche  de  leur  développement  et 
à  l'extension  de  leur  foi,  nous  avons  à  reprendre  l'étude 
des  monuments  qui  nous  servent  de  guide  à  l'époque  où 
le  fer  commence  à  devenir  d'un  usage  général  et  à  rem- 
placer le  bronze  employé  pour  les  instruments  tranchants, 
de  même  que  le  bronze  avait  remplacé  l'os  et  la  pierre. 


AOB   DU    FBB.  389 

CepeDdaDt,  avant  d'entrer  dans  cette  troisième  période» 
Doos  avons  à  mentionner  un  âge  de  transition  qui  pré- 
sente la  fusion  d'une  des  époques  dans  l'autre. 


AGE  DE  TRANSITION 

DE  LA  SECONDE  A  LA  TROISIÈME  PÉRIODE. 


Premières  notions  du  fer  en  Europe. 

Quelques  passages  d'auteurs  anciens  et  l'observation 
de  faits  nombreux  démontrent  suflGIsamment  qu'il  fut  un 
âge  pendant  lequel  le  bronze  était  employé  pour  les  armes 
et  les  instruments  tranchants.  La  découverte  de  ce  métal 
eut  une  puissante  réaction  sur  le  développement  des  peu- 
ples, limité  auparavant  par  l'imperfection^  des  instru- 
ments en  pierres  et  en  os.  Une  fois  qu'on  sut  donner  au 
cuivre,  au  moyen  de  Talliage  et  de  la  trempe,  le  tran- 
chant et  l'élasticité,  on  comprend  qu'on  se  soit  moins 
préoccupé  de  vaincre  les  difficultés  que  présente  le  travail 
du  fer,  car  le  fer  a  été  connu  longtemps  avant  qu'il  soit 
devenu  d'un  usage  général.  Il  est  difficile  de  préciser  le 
moment  où  il  remplaça  le  bronze  dans  la  fabrication  des 
armes  ;  aussi,  pour  jeter  quelque  jour  sur  cette  question, 
encore  fort  obscure,  nous  devons  recueillir  tous  les  ren- 
seignements à  notre  portée. 

Si  le  fer  a  été  travaillé  en  Orient  aussi  anciennement 


390  MONUMENTS    DK    l'aNTIQUITB. 

que  les  autres  métaux  S  il  n'en  n'est  pas  moins  certain 
que  les  connaissances  métallurgiques  suivirent  une  mar- 
che différente  dans  la  plupart  des  autres  pays.  L'Egypte 
elle-même,  malgré  sa  civilisation  avancée,  ne  parait  pas 
avoir  fait  grand  usage  du  fer.  Longtemps,  on  a  cru  qu'il 
lui  était  complètement  étranger,  mais  les  recherches  de 
M.  Passalacqua  ont  mis  fin  à  toute  incertitude  en  décou- 
vrant sur  les  momies  de  Thèbes  des  bracelets,  des  an- 
neaux, des  bagues  et  des  spatules  en  fer*.  Du  reste,  cet 
emploi  du  fer  pour  les  ornements  indique  assez  qu'on 
attachait  du  prix  h  ce  métal  et  qu'il  était  peu  répandu.  — 
Les  Grecs  attribuaient  la  découverte  du  fer  à  Celmus  et 
Damnaneus,  dactyles  du  mont  Ida.  Les  marbres  de  Pa- 
ros  '  en  fixent  la  date  à  l'an  1432  avant  notre  ère  ;  cepen- 
dant les  héros  d'Homère  portaient  encore  des  armes  en 
bronze,  et  lorsque  le  poète  veut  peindre  la  dureté  du 
cœur  humain,  il  le  compare  au  fer  comme  à  la  matière  la 
plus  rebelle.  Hésiode  dit  aussi,  en  parlant  des  Egyptiens 
et  des  premiers  Grecs  :  «  Leurs  armes  étaient  de  bronze, 
leurs  maf^ons  en  étaient  couvertes,  ils  fabriquaient  leurs 
outils  avec  le  bronze,  et  le  fer,  ce  métal  noir,  obscur, 

*  Ce  qu'on  peut  inférer  de  divers  passages  de  la  Bible. 

*  Catalogue  des  antiquitét  découvertes  en  Egypte,  par  J.  Passalacqua,  pag. 
246.  Celte  collection  fait  partie  du  musée  égyptien  de  Berlin.  Voir  les  numé- 
ros 614,  623,  624,  510,  524,  547,  548.  L'Egypte  échangeait  ses  produits  contre 
le  fer  d'Ethiopie. 

'  Marbres  deParos  oud'Arundel,  conservés  à  Oxford,  époque  1I»«.  «  Depuis 
que  Minod,  premier  de  ce  nom,  régna,  qu'il  b&tit  la  ville  de  Cydonia,  que 
Celmus  et  Damnaneus,  dactyles  du  mont  Ida,  c'est-à-dire  prêtres  de  Cybèle» 
trouvèrent  le  fer,  sous  le  régne  de  Pandion,  il  s*est  écoulé  1168  ans.  •*  Cette 
chronique  va  jusqu'à  l'an  26 i  avant  Jésus-Christ,  ce  qui  fait  remonter  la  dé- 
couverte du  fer  à  l'an  1482  avant  notre  ère. 

La  fusion  du  fer  est  aussi  attribuée  aux  habitants  de  l'tle  de  Crète,  quatoree 


AGI  DU  rm.  391 

n*éuit  pas  encore  employé  \  >  Il  résalte  de  ce  passage» 
que  le  fer  était  déjà  répandu  chez  les  Grecs»  enfiron  800 
ans  avant  notre  ère  *  ;  tooterois»  moins  d'un  siècle  aapa- 


iiéclet  avant  notre  èr«,  par  Bétiode,  cité  par  Piine  au  lib.  Yll,  cap.  56.  — 
StraboQ,  lib.  I.  —  Diodorc  de  Sicile,  lib.  IV,  cap.  8. 

f49.   Toic  i*wt  X*^^"*  f^  ^^X^*  ;i^dûbeMi  Sf  rt  ockm, 
fSO.   Xtàxût  )*«^oudi(evTo,  fuimç  )*evK  Ira  9w^poç  ; 

•i  comiDe  on  Ta  dit,  cet  vert  ne  sont  pat  d*Hétiode,  le  Grec  qui  let  a  écrita 
reproduit  une  tradition  qui  a  toujourt  une  certaine  valeur. 
*  En  admeiunt  qu'Hétiode  eût  vécu  un  tiécle  aprèt  Homère. 

Bomère.  —  Oé^f$$ét^  I,  v.  1S4.  Je  vait  à  Téméte  chercher  de  l*airain  et 
l'échanfer  contre  du  fer  que  j'y  mène.  (Minerve  dit  qu'elle  vient  de  chei  let 
Taphient  et  parle  à  Télénaque  à  Ithaque.  Taphia  était  tituée  entre  l'Achaie 
et  Leucade  ;  let  Taphient  étaient  dct  marina;  ilt  avaient  donc  du  fer). 

Id.  1.  tf4.  Ulytte  terait  charfé  de  chaînée  de  fer,  vMpm  Sivpcr*l;(u9i. 

Id.  V.  191 .  Calypto  dit  à  Ulytte  :  •  Mon  c«nr  n*ett  pat  de  fer.  • 

Id.  VIII  4f  S  Le  flb  d'Alciuoit  dit  en  pariant  d'Ulytte:  •  le  lui  donnerai 
une  belle  épéc,  d'un  acier  trét  fla,  dont  la  poifnée  ett  d'argent  et  le  fourreau 
de  la  plut  belle  ivoire....  •  Le  latin  dit  :  CAtmi  lohnm  €Bremm.  Au  vert  ilt  ; 
•  kmmterii  appeauit  entem  arfentett  riefimilt  omatum.  •  Doue  baudrier  tl 
clottt  fliant  la  lame  à  la  poifuée.  (Voir  let  épéet  de  Copenhafue.) 

Id  IX,  19%  Sfi.  Bomére  compare  le  pieu  ardent  avec  lequel  Ulytte  peret 

I'omI  du  cyclope  au  wUêkMpiim  (rfnâirétm)  du  charpentier  el  le  bruit  du  taaf 

jaillittant  à  l'eau  dant  laquelle  le  forfuron,  aprèt  avoir  fait  roufir  à  ta  fergu 

une  kmekê  ou  une  teie^  let  jette  loutea  brélaaiaa  dam  reau  froide  peur  let 

urctr,  car  c'ett  ce  qui  lait  la  itrce  du  fer. 

Id.  m.  tsa.  Kurylope  dU  à  Ulyeae  qui  eufife  tea  eompugnout  à  t'éleî- 
fnerdellIeduSeleil.^IKiMilqu'ibteieiadeAr,  «iSéftK.  • 

Id.  XIV,  114.  Mme  montra  même tMlet  let richeatat  quDIytte  avait  amaa> 

•éct  :  l'airain.  Ter,  le  fer 

Id.  XVI,  tt4.  XIX,  11.  (Képétitien  du  même  diteeurt.)  Ulyete  charfu  Té- 
Mmaque  de  dire  aui  peurtuivaata  qu'il  a  euleué  lea  armea  de  la  tulle  dam 
la  crainte  de  querellée,  ttr  k  fer  ëUkre  tkmmmê, 

Id.  XIX,  an.  Lee  ymn  dinyeae,  vuymit  la  douleur  de  Nuélepe,  éCaéeal 
fliee  cmwne  tTik  tunml  été  de  cenm  ou  de  /^. 

Id.  XIX,  m.  Ulyeae  exigeuiil  le  tecrel  riurycléu,  qui  vieM  de  le 


392  MONUMENTS   DE   l'ANTIQUITÉ. 

ravaot,  il  devait  avoir  encore  piQS  de  valeur  qae  le  bronze, 
putsqoe  Lycurgue  l'employait  poor  la  monDaie,  en  même 
temps  que  Tor  et  l'argent  ^  Théodore  de  Samos,  qoi  vi- 
vait vers  l'an  700  avant  Jésus-Christ,  trouva  l'art  de  jeter 
en  fonte  des  statues  de  fer'.  Hérodote  et  d'autres  au- 
teurs mentionnent  comme  l'une  des  merveilles  de  Delphes 
l'offrande  d'Alyattés,  roi  de  Lydie,  qui  régna  dans  le  VU^ 
et  VI«  siècle  avant  notre  ère.  Cette  offrande  consistait  en 
un  grand  cratère  d'argent,  dont  la  base,  en  forme  de  tonr 
un  peu  conique,  était  en  fer  ;  travaillée  à  jour,  on  y  voyait 
plusieurs  petits  animaux  se  jouer  à  travers  les  fenilles 
qui  l'ornaient  ;  ses  différentes  pièces  n'étaient  point  nnies 
par  des  clous  mais  au  moyen  de  la  soudure  ;  on  attribuait 
ce  trayail  à  Glaucus  de  Scio,  qui  le  premier»  trouva  Fart 
de  souder  le  fer  ^  D'après  Pausanias,  les  Lacédémoniens, 
dans  le  VI®  siècle  avant  notre  ère,  cherchant  l'explication 
d'un  oracle,  crurent  la  trouver  dans  l'atelier  d'un  for- 
geron. Ils  virent  la  chose  nuisible  dont  parlait  le  Dieu, 
dans  le  fer,  si  redoutable  aux  humains,  puisqu'on  s'en 


naître,  celui-ci  lui  dit  :  «  Je  serai  aussi  impénétrable  que  la  plus  dure  pierre 
et  que  le  fer. 

Id.  XX!,  9, 10.  Dans  le  trésor  du  palais  d'Ulysse  étaient  «  le  bronie,  l'or, 
le  fer  ouvragé.  • 

!d.  XXIII,  172.  Ulysse  reproche  à  Pénélope,  qui  ne  le  reconnaît  pas,  d'a- 
voir un  cœur  de  fer  j  oiMjOcoç  Oupiôç. 

*  D'après  Plutarque,  Vie  de  Lycurgue. 

PoUux,  lib.  VII,  §  106  et  Aristote,  Economie,  lib.  II,  cap.  S,  disent  ausai 
que  les  Spartiates  fabriquèrent  des  monnaies  de  fer. 

*  Pausanias,  lib.  III,  cap.  12.  Voir  la  note  2  de  la  page 

'  Hérodote,  lib.  I,  cap.  95.  —  Pausanias,  lib.  X,  cap.  16.  —  Phitarq.,  De 
Orae,  def»,  tom.  II,  pag.  486.  —  Hagesand,  Apud  Athen.,  liv.  V,  pag.  ff  0. 
Alyattès  (S»*  du  nom,  père  de  Crésus),  régna  57  ans  de  l'an  616  à  S99  avant 
!.*€.;  selon  d'autres  de  610  à  558. 


A6K   DU    PBR.  303 

servait  à  la  guerre  ^  Dans  >e  Prytanée  était  un  tribunal 
où  l'on  jugeait  le  fer  *  et  les  autres  instruments  qui  avaient 
servi  à  commettre  un  meurtre.  Cette  expression,  juger  le 
fer,  indique  nettement  que  les  instruments  tranchants 
étaient  de  ce  métal.  —  On  peut  conclure  de  ces  divers 
passages  que  le  fer  commença  à  être  d'un  usage  général 
dans  la  Grèce  dès  le  VIII«  siècle  avant  notre  ère  ;  au  VII« 
siècle  on  l'emploie  à  divers  objets  d'art  ;  peu  après,  ce 
mot  désigne  tout  instrument  tranchant,  et  enfin  Aristote 
parle  de  l'acier,  mais  non  comme  d'une  découverte  ré- 
cente '. 

Bien  que  les  armes  des  Etrusques  fussent  en  bronze,  on 
doit  admettre,  d'après  le  comte  de  Caylus,  que  le  fer  ne 
leur  a  pas  été  absolument  inconnu.  Ce  savant  antiquaire 
décrit  un  Hercule  de  ce  métal  *,  qu'il  envisage  du  reste, 
comme  une  grande  rareté. 


*  Pausanias,  lib.  III,  cap.  8  ;  cela  se  passait  sous  le  règne  d'Anaxandridès, 
c'est-à-dire  de  Tan  570  à  l'an  515  avant  notre  ère. 

*  TÔ)  rn^p^,  Pausanias,  lib.  I,  cap.  S8. 

Ipbicrate,  qui  mourut  l'an  380  avant  J.-C.,  changea  les  armes  des  Athé- 
niens, allongea  la  pique  et  les  épées,  et  remplaça  les  ctitrassef  de  fer  par 
celles  de  toile  de  Un.  Encyel.^  tom.  III,  pag.  98,  S«  col.  (mot  Milice,) 

'  Les  Grecs  savaient  non-seulement  travailler  le  fer,  mais  ils  connaissaient 
aussi  l'acier;  Aristote,  Météores,  lib.  IV,  cap.  6,  a  décrit  le  procédé  par  le- 
quel on  l'obtenait  :  «  Le  fer  forgé,  dit-il,  peut  se  liquéfier  de  nouveau  et  de 
nouveau  se  durcir.  C'est  par  la  répétition  de  ce  procédé  qu'on  l'obtient  à  l'é- 
tat d'acier.  Les  scories  du  fer  se  précipitent  dans  la  fusion,  elles  restent  au 
fond  des  fourneaux,  et  les  fers  qui  en  sont  débarrassés  de  cette  manière 
prennent  le  nom  d'acier.  II  ne  faut  pas  pousser  trop  loin  cet  affinage,  parce 
qus  la  matière  qu'on  traite  ainsi  se  détruit  et  perd  considérablement  de  son 
poids  ;  mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai,  que  moins  il  reste  d'impuretés,  plus 
l'acier  est  parfait.  >  x^^^^f  acier. 

*  Dans  son  Recueil  d*aniiq.,  tom.  III,  pag.  96. 


39^  MONUMENT»    DE    L*ANTIQUITÉ. 

Qoaot  aux  Romains,  Ttte-Live  dit*  qu'ils  se  servaient 
d'armes  eu  bronze  dans  les  temps  les  plus  reculés.  Ce  pas- 
sage donne  donc  à  entendre  qu'ils  ne  restèrent  pas  long- 
temps sans  employer  le  fer*.  Nous  manquons  de  renseigne- 
ments précis  sur  la  date  de  ce  changement,  cependant,  à 
l'époque  des  guerres  puniques  les  armes  en  bronze  n'é- 
taient plus  en  usage,  c  Les  Celtibériens,  dit  Polybe,  ex- 
cellent dans  la  fabrication  des  épées,  car  celles  qui  sortent 
de  leurs  ateliers  sont  très  avantageuses  pour  frapper  d'es- 
toc et  de  taille.  C'est  pour  cela  que  vers  le  temps  des 
guerres  d'Annibal  les  Romains  renoncèrent  à  leurs  an- 
ciennes épées  et  adoptèrent  celles  des  Espagnols'.  —  Ils 
les  imitèrent  pour  la  forme  et  la  fabrication,  mais  jamais 
ils  ne  purent  amener  le  fer  au  même  degré  de  pureté  et 
de  perfection  *.  »  Ce  qui  distinguait  ces  épées,  de  celles 


*  Tite-Live,  I,  i3  :  Arma  his  imperata,  galea,  clipeum,  ocre»,  lorica;  om- 
nia  ex  œre  :  hœc.  ut  tef^menta  corporis  essent  :  tela  in  hostem,  bastaque  et 
gladitjs. 

'  Pline  (XXXIII,  1  )  dit  que  dans  les  commencements  les  sénateurs  même 
n'avaient  pas  le  droit  de  porter  des  anneaux  d*or  à  moins  qu'ils  n'eussent  été 
ambassadeurs  chez  quelques  peuples  étrangers,  encore  ne  leur  était-il  permis 
de  le  porter  que  dans  les  actions  publiques  ;  dans  leur  particulier  ils  por- 
taient des  anneaux  de  fer.  Plus  tard  l'anneau  d'or  fut  la  distinction  des  che- 
valiers romains  (Encyclop.  I,  185.) 

'  Voir  sur  leur  forme  Pitisci  Leaicon^  I<r  vol.,  pag.  875;  et  Encyclopédie 
au  mot  Epée. 

L'épée  espagnole  n'est-elle  pas  plus  ancienne  à  Rome  que  ne  le  dit  Po- 
lybe,  puisque  Torquatus  s'en  servit  pour  tuer  le  Gaulois,  362  ans  avant  J.-C.? 
Voir  Tite-Live,  Vil,  10.  Traduct.  tom.  Il,  pag.  170,  et  surtout  la  note. 

*  Suidas,  au  mot  Mà^pupa^  rapporte  ce  passage  que  Casaubon,  Juste  Lipee 
et  Valois  attribuent  de  concert  à  Polybe.—  Polybe,  VI,  21,  dit  encore  :  Una  cum 
scuto  ensis  pendet,  ad  dextrum  fémur,  Hispaniensem  vocant,  mucrone  exi- 
mio,  defertur  violenter,  eo  quod  obeliscus  ejus  firmus,  stabilisque  existit. 


A6K   DU    FBR.  395 

employées  auparavant»  ce  n'était  pas  le  métal ,  mais  la 
forme.  Avant  la  seconde  guerre  punique  \  l'épée  romaine 
n'avait  qu'un  tranchant*  et  se  rapprochait  ainsi  davantage 
de  la  forme  du  coutelas  que  de  celle  du  glaive  espagnol. 
D'après  le  rapport  de  l'historien  Joséphe\  les  légions 
romaines  au  siège  de  Jérusalem  étaient  armées  d'un  poi- 
gnard et  d'une  épée  en  fer.  L'expression  c  mourir  par 
le  fer  i  qu'on  trouve  si  souvent  dans  les  auteurs  romains 
ne  laisse  pas  doute  sur  la  matière  employée  de  leur  temps 
pour  les  instruments  tranchants^.  Il  faut  toutefois  en 
excepter  les  instruments  consacrés  au  culte,  pour  lequel 
on  conserve  l'ancienne  matière.  Virgile  •  et  Ovide  ®  rap- 
portent que  les  magiciennes  se  servaient  de  faucilles  en 
bronze  pour  cueillir  les  herbes  destinées  à  leurs  enchan- 
tements \  Le  prêtre  rattachant  une  idée  religieuse  à  la 
matière  consacrée  par  un  long  usage  aux  cérémonies  re- 
ligieuses ou  aux  superstitions  on  comprend  cette  sur- 

*  Avant  Tan  218  avant  J.-C. 

*  Polybe,  II,  50,  33.  Avant  ce  coutelas  Tépée  était  sans  doute  comme  celle 
des  anciens  Grecs  et  des  Etrusques. 

'  Guerre  det  JtUfi,  liv.  III,  cap.  6.  —  Un  relief  en  firèê  de  Mayence  re-' 
présente  un  Romain  avec  une  épée  à  droite  et  un  poignard  à  gauche.  Les 
cavaliers  ont  une  longue  épée  au  côté  droit. 

*  Tacite,  AnnaL^  XV,  31,  emploie  aussi  l'expression  ferrum  comme  syno- 
nyme d'arme  ou  d'épée  :  Quippe  propriis  nuntiis  a  Corbulone  petierat,  ne 
quam  imaginem  servitii  Tiridates  perferret  ;  neu  ferrum  traderet,  etc. 

*  /Enéide,  IV,  v.  51.  Falcibus  et  messœ  ad  lucem  quœruntur  ahenis 

.  Pubentes  berbœ, 

*  Métam,  VII,  2t6.  Et  placida  partira  radice  revellit 

Partim  succidit  curvamine  falcis  abenœ. 
^  Sehol.  Théoc.,  Idyll.  II,  v.  36.  Le  brome  regardé  comme  pur  par  sa  na- 
ture pouvait  chasser  les  spectres  et  les  esprits  impurs.  —  Les  magiciennes 
frappaient  sur  des  vases  de  bronxe  pour  chasser  les  m&nes.  —  Ovide,  Fait. 
V.  441. 


396  MONUMENTS   DE    L* ANTIQUITÉ. 

vivance  d'anciennes  contumes  dont  il  serait  facile  de 
multiplier  les  exemples  S  —  Il  n'en  est  pas  moins  certain 
qee  le  fer  fut  d'un  usage  général  chez  les  Romains  avant 
les  guerres  puniques ,  et  les  Celtibériens,  qui  étaient  leurs 
maîtres  dans  l'art  de  fabriquer  les  armes  *,  ne  connurent 
pas  ce  métal  moins  anciennement  qu'eux  '.  Strabon  ^, 
dit  que  les  Espagnols  portent  des  colliers  de  fer. 

Il  est  plus  di£Bcile  de  déterminer  l'époque  de  l'introduc- 
tion du  fer  au  nord  des  Alpes  et  des  Pyrénées.  Polybe  *  dit 
cependant  que  les  Gaulois  suspendaient  leurs  épées  à  des 
chaînes  de  fer  ou  de  bronze,  en  guise  de  baudriers,  mais 
la  trempe  de  leurs  armes  était  si  mauvaise,  que  le  premier 
coup  les  faisait  plier,  et  pendant  que  les  soldats  gaulois 

*  Nous  avoDft  vu  la  pierre  employée,  après  la  découverte  du  métal,  pour  le 
culte  et  les  superstitions,  dans  le  nord  et.  même  ches  les  Egyptiens  et  les 
Juifs.  L'emploi  religieux  du  bronse  chez  les  Grecs  et  les  Romains,  rapproché 
de  Tusage  de  brûler  les  morts,  ferait  remonter  ces  deux  peuples  à  la  seconde 
invasion  d*Orient  en  Occident. 

*  On  croit  que  c'est  par  le  procédé  appelé  forges  eatalanet  qu'ils  obtenaient 
cette  su|>ériorilé.  Les  Romains  ne  se  servaient  sans  doute  que  de  hauts  four- 
neaux, car  Pline,  XXXIV,  14,  les  désigne  par  le  mot  fomaees^  qui  ne  peut 
indiquer  les  forges  catalanes  où  l'on  travaille  dans  un  grand  ereuset  de  ma- 
çonnerie et  sans  fourneaux  proprement  dits. 

Diodore  de  Sicile,  V,  9,  dit  qu'ils  mettaient  d'abord  rouiller  le  fer  en  terre 
et  qu'ils  en  tiraient  un  si  bon  acier  que  casques  ni  boucliers  ne  pouvaient 
résister.  —  Voir  le  travail  de  l'acier  ches  les  Romains  dans  VEncylop.  au 
mot  octer. 

■  Tite-Live,  Déead,,  III,  lib.  II.  Leurs  épées  étaient  courtes,  pointues  et 
tranchantes  des  deux  côtés  ;  ils  se  servaient  aussi  d'un  poignard  d'un  pied 
de  long.  —  Appian,  Alexandre,  liv.  5  :  Ils  avaient  des  dards  entièrement  de 
fer  et  à  plusieurs  crochets. 

*  III,  118. 

"  Liv.  II,  chap.  6.  Elles  retombaient  sur  la  cuisse  droite.  —  Quelques  Gau- 
lois portaient  des  baudriers  d'or  et  d'argent.  —  Liv.  II,  cap,  83,  Polybe  dé- 
crit les  épées  des  Gaulois  du  temps  de  Rrennus. 


AGE    DU    FBR.  397 

perdaient  le  temps  à  redresser  arec  le  pied  iear  épée  Iod- 
gae  et  sans  pointe  \  les  Romains  les  égorgeaient*.  A  cette 
époque,  les  armes  des  Gaulois  n'étaient  pas  encore  toutes 
en  fer  %  et  la  mauvaise  qualité  de  celles-ci  indique  qu'ils 
étaient  peu  habiles  dans  la  fabrication  de  ce  métal.  Lors 
de  la  conquête  des  Gaules ,  César  parle  plus  d'une  fois, 
dans  ses  Commentaires,  de  leurs  instruments  en  fer  et 
des  mines  qu'ils  exploitaient^. 

Du  temps  de  César,  le  fer  était  rare  dans  la  Grande  Bre^ 
tagne,  où  l'on  se  servait  plutôt  de  cuivre  importé  %  et  où 
la  monnaie  était  en  fer  *,  de  même  qu'en  Grèce  au  temps 
de  Lycurgue.  —  Les  habitants  de  VEcosse''  et  ùehBelgique* 
fabriquaient  aussi  des  ceintures,  des  colliers  et  d'autres 
ornements  de  fer,  à  la  manière  des  anciens  Egyptiens. 

La  connaissance  du  fer  parait  avoir  été  un  peu  plus  an- 
cienne dans  le  midi  de  V Allemagne  que  dans  le  nord. 
Strabon  *  parle  des  mines  de  fer  de  la  Norique,  et  Tacite, 


«  Tite-Live,  Décad.  Vf,  liv.  VIII.  TVod.,  pag.  103.  —  Tite-Live,  liv.  XXII, 
chap.  46  :  *  Gallis  prœlongi  ac  tine  mucrouibus  gladiis.  »  —  Strabon,  IV. 

*  Polybe,  II,  pag.  118-120. 

'  Tite-Live,  tom.  III,  pag.  362.  Epées  gauloises  émoussées,  courbées  par 
javelines,  ne  pouvant  fVapper  que  de  taille  et  non  de  fort  près. 

*  De  Bell.  GaU.y  III,  13;  VII,  2i;^II,  22:  niagnœ  ferrariœ. 

*  César,  v.  12  :  *  Nascitur  ibi  plumbum  album  in  mediterraneis  regionibus, 
in  maritimis  ferrum;  sed  ejus  exigua  est  copia,  œre  utuntur  importato.  > 

*  César,  v.  12  :  *  Utuntur  aut  œre,  aut  taleis  ferreis  ad  certum  pondus  exa- 
minatis  pro  nummo.  » 

^  Hérodien,  III,  12.  Cet  auteur  qui  vivait  vers  le  milieu  du  troisième  siècle 
après  J.-G.  dit  que  les  Bretons  portaient  des  colliers  de  fer. 

*  César. 

*  Strabon,  V  ;  <  Norica  est  locus  ad  purgandum  aurum  natura  idoneus  nec 
minus  ad  ferri  fabricas.  » 


398  MONUMENTS   DE   l'aNTIQIUTÈ. 

qui  mentionne  celle  des  GothsS  dit  qne  ce  métal  était  rare 
chez  les  Oesties,  sur  les  bords  de  la  Baltique  *.  Nous  ver- 
rons plus  tard  que  du  temps  de  la  domination  romaine 
quelques  Germains  portaient  encore  des  armes  en  bronze, 
mais  nous  croyons,  d'après  le  passage  de  Tacite,  que 
dans  le  nord  de  l'Allemagne  le  fer  a  été  introduit  un  peu 
plus  tôt  que  ne  le  pensent  plusieurs  archéologues,  qui  en 
attribuent  l'introduction  aux  Wendes. 

On  doit  faire  remonter  la  connaissance  du  fer  chez  les 
Scandinaves  à  l'arrivée  des  Suèves  sur  les  bords  du  lac 
Mœlar.  Tous  les  tombeaux  qu'ils  ont  déposés  dans  la  Suède 
moyenne  et  dans  la  Norwège  font  voir  une  grande  habi- 
tude dans  le  travail  de  ce  métal.  On  ne  peut  douter  que  les 
compagnons  d'Odin  n'aient  apporté  l'art  métallurgique 
de  l'Asie  *  et  qu'ils  n'aient  contribué  à  le  répandre  au 
nord  de  l'Europe. 

D'après  ce  qui  précède,  nous  sommes  autorisés  à  con- 
clure que  le  fer  était  généralement  répandu  chez  les  peu- 
ples barbares  de  l'Europe  au  commencement  de  notre 
ère,  et  même  l'on  ne  peut  douter  que  quelques-uns  d'en- 
tr'euxne  l'aient  connu  avant  cette  époque.  Si  d'une  part 
cette  connaissance  a  dû  se  répandre  de  proche  en  proche, 
ce  qui  paraît  le  fait  général,  on  doit  admettre,  d'un  autre 
côté,  qu'elle  a  été  parfois  importée  par  l'invasion  de  popu- 
lations qui  avaient  habité  ou  séjourné  dans  des  contrées 
où  ce  genre  d'industrie  était  plus  développé. 


*  Germ.,  cap.  XLIII,  Gothini,  quo  magis  perdeat,  et  ferrum  ellodiunt. 

*  Germ.^  cap.  XLV,  Rarus  ferri. 

'  Hérodote,  IV,  62,  rapporte  déjà  que  les  Scythes  rendaient  un  culte  à  un 
timeterre  de  fer. 


A6B    DU    FBR.  390 

NoQS  dirons  encore  quelques  mois  sur  les  mines  d'où 
l'on  extrayait  le  minerai  de  fer  ^ 
Les  Grecs  exploitaient  le  métal  dans  les  iles  d'Eu- 

*  Au  sud  du  Kour  et  au  nord  du  lac  Sévang,  sont  les  mines  de  ier  de  Kaulp, 
*  Les  paysans  travaillent  le  fer  d'après  le  procédé  suivant  :  Dans  un  fourneau 
de  k  pieds  de  longueur  sur  2  de  largeur,  on  met  50  à  60  livres  de  minerai 
pulvérisé  ;  en  8  heures  la  masse  est  fondue,  et  Ton  retire  environ  24  livres 
de  fer,  c'est-à-dire  43  pour  100.  Trois  garçons  sont  occupés  à  mettre  le  souf- 
flet en  mouvement.  » *  Ces  exploitations  de  fer  à  Koulp  remontent  à  la 

plus  haute  antiquité,  et  je  ne  mets  pas  en  doute  que  ce  Koulp  ne  soit  le 
Khalybe  d'Homère,  d'Hérodote  et  de  Strabon.  >  La  Géorgie  était  célèbre  dans 
les  temps  les  plus  anciens  par  ses  ouvrages  en  fer  et  en  cuivre.  C'est  avec  la 
plus  grande  certitude  qu'on  peut  admettre  que  le  Thubel  ou  Tubal  de  la  Bible 
désigne  la  Géorgie  actuelle.  Flavius  Josèphe  le  traduit  par  IbérienSt  l'ancien 
nom  que  les  Grecs  donnaient  aux  Géorgiens.  Javan^  Tubal  et  Mésech  ont  été 
les  facteurs  faisant  valoir  son  commerce  en  esclaves  et  en  vases  d'airain,  dit 
Ezéchiel  dans  sa  magnifique  description  du  commerce  de  Tyr,  chap.  XX. — 
«  Les  enfants  de  Japhet  sont  Gomer,  Magog,  Madai,  Javan,  Tubal,  Mésech  et 
Tiras,  »  c'est-à-dire  les  Kimri,  les  Ossètes.  et  les  Miotes  du  Caucase,  les  Mè- 
des,  les  Grecs,  les  Géorgiens,  les  Meskhis  et  les  Thraces.  Mais  ce  n'est  pas 
seulement  le  cuivre  qui  enrichissait  le  commerce  de  Tubal.  Dans  la  plus  an- 
cienne mention  faite  de  Tubal  dans  la  Bible  (Genèse  IV,  22)  n'est-il  pas  dit  : 
«  La  seconde  femme  de  I<émek,  nommée  Tsilla,  lui  enfanta  Tubal-Caïn,  qui 
fut  forgeron  de  toutes  sortes  d'instruments  d'airain  et  de  fer.  »  Or.  précisé- 
ment où  les  Hébreux  placent  leur  Tubal,  les  Grecs  ont  leur  Ckalybes,  dont 
le  nom  servit  à  désigner  l'acier  et  le  peuple  qui  avait  su  le  préparer.  Homère, 
le  premier  qui  en  parle,  dit  au  chant  deuxième  de  l'Uliade  :  *  Odius  et  le 
brave  Epistrophu»  sont  à  la  tète  des  troupes  d'Halizone  qui  viennent  d'Alybès, 
régions  éloignées  où  natt  l'argent.  •  Après  lui,  les  auteurs  font  souvent  men- 
tion du  fer  des  Khalybes,  et  Stratfbn,  (lib.  XII,  pag.  527  et  XIV,  645)  qui  s'at- 
tache à  expliquer  ce  passage  d'Homère,  critique  longuement  ceux  qui  vou- 
laient transporter  les  Khalybes  en  avant  dans  l'Asie  Mineure;  il  fait  passer 

• 

leur  méridien  beaucoup  plus  à  l'orient,  au  travers  de  la  petite  Arménie.  En 
effet,  le  mot  Koulp  (Gogph)  est  arménien  ;  trois  localités  en  Arménie  portent 
ce  nom  et  toutes  les  trois  sont  célèbres  par  des  mines.  L'un  de  ces  Koulp  ap- 
partient au  pachalik  de  Kars  ;  l'autre  est  celui  de  la  grande  Arménie.  Ces 
deux  Koulp  n'ont  que  des  mines  de  sel.  Le  troisième  est  celui  qui  est  si  riche 
par  ses  mines  de  fer,  et  son  nom,  il  y  a  plus  de  deux  mille  ans,  avait  déjà 


400  MONUMBNTS  DK  l'aNTIQLITÈ. 

bée^  et  de  Crète  V  —  Les  Phéniciens  employaient  5000  ou- 
vriers aux  mines  de  Verceil  ^  —  L'Espagne,  après  avoir 

servi  à  désigner  l'un  des  principaux  districts  du  Koukar,  la  valiée  de  Koulp 
ou  Gogphap*hor^  qui  était  alors  comprise  dans  l'Arménie.— Le  Koukar,  l'une 
des  plus  grandes  provinces  d'Arménie,  comprenait  non-seulement  ces  belles 
mines  de  fer,  mais  aussi  de  belles  mines  de  cuivre  et  d'argent,  au  débouché 
desquelles  était  Thubel,  la  Tebelissi  ou  Tifiis  des  Géorgiens,  à  peu  de  distance 
sur  le  Kour.  Maintenant,  si  vous  adoptez  que  Koulp  est  le  Khalybe  des 
anciens,  vous  n'aurez  pas  de  peine  à  vous  expliquer  pourquoi,  suivant  Ho- 
mère, les  peuples  qui  viennent  de  là  s'appellent  Halizons,  vu  qu'il  n'y  a  qu'à 
passer  le  Kour,  qui  coule  en  face  de  Koulp,  pour  se  trouver  dans  la  vallée 
magnifique  de  VAlazan,  dont  le  nom  est  aussi  ancien  que  le  peuple  géorgien 
(Strabon,  liv.  \l,  pag.  382,  àXoc|&>vsuwv  Trorapôv.)  —  Enfin,  il  y  a  encore  un 
passage  de  la  Bible  qui  confirme  pleinement  l'identité  qui  existe  entre  Koulp 
Gogph,  Tubal  et  Mésech.  Ne  lit-on  pas  en  tête  d'un  des  chapitres  d'Ezéchiel  : 
*  Fils  de  l'homme,  tourne  ta  face  vers  Gog,  en  pays  de  Magog,  prince  des 
chefs  de  Mésec  et  de  Tubal,  et  prophétise  contre  lui  •  (chap.  XXX VI II  et 
XXXIX).    On  demandera  comment  Koulp  peui  être  le  même  que  Gogph? 
Koulp  est  la  prononciation  géorgienne,  que  les  Arméniens  rendent  par  (?ogrpft, 
parce  qu'ils  ne  font  pas  usa^e  de  1'/  qu'ils  remplacent  par  un  g.  C'est  ainsi 
que  de  Albania  ils  ont  fait  Aghovan,  de  La%are^  Gah%ar  de  Na%ar,  de  Tria- 
Uthf  Thrheghy  etc.  —  Nous  n'avons  encore  vu  que  les  richesses  de  fer  des 
Khalybes;  tournons-nous  maintenant  vers  les  forges  de  Tubal,  et  jetons  aussi 
un  coup-d'œil  sur  les  célèbres  vallées  qui  approvisionnaient  le  commerce  de 
Tyr  de  vases  d'airain  en  concurrence  avec  Mésech.  Laroche  qui  a  soulevé  le 
terrain  de  Koulp  (porphyre  syénétique)  prend  une  plus  grande  extension  vers 
l'ouest,  en  encaissant  les  deux  rives  de  la  Débéda  dans  tout  son  cours,  jus- 
que dans  les  montagnes  du  Pambak.  D'anciennes  mines  renouvelées  donnè- 
rent un  minerai  composé  de  plomb  et  de  zinc,  mélangé  d'or  et  d'argent.  L'an- 
cien palais  d*Ahhtala,  sur  la  rive  gauche  de  la  Débéda,  fut  changé  en  fonde- 
ries. A  Tamboulout,  argent ,  à  Allaverdi,  sur  la  rive  gauche  de  la  Débéda, 
à  vingt  verstes  d'Akhtala,  et  à  Chameloug,  à  cinq  verstes  d'AUevardi,  mines 

de  cuivre «  Tel  est  l'état  actuel  des  anciennes  mines  de  cuivre  et  d'argent 

de  Tubal,  les  seules  qui  puissent  rivaliser  avec  celles  de  Gournichckana^  au 
nord  de  Trébizonde,  sur  la  limite  de  l'ancien  territoire  de  Mésech.  (Voyage 
autour  du  Caucase,  par  Du  Bois  de  Montpéreux,  tom.  IV,  pag.  136-145.) 

•  Strabon,  v.  31,  X. 

*  Marbres  de  Paros. 

»  Pline,  XXXllI,  4.  Strabon. 


AGE   DU    FER.  404 

foorni  en  aboodaDce  les  métaux  précieux  dans  l'antiquité, 
eut  aussi  des  mines  de  fer  *.  Strabon  mentionne  aussi  des 
mines  de  fer  dans  les  Gaules,  entre  la  Garonne  et  la  Loi- 
re'.  Les  Bretons  exploitaient,  sur  les  côtes  de  leur  fie, 
quelques  mines  de  fer,  mais  qui,  d'après  le  rapport  de 
César,  n'étaient  pas  abondantes  ^  —  Nous  avons  déjà 
mentionné  celles  de  la  Norique  ^  et  des  Goths  ^  —  En 
Suède,  le  procédé  par  lequel  les  agriculteurs  tirent  le  fer 
des  marécages  est  sans  doute  fort  ancien  ;  il  remonte  peut- 
être  à  l'entrée  des  Suèves  dans  ce  pays.  Quoi  qu'il  en  soit, 
lorsque  Pline  parle  de  l'aimant  de  l'île  Basilia^,  il  ne  sau- 
rait être  question  que  du  pays  des  Scandinaves,  lesquels 
en  connaissaient  donc  l'existence  à  l'époque  de  Pline. 

Nous  avons  vu  que  l'emploi  du  fer  est  généralement 
répandu  en  Europe  au  commencement  de  notre  ère,  ce- 
pendant on  peut  se  demander  si  les  mines  exploitées  du 
temps  de  Strabon,  de  César,  de  Tacite  et  de  Pline,  re- 
montent à  la  même  antiquité  qu'en  Grèce.  L'étude  des 
faits  jettera  quelque  jour  sur  cette  question,  mais,  >pour 
le  moment,  nous  ferons  seulement  observer  que  les  Ro- 
mains des  premiers  temps  portaient  des  armes  en  bronze, 
pendant  que  les  Grecs  employaient  déjà  le  fer  à  cet  usage, 
et  que  les  Romains  avaient  changé  de  métal,  alors  que  les 

'  Strabon.  UI,  159.  Pline,  XXXIV,  43. 

•  César,  Vil,  22.  Strabon  III,  159. 
»  César.  V,  12. 

•  Strabon,  V. 

»  Tacite,  Germ.,  XLIII. 

•  Pline,  XXXVII,  15.  Il  parle  aussi  de  l'aimant,  XXXVI,  16. 

Pierre  connue  fort  anciennement  par  les  Grecs.  Diodore,  V,  en  fait  une  lie, 
au  nord  de  la  Gaule,  célèbre  par  son  ambre.  —  Pline,  IV,  13,  parle  d'une  tle 
de  ce  nom  dans  le  Pont-Euxin. 

HÉM.  ET  DOCUM.   XXV.  26 


402  monl'mb:«T8  db  l'antiquité 


Gaulois  alliés  d'Annibal,  combatUiieot  eo  Italie  avec  des 
armes  de  bronze.  La  présence  de  ces  deoi  métaux  iodi* 
que  assez  qu'à  cette  époque,  les  Gaulois  en  étaient  i  un 
âge  de  transition.  D'après  ces  faits,  nous  voyons  que  la 
connaissance  du  fer  dans  l'antiquité  marche  avec  le  dé- 
veloppement de  la  culture.  Les  peuples  de  l'Italie  ayant 
travaillé  ce  métal  moins  anciennement  que  ceux  de  la 
Grèce,  on  comprend  que  les  nations  étrangères  à  la  civi- 
lisation du  midi  durent  arriver  plus  tard  encore  à  cette 
connaissance.  Si  l'Espagne  suit  une  voie  un  peu  différente, 
c'est  qu'elle  fut,  dès  la  plus  haute  antiquité,  exploitée  par 
des  étrangers,  d'abord  par  les  Phéniciens  et  les  Grecs, 
puis  par  les  Carthaginois  et  les  Romains,  tandis  que  les 
pays  moins  riches  étant  abandonnés  à  leur  propre  dé- 
veloppement, rentrent  dans  la  loi  naturelle.  La  Gaule 
ayant  subi  l'influence  du  midi  à  un  plus  haut  degré  que 
la  Germanie  et  le  nord  dut  ainsi  connaître  le  fer  un  peu 
avant  ces  dernières  contrées,  mais  comme  il  n'était  pas 
encore  d'un  usage  général  dans  les  Gaules  deux  siècles 
avant  l'ère  chrétienne  et  qu'il  était  rare  chez  les  Bretons  * 
et  chez  les  Belges  du  temps  de  César,  il  s'en  suit  que  nous 
nous  trouvons  de  nouveau  reportés  au  commencement 
de  notre  ère  comme  à  l'époque  durant  laquelle  ce  métal 
commença  à  être  généralement  répandu. 

Après  avoir  suivi  ces  différentes  phases  de  développe- 
ment  nous  avons  à  rechercher  les  faits  qui  indiquent 

*  Je  ne  conclus  pas  à  cette  rareté  du  fer  par  le  peu  de  richesse  des  mines 
de  la  Bretagne;  mais,  d'un  côté,  parce  qu'il  parait  d'après  César  qu'on  faisait 
importer  de  préférence  du  bronze,  et,  de  l'autre,  parce  que  le  fer  employé 
pour  monnaie  par  les  Bretons  et  pour  ornement  par  les  Ecossais  et  les  Belges, 
était  encore  une  matière  de  valeur  et  par  conséquent  d'une  certaine  rareté. 


A6K   Dt   rsft.  403 

rége  de  transition,  durant  lequel  le  fer,. encore  rare,  pa- 
rait .111  milieu  d'objets  en  bronze  dont  la  forme  et  les  or- 
nements rappellent  la  manière  de  faire  propre  i  la  période 
précédente  ;  car  il  est  à  remarquer  qu'une  fois  le  fer  ré- 
pandu on  retrouve  plus  rarement  les  bracelets  et  surtout 
les  lourds  colliers  de  bronze  chargés  de  fines  gravures. 
H'un  autre  d^té,  les  derniers  moments  de  cette  transition 
présentent  çà  et  là  de  rares  instruments  tranchants  en 
hronze  avec  des  objets  en  fer,  au  milieu  desquels  ils  ap- 
paraissent comme  les  derniers  vestiges  d'un  art  aban- 
donné. 

Le  manque  de  fouilles  bien  dirigées  ne  permet  de  saisir 
qunn  petit  nombre  d'anneaux  de  la  chaîne  qui  unit  un 
âge  à  un  autre  âge.  Il  suffit  du  reste  d'en  indiquer  quel- 
ques-uns pour  se  rendre  compte  de  la  marche  graduelle 
du  développement.  La  question  est  importante  au  point  de 
vue  de  Thistoire;  faute  d'une  étude  d'ensemble,  souvent 
on  a  pris  Texception  pour  la  régie  ;  on  a  conclu  du  parti- 
culier au  général,  impatient  d'arriver  à  un  résultat  trop 
souvent  préconçu.  —  Mais  pour  ne  pas  anticiper  sur  les 
conclusions,  nous  devons  laisser  parler  les  faits  *. 

hans  le  rovaume  de  Hanovre,  11.  le  baron  d'Estorff  a  ex- 
ploré  avee  un  soin  particulier  la  contrée  ô'Uelzen,  riche  en 
monuments  de  l'âge  païen*.  Un  tombeau  de  la  seconde 
I>éri04le  renfermait  une  pointe  de  lame  en  bronze  dont  l'ou- 
verture de  la  douille  traverse  en  se  rétrécissant  tout  l'ins- 
trument dans  sa  longueur  ;  une  pièce  en  fer  insinuée  dans 
l'ouverture,  dépasse  légèrement  la  pointe  endommagée  du 

'  Bcràum.  l^«4plMtie«  ancieime   galerie  ou  allée   eevireite   renplk  de 
l'irrrrt.  <lr  trriv.  il'oe.  avec  broase  el  fer. 
•  Httémaeke  AUertàtÊmtr  eu  Gtgemé  wm  Vehem^  te*  Cari  «•■  Batort. 


kOk  MONUMENTS   DE    L*ANTIQUITÉ. 

fer  de  lance,  comme  pour  protéger  le  bronze  par  la  dareté 
desoD  métal*.  L'arme  est  TancieDDe  matière,  et  le  fer 
paraît  là  comme  an  auxiliaire  destiné  à  la  fortiûer. 

Le  duché  de  Meckltmbourg-Schwerin  a  trouvé  dans  le 
Dr  Lisch  un  explorateur  zélé  et  intelligent.  Trois  tumuli, 
qu'il  envisage  comme  appartenant  aux  derniers  temps  des 
armes  en  bronze,  contenaient  quelques  débris  de  fer  qui 
répondent  encore  à  l'introduction  de  ce  métal  V 

Le  midi  de  l'Allemagne  présente  des  découvertes  bi^n 
autrement  caractéristiques.  —  Près  de  Hallsiadt^  au  sud 
de  Salzbourg,  on  a  trouvé,  en  1846  et  1847,  une  suite  de 
tombeaux  disposés  à  peu  de  profondeur  dans  le  soP. 
L'ustioo  et  l'inhumation  sont  réunies  dans  le  même  lieu  ; 
les  squelettes,  couchés  en  terre  libre,  sans  trace  de  cer- 
cueils en  pierre,  ont  les  pieds  tournés  au  levant.  Les  urnes 
cinéraires  étaient  également  placées  en  terre  libre  à  côté 
ou  au-dessus  des  squelettes.  —  Cette  réunion  des  deux 
modes  de  sépulture  n'est  pas  rare  dans  les  tumuli,  mais, 
le  plus  souvent,  l'un  ou  l'autre  mode  présente  quelque 
différence  dans  l'ornementation.  Rien  de  pareil  à  Hallstadt. 
Les  squelettes  et  les  urnes  étaient  accompagnés  de  la 
même  quantité  et  du  même  genre  d'objets  ;  les  pièces  dé- 
couvertes et  décrites  par  le  professeur  Gaisberger  sont 
des  bracelets  en  bronze,  ovales  et  entr'ouverts,  simples 
ou  ornés,  des  anneaux  de  grandeurs  diverses,  des  fibules 
de  formes  variées,  dans  le  genre  d'épingles  à  ressort,  ou 
bien  à  doubles  spirales  comme  celles  de  la  Sibérie  et  des 
bords  de  la  Baltique  ;  un  fil  en  or  à  torsade,  et  des  épin- 

*  Id.  PL  VII,  fig.  2. 

*  Communication  de  M.  le  docteur  Lisch. 

*  Die  Gràbe  von  Hallstadt,  von  Joseph  Gaisberger. 


AGB  DU  rsft.  )05 

gles  à  cheveux,  longues,  droites  et  ornées  de  tètes  sphéri- 
ques;  quelques  lamelles  de  cuifre  bosselé  ont  appartenu 
à  des  ceintures  ou  peut-éire  même  i  des  espèces  d'armu-- 
res.  •—  On  en  a  découvert  de  pareilles  dans  des  tumuli  de 
la  contrée  de  Sigmaringen*»  adaptées  i  de  légères  couches 
de  bois,  de  cuir  et  d'étoffe  de  laine,  évidemment  destinées 
à  donner  à  la  lame  de  cuivre  plus  de  résistance,  sans  ajou- 
ter trop  à  sa  pesanteur.  Les  tombeaux  de  Hallstadt  renfer- 
maient en  outre  des  grains  de  collier  d*ambre.  d'argile  el 
même  de  verre  émaillé.  La  poterie  grossière,  chargée  de 
lignes  et  de  disques  en  creux,  n*offre  aucun  rapport  avec 
celle  des  Romains.  Au  milieu  de  ces  divers  objets,  étaient 
encore  une  pointe  de  flèche  en  bronze^  des  couteaux  et  des 
pointes  de  lance  en  fer,  avec  quelques  débris  de  ce  métal. 
A  peu  de  distance  de  Hallstadt,  du  cdté  de  la  tour  de  Ro- 
dolphe, on  a  trouvé,  avec  des  sépultures  pareilles,  dix- 
sept  anneaux  de  bronze,  des  perles  d'argile  el  de  verre 
émaillé,  et  enfin  des  instruments  de  bronze  el  de  fer. 

Des  recherches  non  moins  heureuses  sont  celles  que 
M.  de  Bonstetten  a  dirigées  dans  le  canton  de  Berne.  Les 
dix  tumuli  qu'il  a  fouillés  près  à'Aneth  présentent,  indé- 
pendamment de  quelques  légères  variétés,  la  construction 
suivante  :  Lors  de  l'inhumation,  après  avoir  tracé  Taire  cir- 
culaire du  tumulus,  on  arrangeait  sur  le  sol  de  larges 
dalles  brutes,  de  manière  k  former  une  espèce  de  pavé 
sur  lequel  étaient  déposés  le  mort  et  les  divers  objets  dont 
on  raccompagnait.  Des  pierres  informes  recouvraient  en- 
suite ces  débris,  puis  des  cailloux  roulés,  jetés  en  abon- 
dance sur  ce  premier  lit,  formaient  pour  ainsi  dire  le  noyau 

*  Au  »ud  du  Wurtemberf ,  ainsi  que  duM  d*aiitret  Ikvx  du  midi  de  rAUe- 
ouif  lie  :  Conttaoc*,  Zurkli,  etc. 


406  MONUMENTS    DE    L^ANTIQUITÉ. 

de  la  colliDe,  qa'oo  achevait  en  répandant  par-dessus 
une  couche  plus  ou  moins  épaisse  de  sable,  de  gravier  et 
de  terre,  jusqu'à  la  hauteur  de  6  à  15  pieds.  On  a  re- 
trouvé dans  ces  tombelles  des  restes  d'étoffe,  des  anneaux 
en  bronze,  simples  ou  à  spirale  élastique,  des  broches  h 
ressort,  des  bagues,  des  morceaux  d'ambre  percés  d'un 
trou,  de  larges  anneaux  en  bois  noir,  assez  grands  pour 
bracelets  et  d'une  conservation  étonnante,  de  grands 
brassards  en  bronze  ornés  de  disques  et  de  fines  gra- 
vures, et  des  umbo  de  même  métal.  Un  poignard  en 
fer  dans  un  fourreau  de  bronze  est  la  reproduction  par- 
faite de  la  forme  celtibérienne,  adoptée  par  les  Romains, 
tandis  que  la  plupart  des  autres  objets  sont  la  survivance 
d'un  art  plus  ancien.  Ces  tumuli  contenaient  en  outre  des 
fragments  de  poterie  grossière ,  un  vase  formé  d'une 
mince  feuille  de  bronze ,  une  chaîne  à  filigrane  en  or, 
17  perles  ou  grains  de  collier  d'or  soufQé,  et  une  espèce 
de  couronne  en  or,  de  la  forme  d'une  calotte,  consistant 
en  une  feuille  très  mince,  ornée  de  lignes,  de  pelits  dis 
ques  et  de  triangles  repoussés.  Ce  qui  n'est  pas  moins 
curieux  que  les  pièces  précédentes,  ce  sont  des  débris  de 
chariots  dont  il  reste  entr'aulres  des  treillis  en  bronze, 
les  cercles  en  fer  des  roues  et  les  garnitures  en  bronze 
des  moyeux  et  des  rayons;  des  restes  de  harnais  en  cuir 
ornés  de  nombreuses  têtes  de  clous  en  bronze  et  un  mors 
de  cheval  ou  bridon  en  fer  de  petite  dimension,  complè 
tent  celle  précieuse  découverte  *.  —  M.  Mullerde  Nidau. 
a  aussi  fouillé  plusieurs  lumuli  dans  la  même  contrée,  où 
il  a  retrouvé  sinon  la  même  richesse,  du  moins  la  réu 

'  Soiice  *itr  lex  Tornbelle*  d'An^.lh^  par  t;.  de  Bonstetten. 


AGB    DU    FER.  407 

nion  d'armes  en  bronze  et  en  fer  qui  constatent  l'âge 
de  transition  dont  nous  nous  occupons  en  ce  moment. 

Trois  tumuli*  du  Hardt,  près  de  Bâle,  recouvraient 
plusieurs  squelettes  dont  les  uns  reposaient  dans  des  cer- 
cueils en  dalles  brutes,  d'autres  en  terre  libre,  d'autres 
enfin  à  l'intérieur  d'enceintes  formées  par  un  cercle  de 
pierres  brutes,  sans  cimeni,  ni  mortier.  Les  ornements 
qui  accompagnaient  les  morts  sont  encore  les  bracelets, 
les  anneaux  de  jambe,  les  bagues,  les  colliers,  les  boucles 
d'oreilles  et  les  fibules  à  ressort.  D'entre  les  anneaux, 
60  sont  en  bronze,  12  en  fer  et  10  en  os.  Ces  tombeaux 
contenaient  aussi  des  grains  de  collier  en  ambre,  en  os  et 
en  verre  bleu  ou  blanc,  transparent  ou  émaillé,  deux 
pointes  de  traits,  deux  poignards  en  fer  très  endommagés 
par  la  rouille,  et  des  fragments  de  poterie  grossière.  — 
Un  fait  important,  relativement  à  l'âge  de  cette  découverte, 
c'est  que,  sous  la  terre  des  tumuli.  se  trouvaient  à  1  7t 
pied  de  profondeur  dans  le  sol  des  tuiles  romaines  qui 
dénotent  que  ces  sépultures  sont  postérieures  à  l'entrée 
des  Romains  en  Helvétie,  bien  qu'elles  appartiennent  à 
une  époque  où  le  christianisme  n'était  pas  encore  répandu 
dans  cette  contrée*. 

Dans  les  environs  de  Mayence,  des  tombeaux  de  l'épo- 
que romaine,  déposés  dans  le  sol  sans  colline  au-dessus, 
contiennent  des  anneaux  simples  ou  gravés,  des  épées', 
des  poignards^,  des  faucilles  et  des  celts  en  bronze*,  de 

'  Hauts  de  5  à  7  pieds  sur  100  de  diamètre. 

*  Drei  Grabhugel  in  der  Hardi,  bei  Basel,  von  prof.  Wilhelm  Vischer. 

*  Comme  celle  de  Suède. 

*  Comme  le  poignard  de  Bex,  au  Musée  de  Lausanne. 

»  L'alliage  de  zinc  parait  dans  ces  pièces.  «   On  conserve  à  }^timaT  une 


408  .  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITB. 

môme  que  le  castellum  romain  près  de  Wiesbaden  où  Ton 
retrouve  aussi  des  armes  en  fer.  ~  Dans  les  ruines  ro- 
maines de  la  Suisse  les  instruments  tranchants  en  bronze 
paraissent  très  rarement.  Je  ne  connais  qu'une  décou- 
verte de  ce  genre,  faite  à  Bionnens  dans  le  canton  de 
Fribourg,  où  Ton  a  trouvé  un  celt  en  bronze  avec  des 
ciseaux  à  ressort  et  une  hache  en  fer. 

On  voit  dans  l'ancienne  Marche,  au  sud-est  de  Salzwe- 
del,  près  de  Gûssefeldy  des  irrégularités  du  sol  peu  sensi- 
bles, de  forme  convexe,  entourées  ou  recouvertes  de  cer- 
cles de  pierres.  Quand  on  creuse  sur  ces  légères  éléva- 
tions du  sol  on  découvre  à  2  ou  3  pieds  de  profondeur 
des  urnes  cinéraires  en  argile  noire  ou  jaunâtre  déposées 
dans  le  sable  et  couvertes  avec  une  pierre  plate.  —  C'est 
dans  ces  urnes  qu'on  a  retrouvé  des  ornements  et  des 
armes  reployées  en  un  volume  assez  petit  pour  pouvoir 
y  être  renfermées  ;  de  ce  nombre,  étaient  une  épée  en 
fer  à  deux  tranchants,  longue  de  22  pouces,  des  pointes 
de  lance  en  fer  et  l'une  en  bronze.  Cette  dernière  n'est  pas, 
comme  les  précédentes,  munie  d'une  douille,  mais  elle 
se  fixait  dans  une  hampe  fendue,  et  la  partie  qui  entrait 
dans  le  bois  porte  encore  trois  clous  rivés*. 

Dans  le  voisinage  de  Falkenstein,  dans  le  Harz,  est  la 
colline  d'Osterberg  qui  porté  plusieurs  tumuli,  en  forme 
de  mamelons  arrondis;  l'un  renfermait  une  urne  de 
bronze  et  un  grand  nombre  d'autres  en  argile.  Sur  l'urne 
de  bronze,  pleine  de  cendres  et  d'os  humains  carbonisés, 

épée  courte,  trouvée  dans  les  crevasses  d'une  construction  antique  sur  les 

bords  du  Rhin  ;  on  lit  le  nom  de  Gallienus  sur  la  lame  ;  elle  est  en  bronze,  reste 

à  savoir  si  le  nom  de  Gallien  doit  s'attribuer  à  l'empereur  ou  au  fabricant.  • 

•  Neue  mttheilungen  von  Halle,  zweiler  Band,  ersles  Hefl,  1855,  s.  108-1Î8. 


AGB   DU    FBR.  409 

étaient  deux  épées  en  fer,  reployées,  larges  d'environ 
2  ponces,  et  dont  l'nne  porte  une  croisière.  Sur  ces  lames 
d'épées  reposait  une  pointe  de  lance  en  bronze  ;  ça  et  là 
dans  la  colline  on  trouva  encore  d'autres  pointes  de  lance 
en  bronze  et  en  fer  avec  deux  umbo  et  quatre  fibules  en 
fer*.  Un  tumulus  de  Ausleben,  non  loin  de  Magdebourg, 
recouvrait  plusieurs  urnes  cinéraires  et  quelques  objets  en 
bronze  et  en  fer,  en  outre  142  monnaies  romaines  du 
I"  et  do  11®  siècle  de  notre  ère*. 

Au  nord  de  TAllemagne,  près  de  Marien-Werden,  non 
loin  de  Danzig,  huit  celts  en  bronze  étaient  accompagnés 
de  monnaies  cufiques,  qui  remontaient  du  VU®  au  \^  siè- 
cle de  notre  ère'.  —  Enfin  Saxo  le  grammairien,  raconte 
que  le  prince  Magnus  enleva,  l'an  1129,  une  hache  en 
bronze  d'un  temple  de  la  Suède  consacré  à  Thor.  Nous 
verrons  bientôt  ce  qu'on  doit  penser  de  l'emploi  de  ce 
métal  à  un  âge  si  peu  reculé  *. 

Quand  on  a  étudié  avec  attention  les  armes  et  les  orne- 
ments de  la  période  précédente,  on  ne  peut  se  dissimuler 
que  si  les  découvertes  de  Hallstadt,  d'Aneth  et  du  Hardt 
présentent  des  traits  d'une  analogie  incontestable  avec 
cet  art  ancien,  il  est  d'autres  caractères  qui  annoncent  une 
manière  de  faire  nouvelle.  Plusieurs  formes  vont  dispa- 
raître, d'autres,  exceptionnelles,  vont  se  développer  et  se 
répandre.  Les  grains  de  colliers  en  verre,  en  argile  et  en 

'  Neue  MUih.  von  HaUe,  dritter  Band,  erstes  Hefl,  s.  170. 

*  Neue  Minh.  von  Halle,  erstes  Band,  erstes  Hefl,  1884,  s.  79-89. 

*  Keferstein,  KeU.  AUerth.,  s.  78. 

*  Worsaae  Blekins.,  pag.  64.  Dans  le  département  de  la  Somme  en  France 
et  dans  le  pays  de  Cornouailles  on  trouve  des  épées  et  des  celts  de  bronze 
avec  des  monnaies  romaines  des  III*  et  1V«  siècle  après  J.  C.  Voyez  aussi 
Manduit:  Emploi  de  Vairmn,  pag.  7-18,  etc. 


410  MONUMKiNTS    DB    l'aNTIQUITÉ. 

émail,  à  peu  près  inaperçus  précédemment,  commencent 
à  remplacer  le  lourd  collier  de  bronze.  —  Dans  les  tom- 
beaux de  Hallstadt,  le  fer  est  déjà  employé  pour  les  armes 
et  les  instruments  tranchants,  à  l'exception  d'une  seule 
pointe  de  flèche.  —  A  Aneth,  Tusdge  du  Ter  est  encore  plus 
répandu,  quoique  la  gravure  du  bronze  soit  celle  d'un 
temps  reculé.  L'art  avec  lequel  l'or  est  soufilé  et  repoussé 
n'est  plus  des  âges  primitifs,  où  l'emploi  des  métaux  pré- 
cieux se  fait  avec  prodigalité,  et  le  poignard  dont  nous 
avons  parlé  atteste  l'influence  du  Romain,  bien  plus  que 
celle  du  Geltibérien.  —  Les  épées  et  les  poignards  en 
bronze  trouvés  dans  les  tombeaux  et  les  ruines  romaines 
des  environs  de  Mayence  et  de  Wiesbaden,  ne  peuvent 
être  attribués  aux  dominateurs  dont  les  armes  étaient  en 
fer.  Il  faut  ainsi  reconnaître  que  plus  d'un  homme  de 
guerre  de  la  Germanie  portait  encore  à  cette  époque  des 
armes  en  bronze.  —  A  Falkenstein  et  à  Giissefeld,  les  lan- 
ces en  bronze  sont  mélangées  avec  les  lances  et  les  épées 
en  fer  dans  des  contrées  où  les.  Romains  n'étendirent 
jamais  leur  domination.  Près  de  Magdebourg  le  fer  se 
trouve  avec  des  monnaies  du  11^  siècle.  —  Enfin  les  celts 
en  bronze  de  Marien-Werden,  déposés  dans  le  sol  au 
X«  siècle,  présentent  un  exemple  intéressant  de  la  longue 
survivance  des  anciens  usages.  —  Quant  à  la  hache  de 
Thor  enlevée  par  Magnus  au  commencement  du  XII«  siè- 
cle, elle  nous  rappelle  que  le  prêtre  regarde  comme  sa- 
crée la  matière  qu'il  a  une  fois  reçue  pour  le  culte  et  qu'il 
est  le  dernier  à  l'abandonner. 

Les  résultats  auxquels  nous  arrivons  sont  tellement 
conformes  à  ce  qui  a  dû  se  passer,  qu'on  peut  se  demander 
s'il  ne  snflisait  pas  de  les  indiquer,  sans  entrer  dans  au- 


AGE    DU    FER.  kH 

taDt  de  détails.  Od  comprendra  mieux  l'importance  que 
nous  mettons  à  les  établir  par  des  faits  lorsque  nous  au- 
rons dit  un  mot  des  questions  historiques  auxquelles  ces 
détails  se  rattachent.  —  Plusieurs  archéologues  prétendent 
que  le  fer  a  été  introduit  instantanément  dans  la  plupart 
des  contrées  de  l'Europe  par  des  peuples  envahisseurs, 
qui  apportaient  cette  connaissance  de  pays  étrangers;  là 
où  ils  s'établirent,  ils  anéantirent  la  population  vaincue  ou 
l'obligèrent  de  chercher  une  autre  patrie;  l'art,  apporté 
avec  eux,  demeura,  dit  on,  chez  eux  sans  en  sortir,  et 
chacun  poursuivit  le  genre  de  travail  qui  lui  était  propre. 
C'est  ainsi  qu'on  établit  de  profondes  lignes  de  démarca- 
tion d'un  peuple  à  un  autre  peuple,  et  que  l'on  croit  re- 
connaître le  Celte  à  ses  armes  en  bronze,  et  le  Germain 
aux  armes  en  fer.  —  Une  étude  plus  complète  aurait  fait 
voir  que  ce  qui  a  pu  se  passer  de  cette  manière  dans  un 
petit  nombre  de  contrées  n'était  point  un  fait  général. 
Souvent  on  a  pris  pour  des  différences  de  peuples  ce  qui 
n'était  que  des  différences  de  temps  ou  de  développement 
chez  une  même  nation.  Les  Celtes,  qu'on  a  dit  n'avoir 
employé  que  le  bronze,  travaillent  le  fer  avant  les  Ger- 
mains. Ceux-ci,  auxquels  on  refuse  le  métal  attribué  aux 
Celtes,  déposent  pendant  longtemps,  ainsi  que  nous  ve- 
nons de  le  voir,  des  armes  en  bronze  dans  leurs  sépultu- 
res, à  côté  d'instruments  en  fer.  Si  l'étude  des  monuments 
nous  engage  à  repousser  les  distinctions  absolues  ce 
n'est  point  que  nous  méconnaissions  les  individualités,  car 
l'analogie  des  formes  ne  conduit  pas  nécessairement  à 
l'identité  de  la  langue  et  des  mœurs.  Nous  ne  nions  point 
non  plus  la  possibilité  de  trouver  des  traits  de  distinction 
dans  les  produits  de  l'art  métallurgique,  seulement,  pour 


442  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

les  établir  avec  certitude,  on  manque  de  recherches  assez 
complètes.  —  Nous  aurons  à  revenir  sur  ces  questions  ; 
pour  le  moment,  ce  que  nous  tenions  à  constater,  c'est  ce 
développement  graduel  qui  s'opère  plus  ou  moins  rapide- 
ment après  toute  découverte  destinée  à  réagir  sur  Thu- 
manité. 


TROISIÈME   PÉRIODE 

INSTRUMENTS  TRANCHANTS  EN  FER. 

Si  la  découverte  du  cuivre  fit  oublier  peu  à  peu  l'emploi 
de  la  pierre  et  de  l'os  il  n'en  fut  pas  de  même  relative- 
ment aux  premiers  métaux  connus,  quand  on  parvint  à 
vaincre  les  difiScultés  que  présente  le  travail  du  fer.  Le 
bronze,  au  lieu  d'être  abandonné,  continue  à  servir  à  des 
usages  divers,  mais  ce  qui  caractérise  cette  nouvelle  pé- 
riode, c'est  que  les  instruments  tranchants  sont  en  fer  et 
non  plus  en  bronze.  Dans  la  période  précédente  nous 
avons  fait  remarquer  l'analogie  des  sépultures,  des  vases, 
des  armes  et  même  de  la  gravure  sur  métal  dans  l'Eu- 
rope ancienne,  y  compris  les  premiers  temps  de  la  Grèce 
et  de  l'Italie.  Au  moment  où  nous  sommes  arrivés,  cette 
identité  de  formes  et  d'usages  disparait.  La  Grèce  et 
l'Italie  ont  acquis  un  développement  tel  que  pendant  long- 
temps elles  ont  attiré  à  elles  seules  Tattention  des  anti- 
quaires. La  Sibérie,  la  Gaule,  la  Bretagne  et  le  midi  de  la 
Germanie  tombent  sous  la  domination  romaine  et  reçoi- 
vent le  christianisme  dès  les  premiers  siècles  de  notre 
ère.  Les  autres  contrées  de  l'Europe,  qui  échappent  à 


AGE   DU    FBR.  413 

cette  domination,  sont  en  général  amenées  beaucoup  plus 
tard  à  la  foi  nouvelle,  aussi  nous  présentent-elles  le  déve- 
loppement du  paganisme  jusqu'au  X«  siècle,  et  même  en 
quelques  pays,  jusqu'au  XII®  siècle  de  notre  ère.  —  Dans 
la  première  partie  de  cette  période,  nous  rechercherons 
les  monuments  du  nord  de  l'Europe  qui  sont  la  suite 
naturelle  de  l'ancien  genre  de  vie  qui  nous  a  occupé  jus- 
qu'à présent,  et,  dans  la  seconde  partie,  nous  reprendrons 
les  provinces  romaines,  en  examinant,  particulièrement 
dans  notre  pays,  ce  qui  nous  reste  des  quatre  premiers 
siècles  de  l'ère  chrétienne.  Après  la  chute  de  Rome,  nous 
assisterons  à  la  formation  d'un  nouveau  monde,  en  recueil- 
lant les  débris  déposés  ça  et  là  dans  le  sol  du  commen- 
cement du  V*'  au  X«i  siècle,  époque  à  laquelle  commence 
l'étude  des  chartes,  qui  ne  peut  rentrer  dans  notre  sujet. 

PREMIÈRE  PARTIE. 

Le  mode  de  sépulture  le  plus  ancien  en  Europe  se  dis- 
tingue moins  par  les  constructions  gigantesques  d'un  âge 
durant  lequel  la  force  du  bras  était  surtout  en  honneur, 
que  par  l'attitude  de  l'embryon  donnée  à  l'homme  après 
sa  mort.  Plus  tard,  les  morts  sont  étendus  sur  le  dos,  ou 
bien,  après  avoir  été  consumé  par  le  bûcher,  leurs  cendres 
sont  recueillies  dans  des  urnes.  On  retrouve  ces  squelet 
tes  et  ces  urnes  en  terre  libre  ou  entourés  de  pierres, 
sous  des  collines  plus  ou  moins  élevées,  selon  la  cx)nsidé- 
ration  dont  jouissait  le  défunt.  L'époque  à  laquelle  nous 
sommes  arrivés  reproduit  les  divers  genres  de  sépulture 
usités  dans  la  deuxième  période,  et  présente  en  outre 
quelques  variétés  propres  à  certaines  contrées.  Nous  dé- 


kiU  MONUMENTS    Dl£    L^ANTIQUITS. 

criroDS  ces  différentes  construetioDS  pour  cbacuD  des  pays 
doninoas  aurons  à  nous  occuper. 

Irlande. 

Si  la  Brelagne  proprement  dite  a  passé  sous  la  domina- 
tion des  Romains  quelque  temps  après  les  Gaules,  Vlr- 
lande  (Hibernia),  peuplée  de  Gaëls  et  d'Ibères,  ne  fut  pas 
comprise  dans  leur  empire,  et  ce  ne  fut  que  dans  le  V^  siè- 
cle que  St.  Patrice  y  remplaça  le  culte  des  druides  par 
celui  du  christianisme.  C'est  à  ces  derniers  temps  qu'ap- 
partient une  découverte  remarquable  faite  dans  le  comté 
de  Meaih,  près  du  village  de  Dunshaughlin.  Une  colline 
arrondie,  de  520  pas  de  tour  sur  environ  8  pieds  d'élé- 
vation, était  entourée  d'un  fossé,  comme  on  en  voit  sou- 
vent autour  des  tumuli  d'Irlande.  La  terre  de  ce  monti- 
cule était  mêlée  d'un  nombre  si  considérable  d'ossements 
d'animaux  qu'on  en  chargea  150  voitures  :  c'était  surtout 
des  os  de  vaches,  de  cochons,  de  chèvres  et  de  chiens, 
mais  aussi  des  os  de  chevaux,  d'ânes,  de  cerfs,  de  re- 
nards et  d'oiseaux.  La  plupart  des  crânes  de  vaches 
étaient  percés  d'un  trou.  Beaucoup  d'antiquités  mêlées 
aux  ossements  reposaient  à  la  base  de  la  colline;  au  cen- 
tre de  celle-ci,  à  environ  deux  pieds  sous  la  surface  du 
sol,  étaient  couchés  deux  squelettes  d*hommes,  sans  trace 
de  cercueil.  Â  16  pieds  de  profondeur  au-dessous  de 
l'aire  du  tumulus,  des  solives  de  chêne,  posées  sur  la 
marne  et  le  sable,  étaient  liées  les  unes  aux  autres  par  des 
traverses  rendues  fixes  au  moyen  de  forts  doux  en  fer. 
Sur  les  bords  de  cette  espèce  de  parquet  en  damier  s'éle- 
vait une  paroi  de  poteaux  de  chêne,  de  8  à  10  pieds  de 


AGE    DU    FER.  445 

hauteur,  engagés  dans  les  solives.  D'autres  parois  de  po- 
teaux divisaient  l'intérieur  en  cellules  remplies  de  terre 
de  marécages  d'antiquités  et  d'ossements  d'animaux.  Il 
est  à  remarquer  que  la  plupart  des  cellules  ne  renfermaient 
chacune  qu'une  seule  espèce  d'animaux.  Outre  de  nom- 
breux bois  de  cerfs,  les  antiquités  consistaient  en  armes, 
en  ornements  et  en  instruments  de  cuisine  et  de  maison. 
Les  lames  des  épées  en  fer  se  terminent  par  une  pointe 
acérée  ;  elles  étaient  accompagnées  de  lames  de  poignards, 
de  nombreux  couteaux  de  formes  et  de  grandeurs  diver- 
ses, de  fers  de  lance,  de  piques  et  d'un  umbo  de  bouclier 
en  fer,  ainsi  que  toutes  les  autres  armes,  dont  pas  une 
seule  n'était  en  bronze.  —  L'os,  le  bronze  et  le  fer  étaient 
employés  pour  des  épingles  de  4  à  6  pouces  de  longueur, 
avec  lesquelles  se  trouvaiept  un  étui  d'ébène,  des  peignes 
et  des  broches  ornées  d*émaux  et  de  mosaïques.  Sur  un 
os,  ont  été  sculptés  des  volutes  et  d'autres  ornements  pa- 
reils à  ceux  que  portent  d'anciennes  croix  dressées  sur 
les  tombeaux  chrétiens  de  Tlrlande.  —  D'entre  les  instru- 
ments domestiques,  il  faut  mentionner  deux  meules  de 
moulin  à  bras,  des  pierres  à  aiguiser,  des  chaînes  et  une 
hache  en  fer,  4*  vases  de  bronze  d'une  forme  élégante, 
plusieurs  instruments  de  3  pouces  de  diamètre,  pareils  à 
de  petites  poêles  à  frire,  de  petits  disques  de  bois,  d'argile 
et  d'ardoise,  et  des  ciseaux  à  ressort*. 

Un  des  faits  les  plus  remarquables  de  cette  découverte 
est  la  construction  des  cellules  en  bois  de  chêne  à  16  pieds 
de  profondeur  dans  le  sol.  Nous  retrouverons  en  Dane- 
mark et  en  Russie  des  salles  sépulcrales  formées  de  soli- 

'  Neue  }fitth.  von  HaUe,  VK  Band,  II*  flefl,  s.  155. 


416  MONLMKNTS   DE    l'aNTIQUITÂ. 

vaux  et  recouvertes  de  terre,  mais  dont  la  base  ne  descend 
pas  an-dessous  du  sol  environnant;  elles  contiennent  des 
tombeaux  et  des  ornements  divers,  tandis  que  les  cellules 
de  l'Irlande  ne  présentent  pas  de  traces  de  sépultures. 
Les  deux  squelettes  d'bommes,  coucbés  sous  la  colline, 
reposaient  au-dessus  des  parois  de  poteaux;  si  la  descrip- 
tion qui  en  a  été  faite  est  exacte,  il  faut  en  conclure  que 
des  animaux  furent  immolés  en  grand  nombre  en  ce  lieu, 
avant  qu'on  y  donnât  la  sépulture  aux  morts.  Après  que 
ceux-ci  eurent  été  déposés  sur  cette  coucbe  épaisse  de 
victimes,  ils  furent  recouverts  des  débris  de  nouveaux  sa- 
crifices. Si  Ton  examine  attentivement  les  détails  de  cette 
découverte,  on  ne  peut  voir  là  le  fait  d'une  simple  mor- 
talité, car,  dans  ce  cas,  on  ne  comprendrait,  ni  la  cons- 
truction des  cellules,  ni  le  dépôt  d'armes  et  d'ornements. 
D'un  autre  côté,  les  trous  observés  sur  plusieurs  crânes, 
ne  laissent  pas  de  doute  sur  la  mort  violente  ou  l'immo- 
lation des  animaux.  Mais  ce  qui  a  lieu  de  surprendre,  c'est 
le  nombre  excessif  des  victimes,  qui  va  fort  au  delà  de  ce 
que  nous  apprennent  les  récits  homériques*.  —  Quels 
étaient  donc  les  deux  personnages  en  l'honneur  desquels 
tant  de  sang  fut  répandu?  L'histoire  n'a  pas  enregistré 
leur  nom,  et  aucune  inscription  ne  vient  nous  aider  à  sou- 
lever ce  voile;  ce  qu'il  y  a  de  certain  c'est  qu'ils  durent 
jouir  d'une  grande  considération  pour  qu'on  ait  cru  devoir 
sacrifier  autant  à  leurs  mânes.  —  La  présence  d'ustensiles 
domestiques  a  pu  surprendre  au  milieu  de  ces  divers  dé- 
bris, mais  l'usage  n'en  a  pas  moins  été  répandu  ;  la  Nor- 

'  Cette  particularité  d'animaux  par  case  ne  pourrait-elle  pas  désigner  les 
sacriAces  faits  sur  la  tombe  d'un  grand  chef  par  des  tribus  différentes  dont 
chacune  aurait  sacriflé  l'animai  qui  lui  servait  de  symbole? 


AGE    DU    FEB.  417 

wège  en  ofifre  des  exemples  curieux.  En  déposant  tous 
ces  instruments  dans  la  tombe,  on  croyait  ajouter  à  la 
grandeur  du  héros  et  à  l'éclat  de  son  entrée  dans  le  Val- 
balla.  — L'âge  de  cette  colline,  est  postérieur  au  l^r  siècle 
de  notre  ère,  on  doit  le  conclure  non-seulement  de  la 
présence  du  fer,  mais  de  la  sculpture  sur  os  et  bien  plus 
encore  des  broches  émailléesetà  mosaïque',  genre  d'art 
que  les  Romains  répandirent  dans  les  provinces  du  11»  au 
JN^  siècle.  L'époque  de  ce  monument  répond  ainsi  aux 
derniers  temps  pendant  lesquels  le  paganisme  fut  encore 
en  vigueur  en  Irlande. 

Allemagne. 

Les  Romains,  après  leur  établissement  dans  le  midi  de 
la  Germanie,  élevèrent  un  grand  mur  en  terre,  retran- 
chement destiné  à  proléger  leurs  conquêtes  contre  les 
envahissements  du  Nord.  Ce  mur,  de  130  lieues  de  lon- 
gueur, appelé  quelquefois  mur  du  diable,  s'étendait  du 
Rhin  au  Danube,  dans  la  direction  de  Dillenbourg,  Wetz- 
lar,  Hanau,  Wertheim,  Halle,  Diinkelsbûhl  et  Ratisbonne. 
H  passait  ainsi  au  nord  de  la  Hesse,  de  Nassau,  de  Baden, 
du  Wurtemberg  et  fie  Tancienne  Bavière  V  Des  deux  côtés 

*  lid  mosaïque  pour  l'argent  qui  a  dû  précéder  celle  des  petits  objets,  ne 
parait  à  Rome  que  vers  le  temps  d'Auguste. 

«  Voyage  autour  du  Caucase^  par  Du  Bois,  tom.  IV,  pag.  294-304.  Le  nord  a 
toujours  menacé  le  midi.  La  garde  des  passages  du  Caucase  a  toujours  été 
envisagée  comme  importante.  Les  Chinois  ont  commencé  à  élever  leur  grande 
muraille  il  y  a  plus  de  deux  mille  ans  pour  contenir  les  peuples  du  haut  pla- 
teau de  la  Mongolie.  Les  remparts  de  la  Bactriane,  les  murs  médiques  entre 
le  Tigre  et  l'Euphrate,  le  mur  de  Béry  dans  le  voisinage  de  Persépolis.  de- 
v.'iient  défendre  les  peuples  de  la  Babylonie  et  de  la  Médie contre  les  noma- 

MéM.    KT  ÏMM'.llM.   X\V.  27 


418  MONUMENTS   DR    l'aNTIQUITÉ. 

du  retranchemeni,  les  tumuH  sont  répandus  en  grand 
nombre  sur  le  sol  de  rAllemagne,  mais  pour  le  moment 
nous  n'avons  à  nous  occuper  que  de  ceux  qui  furent  éle- 

des  Scythes,  ou  autres,  du  nord  et  de  Test  de  la  mer  Caspienne.  Chaque  aeso- 
dation  de  colonies  grecques  en  Thrace,  en  Crimée,  eut  son  mur  de  défense. 
La  Chersonèse  de  Panticapée  se  ferme  par  le  rempart  d'Akkos  contre  les 
Scythes,  que  ceux  de  la  Chersonèse  Héracléotique  repoussaient  par  un  rempart 
élevé  entre  l'extrémité  des  baies  de  Sébastopol  et  de  Balaklava.  On  connaît 
le  mur  que  ût  élever  Hiltiade  pour  fermer  aux  Thraces  l'entrée  de  la  Gherso* 
nése  de  Thrace.  Plus  anciennement  encore  les  Cimmériens  s'étaient  déjà  for- 
tifiés contre  les  Scythes  dans  l'île  de  Taman,  dont-ils  formèrent  une  presqu'île, 
par  un  rempart  connu  sous  leur  nom.  (Strabon,  liv.  XI,  pag.  474.)  Même  les 
Romains,  sous  Trajan  et  sous  Adrien,  ne  furent*ils  pas  forcés  de  se  mettre  à 
couvert  d'une  invasion  des  barbares  du  nord  par  des  lignes  de  fortifications 
qui  rivalisent  presque  en  longueur  avec  celles  de  la  Chine  ?  Ainsi  ils  élevè- 
rent, vraisemblablement  sous  Adrien,  le  fameux  rempart  dit  de  Trajan,  dont 
le  nom  retentit  encore  dans  la  bouche  des  habitants  de  la  Moldavie,  de  laPo- 
dolie  et  môme  de  l'Ukraine.  Là  tout  ce  qui  est  grand  est  de  Trajan.  Démé- 
trius  Kantémir,  dans  une  description  faite  il  y  a  plus  d'un  siècle  de  la  Mol- 
davie, décrit  ce  rempart,  qu'il  fait  passer  de  Petervaradin  sur  le  Danube,  par 
les  montagnes  de  Démir-Kapou  (Portes  de  Fer),  aujourd'hui  montagnes  d'Or- 
sova.  De  là,  sous  la  forme  d'un  simple  rentranchement,  il  le  fait  traverser  la 
Moldavie  et  la  Valachie,  couper  le  Pruth  près  du  village  de  Trajan,  le  Botna 
près  de  la  ville  de  Caunah,  et  après  cela,  le  conduit  à  travers  toute  la  petite 
Tartarie,  jusqu'aux  rives  du  Don  ;  il  lui  assigne  ainsi  environ  400  lieues  de 
France  de  longueur.  La  seule  partie  bien  connue  de  ce  rempart  s'étend  en 
effet  entre  le  Pruth  et  la  mer  Noire  sur  une  longueur  de  33  lieues.  Les  ar- 
mées russes  le  connaissent  fort  bien  et  l'ont  passé  et  repassé  maintes  fois.  Le 
reste  de  <5e  rempart  est  très  incertain,  et  même  ce  que  dit  Kantémir  de  sa 
prolongation  jusqu'au  Don  ne  paraît  pas  probable;  je  n'en  ai  vu  nulle  trace 
sur  les  divers  points  que  j'ai  traversés  et  n'en  ai  jamais  entendu  parler  de 
façon  à  conformer  l'opinion  de  Kantémir.  Un  second  rempart  dont  j'ai  visité 
plusieurs  tronçons  en  Podolie,  peut  être  assigné  avec  beaucoup  plus  d'assu- 
rance que  le  premier  à  l'empereur  Trajan  qui,  après  la  conquête  de  la  Dacie» 
avait  tracé  une  frontière  à  l'empire  romain,  au  delà  du  Dniester.  —  Les  Ro- 
mains défendirent  aussi  l'Allemagne  par  des  murailles  sur  plusieurs  points  ; 
en  en  voit  des  restes  dans  l'ancienne  principauté  de  Hohenlohe  prèsil'Oehrin- 
gen,  et  tout  le  monde  connaît  le  mur  du  Diable,  qui  s'étend  du  Dinketspuhl 


AGE    DU    P£H«  hi9 

tés  dans  les  parties  de  la  Germanie  étrangère  à  la  domi^^ 
nation  romaine.  La  plopart  des  variétés  de  constroctionis 
observées  dans  la  période  précédente  se   reprodoisent 

vers  IngoUtadt,  et  qui  a  près  de  94  lieues  de  long.  --  Enfin,  ne  fallut-il  phB 
qu'Adrien  lit  construire  entre  l'Angleterre  et  l'Ecosse  actuelle,  sa  fameui* 
muraille  Calédonienne  ou  Picts-Wally  qui  devait  empêcher  les  fiers  Calédo*^ 
niens  d'envahir  l'empire  romain.  —  Toujours  le  midi  s'est  mis  en  garde 
contre  le  nord.  Quelle  belle  muraille  la  nature  avait  élevée  entre  lamerNoîre 
et  la  mer  Caspienne,  pour  faciliter  cette  défense  de  ce  qu'on  appelle  la  civilK 
salion  contre  la  barbarie  !  Cependant,  nous  avons  vu  que  les  Cimmériens  et  les 
Scjthes  surent  la  franchir,  et  l'empire  de  vingt-huit  ans  (dé  688  à  605  av.  J .  G.) 
qo'eiercèrent  ces  derniers  sur  l'Asie  centrale,  laissa  d'assez  efflra^fants  sou- 
venirs aux  potentats  de  la  Perse  pour  les  enfga|^r  à  prendre  toutes  les  pré- 
cautions afin  d'empêcher  ces  nomades  de  revenir.  La  grande  muraille  dite 
caucasienne  fut  construite  alors.  —  Selon  les  chroniques  géorgiennes,  On  la 
doit  à  ardait,  gouverneur  de  là  Géorgie  pour  Aphridoun  ou  Féridoun.  D'au- 
tres, comme  Massoudi,  en  attribuent  l'honneur  à  Xerxès  fils  de  Darius,  ou  à 
Alexandre  le  Grand,  Ces  traditions  indiquent  que  chaque  souverain  dé  cette 
époque  songea  à  cette  ligne  de  défense,  l'améliora  et  retendit.  Cependant  on 
aurait  tort  de  croire  que  le  Caucase  fut  ainsi  traversé  par  une  ligne  conti- 
nue  Les  cimes  du  Caucase  sont  inabordables  dans  presque  toute  leur  éten- 
due  Il  ne  se  présente  que  fort  peu  de  passages  praticables,  et  la  plupart 

seulement  en  été.  11  ne  s'agissait  donc  que  de  défendre  par  des  murailles  et 
par  des  tours  les  étroites  et  sombres  vallées,  semblables  à  des  défilés ,  qui 
mènent  aux  cols  principaux,  et  le  Caucase  se  trouvait  fermé  hermétiquement. 
—  La  grande  muraille  est  donc  composée  d'un  certain  nombre  de  tronçons 

qui  peuvent  avoir  été  ordonnés  successivement  par  différents  princes Lé 

principal  tronçon  de  ce  système  de  défense  est  celui  qui  commence  à  la  mer 
Caspienne  et  qui  clét  l'étroit  défilé  (derbend)  qui  reste  entre  cette  mer  et  la 
chaîne  de  montagnes  voisines.  La  muraille  est  très  forte,  construite  en  cal- 
caire eoquillier,  et  appuyée  de  6  à  8  verstesde  distance  par  une  tour  carrée  ; 
cette  partie  parait  avoir  été  renouvelée  par  Nouchirvan,  roi  de  Peréè.  Mas- 
soudi, (Magasin  asiatique  de  Klaproth,  pag.  961)  s'exprime  ainsi  :  La  Porte 
des  Portes  fut  construite  par  Khosrou  Anouchirvan,  qui  y  fit  élever  un  mur, 
et  le  prolongea  dans  la  mer  à  la  distance  d'un  mille;  il  faisait  la  frontière 
depuis  la  mer  des  Khazars,  jusqu'aux  cimes  les  plus  élevées  du  Caucase  ;  ce 
mur  traversait  les  rochers  et  les  précipices,  et  s'étendait  sur  une  longueur 
de  40  parasanges,  jusqu'au  fort  appelé  Thabaristan.  De  trois  en  trois  milles, 


kiO  MONIMRNTS    DE   L* ANTIQUITÉ. 

dans  celle-ci  ;  cependant  l'arrivée  des  Wendes  introduisit 
un  nouveau  mode  de  sépulture  dont  nous  aurons  à  don- 
ner le  description. 

Bien  que  les  relations  peu  nombreuses  qui  nous  sont 
parvenues  sur  les  cérémonies  funèbres  des  anciens  Ger- 
mains soient  fort  incomplètes,  il  n'en  est  pas  moins  inté- 

plus  ou  moins,  d'après  la  nature  du  terrain,  Anouchirvan  y  fit  placer  des 
portes  de  fer.  A  chacune  de  ces  portes,  il  posta,  en  dedans  de  la  muraille,  un 
certain  nombre  de  troupes  chargées  de  garder  la  porte  et  la  partie  de  la  mu- 
raille voisine,  etc.  Chérif  Edrissi  (qui  écrivit  en  1153  d.  J.  C.)  donne  Ténu- 
mération  suivante  des  portes  fortifiées  et  fermées  de  la  chaîne  orientale  du 
Caucase.  Ce  sont:  les  portes  de  Tsoul,  d'AUan,  de  Sairftn  de  Lazinah,  de  Ma- 
zékah,  de  Sedjesdji,  du  Seigneur  du  Trône,  de  Kilan-Chah,  de  Karouïan,  de 
Thabersasinah,  d'Abran-Chah,  de  Lian-Chah.  Il  paraît  même  qu'il  a  existé 
plusieurs  remparts  distincts,  qui  seraient  marqués  sur  la  carte  du  voyage  de 
Lerch,  en  1747.  —  La  grande  porte  de  cette  muraille  était  à  Derbend,  Bah- 
al-Abvahi  ou  la  Porte  des  Portes  des  Persans,  la  porte  Caspienne  de  plusieurs 
auteurs  anciens.  Les  autres  tronçons  connus  de  nos  jours  et  marqués  pour  la 
plupart  sur  la  carte  du  général  Khatof,  sont  chez  les  Ingouches,  l'ancienne 
muraille  de  Kapi7a,  sur  TAssaï  ou  Chalgir,  au-dessous  du  sanctuaire  des 
Ingouches.  — Chez  les  Osses  on  en  compte  quatre,  qui  sont  plutôt  des  portes 
de  défilé  que  des  murailles.  Le  principal  est  celui  de  Darial,  sur  le  Térek. 
Le  second  est  plus  à  l'ouest  dans  la  vallée  latérale  des  Tagaouri,  parallèle  à 
celle  de  Khévi,  et  arrosée  par  le  Kizil-don  qui  sejette  à  gauche  dans  le  Térek. 
La  troisième  muraille  est  chez  les  Sakhas,  sur  le  Fiag  ou  Pog,  autre  affluent 

de  gauche  du  Térek.  On  en  a  retrouvé  les  traces  entre  Latche  et  Khilag 

Les  Géorgiens,  enfin,  en  construisirent  une  quatrième  chez  les  Vnlaghira^ 
dont  l'Arridon,  qui  a  sa  source  entre  le  Kadélaet  le  Khokhi,  arrose  la  vallée... 
Dans  le  milieu  du  V«  siècle  ap.  J.  C,  Vakktang,  après  avoir  soumis  les  Osses, 
construisit  à  Cassara  une  bonne  muraille  qui  mit  fin  à  leurs  incursions.  Se- 
lon Yakhoucht,  elle  est  au-dessous  du  Zramaga  inférieur.  «  Là  est  une  porte 
en  roches  cimentées,  avec  un  grand  ceintre  par-dessus  la  rivière,  et  les  rois, 
ajoute-t-il,  l'ont  construite  pour  que  les  Osses  ne  pussent  venir  par  là  sans 
leur  permission.  Cette  vallée  est  très  forte  et  inaccessible.  Zramaga  est  une 

grande  et  forte  citadelle  construite,  dit-on,  pour  la  reine  Tamar.  » •  Au 

delà  des  Osses  les  passages  du  pied  de  l'Elbrous  étaient  fermés  par  d'autres 
murailles  et  remparts,  dont  l'un  appartient  à  la  vallée  des  Troglodytes,  aujour- 


AGE    DU    FER.  421 

ressani  de  réunir  ces  traits  épars.  Tacite  dit  que  les 
corps  des  Germains  de  distinction  étaient  brûlés  avec  des 
bois  odorants  et  que  leurs  cendres  étaient  recouvertes 
d^une  colline  de  terre.  —  La  mort  dans  les  combats  était 
honorée  par  les  Gotbs  ainsi  que  par  la  plupart  des  autres 
peuples;  si  le  défunt  avait  été  un  hardi  navigateur,  son 
corps  était  déposé  sur  un  vaisseau  auquel  on  mettait  le 
feu,  et  tout  disparaissait  dans  les  eaux  *.  La  chronique  de 

d'hui  vallée  de  Kislavodsk  ou  des  eaux  acidulées,  l'autre  était  sur  la  Kouma. 
Enfin  le  dernier  tronçon,  à  Tinstar  de  celui  de  Derbend,  fermait  le  défilé 
maritime  de  Gagra  que  j'ai  décrit  plus  haut.  La  muraille  de  Kélassour  défen- 
dait  seulement  la  république  grecque  de  Dioscourius  contre  les  montagnards 
du  Caucase.  • 

Voyage  autour  du  Caucase.  Du  Bois,  tom.  V.  pag.  445. — Crimée  :  Côte  de 
rOuest.  •  La  terrasse  étroite  du  KasHle  que  j'ai  mentionnée  plus  haut  était 
donc  le  seul  passage  un  peu  commode  que  la  côte  pût  offrir.  Fidèle  à  leur 
système,  les  plus  anciennes  populations  de  la  Tauride  y  avaient  établi  l'une 
de  leurs  fortifications,  que  la  tradition  tartare  a  baptisée  du  nom  de  Démtr- 
Kapou  (porte  de  fer).  Trois  murailles  en  formaient  l'enceinte  ;  les  deux  plus 
courtes  avaient  de  200  à  250  pas  de  développement,  s'appuyaient  par  un  côté 
sur  les  flancs  à  pic  du  Kastèle,  et  descendant  dans  une  disposition  parallèle, 
venaient  aboutir  aux  deux  extrémités  de  la  troisième  muraille  qui  bordait 
l'escarpement  irrégulier  de  la  terrasse  sur  une  longueur  de  5  à  600  pas.  ■  — 
«  Les  murs  sont  composés  de  gros  blocs  de  granit,  entassés  les  uns  sur  les 
autres,  sans  ciment  quelquefois  ;  il  ne  diffèrent  en  rien  de  celui  que  j'ai  dé- 
crit à  l'ouest  du  Tchaiyrdagh.  L'intérieur  qui  n'est  qu'une  bande  étroite, 
renfermait  quelques  grossiers  édifices  ;  j'ai  cru  même  avoir  reconnu  à  l'angle 
sud-est,  les  restes  d'une  tour  grossière.  Tout  témoigne  ici  de  l'enfance  de 
l'art,  et  rappelle  les  constructions  cyclopéennes  de  la  Grèce,  ou  les  camps 
gaulois  de  la  France  et  de  l'Helvétie;  j'attribue  en  Grimée  ces  ébauches  de 

constructions  aux  Taures •  Les  Taures,  à  mon  avis,  sont  aussi  les  auteurs 

d'une  seconde  forteresse  beaucoup  plus  considérable  que  la  première  et  qui 
embrassait  une  partie  de  la  sommité  de  la  montagne.  Une  muraille  construite 
sans  ciment,  s'étend  du  nord  au  sud,  d'un  précipice  à  l'autre  et  renferme  des 
traces  nombreuses  d'habitations  mêlées  de  fragments  de  vases  en  terre  cuite, 
de  différentes  espèces.  » 

<  Keferstein,  Kelt.  AU.  s.  806. 


kVi  MONUMENTS    DB    l'aNTIQI;|TÉ. 

Pierre  Durburg  de  Tordre  Teutonique  nous  a  coDserré 
des  détails  curieui  sur  les  cérémonies  Tunébres  des  anciens 
Prussiens,  t  Lorsqu'un  bomme,  et  surtout  un  noble,  ve- 
nait à  mourir,  on  le  plaçait  sur  un  siège  au  milieu  de  sa 
famille  et  de  ses  amis  qui  lui  disaient:  Halélé,  n'avais  tu 
pas  une  maison  commode,  une  belle  femme,  pourquoi  es- 
tu  mort?  N'avais-tu  pas  de  beaux  troupeaux,  des  cbevaux 
légers  à  la  course,  de  bons  chiens  de  quête?  Qui  t'a  chassé 
du  monde,  Halélé?  On  étalait  les  richesses  en  lui  répétant 
les  mêmes  questions,  et  comme  il  ne  répondait  point,  ceux 
qui  étaient  présents,  le  chargeaient  de  leurs  derniers 
adieux  pour  leurs  amis  et  leurs  parents  décédés  *.  On  fai- 


*  Dans  la  province  de  Gourda  (au  sud  de  la  Mingrélie,  côte  orientale  de  la 
mer  Noire),  Du  Bois  de  Montpéreux  a  vu  la  cérémonie  suivante  qui  se  passait 
en  1883.  «  En  passant  près  d'une  chaumière,  je  fus  témoin  des  cris  et  de  la 
douleur  que  témoignent  ces  peuples  pour  leurs  morts.  Les  parents  et  les  amis 
ne  quittent  pas  le  corps  jusqu'à  ses  funérailles,  et  ne  cessent  de  pousser  de 
lugubres  complaintes.  —  Ne  t'ai-je  pas  aimé,  lui  dit  l'un?  Ahi  !  —  N'avais-tu 
pas  une  bonne  maison,  lui  dit  l'autre?  Ahi  !  —  Quand  est-ce  que  le  boire  et 
le  manger  t'ont  manqué  ?  Ahi  !  —  Tes  Koupchines  ne  sont-elles  pas  rem- 
plies? Ahi  !  —  N'avais-tu  pas  un  bel  habit?  Ahi  !  —  Comme  tu  étais  bon  !  Ahi  ! 
—  Comme  tu  étais  beau!  Ahi  !  —  Comme  tu  étais  habile!  —  Et  tout  ce  monde 
à  chaque  phrase  fait  un  chorus  de  plaintes  et  de  désolation,  à  l'entendre 
d'une  demi-lieue.  »  «  Ce  désespoir  est  coupé  de  moments  de  repos  ;  chacun 
cause  alors  tranquillement,  pour  recommencer  l'instant  d'après  avec  plus  de 
fureur  son  rôle  de  désolé.  Le  noir  et  la  barbe  qu'on  laisse  croître  sont  les 
signes  du  deuil  chez  les  hommes.  »  —  Près  de  Gori,  en  Géorgie,  on  voit  un 
cimetière  recouvert  de  fragments  de  cruches  et  de  vases  à  boire  provenant 
des  repas  funéraires  célébrés  sur  la  tombe  des  morts.  Voyage  autour  du  Cau- 
case,  Tom.  III,  pag.  117  et  191. 

»  Chez  les  Osses  (peuplade  au  nord  du  Caucasej  lors  des  funérailles,  les 
parents  et  les  voisins  du  défunt  se  réunissent  dans  la  maison  de  deuil,  qui 
présente  le  même  tableau  de  lamentation  et  de  cris  qu'en  Géorgie.  Les  hom- 
mes se  frappent  avec  un  fouet  le  dos  et  la  nuque  ;  les  femmes  se  déchirent 

le  visage  et  la  gorge  ;  la  veuve  s'arrache  les  cheveux  ;  elle  cherche  même  à 
1 


AGE   DU    FBR.  433 

sait  au  défunt  des  présents  funéraires;  pour  les  hommes, 
c'était  une  épée  qui  devait  les  défendre  cobtre  leurs  en- 
nemis; pour  les  femmes,  une  aiguille  et  du  fil  dont  elles 
devaient  se  servir  pour  raccommoder  leurs  vétements^dans 
ce  long  voyage.  Les  pauvres  étaient  enterrés,  les  no\)les 
consumés  sur  un  bûcher.  Les  parents  accompagnaient  le 
convoi  à  cheval,  Tépée  à  la  main,  jetant  des  cris  pour 
écarter  les  esprits  malfaisants.  Arrivés  au  lieu  de  la  céré- 
monie, le  cortège  faisait  trois  fois  le  tour  du  bûcher,  en 
répétant  les  mots:  Halélé,  pourquoi  as-tu  quitté  la  vie? 
On  brûlait  avec  le  mort  des  meubles,  des  chevaux,  des 
chiens,  des  faucons,  tout  ce  qui  avait  servi  à  ses  besoins 

se  blesser  avec  une  arme  tranchante,  ou  avec  une  pierre  aiguë,  comme  le 
faisaient  les  anciens  Scythes  et  les  riverains  du  Bosphore,  qui  déposaient  ces 
pierres  ensanglantées  dans  le  tombeau. 

»  Après  trois  jours  de  pleurs,  on  enterre  le  mort,  enveloppé  d'un  feutre, 
dans  une  fosse  assez  profonde.  —  Un  an  après,  les  parents  donnent  un  grand 
festin  en  l'honneur  du  défunt.  Tous  les  habitants  des  villages  voisins,  et  mé- 
mo ceux  de  la  vallée  entière,  viennent  y  prendre  part.  Pour  augmenter  la 
solennité  de  la  fête,  on  établit  des  courses  de  chevaux.  Le  vainqueur  reçoit 
un  présent  consistant  en  bœufs.  —  Dans  plusieurs  parties  de  TOsseth,  cha- 
que famille  à  son  lieu  de  sépulture  séparé ,  c'est  un  vaste  b&timent  carré  avec 
une  entrée  très  étroite.  Deux  hommes  y  traînent  après  eux  sur  des  planches, 
le  corps  du  défunt;  quand  il  est  consumé,  on  mêle  ses  os  avec  ceux  du  reste 
de  la  famille.  LesDougors  suivent,  au  contraire,  Tusage  des  Géorgiens  et  des 
autres  Caucasiens.  Ils  parent  le  mort  de  ses  plus  beaux  habits  et  l'enterrent 
dans  des  fosses  murées,  peu  profondes,  ils  recouvrent  la  tombe  avec  des  pier- 
res plates,  et  Ton  y  plante  des  arbres;  du  côté  delà  tête,  on  érige,  pour  les 
personnes  de  distinction,  des  pierres  carrées  de  la  hauteur  d'un  homme, 
taillées  irrégulièrement.  Reineggs  assure  que  dans  les  anciens  tombeaux  des 
Osses,  on  trouve  souvent  des  monnaies  cufiques,  sassanides  et  géorgiennes. 
—  Mourir  frappé  par  la  foudre  est,  comme  chez  les  Lithuaniens,  quelque 
chose  de  saint.  On  enterre  le  défunt  à  la  place  où  il  a  été  frappé  ;  on  y  tue 
un  bouc  noir,  dont  la  peau  est  empaillée  et  suspendue  à  une  perche  sur  le 
tombeau  du  nouveau  saint,  que  l'on  croit  appelé  par  Elie,  le  grand  saint  et 
patron  des  Osses.  ■  {Voyage  autour  du  Caucase,  Tom.  IV,  pag.  450.) 


k^'lk  MONUMENTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

OU  à  ses  plaisirs  sur  la  terre;  quelquefois  même,  des 
femmes,  des  esclaves»  attachés  au  défunt,  étaieut  préci- 
pités dans  les  flammes.  Des  panégyristes,  nommés  TVi^ts- 
sons  ou  Ligtistons,  faisaient  l'éloge  du  mort,  qu'ils  croyaient 
voir  dans  les  nuages,  monté  sur  un  cheval  blanc,  revêtu 
d'armes  brillantes,  tenant  trois  étoiles  dans  la  main  droite, 
un  faucon  dans  la  main  gauche,  et  s'avançant  vers  un 
autre  monde,  dans  tout  l'éclat  de  la  puissance  et  de  la 
gloire  *.  » 

Les  tnmuli  de  cette  période,  avons-nous  dit,  ne  se  dis- 
tinguent guère  par  leur  construction  de  ceux  de  la  période 
précédente,  bien  qu'ils  présentent  en  général  des  dimen- 
sions moins  considérables;  cependant  au  point  peu  avancé 
où  en  sont  les  recherches,  quelques  faits  se  présentent 
comme  des  irrégularités  accidentelles  qui  doivent  pour- 
tant avoir  leur  raison  d'être.  Ainsi,  entre  Weimar  et  Dorn- 
burg,  près  de  Ramstedt,  était  un  tumulus  de  35  pieds  d'é- 
lévation. Au  centre,  le  tombeau  principal,  formé  de  grandes 
plaques  et  recouvert  de  4  dalles,  contenait  deux  squelettes, 
l'un  d'homme,  l'autre  de  femme,  de  chaque  côté  se  trou- 
vait une  petite  cellule,  et  tout  auprès,  le  squelette  d'un 
petit  enfant  reposait  dans  une  caisse  ou  cercueil  en  pierre. 
Un  peu  plus  loin,  un  squelette  également  protégé  par  des 
pierres,  était  entouré  de  vases,  de  dents  d'animaux,  de 
couteaux  en  fer  et  d'autres  objets.  D'autres  tombes  consis 
taient  en  simples  rangées  de  pierre;  quelques-unes,  au- 
dessus  du  tombeau  principal,  conservaient  encore  quel- 
ques restes  de  cercueils  en  bols  sous  de  petites  voûtes  de 
pierres  sans  mortier*.  On  a  trouvé,  dans  ces  divers  loni- 

'  Michaud,  loin.  Ul,  pag.  642.  Pièces  justificatives. 
*  Kefersl.  Kelt.  AU.  s.  43. 


AGE    DU    FER.  425 

beaux,  des  cornes,  des  vases,  des  anneaux,  des  grains  de 
colliers  en  verre  et  en  cristal,  une  bague,  des  boucles  d'o- 
reilles enrichies  de  carnioles,  des  agrafes  de  bronze  et 
d'argent,  et  quelques  instruments  en  fer  ^  —  Un  autre 
tumulus,  près  de  Wemburg,  entre  Ravis  et  Pôssneck,  re- 
couvrait plusieurs  cercueils  en  pierre,  20  squelettes,  des 
armes,  une  urne  de  verre  et  des  objets  en  fer*.  —  Vers 
Mûcheln,  non  loin  de  Merseburg,  les  urnes  des  tumuli 
étaient  accompagnées  -d'ornements  divers  et  d'éperons  en 
fer  \ 

Dans  Y  Ancienne  Marche,  on  trouve  des  petites  collines, 
pareilles  à  un  segment  de  sphère,  dont  la  base  est  souvent 
entourée  de  blocs  informes,  pris  en  partie  dans  le  sol.  A 
l'intérieur,  les  urnes  cinéraires  sont  déposées  en  grand 
nombre  dans  la  terre  ou  le  sable,  quelques-unes  ont  pour 
couvercle  un  plateau  en  argile,  et  plusieurs  contiennent 
avec  les  cendres,  des  jouets  d'enfants,  des  couteaux  en  fer» 
des  grains  de  colliers  en  verre,  des  fibules,  des  épingles, 
des  anneaux  et  des  chaînes  en  cuivre  ou  en  fer.  Les  orne- 
ments sont  variés  et  différents  parfois  d'une  colline  à  une 
autre  colline  ^. 

Au  nord  de  l'Allemagne,  les  tombeaux  de  l'âge  qui  nous 
occupe  sont  des  espèces  de  cimetières,  dans  lesquels  on 
retrouve,  non  des  squelettes,  mais  des  urnes  cinéraires 
déposées  en  grand  nombre  dans  le  sol.  Ces  places  d'urnes 


*  Keferstein,  Keli.  Alt,9  s.  47. 

*  Keferstein,  Kelt.  AU.,  s.  11. 

'  Bohême^  Mathias  Kalina,  s.  101-103;  171  ITi,  autres  tumuli. 

*'  Ainsi  le  Wolfiberg  près  de  Bries,  quelques  collines  dans  le  voisinage  de 
Guuefeld,  une  près  de  Lohne,  une  près  de  Bieie.  —  Neue  Mitth.,  von  Halle, 
Band  11,  111  und  IV  Heft,  s.  544-584. 


426  MONIJMBNTS    DB    L*ANTIQUITB. 

provienDeDi  esseniiellemeDi  des  Wendes  ou  Slaves  qai  ar- 
rivèreot  au  III^^  siècle  sur  les  bords  de  TOder,  et  s'éfeo* 
dirent  jusqu'à  TElbe,  et  au  delà  de  Luneburg,  à  la  fin  do 
V*  siècle.  Ils  pratiquèrent  leur  culte  dans  ces  contrées  jus* 
qu'au  IX^,  et  même  en  quelques  lieux,  jusqu'au  XII*  siècle 
de  notre  ère  *.  —  Les  parties  sablonneuses  de  l'ancienne 
Marche  possèdent  beaucoup  de  ces  places  d'urnes,  eotr'ao- 
tres  sur  les  hauteurs  du  Feldmark,  sur  le  Windmiihlen' 
bery  et  sur  le  Sandberg.  Les  urnes  reposent  dans  le  sable 
à  une  profondeur  d'environ  2  pieds  ;  quelquefois  une  pierre 
plate  leur  sert  de  couvercle,  souvent  elles  sont  si  Dom- 
breuses  qu'elles  se  touchent  toutes.  Leur  contenu  est  à 
peu  près  le  même  que  celui  des  tombeaux  de  l'âge  précé- 
dent*. —  A  Wœnig,  près  de  Bergen,  dans  le  Hanovre  ', 
ces  urnes,  avaient  été  déposées  sur  un  pavé  à  peu  de  pro- 
fondeur dans  le  sol,  et  au-dessus  de  chacune  d'elles,  était 
un  bloc  de  granit  en  guise  de  pierre  sépulcrale.  —  Dans 
le  district  de  Potsdam,  on  a  découvert  près  de  Gnewikow, 
six  urnes  d'argile  disposées  en  cercle,  à  une  égale  distance 
les  unes  des  autres,  sous  la  surface  du  sol.  Au  centre  se 

*  lU  s'établirent  aussi  sur  les  bords  de  la  Saale,  et  en  Franconie  jusqu'à 
Bamberg,  Wiinburg  et  Fielda.  Quelques  colonies  slaves  allèrent  jusqu'en  Hol- 
lande dans  la  contrée  d'Otrecht.  et  en  Angleterre  dans  le  comté  de  Wittshire. 
—  Keferst.  Kelt,  AU.  s.  369.  L'an  1006,  Ludwig,  Script,  rerum  Bamberg. 
pag.  1116,  dit  que  l'Evéché  de  Bamberg  était  en  grande  partie  habité  par  de» 
Slaves. 

*  Ainsi  le  Zoaskenherg  près  Briez,  le  Windmiihlenberg  près  Eluine^  le 
Windmiililenberg  près  Gùstefeld,  le  Windmiihlenberg  près  Zethhnçen,  k 
Sandberg  près  Kahrstedt^  le  Sandberg  près  l^ohne.  —  Places  identiques  près 
de  Luchow  et  de  Vfuttrow  dans  le  Hanovre. 

'  A  deux  milles  de  Salzweden.  — Voir  les  détails  sur  ces  différentes  places 
dans  les  Neue  Miith..  von  Halle,  Band  II,  III  und  IV  HeA,  s.  S44-S84.  Mt- 
moire  du  prof.  Daniel. 


AGE   Dt    PEU,  4i7 

Iroufaii  on  beau  vase  en  bronxe  dont  l'anse  est  adaptée» 
de  chaque  cAté  du  col»  à  on  anneau  qui  surmonte  une  tête 
ailée.  Un  umbo,  des  épées  repioyées,  des  fers  de  lance, 
des  ciseaux  à  ressort  et  des  éperons,  tous  en  fer,  occupaient 
Tespace  compris  entre  le  fase  de  bronie  et  les  urnes 
d'argile. 

En  général,  ces  sépultures  sont  un  simple  dépôt  dans  le 
sol  avec  des  dispositions  diverses,  mais  au  nord  de  la 
PoméreUie  elles  reproduisent  un  genre  de  construction 
propre  à  plusieurs  tumuli«  dont  elle  ne  différent  que  par 
Tabsence  des  collines  artificielles.  A  un  mille  et  demi  au 
sud-ouest  du  point  où  la  presqu'île  d'Héla  s'unit  à  la  terre 
ferme,  s*éléve,  dans  une  grande  plaine,  une  hauteur  na- 
turelle, choisie  anciennement  pour  lieu  de  sépulture.  Les 
tombeaux  qui  y  ont  été  déposés  offrent  la  construction 
suivante:  A  une  profondeur  de  3  ou  4  pieds  gisent  des 
dalles  brutes  placées  horizontalement  qui  servent  de  base 
à  d'autres  dalles  posées  de  champ,  de  manière  à  former 
des  caisses  cubiques,  recouvertes  d'une  ou  plusieurs 
pierres  plates.  Une  grosse  pierre  repose  sur  le  couvercle. 
Quelques-unes  de  ces  caisses  ne  contiennent  qu'une  urne, 
d'autres  n'en  renferment  pas  moins  de  10.  La  forme  et  la 
grandeur  de  urnes  varient.  Tune  portait  les  traits  d'une 
figure  humaine,  dont  les  oreilles  étaient  représentées  par 
celles  du  vase  *,  deux  autres  avaient  aussi  de  petites  anses 
en  forme  d'oreilles,  percées  chacune  de  deux  trous  où 
passaient  des  anneaux  en  bronze  ornés  de  perles  d'ambre 

*  J>a  ai  «M  <!•  pareillM  diM  U  collMtkNi  de  U  Soc.  d'hitt  et  d'aiiC  à  Mu- 
Bk-h.  -  Voir  lOMi  UëM  ICdn.  Muêemm.  von  Uàtbur,  Taf.  Il,  ••  I.  I41t,  I. 
14tl.  —  Un  vate.  n«  I,  1659.  eti  caneai  on  e«  qvo  l'aMO  d«  vom  fonso  lo 
•oi  do  la  Sfiiro. 


kiS  MONUMENTS    DE    l'aNTIQLITÉ. 

et  de  verre.  Dans  les  aroes,  ou  à  côté,  on  a  recueilli  d'au- 
tres anqeaux  pareillement  ornés  de  perles,  une  bague,  une 
fibule  à  ressort  en  bronze  et  quelques  fragments  d'an- 
neaux en  fer.  —  Sur  une  autre  colline  de  la  même  contrée, 
dans  le  domaine  de  Klein  siarzin,  près  de  Radiscbau,  d'au- 
tres tombeaux  ne  différaient  des  précédents  que  par  la 
forme  de  la  cellule,  qui,  au  lieu  d'être  carrée,  était  circu- 
laire et  construite  de  pierres  informes  à  la  place  de  dalles. 
—  A  l'ouest  de  Danzig,  on  a  trouvé,  sur  les  hauteurs  de 
Hagelsberg,  plusieurs  urnes,  l'une  avec  des  monnaies  cufi- 
ques  et  un  vase  dont  le  couvercle  était  surmonté  de  la 
figure  d'une  femme  éplorée  (en  bronze).  —  Enfin,  au  sud 
de  Danzig,  près  deGiscbkau,  les  urnes  d'un  tombeau  en 
pierre,  contenant  des  cendres,  un  anneau,  des  perles 
d'ambre,  de  verre  bleu,  et  trois  deniers  en  argent  de 
Domitien  et  d'Adrien  \ 

Ces  places  d'urnes^xistent  dans  plusieurs  lieux  du  Ha- 
novre, entr'autres  près  de  Lunebourg.  Elles  sont  nom- 
breuses dans  les  duchés  de  Mecklenbourg  •,  dans  la  Po- 
méranie  et  hPomérellie.  Plus  rares  en  Thuringe  que  sur 
la  rive  droite  de  la  Saale,  on  les  retrouve  dans  les  environs 
de  Magdebourg,  dans  le  Brandenbourg,  et  sur  les  bords  de 
rOder  *,  surtout  au  sud  du  district  de  Frankfort.  Dans  les 
environs  de  Breslau^  on  a  recueilli  plusieurs  milliers  de 

'  ^eue  MUth.  von  Halle,  VIU  Band,  lU  Heft.,  1848,  s.  1-90. 

*  Surtout  près  de  Preseck,  Kothendorf,  Marnitz,  Cheine,  Camirs,  Pritzin,  etc. 
On  y  trouve  beaucoup  d'objets  en  fer.  —Jahrburch  von  Schwôrin,  Vfll,  58- 
75,  77. 

'  A  l'est  de  l'Oder  les  urnes  de  pierre  sont  souvent  sous  la  terre  sans 
collines. 

*  Près  d'Oels  et  Trebnitz  est  Musela  où  Hermann  recueillit  en  1711  plus  de 
10,000  urnes.  Le  district  de  Reichenbach,  sud  de  Breslau,  est  riche  en  urnes. 


AGE    DU    FER.  4*29 

ces  urnes.  Les  places  d'urnes  sont  aussi  fort  répandues 
dans  la  Ltisace,  dans  le  royaume  de  Saxe  \  dans  la  Bohême  * 
et  dans  la  Moravie^.  —  Les  noms  des  collines  et  des  vil- 
lages auprès  desquels  on  les  retrouve  sont  fréquemment 
d'origine  slave,  l'absence  de  ce  genre  de  cimetières  dans 
les  contrées  qui  ne  furent  pas  occupées  par  les  Wendes  ne 
laisse  d'ailleurs  pas  de  doute  sur  la  population  à  laquelle 
on  doit  attribuer  ce  mode  de  sépulture. 

Malgré  le  grand  nombre  de  ces  places,  on  doit  cependant 
reconnaître  que  pendant  que  les  Wendes  déposaient  leurs 
urnes  cinéraires  sous  la  surface  du  soi,  les  Germains  con- 
tinuèrent, en  plus  d'un  lieu,  à  élever  les  tumuli  selon 
leur  ancien  usage.  On  peut  s'en  convaincre  par  la  présence, 
dans  quelques-unes  de  ces  collines,  de  vases  ^  ou  d'autres 
objets  enlevés  à  des  temples  chrétiens,  et  déposés  dans  les 
tombeaux  païens  comme  des  dépouilles  qui  témoignaient 
des  hauts  faits  du  défunt.  Ainsi  s'explique  la  rencontre  as« 
sez  fréquente  d'objets  d'un  art  étranger. 

Une  dernière  classe  de  tombeaux  rentre  dans  les  cime- 


*  Les  places  d'urnes  sont  très  répandues  presque  dans  tous  les  lieux  an- 
ciens de  la  (iUsace,  dans  les  cercles  de  Mussen,  de  Leipsick,  surtout  dans 
le  voisinage  du  fleuve,  en  partie  dans  les  vallées,  en  partie  sur  les  hauteurs 
voisines.  A  côté  des  antiquités  d'origine  barbare  il  n'est  pas  rare  d'y  retrou- 
ver des  antiquités  d'origine  romaines. 

'  Près  de  Prague,  vers  Nettowitz,  grande  place  d'urnes  avec  beaucoup  d'ob- 
jets. Ces  places  plus  ou  moins  grandes  sont  extrêmement  nombreuses  dans 
toute  la  Bohême. 

»  Keferstein,  Kelt.  Alt.  3,  74,  77,  78,  81,  86,  98,  108,  111,  114,  119,  li'4 
134. 

*  Ainsi  trois  vases  en  bronze,  un  en  forme  de  griffon  et  deux  en  forme  de 
lion,  conservés  dans  la  collection  de  Berlin  sous  les  n^  II,  2860,  II,  2986.  — 
L'Age  auquel  ces  objets  sont  déposés  dans  les  tombeaux  est  le  même  que  celui 
des  places  d'urnes 


A30  liONUMBNTS   DE    l'aNTIQUITÉ. 

iières  proprement  dits»  dont  l'usage  se  répandit  avec  le 
christianisme. — Les  tombeaux,  déposés  dans  le  so)  par  ali- 
gnements plus  ou  moins  réguliers,  sont  généralement  cons- 
truits avec  des  pierres  brutes,  entre  lesquelles  le  mort  est 
étendu  sur  le  dos.  Les  armes  et  les  ornements  sont  encore 
ceux  qu'on  retrouve  dans  les  tumuli  et  les  places  d'urnes, 
mais  parfois  d'un  art  un  peu  plus  développé  *.  il  est  dif- 
ficile de  les  attribuer  avec  certitude  à  l'époque  chrétienne, 
à  moins  qu'ils  ne  renferment  des  monnaies  qui  indiquent 
leur  date,  ou  des  symboles  de  la  foi  nouvelle.  Dés  qu'ils 
sont  éloignés  des  lieux  d'habitation  ils  remontent  toujours 
à  une  certaine  antiquité,  vu  que  l'usage  d'inhumer  autour 
des  temples  suivit  de  près  l'introduction  du  christianisme 
dans  ces  pays.  —  On  a  découvert  de  tels  cimetières  dans 
les  environs  de  Meiningen  •  et  A'Erfurt.  Ces  derniers  con- 
tenaient quelques  vases,  des  colliers  en  chaînes  d'argent 
ou  en  perles  d'ambre  et  de  verre,  des  anneaux,  des  orne- 
ments de  bronze  ou  d'argent,  et  beaucoup  de  couteaux  en 
fer*.  —  Plusieurs  cimetières  ont  été  fouillés  dans  le  du- 
ché de  Saxe-Weimar;  on  y  a  trouvé  des  vases  d'argilo, 
des  anneaux  de  bronze  et  de  fer,  des  bagues  en  or,  des 


*  Le  squelette  déposé  en  terre,  sans  colline,  n'est  cependant  pas  toujours 
de  l'époque  qui  nous  occupe,  comme  on  peut  s'en  convaincre  par  ceux  de 
Pierra-Portay  près  Lausanne,  de  Verschiez  et  de  Charpigny,  de  Hallstadt  près 
Salsbourg,  d'autres  en  Angleterre  et  en  Allemagne,  mais  on  manque  encore 
de  recherches  suffisantes  pour  déterminer  ces  exceptions. 

*  Près  de  HHàburghausen,  squelettes  en  terre  libre  d'hommes  et  d'enfants 
chaque  mort  avait  un  couteau  en  fer  auprès  de  lui,  très  petit  pour  les  enfants. 
Quelques  crânes  étaient  entourés  d'un  fin  fil  d'argent.  On  y  a  trouvé  des 
perles  de  verre  noir  et  deux  petites  figures  de  femme,  d'argile  blanche  très 
fine.  Wagener  fig.  599-600. 

'  Keferstein,  pag.  il. 


A6B  DU  rm.  431 

boQcles  d'oreilles  enrichies  de  caraioles,  des  colliers  d'am- 
bre, des  fibules  ornées  d'émaox,  des  perles  de  ferre  en 
mosaïque,  des  armes  en  fer,  comme  poinles  de  traits,  cou- 
teaux, poignards,  épée  à  deux  tranchants,  des  dents  de 
chevaux  et  des  os  d'oiseaux.  Au-dessus  des  tombes  étaient 
quelquefois  des  pierres  disposées  en  cercle,  mais  le  plus 
souvent  aucune  marque  à  la  surface  du  sol  n'indiquait  leur 
existence  '.  On  a  aussi  observé  des  tombeaux  pareils  dans 
la  Thuringe  *  et  sur  les  côtes  du  Meklembomrg  *. 

Formes. 

Si  Ton  jette  on  coup  d'œil  d'ensemble  sur  les  objets 
découverts  dans  les  divers  genres  de  tombeaux  que  nous 
venons  de  mentionner,  il  est  facile  de  saisir  de  nombreux 
traits  de  distinction  avec  la  période  précédente.  —  Les 
kracelels,  l>eaucoup  moins  nombreux,  ne  présentent  plus 
le  même  genre  de  gravure.  Les  colliers,  au  lieu  d'être 
formés  d'un  cercle  de  métal,  se  composent  de  grains  d'am- 
bre, de  verre  et  d'une  pâte  argileuse.  L'ambre  provenait 
des  bords  de  la  Baltique.  Il  est  difficile  d'indiquer  la  pro- 
venance des  autres  perles,  de  formes  et  de  couleurs  va- 
riées. On  en  trouve  des  sphériques,  des  cylindriques,  des 
elliptiques;  elles  sont  unies  ou  à  parties  saillantes,  transpa 
rentes  ou  opaques,  émaillées  ou  à  mosaïque,  ornées  de 
disques  ou  de  lignes  ondulées.  Ces  grains  de  collier,  avec 
leur  diversité,  se  retrouvent  partout  en  Europe  i  l'âge 


•  OÉfcU  p*r«ib  prêt  il«  Cille,  «*l  4e  PoMwiU.  k^Êtni.  U. 

•  KeCenl.  «9. 

•  Kelw»t.M. 


43*2  MONUMENTS    DE    L'AffTlQUITÉ. 

qoi  nous  occupe,  et  ce  qui  n'est  pas  moins  surprenaol, 
c'est  que  quelques-uns  paraissent  déjà  à  côté  des  momies 
égyptiennes,  avec  tous  les  caractères  propres  à  ceax  do 
Nord*.  Cette  analogie  de  formes  et  de  teintes,  à  des 
époques  et  dans  des  contrées  si  distantes  les  unes  des 
autres,  doit  faire  remonter  l'invention  de  cet  art  à  une 
haute  antiquité,  cependant  il  ne  se  répand  qu*assez  tard  eo 
Europe,  sans  qu'on  puisse  dire  de  quelle  partie  de  l'Asie 
il  a  été  importé  V  —  Plusieurs  fibules  reproduisent  les 
formes  anciennes,  mais  on  ne  trouve  plus  ces  broches  à 
grandes  spirales  qui  ne  servaient  pas  moins  d'armure  que 
d'ornements;  quelques-unes  sont  munies  d'une  plaque  en 
fer  allongée  ou  triangulaire  *  que  nous  ne  tarderons 
pas  à  retrouver  sur  les  agrafes;  d'autres,  en  bronze  doré« 
sont  ornées  de  ciselures  profondes^  qui  remplacent  la 
légère  gravure  de  l'âge  précédent.  Les  boucles  munies' 
d'un  ardillon  commencent  à  paraître  *.  Les  armes  ne  pré- 
sentent pas  un  changement  moins  sensible.  L'ancienne 
êpée,  avec  sa  petite  poignée  et  le  tranchant  ondulé  de  sa 
lame,  est  remplacée  par  une  épée  plus  longue,  avec  poignée 
en  os  ou  en  bois;  le  pommeau  et  la  croisière  en  fer  sont 
encore  rares*,  la  lame  droite,  large  et  à  deux  tranchants 

*  Eiitr'aiitres  les  perles  à  côles  comme  celles  de  Bel- Air. 

•  Si  c'était  par  les  Phéniciens,  comment  arriverait-il  qu'il  ne  fût  p.iî»  pli« 
ancien  rians  le  Nord?  Je  n'ai  pas  non  plus  d'indices  qui  me  permetteiu  d'en 
attribuer  l'extension  aux  Phocéens  ou  aux  Massaliotes.  Des  perles  pareilles  se 
trouvent  en  Crimée.  Seraient-elles  introduites  par  les  dernir^res  jurandes  in- 
vasions d'orient  à  occident  ? 

'  De  Udehitr,  flg.  II,  1338. 

*  De  Ledehur,  fig.  Il,  5ii,  II,  517.  Wajfencr,  fijç.  67,  «8  :  d'Anjçerbur^ 
N.  K.  de  la  Prusse. 

'  Wagener,  fig.  99i. 

•  Seue  yttth.  von  Halle,  II.  Band,  h  Heft.  Taf.  I.  fijf.  14. 


AGE    DU    FER.  433 

parallèles,  se  termine  brasquement  en  pointe  peu  acérée, 
La  facilité  avec  laquelle  on  les  a  reployées  pour  les  dé* 
poser  dans  les  urnes  permet  de  douter  de  leur  qualité. 
Quant  aux  sabres  recourbés  qu'on  voit  entre  les  mains  des 
Germains  sur  la  colonne  Trajane,  on  ne  peut  dire  s'ils  sont 
une  invention  de  l'artiste,  ou  si  leur  absence  totale  dans 
les  collections  de  TAIIemagne  provient  d'un  manque  de 
fouilles  sufiQsantes.  —  Le  fer  de  lance,  en  se  rapprochant 
davantage  de  l'ancienne  forme,  reçoit  parfois  des  dimen- 
sions plus  considérables.  —  La  hache  en  fer  prend  dans 
quelques  cas  assez  rares  la  forme  du  celt\  —  Le  bouclier 
n'est  plus  entièrement  en  métal  ;  garni  de  fer  sur  les  bords, 
il  est  revêtu  au  centre  d'un  umbo  circulaire  dont  la  partie 
proéminente  est  demi-sphérique  ou  terminée  par  une 
pointe  assez  pareille  au  col  allongé  d'un  vase.  —  Au  lieu 
de  l'ancien  couteau  légèrement  arqué,  la  lame  affecte  la 
forme  la  plus  usitée  de  nos  jours.  —  Les  faucilles  sont 
plus  grandes  et  moins  larges  que  celles  de  bronze  V  —  Les 
ciseaux  ne  diffèrent  des  précédents  que  par  le  métal.  — 
Des  éperons,  propres  au  nord  de  l'Allemagne,  consistent 
en  un  petit  arc  de  cercle,  fixé  à  la  chaussure  par  des  clous, 
et  muni  d'une  forte  pointe  conique  '. 

Les  vases  et  les  urnes  en  argile  occupent  une  grande 
place  dans  les  antiquités  de  cet  âge,  et  reproduisent  la  plu- 
part des  formes  que  nous  avons  décrites  précédemment. 
Le  moyen  le  plus  sûr  pour  apprécier  l'âge  auquel  ils  ap- 
partiennent, est  de  tenir  compte  des  objets  qui  les  accom- 


*  Collection  du  pasteur  Au^^stin,  à  Halberstadt. 

*  Planche  du  pasteur  Aun^stin,  XV,  8. 

*  Jahresbericht  von  Schwerin,  tom.  VI,  Taf.  I,  s.  148. 

MÉM.  ET  DOCUM.  XXV.  t8 


434  M0NUMEff*r6«  DB  l'âmtiquité. 

pagoenti  La  plopart  sont  bnms,  jaDDâlresoe  ooîpsi;  les 
UDS  sont  d'unei  argile  grossière,  mêlée  de  petites^  pierres 
siliceuses;  d'aiftires;  d'une  pâte  très  fine;  ont  consenré  le 
brillant  dnr  Ternis.  Lesr  omemencis:  dont  les  vasesisonl  iwh 
vêtus,  consistent  toujours  en  poiotillages  et  en  lignes<grar* 
vées,  droites,  parallèles^,  brisées  ou  ondulées  avm  \Aus  ou 
moins  &&  bonbeur.  Un  petit  nombre  d'urnes  reprodoiseat 
les  traits  de  figures  bumaines  et  de  quadrupèdes  Infor* 
mes  S' il  n'ôst  pas  moins)  rare  de  retrouver  des  lettres^  qms^ 
du  reste,  n'ofl^ent  aucun  sens  V  Souvent  on  a  cherché  des 
distinctions  de  peuples  dans  la  diversité  des  formes  et  des 
ornements,  mais  ces  essais  restent  infructueux  vi&-à«vis 
ée  découvertes  qui  présentent  toutes  les  variétés  réunies 
en  un  même  lieu  '.  Les  vases  en  bronze  et  en  verre  soaI 
le  plus  souvent  le  produit  d'un  art  étranger.  —  On  a  re- 
trouvé quelquefois  dans  des^  tumuli  des  lions  et  des  grift- 
fons  en  bronze  avec  une  ouverture  sur  la  tête  ou  sur  le 
dos  destinée  à  introduire  le  liquide  qui  se  répandait  en- 
suite par  la  gueule  de  l'animal  ;  l'extrémité  de  la  que»e 
est  ordinairement  ramenée  entre  les  deux  oreilles  de  m»- 
nièreà  former  une  anse.  Ces  vases  curieux  ont  souvenlèlé 
envisagés  comme  appartenant  à  l'ancien  culte  ^;  un  exa- 


•  Von  Ledebur,  Tab.  il,  Hg.  I,  1409-1411.  —  Wagcner,  fig.  64860. 

*  Von  Ledebur,  Tab.  V.  fig.  I,  793.  —  Deutsche  Alterth.  von  Kruie»  HaUe, 
Band  H,  Heft  VI,  Tab.  I,  fig.  1,  2. 

*  Neue  Mitth,  von  Halle,  Band  II,  HeR  I,  108-128. 

♦  Deutsche  Alterth.  von  Kruse,  Band  I,  Heft.  IV,  Tab.  I,  II.  —  Grwiéyage 
der  bomischen  AHerthums  Kunde,  von  Woul.  Taf.  II.  —  Wagener  Deut.  AU. 
fig.  683-980,  trouvés  dans  la  terre  en  Bohême,  fig.  1056  trouvé  près  de  Scher- 
bitz,  entre  Halle  et  Leipsick,  avec  plusieurs  unies  d'argile,  ftg.  1054^55^57  et 
Og.  1349,  en  bronze,  trouvés  dans  un  tombeau  près  de  Xanten.  Vases  pareils 
en  Danemark,  Norwége.  ^Ôborg. 


AGE   m    FBR.  435 

men  plas  attentif  n'a  pas  tardé  à  faire  voir  qn'ils  étaient 
employés  dans  les  temples  cbréliens,  d*oii  tes  païens  du 
nord  les  ont  enlevés  plus  d'une  fois  et  déposés  dans  leurs 
tombeaTix  comme  trophées.  L'inventaire  des  ornements 
et  objets  dirers  d'un  temple  cbrétien  du  moyen  âge  parle 
de  rases  nommés  manilia,  <  destinés  à  répandre  Feati 
sur  les  mains  des  prêtres  et  dont  la  forme  est  celle  de 
lions,  de  griffons,  de  dragons,  d'oiseaux,  et  d'autres  ani- 
maFUx'.  »  Ces  vases  se  retrouvent  avec  les  plats  évasés 
ornés  de  sujets  chrétiens  et  d'inscriptions  mystérieuses 
qu'on  voit  encore  sur  les  fonds  baptismaux  de  quelques 
églises.  Ils  ont  été  répandus  sur  toute  l'Europe,  de  la 
Sicile  à  l'Islande,  du  X®  au  XVI^  siècle.  Les  inscriptions  se 
réduisent  à  un  petit  nombre  de  légendes  dont  l'origine  est 
orientale.  En  rapprochant  les  variétés,  il  est  facile  de  se 
convaincre  de  l'ignorance  de  l'ouvrier,  qui  imitait  les  ca* 
ractères  sans  en  comprendre  la  signification  '.  Ce  fait  nous 
montre  que  ce  n'est  pas  chez  les  païens  de  l'Europe  qu'il 
faut  chercher  la  forme  primitive  de  ces  vases  curieux,  ap- 
propriés plus  tard  au  culte  chrétien.  Si  les  inscriptions 
nous  conduisent  à  ce  résultat,  on  reconnaîtra  aussi  que  la 
représentation  du  lion  et  du  griffon  ne  peut  être  originai-* 
rement  propre  à  l'Europe  ;  d'un  autre  côté,  le  trafvail  de 
ees  pièces  ne  répond  en  rien  à  l'art  métallurgique  de  l'âge 


'  Urstisii  res  Germ.  pag.  568.  «  Uraei  argeiitei  diversarum  formanim  quos 
manilia  vocant,  eo  quod  ex  eis  aqua  sacerdotum  manibus  funderetur,  baben- 
tes  formam  leonum,  dragonum,  avium  et  gripborum,  vel  aliorum  animalium 
quorumcunque.  »  Ursticius  extrait  ce  passage  d'un  inventaire  du  moyen  âge 
inséré  dans  le  Conradi  Chronicon. 

'  n  faut  en  excepter  Tinscription  du  plat  de  Bex  que  j*ai  procuré  au  Musée 
de  Lausanne,  et  qui  est  en  ancien  allemand. 


436  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITÉ. 

qui  nous  occupe.  —  Ici  encore,  déterminer  le  point  de 
départ  n'est  pas  chose  facile.  Une  indication  moins  incer- 
taine que  celle  dont  je  vais  parler  aurait  fait  faire  un  pas 
à  la  question.  Un  marchand  d'antiquités  me  montrait  dans 
sa  collection  à  Moscou  deux  lions  et  deux  plats  pareils  à 
ceux  que  je  viens  de  décrire;  il  prétendait  que  ces  pièces 
venaient  des  Indes,  où  l'on  s'en  sert,  disait-il,  à  un  usage 
religeux.  Sans  nier  la  possibilité  de  cette  provenance,  on 
ne  doit  cependant  pas  accorder  trop  de  confiance  aux  as- 
sertions d'une  personne  intéressée. 

On  trouve  aussi  en  Allemagne  quelques  figurines  en 
bronze  dans  lesquelles  on  voit  la  représentation  d'anciens 
dieux  germains.  Le  cabinet  d'antiquités  de  Sondershausen 
conserve  l'image  un  peu  mutilée  du  dieu  Pûstrich  *,  re- 
marquable par  son  embonpoint.  —  Une  repré3entation  du 
soleil,  découverte  en  1745,  dans  la  Poméranie,  consiste  en 
une  plaque  de  bronze,  haute  de  3  pieds  7  pouces,  sur  la- 
quelle le  buste  et  la  tôle  rayonnante  du  dieu  ressortent 
par  le  bosselage  *.  César  dit  que  le  culte  du  soleil  était 
généralement  adopté  par  les  Germains  et  qu'il  avait  été 
apporté  d'Asie.  —  Au  musée  de  Sirélitz  sont  plusieurs  fi- 
gures informes  et  grotesques,  dans  lesquelles  on  a  cru  re- 
connaître les  principaux  dieux  des  Slaves  et  des  Ger- 
mains %  mais  la  critique  a  jeté  en  doute  l'authenticité  de 
la  plupart  de  ces  pièces  qui  paraissent  être  l'œuvre  d'un 
faussaire  du  siècle  passé.  —  D'autres  statuettes,  prises 


*  Wagener,  fig.  1138. 

•  De  Ledebur,  n»  II,  1921;  id.  Wagener,  pag.  625. 

»  Wagener,  Découvertede  RheUa  (Meck.  Strel.)  fig.  1016-25.  Roncowa  (dist. 
Kônigsb.)  fig.  1032-9. 


AGE    DU    FER.  /|37 

quelquefois  pour  d'anciens  dieux,  sont  généralement  d'un 
âge  postérieur  au  paganisme  ^ 

Sur  les  côtes  méridionales  de  la  Baltique,  on  a  retrouvé 
quelquefois  au  milieu  de  monnaies  cufiques,  des  colliers  de 
fils  d'argent  tressés  avec  art,  dont  nous  aurons  à  cons- 
tater l'origine  étrangère  à  propos  des  nombreuses  décou- 
vertes de  ce  genre  en  Suède.  Plusieurs  objets  à'art  romain 
ont  aussi  été  transportés  dans  ces  contrées  %  ainsi  que  les 
monnaies  en  or  des  rois  mérovingiens  '.  L'or,  abondant 
dans  la  période  précédente,  accompagne  rarement  les  an- 
tiquités de  cette  époque,  tandis  que  l'argent,  à  peu  près  in- 
connu précédemment,  commence  à  se  répandre;  mais  Tin- 
crustation  de  l'argent  sur  le  fer  n'a  encore  paru  qu'une  fois 
sur  une  broche  d'Haguenau,  dans  le  Mecklemburg  *. 

Le  contenu  des  tumuli  et  des  places  d'urnes  ne  présente 
pas  de  différences  assez  prononcées  pour  distinguer  les 
produits  d'art  des  familles  slaves  et  germaines  qui  occu- 
paient le  nord  de  la  Germanie,  mais  quant  aux  idées  veVw 
gieuses  la  fusion  fut  plus  lente  à  s'opérer,  ainsi  que  nous 
le  voyons  par  les  divers  modes  de  sépulture  usités  à  la 
même  époque. 

Danemark,  Suède  et  Norwége. 

Les  monuments  des  trois  royaumes  du  Nord,  malgré 
quelques  traits  de  distinction,  doivent  être  rapproché  les 

*  Grund%uge  der  bôhm,  Alt.  von  Woul  II,  flg.  1, 5,  7,  8.  —  Handbuch  von 
Klemm,  Taf.  XIX,  XX,  XXI.  —  Von  Udebur,  Taf.  VI. 

'  Jahresber,  von  Schvrerin  VIII,  s.  45. 
'  Communication  du  Dr  Lisch. 

*  Jahresber.  von  Schvrerin.  VIII,  s.  iS.  L'argent  est  déposé  sur  le  fer  sous 
la  forme  de  fines  perles. 


438  MONUMENTS   DB    L*ANTIQUITÉ. 

UQS  des  autres.  Daos  les  iges  précédents,  le  Danemark  et 
le  midi  de  la  Suède  nous  ont  déjà  offert  un  ricfae  champ 
d'observations,  et  cela  i  une  époque  où  la  Norwéf  e  était 
encore  inhabitée  et  où  la  Suède  moyenne  ne  complaît 
qu'un  petit  nombre  d'établissements.  Durant  la  période 
actuelle,  ces  dernières  contrées  reçoivent  une  population 
qui  a  laissé  de  nombreuses  traces  de  son  existence  et  jo«a 
un  hMe  important  dans  le  Nord. 

Quand  ou  cherche  à  se  faire  une  idée  exacte  des  nodes 
de  sépulture  usités  anciennement  on  se  trouve  souvent 
entouré  de  renseignements  divers  et  parfois  même  contra- 
dictoires, ce  qui  provient  presque  toujours  de  recherches 
incomplètes,  en  sorte  que  chacun  pose  comme  une  rèfle 
générale  des  observations  partielles.  L'erreur,  la  plupart 
du  temps,  provient  de  l'exagération  du  vrai.  —  En  tenant 
compte  de  ces  éléments  opposés,  il  en  résulte  que  les 
tombeaux  du  Danemark,  dans  lesquels  on  retrouvo  te  fer, 
présentent  dans  plusieurs  cas  l'usage  de  l'ustion.  L'urne 
cinéraire  est  protégée  par  une  caisse  en  pierre  carrée  ou 
oblongue,  ainsi  que  les  objets  qui  suivaient  le  défunt  dans 
la  tombe;  des  pierres  étaient  amoncelées  par-dessus  et  re- 
couvertes d'une  couche  de  terre  *.  — Cependant  à  Tépoque 
qui  nous  occupe,  l'usage  le  plus  général  chez  les  Danois 
fut  l'inhumation  dans  des  tumuli  plus  ou  moins  élevés.  Ils 
avaient  l'habitude  d'ensevelir  le  défunt  avec  son  cheval.  On 
retrouve  ordinairement,  à  cftté  des  deux  squelettes,  une 
épée  en  fer,  un  éperon,  un  étrier  et  un  mors;  quelquefois, 
la  bride  est  ornée  de  plaques  d'argent;  au  lieu  d'un  seul 
étrier  on  en  trouve  deux,  et  la  hache  d  arme  remplace  Té- 

*  Communication  de  M.  Sorterup. 


AOe   DU   FEA.  439 

p6eS  —  Dans  le  nord  de  V Amérique,  l'usage  d'ensevelir 
les  guerriers  avec  leurs  chevaux  existe  «ocore  de  nos 
jovrs.  Un  vojRageur  anglais  *  raconte  i  oe^et  qu'il  a  vu 
rmdre  les  deraters  devoirs  au  chef  faimeux  d'uoe  tribu. 
Le/corps  du  (guerrier  était  pkaeé  sur  son  cheval  de  bataille; 
tandis  qu^un  bonime  retenait  celui-ci  par  la  bride,  d^autres 
jetaient  de  la  terre  alentour....  Peu  à  peu,  la  terre  s'élève, 
recouvre  le  cheval,  puis  le  guerrier...  Ces  travaux  se  pour- 
suivent ainsi,  et  une  hauteur  considérable  domine  aujour- 
d'hui cette  contrée. 

Le  midi  de  la  Suède  a  beaucoup  de  points  de  rapports 
arec  le  Danemark.  L'inhumation  y  a  été  observée  plus  fré- 
quemment que  Tustion  \  —  Dans  la  Suède  moyenne  et  dans 
ta  Norwége,  les  tumuli  0Qt.des  caractères  communs  qui  les 
distinguent  de  ceux  dont  nous  venons  de  parler.  Généra- 
lement moins  grands  que  ceux  du  Danemark,  ils  sont  sou- 
vent entourés  à  leur  base  de  blocs  disposés  en  carrée  en 
triangle  ou  en  forme  de  vaisseau.  D'antres,  sou«  «es  ar- 
rangements de  blocs  à  l'extérieur,  recouvrent  souvent  des 
pierres  amoncelées  autour  d'une  caisse  en  pierre  ou  en  bois, 
dans  laquelle  repose  l'urne  cinéraire  ^vec  des  armes  en 
fer,  des  fibules  et  des  grains  de  colliers  émaiîlésou  à  mosaï- 
que. Ici,  l'ustion  est  générale  et  confirme  l'observation  de 
Snorro âlurlossea  qui  écrivait,  il  y  a  environ^  siècles,  que 
f  usage  du  bûcher  avait  duré  moins  longtemps  en  Danemark 
qu'en  Suède  et  en  Tlorwége.  VIslande,  qui  fut  peuplée  par 
djes  Norwégiens  dans  le  IX^  siècle,  conserve  des  collines  peu 


'  Mnem.  KonetI,  ¥on  Worsa»,  s.  79*84. 

«  M.  Gatlin. 

'  Gommunication  de  M.  le  prof.  Niisson. 


UkO  MONUMENTS    DE    l'aNTIQUITB. 

élevées,  entourées  comme  les  précédentes  de  blocs  pareil- 
lement disposés  ^ 

Les  tombeaux  de  cet  âge  sont  répandus  en  grand  nombre 
dans  les  pays  du  Nord'.  Les  terres  étant  généralement  peu 
cultivées,  le  sol  a  conservé  l'aspect  qu'il  présentait  il  y  a 
mille  ou  deux  mille  ans.  L'aridité  d'un  rocher  et  les  su- 


*  Dànem.  Von.,  s.  84-90. 

*  On  peut  rattacher  à  cet  &ge  par  la  construction,  les  tumuli  suivants,  situés 
près  d*Hélénendorf,  au  nord-est  du  lac  Sévang,  entre  la  mer  Noire  et  la  mer 
Caspienne.  «  Sur  un  vaste  espace  de  terrain,  au  sud-est  du  village  actuel,  on 
ne  voit  qu'enfoncements,  que  débris  de  murailles  de  terre  glaise  et  de  cailloux. 
—  A  Touest  de  ces  ruines  se  trouve  une  vingtaine  ou  une  trentaine  de  col- 
lines tumulaires  très  intéressantes.  Les  colons  les  ont  fouillées  pour  la  plu- 
part, pour  en  tirer  des  matériaux  de  construction.  Voici  à  peu  près  leur  forme 
intérieure.  Sous  une  couche  de  terre  épaisse  de  quelques  pieds  (2  ou  3),  on 
parvient  à  un  amas  de  cailloux  formé  en  calotte;  ceux-ci  enlevés,  on  trouve 
une  voûte  faite  avec  des  poutres  de  genévrier,  et  par-dessous  une  seconde 
voûte  en  pierres  plates  de  6  à  8  pieds  de  longueur,  provenant  des  car- 
rières des  environs.  Le  caveau  s'étend  dessous.  On  y  trouve  des  vases  d'une 
poterie  noire  inconnue,  qui  paraissait  avoir  contenu  les  cendres  et  les  osse- 
ments brûlés  qui  sont  épars  autour  des  vases  brisés;  car  avec  le  temps  les 
voûtes  se  sont  écroulées,  et  l'on  ne  trouve  plus  rien  d'entier.  Ces  collines 
ont  de  20  à  40  pieds  de  diamètre  et  jusqu'à  10  pieds  de  hauteur  au-dessus 
du  sol  :  quelques-unes  renferment  deux  caveaux.  On  a  trouvé  dans  un  de 
ces  tombeaux  une  espèce  de  perle  en  cuivre.  Ils  appartiennent  à  une  très  an- 
cienne population,  à  des  temps  antérieurs  au  christianisme.  »  Voyage  autour 
du  Caucase,  par  Du  Bois  de  Montpéreux,  tom.  IV,  pag.  122. 

«  Au  sortir  de  Vladikavkas  (immédiatement  au  nord  de  l'Osseth)  commence 
cette  foule  de  tumulus  qui  couvrent  les  plaines  au  nord  du  Caucase;  aucun 
n'était  couronné  de  statues  en  pierre  ou  baba  :  ce  genre  de  monument  ne 
commence  qu'au  nord  de  Stauropol.  » 

Sur  la  rive  gauche  de  la  grande  Psikoucha^  «  grands  amas  de  tumulus 
pressés  les  uns  contre  les  autres.  Trois  tombeaux  Tcherkesses  récents,  ornés 

d'un  turban  en  bois  étaient  mêlés  à  ces  tumulus plus  loin,  jusqu'à  la 

petite  Psikoucha,  nous  rencontrâmes  d'anciens  tombeaux  tatares  ou  mogols. 
Construits  en  pierre,  avec  de  petits  dômes  comme  dans  les  pays  transcauca- 
^iens.  »  Id.  pag.  464. 


AGR    DU    FER.  441 

perstitioDS  du  peuple  ont  puissamment  contribué  à  la  con- 
servation de  ces  monuments,  groupés  par  centaines  sur 
les  îles  et  les  presqu'îles,  et  parfois  aussi  dans  Tintérieur 
des  terres,  au  milieu  des  pâturages.  En  face  de  tant  de 
richesses,  l'antiquaire  s'est  davantage  attaché  à  décrire 
l'intérieur  des  collines  qu'à  en  rechercher  la  construction 
intérieure. 

Le  plan  de  ce  cours,  qui  est  indiqué  par  Fauteur  à  pag.  413 ,  n'a  pas  été 
poursuivi  au  delà  du  point  où  nous  nous  arrêtons  ici,  du  moins,  dans  les 
manuscrits  que  nous  avons  eu  sous  les  yeux.  (Note  de  téditeur.) 


STATISTIQUE 


DES  ANTIQUITÉS 


DE  LA  SUISSE  OCCIDENTALE  *. 


Malgré  le  nombre  considérable  des  publications  qu'on 
possède  sur  les  antiquités  de  la  plupart  des  pays  de  TEu- 
rope,  il  est  soufent  fort  difflctle  de  se  faire  une  idée  exacte 
des  divers  genres  de  monaments,  de  sépultures  et  d'ob- 
jets d'industrie,  propres  à  chaque  pays.  Pour  que  Thistoire 
poisse  retirer  de  ces  recherches  tous  les  résultats  qu'elle  a 
droit  d>n  attendre,  il  importe  qu'on  arrive  i  connaître 
d'une  manière  précise  la  nature  des  divers  débris  de  l'an- 
tiquité, les  lieux  de  leur  orifine  et  les  circonstances  de 
leur  découverte.  Ce  ne  sera  qu'en  possédant  ces  stattati- 
ques  complètes,  faites  en  dehors  de  tout  système  préconçu, 
qu'on  pourra  définitivement  classer  d'une  manière  géné- 
rale las  genres  analogues  et  rechercher  l'ordre  de  sue- 
cession  de  ces  divers  groupes ,  ainsi  qm  leur  antiquité 

*  Buit  ATtidat,  qui  cvuipoMot  f  oiofceaii,  «ol  iU  puliliét  pour  U  pr»- 
aiérv  foif  «Uns  VinSemlwr  /*iflOfr<  el  J'&miipiiki  imUitê^  annéet  tISS. 
ttSS  et  ttSS.  Ht  tout  reprodoiti  avec  autoriMUon  ;  la  denii«r  ett  daté  da 
n  mm  IfSt.  (^bCt  éê  réiHêm.) 


hkU  ANTIQUITÉS 

relative.  Alors,  il  deviendra  plus  facile  d'apprécier  la  rai- 
soD  des  analogies  et  des  dissemblances ,  de  reconstruire 
les  divers  nioments  de  développement  de  l'humanité,  de 
retracer  les  voies  parcourues  par  les  anciens  peuples  et 
de  rechercher  leur  point  de  départ.  —  Je  détache  du  tra- 
vail d'ensemble  que  j'ai  entrepris  sur  ce  sujet,  les  faits  re- 
latifs à  l'Helvétie  occidentale,  faits  que  j*aurai  à  rappro- 
cher des  découvertes  analogues  propres  à  d'autres  pays. 
L'ordre  le  plus  naturel  à  suivre,  avant  les  âges  histori- 
ques, est  celui  du  développement  de  l'industrie,  ce  qui 
nous  conduit  à  examiner  tout  d'abord  les  découvertes  dont 
le  matériel  indigent  révèle  pour  notre  pays  l'âge  de  la 
plus  grande  simplicité. 


Sépultures  et  habitations  ne  renfermant  que 
des  instruments  en  pierre. 

On  découvrit  en  1825,  dans  une  vigne,  près  de  la  mai- 
son de  campagne  de  Pierra-Portay,  au  S.-E.  de  Lau- 
sanne, une  quinzaine  de  tombes  dirigées  du  couchant  au 
levant  et  déposées,  sans  alignement  régulier,  à  environ  3 
pieds  sous  la  surface  du  sol.  Aucun  signe  extérieur  ne 
laissait  soupçonner  l'existence  de  ces  tombeaux  ;  ils  étaient 
tous  construits  en  dalles  brutes  et  mesuraient  environ  2 
pieds  de  largeur  et  de  profondeur  sur  2Vi  à  4  pieds  de 
longueur;  le  plus  petit  n'avait  qu'un  pied  carré  d'ouver- 
ture. Plusieurs  contenaient  les  débris  de  deux  squelettes, 
l'un  en  renfermait  même  quatre,  et  dans  toutes  ces  tom- 
bes on  voyait,  d'après  la  grandeur  des  ossements,  que 
les  corps  avaient  été  reployés  pour  y  être  déposés  et  que 


DE    LA    SUISSE   OCCIDENTALE.  445 

la  tête  aTait  été  placée  h  rextrémîté  du  côté  du  soleil  le- 
Tant*.  On  n'a  recueilli  auprès  de  ces  squelettes  qu*uD  petit 
couteau  en  silex  et  un  fragment  de  stéaiite,  aplati  et 
taillé  sur  les  bords. 

Enf  iron  dix  ans  plus  tard,  des  vignerons  de  M.  Corre- 
voo-Demartine  trouvaient  des  tombes  du  même  genre 
dans  sa  campagne  du  Ch'iielard  près  de  Lutry.  Trente  et 
quelques  tombeaux  d'environ  3Vt  pi^ds  de  longueur 
étaient  formés  chacun  de  cinq  dalles  brutes  et  renfermaient 
les  ossements  de  deux  squelettes,  qui  avaient  dû  néces- 
sairement être  repliés,  vu  que  les  fémurs  et  les  tibias  repo- 
saient  sur  les  corps.  Dans  ces  tombes,  tournées  de  Test  à 
Touest,  les  têtes  regardaient  l'orient,  à  l'inverse  de  celles 
de  Pierra-Portay.  Ces  sépultures  contenaient  de  petits  co- 
quillages qui  n'ont  pas  été  conservés,  deux  pointes  de 
lance  en  silex  de  G  à  7  pouces  de  longueur  sur  27  lignes 
de  largeur  et  deux  pierres  sphériques  de  4  pouces  de  dia- 
mètre,  percées  chacune  d'un  trou. 

Le  peu  de  longueur  de  ces  tombes  et  l'attitude  reployée 
des  squelettes  sont  des  caractères  propres  à  plusieurs  con- 
trées de  l'Angleterre,  du  nord  de  l'Allemagne  et  des  Etats- 
Unis.  On  a  aussi  observé  cette  attitude  dans  les  salles  sé- 
pulcrales des  tumuli  gigantesques  du  nord  de  l'Europe, 
qui  ne  renferment  que  des  instruments  en  pierre  et  en  os, 
mais  il  est  à  remarquer  que  le  même  fait  se  reproduit 
dans  les  tombeaux  des  Péruviens,  avant  la  découverte  de 
l'Amérique,  et  chez  plusieurs  populations  sauvages  qui 
ont  conservé  jusqu'à  nos  jours  ce  mode  d'inhumation  *. 

*  Cet!  robMnratloQ  telle  qu'elle  a  été  coasifnée  dans  la  FeuUU  du  canton 
de  Vend,  tome  XllI,  paf .  S9. 

•  D«poM  l'insertÉOQ  do  premier  article  [InSenieur  iV»  i)  sur  les  tépoliuret 


446  ANTlQUfTÉS 

Dans  les  âges  reculés  ou  les  armes  et  les  instrumente 
domestiques  étaient  en  pierre ,  de  même  que  cbefz  quel- 
ques peuplades  sauvages  de  nos  jours,  les  habitations  ée- 
valent  être  d'une  grande  simplicité,  aussi  est^il  extréflie- 
ment  rare  de  pouvoir  en  constater  quelques  traces.  La 
découverte  des  pilotis  de  Meilen  S  sur  les  bords  du  lac  de 
Zurich ,  a  cependant  jeté  un  jour  inattendu  sur  l'un  des 
modes  de  construction  usité  dès  la  plus  haute  antiquité 
en  HêivéCie. 

Noos  avons  à  mentionner  l'existence  de  débris  analo- 
gues observés  dans  la  vallée  de  l'Orbe ,  à  environ  5  500 
pieds  de  la  rive  actuelle  du  lac  d'Yverdon.  Bien  que  la 
plaine  marécageuse  qui  s'étend  d'Yverdon  à  Entreroches 
soit  envisagée  par  les  géologues  comme  étant  de  forma- 
tion antéhnmaine,  la  tradition  populaire  n'en  conserve  pas 
moins  le  souvenir  d'un  temps  où  elle  était  navigable,  et 
c'est  à  l'appui  de  cette  idée  qu'elle  mentionne  l'existence 
de  prétendus  anneaux  auxquels  on  aurait  autrefois  amarré 
les  bateaux  à  Entreroches  et  sous  le  château  d'Orbe*.  Nul 


de  la  Suisse  occidentale,  M.  de  Buren  de  Denens,  m'a  conduit  dans  le  bois 
de  Sembres  (Cimbres?),  sur  le  territoire  de  la  commune  de  YenSy  où  un  api- 
culteur, occupé  à  défricher  une  partie  de  la  forêt,  venait  de  mettre  à  décou- 
vert une  tombe  dont  les  4  dalles  brutes  formant  les  côtés  étaient  encore  en 
place.  Le  vide  de  cette  tombe  mesurait  32  pouces  de  longueur,  21  de  pro- 
fondeur, 22  de  largeur  à  la  tète  et  i9  aux  pieds.  La  terr»  qui  remplisMtfc  oe 
vide  ayant  déjà  été  enlevée  sans  ménagement ,  nous  n'avons  retrouvé  que 
des  parcelles  de  charbon  et  de  poterie  fort  grossière,  sans  traces  d'ustensiles. 
I3ne  tombe  d'un  pied  carré  d'ouverture ,  comme  la  plus  petite  de  Pierra- 
Portay,  avait  été  détruite  quelques  jours  auparavant  et  dès  lors  on  n'a  pas 
découvert  autre  chose  dans  cette  localité. 

*  Voyez  le  mémoire  intitulé  :  Die  heltischen  Pfafilbauten  in  den  Scktvei- 
*erseen,  beschrieben  von  D^  Ferd.  Keller.  —  Zurich  1855. 

*  La  tradition  relative  à  des  anneaux  scellés  dans  les  rochers  pour  le  même 


DE    LA    SCI8SB   OCCrDENTALE.  M7 

ne  met  do  reste  en  doute  (fine  oetle  piaine  n'ait  été  gagnée 
sortes  eanx,  mais  ce  qui  est  pins  difficite  â  déterminer, 
e'est  l*époqae  à  laquelle  le  lac  fut  resserré  entre  ses  rives 
actuelles.  Dans  tous  les  cas,  il  dut  s'écouler  bien  des  sié^ 
ctes  a^ant  que  les  cours  d'eau  qui  descendent  le  Jura, 
d^une  part,  et  de  Tatalre  du  mont  Jorat,  eussent  déposé 
leurs  allufions  en  Imrrages  dans  la  vallée ,  de  manière  à 
diviser  ranciennetôtedn  lac  en. bassins  de  grandeurs  di- 
verses. Alors  seulement  pat  avoir  lieu  la  formation  des 
toiirrbières^  qui  comblèrent  peo  à  peu  ces  bassins.  Â  cette 
action  des  barrages  alluviens  de  l'Orbe  et  de  ses  affluents, 
dont  on  peut  comparer  la  disposition  à  celle  des  nervures 
d^ine  feuille  d'arbre,  il  faut  ajouter  l'action  Aes  dunes 
transversales  formées  par  le  lac,  et  sur  l'une  desquelles 
s^élevai  phis  tard  l'antique  Ebi^odunum  que  traversait  le 
torrent  du  Bttron.  Dans  le  fond  des  tourbières  qui  se  for- 
mèrent entre  ces  divers  barrages ,  on  a  trouvé  sur  plus 
d'un  point  des  pièces  de  bois  travaillées  par  la  main  de 
rbomme,  mais  la  découverte  la  plus  intéressante  est  celle 
qu'a  fârîte  M.  Simon,  syndic  d'Yverdon,  dans  l'exploitation 
de  tourbe  qu'il  dirige  vers  les  Uttins,  au  pied  du  mont  de 
Chamblon.  Sous  8  à  10  pieds  de  tourbe,  on  a  trouvé  sur 
ce  point  deux  petites  haches  en  serpentine ,  en  forme  de 
coin,  et  une  pointe  de  ftèche  en  silex  parfaitement  intacte  S 

bal  s»  retroite  4aM  pluaieurs  vallées  aliuviennes  de  la  Suisse  et  d'autres 
pay^  ;  mais,  eu  réalité,  ces  anneaux  n'eiistent  nulle  part ,  bien  que  le  peu- 
ple croie  en  reconnaître  les  traces  dans  les  taches  ferrugineuses  naturelles, 
propres  â  certaines  roches.  Toutefois  il  est  rare  qu'il  ne  se  rattache  à  cette 
tradition  le  souvenir  d'un  ancien  séjour  des  eaux  on  de  quelque  inondation 
momentanée. 

*  11*.  Simon  a  fait  doo  de  «es  pièces  à  la  coUectio»  d'antiquité  de  la  ville 
d'Yverdon. 


418  MONUMENTS   DR    L*ANTIQUITB. 

da  relrancbemenl,  les  tumulî  sont  répandus  en  grand 
nombre  sur  le  sol  de  l*Allemagne,  mais  pour  le  moment 
nous  n'avons  è  nous  occuper  que  de  ceux  qui  furent  éle- 


des  Scythes,  ou  autres,  du  nord  et  de  Test  de  la  mer  Caspienne.  Chaque 
eiation  de  colonies  grecques  en  Thrace,  en  Crimée,  eut  son  mur  de  défeoae. 
La  Chersonèse  de  Panticapée  se  ferme  par  le  rempart  d'Akkos  contre  les 
Scythes,  que  ceux  de  la  Chersonèse  Héracléotique  repoussaient  par  uu  rempart 
élevé  entre  Textrémité  des  haies  de  Sébastopol  et  de  Balaklava.  On  connaît 
le  mur  que  ût  élcTer  Miltiade  pour  fermer  aux  Thraces  rentrée  de  la  Cherso- 
nèse de  Thrace.  Plus  anciennement  encore  les  Cimmériens  s'étaient  déjà  for- 
tifiés contre  les  Scythes  dans  l'Ile  de  Taman,  dont- ils  formèrent  une  presqu'île, 
par  un  rempart  connu  sous  leur  nom.  (Strahon,  liv.  Il,  pag.  i7i.)  Même  les 
Romains,  sous  Trajan  et  sous  Adrien,  ne  forent-ils  pas  forcés  de  se  mettre  i 
couvert  d'une  invasion  des  barbares  du  nord  par  des  lignes  de  fortifications 
qui  rivalisent  presque  en  longueur  avec  celles  de  la  Chine  ?  Ainsi  ils  élevè- 
rent, vraisemblablement  sous  Adrien,  le  fameux  rempart  dit  de  Trajan^  dont 
le  nom  retentit  encore  dans  la  bouche  des  habitants  de  la  Moldavie,  de  la  Po- 
dolie  et  même  de  l'Ukraine.  Là  tout  ce  qui  est  grand  est  de  Trajan.  Démè- 
trius  Kantémir,  dans  une  description  faite  il  y  a  plus  d'un  siècle  de  la  Mol- 
davie, décrit  ce  rempart,  qu'il  fait  passer  de  Petervaradin  sur  le  DanulM,  par 
les  montagnes  de  Démir-Kapou  (Portes  de  Fer),  aujourd'hui  montagnes  d'Or- 
sova.  De  là,  sous  la  forme  d'un  simple  rentranchement,  il  le  fait  traverser  la 
Moldavie  et  la  Valachie,  couper  le  Pruth  près  du  village  de  Trajan,  le  Botna 
près  de  la  ville  de  Caunah,  et  après  cela,  le  conduit  à  travers  toute  la  petite 
Tartarie,  jusqu'aux  rives  du  Don  ;  il  lui  assigne  ainsi  environ  iOO  lieues  de 
France  de  longueur.  La  seule  partie  bien  connue  de  ce  rempart  s'étend  en 
effet  entre  le  Pruth  et  la  mer  Noire  sur  une  longueur  de  33  lieues.  Les  ar- 
mées russes  le  connaissent  fort  bien  et  l'ont  passé  et  repassé  maintes  fuis.  Le 
reste  de  ée  rempart  est  très  incertain,  et  même  ce  que  dit  Kantémir  de  sa 
prolongation  jusqu'au  Don  ne  parait  pas  probable;  je  n'en  ai  vu  nulle  trace 
sur  les  divers  points  que  j'ai  traversés  et  n'en  ai  jamais  entendu  parler  de 
façon  à  conformer  l'opinion  de  Kantémir.  Un  second  rempart  dont  j'ai  visité 
plusieurs  tronçons  en  Podolie,  peut  être  assigné  avec  beaucoup  plus  d'assu- 
rance que  le  premier  à  l'empereur  Trajan  qui,  après  la  conquête  de  la  Dacie, 
avait  tracé  une  frontière  à  l'empire  romain,  au  delà  du  Dniester.  —  Les  Ro- 
mains défendirent  aussi  l'Allemagne  par  des  murailles  sur  pluftieurs  points  ; 
•n  en  voit  des  restes  dans  l'ancienne  principauté  de  Hohenlohe  près  il'Oehrin- 
gen.  et  tout  le  monde  connaît  if  mur  du  Diable^  qui  s'étend  du  Dinketspuhl 


DE    LA    SUISSE   OCCIDENTALE.  449 

Entre  les  ruines  romaines  d'Eburodunum  et  la  rive  ac- 
toelle  est  une  zone  ail u vienne  de  2500  pieds  de  largeur  en 
moyenne,  tandis  que  les  pilotis  de  Chamblon  sont  éloignés 
du  lac  d'environ  5500  pieds.  Il  est  à  remarquer  que  l'ab- 
sence de  tout  débris  romain  entre  l'ancienne  ville  et  le 
lac  permet  de  supposer  que  celui-ci  s'étendait  jusqu'au 
pied  de  l'ancien  castrum  eburodunense,  en  sorte  qu'il  au- 
rait fallu  15  siècles  au  moins  pour  la  formation  de  cette 
zone,  à  partir  de  la  chute  de  Rome  jusqu'à  nos  jours.  En 
admettant  que  la  zone  de  5500  pieds  se  soit  formée  dans 
des  conditions  analogues,  elle  aurait  exigé  une  durée  de 
33  siècles,  ce  qui  reporterait  au  XVe  siècle  avant  notre  ère 
le  dernier  moment  du  séjour  des  eaux  sous  Chamblon.  On 
peut  objecter  que  l'espace  compris  entre  Eburodunum  et 
Je  lac  est  formé  d*alluvions,  tandis  que  des  tourbières  cou- 
pées par  des  dunes  séparent  les  ruines  romaines  du  pied 
du  mont  de  Chamblon,  mais  on  doit  cependant  tenir 
compte  d'un  fait,  c'est  que,  de  nos  jours,  la  retraite  du 
hc  a  lieu  d'une  manière  uniforme  devant  les  marécages 
qui  se  trouvent  entre  le  lac  et  la  route  de  Grandson,  et 
devant  les  alluvions  de  la  Thièle  et  du  Buron.  Quoi  qu'il  en 
soit,  de  nouvelles  explorations  apporteront  sans  doute 
quelque  lumière  sur  cette  découverte  qui  n'a  pas  pu  être 
encore  sufQsamment  étudiée  à  cause  de  l'élévation  des 
eaux  durant  cette  année. 

Si  les  anciens  habitants  de  l'Helvétie  élevèrent  déjà,  dans 
la  plus  haute  antiquité ,  quelques-unes  de  leurs  cabanes 
sur  les  pilotis  mentionnés  dans  le  précédent  article,  ils  par- 
ticipèrent aussi  aux  usages  des  Troglodytes  en  utilisant 
pour  leurs  demeures  des  grottes  de  formation  naturelle. 

On  conserve  dans  le  musée  d'antiquités  de  Genève  cinq 

MÉM.  ET  DOCUM.  XXY.  i9 


ft50  AItTIQ(MTÉ8 

instrumeDts  en  os,  trouvés  dans  une  caverne  près  d'Etrum- 
bières,  au  pied  du  moût  Salève.  L'ud  de  ces  instruments,, 
long  de  75  lignes»  a  la  forme  d'un  ciseau,  deux  autres, 
brisés,  sont  percés  d'un  trou  circulaire  à  Tune  de  levra 
extrémités  ;  le  4^,  long  dé  65  lignes,  a  été  anciennement 
fendu  dans  sa  longueur  et  aiguisé  en  pointe;  enfin,  le  der- 
nier, long  de  38  lignes,  ressemblerait  à  une  pointe  de 
trait  munie  de  quatre  ailerons,  si  ceux-ci  n'étaient  toornés 
en  sens  inverse,  ce  qui  les  rend  peu  propres  à  pénétrer 
dans  les  chairs. 

Une  découverte  du  même  genre  a  été  faite,  il  y  a  une 
vingtaine  d'années,  par  M.  L.  Taillefer,  dans  une  localité 
située  au-dessous  du  Pas  de  V Echelle  qui  conduit  de  Vey- 
rier  à  Monetier,  entre  le  Grand  et  le  Petit  Salève  ' .  On  voit 
sur  ce  point,  au  pied  de  la  montagne,  plusieurs  mamelons, 
formés  de  détritus  et  de  roches  éboulées,  qu'on  exploite 
pour  la  fabrication  de  la  chaux.  M.  Taillefer,  voulant  s'as- 
surer si  les  ouvriers  trouvaient  des  pétrifications,  ne  tarda 
pas  à  remarquer  que  plusieurs  des  fragments  détachés 
présentaient  une  agglomération  de  débris  de  roche  angu 
leux,  réunis  en  masse  compacte  par  un  sédiment  calcaire, 
et  qu'ils  contenaient  des  silex,  des  charbons  de  bois  et  un 
grand  nombre  d*os  fracturés.  Ces  débris  agglutinés  pro- 
venaient d'une  masse  dont  la  formation  successive  avait 
fini  par  remplir  le  vide  d'une  caverne  de  8  à  10  pieds  de 
diamètre  sur  6  à  7  pieds  de  hauteur,  mais  il  est  à  remar- 
quer que  les  os,  les  silex  et  les  charbons  n'existaient  qu'à 
la  base  de  cette  formation  dans  une  couche  qui,  toutefois, 
n'avait  pas  moins  d'un  pied  d'épaisseur.  La  caverne  a  mal 

•  Je  dois  i  l'obligeance  de  M.  le  pasteur  Taillefer  les  renseigoemenis  re- 
latifs à  cette  découverte. 


DK    LA    &l'IMK   UÛCIDE.NTALB.  451 

beareusemenl  disparu  par  les  travaux  4'exploitaUon,  en 
sorte  qu'il  est  difficile  de  dire  siielle  appartepaU  à  queute 
accident  propre  au  flanc  de  la  montagne  ou  si  elle  était  le 
proéttit  de  roches  éboulées. 

(Test  de  ce  curieux  gisement  que  M.  Taillefer  a  retiré 
une  multitude  de  fragments  d'ossements  bien  conserv<^, 
mais  sans  traces  de  pétrification  Dans  ces  nombreux  dé*^ 
bris,  on  remarquait  une  partie  d'un  crâne  de  cbeval,  4es 
cotes  brisées  de  chefal  ou  d'autres  animaux,  les  restes  de 
plusieurs  quadrupèdes,  entre  autres  de  rongeurs,  et  sw^ 
tout  des  os  d'oiseaux  où  se  trouvaient  représentées  les 
plus  petites  espèces.  Il  faut  encore  mentionner  uœ  pièee 
i|ui  ressemblait  à  une  queue  de  lézard  et  une  coquille  bi<^ 
valve  marine,  à  grosses  cannelures,  qui  n'étant  poiot  pé- 
trifiée, avait  dû  être  transportée  dans  ce  lieu. 

Les  traces  de  la  présence  de  Tbomme  sur  ce  point  étaient 
du  reste  nettement  constatées  par  les  charbons  de  bois 
pris  dans  ces  masses  compactes  de  détritus  calcaire,  qui 
ronienaient  en  outre  dn  silex  et  un  os  de  forme  conique, 
pareil  à  une  apophyse,  d  environ  S  pouces  de  longueur,  et 
grossièrement  percé  sur  lextrémité  opposée  à  la  pointe. 
Les  \^  'âiO  fragments  de  silex  blond  ,  recueillis  par  M. 
Taillef<T,  avaient  été  taillés  en  forme  de  pointes  d^  flèche 
MU  détachés  par  le  marteau  de  manière  à  obtenir  des  la- 
melles tranchantes. 

D'autres  |»ersonne$,  attirées  par  cette  découverte,  trou- 
vèrent encore  divers  ossements,  un  bois  de  cerf,  des  silex 
^reils  aux  précédents,  et  même,  dit-on,  une  pièce  en  fer 
rappelant  par  sa  forme  le  couperet  du  sellier,  et  mesu- 
rant environ  à  pouces  le  long  de  son  tranchant  arqué , 
sur  2  lignes  dans  sa  plus  forte  épaisseur. 


452  ANTIQUITÉS 

li  est  à  regretter  que  ces  divers  objets  aient  été  perdus 
et  qu'on  ne  puisse  constater  si  l'instrument  en  fer  qui 
vient  d'être  mentionné  a  été  réellement  trouvé  dans  la 
grotte.  La  conservation  de  ces  débris  aurait  permis  de  re- 
chercher de  quelle  plage  avait  été  apporté  le  coquillage 
marin,  et  de  s'assurer,  en  déterminant  un  plus  grand  nom- 
bre d'ossements,  si  le  cheval  était,  dans  ce  lieu,  le  seul 
représentant  des  animaux  domestiques.  Cependant,  on  ne 
peut  douter  que  cette  caverne  n'ait  servi  de  retraite  à  des 
familles  qui  y  apprêtèrent  pendant  assez  longtemps  le  pro- 
duit de  leurs  chasses,  ainsi  que  le  témoigne  l'épaisse  cou- 
che contenant  des  charbons  avec  des  os  concassés,  et  dont 
la  formation  remonte  à  une  époque  où  le  silex  était  encore 
employé  pour  les  armes  de  jet.  Il  est  plus  difOcile  de  se 
faire  une  idée  exacte  du  temps  qui  dut  s'écouler  pour  con- 
vertir ces  divers  débris  en  masse  compacte,  et  des  causes 
qui  contribuèrent  à  obstruer  complètement  la  caverne  par 
ces  agglomérats  calcaires  *. 

Les  instruments  tranchants  en  pierre  se  retrouvent  dans 
la  Suisse  occidentale,  comme  dans  beaucoup  d'autres  pays, 
sur  plusieurs  points  où  il  n'existe  aucune  trace  de  sépul- 
tures ni  d'habitations. 

Le  Musée  de  Genève  conserve  3  haches,  en  grès  et  en 
jade,  qu'on  croit  provenir  des  environs  de  la  ville,  et  une 
4"™e,  en  jade,  de  la  forme  d'un  coin,  longue  de  77  lignes, 
trouvée  près  de  St.  Georges. 

Dans  le  canton  de  Vaud,  on  a  découvert  en  terre  libre 
de  ces  instruments  isolés  :  près  de  Perroy,  de  Mo7it,  d'A- 

*  On  a  fait  dès  lors,  et  tout  récemment  encore  dans  cette  localité  des  trou- 
vailles encore  plus  importantes  et  remontant  à  la  plus  haute  antiquité. 

(Note  de  Véditeur.) 


DE    LA    SUISSE   OCCIDENTALE.  4S3 

giez,  de  Lausanne ,  de  Chexbres,  de  Vevey,  A'Ollon  et  Es 
Lez  vers  Lavey.  Une  de  ces  pièces,  de  la  forme  d'une  na- 
vette de  tisserand,  rappelle  l'antique  pierre  à  aiguiser  des 
pays  Scandinaves.  D'entre  les  haches  en  serpentine,  quel- 
ques-unes ont  été  percées  d'un  trou  circulaire  dont  la  ré- 
gularité et  le  Oni  ont  exigé  le  secours  du  métal,  tandis 
qu'il  existe  des  pièces  du  même  genre,  percées  imparfai- 
tement par  des  procédés  plus  primitifs. 

Avant  l'emploi  général  du  métal,  on  se  servit  de  celui- 
ci  pour  perfectionner  les  instruments  du  premier  &ge,  et, 
pendant  longtemps,  l'indigent  dut  avoir  recours  aux  ins- 
truments en  pierre.  Cette  matière  étant  devenue  sacrée 
entre  les  mains  du  prêtre,  elle  fut  employée  pendant  des 
siècles  nombreux  dans  les  cérémonies  du  culte,  alors  que 
le  métal  était  généralement  répandu.  Enfin,  même  après 
l'introduction  du  christianisme,  on  retrouve  parfois  une 
hache,  une  flèche  ou  un  couteau  en  pierre,  déposé  comme 
amulette  dans  les  tombeaux,  et,  de  nos  jours,  dans  plus 
d'un  pays,  l'agriculteur  conserve  encore  avec  soin  quel- 
ques-uns de  ces  antiques  instruments  qu'il  emploie  dans 
la  pratique  de  diverses  superstitions. 

Sépultures  et  habitations  renfermant  essen- 
tiellement des  instruments  en  bronze. 

Dans  la  plupart  des  pays  de  l'Europe,  lorsque  le  bronze 
est  employé  pour  les  ornements,  les  armes  et  les  instru- 
ments tranchants,  les  tombeaux  qui  contiennent  ces  objets 
présentent  un  mode  de  sépulture  très  différent  de  celui 
que  nous  avons  mentionné  précédemment.  Le  plus  sou- 


45'^  ANTlQtlTte 

v^eot,  dans  cette  nouvelle  période,  les  mo^rtd  ont  été  brû- 
lés et  learB  cefndres  déposées  dans  ane  orne  qti*on  pinçait 
parfois  ao^  tniliea  des  charbons  du  bûcher,  afprès  qriioi  on 
la  découvrait  de  pierres  ou  de  terre  dé  manière  à  former 
le  getire  de  coltine  connu  sous  le  nom  de  tomutns.  Dans 
ces  âfges  reculés,  la  sépulture  étant  un  acte  éminemment 
re'HgieM,  on  ne  peut  douter  qu'à  VoHgine  Tinhumatron  et 
Tincinération  niaient  répondu  à  des  idées  différentes  sur 
les  devoirs  à  rendre  au  défunt  et  par  conséquent  à  des  re 
lirions  et  à  defs  peuples  différents. 

Si  Kon  peut  constater,  à  cette  époque  reculée,  l'intro- 
duction de  nouveaux  peuples  qui  se  répandent  d'une  ma- 
uière  générale  en  Europe,  plusieurs  contrées  cependant 
paraissent  être  restées  an  pouvoir  des  premiers  occo- 
pdfits.  A  en  juger  par  les  sépultures,  la  Suisse  occidentale 
est  de  cé  nombre.  I)  est  à  remarquer  en  effet  que  les  ob- 
jets en  bronze  qu'on  retrouve  généralement  ailleurs  avec 
l'orne  cinéraire  et  sous  le  tumrulus,  ont  toujours  été  dé- 
couverts dans  le  pays  avec  les  tombes  à  inhumation,  cons- 
truites sous  la  surface  du  sol  et  sans  aucun  signe  extérieur 
qui  révèle  le  lieu  de  la  sépulture.  Toutefois,  ces  tombes 
ne  sont  pas  toutes  pareilles  ;  les  unes,  de  fort  petites  di- 
mensions, ont  exigé  rallilude  reployée  du  corps  du  dé- 
funt, tandis  que  dans  les  autres  les  morts  ont  été  étendus 
sur  le  dos,  comme  on  le  fait  de  nos  jours,  en  sorte  que  la 
grandeur  de  ces  sarcophages  n'est  jamais  moindre  que 
celle  do  défunt.  Bien  que  ces  deux  genres  de  tombeaux 
ne  révèlent  point  par  leur  contenu  de  différence  sensible 
d'industrie,  il  est  à  présumer  que  celui  qui  reproduit  le 
modèle  plus  primitif  dans  notre  pays,  c'est-à-dire  l'atti- 
tude reployée,  a  précédé  l'autre  genre.  Nous  nous  occu- 


OE    LA    8UIISR   OOCIDKNTALK.  kW 

peroQS  d*abord  de  ces  sarcophages  de  forme  à  peu  prés 
cubiqoe»  appartenant  à  Tépoque  (tu  brome,  et  dont  je  n'ai 
pu  jusqu'à  présent  constater  oettemeoi  rexislence  dans  la 
Suisse  occidentale  que  dans  la  ?»ilée  du  Rhtae  et  sur  les 
rifes  du  Léman. 

M.  ringénieur  de  Torreoté .  en  dirigeant  des  trataux 
dans  riniérieur  de  la  fille  de  Shn,  décoofrit,  il  7  a  quel* 
qMs  années,  k  12  pieds  de  profondeur,  des  tombes  en 
dalles  brutes»  longues  d'en?iroo  3  pieds  et  recoofertes 
des  aJluvioos  de  la  Sionne,  au-dessus  desquelles  son!  de 
fort  anciennes  constructions.  Ces  tombes  contenaient  des 
ossements  et  quelques  objets  en  bronze  qui  n'ont  pas  été 
conserfés. 

En  18â5,  une  découverte  du  méoM  genre,  mais  beau- 
coup plus  considérable,  eut  lieu  à  Virchiez,  entre  Aigle  et 
Ollon,  sur  un  plateau  qu'on  défrichait  pour  y  introduire 
la  vigne.  Situé  i  quelques  centaines  de  pieds  au-dessus  de 
la  vallée  du  Rbùne,  ce  plateau,  incliné  vers  le  midi,  paît 
d*une  paroi  de  rochers  qui  s'élève  au  nord.  Dans  les  tra- 
vaux de  défrichement,  on  mit  i  découvert,  sous  1  à  3  pieds 
de  terre  ou  de  débris  de  roches,  plusieurs  centaines  de 
tonbes,  construites  en  dalles  brutes  et  nesurant  en 
moyeane,  à  Tintérieur,  3  pieds  de  longueur  sur  ^  de  lar- 
geur et  2  de  profondeur.  Une  dalle  occupait  parfois  le  fond 
de  la  tombe  qui  contenait  toujours  des  ossements  humains 
paraissant  entassés  et  au-dessus  desquels  reposait  le  crâne 
plus  ou  moins  conservé.  Entre  les  tombes,  on  trouvait 
fréquemment,  à  des  profondeurs  diverses,  mais  à  quel- 
ques pieds  sous  la  surface  du  sol,  des  charbons  de  bois, 
des  pierres  calcinées  et  de  la  terre  brûlée,  sans  aucune 
trace  de  métal,  d'ossements  ou  de  poterie.  Quelques  ob- 


456  ANTIQUITÉS 

jets  provenant  de  ces  sarcophages  ont  été  déposés  an  Mu- 
sée de  Lausanne  par  M.  Victor  Deladoey  :  ce  sont  des  bra- 
celets en  bronze  dont  l'un ,  formé  d'un  fil  d'une  ligne 
d'épaisseur,  donnait  plusieurs  fois  le  tour  de  l'avant-bras, 
une  grande  épingle  à  cheveux,  surmontée  d'une  tète  plate 
découpée  en  quatre  disques  le  long  de  la  tige ,  et  entre 
autres  un  brassard  consistant  en  une  feuille  de  cuivre 
élastique  reployée  en  arc  de  cercle,  à  la  manière  des 
jambières  antiques,  et  recouverte  de  fines  gravures  *.  — 
Des  brassards  parfaitement  identiques  ont  été  découverts 
en  1836,  à  peu  de  distance  de  Verchiez,  dans  la  localité 
appelée  Derrière  la  Roche,  au  midi  d'Ollon,  avec  deux  celts 
ou  hachettes  et  une  large  lame  de  poignard  en  bronze.  Je 
n'ai  pu  savoir  si  les  tombeaux  de  Derrière  la  Roche  pré- 
sentaient les  mêmes  dimensions  que  les  précédents  ;  mais 
il  est  permis  de  le  supposer ,  vu  la  proximité  de  ces  loca- 
lités et  la  parfaite  analogie  des  brassards,  les  seuls  de  ce 
genre  que  je  connaisse. 

Quelques  lombes  pareilles  à  celles  de  Verchiez  ont  en- 
core été  découvertes  à  diverses  reprises  sur  le  signal  de 
Chardonne,  près  de  Vevey,  avec  plusieurs  objets  en  bron- 
ze, tels  que  faucilles,  celts,  couteaux  et  pointes  de  lance. 
Il  est  à  regretter  que  plusieurs  de  ces  pièces  aient  été  dé- 
truites, mais  d'autres  ont  été  retirées  du  creuset  par  les 
soins  de  M.  Doret,  de  Vevey,  et  sont  conservées  au  Musée 
de  Lausanne. 

Dans  les  âges  postérieurs  à  celui  dont  nous  nous  occu- 
pons, nous  n'avons  jamais  retrouvé  en  Suisse  cette  atti- 


*  Voir  ma  description  des  Bracelets  et  Agrafes  antiques  du  canton  de  Vaud, 
pi.  1.  Mittheilungen  der  antiq.  in  Zurich  IF  Band. 


DE    LA    SUISSE   OCCIDENTALE.  457 

tade  reployée  des  corps.  En  géDérâl,  elle  est  an  des  traits 
caractéristiques  des  plus  anciennes  sépultures,  non-seule- 
ment en  Europe,  mais  dans  beaucoup  d'autres  régions. 
Dans  quelques  contrées  de  l'Occident  et  plus  particulière- 
ment de  l'Amérique ,  ce  mode  d'inhumation  a  cependant 
été  conservé  plus  tard  que  chez  nous,  et  même  quelques 
populations  sauvages  ont  gardé  jusqu'à  nos  jours  l'usage 
de  reployer  les  corps  de  leurs  morts  en  ramenant  les 
genoux  vers  le  menton,  avant  de  les  déposer  dans  le 
sein  de  la  terre.  Cette  attitude  ne  doit  du  reste  pas  être 
confondue  avec  la  position  assise.  Pour  s'en  convaincre,  il 
sufQt  dexaminer  les  momies  du  Pérou  qui  ont  été  main- 
tenues dans  cette  positon  au  moyen  de  fortes  ligatures,  ce 
qui  n'est  assurément  pas  la  simple  attitude  du  repos. 

Avant  de  poursuivre  l'énumération  des  découvertes  du 
second  âge,  il  ne  sera  peut-être  pas  superflu  de  justifier 
l'importance,  au  point  de  vue  religieux,  de  la  diversité 
des  modes  de  sépulture  à  leur  origine,  en  recherchant 
quelle  peut  avoir  été  la  signification  de  cette  attitude  re- 
pliée des  corps,  attitude  essentiellement  propre  aux  plus 
anciennes  sépultures  du  nord  de  l'Europe. 

Dans  nos  précédents  articles,  nous  avons  déjà  fait  men- 
tion des  contrées  nombreuses  où  se  retrouve  le  même 
usage,  et  il  n'est  pas  sans  intérêt  de  pouvoir  en  constater 
la  reproduction  sous  les  ruines  même  de  Babylone.  M. 
Thomas,  architecte ,  profitant  du  moment  où  les  eaux  de 
TEuphrate  étaient  descendues  au-dessous  de  leur  niveau 
ordinaire,  a  fouillé,  en  1851 ,  des  massifs  adhérents  aux 
substractions  des  ruines  du  palais  de  Nabuchonodosor  et 
y  a  rencontré  des  sarcophages  en  terre  cuite,  d'une  exé- 
cution grossière,  hauts  de  50  centimètres,  larges  de  40  et 


458  AMTIQUlTés 

longs  de  36  seulement.  Le  corps  pia*cé  dans  ces  espèce» 
d'urnes  devait  être  replié  »or  lui-même,  les  genoux  tou- 
chant au  menton,  les  bras  croisés  enCre  la  poitrine  et  les 
cuisses,  formant  une  sortie  de  paquet  ^  Cette  attitude  m'a^ 
yait  déjà  frappé  plusieurs  foiSy  lorsque  je  vis  à  Berlin,  en 
1844,  chez  M.  le  D^  Tschudi,  de  Claris,  les  momies  ou 
corps  desséchés  qu'il  venait  de»  rapporter  du  Pérou,  et 
dont  l'état  de  conservation^  permettait  d'apprécier  toutes, 
les  variétés  du  même  mode.  Les  jambes  étaient  réguliè- 
rement repliées  sur  le  corps  de  manière  à  ramener  les  ge^ 
noux  contre  la  poitrine,  et  les  bras  étaient  croisés  sur  la 
ceinture  ou  sur  les  jambes^  à  moins  que  les  maiivs  n'eusr 
sent  été  fixées  entre  les  genoux  et  le  menton.  La  D[K)mie 
d'un  perroquet,  provenant  des^  mêmes  tombeaux,  avait  les 
pattes  sur  le  thorai  et  la  tête  inclinée  vers  l'aile  gauche, 
en  sorte  qu'elle  reproduisait*  la<  position  du  petit  oiseau, 
dans  la  coquille.  Dès  lors,  je  m'assurai'  que  l'attitude  des 
corps  humains  n'était  autre  que  celle  du  petit  enfant  dans 
le  sein  de  sa  mère. 

SI  Ton  rapproche  de  cette  donnée  ^opinion  d'après  la- 
quelle la  terre  était  envisagée  comme  la  mère  universelle 
du  genre  humain*,  on  comprendra  que  cette  position  don- 
née au  corps  du  défunt,  au  moment  où  il  va  rentrer  dans 
le  sein  de  la  mère  universelle,  exprime  l'idée,  non-seule,- 
ment  de  la  foi  à  la  vie  à  venir,  mais  à  une  naissance  nou- 
velle, en  d'autres  termes,  à  la  résurrection  des  corps  '.  Ih 


*  Revue  des  Denx-MondeSy  15  octobre:  1854. 

*  Cécrops  ordonne  de  déposer  les  morts  dans  le  sein  de  la  mère  univer- 
selle. Cic.  De  Legib..  II.  25. 

'  M.  Jacob  Grimm  a  déjà  mentionné  nron  opinion  dans  la  2*  édition  de  sa 
Deutsche  Mythologie,  p.  f9S(^.  Arnio  18U. 


DE    LA    SUISSE    OCCIDENTALE.  ^59 

doit  y  avoir  en  efiEèt  dans  cette  attilade  autre  chose  qae 
l'idée  d'urie  vie  à  venir,  car  celle-ci,  loin  d'être  inhérente 
à  un  mode  spéciaîl  de  sépulture,  était  propre  à  des  natioas 
dont  les  usages  étaieni  très  divers,  ainsi,  aux  Egyptiens 
q»i  embaumaient  les  corps  sans  les  replier,  aux  Romains 
qui  déposaient  l'urne  cinéraire  sous  la  surface  du  sol,  aux 
Celtes  ou  à  d'autres  peuples  qui  recouvraient  de  tumuli 
^  les  cendres  ou  le  corps  du  défunt.  En  replaçant  le  corps  de 
l'homme  dans  le  sein  de  la  terre  d'où  il  était  sorti,  dvec 
l'attitude  de  Tenfant  avant  sa  naissance,  c'était  assuré- 
ment avec  la  pensée  qu'il  naîtrait  un  jour  de  nouveau. 

On  demandera  peut-être  si  cette  foi  à  la  résurrection 
n'est  pas  essentiellement  propre  au  christianisme,  et  si  ce 
n'est  pas  méconnaître  les  idées  religieuses  de  l'antiquité 
que  de  supposer  chez  les  païens  la  connaissance  de  ee 
dogme.  Sans  entrer  dans  la  discussion  des  passages  de 
l'Ancien  Testament  où  il  est  mentionné  d'une  manière  plus 
ou  moins  directe,  il  suffira  de  rappeler  que  l'existence  de 
la  secte  des  Saducéens  témoigne  que  la  généralité  des 
Juifs  croyaient,  antérieurement  au  christianisme,  à  la  ré- 
surrection des  corps.  Mais  ce  n'était  pas  chez  les  Juifs 
seulement  que  ce  dogme  était  admis.  Tertullien  nous  ap- 
prend que  les  sectateurs  de  Mitfara  croyaient  à  la  résur- 
rection', etil  me  paraît  difficile  de  ne  voir  là  qu'un  em- 
prunt récent  fait  au  christianiisme. 

Dans  l'ensemble  des  monuments  funéraires,  ceux  qui 
sont  empreints  du  sentiment  religieux  le  plus  profond  ap- 
partiennent en  général  à  la  plus  haute  antiquité.  Les  mo- 
numents du  culte  de  cette  époque  occupent  une  place 

<  De  priBseripUone  heretie.  c.  iO. 


460  ANTIQUITÉS 

beaucoup  plus  grande  que  toutes  les  autres  constructions 
du  même  âge  et  témoignent  de  l'intensité  des  préoccupa- 
tions religieuses  de  ces  anciens  peuples.  L'attitude  repliée 
est  dans  tous  les  cas  l'un  des  modes  qui  remonte  aux 
temps  les  plus  reculés ,  et  il  est  vraisemblable  que  lors- 
qu'on connaîtra  plus  complètement  les  antiques  sépultu- 
res de  l'Asie,  on  pourra  suivre  pour  ainsi  dire  pas  à  pas 
les  voies  parcourues  par  les  premières  migrations,  à  partir 
de  Babylone  et  d'autres  points.  Plusieurs  tronçons  de  ces 
voies  me  permettent  déjà  de  retracer  quelques-unes  de 
ces  directions,  pour  lesquelles  il  importe  toutefois  de  tenir 
compte  des  divers  caractères  propres  aux  monuments  les 
plus  anciens.  Si  ce  mode  de  sépulture,  exprimant  la  foi  à 
la  résurrection,  est  l'un  des  caractères  des  tombeaux  du 
premier  &ge  S  il  ne  faut  pas  se  dissimuler  que  l'antiquité 
païenne  eut  de  bonne  heure  ses  Saducéens  qui  inhumè- 
rent sans  doute  les  corps  sans  les  replier.  Mais,  d'autre 
part,  le  premier  mode,  loin  de  disparaître  complètement, 
se  poursuit  même  jusqu'à  nos  jours. 

L'attitude  repliée  des  corps,  qui  se  retrouve  sous  les 
ruines  de  Babylone,  est  surtout  propre  aux  plus  anciens 
tombeaux  de  l'Europe,  mais  elle  apparaît  encore  dans 
l'âge  du  bronze,  en  Thuringe  et  sur  les  rives  du  Rhône, 
et  il  n'est  point  impossible  que  ce  mode  n'ait  été  usité 
beaucoup  plus  lard  en  Occident*.  Diodore  de  Sicile  rap 


'  On  pourrait  objecter  que  ranatomie  était  trop  étrangère  à  ces  peuples 
pour  permettre  ce  genre  de  connaissances,  mais  il  suffira  de  rappeler  l'anti- 
que usage  des  sacrifices  et  de  l'inspection  des  entrailles  de  la  victime. 

*  M.  l'abbé  Cochet  a  eu  l'obligeance  de  me  communiquer  les  noms  de  plu- 
sieurs localités  de  la  France  où  l'on  a  retrouvé  des  tombes  d'Ages  divers, 
dans  lesquelles  les  corps  n'avaient  pas  été  étendus,  mais,   en  général,  on  af- 


DE    LA    SUISSE   OCCIDENTALE.  461 

porte  qae  les  Troglodytes,  peuples  pasteurs  de  l'Ethiopie, 
passaient  la  tête  de  leurs  morts  entre  les  jambes  et  les 
liaient  dans  cette  posture  avec  des  branches  flexibles*. 
Dans  quelques  Etats  du  nord  de  l'Amérique  ',  plus  au  sud, 
dans  le  Pérou  et  chez  les  Patagons,  plusieurs  tombeaux 
du  même  genre  remontent  à  des  époques  diverses.  Les 
Guanches  des  iles  Canaries  replient  pareillement  leurs 
'  morts.  Chez  certains  Indiens,  les  mères  donnent  à  l'hom- 
me, dans  le  sépulcre,  l'attitude  qu'il  avait  dans  le  sein  ma- 
ternel et  épanchent  leur  lait  sur  la  tombe  \  Cet  usage  des 
mères,  qui  assimile  l'homme  après  sa  mort  à  un  petit  en- 
fant qu'elles  nourrissent  de  leur  lait,  s'est  conservé^  sauf 
l'attitude,  jusqu'à  ce  siècle,  dans  une  vallée  des  alpes  du 
canton  de  Vaud  V  Enûn,  il  est  encore  des  Hottentots  qui 
donnent  à  leurs  morts  la  même  position  repliée,  comme 
symbole  d'une  nouvelle  naissance  avec  la  foi  à  la  résur- 
rection *. 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  retrouver  en  Afrique  la  re- 
production de  cette  attitude  et  de  la  foi  dont  elle  est  l'ex- 
*pression  ;  car  il  faut  reconnaître  que  dans  beaucoup  de 
cas,  les  idées  qui  se  rattachaient  primitivement  aux  divers 
modes  de  sépulture  se  sont  altérées  peu  à  peu  et  ont  plus 
ou  moins  disparu.  Un  fait,  dépouillé  de  sa  signification, 

firme  que  les  morts  étaient  assis,  ce  qui  constituerait  un  autre  genre  de  sé- 
pulture ;  toutefois  il  se  pourrait  que  dans  quelques  cas  l'observation  n*ait  pas 
été  suffisante.  —  Hérodote  L.  IV.  c.  190  rapporte  cependant  que  d'entre  les 
Lybiens  nomades,  les  Nasamons  enterrent  leurs  morts  assis. 

*  Lib.  IV.  c.  3.  Edition  de  Lyon.  1559. 

*  Smithsonian  Contributions  to  knowlodge,  passim. 

*  De  Chateaubriand,  Génie  du  christianisme ,  L.  IV,  c.  4. 

*  Aux  Ormonts,  communication  de  M.  le  pasteur  Terrisse. 

*  Communication  de  M.  Fréd.  de  Rougemont. 


M2  ANTIQUITÉS 

peut  settraDsinetire  ioBgiemp^.eDCore  par  ]'xi8age,  maîiB 
il  finit  généralement  par  tomber  en  désuétude ,  ausei 
vient-il  un  iâorneni  m  la  dirersité  des  ^odes  funéraires 
perd  de  son  .rnip9rta<ikee.  Tout  en  reconniiâsant  cette  loi 
txattirelle,  on  ne  saurait  nier  d'autre  part  la  haute  anti- 
quité à  laquelle  remontent  un  certain  nombre  d'idées  ou 
^l'usages  tqui  se  sont  conservés  jusqu'à  nos  jours. 

Après  avoir  décrit  le  premier  genre  d'inhumation  usité  ' 
dans  l'Helvétie  occidentale,  pendant  l'âge  du  bronze,  il 
reste  â  indiquer  les  découvertes  du  second  genre  de  sé^ 
pulture,  propre  à  la  même  période,  et  qui  ne  idiiffàre  en 
précédent  q^ue  par  la  longueur  des  tombes,  qui  a  permis 
d'étendre  le  corps  du  défunt,  en  le  couchant  sur  le  dos. 
Ces  tombes,  généralement  construites  en  dalles  brutes, 
sont  à  quelques  pieds  sous  la  surface  du  ^ol  et  ne  peufent 
dtre  distinguées  de  sépultures  moins  anciennes  qoe  par 
les  objets  d'industrie  qu'elles  renferment. 

On  a  retrouvé  des  tombes  de  ce  genre  dans  quelques 
parties  du. Fa/ai^,  avec  divers  ornements  en  bronze,  maijs 
le  point  de  la  vallée  du  Rhône  sur  lequel  on  en  a  observé 
le  plus  grand  nombre  est  le  mont  de  Charpigmj,  attenant 
à  celui  de  Saint-Triphon,  avec  lequel  il  forme  un  îlot  au 
milieu  de  la  vallée,  à  droite  de  la  route,  en  allant  d'Aigle 
h  Bex.  En  1837,  M.  le  pasteur  Buttin  fit  défricher  Inver- 
sant inéridional  de  ce  mont  et  découvrit  de  nombreuses 
tombes,  construites  en  dalles  brutes,  dans  lesquelles  les 
squelettes  étendus  étaient  couchés  sur  le  dos,  les  bras  le 
long  des  côtés.  D'autres  squelettes  occupaient  aussi  des 
fissures  du  rocher  dont  les  parois  formaient  les  côiés  de 
U  tombe.  D'entre  les  objets  recueillis,  étaient  une  tren- 
taine de  bracelets  de  formes  diverses.  L'un  consistait  en 


DE    LA    SUISSIC    OCCIDENTALE.  465 

une  tige  de  bronze  de^'li^es  de  largeur  qui  donnait  10 
fois  te  tour  ûe  Ta^Mt-bras.  D'autres,  formés  de  petits  fils> 
qiii  ont  exigé  la  oonnarssante  de  la  tréfilerie,  donnaient 
seulement  Silours  en  spirale.  Plusieurs,  ovales  et  entr'ou- 
^erts,  avaient  été  coulés.  Sur  d'autres  étaient  de  flnes  gra- 
vures reproduisant  des  lignes  droites  ou  brisées.  Deu^ 
bracelets  en  argent,  du  poids  de  demi^livre,  provenant  de 
la  même  •découverte,  méritent  une  mention  particulière. 
De  frM'me  lelliptique iBt  entr'ooverls,  leur  plus  grand  dia- 
mètre ne  mesure<que  ^.pouces,  pris  dans  le  vide,  et  leurs 
estrémités  éVargies  représentent  des  têtes  de  serpent.  Ce 
qm  rend  ces  (bracelets  remarquables,  c'est  surtout  leur  ma- 
tiéfe,  car  om  «retrouve  bien  plus  fréquemment  dans  Tâge 
4q  braire  des  ornements  en  or  qu'en  argent  ;  aussi  affir- 
me-t-on  souvent  que,  dans  les  pays  de 'POccident,  la  con- 
naissance de  l'argent  n'a  pas  précédé  celle  du  fer.  La  ra- 
reté-d'objets  de  ce  métal  avec  les  instruments  tranchants 
en4)ronze  a  naturellement  conduit  à  formuler  ce  jugement 
par  trop  ab^lu  ;  mais  il  est  facile  d'expliquer  pourquoi, 
ilanscfisâges  reculés,l'argentest  en  effet  beaucoup  plus  rare 
qn&e  l'or.  La  différence  dans  l'emploi  de  ces  métaux  doit  pro- 
venir detl'imperfection  de  l'art  métallurgique  à  cette  épo- 
que reculée,  et  avoir  sa  cause  dans  ie  plus  ou  moins  de 
difficultés  de  l'exploitation  du  minerai.  Dès  une  très  haute 
antiquité,  on  a  découvert  l'or  natif  en  assez  grande  abon- 
dance ;  son  éclat  devait  attirer  l'attention  de  l'observateur, 
et  il  suilisait  du  lavage  et  d'une  simple  fusion  pour  le  met- 
Are  en  œuvre.  Quant  à  l'argent,  on  le  trouve  beaucoup 
-plus  rarement  à  l'état  natif.  Le  plus  souvent,  son  minerai 
sans  éclat  est  allié  au  plomb,  et,  pour  réduire  celui-ci  h 
l'état  de  litharge,  il  faut  l'emploi  de  procédés  difficiles  par 


464  ANTIQUITÉS 

lesquels  l'industrie  ne  débute  pas.  Il  est  donc  naturel  que 
la  connaissance  de  ces  procédés  n'ait  pas  précédé  celle  de 
l'exploitation  du  fer,  mais  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  l'ar- 
gent natif  ait  été  travaillé  en  même  temps  que  l'or,  seule- 
ment, étant  beaucoup  plus  rare  à  cet  état  de  pureté,  l'ar- 
gent a  dû  être  employé  moins  fréquemment  que  l'or  pour 
ces  antiques  ornements  ^  —  Dans  les  tombeaux  de  Char- 
pigny,  des  anneaux  entr'ouverts,  de  45  à  55  lignes  de  dia- 
mètre reposaient,  dit-on,  sur  les  crânes,  mais  il  peuvent 
avoir  été  de  simples  colliers.  Il  faut  encore  mentionner  un 
peigne  en  bronze,  de  grandes  épingles  à  cheveux,  des  tu- 
bes de  cuivre,  pareils  à  ceux  d'un  chalumeau,  trois  celts, 
une  lame  de  poignard,  des  fragments  de  poterie  grossière 
et  un  grand  nombre  de  lamelles  de  bronze,  de  formes  di- 
verses, qui  ont  dû-servir  d'ornements,  mais  dont  l'usage 
est  difficile  à  déterminer. 

Des  tombes  du  même  genre,  renfermiant  des  objets  pa- 
reils,  mais  moins  nombreux,  ont  été  découvertes  dans  la 
vallée  du  Rhône  :  à  Saint-Triphon,  sur  plusieurs  points 
près  de  Bex,  avec  un  poignard,  des  celts,  des  épingles  et 
des  bracelets  ;  près  d'Aigle,  au  Plan-d'Essert,  sur  la  route 
d'Aigle  aux  Ormonts,  aux  Afforêts  et  en  Pré-Baccon,  enfin, 
à  la  George,  au-dessus  de  Roches. 

La  tranchée  du  chemin  de  fer,  sous  Lausanne,  a  mis  au 
jour,  en  1854,  un  squelette,  couché  en  terre  libre,  à  5 


*  Ces  bracelets,  ainsi  que  divers  autres  objets  de  Charpigny,  font  partie  de 
ma  collection.  —  II  est  à  remarquer  que  l'or  se  retrouve  fort  rarement  en 
Suisse  avec  les  antiquités  de  l'âge  du  bronze,  tandis  qu'il  était  particulière- 
ment abondant  à  la  même  époque,  entre  autres  en  Irlande,  en  Danemarck  et 
dans  le  midi  de  la  Suède.  L'analyse  chimique  des  ornements  en  or  des  pays 
Scandinaves,  a  constaté  que  ce  métal  provenait  des  mines  de  l'Oural. 


DE    LA   SU1S8K   OGCIDKKTALK.  465 

piedsde  profondeur,  qui  portait  des  bracelets  et  une  bague 
en  bronze.  Plus  anciennement ,  on  découvrit,  dans  une 
tombe  de  Saint-Sulpice ,  une  pointe  de  lance  en  bronze» 
et,  dans  des  tombes  en  dalles  brutes,  sur  le  Crêi^^Bai^ 
ron,  près  de  Morges,  de  fort  beaux  bracelets  ornés  de  dis- 
ques et  de  fines  stries.  Un  poignard  en  bronze  a  été  re- 
trouvé avec  un  squelette  humain  prés  de  Buchillon,  et 
des  tombes,  sur  le  territoire  A'AUaman^  renfermaient  des 
celts.  des  faucilles  et  des  pointes  de  lance.  En  Maurmonl, 
riére  Pizy,  près  d*Aubonne,  des  tombes  contenaient  des 
objets  pareils.  Des  squelettes,  découverts  à  Trey,  près 
Payerne ,  portaient  encore  des  bracelets  et  un  collier  en 
bronze.  Enfin,  auprès  d'un  squelette  déposé  en  terre  libre» 
à  3  pieds  de  profondeur,  à  la  Longeraye,  près  de  Paie- 
zieux,  se  trouvaient  de  grandes  épingles  et  divers  instru- 
ments en  bronze,  du  poids  d'environ  trois  livres,  qui  ont 
été  vendus  au  fondeur. 

On  verra  tout  à  Theure  que  des  objets  du  même  genre 
ont  été  découverts  en  bien  d'autres  points,  mais  sans 
qu^il  soit  possible  de  constater  si  leur  dépôt  dans  le  sol 
se  rattachait  à  quelque  sépulture. 

On  retrouve  de  temps  à  autre ,  en  dehors  des  lieux 
d*inhumation,  des  objets  de  l'âge  du  bronze  qui  ont  été 
anciennement  déposés  au  pied  de  quelque  bloc,  ou  per- 
dus sur  le  sol,  de  manière  i  être  recouverts  d'alluvions  ou 
de  terre  végétale.  Les  instruments  placés  sous  les  blocs 
peuvent  avoir  eu  une  destination  religieuse  pour  autant 
que  ceux-ci  étaient  consacrés  comme  autels,  mais  la  dé- 
termination n'est  pas  toujours  facile,  et  l'on  comprend 
qu'à  une  époque  où  les  habitations  étaient  mal  fermées, 
on  cachait  souvent  sous  une  pierre  ou  vers  un  arbre, 

utm.  rr  mccm.  ixt.  M 


466  ANTIQUITÉS 

les  objets  qu'on  ne  voulait  pas  confier  à  la  foi  publiques 
Cependant  la  plupart  des  dépâls  suivants  paranssent.  plutôt 
se  rattacher  à  quelque  usage  religieux. 

H.  Taylor^&audin ,  ea  faisant  sauter  on  bloc  erratique 
dans  sa  campagne  de  Charpigny,  près  d'Aigle,  a  décou- 
vert  dessous  onze*  cell&,  trois  grands  anneaux  et  uoe 
pointe  de  lanee  en  bronze,  qui  étaient  disposés  en  cercto*. 

Le  musée  de  Genève  conserve  trois  cellSi  et  ua  couteau 
en  bronze,  trouvés  au  pied  de  la  Pierre  à  Niion,  qui  for- 
me un  îlot  daos  le  Léman,  tout  auprès  de  Genève^. 

Derrière  le  signal  de  Bougy,  on  a  détruit,  près  du  vil- 
lage de  Pizy,  dans  un  lieu  appelé  Maurmont ,  un  bloc  er^ 
ratique  qui  recouvrait  des  celts,  des  couteaux,  des  fau- 
cilles et  de  nombreux  ioâtrumeots  en  bronze  du  poids  to- 
tal d'environ  deux  quintaux,  et  qui  ont  tous  disparu.  U 
est  difficile  de  dire  si  ces  objets  provenaient  d'un  simple 
enfouissement  ou  A'ex-voto  réunis  sous  un  autel. 

Près  AeJuriens,  en  enlevant  une  pierre  brute,  de  forme 
cylindrique,  on  trouva  dans  une  terre  légère  deux  cells  et 
divers  objets  qui  n'ont  pas  été  conservés. 

Sous  un  men-hir,  près  de  La-Mothes ,  M.  Masset  a  re- 
cueilli deux  celts  en  bronze. 


'  Cet  usa^  a  été  fort  général.  Dans  Les  pays  Scandinaves,  on  retrouve  fré- 
quemment des  enfouissements  de  monnaies  et  de  métaux  précieux  faits  par 
les  hardis  aventuriers  du  Nord  ,  qui ,  de  retour  dans  leur  patrie,  cachaient 
leurs  trésors  dans  le  sol  et  retournaient  à  de  nouvelles  expéditions  dont  ils 
ne  revenaient  pas  toujours,  en  sorte  qu*une  partie  de  ces  dépôts,  perdus 
pour  les  leurs,  se  découvrent  fortuitement  de  nos  jours. 

*  Cette  disposition  en  cercle  a  été  observée  plus  d'une  fois  dans  divers 
pays.  Les  objets  découverts  à  Charpigny  sont  conservés  dans  le  cabinet  d'an- 
tiquités de  Bel-Air. 

'  Description  de  quelques  monuments  celtiques,  Blavignac ,  ptg.  21. 


DE    LA   SUISSE   OCCIDENTALE.  467 

Ud  meo-bir  de  Vauraux,  dans  le  canton  de  Neuchfttel, 
recouvrait  aussi  plusieurs  instruments  qui  ont  disparu  \ 

Enfln,  sur  le  versant  sud-ouest  du  Bùttenberg,  près  de 
Bienne,  dans  une  localité  qu'un  manuscrit  de  l'an  1225 
nomme  Locus  Dei,  on  a  trouvé,  sous  un  grand  bloc  erra- 
tique, un  vase,  les  fragments  d'une  idole  ou  statuette  et 
trois  faucilles  en  bronze,  dont  deux  sont  conservées  dans 
le  musée  de  Berne*. 

Si  une  partie  de  ces  instruments  servait ,  comme  il  est 
vraisemblable ,  aux  cérémonies  du  culte,  quelques-uns, 
malgré  leur  métal ,  peuvent  être  postérieurs  à  l'âge  du 
bronze,  le  prêtre  étant  le  dernier  à  changer  la  matière 
consacrée  ;  c'est  ainsi  que  dans  plusieurs  contrées,  il  con- 
serva longtemps  encore  après  l'introduction  du  fer,  la  ha- 
che et  le  couteau  en  silex.  Cette  stabilité  de  certains  usages 
religieux  explique  comment  des  instruments  tranchants 
en  bronze  étaient  réunis  avec  de  la  poterie  romaine  dans 
le  domaine  de  la  Gantenaz,  au-dessus  de  Lutry '. 

Quant  aux  objets  suivants,  trouvés  en  terre  libre,  ils 
doivent  être  classés  dans  la  seconde  période  à  laquelle  ils 
appartiennent,  non-seulement  par  leur  matière,  mais  sur- 
tout par  leur  genre  de  travail.  Il  suffira  d'en  donner  la 
liste  ainsi  que  celle  des  localités  où  on  les  a  découverts. 

Géronde,  près  de  Sierre,  en  Valais,  épée  avec  ane  poi- 
gnée en  bronze*. 


*  Note  manuscrite  de  M.  Du  Bois  de  Montpéreux. 

*  Der  Kmton  Bem,  Alb.  Jahn,  p.  92. 

s  Les  détails  de  cette  découverte  seront  mentionnés  plus  tard. 

*  Plusieurs  objets,  tels  que  poignards,  celts,  anneaux,  etc.,  trouvés  dans 
le  Valais,  sont  entre  les  mains  de  diverses  personnes  qui  ignorent  le  plus 
souvent  les  lieux  de  leur  découverte. 


468  ANTIQUITÉS 

Es'Lez,  près  des  bains  de  Lavey,  grand  anneau  orné  de 
gravures  (conservé  dans  le  musée  de  Lausanne). 

Bex,  quatre  celts,  une  faucille,  deux  bracelets,  une  épin- 
gle et  un  collier  (conservés  dans  le  cabinet  d'antiquités  de 
Bel  Air).  Grande  épingle  d'un  beau  travail  (conservée  par 
M.  Sharman). 

Bévieux,  salines  de  Bex,  petit  anneau  et  pommeau  pour 
garniture  de  hampe  (musée  de  Genève). 

St.Triphon,  lame  de  poignard  (cabinet  de  Bel-Air).  Celt 
(biblioth.  d'Yverdon). 

Yvome,  celt  (musée  de  Lausanne). 

Villeneuve,  au  Pissot,  à  40  ou  50  pieds  au-dessus  de  la 
plaine,  celt  (musée  de  Lausanne). 

Vevey,  bracelet  en  bronze  dont  les  extrémités  sont  croi- 
sées^ trouvé  à  8  pieds  de  profondeur,  dans  le  lit  de  la 
Veveyse,  en  reconstruisant  le  pont  (cabinet  de  Bel-Air). 

Entre  Hauteville,  sur  Vevey,  et  Si.  Légier,  celt  (musée 
de  Lausanne). 

Palézieux,  fragments  d'épée  en  bronze  (musée  d'Aven- 
ches). 

Bionnens,  canton  de  Fribourg,  celt  (cabinet  de  Bel- 
Air). 

Chalet  à  Gobet,  sur  la  route  de  Moudon  à  Lausanne,  celt 
(cabinet  de  Bel-Air). 

Rovéréaz,  sur  Lausanne,  celt  trouvé  dans  le  lit  d'ui\ 
ruisseau  (conservé  par  M.  Chaudet,  arpenteur). 

Lulry,  épingle  à  cheveux  (musée  de  Lausanne). 

Echallens,  celt  avec  douille  (cabinet  de  Bel-Air). 

Au-dessus  de  Rolle ,  entre  les  Granges  de  Mont  et  la 
Gingine,  celt  trouvé  dans  un  bois,  en  déracinant  un  arbre 
(cabinet  de  Bel-Air). 


DE    LA    SUISSE  OCCIDENTALE.  4G9 

Aux  environs  de  Gemve,  couteau  (musée  de  Genève). 

Aux  Bmtgeries,  entre  Genève  et  le  Salève,  lame  d'épée 
(musée  de  Genève). 

Gingins,  épingle  à  cheveux  (cabinet  de  Bel- Air). 

Trevelin,  près  Aubonne,  celts,  couteaux  et  faucilles 
(perdus). 

Sur  les  bords  de  TAubonne,  dans  le  vallon  de  La  Pail- 
lai desHugueis,  ceit  (bibliothèque  d'Yverdon). 

Sie-Croix,  ceIt  et  pointe  de  lance,  trouvés  en  exploitant 
du  gravier  entre  le  village  et  le  château. 

Dans  les  tourbières  d'Yverdon,  couteau  en  bronze  (col. 
de  M.  G.  de  Bonstetten). 

Cheseatix,  près  Yverdon,  celts  (fondus). 

Bevaix,  canton  de  Neuchâtel,  deux  faucilles  (musée  de 
Neuchâtel). 

Tête-Plumet,  près  Neuchâtel,  celt  (musée  de  Genève). 

VaMe-Ruz,  celt  (musée  de  Neuchâtel). 

D'autres  découvertes  pourraient  être  ajoutées  à  cette 
liste,  mais  les  renseignements  n'étant  pas  suffisamment 
précis,  il  est  plus  prudent  de  les  passer  sous  silence  ;  tou- 
tefois, il  reste  encore  à  mentionner  les  débris  d'habita- 
tions lacustres  qui  se  rattachent  à  cette  seconde  période. 

Nous  avons  rattaché  précédemment  à  l'âge  de  la  pierre 
l'existence  de  cabanes  construites  sur  pilotis,  et  qui  s'é- 
levaient au-dessus  de  la  surface  des  eaux ,  à  une  dis- 
tance de  quelques  centaines  de  pieds  de  la  rive.  Ce  genre 
de  construction  déjà  décrit  par  Hérodote  *,  et  propre  en- 
core de  nos  jours  à  quelques  populations,  a  été  fort 
usité  par  les  habitants  de  l'Helvétie  occidentale,  pendant 

.  *  Liv.  V,  cap.  16. 


470  ANTIQUITÉS 

rage  du  bronze.  Tandis  qne  les  restes  des  pilotis  de 
)a  première  péiiode  sont  le  plus  sourent  recouverts 
de  tourbe  ou  de  limon,  ceux  du  deuxième  âge  sont  gé- 
néralement sailfants  et  mesurent  parfois  jusqu'à  cinq  ou 
six  pieds  de  longueur,  à  partir  de  la  vase  des  lacs.  Au- 
près de  ces  pieux,  d'autres,  extrêmement  usés  par  l'actioa 
des  eaux,  montrent  que  ces  emplacements  ont  été  occupés 
pendant  des  siècles  nombreux,  et  il  est  probable,  que  sur 
plus  d'un  point  les  débris  des  habitations  de  la  deuxième 
période  recouvrent  ceux  de  la  première.  Ces  pilotis,  d'es- 
sences diverses,  mais  le  plus  souvent  de  chêne,  ont  3  à  8 
pouces  de  diamètre.  Leur  partie  inférieure,  poiniue  et 
prise  dans  la  vase,  conserve  encore  la  trace  des  coups  de 
hache.  On  voit  ces  pieux,  sous  8  à  20  pieds  d'eau,  plantés 
par  centaines  et  quelquefois  aussi  par  milliers  sur  le  môme 
emplacement  ;  parfois ,  ils  sont  à  peine  distants  de  1  à 
2  pieds,  tandis  qu'ailleurs  on  les  trouve  beaucoup  plus 
espacés.  Nulle  part,  ils  ne  présentent  d'alignements  régu- 
liers S  mais,  dans  leur  ensemble,  ils  sont  presque  toujours 
disposés  parallèlement  à  la  rive,  à  une  certaine  distance 
de  celle-ci,  suivant  l'inclinaison  et  le  prolongement  du 
bas-fond. 

C'est  auprès  de  ces  pieux  que  se  trouvent  les  restes 
d'industrie  qui  témoignent  de  l'époque  reculée  pendant  la- 
quelle on  élevait  ces  constructions.  Les  débris,  de  beaucoup 
les  plus  nombreux,  consistent  en  fragments  de  poterie 

*  J'ai  cependant  remarqué  sur  quelques  points  des  pilotis  disposés  de  ma- 
nière à  dessiner  des  ûgures  régulières,  mais  je  n'ai  pas  eacore  retrouvé  au- 
près les  débris  caractéristiques  de  la  période  du  bronze.  11  est  évident  que 
bien  des  pieux  ont  été  plantés  dans  les  lacs,  postérieurement  à  l'époque  qui 
nous  occupe  et  dans  un  tout  autre  but  que  celui  de  soutenir  les  habitations. 


DE    LA    SUISSE   OCCIDENTALE.  471 

au  milieu  desquels  il  y  a  même  des  vases  plus  ou  moios 
iutaiirts.  La  plupart  de  ces  emplacements  paraissent  aToir 
eu  leurs  potiers,  à  en  juger  parles  pièces,  qui,  déformées 
lors  de  la  cuite,  étaient  jetées  à  l'eau,  ue  pouvant  avoir 
cours  dans  le  commerce.  L'argile ,  généralement  pétrie 
avec  de  petits  cailloux  siliceux ,  a  été  souvent  travaillée 
avec  une  assez  grande  finesse,  soit  à  la  main,  soit  à  l'aidé 
du  tour.  Les  dimensions  et  les  formes  des  vases  sont  ex- 
trêmement variées  :  quelques-uns  sont  de  véritables  jou- 
joux d*enfants,  d'autres  mesurent  jusqu'à  2  et  3  pieds  de 
diamètre,  n  en  est  dont  le  fond,  terminé  en  pointe,  exi- 
geait un  support,  et  tel  est  l'usage  de  nombreux  anneaux 
en  argile,  pareils  à  des  torches.  Des  anneaux  du  mdmfe 
genre  remplissent  encore  le  même  but  chez  les  Hindous 
et  chez  quelques  populations  de  l'Espagne.  De  petites  piè- 
ces sphériques ,  en  terre  cuite ,  percées  d'um  trou ,  ont 
servi  de  poids  aux  fuseaux.  Des  ornements  en  torsade, 
des  pointillages  et  de  fines  stries  recouvrent  parfois  ces 
poteries  et  plus  particulièrement  les  vases. 

L'âge  de  ces  débris  est  suffisamment  déterminé  par  les 
nombreux  instruments  tranchants  en  bronze  qui  les  accom^ 
pagnent.  Les  hachettes,  connues  sous  le  nom  de  celt ,  les 
couteaux  et  les  faucilles  en  bronze  sont  moins  rares  que 
iesépées,  les  poignards  et  les  pointes  de  lance,  de  javelot 
ou  de  flèche.  On  découvre  des  épingles  de  toutes  dimen- 
sions,  des  aiguilles  à  coudre,  des  poinçons,  de  nombreux 
bracelets  de  formes  variées,  des  anneaux  divers,  des  ha- 
meçons et  plusieurs  objets  dont  la  destination  est  difficile 
â  saisir. 

Comme  pièces  exceptionnelles ,  on  doit  citer  une  ou 
deux  lamelles  en  or  et  quelques  grains  de  collier  en  verr^ 


472  ANTIQUITÉS 

qui  proviennent  sans  doute  du  commerce  des  Phéniciens 
avec  le  midi  des  Gaules.  C'est  à  M.  le  colonel  Schwab 
qu'est  due  la  découverte  de  ces  pièces  dans  le  lac  de 
Bienne*.  Mentionnons  aussi  un  moule  de  hache,  en  bronze^ 
sorti  du  milieu  des  pilotis  de  Morges  par  M.  F.  Forel, 
moule  d'après  lequel  on  peut  's'assurer  que  ces  popula- 
tions avaient  leurs  fonderies  ^ 

Outre  ces  restes  d'industrie,  on  trouve  des  marteaux  et 
quelques  petites  hachettes  en  pierre,  des  pierres  à  broyer» 
à  aiguiser  et  à  polir,  d'autres,  de  la  forme  de  petites  pou- 
lies, des  espèces  de  meules  de  moulin,  des  ossements  de 
cerfs  et  de  la  plupart  des  animaux  domestiques  %  quel- 
ques canots  en  bois,  creusés  comme  des  auges,  sembla- 
bles aux  pirogues  des  sauvages,  enfin  des  fragments  de 
Targile  qui  servait  de  revêtement  aux  cabanes  et  qui  por- 
tent  en  creux  l'empreinte  des  branchages  employés  à  ces 

*  J'ai  fouillé,  en  novembre  1857,  un  tombeau  de  l'âge  du  bronze,  près 
d'Aigle,  qui  contenait  aussi  un  collier  de  pâtes  émaillées.  Des  grains  de 
verre  bleu  ont  pareillement  été  trouvés  dans  des  tumuli  du  même  âge,  sur 
les  bords  de  la  mer  Baltique.  Cependant,  il  se  peut  que  les  verroteries  du  lac 
de  Bienne  proviennent  du  commencement  de  l'âge  du  fer,  M.  Schwab  ayant 
repêché  quelques  objets  de  ce  métal. 

•  Une  fonderie  de  l'âge  du  bronze  a  été  retrouvée,  en  1857,  en  nivelant  le 
sol  de  la  cour  du  château  d'Echallens.  L'enfouissement  consistait  en  nom- 
breux culots  de  cuivre  rouge,  en  fragments  d'instruments  de  bronze,  destinés 
à  être  jetés  dans  le  creuset,  et  en  celts  ,  dont  quelques-uns  sont  des  échan" 
tillons  manques  qui  n'étaient  bons  qu'à  être  refondus.  Le  cuivre  rouge  des 
culots  et  le  bronze  jaune  des  celts  montre  que  l'alliage  de  l'étain  se  faisait 
sur  place. 

'  Voir,  relativement  aux  animaux  qui  vivaient  avec  les  plus  anciens  habi- 
tants de  l'Helvétie,  ma  notice  sur  les  Ossements  et  antiquités  du  lac  de  }foos- 
seedorf.  Bibliothèque  universelle  de  Genève,  mai  1857,  et  Die  Pfahlbau-Al- 
terthiimer  von  Mooiseedorf,  im  Kanton  Berne,  von  Alb.  Jahn  und  Joh.  Uhl- 
mann. 


DE    LA    SUISSE    OCCIDENTALE.  473 

constructions.  Ces  fragments  n'ont  pu  se  conserver  dans 
l'eau  qu'après  avoir  été  cuits  par  Tincendie»  et  il  est  à  re- 
marquer que  leur  face  unie  présente  toujours  une  légère 
concavité,  qui  permet  de  conclure  que  les  cabanes  étaient 
circulaires  et  que  leur  diamètre  intérieur  mesurait  de  10 
à  15  pieds ,  dimensions  qui  ne  sont  point  inférieures  à 
celles  des  huttes  des  sauvages. 

L'un  des  lacs  où  les  explorations  ont  été  les  plus  riches, 
est  celui  de  Bienne,  dont  je  laisse  à  M.  le  colonel  Schwab 
le  soin  d'énumérer  les  diverses  localités  où  il  a  constaté 
avec  M.  le  notaire  Muller  l'existence  de  nombreux  pilotis. 

Le  lac  d'Yverdon,  soit  de  Neuchâtel ,  renferme  des 
débris  d'habitations  lacustres  près  à'Auvernier,  de  Cor- 
taillod,  de  VAbhaie  et  du  Moulin  de  Bevaix ,  de  Concise^ 
de  Corceleltes,  de  Clendi,  A'Estavayer,  de  Chevroux  et  de 
Port'Alban. 

On  les  trouve  dans  le  lac  Léman  près  de  Cully,  de  Lu- 
try,  de  Pully,  de  Cour,  de  Yidi^  de  SL-Sulpice,  Ae  Marges, 
de  Si.-Prez,  de  Rolle,  de  Nyon\  de  Versoix,  des  Pâquis 
et  de  Rive  vis-à-vis  de  Genève*,  près  de  la  Belotie,  de  la 
Gabiule,  de  Bassy,  A'Hermance,  de  Beau-Regard,  de  Ner- 
nier,  d'Ivoire,  de  Thonon,  A'Evian  et  à'Amphion^. 

*  On  voit  dans  le  lac,  près  de  Nyon  ,  des  pieux  de  tous  les  âges.  Ceux  qui 
nous  occupent  sont  en  face  de  la  rade  entre  le  port  et  la  pointe  de  Promen- 
tboux. 

*  A  Textrémité  du  petit  lac,  les  pilotis  sont  disséminés  sur  des  points  di- 
vers-, quelques-uns  traversent  même  le  lac  dans  sa  largeur,  d'autres,  obli- 
quement; ils  sont  connus  sous  le  nom  de  Travers, 

'  Il  faut  tenir  compte  que  vers  quelques-unes  des  localités  {mentionnées  il 
existe  parfois  deux  et  même  trois  emplacements  distincts.  —  M.  Ad.  Morlot 
a  observé  dernièrement  à  la  tète  du  Léman  des  pieux  mis  à  découvert  par  la 
trancbée  du  chemin  de  fer  à  Villeneuve.   L'emplacement  qu'ils  occupent 


474  ANTIQUITÉS 

Les  décoaverles  de  M.  Morlot,  dans  le  petit  lac  d'iDkwyl, 
et  de  MM.  Jahn  et  Uhlmaan,  dans  celai  de  Moosseedorf, 
font  voir  que  ces  habitations  n'étaient  pas  uniquement 
propres  aux  bassins  d'une  certaine  étendue  ;  aussi ,  je 
n'hésite  pas  d'attribuer  au  même  genre  de  construction  la 
découverte,  qui  fut  faite,  à  la  fin  du  siècle  passé,  dans  le 
petit  lac  de  Luissel ,  près  de  Bex ,  d'où  l'on  sortit  des 
pointes  de  lance  et  trois  belles  épées  en  bronze,  conservées 
dans  les  musées  de  Lausanne  et  de  Berne.  Un  témoin 
oculaire  de  cette  découverte  m'a  affirmé  qu'on  avait  trouvé 
sur  le  même  point  des  pièces  de  bois,  des  ossements 
et  une  certaine  quantité  de  blé,  enfouis  dans  la  tourbe*. 

Ces  débris  confiés  sur  un  si  grand  nombre  de  points, 
depuis  la  découverte  de  Meilen,  ne  sont  pas  propres  à  ia 
Suisse  seulement.  J'«n  ai  vu  de  pareiis  dans  le  lac  é'An- 
necy,  en  Savoie',  et  l'on  commencée  en  découvrir  de  sem- 
blables en  Irlande  et  dans  le  nord  de  l'Angleterre,  en 
sorte  qu'on  peut  s'attendre  à  voir  se  généraliser  ces  dé- 
couvertes dans  la  plupart  des  lacs  de  l'Europe. 

L'époque  à  laquelle  ces  cotisiruclions  ont  cessé  d'être 
en  usage  paraît  tomber  sur  la  fin  de  la  période  du  bronza, 
à  en  juger  du  moins  par  l'état  actuel  des  recherches. 
MM.  Muller  et  Schwab  ont  cependant  repêché  quelques 
instruments  en  fer,  mais  ces  pièces  sont  très  exception- 
porte  les  traces  caractéristiques  d'une  ancienne  rive,  bien  que  ce  point  soit 
-actuellement  séparé  du  lac  par  le  bourg  de  Villeneuve  ;  mais  on  ne  peut 
-affirmer  que  ces  pieux ,  malgré  leur  haute  antiquité,  proviennent  d'habita- 
tions lacustres. 

*  Voir  la  description  de  cette  découverte  dans  le  Nouvelliste  vaudais  du  21 
octobre  1603.  La  découverte  date  du  84  mars  1791  et  fut  amenée  par  les  tra- 
vaux de  dessèchement  entrepris  pour  l'exploitation  de  la  tourbe. 

*  Ga%ette  de  Savoie  19  et  20  septembre  1856. 


DE    LA   SUISSE  OCCIDENTALE.  475 

Délies,  et  il  est  d'ailleurs  fort  possible  que  quelques-unes 
de  ces  habitations  aient  survécu  à  une  destruction  gêné- 
raie.  Quoi  qu*il  en  soit,  le  fer  est  étranger  à  la  plupart  de 
ces  emplacements  qui  offrent  ordinairement  tous  les  indi- 
ces d'une  destruction  par  le  feu,  pendant  Tàge  du  bronze*. 
Les  observateurs  attentifs  avaient  déjà  pu  conclure  du 
nombre  des  sépultures  antiques  à  celui  des  habitants  de 
Tancienne  Helvétie,  et  ces  nouvelles  découvertes  viennent 
dépasser  les  prévisions  à  cet  égard.  Polybe  affirmait  déjà 
que  les  vallées,  au  pied  des  Alpes,  étaient  bien  plus  peuplées 
qu'on  ne  se  l'imaginait  à  Rome.  De  nos  jours,  on  a  encore 
à  combattre  les  mêmes  préjugés  que  ceux  des  anciens 
Romains.  Il  sera  facile  de  se  faire  une  idée  de  la  popula- 
tion approximative  des  riverains  de  nos  lacs,  si  l'on  prend 
un  jour  les  dimensions  exactes  de  tous  les  emplacements 
recouverts  par  ces  antiques  pilotis.  Il  suffira  pour  le  mo- 
ment d'en  donner  un  exemple.  Vis-à-vis  de  la  ville  de 
Morges,  les  pilotis  s'étendent  sur  un  espace  de  1200  pieds 
de  longueur  sur  450  de  largeur  en  moyenne.  Ces  pieux 
étant  destinés  à  supporter  le  plancher  brut  sur  lequel 
étaient  assises  les  cabanes,  on  a  ainsi  la  mesure  exacte,  en 
minimum,  de  la  surface  de  ce  plancher,  soit  480  000  pieds 
carrés.  Si  l'on  admet  que  les  couloirs  aient  pris  la  moitié 
de  cette  surface  (ce  qui  est  assurément  beaucoup)  et  que 
le  diamètre  extérieur  des  cabanes  a  été  de  17  pieds,  d'a- 
près l'observation  faite  plus  haut,  il  en  résulte,  qu'il  reste 
encore  une  place  suflisant^  pour  grouper  316  de  ces  hut- 


*  Voir  poar  plus  de  détails  ma  notice  sur  les  Habitations  lacustres  de  la 
Suisse,  insérée  dans  le  Journal  de  Genève  du  80  sept,  au  2  oct.  1857,  «t 
dans  le  Bon  Messager  de  1858. 


476  ANTIQUITES 

tes,  sans  compter  les  vides  inoccupés  entre  ces  demeures 
circulaires.  Enfin,  en  admettant  que  chaque  cabane  ait 
contenu  4  personnes,  en  moyenne,  on  arrive  au  chiffre  de 
1264  habitants  pour  ce  seul  emplacement,  qui  est  Tun  des 
plus  grands,  il  est  vrai. 

On  pourrait  croire  que  la  population ,  à  cette  époque, 
était  essentiellement  groupée  sur  les  rives  des  lacs,  mais 
il  ne  paraît  point  qu'il  en  ait  été  ainsi.  Dans  ce  cas,  la  dé- 
couverte des  sépultures  de  la  même  période  devrait  sur- 
tout avoir  lieu  le  long  du  littoral  des  bassins  d'eau,  ce  qui 
n'a  cependant  pas  été  le  cas  jusqu'à  présent.  Les  tombes 
de  l'âge  du  bronze,  renfermant  des  objets  pareils  à  ceux 
qui  accompagnent  les  pilotis,  sont  aussi  nombreuses  loin 
des  lacs  que  sur  les  rivages,  et  leur  disposition  géogra- 
phique indique  une  population  répandue  assez  également 
dans  le  pays,  si  l'on  en  excepte  les  contrées  montagneu- 
ses '.  Ces  observations  font  comprendre  importance  qu'il 
y  a  pour  ces  recherches  de  statistique  à  tenir  compte  de 
toutes  les  découvertes,  lors  même  qu'elles  sont  souvent  la 
simple  reproduction  de  faits  déjà  connus. 

Une  population  aussi  nombreuse  pour  cette  époque  re- 
culée, quoique  bien  inférieure  sans  doute  à  ce  qu'elle  est 
de  nos  jours,  implique  la  nécessité  d'un  certain  dévelop- 
pement, qui  ressort  déjà,  à  quelques  égards,  de  ces  cons- 
tructions elles  mômes,  ainsi  que  de  l'art  du  fondeur  et  du 
potier.  Mais,  à  côté  de  l'industrie,  Tagricullure  ne  pou- 
vait rester  étrangère  à  ce  peuple,  dont  on  retrouve  les  fau- 

*  Resterait  la  supposition  d'après  laquelle  les  habitants  de  ces  bourgades 
lacustres  auraient  jeté  les  corps  des  défunts  dans  les  eaux,  mais  rien,  jus- 
qu'à présent,  ne  nous  fournit  l'indice  d'un  pareil  usage.  Les  sépultures  re- 
trouvées sur  plusieurs  points  des  rivages  semblent  exclure  cette  hypothèse. 


DE    LA   SUISSE   OCCIDENTALE.  477 

cilles,  et  qui  cooDaissait  déjà  la  culture  du  blé  dans  Tâge 
de  la  pierre  ' .  Le  nombre  considérable  d'ossements  d'ani- 
maux domestiques,  qui  ont  été  recueillis,  ne  permet  pas 
non  plus  de  douter  que  le  soin  des  troupeaux  n'ait  été 
poussé  assez  loin.  Si  l'on  se  représente  cette  population, 
soit  dans  l'intérieur  des  terres,  soit  dans  ses  nombreuses 
bourgades,  travaillant  le  cuivre  et  l'étain ,  cultivant  le  sol, 
soignant  et  parquant  ses  troupeaux,  il  en  résulte  la  néces- 
sité de  toute  une  organisation  sociale  et  de  voies  ouvertes 
au  commerce  et  au  transport  des  récoltes. 

Ces  découvertes  seront  loin  du  reste  de  nous  avoir 
fourni  toutes  leurs  révélations  aussi  longtemps  qu'on  ne 
sera  pas  parvenu  à  opérer  des  tranchées  sous  les  eaux,  de 
manière  à  pouvoir  observer  avec  soin  la  superposition  des 
couches  historiques  qui  n'ont  encore  été  qu'effleurées. 

*  M.  le  Dr  Uhlmann  a  découvert,  au  milieu  des  pilotis  du  lac  de  Moossée- 
dorf,  du  blé  carbonisé  par  Tincendie 


NOTICE 


SUR  LES 


ANTIQUITÉS  ROMAINES 


DU  CANTON  DE  VAUD 


&:^ 


S'il  avait  été  donné  à  un  homme,  après  avoir  vu  Tan- 
cienne  Helvélie  de  Divicon,  de  parcourir  le  même  pays  dans 
les  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne,  il  aurait  éprouvé 
une  grande  surprise.  Au  lieu  de  maisons  circulaires, 
construites  de  claies  et  d'argile,  recouvertes  de  chaume, 
il  aurait  rencontré  de  vastes  villœ  élevées  par  l'art  et  la 
richesse  et  des  cités  nombreuses,  ceintes  de  murs  et  or- 
nées avec  magnificence  ;  au  lieu  de  la  simplicité  primitive 
de  l'unique  foyer  autour  duquel  se  racontaient  les  exploits 
de  la  chasse  et  des  combats ,  il  aurait  vu  le  luxe  et  les  raf 
finements  d'une  civilisation  énervée;  au  lieu  des  dolmens 
et  des  bocages  consacrés  à  des  dieux  sévères,  des  tem- 
ples splendides  se  seraient  présentés  à  ses  yeux  éblouis, 
temples  devenus  Tasile  des  divinités  de  l'orient  et  du  sud. 
C'est  qu'un  vainqueur  s'était  assis  sur  la  terre  des  aïeux, 
introduisant  au  delà  des  Alpes,  comme  ailleurs  au  delà 
des  mers,  les  mœurs,  le  culte  et  la  vie  de  Rome. 


480  ANTIQUITÉS    ROMAINKS 


I.  vili.es. 

Golonia  Julia  equestris  (Noviodunum,  Nyon). 

Après  le  retour  des  émigranls  en  Helvétie,  César  com- 
mença par  s'assurer  du  pays  conquis  en  élablissant  une 
colonie  équeslre  non  loin  des  lieux  où  s'était  effectuée 
leur  sortie,  sur  la  localité  qu'avait  occupé  l'ancien  Novio- 
dunum  des  Celtes.  Aujourd'hui  la  ville  de  Nyon  occupe 
le  même  emplacement,  mais  bien  plus  considérable 
était  la  cité  romaine.  Bâtie  depuis  le  lac  jusque  sur  la 
hauteur,  elle  se  déroulait  le  long  du  coteau  de  Prangins 
et  descendait  vers  Promenlhoux,  d'où  partaient  les  bois 
du  Jura  pour  la  Méditerranée.  Les  portes  étaient  cons- 
truites de  pierres  longues  de  10  pieds  sur  4  à  5  de  large. 
Des  murs  ceignaient  la  cité  des  chevaliers  ;  de  riches  de- 
meures s'élevaient  à  l'intérieur.  Il  suffit  de  mentionner 
les  traits  principaux  de  ses  inscriptions  pour  peindre  celle 
époque.  Elles  nous  apprennent  que  les  chefs  de  l'empire 
avaient  aussi  leurs  adulateurs  dans  cette  ville.  Auguste  y 
comptait  des  prêtres,  Fabius,  vainqueur  des  Allobroges,  y 
était  vénéré.  Un  marbre  exprime  les  regrets  d'un  père  sur 
la  perte  de  son  fils,  jeune  et  savant  avocat.  Cette  cité  pos- 
sédait des  tribuns'  militaires,  un  intendant  des  ouvriers 
occupés  à  la  conslruclion  des  machines  de  guerre,  deux 
magistrats,  juges  des  causes  de  droit,  des  intendants  pour 
les  lieux  et  bâtiments  publics,  des  préposés  à  la  coupe  des 
bois  destinés  à  la  marine.  On  y  rencontrait  des  augures. 


DU    CANTON    DE    VAUD.  481 

des  pontifes,  des  sévirs,  des  décemvirs,  des  préires  voués 
à  des  autels  divers,  des  curateurs  des  citoyens  romains, 
des  membres  du  conventus  helvétique  et  un  chef  de  la 
gendarmerie,  appelé  à  réprimer  le  brigandage.  L'épée,  la 
robe  et  le  sacerdoce  se  trouvaient  réunis  dans  la  même 
personne.  Des  aqueducs,  conservés  en  partie,  rappellent 
les  réservoirs  d*eau  dontBrocchus  Valérius  Bassus  accorda 
l'usage  aux  habitants  de  Genève.  Les  milliaires  découverts 
dans  les  environs  ont  pour  point  de  départ  la  cité  éques- 
tre même  et  non  Avenches,  sans  doute  parce  qu'elle  fut  le 
chef-lieu  d'un  premier  établissement  romain  dans  THel- 
vélie.  D'après  Haller,  Nyon  aurait  conservé  par  exception 
le  l^r  milliaire  de  Lousonnium  à  Genève  en  sa  qualité  de 
colonie  équestre,  tandis  que  le  milliaire  part  d'Aventicum 
pour  tout  le  reste  de  l'Helvétie.  C'est  de  là  que  les  Romains 
gouvernèrent  l'Helvétie  occidentale ,  lui  imposant  leurs 
mœurs,  leur  langage  et  leur  culte.  Quand  vinrent  les  Bar- 
bares, Nyon,  qui  avait  été  un  moment  la  capitale  d'un  évé- 
<:hé  *,  vit,  vers  la  fin  du  V^  siècle,  l'évêque  transporter  son 
siège  à  Belley  ;  elle  n'était  plus  qu'un  village  sur  des  rui- 
nes. Il  ne  reste  de  l'antique  cité  que  des  débris  jetés  çà  et 
là.  Des  pans  de  mur  que  heurte  de  temps  à  autre  la  pelle 
de  l'agriculteur,  des  tuiles  nombreuses  à  la  surface  du 
sol,  déterminent  seuls  l'emplacement  de  l'ancienne  colo- 
nie. Des  chapitaux,  des  corniches,  une  tête  de  cheval  en 
marbre  entrent  dans  la  construction  d'une  porte  et  des 
murs  de  la  ville  moderne.  Une  tête  de  Méduse,  le  torse 
d'une  Diane  et  d'autres  fragments  ont  disparu  ces  derniers 


*  Cette  opinion,  longtemps  accréditée,  est  abandonnée  aujourd'hui. 

(NoU  de  redit.) 

MÉM.  ET  DOCUM.  XXV.  31 


482  ANTIQUITÉS  ROMAINES 

temps.  Plus  de  mosaïques  bien  conservées  ;  à  peine  encore 
quelque  inscription,  quelque  entablement  ou  bas-relief. 
On  doit  à  des  découvertes  fortuites  des  médailles  de  di- 
vers modules,  en  or,  argent  et  bronze,  des  vases  en  verre 
et  en  bronze,  d'autres  en  argile,  chargés  de  reliefs,  des 
fers  de  lance,  des  haches,  des  épées,  des  figurines,  des 
lampes,  des  clefs,  des  anneaux  en  or  ou  en  argent,  divers 
ornements  de  toilette  et  des  tombeaux  représentant  les 
différents  modes  de  sépulture,  Tinhumation  ou  le  bû- 
cher. Mais  ces  débris,  derniers  documents  historiques, 
disparaissent  et  s'anéantissent  à  leur  tour.  On  dirait  qu'il 
suffise  au  peuple  de  ce  souvenir  confus  qui  attribue  à  Jules 
César  toutes  les  anciennes  tours  du  Jura. 

La  colonie  équestre,  magnifiquement  située  entre  le 
Léman  et  la  via  strata  (chemin  de  l'Etraz),  grande  voie 
commerciale  et  militaire,  communiquait  avec  les  deux. 
Le  cavalier  qui  voulait  se  rendre  en  Ilalie  par  le  Saint- 
Bernard  suivait  la  route  des  bords  du  lac  et  ne  tardait  pas 
à  rencontrer  des  habitations  nombreuses  et  disséminées 
dont  on  trouve  des  restes  à  Dulive,  Lignière,  Allaman, 
et  Saint-Prex,  Au  delà  de  Joulens  (près  Morges),  on 
voyait  les  demeures  romaines  de  Saint- Sulpice.  A  Test, 
la  vue  s'étend  sur  les  plaines  de  Vidi  que  durent  autrefois 
recouvrir  les  eaux  du  Léman-;  mais,  bien  des  années 
avant  l'ère  chrétienne,  le  lac  avait  pris  son  niveau  actuel, 
dessinant  de  nouveaux  caps  et  de  nouveaux  promon- 
toires. Déjà  les  Celtes  s'étaient  assis  sur  ces  rives  qui  se 
retirent  dans  des  terres  fertiles,  tandis  que  Saint-Sulpice 
et  Cour  s'avancent  dans  les  eaux.  Au  levant,  on  voit  à 
l'horizon  les  hauteurs  boisées  du  Jorat  descendre  comme 
par  bonds  jusqu'au  bord  du  lac  et  ceindre  les  plaines  on- 


DU    CANTON    DE  VAUD.  483 

dulées.  C'est  là,  au  fond  du  golfe,  daus  cet  amphithéâtre 
de  la  nature  et  sur  ses  premiers  gradins  que  les  Romains 
construisirent  une  ville  dont  nous  ne  savons  guère  que  la 
situation  et  le  nom. 


Lousonnium. 


Longtemps  les  opinions  furent  partagées  sur  le  nom  de 
la  ville  qu'on  sait  avoir  existé  à  Vidi.  La  Chronique  men- 
songère du  pays  de  Vaud  l'appelle  Carpentras  et  Arpen^ 
tina;  le  peuple  l'a  répété  après  elle,  en  l'étendant  d'une 
localité  à  une  autre,  de  manière  à  y  renfermer  toujours 
son  territoire.  Depuis  un  siècle  (1739),  la  découverte  d'une 
inscription  à  Vidi  a  justifié  la  dénomination  des  anciens 
itinéraires  et  donné  raison  à  ceux  qu'on  accusait  de  faire 
remonter  trop  haut  le  nom  de  la  ville  moderne.  Ce  mar- 
bre, déposé  à  la  tête  d'un  sarcophage  dont  les  autres  dalles 
étaient  d'une  pierre  commune ,  avait  changé  de  destina- 
tion primitive,  puisqu'il  exprimait  un  vœu  adressé  au  so- 
leil, au  génie  et  à  la  lune  en  faveur  des  Augustes  (Marc 
AurèleetL.  Verus),  par  Publius  Clodius,  curateur  des  ha- 
bitants de  Lousanne  {curator  vikanorum  lousonnensium) . 
Cette  inscription  nous  montre  le  culte  gaulois  dans  un 
lieu  de  dénomination  celtique.  Une  autre  pierre,  trouvée 
à  Malley,  en  1719,  doit  être  rapprochée  de  la  précédente  : 
C'est  un  vœu  en  faveur  des  sylphes  protecteurs  de  Banira, 
Donindai,  Dedalus,  Tato  et  Capo,  fils  d'Icarus.  Ces  syl- 
phes, servants  ou  esprits  follets  de  nos  superstitions,  pro 
viennent  sans  doute  des  premiers  habitants ,  ainsi  que  les 


484  ANTIQUITÉS    ROMAINES 

noms  de  Banire  el  de  Donindai.  Dédale  el Icare  sont  grecs; 
Tato  et  Capo  paraissent  encore  dans  des  acles«el  inscrip- 
tions du  9e  et  10e  siècle,  et  cependant  le  tout  appartient 
bien  à  l'époque  romaine.  —  Quant  à  l'étendue  de  la  ville, 
il  paraît,  d'après  les  ruines  qu'on  retrouve,  qu'elle  occu- 
pait une  partie  des  plaines  de  Vidi,  la  Maladière  et  le  Bois 
de  Vaud,  jusqu'aux  environs  de  Malley.  Des  pans  de  murs, 
garnis  comme  les  remparts  d'Aventicum  de  tours  semi- 
circulaires,  avaient  trop  peu  d'épaisseur  pour  être  des 
murs  d'enceinte.  On  croit  quç  l'ancien  port  était  une  es- 
pèce de  rade  creusée  parla  main  des  hommes,  dont  il 
reste  à  peine  quelques  traces  entre  la  Chamberonnaz  et 
les  Pierrettes,  et  que  cette  partie  au  sud-ouest  de  la  ville 
était  le  ad  lacum  Losanete  de  la  carte  itinéraire  de  Théo- 
dose. Quoiqu'il  en  soit,  ce  nom  donné  au  lac  prouve  que 
les  habitations  de  la  rive  n'étaient  point  sans  importance. 
C'est  du  reste  ce  dont  on  peut  s'assurer  par  les  nom- 
breux di^bris  rendus  au  jour.  Médailles  depuis  Auguste  à 
Constans,  styles,  fers  de  javelot,  vases,  épingles,  fibules, 
plaque  d'agrafe  ciselée,  statuettes,  lampes,  tuiles,  chapi- 
teaux d'ordre  dorique,  fûts  de  colonnes,  urnes  sépulcra- 
les se  rencontrent  sur  l'emplacement  de  Lousonnium. 
Plusieurs  lieux  renfermaient  des  amphores;  l'un  ,  qui  en 
contenait  50,  était  une  cella,  construite  de  pierres  rou- 
lées et  rangées  dans  un  bain  de  mortier.  Leursîormes  re- 
présentent la  sphère,  l'ellipse,  l'ellipsoïde,  le  cône  ou  le 
cylindre.  Les  elliptiques  seules  offrent  une  base  aplatie, 
tandis  que  les  autres  se  terminent  par  une  pointe.  Toutes 
à  peu  près  reposaient  sur  l'orifice.  On  a  sorti  du  même 
sol  une  statuette  de  Diane  en  bronze,  un  cheval  en  albâ- 
tre, long  de  4.  pouces,  qui  ne  porte  plus  qu'une  partie  des 


DU    CANTON    DE   VAUD.  485 

jambes  du  cavalier,  un  petit  autel  en  marbre  blanc  dédié 
àJunon,  un  beau  buste  de  Caton  d'Utique,  l'inscription 
d'un  Rufus  aquarum  magister,  des  frises  ornées  de  têtes 
de  bélier  et  un  cadran  solaire,  représentant  un  aigle  à 
demi  vol ,  qui  soutient  une  portion  de  sphère  concave 
chargée  de  rayons  divergents.  Sur  un  médaillon  en  bronze, 
au  milieu  de  i  feuilles  de  trèfle,  ,on  voit  la  figure  d'un 
chien,  emblème  de  la  fidélité.  Trois  autres  médaillons  sont 
deVictorina,  de  Trajan  et  de  Zénobie.  Zénobie,  veuve 
d'Odénath,  roi  de  Palmyre,  succédait  au  pouvoir  de  son 
mari,  tandis  que  Victorina  après  la  mort  violente  de  son 
fils  Victorinus,  tyran  des  Gaules  sous  Gallien,  refusait  la 
puissance  impériale,  contente  du  titre  de  mère  des  camps. 
Ainsi  aux  deux  extrémités  de  l'univers  romain ,  et  au 
même  instant,  deux  femmes  saisissaient,  d'une  main  har- 
die,  ce  pouvoir  qui  échappait  aux  hommes  les  plus  forts. 
€  Si  la  distance  des  lieux  l'eût  permis,  disait  un  jour  Zé- 
nobie, j'aurais  voulu  partager  le  monde  avec  Victorina , 
car  elle  me  ressemble.  »  L'estime  mutuelle  de  ces  deux 
femmes,  le  rapport  de  leur  position,  disent  assez,  indé- 
pendamment des  pièces  frappées  en  leur  honneur,  que  le 
nom  de  Zénobie  ne  fut  pas  étranger  à  la  Gaule.  Deux  pla- 
ques circulaires,  d'environ  8  pouces  de  diamètre,  portent 
en  bas-relief  un  Taurobole.  Le  prêtre,  debout  derrière  le 
taureau,  est  couvert  d'un  long  vêtement  dont  un  replis 
voile  sa  tête.  Les  bras  dégagés  et  nus,  il  appuie  une 
main  sur  le  flanc  gauche  de  l'animal,  tandis  que  de  l'au- 
tre il  répand  la  liqueur  lustrale  du  simpule  entre  les  cor- 
nes de  la  victime  pour  la  préparer  au  sacrifice.  Dans  ces 
cérémonies,  le  taureau,  orné  de  guirlandes  et  les  cornes 
dorées,  était  immolé  sur  un  plancher  à  jour,  qui  recou- 


486  ANTIQUITÉS    ROMAINES 

vrait  une  fosse  profonde  creusée  à  cet  effet.  Alors ,  celui 
qui  offrait  le  taurobole,  debout  dans  la  fosse,  recevait  sur 
sa  figure  et  ses  membres  cette  pluie  de  sang  jusqu'à  ce 
(qu'il  en  fût  inondé.  Puis ,  la  foule  accourue  de  toutes 
parts»  l'accueillait  de  ses  acclamations ,  tandis  qu'il  allait 
déposer  dans  un  temple  ses  vêtements  ensanglantés,  gage 
du  pardon  des  dieux.  Des  villes  entières  pouvaient  ainsi, 
représentées  par  des  dçputés,  avoir  part  à  cette  régénéra- 
tion. D'autrefois  ce  genre  de  sacrifice  était  employé  pour 
lesalut  des  empereurs.  Suivant  l'opinion  populaire,  l'an- 
cien Lousonnium,  dont  on  ne  retrouve  l'histoire  que  dans 
ces  restes  déjà  dispersés  pour  la  plupart,  fut  détruit  par 
les  eaux  du  lac,  lors  de  la  chute  du  mont  Tauretunum. 
Cet  éboulement  eut  lieu  en  563,  à  l'entrée  de  la  vallée  du 
Rhône,  au  couchant  de  Ghessel  et  de  Noville^  Les  eaux  du 
fleuve  rompant  tout  à  coup  la  digue  qui  les  faisait  refluer 
dans  la  partie  supérieure  de  la  vallée,  détruisirent  sur  les 
rives  du  Léman  les  bourgs  les  plus  anciens,  et  renver- 
sèrent les  ponts  et  les  usines  de  Genève.  Cependant,  mal- 
gré les  dévastations  incontestables  apportées  par  ce  dé- 
bordement subit,  il  n'est  point  probable  que  la  ville  qui 
s'élevait  depuis  Vidi  au-dessus  du  Bois-de-Vaud,  dans 
le  cas  où  elle  aurait  encore  existé,  ail  été  renversée  par 
cette  catastrophe,  sans  que  les  chroniqueurs  de  l'époque 
en  aient  fait  mention.  Sa  position  Taurait  d'autant  mieux 
garantie;  car  le  choc  des  eaux,  bien  qu'il  se  portât  surtout 
aux  deux  extrémités  du  lac ,  ne  fit  qu'endommager  Ge- 
nève. Le  cartulaire  de  Lausanne  montre  d'ailleurs  que 
la  ville  de  ce  nom  avait  été  transportée  au  commencement 

*  Ceci  demeure  contesté.  (Note  de  l'édit.) 


DU    CANTON    DE   VAUD.  487 

du  VI^  siècle  sur  la  hauteur  qu'elle  occupe  aujourd'hui. 
L'examen  des  ruines  ne  laisse  aucun  doute  sur  ce  point. 
Partout  l'on  rencontre  auprès  des  pans  de  mur,  des  pier- 
res calcinées,  des  charbons,  des  cendres  et  une  terre  brû- 
lée, preuve  évidente  de  la  destruction  par  le  fer  et  le  feu, 
en  un  temps  où  les  ravages  apportés  par  la  main  de 
l'homme  n'étaient  pas  moins  redoutables  que  ceux  de  la 
nature.  En  outre,  Tévéque  Chilmegisile  fut  enseveli  dans 
réglise  de  St-Thiers,  pins  tard  St-Maire,  vers  l'an  540. 

Ce  que  les  Barbares  laissèrent  debout,  les  habitants  de 
la  ville  nouvelle  le  renversèrent  pour  en  faire  servir  les 
matériaux  à  la  construction  du  temple  qu'ils  élevaient  à  la 
Mère  du  Sauveur.  Aujourd'hui,  l'on  peut  compter  encore 
dans  les  soubassements  extérieurs  de  cet  édifice  près  de 
300  de  ces  pierres  calcaires.  L'ouvrier,  comme  on  s'en  est 
convaincu  dans  ces  derniers  temps,  avait  eu  soin  d'enga- 
ger dans  la  maçonnerie  la  sculpture  des  entablements  ou 
des  frises,  afin  de  présenter  au  dehors  la  partie  plus  unie 
de  l'assise,  qui  demandait  moins  de  travail  et  ne  détrui- 
sait pas  l'uniformité  du  soubassement.  On  aperçoit  aussi, 
à  l'écart,  dans  quelques  galeries,  de  grands  fûts  de  colon- 
nes romaines  d'un  marbre  poli.  Ils  sont  là  comme  pour 
offrir  un  point  d'appui  plus  solide  à  cette  architecture  du 
moyen  âge  qui  s'élance  avec  tant  de  grâce  ei  de  légèreté. 
C'est  ainsi  que  les  dernières  traces  des  anciens  monu- 
ments se  perdent  et  se  confondent  dans  des  constructions 
plus  nouvelles. 


488  ANTIQUITÉS    ROMAINES 


Vibiscum  (Viviscum,  Vevey). 

A  répoque  romaine,  la  voie  par  laquelle  nous  avons 
atteint  Lousonnium  continuait  le  long  du  lac,  à  travers 
Cour,  Paudex,  Gully,  Glérolles  et  Saint-Saphorin.  Après 
avoir  quitté  les  rochers  de  Lavaux  et  le  versant  abrupte  du 
Jorat,  la  route  se  dirigeait  le  long  de  pentes  moins  incli- 
nées vers  les  habitations  romaines  de  Vibiscum,  assises  au 
pied  des  Alpes  et  sur  le  bord  des  eaux.  Des  pilotis  décou- 
verts au-dessus  de  la  ville  actuelle,  à  une  trentaine  de 
pieds  de  profondeur,  et  auprès  desquels  gisaient  des 
troncs  d'arbres  dans  une  couche  de  limon  pareille  à  celle 
qu'atteint  la  sonde  à  une  certaine  distance  au  fond  du  lac, 
ont  fait  supposer  que  c'était  là  une  ancienne  rive  du  Lé- 
man. Ils  témoignent  en  outre  que  des  hommes  s'étaient 
arrêtés  dans  ce  lieu,  ce  qui  confirment  du  reste  les  haches 
en  pierre  et  en  bronze  qu'on  y  a  recueillies.  La  belle  ex- 
position et  la  fertilité  du  sol  engagèrent  sans  doute  les  Ro- 
mains à  y  établir  la  station  que  mentionne  l'itinéraire 
d'Antonin.  Elle  paraît  avoir  été  située  droit  au-dessus  de 
la  ville  moderne,  dans  un  lieu  où  l'on  retrouve  des  mé- 
dailles depuis  Auguste  à  Valentinien,  des  vases,  des  poids 
de  terre  cuite,  des  pans  de  mur  et  des  briques  à  larges  re- 
bords. Dernièrementencore,  en  décembre  184-3,  on  a  dé- 
couvert aux  Clienevières  les  restes  d'une  construction  ro- 
maine et  à  quinze  pieds  de  profondeur,  un  squelette  hu- 
main; tout  auprès  de  celui-ci,  dans  une  ouverture  qui 
traversait  un  mur,  était  un  collier  en  or  d'une  chaîne  assez 
fine,  très  bien  conservé  ainsi  que  son  fermoir;  quatre 


DU    CANTON    DE    VAUD.  489 

bagues  étaient  suspendues  à  ce  collier,  trois  en  or  et  une 
en  argent  ;  deux  des  premières  sont  ouvragées ,  et  Tune 
d'elles  a  conservé  Tagathe  onyx  de  son  chaton  sur  laquelle 
est  gravée  une  tête  d'aigle.  Peut-être  l'ancienne  ville  s'é- 
tendait-elle du  côté  de  la  Tour,  si  l'on  en  juge  par  une 
statuette  de  Mercure  trouvée  à  la  pointe  de  Peilz,  Gilla- 
mont  a  offert  aussi  plusieurs  médailles  du  bas  empire 
au  milieu  desquelles  était  la  petite  statue  d'un  génie  qui 
s'appuie  des  deux  mains  sur  l'enroulement  de  feuilles 
d'acanthe  qui  couronnent  un  pied  de  lion  posé  sur  un  pié- 
destal. Le  dieu  Sylvain  était  adoré  sur  le  même  lieu  où 
s'éleva  plus  tard  l'Eglise  de  Sainte  Claire.  Un  bénéficiaire 
de  la  XXe  légion  lui  avait  consacré  cet  autel,  tandis  qu'à 
Genève  un  citoyen  de  l'Helvétie  s'adressait  à  la  même  di- 
vinité en  faveur  de  ses  amis,  les  bateliers  de  la  partie  su- 
périeure du  lac.  —  Des  tombeaux  ouverts  entre  Vevey  et 
la  Tour  montrent  l'union  de  l'ancien  culte  au  culte  chré- 
tien. Une  pièce  placée  dans  la  bouche  des  morts,  en  tribut 
à  Caron,  porte  les  mots  :  tributum  Pétri,  Si  la  foi  aux  an- 
ciens dieux  a  disparu,  leur  souvenir  se  perpétue  dans 
nôtre  fête  des  Vignerons. 


Pennilucus  (Villeneuve)  ;  Âquilea,  Alla  (Aigle). 

  l'extrémité  orientale  du  Léman,  Pennilucus,  appuyé 
contre  la  montagne,  s'élevait  au-dessus  des  rives,  soit  qu'il 
désigne  la  tête  du  lac,  ou  qu'il  rappelle  l'existence  d'un 
bocage  consacré  au  dieu  Pen:  On  a  pour  preuve  de  son 
antiquité  les  deux  inscriptions  romaines  qu'on  y  conserve  ; 


490  ANTIQUITÉS    ROMAINES 

Tune  est  consacrée  à  la  Victoire,  l'autre  est  ud  milliaire 
qui  indique  26000  pas  de  Villeneuve  à  Martigny.  Au  nord- 
ouest  de  la  ville  actuelle  on  a  découvert  des  restes  de 
bains,  des  médailles,  des  instruments  destinés  à  prendre 
rencens  et  un  lacrymatoire  qui  reposait  dans  des  tombes 
pareilles  à  celles  de  Vevey. 

La  voie  qui  conduisait  en  Italie  par  le  Saint-Bernard, 
traversait  le  Peutex,  près  d'Aigle.  L'ancien  nom  de  cette 
ville,  Alla  ou  Aquilea,  rapproché  de  celui  à'Hyberna 
(Yvorne),  indiquerait  les  quartiers  d'hiver  d'un  détache- 
ment de  cavalerie.  Comme  pour  mieux  sanctionner  cette 
opinion,  l'aigle  romaine  a  été  placée  sur  les  armoiries  de 
la  ville  nouvelle*. 


Bromagus  (Promasens). 


Retournons  maintenant  sur  nos  pas  jusqu'à  Vevey  pour 
nous  diriger  vers  Promagus.  Ceux  qui  le  cherchent  auprès 
du  lac  de  Brel,  atteignent,  après  avoir  gravi  par  Chex- 
bres  le  versant  méridional  du  Jorat,  une  petite  vallée  en- 
vironnée de  hauteurs  couronnées  de  bois  de  sapins  dont 
quelques-uns  descendent  vers  les  rives  marécageuses  d'un 
petit  lac.  L'habitant  des  fermes  raconte  qu'une  ville  exis- 
tait autrefois  dans  ce  lieu;  mais  qu'un  soir,  ayant  refusé 
l'hospitalité  à  un  étranger  en  qui  elle  méconnut  le  Sau- 


'  L'origine  romaine  d'Aigle  a  été  combattue  avec  vraisemblance  dans  les 
Recherches  sur  quelques  localités  du  Bas-Vallais,  de  M.  de  Gingins.  Voy.  aussi 
Martigiiier,  Dict.  Hist,  {Note  de  l'édit.) 


DU    CANTON    DE   VAUD.  491 

veur  du  monde,  cette  ville  s'abima  sur  elle-même  et  dis- 
parut. Le  lendemain  matin,  un  lac  l'avait  remplacée.  A 
cette  réminiscence  de  la  fable  ou  de  la  destruction  de  So- 
dôme  et  Gomorrhe  se  mêle  peut-être  le  souvenir  des  Ro- 
mains dans  cette  vallée,  dont  la  partie  orientale  renferme 
des  pans  de  murs  répandus  en  divers  sens  dans  la  campa- 
gne. On  en  a  sorti  une  grande  quantité  de  tuiles  et  nom- 
bre de  médailles  impériales.  Des  actes  du  moyen  âge  don- 
nant au  lac  le  nom  de  Bromagus,  quelques  personnes  ont 
cru  reconnaître  la  station  désignée  sous  ce  nom  par  Titi- 
néraire  d'Antonin,  mais  les  distances  indiquées  se  trou- 
vant en  défaut,  il  faut  rechercher  s'il  ne  se  rencontre  pas 
de  constructions  romaines  dans  un  lieu  situé  à  9  milles  de 
Vevey  et  à  6  de  Moudon,  d'après  l'itinéraire.  Tel  est  le  cas 
de  Promasens,  si  l'on  suit  l'ancienne  voie  qui  passait  par 
Jongny,  Granges,  Attalens,  Bossonens,  Palézieux  etOron. 
La  direction  naturelle  de  celte  route  dont  il  reste  des  tra- 
ces, les  ruines  nombreuses  qu'elle  traverse,  et  les  débris 
romains  de  Promasens  nous  font  partager  l'opinion  de 
ceux  qui  placent  Bromagus  dans  cette  localité,  appelée 
aussi  Bromagens  dans  des  actes  du  moyen  âge.  Deux 
lieues  séparent  encore  ce  village  fribourgeois  de  Moudon. 


Minnodunum,  Minnidunum  (Moudon). 

Minnidunum,  qui  en  celte  doit  signifier  une  colline  au 
bord  d'une  rivière,  est  située  sur  la  Broie ,  à  l'ouverture 
d'une  vallée  longue  et  fertile  dirigée  du  sud -ouest  au 
nord-est,  entre  des  collines  boisées.  On  a  retrouvé  de  la 


492  ANTIQUITÉS    ROMAINES 

ville  romaine,  des  fragments  de  vases,  des  lampes  sépul- 
crales el  enlr'aulres  des  slaluelles  en  bronze  de  Mercure, 
d'Hercule,  de  Vénus  el  de  la  Victoire,  déposées  au  Musée 
de  Berne.  Les  environs  de  Moudon  sont  si  riches  en  mé- 
dailles consulaires  et  impériales  qu'une  campagne  en  re- 
çut le  nom  de  Trésor  romain.  Dans  un  autre  lieu,  comme 
il  se  trouvait  souvent  d'anciennes  monnaies  au  pied  d'un 
rocher,  on  finit  par  apercevoir  une  ouverture  élevée  qu'on 
se  mit  en  mesure  d'atteiudre.  Effrayé  de  cette  visite  inat- 
tendue, un  hibou  fit  de  nouveau  tomber  des  pièces  en 
s'échappant  et  révéla  de  cette  manière  l'existence  du  tré- 
sor caché.  Si  Tinseription  grecque  en  dialectique  dori- 
que, recommandant  la  sobriété  comme  moyen  de  fortifier 
l'âme,  est  perdue,  on  conserve  en  revanche  avec  soin  l'au- 
tel trouvé  près  du  point  de  jonction  de  la  Mérine  et  de  la 
Broie.  «  Quintus  Œlius  Avenius,  y  est-il  dit,  érige  un  au- 
tel à  ses  dépends  à  Jupiter  et  à  Junon  pour  la  conserva- 
tion de  la  famille  impériale.  De  plus,  il  donne  à  perpé- 
tuité 75000  sextercesaux  habitants  de  Moudon,  dont  la 
rente  doit  être  employée  à  procurer  aux  bourgeois  les 
commodités  et  les  plaisirs  d'un  gymnase  pendant  trois 
jours,  en  trois  différents  temps  de  Tannée.  Dans  le  cas  où 
les  habitants  de  celte  ville  destineraient  cet  argent  à  d'au- 
tres usages,  il  entend  que  ce  capital  soit  remis  à  la  colonie 
d'Avenches.  L'emplacement  de  cet  autel  a  été  accordé  par 
un  décret  des  habitants  de  Moudon.  &  Ce  décret  de  la  com- 
munauté du  lieu  montre  qu'il  s'agit  d'une  ville  ordinaire, 
car  s'il  était  question  d'une  colonie,  il  procéderait  des 
décurions.  En  outre  le  mot  vicani  employé  dans  cette  ins- 
cription désigne  les  habitants  d'une  ville  ouverte.  Rien 
ne  dit  si  la  somme  donnée  pour  un  gymnase  fut  détournée 


DU    CANTON    DE    VAUD.  &93 

de  sa  destiDation;  il  est  au  contraire  probable  qu'on  reT 
çut  avec  reconnaissance  un  établissement  qui  permettait  à 
tous  les  habitants  de  Moudon  de  jouir  pendant  trois  jours, 
chaque  année,  de  remplacement  pour  les  exercices  corpo- 
rels, auquel  on  ajoutait  ordinairement  des  bains,  des  étu- 
ves  et  des  portiques  où  les  gens  de  lettres  et  les  philoso 
phes  enseignaient. 

La  Broie,  qui  coulait  de  Bromagus  à  Minnodunum,  lon- 
geait les  habitations  romaines  deCourtilles  et  de  Granges, 
puis  elle  mouvait  avec  lenteur  ses  eaux  accrues  à  travers 
la  plaine  élargie ,  et  s'unissait  au  lac  de  Morat  sous  les 
remparts d'Aventicum.  C'est  aussi  le  long  de  son  cours  que 
s'étendait  la  voie  qui  conduisait  à  la  grande  cité  belvé- 
tienne. 


Âventicum  Helvetiorum, 
colonia  pia,  flavia,  constans,  emerita,  fœderata. 

(Âvenches.) 

Situé  dans  une  contrée  ouverte  et  riante,  l'ancien  Aven- 
ticum joignait  à  cet  avantage  celui  de  reposer  sur  un  ri- 
che sol  d'alluvion.  Au  nord-ouest,  les  hauteurs  du  Vully 
voilaient  le  lac  d'Eburodunum,  tandis  que  celui  de  Morat, 
plus  avancé  dans  les  terres  qu'il  ne  l'est  aujourd'hui,  bai- 
gnait au  nord  les  remparts  delà  ville.  Depuis  les  plaines 
de  la  Broie,  le  sol  s'élève  du  côté  du  levant.  C'est  là  qu'on 
voit  encore  de  nombreux  débris,  derniers  témoins  de  la 
grandeur  romaine. 


49&  ANTIQUITÉS    ROMAINES 

Les  murs  d'enceinte  de  celte  cité  formaient  à  peu  près 
un  octogone  dont  le  pourtour  ne  peut  être  parcouru  en 
moins  de  cinq  quarts  d'heure.  À  Tintérieur ,  des  tours  se- 
mi-circulaires, distantes  à  peine  de  cent  pas,  étaient  adap- 
tées aux  remparts  sans  faire  saillie  au  dehors.  Ces  murs 
renfermaient  un  forum ,  un  théâtre  et  un  amphithéâtre  ;, 
ce  dernier,  placé  sur  la  hauteur  qu'occupe  la  ville  ac- 
tuelle, dominait  les  deux  autres  qui  se  rapprochaient  da- 
vantage du  centre  de  la  cité.  Le  fertile  Bacchus  des  co- 
teaux (fertilis  Bacchus  Oreus) ,  Auguste  et  la  Victoire  y 
comptaient  des  autels.  Des  temples  s'élevaient  à  des  dieux 
divers^  Neptune  et  Apollon  paraissent  y  avoir  été  adorés. 
Aventia,  déesse  protectrice  de  la  ville,  avait  aussi  son  tem- 
ple et  ses  autels.  Plusieurs  ont  vu  dans  Julia  Alpinula, 
la  prétresse  de  la  déesse,  jusqu'à  ce  que  la  critique  ait  re- 
jeté l'existence  de  cette  fille  infortunée  de  l'infortuné  AI- 
pinus.  Les  habitations  ne  présentaient  point  l'aspect  de 
nos  habitations  modernes  ;  plus  spacieuses  et  moins  hau- 
tes, entourées  parfois  de  jardins  et  de  bocages,  elles  n'é 
talent  point  comme  les  nôtres  groupées  en  rangs  serrés. 
L'opulence  éloignait  tout  ce  qui  pouvait  la  troubler.  Aven 
ticum  comptait  en  grand  nombre  des  bains,  des  thermes 
et  des  étuves.  Le  parquet  de  plusieurs  salles  reposait  sur 
des  piles  de  briques,  entre  lesquelles  circulait  le  calori- 
que qui  se  répandait  ensuite  le  long  des  parois  au  moyen 
de  conduits  pratiqués  dans  les  murs.  D'autres  salles  ren- 
fermaient les  huiles  et  les  essences  dont  on  se  faisait  par- 
fumer au  sortir  du  bain.  Les  parois  de  ces  appartements 
revêtues  de  marbres  ou  de  peintures  à  fresque ,  repré- 
sentaient des  vases,  des  guirlandes  de  fleurs  ou  des  pan- 
neaux coupés  de  lignes  de  couleurs  variées.  Les  mosaï- 


Dt    CAFITON    DK    VAtD.  495 

ques  offraient  une  grande  diversité  de  sujets.  C'était  sar- 
lout  an  nord  de  la  colline  qui  porte  Pamphithéàtre  qu'un 
monument  se  faisait  remarquer  par  la  beauté  de  son  pa- 
f é,  long  de  60  pieds  sur  40  de  large.  Ce  pavé  était  divisé 
en  trois  compartiments.  Celui  du  milieu,  beaucoup  moins 
considérable  que  les  deux  autres,  consistait  en  quatre  car- 
rés oblongs,  tandis  que  ceux  de  chaque  extrémité  conte- 
naient chacun  15  octogones,  8  carrés  et  16  triangles.  Des 
cordons  et  d'autres  ornements  entouraient  l'ensemble  et 
les  parties  de  détail,  composés  de  petits  cubes  de  couleurs 
différentes.  Au  centre  du  parquet  se  trouvait  une  espèce 
de  bassin  plaqué  de  marbre  blanc,  et  non  loin  de  là  des 
dauphins  prêts  h  se  livrer  au  jeu.  Ailleurs,  des  compa- 
gnons de  Bacchus  entrent  en  heurtant  leurs  cymbales,  ou 
bien  des  bacchantes  tiennent  en  main  le  thyrse  et  la  coupe 
formée  d*une  corne.  Plus  loin,  c'était  un  danseur  empor- 
tant dans  ses  bras  son  amante.  Ainsi  se  poursuivent  ces 
jeux  dans  l'ivresse  de  la  joie.  Mais  au  milieu  de  cette 
troupe  livrée  h  sa  folle  gaité,  Bacchus,  la  tête  entourée 
d*un  nymbe  bleuâtre,  exprime,  par  ses  traits  et  son  atti 
tude,  l'admiration  et  la  tendresse  dont  il  est  saisi.  Une 
jeune  personne  endormie  vient  de  frapper  les  regards  du 
dieu  et  de  ses  compagnons  couronnés  de  pampre  ;  c'est 
Ariadne  abandonnée  dans  Tfle  de  Naxos  par  Thésée  qu'elle 
vient  de  sauver.  Thésée  s*est  enfui  durant  son  sommeil, 
mais,  au  réveil,  elle  rencontrera  un  dieu  pour  son  époux. 
A  la  beauté  de  cette  mosaïque  s'unissaient  les  peintures 
ji  fresque  des  parois.  On  y  voyait  au  milieu  des  fleurs, 
des  femmes  assises  sur  de  légers  rameaux,  ou  des  l>oucs, 
victimes  de  Bacchus.  —  Des  pavés  semblables  ornaient 
les  réfectoires  et  les  chapelles  destinées  aux  dieux  Lares. 


496  ANTIQUITÉS    ROMAINES 

Les  eûtes,  en  marbre  ou  en  terre  cuite  émaillée ,  repo- 
saient sur  une  pâte  de  chaux,  de  pierres  jaunes  et  de  co- 
quilles marines  pulvérisées,  que  portaient  un  ciment  de 
briques  pilées  et  une  couche  de  cailloux  choisis.  L'une  de 
ces  mosaïques,  construite  Tan  209  de  notre  ère,  sous  le 
consulat  de  Pompeianus  et  d'Avilus ,  représentait  des  ca- 
nards, des  coqs,  des  poules,  des  oies,  des  serpents  et  des 
lézards.  D'autres  se  composaient  défiches  tableaux,  or- 
nés de  panneaux  circulaires  et  de  carrés  bien  ordonnés. 
Des  chasses  en  enrichissaient  la  bordure.  Les  chasseurs 
portaient  la  caliga,  celte  forte  semelle  liée  par  des  bande- 
lettes de  cuirs  qui  montaient  jusqu'au  milieu  de  la  jambe. 
Ailleurs,  une  tôte  d'homme  occupait  le  centre  du  par- 
quet entre  quatre  tètes  de  vieillards.  Les  peintures  de 
plusieurs  oiseaux,  parmi  lesquels  se  fait  remarquer  une 
pie  d'une  grande  vérité,  étaient  accompagnées  de  dau- 
phins dont  les  queues  s'entrelacent  les  unes  dans  les  au- 
tres. Enfin  le  tigre,  la  hyène,  des  lions  et  le  zodiaque 
apparaissent  à  leur  tour  sur  des  pavés  pareils. 

Les  aqueducs  n'étaient  pas  moins  que  les  autres  mo- 
numents dignes  des  Romains.  Formés  d'un  mastic  qui  se 
durcit  comme  les  cailloux,  ils  traversaient  les  bancs  de  roc 
et  conduisaient,  de  plusieurs  lieues  de  distance,  des  sour- 
ces pour  l'usage  des  bains  et  de  la  ville. 

D'importants  édifices,  enrichis  de  marbre  et  de  reliefs, 
ornaient  la  cité.  On  y  remarquait  des  colonnes  cannelées 
et  des  colonnes  torses.  D'autres,  de  l'ordre  dorique,  voi- 
sines du  pavé  consacré  à  Bacchus  formaient  le  portique 
de  ce  bâtiment;  leur  fût  montrait  à  demi-hauteur  une  pe- 
tite console  pareille  à  celle  qu'on  observe  sur  les  portiques 
de  Paimyre.   Sur  des  corniches  d'une  grandeur   élon- 


DU    CANTON    DE   VAUD.  497 

nanie,  étaient  sculptés  des  denticoles,  des  foudres,  des 
tritons,  des  boucliers  et  des  conques  marines.  On  y  voyait 
aussi  des  vases  à  fleurs,  des  griffons,  des  chevaux  marins 
et  des  phoques.  Les  architraves,  les  frises^  les  cordons, 
les  doucines,  les  acrotères  et  les  tympans  étaient  chargés 
de  sculptures.  Des  statues  en  marbre  et  en  bronze  s'éle- 
vaient à  l'honneur  des  dieux.  Apollon  et  Jupiter  Ammon  y 
avaient  leur  place.  Ce  n'était  pas  toujours  l'adulation  ou  la 
foi  qui  les  érigeait,  mais,  quelquefois  aussi,  la  reconnais- 
sance envers  des  citoyens  illustres.  Pour  ces  immenses 
constructions  et  pour  les  ornements  de  la  cité,  on  se  servait 
non-seulement  de  la  pierre  calcaire  du  Jura  mais  encore 
de  matériaux  précieux  amenés  de  pays  lointains.  Le  mar- 
bre de  Paros,  l'albâtre,  le  porphyre,  le  granit,  les  mar- 
bres jaunes,  verts,  violets,  gris  el  verts,  rouges  et  blancs 
embellissaient  les  demeures  des  Aveniiciens,  ainsi  que  les 
jaspes  divers,  Tagathe,  l'ophite  ou  la  serpentine,  le  ba- 
salte, l'aventurine  et  le  lapis  lazuli.  Bien  que  cette  richesse 
de  dessin,  d'architecture  et  de  sculpture  n'appartienne  pas 
toujours  au  beau  siècle  d'Auguste,  elle  n'en  est  pas  moins 
un  témoignage  de  la  grandeur  d'Aventicum.  Comme  en 
Italie  à  la  même  époque,  les  règles  de  l'architecture  au- 
raient pu  être  suivies  avec  plus  de  rigueur.  Quelquefois, 
dans  ces  monuments  d'ordre,  corinthien  pour  la  plupart, 
un  pilastre  cannelé  est  accompagné  d'un  fût  de  colonne 
qui  ne  Test  pas.  Des  sculptures  d'un  travail  médiocre  dé- 
cèlent l'inhabileté  du  ciseau.  Ou  bien  le  marbre  de  la  statue 
reçoit  un  poli  qui  lui  enlève  l'apparence  de  la  chair  pour 
lui  donner  celle  de  l'ivoire.  Le  grand  pavé,  voisin  de  l'am- 
phithéâtre, qui,  pour  la  variété  des  ornements,  le  nom- 
bre des  tableaux  et  leur  disposition  autour  du  sujet  prin- 

MEM.  ET   DOCUM.   XXV.  32 


498  ANTIQUITÉS    ROMAINES 

cipal,  est  du  meilleur  goût,  laisse  quelque  chose  à  désirer 
dans  les  proportious  des  figures ,  qu'on  voudrai!  voir 
moins  ramassées  et  plus  svekes.  Enfin ,  les  peintures  à 
fresque  frappent  souvent  davantage  par  la  vivacité  des 
couleurs  que  par  la  bonne  exécution.  Le  coup  de  pinceau 
est  hardi,  mais  il  n'est  pas  toujours  heureux.  Dans  la  com- 
position, le  grotesque  remplace  parfois  le  naturel,  et  les 
proportions  ne  sont  pas  toujours  bien  observées.  C'était 
ce  manque  de  vérité  que  Vitruve  blâmait  chez  les  artistes 
romains  de  son  siècle. 

Il  résidait  à  Aventicum  un  lieutenant  du  préfet  provin- 
cial, un  receveur  des  impôts  en  Helvétie,  des  triumvirs, 
des  curateurs,  des  décurions,  des  sévirs  et  des  tribuns  mi- 
litaires. La  cité,  comme  celles  d'Italie,  choisissait  pour 
son  patron  quelque  grand  citoyen  romain.  Elle  possédait 
en  outre  une  confrérie  ou  compagnie  de  bateliers ,  qui  fit 
construire  à  ses  dépens  un  édifice  consacré  à  la  famille 
impériale  et  destiné  aux  réunions  dans  lesquels  on  trai- 
tait des  affaires  de  commerce.  Ces  bateliers  sont  appelés 
Aruranci  et  Ararici,  nom  qui  désigne  peut-être  les  eaux 
sur  lesquelles  ils  naviguaient.  Des  magistrats  et  des  che- 
valiers faisaient  souvent  partie  de  ces  compagnies ,  qui 
jouissaient  de  grands  privilèges  et  dont  les  membres  n'é- 
taient point  étrangers  aux  charges  municipales.  —  Des 
inscriptions  retracent  le  deuil  dans  les  familles.  L'une  ex- 
prime un  vœu  au  génie  protecteur  du  canton  des  Tigu- 
rins.  Une  autre  s'adresse  aux  divinités  tutélaires  de  l'em- 
pereur (Vespasien),  au  génie  de  la  colonie  helvétique,  à 
Apollon  et  aux  médecins  et  professeurs  de  la  cité.  D'au- 
tres à  Maximin,  encore  César,  et  à  Julia  Domna,  revêtue 
du  litre  de  mère  des  camps.  On  lit  aussi  que  les  adjoints 


DU    CANTON    DE   VAUD.  ii99 

^  préfet  firent  construire  une  salle  pour  les  archives  de 
la  préfecture.  C'était  surtout  Vespasien  qui  était  honoré 
dans  ces  inscriptions.  On  sait  d'après  le  rapport  de  Sué- 
tone que  Flavius  Sabinus,  père  de  cet  empereur,  avait 
passé  chez  les  Helvétiens  la  dernière  partie  de  sa  vie.  Son 
fils,  destiné  à  la  pourpre  impériale,  doit  y  avoir  séjourné 
dans  sa  jeunesse.  L'an  71  de  notre  ère,  une  inscription, 
placée  sur  un  bâtiment  public,  dit  qu'il  était  alors  empe- 
reur. César,  Auguste,  souverain  pontife,  revêtu  du  pou- 
voir tribunicien  pour  la  troisième  fois,  Imperator  pour  la 
huitième,  consul  pour  la  troisième,  désigné  pour  la  qua- 
trième, et  père  dç  la  patrie.  Un  marbre  élevé  par  son  fils 
Titus  rappelle  qu'il  restaura  la  cité  d'Avencbes  et  ses  rem- 
parts avec  la  pierre  de  Noidelonex  (Neucbâtel).  Vespasien 
et  Titus  furent  en  effet  les  protecteurs  de  cet  Aventicum 
nommé  aussi  Colonia  pia,  flavia,  constans,  emerita,  fœde^ 
rata.  La  première  et  la  troisième  épitbète  désignent  l'at- 
tachement de  la  colonie  à  son  bienfaiteur;  flavia  est  le 
nom  de  la  famille  de  Vespasien  ;  emerita  indique  que  des 
vétérans  formèrent  cette  colonie;  et  fœderata,  qu'elle  était 
alliée  de  Rome,  ou  unie  avec  les  Helvétiens,  qui  avaient 
leur  constitution  particulière ,  tandis  que  la  colonie  était 
gouvernée  par  les  lois  romaines'.  On  rapporte  que  ces  vé- 
térans appartenaient  aux  vainqueurs  de  Jérusalem,  instru- 
ments de  la  vengeance  divine,  et  qu'ils  aimaient  à  comparer 
à  la  Galilée  ce  pays,  dont  les  lacs  de  Morat  et  d'Yverdon 
leur  rappelaient  les  eaux  de  Mérom  et  de  Génézareth. 

La  plupart  des  auteurs  s'accordent  à  donner  à  Aventi- 
cum une  origine  anté-romaine  et  à  la  placer  en  tête  des 
douze  villes  que  les  Helvétiens  brûlèrent  lors  de  leur  émi- 

<  Haller. 


500    .  ANTIQUITES   ROMAINES 

gralion.  Godefroi  de  Viterbe  n'hésite  pas  à  dire  que  Brea* 
nos  la  subjagaa  Tan  365  de  Rome  ;  et  Marquard  Wild 
donne  môme  pour  époqae  de  sa  fondation»  Tan  589  avant 
rére  chrétienne.  Sans  ajouter  foi  à  tant  de  précision,  il 
est  cependant  probable  qu'elle  fut  du  nombre  de  ces  villes 
dont  César  ordonna  la  reconstruction  et  qu'elle  s'éleva  sur 
des  ruines.  De  bonne  heure  elle  acquit  un  développement 
qui  lui  valut  d'être  appelé  par  Tacite  capui  gentis,  non 
qu'elle  exerçftt  une  prééminence  civile,  mais  parce  que  sa 
grandeur  la  faisait  distinguer  des  autres  cités  de  la  nation. 
L'itinéraire  d'Ântonin»  la  table  de  Peutinger  et  les  notices 
de  l'empire  mentionnent  VAveniicum  Helvetiarum.  Gré- 
goire de  Tours,  Frédégaire,  Fréculphe  et  le  Cartulaire  de 
Lausanne  en  parlent  aussi.  Ptolémée  la  place  dans  la 
Maxima  Seqtianoram,  non  par  erreur»  mais  parce  que  de 
son  temps  on  l'envisageait  tomme  faisant  partie  de  cette 
province.  A  une  fausse  interprétation  de  ce  passage  se 
rattache  le  travail  du  jésuite  Donod,  par  lequel  il  s'effor- 
çait de  montrer  que  les  ruines  d'Antre,  en  Franche-Comté, 
étaient  celles  de  Tancien  Aventicum.  V Apologie  de  Wild 
Ta  réfuté  suffisamment.  L'attachement  d'Aventicum  à 
Galba  faillit  devenir  fatal  à  la  noble  cité,  qui  ne  put  sau- 
ver la  tête  du  vieil  Alpinus,  son  premier  citoyen.  La  na- 
tion dut  implorer  sa  grâce  auprès  de  Tempereur  Quand 
les  ambassadeurs  obtinrent  audience,  l'armée  demanda, 
avec  imprécations  et  menaces,  l'extermination  des  Helvé- 
tiens.  On  vit  alors  Claudius  Cossus  mettre  en  jeu  toutes 
les  ressources  de  son  éloquence  pour  fléchir  le  farouche 
César,  passer  des  sollicitations  à  la  peinture  des  maux  qui 
menaçaient  sa  malheureuse  patrie,  et  rendre  présente  sa 
dernière  douleur.  L'émolior   lÊ^on  âme  gagna  Tâme  des 


DU    CANTON    DE    VAUD.  504 

guerriers.  A  la  vue  des  restes  infortunés  d'un  peuple  au- 
trefois fortuné,  glorieux,  ils  supplièrent  h  leur  tour,  et 
Temperenr  se  laissa  fléchir .  —  Des  jours  heureux  et 
calmes  se  levèrent  encore  ;  le  luxe  et  la  richesse  s'accru- 
rent ;  les  jeux  remplacèrent  les  armes  ;  mais  c'en  était  fait 
de  la  liberté. 

Au  cinquième  siècle,  quand  Ammien  Marcellin  se  rendit 
à  Aventicum,  il  trouva  la  cité  déserte,  ses  édifices  à  moitié 
ruinés,  mais  encore  empreints  d'une  ancienne  grandeur  ; 
c'est  que  les  Allemani  avaient  passé  dans  ces  lieux,  le  fer 
et  le  feu  à  la  majn.  Dès  lors  l'éclat  d'Aventicum  fut  anéanti, 
et  ce  qui  en  restait  fut  effacé  par  les  Burgondes.  L'an  607, 
le  comte  Guillaume,  seigneur  bourguignon,  construisit  un 
château  sur  la  hauteur  qu'avait  occupé  le  capitole,  et  con- 
tribua à  relever  un  peu  la  malheureuse  cité  ;  mais  des 
tribulations  l'attendaient  encore.  Dix  ans  ne  s'étaient  pas 
écoulés  que  les  Allemani  de  l'Helvétie  orientale  achevè- 
rent de  désoler  cette  contrée  autrefois  si  florissante.  — 
'  Une  tradition  du  Nord  dit  qu'un  fils  du  roi  Scandinave, 
Lodbrokar,  fit  une  expédition  en  Helvétie  et  prit  le  châ- 
teau de  Vifill  (Wiflisbourg,  nom  allemand  d'Avenches) 
dans  le  VU®  ou  VIII^  siècle.  Ce  fut  en  1076  seulement,  que 
Burkard,  évéque  de  Lausanne,  aidé  de  l'empereur  Henri 
IV,  réédifia  Avenches  dans  laquelle  il  se  souvint  sans 
doute  qu'étaient  déposés  les  tombeaux  de  vingt-deux  évér 
ques.  Lausanne  dut  au  malheur  d'Aventicum  de  devenir 
le  siège  épiscopal  au  commencement  du  sixième  siècle. 

Telle  se'présente  à  nous  cette  antique  cité,  d'après  les 
débris  qui  nous  restent.  Plusieurs  pans  de  murs,  hauts  de 
15  pieds  sur  4.  de  large,  permettent  de  juger  de  ses  rem- 
parts et  de  leur  pourtour.  Les  parements  extérieurs,  for- 


502  ANTIQUITÉS    ROMAINES 

mes  de  pierres  grisâtres  disposées  par  assises  horizon- 
tales, renferment  à  Tintérieur  des  pierres  et  des  cailloux 
jetés  dans  un  bain  de  mortier.  Une  des  tours  semi  circu- 
laire adaptée  à  ces  murs  antiques  domine  encore  les  rui- 
nes de  Tenceinte  dont  le  diamètre  est  de  6000  pieds  de 
roi.  En  outre  les  mouvements  du  sol  ajoutent  à  l'étendue 
apparente  de  la  ville,  sur  les  débris  de  laquelle  l'agricul- 
ture récolte  jusqu'à  2  000  sacs  de  blé.  L'amphithéâtre, 
comblé  en  partie  par  la  route  actuelle,  sert  de  verger  au 
château  voisin.  Ses  pierres  et  ses  degrés,  utilisés  pour  des 
constructions  modernes,  ont  été  remplacés  par  de  nom- 
breux déblais  ;  à  peine  reste-t-il  une  portion  des  voûtes 
et  des  contreforts  qui  portaient  les  gradins.  Sur  l'un  des 
côtés  de  cette  arène,  s'élève  une  tour  construite  de  maté- 
riaux antiques ,  mais  dont  la  base  seule  parait  pouvoir 
appartenir  aux  Romains.  C'est  là  qu'on  prétend  qu'étaient 
renfermés  les  animaux  féroces  destinés  aux  combats.  Le 
théâtre,  rompu  par  le  centre  dans  ces  dernières  années, 
est  à  peu  prés  perdu  pour  l'étude.  —  Au  milieu  de  ces 
dévastations,  une  colonne  de  marbre  blanc  demeure  en- 
core debout.  Sa  hauteur  est  de  40  pieds,  sans  y  compren- 
dre un  fragment  d'entablement  qui  la  domine.  Elle  se 
compose  de  blocs  de  3  pieds  de  haut  sur  7  de  longueur, 
dont  la  superposition  offre  des  joints  parfaits.  Ses  dimen- 
sions et  ses  sculptures  rappellent  l'ordre  corinthien.  Les 
uns  y  ont  vu  les  restes  d'un  temple  ;  d'autres,  d'un  arc 
de  triomphe.  Il  parait  qu'elle  faisait  partie  du  Forum,  di- 
rigé de  là  au  Levant.  Le  voyageur  aime  à  s'arrêter  sous 
cette  ruine  imposante,  et  longtemps  la  cigogne  vint  la  cou- 
ronner de  son  nid.  On  retrouve  de  temps  à  autre  des 
pierres  sculptées,  des  fûts  de  colonnes,  des  chapiteaux  de 


DE   CàNTON    DE   VAUD.  503 

graodear  colossale,  des  aqueducs  et  des  foodements  de 
bâtiments  privés  ou  publics.  Plusieurs  mosaïques,  con- 
nues seulement  de  quelques  particuliers,  restent  enfouies 
dans  le  sol.  Des  bas-relie£s  et  des  inscriptions  se  voient 
dans  les  murs  de  l'église  et  de  la  Maison-de-Ville  ;  qua- 
rante ont  été  publiées;  de  beaucoup  d'autres  qui  sont 
inédites,  il  ne  reste  que  des  fragments.  Inscriptions,  co- 
lonnes, chapiteaux,  bas-reliefs,  ont  été  jetés  en  grand 
nombre  dans  les  chauxfours  voisins.  —  Outre  les  mé- 
dailles impériales  de  différents  métaux  et  de  divers  mo- 
dules, on  en  a  découvert  de  consulaires,  de  grecques  et 
^^égyptiennes  ;  on  en  a  d'Âlexandre-le-Grand,  de  Seleu- 
eus,  de  Mithridate  et  de  Hiéron;  d'autres  sont  des  fa- 
milles impériales  bizantines,  de  Léon,  de  Zenon  et  d'Hé- 
raclius,  jusqu'aux  Paléologues.  Un  médaillon  représente 
la  tête  de  Méduse  ;  une  cornaline,  celle  de  Jules-César.  — 
On  a  sorti  de  ces  ruines  des  torses  et  des  fragments  de 
statues  en  marbre  et  en  bronze,  un  Hercule,  un  empe 
reur  romain,  un  discobole  ou  lanceur  de  disque,  une  For- 
tune avec  une  corne  d'abondance,  un  Faune  à  genoux, 
portant  une  grappe  de  raisin,  et  un  Apollon  qui  tient  une 
lyre.  Un  groupe  en  bronze  représente  un  athlète  qui  com- 
bat un  lion.  Le  corps  de  l'athlète  est  nerveux,  son  atti- 
tude vraie  et  la  tète  d'un  beau  caractère  antique.  Le  lion 
étouffé  est  également  d'une  bonne  expression,  et  tout  ce 
groupe  est  d*un  grand  prix  pour  la  vérité  de  la  scène. 
Une  statuette  ou  figure  symbolique,  offrant  un  corps  cui- 
rassé, surmonté  d'une  tête  de  coq  et  terminé  par  deux 
serpents,  représente  un  Âbraxas.  —  Des  fragments  de 
candélabres,  et  des  lampes  de  formes  et  de  destinations 
diverses  ont  été  conservées.    Sur  un  beau  miroir  en 


r 


504  ANTIQUITÉS    ROMAINES 

bronze,  est  gravée  Léda,  qui  vient  de  mettre  au  jour  les 
deux  œufs  d'où  sortirent  Castor  et  Pollux.  —  On  rencontre 
en  outre  des  ampbores,  des  vases,  des  dieux  Lares,  des 
styles,  des  ftbules,  des  pierres  gravées  et  des  bagues  en  or 
et  en  argent.  Une  sonnette  en  bronze  a  perdu  son  battant. 
Un  léopard  couché,  dévorant  la  tête  d'une  biche,  forme 
le  manche  d'une  clé.  Une  hache  en  bronze,  de  fort  petite 
dimension ,  avec  une  médaille  en  argent  portant  une  vic- 
toire, incrustée  sur  un  des  côtés  de  la  hache,  parait  une 
pièce  symbolique  et  rappelle  peut-être  une  ancienne  con- 
frérie  de  charpenliers.  Enfin,  une  poterie  représente  un 
Gaulois  qui  se  verse  à  boire.  Le  vase  qu'il  tient  sous  son 
bras,  a  la  forme  du  tonneau  de  bois  entouré  de  cercles, 
que  Pline  a  mentionné  dans  son  histoire  naturelle  *  et  dont 
nous  nous  servons  anjourdhui. 

Si  l'esprit  de  conservation  eût  veillé  sur  ces  riches  mo- 
numents ,  A.venches  posséderait  une  collection  digne  de 
son  ancienne  grandeur;  mais  la  plupart  des  objets  décou- 
verts ont  été  détruits  ou  dispersés.  Les  étrangers  en  ont 
enlevé  un  grand  nombre  ;  la  science  en  a  peu  profité. 
Après  beaucoup  d'abus  est  né  le  besoin  d'en  prévenir  de 
nouveaux  ;  à  cet  effet  un  cabinet  a  été  ouvert  dans  la  tour 
attenante  à  l'amphithéâtre.  Malgré  les  pièces  intéres- 
santes qu'il  renferme,  l'ami  des  monuments  nationaux  se 
demande  comment  il  se  peut  que  ce  soient  là  les  restes  de 
l'antique  cité.  Bientôt  pourtant,  on  est  frappé  de  la  richesse 
d'ornementation  de  ces  quelques  débris,  mais  on  l'est  en 
même  temps  de  Tesprit  de  haine  qui  préside  à  leur  destruc- 
tion ;  la  colère  du  barbare  demeure  empreinte  sur  le  bron- 
ze; renverser  ne  suffisait  pas,  il  voulait  encore  anéantir. 

*  Livre  XIV,  chap.  21. 


DU    CANTON   DB   VAUO.  505 


Eburodunum  (Tverdon). 

D'Aventicum,  point  de  départ  des  miiliaires,  plusieurs 
routes  se  dirigeaient  vers  les  principales  villes  du  pays. 
L'une  conduisait  à  Eburodunum,  ancien  co^frum  romain, 
situé  sur  les  bords  d'un  lac,  à  l'extrémité  d'une  plaine  re- 
couverte autrefois  par  les  eaux.  Le  rapprochement  du 
Jura  permettait,  comme  à  Nyon,  d'exploiter,  pour  la  ma- 
rine romaine,  les  hauts  sapins  de  la  montagne.  Mais  au 
lieu  de  prendre  le  chemin  de  la  Méditerranée,  on  faisait 
flotter  ces  bois  jusqu'au  Rhin ,  d'où  ils  descendaient  en- 
suite dans  l'Océan.  Un  préfet  présidait  à  cet  effet  la  com- 
pagnie des  bateliers  d'Eburodunum.  —  Des  inscriptions 
y  furent  gravées  en  l'honneur  de  la  Victoire,  d'Apollon, 
de  Mercure  et  de  Minerve.  Le  souvenir  des  importants  ser 
vices  rendus  par  Festilla ,  prétresse  du  premier  Auguste 
à  Avencbes,  est  conservé  sur  la  pierre.  Flavius  Camillus, 
triumvir  de  la  colonie  Helvétienne  (Aventicum),  reçut  le 
titre  de  patron  et  vit  élever,  en  reconnaissance  de  ses  bien- 
faits, un  portique  et  des  statues.  —  Les  murs  en  pierre 
et  en  brique  du  caslrum  eburodunum  disparaissent  chaque 
jour.  Tel  a  été  le  sort  des  bains  découverts  il  y  a  quel- 
ques années,  qui  présentaient  encore  des  baignoires  en 
marbre,  des  fourneaux  de  briques  et  des  tuyaux  en  plomb. 
Auprès  du  château  actuel  se  sont  trouvés  d'intéressants 
débris.  Ailleurs,  des  tombeaux  contenaient  des  armes, 
des  lampes,  des  vases  et  des  médailles  ;  l'un  renfermait 
un  casque,  un  glaive  et  des  lacrymatoires  de  la  grosseur 


S06  ANTIQUITÉS    ROMAINBS 

d'une  larme  batavique.  —  Une  mosaïque  d'un  beau  tra- 
vail n'a  pu  être  sauvée.  Elle  avait  pour  sujet  Orphée  en- 
touré d'animaux  ;  des  quadrupèdes .  des  oiseaux  et  des 
poissons  en  occupaient  les  trois  compartiments.  Un  bas- 
relief,  une  statuette  de  Mercure^  une  tête  en  marbre,  une 
grande  ampbore,  des  vases,  des  fers  de  flèche,  des  usten- 
siles, des  médailles,  des  poids,  une  meule  de  moulin  à 
bras  et  du  blé  calciné  ont  été  sortis  de  ces  ruines.  De  plus, 
certaines  parties  du  sol  offrent  pour  ainsi  dire  les  diverses 
couches  historiques  de  cette  ville.  Peut-être  aussi ,  la  ha- 
che en  serpentine,  conservée  avec  quelques  autres  objets 
dans  la  bibliothèque,  vient-elle  à  l'appui  de  l'origine  cel- 
tique que  semble  indiquer  la  dénomination  d'Eburodu- 
num. 


Urba  (Orbe). 


En  remontant  le  cours  de  la  rivière  qui  traverse  Yver- 
don  et  se  jette  dans  le  lac,  on  voit  une  plaine  marécageuse 
s'étendre  le  long  des  collines  qui  s'appuient  au  Jura.  La 
ville  d'Orbe  occupe  une  hauteur  dominée  par  les  vieilles 
tours  de  son  château  bourguignon.  Autrefois,  la  via  sirata 
longeait  la  montagne,  et,  dans  des  temps  plus  reculés,  le 
lac  baignait  cette  plaine  qui  continue  à  faire  reculer  le 
bassin  des  eaux.  Auprès  de  la  ville  actuelle,  s'élevait  Tan- 
cienne  Urba  de  l'itinéraire  d'Antonin  que  plusieurs  croient 
avoir  été  la  capitale  du  pagtis  urbigenus  mentionné  par 
César.  C'est  au  nord-ouest  de  la  capitale  de  la  Petite- 
Bourgogne  qu'on  découvre  divers  restes  de  constructions 


DU   CANTON    DE   VAUD.  507 

antiques,  des  fragments  de  marbre  blanc  travaillé,  des 
médailles  et  des  pavés.  Une  de  ces  mosaïques,  détruite  en 
1758  sur  le  terrain  appelé  Bosséaz,  reproduisait  par  des 
cubes  calcaires  et  des  émaux  de  teintes  variées,  des  fleurs 
et  des  figures  d'hommes  et  d'animaux.  C*est  sans  doute 
un  des  compartiments  de  ce  parquet  qui  restait  engagé 
sous  la  route,  et  qu'on  a  découvert  le  13  mai  1841,  en 
construisant  un  mur  de  soutènement.  Il  représente  sur 
un  fond  blanc  encadré  d'une  arabesque  en  torsade  un 
char  à  quatre  roues  surmonté  d'échelles  et  de  cerceaux 
et  traîné  par  deux  bœufs  qu'aiguillonne  le  conducteur.  Sur 
le  même  plan  se  trouvent  des  arbres  séparés  par  divers 
personnages,  dont  l'un  s'appuie  sur  une  massue  et  tient  à 
la  bouche  une  conque  qui  rappelle  le^or  des  Alpes.  La 
variété  des  couleurs,  la  grâce  des  formes  et  des  contours, 
font  admirer  la  belle  exécution  de  ce  pavé,  long  de  21 
pieds  sur  6  à  7  de  large ,  et  conservé  avec  soin  sur  les 
lieux.  Cinq  murs  perpendiculaires  à  l'axe  de  la  route,  des 
peintures  à  fresque  et  un  autre  pavé  noir  et  blanc  sont  les 
derniers  débris  de  cette  riche  demeure.  Des  recherches 
bien  dirigées  pourraient  jeter  un  nouveau  jour  sur  l'état 
de  nos  cités  durant  les  premiers  siècles  de  notre  ère. 

Peut-élre  y  eut-il  sur  le  sol  appelé  plus  tard  la  patrie 
de  Yaud  bien  d'autres  habitations  romaines  dignes  de 
figurer  à  côté  de  celles  que  nous  venons  de  parcourir.  Il 
est  même  beaucoup  de  localités  où  l'agriculture,  à  la  vue 
de  ruines  romaines,  se  plaft  à  reconstruire  par  l'imagina- 
tion quelque  cité  antique.  Nous  verrons  ce  que  ces  sup- 
positions peuvent  avoir  de  fondé,  quand  nous  aurons  par- 
couru les  voies  principales  qui  sillonnaient  le  pays. 


308  ANTIQUITÉS    ROMAINES 


II.  VOIES  MILLIAIRES. 


Jules-César  mentionne  deux  chemins  qui  conduisaient 
de  THelvétie  dans  les  Gaules,  dont  l'un  passait  par  Genève, 
et  l'autre  par  Colonges  et  le  pas  de  la  Cluse.  Une  fois  que 
les  Romains  eurent  soumis  le  pays,  ils  construisirent  des 
voies  nouvelles,  les  coordonnant  au  vaste  système  des 
routes  commerciales  et  militaires  qui  parcouraient  les  pro- 
vinces. Ces  chaussées,  un  peu  élevées  au-dessus  du  sol, 
ayant  en  moyenne  12  pieds  de  largeur,  étaient  pavées  de 
cailloux  et  de  grosses  pierres  plates,  ou  recouvertes  de 
gravier  mêlé  de  terre  glaise. 

L'une  de  ces  grandes  voies  qui  venait  des  Gaules  était 
la  via  siraia,  appelée  de  nos  jours  chemin  de  VEiraz. 
Sa  direction  dans  l'Helvétie  occidentale  est  déterminée 
par  les  restes  qui  s'en  trouvent  dans  les  communes  sui- 
vantes :  Gex,  Vesenci  sous  Bonmont,  Gingins,  Trélex^ 
Coinsins,  Vich  {yictis),  Luins,  Bursins,  Mont-dessous,  Fé- 
chy,  Aubonne,  Lavigny,  Bussy,  Clarmont,  Cottens,  Grancy, 
Senarclens,  Dizy,  La  Sarraz,  Pompaples,  Orbe  (Urba), 
Mathod,  Grandson,  Concise,  Vaumarcus,  Noidelonex,  etc. 

D'autres  embranchements  venaient  des  Gaules,  par 
exemple  de  Condateoo  Saint-Claude  à  Aubonne,  par  Saint- 
Cergues,  Arzier  et  Burligny  ;  de  Saint-Georges  à  la  via 
siraia,  et  A'Ariorica  (Pontarlier)  à  Jougnes,  Ballaigue  et 
Orbe. 

La  route  qui  allait  de  Genève  en  Italie  par  le  Saint-Ber- 
nard, traversait  le  sol  de  Versoix,  Coppet,  Nyon  (colonia 


'  '    f  DU    CANTON    DE   VAUD.  509 

.^quesiris),  Promentoux ,  la  Dulive ,  Rolle,  Âllamand,  Bq- 
chillon,  Basuges  ou  Saint-Prex,  Morges,  T\ùf(lacum  lo^ 
.simili)/ Cour,  Paudex,  Lulry,  entre  Yillette  et  Grandvaux, 
Cully,  Glérolle,  Saint- Saphorin,  Vevey  (Vibiscum),  Cla- 
rens,  Chillon,  Villeneuve  (PenniLucus),  Roches,  le  Peutex 
près  Aigle,  sous  Cbarpigny,  Saint-Maurice  (Tanmias), 
Martîgny  (Oclodurum),  etc. 

De  Vevey  une  route  se  dirigeait  par  Ghexbres ,  le  lac 
de  Bret  etPromasens  (Bromagus).  La  plus  directe  passait 
an  levant  de  Cbardonne,  par  Granges,  Palézieux,  Oron  et 
Bromagus.  Une  troisième  venait  de  Vidy,  à  Lutry,  Savuy, 
au  Grenet  près  de  Bret,  au  Crét  et  à  Promasens;  toutes 
jM)ur  atteindre  Moudon  (Minnodunum) ,  Lucens,  Ville- 
neuve, Granges,  Fétigny,  Payerne,  Corcelles,  Dompierre, 
Somdidier  et  Aventicum. 

•  D'Avencbes,  une  route  allait  à  Morat;  une  seconde  à 
Salavaux  et  Valamand,  entre  lesquels  on  a  trouvé  une  ins- 
cription dédiée  aux  génies  qui  présidaient  aux  grandes 
foutes:  BIVIS,  TRIBVIS.  QVADRVBIIS.  Ces  inscriptions 
fttant  placées  dans  les  croisées,  on  voit  qu'il  y  avait  ici 
loelque  nouvel  embrancbement.  Une  autre  route  condui- 
ipiit  de  la  grande  cité  à  Yverdon  (Eburodunum),  à  travers 
è  Vully  et  le  long  des  habitations  romaines  de  Cbeyres  et 
FYvonand. 

Un  chemin  parait  s'être  dirigé,  vu  les  milliaires  qu'on  y 
'encontre,  de  Lausonnium  à  Yverdon  par  Vufflens-la- 
Ville,  Pentbaz,  Entreroches,  Bavois,  Cbavornay,  Essertet 
Ependes.  Quelques  traces  d'anciennes  voies  et  les  com- 
munications nécessaires  entre  des  habitations  rapprochées 
semblent  indiquer  un  second  chemin  de  Vidy  à  Prilly, 
Crissier,  Cheseaux,  Echallens  (au  couchant)  et  Yverdon  ; 


510  ANTIQUITÉS    ROMAINES 

à  moins  qu'il  ù'allât  de  Prilly  à  Cbeseaux  par  Jouxtens- 
Mésery  et  Romanel  (au  couchant).  Un  milliaire  découvert 
à  Pomy  donne  la  direction  d'une  route  d'Yverdon  à  Mou- 
don.  Enfin  un  segment  de  chaussée  qu'on  voit  à  Froide- 
ville  n'est  pas  encore  suffisamment  déterminé. 

Il  nous  reste  trois  milliaires  de  la  via  strata  :  l'un 
à  Begnins  ;  le  second,  qui  donne  la  date  de  241  sous 
Gordien  III,  a  été  transporté  de  Lavigny  à  Saint-Livres; 
le  troisième,  trouvé  à  Treycovagnes ,  est  de  l'an  â02, 
sous  SeptimeSévère.  —  Quelques  milliaires  érigés  sur 
la  voie  des  bords  du  Léman  avaient  leur  chef  de  file 
à  Nyon,  ce  qui  dénote,  comme  on  l'a  observé,  l'impor- 
tance de  cette  colonie  équestre.  Genève  a  recueilli  celui  de 
Mies,  dressé  l'an  98  sous  l'empereur  Trajan.  Les  ponts  de 
la  Dulive  et  du  Bovairon  en  portent  deux  du  111^  siècle.  Le 
milliaire  de  Paudex,  de  l'an  143,  sous  Ântonin-le-Pieux, 
indiquant  38  000  pas  jusqu'à  Avenches,  se  voit  à  Lausanne 
dans  la  cour  de  l'ancienne  maison  Levade.  Un  autre,  de 
Glérolles,  érigé  sous  Claude  en  47,  est  conservé  dans  l'é- 
glise de  Saint-Saphorin.  Villeneuve  en  possède  un  de  Con- 
stantin, et  l'église  d'Ollon  renferme  celui  trouvé  au  pied 
de  Cbarpigny,  portant  le  nom  de  Licinius  et  marquant 
17000  pas  jusqu'à  Martigny.  —  Le  milliaire  de  Pomy  a 
été  enlevé.  Chavornay  conserve  le  sien  qui  est  de  Septime- 
Sévère. Le  château  d'Orny  possède  celui  d'Entreroches, 
de  l'an  149  de  notre  ère,  et  distant  d'Avenches  de  41 000 
pas:  Ceux  de  Penthaz  et  de  Vufilens-la-Ville  sont  malheu- 
reusement indéchiffrables. 


DU    CANTON    DK   VAUD.  541 


111.  BOURGS,  VILLAGES,  HABITATIONS  DISSÉMINÉES. 


La  partie  du  canton  qai  vit  la  première  s*élever  des 
coDSlroctions  étrangères  dans  ses  campagnes  fut  celle  des 
environs  de  Nyon.  Mies,  Cappel,  Céligny,  Borex,  Eysins, 
TréUx ,  DuilUer,  Coinsim  et  Vie  possèdent  des  briques 
romaines,  des  murs ,  des  inscriptions  et  de  vastes  aque- 
docs.  Pratigins  et  Benex  avec  sa  mosaïque  blanche  parse- 
mée d'étoiles  noires,  touchaient  à  la  colonie  équestre.  Plus 
loin,  sur  les  rives  et  les  hauteurs  du  lac,  on  voit  des  dé- 
bris pareils,  ainsi  à  Limères^  GiUy,  la  Combe  près  de 
Rolle,  Perroi,  Allaman  et  Verei.  Chanmvaz,  entre  Bu- 
chilloD  et  TAubonne,  en  renferme  plusieurs.  Le  lieu  d*où 
Ton  en  sort  le  plus  est  une  élévation  de  terrain  qu'ombra- 
gent deux  bouquets  de  chênes ,  et  qui  s'avance  dans  les 
eaux  du  Léman.  C*est  là  qu*on  découvre  depuis  nombre 
d'années  des  ustensiles,  des  médailles  et  des  t)as-reliefs  ; 
les  deux  gladiateurs  combattant  avecl'épèe  et  le  bouclier, 
transportés  à  Aubonoe,  ont  été  trouvés  dans  ce  lieu  avec 
des  vases,  des  armes ,  un  fragment  de  corne  de  cerf,  de 
grandes  briques,  des  fûis  de  colonne  et  des  traces  d'aque- 
doc;  les  murs,  construits  par  assises,  formant  divers 
compartiments  et  parfois  des  demi-cercles,  occupent  une 
étendue  considérable.  BuchilloneiEioy  soùi  moins  riches. 
SaifUPrex,  qui  portait  autrefois  le  nom  de  Basuges,  ren- 
fermait entre  autres  dans  ses  anciennes  constructions  des 
statuettes  dont  l'une  reposait  sur  un  piédestal  qui  expri- 
mait un  vœu  à  Baccbus  de  Cully  (Libero  patri  cocUeim).  A 


Ki2  ANTIQUITÉS   ROMAINBS 

Jaulens,  aa-dessus  de  la  ville  de  Morges.  s*éle?ait  aaire- 
fois  QD  temple  cbrétieD  sur  des  ruines  romaioes.  Daos  les 
eDTiroDsde  Lotry,  en  TaUlepied,  aa  Châtelard,  à  CaurH^ 
naux  et  au  Crêi^Bemard^  Dommé  aussi  la  citadelle,  ont 
en  lieu  diverses  découvertes.  L*une,  au  Miroir,  doit  avoir 
mis  dans  l'aisance  l'ouvrier  qui  la  fit.  Une  autre  dans  les 
environs  de  Savuy  rendit  au  jour  des  peintures  à  fresque 
représentant  le  soleil  et  plusieurs  espèces  d'animaux.  A 
Bossières,  près  de  la  même  commune,  quatre  plats  en 
enivre  reposaient  dans  un  vase  de  terre  cuite.  Ces  demierB 
temps  encore  on  a  sorti  des  vignes  de  VUleiie  de  grands 
blocs  calcaires  diversement  taillés.  Comme  nous  l'avons 
vu  par  rinscription  de  Saint-Prex,  CuUy  cultivait  déjà  la 
vigne.  Une  bacchante  y  a  été  découverte  ainsi  qn'on  en- 
tablement qu'on  a  cru  provenir  d'un  temple.  Des  mosai- 
ques  et  des  bains  se  trouvaient  à  Treyiorrem;  une  tête  en 
marbre  de  grandeur  naturelle  près  de  la  Salence;  M 
d'anciennes  conslructions  en  Murez,  à  Jourdillon,  Rivaz^ 
Sainl'Saphorin,  Goy,  Chexbres,  Tolovaux  et  Praz^pourri. 
Les  médailles  y  sont  nombreuses;  en  plus  d'un  endroit 
des  voûles  restent  inexplorées. 

Au  delà  de  Yevey,  la  hauteur  de  Baugi  renfermait  des 
colonnes  de  marbre,  des  sculptures  sur  albâtre,  des  mé- 
dailles en  grande  quantité  et  deux  mosaïques  dont  l'une 
présente  des  lignes  demi  circulaires  qui  partent  du  centre 
à  la  circonférence;  la  seconde,  que  le  propriétaire  du  fonds 
conserve  avec  soin,  a  été  gravée  dans  l'Atlas  qui  accom- 
pagne le  dictionnaire  Levade.  Une  cassette  trouvée  près 
de  Clarens,  contenait  trois  bracelets  et  trois  simpules  en 
argent.  Valeyres,  Mauraz  et  le  Clos -du- Moulin  offrent  les 
traces  de  Pennilucus.  Rennaz,  à  l'entrée  de  la  vallée  do 


DU    CANTON   DE  YAÎJD.  SIS 

Rhône ,  possède  des  briques  à  larges  rebords  sons  nne 
forte  couche  de  limon,  déposée  par  l'éboulement  de  Tau- 
retnnum.  Une  mosaïque  a  été  détruite  au  Peutex  près 
d'Aigle,  à  côté  des  traces  de  la  chaussée  romaine.  Ollon 
conserve  une  amphore  d'une  forme  allongée  découverte 
récemment  en  Taxerez;  à  Antagnes  on  trouve  divers  dé- 
bris. Les  belles  fibules  de  Fully,  vis-à-vis  Martigny,  se 
voient  au  musée  cantonal.  Dans  la  vallée  du  Rhône,  c'est 
surtout  Saint-Triphon  qui  se  fait  remarquer  par  ses  rui- 
nes imposantes.  Une  grande  tour  carrée,  haute  de  60 
pieds  sur  27  à  28  de  large,  domine  un  rocher  isolé,  élevé 
de  246  pieds  au-dessus  de  la  plaine.  Habitée  dans  le  moyen 
âge,  ainsi  que  le  montrent  des  chartes  et  les  restes  d'une 
chapelle  voisine,  plusieurs  la  disent  l'ouvrage  des  Ro- 
mains. Des  vases  et  des  médailles  consulaires  et  impéria- 
les se  trouvent  au  pied  de  la  tour.  On  voyait  en  outre  au- 
dessus  d'iui  portail  d'enceinteune  inscription  romaine,  en- 
levée ces  dernières  années. 

Non  loin  de  Bromagus(Promasens),  des  bains  s'élevaient 
au  Martinet  près  de  Palézieux.  Une  salle  avait  un  double- 
fond  composé  de  grandes  briques,  soutenues  par  des  piles, 
aatour  desquelles  circiriait  le  calorique.  La  fournaise  don- 
nait ensrr  le  vestibule  et  communiquait  aussi  avec  une  se- 
conde  6alle  dont  le  parquet  de  marbre  blanc  reposait  sur 
36  pries  ;  ces  piles,  formées  chacune  de  12  briques,  étaient 
moins  larges  à  la  base  qu  au  sommet  ;  des  tuyaux  de  terre 
cuite,  minces  et  carrés,  se  dirigeaient  verticalement  le  long 
des  parois.  Dans  une  pièce  voisine,  de  petites  briques, 
posées  de  champ,  formaient,  sur  une  couche  de  ciment, 
une  très  jelie  mosaïque.  Disons  encore  que  la  fournaise, 
remplie  de  cendres  et  de  charbons,  renfermait  le  squelette 

MÉM.  ET  DOCUM.  XXY.  ^3 


51  ft  ANTIQUITÉS    ROMAINES 

entier  d'an  homme  de  haute  taille  dont  tous  les  os  por- 
taient l'empreinte  du  feu.  ilfararon  offre  aussi  quelques 
traces  roniaines.  Mézière  possède  les  ruines  d'une  grande 
villa  ;  plusieurs  squelettes  dans  diverses  positions  étaient 
entourés  de  décombres.  Un  vase  en  bronze  a  été  brisé  à 
Neyruz.  A  Courtilles,  une  élévation  du  sol  conserve  des 
murs  et  des  tuiles  à  larges  rebords,  de  même  que  Lovatens; 
une  inscription  commençant  par  les  mots  DEiË  MINER ViE 
a  été  enfouie  de  nouveau.  Près  de  Granges,  Therbe  jaunit 
en  temps  de  sécheresse  sur  d'anciens  fondements.  Un 
vestibule,  long  de  40  pieds,  avait  pour  dalles  de  grandes 
briques.  On  y  a  découvert  des  peintures  à  fresque,  des 
fragments  de  poterie,  des  lingots  de  plomb,  une  statuette 
et  divers  instruments.  Payerne,  Donatyre,  Salavatix, 
Montmagny  se  ressentent  du  voisinage  d'Aventicum.  La 
belle  mosaïque  de  Cormeroz  représentant  le  Dédale  de 
Crète,  a  été  transportée  à  Fribourg.  Celle  de  Cheyres,  sur 
les  bords  du  lac  dTverdon,  fut  détruite  dans  le  siècle 
passé;  la  surface  de  ce  pavé  était  de  246  pieds  carrés  et 
ses  cubes  de  marbres  de  couleurs  différentes,  de  pierres 
dures  et  d'émaui  rouge,  vert  et  bleu,  étaient  disposés 
avec  art.  On  y  voyait  Orphée,  assis  au  pied  d'un  arbre, 
ayant  un  lion  et  un  écureuil  à  ses  pieds,  tandis  que  des 
oiseaux  l'entouraient  et  venaient  jusqu'à  sa  lyre.  Deux  au- 
tres mosaïques ,  recouvertes  déterre,  existent  encore  à 
Yvonand  où  l'on  a  trouvé  en  1838  un  chapiteau  en  bronze 
d'ordre  corinthien,  le  bras  d'une  statue  d'enfant,  une  vic- 
toire, des  coquillages  et  une  hache. 

Sur  l'autre  rive  du  lac,  au  pied  du  Jura,  Saint-Maurice, 
Champag7ie,  Grandson,  \aleyres,  Villars,  Champvent, 
Baulmes,  Essert,  Orges,  le  bois  du  Fai  près  la  Mothe  et  Sainte^ 


DU    CANTON    De    VAUD.  SIS 

Croix,  âîDsi  que  le  sol  entre  Valeyres,  Orbe  et  Rances,  con- 
servent des  traces  des  Romains.  Près  de  Vuitebœuf,  le  bois 
des  Tours  tire  son  nom  des  vastes  ruines  qu'il  renferme  ; 
an  milieu  de  ces  anciennes  constructions  s'est  trouvé  un 
beau  Mercure  aui  yeux  d'argent.  Des  vases  ont  été  re- 
cueillis au  Devenl  près  d'Orbe.  A  Aniex,  un  tertre  recou- 
vrait la  base  d^une  construction  circulaire  avec  des  osse- 
ments calcinés,  des  tuiles  à  larges  rebords  et  une  balance 
à  plateau.  Quelques  débris  de  la  même  époque  se  retrou- 
vent à  MoiU'laville,  Chevilly,  Cuamem,  Vlsle,  Mauraz, 
Bérolle,  Ballem,  Bière  ^  Saubraz,  Montherod,  Aubonne, 
Lavigny,  Féchy ,  Esserlines ,  Loiigirod,  Marchissy^  et 
Vincy. 

Si  nous  entrons  maintenant  par  le  nord-est  dans  l'inté- 
rieur du  canton,  nous  rencontrerons  encore  des  restes  ro- 
mains à  Prahim,  Pomy,  Sermiiz  et  Valeyressous-Ursins. 
Une  relation  du  siècle  passé  au  gouvernement  de  Berne 
sur  les  antiquités  (ÏUrsins  rapporte  qu'on  y  VDyait  un  ves 
tibule  souterrain,  à  peu  près  de  la  hauteur  d'un  homme, 
sur  A  pas  de  large ,  avec  de  beaux  fragments  de  marbre 
sculpté  qui  sont  demeurés  sur  le  cimetière  jusqu'à  ces 
dernières  années.  A  diverses  reprises,  des  objets  d'art  et 
des  statuettes  y  ont  été  découverts  :  un  chapiteau  en 
bronze,  un  augure,  un  Mercure  et,  entre  autres,  un  petit 
bouc  d'un  travail  excellent;  le  piédestal  sur  lequel  il  re- 
pose porte  cette  inscription  :  DEO-MERGVRIO-IVL  IVLIA- 
NA-V. S. L.M.  Une  pierre  calcaire,  placée  dans  une  maison 
particulière  présente  cette  seule  ligne  d'une  inscription 
inédite:  TlTlCAPITOiNI-SVRDllDOiNl.  Ce  marbre  a  7  pieds 
de  long  sur  15  pouces  de  large;  les  caractères  sont  gros- 
sièrement reoroduits.  Malgré  les  destructions  annuelles, 


546  ANTIQUITÉS    ROMAINKS 

ce  sol  est  loin  d'être  épuisé.  Essertines,  Suchy,  Chavar- 
nay,  Vuarrens,  Saint-Cierges,  Morrens  et  Ctigy  témoignent 
aussi  du  séjour  des  Romains.  Il  en  est  de  même  du  terri- 
toire de  Cheseaux  où  Ton  rencontre  de  vastes  conduits  sou- 
terrains ,  des  murs  parallèles  ou  croisés,  des  meules  de 
moulin  à  bras,  des  chapiteaux,  des  fûts  de  colonne,  des' 
dalles  de  marbre  blanc,  des  lampes,  des  urnes  cinéraires, 
des  vases,  des  figurines  et  des  pavés  à  la  mosaïque.  Une^ 
armoire  dans  un  mur  couvert  de  terre  était  remplie  de 
irétements  qui  se  réduisirent  en  poussière  au  premier  con- 
tact de  l'air.  Des  bains  rasés  à  fleur  du  sol  montraient 
leur  ancienne  distribution;  dans  ce  lieu,  une  salle  souter- 
raine à  laquelle  aboutissait  un  grand  aqueduc,  renfermait 
trois  vases  eu  bronze.  Ailleurs,  des  pans  de  murs  étaient 
encore  debout  au  commencement  de  ce  siècle.  Enfin  ,  sur 
un  espace  considérable  sont  parsemées  çà  et  là  les  grandes 
tuiles  à  larges  rebords.  Les  chênes  de  la  forêt  de  Vemand- 
dessous  et  le  sol  de  Romanel  recouvrent  des  constructions 
pareilles.  Jouxtens  conserve  les  belles  ruines  d'une  villa. 
Une  tête  en  bronze  de  Marc-Aurèle  de  grandeur  naturelle 
a  été  transportée  de  Prilly  au  musée  de  Berne  ;  une  tête 
de  Gérés  est  perdue.  Renens  possède  des  urnes  antiques, 
et  le  ruisseau  qui  coule  près  de  Chavannes  sotis  Ecublens 
enlève  parfois  au  sol  voisin  les  statuettes  d'anciens  dreux. 
— -  Divers  débris  ont  été  découverts  à  Daillens,  Penthaz, 
Sullens,  La  Chaux ,  Grancy  en  Allai,  Sévery,  Gollion  et 
Aclens,  Une  mosaïque  de  14  */•  pieds  sur  chaque  côté 
vient  d'être  mise  au  jour  à  Vullierens  sur  Morges.  Quatre 
ellipses,  disposées  en  long  sur  les  diagonales  de  ce  carré, 
touchant,  par  une  de  leurs  extrémités,  la  base  du  triangle 
isocèle  formé  aux  quatre  angles  du  pavé,  et  par  l'autre  la 


DU    CANTON    DE   YAUD.  SI 7 

torsade  d'un  carré  qui  occupe  le  centre  et  dont  les  côtés 
sont  parallèles  à  la  base  des  triangles  mentionnés.  Sur 
chaque  côté  du  pavé  repose  un  hémicycle  que  diviserait  en 
deux  parties  égales  le  prolongement  des  diagonales  du 
carré  intérieur  ;  seize  petits  triangles  remplissent  les  vides. 
Le  champ  intérieur  des  ellipses  est  occupé  par  ^es  fleu- 
rons, celui  des  grands  triangles  par  des  fleurs  et.CjBlui 
des  hémicycles  par  des  poissons.  Les  encadrements  et,  lçis 
cordons  sont  agréablement  mélangés  de  bleu ,  de  blanc, 
de  rouge  et  de  vert.  Le  compartiment  du  centre  a  été  dé- 
truit ainsi  qu'une  partie  de  La  mosaïque  par  l'incurie  de 
l'ouvrier.  Dans  les  ruines  romaines  de  Romanel  sur  Marges 
on  a  trouvé  un  plat  de  cuivre  étamé  ;  il  est  entouré  de  ci- 
selures grossières  et  rappelle  la  métallurgie  gauloise. 
EcublenSj  Echandens,  Bremblens,  Echichens,  YauXy  Clar^ 
mont,  Apples,  Réverolle,  et  CAardonnat/ ont  aussi  leurs 
débris.  Il  exista  longtemps  dans  le  bois  des  Bioléttes  près  de 
Chardonnay  des  chambres  ou  cellules  qui  servirent  plus 
d'une  fois  de  refuge.  Enfin  Villars  sotts  Yens  est  connu 
par  une  riche  découverte  de  ces  médailles  impériales  qu'on 
retrouve  dans  la  plupart  des  ruines  romaines  et  aussi  quel- 
quefois isolées,  comme  à  Lavey,  Montreuse  ^  Corsier,  Car 
rouge,  Henniez,  Mamand,  la  Lance,  J^onvillars,  Matkod, 
Suscévaz,  Omy,  Juriens  et  Vallorbe. 


SI  8 


ANTIQIITES    ROMAINES 


IV.  INSCRIPTIONS 


Le  nombre  des  inscriptions  romaines  dans  le  canton  de 
Vaad  étant  trop  considérable  poar  pouvoir  les  transcrire 
toutes  ici,  nous  nous  bornerons  à  en  citer  quelques-unes. 

Coppet. 

VIXI  VT  VIVIS 
MORIERIS  VT  SVM 

MORTVVS 
SIC  VITA  TRVDITVR 

VALE  VIATOR 
ET  ABI  IN  REM  TVA  M 


Nyon. 


C.  PLINIO 

M.  F.  C.  N. 

ANNOR 

FAVSTO 

xn 

AEDILI  II 

L  PLINIO 

VIRO 

FAVSTI 

IVL  EQ  FLA 

FIL 

MIN 

SABINO 

C  PLINIVS 

FAVST 

VIVOS 

P.  C. 

DU   CANTON    DE    VAUD.  519 

C.  Plinius  Faustus,  de  son  vivant,  a  fait  poser  cette 
pierre  à  Gains  PliniusFanstns,  fils  de  Marcns  et  petit-fils 
de  Gains,  édile,  dnnmvir  et  prêtre  de  la  colonie  jnlienne 
équestre,  ainsi  qu*à  son  fils  Lucius  Plinins  Sabinus  ,  âgé 
de  12  ans. 

G.  LVGGONI  GO 

TETRIGI  PRAEFECT. 

ARGEND.  LATROG. 

PRAEFEGT.  PROIIVIR 

IIVIR  BIS  FLAMliNl  D. 

AVGVST.     - 

Cette  inscription,  placée  à  l'angle  septentrional  de  l'é- 
glise de  Nyon,  est  dédiée  à  Gains  Lucconus  Tetricus,  de 
la  tribu  Gornelia,  chef  de  la  gendarmerie  pour  réprimer 
le  brigandage,  produumvir,  duumvir  pour  la  seconde 
fois  et  prêtre  du  divin  Auguste. 


Bière. 

CAESIA  VEGE 

TA  APOLLINI 

V.  V.  S.  L.  M. 

Volum  volvil,  solvUy  lubens,  merito. 

Ce  marbre  trouvé  près  du  Toleure ,  dans  le  territoire 
de  Bière,  a  été  transporté  à  Lausanne  dans  la  campagne 
du  Jardin. 


820  ANTIQUITÉS   ROMAINES 


Cuamens. 

D.  M. 

IVL  DECYMINAE 

ETPOMPEÂË 

REGINâë  IVL 

VALERIÂNVS: 
P.  E.  C. 

Julius  Valerianus  prit  soin  d'élever  ce  monumeoi  aux 
dieax  mânes  de  Jalia  Decumina  et  de  Pompea  Regina. 


Saint-Prez. 

M.  AVR 

PIVS  FEL  GERM.  MAX.  BRIT. 

MAX.  PONT.  MAX.  TRIB.  POT.  XVI 

IMP  II  COS  llll  PROCOS 

FORTISSIMVS  INVICTISSIMVSQ. 

M.  AVG.  INV.  PACATOR 

ORBIS.  VIAS  ET  PONTEE  VETVSTATE 

COLLABS  RESTITVIT. 

MarC'Aarèle  Caracala ,  rerétu  de  tous  les  titres  de  la 
flatterie,  a  fait  rétablir  les  routes  et  les  ponts  qui  tom- 
baient en  ruine  par  leur  ancienneté.  —  Ce  milHairese  voit 
sur  le  pont  du  Bouairon. 


DU    CANTON    DB   VAUD.  S21 


Vidy. 

SOLI  GENIO  LVNAE 

SACRVM  EX  VOTO 

PRO  SALVTE  AVGVS 

TORVM  P.  CLOD.  CORN. 

PRÏMVS  CURATOR  VIKA 

NOR  UOVSONNENSIVM  II 

Iiiiil  VIR  AVGUSTAL  Ç.  G.  R 

CONVENTVS  HEL  D.  S.  D 

I  • 

Vœu  adressé  a,u.  soleil .  au  géaie  et  à  la  l^oe  pour  la 
conservation  des  empereurs,  par  Pgbiijifs  Clodius,  cura- 
teur des  habitants  de  Lousonne  pour  la  seconde  fois,  se?ir 
auffostal.  Il  a  fait  la  dédicace  de  ce  monument  à  ses  frs^is 
et  par  le  copsentemeni  du  conseil  de  la  Diète  helvétique. 
(Voir  Bocbat,  tom.  III.) 

Moudon. 

PRO  SALVTE  DOMVS  DIVIIV 

I.  0.  M.  IVNON.  REGIN. 

ARAMQAEL.  AVi  NVS  llliIV.  AVG 

DE  SVO  AVTEM  DOISAVIT,  VICAN. 

MINNODVNNENS.  XDCCL  EX 

QVORVM  VSSVR  GYMNA 

SIVM  INDERCI  TEMPOR 

PER  TRIDVMEISDEM 

VICAN  DEDIT  INA  EVM 

QVOD  SI  IN  ALIOS  VSSVS 

TRANSFERR  VOLVERINT 

HANC  PECVN  INCOL  COL  AVEW 

TICENSIVM  DARI  VOLO 

L.  D.  D.  V.  M. 


K22  ANTIQUITÉS    ROMAINES 

(Voir  l'article  Moudon  et  le  Mercure  suisse,  janvier  pag. 
79elavrilpag.  80, 1735.) 


Avenches. 

IMP.  CAES.  VESP.  AVG. 
PONT.  MAX.  TRIB.  POT.  COSS 

1.  DES.  Il  P.  P. 

LAPID.  NOIDENOL.  MVLT.  LAB". 

TRAOT.  AVENT.  MOEN  RESTA VR. 

TIT.  VESP.  AVG.  FIL.  D. 

Titus  érige  ce  monument  à  son  père  Vespasien,  alors 
qu'il  était  consul  pour  la  première  fois  et  désigné  pour  la 
seconde,  pour  avoir  tiré  à  grands  frais,  des  carrières  de 
Neucbâtel ,  les  pierres  dont  il  restaura  les  murs  d'Aven- 
cbes. 


DEAE  AVENT 

C.  IVL.  PRIMI  T 

TRIVMVIR 

CVR.  COL.  HE.  F.  A. 

CVR  Imil  VIR 

D.D.  SVA  PECV. 

Gains  Julius  Primitius,  triumvir,  curateur  de  la  colonie 
confédérée  d'Avenches  chez  les  Helvétiens  et  sévir,  a  con- 
sacré ce  marbre  de  son  argent  a  la  déesse  Aventia. 


DU    CANTON    DE    VALD.  H'iZ 

LEGATO 

IMP.  CAES.  NERVAE  AVG.  GERM.  LEG.  XVI 

FLAVIAE  FIRMAE  ET  LEGATO  IMP.  NERVAE 

TRAIANI  CAESARIS  AVG.  GERMANICI  DACICI 

LEG.  VI  FIRMAE  SODALI  FLAVIALI  PRAETORI 

AERARI  MILITARIS  LEGAT.  IMP.  NERVAE 

TRAIANI  CAESARIS  AVG.  GERMANICI  DACICI 

PROVINCIAE  LVGDVNENSIS  CONSVLI  LEGATO 

IMP.  NERVAE  TRAIANI  CAESARIS  AVG.  GERMANICI 

DACICI  AD  CENSVS  ACCIPIENDOS 

COLONIA  PIA  FLAVIA  CONSTANS  EMERITA 

AVENTICVM  HELVETIORVM  FOEDERATA 

PATRONO. 

A lieutenant  sous  Nerva,  delà  16^ légion  surnom- 
mée flavienne,  lieutenant  de  la  6^  sous  Trajan,  vainqueur 
des  Germains  et  des  Daces,  trésorier  de  la  caisse  militaire, 
gouverneur  de  la  province  lyonnaise  pour  recueillir  les 
impôts.  La  colonie  d'Avenches  à  son  Patron.  (Voir  l'article 
d'Avenches  ) 

Yverdon. 

C.  FLAVIO  CAI..LL. 
II  VIR  COL.  HEL.  FLAMIN. 
AVGVSTI 
QUEM  ORDO  PATRONVM 
CIVITATIS  COOPTAVIT  EIQ 
OBMERITA  EIVS  ERGA  REM 
PVBLICAM  SCHOLAM  ET 
STATVAS  DECREVIT 
VIKANI 
EBVRODUNENSES 
AMICO  ET  PATRONO 


524  ANTIQUITÉS    ROMAINES 

Les  babUants  d'Yverdon  à  leur  ami  et  patron,  C.  Fla- 
vius Camillus,  duumvir  de  la  colonie  belvétienne,  prêtre 
d'Auguste»  que  l'ordre  a  cboisi  pour  patron  de  la  ville  et 
auquel  il  a  décrété  un  portique  et  des  statues  pour  ses 
services^  à  la  cbose  publique. 


V.  TOMBEAUX. 


L'âge  des  bûcbers  est  représenté  dans  les  ruines  de  la 
colonie  équestre.  En  1840,  un  ouvrier  occupé  à  creuser 
un  fossé  sur  la  place  d'armes,  vint  à  beurter  un  bloc 
calcaire  grossièrement  arrondi;  une  partie  qui  servait  de 
couvercle  s'en  étant  délacbée,  on  vit  qu'il  renfermait  une 
urne  de  verre  remplie  de  cendres  et  recouverte  d'un  pla- 
teau. Ce  vase  contenait  encore  quelques  fragments  d'osse 
ments  calcinés  et  entre  autres  un  anneau  en  or,  qui  révèle 
les  restes  d*un  chevalier  de  cette  colonie.  Des  urnes  plus 
nombreuses,  qui  occupaient  les  nicbes  d'un  caveau  sou- 
terrain près  de  La  Sarraz ,  ont  été  détruites  en  môme 
temps  que  ce  columbarium.  A  Saint-Prex,  de  petits  vases 
remplis  de  cendres  reposaient  dans  des  vases  plus  grands. 
Quelques  endroits  du  même  territoire  recèlent  des  cbar- 
bons  et  des  ossements  à  demi-brûlés,  des  fragments  de 
poterie,  de  grands  clous  à  tête  ronde,  des  fibules  et  des 
vases  destinés  à  contenir  quelques  liquides;  le  col  de 
ceux  ci  est  étroit  et  le  ventre  aplati  :  l'un,  de  fort  petite 
dimension,  porte  en  relief  des  chiens ,  des  lièvres ,  des 
écrevisses  et  des  grenouilles.  Des  urnes  cinéraires  se  ren- 


DU    CANTON    DB    VAUD.  S25 

coDtreDt  aussi  à   Chavannes  près  Ecublens,    Cheseaux, 
Corcelles  le  Jorat  el  Palézieux  à  la  MoUie  aux  Blancs. 

  côté  des  morts  déposés  dans  les  tombes,  od  ren- 
contre parfois  des  objets  qui  ne  laissent  aucun  doute  sur 
répoque  et  le  peuple  auxquels  ils  appartiennent.  Tel  est 
]e  cas  de  ceux  de  Longirod  qui  renfermaient  des  fibules 
et  des  anneaux  d'une  très  jolie  forme,  avec  un  beau  bra- 
celet en  bronze  habilement  bosselé.  A  la  Linière,  près 
du  bois  de  Prangins,  on  découvrit  en  1792  des  tombes 
de  briques  avec  des  armes  en  bronze  argenté  et  des  mé- 
dailles d'argent  de  Constantin  le-jeune,  de  Julien  Tapostat 
et  de  Valentinien.  Au  Bouairon  près  de  Morges,  et  à  Ville- 
neuve (Pennilucus),  quelques  monnaies,  des  débris  d'ar- 
mnre  et  des  vases,  nommés  communément  lacrymatoires^ 
accompagnaient  des  ossements  humains.  Dans  des  tom- 
beaux de  Saini'Sulpice  se  trouvaient  des  lacrymatoires, 
des  agraifes,  un  anneau  en  or  et  une  boucle  d*oreille. 
Ceui[  de  Daillens  contenaient  des  épées,  des  anneaux  en 
bronze  et  des  fibules.  Auprès  des  squelettes  découverts  à 
Vlsle  reposaient  de  petits  vases  de  verre  et  de  terre  ;  ces 
derniers  étaient  remplis  de  monnaies  romaines  du  IV"»« 
siècle.  Les  tombeaux  découverts  ces  dernières  années  sur 
le  Crêt  du  Verney,  près  du  village  de  Bière,  ont  pu  être 
observés  avec  soin.  Un  assez  grand  nombre  de  squelettes 
étaient  couchés  dans  une  terre  noirâtre  qui  recouvre  les 
couches  de  sable  et  de  gravier  dont  est  composée  la  col- 
line. Ici  Tusage  des  peuples  anciens  de  tourner  les  pieds 
du  mort  vers  l'orient  n'avait  pas  été  observé.  De  nombreux 
ornements  paraient  les  squelettes  étendus  sur  le  dos.  Les 
bras  croisés  sur  la  poitrine  avaient  parfois  jusqu'à  six 
bracelets  en  bronze;  c'étaient,  chez  quelques-uns,  des 


Sâ6  ANTIQUITÉS    R0MAI2IBS 

boucles  rondes  dont  les  extrémités  sont  entièremeDi  rap- 
prochées, tandis  que  d'autres,  plats  et  ornés  de  ciselures, 
se  terminaient  par  deux  têtes  de  serpents  que  joignait  une 
petite  agrafe.  Autour  du  tibia  se  trouvaient  aussi  des  an- 
neaux et  près  de  la  tête  on  avait  presque  toujours  déposé 
un  vase  orné  de  dessins  sur  lequel  était  un  couvercle. 
Quatre  médailles  en  bronze,  provenant  de  ce  cimetière, 
portent  refQgie  des  empereurs  Valentinien.  Gratien  et 
Théodose  le  Grand.  En  1769,  on  rendit  au  jour  à  Yverdon, 
près  des  moulins»  plusieurs  squelettes  dont  la  tête  regar- 
dait l'orient.  Couchés  dans  le  sable,  ils  avaient  entre  les 
jambes  des  vases  de  verre  et  de  terre  avec  des  lampes  sé- 
pulcrales et  de  petits  plats  d'argile  rouge  dans  lesquels 
on  pouvait  distinguer  des  os  de  volaille  bien  conservés. 
A  côté  des  squelettes  se  trouvaient  des  médailles  du  ÏS^^ 
siècle. 

Il  est  à  regretter  que  nous  ne  puissions  ajouter  aux  dé- 
couvertes que  nous  venons  de  parcourir  dans  ce  para- 
graphe, une  description  des  sépultures  d'Aventicum.  Leur 
étude  serait  d'un  grand  prix  pour  nos  recherches  dans  ce 
genre  de  monuments.  Mais,  soit  qu'elles  aient  été  détruites 
anciennement,  soit  qu'elles  restent  encore  enfouies  dans 
le  sol,  nous  ne  pouvons  prendre  pour  point  de  comparai- 
son les  quelques  sarcophages  trouvés  sur  ces  débris.  — 
Les  cimetières  qu'il  nous  reste  à  examiner  offrent  tant 
d'éléments  d  une  nationalité  et  dun  âge  étrangers  à  Rome, 
que  nous  Rêvons  en  faire  le  sujet  d'une  troisième  partie. 


DU    CANTON    DE   VAUD.  5*27 


DÉBRIS  NON  ROMAINS  DES  PREMIERS  SIÈCLES  DE  LtRE 
CHRÉTIENNE  JUSQU'A  CHARLEMAGNE. 


Les  Druides  persécutés  par  les  serviteurs  des  dieux  de 
Rome  durent  plus  d'une  fois,  dans  leurs  jours  de  danger, 
confier  des  dépôts  sacrés  à  la  terre.  C'est  peut-être  à  ce 
temps  qu'il  faut  attribuer  les  serpes,  les  haches,  les  mar- 
teaux et  les  fers  de  lance  en  bronze  retrouvés  à  Allaman. 
—  Sur  les  hauteurs  de  Lutry,  à  la  Gantenaz,  des  haches, 
des  couteaux  et  d'autres  instruments  en  cuivre,  destinés 
aux  sacrifices,  semble-t-il,  étaient  accompagnés  de  paté- 
res,  de  coupes  et  de  plats  de  terre,  portant  le  nom  de 
Vindonnissa,  lieu  de  leur  fabrique,  ce  qui  fait  remonter 
à  l'époque  dont  nous  nous  occupons  l'âge  de  ces  objets. 
Un  chêne  d'une  épaisseur  peu  commune  les  recouvrait  ; 
tout  miné  par  les  ans,  il  réunissait  quelquefois  une  famille 
dans  son  intérieur,  mais  un  jour  la  foudre  frappa  le  vieil 
arbre  ;  la  tige  et  les  rameaux  ayant  été  enlevés,  on  finit 
par  extirper  les  profondes  racines  sous  lesquelles  repo- 
sait le  dépôt  mentionné. 

D'autres  découvertes  appartiennent  aux  inhumations. 
L'une  d'entr'elles  est  remarquable  par  sa  richesse,  le 
nombre  des  tombeaux  et  les  siècles  successifs  qu'elle  re- 
présente. Nous  voulons  parler  du  cimetière  de  Bel-Air, 
près  de  Cheseaux  sur  Lausanne.  —  La  colline  sur  la- 
quelle reposent  ces  antiques  sarcophages  appartient  aux 


828  ANTIQUITÉS 

dernières  ondulations  du  Jorat  ;  située  au  midi  deCbeseaux, 
elle  est  séparée  du  village  par  un  ruisseau  qui  Tentoure  à 
moitié.  Dès  longtemps  le  soc  de  la  charrue  heurtait  les 
dalles  des  tombeaux,  et  l'agriculteur  en  avait  bouleversé 
un  si  grand  nombre  qu'on  croyait  qu'il  n'en  restait  aucun. 
Cependant  des  fouilles  entreprises  depuis  1838  en  ont  déjà 
rendu  au  jour  246.  Leur  longueur  moyenne  est  de  6  pieds 
sur  2  de  large,  et  leur  direction  va  du  nord-ouest  au  sud- 
est.  La  nafQre  du  sol  et  la  disposition  de  ces  tombeaux 
en  plusieurs  couches  apportent  quelque  variété  dans  la 
construction.  —  Ceux  de  la  couche  supérieure,  situés  à  2 
ou  3  pieds  au-dessous  de  la  surface  du  sol,  sont  formés  en 
partie  de  grandes  pierres  brutes,  plates  et  schisteuses, 
posées  de  champ;  2  ou  3  composent  le  couvercle,  quelque- 
fois le  fond  est  plaqué,  et  toujours  la  terre  a  comblé  le 
vide.  Parfois,  des  murs  secs  ou  des  pierres  informes  rem- 
placent les  dalles.  Plusieurs  ont  été  taillés  dans  un  banc 
de  roc,  recouvert  à  peine  d'un  pied  de  terre.  Les  autres 
ne  présentent  qu'un  squelette  couché  en  terre  libre.  — 
Dans  les  deux  couches  inférieures,  qui  ne  dépassent  pas  6 
pieds  en  profondeur,  jamais  dalles,  ni  pierres,  n'ont  en- 
touré le  mort.  Celui-ci,  couché  sur  le  dos,  a  toujours 
les  pieds  tournés  au  levant,  les  bras  sont  étendus  le  long 
des  côtés,  et,  si  c'est  un  guerrier,  la  droite  repose  sur  son 
arme.  On  peut  rarement  lever  un  crâne  entier,  tant  ces 
débris  Sont  friables.  Leur  caractère  distinclif  est  une  fi- 
gure allongée,  une  mâchoire  forte,  des  pommettes  relevées, 
un  front  court  et  étroit,  et  la  tête  fort  développée  en  ar- 
rière. Les  membres,  généralement  forts,  sont  volontiers 
d'une  grandeur  moyenne.  Parfois,  dans  les  tombeaux  les 
plus  profonds,  quelques  traces  révèlent  à  peine  la  pré- 


DU    CANTON    DE   VAUD.  829 

sence  d'un  squelette.  Cette  différence  de  décomposition 
montre  déjà  que  ce  cimetière  a  été  ouvert  pendant  une 
longue  série  d'années,  des  ossements  jetés  à  coin  et  sans 
aucun  ordre  dans  la  couche  supérieure  témoignent  aussi 
que  plusieurs  morts  occupèrent  successivement  la  même 
tombe. 

Cent  dix-neuf  sarcophages  de  constructions  diverses 
renfermaient  des  armes,  des  agrafes,  des  boucles,  des  an- 
neaux, des  voiliers,  des  vases  et  d'autres  ornements  en 
métal,  en  terre  cuite  ou  en  verre. 

Les  armes  sont  des  coutelas  en  fer,  larges,  forts,  poin- 
tus et  tranchants  d'un  côté.  Ils  reposent  ordinairement  le 
4ong  du  fémur  droit,  sur  une  lame  beaucoup  plus  petite, 
et  conservent  les  traces  de  poignées  en  bois.  —  Un 
fer  de  pique,  un  fer  de  flèche  en  fer,  deux  en  silex  et 
une  pointe  en  os  appartiennent  encore  aux  armes  offen- 
sives. 

Les  agrafes,  placées  sur  le  côté  droit  du  bassin  ,  sont 
composées  d'une  plaque ,  d'une  boucle ,  d'un  ardillon 
«tdu  lien  qui  unit  ces  trois  pièces.  La  plaque  est  le  plus 
souvent  carrée,  ronde  ou  triangulaire,  et  ornée  de  roset- 
tes ou  têtes  de  clous,  au  nombre  de  3,  A  ou  9,  qui  présen 
tenl  en-dessous  de  forts  tenons  destinés  à  entrer  dans  le 
<:uir  de  la  ceinture.  L'ardillon  est  massif,  et  la  boucle  à 
peu  près  ovale.  Des  ciselures  recouvrent  les  agrafes  en 
cuivre,  dont  deux  rappellent  par  leur  étâmure  la  métallur- 
gie gauloise.  Celles  de  fer  offrent  parfois  des  incrusta- 
tions de  lamelles  d'argent  ou  de  filets  d'une  finesse  ex- 
trême, formant  des  entre  lacs  divers  et  disposés  pour  les 
encadrements  en  lignes  droites,  parallèles,  obliques  et 
brisées.  Plusieurs  plaques  du  même  travail  ornaient  sou- 

MÉM.  ET  DOCUM.  XXV.  34 


830  ANTIQ€tTÉS 

vent  le  môme  ceinturon .  Sur  ces  pièces  lourdes  et  massives, 
de  même  que  dans  la  première  période,  c'est  Tornement 
de  détail  qui  prévaut. 

Bien  des  tombes  ne  contenaient  autre  chose  que  de& 
boucles,  aussi  en  possédons-nous  24  en  fer  et  36  eo 
bronze.  Elles  sont  généralement  ovales  et  munies  d'un  gros 
ardillon.  Quelques-unes  ont  été  coulées  ;  d'autres  portent 
des  rayures  et  des  disques.  Les  boucles  d'oreille  sont 
grandes  et  rondes,  et  les  bagues  en  argent  ou  en  cuivre 
sont  pour  la  plupart  munies  d'un  chaton. 

Ce  n'est  qu'auprès  des  femmes  et  des  enfants  que  se 
sont  trouvés  les  colliers  ;  du  moins,  jamais  des  armes  ne 
reposaient  dans  la  même  tombe.  Ils  consistent  en  grains  ée 
terre  cuite,  d'émail  et  de  verre  de  couleur.  L'un,  en  suc- 
cin ,  a  près  d'un  pouce  de  diamètre ,  tandis  que  d'autres 
sont  tout  à  fait  pareils  à  ceux  qu'on  unit  de  nos  jours  à  ta 
soie  pour  divers  travaux  d'agrément. 

Le  plus  souvent  c'était  au  pied  du  mort  qu'on  déposait 
le  vase  sépulcral*  L*argile,  grise  et  jaunâtre,  est  loin  d'at- 
teindre la  finesse  de  la  poterie  romaine  ;  rien  ne  rappelle 
le  lacrymatoire;  les  vases  sont  évasés  au  sommet,  à  moins 
qu'ils  ne  portent  une  anse  et  un  goulot;  ceux  qui  sont  en 
pierre  ollaire,  travaillés  au  tour,  représentent  un  cône 
tronqué  renversé  ;  deux,  en  verre,  ont  la  forme  d'une 
petite  bouteille  et  d'une  coupe  arrondie  à  sa  base. 

Il  se  trouvait  encore  dans  ces  tombes  des  épingles  à* 
cheveux,  une  fibule,  des  ornements  de  fourreaux,  uoe 
petite  mosaïque  sur  bronze,  des  clefs ,  des  peignes  en  os 
accompagnés  de  ciseaux  à  ressort,  un  croissant  en  argent, 
des  verroteries ,  des  silex  informes  et  un  fragment  de 
quarz. 


DU    CANTON    DK   VAUD.  531 

Tels  soDt  les  débris  qui  caractérisent  la  découverte  de 
Bel-Air;  mais,  chose  curieuse,  soit  pour  Part,  soit  pour  le 
nombre  des  objets,  les  tombeaux  suivent  une  marche  as- 
cendante, en  sorte  que  les  moins  profonds  sont  les  plus 
riches  et  les  plus  ornés.  Ces  restes  révèlent  un  développe- 
ment de  civilisation  chez  plusieurs  générations  d'hommes, 
à  partir  de  Tère  chrétienne,  tandis  que  chez  les  Romains 
la  marche  est  inverse,  à  partir  du  siècle  d'Auguste. 

Dans  la  couche  inférieure  ce  sont  les  boucles  qui  pré- 
dominent. Le  bronze  s'y  rencontre  plus  souvent  que  le  fer  ; 
les  coutelas  et  les  grains  de  colliers  sont  moins  nombreux 
et  moins  bien  travaillés  que  plus  haut.  On  y  a  découvert 
seulement  deux  agrafes  en  cuivre  dont  l'une  est  un  produit 
de  la  métallurgie  gauloise.  Auprès  d'un  squelette,  des  ci- 
seaux à  ressort  accompagnaient  un  peigne  renfermé  dans 
un  étui  en  os,  chargé  de  disques  et  de  demi  cercles.  On  y 
rencontre  aussi  le  croissant,  les  silex  et  le  métal  coulé. 

La  couche  moyenne  offre  déjà  un  perfectionnement  sen- 
sible dans  le  travail  des  objets.  Les  boucles  commencent  à 
se  recouvrir  de  quelque  ornementation.  On  y  trouve  les 
agrafes  en  fer,  mais  sans  incrustations  de  filets  d'argent. 
Sur  une  plaque  de  cuivre  est  gravé  un  quadrupède  ailé  à 
tête  d'épervier.  Deux  médailles  en  bronze,  malheureuse- 
ment frustes,  sont  romaines.  Les  coutelas,  les  lames,  les 
grains  de  collier,  les  silex,  des  débris  divers  et  la  pointe 
en  os  mentionnée  appartiennent  encore  à  cette  classe  de 
tombeaux. 

C'est  dans  la  couche  supérieure,  reproduisant  la  plu- 
part des  débris  précédents,  qu'on  doit  chercher  les  pièces 
les  plus  remarquables.  Les  coutelas  forts  et  acérés,  ac- 
compagnés de  petites  lames  et  de  débris  de  fourreaux,  y 


532  ANTIQUITÉS 

sont  nombreux.  Elle  possède  6  agrafes  en  bronze,  17  en 
fer  uni,  et  19,  y  cooipris  les  plaques  de  ceinturon  ,  char- 
gées de  filets  d'argent  incrustés.  La  forme  des  boucles  y 
est  parfois  gracieuse,  les  silex  y  paraissent  encore;  et  là 
seulement,  on  rencontre  les  vases.  —  Au  milieu  des  tom- 
beaux de  guerriers  on  voit  celui  d'une  mère  portant  son 
enfant  sur  son  sein.  Ailleurs,  des  enfanis  sont  entourés 
d'objets  divers,  témoins  des  regrets  qu'ils  ont  laissés.  Cinq 
perles  étaient  devant  la  figure  de  l'un,  et  deux ,  les  plus 
grosses,  dans  la  terre  qui  remplissait  en  partie  le  crâne. 
Six  d'entre  elles  sont  d'un  verre  bleu,  vert  ou  brun;  la 
septième,  sur  une  matière  noirâtre  présente  deux  crois- 
sants et  un  cœur  incrustés.  Un  autre  squelette  d'enfant, 
déposé  dans  le  roc  taillé  avec  soin,  avait  auprès  de  lui  une 
grande  bague,  une  fibule  en  bronze  et  trois  clefs.  Plus 
loin,  la  tombe  d'une  jeune  fille  était  richement  ornée.  La 
ceinture  portait  une  agrafe  et  une  boucle  ;  86  perles  for- 
ment le  plus  beau  collier  de  cette  découverte  ;  deux  bou- 
cles d'oreille  sont  d'un  joli  iravail  ;  desJosanges  en  ar- 
gent avec  des  verres  enchâssés  étaient  des  ornements  de 
coiffure ,  ainsi  que  des  filigranes  insaisissables  à  la 
main;  il  s'y  trouvait  en  outre  une  épingle,  les  fragments 
d'un  peigne  en  os  et  deux  bagues,  l'une  en  argent  et  l'au 
treen  fer.  —  Deux  bagues  d'argent  se  voyaient  aussi  à 
la  main  gauche  d'un  guerrier,  tandis  que  la  droite  repo- 
sait sur  son  coutelas  ;  l'argent  et  des  ciselures  profondé- 
ment gravées  recouvrent  l'agrafe  allongée  et  les  quatre 
plaques  de  son  ceinturon;  un  fer  de  pique  et  un  vase  en 
verre  étaient  déposés  à  ses  pieds.  Le  sarcophage  d'un  au- 
tre guerrier  contenait  un  coutre  de  charrue,  un  éperon  en 
fer  dont  la  pointe  est  sans  molette,  une  agrafe,  un  pei- 


DU    CANTON    DR    VAUD.  533 

gne  en  os,  des  ciseaux  à  ressort,  un  poignard  et  un  cou- 
telas orné  d'un  pommeau  et  d'un  bourrelet  au  lieu  de 
croisière,  et  revêtu  des  débris  d'un  riche  fourreau.  Deux 
tombes  de  la  couche  supérieure  conservaient  des  mé 
dailles  impériales  de  l'époque  de  la  domination  romaine. 
Auprès  d'un  squelette,  qui  reposait  immédiatement  sur 
deux  tombeaux  plus  anciens,  se  trouvaient  des  monnaies 
de  Charlemagne  qui  montrent  que  les  inhumations  se 
poursuivirent  sur  cette  colline  durant  la  première  moitié 
du  moyen  âge. 

.  Tous  ces  restes  de  générations  successives  déposées 
dans  la  terre,  ce  développement  de  l'art  et  ces  traces  des 
nationalités  du  nord  et  de  l'Italie,  donnent  à  l'antique  ci- 
metière de  Bel-Air  une  grande  valeur  historique  que 
viennent  compléter  des  découvertes  pareilles  faites  dans 
le  canton  de  Vaud. 

Dans  des  sarcophages  d'une  construction  analogue,  au 
milieu  de  coutelas  et  de  pièces  damasquinées,  on  retrouve 
des  plaques  d'agrafe  en  bronze  de  la  même  forme  que 
celles  de  fer,  couvertes  des  traces  d'un  culte  étranger,  in 
troduit  dans  les  Gaules  quelque  temps  avant  le  christia- 
nisme. Sur  des  agrafes  ù'Amex,  Pampigny  et  d'Fi'erdon, 
on  voit,  comme  à  Bel-Air,  des  quadrupèdes  ailés  à  tête 
d'épervier.  Celles  de  Marnand,  de  Bofflem  eiA'Echallens, 
divisées  en  cinq  compartiments ,  portent  dans  celui  du 
milieu  la  croix  des  chrétiens.  De  chaque  côté,  un  homme, 
avec  une  tête  d'animal  et  le  pouce  de  la  main  droite  sur 
les  livres,  est  en  attitude  d'adoration  devant  la  croix.  Il 
tourne  le  dos  à  la  figure  allégorique  gravée  à  chaque  ex- 
trémité de  la  plaque,  et  semble  indiquer  la  conversion  au 
christianisme.  L'image  du  Sauveur  bénissant  est  gravée 


S3&  ANTIQUITÉS 

sur  des  agrafes  de  Bofflens  et  de  Tolochenaz.  D'autres  de 
Sévery,  de  Monigifi,  prés  Cossonay  et  de  Lavigny  ont  pour 
sujet  UD  homme  les  bras  élevés  entre  deux  quadrupèdes 
qui  lui  lèchent  les  pieds.  L'un  rappelle  par  son  inscription 
le  vœu  fait  à  Ndsualdxis  Nansa  qu'il  soit  chrétien  et  qu'il 
jouisse  avec  bonheur  de  cette  agrafe  qu'il  paraît  avoir  reçue 
en  don  :  NASVALDVS  NANSA  VIVAT  DEO.  VTEREFELEX. 
DANINIL.  Le  dernier  mot  révèle  que  le  sujet  de  ces  pièces 
est  le  prophète  Daniel  dans  la  fosse  aux  lions. 

Les  tombeaux  A'Arnex  renfermaient  des  boucles,  des 
anneaux,  des  ciseaux  à  ressort,  des  coutelas  et  d'immen- 
ses agrafes,  incrustées  de  filets  en  argent  et  en  or.  -—Ceux 
de  Bofflem  offrent  quelques  alignements  bientôt  interrom- 
pus; alentour,  ce  sont  des  ossements  humains  entassés 
ou  déposés  sans  aucun  ordre.  Ici,  un  squelette  isolé;  là, 
plusieurs  réunis  avec  leurs  armes;  ailleurs,  sous  les  ra- 
cines d'un  vieux  noyer,  celui  d'un  homme  et  de  son  che- 
val ;  plus  loin  ce  ne  sont  que  des  ossements  de  chevaux  ; 
dans  un  autre  lieu,  ils  sont  réunis  à  ceux  de  leurs  cava- 
liers. Ces  débris,  ainsi  répandus  sur  les  collines  entre  Ar- 
nex,  Croix  et  Bofflens,  disent  assez  qu'une  bataille  a  été 
livrée  sur  ces  hauteurs.  —  Aux  Condemiiies ,  près  d'E- 
challens,  sont  des  ossements  et  des  débris  pareils,  quoique 
en  moins  grand  nombre.  —  Sévery  présente  un  cimetière 
régulier.  Une  tuile  romaine  entrait  dans  la  construction 
d'un  tombeau  d'enfant.  Des  grains  de  collier,  des  vases 
d'argile  et  de  pierre  ollaire,  une  médaille  d'Antonin-le- 
Pieux  et  deux  plaques  damasquinées  ont  été  recueillies. 
Au  milieu  des  coutelas,  courts  et  pointus,  s'est  trouvée 
une  grande  lame  tranchante  des  deux  côtés,  flexible  et 
arrondie  à  son  extrémité,  qui  rappelle  l'ancien  sabre  na- 


DU    CANTON    DB   VAUD.  S35 

tioDal  que  l'Helvétien  dut  perfectionner,  comme  l'avaient 
déjà  fait  les  Gaulois  d'Italie,  en  le  rendant  acéré  et  plus 
court.  Un  autre  sarcophage  renfermait  un  coutelas  et  une 
balance  à  deux  bassins,  de  fort  petite  dimension  ;  ces  piè 
<^es  n'indiquenl-elles  pas  un  homme  qui  d'une  main  ap* 
préciait  le  droit,  tandis  que  de  l'autre  il  vengeait  la  jus- 
tice? —  Des  attributs  tout  à  fait  pareils  ont  été  découverts 
à  Lonay  sur  Morges,  dans  une  tombe  construite  en  murs 
et  pavée  au  fond.  La  balance  était  à  droite  tandis  que  l'é- 
pée  à  deux  tranchants,  grande  et  large,  reposait  le  long 
du  bras  gauche.  Une  boucle,  un  fragment  de  verroterie, 
des  silex  et  une  aiguillette  ornaient  celte  tombe,  avec  un 
fer  de  javelot  et  les  fragments  d'une  belle  coupe  en  verre. 
—  Non  loin  de  Lonay  existait  le  vaste  cimetière  de  Tolo- 
chenal,  dont  les  matériaux  ont  servi  à  des  constructions 
modernes.  Les  ornements  consistaient  en  agrafes  incrus- 
tées d'argent  et  en  vases  de  pierre  ollaire.  —  Lavigny 
conservait  dans  ses  tombeaux  en  dalles,  des  boucles,  des 
anneaux,  des  bagues,  des  colliers,  un  objet  pour  l'encens, 
une  fibule  circulaire  en  or  avec  des  verres  de  couleur, 
des  lamelles  d'os  couvertes  de  disques  et  servant  d'étui  à 
un  peigne,  une  plaque  de  terre  cuite  ornée  de  verres  en- 
châssés, des  agrafes,  un  fer  de  lance,  des  coutelas  et  une 
grande  épée.  —  Sur  une  hauteur  qui  domine  Chavannes 
et  l'ancien  Lousonnium,  deux  sarcophages  se  distinguaient 
de  ceux  qui  les  entouraient  par  leur  grandeur  et  leur 
conservation.  Après  en  avoir  enlevé  les  couvercles,  les 
squelettes  parurent  dans  un  vide,  sans  être,  selon  la  cou*- 
tume>  entourés  de  terre.  Ils  avaient  été  protégés  par  ub> 
double  cercueil  en  plateaux  de  chêne  dont  il  restait  quel- 
ques débris.  A  côté  des  coutelas  et  des  agrafes,  la  pièce 


536  ANTIQU1T^.S 

la  plus  remarquable  était  une  hache  en  fer  à  un  seul  tran- 
chant. -  Une  hache  d'une  forme  un  peu  diffi'Tente,  mais 
aussi  à  un  seul  tranchant,  se  trouvait  auprès  des  sque- 
lettes couchés  en  terre  libre  à  La^Chaux,  près  Cossonay, 
avec  une  agrafe,  une  boucle,  des  coutelas  et  des  fers  de 
javelot.  —  Beaucoup  de  ces  sarcophages  ont  été  détruits  à 
Romanel  sur  Lausanne.  L'agrafe ,  qui  a  été  recueillie, 
munie  d'une  contreplaque,  est  remarquable  par  sa  gran- 
deur et  la  richesse  des  lamelles  d'argent  incrustées  sur  le 
fer.  —  Romanel  sur  Morges  offrait,  comme  Bel-Air,  des 
couches  superposées,  mais  qui  ont  été  bouleversées  sans 
aucun  soin.  Bnssignyei  Senarclens  présentent  des  débris 
pareils.  —  Près  A'Ursins  on  a  découvert  anciennement 
des  coutelas  et  des  agrafes  avec  étamure  sur  cuivre  etda 
masquinure  sur  fer.  —  Coutelas  et  agrafes  damasquinées 
se  retrouvent  à  Combremoni-le-Grand,  près  de  Grandson, 
en  Brie,  au  Tombé  som  Champagne  et  au  Tombé  près  de 
Corcelles. 

Il  est  plusieurs  cimetières  antiques  dans  lequels  l'exis- 
tence de  la  damasquinure  sur  fer  n'est  point  constatée 
bien  que  les  tombeaux  soient  construits  en  dalles  ou  taillés 
dans  le  roc,  et  qu'ils  contiennent  des  coutelas  et  des  lames 
de  fer.  Tel  est  le  cas  de  ceux  de  Bière,  Saint- Prex,  Echan- 
dens,  Vuf(le7iS'la- Ville,  Crissier,  Bettens,  Ogens,  Moringes 
près  Moudon,  Courtilles,  Lovatens  et  Sugnem. 

D'autres  n'ont  pour  principal  caractère  de  leur  anti- 
quité que  d'avoir  été  taillés  dans  le  roc  ou  construits  en 
dalles,  en  murs,  en  tuf,  en  briques  ou  en  tuiles  romaines. 
On  retrouve  de  ces  tombeaux  à  Mies,  Genollier,  Gilly, 
Vincy,  Channivaz,  Pully,  Cully,  Riez,  Sainl-Légier,  Cla- 
rens,  Palézieux,  Peney4e-Jorat,  Rossanges,  Villarzel,  Bau- 


DU    CANTON    DE   VAUD.  S37 

mes,  Vuitebcmf,  FerrièreSy  près  La-Sarraz,  La-Praz,  au 
Signal  près  Cossonay,  à  Ballens,  Retiens,  Prilly^  Jouxtens- 
Mézery  et  au  Mont  sur  LausauDe. 

Dans  bien  des  localités,  des  squelettes  couchés  en  terre 
libre,  ne  peuvent  être  rattachés  à  une  époque  un  peu  cer- 
taine, lorsqu'ils  n'ont  d'autre  gage  de  leur  ancienneté  que 
la  friabilité  de  leurs  ossements. 

Sans  vouloir  faire  rentrer  tous  ces  cimetières  dans  la 
classe  de  celui  de  Bel-Air,  il  en  est  assez  qui  sont  suffi- 
samment déterminés  pour  répondre  à  la  même  époque  et 
au  même  peuple.  La  construction  des  tombeaux,  les  ar- 
mes, les  ornements,  la  poterie  présentent  un  tout  caracté- 
ristique ;  mais  au  milieu  de  ces  débris  les  pièces  les  plus 
importantes  sont  les  agrafes  en  bronze  et  en  fer.  Celles  en 
bronze  montrent  par  leurs  ciselures  la  naissance  d'un  art 

nouveau  et  l'introduction  du  christianisme  dans  THelvétie 

• 

occidentale,  où  l'on  sait  qu'il  pénétra  de  bonne  heure.  A  la 
fin  du  second  siècle,  Irénée  envoyait  déjà  de  Lyon  de  nom- 
breux missionnaires  dont  l'œuvre  ne  put  être  anéantie 
par  la  persécution.  La  colonie  équestre  (Noviodunum)  et 
Aventicum  ne  tardèrent  pas  d'avoir  des  évéques.  Dès  lors, 
l'armure  du  guerrier  porte  l'empreinte  de  sa  foi  nouvelle. 
Des  ciselures  grossières  représentent  au  milieu  des  dis- 
ques le  Christ  bénissant,  ou  bien  des  hommes  tournent  le 
dos  à  des  figures  allégoriques  pour  adorer  la  croix.  Le 
prophète  Daniel  dans  la  fosse  aux  lions,  gravé  sur  plu- 
sieurs pièces  par  des  artistes  difi'érents,  et  reproduit  dans 
les  catacombes  de  Rome  à  côté  de  l'arche  de  Noé  sur  les 
tombeaux  des  premiers  chrétiens,  parait  faire  allusion  à 
quelque  délivrance  miraculeuse.  Comme  Daniel  menacé 
parles  hommes  et  sauvé  de  Dieu,  le  christianisme  sort 


S38  ANTIQUITES 

TaiDqoeur  de  lalutte;  comme  ces  lions  qu'on  voit  léchant 
les  pied&du  prophète,  ceux  qui  semblaient  devoir  repous- 
ser la  religion  divine  l'embrassent  à  leur  tour.  Cependant, 
par  la  représentation  même  de  ce  triomphe ,  des  traces 
de  l'ancien  art  et  de  l'ancien  culte  sont  conservées,  tandis 
que  les  inscriptions  qui  accompagnent  quelques  uns  de  ces 
sujets  commencent  à  s'éloigner  des  caractères  latins  et  à 
se  ressentir  de  l'approche  du  moyen  âge.  Un  fait  analogue 
se  reproduit  par  la  damasquinure  des  agrafes  en  fer. 
Bien  que  l'usage  d'incruster  les  métaux  soit  fort  ancien  et 
se  retrouve  chez  les  Grecs  et  les  Romains,  il  n'en  offre  pas 
moins  quelque  chose  de  nouveau  dès  qu'il  se  présente 
sur  l&fer.  Toutefois  la  disposition  des  filets^d'argent  rap<- 
pelle  les  rayures  sur  bronze  des  Celtes ,  des  Germains  ed 
des  Scandinaves.  Dans  l'encadrement  de  ces  plaques,  les 
lignes  droites  parallèles  et  brisées  offrent  des  dessins  ana^ 
logues  à'^  ceux  que  nous  avons  vus  sur  divers  objets  de  la 
première  période;  mais,  au  centre,  les  contours  et  les 
entrelacs  des  fils  révèlent  chez  l'artiste  une  main  plus 
flexible  et  l'influence  d'une  civilisation  étrangère.  On  di- 
rait que  la  ciselure  sur  bronze  ait  passé  sur  le  fer  et  que 
pour  mieux  faire  ressortir  ce  genre  de  travail  on  ait  fini 
par  incruster  dans  les  rayures  les  filets  d'or  ou  d'argent. 
Il  est  intéressant  de  retrouver  ces  entrelacs  sur  la  pierre, 
l'os,  le  bronze  et  l'argent,  mais  sans  incrustation,  dans  la 
dernière  période  du  paganisme  chez  les  Scandinaves,  et  de 
les  voir  se  reproduire  sur  quelques  colonnes  et  chapiteaux 
d'anciens  temples  chrétiens.  —  A  cette  même  époque,  pa- 
raissent dans  le  Nord  quelques  agrafes  pareilles  aux  nô- 
tres; incrustation  des  filets  d'argent  sur  le  fer,  quoique 
extrêmement  rare,  y  est  aussi  représentée,  mais  quand  ce 


DU    CANTON    DE   VAUD.  S39 

genre  d'art  y  fut  introduit,  il  avait  reçu  de  grandes  mo- 
difications chez  les  peuples  avec  lesquels  le  christianisme 
finit  par  mettre  en  relation  les  populations  plus  stables  de 
l'ancienne  Scandinavie,  en  sorte  qu'il  passa  presque  ina- 
perçu. 

Pour  déterminer  l'époque  qui  embrasse  nos  monu- 
ments, nous  devons  recourir  à  la  découverte  de  Bel-Air. 
La  tombe  à  fleur  de  terre  qui  reposait  immédiatement  sur 
deux  autres  et  renfermait  les  10  monnaies  de  Charlemagne 
peut  être  regardée  comme  donnant  la  dernière  époque 
pendant  laquelle  on  inhuma  sur  cette  colline.  De  plus,  2 
bagues  provenant  de  2  tombeaux  de  la  couche  supérieure 
portent  sur  leur  chaton  des  monogrammes  qu'on  ne  ren- 
contre que  sur  les  tiers  de  sol  mérovingiens.  Ces  faits  assi- 
gnent ainsi  à  cette  couche,  c'est-à-dire  à  la  partie  la  plus 
importante  de  ces  débris,  les  premiers  temps  du  moyen 
âgejusqu  au  IX^  siècle.  Il  est  plus  difficile  de  déterminer 
l'époque  à  laquelle  on  commença  d'inhumer  sur  la  colline 
de  Bel-Air.  Dans  tous  les  cas,  l'absence  de  médailles  dans 
la  partie  la  plus  inférieure,  la  plus  grande  décomposition 
des  squelettes  et  un  art  beaucoup  moins  avancé  témoignent 
d'un  âge  plus  reculé.  Peut-être  était-ce  déjà  dès  les  pre- 
miers siècles  de  l'ère  chrétienne  le  lieu  de  sépulture  des 
habitants  de  l'ancien  Cheseaux  dont  le  territoire  conserve 
de  nombreuses  ruines  romaines,  tandis  que  l'étranger 
d'Italie,  mêlé  aux  Helvétiens,  aurait  déposé  ses  morts  ail- 
leurs, comme  paraissent  le  montrer  d'autres  tombeaux  et 
des  urnes  cinéraires  trouvés  dans  les  champs  voisins  de 
Bel-Air. 

Les  monogrammes  et  les  médailles,  qui  donnent  à  ces 
loonuments  un  âge  moins  reculé  qu'on  ne  Ta  souvent  cru, 


S40  ANTIQUITÉS 

sont  d'une  grande  valeur  pour  la  question  historique» 
ainsi  que  la  succession  paisible  de  ces  tombes  et  leur  nom 
bre  dans  toute  la  Suisse  occidentale.  D'après  cela  on  est 
obligé  d'y  voir  les  restes  d'un  peuple  assis  dans  ces  con- 
trées; et  quel  pourrait  il  être,  sinon  les  Burgondes  qui 
s'y  établirent  dans  la  première  partie  du  V^  siècle  ?  Mais 
la  question  se  complique  quand  on  porte  ses  regards 
sur  les  découvertes  analogues  faites  en  divers  pays?  Des 
débris  pareils  se  trouvent  en  plusieurs  lieux  du  grand- 
duché  de  Bade  et  au  delà  sur  les  bords  du  Rhin.  Ils  étaient 
déjà  constatés  en  Wurtemberg  et  en  Bavière  avant  la  ri- 
che découverte  de  Nordendorf,  près  d'Augsbourg.  Ces  an- 
tiquités, prises  pièce  par  pièce,  offrent  une  reproduction 
parfaite  les  unes  des  autres,  mais  vues  dans  leur  ensemble 
elles  présentent  des  éléments  différents.  C'est  ainsi  qu'à 
Nordendorfles  grandes  épées  en  fer,  les  vases,  les  colliers 
et  les  métaux  précieux  sont  beaucoup  plus  nombreux  que 
dans  la  Suisse  occidentale,  tandis  que  les  damasquinures 
y  sont  fort  inférieures  et  que  les  plaques  en  bronze  avec 
des  sujets  chrétiens  n'y  sont  pas  du  tout  reproduites.  II 
en  est  de  même  dans  le  canton  de  Bâie,  où  une  centaine  de 
ces  tombes  ont  été  ouvertes  près  de  l'ancienne  Augiista 
Rauracorum.  Ce  cimetière  est  postérieur  à  la  destruction 
de  cette  cité,  comme  le  montrent  les  sarcophages  cons- 
truits de  débris  romains,  d'inscriptions  latines  et  de  bas- 
sins en  pierre  recouverts  parfois  d'une  dalle  sur  laquelle 
est  sculptée  la  croix  latine.  —  Le  caractère  général 
des  objets  découverts  prés  d'Augst  dans  le  canton  de 
Bâle  est  le  même  qu'en  Bavière,  bien  qu'Augst  soit  plus 
éloigné  de  Nordendorf  que  de  Bel-Air.  Ce  fait  nous  con- 
firme dans  l'opinion  des  archéologues  qui  attribuent  ces 


DU    CANTON    DE    VAUD.  544 

monuments  des  bords  du  Rhin  et  de  l'Allemagne  méri- 
dionale aux  Allemani,  car  les  environs  d'Augst  furent  oc- 
cupés par  ceux-ci  et  non  par  les  Burgondes,  ce  qui  ex- 
plique Tanalogie  parfaite  de  cette  découverte  avec  celle  de 
Nordendorf.  Mais  nous  ne  pouvons  partager  la  manière  de 
voir  de  ceux  qui  veulent  retrouver  des  Allemani  à  Bel- 
Air,  vu  que  ce  peuple  devrait  pour  cela  avoir  occupé  jus- 
ques  à  Charlemagne  l'Helvétie  occidentale ,  où  il  n'a  fait 
que  séjourner  peu  de  temps  avant  rétablissement  des 
Burgondes.  Si  l'on  persistafl  à  y  voir  des  Allemani,  il  fau- 
drait alors  leur  attribuer  toutes  les  découvertes  analo- 
gues de  la  Franche-Comté  et  de  l'ancienne  Bourgogne  où 
la  damasquinure  et  les  agrafes  à  sujet  se  retrouvent  avec 
des  monnaies  mérovingiennes.  Mais  ces  découvertes  ne 
s'arrêtent  pas  là,  on  eL  a  fait  de  semblables  dans  plusieurs 
autres  lieux  de  la  France  :  ainsi  près  de  Caen,  dans  les 
environs  de  Versailles  et  à  Lens,  dans  le  département  du 
Pas-de-Calais.  Les  antiquités  de  Lens  se  caractérisent  de 
leur  côté  par  Tabsence  des  longues  épées,  le  nombre  des 
verroteries  et  la  présence  fréquente  des  francisques.  Il 
résulte  du  rapprochement  de  ces  divers  débris  qu'il  y  a 
assez  de  rapports  pour  conclure  à  des  peuples  parents,  à 
des  époques  peu  distantes  et  à  un  art  analogue,  mais 
assez  de  dissemblances  aussi  pour  pouvoir  aller  des  Alle- 
mani aux  Burgondes  et  des  Burgondes  aux  Francs.  Un 
champ  nouveau  est  ouvert  à  l'étude,  nous  montrant  la 
naissance  d'un  nouvel  art,  qui  malgré  l'influence  romaine, 
ofl're  de  nombreuses  réminiscences  du  Celte  et  du  Ger- 
main, auxquelles  viennent  s'unir  des  éléments  du  chris- 
tianisme. Là  sont  incontestablement  d'importantes  données 
pour  les  premiers  siècles  du  moyen  âge  encore  si  obscurs. 


S&2  ANTIQUITÉS 

A'iDsi  ces  anciens  débris,  dont  plusieurs  paraissent  em- 
preints de  ridée  qui  les  produisit ,  nous  reportent  dans 
une  vie  et  dans  un  monde  passés  dés  longtemps.  Malgré 
tout  ce  qu'on  a  découvert ,  malgré  les  destructions  an- 
nuelles ,  la  riche  mine  de  nos  antiquités  est  loin  d'être 
épuisée.  Dans  plus  d'un  lieu,  la  voûte  souterraine  reten- 
tit sous  la  pelle  de  l'agriculteur  et  l'herbe  jaunit  sur  les 
murs  rasés  à  fleur  de  terre.  Bien  des  raines  n'ont  été 
qu'effleurées,  bien  des  sarcophages  n'ont  été  qu'entr'ou- 
verts.  Si  l'esprit  de  conservation  vient  en  aide  à  l'étude 
de  nos  monuments,  si  l'on  comprend  une  fois  que  recueil- 
lir sans  rechercher  est  insuffisant,  alors  il  sera  peut-être 
possible  de  répandre  *un  nouveau  jour  sur  l'histoire  an- 
cienne de  la  patrie. 


DU    CANTON    DE   VAUD. 


543 


LIEUX  DES  DÉCOUVERTES 


Depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'à  la 

domination  romaine. 


Agiez 

Allaman 

Belvédère  (Lausanne). 

Bordonnette      > 

Bex. 

Bière. 

Boiron. 

Bonvillars. 

Gbâtelard  (Lavaux). 

Chalet  à  Gobet. 

Champagne  (Grandson). 

Ghardonne. 

Charpigny. 

Chavannes  sur  le  Veyron. 

Gbigny  (Morges). 

Clos  de  la  pierre  (Grandson)^ 

Combremont-le-Grand. 

Gombremont-le-Peth. 

Concise. 

Gorcelles  près  Concise. 

Crissier. 

Devens  (Bex). 

Echallens. 


Genollier. 

Gingins. 

GoUion. 

Granges. 

Entre  Grandson  et  le  Jura. 

Juriens. 

La-Côte. 

La-Lance. 

La-Mothe. 

Lavigny. 

Luissel  (Bex). 

Les  Planches. 

01  Ion, 

Maracon. 

Montagny  (Yverdon). 

Mont-le-Grand. 

Palézietix. 

Payerne. 

Perroy. 

Petra-felix. 

Pierra-Portay. 

Pizy. 

Prilly. 


544 


ANTIQUITES 


RioDzy  (Mont  sur  Lausanne). 

Romauel  sur  Morges. 

Saim-Légier. 

Sermuz. 

Suchy. 

Trevelin. 

Trey. 


Verschiez. 

Valeyres  sous  Ursins. 

Vevey. 

Villarsel. 

Yverdon. 

Yvorne. 


Lieux  des  découvertes  d'antiquités  romaines. 


Acleus. 

Aigle. 

Allaman. 

Antagnes  (Ollon). 

Apples. 

Arnex. 

Aubonne. 

Avenches. 

Ballens. 

Baume. 

Baugi. 

Benex  (Nyon). 

Berolles. 

Bière. 

BoiroD  (Morges). 

Bois  du  Fai  (la  Mothe). 

Bois  des  Tours  (Vuilebœuf). 

Bonvillars. 

Borex. 

Bosseaz  (Orbe). 

Bossières  (Savuy). 

Bremblens. 

Buchillon. 


Carouge. 

Champagne  (Grandson). 

Ghampvent. 

Channivaz  (Allaman). 

Ghardonnay. 

Ghatelard  (Lavaux). 

Gha vannes  (Ecublens). 

Ghavornay. 

Gheseaux. 

Ghevilly. 

Ghexbres. 

Glarens. 

Glarmout. 

Glos  du  Moulin  (Villeneuve) 

Goinsins. 

Goppet. 

Gorsier. 

Gorcelles-le-Joral. 

Guarnens. 

Gourtinaux  (Lîivaux). 

Grêl-Bernard      • 

Gugi. 

Cully. 


DU   CANTON    DE   VAUD. 


545 


Gurtilles. 

Daillens. 

Devent  (Orbe). 

Donatyre. 

Duillier. 

Echandens. 

Echichens. 

Ecublens. 

Essert. 

Essertines  (la  Côte). 

Essertines  (Jorat). 

Eloy. 

Eysins. 

Féchy. 

Fully(Lavey). 

Gilly. 

GoUiou. 

Goy. 

Grancy. 

Grandson. 

Granges. 

Henoiez. 

Joaleos. 

JourdilloD  (Lavaux). 

Juriens. 

La- Chaux. 

La-Combe  (Rolle). 

La-Sarraz.  , 

Lausanne. 

Lavey. 

Lavigny. 

La  Lance. 

Linière  (Frangins). 

L'Isle. 

Longirod. 

Lovatens. 


Marchissy. 

Marnand. 

Maracon. 

Martinet. 

Mathod. 

Mauraz  (l'Isle). 

Mauraz  (Villeneuve). 

Mura;  (Lavaux). 

Mézières. 

Mies. 

Miroir  (Lavaux). 

Montherod. 

Mont-la-Ville. 

Montmagni. 

Montreux. 

Moudon. 

Morrens. 

Neyruz. 

Nyon. 

Orbe. 

Orges. 

Orny. 

Palézieux. 

Payerne. 

Penthaz. 

Perroy. 

Peutex  (Aigle). 

Pomy. 

Prahins. 

Prangins. 

Praz-pourri  (Lavaux). 

Prilly. 

Renens. 

Rennaz. 

Réverolles. 

Rivaz. 


MtM.  ET  DOCUM.  XXY. 


35 


546 


ANTIQUITÉS 


Romanel  sur  Morges. 

Romanel  sur  Lausanne. 

Saint-Cierges. 

Sainte-Croix. 

Saint-Prex. 

Saint-Maurice  (Grandson). 

Saint*  Sapborin. 

Saint-Sulpice. 

Saint-Triphon. 

Salavaux. 

Salence. 

Saubraz. 

Savuy. 

Sermuz. 

Sévery. 

Sucby. 

Suscévaz. 

Sullens. 

Taillepied  (Lutry). 

Taxerex  (Oiion). 

Tolovaux  (Bret). 


Trelex. 

Treytorrens. 

Ursins. 

Valeyres  (Villeneuve). 

Valeyres  (Champvent). 

Valeyres  (Ursins). 

Vallorbes. 

Vaux. 

Veret. 

Vemand-dessous  (Romanel). 

Vevey. 

Vie. 

Villars  (Champvent). 

Villars  (Yens). 

Villeneuve. 

Vilfette. 

Vincy. 

Vuarrens. 

Vullierens. 

Yverdon. 

Yvonand. 


Lieux  des  découvertes  d'antiquités  des  premiers 

siècles  de  l'ère  moderne. 


Arnex. 

Bussigny. 

Ballens. 

Channivaz. 

Baume. 

Cha  vannes  (Ecublens). 

Bel-Air. 

Clarens. 

Bettens. 

Cossonay. 

Bière. 

Combremont-le-Grand. 

Bofflens. 

Crissier. 

Brie  (Grandson). 

Cully. 

DU    CANTON    DE   VAUD. 


S47 


Curtilles. 

Echallens. 

Echandens. 

Ferrière  (La-Sarraz). 

Geuollier. 

Gilly-Vincy. 

Jouxtems-Hésery. 

La- Chaux. 

La-Praz. 

La  Vigny. 

Lonay. 

Lovatens. 

Maruand. 

Mies. 

Mont  sur  Lausanne. 

Montgifi  (Cossonay). 

Moringes  (Moudon). 

Ogens. 

Palézieux. 

Pampigny. 


Peney  le  Jorat. 

Prilly. 

Pully. 

Renens. 

Riez. 

Romane]  (Lausanne). 

Romanel  (Morges). 

Rossanges. 

Saint-Légier. 

Saint-Prex. 

Senarclens. 

Sévery. 

Tolocbeuaz. 

Tombés.  Champagne (Grandson). 

Tombé  près  Corcelies,        > 

Ursins. 

Villarzel. 

Vufflens-la-Ville. 

Vuitebœuf. 

Yverdon  *. 


*  Les  mêmes  localités  renferment  souvent  des  débris  d'époques  diverset 
reparaissant  ainsi  dans  les  différentes  périodes,  ce  qui  explique  la  répétition 
de  plusieurs  noms  sur  ces  trois  listes. 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


PagM. 

Préface  v 

iNThODUCTlON 1 

Antiquités  égyptieDDes 3 

Antiquités  grecques 8 

Antiquités  étrusques U 

Antiquités  romaines  17 

Antiquités  barbares 24 

Monuments  de  l'antiquité  dans  l'Europe  barbare 

(!«'  cours.) 

Genre  de  ces  monuments 29 

Classification 30 

Première  période.  —  Instruments  tranchants  en  pierre 

ou  AGE  DE  LA  PIERRE. 

Antiquité  de  la  première  période 37 

Découvertes  d'Albano 38 

Le  sol  Scandinave 39 

Formes  principales  des  instruments U 

Lieux  de  fabrication 51 


5S0  TABLE    DES    MATIÈRES. 

TumuH  du  premier  âge 56 

Statistique  des  tumuli  ;  Nord  de  TÂsie 57 

Russie 59 

Suède 60 

Danemark 63 

Allemagne .      65 

Hollande,  Belgique 71 

Grande-Bretagne 72 

France 75 

•Espagne 77 

Suisse  ;  canton  de  Vaud 78 

Italie,  Grèce,  Grimée 81 

Considérations  générales  mr  la  première  période 84 

Sa  durée 85 

Disposition  géographique  des  sépultures 86 

Grandeur  des  salles  et  des  matériaux  employés       ....  89 

Attitude  du  corps  dans  les  tombeaux 91 

Idée  du  genre  de  vie  diaprés  les  instruments 95 

Première  expression  du  sentiment  du  beau 103 

Unité  ou  pluralité  de  Tespèce 104 

Transition  de  la  première  a  la  seconde  période. 

Objets  en  cuivre  avec  instruments  en  pierre 105 

Introduction  des  métaux 112 

Raison  de  la  priorité  de  rage  du  bronze 114 

Le  bronze  sert  à  perfectionner  les  instruments  en  pierre    .  116 

Caractères  des  habitations  primitives 118 

Survivance  des  premiers  instruments  dans  le  culte 119 

Seconde  période.  —  Age  du  bronze. 

Limites  de  cette  période 121 

Armes,  instruments  et  ornements  de  V âge  du  bronze 153 

Celts 123 


TABLB   DES   MATIÈRES.  5S1 

Haches 129 

Haches  de  commandement i29 

Flèches • 131 

Javelots,  lances 131 

Framées 132 

Poignards 134 

Epées 136 

Analogie  des  formes  dans  le  Midi  et  dans  le  Nord U2 

Armes  et  instruments  en  miniature U5 

Armes  défensives 146 

Instruments  de  musique 149 

Instruments  domestiques                    150 

Couteau 150 

Tranchets,  faucilles,  serpes,  ciseaux,  scies 152 

Poinçons,  aiguilles,  perles  à  filer,  hameçons,  poids  de  filet  154 

Ornements 155 

Diadèmes^  peignes^  épingles 156 

Colliers 157 

Bracelets 160 

Anneaux  de  serment 166 

Ceintures 167 

Fibules 168 

Débris,  pièces  ou  signes  symboliques 169 

Cuir,  étoffes 171 

Vases 172 

Urnes 175 

Vases  à  encens 1 78 

Anneaux,  monnaies 180 

Mines 184 

Fonderies .188 

Travail  des  métaux 191 

Analyse  chimique,  alliage 197 

Modes  divers  de  sépulture .  200 

Disposition  géographique  des  sépultures,  Asie 203 

Grèce,  Italie 204 

France;  Grande-Bretagne 205 


852  TABLB   DES    MATIÈRES. 

Suisse 206 

Allemagne 211 

Danemark^  Suède  .  .* 216 

Russie 218 

CoMidérations  générales  sur  la  seconde  période 219 

Ustion  et  inhumatioD 220 

CérémoDies  funèbres 226 

Culture 228 

Bardes  et  Scaldes 230 

Ecriture 231 

Ornements^  costumes 232 

Genre  de  vie  .   .      238 

Commerce 240 

Armes 242 

Résumé;  barbares  ou  non? 246 

Troisième  période.  —  Age  du  fer. 

Limites  de  cette  période 249 

Monuments  du  culte  et  de  la  vie  civile,  militaire  et  privée  .   .   .  254 

Men-hirs 255 

Corse,  Espagne,  France,  Grande-Bretagne 257 

Suisse 258 

Allemagne 259 

Scandinavie 260 

Pierres  mouvantes ?60 

Autels,  trilithes,  dolmens 263 

Corse,  France,  Angleterre 265 

Suisse 267 

Allemagne 268 

Rûgen 270 

Hollande 272 

Scandinavie 27iî 

Pierres  taillées  ou  sculptées .273 

Genève;  pierre  aux  dames 273 


TABLE    DES    MATIÈRES.  553 

Russie 276 

France^  Angleterre 281 

Cromlechs,  lits  des  Huns 283 

Grèce,  Iialie,  Espagne 28i 

France 285 

Angleterre 287 

Allemagne 290 

Scandinavie 291 

Asie  et  Amérique 293 

Murs  cyclopéens,  retranchements 293 

Grèce,  Italie,  Espagne 29i 

France i95 

Grande-Bretagne.  Retranchements  vitrifiés 296 

Allemagne 300 

Suède 301 

Retranchements  en  terre 303 

Russie 30i 

Allemagne 305 

Remparts 307 

France 309 

Habitations 31 1 

Considérations  générales  sur  la  troisième  période 313 

Grandeur  et  destination  des  blocs 3U 

Pierres  des  fées  et  des  oracles 321 

Pierres  des  géants 326 

Canons  des  conciles 328 

Divinités  des  Celtes 331 

Voyage  des  ftmes 334 

Usages  des  Druides .  335 

Divinités  des  Germains 338 

(Cosmogonie  Scandinave 340 

Les  Elfes  et  les  Servants 342 

Autres  traditions  superstitieuses 344 

Du  culte  des  esprits  (note) 345 


554  TABLE   DBS   MATIÈRBS. 

Suite  de  l'âge  du  fer. 

(Extrait  d'un  2«  cours.) 

Avant-propos 355 

Résumé  du  cours  précédent  :  Première  période 357 

Age  de  transition  de  la  première  à  la  seconde  période  ...  360 

Seconde  période 361 

Troisième  période 365 

Monuments  du  culte 365 

Découvertes  faites  dans  le  canton  de  Vaud 31i 

Autel  de  Monl-la- Ville 372 

Autels  de  Burtigny 375 

Châtelard  de  Ghavannes-sur-le-Veyron 378 

Age  de  transition  de  la  seconde  a  la  troisième  période 

Premières  notions  du  fer  en  Europe 389 

Egyptiens,  Grecs 391 

Etrusques 393 

Romains 394 

Espagnols,  Gaulois,  Bretons .396 

Allemagne 397 

Scandinaves 398 

Mines  de  fer 399 

Faits  indiquant  la  transition 402 

Le  fer  a-t-ii  été  introduit  instantanément  en  Europe  par  un 
peuple  envahisseur? i\\ 

Troisième  période.  —  Age  du  fer. 

Plan  du  second  cours • 413 

Première  partie .  413 

Irlande 414 

Allemagne 417 


TABLE   DBS   MATI&RBS.  SBS 

Murs  du  diable,  cérémonies  funèbres 418 

Tumuli 424 

Places  d'urnes 425 

Cimetières 430 

Formes  des  armes,  instruments  et  ornements 431 

Danemark,  Suède  et  Norwège 437 

Retranchements,  sépultures,   tumuli  du  Caucase  (notes)  417 

L421,  440 

Statistique  des  antiquités  de  la  Suisse  oooidentale. 

Sépultures  et  habitations  ne  renfermant  que  des  instruments  en 
pierre 444 

Sépultures  et  habitations  renfermant  essentiellement  des  instru- 
ments en  bronze 455 

Habitations  lacustres 469 

Localités  explorées 473 

Population  de  THelvétie  dans  l'antiquité 475 

Notice  sur  les  antiquités  romaines  du  canton  de  Vaud. 

VUles 480 

Cotonia  équestris 480 

Lausonnium 483 

Pennilucus,  Aquilea 489 

Bromagus 490 

Minnidunum 491 

Aventicum 493 

Eburodunum 505 

Urba 506 

Voies  milliaires ...  508 

Bourgs,  villages^  habitations 511 

Inscriptions 518 

Tombeaux 524 


556  TABLB   DES   MATIÈRES. 

Débris  non  romains  des  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne  .  .  527 

Cimetière  de  Bel-Air 528 

Arnex^  Marnand^  Bofflens^  etc. 533 

Lavigny^  Tolochenaz^  Lonay 535 

ChavaDDes  près  Lausanne^  etc 536 

Caractère  de  l'ornementation .  537 

Lieux  des  découvertes 543 

Lieux  des  découvertes  jusqu*à  la  domination  romaine  ...  543 

Lieux  des  découvertes  d'antiquités  romaines 544 

Lieux  des  découvertes  d'antiquités  des  premiers  siècles  de 
notre  ère 546 


ERRATA 


Page  12,  ligne  17  .  couvrait,  Use%  couvrit. 

Page  36,  ligne  3  :  Pansanias,  lise%  Pausanias. 

Page  45,  ligne  21  :  fixé,  li8e%  fixée. 

Page  49,  note  :  Worsœœ,  lise%  Worsaœ. 

Page  57,  ligne  14  :  du  fleuve  Irtysch  ou,  li8e%  au. 

Page  64,  ligne  22  :  à  coup  de  marteau,  lise%  à  coups. 

Page  70,  ligne  16  :  une  salle  de  plaque  de  grès,  lise%  formée  de  plaques. 

Page  71,  ligne  12  :  Tambryon,  lise%  Tembryon. 

Page  73,  ligne  1  :  14  pieds  de  haut,  lise%  4  pieds. 

Page  73,  ligne  3  :  transeps,  li$e%  transepts. 

Page  76,  note  :  les  caveaux  du  tumuli,  lise%  des. 

Page  78,  note  :  les  côtes  de  la  Bordonette,  li8e%  les  coteaux. 

Page  228,  ligne  5  :  les  bris,  li$e%  les  débris. 

Page  235,  dernière  ligne  :  Pythias,  lhe%  Pythéas. 

Page  870,  ligne  1  :  les  dames,  lise*  les  danses. 

Page  441,  ligne  6  :  l'intérieur  des  collines,  lise%  l'extérieur. 

Page  510.  ligne  15  :  Bovairon,  lise%  Boiron. 


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1