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MÉMOIRES
ET DOCUMENTS
PUBLIES
r r
PAR LA SOCIETE D'HISTOIRE
DE LA SUISSE ROMANDE
TOME XXV
AUTRES OUVRAGES DE M. FRÉD. TROYON
Description des tombeaux de Bel-Air, près Cheseaux. — In-4 de
18 pages, avec 7 planches gravées. 1841.
Habitations lacustres des temps anciens et modernes. — 1 vol.
grand in-8 de 494 pages, avec 17 planches, 1860.
De l'unité de l'espèce humaine. — Broch. in-8, 1863.
L'homme fossile ou résumé des études sur les plus anciennes
traces de l'existence de l'homme.— 1 v. in-8 de 182 pages, 1867.
Cours de mythologie, ou les religions païennes^ au point de vue
de la révélation. — 1 vol. in-12 de 124 pages, 1867.
MONUMENTS
DE
L'ANTIQUITÉ
DANS L'EUROPE BARBARE
snvis d'une
STATISTIQUE DES ANTIQUITÉS DE LA SUISSE OCCIDENTALE
et d'one uotice sur les aotiquités du canton de Vaud
PAR
FRÉDÉRIC pOTON
Consérratear des antiquité* aa Musée cantonal ; nienil>T« de la Société dliiatoire
de la SuisM romande, de la Société générale d'histoire suisse, de la Société
helrétique des sciences naturelles ; membre honoraire de la Société des antiquaires de Londres
et de la Société archéologique du grand-duché de Luxembourg ; correspondant de
l'Institut archéologique de Rome , de la Société des antiquaires de France,
de la Société des antiquaires de Normandie , de l'Académie royale des belles-lettres , de l'histoire
et des antiquités de Stockholm, de» Sociélto archéologiques de Vilna,
de la Poméranie, de Berlin, de Schwérin, de la Thuringe, de Hayenee, de Sinsheim,
de Zurich, de la Société neuchâteloise d'utilité publique, de la Société
d'histoire et d'archéologie de GeoèTe, de la Classe des beaux-arts,
de la Société des art» de Génère et de l'Association florimontane d'Annecy ;
membre correspondant de la Société des antiquaires d'Abbeville et d'Edimbourg ;
membre de la Société phil-américaine de Philadelphie ; membre honoraire
de la Société savoisienne d'histoire et d'archéologie , de l'Institut archéologique de Liège,
correspondant de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel,
du musée Blakmore à Salisbury, etc.
LAUSANNE
GEORGES BRIDEL ÉDITEUR
1868
3)Q
I
/.as
PRÉFACE
Les amis de Frédéric Troyon désiraient vivement
que l'on pût conserver une partie au moins de ses nom-
breux écrits , et celle mission revenait tout naturelle-
ment à la Société d'histoire de la Suisse romande, dont
Troyon avait été l'un des membres les plus actifs et
les plus distingués. Pour satisfaire à ce désir, sa veuve
a publié, elle-même, V Homme fossile^ dernier ouvrage
de notre regrettable collègue, et le Cours de mytholo-
f/iey après quoi elle a bien voulu confier les autres ma-
nuscrits laissés par son mari à notre comité de publi-
cation, lequel en a pris connaissance. La plupart con-
sistent en notes étendues, faites au jour le jour. Une
foule d'observations et de réflexions fort intéressantes
s'y trouvent consignées; il y a là une mine féconde
pour l'amateur d'archéologie. Mais pour faire de ces
notes l'objet d'une publication, il faudrait nécessaire-
ment opérer sur elles un travail d^épurement, de clas-
VI PREFACE.
sification et de remaniement que le comité ne s'est pas
jugé autorisé à entreprendre. Il est rare que l'on puisse
sans inconvénient substituer sa propre intelligence, sa
propre pensée, à celle d'un autre. Cela devenait im-
possible, alors qu'une telle substitution eût dû se faire
dans le domaine d'une science nouvelle, dans laquelle,
parmi nous du moins, il occupait le premier rang. Nous
sommes heureux de dire que ces manuscrits précieux,
s'ils ne sont pas publiés, demeureront néanmoins d'un
facile accès, puisqu'ils doivent être placés dans la partie
du Musée d'antiquités de Lausanne où se trouve aussi la
riche collection que Troyon s'était composée.
Doué d'un remarquable talent d'exposition orale,
notre collègue avait plus professé que publié. 11 se ré-
servait pour un ouvrage d'ensemble , que chaque dé-
couverte obligeait à recommencer, et pour lequel il
continua toute sa vie à recueillir des matériaux.
Parmi les travaux variés que nous avons eu mission
d'examiner, quelques-uns cependant portaient un ca-
ractère d'achèvement assez avancé pour qu'on ait pu
songer à les imprimer tels, à fort peu de chose près,
que leur auteur les avait lui-même conçus. Ceux-ci
sont, à la vérité, déjà assez anciens. C'est un inconvé-
nient, lorsqu'il s'agit d'une science qui avance si rapi-
dement. Toutefois, nous osons le dire, le présent vo-
lume, œuvre de la jeunesse de notre excellent ami, n'a
PREFACE. Vil
pas moins d'importance scientifique que les écrits com-
posés et publiés plus lard ; eu outre, il servira à placer
ceux-ci dans leur vrai point de vue.
C'est un recensement des antiquités de l'Europe bar-
bare, ou, en d'autres termes, des antiquités non classi-
ques. Troyon, qui voulait tout voir par lui-même, fit de
longs voyages pour étudier soit les musées publics, soit
les principales collections privées, en Allemagne, en
France, en Angleterre et dans le Nord. Déjà connu à
cette époque par la découverte des tombeaux de Bel-
Air, il reçut partout de la part des hommes spéciaux,
l'accueil le plus sympathique. Il leur apportait, comme
il recevait d'eux.
Aujourd'hui un travail du genre de celui-ci ne serait
peut-être plus possible ; la moisson est devenue- trop
vaste ; au moment où Troyon l'entreprit il était déjà bien
considérable. Le lecteur aura lieu de s'en assurer.
Ce volume est tiré des notes, suffisamment rédigées,
d'après lesquelles furent donnés différents cours pu-
blics à Lausanne, Morges, Vevey, Genève et autres
lieux, dans les années 1849 à 1854.
La rédaction dont on s'est servi comprenait deux
cours ayant également pour objet les antiquités de
l'Europe barbare. Le second faisait suite au premier,
mais n'a pas été terminé selon le plan de l'auteur, du
moins dans les manuscrits que nous avons utilisés. Les
VIII PREFACR.
noies excessivement concises qui servirent pour les ré-
pétitions de ces cours se référaient à sa première ré-
daction et n'ont pu nous servir à la compléter.
La fin de l'âge du fer, comprenant les premiers siè-
cles de notre ère, ne paraît, dès lors, pas être traitée
avec toute l'extension qu'elle avait dans la pensée de
l'auteur, et qu'elle a reçu peut-être en dernier lieu,
dans des expositions orales. Cette circonstance devait
être notée afin de laisser à chacun sa responsabilité. 11
est plus que probable que l'auteur, s'il eût vécu, n'au-
rait pas fait imprimer son ouvrage dans la forme où
nous le donnons maintenant; mais, n'ayant que le
choix entre la publication actuelle ou le défaut de pu-
blication , nous nous serions mal aisément décidés pour
la dernière alternative.
Les deux morceaux accessoires placés à la fin du
cours sur les antiquités de l'Europe barbare sont rela-
tifs à la Suisse romande. Le premier est un recueil
d'articles insérés, sous le titre de Statistique des anti-
quités de la Suisse occidentale, dans V Indicateur d'his-
toire et d'antiquités de Zurich; ces articles furent com-
posés de 1855 à 1858, alors que les antiquités lacustres
devenaient déjà le but de nombreuses recherches.
Le second opuscule, intitulé Notice sur les antiquités
romaines du canton de Vaud^ ne porte pas de date,
mais paraît avoir été composé peu après le morceau
PREFACE. IX
principal du volume, ou vers le même temps. Gomme
conservateur des musées d'antiquités, Troyon était ap-
pelé à s'occuper activement de nos antiquités romaines,
ridée qu'il s'en faisait est exprimée succintement dans
cet écrit.
Pris dans leur ensemble, ces derniers morceaux
comblent, pour ce qui concerne la Suisse romande, la
lacune signalée plus haut dans le traité général sur
les antiquités de l'Europe barbare.
La difficulté du manuscrit dans certains passages,
jointe à une indisposition du membre du comité chargé
de surveiller la composition , ont entraîné des fautes
d'impression dont une certaine quantité sont corrigées
dans Verrata. Nous sollicitons l'indulgence pour celles
qui subsisteraient encore.
Nous n'avons pas l'intention d'exprimer ici un juge-
ment sur le* mérite du présent écrit; qu'il nous soit
seulement permis de faire observer qu'à notre con-
naissance tous les travaux de ce genre publiés jusqu'ici
sont des travaux particuliers, relatifs à tel pays, à telle
localité ou à telle question. Ce qui caractérise celui-ci
c'est en premier lieu d'être un traité général, et en se-
cond lieu d'être essentiellement descriptif. Il aura par
là une utilité durable, quelles que soient les découvertes
faites dans la suite et les conséquences que l'on en dé-
duira. Il n'est pas donné à chacun de parcourir l'Europe
PREFACE.
pour son instruction, mais grâces à l'exactitude d'ob-
servation et au talent de description de notre collègue,
chacun saura aisément, lorsqu'un objet d'antiquité lui
sera présenté, dans quelles circonstances des objets
analogues ont été trouvf^s, et où Ton les voit. Nous
avons ici comme le premier catalogue d'une vaste bi-
bliothèque, auquel il n'y aura plus qu'à ajouter de
temps en temps des suppléments.
L'auteur se montre sobre d'inductions et de conclu-
sions générales; celles qu'il énonce découlent natu-
rellement des faits; quelques-unes cependant seraient à
réformer aujourd'hui. Dans ses derniers écrits Frédé-
ric Troyon avait déjà commencé à faire lui-même ce
travail de révision ; sa fin prématurée l'a empêché de
le poursuivre. Pendant le cours de sa carrière scienti-
fique, l'archéologie avait passé par trois phases dis-
tinctes. Dans la première, celle durant laquelle les
études dont ce Hvre est le résultat ont été faites, on
trouvait surtout les débris du passé sur le sol et dans
le sol ; on classait les restes de constructions , les ins-
truments et les tombeaux.
Un peu plus tard les habitations lacustres devinrent
une source abondante, presque inépuisable de décou-
vertes nouvelles. Le XVII® volume de nos mémoires en
a fourni un compte-rendu remarqué.
Enfin, dans ces dernières années seulement, des tra-
PREFACE. M
ces de l'existence de rhotnrae sur la lerre à une époque
beaucoup plus reculée qu'on ne le croyait précédem-
ment étant apparues, la spéculation scientifique s'est
portée avec une sorte de passion vers les grandes pers-
pectives que ce fait venait lui ouvrir. Troyon a pu
exprimer encore ses vues sur celte nouvelle phase de
la science à laquelle il s'était consacré; il l'a fait sans
parti pris, comme il convient au savant véritable.
On trouve donc trois moments dans les ouvrages de
Frédéric Troyon , correspondant chacun à J'une des
phases que la science a parcourues depuis trente ans :
Les Monuments de l'antiquité dans l'Europe barbare
sont le premier moment; les Habitations lacustres, le
second, et l'Homme fossile, le troisième.
Septembre 1868.
EDOUARD SECRET AN, professeur.
INTRODUCTION.
Toute élude dont on fait son champ d^activité, ne tarde
pas à s'agrandir, à étendre son horizon et à devenir un
monde si vaste qu'on est obligé de se limiter à quelqu'une
de ses parties, si l'on veut en faire le sujet de recherches
approfondies. Cette observation, qu'on peut appliquer à
la plupart des sciences, est jraie aussi quand il s'agit des
monuments de Vaniiquiié dont nous avons à nous occuper.
Afin de nous entendre dès le point du départ, et pour ne
pas nous méprendre sur la valeur des mots, nous dirons
que par Vaniiquiié nous comprenons tous les siècles qui
se sont écoulés depuis les temps les plus reculés jusqu'à
l'introduction générale du christianisme en Europe. L'ex-
pression de monument a, dans Varchéologie, c'est-à-dire
dans l'étude de ce qui est ancien, un sens plus étendu que
dans le langage ordinaire. Cette expression ne s'applique
pas seulement à l'architecture, mais à tout ce qui est écrit,
à tout ce qui est le produit de l'art et de l'industrie. Ainsi,
ouvrages de science, d'histoire et de littérature, édifices
religieux et publics, constructions particulières, œuvres
MÉM. ET DOCUM. XXY. 1
2 INTRODUCTION.
d'art, statuaire, sculpture, gravure, peinture, armures du
guerrier, vêtements, ornements, meubles, ustensiles et ob-
jets divers, en un mot, tout ce qui nous révèle la vie des
anciens peuples, rentre dans le vaste champ de l'archéo-
logie. — Nous commencerons par en éliminer les ouvrages
écrits qui appartiennent plus spécialement à la philologie,
dont le but est d'interpréter ou faire connaître les auteurs
anciens. Toutefois, nous recourrons à ceux-ci chaque fois
qu'ils pourront jeter quelque lumière sur notre sujet.
L'histoire, entr'autres, est un guide pour cette élude, qui
devient à son tour un complément des sciences histo-
riques.
Après cette élimination, il reste encore à examiner les
monuments de l'art, les ouvrages matériels sortis de la
main des hommes, et à déterminer leur destination et
l'époque à laquelle ils appartiennent, dans chacun des
pa'ys où ils se retrouvent. Ce vaste champ n'a encore été
exploré que partiellement. Quand on jette un coup d'œil
d'ensemble sur les peuples de l'antiquité, on se trouve
transporté dans un monde où apparaissent quelques points
lumineux, au milieu de l'obscurité. Les parties les mieux
éclairées ne laissent pas de projeter leurs ombres au loin.
Au delà, quelques lueurs nous permettent d'entrevoir des
populations nombreuses, qui se meuvent et se heurtent au
fond de la scène, apparaissent un moment, et se replon-
gent dans l'obscurité.
VEgypte est un de ces pays qui attire tout d'abord
notre attention par la haute antiquité de sa civilisation. La
Grèce, Vllalie, offrent un sol riche en monuments, em-
preints de grandeur et de l'art le plus avancé. Quelques
mots sur ce qui nous reste des peuples qui ont illustré
EGYPTE.
ces contrées, serviront à nous inlrodaire au sujet qui doit
nous occuper plus tard.
EGYPTE.
VEgypte\ dont tel de ses monuments a près de 4000
ans d'antiquité, conserve les témoignages d'un dévelop-
pement avancé, dès les âges les plus reculés. Une longue
durée a été assurée à ses édifices par la construction de
ses murs de briques ou de pierres de taille, liées par des
armatures en bois, et dont la largeur va en diminuant de
la base à la partie la plus élevée. Temples, palais, pyra-
mides, obélisques, sont encore debout.
L'enceinte du palais de Louqsor, à Thèbes, renferme les
ruines d'un temple dont la description donnera une idée
sufiisante de ce genre de constructions chez les Egyptiens.
Une porte flanquée de deux espèces de tours carrées donne
entrée dans une cour en carré long, ornée de portiques,
dont le plafond repose sur des piliers cariatides. Au fond
de la cour une porte conduit à un second portique sou-
tenu par deux rangées de colonnes surmontées de chapi-
teaux ayant la forme d'un bouton de lotus. La lumière y
pénètre par des jours pratiqués au plafond. Enfin, de ce
second portique on passe dans le sanctuaire, de forme car-
rée, habité par le Dieu» ou l'animal sacré, son symbole
vivant. Le temple a dans son ensemble 160 pieds de lon-
gueur sur 76 de largeur. Les colonnes, généralement sans
* La plupart des détails suivants sont extraits de Yarchéologie ou Traité de$
antiquités, pur Champollion Figeac.
k INTRODUCTION.
base, de forme cylindrique, sont d'un très grand diamètre
par rapport à leur grandeur. Des sculptures et des inscrip-
tions les recouvrent, ainsi que les parois et le plafond du
temple.
A l'entrée des édifices, on élevait parfois des obélisques.
Ce sont de grands monolithes de granit rose, taillés à 4-
faces, dont l'épaisseur diminue de la base au sommet ter-
miné en pyramide. Ils reposent sur un piédestal carré, de
la forme d'un dé, et ont parfois plus de 100 pieds de haut.
Les faces, polies avec un grand soin, sont légèrement
convexes pour éviter qu'à l'œil elles ne paraissent con-
caves. Des hiéroglyphes sont sculptés sur les quatre faces
avec la plus grande pureté de dessin, et indiquent le motif
de la fondation de l'édifice devant lequel on a élevé ces
obélisques. — Celui de Louqsor, transporté à Paris, est
haut de 70 pieds, et pèse 44-57 quintaux.
Les monuments les plus gigantesques de l'Egypte sont
les pyramides, La plus remarquable se trouve dans les
environs de Memphis, sur une roche élevée d'une centaine
de pieds au-dessus du niveau du Nil. Sa base, de forme
carrée, mesure 716 7i pi^ds de long sur chacun de ses
côtés, et sa hauteur verticale 428 pieds. La première as-
sise posée sur le roc porte 202 autres assises placées en
retraite de manière à former un nombre égal de degrés
ou gradins, en sorte que le monument s'élève en se rétré-
cissant et se termine à peu près en pointe à son sommet.
On a calculé qu'avec les matériaux employés à cette
construction, on pourrait entourer l'Espagne d'un mur de
6 pieds de haut. A la face nord de la plus grande pyra-
mide, au niveau de la 15« assise (environ 45 pieds au-des-
sus du sol) on a découvert l'entrée d'un couloir auquel
EGYPTE.
correspondent d'à ulres galeries qui conduisent a deux salles
de différentes grandeurs. Dans la plus spacieuse était un
sarcophage de granit. Un puits taillé à l'intérieur descend
à une grande profondeur au-dessous du niveau du Nil.
— A quelque distance de ce monument est un sphinx co-
lossal, devant lequel est ménagé une entrée qui commu-
nique aussi par des galeries souterraines à celles dont je
viens de parler. L'antiquité de xette pyramide, qui doit
être envisagée comme un tombeau, remonte au temps re-
culé où les Egyptiens ne connaissaient pas encore l'écri-
ture, car il ne s'y rencontre, nulle part, une trace d'ins-
cription, tandis que les autres monuments de l'Egypte en
sont toujours couverts.
Les autres pyramides, d'âge postérieur et de gran-
deurs diverses, ne laissent aucun doute sur leur destina-
tion, elles servaient aux rois et aux grands personnages
de lieux de sépulture.
Dans la Haute-Egypte, d'immenses excavations dans les
montagnes de la Thébaïde, ornées avec une rare magni-
ficence, étaient destinées au même usage. Voici la descrip-
tion qu'en donne Champollion * : « Un grand nombre de
couloirs conduisaient, par des issues souvent déguisées, à
la grande chambre où était le cercueil, ordinairement de
granit, de basalte ou d*albâtre. Les parois de l'excavation
entière, ainsi que le plafond, étaient couvertes de sculp-
tures coloriées et d'inscriptions hiéroglyphiques où le nom
du roi défunt était souvent répété. On y figurait ordinaire-
ment toutes les cérémonies funéraires, la pompe même
de l'inhumation, la visite de l'âme du mort aux divinités
* Archéol. pag. 29.
6 INTRODUCTION .
principales, ses offrandes à chacune d'elles, enfin sa pré-
sentation par le dieu qui le protégeait au dieu suprême
de YAmenihi, ou enfer égyptien, et son apothéose. Rien
n'égale la grandeur de ces ouvrages, la richesse et la va-
riété de ces ornements. Les figures, quoiqu'en très grand
nombre, sont parfois de grandeur colossale ; souvent aussi
les scènes de la vie civile se mêlent aux représentations
funéraires : on y voit les travaux de Tagriculture, les
occupations domestiques, des musiciens, des danseurs et
des meubles d'une richesse, d'une élégance admirables;
au plafond sont ordinairement des sujets astronomiques ou
astrologiques. »
Il faut chercher dans la foi des Egyptiens la cause du
soin qu'ils apportèrent aux sépultures, ils croyaient que
le bonheur de l'âme était inhérent à l'état de conser-
vation du corps. Aussi toutes les classes de la société fai-
saient-elles embaumer leurs morts, toutefois l'embaume-
ment variait suivant la position que le défunt avait occupée
dans la société. Les momies étaient parfois recouvertes de
fines lamelles en or et ornées drf bracelets et de colliers
du même métal. Elles renferment souvent des amulettes
et des papyrus portant les prières que l'âme adresse à
chaque dieu, et la peinture de la scène du jugement. Il
est curieux de rencontrer encore de nos jours un usage
qui répond à ce dernier trait. Les Russes déposent aussi
dans la tombe de leurs morts une feuille remise par le
prêtre, et qui contient également des prières à Dieu et
aux saints.
Les Egyptiens ont laissé plusieurs statues, dont quelques-
unes« colossales, ont jusqu'à 40 pieds de hauteur. Dans la
EGYPTE. 7
représentation de leurs divinités, ils ont reproduit la forme
humaine pure, ou bien le corps humain surmonté de la
tête de l'animal consacré à la divinité, ou enfin Tanimal
entier avec les attributs du dieu. Les matières les plus
diverses ont été employées. La forme et les détails con-
stamment les mêmes, pour le même sujet, étaient réglés
par le culte. Même régularité sur les bas-reliefs, taillés
dans le creux, de manière à ne pas faire saillie hors du
plan.
Dans le style égyptien, les lignes droites ou peu courbées
dominent dans le contour général de la tête. Ronde par
derrière, elle a les traits de la physionomie très saillants;
les oreilles s'élèvent au-dessus des yeux, ceux-ci sont très
fendus et les lèvres saillantes. Les membres sont en géné-
ral d'une longueur outrée.
L^peinture fut aussi cultivée dès la plus haute antiquité;
temples, tombeaux, momies, manuscrits en rendent témoi-
gnage. Des paletteset des coquillages contenant des couleurs
ont été découverts par M. Passalaqua et déposés dans les
riches collections de Berlin. L'éclat primitif que ces cou-
leurs ont conservé malgré leur emploi sur les matières les
plus diverses, laisse juger de l'habileté des procédés em-
ployés. Les observations sur le style égyptien s'appliquent
aussi à la peinture. L'art des ombres, de la perspective,
n'est pas très avancé, mais en revanche l'imitation des cou-
leurs des êtres naturels est parfaite. L'étude des sujets est
une source féconde de renseignements sur les usages,
les mœurs et les costumes de cette époque.
La mosaïque, qui est aussi une sorte de peinture exécutée
par l'assemblage de petits dés en pierre ou en émail, a
8 INTRODUCTION.
été connue des Egyptiens, comme le prouve un fragment
de cercueil de momie, conservé dans la collection de
Turin.
Les pierres gravées ou camées forment à elles seules une
science ; la glyptique. Les sujets reproduits peuvent être
divisés en trois classes : sujets mythologiques, historiques
et chimériques.
C'est dans la collection égyptienne de Berlin qu'il faut
entr'autres étudier tout ce qui a rapport aux ornements et
ustensiles de la vie privée ; formée par les recherches de
M. Passalaqua et de M. le général de Minutoli , elle a été
dernièrement enrichie par le récent voyage de M. le pro-
fesseur Lepsius.
GRÈCE.
Après cette indication rapide des antiquités de TEgypte,
passons sur le sol de l'ancienne Grèce, patrie des arts les
plus avancés.
Les constructions les plus anciennes de la Grèce, et qui
remontent au temps des Pélasges, sont des murs sans mor-
tier formés de pierres colossales et brutes, dont la super-
position laisse des interstices qui ont été garnis avec soin
de petites pierres. Parfois ces blocs immenses forment des
polygones irréguliers sans interstice, comme on en voit
à Corinthe et dans l'ile d'Eubée. Plus tard vinrent les assi-
ses régulières, et les parements en pierre de taille.
Chez les Grecs les maisons des riches étaient partagées
en deux appartements, celui des hommes et celui des fem-
mes, qui occupaient la partie la plus reculée de la maison.
GRÈCE. 9
OÙ, d'après les mœurs grecques, elles restaient sédentai
res, occupées avec les esclaves des travaux domestiques.
Il parait que les maisons grecques n'avaient qu'un seul
étage. Le toit était une plate-forme entourée de balus-
trades, où les jours étaient pris plutôt que sur les côtés
du bâtiment.
Les temples étaient fort nombreux, dans les villes et
dans les campagnes. Ils avaient ordinairement la forme
d'un carré long; quelquefois une cour entourée d'un
portique ou d'une colonnade le précédait. Un portique en-
tourait aussi l'édifice. C'est là que le peuple s'assemblait,
les prêtres seuls ayant le droit d'entrer dans le temple où
était la statue du dieu, œuvre des meilleurs artistes. L'au-
tel dédié à la divinité était placé devant elle. Des peintures
recouvraient les murs intérieurs et représentaient le mythe
du dieu. Aux deux extrémités extérieures du temple s'éle-
vait, au-dessus de l'entablement des colonnes, un fronton
en triangle obtus, orné de statues ou de bas-reliefs. Des
règles précises fixaient la proportion des dimensions. Plu-
sieurs de ces monuments présentent les plus beaux modè-
les de l'architecture antique. D'après les divers ordres em-
ployés, ils sont empreints d'une beauté mâle et sévère, ou
bien pleins d'élégance et de magnificence.
Ce n*était pas dans les temples seulement qu'on élevait
des autels. D'abord de bois, on les fit ensuite de pierre et
quelquefois en métal. En général un goût remarquable
a présidé à leur exécution -. carrés, ronds ou triangulaires,
ils étaient couverts d'inscriptions et de divers ornements
allégoriques.
Les Grecs, à qui Ton doit l'invention du drame, con-
struisirent aussi les premiers théâtres, qui, très modestes
40 INTRODUCTION.
dans les premiers temps, devinreot bientôt des édifices
remarquables par leur grandeur et leur magnificence. La
forme était celle d'un demi cercle fermé par un bâtiment
transversal. Là était la scène proprement dite. L'orches-
tre était placé entr'elle et les gradins, qui s'élevaient l'un
derrière l'autre en demi-cercles concentriques. Deux en-
trées latérales conduisaient à Torchestre où aboutissaient
les escaliers des gradins. Chaque étage de ces gradins
avait aussi quelquefois des entrées particulières. Les siè-
ges étaient assignés d'après des règles particulières, et
selon les classes diverses des citoyens. Comme les théâtres
n'étaient pas couverts, on étendait au-dessus une grande
toile teinte de couleur pourpre, et quelquefois très ornée,
fixée d'un côté aux murs, et de l'autre à des mâts placés
dans l'orchestre. Le goût des anciens pour le théâtre les
engagea à ne rien négliger pour le perfectionnement de
ces constructions.
Les sépiiUures dans les temps les plus anciens de la Grèce
consistaient en tumuli ou collines de terre élevées sur la
tombe du défunt. Du temps de la guerre de Troie ce
genre de monuments était encore en usage, ainsi que
nous l'apprend Homère. Plus tard, le mort fut brûlé, ses
cendres placées dans une urne déposée en terre ; au-des-
sus on élevait une colonne brisée ou une simple pierre
de la forme d'un autel isolé, sur laquelle on gravait une
inscription à la mémoire du défunt. Le luxe se mêla aussi
à ces commémorations, et il reste encore des monuments
funéraires où l'architecture et la sculpture ont déployé de
grandes perfections.
Le style grec eut aussi plusieurs époques. La première
époque a quelque chose de raide et de dur comme chez
GRÈCE. H
tous les peuples qui débutent dans Timitation de la na-
ture. Les têtes de ce premier style sont remarquables par
la ligne inclinée, sans bosse ni enfoncement, qui forme
à la fois le front et le nez. Les yeux presque de face sur
les figures de profil, sont grands et enfoncés; la bouche
formée par des lèvres saillantes et relevées ; le menton
droit et pointu ; les cheveux volumineux et tressés, mais
sans que rien fasse discerner une tête d'homme d'une tête
de femme. Lignes droites, raideur et maigreur caractéri-
sent ces premiers essais, ainsi qu'exagération sans grâce,
ni beauté ; mais cette sorte de véhémence prépara aussi
les progrès de l'art vers le sublime.
Le second style se distingue par une parfaite correction
dans le dessin et de plus justes proportions dans les par-
ties. L'expression est plus modérée. Les contours rem-
placent les lignes droites. Phidias, Miron et Polyclèle opé-
rèrent cette réforme toutefois sans proscrire toute rai-
deur, tout angle saillant dans les contours, le sublime
se montrait sur les figures, mais avec une certaine ru-
desse, dénuée de ces contours moelleux et coulants, de
cette grâce qui caractérise les ouvrages du troisième
style dont Lysippe et Praxitèle furent les créateurs, et qui
se distingue par l'abandon de tous les traits anguleux.
Enfin l'esprit d'imitation marqua la décadence de l'art. A
force de rondeur, de mollesse, on détruisit la noblesse et
la dignité de l'expression.
Outre les dieux et les héros, les Grecs figurèrent aussi
des hommes. Ce que nous avons dit de leur style s'ap-
plique aux bas-reliefs qui ornaient les autels, la base des
statues et surtout les tombeaux.
C'est dans les salles sépulcrales de la Grande Grèce,
12 INTRODUCTION.
en Italie, qu'on trouve surtout ces nombreux vases peints
dont l'étude constitue à elle seule, toute une science. Leurs
formes dérivent, en général, de celle de Toeuf ou d'une
cloche renversée ; il en est qui présentent la figure d'une
corne, d'autres, les patères, celle d'un disque élevé sur
un pied élégant. Ils sont de grandeur très variées, hauts
d'un pouce, à 4 et 5 pieds. En général, les formes sont
belles et gracieuses, le col évasé, lorsqu'il n'est pas à col
de cygne, et les anses ajoutées avec beaucoup de goût.
Ce qui fait surtout le prix de ces vases, ce sont les figures
qui les recouvrent. Sur les uns, dont le fond est jaune ou
rouge, les figures sont tracées en noir, comme une es-
pèce de silhouette. Ils sont en général du premier style,
et leurs sujets appartiennent aux plus anciennes tradi-
tions mythologiques. Les vêlements, les harnais des che-
vaux et les roues des chars sont retouchés de blanc. On
couvrait ensuite le vase de la même couleur noire en
épargnant seulement la place et la forme des figures.
Plus lard, les figures ressorlent en jaune sur un fond
noir. Le pied porte des ornements en labyrinthe, en méan-
dres, en palmelles ; une couronne orne le col, ou bien
une tête de femme sortant d'une fleur. Ces peintures ap-
partiennent aussi à divers âges, mais la plupart se dis-
tinguent davantage par la hardiesse de leur contour que
par leur fini. La terre absorbant très vite les couleurs
elles ne pouvaient être exécuiées qu'avec la plus grande
célérité. Des inscriptions ajoutent au prix de ces vases, le
plus souvent elles indiquent le nom des personnages.
Ces vases, outre leur destination pour la vie privée et le
culte servaient aussi d'ornements ou étaient délivrés
comme prix dans les jeux publics. Aussi des collections
GRÈCE. 43
imporlaDtes de ce genre d'antiquités existent-elles dans
les principales villes de l'Europe *. D'entre celles que j'ai
Tîsitées, les plus renjarqnables se trouvent à Munich, à
Berlin, et dans le cabinet particulier du roi de Dane-
mark.
Les Grecs portèrent la peinture au plus haut degré de
perfection. Leurs premiers essais furent très postérieurs
à ceux des Egyptiens. Ils ne datent pas même de l'époque
du siège de Troie. Ils cultivèrent toujours la sculpture
de préférence. On indique cependant de grands tableaux,
tels que la bataille des Magnésiens en Lydie, comme
peinte environ sept siècles avant Jésus-Christ. La Grèce
eut depuis de nombreux peintres qui traitèrent tous les
genres : architecture , paysage, histoire , fleurs , fruits ,
portraits , allégorie , burlesque , caricature. Il paraît
aussi que Parrhasius peignit la miniature. Les Grecs
employèrent la peinture à décorer les temples et les ha-
bitations. Souvent ils ajoutaient le nom, à la figure des
personnages représentés. Ils se distinguaient surtout par
la correction du dessin, le sentiment, l'expression, la pose
des figures et l'idéal dont ils les animaient. L'histoire
nous donne du reste une opinion plus avantageuse de la
peinture grecque que les travaux qui nous en sont par-
venus.
Les Grecs excellèrent dans l'art de la mosaïque. Ils
surent ménager les nuances avec tant d'habileté, et don-
ner aux figures une si grande harmonie dans ces com-
* On tire ces vases en grand nombre de l'ancienne grande Grèce, de Nota, de
Copof/e, Napkê, Pcutum, et aussi de la Sicile. Cependant ils se retrouvent
aussi à Athènes, Mégare, Milo, en Aulide, en Tauride, à Corfou et aux îles
de la Grèce.
ÉTRURIE. {5
bats plus nombreux, un roi qui survient dans la mêlée,
des danseuses, et d'autres sujets.
Les caractères principaux du style étrusque sont d'après
les plus anciens monuments de ce peuple , les lignes
droites, l'attitude raide, les défauts de proportion dans
les membres. La forme des tètes est un ovale rétréci vers
le menton qui se termine en pointe. Les bras des figu^
fines sont pendants, les pieds parallèles, les plis des
draperies marqués avec un simple trait. Le second style
se reconnaît à quelques perfectionnements sans que la
raideur et la gène de la pose aient disparu. Apollon est
fait comme un Hercule. Le troisième style est dû à l'in-
fluence des Grecs et se confond avec eux en une seule
école pour la peinture sur vase.
Aux caractères généraux du style étrusque on ne con-
fondra pas les monuments de leur sculpture 2i\ec ceuj. des
Egyptiens, quoique l'exécution générale ait quelque chose
d'analogue. Les Etrusques n'ont pas fait de figures en
gaine ou à tête d'animal sur un corps humain. Leurs
bas-reliefs les plus anciens sont en terre cuite et peints,
c'est ce style raide, sec et maigre que les Romains nom-
maient tuscanien. Peu après se dévoile déjà l'influence
des Grecs sur les arts de la vieille Italie. Les Etrusques
figurèrent aussi des animaux, des monstres et des chi-
mères, qui répondaient sans doute à des croyances po-
pulaires ou religieuses.
Les Etrusques cultivèrent la peinture avant les Grecs.
Pline leur attribue un certain degré de perfection, déjà
avant que les Grecs eussent échappé à l'enfance de l'art.
De très anciennes peintures à Ardée en Etrurie , et à
Lavinium, avaient encore du temps de Pline toute leur
16 INTRODUCTION.
fraîcheur primitive. Cet auteur ajoute qu'on voyait aussi
des peintures plus anciennes à Cœres, autre ville de l'E-
trurie, desquelles il fait encore l'éloge.
Les vo^e^ des Etrusques, souvent confondus avec ceux
des Grecs à cause de leur analogie, sont cependant plus
anciens que ceux-ci. On ne peut contester l'origine de
ceux qui ont été découverts dans l'ancienne Etrurie. Les
figures sont généralement dessinées en noir sur un fond
jaune pâle ou rougeâtre, et portent le costume particulier
à la vieille Italie. Les hommes et les héros ont une barbe
et une chevelure volumineuses. Les dieux et les génies
des grandes ailes. Quand les inscriptions portent des
caractères de l'alphabet étrusque, différents de l'alphabet
grec, alors il ne peut y avoir aucun doute.
D'entre les antiquités étrusques il faut encore citer des
plaques métalliques rondes ou elliptiques, munies d'une
poignée, plaques dont une des faces est polie, tandis que
l'autre porte des sujets mythologiques ou historiques gra-
vés au trait. Ces pièces, qu*on a pris quelquefois pour des
patères, n'étaient autres que des miroirs. M. Gerhardt,
professeur à Berlin, a fait de ce genre de pièces une étude
toute particulière, riche en résultats importants relative-
ment à la mythologie des Etrusques. Il n'est pas sans
intérêt qu'un de ces miroirs ait été découvert dans les
ruines romaines d'Avenches. Le sujet qu'il porte est
celui d Hélène. Cette pièce a été déposée dans le musée
de Lausanne.
ROME. 17
ROME.
Avant que Rome fût fondée, des peuples étaient nés,
avaient grandi et vieilli sur le sol antique de l'Italie. La
grandeur d'un nouveau peuple éclipsa des gloires plus
anciennes et répandit au loin ses monuments, comme pour
assurer le souvenir de sa puissance. Pour un œil tant soit
peu exercé il n'est pas difficile de reconnaître les cons-
tructions romaines aux assises régulières de leurs murs,
ou à la disposition des pierres, dont les joints présentent
l'aspect d'un réseau.
La distribution des maisons des Romains diffère de
celle des Grecs par le fait que les premiers vivaient avec
leurs femmes dans un appartement commun. Bien qu'il
y eût des règles observées assez généralement, il va sans
dire que souvent on s'en écartait. Dans la maison du riche,
les salles à manger, à recevoir les visites, la bibliothèque,
la galerie des tableaux et les bains étaient particulière-
ment ornés. C'était surtout dans les maisons de campagne
qu'on déployait un luxe sans bornes.
Ce que nous avons dit des temples et des autels grecs
s'applique, en général, à ceux du peuple qui nous occupe,
sauf quelques différences dans les proportions.
Les Romains élevèrent quelquefois des colonnes monu-
mentales de grandes proportions, en l'honneur d'un prince
ou d'un chef militaire. La colonne Trajane et la colonne
Antonine, revêtues de bas-reliefs historiques, et munies
d'un escalier à l'intérieur, ont servi de modèle à la colonne
française de la place Yendôme,
MÉM. ET DOCUM. XXV. 2
48 INTRODUCTION.
Les théâtres diffèrent peu de ceux des Grecs ; seulement
les Romains ont surpassé les Grées en grandeur et en ma-
gnificence. On construisis des théâtres dans presque tou-
tes les villes et dans les provinces conquises. A Augst
près deBâIe, les ruines du théâtre sont encore imposantes.
A Avenches, les parties qui en ont été découvertes ces
dernières années par les soins de M. d'Oleyres, font vive-
ment regretter qu'on n'ait pas apporté plus de soin à la
conservation d'un pareil monument.
Les amphithéâtres furent particuliers aux Romains.
C'étaient d'abord deux théâtres réunis, dont les gradins
formaient ainsi un cercle. Plus tard, la forme elliptique
fut généralement adoptée. Le sol se nommait Varène^
parce qu'il était couvert de sable ; des gradins s'élevaient
alentour; ils pouvaient contenir jusqu'à 80000 specta-
teurs. C'étaient là que se donnaient les combats des gla-
diateurs et des bêtes féroces qu'on gardait enfermées
dans des loges au niveau de l'arène. A l'extérieur, les
amphithéâtres étaient divisés en plusieurs étages ornés
d'arcades, de colonnes et de pilastres. En France l'am-
phithéâtre de Nîmes est célèbre ; il ne reste plus de celui
A'Avenches que quelques murs extérieurs et un enfonce-
ment dans un verger.
Les cirques étaient essentiellement destinés aux courses
de chevaux ou de chars, aux combats de gladiateurs et
aux combats simulés. Trois portiques fermaient sur trois
côtés l'enceinte générale du grand cirque de Rome. A une
extrémité était la borne autour de laquelle les concurrents
devaient passer sept fois.
Les Romains apportèrent, ainsi que les Grecs, un grand
soin à la construction de leurs bains, dont ils faisaient un
HOMR. 10
1res fréquent usage. Ces bains étaient ornés de peintures,
de bas reliefs et de statues. Outre les bains destinés au
public il en existait dans beaucoup de maisons particu-
lières. Il n'est pas rare d'en retrouver des ruines dans le
canton deVaud.
Les arcs de iriomphe consistaient en de grands porti-
ques élevés à I entrée des villes, sur des rues, des ponts
ou des chemins publics, à la gloire d'un vainqueur ou en
mémoire d*un grand événement. Il en est d'une, deux,
ei trois arcades. Parfois ils portaient des statues éques-
tres ou des chars de triomphe. Des bas-reliefs représen-
taient les armes des ennemis vaincus, des trophées de
tout genre et même les monuments des arts qui avaient
orné la marche du triomphateur. Plusieurs de ces por-
tiques ont été gravés sur les revers des médailles ro
maines.
Les tombeaux les plus communs sont un cippe en
pierre plus ou moins considérable, plus ou moins orné,
ordinairement de forme quadrangulaire, et portant sur
sa face principale Tinscription latine qui rappelle les
noms, les titres et la filiation du défunt. Les cendres
du mort étaient enfermées dans des urnes composées
(le diverses matières et de formes variées, avec ou sans
iDsrription. Les urnes de la même famille étaient quel-
quefois déposées dans un local préparé à cet effet. Les
murs intérieurs étaient percés de plusieurs étages de pe-
tites niches cintrées, et dans chacune desquelles on pla-
çait une ou plusieurs urnes. Des inscriptions indiquaient
les noms et les titres des membres de la famille. C'est
ce que les Itomains appelaient columbarium, à cause de
U similitude des niches avec les cases où les pigeons
!20 INTRODUCTION.
roDt leurs nids. Quand, à la suite d'une guerre ou d'un
naufrage, le mort avait été privé des honneurs de la
sépulture, on lui élevait un cénotaphe, tombeau vide qui
portait les mêmes ornements que les tombeaux ordinai-
res. — Il n'est pas rare de retrouver chez nous des tom-
beaux de l'époque de la domination romaine. Un assez
grand nombre d'inscriptions funéraires ont été recueillies
k Nyon et à Avcnches, Un colombarium a même été dé-
couvert il y a plusieurs années dans un champ aux envi-
rons de La Sarraz, Grand fut l'étonnement de l'agricul-
teur en pénétrant dans cette petite salle souterraine. A
voir les murs ainsi garnis de vases, il ne douta pas que ce
ne fût une pharmacie; mais ce qui le surprit fort, c'est
que toutes les drogues étaient réduites en cendres ; aussi
après s'être bien assuré qu'il n'y avait plus rien d'utile,
tout fut soigneusement détruit.
Les tombeaux étaient ordinairement déposés le long
des rou/65. Aucun peuple de l'antiquité n'égala les Ro-
mains dans la construction des voies publiques. Non-seu-
lement l'Italie en fut sillonnée, mais aussi les pays con-
quis. Les deux voies principales qui traversaient notre
pays longeaient, l'une les bords du lac, l'autre le pied du
Jura.
Les aqueducs, destinés à conduire les eaux, étaient sou-
vent des constructions considérables. Pour vaincre les iné-
galités du sol on élevait des arcades, espèces de ponts,
d'un, de deux ou de trois étages. Au-dessus était le canal
enduit d'un ciment très dur. D'autres fois c'étaient des ca-
naux souterrains d*une grande étendue comme on en
trouve encore près de Nyon, de Cheseaux, A'Ursins et
(ÏAveiKhes, On employait aussi des tuyaux en argile ou
HOME. H
en plomb marqués du nom du potier ou du nom des
consuls.
Quant au style romain, tous les ouvrages des premiers
temps Turent exécutés par des artistes étrusques. Les plus
anciens monuments furent donc conformes au style con-
temporain de Tart étrusque. Il y a parité dans les figures,
les attributs seuls peuvent les faire distinguer. — Dès la
seconde guerre punique les artistes grecs remplacèrent
les artistes étrusques à Rome. La prise de Syracuse fit
connaître aux Romains les beaux ouvrages de la Grèce, et
ils tournèrent bientôt en ridicule leurs anciennes statues
d*argile. L'histoire de Tart romain se confond dès lors
avec celle des vicissitudes de Tari grec. On peut remar
qoer seulement, comme une généralité, que les figures
romaines sont plus ramassées, moins sveltes, plus gra-
fes et d*une expression moins idéale que les figures
grecques.
Les Romains ne firent pas école. On retrouve dans les
ouvrages exécutés sous les premiers emjïereurs toutes les
pratiques de Tart grec, une touche ferme et sans recher-
che, pas de finesse dans les cheveux, mais beaucoup de
fierté dans les masses. Sous Adrien, le style se montre
plus fini, les cheveux sont plus travaillés, plus unis, plus
détachés ; mais en même temps, le style perd du grandiose
de la belle époque grecque. Depuis Alexandre Sévère, le
style tomba dans une imitation grossière ; on la reconnaît
aux sillons profonds tracés sur le front, aux cheveux à
longues lignes, aux contours dessinés avec plus de force
que de savoir, à l'incertitude des physionomies, à la ri-
chesse générale de la composition.
Ce fut surtout après les premiers empereurs que les
22 INTRODUCTION.
Romains exécutèrent des has-reliefs. On les employa par-
ticulièrement à l'ornement des arcs de triomphe, des co-
lonnes triomphales et des sarcophages. ,
Les Etrusques enseignèrent aussi la peinture aux Ro-
mains, ils en ornèrent leurs premiers temples. Fabhis pei-
gnit le temple de la déesse Salies, et reçut de là le surnom
ùePiclor. Sous Auguste, Marcus Ludius peignit des ma-
rines et le paysage historique comme décoration des mai-
sons de campagne. Dans cette partie les Grées furent en-
core les maîtres des artistes romains, dont le nombre fut
du reste petit. Les victoires des consuls et les rapines des
préteurs suffirent pour orner Rome de tous les chefs-
d'œuvre de la Grèce.
Les Romains perfectionnèrent l'art de faire les mosaï-
ques, non sous le rapport du goût et de la composition,
mais en ajoutant des matières nouvelles à celles que les
Grecs avaient employées. Sylla fit exécuter la première^
mosaïque dans le temple de la Fortune à Palestrine; elle
y subsiste encore en grande partie. Elles devinrent ensuite
d'un usage général, et l'on en fabriquait de portatives
pour les tentes des généraux en campagne. César en faisait
porter une dans ses expéditions militaires. Au temps
d'Auguste on employait surtout le verre colorié, et sous
Claude on réussit à teindre le marbre et même à le tache-
ter. Sous le Das-Em|Jire, on vit à Constantinople des mo-
saïques en perles et en pierres précieuses. La richesse de
la matière était ainsi substituée aux beautés de l'art, qui
avait fort dégénéré.
Le nombre des mosaïques qui nous sont parvenues est
assez considérable. On en a retrouvé à Nyon, Saint-Prex,
Vullierens, Cheseaux, Baugy prèsVevey ; trois à Orbe, dont
\
ROME. 23
Tune est conservée. Deux autres, découvertes par M. de
BoDStetten, ont été détruites par malveillance ; des dessins
en ont heureusement pu être conservés. Celles d'Y verdon,
d'Yvonand et de Cheyres ont été aussi détruites en partie.
Les mosaïques d'Avenches offraient une grande diversité
de sujets; des danses, des chasses ou des sujets mytho-
logiques.
Pour juger de la grandeur des monuments romains
c'est dans le midi de la France et en Italie qu'il faut en vi-
siter les ruines imposantes. Nulle part on n'est plus trans-
porté dans ces temps anciens qu'en parcourant la ville de
Pompéi, devenue colonie romaine sous la dictature de
Sylla, et recouverte de la lave du Vésuve l'an 79 de notre
ère. Depuis 80 ans qu'on travaille à la déblayer on n'est
pas encore arrivé à la moitié de l'œuvre. Cependant on
peut y parcourir plus de 20 rues, visiter en détail de nom-
breuses maisons dont plusieurs sont ornées de riches pein-
tures à fresque. On y a découvert deux forum, deux
théâtres, un amphithéâtre et neuf temples. L'enceinte dé-
couverte a environ deux milles de tour. A une porte était
encore une sentinelle dont on a retrouvé les restes avec
ses armes. — Herculanum, qui avait subi le sort de Pom-
péi fut découverte un peu avant cette dernière en creu-
sant un puits. On y a trouvé des statues en grand nom-
bre, des inscriptions sur marbres précieux, des colonnes
d'albâtre, temples, théâtres, palais, portiques, fresques
admirablement conservées, mosaïques, en un mot, tout ce
qui pouvait faire l'ornement d'une cité, ainsi qu'une foule
d'objets divers, et même du pain, du grain et différentes
provision de ménage.
C'est dans les collections publiques ou particulières
24 INTRODUCTION.
qu'il faut chercher ce qui reste encore de vases, de sta-
tuettes de bronze, d'armes, d'ornements, d'ustensiles, de
monnaies , répandu dans tous les pays qui tombèrent
sous la domination romaine. Bien au delà encore, on re-
trouve de ces objets qui y ont été transportés, soit par le
commerce, soit comme butin provenant du pillage.
LES BARBARES.
Pendant que les Grecs grandissaient dans les arts, et
tandis que Rome méditait la conquête du monde, que se
passait-il dans le reste de l'Europe? — Nous voyons de
temps à autre des bandes de peuples dévastateurs Taire
une descente dans le midi, menacer Rome à son berceau,
piller les trésors de la Grèce, et se retirer, chargés de
butin, dans des contrées peu connues. Ces hardis aventu-
riers n'ont pas eu d'historiens. Les auteurs qui nous en
ont parlé étaient leurs ennemis, et, à part un bien petit
nombre, on peut s'assurer qu'ils manquaient de rensei-
gnements suffisants.
A côté de ces traits épars de l'histoire, nous devons,
pour en connaître davantage, recourir à l'archéologie.
Mais l'attention, captivée par les monuments du midi, s'est
peu tournée vers le nord. Pendant que l'antiquité grecque
et romaine a été explorée avec un soin digne d'éloges, on
a comparativement peu fait pour le reste de l'Europe. H
faut le dire, les antiquités des peuples barbares ont trouvé
de la défaveur. Dans la préoccupation où l'on était des
monuments de l'art, on a repoussé ce qui au premier
LES BARBARES. 25
coup (l'œil ne présentait pas le même attrait. D'autre part
des travaux écrits dans un point de vue trop exclusif ou
avec un système préconçu, auquel on cherchait à ployer
tous les faits, ont servi à discréditer l'étude de l'archéolo-
gie barbare et l'ont enopêchée de prendre dans la science
le rang qu'elle mérite. — En restreignant le champ de l'ar-
chéologie au point de vue artistique, on a exclu un grand
nombre de monuments; si l'on eût envisagé l'archéologie
au point de vue historique, il y aurait eu place pour tout.
Nous chercherons à saisir le fait archéologique en lui-
même, dans sa liaison avec d'autres faits, dans sa signi-
fication relativement au peuple et au temps auquel il ap-
partient.
Nous avons dit qu'en comparaison des antiquités grec-
ques et romaines on s'était peu occupé des antiquités des
peuples barbares. Ce n'est pas qu'on n'ait beaucoup écrit
sur ce sujet. Déjà dans les siècles passés on s est passionné
pour les Celtes. Depuis un certain nombre d'années de
nombreuses sociétés archéologiques se sont formées en
Suisse, en France, en Angleterre, en Allemagne, dans le
Nord, et en Russie, publiant chacune des mémoires ou
des rapports annuels sur leurs travaux. Des écrits nom-
breux ont été publiés, mais en général ces publications
traitent de découvertes plus ou moins isolées, et dans les
jugements portés il est facile dé se convaincre que les au-
teurs manquent souvent d'une connaissance générale et
approfondie du genre de monuments dont ils traitent. On
possède cependant sur les sépultures nationales de France
l'ouvrage de Le Grand d'Aussi; sur les antiquités de la
Normandiele premier volume du cours d'antiquités monu-
mentales de Caumont, Schœpflin sur TAIsace, de Frémin-
26 INTUODUCTION.
ville sur la Bretagne française, les tumuli de TAnglelerre
par sir Hoare el le D»* Stukely, les monuments antiques de
la Grande-Bretagne par Kvig, les antiquités du Mecklem-
bourg par le D^ Lisch, celles de TAllemagne par Wagener,
le D^ Klemme et Keferstein, celles de Suède par Sjôborg et
Nilsson, el celles de la Livonie par Kruse. Ces ouvrages de
mérites divers, sont les parties plus ou naoins incohéren-
tes d'un tout sur lequel il n*a pas encore paru de travail
étendu. Chaque publication a cependant sa valeur, en tant
qu'elle renferoie des faits. A cet égard, Téiude des collec-
tions est indispensable. Il en existe dans un grand nom-
bre de localités; les plus remarquables sont celles de i)u-
blin, de Schwerin, de Copenhague et de Dorpat. Enfin les
fouilles que l'on pratique dans le sol sont la source la plus
instructive pour Tarcbéologue. Si le travail n'avait pas été
trop exclusivement celui du cabinet, si les découvertes
avaient été observées de plus près on aurait bien souvent
évité des méprises qui ne font que retarder les progrès
de l'étude.
D'après ce qui précède nous laisserons de côté l'Afri-
que, VAsieei \ Amérique, sauf à y faire quelques excur-
sions lorsque notre sujet le comportera. Plus d'une fois
les peuples sauvages nous fourniront aussi quelques
éclaircissements sur l'usage d'objets divers qui leur sont
communs avec les peuples de l'antiquité.
Le but que nous nous proposons dans ce cours, est de
traiter dans leur ensemble les monuments de Vancienne
Europe étrangers à la culture classique, de préî^enleren un
PLAN DU COURS. 27
mot la contre-partie des antiquités de la Grèce et de l'Ita-
lie ; mais souvent nous aurons à revenir sur ^celles-ci
comme points de rapprochement, à aller du connu à l'in-
connu pour tâcher d'obtenir des résultats satisfaisants.
Nous ne nous dissimulons pas qu'un travail de cette
nature présente de grandes difficultés. Nous savons com-
bien il nous manque de connaissances qui seraient né-
cessaires à notre but. D'autre part, le défaut de recher-
ches dans bien des contrées rend impossible d'accorder
à chaque pays les mêmes développements.
Quoi qu'il en soit, après avoir recueilli depuis plusieurs
années un grand nombre de faits, après avoir parcouru
une partie des contrées les moins connues, nous essaye-
rons de présenter un ensemble, qui, nous l'espérons, ne
sera pas sans quelque intérêt.
Notre plan sera une simple classification des monu-
ments analogues qui se retrouvent en Europe ; notre point
de départ, l'arrivée des premiers habitants dans l'occi-
dent, dont nous suivrons la marche et le développement
jusqu'à l'établissement général du christianisme. Encein-
tes sacrées, autels, habitations, retranchements, sépultu-
res, armes, ornements, ustensiles, traditions, supersti-
tions, nous occuperont tour à tour d'après leur impor-
tance. Nous espérons, en un mot, présenter les faits de
manière à ce que chacun puisse aussi bien que nous être
juge des conclusions que l'on doit en tirer.
Nous n'aurons pas sans doute à donner beaucoup de
dates précises, de noms propres ou de descriptions de
batailles, mais nous pourrons plus d'une fois nous rendre
compte du genre de vie et de culture de peuples encore
bien peu connus. Bien moins civilisés que les peuples du
28 INTRODUCTION.
midi, ils sont aussi moins corrompus. Hardis, entrepre-
nants, pleins de force et d'énergie, il y a chez eux de la
vitalité, de l'avenir. Les hommes du Nord, du moins pour
autant que nous pouvons les apercevoir sous leur ciel
brumeux, et à en juger par les sagas, présentent déjà
une vie toute chevaleresque, mais de la chevalerie moins
le christianisme. — Solitaires et silencieux, leurs monu-
ments ne frappent pas tout à coup, comme ceux de la
Grèce et de Rome, mais, dans leur genre, ils ne sont pas
moins surprenants par leur masses imposantes; demeu-
res des fées, des nains et des esprits follets, l'agriculteur
vénère encore ces monuments pleins de mystère.
MONUMENTS
DE L'ANTIQUITÉ
DANS L'EUROPE BARBARE
Le champ ouvert devant nous est Vancienne Europe
barbare. L'espace à parcourir comprend bien au delà de
deux mille ans. Ce fut environ 300 ans avant l'ère chré-
tienne que Pylhéas, se trouvant dans la Grande-Bretagne,
entendit parler de Thulé, c'est-à-dire de 4a Scandinavie,
comme de la plus reculée des contrées septentrionales,
dont les habitants n'étaient pas tout à fait étrangers à la
civilisation et à l'agriculture. Les premières données his-
toriques ne remplacent guère les traditions fabuleuses que
600 ans avant notre ère, et laissent ainsi dans l'obscurité
plus d'un millier d'années à partir de l'époque où l'Occi-
dent aurait reçu ses premiers habitants ^
Les monuments de ces siècles nombreux ne portent ni
date ni inscription. Ceux qui sont extérieurs au sol cod-
* Les découvertes récenles modifient considérablement cette donnée. Voy.
L'homme fossile, par Fréd. Troyon. Lausanne, 1867. (Note de réditeur.)
30 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ
sislenten des blocs de rochers plus ou moins considéra
bles, dont la position seule indique qu'ils ont eu dans le
passé une signiflcation généralement méconnue de nos
jours. Ou bien ce sont des collines qui recouvrent la cen-
dre des morts et dont l'aspect rappelle parfois la grandeur
des pyramides d'Egypte. Ce qui reste des habitations ne
présente plus que quelques excavations dans le sol ou dans
les rochers, et l'on y chercherait en vain les riches pein-
tures des grottes de la Thébaïdo ou des salles souterraines
de l'Etrurie et de la Grande-Grèce. Tout, au premier as-
pect, paraît un chaos ténébreux, d'où l'on n'entrevoit
guère la possibilité de faire sortir un monde. Cependant,
en examinant de plus près ces débris du passé, chacun
d'eux devient l'expression d'une manière d'être ou de
faire ; et pour être moins prompts à nous révéler leur se-
cret, ils n'en piquent pas moins notre curiosité.
Pour que ces monuments reçoivent toute la valeur
qu'ils sont susceptibles d'acquérir, on ne doit point s'ar-
rêter aux frontières politiques d'un pays. Il faut les voir
dans leur ensemble, répandus en Europe sur les rives des
mers ou des fleuves, ou groupés dans l'intérieur des
terres, tels qu'ils ont été déposés par les peuples dont ils
sont les derniers vestiges.
Dans la même localité, ils appartiennent souvent à des
âges très divers. Pour distinguer ceux-ci, il faut grouper
les faits analogues, et les classer d'après leur ordre d'an-
cienneté.
Les monuments les plus propres à répandre quelque
lumière sur cette classification ne sont point ceux qui ont
été consacrés au culte ou à la vie civile, mais bien les sé-
pultures enrichies dans la vue d'un monde à venir, et des-
DANS l'eUROPB BARBARE. 31
linées à révéler à d'autres générations l'existence de ces
anciens peuples. La solennité de l'entrée dans le Valhalla
dépendait de la pompe des funérailles. Le guerrier devait
être revêtu de ses plus belles armes, accompagné de ses
serviteurs et de tout ce en quoi il faisait consister sa gran-
deur. Le pauvre emportait l'instrument de sa profession,
la femme ses ornements et Tenfant ses joujoux. Hérodote*
nous parle déjà de ces coutumes chez les Scythes. « Le
roi, dit-il, après avoir été embaumé, était couché dans
une grande fosse carrée, sur un lit de verdure. On for-
mait autour de lui, avec des piques, une petite enceinte
qu'on recouvrait ensuite de pièces de bois et de branches
de saule. Dans l'espace vide étaietit déposées' des coupes
en or et d'autres choses précieuses qui avaient été à son
usage. On y plaçait une de ses femmes, son ministre, son
écuyer, son échanson, son cuisinier et des chevaux. Cela
fait, on remplissait la fosse de terre, et tous travaillaient
àl'envi l'un de l'autre à élever un grand tertre sur le
lieu de la sépulture. L'année suivante, on immolait en-
core sur cette colline cinquante serviteurs et autant de
chevaux*. »
Nous ne nous arrêterons pas sur ces sacrifices san-
glants, mais nous recueillerons avec soin. les objets dé-
posés dans la tombe, car tous nous indiquent le genre
de développement propre à l'époque à laquelle ils appar-
tiennent '.
* Voir dans Hérodote IV, 71, 597, plus de détails. Il prétend que les Scy-
thes ne connaissent ni l'argent ni le cuivre ; il dit ailleurs, IV, 62, qu'ils
avaient des cimeterres en fer.
* Ce genre de sacrifice explique la présence d'autels sur les grands tumuli.
> C'est par l'étude et la classification de ces objets qu'on peut arriver à
des distinctions d'âges et de peuples. Bien que les armes ou les ornements
32 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ
Si l'on pénètre dans ces anciens tombeaux, on verra
qu'il en est un certain nombre qui ne renferment que des
poteries grossières avec divers instruments en pierre ou
en os, tels que haches, poignards, pointes de traits. Aucune
trace de métal ne peut faire supposer qu'il ait été connu à
cette époque. — Un autre genre de collines contient des
armes mieux travaillées. Le cuivre ou le bronze sont em-
ployés pour les ornements et pour tous les instruments
tranchants. L'or et l'argent remplacent t]uelquefois le
bronze pour les bracelets et les colliers, mais le fer ne s'y
retrouve pas encore. — Enfin, dans une troisième classe
de tombes, on retrouve tous les métaux que je viens d'in-
diquer ; seulement le fer est toujours employé à l'exclu-
sion du bronze pour la fabrication des instruments tran-
chants, tels que haches, épées et fers de lance. Quelques
faits rares, qui réunissent les caractères propres aux deux
genres, trouveront plus tard leur place et leur explication,
La suite justifiera aussi ce que nous nous bornons à affir-
mer pour le moment, c'est que ces divers genres appar-
tiennent à des époques différentes et non simultanées,
ainsi qu'à des constructions de tombeaux ou modes de
sépultures particuliersV
doivent varier d'après la position que le défunt occupait dans la société, on
parvient à distinguer avec assez de facilité la manière de faire propre à cha-
que époque. Des distinctions moins faciles sont celles de peuples à peuples.
Souvent on a cherché à classer ces monuments d'après leur forme extérieure,
mais à part quelques caractères généraux, il est impossible d'obtenir des
règles tant soit peu certaines; il faut aller plus avant et ne rien négliger dans
ce travail d'exploration.
* Après être arrivé à cette classification par le contenu des tombeaux, on
pourrait, dans un travail plus complet, et afin de mieux relier le midi au
nord, prendre ponr point de départ les constructions cyclopéennes. Au midi.
DANS L EUROPE BARBARE. 53
Plusieurs archéologues se sont élevés contre Tordre de
classification que je viens de présenter. Ils sont bien d'ac-
cord sur ce fait que l'emploi général du fer est postérieur
à celui du bronze. Mais il en est qui pensent que ce der-
nier métal a été employé avant la pierre, apportée par des
invasions de barbares. Il faut dire qu'en général ils cher-
chent à prouver l'existence d'une race autochtone en Eu-
rope, et qu'ils font de ceux qui employaient la pierre une
espèce humaine d'une intelligence peu développée, venue
de TAsie, vaincue en Europe et réduite à l'état d'escla-
vage *. — La question qui se présente ici est donc, rela-
tivement à l'espèce humaine, une question d'unité ou de
pluralité. Dans ce dernier cas, l'occident devient aussi bien
un centre et un point de départ que l'orient. Telle est l'o-
pinion de M. le Dr Schreiber, de Fribourg en Brisgau. Il
regarde le Celte comme l'espèce autochtone. Il en fait un
peuple artistique répandu sur la plus grande partie de
l'Europe, tandis que le Germain et le Slave ont une infé-
riorité bien marquée. Je dois cependant ajouter qu'à ses
yeux il ne reste plus en Allemagne du Germain que le
elles répondent aux grands tombeaux du nord, mais les Pélasges ont dû con-
naître le bronze. Cette priorité de la connaissance du métal au midi est un
fait naturel. Peut-être, pour une étude d'ensemble, ne faut-il pas caractériser
la période primitive par les instruments tranchants en pierre qui paraissent
■
avoir eu peu de durée au midi. Le bronze répond déjà mieux aux monu-
ments de la seconde période. Si les observations de DuBois de Montpéreux
sont assez complètes, les tumuli en Grimée viendraient de colonies mile-
siennes et les Kimmériens n'en auraient pas élevé, mais auraient inhumé
sous les pierres levées.
* U faut observer qu'on a pu prendre le change par ce fait que la race
primitive fut asservie sur plusieurs points et put conserver, dans son abais-
sement à côté du vainqueur, ses anciens instruments, mais alors ses tom-
beaux ne sont plus les constructions gigantesques du premier âge.
MÉM. ET DOCUM. XXV. 3
34 MONUMENTS DB l' ANTIQUITÉ
nom: M. le D^ Klemme de Dresde, divise aussi l'humanité
en deux espèces principales, souvent rapprochées dans la
même pays : Tune, active, c'est-à-dire conquérante, in-
telligente, appelée à dominer; l'autre, pa^^ti;^, sans éner-
gie, incapable d'une haute culture et destinée à l'escla-
vage ou à la soumission. — Si je mentionne ces opinions,
c'est qu'elles ont réuni un assez grand nombre d'adhé-
rents.
Quant au point par lequel elles touchent à notre sujet,
il est facile de montrer que l'emploi de la pierre pour les
instruments tranchants a été antérieur à celui du métal.
Et nous verrons en outre que les plus anciens monuments
se retrouvent en Europe sur deux grandes voies qui se di-
rigent vers l'orient et nous indiquent le point de départ des
premières populations.
Il suffit de citer quelques faits relativement à la priorité
(le la pierre. Dans quelques parties de l'Allemagne, près
de Lubeck entr'autres, on a fouillé de grandes collines
recouvrant des salles sépulcrales dans lesquelles ne se
trouvaient que des ustensiles en pierre. Au-dessus de ces
salles, dans la terre dont on les avait recouvertes, étaient
d'autres tombeaux , d'une époque nécessairement posté-
rieure^ renfermant des objets en bronze. Dans les salles,
le mort avait été inhumé sans être brûlé ; au-dessus ,
il avait été brûlé, et les cendres déposées dan's une urne ' .
Si Ton a égard au respect des anciens peuples pour leurs
tombeaux, à leurs soins pour qu'ils fussent conservés in-
tacts, il doit s'être écoulé un temps assez long avant que
cette colline abandonnée ait été utilisée de nouveau pour
* Fait pareil sur les tumuli de la Saale, Keferstein. Keltische Alterthumer,
pag. 61 sqq. ; id. HaWerstadtj Kefentein, pag. 109.
DANS L*BUBOPB BANBARB. 3S
nn aatre mode de sèpalture. Ce fait, loin d'être isolé, se
reproduit souvent dans le Jutland , le Seeland et la Scanie,
tandis que je n'ai vu nulle part une tombe avec des ins-
trumeots en pierre déposée au-dessus d'objets en bronze.
— En outre , les formes des instruments en pierre les
mieux travaillés sont celles des instruments en bronze les
plus imparfaits , ce qui montre encore la priorité de la
pierre sur le bronze.
Bien que le fer ait été connu très anciennement par plu-
sieurs peuples, il a cependant été travaillé postérieurement
au bronze. Préférable à celui-ci pour le tranchant, quoi
qu'on ait dit à cet égard ^ on ne comprendrait pas pour
quelle raison on lui aurait préféré un métal moins dur.
Chacun sait que chez les Grecs et les Romains le bronze
fut employé avant le fer. Il en a été de même dans la plu-
part des autres pays de l'iilurope. Il devait en être ainsi
d'après la nature même de es métaux et la manière dont
les anciens les travaillaient L'observation des antiquités
en Europe fait voir, sans laisser aucun doute à cet égard,
qu*on a moulé les métaux bien longtemps avant de savoir
les marteler. Le moule ne pouvait être appliqué au fer,
surtout quand il s'agit d'instruments tranchants. Il devait
être martelé, ce qui exige un développement de l'art mé-
* On a tu en effet donner une atseï grande dureté au bronze par l'alliafe
'»•• pmr la trempe einniiie on dit souvent), mais ça n'empêche pat que dès
fw k tn^ail du fer est connu dans un payt. celui-ci ne Urde pas à rem-
fkacer k bronze pour let instruments tranchants. Quini aux quelques int-
tnuBCfits en fer qu'on trouve à la fln de la période de la pierre, il vaudrait
b pctoe d'examiner si ces bits rares ne proviennent pas de nouvelles popu*
liAiotts venoct d'0rient« qui. frAce à des voies frayées, auraient apporté jus-
qa'aax eitréailés de l'Occident des instruments fabriqués en Asie, mais
qu'elles cttSieBt été impuissantes à remplacer, au milieu de populations qui
Texploitatioa et le travail de ce métal.
36 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
tallurgique qu*on ne pouvait rencontrer à son origine. La
grande intensité de chaleur qu'il exige pour entrer en fu-
sion était aussi un obstacle. Pansanias nous dit la grande
difficulté qu'avaient les Grecs à travailler le fer, bien qu'ils
l'aient connu fort anciennement.
Nous nous croyons donc autorisés à maintenir notre
première classification qui constitue ainsi trois grandes
périodes d'après les différentes matières employées pour
les instruments tranchants.
1
PÉRIODE DES INSTRUMENTS TRANCHANTS EN PIERRE
ou AGE DE LA PIERRE.
Les traditions, l'observation des faits et l'histoire font
de l'Asie le berceau des peuples, qui se répandirent de là
sur la terre. Si nous suivons un moment la marche des
populations qui se dirigèrent vers l'Europe à travers des
contrées désertes, elles nous offrent l'aspect de nomades
cheminant lentement avec les troupeaux qui servent à leur
entretien, et ayant à lutter contre des obstacles de tout
genre. Plus d'une génération a dû passer avant que ce
premier flot de peuples ait rencontré l'Océan pour li-
mite. Dans de telles conditions, on comprend que les
hommes qui auraient connu le travail des métaux avant
d'entreprendre cette vie nomade se seraient trouvés dans
l'impossibilité d'appliquer leurs connaissances à l'exploi-
AGE DE LA PIERRE. 37
talion des mines, aussi ionglemps qu'ils n'avaient pas de
demeures fixes. Les connaissances sans application, ne
tardent pas à se perdre. Les matières qui étaient à la
portée de chacun, la pierre, le bois et Tos, tinrent lieu de
métal. Il parait même que tous les peuples qui ont été
chercher une patrie dans des terres incultes ou inhabitées
ont débuté par là, à en juger par la présence de ces ins-
truments en Amérique et dans certaines contrées de l'A-
frique. Ce qui est certain, c'est que ce fait est commun
au midi et au nord de l'Europe.
Antiquité de la première période.
Avant de passer à la description des objets qui caracté-
risent cette période, nous devons dire un mot de quelques
découvertes propres à jeter du jour sur la haute antiquité
à laquelle ils remontent.
A quelques lieues au sud de Rome, dans le Latium, res>
tent encore des ruines d'Albe la longue ; mêlées à une cou-
che de terre végétale, elles reposent au-dessus d'une cou-
che volcanique qui a dû son origine à l'existence d'un vol-
can voisin, mais dont les traditions historiques n'ont con-
servé aucun souvenir. Jusqu'ici rien que de très ordinaire.
Ce qui l'est moins, c'est d'avoir découvert sous cette cou-
che volcanique des urnes cinéraires toutes pareilles à
celles du nord, avec divers objets en bronze analogues à
ceux qu'on voit dans le musée de Copenhague; au-dessus,
les cendres durcies du volcan ne permettent pas de sup-
poser que ce dépôt leur soit postérieur. Plusieurs de ces
pièces précieuses ont été achetées par M. de Bonstetten et
38 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
seront décrites dans notre seconde période. Ce que nous
voulons faire observer pour le moment c'est qu'Albe la
longue, détruite l'an 665 avant l'ère chrétienne, était re-
gardée à cette époque comme l'une des plus anciennes
villes de l'Italie. Sa fondation, qui se perd dans une haute
antiquité est cependant postérieure à la couche volcanique
sur laquelle elle repose, tandis que les urnes sont non-
seulement antérieures à Albe la longue, mais encore au
volcan antéhistorique qui a recouvert cette contrée d'un
lit de cendres et de lave. Bien plus, les objets en bronze
découverts, remontent seulement à la ^^^ période , car
les habitants de l'Italie, débutèrent, eux aussi, par le tra-
vail des instruments en pierre. On peut juger par là de
l'âge reculé auquel remontent les premières migrations
de peuples dans le midi de l'Europe. Les objets en pier-
res quoique rares en Italie, ont cependant été retrouvés
en divers lieux. Je puis citer entr'autres quatre pièces
découvertes à quelque distance d'Albano, parfaitement
pareilles à celles dn nord. Ce sont trois pointes de flèches
en silex et une hache d'une espèce de serpentine.
Indépendamment des faits que nous venons de citer, les
données historiques que nous possédons sur le midi de
TEurope ne laissent aucun doute sur l'âge reculé auquel y
pénétrèrent ses premiers habitants. Ces données nous
manquent pour apprécier avec la même netteté l'antiquité
du mouvement du nord, dont les peuples sont mentionnés
pour la première fois environ 300 ans avant notre ère.
L'histoire nous faisant défaut, nous chercherons à y sup-
pléer à l'aide des sciences naturelles.
La Scandinavie , entourée en grande partie par les
mers, ne parait pas avoir présenté dès les premiers âges,
AGE DE LA PIERRE. 39
l'aspect que dous lui connaissous. Le Jutland, le Seelaud,
le midi de la Suède, les promontoires et les îles de la
Baltique formaient une même contrée, attenante au nord
de l'Allemagne. De même que la Grande-Bretagne a dû
être unie au continent, le sol Scandinave faisait corps avec
la Germanie à une époque reculée. Notre sujet ne permet
pas que par une digression trop étendue nous entrions
dans la discussion des faits. Cependant nous citerons quel-
ques observations à cet égard. Il n'est pas rare de re-
trouver dans les tourbières du midi de la Suède les restes
non fossiles d'animaux divers, étrangers à cette région,
d'où ils ont tout à fait disparu. Les mêmes espèces exis-
tent cependant encore en Allemagne. Alors qu'il y avait
continuité de terrain, ces animaux s'avançaient donc dans
le nord, durant la belle saison, et retournaient passer
l'hiver plus au midi. Mais après la rupture du sol, ceux
qui ne périrent pas dans cette catastrophe, eurent la re-
traite coupée, et ne tardèrent pas à succomber sous les
rigueurs d'un climat pour lequel ils n'avaient pas été
créés ^ Quelque ancienne que soit cette catastrophe, les
naturalistes l'envisagent comme postérieure au déluge,
et nous allons voir que ces contrées étaient déjà habitées
par l'homme en ce temps-là.
Le sol Scandinave présente une direction ascendante du
midi au nord, mais en même temps un mouvement de
bascule encore sensible de nos jours, de telle sorte que
d'après les observations scientifiques des derniers siècles,
* Ces animaux du midi isolés dans le nord par la rupture du sol, permet-
tent de conclure que la catastrophe a eu lieu vers la fin de l'été, après leur
arrivée dans le^nord et avant leur retour au midi où ils allaient pour la mau-
vaise saison.
40 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
le nord tend à s'élever insensiblement tandis que le
midi s'abaisse peu à peu dans la mer. Cette action, peu
sensible d'un siècle à l'autre, ne laisse pas de produire
de grands effets à travers des milliers d'années *. La rup-
ture du sol ne doit cependant pas être attribuée unique-
ment h ce mouvement graduel. Il existe en divers lieux les
traces d'un mouvement violent qui parait produit par un
soulèvement brusque d'une part, et un abaissement subil
de l'autre. Une grande inondation a jeté sur le midi de la
Scanie des digues de sables et de gravier hautes de 40
à 60 pieds. Ces digues présentent ceci d'intéressant pour
l'archéologue, c'est qu'elles recouvrent parfois d'ancien-
nes tourbières, au fond desquelles on trouve des instru-
ments en silex, produit incontestable du travail de l'homme,
des écailles de tortues d'eau douce , étrangères à la
Suède , mais communes dans le nord de l'Allemagne ; des
petits bois de cerfs, certaine espèce d'ours, et entr'autres
l'urus, espèce de bœuf sauvage, qui au temps de César
existait encore en Germanie, mais qu'on regarde comme
ayant disparu dans le nord, avant l'arrivée de l'homme.
M. le professeur Niisson a cependant retrouvé dans une
de ces tourbières, le squelette complet d'un de ces urus
qu'il a fait remonter dans les collections de l'université de
Lund. Ce qui rend cette pièce particulièrement précieuse,
c'est la marque d'une blessure profonde qui a traversé
deux vertèbres. La suppuration a un peu arrondi l'ouver-
ture de la blessure, mais la suite ne laisse aucun doute
qu'elle n'ait été faite par un large fer de flèche. Bien plus,
l'obliquité est telle que l'animal a dû être frappé par der-
' Desor, Bulletin de la Société géologique de France, 2"« série, de 1846 à
1847, pag. 18t.
GRÈGE. H
tous les peuples qui débutent dans Timitation de la na-
ture. Les têtes de ce premier style sont remarquables par
la ligne inclinée, sans bosse ni enfoncement, qui forme
à la fois le front et le nez. Les yeux presque de face sur
les figures de profil, sont grands et enfoncés; la bouche
formée par des lèvres saillantes et relevées ; le menton
droit et pointu ; les cheveux volumineux et tressés, mais
sans que rien fasse discerner une tête d'homme d'une tête
de femme. Lignes droites, raideur et maigreur caractéri-
sent ces premiers essais, ainsi qu'exagération sans grâce,
ni beauté ; mais cette sorte de véhémence prépara aussi
les progrés de l'art vers le sublime.
Le second style se distingue par une parfaite correction
dans le dessin et de plus justes proportions dans les par-
ties. L'expression est plus modérée. Les contours rem-
placent les lignes droites. Phidias, Miron et Polyclète opé-
rèrent cette réforme toutefois sans proscrire toute rai-
deur, tout angle saillant dans les contours, le sublime
se montrait sur les figures, mais avec une certaine ru-
desse, dénuée de ces contours moelleux et coulants, de
cette grâce qui caractérise les ouvrages du troisième
style dont Lysippe et Praxitèle furent les créateurs, et qui
se distingue par l'abandon de tous les traits anguleux.
Enfin l'esprit d'imitation marqua la décadence de l'art. A
force de rondeur, de mollesse, on détruisit la noblesse et
la dignité de l'expression.
Outre les dieux et les héros, les Grecs figurèrent aussi
des hommes. Ce que nous avons dit de leur style s'ap-
plique aux bas-reliefs qui ornaient les autels, la base des
statues et surtout les tombeaux.
C'est dans les salles sépulcrales de la Grande Grèce,
42 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
dans le Bohuslân, et a rapport au mouvement d'asceDsion
mentionné plus haut. Le professeur Nilsson faisant un
voyage dans cette province, vint à s'arrêter vers des tail-
leurs de pierre qui extrayaient des matières d'un mont,
près des bords de la mer, A peine est-il là que son œil
investigateur s'arrêta sur des ossements humains. Il re-
garda de plus près, c'était un squelette pris dans un banc
de coquillage ; ce qui était surprenant c'est que cette es-
pèce de roche n'avait point été creusée pour y placer un
mort, mais celui-ci avait été recouvert de couches natu-
rellement superposées. A ce fait, il n'est qu'une explica-
tion. Ce corps ne peut avoir été déposé là et recouvert
par l'accroissement naturel du lit de coquillages, qu'alors
que le banc était en état de formation, c'est-à-dire baigné
par les eaux de la mer. Un homme avait donc disparu
dans les flots à une époque où ce banc, loin d'être à la hau-
teur actuelle, reposait encore au fond des eaux. Il dut se
passer un certain temps avant que ce corps fût recouvert
d'un nouveau lit de coquillages épais de quelques pieds.
Enfin un soulèvement produit par quelque catastrophe de
la nature l'éleva à la place qu'il occupe aujourd'hui, et
cela dans un temps où ce pays était déjà habité ^
Ces divers faits rapprochés paraissent appartenir au
même événement. S'ils ne nous donnent pas la date pré-
cise d'un siècle, ils n'en sont pas moins le témoignage
irrécusable de l'antiquité reculée à laquelle remonte l'ori-
gine des premiers habitants dans le nord.
* Plusieurs ossements de squelettes conservés dans les collections de Lund,
témoignent d'une stature assez grande, mais qui n^offrirait pourtant rien
de surprenant de nos jours. Je retrouve maintes fois à Bel-Air des fémurs qui
ne cèdent en rien à ceux recueillis dans ce banc du Bohiislan.
AGB DE LA PIERRE. 43
Durée de la première période.
La période qui nous occupe ne présente donc pas une
moins haute antiquité dans le nord, qu'au midi de l'Eu-
rope. Volcans et catastrophes antéhistoriques recouvrent
également les débris de générations plus anciennes. Que
les peuples primitifs aient eu des rapports en Orient avant
de suivre des routes si diverses, ce n'est pas sans vraisem-
blance ; mais la différence de climat et la proximité d'au-
tres populations durent imprimer des directions différen-
tes. Au midi, la période qui nous occupe fut de bien moins
longue durée que dans le nord. Le petit nombre d'instru-
ments en pierre qu'on retrouve soit en Italie, soit en
Grèce indique que l'emploi du métal ne se fit pas long-
temps attendre, tandis que ces instruments répandus en
grand nombre sur les rives de la Baltique ne sauraient
provenir d'une population plus considérable que dans le
midi, mais bien d'un développement moins rapide '.
* H. Nilsson possède une pièce en silex chargée d'une oxidation, ou calcina-
tion qui ne peut être que l'effet d'un très long espace de temps. Cette pièce a
dû être perdue dans un temps très reculé et abandonnée sur le sol pendant
bien des siècles pour qu'une calcination de ce genre ait pu se produire. Le
point important est celui-ci ; c'est qu'elle a pourtant été retrouvée et utilisée
de nouveau à une époque où on se servait toujours de la pierre. Ce qui le
prouve, c'est qu'elle a été retaillée sur les bords, de telle sorte que la cal-
cination ne paraît plus qu'au centre qui porte lui-même les traces d'un tra-
vail fort antérieur. Berzelius, consulté sur le fait de la calcination du silex,
dit qu^elle ne peut être le produit des intempéries de Tair que par l'action
de siècles nombreux. — M. Nilsson possède une autre pointe de trait telle-
ment calcinée qu'elle ressemble à une empreinte en gyps. Celle-ci n'a pas été
retaillée.
hk MONUMENTS DE L*ANTIQU1TÉ.
Formes principales des instruments.
La forme de ces iDStruments en pierre est plus variée
qu'on ne le supposerait, eu égard à la matière employée.
Nous allons en indiquer les principales, qui se retrouvent
à peu près les mêmes dans tous les pays où existent des
débris de Tâge primitif.
Le coin est une espèce de hache à un tranchant, sans
trou, long de 3 à 15 pouces, de la même largeur aux
deux extrémités, ou plus évasé vers le tranchant. Celui-ci
est en arc de cercle, ou oblique ; dans ce dernier cas, l'un
des côtés du coin est plus court que l'autre. Lorsque le
tranchant de ces pièces était endommagé, on le réparait
en les aiguisant de nouveau. La coupe de l'extrémité op-
posée au tranchant présente parfois un carré long; dans
ce cas le coin était fixé à la hampe au moyen de ligatures
sur un embranchement à angle droit, à moins que la
hampe ne fût recourbée. D'autres fois cette même extré-
mité entrait dans une hampe fendue ou entaillée dont la
pesanteur suppléait à celle de l'instrument, souvent fort
léger. Ces hampes en bois ont naturellement disparu par
l'action des siècles *, mais la manière dont plusieurs peu-
ples sauvages assujettissent des instruments tout pareils
nous donne une explication plausible de ce qui a dû être
fait dans l'anquité. La Nouvelle Zélande et la Terre de Feu
permettent entr'autres de faire plusieurs de ces rappro-
* On a retrouvé au sud de Mersebourg une salle sépulcrale dont les parois
portaient des sculptures en grès représentant entr'autres un marteau de com-
bat de 8 pouces de long avec une hampe de 18 pouces.
AGS DE LA PIERRS. 45
chemeots. — Quant à l'usage de ces pièces, ainsi que de
plusieurs autres, chez les anciens, on est souvent tombé
dans Terreur en donnant à chacune d'elles une destination
toute spéciale. A l'enfance des sociétés il ne faut pas cher-
cher d'un côté, des ustensiles de la vie domestique, et de
l'autre, les armes exclusivement destinées à la guerre. La
cognée devenait hache d*armes, et le couteau, poignard.
La flèche ou le javelot atteignaient également l'ennemi,
qu'il fût homme ou béte féroce. L'instrument qui nous
occupe est encore employé par quelques peuples sauvages
à creuser des canois. Après avoir abattu l'arbre et l'avoir
dépouillé de ses rameaux au moyen du feu, ils carbo-
nisent la partie qu'ils veulent creuser, et à l'aide de la
pierre, du feu et d'une grande patience, ils obtiennent le
résultat désiré. On a retrouvé dans des marécages du nord
des troncs d'arbre qui portaient des traces du feu et d*un
genre de travail tout pareil. Ces coins, même ceux des plus
petites dimensions servaient aussi au combat, ainsi qu'on
a pu s'en assurer par quelques découvertes en Allemagne.
A peu de distance de Magdebourg, on a trouvé un crâne
auquel était encore fixé l'arme qui avait donné la mort.
C'était un coin en silex, long de 2 7t pouces et large de 1 7t
sur le tranchant, attenant au crâne avec une masse d'argile
calcaire. Un fait analogue a été observé dans la contrée
de Quenstadt *. Dans le nord de l'Allemagne, l'agricul-
teur, en labourant ses champs, trouve parfois des pièces
dont la provenance lui est inconnue ; il les croit tombées
du ciel et les appelle coins du tonnerre ou pierres d'arc-
en-cieL Elles ont à ses yeux une valeur médicale. En
* Neue Mittheilungen von Halle, erster Band, zweites Heft, 1884 pag. 98 à
400.
46 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
Suède, le paysan s'en sert dans la magie. Après avoir
tra^é un cercle sur l'animal malade, il bat feu au-dessus
à l'aide du briquet, et suspend ensuite la pièce au cou de
ranimai dont il veut obtenir la guérison.
La youge est un instrument pareil au précédent avec
cette différence que le tranchant en arc de cercle est con-
cave d'un côté et convexe de l'autre. Son emploi a dû être
réservé presque exclusivement au travail sur bois.
Le ciseau de la forme et de la grandeur du ciseau du
maçon est presque toujours en silex. Quelquefois son
tranchant est taillé à la manière de celui des gouges.
Le marteau a des formes très variées, sans doute sui-
vant sa destination. Il était une pièce importante dans la
fabrication des autres instruments. Parfois, c'était une
pierre de la forme d'un œuf, avec une petite concavité de
deux côtés opposés, pour que la pièce tenue entre le
pouce et l'index, échappât moins facilement. Ces concavités
sont aussi au nombre de 3, de 4 ou de 5, disposées de ma-
nière à correspondre parfaitement aux extrémités de cha-
que doigt. On classe souvent avec les marteaux une pièce
qui n'est pas sans quelque rapport avec la navette du tis-
serand, mais qui me paraît avoir été une pierre à aiguiser
pour rafraîchir la pointe de certains instruments. Elle
porte d'ailleurs toujours, sur l'un de ses côtés, une raie
oblique qui ne laisse guère de doute sur son usage. Sa
matière est ordinairement un grès ou une composition qui
la rendait propre à cet usage.
La forme des haches est extrêmement variée. Les plus
simples sont taillées à l'extrémité opposée au tranchant
de manière à pouvoir être fixées dans une hampe fendue
ou bien une rainure vers le milieu de la pièce répondait
AGE DE LA PIERRE. 47
au même but. On a trouvé à La Côte dans le canton de
Yaud une hache de ce genre. D'autres fois c'est unfi pierre
à peine dégrossie, percée d'un trou pour recevoir la hampe.
La hache à deux tranchants est plus rare, on en a cepen-
dant découvert une au-dessus d'Orbe, près A'Agiez. Sou-
vent la pièce se brisait à l'ouverture destinée à la hampe
et elle était jetée au rebut, à moins qu'un des fragments
ne fût encore assez grand pour être percé de nouveau.
Quelques-unes de ces pièces étaient à la fois hache et
marteau ; d'autres, par leur fini et leurs formes allongées,
donnent à penser qu'elles ont dû être des haches de com-
mandement; enfin il en est dont le travail trahit déjà
tellement d'habileté qu'elles font l'étonnement de tous
ceux qui cherchent à se rendre compte de leur fabrica-
tion *. La matière employée est ordinairement le grès, la
serpentine, le basait, le jade ou quelque roche compacte,
suivant les pays où on les retrouve.
Les fers ou pointes de lance sont des lames de silex,
longues parfois de 12 pouces sur 1 7t de large, qui en-
traient dans une hampe fendue. Ces pièces assez rares se
trouvent essentiellement dans le Danemark.
Les pointes de javelot sont à peu près de la même
forme, mais de dimensions moindres.
Les pointes de flèches sont parfois triangulaires ou à
trois arêtes, ou bien ce sont de très petites pièces de la
forme d'un cœur allongé, d'un travail souvent délicat et
* Nous verrons plus tard qu'à la fin de cette période le métal vient en aide
à leur confection, et il me parait vraisemblable que le grand perfectionnement
des formes eut lieu dans l'intérêt du culte, les prêtres conservant dans les
sacrifices la matière première, qui demeura comme matière sacrée. La suite
justifiera cette assertion.
48 INTRODUCTION.
Les théâtres diffèrent peu de ceux des Grecs ; seulement
les Romains ont surpassé les Grées en grandeur et en ma-
gnificence. On construisit des théâtres dans presque tou-
tes les villes et dans les provinces conquises. A Augst
près de Bâle, les ruines du théâtre sont encore imposantes.
A Avenches, les parties qui en ont été découvertes ces
dernières années par les soins de M. d'Oleyres, font vive-
ment regretter qu'on n'ait pas apporté plus de soin à la
conservation d'un pareil monument.
Les amphithéâtres furent particuliers aux Romains.
C'étaient d'abord deux théâtres réunis, dont les gradins
formaient ainsi un cercle. Plus tard, la forme elliptique
fut généralement adoptée. Le sol se nommait Varène,
parce qu'il était couvert de sable; des gradins s'élevaient
alentour; ils pouvaient contenir jusqu'à 80000 specta-
teurs. C'étaient là que se donnaient les combats des gla-
diateurs et des bêtes féroces qu'on gardait enfermées
dans des loges au niveau de l'arène. A l'extérieur, les
amphithéâtres étaient divisés en plusieurs étages ornés
d'arcades, de colonnes et de pilastres. En France l'am-
phithéâtre de Nîmes est célèbre ; il ne reste plus de celui
à'Ave7iches que quelques murs extérieurs et un enfonce-
ment dans un verger.
Les cirques étaient essentiellement destinés aux courses
de chevaux ou de chars, aux combats de gladiateurs et
aux combats simulés. Trois portiques fermaient sur trois
côtés l'enceinte générale du grand cirque de Rome. A une
extrémité était la borne autour de laquelle les concurrents
devaient passer sept fois.
Les Romains apportèrent, ainsi que les Grecs, un grand
soin à la construction de leurs bains, dont ils faisaient un
AGE DE LA PIERRE. 49
On possède aussi des scies en silex. Les unes, les plus
rares, sont une lame droite, dentelée des deux côtés. Les
autres ont la forme d'un croissant, dentelé seulement sur
la ligne concave. Ces scies ont ceci de défectueux, c'est
que la lame, plus épaisse que les dents, ne pouvait pas
entrer dans le chemin pratiqué par celle-ci. Leurs dimen-
sions montrent, du reste, qu'on n'a pu s'en servir que
sur des pièces de bois peu épaisses comme les hampes
des flèches et des traits. 11 est curieux de retrouver sur les
plus anciennes scies en bronze les mêmes formes et les
mêmes défauts. Une scie en bronze de la Sibérie, conser-
vée à Saint-Pétersbourg dans la collection du prince Ga-
garin, indique qu'on a cependant su obvier à ces incon-
vénients avant la découverte du fer. Toutefois, en Nor.
wége, les4)lus anciennes scies en fer ont encore la forme
du croissant et de la faucille.
Des hameçons également en silex, et de la forme des
nôtres, quoique très informes, ont été retrouvés en Scanie,
au nombre de deux ou trois seulement ^
Des ancres de bateau en pierre sont conservées à Copen-
hague et à Lund.
Les instruments en os consistent essentiellement en mar-
teaux, débris de cerf ou d'élan, en ciseaux, en harpons,
hameçons, en pointes de traits, en poinçons et en aiguilles.
Une découverte curieuse dans ce genre a été faite près de
Genève, dans une caverne à ossements au pied 'ûo petit
Salève.
Uambre est déjà employé pour ornements. Ce sont
de gros morceaux généralement bruts, percés d'un trou
* Nilsson et DànemarWs Vor%eit de Worsœas, pag. 15.
MÉM. ET DOCUM. XXV. i
50 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
pour être réunis en colliers. Parfois on tes retrouve
réunis en grand nombre. Des dents d'ours et de sangliers,
également percées d'un trou, étaient aussi suspendues au
collier. Enfin, quelques unes de ces perles grossières sont
en pierre ou en os.
Une partie des vases de cette période décèle l'enfance
de l'art du potier. L'argile dont ils sont formés contient
souvent de petites pierres siliceuses. Plusieurs, faits à la
main, portent encore l'empreinte des doigts de l'ouvrier.
Souvent ils ont été à peine cuits au feu. Leur couleur est
généralement noire ou brun foncé. Les formes offrent une
assez grande variété, et quelques-unes ne permettent pas
de douter que ce genre d'art n'ait été perfectionné très
anciennement. Il en est qui manquent de pied et sont mu-
nis sur les côtés d'oreilles percées d'un ou deux trous,
par où l'on passait les cordons destinés à les suspendre ou
à les rendre plus portatifs. Ceux-ci ont généralement des
couvercles. D'autres ont la forme d'une sphère un peu
applatie, surmontée d'un col étroit et allongé, forme que
les Romains affectionnèrent bien des siècles plus tard. Le
goût d'ornementation parait déjà sur une partie de ces
vases. Les dessins sont exécutés en creux à l'aide d'un
poinçon : ce sont des lignes parallèles, des chevrons et des
pointillages qui ont dû être exécutés sur l'argile avant de
la soumettre à l'action du feu.
Ce sont là les vestiges qui nous restent de l'industrie
des premiers habitants de l'Europe. Ils nous permettent
de voir ce qu'un peuple privé de la connaissance des mé-
taux est capable de produire ; mais pour juger ces pro-
ductions, nous devons nous placer dans le milieu qui
était celui de ces peuples. De nos jours, enrichis par l'ex-
AGI Dl LA PlimiB. 54
périence et les décou?ertes de siècles nombreax, nous
possédons, pour arriver à des découvertes nouvelles, des
moyens que ceux qui nous ont précédé ont dû inventer
QD à un. Les corps ont été étudiés, analysés, réduits à leur
état simple ; on cherche la raison d*étre de toutes choses ;
rintelligence s'est repliée sur elle-même ; la civilisation a
été conquise. Telle n'est point l'humanité à son origine;
telles ne peuvent être les générations nomades qui s'a-
vancent à pas lents dans des contrées désertes. Les pre-
miers soins de chaque individu sont de pourvoir à son
existence personnelle, ou à celle de sa famille. Tout est à
vaincre ; tout est à découvrir. En nous plaçant dans ce
point de vue, aucun des débris qui nous attestent les pre-
miers efforts de l'homme vers le progrès ne sera indigne
de notre attention. Nous ne demanderons pas d'eux qu'ils
satisfassent aux exigences d'un art avancé, mais qu'ils
nous révèlent les divers degrés de l'esprit humain dans
son développement. Afin de nous rendre plus exactement
compte de cette culture primitive, nous devons encore
chercher les moyens employés pour la fabrication des
instruments dont nous avons examiné les principales
formes.
Lieux de fabrication.
Dans quelques pays on a trouvé, réunis dans un même
lieu, un nombre plus ou moins considérable d'instru-
ments ébauchés, inachevés, ayant parfois une face dé-
grossie et l'autre polie, ou bien percés seulement à moitié,
le tout au milieu d'éclats de silex et de pierres de natures
diverses. Ce sont là les débris d'anciennes fabriques. Plu-
m MONUMENTS DE l'aNTIQUITÈ.
sieurs de ces lieux ont été découverts eu Danemark, L'un,
au nord de la Poméranie, sur l'ile de Jasmund, près de
Semper, était destiné à une fabrique d'instruments de si-
lex, dont plusieurs étaient inachevés. D'autres existent au
nord de TAIIemagne : dans le Mecklemburg, dans la con-
trée de Salzwedelf près de Magdebourg, et aussi en Lusace,
vers Golssen, A demi-lieue, au nord de cette dernière ville,
est une plaine de sable mouvant sur laquelle s'élève un
retranchement circulaire, recouvert en partie par les sa-
bles. A l'intérieur, dans une couche compacte de cendres
et de fins charbons, M. Schumann a trouvé, l'année der-
nière, de nombreux silex travaillés: coins, couteaux,
pointes de traits, inachevés ou brisés, et de grandes pièces *
de silex qui servaient de matériaux '. — En France, on a
aussi découvert un de ces lieux de fabrique à Ecomehœuf,
près Périgueux V
Ces découvertes permettent de juger avec certitude des
moyens employés pour la fabrication. Le silex étant la ma-
* Neuer Mitth. von Halle, 8« Band,2« Heft, 1848, pag. 21-25.— Dans ce re-
tranchement étaient aussi du bronze et du fer ; nous en verrons plus tard
l'explication.
* Ces divers lieux de fabrique suffisent pour établir que l'analogie des for-
mes ne provient pas d'une seule fabrique, comme on Ta avancé quelquefois.
Une autre induction peut être tirée de la minéralogie de ces armes, quand
elles sont un |>eu nombreuses ; ainsi, dans les collections que j'ai visitées,
j'ai trouvé le silex fréquent à Rûgen, au midi de la Suéde ; en Danemark, à
Kiel, à Lubeck, un peu moins à Schwerin, moins encore à Halberstadt, rare
en TbOringe, très rare en Saxe, tout à fait étranger à la Bohème, où domine
le tMsalt. Ces collections représentent en général la minéralogie du 'pays au-
quel elles appartiennent, d'où il s'en suit que chaque population a dû fabri-
quer elle-même ses armes. Ce fait établi, il doit en avoir été de même pour
l'époque des métaux, pour autant du moins que les mines s'y prêtaient. La
découverte des moules et cretisels indique plus nettement le fait.
AGE DB LA PIERRB. S3
tière la plus dure et la plus difficile, semble-t-il, à travailler
sans le secours du métal, était cependant employé de pré-
férence, dans toutes les contrées où il est naturel au sol.
Après avoir choisi la pièce brute destinée au but qu'on se
proposait, on commençait à la dégrossir à Taide d'un
des marteaux en pierre que nous avons décrits. L'art de
l'ouvrier consistait à connaître les veines du silex, de telle
sorte que chaque coup enlevât un éclat proportionné au
bat. Quand on prend quelqu'une de ces pièces inachevées,
on peut compter tous les coups donnés par l'ouvrier et
suivre les différentes manières dont il tournait et retour-
nait, dans la main gauche, l'instrument qu'il confection-
nait. Parfois un coup malheureux brisait l'instrument,
qu'on devait jeter au rebut. C'était surtout pour les petites
pièces, comme les pointes de flèches , qu'il fallait user
d'un ménagement extrême. Sur une pointe de 6 lignes de
long, on peut compter au delà de deux cents de ces éclats
ou petites écailles enlevées à l'aide du marteau ; et cepen-
dant on n'a là que la dernière trace du fini. On peut juger
aussi des soins qu'exigeait ce travail quand il s'agissait de
denteler une lame pour en obtenir une scie, ou de confec-
tionner un hameçon dont les contours étaient si difficiles à
ménager. Il est, en revanche, certaines espèces de couteaux
dont la fabrication a été fort simple, et qui se détachaient
d'un seul coup donné sur la pointe de l'espèce de noyau
d'où on les enlevait. On a retrouvé en Danemark un de ces
noyaux an milieu des nombreuses lamelles qui en avaient
été détachées. Avec un peu de patience on est parvenu à
les rajuster autour du noyau sans laisser le moindre in-
terstice. Ces lamelles ou copeaux en silex étaient utilisées
comme couteaux, ou taillées de nouveau pour en former
5^ MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
des pointes de trait ^ Quant aux instruments, comme les
bâches, les coins et les ciseaux, on les achevait en les li-
mant avec un sable siliceux sur une pierre de grès, qui
faisait ainsi l'office d'une meule, mais d'une meule im-
mobile. On voit dans le musée de Copenhague de ces
meules, pierres plus ou moins informes, creusées au mi-
lieu par un long usage, sur lesquelles on a retrouvé des
coins polis d'un côté et inachevés de l'autre, qui ne lais-
sent aucun doute sur ce genre de fabrication. Plusieurs
échantillons montrent aussi que lorsque le tranchant était
émoussé, on l'aiguisait de nouveau sur la meule. Le pro-
cédé par lequel on obtenait le tranchant ou arc de cercle
des gouges, est aussi simple qu'ingénieux. On choisissait
à cet effet une pierre de grès d'une forme allongée, sur la
longueur de laquelle on taillait une espèce de bourrelet
arrondi, et parallèlement à celui-ci, une rainure ou ché-
neau, de telle sorte que la coupe de la pierre présente dans
sa partie supérieure la forme d'un S renversée. L'ouvrier,
après avoir dégrossi le silex dont il voulait faire une
gouge, limait l'extrémité de son instrument sur le bour-
relet convexe afin d'obtenir un tranchant concave, puis il
retournait sa pièce sur la chéneau concave à l'aide de la-
quelle se formait le côté convexe du tranchant *. — La
meule n'a souvent été employée que dans le but de don-
ner au tranchant plus de mordant, mais souvent elle a été
utilisée pour polir l'instrument dans son entier. — Les
haches percées ont été l'objet de nombreuses discussions,
dans lesquelles on cherche à expliquer comment on est
* Leitfaden fur nord Alierth., pag. 37.
* On voit de ces meules dans le musée de Copenhague, qui ont un peu
la forme d'un tibia.
AGE DE LA PIERRE. 5S
parvenu à percer la pierre. Les nombreux originaux que
l'on possède permettent de juger des tâtonnements des
anciens pour arriver à résoudre cette difficulté. Sur quel-
ques-unes de ces bâches on voit des commencements de
trous imparfaits, entrepris sur les deux côtés opposés,
puis abandonnés ; les uns, pointillés, montrent qu'on se
servait de pointes en silex, avec lesquelles on cherchait à
détacher parcelle après parcelle ; d'autres, plus unis, se
faisaient au moyen de petits cylindres, du sable et de l'eau.
On comprend tout ce que ces procédés avaient de défec-
tueux, le temps et la patience qu'ils exigeaient. Plus tard,
un autre procédé fut découvert, mais comme il appartient
à une époque un peu postérieure, nous en donnerons la
description en tête de notre seconde période.
Ces premières difficultés vaincues, il n'est pas néces-
saire de montrer comment l'os put être travaillé. Quant à
l'art du potier, nous avons vu qu'il consista d'abord à fa-
çonner l'argile avec la main ; cependant un grand nombre
de vases de cette période démontrent d'une manière in-
contestable qu'ils ont été confectionnés à l'aide du tour.
Celui-ci, une fois découvert, permit de varier les formes
à l'infini. Enfin, il est probable que, déjà à l'époque qui
nous occupe, la corne et le crâne de l'animal, dont on
employait les os à divers usages, servirent de vases et de
coupes.
Ces débris que nous venons de décrire sont les mêmes
en Europe dans toutes les contrées où ils se retrouvent.
Rares en Grèce et en Italie, ils le sont beaucoup moins sur
les côtes occidentales de la France et dans la Grande-
Bretagne. On les retrouve en Hollande, dans le Hanovre,
sur les bords de la Baltique, où ils sont répandus en grand
56 MONUMENTS DE L*ANTIQU1TÉ.
nombre, et parsemés çà et là dans le nord de la Russie et
de la Sibérie, perdus dans la chasse ou de quelqu'autre
manière, l'agriculteur les découvre souvent en labou-
rant la terre. Mais là où ils sont surtout nombreux et
bien conservés, c'est dans les sépultures, où leur présence
indique un but religieux. — L'idée d'une vie à venir préoc-
cupe les peuples de tous les temps. Leur paradis, qu'il se
nomme Champs Elysées, Valhalla ou Prairies bienheu-
reuses,est la réalisation d'un idéal, reflet des goûts et des
mœurs de cette vie. La tombe est l'intermédiaire de deux
mondes. Elle reçoit tout ce qui doit accompagner l'ombre
de celui qu'on y dépose.
Tumuli du premier âge.
Nous allons pénétrer dans quelques-unes de ces salles
funéraires, fermées depuis plus de 3000 ans, et leur de-
mander la révélation des mystères qu'elles renferment.
Ce qui caractérise les tombeaux de cette période, c'est
la construction des salles plus ou moins spacieuses S re-
couvertes de terre de manière à former des collines par-
fois très élevées. Après avoir choisi le lieu de la sépulture,
on dressait sur la surface du sol, dans une plaine ou sur une
hauteur, des blocs ou de grandes dalles disposés de manière
à former une enceinte circulaire ou carrée à l'intérieur. Des
pierres plates, parfois colossales, recouvraient l'enceinte
dans laquelle on plaçait le mort ; puis on répandait de la
* C«s sallei sont en murt secs, recouvertes de dalles sur toute la longueur,
ou des blocs faisant saillie, disposés par assises proéminentes, comme en
Angleterre, en France et en Crimée.
AGE DE LA PIERRE. 57
terre alentour, et on l'entassait jusqu'à ce que la colline
eût atteint la hauteur de 30, 60 et même 100 pieds. A la
base de la colline, à mi-hauteur et à son sommet, on dres-
sait parfois de grands blocs qui s'élevaient ainsi en arches
concentriques sur le tertre tumulaire. Au sommet était
un autel souvent colossal. Ces collines ont généralement
la forme conique; qu'elles recouvrent ou non une salle, et
quelle que soit leur élévation, on les appelle tumuli.
Nord de l'Asie.
Les tumuli sont répandus à l'infini en Europe, en Asie
et même en Amérique. Les plateaux de la Scythie asiati-
que jusqu'à l'Océan , en sont particulièrement couverts.
Hs se trouvent le long de TAsie du nord, surtout sur V Altaï,
et s'étendent du fleuve Irtysch ou fleuve Jeinissei, souvent
en nombre si compact, qu'on peut conclure avec sûreté à
une grande population. Les plus riches sont sur le Volga^
le Tobol, VIrlyschj et VOb; moins riches dans les steppes
sur le Jenissei, ils paraissent plus pauvres encore au delà
du Baikal. Les plus grands tumuli de ces contrées por-
tent le nom de Kourganes^ Ils renferment, sous une
* Dans la plaine immense, légèrement ondulée par des ravins, comprise
entre le Dnieper d*un côté, le Terech et TOural de Tautre, au nord de la mer
Noire et de la mer d'Azof, on voit une multitude prodigieuse de kourganes,
mentionnées déjà au XV I« siècle par Ruysbock (Rubruquis), extrait dans le
Magasin pittoresque (1884, pag. 42, 66, 126). Dans ces vastes plaines, sans
vestiges d'habitation, les kourganes suivent une ligne qui est celle du par-
tage des eaux entre les deux vallées. — Au lieu des trésors de la tradition,
on y trouve des pierres en /orme d'œuf, forées suivant l'axe comme un grain
de collier, et d'autres ornements aussi grossiers, des statues informes, etc. Ils
K8 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
haute colline de terre, une salle construite d'immenses
dalles, destinée à la sépulture d'un ou de plusieurs hom-
mes. On trouve auprès des squelettes des vases de terre,
la plupart vides, et des ornements en métaux précieux,
des bracelets, des colliers, des boucles d'oreilles et des
armes. Comme dans les tombeaux égyptiens, le squelette
est quelquefois enveloppé d'une fine lamelle en or. Il reste
du cheval déposé dans la tombe de son maître tout son
harnachement: mors, étriers, boucles et garnitures. La
colline est en outre surmontée de cercles de grands blocs
ou piliers bruts *.
Lors même que, par leur contenu, les tumuli dont nous
venons de parler diffèrent de ceux que nous allons exa-
miner en Europe, ils n'en doivent pas moins être remar-
qués, à cause de la sinrilitude parfaite de leur construction.
Il faut dire aussi que les fouilles beaucoup trop rares en-
treprises dans la Haute-Asie, ont eu bien plus essentiel-
lement pour but de chercher l'or et l'argent, que la solu-
tion des questions historiques. Un examen plus attentif
donnerait sans doute d'autres résultats ; tout comme il est
possible, et même probable, que les peuples de la Haute-
Asie aient possédé, dès les temps les plus reculés, la con-
naissance de ces métaux que fabriquait déjà Tubal-Caïn,
d'après le rapport de la Genèse. Nous avons du reste mon-
tré que cette connaissance des métaux n'a pu empêcher
ont de 3 à 10 mètres de hauteur. Au nord de la mer d'Azof, dans la partie
la plus déserte de Marioupol, au nord et à l'est du village grec de Stilha, des
espaces d'une lieue carrée sont entièrement recouverts de petites élévations
coniques hautes de 50 centimètres à 1 ou 2 mètres, à des distances variables
de 10 à 50 mètres.
* Keferstein, Kelt, Alterth., pag. 236.
AGE DE LA PIERRE. 59
les émigrants nomades de retomber dans l'ignorance à cet
égard; et l'on ne peut contester le fait que, durant de lon-
gues années, le travail des métaux fut étranger aux pre-
miers habitants de l'Europe. Il parait en avoir été de
même dans le nord de la Sibérie, car j'ai vu des haches
en pierre provenant de ces contrées. Les circonstances qui
firent perdre la connaissance du travail des mines n'em-
pochèrent pas, cependant, la connaissance de tout ce qui
était relatif aux usages de la sépulture. Ces usages, inhé-
rents au culte, ne devaient et ne purent pas se perdre.
L'intérieur de la tombe fut moins orné, mais on n'en éleva
pas moins les grandes salles et les hautes collines.
Russie.
Du nord de l'Asie, et depuis les monts Ourals, ces grands
tumuli se dirigent vers les provinces russes, baignées par
le golfe de Finlande et la Baltique. Ils se groupent parti-
culièrement le long des fleuves et des mers. Ce n'est pas
qu'ils soient tous du même âge, mais plusieurs contien-
nent aussi de grandes salles sépulcrales, dont quelques-
unes ont jusqu'à 20 pas de diamètre : ainsi sur les rives
de VAa, en Livonie et en Courlande. Le manque de fouilles
bien dirigées ne permet malheureusement pas de donner
à ces vastes contrées la place qu'elles réclameraient dans
notre sujet. Les monuments de la Russie, par leur position
entre l'orient et l'occident, conduiront à la solution de
bien des questions pendantes, dès qu'ils seront étudiés
avec l'intelligence qu'ils réclament. Les faits sont les an-
neaux d'une longue chaîne, dont la direction n'est pas
60 MONUMENTS DE L* ANTIQUITÉ.
toujours facile à suivre, aussi faut-il s'estimer heureux
lorsque quelque chaînon nous indique la voie ^
Suéde.
En Suède, les tumuli de l'âge primitif se trouvent surtout
en Scanie, déposés la plupart sur les bords de la mer, dont
ils suivent les rives jusque dans la Westrogothie et le Bohûs
lân. Les collines sont élevées et souvent entourées de
plusieurs cercles de grands piliers bruts ; sur le sommet
est parfois un autel formé d'une pierre colossale qui repose
sur trois, ou un plus grand nombre de supports. Sur l'un
des côtés de la colline, ordinairement à l'est, est l'entrée
d'une galerie construite en grandes dalles et fermée par
une plaque; le tout soigneusement recouvert de terre, de
manière à ce que rien ne soit apparent à l'extérieur. Après
avoir découvert et enlevé la plaque qui ferme l'entrée, on
pénètre dans un couloir obscur, d'environ 20 pieds de
long, où Ton peut à peine marcher debout ; après quel-
ques pas, on se trouve dans une salle spacieuse, ronde,
ovale ou carrée. A la clarté du flambeau, on s'étonne de
la grandeur des blocs dont sont formés les parois et le
plafond de ces tombeaux antiques. Les interstices, garnis
avec soin de caillous brisés, ont empêché la terre de pé-
nétrer. Quand on regarde à ses pieds, on distingue le long
des parois de petits amas d'ossements humains, qui, au
* Tumuli abondants en Turquie, en Macédoine, partout dans les plaines et
les irallées larges, mais pas sur les hautes montagnes. Dans la plaine de Sofie
en grand nombre. — Boue. Turquie d'Europe, H, 848.
AGE DE LA PIERRE. 61
premier coup d'oeil, paraissent avoir été rejetés sur les
côtés de la salle; mais en y regardant de plus près, il est
facile de s'assurer que la position est naturelle, seulement
il est évident que ceux qui ont été placés là n'ont pas été
étendus sur le sol. Les os des jambes sont retombés, les
genoux en avant, ou croisés sur les avant-bras. La colonne
vertébrale et les côtes se sont affaissées sur elles-mêmes,
et le crâne repose au-dessus, à moins qu'il n'ait roulé à
côté. On a cru que le mort avait été assis, mais cette ex-
plication, comme nous le verrons pins tard, n'a aucun fon-
dement. Auprès de ces ossements, dont la friabilité est
extrême, reposent des armes en pierre et en os, des col-
liers d'ambre, et des vases qui avaient contenu quelque
nourriture ou boisson, mais dans lesquels on ne retrouve
plus rien. C'est à peu près là tout ce qui reste de ces an-
ciennes générations, mais ces débris muets de la tombe
sont encore féconds en révélations pour qui veut les in-
terroger.
En 1805, en découvrit en Westrogothie, à Axevallas,
une salle pareille à celle que je viens de décrire. La ga-
lerie, de 14 pieds de long sur 4 de large, conduisait à une
salle, longue de 24 pieds, large de 8 et haute de 9. Sur
l'une des parois étaient quelques gravures indéchiffrables.
Les morts, au nombre de 19, déposés aussi le long des
parois, avaient été placés dans des caisses en pierre de
forme cubique, n'ayant pas au delà de deux pieds carrés.
Peu d'objets ont été recueillis : quelques pointes de flèches
triangulaires, des couteaux de silex dont l'un était arqué,
une perle d'ambre et un petit marteau de la même ma-
tière '. Je dois ajouter que ces petits cercueils de forme
* Sjoborg, tom. 1, pag. 98, pi. 7, fîg. 20.
62 MONUMENTS DE l'ANTIQUITÉ.
cubique, qui contenaient des squelettes d'homme, ont été
observés plus d'une fois dans les tombeaux de ce genre.
Il parait même que là où on ne les trouve plus, la pierre
avait été remplacée par le bois '.
Les monuments de cette période, dans le Boshûslàn, pré-
sentent quelques variations: ainsi les instruments en pierre
sont plus souvent avec des urnes cinéraires qu'avec des
squelettes ; ou bien les tumuli sont remplacés par des
cercueils de grandes pierres, déposés à peu de profon-
deur en terre, longs de 12 pieds, larges de 4, et qui con-
tiennent également des objets en silex *. Ces longs cer-
cueils existent aussi dans le Wermland, où le paysan les
appelle : tombeaux des géants. Ces faits s'expliquent par la
position septentrionale de ces provinces, habitées de moins
bonne heure que les provinces situées plus au midi. Sur
la fin de cette période, le mode d'inhumation reçoit plu-
sieurs changements. Le bûcher est introduit ; l'urne ci-
néraire déposée dans des collines moins grandes; et le
bronze commence à paraître. La population accrue, pé-
nètre davantage dans l'intérieur des terres; à cette épo-
que seulement, les contrées de la Suède, au nord de
celles que nous avons mentionnées, reçoivent leurs pre-
miers habitants. On y chercherait en vain des tombeaux
du premier âge, ainsi que dans toute la Norwége.
* Communication de M. Sortrup, de Copenhague.
* Communication de M. de Gotteuburg.
AGE DE LA PIERRE. 63
Danemark.
Il est pea de pays aussi riches que le Danemark * en
monuments de l'antiquité, le nombre s'en élève à environ
23000. Les tumuli de l'âge primitif sont généralement
les plus grands et les plus ornés à l'extérieur de cercles
de piliers ou de grands autels. Ils recouvrent les mêmes
galeries ^t les mêmes salles qu'en Suède. Le peuple les
appelle aussi Jetten-Stuben, c'est-à-dire tombeaux des
géants. Quelquefois la même colline renferme deux salles,
ayant chacune leur entrée. On en voit de ce genre au See-
land, dans le comté de Fredericksborg, à Smidstrup, et
sur l'île de Mœn. D'autres, à une salle, ont été ouverts à
Joegerspris *, à Udleire et à Oehm '. — Dans le Jutland,
comté de Thisted, il existe près â'Ullerup * un tumulus
dont les particularités méritent d'être mentionnées. La
galerie conduit à une salle de 24 pieds de long, sur 5 de
large et 5 de haut. Sur le côté opposé au couloir, et vis-
à-vis de celui-ci, est une petite salle circulaire de 6 pieds
de diamètre et de 4 pieds de haut. Les dalles, placées à
l'entrée de la seconde salle, sont chargées de figures sculp-
tées, mais dont il est difficile de saisir la signification.
Des figures pareilles ont été sculptées dans un tumulus
* Voir sur les tombeaux et antiquités danoises et Scandinaves, Kruse Deut.
AlUrth, tom. III, cah. 1 et 2, pag. 41-56, pi. III.
* Près Oppestmdbyey dans le Seeland.
* Dans le voisinage de Roeskild.
* Paroisse ô*Heltborg,
6^ MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
A'Herrestrup *, dans le SeelandV Les morts, bien rare
ment étendus sur le sol, sont généralement accroupis le
long des parois \ Quelquefois ils sont dans des caisses
cubiques, ou bien simplement séparés les uns des autres
par une pierre. Le silex, l'os, l'ambre et les poteries les
accompagnent également. Des squelettes d'hommes, de
femmes, d'enfants, font supposer, avec assez de vraisem-
blance, que ces salles étaient des tombeaux de famille
Comme en Suède, les tumuli s'avancent peu dans l'inté-
rieur des terres. Soit dans les iles, soit dans le Jutland,
ils se groupent sur le rivage des mers ^. On est surpris de
la grandeur des matériaux employés à ces constructions ;
et ce qui n'est pas moins remarquable, c'est que le côté
des dalles tourné à l'intérieur doit avoir été taillé, pour
présenter une surface si régulièrement unie. Cependant,
dans tous ceux que j'ai visités, je n'ai pu remarquer au-
cunes traces de coups de ciseau de l'ouvrier. Il me parait
probable que le procédé encore employé de nos jours pour
faire sauter le silex a été connu de ces anciens peuples.
11 consiste à tailler de loin en loin des trous sur le banc
dont on veut détacher une plaque. Ce premier travail exé-
cuté, on introduit dans ces trous, à coup de marteau, des
coins de sapin bien secs, sur lesquels on répand ensuite
« Sur VOdtharde.
* De même à Axevalla, Westrogothie.
* Des morts ont été parfois aussi déposés dans les galeries.
* Surtout au nord et à Torient du Jutland, et au nord et à l'occident du
Seeland. On trouve des salles rondes de 5-8 mètres de diamètre et même
hauteur, galerie de 16-20 mètre» de long. Les plus grandes salles sont de
16-24 mètres de long, 6-8 mètres de large, avec une galerie de 20 mètres.
Le squelette repose sur le sol ou parfois sur un pavé. — Voir Worsaeœ, Dà'
ntïïMrks Voneitt pag. 70.
AGE DE LA PIERRE. 6S
de l*eau bouillante. En se dilatant par l'action de l'eau, les
coins font sauter la plaque qu'on cherche à enlever. Que
ce procédé ait été employé pour obtenir ces immenses
dalles, je n'oserais Taffirmer; mais ce qui est bien cer-
tain, c'est qu'ils ont connu un moyen pour les détacher,
car leurs surfaces unies n'ont rien de naturel. Quant à la
taille des trous, elle ne présentait pas autant de difficultés
que sur les haches en pierre, qui demandaient bien plus
de ménagements.
Allemagne.
Après avoir parcouru la Haute-Asie, le nord de la Russie,
la Suède et le Danemark, nous allons passer en Allemagne
et suivre la direction de rorient à l'occident. — Au sud de
Danzig, dans le district de Mariemveder, entre autres au-
près de Schokau et de Bergelau, sont des tumuli dont
l'un recouvrait une grande salle de 30 pieds de long. Les
tumuli des environs de Cufm (plus au sud), pareils à l'ex-
térieur, n'ont pas encore été fouillés. A l'ouest de Danzig,
surtout sur la frontière de la Poméranie S dans le district
de Marienweder ■, et dans le grand duché de Posen, parti-
culièrement le long de la Warta % il existe de grandes
collines artificielles, entourées de cercles de piliers, ils ren-
ferment des squelettes, des vases et des ustensiles en
pierre. Quelques-unes de ces collines offrent une variété
* Vers Kltin-Kati, Buhkow, Stolpe, RunoWt Gro$S'Nos8in et Lupow,
* Près Birenwald, Domslau, Drausmt%, etc.
* Près de PromniU.
MÉM. ET DOCUM. XXV. 5
()6 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
de consiruction que nous aurons à faire observer plus
d'une fois par la suite. Après avoir élevé les dalles du
caveau sépulcral, il a été recouvert de cailloux ou pierres
dont la colline est entièrement formée, à l'exclusion de la
terre. Afin de désigner ce genre de tumuli par un seul
mot, nous emprunterons la dénomination qu'ils ont reçue
des habitants de la Bretagne française : c'est celle de caim,
qui désigne donc une colline construite uniquement de
pierres.
L'île de Rûgen à elle seule possède environ 1900 tumuli,
dont plusieurs de l'âge primitif sont entourés de cercles
ou couronnes de pierres. Une colline prés de Putbusren
fermait un caveau de 15 pieds de long, divisé en huit com-
partiments, dont presque chacun, vu ses étroites dimen-
sions, contenait seulement un squelette accroupi , avec
des vases et des objets d'ambre et de pierre *.
Mêmes tumuli avec cercles de piliers, caveaux, sque-
lettes, au nord de Stettin *, à l'orient, dans le cercle de
Dramburg, et au sud, dans les districts de Polsdam *, et
* Keferstein prétend qu'il y avait aussi du bronze (pag. 81); mais, d'après
sa onfusion d'idées sur l'ordre de succession, il est impossible d'accorder
crédit à ses simples assertions sur ce sujet. Cependant, si le fait est réel, il
faudrait transporter cette tombe à l'âge de transition. Huit compartiments
sur la longueur de 15 pieds ne permettent pas d'asseoir le squellette les
jambes étendues, comme l'a fait M. de Minutoli. (Voir détails plus précis
dans Wagener.) Il y a des monuments pareils sur les tles de Jasmund et de
WolHn^ et dans le cercle de Greifiweld\ idem dans le cercle de Demmm
près Gent%, Tellin, Verchen et Fouquelten: le pourtour extérieur a souvent
la forme d'un triangle.
* Vers Pochow, WoUersdorf, Dabo, Belkow, etc.
* Dans le district de Potndam, dans la moyenne Preignii* et Uckermarch^
sont de nombreux tumuli, quelques-uns en grands groupes : ainsi 50 près
Havelberg (entre Magabourg, Schwerin et Berlin) ; plus encore près de Ru^
AGE DE LA PIERRE. 67
de Francfort sur TOder *. De VOder à YElbe on les trouve
parsemés çà et là.
Au nord de la ville de Cœthen, s'étend une vaste plaine
dans la direction de Grimsieben. Quand on est au centre,
de quelque côté qu'on porte ses regards, on voit à l'horizon
des collines tumulaires ou des blocs de granit gigantes-
ques. Vus de plus près, ce sont des salles en plein air,
dégarnies de la terre qui les recouvrait. Il en est de 30
pieds de long sur 1 1 de large. Cette demi destruction per-
met de juger de la grandeur des matériaux employés.
Tous sont des dalles carrées de dimensions diverses ; j'en
ai mesuré de 15 pieds de long sur 12 de large et 2 d'épais-
seur *. Ces matériaux viennent de Bemburg, où sont aussi
des constructions du même genre. Toute la contrée bai-
gnée par la Saale et ses ramifications est riche en tom-
beaux de l'âge primitif. On les retrouve de Bernburg aux
thenow , Bandenberg , Spandau , Cremen, Grois-Buren , Charlottenburg^
Straussberg, etc. ; 15 près Retùg^ souvent accompagnés de cercles de pierres
de caveaux et de squelettes, la plupart avec urnes seulement. Les grands
turouli sont surtout nombreux le long ôeVElbe et dans la contrée de Wittem-
berg, Schmiderberg, près Torgau et Riesa, vers la Saxe. — Keferst., pag. 112.
* Surtout vers Angermunde, Oderberh, Francfort, Guben, etc. De là, ils
s'étendent sur la Lusace et la SiUsie. Détails dans Keferstein.
* Vers Grimsieben, est le tumulus nommé Iringsberg, décrit dans Abel,
Sàchsiscften Alterlhûmern, pag. 172, 488. Il a 270 pas de pourtour, 32 pieds
de haut. La salle de pierre repose à surrace du sol. L'intérieur est un espace
pavé de 29 pieds de long. Ces grandes plaques sont de grès travaillé à l'inté-
rieur. La pierre d'entrée de la salle montre quelques trous taillés. On n'y
trouva qu'une urne brisée. Autour sont plusieurs petits tumuli avec urnes ci-
néraires. A quart de lieue de Grimsieben est un tumulus dont la salle consiste
en vingt énormes plaques. Elle a 30 pieds de long, 8 de large, 10 de haut.
Chacune des quatre pierres du couvercle a 10 pieds de long, 8 de large et 2
d'épaisseur. Ces pierres, ainsi que les autres, viennent de la contrée de
Bernburg.
68 MONUMENTS DE L*ANTIQUITÉ.
environs de Halle; plus au sud, vers Wettin, Lependorf,
Trebenitz^; près de Merseburg, dont un tumulus a conservé
sur les parois de son caveau des sculptures représentant
des haches d'armes, des arcs, des carquois et des lignes
symétriques pareilles à celles qui font l'ornement des
vases. Friedeburg, Brachwitz, Rossleben, ne sont pas moins
riches. Mêmes tombeaux jusqu'auprès i'Altenburg et de
Saxe-Weimar. Cercles de pierres au pied des collines;
grands piliers dressés à leur sommet ; salles spacieuses
ou petits compartiments communiquant les uns aux autres
par des ouvertures taillées sur les dalles de séparation ';
collines allongées recouvrant des galeries de plusieurs
centaines de pieds de longueur; squelettes accroupis,
instruments en pierre, colliers d'ambre, dents de chien ou
de cochon percées d'un trou, vases noirs ornés de lignes
en creux incrustées d'une matière blanche, sont les traits
caractéristiques de ces monuments de l'âge primitif ^
C'est surtout dans les antiquités celtiques de Keferstein,
et dans les mémoires de la société archéologique de Halle,
publiés par les D" Kruse et Fœrstmann, qu'il faut cher-
cher les descriptions des nombreuses découvertes que
nous voudrions avoir le temps de reproduire ici en détail.
Dans le duché de Brunswik, ces tumuli paraissent être
* A Grimrit%, entre Halle et Wettin.
* Ces ouvertures sont des trous ronds comme un œil de bœuf, taillés dans
lu pierre.
* Le tumulus de Niedeleberit près de Halle, contenait une salle avec une
division de 1 pied de hauteur. Longue de 13 pieds, elle renfermait un siège
en bois, une table, deux squelettes accroupis aux angles, divers instruments
en pierre, des objets percés et un petit marteau en ambre, des dents percées,
des vases remarquables par leurs dessins, dont la description et les dessins
complets sont dans Kruse, Deutsch. AUer.^ tom. II, cah. 2, pag. 102, pi. IV.
AGE DE LA PIERRE. 69
peu nombreux. Il n'eu est pas de même plus au uord,
eutre autres dans les duchés de Mecklemburg, où l'on trouve
des collines hautes de 60 pieds, surmontées d'un autel
eotouré de deux cercles de pierres. Â l'intérieur, sont des
salles parfois voûtées, les squelettes, les vases et les objets
propres à cette époque *. Même richesse dans les environs
de Hamburg ". — Le Hanovre, très peuplé plus tard, con-
serve moins detumuli gigantesques de l'âge primitif , si
Ton en excepte ceux de la juridiction de Lûneburg^. —
Sur le stérile Sennerheide, dans la principauté de Lippe,
sont de grandes collines tumulaires sur le contenu des-
quels on manque de renseignements.
 Rossleben, district de Merseburg, sur la Saale, était
une colline sans cercle de pierres, qui renfermait une
construction en dalles dans laquelle se trouvait un sque-
lette couché sur le côté droit. Vers la tête étaient les frag-
ments d'un vase orné de lignes et muni de deux anses.
Un second squelette était accompagné d'une petite hache
en pierre noire ; un autre squelette avait un coin en pierre.
On trouva neuf squelettes, mais seulement deux vases
entiers, et deux dents de sanglier, dont l'une était percée.
D'autres tumuli contenaient, entre leurs dalles, des sque-
lettes reployés avec un couteau en silex, sans aucune trace
de métal. — Dans la même contrée entre BoUendorf et
Nébra, sont plusieurs tumuli, peu grands, avec construc-
tions en pierre et squelettes reployés. On y a trouvé des
coins en pieire, un couteau en silex et une gouge en
* Près KauWogen^ Prosecken, Lahenz, Gomow, Eichelberg, Eickhof, etc.
* D'après Keferstein, pag. 92.
' Idem, pag. 133. Voir en outre d'Ertorf.
* Idem, pag. 140.
70 MONUMENTS DE l'aNTIQUITB.
pierre. Au milieu du caveau d'une colline étaient une
grande tête de cerf encore munie de son bois, quelques
traces d'ossements humains, plus un coin en silex gros-
sièrement travaillé '.
Une colline élevée des environs de Trebenilz (district de
Merseburg) renfermait un caveau en pierre avec squelette.
Dans chaque tombe étaient plusieurs œufs de poule qui
tombaient au contact de l'air, et auprès des instruments
en silex. (Keferstein, pag. 10.) Chez les Juifs, le premier
repas après l'inhumation n*est composé que de sel et
d'oeufs, qui sont regardés comme un symbole de l'éternité;
le sel figure dans toutes les cérémonies religieuses des
Juifs, d'après le Lév. II, 12: « Dans toutes les oblations,
tu offriras du sel. »
Non loin de Halle, près de Dœlau sur la Saaie, un grand
tumulus recouvrait une salle de plaque de grès, longue
de 13 pieds, large de 7, avec des vases et des instruments
en pierre. (Keferstein, pag. 24.)
Dans la contrée de Mehldorf, un grand caveau funé-
raire d'environ 20 pieds de haut, contenait des ossements
humains, plusieurs vases, un marteau de grès et un
petit marteau en silex '.
A Niedleben, près de Halle, était une colline détruite en
partie, mais ayant encore, en 1826, 53 pas de long,
34 de large et 10 pieds de haut. Elle avait été dépri-
mée par la culture. A 1 Vt P^^d du sommet était la cou-
* Kruse, Deutsch, AU. y tom. I, cah. 2. pag. 20 et suiv. Voir aussi dans Kruse
le tombeau de Nietlehen^ vers Querfurt. Salle de 13 pieds de longueur, avec
siège de chêne, dents de chien , perles d'ambre, couteau de silex. Tom. Il
cab. 2, pi. IV.
' /Veue Mith. von Halle, vol. 11*, premier cahier, pag. 140.
AGE DE LA PIERRE. 71
verte. Deux arnes, reposaient à l'entrée. Dans la première
partie de la tombe étaient des cendres, des fragments
d'ossements, des dents de chiens et quelques petits cou-
teaux en silex. La deuxième partie, plus vaste et renfer-
mant des urnes, était séparée de la première par une
plaque de 1 pied de haut. Elle contenait, outre les urnes,
une table en plateau, un siège de chône, quelques couteaux
en silex, un coin en pierre, des dents de chien percées,
quelques fragments d'ambre, un morceau d'ambre percé,
de la forme d'un marteau S peu de métal, et au coin de la
salle deux squelettes affaissés sur eux-mêmes. Ici, mal-
gré le siège, les deux squelettes ont la position de l'am-
bryon, tandis que plus tard, dans le tombeau de Ruchow,
en Mecklemburg, le mort est assis sur un siège.
La Westphalie, pauvre en monuments, possède cepen-
dant, près de Beckum, une allée de pierres longue de 80
pieds, sur 12 de large, dans laquelle on trouve de nom-
breux squelettes avec des urnes, des dents d'animaux
percées et divers objets. On ignore si cette allée, mainte-
nant en plein air, était autrefois couverte de terre, comme
les salles dégarnies de Kœthen.
Dans plusieurs parties de la Hollande, les tumuli sont
très nombreux. Plusieurs contiennent des vases et des
instruments en pierre qui ne permettent pas de douter de
leur antiquité ; mais on manque des renseignements sur
leur construction *.
En Belgique, beaucoup de ces collines ont 30 pieds de
haut et 3 à 600 pieds de tour >. On cite un tumulus du
* Wagener, pag. 578, Kruse, tome II, deuxième cahier, pag. 102, pi. IV.
' Keferstein, pag. 153.
* Keferstein, pag. 158. Ils sont plus souvent placés sur les points élevés. U
72 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
Brabant, rasé en 1507, dont la hauteur était de 55 pieds
sur 380 de circonférence, et qui recouvrait une salle
sépulcrale ^
Grande-Bretagne .
Les antiquaires anglais se sont beaucoup occupés des
monuments de la Grande-Bretagne, mais dans leur clas-
sification, ils se sont généralement arrêtés aux formes
extérieures qu'ils ont classées en forme de boule, épatée,
elliptique, triangulaire, conique ou cloche. Assigner des
â^es divers d'après ces variétés extérieures est difficile.
Heureusement que les descriptions qu'on possède sont
assez exactes et nombreuses pour se diriger au milieu
de ce labyrinthe. Dans toute la Grande-Bretagne, on trouve
parsemés les cairns ou les tumuli avec salles et galeries
de constructions diverses, contenant des vases et des ins-
truments en pierre.
Les antiquaires de ce pays ont remarqué que lorsque le
squelette est étendu de toute sa longueur, la colline est
ordinairement moins élevée et renferme des objets en fer;
tandis que dans les grandes salles, les jambes et les ge-
noux du mort sont reployés sur le corps, auprès duquel
on ne retrouve pas d'ustensiles ou d'ornements en métal.
Dans le comté de Sommerset, près de Wellow Stoney
Litleion, est un cairn long de 107 pieds, large de 54, et
y en a 20 dans la contrée de Liittick, 22 dans la contrée de la grande et petite
Geate. On ne les a pas remarqués sur la montagne des Ardennes.
* Mémoires de rAeadémie de Bruxelles, tom. IV, pag. 459.
A6B DE LA PIERRE. 73
haut seulement de 13. L'entrée n'a que 14 pieds de haut
et conduit à une galerie de 47 pieds de long sur 3 à 4 de
large. Elle est divisée en trois parties par trois transeps
ou espèces d'alcôves. On y a retrouvé beaucoup d'osse-
ments, et entre autres deux crânes dont les fronts présen-
tent fort peu de développement. Un fait rare dans un tom-
beau, c'est que quelques os carbonisés avaient dû passer
par le feu. Ce cairn, à côté de l'inhumation qui y prédo-
mine, témoigne donc de l'introduction du bûcher, nouveau
mode de sépulture qui ne tardera pas à se répandre d'une
manière générale. — Près de Bath (ville du comté de Som-
merset) est aussi un cairn de forme ovale, long de 150
pieds et large de 75. Il recouvrait plusieurs caveaux sé-
parés, avec des squelettes humains et des ossements de
quadrupède. On trouve des tumuli pareils dans le pays de
Galles, dans l'ile i'Anglesey, en Irlande, en Ecosse et dans
les îles Orcades.
Sur la côte occidentale d'Irlande, près de la ville de
Higo, on voit encore autour d'un cairn 60 grands tumuli
entourés de cercles de pierres *. A 4 milles de Drogheda *
est un cairn de 320 pieds de diamètre, haut de 60 pieds.
Sa base est entourée de piliers dressés. Une galerie lon-
gue d'environ 61 pieds ' conduit à un caveau, octogone
irrégulier de 9 pieds de diamètre. Son toit, haut de 20
* La plupart contiennent des squelettes.
* En Irlande, comté de Meath, près New-Gran^.
* L'ouverture de la galerie est à iO pieds de la base, elle a i pieds de large,
i 7i ^® h&ui. £Ile est formée de dalles dressées et couverte de dalles. A 18
pieds de l'entrée, la galerie présente un étranglement n'ayant plus que S
pieds d'ouverture au lieu de 4, puis elle s'élève progressivement jusqu'à 8 ou
9 pieds. L'une des alcôves a i pieds d'ouverture, 6 de largeur et 8 de pro-
fondeur.
74 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
pieds, est ud dôme conique grossièrement formé par la
projection des pierres du mur. Trois niches ou alcôves
sont attenantes au caveau, à l'intérieur duquel on remar-
que quelques sculptures. On n'y a trouvé que deux sque-
lettes et un vase en pierres. — Dans le comté d'Armagh,
près de KistUvi^ un cairn recouvre une grande salle di-
visée en plusieurs compartiments. — On trouve aussi en
Irlande des cercueils formés de six pierres, ou de petits
espaces carrés, grossièrement voûtés, au-dessous de la
surface du sol, et recouverts d'une colline peu élevée. Près
des squelettes sont des pointes de trait et des couteaux en
silex, des colliers et autres ornements en coquillage,- des
vases d*argile contiennent parfois des os carbonisés.
Après ces descriptions de cairns, il n'est pas inutile
d'insister sur ce fait : c'est que toute la Grande-Bretagne
possède aussi les tumuli en terre, dont plusieurs ont 100
pieds de haut et recouvrent des salles toutes pareilles à
celles de la Scandinavie. — En Ecosse, il est encore en
usage de dire de nos jours : « Je veux jeter une pierre sur
ton cairn; i ce qui signifie: c Je veux encore t'honorer
dans la tombe. On rapporte que les Scythes jetaient tour
à tour des pierres sur le mort dont ils voulaient hono-
rer la sépulture. L*usage a passé en Europe. Il existe
encore aujourd'hui. Parfois dans les ensevelissements mi-
litaires, les soldats jettent chacun une pelée de terre sur
le cercueil. J'ai Vu aussi en Allemagne des femmes pren-
dre une poignée de sable et la répandre également sur le
cercueil de celui qu'elles venaient de perdre *.
* Irlande, N.-E.
* C'était dans le Wurtemberg, à Wioterbach.
AGE DE LA PIERRE. 75
France.
La partie la plus riche de la France en monuments des
temps primitifs, est Tancienne Armorique ou Bretagne,
Sur les côtes de l'Océan et un peu plus en avant dans les
terres on retrouve les cairns et les grands tumuli entourés
de cercles de piliers. Â l'intérieur, ce sont encore les allées
couvertes, les salles spacieuses ^ L'inhumation prédo-
mine, et la présence des instruments en pierre et en os
révèle l'ignorance des métaux. — Non loin de Nantes, vers
Procheville, on a fouillé, en 1835, une colline dont la salle
renfermait 50 squelettes, avec des vases et des haches en
pierre. — Dans le déparlement des Deux-Sèvres, un tu-
mulus des environs de Bongon recouvrait une grande salle.
La galerie qui y conduisait était formée de neuf pierres,
couvertes d'une seule plaque de 26 pieds de long. L'in-
térieur de la salle était plein de squelettes. On prétend
que les vases qui reposaient auprès étaient remplis de noi-
settes et de glands. On y a trouvé des haches, des cou- '
teaux et divers instruments tranchants en pierre, un col-
lier en terre cuite, un autre de coquillages, des dents
d'ours et les os d'un chien. — Sur le golfe de Morbihan,
dans l'ile de Gavreunez, s'élève un cairn sur une allée de
18 supports et 10 énormes couverts; l'allée, étroite à son
entrée, va en s'élargissant, et présente sur ses parois des
sculptures de lignes serpententes et entrelacées, des-
sins tout pareils à ceux qui ornent la poterie *. — Le grand
* On trouve aussi les salles de grandes plaques avec squelettes sous la
surface du sol, couvertes, non d'une colline, mais d'une grande pierre.
* Mémoirei de la Société des antiquaires^ 1838, pi. I.
70 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
tumulus de Fordenay-le-Marmion, près de Caen, esl un
cairD, autrefois entouré d'un cercle de pierres. Depuis
nombre d'années on le dépouille de ses matériaux pour
des constructions diverses, en sorte qu'il n'a plus qu'une
vingtaine de pieds de haut sur 150 de diamètre. Il ren-
ferme 12 caveaux grossièrement arrondis, formés de
pierres plates et brutes superposées, qui s'élèvent en fai-
sant saillie à l'intérieur, de manière que les voûtes, au-
jourd'hui plus ou moins tronquées, devaient être à peu
près coniques. Le plus grand caveau a 15 pieds à sa base
et 14 7i dans son état actuel ; le plus petit n'a que 3 pieds
de moins. Ces caveaux, indépendants les uns des autres,
ont chacun leur galerie tournée vers la circonférence du
tumulus. Au centre, six d'entre eux sont rangés sur deux
lignes parallèles, du nord au sud, avec un intervalle de 14
pieds entre chacun d'eux. Les six autres caveaux forment
deux lignes transversales aux extrémités des rangées pré-
cédentes. Au fond de cc)ë salles circulaires, le sol consiste .
en une couche d'argile qui contient des ossements humains
brisés» dont quelques-uns conservent des traces de l'ac-
tion du feu. Les seuls objets qu'on ait trouvés, sont une
petite-hache en pierre verte et deux vases de terre noire,
formés à la main, hauts de 4 à 5 pouces '.
En France, l'agriculteur est souvent détourné de la
destruction de ces monuments par les superstitions qu'il
y rattache. Dans la Bretagne, le paysan les appelle Ti-
Choriguet, c'est-à-dire la demeure des nains ou des esprits
follets. En Suède, des paysans racontent qu'après avoir
* Voir la descriplion complète dans le 6« vol. des Annales de la Sodélé
des antiquaires de Normandie.
Voir les caveaux du tumuli de Kertche.
AGE DE LA PIERRE. 77
placé dans leurs maisons des blocs qui avaient servi à la
construction d'anciens tombeaux, ils étaient agités toute
la nuit par des bruits surnaturels ou l'apparition de spec-
tres. Le bétail finissant par devenir malade, ils furent
obligés de rendre ces blocs à leur destination primitive ;
aussitôt, tout rentra dans l'ordre.
Nous n'avons aucun doute que V Espagne ne prit une
large place dans notre travail, si elle avait été tant soit peu
explorée. Jusques à présent, la Société archéologique de
Madrid ne s'est guère occupée que des monuments ro-
mains et arabes, en sorte qu'on possède fort peu de chose
sur les temps celtibériens. Les seuls tumuli que je puisse
indiquer ici, sont de grandes collines, entourées de cer-
cles de pierres, sur l'Ile de Minorca.
Partis de la Haute-Asie, nous sommes arrivés à l'ex-
trémité occidentale de l'Europe. En dehors des contrées
parcourues, nous ne trouvons, ni dans l'Allemagne cen-
trale, ni au sud de ce pays, pas plus qu'à l'orient de la
France, des tumuli que nous puissions rattacher à l'épo-
que qui nous occupe. Vers le midi, des monuments ana-
logues nous apparaissent çà et là; nous allons les exa-
miner et chercher, en en suivant les traces, à remonter
vers leur point de départ.
Canton de Vaud.
A l'entrée de cette nouvelle voie, nous nous trouvons
transporté dans le canton de Vaud, qui se rattache par le
Rhône aux côtes de la Méditerranée. — En Suisse, je ne
connais jusqu'à présent qu'une seule localité dont les tom-
78 MONUMENTS DB L*ANTIQII1TC.
beaux puisse se rattacher avec certitude à ceux qui nous
occupent: c'sst la hauteur de Pierra-Poriay, près de Lau-
sanne '. Il n'y a pas de tumulus et de grande salle, mais
bien ce qui caractérise tes sépultures les plus anciennes.
Ces tombeaux, découverts en 1825, ont été décrits dans la
Feuille du canton de Vaud, par M. le pasteur de Montet.
Déposés à 3 pieds au-dessous de la surface du sol, ils
étaient construits de dalles brutes, formant de petits es
paces de 15 à 20 pouces de large, sur une longueur de 25
pouces à A pieds. La profondeur du vide était de 15 à 20
pouces. L'un, le plus petit, n'avait que 1 pied carré de
vide. Cependant ces tombes, au nombre de 45, renfer-
maient chacune 1, 2 ou même A squelettes qui avaient été
repliés ou accroupis dans cet espace étroit. On n'y a dé-
couvert aucun objet en métal, mais bien un couteau en
silex et un fragment de stéatite aiguisé sur les bords. Ces
tombes sont la reproduction de ces cercueils en pierre,
à peu près carrés, qui remplissaient la salle du tumulus
* Je retrouve dans mes notes une communication de M. le colonel de Dom-
pierre, qui dit qu'on a trouvé au Châtelard^ à Lavaux, des tombeaux qui
contenaient deux fers de lance en agathe, longs de 4 pouces, et deux boules
grenues ou pierres rondes, percées au milieu, ayant environ 4 pouces de
diamètre, et du poids de deux à trois livres chacune.
Sur la campagne du Belvédère, près de Lausanne, ont été déposées deux
couches de tombeaux. La couche supérieure, d'après les monnaies que M. le
pasteur Gindroz y a découvertes, datait des derniers temps du catholicisme
dans le pays. La couche inférieure, très profonde, rappelait par la cons-
truction les tombes de Pierra-Portay. On n'y a malheureusement découvert
aucun objet qui puisse permettre de la classer avec quelque certitude. Sur
les côtes de la Bordonette, on a aussi trouvé quelques cercueils en pierre
de fort petites dimensions, mais sur lesquels je manque de détails suffi-
sante. Quoi qu'il en soit, la découverte de Pierra-Portay rend vraisemblable,
dans le pays, tout autre découverte du même genre.
AGE DE LA PIERRE. 79
A*Axevalla, en Westrogothie, et od en retrouve de tout
pareils dans le pays de Galles ' et en divers lieux de l'/r-
lande.
Savoie.
La Savoie est encore un de ces pays qui manquent
d'explorateur V Cependant, à en juger par la partie qui
touche au canton de Genève, elle doit être riche en monu-
ments de l'antiquité. — Â un quart de lieue du village de
Régnyy non loin du Salève, on voit au milieu du bois, dans
une vaste clairière, une espèce de cellule dont l'aspect est
reproduit dans le 3« volume de VAlbum de la Suisse ro-
mande, M. Blavignac, à qui j'emprunte ces détails, en a
donné un plan géométrique dans sa Description de quel-
ques monuments celtiques. Cette cellule, formée par la réu-
nion de grands blocs, a environ 9 pieds de long, sur 8
de large. Sa hauteur intérieure ne dépasse pas A */• pieds.
Le plafond est un seul bloc de 15 pieds de long, sur 12 de
large. Les dalles sont attenantes les unes aux autres, au
moyen de saillies et de rainures correspondantes. Un pé-
ribole, ou enceinte, est formé sur l'un des côtés par neuf
pierres plantées en terre. Cet assemblage porte le nom de
pierres des fées. — Sur le flanc occidental des Voirons,
près du torrent de la Chandouze, est la maison ou Cave des
* Gambden décrit un kist-vean ou coffre en pierre trouvé dans le Carding-
Sbire, pays de Galles. « Il avait, dit-il, 4 pieds de long et 3 de large. l\
était composé de 4 pierres, dont il y en avait une à cbaque extrémité et une
à chaque côté. •
* Elle eo a trouvé depuis. {Note de rédUeur,)
80 MONUMENTS DE l'aNTIQUITE.
fées, qui a environ 10 pieds de long, 8 de large et 6 7t
de haut dans le vide. Elle est construite de 8 dalles de
granit de 2 pieds d'épaisseur S et engagée en partie dans
la terre. Les interstices sont garnis de tnenus cailloux.
Suivant la tradition, cette salle a été construite par les
fées, qui apportèrent chacune sur leur tête Tune des
pierres qui la composent. Quant à la grotte de Régny,
une fée apporta tous les blocs à la fois : la couverte sur sa
tête, une pierre sous chaque bras, et la dernière dans son
tablier. — M. Blavignac voit dans ces grottes des autels
druidiques destinés aux sacrifices. Nous examinerons dans
la suite ce genre de monuments, qui diffère sensiblement
de ceux-ci. Mais si nous les rapprochons des salles sépul-
crales du nord dépouillées de la terre qui les recouvrait,
comme on en voit en divers lieux, leur identité ne per-
mettra pas de douter que les cellules de Régny et des
Voirons ne soient les caveaux de tnmuli détruits en partie.
Sans accorder trop de valeur aux traditions nombreuses
qui se rattachent à ces débris divers, je puis ajouter que
les pierres des fées de Régny portent aussi le nom de
Pierre des morts • .
* Les deux dalles du couvert ont 3 pieds d'épaisseur et mesurent ensemble
17 pieds sur 10.
* Une observation qui a plus de valeur, c'est que dans ce genre de cons-
tructions je n'ai jamais observé ce soin à garnir les interstices, sinon lorsqu'il
s'agissait d'éviter que la terre ne pénétrât à l'intérieur. Les autels, loin de
présenter ce caractère, reposent la plupart du temps sur des supports plus
ou moins espacés. — Les pierres levées autour du Caucase désignées par
Dubois de Montpéreux, comme tombeaux fàmmérienSt ont cette construction.
AGE DE LA PIERRE. 81
Italie.
Avant d'examiner les collines artificielles qui se relrou-
Yent en Italie, il est bon de rappeler qu'on ne connaît de
tumuli' élevés par les Romains qu'après de grandes ba-
tailles, ainsi celui que Germanicus fit construire six ans
après la défaite des trois légions de Varus ^ Virgile ', il
est vrai, parle d'un tertre élevé sur les cendres de Pallas;
mais c'est une réminiscence des tombeaux décrits par
Homère ' et la reproduction d'usages antérieurs à la fon-
dation de Rome. Chez les Romains» les monuments tumu-
laires consistaient en plaques de marbre plus ou moins
ornées et couvertes d'inscriptions ; en caveaux garnis de
niches pour y déposer les urnes cinéraires, ou en cons-
tructions architecturales qui n'ont rien de commun avec
l'âge qui nous occirpe.
En Etrurie et dans le Laiium, on voit encore plusieurs
tnmuli et cairns tout pareils à ceux du nord, antérieurs
aux monuments étrusques et contemporains des murs cy-
clopéens. Ils renferment une salle de grandes dalles brutes
avec des squelettes, des vases et divers objets *. A l'inté-
rieur, ces tumuli sont parfois ornés à leur sommet d'un
cercle de blocs, ou entourés à leur base d'un fossé garni
de pierres. A 22 milles de Rome, sur la route de Civita-
Vecchia, la contrée de l'ancien Alsium en possède de pa-
* Tadte annal., liv. I, c. 62.
* Enéide, XI, v. 207.
' Entr'autres, celui de Palrocle.
* Keferstein dit que ces objets sont de bronze.
MÉM. ET DOCUM. XXV. 6
82 MONUMENTS DE l'aNTIQUItA.
reils. Un tumulus de 650 pieds de tour et 45 de haut,
ayant une double couronne de pierres, a été ouvert il
y a peu d'années. Il renfermait une salle construite de
grandes dalles, dans laquelle on pénètre par une galerie
de 35 pieds de long. — Près de San Marinella, un tumulus *
de même construction contenait des squelettes d'hommes.
Un autre tumulus, de 855 pieds de tour, des environs de
Chiusi, recouvrait plusieurs salles. On montre dans le
Latium, non loin de Pratina, emplacement de l'ancien
Lavinium, une grande colline qui porte le nom de tom-
beau d'Enée '. Plus tard, ces tombeaux deviennent les
célèbres tombeaux étrusques, dans lesquels les anciennes
formes prennent un caractère un peu différent. Le tumulus,
construit en maçonnerie, renferme des salles ornées de
colonnes et de peintures. Là, apparaissent les vases cou-
verts de la représentation des dieux, les urnes d'albâtre
élégamment travaillées, l'or, l'argent, le bronze, et tout
cela avant la fondation de Rome. Vitulonia, capitale de
TEtrurie, détruite avant les temps romains, eut des colo-
nies près de Noia et Capoue, à peu près à l'époque de
Troie. Et cependant, toute cette civilisation est fort posté-
rieure à l'âge qui nous occupe. — Dans la basse Italie ',
les vases campaniens, entièrement pareils aux vases étrus-
' ques, se trouvent à côté des squelettes dans des salles
construites avec de grandes plaques, qui reposent dans
une couche volcanique de pierre ponce. Au-dessus est une
* Nommé Poggia Gajella.
* On trouve d'autres renseignements dans l'ouvrage d'Abeken : MUUl-lla"
lien vor derZeit derromischen Herrschaft nach seinen Denkmalen dargestellt^
pag. 242. La page 236 et la planche i décrivent des cairns.
* Surtout prés de Naples.
AGE DE LA PIERRE. 83
excellente terre végétale ; plus haut, une couche de sable
et de coquillage ; et enfin, par dessus ses différentes cou-
ches, la terre du sol actuel. On le voit, durant un certain
temps, ces plaines furent inondées par les eaux de la mer.
L'ancien temple de Puzzole, près de Baies, attribué à Ju-
piter Sérapis, et les temples de Pœstum, témoignent par
les térébratules dont ils sont chargés qu'ils demeurèrent
partiellement sous les eaux. On ne peut dire au juste à
quelle époque remontent ces tombes campaniennes, cer-
tainement postérieures aux tumuli de l'âge primitif, ainsi
que les tombeaux étrusques que les Romains appelaient
déjà sepulcra vctustissima.
Les tumuli ont été observés sur quelques îles de la Mé-
diterranée; sur celles de Minorque, de Malte et de Gozza.
On les retrouve en Grèce avec les cercles de pierres et les
grandes salles qui contiennent des squelettes d'hommes
et d'animaux *.
Dans VAsie-Mineure sont aussi des tumuli de ce genre.
Des constructions pareilles existent en Crimée, sur les
bords de la mer Noire, mais je dois ajouter que leur con-
tenu révèle déjà la connaissance des métaux, de même que
dans l'Asie du nord.
Il n'est pas sans intérêt de retrouver dans Vlndcmstan
de nombreux tumuli, ayant souvent 100 pieds de dia-
mètre et au sommet un cercle de grands piliers bruts,
dont plusieurs ont jusqu'à 16 pieds de haut*. Â l'inté-
* On dit qu'il s'y trouve déjà des casques en bronze, détail donné par
M. de Bonstetten. La preuve de ce fait n'ôtera du reste rien à l'analogie de
construction avec le nord. — On a recueilli dans le tumulus de Marathon,
construit tout en terre, des pointes de flèche en silex, qu'on attribue aux
Ethiopiens qui étaient au service de Darius et combattaient avec les Perses.
* Dans les districts sud de la presqu'île indienne, surtout dans la pro-
vince de Coimbalator. Archeologia hritannica, XXI, 1826.
84 MONUMENTS DE L*ANT]QIJITÉ.
rieur, une salle de grandes pierres est ordinairement di-
visée en quatre compartiments, qui renferment des corps,
des vases, des épées et des pointes de lance en métal, du
fer tout oxidé et des objets en argent. Les habitants, qui
ont une grande vénération pour ces tombeaux, les attri-
buent aux Pygmées ; de même que les Bretons, ils en font
la demeure des nains, tandis que les peuples du nord y
voient l'œuvre des géants.
Enfin, dans le nord de Y Amérique \ on trouve des tu-
muli avec des salles de grandes dalles contenant souvent
des squelettes, des haches et des coins en pierre tout pa-
reils à ceux du nord de l'Europe. Les Péruviens ont aussi
élevé des collines de ce genre, de dimensions gigantes-
ques, mais dont le contenu révèle un âge postérieur.
Conclusions sur la première période.
Nous avons maintenant à rechercher les résultats que
l'histoire peut retirer de l'examen des faits présentés jus-
qu'à ce moment. La haute antiquité de cette période ne
nous permet pas de donner des dates précises. Cependant,
en restant dans des limites très modestes, nous pouvons
dire que le nord et l'occident de l'Europe reçurent leurs
premiers habitants, au moins 1600 ans avant l'ère chré-
tienne. Cette date n'est pas assez reculée pour le midi, si
nous tenons compte de l'ancienne civilisation de l'Etrurie,
* Mémoires de la Société deCopenhague, 1840-1844, pag. 120, pi. V, (ig. 10,
où se voit une inscription curieuse indéchiffrable. — On trouve surtout les
tumuli dans les Etats de Massachusets, Ohio, New-York, Pensylvanie, ainsi
que des places retranchées.
AGE DE LA PIEHRE. 85
qoi avait déjà ses colonies au temps de la guerre de Troie
(eoviroD 1200 ans avant Jésus-Christ). Les chronologistes
mentionnent une colonie de Pélasges établis en Italie envi-
ron 1650 ans avant notre ère, et font remonter la fondation
de Sycione, la plus ancienne ville de la Grèce, à dix-neuf
siècles avant Tère chrétienne. Enfin» Champollion attribue
aux plus anciens monuments de l'Egypte au delà de 4000
ans d'antiquité *.
Nous croyons avoir déterminé suffisamment les monu-
ments de l'Europe qui remontent à ces temps primitifs.
Les gigantesques constructions tumulaires dont le con-
tenu révèle l'ignorance des métaux indiquent assez net-
tement les contrées de l'occident qui furent peuplées les
premières. Après avoir donné la statistique de ces tom-
beaux, il ne sera pas hors de propos de jeter un coup
d'œil d'ensemble sur leur disposition géographique. A
défaut des ruines de bourgs ou de cités, nous pouvons être
assurés que les lieux de sépultures ne sont pas éloignés
des lieux d'habitation. Si nous prenons une carte, et si
nous indiquons par un signe les différentes localités où
nous nous sommes arrêtés, nous verrons en Europe tous
les monuments primitifs se grouper sur les rives des mers
et des fleuves, et se diriger vers l'orient par deux voies
différentes. L'orient devient donc le point de départ. Nous
avons vu, dans les vastes plaines de la Daurie et sur toute
' Il faudra encore tenir compte, en lisant ceci, des découvertes posté-
rieures à l'épuque où ce cours a été composé. L'Europe occidentale était ha-
bitée déjà, lorsque les Ariens de la branche celtique y ont pénétré pour la
première fois. Les égyptologues actuels, Bruggsch, Lepsius, Mariette, etc.,
accordent aux plus anciens monuments égyptiens connus tout prés de iOOO
ans avant l'ère chrétiennne. {îiote de Véâiteur,)
86 MONUMENTS DK l'aNTIQUITÉ.
l'Asie du nord, les salles sépulcrales formées de dalles
immenses, recouvertes de grandes collines de terre, et
ornées à l'extérieur de cercles de piliers élevés. Ces tumuli,
nombreux dans le nord de la Sibérie, passent au delà des
monts Durais, et se répandent dans les provinces russes,
sur les bords du golfe de Finlande et de la mer Baltique.
— En Suèdey ils ne se retrouvent que dans les provinces
méridionales ; nombreux en Scanie, rares déjà dans le
Bobuslàn, ils ont à peu près pour limite le canal de Gotha,
qui va de Gottenbourg à Stockholm. Les îles du lac Mé-
lar, riches en monuments d'âges postérieurs, n*en possè-
dent aucun, que je sache, de Tâge primitif. — Le Danemark
fut habité dès les temps les plus reculés ; même sur des
iles de peu d'étendue, les grands tumuli pénètrent peu à
l'intérieur; déposés sur les rives de la mer, dans des con-
trées parfois sans culture, au milieu des forêts ou au-
dessus des marécages, au fond des golfes ou sur des caps,
on se trouve transporté dans un autre âge, et cet aspect
étrange ne frappe pas moins que les ruines d une ancienne
cité. — Nous retrouvons les tumuli dans le nord de V Alle-
magne, répandus autour de Danzig, d'où ils pénètrent
dans l'intérieur des terres, en suivant les bords de la Vis-
tule, jusqu'à Culm et Bromberg. De Danzig, ils s'étendent
le long de la Baltique, sur les côtes de Poméranie et sur
l'ile de Riigen. De là ils remontent les rives de l'Oder
jusqu'à Frankfort, et se dirigent vers la Waria, dans le
grand-duché de Posen. — Les duchés de Mecklenburg,
surtout celui de Schwerin, et les environs de Hamburg
en possèdent plusieurs. Ici encore, ils remontent l'Elbe
jusqu'au sud de la Prusse et se répandent dans les contrées
baignées par la Saale et ses ramifications, mais on les
AGE DE LA PIERRE. 87
chercherait en vain au sud d'Altenburg et de Saxe-Weimar,
à eo juger du moins d'après les faits connus. — Clairse-
més dans le royaume du Hanovre, on les retrouve en Hol-
lande, en Belgique et au nord de la France.
Bien que je n'aie pu obtenir encore une statistique com-
plète des monuments de la Grande-Bretagne, les tumuli
primitifs dont je possède la description pénètrent peu dans
rintérieur des terres, à moins qu'ils ne se rattachent à
quelque grand cours d'eau. On les retrouve dans les Cor-
Douailles, dans l'île d'Anglesey, en Ecosse, sur les îles
Orcades et sur les côtes de l'Irlande.
Nous les avons vus au nord de la France, nombreux
dans la Bretagne et sur les côtes occidentales, ou remon-
tant le cours des fleuves.
C'est ainsi qu'en suivant ces monuments, on rencontre
l'Océan pour limite. Leur continuité sur les bords des
grandes eaux, et leur direction du golfe de Finlande au
nord de la Sibérie et dans l'Asie du nord, nous permettent
de retracer avec assez de certitude la première voie par-
courue d'orient à occident, dans les régions septentrio-
nales.
Le midi de l'Europe conserve encore assez de ces mo-
numents, quoiqu'ils soient moins nombreux que dans le
nord, pour reconstruire la voie parcourue par une autre
invasion de peuples. Nous retrouvons ces tumuli sur les
bords de la mer Noire, en Grèce, en Italie, entre autres
dans le Latium et l'Etrurie, et sur les fies de Halte, de
Gozza et de Hinorque. — Enfin les tombeaux de Régny et
des Voirons, en Savoie, ainsi que ceux de Pierra-Portay,
dans le canton de Yaud, me paraissent se rattacher, par le
Rhône et le Léman, aux rives de la Méditerranée et aux
88 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
premières popolations qui pénétrèrent en Europe par le
midi.
Il est un point facile à déterminer. D'où venaient ces
premières populations du midi, dont nous suivons les sé-
pultures jusques sur les bords de la mer Noire dans la
direction du Caucase? Ici, deux nouvelles routes, dont les
jalons sont toujours les tombeaux primitifs, s'ouvrent de-
vant nous. L'une, par le nord de la mer Caspienne se
dirige vers les monts Ourals et nous conduit de nouveau
dans la Haute-Asie. L'autre, par l'Âsie-Mineure disparaît
dans la Perse et se montre de nouveau dans les Indes, où
elle rencontre la mer pour limite. Laquelle de ces deux
voies fut suivie par les premiers émigrants ? Je l'ignore.
Je ne doute pas qu'une connaissance plus approfondie de
l'orient n'indiquât de nouvelles voies. Peut-être les ver-
rions-nous converger vers un point central, berceau de
l'humanité. Bien d'autres questions encore nous reporte-
ront vers cet Orient, vaste labyrinthe où l'on se perd faute
d'un Ql conducteur. Si ces immenses contrées ont un jour
leurs explorateurs, elles permettront sans doute de voir
nettement là où nous distinguons à peine au milieu de
Tobscurité.
Je tiens à rappeler encore un fait. C'est que plusieurs
Etats du nord de lAmérique possèdent des tumuli tout
pareils à ceux de la Scandinavie, avec salles et instruments
en pierre, sans trace de métal.
Lorsque nous aurons vu. dans les périodes suivantes,
coipbien les modes de sépultures diffèrent de celui que
nous avons examiné jusqu'à présent, on pourra mieux
apprécier la valeur des faits analogues sur lesquels nous
insistons. Afin de bien préciser ces tumuli primitifs, nous
A6B DB LA PIKHRE. 89
rappellerons qu'en Orient, sur les bords du Jenissei et
dans les Indes, ils renferment des objets en métal ; tandis
qu'en Europe et dans le nord de l'Amérique, ils ne con-
tiennent que des instruments en os et en pierre '. Peut-être
que des recherches moins superficielles en Asie montre-
raient qu'il fut aussi un âge où l'art des mines était in-
connu; cependant, je ne sais rien jusqu'à présent qui
puisse justifier cette supposition. Je crois, du reste, avoir
expliqué suffisamment comment cette connaissance dut se
perdre par la vie nomade des premiers émigrants dans
des contrées inexplorées.
Il nous parait donc ressortir clairement, de tout ce qui
précède, que les bords des grandes eaux furent les voies
suivies par les premières populations qui pénétrèrent en
Europe, les unes par le midi en suivant les côtes de la mer
Noire et de la Méditerranée ; les autres par le nord, le long
de la Baltique et de l'Océan. — D'autre part, le nord de
l'Amérique parait avoir également son point de départ
dans le nord de l'Asie par le détroit de Behring.
Dans toutes les localités où l'on retrouve dans les tumuli
les salles sépulcrales, on est frappé de la grandeur des
matériaux employés. Il n'est pas rare de mesurer des
dalles de 15 pieds de long sur 12 de large, et 2 à â d'é-
paisseur. La couverte d'une galerie souterraine, près de
Bonyon, en France, n'avait pas moins de 26 pieds de long.
L'élévation des collines, qui parfois dépasse 100 pieds, les
dimensions des piliers disposés en cercle à la base, sur
les flancs ou sur le sommet du tumulus, dominé par un
autel gigantesque, rappellent un âge d'enfance, où la gran-
* Nous verrons plus tard que les exceptions appartiennent à l'âge de tran-
sition.
90 MONUMBNTS DE l'aNTIQUITÉ.
deur consiste dans la force du bras. Nous avons vu que
la construction intérieure du tumulus est assez variée.
Les salles, plus ou moins spacieuses, sont carrées, ovales
ou rondes, recouvertes de grandes plaques ou d'une es-
péce de dôme. Parfois un tumulus n'en renferme qu'une
seule, d'autrefois il en contient jusqu'à douze. Ces variétés
ne permettent cependant pas de distinguer des popula-
tions différentes, car elles se retrouvent dans chaque pays,
souvent rapprochées les unes des autres. Peut être sont-
elles le résultat d'époques diverses durant le premier âge,
tout comme elles peuvent répondre au rang différent
qu'occupait le défunt ou sa famille au milieu de ces peu-
plades. On en peut dire autant des piliers plus on moins
nombreux autour de la colline. Nous en verrons plus tard
la signibcation religieuse. Quant aux autels qui dominent
parfois les tumuli, nous ne pouvons douter, d'après les
usages rapportés par Hérodote, qu'ils n'aient servi à des
sacrifices à la mémoire du défunt.
Une autre variété consiste dans la formation des collines
au moyen de la terre ou des cailloux roulés. On ne peut
l'attribuer à la nature du sol sur lequel on élevait ces mo-
numents. Les cairns me paraissent avoir été destinés aux
plus grands personnages. Souvent les collines en terre se
groupent alentour. Ainsi en Irlande, près de lligo, 60 col-
lines entourent un cairn qui a l'air de les dominer. Les
pyramides d'Egypte, ainsi que les tombeaux étrusques
construits en maçonnerie, sont les cairns des peuples civi-
lisés.
Un fait commun à tous ces tombeaux, est celui des ga-
leries dont l'issue à l'extérieur est toujours soigneusement
dissimulée. Le but évident de ces galeries était de pouvoir
AGE DC LA PIBMC. 91
pénétrer de nouveau sans trop de difBculiés dans les salles
sépulcrales. On trouve en effet dans celles ci des sque-
lettes d*hommes, de femmes et d'enfants. Ils ne sont ce-
pendant pas assez nombreux pour être ceux d'une tribu
entière. Us doivent avoir appartenu à la même famille.
Quelquefois, la salle étant pleine, les morts furent déposés
jusque dans la galerie. Ces tombeaux étaient donc des tom-
beaux de famille, et ils nous révèlent ceci d'important,
c'est que plusieurs de ces peuplades s'établirent dans des
contrées de leur choix , et que plusieurs renoncèrent de
bonne heure à la vie nomade, qui ne permet pas d*élever
des tombeaux de familles.
Nous avons constaté, dans la plupart des tombeaux
primitifs, l'attitude étrange donnée aux morts en les dé-
posant dans la tombe. Le long des parois des salles sé-
pulcrales, nous avons vu que les membres ont été re-
ployés de telle sorte que les jambes sont retombées, les
genoux en avant, par-dessus les avant-bras, tandis que la
colonne vertébrale et les cAtes se sont affaissées sur elles-
mêmes. Les antiquaires anglais disent que les jambes sont
reployées sur la poitrine. — Des cercueils cubiques en
pierre, comme ceux de PierraPortay, dans le canton de
Va*jd ; d Irlande, du pays de Galles et d'Axevalla, en
Suéde, n'ayant environ que deux pieds carrés de vide,
contenaient des squelettes d'hommes et de femmes, en-
tiers mais reployés. En outre, Diodore de Sicile rapporte
que les Troglodytes , peuple pasteur d'Ethiopie , pas-
saient la tête de leurs morts entre les jambes, et les liaient
dans celte posture avec des branches d'aubépine, qu'en-
suite ils leur jetaient des pierres en riant jusqu'à ce qu'ils
92 MONUMENTS DE L*ANTlQtlTÉ.
en fussent entièrement couverts *. (Nous devons expliquer
en passant que ces rires dans la sépulture, communs à
plusieurs peuples de l'antiquité, étaient l'expression de
leur foi. Ils pleuraient à la naissance des enfants, en pen-
sant aux maux qui les attendaient dans ce monde: ils se
réjouissaient à leur mort, parce qu'ils envisageaient la
tombe comme le terme de leurs souffrances et le commen-
cement d'une vie meilleure.) Enfin, on rapporte que les
Guanches, anciens habitants des îles Canaries, donnent la
même position à leurs morts.
Cette attitude ne peut provenir d'un simple caprice. On
a voulu y voir l'attitude du repos, la position assise;
mais un vide de deux pieds carrés ne permet pas de répon-
dre à ce but. On a dit aussi que c'était afin de pouvoir
réunir un plus grand nombre de cercueils dans un es-
pace resserré, mais comment expliquer cette position lors-
que deux ou trois morts occupent seuls une salle spa-
cieuse? — Un fait de même nature, propre à un autre
pays et à un autre âge, nous permettra de donner une
explication qui me parait plus satisfaisante. J'examinais
un jour différents objets que notre compatriote, M. le D^*
Tscbudi de Claris a rapportés du Pérou. De ce nombre,
étaient quelques momies qu'il avait lui-même découvertes.
Grande fut ma surprise de retrouver la même attitude,
et beaucoup plus nettement dessinée. Les corps, dessé-
* Lib. IV, chap. 3, édition de Lyon, 1599.
Génie du christianUme, liv. VI, chap. i. Idées sur une autre vie. • Les
mères, chez certains Indiens, sont asseï insensées pour épancher leur lait
sur un tombeau, et elles donnent à l'homme, dans la sépulture, la même
attitude qu'il avait dans le sein maternel. •
Hérodote, liv. IV, chap. 190. D'entre les Libyens nomades, les Nasamons
enterrent leurF morts assis.
AGE DE LA PIERRE. 93
chés dans le sable, étaient encore recoQ?erts de la peau
et d'une partie des vêtements. Les jambes étaient re-
ployées sur la poitrine, et les mains ramenées entre les
genoux et le menton , ou croisées sur les jambes. Sur
quelques momies on voyait encore les cordes dont on
avait fait usage pour maintenir les morts dans cette posi-
tion. Ha surprise s'accrut encore quand j'aperçus la mo-
mie d'un perroquet * provenant aussi de ces tombeaux
péruviens. Au lieu d'être étendu comme les oiseaux dans
les tombeaux égyptiens, il avait les pattes reployées sur
le thorax, et la tête ramenée vers l'aile gauche. Cette po-
sition était évidemment celle du petit oiseau dans la co-
quille. D'autre part l'attitude donnée à ces momies, n'était
autre que celle du fœtus dans le sein de sa mère. Le
même fait reproduit en des lieux si divers devait avoir
une même signification. Maintenant, si nous consultons
les mythologies des anciens peuples, nous voyons que la
terre est généralement envisagée comme la mère univer-
* Le missionnaire La Croix se trouvant un jour au bord du fleuve sacré
(Le Gange), son attention fut attirée par un homme qui, après avoir fait ses
ablutions, s'occupa à plonger deux perroquets dans l'eau. — Quel but vous
proposez- vous , lui demanda notre missionnaire, en forçant ces oiseaux à
prendre un bain qui leur répugne si fort ? — Celui de leur faire du bien,
répondit l'Hindou. — Et quel bien, je vous prie? — Si, en me plongeant
dans cette rivière, je contribue à assurer le salut de mon &me, comment
cela ne ferait-il pas aussi du bien à ces pauvres bétes? Le corps de ces oi-
seaux est sans doute habité par une âme humaine, condamnée par les dieux
à y vivre à cause des péchés qu'elle a commis dans une existence antérieure;
n'ont-ils pas besoin dès lors d'être purifiés pour échapper le plus tôt possible
à la servitude à laquelle ils ont été assujettis? Or, pourrait-il y avoir dans ce
but quelque chose de plus avantageux que le bain que je leur fais prendre.
( Les Missions évangéliques au XIX^ siècle. — Neuchâlel , 1864 , février ,
pag. 35.)
9^ MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
selle du genre humain. Ce que nous connaissons de la foi
des plus anciens habitants de la Gaule, de la Germanie et
de la Scandinavie, nous apprend qu'ils croyaient à une
vie à venir. Après leur mort les Péruviens allaient rejoin-
dre l'invisible Pachacamac, les Incas, leurs rois retour-
naient auprès du soleil leur père '. — L'homme, à sa mort,
au moment de rentrer dans le sein de la mère du genre
humain, recevait l'attitude de l'embryon, comme devant
renaître pour une vie nouvelle. Cette attitude me parait
donc être le symbole de la foi à une vie à venir, à une
naissance nouvelle, je dirai même à une résurrection des
corps. Cette dernière idée paraîtra peut-être moins hasar-
dée, si l'on se rappelle que plusieurs peuples sauvages
de l'Amérique, entièrement étrangers à la religion révé-
lée, croient à la résurrection des corps. Il n'est pas sans
intérêt de rapprocher de cette explication le passage d'un
auteur ancien * d'après lequel, Cécrops, qui vivait environ
1500 ans avant l'ère chrétienne \ ordonna à ses sujets de
* Voir entr'autres d'Orbigny, Voyage dans F Amérique méridionale Partie
historique. Les Péruviens savaient marteler le métal. Dans les tombeaux, les
vases contenaient des boissons, des sacs d'étoffe, du maïs. Les Incas allaient
près de leur père le soleil; leurs vassaux les y servaient. D'autres peuptet
retrouvaient la chasse dans un autre, monde. Le ciel est la reproduction des
goûts de chaque peuple. Les Quichas avaient Pachacamac, dieu invisible,
créateur de toutes choses, commandant au soleil, ayant la lune pour femme.
Il était adoré sans forme, en plein air. Le soleil avait des temples spacieux et
riches. Des vierges lui étaient consacrées. Les Incas étaient ses prêtres. Oo
lui sacrifiait des fruits et des lamas. — Le mort emporte dans la tombe ses
meilleurs habits, ses armes et des vivres pour faire le voyage.
f * Cicéron, lib. 2, chap. 25, tom. 3, pag. 156, de legib. 11.
' Le Manuel chronologique d'Humbert dit que Cécrops fonda Athènes l'an
1580 avant Jésus-Christ, et le dictionnaire des auteurs classiques dit qu'il con-
duisit une colonie dans l'Attique environ 1586 ans avant Jésus-Christ.
AGE DE LA PIERRE. 9S
déposer leurs morts dans le sein de la mère universelle.
Quant à l'objection qu'on pourrait tirer de l'ignorance
des peuples primitifs relativement à l'anatomie , elle ne
nous arrêtera pas longtemps si nous nous rappelons
leurs sacrifices sanglants, et l'étude que les aruspices
faisaient des entrailles de leurs victimes afin d'en tirer
des présages *.
On peut se faire une idée du genre de vie et du degré
de culture de ces peuplades primitives par les instruments
dont nous avons examiné les formes. Les haches et les
coins eurent des usages divers. Ils servirent également
aux travaux domestiques, à la chasse, aux combats. Il
n'en est pas de même du ciseau, de la gouge, de la scie
et du percet, destinés à tailler le bois. Il est des couteaux
qui ont été des instruments domestiques, tandis que d'au-
tres sont de véritables poignards. Les pointes de flèche,
de javelot, de lance, ne laissent pas de doute sur leur
destination. C'étaient des armes offensives dirigées contre
des hommes ' ou des bêtes féroces. Dans un âge où on
ne portait pas d'armure, la fragilité de ces instruments
n'empêchait pas de porter des coups mortels. L'ancre té-
moigne de la navigation. Les troncs d'arbres creusés et
carbonisés à l'intérieur, trouvés dans des tourbières du
Danemark, étaient les bateaux de ces anciens lacs; et rap-
pellent la manière dont quelques peuples sauvages creu-
sent leurs canots au moyen de la pierre et du feu. La dé-
< Voir $ur Vart des Aru9pice$, Greuzer, tom. I,II, liv. V, chap. IV, pag. 467,
note 3.
■ Si l'on pouvait douter des combats entre les hommes, il suffirait de rap-
peler les crânes de la Thuringe dans lesquels étaient enfoncés des coins ou
haches en pierre.
96 MONUMENTS DE L ANTIQUITÉ.
couverte de quelques hameçons ne pernnet pas de douter
que la pêche n'ait été un moyen d'existence.
On comprendra par la suite les raisons qui nous font
renvoyer à une autre partie de notre cours l'étude des
monuments relatifs au culte. Cependant une question se
présente naturellement ici, c'est de savoir quels étaient
les instruments dont les prêtres frappaient les victimes. Tout
ce qu'on a avancé à cet égard de conjectures sans fonde-
ment, m'oblige à user de la plus grande circonspection
Aux yeux de quelques-uns, une pièce semble n'avoir de
valeur qu'en tant qu'elle a été trempée dans le sang
humain, ou tout au moins destinée au culte. Veut-on en
connaître la raison ? on vous fait observer quelque parti-
cularité dans la forme, qui constitue une variété, mais
rien de plus. On a retrouvé quelquefois sous les autels
et dans les enceintes destinées au culte, des couteaux, des
poignards et des haches en pierre; mais rien dans leur
forme ne les distingue des mêmes pièces déposées dans
les tombeaux. En conséquence, nous pensons que la des-
tination seule était distincte, tandis que la forme était
commune. Les âges suivants nous présenteront à cet égard
des renseignements plus satisfaisants.
Lorsque les coins que nous avons examinés sont de
grandes dimensions, quelques antiquaires du nord en font
des pioches destinées à la culture des terres. La conclu-
sion immédiate, qui ressortirait de cette destination, se-
rait la connaissance de l'agriculture de la part des peuples
primitifs. Pour conclure à un tel résultat, il faut un point
de départ plus positif, aussi nous garderons-nous de rien
aflirraer à cet égard. D'entre les instruments arrivés jus
qu'à nous, nous n'en trouvons pas qui répondent à ce but
4GR DE LA PIERRE. 97
d'une manière satisfaisante. Cependant l'absence de ces piè-
ces ne nous permet pas de rejeter d'une manière absolue la
possibilité de ce fait. Dans ces appréciations nous devons
nous entourer de tout ce qui est propre à jeter quelque
lumière, et bien que nous comprenions di£Bcilement la
culture des terres, vu TinsufBsance des ustensiles à nous
connus, nous sommes cependant obligés de reconnaître
qu'ils ont nécessairement possédé des instruments propres
à cet usage. Cette affirmation deviendra évidente pour
chacun, si nous reportons nos regards sur ces coUines
gigantesques élevées au-dessus des salles sépulcrales.
L'absence d'excavation ou de creux sur le sol environnant
montre que la. terre a été apportée de loin ou que le sol
a été nivelé. D'une part,^les instruments nous permettent
de conclure à ce qui a dû être fait avec leur secours, et
nous font aller du moyen au but. J)'autre part, les cons-
tructions nombreuses que nous avons décrites reportent
notre attention sur la nature des r.oyens employés. Nous
disons donc que l'érection de ces collines exigea l'emploi
d'instruments propres à cet usage. La pioche et la pelle
furent indispensables. La pioche put être armée d'un
tranchant en silex. La pelle était sans doute en bois. On
en voit encore de pareilles entre les mains des agriculteurs
de la Suède. L'extrémité de la partie destinée à entrer dans
le sol, est seulement garnie d'une bande en fer. La pioche
et la pelle ne purent cependant suffire, à elles seules, pour
entasser les terres jusqu'à 100 pieds au-dessus du sol. Il fal-
lut, sinon des chariots, du moins des espèces de brancards.
On le voit, les instruments indispensables aux premiers
travaux de l'agriculture ne manquèrent point. — Dans le
midi, Cécrops consacra une partie du moins de ses soins
HÉH. ET DOCUM. XXV. 7
98 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
à la culture de la terre ^ ; dans le nord, l'agriculture fut-
elle introduite aussi anciennement? Le fait n'est pas im-
possible, mais nous ne pouvons cependant l'affirmer.
Ce qui nous reste des populations primitives de l'Eu-
rope ne nous permet pas de porter à leur égard un juge-
ment complet. Elles ont eu des connaissances dont nous
avons peine à nous rendre compte. La dynamique, réduite
à l'état de science, n'a pas encore atteint les résultats ob-
tenus dans les premiers âges. Nous verrons dans la suite
combien les plus grands blocs soulevés de nos jours sont
peu de chose à côté des roches énormes transportées en
ces temps là à de grandes distances, et élevées à plusieurs
pieds au-dessus du sol. Nous ne devrons pas oublier que
malgré nos efforts pour reconstruire le passé, nous ne
saisissons que des lambeaux, dignes d'étude sans doute,
mais mutilés et incomplets; nous avons une partie des
instruments, mais non les œuvres exécutées; nous avons
les monuments de la sépulture, mais non ceux de la vie.
Un trait qui caractérise les populations à leur berceau
c'est la préoccupation de l'utile. Lorsque le sentiment du
beau se réveille et demande à être satisfait, les premières
difficultés ont été vaincues, les conditions de l'existence
se sont adoucies. L'inexpérience préside nécessairement
à de premiers essais. Cependant ils n'en sont pas moins
curieux à constater dans la période qui nous occupe. Dans
ce nombre nous placerons d'abord les colliers d'ambre,
d'os ou de coquillages qu'on retrouve dans quelques tom-
beaux. Les vases, confectionnés tout d'abord dans un
but d'utilité, ne tardent pas à se recouvrir d'ornements en
* Cicéron, tom. III, pag. 158, livre H, chap. 25.
AGE DE LA PIERRE. 99
creux, qui consistent surtout en pointillages ou en lignes
droites brisées, obliques ou parallèles. Les vases décou-
verts dans les contrées de la Saaie présentent un perfec-
tionnement. L'artiste a incrusté dans le creux de la gra-
vure une matière blanchâtre qui ressort sur le fond noir
du vase. Nous avons mentionné les premiers essais de la
gravure sur pierre en Suède S dans le Jutland et le See-
land ', en Allemagne % en France * et en Irlande ^ Ce
sont des dessins pareils à ceux des vases, mais qui, à
Merseburg, représentent aussi des armes. Je n'ai du reste
observé nulle part la reproduction des figures humaines.
Si Ton eût apporté plus d'attention aux découvertes, et
qu'on eût déterminé avec soin chaque ossement, nous pour-
rions sans doute donner une liste plus complète des ani-
maux que l'homme avait réduits à la domesticité. De ce
nombre nous pouvons indiquer la poule *, le cochon, le
chien et le cheval. Je ne trouve dans ces découvertes au-
cune indication de la vache. Il me paraîtrait cependant
étonnant qu'un animal de cette utilité fût resté inconnu.
Nous avons indiqué la présence, en divers lieux, d'ate-
liers ou anciennes fabriques d'instruments en pierre. Ce
fait à lui seul constitue un état de la société qui permet à
l'individu d'embrasser une profession. Dès que les vases
ne furent plus formés à la main, mais au moyen du tour,
* Axevalla.
* Ullerup et Herrstnip.
' Mersburg.
* \\e de Gavreunaz dans le golfe de Morbihan.
' Drogheda.
* Voir pag. 88 a. Trebnilz et Keferstein, pag. 10.
La poule ne se comprend pas avec la vie nomade. Elle ne peut suivre la
marche d'une tribu ; transportée, elle devient inutile.
400 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
cet instrument ne pouvant être la propriété de chacun, Tart
du potier constitua de son côté une nouvelle profession.
Ces faits témoignent, ainsi que les tombeaux de familles,
de populations assises, condition nécessaire à l'exercice des
professions. Et dès que les professions sont établies, il en
résulte nécessairement l'échange, en d'autres termes : le
commerce.
D'après ce qui précède, les premiers habitants de l'Eu-
rope s'avancent au nord et au sud, le long des grandes
eaux, s'établissent sur les bords des mers et des fleuves,
et s'adonnent à la pêche et à la chasse. Ils s'essaient dans
la navigation ; travaillent le bois, l'or et la pierre. Ils sa-
vent détacher des bancs de rochers des blocs immenses,
qu'ils transportent à des distances considérables. Le po-
tier perfectionne son art à l'aide du tour. La fabrication
des instruments devient une profession. L'échange s'établit
et avec lui le commerce. L'art commence à s'exprimer par
des rayures diverses, par l'incrustation et par la gravure
sur pierre. Les autels nous font voir qu'il est des dieux
dont il faut rechercher la faveur ou apaiser la colère par
des offrandes ou des sacrifices. L'exercice de professions
et les tombeaux de familles ne peuvent provenir que de
populations qui ont renoncé à la vie nomade. L'élévation
des monuments et les dimensions des matériaux employés
sont d'un âge où la grandeur consiste dans la force du bras.
Enfin la dépouille mortelle de l'homme, déposé dans le
sein de la mère universelle du genre humain dans l'attitude
de l'embryon, nous paraît révéler la foi à une vie à venir
et même à la résurrection des corps. Tels sont les résul-
tats que l'étude des antiquités permet d'offrir à l'histoire
sur un âge qui semblait n'ouvrir de champ qu'aux conjec-
tures.
AOB DE LA PI BURE. 101
On a pu juger de l'analogie frappante que présenleni
tous ces débris de l'âge primitif, soit en Europe, soit dans
le nord de TAmérique. Conclurons-nous qu'ils provien-
nent du même peuple? Cette identité sera-t-elle suffisante
pour proufer que tons ont puisé au même point et i la
même source? La reproduction de certains faits parait ré-
véler une origine commune, mais il en est d'autres dont
la parité tient à une autre raison. Les habitants du nord
de TEurope et du nord de l'Amérique doivent avoir eu le
même point de départ, l'Asie. Ceux du midi de l'Europe
sont déjà moins faciles à déterminer et ne lardent pas à
subir l'influence de l'Asie mineure et de l'Egypte. Si l'on
connaissait mieux les temps primitifs de l'Egypte, je n'ai
aucun doute qu'on ne trouvât des rapports surprenants
avec le nord. Les pyramides ne sont qu'une modification
des cairns. Parfois les momies sont recouvertes de feuilles
en or, comme les squelettes des tomt)eaux de la Haute- Asie.
Le papyrus, déposé dans le sarcophage, est encore repro-
duit de nos jours, en Russie, par le passe-port des morts.
Le prêtre égyptien, de même que le peuple juif dans cer-
tains usages du culte*, se servait de couteaux eu silex de la
forme de ceux du nord. S'il était possible de faire une
étude complète des commencements des divers peuples
qui se sont répandus sur la terre, on verrait que ce qu'on
prend souvent pour les traits caractéristiques d'un seul
* Jmuc. ch. Y, V. t, S. Les Iraducliont françaitat disent: couteaux treo-
chaoïA au lieu de couteaux de pierre. Il y a Q^'IjC P^S'^H (ebarevolh
lMiriiD)cbarevoih, plunel de 3"^n f- f»*diua, et Uênm, plur. de "^ISf
laptt. filex ( au plur. mpet, roebert). Les Septante ont tradnit pftx*"^
rtr^rmi- ■ >k»te de M. L^uia Monatlier.)
102 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
peuple, ou pour uDe influeDce immédiate, est propre à
toute l'humanité à son berceau. Nous avons dit qu'il est
certains faits qui révèlent l'emprunt à une source com-
mune. Dans ce nombre nous placerons plusieurs particula-
rités relatives à la sépulture: l'attitude de l'embryon, la
forme analogue des salles et les mêmes arrangements des
piliers à l'extérieur du tumulus. Ces usages se répandent
dans des directions diverses, et, selon les circonstances,
survivent plus ou moins longtemps. Mais pour ce qui est
de la forme des instruments, produits de la nécessité, Ta-
nalogie tient à une raison dont l'explication demande
quelques développements.
Des antiquaires ont avancé que l'identité des formes dé-
signe un même peuple ou l'emprunt à une source com-
mune. Il nous suffira de présenter quelques faits pour ré-
futer cette manière de voir. Les pointes de flèches en pierre
de Ja forme d'un triangle ou d'un cœur allongé sont les
mêmes, non-seulement dans les anciens tombeaux de l'Eu-
rope et du nord de l'Amérique, mais encore dans le Japon
et chez les peuples modernes de la nouvelle Zélande. Les
mêmes pièces munies d'une pointe destinée à entrer dans
la hampe, se retrouvent en Europe, dans le Japon et dans
le Mexique. Une forme plus compliquée, échancrée sur les
bords pour donner à la ligature plus de solidité, est com-
mune à la Suède, au Mexique et à la Californie. Les coins
ou haches en pierre sont encore identiques en Europe,
dans le Mexique, dans la terre de Feu et dans les iles de la
mer du Sud.
Il serait facile de multiplier ces rapprochements, mais
ceux-ci suffisent pour prouver que celte analogie de for-
mes chez des peuples si éloignés les uns des autres, soit
AGE DE LA PIERRE. iOo
par l'espace, soit par le temps, ne peut provenir ni d'une
même population, ni d'un emprunta une source commune.
Il n'est pas moins intéressant de rechercher les premiers
essais de l'art chez les peuples de l'antiquité et de les
rapprocher des productions des sauvages. L'idée du beau,
chez les uns et chez les autres, s'exprime par des orne-
ments tout pareils. Au début, on retrouve constamment la
ligne droite ou brisée, les hachures, le pointillage, sur tou-
tes les matières qui se prêtent à ce genre de gravure. Peu
après, la main plus flexible, s'essaie à reproduire des
lignes ondulées et des disques. Les entrelacs viennent plus
tard, et il se passe un temps assez long avant que l'artiste
tente de reproduire la nature animée. Le beau consiste
d'abord dans l'ornementation de détail, et lorsqu'il s'élève
à l'ensemble des formes, aux contours ondulés avec grâce
ou noblesse, le peuple qui l'aura conçu de cette manière
n'est plus un peuple barbare.
Après les faits que nous venons de présenter, nous ne
pouvons expliquer ces rapports que par l'unité de l'esprit
humaiik C'est pour avoir négligé l'étude de l'ensemble
qu'on établit trop souvent entre deux points isolés, déta-
chés du tout, des rapports immédiats de parenté ou d'in-
fluence. Les faits prennent une autre signification quand
on généralise ces recherches et qu'on tend vers le point de
départ. Dès que les peuples, dans leur état d'enfance, in-
dépendamment des lieux et des temps, présentent la même
manière de faire, nous devons reconnaître qu'il y a chez
eux unité d'esprit, communauté d'origine, en un mot: un
seul Adam, une seule espèce.
En jetant un dernier coup d'oeil sur cette période, les
différentes voies parcourues nous reportent toutes dans
404 MONUMENTS DE l'aNTIQUITB.
l'iDiérieur de l'Asie. De là. des familles s'acheminent dans
des directions opposées. Elles conservent du lieu de leur
départ des pratiques religieuses, qui, introduites par
l'homme, doivent être aussi modifiées par les hommes. Les
besoins, à peu près les mêmes, sont satisfaits de la même
manière. Arrivées en des lieux divers, ces familles devien-
nent peuples. Ces peuples s'isolent ou subissent des in-
fluences réciproques qui bâtent leur développement. Ils
grandissent et s'individualisent. Le genre de vie et l'in-
fluence des climats réagissent sur eux. Les races se for-
ment ; les unes dégénèrent ; mais toutes portent l'em-
preinte d'une origine commune.
II
AGE DE TRANSITION
DK LA PREMIÈRE A LA SECONDE PÉRIODE.
Il est des découvertes destinées à agir puissamment sur
l'humanité. L'histoire moderne nous en offre plus d'un
exemple. L'époque à laquelle nous sommes arrivés pré-
sente aussi une grande et importante découverte pour
les anciens peuples de l'Europe, nous voulons parler de
celle du métal. Au lieu de la pierre qui ne pouvait être
travaillée que par la pierre, ils se virent enrichis d'une
matière nouvelle, qui leur permit de se procurer de nou-
veaux instruments, à Faide desquels ils purent faire plus
et mieux, satisfaire à de nouveaux besoins, et se créer un
AGC DK TRANSITION. lOK
nouveau genre de vie. Si Ton se rappelle le temps et la
patience qu*exigeait la fabrication des instruments en
pierre, et combien ils étaient défectueux pour tout travail
un peu considérable, on ne peut douter du prix du métal
qui présenta un tranchant plus vif et moins fragile, dés
qu*on parvint à connaître la trempe et Talliage.
Quant i la manière dont le métal fut introduit, nous
devrons encore laisser parler les faits, seules données que
nous possédions à cet égard. Leur observation nous sera
surtout importante pour apprécier les jugements de la plu-
part des archéologues du nord de TÂIIemagne. Ils affirment
généralement que le bronze, introduit exclusivement par un
nouveau flot de peuples, devint, pour ainsi dire, instantané-
ment d'un usage général. La population primitive, détruite
ou soumise à Tétat d'esclavage, disparaît ou reçoit le mé-
tal. Quelques-uns vont même jusqu'à nier la possibilité
de trouver réunis dans la même tombe la pierre et le
bronze, qui n'auraient ainsi jamais été employés en même
temps, dans le même pays. En un mot, ils tracent une
profonde ligne de démarcation ; ils arrivent à une véri-
table fin de chapitre, comme on en trouve souvent dans les
livres, mais bien rarement dans Thistoire.
Au premier coup d œil, cette opinion n'est cependant
pas sans quelque vraisemblance, car il est en effet uu grand
nombre de tombeaux dans lesquels on ne trouve que la
pierre ou le bronze seulement, mais en examinant de plus
prés, on finit par trouver un âge de transition qui passe
ordinairement inaperçu. Une grande révolution parait
s*être opéré«5 à cette époque, surtout dans le nord de
l'Europe. De nouveaux peuples ont fait invasion. Une lutte
s*engage. Les vaincus sont repoussés dans l'intérieur des
106 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
terres. Plus la scène se remplit et s'agite, plus nous de-
vons chercher à nous entourer de données certaines : dans
ce but, nous allons recueillir des faits dont nous aurons
plus tard à rechercher la signification.
Les mines de la Sibérie, si riches de nos jours, ont été
explorées dès la plus haute antiquité. Les emplacements
de plusieurs, abandonnés très anciennement, sont encore
reconnaissables par les scories répandues sur le sol, et
sont souvent exploités de nouveau. Il n'est pas rare d'y
retrouver les instruments des anciens mineurs. Dans une
de ces mines abandonnées, étaient des coins grossiers et
une espèce de hache en roche serpentineuse, conservés
dans la bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. Em-
ployés à détacher le minerai, ces instruments appartien-
nent à un âge où le métal, encore rare, n'avait pas rem-
placé d'une manière générale la matière première. Ce fait
nous apprend, en outre, que la Sibérie fut l'une des con-
trées d'où l'on tira d'abord le métal *.
M. Niisson a découvert en Scanie, dans le midi de la
Suède, une trentaine de tombes, formées de cercueils en
pierre, déposés dans la terre comme dans un cimetière.
Je ne puis dire si les morts avaient été étendus ou accrou-
pis, mais ce qu'il y a de certain, c'est que les armes étaient
en silex et en os. Un crâne était traversé d'une pointe en
os ', encore attenante, des bracelets en bronze ornaient
les avant-bras de ces mêmes squelettes.
Dans la collection publique de Greifeswald est un coin
* On ne comprendrait pas la présence de ces instruments à une grande
profondeur dans la terre, laissés ou perdus là lors de l'exploration des filons,
sans une destination de cette nature.
* Cette pointe avait été formée d'une pointe d'un bois de cerf.
AGf. DB TRANSITION. 407
en pierre entouré en partie d*une spirale en bronze qoi
avait évidemment servi de ligalare pour le fixer à la hampe.
— En Poméranie, on a quelquefois recueilli dans les
grandes salles de l'âge primitif des restes de fer à côté
d*instruments en pierre '. Le même fait a été observé dans
le dnrhé de Mecklembofirg-Schwerin, où M. le IK Lisch
a aussi retrouvé, à côté de la pierre, quelques rares objets
en cuivre, qui, soumis à Tanalyse chimique, donnent le
cuivre pur sans aucun alliage.
Les environs de Halle et les bords de la Saaie possèdent
plusieurs tombeaux de cet 'âge de transition. Près d'Osen-
darf, à une lieue de Halle, est un terrain sablonneux, dans
lequel on trouve beaucoup de squelettes, la plupart re-
ployés, avec des vases d'argile, des instruments en pierre,
des broches et des spirales en métal '. Sur le mont de
BoUendorf (près de Querfurt, district de Mersburg) les
plus grands tumuli ont reçu plusieurs morts dont les sque
lettes, étendus sur le dos. reposent dans des espèces de
caveaux. Ils étaient accompagnés de vases noirs, rougeâ-
très ou hruns, plus ou moins ornés, de couteaux en silex,
de deux haches en pierre percées, de quelques bagues en
cuivre et d'un bracelet du même métal, entrouvert et orné
de lignes gravées.
Dans un tombeau de Damsiedl * (bailliage de Schraplau.
district de Merseburg) était un grand squelette avec des
* r.Mfiinuniration de M. le profenêeur I.. ffietebrecht, à Stetiin.
* kefenlein «lit d'arf^nt. te fait e«t 4 contUler, tu qoe Tarfent n'a pas
*l* remarque, que je «ache, à celle époque
* O lombean était couvert de dalles lonfuea de S pied», larfet de S. et
épaisae* tle 1 pied. Il éuit formé de plutieurt dalle» baulet de 4 péeda et
foriei de 4 piiucet. Sme Mittk. von Hêlk, t* vol., t« cah.. paf . 116.
108 MONUMENTS DE l'aNTIQUITE.
vases, un beau couteau en silex de 6 pouces de long, une
hache, un coin en pierre verte, et un bracelet en bronze.
Au fond de la tombe reposait la tête d'un petit chien, entre
deux pierres plates.
Un tumulus de Weissenfels, près de Mersebourg, re-
couvrait une salle plus étroite à une extrémité qu'à l'autre.
Vers la partie la moins large, était une espèce d'anticham-
br<^ triangulaire. Ce tombeau contenait des vases d'argile,
un couteau et une pointe de trait en silex, des os de sou-
ris et une épingle en cuivre *.
Sur le chemin de Halle à Dœlau on a ouvert un caveau
long de 7 pieds, large de quatre, dans lequel se trouvaient
des vases dont les lignes en creux étaient remplies de ma-
tière blanche, un couteau en silex et une bouteille en
verre dont la forme était celle d'une petite citrouille *. —
Dans une colline, près de Rossleben, un tombeau de 5
pieds de long sur 2 de large, contenait des ossements, des
tubes brun-foncé en verre en décomposition, et une grande
coquille: la conque de Vénus ou Margaritifera '. — Encore
dans les environs de Halle, sur le versant méridional du
mont de Petersberg, on voit plusieurs tumuli peu élevés.
L'un recouvrait une caisse en dalles, longue de 3 pieds et
demi, large et profonde d'un pied et trois quart seule-
ment. Auprès du squelette reployé, étaient répandus au
delà de 250 petits disques en nacre. La plupart n'avaient
que 3 à 4 lignes de diamètre, et quelques-uns près d'un
pouce. Trois étaient percés d'un trou au milieu, 20 pièces
de nacre, également percées, étaient taillées en forme de
* Dictionnaire de Wagener.
* Keferstein pag. 24.
' Kruse, Deutsch-AH. tom. I, cah. S, pag. 87 et suiv.
AGK DE TRANSITION. 409
deoU, et accompagnées de 30 dents de cochon. Une pe-
tite pierre percée parait avoir servi d*amulette. ainsi que
les pièces précédentes. Enfin, des grains de colliers étaient
formés de lamelles de enivre enroulées en spirale '.
Diaprés le npport de de Caumont, des objets en cuivre
se sont aussi trouvés plus d*une fois avec les instruments
en pierre des anciens tumuli de la France.
Les tombeaux que nous venons d'examiner présentent
l'introduction de quelques matières étrangères à la pre-
mière période ; mais ces débris, en métal ou en verre, se
montrent là comme une exception à la manière de faire
générale. Nous allons voir qu'à mesure que le métal s'in-
troduit, la pierre devient à son tour l'exception, et ne
parait plus que comme la survivance d'anciens usages*.
Dans le midi de la Suède, surtout en Scanie, on trouve
fréquemment avec les armes en bronze, des pointes en
silex Uni' découverte de ce genre faite à deux lieues de
CitfH^ihatjue \ il N a environ trois ans, mérite d être men-
tionnée. La colline recouvrait un cercueil en dalles, long
* Kru««. UtutKk'AU. tom. Il, cab. 6, ptf . 97, pi. III. Bien qu'il n*y ail p<a
4'io«truinenU eo pierre, oi d'arinei, daiu ce tombeau, iJ ne le rallacbe pat
moins 3k\x\ temps priiiiilift par la po«itioo des squelettes, qui est celle de l'eiu-
briun. (Uni ce cercueil de 3 piedi et demi de long, comme ceus de Pierre-â-
Portai Quant à la position donnée par les arcbéolofuea allemands à cet sque-
lelt«4. elle est entièrement d'imafi nation, vu qu'il est imposaible qu'ils aient
retrouve let squelettes dans l'attitude qu'ils leur donnent. Ils ont retrouvé
un amas d'ossements, ils les ont rajustés à plaisir
— Voir la decou%erte d«* MeUen sur le lac de Zuricb, en 1854.
* Voir la décou«erte à'Ehenberg de 1851, publiée en 185idaos le tom. VI'
des yttlh ron lunrh Deut petit» coins en serpentine, une pointe en ot, un
croissant en pierre, avec un couteau et des épingles en bronae, de nombreu-
ses poteries Absence «le fer
* lijn« un chaïup de Hvideyarden, prés de Lyngby
110 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
de 6 pieds sur 2 de large. Dans rîDtérieur se trouvait une
peau de cerf, sur laquelle reposait un drap eu laine qui
enveloppait les os du mort, calcinés par le feu, et les objets
dont on l'avait accompagné. De ce nombre était une épée
en bronze avec un fourreau de cuir, une broche et une
espèce de trousse en cuir, qui conlenait deux couteaux en
bronze, des pincettes du même métal, une pointe en silex,
une queue de lézard, une griffe de faucon et une tête de
souris. On ne peut admettre que ces derniers ossements
aient été déposés là sans qu'il s'y rattachât quelque idée
superstitieuse ^ De nos jours encore, dans le Jura neu-
cbàtelois, on voit parfois des paysans courir dans les
champs pour chercher une souris, qu'il faut saisir vivante.
Après la capture, ils coupent avec les dents la tête de la
souris, qu'ils placent dans un petit sac, et portent suspen-
due sur la poitrine, dans le but de se préserver du rhu-
matisme. L'antiquité et les temps modernes sont pleins de
superstitions qui se reproduisent les mêmes, indépendam-
ment des temps et des lieux.
Un pointe de lance en silex a été trouvée dans les envi-
rons de Stettin, avec un collier en bronze dont le travail
appartient à un âge qui possédait des connaissances mé-
tallurgiques.
Dans le cercle de Salzwedel, entre Thûritz et Zethlingen,
sont plusieurs tumuli, dont l'un, haut de 10 pieds, repo-
* Cette découverte appartient évidemment en plein à la période du bronze,
mais je la mentionne ici comme une preuve de la survivance de la pierre à
un âge où l'usage n'en est plus général. La pierre, et même les haches per-
cées, dit Sortenip, ne sont pas rares en Danemark avec les armes en bronze,
on les trouve même avec le fer, tandis que d'après Nilsson, cela n'a pas lieu
en Scanie.
A6K DE TRANSITION. 144
sait sur un ca?eau long de 7, large de A et haut de A. Une
dalle de granit divisait Tintérieuren deux parties inégales.
Les compartiments contenaient 14 ?ases en argile, dont
trois seulement étaient des nrnes remplies de cendres hu-
maines, au milieu desquelles se trouvaient A anneaux de
cuif re, des plaques et fragments du même métal, une ai-
guille en os longue de A pouces, et un marteau de grès
feuilleté percé d'un trou'.
On a découvert dans la contrée de Mehldorf* avec des
vases des épées, des pointes de lance et des traits en
bronze, des marteaux de grés, des coins, des poignards,
des couteaux et des pointes de lance en silex : quelques-
uns de ces objets sont polis.
Dans plusieurs retranchements en terre, que nous au-
rons à étudier dans la suite, on trouve réunis des instru-
ments en pierre, en bronze et même en fer: Ainsi à GoU-
sen ^ en Lusace, et à Grimsleben* d^ns le duché de Côthen.
En Bohême, près de la ville de Schlan, est un cimetière
de l'âge païen, d'une étendue considérable. Dans une de
ses tombes on trouva plusieurs vases en argile, un coin et
un marteau en pierre, une pointe de trait en métal ', des
os dhommes et d'animaux, et un bois de cerf*.
Non loin de Sûisheim dans le Grand-duché de Baden,
des instruments en pierre accompagnent aussi des armes
en métaP.
« Se têt Mtith. von Halle, t* vol. S* et 4* Câh. ptf . S4i->SS4.
* .»yf l/illA. von Halle, 1* vol. 1' cab. ptf . 149.
* Seue l/M/A. ton Halle. 8* vol. t* cah. paf . ti-tS.
* Keferttein, paf . 4.
' La noijce ne dit pas quel métal.
* Seué Hilth Tun Halle, tom. VI. cmh. I, paf. IM.
^ Comnunication de M. Wilholiiii.
m MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
Ces faits suffisent pour constater dans le nord la fusion
du i^^ âge dans la 2« période. Dans le midi, le manque d'ex-
plorations ne permet pas de saisir tous ces degrés de déve-
loppement, cependant il est curieux de retrouver chez les
anciens Egyptiens des flèches et javelines en bois, armées
de pointes en bronze, avec des traits armés en os ou en si-
lex*. Le même fait se reproduit en Amérique, où les Péru-
viens, après avoir atteint un haut degré de culture, conti-
nuent à déposer dans leurs tombes des marteaux en pierre
au milieu d'objets en métal, d'étoffes et de quipos.
Nous voyons d'après ce qui précède qu'il est un moment
où le métal, rare d'abord, parait à côté des instruments
primitifs, puis ceux-ci deviennent l'exception au milieu
d'objets en bronze.
Introduction du métal.
Une question se présente ici : c'est de savoir de quelle
manière le métal fut introduit. Les anciens habitants de
l'Europe peuvent avoir découvert les moyens de tirer parti
des mines du nord, soit fortuitement, ce qui est le cas de
plus d une grande découverte, soit en cherchant à s'ap-
proprier pour leurs instruments une matière préférable à
l'os et à la pierre. Cependant, à en juger par les faits, il
est plus vraisemblable que l'art des mines leur fut com-
muniqué par de nouvelles familles venues d'Orient. Â
l'époque à laquelle nous sommes arrivés, le passage d'o-
rient à occident ne présente plus les difficultés des pre-
I Egypte ancienne^ par GhainpoIlion-Fi|^ac (Collecl. de V Univers)^ pag. 167.
AGK DK TRANSITION. 413
miers voyages d'exploration. Le loDg des fleuves et des
mers, les voyageurs reDCOOtrent des habitauts dout Thos-
piialité ne peut être mise eu doute» aussi longtemps que
rétranger ne se présente pas en ennemi ou en conquérant.
Les ornements et les armes apportés de Torient durent
frapper ceux qui en ignoraient la matière. Ils s'enquirent
des moyens de se les procurer et tentèrent l'exploitation des
mines. Ce que nous avançons, loin d*étre une pure con-
jecture, ressort des découvertes que nous avons décrites.
Les rares objets en fer trouvés dans les tombeaux primi-
tifs ne peuvent être envisagés que comme une importa-
tion. S*ils étaient un produit de l'occident, nous ne tarde-
rions pas à les retrouver plus nombreux ; mais loin de là,
ils disparaissent entièrement durant plusieurs siècles. La
même observation doit être faite k propos des tubes et de
la petite bouteille en verre dont nous avons parlé, et qu'on
ne peut envisager comme un produit de l'art indigène.
D'autre part, on ne peut mettre en doute que le verre n'ait
été connu en orient à l'âge qui nous occupe, si l'on se
rappelle qu'il se retrouve dans les plus anciens tombeaux
égyptiens. Comme le fer, le verre reste longtemps avant
de reparaître dans le nord de l'Europe, ou il est apporté
de nouveau par le commerce. Cette importation devient
encore plus frappante par la découverte de la coquille
Margaritifera. à Rossieben, et des disques en nacre de
Petersberg. Le coquillage dont on tire les perles se trouve,
il est vrai, dans plusieurs mers; cependant les bancs les
plus riches sont dans la mer des Indes et, dés la plus
haute antiquité, les Orientaux s'en firent un objet de pa-
rure, tandis que nous ne connaissons rien de pareil dans
Tancienne Europe. Quant à la nacre, elle se tire de mol-
mtm. KT »ocni. xit. •
iili MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
lusques, doDt les espèces principales existent surtout sur
les côtes de l'Amérique du Nord, dans la mer des Indes,
dans le golfe Persique et dans la mer Rouge. S'il est dif-
ficile d'indiquer avec précision le point d& départ, il n'en
est pas moins évident que l'importation a eu lieu d'orient
en occident. — Nous avons dit que les indigènes, à la vue
des objets importés, tentèrent l'exploitation des mines.
Sans nous arrêter à la découverte mentionnée d'instru-
ments en pierre dans une ancienne mine de la Sibérie,
nous ferons observer que les objets en cuivre déposés
dans les tombeaux primitifs, dans les salles spacieuses ou
dans les cercueils cubiques, présentent tous les caractères
d'un premier essai de l'art métallurgique. Ce sont des
épingles massives, des anneaux divers ou des spirales.
Le cuivre n'est à peu près employé que pour les orne-
ments. Soumis à Tanalyse chimique, il ne présente aucun
atome d'un alliage artificiel *. Quant aux pièces en bronze
qui purent être importées d'Asie, il est difficile de les dis-
tinguer de celles de l'âge suivant, mais on ne peut attribuer
à l'Orient ces premiers essais, qui, du reste, ne tardent
pas à se perfectionner. Le mineur parait ainsi être resté
en Orient, tandis que l'aventurier apporte le métal en Eu-
rope. Il possède les instruments, mais il ignore les procédés
employés à leur confection. On trouve le minerai du cuivre,
mais il y a encore à découvrir la trempe et l'alliage, seuls
capables de donner le tranchant.
On se demande comment il arrive que le bronze ait été
préféré au fer, métal dont les anciens ont reconnu la su-
périorité pour les instruments tranchants. Cette préémi-
* Du moins d'après les relations que je possède à cet égard.
AGe DK TRANSITION. 4t5
neoce du bronze est ce|>endant un fait constaté dans la
plupart des pays *. On ne peut en révoquer Tauthenticité,
mais il faut en rechercher la raison. Un des premiers obs-
tacles qui dut arrêter dans le travail du fer, est la dira-
culté d^obtenir une intensité de chaleur suffisante pour
faire entrer le minerai en fusion '. La construction des
hauts fourneaux exige des connaissances qui manquaient
sans doute à c«tte époque. La fusion du cuivre ne présente
pas les mêmes difficultés, ce métal dut être exploré le
premier \ D'autre part, les anciens ayant commencé par
mouler les métaux, bien longtemps avant de savoir les
marteler, la préférence devait être donnée au cuivre, qui
se prête parfaitement à ce procédé, même pour des ins-
truments dune très grande ténacité, tandis que le mou-
lage ne peut être appliqué au fer que pour des objets d'un
* Il efl curieux de trouver encore au pied du Caucase un peuple dans des
cirrontUncet pareilles. Du Boit, dam ion Voyage autour du CaueoMe^ tom. Hl,
paf . 16. dit, en parlant du Souanetk (au nord de la Minfrélie, à reti de la
nurr gloire) : • Il parait qu'il renferme des minet de plomb et de cuiTre, qut
If^ Sooanet tavent fondre, tandit qu'ilt tfnorent, dit-on, l'art de traiter It
fer O^ant à Tor, qui de tout tempt a embelli let mytbet de la Colchide, et
q«e I on recueillait alort chet let Souanet, il parait que tout cela n'est qna
pore Action, (^en. Il, 11. le Phiton, c'ett le Pbaae. •
* M. Pache, infénieur des minet, me dit que la ftitioo du fer t'obtieat
antti facilement que celle de cuivre dant let timplet foumeaui placés aa
terre ; mais ce qui ett difficile, c'ett la ftition pour séparer let alliafas sa-
tareb, qui, antti lonftempt qu'ilt rattent unit aa cuivra oa au far, an res-
dent le martelafe impossible. Da U la priorité du moula tar la martalafa al
la priorité du cuivre tur le fer, parce que ce damier ne sa prête pat pour da
petit* iottmmentt et qu'il rette toujours trèt cattant
* On peut objecter que le bronie et la fer étaient connut an Orient, ea
dernier devrait donc avoir été importé en même temps. Malfré l'objeetian,
le fait de la priorité du bronxa en occident n'en subsista pas moins. Dans
lent les cas, ce n'est pas das centres de dvilisation qua partant las mifra-
tient, qu'il ne Ikut pat canfondra avae las ealanias.
116 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉI.
certain volume et nullement pour des lames tranchantes.
Le fer exige le martelage, qui, comme nous le verrons,
est un art plus avancé que celui du mouleur. Bien que le
fer ait été connu très anciennement, il ne fut qu'assez tard
d'un usage général en Europe. Pausanias parle de la
grande difficulté qu'avaient les Grecs à employer ce mé-
tal S et Homère, qui décrit les armes en bronze des Grecs,
mentionne déjà le fer comme une matière d'une très
grande dureté.
Avant que l'usage du cuivre soit devenu général, il a
dû servir à perfectionner la fabrication des instruments
en pierre. Cette idée, repoussée par plusieurs archéo-
logues, prend cependant le caractère de la certitude si l'on
tient compte des faits. Dans le lieu de fabrique d'instru-
ments en pierre, à Golssen se trouvaient déjà plusieurs
instruments en métal. — Â Pragtie, on voit dans les col-
lections du musée national et de M. le baron de Neuberg
des haches en basait et en serpentine qui ont été décou-
vertes avec de petits cylindres de la même matière. En
examinant ces pièces de plus près, il est facile de se con-
vaincre que ces cylindres ont été enlevés des haches qui
les accompagnaient. En les replaçant dans les trous des-
tinés à la hampe, ils présentent la continuation des veines
de la pierre; leur longueur, à moins qu'ils n'aient été
cassés, donne la mesure exacte de l'épaisseur de la hache;
et leur diamètre est un peu moins grand que celui de
* Dans le liv. III, chap. iS, sur la fin, Pauaanias dit que Théodore de Sa-
moa, qai vivait 700 ans avant JésuB-Christ, trouva le premier Tart de fondre
le fer et d'en faire des statues. Tocvnjv rnv IxioSa Bml^pcnj roO Zopioii fttaa
u»9u maifta^ ôç ir^ûroç ^;irf0tt ot^n/Bov cv/m x«i àyôù^iiora &fr* ocùreG
irXào'oc.
AGB DK TlUNSITlon. 117
Touverture. — Dans les collections de Berlin, de Schwerin,
de Copenhague et de Stockholm^ on coDsenre des bâches en
pierre inachevées, percées à moitié, de telle sorte que le
noyau ou cylindre dont nous avons parlé n'est détaché
de la hache que sur les côtés, par* une ligne creuse ou rai-
nure circulaire qui pénétre plus ou moins avant dans la
pierre '. La taille de ces rainures, dont les parois sont d'un
grand poli, n'a pu être faite qu'à l'aide du métal. L'ouver-
ture, parfaitement circulaire, indique l'emploi d'un ins*
trument qui permettait de donner à ce travail plus de
précision qu'avec la main. La manière dont on confectionne
de nos jours certains vases en pierre, m'a donné l'explica-
tion du point qui nous occupe. Non loin de Chiavennaz,
on travaille encore aujourd'hui la pierre ollaire d'après on
procédé dont la simplicité garantit l'antiquité. On fixe à
l'axe d'un tour le bloc qui doit être creusé. Une fois mis
en rotation, il tourne en présence d'une pointe fixe qui
pratique insensiblement une rainure circulaire, l'action de la
pointe est facilitée à Taidede l'eau et d'un sable siliceux. De
même que les lames de nos scieries de marbre, ces pointes
doivent être, non en acier, mais d'un fer doux, qui peut
sans inconvénient être remplacé par le cuivre. Après avoir
obtenu le premier vase, on en fait un second avec le noyau
qui vient d*être détaché, puis un troisième, et ainsi de
suite, autant que la pierre le permet. La description que
Scheuchzer donnait de ce procédé en 1708 répond parfai-
tement à ce qu'il est encore aujourd'hui *. Nous aurons à
* Af«ei ftouvent le noyau Ml caaaé à l'intémttr du Uoa. Catt probftbl*-
ment U raifon qui a oblifé d*alMiiidotia«r U pièce, par la dilBcullè de la fliar
aux àxet (lettinét à lui donner le aHmvemeBt de rotation.
• /linrro AlpéM, tmel^e Seketiikurû, V édition. Londres, ITft. Tab. II.
448 MONUMENTS DE l' ANTIQUITÉ.
ajouter quelques mots sur ce sujet à propos des vases en
pierre oUaire qu'on retrouve dans des tombeaux des pre-
miers siècles de notre ère. Ce qui précède est suffisant
pour montrer comment on a dû percer les haches en pierre,
de manière à détacher du trou les petits cylindres décou-
verts en Bohème. Deux choses étaient donc nécessaires à
la taille des rainures circulaires : le métal et le tour. Le
cuivre, une fois connu, a été employé pour la pointe, qui
de nos jours est en fer doux. Quant au tour, nous ne devons
pas oublier qu'étant déjà connu du potier, il a pu être
facilement utilisé à l'usage que nous venons de lui assi-
gner.
Un fait qui vient à l'appui de notre manière de voir,
c'est qu'on n'a pas encore découvert, que je sache, de
haches en pierre percées dans les tombeaux qui portent
le caractère de la plus haute antiquité, tandis qu'elles se
retrouvent dans l'âge de transition, non-seulement dans
les contrées habitées le plus anciennement, mais encore
dans celles où l'on n'a observé jusqu'à présent aucun tu-
mulus de l'&ge primitif. — Nous avons déjà vu que des
instruments en pierre ont été découverts avec des objets
en métal, en Bohême et dans le grand-duché de Baden.
En parcourant les collections du centre et du midi de
TAIlemagne, il en est peu qui ne possèdent quelqu'un de
ces instruments, mais ces pièces sont essentiellement le
coin ou la hache percée. L'absence des instruments tels
que la scie, le ciseau et même le poignard, indique qu'une
autre matière était employée à leur confection. L'absence
des plus anciens tumuli témoigne d'un autre âge. D'autre
part, la présence de ces haches dans l'intérieur des terres,
loin des grandes eaux, montre qu*à Tâge de transition les
AGK DK TRANSITION U9
populations se soDi accrues et qu'elles ont pénétré dans
des contrées inexplorées jusqu'à ce moment. La suite nous
dira si elles ont recherché d'elles-mêmes un nouveau sol,
ou si elles y furent repoussées à la suite d'une lutte.
Pour constater qu'une contrée a été habitée dès les
temps primitifs, il ne suffli donc point d'y retrouver des
instruments en pierre. Il faut tout d'abord s'assurer s'ils
proviennent de tombeaux pareils à ceux que nous avons
décrits. Ainsi, pour qu'une découverte ait toute sa valeur,
il est indispensable de n'en négliger aucun détail. En vain
aurait-on découvert dans notre canton des haches en pierre
à Bex. à Yevey, à Chexbres, à la Côte, à Agiez, à Yverdon
et à Payerne, on ne pourrait lui donner une place dans la
carte géographique du premier âge, si les tombeaux de
F^ierra-Portay n'étaient venu confirmer la haute antiquité
de ses premiers habitants.
En résumé, une fois que le cuivre fut introduit, il servit
d'abord à quelques ornements et à perfectionner le tra-
vail de la matière première. Lorsque, à l'aide de la trempe
et de Talliage, il reçut plus de dureté, il fut employé pour
les armes. Rare et précieux, il passa d'abord dans la main
du riche et du puissant. Le pauvre garda longtemps la
pierre. Dans quelques localités, loin d'avoir jamais été
entièrement abandonnée durant l'âge païen, elle a même
été encore employée comme arme plusieurs siècles après
notre ère. Au Xl« siècle, à la bataille A'Hastings, elle se
trouvait entre les mains de plusieurs Normands ; et Olaus
Magnus raconte que, de son temps, les Fmnoû se servaient
encore de pierres sphériques, percées d'un trou et fixées
à Textrémité d'une corde, qu'ils lançaient contre les jambes
de Tennemi, de manière à l'envelopper et à déterminer si
120 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
chute. — Il en fut de la découverte du métal comme de la
plupart des grandes découvertes. La vapeur est connue
depuis plusieurs années, et la mer est encore couverte de
vaisseaux voiliers.
Indépendamment de la survivance des anciens usages,
le prêtre conserva longtemps dans sa main la hache et le
couteau en silex. La matière employée dans le culte de-
vient matière sacrée et change difficilement. S'il pouvait y
avoir quelque doute à cet égard, il suffirait de rappeler le
passage d'Hérodote S qui rapporte que de son temps les
personnes chargées des embaumements chez les Egyp-
tiens faisaient une incision sur le flanc du mort avec une
pierre d'Ethiopie tranchante. M. Passalaqua a découvert
en Egypte les instruments employés à l'embaumement.
Déposés au musée de Berlin, on voit dans le nombre un
couteau en silex blond, tout pareil pour la forme et la
matière aux couteaux du nord. — Les Juifs eux-mêmes
employaient aussi le couteau en pierre dans certaines
cérémonies du culte. Il est mentionné dans les versets
2 et 3 du chapitre V de Josué. Les versions françaises
traduisent ordinairement par couteau tranchant; mais l'ex-
pression hébraïque signifie en pierre, et la version des
Septante traduit par couteau en pierre. De nos jours, les
sectes les plus orthodoxes des Juifs se servent encore
pour le même usage du couteau en silex.
Enfin, il se rattache à la matière première des idées
superstitieuses ; on la porte sous ses vêtements et on la
dépose dans la tombe comme une amulette. J*ai trouvé
plus d'une fois le silex à côté d'armes en fer dans des
* Liv. II, chap. S6.
AGE Dt BIIO?iZe. H1
tombeaux postérieurs à rintroduction du christianisme.
Pline raconte dans son histoire naturelle' qu*nn regarde
ragnthe d une seule couleur comme rendant invincibles
(eux qui la portent sur eux. Encore de nos jours I agricul-
teur du nord accorde une valeur médicale à ces débris
des premiers temps.
{> sont là les dernières traces que je retrouve des Ins-
truments qui nous ont occupés jusqu*à présent. Généra-
lement abandonnés dés une haute antiquité, plusieurs
traversèrent cependant les siècles, à Taide du culte et des
>uperstitions.
111
PERIODE DES INSTRUMENTS TRANCHANTS EN BRONZE
Oi: Af.E l>l' BRONZK.
l/introduction du cuivre en Europe n*eut pas lieu à la
même époque dans le midi et dans le nord. Au midi, la
[lèriode de la pierre a été de peu de durée, à en juger par
le petit nombre de tumuli et d'instruments de Tâge pri-
mitif qu'on y rencontre. Lors môme que les recherches
sur ce point sont enrx)re insuffisantes, on peut dire que
ces monuments n'existent pas en groupes nombreux sur
les bords de la Méditerranée, comme sur les rives de
rocéanel de la Baltique; et Ton ne peut admettre, loule-
• Li% WWII. ch«p. «•
iti MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
fois, que le midi ait été moins peuplé que le nord. Les
communications faciles entre l'Europe méridionale et
TÂsie durent permettre une importation assez rapide des
connaissances de TOrient. L'Egypte eut des rapports très
anciens avec la Grèce. Les récits d'Homère, même en fai-
sant la part du poète, nous montrent que les armes en
bronze des Grecs, environ douze siècles avant notre ère,
n'étaient point le produit des premiers essais d'un peuple
dans l'art de travailler les métaux. L'époque reculée à
laquelle pénètre la civilisation dans le midi fait remonter
très haut les monuments de l'âge barbare. — Quant au
nord, si l'on tient compte de l'antiquité de son commerce,
antiquité constatée parla présence, à un âge très reculé,
de l'ambre et de l'étain* en Grèce et en Italie, si l'on me-
sure la durée de la période du bronze limitée par l'intro-
duction du fer, dont nous aurons à rechercher la date plus
tard, on peut fixer à peu près à 1000 ans avant notre ère
le point de départ de la période dont nous allons nous
occuper.
Avant de passera la description des tombeaux de cette
période, il ne sera pas inutile de commencer par prendre
connaissance des formes principales des armes, des ins-
truments et des ornements qui la caractérisent. Nous re-
chercherons aussi les lieux de la fabrication, les procédés
employés à cet effet, et les contrées d'où Ton lin le mé-
tal. Nous verrons qu'avec l'introduction du bronze, et
avant le travail du fer, d'autres métaux et d'autres ma-
tières furent utilisés dans des buts divers. Une statistique
* Ainbr(>, avec les urnes d'Albano. Elain, dans la fabrication du bouclier
d*Achille, dont deux lames étaient en bronze, deux en étain et une en or.
Iliade^ XX. i71. Tx; 5vo /(ôxiia^y 8vo 3 fy3o6i ruTtrizépoio.
AGE DU BRONZE. 423
rapide des tombeaux de cet âge nous permettra de juger
de raccroissemeni de la population et des contrées habi-
tées. D'après les rapport et les dissemblances, nous es-
saierons de tracer les traits communs ou particuliers aux
peuples dont nous allons examiner les débris. Nous ajou-
terons encore qu*au nord des Alpes et des Pyrénées, la
période qui nous occupe s'étend à peu prés jusqu'à Tére
chrétienne \ et parcourt ainsi un espace d'environ mille
ans.
Armes, instruments et ornements de Tàge du
bronxe.
Celi. Une pièce, particulièrement propre à l'âge du
bronze, reproduit par sa forme le coin de silex à tranchant
évasé. Observée d'abord en Angleterre et en France, elle
a reçu le nom de Celi, ou de hache gauloise, c'est-à-dire
le nom du peuple auquel on l'attribuait. Bien qu'elle se
retrouve dans tous les pays de l'Europe et qu'elle ait été
le sujet de dissertations nombreuses, on est encore très
partagé sur son origine et sa destination. Les bords des
dpux faces du ceit sont généralement relevés de manière
^ recouvrir en partie l'extrémité de la hampe fendue à
laquelle on l'assujettissait. En réunissant un certain nom-
bre de ces instruments on peut en suivre tous les degrés
de perfectionnement. Les rebords faisant saillie sont d'a-
bord peu prononcés * ; bientôt ils se dessinent plus forte-
* C«tt« déliiuiutioo est une moyenne, car, dans le* Gaulet, le fer futcooaa
pluf t(>t ; Undit que dans le nord de la Germanie il parait un peu plut lard.
Le% Orniaint de Tacite n'ont pat une arme, ni un initruroent en fer, rien
que l'anoeau de« Cattet
" Il en «M même quelquMHiM qui a'eo ont patda tout et forment le coin,
ainsi une de Bei.
124 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
ment. Le celt se rétrécit aa milieu, pais il présente un
point d'arrêt pour éviter qa'en frappant la fente de la
hampe ne s'agrandisse. Quelquefois un des côtés est muni
d'une oreillette par où passait peut-être un lien. Enfin on
a ménagé une douille à l'extrémité opposée au tranchant,
exactement comme à un fer de lance, aussi fallait-il re-
courber la hampe quand on voulait se servir de cet ins-
trument comme d'une hache. La longueur des celts
mesure de 2 à 8 pouces. Leur tranchant, plus ou moins
arqué, varie de largeur. Ils ont tous été coulés dans des
moules, et il n'est pas rare de les retrouver en grand
nombre avec des masses de cuivre fondu. Un celt décou-
vert dans une tourbière de la Suède porte encore sur son
tranchant l'empreinte de racines fort petites, mélangées à
la matière du moule. Il est rare qu'ils aient été ornés de
dessins. Cependant, un celt des environs à' Athènes et deux
A' Italie ^ portent les mêmes lignes. M. le D^ Eckmann, à
Calmar, en Suède, en possède un sur lequel sont gravées
de fines spirales * ; et dans les musées de Copenhague et
de Schwerin * sont quelques-unes de ces rares pièces
gravées ^. — En Italie, surtout dans la Pouille, on trouve
des celts parfaitement pareils à ceux du nord. — En
France^ et en Angleterre^ il n'est guère de cabinet qui
n'en possède quelqu'exemplaire. — Au musée de Genève
on conserve ceux qui ont été découverts au pied de la
pierre à Nitton, à Collonge, près du fort de l'Ecluse, à
* Antiguarium de Berlin.
* M. Eckmann possède d'autres celts munis d'un trou.
» LUth, Frid. Fr., pi. XIII, 4.
* Dûn. Vùntit, pag. 22; Uitfaden, pag. 54.
* De Caumont, pi. VIII, ûg. 8-9.
AGB DU BRONZB. 12S
ThonoD, el en quelques autres lieux de la Savoie. — Dans
le canlOD de Vaud on a trouvé des celts sous de grands
blocs de granit à Charpigny et à Lamothe ; en terre libre
on dans des tombes, à Bex» à Ollon, à Yvorne, à Ville-
neuve, près de Montreux, de Vevey, de Chardonne, de
Palézieux, du Cbalet à-Gobet et à la Côte *. On les retrouve
en Suisse dans les cantons de Neuchâiel, de Berne *, de
BâU et de Zurich *. — Ils ne sont pas moins nombreux
en Allemagne : à Darmsiadl *, à Frankfort, à Mayenu *
et à Bonn*, sur les bords du Rhin. On les trouve en
divers lieux de la Bavière \ en Autriche prés de Vtemt^*,
en Bohême •, dans la Silésie ••, en Saxe **, dans la Thu*
rifige *\ dans le duché de Cœthen, où 50 ont été décou-
verts ensemble *\ à Magdeburg^*, à Halbersiadt '% dans le
* Muié« de LauMone, coUeeiion Troyon.
* Près de Tkun, voir Zeiiêekrifft um Zurich, cah. II, pi. II. CaUlofve da
mu%ét de Berne, un de Glertue et un de VEmmenthûL
* Mittheiltmgen, poêthm. — A Vf'ttlfing, à 4 lieues de Zurich, était une fon-
derie de ceits.
* 15 celts, dont I avec trou.
* Quelques-uns sont sans trou.
* Ils «ont surtout sans trou.
* l'on Rëtaer Fumé rom Ekimçen^ pi. t, flf . S, 4. Aniipiërium de Mu-
nich.
* J'en ai vu un entre las mains de M. Thomson, de Copenhafue.
* Musée de Prafue, 15, dont 4 avec trou.
** Avec et sans trou.
*' Collections du IK Klemm, à Dresde, et de M. de Prnaker, à Gotsenhajm-
entre Dresde et Letpsif . Près de Stopau, non loin de Halle, tt# étaient dis-
posés en cercle. Kefersiein, paf . tt4.
*• Collection de Halle. — Entre Frihourf et Nebra. on en a trouvé plvaienn
sous une frande pierre.
** Collection du duc-
•« CollecUon de MM. Wiffort et de Wtrder.
Collection de M. lepnitenr Anfwlin.
•ft
126 MONUMENTS DE l' ANTIQUITÉ.
royaume de Hatuntve •, dans les duchés de MecklerUmrg * ,
dans le Brandenburg *, en Poméranie, où 9i celts étaieut
réunis dans le même lieu ^, dans l'île de Rvgen^ et dans
la Poméranie. — Ils sont particulièrement nombreux dans
la riche collection de Copenhague ®. — Les cabinets de
Lund \ de Colmar, de Wùby et de Stockholm en possè-
dent plusieurs. — Un seul a été découvert en Norwège. —
En Russie, malgré le manque d'explorations, on en a
trouvé dans la Courlande • et en Sibérie.
Après cette énumération, il est plus facile d'apprécier
l'opinion des savants qui prétendent que C€tte pièce a
appartenu exclusivement aux populations celtiques. Telle
est la manière de voir de Keferstein et du D^* Schreiber de
Fribourg en Brisgau. Disciples de Pelloutier, les popu-
lations celtiques ont à leurs yeux recouvert toute l'an-
cienne Europe. Le D' Schreiber a publié un travail étendu
sur les pièces qui nous occupent, travail dans lequel il
avance que ces instruments en bronze sont toujours com-
posés de cuivre et d'étain, genre d'alliage propre aux peu-
ples celtiques ^. Cet ouvrage a soulevé des contradictions
^ A Hanovre, avec et sans trou ; à Uueizen, idem. Voir l'ouvrage du baron
d'Estorf.
* Collection de Schwerin et publications du Dr Lisch, passim.
* Beckmann.
* A Plestlin, gouvernement de Stettin, 58 sans trou, 8S avec trou, avec
deux masses de cuivre fondu déposés au musée de Berlin. — Catalogue de
Ledebur. — Dans la collection de Stettin, il en est des deux genres.
* Putbus, collection du prince. — Bergen, collection du rittmeister.
* Worioea, etc.
^ A l'université de Lund» 85, dont 18 sans trou. — A Wisby, un petit uns
trou et un très petit avec trou.
" Necroliwmiea de Kruse, pi. IX, i.
* Die ehemen StreUkeile, von Dr Scbeiber. Freiburg, 1842.
ikU MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
armes. A l'époque où les RomaîDs s'établirent sur les
bords du Rhin, le Germain avait encore des armes en
bronze qu'on retrouve parfois à côté des instruments en
fer du vainqueur. Cette différence dans les matières em-
ployées à la même époque prouve sufiQsamment qu'il faut
chercher ailleurs qu'à Rome, l'atelier des armes du nord.
— Un dernier trait ajoutera encore quelque lumière à ce
sujet. Depuis peu, on a soumis à l'analyse chimique les
anciens bronzes de divers pays. Ceux du nord, avant l'in-
troduction du fer, donnent constamment l'alliage du cui-
vre et de l'étain, tandis que les bronzes romains présen-
tent l'alliage du cuivre et du zinc. Cette différence repose
sur un fait dont nous donnerons la raison plus tard ; pour
le moment, il suffit de la constater, ce simple résultat, à
lui seul, ne permet pas d'envisager, comme un produit ro-
main, l'épée en bronze qu'on découvre au nord des Alpes
et des Pyrénées. — Quant à l'identité de formes que nous
avons mentionnée, nous admettons qu'elle doit provenir
d'une origine commune. Il est trop de particularités d'une
analogie frappante pour que nous puissions les expli-
quer toutes comme un produit de l'unité de l'esprit hu-
main. L'analogie des formes dans la Macédoine, la Grèce,
l'Etrurie , avec celles des pays baignés par la Baltique,
pourrait se rattacher à ces deux voies qui plongent dans
l'orient et dont on a parlé plus haut. Je n'ai pu, pour ce
genre d'épées, comme pour les celts, m'assurer de leur
existence en Asie, mais il parait que c'est encore là qu'il
faut chercher Tidée commune qui pénètre en occident par
des voies diverses, et survit plus ou moins longtemps
dans un pays ou dans un autre, suivant la marche du dé-
veloppement des peuples. Du reste, si l'analogie des for-
AGE DU BRONZE. 14S
mes est frappante, elle n'empêche pas que dans Torne-
menlalion, on ne puisse saisir des trails caractéristiques
€l divers.
Armes et instruments en miniature.
Jusqu'à ce moment, je ne connais en Europe que trois
pays dans lesquels on ait retrouvé des armes et instru-
ments de dimensions si petites qu'on les prendrait pour
^es jouets d'enfants. Ce sont des épées ou des pointes
de traits de 2 à 5 pouces de long, des lances en minia-
ture avec leur hampe en bronze, de petits couteaux, de
formes gracieuses^ munis d'une poignée longue d'un
pouce. Ces petites épées reproduisent dans leurs contours
une partie des variétés que nous avons mentionnées.
Quelques-uns de ces instruments ont été découverts sous
tes couches volcaniques à'Albano, dans le Latium ; les
autres sont du Mecklembourg-Schwérin* et du Danemark,
Dans ces trois contrées on les a trouvés dans des cornes,
mêlées aux cendres humaines. Leur antiquité, constatée en
Italie par la découverte d'Albano, permet de supposer
qu*ils sont aussi fort anciens dans le nord. Rien n'indique
que les tombeaux auxquels ils appartiennent aient été des
sépulcres d'enfants, et pourtant ils ne sont jamais accom-
pagnés de grandes armes. Ils doivent ainsi remonter à
une époque où le guerrier en descendant dans la tombe
ne recevait que le simulacre de ses propres armes. On a
supposé que ces épées en miniature avaient été des dé-
corations, mais, dans ce cas, le défunt n'aurait pas été
privé de sa lance ou de sa bonne épée.
• Liftch, pi. XVl, fig. 1, 2, 7.
mtm. ET DOCUH. UT. !•
146 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
Armes défensives.
Les armes défensives ont été employées très ancienne-
ment dans le midi. Dans le nord, si l'on en excepte I&
bouclier, elles ont été beaucoup plus rares ^ La descrip-
tion de l'armure grecque et romaine ne rentre dans
notre sujet qu'en tant qu'elle nous offre des points da
rapprochement.
Le musée de Lausanne possède des plaques en bronze
arquées et ornées de fines gravures qui proviennent des
tombeaux de Verchiez, entre Aigle et OUon. Ce sont de
véritables brassards, les seuls de ce genre que je con-
naisse, ils rappellent un passage de Xénophon qui dit qua
les Grecs se recouvraient le bras droit de brassards en
cuivre*. Quand nous parlerons des bracelets nous ver-
rons que plusieurs d'entr'eux, par leurs grandes dimen-
sions, ont dû servir au même usage, tout en satisfaisant
le goût de la parure.
Tacite rapporte que le casque était très rare chez les
Germains ^, et Diodore de Sicile raconte que, dans les
combats , les Celtes rejetaient leurs cheveux en arrière
* Tacite dit, Germ. VI. Paucis Loricœ : Vix uni alterive cassis aut Galea.
Des Belges avaient des cuirasses de petites chaînes ou mailles. Polybe, lib.
II, cap. VI.
* De rt eqwstr. pag. 952. On a trouvé ces brassards en Franche-Comté^
mais avec des objets qui doivent leur assigner un ftge postérieur. — Les^
brassards d'Ànetb découverts par M. de Bonstetten sont aussi d'un âge moinft
ancien.
> Germania, VI, VII.
AGB DU BRONZB. 147
comme une crinière de cheval '. Il n'est donc pas éton-
nant de retrouver très rarement cette partie de Tarmure.
A Copenhague, est une seule pièce en bronze, ornée d'une
lamelle en or, qui parait avoir été une mentonnière.
En 1847, le D** Klenim a découvert dans une tourbière
de la Basse Lusace un casque en bronze avec des épées
et des bracelets *. En Grèce on les retrouve déjà dans
les tumuli avec des ossements d'hommes et d'animaux '.
Bien que le bouclier ait rarement été conservé jusqu'à
nos jours, il était cependant d'un usage très général dans
l'antiquité. De forme carré long, ovale ou circulaire, la
plupart du temps d'osier tressé ou d'ais en bois garnis
de cuir \ on le recouvrait de couleurs vives et de signes
magiques destinés à porter la terreur dans les rangs de
l'ennemi '. Chez les Barbares comme chez les Grecs et
les Romains le déshonneur était attaché à la perte du
bouclier sur le champ de bataille et non à celle de l'épée
* Diod. Sicile, liv. V, cap. 20. On sait que le casqiie gaulois est surmonté
de hauts panaches, de cornes d'animaux, de tètes d'oiseaux ou d'autres ani-
maux. — L'usage du moyen ftge, d'inhumer le dernier rejeton d'une fa-
mille noble avec ses armes et le casque en tète, serait-il plus ancien et
serait-ce l'une des raisons de l'extrême rareté de ces découvertes ?
* Lettre du D^ Klemm. Voir Leips. illustrirten Zeitung. Abbildung und
Besnhreibung.
' Communication de M. de Bonstetten.
* Pline, VI, 40.
" Tacite, Germ. VI. « Scuta tantum lectissimis coloribus distinguunt
Scutum reliquisse, pnecipuum flagitium : nec aut sacris adesse, aut consi-
lium inire, ignominioso fas. > Diod. de Sicil. V. Silius Italicus IV. — Le bou-
clier d*Ajax était fait de 7 cuirs de bœuf couverts d'une lame de brome.
Iliade^ H. 222. — Celui d'Achille formé de plusieurs cuirs était fortifié de
deux lames d'airain, de deux lames d'étain , et d'une cinquième en or.
//iarf«,r. 270.
148 MONUMENTS DE L*ANT1QUITÉ.
et des autres armes offensives'. Plutarque* prétend
qu'on voulait montrer par là que la guerre doit être plutôt
un état de défense que d'attaque. Parfois le milieu du bou-
clier était garni d'un umbo^, plaque relevée en bosse ou
munie d'une pointe *, Quelquefois, mais bien plus rare-
ment, le bouclier entier était en bronze. Ces dernières
pièces, qui sont d'un grand prix, ont été retrouvées en
Ecosse; dans le Mecklembourg et en Danemark ils sont
ronds ^ convexes, ornés de disques en relief ou de lignes
serpentantes, et rappellent la description que Tacite donne
de ces armes chez les peuples des bords de la Baltique.
— Dans le mmeum Eiruscum • on trouve la représentation
de boucliers pareils. — On voit aussi à Copenhague des
umbones en bronze, armés d'une pointe et ornés de dou-
bles spirales gravées \
< Pitîscus dit cependant que la perte de l'épée est une honte.
* In Pélop.f tom, I, pag. 278.
" L*umbo fut de bronze, de fer, d'argent ou d'or ; Enéide X, 271. « Va-
stos umbo vomit aureus ignés. »
* Les plus anciens boucliers, par exemple ceux des Etrusques, étaient
suspendus au cou par une courroie; plus tard ils eurent deux anses dans la
concavité par où Ton passait le bras.
" Keferstein, pag. 324 et 199. Hs répondent à la description de Tacite, cap.
43 un.
* Voy. l'esquisse d'une de ces pièces dans Worsaœ Dan. Voneit,
A Copenhagen sont trois boucliers de bronze repoussé. Un parfaitement
rond à 16 ' de diamètre. Les deux autres légèrement ovales, 22 7t ' sur 20 ' .
"* Varro, I, IV. Pellas, I, 33, sur armes défensives et offensives des Gaulois.
Les boucliers gaulois étaient longs et plats ; Tite-Live, décad . IV, Ht.
VIII et Strabon, liv. lY. Ils étaient ornés de figures d'animaux sculptés en
relief et en bronze ; la forme était ovale ou octangulaire, comme on le voit
sur les bas-reliefs découverts dans la cathédrale de Paris. {Mém, de VAcad»
des Inscrip. et Bell. Lelt., tom. Il, fol. 870.)
AGE DU BRONZR. 449
Instruments de musique.
Il nous reste peu de chose des instruments de musique
des Barbares. Il est à présumer qu'ils étaient peu nom-
breux, et quant aux instruments à cordes, ils auront tous
été détruits par l'action des siècles.
On a cependant retrouvé dans les tombeaux de Char-
pig^y» près d'Aigle, et à Darsekau, dans l'ancienne mar-
che, des tubes en bronze d'un à 2 7i pouces de long, qui
paraissent avoir appartenu à des chalumeaux. Cet instru-
ment, très généralement connu dans l'antiquité, se trouve
non-seulement chez les Romains et les Grecs, mais aussi
chez les Egyptiens et chez les anciens Mexicains.
Dans le musée de Prague est un fort petit instrument en
bronze formé de deux branches parallèles qui s'écartent
en arc de cercle dont les extrémités se réunissent. A leur
point de jonction est une languette brisée qui parcourait
l'écartement des branches. Cet instrument se place entre
les lèvres et d'un doigt on fait frémir la languette dont les
vibrations imitent celles d'une corde. On chante un air, en
même temps qu'on fait résonner cet instrument, bien
connu des enfants, qui n'est autre que la guimbarde.
Les peuples du nord employèrent fort anciennement
les cornes pour s'animer au combat. La mythologie de
TEdda parle du cor d'Odin dont le son jetait la terreur
et la consternation dans le cœur de ses ennemis. Le ter-
rible cor d'Ossian n'était pas moins redouté. Un récit de
la vie deCharlemagne dit que, dans un combat, les païens
firent retentir mille cors. On peut juger du prix que les
450 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
anciens peuples attachaient à ces instruments par la dou-
leur qu'éprouvèrent les habitants du canton d'Uri après
la perle de leurs cors, à la bataille de Wilmergen*. —
Deux cors en bronze ont été découverts dans le duché de
Mecklemburg Schwerin*; Tun entouré de gravures pareilles
à celles que nous avons déjà fait observer ; tous deux af-
fectant la forme d'une corne de bœuf. — Une pièce du môme
genre, mais plus grande et plus recourbée, a été trouvée
en Suède*. — Les cors les plus remarquables, appelés
loures par les Danois, sont conservés au nombre de sept^,
dans le musée de Copenhague. Ils ne mesurent pas moins
de 6 pieds, A pouces de long'. Ornés d'anneaux de dis-
tance en distance, et de pendants vers l'embouchure, ils
sont munis à l'autre extrémité d'une plaque circulaire et
bosselée. Ces cors sont recourbés de manière à donner le
tour et reposer sur l'épaule droite de celui qui les em-
bouche; ils sont encore assez conservés pour pouvoir en
tirer des sons qui ne ressemblent pas mal au beugle-
ment du taureau.
Instruments domestiques.
D'entre les instruments de la vie domestique, le couteau
est un de ceux dont l'usage est le plus général. La lame
à un tranchant présente une forme particulière qui, mal-
* Hisi. de la Confédération Suisse par Vulliemin, tom. XHI, pag. 533. Ce
sont deux cornes de bœuf, garnies d'argent, qu'ils disaient un don de Char-
lemagne.
* Lisch, pi. IX, 8.
> Sjoborg, tom III, pi. 28, flg. 83.
* Une de ces pièces a été donnée à l'empereur de Russie et déposée dans
l'arsenal de Tzarskoé-Sélo.
" Le diamètre est de 4' 8". Voir Dànem. Vor%eit, pag. 27.
AGI DU lIROlfZI. 181
gré ses variétés, se ratlacbe au même type dans le Dord et
dans le midi. A partir du manche la lame décrit un léger
arc de cercle, concave sur le tranchant et convexe sur le
dos ; dans le prolongement la courbure est en sens in-
verse, la pointe se relève et se termine à peu prés comme
celle du sabre. Le manche est aussi varié que la poignée
de répée, dont il reproduit souvent la forme. Lies dimen-
sions du couteau sont généralement fort petites, quelque-
fois il est orné de jolies gravures*. Il en est quelques-
uns, ainsi deux trouvés en Sibérie*, dont la lame est légè-
rement arquée en faucille. — Le$ couteaux ont été dé-
couverts en Italie^, en France, en Angleterre, à Genève
au pied de la pierre à Niton \ au Luissel près de Bex ',
dans le canton de Berne*, sur divers points de VAIU^
magne\ en Danemark*, en Suède *et en Russie '*.
On voit à Schwerin^\ à Bergen, dans Tlle de Rûgen, et
« Ainsi celui de Bmasdorf, prêt CôUieo al an de la PcNiille ; ea dernier
porte des doubles spirales pareilles à celles du nord, tea dUneoaiona sont
aaiei frandes.
« L'un Tient de Samtousk, l'aolre d*on tvmalas de TekkiçUt. Un antre
manche en bronae se Iroure dans la eolleeUon Gagarin.
* Albaoo.
* Genève.
* Musée de Lausanne.
* CmUIoç dummêée, pi. IV, flf. 7.
* Fnbourg en Bn»g€u. Coll. Sehreiber.— DmrwuUH.'^Sêm. GroeaenlMi|n
et Hamlb Klemm. pi. 1, I. Leipêkk, BencbtlSM. pi. IV, 7; tStS, pi. I, U.
— Coiken. — ieUen, un couteau avec rimafe dn vaisseau. — IfedUefn^tiff,
Lisrh. \VI. 1, 7. 10, 19.-> Brmuàemhmrg, Bedunann, paf. 41t, pi. IX. Berlin,
collect. d'antiquités. Sii^fie, Wihiav, Bnsebinf , pi. Vil, flf it.
* Dans le musée de Copenhafue.
* A iMtid, pcuis couteauK.
«• Biblioib. impér. et collect. Gnfnrtn, à 8t. PélertbQWf.
Liscb. FrwI. Fran. XVII, it.
«<
mi MONUMENTS DE L*ANTIQUITÉ.
surtout à Copenhague des instruments dont la forme est
celle du tranchet du bourrelier, et qui paraissent avoir
servi à couper le cuir. Des pièces pareilles ont été décou-
vertes en Italie dans les environs de Pœstum, pièces
réellement romaines mais du plus ancien style grec.
Un autre instrument qui, jusqu'à présent, me parail
propre au nord de l'Allemagne^ et à la Scandinavie^
consiste en une lame, dont la forme n'est pas sans quel-
que rapport avec celle du rasoir, ])\en qu'il soit douteux
que sa destination ait été la même. La plupart de ces
lames portent des gravures qui représentent l'ancien
vaisseau des mers du nord.
La faucille est une faux en raccourci dont l'arc de cer-
cle est généralement assez prononcé*. Pline dit que les
Druides se servaient de cet instrument pour couper le gui
.sacré du chêne et, bien qu'il ajoute que cette faucille était
en or, on a longtemps envisagé comme destinées au culte
celles de bronze, qui ont été découvertes en France. On
sait cependant que les Romains s'en servaient dans l'agri-
culture et le grand nombre de celles qu'on a trouvées ces
derniers temps ne permet plus de leur assigner un autre
usage. Plusieurs, des environs de Thonon, sont conser-
vées à Genève. Il y en a deux dans le musée de Lausanne,
qui viennent des monts de Chardonne, On en a retrouvé
dans les cantons de Neuchâtel et de Beme^, et dans la
• « Hanovre yi\\e,Uel%en, d'Eftorf.— J|f«fA/emfrttrgf, Liwh. PI. XVIII, Hg. 5, S.
Berlin collect. d'ant. nat., une vingtaine, dont plusieurs viennent de Dict^
marsen,
■ Odyssée XVIII, 368, faucille saltem curvam.
' Vers Rutienberg près de Bienne, trouvée sous un bloc de granit avec na
vase et les fragments d'une idole de bronze.
AGB DU BRONZB. 4S5
plupart des pays de VAllemagne^. La collection du duc
de Cotten en renferme 50, et celle des antiquités nationales
de Berlin b\. En Danemark* et surtout en Suède^, elles
sont moins nombreuses.
Dans le musée de StuUgard est une belle serpe en bronze,
trouvée dans les environs de Cronstadt, la seule pièce de
ce genre que je connaisse.
Il est une forme particulière de ciseaux, employée encore
chez nous pour tondre les moutons. Les branches tran-
chantes en dedans, tiennent à deux tiges parallèles dont
l'extrémité se réunit en arc de cercle. Une paire de ci-
seaux de ce genre, conservée dans le musée de Copenha-
gue, appartient déjà à l'âge qui nous occupe^.
Nous avons vu ce qu'étaient les ^ae^dans Tâge des ins-
truments en pierre. En Danemark et en Suède^, on en
retrouve en bronze du même genre, arquées, longues de
4 à 6 pouces. D'abord trop épaisses pour pouvoir che-
miner dans le bois, la scie lame s*amincit, mais reste
encore en arc de cercle. Enfin, une scie, trouvée dans un
tumulus de la Sibérie^, présente un perfectionnement;
sa lame droite et longue est dentelée sur ses deux bords\
* Darmstadt 8 — Frankfort sur le Mein^ Mayenee, Berne, — StuUgard 5,
Auggbourg 1, — Bohême^ 8 belles avec marques du moule bien prononcées.
Silésie^ — Dresde, Klemm. — Grosienhayn^ — Leiptick, — Halle ^ — Hal^
berstadt, plusieurs. — Côthen, 50. — Magdebourg, de Werder, — Hanov^e^
5. — Uel%en, — Schwerin, — Brandenburg, — Berlin, 51. Aucune de la gran-
deur de celle de Prague, plusieurs très petites. — Slettin, petites.
* Copenhague, de grandeurs diverses.
" Calmar.
* Une paire de Nœs ôure Romerike, district de Drontheim.
■ Collect. de Tuniv. de Lund. Scie courbe et épaisse.
* Collect. du prince Gagarin.
' Odyssée V, «30.
itik MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
Une pièce de l'antiquarium de Munich, rappelle tout
à fait le ciseau du charpentier. On ne peut douter que le
ceit n'ait souvent été employé au même usage. Deux ont
été trouvés avec leur hampe, dans le Jutland; Tune avait
8 pouces de long S et Tautre seulement 2 pouces et
demi.
Les poinçons paraissent avoir été fort en usage chez les
Scandinaves. On en voit plus d'une centaine à Copenhague*.
Quelques-uns ont une petite poignée en os ou même en
ambre ; tous sont en bronze, à l'exception d*un seul qui
est en or. — Les aiguilles, moins nombreuses, sont per-
cées d'un trou à Tune des extrémités ou sur le milieu de
leur longueur. Elles ne permettent pas de penser qu'on
ait pu exécuter à leur aide des travaux délicats.
Parfois on trouve dans les urnes cinéraires de la Bo-
hême, de la Silésie ', du Hanovre et des bords de la Bal-
tique *, de petites pincettes, longues d'environ 2 pouces,
larges et ornées de gravures. Les paysans portent encore
dans quelques provinces de la Suéde un instrument du
même genre, passé à un cordon qui donne le tour du cou,
et qui sert à retenir sur la poitrine la partie supérieure
du tablier. Le tailleur lie cette pincette vers le genou et
y fixe la pièce d'étoffe qu'il veut coudre.'
On voit dans quelques collections de V Allemagne* des
espèces de perles en argile de la grosseur d'une noix,
* Worsaae Dan, Vor%eU, pa^. 2Î.
* L'université de Lund a des poinçons en bronze.
" Busching, pi. XI, 9, près de Petichkendorf.
* Mecklembourg, Lisch, XIX, 7. Bran4enburg^ Beckmann, pi. XIX. —Lu
bech, Berlin^ 38 pincettes. — Stettin, — Copenhague, Lund,
* Ainsi à Grossenhayn^ en Saxe, et à UeUen.
AGE DU BRONZR 455
trouvées seules dans les tombeaux, c'est-^-dire sans trace
de colliers. — Dans les contrées où Ton se sert encore
du fuseau, le fil passe à travers une pièce pareille, qui a
reçu de là le nom de perle à filer. Longtemps cette expli-
cation m*a paru très insufDsante ; cependant, j'ai flni par
m*y ranger après avoir fait une découverte qui me parait
justifier cette manière de voir Un sarcophage en pierre
contenant un squelette de femme assez bien conservé, au-
près duquel était, pour tout ornement, une seule de ces
perles qui reposait vers la main droite. En examinant cette
pièce de près j'ai vu que son ouverture était usée de
telle sorte que le fil seul peut avoir produit des raies, té-
moins de l'activité de la fileuse \
M. le pasteur Augustin conserve à Halberstadt un ha-
meçon en bronze suspendu à une petite chaîne du même
métal. — On trouve parfois sur les bords des eaux et
dans des tourbières des poids en terre cuite percés d'un
trou, qu'on prétend avoir été destinés à retenir les filets
du pêcheur au fond de l'eau. — Des objets assez pareils
mêlés aux ruines romaines de notre pays, également en
terre cuite, n'étaient que des poids à peser.
Ornements.
Le goût de la parure est inhérent à l'homme. Nous
l'avons remarqué dès Tftge primitif; et quand le métal fut
connu celui-ci fut employé à satisfaire les exigences du
luxe aussi bien que celles de l'utilité. Il est souvent diffi-
cile de distinguer les ornements des hommes de ceux des
' Tombes de Bel-Air.
4S6 MONIJMBMTS DB l'aNTIQUITÉ.
femmes ; anneanx , colliers , bracelets et broches leur
étaient pareillement propres. — On retrouve quelquefois
sur la tête ou dans l'urne cinéraire un anneau simple ou
à torsade, entr'ouvert ou fermé. Les tombeaux de Char-
pigny, près d'Aigle, en renfermaient quelques-uns du
genre le plus simple. D'autrefois les extrémités de l'an-
neau s'élargissent en plaques ornées de gravures ou sur-
montées de voluies élégantes; ou bien des feuilles métal-
liques, cannelées horizontalement, s'élèvent en s'évasant.
On donne généralement à ces divers tours de tète le nom
de diadème ; mais ce n'est pas à dire qu'ils doivent tous
être envisagés comme des insignes de la royauté. Ces or-
nements sont surtout propres au royaume de Hanovre \
aux duchés de Mecklembourg, à la Paméranie *, au Dane-
mark et à la Suède *. — Dans la collection de M. de
Werder, à Magdebourg, sont six cercles concentriques et
à torsade qui paraissent avoir eu le même usage. Dans le
cabinet de M. de Preusker, à Grossenhayn, en Saxe, est
une couronne en bronze de feuilles de laurier détachées
les unes des autres et dont le travail délicat me paraît
accuser Tindustrie d'un peuple étranger à la Germanie.
On conserve à Copenhayiie une lamelle ou bandelette en
or, et à Stetlin un diadème semi circulaire, du même mé-
tal ^, dont l'exécution révèle un grand développement de
Tart. En Russie, les torques ou anneaux tressés, en argent
ou en fils de bronze, se retrouvent souvent.
* (/e/sen, 6 à 7 diadèmes en brome; d'EstoriT.
' Un à Greifeswald.
* Il y en a à Lund avec plaques et volutes.
* Voir Sech» GeflUse, von Giesebrecht, pi. I, flg. 9. Ce diadème a ètè trouvé
dans un de ces vases en bronze.
AQK DU BRONZK. 457
Des Joignes en bronze d un âge reculé affectent déjà nos
formes les plus communes. L'un, des environs de Greifes-
HHtId, était séparé du crâne par une spirale en bronze en
tire-bouchon, dans laquelle avaient passé les cheveux '.
Un autre a été trouvé à Cbarpigny.
Les épingles, destinées à la chevelure ou aux vêtements,
varient beaucoup de forme et de longueur. Longues de 4 à
15 pouces, elles se terminent par une tête ronde ou apla-
tie, gravée ou incrustée d*une lamelle en or. La tétc est
quelquefois remplacée par un disque à jour en forme de
roue, ou par une plaque très mince, circulaire, ovale, en
losange ou découpée. D'autres fois la tige de Tépingle
s'enroule de manière à former quatre spirales. — Des
épingles de formes très originales ont été trouvées dans
le canton de Vaud , à Vcrchiez, à Bex et à Charpigny.
Les épingles se trouvent partout*, mais sont particulié
rement nombreuses et variées dans le musée de Copen^
hagne *.
Le coHier le plus usité durant celle période et porté
essentiellement par les hommes de guerre, était un cercle
de métal d*une seule pièce et parfois d*une assez grande
pesanteur. Tite-Live nous apprend que Manlius reçut le
surnom de Torqualus, pour avoir enlevé le collier d*un
Gaulois géant, qu*il avait tué en combat singulier. Les
* On «oit à Copenbafue quelques |)4'ignet en brome de U même forme.
* l}ûrmU4îdl. ~ SlMlIçardt, forme de roue. — Humèek. — Bamberg. —
Oreêée — Crwêenkayn. — Uiptkk. Bertcht von ISIS, pi. I, flf. 19.— Halk.
Deuuch. Alierth.,lom. Ml.cah. I et 4, pi. II.— Ue^êlm, d'EttoHT.— Greifeê"
wèd, «pirale pUte. — Berlin. Catalofue de Ledebur. — Silàie. Slabelwiti
(Ettichinf p!. Vil. S. — Polfreu, VU, t. — Gtméwt. — Beme. Musée, ca-
taiof. Tkoune.
* CsfeiiAAfM. — SlMàAotei.
4S8 MONUMBNTS DE l'aNTIQUItA.
colliers appelés torques, étaient chez les Romains la ré-
compense et le signe de la valeur. Les exploits du triban
militaire Sidnius Dentatus furent récompensés par 83
colliers d'or et 60 bracelets *. — Si les usages des bar-
bares avaient été mieux connus nous pourrions voir des
diversités de destination là où nous ne voyons que des
différences de Torme. Ces colliers sont ordinairement
ronds, entr'ouverts ou Termes, ornés de rayures ou de
torsades. Une statue en marbre du musée Capitolin * re-
présente un Gaulois expirant qui porte le collier à tor-
sade qu'on retrouve souvent dans les tombeaux. Les col-
lection de Hanovre, de Halle, de Slettin, de Copenhague,
de Stockholm et de Norwège, renferment des colliers des-
quels il se détache sur leur largeur quatre feuilles ou
lamelles de bronze, contournées et ondulées de manière à
reproduire à peu près les plis d'une fraise. Â Copenhague
et à Lund, sont aussi des colliers en bronze à trois rangs qui
retombaient sur la poitrine '. — On a retrouvé dans quel-
* Il reçut en outre, durant ses 40 hrs de service, 14 couronnes civiques, 8
murales, 8 couronnes d'or, 18 lances et 23 chevaux avec leurs harnais; il fut
assassiné l'an 405 avant Jésus-Christ. Val. Max. 111, 2. Silius Italicus dit:
Colla viri fuWo radiabant lactaa orquo,
Auto virgit» veales, maniccque rifebant.
Ex auro, et simili vibnJ>at crista métallo.
Comparez Genèse XLI. 42. Alors Pharaon ôta son anneau de sa main et le
mit à celle de Joseph, et le flt vêtir d'habits de fln lin, et lui mit un collier
d'or au cou.
* Ollfr. MuUer, Denkm. der AU. Kunst, i Band, 2 Heft, pi. XLVIll, 217.
* Colliers en bronze à Siruheim. — Damutadty 2 grands unis, torsade. —
Bonn, torsades et ronds. — Mayence, ronds et unis. — Heste rhénane,
gravés, torsades. — Stuttgardt. — Munich. — Prague^ 10 colliers minces
ou tordus, de Hinetz. — Silésie^ Busching. — Dresde, torsades, Klemm
Handbueh. — Leip%ick. — HaUe, colliers à torsades et à fraise. — Cëthen. —
Magdebimrg, de Werder. ~ Halbentadt. — Hanovre ville, à fraise. — Uel-
A6B DU BRONZE. 159
qaes localités les colliers en or dont parlent les auteurs
anciens '. L*un, de Saint- Gérand-^e-Vatix, dans le Bour-
bonnais, d'une valeur d'environ 1000 fr., est composé
d*un cercle ouvert dont les extrémités se terminent par
des boutons concaves '. — Les musées du nord possèdent
dans ce genre de grandes richesses, mais la plupart de
ces pièces me paraissent d*une époque un peu postérieure.
— Nous mentionnerons encore des plaques en or très
minces, de la forme d*un croissant, qui ne sont pas sans
quelques rapports avec les hausse-cols des ofDciers. Les
gravures dont elles sont ornées sont tout à fait de l'âge
du bronze. Trois ont été découvertes en France ' sur la
presqu*{le de Cotentin, et plusieurs autres en Irlande *.
— Strabon' dit que les Bretons portaient des colliers
d'ivoire (sans doute d'os).
Des colliers plus portatifs, mais plus rares à cette épo-
que, consistaient en perles ou grains d'ambre *, de verre
de toutes couleurs, d'émaux et de terre cuite, passés à un
MM, rajfét et tortades. — Hambaurç, fraf menU de tonadei. — Sckwerm, —
Sieittn, à fraite. — Copenhague, de tout fenret. — Limd, idem. — Calmar.
colliert ttmples. — Stockholm. — Sirabon III, dit que les Etpcjnol» portaieat
4et colliert de fer.
• Pline XXXfll, I.
* Trouvé! a«ec 150 médaillet en or ayant sur ravert la tète d'Apollon, et
%mr le revert un char attelé de deui chevaui que dirife an eoelier. Amnale$
arrk. de Didron, l** toI., paf. 87.
* Court de de Caumont, pi. X, flf. 4 ; X, I.
* Quelque»- unt ton! tout unit ou peu omet. Ut ne pètent fuère que deux
encei chacun. L'EncyelopéSe, tom. Il, paf. llt-ltl, dit que quelques tor-
qnet lont Urget comme det hautse-colt. On a retrouvé quelques chaînes ea
bronie pour colliert, ainti h Gempnach, prés Morat.
• iV. M.
• Oéfttée, XV, 4S7. On Ptiéoieien voulait vendre va bM« eoOier d'or av«c
de benox grains d'amkre.
460 MONUMENTS DE L'ANTIQUITi.
fil de bronze*. La présence de Tambre dans les anciens
tombeaux A'Albano, révèle la haute antiquité des rapports
commerciaux entre le midi et le nord. On attribua de
bonne heure à cette substance des propriétés particulières.
Pline * rapporte qu*on faisait porter aux petits enfants des
colliers d'ambre pour les préserver des charmes et des
sorcelleries. Il ajoute que de son temps les jeunes filles de
l'Italie transpadane en portaient aussi comme préservatif
contre le goitre et les maux de gorge '. Quant aux grains
de verre colorié et d'émaux, ils présentent partout en
Europe une identité surprenante, et, mêlés à ceux qui
proviennent des tombeaux égyptiens, il serait difficile de
les en distinguer. Cette analogie nous indique qu'ils doi-
vent avoir été répandus par le commerce chez les pays du
nord.
L'absence d'un ornement fort en usage plus tard mérite
d'être mentionnée ; je veux parler des boucles d'oreille,
dont aucune à ma connaissance n'a accompagné les objets
qui nous occupent. En revanche les bracelets étaient très
répandus^. Les dames grecques les portaient souvent au-
* On en a trouvé en Montagny, près d'Yverdon, de même à Stetlin, avec
grains d'ambre, de verre el d'émaux à mosaïque. Un 01 de bronze d*Uelten
portail des perles de bronze. — Le D^ Lisch m'écrit que les grains de verre
bleu se retrouvent quelquefois dans le Mtcklemhourg avec les objets de l'âge
de bronze. — De même en Crimée.
« XXXVIl, 3.
' Dans l'anliquarium de Munich est un magnifique collier composé en-
tièrement de perles d'ambre rouge, dont la grosseur va en diminuant à chaque
extrémité du collier. La pièce du milieu, un peu aplatie, est d'une grandeur
étonnante.
* Eurydamas apporte à Pénélope des pendants d'oreille à trois pendeloques,
d'un travail exquis. — Eurymaque lui apporte des bracelets d'or et d'ambre.
Odyssée, XVIII, 290 et laiv.
AGI DU BRONZK. 161
dessus du coude, et quelquefois aussi au-dessus du poi-
gnet. On ne connaît rien de précis à cet égard chez les
barbares, cependant un passage de Dîodore de Sicile semble
indiquer que ces deux manières étaient usitées chez les
Gaulois. En parlant de l'or abondant qu'ils trouvaient dans
les rivières , il dit qu'on l'employait à la parure des fem-
mes et même à celle des hommes. Les Gaulois, ajoute-t-il,
en font non-seulement des anneaux, ou plutôt des cercles
qu'ils portent aux deux bras et aux poignets, mais encore
des colliers entièrement massifs' . La distinction de Diodore
entre les ornements des bras et des poignets paraît faire
allusion à l'usage adopté dans le midi. — Nous ne pou-
vons dire si, de même que chez les Romains, le bracelet
fut aussi une récompense de la valeur, vu le manque de
renseignements à cet égard*. Les bracelets, de beaucoup
les plus nombreux, sont en bronze. Leurs formes n'offrent
pas moins de variétés que celles des colliers. Ils sont ronds
ou ovales, unis ou gravés, fermés ou entr'ouverts, avec
ou sans boutons aux extrémités. Parfois c'était une feuille
ou bandelette qui donnait le tour du bras. D'autres fois,
la pièce plus massive est concave à l'intérieur et convexe
en dehors. La plupart sont coulés. Quelques-uns ont été
évidés à l'aide d'un noyau en argile ou fourrés d'une ma-
tière étrangère à l'enveloppe. Ce sont aussi de simples
joncs ou des fils métalliques plus ou moins épais, dont les
extrémités sont quelquefois nouées. Il en est à torsade»
et d'autres perlés comme les grains d'un collier. C'est
' Uv. V. paf . Ul, m. TradiicUon de Tabbé TerrasMa.
* On voit de cet braceleU enir'oavertf reprétentét sur U poitrÙM de •!»-
UMt ea marbre de ceaUinoot à Boaa el à Mayenee. Dans les deraien aie •
clea paieat, lea cbeCi porUieat doac dea bracaiata aa or.
Bta. rr aocoa iiy. H
462 MONUMBNTS DE l'aNTIQUITÊ.
surtout sur le bracelet que le graveur a déployé toutes les
ressources de sou art. Hachures, cbevrous, lignes obli-
ques, perpeudiculaires ou parallèles, disques, cercles con-
centriques et pointillages, ont souvent été disposés avec
goût '. Une forme particulière de bracelets reproduit l'en-
roulement d'un serpent autour du bras. La tète du rep-
tile, fréquemment indiquée chez les Grecs, Test plus ra-
rement dans le nord. Les tombeaux de Charpigny ren-
fermaient un de ces anneaux en spirale, encore attenant à
l'avant-bras du squelette. Ils ne sont pas rares en France
et en Allemagne. On les retrouve même dans les tombeaux
de la Sibérie, en or massif et d'une grandeur étonnante.
Ce genre de bracelet a eu des destinations diverses. Ils
* Genève. — Marges. — Charpigny — Bex. — EduiUent, Montagny près
Yverdon. — Trey près Payerne. — Musée de Lausanne. — Agie*. — Gemp-
nœk près Morat, bracelets en bronze avec d'autres de verre. — Berne, cata-
logue du musée. — Zurich. — Fribourg en Brisgau. — Hrilbronn (Wurtem-
berg), perlé. — Sinsheim, tire-bouchons ronds, unis. — Darmstadi^ 92 petits
sans raie, fermés ou entr'ouverts ; S à torsade avec S fils, 2 à tire-bouchon,
il unis comme à Bonn. — Francfort. — Mayence, tire-bouchons, perlés, con-
caves à raies droites, ronds et sans ornement, comme ceux de Sinsheim, de
Trey et des Cafres en Afrique. — Heste-Rhènane, beaux rayés. — Stuttgard,
perlés. — Augtbourg, Fund von Ehingen. — Munich, antiquarium, à tire-
bouchons, gravés, très variés. — Bamberg, petits, rayés. — Prague, une
vingtaine. — Silétie, Biisching, XI, 2, 8. Dresde, Klemm.— Grossenhayn. —
Leipûck. — Halle. — Coihen, belles rayures. — Magdebourg, de Werder.
— Halbersiadl^ tire-bouchons et autren. — Hanovre, idem. Uel%en, idem.
Schwerin, idem. — Hambourg. — BerUn, bombés, rayés et autres. Stettin,
tire-bouchons et autres, Putbus.
Copenhague, de tous genres.
Lund, 2 lire-bouchons.
Stockholm, Upsal.
Caucase.
France, collection de la More, département de la Drdme.
/{natte, Uikuanie, torsades.
AGE DU BROmt. 463
serraient d'ornements, mais aussi d*armQres on de bras-
sards pour protéger l*a?ant-bras contre les coups de l'en-
nemi. Nous verrons aussi dans la suit^ qu'on en détachait
parfois une partie plus ou moins considérable, suivant la
valeur du métal dont ils étaient composés, et que ces an-
neaux, dont parlent les auteurs anciens, servaient, à la place
de monnaies, pour les échanges et le commerce. — On a
découvert, dans les pays baignés par la mer Baltique',
des bracelets formés d'un fil de bronze d'une épaisseur
d'environ 3 lignes. Le fil métallique a d'abord été roulé en
spirale plate et serrée, d'un diamètre de 3 à 4 pouces,
puis reployé de manière à former un anneau, dans lequel
on peut passer l'avant-bras. Avec le prolongement du fil,
on a fait une seconde spirale pareille à la précédente, en
sorte que la pièce, dans son ensemble, présente l'aspect
de deux disques fixés à un anneau '. Comme les bracelets
précédents, ceux-ci ont aussi rempli le double oflice d'or-
nements et de brassards. Je dois ajouter qu'ils sont tou-
jours en bronze. Il n'est pas sans intérêt de retrouver la
reproduction de quelques-unes de ces formes de bracelets
de l'ancienne Europe chez les Ethiopiens actuels du pays de
Bahr. vers les sources du Nil \ et chez les Cafres ^ de l'in-
* On voit de cm l»receleU à double tpirile dans la eoUecUon dn Louvre et
dant le muiée brilanaiqae.
' A Sckwtrim, — BramJehtmrg, BeekfliaaB. — Btrtm, de Ledebur, pi. II.
>»• 11. ne. — SUttm, trots frauda. — Captmkmqm. - A D^rwMmÙ eal an
de cet bracelets, doot les s|Mrales n'ont qii*«o poneeet dami de diamètre. Las
flb de ces spirales, toujoart élastiques , ont été quaiqnafois travaillés de
telle sorte qa'ils ne peuvent pas céder aa dedaaa, c'esl-è-dira sur le bras
taadi* qu'on peni les repoosser en cône aa debora. C'est aAn de nievi pro-
léfor k bras eontra les conps.
* Cet bracelets sont en far.
* Lenn colliers et aaaeaoi de jaaibe soal aa brooit. drcalairea, a«ai
468 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
quelles soDt suspendues des plaques triangulaires, ornées
de gravures. On a découvert prés de Creil sur l'Oise un
grand cercle d'or en torsade qui parait avoir en la même
destination. Une ceinture en bronze de Stockholm est un
simple anneau à torsade assez grand pour donner le tour
de la taille. On en a trouvé une autre d'or massif en Si--
bérie qui donne six fois le tour du corps et dont les ex-
trémités représentent des têtes de serpenta La plupart
des ceintures ayant été en cuir on comprend qu'elles
n'aient pu parvenir jusqu'à nous. — Chez les anciens
peuples celtiques, une ceinture d'une dimension déter-
minée était déposée chez le magistrat et ceux d'entre
les guerriers qui, en raison de leur embonpoint, ne pou-
vaient l'agrafer, étaient condamnés à payer une amende.
Fibules.
Les fibules répondent, soit par leur forme, soit par
leur destination, à l'ornement connu de nos jours sous le
nom de broche. C'est d'abord une épingle recourbée en
arc de cercle, dont la pointe, élastique ou mobile, décrit
la corde et se fixe à un crochet, après avoir pris l'ampleur
du vêtement. La tige, ainsi reployée, reproduit autant de
figures diverses que l'imagmation de l'artiste en a pu
créer. Ce sont des enroulements variés, des spirales dou-
bles ou simples, des lamelles découpées ou reployées,
munies d'une aiguille*. La longueur des fibules ordinaires
* Déposée dans la collection de Tacadémie des sciences, à Saint-Péters-
bourg.
* Zurich. Mitîheilungen.
Darmttadt. — Stuttgard. — Bohême, brisées, une double spirale mais
AGt DU BKONXt. 469
est d'eD?iron deux pouces. Od les retrouve eo Italie,
dans les tombeaux A*Albano, et dans tous les pays de l'Eu-
rope habités ayant l'ère chrétienne. Le nord a cependant
quelques formes qui lui sont propres et qui se distin-
guent par leurs grandes dimensions. Quelques fibules»
longues de 5 pouces, propres au Danemark, à la Suède,
el au Hanovre, sont composées de deux parties ovales,
convexes et bosselées, réunies par un arc de cercle.
D*autres, non moins volumineuses, ont la forme d'un en-
tonnoir, surmonté d'un bouton, et portent des gravures
de serpents ou dragons, dont les ondulations ont été tra-
cées avec habileté*. — Une fibule en bronze, trouvée en
Silésie, près de SchweidniU, ne mesure pas moins de
AS pouces de longueur, et pèse prés de trois livres'; elle
est composée de deux grands disques en spirale réunis
Tun à l'autre par une plaque ovale et gravée. La grandeur
de cette pièce, placée sur la poitrine, permet de supposer
qu'elle était à la fois ornement et armure.
Débris, symboles.
On découvre souvent divers débris en métal qui ont
été la garniture d*objets dont les formes ne sont pas ar-
MiM éf»iaf W. — Drtade, Klemm. — Gn^uêmkéifn. — Uiptkk, — UaiU^ Kime.
«•I. III, cah t el i, pi. 11. — Hathentadi. — JUagéthourg. --àteekkmkamrf.
— Brûméenbourg, Bcckmann. — Vel%en^ d'CstoriT. — Hanopre, Slettim, flbolê
k éeut frandet »pîralet. — Berlin, lii Ûlrale*. Ledebur. Siliêie, Byscliinf .
tMB. XI. flf. Set II, I.
Lmmd, Stoeàhoim,
* Lmné, t fibulet entonnoirt. Sioekkoim.
' iiMchmf, pi. Il, t.
i78 MONUMENTS DB l'aNTIQUITÉ.
canton de Vaud où Ton ait recueilli des vases de cette
époque. Ils ont été péchés dans le lac, à peu de distance
de Concise, a?ec les deux épées en bronze que nous avons
mentionnées. Des fragments de ces vases, conservés dans
la bibliothèque d'Yverdon, sont d'une argile grossière,
entremêlée de petites pierres, et sans trace d'ornements.
Nous verrons, en parlant du mode d'inhumation, la raison
pour laquelle ces vases sont si rares chez nous, tandis
qu'ils se retrouvent en assez grand nombre dans la plu-
part des autres pays '.
Dans le nord de l'Allemagne *, en Danemark ' et en
Suède*, on en a découvert quelquefois dans le sol, mais
généralement sans que rien indique la présence de tom-
beaux, des vases en bronze et en or d'une forme parti-
culière, qui sont généralement envisagés comme ayant
servi au culte. Peu élevés et arrondis dans la partie infé-
* Dans la Suisse allemande moins rares. Mitth. von Zurich^ passim. — J'ai
retrouvé ces vases à Borm, Heilbronn — Augibourg. — Munich, collection
de la société d'histoire, un à flgure humaine, mais peut-être d'un âf^e pos-
térieur. — Prague. — SUéne, Busching. —Dresde, Klemme, XII. — Groi-
senhayn, très grands. — Leipiiek. — Halle, id. — Cothen, cornes. — Mag-
debourg, Wiggert et de Werder. — Halberstadt , Angusiin.— Hanovre, (ville).
— Uelien. — Hambourg, rayons peu nombreux. — Schwerin, Lisch. — 5«/»-
wedel. — Berlin, de Ledebur. — Grdfenwald. — Stettin, grands. — Pul-
bus. — Copenhague, Sorterup. — Lund. — Stockholm.
* Halberstadt, Augustin, pi. XVII, 1 br. — Magdebourg, de Werder, 1 en
bronze. — Hanovre, bronze. — Uel%en, 3 br. avec une faucille de bronze,
aussi Mecklembourg-Streliti, 5 br. — Darsekau, {Knc. MarCh versSalzwedel)
1 br. avec une faucille, javelot, bracelets, tubes. — Stetlin, 1 br. avec bra-
celet et diadème er. or.
' Musée de Copenhague, armoire 53, 15 vases en bronze, 6 en or de 3 à 4"
de diamètre. 2 en or de 6 à 7 " de diamètre.
* 7 Lund, 3 en bronze, Stockholm.
AGE DU BRONZE. J79
rieure, ils étaient destinés, n'ayant pas de pieds, à être
suspendus. A partir de son plus grand diamètre, le vase
se rétrécit brusquement et se termine par un col bas et
cylindrique surmonté de deux petites anses '. Leurs orne-
ments diffèrent sensiblement du genre de gravure observé
jusqu'à présent, ce ne sont plus les lignes droites ou bri-
sées, mais des serpentages, des espèces d'entrelacs, des
ondulations d'où s'échappent des tètes de dragons, des
torsades, des cercles concentriques, des ornements divers
disposés avec goût. Quelques-uns en relief ont été pro-
duits parle moule, d'autres sont finement gravés^ le plus
petit nombre présente une incrustation d'émail sur le
bronze. Sur les vases en or les ornements sont reproduits
par le bosselage. Au premier coup d'œil on se demande
si le fini du travail n'appartient pas à un autre âge ou à
un art étranger. Quant au premier point, quelques-uns
de ces vases ont élé retrouvés avec des bracelets, des
pointes de javelot et des faucilles en bronze, c'est-à-dire
avec les instruments caractéristiques de cette période.
D'autre part, s'ils provenaient de l'étranger, il serait sur-
prenant qu'on ne les découvrit que dans les pays voisins
de la mer Baltique ; mais il y a plus, on peut se convaincre
qu'ils ont été fabriqués dans le nord, par la découverte
de Tun d'eux en Danemark, pris encore dans le moule
dans lequel il avait été coulé. Le vase et le moule étant
Tun et l'autre endommagés, il parait que l'ouvrier les
avait abandonnés comme une épreuve malheureuse. Quoi-
que rares, le musée de Copenhague en possède 15 en
* En voir les dessins dans la brochure de Giesebrecht et dans l'ouvrage de
d'Estorff.
4 80 MONtMENTS DE L^ANTIQUITÉ.
bronze et 8 en or de 3 à 7 pouces de diamètre. M. le pro-
fessear Giesebrecht, de Stettin, a publié un mémoire sur
six de ces vases, et, d'après les ornements, il cherche à
montrer que les uns étaient employés au culte du feu, et
les autres au culte de Teau * ; mais les points sur lesquels
il s'appuie sont sujets à contestation. Quoiqu'il en soit,
leur forme et leurs ornements diffèrent tellement de la
poterie ordinaire, qu'ils doivent avoir eu une destination
particulière, et, nous le croyons, une destination reli-
gieuse *.
On peut faire rentrer dans cette catégorie quelques va-
ses en argile, percés tout alentour de trous nombreux,
qu'on croit avoir été employés pour brûler l'encens'. Que
les anciens peuples aient connu ce genre de parfum, il
n'est pas permis d'en douter. On conserve dans quelques
collections du nord^ des espèces de pains d'encens, d'une
couleur brunâtre, recueillis dans des tombeaux. Quand on
approche cette matière du feu, il s'en dégage une fumée
abondante qui répand encore un parfum agréable, non
sans rapport avec l'encens employé de nos jours.
Anneaux monnaies.
Si dès les âges les plus anciens, l'établissement des
professions introduisit l'échange, premier élément du com-
* Sechs Gefâsse von Ludwig Giesebrecht, Stetlin 1845.
* Je connais un 9eul vase de cette forme en argile noire dans la collection
attenante à la bibliothèque de Hambourg, mais il n'est couvert d'aucun orne-
ment.
> Sorterup, pi. III. 87, 40; pi. 1, 18.
* Ainsi à Copenhague et à \lagdehourg. M. de Werder m'en a remis deux
morceaux déposés dans ma collection.
AGE DU BHONZB. 181
merce, on comprendra que ce moyen d'acquérir ait dû su-
bir quelques -développements dans la seconde période ;
mais avant d'arriver à posséder la monnaie, signe repré-
sentatif et conventionnel des marchandises, il y a plus d'un
degré à parcourir. La monnaie n'était pas encore en usage
chez les Grecs du temps de la guerre de Troie, du moins
à en juger par le silence d'Homère à cet égard \ On appré-
ciait les richesses d'après le nombre des troupeaux. Pau-
sanias dit qu'anciennement on payait les achats avec des
bœufs, des esclaves, ou de l'or et de l'argent non façon-
nés'. Longtemps, les peuples du nord eurent recours aux
mêmes moyens d'échange, car Targent monnayé n'y péné-
tra que fort tard'. L'introduction du métal employé dans
les échanges est déjà un progrès qui tend à faciliter le
commerce^. Avant d'arriver à lui imprimer une empreinte
on s'en sert d'après un poids déterminé. Dans leurs tran-
sactions les anciens Egifptiens emploient des anneaux d'or
ou d'argent, d'un poids et d'un diamètre réglés par l'au-
torité publique \ César rapporte que les Bretons se ser-
vaient d'anneaux de fer^. Les anneaux avaient aussi le
* 11 parle d'échanges: Itiade il, U9; V], 236; V]l, 474; — de commerce,
Odys. XIII, 285; voir aussi Strabon, pag. 144 et 757. Sur le commerce phé-
nicien : Esa. XXUl; Ezéch. XXVII, XXVill.
* Lib. III. cap. 12. L'auteur ajoute que ceux qui naviguent aux Indes di-
sent que les Indiens donnent des marchandises en échange de celles qu'on
leur apporte de la Grèce, mais qu'ils ne connaissent point les monnaies,
quoiqu'il y ait une quantité prodigieuse d'or et d'argent dans leur pays.
' Par les premiers missionnaires chrétiens.
*Gen. XXIII, 16. Abraham paya 400 sicles d'argent ayant cours entre les
marchands. XLII, 25, 35; XLIII, 21, notez même, argent selon son poids. Le
poids indique la balance.
* Egypte anc, par Ghampoillon Figeac. (Collection de V Univers), pag. 288.
* Lib. V, cap. 14. — Les Carthaginois se servaient de monnaies de cuir.
Sénèque, des bienfaits. L. V, cap. 14.
18:2 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
môme usage dans le nord, ainsi qu'on peut s'en convain-
cre par quelques découvertes un peu postérieures à l'âge
qui nous occupe. On a retrouvé en plus d'un lieu, sur les
côtes orientales de la Suède, des trésors enfouis à peu de
profondeur dans le sol. Ils consistent en monnaies étran-
gères morcelées, en fragments plus ou moins grands
d'anneaux d'or et d'argent, tous coupés, ainsi que les
monnaies, avec un instrument tranchant. Les fragments
d'anneaux ont appartenu à ces bracelets en spirale qui
donnaient plusieurs fois le tour du bras. Quelques uns de
ceux-ci ont fait partie de ces trésors. D'autres, recueillis
ailleurs, ne sont plus complets. La coupe de l'une des ex-
trémités montre qu'on en avait détaché quelques tours pour
un usage qui ne peut laisser de doute. On le voit, le bra-
celet à spirale était non-seulement un ornement, mais
aussi un moyen d'acquérir. L'argent, soigneusement caché
de nos jours, se portait alors autour du bras, et sans
doute avec ostentation. Je dois encore ajouter que si les
découvertes mentionnées sont un peu postérieures à la
seconde période, les bracelets qu'elles renferment sont la
reproduction parfaite de ceux en or et en bronze que nous
avons déjà décrits, et, l'on n'en peut douter, ils s'em-
ployaient au même usage.
Monnaies.
On a retrouvé quelquefois en Allemagne d'anciennes
monnaies grecques, apportées par le commerce. Trente-
neuf pièces, de 5 à 6 siècles avant noire ère, étaient en-
fouies près de Nakel, district de Bromberg, dans le grand-
duché de Posen. On croit que, déjà à cette époque, les mar-
AGE DU BRONZE. 183
chands grecs qui faisaient le commerce de Tambre s'é-
taient ouvert à travers les terres une voie plus directe
que celle des navigateurs, qui, pour arriver à la Baltique,
avaient à doubler tout le continent.
D'entre les peuples qui nous occupent les Gaulois furent
les premiers qui frappèrent des monnaies. Leur proximité
de l'Italie et surtout leurs rapports avec la Grèce et
l'Asie mineure par l'intermédiaire de Marseille leur appri-
rent à régulariser les moyens d'échange. Les plus ancien-
nes monnaies celtiques sont sans tète et sans inscription.
Concaves d'un côté et convexes de l'autre, elles portent
une empreinte sur le côté creux, qui consiste dans la re-
présentation d'anneaux, du soleil, de la lune et des étoiles,
et aussi d'une espèce de cheval. On les retrouve en France,
dans la Grande-Bretagne, dans le nord de V Allemagne et
en Hongrie. En 1771, on découvrit en Bohême, près de
Podmokel un enfouissement de monnaies en or, d'un
travail très imparfait, et d'une valeur d'environ 70000 flo-
rins ^ En 1751, un de ces dépôts de 1400 monnaies en or
et en argent fut découvert près de Friedberg, en Bavière.—
Les monnaies celtiques de la seconde époque sont encore
concaves et essentiellement de bronze. Chargées de signes
symboliques, elles représentent aussi une tète, le cheval
et le sanglier, ou bien les traits de la figure pris séparé-
ment : comme les oreilles, les yeux, le nez et la langue, ou
enfin, un cheval en trois parties. On ne les trouve guères
qu'en France* et en Angleterre. — Dans la troisième épo-
que elles sont en or, en argent et en bronze ; elles por-
* Quelques auteurs disent 57 000 florins, d'autres 75 000, d'autres 80 000.
J'ai pris la moyenne.
* En 1820, on en trouva environ 1000 en bronze à 111e de Jersey.
184 MONUMENTS DE l'aNTIQUITB.
teDt des empreintes de deux côtés, souvent accompagnées
d'inscriptions, ce sont encore les signes symboliques, les
tôtes, le cheval et le sanglier. L'inscription indique le nom
d'une peuplade, d'une ville ou d'un chef. Bien que le tra-
vail soit celtique, les figures rappellent la manière de faire
des Grecs. Ces monnaies ne furent plus frappées depuis
l'an 39 de notre ère ^ Celles de la dernière époque, pro-
pres surtout à la France et à V Angleterre, se retrouvent
aussi en Suisse ', cependant je ne connais aucune pièce de
ce genre dans le canton de Vaud, sauf celle mentionnée
dans le dictionnaire du !> Levade à Tarticle Avenches, at-
tribuée au roi des Huns, Aiiila \ Il est actuellement cons-
taté qu'Attila n'a jamais fait frapper de monnaies et que
les pièces qui portent ce nom désignent un ancien chef
gaulois.
Mines.
Avant la découverte des métaux, chacun trouvait sous
sa main le bois, Tos et la pierre dont on se servait pour
la fabrication des instruments. Pour que le métal devint
d'un usage général, il fallut rechercher les localités d*ou
l'on pouvait le tirer, apprendre à creuser les mines et à
* Keferetein. KeltiscKe Alterth. pag. 888 iqq.
* Mitlh. von Zurich. Voir les découvertes de Horgen de S à 4 siècles avant
Jésus-Christ. Près de Halle entre Gohren et Barby, Kruse, Deutsch. AU. tom.
m, cah. 2, pag. 96. A Halle, Kruse, id. II, 9. — Une monnaie celtique de
mauvais argent représentant un cheval a été trouvée près de Gôdnitz sur l*Elbe
(Anhalt-Dessau). Kruse, vol. III, cah. 3 et 4, pag. 96, pi. Il, flg. a.
* Levade parle aussi d'une pièce d*Orgétoriz, mais ça demande conflrroar
lion.
AGI DU BROnZB. 485
purifier le minerai *. Les Grecs^ d'après le rapport de Pline",
paraissent avoir d'abord lire le cuifre de Tfle de Chypre,
pais de VEuhie^ Ils explorèrent aussi VEtpagne fort an-
ciennemenl. Il est à remarquer que les expressions de Fart
des mines dans ce pays, et déjà dp temps des Romains,
sont empruntées à la langue grecque. Le minerai de cuivre
de VAndaloxme et particulièrement celui de Cordoue était
fort réputé. Les Romains le tirèrent aussi de la Tarenlaise
el de Bergame*. Au rapport de César* et de Pline', il fol
également exploité dans les Gaules et dans la Germanie,
sur le bord du Rhin. Des mines furent encore ouvertes
dans le Danemark et dans la Suède, el l'on exploita fort an-
ciennement le cuivre de la Sibérie''.
Dés les temps les plus reculés, les Phéniciens allaient
chercher Véiain dans les iles CassUériies, aujourd'hui de
Sorlingen, au sud de la Grande-Bretagne. Le commerce de
rélain, déjà mentionné par Hérodote*, est aussi ancien
que celui de Tambre. Homère parle de ce métal qui était
connu de son temps*. Les Romains le nomment plumbum
• Job IIVIll. indoitrte àm hominei.
• XXXIV. 1.
• Sinboa, lib. V. cap. Il ; X.
• PUiie XXXIV, 1, 40. 4fer berfaoMMiUatittB.
' ni, 11. ttnrim Mctnn tant.
• U, 1.
• On eo peut jofer par les bachat eo pierre reCreuTeea daM lee mines. V.
Kcfertiein.
• Voir autai Strabon, lib. Hl.
• De noa Jonrt rélain est encore eiploité, en Ckm» dans la proTÎnee 4e
Petschili el en Atmihpm. Le neillenr esl celai de Chine ; ceini des Ues Ser-
liafiMs vient ensnile ponr la qualité. Il n'est pas probable qne les Grecs et
les rhéaiciem raient iamais tiré de la Cbioe ; ainsi les mines d'Anfletorre
aoraient éié explorées déjà à Tépoque de la fnerre de Troie. Ce ùUl reenle
486 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
aUmm pour le distinguer du plumbum nigrum, expression
par laquelle ils désignaient le plomb, qu'ils tiraient de VEs-
pagne^, tandis que le moi slamim était la dénomination
du zinc.
Les Grecs découvraient Vargent^ dans VAttique, mais
les mines d*or les plus voisines étaient celles de la Macé-
doine et de la Thrace^, Quand les Phéniciens, il y a plus de
3000 ans, pénétrèrent en Espagne, ils trouvèrent des mi-
nes d'or et d'argent abondantes. Les Carthaginois, maî-
tres de ce pays, en tiraient de grandes richesses, jusqu'au
moment où les Romains s'en emparèrent. Polybe raconte
qu'il n'y avait pas moins de 40000 ouvriers, exclusivement
occupés aux mines de Carthagène*. L'or était recueilli
encore la connaissance des métaux dans le nord. — Grande-Bretagne, César
V, 3. Nascitur ibi plumbun» album in mediterraneis regionibus, in maritiiùis
ferrum, sed ejus exigua est copia, œre utuntur importato.
* Strabon III.
* Pline XXIV, 47-49.
» Hérodote, VU.
Entr*autres dans le Souaneth ou Svaneih (au nord de la Mingrélie), Stra-
bon qui connaissait si bien la Colchide dit que chez les Souanes et leurs voi-
sins, on recueillait Vor des rivières sur des planches creuses percées de trous
ou sur des peaux couvertes de leurs toisons. « Âppien en fait le même rapport.
Le mythe de la toison d'or est sorti de là. De tout temps la Tskhénitskali, on
dit aussi TÂbakha, ont charrié des paillettes d'or, et il n'y a pas 50 à 60 ans
que les ruis d'Imireth affermaient encore le droit de recueillir ces paillettes.
Les Souanes occupant la haute vallée de la Tskhénitskali, il serait facile de
s'expliquer comment c'est chez eux qu'on a reporté la source de ces riches-
ses. » — La Genèse II, 11, cite déjà le Phison, notre Phase, qui passe en tour-
noyant à travers le pays d'Havila, où se trouve de l'or. — Les mines de cuivre
et d'or de Procope sont à Goumichekané, dans le voisinage de Trébizonde.
L'or n'est mentionné chez les Souanes que sous la forme de paillettes. Ce-
pendant les roches porphyriques qui percent le sol peuvent aussi renfermer
des métaux. Du Bois de Montpéreux, Voyage autour du Caucase, UI, 17.
* Ils exploitaient par jour 28 000 drachmes, soit 800 000 thalers, environ
4,000,000 fr.
AGE DU BRONZE. 487
par le lavage dans VEstramadure, VAsturie et la Gallicie*.
Plusieurs auteurs anciens parlent des masses d'or que les
Romains tirèrent des Gaules*, D'après Strabon ' ce métal
n'était pas rare dans la Bretagne. On Texploitait aussi dans
la haute Italie, dans les Alpes piémontaises^ et près de
Salzbourg ». Keferstein prétend que le lavage était em-
ployé en Silésie et en Bohême^. L'analyse chimique des
objets en or de la Scandinavie donne l'alliage naturel de
quelques mines des monts Ourals.
Tandis que les peuples du nord n*ont employé l'argent
que longtemps après l'or, sans doute parce qu'il demande
un art plus avancé pour être extrait des mines, ces deux
métaux paraissent avoir été exploités en même temps dans
le midi. Pline dit que VIllyrie envoyait à Rome beaucoup
d'argent \ Strabon parle de l'abondance de ce métal en
Espagne^. Un aïeul d'Annibal, Barca, tira tant d'argent
de V Andalousie qu'il en fit faire des crèches et des sceaux
pour son bétail. Tite-Live donne une idée de tout l'argent
qui fut transporté d'Espagne en Italie*. Les Gaulois Ak-
* II produisait annuellement aux Romains 20 000 pondus d'or. — On trouve
dans les Pyrénées des traces de ces mines.
* Strabon, César, Tite-Live, Justin. — Strabon IV, 2, dit que Lucra, roi
des Avernes, qui vivait il y a plus de 2000 ans, jetait au peuple chaque fois
qu'il paraissait en public des monnaies d'or et d'argent.
» IV, 200.
« Surtout à KaMnftoxca.— strabon IV, 207 parle d'or près Aquil^a. Pline,
XXX 111, 4 dit qu'on fît une loi pour empêcher d'employer plus de 5000 ou-
vriers aux mines de Verceil entre Turin et Novarrc.
* strabon V. Norcia est locus ad purgandum aurum natura idoneus nec
minus ad ferri fabricas.
• KelL Alterth: pag. 438, el suiv.
' Ktlt. Alterth. XXXUI, 18.
• III, 16.
• XXVI, 47; XXXIV, 10, 46, par Scipion, Marins, Helvius, Minucius, Ca-
ton et d'autres.
188 MONUMENTS DE l'aNTIQUIT^.
ployaient un grand luxe dans leurs ustensiles et les har-
nais de leurs chevaux. Les Germains exploitaient aussi ce
métal dans les contrées du Rhin, d'après le rapport de
Pline, et tout récemment on a découvert dans les mines
d'argent A'Overath, près à'Elberfeld, des instruments en
bronze perdus par les mineurs à un âge où le fer n'était
pas encore employé ^ C'est la reproduction, pour la se-
conde période, des instruments en pierre retrouvés dans
les anciennes mines de la Sibérie'.
D'après ce qui précède, et môme en admettant que les
rapports des auteurs anciens ne soient pas exempts d'exa-
gération, on peut se faire une idée de la richesse des mi-
nes exploitées et l'on comprend que l'or ait pu être em-
ployé avec tant de profusion pour satisfaire au goût du
luxe.
Fonderies.
Nous avons déjà fait observer que l'art de mouler les
métaux précéda celui du martelage. Dans le Calvados, en
France, vers les rochers de quartz qui dominent le lit de
la Vire à Campaux, on a trouvé beaucoup d'instruments en
bronze, ainsi que leurs moules et les vestiges du fourneau
où l'on fondait le métal \ A Ecornebœuf près de Péri-
gueux, dans le département de la Manche*, étaient aussi
* Keferstein, la découverte de 1845.
* Les Cyclopes seraient-ils des mineurs, et leur œil unique, la lampe du
mineur? — Voir Diction, Encyclop. mot Gûule^ pag. 17.
* Moule de celt, trouvé en 1806 prés de Saint-Martin (Calvados) avec un
fourneau rempli de cendres et de charbons.
* Prés d'Anneville. Fonderie avec plusieurs objets, une cuillère de fer con>
tenant un culot de bronse du poids de S livres.
AGE Dt RKONIK. 489
(lanriennes TondAries. Il y en avait en Angleterre dans les
romlés de Comouaillei*. d'Essex et ailleors. En Norman-
die H en Awjleterre on a retronvé des mooles de cells for
mes de deux pièces creuses qui ont été publiés par M. de
Caumoniv — Une fonderie de celts a été constatée en
Suisse prés de Wulfling, à 4 lieues de Zurich. — Ces lieux
de rahri(|ue sont très nombreux en Allemagne. Près de
(ktmbach, district de Coblenz, étaient les restes d'une an-
cienne fonderie, n?ec moules, creusets et plus de 100 livres
de bronze \ — A Lan*lshut, sur Tlsar, en Bavière, roé-
iiit's (iéhris, avec couteaux en bronze et pointes de traits
prises enrore dans le moule. — En Bohême, près de
Freistadt, c'étaient des faucilles inachevées k cAté des
niasses en bronze fondu. — On a retrouvé des moules ou
des creusets à Gross-Jena dans la Thuringe, à BrtmenfeU,
<lans la liesse*, et i^ Netisfadl-Ebersivald*. — A PlesiUn*
vi 30 sud de Greifeswald, entre Loitz et Demmin, étaient
des relis nombrt^ux, à côté de masses fondues. Un fait a
sonveiu causé la surprise de ceux qui l'ont observé, c'est
<|ne ces celts. quelque pareils et nombreux qu'ils soient,
présentent toujours des variétés qui roonireni qu'ils n'ont
pas été coulés dans le même moule II parait que pendant
longtemps on n'a pas su fabriquer des moules dont les par-
ties de rapport pussent se rejoindre et se séparer aisément.
1^ pièce une fois coulée, on en brisait l'enveloppe, ainsi
qu'on le voit sur quelques instruments pris au milieu de
* FamitM d^ Lanau.
' Court Wanii^ nslton. P\. IX, t. 6.
* iHcUonnëirr tl«* Waf «ner
* krf«rfttein.
* Urux rreu««Udanfl ma collectioa.
* Collection d'antiquilé* BationalM d« iorliti, de Udebttr, 9* II, It7.
190 MONUMENTS DE L*ANTIQUITÉ.
I*argile cuite. Il fallait ainsi, pour chaque objet, construire
un moule nouveau qui différait toujours en quelques par-
ties du moule précédent. Cependant on obvia plus tard à
cet inconvénient, comme le montrent les moules découverts
dans le Brisgau*, en France et en Angleterre. — Dans les
collections de Genève, de Hambourg et de Copenhague sont
les fragments concassés d'armes et d'ornements divers,
qui, étant hors d'usage, avaient été remis au fondeur,
sans doute pour la valeur du métal. Dans le nord, on re-
trouve parfois ces fragments dans les creusets, destinés
évidemment à être fondus de nouveau.
Si nous insistons sur la reproduction de faits analogues,
c'est qu'ils sont la meilleure réponse qui puisse être adres-
sée à ceux qui prétendent que les armes et ornements en
bronze qu'on retrouve dans les tombeaux du nord ont
été apportés d'Italie. Dans la période suivante nous
trouverons, mélangées aux antiquités barbares, des anti-
quités romaines importées par le commerce ou par le pil-
lage; et leur rapprochement, en témoignant d'une diffé-
rence d'art prononcée, permettra d'établir un parallélisme
entre ces produits de cultures opposées. Le nord eut en
outre ses mines d'or et de cuivre qui ne furent jamais ou-
vertes aux Romains, et l'on ne comprendrait pas pourquoi
ceux qui étaient capables de les exploiter, n'auraient pas
su en travailler le métal. Trop souvent, ces peuples aux-
quels s'attache l'épithète de barbares ont été regardés
comme incapables de produire, et comme étant unique-
ment adonnés à la destruction.
• D' Schreiber Streitmeissel.
AGB DU BRONZE. 491
Travail des métaux.
Après avoir examiDé les principaux objets qai caracté-
risent cette période, quelques mots sur leur fabrication
rendront plus sensible le degré de développement propre
à cet âge. Nous avons déjà fait observer, à plus d'une re-
prise, que le travail des métaux consista d'abord dans la
fonte et le moulage ; cependant Tart du martelage pénétra
fort anciennement dans le midi ^ Homère nous donne à
cet égard des renseignements précieux. Si la poésie idéa-
lise ou ennoblit, elle n'en est pas moins la peinture de la
vie, des mœurs, des usages des peuples. Lorsque Vul-
cain, à la prière de Thétis, forge des armes pour Achille,
il met vingt soufflets en jeu sur ses fourneaux et jette dans
le feu du cuivre, de l'étain, de For et de l'argent. Ensuite
il place une grande enclume sur le billot, saisit d'une
main un lourd marteau et de l'autre des tenailles, puis
il fabrique un bouclier grand et fort, qu'il entoure d'un
cercle resplendissant V En quelques vers, le poète nous
* Les plus anciens bronzes d'Egypte sont moulés.
On moulait les petits objets, on martelait les grands vases, les cuirasses, etc.
* Iliade XVIII, 468 et suiv. Homère ajoute [Iliade XX, 270) que ce bou-
clier était formé de plusieurs cuirs, de deux lames d'airain, de deux d'étain
et d'une en or. — Quant à ce cercle resplendissant, il est curieux de re-
trouver une composition pareille sur l'un des boucliers de Copenhague
{Dan. Vor%eit, pag. 26), dont l'un des bords, un peu endommagé, montre
un fil ou cercle pris dans le pourtour, il vaudrait la peine d'étudier si dans
les représentations de ce bouclier l'artiste n'a pas voulu reproduire des
constellations.
Vuicain adapte au bouclier une courroie en argent. Voir encore Odyssée
IH, 430 et suiv., le sacrifice d'une génisse à Minerve, dont Nestor fait dorer
les cornes : « Le doreur vint portant avec lui les instruments de son art, l'en-
19:2 MONUMENTS DE L*ANTIQUITÉ.
fait toute la description de la forge du maréchal : four-
neaux, soufflets, enclume, tenailles et marteau ; rien ne
manque à Tatelier du forgeron. On sent que le poëte re-
produit ce qui existait de son temps. Mais ceci n'est qu'une
faible partie du travail : Bien plus surprenants sont les
détails de la composition des sujets dont Vulcain orne le
bouclier d'Achille, quand il représente, au moyen de Tor,
de l'argent et de l'étain. la terre, le ciel et la mer, — le
soleil, la lune, les constellations et les astres, — le joyeux
cortège d'une noce au milieu d'une ville, — un jugement
devant l'assemblée d'un peuple tumultueux, — l'attaque
et la défense d'une ville assiégée, — les travaux des champs
et de la vigne, — des bergers excitant vainement leurs
chiens contre des lions qui déchirent des taureaux, — et
enfin les réjouissances de vierges et de jeunes guerriers '.
— Dans chacun de ces tableaux est une animation qui
n'appartient qu'à l'artiste ; mais la conception d'une œuvre
de ce genre ne peut être purement imaginaire; il fallait
que du temps d'Homère on fût capable d'exécuter des su-
jets analogues, sinon avec la perfection du poëte, du
moins avec assez d'habileté pour justifier la vraisemblance
de cette peinture. — A l'arrivée de Thétis, Vulcain se rend
en boitant au devant de la déesse, appuyé sur les images
dume^ le marteau et les tenailles doni il se servait pour travailler l'or ... Nes-
tor fournit l'or au doreur, qui, le réduisant en Teuilies, en revêtit les cornes
de la génisse. » Ici l'or est martelé, non laminé, non soudé.
Voir aussi le siège de Pénélope tout entier d'ivoire et d'argent, ouvrage
de Sémalius (faber). Odys. XIX, 55 et suiv. ~ Une clef en bronte avec un
manche d'ivoire. Odys. XXI, 6. — Le lit dTlysse en olivier, oiné d'or, d'ar-
gent et d'ivoire, avec des bandes de cuir teintes en pourpre pour sangles.
Odyi. XXIII, 184, et suiv.
* II. XVIII, 484-607.
AGE DU BRONZE. 195
en or d'esclaves qui marchent d'un pas ferme, et sont
semblables à de jeunes filles vivantes , douées d'intelli-
gence \ Ici le poëte entre en plein dans le merveilleux,
mais il n'en est pas moins étonnant de retrouver la des-
cription de véritables automates. — Ces détails suffisent
pour donner une idée de la perfection à laquelle arriva le
travail des métaux dans le midi au moins 1000 ans avant
notre ère. On peut tirer une autre conclusion de cette fa-
brication des armes par le dieu du feu, c'est que la pro-
fession de forgeron était honorée et n'avait par conséquent
pas encore passé chez les esclaves. Les Cyclopes, ces an-
ciens explorateurs des mines, qui travaillaient dans les
forges de Vulcain, furent mis au rang des dieux et eurent
un temple à Corinthe, où on leur offrait des sacrifices. —
Les traditions conservées par les sages expriment bien
nettement la considération dont jouissaient, chez les peu-
ples du nord, ceux qui travaillaient les métaux quand
elles mentionnent le fils d'un roi finnois comme le plus
célèbre des forgerons '. Ce fait est important, en ce qu'il
ne permet donc pas d'admettre, comme plusieurs l'ont
avancé, que les armes du nord étaient fabriquées par des
esclaves empruntés à l'étranger et particulièrement à
l'Italie.
Si le nord resta fort en arrière dans l'art métallurgique
comparativement au midi, si le moule fut longtemps pré*
féré à l'enclume, nous devons cependant reconnaître que
• II. XVIII, 417.
* Geijer, Histoire de Suède, pajç. il. Le mot forgeron, chez les Finnois, em-
brasse tous les métiers. On pourrait objecter que cette considération pour
l'art du forgeron est particulière à ce peuple.
MÉM. ET DOCUM. XXV. 13
I9k MONUMENTS DE L*ANTIQUITi.
lé martelage est fort ancien. Il n'y a pour s'en convaincre
qu'à examiner de près les bracelets et les Qbules à spi-
rales doubles et plates que nous possédons '. Un seul âl
de bronze continu, un peu aplati et d'une largeur de 2
à 3 lignes, a suffi pour la confection de toute la pièce. Le
fil, à l'une des extrémités, s'enroule en spirale, de ma-
nière à former un disque d'une grandeur déterminée, puis
il s'élargit en plaque ou en anneau, suivant la destina-
tion de la pièce, après quoi il reprend son diamètre pré-
cédent et décrit de nouveau une spirale pareille à la pre-
mière. Cette plaque ou cet anneau, formé d'une lamelle
mince sur le milieu de la longueur du fil, ne peut avoir
été produite que par le martelage. Le EK Scbreiber m'a dit
avoir aussi observé quelques instruments dont le tran-
chant avait été rendu plus vif à l'aide du marteau, c'est-à-
dire battu comme les agriculteurs battent encore leurs
faux, d'autres sont aiguisés sur la meule. Malgré ces faits,
il n'en reste pas moins certain que les instruments tran-
chants ont été coulés et non forgés, en sorte que le mar-
telage, demeuré exceptionnel, est plutôt employé pour
achever quelques objets d'ornements, sans constituer en-
core Fart du forgeron. Il est adopté pour étendre le métal,
le réduire en feuilles, pour réparer le tranchant, mais non
pour forger les armes. Quand nous disons que les feuilles
de bronze, employées à divers usages, trop minces pour
être sorties du moule, ont été martelées, c'est que nous
hésitons à les envisager comme un produit du laminoir.
Les hommes les plus versés dans la connaissance de l'an-
tiquité ont en effet refusé, même aux Grecs et aux Ro-
* Voyez aussi les diadèmes à torsade dont les extrémités se terminent en
plaques.
AGE DU BRONZE. 195
mains, la découverte de cet instrument. Nous pouvons
cependant constater leur erreur sur ce point, grâces à
l'observation judicieuse d'un de nos compatriotes. M. Pic-
card, chargé par l'empereur de Russie de dessiner les
antiquités de la Crimée réunies à Saint-Pétersbourg, me
Taisait remarquer une lamelle en or assez étendue, sur
laquelle se reproduit de distance en distance un défaut
toujours parfaitement le même. L'intervalle entre chacun
de ces défauts répond exactement à la même ouverture du
compas. Qu'en conclure, sinon que la feuille a été lami-
née et a reçu l'empreinte d'une paille de l'un des cylin-
dres ? Et même riep de plus simple que de retrouver le
diamètre des cylindres, en prenant pour leur circonférence
rintervalle entre les accidents. Les tombeaux de Kertsch,
d'où proviennent cette lamelle et bien d'autres trésors,
renferment un grand nombre d'objets d'art grec, dont
plusieurs remontent au IV® siècle avant notre ère. Il est
diflScile de dire à quel peuple appartient l'invention du
laminoir, mais ce qui nous importe, c'est de constater son
existence dans l'antiquité. Il est probable qu'une fois
connu, l'usage ne tarda pas à se répandre. Ceci nous ex-
plique comment on a pu obtenir ces fines lamelles en or,
fixées ou incrustées sur les bronzes Scandinaves, de ma-
nière à produire l'effet de la dorure.
Les vases en or consacrés au culte, et quelques objets
en bronze de la seconde période, présentent divers orne-
ments repoussés avec le poinçon ou d'autres instruments
qui montrent que le bosselage a été connu aussi à une
haute antiquité.
On trouve des fils en cuivre et en or d'une assez grande
ténuité, qui ne peuvent avoir été obtenus qu'à l'aide de la
496 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
filière. Employés à des bagues ou à des bracelets, ils
conservent encore toute leur élasticité. Ainsi la tréfilerie,
dans ses éléments du moins, appartient déjà à Tâge qui
nous occupe.
Nous avons mentionné plus d'une fois les divers orne-
ments qui recouvrent le métal. Quelques-uns, en creux
ou en bosse, ont été produits immédiatement par le moule.
D'autres, de beaucoup les plus nombreux, consistent en
lignes gravées. Après avoir sorti la pièce du moule, on
la réparait soigneusement ; puis, à l'aide du poinçon on
du burin, on achevait le travail à la main, à moins toute-
fois qu'on n'ait eu quelque procédé mécanique pour ce
dernier travail, supposition qui prend quelque vraisem-
blance quand on remarque la rondeur parfaite des dis-
ques, la régularité des spirales et la reproduction iden-
tique des mêmes ornements.
Un petit nombre d'objets porte des traces d'incrustation.
La pièce de l'art le plus primitif dans ce genre est une
petite pierre quartzeuse, conservée dans le musée de Co-
penhague, sur laquelle sont incrustées, sans symétrie et
sans art, d'étroites lamelles de cuivre. L'incrustation de
feuilles en or orne parfois des pommeaux d'épées, des
têtes d'épingles et quelques autres objets. Sur quelques
vases du culte les ornements ciselés en creux ont été
remplis d'une espèce d'émail ou d'une matière étrangère
0
à celle du vase. Quant à la poterie noire incrustée en
blanc elle n'apparaît guèresqu'à l'âge de transition, dans
les contrées de la Saaie.
Les Gaulois acquirent fort anciennement une assez
grande habileté dans l'art de travailler les métaux. Pline
leur attribue l'invention de Vétamage du cuivre avec du
AGE DU BBONZB. 19 7
plomb blanc fondu, étaoïage qu'il élait difficile de distiu-
guer de l'argent même. Ils portèrent la perfection ^de cet
art jusqu'à vernisser avec de l'argent les harnais des che-
vaux et l'attelage des chars ^ Philostrate dit aussi que les
barbares qui habitaient l'Océan enduisaient fort délica-
tement d'or, d'argent et d'autres couleurs, le cuivre sor-
tant rouge du feu, en sorte que tout ne faisait qu'un seul
corps solide et un mélange d'émaux excellents *.
Une question dont on s'est beaucoup préoccupé, est
celle de la trempe ou de l'alliage par lequel les anciens
sont parvenus à donner au cuivre, métal naturellement
doux, la dureté et l'élasticité de l'acier. Les recherches
les plus approfondies sur ce sujet ont été dirigées par le
comte de Caylus, à qui nous empruntons les détails sui-
vants ^ Philon, en parlant d'une machine qui servait à
lancer les traits, formée de deux lames courbes qui avaient
du ressort, dit que ces lames étaient faites d'un cuivre
rouge, purifié et recuit plusieurs fois. On mêle, ajoute-t-il,
à une mine pesant de cuivre, trois drachmes d'étain bien
purifié ; et après avoir fondu le tout ensemble, on en forme
des lames, on leur donne une courbe légère, et lors-
* Album incoqiiitur œreis operibus Galliarum invento, ita ut vix discerni
possii ab argento, eaque incoclilia vocant. Deinde et argentum incoquere
simili modo cœpere, equorum maximi ornamentis, juraentonim jufps in
Alexia oppido... » Alise en Auxois. — p'après le comte de Caylus, les usten-
siles de bronze des anciens n'ont pas conservé la moindre trace d'étamage.
Il ne connaît que les objets tirés d'Herculanum qui sont recouverts d'ar-
gent mais non point d'étain. Il cite cependant ce passage de Pline XXXIV,
12, où il est dit que Tétain appliqué sur les vases de cuivre donne un goût
plus agréable et empêche le vert de gris « Stanum illitum œneis vasis, saporem
gratiorem facit et corupescit œruginis virus. >
* Martin, Religion des Gaulois, tom. II, liv. IV, pag. 6.
* Recueil (Tantiq., tom. I, pag. 239.
498 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
qu'elles soQt bien froides, on les bat pendant longtemps.
— Différentes expériences faites d'après ces données
produisirent un alliage qui n'avait ni le grain ni la dureté
des armes des anciens. — Dans un autre essai, on parvint
à allier par la fonte une faible quantité de fer avec le cuivre
rouge, puis, jetés en moule, on obtint une épée, qu'il n'y
eut plus qu'à réparer et affiler sur la meule. Par ce pro-
cédé on obtint la dureté et le tranchant du bronze antique,
mais moins d'élasticité et un peu plus de cassant. Du reste,
les anciens ont pu arriver à ce résultat d'une manière
fortuite, vu qu'il existe beaucoup de mines de cuivre fer
rugineuses, dont le métal, en s'évitant la peine de le raf-
finer, possédait la dureté voulue. L'analyse montre en
effet, dans quelques-uns, la présence d'un peu de fer avec
le cuivre; ainsi, nous avons probablement là l'un des
moyens employés, car ils purent varier beaucoup. La voie
de la trempe, essayée par un simple fondeur, sur la de-
mande du comte de Caylus, a réussi d'une manière tout à
fait satisfaisante. Ses ouvrages n'étaient que de cuivre
jaune pur, et consistaient en lames d'épées, en coins, en
couteaux et même en rasoirs. Après les avoir fondus, tra-
vaillés et terminés, il les mit au feu et les trempa tout sim-
plement dans une eau de boue, mêlée de suie, de sel et
d'ail. Il obtint de cette manière un bronze qui avait toutes
les propriétés que la trempe donne à Tacier. Après ce
résultat, acquis par un homme sans étude, on s'étonnera
moins que les anciens aient pu se passer, pour y arriver,
des secours offerts par la science.
Vanalyse chimique des anciens bronzes montre que les
alliages étaient assez divers et que plusieurs ne sont pas
le produit de l'art, mais bien celui des mines. On ne se
A6R DU BRONZE. 499
donnait pas toujours la peine d'aflSner suffisamment le
cuivre, en sorte qu'il conserve parfois des traces de plomb,
de zinc, de fer, de bismuth et d'arsenic. Cependant le
cuivre pur se trouve souvent allié à un ou deux autres
métaux dont les proportions sont évidemment artificielles.
Il n'est pas sans intérêt de rapprocher les résultats de
l'analyse d'anciens bronzes de différents pays. Quelques
monnaies chinoises présentaient 10 à 20 parties d'étain et
80 ou 90 de cuivre. Des bronzes de VInde, de V Egypte,
et du midi de la Russie offraient des proportions analo-
gues, et quelquefois 3 parcelles de fer sur 100 de cuivre.
Les bronzes ^rec^ne renferment jamais le zinc, mais tou-
jours rétain dans des proportions très différentes, accom-
pagné parfois de traces de plomb plus ou moins fortes.
Il en est de même pour les anciens bronzes de Vltalie;
mais plus tard, sur 100 parties d'alliage, on en trouve 15
à 20 de zinc, 1 à 10 de plomb et 1 à 3 d'étain. Les ana-
lyses en France et en Angleterre donnent 12 parties de
plomb ou d'étain et ^8 de cuivre. Parfois l'étain varie de
4 à 15. Pline dit que les Gaulois mêlaient 7» d'étain avec
le cuivre, or les 12 parties indiquées forment le '/s de 96;
il ne reste donc qu'une fraction qui a pu être négligée
par Pline. En Allemagne, les bronzes romains présentent
presque toujours l'alliage du zinc, tandis que ceux qui ont
été découverts dans les tumuli de la ^^^ période se dis-
tinguent par l'absence de ce métal. Ils contiennent ordi-
nairement 10 à 20 parties d'étain et aussi des traces de
plomb et d'argent. Cette observation convient également
aux bronzes des bords de la Baltique et à ceux des tom-
beaux Tschudes, vers V Altaï, avee cette différence que les
parties d'étain varient de 6 à 9 sur 100. — Le D»* Kruse,
200 MONUMENTS DE l'aNTIQDITÉ.
professeur à Dorpath, a fail analyser plusieurs bronzes
de la Livonie et de la Gourlande qui dooneot en moyenne
sur 100 parties d'alliages 79 de cuivre, 16 de zinc, 3 d'é-
tain et 2 de plomb. Mais nous devons nous hâter dajou-
ter que ces bronzes sont d'une époque postérieure à celle
qui nous occupe, en sorte qu'ils ne peuvent entrer en ligne
de compte dans les conclusions à tirer de ces faits. Les noms
de d'Ârset, Clarke, Klaproth, Rose et Berzelius nous ga-
rantissent l'exactitude de ces analyses. Nous voyons par là
que l'emploi du zinc est propre aux Romains, mais non dès
les premiers temps, tandis que l'étain est universellement
répandu. Les mines de ce dernier métal sont cependant
beaucoup plus rares que celles de zinc, qui se trouvent dans
beaucoup de pays. Si le zinc est resté longtemps sans être
employé, il faut en chercher l'explication dans les difiScultés
que sa fusion présente. Il fallut sans doute bien des essais
avant d'arriver à savoir le fondre dans des vases bien clos.
Autrement, il s'oxide rapidement au contact de l'air, se vo-
latilise et se répand en flocons. L'alliage du cuivre avec le
zinc étant ainsi le résultat d'un art plus avancé que l'al-
liage javec l'étain, il n'est pas étonnant qu'il n'appartienne
d'abord qu'aux Romains. Mais le travail du zinc, une fois
connu, se répand de proche en proche et devient général
dès la chute de Rome.
Modes divers de sépultures.
Après nous être rendu compte de la nature des objets
propres à la seconde période, ainsi que des procédés mé-
tallurgiques employés à leur fabrication, nous devons re-
chercher à quel mode de sépulture ils appartiennent.
AGE DU BRONZR. Wl
Les tombeaux de l'âge du bronze sont encore essentiel-
lement les tumuli. Bien que leur grandeur varie beau-
coup ils sont cependant, en général, moins élevés que ceux
de la première période. Les piliers en pierres dressés à
leur base, sur leur flanc on sur le sommet, loin d'être
la règle générale, sont tout à fait exceptionnels et ap-
paraissent comme la survivance d'anciens usages. La
construction intérieure présente de grandes variétés.
Dans les contrées habitées dès les premiers temps, on
retrouve quelquefois les salles spacieuses avec les restes
d'un squelette assis, mais non dans l'attitude de l'em-
bryon * ; ou bien ce sont des urnes d'argile renfermant
la cendre des morts. La position reployée des squelet-
tes ne tarde pas à disparaître généralement. Les morts
sont couchés sur le dos, les bras étendus le long des côtés.
On en a trouvé plusieurs réunis sous la même colline,
et dont la position sur le sol répondait à celle des rayons
d'un cercle ou d'une roue. Rarement ils sont étages dans
le tumulus. Quelquefois, au-dessus d'un sarcophage
en pierre contenant un squelette , est une petite ca-
vité destinée à recevoir une urne cinéraire. Cependant
l'inhumation n*est pas généralement répandue. L'usage
de brûler les morts l'emporte de beaucoup dans la plu-
part des pays. Les cendres humaines, renfermées dans
une urne d'argile , sont parfois déposées sur les tu-
muli de l'âge primitif au-dessus des salles sépulcrales.
Placées sur le sol, on se borne souvent à les recouvrir
d'une colline de terres rapportées. Parfois l'urne repose
sur un pavé, d'autres fois on l'entoure d'un cercle de pier-
res, ou bien elle est renfermée dans une petite caisse ou
* En excepter Verchiez près d'Aigle qui présente la survivance de cet usage.
i03 MONUMENTS DE l'aNTIQUITE.
niche coostraite avec des plaques. Ces niches sont aussi
recouvertes de cailloux roulés, amoncelés en grand nom-
bre et au dessus desquels on a répandu une couche de
terre plus ou moins épaisse, en sorte que ces tombeaux
peuvent être appelés des demi-cairns. Il en est d'autres,
appartenant à cette époque, qui sont aussi de véritables
cairns ^ Ces tumuli divers ont été élevés pour un ou plu-
sieurs morts. A côté des urnes, on trouve aussi des vases
nombreux, quelquefois des squelettes humains et des os-
sements d'animaux, ainsi les deux modes de sépulture
réunis ; celui de l'inhumation et celui du bûcher. Dans
quelques cas, le squelette inhumé est entouré d'armes et
d'ornements qui témoignent de la considération dont jouis-
sait le défunt, tandis que l'urne cinéraire ne contient
autre chose que des cendres. D'autres fois, les débris de
la parure sont mêlés aux cendres de l'urne, qui contient
aussi les tronçons des armes, à moins que l'épée et la
lance, laissés intacts, ne reposent auprès ; à côté de ces
restes honorés, sera étendu un squelette sans aucun or-
nement ^ Ces quelques mots suflSsent pour montrer que
les usages n'offrent plus l'unité des premiers temps. En
donnant une statistique rapide de ces tombeaux, nous en
retrouverons plus d'une fois les divers modes réunis
dans la même localité ^
* Les tombeaux (kimmériens d'après Dubois de Montpéreux), construits de
dalles comme des cellules extérieures au sol, doivent-ils rentrer dans cette
époque ?
* M. Ferd. Keller a aussi retrouvé Tustion et Tinhumation dans la même
colline, également riches et ornés d'objets identiques.
' Il faut ajouter qu'à cette époque le cimetière proprement dit est déjà
usité ; il se retrouve dans le canton de Vaud , dans plusieurs contrées de
France et d'Angleterre, avec tumuli ou même absence de tumuli. Dans les
AGE DU BRONZE. "203
Les tumuli que nous venons de décrire sont répandus
dans un grand nombre de pays de VAsie. L'usage de
l'urne cinéraire se retrouve dans d'anciens tombeaux du
Bengale et des Indes. Dans les contrées du nord de VAsie
où nous avons rencontré les tumuli de l'âge primitif, sont
aussi de nombreuses collines qui recouvrent des niches
ou caisses de pierres, dans lesquelles sont déposés l'urne
cinéraire et des objets de bronze coulés, comme cou-
teaux, épées, marteaux, vases» bracelets, statuettes, mi-
roirs métalliques et ornements de harnais. On y retrouve
également les cairns dont les pierres recouvrent parfois
des pointes de lance en bronze. Comme en Europe, ces
tumuli varient beaucoup entr'eux par leurs dimensions et
leur contenu. Nombreux aussi dans VAsie mineure, ils se
reproduisent dans la Grèce.
Homère nous apprend qu'au temps de la guerre de
Troie, les Grecs avaient l'habitude de brûler leurs morts *.
Il existe encore en Grèce des tumuli qui contiennent une
urne protégée par une niche de pierres. — Plutarque pré-
tend qu'on avait retrouvé la tombe de Thésée, et qu'elle
renfermait la lance et l'épée du héros.
cimetières de cet âge on trouve aussi ustion et inhumation sans différence
d'ornements, ainsi à Hallstadt près Salzbourg. L'absence de vases est com-
mune à plusieurs contrées.
' Odyisée XI, 69 et suiv. L'ombre d'Elpénor dit à Ulysse: « .... Ne partez
point, je vous prie, sans m'a voir rendu les derniers devoirs, de peur que je
n'attire suc votre tété la colère des dieux. Brûlez mon corps sur un bûcher
avee toutes mes armes, et élevez-moi un tombeau sur le bord de la mer,
afin que ceux qui passeront sur cette rive apprennent mon malheureux sort.
N'oubliez pas de mettre sur mon tombeau ma rame, pour marquer ma pro-
fession et le service que je vous ai rendu pendant ma vie.... > Plus loin,
l'ombre de la mère d'Ulysse dit à son fils : « Tout ce qui ne compose que le
corps matériel est la pâture des vers dès que l'esprit l'a quitté, et l'âme,
corps délié et subtil, s'envole de son côté comme un songe. >
204 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
#
Ed Italie, en Sardaigne et en Espagne, il est des tumuli
pareils à ceax de la Grèce, avec urnes cinéraires et instru-
ments en bronze, mais nous manquons de descriptions
assez détaillées pour donnera ces anciennes sépultures la
place qu'elles réclameraient dans ce travail. Grâces à Car-
nevali, nous connaissons mieux les tombeaux à*Albano,
provenant d'une population qui avait l'habitude de brûler
ses morts et d'en déposer les cendres dans la terre sans
élever, à ce qu'il parait, de collines au-dessus. Nous ne re-
viendrons pas sur tous les détails de cette découverte ;
toutefois, nous rappellerons qu'un vase de grande dimen
sion contenait, urnes, cendres et ossements calcinés, va-
ses de la vie domestique, armes en miniature, fibules^
épingles, anneaux, petites roues en bronze, ambre, petite
idole en argile du travail le plus primitif, et un objet de
même matière représentant l'oreille de sycomore des
Egyptiens. — La même population parait avoir occupé
la Campanie dont les couches volcaniques recouvrent
aussi de ces urnes qui, d'après Raoul Rochette, repré-
sentent les demeures des Aborigènes. Ce que nous avons
dit des tombeaux étrusques et de ceux de la Grande Grèce
montre que l'usage du bûcher ne passa pâs chez ces
peuples, qui continuent à déposer leurs morts dans des
salles, à l'ornementation desquelles ils emploient toutes
les ressources de l'art qui leur était propre. — Le bûcher
et l'inhumation furent employés simultanément . par les
Romains. Pline dit que les premiers Romains ne brûlaient
pas les cadavres, mais qu'ils les enterraient S cependant
* vu, Si. Ip9um cremare apud Romaiios non fuit veteris instituti : terra
condebantur.
AGE DU BRONZE. lH^fi
il écrit ailleurs ^ que le roi Numa défendit d'arroser les
bûchers avec du vin, et le raéme Numa, dans son testa-
ment, défendit de brûler son corps % ce qui indique que
c'était alors Tusage le plus répandu. Les deux usages se
conservèrent. Une loi des 12 tables défendait de brûler
ou d'enterrer dans les villes. Quelques familles, d'après
Cicéron% entr'autres la famille Cornélia, inhumèrent tou-
jours leurs morts *. Pline * assure qu'on ne brûlait les
corps humains qu'après qu'ils avaient acquis des dents.
De là vient que Juvénal désigne un enfant par ces mots :
trop jeune pour être brûlé ^. En résumé l'inhumation
fut cependant l'exception chez les Romains, jusqu'à l'in-
troduction du christianisme \
En France, sont un certain nombre de collines artifi-
cielles qu'on appelle improprement tombelles, vu qu'elles
ne renferment aucune trace de sépulture. Elles sont la
reproduction de ces collines répandues dans Içs plaines
de la Russie, qui, sans être des tombeaux, en ont cepen-
dant toute l'apparence à l'extérieur. On sait que dans la
guerre les Russes allumaient souvent de grands feux à
' XII], 12. Rogum vino aspergi.
* Plutarque. Vie de Numa.
» De Leyel II, 2i Pline; III, 2.
* Jusqu'au dictateur Sylla (L. Cornélius), qui ordonna en mourant de brû-
ler le sien, de peur qu'on ne le déterr&t pour le jeter dans le Tibre, ainsi
qu'il avait fait pour les restes de Marius.
* VII, 16. Non hominem prius quain genito dente cremari.
* Sat. XV. Minor igné rogi.
^ Cette inliumaiion. propre à certaines familles, ces modes parallèles,
paraissent provenir de la manière dont la ville fut peuplée. Ramassis de
familles diverses et de peuplades différentes, chacun conserva sans doute la
liberté de suivre ses usages de sépulture. Ce souvenir s'effaça plus ou moins
et, suivant les circonstunces, on passait de Tun à l'autre mode.
"ion MUiNUMBNTS DE I.'aNTIQUITÉ.
leur sommet, en sorte qu'elles paraissent avoir servi de
signaux. Les tumuli proprement 4its se retrouvent dans
tous les départements de la France. Les plus anciens de la
seconde période sont la continuation du premier mode de
sépulture. Un grand cairn, ouvert en 1832 près de Ville-
plaine (département de l'Aveyron), renfermait une salle
construite de grandes plaques, dans laquelle reposaient
deux squelettes, dont l'un portait 12 anneaux et était en-
touré de plusieurs autres. Les tumuli de cette période
sont moins grands que ceux de l'âge précédent, et mon-
trent que l'usage du bûcher devint général. L'urne ciné-
raire n'est plus déposée dans des salles, mais simplement
entourée de terre ou de pierres plus ou moins nombreuses.
César' nous apprend que, de son temps, les Gaulois avaient
l'habitude de brûler leurs morts.
Ces tumuli ne sont pas moins nombreux dans la Grande-
Bretagne. La cendre des morts fut d*abord déposée dans
un petit creux au milieu de l'aire du tumulus, puis dans
un vase de poterie grossière; l'ouverture de l'urne est
souvent tournée en dessous. Quelquefois le même tumu-
lus recouvre l'urne et le squelette, réunissant ainsi les
deux modes de sépulture.
En Suisse, le canton de Vaud est un de ceux où les tu
muli ont été le moins observés, vu le peu de soins apportés
à l'ouverture de ceux que le défrichement du sol a fait
disparaître. Il reste cependant encore un certain nombre
de ces collines coniques, mais plusieurs pouvant être des
moraines, il est nécessaire de se convaincre, par une
tranchée, si la superposition des couches est naturelle,
« Lib. VI.
AGE DU BRONZE. 207
OU si la terFe a été rapportée par la main de rhomme. —
Sur QD plateau élevé, prés de Sermuz, sont deux monti-
cules séparés par un étroit passage. L'un a la forme d'un
mamelon ; l'autre, allongé, se termine par une terrasse
en avenue, à laquelle on arrive par les versants rapides
de la colline. On les nomme 9 les buttes de Sermuz. »
M. le Dr Brière a entrepris la fouille du mamelon. Les
recherches n'ayant rien produit, il parait qu'il rentre dans
la classe des tombelles que nous avons mentionnées. Ce-
pendant on ne peut douter que plusieurs de ces collines
ne soient de véritables tumuli. Un monticule, voisin de
Chavannes''Sur''le''Veyrony arrondi et haut de 15 pieds,
détruit il y a quelques années, contenait des cendres, des
charbons et des ossements \ Plusieurs ont été rasés au
nord et à l'occident du village de Granges. Ils recouvraient
de nombreux ossements. Dans l'un était une grande boucle
en bronze; un autre renfermait un squelette recouvert
d'une couche de charbons, sur laquelle reposait une ma-
tière blanchâtre, puis venait un lit de cailloux et enfin la
terre végétale. — Au-dessus de Granges, Villarzel occupe
une des sommités du Jorat. Cette commune, plus étendue
dans le moyen âge que de nos jours, possède encore les
ruines d'un château des évêques de Lausanne. Il en reste
dans un lieu retiré, une grande tour, des terrasses, de
vieux murs et une chapelle; alentour sont des fossés à
demi-comblés; mais au delà, d'autres bien plus considé-
rables sont creusés par la nature. C'est là, sur le bord
du rocher qui domine le val étroit et profond, qu'a été
* Ce monticule, dont il reste encore une bonne partie, appartient, d'après
les fouilles que j'y ai faites (1849) aux collines de sacrifice.
208 MONUMENTS DE L*ANT1QU1TÉ.
déposée une colline élevée; parfaitement arrondie de ia
base au sommet, elle se termine par une terrasse qui lui
donne l'aspect d'un côn(3 tronqué ; mal située pour servir
de signal, nous partageons Topinion populaire qui en fait
un tombeau. Du côté de Mont-la-VHle, à 5 ou 600 pas du
passage de Peirafelix, on voit dans un petit vallon plu-
sieurs monticules de dimensions différentes, dans lesquels
on assure avoir trouvé des armes. La tradition, habile à
enrichir les faits les plus saillants de l'histoire, les attribue
à des soldats romains qui auraient campé dans ce lieu,
bien que le tumulus n'ait pas été en usage chez les Ro-
mains ; d'autre part elle raconte que les tertres de Genol-
lier et du Bois-du-Chêne sont des tombeaux élevés après
une grande bataille, livrée, dans des temps très reculés»
entre les Helvétiens et une nation qui voulait envahir le
pays. On voit de ces mamelons ou collines coniques près
de Gingins, Mont-le-Grand, Laingny, Chigny, Crissier,
Gollion, Suchy, entre Grandson et le Jura sur les bords de
VAmon, vers La Lance, Valeyres-sous-Ursins, Combre-
mofU'leGrand, Maracon et les Planches \
Le Mont Riond, au midi de Lausanne, est remarquable
par la régularité de ses contours et ses formes arrondies;
mais si l'on a égard à sa grandeur et au travail qu'aurait
exigé le transport de toutes ces terres, il parait peu pro-
bable qu'il ait été élevé par la main de l'homme. Les plus
grands tumuli du nord sont fort au-dessous de ses di-
mensions; cependant il serait possible que la partie supé-
rieure du Mont-Riond eût été utilisée pour des sépultures,
* A mesure que j'examine, les unes après les autres, ces collines du canton
de Vaudje m'aperçois qu'on a souvent pris des moi-aines pour des tumuli.
AGE DU BRONZE. 209
d'après l'usage adopté de les déposer sur des lieux éle-
vés. Dans les pays du nord, la tradition raconte que plus
d'une élévation de ce genre est l'œuvre des géants. On
montre en Scanie un lac creusé par un géant, qui, ayant
des parents en Danemark, prenait là de la terre, afin de
créer dans le détroit un ilôt où poser le pied. A cet effet,
il remplit un sac qui se creva jusqu'à trois fois. La terre
répandue sur le sol forma les collines qu'on voit encore
à quelque distance du lac. D'après la tradition, le Mont-
Riond doit avoir eu une origine pareille. Gargantua,
l'Hercule populaire, occupé à transporter des terres dans
une botte, s'achoppa à la tour de Gourze, fit quelques pas
et tomba tout étendu sur les bords du Léman, en répan-
dant par-dessus sa tête la terre de sa botte. La formation
du Montet près de Bex a la même origine, Gargantua
s'était cette fois acboppé à la tour de Saint-Tripbon.
Les tombeaux de la seconde période, les plus ricbes
dans ie canton de Yaud, diffèrent sensiblement, non par
leur contenu, mais par leur construction, des monuments
correspondants observés dans les autres pays. Non-seu-
lement les corps n*ont pas été brûlés, mais ils n'ont pas
même été recouverts de collines. On les a déposés dans
des cercueils en dalles brutes, à une certaine profondeur
dans le sol, à peu près comme dans les cimetières mo-
dernes, et sans signe apparent à l'extérieur. Je ne pense
pas que ce genre de tombeaux soit uniquement propre ao
canton, mais on l'a sans doute peu remarqué à l'étranger
parce qu'il ne frappe pas les regards comme les collines
tumulaires. Non loin d'Aigle, est un plateau de la mon-
tagne, adossé contre un rocher à pic, et qui élevait ses
broussailles plus haut que les châtaigniers de Verchiez.
MÉM. ET DOCUM. XXY. li
210 MONUMENTS DE l' ANTIQUITÉ.
Défriché en 1835, od déconvrit une centaine de tombeaux
construits en dalles brutes, comme ceux dePierra-Portay,
c'est-à-dire trop courts pour avoir permis d'y étendre le
mort. Avec les squelettes, se trouvaient des brassards
ornés de gravures, des bracelets ronds ou en spirale
et de grandes épingles en bronze. — Deux ans plus tard,
des monuments pareils furent découverts à peu de dis-
tance de là, sur le versant méridional de Charpigny,
attenant au mont de Saint-Tripbon, mais les squelettes
étaient étendus et non plus dans Tattitude embryonnaire.
Plusieurs objets furent recueillis par les soins de M. le
pasteur Buttin. Les bracelets se font remarquer par la
variété de leurs formes. Le plus grand est un fil de cui-
vre, aplati et large de 4 lignes, qui donne dix fois le tour
dé l'avant-bras. D'autres sont des anneaux gravés, ronds
ou ovales, fermés ou entr'ouverts. Deux, en argent fin,
pèsent chacun 4 onces, et représentent des têtes de ser-
pent à leurs extrémités. Outre les bracelets, on trouva
trois celts, la lame d'un petit poignard en bronze, deux
grandes épingles, une bague, une chaîne de six anneaux
ronds réunis par 5 petits liens plats, quatre tours de tête
en bronze, des tubes du môme métal, diverses pièces diffi-
ciles à déterminer, et les fragments d'un petit vase en
terre brune. — Les tombeaux de Trey, près Payerne,
renfermaient des bracelets et un collier en bronze. —
Dans beaucoup d'autres localités du canton, on a décou-
vert des antiquités du même genre, mais on ne sait pas
toujours si elles reposaient en terre libre ou dans des
tombeaux.
Sur plusieurs points du canton de Berne, M. de Bon-
stetten a ouvert des tumuli, dont plusieurs paraissent
AGE DU BRONZE. 211
appartenir à cette période. Le tombeau de Horgen, dont
nous avons parié, était, comme ceux de la vallée du
Rhône, déposé dans le sol, sans colline au-dessus. Les
tumuli du canton de Zurich, riches en objets divers, le
sont aussi en poterie. On retrouve les mêmes monuments
dans les environs de Constance, La Haute-Engadine, dans
les Grisons, possède plusieurs tumuli, qui, manque de
recherches, ne peuvent encore être déterminés. Quant
aux vallées élevées des Alpes, on y chercherait en vain
des monuments de cette époque.
Les sépultures n'offrent pas moins de diversité en Alle-
magne que dans les autres pays. Le mode primitif d'inhu-
mation ne tarde pas à disparaître. Les instruments en
bronze ne se retrouvent que rarement dans les salles
sépulcrales des tumuli, et encore ceux-ci n'existent-ils
que dans les contrées habitées durant la i^^ période;
aussi doit-on les envisager comme appartenant à l'âge
de transition. Non loin de Farrenstàdt, à quelque distance
de Quarfort *, on a ouvert les caveaux de quelques col-
lines qui renfermaient des poteries et des traces de
bronze'. L'un de ces caveaux avait 16*/» pieds de long,
sur 77» de large et S*/» de haut. Les dalles des parois
entraient dans des rainures pratiquées sur les couvertes
qui forment le plafond '. Au-dessus de celui-ci, étaient
entassés des blocs de grandeurs diverses, recouverts à
leur tour d'une couche de terre. Au milieu du caveau.
* A Niederweeden. Voir Deuts. AU. von Kruse, tom. 1, cah. 6, pi. I.
* C'étaient les fragments de bracelets en spirales formés d'un petit fll de
bronze.
' Rapprocher ce fait de celui de la salle de Regny décrite par M. Bla-
vignac.
m MONUMENTS DE l' ANTIQUITÉ.
reposaient les restes d'an squelette, autour duquel se
trouvaient une trentaine de vases, dont plusieurs étaient
munis de couvercles. On y recueillit deux pincettes en
bronze et de petits anneaux du môme métal de 2 à 3
lignes de diamètre*.
En 1841 9 on trouva dans la Rodehùgel*, à un quart
de lieue A'Ober - Farrenstâdt, un tombeau construit en
dalles, mesurant 14 pieds de long, 4 de haut et 5 pieds
3 pouces de large. A l'intérieur, il était divisé en deux
compartiments inégaux par une dalle sur laquelle od
avait pratiqué une ouverture d'environ 2 pieds de dia-
mètre. Dans le plus grand compartiment étaient les
restes très décomposés d'un squelette, sans traces de
charbons ou de cendres, une pointe de lance et un
poignard en bronze dont la lame, large de 9 pouces,
avait été fixée à la poignée par 5 clous rivés. L'autre
compartiment ne renfermait que les fragments ornés
de rayures d'une urne en belle terre noire, munie de
4 anses. D'un côté se trouvaient donc l'inhumation et
les armes; de l'autre, les cendres sans aucun ornement;
peut-être, le chef et son serviteur. L'ouverture prati-
quée sur la dalle de séparation parait indiquer qu'on
croyait à la communication des mânes'. — Il existe
encore entre Weissenfels et Naumbourg, dans la contrée
de la Saale, 70 tumuli, dont quelques-uns ont été fouil-
lés. Ils recouvraient des salles, dans lesquelles les sque-
* Ces divers objets sont dessinés dans Kruse.
* Neue Mitth. von Halle, tom. VI, cab. 4, 1843, pag. 151-153.
* A Dieskau, entre Halle et Leipsick, on trouva, sous une voûte grossière
faite de grandes pierres, hacbe et marteau de bronze avec quelques objets en
or. Keferstein, pag. 19.
AOB DU BRONXB. 243
lettes avaient l'attitude de Fembryon, aaprés d'eux étaient
des ?ases, des anneaux, des haches, des pointes de traits
en bronze et des dents d'animaux ' .
En pénétrant davantage dans l'intérieur des terres, les
anciennes populations ne construisirent plus ces salles
spacieuses. Les morts inhumés, et plus souvent brûlés,
sont disposés sur le sol ou sur un pavé, entourés de quel-
ques pierres et recouverts d'une colline, qui n'a souvent
que quelques pieds de haut. A moins d*avoir parcouru
les contrées où se trouvent ces tumuli, on se fait diffici-
lement une idée de leur nombre. Quelques-uns ont été
fouillés, mais le plus grand nombre est encore intact, en
sorle qu'il n'est pas toujours facile d'apporter dans leur
classification toute la précision désirable. Plusieurs sont
d'une époque un peu postérieure à celle qui nous occupe,
mais à en juger par les fouilles, beaucoup aussi appartien-
nent à la seconde période. A l'occident de l'Allemagne, on
les Irouve répandus sur les bords du Neckar * et du Main.
Dans la vallée de Regnitz on en a compté plus de 2000.
Ceux qui ont été ouverts montrent que le bûcher a été
plus fréquemment employé que l'inhumation. Mêmes to-
rouli sur les bords du Rhin, dans les provinces rhénanes,
en Belgique et en Hollande, Ils se retrouvent pareillemenl
en Wurtemberg, en Bavière et dans le centre de l'Alle-
magne. Séparés parfois par le mur romain, ils ne différent
ni de construction, ni de contenu. En Bohême et en Mo^
ravi<\ les tumuli qui renferment les instruments en bronze
sont généralement peu élevés et recouvrent ordinairement
' Keferttein, paf St.
* lit loDt irèt nombreai dans U vmllée du fhtàar, entre Rraakfort ti
Wurthour^, etc.
214 MONUMENTS DE l' ANTIQUITÉ.
des urnes cinéraires ^ — Nombreux dans la basse Silésie,
ils se répandent dans les plaines ou les vallées de la Saxe^
parfois sous la forme de cairns*. Tout le nord de FAUe-
magne possède la même diversité de constructions sépul-
crales propres à Tâge du bronze 'Dans le Hanovre, elles
varient beaucoup de grandeur et sont souvent entourées
de cercles de pierres *. On en compte plus d'un millier
dans le bailliage de Wimen, juridiction de Lûnebourg, dont
le sommet porte quelquefois une grande pierre ou un
autel '. — Particulièrement riches sont les duchés de
Mecklembourg . A Rtichow était une colline de 20 pieds de
haut et de 200 pieds de circonférence à sa base, sans
aucun ornement extérieur. Elle portait le nom de Kônigs-
berg (colline du roi). On y découvrit d'abord une espèce
de caveau voûté, ayant 14 pieds de long. Dans la direction
de l'est à Touest, reposait sur pavé, un chône long
de 12 pieds et large de 6, creusé en forme de bassin,
dans lequel était étendu, les bras sur les côtés, un sque-
lette humain assez bien conservé, mesurant 7 pieds de
long. Il avait à sa gauche les fragments d'une épée de
bronze déjà brisée quand on la plaça dans le cercueil ^ ;
et à sa droite une espèce de poignée carrée, plus un petit
couteau ^ en bronze. Chaque main portait une bague d'un
* Aussi des squelettes inhumés sous des voûtes peu élevées.
* Ainsi près de Zwickau, au sud de Leipsick, avec armes el objets de
bronze et urnes.
' Oldenbourg et Lippe. Nombreux tumuli avec urnes.
* Beaucoup d'urnes.
* Avec caisses de pierre. — Brunswick, squelettes et urnes. Hesse-Cassel^
plutôt urnes que squelettes. — DessaUt 40 tumuli nommés collines des nains.
* Y compris la poignée de 3 pouces de long, elle mesure % pieds 4 pouces
' On dit rasoir. (?)
AGE DU BRONZE. 21 S
double fil en or. Une fibule formée de deux disques en
spirale reposait sur la poitrine. Enfin, aux pieds du sque-
lette se trouvaient deux vases d'une argile fine. — A côté
de ce caveau, on en découvrit un second de 10 pieds de
diamètre, pavé, mais sans cercueil. Il n'y avait plus traces
de squelette, mais sur un petit espace se trouvaient réu-
nis : deux bagues d'un double fil en or reployé en spirale
cylindrique, deux colliers en torsade, deux paires de bra-
celets massifs, deux épingles, un couteau arqué, une urne
et une espèce de boite ronde en bronze, munie d'une
anse. — A l'orient, un troisième arrangement de pierres
recouvrait quatre urnes brisées, des os d'enfant à moitié
brûlés, une petite bague de fil de bronze et des fragments
de collier. A gauche de cette plaque se trouvait encore»
entre des pierres, une urne qui contenait une bague en
or, un double bouton de bronze et quelques autres objets.
On a vu là le tombeau d'une famille princière , et le Dr
Liscb attribue à ces inhumations successives la forme al-
longée de la colline ^ — Un tombeau d'un genre assez
pareil, mais sans cercueil de chêne, a été reconstruit dans
le musée de Schwerin. Il réunit pareillement les bagues
en or et les armes de bronze, l'inhumation et les traces
du bûcher. Je dois cependant ajouter que ces construc-
tions sont ex<;eptionnelles, bien qu'elles se rattachent aux
modes les plus usités.
Dans les contrées de la Saale, l'urne cinéraire a été
quelquefois déposée au-dessus des caveaux des tombeaux
primitifs, plus souvent sur le sol ou dans un cairn recou-
vert d'une petite colline; d'autrefois le mort a été in-
* Voir Ruchow, dans le dictionnaire de Wagener.
216 MONUMENTS DE L* ANTIQUITE.
hnmé. Ces tamuli ne sont pas moins nombreux que ceux
do premier âge. L'un vers Schkopau, près de Mersebourg,
entouré d'un cercle de pierres, contenait des fibules, des
épingles, des urnes en bronze et une centaine de celts ^
Dans d'autres, c'étaient des urnes, des épées de bronze '
et des ornements de harnais '. Parfois en Allemagne» ainsi
près de Halberstadt, on a trouvé des urnes qui renfer*
maient les os non brûlés de petits enfants ; peut-être ce
fait doit-il être rapproché de l'usage des Romains qui ne
livraient pas aux flammes les corps des enfants avant qu'ils
n'eussent mis les dents. — Entre WUtenberg et Torgau,
on voit des groupes de 50, 300 et même 400 tumoli. Ré-
pandus sur les rives de VOder, on les retrouve çà et là
parsemés jusqu'à Kœnigsberg. Si plusieurs diffèrent de
la description de Tacite, il en est cependant un grand
nombre qui répondent aux paroles de l'historien, quand
il dit que « chez les Germains les funérailles étaient sim-
ples, et que toute la distinction accordée aux personnages
illustres était d'être brûlés avec certain bois. On ne
jetait sur le bûcher, ajoute-t-il, ni habits, ni parfums,
mais les armes du mort et quelquefois son cheval ; puis
on élevait une colline sur les cendres du défunt. « Sepul-
crum cespes erigiti^ (le tombeau est de simple gazon) *.
On a retrouvé quelquefois en Danemark, sous les pierres
dites de sacrifices, une niche en dalles renfermant l'urne
cinéraire. D'autres fois, plusieurs caisses carrées sont re-
couvertes par la môme colline. Le plus souvent il n'y en
a qu'une sur laquelle on a arrangé des pierres en forme
* Keferstein, pag. 22.
* Lobejiin près Halle, Keferst. pag. 13.
* Weinberg près Halle, Keferst., pag. 7.
* Germania, cap. XXVII.
AGE DU BRONZE. 217
de voûte, d'autres pierres ont été rejetées sans ordre par-
dessus, et enfin la terre du sol. Dans l'urne sont déposés
les petits objets, tels que les ornements et les fragments
des armes, si elles ont été brisées ; sinon, on les plaçait
à côté de l'urne, ou bien au-dessus de la caisse. Dans
quelques tumuli sont des cercueils en pierre assez grands
pour y étendre un mort, et destinés cependant à recevoir
les cendres du bûcher. L'urne est parfois aussi déposée
sur le sommet ou sur les flancs des tumuli primitifs.
Les mêmes faits se reproduisent en Stièdey où l'on re-
trouve aussi sous la même colline un cercueil avec sque-
lette, entouré d'urnes cinéraires. Il est à remarquer que,
dans ce pays, les monuments de l'âge de bronze ne s'éten*
dent guère plus au nord que ceux de la période précédente.
Pendant que l'intérieur de l'Europe recevait de nom-
breux habitants, la Norwége n'était encore parcourue que
par un petit nombre d'aventuriers. Jusques à présent
on n'y a retrouvé que quatre tumuli de la seconde pé-
riode, près de Stavanger, au midi de Bergen. Les morts
n'auraient pas été brûlés, mais placés avec leurs armes
dans des cercueils en pierre, entourés de la terre du tu-
mulus. Quelques pointes de lance en bronze ont été dé-
couvertes à Walders, au centre de la Norwége et dans le
district de Drontheim, sans trace de tombeaux. La rareté
de ces pièces indique assez nettement que ce pays ne fut
que parcouru, mais non point habité à cette époque ; en
revanche, les tumuli de l'âge suivant y sont déposés en
grand nombre. Les fouilles qui y ont été dirigées avec
intelligence, les collections parfaitement classées qu'on y
a formées, permettent de tirer des conclusions que nous
ne hasarderions point sur un pays inexploré.
^18 MONUMENTS DE L* ANTIQUITÉ.
Dans les provinces russes do bord de la Baltique et du
golfe de Finlande, sont de nombreux tumuli renfermant
des corps inhumés ou des urnes cinéraires, mais beau-
coup remontent seulement aux derniers âges du paga-
nisme dans ces pays. Du nord au midi de ce vaste empire
on rencontre un nombre infini de ces collines coniques
ou demi-spbériques élevées par la main de l'homme. Toutes
n'ont cependant pas été des tombeaux. Du Bois de Mont-
péreux a montré, dans un travail fort intéressant', que
plusieurs ont servi de limites territoriales; d'autres, qu'il
appelle tumuli télégraphes, étaient de véritables signaux
sur lesquels on allumait des feux pour annoncer l'approche
ou la retraite de l'ennemi. Sur les iumuW pyrées, consacrés
au culte, on entretenait le feu sacré. Des tumuli trophées
ont été élevés en mémoire d'un événement dont on vou-
lait perpétuer le souvenir dans la postérité, souvenir la
plupart du temps effacé ou confus. Le manque de fouilles,
dirigées avec ensemble dans un but scientifique, ne per-
met pas de tirer de ces divers monuments les renseigne-
ments que l'histoire serait en droit d'en attendre. Espé-
rons que ces travaux seront entrepris pendant qu'il en
est encore temps.
De la Russie, comme nous l'avons vu, ces tumuli à
urnes cinéraires passent en Orient, et ils se retrouvent
dans l'Asie du nord avec toutes les variétés observées en
Europe. — Il nous reste maintenant à entrer dans quelques
considérations générales sur la période dont nous venons
d'étudier les monuments.
* Annuaire des voyages et de la géographie, 2«, 3« el 4* années, 1845-1847.
I>es tumulus, des forts el des remparts de la Russie occidentale.
AGE DU BRONZE. 219
Considérations générales sur la seconde
période.
La statistique des tamuli da second âge nous reporte
de nouveau en Asie, comme au point de départ. De là ces
tombeaux se répandent en Europe, non-seulement sur les
bords des grandes eaux, mais aussi dans l'intérieur des
terres. De nouvelles familles humaines, issues de la popu-
lation primitive ou venues de l'étranger, se sont établies
dans la plupart des pays. Il n*est guères de plaines ou de
vallées un peu étendues qui n'en conservent quelques
vestiges. Cependant, les montagnes ou les contrées rude-
ment accidentées restent généralement inhabitées. C'est à
peine si la Norwége et le nord de la Suède sont parcourus
par quelques explorateurs. D'après les rapports des au-
teurs anciens, les contrées habitées différaient sensible-
ment de ce qu'elles sont de nos jours. Le sol était recou-
vert de forêts plus vastes et plus nombreuses. Des maré-
cages occupaient la plupart des lieux bas et les vapeurs
qui s'en élevaient donnaient à l'atmosphère une plus
grande crudité.
Les monuments de la seconde période, pris dans leur
ensemble, présentent un caractère bien distinct de ceux
que nous avons examinés auparavant ; non-seulement le
métal a été découvert, mais le mode de sépulture est tout
autre. Les grandes salles sépulcrales ne tardent pas à être
abandonnées. Au lieu de collines gigantesques et des cer-
cles de piliers élevés, c'est tout simplement un petit tertre
qui recouvre les ossements ou les cendres du mort. Si»
220 MONUMENTS DB L'aNTIQUITÈ.
comme nous le pensons, l'attitude reployée des squelettes
eût un sens profondément religieux, rintroduction du
bûcher ou l'usage de brûler les morts doit répondre à une
foi nouvelle, à une autre croyance et. probablement à un
autre peuple. Hérodote dit que les Perses ne brûlaient
pas les corps parce qu'ils regardaient le feu comme une
divinité. Les Egyptiens s'abstenaient aussi du bâcher,
parce que, ne croyant pas permis de livrer le corps aox
animaux, ils envisageaient le feu comme une béte inani-
mée. D'autre part, les philosophes indiens, tels que Ca-
lanus, du temps d'Alexandre, terminaient leur vie par le
feu lorsqu'elle leur devenait à charge. Les Grecs croyaient
que le feu consumait tout ce qu'il y avait d'impur dans le
corps humain. Euripide dit de Clytemnestre que son corps
fut purifié par le feu ^ Heraclite, qui regardait le feu
comme le principe universel, voulait qu'on brûlât les corps»
afin qu'ils rentrassent plus vite dans leur élément primi-
tif. Nous avons là des points de vue opposés qui nous
assurent qu'à leur origine, ces deux modes répondaient
à des idées différentes sur le culte et la divinité, et par
conséquent à des peuples différents.
Cette conclusion doit paraître en contradiction avec l'his-
toire et les faits observés, mais il importe de ne pas ou-
blier qu'il s'agit ici du point de départ, c'est-à-dire de ces
modes à leur origine. — On nous opposera que quelques
peuples, les Romains entr'aulres, brûlèrent ou inhumèrent
indifféremment leurs morts, et qu'ainsi la différence de
sépulture ne conduit pas à une différence de peuple. Nous
ferons observer que Rome, ainsi que beaucoup d'autres
* Oreste, 40. Tnjpi TMtBrtytarou Scpoç.
AGE DU BRONZE. 221
cités, fut d'abord un asile ouvert à tous les vagabonds,
et composée d'éléments très divers auxquels on donna
pour unité et pour but l'affermissement de l'état à l'inté-
rieur et son agrandissement au dehors. Quand on régla
ce qui avait rapport au culte, on dut tenir compte de cette
formation et laisser juxtaposés les usages qui ne pou-
vaient être fondus. C'est par ces circonstances que nous
nous expliquons remploi des deux modes de sépulture
chez les Romains. Cette explication prend encore plus de
poids si nous nous rappelons que Cicéron et Pline disent
que quelques familles avaient l'habitude d'inhumer, tan-
dis qu'on brûlait généralement les morts. On le voit, dans
les premiers temps de Rome du moins, on ne passait pas
indifféremment d'un mode à l'autre. Quelques-unes des
familles qui s'abstenaient du bûcher venaient sans doute
de TEtrurie; d'autres de la grande Grèce ou de peuplades
primitives. Numa, Sabin d'origine, ordonna qu'on l'in-
humât. Quelques auteurs font descendre les Sabins d'une
colonie lacédémonienne qqi s'établit en Italie, et les ha-
bitants de Lacédémone avaient, à l'inverse des autres
Grecs, l'habitude d'enterrer leurs morts ^ L'usage du
bûcher étant le plus répandu, il en résulterait que la plu-
part des familles de Rome descendaient d'autres peu-
plades, qui envisageaient sans doute aussi le feu comme
un moyen de purification. Il serait curieux de rechercher
si l'usage de ne pas livrer aux flammes les corps des
jeunes enfants ne provient pas de l'état d'innocence accordé
à cet âge, et qui aurait ainsi rendu superflue la purifl-
* L'existence de Numa est douteuse, et les Sabins n'ont pas de rapports
avec Sparte.
222 MONUMENTS DE l' ANTIQUITÉ.
cation par le feu. Quoiqu'il eu soit, l'idée primitive atta-
chée à ces différents modes se perd durant le cours des
siècles, et l'on voit le dictateur Sylla, contre l'usage de sa
famille (Cornelia), ordonner qu'on brûlât son corps, dans
la crainte qu'on ne le déterrât pour le jeter dans le Tibre,
comme il l'avait fait des restes de Marins, son redoutable
adversaire. — Ce qui s'est passé à Rome, ou dans d'autres
contrées, n'empêche donc point d'admettre qu'à leur ori-
gine ces modes appartenaient à des cultes' et des peuples
différents, et si nos observations sont fondées, on peut
conclure à une juxtaposition partout où on les trouve
réunis. Depuis que cette question s'est présentée à nous,
nous n'avons pas eu le temps de l'étudier sufSsamment
pour pouvoir recueillir sur l'orient les renseignements
qu'il est possible d'obtenir. Ce que nous savons, c'est que
l'usage du bûcher y est fort ancien, et que l'urne ciné-
raire s'y retrouve dans un grand nombre de tombeaux ^
— Maintenant, avec ces données, si nous portons nos re-
gards sur les sépultures de l'âge primitif en Europe, et
que nous examinions ensuite celles de la seconde période,
nous reconnaîtrons qu'une grande révolution s'est opérée
dans des âges antéhistoriques. Quand on s'est rendu
compte du sens profond attaché aux sépultures les plus
anciennes, et qu'on rencontre un autre mode emportant
avec lui d'autres idées, d'autres dogmes sur la mort et la
vie à venir, on ne peut comprendre le simple passage d'une
foi à l'autre chez un peuple resté le même. Nous ne tar-
* Cn autre fait relatif au mode de sépulture résulte de Tusage de popula-
tions parfois voisines d'élever ou non des tumuli. Sur les bords de la mer
Noire, les colonies de Doriens ne sont pas accompagnées de tumuli, mais
bien celles des Ioniens, des Milésiens, par exemple.
AGE DU BRONZE. 223
derons pas à voir que l'orient répandit en effet, avec la
connaissance des métaux, de nouveaux flots de peuples
sur l'Europe. Lorsqu'une foi disparait et ne laisse plus
que quelques vestiges au milieu d'une croyance nouvelle,
comme les bris du vaisseau surnageant après la tempête,
nous pouvons être assurés qu'une société a été brisée par
une lutte profonde. — En partant de ce point de vue et
en faisant un nouvel examen des monuments tumulaires
qui, par leur construction ou par leur contenu, se rap-
prochent le plus du moment de la lutte, on pourra même
juger des succès et des revers du peuple envahisseur. La
prédominance de l'urne cinéraire nous montre qu'il fut
généralement vainqueur. Cependant, là où nous retrou-
vons l'inhumation honorée par le dépôt d'armes ou d'or-
nements, on doit y voir la population primitive victorieuse
ou retirée. Mais il y a plus, des familles de l'un et l'autre
camp paraissent avoir été réduites arrêtât d'esclavage.
Quand nous trouvons le squelette étendu sans aucun or-
nement à côté de l'urne cinéraire qui renferme les der-
niers témoignages de la considération des hommes, nous
avons là l'esclave de la race primitive, sacrifié à la mort
de son maître. Mais si le squelette, déposé dans un sar-
cophage, est entouré d'urnes grossières ne contenant que
la cendre des morts, les positions sont interverties *. Voilà
* M. Vulliemin m*a fait observer que Tesclave n'était pas mêlé à la famille
du maître et qu'il est peu probable qu'il ait été brûlé sur son tombeau ou
inhumé à côté de l'urne; mais il admet que, par union, la même famille
peut avoir été composée d'individus de peuples différents, en sorte qu'au
fond le fait reste à peu près le même. On voit cependant des esclaves immo-
lés sur la tombe du maître.
Quelques-uns prétendent que l'ustion était plus en honneur que l'inhuma-
tion. Le fait s'expliquerait par la prédominance du peuple envahisseur.
224 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
ce qui se présente à ooas pour les temps les plus rap-
prochés de la lutte. Dans la suite, ce qui se passa à Rome
dut être commun à beaucoup d'autres peuples. Par le
cours des siècles et la mixtion des éléments, les souve-
nirs s'effacent; il ne reste que des faits dépouillés de leur
signification, et qui, perdant leur valeur, sont modifiés
ou abandonnés par simple convenance ^ Si l'on possède
un jour des statistiques détaillées de tous ces monuments,
il sera curieux de rechercher à quels peuples de l'orient
appartient le bâcher ou l'inhumation, et d'arriver à dé-
terminer les points de départ des invasions, en suivant
leur marche vers l'occident. Ce que nous pouvons dire,
quant au point qui nous occupe, c'est que l'introduction
du bûcher en Europe remonte au commencement de notre
seconde période. Sa haute antiquité est constatée dans le
midi par les récits d'Homère, et entre autres par la dé-
couverte d'Albano. Dans le nord, l'ustion apparaît aussi
anciennement que le métal. Les deux voies primitives fu-
rent parcourues de nouveau , d'autres furent peut-être
ouvertes dans le centre de l'Europe. — Nous avons dit
que la race primitive conserva ses demeures en plus d'un
lieu ; tel parait avoir été le cas des Aborigènes dans l'Hel-
vétie occidentale. Les tombeaux de Pierra-Portay nous ont
révélé leur présence sur les bords du Léman. Ceux de
Verchiez avaient la même construction, tandis que leur
contenu les classe dans la seconde période. Retirés ou
* On trouve dans Michaud, 3* vol., pag. 642, des détails sur les cérémo-
nies funèbres des Prussiens, qui montrent que chez eux les nobles étaient
, consumés et les pauvres enterrés. Les pauvres étaient-ils enterrés parce
que l'ustion était plus coûteuse ? N'est-ce pas plutôt qu'ils étaient une race
asservie ?
AGE DU BRONZR. 2*25
refoulés dans cette vallée des Alpes, les habitants purent
pendant longtemps échapper ou s'opposer à la conquête
des envahisseurs. Cependant cette population, dont nous
ignorons le nom, ne peut être celle des Helvéliens qui,
après avoir séjourné sur les bords du Rhin, dans le grand-
duché de Baden ', pénétra plus tard dans le pays au-
quel elle a laissé son nom. C'est sans doiite aux Helvétiens
que nous devons les tumuli qui, comme celui de Cha-
vannes-sur-le-Veyron, renferment des cendres humaines •.
— Dans plus d'un lieu les premiers habitants durent
céder la terre qu'ils habitaient pour aller chercher une
nouvelle patrie. Les Etrusques, dont les tombeaux con-
firment si bien leur ancienne origine, paraissent avoir
été dans ce cas. Avant d'arriver en Italie, on croît qu'ils
ont séjourné dans les Grisons, où les noms de plusieurs
localités sont tout étrusques. Il est difiScile de dire de
quelle contrée ils arrivaient et combien de temps ils s'y
sont arrêtés '.
Nous devons ajouter que si dans l'origine ces deux
modes de sépulture indiquent des peuples différents, on
ne peut envisager comme un même peuple tous ceux qui
participaient à l'un ou à l'autre usage. Le point de départ
fut sans doute commun, mais ils s'établirent en Europe
sous des noms très divers. D'un autre côté, si nous avons
signalé deux moments d'invasion, nous ne voulons point
limiter à ces époques seulement l'introduction en occi-
* Voir sur ce fait les Mém. de Loys de Bochat, tom. I, pag. 28 à 99.
* Celte colline, d'après les fouilles que je viens d'y faire, n'est pa^ un tu-
mulus, mais bien un lieu de sacrifices.
* Une opinion, plus accréditée que celle-ci, est que les Etrusques n'ont été
dans la Rhétie qu'après la chute de leur puissance en Italie.
MÉM. ET DOCUM. XXV. 15
226 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
deot des peuples de l*Asie. Une fois les voies ouvertes,
elles furent souvent parcourues. Cependant il ne serait
pas sans intérêt de pouvoir constater le moment où de
nouvelles populations se répandirent en Europe ; c'est à
ces derniers flots que me paraissent appartenir la plupart
des noms connus dans l'histoire. On peut en excepter les
Pélasges en Grèce, les Aborigènes en Italie, et peut-être
les Ibères en Espagne. Il serait difiScile de dire comment
s'appelaient les premières populations fixées sur les côtes
de rOcéan et des mers du nord. Leurs noms ne sont pas
arrivés jusqu'à nous. Fort anciennement les Scythes oc-
cupèrent une grande partie de la Russie ; les peuples des
pays dli nord compris sous le nom collectif de Scandi-
naves n'appartenaient pas tous à la même famille ; les
Germains occupaient l'Allemagne, et les Celtes l'Angle-
terre et la France *, d'où ils se répandirent en Espagne
et prirent le nom de Celtibères. Nous aurons à apprécier
les jugements portés sur les Celtes : Pour le moment,
nous ajouterons seulement que les Scandinaves, les Ger-
mains et les Celtes avaient Thabitude, au temps de César
et de Tacite, de brûler leurs morts, ce qui les distingue
ainsi des populations primitives.
Pour en finir avec la question des sépultures, nous re-
cueillerons encore les traits qui nous ont été conservés
par les auteurs anciens sur les cérémonies funèbres des
Gaulois. Le mort, couvert de grands linceuls flottants, était
suivi d'un convoi dont le nombre des assistants répondait
à la considération du personnage. Le corps déposé sur le
' Et au midi de l'Allemagne jusqu'au Noricum. On veut souvent les voir
sur les bords de la Baltique, ce point est contestable sans être toutefois in-
vraisemblable.
AGe nu BRONZB. m
bâcher, on jetait dans les flammes tout ce que le défunt
avait eu de plus cher*. Des esclaves étaient égorgés*;
des parents se donnaient même la mort dans Tespoir de
passer au nombre des divinités. On prétait au défunt des
sommes d*argentqu*il aurait à rendre dans l'autre monde\'
on livrait même aux flammes un compte exact de ses af-
faires et des lettres qui lui étaient adressées, ne doutant
pas de rintérét qu'il aurait à les lire dans la vie à venir,
durant ses heures de loisir \ Il était dangereux de ne pas
sacrifier beaucoup aux mânes des hommes vaillants,
comme on peut s en assurer par les paroles des Druides :
t Tant quune lumière brûle et qu'elle est allumée, di-
saient-ils, elle n'incommode personne, mais aussitôt
qu'elle est éteinle, outre les ténèbres qui succèdent tou-
jours, elle jette une odeur forte qui est nuisible; de même
les grands hommes, pendant leur vie, sont comme des
flambeaux dont la lumière a quelque chose d'agréable, qui
ne fait soufl^rir personne, tandis que, venant à mourir et \
s'éleindre, ils excitent souvent des tempêtes et corrompent
l'air. » Ceci montre suffisamment combien on devait mettre
d'importance à célébrer avec une grande pompe les céré-
monies funêt^res des chefs, afin de se prémunir contre le
pouvoir de nuire qu'on leur attribuait. Ces cérémonies
' Pour k« ftépuliur^f cbei les anciens Greci voir 04^t. XXIV, 6t. Afa*
memnon rjcont« à Achille, djini les enfert, let honneurs funèbres dont on
rent.Mira: Uinture de* cheveui, lamenUiliont pendant 17 jours, le 18"* jour
tistion «ur le bûcher, sacriAcet de moulons et bsufs, vases d'huile, de miel,
procestion autour du bûcher, cendres recueillies dans une urne d*or, et mê-
lées avec cell«*« de Patrocle. érection d'un tombeau, jeux et combats.
•C^^r VI. \1I.
' \a\. Max. 11. «.
« Pomp. Nelj, Itt iitu orbu, 11. Diodor. de Sicil. lib. V, 9, S M-
2^8 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
se terminaient par des libations et des repas en Thonneur
du défunt*. Après avoir éteint le bûcher, on recueillait
les cendres du mort, qu'on plaçait dans une urne, qui était
ensuite recouverte des pierres et de la terre du tumulus.
On a souvent prétendu que le corps était enveloppé d'une
toile d'amiante qui, ayant la propriété de résister à l'ac-
tion du feu, permettait de séparer les cendres du mort de
celles du bûcher. Pline qui mentionne cet usage S dit
qu'il était employé pour les personnages les plus distin-
gués. Il ne fut introduit qu'assez tard et, dans tous les
cas, ne devint jamais général. Achille, rendant les der
niers devoirs à Patrocle, ordonne d'éteindre le feu, puis
il ajoute : « Nous recueillerons les os de Patrocle sans les
confondre, ils seront très reconnaissables, car il était au
milieu du bûcher. » Les Romains opéraient aussi ce
triage avec un grand soin, ce qui n'empêche pas que les
charbons du bûcher ne soient souvent mêlés aux cendres
de l'urne.
Les divers objets dont nous avons étudié les formes et
le travail, nous donnent une idée du degré de culture au-
quel arrivèrent les barbares pendant cette seconde pé-
riode. Les débris de cuir qui ont été conservés permettent
de s'assurer que la peau ders animaux n'était pas simple-
ment desséchée, mais qu'elle subissait une préparation
qui devait avoir assez de rapports avec celle de nos tan-
neries. L'art du tissu leur était familier , les lambeaux
d'étoffes arrivés jusqu'à nous étant de laine, il en résulte
* Ajoutez à ces détails ceux qui ont été recueillis par Pelloutier, Histoire
des Celtes f tom. VI, pag. 162.
• Pline XIX, 1, fait venir l'amiante des déserts brûlants des Indes. On la
trouve cependant dans l'Eubée, d'après Strabon, lib. X, pag. i46.
AGE DU BRONZB. 229
qu'ils connaissaient les motUons, qui servaient ainsi au vê-
tement et à la nourriture. Les perles à filer nous appren-
nent qu'on filait au moyen du fuseau\ L'aiguille et les ci-
seaux étaient employés à la confection du vêtement, de
même que le poinçon et le trancbet au travail du cuir. —
L'exploitation des mines entraine avec elle une certaine
organisation sociale, chacun ne peut y travailler pour son
compte ; il faut une association ou, tout au moins, le com-
mandement du maitre, qui suppose la propriété établie
sur des règles déterminées. Le cuivre, l'or, l'argent,
rétain et le plomb sont tirés du sein de la terre; si le fer
n'a pas été absolument inconnu, du moins on n'a pas sur-
monté les difficultés qu'il fallait vaincre pour qu'il pût de
venir d'usage général. Homère nous a appris à quel degré
de perfection arriva le travail des métaux dans les contrées
du midi. Au nord des Alpes, on accorde la préférence au
creuset et au moule. Nous avons vu que le martelage, la
tréfilerie, le bosselage, la gravure, l'incrustation sur pierre
et sur bronze étaient aussi connus. On arriva au moyen de
l'alliage et de la trempe à donner au cuivre la dureté et
l'élasticité de l'acier. L'analyse des métaux nous a montré
les rapports de l'alliage, dans lequel l'étain jouait le rôle
principal, tandis que le zinc ne parait d'abord que dans
les bronzes romains. Les Gaulois inventèrent rétamage du
cuivre, et les barbares établis sur les bords de l'Océan su-
rent enduire de divers métaux le cuivre sortant rouge du
feu. — Uari du potier acquit aussi un grand développe-
ment; il est même des urnes qui , malgré l'action de plus
de 20 siècles, ont conservé tout le poli et l'éclat que donne
* Nous verrons, en parlant des costumes, qu'ils savaient teindre les étoffes
avec les couleurs les plus vives.
230 MONUMENTS DE L*ANTIQUITÊ.
le vernis. — Marseille apprit fort anciennement anx Gau-
lois Varl de fondre le verre. Pline * nous dit que de son
temps ils avaient acquis une certaine habileté dans ce tra-
vail. 11 n'est cependant pas probable qu'il se soit répandu
dans les pays du nord durant cette période.
Nous n'avons retrouvé en fait d'instrument de musique
que le chalumeau et la guimbarde, ainsi que le cor des-
tiné aux combats. Nous savons cependant que les Celtes
avaient des bardes * qui s'accompagnaient dans leurs chants
d'un instrument à cordes assez semblable à la lyre. Les
bardes composaient des vers sur les actions glorieuses
des héros, et leur autorité, quoiqu'inférieure à celle des
Druides, était si respectée qu'on les vit faire poser les
armes à des armées prêtes à en venir aux mains. Malgré
la rudesse des mœurs, le langage du poète n'en était pas
moins celui des dieux. Les Germains avaient aussi leurs
chants et leurs poèmes historiques ; les scaldes des Scan-
dinaves n'étaient autres que les Bardes des Celtes. Bien
qu'on ait contesté l'authenticité des poèmes d'Ossian, ils
peuvent nous donner une idée de ce qu'était la poésie chez
les peuples du nord ; il reste encore plusieurs chants des
Scandinaves, dont nous pourrons faire quelques citations,
quand nous serons arrivés à Tépoque à laquelle ils appar-
tiennent. — Il est à regretter qu'aucune poésie de ces
âges reculés ne soit arrivée jusqu'à nous, mais on com-
prend que, se transmettant oralement, elles aient dû se
perdre, car ce n'est que beaucoup plus tard que les runes
furent disposés en alphabet. Avant la conquête des Gaules
par les Romains Vccrittire était cependant connue par
< XXXVI, 66.
* Lucain a parlé des Bardes dans sa Pharsaie.
AGE DU BRONZE. ^251
quelques-unes des populations établies au nord des Alpes *.
César rapporte qu'après la bataille de Bibracte on trouva
dans le camp des Helvétiens des tabelles écrites en lettres
grecques qui indiquaient le nombre des hommes en état de
porter les armes, ainsi que celui des vieillards, des fem-
mes et des enfants*. — Sur une pierre de Saulieu, en
Bourgogne, sont gravés des caractères qu'on croit appar-
tenir aux Gaulois '.
La liste des ornements que nous avons donnée témoi-
gne d'un grand goût pour le luxe^: Diadèmes, colliers,
bracelets, bagues, épingles, fibules, ceintures et anneaux
de jambes étaient une parure propre aux hommes et aux
femmes; l'or, employé avec prodigalité, montre que Tart
du clinquant n'était pas encore connu. Ces pièces en gé-
néral n'ont rien de distingué par leurs formes, mais en re-
vanche elles sont chargées d'ornements de détails, de dis-
ques et de lignes symboliques; on peut être surpris du
soin et de la précision qui ont présidé à l'exécution de
tous ces traits ; cependant l'idée du beau fut peu dévelop-
pée chez ces peuples ; elle ne s'exprima jamais par la sim-
plicité du fond, rimitation de la nature animée, la grâce
* Sur l'antiquité de récriture chez les Grecs, je trouve dans VOdyiséef
(VIIl, 158-599) Euryale, fils d'Alcinous, voulant provoquer Ulysse, lui dit ,
< Vous ressemblez bien mieux à quelque patron de navire.... ou même à
quelque écrivain de vaisseau qui tient registre des provisions et des prises... »
* De Bel. Gai. I, 29.
> Hs sont représentés dans le 6»* volume de l'histoire de Bourgogne par
Tabbé Courtépée.
* Odynée XVIII, 290. sqq. Antinous apporU à Pénélope un manteau ma-
gnifique qui avait 12 agrafes d'or. //. XIX, 227, sqq. Vêtement d'Ulysse, ample
manteau de pourpre avec double agrafe d'or, au bas broderie en or d'un
chien de chasse tenant un faon de biche tout palpitant . . . tunique admira-
blement brodée.
232 MONUMBNTS DE L*ANT1QU1TÉ.
des contours, la beauté des formes et de l'ensemble. Le
beau consistait pour eux dans Tornementation des détails,
la vivacité des couleurs et la reproduction de l'extraordi-
naire*. Il est curieux de voir ces traces de Tart que le
bronze nous a conservées, reproduites sur l'ancien sagum,
d'étoffe rayée* ou chargée de fleurs, de disques, de fi-
gures de toute espèce. Les Galls se paraient par le tatouage
de signes symboliques. Les Bretons se teignaient le corps
avec une substance verdâtre extraite de la feuille du
pastel \ On peut se représenter le Gaulois, ami de la pa-
rure, revêtu de braies, d'une chemise à manches et du sa-
gum à carreaux éclatants. Ces guerriers robustes, de
haute stature, au teint naturellement blanc, aux yeux
bleus, aimaient à donner à leurs cheveux blonds* ou châ-
tains une couleur rouge ardente ^ au moyen de l'eau de
chaux ou d'une pommade caustique, puis, à moins de les
* Ainsi les casques des Gaulois.
* A lignes droites. Enéide, liv. VIII, 660, ou à losanges comme ou le voit
sur quelques monuments du bas empire. Encycl., mot Gaulois, et aussi Sa-
gum.
* Pline, XXII, 1. Des nations étrangères ont habitué, de toute antiquité, de
se farder du jus de certaines herbes et de se charger le corps de caractères
gravés sur la peau. En Bretagne les femmes mariées et les brus se teignent
tout le corps de jus de pastel.
* Tite-Live, Decad IV, liv. vm. — Cet historien dit (Decad III, liv. II.)
qu'à la bataille de Cannes, plusieurs étaient nus de la ceinture à la tète.
Les bas-reliefs découverts dans la cathédrale de Paris représentent des Gau-
lois avec bonnet plat et chaussure recouvrant tout le pied. — Grivaud de la
Vincelle.
C'est Diodore de Sicile, liv. V. pag. 218 A, qui parle de cette bigarrure de
couleurs et d'ornements sur le sagum, il dit qu'on l'attachait avec des fl-
bules*
* Même fait chez les Grecs, Anacharsis, tom. II, c. XX, pag. 358. Schol.
Theocr. in Idyii II, v. 88. Hesychii lexicon in Thapsin salm in Pline, pag. 1163.
AGE DU BRONZE. :233
laisser flotter sur les épaules, ils les relevaient en touffe
au sommet de la tête \ Le peuple portait la barbe longue,
les nobles ne conservaient que d'épaisses moustaches. Le
pauvre et le riche, comme toujours, différaient beaucoup
de parure. Aussi quand l'usage des armes défensives fut
introduit, la foule ne connut guère le casque, la cuirasse
et le bouclier*.
Appien dit que les Espagnols portaient des manteaux
épais et repliés comme les chiamides, attachés avec des
agrafes et qu'ils les appelaient sagum.
Les Germains portaient aussi le sagum, attaché au moyen
* Population de Vlméreth. « Le bonheur tel que le recherchent ces peuples
est encore fort matériel. Avoir beaucoup de serfs, parader suivi d'une foule
de vassaux dans de beaux habits chamarrés de galons d'argent, avoir une
belle moustache qu'on teint en rouge quand elle grisonne, et trouver partout
un banc (table) bien garni, constitue celui des seigneurs, qui ne tiennent
outre cela qu'à leurs chevaux, à leurs armes, à leurs faucons et éperviers et
koupchines (jarres de vin). Le luxe des maisons n'existe pas chez eux;
rarement de fenêtres, deux portes suffisent pour le jour et la fumée. Deux ou
trois bancs un peu creux au milieu avec un bloc de bois pour oreiller, quel-
ques tapis, de longs bancs pour tables, un coffre bien brillant, et vous savez
tout ce qu'une maison en général renferme et ce dont se contente un noble
et même un prince Iméritien. Une petite chapelle et un pope, qu'on traite
comme un paysan, sont de rigueur chez ceux qui veulent soutenir leur di-
gnité. » Voyage autour du Caucau, par Du Bois de Montpéreux, tom. III,
p. 135-136. — Itinéraire de Routais à Tiflis. < Il n'y a pas de pays où les dames
poussent plus loin la coquetterie, quoiqu'elles ne se voient qu'entre elles. On
n'en verra aucune aussi qui n'ait les cils, ou sourcils, peints en noir ; quand
les sourcils sont trop larges, on les rase pour leur donner l'air d'arcs. Une
femme non fardée, quel crime de lèse-politesse si elle osait se présenter
ainsi ! Cela va sans dire qu'on ne manque jamais non plus de se teindre les
ongles en rouge avec du henné; les femmes ftgécs qui ont des prétentions
s'en peignent les cheveux. > Id. id. p. 174. Les personnes ftgées chez les
Taures de la Crimée se teignent encore les cheveux en rouge.
* Voir plus de détails dans Chisioire des Gaulois d'Amédée Thierry, tom.
Il, pag. 43.
234 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
d'une fibule, et à son défaut d'une épine \ Les plus riches
se distinguaient par un ?étement, non flottant comme celui
des Sarmates et des Partbes,mais étroit, de manière à des-
siner les formes du corps. Ils se couvraient aussi de la
peau des bêtes féroces, les uns négligemment, d'autres
avec recherche. Le vêtement des femmes était semblable à
celui des hommes, si ce n*est qu'elles portaient plus ordi-
nairement des toiles de lin ornées de pourpre et qu'elles
laissaient la poitrine et les bras découverts*. — Chez les
Barbares les femmes paraissent, en général, n'avoir pas été
vêtues bien autrement que les hommes; le même fait se
reproduit encore de nos jours chez les Lapons, recouverts
indistinctement d'une espèce de robe et d'un bonnet de
fourrure. — En parcourant le nord de la Russie, on re-
trouve dans les campagnes un costume qui n'est pas sans
rapport avec ceux dont les auteurs anciens nous ont laissé
la description. La chaussure est parfois une bottine d'écorce
de bouleau, tressée ei^natte. Le pantalon, plus ou moins am-
ple, n'est autre que la braie des Gaulois. Enfin une blouse de
couleurs vives, floitanteou serrée par une ceinture, com-
pose le reste du vêtement , et rappelle le sagum dont elle
reproduit la forme. Une robe est souvent l'unique pièce
de vêtement des femmes. En hiver, la peau de mouton sert
à se préserver du froid. — Les auteurs latins nous repré-
sentent à peu près demi-nus plus d'un habitant des pays
* Spina, on devrait peut-être le traduire par épingle.
• Tacite, Germ. lib. XVII.
Strabon donne aux Gaulois Belges (liv. IV,) chevelure longue, caleçon et
sagum ; pompeux dans leurs habillements ils portaient colliers, bracelets aux
bras et poignets, habits teints, ornés ou brodés d'or.
Dion dit que les habitants de l'Ecosse, Calédoniens, Pietés, etc., étaient nus
ou vêtus de la ceinture en bas, et se peignaient de différentes couleurs.
AGE DU BKONZE. 235
du nord, ce qui parait au premier abord invraisemblable.
Ce que nous venons de dire des serfs de la Russie septen-
trionale fait comprendre que ces descriptions ont dû être
écrites d'après les rapports de voyageurs qui avaient visité
ces contrées dans les mois où le soleil, disparaissant i
peine à l'horizon, répand une chaleur qui n'éprouve pas
moins que les rigueurs des longs hivers. — Un vase dé-
couvert dans les tombeaux de la Crimée représente avec
une grande exactitude le costume des anciens guerriers
bcythes*. Ils portent la barbe longue; les cheveux flot-
tants sont rejetés en arrière ; un bonnet pointu prend toute
la tête, ne laissant que la flgure à découvert; le sagum est
resserré autour de la taille par une ceinture étroite ; le
pantalon, pris dans les tiges des bottines, complète le vête-
ment ; les armes sont la lance, l'arc, le carquois et le bou-
clier long,arrondi à ses extrémités. — Desflgures reprodui-
tes par le bosselage sur un vase en or, d*un beau travail
grec, représentent des guerriers à la suite d'une bataille,
dont les uns, blessés, sont pansés par le chirurgien, tandis
que d'autres bandent de nouveau leurs arcs ou paraissent
s'entretenir du résultat de la journée*.
De tout temps, la pêche et la chasse furent pour ces peu-
ples un moyen d'existence. La plupart des animaux do-
mestiques leur furent connus et dans quelques contrées
la cuUiire du sol prit un développement dont on ne se fait
pas toujours une idée exacte. Pytbias % qui vivait trois sié-
* On le «oit dant le paUii de l'EnniUfe à Sainl-Hélenbourf •
* La colonne Trajaoe élevée l'an 114 de Jéfu»*Chrttl représente les ceêlu-
met de plusieur» peuples tartMret , peut-être un peu roodiflét de ce qu'ils
étaient dans notre seconde période.
* Ptiiloiophe de Marseille, contemporain d'Arittote. Sirabon II ; FliiM
XXXVll.
236 iio!(L'iiEirrs de L^AifTiQCirÉ.
des avant notre ère, rapporte que les babitaots de Thalé»
c'est-â-dire les Scandinaves^ n'étaient pas étrangers à l'a-
gricoltore. Les Germains calti?aient le lin ' et réduisaieot
leors blés dans des demeores creuses ou sonterraioeft
qu'ils babitaient pendant Tbiver. Pline* raconte que l'Hel-
vétien Hélicon, citoyen des Gaules, après avoir travaillé
quelque temps à Rome de sa profession de charpentier oo
de marécbal, en rapporta, à son retour dans sa patrie, des
figues, de l'buile et du vin, ce qui détermina les Gaulois à
passer les Alpes. Lorsque les Helvétiens se décidèrent à
quitter leur pays ils ensemencèrent le sol de manière à
pouvoir prendre sur les récoltes de 2 ans des blés en suffi-
sance pour l'entretien de 368 000 personnes pendant 3 mois
de campagne'. — On ne peut douter que Tagriculture ne fut
en honneur chez les Gaulois longtemps avant l'arrivée des
Romains. Athénée^ nous apprend que lorsque Euxenus»
chef des Phocéens, s'unit à Petta, fille de Nannus, roi des
Saliens, celle-ci présenta à son époux selon Tusage du pays
une coupe pleine d'eau et de vin. Les Phocéens, qui appor-
tèrent avec eux des plants de vignes et d'oliviers, trou-
vèrent déjà le raisin dans les Gaules avant la fondation de
Marseille (an 530) \ Dès le temps de Caton l'ancien on
* Ce qui résulte de« vêtements de lin dont parle Tacite XVII.
* Lib. Xil. cap. 1. Produnt AJpibus coercitas et tum inexsuperabili muni-
mento Gallias, hanc primum habuisse causam superfundendi se Italiae, quod
Helico ex Helveliis, ci vis earum, fabrilem ob artem Romœ commoralu», fi-
cum sicam, et uvam, olei ac vini prsmissa, secum tulisset. Quapropter hœc
belle qusesisse venia sit. — Helico vivait dans le second siècle de Rome, dit
Loys de Bochat.
* César 1, 8.
* Lib. XIII. Les Saliens habitaient les côtes de Provence.
" Fondée 580 ans avant Jésus-Christ.
AGE Dt lIROiNZE. i37
transportait dans l'Italie des plants de vigne des Gaules et
entr'aulres de Berri (Bitu^ica)^ — Varron* mentionne
dans ce pays des contrées voisines dn Rhin où la vigne,
l'olivier et les autres fruits ne viennent pas, à moins qu'on
n'ait fertilisé la terre avec une craie blanche. Pline loue les
vins de Berri et de l'Auvergne. L'invention des tonneaux
en bois est attribuée aux Ganlois. Le musée d'Âvenches
conserve une statuette en argile qui tient sous son bras
un vase dont la forme est exactement celle de nos ton-
neaux, les douves et les cercles sont nettement indiqués,
ainsi que le renflement du vase sur le milieu de sa lon-
gueur'. Les Nerviens de la Gaule (peuples du Hainaut)
de même que les Suèves de la Germanie, ne permettaient
pas l'importation du vin au milieu d'eux, parce qu'ils
croyaient que celte liqueur rend les hommes mous, effé-
minés et peu propres à supporter les fatigues^. Ceux qui,
d'après Vopiscus et Ehisèbe, attribuent à Probus l'intro-
duction de la vigne dans les Gaules, sont évidemment dans
l'erreur. — La culture des grains ne fut pas moins avan
cée que celle de la vigne; Strabon parle des abondantes
productions de froment et de millet, et dit que le nord de
ce pays produit les mêmes fruits que le midi, à l'exception
des olives, des figues et du raisin. Du temps de Cicéron
les Romains importaient déjà considérablement de blé
depuis la Gaule ^ Riche en foin^ elle nourrissait de nom-
* Les Auctores rei rusttcœ apprécient beaucoup ce plant robuste et fécond.
* De re rust.
' Pline XIV, 21, dit que les Piémontais mettent leurs vins dans des ton-
neaux de bois, bien liés de cercles.
* César IV.
* Cicéron, Oratio pro M. Fonteio. César et Dion, lib 39.
* Pomponius Mêla dit que la Gaule est riche en froment, en foin, etc.
238 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
breux troupeaux de toute espèce ^ César dit que la Séqua
nie était la contrée la plus fertile*. La culture du lin était
très soignée, de même qu'en Belgique; on en faisait non-
seulement des vêtements, mais encore des voiles de na-
vire ^ Le citronnier était aussi connu, puisque César en
décora son triomphe*. Enfin les porcs, qu'on trouve si
souvent représentés sur les monnaies celtiques, étaient re-
marquables par leur taille, leur force et leur légèreté à
courir ^ La Gaule avait la réputation de faire les meilleurs
jambons% aussi, après la conquête, les Romains s'y appro-
visionnaient- ils de jambons, de saucisses et de cervelas \ —
Ces détails, tirés essentiellement des auteurs les plus rap-
prochés du temps de l'indépendance des Gaules, permettent
déjuger combien les tombeaux de la seconde période ren-
ferment peu d'instruments de la vie domestique. D'autre
part il est curieux de voir l'habileté des Romains à puiser,
même chez les Barbares, tout ce qui pouvait contribuer à
leur développement, comme on peut s'en assurer par ce
passage de Pline dans lequel il donne la description des
charrues. Il faut en Italie, dit-il, huit bœufs pour tirer les
socs gros et pesants. Les contres servent à ouvrir le sol et à
montrer le chemin au soc qui vient entamer la terre hori-
zontalement. Une pièce de fer, contournée en bec à sa pointe.
' Strabon.
* Ager sequanicus totius Galliae optimus.
' César. — Pline XIX. — Les voiles étaient quelquefois de peau.
* Yelleius Paterculus.
" Strabon.
• Athénée.
' Varron. De re rust, II, 4.
Voir en outre le Dictionnaire de TEncyclopédie aux mots Agriculture et
Gaules.
AGE DU BRONZE. ^9
tient lieu de soc en quelques endroits. Quand la terre est
légère, on remplace celle pièce par une barre de fer légè-
rement courbe et pointue à l'extrémité. Il est des charrues
qui n'ont que le soc appointé, large au milieu et tran-
chant; ce dernier genre, introduit depuis peu, vient du
pays des Rhétiens. Les Gaulois ont imaginé de faire porter
leur charrue sur de petites roues. Leur soc, plat comme
une pelle, tourne très bien les mottes de terre. Une paire
de bœufs suffit à ce travail. Après avoir semé, ils hersent
avec une espèce de claie, ferrée et dentelée, qu'ils traînent
par dessus le labour*. Pline ajoute qu'il est deux sortes
de faux : celles d'Italie, courtes et faciles à manier, même
parmi les buissons et les haies, en sorte qu'on fauche à une
seule main. En Gaule, où il y a de grandes prairies, les
faux sont plus longues, et on ne coupe pas le foin aussi
près de la terre*. (Les faucilles en bronze, découvertes en
grand nombre, ont sans doute, pour la plupart, servi aux
travaux de l'agriculture. Dans quelques pays on a retrouvé
de petites roues en bronze, de quelques pouces de dia-
mètre, munies d'un moyeu et de rayons tout pareils à ce
que nous possédons de nos jours.) Les Gaulois avaient
aussi des charriots à quatre roues, pareils à celui dont on
voit le dessin sur la mosaïque de Bosséaz, près d'Orbe.
Dans son histoire des Gaulois, Âmédée Thierry donne,
d'après Posidonius % la description suivante : c Autour
d'une table fort basse on trouve, déposées par ordre, des
bottes de foin et de paille : Ce sont les sièges des convives.
Les mets consistent d'habitude en un peu de pain et beau-
* XVIII, 17.
« XVIII, 28.
' Apud, Ath. liv. IV, chap. 13.
240 MONLMRNTS DE L^ANTIQi ITÉ.
coup de viande bouillie, grillée ou rôlie à la broche ; le
loul servi proprement dans des plais, de terre ou de bois
chez les pauvres, d'argent ou de cuivre chez les riches.
Quand le service est prêt, chacun fait choix de quelque
membre entier d'animal, le saisit à deux mains et mange
en mordant; on dirait un repas de lions. Si le morceau
est trop dur, on le dépèce avec un petit couteau dont la
gaine est attachée au fourreau de l'épée. On boit à la ronde
dans un seul vase de terre et de métal que les serviteurs
font circuler; on boit peu à la fois, mais en y revenant fré-
quemment. >
On a peu de détails sur le commerce des peuples du nord.
On sait seulement que dès les temps les plus anciens, l'am-
bre fut recherché avec avidité. Pline* dit qu'on le tirait de
la Grande-Bretagne, de quelques îles de l'océan septentrio-
nal, des côtes de la Germanie et de la Livonie. Les an-
ciennes monnaies grecques découvertes près de Bromberg
doivent provenir de ce commerce, ainsi que plusieurs ver-
roteries. Pendant longtemps les Phéniciens surent s'ap-
proprier le commerce de l'étain qu'on trouvait dans la
Grande-Bretagne et surtout aux îles Sorlingues, aux-
quelles ils donnaient le nom d'îles Cassitérides.
Nous avons vu que les premiers habitants de l'Europe
construisaient déjà des canots, à la manière des peuples
sauvages. Les auteurs anciens, qui donnent des détails
nombreux sur la navigation dans le midi, parlent peu de
celle du nord*. Cependant les peuples riverains des gran-
des eaux, connurent l'art de construire les vaisseaux. Dans
les tombeaux des bords de la Baltique on voit fréquem-
* XXXVII, 2 et 3.
« Tacite, Germ. XLIV.
AGE DU BUONZE. 24i
ment l'image du vaisseau gravée sur des instruments en
bronze, souvent aussi on la trouve sculptée sur les rochers
de la Suède. La proue et la poupe étaient également re-
levées. Un trait au milieu indique le mât et d'autres sur
les flancs, les rameurs. Tacite rapporte que les Germains
conservaient une image du vaisseau, symbole de leurs
premiers voyages. De nos jours on en voit encore dans les
temples sur les côtes de la mer, ils sont destinés à recom-
mander les navigateurs aux prières des fidèles. Les sages
parlent d'un dieu qui possédait un vaisseau construit avec
tant d'art qu'on pouvait le démonter et le réduire en un
volume si petit et si léger, qu'il n'incommodait nullement
dans la marche. Une mer se présentait-elle devant les pas
du dieu, il reconstruisait aussitôt son navire et sillonnait
les eaux avec la rapidité du vent. S'il faut en croire la tra-
dition, les Scandinaves transportaient parfois dans leurs
expéditions des bateaux, au moyen desquels ils traver-
saient les eaux qui s'opposaient à leur marche. Les La-
pons se servent encore de canots extrêmement légers d'un
genre de construction sans doute fort ancien. Longs et
étroits, terminés aux deux extrémités en pointes relevées,
la carcasse est entièrement recouverte de peaux bien ten-
dues qui ne laissent sur le milieu de la longueur qu'une
ouverture circulaire, juste assez grande pour permettre à
un homme d'y passer le corps. Assis dans le canot, on s'en-
toure encore la taille d'un linge, de manière que l'ouver-
ture soit hermétiquement fermée. A l'aide de deux rames,
le bateau glisse légèrement au milieu des écu,eils, et s'il
vient à être pris de flanc et recouvert par les vagues, il ne
larde pas à reparaître à la surface et à affronter de nou-
veaux périls. Les mais et les bancs de rameurs propres à
MÉSl. ET DOCUM. XXV. 16
242 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
ces vaisseaux Scandinaves qu'on trouve gravés sur le
bronze ou la pierre indiquaient de la part de ces peuples
des connaissances avancées. D'après les dessins, on peut
s'assurer que quelques-uns portaient déjà deux rangs de
rameurs, et que le nombre de ceux-ci s'élevaient jusqu'à
quarante. Il est vraisemblable que les vaisseaux phéniciens
qu'ils virent arriver sur leurs côtes, leur donnèrent l'idée
de perfectionner leurs constructions, mais de telles con-
structions n'en sont pas moins la preuve d'un développe-
ment d'industrie qui surprend dans ces temps reculés.
Si la profession de l'artisan était honorée chez les Bar-
bares, celle des armes l'était bien davantage encore.
Dans les assemblées du printemps, on sacrifiait aux dieux,
afin de les rendre propices ; puis on décidait de quel
côté on porterait ses armes, à moins qu'on ne fût déjà en-
gagé dans une lutte. Le casque, la cuirasse, les brassards
étaient rares, l'arme défensive la plus usitée était le bou-
clier. Plusieurs affectaient de se présenter à l'ennemi le
corp3 à demi découvert. Les armes offensives consistaient
surtout dans la hache, la lance, le javelot*, l'arc et la
fronde. Le poignard et l'épée paraissent avoir appartenu
plus essentiellement aux chefs *. — En décrivant ces dif-
férentes pièces du nord et du midi, nous avons déjà fait
observer l'analogie frappante de leurs formes et même
de leur ornementation. C'est le moment de résumer ce
qui a été dit à ce sujet et d'en tirer les déductions qui se
rattachent à Thistoire.
Plusieurs, frappés de cette identité,, n'ont pas hésité à
* Le gœsiim étail une espèce d'épieu ou de javelot.
* Strabon, liv. IV, dit que les Gaulois attachaient les têtes de leurs enne-
mis au cou de leurs chevaux et au-dessus des portes de leurs maisons.
AGE DU BRONZE. Hù
conclure que les Barbares ont reçu ces armes des Ro-
mains, mais nous avons vu qu'avant que Rome pût faire
ce commerce, le nord les possédait déjà ; et plus tard, le
fer était travaillé dans le midi, tandis que les autres pays se
servaient encore du bronze pour la fabrication des instru-
ments tranchants. Sans revenir sur toutes les hypothèses
avancées en faveur de Torigine romaine de ces pièces ,
nous rappellerons seulement que la présence dans le
nord, des fonderies, des creusets et des moules, constate
un travail indigène. D'autre part, la considération attachée
à la profession de forgeron ne permet pas d'admettre
qu'on ait employé comme artisans des esclaves étrangers.
Enfin, à côté des formes analogues, nous verrons qu'il en
est d'autres, propres à certaines contrées, et qui confir-
ment de nouveau l'extension générale des connaissances
métallurgiques. Ce fait établi, comment expliquer l'iden-
tité des formes sur des points si opposés? L'épée, le poi-
gnard et le couteau présentent partout les mêmes particu-
larités dans la fabrication. L'espèce de hache appelée ceit,
est la mêrQe dans l'ancienne Grèce, l'Italie, et les autres
pays de l'Europe. Cependant, les contours de ces instru-
ments ne peuvent être attribués comme dans la première
période à l'unité de l'esprit humain. Ce ne sont plus
les formes simples et primitives; une idée mère a pré-
sidé à leur confection. — C'est ce type dont nous devons
chercher l'origine : Le ceit, avons-nous vu, est propre
non-seulement à l'ancienne Europe, mais aussi à quel-
ques peuples de l'Asie, entr'autres aux Mongols et aux
Chinois; ainsi l'orient nous apparaît une seconde fois
comme l'origine et le point de départ de ce nouveau dé-
veloppement. L'âge de transition nous a montré en effet
*2^4 MONUMKNTS DE i/aNTIQUHÉ.
que divers objets furent importés d'Asie fort ancienne-
ment. On retrouve même dans des tombeaux des coquil-
lages de la mer des Indes qui laissent peu de doute sur
celte marche d'orient à occident. En renonçant à attri-
buer à quelqu'un des peuples de l'Europe l'invention
des formes qui nous occupent, les questions se simplifient
et tout s'explique naturellement. Des populations partici-
pant à la même culture parcourent de nouveau les an-
ciennes voies du nord et du midi, pénétrent dans l'inté-
rieur des terres ou y repoussent les habitants primitifs.
Des luttes incessantes contribuent à opérer une fusion,
résultat de tous ces croisements, mais aussi à créer des
peuplades dont chacune cherche à s'assurer, si non la pré-
pondérance, du moins l'indépendance. Ces flots se répan-
dirent sans doute à des moments divers, et subirent aussi
des influences différentes. Dans le midi, les rapports avec
des peuples avancés ne tardèrent pas à introduire des élé-
ments civilisateurs ; dans le nord, l'ancien genre de vie
se poursuit à travers des siècles plus nombreux. — C'est
donc en Asie que nous croyons devoir rechercher ces
formes types qui, de là, se répandent en Europe par
des voies diverses et servent plus ou moins longtemps
dans une contrée ou dans une autre, suivant les circons-
tances dans lesquelles les populations se trouvent placées.
Les formes dont on attribue l'invention aux Romains
sont de beaucoup antérieures à l'existence de ce peuple.
Ceux qui en font la propriété exclusive des Celtes sont
obligés, pour être consé(|uents, de faire rentrer dans la
famille celtique, non seulement les Pélasgos et les habi-
tants primitifs de lltalie» mais encore les Germains. La
confusion dans la(|uelle on tombe me paraît provenir de
AGE DU BBONZE. 31 S
double fil en or. Une fibule formée de deux disques en
spirale reposait sur la poitrine. Enfio, aux pieds du sque-
lette se trouvaient deux vases d'une argile fine. — A côté
de ce caveau, on en découvrit un second de 10 pieds de
diamètre, pavé, mais sans cercueil. Il n'y avait plus traces
de squelette, mais sur un petit espace se trouvaient réu-
nis : deux bagues d'un double fil en or reployé en spirale
cylindrique, deux colliers en torsade, deux paires de bra-
celets massifs, deux épingles, un couteau arqué, une urne
et une espèce de boite ronde en bronze, munie d'une
anse. — A l'orient, un troisième arrangement de pierres
recouvrait quatre urnes brisées, des os d'enfant à moitié
brûlés, une petite bague de fil de bronze et des fragments
de collier. A gauche de cette plaque se trouvait encore,
entre des pierres, une urne qui contenait une bague en
or, un double bouton de bronze et quelques autres objets.
On a vu là le tombeau d'une famille princière , et le D^
Liscb attribue à ces inhumations successives la forme al-
longée de la colline *. — Un tombeau d'un genre assez
pareil, mais sans cercueil de chêne, a été reconstruit dans
le musée de Schwerin. Il réunit pareillement les bagues
en or et les armes de bronze, l'inhumation et les traces
du bûcher. Je dois cependant ajouter que ces construc-
tions sont exceptionnelles, bien qu'elles se rattachent aux
modes les plus usités.
Dans les contrées de la Saale, l'urne cinéraire a été
quelquefois déposée au-dessus des caveaux des tombeaux
primitifs, plus souvent sur le sol ou dans un cairn recou-
vert d'une petite colline; d'autrefois le mort a été in-
* Voir Ruchow, dans le dictionnaire de Wagener.
246 MONUMENTS DE L^ANTIQUITE.
l'inhumâtioD a prédominé. Les bracelets granulés sont
surtout propres aux bords du Rhin ; les vases chargés de
rayures, au centre de TAIIemagne. La forme particulière
des vases en métal destinés au culte appartient aux côtes
de la Baltique, ainsi que la gravure fréquente du vaisseau,
les grands cors de guerre, les haches de commandement,
les bracelets et les fibules à grandes spirales plates ^
L'Irlande et le Danemarck se distinguent par la richesse de
leurs bronzes. Toutefois, on ne possède pas encore des
collections assez complètes pour établir des distinctions
de peuple à peuple. Il est moins facile qu'on ne Ta cru de
distinguer les monuments des Celtes de ceux des Ger-
mains et des Scandinaves ; ce n'est pas tant l'invention des
formes que leur modification qui peut les faire reconnaî-
tre. Et d'ailleurs si nous nous reportons dans ces temps
reculés, la mobilité de ces peuples, leurs invasions inces-
santes, les flots poussant d'autres flots, se brisant et se
mélangeant, les rapports continuels d'amitié et de guerre
qui sont les uns et les autres des moyens d'échanger les
idées, tout montre qu'on doit retrouver au nord des Py-
rénées et des Alpes un genre de vie riche en faits analo-
gues.
Si nous résumons les traits caractéristiques de cette pé-
riode, nous voyons que l'exploitation des mines et le tra-
vail des métaux acquièrent un grand développement. L'art
du potier se perfectionne, ceux du tisserand, du teinturier
et du tanneur se retrouvent en tout lieu. La culture des
blés et les soins des troupeaux paraissent généralement
* Ces fibules se retrouvent dans le lac de Constance (collection de Bonstet-
ten) et dans les tombeaux de Hallstadt décrits par Gaisberg^er.
AGE DU BKONZE. 247
répandus. La charrue et la herse sont employées au
labour. Dans les contrées les mieux exposées on possède
l'olivier, le figuier et le citronnier. La vigne est déjà
connue dans les Gaules 5 à 6 siècles avant noire ère. Le
vin est resserré dans des tonneaux en bois tout pareils aux
nôtres. Des vaisseaux, conduits par des voiles ou de nom-
breux rameurs, sillonnent les mers du nord. Le cor excite
les guerriers au combat. La lyre des bardes et des Scaldes
célèbre les hauts faits; la voix du poète est respectée.
Les Helvétiens connaissent l'écriture. Enfin partout, le
goût du luxe préside à la parure.
Après l'examen de ces faits, dont chacun est constaté,
on se demande si l'on est bien en droit û'appe\er Barbares
les peuples qui possédèrent toutes ces connaissances. La
question peut être posée, mais avant tout il faut s'entendre
sur la valeur de cette expression. Si par Barbares on en-
tend des peuples essentiellement rudes, grossiers et igno-
rants, nous croyons que la plupart de ceux qui nous ont
occupé ne méritent que bien incomplètement l'emploi de
cette épithète. Le sens primitif du mot barbare n'était autre
que celui d'étranger; employé d'abord parles Grecs, puis
adopté par les Romains, il s'y attachait une idée de défa-
veur. Sans suivre les différentes idées qui se rattachèrent
à cette expression après les déprédations des peuples du
nord, nous dirons que les Barbares sont à nos yeux, les
peuples ou les hommes étrangers à la civilisation. Les con-
naissances industrielles et agricoles, la valeur dans les
combats ne constituent pas à elles seules l'élément civili-
sateur; pour le compléter, il faut que la culture intellec-
tuelle soit en honneur, que les lettres et les beaux arts
viennent ennoblir l'esprit des hommes en leur révélant le
248 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
culte du beau et du grand. Nous ne pouvons parler de
réiément religieux ou chrétien qu'il n'était pas encore
donné de posséder ; mais toujours est-il qu'à cette époque
reculée les peuples qui nous occupent ne connaissaient
qu'une'demi-civilisation, que les beaux arts leur étaient
étrangers, que leurs ébauches littéraires n'ont pu les sau-
ver de l'oubli et qu'ils ont par la rudesse de leurs mœurs
mérité le nom de Barbares. Il en est de même de tous
ceux qui ne font du beau qu'un objet de parure ou de
vanité, qui placent la matière au-dessus de l'esprit et
honorent le bras plus que l'intelligence.
IV
TROISIÈME PÉRIODE
ou AGE DU FER.
Nous sommes arrivés à la fin de notre deuxième pé-
riode après avoir parcouru les siècles nombreux qui se
sont écoulés depuis l'introduction des premiers habitants
en Europe jusqu'aux temps voisins de la naissance du
Christ. La découverte de matières nouvelles, contribuant
puissamment au développement des peuples, nous a per-
mis, malgré l'obscurité de ces âges, de distinguer des
moments divers par la classification des monuments ana-
logues. Une fois qu'on fut arrivé par l'alliage et par la
trempe à donner au cuivre des propriétés diverses, on se
préoccupa moins de vaincre les difficultés que présente le
AGE DU FEB. ^49
travail du fer. Longtemps il fut envisagé comme un métal
récalcitrant et aussi comme un métal de prix. Les Bretons
remployèrent d'abord pour les anneaux qui servaient
de monnaie'. Homère en parle comme de la matière la
plus dure*. Les habitants de Tyr firent présent à un rot
d'une masse ou d'un lingot de ce métal comme d'une
chose rare. Hérodote et d'autres auteurs mentionnent
comme Tune des merveilles de Delphes l'offrande d'Alyat-
tès, roi de Lydie, qui consistait en un grand cratère d'ar-
gent, dont la base, en forme de tour un peu conique, était
en fer. Travaillé à jour, on y voyait plusieurs petits ani-
maux se jouer à travers les feuillages qui l'ornaient; ces
différentes pièces n'étaient point unies par des clous, mais
au moyen de la soudure. Ce travail était attribué à Glau-
cus de Scio qui le premier trouva l'art de souder le fer'.
César trouva le fer en usage chez les Gaulois et les Bel-
ges^ Tacite, en revanche, dit que de son temps il était
rare chez certains peuples du nord*. Ces détails suffisent
pour montrer que l'usage du fer fut généralement ré-
pandu dès le commencement de notre ère. Les métaux
connus auparavant continuèrent à être employés pour des
objets divers, les instruments tranchants sont désormais
en fer.
Avec l'introduction générale de ce métal s'ouvre une
' César dit que les Belges portaient des ornements de ter. Les habitants
de TEcosse fabriquaient des colliers et des ceintures de fer.
* II dit : Un cœur plus dur que le fer.
' Hérodote, I, 2ô. Pausanias, lib. X, cap. 16, pag. 834. Plut, deorac. T. II,
pag. 436. Hagesand, Ap.Athen.jUb. V, pag. 210. Alyattis, S"*" de nom, père
de Crésus, régna 57 ans, de l'an 616 à 559 ou 610 à 553.
* De Bel. Gai passim, III, 13 ; V, 12; V, 30; V, 42 ; VII, 22 ; VII, 73.
* Germ. 45.
250 MONUMENTS DE L*ANTIQUITÉ.
nouvelle période, mais elle est, comme la période précé-
dente, anie à celle-ci par un âge de transition durant le-
quel le fer, encore rare, est envisagé comme plus précieux
qne le bronze. Ce moment répond aux derniers siècles
avant Père moderne. A mesure qu*on approche des temps
historiques, relativement aux peuples du nord, la scène
s'agrandit, les faits se multiplient, les individualités se
dessinent plus fortement, et Tétude des monuments, fé-
conde en résultats pour l'histoire, se poursuit à peu près
jusqu'au X^ siècle de notre ère. Ce sujet étant beau-
coup trop vaste pour pouvoir être traité dans ce cours,
nous nous bornerons à en tracer une esquisse rapide qui
permette de donner une idée du champ à parcourir.
Dans les périodes précédentes nous avons retrouvé la
même manière de faire, propre à des pays très divers.
Dans celle-ci on ne rencontre plus cette unité. — De
vastes contrées sont tombées sous la domination romaine.
Le vaincu, en subissant la loi du maître, conserve cepen-
dant encore quelques-uns des traits qui lui sont propres.
De nombreux monuments d'architecture s'élèvent dans
les provinces conquises, mais les inspirations n'en sont
pas celles d'un peuple libre.— De nouveaux. peuples des-
cendent du nord, attirés par la douceur du climat et par
la haine du nom romain; la désolation accompagne leur
marche. — Rome tombe à son tour, et ses provinces pas-
sent sous d'autres maîtres.
D'autre part, les peuples qui conservent leur indépen-
dance présentent le développement de l'ancien genre de
vie. Les compagnons d'Odin s'établirent sur les bords du
lac Mélar, se répandent dans l'mtérieur de la Suède et ne
tardent pas à recouvrer la Norwège. Les Wendes occu-
AGE DU FEB. 251
pent l'orient et le nord de la Germanie. Des peuples divers
se croisent et se heurtent, mais ils n'en continuent pas
moins à élever les tumuli sur la cendre des morts et à
sacrifier les animaux domestiques. Dans leurs tombeaux
on retrouve les témoignages de leurs lointaines expédi-
tions. Les objets d'art Scandinave sont souvent accompa-
gnés de bronzes romains. Les Yaraigres rapportent de
Byzance les monnaies du bas empire et les fibules à fili-
grane. Les monnaies cufiques ou arabes sont déposées
par milliers sur les rives de la Baltique et sur les îles
d'Oeland et de Gotlland. Ces hardis aventuriers, déposaient
souvent dans le sol des trésors qu'ils ne pouvaient confier
à des demeures mal fermées. Courant à de nouveaux pé-
rils, tous ne revoyaient pas leur patrie. De nos jours il n'est
pas rare de retrouver à peu de profondeur dans le sol
ces enfouissements précieux pour l'histoire, et d'une va-
leur intrinsèque souvent considérable. Un fait peut donner
une idée de ces pillages. Les monnaies anglo-saxonnes,
clair-seméès çà et ^à en Angleterre, sont extrêmement
nombreuses en Suède. Telles pièces, très rares dans les
collections de Londres, se retrouvent par centaines dans
celles de Stockholm. On peut juger par là, combien furent
grandes les dévastations des Scandinaves en Angleterre.
Au commencement du IX^ siècle, Anschaire arriva sur les
bords du Mélar ou il annonça l'Evangile aux païens.
D'autres missionnaires furent reçus et écoutés. Les runes,
employés essentiellement comme caractères magiques,
furent réunis en alphabet; les temples païens, renversés,
et les dieux détrônés. Cependant, ils sont encore vivants
dans les souvenirs du peuple. Les symboles païens pas-
sent dans le nouveau culte. Des traditions nombreuses
252 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
montrent te passage de l'ancienne foi, à la foi nouvelle.
En résumé, ce n'est pas exagéré de dire qu'il y eut fusion
autant que conversion.
Pendant que le nord poursuit son ancien genre de vie
agité et tumultueux, mais pourtant continu, jusqu'au
Xe siècle de notre ère, nous avons vu que les peuples qui
étaient tombés sous la domination romaine prennent une
autre direction. A la chute de Rome, des populations
étrangères s'asseyent sur les ruines d'un ancien monde.
Elles s'en approprient plus d'un débris pour la construc-
tion d'une société nouvelle, dont le christianisme est l'élé-
ment dominant. Sous l'influence de la foi, les sépultures
se groupent en cimetières. Plus de tumuli, plus de sacri-
fices sanglants. La rupture d'avec les anciennes mœurs
ne peut cependant être complète. Le guerrier emporte
encore ses armes dans la tombe, l'artisan, les instruments
de sa profession, le magistrat, les symboles de sa charge,
la femme, ses ornements, et l'enfant, ses joujoux.
C'est à cette époque qu'appartiennent les tombeaux de
Bel-Air. Les Helvéto Burgondes qui occupaient alors
THelvétie occidentale inhumèrent pendant plusieurs siè-
cles leurs morts sur cette colline. Bien que les fouilles
ne soient pas achevées, 271 tombeaux ont déjà été décou-
verts. Plus de vingt localités dans le canton de Vaud pré-
sentent des sépultures semblables. On les retrouve dans
plusieurs départements de la France, sur les bords du
Rhin et dans le midi de l'Allemagne. Les objets divers
qu'elles renferment sont d'une assez grande analogie et
appartiennent évidemment à des peuples parents, placés
dans des circonstances analogues. Cependant en examinant
ces débris de plus près, il est aussi des traits de distinc-
AGE DC FER. 255
lion : Ainsi dans les tombeaux des Francs dominent la
hache d armes et les objets en verroterie; dans ceux des
Allemani, ce sont les longues épées, les colliers et les
ornements en or ; la damasquinure est plus riche chez les
Burgondes, ainsi que les sujets symboliques gravés sur
des plaques de bronze.
Ces derniers temps on a découvert à Echallens, sur la
propriété de M. Gotlofrey, ancien juge dappel, divers
objets qui, appartenant à cette époque, méritent d'être
mentionnés. A peu de profondeur dans le sol sont dépo-
sés, sans ordre apparent, des squelettes d'hommes et
d'animaux. M. le professeur Auguste Ghavannes ayant eu
l'obligeance de déterminer ces ossements, on a pu cons-
tater la présence du cheval, de la vache, du mouton, du
cochon et du chien. D'entre les ossements humains, deux
mâchoires ont appartenu à des individus de l'âge le plus
avancé. Les fragments d'un vase d'une poterie grossière,
une petite bague en argent, une fibule circulaire, une
agrafe damasquinée et un couteau en fer, ne laissent pas
de doute sur Tâge de ces débris, qui remontent à l'époque
mérovingienne. Précédemment des coutelas ont été trou-
vés sur la même colline. Que conclure de cette réunion
d'êtres si divers? La présence d'hommes âgés et de la
plupart des animaux domestiques ne permet pas de voir
là un champ de bataille. En attendant que de nouvelles
découvertes viennent éclairer cette question, je ne trouve
d'explication plausible qu'en admettant la marche ou la
fuite d'une population qui emmène avec elle tout ce qu'elle
peut sauver. Surprises dans un campement, hommes et
bêtes peuvent avoir été frappés indistinctement et inhu-
més dans le lieu où ils étaient tombés. Un fait peut don-
!284 MONUMENTS DE l'aNTIQLITÈ.
ner quelque consistance à cette manière de voir. Après
rétablissement des Burgondes dans le pays, les Allemani
firent une nouvelle invasion, souvent confondue avec les
précédentes, et achevèrent d'anéantir ce que les Burgon-
des avaient épargné de la grandeur de Rome. Le moment
de cette destruction répond à celui des inhumations
d'Echallens, qui peuvent ainsi se rattacher à ces dévasta-
tions.
Telles sont les scènes que nous révèlent les monuments
tumulaires de l'antiquité. Mais afin de compléter ces ta-
bleaux, nous consacrerons encore quelques leçons aux
monuments du culte, et à ceux de la vie civile ou privée,
en cherchant à jeter quelque jour sur ce sujet obscur,
par les traditions et les superstitions, reflets de Tancienne
vie païenne.
Monuments du culte et de la vie civile,
militaire et privée.
L'architecture fut étrangère aux peuples dont nous
nous sommes occupés. Ils apportèrent beaucoup plus de
soins à la construction des tombeaux qu'à celle de leurs
demeures, qui n'étaient que de simples abris. Leurs divi-
nités, trop grandes pour être contenues dans des temples,
étaient adorées dans des lieux consacrés, mais décou-
verts. L'enceinte de ces lieux était déterminée par de
grands blocs de rochers, dont l'arrangement témoigne
d'un but particulier. Des pierres dressées eurent une si-
gnification religieuse, et les autels ne laissent pas de
doute sur cette destination. Les monuments du culte
appartiennent à l'âge durant lequel le paganisme fut en
AGE DU FKR. ^55
vigueur; c'est dire qu'ils apparaissent dès les temps les
plus reculés jusqu'à Tinlroduction du christianisme. Il
est souvent difficile de distinguer leur antiquité relative,
cependant on peut envisager ceux de ces monuments qui
sont les plus gigantesques comme remontant à la pre-
mière période dont ils rappellent les constructions colos-
sales.
Men-hirs.
On voit dans un grand nombre de contrées des pierres
brutes en forme de piliers, hautes de 5 à 18 pieds, dressés
sur le sol et isolés dans les campagnes ou sur les hauteurs.
Dans rage primitif ils s'élèvent parfois au-dessus des tom-
beaux. On les désigne généralement sous le nom de men-
hir, expression populaire de la Bretagne française, qui
signifie « pierre dressée. » En plusieurs lieux le peuple
vénère encore ces pierres. Elles paraissent n'avoir pas
été sans rapport avec les Hermès des Grecs*, statues anti-
ques de Mercure, sans bras et sans pieds, qui consistaient
en un pilier carré surmonté de la tête du dieu et quel-
quefois aussi de la tête d'hommes illustres. Les Romains
empruntèrent des Grecs l'usage des Hermès qu'ils nommè-
rent Termes. Ils les placèrent dans les carrefours ou croi-
sées des routes. C'étaient les gardiens et les protecteurs
des chemins*. Le dieu terme présidait surtout aux bornes
* Les Hermès avec les Phallus étaient adorés seulement par les femmes
stériles. Les premiers chrétiens parlent des menhirs avec horreur. Le Dr
Schreiber croit qu'ils représentaient le Phallus.
* Les Lares violes. Us étaient de bois ou de pierres, grossièrement taillés.
Virgile dit :« Uli falce deus coliiur, non artepolitus. > Les passants portaient
des pierres au pied de ces pilastres pour en obtenir la protection dans leurs
voyages.
256 MONUMENTS DK l'aNTIQLITÉ.
des champs et punissait les usurpations. Chaque année
les habitant^ de la campagne le couronnaient de guirlan-
des, lui offraient des libations de lait et lui immolaient
un agneau en arrosant de son sang les bornes de leurs
champs. Sur la roche tarpéienne s'élevait un pilier autour
duquel les premiers rois romains célébraient les termina-
lia^. Quand Tarquin le superbe choisit ce lieu pour élever
un temple a Jupiter capitolin, les divers dieux qui s'y
trouvaient consentirent à se retirer, mais le dieu terme
résista à tous les efforts qu'on fit pour l'enlever et resta
dans le temple qu'on construisait dans cet endroit*. Les
men-hirs des barbares n'ont cependant pas été, comme
chez les Grecs et les Romains, consacrés surtout à Mer-
cure et au dieu Terme. Grimm nous apprend dans sa
mythologie allemande que les dieux germains étaient sou-
vent représentés par des piliers bruts % et plusieurs au-
teurs anciens disent que les habitants de Samos adorèrent
d'abord les dieux sous la forme de soliveaux, de troncs
d'arbre, de pierres carrées ou coniques*. A Pharae, en
Achaïe, 30 pierres carrées placées sur la place publique
étaient honorées comme autant de dieux.
On retrouve les men-hirs dans l'île de Corse^ et dans
* Plutarque, Vie de Numa.
* Dionys., lU, pag. «02; Liv. V, 54. Flor. I, 7-8. Lactance, i, 20.
' Tacite, Hist. II, 2-3, dit que Vespasien (70 ans après J.-C.) alla consul-
ter la Vénus dePaphos. L'image de la déesse était une grossière pyramide de
pierres.
De Caumont croit que les men-hirs ont été quelquefois élevés en mémoire
d'un événement.
* Cnilim. ap. Eusèbe prcep. Evang.^ Lib. III, cap. 8. — Clem. Alex., Co/ior/.
ad oent.^ pag. 40. — Tacit., Hist., II, 3. — Pausanias, Lib. VIÏ, cap. 22.
» Mém. de VAcad. celtiq., Tom. VI, pag. 78.
AGE DU FER. 257
plusieurs contrées de VEspagne entr'aulres près de Gre^
nade. — En France, ils sont le plus souvent carrés, d'au-
trefois, plus gros au miliea qu'aux extrémités, ils portent
le nom de a quenouille à la bonne femme. > Quand ils se
terminent en pointe, on les appelle petilvans, ce qui si-
gnifie figure de traits {peiil trait, van figure). Quelques-
uns, plantés en terre par la pointe, s'élèvent en forme de
massue. Dans le département du Finistère, le men-hir
de Plovan n'a pas moins de 50 pieds de haut. Le men-hir
le plus élevé qu'on connaisse est celui de Lockmariaker
dont la grandeur égale celle de l'obélisque de Luxor*. Il
reste de ces piliers dans presque tous les départements
de l'ouest et du nord de la France* ; répandus le long de
la Loire, ils sont particulièrement nombreux dans la Bre-
tagne', la partie supérieure porte parfois des rainures,
taillées à une certaine distance les unes des autres. Il s'y
rattache encore plus d'une pratique superstitieuse; dans
quelques localités on a la coutume de les oindre d'huile
et de les couronner de guirlandes de fleurs*. — Nom-
breux aussi dans la grande Bretagne^, on les appelle pier-
res des géants et pierres des oracles. Les Ecossais leur
* l\ est brisé en trois pierres. Rev. archéol. I, 1844, pag. 201.
' Dans plusieurs localités du département de la Manche, dans le Calvados,
dans le Maine, l'Anjou, la Touraine, le Poitou et la Saintonge.
' Ils sont parsemés entre Blaison et Saumur, départ, de Maine et Loire
en Bretagne, 62 sur le Toulinquet, très nombreux près de Moëlan, Clochar-
•Garnoet, etc. Us ont de 10 à 20 pieds de haut.
* Dans la contrée de Quercy, à la An du XVII^ siècle.
* Archéol. brilan., Tom. XXV, pag. 52, 1833. Entre Honmouth etClepstow,
trois en ligne droite, de 9 à 11 pieds de hauteur; trois autres à Penriath en
Gumberland ; deux à Rudston (York) ; trois près de Staaton-Mora (Derby). —
Pierres d'oracles près d'Oborough ; — sur Tile de Man, près Gastelow, pierres
des géants. — Iles Orcades.
V£V. ET DOCUM. XXY. 17
258 MONUMENTS DE L*ANTIQUITÉ.
accordent surtout une grande vénération. — En Suisse^
la culture du sol a fait disparaître plusieurs de ces monu-
ments. Tel a été le sort de ceux qu'on voyait autrefois
près de Palézieux^. Il en existe cependant encore quel-
ques-uns au pied du Jura. En enlevant, il y a quelques
années, un de ces piliers bruts près de La Molhe, entre
Yverdon et la montagne, on découvrit deux celts en
bronze, sur lesquels reposait la pierre qu'on venait de
briser. Non loin de Champagne, au Clos de la pierre^
existait un bloc pareil. A Champagne même, un immense
pilier granitique a été enlevé il y a une quinzaine d'an-
nées. On en voit encore un à Bonvillars d'une forme élan-
cée et de 10 pieds de haut. Entre Corcelles et la montagne,
4f men-hirs sont disposés en carré long. Au-dessus de
Concise, en aval de la route, un de ces blocs, enfoui en
partie par des terres de remblai, sert de borne sans avoir
été déplacé. La tradition rapporte que ces pierres de Con-
cise et de Bonvillars furent élevés en mémoire de la vic-
toire des Suisses à Grandson, mais les instruments en>
bronze qu'elles recouvrent et leur présence en des lieux
étrangers au champ de bataille disent assez qu'elles da-
tent d'une autre époque. On retrouve le men-hir dans le
canton de Neuchfttel et le long du Jura bernois; deux
faucilles en bronze ont été découvertes sous l'un d'eux,
près de Bienne. Entre Courgenay et Porreniruy est une
immense pierre plate, plantée en terre par son extrémité
la plus large; sa hauteur est de 10 pieds au-dessus du
sol, sa largeur de 5 pieds, et son épaisseur de 13 pouces;
au milieu, a été pratiquée une ouverture circulaire de
* A quelque distance de CoUonges sous Salève, en Savoie, était il y a peu
d'années un men-hir de 25 pieds de haut.
AGE DU FER. 259
15 pouces de diamètre. L'abbé Serassel* raconte que dans -
le siècle passé on creusa au pied de celle dalle et qu'on
trouva à 5 pieds de profondeur une autre pierre de même
grandeur, couchée horizontalement, dans laquelle la pre-
mière était fortement enchâssée et tenue avec des barres
de cuivre, ce qui indiquerait qu'elle fut élevée dans la
seconde période. Des documents attestent que dans le
moyen âge des plaids se tenaient tous les ans auprès de
la Pierre-percée. — En Allemagne^ , les men-hirs sont
appelés pierres des payens, pierres des Huns, pierres du
soleil. On les retrouve dans le midi et le centre de l'Alle-
magne. Rares sur les bords du Rhin, de Manheim à Colo-
gne, ils sont répandus en grand nombre dans le Hanovre,
les duchés de Mecklembourg, et sur les bords de l'Elbe
et de l'Oder. A quelque distance de Halle, près de Dôlau,
on voit dans un champ un pilier de grès dont la hauteur,
y compris la partie plantée en terre (c. a. d. 7 */« pieds,
est de 25 pieds). Jusqu'à ces derniers temps, les pasteurs
* L'Abeille du Jura^ Tom. I, pag. 72 et sqq.
* On en trouve dans le Brisgau. — Près Dûrkheim sur le Hardt, dans la Ba-
vière rhénane, — entre Mayence et Alzey. — Peu sur le moyen-Rhin, un ce-
pendant près Blieskastel, — à Dôbnitz, au sud de Weimar, un de 16 pieds de
hauteur, 6 pieds de largeur, i pieds d'épaisseur. — A Test de Halle, deux
carrés de porphyre de 8 pieds de hauteur. — Dans le duché de Côthen, plu-
sieurs grands nommés Rugensteine. — Près Aschenleben, district de Magde-
bourg, un énorme nommé Specknitz ; — à Halberstadt, — en Turinge, plu-
sieurs; — Ancienne Marche, ils y sont quelquefois entourés d'un cercle de
blocs, près Dalirendorf, à l'occident de Salzwedel. — Hanovre, le Sonnen-
stein, dans le bailliage d'Osnabruk, est élevé de 13 pieds. Le Brautstein, sur le
chemin de Gohlau à Mûtzingen a des trous taillés et des rainures; près de
Deinstedt, un pilier isolé; près de Bysum et Anderiingen plusieurs pierres
isolées, bailliage Wolpke, idem ; près de Werde, juridiction d'Osnabriick, pi-
lier pyramidal de 13 pieds de hauteur, consistant en deux piliers superposés.
— Keferstein, passim.
260 MONUMENTS DE L*ANTIQUITÉ.
des trois paroisses voisines se réunissaient une fois cha-
que année auprès de ce bloc, et faisaient chacun un dis-
cours à la multitude qui les entourait. Près de Sanger-
hausen, dans la Thuringe, et, à 3 lieues de Sonderhausen,
sont deux blocs percés chacun d'un trou. Dans certaines
localités de l'Angleterre, des personnes de tout âge pas-
sent par un pareil trou afin de se préserver des douleurs;
on y fait aussi passer les enfants pour les empêcher de
devenir rachiliques. — Ces pierres percées se trouvent
aussi en France et en Suisse, on connaît celle du. Por-
reniruy. Quelques ,men-hirs portent aussi des entailles
et des rainures, de même qu'en France. — Ces piliers
isolés, rares en Danemark, se retrouvent dans la Nonvège
et sont très nombreux en Suède où ils recouvrent ordi-
nairement des tombeaux. Parfois, plantés sans ordre, ils
occupent de grands espaces de terrain, ils sont regardés
comme indiquant un champ de bataille. Si le voyageur
demande aux paysans ce que signifient ces piliers, on lui
répond constamment qu'ils ont été élevés sur la tombe
d'un chef; les fouilles confirment la tradition. Plusieurs
de ces blocs, datant des premiers temps chrétiens, portent
des inscriptions runiquesqui rappellent simplement le nom
et la filiation du défunt. Souvent le signe de la croix, uni
à des sujets fantastiques, a été gravé sur la pierre.
Pierres mouvantes.
Pline* et Ptolémée* font mention de pierres énormes
qu'on mettait facilement en mouvement, mais qu'aucune
* Liv. II, sec. 98.
' Lib. III. cap. 8.
AGE DU FER. 261
force ne pouvait déplacer. Cette description convient par-
* faitement aux pierres mouvantes qui existent encore dans
plusieurs localités. Ce sont des roches arrondies à leur
base, et parfois de la forme d'un ballon, posées sur une
espèce de piédestal en pierre, souvent conique, et cela
avec un équilibre tel que la moindre impulsion les fait
vaciller. La grandeur de plusieurs de ces blocs est si con-
sidérable qu'on est tenté d'y voir un caprice de la nature.
Cependant il est incontestable que les bases coniques ont
été taillées par la main de l'homme de manière que leur
pointe correspondît au centre de gravité du bloc qui re-
pose au-dessus. Plusieurs superstitions se rattachent à
ces pierres. Au coup de minuit elles font un tour sur
elles-mêmes^ Le diable les met parfois en mouvement,
surtout la veille de Noël. On montre dans le canton de
Vaud plus d'un bloc de granit qui, sans être déposé de
la même manière, reçoit les mêmes impulsions. L'opinion
la plus vraisemblable est celle qui prétend qu'on tirait
différents présages de l'oscillation de ces pierres.
En France il en existe encore plusieurs. La pierre
branlante de chez Barrât, près de Rochefort, a 22 pieds
de long, 8 d'épaisseur, et 16 de haut ; taillée en forme de
ballon, elle se balance sur une base conique*. Près de
Thiers est \2i pierre de danse^, près de Clermont, la roche
branlaire (20 pieds de long). Celle de Livernon, sur la
rive du Lot, dans la province de Quercy, mesure 35 pieds
de long, 20 de large et 2 d'épaisseur. Elles se retrouvent
* On les appelle : pierres de minuit, ou bien encore la croix qui vire, sub-
stitution aux pierres mouvantes.
* Mém. de la soc. des antiq.j tom. XII, pi. 6.
' Départ, du Puy de Dôme, il y en a plusieurs.
26â MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
dans plusieurs départements^ et entr'autres dans la Bre-
tagne. — Ce genre de monument n'est pas rare en Angle-
terre et en Ecosse. On en voit dans les contrées de Cor-
nouailles', de York' et de Derby* ; Tune, dans le Sussex,
pèse 9700 quintaux'. — Les pierres mouvantes sont peu
nombreuses en Allemagne. Celle du bailliage banovrien
de Copenbrûgge pèse 12672 quintaux*; une autre dans
la Lippe, est tellement mobile que les coups de vent
suffisent pour la mettre en mouvement. Le peuple prétend
aussi en Allemagne que ces pierres tournent sur elles-
mêmes au coup de minuit. — On en compte trois sur File
de Bornholm, et plusieurs en Norwége, une entr'autres à
Stavanger, — U Amérique eu possède plusieurs. « Le ca-
pitaine Dupaix, qui de 1803 à 4807 fit trois expéditions
dans rintérieur du Mexique, dans le but d'en explorer
les nombreuses antiquités, rapporte qu'il rencontra, au
sud-est de Cordova, et au milieu d'une savane immense,
une grande rocbe de figure sphérique, ayant 22 pieds de
* Dans les Pyrénées, — dans le départ, de la Lozère près Menée, — deux
près Monlfaucouy départ, de Maine et Loire. — Départ, de la Manche, dans la
forêt de Limoges, une de 22 Vt V^eûi de longueur, 12 pieds de largeur. —
Départ, de Loir et Cher, plusieurs près de Blois. — Départ, de la Manche,
une à Liihaire, — Deux détruits dans l'arrondissement de Cherbourg. — Sur
le cap Finistère, vers la chapelle de Notre Dame de la Barque, une énorme
pierre mouvante.
* Près de Pensans doit être le plus grand.
* Près de Halifax. Voir la butte Golcar. De Caumont, pi. III, fig. 4.
^ Plusieurs dans le canton Stanton-Moor, l'une de 45 pieds de tour et 24
de haut. — Près de Warion-Cray, dans le Lancashire, trois sur une ligne
droite.
* Près de West-Hoadley, elle a 68 pieds de tour.
* Juridiction de Hanovre. Cette pierre calcaire a 22 pieds, de longueur, 16
de largeur et 2 d'épaisseur. D'après ces chiffres, Keferstein compte 4224 pieds
cubes à 300 livres le pied cube.
AGE DU PEU. 263
circonférence. Elle est mise en équilibre sur son axe, de
telle sorte qu'on peut la faire vibrer en la touchant seu-
lement du petit doigt. A deui lieues plus loin, on en ren-
contre une à peu prés semblable. Du reste il parait que
ces pierres sont assez nombreuses aui Etats-Unis. Dans
TEtat de Massachussets, il existe une pierre branlante
d'environ 24000 livres, posée par trois points sur un au-
tre roc; il suffit d'un léger effort pour la mettre en mou-
vement. »
Autels, trilithes, dolmens.
Il nous reste encore un grand nombre à'auteb des peu-
ples barbares, isolés dans les plaines et sur les hauteurs
ou réunis & d'autres monuments. Plusieurs sont de sim
pies blocs de granit dont on ne peut reconnaître la desti-
nation que par les rainures, les creux circulaires et certains
signes taillés sur la pierre. Au-dessous, on trouve par-
fois des celts et d'autres instruments en pierre et en
bronze qui paraissent avoir appartenu au culte. Il n'en
est qu'un petit nombre, dont on puisse dire avec certi-
tude leur destination pour les sacrifices sanglants * ; il n'est
du reste pas toujours facile de les distinguer de ceux
sur lesquels on ne faisait que déposer les offrandes. Quel-
quefois, ces blocs reposent sur trois pierres ou supports,
disposés à angle droit, mais peu élevés au-dessus du sol;
d'autrefois leurs supports sont assez hauts pour pouvoir
pénétrer sous la table de l'autel, comme dans une cellule,
ce qui a fait donner en Allemagne, le nom A^auteU-grot'-
* Ainsi c«ltti d« rBerthabourf de RttfM.
264 monumCnts db l'antiquité.
tes à ces monuments. Les Français les appellent dolmens
(tables de pierre) lorsque la table est horizontale, et demi-
dolmens si elle est inclinée de manière qu'une des extré-
mités repose sur le sol. — On désigne aussi par les noms
de dolmens, lécavènes^ on trilithes deux piliers, parfois très
élevés, surmontés d'une table en forme d'architrave •. La
réunion de plusieurs de ces monuments rapprochés les
uns des autres sur la même ligne, forme les autels pro-
longés de l'Allemagne, appelés en F rsince allées couvertes^,
La différence d'élévation de ces divers autels a lieu de
surprendre ; cependant un fait propre au culte des anciens^
Grecs donne une explication satisfaisante de cette variété
de construction ; les autels que les Grecs élevèrent en
l'honneur des dieux du ciel furent parfois très grands ;
l'un dédié à Jupiter Olympien n'avait pas moins de 2^
pieds de haut*. Ceux des dieux terrestres étaient peu éle-
vés, tandis que pour les divinités infernales, on creusait
souvent des fosses dans le sol.
Ephorus *, né vers l'an 352 avant notre ère, remarque
* Legrand d'Auni distingue les dolmens des lécavènes en ce que les dol-
mens ont pour supports deux ou plusieurs grandes pierres plates posées de
champ et parallèles, tandis que les pieds des lécavènes sont deux piliers
plantés debout. Cette distinction n'a pas prévalu.
' Les uns sont élevés de 20 à 25 pieds, comme une grande porte; les au-
tres de 3 à 4 pieds, comme une table.
* Sous ces autels prolongés du Danemark et de la France on a trouvé des
ossements humains et des urnes cinéraires, cela peut être l'inhumation dans
les lieux sacrés ; cependant les Romains et les Grecs éloignaient soigneuse-
ment les sépultures des temples et des habitations. Les grands autels sur les
tombeaux n'indiquent-ils pas d'autres usages ?
* Odyssée, fln du chant X et commencement du XI.
* Son histoire des guerres des Grecs contre les Barbares est perdue. Quin-
tilien, X, cap. 1.
AGE DU FER. 265
qu'on ne trouve pas de temples en Ibérie, mais à la place,
de grandes pierres réunies au nombre de 3 à 4, ce qui
répond bien aux autels que nous venons de décrire. En
Portugal \ près de Monte-Moro, est un autel dont la base,
formée pard*énormes pierres qui se rétrécissent peu à peu
▼ers le haut, supporte une autre pierre également gigan-
tesque, mais plate et inclinée vers le midi. Trois ou qua-
tre hommes peuvent s'abriter dans l'intérieur «le ce mo-
nument. On en voit encore quelques-uns dans Tile de
Corse, — Nombreux en Fratice*, ils portent parfois le nom
* Btbk en Etpagne, par Borrow, tom. I, pag. 5S. Entre Monte-Morro et
Arrojfilos; il est de forme circulaire; les supports sont terminés par une
frottière sculpture imitant une coquille (?). Vers le midi se trouvait une petite
porte.
■ Voir les détails statistiques sur les Liis des Hunt, L'opinion la plus ré-
pandue, dit le Magasin pittoresque^ 1885, pag. 293, est que les dolmens ont
senri de sépulture. Quelquefois de petites rigoles sont creusées sur la surface
cstérieure du couvert et conduisent à des espèces de cuvettes au fond des-
quelles on trouve même, mais asseï rarement, une perforation. Le sang des
victimes aurait coulé par ces trous à la manière des taurobolisations. A Loc-
imanaquer les dolmens sont très t>as ; on y voit aussi sur les pierres de re-
couvrement des rigoles et cuvettes, mais si peu marquées qu'elles sont la
plupart du temps presque imperceptibles. Il en exista d'une autre espèce sur
BU dolmen situé près d'Arras, qu'on nomme la ■ cuisine des sorciers, » où les
raveites tont comme des godets creusés obliquement dans la pierre. — Voir
les dessins du dolmen de Crach. — L'allée couverte de Hle de Gatrinit, se
compose 1* d'une galerie longue de 11 mètres 75 sur 1 ■ 80 de large et 1 ■
M de haut, dont les parois sont formées de 13 pierres debout, juxtaposées,
savoir 11 au sud et IS au nord ; — i*^ d'une chambre ou ctlla, de 3* S5 de
profondeur sur 2*70 environ de largeur ; sa hauteur est de 1 * 80, à gale-
rie, recouverte par 9 pierres, une seule formant le toit de la chambre est
dallée asaex inégalement pour former des espèces de degrés et parait parta-
gée en deux parties par un seuil. Ce dolmen se distingue des autres par ses
pierres insculptées au nombre de 19 sur 29. Ces glyphes, taillés grossière-
ment k la pointe sur des surfaces brutes, offrent des vermiculatîonfl à peu
près concentriques, des itg-iags, des lignes brisées parallèles, le tout, tan-
266 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
de pierres des fées ou des Fades, qu'on croit dériver de
vates c'est-à-dire devin. Souvent ils sont déposés en grou-
pes. Dans un petit district du département de VArdèche,
on en compte environ 80. Sur les tables, quelquefois per-
cées de part en part, sont souvent taillés des creux et des
rainures. Encore de nos jours, les jeunes filles qui dési-
rent se marier dans Tannée montent sur ces blocs, y dé-
posent une monnaie et sautent du haut en bas, ou bien
elles placent, en guise d'offrande, dans les interstices des
pierres, des flocons de laine couleur de rose liés avec du
clinquant. La table de l'autel de Limalonge, dans le dé-
partement des Deux-Sèvres, n'a pas moins de 22 Vt pieds
delong,42 de large et 4 d'épaisseur. Les allées couvertes,
qui ne sont autres que des dolmens prolongés, présentent
l'aspect de galeries ou de corridors fermés à l'une des
extrémités, quelquefois divisés à l'intérieur en 2 ou 3 par-
ties et terminés par un appartement carré ou arrondi.
L'allée de Bagneux est remarquable par la grandeur des
tôt couvrant entièrement la surface, tantôt paraissant former des séries ou
des divisions plutôt capricieuses que combinées. Six de ces pierres méritent
une attention particulière. Sur la base de Tune on voit des serpents accom-
pagnés de flores en forme de coins qu'on prend pour des celts (fig. II, 2].
Sur une autre pierre on pourrait voir un trophée de six boucliers, sur d*au>
très ce sont deicelU, Une pierre du fond de la cella (flg. II. 4] semble offrir
les traits informes d'un vieillard. Enfin une autre pierre présente une ca-
vité transversale, faite de main d'homme, creusée à 0 "> 15 de profondeur,
sur 0 m 58 de longueur, et 0 "^ 10 de hauteur, divisée en trois parties de for-
mes diverses par deux bandes verticales de 0 m 5 chacune, ménagées dans la
surface de la pierre et refouillées pour former des espèces d'anses ou d'atta-
ches.— Une autre grotte du Locmariakerj d'environ 20 mètres de longueur,
a aussi une cella marquée simplement par une «pierre placée en travers. Les
côtés ne sont formés que de 13 pierres, une seule suffît pour fermer le fond
et 14 pour couvrir le tout. Cinq des pierres verticales offrent des surfaces in-
sculptées. Les figures sont plus régulières que celles de Gavrinis.
AGB DU FER. !267
matériaux employés ; longue de 60' large de 20 et haute de
9^ quatre énormes dalles de grès posées sur champ, fer-
ment chacun des deux côtés. Il n'y a que 4 couvertes, dont
Tune mesure 22 */«' de long sur 21 de large. L'entrée est
rétrécie par une plaque et l'autre extrémité est fermée par
une seule dalle. — V Angleterre possède la même variété
d'autels que la France, ainsi que des allées couvertes de
grandes dimensions. — Bien que la plupart de ces monu-
ments aient dû disparaître dans notre pays avec les blocs
erratiques, on en trouve encore çà et là des vestiges. Près
de Genève, on voit dans le lac, à peu de distance du bord,
les pierres à Niton ou Neyton, qui ont pu servir d'autel au
Neith des Gaulois. Il y a environ deux siècles qu'on
trouva au pied de la plus grande des celts et un couteau
en bronze. Le mot niton, étant aussi l'un des noms du
démon, la dénomination de ce bloc équivaut à celle de
Pierre du diable, nom qui fut fréquemment donné à ces
monuments lors de l'introduction du christianisme ^ Sur
le mont ie Charpigny, attenant à celui de Saint Triphon,
sont plusieurs blocs erratiques, dont l'un recouvrait des
celts, des amneaux de serment et un fer de lance en bronze
déposés en cercle dans la terre. Une découverte analogue
a eu lieu à Juriens près de Romainmôtiers ; mais il est
difficile de conclure uniquement de ces faits à la destina-
tion religieuse de ces blocs. Sur une ancienne carte du
bailliage i'Oron est indiqué par ces mots : € trois pierres,
une sur les deux » un dolmen ou trilithe entre Maracon
et la Rogive. Près de la Mothe sur les bords de l'Arnon,
un bloc d'une dixaine de pieds de haut sur 7 à 8 de large
' Blavignac, Mon. ceU., pag. 21.
268 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
reposait sur trois pierres où il avait été évidemment placé
par la main de l'homme. Dans la Haute-Engadine, près de
Sins, on voit aussi des autels isolés, entr'autres la pierre
fitte qui a 18 pieds de haut sur 28 de tour ^ On ne re-
trouve du reste en Suisse aucune allée couverte, ni au-
cun de ces monuments gigantesques propres à d'autres
pays.
Les autels, rares dans le midi de V Allemagne et sur les
bords du Rhin, sont surtout répandus au nord, dans les
contrées habitées le plus anciennement. Ils portent les
noms de pierres du diable, du mensonge, des druide, d'é-
preuve ou de châtiment, et aussi de la fiancée. Les trilithes,
nombreux en France et en Angleterre, n'ont guère été
observés qu'au sud de Weimar, où ils sont appelés portes
du diable. Les blocs, sans support, sont surtout chargés
de rainures, de petits creux circulaires, quelquefois de
rempreinte de mains ou de pieds. D'autres fois, l'autel re-
pose sur trois pierres ou sur un plus grand nombre, dis-
posées de manière à former une espèce de grotte. Entre
Halle et Cœthen, au milieu du village de Werben, est un
autel autour duquel la commune a l'habitude de s'assem-
* Gemàlde der Schweii%. Der Kanton Graubunden, erste Abtheilung, seit.
94. II y est parlé de deux piliers « auf der Scheîdecke des Julierpasses. » Des
lettres de l'an 1396 parlent déjà de la < Marmelstein auf dem Julien. » Tschudi, en
1588, mentionne ce pilier comme gisant sur le sol et brisé. Gampell, en 1571,
dit pareillement que deux fragments gisent sur le sol. Sprecher, dans saPa{~
las rhœt., mentionne trois fragments. On a parlé, mais sans preuve, d'inscrip-
tions de Jules-César, non plus ultra et omitto vos Rhœtos indomitos. Au-
jourd'hui sont encore debout deux piliers des deux côtés de la Julierstrasse,
grossièrement travaillés, de la pierre de la montagne, mesurant chacun
4 7i pieds de haut, sans aucune inscription et avec une cavité conique au-
dessus. Ces colonnes n'ont point la forme de miliaires romains et ne ré-
pondent point mal aux monuments celtiques.
AGE DU FBR. 269
bler. A rinlérieur de la ville de Halberstadt, sur la place du
dôme, on voit encore la pierre de mensonge qui a été jus-
ques à la Réformation l'objet de la cérémonie suivante :
Chaque année, le peuple se portait en foule autour de
Tautel, sur lequel on plaçait une image, représentation
du dieu auquel il était consacré ; puis on entonnait cer-
tains cantiques et un chanoine abattait d'un coup de bâ-
ton la fausse divinité. La tradition, moins fidèle sur ce
point, raconte que les habitants de Halberstadt, embar-
rassés dans la construction de leur temple, obtinrent du
diable qu'il se chargeât de ce travail, en lui persuadant
que ce bâtiment était destiné à devenir une auberge. L'é-
difice était à peu près achevé quand Thabile ouvrier s'a-
perçut qu'il avait été trompé. Irrité, il disparait, et revient
un peu après avec un bloc énorme pour détruire son œu-
vre. On parvint cependant, après beaucoup d'efforts, à
calmer son courroux au moyen d'un compromis. Il fut
convenu qu'on élèverait une auberge auprès du temple,
et le diable déposa sur la place le bloc qu'il avait apporté,
menaçant les habitants de la ville d'en faire usage s*ils
venaient à manquer à leur parole. Ceux-ci ayant été fidè-
les à leur promesse, le bloc n'a dès lors pas été remué. —
La hauteur moyenne des autels est de 5 à 7 pieds. Celui
de Tripiowy le plus grand de la Poméranie, mesure 19 000
pieds cubes. — Sur l'île de Rùgen, non loin du village de
Quoltitz, est une colline d'un aspect sauvage, couverte en
partie de blocs erratiques, dont le plus grand a été choisi
pour un autel. Long de 15 pieds, large de 12 et haut de
5, il est entouré de rainures ou petites rigoles qui pa-
raissent destinées à donner un cours déterminé au sang
des victimes. Un bassin circulaire a été taillé sur sa
270 MONUMENTS DE L*ANTIQUITÉ.
surface, avec plusieurs petits trous peu profonds. Un autre
autel de l'île de Rûgen appartient à un ensemble de
monuments dont il ne doit pas être séparé. La partie
nord-est de Tîle est recouverte d'une grande forêt de hê-
tres qui s'étend jusque sur les rochers de craie de la rive,
élevés d'environ 400 pieds au-dessus de la mer. Non loin de
ces bords escarpés, une dépression du plateau forme un
vallon plein de mystères. C'est là que les hêtres touffus
et serrés projettent leurs ombres sur les eaux noires d'un
petit lac, entouré en partie de roseaux. On l'appelle le lac
d'Hertha. Sur la rive occidentale, s'élève un retranche-
ment en terre, haut de 80 à 100 pieds, ménageant au nord
un étroit passage par lequel on pénètre dans ce sanctuaire
de forme ovale, découvert du côté du lac. Ce retranche-
ment qui a environ 400 pas de tour et 200 pieds dans son
plus grand diamètre porte le nom de Herlhabourg. Au
nord de l'enceinte est un autel de granit peu élevé, terminé
en arête, d'où descendent deux faces inclinées et légè-
rement concaves. Au pied du bloc, sur le milieu de sa
longueur repose un bassin en granit qui parait avoir été
destiné à recevoir le sang des victimes. Auprès de l'autel
une pierre peu élevée présente une surface plate sur la-
quelle sont sculptées les marques de pieds humains. La tra-
dition raconte qu'une druidesse ayant des rapports avec
un jeune homme du collège des druides , les prêtres
inexorables eurent recours aux mystères de leur culte
pour découvrir la coupable. A cet effet, ils firent passer
toutes les druidesses sur la pierre d'épreuve. Lorsque
la prétresse coupable d'amour monta sur le bloc, elle y
laissa l'empreinte de ses pieds. Convaincue par là de son
crime, elle fut précipitée dans la mer du haut des ro-
A6B DU FBR. 274
chers voisins. Tacite * parle d'une île au nord de la Ger-
manie, qu'on croit être celle de Rûgen, où se trouvait une
forêt, au milieu de laquelle était un char consacré à la
déesse Hertha. Il n'était permis qu'au prêtre seul de tou-
cher à ce char parce qu'il savait à quel moment arrivait
dans ce lieu la déesse qu'on y adorait. Quand il sentait la
présence de cette divinité, il attelait des buffles au chariot et
le suivait avec une grande vénération. Tout le temps que
durait cette cérémonie, étaient des jours de fête, et partout
où le char allait on le recevait avec beaucoup de solennité.
Chacun déposait les armes, on ne respirait que la paix et
le repos jusqu'à ce que le prêtre eût reconduit dans son
sanctuaire la déesse rassasiée de la conversation des
hommes. Alors on lavait le char dans un lieu secret, ainsi
que les étoffes qui le couvraient, et la déesse elle-même ;
on se servait pour cela d'esclaves qui étaient aussitôt après
jetés et engloutis dans un lac voisin. — On sait que l'île
de Rûgen était en grande vénération chez les Germains
pour les mystères du culte qu'on y célébrait, et la descrip-
tion de rhistorien ne permet guères de douter que la loca-
lité dont nous venons de voir les monuments ne soit
celle où se pratiquait la cérémonie du char de la déesse
Hertha. — Les autels prolongés ou allées couvertes, rares
dans les contrées de la Saale, sont nombreux dans le nord
de l'Allemagne. Le Hanovre en possède plusieurs de
grandes dimensions. Dans le bailliage d'Haspsted, on en
voit deux près de Reckum, dont l'un a 7!2 pieds de long
sur 18 de large.
Dans le Mecklembourg, l'allée de Granzin est formée
* De Germ.j cap. XL. l\ l'appelle Hertus.
272 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
de plaques de granit de 10 pieds de large, et porte le nom
de four du diable. Deux allées près de Bergedorf ont
chacune 50 pas de long. La Hollande possède aussi plu-
sieurs autels, surtout dans la province A'Over-Yssel, habi-
tée par les Frises. Keissler mentionne 54 autels et allées
couvertes dans la seigneurie de Drenthe. Les allées ont de
30 à 76' de long sur 7 à 12 de large, et sont aussi for-
mées de dalles gigantesques. On a retrouvé auprès, des
fragments de poterie et quelques instruments en pierre.
Nous nous bornerons à constater la même richesse de
monuments en Danemark, en Nonvège et en Suède, tout
en faisant observer que les trilithes ou dolmens isolés, en
forme de porte, ne s'y rencontrent guères. Les habitants
de la Suède rendent encore, en plus d'un lieu, un véritable
culte à ces autels de l'âge païen. Leurs pratiques supers-
titieuses étant une survivance de l'ancienne foi, méritent
d'être recueillies. Près de Linie, en Westmanie est la
pierre des Elfes y bloc isolé sur lequel sont taillés plusieurs
de ces petits creux de 2 pouces de diamètre qu'on a ob-
servés sur un grand nombre d'autels, sans pouvoir en sai-
sir la destination. Lorsque les habitants de la contrée ont
un enfant malade, ils se rendent auprès de Taulel, rem-
plissent un de ces petits creux d'une matière grasse, de
beurre ou de suif et y déposent une petite poupée, simula-
cre grossier de l'enfant malade, afln de se rendre propices
les elfes, esprits malins ou protecteurs qui veillent sur la
santé de la famille. Sacrilège est la main qui enlève ces
ex-voto de l'autel où ils ont été déposés*, — Dans les
provinces russes, vers la Baltique, sont aussi, en plusieurs
* La Klauenstein, sur la Duna et les Perkunsteine près de Liebau.
AGE DU FRR. 273
lieux, des pierres et des arbres sacrés sur lesquels on
dépose, comme offrandes, de petites monuaies. Sur quel-
ques blocs, OD montre les traces des pieds des géants. Il
n'est pas sans intérêt de retrouver dans le Brésil des au-
tels de pierres tout pareils à ceux de l'ancienne Europe ^
Pierres taillées ou sculptées.
Aussi longtemps que les peuples qui nous occupent ne
possédèrent que des instruments imparfaits^ on comprend
que l'art de la sculpture ait dû leur être étranger. Si
dans la suite les monuments du culte restent des piliers
bruts, il faut que le développement de l'art ait été arrêté
par des idées religieuses. Il est en effet extrêmement rare
de retrouver la représentation de quelque figure hu-
maine. Nous pouvons cependant citer un petit nombre de
monuments de ce genre qui sont arrivés jusqu'à nous.
Non loin du mont Salève, entre les villages de Troinei
et de Bossey, s'élève la Pierre aux Dames, un bloc cu-
rieux par son travail, dont nous empruntons la descrip-
tion au mémoire sur quelques monuments celtiques de
M. Blavignac. € La pierre qui porte cette sculpture, dit-il,
est un bloc de 10 pieds de longueur, 4 de largeur et envi-
ron 5 de hauteur; ce bloc est placé au sommet d'un mon-
ticule de forme conique, ayant à sa base plus de 100 pieds
* Keferstein, pag. 244 ou suivantes.
On lit dans le Magasin pittoresque de 1859, pag. 387 : « Dans l'Etat de
New-York il existe un véritable cromlech (autre emploi de cette expression)
de 15 pieds sur 10, et posé sur 7 petits blocs formant colonnes pour le sou-
tenir.
UtM, ET DOCUM. XXV. 18
274 MONUMENTS DE L*ANT1QUITÉ.
de diamètre sur près de 18 de hauteur. La sculpture
occupe rextrémité orientale de la face de la pierre tournée
vers le sud ; elle représente 4 femmes ayant une taille de
pygmée, car, bien que leurs têtes soient de grosseur na-
turelle, leur hauteur totale ne dépasse pas deux pieds.
ToDtes ces figures, autant du moins qu'on peut en juger
sur un ouvrage aussi imparfait, ont la tète nue; elles
sont revêtues d'une sorte de tunique, et tiennent dans
leurs mains, ramenées au milieu de la poitrine, un objet
semblable à une bourse. Cet ouvrage curieux ne peut
être attribué qu'aux peuples qui habitèrent nos con-
trées antérieurement à la domination romaine. Le genre
de travail, l'exacte orientation du bloc, dont l'axe est
dans la direction du nord-ouest au sud-est, le ruisseau
qui coule encore au pied de la colline, les noms de
crito et de Pierre-aux-Dames ou aux Demoiselles, don-
nés de temps immémorial au monticule et au monu-
ment qui s'y trouve, tout concourt à nous démontrer que
sa consécration a eu lieu sous l'influence du culte druidi-
que. — Mais pour quels motifs et à quelles fins eut lieu
cette consécration ? Des difficultés sans nombre s'opposent
à la solution complète de ce problème. Près de la pierre
on voit d'autres fragments granitiques. M. Salverte se
basant sur l'ensemble de ces l)locs et sur une tradition
locale, a cru trouver dans la Pierre-aux-Dames un monu-
ment astronomique. » Voici ce qu'il dit à cet égard :
c La tradition s'exprime uniformément sur l'antiquité
immémoriale de la Pierre-aux Dames; le bloc, ajoute-t-
il, couvre la sépulture de quatre, amantes infortunées»
qui, éprises du même amant, en furent tour à tour chéries
et délaissées, et l'une après l'autre expirèrent consumées
âge: du fer. 27S
de regrets. Suivant quelques récits, Tamant perfide repose
lui-même à côté de ses victimes ; la place de son tom-
beau est marquée par le second bloc de pierre, dont la
destination se rattache à celle du premier. Que le monti-
cule couvre un sépulcre, cela n'a rien d'impossible, mais
on n'admettra pas aussi facilement, au moins dans le sens
littéral, le reste de la légende Si, au contraire, on veut
le considérer comme une allégorie ; si l'on songe à la po-
sition orientée de la principale pierre, à la possibilité
apparente que la seconde ait été une pierre droite, un mo-
nument solaire; si l'on se rappelle que, chez presque tou-
tes les nations, le soleil, sous différents noms, a eu tantôt
des tombeaux, tantôt des cénotaphes, représentation mys-
térieuse de la fin et de la renaissance de l'année, qui se-
ront les quatre amantes tour à tour chéries et délaissées ?
Les quatre saisons qui, aux termes fixés par la nature, se
ravivent tour à tour, et se lèguent, en expirant, les fa-
veurs du dieu de la lumière. Et près de leurs emblèmes,
dirigé vers le point du ciel d'où part sa chaleur la plus
féconde, le dieu lui-même aura trouvé un emblème dans
cette pierre droite, dont l'ombre indiquait aux regards
la marche du jour, et les diverses époques de l'année. » —
M. Blavignac n'admet pas cette interprétation qui s'appuie
sur une tradition qu'il croit peu ancienne. Les fouilles
qu'il a dirigées sur cette colline ont eu pour résultat de
constater sa formation naturelle, et il croit que ce monu-
ment consacré aux dames ou fées, dont il porte la repré-
sentation, était l'objet d'un culte de la part des habitants
de la contrée.
M. de Bonstetten verrait là un monument gallo-romain.
Il prétend qu'on a trouvé au dessous des tuiles romaines.
276 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
Le fait serait intéressant à constater. Si les Huns, comme
on le dit, ont eu des monuments pareils, ou môme
d'autres peuples du temps des invasions, les sculptures,
sans rien avoir de gallo-romain, peuvent être de cet âge
ou même postérieures. On mentionne chez les Kourganes
entre le Dnieper, le Tereck et l'Oural des statues gros-
sières qui s'étendent jusque dans le Caucase et principale-
ment aux environs de Bakhmout. Voici ce qu'en disait
Ruysbock au XIII® siècle, a Pour les Comans, ils ont cou-
tume d'élever un tertre sur la sépulture du mort, et lui
dressent une statue, la face tournée vers l'orient, et tenant
une tasse à la main vers le nombril. Aux riches et grands
ils dressent des pyramides ou petites maisons pointues ;
et j'ai vu en des endroits de grandes tours de briques, et
en d'autres des maisons bâties en pierre, encore qu'en
ces quartiers-là on n'y en trouve point. J'ai vu aussi une
sépulture où ils avaient suspendu seize peaux de cheval
sur de grandes perches, quatre à chaque face du monde ;
puis ils y avaient laissé du cosmos (liqueur distillée du
lait de jument fermenté) pour boire, et de la chair pour
oranger. Cependant ils disaient que ce mort avait été baptisé * .
J'y ai remarqué d'autres sépultures vers l'orient: c'étaient
de grands carrés de pierres, les unes rondes, les autres
carrées ; puis quatre pierres longues aux quatre coins à
Tentour de cet espace *. » Le costume et les traits, dit
Pallas, indiquent pour ces statues une origine mongole.
Toutes ont le visage tourné vers l'orient et sont placées
sur des tombes de moyenne grandeur. Il est probable
qu'elles sont l'ouvrage d'un peuple beaucoup plus ancien
* Traduct. de Bergeron, p. 19.
AGE DU FER. 377
que les Comans, el les tombeaux dont parle Ruysbock
doiveut être attribués à diverses nations. Dans les con-
trées les plus orientales, toutes ces figures grossièrement
taillées n'offrent le plus souvent qu'une simple marque ;
mais dans les plaines qui bordent la mer d'Azof, et surtout
dans celles du nord, elles sont déjà sculptées avec assez
d'art pour qu'on y puisse reconnaître le type de la face,
les proportions des membres, une partie du costume, et
les ornements des deux sexes ; elles y sont assez multi-
pliées pour faire présumer que la nation qui les y a pla-
cées a dû faire un long séjour dans ces lieux ; les images
des hommes sont toutes coiffées d'un petit bonnet rond
qui couvre le sommet de la tête, semblable à celui que
les Mongols portent encore aujourd'hui ; le contour de la
tête est rasé; les cheveux du sommet forment trois tresses
qui se réunissent et tombent sur le dos ; l'habit court,
les courroies passées par-dessus l'épaule et les bottes
n'ont cependant pas les formes usitées aujourd'hui chez
les Mongols. Les figures des femmes ont des bonnets qui ne
ressemblent en rien à ceux du peuple du nord de l'Asie;
mais les colliers de coraux et les tresses de cheveux appar-
tiennent aux Mongols. Les statues des deux sexes ont
aussi, comme ces peuples eux-mêmes, des figures larges
et plates. Toutes ces statues tiennent des deux mains, sur
le ventre, une tasse ou petit vase, comme on représente
certaines idoles du Thibet, et il serait très difficile d'en
donner au juste l'explication. Si l'on en juge par les traits
caractéristiques de ces figures, elles doivent provenir
d'une nation mongole , et si les Huns ont fait partie de la
même race, comme l'analogie de quelques mots de leur
langue avec celle des Mongols et la description de leurs
278 MONUMENTS DE l'âNTIQUITÉ.
caractères physiques par les écrivains grecs, semblent
rindiquer, on pourrait à juste titre leur attribuer ces mo-
numents. Peut-être même pourrait-on désigner en parti-
culier la tribu des Oelets, qqi doit s'être retirée ancienne-
ment à l'ouest suivant la tradition des Kalmouks. Ammien
Marcellin fait déjà mention de ces statues sur les bords du
Pont-Euxin, et compare la forme de leur visage à celle des
Huns. Elles ne portent jamais d'inscription. On peut les
attribuer aux anciens Huns avec d'autant plus de vraisem-
blance qu'elles remontent au temps où le christianisme
florissait parmi les peuples du Caucase, ceux-ci au lieu
de statues élevaient des croix de pierre, encore clair-se-
mées dans ces contrées.
Il est rare aujourd'hui de trouver à l'ouest du Don, des
figures de ce genre sur la place même où elles ont été éri-
gées, ajoute Pallas. La plupart ont été enlevées, et gisaient
à la surface du sol ou au bord des routes, jusqu'à ce que
le gouvernement russe eût donné l'ordre de réunir les plus
remarquables dans un musée qu'il se propose de former
à Ekathérinoslaf. Cependant nous en avons encore ren-
contré un certain nombre aux environs de Bakhmouth, en
1837; quelques-uns se trouvent au milieu des bourgades.
A Petropavlofka, entre Ekathérinoslaf et Bakhmouth, elles
étaient fichées en terre en face de la maison de poste. On
pouvait y reconnaître la plupart des caractères mentionnés
dans la description qui précède, moins les vêtements et
les courroies dont il n'y a pas trace. Mais de plus on y
remarquera une certaine obésité qui caractérise plusieurs
nations d'origine mongole.
Que la pierre aux^Dames de Genève soit antérieure ou
postérieure à l'ère chrétienne, c'est de ce genre de statues
AGB DU FER. 279
qu'elle semble se rapprocher. C'est encore vers cette pierre
que le soir des brandons on allume lé premier feu, chef de
file de ceux de la contrée. Elle porte sur sa surface un
petit bassin allongé mais qui n'a cependant pas le carac-
tère de ceux du pied du Jura. Il faudrait s'assurer si ceux
que porte la pierre à Niton ont été taillés, comme le sup-
pose Blavignac, en vue de l'érection d'une croix lors de
l'introduction du christianisme.
D'après M. Blavignac, l'objet cylindrique qu'on voit à
la main des figures de la pierre aux Dames est une bourse
qui indiquerait que le monument a été dédié aux fées
gardiennes des trésors de la terre. Sans nous arrêter à
cette dernière idée, qui nous parait peu fondée, nous nous
bornerons à rapprocher ces sculptures de la pierre aux
Dames de figures pareilles provenant de contrées fort
éloignées. En Rmsie on a trouvé dans un tumulus du
gouvernement d'Orenbourg une coupe en billon qui porte
une figure dont l'attitude, le vêtement et l'objet mysté-
rieux entre les mains sont parfaitement pareils aux sculp-
tures de la pierre aux Dames. On conserve dans le bâti-
ment de l'université de Moscou trois statues en grès, d'un
travail grossier, qui présentent plus d'un trait analogue.
M. Du Bois de Montpéreux dit que dans une assez grande
étendue du midi de la Russie, on trouve des tumuli cou-
ronnés *de statues plus ou moins informes, que le peuple
appelle baba\ Un passage d'Âmmien Marcellin mentionne
déjà ces statues auxquelles il compare les Huns. Ces sta-
* Annuaires de$ voyages, 1846, pag. 41. — Dubois, 4* série, pi. XXXI, 6,
dessins de 14 baba ou statues différentes.
Les prêtres d'Ifa, déesse des palmiers, chez les Yorubas, en Afrique, por-
tent le nom de Babbalao. Il serait curieux de savoir ce que signifie ce lao.
280 MONUMENTS DE l'aNTIQUITB.
tnes portent évidemment sur leur figure le type mongol,
saillant surtout dans l'expression des yeux. La plupart
tiennent des deux mains sur le ventre une espèce de go-
belet, que M. Du Bois a cru reconnaître pour celui qui
était employé dans les cérémonies des Parsis, disciples de
Zoroastre. Mais il ajoute que tout le monde n'est pas
d'accord à ce sujet et qu'on a voulu voir dans cet objet
cylindrique un livre roulé plutôt qu'une coupe. Il est à
observer que bon nombre de ces tumuli à statues se trou-
vent dans le pays de Gherrus où, d'après Hérodote, les
Scythes inhumaient leurs rois*. Aucune fouille régulière
n'a encore fait connaître l'intérieur de ces collines en
sorte qu'on ne peut dire si ce sont des tombeaux ou
des constructions religieuses. Ce n'est pas seulement dans
le midi de la Russie qu'on trouve les baba. Pallas en a vu
beaucoup sur les bords du Yéniseï, en Sibérie, et quel-
ques-unes clair-semées près de l'Irtisch et du Samara.
Plus on va vers l'orient, plus ces statues sont grossiè-
rement taillées ; ce sont des figures qui n'offrent qu'un
simple masque, tandis que sur les rives de la mer d'Âsof,
elles sont sculptées avec assez d'art pour qu'on puisse y
reconnaître le caractère national des figures *. Il est
curieux de retrouver au pied de Salève la représentation
de figures analogues, et cela, comme dans le midi de la
Russie et l'Asie du Nord, sur une colline de forme tumu-
laire. Ce qui n'est pas moins surprenant, c'est que la
* Il est situé à l'est du Dnieper, sur le plateau des sources du Khouskii-
Vodi (Danticapès) et du Tokmak (le Gherrus). Du Bois, Atlas, lr« série, pi. IX.
* Au-dessus du Caucase, les haha ne commencent qu'au nord du Stauropol,
situé au sud de la province russe du Caucase, au-dessus de la rive droite
du Kouban.
AGB DU FBR. 281
pierre aox Dames soit le seul rnoonment de ce genre ob-
servé en occident, do moins à notre connaissance. Il existe
bien dans les collections de Stottgardt une statue en grès
de grandeur surnaturelle, découverte, il y a deux siècles,
en Wurtemberg. La raideur de l'attitude ne permet pas
d'en faire un travail romain. Elle représente une femme
vêtue d'une robe sans ampleur qui retombe jusque sur
les pieds ; les bras pendants sont ramenés sur le devant
du corps; la tête est nue, et de grandes tresses pendent
le long du dos, de la même manière que chez les paysan-
nes wurtembergeoises. Cette statue n'a donc ni le cos-
tume, ni l'objet cylindrique qui distinguent les baba. Ces
grossiers essais sont les seuls que nous connaissions de
Tart du statuaire chez les Barbares. On voit cependant
dans différentes collections les images informes d'hommes
ou d'animaux en bronze et même en fer, mais elles ap-
partiennent en général aux premiers temps chrétiens.
Il existe en France un grand nombre de blocs creusés*,
dont la destination est douteuse, bien qu'ils ne soient pas
tumulaires, on a trouvé sous l'un d'eux, à Louviers en
Normandie, des squelettes disposés dans le sol comme
les rayons d'un cercle. A Saint- Sulpice sur Rille, près de
V Aigle, un support de dolmen porte trois petits croissants
gravés en croix et disposés en triangle*. Près de Locfe-
Maria-Ker est un autre dolmen dont un support est
* On voit sur quelques dolmens des bassins dont les plus grands ont de 2
à 4 pieds de diamètre, et jusqu'à quatre bassins dans la même pierre. Le
même fait est propre à l'Angleterre. Voir la note 1 de la page 305.
• Près de Lock-Maria-Ker, dolmen dont la table est couverte au-dessous
d'excavations rondes d'un pouce et demi de largeur, disposées symétriquement
en cercles, ce qui donne au tout l'apparence de la surface d'un crible.
282 MONUMENTS DE L*ANT1QU1TÉ.
chargé de moulures verticales, arquées par le haut, et
rangées par ligne les unes au-dessus des autres. Les
sculptures les plus compliquées trouvées en Bretagne
sont à l'intérieur de la cellule placée à l'extrémité de l'allée
couverte près du golfe de Morbihan. Ce sont des cercles,
des croissants et d'autres figures dans des encadrements
divers*.
En Angleterre on voit près de Salisbury un rocher qui
a été taillé de manière à pouvoir reconnaître la forme du
cheval. Ailleurs ce sont des bassins, des vases géants, des
grottes, des sièges ou des sortes de trônes'.— Dans la
Loppa sont des rochers de grès de plus de 100 pieds de
haut, sur lesquels on a taillé des degrés et des cellules,
mais les sujets chrétiens qu'on voit auprès, et la retraite
qu'en firent des ermites dans le XIII^ siècle permettent
de douter que ces rochers aient été taillés avant Tintro-
duction du christianisme. On montre de même, dans la
Suisse saxonne et dans la contrée de VOder près de la
Bohême , des piliers naturels d'une grande élévation
qui présentent des figures diverses et qu'on croit avoir
été taillés par la main de l'homme, cependant, malgré
leurs formes pittoresques ou originales, je n'ai pu y voir
que le produit d'un simple caprice de la nature. — Quant
à la sculpture Scandinave, je ne puis mentionner que les
images des vaisseaux gravés sur les rochers. Les figures
fantastiques, qui recouvrent plusieurs pierres tumulaires,
sont toujours accompagnées d'inscriptions runiques, qui
datent d'une époque postérieure à celle qui nous occupe.
* De Cauraont, Cours d'antiquité, tora. I, pag. 115 et suiv.. — Société des
antiquaires de France, VUi« vol. — Magasin pittoresquCy 1845, pag. 292 el
note 1, pag. 305.
* sSurtout dans le Derbyshire et le Yorkshire.
AGE DU FBR. 283
Cromlecks, lits des Huns, alignements,
groupes de pierres.
Les monumeDts du culte, que nous venons de décrire»
sont des blocs de formes et de destinations diverses, isolés
ou groupés sans ordre. Il est un grand nombre de blocs
pareils déposés ou dressés sur le sol de manière à en-
tourer un espace déterminé ou à former des figures di-
verses. Nous avons déjà vu des cercles de piliers encein-
dre ou couronner les tumuli de Tâge primitif. Ces mêmes
cercles ont souvent été formés sur les plaines, avec un
autel ou un grand menhir au centre, mais sans aucune
trace de sépulture. Ces arrangements figurent aussi des
demi-cercles, des ellipses, des carrés, des triangles, des
alignements droits ou sinueux. C*est par l'examen de ces
monuments que nous pourrons nous faire une idée de
leur destination chez les Barbares.
Il n'est pas sans intérêt de retrouver dans l'ancienne
Grèce les vestiges d'arrangements pareils et de pouvoir
connaître les idées qui se rattachaient à ces blocs. Pausa-
nias raconte que dans la ville de Phares, en Achaïe, on
voyait un marbre de forme carrée, surmonté de la tête de
Mercure ; auprès du Dieu était un oracle et au-devant une
table de marbre, à laquelle étaient fixées des lampes; il
y avait en outre une trentaine de pierres carrées qui por-
taient toutes le nom de quelque divinité et auxquelles
les Pharéens rendaient un culte. Dans les temps les plus
reculés, tous les Grecs en général rendaient de môme les
honneurs divins à des pierres brutes qui leur tenaient lieu
284 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
de statues. « Celui qui veut consulter Mercure, ajoute
Pausauias, vient vers le soir, brûle de l'encens sur la
table, remplit les lampes d'huile et les allume, met sur
l'autel, à droite de la statue, une pièce de monnaie du
pays et demande ensuite à l'oreille du dieu ce qu'il veut
savoir. La question faite, il s'en va de la place publique en
se bouchant les oreilles ; lorsqu'il en est dehors, il les
débouche en retirant les mains et prend pour la réponse
de l'oracle la première parole qu'il entend ^ > Ce passage
montre clairement que dans les temps les plus reculés»
des pierres brutes étaient vénérées par les Grecs comme
des dieux et que ces images informes n'étaient pas seu-
lement isolées, mais réunies en groupes, à l'intérieur des-
quels se trouvait un autel placé devant l'image d'un oracle
et du dieu principal, dont on obtenait des révélations au
moyen de certaines offrandes. Non-seulement on retrouve
chez les Barbares le même arrangement de blocs, mais la
tradition leur donne en outre des dénominations qui ren-
dent ces rapports encore plus frappants. Nous avons vu
que quelques tumuli de Vllalie sont aussi entourés de
pierres disposées en cercle. — Sur les îles de Malte, de
Gozzo*, de Majorque ei de Minorque, on voit plusieurs de
ces monuments de pierre. — En Espagne, près de Garda^
d'Anto et de Penalva, de grands autels sont souvent entou-
* Pausanias, édition de Clayier, lib. VU, cap. 22.
Odyssée III, i06. Nestor va s'asseoir entouré de ses fils, le sceptre en
main, sur les pierres blanches et polies qui étaient à l'entrée de son palais,
et sur lesquelles son père Nélée avait coutume de s'asseoir.
Odyssée VIII. Âlcinous, dans Ttle de Phéacée ou de Corfou, tient une as-
semblée, et l'on est assis sur des pierres polies.
* Archéol. britan. XXII, pi. 16-18, 1828. — Nouvelles annales de l'Institut
archéolog. II.
AGE DU FER. 38S
Fés de piliers. Eotre Oporto et Almeida, dans le Portugal,
est un cercle de 9 men-hirs de 8 pieds de haut*. — En
France, l'arrangement des pierres figure des carrés, des
ellipses, des cercles, ayant un ou deux rangs, avec ou
sans fond à l'extérieur. Quelquefois une entrée, à laquelle
on arrive par un double alignement de blocs, a été ména-
gée à chaque point cardinal. Les cercles portent le nom de
cromlechs {crom courbe, i^cA pierre) ou de cercles druidi-
ques ;\q peuple les appelle Dam^^* ou woce des fées. Les
allées ou alignements sont formés de pierres disposées
parallèlement, sur deux ou un plus grand nombre de
rangs, en ligne droite ou sinueuse. Ces diverses figures,
isolées ou combinées, renferment parfois plusieurs men-
hirs et autels simples ou prolongés. — Les parties les
plus riches de la France sont la Bretagne*, le Poitou, TAn-
jou et le Vivarais. — A Gillainville, près de Chartres, est
une ellipse de 60 pieds de long'. Dans le pays chartrain,
on voit encore un grand carré long et dans Vile aux Moines
sur le golfe de Morbihan, un cromleck elliptique de 300
pieds de long sur 200 de large. — Le sanctuaire de Bon-
neval* est formé de 100 blocs énormes, qui recouvrent
un espace long de 500 pieds et large de 200. Sur la rive
gauche dn Rhin est le jardin des fées, près de Lutzelhau-
sen, dans les Vosges. On y voit un beau cromleck de 100
pieds de diamètre, dont une partie est formée de grands
* Voyage en Etpagne, de Twis, de 1772-1773.
* Près Keransker, Quimperlé, Heonebond, Ladevan, Moeltan.
' De douze blocs de grès brut ; un pareil, mais plus grand, dans la pres-
qu'île de Kermevan, à 5 lieues de Brest. Un grand carré dans le même dé-
partement. — Mémoires de la Soc. des antiq. II, pi. I.
* Eure et Loire.
286 MONUMENTS DB l'aNTIQUITÉ.
blocs et l'autre d'un mur cyclopéen ; à l'intérieur sont
d'immenses pierres, débris d'anciens autels. Quelques
lieues plus loin, dans la contrée de Dabo, on montre une
construction analogue, nommée le château égyptien^. —
D'entre les alignements, le monument le plus célèbre est
celui de Carnac*, dans le Morbihan. Onze files parallèles,
dirigées du S. E. au N. 0. occupent un espace de 763
toises de long sur 47 de large. A l'extrémité N. 0., toutes
ces files partent d'un grand demi-cercle, nommé Ti-cho-
riguety c'est-à-dire demeure des nains. La plupart de ces
pierres, toutes en granit, sont des men-hirs dont les plus
grands ont 18 à 20 pieds de haut. Plusieurs ont été
plantés la pointe en bas ; d'autres blocs pèsent de 7 à 8000
livres. Dans le siècle passé, on comptait encore environ
4000 de ces piliers ; lorsque l'alignement était complet, il
devait en avoir près de 10000. Le peuple y voit une armée
de géants pétrifiés. Sur les côtés de ce monument, sont
de grands carrés^ des cromlecks, des autels, deux men-
hirs énormes de 35 et 63 pieds de haut, et de grandes
collines artificielles. Cette armée de rochers informes, au
milieu de bruyères, avec un horizon bordé de sapins, nous
reporte à ces Ages reculés où les processions s'avançaient
le long des piliers sacrés jusque vers les enceintes où les
Druides accomplissaient les mystères de leur culte. — Les
alignements d'Ardowen, disposés sur 9 files parallèles (du
N. au S.), d'une demi-lieue d'étendue, se replient un peu
vers l'ouest et se terminent vers un de ces petits lacs
consacrés à quelque divinité. Au point de départ, est une
* Keferstein.
* Cette expression doit-elle être rapprochée du karnac égyptien ?
AGE DU FBR. 287
ligne droite diagonale, formée de blocs, et munie d'un
grand menhir à chaque extrémité.
VAngteterre est encore plus riche que la France en
monuments du culte. Ce sont des cromlecks autour d'un
men-hir géant, des cercles simples ou concentriques ren-
fermant un autel et un men-hir, auxquels on arrive parfois
par des allées sinueuses; d'autrefois, plusieurs cromlecks
sont disposés de manière à former un grand triangle.
Sur l'île seule de Jersey on comptait dans le XVII® siècle
plus de 50 de ces arrangements. Dans quelques localités
on les appelle Parcs d'Arthur et aussi temples des Druides.
Nous nous bornerons à la description des deux monu-
ments les plus remarquables. — Au commencement du
siècle Ipassé on a détruit en partie le grand cromleck
ù'Aveburg, dans le comté de Wilts. Placé sur un plateau
d'où le terrain s'abaisse de tous côtés, il se composait d'au
moins 660 pierres, dont plusieurs pèsent 1400 quintaux.
Le grand cercle, de 140 toises de diamètre, était formé de
100 piliers, hauts de 15 à 46 pieds et placés à 27 pieds
les uns des autres; à l'entour, un fossé circulaire, avec une
levée de terre à l'extérieur, présentait comme les gradins
d'un amphithéâtre. Le grand cercle renfermait deux crom-
lecks doubles*, dpnt l'un entourait un men-hir de 20
pieds de haut,, et l'autre un autel ou vaste dolmen. A par-
tir du cercle extérieur, deux grandes avenues, formées
chacune de 200 piliers, se prolongeaient au loin en ser-
pentant et se terminaient par un ovale, figurant la tête
d'un serpent. Entre les deux ovales s'élève la colline de
< Le plus grand cercle des cromlecks intérieurs, formé de 30 pierres, avait
^66 pieds de diamètre, et l'autre de 12 pierres, 186 pieds.
288 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
Silbury, tumulus gigantesque de 2000 pieds de pourtour
et 121 de baut^ Ces avenues en forme de dragon ne sont
pas rares en Angleterre. — Près de Dartmoor dans le
comté de Devon, une allée droite de 1443 pieds de lon-
gueur, s'élargit au milieu en ovale, et se termine aux ex-
trémités par un cercle, du milieu duquel s'élève un grand
men-hir. — A 6 milles de Salisbury, est le Sioiie-henge,
l'un des cromlecks les plus remarquables, connu sous le
nom de danse des géants. Ses ruines imposantes gisent
sur une colline de formation naturelle dans une grande
plaine. Il était composé de 4 cercles concentriques, dont
le plus grand, de 100 pieds de diamètre, compte 30 piliers,
hauts de 15 à 18 pieds. Ces piliers supportent un nombre
égal de grandes pierres horizontales qui se joignent par
leurs extrémités et forment une espèce d'architrave con-
tinue et circulaire. L'extrémité supérieure du pilier a été
taillée de manière à présenter des saillies qui s'emboitent
dans les trous pratiqués sur les pierres horizontales. Le
second cercle, à 9 pieds du précédent, était formé de 29
men-hirs de 7 pieds de haut. Le troisième cercle, à 13
pieds du second, légèrement elliptique ainsi que le qua-
trième, consistait en dolmens ou trilithes en forme de por-
tes, dont la hauteur s'élevait graduellement jusqu'à 25
pieds du côté du nord-ouest*. Le cercle central se com-
posait de 20 menhirs, hauts d'environ 6 pieds. A l'inté-
' D'après de Caumont une des allées se dirigeait vers un cercle double
composé de deux rangs de pierres hautes de 5 pieds. Le cercle extérieur
avait 48 pierres et 120 pieds de diamètre; le cercle intérieur 18 pierres et
45 pieds de diamètre , à l'extrémité de l'autre avenue était une grande
pierre isolée.
■ Il était composé de 10 des plus grands piliers, et ainsi de 5 trilithes.
A6B DU FBR. 289
rieur sont des débris d'un autel gigantesque. Un fossé de
30 pieds de large, entre deux levées de terre, formait une
cinquième enceinte circulaire d'environ 300 pieds de dia-
mètre*. Toutes ces pierres doivent avoir été apportées de
Marlborougb, à une distance d'environ 16 milles. De grands
tumuli, au nombre d'environ 120, ont été élevés autour de
ce monument. On croit que c'est à cette construction que
se rapporte un passage de Diodore de Sicile, qui raconte,
d'après Hécatée% qu'il y a dans l'océan, vis-à-vis du pays
des Celtes, une !le beaucoup plus grande que la Sicile, dont
les babitants portent le nom d'Hyperboréens. Ils préten-
dent que Latone est née cbez eux et adorent Apollon au-
dessus de tous les dieux, aussi lui ont-ils élevé un grand
temple de forme circulaire.
VIrlande possède plusieurs cromlecks, parfois concen-
triques, et renfermant souvent des autels, des men-birs
ou un cairn. On les retrouve aussi en ^co^^e, mais quel-
ques cercles, au lieu de piliers, sont formés de blocs peu
élevés qui entourent un autel. Ces lieux étaient consacrés
au culte et à la vie civile. Dans les iles Orcades, la justice
se rendait autrefois dans des enceintes pareilles. Les nobles
s'y réunissaient aussi pour élire leurs princes, jusqu'au
temps de la Bulle d'or, donnée par l'empereur Charles IV,
en 1356. — L'usage, longtemps conservé dans la Grande-
Bretagne, de danser en rond autour des cromlecks, est
propre à la plupart des autres pays.
* Des monuments pareils se trouvent dans le comté de Wilts et dans celui
de Cornouailles. Le Brym Gwyn, sur Ille de Maitland, doit être pareil.
' II, 47. Hécatée dont parle Diodore est sans doute celui qui vivait sous
Alexandre. Un autre Hécatée dont parle Diodore, aussi historien et géographe
était né vers Tan 550 avant Jésus-Christ.
V&M. ET DOCUM. XXY. 19
290 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
Il existe plusieurs cercles druidiques eu Savoie, Vun
entr'autres sur la route de Dovaine à Tlwnon au milieu
duquel sout deux blocs de grandes dimensions. — ius-
qu*à présent les cromlecks n'ont pas été observés dans la
Suisse.
Les bords du Rhin, le midi et Torient de l'Allemagne^
jusqu'à la Saxe, la Bohême et la Moravie, ne possèdent,
pas de ces monuments, tandis qu'on «n trouve un grand
nombre dans le nord et les contrées habitées durant la
Y^ période. La forme prédominante n'est pas celle du
cromleck appelé aussi danse des pierres. Le plus souvent,
l'enceinte embrasse un espace plus ou moins grand, de
forme elliptique ou carré long; à l'intérieur, le sol est
parfois un peu élevé et recouvert de petites pierres, comme
seraient celles d'un pavé, il porte souvent des piliers nom-
breux, des autels-grottes et des autels simples, jusqu'au
nombre de 16. Le peuple appelle ceux-ci les lits des Huns.
Ils occupent quelques parties de la Hollande. Le duché
A*Oldenburg en possède plusieurs ; l'un, près à'Engel--
manns-Beeke, aune longueur de 333 pieds sur 22 de lar-
geur; il est formé de 400 piliers de granit de 10 pieds de
haut, dont plusieurs sont taillés comme des sièges à dos-
sier; il renferme un autel-grotte quia pour tables 5 gran-
des plaques. Bien qu'on ait détruit beaucoup de lits des
Huns dans le Hanovre, il en reste encore plus de 2000.
Quelques-uns, longs de 2 à AOO pieds peuvent être pris
pour des allées. Dans la contrée d'f/eken, le baron d'Er-
storff en a compté 290. Nombreux dans les duchés de Meck-
lembourg, leur longueur varie de 40 à 150 pieds. De là ils
se répandent dans Vancienne Marche et la Thuringe. On
en voit plusieurs dans le Brandenbourg et le nord de la
AGE DU FBR. 391
Prusse ^ Dans les environs de Stettin, ils soDt mélangés à
des cromlecks. — Les cercles entourant de grands men-
hirs ne sont pas xares, près àeDantzig et ieKœnigsberg*.
Il est à remarquer que les lits de Huns répandus dans
plusieurs parties du Danemark*, sont le plus souvent
groupés sur les côtes et pénètrent peu dans Tintérieur des
terres. Dans la paroisse de Rachlmv, on en compte une
centaine. Ils présentent souvent une grande variété de
forme et de grandeur. — Il est difficile, à moins de les avoir
visités, de se faire une idée du nombre de ces monuments
en Stœde. Outre les formes mentionnées jusqu'ici, il en
est qui sont propres à ce pays, ainsi des carrés vides ou
pavés ayant à chaque coin un menhir de 20 à 36 pieds de
haut, des triangles pareillement vides ou pavés, avec les
côtés droits ou rentrants, dominés par trois grands piliers
aux angles et un quatrième au centre; le sol est quelque-
fois couvert de cailloux ou pierres roulées, rapprochées
en grossières mosaïques de manière à former certains
signes. La forme de vaisseaux longs de 120 à 140 pieds
avec les mâts et les bans de rameurs, est souvent repro-
duite à l'aide de piliers. On voit encore, prèsd'f/jp5aî,le cer-
cle qui entoure la grande pierre sur laquelle Eric, d'après
un ancien usage, fut proclamé roi de Suède. La réunion
de ces monuments divers sur les presqu'îles et sur les
iles, présente un aspect étrange. La superstition, bien
plus encore que la stérilité du soL empêche qu'on ne les
* A Barby, vers la Saale, un de 152 pieds de long, 14 de large, sans autel.
— Un près de Saxe-Weimar.
* A rorient de Mersebourg est un cercle de piliers, plusieurs près de Salz-
wedel entourent un grand men-hir.
' Dànemarks Voneit, pag. 63.
29â MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
détruise '. Tel de ces blocs apporté dans la construction
d'un bâtiment a été suivi d'esprits surnaturels qui fai-
saient entendre pendant la nuit des bruits mystérieux ou
des gémissements, et troublaient le repos à la chambre et
à retable, jusqu'à ce qu'on eût remis à sa place le bloc
enlevé par une main profane. — La Norwége possède à
peu près les mêmes formes que la Suède. Le cercle de
Stavanyer mérite d'être mentionné, soit par sa construc-
tion, soit surtout par les idées qui s'y rattachent. Vingt-
quatre pierres carrées et oblongues ayant chacune 4 pieds
de hauteur forment un cercle de 200 pieds de circonfé-
rence ; entre chacune d'elles reposent trois pierres blan-
ches, rondes et beaucoup moins grandes; au milieu, se
trouve une grande table carrée, et sur l'un des côtés,
deux pierres blanches ; l'intérieur est divisé en huit par-
ties égales par autant de rayons ou lignes de petites pier-
res allant de la table à la circonférence. On prétend que ce
cercle était destiné aux Things, ou assemblées du peuple,
et que le puissant Jarl Erling Skaigson y réunissait ses
sujets au X^ et XI^ siècle de notre ère. Dans ces enceintes
on jugeait les procès, on célébrait les mariages et on pra-
tiquait les cérémonies du culte ^
* La tradition suivante montre qu'on ne doit pas user indistinctement de
toute pierre : Un paysan ayant trouvé sur la montagne voisine de sa demeure
une assez grande pierre ronde et polie, l'apporta devant sa maison afin que
sa femme pût s'en servir le dimanche, quand elle montait à cheval pour se
rendre à Téglise. Mais, dès la première fois qu'elle y posa le pied, elle fut
atteinte d'une phthysie terrible qui augmenta de jour en jour, au point que
la pauvre femme fut obligée de s'aliter. Une nuit, le paysan occupé à la pèche,
entendit une grande voix qui disait: « Rends-moi ma pierre. > l\ se hâta
d'obéir à cet ordre, aussitôt la femme commença à se remettre.
* Pierre Victor. Coup d'œil sur les antiquités Scandinaves.
— Pausanias, lib. I, cap. 28, rapporte que, dans TAréopage, les deux pierres
AGK DU PEU. ^93
Il nVst pas sans intérêt de pouvoir constater la présence
lies (Tomlecks dans VAsic du nord, sur la presqu'île in-
//fV/im* et dans le Bewjale. sur les montagnes de Pundua,
où il existe des constructions en architraves, pareilles à
celles de l'Angleterre Dans le Brrsil on trouve aussi des
autels et des arrangements semblables aux lits de Huns,
auprès desquels on a découvert divers objets en bronze.
Parfois, dans les enceintes de Tancienne Europe, on
retrouve des squelettes humains ou des urnes cinéraires
aver des instruments en pierre ou en bronze. D*après ce
fail, quelques archéologues ont prétendu que ces cons-
tructions étaient des monuments funéraires. S'il en était
ainsi, on ne comprendrait pas pourquoi, dans le plus grand
nombre, on ne découvre aucune trace de sépultures. Assez
(le faits témoignent qu'ils étaient essentiellement consacrés
au iMilte et à la vie civile ; malgré cette consécration, on
romprend que dans certains cas. le prêtre ou même le chef
n'aient pu être inhumés dans ces enceintes. La sépulture
dans ces lieux me parait correspondre entièrement à l'in-
humation dans les temples chrétiens.
Murs cyclopéens et retranchements en pierres.
In genre de construction, qui caractérise l'époque pé-
lasgH|ue, (Hirte le nom de murs cyclopéens; ils sont for
bruti^ *ur Ir9.)u«»ite« *e tiennent l'accusateur et Taccuté, sont nommées:
l'une, la pierre «le l'impudence , l'autre, la pierre de Tintulte. Fait à rap-
priK'h^'r ileé «leux pierre« prêt de Tautel de Stavanfer.
Ver« \e% turouli d'I'piuil eti une frande colline tronquée, appelée la collina
•lu juffement, «ur laquelle le rendait la ju*tke.
- Voir le« 7 pierres représentant les 7 pays de la LiUiuanie.
294 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
mes d'éDormes rochers bruts, posés les uns sur les autres
et garnis de petites pierres dans leurs interstices, mais
sans aucune trace de ciment ou de mortier; tels étaient
les remparts de Mycènes et de Tyrinthe\ Peu après les
blocs furent taillés en polygones irréguliers de manière
à éviter les interstices. La Grèce* et surtout VEtrurie en
conservent des restes importants. On les retrouve dans
Vllalie moyenne et inférieure. Souvent ils occupent des
hauteurs et affectent la forme circulaire; plus d'une fois
on a élevé des temples dans ces enceintes ou des rem-
parts sur ces anciennes constructions '. — Dans la Sar-
daigne et les îles Baléares, on trouve de grandes tours
rondes et coniques, formées de pierres colossales, juxta-
posées sans ciment, et qu'on prend quelquefois pour des
tombeaux *, Ces murs gigantesques n'appartiennent pas
seulement aux contrées habitées par des Pélasges, comme
on le croit généralement ; on les retrouve encore dans
plusieurs pays au nord des Alpes et des Pyrénées '. La
Bretagne française possède quelques retranchements de
cette nature % mais les plus remarquables appartiennent
* Pausanias II, 16, 25. Deux mulets attelés n'avaient pas ébranlé la plus
petite pierre des murs de Tirynthe.
■ On en voit près de Chéronée, de Gortys, de Thorikos. — Odyssée XIV,
les premiers vers. Ulysse à Ithaque trouve Eumée sous Un des portiques
qui entouraient une belle maison bâtie de grosses pierres, dans un lieu dé-
couvert. Voir aussi la description des étables.
' II en reste près de Noila et Bignia, dans le Latium, près Kora, Ferenti-
num, Préneste, Falère, Volaterra, etc. Sur les îles de Malte et de Gozzo.
* On les croit d'origine phénicienne. — Archéol. britan. XXII, 1828, pi.
16-18. — Nouv. annales de l'inst. archéol. II.
* Voir la description du château de verre de Sainte-Suzanne, dans le dé-
partement de la Mayenne.
* Ils sont appelés Lès ou cours. Entre Vannes et Lockmariaker, on pénètre
AGB DU FER. !29S
aux contrées montagneuses de l'orient et du nord de la
France. Près cC Amiens, est le camp de l'étoile. Nous avons
déjà mentionné le jardin des fées et le château égyptien.
Le mur des païens , voisin de Strasbourg, a beaucoup
de rapports avec ceux de l'Etrurie. Haut de 10 à 15 pieds
et formé d'énormes blocs grossièrement taillés en poly-
gones S il entoure sur une longueur de plus d'une lieue
les sommets des trois monts voisins et mesure 10 502 mè-
tres de tour. On y arrive par un chemin large de 12 pieds,
long d'une demi-lieue, et couvert de pierres plates qui repo-
sent sur une couche de gravier au-dessous de laquelle est un
lit de cailloux brisés. Il est difQcile de pénétrer le but d'une
construction de ce genre dont on a fait tantôt une enceinte
sacrée et tantôt un retranchement celtique que les Ro-
mains auraient utilisé. Un mur pareil dans le voisinage,
appelé le château des païens, renferme un grand autel de
dans un de ces bourgs par un souterrain formé de supports, sur lequel re-
pose un énorme couvert. — Une partie des murs d'enceinte de Sainte-Su-
sanne (département de Mayenne , au centre) rappelle les retranchements
vitrifiés de l'Ecosse. {Mém, des ant. X, 1829, pag. 858.)
' On m'a dit que ces blocs portaient des entaillées destinées à les lier les
uns aux autres au moyen de queues d'aigle en bois. — (Le mont s'appelle
Odilienberg ou de Sainte-Odèle.) Du Bois de Montpéreux, dans son Voyage
autour du Caucase (tom. VI, pag. 184, Atlas, IV* série, pi. 16 b) décrit les
anciennes campagnes de la Ghersonèse en Grimée : « Les plus considérables
ont toutes pour principal bâtiment une construction cyclopienne carrée de 85
à 40 pieds de face; je l'ai appelée donjon. Elle est solidement murée de
grandes pierres de taille de 3 pieds de longueur sur 6 de largeur et sur % à
4 de hauteur. Les murailles ont de à à 5 pieds d'épaisseur. Les pierres sont
liées deux à deux par des joints en bois pratiqués dans des rainures comme
des crampons. On se servait très rarement de mortier à chaux ; on le rem-
plaçait par de l'argile. » .... La destruction a dû avoir lieu par le feu dont les
pierres portent la marque. Ces ruines sont très nombreuses, et quelques-unes
sont bien conservées. On couvrait les toits à la romaine ou à la grecque de
larges tuiles i rebords et créneaux.
296 MONUMENTS DE L*ANTIQUITÊ.
pierre. On en voit plusieurs dans les Vosges, entourant
des espaces plus ou moins grands, ou suivant une ligne
sinueuse de même qu'un mur frontière'.
En Angleterrey ces murs épais entourent, des espaces
ronds ou carrés, de dimensions souvent si petites qu'ils
n'ont pu servir à la guerre; ils renferment parfois des au-
tels, des tumuli, et des cairns dans le pays de Galles.
Ceux des comtés de Derby et de Cornouailles ont de 32 à
243 pieds de diamètre ; parfois les enceintes sont doubles
et entourées d'un fossé. Ces retranchements sont nom-
breux guirlande. A l'intérieur de l'un, on a découvert sous
le sol plusieurs caveaux circulaires de 6 pieds de diamètre,
entièrement vides et communiquant lesiins aux autres *.
En Ecosse, ils sont souvent entourés de men-hirs et
d'autels. L'un de ces retranchements est regardé comme
le tombeau d'Ossian; un autre, dans le comté d'Argyle,
couronne d'un cercle le sommet d'une colline et ren-
ferme deux petits cercles pareils, à côté l'un de l'autre,
de la même manière que le cromleck d'Avebury \ On
trouve aussi des cercles concentriques au nombre de deux
et même de cinq, ayant chacun 10 pieds d'épaisseur. Il est
en Ecosse de ces murs excessivement larges, qui portent le
nom de retranchements vitrifiés*; formés de blocs sili-
ceux, un commencement de fusion a été opéré par le
* }fém. de l'Acad. des antiq., V, pag. 106, 1833.
* Archéol. bHt. XXllI, 1830.
> Le grand cercle a 50 pas de diamètre, les petits ont chacun une seule
entrée. Arch. brit. XXV, pag. 615, 1833.
* En 1778, John Williams écrivit un mémoire sur les châteaux de verre
qu'on trouve dans les montagnes d'Ecosse, nommées Highlands. Ces forts
occupent les sommités des monts dominant de toutes parts le terrain envi-
ronnant. La plate-forme de ces sommités, d'une forme ovale plus ou moins
AGE DU FER. §97
feu ; on croit que c'était dans ces enceintes qu'on entrete-
nait le feu sacré; l'une est appelée demeure ou château
allongée, est entourée par une muraille de verre. Des murs du même genre
fortifient les parties accessibles de la colline. En dedans, et près du mur
d'enceinte, on trouve d'autres constructions qui paraissent avoir fait partie
d'anciens bâtiments; enfin, sur le centre de la plate-forme, on observe cons-
tamment deux points. En dehors, et à quelque distance de l'enceinte, on
trouve, tantôt en verre, tantôt en pierres sèches, les vestiges d'un mur beau-
coup moins considérable, destiné, croit-on, à mettre les troupeaux à l'abri de
l'ennemi. — Le plus remarquable de ces forts occupe le sommet de la mon-
tagne de Knock^Farril, dans le Ross-Shire. Il est situé sur une hauteur d'en-
viron 300 mètres au-dessus de la vallée et occupe, indépendamment des
ouvrages détachés du même genre qui le flanquaient à l'est et à l'ouest,
une étendue de 120 pieds de longueur sur 40 de large. Dans ces ruines,
maintenant à peu près ensevelies, M. Williams ne trouva d'abord qu'une
terre noire mêlée de grosses pierres et de matières vitrifiées. Parvenu
à la muraille, quoiqu'elle se fut renversée en dehors et brisée dans sa
chute, les fragments en étaient si gros et si parfaitement vitrifiés, que
l'on ne pouvait se faire jour au travers. En précipitant de ces blocs dans la
plaine, leur cassure fraîche permit d'étudier la structure de ces singulières
murailles. C'est un verre de couleur foncée, parfaitement compact, offrant
çà et là quelques fragments mal fondus, mais noyés cependant dans la masse
générale et vitrifiés aussi. La muraille n'était pas calcinée et vitrifiée à sa
surface , ni même liée par un ciment de verre , c'était positivement une
muraille de verre. Du côté du nord, la muraille, entièrement recouverte
d'herbes et de bruyères, avait une élévation verticale de 10 à 12 pieds. —
 deux lieues d'Inverness, on trouve un autre fort du même genre sur ja
montagne de Craigh-Phadrick. 11 est plus petit que le précédent, mais il a
double enceinte. Â six ou huit pas au delà de l'enceinte principale on
en trouve une seconde qui est en verre également, mais qui étant moins
élevée et bâtie sur le roc, a mieux résisté aux attaques du temps. Quelques
parties ont encore leur aplomb et leur hauteur primitive. Les environs
d'Invemess possédaient deux autres forts de verre, le Castle-Finlay et le
Dun-EvaUf mais ceux-ci sont beaucoup plus ruinés que le précédent. M. Wil-
liams en cite encore deux autres, l'un dans le Lochaberf l'autre à une lieue
du fort Augustin. Ce genre de forts était d'usage non-seulement dans cette
partie de l'Ecosse, mais encore plus à l'ouest, jusque dans les monts Gram-
pians. M. Williams en découvrit, dans le comté (VAngus, un des plus grands
298 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÊ.
de Fingal; elle est placée sur un mont escarpé près de
Dingwall, comté de Ross.
qu'il eût observés ; la plate-forme intérieure de ce château, nommé Castle^
mil ofFinaven^ avait plus de 150 pas djs longueur. Ce qui rend ces ch&teaux
de verre difficiles à reconnaître, c'est la végétation qui recouvre les débris de
leurs murs, le plus souvent couchés à teiTe. Souvent le verre s'est en partie
décomposé, et comme il fournit, dans cet état, un excellent terreau pour les
plantes, celles-ci se sont développées d'autant mieux ; aussi ces ruines n'ap-
paraissent-elles souvent que sous la forme de clôtures de terre en partie obli-
térées. — Ces constructions étaient des places de refuge, et dans les enceintes
à troupeau, on trouve encore sous le mur une couche épaisse de litière et
de fumier. — La tradition populaire en rapporte l'origine aux races galli-
ques qui ont autrefois occupés ces régions. Le premier château que nous
avons mentionné est appelé dans le pays Knock-Farril Naphian, ce qui
signifie demeure de Fingal à Knock-Fartil, Le peuple assure qu'il fut habité
par des géants dont le chef se nommait /{ee-P/iian, Mac-Coul, c'est-à-dire
le roi Fingal, fils de Coul. — En y réfléchissant, on trouve ce genre de
construction plus simple que celui de la pierre et de la chaux. On dut recon-
naître fort anciennement que les pierres de ces contrées étaient vitriflables.
Williams donne une explication de ces constructions qui a été approuvée par
les chimistes d'Edimbourg. Il suffit d*élever des murs de terre dont l'inter-
valle et la hauteur doivent donner les dimensions de la muraille vitrifiée. En
allumant un grand feu au fond de ces fosses et en jetant dessus les pierres
vitriûables, leur fusion donne un verre qui tombe peu à peu dans la fosse,
le bois, plus léger, surnage, et ainsi le mur s'élève jusqu'à la hauteur voulue,
après quoi on enlève les terrassements. L'auteur d'un article publié par le
Magasin pittoresque (année 1845, pag. 10) tient pour plus probable qu'on éle-
vait des fourneaux de distance en distance sur le terrassement, d'où le verre
coulait dans ces moules. ~- Il faut observer que ces murs se sont toujours
renversés à l'extérieur.
Château de verre de Sainte- Su%anne, à 4 lieues de Laval dans le département
de la Mayenne,
La petite ville de Sainte-Suzanne est dominée par un vieux château situé
sur un monticule terminé de tous côtés, excepté vers le couchant, par des
escarpements fort raides, où ils descendent vers l'Erve, qui en contourne la
AGE DU FER. 299
Ed Allemagne, ces coDStractioDS de la forme d'uD trian-
gle, d'UD carré, d'UD polygone ou d'un cercle, occupent éga-
base. Le château a été bâti à l'extrémité de la plate- forme et domine une
portion de la vallée, autrefois marécageuse ; il n'en reste que des ruines. Ces
ruines reposent sur des murailles plus anciennes, dont la construction est
précisément celle des châteaux vitrifiés d'Ecosse. Outre plusieurs débris, on
trouve un pan de mur tout entier de plus de 10 mètres de long sur environ
2 mètres de hauteur, et comme il finit par s'enfoncer sous les décombres, on
peut conjecturer qu'il s'étend encore plus loin. La masse de la muraille con-
siste en une agglomération de pierres irrégulières et inégales, liées par une
pâte vitreuse, noire, tantôt pure, tantôt remplie de grains de sable. La cas-
sure de ce ciment est brillante, anguleuse, lisse ; en un mot, semblable à un
verre rempli de bulles. Le grès domine parmi les pierres qui sont ainsi
empâtées, et comme il a résisté à la fusion, il est ordinairement facile de
le détacher par petits fragments plus ou moins sableux. Les morceaux qui
sont demeurés le plus longtemps à l'action de l'air s'étant ternis, sont de-
meurés tout à fait semblables à certains échantillons de roches volcaniques.
Il est évident qu'après avoir produit un bain de scories en fusion, on y jetait
pèle-mêle toutes sortes de pierres qui s'y enchâssaient et s'y vitrifiaient quel-
quefois en partie. On trouve même quelquefois que le ciment vitreux, trop
refroidi, ne s'est introduit dans les intervalles qu'avec peine et y a laissé des
vides dans lesquels il pend sous la forme de stalactites. — Même particu-
larité dans un monticule détaché. Les débris de vitrification qui se rencon-
trent dans le3 murs d'enceinte de la ville semblent même autoriser à penser
qu'il y avait, comme en Ecosse, au devant du château, situé à l'extrémité de
la plate-forme, une première enceinte destinée à servir de refuge aux trou-
peaux. Comme en Ecosse, il y a également deux puits, et les murailles pa-
raissent avoir été renversées pareillement de dedans en dehors. La décou-
verte de cette muraille de Sainte-Suzanne a été faite, il y a près de 40 ans,
par M. de la Pilaye, qui en tira le sujet d'un mémoire inséré dans le recueil
de la Société des antiquaires.
— Encyclopédie, art. feu. « Il y avait en Perse des enclos fermés de mu-
railles et sans toit, où l'on faisait assidûment du feu et où le peuple venait à
certaines heures pour prier. Les personnes qualifiées se ruinaient en y jetant
avec profusion des essences précieuses et des fleurs odoriférantes .... Ces en-
clos ont été connus des Grecs sous le nom de pyréïa.... A la mort des rois
perses on éteignait le feu. >
300 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
lemenl(ieshauleurs,elparfoisselrouventdanscleslieuxlels,
qu'elles n'ont pu avoiraucune utilité pourla défense, malgré
leurs deux ou trois rangs de murs. ATintérieur sont des
men-hirs, des autels et des tombeaux ; d'autres ont été pris
dans le retranchement que les Romains élevèrent, du duché
de Hesse à la Bavière, ce qui ne permet pas de douter qu'ils
ne soient antérieurs à notre ère. Celui de Honberg, dans
le nord de la Franconie, élevé de 12 à 15 pieds n'a pas
moins de 6 000 pieds de tour ; large de 60 pieds à sa base,
il n'en mesure que 10 à 15 à son sommet. Les sommités
du Taunus en ont plusieurs. Du pied de ce mont on peut
les suivre sur une ligne qui se dirige vers la Bohème; il
en est qui n'ont pas moins de 30 à 40 pieds de haut. Dans
la principauté de la Lippe-Detmold, est un mont entouré
à sa base, au milieu de sa hauteur et à son sommet, de
murs de 20 pieds d'élévation, construits avec des blocs
de la hauteur d'un homme. A quelque distance de Schwe-
fin, un de ces murs, de 1000 pieds de longueur, 20 de
large et 12 de haut est rempli de terre à l'intérieur.
Un autre, non loin de Neu-Sirelitz, entoure un champ de
quelques milliers d'arpents sur lequel sont plusieurs cen-
taines de cairns. — Dans la forôt de Blumenihal, au nord-
est de Berlin, et plus loin, prèsd'Oderfccrgf, ces retranche-
ments décrivent de grands carrés irréguliers, divisés en
plusieurs compartiments. — Dans la Lusace, sur les con-
fins de la Saxe et de la Silésie, ces constructions, parfois
triangulaires, sont gigantesques; quelques-unes portent
les mêmes traces de feu qu'en Ecosse. Les murs cyclo-
péens de la Bohême et de la Moravie affectent en plus d'un
lieu la forme du polygone *.
* Ehrlich. In der Hôbe des Pfenningberges ist eine Art Wall an der nord-
AGE DU FER. 301
On retrouve aussi en Suède des murs de l'âge païen,
mais ils diffèrent sensiblement de ceux des autres pays.
Si les grands blocs ont été quelquefois employés à leur
construction , plus souvent on s'est servi de pierres
d'un petit volume, mais juxtaposées sans aucun ciment.
Plusieurs hauteurs dans la Westmanie sont couron-
nées de murs irréguliers qui suivent sur deux ou trois
rangs les accidents du terrain, et ont l'aspect de vérita-
bles forts. On voit dans l'île à*Oeland urre construction
d'un genre unique appelé le fort d'Ismantorp. Elle con-
siste en un mur circulaire épais de 10 pieds, renfermant
un espace de 460 ' de diamètre. On peut pénétrer à l'in-
térieur par quatre entrées différentes. Des avenues res-
semblant aux rues irrégulières d'une ancienne ville, per-
mettent de communiquer à nouante -trois divisions ou
compartiments, dont il est difQcile de comprendre l'usage,
vu leurs petites dimensions ^ Quelques-uns ont prétendu
qu'on avait voulu figurer en ce lieu le plan d'une ville
étrangère, ce qui est peu vraisemblable. — Les murs des
provinces russes de la Baltique renferment des cairns, et
ressemblent à ceux de l'Allemagne V
westlichen und sudôsUichen Seite des Berges in einer halbrunden Form beide
Kuppen verbindend. Es durfle eine Art Steinburg sein, dem schwerlich diirften
die zusammengelegten Steine obne zuthun der Menschen in dièse Lage ge-
kommen sein.
' Sjôberg, tom. I, pag. 128, fig. 90.
* On trouve des tumuli et des murs d'un travail cyclopéen en Crimée. Voyage
autour du Caucase^ par Du Bois de Montpéreux, V, 427. « Dans la ligne de l'an-
gle du Tchatyrdah ou Kantchardagh ou Sinabdagh (sud de la Crimée), j'ai vu
les restes d'une muraille qui fermait le passage de ce côlé-Ià, commençant au
bord du précipice et s'appuyant contre l'escarpement impraticable du Tcha-
tyrdagh : elle est composée, comme les murs cyclopéens, d'énormes blocs de
302 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
Nous avons déjà fait observer que remplacement de
plusieurs de ces constructions était peu propre à la dé-
fense en cas de guerre. Un séjour un peu prolongé y eût
été impossible, par Téloignement où ils se trouvent sou-
vent de toute source d'eau. Si quelques-uns présentent
de grandes dimensions, plusieurs embrassent un espace
trop étroit pour permettre à une bande armée, même peu
nombreuse, de s'y retrancher. D'autre part l'analogie de
leurs formes avec les cromlecks, et la présence d'au-
tels et de menhirs à l'intérieur de ces murs , portent à
croire que la plupart d'entr'eux ont été élevés dans un
but religieux. Généralement rares, en France et en Alle-
magne, dans les lieux où se groupent les cromlecks et
les lits de Huns, c'est-à-dire, dans les lieux habités le
plus anciennement, ils se répandent davantage sur les
hauteurs, à l'intérieur des terres, et occupent surtout les
Vosges, le Taunus, le centre de l'Allemagne, la Bohême
et la Moravie. Les tumuli qu'on trouve parfois à l'intérieur
recouvrent l'urne cinéraire et les objets propres à la se-
pierres couverts de mousse ; nulle trace de ciments. C'est un des démickapou
(portes de fer) de la chaîne taurique. »
Voyez Caucasty id., tom. VI, pag. 23. Crimée sud. — Au-dessus de Parthé-
nith « on trouve les ruines d'un vieux château, dont les murs sont composés
de grandes pierres brutes, sans ciment. L'ensemble des fortifications forme
un demi-cercle, dont le mur, qui en est la corde, a 728 pieds de longueur ,
leur épaisseur n'est pas de moins de 4 Vt pieds, et la hauteur où la muraille
est encore visible ne dépasse pas une toise. Le côté du mur semi-circulaire,
dont le pied était abordable à l'extérieur, était défendu intérieurement par
13 tours placées à 17 ou 18 pas l'une de l'autre. Elles couvrent 16 VtPi^^^^ ^^
front et 9 pieds de côté. L'épaisseur de ces murs intérieurs ne dépasse pas
2 pieds. L'autre mur placé au bord du précipice était sans tour. > Cela rap-
pelle les murs cyclopéens; ces constructions pourraient provenir des Taures
ou Tauro-Scythes.
AGE DU FER. 303
coode période. Appartiendraient-ils à la seconde invasion
d'orient en occident, dont nous avons parlé ?
Retranchements et constructions en terre.
Il existe dans quelques pays de l'Europe des retran-
chements et constructions en terre, élevés durant l'âge
païen dans des buts divers. Une partie consiste en des
levées de terre formant des espèces de remparts ou re-
tranchements circulaires, hauts de AO et même 100 pieds.
L'espace circonscrit est généralement élevé de quelques
pieds au-dessus du sol, et présente, quand on le fouille,
une couche épaisse de cendres et de charbons, auxquels
sont mêlés du blé carbonisé, des débris d'ossements, de
poterie et d'instruments divers, en fer ou en bronze. Si
le pays où on les trouve a des contrées marécageuses,
c'est dans ces lieux bas, et au milieu des eaux, qu'ils
ont été élevés de préférence. Ils sont particulièrement
nombreux en Russie; l'archéologue Dolega Chodanowsky
les a observés de la Cama à la Vistule, et de la Dwina
aux monts Balkan et à la mer Adriatique ; il en a compté
presqu'autant que de milles carrés occupés par les Slaves ^
* Le géographe Ritter (tom. VII, pag. 304) mentionne aussi leur existence
dans le nord de VAsU^ où ils affectent plus ordinairement la forme carrée et
n'ont qu'une entrée étroite, à laquelle répond un second retranchement. Ce
témoignage est confirmé par Du Ébis de Montpéreux. Voyage autour du
Caucase, tom. IV, pag. 417. « J'ai visité toutes les silcha (sièges) des Cosa-
ques, de la plus ancienne à la plus récente. Les anciennes sitcha sont des
forts qui rappellent les gard, gorod, grod de Rugen et de la Scanie. Les rem-
parts sont élevés en terre, et les tombeaux sont des tumulus dans lesquels on
trouve des haches d'armes en silex, en serpentine, en cuivre, comme dans les
304 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
Les chants populaires, recueillis entre le Dnieper et le
Don, parlent de ces retranchements comme des lieux
sacrés où les Slaves avaient l'habitude de faire leurs sa-
crifices et de célébrer les fiançailles. Dans les provinces
russes voisines de la Baltique, ils occupent aussi les ma-
récages. En Liihuanie, ce sont de préférence des collines
artificielles hautes de 100 à 160 pieds, terminées en ter-
rasse comme un cône tronqué, et présentant à leur som-
met des traces de feu et de sacrifices ^ Moins hautes en
Esthonie, ces collines sont entourées de retranchements
circulaires de 20 à 40 pieds de hauteur. On les retrouve
tombes des Varègues du nord. Plusieurs noms sont varègues, et le plus an-
cien siège de la république varègue, avec sa sitcha, est à l'ouest du Dnieper,
entre la Ross au sud et la Russawa (petite Ross) au nord. J'ai visité cet es-
pace de terrain avec le plus grand soin, et j'en ai dressé une carte où la plu-
part des monuments, remparts, forts, tumulus, etc., se retrouvent marqués,
et j'ai au moins 30 à 40 plans spéciaux de ces monuments. »
— Id. tom. IV, pag. 503. Sur la plus haute dune de gravier, à la droite de
Podkoumok (non loin de Petigorsk, au nord du Caucase) est un rempart pa-
reil à ceux des anciens lithuaniens. « On a isolé la sommité la plus élevée par
le moyen d'un fossé qui fait le tour. Sa forme est elliptique et, aux extrémités
deux espèces de tumulus ont sans doute servi d'observatoires pour dominer les
alentours. Aujourd'hui ces tumulus sont très effacés. Je ne doute pas que ce
retranchement ne se rattache au vallum dont je retrouvai plus tard les traces
au haut de la vallée du Podkoumouk. »
— Id. tom. V, 34. Ile kimmérienne ou de Fontan (entre la mer Noire et la mer
d'Âzof, à l'embouchure du Kouban) vallum en terre de 10 pieds de hauteur,
long d'une centaine de pas. Le vallum et le bas-fond paraissent être le retran-
chement et le fossé des Kimmériens dont parle Strabon. Lib. XI, 4, où il dit :
< Une cité située dans une Chersonèse dont Tisthme était fermé par un
fossé et un rempart en terre. »
* Feu. « Chaque année, le 1*^ mai, sur la cime la plus élevée du Ben-Ledi,
accourent les populations circonvoisines ; on allume en Thonneur du soleil
un grand feu qu'on appelle le feu de Béai. (L'Ecosse, Callander, Courrier
suisse^ N® 19, 1852.) — On a vu que vers la pierre aux dames de Genève s'al-
lume, le soir des Brandons, le premier feu de la contrée.
AGE Dt FKR. 305
dans une grande partie de la Pologne. En plus d'un lieu»
dans les âges suivants, le chevalier a élevé au-dessus son
Tort ou son château. Ces constructions présentent en
Allemagne les mêmes caractères qu'en Russie; elles s'élè-
venl sur les marécages et renferment une couche épaisse
de cendres et de charbons. Mais on ne les retrouve que
dans les contrées habitées par les Wcndes, membres de la
Tamille slave. Au 11I<^ siècle de notre ère ces peuples
arrivèrent sur les bords de TOder, et à la fin du V«
siècle ils s étendaient jusqu'à l'Elbe, même au-delà de
Lunebourg; ils occupèrent Torient de TAIIemagne au-
dessus du Danube, la Franconie, jusqu'à Bamberg, Wurz-
lK)urg et Fulda, les contrées de la Saaie et l'ancienne
Marche. Quelques colonies wendes allèrent même jus-
qu'en Hollande dans la province d'Utrecht et jusqu*en
Angleterre dans le comté de Wilts. Leur culte ne fut rem-
placé par le christianisme que du IX^ au Xll^ siècle. Ces
monuments slaves de l'Allemagne présentent quelques
variétés de construction. Les uns sont des retranchements
simples, doubles ou triples, larges et hauts de 60 à 70
pieds, de forme triangulaire, carrée et plus souvent cir-
culaire ; l'aire intérieure contient de fortes traces de feu *.
D'autres sont des collines arrondies, terminées en ter-
rasse et ordinairement entourées à leur base d'un fossé
plein d'eau. C'était sur des hauteurs pareilles que les
Slaves avaient Ihabitude de construire leurs temples en
bois ; ils ont été remplacés plus d'une fois par des églises
chrétiennes. Ces monuments sont souvent accompagnés
de cimetières slaves, qui consistent en de légères éléva-
' Quand l'aire e«t élevé audestu» du %o\\ tioon, elle t$i le plus souvent
recouverte par les eaui.
■ta. ET MCUa. UT. tt
306 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÊ.
lions du sol où se trouvent des centaines d'urnes ciné*
raires, toutes rapprochées les unes des autres et conte*
nant divers objets en fer. Ces monuments sont nombreux
en Silésie, dans les environs de Kœnigsberg, de Dantzig^
dans la Poméranie, le Brandebourg, les duchés de Mec-
klembourg où on en compte plus de 50, et dans le royaume
de Hanovre, dont l'un, du bailliage de Lingen, entouré
de trois retranchements, n'a que 30 pas de diamètre. Le
duché ù' Oldenbourg en possède plusieurs auxquels se
relient des lignes de retranchements fort étendus et qui
diffèrent un peu des précédents. Celui de Damme, long
de 480 pieds, est un heptagone allongé uni à un retran-
chement qui décrit un arc de cercle. On ne peut douter
que chez les Slaves la plupart de ces places n'aient été
consacrées au culte, d'après les traditions nombreuses
qui s'y rattachent ; cependant plusieurs peuvent avoir
servi de forts ou de retraites. On sait que les barbares
échappaient souvent aux légions romaines en se retirant
dans leurs marécages, où il était difficile de les suivre.
L'aire élevée permettait à ces populations de séjourner
quelque temps au milieu des eaux. Les traces de feu et les
restes de blé calciné, d'ossements et d'ustensiles, indi-
quent aussi leurs moyens de subsistance. — On retrouve
encore les constructions slaves dans Vancienne Marche,
près de Magdebourg, dans le duché de Cœthen et aux en-
virons de Halle, à l'orient de la Saale, dans le duché de
Saûce-Weimar, le nord de la Bavière et le royaume de
Saxe. En Bohême et en Moravie, contre l'usage général,
ce^ constructions dominent les hauteurs dont le sommet
a été aplani avec soin et entouré de retranchements; la
couche caractéristique de cendres est épaisse de plusieurs
AGE DU FER. 307
pieds et contient beaucoup de matières organiques. Non
content d'utiliser les monts naturels, on a souvent encore
élevé des collines artificielles.
La France ne possède pas de monuments tels que ceux
que nous venons de décrire. Cependant on voit dans la
Bretagne de petits remparts en terre mêlés de cailloux,
renfermant parfois des dolmens ou des menhirs sur un sol
inégal et trop étroit pour avoir servi de camp. Les formes
sont carrées, ovales, rondes ou semi-circulaires ; d'autre-
fois ce sont des lignes simples, doubles ou triples, avec
ou sans fossé, imitant les alignements de pierre. Jusqu'à
présent on n'a pas observé les couches de cendres et de
charbons *. — En Angleterre, un petit nombre de retran-
chements rappellent ceux des Slaves et sont généralement
attribués aux Saxons *.
Remparts et retranchements militaires.
Bien que certains des murs des païens et des retran-
chements en terre dont il a été question aient été destinés
au culte, beaucoup ont pu cependant être employés à la
défense. Pendant longtemps les barbares regardèrent
comme un déshonneur de placer un mur entre eux et
l'ennemi, aussi mettaient-ils leur gloire dans la force du
bras. Le courage personnel et la ruse suppléaient à l'art
des combats. Ils songeaient bien plus à l'attaque qu'à la
* De Caumont, 1" vol., pag. 88, 104.
* Comparer à ceci les constructions en terre de Gollion dans le canton de
Vaud.
308 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
défense. Plus tard, ils apportèrent plus de réflexion dans
la lutte et apprirent à élever des remparts. Les renseigne-
ments que nous possédons à ce sujet se bornent à peu
près à ceux que César nous donne dans ses commentaires ;
ils témoignent de l'héroïque défense des Gaulois. Voici
sa description de leurs remparts et abris : « Les Gau-
lois * se servent assez souvent pour élever leurs murailles
de longues pièces de bois qu'ils couchent à terre paral-
lèlement; ils les placent à une distance de deux pieds
l'une de l'autre, les fixent intérieurement par des tra-
verses et remplissent de beaucoup de terre l'intervalle
qui les sépare. Ils posent ensuite un rang de grosses
pierres ou de fragments de rochers, et, lorsqu'ils ont
placé et rassemblé convenablement ces pièces, ils établis-
sent dessus un nouveau rang de poutres, disposées comme
les premières, en conservant entr'elles un semblable in-
tervalle ; de telle sorte que les rangs de pièces de bois ne
se touchent pas et ne portent que sur des fragments de
rochers interposés. L'ouvrage est ainsi continué jusqu'à
la hauteur convenable. Cette construction et la variété de
ses matériaux n'est pas désagréable à la vue. Ces mu-
railles sont d'une grande commodité pour le service et la
défense des places, car les pierres qui les composent ré-
sistent aux incendies, et les pièces de bois aux efforts du
bélier. »
Les remparts n'étaient cependant pas tous construits
de la même manière; plusieurs consistaient en des le-
vées de terre pure ou mêlée de pierres. Les Gaulois avaient
deux sortes de forts ou A'oppida , les uns étaient des ha-
* Lib. VII, cap. 23.
AGE DU FER. 309
bitations dans des espèces de camps retranchés qui res-
semblaient à des villes fortes : ainsi Avaricum chez les
peuples du Berry, Alesia chez les Mandubii, Gergovie chez
les Arvernes et Lutetia chez les Parisii; les autres oppida
étaient des retranchements où l'on se retirait en temps de
guerre; il en existait dans VArmoriqtce, chez les Belges et
les Venètes, ils étaient situés sur les monts ou sur des
ilôts dans les marécages. Les Yenètes plaçaient leurs op-
pida sur des promontoires voisins de la mer, transformés
en îles par le flux, et rendus inabordables ; s'ils étaient
pris, ils se sauvaient par mer dans des oppida voisins ^
Strabon dit des Bretons * que les forêts leur tenaient lieu
de forteresses, qu'ils coupaient un grand nombre d'ar-
bres et formaient de ces abattis de vastes enceintes
dans lesquelles ils établissaient des cabanes pour eux et
des élables pour leurs troupeaux. César' raconte que
leurs enceintes étaient au milieu des bois, défendues par
un retranchement et un fossé. Il en reste beaucoup dans
le pays de Galles, dans les comtés de Cornouailles, de
Lancastre, de Shrop, de Cambridge, de Herfort, à*Essex
et ailleurs. Plusieurs renferment des traces circulaires et
ovales d'habitations. Sur les hauteurs sont des enceintes
irrégulières, entourées d'un fossé et d'un rempart en
terre mêlée de cailloux, et sur la pente s'élevaient d'autres
remparts. On voit aussi quelques-uns de ces travaux
en France. Le camp de Sandouville est sur une émi-
nence presque carrée, défendue au nord par un escar-
' César, lib. Ill, cap. 4.
* strabon, Géogr., lib. II.
' César, lib. V, cap. 25.
310 MONUMKNTS DB l'aNTIQUITE.
pemeni de 300 pieds sur la Se'me, à Test et à Tooest,
par une inclinaisoD surmontée d'un rempart haut de 8 à
10 pieds. Le nord, de niveau avec la campagne, a été
garni d*un rempart long de 400 toises, élevé de 40 à 50
pieds et bordé d*nn fossé de 30 pieds de largeur. A l'in-
térieur était une seconde enceinte, et une entrée avait été
ménagée à chaque extrémité de la première ligne de défense .
Le camp de Boudeville est sur un cap formé par la Seine,
et divisé en trois parties par trois remparts parallèles.
Dans l'enceinte la plus étroite est la pierre-gente. Vers la
pointe du promontoire on remarque trois chemins creax
qui, partant du même point, descendent en divergeant
comme les branches d'un éventail la côte escarpée, jus-
qu'au fond de la vallée, ce qui permettait d'évacuer le
camp à couvert jusqu'au port de Tancarville '. — Ces di-
vers faits, observés en France par H. de Caumont, nous
permettent déjuger des moyens de défense employés par
les autres peuples.
Habitations.
Les barbares, qui consacrèrent au culte de leurs dieux
et à la sépulture de leurs morts des monuments dont
l'érection dut demander des eiïorls inouïs, apportèrent
fort peu de soins à la construction de leurs habitations.
Slrabon • nous apprend que les maisons des Gaulois étaient
* De Caumont, Cours, tom. I.
* Lib. IV, cap. V. Les Gaulois plaçaient leurs habitations dans les bois-
César VI, 30.
AGI DU rit. 311
rondes '. Ils les coDsiroisaieot ayec des poteaux et des
claies, les garnissaient intérieurement de cloisons en terre
et couvraient le toit de bardeaux en cbéne et de paille
hachée, mêlée d'argile V Vitruve donne la même des-
cription des habitations de Tlbérie * et ajoute que, sous
Auguste, Marseille n'était pas encore couverte de tuiles.
D'après César et Tacite % les demeures des Bretons et des
(lermains étaient pareilles à celles des Gaulois. Les Ger-
mains avaient aussi des demeures souterraines dans les-
quelles ils réduisaient leurs récoltes et se retiraient eux-
mêmes pendant l'hiver V On voit encore dans le Harz des
cabanes de bûcherons qui ne sont pas sans rapports
avec celle des anciens ; rondes et construites de pieux,
leurs toits coniques sont ouverts à leur sommet pour lais-
ser échapper la fumée du Teu allumé au milieu de la de-
* L^9 maisons fauloisef fuient pour la plupart rofulet ci fonnén de tronet
«l'arbrcf réunît au •ommet, à la manière d«t buUet actuellei d« not char-
bonnirrt. Charton, Vo^geun andems I, 197. Les maiion t des Bretons étaient
prrtu]uo pamllcs. M paf . tSO.
* Dr même en Bretagne César. V. It
Strabon IV. Les nuisons des Belgn étaient spacietaaet, faites de boia et
ile cUies. recouTertes de joacs ; les toits s'élevaient en forme de dôme.
* Lib. II. cap. 1.
* Grrm \\\. Hérodien. Vilû Mëximiëmi imperûtom. lib. Vil. VI, S. —
Pokbe 11. 17. — Hérodien dit que les maitoot des Germains étaient froesié
rem^nt cooslruiies, séparées les unes des antres, et ordinairement failetde
^os pieux joints ensemble, ne formant ni villes, ni bourgades. Ils ne se ler-
^airnt ni de tuiles, ni de riment, mais quelques-uns recouvraient les mars
d'une terre pure et luisante, qui imitait les eovienrs des peintures. Ils
avaient aussi des demeures souterraiaes pour l'biter et poar serrer le blé.
* On peut voir la sunrivance d'une coutume plus antique, dans une aé-
rienne loi de la Frise qui défendait de construire des oiaisons en pierre, à
l'eiceplion des éflises et des cloîtres, et de les élerer plus baul de it pieds
•oos le toit.
312 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
meure. Les observations sur le sol ont montré qoe si la
forme circulaire est prédominante, les formes ovales et
rectangulaires étaient aussi employées. Ce qui reste de
ces cbétives constructions consiste en fondements de
pierres sèches et en dépressions elliptiques et circulaires
plus ou moins profondes appelées margelles, dans les-
quelles on trouve des charbons, des ustensiles et divers
témoignages d'habitations. Quant aux demeures souter-
raines, plusieurs sont encore assez intactes. Les margelles
sont nombreuses en France, surtout dans le Berry et la
Normandie. Elles ont de 20 à 100 pieds de diamètre, sur
6 à 18 pieds àp profondeur, et sont construites de ma-
nière que Teau ne s'y arrête pas; on y trouve des char-
bons, des instruments de cuivre, des fragments de po-
terie, de nombreuses écailles d'huitre et des ossements
d'animaux. Il existe des deux côtés de la Somme des ga-
leries souterraines de 7 à 8 pieds de large et de même
hauteur, auxquelles communiquent à droite et à gauche
des cellules creusées dans la roche, au nombre de 25 à 40.
On croit qu'elles ont encore été utilisées aux W et X^ siè-
cle pour se mettre à couvert des Normands *. On voit des
cavités pareilles dans le département de la Sarthe, dans
le pays Charirain et dans la Champagne. — Les margelles
sont fréquentes en Angleterre, surtout dans le comté de
Berk, où 273 sont réunies. Dans le comté de Derby, 53
sont déposées sur deux lignes. Les comtés û'Hertford,
de Ke7it et d'autres possèdent des salles souterraines
et des galeries comme celles de la Picardie. En Eœsse
(comté à'Aberdeen), sur un espace d'un à deux milles,
* Acad. royale des inscrip. et bel, let. tom. 27, pag. 183.
AGE DU FER. 313
on a découvert une soixantaine de chambres souter-
raines construites en pierres brutes. — En Suisse, des
margelles ont été observées dans une forêt de Bâle-Cam'
pagne ' et dans la HaxUe-Engaiine *. — On retrouve les
margelles dans le midi de V Allemagne, dans le duché de
Saxe-Weimar, en Lmace, dans le duché de Cœthen, en
Poméranie, sur les lacs du Lunebourg et dans le duché
de Brunswick, où elles sont disposées deux à deux et
munies de forts murs de 300 pieds de tour '. Elles con-
tiennent, de même qu'en France, divers débris dont on
ne peut se rendre compte qu'en admettant des habita-
tions dans ces lieux ^.
Considérations générales.
Quand on visite ces arrangements de pierres, on est
frappé tout d'abord de la grandeur des matériaux em-
* Communication de M. Fischer, professeur. Au fond se trouvaient divers
débris indiquant un enfoncement artificiel, ou du moins utilisé.
* M. de Bonstetten, après avoir visité TEngadine, m'écrit que ces creux
sont naturels; il en a vu un qui, par un affaissement du terrain, a rompu un
chemin.
' Keferstein, passim.
* Voyage autour du Caucase, tom. III, pag. 181. Itinéraire de Koutaïs à
Tiflis. Trajet de Satchekhéri à Gori (Géorgie). • Rien ne m'étonna comme la
vue du village de Tihegauli, et je ne pouvais, en voyant ces tas de terre dis-
séminés çà et là, me croire au milieu d'habitations humaines; car les maisons,
vues de près, n'ont pas meilleure apparence, et il est impossible de supposer
qu'il y ait des gens qui demeurent sous ces taupinières. Cependant, quand on
a descendu une douzaine de marches grossières, on est surpris en y entrant
de trouver de vastes souterrains semblables à ceux de la caverne de Gilblas ;
on y voit nombre de compartiments, pour les vaches, pour les chevaux et.
314 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
ployés. On a vainement recherché par quels moyens ce»
anciens peuples sont arrivés à dresser des monolithes de
dans un coin séparé par une balustrade ^ossière, un petit réduit pour les
hommes avec une cheminée au fond : c'est le seul trou qui donne la lumière
pendant le jour. La nuit, le feu de grosses bûches ne laisse pas manquer de
cette lumière grotesque qui éclaire tous ces groupes confus ; depuis ces Géor-
giens qui mangent leur tchourék (pain plat cuit dans des creux ronds qui
tiennent lieu de four), jusqu'à la dernière génisse et au dernier mouton se
repaissant de leur foin dans un coin. Les têtes curieuses des vaches et des
chevaux abandonnent quelquefois leur râtelier pour s'avancer par-dessus la
balustrade et voir ce que nous faisons. »
A quelque distance de Gori, en Géorgie, à Ouplostsikki, est encore une pe-
tite ville taillée dans d'immenses blocs de molasse. On y retrouve, mais
déserts, ses rues, ses maisons, ses magasins, ses lieux sacrés et ses palais.
On y arrive, d'un côté, par un sentier escarpé; de l'autre, par un long
chemin taillé dans la paroi du rocher. Il n'est qu'un seul édifice hors
de terre, au sommet du rocher, c'est une église en brique, postérieure aux
autres constructions, qui sont des excavations groupées et terrassées les unes
sur les autres et taillées dans des massifs isolés. Les couches de roches, pla-
cées comme les assises d'une pyramide, forment un grand nombre de degrés
jusqu'au sommet le plus élevé. Les grottes ou maisons sont entassées les unes
sur les autres. Les plus simples consistent en une première grotte taillée en
plein-cintre, sans ornement, avec de plus petites grottes taillées dans le fond
ou sur les côtés. Les plus riches conservent les ornements d'une architecture
recherchée, qu'on peut diviser en deux classes. Dans la première sont de
grands salons composés d'un ou de plusieurs dômes, de façon gothique; dans
ce dernier cas, ces dômes reposent sur des piliers ménagés dans la masse du
rocher. Dans l'un, quatre pilastres, de façon géorgienne ou gothique, suppor-
tant quatre arceaux légèrement rentrants, qui portent à leur tour une cou-
pole en plein-cintre. De la rosette ornée d'un double triangle enchevêtré qui
formait la clef, partent des côtés comme des rayons pour aller s'appuyer sur
les arceaux, ainsi qu'on en voit beaucoup d'exemples dans les voûtes gothi-
ques. Seulement dans ces dômes toutes les lignes approchent du plein-cintre
et nullement de l'ogive. Dans un coin se trouve le tronc à faire le feu ou à
poser le brasier ; la fenêtre, avec une grande embrasure et deux sièges de
chaque côté, était tournée au levant. — Le second style, le plus commun,
diffère totalement du premier. La roche compacte imite tous les ornements
d'une boiserie soignée. On y voit corniches, petites poutres, grandes poutres
AOe DU PRK. 315
50 et GO pieds de haut, ou à élever au-dessus du sol
des pierres d*nne excessîTe pesanteur. Dans le XVII^
ira%rr«icrf», commp «tant un^ maifton de boit. Quand rappartetner.t ettfrand,
la f rande poutre travenière qui «upporte let autres est soutenue par des pi-
liers qu'on a mf nafés au milieu de Tappartement. Un de ces salons, de 17
piedf de roi de longueur, sur autant de larfe, était percé au fond de trois
grandes .irca'ies qui donnaient sur un corridor communiquant avec d'autres
pi^ce*. — Des plafonds plats M>nt aussi ornés de caissons carrés. — Le devant
du rocher d'un de res appartements était taillé en forme de fronton donnant
•ur un portique, à voûte pleine, ornée de caissons du meilleur foût. polis
autant que la pierre le permettait. ~ On n'avait oublié nulle part de se mé-
n4|rer des nirhes, des srmoires, et4*. Les chemins et les rues étaient taillés
dan» le roc, ainti que des canaui pour recevoir les eaux de pluie. I^s frottes
d<* Voitif la sont bien inférieures à celles-ci. L'absence de chapelle chrétienne
imlique déji l'antiquité. La chronique mentionne Oaplostsikki parmi les
%illes qu'Aleiandre-le-r»rand prit en Géorfie. Elle fut afrandie par le roi
%rrh.i;. qui commença à réfner M ans avant Jésus-€hrist. La population,
qui ''•t arménienne, demeure dans de chétives huttes de terre, à cété de ces
paUit Voyage nulomr du Caue^»e, tom III, paf . 194«S10.
— Id tom. V, paf. 969. De Soudak à Cski-Krim, sur la cAte snd-est de la
r.nrn*^. «ont des cryptes de 15 à M pieds de hauteur, profondes d'une qua-
ranUin#* de pieds ; l'une a le double en largeur . On les a taillées dans la partie
•uprrieure de la craie, de manière q«ie le calcaire, qui est beaucoup plus
compacte, tient lieu de plafond. Rlles servent aujourd'hui de retraite an
brebH — L'on trouve de ces cryptes, plus ou moins bien conservées, dans
les riM>her» au »ud de la route de Tbéodosie et du villafe de Mélek.
— M tom. V, paf. 4tA L'Européen du nord, après avoir traversé la steppe
et k vrrtant septentrional de la chaîne taorique (en Crimée), descend en aspi-
rant avec volupté l'air chaud de la cAte L.es habitants, pour se défendre
de la chaleur «e font construits des cavernes, c'est presque le terme : les mal-
«on«, pre«)ue toujours adossées par un côté au rocher ou aux pentes rapides
de la cMe, «ont à moitié dans la terre. L'on ne voit qu'une partie des murs
construit» en pierres brutes, liées avec de Is terre flaise ; la façade, tournée
entre le levant et le couchant, consiste en trois ou quatre frandes poutres
froMtérement équarries, tenant lieu de colonnes, elles supportent l'arclli-
trave d'un portique qui prend tout le large de la maison; c'est celui du
héros dHomére. Là, le Tartare reçoit les étranfers et leur fait bonumir,
abrité contre les rayons ardents du soleil, tandis qne sa feame, dans dts
316 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÊ.
siècle, l'architecte Perrault tira gloire d'avoir posé sur le
fronton de la colonnade du Louvre, deux pierres, pesant
appartements intérieurs, qui n'ont souvent de jours que par la cheminée,
mène une vie retirée, et prépare tout ce qu'exigent les besoins de la maison.
Des toits plats, en terre, couronnent le sommet de l'édiflce, servant de ter-
rasse pour y prendre le frais le soir. » — « Au premier sentiment de cu-
rieuse surprise se joignit un grand étonnement, quand je retrouvai plus tard
cette architecture généralement adoptée dans plusieurs parties de l'Asie que
j'ai visitées : cette similitude de mœurs à de si grandes distances et chez des
peuples si divers, prouve que cette architecture est plus ancienne que les
Tartares et qu'elle fut adoptée déjà par les Taures et les Grecs de l'anti-
quité. »
— Id. tom. VI, pag. 216 et suiv. Du Bois, arrivé au versant septentrional de
la chaîne taurique, vers Simféropol (en Crimée), parle de la succession des
Taures, des Tauro- Scythes, des Alains et des Goths, et montrent que les
grottes ou demeures troglodytiques de ces contrées ne peuvent appartenir
qu'aux Taures, bien qu'elles aient pu être utilisées plus tard par d'autres.
En voici la description, pag. 242. Près de la baie de Sévastopol est une crypte
avec chapelle dans le rocher. C'est moderne. A peu de distance, des cryptes
antiques ont été détruites par l'exploitation de la roche. Un de ces temples
cryptes est de style byzantin entouré de cellules, réfectoires. Il y avait place
pour une vingtaine de moines. Ce n'est pas le seul de ce genre.
— Pag. 250. Les Taures avaient déjà percé des cryptes dans le rocher dVn-
kerman, promontoire qui domine le fond de la baie de Sévastopol. D'une de
ces cryptes avec temples, galeries, cellules, on arrive, par un escalier taillé
dans le roc, au sommet de la montagne au milieu des ruines d*un château
fort ancien qui couronnait ainsi Inkerman. Les travaux des Taures, ceux qui
sont antérieurs à la fondation du château, sont dans la façade du rocher qui
regarde le midi, exposition presque toujours choisie et préférée par eux.
Pag. 260. < Par plusieurs issues depuis l'intérieur du château, et entr'autres
par un corridor spacieux muni de degrés, je pus descendre dans des enfilades
innombrables de cryptes formant six à sept étages les uns sur les autres.
Plusieurs de ces grottes forment une habitation complète, où Ton reconnaît
un âtre ou trou pour faire le feu et cuire le pain, des niches à déposer les
effets, des caves ou silos creusés sous le sol de la cuisine, des chamffres à
coucher avec des niches simulant des /i/s, le tout taillé dans le roc vif. Les
plus simples de ces cryptes ne se composent que d'une pièce unique dans la-
quelle tout est compris avec la niche pour le lit. D'autres se composent de
AGE Dt FEU. 3f7
chacune 4000 quintaux, et cependant les barbares, qui ne
connaissaient pas la dynamique réduite à Tétat de science.
quelques pièces. Nulle |Mirt d'inicription. de peinture, de •culpiure, tout est
Uillé a la pomte. Pat de poltMure tur les paroit ou les voûtet. Le temps a
produit drs i*t>oulements, des Assures, bouché des escaliers entre les étafes ;
beaucoup S4>nt inalwrdables. Len esploitations qu'on fait dans ce lieu mena-
cent d«* détruire ce qui reste de ces cryptes, dont on a déjà fait sauter une
frande partie — P«f . i75. A Mêngoup on ne voit plus que deux ou trois
étairet il(» cryptes. Paf . tItO. Otte localité, dont les ruines sont encore im-
poi^antes, a eu sa ville crypte, où l'on arrive par defrés qui conduisent sur
lies terrasses ou faleries taillées en retrait sur Tablme qu'elles surploml>ent ;
les portes rt feiiAires s'ouvrent dessus, comme dans la façade d'une maison.
On % «Oit peu de hl-nirhet, plus de recherches, plus de dépendances indiquant
un Xçr moins ancien. Les cryptes qui terminent le promontoire de l'Acropole
peuvent être attribuées à un chef ou roi des Taures. Des marches le lon^ de
la |Mroi e&terieure conduisent d'abord à une grande salle avec balcon sur la
siilli<> extérieure du promontoire. L'escalier, toujours au dehors, se ramifie
en df ut, l'un conduisant à une terrasse excavée à grands frais , l'autre dans
les cryptes. On y voit une pièce de 8 à 9 pieds de hauteur, longue de plus
de iQ pieds. a%ec une voûte plate soutenue par un seul pilier. Huit portes
donnaient sur cette pièce, cinq de cabineti, deux donnant dans une autre
piTe . un grand divan éclairé par une fenêtre, et la huitième donne sur une
terrasse. — > Pag. t90. A Tekerkeu^Kermsm^ excavation d'une ville troglody-
tique à plusieurs étages. — Pag. MU. La ville crypte de Këtchikmléme est
l'une des plus intéressantes de la Crimée. Ces cryptes sont plus simples que
collet du %oi*inage de ilangomp ou de Tépékermao, et forment à peu prés
quintr étages Ordinairement c'est une simple cavité enrichie quelquefois
d'une niche ou d'un banc. Des saillies ménagées sor les dillérentet assises
du rocher servaient de nies ; des degrés taillés dans le roc menaient d'une
rue ou d'un étage à Tautre. On reoHinalt des pressoirs et des greniers dans
les liages supérieurs. Ce sont les mêmes pressoirs que ceux de la Chersonése,
de d'Imèreth, de Vardrie sur le Kour, etc. Les greniers renferment encore du
grâin friable et noirci par le temps. L.a chapelle est postérieure à ces cryptas,
qui ont encore été habitées très tard sous la domination bytantine. — Pag.
SOS . Dans le voisinage est f ipeiermcn, rocher isolé tout entier, excavé et percé
de jours tout autour, comme un colombier, tandis que les antres sont des Ci-
çades de roche. C'est un edne tronqué de 7 à M# pieds au-dessus de sa base.
11 y a jusqu'à dix étages au midi. J'escaladai le rocher par une nielle taillée
318 MONUMENTS DB l' ANTIQUITÉ.
ODt élevé des blocs du poids de 9000 et 12000 qainiauxi
L'histoire de rarcbitecture dans le moyen âge nous mon-
en partie dans le roc vif, et j'arrivai sur la plate-forme un peu irr^gulière.
Toute sa surface est percée de puits peu profonds, par lesquels des marcbet
mènent dans Tintérieur des cryptes. Des escaliers extérieurs ou inténean
menaient à chaque logement, composé presque toujours de plusieurs pièoM
recevant le jour par la façade extérieure du rocher, et présentant les de-
meures les plus simples et les plus confortables, de la grotte informe aux plus
commodes. Du reste, peu d'architecture, de symélrie, de peinture ou d'orne-
ment. Ainsi il est de fait qu'une grande partie des populations de l'Asie, en
devenant stables, ont commencé à créer des demeures dans des cavernes.
D'autres grottes devinrent leurs temples et leurs tombeanx. On sait quels
magnifiques travaux l'Inde a su exécuter dans ce genre. La Perse a aussi
ses tombeaux et ses villes cryptes. L'Egypte, la Nubie et l'Abyssinle oot
commencé par la crypte. Qui énumérera les temples, les nécropoles et les
palais dont la patience des anciens peuples a su remplir les rochers? Les
rochers de la Sicile sont percés de villes cryptes du travail le plus in-
génieux. La grande Grèce et les Etrusques se sont signalés par leurs tom-
beaux taillés en cryptes, et le labyrinthe de Crète a été le thé&tre des pre-
miers mythes de la Grèce. On connaît les belles cryptes de l'Asie-Mineure et
de la Thrace. Partout on cherche l'origine de ces travaux innombrables qu'a
produits Tart humain, partout l'histoire se tait, et partout les monuments
sont plus vieux qu'elle. L'histoire faisant venir des cdtes méridionales de la
mer Rouge les Kaptoriens ou Phéniciens^ pour les faire débarquer au fond
de la mer Rouge, à Aiion-Grahtr^ sous la conduite d'Edom, sera-t-on étonné
que les Iduméens ou Edomites, descendants des colons troglodytes soient
restés anthcoles, comme le dit le traducteur de Strabon? Les antiques villes
de l'Idumée étaient des cryptes et remplissaient l'Arabie Pétrée, principale-
ment VOuadi-el'Arabu et \'Ouûdi~el-Gor^ dans le prolongement de la vallée
du Jourdain et de la mer Morte. > — < Les Edomites et les Phéniciens
jouaient un grand réle, déjà avant l'arrivée des Hébreux de l'Egypte, et leur
commerce embrassait la mer Rouge et le golfe Persique; pour étendre leurs
relations mercantiles jusque sur la Méditerranée, ils fondèrent 5Mofi, Tyr:
mais ils portèrent en même temps jusqu*aux pieds du Liban leur industrie
trogloditique. La vallée septentrionale du Jourdain, le Hard-El-Uule, fut
percée de villes cryptes, parmi lesquelles se distinguèrent Halser et Botlrm.
Leurs habitants étaient fiers de leurs demeures dans les rochers, qu'ils envi>
sageaient comme inexpugnables; c'est pourquoi Jérémie a dit: «La fierté et
AGE DD FEB. 319
tre comment un peuple animé par la foi est capable
d'employer ses forces et ses ressources pour élever au
dieu qu'il adore un temple qu'il croit lui être agréable. On
a vu nobles et prélats se mêler à la foule et traîner eux-
mêmes les matériaux qui devaient servir à la construc-
tion des édifices religieux. Un entraînement pareil a dû
présider à l'érection de ces blocs, dont les dimensions
la présomption de ton cœur t'ont séduit, Edom, toi qui habites les creux des
rochers, et qui occupes la hauteur des coteaux: quand tu auras élevé ton nid
comme l'aigle, je t'en ferai descendre, a dit rEternel. > — « L'orgueil de ton
cœur, répète aussi Abdias (vers. 3], t'a séduit, Edom, toi qui habites dans les
fentes des rochers, qui sont ta haute demeure, et qui dis en ton cœur : Qui
me renversera par terre ?» — Quant à Hastor, Jérémie, continuant sa pro-
phétie ajoute: « Fuyez, éloignez-vous tant que vous pourrez, vous habitants
de Hastor, qui avez creusé des cryptes pour y habiter.... Nébucadnézar, roi
de Babylone, pense à mal contre vous, et Hastor deviendra le repaire des
dragons du désert. « — «Les contrées de Dédan et de Betanœa, aujourd'hui
Bolhin, furent aussi presque troglodytes. Dans le pays de Thohtl ou Tuhal
(la Géorgie), les plus anciennes capitales du pays, selon les chroniques géor-
giennes, ont été des villes cryptes : telles étaient Ouplistsikhi^ Armarij etc.
L'art de la crypte a été de tout temps en faveur en Arménie, où sont les
cryptes innombrables de Strachegaport^ et les monastères d'Airivank, de
Kiegariy etc. L'on voit sur les rives du haut Cyrus, les villes cryptes de Var-
die, de Zéda-Tmogri, et tant d'autres reconnaissables à Tépithète de kvabi
(caverne) qui compose leur nom : Arbchiis- Kvabi, Vams-Kvabi, Kithis-Kvabi.
En Colchide, dans la partie supérieure du cours du Phase des anciens (la
Kvirila d'aujourd'hui), j'ai signalé le nombre infini de grottes abandonnées
qui se concentrent autour de Gvimé. Sémokvahana (les hautes demeures)
est le nom de ce district. — J'ai indiqué les cryptes de la vallée de Kévi,
dans le centre du Caucase, sur le versant septentrional, sont les troglodytes
de Strabon, logés dans les hypogées qui entourent Kislavodsk, à peu de
distance du Béchetan. — On voit de quelle importance est la crypte dans
l'histoire de l'homme, et quelle place considérable elle a occupé dans son
industrie. Il m*a paru qu'on n'avait pas attaché assez de valeur à cette bran-
che d*élude, qui, si éloignée de nos mœurs, peut nous donner la solution de
nombreux faits et de coutumes sur lesquels nous sommes restés dans une
ignorance complète.
3^0 MONUMENTS DB l'aNTIQUITÉ.
gigantesques ne peuvent être considérées sans un profond
étonnement.
La destination des divers monuments que nous venons
d'examiner ressort plus nettement si l'on rapproche les
dénominations populaires et les données que nous four-
nissent les auteurs anciens sur ce sujet. Non-seulement
les Grecs adorèrent d'abord leurs dieux sous la forme de
piliers bruts, mais cet usage survécut encore en quelques
lieux de la Grèce jusqu'à l'introduction du christianisme*.
Pausanias dit que, suivant Vancien mage, la statue d'Her-
cule, à Hyette en Béotie, était une pierre toute brute'. Les
Tbespiens, qui vénéraient l'Amour par-dessus tous les
dieux, en avaient une statue fort ancienne, qui n'était
autre qu'une pierre brute ^ Lorsque Vespasien alla con-
sulter Vénus à Paphos, l'image de la déesse était une
grossière pyramide de pierre^. Les habitants de Delphes
avaient l'habitude d'oindre une pierre d'huile et d'y dépo-
ser de la laine non lavée*. C'était d'une pierre, que la
Sibylle de Cumes tirait ses oracles*', et les Romains cou-
ronnaient le dieu Terme de fleurs. En Grèce, ces pierres
étaient ordinairement des piliers carrés, et en France la
plupart des men-hirs ont la même forme. Encore de nos
jours', on les oint d'huile, on les pare de guirlandes de
* A Trézène, devant le temple de Diane Lycœa, est la pierre sacrée sur
laquelle neuf Trézéuieiis purifièrent jadis Oreste du meurtre de sa mère.
Pausan. H, 3.
• Lib. IX, cap. 2i.
* Pausan. IX, 27.
* Tacite. Histor. II, 2, 3.
• Pausan. X, 2i. — Voir la pierre de Jacob, Gen. Il, 8, el la pierre noire
des Arabes, que Mahomet plaça dans le lieu saint.
• Keferstein.
^ Sakhichévan (en Arménie), où Ton montre le tombeau de Noé. « Nous par-
AGE DU PEU. Zil
flpurs : vénérés dans la plupart des pays, on les appelle
fiit^rcs du soleil, pierres d'oracle.^. Les sagas do nord di-
<5f*nl que des esprits protecteurs demeurent dans ces
pierres : le peuple y voit des spectres pendant la nuit et y
pntend des bruits mystérieux'. L'évêque Isidore de Séville
nomme les men-hirs. pierres de Mercure (lapides Mer-
curii), c'est dire qu'ils étaient à ses yeux de véritables
Hermès. Dans les anciennes chroniques, il est souvent
question des Hermès, surtout en Allemagne. Lorsque
rjiarlemagne eut défait les Saxons, il détruisit, près
d'Heresbourg. en Westphalie, leur idole qu'ils appelaient
Irfftefi^iil, et emporta l'or et l'argent qu'il trouva dans ce
lien. r,rimm Tait voir dans sa mythologie allemande que
cp mol désigne la colonne ou le pilier d'Hermès*. Les
«îerm.iins adoraient un Ermis ou Hermès*. Sa statue était
un pilier de bois ou dp pierre, c'est-à-dire un men-hir.
r.o pilier est aussi appelé colonne universelle, comme
soulpnanl toutes choses. L'or el l'argent désignent les
offrandes h Hermès. — Ce dieu n'était cependant pas
le seul auquel on élevait des piliers. En Suéde, on a le
Thifrsmulen c'est-à-dire le pilier de Thor*. D'après ces
divers Taits on ne peut douter que le men-hir n'ait été
ttmrii p«iur l4»4 rapi*l<^ de l'Araxe. En (oiMint par U ville, on me roonin à côU
du rhemin un^ pierre noire, polie par le« baiters et letfenouxde nombreuY
dfvot» ; elle «erl aux prières ferventes des habitants de ?Cakhlchévan : c'est
p^ut-^tre un aérolithe Elle est arrondie comme un caillou et a */•
pied de liMif ueur »ur I pied de larfe et 6 ou 7 pouces d'ép^iiMur. • Voy*^
autour du t'auc^ie, tom. IV, paf . 19.
* Dan« la Bretafne française et l'ancienne Marche.
* l^tutwhe anthologie, paf. lOi et suiv..
* Id. paf. 101. 10S6, MO, SOI.
* Tacite. (Urm, li.mentionnedanste pays des Frises les rûtummœ HeremUê.
■ta. ET MCUM. lUT. tl
3%S MONUBIRNTS DE L*ANTIQUITÉ.
la représentation de la divinité. Seulement, poor rester
autant quMl est possible dans les limites du vrai, doq&
ferons observer que toute pierre dressée n'a pas eo né-
cessairement la même destination. Quelques-unes peu-
vent avoir été simplement commémoratives ou élevées
dans le but de conserver le souvenir d'un événement.
D'autres, lorsqu'elles reposent sur une tombe, sont de
véritables cippes ou pierres tumulaires, mais il n'en est
pas moins certain que le menhir fut aussi l'image de la
divinité.
Dans les cultes qui nous sont mieux connus que ceux
du nord, les autels étaient d'espèces ou de consécrations
diverses, selon qu'ils étaient destinés aux oblations ou
aux sacrifices, et suivant les divinités en l'honneur des-
quelles ils étaient élevés. La variété de leur construction
indique qu'il dut en être de même chez les barbares, et
les différences de dénomination le confirment. Plusieurs
sont appelés autels ou pierres des fées. Nous avons vu en
Suède la pierre des Elfes, sur laquelle on dépose encore
des offrandes pour se concilier la protection de ces esprits;
une étude plus complète montrera peut-être que les
mêmes formes répondent aux mêmes noms. Les flocons
de laine, déposés sur les dolmens de la France, rappel-
lent l'usage des habitants de Delphes. Les offrandes de
petites monnaies, en France et en Russie, avaient déjà
lieu en Grèce sur l'autel de Phares*. Le nom de pierre
d'épreuve, donné à quelques blocs, reçoit son explication
par la tradition de Rûgen qui nous apprend comment fut
découverte la druidesse qui entretenait des rapports avec
* La coutume d'allumer des lampes sur cet autel était très répandue chez
les barbares.
AQB DU FER. 323
UD jeune homme du collège des druides. Souvent aussi
ces blocs sont appelés : pierres du mensonge ou du diable.
Les pierres mouvantes sont mues par le diable. Lorsque
les missionnaires annoncèrent le christianisme aux bar-
bares, il parait qu'en général, ils ne nièrent pas l'existence
des fsiux dieux; soit par crainte, soit, peut-être, que telle
fut leur conviction, ils se bornèrent à les faire envisager
comme des dieux mauvais, émanant du principe du mal ;
ils les détrônèrent du ciel, d'où ces dieux se réfugièrent
sur la terre, dans les forêts, dans les rochers, dans les
Pieux marécageux ; leur culte, déclaré abominable, de-
meura secret, et ce sont ceux qui vivent encore dans les
superstitions populaires sous des noms divers et des for-
mes surnaturelles. Plus d'un monument, consacré aux
anciens dieux, prit dès lors le nom du prince des ténè-
bres ; le fidèle s'en éloigna, mais il n'en crut pas moins à
ces puissances inférieures, vaincues, mais non détruites '.
Les pierres auxquelles se rattachent le nom du diable,
témoignent ainsi de leur ancienne destination religieuse.
* Durs le roman allemand de Saint-Georf^s, écrit au commencement da
XIII* siècle, par Reinbot de Dorn, d'après un ancien poëme que lui confla
Otiion !•', duc de Bavière, le saint ordonne à la statue d'Apollon de compa-
raître devant lui. Le faux dieu, qui prévoyait la défaite, flt quelque façon
pour obéir, et sortit de son temple d'un pas lent et irrésolu. « Apollon, lui
dit Georges en jetant sur lui un regard sévère, je te somme au nom de Chriat
de déclarer ici, en présence du prince, qui tu es et d'où tu viens. — Sei-
gneur, Seigneur! i'écria aussitôt la stalue, pourquoi m'as-tu chassé du pa-
radis ? J'élais un ange, et je ne suis plus maintenant qu'un démon. Je souffire
dans l'enfer de cruels supplices, et mon empire ici-bas serait détruit sans le
secours de dame Superbia : mais, grftce à cette Adèle alliée, j'ai encore de
nombreux sujets parmi les rois, les barons et les prélats. » Après ce triste
aveu, l'idole pousse un profond soupir et se brise en pièces. — Romans et
épopées chevaleresquesy par G. de Bonstetten, pag. 860.
324 MONUMENTS DB L*ANTIQUITB.
Les détails curieux conservés sur rHermès et les piliers
bruts de Phares, offrent des rapports non moins étonnants
avec les cromlecks et les lits de Huns, dans lesquels on
voit aussi, en plus d'un lieu, l'autel et le men-bir, ou l'i-
mage du dieu principal entouré d'autres dieux. Hécatée
parlait déjà d'un temple circulaire de la Grande-Bretagne.
Le peuple appelle les cromlecks : temples des druides, de--
meures des nains, jardin des fées, ou bien danse des pierres,
danse des fées. L'usage de danser à Tentour s'est conservé.
Ces danses primitives étaient des rondes; elles faisaient
partie des cérémonies du culte, ainsi que les processions le
long des avenues de piliers. Les rondes se sont conservées,
les unes, comme expression de la gatté du peuple, les au-
tres comme danses des sorcières et des esprits malfaisants.
On saii combien dans le siècle passé les rondes étaient en
honneur dans notre pays. Le paysan russe s'y livre encore
avec abandon, et j'ai vu de ces rondes, à l'intérieur de
Moscou, sous les remparts du Kremlin. Si elles excitent
en général à une douce gaité, il est des moments où l'on
doit savoir s'en abstenir, de peur de tomber sous l'in-
fluence d'esprits malins, ainsi que le démontre une tra-
dition suédoise. La jeunesse d'un village, en Jemttland,
s'était réunie à l'auberge pour danser. C'était un samedi
soir. On n'avait cependant pas la coutume de se livrer à
des amusements sur la Qn de ce jour, car depuis un
temps immémorial, ce moment avait été scrupuleusement
solennisé dans ces contrées. Aussitôt que vint à sonner la
cloche du soir, tout travail cessa, le laboureur quitta ses
champs et se prépara à célébrer dignement le jour du
repos. Mais la jeunesse paraissait avoir tout oublié pour le
plaisir. Plus la soirée avançait, plus la danse s'animait;
AGE DU FBR. 327
on jour de quelques laboureurs, se mit à rassembler dans
son tablier, hommes, bétail et charrues, qu'elle porta à son
mari dans la montagne. Celui-ci s'en fâcha et lui dit: Tu
n'avais pas à les toucher, car ils doivent nous succéder un
jour. Dans le nord, les géants sont envisagés comme des
êtres malfaisants, émanant du mauvais principe. On dé-
signe aussi par ce nom les païens avant leur conversion au
christianisme, et on les représente comme ennemis de la
foi nouvelle. Dans ce cas, les pierres des géants sont sim-
plement celles qui ont été élevées par les païens ou pour
un culte païen.
S'il pouvait rester^ quelque doute sur la destination re-
ligieuse des blocs dont nous venons de parler, il suffirait
de consulter les canons des anciens conciles. Un concile de
Tolède^, de l'an 681, condamne les adorateurs des pier^
res. — Celui à' Arles*, de Tan 452, déclare que si des infi-
dèles allument des flambeaux ou vénèrent des arbres, des
pierres ou fontaines et que Tévêque néglige d'abolir cet
usage dans son diocèse, il doit savoir qu'il est coupable
de sacrilège. — Le XXII^ canon du concile de Tours^, de
* Apud Baluze, tom. V, pag. 863. Concilium Toletanum XII, anoo 681,
«an. 11.... cultores idolorum, veneratoru IapuItfm....adinonemai ti XVI
ad. a. 693, Ut. 2, tom. IV. Labb. pag. 1337.
* Concilium Arelatense II, ad. ann. 452, can. 23. — Si in alicujus epiBooj^
territorio infidèles aut faculas accendunt, aut arbores, fontes yel taxa rene-
rentur, si hoc eruere neglexeril, sacrilegii reum se esse cognoscat. — Phil.,
Labbei et Gabr. Gossartii S. J. Presbyt. collect. conc. Paris 167S, tom. IV.
pag. 1018.
> Apud Baluze, tom. 1, pag. 518. Concilium Turonense, . Contes-
tamur illam sollicitudinem tam pastores quam presbytères { s, ut qu<
«unque iu bac fatuitate persistere viderint, vel ad nescio < Mt
arbores, aut fontes, designata loca gentilium, perpetrare < ad Boei
rationem non pertinent, eos ab ecclesia sancta auctoritate
326 MONUMENTS DE L^ANTIQUITÉ.
comme la danse d'êtres malfaisants. Si le peuple aperçoit
quelque part, dans les plaines ou dans les clairières des
forêts, un cercle de gazon desséché, il ne doute pas que
la chette, présidée par le grand bouc, n'ait été tenue en ce
lieu.
Dans la plupart des pays, les divers monuments du culte
sont souvent appelés pierres des géants. On comprend que
la grandeur de ces blocs ait pu faire croire à l'existence
d'une race d'hommes dont la taille et la force étaient fort
au-dessus de celles de nos jours. Un examen attentif des
restes humains conservés par les tombeaux des époques
les plus diverses, ne confirme nulle part cette illusion de
tous les temps. Si les Romains parlent souvent de la taille
élevée du Gaulois ou du Germain, c'est que les habitants
de l'Italie étaient généralement en dessous de la grandeur
moyenne. Lorsque les Grecs voulaient représenter sur leur
théâtre Hercule ou les premiers héros, ils donnaient à leurs
acteurs une taille de 4 coadées\ c'est-à-dire de 5 pieds et
8 pouces de France, ce qui nous permet de juger de la
taille de ce peuple. Il ne parait donc pas que Thumanité
ait dégénéré à cet égard. — Dans quelques localités, le
nom de géant semble avoir été donné au peuple victorieux ;
cependant on les regarde généralement comme la race
primitive. C'est ainsi que les envisagent les Suédois lors-
qu'ils racontent qu'une femme de géant, s'approchant
« Arisloph. in Ran. V, 1046. — Athen. iib 5, cap 7. Appolodore lib. Il,
cap. 3, § 9. — Philostratorum opéra omnia, lib. 11, cap. 21 ; lib IV, cap. 16.
Auli GellH nocles atticœ, lib. 111, cap. 10. Dans la partie orientale de Rhodes
habitaient autrefois des géants. Diodorc de Sicile, lib. V, pag. 327. — On y
a découvert des os d'une grandeur énorme. Phlegon Trullianus, De reb. mirab.
cap. 16.
AOB 01 rsn. 327
un jour de quelques laboureurs, se mit à rassembler dans
son tablier, hommes, bétail et charrues, qu*elle porta à son
mari dans la montagne. Celui-ci s'en fâcha et lui dit: Tu
n*aTais pas à les toucher, car ils doifent nous succéder un
jour. Dans le nord, les géants sont envisagés comme des
êtres malfaisants, émanant du maufais principe. On dé-
signe aussi par ce nom les païens avant leur conversion au
christianisme, et on les représente comme ennemis de la
foi nouvelle. Dans ce cas, les pierres des géants sont sim-
plement celles qui ont été élevées par les païens ou pour
un culte païen.
S'il pouvait rester, quelque doute sur la destination re*
ligiruse des blocs dont nous venons de parler, il suffirait
de consulter les canons des anciens conciles. Un concile de
Tnlt'de\ de Tan 681, condamne les adorateurs des jner^
rf.t. — Celui d'Arles*, de Tan 452, déclare que si des infi-
il(*les allument des flambeaux ou vénèrent des arbres, des
pierres ou fontaines et que Tévéque néglige d'abolir cet
usage dans son diocèse, il doit savoir qu'il est coupable
de sacrilège. — Le XX!!« canon du concile de Toiirt*. de
* Apud Baluie, tom. V, paf. tél. CoDcilimn ToleUnum III, juiiio 611,
caa H . . cultorw Molorun, wernermiart» lëpiéum .... admontniit et ITl
Ml. 4. 691, Ut. i, tom. IV. Ubb. paf. IM7.
* Conciliun AreUteme II, ad. aan. Ut. can. U. — SI in aliciiiua epiaeepé
t^rritoriu in6«lele« aut facula» acceodoat, aut arborca, tonin val Mxa ▼•••-
rrntur, »i hoc eniera nafleieril, Mcrtiefti ream te aata eofsoacat. — FhiL,
Labbai et Galir. CoMartii S. J. Freabyt. coUact. cooc Farii 167t, ton. IT.
p«f. tOtl.
* Apud BaJuie, tom. I, paf . SIS. Coociliva ToroiiaMa, aoiio 5ê7. Conta»-
tan .r lUam •olliciiodineai lam paatoret qaain presbyieroa garere, ut quMi-
cttiique iii bac fatuitata partbiare iridanot, vel ad aaacio quaa prfraf, Mrt
arborea, aat fonlea, daaifoata toca feotiUitai« parpetrare que ad ifclari»
ratiuoain non partioeni, aot ab acclaaii tancta anctoritata rtpelliuil.
3*28 MONUMENTS DE L* ANTIQUITÉ.
567, ordonne de chasser de l'Eglise tous ceux qui persis-
teront à faire des cérémonies qui n'ont pas de rapport à
celles de l'Eglise, devant des arbres, des sources et cer-
taines pierres. — Le concile de Nantes*, dans le VII^ siècle,
ordonne aussi d'enlever et de jeter en des lieux où l'on ne
puisse les retrouver les pierres vénérées dans des forêts
ou des lieux en ruines, objets des tromperies des dé-
mons, et sur lesquelles on dépose des ex voto, des chan-
delles allumées et d'autres offrandes. — Un concile de
Rouen* défend de brûler les cierges ailleurs que dans les
églises, et parle de ces pierres comme d'autels auxquels
le peuple rattache l'existence de certaines divinités capa-
bles de faire le bien ou le mal. — Les capitulaires de
Charlemagrie^ reproduirent les mêmes défenses, et une
' Teste concilio Nannetense apud Labbeum, tom. IX, pag. 474 sqq. can. 20.
Summo decertare debent studio episcopi et eorum ministri, ut lapider
quoque, quos in ruinosis locis et silvestribus dœmonum ludificalionibus de-
cepti venerantur, etubi vota vovent et deferunt, funditus eflbdianlur atque in
tali loco projiciantur, ubi nunquam a culloribus suis inveniri possint
Omnibus interdicatur, ut nuUus votum faciat, aut candelam vel aliquod
munus pro salute sua rogaturus alibi déférât, nisi ad ecclesiam Domino Deo
suo Labbeus, tom. IX, pag. 474.
' Concilium Rotomagense apud Reginonem de Discip. Ecoles, edit. Steph.
Balus, lib. II, pag. 210. Si aliquis vota ad arbores, vel ad fontes, vel ad lapi-
des quosdam quasi ad altaria faciat, aut ibi candelam seu quodlibet munus
déférât, velut ibi quoddam numen sit, quod bonum aut malum possit inferre.
Gonf. D. Burchardi Wormaciencis EcclesisB Episcopi decretorum, lib. X, cap.
29, et apud Burchard, X, 21.
' « A regard des arbres, des pierres ou des fontaines, où quelques insensés
vont allumer des chandelles et pratiquer d'autres superstitions, nous ordon-
nons que cet usage soit aboli ; que celui qui suffisamment averti ne ferait pas
disparaître de son champ les simulacres qui y sont dressés ou qui s'oppose-
rait à ceux qui ont reçu Tordre de les détruire, soit traité comme sacrilège. »
De Gaumont. — Garoli M. capitulare Aquisgranense, anno 789, cap. 63. —
Baluz, tom. I, pag. 235. — Labb. tom. VU, pag. 984 ; tom. IX, pag. 683.—
AGE DU FER. 3*29
loi de Canut* , roi d'Angleterre et de Danemark exige
qu'on cesse de mettre sa confiance en des bocages et
en des pierres, ou d'observer des superstitions tradition-
nelles; il déclare barbare Tadoration d'idoles réputées di-
vines, du soleil, de la lune, du feu, des eaux courantes, des
sources et des pierres. Ces divers passages montrent com-
bien i'anciennejoi comptait d'adhérents au milieu de po-
pulations réputées chrétiennes; ils nous donnent aussi plus
d'un renseignement sur les pratiques du paganisme, qui
sont encore la base de nos superstitions. D'autres croyan-
ces furent adroitement substituées aux anciennes; telle
source fut placée sous l'invocation d'un saint ; telle pierre
fut surmontée de la croix ; on éleva en bien des lieux, ob-
jets d'une ancienne vénération, des chapelles ou des tem-
ples chrétiens; plus d'une cérémonie païenne fut introduite
dans l'église, en en détournant la signification primitive.
L'ancien symbolisme passa dans le nouveau culte; il y eut
substitution et accommodement.
Les pratiques du culte, arrivées à notre connaissance.
Baluze, capitul., tom. I, pag. 95. Uti sacerdotes admoneant aut viros et mu-
lieres, ut ad basilicas luminaria et incensum et buccellas et primitias affe-
rant.
* Leges Canuti régis Daniœ et Angliœ. Adoralionem barbaram plurissima
vetamus. Barbara est autem adoratio, sive quis idola (puta gentium divos)
Solem, Lunam, Ignem, Profluentem, Fontes, Saxa, cujuscumque generis ar-
boris lignave coluerit : sive sagarum superstitiones observaverit, sive magnam
alicui cladem, ductis forlibus, ardentibus ve tœdis attulerit. — Leges Suevo-
rum et Gothorum per Joh. Mersenium editœ. Holiniœ 1614, lib. I, cap. i.
De his quœ faciunt supra petras. Herm. Conringius in tertia editione libri de
Orig. Juris Germ., pag. 439. — Steph. Baluzius item capitular. Regum Fran-
corum. Paris 1677, f., tom. 1, pag. 151. — Labbeus Concil. tom. VI, pag.
1541, I cap., pag. 1539. — Mabillon, De re diplom., lib. IV, pag. 293.
330 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
présentent de grands rapports dans TEarope barbare ; mais
si nous avons retrouvé dans la plupart des pays des au-
tels et des men-birs de même genre, les enceintes sacrées
présentent des variétés de constructions propres à certai-
nes contrées. Nous voulons parler des cromlecks ou lits
des Huns, des murs cyclopéens et des retranchements en
terre. Nous avons déjà fait observer que les premiers sont
répandus dans les contrées babitées le plus ancienne-
ment. En Danemark, ils se groupent essentiellement sur
les côtes de la mer. En Allemagne, ils sont surtout répan-
dus dans les plaines au nord de Cologne, de Cassel, de
Magdebourg et de Bromberg, là où domine le plat-teutsch.
En dessous de cette ligne, les murs cyclopéens occupent
les bauteurs et pénètrent dans les lieux babités pendant la
seconde période. Cette différence de population de la
haute et de la basse Allemagne est fort ancienne. Pline
parle de deux grandes nations en Germanie, dont chacune
se divise en beaucoup de peuplades; au nord étaient les
Ingœvones, au sud, les Hermiones. — En France, les crom-
lecks de TÂrmorique s'étendent le long des fleuves et les
murs des païens de Test se relient à ceux de l'Allemagne,
et sont déposées sur des hauteurs, de môme qu'en Angle-
terre et en Ecosse. — Les retranchements entourant une
épaisse couche de cendres, et célébrés par les chants po-
pulaires de la Russie comme des lieux sacrés, ne se re-
trouvent en Allemagne que dans les lieux occupés par les
Slaves, et sont postérieurs aux monuments précédents. —
Les cromlecks observés dans l'Asie du nord, dans les In-
des et dans le Bengale paraissent pénétrer en Europe avec
les familles primitives qui élevèrent leurs tumuli gigantes-
ques sur les bords des grands eaux. Nous avons indiqué
A6B DU FER. 334
l'existence de monuments pareils dans le nord de TAmé-
rique, et il n'est pas sans intérêt de retrouver dans le Bré-
sil les autels bruts et les cromlecks. — D'autre part, les
murs des païens se groupent dans l'intérieur des terres,
auprès des tumuli appartenant à l'âge de l'ustion, et da
tent de la seconde période, âge qui nous parait répondre
à une nouvelle invasion d'orient à l'occident; mais ces en-
ceintes renferment encore l'autel et le men-hir. — Enfin
les enceintes en terre, qui remontent à l'invasion des Sla-
ves, datent de la troisième période, et ne se rattachent plus
au culte des piliers bruts ou des Hermès, commun aux
âges précédents.
Nous venons de voir les Barbares vénérer les arbres et
les pierres, habités par des génies ou des êtres surnatu-
rels ; ils rendaient aussi un culte à l'eau, au feu et aux
astres. Teitt ou Teutatès, dieu des Celtes et des Germains,
présidait, suivant les uns, aux batailles ; selon les autres
au commerce, à l'intelligence et à la parole. C'est de Teut
que César a voulu parler quand il dit que les Gaulois ado-
rent par-dessus tout le dieu Mercure. On croit qu^Abelion
était le même que Belemis, envisagé généralement comme
Apollon ou le soleil. — Esur était Mars, le dieu de la
guerre, auquel on immolait les captifs, et quelquefois ses
propres enfants. Les noms de plusieurs autres dieux ont
été conservés par des inscriptions latines, mais leurs at-
tributions sont généralement peu connues. Tous les Gau-
lois, dit César, se vantent de descendre de Pluton ; c'est
pour cela qu'ils comptent les espaces du temps, non parles
jours, mais par les nuits. Ils croient qu'Apollon chasse les
maladies, que Minerve a donné les commencements aux
manufactures et aux arts, et que Jupiter a pour son par-
332 MONUMENTS DE L*ANTIQUlTfe.
tage l'empire du ciel. La nation gauloise, ajoute-t-il, est
fort superstitieuse. Ceux qui sont dangereusement mala-
des, ou qui se trouvent en péril, promettent d'immoler des
victimes humaines et se servent pour cela du ministère des
druides. Us croient qu'on ne peut obtenir des dieux la vie
d'un homme, qu'en sacrifiant un autre homme à sa place.
Ils font des figures d'homme, d'une grandeur énorme, avec
de l'osier, dont ils remplissent tout le vide d'hommes vi-
vants ; ils y mettent ensuite le feu et font périr tous ceux
qui sont dedans. D'après eux les supplices des voleurs, des
brigands et des autres scélérats sont fort agréables aux
dieux ; mais quand ils en manquent, ils prennent aussi des
innocents*. — On s'est souvent récrié contre cette barba-
rie. Nous n'essaierons pas de la justifier en disant que les
Egyptiens, les Grecs et les Romains immolèrent aussi plus
d'une fois des victimes humaines, mais nous devons re-
chercher l'idée qui ressort de ce genre de sacrifice. La va-
leur de Toffrande me parait exprimer la mesure d'amour
ou de crainte qu'inspire la divinité. Le dieu, dont on
apaise le courroux avec un peu d'encens ou de farine, est un
dieu moins redoutable qui celui qui exige des sacrifices
d'un plus grand prix. Si le sang humain doit être répandu,
c'est qu'on se fait du dieu une idée plus sévère. On peut
même dire que le besoin de réconciliation, et par consé-
quent que le sentiment du péché est proportionné à la gran-
* Hs regardent le sang humain comme le plus agréable aux dieux. César
de B, G.j I, 6. — Diodore, lib. V, dit qu'ils immolaient un homme, en lui
perçant le corps au-dessus du diaphragme : l'homme tombé, ils établissaient
leur divination sur sa chute, sur sa palpitation, sur le sang qui coulait, et
sur les mouvements qu'il faisait, ayant, disaient-ils, des expériences sûres
pour cela.
AGE DU FER. 333
deor de l'offrande. Il ressort donc de ces faits que les bar-
bares avaient de la divinité une idée plus grande et plus
sévère que les peuples du midi. Ils croyaient, dit César»
qu'on ne pouvait obtenir des dieux la vie d'un homme
qu'en sacrifiant un autre homme à sa place. Cette foi ren-
ferme en elle un pressentiment vague sans doute, mais
pourtant un pressentiment de ce que devrait être un sacri-
fice capable de racheter l'humanité ou de la réconcilier
avec son dieu. Si la vie d'un homme ne pouvait être sau-
vée que par la vie d'un autre homme, il eu ressort claire-
ment la conséquence, que pour apaiser la colère de la di-
vinité contre les hommes, il fallait une victime surhumaine.
Ainsi, ces sacrifices peuvent en quelque sorte être envisa-
gés comme une préparation au dogme principal du chris-
tianisme. Là où l'idée de Dieu était plus austère et le sen-
timent du péché plus profond, la doctrine de réconcilia-
tion devait avoir plus d'accès ; mais les voies d'accommo-
dément et de substitution, qui furent souvent employées,
durent nécessairement apporter des obstacles à TintelU-
gence de la foi nouvelle et à son adoption. .
Il ne nous est parvenu de la théologie des Gaulois et des
Germains que des idées incomplètes. Les prêtres en fai-
saient l'objet d'une science secrète, qu'il était défendu d'é-
crire, et qui se transmettait oralement aux initiés ; cepen-
dant d'après les rapports des auteurs anciens, nous savons
qu'ils croyaient à la métempsychose et à l'immortalité de
l'âme. H parait d'après un passage de Plutarque S que les
Celtes plaçaient leur paradis dans la Grande-Bretagne. Dé-
* Voy. Histoire des Celtes, de Pelloutier, tom. VI, pag. 181 et Plutarc. De
oracul. Defect., lom. II, pag. 419, et ex illo Euseb. prœpar. Evang, lib. V,
cap. 17, pag. 207.
334 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
métriiis raconte qu'il y a près de la Grande-Bretagne quel-
ques !les désertes, qu'on appelle les iles des Génies et des
Héros. Il suivit un jour, par curiosité, un roi qui s'embar-
quait pour la plus voisine de ces iles ; ils n'y trouvèrent
qu'un petii nombre d'habitants qui vivaient dans une
pleine sécurité parce que les Bretons les tenaient pour sa-
crés. Aussitôt qu'ils eurent mis le pied sur l'île, il s'é-
leva une violente tempête , accompagnée de différents
prodiges, de coups de vent et de tourbillons de feu. Après
que la tempête fut apaisée, on leur apprit qu'il venait de
mourir quelque grand personnage .... On leur raconta
aussi qu'il y avait dans ces contrées une île où le géant
Briareus gardait Saturne, qu'il tenait enchaîné et endormi.
Ce sommeil était un nouveau charme, que l'on avait in-
venté afin de le lier, et il avait autour de lui plusieurs
génies pour le servir. — Le passage suivant de Procope *
est encore plus précis. On prétend que les âmes des morts
sont portées dans la Grande-Bretagne. Je vais, dit-il, rap-
porter la chose comme les gens du pays me l'ont racontée
souvent et avec beaucoup de sérieux, bien que je sois fort
porté à croire qu'elle ne se passe qu'en rêve. Le long de
la côte opposée à cette île se trouvent plusieurs villages oc-
cupés par des pêcheurs, des laboureurs et des marchands
qui vont trafiquer dans la Bretagne. Sujets des Francs, on
ne leur a jamais imposé aucune tribut; ils prétendent en
avoir été déchargés, parce qu'ils sont obligés de conduire
tour à tour les âmes. Ceux qui doivent faire le service de
la nuit suivante se retirent dans leur maison dès l'approche
de la nuit, et se couchent tranquillement en attendant les
* Procop. Goth. lib. IV, cap. 20, pag. 624, et ex illo T%eties ad Lycoph,^
pag. 123-4.
AGE DU FEl. 33S
ordres de celui qui a la direction du trajet. Vers minuit, ils
entendent quelqu'un heurter à leur porte et les appeler à
voix basse ; sur-le-cbamp, ils se jettent à bas de leur lit,
et courent à la côte, sans savoir quelle est la cause secrète
qui les y entraine. Là, ils trouvent des barques vides, et ce-
pendant si chargées qu'elles s'élèvent à peine au-dessus
de l'eau d'un travers d'un doigt. En moins d'une heure, ils
conduisent ces barques vers la Bretagne, tandis que le tra-
jet est ordinairement de 24 heures pour un vaisseau qui
avance à force de rames. Arrivés à Tile^ ils se retirent dès
que les âmes sont descendues de la barque, qui devient
alors si légère qu'elle effleure à peine l'eau. Ils ne voient
personne, ni pendant le trajet, ni dans le débarquement,
mais ils entendent, à ce qu'ils disent, une voix qui articule
à ceux qui reçoivent les âmes, le nom des personnages qui
étaient sur la barque avec celui de leur père et des char-
ges dont elles étaient revêtues. Si dans ce nombre ils se
trouve des femmes, la voix indique le nom des maris qu'el-
les ont eu.
Chez les peuples celtiques, les principaux ministres de
la religion portaient le nom des druides; ils avaient sous
eux des ministres subalternes : les Evbages, devins et sa-
crificateurs, et les bardes qui chantaient les hymnes di-
vins et les exploits des héros. Les druides, philosophes,
astronomes, médecins et interprêtes des lois, étaient les»
dépositaires de la doctrine et les oracles des dieux ; étran-
gers à la guerre, ils ne payaient aucun tribut ; revêtus dans
l'origine du pouvoir suprême, ils le cédèrent dans la suite
aux brenns ou chefs des guerriers. Leur théologie reposait
sur la métempsy chose et l'immortalité de l'âme ', mais ils
• César, I, 6.
336 MONUMENTS DE L*ANTIQUITÉ.
avaient soin de la rendre secrète en ne permettant pas
qu'elle fût écrite. L'éducation des initiés ne durait pas
moins de 20 ans, pendant lesquels on leur faisait appren-
dre un nombre prodigieux de vers obscurs qui contenaient
la doctrine. Les druides menaient une vie fort retirée; ca-
chés dans le fond des forêts, ils n'en sortaient que rare-
ment, et c'était là que toute la nation allait les consulter.
Ils avaient plusieurs collèges, dont le plus considérable
était dans le pays chartrain*, où résidait leur chef su-
prême*. Ils présidaient aux états, disposaient de la guerre
et de la paix, et déposaient les magistrats et même les rois,
s'ils venaient à violer les lois du pays. La justice ne se
rendait que par leur ministère'; et ceux qui refusaient
d'obéir à leurs décisions étaient frappés d'anathème. Ils
s'adonnaient à la magie et attachaient des vertus mysté-
rieuses à certaines plantes. La sélage s'arrachait de la main
gauche ; la verocine, propre à guérir toutes les maladies,
se cueillait avant le lever du soleil, le premier jour de la
canicule, après avoir offert à la terre un sacrifice d'expia-
tion^. Un des actes les plus solennels était celui de cueil-
lir le gui de chêne. Pline nous a conservé la description
de cette cérémonie : « Les druides n'ont rien de plus sacré,
dit-il, que le gui et le chêne qui le produit; ils choisissent
des bois sacrés qui soient de chêne, et ne font aucune
* Lucain, lib. 3, v. 399, donne une description remarquable du collège de
Marseille détruit par César.
* Elu par le suflfragfe de tous les druides, César I, 6.
' Ce qui explique les traditions sur les cromlecks, qui en font des lieux
consacrés au culte et aux jugements.
* Le samolus cueilli à jeun et de la main gauche sans le regarder avait
des vertus contre les maladies des animaux. Pline XXIV, 11.
AOB DU FER. 337
cérémonie sans être ornés des feuilles de cet arbre ... Ils
-croient que tout ce qu'il porte est envoyé du ciel, et que
K^'est une marque qu'il a été choisi du diçu. On ne trouve
le gui que rarement, et quand on l'a trouvé, on va le cber-
<^ber en grande cérémonie : On observe sur toutes cboses,
que ce soit (au mois de décembre) au sixième jour de la
lune, par lequel ils commencent leurs mois, leurs années
et leurs siècles, longs de 30 ans seulement ; parce que la
lune commence au sixième jour d'être dans sa force, sans
qu'elle soit pourtant arrivée au milieu de son accroisse-
ment. Le gui reçoit un nom qui indique sa propriété de
guérir tous les maux. Après avoir préparé le sacrifice et
le repas, qui se font sous un arbre, ils amènent deux tau-
reaux blancs, auxquels on lie les cornes pour la première
fois. Le prêtre, vêtu de blanc, monte sur l'arbre, coupe le
gui avec une faucille en or, et le reçoit dans son vêtement
blanc, après quoi il immole les victimes et prie les dieux
4e rendre ce présent favorable ^ j> au premier jour del'an
-on distribuait ce gui comme une chose sainte, et c'est de
là qu'est venu, l'ancien dicton français : au gui, Van neuf.
— On peut se représenter les druides, couronnés de feuil-
les de chêne, portant un collier en or', vêtus d'une lon-
gue robe blanche'' et marchant les pieds dus. Leurs fem-
mes partageaient la considération qu'on avait pour leurs
maris et habitaient des sanctuaires interdits aux hommes.
Plos d'un empereur romain vint les consulter. D'à u<^es
' Ils croient que les animaux stériles deviennent féconds en buvant de
l'eau de gui, et que c'est une préservation contre toutes sortes de poisons,
^oir aussi V Abeille du Jura, tom. I, pag. 20.
• Strabon IV.
» PUneXVI,.i8.
MÉM. ET DOCUM. XXV. 22
338 MONUMENTS DE l'aNTIQLITÉ.
druidesses vivaient dans le célibat, c'étaient les vestales
des Gaules ; elles portaient des vêtements blancs avec nne
ceinture en bronze, et tiraient entr'autres leurs présages
du tournoiement et du murmure de Teau. Le druidisme,
souvent persécuté par les Romains, ne disparut d'une ma-
nière générale que vers le VI^ siècle de notre ère.
César dit que les Germains ne reconnaissent d'autres
dieux que ceux qu'ils voient, et dont ils reçoivent quel-
ques bienfaits, tels que le Soleil, Vulcain, c'est-à-dire le
feu et la Lune. Tacite, mieux instruit, nomme plusieurs
autres dieux. Mars et Mercure auxquels ils immolaient
des victimes humaines. Hercule dont ils chantaient les
louanges en allant au combat, Hertha qui visitait la terre
certains jours de Tannée, Isis, adorée par les Suèves, sous
la forme d'un vaisseau. Ils rendaient aussi un culte à
quelques divinités Scandinaves, telles que Wodan et Freija.
f Les Germains, pénétrés de la grandeur des choses cé-
lestes, dit Tacite, croient qu'il ne faut point renfermer
les dieux« entre les murailles d'un temple, ni leur donner
une figure humaine. Ils consacrent des bois et des forêts,
et donnent les noms des dieux à ces lieux secrets et re-
culés, qu'ils n'osent regarder à cause de la vénération
qu'ils leur portent. Ils observent, plus que toute autre
nation, le vol des oiseaux, et se servent des sorts auxquels
ils ont beaucoup de foi.... Ils tirent aussi des présages des
chevaux qu'ils nourrissent à frais communs dans ces bois
sacrés, et il n'en est point qui aient une plus grande va-
leur aux yeux de la nation. » Les devineresses germaines
n'étaient pas moins honorées que les druidesses des Gau-
lois.
Les Scandinaves plaçaient à la tête de leurs divinités
AGE DU FER. 339
Odin, le dieu terrible et sévère, créateur du ciel et de Pair,
Thor, dieu du tonnerre et des ouragans, dont le cbar était
traîné par deux boucs, et Frey, le plus doux de tous les
dieux, qui gouvernait la pluie et le soleil, et tout ce qui
naît sur la terre. Frigga, la Vénus du nord, accompa-
gnait son mari Odin à la guerre et partageait avec lui les
armes de ceux qui avaient été tués. Balder, fils d'Odin,
avait en partage la sagesse, l'éloquence et une si grande
majesté que ses yeux en étaient resplendissants. Hoder,
dieu aveugle, était doué d'une grande force. Tous ceux qui
dans leurs procès prenaient Forsite, fils de Balder, pour
leur juge, s'en retournaient réconiiiiliés. Outre les trois
divinités principales, et les ases au nombre de 12, il exis-
tait des nains et des génies en grand nombre. Les Elfes
habitaient les eaux paisibles, et les Jetten les grandes chu-
tes d'eau et les rochers. Loke était le principe du mal, le
calomniateur des dieux, le grand artisan des tromperies ;
beau de figure et fécond en perfidies. 11 eut de la géante
Angerbode, messagère de malheurs, trois enfants: le loup
Fenris, le grand serpent de Mygdar et Hela ou la mort. Le
père universel précipita le serpent dans la mer, mais il s'y
accrut si fort qu'il ceignit la terre entière et put encore se
mordre l'extrémité de la queue. Hela fut précipitée dans
les enfers où elle distribue des logements à ceux qui meu-
rent de maladie ou de vieillesse. Sa salle est la douleur,
sa table la famine, son couteau la faim, son valet le re-
tard, sa servante la lenteur, sa porte le précipice, son
vestibule la langueur, son lit la maigreur et la maladie,
sa tente la malédiction. Les dieux élevèrent le loup Fenris
qui rompit deux fois les chaînes énormes dont on l'avait
lié. On réussit à l'enchaîner à l'aide d'un simple cordon
3A0 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
fabriqué par un nain, mais il est dit qu'à ia fin du moiiAe
ce monstre rompra ses chaînes. Loke, retenu dans une
caverne, produit les tremblements de terre en s'agilant,
et sera tué par Heimdal, l'huissier des dieux. — La cour
des dieux se tient sous un frêne dont les branches cou-
vrent la surface du monde. Un aigle, dont l'œil perçaot
découvre tout, repose sur ses branches. Un écureuil y
monte et en descend sans cesse pour faire ses rapports.
Des serpents attachés à son tronc s'efforcent de le dé-
truire. Sous une racine coule une fontaine où la sagesse
est cachée. Dans une source voisine, qui est la fontaine des
choses passées, trois vierges puisent l'eau dont elles arro-
sent le frêne, elles disposent les jours des hommes et se
nomment le passé, \e présent et Vavenir.
La cosmogonie des Scandinaves présente deux priocipes:
rame créatrice et l'élément congelant ou la matière, la lu-
mière et la nuit, le chaud et le froid, le créant et le dé-
truisant, du combat desquels sort la vie. « Dans l'aurore
des siècles, dit une poésie, il n'y avait ni mer, ni rivages...;
on ne voyait point de terre en bas, ni de ciel en haut;
tout n'était qu'un vaste abîme, sans herbes ni semences.
Le soleil n'avait point de palais, les étoiles ne connais-
saient pas leurs demeures, la lune ignorait son pouvoir.—
Alors il y avait un monde lumineux enflammé du côté du
midi, et de ce monde s'écoulaient sans cesse dans la lune,
qui était au nord, des torrents de feu étincelants, qui,
s'éloignant de leurs sources, se congelaient en tombant
dans l'abîme. L'abîme se combla peu à peu, jusqu'à ce
qu'un souffle de chaleur, venu du midi, fondit les vapeurs
qui s'en exhalaient et en forma des gouttes vivantes d'où
naquit le géant Yme. De lui descendent les géants, race
AGE DU FER. 3il
rondes ^ Ils les construisaient avec des poteaux et des
daies, les garnissaient intérieurement de cloisons en terre
et couvraient le toit de bardeaux en cbéne et de paille
hachée, mêlée d'argile *. Vitruve donne la même des-
<;ription des habitations de l'Ibérie ' et ajoute que, sous
Auguste, Marseille n'était pas encore couverte de tuiles.
D'après César et Tacite *, les demeures des Bretons et des
Germains étaient pareilles à celles des Gaulois. Les Ger-
mains avaient aussi des demeures souterraines dans les-
quelles ils réduisaient leurs récoltes et se retiraient eux-
mêmes pendant l'hiver '. On voit encore dans le Harz des
cabanes de bûcherons qui ne sont pas sans rapports
avec celle des anciens ; rondes et construites de pieux,
leurs toits coniques sont ouverts à leur sommet pour lais-
ser échapper la fumée du feu allumé au milieu de la de-
< Les maisons gauloises étaient pour la plupart rondes et formées de troncs
d'arbres réunis au sommet, à la manière des huttes actuelles de nos char-
bonniers. Charton, Voyageurs anciens I, 197. Les maisons des Bretons étaient
presque pareilles. Id. pag. 230.
* De môme en Bretagne. César, V, 12.
Strabon IV. Les maisons des Belges étaient spacieuses, faites de bois et
xle claies, recouvertes de joncs ; les toits s'élevaient en forme de dôme.
' Lib. II, cap. 1.
* Germ. XVI. Hérodien. Vita Maxlmiani imperatoris, lib. VII. VI, 8. —
Polybe II, 17. — Hérodien dit que les maisons des Germains étaient grossiè-
rement construites, séparées les unes des autres, et ordinairement faites de
gros pieux joints ensemble, ne formant ni villes, ni bourgades. Ils ne se ser-
vaient ni de tuiles, ni de' ciment, mais quelques-uns recouvraient les murs
d*une terre pure et luisante, qui imitait les couleurs des peintures. Ils
avaient aussi des demeures souterraines pour l'hiver et pour serrer le blé.
' On peut voir la survivance d'une coutume plus antique, dans une an-
cienne loi de la Frise qui défendait de construire des maisons en pierre, à
Texception des églises et des cloîtres, et de les élever plus haut de 12 pieds
«ous le toit.
312 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÈ.
meure. Les observations sur le sol ont montré que si la
forme circulaire est prédominante, les formes ovales et
rectangulaires étaient aussi employées. Ce qui reste de
ces chétives constructions consiste en fondements de
pierres sèches et en dépressions elliptiques et circulaires
plus ou moins profondes appelées margelles, dans les-
quelles on trouve des charbons, des ustensiles et divers
témoignages d'habitations. Quant aux demeures souter-
raines, plusieurs sont encore assez intactes. Les margelles
sont nombreuses en France, surtout dans le Berry et la
Normandie. Elles ont de 20 à 100 pieds de diamètre, sur
6 à 18 pieds àp profondeur, et sont construites de ma-
nière que Teau ne s'y arrête pas ; on y trouve des char-
bons, des instruments de cuivre, des fragments de po-
terie, de nombreuses écailles d'huître et des ossements
d'animaux. Il existe des deux côtés de la Somme des ga-
leries souterraines de 7 à 8 pieds de large et de même
hauteur, auxquelles communiquent à droite et à gauche
des cellules creusées dans la roche, au nombre de 25 à 40.
On croit qu'elles ont encore été utilisées aux IX^ et X® siè-
cle pour se mettre à couvert des Normands *. On voit des
cavités pareilles dans le département de la Sarthe, dans
le pays Chartrain et dans la Champagne. — Les margelles
sont fréquentes en Angleterre, surtout dans le comté de
Berk, où 273 sont réunies. Dans le comté de Derby, 53
sont déposées sur deux lignes. Les comtés A'Hertford,
de Kent et d'autres possèdent des salles souterraines
et des galeries comme celles de la Picardie. En Ecosse
(comté à'Aberdeen), sur un espace d'un à deux milles,
* Acad. royale des inscrip. et bel, let. tom. 27, pag. 183.
AGE DU FER. 343
teqabbar, loin d'être toujours hostiles, remplissent le gre-
nier de celui qui a su se ménager leurs faveurs. Ces lutins
sont souvent serviables, et quelquefois aussi vaniteux.
Une ménagère occupée à tamiser de la farine dans son
garde-manger fut obligée de remettre son travail au len-
demain. Quelle fut sa surprise en retournant dans le garde-
manger, dont elle avait toujours la clef sur elle, de trou-
ver Touvrage fait. Dès ce jour, toutes les fois qu'elle vou-
lait de la farine tamisée elle n'avait qu'à l'arranger le soir
avec le tamis, et le matin l'ouvrage était fait. Ayant grande
envie de voir le tamiseur inconnu, elle ne put s'empêcher
une nuit de regarder par le trou de la serrure. Elle vit un
petit lutin en guenilles qui tamisait de toutes ses forces.
Voulant le récompenser, elle fit un joli petit habit qu'elle
plaça dans le garde-manger. L'habit disparut, mais la
prochaine fois où elle arrangea de la farine, l'ouvrage ne
fut pas fait. Alors elle se mit au guet et ne tarda pas à
voir le lutin qui se promenait en long et en large; les
mains dans les poches, et charmé de sa nouvelle parure,
il fredonnait <r Monsieur est élégant, il ne tamise plus. »
— Il est quelques traditions suédoises qui présentent un
mélange curieux des idées païennes et chrétiennes. L'une
raconte qu'un prêtre entendit un soir une musique déli-
cieuse, au moment où il traversait un pont jeté sur un
torrent. Il vit un jeune homme découvert jusqu'à la cein-
ture, assis sur les eaux, et portant un bonnet rouge sur
une chevelure blonde et bouclée qui retombait sur ses
épaules. Il tenait dans sa main une harpe d'or, d'où il ti-
rait les sons les plus ravissants. Le prêtre reconnut
Necken, l'esprit des eaux, et dans un zèle exagéré il lui
dit: D'où viens que tu joues si gaiment I tu sais pourtant
344 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
que tu ne seras jamais sauvé, car ce vieux bâton dessé-
ché que je tiens dans ma main portera des feuilles et des^
fleurs avant que tu n'obtiennes ta rédemption I Le mal-
heureux joueur de harpe jeta son instrument à Teau et
pleura amèrement. Le prêtre continua sa route ; mais quel
ne fut pas son étonnement, en voyant éclore sur son bâ-
ton des feuilles et des fleurs! Il vit dans ce prodige une^
révélation du ciel et un reproche de ce qu'il prêchait si
mal la doctrine consolatrice qu'il était appelé à enseigner.
Il retourna en hâte sur le pont et trouva le pauvre Neckea
qui fondait toujours en larmes. Vois-tu, lui cria-t-il, mou
vieux bâton porte déjà des feuilles et des fleurs ; de même
l'espérance peut fleurir dans le cœur de tout être, dans
la certitude que son Sauveur existe : Necken, heureux et
consolé, reprit sa harpe et le rivage retentit toute la nuit
des sons joyeux qu'il en tira.
Quand on rapproche les superstitions de contrées éloi-
gnées les unes des autres, on est souvent surpris des
rapports qu'elles présentent. Le culte, rendu aux génies,
bons ou mauvais, occupe partout une grande place. On
leur attribue les maladies, et on les apaise par des moyens
pareils. L'esprit humain, toujours curieux d'anticiper sur
les temps, cherche à dévoiler l'avenir et a recours à maint
présage ou moyens de divination ; les miroirs magiques
sont encore consultés, non-seulement en Europe, mais
aussi en Afrique et en Asie. Il reste au milieu de nous
plus de traces, qu'on ne le suppose, de ces âges reculés,
qui nous apparaissent au premier coup d'oeil entourés
d'épaisses ténèbres : après des recherches plus complètes,
nos petits neveux liront sans doute couramment là où
nous n'épelons qu'avec peine.
AGE DU FEU. 345
NOTK
Du cult« des esprits.
Dratjom. — Kn Franche-Coinlè, un Raimond «Je Saint-Sulpici*, que Siiiner
fait \i\r<* bien fraluilenient au Xlll* siècle « aurait lerrAtsé cette espèce
<l'hy<lrf , il aurait mérite*, pour prix ifun service si éclatant, que toute ta pos-
térité fût f lemple du paiement de l'impôt. Semblable à celle de TApoca-
lyps«, celle béte n'av.iit pas moins de sept tètes, et elle ravageait tout. Le
conducteur le la diligence de NeuchAtel h Pontarlier me disait à ce sujet, le
^ juin lSi6. que* le dragon aurait avalé ses deux chevaux en travers sans tes
inAt her. M. IVe p pi i ig (£^ hausse, tom. III, pag. 179, édition de tSii) rapporte,
d'jprrs Busingrr ft /t*lger, une p.ireille fable sur l'nderwald. M. Raoul Ro-
(hftt'* l.ettrrt iur la Suitse^ loni. III, pag. Ml et suiv.) en rép4*te aus^i de
»cniblibl«*« *ur le Urachenried ti le Urathenloch. Lu Gargouille de Rouen et
laiil d'autres ne «ont p.is plus historiques. Tous ces contes de dragons sont
rrnou^rlrs de Tlnde et de l.i Chine. Monnin, Du culte des etpriU dans la
V^u.iriK, note 8 ri noie 31. Du Cangc. lMloi$anum ad uript. mtdiœ^et infim.
liitinit. . Kffiépet draconit quir rum rfjni/it, ineceleiia»ticit proce»tionibut de-
(rm %olfi, quà vfl Ihat/olut ipêe^ rel hœrent dtsitjnalur^ de quibuâ triomphal
HcfUnta Ihabolui enim, ut ait S. Au^ustinut (Hom. 36), m ichpturù sanclis,
leo ft ttraco m/, leo prupter impftum, drato propter intûUat. • — En Egypte,
uti diM]u'*. arrompagné de la figure du si^rpent et de deux ailes, désigne
l'clrmité. la %ie et la sublimité. St. Clément, savant d'Alexandrie, fait obter-
«rr <|ue chei le* Juif* U >ie et le serpent se rendent parle même mot hevah,
haïah. Htn*ah. [Kxhort. ad génie».) Le serpent d'airain est l'image de la vie
et du »alut Nomb. \\1, S; Math III, 14, 15.) Le serpent chei les Romains
rrprr^iile la \\e et la santé, talulit draco , il t'entortille aux autels du dieu
\4i/ui ~ Sur la C()te du Malabar, le serpent à chaperon, nommé SaUa-Pamba,
r*ï r<d»jet d'un culte particulier. — Fo-hé ou Fé, né dans les Indes environ
\Oii ani a«ant Jè^us-Christ, fondateur de la monarchie actuelle des Chi-
nom, u«urp.it<»ur des attributs du Tout-Puis%arit, e«t représenté *ous U forme
d'un «rr|>eiii .nié, rt désigné sous le nom de dragon. — Les Celles adoraieni
ufi être invisible, Teut, qu'ils représentent par un animal dont le nom cbei
eux désignait aussi U vie. Sur la tète du serpent, un glol>e lumineux annonce
ta gloire rt son rteriiité. il a\ait des ailes rt un corps embrasé ; telle est la
Vouirre de la Néquanie, dont le nom tignifie vivre, comme celui â'kévak. Il a
au«»i drs yeux d'escarboucle. — Au deli de l'Indus, le 18 juillet, a lien U
fêle des .Saga ou dieux ««rpen ta, tribu de divinités souterraines qui gardent
346 MONUMENTS DE L*ANTIQU]TÉ.
d'immenses trésors, où l'éclat des diamants supplée à l'absence des rayons
du soleil. On leur offre un peu de lait et de beurre fondu. (Un serpent gar-
dait le trésor de Bel-Âir, ainsi ailleurs. J'ai entendu parler plus d'une fois
de serpents portant une pierre de grand prix sur la tète.) On les représente
sous forme humaine de la tête au nombril, et sous la forme du serpent
pour le reste du corps. Les mâles y sont armés de cimeterres et protégés
de boucliers. Les filles de Naya sont comme les fées et les nymphes des Mille
et une nuiti. — Notre fée Mélusine est moitié femme, moitié couleuvre, le
dragon s'éclaire d'un disque de diamants, il est gardien des trésors, les fées
se plaisent dans les grottes, avec un peu de beurre on apaise l'esprit sau-
vage; c'est aussi du beurre qu'on met dans les bassins des autels du nord.
Mélusine ou Mère Lusine, joue un grand rôle dans l'ouest de la France,
elle apparaît dans l'air sous la forme d'un serpent de feu. Les Lusignan
portaient pour cimier une Mélusine. « En terme de blason, c'est une figure
échevelée, demi-femme, demi-serpent, qui se baigne dans une cuve où elle
se mire et se coiffe. » Elle apparaît souvent aussi comme poisson, et souvent
se baignant, elle préside à l'élément de l'eau.
Règne de la terre. — Beaucoup de vallées de l'Alsace et de l'Allemagne
ont leur chasseur sauvage. Â la montagne bleue de Montbeillard, un génie
crie ou chante pendant la nuit des paroles lamentables. On s'en préserve en
portant sur soi du beurre et du sel. C'est avec du beurre fondu et du lait
que les Hindous se rendent propices leurs Dévata et autres dieux. Vhomme
mystérieux du Bugey vit en vrai sauvage sur les montagnes et reçoit du lait
en offrande. Sur d'autres monts, c'est un magnifique seigneur botté, armé,
casqué, chevauchant dans les airs sur son blanc palefroi. On a vu son coursier
attaché en dehors d'une roche escarpée, impatient du retour de son maître.
Des contrebandiers, munis d'un secret, ont été reçus en croupe^ et ont ainsi
fait leur fortune. N'est-ce pas là le White-horse des Anglo-Saxons, qui a
donné son nom à la colline du Cheval-Blanc, dans une vallée du Berkshire?
{Mémoires de la Société royale des antiquaires, tom. V, pag. 217. De la tradi-
tion populaire sur l'armurier ou forgeron Vêlant^ par M. Depping, qui trouve
dans le fond de l'Inde l'origine de cette fable.) — L'antique seigneur des
ruines du château ô*Holiferne, qui dominait sur les vallées de l'Ain, de l'An-
chéronne et de la Velome, fait retentir les monts du son des cors, des voix
humaines et des aboiements prolongés, au milieu desquels il se plait. On
entend ailleurs les chasses miraculeuses du bon roi Arthus {Holoferne, signifie
en hébreu vaillant capitaine). Un garde-forestier les a vus dans une clairière,
c'étaient une foule de grands seigneurs, dé belles dames, de piqueurs, les uns
mangeant sur le gazon, les autres gardaient les chevaux ou donnaient la curée
à de nombreux limiers. Ces chasseurs, c'est V Arthus que les Bretons ne croient
pas mort, c'est l'Aratus des bois de l'Angleterre, et peut-être l'Herthus ou
AGE DU FER. 347
Hertha du nord. C'est ainsi que dans les Gattes du Malabar, Parasurama, ce
héros au teint vert^ court encore, une arme à la main, à travers les forêts de
palmiers. — Près de Maizières, sur les bords de la Loue, la dame verte présage
des malheurs. La dame verte de Clément, après avoir fatigué sa meute, con-
viait à un repas frugal auprès d'une source, le comte de Montbeillard. Elle
préside et surpasse de la tète de jeunes dames, aussi espiègles que jolies,
qui se plaisent à lutiner les jeunes garçons égarés. Entre les villages de Neu-
châtel et Remondans, est la Hoche de la dame verte. Les Mœsiens d'Asie
adoraient un soleil vert, dit l'Apollon Gryneus. — Vert peut venir de Herta,
la terre. Le Verdier était l'ancien garde général forestier. Verdage, l'ancien
gardien du bétail dans les bois ; ils étaient vêtus de vert. Le printemps, à
cause de sa verdure, s'appelait Er chez les Grecs, Ver chez les Latins. Le dieu
étrusque et romain des vergers s'appelait Vertumne. — Les Indiens de la
côte de Coromandel peignent en vert Wishnou dans sa septième et huitième
incarnation. — Les habitants de Pékin couvrent de tuiles vertes le temple de
la terre de Ti-Tang. et de tuiles bleues la pagode du ciel. — La dame verte
est la déesse de la terre et du bois, comme la Diane d'Ephèse, ainsi que la
diane An7ta, près de. Borne.— Haarets o» erets en hébreu, arifta en caldéen,
signifient la terre. Hareth, chez l^s anciens Perdes, était l'ange que le Créa-
teur avait préposé, dès le principe des choses, à la garde du globe terrestre.
Airta et arte en gothique; arda dans le runique, ertha dans la langue des
Francs, earth en anglais, aert en flammand, erd en tudesque, signifie terre,
et ce mot terra n'est qu'une inversion d'are^ sur lequel se sont modelés tous
ceux que nous citons ici. — VHerthus ou V Hertha des Germains est le dieu
persan Hareth, dont le culte apporté par les Kimris et les Suèves a conser>'é
le nom de Herte, Eaithy dont l'aspiration adoucie a fait Verte et Berthe. Au
nom de Berthe se sont ralliés des souvenirs fabuleux. (Même fait pour Berthe
de Bourgogne.) C'est un nom de femme très connu dans le nord.
Les Suèves adoraient Isis sous la forme d'un vaisseau. {Germ. 40.) L'oie,
animal amphibie, exprimant le règne de la terre et de l'eau, fut consacrée à
Isis, elle est placée aux pieds d'Herthe. la même qu'isis (?). Ensuite, au lieu
de l'oie entière, on tailla un pied de l'idole en patte d'oie (?). De là, la reine
Pédauque (?). De là l'enfantement d'un monstre à tête de canard par Berthe,
épouse du roi Robert. Berthe au long pied vient peut-être d'Isis, qui avait
un pied dans une barque, son symbole est pris de sa chaussure. Isis prési-
dait à la culture du lin, de là la quenouille aux mains de la déesse. On jure
par la quenouille de la reine Pédauque. Des fées de la Normandie furent
changées en oies. L'oie est la monture de Brahma dans l'Inde et le symbole
delà vigilance. Elle est dédiée à Sarassouadi, l'une des huit mères de la
terre, qu'on compare à Isis. — Nos dryades rieuses, folâtres, voluptueuses,
égarant les jeunes garçons dans les bois, ne sont pas méchantes comme leurs
348 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
8<Bur8 d'Asie, qui enlèvent, à Test de la mer Morte et dans le nord de TAra-
bie, les voyageurs, afin de jouir de leurs embrassements pour les conduire
ensuite dans les précipices.
La tante Arie^ Airie dans la campagne. Junon Aeria, reine de l'air, génie
bienfaisant du pays d'Ajoie, descend de l'air pour récompenser la jeunesse
studieuse et docile, mêler la filasse suspendue à la quenouille au jour du
carnaval ; elle file elle-même, fête les enfants à Noël, ceux-ci la reconnais-
seat au bruit de la sonnette de l'âne sur lequel arrive la tante Aérienne. —
Dans une caverne près du château de Milandre, entre Délie et Montbeillard,
une fée garde un trésor, assise vers son coffre-fort dont elle tient les deux
clefs toutes rouges de feu entre ses dents transparentes. \3n grimoire ma-
nuscrit indique le secret pour saisir, sans se brûler, les clefs de cet esprit
qui préside à l'élément du feu. — Dans les ruines du château de Maiche
(arrondissement de Montbéliard) , un cochon noir couvre un trésor; c'est
Tesprit d'un ancien seigneur avare, qui, une fois tous les cent ans, rdde au-
tour de la bourgade, une clef toute rouge à la gueule et cherche un homme
assez hardi pour la lui prendre et le délivrer par là de sa transformation. Un
soir d'hiver il apparut â un homme sous une forme humaine, qu'il lui est
permis de reprendre, sans doute pour ne pas effrayer les gens, et le pria de
l'attendre â minuit précis dans un souterrain du château. Le bonhomme
promet, s'y rend, le porc noir lui apparaît, la gueule enflammée et tenant la
clef entre ses dents ; à cette vue, le malheureux s'enfuit, et l'âme désolée
disparait en poussant des cris lamentables. Il y a là certains rapports avec la
religion de Bouddha : là où l'on trouve la métempsycose en Orient, sont des
dieux à tête de cochon, et qui souvent ont des clefs à la main. Les dieux
porcs de l'Asie s'appellent Warraha, Wara. — Verrat en français, varrai en
patois, signifie pourceau mâle, comme dans l'Hindoustan , de même que
Verres en latin. Le culte dominant des Celtes était celui de la terre, et par-
tout elle fut divinisée sous des noms différents ; elle était représentée par
l'animal qu'on lui sacrifiait. Les Suèves Estyens se faisaient honneur du sym-
bole (Germ, cap. 45, formas aprorum gestans), et leurs descendants des bords
du Rhin, dans la Souabe et à Bâle, ont maint hétel sous les auspices du co-
chon noir ou du sanglier. — On voyait, en 1824, sur une porte de Porren-
truy, un cochon et une truie sculptés en bas-relief, ce sont les armoiries
d'Autun (siège d'un collège de Druides), et la ville avait un cochon sculpté
sur une de ses portes. Près de Porren/rwi est Courtemanfreii, — rapport entre
truie et druide (?). — Le sanglier était les armes parlantes d'Ephèse. (phi-
soUf sanglier d'Apii ou de la terre, dit Pelloutier. h'Opis les Latins ont fait
ops, opes, richesses, — de là le trésor et le cochon noir, — de sou vient
sus, sues. Dans le patois de la Franche-Comté, la sou est la loge des poui^
ceaux. Les médailles romaines rappelant la fondation à*Alba Troia offrent
AGE DU FEft. 3&9
une laie avec ses marcassins. — Une autre appellation des prêtres gau-
lois est celle de gore. Les gores des Bretons sont les lutins des monuments
druidiques. En ancien français et en patois normand, gore signifie truie,
gorin^ gorely goury^ petit cochon. La truie qui file, de la cathédrale de
SaiNt-Pol-de-Léon, est une druidesse ou une idole de la terre. Depuis le X*
siècle ce mot est devenu un outrage ; gôr, dans la Bresse, est l'outrage le plus
sanglant. Les mahométans désignent sous le nom de gaures les infidèles.
Kourin^ chez les Arméniens, désigne un homme instruit dans les choses
secrètes. Chez les Syriens, khoury, désigne un porc ; gourou est un brah-
mane chez les Indiens. Ces noms sont restés dans la terre où l'on place le
berceau des nations ; la province de Gouria, dans la Golchide où l'antique
Dioscuria^ existe sous le nom d*!sgaury la ville de Gory sur le Kur de l'Ibérie,
la Coriace des sources de TEuphrate, la Corduène des anciens dans les monts
Gordiens, où sont encore les enfants des Curdes, le désert des Pétigores
du nord du Caucase au Tanaïs des Amazones. Ainsi les mots asiatiques de
waroy gor, sou, troïa, sont restés dans notre dialecte. Les Varasques ou Wa-
rais ne rendaient-ils pas un culte tout particulier au cochon noir ou à la terre.
A Bonlieu, un esprit servant soigne pendant la nuit le bétail, de temps
immémorial. C'est un squelette n'ayant conservé que les yeux, fort beaux,
il est vrai ; son crâne est couvert d'un bonnet rouge et pointu (coiffure du
Turntegubbar suédois), aussi l'appelle-t-on carabin. La plaisanterie ne doit
pourtant pas aller trop lorn. Un jour, apostrophé par un batteur de grange,
celui-ci fut enlevé par les cheveux sous la charpente et remis en place, sans
mal, mais corrigé. D'autres lutins font le travail des domestiques somnam-
bules. — On voit dans la plupart des pays de l'Europe des femmes jeter à
terre, en commençant le repas, une cuillerée de lait ou de bouillon, sans
qu'elles sachent pourquoi. Ce même usage existe dans la Tartarie en faveur
des Pénates.
La dame du lac Narlay est une vieille femme habitant une grotte qui a
donné aux eaux du lac la propriété de blanchir le linge sans lessive et sans
savon. « Or la tradition veut que par l'effet d'un châtiment céleste, un vil-
lage ait été englouti à l'endroit même où s'est creusé le bassin du lac. Une
mendiante s'était présentée à toutes les portes, et n'ayant pu trouver un asile
pour la nuit, si ce n'est sous le toit d'un pauvre vieillard , Dieu, pour venger
la suppliante, aurait noyé le village entier, et n'aurait excepté de ce terrible
exemple que la maison hospitalière située à l'extrémité A minuit de
Noël, tous les ans, on entend au fond du lac chanter le coq du village sous-marin.
Maires^ génies d'origine céleste. — Mara, démon femelle des Suédois, qui
les oppresse durant le sommeil ; Macre, spectre nocturne des Allemands ;
MeHar^ vierges dont les femme» Scandinaves obtiennent une heureuse déli-
vrance, remplissant aussi les fonctions des Parques ou M&rm des Grecs. —
3K0 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
Maire, en franc-comtois, sufTocation, cauchemar. Dans le Bugey et la Bresse
voisine de Lyon, est la Chauchevieille^ ailleurs la Chaussepaille. C'est la vieille
et pâle Fouleuse. — Chaucher, c'est tomber avec force.
Les meiiar sont les vierges, les rnair les mères. 11 est curieux de voir les
vierges présider aux enfantements. Vesta était au rang des déesses-mères.
La chaste sœur d'Apollon et Junon répondaient aux vœux des mères de famille.
La fête du mois de mai célèbre le mariage du dieu avec la terre. Le soleil
arrivant à l'étoile de Mata^ et renouvellant avec la belle nymphe l'union
d'où naquit Mercure {De bel Gallico^ VI, 27), c'est-à-dire commençant à fé-
conder la terre chargée de fleurs. On a fait de Maïa un surnom de Cybèle.
La belle de mai, nommée Mairioite, est la petite maire ou mariée. Pour-
quoi le même honneur à des magistrats et des vierges? Serait-ce que le gou-
vernement primitif des peuples appartenait à des vierges consacrées, à des
druidesses? N'est-ce pas parce que Meïar signifie vierges qu'on appelait
vierg ou vergobret les maires de la Gaule ? En plusieurs lieux de la France,
on choisit la plus jolie petite fîlle pour être l'image vivante, la nymphe de la
divinité, on la pare ou la porte en triomphe de maison en maison, collectant
comestibles et vin. Dans la Bresse, la reine ou jeune mariée, ornée de fleurs,
rubans, bijoux, ouvre la marche conduite par un jouvenceau. Si l'époux ne
paraît pas, c'est que les Celtes ne souffraient pas le simulacre de l'Etre su-
prême. — Des auteurs du XVI* siècle disent qu'au chef-lieu du Val-de-Miége,
à la fête de St. Antoine, d'après un usage antiqoe et païen, se rendait une
foule d*hommes et de jeunes filles passant la journée dans les ris, les jeux,
la danse et les festins. C'est à notre dame de Miége que s'adressent la jeune
fille pour avoir un mari, et l'épouse pour avoir des enfants. Dans quelques
localités, les jeunes filles vont certain jour de l'année s'exposer sur le mar-
ché, là où autrefois leurs pères les vendaient. (Même usage chez les Arabes
et dans quelques parties de la Chine.) (Foire des domestiques à Moudon.)
On a la croix qui vire (substitution de la pierre branlante), près du ruis-
seau de la fileine.
Pour se guérir de la fièvre, on forme avec de la paille une étoile à six
rayons, on la porte sur une éminence, on s'agenouille devant le soleil le-
vant, on récite des prières, ensuite on gagne la rivière la plus proche, on y
jette le soleil de paille, on en détourne aussitôt la vue, et l'on s'en va sans
regarder en arrière. — Les Hindous font des ablutions accompagnées de
prières qu'on récite à voix basse, elles consistent à se baigner dans le Gange
en tenant respectueusement à la main deux ou trois brins de paille, que de
vieux brahmanes vous offrent à cet effet.
Du milieu de l'étang de la Roussière et de Sure, que traverse le chemin de
Lyon à Villars, s'élèvent deux grands mamelons de terre rapportée, appelés
poipes. L'un était un autel, l'autre la demeure du ministre du dieu. La colline
AGE DU FEB. 3S1
est entourée d'un fossé circulaire, un autre effleure le premier, renferme d'un
grand ovale et laisse dans l'intermédiaire deux parties de terrain, places en
forme de croissants. Le château delà Pape, près de Lyon, doit son nom à une
poipe sur laquelle il a été construit. D'après Hérodote, les Scythes adoraient
Jupiter sous le nom de Papeus. Les Russes donnent aux prêtres le nom de
popes, les Moriaques celui de papas. En Italie le pape est papa. Le mon-
ticule présente un cône tronqué de 50 pieds environ de haut, boisé sur ses
flancs, contourné par un sentier et surmonté des fondations d'une tour en
brique. Si elle est gauloise (?), elle a dû être octogonale (d'après J. Picot,
Histoire des Gaules, tom. III, pag. 60), forme observée au Tubet, à la Chine
et au Japon. La résidence du souverain pontife du Tubet à H'iassa est un
pavillon octogone dans un bosquet toufi'u sur une île, au milieu d'un étang
sur le mont Pakmou-ri. Au plus grand étage de cette tour, le grand Lama se
rend presque inaccessible à la vue des humains. Veleda apparaissait au haut
de la tour qu'elle habitait chez les Bructères. (Tac. Hist. liv. IV, cap. 45.) Sur
la poipe de Saint- And ré, la fée de Riotier se montre quelquefois sans aucun
vêtement. Rapports des déesses-mères et prêtresses gauloises, également nues
ou vêtues. Les femmes au sein découvert, voilées, assises, tenant un enfant
ou une patère à rosace, rappellent la déesse chinoise Quania ou Quonia.
A Moutier-en-Bresse, on pratique des superstitions sur la pierre de St. Vit.
(Description du duché de Bourgogne, par Courtépée, tom. IV, pag. 249-250.)—
Helmodus, au XII« siècle, signale une même dévotion à St. Vit, dans l'île de
Riigen.
£n Séquanie comme ailleurs, on a des fées, dames, demoiselles. Près de
Simandre et de Ghavennes, la pierre fiche est regardée comme la quenouille
d'une fau. Elles enseignent aux bergères dans les glottes l'art de filer et de
coudre. Les Romains, comme nous, tenaient la quenouille d'Asie, et la don-
nèrent aux trois Parques filandières. On a les trois dames blanches qui dan-
sent. Il y a Vherbe qui égare, celle qui arrache les fers des chevaux , la
fleur miraculeuse qui fait aimer des plus rebelles. (Même plante en deçà du
Jura.) Au Mont un paysan avait tamponné avec un bouchon de bois l'ouver-
ture d'un nid de pies dans un arbre. Le père était dehors, trouvant l'issue
fermée, il revint avec une herbe dans son bec, qu'il posa sur le tampon et le
fit ainsi sauter hors du trou. — Un voleur avait une herbe à laquelle ne résis-
talent les serrures d'aucune prison.
Sur le château de Montaigne, près de Vesoul, apparaît tous les ans la reine
blanche, sans tête, qui en fait le tour â minuit. — Pourquoi ces dames sont-
elles fr/anc/ics ? c'est â cause du vêtement blanc des druidesses. Les images
des démons étaient couvertes de blanc quand les Gaulois les promenaient au
IV» siècle. (Voir la vie de St. Martin. Histoire des Gaulois, de Picot, tom. III).
352 MONUMENTS DE L ANTKHJITÉ
Croyances populaires de l'Ecosse.
VElf ou VElftn est Tesprit le plus populaire des basses terres de TEcosse.
— Le Rei-Capy gardien des ruines, se tient assis sur on pan dé mur, le
frunt dans les deux mains. — Le Brownmann of the muirs^ vêtu de mousses
et de lichens sombres, habite les bruyères. Les légendes représentent des
esprits des eaux cuirassés d'écailTes. — Le Shellycoat fascine le voyageur,
qu'il égare de sa voix aiguë et du cliquetis de son armure d'écailles. — Le
Brou'nie, esprit du foyer, crie à ceux qui prolongent la veille : « Allez vous
coucher, gentlemen, et laissez-moi ma braise de minuit. » — Les JÇ//V», vifs,
agiles, capricieux, sont utiles quand on les traite bien, nuisibles quand on
les irrite. Ils sortent des montagnes à la nuit, dansent dans les prés au cTsir
de la lune, où ils laissent des cercles de verdure ; ils donnent la crampe aux
bestiaux, que le pâtre ne peut guérir qu'en les frottant de son bonnet de
laine bleue. Ils se vengent des insultes avec les cailloux triangulaires des
ruisseaux, nommés têtes de flèche de fées. — Un soir, sir Godfrey Mac-CuUoch,
dans le Galloway, se promenant à cheval, fut accosté par un petit vieillard
habillé de vert et monté sur un beau cheval blanc. Celui-ci dit qu'il était
l'hôte du senîl de sa porte et qu'il avait à se plaindre de ce que le tuyau
d'une gouttière se vidait au-dessus de sa retraite. Godfrey, bien que surpris,
l'assura que la gouttière serait changée de place, ce qui eut lieu. Bien des
années après, sir Godfrey eut le malheur de tuer dans une querelle un gen-
tilhomme du voisinage. Il fut condamné à mort, à Edimbourg. Arrivé à l'en-
droit fatal, le petit vieillard fend la foule avec la rapidité de l'éclair, monté
sur son beau cheval blanc , emporte sir Godfrey en croupe, franchit mu-
railles et fossés, et dès lors on ne revit jamais ni vieillard, ni criminel. — On
a beaucoup d'égard pour l'Elf ; dans l'île de Man, par exemple, on ne se met
jamais au lit sans avoir rempli d'eau fraîche un roseau ou un tuyau de paille,
où les Elfes viennent se baigner dès que tout le monde a fermé l'œil. Quand
ces rapports d'amitié existent, on les appelle bons voisins^ les bonnes gem,
comme d'ans les Highlands on appelle le diable, le bonhomme (goodman).
Les Elfes aiment surtout les nuits sereines, les beaux cours d'eau, dont les
galets aplatis et les cailloux creusés sont les plats et les coupes de leurs fes-
tins. Dans les jours sereins, ils traversent les airs en longue cavalcade, et
souvent on entend le bruit de leurs fouets et de lenrs brides pendant leufs
courses aériennes. Tous les moyens leur sont bons pour se procurer des che-
vaux. Ce sont eux qui fatiguent la nuit ces chevaux, qu'on trouve le matin hale-
tant dans leurs étables. Ils prennent les plus grands et les plus beaux chevafoic.
Plus rarement ils les achètent, témoin ce paysan qui vit disparaître dans la
terre, avec son cavalier, le cheval qu'il venait de lui vendre. Parfois ce sont
des chasses bruyantes avec le son lointain d'un cor.
AGE DU FER. 353
Partout les Elfes ont le pouvoir de guérir, et font part quelquefois de ce
<lon aux humains. Une jeune fille nommée Anne Jefferies, étant dans un jar-
<lin, vit tout à coup six petits êtres vêtus de vert franchir, d'un saut, le mur
d'enceinte. Longtemps elle fut malade de sa frayeur. Sa maîtresse étant
sortie un jour se blessa à la jambe ; à son retour la jeune fille la guérit par
le simple attouchement de sa main, et assura que les Elfes qui avaient fait le
mal l'en avaient prévenue aussitôt. Dès lors elle fit de nombreuses cures,
mais sans vouloir jamais rien accepter. De la moisson à Noël elle fut nourrie
par les fées et ne mangea que de leur pain, gâteau délicieux. Elle en recevait
onguents et drogues ; l'argent paraissait ne pas lui manquer. Souvent on la
voyait danser toute seule sous les arbres du verger, elle assurait qu'elle dan-
sait avec les fées. Les prêtres et les magistrats la firent enfermer dans les
prisons de Bodwin, où elle passa trois mois sans manger et en sortit vivante.
En 1696 elle vivait encore, mais on n'a pas su la cause qui avait éloigné
•d'elle les fées.
En Géorgie, à quelque distance de Gori, l'église abandonnée de Saint-
Georges était entourée d'un fil de coton qui en faisait deux ou trois fois le
tour. « Je distinguai plusieurs de ces fils, ainsi que des niches, des échevaux
•de coton, des boucles de cire, et même des monnaies déposées sur le seuil
des portes. Je vis aussi une main de fer et des fers de chevaux cloués sur la
porte principale ; d'autres de chevaux, d'ânes ou de mulets décoraient la
porte de la tour d'entrée. » (Voyage autour du Caucase, Du Bois de Montpé-
reux, tom. III, pag. t%i.)
Vierge et trésor.
En Crimée, la veille de St. Jean, une vierge apparaît sur le sommet du fa-
meux tumulus du mont d'or, attendant l'amant avec lequel elle partagera ses
trésors. Sur la cime du Ghélinkata, elle apparaît aux passants, leur sert à
boire. A Rugen, elle s'est réfugiée sur le Waschstein de Stubbenkammer,
gros bloc erratique qui s'élève au-dessus du rivage ; à Polaroid en Lithuanie,
-elle se poste sur un petit tertre, au milieu d'une prairie baignée par le Kroi.
« C'est la déesse Ligho ou Lido des Lithuaniens, leur Vénus, révérée encore
aujourd'hui dans leurs chants, et dont la fête se célèbre chaque année la
veille de la St. Jean. Les femmes, en chantant, courent dans les bois, chercher
des fleurs auxquelles elles attribuent de grandes vertus; les hommes allument
de grands feux au milieu des champs, ou mettent le feu à une tonne de gou-
-dron suspendue à une haute perche et dansent autour avec des flambeaux :
puis ils font des processions autour de leurs maisons et de leurs pro-
priétés. »
MÉM. BT DOCUM. XXT. S8
SUITE DE L'AGE DU FER
(Extrait d*aii second cours.)
AVANT-PROPOS.
Le cours qui précède traitait esssentiellement des mo-
numents des peuples barbares, depuis les temps les plus
reculés jusqu'au l^^ ou II© siècle avant l'ère chrétienne.
La méthode suivie a été une simple classification, consis-
tant à grouper les faits analogues. Après avoir déterminé
Tordre de succession de ces divers groupes, nous les avons
examinés séparément, cherchant à déduire les conclusions
qui nous ont paru ressortir nécessairement de l'obser-
vation des faits. La matière que nous nous proposons
de traiter cette fois étant la suite de ces recherches, notre
méthode sera la même. Nous aurons à étudier les débris
qu'on retrouve cà et là en Europe, et qui y ont été dépo-
sés par les barbares durant un millier d'années environ.
Au lieu de pouvoir, comme précédemment, suivre un dé-
veloppement harmonique de période en période, nous au-
rons à constater des individualités et des développements
divers. La scène change ; de vastes contrées tombent sous
la domination romaine. Des peuples nombreux sillonnent
TEurope. Le christianisme se répand.; Rome succombe;
un monde nouveau est en formation. Mais avant d'étudier
356 INTRODUCTION.
les débris qui se rattacheDt à ces divers moments il ne
sera pas hors de propos de récapituler rapidement les ré-
sultats auxquels nous sommes parvenus. Ce résumé nous
servira d'introduction.
Les peuples chez lesquels il n'y eut pas d'architecture
proprement dite n'ont guère laissé de leur passage que
des tombeaux et des monuments du culte, parfois gigan-
tesques, le plus souvent informes. L'usage d'inhumer les
morts avec leurs ornements , leurs armes et les instru-
ments de leur profession permet de se faire une idée du
degré de culture de ces anciennes sociétés. — Il est des
tombeaux nombreux dans lesquels on ne retrouve que
des instruments en pierre , sans trace de métal, d'autres
qui renferment essentiellement des objets et des instru-
ments en bronze, à l'exclusion du fer, d'autres enfin dans
lesquels le fer est employé à divers usages. A ces trois
classes répondent des modes de sépultures et des moments
distincts dans le développement de la culture humaine.
MONUMENTS DE L ANTIQUITÉ
AGE OU FER
Première période.
Ce fat durant l'âge le plos reculé que la pierre tint lieu
du métal, dont le travail était encore inconnu aux popula-
tions primitives. Ces peuples, allant à la découverte d'un
monde inhabité, nomades ou changeant souvent de con-
trée,, ne pouvaient explorer les mines, construire et entre-
tenir des établissements qui demandent déjà toute une or-
ganisation sociale. La matière, qui se rencontrait sous la
main, était façonnée pour les besoins les plus pressants.
Cette condition devint loi pendant plusieurs siècles, et l'on
est souvent surpris du parti qui fut tiré de moyens si res-
treints. Ces débris nous reportent à un âge anté historique,
difficile à déterminer par des chiffres, mais qui s'étend
au moins de Tan 2000 à l'an 1200 avant l'ère chrétienne.
Les instruments en pierre et en os , dont plusieurs sont
parfois d'une époque très postérieure , ne caractérisent
pas à eux seuls cette période reculée. Ils doivent être
rapprochés du lieu de leur découverte, de ces tumuli éle-
vés qui recouvrent les grandes salles sépulcrales; ils doi-
vent accompagner ces sarcophages à peu près cubiques
dans lesquels le mort reployé présente l'attitude de l'em-
bryon. Ces constructions tumulaires, répandues dans le
nord de TEurope, sur les côtes de l'Océan et de la Baltique,
3S8 MONUMRNTS DE L*ANT1QUITÉ.
se dirigent au-delà des MoDts^Ourals , dans TÂsie du
Dord et vers la Mongolie. D*autres, plus rares, permettent
cependant de reconstruire une voie, au midi de l'Europe,
sur les bords de la Méditerranée, de la mer Adriatique, de
TArchipel et de la mer Noire. De là , elle traverse le Cau-
case, et pénètre en Asie. L'existence de ces monuments
est même constatée dans la direction du détroit de Behring
et dans l'Amérique du Nord , tandis que les tronçons
d'une autre voie reparaissent dans les Indes. L'absence de
ce genre de tumuli dans le centre de l'Europe, la direction
de ces diverses voies convergeant en Asie, nous repor-
te vers le berceau de l'humanité, d'où se détachent ces
premières familles qui pénètrent en Europe le long des
grandes eaux, et dans le nord de l'Amérique par le dé-
troit de Behring.
Dans les âges où l'on élevait ces immenses tumuli, sou-
vent entourés de piliers bruts et surmontés de grands au-
tels, les instruments en pierre déposés dans les tombes
présentent des formes variées : ce sont des haches, des
coins, des gouges, des ciseaux pareils à ceux des maçons
ou des charpentiers, des marteaux, des pointes de lance,
de javelot et de flèche, des poignards , des couteaux, et
même des scies en silex , ainsi que des hameçons et des
ancres de bateau. L'ambre, des coquillages et des dents
d'animaux, percées d'un trou, servaient de colliers ou d'a-
mulettes. Des vases d'argile grossière commencent à se
recouvrir de quelques ornements. L'étude de ces pièces
nous a fait voir qu'elles avaient été fabriquées par des
procédés aussi simples qu'ingénieux. — Il résulte aussi
des faits observés que ces peuples s'adonnaient entr'au-
tres à la pêche et à la chasse, sans qu'on puisse affirmer
AGE DU FER. 3S9
qu'ils aient été entièrement étrangers à l'agriculture. Ils
connurent la navigation, du moins dans ses premiers élé-
ments. Le travail de l'os et de la pierre présente parfois
un fini surprenant. Ils surent détacher des rochers des
blocs immenses, qu'ils ont souvent transportés à des dis-
tances considérables. On est à se demander de nos jours
par quel déploiement inconcevable de force et de dexté-
rité on est parvenu à soulever les blocs destinés au culte
ou à la construction des salles sépulcrales. On retrouve
déjà les premiers essais de l'art, exprimés par des poin-
tillages, des rayures diverses, par l'incrustation et par la
gravure sur pierre. L'imperfection du dessin n'en montre
pas moins une population chez laquelle la préoccupation
de l'utile commence à faire place au sentiment du beau.
Plusieurs animaux, entre autres le cheval, le chien, le co-
chon et la poule étaient réduits à l'état de domesticité. La
découverte des lieux de fabrique nous a révélé, non-seu-
lement les moyens employés à la confection des instru-
ments, mais encore l'établissement de professions. Avec
celles-ci l'échange devient nécessaire, et le commerce
prend naissance. L'existence de tombeaux de famille ou
de tribu ne peut provenir que de populations qui ont re-
noncé à la vie nomade, peu propre à l'exercice de profes-
sions et à rétablissement de lieux de fabrique. Les autels
nous font voir qu'il était des dieux dont il fallait recher-
cher la faveur ou apaiser la colère par des offrandes ou
des sacrifices, et la dépouille mortelle de l'homme, dépo-
sée dans le sein de la mère universelle du genre humain,
avec l'attitude de l'embryon , nous parait révéler la foi à
une vie à venir, et même à la résurrection des corps.
Les constructions et les instruments de cette période
360 MONUMENTS DE L*ÂNTIQU1TÉ.
reculée oot tous un aspect frappant de parenté. Il faut ce-
pendant distinguer à cet égard les traits qui proviennent
d'un emprunt à une source commune, de ceux qui , étant
propres à l'enfance des sociétés, sont plus particulière*
ment l'expression de l'unité de l'esprit humain.
Age de transition de la première à la seconde
période.
Nous avons dit qu'il est une classe de tombeaux d'après
lesquels on voit que le bronze a été d'un usage général,
même pour les instruments tranchants. Toutefois, l'intro-
duction de ce métal n'a pu être instantanée. L'observation
des faits, quoique très incomplète, indique un âge de tran-
sition pendant lequel le métal apparaît çà et là, comme une
rareté, au milieu d'instruments en pierre, tandis qu'un
peu plus tard, c'est la pierre qui devient l'exception. I!
dut en être ainsi. Le prix attaché à la matière nouvelle en
fit tout d*abord la propriété du riche et du puissant. Elle
servit aussi à perfectionner les instruments primitifs et à
percer les haches d'un trou pour y introduire la hampe.
Là découverte de lourds marteaux en pierre dans des mi-
nes de cuivre de l'Autriche et de la Sibérie témoigne de la
rareté du métal. Une fois qu'il fut généralement répandu,
la pierre resta encore entre les mains du prêtre, comme
matière sacrée, et pendant bien des siècles, le peuple lui
accorda la valeur d'amulette. — En même temps que le
métal, de nouveaux modes de sépulture sont introduits, et
les tombeaux pénètrent déjà plus avant dans l'intérieur
des terres.
AGE DU FEa. 361
Seconde période.
LMDtroductioD du métal en Europe parait avoir été plus
ancienne dans le midi que dans le nord ; cependant il a dû
être connu dans le nord plus d'un millier d'années avant
rère chrétienne, et il s'est écoulé environ 800 ans avant
que le fer ait été d'un usage général. La connaissance de
l'étain, du plomb , de l'or et de l'argent suivit de près
celle du cuivre, bien que dans certaines contrées*, l'ar-
gent ne paraisse guères qu'avec le fer. La conquête de ces
nouvelles matières eut une puissante action sur le déve-
loppement des sociétés durant cette période, ce dont on
peut se faire une idée en examinant les débris qui sont
arrivés jusqu'à nous. Les armes offensives sont des ha-
ches de formes variées, dont quelques-unes ont été des
insignes de commandement, des épées, souvent d'un beau
travail, munies de poignées courtes et ornées, des poi-
gnards de même genre, mais avec des lames plus longues
et moins larges, et des pointes de lance, de javelot et de
flèche, simples ou chargées de gravures. Les armes dé-
fensives sont plus rares, on a cependant retrouvé des
brassards, un casque et des boucliers entièrement en
bronze. Les loures ou cors gigantesques du Danemark
complètent cet appareil guerrier. — D'entre les instru-
ments domestiques, on possède entre autres des serpes,
des faucilles, des couteaux , des scies, des ciseaux , des
poinçons, des aiguilles, des perles à filer, des hameçons
* Entr'autres le Mecklembourg, le Danemark et la Suède.
362 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
et des poids de filet. — Les orDements présentent une
grande variété de formes et de gravures : ce sont des dia-
dèmes, des peignes, des épingles et des colliers, des bra-
celets, des bagues, des anneaux de jambe, des ceintures
et des broches. Quelques parties d'étoflfes et de cuir, res-
tes de vêtement , ont été conservées, ainsi qu'un grand
nombre de vases d'argile et d'urnes cinéraires. Les vases
du culte sont ordinairement en bronze et quelquefois en
or. — Quelques passages d'auteurs anciens et la décou-
verte de mines anciennement exploitées, dans lesquelles
se trouvaient des instruments de cette période, montrent
que le métal fut déjà exploité alors dans les iles de Chypre
et d'Eubée, en Espagne, dans les Gaules, dans la Grande-
Bretagne, chez les Germains et les Scandinaves, et même
en Sibérie. Dans plusieurs lieux des fouilles ont révélé
l'existence de fonderies dont l'antiquité est constatée par
la présence et la nature de divers objets ébauchés ou pris
en partie dans les moules. L'art du mouleur précéda celui
du forgeron, cependant on connut fort anciennement l'en-
clume, le laminoir, la tréfilerie, le bosselage, la gravure
et l'incrustation sur métaL La trempe et l'alliage donnè-
rent au cuivre le tranchant et l'élasticité de l'acier. Au
moyen de l'analyse chimique on est arrivé à des résul-
tats intéressants en déterminant les proportions suivies
dans l'alliage et en constatant que l'emploi du zinc est
beaucoup moins ancien que celui de l'étain.
Les tombeaux qui renferment ces divers objets diffèrent
sensiblement des grandes salles sépulcrales et des tumuli
élevés de l'âge primitif. L'attitude de l'embryon disparaît;
les corps, étendus sur le dos, reposent dans un cercueil
en dalles brutes, ou simplement sur un pavé, ou même en
AGE DU FER. 363
terre libre. Le plus souvent le mort a été brûlé. L'urne,
qui renferme les cendres, contient aussi des débris d'or-
nements et des armes brisées. Les vases sont quelquefois
déposés dans une niche, d'autres fois entourés de cailloux
roulés et parfois placés dans la terre sans aucun entou-
rage. Les collines qui recouvrent ces sépultures sont gé-
néralement moins grandes que dans la période précé-
dente ' : elles ne portent plus, ni autels., ni couronnes de
piliers'. Dans quelques contrées, les tombes sont déjà
déposées par alignement dans la terre, sans qu'aucun
ornementa l'intérieur du sol indique leur existence.
La statistique des divers modes de sépulture nous re-
porte en Orient, comme à leur point de départ ; de là ils
se répandent en Europe et pénètrent dans la plupart des
pays. Quand on les rapproche de ce que l'inhumation fut
primitivement, et si l'on tient compte qu'à leur origine ils
provenaient de croyances diverses et de peuples divers,
on ne peut douter qu'une grande révolution ne se soit
accomplie et que d'autres populations n'aient fait invasion.
Une lutte violente s'est engagée. Les habitants primitifs,
vainqueurs sur quelques points, ont été vaincus sur les
autres, soumis ou refoulés dans l'intérieur des terres. Une
fusion s'est opérée sous une influence nouvelle. D'entre
ces populations qui nous apparaissent comme un tout ho-
mogène, plusieurs se sont formées d'éléments différents,
qui s'harmonisent en se développant, mais non sans con-
server quelques caractères de leur diversité d'origine.
* H faut excepter le Necklembourg, où les collines du premier âge sont
ordinairement moins élevées que celles de l'âge du bronze.
* Cette affirmation ne doit pas être trop absolue. Je ne me remets pas
d'exemple d'autels et de couronnes, mais bien de cercles de piliers à la base^
ce qui se reproduit quelquefois encore après Tintroduction du fer.
364 MONUMENTS DE L*ANTIQ|IITB.
On voit les connaissances humaines s'agrandir et se
multiplier durant cette période. L'exploitation des mines
et le travail des métaux acquièrent un développement qui
entraîne avec lui toute une organisation sociale. L'art du
potier se perfectionne, ceux du tisserand, du teinturier et
du tanneur se retrouvent partout. La braie et le sagum
aux carreaux éclatants, vêtements des anciens Gaulois,
sont aussi propres à d'autres peuples. Le sol est livré à
la culture, on possède la herse , des charrues de formes
variées, des chariots à quatre roues. Le blé, le milliet et
le Un sont cultivés, ainsi que l'olivier, le citronnier et le
figuier dans les contrées les mieux exposées. Le midi des
Gaules connaît déjà la vigne 5 à 6 siècles avant notre ère,
et le vin est resserré dans des tonneaux en bois, pareils à
ceux dont nous nous servons de nos jours. Les blés et les
troupeaux d'animaux domestiques deviennent un article
important de commerce entre la Gaule et Tltalie, de même
que l'étain et l'ambre, dans la Grande-Bretagne et sur les
bords de la Baltique. Des vaisseaux à doubles rangs de
rameurs ou conduits par des voiles de cuir ou d'étoffe de
lin sillonnent les mers du Nord*. Le grand cor excite les
guerriers aux combats et la lyre des bardes et des scaldes
célèbre les hauts faits. L'art, encore imparfait, s'exprime
par un goût excessif de la parure, des couleurs éclatantes
et des ornements de détail, sans savoir s'élever à la pureté
des contours, h la simplicité du fond et à l'imitation de
la nature animée*.
* La construction de bâtiments qui portaient jusqu'à quarante rameurs ne
peut provenir que d'une industrie avancée.
* Il faut en excepter les représentations informes des monnaies celtiques et
la rare gravure de quelques têles de dragons.
AGE DU FER. 36S
Un fait remarquable est l'identité des formes dans les
contrées les plus diverses. On a vu là l'extension de l'in-
dustrie du midi répandant ses produits jusqu'au nord,
mais un examen attentif nous conduit à chercher de nou-
veau en Orient l'idée première qui préside à ce grand
développement. L'ensemble de ces monuments nous frappe
davantage par de nombreux traits d'analogie que par les
caractères distinctifs d'un peuple à un autre peuple. On a
tracé de profondes lignes de démarcation qui s'effacent
peu à peu devant une étude générale, aussi ne sera-ce
qu'après avoir beaucoup recueilli et comparé qu'on par-
viendra à saisir des traits caractéristiques, que nous ne
croyons pas encore suffisamment déterminés.
Arrivés au terme de cette période, nous nous sommes
bornés à tracer une esquisse rapide de la période sui-
vante, sur laquelle nous avons à revenir maintenant; mais
afin de compléter ce tableau quelques moments ont été con-
sacrés aux monuments du culte * . Des découvertes récen-
tes, dans le pays, se rattachant à ce sujet, il ne sera pas
hors de propos de résumer aussi fort brièvement ce que
nous avons dit à cet égard.
Monuments du culte.
Les Barbares n'élevèrent pas de temples proprement
dits. Ils adoraient leurs divinités dans des lieux consacrés
* La place la plus naturelle pour la tractation de ce sujet serait à la suite
de la troisième période, c'est-à-dire après l'étude des monuiBents tumiiladres.
366 MONUMENTS DR L^ANTIQUITt.
dont l'enceinte était seulement déterminée par des blocs
de grandeurs diverses. Les cérémonies du culte se pra-
tiquaient aussi sur les lieux hauts, auprès des eaux cou-
rantes et dans les forêts de chêne; le plus souvent pen-
dant la nuit, de préférence à la clarté du jour. La connais-
sance des présages constituait à elle seule toute une étude.
Si les auteurs anciens ne nous ont laissé que des ren-
seignements très incomplets sur ces croyances, nous en
retrouvons des traces nombreuses dans les traditions po-
pulaires et dans ces superstitions de tout genre qui ont
encore cours au milieu de nous. Un grand nombre de
contrées conservent aussi des blocs informes, objets
d'une ancienne vénération, dont nous avons eu à retracer
les genres principaux.
La plus ancienne représentation des dieux de la Grèce
consistait en des pierres brutes affectant la forme carrée
ou conique ; plus tard la partie supérieure de ces blocs
représenta une tête humaine, et ils reçurent le nom d'Her-
mès : tels étaient les dieux Termes des Romains ; dans les
fêtes qui leur étaient consacrées on les oignait d'huile et
on les couronnait de guirlande de fleurs. Ces piliers bruts
et sans tête, appelés en France Men-hirs, se retrouvent
en Asie et dans la plupart des pays de l'Europe, où l'on
a encore dans quelques localités l'habitude de les oindre
d'huile et de les couronner de fleurs. En Espagne les pre-
miers chrétiens les désignaient comme les pierres de Mer-
cure. Chez les anciens Germains ils portaient le nom de
colonnes d'Hermès et chez les Scandinaves, celui de co-
lonnes de Thor ; on les appelle encore de nos jours, pier-
res des oracles et pierres du soleil ; la hauteur de ces
monolithes est en moyenne de 8 à 10 pieds; les plus
AGE DU FER. 367
considérables que l'on connaisse mesurent 50 et 63 pieds
d'élévation.
Bien plus rares sont les pierres mouvantes, blocs gigan-
tesques du poids de 9 à 12000 quintaux placés en équili-
bre sur un piédestal terminé en pointe, de manière que
la plus légère impulsion les fait vaciller, tandis qu'ils ne
pourraient être déplacés sans un grand déploiement de
force. On tirait autrefois différents présages de l'oscillation
de ces pierres. Au coup de minuit, elles font encore un
tour sur elles-mêmes, et des esprits malins s'amusent
souvent à les mettre en mouvement. On montre dans le
canton plus d'un bloc de granit, qui, sans être déposé de
la même manière, reçoit les mêmes impulsions.
Il reste encore un grand nombre A'autels des peuples
barbares isolés dans les plaines et sur les hauteurs ou
réunis à d'autres monuments. Plusieurs sont de simples
blocs de granit dont on reconnaît la destination par les
rainures, les creux circulaires et certains signes taillés
sur la pierre. Au-dessous on trouve parfois des haches et
d'autres instruments en pierre et en bronze qui paraissent
avoir appartenu au culte. Il n'est pas toujours facile de
distinguer ceux sur lesquels on ne faisait que déposer les
offrandes de ceux qui étaient destinés aux sacrifices san-
glants. Quelquefois la table de l'autel, peu élevée au-des-
sus du sol, repose sur trois supports disposés à angle droit;
d'autres fois, ces supports sont assez hauts pour former
une espèce de cellule, ce qui leur a fait donner le nom A^au-
tels-groties. Les Français les appellent dolmens lorsque la
table est horizontale, et demi-dolmens quand elle est incli-
née de manière que l'une des extrémités repose sur le
sol. On désigne aussi par les noms de dolmens, lécavènes
368 MONUMENTS DE l'âNTIQUITÂ.
OU trilithes, deux piliers, parfois très élevés, surmontés
d'une dalle en forme d'architrave. La réunion de plusieurs
de ces monuments, rapprochés les uns des autres sur la
même ligne, forme les autels prolongés de l'Allemagne,
appelés en France allées couvertes. Cette variété de cons-
tructions tient sans doute à la diversité des dieux, des
sacrifices et des offrandes. C'est ainsi que chez les Grecs,
les autels des dieux du ciel étaient plus élevés que ceux
des dieux de la terre, tandis que pour les divinités infer*
nales on creusait souvent des fosses dans le sol. Les dé-
nominations populaires rattachées aux traditions jettent
parfois quelque jour à cet égard. Le peuple donne en plus
d'un lieu à ces autels les noms de pierres des druides,
des fées ou des elfes, pierres d'épreuves, pierres de châti-
ment ou pierres de la fiancée. Après l'introduclion du
christianisme, ils reçurent ceux de pierres du nhensonge ou
pierres du diable.
Les premiers conciles condamnent sévèrement les céré-
monies qui se pratiquaient encore pendant la nuit auprès
de ces autels ; ils ne nient point l'existence des faux dieux
qu'on y adorait, mais ils en font des dieux mauvais, des
dieux vaincus, qui ne pouvaient résister au vrai Dieu. Il
n'est pas sans intérêt de retrouver ces idées exprimées
par quelques épopées chevaleresques du moyen âge.
Si la sculpture proprement dite ou la représentation d&
figures humaines parait très rarement sur les monuments
du culte, c'est que le développement de cet art a dû être
arrêté par des idées religieuses. L'un de ces blocs excep-
tionnels est la pierre aux dames de Genève, qui repré-
sente, en demi bosse, les figures de quatre femmes, dont
les proporlions, Tatlitude, et le vêtement offrent un rap-
AGE DU FBR. ^ 369
port surprenant avec les baba du midi de la Russie et
du nord de TAsie. On peut encore citer comme essai de
l'art du statuaire chez les Barbares, la statue de femme,
de grandeur plus que naturelle, découverte dans le Wur-
temberg. En France, on voit sur quelques blocs, des
moulures, des croissants et des encadrements divers.
En Angleterre, des rochers ont été taillés en forme de
bassins, de vases gigantesques et de sièges. Quant à la
sculpture Scandinave on ne peut mentionnner que les
images de vaisseaux gravées sur les rochers. Les figures
fantastiques qui recouvrent plusieurs pierres tumulaires
sont accompagnées d'inscriptions runiques qui datent
d'une époque postérieure à celle qui nous occupe.
Les divers monuments dont nous venons de parler sont
des blocs de formes et de destinations diverses isolés ou
groupés sans ordre. Un grand nombre de blocs pareils
sont déposés ou dressés sur le sol à peu de distance les
uns des autres, de manière à entourer un espace déter-
miné, et à figurer des cercles, des ellipses, des carrés,
des triangles et des alignements droits ou sinueux. Un
autel et un grand men-hir occupent souvent le centre ou
les extrémités de ces figures appelées Cromlechs en
Frauce et lits des Huns en Allemagne. La ville de Phares, en
Achaïe, possédait un de ces arrangements ; chaque pierre
portait le nom d'un dieu et recevait les honneurs divins.
Auprès de Tautel était un Hermès dont on obtenait des
révélations au moyen de certaines offrandes, et en allu-
mant des lampes sur la table. Non seulement on retrouve
chez les Barbares le même arrangement de blocs, mais la
tradition leur donne des dénominations qui rendent ces
rapports encore plus frappants. Ce sont les cercles druidi-
MÉM. ET DOCUM. XXV. %k
370 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
ques, les temples des druides, les jardins, les dames oo
les noces des fées. Dans quelques contrées, le peuple exé-
cute encore ses rondes alentour ; ailleurs ce sont les es-
prits malfaisants qui y tiennent la riola ou la chette, pré-
sidée par le grand bouc ; pendant la nuit des bruits mys-
térieux ou des apparitions témoignent de la présence des
êtres surnaturels auxquels étaient consacrés ces monu-
ments.
On se fait difficilement une idée du nombre et de la
grandeur des matériaux employés. Lorsque les aligne-
ments de Carnac étaient complets on y comptait environ
10000 piliers.
La France occidentale, TAngleterre, le nord de l'Alle-
magne et la Suède possèdent un grand nombre de ces
enceintes. On les retrouve aussi dans le midi de l'Europe,
dans le nord de l'Asie, dans les Indes, dans le Bengale,
même dans le Brésil.
Un genre de construction qu'on croit généralement
propre à la Grèce et à l'Ilalie porte le nom de murs cy-
clopéem. La Sardaigneel les iles Baléares possèdent de ces
constructions ainsi que plusieurs contrées au nord des
Alpes. En Angleterre, en Irlande et en Ecosse ces murs
entourent des espaces plus ou moins grands, ronds ou
carrés. Sur les bords du Rhin ils portent le nom de murs
on château des païens. Du centre de l'Allemagne ils pas-
sent en Bohême et en Moravie. En Suède ils affectent des
formes particulières, tandis que dans les provinces rus-
ses de la Baltique ils ressemblent à ceux de l'Allemagne.
A l'intérieur, la présence d'autels et de men-hirs indique
leur destination religieuse, et la découverte d'urnes ciné-
raires semble les faire remonter à la seconde période.
AGE DU FER. 37 i
Un autre genre de murs ou de constructions des temps
païens consiste eu des levées de terre, hautes de 10 à
100 pieds, et de forme circulaire, ovale, carrée ou trian-
gulaire. L'espace circonscrit est généralement plus élevé
que le sol environnant et présente, quand on le fouille,
une couche épaisse de cendres et de charbons, auxquels
sont mêlés des débris d'ossements, dfi poterie et d'instru-
ments divers en fer ou en bronze. Ces constructions occu-
pent également les lieux élevés et les marécages. Particu-
lièrement nombreux en Russie, les chants populaires les
célèbrent comme des lieux sacrés destinés au culte. En
Litbuanie, ce sont de préférence de grandes collines arti-
ficielles terminées en terrasse, comme un cône tronqué,
et présentant aussi à leur sommet des traces de feu et de
sacrifices. On les retrouve en Allemagne dans toutes les
contrées habitées par les Wendes. Le manque de fouilles,
en France et en Angleterre, ne permet pas de dire au
juste si ces espèces de retranchements ont été consacrés
au culte ou à la défense en temps de guerre.
Les monuments du culte présentent de grands rapports
dans l'Europe barbare, mais si nous avons retrouvé dans
la plupart des pays des autels et des men-hirs de même
genre, les enceintes sacrées présentent cependant des va-
riétés de constructions propres à certaines contrées. Nous
voulons parler des cromlecks ou arrangements de blocs,
des murs cyclopéens et des retranchements en terre. Les
premiers sont surtout répandus dans les contrées habitées
le plus anciennement. Du nord de l'Asie, nous les voyons
pénétrer en Europe le long des grandes eaux avec les fa-
milles primitives ; on les retrouve aussi dans les Indes, et
même dans le nord et le midi de l'Amérique, sur les bords
372 MONUMENTS DB l'aNTIQUITÉ.
de rObio, et dans le Brésil. — D'autre part, les mors des
païens se groupent davantage dans l'intérieur des terres,
auprès des tumuli appartenant à l'âge de l'astion. Au
nord des Alpes, ils nous paraissent appartenir à la se-
conde grande invasion d'orient en occident, bien qu'ils
renferment encore Tautel en pierre et le men-hir. Enfin,
les enceintes en terre, propres surtout au nord de l'Asie,
à la Russie et à l'Allemagne, datent de la troisième période,
et ne se rattachent plus au culte des piliers bruts ou des
Hermès, comme cela avait lieu aux âges précédents.
Découvertes faites en 1849 dans le canton
de Vaud.
f
Nous aurions maintenant à parler de quelques monu-
ments du culte découverts récemment dans le canton de
Vaud et qui répondent à un ensemble de monuments
dont la reproduction en Suisse est propre à jeter quelque
jour sur le passé obscur de l'ancienne Helvétie.
Au pied du Jura, entre les communes de Mont-la- Ville
et de Lapraz, le bois des Queues descend de la montagne
sur un terrain livré à la culture. Ce bois, ainsi que les
forêts voisines, contient plusieurs blocs erratiques, dont
quelques-uns sont d'une grandeur étonnante, ce qui
n'empêche pas l'un d'entre eux de faire un tour sur
lui-même au coup de minuit. Le plus remarquable est
cependant bien loin d'avoir ces dimensions colossales
qui attirent les regards du passant. Long de 10 7t pieds
sur 4 à 5 de largeur, il présente une surface en triangle
A6B DU FER. 373
allongé , à peu près isocèle , dont le sommet ne s'élève
qu'à un pied et demi au-dessus du sol, tandis que la base
du triangle est presque à fleur de terre. Le bloc est exac-
tement orienté du levant au couchant ' , et ses côtés des-
cendent verticalement dans le sol. Les habitants de la con-
trée l'appellent la pierre des Ectielles parce qu'elle porte
sur sa surface des bassins taillés dans le granit. Ces bas-
sins sont au nombre de 25. Deux sont ovales, et les 23
autres ont la forme d'une demi sphère concave. Le plus
grand mesure 9 pouces de diamètre sur 4 Vt de profondeur
et les plus petits ont à peine 2 pouces d'ouverture; quel-
ques rainures peu nettes courent en sens divers et aucun
ordre apparent n'a présidé à la disposition des bassins. —
Un examen attentif ne permet en aucune manière de voir
là des accidents produits par la nature. D'autre part , la
dureté du granit et la régularité des contours ont exigé
une main ferme et exercée ; mais dans quel but a-t-on pu
creuser ces curieuses entailles? Faites dans les temps mo-
dernes, elles seraient un jeu dont on ne pourrait com-
prendre la raison' ; pratiquées dans l'antiquité, elles s'ex-
pliquent facilement. Nous trouvons en effet cette explica-
tion en rapprochant ce bloc des blocs analogues conser-
vés dans l'occident de la France et dans les pays du nord,
où l'on voit des pierres de dimensions très diverses, cou-
vertes des mêmes bassins et des mêmes rainures, isolées
* L'orientation peut être naturelle.
* Une mousse épaisse recouvrait plusieurs bassins, ce qui reculerait déjà
assez loin ce travail pour ne pouvoir supposer Tœuvre d'un plaisant. Le
dernier dessin que j'ai pris indique plusieurs rigoles qui m'avaient échappé
la première fois.
374 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
OU placées au ceutre des cercles druidiques. L'agriculteur
et Tantiquaire y reconnaissaient les autels du culte païen.
Beaucoup d'opinions ont été émises sur la destination de
ces petits bassins ; celle à laquelle nous donnons la préfé-
rence nous a été suggérée par les superstitions qui se
pratiquent encore de nos jours en Suéde, dans la province
de Westmanie. Près de Linde, esih pierre des Elfes, objet
d'un culte superstitieux. Quelqu'enfant devient-il malade,
les parents vont pendant la nuit auprès de l'autel et, afin
de se rendre favorables les Elfes, protecteurs de la famille,
ils remplissent l'un des bassins d'une substance grasse au
milieu de laquelle ils placent une petite poupée informe,
image de l'enfant malade ; parfois, ils allument aussi, dans
le même but, une lumière sur l'autel ^ Ces traits sont
d'une grande analogie avec les céré(nonies qui se prati-
tiquaient sur l'autel de Phares, en Acbaïe, et nousne pou-
vons douter que ces usages n'aient été répandus dans la
plupart des pays de l'ancienne Europe quand nous lisons
dans les canons des conciles du IV^au IX^ siècle les anathè-
mes prononcés contre tes adorateurs des pierres, accusés
de déposer pendant la nuit des ex-voto sur certains blocs,
dans certaines forêts, d'y allumer des cierges, d'y invo-
quer des esprits malfaisants et d'y pratiquer les cérémo-
nies de l'ancien culte. Peu à peu, ces cierges et ces ex-
voto furent admis sur des autels chrétiens. On retrouve
encore dans le Wurtemberg, et plus particulièrement dans
la Bavière, des images informes de vaches et de chevaux*
* Voir dans Encyclop. le mot Bougie.
* Et (le petits hommes en fer du travail le plus grossier ; on prétend qu'ils
y ont été déposés du quatorzième au seizième siècle.
AGE DU FBR. 375
qui ont été déposées dans Tintérieur des temples, afin
d'obtenir la santé du bétail malade. Ainsi se perpétuent
à travers les siècles les pratiques *du culte qu'on rendait
aux faux dieux. La survivance de ces anciens usages et
Tanalogie des blocs auxquels ils se rapportent suffisent
pour indiquer la destination de la pierre aux écuelles de
Mont-la-Ville*.
Sur le sol fortement ondulé qu'occupe la commune de
Burtigny, s'élève, au nord-est de ce village, la haute col-
line de Prévond ctAvaud que couronne le bois des Tattes.
Les vieillards de la localité se souviennent d'avoir vu à
la place de ce jeune bois de sapins un pâturage couvert
de blocs de granit. La plupart de ceux-ci existent encore,
mais parfois ils se cachent dans des fourrés qui en rendent
l'abord difficile. Tel est le cas de la Pierre Féboux , bloc
erratique qui mesure 4 7t pi^ds de hauteur sur 39 de
pourtour. Sa surface affecte la forme d'un heptagone irré-
gulier, dont les côtés descendent en plans inclinés qui
avancent sur le sol ou rentrent sous la pierre. Ce bloc ne
porte pas moins de 104 bassins circulaires ou ovales, et
groupés sans aucun ordre ; les plus grands ne mesurent
que 5 pouces de diamètre à leur ouverture ; quelquefois,
deux bassins sont unis l'un à l'autre par une rainure en
ligne droite, d'autrefois, les rainures descendent en ondu-
lant sur les côtés du bloc. On le voit, la Pierre Fébaux ap-
partient encore à la classe des autels dont nous venons de
* Voyage autour du Caucase, tom. IV, pag. 72. Du Bois de Montpéreux
parle d'un temple dans la province de Karabakh, à Torient de l'Arménie,
dont l'intérieur était paré d'offrandes, sous forme de bœufs ou de chevaux en
terre cuite chargés de lampes ou candélabres de la môme matière, tous
travaillés par un ouvrier du pays.
376 MONUMENTS DE l'aNTIQUITE.
parler. Non loin de là, une pierre, longue de 5 '/s pieds sur
2 7, de largeur, est arrondie en arc de cercle dans sa par-
tie supérieure ; le long de cet arc sont taillés 7 bassins
de grandeur pareille, déposés sur la même ligne à des dis-
tances égales. — Une autre pierre, à peu de distance de
la forêt porte aussi 7 petits creux disposés de la même ma-
nière.— Il n'est pas sans intérêt de retrouver cette même
disposition, au nord de rAllemagne, sur un autel du
Brandenbourg ^ Enfin, à l'entrée du bois desTattes, est
un bloc colossal, qui mesure 70 pieds de tour sur lO'/t de
hauteur. On l'appelle la Pierre à Roland; elle est le
rendez-vous des jeunes bergers, qui aiment à danser
sur sa plateforme inclinée. Un autre bloc, un peu
moins grand, n'est éloigné du précédent que de 47
pieds. La tradition raconte que Goliath, étant sur la
Dôle, s*amusait à jouer au palet. Ifjette une pierre pour
but qui va tomber à A lieues de distance sur le Prévond'
d'Avaud; le second bloc, le plus grand, qu'il lance d'une
main ferme, dépasse le but ; irrité de l'avoir manqué, Go-
liath arrive en quelques pas, et de sa bonne lame, partage
en deux pièces le gigantesque palet. L'agriculteur du voi-
sinage montre en effet une fissure verticale de 7 pouces
de large, qui divise le bloc en deux parts ; il fait observer
avec soin que ces deux fragments ne peuvent appartenir
qu'à la même pierre, et il ne conçoit pas qu'une autre
force que celle d'un géant ait pu opérer cette rupture, mais
il n'explique pas comment il arrive que le palet de Go-
* Pierre de KUmpin^ avec dix entailles, carré long, Beckmann, T. III,
pag. 3AS. Des autels pareils existent en Mecklembourg. Pierres de Boitin,
l'une avec 7 entailles en ligne droite, une autre avec 12, aussi en ligne droite,
Lisch, planche XXXVII.
AGE DU FER. 377
liath s'appelle la pierre à Roland'; il montre en outre
l'empreinte du pouce de Goliath , empreinte indiquée
par une ouverture si petite qu'elle fait honneur à la
main du géant. Un géologue verrait sans doute dans
cette rupture du bloc le témoignage d'une chute vio-
lente, déterminée par le travail d'un glacier; l'antiquaire
y cherche moins le travail de la nature que celui de la
main de l'homme, qui a aussi laissé ses traces sur la
pierre à Roland. On y voit en effet les restes d'un grand
bassin circulaire de 17 pieds de diamètre sur 3 pieds de
profondeur; on y distingue encore les empreintes un peu
effacées d'un pied humain et de pieds de chevaux. Ce bloc
porte ainsi les caractères de ces pierres d'épreuve sur les-
quelles on faisait monter les accusés ; l'innocent passait
impunément, mais, d'après la tradition, le coupable y lais-
sait Tempreinte de ses pas, et, convaincu de crime , il ne
tardait pas à en subir le châtiment*.
Ces monuments du culte, pareils à ceux du Nord jusque
dans les plus petits détails, révèlent une foi qui devait
avoir beaucoup de points communs. Leur situation indi-
que l'existence d'une population répandue dans le pays
jusqu'au pied du Jura, et cependant ces blocs étaient uti-
lisés comme des autels, non-seulement avant l'introduc-
* En Allemagne les statues et colonnes de Roland président à la jus-
tice. Chaque année on exécutait devant elles une danse publique. Voir là-
dessus Wagener, Deuitch AlUrthùm\ S. 568, mot Roland. La pierre
d'épreuve de Burtigny, portant le nom de Pierre-à-Roland, indiquerait ainsi
la pierre du jugement. Les danses des enfants sur ce bloc serait-elle le sou-
venir d'un usage plus ancien ?
* Ainsi à Riigen, Suède, blocs avec bassins et quatre pieds humains. Mo-
nuro. du Bohëstan, Gôthiska Monumenta, pi. VI, fig. 2. Id. Sjôborg, tom.
Il, pi. 14, fig. 28. — Mecklembourg.
378 MONUMENTS DK l'aNTIQUITÉ.
tion du cbristiaDisme , mais encore avant la domiDation
romaine en Helvétie. On peut se représenter à cette épo-
que le pays couvert de forêts et de marécages nombreux ;
les demeures circulaires, chétives, construites de claies,
d'argile et de chaume ; répandues ou groupées dans les cam-
pagnes et sur les bords du lac elles n'étaient point alignées
à la manière de nos villes ; la richesse des habitants con-
sistait en esclaves et en troupeaux, ils mettaient leur or-
gueil dans leurs armes, dans leurs ornements et dans la
force de leurs bras. Les autels de cet â^e reculé rappellent
les cérémonies nocturnes du culte , les offrandes, les lu-
mières allumées dans l'obscurité des bois et les épreuves
entourées de mystère ; d'autres découvertes vont nous ré-
véler les sacrifices et les sanctuaires des prêtres.
A l'extrémité du plateau du Châtelard, qui s'étend au
couchant de Chavannes sur le Veyron, s'élève une colline ou
mamelon en forme de cône tronqué, haute de 22 pieds sur
114 de diamètre à sa base. Ce monticule est posé sur
le bord d'un précipice, au fond duquel le Veyron roule ses
eaux dans un lit accidenté et resserré par de hautes parois
degrés molasse. Du côté du plateau, deux fossés, pro-
fonds chacun d'environ 10 pieds, ceignaient la base de la
colline en arc de cercle, dont les extrémités restaient ou-
vertes sur le ravin. Le propriétaire du sol vient de com-
bler en partie ces fossés avec divers débris enlevés à la
colline , et la tranchée , opérée à cet effet , ,a permis de
constater la curieuse construction de ce monticule. A la
base est une couche étendue de cendres et de charbons,
épaisse d'environ un pied, sur laquelle repose un lit de
cailloux roulés et de la terre argileuse. Au-dessus vien-
nent de nouvelles couches de cendres et de charbons.
AGB DU FBB. 379
de pierres et de terre, qui se succèdent ainsi alternative-
ment jusqu'au sommet de la colline, dont la dernière cou-
che de terre a environ 2 pieds d'épaisseur. Les couches
sont interrompues çà et là par des excavations ou des vi-
des d'autant plus surprenants que la terre qui en forme
les parois n'est soutenue par aucun corps solide; il faut
sans doute qu'une matière dècomposable ait permis la for-
mation de ces cavités, qu'il est du reste difficile d'expli-
quer d'une manière satisfaisante. Cette construction par
couches successives diffère dé|à de celle des tumuli dans
lesquels on retrouve l'usage de l'ustion, mais la différence
du contenu est encore plus prononcée : De nombreux dé-
bris d'ossements et d'objets divers sont mêlés aux couches
de cendres et de charbons ; d'entre les ossements, les uns
sont à moitié carbonisés, les autres, sans marque de feu,
ont été plus ou moins concassés, et portent parfois des en-
tailles, évidemment faites avec des instruments tranchants,
tous ont été dispersés de telle sorte qu'il ne reste nulle
part l'assemblage d'aucun squelette; ce sont de nombreux
restes du cheval, de la vache et du cochon ; un os d'oiseau
bien conservé, parait être l'Aumerus d'un faucon, d'autres
ossements, non encore suffisamment déterminés, paraissent
appartenir à des animaux sauvages ; mais un fait dont il
faut prendre note , est l'absence totale d'ossements hu-
mains. On a découvert en outre des fragments de verre et
de poterie grossière , une masse de fer carrée , du poids
de 8 Va liv.', un ciseau en fer, des fers de flèches ou de
traits, dont la pointe est en carreau allongé, un éperon
* Ce fer a été forgé et employé à la fabrication d'une pioche à deux bouts,
qui s'est bientôt cassée ; le grain en est grossier.
380 MONUMENTS DB l' ANTIQUITÉ.
sans molette muni d'ane longue pointe terminée par 4
pans, on mors de cheval ou grand bridon , formé de 4
branches on barres unies par des anneaux S et on frag*
ment de coquillage marin. Cet assemblage d'objets divers
et d'ossements d'animaux , sans traces de sépultures ou
d'urnes cinéraires , ne permet pas de voir un tomolos
dans le monticule artificiel de Chavannes et reporte notre
attention sur les sacrifices et les cérémonies qui les accom-
pagnent. Mais avant d'entrer dans ce point de vue, nous
devons rechercher si l'antiquité présente des faits analo-
gues qui puissent jeter quelque jour sur la découverte qui
nous occupe.
Pausanias' dit qu'un autel de Jupiter Olympien était
formé des cendres des victimes brûlées en l'honneur du
dieu et qu'il s'élevait à la hauteur de 22 pieds. ApolloD
possédait un autel pareil à Thèbes, ainsi que Junon à Sa-
mos. Il est à regretter qu'on n'ait pas de description plus
détaillée de ces monuments, cependant il est certain que
ces cendres ne purent être amoncelées à la hauteur de 22
pieds qu'à la suite de nombreux sacrifices, et il est permis
de douter qu'elles aient été complètement séparées des
charbons et des cendres du bûcher. Quoiqu'il en soit, nous
voyons ici des autels en forme de monticule s'élever
graduellement par des sacrifices successifs, et l'on envi-
sage ces constructions comme étant antérieures à la mi-
gration des Doriens dans le Péloponèse ', migration fixée
à l'an 1190 avant notre ère. Ce genre d'autels, tout à fait
étranger aux beaux temps de la Grèce, ne se retrouve
* La partie du mors qui entre dans la bouche du cheval est une torsade.
• Liv. Y, chap. 13.
' Lettre du prof. Am. Studer, du 14 septembre 1849.
AGE DU FRR. 381
nulle part chez les Romains. En revanche, nous avons vu
que les contrées , occupées parles Slaves, cx)nâervent de
nombreuses enceintes consistant en levées de terre, à l'in-
térieur desquelles le sol est exhaussé par d'épaisses cou-
ches de cendres et de charbons, débris de nombreux sa-
crifices; et il existe encore dans les cercles de Rakonitz^
et Bunziau, en Bohême, des monticules artificiels, dont la
terre est mêlée de cendres, d'ossements et de fragments de
poterie, de même qu'à Chavannes. Dans les provinces rus-
ses de la Baltique, sont aussi plusieurs collines, parfois
très élevées, qui ont laissé le souvenir d'une destination
sacrée et qui portent des traces de feu sur leur sommet.
Il est à regretter que le manque de fouilles ne permette pas
de juger de leur construction intérieure. — Prés de Scho-
chwitz, dans la contrée arrosée par la Saaie, une colline
ne renfermait que des ossements d'animaux, et dans les
environs de Bayreuth% deux monticules de 16 pieds de
haut recouvraient chacun une couche de terre brûlée de
8 pieds d'épaisseur sans traces d'ossements humains. Ce
*qui distingue surtout ces collines des tumuli, c'est l'ab-
sence de sépulture. Les sacrifices à la mémoire des morts
étaient parfois extrêmement sanglants, et nous aurons à
en citer un exemple frappant emprunté à l'Irlande, mais
là où il n'existe pas de traces de tombeaux, on est obligé
de reconnaître que c'étaient des lieux destinés aux sacri-
fices en l'honneur des divinités'.
* Près de Teirowitz.
* Keferstein, Kelt, Altt., Seit. 165.
* Sacrifices Homériquet. — Odyssée, chant III, Nestor sacrifie à Neptune.
— III, 430, et offre une {[énisse aux cornes dorées à Minerve.
Odys., tiii du chant X. Quand Circé envoie Ulysse consulter Tàme de Tire-
38i MOIHJIIBNTS DB l'aHTIQUITA*
Pour rechercher la maaière dont se célébraient ces sa-
crifices sur les bords du Veyron, il n'y a qu'à se rendre
compte dies faits observés. Une enceinte circulaire tracée
sur le bord du précipice était entourée d'un double rang
de fossés destinés à marquer les limites et sans doute
aussi à écarter la foule. Sur Taire consacrée, s'élevait le
bûcher, ce dont on peut se convaincre par l'action du feu
sur la terre rougie. Les os à demi-brûlés et ceux qui ne
portent pas de trace de feu rappellent l'usage de réserver
une partie de la victime pour le repas sacré, tandis que le
reste était livré aux flammes. Les entailles faites sur les
os avec des instruments tranchants témoignent , soit de
l'immolation, soit du morcellement des victimes De nou-
velles fouilles nous permettront de compléter la liste des
animaux offerts en sacrifice.. Nous avons déjà indiqué les
principaux animaui^ domestiques et le faucon, cher aux
chasseurs. A la mort des anciens héros du nord de la Ger-
manie on les représentait déjà s'avançant vers un autre
monde avec un faucon dans la main gauche et tous les
insignes de la puissance. — L'offrande s'unissait au sa-
crifice. On sait qu'on jetait dans des lacs'mystérieux con-
sacrés aux divinités, des trésors, des armes et divers ob-
jets auxquels on attachait du prix; dans les cérémonies fu-
nèbres on accompagnait aussi le défunt de tout ce qui lui
avait été le plus cher, et ici, nous retrouvons les mêmes
dons offerts aux dieux; l'artisan consacre les instruments
de sa profession, le guerrier ses armes et son cheval, de
sias, elle lui dit : « Là, creusez une fosse d'une coudée en carré. Versez dans
cette fosse pour tous les morts trois sortes d'effusion ; la première de lait et
de miel, la seconde de vin pur et la troisième d'eau où vous aurez détrempé
de la farine, etc. — Ody«. XIV, 418, sacrifice d'Eumée pour le retour d'Ulysse.
AGE DU FER. 383
même que le chasseur son faucon. — Ajoutons, en pas-
sant , que le mors de cheval découvert permet de cod-
dure d'après ses dimensions à l'introduction dans le pays
d'une race de taille élevée , ce que d'autres découvertes
ont du reste déjà constaté V D'entre ces débris, le frag-
ment de coquillage marin ; que nous n'avons pu encore
faire déterminer, acquerra de la valeur s'il appartient à
l'une de ces espèces propres seulement à certains para-
ges. Dans ce cas, il pourrait révéler le point de départ
d'une tribu ou tout au moins la direction de relations
commerciales. — Après ces sacrifices et ces offrandes,
après le repas et l'extinction du bûcher, tout ce qui n'avait
pas été consumé était répandu sur l'aire consacrée avec
les cendres et les charbons, ensuite une couche de pierres
et de terre déposée au-dessus empêchait que ce qui avait
été offert aux dieux ne fût profané ou dispersé. — Ainsi
se forma la base de la colline ; puis de nouveaux sacrifi-
ces et de nouvelles couches, rélevèrent peu à peu jusqu'à
la hauteur de 22 pieds. Si ce tableau est encore trop
chargé d'ombres, nous laissons à l'imagination le soin de
représenter tout un peuple accouru à ces fêtes, et se pres-
sant autour de l'enceinte occupée par les prêtres et les
victimes. Les lustrations, les prières aux dieux, l'immo-
lation, les révélations sur l'avenir par l'étude des entrail-
les, la flamme du bûcher s'élevant dans les airs, les cé-
rémonies du repas sacré, les libations, la voix du prêtre
annonçant la faveur ou le courroux des dieux, les trans-
ports de joie ou l'abattement du peuple, ce sont là tout
autant de traits qu'il appartient à la poésie d'animer, mais
' 11 est cependant à observer que les Arabes emploient avec des chevaux
de petite taille des mors de grande dimension.
584 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÂ.
que l'histoire doit se borner à mentionner» ne pouvant les
peindre avec la précision qu'on est en droit d'exiger
d'elle.
Il reste encore une question à traiter : celle de savoir à
quelle époque et à quel peuple remonte ce lieu de sacri-
fices. — Lors même que dans les premiers temps du chris-
tianisme beaucoup d'usages païens s'étaient conservés,
on ne saurait comprendre que des cérémonies de ce genre
eussent été possibles et eussent pu échappera la surveil-
lance sévère des ministres de la religion ; en outre, les
objets découverts ne sont point ceux qui caractérisent
cette période helvéto-burgonde. — Sous la domination ro-
maine, nous ne retrouvons pas d'usages pareils, et si les
dieux des vaincus sont associés à ceux des vainqueurs, les
druides n'en sont pas moins poursuivis, massacrés ou ré-
duits à se cacher ; ceux-ci ne pouvant plus présider à ces sa-
crifices publics, on ne comprendrait pas que les prêtres
romains les eussent remplacés dans des cérémonies qui
leur étaient étrangères. — Nous devons ainsi remonter
aux âges antérieurs à la conquête des Gaules ; ce-
pendant la présence du fer^ et l'absence d'armes en bronze
ne nous permettent pas de nous éloigner beaucoup du
temps de l'émigration des Helvétiens, auxquels il faut
donc attribuer ce lieu de sacrifices ^ On est toutefois en
droit de se demander si les Helvétiens connaissaient déjà
les éperons, car les auteurs anciens n'en font aucune men-
tion en parlant des barbares ; on a même contesté quel-
quefois remploi de l'éperon chez les Grecs et les Romains,
' César inenlionne en plus d'un lieu l'emploi du fer chez les Gaulois.
- On ne peut dire que ces constructions soient exclusivement slaves, puis-
qu'on les retrouve dans la Grèce.
AOR DU nu. 385
préteodaDt que TeipressioD eaUar signifiait od simple ai-
guilloD, mais qd eiameo plas attentif ne laisse pas de dou-
tes i cet égard' ; ainsi Virgile* et Silias Italiens parlent
du talon armé de fer, ferrala cake, Columelle compare
Tergot du coq i un éperon, et des découfertes dans des
ruines romaines ont mis au jour des éperons en fer dont
quelques-uns sont même munis d'une molette '. — Une
aulre circonstance peut encore surprendre, c'est la forme
des pointes de traits et d*éperon, qui rappelle, au premier
coup d*œil, les carreaux des arbalètes du moyen âge,
mais d'un autre côté, cette forme i quatre pans est déji
propre aux pointes de lance représentées sur les anciens
vases grecs et siciliens^, et la réminiscence de cette forme
au moyen âge n'a pas lieu de surprendre, quand on voit
les monnaies mérovingiennes reproduire les types et les
signes des anciennes monnaies celtiques , que le dévelop-
• Xéooph., De rt eftic»!., p»§. §44. «SI, dit qve las jambat et kt pieds d«
caTalier tont farmntit par det bottes de cair ai—èai à^éperûtu. — Cicéroii
pAri« d'èperoB», AU. VI, t. Qrmi., III, t. stvr^ cbes les Grées.
• .f.a/i^.. XI. 714 : Quadrapaden eitmi farraU cake Catifat.
Id VU. 696 Perrata calce, alque effasA larfus habenA
Cunctantem impellebal eqvam.
Voir le patsafe à propos des combats de coqs en BéoUe. De re nuiieë^
lib. VIII. cap. t. Ils prnissaient leurs erfots de pointes d*airain, Ari$topk,
la A¥ . V. 766. Sekùi.. ibid. H v. 1166.
Tite-Uve II, 6 : • Concitat calcartbus eqvam. • L'éperon ne soulevait pas
de doalfl dam l'esprit de Tite-Uve, puitqa'il l'attriboe déjA aui caTaJiers da
rsti 507 avant JHus^hrirt. Voir en outre IV. If, SS.
• Dans les i aines romaines d'Attfst, près de Bâle, collect. de M. Schaiidt.
l'n éperon temblable à relui de t^avannes, trouvé en Bavière avec des
armes en bronte.
• Oitf Nùller, Oenkmêler 4er ûlten Kmmêl, Eaad I, HeA t. pi XIX, flf . 67,
combat d'Acbille et d'Hector.
■ta rr mciu. &&v. IS
386 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
peinent de l'art romain dans les Gaules semblait avoir
fait oublier. D'après ce qui précède, nous croyons pouvoir
dire que ce sont les Helvétiens qui élevèrent cette colline,
par des sacrifices successifs, peu de temps avant leur émi-
gration.
Un autre genre de monuments existe* encore dans les
bois de la commune de Gollion, entre Morges et Cosso-
nay. Au nord de ce village est la colline de Bricby, grande
élévation naturelles surmontée d'un bouquet de sapins.
Un monticule, au milieu de ce petit bois, porte le nom
de Fort de Brichy, C'est un tertre de la forme d'un cône
tronqué, entouré d'un fossé circulaire de 15 pieds d'ou-
verture sur 5 de profondeur; depuis le fond du fossé
le tertre mesure 14 à 15 pieds d'élévation , 120 pieds de
diamètre à sa base et 75 au sommet; la plate-forme par
laquelle il se termine est creusée en bassin concave de 4
pieds de profondeur*. — A quelque distance de Brichy,
dans le bois du Châielard, au sud-est de Gollion, on voit
vers le bord d'un ravin au fond duquel coule la Venoge,
une grande colline arrondie, de 23 pieds de hauteur sur
1200 de pourtour, surmontée d'une grande plate-forme
ou surface plane '. A sa base, elle est entourée du côté
* Longue de liO toises sur 20 de largeur; cette mesure, prise d'après le
plan communal, mesure le sommet de la colline, bien autrement large à sa
base.
* L'arrête du monticule qui borde le bassin est de 6 pieds de large, ce qui
laisse pour le diamètre du bassin la mesure de 63 pieds. Au nord cette ar-
rête est déprimée en un arc de cercle de 46 pieds de long, dépression de i
pieds de profondeur sur le milieu de cet arc. Sur Tarrête au sud, dépression
moins forle sur un arc de cercle de 12 pieds de longueur. Vers ces dépres-
sions le fossé est en partie comblé.
' Quelques inégalités de cette plate-forme sont dues à des sondes pour
chercher du gravier.
A6B DU FBR. 387
opposé ao ravin par an fossé de 34 pieds d'ouvertore
SQr 7 de profondeur. Depuis quelques années on extrait
de ce mont du sable et du gravier, et les excavations pra-
tiquées dans ce but ne laissent pas de doute sur sa forma-
tion naturelle, seulement il est évident que les contours
réguliers de ce mont, son terrassement et le fossé creusé
à sa base^ sont le travail de la main de Thomme. — Sur
un troisième point au levant de la même commune, le
plateau de Bovex se termine brusquement par un précipice,
au fond duquel est le lit souvent desséché d'un petit tor-
rent. Au milieu des broussailles qui recouvrent la lisière
du plateau s'élève un mur ou retranchement en terre,
qui décrit un demi-ovale, et dont les extrémités reposent
sur le bord du ravin; ce mur, long de 222 pieds, a 10 pieds
d'élévation et 3 de largeur à son sommet ; l'enceinte qu'il
entoure ainsi à moitié est une terrasse ovale, ouverte
sur le précipice, et longue de 135 pieds sur 84 de lar-
geur. Le niveau de cette terrasse est de 2 ou 3 pieds plus
élevé que le plateau dont elle est séparée par le retranche-
ment. Attenante à un sol cultivé, c'est aux broussailles qui
la recouvrent qu'on doit la conservation de cette enceinte.
D'après les dénominations populaires de forts et de Châ-
telard, on devrait envisager ces constructions comme des
points de défense, mais il ne faut pas accorder trop de
valeur à ces dénominations, surtout si nous nous rappe-
lons que la colline de sacrifices de Chavannes porte aussi
le nom de Chfttelard ; il est d'ailleurs difQcile de compren-
dre comment on aurait pu utiliser pour la défense des es-
paces aussi circonscrits que ceux de Bovex et de Brichy.
D'autre part, ces constructions n'offrent pas de rapports
avec ce que nous connaissons des camps romains et des
388 MONUMENTS DE l' ANTIQUITE.
retraDchemeots gaulois. En revanche le fort de Bricby est
une reproduction de VErdburg, du nord de T Allemagne,
dont la destination religieuse est généralement reconnue.
LeChfttelard rappelle aussi ces hauts-lieux cousdiGrés au
culte, entourés d'un fossé , sur lesquels on vit en plus
d'une contrée les Slaves élever leurs temples en bois» les
chrétiens leurs églises et les chevaliers leurs châteaux.
Enfin le retranchement de Bovex, quoique dans des di-
mensions moins considérables, ne présente pas moins de
rapports avec le fameux sanctuaire de l'ile de Rugen,
connu sous le nom d*Herthabourg; ce dernier est ouvert
sur le lac d'Hertha de la même manière que la terrasse
de Bovex sur le précipice qu'elle domine. — Si nous ne
sommes pas dans l'erreur en attribuant une destination
religieuse aux constructions en terre de Gollion, elles ne
peuvent provenir que de la période helvétienne avant la
conquête des Gaules par César ou d'une occupation de
ces contrées par les Wendes.
Les découvertes récentes dont nous venons de donner
la description, sont, croyons-nous, les premières de ce
genre qui aient été observées en Suisse, et se relient à un
ensemble de monuments qui constatent des rapports de foi
surprenants entre les populations primitives de l'Europe.
\près avoir assisté à l'établissement des premiers ha-
bitants en Europe, à la marche de leur développement et
à l'extension de leur foi, nous avons à reprendre l'étude
des monuments qui nous servent de guide à l'époque où
le fer commence à devenir d'un usage général et à rem-
placer le bronze employé pour les instruments tranchants,
de même que le bronze avait remplacé l'os et la pierre.
AOB DU FBB. 389
CepeDdaDt, avant d'entrer dans cette troisième période»
Doos avons à mentionner un âge de transition qui pré-
sente la fusion d'une des époques dans l'autre.
AGE DE TRANSITION
DE LA SECONDE A LA TROISIÈME PÉRIODE.
Premières notions du fer en Europe.
Quelques passages d'auteurs anciens et l'observation
de faits nombreux démontrent suflGIsamment qu'il fut un
âge pendant lequel le bronze était employé pour les armes
et les instruments tranchants. La découverte de ce métal
eut une puissante réaction sur le développement des peu-
ples, limité auparavant par l'imperfection^ des instru-
ments en pierres et en os. Une fois qu'on sut donner au
cuivre, au moyen de Talliage et de la trempe, le tran-
chant et l'élasticité, on comprend qu'on se soit moins
préoccupé de vaincre les difficultés que présente le travail
du fer, car le fer a été connu longtemps avant qu'il soit
devenu d'un usage général. Il est difficile de préciser le
moment où il remplaça le bronze dans la fabrication des
armes ; aussi, pour jeter quelque jour sur cette question,
encore fort obscure, nous devons recueillir tous les ren-
seignements à notre portée.
Si le fer a été travaillé en Orient aussi anciennement
390 MONUMENTS DK l'aNTIQUITB.
que les autres métaux S il n'en n'est pas moins certain
que les connaissances métallurgiques suivirent une mar-
che différente dans la plupart des autres pays. L'Egypte
elle-même, malgré sa civilisation avancée, ne parait pas
avoir fait grand usage du fer. Longtemps, on a cru qu'il
lui était complètement étranger, mais les recherches de
M. Passalacqua ont mis fin à toute incertitude en décou-
vrant sur les momies de Thèbes des bracelets, des an-
neaux, des bagues et des spatules en fer*. Du reste, cet
emploi du fer pour les ornements indique assez qu'on
attachait du prix h ce métal et qu'il était peu répandu. —
Les Grecs attribuaient la découverte du fer à Celmus et
Damnaneus, dactyles du mont Ida. Les marbres de Pa-
ros ' en fixent la date à l'an 1432 avant notre ère ; cepen-
dant les héros d'Homère portaient encore des armes en
bronze, et lorsque le poète veut peindre la dureté du
cœur humain, il le compare au fer comme à la matière la
plus rebelle. Hésiode dit aussi, en parlant des Egyptiens
et des premiers Grecs : « Leurs armes étaient de bronze,
leurs maf^ons en étaient couvertes, ils fabriquaient leurs
outils avec le bronze, et le fer, ce métal noir, obscur,
* Ce qu'on peut inférer de divers passages de la Bible.
* Catalogue des antiquitét découvertes en Egypte, par J. Passalacqua, pag.
246. Celte collection fait partie du musée égyptien de Berlin. Voir les numé-
ros 614, 623, 624, 510, 524, 547, 548. L'Egypte échangeait ses produits contre
le fer d'Ethiopie.
' Marbres deParos oud'Arundel, conservés à Oxford, époque 1I»«. « Depuis
que Minod, premier de ce nom, régna, qu'il b&tit la ville de Cydonia, que
Celmus et Damnaneus, dactyles du mont Ida, c'est-à-dire prêtres de Cybèle»
trouvèrent le fer, sous le régne de Pandion, il s*est écoulé 1168 ans. •* Cette
chronique va jusqu'à l'an 26 i avant Jésus-Christ, ce qui fait remonter la dé-
couverte du fer à l'an 1482 avant notre ère.
La fusion du fer est aussi attribuée aux habitants de l'tle de Crète, quatoree
AGI DU rm. 391
n*éuit pas encore employé \ > Il résalte de ce passage»
que le fer était déjà répandu chez les Grecs» enfiron 800
ans avant notre ère * ; tooterois» moins d'un siècle aapa-
iiéclet avant notre èr«, par Bétiode, cité par Piine au lib. Yll, cap. 56. —
StraboQ, lib. I. — Diodorc de Sicile, lib. IV, cap. 8.
f49. Toic i*wt X*^^"* f^ ^^X^* ;i^dûbeMi Sf rt ockm,
fSO. Xtàxût )*«^oudi(evTo, fuimç )*evK Ira 9w^poç ;
•i comiDe on Ta dit, cet vert ne sont pat d*Hétiode, le Grec qui let a écrita
reproduit une tradition qui a toujourt une certaine valeur.
* En admeiunt qu'Hétiode eût vécu un tiécle aprèt Homère.
Bomère. — Oé^f$$ét^ I, v. 1S4. Je vait à Téméte chercher de l*airain et
l'échanfer contre du fer que j'y mène. (Minerve dit qu'elle vient de chei let
Taphient et parle à Télénaque à Ithaque. Taphia était tituée entre l'Achaie
et Leucade ; let Taphient étaient dct marina; ilt avaient donc du fer).
Id. 1. tf4. Ulytte terait charfé de chaînée de fer, vMpm Sivpcr*l;(u9i.
Id. V. 191 . Calypto dit à Ulytte : • Mon c«nr n*ett pat de fer. •
Id. VIII 4f S Le flb d'Alciuoit dit en pariant d'Ulytte: • le lui donnerai
une belle épéc, d'un acier trét fla, dont la poifnée ett d'argent et le fourreau
de la plut belle ivoire.... • Le latin dit : CAtmi lohnm €Bremm. Au vert ilt ;
• kmmterii appeauit entem arfentett riefimilt omatum. • Doue baudrier tl
clottt fliant la lame à la poifuée. (Voir let épéet de Copenhafue.)
Id IX, 19% Sfi. Bomére compare le pieu ardent avec lequel Ulytte peret
I'omI du cyclope au wUêkMpiim (rfnâirétm) du charpentier el le bruit du taaf
jaillittant à l'eau dant laquelle le forfuron, aprèt avoir fait roufir à ta fergu
une kmekê ou une teie^ let jette loutea brélaaiaa dam reau froide peur let
urctr, car c'ett ce qui lait la itrce du fer.
Id. m. tsa. Kurylope dU à Ulyeae qui eufife tea eompugnout à t'éleî-
fnerdellIeduSeleil.^IKiMilqu'ibteieiadeAr, «iSéftK. •
Id. XIV, 114. Mme montra même tMlet let richeatat quDIytte avait amaa>
•éct : l'airain. Ter, le fer
Id. XVI, tt4. XIX, 11. (Képétitien du même diteeurt.) Ulyete charfu Té-
Mmaque de dire aui peurtuivaata qu'il a euleué lea armea de la tulle dam
la crainte de querellée, ttr k fer ëUkre tkmmmê,
Id. XIX, an. Lee ymn dinyeae, vuymit la douleur de Nuélepe, éCaéeal
fliee cmwne tTik tunml été de cenm ou de /^.
Id. XIX, m. Ulyeae exigeuiil le tecrel riurycléu, qui vieM de le
392 MONUMENTS DE l'ANTIQUITÉ.
ravaot, il devait avoir encore piQS de valeur qae le bronze,
putsqoe Lycurgue l'employait poor la monDaie, en même
temps que Tor et l'argent ^ Théodore de Samos, qoi vi-
vait vers l'an 700 avant Jésus-Christ, trouva l'art de jeter
en fonte des statues de fer'. Hérodote et d'autres au-
teurs mentionnent comme l'une des merveilles de Delphes
l'offrande d'Alyattés, roi de Lydie, qui régna dans le VU^
et VI« siècle avant notre ère. Cette offrande consistait en
un grand cratère d'argent, dont la base, en forme de tonr
un peu conique, était en fer ; travaillée à jour, on y voyait
plusieurs petits animaux se jouer à travers les fenilles
qui l'ornaient ; ses différentes pièces n'étaient point nnies
par des clous mais au moyen de la soudure ; on attribuait
ce trayail à Glaucus de Scio, qui le premier» trouva Fart
de souder le fer ^ D'après Pausanias, les Lacédémoniens,
dans le VI® siècle avant notre ère, cherchant l'explication
d'un oracle, crurent la trouver dans l'atelier d'un for-
geron. Ils virent la chose nuisible dont parlait le Dieu,
dans le fer, si redoutable aux humains, puisqu'on s'en
naître, celui-ci lui dit : « Je serai aussi impénétrable que la plus dure pierre
et que le fer.
Id. XX!, 9, 10. Dans le trésor du palais d'Ulysse étaient « le bronie, l'or,
le fer ouvragé. •
!d. XXIII, 172. Ulysse reproche à Pénélope, qui ne le reconnaît pas, d'a-
voir un cœur de fer j oiMjOcoç Oupiôç.
* D'après Plutarque, Vie de Lycurgue.
PoUux, lib. VII, § 106 et Aristote, Economie, lib. II, cap. S, disent ausai
que les Spartiates fabriquèrent des monnaies de fer.
* Pausanias, lib. III, cap. 12. Voir la note 2 de la page
' Hérodote, lib. I, cap. 95. — Pausanias, lib. X, cap. 16. — Phitarq., De
Orae, def», tom. II, pag. 486. — Hagesand, Apud Athen., liv. V, pag. ff 0.
Alyattès (S»* du nom, père de Crésus), régna 57 ans de l'an 616 à S99 avant
!.*€.; selon d'autres de 610 à 558.
A6K DU PBR. 303
servait à la guerre ^ Dans >e Prytanée était un tribunal
où l'on jugeait le fer * et les autres instruments qui avaient
servi à commettre un meurtre. Cette expression, juger le
fer, indique nettement que les instruments tranchants
étaient de ce métal. — On peut conclure de ces divers
passages que le fer commença à être d'un usage général
dans la Grèce dès le VIII« siècle avant notre ère ; au VII«
siècle on l'emploie à divers objets d'art ; peu après, ce
mot désigne tout instrument tranchant, et enfin Aristote
parle de l'acier, mais non comme d'une découverte ré-
cente '.
Bien que les armes des Etrusques fussent en bronze, on
doit admettre, d'après le comte de Caylus, que le fer ne
leur a pas été absolument inconnu. Ce savant antiquaire
décrit un Hercule de ce métal *, qu'il envisage du reste,
comme une grande rareté.
* Pausanias, lib. III, cap. 8 ; cela se passait sous le règne d'Anaxandridès,
c'est-à-dire de Tan 570 à l'an 515 avant notre ère.
* TÔ) rn^p^, Pausanias, lib. I, cap. S8.
Ipbicrate, qui mourut l'an 380 avant J.-C., changea les armes des Athé-
niens, allongea la pique et les épées, et remplaça les ctitrassef de fer par
celles de toile de Un. Encyel.^ tom. III, pag. 98, S« col. (mot Milice,)
' Les Grecs savaient non-seulement travailler le fer, mais ils connaissaient
aussi l'acier; Aristote, Météores, lib. IV, cap. 6, a décrit le procédé par le-
quel on l'obtenait : « Le fer forgé, dit-il, peut se liquéfier de nouveau et de
nouveau se durcir. C'est par la répétition de ce procédé qu'on l'obtient à l'é-
tat d'acier. Les scories du fer se précipitent dans la fusion, elles restent au
fond des fourneaux, et les fers qui en sont débarrassés de cette manière
prennent le nom d'acier. II ne faut pas pousser trop loin cet affinage, parce
qus la matière qu'on traite ainsi se détruit et perd considérablement de son
poids ; mais il n'en est pas moins vrai, que moins il reste d'impuretés, plus
l'acier est parfait. > x^^^^f acier.
* Dans son Recueil d*aniiq., tom. III, pag. 96.
39^ MONUMENT» DE L*ANTIQUITÉ.
Qoaot aux Romains, Ttte-Live dit* qu'ils se servaient
d'armes eu bronze dans les temps les plus reculés. Ce pas-
sage donne donc à entendre qu'ils ne restèrent pas long-
temps sans employer le fer*. Nous manquons de renseigne-
ments précis sur la date de ce changement, cependant, à
l'époque des guerres puniques les armes en bronze n'é-
taient plus en usage, c Les Celtibériens, dit Polybe, ex-
cellent dans la fabrication des épées, car celles qui sortent
de leurs ateliers sont très avantageuses pour frapper d'es-
toc et de taille. C'est pour cela que vers le temps des
guerres d'Annibal les Romains renoncèrent à leurs an-
ciennes épées et adoptèrent celles des Espagnols'. — Ils
les imitèrent pour la forme et la fabrication, mais jamais
ils ne purent amener le fer au même degré de pureté et
de perfection *. » Ce qui distinguait ces épées, de celles
* Tite-Live, I, i3 : Arma his imperata, galea, clipeum, ocre», lorica; om-
nia ex œre : hœc. ut tef^menta corporis essent : tela in hostem, bastaque et
gladitjs.
' Pline (XXXIII, 1 ) dit que dans les commencements les sénateurs même
n'avaient pas le droit de porter des anneaux d*or à moins qu'ils n'eussent été
ambassadeurs chez quelques peuples étrangers, encore ne leur était-il permis
de le porter que dans les actions publiques ; dans leur particulier ils por-
taient des anneaux de fer. Plus tard l'anneau d'or fut la distinction des che-
valiers romains (Encyclop. I, 185.)
' Voir sur leur forme Pitisci Leaicon^ I<r vol., pag. 875; et Encyclopédie
au mot Epée.
L'épée espagnole n'est-elle pas plus ancienne à Rome que ne le dit Po-
lybe, puisque Torquatus s'en servit pour tuer le Gaulois, 362 ans avant J.-C.?
Voir Tite-Live, Vil, 10. Traduct. tom. Il, pag. 170, et surtout la note.
* Suidas, au mot Mà^pupa^ rapporte ce passage que Casaubon, Juste Lipee
et Valois attribuent de concert à Polybe.— Polybe, VI, 21, dit encore : Una cum
scuto ensis pendet, ad dextrum fémur, Hispaniensem vocant, mucrone exi-
mio, defertur violenter, eo quod obeliscus ejus firmus, stabilisque existit.
A6K DU FBR. 395
employées auparavant» ce n'était pas le métal , mais la
forme. Avant la seconde guerre punique \ l'épée romaine
n'avait qu'un tranchant* et se rapprochait ainsi davantage
de la forme du coutelas que de celle du glaive espagnol.
D'après le rapport de l'historien Joséphe\ les légions
romaines au siège de Jérusalem étaient armées d'un poi-
gnard et d'une épée en fer. L'expression c mourir par
le fer i qu'on trouve si souvent dans les auteurs romains
ne laisse pas doute sur la matière employée de leur temps
pour les instruments tranchants^. Il faut toutefois en
excepter les instruments consacrés au culte, pour lequel
on conserve l'ancienne matière. Virgile • et Ovide ® rap-
portent que les magiciennes se servaient de faucilles en
bronze pour cueillir les herbes destinées à leurs enchan-
tements \ Le prêtre rattachant une idée religieuse à la
matière consacrée par un long usage aux cérémonies re-
ligieuses ou aux superstitions on comprend cette sur-
* Avant Tan 218 avant J.-C.
* Polybe, II, 50, 33. Avant ce coutelas Tépée était sans doute comme celle
des anciens Grecs et des Etrusques.
' Guerre det JtUfi, liv. III, cap. 6. — Un relief en firèê de Mayence re-'
présente un Romain avec une épée à droite et un poignard à gauche. Les
cavaliers ont une longue épée au côté droit.
* Tacite, AnnaL^ XV, 31, emploie aussi l'expression ferrum comme syno-
nyme d'arme ou d'épée : Quippe propriis nuntiis a Corbulone petierat, ne
quam imaginem servitii Tiridates perferret ; neu ferrum traderet, etc.
* /Enéide, IV, v. 51. Falcibus et messœ ad lucem quœruntur ahenis
. Pubentes berbœ,
* Métam, VII, 2t6. Et placida partira radice revellit
Partim succidit curvamine falcis abenœ.
^ Sehol. Théoc., Idyll. II, v. 36. Le brome regardé comme pur par sa na-
ture pouvait chasser les spectres et les esprits impurs. — Les magiciennes
frappaient sur des vases de bronxe pour chasser les m&nes. — Ovide, Fait.
V. 441.
396 MONUMENTS DE L* ANTIQUITÉ.
vivance d'anciennes contumes dont il serait facile de
multiplier les exemples S — Il n'en est pas moins certain
qee le fer fut d'un usage général chez les Romains avant
les guerres puniques , et les Celtibériens, qui étaient leurs
maîtres dans l'art de fabriquer les armes *, ne connurent
pas ce métal moins anciennement qu'eux '. Strabon ^,
dit que les Espagnols portent des colliers de fer.
Il est plus di£Bcile de déterminer l'époque de l'introduc-
tion du fer au nord des Alpes et des Pyrénées. Polybe * dit
cependant que les Gaulois suspendaient leurs épées à des
chaînes de fer ou de bronze, en guise de baudriers, mais
la trempe de leurs armes était si mauvaise, que le premier
coup les faisait plier, et pendant que les soldats gaulois
* Nous avoDft vu la pierre employée, après la découverte du métal, pour le
culte et les superstitions, dans le nord et. même ches les Egyptiens et les
Juifs. L'emploi religieux du bronse chez les Grecs et les Romains, rapproché
de Tusage de brûler les morts, ferait remonter ces deux peuples à la seconde
invasion d*Orient en Occident.
* On croit que c'est par le procédé appelé forges eatalanet qu'ils obtenaient
cette su|>ériorilé. Les Romains ne se servaient sans doute que de hauts four-
neaux, car Pline, XXXIV, 14, les désigne par le mot fomaees^ qui ne peut
indiquer les forges catalanes où l'on travaille dans un grand ereuset de ma-
çonnerie et sans fourneaux proprement dits.
Diodore de Sicile, V, 9, dit qu'ils mettaient d'abord rouiller le fer en terre
et qu'ils en tiraient un si bon acier que casques ni boucliers ne pouvaient
résister. — Voir le travail de l'acier ches les Romains dans VEncylop. au
mot octer.
■ Tite-Live, Déead,, III, lib. II. Leurs épées étaient courtes, pointues et
tranchantes des deux côtés ; ils se servaient aussi d'un poignard d'un pied
de long. — Appian, Alexandre, liv. 5 : Ils avaient des dards entièrement de
fer et à plusieurs crochets.
* III, 118.
" Liv. II, chap. 6. Elles retombaient sur la cuisse droite. — Quelques Gau-
lois portaient des baudriers d'or et d'argent. — Liv. II, cap, 83, Polybe dé-
crit les épées des Gaulois du temps de Rrennus.
AGE DU FBR. 397
perdaient le temps à redresser arec le pied iear épée Iod-
gae et sans pointe \ les Romains les égorgeaient*. A cette
époque, les armes des Gaulois n'étaient pas encore toutes
en fer % et la mauvaise qualité de celles-ci indique qu'ils
étaient peu habiles dans la fabrication de ce métal. Lors
de la conquête des Gaules , César parle plus d'une fois,
dans ses Commentaires, de leurs instruments en fer et
des mines qu'ils exploitaient^.
Du temps de César, le fer était rare dans la Grande Bre^
tagne, où l'on se servait plutôt de cuivre importé % et où
la monnaie était en fer *, de même qu'en Grèce au temps
de Lycurgue. — Les habitants de VEcosse'' et ùehBelgique*
fabriquaient aussi des ceintures, des colliers et d'autres
ornements de fer, à la manière des anciens Egyptiens.
La connaissance du fer parait avoir été un peu plus an-
cienne dans le midi de V Allemagne que dans le nord.
Strabon * parle des mines de fer de la Norique, et Tacite,
« Tite-Live, Décad. Vf, liv. VIII. TVod., pag. 103. — Tite-Live, liv. XXII,
chap. 46 : * Gallis prœlongi ac tine mucrouibus gladiis. » — Strabon, IV.
* Polybe, II, pag. 118-120.
' Tite-Live, tom. III, pag. 362. Epées gauloises émoussées, courbées par
javelines, ne pouvant fVapper que de taille et non de fort près.
* De Bell. GaU.y III, 13; VII, 2i;^II, 22: niagnœ ferrariœ.
* César, v. 12 : * Nascitur ibi plumbum album in mediterraneis regionibus,
in maritimis ferrum; sed ejus exigua est copia, œre utuntur importato. >
* César, v. 12 : * Utuntur aut œre, aut taleis ferreis ad certum pondus exa-
minatis pro nummo. »
^ Hérodien, III, 12. Cet auteur qui vivait vers le milieu du troisième siècle
après J.-G. dit que les Bretons portaient des colliers de fer.
* César.
* Strabon, V ; < Norica est locus ad purgandum aurum natura idoneus nec
minus ad ferri fabricas. »
398 MONUMENTS DE l'aNTIQIUTÈ.
qui mentionne celle des GothsS dit qne ce métal était rare
chez les Oesties, sur les bords de la Baltique *. Nous ver-
rons plus tard que du temps de la domination romaine
quelques Germains portaient encore des armes en bronze,
mais nous croyons, d'après le passage de Tacite, que
dans le nord de l'Allemagne le fer a été introduit un peu
plus tôt que ne le pensent plusieurs archéologues, qui en
attribuent l'introduction aux Wendes.
On doit faire remonter la connaissance du fer chez les
Scandinaves à l'arrivée des Suèves sur les bords du lac
Mœlar. Tous les tombeaux qu'ils ont déposés dans la Suède
moyenne et dans la Norwège font voir une grande habi-
tude dans le travail de ce métal. On ne peut douter que les
compagnons d'Odin n'aient apporté l'art métallurgique
de l'Asie * et qu'ils n'aient contribué à le répandre au
nord de l'Europe.
D'après ce qui précède, nous sommes autorisés à con-
clure que le fer était généralement répandu chez les peu-
ples barbares de l'Europe au commencement de notre
ère, et même l'on ne peut douter que quelques-uns d'en-
tr'euxne l'aient connu avant cette époque. Si d'une part
cette connaissance a dû se répandre de proche en proche,
ce qui paraît le fait général, on doit admettre, d'un autre
côté, qu'elle a été parfois importée par l'invasion de popu-
lations qui avaient habité ou séjourné dans des contrées
où ce genre d'industrie était plus développé.
* Germ., cap. XLIII, Gothini, quo magis perdeat, et ferrum ellodiunt.
* Germ.^ cap. XLV, Rarus ferri.
' Hérodote, IV, 62, rapporte déjà que les Scythes rendaient un culte à un
timeterre de fer.
A6B DU FBR. 390
NoQS dirons encore quelques mois sur les mines d'où
l'on extrayait le minerai de fer ^
Les Grecs exploitaient le métal dans les iles d'Eu-
* Au sud du Kour et au nord du lac Sévang, sont les mines de ier de Kaulp,
* Les paysans travaillent le fer d'après le procédé suivant : Dans un fourneau
de k pieds de longueur sur 2 de largeur, on met 50 à 60 livres de minerai
pulvérisé ; en 8 heures la masse est fondue, et Ton retire environ 24 livres
de fer, c'est-à-dire 43 pour 100. Trois garçons sont occupés à mettre le souf-
flet en mouvement. » * Ces exploitations de fer à Koulp remontent à la
plus haute antiquité, et je ne mets pas en doute que ce Koulp ne soit le
Khalybe d'Homère, d'Hérodote et de Strabon. > La Géorgie était célèbre dans
les temps les plus anciens par ses ouvrages en fer et en cuivre. C'est avec la
plus grande certitude qu'on peut admettre que le Thubel ou Tubal de la Bible
désigne la Géorgie actuelle. Flavius Josèphe le traduit par IbérienSt l'ancien
nom que les Grecs donnaient aux Géorgiens. Javan^ Tubal et Mésech ont été
les facteurs faisant valoir son commerce en esclaves et en vases d'airain, dit
Ezéchiel dans sa magnifique description du commerce de Tyr, chap. XX. —
« Les enfants de Japhet sont Gomer, Magog, Madai, Javan, Tubal, Mésech et
Tiras, » c'est-à-dire les Kimri, les Ossètes. et les Miotes du Caucase, les Mè-
des, les Grecs, les Géorgiens, les Meskhis et les Thraces. Mais ce n'est pas
seulement le cuivre qui enrichissait le commerce de Tubal. Dans la plus an-
cienne mention faite de Tubal dans la Bible (Genèse IV, 22) n'est-il pas dit :
« La seconde femme de I<émek, nommée Tsilla, lui enfanta Tubal-Caïn, qui
fut forgeron de toutes sortes d'instruments d'airain et de fer. » Or. précisé-
ment où les Hébreux placent leur Tubal, les Grecs ont leur Ckalybes, dont
le nom servit à désigner l'acier et le peuple qui avait su le préparer. Homère,
le premier qui en parle, dit au chant deuxième de l'Uliade : * Odius et le
brave Epistrophu» sont à la tète des troupes d'Halizone qui viennent d'Alybès,
régions éloignées où natt l'argent. • Après lui, les auteurs font souvent men-
tion du fer des Khalybes, et Stratfbn, (lib. XII, pag. 527 et XIV, 645) qui s'at-
tache à expliquer ce passage d'Homère, critique longuement ceux qui vou-
laient transporter les Khalybes en avant dans l'Asie Mineure; il fait passer
•
leur méridien beaucoup plus à l'orient, au travers de la petite Arménie. En
effet, le mot Koulp (Gogph) est arménien ; trois localités en Arménie portent
ce nom et toutes les trois sont célèbres par des mines. L'un de ces Koulp ap-
partient au pachalik de Kars ; l'autre est celui de la grande Arménie. Ces
deux Koulp n'ont que des mines de sel. Le troisième est celui qui est si riche
par ses mines de fer, et son nom, il y a plus de deux mille ans, avait déjà
400 MONUMBNTS DK l'aNTIQLITÈ.
bée^ et de Crète V — Les Phéniciens employaient 5000 ou-
vriers aux mines de Verceil ^ — L'Espagne, après avoir
servi à désigner l'un des principaux districts du Koukar, la valiée de Koulp
ou Gogphap*hor^ qui était alors comprise dans l'Arménie.— Le Koukar, l'une
des plus grandes provinces d'Arménie, comprenait non-seulement ces belles
mines de fer, mais aussi de belles mines de cuivre et d'argent, au débouché
desquelles était Thubel, la Tebelissi ou Tifiis des Géorgiens, à peu de distance
sur le Kour. Maintenant, si vous adoptez que Koulp est le Khalybe des
anciens, vous n'aurez pas de peine à vous expliquer pourquoi, suivant Ho-
mère, les peuples qui viennent de là s'appellent Halizons, vu qu'il n'y a qu'à
passer le Kour, qui coule en face de Koulp, pour se trouver dans la vallée
magnifique de VAlazan, dont le nom est aussi ancien que le peuple géorgien
(Strabon, liv. \l, pag. 382, àXoc|&>vsuwv Trorapôv.) — Enfin, il y a encore un
passage de la Bible qui confirme pleinement l'identité qui existe entre Koulp
Gogph, Tubal et Mésech. Ne lit-on pas en tête d'un des chapitres d'Ezéchiel :
* Fils de l'homme, tourne ta face vers Gog, en pays de Magog, prince des
chefs de Mésec et de Tubal, et prophétise contre lui • (chap. XXX VI II et
XXXIX). On demandera comment Koulp peui être le même que Gogph?
Koulp est la prononciation géorgienne, que les Arméniens rendent par (?ogrpft,
parce qu'ils ne font pas usa^e de 1'/ qu'ils remplacent par un g. C'est ainsi
que de Albania ils ont fait Aghovan, de La%are^ Gah%ar de Na%ar, de Tria-
Uthf Thrheghy etc. — Nous n'avons encore vu que les richesses de fer des
Khalybes; tournons-nous maintenant vers les forges de Tubal, et jetons aussi
un coup-d'œil sur les célèbres vallées qui approvisionnaient le commerce de
Tyr de vases d'airain en concurrence avec Mésech. Laroche qui a soulevé le
terrain de Koulp (porphyre syénétique) prend une plus grande extension vers
l'ouest, en encaissant les deux rives de la Débéda dans tout son cours, jus-
que dans les montagnes du Pambak. D'anciennes mines renouvelées donnè-
rent un minerai composé de plomb et de zinc, mélangé d'or et d'argent. L'an-
cien palais d*Ahhtala, sur la rive gauche de la Débéda, fut changé en fonde-
ries. A Tamboulout, argent , à Allaverdi, sur la rive gauche de la Débéda,
à vingt verstes d'Akhtala, et à Chameloug, à cinq verstes d'AUevardi, mines
de cuivre « Tel est l'état actuel des anciennes mines de cuivre et d'argent
de Tubal, les seules qui puissent rivaliser avec celles de Gournichckana^ au
nord de Trébizonde, sur la limite de l'ancien territoire de Mésech. (Voyage
autour du Caucase, par Du Bois de Montpéreux, tom. IV, pag. 136-145.)
• Strabon, v. 31, X.
* Marbres de Paros.
» Pline, XXXllI, 4. Strabon.
AGE DU FER. 404
foorni en aboodaDce les métaux précieux dans l'antiquité,
eut aussi des mines de fer *. Strabon mentionne aussi des
mines de fer dans les Gaules, entre la Garonne et la Loi-
re'. Les Bretons exploitaient, sur les côtes de leur fie,
quelques mines de fer, mais qui, d'après le rapport de
César, n'étaient pas abondantes ^ — Nous avons déjà
mentionné celles de la Norique ^ et des Goths ^ — En
Suède, le procédé par lequel les agriculteurs tirent le fer
des marécages est sans doute fort ancien ; il remonte peut-
être à l'entrée des Suèves dans ce pays. Quoi qu'il en soit,
lorsque Pline parle de l'aimant de l'île Basilia^, il ne sau-
rait être question que du pays des Scandinaves, lesquels
en connaissaient donc l'existence à l'époque de Pline.
Nous avons vu que l'emploi du fer est généralement
répandu en Europe au commencement de notre ère, ce-
pendant on peut se demander si les mines exploitées du
temps de Strabon, de César, de Tacite et de Pline, re-
montent à la même antiquité qu'en Grèce. L'étude des
faits jettera quelque jour sur cette question, mais, >pour
le moment, nous ferons seulement observer que les Ro-
mains des premiers temps portaient des armes en bronze,
pendant que les Grecs employaient déjà le fer à cet usage,
et que les Romains avaient changé de métal, alors que les
' Strabon. UI, 159. Pline, XXXIV, 43.
• César, Vil, 22. Strabon III, 159.
» César. V, 12.
• Strabon, V.
» Tacite, Germ., XLIII.
• Pline, XXXVII, 15. Il parle aussi de l'aimant, XXXVI, 16.
Pierre connue fort anciennement par les Grecs. Diodore, V, en fait une lie,
au nord de la Gaule, célèbre par son ambre. — Pline, IV, 13, parle d'une tle
de ce nom dans le Pont-Euxin.
HÉM. ET DOCUM. XXV. 26
402 monl'mb:«T8 db l'antiquité
Gaulois alliés d'Annibal, combatUiieot eo Italie avec des
armes de bronze. La présence de ces deoi métaux iodi*
que assez qu'à cette époque, les Gaulois en étaient i un
âge de transition. D'après ces faits, nous voyons que la
connaissance du fer dans l'antiquité marche avec le dé-
veloppement de la culture. Les peuples de l'Italie ayant
travaillé ce métal moins anciennement que ceux de la
Grèce, on comprend que les nations étrangères à la civi-
lisation du midi durent arriver plus tard encore à cette
connaissance. Si l'Espagne suit une voie un peu différente,
c'est qu'elle fut, dès la plus haute antiquité, exploitée par
des étrangers, d'abord par les Phéniciens et les Grecs,
puis par les Carthaginois et les Romains, tandis que les
pays moins riches étant abandonnés à leur propre dé-
veloppement, rentrent dans la loi naturelle. La Gaule
ayant subi l'influence du midi à un plus haut degré que
la Germanie et le nord dut ainsi connaître le fer un peu
avant ces dernières contrées, mais comme il n'était pas
encore d'un usage général dans les Gaules deux siècles
avant l'ère chrétienne et qu'il était rare chez les Bretons *
et chez les Belges du temps de César, il s'en suit que nous
nous trouvons de nouveau reportés au commencement
de notre ère comme à l'époque durant laquelle ce métal
commença à être généralement répandu.
Après avoir suivi ces différentes phases de développe-
ment nous avons à rechercher les faits qui indiquent
* Je ne conclus pas à cette rareté du fer par le peu de richesse des mines
de la Bretagne; mais, d'un côté, parce qu'il parait d'après César qu'on faisait
importer de préférence du bronze, et, de l'autre, parce que le fer employé
pour monnaie par les Bretons et pour ornement par les Ecossais et les Belges,
était encore une matière de valeur et par conséquent d'une certaine rareté.
A6K Dt rsft. 403
rége de transition, durant lequel le fer,. encore rare, pa-
rait .111 milieu d'objets en bronze dont la forme et les or-
nements rappellent la manière de faire propre i la période
précédente ; car il est à remarquer qu'une fois le fer ré-
pandu on retrouve plus rarement les bracelets et surtout
les lourds colliers de bronze chargés de fines gravures.
H'un autre d^té, les derniers moments de cette transition
présentent çà et là de rares instruments tranchants en
hronze avec des objets en fer, au milieu desquels ils ap-
paraissent comme les derniers vestiges d'un art aban-
donné.
Le manque de fouilles bien dirigées ne permet de saisir
qunn petit nombre d'anneaux de la chaîne qui unit un
âge à un autre âge. Il suffit du reste d'en indiquer quel-
ques-uns pour se rendre compte de la marche graduelle
du développement. La question est importante au point de
vue de Thistoire; faute d'une étude d'ensemble, souvent
on a pris Texception pour la régie ; on a conclu du parti-
culier au général, impatient d'arriver à un résultat trop
souvent préconçu. — Mais pour ne pas anticiper sur les
conclusions, nous devons laisser parler les faits *.
hans le rovaume de Hanovre, 11. le baron d'Estorff a ex-
ploré avee un soin particulier la contrée ô'Uelzen, riche en
monuments de l'âge païen*. Un tombeau de la seconde
I>éri04le renfermait une pointe de lame en bronze dont l'ou-
verture de la douille traverse en se rétrécissant tout l'ins-
trument dans sa longueur ; une pièce en fer insinuée dans
l'ouverture, dépasse légèrement la pointe endommagée du
' Bcràum. l^«4plMtie« ancieime galerie ou allée eevireite renplk de
l'irrrrt. <lr trriv. il'oe. avec broase el fer.
• Httémaeke AUertàtÊmtr eu Gtgemé wm Vehem^ te* Cari «•■ Batort.
kOk MONUMENTS DE L*ANTIQUITÉ.
fer de lance, comme pour protéger le bronze par la dareté
desoD métal*. L'arme est TancieDDe matière, et le fer
paraît là comme an auxiliaire destiné à la fortiûer.
Le duché de Meckltmbourg-Schwerin a trouvé dans le
Dr Lisch un explorateur zélé et intelligent. Trois tumuli,
qu'il envisage comme appartenant aux derniers temps des
armes en bronze, contenaient quelques débris de fer qui
répondent encore à l'introduction de ce métal V
Le midi de l'Allemagne présente des découvertes bi^n
autrement caractéristiques. — Près de Hallsiadt^ au sud
de Salzbourg, on a trouvé, en 1846 et 1847, une suite de
tombeaux disposés à peu de profondeur dans le soP.
L'ustioo et l'inhumation sont réunies dans le même lieu ;
les squelettes, couchés en terre libre, sans trace de cer-
cueils en pierre, ont les pieds tournés au levant. Les urnes
cinéraires étaient également placées en terre libre à côté
ou au-dessus des squelettes. — Cette réunion des deux
modes de sépulture n'est pas rare dans les tumuli, mais,
le plus souvent, l'un ou l'autre mode présente quelque
différence dans l'ornementation. Rien de pareil à Hallstadt.
Les squelettes et les urnes étaient accompagnés de la
même quantité et du même genre d'objets ; les pièces dé-
couvertes et décrites par le professeur Gaisberger sont
des bracelets en bronze, ovales et entr'ouverts, simples
ou ornés, des anneaux de grandeurs diverses, des fibules
de formes variées, dans le genre d'épingles à ressort, ou
bien à doubles spirales comme celles de la Sibérie et des
bords de la Baltique ; un fil en or à torsade, et des épin-
* Id. PL VII, fig. 2.
* Communication de M. le docteur Lisch.
* Die Gràbe von Hallstadt, von Joseph Gaisberger.
AGB DU rsft. )05
gles à cheveux, longues, droites et ornées de tètes sphéri-
ques; quelques lamelles de cuifre bosselé ont appartenu
à des ceintures ou peut-éire même i des espèces d'armu--
res. •— On en a découvert de pareilles dans des tumuli de
la contrée de Sigmaringen*» adaptées i de légères couches
de bois, de cuir et d'étoffe de laine, évidemment destinées
à donner à la lame de cuivre plus de résistance, sans ajou-
ter trop à sa pesanteur. Les tombeaux de Hallstadt renfer-
maient en outre des grains de collier d*ambre. d'argile el
même de verre émaillé. La poterie grossière, chargée de
lignes et de disques en creux, n*offre aucun rapport avec
celle des Romains. Au milieu de ces divers objets, étaient
encore une pointe de flèche en bronze^ des couteaux et des
pointes de lance en fer, avec quelques débris de ce métal.
A peu de distance de Hallstadt, du cdté de la tour de Ro-
dolphe, on a trouvé, avec des sépultures pareilles, dix-
sept anneaux de bronze, des perles d'argile el de verre
émaillé, et enfin des instruments de bronze el de fer.
Des recherches non moins heureuses sont celles que
M. de Bonstetten a dirigées dans le canton de Berne. Les
dix tumuli qu'il a fouillés près à'Aneth présentent, indé-
pendamment de quelques légères variétés, la construction
suivante : Lors de l'inhumation, après avoir tracé Taire cir-
culaire du tumulus, on arrangeait sur le sol de larges
dalles brutes, de manière k former une espèce de pavé
sur lequel étaient déposés le mort et les divers objets dont
on raccompagnait. Des pierres informes recouvraient en-
suite ces débris, puis des cailloux roulés, jetés en abon-
dance sur ce premier lit, formaient pour ainsi dire le noyau
* Au »ud du Wurtemberf , ainsi que duM d*aiitret Ikvx du midi de rAUe-
ouif lie : Conttaoc*, Zurkli, etc.
406 MONUMENTS DE L^ANTIQUITÉ.
de la colliDe, qa'oo achevait en répandant par-dessus
une couche plus ou moins épaisse de sable, de gravier et
de terre, jusqu'à la hauteur de 6 à 15 pieds. On a re-
trouvé dans ces tombelles des restes d'étoffe, des anneaux
en bronze, simples ou à spirale élastique, des broches h
ressort, des bagues, des morceaux d'ambre percés d'un
trou, de larges anneaux en bois noir, assez grands pour
bracelets et d'une conservation étonnante, de grands
brassards en bronze ornés de disques et de fines gra-
vures, et des umbo de même métal. Un poignard en
fer dans un fourreau de bronze est la reproduction par-
faite de la forme celtibérienne, adoptée par les Romains,
tandis que la plupart des autres objets sont la survivance
d'un art plus ancien. Ces tumuli contenaient en outre des
fragments de poterie grossière , un vase formé d'une
mince feuille de bronze , une chaîne à filigrane en or,
17 perles ou grains de collier d'or soufQé, et une espèce
de couronne en or, de la forme d'une calotte, consistant
en une feuille très mince, ornée de lignes, de pelits dis
ques et de triangles repoussés. Ce qui n'est pas moins
curieux que les pièces précédentes, ce sont des débris de
chariots dont il reste entr'aulres des treillis en bronze,
les cercles en fer des roues et les garnitures en bronze
des moyeux et des rayons; des restes de harnais en cuir
ornés de nombreuses têtes de clous en bronze et un mors
de cheval ou bridon en fer de petite dimension, complè
tent celle précieuse découverte *. — M. Mullerde Nidau.
a aussi fouillé plusieurs lumuli dans la même contrée, où
il a retrouvé sinon la même richesse, du moins la réu
' Soiice *itr lex Tornbelle* d'An^.lh^ par t;. de Bonstetten.
AGB DU FER. 407
nion d'armes en bronze et en fer qui constatent l'âge
de transition dont nous nous occupons en ce moment.
Trois tumuli* du Hardt, près de Bâle, recouvraient
plusieurs squelettes dont les uns reposaient dans des cer-
cueils en dalles brutes, d'autres en terre libre, d'autres
enfin à l'intérieur d'enceintes formées par un cercle de
pierres brutes, sans cimeni, ni mortier. Les ornements
qui accompagnaient les morts sont encore les bracelets,
les anneaux de jambe, les bagues, les colliers, les boucles
d'oreilles et les fibules à ressort. D'entre les anneaux,
60 sont en bronze, 12 en fer et 10 en os. Ces tombeaux
contenaient aussi des grains de collier en ambre, en os et
en verre bleu ou blanc, transparent ou émaillé, deux
pointes de traits, deux poignards en fer très endommagés
par la rouille, et des fragments de poterie grossière. —
Un fait important, relativement à l'âge de cette découverte,
c'est que, sous la terre des tumuli. se trouvaient à 1 7t
pied de profondeur dans le sol des tuiles romaines qui
dénotent que ces sépultures sont postérieures à l'entrée
des Romains en Helvétie, bien qu'elles appartiennent à
une époque où le christianisme n'était pas encore répandu
dans cette contrée*.
Dans les environs de Mayence, des tombeaux de l'épo-
que romaine, déposés dans le sol sans colline au-dessus,
contiennent des anneaux simples ou gravés, des épées',
des poignards^, des faucilles et des celts en bronze*, de
' Hauts de 5 à 7 pieds sur 100 de diamètre.
* Drei Grabhugel in der Hardi, bei Basel, von prof. Wilhelm Vischer.
* Comme celle de Suède.
* Comme le poignard de Bex, au Musée de Lausanne.
» L'alliage de zinc parait dans ces pièces. « On conserve à }^timaT une
408 . MONUMENTS DE l'aNTIQUITB.
môme que le castellum romain près de Wiesbaden où Ton
retrouve aussi des armes en fer. ~ Dans les ruines ro-
maines de la Suisse les instruments tranchants en bronze
paraissent très rarement. Je ne connais qu'une décou-
verte de ce genre, faite à Bionnens dans le canton de
Fribourg, où Ton a trouvé un celt en bronze avec des
ciseaux à ressort et une hache en fer.
On voit dans l'ancienne Marche, au sud-est de Salzwe-
del, près de Gûssefeldy des irrégularités du sol peu sensi-
bles, de forme convexe, entourées ou recouvertes de cer-
cles de pierres. Quand on creuse sur ces légères éléva-
tions du sol on découvre à 2 ou 3 pieds de profondeur
des urnes cinéraires en argile noire ou jaunâtre déposées
dans le sable et couvertes avec une pierre plate. — C'est
dans ces urnes qu'on a retrouvé des ornements et des
armes reployées en un volume assez petit pour pouvoir
y être renfermées ; de ce nombre, étaient une épée en
fer à deux tranchants, longue de 22 pouces, des pointes
de lance en fer et l'une en bronze. Cette dernière n'est pas,
comme les précédentes, munie d'une douille, mais elle
se fixait dans une hampe fendue, et la partie qui entrait
dans le bois porte encore trois clous rivés*.
Dans le voisinage de Falkenstein, dans le Harz, est la
colline d'Osterberg qui porté plusieurs tumuli, en forme
de mamelons arrondis; l'un renfermait une urne de
bronze et un grand nombre d'autres en argile. Sur l'urne
de bronze, pleine de cendres et d'os humains carbonisés,
épée courte, trouvée dans les crevasses d'une construction antique sur les
bords du Rhin ; on lit le nom de Gallienus sur la lame ; elle est en bronze, reste
à savoir si le nom de Gallien doit s'attribuer à l'empereur ou au fabricant. •
• Neue mttheilungen von Halle, zweiler Band, ersles Hefl, 1855, s. 108-1Î8.
AGB DU FBR. 409
étaient deux épées en fer, reployées, larges d'environ
2 ponces, et dont l'nne porte une croisière. Sur ces lames
d'épées reposait une pointe de lance en bronze ; ça et là
dans la colline on trouva encore d'autres pointes de lance
en bronze et en fer avec deux umbo et quatre fibules en
fer*. Un tumulus de Ausleben, non loin de Magdebourg,
recouvrait plusieurs urnes cinéraires et quelques objets en
bronze et en fer, en outre 142 monnaies romaines du
I" et do 11® siècle de notre ère*.
Au nord de TAllemagne, près de Marien-Werden, non
loin de Danzig, huit celts en bronze étaient accompagnés
de monnaies cufiques, qui remontaient du VU® au \^ siè-
cle de notre ère'. — Enfin Saxo le grammairien, raconte
que le prince Magnus enleva, l'an 1129, une hache en
bronze d'un temple de la Suède consacré à Thor. Nous
verrons bientôt ce qu'on doit penser de l'emploi de ce
métal à un âge si peu reculé *.
Quand on a étudié avec attention les armes et les orne-
ments de la période précédente, on ne peut se dissimuler
que si les découvertes de Hallstadt, d'Aneth et du Hardt
présentent des traits d'une analogie incontestable avec
cet art ancien, il est d'autres caractères qui annoncent une
manière de faire nouvelle. Plusieurs formes vont dispa-
raître, d'autres, exceptionnelles, vont se développer et se
répandre. Les grains de colliers en verre, en argile et en
' Neue MUih. von HaUe, dritter Band, erstes Hefl, s. 170.
* Neue Minh. von Halle, erstes Band, erstes Hefl, 1884, s. 79-89.
* Keferstein, KeU. AUerth., s. 78.
* Worsaae Blekins., pag. 64. Dans le département de la Somme en France
et dans le pays de Cornouailles on trouve des épées et des celts de bronze
avec des monnaies romaines des III* et 1V« siècle après J. C. Voyez aussi
Manduit: Emploi de Vairmn, pag. 7-18, etc.
410 MONUMKiNTS DB l'aNTIQUITÉ.
émail, à peu près inaperçus précédemment, commencent
à remplacer le lourd collier de bronze. — Dans les tom-
beaux de Hallstadt, le fer est déjà employé pour les armes
et les instruments tranchants, à l'exception d'une seule
pointe de flèche. — A Aneth, Tusdge du Ter est encore plus
répandu, quoique la gravure du bronze soit celle d'un
temps reculé. L'art avec lequel l'or est soufilé et repoussé
n'est plus des âges primitifs, où l'emploi des métaux pré-
cieux se fait avec prodigalité, et le poignard dont nous
avons parlé atteste l'influence du Romain, bien plus que
celle du Geltibérien. — Les épées et les poignards en
bronze trouvés dans les tombeaux et les ruines romaines
des environs de Mayence et de Wiesbaden, ne peuvent
être attribués aux dominateurs dont les armes étaient en
fer. Il faut ainsi reconnaître que plus d'un homme de
guerre de la Germanie portait encore à cette époque des
armes en bronze. — A Falkenstein et à Giissefeld, les lan-
ces en bronze sont mélangées avec les lances et les épées
en fer dans des contrées où les. Romains n'étendirent
jamais leur domination. Près de Magdebourg le fer se
trouve avec des monnaies du 11^ siècle. — Enfin les celts
en bronze de Marien-Werden, déposés dans le sol au
X« siècle, présentent un exemple intéressant de la longue
survivance des anciens usages. — Quant à la hache de
Thor enlevée par Magnus au commencement du XII« siè-
cle, elle nous rappelle que le prêtre regarde comme sa-
crée la matière qu'il a une fois reçue pour le culte et qu'il
est le dernier à l'abandonner.
Les résultats auxquels nous arrivons sont tellement
conformes à ce qui a dû se passer, qu'on peut se demander
s'il ne snflisait pas de les indiquer, sans entrer dans au-
AGE DU FER. kH
taDt de détails. Od comprendra mieux l'importance que
nous mettons à les établir par des faits lorsque nous au-
rons dit un mot des questions historiques auxquelles ces
détails se rattachent. — Plusieurs archéologues prétendent
que le fer a été introduit instantanément dans la plupart
des contrées de l'Europe par des peuples envahisseurs,
qui apportaient cette connaissance de pays étrangers; là
où ils s'établirent, ils anéantirent la population vaincue ou
l'obligèrent de chercher une autre patrie; l'art, apporté
avec eux, demeura, dit on, chez eux sans en sortir, et
chacun poursuivit le genre de travail qui lui était propre.
C'est ainsi qu'on établit de profondes lignes de démarca-
tion d'un peuple à un autre peuple, et que l'on croit re-
connaître le Celte à ses armes en bronze, et le Germain
aux armes en fer. — Une étude plus complète aurait fait
voir que ce qui a pu se passer de cette manière dans un
petit nombre de contrées n'était point un fait général.
Souvent on a pris pour des différences de peuples ce qui
n'était que des différences de temps ou de développement
chez une même nation. Les Celtes, qu'on a dit n'avoir
employé que le bronze, travaillent le fer avant les Ger-
mains. Ceux-ci, auxquels on refuse le métal attribué aux
Celtes, déposent pendant longtemps, ainsi que nous ve-
nons de le voir, des armes en bronze dans leurs sépultu-
res, à côté d'instruments en fer. Si l'étude des monuments
nous engage à repousser les distinctions absolues ce
n'est point que nous méconnaissions les individualités, car
l'analogie des formes ne conduit pas nécessairement à
l'identité de la langue et des mœurs. Nous ne nions point
non plus la possibilité de trouver des traits de distinction
dans les produits de l'art métallurgique, seulement, pour
442 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
les établir avec certitude, on manque de recherches assez
complètes. — Nous aurons à revenir sur ces questions ;
pour le moment, ce que nous tenions à constater, c'est ce
développement graduel qui s'opère plus ou moins rapide-
ment après toute découverte destinée à réagir sur Thu-
manité.
TROISIÈME PÉRIODE
INSTRUMENTS TRANCHANTS EN FER.
Si la découverte du cuivre fit oublier peu à peu l'emploi
de la pierre et de l'os il n'en fut pas de même relative-
ment aux premiers métaux connus, quand on parvint à
vaincre les difiScultés que présente le travail du fer. Le
bronze, au lieu d'être abandonné, continue à servir à des
usages divers, mais ce qui caractérise cette nouvelle pé-
riode, c'est que les instruments tranchants sont en fer et
non plus en bronze. Dans la période précédente nous
avons fait remarquer l'analogie des sépultures, des vases,
des armes et même de la gravure sur métal dans l'Eu-
rope ancienne, y compris les premiers temps de la Grèce
et de l'Italie. Au moment où nous sommes arrivés, cette
identité de formes et d'usages disparait. La Grèce et
l'Italie ont acquis un développement tel que pendant long-
temps elles ont attiré à elles seules Tattention des anti-
quaires. La Sibérie, la Gaule, la Bretagne et le midi de la
Germanie tombent sous la domination romaine et reçoi-
vent le christianisme dès les premiers siècles de notre
ère. Les autres contrées de l'Europe, qui échappent à
AGE DU FBR. 413
cette domination, sont en général amenées beaucoup plus
tard à la foi nouvelle, aussi nous présentent-elles le déve-
loppement du paganisme jusqu'au X« siècle, et même en
quelques pays, jusqu'au XII® siècle de notre ère. — Dans
la première partie de cette période, nous rechercherons
les monuments du nord de l'Europe qui sont la suite
naturelle de l'ancien genre de vie qui nous a occupé jus-
qu'à présent, et, dans la seconde partie, nous reprendrons
les provinces romaines, en examinant, particulièrement
dans notre pays, ce qui nous reste des quatre premiers
siècles de l'ère chrétienne. Après la chute de Rome, nous
assisterons à la formation d'un nouveau monde, en recueil-
lant les débris déposés ça et là dans le sol du commen-
cement du V*' au X«i siècle, époque à laquelle commence
l'étude des chartes, qui ne peut rentrer dans notre sujet.
PREMIÈRE PARTIE.
Le mode de sépulture le plus ancien en Europe se dis-
tingue moins par les constructions gigantesques d'un âge
durant lequel la force du bras était surtout en honneur,
que par l'attitude de l'embryon donnée à l'homme après
sa mort. Plus tard, les morts sont étendus sur le dos, ou
bien, après avoir été consumé par le bûcher, leurs cendres
sont recueillies dans des urnes. On retrouve ces squelet
tes et ces urnes en terre libre ou entourés de pierres,
sous des collines plus ou moins élevées, selon la cx)nsidé-
ration dont jouissait le défunt. L'époque à laquelle nous
sommes arrivés reproduit les divers genres de sépulture
usités dans la deuxième période, et présente en outre
quelques variétés propres à certaines contrées. Nous dé-
kiU MONUMENTS Dl£ L^ANTIQUITS.
criroDS ces différentes construetioDS pour cbacuD des pays
doninoas aurons à nous occuper.
Irlande.
Si la Brelagne proprement dite a passé sous la domina-
tion des Romains quelque temps après les Gaules, Vlr-
lande (Hibernia), peuplée de Gaëls et d'Ibères, ne fut pas
comprise dans leur empire, et ce ne fut que dans le V^ siè-
cle que St. Patrice y remplaça le culte des druides par
celui du christianisme. C'est à ces derniers temps qu'ap-
partient une découverte remarquable faite dans le comté
de Meaih, près du village de Dunshaughlin. Une colline
arrondie, de 520 pas de tour sur environ 8 pieds d'élé-
vation, était entourée d'un fossé, comme on en voit sou-
vent autour des tumuli d'Irlande. La terre de ce monti-
cule était mêlée d'un nombre si considérable d'ossements
d'animaux qu'on en chargea 150 voitures : c'était surtout
des os de vaches, de cochons, de chèvres et de chiens,
mais aussi des os de chevaux, d'ânes, de cerfs, de re-
nards et d'oiseaux. La plupart des crânes de vaches
étaient percés d'un trou. Beaucoup d'antiquités mêlées
aux ossements reposaient à la base de la colline; au cen-
tre de celle-ci, à environ deux pieds sous la surface du
sol, étaient couchés deux squelettes d*hommes, sans trace
de cercueil. Â 16 pieds de profondeur au-dessous de
l'aire du tumulus, des solives de chêne, posées sur la
marne et le sable, étaient liées les unes aux autres par des
traverses rendues fixes au moyen de forts doux en fer.
Sur les bords de cette espèce de parquet en damier s'éle-
vait une paroi de poteaux de chêne, de 8 à 10 pieds de
AGE DU FER. 445
hauteur, engagés dans les solives. D'autres parois de po-
teaux divisaient l'intérieur en cellules remplies de terre
de marécages d'antiquités et d'ossements d'animaux. Il
est à remarquer que la plupart des cellules ne renfermaient
chacune qu'une seule espèce d'animaux. Outre de nom-
breux bois de cerfs, les antiquités consistaient en armes,
en ornements et en instruments de cuisine et de maison.
Les lames des épées en fer se terminent par une pointe
acérée ; elles étaient accompagnées de lames de poignards,
de nombreux couteaux de formes et de grandeurs diver-
ses, de fers de lance, de piques et d'un umbo de bouclier
en fer, ainsi que toutes les autres armes, dont pas une
seule n'était en bronze. — L'os, le bronze et le fer étaient
employés pour des épingles de 4 à 6 pouces de longueur,
avec lesquelles se trouvaiept un étui d'ébène, des peignes
et des broches ornées d*émaux et de mosaïques. Sur un
os, ont été sculptés des volutes et d'autres ornements pa-
reils à ceux que portent d'anciennes croix dressées sur
les tombeaux chrétiens de Tlrlande. — D'entre les instru-
ments domestiques, il faut mentionner deux meules de
moulin à bras, des pierres à aiguiser, des chaînes et une
hache en fer, 4* vases de bronze d'une forme élégante,
plusieurs instruments de 3 pouces de diamètre, pareils à
de petites poêles à frire, de petits disques de bois, d'argile
et d'ardoise, et des ciseaux à ressort*.
Un des faits les plus remarquables de cette découverte
est la construction des cellules en bois de chêne à 16 pieds
de profondeur dans le sol. Nous retrouverons en Dane-
mark et en Russie des salles sépulcrales formées de soli-
' Neue }fitth. von HaUe, VK Band, II* flefl, s. 155.
416 MONLMKNTS DE l'aNTIQUITÂ.
vaux et recouvertes de terre, mais dont la base ne descend
pas an-dessous du sol environnant; elles contiennent des
tombeaux et des ornements divers, tandis que les cellules
de l'Irlande ne présentent pas de traces de sépultures.
Les deux squelettes d'bommes, coucbés sous la colline,
reposaient au-dessus des parois de poteaux; si la descrip-
tion qui en a été faite est exacte, il faut en conclure que
des animaux furent immolés en grand nombre en ce lieu,
avant qu'on y donnât la sépulture aux morts. Après que
ceux-ci eurent été déposés sur cette coucbe épaisse de
victimes, ils furent recouverts des débris de nouveaux sa-
crifices. Si Ton examine attentivement les détails de cette
découverte, on ne peut voir là le fait d'une simple mor-
talité, car, dans ce cas, on ne comprendrait, ni la cons-
truction des cellules, ni le dépôt d'armes et d'ornements.
D'un autre côté, les trous observés sur plusieurs crânes,
ne laissent pas de doute sur la mort violente ou l'immo-
lation des animaux. Mais ce qui a lieu de surprendre, c'est
le nombre excessif des victimes, qui va fort au delà de ce
que nous apprennent les récits homériques*. — Quels
étaient donc les deux personnages en l'honneur desquels
tant de sang fut répandu? L'histoire n'a pas enregistré
leur nom, et aucune inscription ne vient nous aider à sou-
lever ce voile; ce qu'il y a de certain c'est qu'ils durent
jouir d'une grande considération pour qu'on ait cru devoir
sacrifier autant à leurs mânes. — La présence d'ustensiles
domestiques a pu surprendre au milieu de ces divers dé-
bris, mais l'usage n'en a pas moins été répandu ; la Nor-
' Cette particularité d'animaux par case ne pourrait-elle pas désigner les
sacriAces faits sur la tombe d'un grand chef par des tribus différentes dont
chacune aurait sacriflé l'animai qui lui servait de symbole?
AGE DU FEB. 417
wège en ofifre des exemples curieux. En déposant tous
ces instruments dans la tombe, on croyait ajouter à la
grandeur du héros et à l'éclat de son entrée dans le Val-
balla. — L'âge de cette colline, est postérieur au l^r siècle
de notre ère, on doit le conclure non-seulement de la
présence du fer, mais de la sculpture sur os et bien plus
encore des broches émailléesetà mosaïque', genre d'art
que les Romains répandirent dans les provinces du 11» au
JN^ siècle. L'époque de ce monument répond ainsi aux
derniers temps pendant lesquels le paganisme fut encore
en vigueur en Irlande.
Allemagne.
Les Romains, après leur établissement dans le midi de
la Germanie, élevèrent un grand mur en terre, retran-
chement destiné à proléger leurs conquêtes contre les
envahissements du Nord. Ce mur, de 130 lieues de lon-
gueur, appelé quelquefois mur du diable, s'étendait du
Rhin au Danube, dans la direction de Dillenbourg, Wetz-
lar, Hanau, Wertheim, Halle, Diinkelsbûhl et Ratisbonne.
H passait ainsi au nord de la Hesse, de Nassau, de Baden,
du Wurtemberg et fie Tancienne Bavière V Des deux côtés
* lid mosaïque pour l'argent qui a dû précéder celle des petits objets, ne
parait à Rome que vers le temps d'Auguste.
« Voyage autour du Caucase^ par Du Bois, tom. IV, pag. 294-304. Le nord a
toujours menacé le midi. La garde des passages du Caucase a toujours été
envisagée comme importante. Les Chinois ont commencé à élever leur grande
muraille il y a plus de deux mille ans pour contenir les peuples du haut pla-
teau de la Mongolie. Les remparts de la Bactriane, les murs médiques entre
le Tigre et l'Euphrate, le mur de Béry dans le voisinage de Persépolis. de-
v.'iient défendre les peuples de la Babylonie et de la Médie contre les noma-
MéM. KT ÏMM'.llM. X\V. 27
418 MONUMENTS DR l'aNTIQUITÉ.
du retranchemeni, les tumuH sont répandus en grand
nombre sur le sol de rAllemagne, mais pour le moment
nous n'avons à nous occuper que de ceux qui furent éle-
des Scythes, ou autres, du nord et de Test de la mer Caspienne. Chaque aeso-
dation de colonies grecques en Thrace, en Crimée, eut son mur de défense.
La Chersonèse de Panticapée se ferme par le rempart d'Akkos contre les
Scythes, que ceux de la Chersonèse Héracléotique repoussaient par un rempart
élevé entre l'extrémité des baies de Sébastopol et de Balaklava. On connaît
le mur que ût élever Hiltiade pour fermer aux Thraces l'entrée de la Gherso*
nése de Thrace. Plus anciennement encore les Cimmériens s'étaient déjà for-
tifiés contre les Scythes dans l'île de Taman, dont-ils formèrent une presqu'île,
par un rempart connu sous leur nom. (Strabon, liv. XI, pag. 474.) Même les
Romains, sous Trajan et sous Adrien, ne furent*ils pas forcés de se mettre à
couvert d'une invasion des barbares du nord par des lignes de fortifications
qui rivalisent presque en longueur avec celles de la Chine ? Ainsi ils élevè-
rent, vraisemblablement sous Adrien, le fameux rempart dit de Trajan, dont
le nom retentit encore dans la bouche des habitants de la Moldavie, de laPo-
dolie et môme de l'Ukraine. Là tout ce qui est grand est de Trajan. Démé-
trius Kantémir, dans une description faite il y a plus d'un siècle de la Mol-
davie, décrit ce rempart, qu'il fait passer de Petervaradin sur le Danube, par
les montagnes de Démir-Kapou (Portes de Fer), aujourd'hui montagnes d'Or-
sova. De là, sous la forme d'un simple rentranchement, il le fait traverser la
Moldavie et la Valachie, couper le Pruth près du village de Trajan, le Botna
près de la ville de Caunah, et après cela, le conduit à travers toute la petite
Tartarie, jusqu'aux rives du Don ; il lui assigne ainsi environ 400 lieues de
France de longueur. La seule partie bien connue de ce rempart s'étend en
effet entre le Pruth et la mer Noire sur une longueur de 33 lieues. Les ar-
mées russes le connaissent fort bien et l'ont passé et repassé maintes fois. Le
reste de <5e rempart est très incertain, et même ce que dit Kantémir de sa
prolongation jusqu'au Don ne paraît pas probable; je n'en ai vu nulle trace
sur les divers points que j'ai traversés et n'en ai jamais entendu parler de
façon à conformer l'opinion de Kantémir. Un second rempart dont j'ai visité
plusieurs tronçons en Podolie, peut être assigné avec beaucoup plus d'assu-
rance que le premier à l'empereur Trajan qui, après la conquête de la Dacie»
avait tracé une frontière à l'empire romain, au delà du Dniester. — Les Ro-
mains défendirent aussi l'Allemagne par des murailles sur plusieurs points ;
en en voit des restes dans l'ancienne principauté de Hohenlohe prèsil'Oehrin-
gen, et tout le monde connaît le mur du Diable, qui s'étend du Dinketspuhl
AGE DU P£H« hi9
tés dans les parties de la Germanie étrangère à la domi^^
nation romaine. La plopart des variétés de constroctionis
observées dans la période précédente se reprodoisent
vers IngoUtadt, et qui a près de 94 lieues de long. -- Enfin, ne fallut-il phB
qu'Adrien lit construire entre l'Angleterre et l'Ecosse actuelle, sa fameui*
muraille Calédonienne ou Picts-Wally qui devait empêcher les fiers Calédo*^
niens d'envahir l'empire romain. — Toujours le midi s'est mis en garde
contre le nord. Quelle belle muraille la nature avait élevée entre lamerNoîre
et la mer Caspienne, pour faciliter cette défense de ce qu'on appelle la civilK
salion contre la barbarie ! Cependant, nous avons vu que les Cimmériens et les
Scjthes surent la franchir, et l'empire de vingt-huit ans (dé 688 à 605 av. J . G.)
qo'eiercèrent ces derniers sur l'Asie centrale, laissa d'assez efflra^fants sou-
venirs aux potentats de la Perse pour les enfga|^r à prendre toutes les pré-
cautions afin d'empêcher ces nomades de revenir. La grande muraille dite
caucasienne fut construite alors. — Selon les chroniques géorgiennes, On la
doit à ardait, gouverneur de là Géorgie pour Aphridoun ou Féridoun. D'au-
tres, comme Massoudi, en attribuent l'honneur à Xerxès fils de Darius, ou à
Alexandre le Grand, Ces traditions indiquent que chaque souverain dé cette
époque songea à cette ligne de défense, l'améliora et retendit. Cependant on
aurait tort de croire que le Caucase fut ainsi traversé par une ligne conti-
nue Les cimes du Caucase sont inabordables dans presque toute leur éten-
due Il ne se présente que fort peu de passages praticables, et la plupart
seulement en été. 11 ne s'agissait donc que de défendre par des murailles et
par des tours les étroites et sombres vallées, semblables à des défilés , qui
mènent aux cols principaux, et le Caucase se trouvait fermé hermétiquement.
— La grande muraille est donc composée d'un certain nombre de tronçons
qui peuvent avoir été ordonnés successivement par différents princes Lé
principal tronçon de ce système de défense est celui qui commence à la mer
Caspienne et qui clét l'étroit défilé (derbend) qui reste entre cette mer et la
chaîne de montagnes voisines. La muraille est très forte, construite en cal-
caire eoquillier, et appuyée de 6 à 8 verstesde distance par une tour carrée ;
cette partie parait avoir été renouvelée par Nouchirvan, roi de Peréè. Mas-
soudi, (Magasin asiatique de Klaproth, pag. 961) s'exprime ainsi : La Porte
des Portes fut construite par Khosrou Anouchirvan, qui y fit élever un mur,
et le prolongea dans la mer à la distance d'un mille; il faisait la frontière
depuis la mer des Khazars, jusqu'aux cimes les plus élevées du Caucase ; ce
mur traversait les rochers et les précipices, et s'étendait sur une longueur
de 40 parasanges, jusqu'au fort appelé Thabaristan. De trois en trois milles,
kiO MONIMRNTS DE L* ANTIQUITÉ.
dans celle-ci ; cependant l'arrivée des Wendes introduisit
un nouveau mode de sépulture dont nous aurons à don-
ner le description.
Bien que les relations peu nombreuses qui nous sont
parvenues sur les cérémonies funèbres des anciens Ger-
mains soient fort incomplètes, il n'en est pas moins inté-
plus ou moins, d'après la nature du terrain, Anouchirvan y fit placer des
portes de fer. A chacune de ces portes, il posta, en dedans de la muraille, un
certain nombre de troupes chargées de garder la porte et la partie de la mu-
raille voisine, etc. Chérif Edrissi (qui écrivit en 1153 d. J. C.) donne Ténu-
mération suivante des portes fortifiées et fermées de la chaîne orientale du
Caucase. Ce sont: les portes de Tsoul, d'AUan, de Sairftn de Lazinah, de Ma-
zékah, de Sedjesdji, du Seigneur du Trône, de Kilan-Chah, de Karouïan, de
Thabersasinah, d'Abran-Chah, de Lian-Chah. Il paraît même qu'il a existé
plusieurs remparts distincts, qui seraient marqués sur la carte du voyage de
Lerch, en 1747. — La grande porte de cette muraille était à Derbend, Bah-
al-Abvahi ou la Porte des Portes des Persans, la porte Caspienne de plusieurs
auteurs anciens. Les autres tronçons connus de nos jours et marqués pour la
plupart sur la carte du général Khatof, sont chez les Ingouches, l'ancienne
muraille de Kapi7a, sur TAssaï ou Chalgir, au-dessous du sanctuaire des
Ingouches. — Chez les Osses on en compte quatre, qui sont plutôt des portes
de défilé que des murailles. Le principal est celui de Darial, sur le Térek.
Le second est plus à l'ouest dans la vallée latérale des Tagaouri, parallèle à
celle de Khévi, et arrosée par le Kizil-don qui sejette à gauche dans le Térek.
La troisième muraille est chez les Sakhas, sur le Fiag ou Pog, autre affluent
de gauche du Térek. On en a retrouvé les traces entre Latche et Khilag
Les Géorgiens, enfin, en construisirent une quatrième chez les Vnlaghira^
dont l'Arridon, qui a sa source entre le Kadélaet le Khokhi, arrose la vallée...
Dans le milieu du V« siècle ap. J. C, Vakktang, après avoir soumis les Osses,
construisit à Cassara une bonne muraille qui mit fin à leurs incursions. Se-
lon Yakhoucht, elle est au-dessous du Zramaga inférieur. « Là est une porte
en roches cimentées, avec un grand ceintre par-dessus la rivière, et les rois,
ajoute-t-il, l'ont construite pour que les Osses ne pussent venir par là sans
leur permission. Cette vallée est très forte et inaccessible. Zramaga est une
grande et forte citadelle construite, dit-on, pour la reine Tamar. » • Au
delà des Osses les passages du pied de l'Elbrous étaient fermés par d'autres
murailles et remparts, dont l'un appartient à la vallée des Troglodytes, aujour-
AGE DU FER. 421
ressani de réunir ces traits épars. Tacite dit que les
corps des Germains de distinction étaient brûlés avec des
bois odorants et que leurs cendres étaient recouvertes
d^une colline de terre. — La mort dans les combats était
honorée par les Gotbs ainsi que par la plupart des autres
peuples; si le défunt avait été un hardi navigateur, son
corps était déposé sur un vaisseau auquel on mettait le
feu, et tout disparaissait dans les eaux *. La chronique de
d'hui vallée de Kislavodsk ou des eaux acidulées, l'autre était sur la Kouma.
Enfin le dernier tronçon, à Tinstar de celui de Derbend, fermait le défilé
maritime de Gagra que j'ai décrit plus haut. La muraille de Kélassour défen-
dait seulement la république grecque de Dioscourius contre les montagnards
du Caucase. •
Voyage autour du Caucase. Du Bois, tom. V. pag. 445. — Crimée : Côte de
rOuest. • La terrasse étroite du KasHle que j'ai mentionnée plus haut était
donc le seul passage un peu commode que la côte pût offrir. Fidèle à leur
système, les plus anciennes populations de la Tauride y avaient établi l'une
de leurs fortifications, que la tradition tartare a baptisée du nom de Démtr-
Kapou (porte de fer). Trois murailles en formaient l'enceinte ; les deux plus
courtes avaient de 200 à 250 pas de développement, s'appuyaient par un côté
sur les flancs à pic du Kastèle, et descendant dans une disposition parallèle,
venaient aboutir aux deux extrémités de la troisième muraille qui bordait
l'escarpement irrégulier de la terrasse sur une longueur de 5 à 600 pas. ■ —
« Les murs sont composés de gros blocs de granit, entassés les uns sur les
autres, sans ciment quelquefois ; il ne diffèrent en rien de celui que j'ai dé-
crit à l'ouest du Tchaiyrdagh. L'intérieur qui n'est qu'une bande étroite,
renfermait quelques grossiers édifices ; j'ai cru même avoir reconnu à l'angle
sud-est, les restes d'une tour grossière. Tout témoigne ici de l'enfance de
l'art, et rappelle les constructions cyclopéennes de la Grèce, ou les camps
gaulois de la France et de l'Helvétie; j'attribue en Grimée ces ébauches de
constructions aux Taures • Les Taures, à mon avis, sont aussi les auteurs
d'une seconde forteresse beaucoup plus considérable que la première et qui
embrassait une partie de la sommité de la montagne. Une muraille construite
sans ciment, s'étend du nord au sud, d'un précipice à l'autre et renferme des
traces nombreuses d'habitations mêlées de fragments de vases en terre cuite,
de différentes espèces. »
< Keferstein, Kelt. AU. s. 806.
kVi MONUMENTS DB l'aNTIQI;|TÉ.
Pierre Durburg de Tordre Teutonique nous a coDserré
des détails curieui sur les cérémonies Tunébres des anciens
Prussiens, t Lorsqu'un bomme, et surtout un noble, ve-
nait à mourir, on le plaçait sur un siège au milieu de sa
famille et de ses amis qui lui disaient: Halélé, n'avais tu
pas une maison commode, une belle femme, pourquoi es-
tu mort? N'avais-tu pas de beaux troupeaux, des cbevaux
légers à la course, de bons chiens de quête? Qui t'a chassé
du monde, Halélé? On étalait les richesses en lui répétant
les mêmes questions, et comme il ne répondait point, ceux
qui étaient présents, le chargeaient de leurs derniers
adieux pour leurs amis et leurs parents décédés *. On fai-
* Dans la province de Gourda (au sud de la Mingrélie, côte orientale de la
mer Noire), Du Bois de Montpéreux a vu la cérémonie suivante qui se passait
en 1883. « En passant près d'une chaumière, je fus témoin des cris et de la
douleur que témoignent ces peuples pour leurs morts. Les parents et les amis
ne quittent pas le corps jusqu'à ses funérailles, et ne cessent de pousser de
lugubres complaintes. — Ne t'ai-je pas aimé, lui dit l'un? Ahi ! — N'avais-tu
pas une bonne maison, lui dit l'autre? Ahi ! — Quand est-ce que le boire et
le manger t'ont manqué ? Ahi ! — Tes Koupchines ne sont-elles pas rem-
plies? Ahi ! — N'avais-tu pas un bel habit? Ahi ! — Comme tu étais bon ! Ahi !
— Comme tu étais beau! Ahi ! — Comme tu étais habile! — Et tout ce monde
à chaque phrase fait un chorus de plaintes et de désolation, à l'entendre
d'une demi-lieue. » « Ce désespoir est coupé de moments de repos ; chacun
cause alors tranquillement, pour recommencer l'instant d'après avec plus de
fureur son rôle de désolé. Le noir et la barbe qu'on laisse croître sont les
signes du deuil chez les hommes. » — Près de Gori, en Géorgie, on voit un
cimetière recouvert de fragments de cruches et de vases à boire provenant
des repas funéraires célébrés sur la tombe des morts. Voyage autour du Cau-
case, Tom. III, pag. 117 et 191.
» Chez les Osses (peuplade au nord du Caucasej lors des funérailles, les
parents et les voisins du défunt se réunissent dans la maison de deuil, qui
présente le même tableau de lamentation et de cris qu'en Géorgie. Les hom-
mes se frappent avec un fouet le dos et la nuque ; les femmes se déchirent
le visage et la gorge ; la veuve s'arrache les cheveux ; elle cherche même à
1
AGE DU FBR. 433
sait au défunt des présents funéraires; pour les hommes,
c'était une épée qui devait les défendre cobtre leurs en-
nemis; pour les femmes, une aiguille et du fil dont elles
devaient se servir pour raccommoder leurs vétements^dans
ce long voyage. Les pauvres étaient enterrés, les no\)les
consumés sur un bûcher. Les parents accompagnaient le
convoi à cheval, Tépée à la main, jetant des cris pour
écarter les esprits malfaisants. Arrivés au lieu de la céré-
monie, le cortège faisait trois fois le tour du bûcher, en
répétant les mots: Halélé, pourquoi as-tu quitté la vie?
On brûlait avec le mort des meubles, des chevaux, des
chiens, des faucons, tout ce qui avait servi à ses besoins
se blesser avec une arme tranchante, ou avec une pierre aiguë, comme le
faisaient les anciens Scythes et les riverains du Bosphore, qui déposaient ces
pierres ensanglantées dans le tombeau.
» Après trois jours de pleurs, on enterre le mort, enveloppé d'un feutre,
dans une fosse assez profonde. — Un an après, les parents donnent un grand
festin en l'honneur du défunt. Tous les habitants des villages voisins, et mé-
mo ceux de la vallée entière, viennent y prendre part. Pour augmenter la
solennité de la fête, on établit des courses de chevaux. Le vainqueur reçoit
un présent consistant en bœufs. — Dans plusieurs parties de TOsseth, cha-
que famille à son lieu de sépulture séparé , c'est un vaste b&timent carré avec
une entrée très étroite. Deux hommes y traînent après eux sur des planches,
le corps du défunt; quand il est consumé, on mêle ses os avec ceux du reste
de la famille. LesDougors suivent, au contraire, Tusage des Géorgiens et des
autres Caucasiens. Ils parent le mort de ses plus beaux habits et l'enterrent
dans des fosses murées, peu profondes, ils recouvrent la tombe avec des pier-
res plates, et Ton y plante des arbres; du côté delà tête, on érige, pour les
personnes de distinction, des pierres carrées de la hauteur d'un homme,
taillées irrégulièrement. Reineggs assure que dans les anciens tombeaux des
Osses, on trouve souvent des monnaies cufiques, sassanides et géorgiennes.
— Mourir frappé par la foudre est, comme chez les Lithuaniens, quelque
chose de saint. On enterre le défunt à la place où il a été frappé ; on y tue
un bouc noir, dont la peau est empaillée et suspendue à une perche sur le
tombeau du nouveau saint, que l'on croit appelé par Elie, le grand saint et
patron des Osses. ■ {Voyage autour du Caucase, Tom. IV, pag. 450.)
k^'lk MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
OU à ses plaisirs sur la terre; quelquefois même, des
femmes, des esclaves» attachés au défunt, étaieut préci-
pités dans les flammes. Des panégyristes, nommés TVi^ts-
sons ou Ligtistons, faisaient l'éloge du mort, qu'ils croyaient
voir dans les nuages, monté sur un cheval blanc, revêtu
d'armes brillantes, tenant trois étoiles dans la main droite,
un faucon dans la main gauche, et s'avançant vers un
autre monde, dans tout l'éclat de la puissance et de la
gloire *. »
Les tnmuli de cette période, avons-nous dit, ne se dis-
tinguent guère par leur construction de ceux de la période
précédente, bien qu'ils présentent en général des dimen-
sions moins considérables; cependant au point peu avancé
où en sont les recherches, quelques faits se présentent
comme des irrégularités accidentelles qui doivent pour-
tant avoir leur raison d'être. Ainsi, entre Weimar et Dorn-
burg, près de Ramstedt, était un tumulus de 35 pieds d'é-
lévation. Au centre, le tombeau principal, formé de grandes
plaques et recouvert de 4 dalles, contenait deux squelettes,
l'un d'homme, l'autre de femme, de chaque côté se trou-
vait une petite cellule, et tout auprès, le squelette d'un
petit enfant reposait dans une caisse ou cercueil en pierre.
Un peu plus loin, un squelette également protégé par des
pierres, était entouré de vases, de dents d'animaux, de
couteaux en fer et d'autres objets. D'autres tombes consis
taient en simples rangées de pierre; quelques-unes, au-
dessus du tombeau principal, conservaient encore quel-
ques restes de cercueils en bols sous de petites voûtes de
pierres sans mortier*. On a trouvé, dans ces divers loni-
' Michaud, loin. Ul, pag. 642. Pièces justificatives.
* Kefersl. Kelt. AU. s. 43.
AGE DU FER. 425
beaux, des cornes, des vases, des anneaux, des grains de
colliers en verre et en cristal, une bague, des boucles d'o-
reilles enrichies de carnioles, des agrafes de bronze et
d'argent, et quelques instruments en fer ^ — Un autre
tumulus, près de Wemburg, entre Ravis et Pôssneck, re-
couvrait plusieurs cercueils en pierre, 20 squelettes, des
armes, une urne de verre et des objets en fer*. — Vers
Mûcheln, non loin de Merseburg, les urnes des tumuli
étaient accompagnées -d'ornements divers et d'éperons en
fer \
Dans Y Ancienne Marche, on trouve des petites collines,
pareilles à un segment de sphère, dont la base est souvent
entourée de blocs informes, pris en partie dans le sol. A
l'intérieur, les urnes cinéraires sont déposées en grand
nombre dans la terre ou le sable, quelques-unes ont pour
couvercle un plateau en argile, et plusieurs contiennent
avec les cendres, des jouets d'enfants, des couteaux en fer»
des grains de colliers en verre, des fibules, des épingles,
des anneaux et des chaînes en cuivre ou en fer. Les orne-
ments sont variés et différents parfois d'une colline à une
autre colline ^.
Au nord de l'Allemagne, les tombeaux de l'âge qui nous
occupe sont des espèces de cimetières, dans lesquels on
retrouve, non des squelettes, mais des urnes cinéraires
déposées en grand nombre dans le sol. Ces places d'urnes
* Keferstein, Keli. Alt,9 s. 47.
* Keferstein, Kelt. AU., s. 11.
' Bohême^ Mathias Kalina, s. 101-103; 171 ITi, autres tumuli.
*' Ainsi le Wolfiberg près de Bries, quelques collines dans le voisinage de
Guuefeld, une près de Lohne, une près de Bieie. — Neue Mitth., von Halle,
Band 11, 111 und IV Heft, s. 544-584.
426 MONIJMBNTS DB L*ANTIQUITB.
provienDeDi esseniiellemeDi des Wendes ou Slaves qai ar-
rivèreot au III^^ siècle sur les bords de TOder, et s'éfeo*
dirent jusqu'à TElbe, et au delà de Luneburg, à la fin do
V* siècle. Ils pratiquèrent leur culte dans ces contrées jus*
qu'au IX^, et même en quelques lieux, jusqu'au XII* siècle
de notre ère *. — Les parties sablonneuses de l'ancienne
Marche possèdent beaucoup de ces places d'urnes, eotr'ao-
tres sur les hauteurs du Feldmark, sur le Windmiihlen'
bery et sur le Sandberg. Les urnes reposent dans le sable
à une profondeur d'environ 2 pieds ; quelquefois une pierre
plate leur sert de couvercle, souvent elles sont si Dom-
breuses qu'elles se touchent toutes. Leur contenu est à
peu près le même que celui des tombeaux de l'âge précé-
dent*. — A Wœnig, près de Bergen, dans le Hanovre ',
ces urnes, avaient été déposées sur un pavé à peu de pro-
fondeur dans le sol, et au-dessus de chacune d'elles, était
un bloc de granit en guise de pierre sépulcrale. — Dans
le district de Potsdam, on a découvert près de Gnewikow,
six urnes d'argile disposées en cercle, à une égale distance
les unes des autres, sous la surface du sol. Au centre se
* lU s'établirent aussi sur les bords de la Saale, et en Franconie jusqu'à
Bamberg, Wiinburg et Fielda. Quelques colonies slaves allèrent jusqu'en Hol-
lande dans la contrée d'Otrecht. et en Angleterre dans le comté de Wittshire.
— Keferst. Kelt, AU. s. 369. L'an 1006, Ludwig, Script, rerum Bamberg.
pag. 1116, dit que l'Evéché de Bamberg était en grande partie habité par de»
Slaves.
* Ainsi le Zoaskenherg près Briez, le Windmiihlenberg près Eluine^ le
Windmiililenberg près Gùstefeld, le Windmiihlenberg près Zethhnçen, k
Sandberg près Kahrstedt^ le Sandberg près l^ohne. — Places identiques près
de Luchow et de Vfuttrow dans le Hanovre.
' A deux milles de Salzweden. — Voir les détails sur ces différentes places
dans les Neue Miith.. von Halle, Band II, III und IV HeA, s. S44-S84. Mt-
moire du prof. Daniel.
AGE Dt PEU, 4i7
Iroufaii on beau vase en bronxe dont l'anse est adaptée»
de chaque cAté du col» à on anneau qui surmonte une tête
ailée. Un umbo, des épées repioyées, des fers de lance,
des ciseaux à ressort et des éperons, tous en fer, occupaient
Tespace compris entre le fase de bronie et les urnes
d'argile.
En général, ces sépultures sont un simple dépôt dans le
sol avec des dispositions diverses, mais au nord de la
PoméreUie elles reproduisent un genre de construction
propre à plusieurs tumuli« dont elle ne différent que par
Tabsence des collines artificielles. A un mille et demi au
sud-ouest du point où la presqu'île d'Héla s'unit à la terre
ferme, s*éléve, dans une grande plaine, une hauteur na-
turelle, choisie anciennement pour lieu de sépulture. Les
tombeaux qui y ont été déposés offrent la construction
suivante: A une profondeur de 3 ou 4 pieds gisent des
dalles brutes placées horizontalement qui servent de base
à d'autres dalles posées de champ, de manière à former
des caisses cubiques, recouvertes d'une ou plusieurs
pierres plates. Une grosse pierre repose sur le couvercle.
Quelques-unes de ces caisses ne contiennent qu'une urne,
d'autres n'en renferment pas moins de 10. La forme et la
grandeur de urnes varient. Tune portait les traits d'une
figure humaine, dont les oreilles étaient représentées par
celles du vase *, deux autres avaient aussi de petites anses
en forme d'oreilles, percées chacune de deux trous où
passaient des anneaux en bronze ornés de perles d'ambre
* J>a ai «M <!• pareillM diM U collMtkNi de U Soc. d'hitt et d'aiiC à Mu-
Bk-h. - Voir lOMi UëM ICdn. Muêemm. von Uàtbur, Taf. Il, •• I. I41t, I.
14tl. — Un vate. n« I, 1659. eti caneai on e« qvo l'aMO d« vom fonso lo
•oi do la Sfiiro.
kiS MONUMENTS DE l'aNTIQLITÉ.
et de verre. Dans les aroes, ou à côté, on a recueilli d'au-
tres anqeaux pareillement ornés de perles, une bague, une
fibule à ressort en bronze et quelques fragments d'an-
neaux en fer. — Sur une autre colline de la même contrée,
dans le domaine de Klein siarzin, près de Radiscbau, d'au-
tres tombeaux ne différaient des précédents que par la
forme de la cellule, qui, au lieu d'être carrée, était circu-
laire et construite de pierres informes à la place de dalles.
— A l'ouest de Danzig, on a trouvé, sur les hauteurs de
Hagelsberg, plusieurs urnes, l'une avec des monnaies cufi-
ques et un vase dont le couvercle était surmonté de la
figure d'une femme éplorée (en bronze). — Enfin, au sud
de Danzig, près deGiscbkau, les urnes d'un tombeau en
pierre, contenant des cendres, un anneau, des perles
d'ambre, de verre bleu, et trois deniers en argent de
Domitien et d'Adrien \
Ces places d'urnes^xistent dans plusieurs lieux du Ha-
novre, entr'autres près de Lunebourg. Elles sont nom-
breuses dans les duchés de Mecklenbourg •, dans la Po-
méranie et hPomérellie. Plus rares en Thuringe que sur
la rive droite de la Saale, on les retrouve dans les environs
de Magdebourg, dans le Brandenbourg, et sur les bords de
rOder *, surtout au sud du district de Frankfort. Dans les
environs de Breslau^ on a recueilli plusieurs milliers de
' ^eue MUth. von Halle, VIU Band, lU Heft., 1848, s. 1-90.
* Surtout près de Preseck, Kothendorf, Marnitz, Cheine, Camirs, Pritzin, etc.
On y trouve beaucoup d'objets en fer. —Jahrburch von Schwôrin, Vfll, 58-
75, 77.
' A l'est de l'Oder les urnes de pierre sont souvent sous la terre sans
collines.
* Près d'Oels et Trebnitz est Musela où Hermann recueillit en 1711 plus de
10,000 urnes. Le district de Reichenbach, sud de Breslau, est riche en urnes.
AGE DU FER. 4*29
ces urnes. Les places d'urnes sont aussi fort répandues
dans la Ltisace, dans le royaume de Saxe \ dans la Bohême *
et dans la Moravie^. — Les noms des collines et des vil-
lages auprès desquels on les retrouve sont fréquemment
d'origine slave, l'absence de ce genre de cimetières dans
les contrées qui ne furent pas occupées par les Wendes ne
laisse d'ailleurs pas de doute sur la population à laquelle
on doit attribuer ce mode de sépulture.
Malgré le grand nombre de ces places, on doit cependant
reconnaître que pendant que les Wendes déposaient leurs
urnes cinéraires sous la surface du soi, les Germains con-
tinuèrent, en plus d'un lieu, à élever les tumuli selon
leur ancien usage. On peut s'en convaincre par la présence,
dans quelques-unes de ces collines, de vases ^ ou d'autres
objets enlevés à des temples chrétiens, et déposés dans les
tombeaux païens comme des dépouilles qui témoignaient
des hauts faits du défunt. Ainsi s'explique la rencontre as«
sez fréquente d'objets d'un art étranger.
Une dernière classe de tombeaux rentre dans les cime-
* Les places d'urnes sont très répandues presque dans tous les lieux an-
ciens de la (iUsace, dans les cercles de Mussen, de Leipsick, surtout dans
le voisinage du fleuve, en partie dans les vallées, en partie sur les hauteurs
voisines. A côté des antiquités d'origine barbare il n'est pas rare d'y retrou-
ver des antiquités d'origine romaines.
' Près de Prague, vers Nettowitz, grande place d'urnes avec beaucoup d'ob-
jets. Ces places plus ou moins grandes sont extrêmement nombreuses dans
toute la Bohême.
» Keferstein, Kelt. Alt. 3, 74, 77, 78, 81, 86, 98, 108, 111, 114, 119, li'4
134.
* Ainsi trois vases en bronze, un en forme de griffon et deux en forme de
lion, conservés dans la collection de Berlin sous les n^ II, 2860, II, 2986. —
L'Age auquel ces objets sont déposés dans les tombeaux est le même que celui
des places d'urnes
A30 liONUMBNTS DE l'aNTIQUITÉ.
iières proprement dits» dont l'usage se répandit avec le
christianisme. — Les tombeaux, déposés dans le so) par ali-
gnements plus ou moins réguliers, sont généralement cons-
truits avec des pierres brutes, entre lesquelles le mort est
étendu sur le dos. Les armes et les ornements sont encore
ceux qu'on retrouve dans les tumuli et les places d'urnes,
mais parfois d'un art un peu plus développé *. il est dif-
ficile de les attribuer avec certitude à l'époque chrétienne,
à moins qu'ils ne renferment des monnaies qui indiquent
leur date, ou des symboles de la foi nouvelle. Dés qu'ils
sont éloignés des lieux d'habitation ils remontent toujours
à une certaine antiquité, vu que l'usage d'inhumer autour
des temples suivit de près l'introduction du christianisme
dans ces pays. — On a découvert de tels cimetières dans
les environs de Meiningen • et A'Erfurt. Ces derniers con-
tenaient quelques vases, des colliers en chaînes d'argent
ou en perles d'ambre et de verre, des anneaux, des orne-
ments de bronze ou d'argent, et beaucoup de couteaux en
fer*. — Plusieurs cimetières ont été fouillés dans le du-
ché de Saxe-Weimar; on y a trouvé des vases d'argilo,
des anneaux de bronze et de fer, des bagues en or, des
* Le squelette déposé en terre, sans colline, n'est cependant pas toujours
de l'époque qui nous occupe, comme on peut s'en convaincre par ceux de
Pierra-Portay près Lausanne, de Verschiez et de Charpigny, de Hallstadt près
Salsbourg, d'autres en Angleterre et en Allemagne, mais on manque encore
de recherches suffisantes pour déterminer ces exceptions.
* Près de HHàburghausen, squelettes en terre libre d'hommes et d'enfants
chaque mort avait un couteau en fer auprès de lui, très petit pour les enfants.
Quelques crânes étaient entourés d'un fin fil d'argent. On y a trouvé des
perles de verre noir et deux petites figures de femme, d'argile blanche très
fine. Wagener fig. 599-600.
' Keferstein, pag. il.
A6B DU rm. 431
boQcles d'oreilles enrichies de caraioles, des colliers d'am-
bre, des fibules ornées d'émaox, des perles de ferre en
mosaïque, des armes en fer, comme poinles de traits, cou-
teaux, poignards, épée à deux tranchants, des dents de
chevaux et des os d'oiseaux. Au-dessus des tombes étaient
quelquefois des pierres disposées en cercle, mais le plus
souvent aucune marque à la surface du sol n'indiquait leur
existence '. On a aussi observé des tombeaux pareils dans
la Thuringe * et sur les côtes du Meklembomrg *.
Formes.
Si Ton jette on coup d'œil d'ensemble sur les objets
découverts dans les divers genres de tombeaux que nous
venons de mentionner, il est facile de saisir de nombreux
traits de distinction avec la période précédente. — Les
kracelels, l>eaucoup moins nombreux, ne présentent plus
le même genre de gravure. Les colliers, au lieu d'être
formés d'un cercle de métal, se composent de grains d'am-
bre, de verre et d'une pâte argileuse. L'ambre provenait
des bords de la Baltique. Il est difficile d'indiquer la pro-
venance des autres perles, de formes et de couleurs va-
riées. On en trouve des sphériques, des cylindriques, des
elliptiques; elles sont unies ou à parties saillantes, transpa
rentes ou opaques, émaillées ou à mosaïque, ornées de
disques ou de lignes ondulées. Ces grains de collier, avec
leur diversité, se retrouvent partout en Europe i l'âge
• OÉfcU p*r«ib prêt il« Cille, «*l 4e PoMwiU. k^Êtni. U.
• KeCenl. «9.
• Kelw»t.M.
43*2 MONUMENTS DE L'AffTlQUITÉ.
qoi nous occupe, et ce qui n'est pas moins surprenaol,
c'est que quelques-uns paraissent déjà à côté des momies
égyptiennes, avec tous les caractères propres à ceax do
Nord*. Cette analogie de formes et de teintes, à des
époques et dans des contrées si distantes les unes des
autres, doit faire remonter l'invention de cet art à une
haute antiquité, cependant il ne se répand qu*assez tard eo
Europe, sans qu'on puisse dire de quelle partie de l'Asie
il a été importé V — Plusieurs fibules reproduisent les
formes anciennes, mais on ne trouve plus ces broches à
grandes spirales qui ne servaient pas moins d'armure que
d'ornements; quelques-unes sont munies d'une plaque en
fer allongée ou triangulaire * que nous ne tarderons
pas à retrouver sur les agrafes; d'autres, en bronze doré«
sont ornées de ciselures profondes^ qui remplacent la
légère gravure de l'âge précédent. Les boucles munies'
d'un ardillon commencent à paraître *. Les armes ne pré-
sentent pas un changement moins sensible. L'ancienne
êpée, avec sa petite poignée et le tranchant ondulé de sa
lame, est remplacée par une épée plus longue, avec poignée
en os ou en bois; le pommeau et la croisière en fer sont
encore rares*, la lame droite, large et à deux tranchants
* Eiitr'aiitres les perles à côles comme celles de Bel- Air.
• Si c'était par les Phéniciens, comment arriverait-il qu'il ne fût p.iî» pli«
ancien rians le Nord? Je n'ai pas non plus d'indices qui me permetteiu d'en
attribuer l'extension aux Phocéens ou aux Massaliotes. Des perles pareilles se
trouvent en Crimée. Seraient-elles introduites par les dernir^res jurandes in-
vasions d'orient à occident ?
' De Udehitr, flg. II, 1338.
* De Ledehur, fig. Il, 5ii, II, 517. Wajfencr, fijç. 67, «8 : d'Anjçerbur^
N. K. de la Prusse.
' Wagener, fig. 99i.
• Seue yttth. von Halle, II. Band, h Heft. Taf. I. fijf. 14.
AGE DU FER. 433
parallèles, se termine brasquement en pointe peu acérée,
La facilité avec laquelle on les a reployées pour les dé*
poser dans les urnes permet de douter de leur qualité.
Quant aux sabres recourbés qu'on voit entre les mains des
Germains sur la colonne Trajane, on ne peut dire s'ils sont
une invention de l'artiste, ou si leur absence totale dans
les collections de TAIIemagne provient d'un manque de
fouilles sufiQsantes. — Le fer de lance, en se rapprochant
davantage de l'ancienne forme, reçoit parfois des dimen-
sions plus considérables. — La hache en fer prend dans
quelques cas assez rares la forme du celt\ — Le bouclier
n'est plus entièrement en métal ; garni de fer sur les bords,
il est revêtu au centre d'un umbo circulaire dont la partie
proéminente est demi-sphérique ou terminée par une
pointe assez pareille au col allongé d'un vase. — Au lieu
de l'ancien couteau légèrement arqué, la lame affecte la
forme la plus usitée de nos jours. — Les faucilles sont
plus grandes et moins larges que celles de bronze V — Les
ciseaux ne diffèrent des précédents que par le métal. —
Des éperons, propres au nord de l'Allemagne, consistent
en un petit arc de cercle, fixé à la chaussure par des clous,
et muni d'une forte pointe conique '.
Les vases et les urnes en argile occupent une grande
place dans les antiquités de cet âge, et reproduisent la plu-
part des formes que nous avons décrites précédemment.
Le moyen le plus sûr pour apprécier l'âge auquel ils ap-
partiennent, est de tenir compte des objets qui les accom-
* Collection du pasteur Au^^stin, à Halberstadt.
* Planche du pasteur Aun^stin, XV, 8.
* Jahresbericht von Schwerin, tom. VI, Taf. I, s. 148.
MÉM. ET DOCUM. XXV. t8
434 M0NUMEff*r6« DB l'âmtiquité.
pagoenti La plopart sont bnms, jaDDâlresoe ooîpsi; les
UDS sont d'unei argile grossière, mêlée de petites^ pierres
siliceuses; d'aiftires; d'une pâte très fine; ont consenré le
brillant dnr Ternis. Lesr omemencis: dont les vasesisonl iwh
vêtus, consistent toujours en poiotillages et en lignes<grar*
vées, droites, parallèles^, brisées ou ondulées avm \Aus ou
moins && bonbeur. Un petit nombre d'urnes reprodoiseat
les traits de figures bumaines et de quadrupèdes Infor*
mes S' il n'ôst pas moins) rare de retrouver des lettres^ qms^
du reste, n'ofl^ent aucun sens V Souvent on a cherché des
distinctions de peuples dans la diversité des formes et des
ornements, mais ces essais restent infructueux vi&-à«vis
ée découvertes qui présentent toutes les variétés réunies
en un même lieu '. Les vases en bronze et en verre soaI
le plus souvent le produit d'un art étranger. — On a re-
trouvé quelquefois dans des^ tumuli des lions et des grift-
fons en bronze avec une ouverture sur la tête ou sur le
dos destinée à introduire le liquide qui se répandait en-
suite par la gueule de l'animal ; l'extrémité de la que»e
est ordinairement ramenée entre les deux oreilles de m»-
nièreà former une anse. Ces vases curieux ont souvenlèlé
envisagés comme appartenant à l'ancien culte ^; un exa-
• Von Ledebur, Tab. il, Hg. I, 1409-1411. — Wagcner, fig. 64860.
* Von Ledebur, Tab. V. fig. I, 793. — Deutsche Alterth. von Kruie» HaUe,
Band H, Heft VI, Tab. I, fig. 1, 2.
* Neue Mitth, von Halle, Band II, HeR I, 108-128.
♦ Deutsche Alterth. von Kruse, Band I, Heft. IV, Tab. I, II. — Grwiéyage
der bomischen AHerthums Kunde, von Woul. Taf. II. — Wagener Deut. AU.
fig. 683-980, trouvés dans la terre en Bohême, fig. 1056 trouvé près de Scher-
bitz, entre Halle et Leipsick, avec plusieurs unies d'argile, ftg. 1054^55^57 et
Og. 1349, en bronze, trouvés dans un tombeau près de Xanten. Vases pareils
en Danemark, Norwége. ^Ôborg.
AGE m FBR. 435
men plas attentif n'a pas tardé à faire voir qn'ils étaient
employés dans les temples cbréliens, d*oii tes païens du
nord les ont enlevés plus d'une fois et déposés dans leurs
tombeaTix comme trophées. L'inventaire des ornements
et objets dirers d'un temple cbrétien du moyen âge parle
de rases nommés manilia, < destinés à répandre Feati
sur les mains des prêtres et dont la forme est celle de
lions, de griffons, de dragons, d'oiseaux, et d'autres ani-
maFUx'. » Ces vases se retrouvent avec les plats évasés
ornés de sujets chrétiens et d'inscriptions mystérieuses
qu'on voit encore sur les fonds baptismaux de quelques
églises. Ils ont été répandus sur toute l'Europe, de la
Sicile à l'Islande, du X® au XVI^ siècle. Les inscriptions se
réduisent à un petit nombre de légendes dont l'origine est
orientale. En rapprochant les variétés, il est facile de se
convaincre de l'ignorance de l'ouvrier, qui imitait les ca*
ractères sans en comprendre la signification '. Ce fait nous
montre que ce n'est pas chez les païens de l'Europe qu'il
faut chercher la forme primitive de ces vases curieux, ap-
propriés plus tard au culte chrétien. Si les inscriptions
nous conduisent à ce résultat, on reconnaîtra aussi que la
représentation du lion et du griffon ne peut être originai-*
rement propre à l'Europe ; d'un autre côté, le trafvail de
ees pièces ne répond en rien à l'art métallurgique de l'âge
' Urstisii res Germ. pag. 568. « Uraei argeiitei diversarum formanim quos
manilia vocant, eo quod ex eis aqua sacerdotum manibus funderetur, baben-
tes formam leonum, dragonum, avium et gripborum, vel aliorum animalium
quorumcunque. » Ursticius extrait ce passage d'un inventaire du moyen âge
inséré dans le Conradi Chronicon.
' n faut en excepter Tinscription du plat de Bex que j*ai procuré au Musée
de Lausanne, et qui est en ancien allemand.
436 MONUMENTS DE l'aNTIQUITÉ.
qui nous occupe. — Ici encore, déterminer le point de
départ n'est pas chose facile. Une indication moins incer-
taine que celle dont je vais parler aurait fait faire un pas
à la question. Un marchand d'antiquités me montrait dans
sa collection à Moscou deux lions et deux plats pareils à
ceux que je viens de décrire; il prétendait que ces pièces
venaient des Indes, où l'on s'en sert, disait-il, à un usage
religeux. Sans nier la possibilité de cette provenance, on
ne doit cependant pas accorder trop de confiance aux as-
sertions d'une personne intéressée.
On trouve aussi en Allemagne quelques figurines en
bronze dans lesquelles on voit la représentation d'anciens
dieux germains. Le cabinet d'antiquités de Sondershausen
conserve l'image un peu mutilée du dieu Pûstrich *, re-
marquable par son embonpoint. — Une repré3entation du
soleil, découverte en 1745, dans la Poméranie, consiste en
une plaque de bronze, haute de 3 pieds 7 pouces, sur la-
quelle le buste et la tôle rayonnante du dieu ressortent
par le bosselage *. César dit que le culte du soleil était
généralement adopté par les Germains et qu'il avait été
apporté d'Asie. — Au musée de Sirélitz sont plusieurs fi-
gures informes et grotesques, dans lesquelles on a cru re-
connaître les principaux dieux des Slaves et des Ger-
mains % mais la critique a jeté en doute l'authenticité de
la plupart de ces pièces qui paraissent être l'œuvre d'un
faussaire du siècle passé. — D'autres statuettes, prises
* Wagener, fig. 1138.
• De Ledebur, n» II, 1921; id. Wagener, pag. 625.
» Wagener, Découvertede RheUa (Meck. Strel.) fig. 1016-25. Roncowa (dist.
Kônigsb.) fig. 1032-9.
AGE DU FER. /|37
quelquefois pour d'anciens dieux, sont généralement d'un
âge postérieur au paganisme ^
Sur les côtes méridionales de la Baltique, on a retrouvé
quelquefois au milieu de monnaies cufiques, des colliers de
fils d'argent tressés avec art, dont nous aurons à cons-
tater l'origine étrangère à propos des nombreuses décou-
vertes de ce genre en Suède. Plusieurs objets à'art romain
ont aussi été transportés dans ces contrées % ainsi que les
monnaies en or des rois mérovingiens '. L'or, abondant
dans la période précédente, accompagne rarement les an-
tiquités de cette époque, tandis que l'argent, à peu près in-
connu précédemment, commence à se répandre; mais Tin-
crustation de l'argent sur le fer n'a encore paru qu'une fois
sur une broche d'Haguenau, dans le Mecklemburg *.
Le contenu des tumuli et des places d'urnes ne présente
pas de différences assez prononcées pour distinguer les
produits d'art des familles slaves et germaines qui occu-
paient le nord de la Germanie, mais quant aux idées veVw
gieuses la fusion fut plus lente à s'opérer, ainsi que nous
le voyons par les divers modes de sépulture usités à la
même époque.
Danemark, Suède et Norwége.
Les monuments des trois royaumes du Nord, malgré
quelques traits de distinction, doivent être rapproché les
* Grund%uge der bôhm, Alt. von Woul II, flg. 1, 5, 7, 8. — Handbuch von
Klemm, Taf. XIX, XX, XXI. — Von Udebur, Taf. VI.
' Jahresber, von Schvrerin VIII, s. 45.
' Communication du Dr Lisch.
* Jahresber. von Schvrerin. VIII, s. iS. L'argent est déposé sur le fer sous
la forme de fines perles.
438 MONUMENTS DB L*ANTIQUITÉ.
UQS des autres. Daos les iges précédents, le Danemark et
le midi de la Suède nous ont déjà offert un ricfae champ
d'observations, et cela i une époque où la Norwéf e était
encore inhabitée et où la Suède moyenne ne complaît
qu'un petit nombre d'établissements. Durant la période
actuelle, ces dernières contrées reçoivent une population
qui a laissé de nombreuses traces de son existence et jo«a
un hMe important dans le Nord.
Quand ou cherche à se faire une idée exacte des nodes
de sépulture usités anciennement on se trouve souvent
entouré de renseignements divers et parfois même contra-
dictoires, ce qui provient presque toujours de recherches
incomplètes, en sorte que chacun pose comme une rèfle
générale des observations partielles. L'erreur, la plupart
du temps, provient de l'exagération du vrai. — En tenant
compte de ces éléments opposés, il en résulte que les
tombeaux du Danemark, dans lesquels on retrouvo te fer,
présentent dans plusieurs cas l'usage de l'ustion. L'urne
cinéraire est protégée par une caisse en pierre carrée ou
oblongue, ainsi que les objets qui suivaient le défunt dans
la tombe; des pierres étaient amoncelées par-dessus et re-
couvertes d'une couche de terre *. — Cependant à Tépoque
qui nous occupe, l'usage le plus général chez les Danois
fut l'inhumation dans des tumuli plus ou moins élevés. Ils
avaient l'habitude d'ensevelir le défunt avec son cheval. On
retrouve ordinairement, à cftté des deux squelettes, une
épée en fer, un éperon, un étrier et un mors; quelquefois,
la bride est ornée de plaques d'argent; au lieu d'un seul
étrier on en trouve deux, et la hache d arme remplace Té-
* Communication de M. Sorterup.
AOe DU FEA. 439
p6eS — Dans le nord de V Amérique, l'usage d'ensevelir
les guerriers avec leurs chevaux existe «ocore de nos
jovrs. Un vojRageur anglais * raconte i oe^et qu'il a vu
rmdre les deraters devoirs au chef faimeux d'uoe tribu.
Le/corps du (guerrier était pkaeé sur son cheval de bataille;
tandis qu^un bonime retenait celui-ci par la bride, d^autres
jetaient de la terre alentour.... Peu à peu, la terre s'élève,
recouvre le cheval, puis le guerrier... Ces travaux se pour-
suivent ainsi, et une hauteur considérable domine aujour-
d'hui cette contrée.
Le midi de la Suède a beaucoup de points de rapports
arec le Danemark. L'inhumation y a été observée plus fré-
quemment que Tustion \ — Dans la Suède moyenne et dans
ta Norwége, les tumuli 0Qt.des caractères communs qui les
distinguent de ceux dont nous venons de parler. Généra-
lement moins grands que ceux du Danemark, ils sont sou-
vent entourés à leur base de blocs disposés en carrée en
triangle ou en forme de vaisseau. D'antres, sou« «es ar-
rangements de blocs à l'extérieur, recouvrent souvent des
pierres amoncelées autour d'une caisse en pierre ou en bois,
dans laquelle repose l'urne cinéraire ^vec des armes en
fer, des fibules et des grains de colliers émaiîlésou à mosaï-
que. Ici, l'ustion est générale et confirme l'observation de
Snorro âlurlossea qui écrivait, il y a environ^ siècles, que
f usage du bûcher avait duré moins longtemps en Danemark
qu'en Suède et en Tlorwége. VIslande, qui fut peuplée par
djes Norwégiens dans le IX^ siècle, conserve des collines peu
' Mnem. KonetI, ¥on Worsa», s. 79*84.
« M. Gatlin.
' Gommunication de M. le prof. Niisson.
UkO MONUMENTS DE l'aNTIQUITB.
élevées, entourées comme les précédentes de blocs pareil-
lement disposés ^
Les tombeaux de cet âge sont répandus en grand nombre
dans les pays du Nord'. Les terres étant généralement peu
cultivées, le sol a conservé l'aspect qu'il présentait il y a
mille ou deux mille ans. L'aridité d'un rocher et les su-
* Dànem. Von., s. 84-90.
* On peut rattacher à cet &ge par la construction, les tumuli suivants, situés
près d*Hélénendorf, au nord-est du lac Sévang, entre la mer Noire et la mer
Caspienne. « Sur un vaste espace de terrain, au sud-est du village actuel, on
ne voit qu'enfoncements, que débris de murailles de terre glaise et de cailloux.
— A Touest de ces ruines se trouve une vingtaine ou une trentaine de col-
lines tumulaires très intéressantes. Les colons les ont fouillées pour la plu-
part, pour en tirer des matériaux de construction. Voici à peu près leur forme
intérieure. Sous une couche de terre épaisse de quelques pieds (2 ou 3), on
parvient à un amas de cailloux formé en calotte; ceux-ci enlevés, on trouve
une voûte faite avec des poutres de genévrier, et par-dessous une seconde
voûte en pierres plates de 6 à 8 pieds de longueur, provenant des car-
rières des environs. Le caveau s'étend dessous. On y trouve des vases d'une
poterie noire inconnue, qui paraissait avoir contenu les cendres et les osse-
ments brûlés qui sont épars autour des vases brisés; car avec le temps les
voûtes se sont écroulées, et l'on ne trouve plus rien d'entier. Ces collines
ont de 20 à 40 pieds de diamètre et jusqu'à 10 pieds de hauteur au-dessus
du sol : quelques-unes renferment deux caveaux. On a trouvé dans un de
ces tombeaux une espèce de perle en cuivre. Ils appartiennent à une très an-
cienne population, à des temps antérieurs au christianisme. » Voyage autour
du Caucase, par Du Bois de Montpéreux, tom. IV, pag. 122.
« Au sortir de Vladikavkas (immédiatement au nord de l'Osseth) commence
cette foule de tumulus qui couvrent les plaines au nord du Caucase; aucun
n'était couronné de statues en pierre ou baba : ce genre de monument ne
commence qu'au nord de Stauropol. »
Sur la rive gauche de la grande Psikoucha^ « grands amas de tumulus
pressés les uns contre les autres. Trois tombeaux Tcherkesses récents, ornés
d'un turban en bois étaient mêlés à ces tumulus plus loin, jusqu'à la
petite Psikoucha, nous rencontrâmes d'anciens tombeaux tatares ou mogols.
Construits en pierre, avec de petits dômes comme dans les pays transcauca-
^iens. » Id. pag. 464.
AGR DU FER. 441
perstitioDS du peuple ont puissamment contribué à la con-
servation de ces monuments, groupés par centaines sur
les îles et les presqu'îles, et parfois aussi dans Tintérieur
des terres, au milieu des pâturages. En face de tant de
richesses, l'antiquaire s'est davantage attaché à décrire
l'intérieur des collines qu'à en rechercher la construction
intérieure.
Le plan de ce cours, qui est indiqué par Fauteur à pag. 413 , n'a pas été
poursuivi au delà du point où nous nous arrêtons ici, du moins, dans les
manuscrits que nous avons eu sous les yeux. (Note de téditeur.)
STATISTIQUE
DES ANTIQUITÉS
DE LA SUISSE OCCIDENTALE *.
Malgré le nombre considérable des publications qu'on
possède sur les antiquités de la plupart des pays de TEu-
rope, il est soufent fort difflctle de se faire une idée exacte
des divers genres de monaments, de sépultures et d'ob-
jets d'industrie, propres à chaque pays. Pour que Thistoire
poisse retirer de ces recherches tous les résultats qu'elle a
droit d>n attendre, il importe qu'on arrive i connaître
d'une manière précise la nature des divers débris de l'an-
tiquité, les lieux de leur orifine et les circonstances de
leur découverte. Ce ne sera qu'en possédant ces stattati-
ques complètes, faites en dehors de tout système préconçu,
qu'on pourra définitivement classer d'une manière géné-
rale las genres analogues et rechercher l'ordre de sue-
cession de ces divers groupes , ainsi qm leur antiquité
* Buit ATtidat, qui cvuipoMot f oiofceaii, «ol iU puliliét pour U pr»-
aiérv foif «Uns VinSemlwr /*iflOfr< el J'&miipiiki imUitê^ annéet tISS.
ttSS et ttSS. Ht tout reprodoiti avec autoriMUon ; la denii«r ett daté da
n mm IfSt. (^bCt éê réiHêm.)
hkU ANTIQUITÉS
relative. Alors, il deviendra plus facile d'apprécier la rai-
soD des analogies et des dissemblances , de reconstruire
les divers nioments de développement de l'humanité, de
retracer les voies parcourues par les anciens peuples et
de rechercher leur point de départ. — Je détache du tra-
vail d'ensemble que j'ai entrepris sur ce sujet, les faits re-
latifs à l'Helvétie occidentale, faits que j*aurai à rappro-
cher des découvertes analogues propres à d'autres pays.
L'ordre le plus naturel à suivre, avant les âges histori-
ques, est celui du développement de l'industrie, ce qui
nous conduit à examiner tout d'abord les découvertes dont
le matériel indigent révèle pour notre pays l'âge de la
plus grande simplicité.
Sépultures et habitations ne renfermant que
des instruments en pierre.
On découvrit en 1825, dans une vigne, près de la mai-
son de campagne de Pierra-Portay, au S.-E. de Lau-
sanne, une quinzaine de tombes dirigées du couchant au
levant et déposées, sans alignement régulier, à environ 3
pieds sous la surface du sol. Aucun signe extérieur ne
laissait soupçonner l'existence de ces tombeaux ; ils étaient
tous construits en dalles brutes et mesuraient environ 2
pieds de largeur et de profondeur sur 2Vi à 4 pieds de
longueur; le plus petit n'avait qu'un pied carré d'ouver-
ture. Plusieurs contenaient les débris de deux squelettes,
l'un en renfermait même quatre, et dans toutes ces tom-
bes on voyait, d'après la grandeur des ossements, que
les corps avaient été reployés pour y être déposés et que
DE LA SUISSE OCCIDENTALE. 445
la tête aTait été placée h rextrémîté du côté du soleil le-
Tant*. On n'a recueilli auprès de ces squelettes qu*uD petit
couteau en silex et un fragment de stéaiite, aplati et
taillé sur les bords.
Enf iron dix ans plus tard, des vignerons de M. Corre-
voo-Demartine trouvaient des tombes du même genre
dans sa campagne du Ch'iielard près de Lutry. Trente et
quelques tombeaux d'environ 3Vt pi^ds de longueur
étaient formés chacun de cinq dalles brutes et renfermaient
les ossements de deux squelettes, qui avaient dû néces-
sairement être repliés, vu que les fémurs et les tibias repo-
saient sur les corps. Dans ces tombes, tournées de Test à
Touest, les têtes regardaient l'orient, à l'inverse de celles
de Pierra-Portay. Ces sépultures contenaient de petits co-
quillages qui n'ont pas été conservés, deux pointes de
lance en silex de G à 7 pouces de longueur sur 27 lignes
de largeur et deux pierres sphériques de 4 pouces de dia-
mètre, percées chacune d'un trou.
Le peu de longueur de ces tombes et l'attitude reployée
des squelettes sont des caractères propres à plusieurs con-
trées de l'Angleterre, du nord de l'Allemagne et des Etats-
Unis. On a aussi observé cette attitude dans les salles sé-
pulcrales des tumuli gigantesques du nord de l'Europe,
qui ne renferment que des instruments en pierre et en os,
mais il est à remarquer que le même fait se reproduit
dans les tombeaux des Péruviens, avant la découverte de
l'Amérique, et chez plusieurs populations sauvages qui
ont conservé jusqu'à nos jours ce mode d'inhumation *.
* Cet! robMnratloQ telle qu'elle a été coasifnée dans la FeuUU du canton
de Vend, tome XllI, paf . S9.
• D«poM l'insertÉOQ do premier article [InSenieur iV» i) sur les tépoliuret
446 ANTlQUfTÉS
Dans les âges reculés ou les armes et les instrumente
domestiques étaient en pierre , de même que cbefz quel-
ques peuplades sauvages de nos jours, les habitations ée-
valent être d'une grande simplicité, aussi est^il extréflie-
ment rare de pouvoir en constater quelques traces. La
découverte des pilotis de Meilen S sur les bords du lac de
Zurich , a cependant jeté un jour inattendu sur l'un des
modes de construction usité dès la plus haute antiquité
en HêivéCie.
Noos avons à mentionner l'existence de débris analo-
gues observés dans la vallée de l'Orbe , à environ 5 500
pieds de la rive actuelle du lac d'Yverdon. Bien que la
plaine marécageuse qui s'étend d'Yverdon à Entreroches
soit envisagée par les géologues comme étant de forma-
tion antéhnmaine, la tradition populaire n'en conserve pas
moins le souvenir d'un temps où elle était navigable, et
c'est à l'appui de cette idée qu'elle mentionne l'existence
de prétendus anneaux auxquels on aurait autrefois amarré
les bateaux à Entreroches et sous le château d'Orbe*. Nul
de la Suisse occidentale, M. de Buren de Denens, m'a conduit dans le bois
de Sembres (Cimbres?), sur le territoire de la commune de YenSy où un api-
culteur, occupé à défricher une partie de la forêt, venait de mettre à décou-
vert une tombe dont les 4 dalles brutes formant les côtés étaient encore en
place. Le vide de cette tombe mesurait 32 pouces de longueur, 21 de pro-
fondeur, 22 de largeur à la tète et i9 aux pieds. La terr» qui remplisMtfc oe
vide ayant déjà été enlevée sans ménagement , nous n'avons retrouvé que
des parcelles de charbon et de poterie fort grossière, sans traces d'ustensiles.
I3ne tombe d'un pied carré d'ouverture , comme la plus petite de Pierra-
Portay, avait été détruite quelques jours auparavant et dès lors on n'a pas
découvert autre chose dans cette localité.
* Voyez le mémoire intitulé : Die heltischen Pfafilbauten in den Scktvei-
*erseen, beschrieben von D^ Ferd. Keller. — Zurich 1855.
* La tradition relative à des anneaux scellés dans les rochers pour le même
DE LA SCI8SB OCCrDENTALE. M7
ne met do reste en doute (fine oetle piaine n'ait été gagnée
sortes eanx, mais ce qui est pins difficite â déterminer,
e'est l*époqae à laquelle le lac fut resserré entre ses rives
actuelles. Dans tous les cas, il dut s'écouler bien des sié^
ctes a^ant que les cours d'eau qui descendent le Jura,
d^une part, et de Tatalre du mont Jorat, eussent déposé
leurs allufions en Imrrages dans la vallée , de manière à
diviser ranciennetôtedn lac en. bassins de grandeurs di-
verses. Alors seulement pat avoir lieu la formation des
toiirrbières^ qui comblèrent peo à peu ces bassins. Â cette
action des barrages alluviens de l'Orbe et de ses affluents,
dont on peut comparer la disposition à celle des nervures
d^ine feuille d'arbre, il faut ajouter l'action Aes dunes
transversales formées par le lac, et sur l'une desquelles
s^élevai phis tard l'antique Ebi^odunum que traversait le
torrent du Bttron. Dans le fond des tourbières qui se for-
mèrent entre ces divers barrages , on a trouvé sur plus
d'un point des pièces de bois travaillées par la main de
rbomme, mais la découverte la plus intéressante est celle
qu'a fârîte M. Simon, syndic d'Yverdon, dans l'exploitation
de tourbe qu'il dirige vers les Uttins, au pied du mont de
Chamblon. Sous 8 à 10 pieds de tourbe, on a trouvé sur
ce point deux petites haches en serpentine , en forme de
coin, et une pointe de ftèche en silex parfaitement intacte S
bal s» retroite 4aM pluaieurs vallées aliuviennes de la Suisse et d'autres
pay^ ; mais, eu réalité, ces anneaux n'eiistent nulle part , bien que le peu-
ple croie en reconnaître les traces dans les taches ferrugineuses naturelles,
propres â certaines roches. Toutefois il est rare qu'il ne se rattache à cette
tradition le souvenir d'un ancien séjour des eaux on de quelque inondation
momentanée.
* 11*. Simon a fait doo de «es pièces à la coUectio» d'antiquité de la ville
d'Yverdon.
418 MONUMENTS DR L*ANTIQUITB.
da relrancbemenl, les tumulî sont répandus en grand
nombre sur le sol de l*Allemagne, mais pour le moment
nous n'avons è nous occuper que de ceux qui furent éle-
des Scythes, ou autres, du nord et de Test de la mer Caspienne. Chaque
eiation de colonies grecques en Thrace, en Crimée, eut son mur de défeoae.
La Chersonèse de Panticapée se ferme par le rempart d'Akkos contre les
Scythes, que ceux de la Chersonèse Héracléotique repoussaient par uu rempart
élevé entre Textrémité des haies de Sébastopol et de Balaklava. On connaît
le mur que ût élcTer Miltiade pour fermer aux Thraces rentrée de la Cherso-
nèse de Thrace. Plus anciennement encore les Cimmériens s'étaient déjà for-
tifiés contre les Scythes dans l'Ile de Taman, dont- ils formèrent une presqu'île,
par un rempart connu sous leur nom. (Strahon, liv. Il, pag. i7i.) Même les
Romains, sous Trajan et sous Adrien, ne forent-ils pas forcés de se mettre i
couvert d'une invasion des barbares du nord par des lignes de fortifications
qui rivalisent presque en longueur avec celles de la Chine ? Ainsi ils élevè-
rent, vraisemblablement sous Adrien, le fameux rempart dit de Trajan^ dont
le nom retentit encore dans la bouche des habitants de la Moldavie, de la Po-
dolie et même de l'Ukraine. Là tout ce qui est grand est de Trajan. Démè-
trius Kantémir, dans une description faite il y a plus d'un siècle de la Mol-
davie, décrit ce rempart, qu'il fait passer de Petervaradin sur le DanulM, par
les montagnes de Démir-Kapou (Portes de Fer), aujourd'hui montagnes d'Or-
sova. De là, sous la forme d'un simple rentranchement, il le fait traverser la
Moldavie et la Valachie, couper le Pruth près du village de Trajan, le Botna
près de la ville de Caunah, et après cela, le conduit à travers toute la petite
Tartarie, jusqu'aux rives du Don ; il lui assigne ainsi environ iOO lieues de
France de longueur. La seule partie bien connue de ce rempart s'étend en
effet entre le Pruth et la mer Noire sur une longueur de 33 lieues. Les ar-
mées russes le connaissent fort bien et l'ont passé et repassé maintes fuis. Le
reste de ée rempart est très incertain, et même ce que dit Kantémir de sa
prolongation jusqu'au Don ne parait pas probable; je n'en ai vu nulle trace
sur les divers points que j'ai traversés et n'en ai jamais entendu parler de
façon à conformer l'opinion de Kantémir. Un second rempart dont j'ai visité
plusieurs tronçons en Podolie, peut être assigné avec beaucoup plus d'assu-
rance que le premier à l'empereur Trajan qui, après la conquête de la Dacie,
avait tracé une frontière à l'empire romain, au delà du Dniester. — Les Ro-
mains défendirent aussi l'Allemagne par des murailles sur pluftieurs points ;
•n en voit des restes dans l'ancienne principauté de Hohenlohe près il'Oehrin-
gen. et tout le monde connaît if mur du Diable^ qui s'étend du Dinketspuhl
DE LA SUISSE OCCIDENTALE. 449
Entre les ruines romaines d'Eburodunum et la rive ac-
toelle est une zone ail u vienne de 2500 pieds de largeur en
moyenne, tandis que les pilotis de Chamblon sont éloignés
du lac d'environ 5500 pieds. Il est à remarquer que l'ab-
sence de tout débris romain entre l'ancienne ville et le
lac permet de supposer que celui-ci s'étendait jusqu'au
pied de l'ancien castrum eburodunense, en sorte qu'il au-
rait fallu 15 siècles au moins pour la formation de cette
zone, à partir de la chute de Rome jusqu'à nos jours. En
admettant que la zone de 5500 pieds se soit formée dans
des conditions analogues, elle aurait exigé une durée de
33 siècles, ce qui reporterait au XVe siècle avant notre ère
le dernier moment du séjour des eaux sous Chamblon. On
peut objecter que l'espace compris entre Eburodunum et
Je lac est formé d*alluvions, tandis que des tourbières cou-
pées par des dunes séparent les ruines romaines du pied
du mont de Chamblon, mais on doit cependant tenir
compte d'un fait, c'est que, de nos jours, la retraite du
hc a lieu d'une manière uniforme devant les marécages
qui se trouvent entre le lac et la route de Grandson, et
devant les alluvions de la Thièle et du Buron. Quoi qu'il en
soit, de nouvelles explorations apporteront sans doute
quelque lumière sur cette découverte qui n'a pas pu être
encore sufQsamment étudiée à cause de l'élévation des
eaux durant cette année.
Si les anciens habitants de l'Helvétie élevèrent déjà, dans
la plus haute antiquité , quelques-unes de leurs cabanes
sur les pilotis mentionnés dans le précédent article, ils par-
ticipèrent aussi aux usages des Troglodytes en utilisant
pour leurs demeures des grottes de formation naturelle.
On conserve dans le musée d'antiquités de Genève cinq
MÉM. ET DOCUM. XXY. i9
ft50 AItTIQ(MTÉ8
instrumeDts en os, trouvés dans une caverne près d'Etrum-
bières, au pied du moût Salève. L'ud de ces instruments,,
long de 75 lignes» a la forme d'un ciseau, deux autres,
brisés, sont percés d'un trou circulaire à Tune de levra
extrémités ; le 4^, long dé 65 lignes, a été anciennement
fendu dans sa longueur et aiguisé en pointe; enfin, le der-
nier, long de 38 lignes, ressemblerait à une pointe de
trait munie de quatre ailerons, si ceux-ci n'étaient toornés
en sens inverse, ce qui les rend peu propres à pénétrer
dans les chairs.
Une découverte du même genre a été faite, il y a une
vingtaine d'années, par M. L. Taillefer, dans une localité
située au-dessous du Pas de V Echelle qui conduit de Vey-
rier à Monetier, entre le Grand et le Petit Salève ' . On voit
sur ce point, au pied de la montagne, plusieurs mamelons,
formés de détritus et de roches éboulées, qu'on exploite
pour la fabrication de la chaux. M. Taillefer, voulant s'as-
surer si les ouvriers trouvaient des pétrifications, ne tarda
pas à remarquer que plusieurs des fragments détachés
présentaient une agglomération de débris de roche angu
leux, réunis en masse compacte par un sédiment calcaire,
et qu'ils contenaient des silex, des charbons de bois et un
grand nombre d*os fracturés. Ces débris agglutinés pro-
venaient d'une masse dont la formation successive avait
fini par remplir le vide d'une caverne de 8 à 10 pieds de
diamètre sur 6 à 7 pieds de hauteur, mais il est à remar-
quer que les os, les silex et les charbons n'existaient qu'à
la base de cette formation dans une couche qui, toutefois,
n'avait pas moins d'un pied d'épaisseur. La caverne a mal
• Je dois i l'obligeance de M. le pasteur Taillefer les renseigoemenis re-
latifs à cette découverte.
DK LA &l'IMK UÛCIDE.NTALB. 451
beareusemenl disparu par les travaux 4'exploitaUon, en
sorte qu'il est difficile de dire siielle appartepaU à queute
accident propre au flanc de la montagne ou si elle était le
proéttit de roches éboulées.
(Test de ce curieux gisement que M. Taillefer a retiré
une multitude de fragments d'ossements bien conserv<^,
mais sans traces de pétrification Dans ces nombreux dé*^
bris, on remarquait une partie d'un crâne de cbeval, 4es
cotes brisées de chefal ou d'autres animaux, les restes de
plusieurs quadrupèdes, entre autres de rongeurs, et sw^
tout des os d'oiseaux où se trouvaient représentées les
plus petites espèces. Il faut encore mentionner uœ pièee
i|ui ressemblait à une queue de lézard et une coquille bi<^
valve marine, à grosses cannelures, qui n'étant poiot pé-
trifiée, avait dû être transportée dans ce lieu.
Les traces de la présence de Tbomme sur ce point étaient
du reste nettement constatées par les charbons de bois
pris dans ces masses compactes de détritus calcaire, qui
ronienaient en outre dn silex et un os de forme conique,
pareil à une apophyse, d environ S pouces de longueur, et
grossièrement percé sur lextrémité opposée à la pointe.
Les \^ 'âiO fragments de silex blond , recueillis par M.
Taillef<T, avaient été taillés en forme de pointes d^ flèche
MU détachés par le marteau de manière à obtenir des la-
melles tranchantes.
D'autres |»ersonne$, attirées par cette découverte, trou-
vèrent encore divers ossements, un bois de cerf, des silex
^reils aux précédents, et même, dit-on, une pièce en fer
rappelant par sa forme le couperet du sellier, et mesu-
rant environ à pouces le long de son tranchant arqué ,
sur 2 lignes dans sa plus forte épaisseur.
452 ANTIQUITÉS
li est à regretter que ces divers objets aient été perdus
et qu'on ne puisse constater si l'instrument en fer qui
vient d'être mentionné a été réellement trouvé dans la
grotte. La conservation de ces débris aurait permis de re-
chercher de quelle plage avait été apporté le coquillage
marin, et de s'assurer, en déterminant un plus grand nom-
bre d'ossements, si le cheval était, dans ce lieu, le seul
représentant des animaux domestiques. Cependant, on ne
peut douter que cette caverne n'ait servi de retraite à des
familles qui y apprêtèrent pendant assez longtemps le pro-
duit de leurs chasses, ainsi que le témoigne l'épaisse cou-
che contenant des charbons avec des os concassés, et dont
la formation remonte à une époque où le silex était encore
employé pour les armes de jet. Il est plus difOcile de se
faire une idée exacte du temps qui dut s'écouler pour con-
vertir ces divers débris en masse compacte, et des causes
qui contribuèrent à obstruer complètement la caverne par
ces agglomérats calcaires *.
Les instruments tranchants en pierre se retrouvent dans
la Suisse occidentale, comme dans beaucoup d'autres pays,
sur plusieurs points où il n'existe aucune trace de sépul-
tures ni d'habitations.
Le Musée de Genève conserve 3 haches, en grès et en
jade, qu'on croit provenir des environs de la ville, et une
4"™e, en jade, de la forme d'un coin, longue de 77 lignes,
trouvée près de St. Georges.
Dans le canton de Vaud, on a découvert en terre libre
de ces instruments isolés : près de Perroy, de Mo7it, d'A-
* On a fait dès lors, et tout récemment encore dans cette localité des trou-
vailles encore plus importantes et remontant à la plus haute antiquité.
(Note de Véditeur.)
DE LA SUISSE OCCIDENTALE. 4S3
giez, de Lausanne , de Chexbres, de Vevey, A'Ollon et Es
Lez vers Lavey. Une de ces pièces, de la forme d'une na-
vette de tisserand, rappelle l'antique pierre à aiguiser des
pays Scandinaves. D'entre les haches en serpentine, quel-
ques-unes ont été percées d'un trou circulaire dont la ré-
gularité et le Oni ont exigé le secours du métal, tandis
qu'il existe des pièces du même genre, percées imparfai-
tement par des procédés plus primitifs.
Avant l'emploi général du métal, on se servit de celui-
ci pour perfectionner les instruments du premier &ge, et,
pendant longtemps, l'indigent dut avoir recours aux ins-
truments en pierre. Cette matière étant devenue sacrée
entre les mains du prêtre, elle fut employée pendant des
siècles nombreux dans les cérémonies du culte, alors que
le métal était généralement répandu. Enfin, même après
l'introduction du christianisme, on retrouve parfois une
hache, une flèche ou un couteau en pierre, déposé comme
amulette dans les tombeaux, et, de nos jours, dans plus
d'un pays, l'agriculteur conserve encore avec soin quel-
ques-uns de ces antiques instruments qu'il emploie dans
la pratique de diverses superstitions.
Sépultures et habitations renfermant essen-
tiellement des instruments en bronze.
Dans la plupart des pays de l'Europe, lorsque le bronze
est employé pour les ornements, les armes et les instru-
ments tranchants, les tombeaux qui contiennent ces objets
présentent un mode de sépulture très différent de celui
que nous avons mentionné précédemment. Le plus sou-
45'^ ANTlQtlTte
v^eot, dans cette nouvelle période, les mo^rtd ont été brû-
lés et learB cefndres déposées dans ane orne qti*on pinçait
parfois ao^ tniliea des charbons du bûcher, afprès qriioi on
la découvrait de pierres ou de terre dé manière à former
le getire de coltine connu sous le nom de tomutns. Dans
ces âfges reculés, la sépulture étant un acte éminemment
re'HgieM, on ne peut douter qu'à VoHgine Tinhumatron et
Tincinération niaient répondu à des idées différentes sur
les devoirs à rendre au défunt et par conséquent à des re
lirions et à defs peuples différents.
Si Kon peut constater, à cette époque reculée, l'intro-
duction de nouveaux peuples qui se répandent d'une ma-
uière générale en Europe, plusieurs contrées cependant
paraissent être restées an pouvoir des premiers occo-
pdfits. A en juger par les sépultures, la Suisse occidentale
est de cé nombre. I) est à remarquer en effet que les ob-
jets en bronze qu'on retrouve généralement ailleurs avec
l'orne cinéraire et sous le tumrulus, ont toujours été dé-
couverts dans le pays avec les tombes à inhumation, cons-
truites sous la surface du sol et sans aucun signe extérieur
qui révèle le lieu de la sépulture. Toutefois, ces tombes
ne sont pas toutes pareilles ; les unes, de fort petites di-
mensions, ont exigé rallilude reployée du corps du dé-
funt, tandis que dans les autres les morts ont été étendus
sur le dos, comme on le fait de nos jours, en sorte que la
grandeur de ces sarcophages n'est jamais moindre que
celle do défunt. Bien que ces deux genres de tombeaux
ne révèlent point par leur contenu de différence sensible
d'industrie, il est à présumer que celui qui reproduit le
modèle plus primitif dans notre pays, c'est-à-dire l'atti-
tude reployée, a précédé l'autre genre. Nous nous occu-
OE LA 8UIISR OOCIDKNTALK. kW
peroQS d*abord de ces sarcophages de forme à peu prés
cubiqoe» appartenant à Tépoque (tu brome, et dont je n'ai
pu jusqu'à présent constater oettemeoi rexislence dans la
Suisse occidentale que dans la ?»ilée du Rhtae et sur les
rifes du Léman.
M. ringénieur de Torreoté . en dirigeant des trataux
dans riniérieur de la fille de Shn, décoofrit, il 7 a quel*
qMs années, k 12 pieds de profondeur, des tombes en
dalles brutes» longues d'en?iroo 3 pieds et recoofertes
des aJluvioos de la Sionne, au-dessus desquelles son! de
fort anciennes constructions. Ces tombes contenaient des
ossements et quelques objets en bronze qui n'ont pas été
conserfés.
En 18â5, une découverte du méoM genre, mais beau-
coup plus considérable, eut lieu à Virchiez, entre Aigle et
Ollon, sur un plateau qu'on défrichait pour y introduire
la vigne. Situé i quelques centaines de pieds au-dessus de
la vallée du Rbùne, ce plateau, incliné vers le midi, paît
d*une paroi de rochers qui s'élève au nord. Dans les tra-
vaux de défrichement, on mit i découvert, sous 1 à 3 pieds
de terre ou de débris de roches, plusieurs centaines de
tonbes, construites en dalles brutes et nesurant en
moyeane, à Tintérieur, 3 pieds de longueur sur ^ de lar-
geur et 2 de profondeur. Une dalle occupait parfois le fond
de la tombe qui contenait toujours des ossements humains
paraissant entassés et au-dessus desquels reposait le crâne
plus ou moins conservé. Entre les tombes, on trouvait
fréquemment, à des profondeurs diverses, mais à quel-
ques pieds sous la surface du sol, des charbons de bois,
des pierres calcinées et de la terre brûlée, sans aucune
trace de métal, d'ossements ou de poterie. Quelques ob-
456 ANTIQUITÉS
jets provenant de ces sarcophages ont été déposés an Mu-
sée de Lausanne par M. Victor Deladoey : ce sont des bra-
celets en bronze dont l'un , formé d'un fil d'une ligne
d'épaisseur, donnait plusieurs fois le tour de l'avant-bras,
une grande épingle à cheveux, surmontée d'une tète plate
découpée en quatre disques le long de la tige , et entre
autres un brassard consistant en une feuille de cuivre
élastique reployée en arc de cercle, à la manière des
jambières antiques, et recouverte de fines gravures *. —
Des brassards parfaitement identiques ont été découverts
en 1836, à peu de distance de Verchiez, dans la localité
appelée Derrière la Roche, au midi d'Ollon, avec deux celts
ou hachettes et une large lame de poignard en bronze. Je
n'ai pu savoir si les tombeaux de Derrière la Roche pré-
sentaient les mêmes dimensions que les précédents ; mais
il est permis de le supposer , vu la proximité de ces loca-
lités et la parfaite analogie des brassards, les seuls de ce
genre que je connaisse.
Quelques lombes pareilles à celles de Verchiez ont en-
core été découvertes à diverses reprises sur le signal de
Chardonne, près de Vevey, avec plusieurs objets en bron-
ze, tels que faucilles, celts, couteaux et pointes de lance.
Il est à regretter que plusieurs de ces pièces aient été dé-
truites, mais d'autres ont été retirées du creuset par les
soins de M. Doret, de Vevey, et sont conservées au Musée
de Lausanne.
Dans les âges postérieurs à celui dont nous nous occu-
pons, nous n'avons jamais retrouvé en Suisse cette atti-
* Voir ma description des Bracelets et Agrafes antiques du canton de Vaud,
pi. 1. Mittheilungen der antiq. in Zurich IF Band.
DE LA SUISSE OCCIDENTALE. 457
tade reployée des corps. En géDérâl, elle est an des traits
caractéristiques des plus anciennes sépultures, non-seule-
ment en Europe, mais dans beaucoup d'autres régions.
Dans quelques contrées de l'Occident et plus particulière-
ment de l'Amérique , ce mode d'inhumation a cependant
été conservé plus tard que chez nous, et même quelques
populations sauvages ont gardé jusqu'à nos jours l'usage
de reployer les corps de leurs morts en ramenant les
genoux vers le menton, avant de les déposer dans le
sein de la terre. Cette attitude ne doit du reste pas être
confondue avec la position assise. Pour s'en convaincre, il
sufQt dexaminer les momies du Pérou qui ont été main-
tenues dans cette positon au moyen de fortes ligatures, ce
qui n'est assurément pas la simple attitude du repos.
Avant de poursuivre l'énumération des découvertes du
second âge, il ne sera peut-être pas superflu de justifier
l'importance, au point de vue religieux, de la diversité
des modes de sépulture à leur origine, en recherchant
quelle peut avoir été la signification de cette attitude re-
pliée des corps, attitude essentiellement propre aux plus
anciennes sépultures du nord de l'Europe.
Dans nos précédents articles, nous avons déjà fait men-
tion des contrées nombreuses où se retrouve le même
usage, et il n'est pas sans intérêt de pouvoir en constater
la reproduction sous les ruines même de Babylone. M.
Thomas, architecte , profitant du moment où les eaux de
TEuphrate étaient descendues au-dessous de leur niveau
ordinaire, a fouillé, en 1851 , des massifs adhérents aux
substractions des ruines du palais de Nabuchonodosor et
y a rencontré des sarcophages en terre cuite, d'une exé-
cution grossière, hauts de 50 centimètres, larges de 40 et
458 AMTIQUlTés
longs de 36 seulement. Le corps pia*cé dans ces espèce»
d'urnes devait être replié »or lui-même, les genoux tou-
chant au menton, les bras croisés enCre la poitrine et les
cuisses, formant une sortie de paquet ^ Cette attitude m'a^
yait déjà frappé plusieurs foiSy lorsque je vis à Berlin, en
1844, chez M. le D^ Tschudi, de Claris, les momies ou
corps desséchés qu'il venait de» rapporter du Pérou, et
dont l'état de conservation^ permettait d'apprécier toutes,
les variétés du même mode. Les jambes étaient réguliè-
rement repliées sur le corps de manière à ramener les ge^
noux contre la poitrine, et les bras étaient croisés sur la
ceinture ou sur les jambes^ à moins que les maiivs n'eusr
sent été fixées entre les genoux et le menton. La D[K)mie
d'un perroquet, provenant des^ mêmes tombeaux, avait les
pattes sur le thorai et la tête inclinée vers l'aile gauche,
en sorte qu'elle reproduisait* la< position du petit oiseau,
dans la coquille. Dès lors, je m'assurai' que l'attitude des
corps humains n'était autre que celle du petit enfant dans
le sein de sa mère.
SI Ton rapproche de cette donnée ^opinion d'après la-
quelle la terre était envisagée comme la mère universelle
du genre humain*, on comprendra que cette position don-
née au corps du défunt, au moment où il va rentrer dans
le sein de la mère universelle, exprime l'idée, non-seule,-
ment de la foi à la vie à venir, mais à une naissance nou-
velle, en d'autres termes, à la résurrection des corps '. Ih
* Revue des Denx-MondeSy 15 octobre: 1854.
* Cécrops ordonne de déposer les morts dans le sein de la mère univer-
selle. Cic. De Legib.. II. 25.
' M. Jacob Grimm a déjà mentionné nron opinion dans la 2* édition de sa
Deutsche Mythologie, p. f9S(^. Arnio 18U.
DE LA SUISSE OCCIDENTALE. ^59
doit y avoir en efiEèt dans cette attilade autre chose qae
l'idée d'urie vie à venir, car celle-ci, loin d'être inhérente
à un mode spéciaîl de sépulture, était propre à des natioas
dont les usages étaieni très divers, ainsi, aux Egyptiens
q»i embaumaient les corps sans les replier, aux Romains
qui déposaient l'urne cinéraire sous la surface du sol, aux
Celtes ou à d'autres peuples qui recouvraient de tumuli
^ les cendres ou le corps du défunt. En replaçant le corps de
l'homme dans le sein de la terre d'où il était sorti, dvec
l'attitude de Tenfant avant sa naissance, c'était assuré-
ment avec la pensée qu'il naîtrait un jour de nouveau.
On demandera peut-être si cette foi à la résurrection
n'est pas essentiellement propre au christianisme, et si ce
n'est pas méconnaître les idées religieuses de l'antiquité
que de supposer chez les païens la connaissance de ee
dogme. Sans entrer dans la discussion des passages de
l'Ancien Testament où il est mentionné d'une manière plus
ou moins directe, il suffira de rappeler que l'existence de
la secte des Saducéens témoigne que la généralité des
Juifs croyaient, antérieurement au christianisme, à la ré-
surrection des corps. Mais ce n'était pas chez les Juifs
seulement que ce dogme était admis. Tertullien nous ap-
prend que les sectateurs de Mitfara croyaient à la résur-
rection', etil me paraît difficile de ne voir là qu'un em-
prunt récent fait au christianiisme.
Dans l'ensemble des monuments funéraires, ceux qui
sont empreints du sentiment religieux le plus profond ap-
partiennent en général à la plus haute antiquité. Les mo-
numents du culte de cette époque occupent une place
< De priBseripUone heretie. c. iO.
460 ANTIQUITÉS
beaucoup plus grande que toutes les autres constructions
du même âge et témoignent de l'intensité des préoccupa-
tions religieuses de ces anciens peuples. L'attitude repliée
est dans tous les cas l'un des modes qui remonte aux
temps les plus reculés , et il est vraisemblable que lors-
qu'on connaîtra plus complètement les antiques sépultu-
res de l'Asie, on pourra suivre pour ainsi dire pas à pas
les voies parcourues par les premières migrations, à partir
de Babylone et d'autres points. Plusieurs tronçons de ces
voies me permettent déjà de retracer quelques-unes de
ces directions, pour lesquelles il importe toutefois de tenir
compte des divers caractères propres aux monuments les
plus anciens. Si ce mode de sépulture, exprimant la foi à
la résurrection, est l'un des caractères des tombeaux du
premier &ge S il ne faut pas se dissimuler que l'antiquité
païenne eut de bonne heure ses Saducéens qui inhumè-
rent sans doute les corps sans les replier. Mais, d'autre
part, le premier mode, loin de disparaître complètement,
se poursuit même jusqu'à nos jours.
L'attitude repliée des corps, qui se retrouve sous les
ruines de Babylone, est surtout propre aux plus anciens
tombeaux de l'Europe, mais elle apparaît encore dans
l'âge du bronze, en Thuringe et sur les rives du Rhône,
et il n'est point impossible que ce mode n'ait été usité
beaucoup plus lard en Occident*. Diodore de Sicile rap
' On pourrait objecter que ranatomie était trop étrangère à ces peuples
pour permettre ce genre de connaissances, mais il suffira de rappeler l'anti-
que usage des sacrifices et de l'inspection des entrailles de la victime.
* M. l'abbé Cochet a eu l'obligeance de me communiquer les noms de plu-
sieurs localités de la France où l'on a retrouvé des tombes d'Ages divers,
dans lesquelles les corps n'avaient pas été étendus, mais, en général, on af-
DE LA SUISSE OCCIDENTALE. 461
porte qae les Troglodytes, peuples pasteurs de l'Ethiopie,
passaient la tête de leurs morts entre les jambes et les
liaient dans cette posture avec des branches flexibles*.
Dans quelques Etats du nord de l'Amérique ', plus au sud,
dans le Pérou et chez les Patagons, plusieurs tombeaux
du même genre remontent à des époques diverses. Les
Guanches des iles Canaries replient pareillement leurs
' morts. Chez certains Indiens, les mères donnent à l'hom-
me, dans le sépulcre, l'attitude qu'il avait dans le sein ma-
ternel et épanchent leur lait sur la tombe \ Cet usage des
mères, qui assimile l'homme après sa mort à un petit en-
fant qu'elles nourrissent de leur lait, s'est conservé^ sauf
l'attitude, jusqu'à ce siècle, dans une vallée des alpes du
canton de Vaud V Enûn, il est encore des Hottentots qui
donnent à leurs morts la même position repliée, comme
symbole d'une nouvelle naissance avec la foi à la résur-
rection *.
Il n'est pas sans intérêt de retrouver en Afrique la re-
production de cette attitude et de la foi dont elle est l'ex-
*pression ; car il faut reconnaître que dans beaucoup de
cas, les idées qui se rattachaient primitivement aux divers
modes de sépulture se sont altérées peu à peu et ont plus
ou moins disparu. Un fait, dépouillé de sa signification,
firme que les morts étaient assis, ce qui constituerait un autre genre de sé-
pulture ; toutefois il se pourrait que dans quelques cas l'observation n*ait pas
été suffisante. — Hérodote L. IV. c. 190 rapporte cependant que d'entre les
Lybiens nomades, les Nasamons enterrent leurs morts assis.
* Lib. IV. c. 3. Edition de Lyon. 1559.
* Smithsonian Contributions to knowlodge, passim.
* De Chateaubriand, Génie du christianisme , L. IV, c. 4.
* Aux Ormonts, communication de M. le pasteur Terrisse.
* Communication de M. Fréd. de Rougemont.
M2 ANTIQUITÉS
peut settraDsinetire ioBgiemp^.eDCore par ]'xi8age, maîiB
il finit généralement par tomber en désuétude , ausei
vient-il un iâorneni m la dirersité des ^odes funéraires
perd de son .rnip9rta<ikee. Tout en reconniiâsant cette loi
txattirelle, on ne saurait nier d'autre part la haute anti-
quité à laquelle remontent un certain nombre d'idées ou
^l'usages tqui se sont conservés jusqu'à nos jours.
Après avoir décrit le premier genre d'inhumation usité '
dans l'Helvétie occidentale, pendant l'âge du bronze, il
reste â indiquer les découvertes du second genre de sé^
pulture, propre à la même période, et qui ne idiiffàre en
précédent q^ue par la longueur des tombes, qui a permis
d'étendre le corps du défunt, en le couchant sur le dos.
Ces tombes, généralement construites en dalles brutes,
sont à quelques pieds sous la surface du ^ol et ne peufent
dtre distinguées de sépultures moins anciennes qoe par
les objets d'industrie qu'elles renferment.
On a retrouvé des tombes de ce genre dans quelques
parties du. Fa/ai^, avec divers ornements en bronze, maijs
le point de la vallée du Rhône sur lequel on en a observé
le plus grand nombre est le mont de Charpigmj, attenant
à celui de Saint-Triphon, avec lequel il forme un îlot au
milieu de la vallée, à droite de la route, en allant d'Aigle
h Bex. En 1837, M. le pasteur Buttin fit défricher Inver-
sant inéridional de ce mont et découvrit de nombreuses
tombes, construites en dalles brutes, dans lesquelles les
squelettes étendus étaient couchés sur le dos, les bras le
long des côtés. D'autres squelettes occupaient aussi des
fissures du rocher dont les parois formaient les côiés de
U tombe. D'entre les objets recueillis, étaient une tren-
taine de bracelets de formes diverses. L'un consistait en
DE LA SUISSIC OCCIDENTALE. 465
une tige de bronze de^'li^es de largeur qui donnait 10
fois te tour ûe Ta^Mt-bras. D'autres, formés de petits fils>
qiii ont exigé la oonnarssante de la tréfilerie, donnaient
seulement Silours en spirale. Plusieurs, ovales et entr'ou-
^erts, avaient été coulés. Sur d'autres étaient de flnes gra-
vures reproduisant des lignes droites ou brisées. Deu^
bracelets en argent, du poids de demi^livre, provenant de
la même •découverte, méritent une mention particulière.
De frM'me lelliptique iBt entr'ooverls, leur plus grand dia-
mètre ne mesure<que ^.pouces, pris dans le vide, et leurs
estrémités éVargies représentent des têtes de serpent. Ce
qm rend ces (bracelets remarquables, c'est surtout leur ma-
tiéfe, car om «retrouve bien plus fréquemment dans Tâge
4q braire des ornements en or qu'en argent ; aussi affir-
me-t-on souvent que, dans les pays de 'POccident, la con-
naissance de l'argent n'a pas précédé celle du fer. La ra-
reté-d'objets de ce métal avec les instruments tranchants
en4)ronze a naturellement conduit à formuler ce jugement
par trop ab^lu ; mais il est facile d'expliquer pourquoi,
ilanscfisâges reculés,l'argentest en effet beaucoup plus rare
qn&e l'or. La différence dans l'emploi de ces métaux doit pro-
venir detl'imperfection de l'art métallurgique à cette épo-
que reculée, et avoir sa cause dans ie plus ou moins de
difficultés de l'exploitation du minerai. Dès une très haute
antiquité, on a découvert l'or natif en assez grande abon-
dance ; son éclat devait attirer l'attention de l'observateur,
et il suilisait du lavage et d'une simple fusion pour le met-
Are en œuvre. Quant à l'argent, on le trouve beaucoup
-plus rarement à l'état natif. Le plus souvent, son minerai
sans éclat est allié au plomb, et, pour réduire celui-ci h
l'état de litharge, il faut l'emploi de procédés difficiles par
464 ANTIQUITÉS
lesquels l'industrie ne débute pas. Il est donc naturel que
la connaissance de ces procédés n'ait pas précédé celle de
l'exploitation du fer, mais rien ne s'oppose à ce que l'ar-
gent natif ait été travaillé en même temps que l'or, seule-
ment, étant beaucoup plus rare à cet état de pureté, l'ar-
gent a dû être employé moins fréquemment que l'or pour
ces antiques ornements ^ — Dans les tombeaux de Char-
pigny, des anneaux entr'ouverts, de 45 à 55 lignes de dia-
mètre reposaient, dit-on, sur les crânes, mais il peuvent
avoir été de simples colliers. Il faut encore mentionner un
peigne en bronze, de grandes épingles à cheveux, des tu-
bes de cuivre, pareils à ceux d'un chalumeau, trois celts,
une lame de poignard, des fragments de poterie grossière
et un grand nombre de lamelles de bronze, de formes di-
verses, qui ont dû-servir d'ornements, mais dont l'usage
est difficile à déterminer.
Des tombes du même genre, renfermiant des objets pa-
reils, mais moins nombreux, ont été découvertes dans la
vallée du Rhône : à Saint-Triphon, sur plusieurs points
près de Bex, avec un poignard, des celts, des épingles et
des bracelets ; près d'Aigle, au Plan-d'Essert, sur la route
d'Aigle aux Ormonts, aux Afforêts et en Pré-Baccon, enfin,
à la George, au-dessus de Roches.
La tranchée du chemin de fer, sous Lausanne, a mis au
jour, en 1854, un squelette, couché en terre libre, à 5
* Ces bracelets, ainsi que divers autres objets de Charpigny, font partie de
ma collection. — II est à remarquer que l'or se retrouve fort rarement en
Suisse avec les antiquités de l'âge du bronze, tandis qu'il était particulière-
ment abondant à la même époque, entre autres en Irlande, en Danemarck et
dans le midi de la Suède. L'analyse chimique des ornements en or des pays
Scandinaves, a constaté que ce métal provenait des mines de l'Oural.
DE LA SU1S8K OGCIDKKTALK. 465
piedsde profondeur, qui portait des bracelets et une bague
en bronze. Plus anciennement , on découvrit, dans une
tombe de Saint-Sulpice , une pointe de lance en bronze»
et, dans des tombes en dalles brutes, sur le Crêi^^Bai^
ron, près de Morges, de fort beaux bracelets ornés de dis-
ques et de fines stries. Un poignard en bronze a été re-
trouvé avec un squelette humain prés de Buchillon, et
des tombes, sur le territoire A'AUaman^ renfermaient des
celts. des faucilles et des pointes de lance. En Maurmonl,
riére Pizy, près d*Aubonne, des tombes contenaient des
objets pareils. Des squelettes, découverts à Trey, près
Payerne , portaient encore des bracelets et un collier en
bronze. Enfin, auprès d'un squelette déposé en terre libre»
à 3 pieds de profondeur, à la Longeraye, près de Paie-
zieux, se trouvaient de grandes épingles et divers instru-
ments en bronze, du poids d'environ trois livres, qui ont
été vendus au fondeur.
On verra tout à Theure que des objets du même genre
ont été découverts en bien d'autres points, mais sans
qu^il soit possible de constater si leur dépôt dans le sol
se rattachait à quelque sépulture.
On retrouve de temps à autre , en dehors des lieux
d*inhumation, des objets de l'âge du bronze qui ont été
anciennement déposés au pied de quelque bloc, ou per-
dus sur le sol, de manière i être recouverts d'alluvions ou
de terre végétale. Les instruments placés sous les blocs
peuvent avoir eu une destination religieuse pour autant
que ceux-ci étaient consacrés comme autels, mais la dé-
termination n'est pas toujours facile, et l'on comprend
qu'à une époque où les habitations étaient mal fermées,
on cachait souvent sous une pierre ou vers un arbre,
utm. rr mccm. ixt. M
466 ANTIQUITÉS
les objets qu'on ne voulait pas confier à la foi publiques
Cependant la plupart des dépâls suivants paranssent. plutôt
se rattacher à quelque usage religieux.
H. Taylor^&audin , ea faisant sauter on bloc erratique
dans sa campagne de Charpigny, près d'Aigle, a décou-
vert dessous onze* cell&, trois grands anneaux et uoe
pointe de lanee en bronze, qui étaient disposés en cercto*.
Le musée de Genève conserve trois cellSi et ua couteau
en bronze, trouvés au pied de la Pierre à Niion, qui for-
me un îlot daos le Léman, tout auprès de Genève^.
Derrière le signal de Bougy, on a détruit, près du vil-
lage de Pizy, dans un lieu appelé Maurmont , un bloc er^
ratique qui recouvrait des celts, des couteaux, des fau-
cilles et de nombreux ioâtrumeots en bronze du poids to-
tal d'environ deux quintaux, et qui ont tous disparu. U
est difficile de dire si ces objets provenaient d'un simple
enfouissement ou A'ex-voto réunis sous un autel.
Près AeJuriens, en enlevant une pierre brute, de forme
cylindrique, on trouva dans une terre légère deux cells et
divers objets qui n'ont pas été conservés.
Sous un men-hir, près de La-Mothes , M. Masset a re-
cueilli deux celts en bronze.
' Cet usa^ a été fort général. Dans Les pays Scandinaves, on retrouve fré-
quemment des enfouissements de monnaies et de métaux précieux faits par
les hardis aventuriers du Nord , qui , de retour dans leur patrie, cachaient
leurs trésors dans le sol et retournaient à de nouvelles expéditions dont ils
ne revenaient pas toujours, en sorte qu*une partie de ces dépôts, perdus
pour les leurs, se découvrent fortuitement de nos jours.
* Cette disposition en cercle a été observée plus d'une fois dans divers
pays. Les objets découverts à Charpigny sont conservés dans le cabinet d'an-
tiquités de Bel-Air.
' Description de quelques monuments celtiques, Blavignac , ptg. 21.
DE LA SUISSE OCCIDENTALE. 467
Ud meo-bir de Vauraux, dans le canton de Neuchfttel,
recouvrait aussi plusieurs instruments qui ont disparu \
Enfln, sur le versant sud-ouest du Bùttenberg, près de
Bienne, dans une localité qu'un manuscrit de l'an 1225
nomme Locus Dei, on a trouvé, sous un grand bloc erra-
tique, un vase, les fragments d'une idole ou statuette et
trois faucilles en bronze, dont deux sont conservées dans
le musée de Berne*.
Si une partie de ces instruments servait , comme il est
vraisemblable , aux cérémonies du culte, quelques-uns,
malgré leur métal , peuvent être postérieurs à l'âge du
bronze, le prêtre étant le dernier à changer la matière
consacrée ; c'est ainsi que dans plusieurs contrées, il con-
serva longtemps encore après l'introduction du fer, la ha-
che et le couteau en silex. Cette stabilité de certains usages
religieux explique comment des instruments tranchants
en bronze étaient réunis avec de la poterie romaine dans
le domaine de la Gantenaz, au-dessus de Lutry '.
Quant aux objets suivants, trouvés en terre libre, ils
doivent être classés dans la seconde période à laquelle ils
appartiennent, non-seulement par leur matière, mais sur-
tout par leur genre de travail. Il suffira d'en donner la
liste ainsi que celle des localités où on les a découverts.
Géronde, près de Sierre, en Valais, épée avec ane poi-
gnée en bronze*.
* Note manuscrite de M. Du Bois de Montpéreux.
* Der Kmton Bem, Alb. Jahn, p. 92.
s Les détails de cette découverte seront mentionnés plus tard.
* Plusieurs objets, tels que poignards, celts, anneaux, etc., trouvés dans
le Valais, sont entre les mains de diverses personnes qui ignorent le plus
souvent les lieux de leur découverte.
468 ANTIQUITÉS
Es'Lez, près des bains de Lavey, grand anneau orné de
gravures (conservé dans le musée de Lausanne).
Bex, quatre celts, une faucille, deux bracelets, une épin-
gle et un collier (conservés dans le cabinet d'antiquités de
Bel Air). Grande épingle d'un beau travail (conservée par
M. Sharman).
Bévieux, salines de Bex, petit anneau et pommeau pour
garniture de hampe (musée de Genève).
St.Triphon, lame de poignard (cabinet de Bel-Air). Celt
(biblioth. d'Yverdon).
Yvome, celt (musée de Lausanne).
Villeneuve, au Pissot, à 40 ou 50 pieds au-dessus de la
plaine, celt (musée de Lausanne).
Vevey, bracelet en bronze dont les extrémités sont croi-
sées^ trouvé à 8 pieds de profondeur, dans le lit de la
Veveyse, en reconstruisant le pont (cabinet de Bel-Air).
Entre Hauteville, sur Vevey, et Si. Légier, celt (musée
de Lausanne).
Palézieux, fragments d'épée en bronze (musée d'Aven-
ches).
Bionnens, canton de Fribourg, celt (cabinet de Bel-
Air).
Chalet à Gobet, sur la route de Moudon à Lausanne, celt
(cabinet de Bel-Air).
Rovéréaz, sur Lausanne, celt trouvé dans le lit d'ui\
ruisseau (conservé par M. Chaudet, arpenteur).
Lulry, épingle à cheveux (musée de Lausanne).
Echallens, celt avec douille (cabinet de Bel-Air).
Au-dessus de Rolle , entre les Granges de Mont et la
Gingine, celt trouvé dans un bois, en déracinant un arbre
(cabinet de Bel-Air).
DE LA SUISSE OCCIDENTALE. 4G9
Aux environs de Gemve, couteau (musée de Genève).
Aux Bmtgeries, entre Genève et le Salève, lame d'épée
(musée de Genève).
Gingins, épingle à cheveux (cabinet de Bel- Air).
Trevelin, près Aubonne, celts, couteaux et faucilles
(perdus).
Sur les bords de TAubonne, dans le vallon de La Pail-
lai desHugueis, ceit (bibliothèque d'Yverdon).
Sie-Croix, ceIt et pointe de lance, trouvés en exploitant
du gravier entre le village et le château.
Dans les tourbières d'Yverdon, couteau en bronze (col.
de M. G. de Bonstetten).
Cheseatix, près Yverdon, celts (fondus).
Bevaix, canton de Neuchâtel, deux faucilles (musée de
Neuchâtel).
Tête-Plumet, près Neuchâtel, celt (musée de Genève).
VaMe-Ruz, celt (musée de Neuchâtel).
D'autres découvertes pourraient être ajoutées à cette
liste, mais les renseignements n'étant pas suffisamment
précis, il est plus prudent de les passer sous silence ; tou-
tefois, il reste encore à mentionner les débris d'habita-
tions lacustres qui se rattachent à cette seconde période.
Nous avons rattaché précédemment à l'âge de la pierre
l'existence de cabanes construites sur pilotis, et qui s'é-
levaient au-dessus de la surface des eaux , à une dis-
tance de quelques centaines de pieds de la rive. Ce genre
de construction déjà décrit par Hérodote *, et propre en-
core de nos jours à quelques populations, a été fort
usité par les habitants de l'Helvétie occidentale, pendant
. * Liv. V, cap. 16.
470 ANTIQUITÉS
rage du bronze. Tandis qne les restes des pilotis de
)a première péiiode sont le plus sourent recouverts
de tourbe ou de limon, ceux du deuxième âge sont gé-
néralement sailfants et mesurent parfois jusqu'à cinq ou
six pieds de longueur, à partir de la vase des lacs. Au-
près de ces pieux, d'autres, extrêmement usés par l'actioa
des eaux, montrent que ces emplacements ont été occupés
pendant des siècles nombreux, et il est probable, que sur
plus d'un point les débris des habitations de la deuxième
période recouvrent ceux de la première. Ces pilotis, d'es-
sences diverses, mais le plus souvent de chêne, ont 3 à 8
pouces de diamètre. Leur partie inférieure, poiniue et
prise dans la vase, conserve encore la trace des coups de
hache. On voit ces pieux, sous 8 à 20 pieds d'eau, plantés
par centaines et quelquefois aussi par milliers sur le môme
emplacement ; parfois , ils sont à peine distants de 1 à
2 pieds, tandis qu'ailleurs on les trouve beaucoup plus
espacés. Nulle part, ils ne présentent d'alignements régu-
liers S mais, dans leur ensemble, ils sont presque toujours
disposés parallèlement à la rive, à une certaine distance
de celle-ci, suivant l'inclinaison et le prolongement du
bas-fond.
C'est auprès de ces pieux que se trouvent les restes
d'industrie qui témoignent de l'époque reculée pendant la-
quelle on élevait ces constructions. Les débris, de beaucoup
les plus nombreux, consistent en fragments de poterie
* J'ai cependant remarqué sur quelques points des pilotis disposés de ma-
nière à dessiner des ûgures régulières, mais je n'ai pas eacore retrouvé au-
près les débris caractéristiques de la période du bronze. 11 est évident que
bien des pieux ont été plantés dans les lacs, postérieurement à l'époque qui
nous occupe et dans un tout autre but que celui de soutenir les habitations.
DE LA SUISSE OCCIDENTALE. 471
au milieu desquels il y a même des vases plus ou moios
iutaiirts. La plupart de ces emplacements paraissent aToir
eu leurs potiers, à en juger parles pièces, qui, déformées
lors de la cuite, étaient jetées à l'eau, ue pouvant avoir
cours dans le commerce. L'argile , généralement pétrie
avec de petits cailloux siliceux , a été souvent travaillée
avec une assez grande finesse, soit à la main, soit à l'aidé
du tour. Les dimensions et les formes des vases sont ex-
trêmement variées : quelques-uns sont de véritables jou-
joux d*enfants, d'autres mesurent jusqu'à 2 et 3 pieds de
diamètre, n en est dont le fond, terminé en pointe, exi-
geait un support, et tel est l'usage de nombreux anneaux
en argile, pareils à des torches. Des anneaux du mdmfe
genre remplissent encore le même but chez les Hindous
et chez quelques populations de l'Espagne. De petites piè-
ces sphériques , en terre cuite , percées d'um trou , ont
servi de poids aux fuseaux. Des ornements en torsade,
des pointillages et de fines stries recouvrent parfois ces
poteries et plus particulièrement les vases.
L'âge de ces débris est suffisamment déterminé par les
nombreux instruments tranchants en bronze qui les accom^
pagnent. Les hachettes, connues sous le nom de celt , les
couteaux et les faucilles en bronze sont moins rares que
iesépées, les poignards et les pointes de lance, de javelot
ou de flèche. On découvre des épingles de toutes dimen-
sions, des aiguilles à coudre, des poinçons, de nombreux
bracelets de formes variées, des anneaux divers, des ha-
meçons et plusieurs objets dont la destination est difficile
â saisir.
Comme pièces exceptionnelles , on doit citer une ou
deux lamelles en or et quelques grains de collier en verr^
472 ANTIQUITÉS
qui proviennent sans doute du commerce des Phéniciens
avec le midi des Gaules. C'est à M. le colonel Schwab
qu'est due la découverte de ces pièces dans le lac de
Bienne*. Mentionnons aussi un moule de hache, en bronze^
sorti du milieu des pilotis de Morges par M. F. Forel,
moule d'après lequel on peut 's'assurer que ces popula-
tions avaient leurs fonderies ^
Outre ces restes d'industrie, on trouve des marteaux et
quelques petites hachettes en pierre, des pierres à broyer»
à aiguiser et à polir, d'autres, de la forme de petites pou-
lies, des espèces de meules de moulin, des ossements de
cerfs et de la plupart des animaux domestiques % quel-
ques canots en bois, creusés comme des auges, sembla-
bles aux pirogues des sauvages, enfin des fragments de
Targile qui servait de revêtement aux cabanes et qui por-
tent en creux l'empreinte des branchages employés à ces
* J'ai fouillé, en novembre 1857, un tombeau de l'âge du bronze, près
d'Aigle, qui contenait aussi un collier de pâtes émaillées. Des grains de
verre bleu ont pareillement été trouvés dans des tumuli du même âge, sur
les bords de la mer Baltique. Cependant, il se peut que les verroteries du lac
de Bienne proviennent du commencement de l'âge du fer, M. Schwab ayant
repêché quelques objets de ce métal.
• Une fonderie de l'âge du bronze a été retrouvée, en 1857, en nivelant le
sol de la cour du château d'Echallens. L'enfouissement consistait en nom-
breux culots de cuivre rouge, en fragments d'instruments de bronze, destinés
à être jetés dans le creuset, et en celts , dont quelques-uns sont des échan"
tillons manques qui n'étaient bons qu'à être refondus. Le cuivre rouge des
culots et le bronze jaune des celts montre que l'alliage de l'étain se faisait
sur place.
' Voir, relativement aux animaux qui vivaient avec les plus anciens habi-
tants de l'Helvétie, ma notice sur les Ossements et antiquités du lac de }foos-
seedorf. Bibliothèque universelle de Genève, mai 1857, et Die Pfahlbau-Al-
terthiimer von Mooiseedorf, im Kanton Berne, von Alb. Jahn und Joh. Uhl-
mann.
DE LA SUISSE OCCIDENTALE. 473
constructions. Ces fragments n'ont pu se conserver dans
l'eau qu'après avoir été cuits par Tincendie» et il est à re-
marquer que leur face unie présente toujours une légère
concavité, qui permet de conclure que les cabanes étaient
circulaires et que leur diamètre intérieur mesurait de 10
à 15 pieds , dimensions qui ne sont point inférieures à
celles des huttes des sauvages.
L'un des lacs où les explorations ont été les plus riches,
est celui de Bienne, dont je laisse à M. le colonel Schwab
le soin d'énumérer les diverses localités où il a constaté
avec M. le notaire Muller l'existence de nombreux pilotis.
Le lac d'Yverdon, soit de Neuchâtel , renferme des
débris d'habitations lacustres près à'Auvernier, de Cor-
taillod, de VAbhaie et du Moulin de Bevaix , de Concise^
de Corceleltes, de Clendi, A'Estavayer, de Chevroux et de
Port'Alban.
On les trouve dans le lac Léman près de Cully, de Lu-
try, de Pully, de Cour, de Yidi^ de SL-Sulpice, Ae Marges,
de Si.-Prez, de Rolle, de Nyon\ de Versoix, des Pâquis
et de Rive vis-à-vis de Genève*, près de la Belotie, de la
Gabiule, de Bassy, A'Hermance, de Beau-Regard, de Ner-
nier, d'Ivoire, de Thonon, A'Evian et à'Amphion^.
* On voit dans le lac, près de Nyon , des pieux de tous les âges. Ceux qui
nous occupent sont en face de la rade entre le port et la pointe de Promen-
tboux.
* A Textrémité du petit lac, les pilotis sont disséminés sur des points di-
vers-, quelques-uns traversent même le lac dans sa largeur, d'autres, obli-
quement; ils sont connus sous le nom de Travers,
' Il faut tenir compte que vers quelques-unes des localités {mentionnées il
existe parfois deux et même trois emplacements distincts. — M. Ad. Morlot
a observé dernièrement à la tète du Léman des pieux mis à découvert par la
trancbée du chemin de fer à Villeneuve. L'emplacement qu'ils occupent
474 ANTIQUITÉS
Les décoaverles de M. Morlot, dans le petit lac d'iDkwyl,
et de MM. Jahn et Uhlmaan, dans celai de Moosseedorf,
font voir que ces habitations n'étaient pas uniquement
propres aux bassins d'une certaine étendue ; aussi , je
n'hésite pas d'attribuer au même genre de construction la
découverte, qui fut faite, à la fin du siècle passé, dans le
petit lac de Luissel , près de Bex , d'où l'on sortit des
pointes de lance et trois belles épées en bronze, conservées
dans les musées de Lausanne et de Berne. Un témoin
oculaire de cette découverte m'a affirmé qu'on avait trouvé
sur le même point des pièces de bois, des ossements
et une certaine quantité de blé, enfouis dans la tourbe*.
Ces débris confiés sur un si grand nombre de points,
depuis la découverte de Meilen, ne sont pas propres à ia
Suisse seulement. J'«n ai vu de pareiis dans le lac é'An-
necy, en Savoie', et l'on commencée en découvrir de sem-
blables en Irlande et dans le nord de l'Angleterre, en
sorte qu'on peut s'attendre à voir se généraliser ces dé-
couvertes dans la plupart des lacs de l'Europe.
L'époque à laquelle ces cotisiruclions ont cessé d'être
en usage paraît tomber sur la fin de la période du bronza,
à en juger du moins par l'état actuel des recherches.
MM. Muller et Schwab ont cependant repêché quelques
instruments en fer, mais ces pièces sont très exception-
porte les traces caractéristiques d'une ancienne rive, bien que ce point soit
-actuellement séparé du lac par le bourg de Villeneuve ; mais on ne peut
-affirmer que ces pieux , malgré leur haute antiquité, proviennent d'habita-
tions lacustres.
* Voir la description de cette découverte dans le Nouvelliste vaudais du 21
octobre 1603. La découverte date du 84 mars 1791 et fut amenée par les tra-
vaux de dessèchement entrepris pour l'exploitation de la tourbe.
* Ga%ette de Savoie 19 et 20 septembre 1856.
DE LA SUISSE OCCIDENTALE. 475
Délies, et il est d'ailleurs fort possible que quelques-unes
de ces habitations aient survécu à une destruction gêné-
raie. Quoi qu*il en soit, le fer est étranger à la plupart de
ces emplacements qui offrent ordinairement tous les indi-
ces d'une destruction par le feu, pendant Tàge du bronze*.
Les observateurs attentifs avaient déjà pu conclure du
nombre des sépultures antiques à celui des habitants de
Tancienne Helvétie, et ces nouvelles découvertes viennent
dépasser les prévisions à cet égard. Polybe affirmait déjà
que les vallées, au pied des Alpes, étaient bien plus peuplées
qu'on ne se l'imaginait à Rome. De nos jours, on a encore
à combattre les mêmes préjugés que ceux des anciens
Romains. Il sera facile de se faire une idée de la popula-
tion approximative des riverains de nos lacs, si l'on prend
un jour les dimensions exactes de tous les emplacements
recouverts par ces antiques pilotis. Il suffira pour le mo-
ment d'en donner un exemple. Vis-à-vis de la ville de
Morges, les pilotis s'étendent sur un espace de 1200 pieds
de longueur sur 450 de largeur en moyenne. Ces pieux
étant destinés à supporter le plancher brut sur lequel
étaient assises les cabanes, on a ainsi la mesure exacte, en
minimum, de la surface de ce plancher, soit 480 000 pieds
carrés. Si l'on admet que les couloirs aient pris la moitié
de cette surface (ce qui est assurément beaucoup) et que
le diamètre extérieur des cabanes a été de 17 pieds, d'a-
près l'observation faite plus haut, il en résulte, qu'il reste
encore une place suflisant^ pour grouper 316 de ces hut-
* Voir poar plus de détails ma notice sur les Habitations lacustres de la
Suisse, insérée dans le Journal de Genève du 80 sept, au 2 oct. 1857, «t
dans le Bon Messager de 1858.
476 ANTIQUITES
tes, sans compter les vides inoccupés entre ces demeures
circulaires. Enfin, en admettant que chaque cabane ait
contenu 4 personnes, en moyenne, on arrive au chiffre de
1264 habitants pour ce seul emplacement, qui est Tun des
plus grands, il est vrai.
On pourrait croire que la population , à cette époque,
était essentiellement groupée sur les rives des lacs, mais
il ne paraît point qu'il en ait été ainsi. Dans ce cas, la dé-
couverte des sépultures de la même période devrait sur-
tout avoir lieu le long du littoral des bassins d'eau, ce qui
n'a cependant pas été le cas jusqu'à présent. Les tombes
de l'âge du bronze, renfermant des objets pareils à ceux
qui accompagnent les pilotis, sont aussi nombreuses loin
des lacs que sur les rivages, et leur disposition géogra-
phique indique une population répandue assez également
dans le pays, si l'on en excepte les contrées montagneu-
ses '. Ces observations font comprendre importance qu'il
y a pour ces recherches de statistique à tenir compte de
toutes les découvertes, lors même qu'elles sont souvent la
simple reproduction de faits déjà connus.
Une population aussi nombreuse pour cette époque re-
culée, quoique bien inférieure sans doute à ce qu'elle est
de nos jours, implique la nécessité d'un certain dévelop-
pement, qui ressort déjà, à quelques égards, de ces cons-
tructions elles mômes, ainsi que de l'art du fondeur et du
potier. Mais, à côté de l'industrie, Tagricullure ne pou-
vait rester étrangère à ce peuple, dont on retrouve les fau-
* Resterait la supposition d'après laquelle les habitants de ces bourgades
lacustres auraient jeté les corps des défunts dans les eaux, mais rien, jus-
qu'à présent, ne nous fournit l'indice d'un pareil usage. Les sépultures re-
trouvées sur plusieurs points des rivages semblent exclure cette hypothèse.
DE LA SUISSE OCCIDENTALE. 477
cilles, et qui cooDaissait déjà la culture du blé dans Tâge
de la pierre ' . Le nombre considérable d'ossements d'ani-
maux domestiques, qui ont été recueillis, ne permet pas
non plus de douter que le soin des troupeaux n'ait été
poussé assez loin. Si l'on se représente cette population,
soit dans l'intérieur des terres, soit dans ses nombreuses
bourgades, travaillant le cuivre et l'étain , cultivant le sol,
soignant et parquant ses troupeaux, il en résulte la néces-
sité de toute une organisation sociale et de voies ouvertes
au commerce et au transport des récoltes.
Ces découvertes seront loin du reste de nous avoir
fourni toutes leurs révélations aussi longtemps qu'on ne
sera pas parvenu à opérer des tranchées sous les eaux, de
manière à pouvoir observer avec soin la superposition des
couches historiques qui n'ont encore été qu'effleurées.
* M. le Dr Uhlmann a découvert, au milieu des pilotis du lac de Moossée-
dorf, du blé carbonisé par Tincendie
NOTICE
SUR LES
ANTIQUITÉS ROMAINES
DU CANTON DE VAUD
&:^
S'il avait été donné à un homme, après avoir vu Tan-
cienne Helvélie de Divicon, de parcourir le même pays dans
les premiers siècles de l'ère chrétienne, il aurait éprouvé
une grande surprise. Au lieu de maisons circulaires,
construites de claies et d'argile, recouvertes de chaume,
il aurait rencontré de vastes villœ élevées par l'art et la
richesse et des cités nombreuses, ceintes de murs et or-
nées avec magnificence ; au lieu de la simplicité primitive
de l'unique foyer autour duquel se racontaient les exploits
de la chasse et des combats , il aurait vu le luxe et les raf
finements d'une civilisation énervée; au lieu des dolmens
et des bocages consacrés à des dieux sévères, des tem-
ples splendides se seraient présentés à ses yeux éblouis,
temples devenus Tasile des divinités de l'orient et du sud.
C'est qu'un vainqueur s'était assis sur la terre des aïeux,
introduisant au delà des Alpes, comme ailleurs au delà
des mers, les mœurs, le culte et la vie de Rome.
480 ANTIQUITÉS ROMAINKS
I. vili.es.
Golonia Julia equestris (Noviodunum, Nyon).
Après le retour des émigranls en Helvétie, César com-
mença par s'assurer du pays conquis en élablissant une
colonie équeslre non loin des lieux où s'était effectuée
leur sortie, sur la localité qu'avait occupé l'ancien Novio-
dunum des Celtes. Aujourd'hui la ville de Nyon occupe
le même emplacement, mais bien plus considérable
était la cité romaine. Bâtie depuis le lac jusque sur la
hauteur, elle se déroulait le long du coteau de Prangins
et descendait vers Promenlhoux, d'où partaient les bois
du Jura pour la Méditerranée. Les portes étaient cons-
truites de pierres longues de 10 pieds sur 4 à 5 de large.
Des murs ceignaient la cité des chevaliers ; de riches de-
meures s'élevaient à l'intérieur. Il suffit de mentionner
les traits principaux de ses inscriptions pour peindre celle
époque. Elles nous apprennent que les chefs de l'empire
avaient aussi leurs adulateurs dans cette ville. Auguste y
comptait des prêtres, Fabius, vainqueur des Allobroges, y
était vénéré. Un marbre exprime les regrets d'un père sur
la perte de son fils, jeune et savant avocat. Cette cité pos-
sédait des tribuns' militaires, un intendant des ouvriers
occupés à la conslruclion des machines de guerre, deux
magistrats, juges des causes de droit, des intendants pour
les lieux et bâtiments publics, des préposés à la coupe des
bois destinés à la marine. On y rencontrait des augures.
DU CANTON DE VAUD. 481
des pontifes, des sévirs, des décemvirs, des préires voués
à des autels divers, des curateurs des citoyens romains,
des membres du conventus helvétique et un chef de la
gendarmerie, appelé à réprimer le brigandage. L'épée, la
robe et le sacerdoce se trouvaient réunis dans la même
personne. Des aqueducs, conservés en partie, rappellent
les réservoirs d*eau dontBrocchus Valérius Bassus accorda
l'usage aux habitants de Genève. Les milliaires découverts
dans les environs ont pour point de départ la cité éques-
tre même et non Avenches, sans doute parce qu'elle fut le
chef-lieu d'un premier établissement romain dans THel-
vélie. D'après Haller, Nyon aurait conservé par exception
le l^r milliaire de Lousonnium à Genève en sa qualité de
colonie équestre, tandis que le milliaire part d'Aventicum
pour tout le reste de l'Helvétie. C'est de là que les Romains
gouvernèrent l'Helvétie occidentale , lui imposant leurs
mœurs, leur langage et leur culte. Quand vinrent les Bar-
bares, Nyon, qui avait été un moment la capitale d'un évé-
<:hé *, vit, vers la fin du V^ siècle, l'évêque transporter son
siège à Belley ; elle n'était plus qu'un village sur des rui-
nes. Il ne reste de l'antique cité que des débris jetés çà et
là. Des pans de mur que heurte de temps à autre la pelle
de l'agriculteur, des tuiles nombreuses à la surface du
sol, déterminent seuls l'emplacement de l'ancienne colo-
nie. Des chapitaux, des corniches, une tête de cheval en
marbre entrent dans la construction d'une porte et des
murs de la ville moderne. Une tête de Méduse, le torse
d'une Diane et d'autres fragments ont disparu ces derniers
* Cette opinion, longtemps accréditée, est abandonnée aujourd'hui.
(NoU de redit.)
MÉM. ET DOCUM. XXV. 31
482 ANTIQUITÉS ROMAINES
temps. Plus de mosaïques bien conservées ; à peine encore
quelque inscription, quelque entablement ou bas-relief.
On doit à des découvertes fortuites des médailles de di-
vers modules, en or, argent et bronze, des vases en verre
et en bronze, d'autres en argile, chargés de reliefs, des
fers de lance, des haches, des épées, des figurines, des
lampes, des clefs, des anneaux en or ou en argent, divers
ornements de toilette et des tombeaux représentant les
différents modes de sépulture, Tinhumation ou le bû-
cher. Mais ces débris, derniers documents historiques,
disparaissent et s'anéantissent à leur tour. On dirait qu'il
suffise au peuple de ce souvenir confus qui attribue à Jules
César toutes les anciennes tours du Jura.
La colonie équestre, magnifiquement située entre le
Léman et la via strata (chemin de l'Etraz), grande voie
commerciale et militaire, communiquait avec les deux.
Le cavalier qui voulait se rendre en Ilalie par le Saint-
Bernard suivait la route des bords du lac et ne tardait pas
à rencontrer des habitations nombreuses et disséminées
dont on trouve des restes à Dulive, Lignière, Allaman,
et Saint-Prex, Au delà de Joulens (près Morges), on
voyait les demeures romaines de Saint- Sulpice. A Test,
la vue s'étend sur les plaines de Vidi que durent autrefois
recouvrir les eaux du Léman-; mais, bien des années
avant l'ère chrétienne, le lac avait pris son niveau actuel,
dessinant de nouveaux caps et de nouveaux promon-
toires. Déjà les Celtes s'étaient assis sur ces rives qui se
retirent dans des terres fertiles, tandis que Saint-Sulpice
et Cour s'avancent dans les eaux. Au levant, on voit à
l'horizon les hauteurs boisées du Jorat descendre comme
par bonds jusqu'au bord du lac et ceindre les plaines on-
DU CANTON DE VAUD. 483
dulées. C'est là, au fond du golfe, daus cet amphithéâtre
de la nature et sur ses premiers gradins que les Romains
construisirent une ville dont nous ne savons guère que la
situation et le nom.
Lousonnium.
Longtemps les opinions furent partagées sur le nom de
la ville qu'on sait avoir existé à Vidi. La Chronique men-
songère du pays de Vaud l'appelle Carpentras et Arpen^
tina; le peuple l'a répété après elle, en l'étendant d'une
localité à une autre, de manière à y renfermer toujours
son territoire. Depuis un siècle (1739), la découverte d'une
inscription à Vidi a justifié la dénomination des anciens
itinéraires et donné raison à ceux qu'on accusait de faire
remonter trop haut le nom de la ville moderne. Ce mar-
bre, déposé à la tête d'un sarcophage dont les autres dalles
étaient d'une pierre commune , avait changé de destina-
tion primitive, puisqu'il exprimait un vœu adressé au so-
leil, au génie et à la lune en faveur des Augustes (Marc
AurèleetL. Verus), par Publius Clodius, curateur des ha-
bitants de Lousanne {curator vikanorum lousonnensium) .
Cette inscription nous montre le culte gaulois dans un
lieu de dénomination celtique. Une autre pierre, trouvée
à Malley, en 1719, doit être rapprochée de la précédente :
C'est un vœu en faveur des sylphes protecteurs de Banira,
Donindai, Dedalus, Tato et Capo, fils d'Icarus. Ces syl-
phes, servants ou esprits follets de nos superstitions, pro
viennent sans doute des premiers habitants , ainsi que les
484 ANTIQUITÉS ROMAINES
noms de Banire el de Donindai. Dédale el Icare sont grecs;
Tato et Capo paraissent encore dans des acles«el inscrip-
tions du 9e et 10e siècle, et cependant le tout appartient
bien à l'époque romaine. — Quant à l'étendue de la ville,
il paraît, d'après les ruines qu'on retrouve, qu'elle occu-
pait une partie des plaines de Vidi, la Maladière et le Bois
de Vaud, jusqu'aux environs de Malley. Des pans de murs,
garnis comme les remparts d'Aventicum de tours semi-
circulaires, avaient trop peu d'épaisseur pour être des
murs d'enceinte. On croit quç l'ancien port était une es-
pèce de rade creusée parla main des hommes, dont il
reste à peine quelques traces entre la Chamberonnaz et
les Pierrettes, et que cette partie au sud-ouest de la ville
était le ad lacum Losanete de la carte itinéraire de Théo-
dose. Quoiqu'il en soit, ce nom donné au lac prouve que
les habitations de la rive n'étaient point sans importance.
C'est du reste ce dont on peut s'assurer par les nom-
breux di^bris rendus au jour. Médailles depuis Auguste à
Constans, styles, fers de javelot, vases, épingles, fibules,
plaque d'agrafe ciselée, statuettes, lampes, tuiles, chapi-
teaux d'ordre dorique, fûts de colonnes, urnes sépulcra-
les se rencontrent sur l'emplacement de Lousonnium.
Plusieurs lieux renfermaient des amphores; l'un , qui en
contenait 50, était une cella, construite de pierres rou-
lées et rangées dans un bain de mortier. Leursîormes re-
présentent la sphère, l'ellipse, l'ellipsoïde, le cône ou le
cylindre. Les elliptiques seules offrent une base aplatie,
tandis que les autres se terminent par une pointe. Toutes
à peu près reposaient sur l'orifice. On a sorti du même
sol une statuette de Diane en bronze, un cheval en albâ-
tre, long de 4. pouces, qui ne porte plus qu'une partie des
DU CANTON DE VAUD. 485
jambes du cavalier, un petit autel en marbre blanc dédié
àJunon, un beau buste de Caton d'Utique, l'inscription
d'un Rufus aquarum magister, des frises ornées de têtes
de bélier et un cadran solaire, représentant un aigle à
demi vol , qui soutient une portion de sphère concave
chargée de rayons divergents. Sur un médaillon en bronze,
au milieu de i feuilles de trèfle, ,on voit la figure d'un
chien, emblème de la fidélité. Trois autres médaillons sont
deVictorina, de Trajan et de Zénobie. Zénobie, veuve
d'Odénath, roi de Palmyre, succédait au pouvoir de son
mari, tandis que Victorina après la mort violente de son
fils Victorinus, tyran des Gaules sous Gallien, refusait la
puissance impériale, contente du titre de mère des camps.
Ainsi aux deux extrémités de l'univers romain , et au
même instant, deux femmes saisissaient, d'une main har-
die, ce pouvoir qui échappait aux hommes les plus forts.
€ Si la distance des lieux l'eût permis, disait un jour Zé-
nobie, j'aurais voulu partager le monde avec Victorina ,
car elle me ressemble. » L'estime mutuelle de ces deux
femmes, le rapport de leur position, disent assez, indé-
pendamment des pièces frappées en leur honneur, que le
nom de Zénobie ne fut pas étranger à la Gaule. Deux pla-
ques circulaires, d'environ 8 pouces de diamètre, portent
en bas-relief un Taurobole. Le prêtre, debout derrière le
taureau, est couvert d'un long vêtement dont un replis
voile sa tête. Les bras dégagés et nus, il appuie une
main sur le flanc gauche de l'animal, tandis que de l'au-
tre il répand la liqueur lustrale du simpule entre les cor-
nes de la victime pour la préparer au sacrifice. Dans ces
cérémonies, le taureau, orné de guirlandes et les cornes
dorées, était immolé sur un plancher à jour, qui recou-
486 ANTIQUITÉS ROMAINES
vrait une fosse profonde creusée à cet effet. Alors , celui
qui offrait le taurobole, debout dans la fosse, recevait sur
sa figure et ses membres cette pluie de sang jusqu'à ce
(qu'il en fût inondé. Puis , la foule accourue de toutes
parts» l'accueillait de ses acclamations , tandis qu'il allait
déposer dans un temple ses vêtements ensanglantés, gage
du pardon des dieux. Des villes entières pouvaient ainsi,
représentées par des dçputés, avoir part à cette régénéra-
tion. D'autrefois ce genre de sacrifice était employé pour
lesalut des empereurs. Suivant l'opinion populaire, l'an-
cien Lousonnium, dont on ne retrouve l'histoire que dans
ces restes déjà dispersés pour la plupart, fut détruit par
les eaux du lac, lors de la chute du mont Tauretunum.
Cet éboulement eut lieu en 563, à l'entrée de la vallée du
Rhône, au couchant de Ghessel et de Noville^ Les eaux du
fleuve rompant tout à coup la digue qui les faisait refluer
dans la partie supérieure de la vallée, détruisirent sur les
rives du Léman les bourgs les plus anciens, et renver-
sèrent les ponts et les usines de Genève. Cependant, mal-
gré les dévastations incontestables apportées par ce dé-
bordement subit, il n'est point probable que la ville qui
s'élevait depuis Vidi au-dessus du Bois-de-Vaud, dans
le cas où elle aurait encore existé, ail été renversée par
cette catastrophe, sans que les chroniqueurs de l'époque
en aient fait mention. Sa position Taurait d'autant mieux
garantie; car le choc des eaux, bien qu'il se portât surtout
aux deux extrémités du lac , ne fit qu'endommager Ge-
nève. Le cartulaire de Lausanne montre d'ailleurs que
la ville de ce nom avait été transportée au commencement
* Ceci demeure contesté. (Note de l'édit.)
DU CANTON DE VAUD. 487
du VI^ siècle sur la hauteur qu'elle occupe aujourd'hui.
L'examen des ruines ne laisse aucun doute sur ce point.
Partout l'on rencontre auprès des pans de mur, des pier-
res calcinées, des charbons, des cendres et une terre brû-
lée, preuve évidente de la destruction par le fer et le feu,
en un temps où les ravages apportés par la main de
l'homme n'étaient pas moins redoutables que ceux de la
nature. En outre, Tévéque Chilmegisile fut enseveli dans
réglise de St-Thiers, pins tard St-Maire, vers l'an 540.
Ce que les Barbares laissèrent debout, les habitants de
la ville nouvelle le renversèrent pour en faire servir les
matériaux à la construction du temple qu'ils élevaient à la
Mère du Sauveur. Aujourd'hui, l'on peut compter encore
dans les soubassements extérieurs de cet édifice près de
300 de ces pierres calcaires. L'ouvrier, comme on s'en est
convaincu dans ces derniers temps, avait eu soin d'enga-
ger dans la maçonnerie la sculpture des entablements ou
des frises, afin de présenter au dehors la partie plus unie
de l'assise, qui demandait moins de travail et ne détrui-
sait pas l'uniformité du soubassement. On aperçoit aussi,
à l'écart, dans quelques galeries, de grands fûts de colon-
nes romaines d'un marbre poli. Ils sont là comme pour
offrir un point d'appui plus solide à cette architecture du
moyen âge qui s'élance avec tant de grâce ei de légèreté.
C'est ainsi que les dernières traces des anciens monu-
ments se perdent et se confondent dans des constructions
plus nouvelles.
488 ANTIQUITÉS ROMAINES
Vibiscum (Viviscum, Vevey).
A répoque romaine, la voie par laquelle nous avons
atteint Lousonnium continuait le long du lac, à travers
Cour, Paudex, Gully, Glérolles et Saint-Saphorin. Après
avoir quitté les rochers de Lavaux et le versant abrupte du
Jorat, la route se dirigeait le long de pentes moins incli-
nées vers les habitations romaines de Vibiscum, assises au
pied des Alpes et sur le bord des eaux. Des pilotis décou-
verts au-dessus de la ville actuelle, à une trentaine de
pieds de profondeur, et auprès desquels gisaient des
troncs d'arbres dans une couche de limon pareille à celle
qu'atteint la sonde à une certaine distance au fond du lac,
ont fait supposer que c'était là une ancienne rive du Lé-
man. Ils témoignent en outre que des hommes s'étaient
arrêtés dans ce lieu, ce qui confirment du reste les haches
en pierre et en bronze qu'on y a recueillies. La belle ex-
position et la fertilité du sol engagèrent sans doute les Ro-
mains à y établir la station que mentionne l'itinéraire
d'Antonin. Elle paraît avoir été située droit au-dessus de
la ville moderne, dans un lieu où l'on retrouve des mé-
dailles depuis Auguste à Valentinien, des vases, des poids
de terre cuite, des pans de mur et des briques à larges re-
bords. Dernièrementencore, en décembre 184-3, on a dé-
couvert aux Clienevières les restes d'une construction ro-
maine et à quinze pieds de profondeur, un squelette hu-
main; tout auprès de celui-ci, dans une ouverture qui
traversait un mur, était un collier en or d'une chaîne assez
fine, très bien conservé ainsi que son fermoir; quatre
DU CANTON DE VAUD. 489
bagues étaient suspendues à ce collier, trois en or et une
en argent ; deux des premières sont ouvragées , et Tune
d'elles a conservé Tagathe onyx de son chaton sur laquelle
est gravée une tête d'aigle. Peut-être l'ancienne ville s'é-
tendait-elle du côté de la Tour, si l'on en juge par une
statuette de Mercure trouvée à la pointe de Peilz, Gilla-
mont a offert aussi plusieurs médailles du bas empire
au milieu desquelles était la petite statue d'un génie qui
s'appuie des deux mains sur l'enroulement de feuilles
d'acanthe qui couronnent un pied de lion posé sur un pié-
destal. Le dieu Sylvain était adoré sur le même lieu où
s'éleva plus tard l'Eglise de Sainte Claire. Un bénéficiaire
de la XXe légion lui avait consacré cet autel, tandis qu'à
Genève un citoyen de l'Helvétie s'adressait à la même di-
vinité en faveur de ses amis, les bateliers de la partie su-
périeure du lac. — Des tombeaux ouverts entre Vevey et
la Tour montrent l'union de l'ancien culte au culte chré-
tien. Une pièce placée dans la bouche des morts, en tribut
à Caron, porte les mots : tributum Pétri, Si la foi aux an-
ciens dieux a disparu, leur souvenir se perpétue dans
nôtre fête des Vignerons.
Pennilucus (Villeneuve) ; Âquilea, Alla (Aigle).
 l'extrémité orientale du Léman, Pennilucus, appuyé
contre la montagne, s'élevait au-dessus des rives, soit qu'il
désigne la tête du lac, ou qu'il rappelle l'existence d'un
bocage consacré au dieu Pen: On a pour preuve de son
antiquité les deux inscriptions romaines qu'on y conserve ;
490 ANTIQUITÉS ROMAINES
Tune est consacrée à la Victoire, l'autre est ud milliaire
qui indique 26000 pas de Villeneuve à Martigny. Au nord-
ouest de la ville actuelle on a découvert des restes de
bains, des médailles, des instruments destinés à prendre
rencens et un lacrymatoire qui reposait dans des tombes
pareilles à celles de Vevey.
La voie qui conduisait en Italie par le Saint-Bernard,
traversait le Peutex, près d'Aigle. L'ancien nom de cette
ville, Alla ou Aquilea, rapproché de celui à'Hyberna
(Yvorne), indiquerait les quartiers d'hiver d'un détache-
ment de cavalerie. Comme pour mieux sanctionner cette
opinion, l'aigle romaine a été placée sur les armoiries de
la ville nouvelle*.
Bromagus (Promasens).
Retournons maintenant sur nos pas jusqu'à Vevey pour
nous diriger vers Promagus. Ceux qui le cherchent auprès
du lac de Brel, atteignent, après avoir gravi par Chex-
bres le versant méridional du Jorat, une petite vallée en-
vironnée de hauteurs couronnées de bois de sapins dont
quelques-uns descendent vers les rives marécageuses d'un
petit lac. L'habitant des fermes raconte qu'une ville exis-
tait autrefois dans ce lieu; mais qu'un soir, ayant refusé
l'hospitalité à un étranger en qui elle méconnut le Sau-
' L'origine romaine d'Aigle a été combattue avec vraisemblance dans les
Recherches sur quelques localités du Bas-Vallais, de M. de Gingins. Voy. aussi
Martigiiier, Dict. Hist, {Note de l'édit.)
DU CANTON DE VAUD. 491
veur du monde, cette ville s'abima sur elle-même et dis-
parut. Le lendemain matin, un lac l'avait remplacée. A
cette réminiscence de la fable ou de la destruction de So-
dôme et Gomorrhe se mêle peut-être le souvenir des Ro-
mains dans cette vallée, dont la partie orientale renferme
des pans de murs répandus en divers sens dans la campa-
gne. On en a sorti une grande quantité de tuiles et nom-
bre de médailles impériales. Des actes du moyen âge don-
nant au lac le nom de Bromagus, quelques personnes ont
cru reconnaître la station désignée sous ce nom par Titi-
néraire d'Antonin, mais les distances indiquées se trou-
vant en défaut, il faut rechercher s'il ne se rencontre pas
de constructions romaines dans un lieu situé à 9 milles de
Vevey et à 6 de Moudon, d'après l'itinéraire. Tel est le cas
de Promasens, si l'on suit l'ancienne voie qui passait par
Jongny, Granges, Attalens, Bossonens, Palézieux etOron.
La direction naturelle de celte route dont il reste des tra-
ces, les ruines nombreuses qu'elle traverse, et les débris
romains de Promasens nous font partager l'opinion de
ceux qui placent Bromagus dans cette localité, appelée
aussi Bromagens dans des actes du moyen âge. Deux
lieues séparent encore ce village fribourgeois de Moudon.
Minnodunum, Minnidunum (Moudon).
Minnidunum, qui en celte doit signifier une colline au
bord d'une rivière, est située sur la Broie , à l'ouverture
d'une vallée longue et fertile dirigée du sud -ouest au
nord-est, entre des collines boisées. On a retrouvé de la
492 ANTIQUITÉS ROMAINES
ville romaine, des fragments de vases, des lampes sépul-
crales el enlr'aulres des slaluelles en bronze de Mercure,
d'Hercule, de Vénus el de la Victoire, déposées au Musée
de Berne. Les environs de Moudon sont si riches en mé-
dailles consulaires et impériales qu'une campagne en re-
çut le nom de Trésor romain. Dans un autre lieu, comme
il se trouvait souvent d'anciennes monnaies au pied d'un
rocher, on finit par apercevoir une ouverture élevée qu'on
se mit en mesure d'atteiudre. Effrayé de cette visite inat-
tendue, un hibou fit de nouveau tomber des pièces en
s'échappant et révéla de cette manière l'existence du tré-
sor caché. Si Tinseription grecque en dialectique dori-
que, recommandant la sobriété comme moyen de fortifier
l'âme, est perdue, on conserve en revanche avec soin l'au-
tel trouvé près du point de jonction de la Mérine et de la
Broie. « Quintus Œlius Avenius, y est-il dit, érige un au-
tel à ses dépends à Jupiter et à Junon pour la conserva-
tion de la famille impériale. De plus, il donne à perpé-
tuité 75000 sextercesaux habitants de Moudon, dont la
rente doit être employée à procurer aux bourgeois les
commodités et les plaisirs d'un gymnase pendant trois
jours, en trois différents temps de Tannée. Dans le cas où
les habitants de celte ville destineraient cet argent à d'au-
tres usages, il entend que ce capital soit remis à la colonie
d'Avenches. L'emplacement de cet autel a été accordé par
un décret des habitants de Moudon. & Ce décret de la com-
munauté du lieu montre qu'il s'agit d'une ville ordinaire,
car s'il était question d'une colonie, il procéderait des
décurions. En outre le mot vicani employé dans cette ins-
cription désigne les habitants d'une ville ouverte. Rien
ne dit si la somme donnée pour un gymnase fut détournée
DU CANTON DE VAUD. &93
de sa destiDation; il est au contraire probable qu'on reT
çut avec reconnaissance un établissement qui permettait à
tous les habitants de Moudon de jouir pendant trois jours,
chaque année, de remplacement pour les exercices corpo-
rels, auquel on ajoutait ordinairement des bains, des étu-
ves et des portiques où les gens de lettres et les philoso
phes enseignaient.
La Broie, qui coulait de Bromagus à Minnodunum, lon-
geait les habitations romaines deCourtilles et de Granges,
puis elle mouvait avec lenteur ses eaux accrues à travers
la plaine élargie , et s'unissait au lac de Morat sous les
remparts d'Aventicum. C'est aussi le long de son cours que
s'étendait la voie qui conduisait à la grande cité belvé-
tienne.
Âventicum Helvetiorum,
colonia pia, flavia, constans, emerita, fœderata.
(Âvenches.)
Situé dans une contrée ouverte et riante, l'ancien Aven-
ticum joignait à cet avantage celui de reposer sur un ri-
che sol d'alluvion. Au nord-ouest, les hauteurs du Vully
voilaient le lac d'Eburodunum, tandis que celui de Morat,
plus avancé dans les terres qu'il ne l'est aujourd'hui, bai-
gnait au nord les remparts delà ville. Depuis les plaines
de la Broie, le sol s'élève du côté du levant. C'est là qu'on
voit encore de nombreux débris, derniers témoins de la
grandeur romaine.
49& ANTIQUITÉS ROMAINES
Les murs d'enceinte de celte cité formaient à peu près
un octogone dont le pourtour ne peut être parcouru en
moins de cinq quarts d'heure. À Tintérieur , des tours se-
mi-circulaires, distantes à peine de cent pas, étaient adap-
tées aux remparts sans faire saillie au dehors. Ces murs
renfermaient un forum , un théâtre et un amphithéâtre ;,
ce dernier, placé sur la hauteur qu'occupe la ville ac-
tuelle, dominait les deux autres qui se rapprochaient da-
vantage du centre de la cité. Le fertile Bacchus des co-
teaux (fertilis Bacchus Oreus) , Auguste et la Victoire y
comptaient des autels. Des temples s'élevaient à des dieux
divers^ Neptune et Apollon paraissent y avoir été adorés.
Aventia, déesse protectrice de la ville, avait aussi son tem-
ple et ses autels. Plusieurs ont vu dans Julia Alpinula,
la prétresse de la déesse, jusqu'à ce que la critique ait re-
jeté l'existence de cette fille infortunée de l'infortuné AI-
pinus. Les habitations ne présentaient point l'aspect de
nos habitations modernes ; plus spacieuses et moins hau-
tes, entourées parfois de jardins et de bocages, elles n'é
talent point comme les nôtres groupées en rangs serrés.
L'opulence éloignait tout ce qui pouvait la troubler. Aven
ticum comptait en grand nombre des bains, des thermes
et des étuves. Le parquet de plusieurs salles reposait sur
des piles de briques, entre lesquelles circulait le calori-
que qui se répandait ensuite le long des parois au moyen
de conduits pratiqués dans les murs. D'autres salles ren-
fermaient les huiles et les essences dont on se faisait par-
fumer au sortir du bain. Les parois de ces appartements
revêtues de marbres ou de peintures à fresque , repré-
sentaient des vases, des guirlandes de fleurs ou des pan-
neaux coupés de lignes de couleurs variées. Les mosaï-
Dt CAFITON DK VAtD. 495
ques offraient une grande diversité de sujets. C'était sar-
lout an nord de la colline qui porte Pamphithéàtre qu'un
monument se faisait remarquer par la beauté de son pa-
f é, long de 60 pieds sur 40 de large. Ce pavé était divisé
en trois compartiments. Celui du milieu, beaucoup moins
considérable que les deux autres, consistait en quatre car-
rés oblongs, tandis que ceux de chaque extrémité conte-
naient chacun 15 octogones, 8 carrés et 16 triangles. Des
cordons et d'autres ornements entouraient l'ensemble et
les parties de détail, composés de petits cubes de couleurs
différentes. Au centre du parquet se trouvait une espèce
de bassin plaqué de marbre blanc, et non loin de là des
dauphins prêts h se livrer au jeu. Ailleurs, des compa-
gnons de Bacchus entrent en heurtant leurs cymbales, ou
bien des bacchantes tiennent en main le thyrse et la coupe
formée d*une corne. Plus loin, c'était un danseur empor-
tant dans ses bras son amante. Ainsi se poursuivent ces
jeux dans l'ivresse de la joie. Mais au milieu de cette
troupe livrée h sa folle gaité, Bacchus, la tête entourée
d*un nymbe bleuâtre, exprime, par ses traits et son atti
tude, l'admiration et la tendresse dont il est saisi. Une
jeune personne endormie vient de frapper les regards du
dieu et de ses compagnons couronnés de pampre ; c'est
Ariadne abandonnée dans Tfle de Naxos par Thésée qu'elle
vient de sauver. Thésée s*est enfui durant son sommeil,
mais, au réveil, elle rencontrera un dieu pour son époux.
A la beauté de cette mosaïque s'unissaient les peintures
ji fresque des parois. On y voyait au milieu des fleurs,
des femmes assises sur de légers rameaux, ou des l>oucs,
victimes de Bacchus. — Des pavés semblables ornaient
les réfectoires et les chapelles destinées aux dieux Lares.
496 ANTIQUITÉS ROMAINES
Les eûtes, en marbre ou en terre cuite émaillée , repo-
saient sur une pâte de chaux, de pierres jaunes et de co-
quilles marines pulvérisées, que portaient un ciment de
briques pilées et une couche de cailloux choisis. L'une de
ces mosaïques, construite Tan 209 de notre ère, sous le
consulat de Pompeianus et d'Avilus , représentait des ca-
nards, des coqs, des poules, des oies, des serpents et des
lézards. D'autres se composaient défiches tableaux, or-
nés de panneaux circulaires et de carrés bien ordonnés.
Des chasses en enrichissaient la bordure. Les chasseurs
portaient la caliga, celte forte semelle liée par des bande-
lettes de cuirs qui montaient jusqu'au milieu de la jambe.
Ailleurs, une tôte d'homme occupait le centre du par-
quet entre quatre tètes de vieillards. Les peintures de
plusieurs oiseaux, parmi lesquels se fait remarquer une
pie d'une grande vérité, étaient accompagnées de dau-
phins dont les queues s'entrelacent les unes dans les au-
tres. Enfin le tigre, la hyène, des lions et le zodiaque
apparaissent à leur tour sur des pavés pareils.
Les aqueducs n'étaient pas moins que les autres mo-
numents dignes des Romains. Formés d'un mastic qui se
durcit comme les cailloux, ils traversaient les bancs de roc
et conduisaient, de plusieurs lieues de distance, des sour-
ces pour l'usage des bains et de la ville.
D'importants édifices, enrichis de marbre et de reliefs,
ornaient la cité. On y remarquait des colonnes cannelées
et des colonnes torses. D'autres, de l'ordre dorique, voi-
sines du pavé consacré à Bacchus formaient le portique
de ce bâtiment; leur fût montrait à demi-hauteur une pe-
tite console pareille à celle qu'on observe sur les portiques
de Paimyre. Sur des corniches d'une grandeur élon-
DU CANTON DE VAUD. 497
nanie, étaient sculptés des denticoles, des foudres, des
tritons, des boucliers et des conques marines. On y voyait
aussi des vases à fleurs, des griffons, des chevaux marins
et des phoques. Les architraves, les frises^ les cordons,
les doucines, les acrotères et les tympans étaient chargés
de sculptures. Des statues en marbre et en bronze s'éle-
vaient à l'honneur des dieux. Apollon et Jupiter Ammon y
avaient leur place. Ce n'était pas toujours l'adulation ou la
foi qui les érigeait, mais, quelquefois aussi, la reconnais-
sance envers des citoyens illustres. Pour ces immenses
constructions et pour les ornements de la cité, on se servait
non-seulement de la pierre calcaire du Jura mais encore
de matériaux précieux amenés de pays lointains. Le mar-
bre de Paros, l'albâtre, le porphyre, le granit, les mar-
bres jaunes, verts, violets, gris el verts, rouges et blancs
embellissaient les demeures des Aveniiciens, ainsi que les
jaspes divers, Tagathe, l'ophite ou la serpentine, le ba-
salte, l'aventurine et le lapis lazuli. Bien que cette richesse
de dessin, d'architecture et de sculpture n'appartienne pas
toujours au beau siècle d'Auguste, elle n'en est pas moins
un témoignage de la grandeur d'Aventicum. Comme en
Italie à la même époque, les règles de l'architecture au-
raient pu être suivies avec plus de rigueur. Quelquefois,
dans ces monuments d'ordre, corinthien pour la plupart,
un pilastre cannelé est accompagné d'un fût de colonne
qui ne Test pas. Des sculptures d'un travail médiocre dé-
cèlent l'inhabileté du ciseau. Ou bien le marbre de la statue
reçoit un poli qui lui enlève l'apparence de la chair pour
lui donner celle de l'ivoire. Le grand pavé, voisin de l'am-
phithéâtre, qui, pour la variété des ornements, le nom-
bre des tableaux et leur disposition autour du sujet prin-
MEM. ET DOCUM. XXV. 32
498 ANTIQUITÉS ROMAINES
cipal, est du meilleur goût, laisse quelque chose à désirer
dans les proportious des figures , qu'on voudrai! voir
moins ramassées et plus svekes. Enfin , les peintures à
fresque frappent souvent davantage par la vivacité des
couleurs que par la bonne exécution. Le coup de pinceau
est hardi, mais il n'est pas toujours heureux. Dans la com-
position, le grotesque remplace parfois le naturel, et les
proportions ne sont pas toujours bien observées. C'était
ce manque de vérité que Vitruve blâmait chez les artistes
romains de son siècle.
Il résidait à Aventicum un lieutenant du préfet provin-
cial, un receveur des impôts en Helvétie, des triumvirs,
des curateurs, des décurions, des sévirs et des tribuns mi-
litaires. La cité, comme celles d'Italie, choisissait pour
son patron quelque grand citoyen romain. Elle possédait
en outre une confrérie ou compagnie de bateliers , qui fit
construire à ses dépens un édifice consacré à la famille
impériale et destiné aux réunions dans lesquels on trai-
tait des affaires de commerce. Ces bateliers sont appelés
Aruranci et Ararici, nom qui désigne peut-être les eaux
sur lesquelles ils naviguaient. Des magistrats et des che-
valiers faisaient souvent partie de ces compagnies , qui
jouissaient de grands privilèges et dont les membres n'é-
taient point étrangers aux charges municipales. — Des
inscriptions retracent le deuil dans les familles. L'une ex-
prime un vœu au génie protecteur du canton des Tigu-
rins. Une autre s'adresse aux divinités tutélaires de l'em-
pereur (Vespasien), au génie de la colonie helvétique, à
Apollon et aux médecins et professeurs de la cité. D'au-
tres à Maximin, encore César, et à Julia Domna, revêtue
du litre de mère des camps. On lit aussi que les adjoints
DU CANTON DE VAUD. ii99
^ préfet firent construire une salle pour les archives de
la préfecture. C'était surtout Vespasien qui était honoré
dans ces inscriptions. On sait d'après le rapport de Sué-
tone que Flavius Sabinus, père de cet empereur, avait
passé chez les Helvétiens la dernière partie de sa vie. Son
fils, destiné à la pourpre impériale, doit y avoir séjourné
dans sa jeunesse. L'an 71 de notre ère, une inscription,
placée sur un bâtiment public, dit qu'il était alors empe-
reur. César, Auguste, souverain pontife, revêtu du pou-
voir tribunicien pour la troisième fois, Imperator pour la
huitième, consul pour la troisième, désigné pour la qua-
trième, et père dç la patrie. Un marbre élevé par son fils
Titus rappelle qu'il restaura la cité d'Avencbes et ses rem-
parts avec la pierre de Noidelonex (Neucbâtel). Vespasien
et Titus furent en effet les protecteurs de cet Aventicum
nommé aussi Colonia pia, flavia, constans, emerita, fœde^
rata. La première et la troisième épitbète désignent l'at-
tachement de la colonie à son bienfaiteur; flavia est le
nom de la famille de Vespasien ; emerita indique que des
vétérans formèrent cette colonie; et fœderata, qu'elle était
alliée de Rome, ou unie avec les Helvétiens, qui avaient
leur constitution particulière , tandis que la colonie était
gouvernée par les lois romaines'. On rapporte que ces vé-
térans appartenaient aux vainqueurs de Jérusalem, instru-
ments de la vengeance divine, et qu'ils aimaient à comparer
à la Galilée ce pays, dont les lacs de Morat et d'Yverdon
leur rappelaient les eaux de Mérom et de Génézareth.
La plupart des auteurs s'accordent à donner à Aventi-
cum une origine anté-romaine et à la placer en tête des
douze villes que les Helvétiens brûlèrent lors de leur émi-
< Haller.
500 . ANTIQUITES ROMAINES
gralion. Godefroi de Viterbe n'hésite pas à dire que Brea*
nos la subjagaa Tan 365 de Rome ; et Marquard Wild
donne môme pour époqae de sa fondation» Tan 589 avant
rére chrétienne. Sans ajouter foi à tant de précision, il
est cependant probable qu'elle fut du nombre de ces villes
dont César ordonna la reconstruction et qu'elle s'éleva sur
des ruines. De bonne heure elle acquit un développement
qui lui valut d'être appelé par Tacite capui gentis, non
qu'elle exerçftt une prééminence civile, mais parce que sa
grandeur la faisait distinguer des autres cités de la nation.
L'itinéraire d'Ântonin» la table de Peutinger et les notices
de l'empire mentionnent VAveniicum Helvetiarum. Gré-
goire de Tours, Frédégaire, Fréculphe et le Cartulaire de
Lausanne en parlent aussi. Ptolémée la place dans la
Maxima Seqtianoram, non par erreur» mais parce que de
son temps on l'envisageait tomme faisant partie de cette
province. A une fausse interprétation de ce passage se
rattache le travail du jésuite Donod, par lequel il s'effor-
çait de montrer que les ruines d'Antre, en Franche-Comté,
étaient celles de Tancien Aventicum. V Apologie de Wild
Ta réfuté suffisamment. L'attachement d'Aventicum à
Galba faillit devenir fatal à la noble cité, qui ne put sau-
ver la tête du vieil Alpinus, son premier citoyen. La na-
tion dut implorer sa grâce auprès de Tempereur Quand
les ambassadeurs obtinrent audience, l'armée demanda,
avec imprécations et menaces, l'extermination des Helvé-
tiens. On vit alors Claudius Cossus mettre en jeu toutes
les ressources de son éloquence pour fléchir le farouche
César, passer des sollicitations à la peinture des maux qui
menaçaient sa malheureuse patrie, et rendre présente sa
dernière douleur. L'émolior lÊ^on âme gagna Tâme des
DU CANTON DE VAUD. 504
guerriers. A la vue des restes infortunés d'un peuple au-
trefois fortuné, glorieux, ils supplièrent h leur tour, et
Temperenr se laissa fléchir . — Des jours heureux et
calmes se levèrent encore ; le luxe et la richesse s'accru-
rent ; les jeux remplacèrent les armes ; mais c'en était fait
de la liberté.
Au cinquième siècle, quand Ammien Marcellin se rendit
à Aventicum, il trouva la cité déserte, ses édifices à moitié
ruinés, mais encore empreints d'une ancienne grandeur ;
c'est que les Allemani avaient passé dans ces lieux, le fer
et le feu à la majn. Dès lors l'éclat d'Aventicum fut anéanti,
et ce qui en restait fut effacé par les Burgondes. L'an 607,
le comte Guillaume, seigneur bourguignon, construisit un
château sur la hauteur qu'avait occupé le capitole, et con-
tribua à relever un peu la malheureuse cité ; mais des
tribulations l'attendaient encore. Dix ans ne s'étaient pas
écoulés que les Allemani de l'Helvétie orientale achevè-
rent de désoler cette contrée autrefois si florissante. —
' Une tradition du Nord dit qu'un fils du roi Scandinave,
Lodbrokar, fit une expédition en Helvétie et prit le châ-
teau de Vifill (Wiflisbourg, nom allemand d'Avenches)
dans le VU® ou VIII^ siècle. Ce fut en 1076 seulement, que
Burkard, évéque de Lausanne, aidé de l'empereur Henri
IV, réédifia Avenches dans laquelle il se souvint sans
doute qu'étaient déposés les tombeaux de vingt-deux évér
ques. Lausanne dut au malheur d'Aventicum de devenir
le siège épiscopal au commencement du sixième siècle.
Telle se'présente à nous cette antique cité, d'après les
débris qui nous restent. Plusieurs pans de murs, hauts de
15 pieds sur 4. de large, permettent de juger de ses rem-
parts et de leur pourtour. Les parements extérieurs, for-
502 ANTIQUITÉS ROMAINES
mes de pierres grisâtres disposées par assises horizon-
tales, renferment à Tintérieur des pierres et des cailloux
jetés dans un bain de mortier. Une des tours semi circu-
laire adaptée à ces murs antiques domine encore les rui-
nes de Tenceinte dont le diamètre est de 6000 pieds de
roi. En outre les mouvements du sol ajoutent à l'étendue
apparente de la ville, sur les débris de laquelle l'agricul-
ture récolte jusqu'à 2 000 sacs de blé. L'amphithéâtre,
comblé en partie par la route actuelle, sert de verger au
château voisin. Ses pierres et ses degrés, utilisés pour des
constructions modernes, ont été remplacés par de nom-
breux déblais ; à peine reste-t-il une portion des voûtes
et des contreforts qui portaient les gradins. Sur l'un des
côtés de cette arène, s'élève une tour construite de maté-
riaux antiques , mais dont la base seule parait pouvoir
appartenir aux Romains. C'est là qu'on prétend qu'étaient
renfermés les animaux féroces destinés aux combats. Le
théâtre, rompu par le centre dans ces dernières années,
est à peu prés perdu pour l'étude. — Au milieu de ces
dévastations, une colonne de marbre blanc demeure en-
core debout. Sa hauteur est de 40 pieds, sans y compren-
dre un fragment d'entablement qui la domine. Elle se
compose de blocs de 3 pieds de haut sur 7 de longueur,
dont la superposition offre des joints parfaits. Ses dimen-
sions et ses sculptures rappellent l'ordre corinthien. Les
uns y ont vu les restes d'un temple ; d'autres, d'un arc
de triomphe. Il parait qu'elle faisait partie du Forum, di-
rigé de là au Levant. Le voyageur aime à s'arrêter sous
cette ruine imposante, et longtemps la cigogne vint la cou-
ronner de son nid. On retrouve de temps à autre des
pierres sculptées, des fûts de colonnes, des chapiteaux de
DE CàNTON DE VAUD. 503
graodear colossale, des aqueducs et des foodements de
bâtiments privés ou publics. Plusieurs mosaïques, con-
nues seulement de quelques particuliers, restent enfouies
dans le sol. Des bas-relie£s et des inscriptions se voient
dans les murs de l'église et de la Maison-de-Ville ; qua-
rante ont été publiées; de beaucoup d'autres qui sont
inédites, il ne reste que des fragments. Inscriptions, co-
lonnes, chapiteaux, bas-reliefs, ont été jetés en grand
nombre dans les chauxfours voisins. — Outre les mé-
dailles impériales de différents métaux et de divers mo-
dules, on en a découvert de consulaires, de grecques et
^^égyptiennes ; on en a d'Âlexandre-le-Grand, de Seleu-
eus, de Mithridate et de Hiéron; d'autres sont des fa-
milles impériales bizantines, de Léon, de Zenon et d'Hé-
raclius, jusqu'aux Paléologues. Un médaillon représente
la tête de Méduse ; une cornaline, celle de Jules-César. —
On a sorti de ces ruines des torses et des fragments de
statues en marbre et en bronze, un Hercule, un empe
reur romain, un discobole ou lanceur de disque, une For-
tune avec une corne d'abondance, un Faune à genoux,
portant une grappe de raisin, et un Apollon qui tient une
lyre. Un groupe en bronze représente un athlète qui com-
bat un lion. Le corps de l'athlète est nerveux, son atti-
tude vraie et la tète d'un beau caractère antique. Le lion
étouffé est également d'une bonne expression, et tout ce
groupe est d*un grand prix pour la vérité de la scène.
Une statuette ou figure symbolique, offrant un corps cui-
rassé, surmonté d'une tête de coq et terminé par deux
serpents, représente un Âbraxas. — Des fragments de
candélabres, et des lampes de formes et de destinations
diverses ont été conservées. Sur un beau miroir en
r
504 ANTIQUITÉS ROMAINES
bronze, est gravée Léda, qui vient de mettre au jour les
deux œufs d'où sortirent Castor et Pollux. — On rencontre
en outre des ampbores, des vases, des dieux Lares, des
styles, des ftbules, des pierres gravées et des bagues en or
et en argent. Une sonnette en bronze a perdu son battant.
Un léopard couché, dévorant la tête d'une biche, forme
le manche d'une clé. Une hache en bronze, de fort petite
dimension , avec une médaille en argent portant une vic-
toire, incrustée sur un des côtés de la hache, parait une
pièce symbolique et rappelle peut-être une ancienne con-
frérie de charpenliers. Enfin, une poterie représente un
Gaulois qui se verse à boire. Le vase qu'il tient sous son
bras, a la forme du tonneau de bois entouré de cercles,
que Pline a mentionné dans son histoire naturelle * et dont
nous nous servons anjourdhui.
Si l'esprit de conservation eût veillé sur ces riches mo-
numents , A.venches posséderait une collection digne de
son ancienne grandeur; mais la plupart des objets décou-
verts ont été détruits ou dispersés. Les étrangers en ont
enlevé un grand nombre ; la science en a peu profité.
Après beaucoup d'abus est né le besoin d'en prévenir de
nouveaux ; à cet effet un cabinet a été ouvert dans la tour
attenante à l'amphithéâtre. Malgré les pièces intéres-
santes qu'il renferme, l'ami des monuments nationaux se
demande comment il se peut que ce soient là les restes de
l'antique cité. Bientôt pourtant, on est frappé de la richesse
d'ornementation de ces quelques débris, mais on l'est en
même temps de Tesprit de haine qui préside à leur destruc-
tion ; la colère du barbare demeure empreinte sur le bron-
ze; renverser ne suffisait pas, il voulait encore anéantir.
* Livre XIV, chap. 21.
DU CANTON DB VAUO. 505
Eburodunum (Tverdon).
D'Aventicum, point de départ des miiliaires, plusieurs
routes se dirigeaient vers les principales villes du pays.
L'une conduisait à Eburodunum, ancien co^frum romain,
situé sur les bords d'un lac, à l'extrémité d'une plaine re-
couverte autrefois par les eaux. Le rapprochement du
Jura permettait, comme à Nyon, d'exploiter, pour la ma-
rine romaine, les hauts sapins de la montagne. Mais au
lieu de prendre le chemin de la Méditerranée, on faisait
flotter ces bois jusqu'au Rhin , d'où ils descendaient en-
suite dans l'Océan. Un préfet présidait à cet effet la com-
pagnie des bateliers d'Eburodunum. — Des inscriptions
y furent gravées en l'honneur de la Victoire, d'Apollon,
de Mercure et de Minerve. Le souvenir des importants ser
vices rendus par Festilla , prétresse du premier Auguste
à Avencbes, est conservé sur la pierre. Flavius Camillus,
triumvir de la colonie Helvétienne (Aventicum), reçut le
titre de patron et vit élever, en reconnaissance de ses bien-
faits, un portique et des statues. — Les murs en pierre
et en brique du caslrum eburodunum disparaissent chaque
jour. Tel a été le sort des bains découverts il y a quel-
ques années, qui présentaient encore des baignoires en
marbre, des fourneaux de briques et des tuyaux en plomb.
Auprès du château actuel se sont trouvés d'intéressants
débris. Ailleurs, des tombeaux contenaient des armes,
des lampes, des vases et des médailles ; l'un renfermait
un casque, un glaive et des lacrymatoires de la grosseur
S06 ANTIQUITÉS ROMAINBS
d'une larme batavique. — Une mosaïque d'un beau tra-
vail n'a pu être sauvée. Elle avait pour sujet Orphée en-
touré d'animaux ; des quadrupèdes . des oiseaux et des
poissons en occupaient les trois compartiments. Un bas-
relief, une statuette de Mercure^ une tête en marbre, une
grande ampbore, des vases, des fers de flèche, des usten-
siles, des médailles, des poids, une meule de moulin à
bras et du blé calciné ont été sortis de ces ruines. De plus,
certaines parties du sol offrent pour ainsi dire les diverses
couches historiques de cette ville. Peut-être aussi , la ha-
che en serpentine, conservée avec quelques autres objets
dans la bibliothèque, vient-elle à l'appui de l'origine cel-
tique que semble indiquer la dénomination d'Eburodu-
num.
Urba (Orbe).
En remontant le cours de la rivière qui traverse Yver-
don et se jette dans le lac, on voit une plaine marécageuse
s'étendre le long des collines qui s'appuient au Jura. La
ville d'Orbe occupe une hauteur dominée par les vieilles
tours de son château bourguignon. Autrefois, la via sirata
longeait la montagne, et, dans des temps plus reculés, le
lac baignait cette plaine qui continue à faire reculer le
bassin des eaux. Auprès de la ville actuelle, s'élevait Tan-
cienne Urba de l'itinéraire d'Antonin que plusieurs croient
avoir été la capitale du pagtis urbigenus mentionné par
César. C'est au nord-ouest de la capitale de la Petite-
Bourgogne qu'on découvre divers restes de constructions
DU CANTON DE VAUD. 507
antiques, des fragments de marbre blanc travaillé, des
médailles et des pavés. Une de ces mosaïques, détruite en
1758 sur le terrain appelé Bosséaz, reproduisait par des
cubes calcaires et des émaux de teintes variées, des fleurs
et des figures d'hommes et d'animaux. C*est sans doute
un des compartiments de ce parquet qui restait engagé
sous la route, et qu'on a découvert le 13 mai 1841, en
construisant un mur de soutènement. Il représente sur
un fond blanc encadré d'une arabesque en torsade un
char à quatre roues surmonté d'échelles et de cerceaux
et traîné par deux bœufs qu'aiguillonne le conducteur. Sur
le même plan se trouvent des arbres séparés par divers
personnages, dont l'un s'appuie sur une massue et tient à
la bouche une conque qui rappelle le^or des Alpes. La
variété des couleurs, la grâce des formes et des contours,
font admirer la belle exécution de ce pavé, long de 21
pieds sur 6 à 7 de large , et conservé avec soin sur les
lieux. Cinq murs perpendiculaires à l'axe de la route, des
peintures à fresque et un autre pavé noir et blanc sont les
derniers débris de cette riche demeure. Des recherches
bien dirigées pourraient jeter un nouveau jour sur l'état
de nos cités durant les premiers siècles de notre ère.
Peut-élre y eut-il sur le sol appelé plus tard la patrie
de Yaud bien d'autres habitations romaines dignes de
figurer à côté de celles que nous venons de parcourir. Il
est même beaucoup de localités où l'agriculture, à la vue
de ruines romaines, se plaft à reconstruire par l'imagina-
tion quelque cité antique. Nous verrons ce que ces sup-
positions peuvent avoir de fondé, quand nous aurons par-
couru les voies principales qui sillonnaient le pays.
308 ANTIQUITÉS ROMAINES
II. VOIES MILLIAIRES.
Jules-César mentionne deux chemins qui conduisaient
de THelvétie dans les Gaules, dont l'un passait par Genève,
et l'autre par Colonges et le pas de la Cluse. Une fois que
les Romains eurent soumis le pays, ils construisirent des
voies nouvelles, les coordonnant au vaste système des
routes commerciales et militaires qui parcouraient les pro-
vinces. Ces chaussées, un peu élevées au-dessus du sol,
ayant en moyenne 12 pieds de largeur, étaient pavées de
cailloux et de grosses pierres plates, ou recouvertes de
gravier mêlé de terre glaise.
L'une de ces grandes voies qui venait des Gaules était
la via siraia, appelée de nos jours chemin de VEiraz.
Sa direction dans l'Helvétie occidentale est déterminée
par les restes qui s'en trouvent dans les communes sui-
vantes : Gex, Vesenci sous Bonmont, Gingins, Trélex^
Coinsins, Vich {yictis), Luins, Bursins, Mont-dessous, Fé-
chy, Aubonne, Lavigny, Bussy, Clarmont, Cottens, Grancy,
Senarclens, Dizy, La Sarraz, Pompaples, Orbe (Urba),
Mathod, Grandson, Concise, Vaumarcus, Noidelonex, etc.
D'autres embranchements venaient des Gaules, par
exemple de Condateoo Saint-Claude à Aubonne, par Saint-
Cergues, Arzier et Burligny ; de Saint-Georges à la via
siraia, et A'Ariorica (Pontarlier) à Jougnes, Ballaigue et
Orbe.
La route qui allait de Genève en Italie par le Saint-Ber-
nard, traversait le sol de Versoix, Coppet, Nyon (colonia
' ' f DU CANTON DE VAUD. 509
.^quesiris), Promentoux , la Dulive , Rolle, Âllamand, Bq-
chillon, Basuges ou Saint-Prex, Morges, T\ùf(lacum lo^
.simili)/ Cour, Paudex, Lulry, entre Yillette et Grandvaux,
Cully, Glérolle, Saint- Saphorin, Vevey (Vibiscum), Cla-
rens, Chillon, Villeneuve (PenniLucus), Roches, le Peutex
près Aigle, sous Cbarpigny, Saint-Maurice (Tanmias),
Martîgny (Oclodurum), etc.
De Vevey une route se dirigeait par Ghexbres , le lac
de Bret etPromasens (Bromagus). La plus directe passait
an levant de Cbardonne, par Granges, Palézieux, Oron et
Bromagus. Une troisième venait de Vidy, à Lutry, Savuy,
au Grenet près de Bret, au Crét et à Promasens; toutes
jM)ur atteindre Moudon (Minnodunum) , Lucens, Ville-
neuve, Granges, Fétigny, Payerne, Corcelles, Dompierre,
Somdidier et Aventicum.
• D'Avencbes, une route allait à Morat; une seconde à
Salavaux et Valamand, entre lesquels on a trouvé une ins-
cription dédiée aux génies qui présidaient aux grandes
foutes: BIVIS, TRIBVIS. QVADRVBIIS. Ces inscriptions
fttant placées dans les croisées, on voit qu'il y avait ici
loelque nouvel embrancbement. Une autre route condui-
ipiit de la grande cité à Yverdon (Eburodunum), à travers
è Vully et le long des habitations romaines de Cbeyres et
FYvonand.
Un chemin parait s'être dirigé, vu les milliaires qu'on y
'encontre, de Lausonnium à Yverdon par Vufflens-la-
Ville, Pentbaz, Entreroches, Bavois, Cbavornay, Essertet
Ependes. Quelques traces d'anciennes voies et les com-
munications nécessaires entre des habitations rapprochées
semblent indiquer un second chemin de Vidy à Prilly,
Crissier, Cheseaux, Echallens (au couchant) et Yverdon ;
510 ANTIQUITÉS ROMAINES
à moins qu'il ù'allât de Prilly à Cbeseaux par Jouxtens-
Mésery et Romanel (au couchant). Un milliaire découvert
à Pomy donne la direction d'une route d'Yverdon à Mou-
don. Enfin un segment de chaussée qu'on voit à Froide-
ville n'est pas encore suffisamment déterminé.
Il nous reste trois milliaires de la via strata : l'un
à Begnins ; le second, qui donne la date de 241 sous
Gordien III, a été transporté de Lavigny à Saint-Livres;
le troisième, trouvé à Treycovagnes , est de l'an â02,
sous SeptimeSévère. — Quelques milliaires érigés sur
la voie des bords du Léman avaient leur chef de file
à Nyon, ce qui dénote, comme on l'a observé, l'impor-
tance de cette colonie équestre. Genève a recueilli celui de
Mies, dressé l'an 98 sous l'empereur Trajan. Les ponts de
la Dulive et du Bovairon en portent deux du 111^ siècle. Le
milliaire de Paudex, de l'an 143, sous Ântonin-le-Pieux,
indiquant 38 000 pas jusqu'à Avenches, se voit à Lausanne
dans la cour de l'ancienne maison Levade. Un autre, de
Glérolles, érigé sous Claude en 47, est conservé dans l'é-
glise de Saint-Saphorin. Villeneuve en possède un de Con-
stantin, et l'église d'Ollon renferme celui trouvé au pied
de Cbarpigny, portant le nom de Licinius et marquant
17000 pas jusqu'à Martigny. — Le milliaire de Pomy a
été enlevé. Chavornay conserve le sien qui est de Septime-
Sévère. Le château d'Orny possède celui d'Entreroches,
de l'an 149 de notre ère, et distant d'Avenches de 41 000
pas: Ceux de Penthaz et de Vufilens-la-Ville sont malheu-
reusement indéchiffrables.
DU CANTON DK VAUD. 541
111. BOURGS, VILLAGES, HABITATIONS DISSÉMINÉES.
La partie du canton qai vit la première s*élever des
coDSlroctions étrangères dans ses campagnes fut celle des
environs de Nyon. Mies, Cappel, Céligny, Borex, Eysins,
TréUx , DuilUer, Coinsim et Vie possèdent des briques
romaines, des murs , des inscriptions et de vastes aque-
docs. Pratigins et Benex avec sa mosaïque blanche parse-
mée d'étoiles noires, touchaient à la colonie équestre. Plus
loin, sur les rives et les hauteurs du lac, on voit des dé-
bris pareils, ainsi à Limères^ GiUy, la Combe près de
Rolle, Perroi, Allaman et Verei. Chanmvaz, entre Bu-
chilloD et TAubonne, en renferme plusieurs. Le lieu d*où
Ton en sort le plus est une élévation de terrain qu'ombra-
gent deux bouquets de chênes , et qui s'avance dans les
eaux du Léman. C*est là qu*on découvre depuis nombre
d'années des ustensiles, des médailles et des t)as-reliefs ;
les deux gladiateurs combattant avecl'épèe et le bouclier,
transportés à Aubonoe, ont été trouvés dans ce lieu avec
des vases, des armes , un fragment de corne de cerf, de
grandes briques, des fûis de colonne et des traces d'aque-
doc; les murs, construits par assises, formant divers
compartiments et parfois des demi-cercles, occupent une
étendue considérable. BuchilloneiEioy soùi moins riches.
SaifUPrex, qui portait autrefois le nom de Basuges, ren-
fermait entre autres dans ses anciennes constructions des
statuettes dont l'une reposait sur un piédestal qui expri-
mait un vœu à Baccbus de Cully (Libero patri cocUeim). A
Ki2 ANTIQUITÉS ROMAINBS
Jaulens, aa-dessus de la ville de Morges. s*éle?ait aaire-
fois QD temple cbrétieD sur des ruines romaioes. Daos les
eDTiroDsde Lotry, en TaUlepied, aa Châtelard, à CaurH^
naux et au Crêi^Bemard^ Dommé aussi la citadelle, ont
en lieu diverses découvertes. L*une, au Miroir, doit avoir
mis dans l'aisance l'ouvrier qui la fit. Une autre dans les
environs de Savuy rendit au jour des peintures à fresque
représentant le soleil et plusieurs espèces d'animaux. A
Bossières, près de la même commune, quatre plats en
enivre reposaient dans un vase de terre cuite. Ces demierB
temps encore on a sorti des vignes de VUleiie de grands
blocs calcaires diversement taillés. Comme nous l'avons
vu par rinscription de Saint-Prex, CuUy cultivait déjà la
vigne. Une bacchante y a été découverte ainsi qn'on en-
tablement qu'on a cru provenir d'un temple. Des mosai-
ques et des bains se trouvaient à Treyiorrem; une tête en
marbre de grandeur naturelle près de la Salence; M
d'anciennes conslructions en Murez, à Jourdillon, Rivaz^
Sainl'Saphorin, Goy, Chexbres, Tolovaux et Praz^pourri.
Les médailles y sont nombreuses; en plus d'un endroit
des voûles restent inexplorées.
Au delà de Yevey, la hauteur de Baugi renfermait des
colonnes de marbre, des sculptures sur albâtre, des mé-
dailles en grande quantité et deux mosaïques dont l'une
présente des lignes demi circulaires qui partent du centre
à la circonférence; la seconde, que le propriétaire du fonds
conserve avec soin, a été gravée dans l'Atlas qui accom-
pagne le dictionnaire Levade. Une cassette trouvée près
de Clarens, contenait trois bracelets et trois simpules en
argent. Valeyres, Mauraz et le Clos -du- Moulin offrent les
traces de Pennilucus. Rennaz, à l'entrée de la vallée do
DU CANTON DE YAÎJD. SIS
Rhône , possède des briques à larges rebords sons nne
forte couche de limon, déposée par l'éboulement de Tau-
retnnum. Une mosaïque a été détruite au Peutex près
d'Aigle, à côté des traces de la chaussée romaine. Ollon
conserve une amphore d'une forme allongée découverte
récemment en Taxerez; à Antagnes on trouve divers dé-
bris. Les belles fibules de Fully, vis-à-vis Martigny, se
voient au musée cantonal. Dans la vallée du Rhône, c'est
surtout Saint-Triphon qui se fait remarquer par ses rui-
nes imposantes. Une grande tour carrée, haute de 60
pieds sur 27 à 28 de large, domine un rocher isolé, élevé
de 246 pieds au-dessus de la plaine. Habitée dans le moyen
âge, ainsi que le montrent des chartes et les restes d'une
chapelle voisine, plusieurs la disent l'ouvrage des Ro-
mains. Des vases et des médailles consulaires et impéria-
les se trouvent au pied de la tour. On voyait en outre au-
dessus d'iui portail d'enceinteune inscription romaine, en-
levée ces dernières années.
Non loin de Bromagus(Promasens), des bains s'élevaient
au Martinet près de Palézieux. Une salle avait un double-
fond composé de grandes briques, soutenues par des piles,
aatour desquelles circiriait le calorique. La fournaise don-
nait ensrr le vestibule et communiquait aussi avec une se-
conde 6alle dont le parquet de marbre blanc reposait sur
36 pries ; ces piles, formées chacune de 12 briques, étaient
moins larges à la base qu au sommet ; des tuyaux de terre
cuite, minces et carrés, se dirigeaient verticalement le long
des parois. Dans une pièce voisine, de petites briques,
posées de champ, formaient, sur une couche de ciment,
une très jelie mosaïque. Disons encore que la fournaise,
remplie de cendres et de charbons, renfermait le squelette
MÉM. ET DOCUM. XXY. ^3
51 ft ANTIQUITÉS ROMAINES
entier d'an homme de haute taille dont tous les os por-
taient l'empreinte du feu. ilfararon offre aussi quelques
traces roniaines. Mézière possède les ruines d'une grande
villa ; plusieurs squelettes dans diverses positions étaient
entourés de décombres. Un vase en bronze a été brisé à
Neyruz. A Courtilles, une élévation du sol conserve des
murs et des tuiles à larges rebords, de même que Lovatens;
une inscription commençant par les mots DEiË MINER ViE
a été enfouie de nouveau. Près de Granges, Therbe jaunit
en temps de sécheresse sur d'anciens fondements. Un
vestibule, long de 40 pieds, avait pour dalles de grandes
briques. On y a découvert des peintures à fresque, des
fragments de poterie, des lingots de plomb, une statuette
et divers instruments. Payerne, Donatyre, Salavatix,
Montmagny se ressentent du voisinage d'Aventicum. La
belle mosaïque de Cormeroz représentant le Dédale de
Crète, a été transportée à Fribourg. Celle de Cheyres, sur
les bords du lac dTverdon, fut détruite dans le siècle
passé; la surface de ce pavé était de 246 pieds carrés et
ses cubes de marbres de couleurs différentes, de pierres
dures et d'émaui rouge, vert et bleu, étaient disposés
avec art. On y voyait Orphée, assis au pied d'un arbre,
ayant un lion et un écureuil à ses pieds, tandis que des
oiseaux l'entouraient et venaient jusqu'à sa lyre. Deux au-
tres mosaïques , recouvertes déterre, existent encore à
Yvonand où l'on a trouvé en 1838 un chapiteau en bronze
d'ordre corinthien, le bras d'une statue d'enfant, une vic-
toire, des coquillages et une hache.
Sur l'autre rive du lac, au pied du Jura, Saint-Maurice,
Champag7ie, Grandson, \aleyres, Villars, Champvent,
Baulmes, Essert, Orges, le bois du Fai près la Mothe et Sainte^
DU CANTON De VAUD. SIS
Croix, âîDsi que le sol entre Valeyres, Orbe et Rances, con-
servent des traces des Romains. Près de Vuitebœuf, le bois
des Tours tire son nom des vastes ruines qu'il renferme ;
an milieu de ces anciennes constructions s'est trouvé un
beau Mercure aui yeux d'argent. Des vases ont été re-
cueillis au Devenl près d'Orbe. A Aniex, un tertre recou-
vrait la base d^une construction circulaire avec des osse-
ments calcinés, des tuiles à larges rebords et une balance
à plateau. Quelques débris de la même époque se retrou-
vent à MoiU'laville, Chevilly, Cuamem, Vlsle, Mauraz,
Bérolle, Ballem, Bière ^ Saubraz, Montherod, Aubonne,
Lavigny, Féchy , Esserlines , Loiigirod, Marchissy^ et
Vincy.
Si nous entrons maintenant par le nord-est dans l'inté-
rieur du canton, nous rencontrerons encore des restes ro-
mains à Prahim, Pomy, Sermiiz et Valeyressous-Ursins.
Une relation du siècle passé au gouvernement de Berne
sur les antiquités (ÏUrsins rapporte qu'on y VDyait un ves
tibule souterrain, à peu près de la hauteur d'un homme,
sur A pas de large , avec de beaux fragments de marbre
sculpté qui sont demeurés sur le cimetière jusqu'à ces
dernières années. A diverses reprises, des objets d'art et
des statuettes y ont été découverts : un chapiteau en
bronze, un augure, un Mercure et, entre autres, un petit
bouc d'un travail excellent; le piédestal sur lequel il re-
pose porte cette inscription : DEO-MERGVRIO-IVL IVLIA-
NA-V. S. L.M. Une pierre calcaire, placée dans une maison
particulière présente cette seule ligne d'une inscription
inédite: TlTlCAPITOiNI-SVRDllDOiNl. Ce marbre a 7 pieds
de long sur 15 pouces de large; les caractères sont gros-
sièrement reoroduits. Malgré les destructions annuelles,
546 ANTIQUITÉS ROMAINKS
ce sol est loin d'être épuisé. Essertines, Suchy, Chavar-
nay, Vuarrens, Saint-Cierges, Morrens et Ctigy témoignent
aussi du séjour des Romains. Il en est de même du terri-
toire de Cheseaux où Ton rencontre de vastes conduits sou-
terrains , des murs parallèles ou croisés, des meules de
moulin à bras, des chapiteaux, des fûts de colonne, des'
dalles de marbre blanc, des lampes, des urnes cinéraires,
des vases, des figurines et des pavés à la mosaïque. Une^
armoire dans un mur couvert de terre était remplie de
irétements qui se réduisirent en poussière au premier con-
tact de l'air. Des bains rasés à fleur du sol montraient
leur ancienne distribution; dans ce lieu, une salle souter-
raine à laquelle aboutissait un grand aqueduc, renfermait
trois vases eu bronze. Ailleurs, des pans de murs étaient
encore debout au commencement de ce siècle. Enfin , sur
un espace considérable sont parsemées çà et là les grandes
tuiles à larges rebords. Les chênes de la forêt de Vemand-
dessous et le sol de Romanel recouvrent des constructions
pareilles. Jouxtens conserve les belles ruines d'une villa.
Une tête en bronze de Marc-Aurèle de grandeur naturelle
a été transportée de Prilly au musée de Berne ; une tête
de Gérés est perdue. Renens possède des urnes antiques,
et le ruisseau qui coule près de Chavannes sotis Ecublens
enlève parfois au sol voisin les statuettes d'anciens dreux.
— - Divers débris ont été découverts à Daillens, Penthaz,
Sullens, La Chaux , Grancy en Allai, Sévery, Gollion et
Aclens, Une mosaïque de 14 */• pieds sur chaque côté
vient d'être mise au jour à Vullierens sur Morges. Quatre
ellipses, disposées en long sur les diagonales de ce carré,
touchant, par une de leurs extrémités, la base du triangle
isocèle formé aux quatre angles du pavé, et par l'autre la
DU CANTON DE YAUD. SI 7
torsade d'un carré qui occupe le centre et dont les côtés
sont parallèles à la base des triangles mentionnés. Sur
chaque côté du pavé repose un hémicycle que diviserait en
deux parties égales le prolongement des diagonales du
carré intérieur ; seize petits triangles remplissent les vides.
Le champ intérieur des ellipses est occupé par ^es fleu-
rons, celui des grands triangles par des fleurs et.CjBlui
des hémicycles par des poissons. Les encadrements et, lçis
cordons sont agréablement mélangés de bleu , de blanc,
de rouge et de vert. Le compartiment du centre a été dé-
truit ainsi qu'une partie de La mosaïque par l'incurie de
l'ouvrier. Dans les ruines romaines de Romanel sur Marges
on a trouvé un plat de cuivre étamé ; il est entouré de ci-
selures grossières et rappelle la métallurgie gauloise.
EcublenSj Echandens, Bremblens, Echichens, YauXy Clar^
mont, Apples, Réverolle, et CAardonnat/ ont aussi leurs
débris. Il exista longtemps dans le bois des Bioléttes près de
Chardonnay des chambres ou cellules qui servirent plus
d'une fois de refuge. Enfin Villars sotts Yens est connu
par une riche découverte de ces médailles impériales qu'on
retrouve dans la plupart des ruines romaines et aussi quel-
quefois isolées, comme à Lavey, Montreuse ^ Corsier, Car
rouge, Henniez, Mamand, la Lance, J^onvillars, Matkod,
Suscévaz, Omy, Juriens et Vallorbe.
SI 8
ANTIQIITES ROMAINES
IV. INSCRIPTIONS
Le nombre des inscriptions romaines dans le canton de
Vaad étant trop considérable poar pouvoir les transcrire
toutes ici, nous nous bornerons à en citer quelques-unes.
Coppet.
VIXI VT VIVIS
MORIERIS VT SVM
MORTVVS
SIC VITA TRVDITVR
VALE VIATOR
ET ABI IN REM TVA M
Nyon.
C. PLINIO
M. F. C. N.
ANNOR
FAVSTO
xn
AEDILI II
L PLINIO
VIRO
FAVSTI
IVL EQ FLA
FIL
MIN
SABINO
C PLINIVS
FAVST
VIVOS
P. C.
DU CANTON DE VAUD. 519
C. Plinius Faustus, de son vivant, a fait poser cette
pierre à Gains PliniusFanstns, fils de Marcns et petit-fils
de Gains, édile, dnnmvir et prêtre de la colonie jnlienne
équestre, ainsi qu*à son fils Lucius Plinins Sabinus , âgé
de 12 ans.
G. LVGGONI GO
TETRIGI PRAEFECT.
ARGEND. LATROG.
PRAEFEGT. PROIIVIR
IIVIR BIS FLAMliNl D.
AVGVST. -
Cette inscription, placée à l'angle septentrional de l'é-
glise de Nyon, est dédiée à Gains Lucconus Tetricus, de
la tribu Gornelia, chef de la gendarmerie pour réprimer
le brigandage, produumvir, duumvir pour la seconde
fois et prêtre du divin Auguste.
Bière.
CAESIA VEGE
TA APOLLINI
V. V. S. L. M.
Volum volvil, solvUy lubens, merito.
Ce marbre trouvé près du Toleure , dans le territoire
de Bière, a été transporté à Lausanne dans la campagne
du Jardin.
820 ANTIQUITÉS ROMAINES
Cuamens.
D. M.
IVL DECYMINAE
ETPOMPEÂË
REGINâë IVL
VALERIÂNVS:
P. E. C.
Julius Valerianus prit soin d'élever ce monumeoi aux
dieax mânes de Jalia Decumina et de Pompea Regina.
Saint-Prez.
M. AVR
PIVS FEL GERM. MAX. BRIT.
MAX. PONT. MAX. TRIB. POT. XVI
IMP II COS llll PROCOS
FORTISSIMVS INVICTISSIMVSQ.
M. AVG. INV. PACATOR
ORBIS. VIAS ET PONTEE VETVSTATE
COLLABS RESTITVIT.
MarC'Aarèle Caracala , rerétu de tous les titres de la
flatterie, a fait rétablir les routes et les ponts qui tom-
baient en ruine par leur ancienneté. — Ce milHairese voit
sur le pont du Bouairon.
DU CANTON DB VAUD. S21
Vidy.
SOLI GENIO LVNAE
SACRVM EX VOTO
PRO SALVTE AVGVS
TORVM P. CLOD. CORN.
PRÏMVS CURATOR VIKA
NOR UOVSONNENSIVM II
Iiiiil VIR AVGUSTAL Ç. G. R
CONVENTVS HEL D. S. D
I •
Vœu adressé a,u. soleil . au géaie et à la l^oe pour la
conservation des empereurs, par Pgbiijifs Clodius, cura-
teur des habitants de Lousonne pour la seconde fois, se?ir
auffostal. Il a fait la dédicace de ce monument à ses frs^is
et par le copsentemeni du conseil de la Diète helvétique.
(Voir Bocbat, tom. III.)
Moudon.
PRO SALVTE DOMVS DIVIIV
I. 0. M. IVNON. REGIN.
ARAMQAEL. AVi NVS llliIV. AVG
DE SVO AVTEM DOISAVIT, VICAN.
MINNODVNNENS. XDCCL EX
QVORVM VSSVR GYMNA
SIVM INDERCI TEMPOR
PER TRIDVMEISDEM
VICAN DEDIT INA EVM
QVOD SI IN ALIOS VSSVS
TRANSFERR VOLVERINT
HANC PECVN INCOL COL AVEW
TICENSIVM DARI VOLO
L. D. D. V. M.
K22 ANTIQUITÉS ROMAINES
(Voir l'article Moudon et le Mercure suisse, janvier pag.
79elavrilpag. 80, 1735.)
Avenches.
IMP. CAES. VESP. AVG.
PONT. MAX. TRIB. POT. COSS
1. DES. Il P. P.
LAPID. NOIDENOL. MVLT. LAB".
TRAOT. AVENT. MOEN RESTA VR.
TIT. VESP. AVG. FIL. D.
Titus érige ce monument à son père Vespasien, alors
qu'il était consul pour la première fois et désigné pour la
seconde, pour avoir tiré à grands frais, des carrières de
Neucbâtel , les pierres dont il restaura les murs d'Aven-
cbes.
DEAE AVENT
C. IVL. PRIMI T
TRIVMVIR
CVR. COL. HE. F. A.
CVR Imil VIR
D.D. SVA PECV.
Gains Julius Primitius, triumvir, curateur de la colonie
confédérée d'Avenches chez les Helvétiens et sévir, a con-
sacré ce marbre de son argent a la déesse Aventia.
DU CANTON DE VALD. H'iZ
LEGATO
IMP. CAES. NERVAE AVG. GERM. LEG. XVI
FLAVIAE FIRMAE ET LEGATO IMP. NERVAE
TRAIANI CAESARIS AVG. GERMANICI DACICI
LEG. VI FIRMAE SODALI FLAVIALI PRAETORI
AERARI MILITARIS LEGAT. IMP. NERVAE
TRAIANI CAESARIS AVG. GERMANICI DACICI
PROVINCIAE LVGDVNENSIS CONSVLI LEGATO
IMP. NERVAE TRAIANI CAESARIS AVG. GERMANICI
DACICI AD CENSVS ACCIPIENDOS
COLONIA PIA FLAVIA CONSTANS EMERITA
AVENTICVM HELVETIORVM FOEDERATA
PATRONO.
A lieutenant sous Nerva, delà 16^ légion surnom-
mée flavienne, lieutenant de la 6^ sous Trajan, vainqueur
des Germains et des Daces, trésorier de la caisse militaire,
gouverneur de la province lyonnaise pour recueillir les
impôts. La colonie d'Avenches à son Patron. (Voir l'article
d'Avenches )
Yverdon.
C. FLAVIO CAI..LL.
II VIR COL. HEL. FLAMIN.
AVGVSTI
QUEM ORDO PATRONVM
CIVITATIS COOPTAVIT EIQ
OBMERITA EIVS ERGA REM
PVBLICAM SCHOLAM ET
STATVAS DECREVIT
VIKANI
EBVRODUNENSES
AMICO ET PATRONO
524 ANTIQUITÉS ROMAINES
Les babUants d'Yverdon à leur ami et patron, C. Fla-
vius Camillus, duumvir de la colonie belvétienne, prêtre
d'Auguste» que l'ordre a cboisi pour patron de la ville et
auquel il a décrété un portique et des statues pour ses
services^ à la cbose publique.
V. TOMBEAUX.
L'âge des bûcbers est représenté dans les ruines de la
colonie équestre. En 1840, un ouvrier occupé à creuser
un fossé sur la place d'armes, vint à beurter un bloc
calcaire grossièrement arrondi; une partie qui servait de
couvercle s'en étant délacbée, on vit qu'il renfermait une
urne de verre remplie de cendres et recouverte d'un pla-
teau. Ce vase contenait encore quelques fragments d'osse
ments calcinés et entre autres un anneau en or, qui révèle
les restes d*un chevalier de cette colonie. Des urnes plus
nombreuses, qui occupaient les nicbes d'un caveau sou-
terrain près de La Sarraz , ont été détruites en môme
temps que ce columbarium. A Saint-Prex, de petits vases
remplis de cendres reposaient dans des vases plus grands.
Quelques endroits du même territoire recèlent des cbar-
bons et des ossements à demi-brûlés, des fragments de
poterie, de grands clous à tête ronde, des fibules et des
vases destinés à contenir quelques liquides; le col de
ceux ci est étroit et le ventre aplati : l'un, de fort petite
dimension, porte en relief des chiens , des lièvres , des
écrevisses et des grenouilles. Des urnes cinéraires se ren-
DU CANTON DB VAUD. S25
coDtreDt aussi à Chavannes près Ecublens, Cheseaux,
Corcelles le Jorat el Palézieux à la MoUie aux Blancs.
 côté des morts déposés dans les tombes, od ren-
contre parfois des objets qui ne laissent aucun doute sur
répoque et le peuple auxquels ils appartiennent. Tel est
]e cas de ceux de Longirod qui renfermaient des fibules
et des anneaux d'une très jolie forme, avec un beau bra-
celet en bronze habilement bosselé. A la Linière, près
du bois de Prangins, on découvrit en 1792 des tombes
de briques avec des armes en bronze argenté et des mé-
dailles d'argent de Constantin le-jeune, de Julien Tapostat
et de Valentinien. Au Bouairon près de Morges, et à Ville-
neuve (Pennilucus), quelques monnaies, des débris d'ar-
mnre et des vases, nommés communément lacrymatoires^
accompagnaient des ossements humains. Dans des tom-
beaux de Saini'Sulpice se trouvaient des lacrymatoires,
des agraifes, un anneau en or et une boucle d*oreille.
Ceui[ de Daillens contenaient des épées, des anneaux en
bronze et des fibules. Auprès des squelettes découverts à
Vlsle reposaient de petits vases de verre et de terre ; ces
derniers étaient remplis de monnaies romaines du IV"»«
siècle. Les tombeaux découverts ces dernières années sur
le Crêt du Verney, près du village de Bière, ont pu être
observés avec soin. Un assez grand nombre de squelettes
étaient couchés dans une terre noirâtre qui recouvre les
couches de sable et de gravier dont est composée la col-
line. Ici Tusage des peuples anciens de tourner les pieds
du mort vers l'orient n'avait pas été observé. De nombreux
ornements paraient les squelettes étendus sur le dos. Les
bras croisés sur la poitrine avaient parfois jusqu'à six
bracelets en bronze; c'étaient, chez quelques-uns, des
Sâ6 ANTIQUITÉS R0MAI2IBS
boucles rondes dont les extrémités sont entièremeDi rap-
prochées, tandis que d'autres, plats et ornés de ciselures,
se terminaient par deux têtes de serpents que joignait une
petite agrafe. Autour du tibia se trouvaient aussi des an-
neaux et près de la tête on avait presque toujours déposé
un vase orné de dessins sur lequel était un couvercle.
Quatre médailles en bronze, provenant de ce cimetière,
portent refQgie des empereurs Valentinien. Gratien et
Théodose le Grand. En 1769, on rendit au jour à Yverdon,
près des moulins» plusieurs squelettes dont la tête regar-
dait l'orient. Couchés dans le sable, ils avaient entre les
jambes des vases de verre et de terre avec des lampes sé-
pulcrales et de petits plats d'argile rouge dans lesquels
on pouvait distinguer des os de volaille bien conservés.
A côté des squelettes se trouvaient des médailles du ÏS^^
siècle.
Il est à regretter que nous ne puissions ajouter aux dé-
couvertes que nous venons de parcourir dans ce para-
graphe, une description des sépultures d'Aventicum. Leur
étude serait d'un grand prix pour nos recherches dans ce
genre de monuments. Mais, soit qu'elles aient été détruites
anciennement, soit qu'elles restent encore enfouies dans
le sol, nous ne pouvons prendre pour point de comparai-
son les quelques sarcophages trouvés sur ces débris. —
Les cimetières qu'il nous reste à examiner offrent tant
d'éléments d une nationalité et dun âge étrangers à Rome,
que nous Rêvons en faire le sujet d'une troisième partie.
DU CANTON DE VAUD. 5*27
DÉBRIS NON ROMAINS DES PREMIERS SIÈCLES DE LtRE
CHRÉTIENNE JUSQU'A CHARLEMAGNE.
Les Druides persécutés par les serviteurs des dieux de
Rome durent plus d'une fois, dans leurs jours de danger,
confier des dépôts sacrés à la terre. C'est peut-être à ce
temps qu'il faut attribuer les serpes, les haches, les mar-
teaux et les fers de lance en bronze retrouvés à Allaman.
— Sur les hauteurs de Lutry, à la Gantenaz, des haches,
des couteaux et d'autres instruments en cuivre, destinés
aux sacrifices, semble-t-il, étaient accompagnés de paté-
res, de coupes et de plats de terre, portant le nom de
Vindonnissa, lieu de leur fabrique, ce qui fait remonter
à l'époque dont nous nous occupons l'âge de ces objets.
Un chêne d'une épaisseur peu commune les recouvrait ;
tout miné par les ans, il réunissait quelquefois une famille
dans son intérieur, mais un jour la foudre frappa le vieil
arbre ; la tige et les rameaux ayant été enlevés, on finit
par extirper les profondes racines sous lesquelles repo-
sait le dépôt mentionné.
D'autres découvertes appartiennent aux inhumations.
L'une d'entr'elles est remarquable par sa richesse, le
nombre des tombeaux et les siècles successifs qu'elle re-
présente. Nous voulons parler du cimetière de Bel-Air,
près de Cheseaux sur Lausanne. — La colline sur la-
quelle reposent ces antiques sarcophages appartient aux
828 ANTIQUITÉS
dernières ondulations du Jorat ; située au midi deCbeseaux,
elle est séparée du village par un ruisseau qui Tentoure à
moitié. Dès longtemps le soc de la charrue heurtait les
dalles des tombeaux, et l'agriculteur en avait bouleversé
un si grand nombre qu'on croyait qu'il n'en restait aucun.
Cependant des fouilles entreprises depuis 1838 en ont déjà
rendu au jour 246. Leur longueur moyenne est de 6 pieds
sur 2 de large, et leur direction va du nord-ouest au sud-
est. La nafQre du sol et la disposition de ces tombeaux
en plusieurs couches apportent quelque variété dans la
construction. — Ceux de la couche supérieure, situés à 2
ou 3 pieds au-dessous de la surface du sol, sont formés en
partie de grandes pierres brutes, plates et schisteuses,
posées de champ; 2 ou 3 composent le couvercle, quelque-
fois le fond est plaqué, et toujours la terre a comblé le
vide. Parfois, des murs secs ou des pierres informes rem-
placent les dalles. Plusieurs ont été taillés dans un banc
de roc, recouvert à peine d'un pied de terre. Les autres
ne présentent qu'un squelette couché en terre libre. —
Dans les deux couches inférieures, qui ne dépassent pas 6
pieds en profondeur, jamais dalles, ni pierres, n'ont en-
touré le mort. Celui-ci, couché sur le dos, a toujours
les pieds tournés au levant, les bras sont étendus le long
des côtés, et, si c'est un guerrier, la droite repose sur son
arme. On peut rarement lever un crâne entier, tant ces
débris Sont friables. Leur caractère distinclif est une fi-
gure allongée, une mâchoire forte, des pommettes relevées,
un front court et étroit, et la tête fort développée en ar-
rière. Les membres, généralement forts, sont volontiers
d'une grandeur moyenne. Parfois, dans les tombeaux les
plus profonds, quelques traces révèlent à peine la pré-
DU CANTON DE VAUD. 829
sence d'un squelette. Cette différence de décomposition
montre déjà que ce cimetière a été ouvert pendant une
longue série d'années, des ossements jetés à coin et sans
aucun ordre dans la couche supérieure témoignent aussi
que plusieurs morts occupèrent successivement la même
tombe.
Cent dix-neuf sarcophages de constructions diverses
renfermaient des armes, des agrafes, des boucles, des an-
neaux, des voiliers, des vases et d'autres ornements en
métal, en terre cuite ou en verre.
Les armes sont des coutelas en fer, larges, forts, poin-
tus et tranchants d'un côté. Ils reposent ordinairement le
4ong du fémur droit, sur une lame beaucoup plus petite,
et conservent les traces de poignées en bois. — Un
fer de pique, un fer de flèche en fer, deux en silex et
une pointe en os appartiennent encore aux armes offen-
sives.
Les agrafes, placées sur le côté droit du bassin , sont
composées d'une plaque , d'une boucle , d'un ardillon
«tdu lien qui unit ces trois pièces. La plaque est le plus
souvent carrée, ronde ou triangulaire, et ornée de roset-
tes ou têtes de clous, au nombre de 3, A ou 9, qui présen
tenl en-dessous de forts tenons destinés à entrer dans le
<:uir de la ceinture. L'ardillon est massif, et la boucle à
peu près ovale. Des ciselures recouvrent les agrafes en
cuivre, dont deux rappellent par leur étâmure la métallur-
gie gauloise. Celles de fer offrent parfois des incrusta-
tions de lamelles d'argent ou de filets d'une finesse ex-
trême, formant des entre lacs divers et disposés pour les
encadrements en lignes droites, parallèles, obliques et
brisées. Plusieurs plaques du même travail ornaient sou-
MÉM. ET DOCUM. XXV. 34
830 ANTIQ€tTÉS
vent le môme ceinturon . Sur ces pièces lourdes et massives,
de même que dans la première période, c'est Tornement
de détail qui prévaut.
Bien des tombes ne contenaient autre chose que de&
boucles, aussi en possédons-nous 24 en fer et 36 eo
bronze. Elles sont généralement ovales et munies d'un gros
ardillon. Quelques-unes ont été coulées ; d'autres portent
des rayures et des disques. Les boucles d'oreille sont
grandes et rondes, et les bagues en argent ou en cuivre
sont pour la plupart munies d'un chaton.
Ce n'est qu'auprès des femmes et des enfants que se
sont trouvés les colliers ; du moins, jamais des armes ne
reposaient dans la même tombe. Ils consistent en grains ée
terre cuite, d'émail et de verre de couleur. L'un, en suc-
cin , a près d'un pouce de diamètre , tandis que d'autres
sont tout à fait pareils à ceux qu'on unit de nos jours à ta
soie pour divers travaux d'agrément.
Le plus souvent c'était au pied du mort qu'on déposait
le vase sépulcral* L*argile, grise et jaunâtre, est loin d'at-
teindre la finesse de la poterie romaine ; rien ne rappelle
le lacrymatoire; les vases sont évasés au sommet, à moins
qu'ils ne portent une anse et un goulot; ceux qui sont en
pierre ollaire, travaillés au tour, représentent un cône
tronqué renversé ; deux, en verre, ont la forme d'une
petite bouteille et d'une coupe arrondie à sa base.
Il se trouvait encore dans ces tombes des épingles à*
cheveux, une fibule, des ornements de fourreaux, uoe
petite mosaïque sur bronze, des clefs , des peignes en os
accompagnés de ciseaux à ressort, un croissant en argent,
des verroteries , des silex informes et un fragment de
quarz.
DU CANTON DK VAUD. 531
Tels soDt les débris qui caractérisent la découverte de
Bel-Air; mais, chose curieuse, soit pour Part, soit pour le
nombre des objets, les tombeaux suivent une marche as-
cendante, en sorte que les moins profonds sont les plus
riches et les plus ornés. Ces restes révèlent un développe-
ment de civilisation chez plusieurs générations d'hommes,
à partir de Tère chrétienne, tandis que chez les Romains
la marche est inverse, à partir du siècle d'Auguste.
Dans la couche inférieure ce sont les boucles qui pré-
dominent. Le bronze s'y rencontre plus souvent que le fer ;
les coutelas et les grains de colliers sont moins nombreux
et moins bien travaillés que plus haut. On y a découvert
seulement deux agrafes en cuivre dont l'une est un produit
de la métallurgie gauloise. Auprès d'un squelette, des ci-
seaux à ressort accompagnaient un peigne renfermé dans
un étui en os, chargé de disques et de demi cercles. On y
rencontre aussi le croissant, les silex et le métal coulé.
La couche moyenne offre déjà un perfectionnement sen-
sible dans le travail des objets. Les boucles commencent à
se recouvrir de quelque ornementation. On y trouve les
agrafes en fer, mais sans incrustations de filets d'argent.
Sur une plaque de cuivre est gravé un quadrupède ailé à
tête d'épervier. Deux médailles en bronze, malheureuse-
ment frustes, sont romaines. Les coutelas, les lames, les
grains de collier, les silex, des débris divers et la pointe
en os mentionnée appartiennent encore à cette classe de
tombeaux.
C'est dans la couche supérieure, reproduisant la plu-
part des débris précédents, qu'on doit chercher les pièces
les plus remarquables. Les coutelas forts et acérés, ac-
compagnés de petites lames et de débris de fourreaux, y
532 ANTIQUITÉS
sont nombreux. Elle possède 6 agrafes en bronze, 17 en
fer uni, et 19, y cooipris les plaques de ceinturon , char-
gées de filets d'argent incrustés. La forme des boucles y
est parfois gracieuse, les silex y paraissent encore; et là
seulement, on rencontre les vases. — Au milieu des tom-
beaux de guerriers on voit celui d'une mère portant son
enfant sur son sein. Ailleurs, des enfanis sont entourés
d'objets divers, témoins des regrets qu'ils ont laissés. Cinq
perles étaient devant la figure de l'un, et deux , les plus
grosses, dans la terre qui remplissait en partie le crâne.
Six d'entre elles sont d'un verre bleu, vert ou brun; la
septième, sur une matière noirâtre présente deux crois-
sants et un cœur incrustés. Un autre squelette d'enfant,
déposé dans le roc taillé avec soin, avait auprès de lui une
grande bague, une fibule en bronze et trois clefs. Plus
loin, la tombe d'une jeune fille était richement ornée. La
ceinture portait une agrafe et une boucle ; 86 perles for-
ment le plus beau collier de cette découverte ; deux bou-
cles d'oreille sont d'un joli iravail ; desJosanges en ar-
gent avec des verres enchâssés étaient des ornements de
coiffure , ainsi que des filigranes insaisissables à la
main; il s'y trouvait en outre une épingle, les fragments
d'un peigne en os et deux bagues, l'une en argent et l'au
treen fer. — Deux bagues d'argent se voyaient aussi à
la main gauche d'un guerrier, tandis que la droite repo-
sait sur son coutelas ; l'argent et des ciselures profondé-
ment gravées recouvrent l'agrafe allongée et les quatre
plaques de son ceinturon; un fer de pique et un vase en
verre étaient déposés à ses pieds. Le sarcophage d'un au-
tre guerrier contenait un coutre de charrue, un éperon en
fer dont la pointe est sans molette, une agrafe, un pei-
DU CANTON DR VAUD. 533
gne en os, des ciseaux à ressort, un poignard et un cou-
telas orné d'un pommeau et d'un bourrelet au lieu de
croisière, et revêtu des débris d'un riche fourreau. Deux
tombes de la couche supérieure conservaient des mé
dailles impériales de l'époque de la domination romaine.
Auprès d'un squelette, qui reposait immédiatement sur
deux tombeaux plus anciens, se trouvaient des monnaies
de Charlemagne qui montrent que les inhumations se
poursuivirent sur cette colline durant la première moitié
du moyen âge.
. Tous ces restes de générations successives déposées
dans la terre, ce développement de l'art et ces traces des
nationalités du nord et de l'Italie, donnent à l'antique ci-
metière de Bel-Air une grande valeur historique que
viennent compléter des découvertes pareilles faites dans
le canton de Vaud.
Dans des sarcophages d'une construction analogue, au
milieu de coutelas et de pièces damasquinées, on retrouve
des plaques d'agrafe en bronze de la même forme que
celles de fer, couvertes des traces d'un culte étranger, in
troduit dans les Gaules quelque temps avant le christia-
nisme. Sur des agrafes ù'Amex, Pampigny et d'Fi'erdon,
on voit, comme à Bel-Air, des quadrupèdes ailés à tête
d'épervier. Celles de Marnand, de Bofflem eiA'Echallens,
divisées en cinq compartiments , portent dans celui du
milieu la croix des chrétiens. De chaque côté, un homme,
avec une tête d'animal et le pouce de la main droite sur
les livres, est en attitude d'adoration devant la croix. Il
tourne le dos à la figure allégorique gravée à chaque ex-
trémité de la plaque, et semble indiquer la conversion au
christianisme. L'image du Sauveur bénissant est gravée
S3& ANTIQUITÉS
sur des agrafes de Bofflens et de Tolochenaz. D'autres de
Sévery, de Monigifi, prés Cossonay et de Lavigny ont pour
sujet UD homme les bras élevés entre deux quadrupèdes
qui lui lèchent les pieds. L'un rappelle par son inscription
le vœu fait à Ndsualdxis Nansa qu'il soit chrétien et qu'il
jouisse avec bonheur de cette agrafe qu'il paraît avoir reçue
en don : NASVALDVS NANSA VIVAT DEO. VTEREFELEX.
DANINIL. Le dernier mot révèle que le sujet de ces pièces
est le prophète Daniel dans la fosse aux lions.
Les tombeaux A'Arnex renfermaient des boucles, des
anneaux, des ciseaux à ressort, des coutelas et d'immen-
ses agrafes, incrustées de filets en argent et en or. -—Ceux
de Bofflem offrent quelques alignements bientôt interrom-
pus; alentour, ce sont des ossements humains entassés
ou déposés sans aucun ordre. Ici, un squelette isolé; là,
plusieurs réunis avec leurs armes; ailleurs, sous les ra-
cines d'un vieux noyer, celui d'un homme et de son che-
val ; plus loin ce ne sont que des ossements de chevaux ;
dans un autre lieu, ils sont réunis à ceux de leurs cava-
liers. Ces débris, ainsi répandus sur les collines entre Ar-
nex, Croix et Bofflens, disent assez qu'une bataille a été
livrée sur ces hauteurs. — Aux Condemiiies , près d'E-
challens, sont des ossements et des débris pareils, quoique
en moins grand nombre. — Sévery présente un cimetière
régulier. Une tuile romaine entrait dans la construction
d'un tombeau d'enfant. Des grains de collier, des vases
d'argile et de pierre ollaire, une médaille d'Antonin-le-
Pieux et deux plaques damasquinées ont été recueillies.
Au milieu des coutelas, courts et pointus, s'est trouvée
une grande lame tranchante des deux côtés, flexible et
arrondie à son extrémité, qui rappelle l'ancien sabre na-
DU CANTON DB VAUD. S35
tioDal que l'Helvétien dut perfectionner, comme l'avaient
déjà fait les Gaulois d'Italie, en le rendant acéré et plus
court. Un autre sarcophage renfermait un coutelas et une
balance à deux bassins, de fort petite dimension ; ces piè
<^es n'indiquenl-elles pas un homme qui d'une main ap*
préciait le droit, tandis que de l'autre il vengeait la jus-
tice? — Des attributs tout à fait pareils ont été découverts
à Lonay sur Morges, dans une tombe construite en murs
et pavée au fond. La balance était à droite tandis que l'é-
pée à deux tranchants, grande et large, reposait le long
du bras gauche. Une boucle, un fragment de verroterie,
des silex et une aiguillette ornaient celte tombe, avec un
fer de javelot et les fragments d'une belle coupe en verre.
— Non loin de Lonay existait le vaste cimetière de Tolo-
chenal, dont les matériaux ont servi à des constructions
modernes. Les ornements consistaient en agrafes incrus-
tées d'argent et en vases de pierre ollaire. — Lavigny
conservait dans ses tombeaux en dalles, des boucles, des
anneaux, des bagues, des colliers, un objet pour l'encens,
une fibule circulaire en or avec des verres de couleur,
des lamelles d'os couvertes de disques et servant d'étui à
un peigne, une plaque de terre cuite ornée de verres en-
châssés, des agrafes, un fer de lance, des coutelas et une
grande épée. — Sur une hauteur qui domine Chavannes
et l'ancien Lousonnium, deux sarcophages se distinguaient
de ceux qui les entouraient par leur grandeur et leur
conservation. Après en avoir enlevé les couvercles, les
squelettes parurent dans un vide, sans être, selon la cou*-
tume> entourés de terre. Ils avaient été protégés par ub>
double cercueil en plateaux de chêne dont il restait quel-
ques débris. A côté des coutelas et des agrafes, la pièce
536 ANTIQU1T^.S
la plus remarquable était une hache en fer à un seul tran-
chant. - Une hache d'une forme un peu diffi'Tente, mais
aussi à un seul tranchant, se trouvait auprès des sque-
lettes couchés en terre libre à La^Chaux, près Cossonay,
avec une agrafe, une boucle, des coutelas et des fers de
javelot. — Beaucoup de ces sarcophages ont été détruits à
Romanel sur Lausanne. L'agrafe , qui a été recueillie,
munie d'une contreplaque, est remarquable par sa gran-
deur et la richesse des lamelles d'argent incrustées sur le
fer. — Romanel sur Morges offrait, comme Bel-Air, des
couches superposées, mais qui ont été bouleversées sans
aucun soin. Bnssignyei Senarclens présentent des débris
pareils. — Près A'Ursins on a découvert anciennement
des coutelas et des agrafes avec étamure sur cuivre etda
masquinure sur fer. — Coutelas et agrafes damasquinées
se retrouvent à Combremoni-le-Grand, près de Grandson,
en Brie, au Tombé som Champagne et au Tombé près de
Corcelles.
Il est plusieurs cimetières antiques dans lequels l'exis-
tence de la damasquinure sur fer n'est point constatée
bien que les tombeaux soient construits en dalles ou taillés
dans le roc, et qu'ils contiennent des coutelas et des lames
de fer. Tel est le cas de ceux de Bière, Saint- Prex, Echan-
dens, Vuf(le7iS'la- Ville, Crissier, Bettens, Ogens, Moringes
près Moudon, Courtilles, Lovatens et Sugnem.
D'autres n'ont pour principal caractère de leur anti-
quité que d'avoir été taillés dans le roc ou construits en
dalles, en murs, en tuf, en briques ou en tuiles romaines.
On retrouve de ces tombeaux à Mies, Genollier, Gilly,
Vincy, Channivaz, Pully, Cully, Riez, Sainl-Légier, Cla-
rens, Palézieux, Peney4e-Jorat, Rossanges, Villarzel, Bau-
DU CANTON DE VAUD. S37
mes, Vuitebcmf, FerrièreSy près La-Sarraz, La-Praz, au
Signal près Cossonay, à Ballens, Retiens, Prilly^ Jouxtens-
Mézery et au Mont sur LausauDe.
Dans bien des localités, des squelettes couchés en terre
libre, ne peuvent être rattachés à une époque un peu cer-
taine, lorsqu'ils n'ont d'autre gage de leur ancienneté que
la friabilité de leurs ossements.
Sans vouloir faire rentrer tous ces cimetières dans la
classe de celui de Bel-Air, il en est assez qui sont suffi-
samment déterminés pour répondre à la même époque et
au même peuple. La construction des tombeaux, les ar-
mes, les ornements, la poterie présentent un tout caracté-
ristique ; mais au milieu de ces débris les pièces les plus
importantes sont les agrafes en bronze et en fer. Celles en
bronze montrent par leurs ciselures la naissance d'un art
nouveau et l'introduction du christianisme dans THelvétie
•
occidentale, où l'on sait qu'il pénétra de bonne heure. A la
fin du second siècle, Irénée envoyait déjà de Lyon de nom-
breux missionnaires dont l'œuvre ne put être anéantie
par la persécution. La colonie équestre (Noviodunum) et
Aventicum ne tardèrent pas d'avoir des évéques. Dès lors,
l'armure du guerrier porte l'empreinte de sa foi nouvelle.
Des ciselures grossières représentent au milieu des dis-
ques le Christ bénissant, ou bien des hommes tournent le
dos à des figures allégoriques pour adorer la croix. Le
prophète Daniel dans la fosse aux lions, gravé sur plu-
sieurs pièces par des artistes difi'érents, et reproduit dans
les catacombes de Rome à côté de l'arche de Noé sur les
tombeaux des premiers chrétiens, parait faire allusion à
quelque délivrance miraculeuse. Comme Daniel menacé
parles hommes et sauvé de Dieu, le christianisme sort
S38 ANTIQUITES
TaiDqoeur de lalutte; comme ces lions qu'on voit léchant
les pied&du prophète, ceux qui semblaient devoir repous-
ser la religion divine l'embrassent à leur tour. Cependant,
par la représentation même de ce triomphe , des traces
de l'ancien art et de l'ancien culte sont conservées, tandis
que les inscriptions qui accompagnent quelques uns de ces
sujets commencent à s'éloigner des caractères latins et à
se ressentir de l'approche du moyen âge. Un fait analogue
se reproduit par la damasquinure des agrafes en fer.
Bien que l'usage d'incruster les métaux soit fort ancien et
se retrouve chez les Grecs et les Romains, il n'en offre pas
moins quelque chose de nouveau dès qu'il se présente
sur l&fer. Toutefois la disposition des filets^d'argent rap<-
pelle les rayures sur bronze des Celtes , des Germains ed
des Scandinaves. Dans l'encadrement de ces plaques, les
lignes droites parallèles et brisées offrent des dessins ana^
logues à'^ ceux que nous avons vus sur divers objets de la
première période; mais, au centre, les contours et les
entrelacs des fils révèlent chez l'artiste une main plus
flexible et l'influence d'une civilisation étrangère. On di-
rait que la ciselure sur bronze ait passé sur le fer et que
pour mieux faire ressortir ce genre de travail on ait fini
par incruster dans les rayures les filets d'or ou d'argent.
Il est intéressant de retrouver ces entrelacs sur la pierre,
l'os, le bronze et l'argent, mais sans incrustation, dans la
dernière période du paganisme chez les Scandinaves, et de
les voir se reproduire sur quelques colonnes et chapiteaux
d'anciens temples chrétiens. — A cette même époque, pa-
raissent dans le Nord quelques agrafes pareilles aux nô-
tres; incrustation des filets d'argent sur le fer, quoique
extrêmement rare, y est aussi représentée, mais quand ce
DU CANTON DE VAUD. S39
genre d'art y fut introduit, il avait reçu de grandes mo-
difications chez les peuples avec lesquels le christianisme
finit par mettre en relation les populations plus stables de
l'ancienne Scandinavie, en sorte qu'il passa presque ina-
perçu.
Pour déterminer l'époque qui embrasse nos monu-
ments, nous devons recourir à la découverte de Bel-Air.
La tombe à fleur de terre qui reposait immédiatement sur
deux autres et renfermait les 10 monnaies de Charlemagne
peut être regardée comme donnant la dernière époque
pendant laquelle on inhuma sur cette colline. De plus, 2
bagues provenant de 2 tombeaux de la couche supérieure
portent sur leur chaton des monogrammes qu'on ne ren-
contre que sur les tiers de sol mérovingiens. Ces faits assi-
gnent ainsi à cette couche, c'est-à-dire à la partie la plus
importante de ces débris, les premiers temps du moyen
âgejusqu au IX^ siècle. Il est plus difficile de déterminer
l'époque à laquelle on commença d'inhumer sur la colline
de Bel-Air. Dans tous les cas, l'absence de médailles dans
la partie la plus inférieure, la plus grande décomposition
des squelettes et un art beaucoup moins avancé témoignent
d'un âge plus reculé. Peut-être était-ce déjà dès les pre-
miers siècles de l'ère chrétienne le lieu de sépulture des
habitants de l'ancien Cheseaux dont le territoire conserve
de nombreuses ruines romaines, tandis que l'étranger
d'Italie, mêlé aux Helvétiens, aurait déposé ses morts ail-
leurs, comme paraissent le montrer d'autres tombeaux et
des urnes cinéraires trouvés dans les champs voisins de
Bel-Air.
Les monogrammes et les médailles, qui donnent à ces
loonuments un âge moins reculé qu'on ne Ta souvent cru,
S40 ANTIQUITÉS
sont d'une grande valeur pour la question historique»
ainsi que la succession paisible de ces tombes et leur nom
bre dans toute la Suisse occidentale. D'après cela on est
obligé d'y voir les restes d'un peuple assis dans ces con-
trées; et quel pourrait il être, sinon les Burgondes qui
s'y établirent dans la première partie du V^ siècle ? Mais
la question se complique quand on porte ses regards
sur les découvertes analogues faites en divers pays? Des
débris pareils se trouvent en plusieurs lieux du grand-
duché de Bade et au delà sur les bords du Rhin. Ils étaient
déjà constatés en Wurtemberg et en Bavière avant la ri-
che découverte de Nordendorf, près d'Augsbourg. Ces an-
tiquités, prises pièce par pièce, offrent une reproduction
parfaite les unes des autres, mais vues dans leur ensemble
elles présentent des éléments différents. C'est ainsi qu'à
Nordendorfles grandes épées en fer, les vases, les colliers
et les métaux précieux sont beaucoup plus nombreux que
dans la Suisse occidentale, tandis que les damasquinures
y sont fort inférieures et que les plaques en bronze avec
des sujets chrétiens n'y sont pas du tout reproduites. II
en est de même dans le canton de Bâie, où une centaine de
ces tombes ont été ouvertes près de l'ancienne Augiista
Rauracorum. Ce cimetière est postérieur à la destruction
de cette cité, comme le montrent les sarcophages cons-
truits de débris romains, d'inscriptions latines et de bas-
sins en pierre recouverts parfois d'une dalle sur laquelle
est sculptée la croix latine. — Le caractère général
des objets découverts prés d'Augst dans le canton de
Bâle est le même qu'en Bavière, bien qu'Augst soit plus
éloigné de Nordendorf que de Bel-Air. Ce fait nous con-
firme dans l'opinion des archéologues qui attribuent ces
DU CANTON DE VAUD. 544
monuments des bords du Rhin et de l'Allemagne méri-
dionale aux Allemani, car les environs d'Augst furent oc-
cupés par ceux-ci et non par les Burgondes, ce qui ex-
plique Tanalogie parfaite de cette découverte avec celle de
Nordendorf. Mais nous ne pouvons partager la manière de
voir de ceux qui veulent retrouver des Allemani à Bel-
Air, vu que ce peuple devrait pour cela avoir occupé jus-
ques à Charlemagne l'Helvétie occidentale , où il n'a fait
que séjourner peu de temps avant rétablissement des
Burgondes. Si l'on persistafl à y voir des Allemani, il fau-
drait alors leur attribuer toutes les découvertes analo-
gues de la Franche-Comté et de l'ancienne Bourgogne où
la damasquinure et les agrafes à sujet se retrouvent avec
des monnaies mérovingiennes. Mais ces découvertes ne
s'arrêtent pas là, on eL a fait de semblables dans plusieurs
autres lieux de la France : ainsi près de Caen, dans les
environs de Versailles et à Lens, dans le département du
Pas-de-Calais. Les antiquités de Lens se caractérisent de
leur côté par Tabsence des longues épées, le nombre des
verroteries et la présence fréquente des francisques. Il
résulte du rapprochement de ces divers débris qu'il y a
assez de rapports pour conclure à des peuples parents, à
des époques peu distantes et à un art analogue, mais
assez de dissemblances aussi pour pouvoir aller des Alle-
mani aux Burgondes et des Burgondes aux Francs. Un
champ nouveau est ouvert à l'étude, nous montrant la
naissance d'un nouvel art, qui malgré l'influence romaine,
ofl're de nombreuses réminiscences du Celte et du Ger-
main, auxquelles viennent s'unir des éléments du chris-
tianisme. Là sont incontestablement d'importantes données
pour les premiers siècles du moyen âge encore si obscurs.
S&2 ANTIQUITÉS
A'iDsi ces anciens débris, dont plusieurs paraissent em-
preints de ridée qui les produisit , nous reportent dans
une vie et dans un monde passés dés longtemps. Malgré
tout ce qu'on a découvert , malgré les destructions an-
nuelles , la riche mine de nos antiquités est loin d'être
épuisée. Dans plus d'un lieu, la voûte souterraine reten-
tit sous la pelle de l'agriculteur et l'herbe jaunit sur les
murs rasés à fleur de terre. Bien des raines n'ont été
qu'effleurées, bien des sarcophages n'ont été qu'entr'ou-
verts. Si l'esprit de conservation vient en aide à l'étude
de nos monuments, si l'on comprend une fois que recueil-
lir sans rechercher est insuffisant, alors il sera peut-être
possible de répandre *un nouveau jour sur l'histoire an-
cienne de la patrie.
DU CANTON DE VAUD.
543
LIEUX DES DÉCOUVERTES
Depuis les temps les plus reculés jusqu'à la
domination romaine.
Agiez
Allaman
Belvédère (Lausanne).
Bordonnette >
Bex.
Bière.
Boiron.
Bonvillars.
Gbâtelard (Lavaux).
Chalet à Gobet.
Champagne (Grandson).
Ghardonne.
Charpigny.
Chavannes sur le Veyron.
Gbigny (Morges).
Clos de la pierre (Grandson)^
Combremont-le-Grand.
Gombremont-le-Peth.
Concise.
Gorcelles près Concise.
Crissier.
Devens (Bex).
Echallens.
Genollier.
Gingins.
GoUion.
Granges.
Entre Grandson et le Jura.
Juriens.
La-Côte.
La-Lance.
La-Mothe.
Lavigny.
Luissel (Bex).
Les Planches.
01 Ion,
Maracon.
Montagny (Yverdon).
Mont-le-Grand.
Palézietix.
Payerne.
Perroy.
Petra-felix.
Pierra-Portay.
Pizy.
Prilly.
544
ANTIQUITES
RioDzy (Mont sur Lausanne).
Romauel sur Morges.
Saim-Légier.
Sermuz.
Suchy.
Trevelin.
Trey.
Verschiez.
Valeyres sous Ursins.
Vevey.
Villarsel.
Yverdon.
Yvorne.
Lieux des découvertes d'antiquités romaines.
Acleus.
Aigle.
Allaman.
Antagnes (Ollon).
Apples.
Arnex.
Aubonne.
Avenches.
Ballens.
Baume.
Baugi.
Benex (Nyon).
Berolles.
Bière.
BoiroD (Morges).
Bois du Fai (la Mothe).
Bois des Tours (Vuilebœuf).
Bonvillars.
Borex.
Bosseaz (Orbe).
Bossières (Savuy).
Bremblens.
Buchillon.
Carouge.
Champagne (Grandson).
Ghampvent.
Channivaz (Allaman).
Ghardonnay.
Ghatelard (Lavaux).
Gha vannes (Ecublens).
Ghavornay.
Gheseaux.
Ghevilly.
Ghexbres.
Glarens.
Glarmout.
Glos du Moulin (Villeneuve)
Goinsins.
Goppet.
Gorsier.
Gorcelles-le-Joral.
Guarnens.
Gourtinaux (Lîivaux).
Grêl-Bernard •
Gugi.
Cully.
DU CANTON DE VAUD.
545
Gurtilles.
Daillens.
Devent (Orbe).
Donatyre.
Duillier.
Echandens.
Echichens.
Ecublens.
Essert.
Essertines (la Côte).
Essertines (Jorat).
Eloy.
Eysins.
Féchy.
Fully(Lavey).
Gilly.
GoUiou.
Goy.
Grancy.
Grandson.
Granges.
Henoiez.
Joaleos.
JourdilloD (Lavaux).
Juriens.
La- Chaux.
La-Combe (Rolle).
La-Sarraz. ,
Lausanne.
Lavey.
Lavigny.
La Lance.
Linière (Frangins).
L'Isle.
Longirod.
Lovatens.
Marchissy.
Marnand.
Maracon.
Martinet.
Mathod.
Mauraz (l'Isle).
Mauraz (Villeneuve).
Mura; (Lavaux).
Mézières.
Mies.
Miroir (Lavaux).
Montherod.
Mont-la-Ville.
Montmagni.
Montreux.
Moudon.
Morrens.
Neyruz.
Nyon.
Orbe.
Orges.
Orny.
Palézieux.
Payerne.
Penthaz.
Perroy.
Peutex (Aigle).
Pomy.
Prahins.
Prangins.
Praz-pourri (Lavaux).
Prilly.
Renens.
Rennaz.
Réverolles.
Rivaz.
MtM. ET DOCUM. XXY.
35
546
ANTIQUITÉS
Romanel sur Morges.
Romanel sur Lausanne.
Saint-Cierges.
Sainte-Croix.
Saint-Prex.
Saint-Maurice (Grandson).
Saint* Sapborin.
Saint-Sulpice.
Saint-Triphon.
Salavaux.
Salence.
Saubraz.
Savuy.
Sermuz.
Sévery.
Sucby.
Suscévaz.
Sullens.
Taillepied (Lutry).
Taxerex (Oiion).
Tolovaux (Bret).
Trelex.
Treytorrens.
Ursins.
Valeyres (Villeneuve).
Valeyres (Champvent).
Valeyres (Ursins).
Vallorbes.
Vaux.
Veret.
Vemand-dessous (Romanel).
Vevey.
Vie.
Villars (Champvent).
Villars (Yens).
Villeneuve.
Vilfette.
Vincy.
Vuarrens.
Vullierens.
Yverdon.
Yvonand.
Lieux des découvertes d'antiquités des premiers
siècles de l'ère moderne.
Arnex.
Bussigny.
Ballens.
Channivaz.
Baume.
Cha vannes (Ecublens).
Bel-Air.
Clarens.
Bettens.
Cossonay.
Bière.
Combremont-le-Grand.
Bofflens.
Crissier.
Brie (Grandson).
Cully.
DU CANTON DE VAUD.
S47
Curtilles.
Echallens.
Echandens.
Ferrière (La-Sarraz).
Geuollier.
Gilly-Vincy.
Jouxtems-Hésery.
La- Chaux.
La-Praz.
La Vigny.
Lonay.
Lovatens.
Maruand.
Mies.
Mont sur Lausanne.
Montgifi (Cossonay).
Moringes (Moudon).
Ogens.
Palézieux.
Pampigny.
Peney le Jorat.
Prilly.
Pully.
Renens.
Riez.
Romane] (Lausanne).
Romanel (Morges).
Rossanges.
Saint-Légier.
Saint-Prex.
Senarclens.
Sévery.
Tolocbeuaz.
Tombés. Champagne (Grandson).
Tombé près Corcelies, >
Ursins.
Villarzel.
Vufflens-la-Ville.
Vuitebœuf.
Yverdon *.
* Les mêmes localités renferment souvent des débris d'époques diverset
reparaissant ainsi dans les différentes périodes, ce qui explique la répétition
de plusieurs noms sur ces trois listes.
TABLE DES MATIÈRES.
PagM.
Préface v
iNThODUCTlON 1
Antiquités égyptieDDes 3
Antiquités grecques 8
Antiquités étrusques U
Antiquités romaines 17
Antiquités barbares 24
Monuments de l'antiquité dans l'Europe barbare
(!«' cours.)
Genre de ces monuments 29
Classification 30
Première période. — Instruments tranchants en pierre
ou AGE DE LA PIERRE.
Antiquité de la première période 37
Découvertes d'Albano 38
Le sol Scandinave 39
Formes principales des instruments U
Lieux de fabrication 51
5S0 TABLE DES MATIÈRES.
TumuH du premier âge 56
Statistique des tumuli ; Nord de TÂsie 57
Russie 59
Suède 60
Danemark 63
Allemagne . 65
Hollande, Belgique 71
Grande-Bretagne 72
France 75
•Espagne 77
Suisse ; canton de Vaud 78
Italie, Grèce, Grimée 81
Considérations générales mr la première période 84
Sa durée 85
Disposition géographique des sépultures 86
Grandeur des salles et des matériaux employés .... 89
Attitude du corps dans les tombeaux 91
Idée du genre de vie diaprés les instruments 95
Première expression du sentiment du beau 103
Unité ou pluralité de Tespèce 104
Transition de la première a la seconde période.
Objets en cuivre avec instruments en pierre 105
Introduction des métaux 112
Raison de la priorité de rage du bronze 114
Le bronze sert à perfectionner les instruments en pierre . 116
Caractères des habitations primitives 118
Survivance des premiers instruments dans le culte 119
Seconde période. — Age du bronze.
Limites de cette période 121
Armes, instruments et ornements de V âge du bronze 153
Celts 123
TABLB DES MATIÈRES. 5S1
Haches 129
Haches de commandement i29
Flèches • 131
Javelots, lances 131
Framées 132
Poignards 134
Epées 136
Analogie des formes dans le Midi et dans le Nord U2
Armes et instruments en miniature U5
Armes défensives 146
Instruments de musique 149
Instruments domestiques 150
Couteau 150
Tranchets, faucilles, serpes, ciseaux, scies 152
Poinçons, aiguilles, perles à filer, hameçons, poids de filet 154
Ornements 155
Diadèmes^ peignes^ épingles 156
Colliers 157
Bracelets 160
Anneaux de serment 166
Ceintures 167
Fibules 168
Débris, pièces ou signes symboliques 169
Cuir, étoffes 171
Vases 172
Urnes 175
Vases à encens 1 78
Anneaux, monnaies 180
Mines 184
Fonderies .188
Travail des métaux 191
Analyse chimique, alliage 197
Modes divers de sépulture . 200
Disposition géographique des sépultures, Asie 203
Grèce, Italie 204
France; Grande-Bretagne 205
852 TABLB DES MATIÈRES.
Suisse 206
Allemagne 211
Danemark^ Suède . .* 216
Russie 218
CoMidérations générales sur la seconde période 219
Ustion et inhumatioD 220
CérémoDies funèbres 226
Culture 228
Bardes et Scaldes 230
Ecriture 231
Ornements^ costumes 232
Genre de vie . . 238
Commerce 240
Armes 242
Résumé; barbares ou non? 246
Troisième période. — Age du fer.
Limites de cette période 249
Monuments du culte et de la vie civile, militaire et privée . . . 254
Men-hirs 255
Corse, Espagne, France, Grande-Bretagne 257
Suisse 258
Allemagne 259
Scandinavie 260
Pierres mouvantes ?60
Autels, trilithes, dolmens 263
Corse, France, Angleterre 265
Suisse 267
Allemagne 268
Rûgen 270
Hollande 272
Scandinavie 27iî
Pierres taillées ou sculptées .273
Genève; pierre aux dames 273
TABLE DES MATIÈRES. 553
Russie 276
France^ Angleterre 281
Cromlechs, lits des Huns 283
Grèce, Iialie, Espagne 28i
France 285
Angleterre 287
Allemagne 290
Scandinavie 291
Asie et Amérique 293
Murs cyclopéens, retranchements 293
Grèce, Italie, Espagne 29i
France i95
Grande-Bretagne. Retranchements vitrifiés 296
Allemagne 300
Suède 301
Retranchements en terre 303
Russie 30i
Allemagne 305
Remparts 307
France 309
Habitations 31 1
Considérations générales sur la troisième période 313
Grandeur et destination des blocs 3U
Pierres des fées et des oracles 321
Pierres des géants 326
Canons des conciles 328
Divinités des Celtes 331
Voyage des ftmes 334
Usages des Druides . 335
Divinités des Germains 338
(Cosmogonie Scandinave 340
Les Elfes et les Servants 342
Autres traditions superstitieuses 344
Du culte des esprits (note) 345
554 TABLE DBS MATIÈRBS.
Suite de l'âge du fer.
(Extrait d'un 2« cours.)
Avant-propos 355
Résumé du cours précédent : Première période 357
Age de transition de la première à la seconde période ... 360
Seconde période 361
Troisième période 365
Monuments du culte 365
Découvertes faites dans le canton de Vaud 31i
Autel de Monl-la- Ville 372
Autels de Burtigny 375
Châtelard de Ghavannes-sur-le-Veyron 378
Age de transition de la seconde a la troisième période
Premières notions du fer en Europe 389
Egyptiens, Grecs 391
Etrusques 393
Romains 394
Espagnols, Gaulois, Bretons .396
Allemagne 397
Scandinaves 398
Mines de fer 399
Faits indiquant la transition 402
Le fer a-t-ii été introduit instantanément en Europe par un
peuple envahisseur? i\\
Troisième période. — Age du fer.
Plan du second cours • 413
Première partie . 413
Irlande 414
Allemagne 417
TABLE DBS MATI&RBS. SBS
Murs du diable, cérémonies funèbres 418
Tumuli 424
Places d'urnes 425
Cimetières 430
Formes des armes, instruments et ornements 431
Danemark, Suède et Norwège 437
Retranchements, sépultures, tumuli du Caucase (notes) 417
L421, 440
Statistique des antiquités de la Suisse oooidentale.
Sépultures et habitations ne renfermant que des instruments en
pierre 444
Sépultures et habitations renfermant essentiellement des instru-
ments en bronze 455
Habitations lacustres 469
Localités explorées 473
Population de THelvétie dans l'antiquité 475
Notice sur les antiquités romaines du canton de Vaud.
VUles 480
Cotonia équestris 480
Lausonnium 483
Pennilucus, Aquilea 489
Bromagus 490
Minnidunum 491
Aventicum 493
Eburodunum 505
Urba 506
Voies milliaires ... 508
Bourgs, villages^ habitations 511
Inscriptions 518
Tombeaux 524
556 TABLB DES MATIÈRES.
Débris non romains des premiers siècles de l'ère chrétienne . . 527
Cimetière de Bel-Air 528
Arnex^ Marnand^ Bofflens^ etc. 533
Lavigny^ Tolochenaz^ Lonay 535
ChavaDDes près Lausanne^ etc 536
Caractère de l'ornementation . 537
Lieux des découvertes 543
Lieux des découvertes jusqu*à la domination romaine ... 543
Lieux des découvertes d'antiquités romaines 544
Lieux des découvertes d'antiquités des premiers siècles de
notre ère 546
ERRATA
Page 12, ligne 17 . couvrait, Use% couvrit.
Page 36, ligne 3 : Pansanias, lise% Pausanias.
Page 45, ligne 21 : fixé, li8e% fixée.
Page 49, note : Worsœœ, lise% Worsaœ.
Page 57, ligne 14 : du fleuve Irtysch ou, li8e% au.
Page 64, ligne 22 : à coup de marteau, lise% à coups.
Page 70, ligne 16 : une salle de plaque de grès, lise% formée de plaques.
Page 71, ligne 12 : Tambryon, lise% Tembryon.
Page 73, ligne 1 : 14 pieds de haut, lise% 4 pieds.
Page 73, ligne 3 : transeps, li$e% transepts.
Page 76, note : les caveaux du tumuli, lise% des.
Page 78, note : les côtes de la Bordonette, li8e% les coteaux.
Page 228, ligne 5 : les bris, li$e% les débris.
Page 235, dernière ligne : Pythias, lhe% Pythéas.
Page 870, ligne 1 : les dames, lise* les danses.
Page 441, ligne 6 : l'intérieur des collines, lise% l'extérieur.
Page 510. ligne 15 : Bovairon, lise% Boiron.
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